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AUTRES OUYRAGE~


DE M. CHERBULIEZ


l' e 13 L 1 J:; S 1':~ n. L A 1\1 {; :11 E L 1 13 l~ A 1 lt 1 E


Le comte Kostia; 1" ,',uitioll. 1 nd.


Prosper Randoce. 1 y, d.


Paule Méré; -,2e ,"Jitioll. 1 \'ul.


Le Roman d'une honnete femme; te l'dition, \lI!,


Le Grand-CEuvre. 1 "ul.


La Revanche de Joseph Noirel. 1 Y();'


Méta Holdenis ; :2" ,',uitio;¡. 1 nil,


Etudes de littérature. 1 yu!.


L'aventure de Ladislas Bolskl; :;e ,",liti'I!l. 1 \'u:,


F(Jrmat ilJ-~.


L'Allemagne poli tique ; -2" ",¡iliun. 1 \'O!. 1, tr.




l/ESPAtlNE POI~ITI(JUE


t8G8-t87:3


l' '. 1:


VICTOR CHERBULIEZ"


PARIS
L iIHL\l R 1 E ] L \ e 1I E T T E ETC>'
i~l, DOU.E\',\HD S,\¡:\T-GEn:-'IAI:\, i:J


1R7,}






L'ESPAGNE POLITIQUE


p j ~ E~ll f~HE 1)\'1) ']'1 F ,r \. _J


1:1 I,,\,,'ITI'(;TII 1:\.'\ 1': L1.I:.


I


L'Esp'l¡.2;l1e est llour l'étl'anger rgú lo, visite au-
j!.Junl'hui une terre fcrtile en (~tor¡nelllellts et en
~c:¡ndLlleso I1 s'y est. pa:'d~ pClllbl1t clue1ques mois
¡le,,,: cllOscs fúrL dl\Jllges, et l'Ull pourr~tit croire que
1..1. socit':tt O, ltleme y c~;t e11 pl~ril. Un ~2ouvernelllent
:'O:l.n:-; autorit(~, (luí, s'agilctnt cbn~ k vide, dOllnait
lliüins lll~s onIrés qUe' eles conseils, et semblait
prel1llt'c ses ge;..;te,,,; pune (lcs adinl\:-;; - le;:; pl'inei-
l,au'~ l'eVell\lS puhlú~:-; taris dans ¡eut' souree, l::t
~ I,ltHllu:l'oute l)\'l'sqlle itH>\'italJ]c, une gL1C~rre ei vile
do~lt on 11(;) prévoit pa;:) le terme, d'éternels soulc-


1




Yemellts IIc cdntl;l!~ d lit, JJUul';.:aI1l':-'; (lllí :-;'1:Ti!;'\I;('d
en delb ~tLllOllUl¡:C:-i, d·lJ1HLl(·ldc~·; ci!(\:. ell lJl'I,j\' ;l
de::> t1'ilJun::-: lle ha:-i;i.l'll Oll ~I de:-i :-iol'i,di:·;tcs cuuIH>
jarrets, des llleUl'tres, eles illcellllies, l'ef]'ray;)ntt~
confusioll de tous les llOuyoirs, de ton~j les métiC't';;
et de toutes les idé'es ; - ici de:-i 1)1'6t1'e;.; tr~r\'(~sti:-i
en chefs ele banclc, qui 1'ont dél'ailler des tl'ains,
bútonnent des ~11cetlle:-i) fu;.;illenl leul's prisonllíer:,
et parfois c1ót l'U ussellt 1 e:-i llcls::ia tl b; 1 it de~; :-',L) ld:;h
ll1utinés¡ clw:':-iJl1t 011 llla:<:-:,<lcl'iJIlL km'::; (,1 1 el'..; ; ;til-
leul's de::; ayentUl'lcr:~ lJulitillllCS el! c'llw Lbllc1¡,'.
la plurne au yent, prumcn,lllt ele lieu en ]¡eu ll'lllo
call1lidature pel'pl~tuelle 1 Jell1'6 gram!:-; air:-i i!"
brayoure et une )JaUerie de GallOlb dunt i1:-; 1'U1'-
tiJient leul' élOqUCllCl~; .- Ü Mlllll'id, une a~;sen¡}il,"I'
O¡l tout le llloncle, :-iauf les ] lomrne::; de lllél'it
<1::;pi1'ait Ü deycnir lllinistre, dcs clulb d'l:ne1';~![­
menes oü ron rli::>serte, l'(~clllilc j, la boucl](:~, :-iUl' leL
prop1'i0té colkctiye, ~llr le:-i \'Cl'tu~ uu q ll;ut-dlit,
et ou l'Ulúlre::ise UC:-i Llutcb ü b ~:i:lilll(' illLli,:;cipiint.:: :
- \'oil~l le ~~pcctaclc (ju'a oll'l'l'l la P("nin:-i1l1e, el (pi
<1rrClchait ce cri ¿l Ull jOUl'll,lli~LlJ (':-;1 l;t;-':llU! : «( DUll . .,
notre lllLlllll)Ul\'u:~e }utl'ic, pCJ':-iUlllW ne veut plu:-i
obéir, pe1.':::01111e]lC :-iLliL plus CUIJlW::lllk~r. »)


UIle l'éllCtiUll :-)illutail'c HU Lu'da P;lS ;\ se [úre :-icn-
tir; elle porta au puu vuir dc::; hUlllllles dc 1Jicn ct




L'E~PAG~E POLIT[QUE 3
lll' caract0re, qui youlaient el (IL1Í :3avaient comman-
del'; ib l'ont prouvl~.Les actives sympathies ele
tous les llúnnetes gens ont accornpagnó dans ::on
rucle travail ce gouvel'nernent réparateur. Pouvait-
il tout réparer'? Le mal qu'on avait laissé faire était
lJien granel. On avait attenuu pour agil' que le ma-
laLle fUt tombé en fl'énésie. Quelqu'un dernandait
naguere que, des Pyrénées a Cadix, il fUt institué
clans chatlue pueblu une chaira de sens cornmun,
et Ü ::\Ialaga les enfants, dit la chrunique, Ghantent
un 1'81'1'ain dunt.c sellS est cIuC l'Espagnc a granu
besoin d'unc lJonne camisole de force.


'felle e::;t aussi l'opinion de beaucoup de Portu-
gai;:; ; iIs se sont plaints des dangers que faisait cou-
rir Ü leur pays le voisinage d'une république alTolée
et dl'bonlée. « :t\ous resselIluluns, nous autres Por-
tugais, disait l'un d'eux, a un pl'opriétaire qui a
pour plus proche voisin le directeur d'un hospice
u'aliénés. Nos fenetres donnent sur le préau oü ces
malheureux, trop mal surveillés, viennent s'élJattre
ou se gourrner; la nuit comme le jour, nous en-
tendons leurs clameu!'s et leurs trépignements. Le
pis ost que de telll ps en tem ps i!s bran:dissent des
torches pOLlI' mettre le feu a notre mabon; nous
~Olllrnes obligés tl'avoil' toujours l'ceil uu guet, de
ne pa,s lacher un instant le piston ue nO::3 pompes.




L'ESP.\GXE POLITIQUE
Nous en perLlons le sommeil; h(']J.S! püut-0tre Ilni~
rons-nous par devenir fous nous-memes. »)


Cependant il est bon qu'un voyageur se tienne
en garde contre ses premi61'es impressions Elles
80nt plus trompeuses en Espagne que parlout ail-
leurs: il n'est pas nécessaire cl'y séjou1'ne1' long-
temp3 pour découvrir que la grancle majoritó des
Espagnols se compose de t1'es-honnCtes gens, qui
jouissent de tout lcuf bon scns, as;.; iisonné souvent
de beaucoup d'esprit. Poue ce qui est des fous,
chaque pays a les siens; ceux tl'Espagnc, entrélinés
par l'ardeur de leurs pas::,ions et la véb('~mence ele
leur sang b. de redoutahles exces, sont capables
quelquefois de retours, de soudains rcpentil's, et
combien ne vOit-Oll pas de fous (lui ne se repen-
tent jaméüs! Si les montagnes du Cuipuzcoa et de
la Navarre sont infcstées par eles malandríns en
soutane, si on est sujet il rencont1'e1' autre pal't des
vendeufs d'orviétan qui se promcnent avce du ca-
non, on peut observer en revanehe que lbns te1
chef-lieu il a suffi el'un gOLLverneur qui avait c1u
cCBur, assisté d'une pOigll(\~ de volontaircs, pOUl'
réduire un soulc\'ement el renv(:l'ser cl'un sounlG
des barricades, qu'il e;-;t aus::;i lleS provillces e11-
tiel'es comme L-\.l'<:luon oil le I)CUIJ!c ::;'e::;t dlll.t'(ll~ , u , ü
de maintenir l'on1re, et (lu'en d'autres cmlroits les




L'ESrAG~E POL1TIQüE 5
foulcs, s'in~urgcanL contro l'insurrection, ont fait
1'('nt1'or llruscIuement dans leurs trappes les boute-
fcux et leuf cohorte.


L'étrangor quí parcourt Madrid dans un jour d'é-
chauifouréc populaire s'étonne1'a peut-et1'e de n'y
vas aporceyoir un seul ya-nu-pieds p1'i:3 de vin, ce
qU! faiL que 1'6mcuto merne y conserve quelque di-
gnité, et qu'il sub:·.;jste cornme un reste de raison
lhns la dérnence. S'illit les journaux con:3ervateurs,
plcins de v6rit6::3 t1'0::3- fortos, do persiffla2:es tres -iro-
nillucs, ü'épigrammes d(~coup6cs ill'emporte-pi6co,
il appfcntl1'a ayec.: su1'pl'be do lours réllacteurs en
chef qu'ib ne :3ont jamais inquiété::3. S'indigne-t-il
cles funestos exemplcs donnés par uno soldatesque
qui no connui:-:sait plus ses c11ef::3, on lui expliquera
quo jadis le parti fél10raliste n'a négligé aucune
occasjon lle parler et d' 6c1'i1'e contre les armé es
lJC'rmanelltt~::-;, contre la conscription, contre les ri-
~L1curs clu cocle militaire ou ele l'ordenan:ct, contre
l'indignc scnitmlo du so1Llat, jurant p~lT les anti-
1l0rnics de Promlllon, p:.lr la plülosophie dc I\.rause,
que des qu'il arrivcrait au pouvoir, son premier
acte scrait lle lJriscl' le::3 fers de ces esclaves et de
lcs renvoyel' dans lenr;:; foyers. 11 s'est trouyé qu'a
l'{ch(·ance on avait bc;:;oin du soldat pour faire tete
allX earlistes, eL que lo:::> nouveaux gouvernants l'ont




L' ESP¡\(;;\¡ ¡,~ PO L1T[ (\l U E
conjuró d'oublicr lours proll1c:,,;-;cs, do porter q!Ii21-
que temps encoro son collic:r do mi~¿\ro. L,t--it
étrange qu'une si dure déceptlOn ait fait des mó-
contents et des rebolles '? N'est-il llas plus surpre-
nant que l'armée espagnole comIlte encore des rL'-
giments et des corps cntiers quí 5011t demeurL's tou-
jours fideles au drapeau, et fluí, aussi fllal payés quo
mal nourris, S8 battent bravement et g:1illlent dans
une guerre de montagnes [¡pro, fatigante, ingrato,
ou il y a plus de m::mvais coups que do gloire ü ré-
colter'?


Que notre voyageur interrogo cn;;;uito tol Anglais
ou tel Fran¡;;ais qui dirige dermis dos annéos dans
la Péninsule l'exploitation d'uno mino ou quelquo
entreprise industrie1le, súromont il lour cntondro.
di re que l'ouvrier espagnol est non-soulomont in-
telligent et plus lo.borieux clu'on no ~upposo) ltlais
facile d'hurneur, prompt ü s'accornmoder, plus
gouvernable pout-etro que tout antro. II sc eon-
vainero. auss~ par sos propros 011;-;orvation3 qu'aya11t
peu de besoins, los classes inférieures d'EspDgnc
ont peu de eonvoitises, quc, leur c1i:.!;llité les dispo-
silnt a no point rnéllriser leu!' sort, elles TIC ~ont
guere trayaillécs par l' envie OLl la hainc du bon-
heur et de la richc:3so d'autrui, et qu'ellcs se di:~­
tinguent dans l'babitude de la vie llar une ccrtaine




L'LSPAG\E P()LITIQUj,~ 7


nohlcsse de sentimcnts, par uno générosité, par
une hida7qllie n:JtiYc, pllr le l'C';.;pect de ;:·oi-rnemo
deles autre::->, On sera tenté eren inl'érer (1110 ce qui
manque ü cc lrollllcau bien disposé, ce 50nt des
Lcrgers dignes de le comluiro. Quicon(IUe a yisité
la corollada villa s'est <lpen,fU bien vite quo "Jla-
eh-id n:cst pas sculcrnont une vil10 ,de luxe et de
plaisirs, qu'ell0 ost uno vi1le cl'inlelligence ot de
tille culture, qu'il s'y trou\'e une élitc nombreuse
(l'esprits éclairé:,; ct liJJéraux, flllClqucS-U11S tout
Ü f¡lit supérieurs, ü'ulle sUllrJes:~o et d'une ouve1'-
ture nE~n'eilleuses, irÜOl'lllés do tout, également
instruib des afCJires do leul' pays et de celles de
l'étranger, aptos au gouvcrnetllcnt, et qui figure-
raicnt a\'ec honneul' clans tou::> les conseils ue l'Eu-
rOllo. Que resto-t-il aprcs cela, sinon u'accuser les
étoiles. de cOllcllU'C (1I181es Esp:lgnols S011t l'un Jes
peuplos les mieux llmH's ct los meilleurs de rEu-
rope, mais que les Lleslins les ont eondam11és, et
qu'il est faux que les nations Zticnt toujours le gou-
YernCltlOnt fFl'cllr;s llll:rilent'!


C'est })ien El l'inlillle 11Cn",ée elo eetto élite
c1'holllmcs dislingu(s llont nous Y011011S de parler.
Il:~ gétnb:3crlt sur los llliscres lle lcur pay.3; lllais
ils n'onl ganlc de 18 renier, ni do le mépriser; ils
ont pour lui ue,.; entl'aillcs de mi::::él'ieorde et ue




8


lendresse. - ( Vous voycz ju::;qu'Olt nous soml1le.'l
tombc's, nOllS écriv:lit l'ul1 d'eux, et l10urtant soycz
súr que, clans l'état d'allalll1onncmcnt Olt nous
somrnes, notre :.mciennc vcrlu nous sOlltient en-
core, et qu'cn tout pays, soumb ü l\;prcuye que
nous traver;,;ons, ii se comrneUrait plus d'exd's et
plus ele crimcs. q u'ici. En définitiyo, les gra.l1l1s cr1-
lllincls sont r~lrcs parrni nons; pnrtout en Espagne
lo 1Jicn cst plu::) fort qlle le mal, el aucune soci(:I(:
en Europc ne rcnfcJ'rne plus d'ékll1Cllts saíns que
la n()ll'c. ») l\insi parlent ces amigés, qui 11e C011-
scntenl 110int Ü dé::3espé~J'er de l'aVCllit'. lb ont la
foí, ils opp03cnt Ü l\'~¡)rell\'c p1'é.:-,ento les certitudes
d'l:nc Ílwinciblo conflance; ib s'l'cricraier:t v010n-
tiers arec un l1e leul's poCte:i : C( D:ll1:; ccltc [l1nesie
rencontro, jc [ll'Cnc11\Ú r10ur symlJOlc le Llllcon,
arec son Ck\J)i?rOll et sa cilair'c; ce: qui console
mon in[ortune, c'cst l'inscl'iption my:-it("ricu~c; que jo
li::; sur son bandean ct (lllL di L: « Juycux, ü traycrs
mes tl'n01Jfc.:s) je vois l\t"j"l briller la purc lumicrc. »)


...•. Al, grr' espero
'1'1'ns l~IS lilli('ld~IS luz pUfO. 1.


QJoiqu'il soit 11Cl'llli::; l1e ]¡caUCOul' aUribucr al1x
:lccic1cnts fttchCl1X et a\1 mal}¡eur eles circonstances,
nous aielons toujours il nO:::i l1is~rCtcL'S, el non::; rl;-


t. Tirso de l\Iolina, Maria tu 1,iw(uli[(.




L'E~P¡\C\'E POLITIQ"CE
pomlons en qnelque rne:-:urc ele notre ~ort. S'il est
CIl E~'llLtgne des puliliclues san:=; reproche, les po.1'-
tis ont tous quelcllle cbose il se reprocher, aucun
d'cux n'a un 110.::;2('; enÜel'(;ment net; mais, au lieu
de [aire un ex:nnen rigoul'cuX dc leurs péché:::, ils
pl'éf'~'rent s'acL:user réciproqucll1cnt" et, dans les
réquisitoires pu:-;sionm's qu'ils fullllinent les uns
COl:trc les antros, be::mcoup de Yérit6 se trouve
lJl(\16 il beaucoup (l'inJusticc. « Qu'aycz-yOUS raít de
rEsl'agne'! clisent les COIFervatcurs aux républi-
cJins, Le ;¡ [lJLll' 100 coté Ü '1 G, le t1'6sor vide, les
carlistes m;ütl'es dc trois proyincc;." le:; comman-
dcments et les charges confiés ü d8S incapablcs qui
~ah";Hl(lent tout ce qu'ils touchcnt, le soh1at sounl
it la yoix de se . .; g':lnl~raux et de l' 11OnneUl', la ma-
rine infectl'o Je ectte COi ltilgion, nos btttimenls de
gll"ITC tr~m~fonnl:s en pir;\tc:3, no;-; colonies com-
llrollli:-:cs, l"lllité nationalc mcnacée el qui.dcmain
l'cut-ütm De ~('r~llllus qn'l1n ~cOLhenil', un pays qui
s' e lfullll re , L'::i ]¡\~'l'itiers de CIl;il'l('::i-Ql1int crmd<Hn-
nl's aux 1lll'pris de l'EllfU['8 ct, plHlr llire L1avan-
ü1gc, il la pitié (111 -:\I\Jxiqu p , \'oilü \"0:3 CX~U\Te::). Que
~ornmC:3 ,nous llL;ycnus cntr\2 YOS rnains ~ Oü sont
vos lJ\'ogI'iJllllllCS'! Oll sont YO,"; pl'omcsscs? oü cst
cct t¡~(2 d'or, cclle (~re dc glult'c et de félicité que ~
~-<,..'~ ..


vos songeur::í nOllS allnow,::lient ? »)".?




10 L'ESPAG~E POLITHJCE


Les républicai 11"1 Il'lF ri postcnt : « (lui C'l C~'-\'OllS
pour nous accu:-:er? N'avez-yoUS pDS commencé
toutes les calamite,:::; f¡Ue nous ,"oyons? Vous nous
reprochez la ruine des finance;-;. Gil était le ~~ pour
1UO quand nous avons pris le pouvoir '! A :2:3. Et
ne vous souvicnt-il plus que c1ós 1R:J1 vous aviez
fait dans le buclget un déficit L1C plus de dcux mil-
liards de réaux, et que l'année sLü,-ante, lorsqn'ull
de vos ministres voulut opérer une souscription
nationale de 300 millions, il n' en trouva fIue (JJ ?
Vous nous reprochez les carlbtes. Il YOUS a lallu
sept ans pour les réuuire, et ils n'ont [laS aUendu
que nous fussiollS aux affaires pour rentrcr en calll-
pagne. Vous nous imputez: la dé:::organisation de
l'armée. Qui done lui a enseigné la. désobéissance,
l'art dangerel1x des p/'oHlll1ciamientos ? QlÚ, si ce
n'est vous, a (~nervé lo sentiment de la Llisci pline
dans les chefs et dans les solllats en les Ulenant
a l'assaut du pouvoír, en récorr:.ponsant 1011rs tra-
hísons par de s'candaleux avancemollts ou par ues
réductions de service'? Et la marine, est-ce un
des notres qui en 'l8GS 1'a pour la premiero rois in-
surgée? Il YOUS siecl mal do gémir sur les maux uu
pays; il est 111ala(18 dcs lc(;ons quo YOUS luí aY8Z
données, et llOUS ne 50111mc;-; (IUC les tristes lléri-
tiers de YOS fautes et de YOS clÓs~btt'C,c~. Plút au cid




L'E~PAC;:\ [': POLl'1'liJU E
que nous eussions pu n'aecepter \'otre sueeession
qne suus bénétle8 d'invcntaire; mais notre avéne-
ment, qui est votro ouvra~e, nous a surpris. En
quatre ans, vous avez bri;3é ueux couronnes, et e'est
'Vous qui aH~Z imposé la république a l'Espagne. »


Les républicains ont raison : Oil ne sa.urait sans
la plus erianto injustiee les aeeuser d'avoir inter-
rompu une ere de prospérité politiqueo Ilsn'ontpoint
Ollvcrt l'ablme; il leut' reste a proU\'er qu'ils sont.
capables de le fermer. Sans entre1' dan s le c.1étail de
1'11istoi1'o d'Espagl1e depuis quarante ans, il est in-
cuntestable que la monarehie constitutionnelle n'a-
YD.it pas réussi a s'y a:3seoir, ni i.t donner aux institu-
tions eornme al1X ministct'es eeUe du1'ée et cet équi-
libre que n:~clame le développernent des intérets.
c( Dans la plupa1't des cas, a dit un publieiste anglais,
rllioux vaut 1'ospt'it ele suito avee la médioc1'ité que le
tohn-bohu avce de grands talents. » L'Espagne a
eu pour sa 11art les granels talents et le tohu-bohu.


A la vérité, don:\. de ses hornrnes d'État ont opé1'é
des miraelt2s, L'un, type des conservateurs bouil-
Lmts et des :wuvernell1ents ele combat, le général
i\arvacz~ a su se [aire olJ(~ir des tempetes et main-
tenir l'Espc\gne en n~pos c.1urant la révolution de
18 f8, qui a élJranlC~ les plus soliJes monarehies.
L':wtre, pbs lilJéral et flegrnatique, le général




L'ESP~\GNE POLITIQCE
O'Donnell, a Lüt elurer cin(1 ans un clluinct (lui s'e;;t
illustré par ele granels tl'Dvaux pllblics, p,.ti' le 1'l\gle-.
ment eléfinitif oJJtcnu dll saint-si,:'ge pour le d~sa­
mortissement eles Líens clu clergé, et par eotto g10-
rieusc guerre du Mal'oc llont lo succe3 elonna quel-
que ombrage a l' Angletcl'l'e. Les cxcelltions ne
font l1as la regle; durant quarante ans, l'onlre n'a
gucre étú on Espagne qu'un acciclent heureux. Le
tohu-bohu a fini par dévorcr les gra1ll1s talcnts
aussi bien que les pebts. (luelle r;¡piclitú clan::; les
mutations! Que ele minideres [aiL:; ot dlJails on
quelques jours! Le's caractl~res Ir':') plus forts ::;0
sont brisés cLms la lllttC: la llaticnce a ma1)ill1(~
anx plus pOl':-)c,,"érants. Colle fragilité elu pou-
\'oir s'est comnnmiquée aux [ll'incipcs melllcs elo
l'État; l'EspDgno a eu coup sur coup ciníI asscm-
lJlées constituantes et 111us elo cinll cOllstiLulions.
Triste 501't pour un pays que lrare gouvern(~ par
eles hOlrltGCS et par lles ellO:~'::S Slltb lClll1cmclin!
Ct~::; régllllcs' l'ldlém0res ditninucl1t ~l la lOl1~~uO
l'úlllC c1'un peuple et ll'y laisscnt de i1bcc que puur
des pen:-3écs el\1l1 jour.


Telle a été la c1cstinée de l'Esp"g'nc, et il LlUt
convenir quc les ;llnis de la 1l10nal'dlic lui onL fait
plus lle mal qne se:) cnnelllis, que b réllulJlique
n'a rien c1dr~üL, qn'clle a succúclé a dcs ínstitu-




L'E~P;\CXE POLlTIQUE 13
tions qUl s'ótaient comme acharnées a se dr-
truire elles móm8s, qu'elle est née de l'impuis-
sanee de constituer autre chose, qu'elle a bftti
sur des c1écombres, et que, si elle avalt besoin d'une
excuse, elle la trouverait dans la déshérence d'un
trone qui c1uux fois est resté viele. Aussi, avant ele
recbercher quelles difficullés particulieres et nou-
volles a pu suscile;l' son avénernent, il est na-
tmel de se (lernander comment iI se [ait qu'un peu-
plo douó ele qU:Jlitl's rares n';tit pu se dunner jus-
qu'aujounl'llUi un gOLlvernement stable j et quelles
iuflucl1ces maliglles ont traycl'sé en E:::;pagne l'éta-
Llissemcnt ele la mOl1ar~\¡ie COl1,..,titutionnello 1.


II


Montesquieu a remarqué que, les elivers carac-
teres des natlons étant melés de vertus et de vices,
il est el'lwurcnx alliages d 'ou naissent de granels
Liens, qu'il en est cl'autres dont iI ré:::;ulte de granels
maux, que partant les vices politiqLles no sont pas


1. ~OHS te11011S Ü r[1ppc1c1' ici les illstl uctiyes et rcmar-
qnaL¡lcs dudes de :\1. el!. uc Mazaclc sur la volitique espa-
¡.Enole. 11 1\'s a n'~tlllil's d,lllS elcux "olumes intitulés I'J~'s­
lJl1!)I!C }wl!I'cilc el les liJL'lilltli(ms (/e l'Esílf1Uile cOillelll}W-
i'LiiiW. Gl,S deux ouvrages juuisscut ü l\IaLlrill memo d'uno
j uste r(~llntalil)ll.




14


tous des vices moraux, ni tou:-; les vi~es moraux
des vices politicIues. 11 en va de lllClllO des q ualités
ct des défauts de l' esprit; tel déLLut pent servir
en politique, tollo CIualité pout nuiro. Les peuples
lourels, a l'esprit épais, étrallgers a toute idéalité,
sont plus propres que les autres ü se bien gouver-
ner. Les chimeres ont peu de priso sur eux, et ils se
déflent de leurs imDginations, quand llar ha::iard ils
en ont. Trcs-attacl1és u leur int(~ret, ib le prcnnent
pou!' regle de leur conduite ; s'ils déeouvl'cnt que
la liberté est plus ütvoralJle que le de:-ipotisllle a la
prospérité de lcurs affaires, ils portent le génie des
affaires dans l'exel'cice de la libertl~. Soumis ü lour::;
habitudes, ils sont disposés u préférer ce qu'ils ont
et f]u'il:3 connaissent a tout ce qu'on leur promet
et qu'ils ignorent; il Y aurait dans un honheur
inaccoutumé quelque chose <Iui les troublerait. Le
souvcrain bien politique consi:-ite pour eux dans
une existence bien ordonnée, dans la cel'litude
de pouvoir fai1'e demain et l'an prochain ce (Iu·ib
ont fait ]üe1' et 1'an pa:;::;ú.


Les E:::;pagnob sont u la fois une des faces illlCS
et une des raGes nobles de l'Europe. lb savent unir
la vivacité et la ::iouplesse de l'esprit avecla hau-
teur des sentiments, la POSsc:-isÍon de soi-meme ü
la facilité du commerce, la nolJle::;se du L.ll1(f(l"e


<::J <::J




15


au cItarme el'un c'\([ni:; natUl'el. lb :-iont exempts
de certaÍn:-i travers fILIe toll~rent trop aisément cer-
tain::; peuple:-;, qui pourtant ne ~ont pas lourel::;; on
ne connait ouere chcz eux la moraue et le ton ro-n 0
gue de l'homme en place, les airs suffisants el'un
cui::;tre cm petré dans son personnage,. l'insolence
employée comme moyen de gOLlvernement. Ce qui
frappe dav[mtage encore, c'est qu'ib concilient la
dignité avec la gaité facile, avcc un fonds intaris-
sa]Jle ele belll~ hUllleur.


On ne saur~lit t1'O p van ter la gaité espagnole; elle
est un cléli ele l'llOtrlme a la ele::;tinée, une victoire
ele l'esprit sur le::; choscs, un miracle, un clon de
la grúce. Qu'on y pensc, une gaité qui a résisté él
trois siccles du régime le plus oppressif qu'ait ja-
mais subi aucutl peuple européen! une galté qui a
traversé l'inquisition, l' ombre et le silence de Phi-
lippe II ! Cette belle humeur qui résiste a tout vit
de I)CU et ne coCtte (lucre a la Providence· elle ne u ,
récbme que de médiocrcs frais d' établissement,
elle se suflit a el1e-ml~rn€. A quelqu'un qui lui de-
mande : (.( Es-tu content '? » un per;:;onnage de
Lope de VegQ rÓIJOnJ : (1 OLli, cal' je veux 1'etre. »
Il dit aussi : « :1 e>, vellX l\Ll'e pau vre et pa:::; triste; de
deux Hlaux, je elwi:::;is le Uloindre. » « Quel homme
:-:;inguliel' tu fcús! s'0erie Ui.Hl;:; une tviece d'Alarcon




1G


un yalet parlant a ~on malLro; tu ne Loi~ pas au
cabaret, et pourtant tu t'y amuses; tes yeux, sei-
gneur, yersent la joie. » Ils abondcnt dans la PÓ-
ninsule, ces ycux qui Yel'scnt la joic ; elle a iJwent.~
le bonheu1' économique, (¡tú:-;e comrlOse (lo soled,
d' oisiveté, de causeries, ll'ail':3 de nuitare de rr(1-o , t:l
zettes ü un sou, c10 cigarettc:s ü un liare1, (l'L1n 118U
de merluche, ele beauc0up (le Yerres crean et de
l'espérance de yuir tuer lc~ dillwnclw (jui ya yellir
six taureaux Lien encoml's. 11 ll'e:-;t lla:-; lJlu3 ma-
laisé flue cela crétre hClIl'OllX, qlt;lllLlol1 :::llit ::;'y
prendn~. La Ctll)itale (le l'l'>pilgrw e::it l¡]eine de
gens qui sont contents parco qu'ils yeulellt l'l~tre :
aussi le proverlJe clit quo la pal'faito félicité est do
vivre aux bords du Manzanai'l:s, et que le second
degré est d'etre logé au paradis, pourvu qu'il y ait
la-haut un jUllas pour voir Madrid. Non, ce n 'est pas
s'aventurer que de prétenclrc (IU' en llt"pit des car-
listes, des pétroleurs, de tout le san~ ver:-ié ot du
coupon qui ne se paie pas, il ya clans l' ]':spagne ll' au-
jourd'hui, telle qu'elle e:::-t, lllu:.; de gens eontcllts,
plu::; de vrai bonlleur que c1an:-i la Prus::;c, lo plus
gouverné des pays, ou dLtllS l'indu~tricu::;o ot opu-
lente Angleterre. L'E::pagno llourralt c1ire Ü ces
puissances orgueilleuses, qui rnl'[lri::cllt ses ltaillon:-;
et condamnent superbement ses fous, ce que répli-




L'ESPAGNE POLITfQUE 17
qU(1it [111 roi TIcllri YIll le I\lsrluin de CaIc1cron :
«( Pen 111 'irlll1orLc ele n'Ctre pas roi, du moment que
je s~is f.;ui. Ln lJililos011he répolll1it u un soldat qui
lui var:tait les grandeurs d'Alcxandre :3on maUre:
Cueille ü terre la flcur que voiei, porte-la ü ton
Alexamlre et 1)ric-1e de 1'en bife une scmblable.
Trofihécs, gloirc, Jauricrs, triompbes~ que lui sert
tout cela, :::i, Jpres lant de llrodiges, il ne peut
fabriquer une lkur si faGJe ü pou:3:::ier qu'elle se
1'encont1'e dans la prelllicl'e prairie venue? - Et
moi, jc reprt2senLl.; de HH~Jlle a votre rnajesL6 que,
lllonarque :,::onverain comlIle vous rétes et admiré
de tout funiver::;, vous ne pouvez pourtant étre
~lll, chose si (~0ll11l1UnC et si nllguire qu'on la trouve
dans un gueux. SllUS ehelllÍsc COlllme moi, et qUl
dClluin peut-I~trc seea rnort de faim. »)


(¿ne l'AnLlalousie, raY<Ji/'e pUl' Lmarchie et en-
:,:alJglantl~c Ijar le crime, entelllle encare des bruis-
selfH~1l ts de castaglletLcs, que la yeille ou le lende·
main el'une L'lueule le Prado eL le Duen-Hetiro
yoicnt accouril' en essairn sous Ieurs ombragcs les
plu:s })l:aux yCDX du monde, qui respircnt Ll joie de
Yivrc et l'or811cil du commandement, une ::::i a1-
lh-ire insuucial~cc a quclquc cho~e d'llL'ro"¡(IUe et
d'aLlmircdJle; lllai:-i elle e:-:t un da¡i8(:1' politiqueo Sa
gaitl~ nclturellc L'i..~ml l'E:-ipagnol imlilIél'ent a beau-


.)
~




18


coup de maux, sllfl'idv, c'est-a-dire insensiJde ü
bien des privations, prompt ü se distrairo et ü se
consoier, et ii est fúcheux flu'un peuplo ait la
consolation trop facile. Sa helle hUllleUl' lui donlle
cette qualité qui n'a de nom que dans son admira-
ble langue, la con{ú/'Inidad, ou la disposition ü
s'accommoc1er de son 501't, et ii en résultc qu'il yit
sans trop souJTrir dans certlines situatiol1::i qui se-
raient insupportables ü tout autrc. Son enjouement
yoit dan s les tragédies de l'État des comédies de
cape et d'épée, s'amuse Ü e\1 deviner l'intrigue, a
en prévoir le dénoüment, a sil'1lerle cllpitan qui reste
court, a battre des mains an spirituel avcnturier qui
se tire des embarras les plus épinoux par une (}l'dce.


CeUe société se croit au spcctacle, elle assisto en
étrangere ü ses propres destiné es ; ii faut qu'on la
réduise aux plus dures extrémités pour qu'ellc
songe cnfm a se défendro contro le malhour. L' E~.;-
l);:wnol s'épa1'nne la fati()'ue des lOlJnues I)révovan-tJ . tJ tJ' <:J "
ce::,;. l\I6me dans la grave Castille le paysan no cul-
tive de terre que ce qu'il en faut pOUl' suusiste1'; il
emploie a joui1' lle la vie le tr:mps qtúl pe1'dr~lit Ü
beche1' le reste. L'ouvrier de Mauricl ou de Séville
dépense en un seuljour dc lie~;::e lefruit de :::ion épar-
gne, et se résignesans effort ~ YÍ\TC el<: rógilllc jusfl u'ü
ce que sa tirelire, remise ü llot 1 :::ioit gro:::ise d'une




1J


llOLtrelle fulie. Pdl'eillemetlt le veuple espagnol ::ie
paie a lui-mume de tClllp:-; Ü alltre la fUte ü'une ré-
yolution : arrive tIlle pourra, il a fait ce qui lui
lJbi:-;aiti quelles (Iue sOlent les conséquences de son
actiun, il se :3ent de force a le::; supporter. L'Es-
lugne vit au jour le jour; nulle part les lemlem~üns
ne ::iont si ll~gcrs, on les ::iCJuibve commo une
}Jlume. IIeurcux, politi(luemellt parbnt, ::30nt les
pcuplos a qui 1J(;S8 le suuci du kmlemajn : ils dor-
minlicllt lllal sou~:; l'aLn vacilbllt cl'une tente,
qu'cIUpOl'!era le lll'cnüer vent el 'orago; jls pren-
ncnt do b chaux et du sable, il::; se bútissent des
mai:'3ons ct de::; gouvcrnoments qui durent.


Si l'Espagne C::it éterncllomcIlt gclie, c'ost qu'elle
~::it éternelloment jeune, et ceci e;:it en coro un DU-
rado. Jeunc arres avoir eu lles maitre::; qui tout
...-ivilnt::; se dOllllllicnt la repré::;clltatiun de leurs fu-
Lérailles! jeune apres Pllilippo III et Charles II,
apl'cs Cbarles IV et Fcnlin,Hlll VII, aprc::i 18 trop
¡on~~ regno de la déIL..mce saturnienne OLl de rim-
bécile lJjgolerie! On trouve le sccret de bien des
c}¡oscs dan::; les maiLrcs de la poésie castillane, fl-
ddes intcrpl'cLe::i Ju génie de ¡cur nation et si dif-
,.'lenb elo ces a(hnirJ.IJL:s pode:) italiC'H::i, qui, ho1'-
¡nis l'Aeioste, n'ont jamais été ni gais r: ]cunes.
LorJe de Ycga llOU::; lliUlllre Utl CllluereUl' renCOll-




20 L'ESP~\G.\ E POLITlIJUE


trant clans les ]Jois un paysan ü la tete Llüncl18,
mais si vir et si vert qu'on ne sClit qud t¡~~e lui elon-
11er. ( :\' ;xrez yO u::; j amai:s vu, 1'0 ponel le paysun ü
cet em 11ereu1' qui s'élonnc, un arLre antique elont
le treme, quoique rielé, se courOllne ele vc1'b reje-
tons'! Voila GÜ j'en suis; le temps passe, et je n:c
suceeue Ü 111oi- meme. »


10 me s,lccdo ú mi mismo


Ce mot est rcmLlellle de l'Espagne; les sieclcs
passClü, elle se succede a elle-lllcrlle. Les Haliells,
qui ne sont pas jeunes, onL fait preuve cl,U1S ce:)
clernieres années ü'un cspnt de Lomluite quí el ;-:in-
gulierell1cnt uyancé leurs alLtires. La jeullcsse, ce
]Jicn précieux, csL Ulle tC1'rilJle cltose en lJulili-
que; l'expéricllce ne lillsll'uit lloint, elle est l'élcr-
nelle rccornmenceUSl~. La jeunesse ne sait lli pr0-
voir , ni oLéir, ni cr;lÍlllll'e; dIe ne erai n t pus
ml'~me ce que lcs :snges ,qJpn:'llelllh:JlL plus que
tout le reste) l'inconlJu. (( liien llC lll'el'l'raie LUlt
qL:e l'indélini, disait ¡In .i~llll ,lU': CI)rll's ele '1870
l'un des prcmicr~ oratcur< de la ll'i1mne c::¡'a;";Ilulc,
~I. Cúnov~\s lld C.\siilJu. J8 ne cr;lill::; pas le;:; nml-
tituc1es, je ne CI',\11H p,IS lc~; rl'¡'(Jl'it1CS, jc ne cntins
pas mcnw L\s :-::t'ullllC';:i CitL;'stroplIC's lh~ l'histoirc)
qUlll1il elles Ollt eles :-iolulions Lldcl'l11inécs et net-
tes. En rcvanchc, je l'ccloute tout llJouvcment poli-




2l


tique, pou1' i!lo!'[eJ1i-lif qu'i1 l1araisse, 101'S(1U'11 n8
réponll pas ü une formule préci::;o, lorsqu'il est en-
gemlr6 par (los ill113ioIl::i, par ces Lmtómos qu'on
appelle les ill¡~os Yagues, lesquelles cOllLluiscnt lo
plus sourcnt ;1 tlc terrihles dl~ceptions et b. de fLl-
neste::i reculs. ) Et i1clisait encore : « .Te no crains ni
les compromi::i, ni los respon,o;s.bilités, ni l'injustico
lb mes :Ill versairos; je no c1'ain::; (1U'U:18 chose, c'o.::.t
l'inconnu, et jamai~) je 110 transigcrai aycc lui. ))


QLnmlla jeunesso a fait un pacto tt'\ill('\rairo ave e
l'incon11u, et que l'inconnu 1'a trornp¡'\c, 0110 n'ac-
cu:;:c poil1t ::::011 :lYl~l1~'lomont, 0110 s'on prcnd au:'\:
choscs et ~lU'\: h0111111eS, ot, s'irritant contre ses
mau'\, ello n'(,11 chol'cho lIas lon;...;tomps le remEdo;
le p1'emic1' qui so tll'l'\sonte lui somJ)lo bon, son im-
patienco ~'ccourt au:'\: ex p('l1ionL~. e' est ain,:i que los
pcuples jetillC'S no yoicnt do rClnclle i:t unc~ r6\'01u-
tion m;llHlL~('\O que llans une noun:~lle róvolution.
Ils re:-;;::.cmlJlont :t co ~c:outtcu~ flU'Ul1 cmpil'illUe sc~
fit fort de ~~Ill\rir. Le''; (Irngllcs 0ll('\t'()l'ent si l)ien
(p'apl'cs llCIJ de .iOU1'S le mctla flc n'ót:lit plus gout-
teu'\; mai:) ¡¡ dait d(;\,('lHl l'aralylilIuc, et on as:~urc
íllú1 s't":cl'iait U:.lib :'e,~ or;\i-o:1S : SciSnol1l' nieu,
rCl1I1ez-tl1i,j li,a :;(mllc! Le eiel cnll:IHl SO\lyent (\es
YI:'Ll\ l):tl'c'il:-; au 1~\nI1cl!uin t1c(~ l'(~rolutiol1s. Ii on
e::it Ll'bcurcusL's) il en L':::it üe lléccssail'os, il en e::;t




22 L'ESPAGXE POLlTIQCE
d'autrcs apres le:::qurlles on crie Lle toutes parts :
Seigneur Dieu. rcnclez-nous ce gilun~rnernent qno
nous haú;sions et délilTcz-nol1s des intrig::mts! O
yanité des i'lusions! le monde cst p181n de gens et
de 11euples qni redenwndent lene goutt3.


Ce n'est pas seulement la complexion naturelle
des Esp:Jgn01s qui a nui a la soliditó de leur établis-
sement politique; il faut tenir compte de plis de-
puis longtemps contractés, (l"habitudes qui résul-
tent de leur histoire et de l'éducation qu'elle leur a
donnée. Les élans cllC"~;alercsrlues, ]'héro'isrne~ le
mépris du danger, la g(ln(:ro:-:iU'1 Ü l'('garrl des pe-
tits et des yainCliS, la clHlrit() exerl~(le sans faste,
ces piti()s et ces tenclresscs qui si(lcnt al1X forts,
l'E~pagne él tout cela; les yertus (~(~1atantes et les
yertus toucbantes crDissent facilc',nent sur cette
terre d'orangers et de palmiers. Ce qui luí manque,
c'est une yertu toute bourgcoise, qui n'a rien de
brillant, et qu'on appelle le rcspect (le la loi ou l'es-
prit légal, indispensable condition de la monarchie
constitutionrJelle aussi bien que de la république.


A quelle école les ESl'ac::nols auraient-ils appris
le respect ele la loi'? Le elcsp()ti~me a {ltó SOIIYent
ciyilisateur, il a tra\'aill(l Ü l't'>cllH'ation de plus d'un
peuple, témoin l'hi4oiro de Pru~:-:e et de France;
la tyrannie au contraire n'cl1sc~igllC rien (I11C 1:1




L'ESPAGXE POLITIQUE 23
crainte ou l'illol;ltl'ie du tyran. Ol' ce n'est point
un uespoti:.;me onlinaire flui :1 r('gi l'Espagno pen-
dant trois cenL;; ans; quo n\l-t- ollo eu pour mal-
tres des Louis X [V on des Frédéric 1I! Un pub1i-
ciste cli~ait au C01l11ll0ncement do ce siec1e flue ]e
roi calholiquo était an pied (lo 1:1 lottre le pere de
S(~S IJeuples, qu'it avait 1a facult(~ de falre tout ce
quí lui scmlJlait bon (bns t011tes les spheres de la
Yie clu citoycn, clans l'intórioul' des fumilles et dans
lo 1l1(ln3gc des particlllicrs. L'inquisition était un
tribunal spiritucl au scrvice du trune, qui commu-
ni1fuait, llOlH' aio::;i Llire, ;l la puissance royale toute
l'deml11c qu'a b rcligion, et lui conf(~rait 1'empi1'o
des cOnSGiCllCCS, lo regloment des mCBurs et de la
vie ]wiY(le. Gri'tce ü ce:;; .i ugos omnipotents, qui
pOllt':,mi\'aient Ü titre d'll(~résio tout ce qui était ou
paraissait contraire a m:, intér6ts du prince, le bras
royal atteii-!nait d'in(lófinissalJles d(~lits dont aucun
trihunal de ]ustico hmnaine n' au1'ait pu connaitre.
Qui dira Oll commencc et 011 flnit l'bérésie'? Quand
le trósor cst pauv1'c, la plus granLle hérésie pour
un particulicr est d'ótl'e riche, et un souverain qui
D. (les inquisiteurs ü ses ordres confisque les biens
de ses sujets sans D.yoi1' a Ílworluer une loi, san s
prewlre la peine de rédiger un décret; illui sufflt
t1(; d,~noní'('r un dan~el' ou lo soupGon d'un danger.




24
Le gouvernel11ent de l'Esp::q:;ne fut durant trois si
eles un gouverncmont uo salut puJ¡]iG qui n'ayaíi:
d'autre regle que la raison d'l~tat, ¿l laquclle l'{:-
glise, dont lo p1'inc8 se scnait sons coulcur ele la
servir, pretait la sainte l11:ljcst6 u'une religion,
Aussi les poctos omciels de Philipf)(; III et (10 Phi-
lippe IV enseignaiont-ib qu'il n'y a pus de prin-
cipes ni J.e contrlLts qni obligcnt lo roi, parco qu'il
est l'autour des cnntrats ot ele."; lJrinci11cs. « Qui a
établi eelto loi? s'ócl'io lo roi don Pc(lre dans le
Valiente Justiciero de :\1oreto. - Des 111'i rilL'ges oc-
tt'oyés par vos ancetrcs ¿l nous qui n~tq uimes gT<llllls
d'E:spagno. - ]::taient-ils plus rois (Iue mOL'? - :\'011,
seigncl1l'. - Eh bien! sije suis autant qu'eux, celui
qui fit la loi ost l'arbitrc ele la loi, et jo saurai l'ob-
server quancl cela pourra cOlwcnir a mes intéréts,
et la víoler aussi pour Ltire un j \Lite cllJ.timent. »


Les Espagnols ont subí longtelll11S ce l'égirne, et
ils n'en sont pas morts : c'est la plus [orte preuye
qu'ils aie1lt· donnéc de leu!' puissalltc vit~lité ; mui:;;
l'arbitrairc consacré par la foi ne llominc pas pen-
dant dos si0cles sur un peuplc sallS clltl'cr ll:ll1S se5
chairs et dans ses os. L'E:-:pagne a llas~;é ]Jrusllue-
ment ele l'inrluisition a la rérolution, ct la monar-
chie constitutionnclle y a ressolt1lJlé trop souvent ~l
lll1 gouvernoment ele sall1t public, trop sou vent elle




L'ESPAC\'"E POLITIQCE
a invorluú la raison Ü'.ÉLlt : ii semblait que l'omce
propre eles corlt:s fCLt ele lUI voter eles pouyoirs ex-
traonlin:lÍrcs ou l1es l)i11s d'imlemnité. L'aelminis-
tr~\tion n'a l'L1S été plus timor('\e que ses maítres.
Que de litiges) que ele questions résolues par 1'in-
téret, par la forcr, prll' le bon plai;-;ir! Tnstruit par
ce~; leGoll:~, le peuple s'est t1'op accoutumó ü yoir
cbns la sagcsse politicIue 1'a1't ingénieux cl'dUllel'
le,; 10is) clans les 10i:3 elles-memos dos üifflcultés
ir1"\'(:mtées pour exerccl' l'itnagination des gens ll'es-
prit, - el il y a tant ll\~:~pl'it en Esp:lgne ! « A quoi
bon faire encc¡rc des 10i5, s'i1 n'y :l point c1'Esp:l-
gn01s poue leur 01J6i1' ~ )) clell1anc1ait récrmmcnt un
cllTlUtl' aux cortes. Cost pousser les choses ü l'ex-
treme; on vcut tOlltefois arnrmer f!LlG clans nuI
autl'e p:lys l'illl~galit('\ n'est consic1t"r(~e comma un
péchc\ si Yl~niel. Sur la rÍ\'e ~al1;::hc ele la Dil1:l~;soa,
elle Llit en quclque sorte partie ele l'art ele yivre.
« L'offcn:-ó attem1 l)aticll1mcnt une occasion pour
se faim j~l:ticc, le lllarcbaml O\lHe un cOll1pte-
conrant alE con1lllai:'Llncc:; c1u douanier, et le voya-
gClll' ilrerlllun s~LUf-conlluit llu yolcur. C'cst l'onlro
clans le d0:;Ol\.lrC 1. »)


'1. l.!? j)(ili!})/¡id 1'/ (,', 111(,',1,'" ))(J/'i('/I:¡;'
p:l[' (;\l,,\:: VI ~ ti ,\ LiU:';, d:\lH la /(el'lII: (le,
dLl J:I j lIilld i~ jí.


l' ,1 !-.'el ) Ji':! i 1';,
l]e" ,c-JI ,¡)/( le,




26 L'ESPAG~E POLITIQUE
Les partis qui divisent l'Espagne ot qui ont oc-


cupé tour h tour le pouvoir no se sont pas appli-
qués h enseigner a la nation 1'osp1'it lé'gal. CeUe
tüche 1'eyonait de droit au parti conseryatcur; mais
co qu'il y a de plus rare aujourel'hui, non-seule-
ment au-dela des Pyrénécs, mais dans toute l'Eu-
rope, si on excepte la Gramle-Bretagne, c'est un
vrai conservateur. On donne souyont co nom h des
hommes qui re\'ent des restaurations impossibles
par des coups de main on des tours el' escamotage.
e'est abuser du mot, ces gens-lü no sont que des
révolntionnaires retournés. Le "\Tai conservateur
ost l'hornme qui, respectueux pour les traditions,
no croit qn'aux progres lents ::lceomplis par des
moyens strictement J(~gaux. Il peut avoir ses pré-
ventions, ses préj ugés; il no lai~~se p::lS de ropré-
sentor dans ce monLle une asscz belle chosc, lo
culte du droit et la parfaitc probité politifllW. Cetto
noble espeee est a pen prcs pmdue. Pcut-on s' en
étonner dans un siecle OÜ des prinecs tres-ll~gi­
times ont fondé leur fortune sur des moyens tr8s-
illégitimes) dans un siccle Oll lo ValÍcan luÍ-meme
remplace les trac1itions par des coups L1'l;~tat, ot les
étrangle révolutionnairement dans de:-; concilos qui
no sont que des traquenards? Ne soyons pas trop
Sl~V(~res pour les consorvateurs cspc,gno1s; nl()\l(~rps




27
ou libCTa!IX; ils <lyaicnt du moins le courage de
leufs action~, la i',':mchise de se donner pour ce
qLl'il~; (·taicnt. L'Espagnol est le moins hypocrite
des 11ommes, il dale ayec candeur ses passions et
ses c<llculs, et le mag2sin yaut souyent mieux que
la deyanturc. "Modérés et unionistes se 50nt tous
mis a leur heure au-desslls des lois, et ils ne s'en
cachaient pus. Le général Narvaez disllit tout haut
qu'illui fallait six l1l0is de clictature, apres quoi il
rdablirait en Espagne le rCf,ne de la constitution
et ele la ljberll~. Le gl~n(~ral O'Donnell de son coté
oUI'lJi~~::-:ait s;n'ammcnt quclque conspiration miIi-
taire, s'engtlgeant a restaurer, des qu'il aurait
róussi, les lois, la discipline, le culto de L:t royauté.
Ces deux hommes semlJlaient dire : « Laissez-nous
comrnettre aujounl'hui oncore une pelite illég::tlité,
demnin nOlE~ so1'ons irréprochables, et nous expie-
1'ons nos péch6s en fus illant sans rémission qui-
conque serait tenté de suivre les exemples que
nous avons c1onnés. »)


Les progressistes, qui sont deyenus plus tard les
radicaux, n' étaient pas tenus ü plus de scrupule
que les consrrvateurs; on ne pouyait exiger cl'eux
qu'ils fm-isent ]llns correct:-; dans le choix de leurs
moyens. Leur fonctioll propre était de vouloir le
progr<'~s, ct l' Espngne en a Lit de consiclérahles




23 L'ESPAG~E POL1TIQliE
qui 1eur 80nt dus; mais un ministre libé'ral disait
cl'ellx avee raison en '18;J(j (( IJLlC le cid kllr ~lxait
refus6 le don de la. s;-:q;esse ct lle la mOllérat.ion. »)
Qu;:md lis ont eu 18, llnjorité\ dan::; les eortl\S, i1::;
ont llouss6 ~ l' extr8l11e ce gOClt de;:.; nouvcautés 11:1-
sarc1cuses, cctto impati2nce e1c tout ehan~er, (fui
est le eléLmt des parti~:; aV~l.llCl';-,;. A luc; tOUL co (pli
cst! ((unjo lodo lo ccCi,stCidc ," fLlt trap ~~Ull\'ent 1em'
mot d' ordl'c. Pour que la 101 50it rcspcct~e, la l1re-
micro conc1ition est (iU'olle 50it bon11c, la sccol1l1o
qu'elle soit ancienne, En ESp:J;j11C, 0:1 n'a j~,ul1ais
Ltissé allX lois ni aux constitullons le tcrnps ele
"ieillir; 011 en pourrait citer (lui éLlient lilurtcs
avant meme el' avoir été promulgll(~es. :~u lien ele
les mn61iorer, on jugeait l,-,lus simple de les l1l:'-
truire; D.U lieu de réparer la mai;-,;on, 011 la repre-
nait par le piecl et on refaisait 10:-:; gros lllurs.


Faute de eeUe templanz,c¿ ou dc; ecUe \'crtu el0
la modératio11 qui est si nécessaire llans toutcs les
affaires d]~tLÜ, lcs prü~.2)'cs:::i:-Jtc:; 118 se sont pas
assez défiés de eeUo inclination (lui porte les peu-
lllcs latins Ü cllercher l'aLl;:;olLl lbn:-:; la politi(lUC, a
dócréter des (lec:.tlogues Llu haut Ll'Ull :1l01lt :::;ill'Ú.
La pohtique cst une sciencc cX16rilllcntalc, et en
vl'l';Lé, con¡llle la l1ll'l1ccinc, lIIUi!!:-) CljCOt'l~ Ulle
scicllce qu\m arto (lue clirait-on ~lUll llll:lll..'cill (lui




L'ESP~\GNE POLITIQUE 29
onlonncrait le llll'illC rC'f-:ilílC Ü tous scs ma¡alles
sans tenil' comple <le leui' tCHJpérament'? et que
faut-il pc:nsel' lles }lOmmcs cl'État qui illlposent des
institutions ü un pcuple san s consulter ses mceurs,
se" tra<litiol1s, ni son histoire? Le malheur des
progressistcs cst d'ayoir 6tó trop loúgtemps dans
l'opposition, de s'dre accouLumés a consid6rer le
pouyoir COll11l1e un enllemi auquel il faut rCl1l1re
l'exi:3tence amere ou itllll0:3siLJle. Aussitüt qtúls ont
p1'0valu lbns les cort0s, iIs se sont occupés de r6-
duil'c Ulle autOlil6 que ele longs déboires leur
avaient ~'i)l!rjs it ll~lú', ct ib on t proclamé touies
leslilJcl't0:3 sans tem[H~rLllllellL et :3LlI1S pr0caution.
Ont-ib cu en ma:l1 lu pouvoir, il." ont senti JJientót
que le:3 loi::; qu'ils a\ ,ül'lll Lüt l'll:3Ser ¿'taient inap-
plíCLlblC':,. C'l'lail'IlL I;e flu'on ClI'pel!e en E:3V,J~~nc
des cOll:.;li eu LíUllS (10 jou)':::; de ido, fort honnes
quanll touL le lllOJ1,lc cst lLlcconl pour paVOiS21' :=::a
nl:1ison, j¡l!llr;llicaLdc:-i lll'S (lU".;ll De s'e,¡tt'lJcl 111\1::;
et qU'ull g'¡U\Tl'llf;tiic¡1lIl1C11;,Cl:: ~t lJCsoijl de! ~l' d0-
fem1t"c. L(~;-; aUlC\li':-:i lk Ce;;::; j¡L~ULutions se voY,lient
dallS ri:lll)U;);~ilJi¡il¡~ de pOUH'l'lIU' lC'galcmellL; ils
suppkaicnt :\ la lui par dos artífice::, ou se til'aicnt
d'all'aire llar dcs COUjl:-i de ful'cc, et, ~\pres ~l\'oll' dé
parfailclllcllL iilJl'l'illlX, ib de\'('lJaient parl'aiLcment
arbitluire:3. Sous rallcien r0gime, l'l~::Jpagnc était




:30 L'ESPAG.\E POLlT1QC E
un pays oü le pouvoir (lYellt le llroit de tou t [aire


. et le peuple 18 droit de 11e rien dire. Aujourd'hui
le peuple a conquis le droit de tout di1'8; quand le
pouvoir renoncera-t-il a la lilJertú de tout raire?


Une autre rnaladie organique qui tra\'aille l'Es-
pagne est ce singulier penchanL a l'auarchie ou au
morcellement politique, dont elle a donné bnt de
témoignages manii'c:3tes, ,FHnais plus, il est vrai,
que dan::; ces jours de fédéralisme OLt non· s8ule-
ment cbaque commune, mais chaquc EspJ.gnol, si
l'on n'y mettait ordre, finirait par se transformer
en un canton fédéral. Avant (}'6tl'e une nation,
l'Espagne fut une coHection de pctits États indé-
pendants toujours aux prises les uns avec les
autres; huit siecles de guerre ci\'ile, voilil son llis-
toire au moyen ;lge. Ferdinand et Isa]Jelle ~ont
venus, et aprcs eux la maÍ::ion d'Alllriche, (lui a
substitué le despotisme au chao::;; mais, dans la
pensée de Gharles-Quint et de ses succe:-:seurs, le
plus súr garant de l'llnité natiotlale était l'unitó
religieuse, et ils n'ont point c11e1'ché, co:nme ccb
s'est fait aillcurs, ü établil' soli"lement dans les
provinces l'unité administrati\'e el ci\'ilc. Illeur a
paru que, pourvu que tOlltes lc;-:; conscicllces espa-
gnoles fussent taillées sur le I11l'JllC ratron, Oil
pouvait tolérel' sans inconvénic::nt des ditIérenccs




3l


de coutumes, d'usa~cs et de pratiques, et que des
éY0qucs et des inqlli:sitell1':::; nOlllmés par le roi sont
le:', lllcilleurs gardiens de l'ordl'e publico A coté
d'un lnquisiteur, c'e::;t un mince personnagequ'un
prl~fct. Aragonai::;, Galiciens, Andalous, étaient tous
COnd~\lllnÓ; a l'orthodoxie perpétuelle; on les con-
trai¡j'nait de porter leur:::; consciences au saint-office
pour y rece\-oir le [loÍlH,:.on; mall1eu1' Ü celles qui
n'étaient pas au titre lé-gell! Si l'État elisposait de
Jeur úme, en reloul' illlH\nageait ccrtaines habitudes
traditionncllc::; qui leur daicnt cheres; il en résulta
que sous le gouve1'nelllcnt le plus cornpres:sif les
proúnccs ont garelé un caractere propre, et qu'au-
jonrLl'lmi les Gi.llieicns, les Amlalous et les Catalans
:::;ont presque des drangel's les 'uns pour les autres.
Le saint-of1ice) qui les retenait tous dans le devoir,
a dbparu. Le grand arbre tombé, les arbustes qui
vég{;taient ü son rJied et qu'il oiTusquait de son
omllre délivré::; de eette rr0nante tutelle ont rrrandi J b 'b
plus lib1'ement. L~ réfo1'me ele 18:3:3, les loi::; orga-
niques de '18·i5, en ccntralisant l'E3fJagne, ont for-
tlfié le pOUYOÜ' des préfcb et des bureaux; mais
cetle autol'ité ele récentc origine n'e:;t 1101'S d'insulte
qU'élussi lUl1gtclllpS que le gouvernement est fo1't.


En Frallcc, 1'~t(l!l!ini~:otrCltion est l'élément perrna-
llent de la société et lui permet de conserver son




32
idontit6 au t1'o.Ye1'8 ele tOl1tes les 1'6\'01 ution:,'; 10
gouvcrncment passc, la socid6 demeure. En Es-
pagnc, quand le gom'ernelllont tornlJe) la nation
meme par~;lt en ebnger de p6rir, cae il entl'uine
Llllministration clan:; sa chule, elle disparalt en un
clin d'reil. Qu'cst-ce flu'unc r6yolution pour ~Ia­
laga? Gn jour de téte Olt elle a le lJonheur d'ex[Jul-
ser ses douaniers. Qu'e:- t-co qu'une fl'volution
pour S6Yillc? Un jour d'incssc, Olt Pon supp1'irno
l'octroi et le pal1ier timl,r6. VoiEt ce qui se pa:~so
dan s toute la Pl:ninsulo. DL:s qU\1110 éll1cute Yic-
toricuse a relwC:fsé le POU\'Ult' central, clw.que Yille
nornmo Sil junte r6vollltionnairo, qui elle,m61110
nODlme les ~tuLol'il6:3 locales, renouvellc tout lo
personuel dos cmt.Jloyés, alJulit des implAs Ol!
frappe ue nouyelles cOlltribuLiollS, Cl1rl'gill 1enk de.:i
voLntaires, prollllll~uc des décrL~ls, Ol'dUllne dc's
arre::itatlOlls, comme si clle dait seulc ell Espl\~nc,
seule Ltans le mOllllG ontier. ::)0 u n.: 11 t j1ll~tlle olle
coupo le::i [lb llu t6iégral'lw uu ddruit le:~ rDil::; du
cllenlill dG 1'01' 1)Ou1' :-:;'LC:l::iUrOr que personnc ne
víendl'J. la dé'rango!', el peue l:\iLcr toute comlllU-
nication c1ésJ.;.2TéaJJIG aYCC le llcllUr::i. e e::>t UllC
grO;:;::i8 ,\ffaire pour le llOUHJlt' celltt'al; qU;UJd il c:-:;t
panenu a se recol1::itiLuer, lL1Y\.Jil' l'a.i;:;oll dJ toutes
ces aulonomies municipales.




;)3
eette t'ut'ce tlc l'e3lll'it local e3t une di3position


innée i¡ r ¡':spagne; mais 103 circonstances l' ont
fayorisóe. en Lspagnol qui connait bien son pays
nou::: dj.::~~lt un jour lIue la guerre d'indépenclance
.1yait excrcé ~t cel L~gard Ulle inlluence funeste, tant
il est \Tltl que lcs ycrtus et l'hóroisrne méme peu-
vcnt nuire e11 l10litiquc. Si jamais peup1e a raít une
action osée el donné un L:clatant cxemple ue viri1e
résolution, ce fut le pcuple esp<Jgnol en 1808. Le
dt'íl jeté par une nation sans a1'1n6e, sans généraux,
sans Dnances, :m ~TJ.ml capitaine qui tenait l'Eu-
rope sous SOll picJ, reslera l"un des plus étonnants
spectacles de l'histoíre. CeUe folie eut raison contre
¡a 1'ai30n, et de mltlheur en l1lalhcur elle lassa la
défaite; mals elle eut des cOll::iéquences sociales
qu'on n'avait p;:ts prénlcs. Pendant plus de quatre
uns) l'Espagne insurgL'c Vl~cut sans gouvernement.
La junte centrale et les cortes de Cadix n'avaient
qu\m l'ouyoir lJien cireon::icrit; dans tout le reste
du pays, ch:'Hlue lJourg) charlue yillage quí avait
déclaré <le son chef et En son propre norn la guerre
a ;';-apoléon le!', 11e pou\"ait premlrc conseil que de
lui-meme pour organiscr la ré::ii::itance, pour se
procurer des rC:-'SfJurces, rccruter <les bandes, a1'-
reter son plan ue campagne. Le gouvernement
était pJ.rtfJul et n'dait nulle part, et cbns eeUe


3


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3 ' '± L'ESPAGi\L PULITHJ. L E


anarchie organisée chacun, ne rclevant que:: de! se,:,
ne r~pCJndait de sOl a por.sonne. 11 ost dangercux
pour un pcuple de se passer de r ÉtJ.t pelll1ant cinq
ans; ii peut étre tent0 ue s' en lla:::scl' Loujoul'.3
COllU1l2 d'une chose inutile, et b guerre c1"üLll>
pendance a e;1us6 Ü 1;1 soci~t0 e:jl1agnolc un ébl';m-
lement profond dont elle pal'alt l'e~;::ócntir encore.' le
contre-eoup, 10rsque apres ehacul1c ue ses réyolu-
han:::; elle sCl1lble prete ü se disloquuL Xa-t-on PLl:-'
yu alJres cinC! 1110is de gucl'I'e naLionak la 1"1'anc8 7
plus forlement organisl;e, ayoir jJ'~)i]:I:: ¿t reprenJrc
son équilibrc) el se sentir lllCU~ll~é;.~ d'unl? d0cOb-
posiüon politique dünt pCrSU11liC lle; ~,,~:ulJc:onnait le
dangor ': La Communc a 6t(; la tri;-:;lu l\U1(:ün c:c;::j
gélléreux en~orts qu'elle avait rail:-; piJLU' ;~e rcpr~'n­
dre ü un ennemi vietoril'ux, qn¡ b LCllait SI~fl¿Il'(',
de son gouycrnement llar une lllur~l¡; k: de fer.


Lb Espagnols, a rlit un Esp~';ul\./) out toujOl1J-
dé Lruuillé3 Dsee lo 1:;0;-;;:,i1)]e. C' c:- i ;! b i'ois lei.!L
fTa]jci2L1l~ ct lour infériorlt0. L:'1J:~ 11¡:<U~~'e est pleiLl
de ti ~(i~s L1igncs d'unc [¡me Lér1l0n,ii'C',


Et gnmdc encore plus (lIlC juHc.


1\L CiirlOyaS del Castillo, d~llb Sul1 ;,dl'lir~¡})lc ('~ucl~
sur hi. lH;1ison el' Autriche 1, a l11onll'l~ que lo, 1;:1-


-:. j)( /(~ C'nsu de 11us!j 1ia Cd I'<'-.'¡IU/lt / , ()I,:-;'¡iJI)jU /ii,:'h~:':
de lJ. ~1. C(ÍJ/ovus del Caslillt., ~lallrid, '1~\j!l, - L'un l;':>




L'ESPAG~E POLITIQGE


liti(Jue eles Cllarles-Quint et des Phi1ippe II n'a été
(pe b plus gigantesquo dc~) Qyontures. 1.:'11 pays
de D millions 11'habiLmts, situ~ ü l'un des ]Jouts de
l'E Ul' I V), llloins richo que ses yoisins, ot qai 110
1'0· llY~iit l; lwtcr ::tu -delj, dé:) ~ec.: Ü't)n t ie'>"oc; ')1' ¡-.; l-~ ,e v ~..J .J _ lL~_ 1 l_._ ll...1
'20,(I(;() :~olLbt::; Ü la [ois, a reyé b monal;chic uni-
YCl'.~('llc. En memo ternps qu'il dominait ~.;ur le
Yi2U;;: llun;Jc, II en inverltait un antro et C0l1(]i10rait
de l'a~lLre cut~ de 1'OC60.11 des prcrrinces !le:" : ,,11 e,::,


. 1 1 1 • n,"
:llESl Ya:o.te.3 (ll18 es P us gl'anltS emprre:-:. '--' d~llt
1'orcer la J1o.ture, et une telle ga~~cure n'a pu 0trc
~O~D!~C (fUollIno tClnps elue l)~n' 1'1l~dJilct¡~ co:',::om-( __ L L .Jo-
lLt:'l' elC'; tJrinces, par rincompar~lblc val()p~' L1e:-:
~0¡(bts, p:lr l'üpiniútreté d'l1llc anllJitio11 po~:.:;éc10c
(,le :3~!, chilnerc el (lue ric:J no rolmtait. Et,llt1 il!
f'llll "1',:1",' '''1 C:OI,t ni :) l' [01'('(\ (l l,.:; C]10c.:O;:; ("l'l; 'tl'L-e.\ ~ _ \.- '-. V J.. u ... '-"'- '-' L t.. \.J.. ~1u '-" ~ ~"- , k_ \.....-. , '1 j. L ~


111' PI' le 1):J-l') ;:;{)'-l'" 1'1 rfOU'·'·1"1'~ lIC¡'1l1'lllt '""" -, "1'< '-', .J) ~ __ \ ... ;1....J L Q .L: j '--~ 1"' ~_, ~ Lt\.._~l 'J ,-L .... J._


c!te[s 1'.'5 plus marrpwllls d8 ritllciell 11rlrli m()ll:'l'~. ~\r. .\ll'-
jan1lro Llorenle. ('sprit s::tbacl~ eL lit:'II('lr:lllt, jlú',¡;;;l"'; ;',
raid;:: de dnCllml;llts inédits une 11i"!ujr,~ nn;¡llLj~·I'\~· tl1l
régne tle l'I1:1ill)1l: 1L Ce [r;ll':1il je!.t"ra 111l 110\11'1';lll .iOUl'
SIJl' 1<:" cX])I':dicnt:::, a¡¡:,qnc'!s ce lllnltrr: (le t1"T~ mon']I',".
dell1dlernl'l¡l, bt'soiglíCUX, se \'Oy:llt C01;!1':lint !le rL'courir
pour l;;¡yer Si'S slJILla!s el 110\11' achelicr lons les pc:l'son-
nage::" C!Hlsid'~r2.1)lcs ¡('Enrope qui étaicllt Ú 1'1')1,]1'\.'.




36


sous le nom de Charles III, le princo le pi us svge
et le plus éclairé qu'clle ait eu, 1equo1, s'étallt ~lúsé
qu'elle avait trop de moínos et pas assez de che-
mins, pas assez do b1'as ou tl'osprits utilelllcnt oc-
cupés, s'appliqua sans reUche a la dégounlir et ü
l\mrichi1', a 1'é\"ei11e1' la langueur de ses inlbstl'ics,
ü luí donner avec la liberté commereialc Ul) tiniide
commcncement de la li1Jo1'té de pen501'. Co no fut
pas le plus populairo de ses souyeraíns ; beau-
coup cl'Espagnols c1'alors cstimaient qu'un mOllle
est plus utile a la société qu'ulle grande mute,
lJeaucoup d'aut1'cs pr6féraicllt une aventure 2l un
canal 1,


Les amateurs lle cas furtuits furent hicn ~onis
par les circonstances qui suivirent, et la ~_::L1crrc
d'imlépenclance yint combler leurs V(BU:\'; '.,1113 a
développé avec l'n,narchie ce goút des kl:an1:3)
autre mal:ldie dont souifre la SOCiL'té espagnole.
Qu'on se rcprésento tous ces étucliants qui intcr-
ronlp8.iont leurs études ü peine commel1cées, ees
moines qui jotaient le froc aux orties, ces con tre-
lnmdiers qui, las de :::e IJattre contre de::: lloua-
niers, reyaient de plu:-,; iIlustres eXl,loils, ces l'~Hres


1. Charles III, dOllt les rdurmcs fircllt plus ll"l1ne fois
murmurer ses sujets, disait : « jles Espagnols SOllt comme
1<2:3 cllfélnls qui crient quand on les nelloic, »)




L'ESP .. :\(;~E POLtTIQUE 37
qui se séparaient de lcurs moutons pou!' se fo.ire
tous chefs tIe b::mdc et ::;'en alter courir la monta-
gnc ü P\CU, h plaine ~l cheval, enlev[tl1t des dépe-
ches. intC'rceptant des convois, détruis~mt 1'en-
nomi en déLiil, fomlant comme l'aigle sur leu1'
pl'oie et regagnant avcc leu1' lJUtin le creux de leur
rodlt'l', souv8nt m:llheu1'eux, lJientóf cons01és,
jouant a\'ec délices ceUe grande partie que l'Espa-
gno] prd'cre a toutes les ~mtres, celle oü Se'. yje est
renj('LL Que la paíx parut in:-::ipj¡J0 a ce::.; 11é1'os!
qud lJlcrnc ennui les sai~it en rentrant dan s la vie
d'lJalJltullc! Ils prenaient cn pitié lenrs moutons
ou leu!' sombre étLlde d'escí'iúww. De::; 1'8rc:; te1'-
riL!le:; et charmo.nts t1'oublaient leurs oi:-::í,·etés.


On yoit uans la plus remarquable comC'llie cspa-
gnole <Fli ait étl~ faite sou::; la monarchie eons~itu­
tionnellc 1 un valet de eh::unhre, nornmé Hamon,
dont L~ ma!tre fut en son temps un i:Jtl'épitle eou-
fCLlt' uc bonnes fortunes. Son domestique avait
part Ü ;:;8S secrcts ct l'aeeompagnait dans ses ha-
s;:mL; lubile Ü glisscr un lJillet ou a corrompre une
CC11IH':-r]ste; lllais tout flllit, Lovelaec s'c",t marié, et
sa i'¿;mllle est un nJr::ll1~on ele m{lnaQerc. ( 11 me


< G ~


sern}Jlc, s'écrie Hamon, que lL1e voilü c1evenu aussi
l1JLiri 'llli.: mon maUre. eette maison est un couvent;




~Jn He me bisse allcr ü la prolllcnadc qU'tlll dinlcln\~he
:~Ul' ll'(,i:ó el reihbnllJnC COUtJÍt..: d'llCure:-i ; si .le ~LtrJe
Ü n~ntr(:r) la sl~üdra I,tel1l1 de l'llullleut'.., J8 LLli~!ie,
jc vai::,. '-tU marché) lt jc c1ui:; in:"crit\: :-O'le' cUt lJt~tit
li\Te tout.es mes e~11plcttC's avec le::l l)ri~~; lJ;,!11'lue·
t-il deux cuarto::, il [(LIt que jc me creusc~ la t~er­
velle jusqu'ü ce qu'i[ en sorie un c()mp~c ju.~te. »
Et il L\jíJute avec l'accent UU U("s<'SPUil': (( rive
Dieu! je ne sui:, pDS [lit ponr cela; ]'Gnlre me Luc!
el Ci'(!C'é me muta! 1>


e ,' 1 'l' 1 1" , Olll;JlCll l e ces [//U!i'l leí'OS et (,e ce.; ('.I",'~'i:'as
de la C::,lC'lTC ll'illl1Cpendi..l l1cc olllllll! s'(',l'(~'¡' )';ee


v ~


fl.anWll : L'onlr~ me tLIC;! En -j8:33) ib lJ,:'nir(-'llL (['Jll
Cado::,; qui leul' ramenLlÍt des jour::l lleurc:~x, eL
prOlll.ettait Ü leul' cscopctte un regJ.in ue lJrou(~s3es.
Ces jll:'isonniers lb ronlre CUl'cnt llate l1e se Lldtl'c
au L.t~'g:3; ils s'y lll'irent si biel1 rrú1s Olit bit ltUl'el'
sept nus leur lüaisir. Elles ont lcUt's ¡~L¡~\-,.:i, les
Fuerres üe partísans. L'incol1YL'nicnt C:-'.~ (lllC, ~)lus
enCLJfC cIue l.es 8.Lltre:.;? elle;:; susllcnc1cIlt ],:~ l<'Dne
de;:; l,~\l.:) et de la lHo:'ale ; la cause qu,.; fUli .";.'l'~ ,-tU-
tOflSC ~c):..tt, :::andiüe tout : plus cl'Ul1 lnncEt S'~) p(:3nd
pour un 1101'os, Dc icllos eonfLl::.;Í()!b lle :--oliL lUS
rares l1an,3 un pays OÜ ¡'un 1l1épriso les c110 . .;cs com-
mUlles, et oü l'e¿nc une sorte cll~ compbi.",a,t'''';c 1'0-
mantique pour 1es beaux. crimcs, lesqucb ~:.U con-




:39


traire sont pon g:rút6s ele ceux qui en ll;itü:sent,
car j;:tmais llOlYllJ1¡3 \'o1ó n'adrniro' son yoleu1', - peu
goútés aussi c1u moralista, qUl leur reproche de
brouillcr tCJutes lr:sjclécs. C( Jo 5ui5 un yoleul', c'est
\T;:ti~ disait ta1 jour un }Jo'mlit espagnol, mal:; un
voleur honnNr, lm honrado ladron. ) On croit
entendre crt e'croc des NOllvelles de Cervantes quí
s'l-criait: « Yo]rur. je le ~mis pcur obliger Dieu 8t les
gens de biel!. -- C'est une chose nouvelle pour
moi, répliqua Cl)rtac10, (IU'il y ait c1ans le r!:onde
des volGUJ's 'f"i :-:cn'cnt Dieu et les bonnes gens; »
Ü quoi le jcJi :1:;I)'(:on rep;:trtit: «( Scignellf, je ne
lEe pi(Ille pas de th6010gie ; ce que je sais, c'esl que
choc~m dam; son métier peut servir le roi et 10uer
Dieu. ))


Toutes les aventures ne se passent pas cbns les
bois, et les aventuricrs n'ont pas tous l'escopette
;IU poing. La IwJitique a les siens, qui ne 50nt pas
1"noins clangereux que les autres. La monarchie p:lr-
lementaire cst par cssence un gouvernement bou1'-
~eois, elle ne prospere fIue par les qualités et les
1l8auts mC~rncs de l'esprit bourgeois~ je \'CllX elire
certain sens 11ratique qui compte avec les dif-
tlcultés, le respect un peu timide des supério-
l'itl.:·S et la di:::'l'osition a leur laisscr les premieres
l;laces) une cit'conspection qui répugne a tt',~\P 11a-




40


sarder, qui rec10ulc les rnoyens extr0ll1es, les SOhl-
tions "iolentes. Le gouYerncnlcnt constitlltionncl
est incompatible ayec l'esprit d'aYenture, ses plus
redoutablcs ennemis sont les c;lsse-colls, et illui
est difficile de réussir ehez un peuplc OLL un trop
grand nombre c1'hornmes aspirent ::wx premieres
charges de l'État, et sont pn'ts ü tout risrluer llour
satisfaire leurs prdentions.


Qu'on suppose un pays ü'ég::t1ik absolue, OÜ tout
le monde peut prétenc1n; ü tout, et Clans lequel tout
le monde peut se croire cOl'a)Jlc de t0 1Jt) parce que
la moyenne des intelligence.-; y e:3t lJ~ll'eille Ü ces
terres heureuses de la Yicille-Castille que r ogri-
culteur se contente (le grattcr cnec une charruc
légcre, sans prcndrc ;;:eulc;llC'nt la peine de les fu-
mero Sllpposons encore un pays Oll beaucoup de
paresseux ont l' orgueil de leu r paresse et p1'ofes-
sent pour beaucoup de méticl's une espece de mé-
p1'is traditionnel ; donnez ü ce:3 p;\l'e~seux une [orte
close de ceUe ha1'c1iesse c1'imagination, prorre aux
peuples du mic1i) qui, fécomle en miragcs) ne de-
mande qu'un grain ele s¡Jblc Vour so lJútir un pa-
lais; ajoutez-y un cert::ün ht¡disrno 11l'cs~Iue orien-
tal qui croit que tonto cl1o:-,e arriye paree qu'elle
(leyait a1'r1yer, que charluc hornme na1t avec ses
cho'nces écrites c1ans la pallrne de so, mO,in, et que




(( !lC'!1X instan!s de ]Jonheur ya10nt mieux qu'un
siecl" ele m¡"rite 1. » Dans cetto société, l'indus-
trie et le commerce, étant fortarriérés, fournissent
un emploi trop re'Otroint ~n1X forces actiyes de la
nation, un (:'coulement inSllffisant au génie d'entre-
pris(~ ; :m contrairo les fonctlons publi[IllCS, acces-
sibles ü tou:" sont aecomp3gnécs d'une prime as-
sez consicl¡'~rab!e ponr stirnlllcr l'ambition, de telle
~orte que tout homme (lui (le\'ient ministre est
presqne assuró (le jouir sa ,'ie clurant d'une pen-
sion <-le :10,O()O n~allx, que tout employ(" (lui aura
tr::n:er;:.:ó los bureaux tonche en les quittant une
fiche do conso]ation, ot quo chns un lmc1get en dé-
ficit ;JO millions de francs sont aITectés au p::ücment
d'j¡:clC'l'lnitl's ou l10 rctr:lites connuos sous le nom
(le mode-]!ios, do cesantill8 ou l1e,jubilaciones. Ad-
meltons enfin [lile toute révolution ou memo tout
ch;m~::Ecll1ent ministériol ait pour premier efIet de
rcnOlJYeler l'administration c1u ll:lut en b:ls, depuis
le sOlls-sccr{'tairo cl'{:tat jl1squ'aux hl1issiors et aux
portier;-;. Si tc110 ost b situation de l'Espagne, nous
('tonnerons-nous fIuO tant de gens y soient occupés
Ü sl'éculcr sur les cl'ises commc aillcurs on spéculc


1. Si::;]os d,' mor('cimicnto
Truccu ;1 punlos do Yentura.


(AlarcoD) L(ls POi'(I(1es (Ji/"?I, 1, 1.




L'ESPAGNE POLITli.!LE


sur la hausse et sur la baisso, CIlIO les c01;r~iers on


réyolutions y abonclent, (l(ue la conslliratic'Il y de-
J "


';ienne une carriero, le:; aventures u])e ;n lnstrie,
l~t que les intéreLs et le repos des ;~en~, de p~üx y
":Jient trop S01wont compromis p~u' les cÁrLstes en
~JolititIue picaresque?


Le chcf-d'mu\Te de la liltératul'e e~;r)a~nole est
l'histoire des mésaventures el' un a\"l:ntnricr et en
~énéral des l1isgracc:; qu'essuio l1an3 ce monde
['esprit romanesque. L'auteur dait J)iél1 de son
pays; il appartenait, lt1i aussi, ü la f,lCO des roma-
neslIues. Ayant l'Gvé la fortuno ot la ~2Joire; }l était
(lié les chet'cller a Lépante. Que lUl en revint-il?
Tl'ois coups d'arquebuse~ un hras ~t jamais mutilé,
:jnq annéesc1e dure servitudc en BarJnrie et, comme
¡ es malheurs appel1ent les ma1heu1's, d'il1.iustes per-
,,;';cutions, de nouveaux emprisonnenJ en t..:, 1:1 misere
eUa faim. Il composa son roman clans une Lle se:::


capti\'ités, et en grande ttme espagnolc IjII'ildait, uu
;ien de maudire la malignité ele sa fo1'tl1ne, an lieu
le s'apitoyer sur lui-meme et d'attenclrir le monde
l)~:r sos mé1o.nco]ies, il se consola, de ses c1él'options
~'n les raillallt ; son !ivre, écrit par un ,H,trompt>,
e::it une source d'inépuisa}Jle baitC' pOllr tous les
lieuples et poue tous les siccles. Il \" a encore eles
,l'Jll Quichottcs en Espagnc; on y \'(\[( :tujour-




" )
-JJ


,Jiwi lllL'nlC des hommcs (Iui se battent pOl1l' O'tl
éonLre e1es moulins ü \"ent, qui arraehent il len!'s
:~L:t:es eles líons fugissanls, et pensent bien Lúre en
lnettaill au large des gDJ~riens 1. Toutefois, si ces
'Jon tluicltutLes sont aus;3i extravagants ql18 leur
¿loricux ancetre, i1:-:, sont la plupart mo~ns clésin-
tél'cssés. Ll~Llt' Dulcinéc~ du Toboso a une dot, elle
leut' a pl'omis la prósic1ence c1u conseil ou des ap-
llointements de maréch:.ll.


La racc des Sanchos n'a 1"1as non plus disp:ll'U
_LTsp:.i811;. Bcauconp ele 8e11;:; y 1'6\'ent encore ¡J'une
2~,_', et p¡¡rlent d'un pielllL'ger a sarecherchc; cette
ik est un destino ou un bon pctit emploi de (1\1el-
'1 Lle:3 l:.illel¡esctas. lb re\oivcnt chemin [alsant
nombre de ces coups ([ui font mal; ils en 1'ont le
coml'te, et, qual1l11cs lléros (p'ils servent sont ,-le-
n:nu::> lOitLpuissants, ils r6clalncnt lenr sabire, a1-
L¿uant « les services (IU'il:3 ont rendus») et ce les
~c\criücLs qu' ils ont souITerts pour la bonne C~l.u~e. Ji
Ces deux- phrllSe.::i se r6petent ])caucoup Ü ~\h,lric1
.Ln-:. le.3 jours fluí suívent une l'évolution. L'.3 SC1-
~1'i1iC2s d les scrvices rendus ne sont pas toujour.3
Ull ga8e suffis::mt de capacité, et 1 Iuanc11cs emplois


1 QU:1l1111e lJruit courut anx cortes quc les insur~és de
Cz!rth:!¡::-l;! i' antiellt olln'l'L les purtes lln lwgnc, un cléputé
:,;-incli~lii\nt, un nuln; tui l',"pondit : « Ils ont en r~üson, ils
~CJ:lt alks cllCrcher lks hOllllllCS ou il y cn <l. ))




L'E6PAG.\'E POLIT1(JCE
f-:2rvcnt U récompenser les llévoúment:-; 1)c¡]iti1liles,
l'administration en pútit ([uclCIuofois. N:Jgul~re
l\I. Casalduero ne disait-il p:lS au con8n\s !fU' en
rl'gle générale les hal1ts employé::; étaicnt le;:; incJ.-
pacités du pays '? « J'ai connu, disait-il cn<:o1'o, ele:-;
fonctlonnaires /fui touchaicnt un traitemcnt de
[)O,OOO ou 60,000 réaux, et (lui nc :-;a\'aient ras
écrire une leUre; on ne les avait Ch01:3is flLle par
1':\i50n politiqueo » Ceci n'est point particulicl' au
ré'gime républicain, (Jlli jU5(1u'aujoun1'1lui n'a
changé en Espagne clue les hOl1lmes el non les
C11058:3. Sous un gou \"ernerncnt monal'cJ¡j/llle, iJll
vit nornmer administratel1r eles llomaines de i'Es-
curial un tOl'el'O OU, ponr mieLE llire, un dl~ ces cu-
c?~qtei'os (lui achevent d'un cour de poignanlle tau-
rc;:m abaUu et mOLtrant. Il ne sayait ni tire ni él'ril'e,
et signait ayec une croix.


A la Yérité, (luelques-uns de ces Sancllo;:; llarve-
nus témoignent une moclestie, une cléllalll'e ll'eux-
CI}meS, dont :il faut leur tenir COll1ptc. Comme Ijn
(;~TrLlit une place importante clan:-; l'aL1l11illi~:ilr~tion
financiere des Philipplnrs it un bravc 110])ll118 de
ch~,rl'entier qui avait se ni je ne sais COllllllellt j¿t
républi(IUe, illui yint des sCl'upulcs; il en poussc
sur les bonncs terres. Cet ingénu r(~pn:'sentu aUl1li-
ni;-:;trtJ qu'íl savait micllx que personnc délJitcl' un




L'LSPAG:\E POLlTHJUE
-: J


bí!lot ou c10ucr des voliges, mais qu'il était peLl
\-ers,'~ d~(ns les finances. Un lui répondit qu'il au-
rait des i:iccl'l:'taires nourris dans le métier, qui le
]llettraicllL au fait. ¡\prcs avoir quelque temps b[t-
taillé contl'e ::ion bonheur: (\ Vous le voulez, soit:
¡'acccple, ~~'(~cria-t-il; IlJ~tis ii faut tout pr,évoir, j'ern-
porterai Et-bas mes outib. »


Ce trait lllérite d' etre noté, D' ordinaire les San-
e hos ne ;.,;'instruisent que par leurs dC'ceptions; ib
IE~ sont sagt'S [lu'en re\-l'llant de leur He, et tUt 0:.1
tard on rcricrt de toutes les iles, La chose rare,
(;'est el'dre sage avant que d'y Ctre allé.


In


Dan::; les pays libres OU 1'on croit encore aux roí.-3
et (lui unissent le respect a l'esprit de discussion)
b monarchie constitutionnelle fournít a l'ordre pu-
tdic une précieuse garantie en pl::u;ant au somme;,
de la lli("l'arcllie sociale cluelque chose d'incontesté,
'''1 i COll \Te tout le reste et assure la durc'e des ins-
lltuLions. Que si au cOlltraire la foí dynastique est
morte ou affaiblie, la république offre cet avantage
considéralJle, que le pouvoir a moins d'adversaires,
qu'il n'encourt pas la lllalveillance de beaucoul1




4C L'ESPAGXE POLITIQljL
d'llOnnétes gens a qui la royautó est odieuse, cp-tel
que soit le prínce, et qu'il peut appliquer ü b dé-
fense eles intéréts sociaux toutes les forces qui
s'empIüient ai1leurs ü soutenir, tant bien que mal,
t:r: tl'l\ne compromis ou dé'te:3t¡~'.


A la mort de Ferclinand VII, les honn(~tes gen:;
cl~Ü :1' :'; ment pas les rois on qLü s' en cléfient étaient
fort l'Cl1'es en EspClgne. Le :::entiment mOllal'chiquC'
i~tait r¡~pandu clans toutes les classes; elle:.; respec-
taient presque a l' égal I'une llc r autre la majesté
diyine et la illDjesté humaine, qu'elles 0t~üent ac-
coutumées a ne point sépClrer dan s leurs ]lOrnrna-
;.:e:3. Les Espagnols étaient au nombre ele ces peu-
p1es qui considercnt un trone COlllmc Lt cIé de
,,'oute do l'édifice politique, qui cstimel1t (lU'Une
:-,ocidé s;:ms roi est une maison sans ph\folll1. ¡\yant
1'[~s:30 avec une dynastie un centrat ele 1118riop'e que
1es siecles avaient consacré, ils confond,.iel1t inti-
E~ement leur destiné e avec la siennc. r\l 18s (y,-
kYCt'cctés, ni les pcrfidies, ni les Cfl1Tl1tC'S Dl1f-
quois2s du protég6 de Louis XYIII n'ayaient pn
(1 c',"nnl'"uel' 1" ~r:lli,;ll'te', L~l('> c:ec: <::,,°1,'0+-:: l.L<.....'_ L1 LlCJ LI." 1J 1..\....-1 \,¡ v ~-' "-' "--U,, v\.."J.
L~l, premicre condition pOUl' l'dllblisscmcnt d'unc


monarchie constitutionnellc ~cJ irouvait a!n:::;i 1'e111-
f)}ic; rllais ce n'cst pas asscz (Iue l'opinion publi(IU8
;.;;oit respectueuse, il importe (iu'ellc soiL yigilantc




L'E~P..:\.G~E POLITIQUE
et ac:í'\-c, (lllU j~t llujorité üe 13, 11atío11 ait l'ceil OL-l-
vert sur ks é\'~l1ements, qu'elle s'intéresse aux
afLtircs ele n~tilt, qu'elle S'C11 forme un jugement
plus on 11101n::; raisonné, qu' clle soit cE;-;posée ü
use:' de tow:; les moyens légaux pour exprimer SOE
aris Ct le üürc prJvaloir. L'opinion doit et1'o n011-
;:;eule;llcnt le: soutien, maís b regle du pouvoir; si
elk so tait, il n'a plus de boussole, et le gouyerne-
ment l~(\ la discu.ssíon est remp13,cé par le gouver-
nement de la Lmtaislc.


Le malhoul' (' . .:L \Iu'cn Espagne l'opinion publiqL;(
manqllO de cel:. e fermeté de trempe, de cctte C011-
:":ltanco Clans l'altcntion) (lui protégent le pouvoir et
contre 113,-; melll~c~ Llcs c011spirateurs et contrc se~
vropre3 enLrain8ments. Elle est sujette a ele fatale::.'
incLill'ér8w3cs, clé~J.ut cornmun a ces 11atio11s fortu-
lléc.~; clU llÜell OÜ le soleil tient líeu de tout, el qni
ll'úrü iJccS lJcsoin d'etre tres-bien gouvernées pom
dl'G hcurcu~)es. Au surplus, les vicissitudes de¿
LrénClncnb et l183 caracteres lui ont appris u c1ou-
ter de heaucoup de choses, son inc1ifférence s'eSL
comp1i(luéQ de scepticisme. Elle ne croit plus aux
prOsr~\r;llnc;;) elle sait par cXflérlence que tout :.~c
l'é(hü~ i2 iJtU;': souycnt a des questions de personnc.:'
OH d'inLrd'J (lue c1emanc1er une réforme est UllL
ma11il1'(; curnme une autro de réclamer une place.




48 L'ESP .. :\G);E POLITIQUE
et un traiternent. Elle n'est 1llus dupc des lllLtSqL18s,
elle se défie surtout de ces Caton" (fui prOl1uflcent
d'éloquents réquisitoires contre la corruptiull l12S
ffiCBurs ou la pervcrsion des idées, et pl'omct~.:.:nt,
si on les laisse Lüre) (Jinaugurer l'cmpirc de la
vertu et de l'onlre moral; elle so.it décl1iJ1'rer Lws-
térité de ces visages, e118 lit sur ces fronts lJL.\me::'.
la púleur du joucur assis devant un Ltfüs ycrt ct
qui attend, respirant a peine, le SOft d8 Lltout
qu'il YÍent de laisser tomber. K'c¡-t-elle pas C011-
staté cent fois qu'ell Espagne la morale puLlique
n'a trop souvent rien a llém61er avcc la lllUl\tle
privée? que tel homme ü1capable de dérober un
sou a un particulier se rcgarderait comme un sot,
un tonto, s'il ne s'enricl1issait pas au pouvoir? que
tel autre exact dans ses ellO'afYements 1)1'ivé..:: croit , o o ~,
faire une action indifférente en truhissant le ;¿ou-
vernement dont il accepta les bienfaits? La gt¿mde
masse tres-honnete et trcs-sensée du peuplc espa-
gnol observe tout cela, s'en rit plus qu'elle ne ;:,'on
indigne, et se c1istrait ue tout en ailant uu P rallo
ou a la Plaza de Toros. Pour la tirer de son ironi-
que apathie, il faut que le danger la prClltlC en
quelque sorte a la gorge. Alor:3, quand a un dé tour
du chemin elle yoit tout a coup se dresser ue",d1t
elle le spectre de l'anarchie ou l'oclieux fantume




du de:::lwtisme (lui se f-disse toujours ü sa suite,
elle; se réveille en sursaut, el leu!' crie : Yous ne
passerez pas! - mais il arriye quelquefois qu'cllc
a (lo~T\li trop longtemps.


l)'url. colé) ucs millioDs de gens raisonnaLles et
ironiqLteS, dont les résistances sont intern'littentes,
trop eDclin;:; ¿l laisscr tout Llire et tout arriver;
d'ítutrc part, quelques milliers d'amLitions toujours
é\'cilll'es, toujour::; allum6es, lles aycnturicrs aler-
tes, gdillanls et el ispos, tl'l'S-~ltlcntifs al1X OCCa:310n3,
la lilj[!.Lmgc des Ce8(wtes (lU (les emploYL's mis ü
PÜ'lt, :.:;ocialis~cs d'Ull llouvcau genrc, qui pror'es-
sent llon le droit au trayail, mais le droit ü l'cn~-
ploi, c:t ll'ont 11ue deux moh ü la bouche : ues
cris-2:3 et des places) crisis U d¿stiiIOS. Les millicrs
qui De (1ürment pmais auront facilemcnt raison J.es
millioll:3 (Iui ont des l¡"lhargies. L' esprit de progr0s,
le lijJ~ra1ismc sage, seront ü la merci de réyolu-
tiüll:: el de réactions insensées; le hon sen s pub1ic
L':;~uiel'J dan;:; ces altcrnati\'cs de perpétucllcs t1C'-
Cad r:s {pe rér<lreront ü graml'peinc ECS imrLLrf~lites
rcyanches. On a souycnt c1it cIue l'Espagne dait 18
pcr~':; de l'ímpróyu. C'cst qUe les ÓYl'nelnents s'y trJ.-
lW:llt dans l'ombre, - ils n'ont jamais surl'ris ccux
qui \)llt acces uJns les coulisscs. Il serait mieux de
dit,} 'lile l'Esp8.gne ost le l'ay~3 des accic1ents pl'épé~-


4




~o


rés et néces:::aires. Quand. on considere lb pres 1JS
désorLlres qui l'affligcnt, on y découvre ulle r~gLllJ.­
rité fatale et monotone; d.e 18:33 a 18GS, son histoire
offre l'incessant retour des m6mes causes et ele:,
llH~m(;S effcts, et peut se résurner en quel(IUeS mots.


La liberté absolue des élections est un lJeau
r¿ye qui ne s'est réalisé jusqu'ici clans CtllCun pays.
Partout la corrufltion, l'intrigue, certainc::; yiulences
prati'luées a\'cc art ou san s art altbrent ou faussenl
8n quelquc mesure le yenlict du sulfrage rcstreint
GU uniyerscl; mais c118z les natiJllS (pi unt lé lt:~1l1-
pl'rmnent et 1'11aLilucle de la libcrk ll!;...;tlc L2S ~n­
llucncC's pernicicuses rencollLrcnl d,~'. .-:"l'iCllS,,--':-;
rósistances, (lui en corrigcnt l'cxcus : le gOLl\-Cl'lle-
mcnt parlementairc n\ cst lias une GctilJti, la rna-
joritó eles c11amlJres y représente a lleu prl's la lrW-
jorité des élccteurs. A cet éganl, l'état L1L~ l'~:,-;l)~¡~ne
Lú::se trop ü üésircr; elle a joui sololl lc;") [l:illP,,,, ele
Loutes les liLel'tés, Ü l'c;xCqJtlOll de J;J, liJJL'l'lé dec-
l0l'dc, :::LlDS hup.1ellc lc;ó autrcs ne ~JOllt qu' un leulTl'.
CL':'óL ~m J.lLt~/~ ~l"lrllis elo tout le rrlOlllle c1ctlls la 1\::-
11Ü}:3ule, et 1\::xp6rience ne l'u jal!1ai,-; lll'111cnti;
FIC la uulJCí'i¡Ccil/l~ Oll. le rninbiel'c de j'il1lél'leul'
l'Llit~C'S 6lccti IJl13, 'Iu·clks tourn~~llt toUjOlll'.S au gd~
l,~ ) :, ~,.lJ. c1LSir. Il L: J l en Llccu:::C'r la faiLle u16cmisa-
;io:~ l~~:~p<lrLis. Le ¿ro;3IJc Ll n~üion, plus oLllllOln:-:




ll~sabu~é sur leu1' compte, se défiémt de leu1'3 pro-
messes, lc~, regarde faire sans se passion ner pour


.


1ems qucrcllc~;. On sait que l'Espagne pourr;:1lt dé-
[rayel' de généraux toutes les armé es curopéennes :
elle en a '1, l)[lxait-il, pour :300 soldats. Il en est de
memc de:, l'('~tat-major des partis; il est consid(~rable
et rel1ferme une élite cl'hommes supérieurs, capa-
bIes de conuuire tous les centres droiL; ct les cen-
tres gauches de l'Europe. La troupc elle·meme est
11eu non"t}¡rcu:.;c; ces généraux politiques n'ont a
len!' sullo (jpe!es gens qui ont quelquc CllOSC Ü,
gagn~r aycc 8UX, ct d::ms le nombre il cst heclUCoup
(18 ces esnrit< :..:~tlJtils, de ces tnucflCtc71O.'l li,..,{08 ~ rOn1-
1ms DU c:l1cnl cl::::311l'obabilités, qni DU jonr de b ha~
taille s'elLlce:1L aflmitement ou passcnt i:,l'cnnemi.


De ([uels moyel1s ne dispose pas la go7Jl!í'iíctcion
(~Olltl'C ce:; pclrtis; qui sont des coteries núnées par
les dól'cctior~>; : Elle D, dans so, main toutcs les places
et S'2 r,:'sl'l'\'¡' (le Llirc plcuyoir ceUe mannc~ hicnfai-
sante S'Jl' : c~., ~lini:) de la ':eil1e ou (1u lC'!1ílc:11aino
AillClll'::i Lv;' dinistratloll se croit tenue Ü lle cer-


I)Zlrencc~. El] ¡':~nagnc, elle (l~it ~lU ~r:m(l ,IIHll', elle
jouit ll'l¡n,'!:;)í:'rl(~ ll'allures (IlÜ Loucll'~ ,'it cynisme;


11 '1 • • • l' e, le r'?:::-:C~ll¡W.' ;'~ ces gens qm, compromb ( avance
et S;,C'I,lnt LI¡:~l1 (lu'On ne croira jamais L: lelll' \'Ci'tu~




L'ESPAG:\ EPOLITl(JGE
~'en consolcnt en f~lis:mt rapporter Ú lel1rs Yiccs le
plus qu'ils rJeuvent. C;ouvcrneurs ciYils, car:itJine:::-
gé'nérnux, m:lgistrature, le mini5t81'8 m8t en C:lm-
p~lgne 10ut son monde. Il prodigue los promesses et
les menaccs ; il présente quelquo amorce ü ces gros
personnages qui forit la pluie et le lJeau temps c1ans
leut' pueblo, et qu'on nomme <Jes CUCifjHeS; il inti-
l1:iéte les autres en leur insinuant obligeammcnt
qu'ils sont <Ollí:; le coup ele qucl(IUe instance encoro
pendan te, (IU'il ya cbns Jes]mreaux un dossior (Iu'On
n'a pas encore eu le tomps de c1¡"br'Juillef, qn'il y
dort paisiblcment, mais qu'on peut tuujuurs ré\'cil-
le1' un c10ssier qui c101't. Dans un pays Oll l:'-l ycnte
des bi'ens llLltionaux a créé plus d'uno fortune, quel
cacique pcut se fbtter que sa situation est asscz
limpide pOllr que les enYieux n'y trouyent pas ma-
tiere ü chicane ? Si cos 111o)'ens anoLlins ne sufDsent
pas a g:lg-ncr la bataille, on rocourra en c1cl'nier
lieu aux lrctbnca:os ou aux pOT1'O-:08, c'est-a-dire
aux truln],lons et aux assommoirs, ::orte d'agcnts
électol'évJX ílu'on l'ésene pour les cas de force 111a-
jeure; rílai.3 011 s'applil1uC consciellcicuscmcnt ü se
mettre en ét~).t de s'en passcr. (( H cst a souhaiter,
Llisait en 'uno ~I. rluiz Zorrllla, (IU'Ü l'avcnir la dé-
cision des affaires pcndantes ne soit plus retardé e
ou accéll'rée par ]'innuence secrCte de tel OLl te1




Jgent, et que l'adminislralion soit au sen'lcc des
administre,s el non les aurninistrés au service de
l'auministration. Ii cst a sO~lllaitcl' quc, (Iuanu les
maircs, les conseillcrs municipaux ou les parti-
culiers :::e rendcnt au c11ef-lieu uu clistrict ou uans
la capllale de la province ponl' quelquc rcglement
d'inU~rets, ils n'aienl pas Desoín de l'appui ,1u dé-
puté, de l'électeur influent de l'el1droit ou du mi-
nistre lui-meme, et qu'ü leur relour ib puissent
dire : Grúce a Dieu, nous a \'ons l1u 110lb pa:-:se1'
d'une lettre de recolmn<'UlLlaLiun ou J'U:l pot-Lla-
Yíll pour 11OU5 Liire re1111rc juslice.» - ( Ce Ijui ,,,e
foil et ce r¡Hi He sevoit lJas, disait de son coté ),1. AJ-
yarez Bugallal, td esL le litre cl'une Drocllure c('lebre
en Espagne. Appliquez, ll1cs:"icurs, la chose el le
mol ~tll.t qucstion élecLoralc. OJ)S8n8Z, j:J vous 11rie,
le3 habilmles üe l'adllJinistl'ation, les eil'els ill1mé-
dial3 (lui se l:ÜSS(~l1t voiL' et loucher; ils you::; don-
nerollt la cié d'aul1'es effels moi113 visibles qui se
laisscnl ue\incl', et \OUS reconnaltrcz fIlÚt cerlains
acles arlJitraires qui produisent en Lwcul' u'un
car:c1idat un Jppoint ele ;-}O, 30 ou ':20 votes, pour
m'en tenir au chilTrc le plus }Jas, correspond un
résultat beaucoup plus consillérable. Je veu:\. elire
que la majorité des l~lectcurs, lémolns ele cerlains
dénis de juslice (lui onL :::c1'vi Ü cllCtLier ue dange-




L'E~J> .. 1G~E POLITHJLJ:


reu;:;es r~slstances, se sentant mcnacl:::i eux-memcs
et par ces actes et par le commcntaire verbal qui les
accompagne, pl'ennent l'héroúlue n~;:,olution de
s'abstenir, ou la résolutioll non moius hérollIue de
voter pou1' le canc1iJat qui 110sscue aupres de l'ad-
ministration le moyen d' op6rer ces lllcrveilles et
ces miracles.»)


Plaintes inutiles! Peut-oH e:-:.ige1' c1'uTl gouverne-
ment doué d'une puissance miracLücuse qu'il re-
nonce ü faire eles miracles '! Moc1éré) unio111sle ou
lJl'ogressif, i1 en fera, soyez-en sCtrs. L'opposition
cl'avance se sent vaincue, elle se rci'use ü courir les
chances el'un combat si inégal, et ;:;'cmllrC::ise ue
lJubIier un manifeste par lequel elle üécl.ll'c que,
les élections n'étant pas libres, elle a résolu de
s' abstenir. Il s' ensuit que, les j m1iifére' ÜS et les
sceptique.3 restant chez eux, l'opposition se re ti-
rant fierernent sous sa tente, les élect:2ul'::i ministé-
rieIs votent presque seuls, et que le mini::itL're 1)05-
sede dans la cbambre par eux llOl11flléc une majo-
rité écra:-'ilnte, ou, ce (lui s'est vu plus (t'unc fuis, lo.
quasi -unanimi té.


II 5em11e cl'illJord qu'un triornflhc si éclatant, si
aisé, prümette au gouycrnclllenL de lOllgS eL heu-
reux ]0ltrs. C'est le conlrilirc qui alTive : ce gou-
vernement quí opere .des prcstiges se lroU\"e bien-




L'l~~P",\G.\E POLITHJLD 55


t6t emb:llT::lSsé eJe so. cho.mure uno.nime. Quel ap-
pui emeJ ce en attendro.it- il ~ et de quelle autorité
peut-ellc jouir 'l Tout le monde est initié au mys-
tere de ~es origines. D'ailleufs, apres quelclues
jours d'existence, eette unanimit6 ou cette majoritó
minist(riclle, en proie ü un travail 1atent, se c1is-
sout avec une singuliere promptitude. Une m:1Jo-
rité se consene par so. résistance a l' opposition
qui la comJJ~lt; une haine eommune et un eommun
dm-;8cr sont les seuls garants de so. eohésion. Des
ifu'elle n'a Illus de gucrrc ótrangere ü soutenir, elle
:-;e df:'tru ¡t par Ja guerre ciyile, et on la vcit se frae-
tionncr en petits partis qui se font une guerre
acharI1c'e pour de petits intérets et de petite:; ques-
tíons. Le ministcre a été si procbgl1e de promesses,
il a rris 1ant d'engagements, cllúllui est impossible
d'y fcúre honneur, et les amis m6contents sont les
plu,;; cbngcreux des ennemis : ils ont le:3 secrets de
10 maison. Au conflit des intérets se joint le conflit
des idl~es. L'intl'cmsigence est la plaie delEsl'agne,
le ver rongour de tous les poxtis. Le pétilloment
du sang, l'cxccssiye yiyacité des improssions, pous-
~c:nt aux résolutions extremes. On pratique peu
ectte ;;:agessc l'olitique qui commanc1o de sacrifier
Ir, múitl(~ de ses désirs pour sauyor le resto. Nulle
1'art en no se pr01c moins aux comprornis; nu11c




56


l)o.1't on n'est pltls enclin a réponc1rc ü tUULC ulJjec-
tion: J e nc saurais fIL1'y [aire) prenez-moi te: que me
yoilü, cal' je suis celuique je suis, !Jo ,SU!! 'jUiCíi B0!J,


M, n~!2;,,!hot rD.conte que jadis a b dlcclUIJre des
comnmnes un homme ln::Lat fort cél':;]Jre, parcou-
fD.nt des yeux la p11alo.nge serrée des repr(~::cntants
eles comt0s, (1lÜ sont la grosse infanterie de Lll'll1ée
des tories et unissent pOUl' la plupart la l1gure la
plus respectable ü la santé la plus flori:-:sant2, lJ.issa
écLilllcr ce p1'opos jrrén~rencieux : ,( Yuilü, ma
foi, les force:) hrutes les plus belles 11 u'iI y ait en
Europe! ») Il ne f<1ut pas se mOllucr des forces
brutcs, elles sont le nerf de l'J~tllt. Ces tl'O~lpeaux
d'esllrits épais et dociles font Lt co"sist~(nce des
partis. PICtt au ciel cIu'll Y eút plus ele JJde:~ en Es-
pagne! moins de gens s'y meleraient de rtlisonner
et lJartmt de d(íraisonner, les as::ociations floliti-
ticIllCS y sera;ent plus elisciplinées, et lt;;-;dTaires
prendraient lJientót nne ,bsielte plus solide. Gr.ke
aux l'o.isonneurs qui déraisonncmt, grtlC8 a\1~ sol-
~bt:~cIlli, se :~entant l'étolTe d'un capitainc,;:'.0 croicnt
né::; pour commander et rougisscnt d'obéir, \; mi-
nistere cherche un jour sa nwjol'iLé ct nc b trom'c
plus; elle a fondu comme une pelote de lle:igc.
:\joutez que ce [ILÜ se p,tsse dan s la Chal!; Lrc ne
Lude pas a se passer dans le sein rn0me Chl calJi-




llet. Etl ~~0nl"ral 11 n'e,st rien de plus indiscipliné
qu'un lilinistre cspagnol. Iln'J, pas l'esprit de 20-
jLlaritú minisLé:riclle, il ne se sent (IU'a moitié olJijgé
em'ers ses co1l0;jues, i1 a ses idées pro1'1'es, ;~es
al1liliés, so::; clionts partieuliers, uont il ne COtlsent
110.:-) Ü leue faife le sacriflee; ilIui arrivera frt:quenl-
fnent ele premlre ues mesures graves snns les COIl-
sultor, il en tel1l1 rester le maitre de ses clécisiol1:;
et ne 1¡arLa6cr o.vee eux que la eons6quenee de ¿es
r~mLes. Et que sait-on? Peut-eLre, cornme C~,~a~',
préf01'e .. t-il elre alcade de son lJUculo pIuL0L que te
SéCOllll dans l'État; l¡Cut-etre, de tous les hCJl11l11CS
qu'ii ~üme pou, le présidcnt du con~~eil est-il celui
qn'il aime le moins.


Les JJJ.claurls croyaient lo ministcre plein de Yle
et dc sant6, el yoilü qu'un matin quelque feuille ele
"Jladrid all110nCe (lu'une crisc s'est déelarée uans le
conseiL : gl';uu}e nouvelle pour les habitués de la
Puerta lId Sol, UJeme ele c1iseussion pour les scep-
tiques, sujct cl'C'motion pour les intéressés q:1i
rBvent un rClJwuiemcnt ue:::; lmreaux, sujet cLll;H'rncs
pour k~ lwussiors, (IU i savent (!u'une crise rél'ond
a pcu pre::; ü ce que le roi Louis-Pbilippe :tPl1eLtit
le gúchis. ene foj~" la malaelic déclarée, on lZl peut
adollcir ou ralcnlir par ele:-i paJliatifs et ues émGl-
licnb; quoi qu'on fassc, elle suivra son cours et [1-




L'ESPAGXE PULITJ(JLL
nira par emporter le malacle. Ce (lLÜ n'cst fJ2.":' moins.
certain, c'est que le jour OÜ le ministcrc tO!f:])Cra 7
run eles ministres au moins en ressen~ira une joie
:-:í8crde, tacitwn peJ'tentallt gawIia jleclus. On lui
Cl\'ait donné des dégouts, il s'en vengeait en p1'ati-
lluant de so urdes intelligel1l~es avec r ennerni du
c1ehors, ce qui a fait dire qu' en Espagne on trom"e-
l'D.it dift1cilement un portier qui n'ait une 1'oís ou
rautre ouvert la porte au voleur.


C'est encore un adage espagnol que lout partí
qui s'abstient est un partí qui conspire; le mot l'e-
tmimiento est synonyme lle conjuralion. PClllbnt
que les vainqueurs du jou!' s'arraiblissent par leurs
lli\'isions intestinos, l'opposilion, qui n'cst pa,::; ro-
lJrésentée au congres, ounlit Ü l'ombre ll.e Sct tente
son pl::tn de cam rwgne, ou pour fllieux dirc ~on pLm
d'insurrection. Elle a aussi ses intransigents et ses
impatients, qui en dépit des conseil::; s'obstincnt ü
brusquer la partie; leur pr{~cipitatíon l'ourt au-
clc\'D.nt d'une dúfaite assurée, laqucllc ralTenrút Iwur
que](ILle temps le ministcre clwncclant. Les lw.bile:::
dési.l.youent et abandonnent a leur triste sort ces
enfants perc1us ; ils se réseryent ponr une occasion,
ils attcndent que le pouvoir se soit lléconsidl:'ré par
ses fautes, et que le mécúntcntement grandiss::mt
leur amene des alliés.




La Pl'lün;:;u12 cst Llivlséc en trop l18 parLis pour
qu'auc;~'l ü'cux so hasarLlc dans une gL1l1l1e ent1'E-
prls2 S~llb cOl111Jter sur des connivcl1ccs on lte:::
complil~ltés; tons les coups décisifs y sont frappé::::
par d'arh?-icns é\lhcrsaires réconciliés et coalisés. Le
\.~aruct0rc national viont en aiLlo ~t ces cooJition.3; ¡;
est plus sujct aux emportements qu'aux .longuc-
rancunC::i. En t=.3pDgnc, les luttes poUiques enLu:-
tent rarcmcnt des llaines personncllcs; les pécheurs,
et quí 1}"a pas póché? y ont les uns pOUi' le;:3 ~lUtre.'
une tolL'r:mce inflnio, et LlcYicnncnt sans tl'Op de
peine les ami::; tlc leurs ennernis de 10. yei11c. CeUe
facilité d'lmll1cur a son cuté fúchcux, cal', de to~;te.3
lbS mauvai;:;os halJítmlcs llolitiqucs, celle dc:s co~,L­
hons est la pire. (luo Lleux partís 0pp0.36s de princi-
pes et d'int61'd:-; s'unisscnt pour soutcnir un nii-
nistere, parec qu'íls craignent de ne pOl1yoir lc rem-
placer ~~vec a rantDge, une tello combinaison est
aussi honora1Jlt,3 l{u'ulilc; mais que (\es royalistes
libéralE. et eles répulJlic~üns s'associenl pour c1é-
truire le trullO, Iluitto a s'entre-clévoror apres la yic-
toire, leut' alliallce cst uu;:;S! conclannnlJlü ciuC c<-'Le
de deux OL! troi:-i lJarti::; monarchiquc;:; cOlüplotant 2:1-
5embl8 le l'Cil\-Cl'::óernent Ll'une répuJJli(IUC que tou::,
ha15sent, lllais 11\.18 chacun Ll'cux préfcre ü la 1ll,J-
narchie ues auLres. De scmJJlLdJles manCL'U'\Ta




60 L)L~PAG~E PULlTl(JCE
entre gens ql1i ~e llaltcnt in ¡Jeito de l1uflcr leurs (:0111-
peros sont des ;-:íllÓCuLllioll::i lllalllonn0tcs, c10nt le
,.;;pectacle ost pen Pl'oflrc Ü JtJ~~lJlrcr :.J.Ll peuple le
respect uo se::; gonvernants.


Dans certains pays Olt lieurit ce gcnre de mar-
chés, il est qucltIuefuis dif1kile Je ::),11;011' d'a-
vanGe qui en sera le ))on marcl1aml; en E::pa;;ne,
on le sait toujOUl's. Le scrulin ne rembnt (Iue 11'L'-
quivoqucs arr6ts, dont lcs yaillCUS apl"cllent, la
c1erni0re d~ci::)ioll ar1parlicnt Ü la force, l'arl11l'e
cleYient 1'ou.tl1 m1l\"cf::;ele1e la l'0liUt!ue, et les CJlI.-
litions abouti::osent ü des con;..;piraLiuns militairc::;.
Apres qu'on s'est déLút de l'elllll'lJli CUllll11\.m, la \ic-
toire ilnale dCl11cure ü cclui Jes coali::;és q ui ap-
porte pour sa quote-pal't Jans la :lliso ele fone1s ele la
société le plus de grosses épauletlí~s ou r l'llauh?tte
la plus grossc. ~I. Castelar Jisait réccllllllenl dan::; un
de ses plus doquents discour;-; quc lu :2.~ ani118iJ,
lorsque éclata entre le gouvcrnelllcl1l n"publicain et
la comrnission permanente ele::; pl'éc0l1clllcs curtes
un conflit' dont l'i:S'sue faillit etl'C s:lllgLlnte, tuutc; la
qUC:::LiOll s'dait l'éLluite Ü saroir (lui l)l)\l\"ait e1i:spo~er
des c:~mons. YoiEl l'hi:stoire ele rf>p~lgnc llat'lclllCil-
tail'e. On ne s'y elclllamlait pas (1 ui du lllilli~Ll'l'e ou
des coalisés avait po u!' sOl la llwjul'iLú elu pays; le
point était de de\·iiler (lui a\·ait les génél'~wx: ¡lui




CI


anit les C'lllons. Qual1l1 ces yoix do bronzo ou d'a-
ciel' fondl1 ont parh\ l'arraire est décidée; les yain-
cus S8 con.:-:oh:'llt en se c1isant qu'elles sont yers(}-
tiles, qu' elles on t clIante; bien des airs.


IV


Si ron excepte quelques l'ériütles trop courtes.
pel1l1ant lc:-:C[l1clles b machine ue n~tat parut se
raffermir, l'Esl':1f;nc a yécu penclant trente-cinq
ans dans 1l~lC sl1ite de confusions fIuO la forco senIe
lJolrrait íl{L~'o1Ji:lcr. Qu'avons-nous vouln prouver'?
Qae rien ne lui n manqué pour l'trc plus heureuse,
ni les con~eils, ni les Iumióres, ni les talents, ni les
honne::; loí:-:, ni les granels ornteurs, ni les granc1s
courages, ni meme les gral1l1es ycrtus) - rien
hormis les lDO'urs publif{UCS (luí font prospérer les
~ouvernements libres. Elle a ressemblé ü ces fils
ele famille ~\banclonnés ~l lcnrs caprices, c1ibpiclant
par leur insoucianco un opulent patrimoine, tanc1is
que pr0s ll'eux quelquo mécliocre bourgeois, qui
sait comptor et se priver, parvient rapiclornent ü la
túrtune.


Cepenc1ant il serait injuste d'imputer tontes ses
disgrtlecs ü son caractcre; les circonstances ne Iu}




i:2


nnt pas 6tl' prol'ices. Le eiel, dont cHe a f'er:u tant
;Lt':::tntages, lui en a refLls0 un qu'il ne tcnait pas
9. elle ele se procurer, c'est un roí (Iue nCJus YOU-
lons dire , c1é;::.ireux et eapable de faire son éduca-
tion. Hie!l ne s'improyise clans ce m(indC~l ~out
r(';;irne nouyeau demande un arrrcnti:"s~lgC. F2n1i-
:land YII, ce Ti]Jcrc déyot, eút rachct0 (luelrIues-
!.mes do ses iniquités enyers ses pe'clplcs, ;-:'jl ;J.'i'ait
¡nstitll(~ pour son 1161'itie1' un 'iTaí roi con::-:titt.:ttionneL
lui leur aurait ensoigllé l'esllrit lép:al en o!l:"on'ant
!ui-m(~mc 1a l0s'alité, (luí :mrait CU~]lh~ttk l'esprit
l' l\',"¡ltLl PO ell r:'"ishnt :t (~cS l') 1'°11 l'(''-' n'lnrinp" et '- ~._, '_ J '-' ~ \..,-_ liL... L ~-' . '-.-' • ...J \~L' l' -\..... --->...-,
..:,' ~'o'l"lit f',)it}o ::.:"rfO et r1;"CI'nt nlnr1l:'l"'ctol11" "le-:.;
,_.j LV (,,1. ..l .... t .... '--' L)Ll V -",""" "-- ... .1 _" ,,'.\....1 ....... \ "


partis, ll(~,3arm~mt les folios l1ar SJ. raiSOll, les impa-
tienecs llar S;J, l'atience. La ticllC 6tait r'i 1l,,;, épi-
neuse; mais lo,,:; dostinécs de l'Espa,i'n(;'1r~,ient
,: ~lm;,gó. Que ne peut un roí (1o.ns U!1 jlilY,-; ,¡,ti C'l'oit
" 1" l'0\"'(1;t/, lOl'-.!(Ill'il lll~i'L- ]"]1,t- '1" ('¡'''lITl''l''-) :,Ll (.\, '" l .... ~ L' 'l J. ....; _ . . 1 '- l . .l , <"'-'.' l ,l L _. v ~




L'ESPAG~E POLITIQUE 63
ans. Sous quels hcureux auspiees eette enfant) eette
ni;w, pm'ut préludcr ü son noble métier! et qu'elle
put bien l1ire uyee le pocte :


:\Ia lJiel1ycnue au jour me rit dans tous les yeux !


D\m bouL ü l'autre lle l'EspLlgne, le respect et
l'esp\"rilnce la regardaient. Un étranger qUl .::0
trollyait Ü ~Iadrid en 183~ eut l'honneur de la 1'en-
contrel' au Buen-Retiro) oü on 1'<-1ya1t eonduÍle pOLU'
1"0i1' Ls líons. Ello flt lo tour ele l'enclos, trainée
cLms un petit clwr; elle daigna en descel1l1re un
instant et marcl1a el1e-memo, sur ses 1l1'op1'e,:;
jarn}Jes, jUS(IU'Ü la yoiture (lui L1eyait la 1'amen(:1' au
palaíso Sa gow;e1'nantc et cleux grands offlciers en
cOl'llon l)leu la suí \'aicnt ebns tous ses mOUVQ-
ments. Elle portait un eh::lljeau a plumes, un man-
teau Uanc hrodé de rouge et des brodequins cou-
leur de cielo Son carrossc était atte1é de six beaux
cheY2tux cmpanachés; un esc::ulron de garJc~ Llu
corps i'Llccoll:pagntüt. Peuple et bourgeo~s, to:JI:
ce qui était lü s'6tait découyert ct contcinplalt
humlJlcmcnt, silencicus0ll1811t, COlt8 pctite reirlL'
qui l'Cli;-;~lit rapprcntissago de ses petitos ja:nb2;-;; il
::;e1111,bit en yérité rllJO C8 fút un acte politicIue et
sulc;nncl) ct (lU'cn S;t l'cr:-:;onno l'Espagnc enti(2r{~
:;'cs:::~cy~'¡t Ü marcllcr. 8torm\\ lire;-:que inc1ic;2!~~




L'ESP .. \G ~ L PO LlTl (Jl~}:


] '(::~Lll1gC'r, qui était un Fran~ais, g:tnla sen] son ck:.-
peau sur 3a tete, en qnoi je conviens (lU'il eut tOft.
Premiers enchantements d'une enfance ro:'ale) vous
étes aussi trompeurs que les grúces 1'ug¡tiycs du
printemps; e'en est assez ll'une gelée bbnehc, ces
fleurs pulissent et tombent.


Il ::-:8 peut faire qll'une reine constitutionnclle ait
ele l'intelligenee, quelql1e droitufe clan::; le j\lge-
lli.:.:r::.t, ct l}u'elle soit capo'ble de suivre une discus-
sic<: ou l1'écouter un eonseil; il se peut aussi qu'elle
;:it des qm!.lités de eo:;ur peu eommun(~s, le goClt
d'tJbliger et d'étre aitTIi~e, une tune gl~néreusf~ sup0-
rie:.~re aux longs rcssentÍtllcnts, ü (llÜ il en eolltc
de souPGonner et de se rJéflcr, flllj S0 ilaUc clo
y;:úncre la mo'ln3illance rlUX ses bonnes grtlces et de
c~ésarmer par ses bienfaits eertaines pcrfillics étran-
Geres ou domestiques que la Yoíx pl1)¡lirIUC lui
c1énonce. De telles dispositions l'l1011orcnt, mal:')
l'essentiel est qu'elle ait l'esprit de son métier; c'est
E lTopremcmt ·ce qu'elle doit ü son peuple.


Si ecHe reine appDrtient Ü l'une l1es plus Yieille~
et des plus illu::tres mai:30ns lle l' Europc, si ~e::;
ancétres ont longtemps r0gné en souyerains abso-
1us, si elle songe qu'ils pouvaient tout, si elle écoute
trop l'orgueil de ses souycnirs, de so, raee et de
son sang, il est ü craindre qu'elle ne se ré\·olte




contre sa L11:'cllé'Jllce, qll'cllc nc ::;e sente hUllliliée
et captive dans l'cxel'cú~e L1'Ull pouvoir limité, et
qu'elle llC yoie C0Il1111e un outrage muct dans les
lois conllées ü sa sauvcganle. Pour se con501er de
ses dépbisirs, pour se venger L10 la constitution
qui la gene, elle se résel'vera une liberté e'xc8ssive
dan s le choix de ses amitiés el de ses confiances,
dans l'administration de sa maison et de son cumr.
Si ses peuples s'en lllaignent, elle leur répondra
fieremcnt : ({ Yous avez le L1roit de nommer des dé-
putés, et ces députés ont le droit ele m'imposer
des rninistres qui souvent me déplaiscnt; c'est
bien le moins qu' en revanche je dispose de ma per-
sonne et de mes passiolls comme il me plait, que je
sois la ll1<.íltresse chez llloi, qu'il y ::lit un endroit
en Espagne oit je fass' tout ce (Iue je veux. ») Le
mal cst qu'une reine l'eut rnoins qu\m roi braver
les commérages des oisifs; elle est comme ce ma-
lade a qui iI semblait que son ombre dJit sensible
et qui lui-me me croyait souJl'l'ir de tous les coups
qu'eUe recevait. La reino catllOliqlJo doit veillcr ü
ce que son OlJJbro puisse se promener da;¡s ~Iadrid
sans y 6tre insulté'e. C'esL un lllal11eur lJou!' le ré-
¡::imc cOl1stJluLlunnl!l (lile k ~(l\1\'crain y <lit lle1'son··
nellemeut trull acrainllre de la lílJCl'té ele la l1resse;
c'est UII llJa\lJOur i.\ussi ([u'il ail he;-ioin de mettre


5




66 L'ESPAG:\E POLITHJUE


une épée entre les m/~dísants et lui, et de contler la
présidence du conseil ü des généraux chal'gés de
sa\'oir exactement tout ce quí se dit dans les ca-
sernes.


A ussi bien une reine forme en va in le ferme pro-
pos de se réserver l'empire de sa maison et l\'aban-
donner a la loi le gouvernement de la chose pu-
blique; elle ne peut se 1L.ltter que ce partage
suhsislera toujours; tUt ou tard ees deux gouver-
nements entreprennent l'un sur l'<-mtre. Les in-
fluenees secretes qui déeiclent tout ü la cour veu-
1ent cléeider D,ussi dans l)I~tat, el la camarilla ne sera
contente que le jour OU elle disposera des porte-
feuilles. Le plus grave reproche que l'histoire puisse
adresser a la prerniere reine constitutionnelle
de I'Espagne, c'est qu'elle a trop souvent conspiré
eontre ses ministres. Son devoir était de remédier
autant qu'il était en elle u l'excc;ssive illstabilité du
pouvoir, qui empechait tout esprit de suite dans les
desseins, paralysant les affaires comme les volon-
tés. Au lieu de combattre les aventures et les in-
trigues, elle leur a été trop complaisante. Plus
d'une fois l'opinion du pays lui a ünposé pour mi-
nistres des hommes d'un mérite rare, d'un esprit
vraiment libéral, qui méditaient d'utiles 1'éformes
et ambitionnaient de foncler en Espagne le regue




UEt;PAGNE POLl'l'H~UE 67
de la liberté ll'gale. Pendant qu'ils s' eITorgaicllt de
l'éduírc une opposition sans scrupules ou de 1'a-
lllener une majorité en débandade, d'occultes ini-
mítiés minaient sourdernent le terrain sous leurs
paso lb n'avaient pas seulement affaire aux cortes,
il falbit se défendre contre le favori et contre le
cunfesseur. Les ellllJuches et les sapes les ont tués.
Fatal est le gaspillage des finances, plus fatal en-
care le gaspillagc du respect et des talents.


La entinte dLl carlisme fut longtemps pOU1' la
reine IsaiJelle II un frein salutaire. Elle ne pou-
-rait comlJaU1'e le roi ahsolu qu'cn prenant les cou-
1eu1's de la liberté, en opposant príncipe a principe,
en prouvant ü 1'Espngne qu'elle étaít vraiment une
reine constitutionnelle. Quancl les carlístes ne fu-
1'8nt plus redoutaiJles, b Hile ele Ferdinand VII s'est
sentie plus libre ü'obéir a ses gouts, a ses antipa-
thies, el a ses supe1'sLiLions; elle a pratiqué trop
souvent une poli tique ele fantaisie, a laquelle ses
nerfs de femme cormnuniquaient 1eu1's fougues et
leu1's impatiences. Il n'est permis qu'aux forts ele
céder; elle n'a jamais cédé que lorsqu'elle était
faible. Le pays devenait-il menagant, elle recou-
raíl en húte aux libéraux pou1' conjurer la tempéte,
apres quoi on se précipitait tete haissée dans une
réJ.ction a outrance, Le elé6arrui dan::; la conumte




LESI)AG:\"E POLITIQUE
mene aux alJimcs. En JK)1) l'K-:lpagnescntait cornme
une impossibilité de vivre; abandonnée de tous ses
défenseurs, la royauté f(}illit sombrer dD.I1S un nau-
frage. La lecon lui pronta; mais les fcmmes ou-
blient si vi te ce qui déplail ü leur mémoire!


On raconte qu'en 18UU l'un des mem]Jres du mi·
nislere libéral qui le 22 juin avait étour1'é dan:; le
sang la plus formidable des insurrections rnilitaires)
rencontrant au Buen-Retiro un favori, lui dit :
c( Vous conspirez contre nous, et avant pou de jours
vous serez contcnts; mais avant c1eux ans HJUS au~
rez renversé le treme. » La prédiction s'e:::lt accom-
plie. Le 10 juillet, le général O'1)onncll n'dait plus
ministre, et ses successeurs sommaient l'Espagne
de se rendre tt discrétion. La déportation décrétée
cont1'e les hommes qui venaient d'cxposer lcur yie
pour sauver la couronne, tous les príncipes de
l'État suspendus ou violés, l'intulC:rancc religieuse
et l'arbitraire ouvertemcnt proJ'c:o::,és, une loi ele la
presse qui, combínant la 1'ép1'ession avec b pré-
ycntion , déclarait délictueux des arliclc::i que b
censure n'avait pas laiss6s paraitrc et passilJle de
peine un clélit qui n'a\'ait pa:-i dé cOllll1lis, une loi
de l'ordre public prolllulguéc l1icl~\lorialemellt, !a-
quello autorisait les guuH'rncurs et les maires ü
expulser pendant quarallte jCllli'S du Jicu de lcur




ü)


habitation tontos les llcrsonnesjugées dangereuses,
qu'aurait pu inventer de mieux le roi absolu ~ « Un
pa)'s il qui on enleve tous les gen res de liberté,
s'écriait en vain M. Alejamlro Llorente, est un pays
CJui a ce:::sé d'ap11artenir ü la grande famille de
l'Europe occidentale. Il nous restait une certaine
closc Lle liberté civilc et un régime électoral qui,
bien que défectueux, nous assurait un certain de-
grr'~ de liberté parlementaire. Qu'a-t-on fait de la
libert(~ civil e '? La liberté parlementaire est sur le
point de disparultrc. Que reste-t-il done ~ » Il res-
tait le droit ü l'íllsnrrection, qui se justifie par
l'anéantissement (1es autres, et l'implacable ven-
geance des príncipes, toujours funestes aux gou Q
vernements qui les renient.


L'hi8toire sera sévcre pour Isabelle lI, mais l'his-
toire ne sera point inj uste, et reconnaltra que,
malgré ses fautes et ses entrainements) elle a en la
gloire d'attacher son nom il une époque décisive
dans les destiné es ele l'Espagne. Ce n'est pas seu-
lement une capitule emhellio qui témoigne en sa
faveur, ni le canal LlLl Lozoya, ni quelfluos travaux
puJJlics, ni memo la tribuno jetant un vif éclat et
fournissant quelques-unes de leurs plus belles
pages aux fastes (le l'úlo(IUenCe contemporaine.
Sous lo regne ll' lsabolle, le génie memo de la na-




70 L'ESPAGXE POL1TIQUE
tion s'est transformé. « :\ous a\"OI1:-; eu, nons aussi,
notre 89, disait aux cortes un d(~put(, t1'8s-conser-
vateur et tres-monarchiquo. Depuis quo nons avons
sécularisé l'enseigncment, désamorti la propriété
et proclamé lct liberté de la presse, dopuis quo par
la tribune et le journal, par la rdorme de l' État et
les rapports nouveaux quo nons avons institués
entre le clergé et le pouvoir civil, nous avons
rendu possiule lct discussion elo toutes les opi-
nions, de tous les intérets, de toutes les aftaires
puuliques, et que nous avons permis ü ton tes les
idées qui ont cours chez les nabons eUrOl)(~ennes
de franchir notre frontiuro, il no nous 1'o:-;te plus
qu'une chose ü faire, c'est d'arrachcr ü jamais du
milieu de nous tOllt ce qui a pu survivre de l'inqui-
sition, - de cette incIuisition q uo je hais, mes:,ienrs,
paree que dans la llammo de ses huchers ont été
brulés sur les places do ~J adrid les titres de l' E:3-
pagne ti. la suprématie de l'Europo 1. ))


Ouí,l'bistoire impartialo dira quo sous lo n~gne
cl'Isabelle TI l'Espagne, secouant le joug de ses
souvenirs, est devonue un pays <-le libre di:;cu~sion,
et qu'elle a commenCl~ d'appliqucr au prósent,
comme a l'étucle de son passó, cet esprit critique


1 . n isconrs proIIOIlC(; ! In r :\!" ;\ h"nrrz lln~al\;ll, le:~ mai li'1 ¡!l.




L'ESI)AGSE POLITIQUE 71
qui fail les pcuples modernes. Elle ajoutera qu'en
cll'pit des errenrs des partis et de leurs détestables
pratiques, de 1 ~:¡:~ i1 '18Gn la libertó politique a jeté
de si profol1l1es racines dans le cceur du pays qu' on
ne pourra jamais l'en arracher. Quelles que soient
les futures destinóes de l'Espagne, elle ne peut avoir
qu'un gouyernement libre. J)'autres peuples plus
a\'ancés qu'elle a bien des égards sont disposés a
faire de plus graneL; saeril1ccs a leur repos, a la sé-
curité de leurs intérets; ils se m(Jrchanclent moins
11 leurs prétendus sauveurs. A yant moins d' affaires
et moins d'intérets, rEspagne se prive plus facile-
ment de ses aises que des idées qui lui 80nt cheres;
sa gaité et ses no1Jles mépris, eette sorte d'idéa-
lisme rom::mtique qui coule dans ses veines, r6sis-
tent aux longues servitudes de la peur ~ elle ne
peut s'aceoll1moder longtemps de l'ordre qui cotite
cher a la liberté.


11 est toutefois un parti espagnol qui maudit la
civilisation moderno et qui propose a l'Espagne de
la déli\Ter de sa libertó; mais il a beau se donner
l'ail' de vivre, e'est un mort. Peuple, bourgeoi::-ie,
classes politiques, l'armée llepuis les gÓllóraux jus-
qu'aux .3oldats, répulllicains félléraux ou unitaires,
monarchiques motlérés, monarcllil!ues eonserva-
teuI's, progressistes oa radicaux, la Péninsule




n'acceptera jamai:-:; ni ponr son lil¡('l'ateur, ni 110m
son rnaitre, ce revenant qui la Illenace du haut des
montagnes de la Navarre et de L:t Biscaye, et qui,
ernbarrassé do son métier de mort) se cacho le vi-
sage pour n'étre reconnu qu'll moilié. Tout a con-
spiré en sa faveur: des jnsens(~s et des scélérats
travaillaient pour luí ü. Cartllageno et ü Cac1ix ; il a
pbur allié::; les Masaniello II la (louzaine, les assas-
sins d'AlcoY, les raTIl;onnenrs de Grenac1e et d'Al-
meria. Son irrépara}Jle impuissance explique senle
qu'il n'ait pas encore yaincu. Il est a ce point
étrangel' dans son pays qu'il est obligé (1'y cher-
cher son chernin ü tütons ; tout ce qu'il voit lui rap-
pelle que r exil est sa patrio. Si jarnais il entre a
Madrid, ü peine aura-t-il découvert son visage et
parlé la langue des morts, la torre s'ouvrira sons
ses pieds, l'Espagne sora unanirne pour le re n-
voyer dans le royaume des ombros.


Le iD juillet 187J, le minbtro do l'inlérieur lut
an congres une dépéche qui rapportait un granel
acte de dévoúment héro'iqne. Dans la petite Yille
d'Estella, pressée vivemont par les carlistes et qui
leur résistait depuis quarante-huit heur6s, un vo-
10nl;lÍre avait sollicit(~ et obtenu l'honneur de s'en-
fermel' seul d;ms lct pouelriere , n'attondant qu'Ul1
signal de son ca pitaino pour la fairo sauter. « A la




L'ESP ... \(;\'E POLITTQUE 73
lecture de ecUe d f:'p0che, s' ('cria un orateur peu
r0puIJlicaill, .i 'ai scnli le cceur me lJondir, et je me
suis tlit que l' Espagne de 1873 est encore l'Es-
pagne de 1N:31 et lle18:17. Oui, messiours, pour-
suivit "JI. Rios Rosas, rai acquis la profonde
cOlwiction que lo troisiL)me prétondant sera con-
fOl1l1u dans son irnpuissance comme le furont
ses dovancicrs. f'otro pauvro pays a beaucoup
soufIert; 11 pout tout souiTrir, meme l'anarehio.
Co (púl no Suppol'tent jamais, e'est le despo-
tismo de don Carlos et de ses doseenelants, e'est la
th(~ocratie, e'ost l'inquisition. Il faut le eliro bien
haut pour que la nation et l'Europe entiere le sa-
chont : jamais, jarnais nous ne subirons le joug ele
don Carlos et des satellites de l'antique tyrannie.
Tout nous ost possilJlo) moins eela. »)


L'Espagne le sait ; puisso l'Europole savoir aussi,
afín que les gouvernemonts ne se laissent point
al~user par quclques rcveurs d'intorventions et ele
l'e~taurations chimél'iques! 11 08t aussi malaisé de
rétalJlir en Espagno le gouvernement du pretre
que lle convortir ü jamais la France au culÍ(~ llu
sacré CCBur do Jésus.




DEUXIEWIE PAHTIE


LE nOl A"JIÍ-:nkr. ET LA :\IO?'ünCITIE m::~JOcnATTQ[T


1


La f(~volution de 1868, commc presquc toutes
les révolutions espagnoles, a óté l'ccuvre cl'un sou-
levement militaire; l'habile ourdisseur de ceUe
trame fut le général Prim, exilé depuis plus de deux
ans. Il eut pour complices et pour alliés les génó-
raux memos qui avaient défendu la uynastie contre
lui et clue venait de frapper a leur tour un arrct de
proscription. U nis désormais par une commune
disgrúce, par de communs rcssentimcnts, va in-
queurs et vaincl1s de la vei1le org3niserent un vaste
pronunciamiento llont le sign:tl fut llonn(', par 1'a-
miral Topete et la l1otte, qui jusqu'alors étaient
(lemeurés a l'écart lIc tous l('s eO!llplots .. \illsi tout




---


manquait U la foís ~t la reine Isabelle; vivement
attaquée par des ennemis résolns a jouer le tout
pour le tout, mollement défemlue par des amis peu
súrs, qui d'avance désespéraient de la partie, le
combat d'Alcolea décida ele son sort. Quelques
jours apres, elle passait la f1'onti8re et se voyait
conclamn6e ¿t protester de Pal1 contre sa déchéance.


Si l'armé~e est en Espagne l'outil universel ele la
politique, les généraux n'y font pas de la politique
de soldats. lb sont des hOl11UieS de leur siecle et
de leur pays; ils ont la plupart le CCBur assez libéral,
l'esprit assez souple pour se sentir aussi a l'aise
clans les ml'lées o1'atoires el'une chambre que dans
la rLlmé~e d'un champ ele bataille; ils n'auraient
~arde de r(~duire la sciC:llce dl1 ~ouvernement u
~~ (:-,


1'art de donner une consigne et de la faire observer.
Partout ailleurs les conjurations de caserne abou-
tissent u une dictature' militaire; en Espagne, elles
se tenninent par un appel au pays, par la convo-
cation ele cortes constitl1antes. Les vainqueurs de
Cadix et el'Alcolea avaient h~lte de parler au pays,
et ils étaient ü pen p1'es convenus de ce ql1'ils c1e-
vaient lui c1irc. Cet accord n'<:tvait pas été facile ü
étalJlír entre les coalisés; il clevait l'tre plus difflcile
encore ü maintenir, aucune opération politique
n'ét:mt plus lnborieuse que l'inévitable reg1ement




7G L'ESPAG\'E POLlTIQlJE
de comptc~s qui suit lo triompho u'llne co~tlition.
T1'ois partis s'étaient clonné Lt main pour faire la
révolution ue soptembre : l'union libérale, com-
posée de monarchistos qui auraiont youlu que la
révolution ne fut qu\me demi-révolution, et qu'en
18G8 1'Espagne prit 110ur mouele la France de 1830,
- les progressistes, désireux. d'une solution plus
tranchée, - et les démocrates, les uns rósolúment
et obstinément républicains, les autros disposós a
se réconcilier ayec la monarchie, pourvu qu'ello
ressemblút beaucoup ü la république et que le mo-
narque ne [('ti pas un Bourbon. Sous peino ue
s'entre-dérorer, ii fallait trouver les termes d'une
transaction.


Les républicains furent bientOt mis hors de con-
cours. I1s avaient pour eux. dos orateurs et eles
foules, mais point de généraux. Les épées avaiont
fauché, elles vei11aient sur 18 grain. Elles réeligé-
rentleur programme, annonccrent au pays qu'ayant
travaillé pour lui elles entomlaient lui assurcr t1'013
granels avantages qu'il cut vainement espérés du
gom'ernement déchu, des garanties constitution-
nelles a l'abri de toute insulte, 1'enti6ro liborté 1'0-
ligieuse et le suffrage universel. Ellos ajoutaient
que le peuple était libre do décider ü sa guise 1'im-
portante question de la forme llu gouvernement,




77


qu'clIc:; ;-:e n":-,:elTaient ~eulcll]ent ]e deoit de le
conseillel' et de l'avertil', que dans leur pp,nsée l'é-
tablissement de la répuLlique offrait de graves et
périlleuses difficultés, que le mieux était de se pro-
curer un vrai roi constitutionnel trié sur le volet,
qu'on pouvait s'en remettre a elles du soÍn de le
trouycr. Ce::; épées qui parlaient si bien étaient les
maitresses de la situation. De ce moment, on put
prévoir ce que 1'eraient les corte::; constituantes,
élues par leur influence et dirigées par leurs avis:
elles a11o.iont instituer une monarchie d'un genre
nouvcau, a la 1'ois trcs-lilJérale et tres-démocrati-
que. La rév01ution de septembre devait doter l'Es-
pagne d'une constitution presque républicaine et
d\m roi qui serait presque un roi.


Cependant on 11e tarda pas a se convaincre que
le prince qu'on che1'chait n' était pas facile a trou-
Y81', et on dut aviser aux moyens de donner quel-
que soliuib~ ü l' daLlissement pro-rj:-:;oire qu'on avait
formé. Le 'J8 j uln -18UU, les cortes proclame1'ent
l'égent du royaurne le maréchal Serrano, duc ue la
Torre, chef de l'Hnion libáale. Du meme coup,
don Juan Prim, chef du progressisme militant, cle-
vcnait prL'::;iclent cl'un ministere c1c conciliation, OÜ
les démocrates c1ominel'ent bientüt. Ainsi furent
partagés le pouvoir et les honrreurs entre les prin-




cipaux coalisés. La part des rópublicains fut de ~e
plaindre, de protester et d'attcmlro.


Ce n'était pas un homrne orJínaire que le rl'gont
clu royaume. 11 avaít joué un rolo consiJéralJle Jans
les récentes péripétios de l'hbtoire clo son pays. On
pouvaít relevor clans sa vie plus d'un acte contes-
table; mais ses ennemis me mes étaient fú1'cés de
convenir que pe1'sonne n'était plus prop1'e que lui
ü la haute dignité dont 011 l'avait l'evetu. DiCIl qu'il
ne fut pas tres-populai1'c, on lui llanlonnait ]Jeau-
coup de choses en faveur de ses actions d'éclat.
Type du courage inf<.J.lisalJle quo les occasiolls bon-
nes ou mauvaises trouvent toujOUl'::; pl'd et qui
fait toujours au-clela de son devoir, il avait soni
avec la meme Yigueul' la couronne et se::; ennolllis.
II venait de détruire sur le, bord::; du G uaJalqui yil'
lil seule armée qui püt toni1' tete ü la 1'é\'oll1tion, et
deux ans aupal'avant i1 av,út prOlligué sa vie pour
sauver la reine et le trone' - on l'avait vu dan s ,
Ulle fLnneuse journée forcer le::; portes d'une ca3erne
en révolLe, y désarmer l'émeute par l'asccndant de
:::ia parole et l'intrépidité de son l'~garcl.


L'Espagne dé::;irait faire }JOfJl1C; l1gure penüant
1'inté1'im auque11a comlamnait l'emoarras de tl'OU-
ver un souverain; elle tenait a prouver a l'Europe
qu'elle étJ.it une lJ0l1n8 maison, OÜ les pl'lllGeS les




L'E~¡>AG:\E POLITIQL:E 70
mieu"\. nés l'ollvaicnt ent1'e1' sans se compromettre.
Le lllaréclJ~tl 110sséLlai t to u Les les qllalités requises
110m l'Cprl'Setlter dignement 1:1 nation; plus d'un roi
légititlle aUl'ltit enrié la prestance de ce vice-roi et
::;u rondeur lllilitaire fOllrrée de flness'3 andalollse.
Un 111'0\'C1'UC espagnol dit que tel hOlllrne qui est un
lion pour aWHIller est un eliien pour se défendre.
Sans appliqucr cet mbgc au duc lle l(), Torre, on a
remarqué cellcnüant Cl u'il a toujOUl'S lllontré plus
de talent, lJ1us ll'illlluslrie pour acquérir que pour
consen'e!', (Iue, plein ll'ardcur et de l'eSSOUl'ces dans
la conduite ue ses entrcprises, il en a c,lmpromis
le sl1cces par ue fúdleuX ouJJlis et de sulJites indo-
lences. En '18l3, il s'e:::;t elllployó acÚvel118nt a re n-
verser le dl1c de la Victoire, et c'est le général 1\a1'-
vaez (lui el 111'ú1ité de ses eil'Ol'ts. En '183-1, il a t1'a-
vaillé ::;UllS le vouloir a lu grundeur d'O'Donnell. 11
selllulait (Iue:::a lllLluvui::;e étoile se iút enfin démen-
tie; la rérollltioll ele seplemure venait de le porter
uu premie!' l'ang. 11 en avuit elu llloins les honneurs ;
nwis la réaliLé du pouroir, la coneluite e1fcctivc des
aITaires appartc;Hait au pl'ésident üu conseil. Cet
ambiticux el'une autre trempe, aussi calculé qu'é-
nergique, vi::óait avallt tout au solide; son opi-
nültreté catalane lwéférait ara vanti..we de réaner ü ü
le plaisir savoureux ele UQuverner c'est-a-dirc ü )




~o


de youloir et d'jmposC'f aux autl'e:-; sa yolont('.
Il y a partout des houlllles qui arrirent ü lcurs


fins par des ayentures: ce (fui ost plus COtnlllun en
Espagne qu' ailleul's, e' est l'avcnturicr de racc ou
l'aventurier épirIue, lequel n'a dans le fond d'autre
dieu que son intéret, mais róussit par ses J,Ullaces
ot par une sorte de générosité nativo ü donnor un
air de grandeur ü ses caleul:::;, un ycmis de gloire ot
de poésie a ses eonvoitises. Tel nons apparait le
héros favori de l'Espagne, le fameux Campeador, cle-
puís que la criti(lUe 1'a dérobé ü ce mwge lumincux
dont l'avait enveloppé la légemle. Le Hodrigue qu'a
célébré COl'neille n' était que la vi:::;ion cJ'un pocte; le
vrai Cid de l'his'toire fut un homme de proie que sos
sCI'upules ne genaiont point, pret ü épouser toutes
les causes, portant dans tous les camps l'inC[uié-
tude de son humenr et de son couragc, tour ü tour
se battant pour son princo ou conlro luí, servant
le Chríst ou "MahomeL et, si nous en croyoIls les
chroniqueurs araLes, prófér::m t un hoi::iseitu d'or au
sourire de Chilflcne. Ses gl'amls coups c1'épéc, la
hauteur de son attitude, sa gramliloqucnce natu-
relle, ont tout racheté; il avait re(~ll dll cicllo talcnt
de faire des 111ot5, eUa po:-:-tl'rité' sesouvicnt de~'i 1110b
plus que de::; intontions. Le JiomUilCeI'U racollte que,
prcssé de partir pour une ex pédilion et ayant ve-




81


soin d'argent, iI cml'l'unta une tres-grosse somme
a un juif en lui donnant pour gal'antie un coffre plein
de lJijoux, qui, ouvel't apres son départ, fut trouvé
plein de sable. A son retour, le juif lui reprocha sa
déloyauté : (( Oui, c"était du sable, répondit-il ma-
gnifiquemenl; nwis ce s(1)10 ronformait Tor de ma
parole. » Le propos est lJeau, (lUoique un peu léger.


Ce n'e~jt pas faire tort a l'ombre du général Prim
que d'avancer qu'il était, lui au~si, un héros a la
conscience légere; OSt-OH tenu d'a\"oü' plus de con-
víctions, plus elo príncipos quo le Cid? (( Savez-
vous, disait un orateur de l'oppo::iition, quel e::;t le
diell du général Pritn? Lo hasard. Savez- vous
qncHe O::it sa religion'? Le fatalisme. Savez-vous
quel ost son idéal '? Il reve de retenir a jamais le
pouvoir dans ses mains; e'est a cela qu'il rapporte et
sacrifie tout. Les institutions lui importont peu; il
les pIie a ses convenUllces. Les lois lui importent
moms encore; ce sont des tolles el' araignée, quo
batúe le sabre do ses eapitainos-généraux. LeS
partis ne ~ont rien ¡Jout' lui; il les dissout. Ses en-
gagements ne 1'ont jatllais incommodé, illes oublie.
Les alliances les IJlus incroyalJles ne lui répugnent
point, pourvu llul3 lui ot les siens y tl'omoent leur
compte 1. »


'jo Tliscours prolloncú par;\I. Castdar le 3 novemlJrc187U.
(j




n est juste d'Djouter que le gl:'n(~l':ll Prim, par-
venu au pouyoir, ilt par la s:lge:-:se sllivie ele sa con-
duite l'étonnement de ses ennemis comme de ses
amis. L'épreuve la plus redoutalJle qui titlenclc un
aventurier, e'est le suect~s. Il faut (lue ses pensées
grandissent Dsee sa fo1'tune, que, monté au rang
qu'il eonvoitait, il rompe avec son passé, avee ses
habitudes et ses souvenirs, pour se transformer en
homme d'État. Ceux-li seulement qui ont ele 1'ét01Te
se pretent ü ces métalllorpboses, et don .1 Llan Prirn
prom"a bicntót que le conspiratellr d'Aranjucz pos-
sédait les qualités ll'un politique, la justes~e du
eoup d'mil, le sentiment net des situations, r11a-
bile maniement des hommcs et des intérets, 1'a-
elresse de se servir de son autorité sans la eom-
mettre hors de propos, la stratép:ie des assemblées,
une éloquenee sobre, neneuse, qui allait droit au
fait, et avec l'art de parler l'art plus utile encore
de se taire. Un Portugais a remarqué que ce der-
nier talent; fort admiré dans un pays qui parle Drau-
coup, fait ressembler un homme ü une eathédr~lle
gothique et lui donne le prestige de l'obscurité et
du mystere.


Le président du eonseillúlvait ras })esogne faite.
n est déja diffícile de gouyerner une asscmblL-e
compo:::;ée de deux partis ; la dirficulté est Lien plus




f,'ESP ,\C")lE PO LITIQF E 83
grande encore quanel il y en :t troi,;. Les o~cmations
du centre) qui fClUrnit r appoint néce:"saire ¿1 la ma-
jorité, c10nnent (le perpétuelles inquiétudes au mi-
nistere et l'obligent 1l, une politique de bascule. Les
radicaux. ou dérnocrates monarchistes, conduits
par un homrne de grande popularité, M. Rivero, et
un hommc de granel talent, M. Martos, jouaient un
role pf('~pomlérant dans les cortc's constituantes de
'1869. Ils étaient ll'accord ayec I'union libérale pour
vouloi1' un roi, COlllrne ils s'dail:nt joints aux répu-
blicains pour retire une constitution clémocratique
autant cIue possible. Le goU\'ernement ne pou\'ait
attendre d'eux qu\m appllÍ conclitionnel. Il était
mabisé de les satisfaire, dangereux de les mécon-
tente1'; il fallDit sans cesse négoeier ayec ces 1110-
narchistes de circonstance, une imprudence eut
tout penlu.


Les rnonarchistes ele conviction étaient divisés
eux-memes en une fou le de petits partis, qui avaient
chacun son camlidat au trone. Les uns voulaient
une royauté nationale et viagcre, et ils avaient jeté
leur c1évolll sur un vicillDnl, le elIJe ele la Victoire.
Une frachon ele l'nnion lil)(,:'rnle ayait refu~é eJe
participer it la r('\'olution ele ~eptembre; cettl~ pe-
tite troupc, dirig(~e par un hornme supéri¡"ut>, ' "~


Ij:
M. C;\novas del Castillo, qui, aussi habile orateur .:




84
que sagace poJitiquc, joignclit Lllllorit(~ uu carac-
tere a celle clu talent, tenait pour la royauté legitime
représentée par le flLs de la reine Isabelle, le jeune
prince Alphonse. D'autres, et parmi eux cl'impor-
tants personnages te15 que le régent du royaume et
l'amiral Topete) le plus timoré et le moins triom-
phant des vainqueurs de septemhre, inclinaient
pour la substitution de la ]Jranche cadeite a la
branche ainée. D'autres enün désiraient que l'Es-
pagne all<1t cherchel' son roi dan:::; une Gour dran-
gerc.


Le génúral Prim ,wait ]Jesoin de ]Jeaucoup d'at-
tention et d'adresse pour maintenir lluelque GOhl~­
sion dan:::; une majol'ité si Ligarrúe. 11 fallait mater
les indociles, satisfaire les ambitieux par un porte-
feuille' et les vaniteux par un hochet, raSSUl'er les
craintlfs, calmer les impatients : td un bon chien
de lwrger qui tourne sans rel<1che autoul' d'un
troupeau en marche, retenant l'avant-garcle, rarne-
nant le mouton a\"cntureux qui s'cGarte, h<1tant ce-
lui qui s'attarde. Cha(IUe parti s'e11'or0ait de gagner
le général a son candiclat, cal' don Juan, cornme le
dIt quelqu'un uu con gres) ressembluit en politirIue
au zéro qui, piacé a la droi te d'un chiffre, en dé-
cuple la. valeur, de telle sorte qu'une candidature
cotce!) a la bourse polilique valait DO des (lu'clle




L'ESPAGNE P()LlTIQUl~ tl5


passait pour ::;ourire au présielent du conscil. Sa
principale habileté était de ne décourager aucune
illusion. ce 11 sait bien, dis:üt l'opposition, qu'il ne
peut se soutenir longtemps dans cet équilibre ins-
table, qlli consiste il etre il la [ois avec tous les
partis, contre tous les partis et au-dessus de tous
les partis. Le :o:ecret ele sa politiCLue est de don-
ner des espérances a tout le monde. 11 ne les
donne point par ses promesses, cal' il est cir-
conspcct et n'a ganle de rien promettre. Il ne
les donne non plus par ses paroles, cal' il est tres-
résené et 11e parle gucre. Il ne les donne pas
davantage par ses actes , cal' il est tres-diplo-
mate et ne s'engage jamais ; mais il les donne par
ses énigmes, par ses rdicences, par le mystere de
sa conel uite. » On cút dit ce rocher c1épeint par le
pobte, clont l'éternelle l)ali(~nce r(~siste victorieuse-
mcnt aux assauts que lui 1i \Te la vague. « Ainsi r6-
siste aux importunités J'un sot l'llOmme qui sait et
qui se tait l. »


Don J ual1 Prim 11e se taisait pas toujours. Il par-
lait dans les occasions pour (V'noncer illa majorité


1. . . . . . e 11n pe tUl
Qun los golpes de las aguas
surrl~ como la purfia
De un llecio el que salle y c~¡]ln.
~Lope de \'ega, Lu (lile Ita c{,c ~;c)', 1,2.)




86 L'ESP . \G:\ E PO LlTHJ l' E


les dangers qui 1<.1, menaQaient, pour l'ac1jul'er tIe
cl\ercher son salut dans une ]Jolitíljue de concilia-
tion, hors de laquelle on 11e pOllvait altenc1rc que
míseres et désa~)tl'es. Ses a\'is étaíelll-ib mal re('us,
il se plaignait qu'on lui renclit le gouverncmcnt
impossible, et il faisait mine de se retirer. Cctte
manCBuvre, exécutée a\'(~c une précision militaire,
ne manquait jamais son efYct. Un üe ses adver-
saires, lui rappe~ant un jour qu'il avait dit .iadis au
général Karvaez : « Enfenllcz le:, tl'oupes dans les
CClSel'nCS, et YOUS VetTCZ ce que durera vot1'8 gou-
Yernenll'nt! » pour~;ui\·it ('11 ce:.;; tel'me:::; : «( Je ne
fel'ai pas la mC'me propo~itior; ü notre honora-
ble président du consciI; je ne veux pas enfermer
80,000 hommes, c'est une op(Tation trap compli-
qUI·'e. Je me contenterais de meltre en chartre
lJr,,,ée un seul h0ll1111e J [lui serait dOIl Juan PrilU.
Que Sa Seigneul'ie consentc i~ ;::'empl'isonner qucl-
que temps dans l'hutel de lL~ lH'(~sillcllce et t11/elle
1lJ'en remette la dé; maís (lu'elie ::;'C'llfcrme SOLde,
sans l'ece\'oir personne, ~an~ q u'iI se tienne chez
elle aucun conciIialJul~, ~lllC!Jne ~('ance pl'épara-
toire et secrete, de tclle sot'~c (lue nous n'enten-
dions plus dire ici : Prencz gal'llc) vous allez llle
perdre! - ou : S'il en est ainsi, jc rCtlonce a tout!
- ou encore : C'en cst faíL, ju lLl'en yais. Si Sa ~)ei-




87
gneurie daigrw se preter ü cet essai, j'ose lui affir-
mer qu'a"imt l1cu de .iour::; JI n'y aura plus de ma-
jOI'ité Üall.-i ceUe G\¡~llll]¡rc. » Le !.!'énúral se Q'ardait


• ~J ~


bien de se laissel' enfel'lner, et grúce ü ses avertis-
semcnts, ü ses mcnaces, a ses réticences, cette ma-
jorité, composée de gens (lui ne s'entendaient et
ne s'aímaient guere, persistait a demeurer ume,
spectacle peu commun en Espagne.


La minol'itó républicaine, soumise a une sévere
dbcipline, gOl1sel'llée par un savant tacticien, ~I. 1"i-
bueras, par un scctaire convaincu, l\I. Pi Y Mar-
gaU, llar le plus Dl'illant orateur de la chambre,
M. Castelar, tr(Jxaillait. sans y réussir a brouiller
les cartes, ü serncr lct zizanie chez l' ennemi; -
la politique de conciliation pré\"abit contre ses
e11'u1'ts. Tantut elle clernal1l1ait aux conservateurs
quelle COnfiL\l1Ce lJOuvait leur inspirer un homme
sans principes, indilTérent ü toutes les doctrines,
dont la politiclue consistait a n'en point avoir. Tan-
tOt elle dé:nOll(;ait la perfide habileté avec laquelle
le général Prim ;l\'cút sn écarter tous ceux de ses
colll'gue:) qui llouveliL:nt contre-balancer son in--
fluence ou tnlVer::ier ::iC::i prujet::i, reléguant le duc
de la Torre dans les honneul's d'ulle inactiye ré-
gence, :\1. Olozaga dans son amlJassade de París,
ou dépossédant ~r. Rivero de la présidence de la




88 L'ESPAG~E POLITIQU E
chambre par l'amorce d'un rwrte[cl1ille. Tant6t
eHe adressl1it de pathétiquos appols aux radicaux,
elle ouvrait ses bras a ces infldeles en les accablant
des plus tendres reproches, elle les conjurait, au


nom de leurs communs principes, de revenir enfln
a leurs alliés naturels. Cos dénonciations comme
ces appe]s n'étaient point entendus, ou du rnoins
on n'y répondait paso Le gónéral tenait école de
silence, jI semhlait que l'Espagne apprit a se
taire.


Cette situation fut retraCl\e d\me faQon rliquante
dans un discours prononcé par l\f. Caste]ar le 12
mars 1870, et emprcint de col cnjouelflcnt, de ceite
grúce charmante qui tempere si hcureusement les
splendeurs un peu asiatiques de son admirable é]o-
quence. « Observez, rnessieurs, disait-il, ce qui se
passe dans cette chambre. Pcrsonne n'y parle, l1er-
sonne ne se hasardc ü y discuto!' la politi(/ue géné-
rale du gouvernement. Supposoz qu'il me vint ü 1'es-
prit de contraindre ü parler tous les chefs des divers
srollpes dont se compose la majorité. Vraiment ce
serait de ma part trop de camleur, et j'y perdr::l.Ís
mes peines. J'::turai boau Jour prodigue!' les plus
cruelles injllres, lour attrilmer les projets les plus
extravagants) les plus lllonsttueux; - ils ne s'en
offenseront pas, ils continuoront ü se taire. Je vais




89
les prcndre tous ü partie en les appelant par leur
nomo Je no dirai ríen i'.t M. C;'illovas) iI occupe dans
eeUe chamLre une l)laco ú part; maís j'interpel-
lerai harcliment ~L Posada Herrera, qui est a la
fois son ami et son ennemi, qui se trouve dans une
situatian imléchiffrable, presque impossible. Quoi
que je lui di~;e, ~I. Posada Herrera restera bouche
close. Apr¿~s cela je jetterai le gant au plus impé-
tueux ele tous les orateurs ele cette assemblée, a
celui qui eng:\go \'olontie1's des batailles, assuré
qu'il est ¡len sortir vainql1eur. En dépit de ma
petitesso et de sa grande taille, fIuand je voudrais
l'attirel' hors de sa tente pour lutter avec moi, sa
tento elemeufl',ra ferrnée. Vous le voyez, je ne puis
réussir a raire parle1' ce tl'cs-éloquent o1'ateur llui
s'apllelle ~I. Hios nasas. »


Pui:;, so tourn:mt vers les 11l'ogressistes: (( Il Y a
de ce c6tl~, poursnivait ~I. CLlstelar, des hommes
qui sont dans un é,tat el'inimitié~ latente avec le
gouverncrnent. PJl' exemple, M. Mata dirige une
fraction ele parti qni a donné quelques soucis au
présic1ent da conseil. Je le nOJ1lmerai, et il ne par-
lera paso .Te fOllrnirai ('llsnite ¿t ::\1. ~1adoz l'occasion
de criar: Vi\"(J le due lle la Yictoire! Il ne criera
point; COlllme tout le 1ll0m1c, ii se t:üra. ») Et s'a-
dres::ant enfin au~ radicaux : ( tÍ e regarde a cette




!JO


heure les banes Olt si¿gent no::; aneien:-,; eoreligion-
naires, et jc dell1under,:j J. ~I. nOllrigncz, tllli e:-it,
lui aussi, d'un tempéramcnt lJClliqllCux, lJOurcIuoi
iI nous a ahanJonnés. Quoi(lU'il ait peine J. se
contcnir, quoique le mot : je demande la parole !
erre eontinuellement sur se:-,; lóvres, vous verrez
(IU'il 11e la Llelllamlel'a paso Pró;-; Je lui siége
l\1. Marlos. Il e:3t mon ami, mo.is il ne rn'l1ono1'e
pas Je ses confic1enees poli tiques, et j 'en suis 1'6-
duit a deriner ses sentiments par son attitude, par
ses airs de tete, eo.r en vt>l'iLé, je vous le di::;, eette
cham1Jr,~ est une assemLJlée d'oIlJllJ'es. lei llcl'sonne
ne dit rien ; ici iI n'y a que deux clJoscs fran~he:-,;)
mil parole et le Yi::i<Jge de I'atlliral Topete. J\I. :JIar-
tos a des chagríns, des dégoltts. Le gouverncrnent
s'cst ellgagé J. faire un quart de conycrsiun u droite,
et mon ami en est profondéll1ent amig6. Pourquoi
11e flarle-t-il pas '! pourquoi ne déploie -t-il pas sa
lJLlrmiere'! Ce chef de parti [era la Jlll:rne cllose tj ue
les autres cbéb ses rivaux, il s'enfermera ebns le
silence; son partí f~ra la llleillC chose (Iue le::;
autres partis, iI s'enveloPilel'a dan;) la !llüt du mys-
tere. Demandcz-vous l'exll1ication ll'unc éniglJle si
étl'ange, je vous 1:1 donnerai. Tous se taisc>llt, parc8
que tous esperent quC'I(lue chose du général Prim
pour leurs solutiollS respectives. »




!Ji


L'Ol'iÜeLH' d('~clarait en finissant que ce qUl se
pa~sait dan::; la dlLllll1m~ se passait également dans
le pays, que beauc:oup de lJomboniens se plaisaient
ü cmire qllC le général Prim désil'ait donner au
l!rince AlpllOnsc le telllps de gt'andir, que plus
d\ll1 l1lontpcn~,i6ri:-lte le croyuit occupé il comlJattre
les répugnanc:cs du parti radical pour leur candi-
dat, que bcaucoup de répablicains memes s'obsti-
lJaient Ü espérer lcut' salut de l'ennemi qui les avait
~i I'udem8Lt traCJués ot ü yoir en luí le lnessie de
la rl'pulJlique. C(~ 110st pas le 1'ait d'un homme 01'-
dinall'e de jcler ainsi un dwnne sur tout un peu-
ple et do le teni!' su:"'pemlLl Ü des l¿wres lIui no
varlcnt paso
Tout~rois il no faut pas altrilJuer uux hommes
d'I;~tat trop de prot'ondeut' dan::; les desseins. Leur
liberté Ll'action ost plus Dornée qu'on ne pen-:e;
los plus habiles font ce qu'ils IlCuvent, et ce qu'ils
pcuvunt est slluvetll peu de chose. Pendant que
n:Sp~lgne tout elttiel'o s'occupait de deviner le
S¡dlÍllX, il dll~rehait lui-meJlte son propl'e secreto
:::iOll silence tl~ltloigllait de ses embarras plus en-
care qlW de :-;a di::;simulatioll. Le:-; co1't0:-; uvaient
en Yllin llécré!té le rétablissellll;lü de la lllonarchie;
don Juan Prilll 11e tl'ouvait pas son prince. Il avait
ofTert la cuurunne au pere du roi de Portugal.




92 L'ESPAGKE POLITHJ,UE


K'ayant pu vaincre ses résistances, il s' 6tait tourné
vers l'Italie, et i1 cl)8rchait vainement Ü ohtenir
que le roí Victor-Emmanuellui donnát son neveu,
le duc de Genes.


Il est vraí qu'on avait sous la main un candic1at
de bonne volonté, dont l'acceptation 6tait cor-
taíne; mais on désespérait de le rendre accepta-
ble. Quoiqu'il off1'it les plus sérieux avantages,
quoiqu'il fut soutenu par de bautes inlluences, il
se heurtait contre une sorte de défaveur publique,
oü l'instinct tenait plus de place que le raison-
nement. Il avait trois c11o:-;es contre lui : it était
ét1'ange1', il 6tait Dourbon et i1 était impopulai1'e.
« Mon ami ~L Navarro, avait dit le 1i juin t8üD
ni. Castela1', nous assure que dans l'6tat des choses
l'unique solution possible est le duc de Montpcn-
sier. Toutes les fois que j'entemls p1'ononcer ce
nom, je me souviens d'une rubrique tres-ernployóe
dans les universités. Quand nous avons rcflls6 quel-
que candidat au grade dl~ docteur, nous en préve-
nons l'huissier, qui sort et va le trouver en lui
disant : Votre Grúcc est un homme de grand
mérite, 111üis fai le chagrin Lle vous annonce1' que
vous ne pbiscz pas a ces mcssieurs. - Eh lJicn,
messieurs les députés, il y a icÍ soixante-dix ou
quatre-vingts républicains: qui tous voteront contre




L'E~PAG~E POLITIQCE 93
le duc de ;\Iontpellsier. Il y a ieí cent représentants
du partí progressiste que les engagements con-
tractés par eux envers leurs électeurs obligent a
voter contre le duc de :Montpensier. Il y a ici trente
démocrates qui, autorísés par leur conscience .. ont
fait de grandes concessions, maís qui n'il'ont pas
plus loin et voteront comme un seul homme eontre
le duc de l\Iontpensier. Vous ]e voyez, messieurs
ies dóputés, Sa GrttC8 a beaucoup de mél'ite) mais
elle ne plait point a ce3 messieurs. »


Le eas devenait embarrassant, et l'inquiétude
commen<¿ait a gagner le général, quand iI lui vint
une idée, - ou plut6t on la lui donna. Cette idée,
l'une des plus fatales (lui soient entrées dans la
tete d'un hOlrnne, devait coCtter ü la Franee des
provinees et des milliards. On a prétendu que le
général Prim n'avait jamais pardonné a l'empereur
Napoléon III de luí avoir refusé la eouronne du
Mexique, qu'il rouIait dcpuis longtemps de sinis-
tres projets ele vengeance, qlúl attendait une oe-
casion, qu'il la trouva, 8t que le prinee Léopold
de Hohenzollern fut su bombe Orsini. Les romans
noirs sont aus::'li trolDpeurs que les rOlDans roses.
Les ennemís du comte de Heus ont réprouvé
comme ses ami s ue telles supposítions. Il n'a pas
invenü'~ de gaité ue eceur la fatale eandidature qui




~)4 L'ESPAG:\E POLTTlqlJE


eut des conséquenees a j:tmais déplorahIes; - iI Y
a recouru comme a une c1erniere ressource, apres
avoir essayé d'autre chose, apres avoir éprouvé
des échecs qui lui créaient UIle situation aussi ridi-
cule que difficile. L'Espagne savait que depuis des
mois ses courriers galopaient sur toutes les gran-
des routes pour lui chereher et lui ramener un
roi, ils trouv~tient partout porte close; son orgueil
commenQait a s'émouvoir, elle s'en prenait ü son
gouvernement eles refus ele l'EuI'ope. En n~\'anche,
les républicains triomphaicnt; ils se ílattaicnt (Lue
le trone demeurerait étel'nellement vacant, que
bon gré mal g['('~ la république s'irnposerait. Gros-
sissant leur voix, iIs redoublaient d'activitó dans
leur propagan de, qui agitait la Catalognc et les
provinces du midi. I1 fallait a tout prix sOftir de ce
provisoire énervant et dissolvant.


Au surplus, loin de nourrir des intentions hos-
tiles pour le cabinet des Tuilel'ies, le g(~n<2ral Prím
s'était montré des le début c1ésircux de s'entendre
avec Iui. attentif ü le consulter. Sans doute il s'ins-
pirait avant tout de son intérN personncl; il vou-
bit ceindre c1u diademe de Charles-Qllint un front
docile et soumis. Ce nouvcau nlJire du palais ne
pouvait s'accommocler que d\m roí d'humeuf com-
plaisante, qui fút ü sa c1iserétion, il ent~ndait ré-




í;ESP.\(; \E 1)()LITIQ1:r:
1!118r Ü son ombre; mais il sentait en meme temps
que l'assentinwnt de ~on puissant voisin lui étalt
11{~cessaire, ct ii tonait a établir en Espagno
un f{'gime que b Franco pút approuver. La llrin-
cipale de se~ clifflcultés était que ríen de ce qu'il
proposait il París n'1 étoit agréé. La révolution ele
septembre avait été un év{'nemcnt déplaisant pour
la cour des Tuileries, qui venait de formel' avec la
reine Isabelle une liaison assez intime, dont elle
se prornettait cl'bellreux n;:~uliats, AUClll1C cancli-
dature ne pOllvait obtcnir son ;1\'CU, Un roi cl'Es-
pagne italien aurait scn'i de theme aux récl'imina-
tions clu corps législatif, qui déjü reprochait Ü l'em-
pereur d'avoir trop agrandi la maison de Savoie
et de l'avoir mise en étlt (le tout osero Une r6-
puLlique cspagnole 6tait un exempIe cbngereux;
mais de toutes les éventua1ités possibles, eelle qui
poxaissait la plus dés,Jgréable était l'avénement
du duc de ~lontpcnsier: Ü tOft ou a ralson, on y
voyait un péril pOllr les intérets c1ynastiques. La
seuIe ellOse qui convint ü la politique impl"riale
dait la restñur~ltion impossible de la reine b1belle,
qu'on ne pouvait son~('r ü demamler. Aussi, tout
en cléclarant luwtemenL qu'on n'entendait point
s'ingércl' dan::; les afl'airl's UO la Péninsulc, qu'on
res pecterait son uroi t de régler ú son gré se::; ues-




96 L'ESPAG2\E POLITIQUE
tinées, on répondait a toutes les questiolb par eles
fins de non-recevoir, on affectait un air de résel've
ou per<;;ait l'humeur, et qui ressemblait a une neu-
tralité malveillante.


Il y avait alors b. Madrid un de ces hommcs pleins
de bonnes intentions, mais d'un esprit inrIuiet,
d'une imagination remuante et toujours en travail,
qui, féconds en proJets, s'agitent sans relCtcllC, obs-
curs artisans que la destinée charge quelquefois
de fabriquer les plus granels év(~nements. Infatiga-
bles, indust1'ieux , ne pl::tignant jamais leurs pas
ni 1eurs peines, assurés de la lll'oiture de leu1's eles-
seins, trop pleins de leur idée poul' en discerner
les conséquences, ils sont nés pour etre le plus in-
nocemment du monde des ouvriers en catastro-
phes. 1\1. Salazar y Mazarredo s'était si bien remué
au Pérou, qu'un beau matin l'Espagnc s'était trou-
vée, grCtce a lui, en posscssion des Hes Chinchas et
engagée elans un méchant imbroglio, d'ou elle eut
quelque peine a sortir. On aS:-iure que le spi1'ituel
ministre des affaires étrangeres, qui fut chargé de
délJrouiller cet écheveau, avait dit, en semoDQant
l'activité tracassiel'e ele son agent : « Hien n' est
plus dangel'eux que les hommes qui ne mettent
jamais leurs pantoufles. ))


M. Salazar n'avait pas r(~ussi a clt'~dlalner une




tempcto sur l' océan Pa(;illc!ue; il devait réussir a
mettre l'Europe en feu. Voyant son pays en quete
d'un souverain, il se piqua de lui en donner un, et
il publia une .brochure destínée ü prouver que le
prinee Léopold de Hohenzollern réunissait toutes
les condítions pour eLre un excellent roi d'Espagne.
Cette brochure fut peu relL1arquée; mais apres le
refus uu duc L\e GGne~) quand le général Prim se
trouvait ;t hout de yoie, on lui parla et de l'opus-
cule et de son uuteur, (lui fu L mamlé. 11 offrit in-
continent ses services J et partít de son pied léger
pour l1ll gocier are e la famille de lIohenzollern et
le cabinet de Berlín. Ses ouvertures furent d'abord
Ol! repoussées ou fl'oidclDcnt rec¿ucs; l'heure de les
acceptel' n'ayait pas encore sonn6.


On a rClll'oché ü l'alllhassaucur de France a 11a-
drid, le .baron M ereier de Lostende, de n'avoir
ríen su, et de n'aYlJll' rien fait, faute de rien sayoir.
Fort con:3idért"~ et cntonrl\ l'amllassadeuf, dont la
conduite a éló injustcmcnt critiquéc, était en situa~
tion de tout sayoir; :-.;cs inforrnateurs habituels l'en~
tretinrcnt plus d'une fois ele projcts ('t de négocia-
tion5 qui, au demeurant, étaient le secret de tout
Madrid. S'il ne fit ríen pou!' les trave1'se1', c'est
qu'il suivit fldelement les instructions qui lui étaient
données. On luí ll10.1111ait qu'll devait résen"er son


7




influence ponr combattre la plus ftlcheuse drs can-
didatures propo::iées, celle (lu duc lll' Montpensier,
qu'au reste il eüt a intervenir ]e moins possible al1n
de n'eLre point aecus(\ de gener IC:-i Espagnols uans
la liberté ele leurs résolutions J qu'a l'égard du
prince de Hobenzollern il pouvait et1'e sans inquiéw
tu ele : on avait tin' .. parole de la Prusse qu'elle
n'autoríserait poínt ce pr('tendant. Par malheur, la
Prusse se ravisa, et le général Prim re(:ut un jour
de Berlín une lettre c10nt le po:::,t-scriptnm était
con<}u ü peu pres en ces termes : « Si vous étiez
toujours dans les dispositions dont nous a entrete-
nus M. Salazar y Mazarredo, nous pourrions peut-
etre nous entendre. ))


Un homme d'l~tat qui a fait son chemin par les
aventures, (Iuel cIue soit son m(~rite, se ressent
toujours de ses origines. n ne se défie pas assez
de sa fantaisie, jl aje ne sais :Iuclles fume"es dans
la tete; wt OH tanl son imaginatioIJ, se bronillant
et confondánt les genres, coucl ü eles ehapitres
d'histoire des dénouments romanesqucs. Sí inv1'a1-
semblable que cela paraisse, le g¡"llóral Prim se
flattait de gagner Napol(~Oll III ü ses pwjcts. En-
hardi par ses sucees parlementairos, plcin ele con-
fiance dans sa dexV'l'itt'" iJ s'était dit : « Je persua-
derai l'empereur cormnc jo persuade m<1 majorité.




99
Apres m'avoir entendu, il ~lgréera lIJon candidat,
qui est son parent; ~inon .le lui t'erai acheter mon
désistement par la promesse fortllelle de mettre a
l'aise la eour de FIOl'ence, et de llle preter dans
mes négociations pOlil' ohtcnil' un princo italien le
concours qu'il m'a refusé jusqu'aujourd'hui. »)


Le gónéral se proposait de tenir secrete l'accep-
tation probable du gouvernGInent prussien jus-
qu'au jour OU il pourrait avol1' avec l'empereur une
entrcvue qui dovait loul arr:lllger. Il avait compté
san::.:. ]'inc1iscrétioll de::-i grandes jOles, qui n'ont ja-
mais étó discretos. Son nógociatcnr arrivo a l\Ia-
c1ml, porteur do la leUre par brIuel1e le prince
Léopold de lIohcnzollern acceptait sa candídature
a la couronne d'Espagne. Il no peut se tenir de
parlero «Enfinnous avons unroi, ljatcnenw8relj!»)
s'ócrie un députó. Ce cri traverse Madrid comme
un éclair. Le g('n(~ral 6tait absent, il chassait dans
les montagnes de Tol<'~L1e. Deux de ses amis a11e1'ent
l'attendre ü lo, garo pOl11' lo f¡"li6ter sur l'heureuse
issue de sa campa~no diplomatirIue. Pl'im fronQL1 le
sourcil, tonlit un gant <rlú1 tenait ~tla main. ( Peines
perclues! s'écria-il ü son tour; (,;'on ost fait de notre
prétendant! Et Diou vcuille que ce soit tout 11 »)


1. YOYCZ JJÓi¡(),'iil,~ ,le l/il C';il';[itIiUCi:!/?, p:w l\I. Víctor
Bala[(u:r, p. ler1 et t:)2.




!DO L'ESPAGNE POLITlqllE
La candidature du prince Léopold avait assez


vécu pour embraser l'Europe; elle disparut comme
disparait l'éclair dans l'incendie qu'il aUume. L'Es-
pagne se trouvait de nouve::m san s roi; mais Napo-
léon III n'étant plus empereur, le roi d'Italie se
voyait libre de ne consulter que ses propres inté·,
rets en acceptant la couronne d'Espagne offerte a
son fils Amédée, duc d' Aoste. Les propositions de
don Juan Prim avaient été reQues sans enthou-
siasme en Italie ; les politiques de Florence étaient
trop avisés pour méconnaitre les difficultés et les
mauvaises chances qui attendaient leur prince a
l\Iadrid. La raison d'1::tat parla, les objections se
turent. On se disposait a occuper Home, et on 11e
désespérait pas d' obtenir l'acqpiescement résigné
du saint-pere a sa destinée en le convainquant de
l'impossibilité de tout recours aupres des gouver-
nements catholiques. Quel appel pourrait-il rever,
si on lui montrait l'Autriche neutralisée par l'as-
cendant de' la Prusse victorieuse, la France pour
longtemps impuissante, et sur le trone d'Espagne
un roi qui n'oublierait jamais quel sang cou!:út
dans ses veines? L'intérét italien fut seul consulté,
et prévalut sur les inquiétudes d'une judicieuse
prévoyance.


Le 16 novembre 1870 fut une grande journée a




L'E~PAGNE POL1TH¿UE 101


Madrid. La ville était agitée, on respirait dans l'air
la íievre d'un événement. Les prophetes de mal-
heul' sernaient des bruits et des alarmes; a tout
hasard, les ministres avaient pris queIques dispo-
sitions militaires. Calme, souriant, le général Prim
assurait que tout se passerait bien; il tenait en fin
~on roi, il avait rail' d'un homme qui a fait un
pacte avec la destinée, et reQu d'elle une signature
en bonne forme. Les cortes se rassemblerent;
malgré tous les inciclents soulevés par les répu-
blicains pour retarder le vote, le scrutin rendit son
arrét, et proclama roi d'Espagne le duc d' Aoste
par 191 voix, contre 63 données a la république,
27 au duc de Montpen:sier, 1 a la duchesse, 8 au
due de la Victoire, 2 au prim~e AIphonse de Bour-
bon et iD bulletins Llancs. Le méme jour, une
commissioll fut nommée pour se rendre a Florence
sous la conduite du président de la ehambre,
M. Ruiz Zorilla, et en ramener le roi du général
Primo Celui-ci fut accosté au sortir de la séance
par un républicain ergoteur qui lui demanda en
vertu de quel article le pré.3ident et les secrétaires
se croyaient autorisés a quitter Madrid. « Ne vous
f;emble-t-il pas, général? .. - Il me semble qu'il se
fait tard, répondit-il tranquillement. Allons-nous
discuter encore'! r;;'avez-vous pas assez de huit




iU2


heures de séanco'! \'ous n'etes donc jam:.üs con-
tent'! Bonsoir, mon cbol'.» Et le gén(;ral posa sa
main droito SIJl' la poitrine de son intorloeuteul',
geste qui lui était familior quand il voul,út abrégel'
une conversatioll. Quelrrues jOUl'S plus tard, i1
disait a l'un de ses amís quí 1J(11't8.it pour Florenee :
« Quand le roi sera yenu, lo dornier mot sora dit.
Nous feron5 rentrer dans lour calJanon tous ce::)
fOU5 qui confonclent le lJl'ogres ave e lo désordrc,
la liberté avec la liconce. Vi ve 10 roi! et des qu'll
sera ieL malhour ü celuí qm so permettrait de lui
manque!' 1 ! ))


Le :!(j décembre, le v~ussoau flui apportait un
souverain a l'Espagno prit la mer; ello no lui fut
pas complaisante, olle était houlouse et chagrine.
Lo duc d) Aoste ne :se grisait point do sa nouvelle
fortune, il envisageait l'avenir avoe plus do calmo
résolution que do eonlLmcc. Dan:-i son dorniel' on-
t1'otion avee un des IJlus haLiles ministros de son
pays, i1 s'était eXpl'illlé :-Jau::) détoul' sur les rl'sis-
tances qu'il pressentait. (( :No tonez pas trop a votro
couronne, luí avait l'l'j)ou(ln 1\1. Vísconti-V onosta;
quand les Espagnob vous ..... erront le piod ü l'étricr,
ils vous reticnc1ront. )) Ceb ;:-;uPl'0::;ait quo le Llue


1. Jle¡¡¡ol'ius LÍe HU Co¡,slil¡¡-Ul.!nle, p. Uü eL 'lU:2.




d'Aoste saul'ait se r81lLlre néeessaire; un prmce
qui menace sun peuple de lui fausser compagnie
doit Ctl'e certain que sa menace ne sera pas consi-
dérée comme une promesse.


Si le jeune roi se faisait peu d'illusions, plusieurs
des Espagnols qui l'entouraient s'en faisaient beau-
coup. I1s voyaient déju la nation se rallier tout en-
tiere autour de son nouveau souverain, les mécon-
tents et les pervers tenus en respect, les partis
désarmant, une ¿~re de bonheur et de sage liberté
s'ouvrallt pour l'Espagne transformée. Hélas ! lors-
que ee vaisseau chargé d' espérances et de bonnes
intentiolls jeta l'anere dans le port de Carthagene,
une sinistre nouvelle l'y attendait. Le général Prim,
le faiseur de mis, le ,Varwiek espagnol, n'avait
plus qU'Ull soufíle de vie. Comme 11 sortait du con-
gres, quelques misérab1es, introduisant par la por-
ti0re de sa voiture la gueu1e de leurs eSl'ingoles,
avaient tiré sur lui ü boul portant. On rapporte
que l'un d'el1x s'était éerié : « Nous reconnais-tu?
Voila ce (ine nous t'avions promis. » Les levres
<[ui avaient appe1é au trone d'Espagne un prince
italien, et qui lui ménageaient des conseils, peut-
etre des ordres, avaient prol1oncé leur derniere
par01e. Quancl le duc el' Auste entra dans Madrid
par un jour froitl et neigeux, :'ia premiere visite fut




104 L'ESPAGNE POLITI(Jl~E


pour un mort, son premier entretíen fut avcc un
cadavre.


Bientót apres, si la chroniquc rnadrilegne fuit
roi, la destinée lui donnait un autre avertissement,
moills lugubre, mais presque aussi instruetif. Lo1'8-
qu'jl re<.:ut pour la premie re fois les autorités de
Madrid et les corps de l' État, il avait a ses cutés un
général italien justement célebre, accrédité aupres
de luí comme ministre d'Italie, et (Iui jadis pour
ses débuts avait servi en Espagne. Gouverneul',
grands personnages civils et militaires, ehaeun,
apres avoir défilé devant le roi, se retournalt pour
adresser au général qui un signe tle tete, qui un
regard de connaissance, qui un sourire ou un dcmi-
sourire. La cérémonie terminée : « En vérité, gé-
néral, se p1'it a dire le roi, il me parait que vous
connaissez tout le monde ici. - Cela ni cst pus
étonnant, sire, répliqua-t-il gaiment, j'ai eommandé
penJant deux ans la gendarmeric. ))


Prím assassiné révélait au jeune souve1'ain e(;
qu'il pouvait attendrc ele [anatiques sans Coi ni 10i;
le mot du général italien lui apprenait que parmi
les hommes (lui l'avaient rait roi ii en (·'.lait peu (lui
n'eussent jamais trempé dans aueune conjuration,
ct on n'a p;tS encore trouvé da ('(mspiratcllr (Iui
11 'aIt conspiré qu'une fois.




JI


Ce regne, ubjet de tant d'espérances, n'a gue1'8
uuré plus de deux années, qui n'ont pas été heu-
reuses. Apres quelques mois d'une existence facile
qui aulorisait les illusions, on vit les emharras
naUre et grandir. L'audace croissante des républi-
cains, bient6t remis de leu!' défaite et de jour en
jour plus confiants dans l'avenir, le parti radical
se scindant en deux groupes, dont l'un, conduit
par un homme d'un génie amer et emporté ~
1\1. Sagasta, recherchait l'alliance de l'union libé-
rale, tandis que l'autre, qui reconnaissait pour son
chef 1\1. Huiz Zorrilla, inclinait de plus en plus vers
les solutions républicaines, les coalitions les plus
étranges, des chambres prorogées ou dissoutes, le
pays ólisant a quelques semaines d'intervalle des
cortes sagastistes et des cortes zorrillistes, les pé-
nuries du trésor, le carlisme déployant de nouveau
sa banniere dans les montagnes de la Navarre et
de la Biscayc, ue vains pourparlers avec les con-
servateurs représentés par l'ex-régent du royaume,
le maréchal SelTano, et enfln un dernier ministere
radical qui attente uux droits de la couronne et




contraint le roi ü'abdiquer, yoila l'ingl'at r6sumé
de ce regne de dcux an::i. Le mariage de l' l~spagne
avec un prince italien n'a pa::; r6u:-ósi. Une courlc
lune de miel des troubles de mé11;(.le accomr)annés


, ü ü


d'aigres discussions, un divorce pour cause d'in-
compatibilité d'humcul', cctte m61ancoliclue his-
toire pI'ete aux réllexiolls.


Quí faut-il accuser, le roi ou la nation '{ L'opinion
publique en Europe a pris partí pom' le roi. Elle a
reproché vivement a l'Espagne d'avoir manqué a
5<1 fortune, d'avoir perdu par :3a folie une occasion
unique de fomler chcz elle le véritable régime
constitutionnel. Le cid luí envoyait un souverain
plein de loyauté et de droitul'e, né dans le pays du
continent ou se sont le mieux acclimatóes toutes
les libertés anglaises, élevé a la meilleure école,
brave comme son pere et comme lui respectueux
pour le::; droits do seslleuples. Ce roi Ltisait asseoir
avec lui sur le trune une femnw éminente, qui
unissait a la beauté une úme ~!/:n6rcuse et une in-
telligence peu commune, (¿,ll'a raít l' Espagne ue ce
trésor'! .Elle a méconnu son JJonheur, elle 1'a jeté a
tous les vents.


A cela les Espagnols r6pondent qu'ils peuvent
a1l6guer plu,s d'tme circonstance atténuante, et
qL1C les astres no lcur onl Uas 6té aussi pl'opices




L'l':SI).\(;l~E PULITHJlJG lU]


qU'Ull le dit.JJans la situation critique Olt les
avaient réduits les éll'aroments do la reine Isabelle D
et la révolution de septemJJro, ils auraient eu be·,
soin, pour cingler l1eureusement panni les écueils,
d'un piloto savant dans son métier, blanchi dan s
les dangers, et qui eüt 11 expérionce de::) tempetes.
La barque devait périr entre les mains novices
d'un cadet de vingt-cinll ans, qui, n'ayant encore
rien vu, ignorait les hommes, le monde, la poli-
tique, et, en dC~pit de f:i8S bonnes intentions, préfé-
raít se::; piai::;irs ü la fatigue de:, alfaires.


« Un jeune prince, a dit;\!. BJgehot, ne se sent
guere aUiré par la por~.;poctive éloignée d' obte-
nir un peu d'influcllce dans ele::; questions arides.
11 pourra former do bonncs résolutions et se dire :
l'an prochain, jo me mettl'ai ü lire tols documents,
j'étudierai le monde 110litique et m'informerai ua-
vantago de ce qui s'y llas~e ; je ne permettrai plus
ü ces ferlllncs lle me parlor COlflllle elles le font. -
Ellos ne lui Oll parloront pus moio;:;. La paresse la
plus incurable c::;t celle (lui se berce des projets les
meillours. On doit ]Jien penser que le ministre
dOllt le pom·oir::;erait Llmoindri par l'ingérence c1u
roi dan::> les alTaires De le rn'e~::iera pas trop de s'y
livrer 1, » -- En eil'et, lo;:; ministres c1u roi Amé-


j. Bagchot; la L'u/ll>liluiiun wl!Jicli&c.




108 L'ESPAGNE POL1TIQUE
dée ne l'ont point pressé de renoncer a ses distrac-
tions favorites ; mais ils l' ont bl<1mé de ne pas les
choisir avec assez de uiscerllement, ue ne pas se
soucier de l'opinion, ue mépriser l'étiquette, de
pousser trop lo in la facilité de la vie et des ma-
nieres, d'en user trop familierernent avec sa royale
dignité, et de trop vivre comme un particulier qui
se trouve embarrassé d'une COUl'onne et tache de
s'en soulager en la mettant sous son bras. Un sou-
verain est condamné a représenter, a se souvenir
qu'on le regarde. On raconte que la sensation fut
grande a Madrid quand l'infante Isabelle obtint, a
force d'instances, de Ferdinand VII la permission
de prendre un abonnement ti. l'Opéra; ce fut une
atteinte au culte de la royauté. Il est naturel que
les idoles s'ennuient sur leur piédestal et les reli-
ques dans leur ch<1sse ; mais il faut choisir entre le
plaisir et le respect, et une femme d' esprit préten-
dait qu'il n'y aurait de restauration sérieuse de la
monarchie que 'lorsqu'on aurait trouvé un préten-
dant qui consentit ti. s'ennuyer, attendu que les rois
se sont perdus ]e jour oü ils ont voulu s'amuser
comme les gens qui ne le sont paso


A beaucoup d'excellentes qualités, disent encore
les Espagnols, le roi Amédée joignait un défaut
grave : il n'aimait pas son métier, il le faisait a






L'ERf'AG\TE POLfTIQUE 10fI
contre-CCBur, jl f;tait roi malgré lui. Le respect
scrupuleux qu'il t(lmoignait pour l'institution par-
lementaire, la neutralité qu'il afTectait de garder
entre les partis, lui servaient de prétexte pour se
retrancher dan s l'inaction ; il faisait consister sa
charge a ne rien faire. Ce grand détach.ement, qu'il
érigeait en vertu , prouvait son indifférence. Il
semblait dire aux chambres: (( Vous voulez ceci?
Ainsi soit-i1. Vous avez décidé cela'? Ainsi soit fait. )}
Il ne paraissait pas se douter qu'il eut une place a
conquérir, une influence a exercer. n a toujours
dit qu'Il ne voulait pas s'imposer; qu'était-il done
venu faire a Madrid'? Se figurait-il que les 1 ni dé-
putés qui l'avaient nommé disposaient du CCBur et
du libre arbitre de 17 millions d'Espagnols'? Le
projet de fonder une dynastie sans contrarier ni se
gagner personne était une véritable absurdité.


S'il ne pouvait conquérir ni les bonnes graces du
clergé, ayant le tort d'étre le fils de son pere, ni la
fayeur des classes conservatrices, qui avaient placé
ailleurs ]eurs affections, il aurait pu du moins s'at-
tacher l'armée. Il a signalé son courage hérédi-
taire par la témérité avec laquelle il bravait les
complots et les menaces des assassins; mais, sur
la foi de conseils venus de Florence, il s'est refusé
la satisfation de conduire le soldat contre les car-




110 T:ERP.\G~E ()()LITIQTlE
listes. On lui ayaü persuadé qu'il y allait de son
honneur de ne pas verscr le sang etc S8:; sujets,
comme si le poete n'J'vait l'as dit que le premier qui
fut roj fut un solelat houreux, eomme s'il y avait (m
Espagne un seu] homme considérahlo qui n'ait pas
sur lui quelques gonttes elA sang espap;nol. nans
son dernier message, il (l exprirné le regrot que la
P(~ninsule n'ait pas été ellgJg(~8 sous son rrgne dans
quelque guerre étranp,'('l'e, parce qu'il e(ü saisi avec
empressement cette oceasion (le montror son ép(~G,
(IU'il lui r(\pugnait cl'ernl'loycr contro <lc~; rebellcs.
(( e' était en user, él (lit un in!-!í'\l1ieux plIlJlieistc es-
pagnol, :JI. Valera, C0111ll1(' ce H)(\ílcein dn ~I(}lióre
qui souhaitait ü c~es amis de b()Jlnos pulmonies et
de bonnes congestions c(~rl~hrales ponr ponvoir dé-
ployer sa sclenco en les gll(~rissant. )) No se faisant
ni aimer, ni craindro, n'ayant ponr lui ni lrs partis,
ni la bourgeoisie, ni le peuple, ni le:,; crtserncs, il a
Yt;CU en Espagne comrnc un étranger flui avait ]e
mal du pay5. On eftt elit qu'i] était \'onu U Madrid
pour y faire en forme une exp(\ricncc dont il uevait
Nrc la victime, et qtúl lJornait son amhition l:t
mourir dans toutes les rl'~):les.


Que ces reproche~; soient fond(\s ou non, une
chose nous parait certaine : ce n'est pas clans le
caractere du roi Amédée qu'il faut chercher la prin-




111


cipale C,Ulse eJe son insncc(·s. Les difflenltés étaient
telle." que le prinee le plus adroit, le plus énergi-
que, le plus amonreux de son métier, le moins es-
clave de son indi(rérenc(~ ou de ses serupules, au-
raít eu peine ti, les vainere, et qu'il eút, selon toute
apparenee, sueeoml)(\ ti, sa t<1che. Ce ne 80nt pas
ses fautes, ni les Espagnols, qui 1'0nt perdu ; e'est
la force eles rhoses , (lui 50nt toujours ü la longue
plus fortes que les hnmmes. l'n mot ele Lope de
Vej..;'a pourrait servir d'{'pigraphe ü eette hi-.:toi1'e :
( L'homme a beau se garder, ce qui doit arriver ar~
rivp, toujours 1. ))


L'é] Ll du 1G nOVC1l1bre avait c1)abnrd contre lui
d'{:tre un étrangel' che:?: un peupIe ombrageux, ja-
]ou,\ de sa dignitó, quí n'a ,iamais admis qu'on s'ín-
gértlt (lans ses aITaires. Les E,.:opagnnls se souve-
naient que jadis l'épée du granel capitaine avait
répanrlu en Ttalie la terren!' de leur nom, que
Naplcs et le Milanais leu!' aVJient appartenu, et
qu'ils furent longtemps en possessiou ele donner
des gouvcrncurs el des orelres ü re pays de seni-
tude séculaire, qui s'enhanlissait aujourd'}ml Ü 18ur
donner un roi. Ce rc~tour de fortllne témoignait de


J. Siempre filé lo que ha de ser
Por mas que el IJOl1lLlt'c sc gl1ardp.


(Lu ({ue lw de IiGr, III, 'lO.)




112 UESPAGNE POLITHJUE


vicissitudes déplaisantes h leur fierté. En \'ain, pou!'
guérir cette blessure, les partisans de la nouvelle
dynastie citaient-ils plusieurs pays qui avaient ac-
cepté sans répugnance un prince qu'ils n'avaient
pas vu naitre, et trouvé sous un sceptre importé la
paix et le bonheur.Ils invoquaient surtout l'exemple
de la Belgique. On leur répondait que la Belgique
est un peuple tout neuf, qui s'est donné un roí le
jour meme ou il s'est émancipé. Ses souverains
ont cet avantage que la nation voit en eux les 1'e-
présentants de son affranchissement, les témoins et
le gage de sa liberté. Quelle garantie nouvelle ap-
portait un prince italien a l'indépendance d'une na-
tion qui s'appartient depuis des siecles? II ne pou-
vait sortir de son palais sans se heurter contre de
glorieux souvenirs qui enflent le CCBur castillan. Ce
jeune prínce sans passé était comme écrasé par le
passé de ses sujets.


Le duc d'Aoste avait encore le rnalheur de devoir
le trone a la bienveillance ou aux perplexités d'une
assemblée qui l'avait nommé par 1Ui voix sur
:311 votants. Plusieurs mois avant son avénement,
des orateurs forts en logique avaient représent{~
aux cortes qu'un roi n'a d'autorité qu'autant qu'il
a de prestige, que les peuples veulent trouver en
lui quelque chose qui les dépasse, et qu'ils réser-




L'E~PA(;~~rG PULITH¿U E 113


vent leurs soumissions pour la monarchie légitime
quand elle ne s'est pas rendue impossible, ou pour
ces parvenus qui sont nés au bruit de la foudre,
péniblement enfantés par une révolution en délire
dont ils apprivoisent les fureurs; elle a tremblé
devant eux, elle avait reconnu son maitre.


Ces orateurs remarquaient encore que la moins
viable des royautés est celle qui nalt du hasard d'un
scrutin parlementaire. « Une monarchie créée par
le vote d'une assemblée, disait le G juin 1870 M. CÚ-
novas del Castillo, est la plus faible, la moins pro-
pre a s'enraciner, la plus éphémere, la plus cadu-
que de toutes. » Et pour réfuter l'objection qu'on
tirait de l'exemple de la Delgique, il alléguait que le
roi. Léopold avait été nommé du moins par 152 voix
sur 200, qu'en 1830 le roi Louis-Philippe en avait
obten u 219 sur 252. «( Cependant, continuait-il, ne
savez-vous pas combien de fois on a reproché a
cet intellígent, habile et libéral monarque de j uillet
qu'il avait dli le trone a '2tD voix sans plus? 1,e su-
vez-vous pas que quelques-uns de ses plus chauds
partisans se 80nt repentis jusqu'ü leur uerniere
heure de n' avoir pas demandé au pays la confir-
mation de leut' ú2uvre et que Geux qui vivent en-
core recourent a de pénibles expliGations pour se
bire absoudre de cel oubli '! » S'il est certain qu'un


H




1111


roí éIu a quelques voix de wajoritó est la víctime
prédestinée des révolutions, t..:eIa est surtout 'TaÍ
quand l'assell1blée quí le porta au lJOUVOÜ' a des
droits ou une proyenance discutables, et il n'y a
jall1ais dan s la Péninsule de rnajorités dont les ori-
gines ne fournissent matiére ü (1 uelquc contesta-
tion. Elles ont presque toutes une üarre suspecte
a leur écusson.


Une royauté contestée et contestable ne saurait
vivre 10ngtel1lps sans avoi1' üc l'wJes combats i.t sou-
tenír; il faut au moins que la loi lui fuurnissc les
moyens de ~.,e défendr8. Un ost tenté de cruire que
le duc cfAoste n'avait pus lu la cOlbtitulioll votée
par les cortés, a laquelle il jura fid0lité; s'i1 l"eút
étudiée avec quelquc attention, il aurait bientot
acquis la certitude qu'elle le ll1ettait dans l'impuis-
sanee de régner. La révolution de septembre avait
prononcé en Lweur du rétablissement de la monaf-
chie et donnú ü l'Espagne une charte dont les a1'ti-
eles sembIaient la plupart em pruntés ü une consti-
tution républícaino. La prévoyance du législateur
avait laissé la porte ouvel'Le Ü tous les repentirs,
cal' l'article '110, qui autorisait les cortes a décréter
de leur cllet' la rdorme ele la COll::ititutiun, n'éta-
llli:,:sait aueune ré::icne en 1'avenr de ['article 33,
aux terrnU::l üuqucl la monLll'clüe était reconnue




L'ESPAG~ E ]>OLIT1(JlJE H~
comme la formo du gouvernement. De quoi se
plaignaient les répu1J1ieains'! On respectait leurs
espérances, leur av(~nement n' l-tait qu'une question
de temps. Aussi bien l'Espagne pouvait prendre pa-
tienee; on lui avait donné un sénat 6lcctif comrne
le congrcs, et les Espagnols possédaient tous les
droits qui sont garantis a un citoyen des Etats-Unis
ou du canton de Gelleve, u savoir avec le suffrage
uníversel l'absolue liberté de la presse, le droit
absolu ele r6union en lien dos ou en plein air, le
llroit abso!u cl'associatioll politique, sous cette seuIe
réserve quc les a850ciations dangereu5es pour la
súrcU~ de l'l~tat pouvaient et1'e dissoutes par une
loi. L'article 22 stipulait que les autorit6s ne pou-
vaient premlre aucune mesuro préventive touchant
l'exercice de ces uroits. En vertu de la constitution
monarchique promulguée a:\Iadrid le 6 juin 18üH,
les ennemis de la monarchie étai8nt libres de l'at-
taquer dans leurs meelings et dans les clubs, aussi
bien quo de chansoDner le roi dans ces libelles en
vers lIU'Oll appelle des aleluljas, et (Iui se vendent
librement u::ms les ruos.


Les loís org~miques avaient encore aggravé le
ca~. « Aycc un sy:-;tl~nlC adrnin¡~tratif, c1is;:lÍt "JI. C<Í-
novas au mois de juin 1SiO, (luí nc confere au mi-
nistre de l'intérícur cLwtl'cS faeultés que celle ll'eX-




Hü L'ESPAGNE POLITIQUE
pédier des télégrammes énergiques, avec des gou-
verneurs de p1'ovince qui ne sont que les délégués
d'ul1e so1'te ele société anonyme et dont les fonc-
tions se réduisent ü appele1' ou Ü ne pas appeler
l'attention du gouvernement sur les abus qui se
commettent, avec des maires, véritables déposi-
taires du pouvoir exécutif, uniques exécuteurs de
la loi, seuls représentants c1u gouvernement dans
la généralité des jJuelJlos, et qui peuvent combattre
non-seulement la politique des ministres, mais le
roi lui-meme et la royauté, avec un régime enfin
qui permet Ü l'autor1tl~ d' étre républicaine, carliste
ou modérée se10ll les lieux oil elle réside, quel role
jouera la lllonarchic'! qucl r(¡le jouera le monar~
que'? .. De par la constitution elle-meme, le roi
doiL servir l1e balancier dan:-; le jeu des partis poli-
tiques. Fixez votre attention sur r état présent de
ces partis, sur la force respective que leur ont
donnée les événements, sur la nature des moyens
d'action dont ils disposent dans la crise révolu-
tionmtire ou nous sommes engagés; croyez-vous
en vérité que le prince qui viendra iei, elépounu
de toutes les conditions indispensahles pour se
faire respecter, aura le lUoyen el' e~crcer un POll-
vOl!' modérateur entre l8~; radions rivales'? N'est-il
pas évident qu'il ne sera que leut' lriste jOl1cl? »




--


L\EP.PA(;~E l'OLITIQrJE


117


Quelques mois avant que le duc d'Aoste acccptüt
la couronne, il s'était pa:~sé ü Madrid et dans les
provinces de curieux incidents. Le général Prim,
qui attachait une módiocre ímportance aux théo-
ries et aux droits constitutionnels, parce qu'il es-
timait qu'il y a toujours moyen de se débarrasser
des príncipes quand ils deviennent genants, avait
laissé le législateur proclamer a son aise toutes
les libertés. Lorsqu'elles commencerent a l'in-
commoder, il ne propasa point de retoucher la loi,
il s'avisa d'un expédient. On vit alor5 se former,
sous le nom de parti de l'assommoir, partido de la
porra, une mystérieu~e association dont l' office
était de precher ü sa maniere le respect du pou-
vmr. Plusieurs journaux Mant sortis des bornes
dans leurs attaques, la lJOn'a envallit leurs bu-
remE; il Y eut quelques rédacteurs contusionnés,
des dégúts dan;.; le tirage, des registres d'abonne-
ment saisis; plus d'unc gaz8ttc mourut de cet ac-
cident. Il s' Nait ouvort a Madrid et ailleurs des
casinos carlistes; ces memes protecteurs officieux
de l'autorité les fermerent de vive force. Comme
ia censure théatrale avait été supprimé.e, il se joua
des comédie5 qui renfermaient des épigrammes un
peu vives contre la régence et son cabinet; les
chevaliers du batan empol'terent d'assaut les fau-




118


teuils d'orchc~tre et rlonnlTenL :lllX aetellr~ (¡'élq
quentes leQons de politesse ; - quelques direeteurs
prudents réso]urent de ne plus mettre une piece
en répétition sans avoil' pris au préalahle l'avis
d'un assommoir. C' est ainsi que le partido de la
porra se chargeait de résoudre les petitesdiffl-
cultés suscitées par la pratique des droits imli-
viduels.


Le roi Amédée avait des scrupules inconnus au
général Prim; il eút mieux aiml; ne jamais régner
que de gouverner par le búton. Il a respecté les
lois, et les lois 1'ont perdu. Aussi la reine) avec ce
grand sen s politique dont elle a donné plus J'une
preuve, disait un jour a un député des cortes: ( La
constitution nous 1'end la vie impossible; tout le
monde ici a le droit de se défend1'e, except(· nous. )
Qu'on se rappelle la lamentable nuit OU la vice-
royauté de Sancho ( s'éclipsa, s'anéantit et s'en
alla en fumée. ) Comme il était dans son lit, plus
rassasié de p1'ocos que de bonne chere, fatigué de
1'end1'e des jugements et de donner des avis, on vint
lui annoncer en tumulte que les ennemis assió 4
geaient le palais, et qu'il ne pouvait S8 sauver, lui
et son ile, que par un acte de vigoureusc énergie.
Aussitot on l'encbüssa dans deux grands boucliers,
liés étroitement avec des courroies, et on lui mit




d:m~ b main une bnce, sur bquelle il fut obligó
de s'al1puyel' pour :-:8 tenil' debout. j::quipé de la
sorte, on lui dit de marcller le premier au combat,
afin c1'animor tout le monele par son exemple.
« Commcnt mOTcllerais·jc? s'(~cria-t-il. Entre ces
planches OÜ vous m'avcz ernbo1tó) je n~ lmis seu-
lement plier le jarrct. )) L'instant (l'al'r¡';s, iI ton~ba
lOl1rdement et demeura 1)8.1' terre, « semblable a
une toetue sous S011 écaillo ou ¿l (luelql1e barque
échouc;e sur le s~lhle. )) Irn::l~;'0 sensible de l'état
d'un roi que la loi pl'otClge en lui interclisant tout
mouyement.


La constitntion de .iLlin 18GG cut-elle mieux
pourvu ü lo. dNense clu pouvoir, elle aurait été dif-
ficilemcnt conciliable avce la monarchie par le seul
fait qu'elle introduisait en Espagne le suffrage uni-
versel. C'était proclamer le principe de la souve-
raineté du peuplc, et on c011<;oit malaisément la
coexistence de deux souverains dans une nation.
Un homme (1'1::tat pcut aimer ou 11e ras aimer le
suffrage uni\'ersel; mais bien osé qui tenterait de
le supprimcr quand il est entré dans les meeurs, et
hien habile qui l'empechcra do produire avec le
temps son fruit naturel, qui 8:st la république. Le
seul genre de monarchie démocratique qu'on ait
vu prosl1(rc'r jusqu'aujourll'hui ost le césarismo,




120 VESPAGNE POLITUJUE


c'est ... a-dire la démocratie :mtoritaire, représentée
par le régime personne1 d'un homme qui, plébéien
d'instinct, accepté par la nation pour son Hlanda~
taire, chargé par elle du soin de ses destinées,
dont iI est seul responsable, s'appuie sur l'armée
et sur la police pour accomplir sa mission, quitte
a demander a un plébiscite la sanction de ses
actes.


La constitution de 18G9 n'avait rien de commun
avec le régime plébiscitaire, et porsonne n'a jamais
moins ressemblé a un césar que le roí Amédée. Il
n'a voulu régner ni par l'armée, ni par la faveur
populaire; il a subordonné docilemcnt ses volontés
a celIes de son parlement; il a toujours cru que
son pouvoir devait se borner ~\ promulguer les lois
voté es par les chambres, et a résoudre de son
mieux les crises ministérielles. Il appliquait en Es-
pagne les pratiques dont iI avait admiré en ltalie
l'habile et heureux emploi, sans considérer que
Madrid n' était pas Florence, et que la monarchie
démocratíque ne peut se régler par les memes
príncipes que le régime constitutionnel. Les esprits
clairvoyants ne s'y étaient pas trompés; ils avaient
compris que, pour satbfaire tout le monJe, les
cortes avaient fait une CBuvre contradictoire. Exa-
minant tour a tour ce roi et cette constitution,




l,'¡,:sp,\(~:,\ E PUIXrHJljE 121
ils avaient décidé qu'avant peu « ceci aurait tué
cela. »)


On a reprochó au roi Amédée d'avoir eu des ver·
tus intempestives, une loyauté inopportune. Il se
disait :' « J e serai un vrai souverain parlementaire,
je choisirai toujours mes ministres dans le parti
qui aura la majorité dans la chambre. » Il ne s'était
pas avisé que ce role d'arbitre impartial entre les
partis lui était interdit. Un roí porté au treme
par la majorité d'une assemblée appartient a ceux
qui 1'oot nomm(' et qui le considerent comme leur
ouvrage, et leur créature. Si Prim avait vécu, le
roi d'Espagne serait resté dans la dépendance de
Prim, et, s'il se fut lass(~ d'etre souple, cette main
de fer l'aurait brisé. Prim étant mort, les radicaux,
ses héritiers naturels, pensaient lui avoir succédé
dans ses droits de propriété sur le roí. Il était écrit
c1ans le Ji vre du destin que, le jour OU il voudrait se
reprendre, sa déchóanee serait proche.


Les radicaux espagnols sont un parti intéressant
a étudier. lis comptent dans leurs rangs beaucoup
d'hommes capables et d'esprit politique; une nota-
ble partie du haut et du petit commerce, de l'in-
dustrie, de la banque, est a eux; ils disposent de
généraux qui leu!' répondent de plus el'un régi-
ment. Ce parti, qui est un produit du siecle, repré-




122 l/ESI >.\ e XE POLlTTQP F
spnte h mrrveillc J(':-1 (li::ip(,~iti,m:, i't l(~;-; srntimlmls
d'UllO f'í:Ttaine. bOl1rgeoi~ie, n(m-:~I'lllomenl en 1'::::-
pagne, mai:3 dans touto l' Europe. Tres- sCi'ptiqups
Ü l'endroit des doctrines et de la thl~orio du gon-
vernement, lib(>raux par instinct, mais n'ayant
c1'autre principe que l'utilitl) puhliquc et privén,
n'agréant occasionnellement la monarchio que
pour la garantie qu' elle procure a certains intÁ-
rets, et se réservant toujours 10 b()nMlco d'inven-
tai1'e, les radicaux sont dc's rl'publicains de meenfS
plus que d'ielées, qui a\'aient j ugÁ 0'n 1 x()n que les
Espagnols n'(>t[\ient pa:-i m(¡rs pour 1,~ r(;lmbli rlue,
qu'au surplus il se1'ait clll'flcile do la faire agróer
par l'Europe, a moins qu'on no la c1óguisat, et il
leur avait paru qu'un princo do la lllaison ele Sa-
voie serait la meilleure de tontes les répulJliques
déguisées. (( Vous avez résolu, leur disait un jour
1\1. Castelar, cl'étonner l'Europe par votre sagesse,
et c'est pour cela qu'apn~s une r6gencc provisoirc
vous vous accommodez cl'un monarquc ógalement
provisoire. ») Il ajoutmt : c( Ce que vous voulez
aussi, c'est un roi qui soit ~t vous, quí repr6sente
les inü"r{'ts partieuliers el l:t dCllllil1iltion ele \'otre
parti. »


Il n'e5t p1S besoin de ]lcaucoup c1'art po u!' conci-
linf scs principes et :::on an Illition. Les rad iC:lUX




123


SP clln~idé[,(üCllt a .ill~tp titrp comrnc lc~ H¿lis
reprr"seutants dn la n'~\'()luLioll llu septemlJl'e, et
iIs en concll.laient que la nom'elle royauté ne
serait digne de vivre qu'aussi longternps qu'elle
demeurerait fidele ü leur programmo et soucieuse
de lcur complaire. JI::; pr6taient au duc d'Aoste
l'antique serment des Aragonais : « Nous qui va-
Ion s autant que vous et qui rpunis pouvons plus
que vous, nous vous élisons roi a la condition que
vous maintiendroz nos droits, !J si ¡¡O, no. » C'était
dire : N'oull1icz jarnais fIue nons roprésentons la
n:\vo1ution qui vous ,1 fait roi; nous devant tout, iI
vous sera permis de régner tant que YOUS nous


Permettrez de crouverner n .
Quelques semaines aprl~s l'abdication du roi


Amédée, il parut dans une feuille ita1ienne un re-
marquable article Oll l'on a cru dém()ler de hautes
inspirations. «( Si j'avais eu l'honneur, écrivait 1'a-
nonyme, d'Ctre roí d'Espagne depuis le mois de
janvier 1871 jusqu'au mois de février 187:~, et que
j'eusse tenu un journal de mon regne, voici ce que
j'y aurais consigné. » Ce journal sUppOSt'~ était un
,Tai réquisitoire contre les hommc5 a (pli le roi
avait eu affaire. On y accusait le derniel' président
uu conseil, r,I. Ruiz Zor1'illa, de lui avoi1' manqué
elo respect:) et p:tr exell1ple cJ'avoil' plus d'une fois,




1.24 L'EsrAC;~E POLITHJlJI';


en lui parlant, assené de grands conps de poing
sur la table, de s'Ctre permis aussi de lui adresser
des réprimandes cavalieres; chose plus grave, on
se plaignait qu'il eút altéré en plus d'une rencon-
t1'e les inst1'uctions royales) sous prétexte que le
roi ne savait pas l'espagnol. L'article se terminait
par ces mots : « J'ai reconnu que bien des visages
qui, vus a travers la l\1éditerranée, me semblaient
loyaux et bienveillants, vus de pres, étaient noirs
comme des consciences de traitres. l)


Cette conclusion nous parait excessive. Il y a
des t1'aLt1'es sans doute, mais iI n'est pas moÍns
vrai que ce1'tains procédés ressemblent ü des
t1'ahisons et n'en sont paso Beaucoup de radicaux
se regardaient de bonne foi comme un conseil de
famille chargé d'administrer la volonté du roi et
de v8i11er a ce qu'il accolllplit religieusement ce
qu'ils tenaient pour ses devoirs. Hs se croyaient
dans leur r61e en le t1'aitant un pen cavali6rement,
comme des tuteurs traitent leur lJupille qni, ou-
bliant sa situation, dispose de lui-meme sans leur
aveu. 11s pensaient agir pour son bien en portant
des propositions aux chambres S111S le consulter,
et ils parlaient en hornmes tres-convaincus lors ..
qu'ils lui disaient : ( Si vous nous 6tez nos porte-
feuilles, vous retournerez en Halie. » On raconte




L'J~SPAUNEL>ULl'1'l(JUJ.1; 125


que, le roi ayant changé son ministere, les minis-
tres do la veille, qui devaient. diner au palais, se
firent excuser dans l'apres-midi, alléguant qu'ils
étaient enrhumós. Qui ne sait que Madrid est la
ville du monde OÜ Pon s'enrhume le plus facile-
ment? Il pas~e aussi pour constant que le 30 jan-
vier 18i3 le congres, pointilleux ce jour-Hl. sur 1'é-
tiquette, se plaignant que le roi lui eut manqué,
faillit se transformer en convention et déclarer le
treme vacant. Lorsqu'on ne croit pas au droit di-
\'in, OH est moins maUre ue son humeur, et de te15
incidents se produiront toujours dans une monar-
chic fondéc par des démocrates. Un prince qui
n'est que b meilleure des républiques ne peut
comptot' que sur un8 politesse républicaine et pro-
"isoire comme lui.


Quelqu8s-uns des conseillers intimes du roilui
ont remontré qu'il devait se mettre hors de page,
briser hardiment sa cha1ne et chercher son point
d'appui dans les partis conservateurs. Le roi Amé ..
dée s'est demandé s'jl suivrait ces avis; iI a éprouvé
des h6sitations qui ont été la vraie croix de son
regne; -- il est triste d' en etre réduit a choisir
ent1'8 d8UX inquiétudes et deux dangers. Les con-
~t'n'atcur;-i I ni o1l'raicn t. sans lloute cet avantage,
ql1'il lHJ\wait trouver parmi eux de sinceres et




U.ti L'ESPAG~ E POLITHJU E
ehauds partisans üe la monarehie; mais le duc
d' Aoste n'avait point été l'hornIlle de leur choix, et
ils demeuraient fillóles a ]curs préférenees et a
leurs regrets. Aussi inspiraient-ils au jeune souve~
rain une invineible défiance. L'article de journal
que nous avons cité plus haut ren[erme a ce sujet
une curieuse déclaration. ( Toutes les fois, y est-
il dit, que je eausais t6to a tete avee le maréchal
Serrano, due de la Torre (e'est le roi qui e::it censé
parler), j'éprouvais un im1ieible malaise, paree
qu'il me semhlait que nous étions troi5; en eHet, il
y avait asee nous un seeolld Serrano, qui se tai5ait,
mais qui n' en pen::;ait pas llloins : e' 6t~üt cclui du
due de Montpensier, et jc ne respirais que 101':3-
qu'il était parti. Toutefois je lui dois eette justiee
de déclarer qu'il ne m'avait point rn6nagé ::3es aver~
tissements quand on rn'avait 011'o1't la couronne.
Tout s'est passé comme ill'avait pr6Llit. ."


Au surplus, les eonservateurs lui promettaient
leur appui efficace a des comlitions que sa loyauté
jugeait inaceeptables. - Lorsque le roi déclara en
arrivant h Madrid, nous disait l'un d'eux, qu'il
maintiendrait la eonstitution, et crut gagner tous
nos cceurs en nous afIinuLlllt que sa ::3eule alllbi-
tiun était de se eompo1'tcJ' en vraí roi constitulion~
nel, il nous tit fl'énlir, cal' i1 ne pouvait rien llire




L'Et\l'~\(;~I'; !'OLITl(JL'E 127
qui nous parlit plus in(Iuiétant. Nous ne pouviol1s
nou;:) rallier a lui clu'ü la condition qu'il nous pro-
mit d'6tre auss! pou cUl1:-ititutionnel qlie possiblo.
Nous refusúmos J'abord de croire a tant de can-
dcur; nous pensions qu'Il jouait un role, qu'il
alluit employef los promiers mois ü s'orienter, a
prendre langue, a llouor des intelligences, a visiter
les ca3ernes, eL qu' un jour il déclarerait bien haut
que désormaís l'expériellce était faite, qu'il enten-
dait réfol'mer une constitution incompatible avec
la securité et la dignit(~ de la couronne aussi bien
qu'avec 1'ordro public.· (!u~md nous elimes acquis
Ja. conviclion de 3a parfaite bonne foi, nous rcssen-
times une sorto do stupeul', et nous l'avons laissé
accomplir sa destinéo. 11 ne pouvait plus espérer
de nous que le triste secours do notre indifférence;
nous ravons regardé tomber en lui témoignant jus-
quJau bout les éganls (lU) on peut attendre des indif-
fél'ents <jui ont queJquo courtoisie. Il n'était pour
nom, que l'homme d'un parti, et ce parti l'a détroné.


Tant de gens aceummodent pour leur plus grand
bien leur caractere Ü leurs intérets, qu'il est beau
do voir un roi sacrilier ses intérc'ls a son cara c-
tero; ce trait ne sera lU:-ó on}J11é par l'histuire. Si
le l'ui Amédéo hésiÜt j ~c:S iucertitudes ne furent
pas longuc:3, Au ruoi~ do juin 1~7':2, alor;:; que son




128 L'ESPAGNE POL1THJUE


treme, battu par l'orage, faisait entendre de sourds
craquements, le maréchal Serrano prit l' engage-
ment de le sauver, s'il consentait ü la suspen-
sion provisoiro des droits imli viduels et, comme
mesure subséquente, a une réforme de la consti·
tution qu'on eút fait agréer par les cortes. Le roí,
parait-il, accepta; quelques heures plus tard, il
reprenait son consentement, et on assure que le
maréchallui dit en se retirant : « Votre Majesté en
a encore pour six mois. :1) Le '13 juin, 1\1. H.uiz Zor-
rilla était mandé et chargé de former un cabineL;
le 30 juin, il dissolvait les cortes, et le 24 aout les
éIections donnaient une chambre composée presque
en entier de radicaux et de républicains. « Voila
mon dernier coup de dés! » pensait surement le
roi. A vrai dire, en rentrant en servitude, iI avait
plié sous les exigences de la situation. Il se sentait
condamné par le sort au radicalisme a perpétuité.


Cependant, on doit ravouer, de toutes les con~
duites qu'il pouvait tenir, II avait adopté la plus
imprudente. Il avait en des velléités d'indépen-
dance, ot apres avoir pris le large il revenait sur
ses pas. Il n'y avait gagné que de se brouiller avec
tout le monde. Il s'était u jamais aliéné le bon
youloil' des conservateUl'::5 en traitant a,'ec eux eL
rompant les négociations, et plu::; encore par la




129
diS:3oluLion cl'une chamlJre oü ib avaient la mojo-
rité. Ce qui L,tuit plus grave, jI avait inquiété, irrité
les radil:aux, qui ne luí ponlonnaient pas d'avoir
voulu s(~coueI"'leur pesante tutelle. eette tentative
o.vo1't6e avait eu pou1' premier effet de les rejeter
Llu cútó eles répulJlicains. Onles avait vus, sous le
millisttTe S<Jgasta, [orme1' avec eux une coalition
électoralc; ]eur c:onnnunc défHitc avait resserré
leu!' alliance, et il ::;'en (~tait SLú\'i eles pourparlers
bien elangereux pour la couronne.


Assurémcnt il est fllUX ele elire que tous les visa-
ges eles radicaux étlllent c( noi1's comme des con-
sciences ele trait1'es. ») Il n' en est pas moins vrai
que, 10rsqU() le roi reúnt ü eux, leul'3 dispositions
étaicnt sPl1siblcrnent chang(':cs. Nombre d'entre
eux, Jétrul1l}lés trUllc illo1e dont ib pensajent avoil'
ü se plaind1'e, SI) cli~ant (lU'ils avaient accepté la
lIlol1archie ;l lilre (l'essai et ([ue cet essai avait mal
réussi, se rcgal'llaicnt comtl1e déliés de leurs enga-
gements, et par une prévoyancc cxcessive a la-
quelle il est llil1ici1u ele t1'OUYE)r un 110m, admettant
le cas ele la proclamation prochaine de la républi-
que, 11:3 avaient traité avec les rl~publicains pou!' en
obtenir eles garantie~ qu'on n'aYGit garde de leu!'
refuser, Quant au chc~r du cabinct, ~L Huiz Zorrilla,
il n\' a aucunc rai:,ulI de Groil'o qu'il ai t travaillé


\)




130


~ciemmellt el d61ilJélúllenl h ulle l'I:;\'o\utiU!l íJlll
devait lui ókl' le puuvoil' el le 1'lJlégul'1' eH L)¡ ¡rtn-
gal; mais 11 a ~:)lllJi dC:3 cllLl'airICillClll::i ÜOJJL j] llU
1ll'C~sclltait pa::; les COl1;,;ól!UC\llu.:~). S,( J)Ull;J.~\ ¡'(ji
surprise a autorisé de pel'ilLlc;~ jJlCnl;CS (llÜ l'out
conduit plus lo in qtú1 ne })Cn;:lLüt. Il s'est tl'om'é
qu'un jour il a dú choisir entre ~Ull peu'ti et son
roi, et qu'il a sacrifl6 son roí ü son pJJ'ti.


Les républicains, ainsi llne le groupe des r~(Il.i­
cau:{ secretement l'alliés Ü la répuLli(lLle COillit1C il.
un ré'gime inéYitalJle dont 115 ::;0 l1lélldgcail'llL le:3
bonnes grúces, aUencb.icnt une uGca,3ioll. Le ha~
sard les serrit JJien 1 COlllIDe i1 :JcrL tuujoUl::; li.;;:)
gens qui savent nettc!fwnL ce; qu'ib veulenL. lb
avaient insinué a ceux de leuf::i amis qui teHaient
encore au roí, poun'u qu'il fút docile, mals qui ~8
défiaicnt de lui paree qu'il arait YOUlll s't~l1lallcil )S1'?
qu'il dait n6cessaire ele le lllctll'l; llUl'::J ¡J'dat ele
recommenccr. Le roi L'tait aycrli que, ;.-i jLlllj~li::) il
renouait avec les consenaleul's, il aUl'dil une jJap
taille a livrer dan:s les rue:-,; i1 ne pourait en af~
fronter les ri:3ques cIue 3'11 (~tait súr du COtlCOUl'S
résolu de 1'arm6e. On voulut Jn'iscr ril1SLnllllCnt
dans ses malns, ct cm r i'éu::.~;iI. 1~1l :il' pn\talll a
eette intrisue1 nous l'ayon::.; dlL, l)lu:--ieur:-; lle ;:;cs
mini;3tre5 ne tiongeaiellt apparcllllw..:nt C!U'a s)as::u-




'131


l'cl' (le Sél nd(~ljl(J, ct pen~aiellt luí rendre servlcc,
l'Cll1p(;c!lCl' llC;;:;ol'mai::i de i'aire eles folies. 11;:; en
U~~liCllt COJílJlJe un :-3Dge eL pl'évoyant gouverneur
(luí, el\Ü~llallL lo;:; COllpS de tele de son élevo, 1'0-
tire lJl'uclernment de ses mains un pistolet dlLlrgé
Llont il pourraiL fail'e un méchant usage; - un
lllalheur ost si vito arrivé! Ce que pensaient d'au-
tros ministres ost plus difficilo Ü sélYoir; mais il est
llU1'6 de douto quo lL~ réllUbliquo ü son avénement
a l'c;specté cerbinos 2itualiulls et cerlains porto-
f('uillcs.


La radie de l'clln-:.úo dont los dérnocratos de
iúuie:s lluances ~o ddicliont lo lltus était l'artillerie;
Cette arme sa', ante, l'orl bien l'ocrutée on Espagne,
pussédait un COl'pS d'olüeicl's illstnlÍts et capables,
qui n'avaicllt pas d'attacllomcnt pcrsonnel llour le
roi~ dant la plupctl'L üisllosés ü lui préférer Alphonso
üc Boul'bon; lJlai~) l'état tl'ouhlé UU pays donnait
etes dégoLils Ü !cut' ceeur de ~oldat::;. Acquis d'a-
YZl11ec~ Ü la politi'lUC cOllsenatricc, ::i le roi cút Lút
:.tcte d'¡~nor~io, ils raul'aicnt ;-;ervi ildelement. Il y
~t\cllt alol'~., cla1\s l"armée ce (Iue les E::;pagnols <"r1-
l):'lll'llL un unru(()t::o 11 c[J 1'0 , c'c,.,:t-il-dire un homrne
','l! ])ll1tC Ü l'anilll,ul \L'l'::-iüt1 générale; - on l'accu-
:~CtiL (l'un acle de i'L'lollio. La nüuvolle je n~liand
tod Ü coup :...púl csl Dummú lllaréchal de campo




L'ESPAGNE POLI'l'HJl1E


Grande émotlon parmi les officiers d'artillerie. 11::;
sJindignent, ils protestent, ils ilnissent par mettre
le ministere en demeure ou de révoquer son dé-
cret ou d'accepter leur démis;-;ion collective. C'est
ce qu' on appelle l'afIaire Hidalgo.


On assure que le roi n'apprit ce qui se passait
que par la lecture d'un journal; ses ministres ne
s'étaient pas clonné ]a peine de l'informer. Il sentit
aussitót la portée de l'incident et la grave respon-
sabilité cIU'il assumerait en pretant Jes mains a la
désorganisation de l'armée, alor5 que la Kararre
était en armes et qu'il y avait encore ll::ms l'Anda-
lousie, naguere insurgée, plus el' un tison mal
éteint. Il fit venir l\1. Huiz Zorrilla, lui témoigna
8es anxiétés, le pria instamment d'ar1'ange1'l'afTai1'e.
M. Zorrilla le rassura, lui promit que tout se te1'-
minerait a son g1'e. Cependant, les journaux conti-
nuant de r éclai1'cir, le roi eut avec le président du
conseil une seconde entrevuc) elans !aquelle, lui
prenant les deux mains, illui rappela les promesses
qu'il avait faites deux ans auparavant au roi d'Ita-
lie, lorsque, présielent Jes cortes, il était venu
chercher un roi d'Espagno a Florence. M. Zorrilla,
dit-on, s'attendrit aussi ; mais ü cette heure il n'é-
tait plus maUre des én~ncmcnts.


Pou apres, eomme le roi résistait encore, iI se




L'E~P~\GNE POLlTIQUE '133
joua dans le sein du congrós un drame dont les
incidents avaient été habilement combiné s et les
principaux r61es distribués d'avance. Parmi les
acteurs, les uns étaient dans le secret, les autres
n'en savaient que la moitié, et on ne pouvait s'en
douter, tant les habiles parurent na'ifs, tant les
wúfs parllrent habiles. Le ministere fut interpellé
[tU sujet de l'affaire Hidalgo. Il répondit fierement
qu'il ferait respecter le principe d'autorité, que,
plut6t que de se d(ljuger, il accepterait toutes les
démissions quí luí Maient ofIertes. Il ajoutait, pour
rassurer le pays, qu'il avait en main les moyens
de réorganiser démocratiquement 1'a1'ti11erie en
cheréhant des officiers parmi les sergents, - me-
sure malheu1'euse dont l'Espagne a cruellement
sentí les conséquences : quand elle a voulu re-
prendre Carthagene: il s'est trouvé qu'elle n'avait
plus personno pour pointer ses canons de siége.
rne majorité imposante, composée de radicaux et
de républicains, émit un vote de confiance pour le
ministere, qui était un vote de défiance pour le roí.
Le 1ú novembre 1871, 191 voix l'avaient proclamó
roi d'Espagne ; le 11 févríer 1H73, 191 voix le met-
taient en demeure ou de faire acte de pénitence ou
de se retire1'. C'étaitluidemander de choisir entresa
fierté et sa couronne; on dait rertain de sa réponse.




T,'ESP\n\l: ¡)()f,lTIQlll':
Lc, soü' dc~ ('0, mtmC' .iour~ ~í\~ I!lín¡strc~; r:'eb~


murent SQ sigllature pour Ir:; cl(\í~rcls qui tlonnaicnt
lcur congé am~ omC'i(r~; rl)arlil1l'l'\C~. Lr, roi <lclnarl\ht
un f(~pit; il ajourna le (',onsci1 al! lcmlc1l1:.ún, 2l
tr01s honres ele l'apres-midi. Lc minisU;rr., qui
venait de faire l1'ancher la cruc:::Lion p;:t1' un yote (ln
congrcs, voulllt la r('soudre c1l;finiti\'crnent llar un
commencement d'e:x(~('ution : il Unl01111:l au" chc[s
d'escadron et D.n'\: Orn(jcr~-; qu'ils eus:<cnt ¡l lui 1'0,-
mettre leurs llommc-; et leu1':, pil'cos d('s dix hcurcs
du malino ( C'ótait, e0ll11118 l'a rcmarqul~ .\I. Valera,
antieiper sur la ll(~ei:;;ion c1u l'rincr, ~c ,joue1' (le sa
prh'ogative, lo traiter eOllllnc une marionnctte
dont on tient les flls elans sa main. ») Quelqucs
chef:; importants du parti conservateur luí off1'i1'ent
~t cette heure supreme leurs services, ils l'enga-
gerent a livrer enfln eette bataille des rues a la-
(luelle on le provoquait. Les offlciers ü'artillorie
n'attendaient qu'un signal: ils 110, S0, llo~saisiront
de leurs pie ces que vers lo soir, a111'<\s s'étre assu~
l'l'S que le roi refusalt Ir comhü. « Dan s l'aHerna-
tive oü on le pl::I<;:ait, a tlit O]1('01'n l\f. Valora, il
de\'ait optel' entre trois ehoses, ou fairo vmu c1'drc
(~tcrncllement rallical, OH SO lJ~!ttl'C, OH aldiquer. ))
Il avait assez de l'humblc mí',tier (le mona1'quo
radical et de Lmt de ~acrinces illlPOS(·' . ..; :t sa (liil'nitt·~.




L)E~P:\(j:'¡ ¡,: POL[TIQlJf~ 135
(}\1D.nt ;~ :l! 11;Jil¡'n, s()n cour~lgc ('·talt ele taillo ~l ;;e
mC:3UfCl' aH'e tou~ les dangofs; mais, s'il avait
COlbenti it l·trlJ roí malgr6 lui, 1l s'était juré de ne
1'tt1'(; ,jelmais malgr(\ los Espagnols. Il signa les
C!t:'creL;, ot il envoya aux cortes un message d'ab-
(lication llont quolqucs termes ont paru discu-
tablos, n1:l1c; qui a cnlov(~ les su[[rages de l'Europe
par 1::1 110hlcsso et lo, hauteur des sentiments qui
ront c1ict(\.


1.::1 (l{~ci:-:ion (!\1 roi ful alJprouyée de presque tout
le ltlomlc, surtont Lln (~OllX quí en ont raít leur pro-
flt; ello a ét(~ b];tl!l(\.e par quolques conservateurs
et par quelquo::; logíciens. Les uns ont dit qu'il n'a-
vait pas lo droit do d("serter son poste ni d'aban-
donnef uno tuche volont::1irement acceptéo, que, si
]ourde que soit uno couronno, il n'est pas permis
ele la poser c,omme un ch::1pe::1u qui gene. D'autres


\


ont rokv6 quelquo contr::1diction dans sa conduite.
Do uoux choscs rune, dis::1ient-ils, ou los décrets
(~taic;t1t justos, el il uevait les signer, ou ils étaíent
injustos, et il uevait lour refuser sa signatnre. Dans
un cas commc <lans l'antrc, il était tenu de rester ;
signer et partir, (','était commcttre une bu te com-
p1lrlU(\(' d'nne jncons(~quence. DallS ('ert:1ines COH-
.jondures, on agit d'in;-;tinet sans prendre le temps
.le r(',n('\chir ~t tout. Amt\l(\c Ipr avait rer;;u un aff1'ont




136
qm lui posait sur le cceur; son clwgTín a détntit
les derni(~l'e.s illu::iiollS (IU'i] pouvilit COIJscncl' en-
coreo n a vu Sil situation dans touto Sil ccuauté. n
a compris que ceux qui l'avaient appelé au treme
venaient de l'abandonner ou de le trahir, que les
conservateurs ne tenaient a lui qu'a titre de pis-
aIler, que, dépourru d'alliós sinceres et dévoués,
il était réduit a disputer mis61'1lblemont sa couronne
ú la république ou aux carlistes, et sa tete aux
baIles des assassins, qu'au derneurant, apres deux
ans de regneJ i1 était encore un 6tranger pour son
peuple, que son palais était une 301itude, et qu'un
roi solitaire n'e5t pus un roí. ()ue dis-je? il était
dorénavant prisonniel', gardé a vue, el l'ail' COI1l-
mencait a lui manquer, il a craint l'asphyxie.
Peut-on dénier a un roi le droit de respirer'?


Les malheureux, a dit le poete, ne sont plus
meme suivis par leur ombre :


.' . . . . .\.. un desdichado
c\ un ne le Si:-,U8 su soml)rn.


Quand le duc d' Aostc quittQ ?ülldricl, i1 se tl'OU 'l'Q
qu'on n'avait pas songé a lui donner uno gardo
d'honneur et de süreté. Il se trouva aussi que les
membres de la cOl111llission d(~sig'n6e ponr le re-
conduire Jusqu'ü la f1'onti('1'o furent la plupart rrl('-




lllh chcz eux par [luehlU(~ affaire pressante. Le
présiJent de~ curtes, ~\I. nivcl'u, vint a la gare lui
offr1r ses services. Le prince n'avait ríen a deman-
der a ~I. 11i\'ero, et M. Hivero ne devait pas garder
longtemps sa présidence. Quelques heures plus
tarcl, il en était dépossédé par un de .ses amis in-
times, hornrne ele beaucoup el'esprit et de talent,
c1-devant ministre des affaires (ltrangeres.


En traVCl'sant la station d' Aranjucz, deux dépu-
tés qui accompagnaient le royal démissionnairf' et
qui n'a\'aient pas eu le temps ele déjeuner, achc=
terent du pain et un peu de jambon. Apres avoir
lllangé, ils allaient jeter les restes de leur frugal
repas, lorsque, ~e ra\'isant, ils les ganlerent pou1'
un cas de besoin. Leur pl'écaution fut sage, ces
restes se1'vi1'ent, cal' l'ex-reine eut faim. Ce voyage
lui fut dur, elle relevait de couchos. Cette noble
femme, qui a laissé a Madrid un souvenir p1ein de
respcctueuse mlmiration, oubliait sa fatigue et ses
souffrances pOUf penser a l'Espagne, au fatal dr-
noúrncnt qu'ellc avait vu venir ele loin et qui n'a-
vait pu etre conjuré. Elle dit en pleurant ü un
Espagnol: (( D'autres peut-etre réussiront rnieux
que nous a donncr la liberté et la paix a ce rnal-
}¡eureux pays. 11 ne fílut pas désespérer de SOll
:J.ypnir; vO~'ez plutót la Fl';mce se relcyant comlllc




par fnil'aC'ln \10~C'" (!("~;1:4r,\--;., Li' (lit!, (L\\I~'J\~ (L~liL
soueieux, il intr;crOr_!'(~iüt ::~L consc!('ncc; j1 c1wrchait
ü se faire cEro n:ll' cC'm: rpti l\:l! tullt'clinn t (In'il ,-wait
f<lit son deyoir ct pris le \lon l),-\]'li. 11 u\':lit re(;u
trop Vlrd de FlorencD un0, t10110cllc qui l'0,ngageait
Ü 1'és1ste1', Ü t0,n11' jusC[u'uu lJout. Illle ~j0, rl'conci1ia
cnti(\rernent ayer. :::a rósolutloll rru'en tl'ouvant Ü
1.1s1\onn8 une aut1'8 dépt\c11e, r)ar laquclln le roi
YicLor-Emmanuel1ui marquait que, mieux infom](~,
i1 approuvait son dl'p:trt. Partollt sur son pa;:;~a~.:c
lcs llopulations lui ayaicnt tómoi~né lenr rcsllect.


L'Espagne ne 1',1 point rcgretté, s'('tant eOlwain-
ene dcpuis longternps qll'il n0, pOllvait rien pOUl'
son bonheur. Elle ne le plaint pas tlLlyantage; elle
sait trop bien ce qu'il a souf'fert et flue son ltbdiea-
tion fut une déliyranec; yolontiers elle lui (1irait ce
que disait Panurge au roi Anarehc : « Tu ne fus
jamais si heureux que ele n'Mrr, p1us roi l )) ~Lli:-; iI
n 'ost point d'Espa~nol ([ui no rCJHle jU:-;lit'c ;\ ;:;:cs
intcntíon:-; et 11C reeonnais:-;8 íJu'il n'a en flu'un
lort impardonnahlc, rcllli ü'l\tre illlpO:3sihle.


A im;i s'est {'vanoui ce r(~glle ('l)lH',t[1(~re. Si court
qu'il :lit (,té, il ('st plein cl'cnseigncl1lents, 8t il en
faut rccornrrlllllClel' l'N,Uilc ;t eeux qui s'imaginclIt
que la 1'oyauté agit comme un cbarmc magiquc,
p:w la scule l'uiss:11lcC dI; son 110111, el, tll"\(¡ls ;'l




coito panQC(~C, yoicnt In salut Llans une mon:1l'chie
qLlelcollrILli;, ¡n~t1tu{~e nu rc::;taur(e d'une mani(\re
quc~1c()11(fllC, fYtt-cc ;t une Y(,ix de majoritl~. L'exem-
pIe cL\m(~d(le, roi cl'i':::;pagne, ost une prouvc bien
fL'app~:mte que la monarcbic peut difflcilemcnt sub~
c~ister :1VOC ]0 suITrage universel et la démocratío,
quancl le monJrque n' ost pas un c(;sar. Il prouve
aussi ([u'unc royautó mD,l assiso est le plus faíble
des gouverncmcnts, et quc l'(llertion c1'un souvc-
rain p:1r lIne assombl(~o (luí veut édwpper ü tout
prix aux ]lC1S:1l'lls de la république est quelquefois
la plus lJasan1cL1:'c llrs aventures.




TRO lSIE~lE VAl\TlE
LES CmDlE:\CE:\lE:-\TS DE L.\ nÉPUBLf(JI~E


ESP.\(;:-\OLE.


1


n est des enfants qui naissent sous de tristes
auspices, la nature comme la fortunc les a maltrai4
tés. 11s sont voués a une existence tourmentée,
souffreteuse, et menacés d'une fin précoce. Cepen-
dant ils ne laissent pas de vivre; - on pcut appe-
ler de toutes les sentences, a la eondition de join-
dre l'esprit de conduite au courage et u L:t foi ltanS
l'avenir.


La république espagnole est venuc au monde
dans de facheuses conjonctures. Tout paraissait lui
etfe contraire; les fécs qui ont présidé a sa nais-
sanee semblaient avoir nwmlit son bcrceall. L'une




L'ESPAGNE POLITIQUE 14'1
lui ayait dit : Ton état civil sera un imbroglio sus-
peet que tu auras ~raml'peine a débrouiller. lJne
autre l\1\'ait dotée d'ennemis dangereux, une troi-
sieme d'amitiés compromettantes. lJne quatrieme,
brochant sur le tout, lui annonc¿a que le monde la
traiterait en enfant trouvé, ramassé au coin d'une
borne, et so refuserait obstinément a reconnaitre
sa légitimité. Toutes ces prédictions se sont accom-
plies, car les fúes ne mentent point. La pauvre filIe
a vu deux peres rovendiquer I'honneur de lui avoi1'
donnl~ le jóur, ot pou 5'en ost fallu í!u'elle n'ait péri
vietime ue Jeur querelle. Ni les ennemis acharnés,
ni les amis inquiétants, don plus fatal encore, ne
lui ont manqué, et, a l'exception d'une tres-petite
république, l'Europe enticre persiste a ne la point
admcttre dans sa société. Aussi, sur la foi de ces
pronostics, les gens qui aiment a vaticiner ne Iui
accordaient pas vingtjours d'existence. Nonobstant,
quels que soient ses futurs uestins, elle est encore
debout, et sa santé, qui a résisté a de cruelles at-
teinte;:;, parait s' etre raffermie par la lutte. Si elle
gagne son proc8s, elle devra tout a elle-meme : elle
pourl':1 se vanter que son désir de vivre a tout fait,
que ni les étoilos ni les hormnes ne 1'ont aidée.


A qui ues radicaux ou des républicains apparte-
nait légalement la république proc]amée a Madrid :i




'1 '12


l~ 1'1 fé\Tier tS7:3 '! LC'~ prl:lllicr~ ~I.Yaicnll1cs clruil::l
~;lTlc3l1XÜ LlÍre \;).1011'. San::> lCLll' allll(~~iOJ'l :oaii., j·,ut'
cuncoul's, rien n'LlUl',út 1m ~~c Ltil'u; C('~~ roy,dj~¡l;;:)
l'l'Cmnlllent cOllYorti~~ di:;vo~~;aielll de la rn;ljorité
dan s les cortes, et la qL1c~tiun Ll\llll dl~ lranchéc
par ectto ll1tJ.jorité. Toulofuis leurs Llllciells ad rer-
saires et leurs nuuveLlUX allié~) alléguaicnt qu'nn
pLlrti qui Ll longtem ps comJJJ l tu une formo de gu u·
Yernelllent el ne l'accepto lILlO do gl10rre lassu, [nt1'
une sorto do n~~jpbcenco tanli\e , est mal pbcó
pour présider ü sun in::italbtioll, .. --. (IUO ue Ci-l1c-
vant minisLre::) llu roi.\ lllédéc ;'SCl'ajcllt en }Jutlc au:~
peqJétuelh;::; ~m::iflicioll() dc~ llatl'iolc;:;, (Iue ú'all~
leu!'s, ::Ji les raLlicaux arLlicnt vut(~ la républi(Il1e,
les circonstLlnces quí venaicnl do rcmll'c son a y(>
noment inévita1Jle aVLlicnt été adroitcment m6na-
gées par les rÓllublicain::5, qu'au,\ l'l)llUlJlicains sCLlb
l'evcnaient les honneurs ele la YÍdoirc. JI CSL ccr-
tain que leuI' chef, ~l. Yiguera::i, haJJile llJ<'lllceurricr
politique, s'6tait chargé du premie!' rule dan::; )'in-
trigue pLlrlementaire dont l'u!Jelication du roi Alllé-
déo fut la conséquelll.:e. COllvaíllcn (lllC le jcu
meme des inslitutions devait cUllCtlel' Lllalclllcnt la
dmtc de lL1. royaut0, on l\1\"ait \U l'l'lll"Ou\'er les
folles insurrections fomentécs Ijar lc~.; YÍolellts et les
incorrigibles de SOH parti, l'ecommamlel' Ü tOLlt




l.'LSP.\C:\E POLtTHXUE


~Uil IJIUlllle l:l p;dicllce el l';ltLcmion, (lont II atten-
dalL lllL1~'; que; d'utlc c'mente', el OH luí attrümc gé-
w::I<tl';lli(:lJL le Illl'l'Í!(; d'~i':uir inYL'rltó ce falllcllx
(~onll ti,,; 11:utic) cctL,~ aíl'~lire Ilidaigu qui couLrai-
gniL le roi ü s' C11 a1lcr.


Lo:::; radicaux se lLlLtaicnt que lcurs ·services se-
raient reconll us; mais ib n' osaient pas trop les
,-auter. La lJoliti\lUe ellememc Lt :sos puc1ellfs, et il
est difiicilc do di re tout haut, memo en espagnol :
,( Nous VOU:-; ét\-on:; ::)iTiliC, l)(;!J'l' roí; ce beClu trait
lUl'l'lh; l'l2CUJlilH,::lL~L;. )) l<ji nX;llh:1J8 ib allt'~~llaicllt,
ilUll :~alh li'.1clllLW (JP1)~1l'01JCC do l'ai~lOn, que les 1'6-
vublicain;:; ne puuvaiClll :"8 rn~set' de leur alliance,
'lu'clle leut' élait n¡"ccs::i:_lirc puur llonnel' a b ré'pu~
lJLquc UllC Ll::;;')idlc solide. « YUH::; et05 1 len!' di-
~)aient··ils, dos lJ¡c~oric:icll:~J dCCl iL1éologues, peut-étre
:.1(:;s utu]!istc:-J. San) cuntrcclit, Y0l1~ avez employé vos
\ cilles Ü Cl'eU::Jél' le~) gralllls prolJ101ilCS, ü méLlitcl'
:~ur les loís primordiales de la société; mais, ayant
toujuurs VéCLl ~Ut' les halles de l'opposition, l'occa-
:::i011 YOU3 a lllanq uó Ú' DIJllrenc1ro lo mallicmcnt des
zdYaÍrcs. Croyez-nous, vous avcz bC:30in ue conseillors
pruc1cnb et JJicn intclltionn(':~: qui vou;:; rappellcnt
'11\"on 11C g(.llln'¡'ne p:l:--i ce monde avcc (l('s songe::l.


J\Ialheul'cUSClllCnllcs républicains goútDient peu
Jenf::; prollusitiollS. L'cXCnliJJe üu due d'Aoste leur




144 L'E~PAG~E POLIT1Ql!E
sen'ait d'ave1'tissement. Aprós avoir élé les tutel1l'~;
d'l1n roi, les raclicallx aspiraient ü devenir les 111el1-
tors de la républillue; elle n'était p:lS üisposée ü
recomrnencer a ses rrais une douloureuse expé-
rience, a laisser ceindre son f1'ont d'une couronne
d' épines. Au su1'plus, les iuéologucs qu'ils prl'ten-
daient débourrer et dégaudür croy;üent pouvoir
se passer de leurs lc(:.ons. 11s rérlOndaicnt ü ces
obligeants dOnneUfi3 de conseils: « Pcr:=:.onne n'ho-
no re plus que nons votre mérite et vos lumie1'es,
mais etes-vous bien súrs que nous en soyons nous-
memes absolument dépounus'! Laissez-nous faire,
nous nous fo1'lllerons assez vite ü l' art du gOl1ver-
nement. D'ailleurs, si la science a son prix, L:t foi
et la bonne foi en ont encore davantage. Le pays
vous Soup(;onne de vous etre accommodés de la l'¡~\­
publique comme d'un expédient n{'ces3aire en at-
tendant que le hasanl ou votre sagaci tl~ Líen COt1-
nue vous en suggere un rneilleur. ~\ tort ou Ü ni-
son, les conve"rsions instantanées ~ont toujours Ull
peu suspectes. Les opérations de la grúce sont en-
veloppées d'un mystere qui donl1e heau jeu ü la
malice des mécl'éants, et, quamllc cllemin de Da-
mas devient une route tr(~S-frl~cl'.lentée, le pU}Jlíc
est tenté de c1'oi1'e que les arnhitielU tl'l)ll\"(~nt lellr
compte a ::;'y promencl'. CI';tinl(' d(l:-; pt'll[)()S) rl'si-




L'ESP"\(~\E POLLTHJUE 113
gnez-vous pour quclqup. temps a l'humble role de
néophytes, et laissez-nous oflieier. »


En Espagne, les (~\'énements \'ont vite, les pieees
elassiques n'y ont que trois journées ou trois aetes,
L'aceord qui avait prévalu et semblait assuré par
une équitable distribution des portefeuilles ne dura
que peu de jours. Ne pouvant obtenir le désiste-
ment volontaire des radicaux, les républicains les
mirent en dcmeure, ·leur annoncerent qu'ils leur
abandonnaient la placp ;¡insi que le soin de faire


-entendre raison au pays et de maintenir l'onlre.
M. Martos, qui avait suceédé ü ~I. Zorrilla dans le
commandement en chef de son parti et qui avait
réussi a supplanter M. Hivero dans la présidenee
des cortes, releva fic)rement le gant, et l'un des
premiers Jours du carnaval, pendant que les mas-
ques encombraient de leur foule joyeuse le Prado
8t la Fuente Castellana, on put croire qLlO ·Madrid
allait se transfortner une fois de plus en ehamp de
bataille. Les clubs ayant pris les armes, le prési-
dent des cortes appela l'ésolúment a la défense dLl
eongres les troupes dont il pouvait disposer et une
partie de la miliee, les aneiens volunturios ele la li-
bertad) reerntós parmi la }Jetite bourgeoisie, dont
le coneours lui était acquis. La nuit du 22 au 23
février fut employée a des prépnratifs de combat;


!u




146


le conflit semblait inf~ritilble et imminent, rlu;md
au matin M. :Ma1'tos, sentant Ctillir ~a r(':-iolution,
proposa un arran~emcmt qui (~tait un avou d'im-
puissance et dégui;-;ait mal sa (léfaito.


La conduite du cCludillo radical a (,té s('rh'rmcnt
qualifiée par son parti; on l'accusa de pusillani-
mitó, presque de t1'ahison. Jamais accusation ne
fut plus injuste. Le promie1' m(~rite d'un homme
politique ost ele cl()l1lcler 1l0ttcment ('o rlui ost P08-
sillle et ce qui ne 1'est pas, et il est rla1' 11101110nts
des innuen(~cs scc;rt:tns, inil[lCrr"ucs llu rommun
des mortels, qni engourc1is-:cn t !(':"1 ! iras armés pour
le combat et brisrnt los plus j'C'rrll(,~ Y010llt('lS. Jacoh
lutta j usqu'a l'aubr aycc le' cóleslo im:onnu; quand
le jou!' parut, bien qu'il n'e\lt roeu rmcnllO hles-
sure, il se trouva clue 1'0;:; de> sa hanehc {'tait clé-
mis. Comme ]e patriarcho, aprhs s'd1'n ckhattu
toute la nuit cont1'o ses pensó's, 1\r. ;\fartos :-;cntit
qu'il avait souffert .ie nc s:üs r¡ucllc rnot'lrllr' at-
tointe, et il renl1it les armes ü son invisible vain-
clueur.


f;on seul tort étalt (l'a"oir r('v(', f[uc1cJl18 temps
une f('\sistanre impossihle et de s'Nre ahus(', sur la
situation. Qucl appl1i s(;l'ieu'\ ]101wait n[Trir au'\: ra·
c1icaux une mojol'it(~, l'al'lclJ1cl1tairc quí s'("lait (lis-
créditée en se pretant au 1'envef;:;e111ent des ins-




L'ESPAGNF. POLITIQUE 147
titutions existanles commises a sa garde, et en
]Iroclamant un régime úouveau sans en appeler au
lJays et ü l'opinion? Il n~est pas besoin qu'une as-
'emblée vive clouze ans pour mériter le titre de
parlement-croupion, il suffit qu'elle outre-passe ses
rouvoirs, qu'clle excede son mandat, "qu'elle pa-
raisse imposer ses volontés a ses électeurs dont
elle brave ou méprise les avertissements. M. Mar-
Los se ravisa. en temps utile, il comprit que la
(1estinóe de tous les longs pa1'1ements est de tra1-
;ler une oxistence p{)nible et p1'écaire jusqu'au jour
OIJ une templ~te OH un sabre les ba1aie. [~1'tl ce a la
!ransaetion qu'il proposa et flt ag1'ée1' par son partí,
une tello extr("mitó fut épargnée ü la chambre qu'il
prC~:üLlait. On convint (Iue tous les portefeuilles fe-
r;ücnt retour aux 1'ópublicains, on fixa une date
pl'oclwine pour }'élection de cortes constituantes,
eL on s,tuva les apparences en stipulant que 1'as-
scn!lJlée qui avail ainsi pass(~ condamnation ne se
rJis~oudrait pus avant d'avoir voté que1ques pro-
jets de lois. C'était accorder a la garnison les 11on-
]wurs de la guerre, mais personne ne 58 dissimu-
luit qll'elle avait capituló. 1\1. Figueras se chargea
11,. verser un pell. de haume sur les blessures du
,,-¡tí ncu par quelquns complimcnts courtois, quel-
IliJl'S promcsses Yagues, genre d'éloquence ou




14t-\


excelle ce grand maUre ell al'tificc~ ol'ntoire::!.
Ce dénoúment c1iyertit et clwnna tonte l'Espa-


gnc. Les intransigcnts firent éclater Ll'uyaml1lcnt
leur joie, ils ne con<:;oivent pas le bunheur sans
hruit. Pour etl'e moins lumulLueuse, l'allégresse
des conservateurs ne fut pas moin~3 vive, tant la
conduite trouble des l'adicaux et leurs procéllés
équivoques les avaient rendus impopulaires. Plu-
sieul's d' entre eux a \'llient montré de granel:-; talen ts,
dignes des premiel'es plaees; lYútis ~t quoi parais-
saient-i1s les avoir employés '1 A renverser le treme,
dans fespérallce de conflsquel' la rL'puJJlique ü leur
profit. L'Espagne n'admettait pas que des hommes
qui, le 1'1 février ü cinq heures, étaient les minis-
tres d'un roi, trois heures plus tard [ussent les
ministres d'une république. Elle applaudit ü leur
dL~convenue, comme bat des mains un parterre
qui voit a la fin d'une troisierne joul'l1éc un lwlJilo
se laisser prendre ü son propre panlleau. 11 sern-
blait que ce fút un acte de justice, l'un de ces cas
trop rares oü la destinée se charge de pl'lJter lllain-
forte ~t la Hlorale et ele ckmontrer quc, :-:;'j1 cst uti18
pon!' réussir (1c n'avoi1' pas ele pl'inclpes~ cela n'est
pas toujours sufflsal1t.


Toutefois cet 0v8nclllcnt, (llli [LIt rüg~lrclé commc
un(>, vietoire du partí rt'~publícaill, (Itlllt pour la rt~l-




,


puhlilfUO une sórieuse di;-;~1'ace; les esprits mo-
uérés et jmlicieux en :3enti1'ent sur l'heure les con-
sérIUCI1Ces. La lualac1io des démocrates en tout
pays est l'esprit de coterie on d'intolérance ; ils se
flattent de pouvoir ~~tro impunément exclusifs; 11s
se plaisent ü nmltiplior les difücultés avant d'ad-
mettre un catéchumene tlans la communion des
flcle1es, ql1anc1 íl lout' importe au contraire plus
({U'U tout autro partí tl'aC(luérir partout des adhé-
ronts. La n:~publiquo n'6tant uno vérité rIue si elle
ropose sur l::t souvcl'ainoté nationa1e, on ne peut
concovoir qu'ollc Llovienno la propriété c1'une secte
qui, pour ju~,tifior son privill'ge, invoquo une sorto
de droit c\ivin et lo rnystere cl'un dogmo. D'autre
part, cetto formo do gou\'ornemcnt, qui a l'avenir
l10ur elle, 6Umt concl::tmnée ü inspirer longtemps
encare dos déflancos ot des aversions irréfléchies
aux clas~~os Poss("dantos comme u uno partie des
clas;sos laboriells8s, p01'sonno n'a plus d'autorité
ponr ]ui gagnor les cceurs que les nouveaux con-
vertis qui 1'ont accoptl'e par raisonnement et qui
cxplir¡uent de sang-fl'oiü les motifs (le leur conver-
sion. Le..; r(',pu h1 ¡(',1 in:-i (':-,p:q.l"llO]S pouv:üent tirer
lIl' :~TJ.nds :I.\'~\lit;\i~l::-i dI.) lc\ur ailiance ayec les radí-
'~allX. Elle leul" cüt procuré un Clccroissement dc
tun.:es qui ll'dait pas ü Ll0L1aigner; ils n'auraicnt




150 L'Et\PAG~E PULLTl(JUl';
pas été réduits 11 con flor l'aclrninistration dos pro-
vinces et la conduit0 de l' armée a dc::) pCl'sonnagos
subalternes, sans étoil'e et sans crédit, incapalJlcs
de commander aux passions, de prenclre quelque
empire sur les foules. Par leur fupture avec leurs
alliés, ils se trouvaient ü la fois moins armé s contre
les entreprises de leurs ennemis et plus dépcmlants
de leurs redoutables amis, tourlJc d'avenlurier::l Ü
l'égard desquels ils allaient etre conclamnés a une
politique de concessions 1 de faiblesses¡ de périlleu-
ses complaisances, qui a failli perdrc la républillUC
quelques mois a peine apres son av6ncment.


II


Le danger le plus pressant (lu'ellt ü eonjul'cr le
gou vernernent pl'ovisoire 6tait lo eal'li;-;lll\..), eelte
maladie organi(luC de l'Espagllc) tour Ü LUlll' lllljillS
graye ou plus 'dangereuse llll'il !le ~clllhle, <lui 101';:;-
qu'on déscspere clu malaLle ~)e l'alentit sL1lJitcI110nl,
et quaml on le croit guéri rcpal'ait COlllUle par mi-
racle. e' est ici le líeu el' ótlldier dc plu~~ pl'l:;:; ce parti
singulier et ecttc bizarrc ue::ótlnéc.


En apparence, le carlisme repr6scnte le príncipe
de la légítimité; llwis ce n)e::;t llU\lllU apllurunec.




1¡j1
Dun <:;t1'1o;-) lie lleut invoquel' ¿l l'appui de ses pré-
telltiullS (llÚlll druit l~ontc:~la1Jle et contesté. La
reille balJelle c::;t <ll'ri rúo au treme non par uno
émcuto vicluriolbo ou par une rév01ution de pa-
1ai:3, mai:-; par l'abolition lle la 10i salique, que les
DuurlJOllS avaienl itnfJortée do Franee, et par un
retou1' Ü l'aneion droit traditionne1, ({uí jadis ,-lvait
donné ¿l la CasLillo lo plus glurieux do sos souvo-
ruins dans b llorSOl1l10 do la prcmiere Isabelle.


La filIe de }'enlinami \'11 n'D, poilll usurpó la
eOLll'OllllO, elle ralll~rit0e do l'llistoíl'e, et ce n'est
puint pOLI!' uno vaine (lucstion de proeédure qu'uno
llLlrtie de se::; sujcb lui a rail la guerre durant sept
ans. Son erimo était de s'apPl1yer sur le libéralisme,
(Iui en Espagne signitiuit surtuut l'all'ranehissement
du te1'1'itoi1'c, possédú sur Ulle immensc étendue par
(le:) couycnts el des cJJapitres, et l'émancipation
de:) e:e;jll'it:-;, guuVCl'l1ÓS ju:-:qu';¡lors par les pret1'cs.
LI'; Glel'g('~ !le pUl1\';lit se l'é;::igtler Ü eeUe donblo dé>
lJO:-);-,u:,:-:io11 ; il untun!lait Lunserver ::;on droit do do··
maine et sur la t01're et ~Ul' le::; úmes, et on ne sait
ce ql1i l'imlignait le plus de voi!' ses prollriétés con-
ycrties on bien:-) nalionaux un l'l~cole et la 10i sous-
traites ü sun crnl,ire. 11 Londul un traité avec don
Carlos, et ce pacte a étó fld0lelllellt observé par les
cku\: p.utics) qui 'hsuciaicnt ~l jamais lcurs 1ntú-




152


rets. Le carlismc est une conspiration permanente
contre le príncipe de la société moderne et de
l'état laique. Ainsi s'expliqucnt l'opiniútreté de ses
efl'orts, les fureurs qu'il souffle dan s les úmes,
l'inhumanité des moyens qu'il empIoie; OH sent
que le pretre a passé par la :


AbimA tout plutút, c'est l'csprit de l'Églisc.


Ainsi s'explique également réncrgie des résistances
qu'il rencontre. Il est assez fort pour survivre a
ses défaites, mais la victoirc lui échappe sans
cesse. L'Esp:1gne sent que dans cette lutte il s'agit
pour elle non de substituer une branchc royale a
une autre, mais de sauver toutes ses libertés,
tout ce qu'elle aime et respecte, tout ce qui fait
qu'au XI Xc síecle un peuplc figure réellement sur
la carte cl'Europc.


Si ron en jugeait par certains chapitres de leur
histoire, on 5erait tenté de se représenter le fan::t-
tisme comme une passion naturelle aux Espagnols.
La vérité est qu'il n'y a pas de pays ou les dissi-
dences reljgieuses et politi(1Ues engendrent 1110ins
d':1crirnonies OH de h:liJl0S pcrsonnclles qun dane.;
la Pénillsule ilJériquc. Le;:; uppu.:::itions de scnti-
ments n'y compromettcnL ni la súreté des amitiés
ni l'agrément eles relatiol1s; 011 Y réfute son advel'-




133


saire, on le persiffle, on ]e raille) mais on ne sent
pas le hesoin de l'exterminer; nulle part les dis-
cussions passionnécs ne se concilient plus facile-
ment avec l'inc1ulgencc pour le caractere et l'opi-
nion d'autrui . .Tean-.Tacques Housseau n'a pas man-
qué ce trait dans la p8inture qu'il a tracé e de
l'homme le plus accompli qu'il ait connu, de l'Es-
pagnol Emmanuel de Altuna : « Hors moi, je n'ai
vu que lui seul de toIérant depuis que j'existe. Il
ne s'est jamais informó d'aucun homme comment
íl pensait en maticre de religion. Que son ami fút
j uif, protestant) turc, bigot, athée, peu lui impor-
tait, pourvu qu'il fUt honnete homme. »


Bien loin que l'Espagnol soit superstitieux et
fanatique par tempérament, comme 1'a soutenu
l'auteur de l'Histoil'e de la cirilisation en A ngZe-
terre, il s'est montré au moyen-tlge le plus libéral
de tous lcs peupIes, et il cut la gIoire de donner
les premicrs exempIes de toI(Srance religieuse aussi
bien que de liberté consti tutionnelle. La Péninsule
était partagée en plusieurs petits États chrétiens
on maures, qui rntrctcnaient entre eux d'actives
relatiolls et :301.1yont contract:l.ient (les alli:mces.
Tel princo calholi(IUe ayait Llcs Y:lssaux. musuI-
ltwns (lue luí-meme :ll'mait cheyaliers; on le voyait
attírer ¿t ::la con!' des médecins, des philosophes,




15'~


des poetes, des artistcs inilcll'les, (lll'il s~aLtachait
par :::;e::3 bieni'aits. On sJemlll'untait n:'I~illruqlwl]JCllt
des usages et des il10es. En regle gél10rale, les roi5
rrw,ures autorisaient leurs :::;ujets de toutes croyan-
ces Ü pratiquer librement leur culle, et dan:-i les
territoircs 1'econquis par la croix le;" sectateul'S du
Coran conserntient souvcnt leurs mosquécs. Un
voit ü Tolede de nombreux ll10numcnts d'al'cllite<>
tUfe arabe postérieurs a la conllu~to chréticnnc;
construits avec de l'argcnt catllOliquc, ils ::;OIÜ
l'ouvrago d'architectes mahollH'tLll1S Llomeurl's Llano
le pays, qui ne sLLlllLlali~:3aicnt pCl'::3onnc 011 ll¡'·co-
rant quelquefois des plafonds et des lamlJri::; d'ins-
criptions tirées de leur 1iv1'o :::lacré 1. Les Juit's,
qui ont donné a l'Espagne tant do penseurs et de
savants, étaient traités sur le me me pied de lJien-
vei11o.nte tolérance. Un chroniqueur rapporte que
des croisé:3 franes et allemands, dant arrirés lbns
l',:mtir1l18 ~apitale des ruis goth~, s'<-rYls(~rcnt d'y
mas~acrer des Juifs, et que les ehcralicl's toléllLlli:-:i
s'armerent pour üéfcmlrc 1c-; ,'idimes contre ces
épées el ces préjugé;s barbares. ASSUl'l'mellt, da1l3
de8 siEcles oü 1'011 prisait par-dcssu:-; tliut l'ouvrugc


L Un lroun.' ú cu slljt'L d'illl\';l'es,;;¡¡¡!t'S r"lTI:ll'frW:l dn¡¡:3
la traduction allllOlét~ qu'a dilllnl'c l\l, \'nl'~I;¡ de l'Jlisl(!I:'c
de la 1)()(lSie el de I'nJ'! I'!/I: les, I !'u{Jc.'j ((I~'''l)((UIiC; llar
Schack. Yoyez t. 111, p.ljí el tilÜYLllllc;s.




liUluille/lí', les l'aplJUrb pacifiques qu'entretenaienL
ccs ll(~tib ÉLab éL~:ieJlt L1'oublés p:11' de fl'équentes
;-:llel'l'C:); mai:=, la l)assioll religieuse y avait peu de
llart. « JJans les tcrritoil'es émaneipés PQl' la eroix,
él dit un éel'lvalu cspagnol, comme dans les tenes
a~~,\]jettie::; par le Coran, ehréticns,juif:::i, musulmans,
\'iyaionl réuni~), pl'ali(lUant dlaeun leur culte, et le
jour Últ lleux Lll'mée:3 en venaient au:\: lllLlin:-l, 1'une et
l' i.lU t1'o renfermaicnt des sollbt~) lle 1roi:-3 religions 1. ))
La gucrre e;)p~lgt101c de huit ::,iccles n'a pa:-3 élé une
cmisade, CUlllllle 011 alfccLe llc le croire ; ce fut uno
;:~,U8l'l'C civi18 ::JLocuLtirc lJareille Ü cclles qui ont dó-
c.hiré la conféLlération gl'ecque ou les communes
ibliennes.


L'into10rance fal'ouc1w qui anima les Espagnob
c1urant le xn" et le X\TU C siccle, et qui s'est signa-
ke par üe si 1'('1'oce:-; exc(~s, n'cst point imputable
~I.LI l'dl';i('l('n: national; elle fllt le 1'6sulto.t Ü'Ull
,i1.·citkllL !li:·,L(il'i(jIIU. Celte fureul' a éll") inOCl1l('f; Ü
];¡ llatiull 1);(1' :-;(:,-; Pl'¡l1CC:::i 1 qui ch(~rchLticnt d:lllS
L;l!i,mc'J du clcl'~(, c·t ele l'cnthoLl::,ieblllC i'eli!2icllX
<~ ~ ,


k lJJOycn ele ~';0L11 !wttru loute la J\:'ili lhule ü lcur
élUtorit6 et dl~ t'aire lll;till J)a~):-,e :~ur les i'l'anclüscs
qUl étaicnt C'Íll''l'l''~ ;1, l:t noblc:-',;(j CuilllllO ~t la bOLll'-


l. A11t'(,¡i;li;() j'l'j·Jl,IiIr1,,/ ... ·(:l1'·iT;¡. dic;C'ul1rs prolloncé dc~
',-;¡;¡L L\C~lI.1t'lllilt c:Ólla~llok le '1:3 duil l:)í~;.




15G
geoi3ie. IIs enseignl~l'ent a rE~;;p:1gnol le mépris de
l'étranger et ele l'infidl'le; ils tui ~\ppr¡rent it con-
fondre sa patrie al-ec sa foi; ils nourrirent ses pré-
jugés haineux par l'imvorlance qu'ils attrilJucrent
a la limpie:a ou au sang pUf, en dablissant que,
pour exercer les fonctions publiques, il était né-
cessaire de prouver qu'on sortait el'une tige franche,
immaculC'e, agréable a l'Église, exempte de toute
greffe impure. C'est ainsi, cornme l'a remarclu(>
1\1. Hanke, IX que la flerté nation~l1e s'unit it une sorte
de flerté religieuse, it tel point que ces deux genres
d'orgueil se confondaient dans un seul et mcmo son-
timent. )) A la haine da JIaure et du J uif s'ajouta la
haine de l'h6rétique, parce que les hérétiques
étaient Guillaume le Taciturne et tous ces gHCHx de
terre et de mer qui refusaient de porter le joug es-
pagnol. Ce n' est p:ts la seule 1'ois cfu\m l1eupl e a été
imbu par ses maUres de maximes et de sentirnents
qui semhlaient étr~mgers a son naturel. Les fllreurs
du jacobinisme furent un autre exemple de ces ma-
ladies artificielles ([ue les gouycrru'·s doi ven t a leurs
gouvernants; m:1is entre le jacobinisl:w et l'inqui-
:::iiUon il y a ccttc (li Il'érencc; c~l])ita\c q\le les jaco-
billS pa~;:,elll L't qlll~ les illqui~itcUl':-l 1'L':-1tellt l.


1. 011 Pl!UL ol!:-'('n'l'l' dal:~; 1,'s }I(Jl:[,,;.; (·::i!)lglj.,¡c; LÍl! ;;l
;.;nl1dc ,'~POll ue deus couralll::i d' idél:s (1 \ti se con Lrariellt, Ull




'157


Jamais dan:::; aueun autro pays 011 ne vit la politique
et la religion si étroitement mariées l'une a l'autre.
L'orthodoxie était eonsidérée connne une vertu ci-
úlo, et la libre pensée était en butte aux memcs
poursuites que la fausse monnaie, le gouvernement
se réservant en matiere d'idées et de croyances le
droit de frappe comrne le droit d'émission. En
ycrtn de ecUe maxirne que le roi a les memes
ennernis que Dieu, e'était 111ettre l'J;~tat en péril que
d' cllseigner la cireulation du sang ou les lois de
Kewton, OL! mC:me d'afürmer, eomme le fL'ere Luis
de Léon, que les juifs sont eapables d'avoir raison
quand ils disent les memes cllOses que les ehré-
liens. Inversement, e'était une hérésie et une im-
piété de eritiquer l'établissement d'un nouvel irnpót
ou de vendre des ehevaux et des munitions ü la
France. Le elergé répondait au prince de l'ordre
puJJlic et de l'exéeution de ses volontés; en retour
le prjnee lui permettait d'accroitre démesurérnent
eonflit entre les instinets génércux de 1cur mee et les
nouyelles maximes <le l'intoiéranee officielle et de la rai-
son lfÉlal. Caidcroll , (fui raisolllle souvellt en inC¡llisi-
teur, :1 su troun:r en p<trlant des J\lorisc¡ues cl'admimbles
accents (l'hmnanilé eL !le telldresse. Lope de Vega, familier
cle l'ir](l\li:-;itioll C()tllUle Caldernn, fait dire ú un soldat qui
re\'ienL des Fbmlrcs el s\ est dégoúté de son métier :
« Eh: que m'ollt fait ú moi les lulhtTiells? C'est Jésus-
Chri"t qui les a cl'l~és. Si cela luí fait plnisir, quil en finisse
avec ellX comme il l'cntelldr;¡. » Un dcmi-siécle plus tanl,
dc' 1ellr':-; lilll'rlf>:-; lI'i'US.--;('llt p:l';; (.ir" sOlilli'rtrs.




158


ses richesses, d'nccaparer los terrrs, (10 multiplier
Ll l'inflni les couvcnts, ce qui amen:l ('11 pen de
temps le déprulllement (le \' E:-il'agne, la lIé'callence
de toutes ses industries, une stagnation sL'culn ire
de son génie national, un croupissement des esprits
qui faisait dire ü Saint-Simon dans les premiereR
anné'es du X.YllfÜ si0cle « qu'en Espagne la science
('tait un crime, et que l'ignoranco nt le" stupillitó y
ótaicnt les prcmil'res des Ynrtns. ))


11 ('st naturel cIuC les POllllll's qui ont le plus
sourrt:;rt d'unn malallie nn 'ianlcnt un plus "ir sou-
yeni1', et avisent avr'c ~:oin :lltX ll10ycns ele:-:n p1'('ser-
ver cl'une rcellUto qui 110uITait ('Ire 11l0rtelln. Lo:,
Haliens savent que lLl polilirrun tln saínt-sióge, en
tmvcrsant leurs clTort.s pour assurür leur inll¡"pcn-
dance et lel1f unitó nationale, les a conc1amll(~S Ü
snhir penclant t1e:-i si(~clns le joug (1e I'('tran~er. Les
Fspagnols ne peuvent oulJEer les maux pre;-;ql1e ir-
l'L1fWrables lIue l('u1' a c:w:-:ó;,; la domination du
clcq-':t~ ; 11 lel1i' som'ient que l'Jj:~;pDgne de la 1'c-
naiss::mce, cel ar]¡rc plcill (le' }ll'Oll1e's:,;cs, couycrt
ele flenrs et ele frnit:~, ~j' cst nI ll'an:-:l'onr18f par un
jardinicl' filtal, c10nt la scrjlc l'C'branclJa san;,; piti("
en un t1'onr scc ct sV;rile, 011 il f'C'rnll1:liL que la :::I"\'O
rllc Tarí. Ce]ICnctult en ll'(':"l }1,:int la J'C'\igiull l'l1c-
nll;ll1e qu'its acelbcllt dc leurs Hlalllcurs ; ib ]JC 1'6-




L'ESP :\G \"E POLITIQUE
l'fouw>nl (FIn l'abus qu' on ont fait leul's maitres,
qui cruront trOll\'er leu1' súret(~ dans la police des
consciencos. L'Espagne n'a pas fait inílclélité a ses
antiql10s croyances. N'ayant point en de Voltaire ni
dA Housseau pour lui donnel' un nouveau symbole,
elle s'en est tenue au c1'edo de ses pel'~s, cal' elle
11e peut se passer f10 cl'oire; elle a des bosoins
r81igieux, uno so1'te de spi1'itualitó native que ne
connaissent p3S les Italions, t(~moin son admirahle
lill()raturo m~'stique, ([ui succomba jadis comrne
1'esp1'it c1n libre recllCrd18 sons les arr0ts ele l'ill-
quisitiol1.


i\joutons quo les Espagno]s 80nt le peuple le
plus attaché ü ses sOln"onirs et ü ses habitudes.
nien que lo rH'otestalltismo, inlroduit dans la Pé-
]linsule Ijar des hornrnes de cmur et de conviction,
:ti t 1'6ussi ~t gagner quelques tunes) ü groupc1' au-
tonr ¡}(; lni qnclqucs lroupeaux (\lJa1's, on a peine a
noire Cjll'il pOllsse bien 10in ses confIuetes. La sé-
v('~rité un peu triste tle son culte rebute des imagina-
! ions méridionalcs ~lccontumées Ü mettl'e beancoup
(rr~;p1'it (1:1ns lcnrs sensations et un lJell de sensa-
tion dans tontos ]curs idées. Par ([uoí remplace-
l'Jit-il ces rt~tcs rmq2'ni fiquc,~ 011 sr, complalt le pa-
ll'iotismc de l'F:spagnol, aussi ] lien qne sos ycux et
:-ca consciencc '? Au mois de mai derniel', uans un




160


moment d'etrervescence n~volutionnaire, nous
avons vu ü Madrid ,un bataillon de volontaires de
la liberté accompagner respeetueusement uné pro-
cession religieuse. Ces fiers j aeobins tenaien t <l' une
main leur fusil, dé l' autre leur casquette rauge; le
saint-sacrement paraissait étonné <le eette étrange
escorte d'honneur.


Quelques Jours auparavant, ü Valladolid, jI s'é-
tait passé un incident non moins bizarre, dont
aucun Espagnol ne s'étonna. C'est l'usage pendant
les fetes de la semaine sainte de porter en grande
pompe dans les rues des statues en bois, de taille
colossale et du plus beau tra vail, l~tincelantes de
joyaux et de pierreries. Le chapitre de la cathé-
drale, se défiant des dispositions du club révolu-
tionnaire de r endroit, entra en pourparlers avec
lui pour obtenir l'autorisation de promener sur les
places, comme les autres années, un christ monu-
mental qui ne voit le jOUl' (lue dans les grandes
circonstances. La révolution répondit qu'elle ne
demanclait pas mieux que de pl'el1l1re part a la fete,
pourvu que le christ lút accompagné cl'une cer-
taine statue de saint qui orne ulle des chapelles de
l,a cathédrale, et c10nt la coilfure se troU\"c ressem-
bler be:mcoup ü un bonnet phrygien. On conféra
et disputa longtemps sans l'éussir ü s'accorder. Le




L'ESPAGNE POLITIQUE 161
clergé était inflexible sur l'article du bonnet, les
intransigents répliquaient : Point de saint, point de
christ. En définitif, le christ, le saint et le bonnet,
tout le monde dut garder le logis; Valladolid en
pleura. Il semble pourtant qu'il eut été facile de
s'entendre; dans fluel autre pays du monde trouve-
rait-on des intral1sigents d'aussi bonne composition
-et si disposés a transiger?


Les Espagnols offrent aujourd'hui cette singula-
rité d'etre demeurés tres-catholiques en devenant
le moins clórical des peupIes. Ils consentent ü
faire SD. part a l'l~glise dans le gouvernement de
lcur "ie, a la condi tion qu' elle renonce a gouverner
rÉtat. Ils la respectent, mais ils exigent qu'elle res-
pecte leur liberté. Ils écoutent ses conseils, mais
ils ne lui reconnaissent pas le droit de leur dicter
des ordres, et ils n' admettent a aueun prix que la
loi 8t le gendarme soient a son service. La ques-
tion religieuso a joué un role capital dans les di-
verses phases de leur émancipation politiqueo Au-
cune réforme constitutionnelle ou administrative
n'a été aussi populaire en Espagne que l'abolition
des dimes> le désamortissemont des biens ecclé-
siastiques, la supprossion des couvents, la séeula-
risation .de l'ócole. Si la reine Isabelle est tombée,
e'est moins pour certaines mesures arbitraires et


1 t




162 L'ESPAG);E POLITIQl'E
violentes, qui indignaient la conscience publique,
que l"Jour le~ gages que san inexcusa1Jle relJentir
donnait au clergé, - et la premiere chose qu'ont
faite les auteurs de la révolution de septembre fut
de promettre a la nation la complete tolérance 1'e-
ligieuse. Étrange pays OU la liberté manque moins
aux cultes que les cultes ne manquent a la liberté,
et qui ne laisse pas de ten ir énergiquement a cette
liberté inscrite dan s la loi, paree qu' elle a vertit le
pretre que l'État ne lui appartient plus! 'foutes les
fois que le clergé se pourvoit en cassation eontre
cet éql1itable partage et parait méditer (lUelque
uSl1rpation, ee peuple, qui n'a pas COl1tume de lui
marchander son respect, éprouve de redoutables
frémissements de colere. 'foutes les fois qu'une
victoire carliste menace de détruire la civilisation
et de rendre l'Espagne b. son antique senitude, on
voit dans le centre comme dans le midi de la Pé-
ninsule des églises envahies ou fermécs, des au-
tels profanés; des couvents pris d'assaut et livrés
au pillage, des curés et des moines maltraités ou
massacrés.


Le carlisme aurait été depuis longtemps réduit a
l'impuissance par l'opposition qu'il souleve dans
toutes les cbsses de la société espagnole, si une
circonstance purticuliere n' eut associé a sa cause




L'ESPAG.\fE POLITIQUE
des intérets et des passions qu'il a pris sous sa
clientele. Il ya dans le nord-est de l'Espagne des
provine es qui ne sont espagnoles que de nom, et
qui jouissent d'une véritable autonomie dont elles
sont fieres et jalouses. Ne fournissant a l'État ni
soldats ni argent, elles reglent elles-memes l'usage
qu'elles font de leurs impots, l'équipement et 1'em-
ploi de leurs milices, tout le détail de leur admi-
nistration intérieuro. IIonnCtos, loyaux, durs a la
peine, entretenant a leur guise 10u1's chemins et
leurs rautes, qui no bi::;sent rion ü dL'siror, ddri-
chant jusqu'aux pentos les moins acces:3ilJles de
1eurs montagnes, plus industrieux que la plupart
des Espagno1s, los Basques du Guipuzcoa, de 1'A--
lava et de la Biscaye sont depuis des siecles en
possession de se gouvel'ner eux-memes, et ils
constituent une véritable république de monta-
gnards, assez analogue aux cantons primitifs de la
Suisse. Qui n'a entendu parler de ce fameux chone
de Guernica, toujours subsistant, a 1'011lbre duquel
ils tenaient lour:3 assembléos patriarcales ou cal:w'-
1'as, et qui inspira jadis ü l'auteur du COi/[i'Clt social
ce mot mémorablo et souvellt cité: « Quand on
yoit ehez le plus heureux peuple du monc1e des
troupes de paysans réglcr les aITaires de l'État sous
un chene et se conduire toujours sagement, peut-




1U4 L'E8PAG~E POLITIQUE
on s' empécller de mépriser les rafílnements des
autres nations, qui se rendenl illusLres et miséra-
bles avec tant d' a1't et de myst0rc ? ))


Ainsi que tous les peujJles vraiment républicains)
les Basques enrisagent leur liberté comme une


Próronative ou comllle un accident heureux . ils se ~. ,
soucient fort lJeu d' en faire part ü leurs voisins, ils
n'ont jamais cherché a [aire la propagande de leul'
bonheur. Leur langue, l'euskara, qui n'a ríen de
commun a\'cc l'espagnol ni ;:\.\'oc aucun idiome
eonnu, établit une barriere entre eux et le reste de
la Péninsule, et les r0l1uit Ü U!l é't~lt d'isolement
dont s'ap}Jlaudit leue imlé'pcm:ance. Comme eette
lallgue ne possble aucune liLLél'aturc, le peu d'idées
générales qui circulent Ulll1S leurs villages et dans
leur;:; bourus leur viennent de leurs curé's chafr,és ~ ) . ~
de leur apprendre ce qui se passc d::lllS le monde,
ce qui se dit et se pro~cLte a :,Iad1'ld. Au;:;si courts
d'esprit qu'olllDragcUx. ct dér:L~nts, kur unique so in
ost de conserver lcul's /llCl'U:i. n a 616 facile de Ieur
LÚfe croi1'e que la royauté LJ)érale nourrissait le
110ir desseÍn de les en uépouiller, qu'elle se dispo-
suit a les r~J.uirc au m01110 l'JgilllG que les autres
provinces c::3pa¿no18::3. 11 n\;st pas p] liS difficile au
prétenJant de lcuI' pCf::3uaLlcr que b, royauté abso-
lue peut seuie leu!' gal'uutir le;:; francJlÍ.:3e.3 qui leur




L'ESPAG~E [>OLITIQUE 165
sont plus chcres que la vie. Ne savent-ils pas que
leur liberté est un priYilége, et. que les priviléges
ont moins a crQinc1re d'un roí qui fQit ce qu'il veut
que d'un régime constitutionnel, soit monarchie,
soít république, Ol! regne la loi '?


Aussi, Ü, l'exception de la bourgeoisie des villes,
gagn{~e aux ielécs libérales, ces montagnQrds ap-
partiennent corps el. ame a 1:1 cause carliste, et l'on
peut voir ce singulier phénomcne de populations
républicaincs, voulant irnposer Il Qutrui un gouver-
nement dont elles ne vouc1raÍont rlOur elles-memes
a aucun prix, et trcl"vaillant ü faire monter sur le
treme el'Espagne un roi absoln qui leur promet en
récompense ele les laisser vi\Te en république.
« ~ous souhaitons qll'aVQnt rleu, s'écriait ~I. Cas-
telar le 12 septembre 1873, ces provinces basques,
quí fournissent des subsieles et des espions au::\.
carliste:3) et oü l'armée de la république ne peut
trouver nulle part <1'asi1e ni de secours, reQoivellt
le ch<ltiment que mérite leur faute, puisque ces
provinces, les 11]us libros et les plus heureuses de
l'Espagne, combattent non pour se donner un roi,
ni pour luí oJT1'i1' leurs flb et le fmit de Jeurs épar-
gnes, mais pour l"imposor ü la nation espagnole en
continuant de YÍv1'e elles-memes en république. A
coup súr le gouvernement respectera une législa-




16G L'ESPAG~E POLITIQUE
tion qui est en harmonie Dsec ses principes et ses
idées; mais il leur déclare par ma bouche que, si
quelque chose menace leur avenir et cet arbre cé-
lébré par Rousseau comme le monument de la li-
berté, e'est leur ayeuglo obstination a soutonir,
comme les Suisses d' autrefois, au prix de leur sang,
le monstre de Pabsolutisme. »


C'est parmi ces républicains aux. sandales en
cuir de bCBuf et au béret bleu, marcheurs infatiga-
bles et gr;::..nds joueurs de paume, que le carlisme
recrute ses bandes, ainsi qu'en Navarre et dans
une partie do la Catalogne. La montagne en gl~né­
ral appartient au clergé et au prétendant; elle leur
fournit des solc1ats rolJUstes, braves, sobres, lestes
comme des contrebandiers, connaissant tous les
passages secrets et les défilés, babiles a se dérober
apres une défaite et se dispersant pour se rallier
ailleurs, possédant enfin toutos les qualités néces-
saires a ceUe guerre de chicane et de partisans ,
oü l'Espagnol a toujours excellé, Le pays s'y prete ;
il est úpre, coupé, propre (lUX embuscades et aux
surprises, plein de difficultés pour l'assaillant, qui
ne peut opél'el' par détachements sans s'exposel',
ni par masses sans etre inquiet poul' ses subsis-
tances.


Cependant, si le earlisme a conservé ses troupes,




L'ESPAGNE POLITIQl:E 167
il s'est aITailJlI par la perte de quelques-uns de ses
ehefs les plus marquants. L'esprit du siecle est un
gaz snlJtil qui pénetre tout, et l' élite du parti n' a pu
résister a eette maligne iniluence. L'un des héros
de la guerre de sept ans, l'illustre général Cabrera,
dont le nom seul eút valu une armée au prétendant,
l'ayant trouvé sourd a ses conseils, s'est vu con-
traint de lui refuser ses services. Tous les jours,
les gazettes légitimistes annon<;aient son entrée en
campagne, et jusqu'u ce jour iI n'a point paru.
L'Angieterre, Olt un heureux ll1ariage lui a fait
choisir sa re traite, a ouvert l' esprit du vieux cabe-
cilla a lJeaucoup de choses qui lui étaient peu fa-
milieres. Comme on l'a dit, le loup-cervier est
devenu un llOmme de son temps, et il soutient
ses nouveaux principes avec cette opiniatreté qui est
propre aux cervelles de loups, quand ils se met-
tent u penser, 11 aurait voulu qu'abjurant ses pré-
jugés le carlisme offrit u l'Espagne déchirée par
l'anarchie un gouvernement d'ordre, capabIe de
rallier toutes les fractions du parti conservateur,
et qu'a cet eITet il protestút hautement de son res-
pect pour les conquetes Iégitimes de la révolution,
particulierement pou!' la liberté religieuse. A ces
conditions seulement, on pouvait regagner les es- _
prits, s'assurer des intelligences utiles dans 1'a1'- (.<f~b'


-..


.~




168 L'ESPAGKE POLITIQ"CE
mée. Le eomte de Morella a loyalement averti son
roi, qui s'est laissé eireonvenir et ne l'a point
écouté. 11 a laissé la place a l'intrigue, s' est retiré
sous sa tente.


Parmi les fid81es serviteurs qu'a gan1és don Car-
los, il est des hommes de CCBur et d'intelligence
qui gémissent tout bas de ses fautes. Lui-meme ne
s'appartient plus, l'Église dispose de ses volontés,
et il annonce a rEspo.gne que, s'il désire remonter
sur le trone) e'est pour lui rendre son Dieu) eelui
d'autrefois, eelui dont les regards se reposaient
avee déliees sur le san-benito d'un hérétique
fouetté et repentant. On ne se donne pas la peine
de déguiser aux Espagnols les desseins qu'on a sur
eux. Quand eertaines gens parlent a la France, ils
recourent aux précautions oratoires, aux subtilités
enseignées par la easuistique, aux réticeuces, aux
équivoques, ::wx uénégations qui ne nient rien, aux
promesses qui n' engagent point. S'ib font au pays
de V oltaire et de ~Iirabeau r h onn e ur de lui men-
tir, ils infligent a l'Espagne l'affront de leur outra-
geuse sincérité. Illui déclarent ouvertement qu'ils
entendent la ramener a l'age d'or oü le moine ré-
gnait et mettait in pace les libres penseurs. La
lutte qui ensanglante aujourd'hui les Pyrénées et
les monts Cantabres est une guerre a outrance




L'ESPAGXE POLIT[QUE IGJ
faite 21 la boürgeo¡sie [lar des pretres fanatir¡ues et
des ptltres munis d' ClonHs; e'est h démagogie
bbnche, laquelle, d{;ses~lérant de son triomphe,.
n'a pas craint de so liguer avec les forbans de
Carthvgene pour l'extermination des idées libé-
rales 1.


L'abstention du général Cabrera et les divisions
intestines du parti étaient des eireonstanees favo-
rables pour le gouvernement républieain; mais l'é-
puisement du tré'sor, l'indiseipline des troupes,
l'état de (1-:'p10rab1e con[usion ou était tombée
l'arm¡"o de Cata1ogne, le mettaient dans l'impossi-


1. Une pi8ce [u1't curicuse a {~lé puLliée par la Ga:ette
of/icicllc de ::\Iacl1'id: ce ~ont les instructions répandnes par
les émissai1'es de don Carlos pour le soulevement de la
Yieille-Caslillo. Ce ll!Jeum<'nt, marqué au seeau du roi,
avee eette inscription : Dieu, la patrie et le roi, - porte
lJue les carlistes Llevront S8 conce1'ter avec les républi-
cains intransigents pOl1r insu1'ger les réserves du gouverne-
ment et semer la discorde dans les rangs des volontaires
<le la républicl'lC. On lit plus loin: i( Comme il convient
aux inféréts dn roi notro seigneur d'agir avec promptitucle
et résolulioll, Votre Excellellce s'occupera aulant que pos-
siblc el'opérer la S(;qllcstration (les cltefs rebelles et des
libéraux sacriléges inscrits claus les listes qui sont au
pouvoir clu tres-illuslre Sr. Dn ..... , et celIe des mauclits
francs-ma<.:;ons que vous li vrera la com m issiOíI i¡¡ti:i'i ¡¡¡(lúe
dcl'iilljllisiti(}iI. )} Cctte piéce, c1atée c1u '11 septembre, a
été reproc1l1ite par tOI1S les journaux espngnols; nous ne
voyons pas qu'olle ait dé désavouée. Ulle proclamation
plus récenle du c(/úcciUu Lizarraga eontient eette phrase
non moins significative : a. La liberté religieuse est un mal,
et nous ,WOllS ré801u de la supprimer, sans que personne,
p0ur se sOtlstraire a cot [,rret, puisse exciper de sa qua-
lité d'étranger. »




170 L'ESPAG~E POLITl(~CE


Lilité de profiter de ses avantages, ou de les pour-
suivre. Sa rupture avec les radicaux le condamnait
a choisir ses généraux dan s un personnel tr8s- res-
treint, parmi des officiers qui n'avaient pas la con-
fiance du soldat et n'ofIraient d'autres garanties de
succes que de se dire trcs-républicains et tres-
fédéralistes. Pendant lJlusicurs mois, les lmlletins
expédiés a Madrid fournirent une ample matiere
aux commentaires comme aux lazzls des 110uvel-
listes de la Puerta del Sol. 1'ant6t le bruit courait
d'une victoire décisive, et il se trouvait de compte
rait qu'on avait atteint une banc.le clans sa retraite,
qu'on lui avait tué trois llOrnmcs et clcux che\'aux;
tant6t on promettait la pacification prochaine des
provinces basques, parce qu'un cauecilla, et un
demi-peloton avaient fait leur soumission et ré-
clamé l'indulto. Souvent aussi les nouvelles man-
quaient, et des semaines cnticres s'écoulaient san s
qu'il se livrat aucun engagement. Pour calmer
l'impatience publique, le joul'lllll semi-offlciel du
soir, la Correspondencia, annonQait mystérieuse-
ment que le général Nouvilas avait un plan, qu'il
en préparait le succes par de savantes combinai-
50ns, dont l'efret ne se ferait pas attenclre. Le mal-
heur est que ces manCBuvres, destinées a enve-
lopper l'ennemi, étaient toujours dérangées par un




L'ESPAG~E POLITIQl'~ n1
contre-temps imprévll, et qu'au moment ou le gé-
néral se tlattait de tenir sa proie, elle lui échappait
en dépit de toutes les regles; la souriciere était
admirable, mais la souris, y mettant de la malice,
refus:lit obstinément de se laisser prendre.


Ces quarts de victoire et ces demi-:défaites rap-
pelaient les commencements de la guerre ele sept
ans, avant qu'une main vigoureuse eút pris la con-
duite de la campagne. « La nouvelle est tres-vague,
la date en est ancienne, elisait en ce temps-la don
Froil:m, perso!1lwge de la charmante comédie :
jflléi'ete!J Vel',ls. Si la faction fut battue, qu'est-il
advenu de nos gens? Dans la guerre, il y a mille
hasards) et el'ailleurs l'exactituele ne fut pas tou-
jours la vertu eles dépeches militaires. Beaucoup
de p13.ns et de précautions, des marches et des
contre-marches, eles tempetes et des gelées blan-
e hes, eles courbes et des paralleles, voila le refrain.
On se vante de donner beaucoup d'ennuis aux
forees ennemies, on exagere ses fatigues, on décrit
se,:; manwuvres, OH a))onde en recommanelations,
on parle ele Rome et de Numance. Et que nous ap-
prennent en substance ces [ameux bulletins? Que
nous marchttmos pendant quatre heures, que les
factieux ont gagné pays, laissant elans nos mains
un llavre-sac et deux j uments, que nous aurions




172 L'ESPAGNE POLITIQUE
tué beaucoup de ces dr61es, si la nuit n'l1vait étf:
sombre et que les cartouches ne nous eussent
manqué, - que le chef ennemi s'enfuit pcm1nnt le
feu et se sauva par l' étonnante légeret6 de sa mon-
ture, - que, faute de renforts, notre général a
quitté le champ de bataille et s'en est allé (Iuérir
des vivres a Villafranca-del-Vierzo, - qu'il faut lui
envoyer franches de port dix croix de Saint-Ferdi-
nand. Par forme de concIusion, il SUpr1lie le mi-
nistre et les cortes de lui expédier prornptement,
sans exiger de re(:u, six mille p:üres de souliers et
-1 million en effcctifl. »


La situation s'est sensiblement amélior6e; on
pourrait répondre 3. don Froilan ce que lui répli-
quait l'aimable Jacinthe : ( Il Y a eles chefs qui
verront leur histoire dans ta peinture; mais tous
ne méritent pas tes reproches. )) Toutefnis on ne
peut espérer que l'armée réorganiséo ot condLlite
par des chefs expérimentés se ronde bienWt mal-
tresse de l'insurreetion. Il n'y a que deux manieres
d'en finir : iI fauurait ou procéuer u l'oceupatioD
militaire des provinees rebellcs J ou conelure, par
l'entremise d'une de ces épées qui s'ontenclent aux
négoeiations, comme eelle du duc ue la Torre, UD


L Muél'etc 1) VCI'ÚS, comédie en quatre (jetes de TIreton
de los Herreros, mort en 11:173.




L'ESPAG~E POLITIQlJE 173
arrangement analogue a celui d'Amorevieta. 1\1al-
heureusement la républiquc ne dispose pas encore
de forces sufflsantes pour occuper le pays, et des
offres d' arrangement agréeraient sans doute aux
populatiuns lasses u'une guerre qui les épuise et
les ruino; mais elles risqueraient d:étre mal re-
<f¿ues par les chefs, qui, attentifs a ce qui se passe
de l' aulre cóté des Pyrénées, se flattent toujours que
certaines connivcnces secretes se changeront en
sympathies déclarées et agissantes. Les cabecillas
ne sont pas üüaillibles; mais ils ne se découra-
gent ni 11e so rebutcnt facilement : ils ont la pas-
:3ion tIc lout' métier et une opiniútrcté dans r espé-
rance, (lU'ils semlJlent avoir communiquée a leurs
bailieurs de fonds.


III


Pendant tlue le gouvornement provisoire com-
battait péniLlement don Carlos, les intransigents
ele la république, qui l'accusaient de modérantisme,
lui donnaient ancore plus a faire. Ambitieux sans
príncipes et sans vergogne, pecheurs en eau
troulJle, fanatiqucs de bOl1ne foi, simples {l'esprit
Cfui se paient de mots creux, fainéants dont l'ima-




174 L'ESPAGNE POLITIQU E
gination travaille pendant que leurs doigts se re-
posent et pour qui l'émeute €st une fete, le désonlre
un spectacle, volontaires enchantés de quittel' le
rabot ou la ripe pour s'en aIler ü la parade, amou-
reux de leur fusil tant qu'on ne leur demandait pas
de s'en servir contre les Basques et les Navarr:ús,
orateurs de carrefour qui interpellcnt l'univers du
haut d'une borne, déclassés et faméliques de toute
espece, qui estiment que le premier devoir d'un
gouvernement bien ordonné ost de leur assurer
leurs franches lippées, touto cette cohue tenait le
haut du payé dans les capitales do province aU::3si
bien qu'a jfadrid. Si la royauté n'a jamais eu de
pires ennemis que les royalistes, la république
n'est jamais compromiso que par les siens. Ceux-
ci faisaient merveille, poussant jusqu'a ses dernieres
limites le dévergondage de la parolo et de la plumeo
Leurs journaux publiaient des manifestos incen-
diaires et proclarnaient l'anarchio cornrno lo dernier
mot de l' esprit humain; leurs clubs tonnaient contre
tout ce qui existe. Raton s'échauifait, criait, gesti-
culait; Bertrand, l'encourageant sous eape, obser-
vait d'un reil attentif ses rnouvoments el les marron5.


Bien que le socialismo, pendant quelquos mois,
ait paru le maitro de la Péninsulo, on peut assurer
qu'il y est moins redoutable qu'en Allemagno par




L'ESPAGXE POLITIQUE 175
exemple ou en Angleterre. L'Espagnol a peu de
besoins; sa sobriété proverbiale a fait dire, il y a
longtemps dl'jÜ, qu'il peut yivre huit jours du diner
d'un Allemand. Nous avons parlé de sa disposition
naturelle h s'accommoder aux circonstances, de sa
gaité facile quí a découvert le secret du bonheur
économique. L' enthousiasme de la haine et de la
jalousie aura toujours cluelque chose d'un peu fac-
tice dans ces beaux pays du midi, oü le soleil, qui
luit pour tout le monde, égalise les conditions. Ce
céleste niveleur épargne des souffrances et procure
des pJaisirs aux déshérités de la fortune; grace a
ses largesses, ceux-lh meme (lui n'ont rien se trou-
vent avoir quelque chose. e' est dans les climats clu
nord, au miJieu des brouillards, que les imagina-
tions enfantent des reves terribles et sanglants;
elles s'en prennent h la société de la lumiere qui
leur manque. L'homme qui a froid et qui n'a pas
un fagot pour se chauffer connait seul· la haine
dans toutc sa férocité. Grelottant sous ses haillons,
ses yeux déclarent la guerre aux passants, portent
uu ciel et ü,l'humanité de funebrés défis.


Rien n'est plus favorable aux utopies que la
demi-science. Les notions vagues, les vérités in-
completes, les idées générales imparfaitement com-
prises, certaines abstractions semblables aux nuées




176 L'ESPAG~E POLITH¿CE
d' Aristophane, « divinités des esprits paresseux, ))
font les révolutionnaires et les démagogues. Ily a
en Espagne des gens qui pensent et des gens qui
ne pensent pas du tout; mais les derni-penseurs,
les apprentis raisonneurs, les tetes a chimeres, y
sont plus rares dans les classcs illcttrées qu'en
France ou en Suisse. Le peupIe espagnol se com-
pose en grande partie de véritables cn[<1nts ue la
nature, qu'on peut dans l'occasion faire sortir de
leur naturel; - ce transport ne dure gue1'e, iIs en
reviennent par une pente fat;;,le a préfércr un plaisir
a une idée, un air de manuoline ü un raisonnement.
Quand le fanatisme leu1' prenu le cCDur, c'cst par
les yeux qu'il est entré. Ils ne ba"i:~sent pas la so-
ciété, mais ils sont capables ue hall' j uscIU'll la ulOrt
le froc d'un moine soupQonr:.é d'6tre l'espion des
car1istes, ou l'éperon du conquér;;,nt qui chcvauche
au travers de leu1' patrie et ue 1cu[':..; SO Llvcnü';:.; .


Il faut ajouter qu'cn Espagne la jaIou:-;ic tlu paul're
pour le riche est tempél'ée par la no])l(sse et b
simplicité des mCBurs, par l'csprit de véritaJJlc
égulité qui préside aux rebtions. La dignité de 1'in-
férieur encourage la courtoisie du 5upé1'ieu1' ; tout
Espagnol se pique de prouver qu'il est un caballero.
A Madrid, dans 1'une des journées les plus ora-
geuses de la derniere ré\'olution, des volonLlÍrcs




L'ESP~\GXE POLITIQCE '177
qm ne pay::lient p::lS de mine enyahirent 1'h6te1 de
la marquise de ... , sous prótexte (Iue cet h6tel
occupait une sit1!ation slratégir¡ue. I1s furent assez
l:'lal reQus, comme on peut croire. La maitresse du
logis leur demanda de quel droit ils yiolaient son
domicile.115 repartircnt ficrement qu'ils portaient
leur droit clans le canon de leurs fusi1s. A peine
installés) i1s mirent un soin extreme a ne rien
gúter, a ne rien salir, se conduisirent en inyités
qui tiennent 11 recollnaItrc par 1eut' lliscrdion l'a-
rnalJilité de lcul' h(Jle. La lllarquise fut si contente
clu procédé de ces intrus qu'elle s'occupa inconti-
nent üe les faire souper. lb luí ddégucrent un
orateur bien di:::;ant pour la remercier et luí dé-
clarer dans un langagc J1euri q~'ils n' ouLliel'aient j.Ll-
mais ce régal irnllrÓ\'U, ni celle (lui l'avait ordollné.


Cepembnt) ~,ur ht foi eJes récits qui remplissaient
les journ::mx e~;I1agnols et fl1fcnt reproc1uits par 13
presse ótrangure, rEurope s'imagina que l'lnterna-
tionale était omnipotente en ESl)agne et que) chose
curieuse, elle ayait recrutó dans les population:s
des campagnes ses rllus chauds partlsans. Il n'é-
tait question (Iue de lWJClteflOS p6n0t1'ant CtV2C
effraction dans les propriL>tl>S pllrticulicres, se p::tl'-
tagcant et slac1juge::mt s~ms autre fonnJlitó le p::t-


12




17~ LESPAG~EPOLITIQUE


trimoine d'autrui. Ces scenes fLtcheuses ont été
peu comprises et mal jugées. Les envahisseurs,
qu'on prenait pour des novateurs audacieux, étaient
eles réactionnaires a outrance, trop attachés au
culte des traditions.


L'ancien régime avait implanté en Espagne des
habitudes socialistes et la coutume de l'usufruit
commun, qu'il n'est pas facile de déraciner. En
Estrémadure par exemplo, dans la province de Ba-
dajoz, ou se sont proLluits plusiours attentats de ce
genre, chaque pneblo, eles le ternps de Ferdi-
nand III et de la conqu01e chrl'tionne, avait son
communal, domaille inuivis OÜ le pursan pouvait
mener paitre son bétail. En yertu de la loi ele
dé~amortissement de 1S;:¡U, tous ces biens com-
111uns ont été venuus et convertís en propriétés
privées. 1"ne foulo d'abus se ::iont glissés dans ces
actes d'aliénation, et ont foul'ui lllatlere a de n0111-
orouse5 plainws, a uos litigos encore pendants.
'1'01 cacique) dont le lllinistere reuoutait l'influence
ou ménageait l'amitié, est Soup('onné d'avoir payé
le prix do 80 hec~ares et u'en avoie acquis 60. Le
paysan déposséué, (lui n'admet pas qu'il y ait p1'e5-
cription cont1'e la justice, persiste a regaruer
comme sienne eette Lerre (lui lui a été ravíe. Des
que l'occasicn ::;'on pré::;entc, il alJpellc de la sen-




L'ESPAGNE POLIT[QUE fia
tenee qui l'expropria et il fait valoir par la force
son vieux droit d'usufruit. L'Estrémadure a donné
le jour a Fcrnand Cortez et a Pizarre; elle produit
les plus taciturnes et les plus obstinés peut-etre
des Espagnols. Bien habiles seraient les caciques,
si, leur acte de propriété a la main, ils faisaient
entendre raison a ces entetements de bergers et
de moutons, qui secouent lenrs oreilles et invo-
quent la coutume de leurs ancet1'es.


Des faits analogues se sont passés en Andalousie,
mais l'explieation en est un peu difIérente. Cette
grasse province est un pays de grande propriété,
et jadis dans la Péninsule la grande propriété était
infiniment hospitaliere, - ii semblait qu'elle ache-
Llt le droit d'cxister par s:;s libéralités et par ses
complaisances. Elle était en queique so1'te grevée
d'une senitude volontaire. La moisson faite, elle
lJassait dans le domaine public; chacun était libre
d'y entrer, d'y glaner, d'y picorer, d'y chercher 52
pature. Elle appartenait a quelqu'un pendant la
moitié de l'année) et le reste du temps a tout le
rnonde. C'est une erise grave pour les institutions
que de sunivre aux mCBurs qui les renclaient ac-
ceptables. Quand une aristocratie a peruu ses pri-
viléges, elle renonce aux charges onéreuses qui en
étaient la ranc.:,on; elle emprunte u la bourgeoisic




180 L'ESPAG~E POLITIQLE
sa fa00n de posséder et de compter, et iI est de
l'essence du bourgeois d'6tre a clleval sur son
droit, de fermer sa porte aux passants et son oreille
aux requ6tes, d'enclore son bien, d'exercer dans
toute son étendue ce jHS utendi et almtendi qui
constitue la propriété Iégale.


Peu a peu les gramls domaines, ;:ulrninistrés par
des intendants qui ne se piquent pas de mCBurs
patriarcales, ont abjuré leurs príncipes d'antique
hospitalité. Le paysan andaIou n'entel1Ll pas a ces
changements qui le chagrinent. Il c;on::;idl~re comme
l1es droib héréclitaires les tolé'rances dont iI jouis-
~ait, et au lcmlemain de chaque n"\'olution, eles
que les renes du gouvernement se relJ.chent, il
réclame ~ main armée les franchiscs posséc1ées par
:3es aieux. Toute clóture procluit sur ses yeux le
meme efIet que la cape rouge sur le taureau; il Y
voit un dé:fi, une insulte. La coll:rc le prend, iI
saisit sa hache) abat la harriere ou le mur (Iui le
gene, non po-r attachement aux doctrines ele Cabet,
qu'il ignore, mais en souvcnir du bon vieux temps,
car il a le fanatisme de la. mémoire. « L'idée socia-
liste, disait au con gres M. Silvela. le 'j O maí '1870,
est chez nous un héTitage de l'ancien régíme qui
lui avait donné ses lettres de naturalisation. Dans
la plupart de nos yillages, b rérolu Lion est consi-




L'ESPAGNE POLITIQUE 181
clérée comme un retour légal a des habitudes com-
munistes qui sont restées dans notre sang; elle
signifle l'acces libre dan s la propriété municipale
et quelquefois dans la propriété particuliere, le
renversement des cl6tures, la jouissance commune
de la jachere et meme de la moisson. 'Cette faeon
d' entendre la lilJerté n' est pas née des prédications
modernes, ni des promesses des démagogues, ni
de l'abus de la presse, ello procede de souvenirs
et de traditions que rien no peut effacer. Aussi
ost-elle moins répancluo dans les grandes villes
que dans les campagnos et clans les coins perdus
de notre tel'ritoire. »)


Ce sociQlisme campagnard causait beaucoup de
ehQgrin aux propriétaires lésés dans leurs droits et
dans leurs murs; mais, malgré les rapports am-
poulés et pathétiques des journaux qui annoneaient
de prochaincs jacqueries, le gouvernement savait
á quoi s'en tcnir. Pouvait-il ignorer que toutes les
révolutions cspagnoles. ont été accompagnées de
IJris de bQrrieres, de dégáts dans les foréts, que, le
pouvoir se raffermissant et le c::tlme rentrant dan s
les esprit::;, les clótures se relevent? Tout se ter-
mine par un arrangoment PQcifique, Jusqu'a ce
qu'une nouvelle crise remette en ébullition ces
Létes de paysans qui voudraient conserver de l'an-




182 L'ESPAG~E POLITIQUE
cien régime ce qui leur convient. Leur obstination
se refuse a comprendre que, quand le grand pro-
priétaire n'est plus rien dans l'État, il se console
du suffrage universel et de l'universellc égalité en
se donnant le plaisir d'etre maitre chez lui, comme
le charbonnier dans sa cabane.


Ce [lui occupait et préoccupait davantage le gou-
vernement provisoire, c'étaient les menées de l'In-
ternationale dans quelques grandes villes, et en
particulier dans cette intelligente, opulente et in-
dustrielle cité de Barcelone, la seconde capitale
¡=olitique de l'Espagne. Les doctrines de la plus
dangereuse des associations y avaient tourné bien
des tetes, séduit bien des esprits qui la connais-
saient mal encore, et n'ont été édifiés sur son compte
que par les bauts faits d' Alcoy et de Carthagene.
En aUendant que 1'11eure du désenchantement fUt
venue, ses missionnaires ensemenQaient a pleines
mains les cerveaux brulants et féconds de la Cata-
logne, et prenaient un empire redoutable sur des
volontés apres, promptes a passer de la théorie a
l'action.


-:\Iadrid, qui n'est pas une ville de fabriques et
d' ouvriers, était beaucoup moins travaillée par
cette propagan de d'origine étrangere. 11 est vfai
qu'un jour on eut la surprise d'y voir paraitre un




L'ESPAG~E POLITIQUE 183
journal intitulé les Descamisados (les sans-chemi-
ses) qui prechait le partage des biens, les mariages
libres et la glorification de III chall'. Un pocte ano-
nyme y appelait de tous ses VCBUX le heau jour OLI
les opprimés ferllient couler par torrents le sang
de leurs oppresseurs, se vengeraient de leurs lon-
gues humiliations en contraetant des unions libres
ayee des duchesses, et OÜ lui, poete, goúterait le
plaisir plus savoureux eneore de pendre a une lan-
terne son propriétaire. Cette prose et eette poésie
ne furent pas prlses :m sérieux, elles ne troublerent
le sommeil de personne. On ne tarda pas a déeou-
vrir que le libelliste anonyme était un fervent con-
servateur, qui avait beaueoup plus de chemises
que de scrupules. JI avait jug0 son procédé de
bonne guerre, et voulu faire pie'ce a la république
par une réduction 11 1'absurde.


Madrid assurément n'était pas tranquillo; mais
i1 était moins t1'ou110 par des ouvriers en greve que
par les cesantes, ou les gens s::ms pIaees qui en
demandaient. On ne pouvait satisfaíre tous les qué-
mandeurs, et il n' était pas facile de réduire 11 la
raison ces socialistes ele l' emploi, qui se persuadent
que le hudget a été inventé pour les nourrir. C' est
une rude tache pour un gouvernement naissant
que la distribution de la curée. Gants jaunes ou




184


doigts calleux, le roi ou 1::1 répulJliquc a fort J. faire
d'emplir toute5 ces n1:.1ins temluo:::;, CLlssouvir toutes
ces faims; sur quatre solJiciteur::;, un faít, comme
dit le proverJJe, truis m0contents et un ingrat. Les
m('conten1::; de Mauriu clalJ;;tuelaient Deaucoup; ils
men;;tient granL11Jruit, romplis~J.ionL ht ville ot les
faubourgs do lours uolé;;tncos ou do leurs monaces,
organisaient elos ll1cclings ot des p1'oce::;5ion5 qui
dé10guaiont des U1'ateu1'::; au gouvornolllolll. Celui-
ei D.vait p1'is le partí de rocm-uir tout lo lllonde, ue
donner <1mliellCe Ü lout le lllomlo, de raisonno1'
avec tout le lllüllLl,', san::; ::;e Llehel' nI Lrop s'onga-
gel'. Il accucillail llleme une Ll0pulation de femllles
(lui, drape;;tux on teLe, vena1011t l'l~cbrner une am-
nistie complete puur los d0lits de rlroit commun;
ellos exigeaient qu'on ouvrit tuute::; grandes les
portes de toutes los pl'isons do l'E:spagno; - que
sí ron objectait LIu'il fallail poul'lant (IUO le::; llri::;ons
servissent ü quclque Cl10:-'l', (luoi de plus ::;irnple
que d'y fourrer le::; honndes gens? C'eút été le
supreme tl'iomp1w de l'l'galit0 bi011 compriso. L'un
des étendanl::; arDores par le::; pdiliollnalres portait
cette in::;cription : Gr;}co pour no::; peres et nos
maris! Le ministre leur exp;itlUa qu'il était dé::;olé
de ne pouvoir le::; contente!', et ilmit tmt de cour-
toisie dans ses ex plication::; qu' elles promirent que




L'ESPAGNE POLITIQUE lS5
leurs maris et leurs peres patienteraient un peu
dans l'esp6t'allce de temps mcilleurs.


C' étaient les ministres surtout qui avaient besoin
de patience. I1s avaient adopté pour systeme de
conduite de ne rien pré\"enir, mais' de tout faire
ayorter; ils tuchaient de faire de l' ordre avec le
désonlre, ils parlementaient avec l'émeute et en
ubtenaicnt des sursis. Leur tort était de donner
des fU::iils a quiconque en demandait, et il n' était
personnc (lui n'en demand2ü. La populace voulait
s'arme1' ju::óqu '::wx uents pour montel' la garde sous
les fenctrcs de la république) qu' elle seule mettait
en péril, et qui n'av;üt rien a craindre que de ses
::iauveurs. 11 est écrit qu'aueune révolution ne
pourra 6cllapper a eette singuliere destinée d'em-
u10yer les premieres semaines de son regne a met-
tre lJ. nalion sous les armes et les semaines sui-
',antes a la désarmer.


IY


Ce qui embarrassait le plus les ministres dans
leurs dé1xlts avee les intransigents, c'étaient les
doctrines fIu' eux-memes avaient professées autre-
fois et les engagements qu'ils avaient pris. A leurs ,,~-; /.-.
(~
\~. \.'




186 L'ESPAG)iE POLITHJCE
sages conseils, a leurs j udicieux avertissements, on
opposait leurs déclarations antél'ieures, qui four-
nissaient une arme aux turbulents et al1X fous. Cela
prouvait une fois de plus combien il importe aux
hommes d'opposition de ne pas s'engouer d'utopies
qu'arrivés au pouvoir ils 80nt contraints d'ahan-
donner ou de désavouer sous peine de se remlre le
gouvernement impossible.


Jadis le président du conscil et plusieurs de ses
collegues avaient demandé la 8uppression des a1'-
mées permanentes et de la conscription, et le plus
urgent de leurs besoins était d'avoir une armée qui
Unt le carlisme en échec; force leur était de ne se
plus souvenir qu'ils avaient pro mis de la licencier.
L'indiscipline du soldat, en Catalogne surtout, les
inquiétait, et ils s'effor<;aient d'y remédier; on leur
représentait qu'ils avaient protestó cent fois contre
les rigueurs du cade militaire. Ils éprouvaient ]e
besoin de faire un exemple en ch<ltiant ¡wec la der-
niere sévérité d'odieux attentats qui s'étaient com-
mis dans les provinces; on les llriait de ne pas
oublier qu'ils avaient souvent réclamé l'abolition
de la peine de mort. lb; se montraient disposés a
répudier certaines théories compromettantes pour
la cause républicaine; n'avaient-ils done pas an-
noncé que l'avénement de la républilIue 8erait




L'E3PAG:\E POLITIQUE lb7
l'avénement du qUCll't-état, formule quí n'a point de
sens, sí elle ne signifie que; eomme autrefois la
révolution franc;aise détruisit les priviléges de la
noblesse, il appartenait a la révolution espagnole
de détruire ceux de la bourgeoisie, laquelle n'en a
pas d'autre que le droit de disposer a' son gré de
ses capitaux ~ Le socialisme, les prenant au mot,
les requérait de faire rendre gorge au bourgeois, et
pour se dérober a ces sommations impérieuses,
force était de recourir a des distinguv que ne com-
prennent pas les appétits.


Parmi les opinions embrassées auparavant par
les ministres de la république, il en était une qui,
sans qu'il y parut, leur causait les plus vives per-
plexités. I1s avaient toujours déclaré que la forme
de gouvernement qui convenait a l'Espagne était
non-seulement la république, mais la république
fédérale, et jamais on n'a sí bien vu tout le mal
qu'un adjectif peut faire a un pays. Celui-ci a failli
consommer la perte de l'Espagne; il a provoqué
les troubles et l'anarchie d'ou elle a tant de peine
a sortir; on peut mettre a sa charge des incendies,
des massacres, l'iliade et l'odyssée du général Con-
treras.


On a dit que le fédéralisme était une chimere de
Proudhon traduite en castillan par M. Pi Y Margall.




~88 L'ESPAGNE POLITHJCE


Les songes qui s'emparent de l'imagination de tont
un peuple n'ont pas une origine si littéraire; ils
n'éclosent pas dans le cabinet J'un pCl1seur. La
république fédérale est l'invention collective des
Catalans, qui ont fourni u l'Espagne beaucoup
d'hommes d'État et tiennent uans la Péninsule
école de politique avec l'esprit de suito particulicr
á leur race, laquelle au rebonrs des Amlalous joint
l'obstination a l'enthousiasme. L::t Catalogne a ma-
nifesté plus d'une fois des tendanccs s6p:lratistes.
Comme les provinces ]J¿}::iques, elle s'est refus6e
,jusqu'a présent a parler l'esllagnol; elle a son
idiome propre, tres-semlJJable Ü rancien llroVe}1(~al
et qui est beaucoup mieux compris u Toulouse
qu'a Madrid. Pendant des siccles, elle a mené une
existence indépendante et glorieuse; dIe n'a point
oublié ses hardis navigateurs, les prouesses de ses
aventuriers, ses guerres marÍtimcs contrc les pi-
rates de la Corse et des Dall'Llres, ni ses awJacieuses
insurrections, ni sa fierté, qui olJligeait ses maUres
d'un jOUl' a compter avec elle. Les Catalans se
chargent de prouver par leur exemple que l'inuus-
trie et le travail ne tuent point l'inquiétuue de l'i-
magination, et eru'on peut concilier le gónie du né-
,,~oce avec le rom:lntisme des sUl1venir::i, Au surplus
Barcelone n'a jamais aimé 'Jladrid. La cité labo-




L'E:-:'P.,:\.G.xE POLITIQUE '180
rieuse et commer<::~mte, qui se plait au bruit des
machines, au cri de la grue chargeant ou déchar-
geant des bal1ots, nourrit un superbe mépris pou!'
la t'illa corona.da, centre d' oisifs, de beaux par-
leur::; et de toute la racc qui émarge au Jmdget.
Haisonnements et préjugés, tout dispose la Cata-
logne a relúcl!er les liens qui l'unissent ala patrie
commune et ü conquérir une demi-indépendance.
Pourt~mt on peut afflrmer que l'accomplisse-


m.ent de ses rt)\'cs luí serait funeste. Sans compter
qu'clle fournit aux iulministrations centrales plus
rl'cmployés qu'aucune autre partie de la Péninsule,
et que l'amhition de ses üls, seuls Espagnols qui
portent l'esprit eles afTaires dans la politique, se
trouverait fo1't d('l1ClUrvue si l'Espagne venait a n'a-
yoir plus de capitale, iI n'est pas de province dont
la prospérité soit plus intéressée au maintíen du
ctatn quo. A la rigueur l'Espagne pourraít se passer
de la C::tt::tlognc, mais la Catalogne ne peut se passer
c113 l'Esfwf:mC, flui est son marché. Elle estime que
18, liberté commerciale ruincrait ses industries, qui
ne peuyent soutenir la concurrence avec l'étranger.
Que deYicndraient ses soieries, ses tissus de bine,
~es draps, ses toiles et ses dentelles, si l'Anda-
}ousie, s'érigeánt en canton libre, s'avisait d'abolir
:-::cs douanes et de proclamer la franchise de ses




190 L'ESPr\.GXE POLITIQtE
ports? Les habitants de :Jlalaga regardent un dOlla-
nier du meme mil qu'un vieux Ture considere un
chrétien, et, si on les 6coutait, les droits d'entrée
seraient depuis longtemps supprimés. Comme eux,
tous les districts agrieoles de la Péninsule tiennent
pour le libre éehange. Seule la Catalogne voit son
salut dans la proteetion et !'impose au reste du
pays. Elle a eonlribué plus que personne a 1'en-
verser en 1813 le due de la Vietoire, paree qu'il
écoutait l'Angleterre, qui allait signer avee lui un
t1'aité de commerce. Si le général Prirn, au temps
de sa puissance, ferma l'oreille ü Je sem11ables
ouvertures, ce fut par ménagement pour :::;e:::; com-
patriotes, dont il reJoutait le chagrin et les coleres.
Il n'en est pas moins vrai qu'au mépris Je ses plus
chers intérets Barcelone a 6t6 le berceau du féJé-
ralisme, et le gouvernement pro\'isoirc put craindre
plus d'une fois qu'irritée des lcnteurs (Iu'On ap1Io1'-
tait a consacrer définitivement et le 1I10t et la chose,
elle ne nt un coup de 16te elle ne s'arro(feJt le droit


_ , o


de sécession, quitte il déplorel' le lendemain ;-3on
eneur, - tunt íl y a Je eonLradiction dans les dé--
sirs des peuples, tant il est dan s le cecur de l'h0111111C
d'aimer a braver le repentir.


Sans eontredit, les hornme:::; poli tiques LIui se
50nt faits les ehmnpions de L.1 r6pulJlique fédérative




L'ESPAGNE POLITIQCE 191
ne s'y sont pas décidés sans motifs. U en est d'im-
portants, qu'ils font valoir avec éloquence; en
Espagne, l'erreur est éloquente comme la vé1'ité.
Leu!' premie1' argument est que les 1'épubliques les
plus prosperes, ceUes qui ont su le mieux concilie1'


,l'ordre et la liberté, les l~:tats-Unis comme la Suisse,
:-;ont des conféJérations, tandis que cíe fUcheux
exemples ont par u prouver que les 1'épubliques
unitaires sont sujettes a bien des hasards et a de
funestes aventures. I1s aUéguaient de plus que l'an-
cien 1'égime, a qui l'unité religieuse suffisait, n'a
point étalJli en Espagne l'unité civil e et adminis-
trative, ni récIuit la nation en un corps homogene
comme la France repétrie par la révolution. Partant
les provinces ont garcIé leur caractere propre; l'A-
ragon n'a pas le me me cocle civil que la Castille ;
1 es Catabns, les Andalous et les Galiciens se 1'es-
:'3l?mblcnt aussi peu que les Genevois, les Valaisans
(~t les Dornois.


Enfln, ils se DaUaient cIe trouver dan s le régime
f¿'uératlf un remede aux deux grandes maladies
po1itiques dont souffre l'Espagne, l'empleomania
et los pl'o!mnciamicntos. Le gouvernement central,
ül'pouillé el'une partie de ses attributions, aurait
mcins ele places ~l donner ; il ne serait plus ceUe
Y:tche laitiere que eles millicrs de mains, qui pour-




192 L'ESPAG~E POLITIQUE
raient vaquer a des travaux. plus utiles, s'occupcnt
a traire chaque jour. "Jloins de gens seraicnt inté-
ressés dans le jeu rcdoutable des révolutions, clont
tant d'oisifs attendent aujounl'hui leur gagne-pain.
On n'aurait pas a crainelre non plus les entreprise:3
d'un général a quila complicité de (lUelques régi-
ments et un combat heureux suf1lsent pour s'em-
parer de la capitale et pour dicter ele ~rac1riLl des
lois a tout le pays. Désorm::tis plus de révolutions,
plus de coups de main, plus de uictature. « A vce le
systeme de la eentralisation, ¡Jis~üt aux cortes :'II. CélS-
telar le 11 mai 1870, un seul jOUf¡ le ~1' f0\Tier,
décide du S01't eles ruis; UIle sculc nuit) la nuit
du 2 décemlJre, elécide elu SOft eles pouples. D::ms
un pays ains! constitué, la lilJerlé n' est pas un
soleil, elle est un éclair [lui fouuroie et s'étcint; le
gouvernement n'est pas un régubteul' paeifilIue
de L:t vie sociale, il ai:út comme une force avew:.;le


v G


et brutale, il opprirne et il écra::3e. En lwut, la bu-
reaucratie ; en lJas, des con:)IJiraleurs. Une :::eule
ville renferme la socidé tout cntiere ; un seul clLCf
militaíre résume en luí tout Ull pal'ti. Un court
espace, celui qui s'étcncl de ceUe cnceinte au mi-
nistere de l'iutérieLlf et de ce minislel'e au llalais
du sénat, est la moelle épini0re ele tout un peuplc.
neconnaissez-Yous Et l'état nonnal c\'un granel




Hl3


pays? Iln'y a Qll'l111 rnoyem dc) 1 '~tm(>liol'cr. Distri·
lJUoDs l'autOl'itó dan:,; tout le corps :-:ocia1; émanci-
pOl1S, comme lo yout la f'(Ji:::on, ]e 11lunicipo et la
provincc, afm f[110 le gOllY(~rnemcnt, toujours porté
:l la tyr<mnie, no 80it plus libro d'ob(~íl' a son pen-
ch;¡nt. )J Lo cé1()!Jr:: orateur appuyait ~Gn raiscmno-
rn c nt (10 r:onsllll"rations sur la force el:; grasitatlon
(fU; ré;.::it les mOll(lcs, :-;Ul' l'in(kpcnllance rélativo
cle~, clivers org;mi:';lYI(~S (ltl cnrp;'i lln!1win. T! ol1}¡liait
(P'CO poli tique il 1':1\1t ~l' rll··fiCI' (le·; c0ll111arJ.isoI1s
t, r e s 11 u e ~lll i :t n t <J ll(' d (l ,..; ; tí lj (, ( , t i !':~ .


_\ C2S argllmcnb:, é'rJJ111I',s ele m('iapllOrcs, 01.[ n')~
]JCJwL:lit qür co fJu'il y ayait ele .iu:·:tr Ibns 10::; rai:~olls
(le::.: fl\l¡'xalistcs rnilitait en faH'ur de la clécentrali-
~~ation administrativo, laquelle a (!~ll~ pr:üiquée avcc
llllnheuf clans pln;::; d'un Ét.:tt nnitall'o, On n;p1irlu21t
I:'11C01'O qu'il osi insensó de prétemlro inlposer, sur
lLt [(Ji ü'uno tlll)Oric, (los instltutions ~t un pcnplo
srms tcnir compte de ~,cs qualitÉ's et ele ses défauts,
qU'Ull gou\'erncment muni do pouvoil's étcmll1s
{~t;Jit n(~ccssaire ponr contmúr co pencl1ant:t 1'inclis-
cipline et ¡, l'isolclllent politiquo qni scrnb!(~ l'tre le
r:E'UIge dela raee c~p;\f:;nolo, .-... t('mojn le :\Iexique,
cr,mlanmó par leJl"el(~r;disrnc ~) l'()lernelle anarchie,
el de pcrpétuch, dómcmbremenLJ. - HeLlchez les
li'll.'" (le so1idarit() entre no.3 proyinces, (1isait-()::,


1')
1.)




194
et l'Espagne se dislo([Llcra. Comme ]e malacle de
31. Purgon tomlJait dl~ b IJI'(lclYPc[lsie dans la dys-
pepsie et de la dyspepsie dan;,; l'apcpsi8~ le fódl'fa-
lisme produira le provincialisme, qui S8 tourncra
lui-meme en cantonalisme, et vous verrez bienU)t
chaque ville de chaque canton afTecter l'autonomic.
Eh quoi! le duc de Madrid voudrait nous ramener
au régime de Philippe ll! plus réactionnaircs
encore que lui, vous voulez que nous renoncions il
notre unité, prix ele tcmt (1'e[1'or1::; et de sacrificc~,
pour retourner ü tOl1tes les confusions du moyen
üge! -- ... c( Vous savcz qui 110US sonlllles, s'(~crbit un
députó des Canaries, ~L Leon y CasLlllo; vous savez
quel esprit d'individuali::;rne oulré nous anime, et
comhicn nous avons de peine 1}, étonlTer dans chu(IUe
commune les luttes de ramille ü famille et de parti
ü parti, dans chaque province les rivalités de vitlc
¿l ville, clans la Péninsule tout entiere le::; conJlits
d'amour-propre ou d'int(!n:~ts entre province::;, et
vous osez dé::;irer que la 10i consacre nos maux,
lé~itime nos erreurs! Que nous parle-t-on du moyen
üge'! Le fédéralisme ne peut manquer de nous 1'é-
duire ü la vic de tribu; n:spagne cessera d'etre
une puissance europécnlle, pour se transformer en


. .


une va~te KalJylie. ») Ce (Illl s'csl pass0 Llepuis lÚ¡
que troj] justiti6 ces lugLllJl'cS pr~Lliction;:..




L'ESP,I\(;~\TE POLITIQUE
Les oppo;::;ants 6taicnt également fondés b. remar-


quel' qU'Oll a 1m voir des l~tats indépenclants sup-
primer les barrieres qui suhsistaient entre eux
}lour se róunir en corlls de nation, mais qu'on n'a
j:l.mais vu un État unitairc se transformer pacifi~
quement en 6tat fédératit', qu'en un mot 'on ne fa-
briq ue lJas des conf6d6rations par voie de décrets.


«( Vous nous van tez les illstitutions suisses, disait
un jour un politique de granel esprit ü l'un des
;U)('ltre:-; Llu f6dl~l'ali;-,lllc. La Suis:sc a-t-elle 6t6 1'mu-


e


\Te (te l'histoil'c ou Ü'un clécrct'! Donnez-nous son
}jj::,toirc, et nous accepterons ses institutions. )) Et
IIuel moment prenait-on pour anéantir lceU\Te
ie:-i siecles en d6sagl'égeant ce qu'ils avaient labo-
rieu:::ement assemb16? Le temps oü les puis:sances
;~uropécnnes sont entra1nées par une irrésistible
l)t~llte Ü l'unité, ou les conf6d6rations elles-memes
-lclcl'iílcnt Ulle plus grande part de leur liberté pour
;-,e Llonner un gouvenwment plus fort, comme si
dies ne pouvaicnt vi\Te qu'ü ce prix. Qu'allait
devenir dans le siecle des grandes agglomérations
une Espagne qui, apres avoir perdu toutes ses con-
quetes et la plUllart de ses colonies, se <léchirant
de ses propres mains, se mettrait dan s l'irnpossí-
¡¡[Ji \~ de cOlfllJ!er puur quelque dwse et de per-
-:u;),der Ü l'Europe qu'ulle avait encare une volonté'l




196 L'ESPAGNE POLITIQU E
Quand on envisageait la mise en pratilluc de


ce beau programme, on vúyait les emp0chements
se multiplier. Allait- on ériger en ]~tats autonomes
les quarante-neuf provinces dont se compose au-
jourd'hlli la PéninsLlle, en les Llotant chacune de
deux chambres et d'un pouvoir ex('lcutif? Les f~dé·
ralistes reculaient derant eeUe extrómité; ce mons-
tre ü quarantc-neuf Wtes úpourantait les plus 1'0-
bustes optimismes. Ou fcrait-on rcvinc l'ancienne
division historique du territoire, (lont on l'etrouve
un souvenir ~lssez fleldc clans 1'0rganisation des
capitaineries-généralcs? Commcnt c1'oi1'e que; les
chefs-lieux des 11roYÍnecs actuelles consentiraient
d.'abdiquer? Qui osait se promettrc que J\Ialaga
céderait a Grenade l'honneur de devcnir la cani-


L


tale du canton de la Haute-Andalousie, 011 que dall::>
la Basse-Andalousic Cadí x renoncerait ü [aire va-
loir ses droits cont1'e Séville? S'iltlaginait-on que,
dans la Vieille-Castille, Valladolicl allüit s'clI'acer
lmmblement devant Burgos? et qllC, si on groupc!.it
en un seul État les qllatl'C provinces de la Galice)
Ponteveclr<1, Lugo, la Corognc t'eraient yolontaire-
Il1ellt hOll1lllagc de leurs pr6rogatircs Ü Santia~o'!
Se repr6sente-t-on la Sui:3:::e c16cidant que c1ésor-
maís les cantolls de YaLlLl et de Genórc ne forme-
1'out qu\m l~tD.t?¡ Que n:~ponLlrait Gcneve, si olllui




Lll'lllllmlait de n'dro plus rien et ll'accepter L::tu-
S:Jllne pour le si0~e de ::un gouvel'nement?


Les tlil'ticultés ('Laient tolles que les honorables
:lU tL'urs du 11l'ojeL de constitution qui fut prl'senté
en juillet <lUX cortes, et dont elles ajournerent
lll'udemment la. lliscussion, s'étaient sentis impuis-
sants a les 1eyer. lIs avaient partagó la. Péninsule
en treize Üats, et par l'adjonction des l3aléares,
dl's Canarie;,;, oe CulJa et de Puerto-Rico, le ter-
1'i10ire ele la l'éllublique c:-,pagnole en dix-sept pro-
úncc:s aU!OllOmr:s; mal;::) ilpl'l~:3 de longues COl11'Ó-
l'l?11CeS ib avaicnl ::-:tipuk~ que ces États seraient
Id :res ele se sulJlliviser conlllW ils l' entemlraient.
C'0:ait dédarcr :~on incompdencc et, comll1e on
Ll clit, rCl1voyer le paquet de C<:úphe ü Pi1ate.
C('(tait dlre LlllS~;i : Se pirluer de résoudre cet inso-
lulJlc f,robl{;lTlc, c'est décrétcr la guerre ciYile, et
r;Cll.:: en LtiSSUllS ¿l d'auLres h responsabilité !


De tous les cllllJarras ctllc tous les dangers sus-
citl's p~,r le l'1"Llr"i'ali:-;rnc; le 111us grave était 1'e1'-
i'l'Oyablc C()!ll'lI:..;iOIl ele lan;.mcs et d'ülée::i qu'il c1é-
ckdna sur j'E~ll~lgllC. Ce pa\'illon recol1\Tait toute
e:::pl':ce (10 marcll~mlli:3e::i, delmis les lJallots les p] L1S
¡nolTensil':-J jmql1'ü des ml1nitions de guc~rre et des
tonneaux de pl'trole. Le:-i uns entcndaient par répu-
HillllC fl:~lV'ralc la dl'ccnLl'alisation administrativo,




1\)0


cl';:mtres eles in:-;titutions pan:ille:; :l celles des Üats-"
Unis; c1'autres enfln, ravis d'ahriter lcurs pl'ojets
sous un mot qui sonnait bien aux oreilles espa~no­
les, visaient a l'an6antissernent uo toute autorité)
a 1'ouverturo pl'ochaino elo la grande liquidation
sociale.


Le socialisme a delmis 10lJ~tcmps perdu l'espoir
el0 convertir les gOl1verncments el de faire préya-
lo ir ses doctrines dans les pays fortement consli-
tt1l~s . ..:\ussi, par 1'()rg~)n8 de l'lnternationaln, qui a
Llit sos preuvcs ü Paris, le voit-on, :'=ous couleul' de
l'atrollner les libertt',s ftmnicipalcs, prC~cllel' la scm-
verainet6 absolue ele3 commune3, e'est-o.-diro J'orga-
nisation de l'anarchie et le ren\"ersement de fÉtat.
Les socialistes de Barcelone se souciDient pen (le
partager l'I~<;;pagnc en quarante-neuf rnorceaux;
ils se promettaient de lui donner dix millQ muní-
cipes indépond::mts, ne rccevant ele lois que d'eu:<>
rnemcs.11s auraicnt suppri:l(; ;tinsi l'afllll',c et L~
garde civile, ee:s deux granels í'¡mWi'((S Oll. s'Dchop-
pent leurs plans ; du meme con]), avec lo solclat et
le gendarme ils eusscnt aJ)oli l'iLll~c líll\mo de pa-
trie, superstition surannée qui l'évolte ces cosmo-
politos de l'appétit. Copemlant ils n'avaient ffanlc
d'avouer leurs projcts en prenant le nom ue COt~l­
munareis, ils se donnaient pOUl' de lJolls fúLl(:'ralis-




tc:-:, ct :1 la raven!' ele ce masrlue ils trompaicnt les
;llllCS simples et crédulos. 011 prétend meme qu'un
voleur, arrdó par deux agents dans une des rues
de :Madrid comme il venait de dév~üi3er une bou-
tique d'orflwre, s'éeria indigné: « Qui vous donne
le droit de m'arreter? no sommes-nous pas en ré-
DulJlique fédérale'? » Il est possible que son indi-
gn::ttion fút sincere, cal' il est des coquins do bonne
foi, Celui-ci se croyait dój[¡, maUre de son utopie
et de ses amours, et il ost triste lJour un amoureux
Ll 't.}lre réveil1l~ de ses songes par l'accolade un peu
brllsque el'un sel'gent de ville.


Jamais on ne puL lllieux constater la puissance
nwgique d'une idée confuse. Le plus vague des
arts, la rnusique, n'est-il pas le plus propre a
exalter les Cllnes? Des millions cl'Espagnols se si-
{-2t1aient dévotieusement en lll'Onon<;;ant le mot
~~l,:ré de fédéralisllle; on eut dit un abracadabra
q Ui de\'ait gUl'rir lous les maux, inaugurer sur la
ll:lTe le regn8 de la vertu et du bonheur. Sur cent
dérots, il n'cl1 était p:IS clix pour qui la formule
eú t un sens ; sur j es dix, il n' en était pas de ux qui
cussent la meme fa(;,on de l'entendre. Elle n'en
plais~1Ít que lbvantage, Un républicain Ü lIui ~on
í.'rmcmi refusait le ti Lre; rJe f('c!t:'l';ll S'CI1 oITensait
('1 'lilnw d'une mortelle ¡ 11,1 Llt'C. 011 s';lbunlait da])~;




200
18,5 fUe:3 en S,j LlisJ.ut : Salllil !f ¡'{'jlu/JI¡ea (edeí'ul.
Le féLlél\t11::o11le était le SCCl'l',t üu tuut, pal'ticuli(~:­
remcnt le S8Cl'ct lt'olJtenir L1u::; places.


Les ilomInes intdli::¿Cllb (lu guU\'CrrlGlllcllt n'c,··
taient pa::i S0.n3 s'inquidur lle;-; l'a\'~\~~'l':-) (le l\\[li-
démie. Ils savaient quc le (luart Ll'lleul'e dl,~ lbbe-
1ab des révclutiun-i est le 1l10111cnt 0[1 les l'~volu-
tionnaires 30nt mis en (L~l!lCUl'e d'expliqucr et
d'applilIuer b devise qui !cm' a ;~cr\'i Ü enJLllnmcr
jcs illlaginations. lb ;::;'cJr'JI'I,:aient ele rCGu18f c...'L
irbt:mt cl'itil pe. En ynill le;-; sUnlmai t-on de dl~­
üllil' uU de renier le i'l:IL~l'~di~J¡ll~; ils ]le s'ounalcnt.
de leur dóünitiull ~l l)Cl'::oUlllll', :cac]¡allt JJiCll cl\.1'el!c
fcrait hcaucoup el0 ltil'cont(;lJl:-; eL JJcaucoup illoins
c1'heureux. lb ne lJOu\'aienL llon lllus :-:;8 ré;-;oullre,
comlne on le leut' conseilbit, ~t tout Sctm'el' pl~r
uno ~lorieuse aposta-:iic, qui n'eút p~l:-; l,t0 :)Íncc'Tc,
Le c~lllLonalisme mililant¡ lncclldl:lil'e el lll;[c':~a-
Cl'ant ne ::c;'dait p:1:'; cncol'C cllar~', (le l](\n'i,<cl' le:)
e"'lli'iL::;. Ll,rl'1l(1;¡li'l'tc; l',',r\é'l'ak, :<'IU:1 1: nlOt l~'un
or~¡tel1r, 118 l1c\-:~it p("ril' ifU\l.l1 lli\~,l lh';-; ]J;Jl'i'il',1 les
de y,dencc: eL de Sú\'i1L,;; c'c:,L le :-:orí 111.':-: utol:ics


I


de nallrc et Lle mm:l'ir cbn:') le :-:ang. I':ncol'c 1:-:110-
ranto d8 ::-:ün d,':-.:till, rillule :;il'I~~(~;(it Sl1l' Gil autel,


C1nlJ"'e ';Ol'LLI'(,-;'>i'L'1 (ll' 11',(" Ji! "'ll'L[n Iln ,11"1'\":)"1' ,:'Pl lu v ,.--, -"_'i!\_I~,. l {)-.•• '.' ,_,\ V, \.....J \.. _1,--, ,_,') ...




ym-:::tL'fe. Le lllu;-,; ¡.rl'aml ll}("rlte eles dleux est L1e
resLer Üll~OllTlU;-'; et de lJicll gd-t'der leur secreto


11 dail Ull lionlL cevcmbnt OÜ eles le príncipe le
gouH'rnolllol1t ;l\;ait 1'01ll1'U on yisiL're avec les in-
Lransigcnls. Ccux-ci, ltl1pcrturJEtlllcs raisonneurs,
allL'guaionL (ILlO tuuto cOllfó<lératlon re.po::e sur un
contrJt, (lU'OI1 110 pout tr:.Jitcr ensemble que 10rs-
1/1l'on c:--:t plu-;icul's, que pU,l'tant, pour formel' une
E~pagne féLléralive, i1 falLút COlll11l0nCer par éman-
cipor les p,¡,m-inces ot mcttre le l)[(Ys en pil:ces. lIs
dé:-iil'aic II t e tl ti 11 J: 10 l 'l! 112 la e olll0Ll~ l'¿üion, co III m e
ib le tli;-;aionl) ;~c m de ]¡as en lu u t, et j [s en ga-
~_~e:lÍollt L:t Calalu;.jlJC, C.OllllllC l' .\.ndalousie, b Ca-
}ico ct l(~s C:l:~Lilll":;-';, Ü :-;(; ~l~!WrCr, ü raire chaeullo
son ll1énagc ü pad, qlliltc ;l n01111llC1' plus tanl des
d¡~lL'gL1é:-) an:;c: la missiun cl'org:tJ1isol' un pouvOlr
ccntfdJ, (Iui :-:0 fClt trouv~ posséder le 118U cl'attl'i·-
Lutio1l3 dOll! les proyinces aUl'aient consenti ü se
c!(''lJouillcr. Le ~'onYcrnement, dont le lJatril,tisi11e
:-','L~Ltit (';\'oil\.'·, :~cntit qu'i! y ~d¡aiL do l'cxistcnce c18
.l'l·:spll~ne; il (¡'-'('];11',1 C[u'il appal'tellait aux cortes
e un;..; ti tua n 1(;;-; r1l~ l'("yl íT la no II ye lJ e or~~\I1 i sation,
que, jLlSíJll'~t 1cl1r rL~llnioll, JI m:,inliomlrait le statu
quo. I':n l16[üt, (le toutc~; les l'crlllótc;:; ct de teutes
les mcn:ICC:';, il nc I'clilllit ]1:1:-i, et ~~a rtJsi:~Ul:1ce lui
,~,; :i\i:~c,i l!r'llor:t1¡J(, qU'l'll,~ Lit ntil() ~lll pay:~. ':\LtlSTl;




L'ESPAG~I< POLITJQI L
IC:-i clamours des d(~m;\gog;ues, il panint a olJtenir
de;:; populations qu'elles s'en remissent <tux cortes~
emp0d1ant ainsi le démembrement peut-etro irré-
médiable dela Péninsule.


A la vérité, pour obtenir justice sur le principal,
le ministere dut se résigner ú perdre beaucoup
d'incidents, fermer les yeux sur plus el'une irrégu-
larité fúcheuse, permettre ü Mulaga ll'expuber ~.,es
110uaniers et sa garnison, autoriser Séville, Gre-
nade et d'autres yilles a ne plus relever que nomi-
nalement de 1\Iadrid. Il avait reJ'usé aux cantona-
listes de leur déliVl'er des pcrmis de ehasse uvunt
le jour de l' ouverture ; ji les laissait braconner san:;
avoir l'air de 5' en apercevoir; le sage ne 5'aper(,~uit
pas eles affronts qu'il ne peut venger. Son l,lus vif
souci lui venait de la Catalogne, qui ne recule pas
elevant les partis extremes. M. Figuerus se vit COI1-
traint de partir pour Barcelone, OÜ il n'·.ussit il
calmer l' efTervcscence, ~l tranquil1iscr des cCl'vcaux
échauffés et remu;:mts. II se tiro. fort adroitement
de eette nC)gociation. On le sonptonna, il ost vraí,
de n'avoil' pu conjurer le péril sans contracter des
engagements, qui plus tard l'ont embarrassé. Tou-
tefois ce n'e5t qu'une ;:;uppo::'ltion, ear le pr6::iident
clu conseil tüt pris dnn~ SOll voyC\gn d'une extinc···
tíon de voix, et ji ftlt ubligl'~ ele l';Il'l(~r :::¡ bas aux




Catalan::; que r.Llllrid rút jamai::; bien su ce ql/il
Jeur dVllit <lit.


Dn l'c:-:te, les principaux memhres du gouverne-
ment provi::;oire n'étaient pas hornmes a prendre
facileloent l'0pouvante. Tandis qu'autour d'eux on
s'inquiétait de l'état des finan ces , des ~omplots
qui couvaient dans Madrid, des désordres qu' on
voyait ¿'clatel' va ot lü dan s les provinces, ils afl'cc-
taient une gr,mllc quiétlldc d'esprit; leur philoso-
ldlie cléclal'ait quC': tout est bien flui finit bien. Le
pré>::;ülent du ccn:-;eil, tlont Lt principalo fonction
était ele traiter ,:l\"OC los partis et de résister a leurs
exigen ces en aLlouci::;sant leurs aigreurs, s'acquit-
t:üt a merveille de son office. Il aurait pu di re dans
J.,:; bngago do Mni!' de Mainlcnon : Je les renvoie
tristes, mais jamai::; désespérés. Il se eonflait clans
sa dextérité, (lui n'en ét;üt pas a son premier suc-
1,:l;S, el, (luancl la siluation sembbit devenir ef-
ú'ayanlc, ii ras:'mrait son monde en cli~ant quc les
,~sprit:3 lW tanluraient pas a se 1'a55eoi1', clue l'exci··
tation moment.méo uont on se plaignait n'était pas
un mal, que la Gevl'o n'cst pas toujours l'ennemie
Ju lIH.\lGCÜ1, et qu'il importait que la période ré-
\'olutionnaire eut son cour::;. Dans un moment ou
¡i ll'al'rivait du no1'l1 el llu 111idi, ele 1'o1'iont et de ~'"":i
I'o"c¡d,mt, que de somlJl'es nouvclles, un journay("
~/'.




L'ESP.\C;~ E POLtTIQU E
COllservatcuf, rél1igl~ iJilr Lle:~ tl1UlilC:3 bien laillées,
le lJial'io ei5j!rúiul, liuJJli,l 1II1 ariiclu oi! il dait llit
qlúl Y Clyait en E~lll1.glH.~ plu:-) de:-)cize l;lilJiOllS de
mé'lancoliques et un llOtnllle gai, qui était le rlfí~:3i­
llent L111 conscil. Si le jOl1l'l1ali;:;te (' el t LliL \Tai, c'é-
tait la fin de l'Esp;:tgne; lll;:tis r al'ticlc (·tait écrit
trop gaiment pour (lu'on pClt douter que la P0nin-
::ule 11e l'cnfc:nnüt ::m moins del]:, Iw1itiq llC;3 de
belle humeur.


Lo calJillGt comptait Jes llOmmes di:3tingU(~s et
j L1sLcment considérés. A des Llcg'rés divcrs et pour
dc~ rai:-;ulb llii 'i'én~ n lc:~, i l:o étaicn t o Jl tillli stcs COlll1ll8
M. Figueras. Le ministre (te l'illlL'ricul', 1\1. Pi Y
?\lclrgall, esprit vigOUl'CllX el llCt Llunt la llolitiqu8
a paru un peu troublc, tradueicur de PruurJhon ct
fédér;:t1iste cOlwaincu a qui cerlaines solutions
socialistes ne désagréent [JOint, oPiw:-,ait ~\L1X Ul,¡t:les
la Sér¡~'llitL' olympiennc Ü'Ull lo~ici81l. Il dait trop
per:-;lwdl~ cLcl'cxcelkiicc de ;0(;:3 liléul'ÍC::-i tlOUl' doutcl'
un instaut ck }t;l1l' <1\'('ni1'; 11 ;-)¡'lllIJbit oulJliel' que
les l¡kcs essuicnt SOUYt'llL ic:i-J)(ts (le- tl'a~(jqucs mé-
san?ntul'cs: (lLúlinsi ql1U le di:-',lit don ,luan ;l Sga-
na1'e118, le::) l'llÍsonncmellts se casscnt qUC[(lucfois
le 11ez. Le 1nini5t1'c ele la ju:stice, M. ;-';:dmefol1,
professeul' de 11rCmiel' lll('ritc, cal':lctel'C jnll'~Te,
e[ll'ol1 a \'u plus tarel c:'~l'n'cr si lli;':llC1l1e11l1J lll'ési-




dcnco tlll cO!lsei I et la qlllttOl' si honorab1ement,
était ~ub:ji ronfiant dan;:; les llOmmos que 1\1. Pi
dans lc:-; lc1(~es. ni:",eip1e de I\:rause, ii avait eon~
tribu(' plus que pe1'sonne 11 faire connaltre en
Espagne le thóisme ot b moralo élevée ele ce phi-
1\)30pho, llont les doctrines 50nt enseignéos aujour~
d'lmi il Grena(l(l comme a Madrid, et y sont plus
¡.LoúU'CS qne le llunlhl'ismo ele Schelling 011 de
Bet:".'1. Los puys lln midi 110 111'i:-;cnt quo les syste-
rnes flui se bi:.;scni l'Ul'Illllh'r par artieles et récluire
en cakchislllC. sr ~;tll!!erOn ilyait appris de I\riluse
a c1'oi1'o pC'ut-Nre an~c e:xcl';-:; Ü l'elllpire des prin-
cipes et des prt':coptes sur 10 CC8ur ele 1'11Ommo;
011 l'accusait do s'illlaginer que la plupart des c1'1-
minels p{~chent par ignorance ot qu'il sl1fflt de
d(~montrer Lt U11 cocluin qu'il a en tort IlOur le dé-
goCtter de son mé~tier.


Quant an ministre des alTaires étranQ:ercs,
u


M. Castolar, le brillan t Oi'ateur était disposp par
tempéramt:nt plus encore que par systemo ¿t bien
augurer de l'avcnir. 11 n'a p1S Ü se plaimlre ue sa
¡::aité ; elle Ll aiüó ü franchil' plus cl'Ull pas ditncile,
a se tire!' ayer, llOnnour de situations (Iue d'autres
.ill~caient tll)Sr:~pl:r0es. Ai!nt"' ele; tont le monde, me me
ele; ses el1Jwmi~;, fluí honurcnt son caract2.'re et ses
hlcnts, on li'a jamais reproché ü cet incomparahle




206 L'ESPAGNE POLTTIQtn:
virtuose de la parole que de :-;e griser un pcm de la
musique de son ()llHlurnce. Celui qu'on nommait
le premier ténor ele la r("puhEque nt un tour de
force dont lleu d'orateurs sont capables. Bien que
les occasions ne manquassent pas~ jI resta trois


,


mois sans faire un discours, prouvallt ainsi qu'il


possédait outre le talent de parler celuÍ de se
réserver.


Cependant, hien que les mcmbrl~s du gOllvernc-
ment parussent s'accorder sur tous les articles el
en particulier sur celui de la ))e1Je humeur, il était
souvent question ele dissentiments seCl'ets qui tra-
vaillaient le conseil. On annon\jait tous les huit
jours une crise, que la CO'ITespondencia se hütait
de démentir. Malgré les dénégations ofDcielles, les
rumeurs qui couraient n'étaient pas absolument
fausses. Si la crise n'éclata pas, e'est qu'on avait
r('solu d'aJourner les grandes íluestions jusqu'a la
convocation des cortes et de vivre au jonr le jour
en réglant par une cote mal tail1ée les arraires et
les embarras conrants. Dan::; le foml, on dait 10ill
de s'entendre touchant la polilique g,"nérale et la
lignc de conduite h te1)i1' Ü l'6ganl eles partís.


Quoi que nou::; ayolls l1it en eommen~:ant, une
fée charitalJle avait eu pilié de la répulJlique n:1is-
santo; en Jépit UCS 1lILd(;iice;-; de Sl~::' :-;wurs, elle




L'ESP"\GNE POLITIQUE 207
lui avait assuró au moins une bonne chanceo Elle
D,Yait dócid() (Ille parrni les membres du cabinet il
y aurait un hornme dont los talents et le cmur
grandiraient avoc su situation, que, dévou6 a sa
cause, supérieur aux petites ambitions comme aux
petitos vanités, il s'empresserait de quitter le pou-
voir lorsque son portefeuille pourrait nuire a l'in-
fluence de ses conseils, et ne reprendrait la pre-
mi{:re place qu'a l'heure des dar)¡:rers supremes et
des p:rilves rosponsuJJiliU's, qu'enfln il verrait mieux
IJDO tout tmtre les inconv("nients atiachés a la poli-
L'que sectaire ot la 1ll~cessit6 pour un gouverne-
ment de rallicr les partis autour de lui. Il se trou va
que cet IlOmme de sens et de vrai courage était
pl'écisément eelui qu'on t1'aitait de t(~nor, de vir-
tuose en mUtiica ceLebtiul. Sa lJolilique aussi intel-
!igente que généreuse a sau\'é la rél.lUblique qui
sombralt; mais avaut II u' elle prévalút, l' Espagne
devait traversar des crises redout<_lble:::, et faire de
:-,inistrcs CXiJórj¡mcl.~s 4 u i Jll(~ 1'1 tent Ll' dre 1';(0011 técs
<tvee quclq uc Jótai 1.




QUATHll~ME PAHTIE


1


L82:3 uní\, le '1 cr juin c:t le ~~ septembrc 11e l'an-
née 'lRí:3 sont trois (lates ll1L\l'quantc:::; dan~ 1'lli:-;-
toire ue la r¡"l1ulJlicIUC c:)p~(gnulc. tí; ':2:~ a\Til, elle
1'8l11po1't<1 une éGbtante Yictoit'l~ c1UllL ks :-;uiLe::; 011t
l,té funestes: Au COlllmeneement de juin, elle fut
lll'oelalllée par une' ~lssellllJl("c: unanilIlc commc
gouvernellleut d("iíllitif ct n"gulicr, eL le prCll1lCl'
uSDgC qu'ellc lit Ik snn l)UU\'C)Ü' fllt ÜÜ C\lUl'ü' aux
aLlmes. Ell Sl'ptCllllJl'c, el \e ~;c S~lUY;t pe:!' :~a p(~ni­
tence ct son amcndelllcnt. Les ~ll1cicJl:-; a\',tiellt
raisun ele sc déüer üu JJonllcur, el .Kélllé::-is, qUlIi




L'ESP __ .\G ~E POLITIQCE 200
'In'en (liso lo pode, n'est pas tOlljOlll'S une tai'dive
d(>?;:.;se.


Les sourds dé:::accol'lls qui trayaillaient le gou-
rcnlGmcnL proYisoire portaiont l::J. plupart sur les
nurninations ü faire, sur les exclusions ü prononcer,
<Uf les cJl;lll~emenb dans le pOl'sonnel. Quelques-
uns des ministres, (IlÜ prél'úraient leut' clientclo a
IJ. répulJlique, L'coutaient avec trop de complai-
sanee les roquetos des sollicitours ; ils consentaient
~'. (le regrottalJlc:-" cleslltutions dans le dessein de
lJúurroir avantagouselllcnt los amis de lcu!':..; amis,
\)u cle sati:-,l'ail'e un importun qui pouyait devenir
rJ;:mgereux. Les autres, craignant do désorganiser
L's serviccs plllJlics, tenaient tete aux ambitions
eifrénées, aux Ycngeances llT1placablcs ({tli assié-
,~caient les portos (lo leurs bureaux; ils pensaient
(Iu'ell lllati6rc d'adlllinistraLioll la capacité est un
titrc plus séricux que l'ortllodoxie politiqueo Un
~1.utrü poil1t en liti~c t't:tit la reconstituLion du COl'llS


qui ,1xait re(~u une rulle atteinte Lles
:!'~'lIli:-;siOI1S cullecli\'o:-; acceptl;es par le pl'écé-
ílellt gOliYernclllcnt. Des ofiiciel's instruits avaient
dé l'ernplaci~':-; llar dc:-; sergents c1é:-:il'cUX de bien
l. i['" ; muí;:; le zl~lc 118 supplL'c pas ü la s~icnce. Les
.[,·¡¡ú::;siutlllaires ne (l(:lnallLlaicnt qu'ü rentrer au
. n ice, ~t la ticulc cundiliol1 qu'j[s ne seraicnt pas


14




210 L'ESP.\G~E POLITIQUE
expos{>s h rcc8voir des onlrcs el u c'J;n(~r[tl Hidalgo,
PlllsieUl's min:stres, no l'cg:1 rc1ant (IU'Ü l'intÉ'l'(~t de
l'armée, étaicnt Ll\11;i~) (}(~ les, n"inV'gn:f L1ans Jeurs
fonctions; 101ll'S collc~uc-:o au contrairr. refusaient
obstinémcnt de conflcr l1e nouveau lo:.; canons a
des mains ::-Juspectes (l'alpllOnsi:-ime, Choque matin,
on rlrometto.it lo l'rochain rcglemcnt (le cctte 3.ffaire
délicate; chD.qne 3cir, on annú11(~ait que de nou-
veHes c1ifflcll1tés (1"\;3.icnt :3ur~i. Ello:',; n'ont été ré-
solnes que longtcmps aprc's par jI. Cllstelar,lo1's-
(Juc, devonu l)rl~~,iLlent eh pouvoir exécutif) i1 a
fait prévaloir la politique ele confiunco et ele con-
ciliation.


En gén(T3.1, (IUel ~[Ile fút l'ohjet do ses c1é'lil)éra~
tions, deux tenclancos oppo:3ées so manit'estoi(mt
clan s le con:38iJ. La majorit6 (les ministres estinwit
que les me;~~Jro:, lec', plu~; popnl;¡irr:-; :o;ont toujnUl'S
les meilleures, la minol'i!ó C111(;, ¡oClUS lleinc c1c ~/en
aller Ü la (lérivc, le pilote doit quelrluefois ruser
a\"ec le vE.mt, et que l'C'sistel' cst une partic de Ln't
de gouverner. Les uns tenalent qu'on lúmplante
los révolutions ql1'cn s'appuy~mt ~l1r les rl':\'olutíon-
nairos, les autros que, pOUL' les aS80011' Llé:initiyc-
H\e.n \, i\ ~ .. \ \1t ks \\\\\'\: '-\'f,'lG\.:'\' u~s ~()\'\'S\~n l\~V:\\\'S,
Ceux-la étaient avant Lout des llOmrnos lle pal'ti,
ceux-ci étaient Jes patriote~;. L'un de cc::; dorniel':'




n'a 11QS craillt de üire : « li c:~t une cllOS8 (IUO je
IJ'úi01'c :)u f!"ü("l':¡li:-me, C'C:)l b nópulJliquo, ot il est
.. ,118 cl]()~c que jc lil'l-L'0re Ü la rCTu]Jli/lue elle-memo,
C'C::it rE:";[l:j~lll'. )) Cepcn,lant on :~,'était promis ele
li(; so point ]Jrouillor ju~~qu'ü la convo,cation des
1l0uvel1c~:..; corte:..;, 01" qucl(IllC c1éguút (fLú'~prouv;lt
le! minorité, elle :,;'en oxprimait Lli::icrdemont ot de-
lJlour;Jit U son poste. Lo pulJ1ie :-:;'apercevait bien a
d'Íncos:óanb calJOts, ü de brusclucs arréb, (!ue 1'at-
tC'lil~e dait ,liri:-;(\ que lo:; cll!=~vaux til'aiollt qui ü
droilL'? (plÍ ;l gaucllo; mai:; qua11l1 OIl les interro-
;2'cait. ib l'(~pomhJÍent (rUnO seule voix qu'ils étaient
d'jntell igence, Cju i1:3 n' avaienL entre cux tous qu'une
úme et qu'une rL~pulJliquo.


Ces di~siuences qu'on exagérait, le 111'og1'8s de
Luwrc1lil', l'il1l]Hmité dont jouissaient les factieux,
le tl¡('cuntentement e1, les incluiétudes fIui s'empa,·
1',Ji"rlt de la lJOurp:coi:.:.ie, d'autres circonstunces on-
cure ayaient d('.;.; le mois (l'avril relevé le couragc
,;t les espérunces !.les radicaux. Les cortes, OÜ ils
dÜillÍnaien1" n'étaient pus encore c1issoutes; elles
s'daienL prorop,ées en c1él('p:llant ]eurs pouyoirs b.
une C0I1110lSsion permanente (lui eit(t\ t 1e:-; rninistres
::: .ca lJ;llTe. t(;", intcrrogatoircs <[ll'elle lcut' ú.tisait
:ólllJir étaú;lIL de sellluine en sClllainc plus pressants,
et Ll'Llhissaú.ml ues amertull18S llwl conlenues, des




projeb qu'on n'~tY()U~llt llLl:-' Clll·Ul'r. Lije ¡'u:' (lcm;tn-
(hit cumpLe ("~'alclllcnt dé ce q\l'i:~ Llis:liellt, ele ('o
qll'iL ne i'ai,'ic\ii.l.t }l~h el de ce qu'ib L\i:-::OcllC'llt Lii\;;
ello lcur s;i~nii¡ait en touLe l'Cllccllltre ql1'ils !cll¿\icnt
leur autoritL~ llo l'asscl111Jl(\.~ (jui k':~ cl\"ait noml110:3.
Ello e:xiso~(it en que](lUo surte !l,úis rel!ol1Yela~scnt
leur aClo lLd10~callce, ot les lniLait en CCllll1!is
(lU'O!1 pcut cl'Ull jour ü Llutrc ca:-:scl' aux g:I[2CS.


LC:-i lllinistre;.-; cssL1\"aiellt cc;.-; llaul('urs el CL';"; 1'(;-
"


montral1Ce5 llYGC U1l0 L1'anquilliló irunique que 1'ien
!le Llóconccl't<.üt. li::; l'Cllrl~:-i(,llbicllt ~lll~ul's cen:-:cur:-;
(Fúl n'y a 110illt ele rete :-:ans Yitres Ct:":-'l'CS, poi!!t
ele révolution sallS quc](llICS (\(":-:ordre:-i (lall:-: k;-j
l'ues, 1c;.-; assurant au SUl'plllS filie le gOllvernem!llt
Jl'ay;üt garcle eb compo:-:cr aYOC l'l~lrW\!te) que le:,;
troulJh~::) elout on ~C; ld;li~ILJit luw:ll:lil:JlL ;\ 1<'1.11'
t"l'l:1C, quc la ~itU:lliOl1 ;,;'alll,"liul'ait;t YI.lC ll(j'il. 1':11
ce (lL:i cUllcenwit lL:S dt'UjL~, l'c~pc\'lií':-) dll CUJJ:~\:il
cx"::\..:Lt~il' eL ele:;:; CUl'Ll;~, iL ;'(2 culltUIlLétú:llL Ü'ili':l-
m~{.:r 1111C 18 u;0rite n'c:-;t 11;[:-; :.}l'cllld de ~()U[Úil' !":';
1l\.l'Oil 11e pcut (1111)(:'C1ll'1', (lll CIl l\'lllclLwL ~l.> l'Ul'-


eC,UCilL hU1Jl:li:tnt pUlir :el.' ),1'( 'n",r {Jun l1é:::a,.:rc,
fllic le;:; llcLiun;:; cUll;:;L1LuLiu!Jlll;ik;'; ll'cilllle prc~tj~~c
(tiil: (L¡liS k:) juUl';~ t]'c'lll!uilk:~? ilu'; \: kmkl!l;:ill




213


(l'Ul1C l'I"\'ululiol1 le dl'(jiL apparlient 11 qui dbposu
,lo ht force. S;\llS contrcllit, la commis;:;ion penl1a-
nentc LtUJ'iüt eu quC'lilLle peine it convertir ü ses
doetrines les volonLairc~; ele la. libertó (lui, coiffés
,le cas1l1.1ettcs rOl1gc~;, (léOlaien t pcrpétucllement
Ibns les rue:') de "\fac1ril1 nu'\ sons ele la J[Cfrscillnisc
C:t ~llL\, Cl'i;-; lJlille rois r("péU~s de 1'i~'(I lit fede1'Cll!


En mt~trle LCllll''''; (lIúb c!¡nversaicnt aigrement
;t"CC les mini:-;ll'l)', ](';.; r;ulicaux s'd~ticnt mis ü nl>
~ocícl' an'c lL's consel'YatcufS. {)lloiqu'lls cussent
pen de goClt les un;-; POUl' les aUíTes, le danger
(:OlYl1lIUll les rnpllroclJ:,it. Conscrvatcul's ct nllli-
cnux avaicnt les mt"l:1CS gricfs, 1e;-; ml'mes ap-
prl~bcnsions. lb s'acconl:1ient. ü penso1' que la fai-
1)les~;c du' gOUYC'fll('r:lC'nt) ;.;cs Lkl1eux compromis,
son ind 1l1gCllCr: c,\c('s;-;i\·o l)Qllr les lJronillons et les
C~lS;'C"C()u;-; dn parli intl'an:-igent, préparaient ü
J'ESp:lg'lll: l1n rCllulltal)lo a\'euil'. Ils Naient ('goJe-
l!iCnt cOtlvai IlClL':; [lile, ~i le 110Uyoir exécutif n'était
p~lS clJang¡', ;lV:illL l'l'lcclion eles corl"c; constitnan-
les, l'opp(bition n';¡v[lil. al1Clme cIlanee de s'r Ll¡rc
repf(~sl.:;nli:~r. Ll P¡'I",';C'll(',(~ de .:\1. Pi rlU llJini:-;tl'f8 ele
!'intéricur ;(:",:,llrilit (!'ll\'an('~ k il'i:l!llpllC (h~:~ canrJi~
llaturC;-; r(\l('~l'alisl,s.¡ )'~li\lcl1rs, le ~:on\'crncment
flH,-il r(sol11 :1 l'('~;pccl('r la li\:rrt( l10s romiccs, son
",,' ",'¡t(" l",j"l,1 t¡"""()':j'¡'¡(' '1 '1,.', 1'" 1I'''''111,'l 'I'n'j'!"¡" ('1(\ , , I ( l1)... I L·', L- , " ' _ 1.. .../ \ - (' , . • \ ,J (_~. t 1 \ j", , J




provinces, i1 ne pmFait ré¡\onLlre que; de ses in-
tentions. Il était lIu1's de doute que le /)((J'tido de
la porra et les lí'(ibucos monteraient la garde au-
tour des urnes et n' en 1aisseraienL approchcr que
les (~lecteurs ]Jien pcnsants.


Le seul moyen qu'cussent les partis évincós de
pl'cnclre leu!'::; súret(~s et de p:1re1' aux pl~rils de la
situation était de se sai::::i1' du pouvoir. lIs conQu-
rent le hanli dessein ele batLre en ]Jl'eclle le minis-
tl'1'e et de le cOiltraindre ~t se retil'el'. La cornmis-
sion permanente ayait plus d'une 1'ois térnoigné
bruyamment les alarmes trop fond(:~es llue lui in5-
piraient les succe;:; ties carlistes llal);'; le nOl'c!, 1'as-
cendant croissant des séditieux dan:.; le midi. II fut
convenu qu'au premier jour cHe procLlmerait la
nécessité de rappeler les cortes dans le plus lJret'
délai. A peine réunie, l'assemblée c1evait signifler
aux ministres qu'ils n' avaient plus sa cOllllance et
pourvoir illeur rempbcement. Ce llrojet ayait une
apparenee de légalitl~; uan;:; le fait, c'était une in-
ü'clction li1cmifeste au traitl~ taeite quí, llloyennant
le reto u!' ue tous les portei'euilles aux républicains,
avait garanti aux cortes radicalc;:; un prolongemcnt
u'existence.


Il était Ü cl'oire que les cllOses De se passer;lient
l:'~s en douecllL PUUl' tL'llkr aH-e ql1,,~l(ll1e proba-




L'ESP.:-\GNE POLJTIQUE 215
bilité de succes le coup d'éelat qu'ils méditaient,
le~ radieaux avaient lJesoin de l'assistanee d'un
homme d'épl'c qUl eCtt la pratique et le gout de
ces sortes d'aventures. lIs ne pouvaient mieux s'a-
dresser qu'au maréchal Serrano; iIs travaillérent
ü le mettre dans leurs lntél'ets. On le savait cu-
pable de se présellLer seul lL~ns une casérne mal
di·~tiOsée et d'enlever le soldat par un de ces gesLes
iJui se font 00éi1'. Bien qu'il sOlt a l'ube oil 1'on est
llitb soucieux ue conserver que ü'acquérir, cet
lWllllt1e remarclualJlc, partí de pcLit::; COHlmence-
ments, et depuis cOlldJk par la desLllll'0 a ce point
ql.!'cn fait de ]Jonheur et d'illustratioll 11 n'a plus de
soullD.its a l'unuer, a su gard~l' ccpcndant avec la
fl'aicheur de son esprit toute la jeunesse de sa YO-
10nté et de son coul'age. Cornme au ternps de ses
dl'}mts 1 il est <.tu service des oceasions; le danger
l'attire, il est pret ü jouer le tout pour le tout dans
unL~ partie llQ:-ial'dcuse, - ainsi qu'un omeier de
i'ortune qLli yoit la vie dC\'ant lui et a qui tout
~elllhle 16ger, sa tete, sa bourse, sa parole et son
épée.


Le duc de la Torre écouta les ouvertures de ses
ancicns adversaires) et prit 1 Ü ce qu'll pt:trait, des
el1~'agernents évcnluels. En attemLmt le moment
ú'clgir, on étudialt ave e soín les disposition,:; du peu


e·O'"" ~.




21G


de troupcs que rcnfcnn:lit j\f:ull'icl, on f,rali(lLlait
des intelli~cnces lbus les co1'ps de bcm1e, on LUait
le pouls aux sergcnts ct ame :-;ulllaLs, ce quí flt di re
a un spirituel obsenatcur qu'au rJrinLelllps der-
nier la politique cspDgnolc so rél1uisait Ü lle 11l'O-
fundes étUlles psYCl1010giqucs sur 12s polotons. On
c:J.1culait sur ses duigt;3 tOllV~:-i lcs grandes cllO:-'(,s
qu'on peut accomplir clans ce mOllele avcc qll'ltt'C
hommes et un c:ll1ural.


L'Espagne C:-it le 11ays ele:-i 1l1'ystt'Tes ll';l11Sparcnts,
des secrets publles et des conspiratiolls ;t cíel ou-
yerto Tons les paYés de :\fcldrj(l savaient pcrtinclll-
111ent qu'il se tramait: fJu~·Ir¡ue cllOSC. On en pal'1:d
tont haut dans la Yille et llans lc~.; faullüurgs, dltl1:,
les cafés COlllme dans les salull;:-;. Qll81rllleS-uns eles
coalisés n'avaient pas l'úme trLlnq\lille, 11l'l~\'oyant
une lutte acharnée, peul-Nrc malllellrcu:-,e et suivie
de repré:-iailles populaircs; íb répallllaient le hruit
que des croí.\: rou~c6 ayaicllt ét('~ 1I1lln!11("es ~ur Ll
porte ele plus el'une lllai:-,on. L\ plupal't re;-:;-:cntaient
ou affectaient une illlpcrtul'halJle confLtncc; ils
avaient lléj~t ville ~aglll'('. ()n ann( I!H:ait d'aY~l11cc
tou~ les détails de l'r"n:-nclllent, comrnD on l'efJe le
cérl~mollial cl'une fl'tc. 1':11 réalitl', le complut :-,'l'-
tail éJJrlJ.iLL~ '.l\"ct!¡t tl\\tI'C IlIt'lr, et l'a;-:;-:m:lIlcl' qU'(ltl
fai:-ait pari.ütrc téllloigtlait lllOltl::) II un plan fl'lTllC-




L'ESU:\Cl'\E POLTTIQUE 217
mcnt ddiJ)('~n'~ tjilC~ c1u dé sir d'intimillcl' 1'cnnemi.
11 y p<11'ut Lien ü la mollosse avec laquelle l'action


La GOlllmission permanento se 1'6unit au palais
elu con gres lo dirnancho 20 a\Ti1. Elle c1ébuta par
une sorlo <10 miso on accusation du m]n18te1'o; un
soul ministre, 1\1. Sorni, se fll'ésenta pour OUÜ' ce
l'("íluisitoil'e, (lUCILlOl il n' opposa que des 1'6ponsos
(~\'asives. Les dl~r)uL6s s'imligncrent du pou de dé-
féronce quo len!' nwnlllai t lo p'onvornement, ot
s'appretail~11 t ~t 1 ui d(''[H~ch('r Ull llllissier ponr le
metlre en domcll1'e elo ('ompJ.r~ütre. Tout fut sus-
pencht par la nom"ollo quo lo pr6sident clu conseil,
jI. l:'j8"ueras, venait c1'etrc t'l':J.ppé subitement dans
sos l)lus cl1l'res affections. On eh;cic1a que par
l'~<lnl po\\1' son c1euit la séanco sernit remiso au 2:3.
CoL ajoul'I1l'ment L:ü::-;sait percer une hl~sitation qui
cllCfclwit it so couv1'i[' el'un prétexto honorable. La
cOlllll1i:-:sioll n'éLait pas encore bien SLlrc de sa vo-
lontó, cHe 6tait 1 líen aise de gagncr un peu de
tcmps pour l'c(~onlo1' sa leGon. Le gouvernement
savait dl:sorm:li:-; le jour et 1'hcure Olí i1 ~)erait <.1t-
t~lqUÚ; on luí aceonlait un sursis po u!' se mcttre
en mesure, et it Sl1t en profiter.


Le ltwLin rlu ~~~) lu mairc de :\LtüriLl, flui l1'8111-
p~tit cbns le complot, COll\'ocIua, sons préloxtc de




218 L'ESPAGNE POLITIQUE
les passer en revue, tous les bataillons ele l'an--
cienne mili ce civique, a\lilllÓ~ dc~ selltiments les
plus conservateUf::i. Un détac]¡ement occupa le PO,-
lais l\ledinaceli en face du congres ; le re::;te se con-
centra elans la Plaza de Toros, ü quelqucs P[\S ue
1'h6tel du uuc de la Torre, qui ele son lJaleon au-
raít pu les compter et leu!' fairo des signaux. Le
vigilant gouverncur ci\-ü de la province, 1\1. Est0-
vanez, ne s'était point lai~sé :-;urprcndrc, De son
coté, il avait mi::; sur pielL tous les llOUyeaUX volon-
taircs en casflueLte; rou~!.'e ct confié les rninistercs a
leur garele. En quelques ¡!Cures, l\LuJricl se hérissJ.
üe b~'lonnettes; on s'obsenait de part et d'autre
J.'un airmenaQo'nL tout semJJlait prl'sagcr une in(í,··
vitable collision.


L'académie espagnole faisait céléhrer ce jonr-lLt
dans l'église des re1igieuscs trinitO,il'es un set'vice
solennel en l'honneur de Cervantes. L'évl'lIUC de
La I-Iavane pronunca l'oraison J'unólJl'c de J'illustre
manchot. 111e glol'ifia u'avoir 6té un tlls oJJ0i;-,sant
de l'Église, et démontra ducLement qu'il avaít écrit
Don Quichotte dans la saule vue el'amcne!' les p(~­
cheurs a conversion. Il rmrUt de la iwur établir
que la soumission est le secret du génie, 8t que
l'Espagne devait mettre sa gloire Ü l'tre catllolique
dans ::3on gOLrrernement, catllOlilIUc l1all::) S:t littó-




L'E~PACNE POLITIQ.eE 21D
ro.ture, co.tllolique en philosophie et dans les
sciences exo.ctes comme d:.lllS l'histoire nature11e.
En finisso.nt, i1 prémunit son o.uditoire contre les
influenees pernicieuses d'une no.tion voisine, eontre
le vent qui souffle des Pyrénées, eontre les idéei-ó
ot la langue de Voltl.lire. Le contraste útait étrange
entre co qui se passo.it a ceUe heure dans la rue et
ce qui se diso.it u o. m; ccUe chapelle. L'Église, ha-
ranguo.nt lo.' sociétú moderne, n'avait el'autre re-
Dede ü proposer Ü sos maux (Iue eette pesante
tutelle quí a procul'l'~ J. l'Esp3glle, durant Jos sic-
eles, ]e 1'epos des cimellercs. 1l 8st cortD.in (fue la
mort guérÜ de tont; mais dan s ce siéclo les peuples
aiment mioux Vi\TO et souifrir. Au demeu1'ant, 1'0-
rateu1' était disort, fleuri; les reyenants ont quel-
quefois 1'osp1'it orné ot d'agréables sai11ie8.


Dans l'aprcs-midi, 1\1adriJ ot1'rait un aspect si-
n1st1'o. Los passants s'att1'oupaient pour causer ü
yojx ba:-;so. La circulation était interrompuo sur
plllS d'uno placo quo la foule obstruait, d'autres
rues. étaient silencieuses et désertes; beaucoup de
boutiques 6taient closes. Tout le mondo pretait
l'o1'oi11o; on attelldait do minute en minute le bruit
de, la p1'emicre d6charge~ qui donncrait le signal
ll'unc sanglantc me16e. Sur la 10i J'une méprise, il
se f:Jisait tout ü cou pune cOi'rida; les curieux s' en-




2~()


fuyaient a tOlltes jamho;-;) les 1101'tes cocheros S8
fermaient précipitamlllcnt, la fue se villait commo
par mil'acle. 1<1 cause di] l"alerte 0tait le plus sou-
vont un Cigucuhn' malallrolL (lui avait ]aissé 1'ou]e1'
son tonneau sur le trottoir. Hevrnus de leur pa-
nique, les hadauc1s n8 tal'c1aient ras ü rer)ar~~itre et
de l10uvcau liumnient le vent. ])ans les .ionrs (1'0-
meute, les lleu111c:_o du nÚlli, plus cnen!"e qne ceux
du nonl, sont p:wtag(>,s entre 1 'ilHlui(,t\Hh~ ct le d0sir
de "oír, (PÜ finit toujoLlrs par l'ernportcr; la l,lus
viyc de len!'s passÍolls ost la gOlJl'Jl1Clncli:-ie des yClJx.


CCl'elllbnt, \'01'S tr01;'; }¡curcs, la cOlltrllission per-
manente d:\it entn"¡) en sl\mcc. A l'c\ccption (le
l\I. figucr~\s, qui a[lllartenait ~t sa clou leue, et (le
11. Pí Y ~Ial');all, rdenu dans ~on cabinel p:(1' c1'irn-
port<mtes con::ultation:~, ton::; 1(':') lllinlstrC',:-; s'(·taient
pf(~~selltés a r;\ppcl. Le parti 1':.H1ical ~l\'~\it ron [l(, ü
;\I. Hivel'o le soin ü'aUacllC'i' le" ;.l;relut. LongtCl1l11S
effac(' par (!I¡clt1ucs-uns (le se:,,; COlll'~I]('S, il a\"aiL
rei)['is ce iour-Ht le l'rt~llli\'l' n'de; il (:~tait l'J10lllllW
ele la situation 1 ct, dans la pcnsée de ))eal1coup d(:
gens, le chef llLl nOllvcau ~~()uvel'ncmcnt (111'On :-:l~
üispos~üt ü proclamer. Les longs lliscol1r;'; ll·d~l!lt.
pIu:,; ele saison, on pens,tit i[l1'it 110 11:ll'kt'ait qW3
110ur ht forrne, qn'atlr~\s lIne ('()llrlC' eL "Úlll"lne:lte
l"1,:,C,1C(\ 1'1 l'·'('\'!··lll,\·:·it ¡""L"'I''';lli\'''lt''''L 1" ('(\'1"()",". l:ll '-.-J l ll.--(.I ~ ,,-,1 \..j'L ;:_l \_1. _'1 L\. '- --" ... \ ~,




iion (lc::; cort(\3, pcutl~tr,' le chullgcment llEm6l1iat
c1u Llilli:;tLTC. ~:un [lUitullc el ;,.;on langl!ge d6con-
c~r,l'l'('nt toutc~.; le:; conjectL:]'C:3. Il prononQa un
\'crLeux lllaiÜoycr dont 18 <..:ontellu n'étOlma pas
moirlS (11..18 la longl1cur. 11 ~ignala les sCl'vices es-
scnticl::J (fue lcs l'<.lLllcaux. asaient remlus ~l la répu,
Jilj:lul:, la l1úil'c ingratitudc dont on,avait payé' leu!'
dCVollll1Cnt. 'Id un auteur dramatique qui a fait
une piCl~8 en colblJoraLiol1, et (lui, rappelant u son
aSSÚGiC; le::; llcl.rol1scs ic1ées qu'lllui a fournics, lui
l'l'lll'Ucll(; do s'clro rait la llart du lion dans le ~uc­
l~CS et dcm::; les 1J6n611ce:3. L'orateur alla meme jus~
tp'Ü in:~inuer en termos fleu COu\'erts que son
p:Jfti, UéS:l])U::;é dl'lluis longtcmps sur les chanees
l)e la l'uy;luLlj étr;mg(~re, avait travaillé en secret ü
:";ÚIl ren\'er~erncl1t; i1 se vauta que pour sa part, si
le roi ~.;e i\lt lll\nni:-i ue renouer aY8C les consena-
teurs, i1 ll'aurait pas bataneé en sa quaJit6 de pró-
sidcnt ü trall:,JUl'mer le::; cortes en convcntion na-
tiOlulc. 11 COlle! ut en dClllalll1ant aux ministres ::;'iis
ne ::;ongL~"icnt pJS Ü l'dalJ1ir un pacte cLtlliance
entre les l'L'pulJlicain::; de la yeille et le::; radicaux.
,\ l'C lij'ix seulemcJlt, il:, pO\lvaicnt reCOLrvrer la
]J!CH\'ctli:ll1cC dc'::) cbs:c::í ltluyel11H:.:-;) rcle\'cr le
eréctil L1c 1 J;~LaL, fortilicr la di:-icipline dans l'armée.
I,:¡ jln,dl'nl(~ !I'ur LÜ::í~l¡t un dc,,'oir dc dorincl' uc::;




222


gages a leur::; anciens alli(',s) d'a.iourner les élcc-
tions, et de s' ontcmlre a\'oc le:~ cortes radicLtles
pour as:')eoir soliclement la rC'pulJliclue.


Quel que fút le clcsi:lcin c1e "JI. Hi\'ero, son clis-
cours ressomlJlait beaucoup moins i't une décbra-
tion de guerre qu'ü uno prorlOsition cLlccommode-
ment. Il l)()xaissait en appoler Ü l'équité do ses
adversaires, leur mettro le marché ü la maíll. Pou-
vait-on dire plus clairowent : « Nous ayons fait
une paix foul'rée avec les conscnatcurs, et nons
tonons un m~m:'chal dans notro nliJl1che; cette a1-
llance vous est bien dangereuse, ne feroz-vous ríen
pour la rompre '[ » Si le rninist(:fe avait ou quelílue
inquiétude, cos conelusions inaUondues la dissi-
pcrent; il respira, un vainquour qui domande ü
traiter eonfes~e qu'il ctoute de sa vieLoire. Il 1'6-
pondit p~n' la houehe de 11. Castelar que la répu-
blique so ganbit bien de mé'eonnaltre les JJon~
ofeiees des r,adieaux, (IU'elle regrettait SinC81'e-
ment les mésintellígences qui ]'a\'aient lJrouiUC:'o
avec ses alliés, que leur impatience 6tait cause de
tout le mal, qu'ib avaient paru tro1) press('s de tou~
cher le prix de lours senice:.,; 1 (lu'íb cusscnt ¿l
s'e~Tacer quelque lcml)S encare el ~\, s'en relnettrc
Ü l'avenir, qui súrernent les dédornmagerait. Apres
avoír exécuté des variations brillante::; sur ce




LT~P.\C~E POLlTIQLiE
therno, lo !llini~tl'ro entonna son fcl'rain favori, dé-
elarant qu'on cxag(~r;tit U pUüsir la gravité de la si-
tu~üion, quo sans <Jauto le n<1viro avait essuyé quel-
ques bonrrasquos, mais que la eO(lue n'était point
aVari(2e, ot que, pilote et matelots, tout l'équipage
ferait son devoir.


TOl1t u eoup lo ministre de la guerre, une dé-
peche ü la main, intorrompit la diseussion, sous
pr6toxto qu'il (·tait survonu un grave incielent dont
iJ dé:3irait conféror Dsoe ses collcgues. QlJelques
in;;;tants aprós,le mini:3tcrc annonGait a la eommis~
:.:int1 permanente que los bataillolls de r~ll1ci(~nne
milice, rassolllhlés Llans la Plaza de Tol'os, s'é-
bient mis en ¡"'tat do révolto et que, toute affaire
cr;ssanto, il devait s'oecupcr de rédl1ire les rebel-
lc.-':. C'était dire aux lIlout.ons do la f[lble : Nous
trallorons avce YOllS quaml nous aurons eu rabon
de vos dúens. Déroutl2c par le tour inattendu qu'a-
vi..lit pris le débat el par ee coup ele Jarnac plus
imprévu encoro, la commis::iion, apres une faible ré-
sistaneo, eon50ntit a suspendro sa séaneo jusqu'au
soil'. Josoph de l\Iaistl'e prétend qu'ü la guerre on
n'c:3t vainquour ni vainclt (IU'Cn 1llée, el que l'anllée
({ui lúchc pied osL ecUo qui d'avancc se sont hattue.
11 en va de mCmle dos eommissions, elles sont per-
ÜUl'S quand elles so prennent a croil'e a leut' défaite.




224


Que faisait penc1ant ce ternps le lllan"chal Ser-
rano'! Enfermé dans son hotel, l)lt lui tCllaií: conl-
pag111c un nombrcux état-m:ljor prd Ü 1'ccc\'oi1' ::o8S
on11'es, il n'en donnaiL lJOint, l)arce (\11'iln'oll pou-
yait point elonner. Il vOl1lait :-;e pl't'::elller au ::301-
dat, non C0111me un chef ele lllutins, niuis CUllllne
le défenseur de la loi, l'epn"sentée 1)'U' les cortes,
et il attendait, pour entrer en campDgne, ele rece-
yoir de la commission permanente un Ganó de pa-
pjel' qui lui allprel1Llr~~it qu'elle Ltvait muni de
¡:;leins pouvoirs. Les heure:-:; ::;e pas~aient, le palJier
n'arriva point. Le destin comlanmail l'ópée d\l llla-
réchal ü demeurer clol1l~e dans son i'OUlTC<lU ; elle
s'étonnait de cette mésaventure, qui lui était nou-
velle.


Actif et résolu, le gouvernement no rJerL1cút pas
le temps précieux (lue lui aceordaient le;:; imléei-
sion:-:; et les atermoielllenb des coa1i~;('s. D:'~;or­
mais il pouvait e0ll11¡tcr :..,u1' cette Clll11lil'aJJlc ~:lrdc~
civile dont le;:; Espagl10b SOtlt J lt::;terllCiiL fiCl':), et
qu'on lúwl'ait pu ddourncr de son dc¡"oil' (lU',.:;n
hü prouYant (1 ue son devoir dail duuteux, 1'e1'-
sonne ne s'étanL ehal'~c': de lui Ltíre ~cLte üémons-·
tration, elle lle vOyitit dc\"aIlL ('lIe (lile (le,"', lll~if::;is­
tra ts e t dc~s é lile u ti L' 1';), C L ~)Oll clwi x l' La ¡ t LLit. l' ar-
Lillel'iu :'miviL ~Oll exellllllc. Vl't';::l sept lleUl'eo} OH




entellllit rouler llan5 la fue cl'Alcala les canons qui
se dirigeaient yers le Prado, et la PZa:a de 1'01'08
fllt bientOt étroitement cernée et bloqu0e. Les ba-
taillons de la miliee qui s'y trouvaient renfermés
ne tardcrcnt pas :1 COlll prcmlre que la partie était
perdue et la rósistance impo~síble. Pour obten ir
leur élargissernent, i15 durent se laisser dé58rmer,
cérémonie plus humiliante encore pou!' le.; chefs
quí les avaient inutilcmcnt compromis que pour
ces braves gens, dont plusiel1rs yerserent des lar-
llle~ de l\lge en linant lel1!' fusil.


Tout ('tait fini 0\1 a pen prcs quand ü neuf heures
la cornmission rouvrit so. séance. Eile manda les
ministres, qlli répomlirent eette foi:-:; ayec I'inso-
lence de la victoirc qn'i\::; n'auraient ganle de se
déranger, qu'ils a\"aient fourni des explications suf-
flsantcs, qll'un surplus d'entretien ferait longueur.
COlllllle elle insistait, ils l'ayertirent charítablement
qu' elle eút ü pourvoir a so. sureté. Le couseil n'6-
tait pas supcI'ilu. La populace échlwfTée, ivre de
5un faeile triomplle, s'était arneutée aulour c1u con-
gres, dont elle ganlait toutes les issues; quelques
hornrncs de s:mg, l1lelés aux groupes, s'avisaient
de demander des tC;tes. Les dóputó'Í eu1'ent graud'-
peine a ~agner le large ; quelques-uns furent apllré-
hend:~::l au collet et en danger de wort; d'autn's ne


'13




purent s'éyader qU'~t Lt faYCUl' li'UIl l1l~gui;-;ement.
Plu;:;ieurs ministres cx POSl'l'CIlL lcul' lJújmbrité et
leur vie pour arracher su proie ü r élileute. l/un
d'eux alla cherchel' lo duc do la Torre (bns la
lüaison ou il s'était réfLl(J'lé et lui l)rocura Ulle v ,
retraite plus sure en l'emmenant dan s sa voiLure ü
la légation d' Angleterre. :Kous t:lvons dit qu'en Es-
pagne les luttes politiques engendrent 1110ins qu'ail-
leurs des haines personnelles. Les yainqueurs du
jour se souvenuient CJu'en 186G ib avaient figuré
parl1li les Y¿üncus, et que, pour,-;uiyj;:, et traqué;-;, le
général O'Dannell avait facilité leur ruite. Soit gé-
nérosité native, soit une sorto Lle fataiisllle rlui pré-
voit les retaurs de forLune, l' Espagnd devicnt aisé-
ment l'ami de son ennellli. Ce fut OllCUl'C un li:ini~~lre
qui conduisit secretemont 1\I. l\brtos chez le chargé
d'aUaires de Belgique. ( Je suis ravi de \'oir que
vous etes si bien logé, dit-il galnll~nL en lui l'GcGrn-
manc1ant 1'h6te qu'il lui amenait ; r)eut-l~tre \'i('n-
drai-je sous pen vous üemander un asile. »


Ainsi se termina sans e1l'tlsion de sang ct ü lu
faQon d'unA tragi-coméüie eette journéc qui ü son.
lever a\'ait parll gros~c de rualheurs; mai:-; ainsi
av()]'ta mi:-:érablement ce fameux complot qui s'é-
tait annoncé avec tanL cl'appal'at, et sur lequel 011
fOl1clait üe si ]Jrillante:::i C:;pl'l~(nCl's. Les con.iuró~ no




L'E~P¡\C;.\L I'()LlTl(JUl~ 227


ilouvaient s'en pl'endre qu'ü eux-memes de leur
ín::;L1Gcl~S; ils avaient eu l'ail' de s'entendre, et ils
ne s'entendaicnt puint. Ces alliés ll'un jour se dé-
fliJicnt les uns des autre::;, et les petites précautions
sCint le tombeau des grandes entreprises. Les conser-
yateurs accusaient le;:; radicaux d'avoir simulé une
attaque pour inquiéter les républicains et les con-
traindre ü traiter séparément avec eux. Les radi-
caux souPGonnaient le duc de la Torre de vouloir
se servir el' eux pour se rendre maitre de tout; ils
craigno.ient qu'o.prés la victoire il ne !':l'empressat
Lle les évincer. De part et d'autre, la crainte d'étre
dupe avait paralysé les courages, et on s'en était
tenu ü une vaine démonstration. Un proverbe espa-
8n01 dit qu'on ne peul ~1, la tois carillonner et aIle1'
ü la procession, 'Ha se puede repicar, !J andar en
la proccsion. Conservateurs et radicaux s'étaient
pcndus aux doche;:;) et la procession s'était dé-
bamiée faute d'un chef pou!' la conduire. Au reste,
se fussent-ils mieux entemlus) iI est douteux qu'ils
8Ll:3Sent mieux réussi. Les temps n'étaient pas múrs;
les réactions ne doi vent leul's chances de succes
qu'ü la banqueroute des révolutions; iI Ieur est
L.l eile alors de recrutel' partout des régiments d' es-
p¿rlÁl1ces déGucs et de p::ttiences lassées. Un enfant,
uUllt lc tambour c::;t tout neuf, ::;'indigne qu'on veuille




~28


le cre\'cr; lais:3cz-le j',Jire, ll1i-lllÓllle lo C1'8\"01'il c10-
main. Au ':.:3 aHil, le f0dl:rali~Jlle ten,lit encare
l'Espag-ne sous le charme magiquo d(~ son mys-
tere. Amoureuse de Sil marotte, elle en faisaít tinter
joyeuSell1e11t les gl'e]ots; elle se [leha tout rouge
c011tre ceux quí en yonlaicnt ü son hod18t ot ~t sa
musillue. Dernandez-lui al1jounl'llUi ce qu'ello en
pense.


Les coleres espagnoles 50nt terribles, mais cour·
tes. Pondant plusieurs jours encoro, ii régna quel-
que émotion dans MadriL1; tOlltcfols les scl:nes de
désonlre et de violen ce furolll rares, les casqllettes
rouges n'ahuscrent pas tr01' (lo leur trio 111 [JIlC. 11
fallut leu1' pcrmettre ue 't'ioler quelq ues domiciles
oll elles s'ímaginaíent que les chefs de la c011tro-


révolution se tenaient cachés. On eut soín de diri-
ger leurs perquisitions dans dos lltai~()ns oü il n'y
avait rien a tl'Olwer. Ccux qu'ellrs chercllaicllt
étaíent enliou súr, et IIuillcront 1cur l'e1'uge quel-
cIues J'ollrs aIJrcs pour (1'[\O'11e1' inco<fllilo la Fr;lllce b L'I u
ou le Portug:ll. Les autorit0s s'appllquerent a\'E~C
un zole louablc ü rétablir la tranquillit(~ dans les
rues, sinon dan::; les tetes. ~l;:¡dt'ill llO tanla [las 3.
reprendre son aSl)cct accoutllmé. tJll (~tr;tng8r s'0-
tonnait de ce pl'ompt apctisement et en j'81icitall un
conservateur espagnol, qui lui répondít avec mé-




229
lancolie : ( Il est l1ur pour le sage de de\'oir son
salut 11 la tempórance des fous. »)


Le 2;~ av1'i1 v8nait de confirmer la -vicloire répu.
blicaine du 2:~ [(:\\'1'ier ou, pour parler plus exac-
te111ont, el' en Dggraver les conséquences. Le lende-
nwin parut dans la getzette offlcielle un décret qui
dissol vait non-seulement la commission perma-
nente, mais les corles elles-memes, dont les minis-
tres étaient les mandataires. Par eeUe mesure, le
~ouverncment provisoire d(~trni::iait de ses p1'op1'es
mains l'acte (lui lógitimait son autorité. 11 n'avait
plus rl'autre raison d'Ctre que de rep1'ésenter la 1'é-
volutioa, ot ne pouvait plus s'appuyer que sur elle.
Le:-; mambres les plus 1ll0llél'és Ju cclbinet rnaudis-
saient leurs adve1'sail'cs de leur a\'oir mis les armes
11 la maíll. Pour 8.voi1' rai::ion des coalisés, ils avaient
el Ct :lccepter les seco Uf S des clubs, et contracter
envers Jes llOmmes qu'ils redoutaient des obliga-
tiuns dont ils sentaient tout le poids. Le génúral
Contreras, qu'll avait fallu rappeler de Catalogne,
ou sa présence mettait le comole aU c1ésarroi de
Lumée, avait mis l'érucule a pl'oflt pour se refaire
une popularitó. Il s'élait 111ont1'é Ü cheyal dans les
eml1'oits les plus eXlwsés, et le seul coup de [eu 'quí
eltt c't(: tiré a\',üt élé dirigé conlre son escorte. Le
jCJur sui\'ant: ii fit :,tl1110nCer par les ]ournaux 'lubi




230 L'ESPAGNE POLITTQUE
et orbi qu'au moment ou il se rapprochait des avant-
postes ennemis un généreux inconnu, se jetant
a la tét~ de son cheval, l'avait supplié de se retirer
paree que les réactionnaires avaient juré sa mort.
Il sollicitait son sauvenr de se faire conmlitre. On
cut (lit César s'enquérant du nom de J'avertisseur
charitable qui l' engageaít a se liéflcr des ides de
marso


Quelques jours plus tard, le g(~néral 1int chez lui
un conciliabule auquel assistaicnt les principam::
meneurs du parti intransigent; d'importantes rl~­
solutions y furent p1'ises. On dócic1a que le pOl1Yoir
exécutif, suspcct depuis 10ngLemps de molle::;se ct
de tiédeur, devait, sous peine de dérnéríte1' d u
peupIe, se renforcer de quelques esprits avancé::;
qui le mettraient au paso On décida encore qu'une
confédération ne se peut constituer sans l"existence
préalable des États qui sont appelés 11 se conféclérer,
que par suite il était indispensalJle que les pro-
vinees n'aUenc1issent pas l' élection des cortes pour
proclamer leu!' incJépenclance. On s'alJoucha aUi'si-
t6t avec le gouverncment, afin <1'obtenir de lui
qu'il épurút son personnel et inaugurút une politi-
que franchement révolutionnaire. Il ne pouvait se
plaindre qu'on ne l'aidCü pas dans sa besogne, --
on luí apportait le texte de quarante-::iept décl'cl:"




L'ESPAGNE POLITIQUE 23l
qu'il eút suffi de faire insérer dans la gazette offi-
cie1le pour que l'Espagne se trouvút délivrée en un
tour de main de tous ses impóts, de toutes ses ins-
titutions, et ramenée a l'état de nature. Le minis-
tr~re résista de son mieux aux ordres qui. luí étaient
intimés, il demeura fidele a son plan de ne pas
engagcr 1'avenir avant la réunion de la 'constituante,
ot il rútcconla qu'une trl's-faible partie des desti-
tutions qu'on lui. l1emandait; mais il cherchait a se
üÜl'e pardonner ses résistances par ses ménage-
Tnents. Il se voyait contraínt ele lais:3cr a ses sau-
\'elll's une d;mgel'el1Se liberté (1'action et de fermer
les yeux sur leurs menéese Des lors iIs purent
amasser la poix et l'étoupe, préparer de longue
main ce vaste incendie c10nt les flammes deux mois
plus tard failli1'ent dévorer l'Espagne.


Lajournée du 23 <1v1'i1 eut une autre conséquence,
qui n'inquiétait pas moins les républicains sensés
et prévoyants : ils avaient toujours désiré que les
conservateurs comm81es radicaux prissent part aux
élections de la eonstituante ; ils souhaitaient meme
que l'opposition y hit assez fortement représentée
pour pouvoir leur preter main~forte contre les
exigences et les utopies des intransigents. C'est di1'e
qu'ils cha1'gcaient secretement ]eurs ennemis de
les défendrc contrc leUfS alllis. 11 1'a11ait renonce1'




232 L'ESPAG~E POLtTl(Jl1E
a cet espoir. Les rauicallx et les eonscrvateufS
étaient hors de cornIJat; lcul'S l'ber~ s'daicnt exilés,
la plupart <lvaient rejoint ü Biarrilz le maré'clw]
Serrano et 11. ::\Iartos. Un manifeste annol1(;a hicn-
tUt a l'Espagne que, le gouvernernent s'abandon··
nant aux factieux et se rnontrant déwrrnais inca-
pable de garantir la liberté é1ectot'ale, l'opposition
avait résolu de s'aIJsterür. C'dait une bulle d'ex-
cornmunication majeure fulminl;e contre les futurcs
cort(~s, dont tOlltes les d6cisions Naicnt d'avance
frappées de nullit(,. Le gouverncrnent ne pouvait
plus compter que sur lui-merne et sur l'empire de
la force, et il 80nt<.lit combien il lui dait difllcile
d'étre fort. C'est le 23 avri1 que se sont aml.lssés
sur l'Espagne les sombres nuages qui couvrent le
ciel de la républiclue et (lui aujounl'hui encore
pe:::e1l1 sur son avenir.


II


Les cortes constiluantcs se r6uni1'cnt le 1 "r' j \lin.
Elles avaient un vice c.l'origine commun dans 1'hi::;-
toire des parlements e3pagnols : elles n'avaient étt~
nommées que par une fraction du curps élector~ll.




233
A 1"lelne y voyait-on figurer une Llemi-llouzaine de
conservateurs qui) l1lalgré la consigne, s'étaient
oh:;tinl'S a hriguer les Sufrr~lges de leurs électeurs.
PJrmi eL1X était Ji. Hios llosas, cet homme 6minent
que l'Espagne Yient de pcrdre et auquel la répu-
blique a rondu un supreme ltornmage, qui 1'a elle-
ml'me honore,c. Patriote et lilJéral dans l'ame, ne
dwrgeant personne ele lui enseigner ses devoirs,
les deux discours (pl'il prOnOll(;a elans une assem-
bll'c lJostile [urcnt l~cOLJté::; a\'cc un religieux ro-
cucillernent, comrne si on eut lleviné que c'était le
clwnt du eygnc. Son début fut fler; il s'appluudit
l1c son isolemcnt, qui lui assurait une entiere liberté
de lnlrole et de vote. ( Est-ce a dire, poursuivít-il,
que je ne représento rien icí ? Le cas serait étrange
ar1'0s quarante ltnnécs d' oxistence parlementaire ;
llles ami:.; ot moi, nous représentons dans cette
clwlllbre les l1rincipos, les tendances, les intérets,
les granclours ot los clisgraces des partis conserva-
teurs. Aussi, qudle que soit notre modestie et quel
que soit notre nombro, nous vous dirons fierement
ce que disait le comto d'Onctto a l'ofllpereur Charles-
Quint: « Siro, je sllis potit, mais je pese heaucoup. »
Pros de lui sÍ('~!:.!oait un hOllllllO d'un tout autre ca-


L'


rar:tere, aneien l1louéré, :\1. Estehan Collantes, qui,
pour justil10r sa présence dLtnS une assemblée :nise




234 L'ESP~\GXE POLITIQUE
en interdit par ses coreligionnaires, allégua que
beaucoup de gens ne peuvent COIl cevoir la vie ni le
bonheur sans le plaisir de jardiner, que son jan1Ín
était son collége électoral, et qu'il avait juré de 11e
jamais le laisser en friche.


Sauf ces quelques épaves des aneiens partis, la
constituante se compos¿út tout entiere de républi-
cains, el ces républica in::; étaient tous fé(léraliste<,
h l'exception de 1\1. Garcia Huiz, }'homme le plus
isolé d'Espagne, seul partisan (~onnu (le la répu-
blique unitaire, et ql1i au.iounl'hl1í sc trouve a\"oi r
raco16 un parti' con:::idl'raldc. On ne deyait P~lS
tarde1' a constater lmc fois de plus que rien n'est
moins homogene qU'l1ne chambre unanime. Les
fractionnements et les scissions se déclaraient déja
de toutes parts dans cette trompeuse unanimité.
Entre la droite, qui obéissait aux sages conseils de
1\1. Castelar, et l'extrl~lllC gauche, qui, gouvern{~e
par le marquis d' Alba'ida, cntemlait remanier de
fond en comble toute l'organisation sociale, il y
avait place pour pll1sieurs lleLits groupes, don l
chacun <:lyait son chef et son idée, et pour une
foule de c1éputés indépendants, lesquels n'ayaient
d'autres chefs qu'eux-m0wes, ni d'autre itlée que
eeHe d' attraper un portefcuille a la grande lotcrie
du scrutin, masse ilottante prcte iJ. se porte!' a




L'ESPAGNE POLLTIQUE 235
droite ou agauche et a prendre parti pour l'ha-
1I1eQon le mieux amorcé.


On s'accordait cependant sur un point : gauche
et llroite, tout le monde voulait la répuhlique fédé-
rale aL'ee luutes ses conséquences. Qu'cntendait-on
par la? Quelqu'un rlroposa d'en\'oyer aux États-
Unís et en Suisse une eommission charp:ée d'étu-
dier sur place le fécll~ralismc. Les intranslgents se
récriel'ent; l'un d'eux déclara que la Suisse était
un pays rétrograde) une rnonarchie déguisée en
n:ltmbliquc. Sal1:-i :-i'inforrnel' davanbge, l'assemblée
procL1Jl1u d'LlllC' seu1c HJix la répul)lique fédérale.
Aucun des \'otants n'eut pu llil'e ee qui venait
d'dre voté; les plus elairvoyants craignaient que
ce ne fut la guerre elvile. Les politiques a formules
ereuses font l'ceuvre de Cadmus : ils sement les
(lents du drago n , eeUe graine féeonde germe, et il
sort de terre des idées en armes <{ui s'entre-tuent.


Avant de [aire une constitution, l'assemhlée de-
vait [aire un gouvernement; elle aUa au plus pressé.
Le gouvernement provisoire était a bout de voie ;
la rnajOl'ltl~ et la minorité du eabinet réclamaient
I'une et l'autre leur divoree. Las ele son portefeuille,
le représenlallt de la politique rnoelérée et eonci-
liante, M. Castebr, <16si1'ait se consacrer tout en-
tier ü son manclat <1e député et travailler librernent





230 L'ESP .AG l': E POLITI(Jl' E
a la propagation de ses illl'~es; il youlait etre le
tribun de la sagesse. On ::;'attembit que ;\I. Fi-
gueras garderait la présidence du conseil; mais, ü
force de traite1' 3,\'ec les l)artis pour en oLtenir des
concessions et l'ajournüment de leurs projets, il
avait ('3it tant de 1,romc3ses) eont1'acté tant d'cnga-
genwnts secrets, qu'il ne s'appal'tenait plus; tout
le monde ay;üt 11 ypothullue sur lui. A peine cut-U
essayé de forme1' un miniskre, il en 5entit l'itllpos-
sibilité, et (Iuitta brusquement Jfadrid eLl'Espl1gne.
L'ostracisme volontaire est de toute:-; les institu-
tions espDgnolcs la lllicux duLlie l't la plus appré-
ciée de tous lés partís. L'ol)inion publique, (lui est
indulgente, se contente de ceUe expiation que le
coupable s'impose a lui-ml~llle ; elle n'cxige puint
qu'il purge sa contlllnacc. 11 n' est pas en Espagne
d'homme politique qui n'ait eu des lllésavenlllres,
et qlli apres un écllec n'ait Jisparu fmti\-cll1ent;
il donnait ain3i au malheur le temps de l'ollblier.


M. Pi Y Margall se chargea de la tücl1e ardue que
déclinaient tous ses collegues. 11 était le camlidat
désigné des illusions (lui l'égnaient eucore, et ue l'é-
meute qui grondait aux purtes Llll congrl's. 11 expúsa
son plan Lle canduite en ces termes: pulitilllte Je
défiance Oll d'llostilité a rt~g~lnl lles anciens partis,
politillue de conciliation entre tuutcs les t'ractions




L'ESPAG:\'E POLITl(~CE 237


du parti n"[1uhlicain f0dl:~ralistl' . .hmais IJl'ogramme
ne fut plus chiltlérique, Quel accord 11Ouvait,'on
établir entre les admirateurs sinceres des États-
Gnis et les énergumenes qui considéraient l'anar-
chic comme la plus glorieuse des institutions, entre
les partisans d'un gouvernement fo1't ct sérieux et
les apatres de l'émeute, entre ceux qui demiwdaient
le rét'ablissement de la discipline militaire et ceux
qui entonn:üent des bymmes (( la sainte indisci-
pline et proclamaient l' Ulllonomie clu soldat~) Autant
valait 1'6\'er C2t üge d'or -(e Oil le narcisse fleurissait
~ur les ~tUlnes, oü le loup paissait avec les brebis. y¡


Tres-intolérant avec les uns, trcs-accommodant
avec les autre~, M. Pi rejetait lle la sainte alliance
tous les nouveaux convertís qui avaient contracté
avec la répl1blique un mariage de raison ; il Y souf-
frait tous les fous et tous les bateleurs de la veille,
(lu jour et du lcndemain. La communauté qu'il
youlait éta])lir l'eposait sur un mot, que chacun
comprcnait a Sil fcu¿on. Passe encore s'il eut pro-
mulgué dcux dócrets portant l'un que tout Espa~
gnol était tcnu sous peine de la vie de se dire fé ..
déraliste, l'autre que SOL1S peine de mort il lui était
cléfemlu d'expliquel' ce qu'íl entenchit par la. Ca~
l'LICtere pUI', esprit distingué, ~I. Pi appartient) dit-
on, ~t la race des seclaires flegm:ltiques, seule es"'




238 L'ESP.A.GNE PULLTl(~UE


pece d'hommes qui soient incapables ue ~e rendre
a l'éyidence. Sourd aux obje~tions eornme aux 1e-
<;on5 des événement5, il ne s'érnouvait de rien; son
sourire et sa logique possédaient les secrets de
l'avenir. Ses mlversaires, modifiant un peu les
termes de son programme, le formulaient ainsi :
défiance a l'endroit des hommes d'orul'c, complai-
sance a l'égard des hommes de désordre.


Le nouveau chef du pouvoir exécutif avait pris
ses ministres moitié clans la droitc, 1110itié clans la
gauche de la chambre. Ce rninbt(\.re dait incapuJJle
de rien décider, faute ele s'entendrc sur rien; clwrgé
de montrer son chemin aux corte;:;, il étai t lui-memo
occupé a le cherche!'. 1\1. Pi employait la rneillcurc
partie de son temps a con~iller ses auxiliaires; il
leur remontrait vainement qu'ils ayaient le;:; memes
principes, que leur::; mésintelligences ne portaient
que sur des détails. Le moyen de mettre d'accord
des médecins appelés au chevet cl'un mouranl,
quand les uns ·soutiennent que sans les grands re-
mede::; il ne passera ras la nuit, et les autres qu'il
n'a rien a craindre, que ::;a maladie est un exces de
santé ? Ses heures de 10isir, ~I. Pi les consucrait a
parlementer avec les clubs, leur precbant la dou-
ceu!', la paLicnce ot la l8galiL8. HIle [Jou\'aiL oL·terür
de:::; conce:::;:-:.ioIls <IU' 011 en fai:::iant lui-meme ; on as-




L'i:~¡>.\G~E POLITHJeE 2o\)
~\ll'ait ~t la vérité (lU'il en fais~tit plus qu'il n'en obte-
n;llt, ([Lte l\;mpirc qu'il ~e Hattait J'exercer sur les
LC;r\~eallX hrúlés était imagillaire. On citait le mot
fameux : ( Il Lmt bien que je les suive, puisque je
:::LtiS leur chef. )) On l'accusait aussi de faire plus
d\lvances aux méchants qu'aux gens de bicu. Il
~e disait sans doute : « Les honnetes gens airnent
mieux avoir un güuvernement qui leur déplalt que
üe n'en point avoir clu lout, je peux compter sur
eux; mais les autrcs qui Jésil'ent n'en point avoi1',
1UtJn ;)UcC(~S sera grand si je réussis ti, leur per-
suadel' qu'it en faut un peu. » Personne ne s'abusait
rnoins que lui sur les projets L1e l'Internationale ; il
se multipliait I)Our l'amcner a résipiscence. Dans
1;.). contréQ de Mossoul, prcs dLl Tigre) babitent les
YI:'zicles, peup1ade kounle tres-détestée des isla-
lides. lb l1assent pour ne pratiquer en fait de culte
que l'adoration du dÍ<.wle. « Pourquoi, disent-ils,
llOUS mettre en peine d'obtonir les bonnes graces
d' un Dieu tout bon et tout prévoyant? celuí qu'il
faut fléchir, c'est le méchant, c'est l'enllemi. J)


On :l calol11uié les intelltion~.; de .i\I. Pi en préten-
dant qu'il :lvait soumé le feu dans l'And:llousie et
favol'isé EOUS main l'insurt'ection cLlntonaliste. Les
intrarl:::iigents :lyaienL f:liL de llombroux efforts pour
le gagner a leu!';:; iJées el lui 1'aire <.tgréer leurs




240 L'ESP",,\G:\E POLITHJUE
moyens; il a opposó Ü leur::; tentati\·es une rósi:-:.-
tance qu'on a 1m trOlwer un peu molle, mais qui
ne s'est jamais démentie. Il s'cst toujours prononcé
pour les moycns légaux; il voulait l'ol'llre, mais il
le voulait ü sa maniere, et il avait le to1't de croire
ü la vertu toute-puissantc des bons avis et de la
persuasion. On a rencontré plus jnste en qualiflant
son administration de [JoHverHcmcnt de mission-
nai'l'es. Convaincu qu'on ne g~\~'ne rien sur les pas-
sions en les heurtant de front, il nógociait ayec les
cantonalistes et leur faisait porte1' ses conseiLi par
des ambassadeurs d'un caractc're doux et liant, qui
a \'aient orc:lrc de revetír de formes ilatteuscs la
morale austero q u'ils prechaient. Ce:3 por:3onnages
agréables, pel'sonw grCitLe, lui sembbient plus pro~
pres a ramener les fanatiques. Il y a quelque chose
de spécieux dans cette mdllOde de faire guérir les
fous acheyés par de:3 dcmi-fuus, quí ont des inte1'-
valles lucides. 11s connai:3sent par lcur cxpóricncc
personnelle la maladie qu'ils S011t appel('s a traiter)
et la sympathie qu'ils tórnoigncnt aux maJades c:eL
faite pour toucher leul' cmur ; rnais il faut se c1éficl'
des rechutes. Tcl agent, tcl gouverneur civil dó-
peché par M. Pi en Andalou~ie ou en ~Iurcjc, 0.['1'0:3
avoir longtemp::i raisonné avcc l'étllcute, ont jug l:'
a propos de se meítre a sa tete ¡JOUl' lt1udél'Cf L)




241


mouvement, comrno ils lo disaient. Les mission-
n;tires n'ont pas converti les sauvages ; ce sont les
saurag-es qui ont convertí les missionnaires.


L'insurrection ne tarda pas a écbter. Elle débuta
par les troub1es d'Alcoy, ville de 16,000 ames,
;;;itu(;e entro Alicante et Jativa, et ¡'un des centres
manufacturiers uu mil1Í. Ces scenes de uésordre,
~luxquelles l'Jntel'nationale imprima son caractero,
uonn¿'rent lieu a d'horribles exces dont l'Espagne
fut épouvantúc. A la suite d'une greve d'ou\Tiers et
de la llomillllliollll'une jUllte n:~voJulionnaire, l'h0tel
de ville fLlt pl'i~ d'assaut, les c011seil10rs municipaux:
jetés pUl' Jns fenetl'es et lllassacrés. Le gouYerne-
ment chargca le génl~ral Velarlle d'occuper la ville
et c1\ rdablir l'ordre; on lui commanda aussi de
n\'11("r01' aUCl1l1e arre4ation, ele ne point recher~
eller les auteurs de ces sanglantes saturnales.


Le lJJ'anle ~t\'ait été elonné. Bientót Séville, Cadix,
r;renade, CUl'llOlle, Yalence, u'autros villes encore,
procJamL'rcllt léur inut."penuanee et forrncrent cha-
cune un j;:tat dans l' ';:tat. Los functionnail'os nommés
par JI. Pi lircnt la 1,lupal't acte cl'impuissance au
!le COIl1l'licilé. Les U!1;'-:, sous pl'étexte ele concilia-
tion) conSclitaienl U retirer les troupes des COIll-
rllllnes insurgées; d'autres assistaient impassilJles
~I.UX s(~Yices C'xcrc('s par uno popul:lce en démence


16




242 L'ESP",\GNE POLITIQOE
contre une poignée de carahiniers et de ¡::·::u·¡J(~S
civil s esclaves de lcu1' dcvoir. Les gOllvernellrs ele
Cadix et de Cordoue ne se frrent pas scrupule de
présider des comités et des juntes cantonales; le
gouverneur d' Alicante déserta son poste. On put
craindre que le mal, gagnant de prúehe en proc}¡e,
n'envahit toutes les provinces, que les plans lle
l'Internationale ne fussent sur lc point de s'accom-
plir, et que l'Espagne, menacée d'une llécomposi-
tion putride, n'offrit plus aux regarlls de l'Europe
étonnl~e que l'assembbge confus de quelques mil-
liers de lllunicipes autOllúlllCS régis par la violen ce
et administrés par le pillage. Les oiseaux de proie
étaient contents; le plus mince épervier se ilattait
d:attrape1' son lopin, apres que les faucons se ~e­
raient servis. Quiconque ne se sentait ni faucon ni
épervier avait le CCBur pesant, se demandant ayec
inquiétude quand viendrait son tour d'ótre l!1an6L'.
Les philosophes se frottaient les yeux : une grande
nation semblait prétc a se llissúudre en Ulle pous-
siere d'hommes et a s'évanouir comme un son~!).
On avait tort de désespé1'er; pour conjurer le fléau,
il suffisait d'un homme qui sut vouloir.


Le 19 j uillet, M. Hios Rosas s'écriait au congrl~s :
« Nous regardons comme juste et naturel que le
gouvernement représente les illées, les opinions. d




L'ESP,\GXE POLTTIQUE 2"')
'/:'-'


meme les pré.iugé~ (lu parti républieain. Dieu nous
garde de vous Llemanuer d'étre infideles a vos
principes; mais vous avez ¡Jes devoirs a remplir
envers nous. Si, dans le régime parlementaire, les
ministres procedent eles llliljorités et s'inspirent de
leur esprit, ils doivent tenir compte aussi des droits
et des inténjts de la nation. En éehange de l'appui
que nous vous avons preté hier et que nous vous
preterons demain, nousne vous demandons qu'une
chose, c'est de gOllverner. Je répete avee insis-
Llllce que nons espérons que vous gouvernerez,
paree fIU';) mon avis, Llepuis ]e 11 février, la répu-
blique ~)est donné un gou\'ernement qui ne lui a
pas faít l'honneur de la gouverner. »


L'éloquent orateur était l'interprete du senti-
ment public, que la gravité du péril avait réveillé.
Les 110nnetes gens de tous les partis s'indignaient
ele voir les héros uu cantonalisme, condottieri sans
principes', véritables chevaliers d'industrie de la
politiquc, procurer au due de Madrid la seule
c})ance qu'il eut de vainere, et préparer par l'anar-
chie l'inéyitable triomphe dll despotisme. Ils s'in-
llignaient plus eneore de 1'apathie des autorités, de
leurs complaisanees semblables a des trahisons,
eles incessants défis portés it la 10í dont personne
11e vengeait les injures, et du scandale de cer-




L'ESPAG~E POLITIQ1:E
taines impunités qui encouragcllient tous les crimes
et anéantissaient la justice. Le ministere 6to.it en
pleine crise. On put croire que, détrompé par l'ex-
périence, 1\I. Pi renoncerait ü sa politique résolu-
ment indécisc, qu'il formerait un cabinet homo-
gene, choisi tout entie1' parmi les républicains
modérés. Il n'en fit rien; ancré dans ses idécs
eomme dans ses ~unitiés, il persistait a machiner
des fusions aussi cllirnériques et aU::isi périlleuscs
que eelle qu' ont tentée des monarchistes dans un
autre pays. Les journaux d'opposition le compa-
raient au somnambule qui reve, les yeux ouverts,
sur le bord d'un abime, a l'astrologue Je la fable
qui, le regard fixé sur son étoi1e po1aire, n'apcr-
Qoit pas le puits qui l'atlend. Les puits finjs~ent
toujours par avoir raison des astrologues. JI. Pi
tomba, fort Je 5a eonscienc:e, [lui ne lui rellfochait
rien; mais un homme politique ost tenu Je s'occu-
per un peu de la eOl1seience des autres.


On respira quand on entenJit son successeur,
M. Salmeron, d6clare1' hautement qu'il se eonso.-
ererait tout entier au rétablissement de l'onlrc
publie, et qu'on le vit aussitót confirmer ses pro-
messes par des actes de vigueur. Si faibles que
fussent les ressourees dont il disposait, elle;:; lui
suffi1'ent pour frapper Jes coups l1éci::;i[;, Quelque:-:;




L'ESPAGNE POLITIQUE 245
régiments conduits par le général Pavia s' empare-
rent de vive force de Séville, OU les factieux avaient
eu le loisir de se fortifler. Peu s'en fallut que la
merveilleuse cité ne payút chcrement la défaite de
sa eommUlle. L'indomptahle élan du soldat ne
laissa pas au pétrole le temps de eonsommer son
ceuvre: l' Espagne tressaillit de joie en reconnais-
sant son armée. Ce premier succes entraina la
reddition de Cadix, de Cordoue, de Grenade, de
l\Ialaga, de Valen ce. L'insurrection fut resserrée
c1ans Carthagt~ne, oü le général Contreras avait
établi sa dictature, et qui exigeait un siége en
l't'gle. La ville des Seipions, avec ses fortifications,
son arsenal) son pare d'artillerie, sa rade magni-
fique dans laquelle, comme on l'a dit, deux tIottes
pourraient se livrer une bataille a huis-clos, devait
rester longtemps au pouvoír des cantonalistes, et
infliger a l'Esllagne cette humiliation supreme de
\'oir ses ]lútiments ele guerre convertis en pirates
et manCDllvrés par des for<;ats.


Cependant, aprcs cet l1eureux début, M. Sal~
meron résigna tont u coup ses pouvoirs, cédant a
d'honoraLles scrupules qui méritent el'étre notés.
Le sang d'Alcoy criajt. L'opinion ne réclamait pas
seulement des mesures énergiques cont1'e les en-
ncmi::i de n;~tat; elle cxigCilit qu'aprl's la yictoi1'e




246 L'ESP_AG~E P()LITH~C l~
on en finit avec le ~ystel1le de:-> nl(~nagements et
des a,mnisties, que lüs coupalJles fu~sent chútiés
sans merci, les chef::; surtout, et ces meneurs qui
font exécuter leur ceuvre ele ténebres par cl'aveu-
gles instruments,


Et se sauvent dans l'ombre en pOllssant l'assassin.


Les généraux déclaraient ne pouvoir répondre de
l'ordre et de 1:1 discipline que si Otl le::; autorisait ü
faire un exemple déS soldats et des officiers (lLÜ
avail'nt cléshonol'é lcur unii'ortlle en s'enrólant dan::;
l'émeute. I1s solliGitaient le gouverllellletlt d'as:-;ul'<.:r
un libre cours ü la justice et leur cntiere exéeution
aux a1'ret5 des trilmnaux rnilitair~s. NI. Salmeron
avait combattu la peine de mort, il en avaiL pour-
suivi l'abolition. Il ne voulut ni dt:mentir ses prin-·
cipes, ni énerver le pouvoir en :->e refusant a de:->
rigueurs qu'il jugeait lui-meme nécessaires. Il
échangea la présiclencc du con::;eil contre celle eles
cortes, promettant a son successeur un calleo U 1':::;
loyal et empressé.


M. Castelar le rernpla<;a; il arrivait a son heur'e.
Sa politique, longtemps traversée par le fanatisme
de son parti et par le malheur des circonstances,
avait pou!' elle le vmu natiollal, I'espérance des
gens de bielJ, le l'cpüntir de plus .u'U]) révululiün-




~47


naire Llétl'ompé; elle pouvait seule défendre contre
ses proprcs fautes la république compromise et
déconsiclérée. Des le :30 juillet, ii s'étaít écrié avec
un gérH;reux courage, C(ui fut laxó cl'imprudence :
( Je clésire que la république soit fondée par les
ré'publicains; maís je d(~sire aussi qu'elle. se fortifie
en eml1runtant aux pal'tis conservateurs cet esprit
de gouvernemcn t grace auquel ils nous ont si sou-
vent vaincus et éliminés de la vie publique dans
toute l'Europe. N'étes-vous pas frappés de ce phé-
lJOlYlenC, messieurs Jes députés '? Les partis avan-
L(',S, auxqucls IlOUS HOUS faisons gloire d'appal'-
Unir, sont des météores fugitifs et disparaissants. Ils
régnent fluelques mois en !talie, ü Vienne, ü Franc-
t'ort, un an a peine en Franco, quelque temps en
E~pagne, et s'évanouissent tout a coup, pareils a
une comete sanglante, chassés non par leurs enne-
HlJS, mais p~lr leurs pl'opres passions, par leUl'5
cr¡'(~urs, par lcuI' intempérance et surtout par
leurs fatales cntl'c[1rlses contre eux-memes. -
:\uus ;:mtres, rópllblicains, poursuivait-il, nous te-
nons uu prophótc plus que <Iu politique, l'idéal
nous est chef? et nOllS méprisons l'expérience;
nous embrassolls clu rcganllc vaste ciel de la pensée
et nous tornIJOI]:; misél'aLlemcllt dan::; la premiere
Culldricrc qui se lrouye sur llotre chemin. Il en




248 L'ESPAGNE POL1TfQUE
résulte que HOUS laissons aux enncmis eles partis
progressifs l'honncul' ele fomler les idi"os progres-
sives, comme le juif s~\int Paul ronda le christia-
nisme, comme le monarchistc \Va::-hingt0n fonda
la république de l'Arn6riquo du Norel. Tout ce que
nous avons conQu et annoncé, ce :::ont les conser-
vateurs qui l' ont r(',-11is6. Qui a proclamé l'aUran-
chissement ele la nation hongroise? Un républi-
c0.in, Kossuth. Qui l'a r6alisé? Un consc'rvateur,
Deak. Qui a demandé l'abolitio!l clu servagc en
Hussie? Des républicains. Qui l'a r('a1ist~e ? Un em-
pereur. Qui a reré et préché l'unité italicnne? Un
républicain, Mazzini. Qui l'a cré(le Y Un conserva-
teur, Ca\·our. Qui a projet6 de reunir l'Allemagne
en corps de nation'l Les républicains ele Francfort.
Qui a fait ce qu'ils n'avaient pas su faire? Un impé-
rialiste, un césaricn, lo prinee ele Disrnarck. Qui él
réveillé l'ielée républicaine troi:-; fois étoum~e 811
Franee? Des poCtes et des oratcurs. Qui 1'a con-
solidée et 'mise ü l'abri des C1)UP::; d'État comma
des cOél.litions monarchiqucs '? 1.' n conservateur,
M. Thiers. :Ne cl61t18ntirons-nous jamais ceUe loí
de l'histoire, et pensez-vous nOLlS rélla]Jiliter par
votre folie, par vos cantons, par YOS soulévements
militaires, par votrc d¡"magogic pr(\toricnno s:ms
nom, s!J.ns titre et sans responsalJilitó? Non) n'at,




24Q
tencJez de ces eriminelles démences que la destruc-
tion prochaine et l'irrémissilJle déshonneur de la
république. »)


Le 8 septemlJrc, quand iI prit possession de la
pl'ésicJence du pouvoir exécutif, le tribun assagi
répéta en les forLiflant les memes déclaratíons. «Je
vous le dis franchement, s'écria-t-il, vous livrez la
démocratie ü son pI us mortel ennemi, a cette dé-
magogie qui conspire éternellement dans l' ombre,
qui n'a (Iue eles appétits et lloint d'idées, et, olJ6is-
sant a des insLincb pervers, enseigne au peuple la
Yengeance quaml il ne c10it vouloir qLle la justice,
- a ceUe démagogie enfin fluí répafld dans 1'aír la
torreur sociale et pr0te aux césars ses épa1lles pour
les his5er au pouvoir. Voilil ce que naus réprouvons
de toutes nos forces, voila ce que nous combattrons
avec toute la vigueur de notre caractere et toute
l'énergíe de notre antorité ... Oui, nous tenons a
proU\"er (Iue la vraie démocratie n'ost pas seule-
ment la libcrll~, qu'clle est aus3i l'onlre et la justice,
qu'elle n'e3t pas seulement le droit, qu'elle est l'au-
torité. Telle est notre amlJition; nous aspirons a
convertir le parti républicain en un parti de gou-
ve1'nement. »


En ce qui touchait le rét:lblissement du code
militaire, l'aratenr ::;'exprírnait sur ce point ctéljC"r




L'E~PAGNE POLITIQUE
avec une noble franchise, non sans rendre horn-
mage aux scrupules de son prétlécesseur. « La
suppression de l'échafaud, disait-il, est un de nos
principes; mais il n'est pas de république au
monde, y compris la Suisse, qui admette qu'une
armée puisse subsister sans discipline, et qui n'ait
écrit dans son code militaire, comme sanetioll su-
préme, la peine de mort. )) Et I'ai::;ant allusion a de
déplorables incidents qui s' 6taient passés en Cata-
logne et ailleurs : « Est-il possible de soufl'rir, con-
tinuait-il, que des convois rcstent en fOute, que
des officiers se voient contraints d'abandonncl'
leurs régiments, que des soldats crient irnpuné-
ment : a bas les galons! que des fusils soient livrés
aux carlistes, que ceux qui répondent de l'ordre
pillent et maraudent, que Cabrinety meure parce
qu'un cornette a plus d'autorité que lui sur ses
bataillons'? Pouvons-nous tolére1' de teb désordres
un jour de plus, et voulons-nous laisser croire a
rEurope que la société espagnole est revenue ü
l' état sauvage, qu'elle a proclamé ]a république
pour se donner un vernis de civilísation, mais
qu'elle conserve au fond de ses entrailles tous les
germes de la barbarie '! Non, je ne puis ni ne dois
y consentir. Accusez-moi d'illconséquencc; .ie vous
laisserai dire et ne me JéfenJrai puint. Ai-je le droit




L'E:SPAG);,E POLITl(¿UB 251
de ~auver ~l tout prix ma réputation et de la pré-
f¿rer au salut de mon pay~? Que TIlon nom périsse!
que la posLéritó me crie anathem8! que la généra-
tíon présente me mette au ban ou me condamne a
l' exil! peu m'importe, j' ai a:ssez vécu; mais qUé la
république ne se perde pas par ma fa~blesse, et
surtout, messieurs, que personne ne puisse di re
que la patrie a póri dans nos mains! »)


Schiller disaít : C'est par religion que je ne pro-
L'~,-;se plus aucune religion. 1\1. Ca~telar pouvait (JJ.
léguer une convictioll supérieure pou!' justifier son
iniiciélité u ~e's convictiull.:-i. On peut sans honte
cl11.Íurer ou ajourner une utopie; cclui-lú seul se
d(~:.:ltonore qui renie la liberté apres l'avoir connue,
cal' elle seule e::3t un prinGipe, et il n'y a point de
reCúUfS contre les principes) point d'excuse pour
(tui les tl'ahit.Les accents érüus d'un honnete
llUll1me éloqucnL triOlllphurent de toutes les objec-
tions dl'S cortl',S. L'émeute n'était plus la maitresse
ue "Madrid, et les casquettes rouges apprenaient a
l'upecter la garele civile. Les clubs se trouvaient
réLluits a l'impuissance, non par des lois coerci-
tives, mais par le discrédit profond qu'avaient at-
tiré sur eux leurs dóclamations et leurs violences.
~\l. CLl~tel:lr fi 1, ses cOlldi LÍom, il son partí, et son
lld l'tl les acce p la.




232 L'ESPAG~E POLITHJUE


La mise en vigueur de IJ loi lle sCtreté publiqlle,
l'application rigoureuse elu code militaire, le regle·
ment immédiat de la question des artilleurs a l'a-
vantage des lJarties lésées, les commandemenb
confiés a des généraux de toutes les opinions et le
mérite obtenant le paeS sur le zele intéressé, les
corps de volontaires réorganis6s ou dissous et l'ap-
pel de toutes les réserves, les délnts sur le projet
ele constitution indéfiniment ajournés, les cortes
prorogées jusqu'en janvicr prochain, tel était le
programme du nouveau minist6r8. Les cortes en-
trerent en vacan ces aprbs avoir nommé une com-
mission permanente qui) pr6sidée par .\1. SLdmeron,
n'a point mis d'entraves :1 la liberté d'action ciu
pouvoir exécutif. L'Espagne vit pour la premiel'e
fois se faire une éclaircie clans son ciclo La logique
des écoles est une elangereuse maltl'esse de la vis
humaine, les dogmatiques et les infaillibles 80nt Lt
peste des nations; elles trcssel'aient volonticl'::i de.~
couronn8s ':1 qui se laisse arracher IJar l'expéricnce
« cet aren d'avoir failli qU! coC¡le tallt a rwtrc) 01'-
gueil. » Si la république espag,:ole nt encore, c'est
une inCOllS(;quence qui 1'a saurée.




L'ESPAGNE POLITIQUE


lB


Le gouyernement que l'Espagne s'est donné le
8 sepiemlJre s'csllrouy(~ aux pl'ises U\'CC une túcho
aussi laborieuse rt u' elfrayante. Six moi s el' anafchie
et de licence avaicnt faussé ou démonté tous les
reSSOl'ts de l'I~;tat. Le mal était si grand qu'on po u-
vait se demanuer ::úl n'était pas sans remeue. La
pc.litíque inaugurée l'ar~l. Castelar a remporté
d'emblée deux avantages. Pour ranimer dans le
soidat le sentiment ue l'honneur et le respect de la
diseipline, il a suffl ue quelques tristes rigueurs
command(~es [letr les circonstances, de la nomina-
tion de quelques (~hefs expérimentés et conscien-
cieux, tels clue le général Turon, chargé de réor-
g'J.niscr l'armée de Catalogne. En meme temps, il
s· opérait comme une détente subite dans les in-
quiétudes et dans les passions. Par l'entremise de
leurs caudillos, rcvenus d'exil, les partis décréte-
rent une trevc et promirent leur appui au ministere
dans son CBuvre de réparation. L'état moral du
pays s'est amélioré, sans que le gouyerncment ait
abusé des pleins pouvoirs que lui avaient ,'otés les
CO¡-! l'S. U n'a prohibé que les appels Lt la violencA
'y--=.'~ "
~ .. '


. ,




254 L'ESPAGNE POL1TIQUE
et les commentaircs indiscrets ou malveillants su!'
les opératiolls des généraux dans le nord; mai::; iI
a respecté scrupuleusement le droit (le réunion et
d'association, et poussé les égards pour la liberté
de la presse jusqu'a luí perrnettre de glorifier don
Carlos ou d'émettre des VCBUX pour l'avénement
d' Alphonse XII. Jamais dictature ne fut si li1Jéra18 ;
comme l"a dit 1Ime de StaeJ, « on n'a point recours
au despotisme quand on a pour soi l' opinion. »


Le gouvernement de la république espagnole
avait déja beaucoup 1'aít, jI luí restait encore da-
vantage il faire. Ol! qu'iJ llortttt ses reganls, il aper-
cevait des ennemis a comhattre, S3ns pa1'ler des
cuisants soucis que lui donnait Cuba, dont la rt~volte
s'éternise et que convoite un puissant voisin. La
capture d'un b<ltiment flibusticr qui arborait le pa-
villon des États-Ullis men;:u;¡a Ü\ljouter de nouvelles
difilcultés a toutos celles que uepui;; longtemps
suscite ü la, mere-patrie la reine des Antillc:" .. La
sagesse du cabinet de vVashin!..!ton et du st'~J)at
- v '


américain a donné il cette querelle un pacifique
dénoument. Sans contredit, l'Espagne anit ele
bonnes raisons a fai1'e va10i1'; mais, quanu on 11'0.
pas les bras lilJres, a-t-on le (Ifoit u'avoir raisoll ?
Castillans ou Al1l1alous, i1 c~t des Espa~nlOb (}ont
l'intrépide conüal1ce attend ue toutes les disgraccs




L'ESPAGNE POLITIQUE 2:;::;
des conséqucnces favorables; leur optimisme bat
monnaie avec leurs malheurs. On en connait, par
exemple, qui regarderaient la banqueroute Cl/mme
un bienfait, parce que les capitalistes, refusant dé-
sormais lenr argcnt a un gouvernement insolvable,
le reporteraient dans les entreprises agr.icoles et in-
elustrielles qui chóment faute ele capitaux. D'autres
ne craignent [las d'affirrner qu'une guerre entre leur
pays et la républi<lue étoilée aurait cet heureux ré-
sultat ue mettre un terme aux divisions des partis,
ele les réunir tou:..; dans un commun enthousiasme.
Ce serait acheter bien cher un avantage tres-pré-
caire et tres-incel'taill. La Péninsule suffit a l'acti-
vité de son gouvernement. Si le cantonalisme a
rendu les armes, on n'a pu jusqu'a ce jour repren-
cIre une oil'ensive énergique contre les carlistes,
ni remportel' sur eu:;. que des victoires stériles,
qui manqucnt ue souflle. A Los Arcos comme a
Puente-Ja-Heina le O'énéral Moriones a vaincu'
. . 'u ,. ,


eleux 1'ois ses soluats ont enlevó les positions de
l' ennemi, deux fois, faute de ressources suffisantes,
il n'a pu pour::iuivre ses avantages. Ceu:;. qui lui ont
reproché la lellteur et l'inutilité ue ses succes ou-
bliaient le temps qui est nécessaire, non-seulement
pour rf;unir les réserves, mais pour les équiper et
les exerecr. L'Espagne est un pays ou les espé-




2tJ6 L'ESPAG""E POLlTICJUE


rances des hommes sont aussi impatíentes que la
résístance des choses est opiniútro.


Les pessimistes assurent qu'en reconstituant rar~
mée le gouvernement [ait une CBU\Te qui le trompe,
qu'il se prépare de redoutables c1iflieultt~s. Ils pré-
voient que, la guerre finie, le solLbt appartiendra
aux ehefs qui luí auront appris a vainere, el que
l'épée d'un eapitaine heureux disposera des desti-
nées de l'K~pagne. On l'C'plique a cela que les tcmps
et l'esprit du soldat 50nt clwngés, que 1'ere des
pronullciamientos est elose. Cest ~l l'órénement de
déeider entre ces prévisions eOlltraires. ( Vous nous
aecuserez, disait ~I. Castelar, d'avoir pen d'instinct
de conservation. Je vous f('l110mlrai que nous subis-
sons la loí de la nécessit(~, (Iue, malgn', les exel1l-
pIes nefastes que nous fournit notre lilstoire, jo
erois ü la parole d'honneur des généraLlx esp~1gnols,
que depuis la révolution de septcrubre, e'cst-it-l1ire
pendant cinq annees, les insurrecLion;-; l1lilitaires
ont eté l'pargnées a l'Espagne, qu'cnfin il n'y a pas
d'épée si tranchante, 1li de eonj urations si bien
ourdies qu'elles puissent mettre en Llang'er la n'\pu~
blique et l'altaehement que lui unt \'OL1~ nos sol-
dats. A u surplus, danger pour dangcl', s'il en est
un qui nous menaee, j'aimc mieux Iju'on m'accusc
d'avoir trop prl'sumé de la loyautl~ do calJulleí'1J8




L'ESPAGNE POLITIQUE
espagnols que si OH me roproclwit d'avoir laissé
don Carlos s'avancer jusqu'aux portes de ~Ia­
drid. »


lIalheureusernent d'autres pL\rils plL1S certains
menucent l'aveniL' de la r'épublillue. L'un des plus
graves est la situatioll financiere, si inquiétante
pOUl' les Espagnols ot ellcore plus pou!' leurs créan-
ejers. Tous les partis en sont égalelllcnt respon-
sables, ils ont travaillé tous ü elllpirer le mal. De-
rnIis rIual'ante ans qu'i1s SD succedont au pouvoir,
ib se sont apIJliqué...; ü grcH~r lle 110m-elles chargcs
et de llom-oaux embarT;l"'; lo patl'i moine COnl promis
dont ils avaienL ll('\l'ité, L'Esl)agno, qui a tant de
vertus brillantes, n'a pus eelle;:; (fui font prospérer
ll~s ménages. Elle n'a jalllais su í'l:~gler ses bosoins
.",ut' ses revenus, elle a toujour.3 dilapidó ses re3-
sources. Elle prOLluiL ele;:; politilllles et des géné-
rallx; ce qui lui a manCIllé, ce sont des administra-
teurs et un ministre llcs ílnanccs qui joignit un
pon de génie ü beaucoup de caracLcre. Phili ppe Il
\-i,·ait cl.éjü Ll'exp0dients, tout lo monde aprcs lui
a jugé hon ele se conformer ü son cxemple.


L'Espagne en e::it arri vée ~t co point (Iue sa situa-
tion poli tique luí pel'met dif1icilcmcnt d'asscoir
dyeC sueces de 110U \-caux imp()ts, et que l'état de
SOIl cr0l1it lui lai::iso pCll Lle cbanccs ele contractcr


17




L'ESPAG~E POLITIQUE
ele nouveaux emprunts. « Depuis 10ngtemps, écri-
yait- on naguere, le tréso1' ('st écrasé par une deHe
tlottante qui augmente il"ec les embarras journa-
liers; depuís longtemps, le hudget se solde par un
énorme déficit qui consume nos ressources et tue
notre crédit; dermis 10ngtem11s enfin, l'administra-
tíon, sujettei:t toutes les instabilités de la politique
et rongée par le cancel' de l'empleomania, ne sait
ni administrer ses re\'enus, ni accroitre ceux.
qu'elle possede, ni s'en créer de nouveaux. On 1'e-
cou1't i:t l'ell1prunt, et on consolide la dette flot-
tante; mais les intérets de la elette consolíc1ée dé-
truisent de nouveau l'équilibre du bmlget, de telle
sorte que la eleHe 1l0ttante créée par le déficit en-
gendre a son tour un nouveau üéficit plus consi-
d("rable encore. SUl'viennent les crises politiques
<lui augmentent le taux de l'intéret, et tous ces ac-
cidents s'enchainent les uns aux autros comme les
termes d'une progression croissante, au bout de
laquelle 6st la ruine 1. »


Cependant, si critique que 501t la situation) illle
f:lUdr~üt pas la juger sur le cours actuel de la rente
et des fonds espagnols; comme on 1'a remarqué)
il indique J110ins l'im:uffisance de l'hypotheque na-


'1. JI(mi/ic[(o del ]Jw'¡i(!o rCjJuúliuwo-delilocr(llico á 1(/
11((C/Uil.




L'E~PAG~E P( )LlTl<JUE
ticnale que la crainte ele yoir ané\antir cette hypo-
tlleque. On appréhenele que, l'Espagne se décom-
posant en cantons, les pro\'inces autonomes ne
gQrdent pour elles leurs forets, lcurs mines, leurs
salines, leurs routes et toutes les richesses renfe1'-
mées dans leur territoire, qu'elles ne contestent ü
l'f:tat S0S cl1'oits et que l'unité financiere ne se
rompe. L'Espagne pour1'ait clire aux chefs de son
Jrmée : Faitcs-moi de bonne stratégie, et je YOUS
ferai de bonne:-i ílnances. Les génl'1'aux (lui com-
battcnt don C:lrlo:, tienncnt dans Ieufs rnains les
ucstinées llu trl'~or et de la bourse lle :Jlallrid. Que
les cl'éanciers de l'Espagne soient assurés que les
ressources de l' Ét.at ne se1'ont plus dévorées par le
lJudget de la guene et (IU 'ü sera libre de les con-
s~.l.crcr Ü l'ex("cution de ses cngagemcnts; que le
travail rCllaissc :,vcc la sécurité; que le commer-
(~~lnt ne soit ld I]S cxposé ~l yoir ses marchanelises
retenUC:-3 IJCnÜLl1lt Llcs ll10is lbns (luGlque gare sans
p'Juvoir franc\;ir h's ligncs carlistcs; alors on
pCJurra l1en;:íCl' Ü cunj uro!' la b::mllueroute et amen-
Llcr un état (le ¡lcllli-faillitc, qui pour le moment
c1cmeure :;an3 rcm0de. Le: lllallJCur cst (1 ue, pOUl'
t'cúre de lJOllnc :str;lté\gic et pour en íillir avec
](~ cad isme, il hut aV0it' lk rargcmt, pllisqu'il
c:-'t le nc:1'1' ele la ¿lF~rrc. Td cst le cercle vicieux




2CU L'ESPAGXE POLITIQCE
oü ~3e üé~bo.t le gouycrnement ele lo. républicIue.


Vn o.utre danger l'o.ttend 1• QuanLllcs cortes au-
l'ont repris leurs séances) les CIllestions politiques,
sacrifiées ponr un temps, s'imposeront de nouyeau.
Il faudra constituer l'Esp]gne, fixcI' le régime sous
lequel elle doit Vi\Te. QL1elques o.rgurnents qu'on
PUiS:38 pré:3cnter ü lo. clécho.rgc de b répllblique
fécll~r<üe, les faits ont 1)0.1'1(', et toute doctrine est
jugée sur :3es conSC)(l11Cnces. L'E:3p~lgne sait (Iu'elle;
a failli périr. Cctte Isis mystéJ'iC'll:3c, cp1i lui p1'o-
lIlettait la ;l;}ix et 1(; sel111t, 0~ déi~hiJ'~:' ses yoilcs; elle
lui est clpparuc :-;OllS les Irait:-> (l'ulle c1i\'inité farou-
che et pillardc. L'Espagne ll'oul11icra l1as cctte o.p-
parition, ni son mécomptc, ni son (~pouYJ.nte. Il
est des mots qu'elle ne peut plus cntcnd1'e sans
frémir; elle fermera la houche ü ses triLn1lls en
leul' répétant ce qui fut <lit jaclis ü un J.vocat cé-
lebre : (( Les me-dhcUfS n~\isscnt sou:'; YuS rJaroles. ))
Pel'mis ü un chimistc ílui ~~c li\TC Ü c13 sav~mtc;:;
étude;:; sur les rrwti¿\fe.:; exrllosilJlcs, ct qui en dépit
(le ses précautions voit Sil Gornue lui écbter dun;-;
les Inains et d;:ul:-:i les yeux, lle recommencer cou-
ragcusemcnt s n cxp6ricnce; llt~1Ís les 11euplcs ne
~e pr0tent pas den'\" fois ~ de pal'cilles 6preuves : lb


1. Ces del'llil~r2S pa8'l'S ¡H¡l él,~' l:crile:s ClU llloL ele 116-
cC'llllJrel:-:-;-:~ ,




L'ESPAG~E POLlTH¿ljE 2Gl
ne se croient point ienus J' exposer leur existence
pour enrichir la science Je conclusions nouvelles;
ils jetteront plutut par les fenetres et la cornue et
le chimisie.


Le cantonalisme a tué le l'édéralisme; la seule
république possible en Espagne est la républiquc
unitaire. Le gouvernernent se verra contraint de
passer condamnation en bravant les reproches de
ses amís et le courroux Jes intransigents, ou d'en-
g¿lger une luLle ouverte avec l'opinion publique. 11
ne peut se tiror J'embarras que par une résolu-
tion hardic, par un hl'ro'ique sacrifice. Il est de
son intl:ret de régler tl'avance sa conduite, de ne
point aUendre qu' on lui force la main; il perdrait
toute autorité, s'i1 paraissait se loisser trainor a la
remorque. On doit lui souh:üter d'asoir l'audace et
meme l'effronterie de son repentir; e' est encore
une maniere de faire figure dans ce monde.


n est d'autant plus nl~ccssaire que le gouverne-
ment fasso résolúmenL son choix qu'autour de lui
iOus les anciens partis sont occupés Ü rédiger leur
programme et a premlre position. La journée du
~:3 avrilles avait réJuits au silence. Apres le 8 sep-
tembre, ils ont fait parvenir aux nouveaux. repré-
sentants du pouvoir le témoignage de leurs sympa-
tbies collectives ou particulieres, prornettant de




~G2


dósarmer tilnt que durcrait la guerre civile, et la
plupart ont tenu parole. Aussi Lien ils n' avaient
pas encare a1'ret0 leur plan de Call1pagne; ils pas-
saient leur t8mps ~t se t;1t81', a se p1'esse11ti1' mu-
tuellemcnt. On s'abouchait les uns avec les autres,
on examinait toutcs les combínaisons possiLles, en
évitant de se lie1' les main:3. La con[usion 6tait telle
que les naifs ne savaient 011 donne1' de la tete, ni a
qui s'au1'esser pour se procurer une cocarde, un
cllef de file et une o1'1nion, -- ils 6taicnt aussi dé-
sorientés flll'tm sohbt quí dans le cMsonlre d'un
cllamp ele ])ataille ne r,"ui'1i:-it plus ü rctrouvcr son
1'égiment. (( Jc me ll;vc llJUS les matin;) SilDS savol1'
ce qu'est devel1u mon parti, disait l\m d'eux, et,
quand je me couche, je ne le sais pa:-i clavantage. ))


Depuis peu l'ordre s'est faít damo ce chaos; 011
~.:'est classé, cornpté 1 afflrrn6, et t1'01:-i bannieres
flottent au vento Par un manifeste 1'cman{uable,
~asement conc;u et n2tte.;lllcnt Llélluit, les radicaux
ont rait acte d'adh6sion Ü la r~llulJbl UC, comme au
sc:ul gouvcrncmcnt rlo~3iLJle, m~ü;:; Ü 1:1 1'épubliqne
unitail'e et consenatl'icc. « Nous voulons, disent-
ils, un gouvernement a la [ois démoc1'atique et COl1-
sen'Ltteu1', qui cléfcmlc les cOll'lué':lt.?s ele la révolu-
tiOll contre les réactiomnires aussi bien que contre
les ü6magogucs, et nOtiS l'ensolls qu'une répu-




2G3
j)lique sérieuse el forte uonnera plus de súretés a
l'ordre qu'une lllonarchie, paree qu'elle excitera
moins d'ornbrJg'es et fera plus facilernent re con-
n:lilre son autorité. Si nous nous groupons loyale-
ment, ajoutaient·ils, autour uu drapeau républi-
cain, nous uéclarons enlrevanche que uepuis que
le fédéralÍsme a révélé ses tendances socialistes,
apres les crimes de Séville et d'Alcoy et les rapines
de Carthagcne, il nou:-; est impossilJle d'accepter la
répablique fl;dérale. Bien ]oin qu'elle fút une ga-
rantie pour les idúo:3 libérales) elle leur tournerait
Ll ruine; les principe:3 rcconnus par la nation se-
raient u la merci de touLe:3 le:3 fantaisies locales et
des répugnances i['réIL~chie::i de plus d'une pro-
"ince. Quels tristes l1asarus courrait la liberlé re-
li~ieuse, si eHe était soumi:-;e ü lLt sanction des can-
tons basques! Le sort de la propriété serait-il plus
heureux, si onla con(lait ü la garJe des législateurs
d\~ Carthagcne? » Ce manif.2ste, muni de nombreu-
ses signatures, en tete desquelles ügure le nom de
jI. Cristino 1l:Jxtos, pnjslLlcmt de la junte direc-
trice, a produit une j llsLe sensation. Le parti ra-
dical a comrnis Lien des erreurs de coneluite, rnais
on ne pellt rn(~connaiLl'e son ímport::mce : il repré-
St:mte, nous l'avons Llit, une not:J.ble partie ele la
bourgeoisie, et il a Lle nomlJreuses intelligence~~ --.; .. íjY


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264 L'ESPAG~E POLITIQUE
dans l'armée. Les radicaux semblent you10it' doter
la république espagnole d'un centre g:lIlche, ct
quel est aujollrd'hui le pays qui ne soit pas centre
gauche?


Beaucollp 1110ins net dans ses afflrmations est le
parti constitutionnel, flui s' est mis dernicrement a
la discrétion d'une sorte de directoirc ou de trium-
yirat, composé du marécha1 Serrano, de l'amiral
Topete et de ~L Sagasta. Aux termes de ses der-
nieres déclarations, ü' continucra, comme les racli-
caux, de pretor son concours au gouvernement, et
il dcmeure íldele aux príncipes de la constitution
do 186D; mais iI ré~en'e la qllCStiOll de républirlue
ou de monarc11ie, sur !aquelle il juge encore inop-
portun de se prononcer. 11 est possible que les
constitutionnels ajournent leurs décisions pour ne
point trahir leurs désaccords. Les uns, parait-il,
persistent en dépit de tout ü dósirer une royauté
étrangere, un roí X ou Y qu'on irait chercher eeUe
1'ois en Portugal, peut-étre en Prusse; d'autres
yoient le salut de l'Espagno dans un stathoudérat
ou dans l'omnipoteneo el'une épéo ; el'autres encore
se convertiraient volontiers a l'alphonsisme, si le
fils d'Isabelle II 6tait moins jeune, si on ne se dé-
fiait ele ses conseillers et de son entourage, s'il
n'était pas né I3ourh011, si on n'avait sujet de




L'ESP .. \C:\E POLITIQUE
cr::ündre qu'll n'apporto sur lo treme toutes les
rancunes do ~a famillo, qui no po:::sede pas le don
précieux do l'oullli. Au reste, si les constitution-
lleIs ajournont leur choix, i1s r: ont de parti-pris
contre rion. Lour directoire a pour mission de sur-


• yeiller les événements et de leur demander con-
sei1. Les alphonsistes au contraire estiment que
toute enql1cto ou contre-enquete ost superflue. Il
appert, se]on eux, ClUO ]e carlisme est la barbarie,
que la républiepIo ost l'anarehio, c!uJil n'y a d'a-
I;enir s(~rioLlx pour l'onlre comme pour la liberté
que dans le ré·tablissement de la lllonarchie parle-
mentLlire et histori(!uo. Toutefois ils ont) eux aussi,
leurs énigmos et leurs réticences. Sur quels prin-
eipes convient-il d'Llsseoir eotte restauration't }ls
ne le disont point. Les eonstitutionnels ont leur
eonstitution, ils cherehont encore leur gouverne-
mento Les alpbonsistos ont leur roi, il ne leur reste
plus qu'ü trou\'or une cOllstitution.


La répuhliquo et l'a1pllOl1sisme sont les deux
champions flui so disputent l'Espagne. Kous avons
dit quel1es (1ifflcultés doit yainere la république;
uno restauration a les siennes, que ses partisans
ne méconnaissent point. Et d'abord eomment se
fera-t-ollo~ Sera-eo par une insurrection mi1itaire?
Plaise au ciel qu'ils aient ro.ison, ceux quí affir-




L'ESPAGXE PULITH¿CE


lllent que les pronunciamientos sont uo"cnus plus
malaisés qu'autrefois! et m<llhcur au parti quí
aurait le triste courago <lo Ll0chainer oc nouvcau
cette peste sur l'Espagne ! Son histoire L:üt foí que
ce que fonde l'épC'e périt par l'épC:e. D'ailleurs b
monarchie constitutionnelle cst une des formes du
gouvernement libre. Aussit<Jt qu'eUe s'appuie sU['
les ba'ionnettes) elle n'est plus que la c1ictature llé-
guisée, et un régill18 (lui lllCl1t ü son principe ni?
peut se maintenir 10ngleflliJs; r1cn ~t la longue n'est
plus insupportable que l'ltypocri:-iíe. ()uaml jI, Cas-
telar prouvait val' Llr.:s CXC;ll[l:C:-i (Ille les consen'a-
teurs seuls peuvent réallser les lJlalls conQUs par
les révolutionnaires, il eXpril1l~lit c1'un mot deux
grandes vérités. La llremicrc est que la ré\'olution,
li"n~e a elle-mL~tlle, s'ontel111 illicux ~l lldl'uire qLÚl
fonder, la seconde que les conSerVi.lLeUrS ne i'ont
lEuvre qui dure qu'a la conllition de Illcttre lcul's
talents au senice <les 111ées noun;lles. ;3'i1 est de:..;
résistances 'nécessaires, la morgue Lloctríl1,Jire ,l
fait son temps. Aujourd'hui, on gou\'erne L:.>
hommes par l'csp¿rance rnieux que llar la CO,l1-
presslOn.


Si la révolution de scptclillJre IÚl r~lit eu pom
résultat quc le renversernenl d'unc uyna::ltie, it
serait plus fucile de défilirc ::ion ouvrage; mai::l el:




L'ESP~\C\"E POLITIQLE
18U!) l'L·;pagno s'o~t donné une constitution dérno-
crlltiqllo, dont los principes ont été embrassés 3,Yec
arueur par la majoril<" do la nation. Un des homme5
les plus consiuéral)lcs (In parti alphonsiste, l\T. Cá-
noyas del CLlstillo, qui s'est honoré par sa cons-
taDce uans :..;a foí uyn:Jstique comme daps son libé-
l'alisme, écri\'ail en 1871 que les cortes constituantes
lle cette l"pOliue avaicnt tout renouvelé en Espagnc,
qu'elles avaient fondé les pom"oirs publics sur le
.3u[frage ulliverscl direclement ou inclirectement
L':\.crcé, clétruit ce (lllÍ rc~tait ele l'antirIue intolé'-
l'illJCe et 11l'UcLt:';("l'ci1liC'rc liberté religieuse, établi
le mariclgc civil, tréll1sfurrn6 la législation politique
et administrative. « 11 cst probable, ajoutait·il, que
ceite WU\Te llumense sera sur plus c1'un point
arncmléc el rClllcU1iée; mais on no pourra jamais
Lmnulcr. En tout eas pCl':;;onne no peut conteste1'
:-:on ililflortanec; allcun éYl:'nement n'en cut davan-
Lc:l' dcpui:;; que tl';mcicns royaumes, s'unissant par
"\OiL~ d'l}(Jritage Ol! ue conC[uUe, ont donné naissance
~l la naliull espagnole l. »


(lue [cront les alplton;::;i;::;tcs de cot ó\"énement et
de ccLtc cOll:stilulion? On comprenL1 qu'ils évitent
de ~'C prononcer sur cctte question chatouilleu:;:e;


'1. LI( {jposicio¡l {if¡e) (((-'COilSC¡'I'Uc!Oi'(( en {as cuI'lcs cOl/sli-
'¡-,:¡/,'s (/c18ür.J Ú J/',~ l. J)",;({I~/(I, [l. y ot ,'1.




208 L'ESP.:\G~E POLITHJ(~E
ele eléclarer nettement le sort qu'ils résenent ü la
liberté religieuse, au mal'i;Jge civil et au suITrage
universel. Il est elifficile au prince des Asturies
d'accepter une charte qui le conelamnerait Ü 1'e-
nouvele1' l'essai malheureux ele la monarchie dé-
mocratique; serait-il si.\ge 11 lui ele la rejeter et de
fournir ainsi une devise et un griel' communs a
tous les ennemis ele sa restaul'alion'? Dernierement
un eles principaux auteurs ue la I'é'volution ele
1868, ramiral Topete, pronon~:alt ce mot signilica-
tif : (( Jo ne me sen s pas disposé Ü 1'epasser lo pont
el'AIcolea 1. ») Le lilJé1'alisme a 1'C(;U l'K",p:1gne eles
mains des influisiteurs, qui l'avaient mal préparée
ü ses nouveaux elcstins. De lil une elisparate sen-
sible et dangereuse entre ses habitudes et ses
principes politiques; mais en vain lui reproche-t-
on de n'av01r pas encare les meeurs ele la libertó,
les idées nouvelles lui sont elevenues cheres. De-
puis quarante ans, u'étape en étape, elle a marché
ficrement sous leur concluite, se disant toujours :


Poursuis, tu n'as pas fait ce pas pour reculer.


Alphonse XII aura-t-illa force de lui faire 1'epasser
le pont d'Alcolea?


'1. Pont sur In Guadalquiyir, :111 nord-est !le Shille. Le
28 septembre '18/:;8, le général Serrrt!1o y remporla sur les
troupes royales, commrtntlóes par le marqllis de ::\0\",11iches,
un avantage signalé, qlli décicla (lu triomphe (le la réyululion.




L'E~PAGNE POLITIQUE 2ü9
Ii dépenel de la républic[ue seule ele ménager eles


chanees sérieuses au prinee des Asturies. Si elle
ne parvenait pas a étouITer la guerre eivile, ou que
la soeiété ne se sentil pas assez protégée par elle
eontre les entreprises des hommes de désorelre et
de rapine, l'Esrwgne c1evienélrait alpbonsiste, et
demanderait an fils r]'Isabelle II les s(2eurités n6-
cessaires en se eontentant provisoirement eles li-
berté's possiblcs. Les dogmes politicIues anciens ou
nouveaux ont pcnlu leur prestige, ct les gouver-
nements sont tenus d'0tre utilcs. Cll:1que jour, on
les remet en question ; ib ne peuvent se perpétuer
que par les scrviccs qu'ils renc1ent et la confiance
qu'ils inspirent. La républiclue esp<lgnole a sur
tout autro régime par lefluel on pourrait la rem-
placer l'incontestable av,mtage c1'exister. Sos ac1-
versaires pré,temlent que c'est son plus grand dé-
faut; elle doit désirer qu'ils le lui reproehent
longtemps. Elle p8llt encore alléguor en sa faveur
que la république est le gouvernement naturel des
démocraties ; si elle périt, ce sera par ses fautes.
Ce 11'est pas l'entllUusiasme qui la défendra, mais
ce n'est pas non plus l'enthou~iasmc ({ui l'atta-
(luera; elle ne c10it crainc1re que le resscntiment
dC3 intérets qu'clle 0.urait le tort de menacer. La
fortune, au dire ue l\Iachiaycl, dispose de la moitié




270 L)ESPAG~E POLITl(JUE
de nos actions, et nous en laisse ~ouverner l'autr8
tellement quellement, o poco o meno. Qu'elle ne
soit pas trop contraire aux républicains espagnols,
et que, dans les choses qui dépendent de leur vo-
lunté, ils se laissent conseiller par la prudence, ils
tiendront en échec leurs enncmis. C'est la Y6rit(~
elle-méme qui a c1it PQr la ] louche d'un homme
(~minent : (( l.'avenir e:'it au plus sJge. )




¡\PPENDICE


..... Depnis que les études qui précedent ont
Iaru d::ms la IkcHe des Deux J1Jondes, la répu-
Lli(Iue espagnole a traversé une nouvelle erise; on
ce~sera bient6t de les eompter, aucune histoire
L 'étant au:::si riehe en vicissitudes soudaines, qui
:::e suecedent coup sur coup. Comme nous l'avons
l1it, le danger le plus grave qui menavút le goU\'er-
nement réparatcur de 1\J. Castelar était l'inévitable
convocation des Cortes fixéc aux premiers jours de
janvier 1874. On avait sujet de craindre qu'il n'y
retrouvút Il<1S la m,Jjoritó qui l'avait porté au pou-
voir, et que le fédéralisme impénitent n'entreprit




272 APPL\DICE


de le renverser pOUl' le punir ue se::; bienfaisanb
repentirs. On savait que jI. Pi Y jIal'galln'avait
point pris son partí ue SJ. chute, (lU'ii travaillilit
activement i't sa vropl'e r8stauraiíoll. Ce qui a lEll'U
plus étonn~:ll1t, c'est (lue le pr<~~iuent des CI)rtb,
1\1. Salmeron ait pu UOlll18r les lllains Ü ces ccJ.lJales,
et qu'apres avoi1' 50utcnu "JI. Ca::,tc1a1', il lui ait
rompu en vi:3iere, préférant son ltogmc ü son j)ays
et prouvant une fois ele p1 U::i cOlllbien les lWllllllLS
i't systemes sont impropres ü la po\itiflLlo. Que pou-
vait·il espérel' ue ecUo l1lJ.lcncoIlLreu;::e cJ.ll1pagnc'!
Il n'était peflllís Ü pef:::onllc cl'ignul'cr que l'Es-
pagne ne se preterait pas ü une nuuvelle expél'ÍellCC
du fédéralisrne, que dans sa pénilJle cunvalescenc\J
elle criermt haro sur l'ill1prmlent méclecitl qui an-
rait l'audace de lui vanter le typhus eOllllllC un 1'e-
mfJde.


La politique espagnüle n'est poinL ü la merci de
l'imprévu, elle a sa logique et Sil \Tai:::cmbbnce ;
mais elle ofrrc dans ses pél'ipéLics de.:3 l'apiclité;:; qui
étonnent et qu'ailleurs 011 11e trom"c guere (IlútU
thé<ltre. C'est le ':2 janvicl' que se l'éUllirent les
Cortes. La discussion se pl.'otollgca j uS(Iue (Jans la
nuit da 3. En vain ~I. Castelal' procligua-t-ii ::;C~i
avertissernents fatidiques ü cctte asscmlJlée (1u'a-
veuglait quelque c1ieu malfaisant; il ne put raire




tomber les 6cailles qui couvraient ses yeux. Le
yote de confiance qu'il réclamait luí fut refusé, íI
donna ~a d6mission ; mais a peine le nom de ses
remp13s:ants était-il sorti de l'ul'ne f!U'Une tI'appe
..;·ouvrit, la trappe par bJIuelle :-"urgissent les cou~
ll'fJat, l'épée a la main. Dix minutes suffirent au
~CnérJl Pavia et a ~;es garcles civils pour balayer ce
conp:res d'inconvertis et d'inconvertibles. QueIques
k:'urcs plus tard les chcfs du partí radical et des
JivelSCS fraelions du parti conS(~I'vateuI' avaient
,1{)l111¡:~ ~t l'!'>llclglle un nOU\'cau gOllVCl'n8111cnt, pl'é-
:-;i.j(i par le lllarc'c11al Senano. La mC'me coalition
'lui ;111 printemps av,lit tristemcntavorté a triomphé
l'hi I,'cr suivant, paree que le 1110ment étalt ven u el
'íue le f6d6ralis11lc n'élait plus qu'un Dois mort que
Ll cúgn6e du ])(lc11e1'on devait t ranchc1' d'un seul
C')Up. Le 3 janYier 1c;,/~ a 6t6 la contI'e-partie
I~ll '2~~ avril18j"3. E-.;t-il p81'sonne dans la Pénínsule
'ltli soit resté sur sa défaite? les retours de fo1'tune
~. sont infailliblcs, il ne s'agit que d'attendre son
11t~Ure et on ne l'attend pas longtemps. Les 1'8-
yanches sont un fl'uit qui múrit \'ite sous un soleil
presque :Jfricain.


Il est toujours tristc pour un 11011116t8 homme de
l'21'.J['e le pOL1yoir (luand il ycut le bien et qu'il sait
le 1.J1re ; mais JI. Castclar a d8 (lUoí se consoleI'. Il


18
, '"




.APl)I:~l>1CL


:::cnLctÍt luí-meme que les Cortó~, eomposées eomrne
cll('~ l'daient, le til~lldraient on échec; - il se
flattait, as:·mre-t-on, d'obteniL' d'elles-mernes 1em
dissolulion. Si ce triolllpllO a été l'd"usó a son é1o-
quence, ii a emporlé dans sa chute les regrets et
l'estime de son pay~:, et ses sncceS:"8ur~ sont obligl~~
de se donner pour ses eontinuateur:,. Quelqucs
serYÍees qu'i1s rOl1l}ent Ü l'Etat, il aurLl su part dan s
la reconnais:::ancc llubliquc, lwcc/Ill;;eus co ip,~(1
fjuO(l non l'iscbaluJ'. Il ne ~'O.3t pas pCl'llu par 58:';
fautcs, so. sage::,se a l;k combmnée p:ll" le fan:.ltis1ll8
et l'incptic de son l'al'ti, et le coup (l'J;~tLtt du g(~­
nl'nJ Pavía a été pOlIr I ui non un chútiment, mais
une vengeance. A la vérité íl a protesté contee
eette vengeance qu'il réprounjt; m;;is il se mele
assul'ément une sorte de douccur aml're al! cha-
grín d'etre vengL~ malgr(', ~;oi.


Le gouYernemént c1u :~ jall\'ier ~lYJit J)e.3uin c1'UllC
dictature rH'o\'isoire pOltl' s'impu:::cr c:t se mai¡;-
tonir. II n'a eu que la peille de la l',lmaS:::ier, il a
hérité de~; pleins ponYo¡r~ yoté:-:l ~t ::30:3 pl'éc1éce::;-
SeU1';3. Il a en cet autl'C~ Lt\':mtagc qu'apl'es ayoir
di:::sous les cortés constituLlntcs, il peut se dispcl1ser
d'en conYoquer d'autrcs. A (luoi JJon consütucr '!
La charte de 18G0, qui l1'a point dl:' rcmplae:ée,
rl'ponel b. toute~ le;.:; exigenccs c1r:-; pcuples les plu;-;




",\PPE~DICE


difficilcs en nnti6re de liberté et de démocratie, et
::;i les républicains avaicnt été mieux conseillés, si
la chim61'e du féuéralisme ne les cút pas séduits,
iis s'en sel',üent tcnus a ceUe constitution, dont ils
n'auraient supprimé (Iue l'article JJ qui proclamait
lJ. monarchie. C' cst ce fIu' a fLlit l'administralion
présidée par le uue de la Torre; elle a proclamé
l'inutilité dcs constituantes, en rése1'vant anx cortes
un1inaires flui seront convoquées apres la paciflca-
tion du pays le :soín d' organi:3er par uneloi le pou-
\'oir exécutif. HC::ite ü savoi1' quand le pays sera pa-
ciné. Le marécllul doit ;:1,\·oir húle cl'cn finir avec
les Carlistes, il appli(Iuera toutes les ressources
de son esprit a L.:t solution de ce granel probleme.
Son existence en dépend, les coups d'Étctt ne se
léf!:itimunt que pUl' le sncces.
~Iais CQ suc~e,::; une f0is obtenu, et peut-etre


avant, ilc1c\Ta bire son choix entre les partís dont
il est le commnn mandataire, entre les différentes
politiques qui partagcnt et l'Espagne et le min1st61'o
lui-meme. Il est difflcile d'admettre que r~l.lniral
Topete ait les memcs visées que le ministre Ué
l'intérieur, 1\1. Gareia Huiz, républicain lle la vejlle;
ii est dimeile ele croire ü un accord persistant entre
le monarehifIl1e ministre des aITaires étrangeres,
:\1. Sagasta, el le radical ~I. Martos, ministre ele lu




27ó APPE~DIC¡';


justice, qui adhérait tout récemment au prograrnme
de la république unitaire.


Peut-etre le elue de lD. Torre hésite-t-il encore
deyant les routes diverses onn~rle:3 ü son ambition.
Une régenee a ses avantages, elle aurait aussi ses
embarras. On ne peut 50nge1' a rappeler la famille
royal e sans eléménager au préalable la maison, je
veux. elire sans bonle\"erser ele foml en cambIe la
constitution de 18GD, qui cst trop c1l'mocratique
pour se faire agréer cl'un prince ll'gitime. Ce c1émé-
nagement ofTrirait certains (lanf.!,"ers. J)'antre part,
bien que les 110111l11es d'f:tal es¡'agnols s'ell c1éfen-
<Jent, les éycnemcnts qni se l':lS::ient en Franee ne
lo.issent pas d'influence1' leurs conseils, et la for-
tune du m:.11'éc11al "}Iae-Mahon cst bien propre ~l les
Lüre 1'oyer. Une présiclcnce ü long terme, si elle
était p05:3ible, sertlit pcut-0tre en Espagne eomme
en France la meilleul'e des transactions. Les sep-
tennats sont un précieux. ex [ll'Llient [l0ur les 1110-
narclJistes filÜ déscsperent de leur monarclüe, une
ressource et une slm:;té pou1' les 1'épubliques qui
n'ont pas 8nC01'8 le courage de leu1' nomo Tou-
tefois on n8 nalt pas président, on le cleYient; il
faut pour cela se remlre nécessaire, - e'est ü quoi
le ma1'éc11a1 Serrano cloit aviser.


Le::3 ::t1 phonsistes, (lui gl)útent pcu les sefltennats,




APPE~DICE 27i


ont reproché avec aigrcuc au maréchal d'avoir con-
servé a son gouyernement l'étiquette républicaine.
Il semble que JI. Sagasta ait voulu désarmer leur
courroux par son récent mémorandum, qui donne
el'avance carte blanche aux futures cortes et remet
tout en que~tion. Ce mémorandum s'accorde mal
avec les circulaire.s du ministre de l'intérieur, avec
la netteté de ses déelarations en faveur de la répu-
bEque conservatrice. On raconte qu'un petit moine
opérait tant de miracles que son ablJé en concut
quelque omLrage et lui interclit d' exercer son ta-
lento Il obéit; mais ayant yu un pauyre couvreur
qui tombait d'un toit, il se sentit partagé entre le
dési1' de lui sauver la vie et la sainte obédience. Il
lui ordonna de reste1' en rair jusqu'~t nouvel ordre,
se réservant d'en réfé1'er a son abbé, lequel, parait-
il, eut beaucoup de peine a lui permettre d'aehe-
ver son miracle. Les princes et les abbés sont ja-
Ioux des miracles des aulres, ils n'aLlmettent pa~
qu'on S:lUve déIlnitiyement les couvreurs sans qu'ils
s'en melent. De la yient que plus d'un peuple se
tl'ouve en raie, heureux d'etre ainsi préservé d'une
chute morteHe, impatient toutefois de prendre
terreo


Au reste les décisions du due de la Torre dépen-
:Jront de celles de r a1'm6e. Elle commQnlle aujoul'-




2i8
d'lmi, et le gouvernemenL l1e I"leut se natter de du",
rel' s'ilne s'inspire de ses goCtts. L'attentat polili-
que ;][1 ~3 janYier a été~ ~Ü)~:ous par la nation, qu'il a
:::,wvée üu plus évident des p61'i1:-; ; il a óté amnistié
par un des chefs ele l'insurrection de Carthagene,
~I. noque B::m . :ia, (lui l'a reconnu nóc;e::-osaire; les
républico.ins de sens n1s::,is 1'011t subí sans trop se
p1aindre, lui sach~mt gré cl'ayoir respecté le nom
de la répu1J1i(IUe, - cal' les noms ont quelque
prix: iIs charment ou consülent l'imagínation cl'un
peuple, et parler [(UX imé!ginatiuns est un chapitre
1l11f10rt«nt de l'art de gouverner.


Cependant si excusable Oll si lltile qu'ait dé le
brusque dénouement inventé par le gón(~1'al Pavia,
il a détruit a jamais l'illusion de cellX qui se per-
suadaient que le temp6rament de l'Espagne s'était
modifié, que les insurrections rnilitai1'es y étaient
passées üe mode. 11 est constant désormais que
rien n'est changé dans la Pél1insule, qu'il n'y a
q u'un jl1'01l1./líciC! mienlo de plus. Son malheur c1e-
puis cinqllante ans est (1':..l.voi1' pcrmis a son Jrmée
de devenir l'outil universol de la politique ; - son
bonheur comme son priYi!é'go est que los soldats
qni reglent ses Llestinées ne font pas de la politique
de caserne. Le peuple esp3gnol a ,'écu jusqu'au-
jourd'll'.li et vivra longtemps encore sous un r0g'tme




Al l l l E\'DlCE -27J


(le prétoricl1s qui se trouyent avoir l'esprit parle-
lJlentaire, qui gOlttent b di;jcussion et lui font s~
part clans le gouycrncmcnt des choses humaines.
II est ü dl'sirer que ce:.; prdoriens n'abjurent pus
!e:ur libérali~~ll}c. PUiS~:ll~ l'E::;llDgl1e leur deyoir un
;:om'crncment qui concilie les libertés et les sécu-
t'ilé:-; nl~ce"s;Jirc~1 ct lui pcrmettc de rétablir ses fl-
nances, de développer ses industries, de travailler,
de pen8c1', lle :o:ol'!ir cnfin lle ceL état l'rl'caire oü
ulle natiol1, ltlc::p:llJle de rien enlreprenc1re, se yoit
obligL'e de cnn-~aerer toutes ses [Ilrces Ü l'bul1llJk
i't p'~nilJ]e Lt]lel!t' ll'c:\ist,:r!


~ f¿:vrier 1 :-(11 .






TABLE DES jlATIERES


PnDJllcHE p_~ l\Tm. - Le cnractere cspngnol et la
mOlwrchie cOllstitutionnelle .................. , ... .


DECXIE~lE PAnTlE. - Le roí Améc1ée ct la monar-
chie démoeratique.......................... . .... 74·


TnOisLE.;IlE P_\HTlE. - Les commcneements de la
répuJJlique esp:lgnolc............................. 140


'¿CATlHE;\IE P"\HTlE. - Les erises ele la république
esp:lgnolc. - Les Constitutionnels et les Alphon-
sistes .... , ... , .... ' ................... , ..... . ..... 203


_';.PPEXDICE .... ' ' •.......•....•. , ... '" ... ' . " . .. . .• 27.1






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I('Hallt 4,'27 Jj;.:U]'í'~ d;,,>il),~.,s ¡:al' !:"lllIaI'Oll1 vi A . .Jilha[]lli(~l';
:'1 ~!I':I¡¡d,'~ 1,'allt'JI!~, 1;;:11t (; inlpj'ilil::l'~ eil C(I[¡/I~¡¡l', ul ;J eill'tí~.
¡:/'I,I:I1,\ :20 fl'Ulll:,-; re!il:, (;(J~ l'll lllc:l'l:¡¡<I:t1, !I:al~ tU toik, tralH:iJes
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;-1: t:FEP. : Histoire de la physique et de la chimie, dl'pllÍ:·
:I~~ tl~lJ!p:i k" plll~ ]'('('IJi(~:i jll~qll'il tlO~ jolll's. 1 \01. ill-12,1 fr .


. ,- }listoir;) do:! la botanique, de la minéralogie et de
la géologie. 1 \(I~. '¡ 11'.


Hi'stoire de la zoologie. 1 '01. 4 1'1'.
Histoire de l'ast!'onomie. 1 '(JI. 1n-12, '¡ [J'.


Wli8TZ ',\el.), lJl~'Jil\;l'r; di: l'¡""lilld : Dictionnaire de chimie
pure et aprliquée, l'tllll]ll'l'lli\Jl1 la ('ltimir: Ol';':'illlit]ue d iltUl'-
!,!;lIlÍqU(I, la ('!,illlil: :¡¡'I,liqll:'(I ;1 l'illllll,lrie, il ¡'a;':Til:ltltllr.' el aux
ill'l~, la eltillJic aIíal~ tiqlle, la dJilllie pll)sique '" la lll:ll,;:alf)~ie.
nUlTil;':'Ü tOll~Cllanl 1111 !!Talld 1l001l!Jl'e de li~nll'l's illi{'l'(':d,'(,ci d:UIS
le texle, el l'U/'fllilllt dl'llx yolllllle;,; f'/'ilnü in-S, flui ~Cl'(llll PUl:liIIS
par fasei('ules de 1 (JO ;);¡~~I'S fonlla! !; ril mI in-S, al! 1'1'i\ de 31'1'. ;)() 1'.
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prulogue el élJilogue. 1 \'01.


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phiques ct ethnographirjUe8. Douzieme annt'ie (1873). 1 vol.


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COLLlGNON : Les merveilles de la mécanique. 1 \01. iIIu:itré
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DEHMIME : Les merveilles de la locomotion. i \01. illustré
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MOYNET: L'envers du théatre Machines et déco['~. t \oJume
illustré de 80 vigllette~.


TISSANDIER (G.): La photographie. t \OIUllW illlLstrú de
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ilIuslré dI) 45 yjgdelll~s.


GOURAUD (Jl l1c .Jlllie) : Les quatre pieces d'or. t yolume illustré
ue 5i yignelles.


JOHNSON : Dans l'extreme Far West. Aventures d'un émi-
~rant (luns la Colombie anglai8c, traduiles dc l'anglais. 1 volume
ilIuslré de 20 \ignellcs.


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tonné, ~ francs.


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volume in-8 rabin, illustré de 85 ~ravures. Broché, 5 franes ;
carlonné en percaline a. biseaux, tranches dorées, 8 francs.


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illustré de 117 gravures. Broché, .1 francs; cartonné en pcrcaliue
a biseaux, tranches dorées, 8 francs.


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jusqu'en 1789, racontée a mes pctits-enfa!1ts.
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so vend séparément. Uroché, 18 fraIles; la rcliure, uyec fers spé-
ciaux, dos en maroquin, plats cn toilo, tranches dorées, se pay¡~
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pour les enfants de dix a quinze ans, trC-j-l'idlclllcut illustr.L
La premie re annéc de ce nouveau reclIeil fUrllle deu" lIla~lIiriqlles vulllmrs


grand in-4, el est une des IcCtllI'CS les plus attravéluks que l'oll pllisSl~ mettn'
entre les mains dé la jennesse. Elle cUllticnt des IlOllVcll"s, d('s cUllks, de,
biographies, des récits d'aventures et de vOy3.ges, des Céluscries sur l'histoil'1'
naturelle, la géogrnphie, l' astrollumic, ks arts el ['industrie, etc., ct est illus-
trée de 6()() gravul'es sur boís.


Prix de l'année 187
0
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,olume, 3 fr.


Prix de l' alJonncment annuel : 20 fr.


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illuslré de ü5 gravures. Bl'oc[¡(i, 5 rrane~: ('éll'tonn6 en perraline
J··'~·.-'.:~eaux, tranchcs 11 orées, H fl'anes.
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