CONSTITUTION ANGLAISE
}

LE llgVELOPPEMENT


DE LA


CONSTITUTION ANGLAISE
PAA


EDWARD A. FREEMAN


TRADUCTION


P A R


M. A LEXANDRE DEHAYE.




<4•2t1.12.3LE DEVELOPPEMENT
1/E LA


CONSTITUTION ANGLUSE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULES


JUSQU'l NOS JOIJRS
« Concedis justas loges et consuetudines esse tenendas, et


promittis eas per to esse protegendas et ad honorem Dei robo-
randas, guar vulgus elegerit, secundum sires tuas ?'


ANCIEN SERMENT pi) Corp,oNsEmENT.


« Rex babet superiorern, Dean). Item Le„ em, per quam
factus est Rex. Item curiam suani. »


BRACTON.


Igitur communitas regni consulatur,
Et quid universitas sentiat sciatur. D


Pokmc rouTiQuE, XIII cent.


PA P.


EDWARD A. FREEMAN


Traduit de l'anglalfs et preced6 d'urie Introduction


PA it


M. ALEXANDRE DEHAYE


0
at
cat


9 -
%DE .0'*


PARIS
GUlLI.AUMIN ET C ie , 1 n2,DITEURS


De I t
, Collection des principanx geunomistes, dui Journal des Economistes.


du Dielionnatre de l'Ecunomie
du bietionnuire universe! du Cemmeree et de In Navigation, etc.


Rue Richelieu, 14
• —


1877


8,.




Izta


'VT 30 34I).


Comm.. — Typ. et ster. de Cuiri.


AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR


J'ai voulu faire connaltre au public franQais un
eminent historien cle l'Angleterre contemporaine,
M. Edward Freeman.


A tine science solide et variee M. Freeman unit
cello autre qualite plus rare et particulierement esti-
'nee chez nous, le style .Peut-etre meriterait-ild'ob-
tenir en France la popularite môme de Macaulay.
Comme celui-ci, it appartient d cette Ocole histo-
que qui no pause pas noire a la verite en la deco-
rant des couleurs de la poósie. Ses vues originales,
exposees avec une grande clarte, ses narrations
wives et nourries de faits, ses convictions energiques,
animees du feu de l'eloquence, reveillent a chaque
pas l'interat. S'il montre quelque partialite, .on le
lui pardonne en faveur de la sincerite de son pa-
triotisme. Ses doctrines, eminemment liberates et


a




lI AVERTISSEMENT DU TItADUCTEUR.


democratiques, mais en mime temps profonde-
ment conservatrices, semblent repondre a la situa-
tion politique de notre pays. Le parti liberal fran-
cais y verra la confirmation des opinions a la fois
moderees et progressives, dont la constitution re-
publicaine du 25 ferrier 1875 a sanctionne le
triomphe.


Tonics les qualites d'ecrivain et de penseur qui
distinguent Freeman se trouvent surtout reu-
nies dans tine de ses dernieres et plus courtes pu-
blications, son livre stir le Ddveloppement de la
Constitution anglaise, recueil de quelques confe-
rences remarquables, developpees et annotees. Le
suet qu'il y traite kait de naCure, dans les circon-
stances presentes, a fixer plus seirement Fatten Lion,
outre qu'il n'a cesse de s'imposer en tout temps
aux meditations des meilleurs esprits.


C'est done ce livre que j'ai traduit et quo je pre-
sence au lecteur. Le puldieiste anglais a su, clans
tin petit espace, y accumuler une Lae quantitó
d'idees et de faits que peu de lectures sont plus
substantielles. La forme oratoire qu'il a conservee
y ajoute l'attraiL d'une emotion pea ordinaire en
de si graves etudes. Telle est du moins l'impres-
sion que j'ai ressentie.


Je n'ai Tien neglige pour que mon interpretation


AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR.


n'affaiblit pas trop l'original. II me reste a souhai-
ter que le lecteur reconnaisse comme moi dans ce
petit volume d'histoire critique un de ces rams ou-
vrages qui, a la solidite du fonds joignent le me-
rite et l'agrement de la forme.




INTRODUCTION


Prouvous au pays que la plus mire
garantic de l'ordre et de la skurittS
dont ii a taut besoin, e'est la libeete..


(Allocution de M. le due d'Audiffret-
Pasquicr, dans la seance do l'Assem-
blêe nationale du 16 mars Mit.)


Lorsfon vit dans des temps cruellement tour-
menths comme ceux que traverse aujourd'hui la
France, it est naturel de reporter les yeux sur les
nations voisines dont l'existence paisible ne con-
nait ni ces maux ni ces doulcurs. Quel dieu veille
si lidelement sur leur securite et leur grandeur ?
Quel genie malfaisant nous a marques pour les
dissensions et les desastres? Oil trouver l'originc,
la, d'une si constante prosperite, ici, d'un si Oton-
nani abaissement? Oil decouvrir surtout le reméde
a sine situation que ne comportent ni la puissante
vitalite, ni le glorieux passe de notre nation ?


Interrogez la vieille Angleterre. Elle vows dira :
Voyez, regardez nos lois, ces institutions dix fois


seculaires qui, non-seulemen t ont resiste a l'epreuve




\ 1 INTRODUCTION•


du temps et des luttes intestines, mais encore en
out lire comme une seve fortiliante qui renonvelait
leur vigueur. Nc cherchez pas autre part : dans cos
institutions memes git le secret de Ia felicite quo
nous nous enviez a bon droit. Et savez-vous quel
principe elles recelent pour defendre si hien un peu-
ple contre les defaillances et la chute? La liberte.


La liberte ! Grande chose et grand nom, qui
effraie les uns, qui exalte les autres, qui a ses obs-
curites pour tous. Au dela du detroit, on lui altri-
bue tons les hiens; en (leek on n'est pas loin de
lui imputer tons les maux. La verite n'est-elle pas
que cello force redoutable a hesoin d'être maniee
avec une dexterite quo nous n'avons pas acquise,
en sorte que noire inexperience seule doit porter
le poids de nos accusations et de nos reproches?
N'est-il pas evident que le litre exercice des facul-
Les de rindividn est le nerf dune societe, et que
celle-ci marche it line decadence inevitable, soil
dans les langueurs de l'anemie, si l'individu renonce
t ses droits, soil dans les convulsions dune anar-
chic mortelle, si le pouvoir les lui conteste?


L'Angleterre a done raison de nous ranter ses
Institutions liberales. C'est a l'ombre de la liberte
qu'elle a grandi et qu'elle prospere encore si met':
veilleusement de nos fours; c'est aussi sous cot


INTRODUCTION.


abri tutólaire que la France a son tour, au sortir
de tart d'agitations, de perplexiles et d'epreuves,
pourra se recueillir, accorder les dissentiments qui
Ia partagent, recouvrer ses forces et menager ses
futurs destins. Cate lecon, qui ressortait si claire-
ment d'un exemple voisin et qu'avait comprise tout
d'abord la sagesse des plus profonds de nos-politi-
ques, le bon sons national n'a pas larde davaniage
a en faire sa loi. Tout nous poussait, heureusement,


la conclusion ou out abouti les dcrnicrs evene-
ments (a). Les obstacles, Fun apres l'autre ecartes,
out disparu ; la question trop longtemps pendante
a ete resolue enlin. Nous inaugurons le systeme
liberal par excellence. 11 dependra de nous qu'il
repave le passe et conjure l'avenir. L'heure est so-
lennelle, decisive peut-titre dans notre histoire. Le
devoir incombe a tout ce que notre pays renferme
d'esprits serieux et do cwurs devoues de travailler
a y facililer le penible apprentissage de la liberte.
Notre honneur y est, engage : it Taut confondre on
rassurer ceux qui, avec des sentiments divers, af-
firment quo nous n'avons ni le temperament assez
robuste, ni Fame assez grande pour la supporter.


(a) On s
'apercevra en plus d'un endroit, que notre travail


primittIremunte h deux ann6es. La situation avait pen change
jusqu'aux derniers evenements.




V111 INTRODUCTION.


C'est Wen cette fois que la France nouvelle proud
pied sur la scene du monde. II faut rivalise
avec la vieille Angleterre (a).


Mais dans cette noble emulation qui se propose
a nos efforts, oii puiserions-nous des principes plus
sains, des exemples plus stirs que dans l'Angleterre
elle-me:me? (1) Detions-nous des peuples jeunes qui
abusent de la liberte, ; c'est un vin fumeux qui trou-
ble aisement les sons et fait, perdre la raison. L'An-
gleterre, depuis des siecles, a su en user avec une
rare prudence et un incroyable bonheur. Ses insti-
tutions, par un developpement graduel et inces-
sant, qu'on a justement compare a la croissance
d'un arbre vigoureux, ont presque atteint a leur
perfection. Ne nous lassons pas de les observer de
pas et plus attentivement tons les jours. Imitons
nos pores : its n'avaienl pas tort de voir dans la
constitution anglaise la phis veritable et la plus frap -
pante expression des mmurs dun peuple d'hommes
libres et de sages.


Si les premiers admirateurs, au siècle passé, de
ce remarquable Rabb ssement politique out com-
mis une erreur, encore trop repandue maintenant,
c'est quand Hs se sont persuade que la Constitution


(a) Los notes par lesquelles nous aeons cru devoir completer
cette Introduction y font suite innuediatement.


INTRODUCTION. IX


anglaise etait inseparable de la monarchic. Le son-
verain y remplit un role important, non pas indis-
pensable, et, comme le roi dans l'ancienne Rome,
it pourrail disparaitre, sans qu'auctin rouage du
mecanisme cessat de fonctionner avec sa regula-
rite babituelle. L'absence d'un roi ou dune reine
etonnerait l'Anglais, lui deplairait pent-etre; elle
n'ajouterait, rien a ses Broils, ni aux garanties qui
les assurent. C'est, la un point capital qu'on perd
trop souvent de 111C, et que les lumieres de la cri-
tique historique contemporaine out eclaire d'un
jour tout nouveau.


II est incontestable quo les Anglais, préoccupes
par-dessus tout de la stabilite de 1'Etat, attachent
un grand prix a l'heredite, du pouvoir supreme.


• L'embarras OWL de combiner le principe conser-
vateur de l'heredite avec le principe liberal de l'e-
lection. A vrai dire, its paraissent contradictoires,
et nous n'avons pas cru, chez nous, pouvoir les
allier. Nos voisins ont resolu le probleme par un
compromis subtil, mail- adroit et sense. Lorsque la
royaute a pretendu ne tenir ses droits que
meme et les posseder en pleine et personnelle pro-
priete, its Pont consideree comme usurpatrice
c'est leur grief capital contre les Stuarts. Mais du
jour quo cette memo royautó a consenti a regarder .


a.




X INTRODUCTION.


son pouvoir comme tine simple delegation de la
nation representee par le Parlement, et a n'en
jouir que comme d'une espece d'usufruit, ils Font
Lenue pour legitime.-L'opinion, des lors saLisfaite
et rassurêe, s'est montree facile aux concessions.
Elle a volontiers souffert que le Parlement, comme
aux premiers temps de l'histoire nationals, porta.t
son choix de preference stir les membres d'une
seule famille. Elle a permis davantage encore. Le
Parlement a pu renoncer a faire ce choix lui-mane,
et laisser au souverain la faculte do regler a son
gre l'ordre de succession au treme pour tine on
plusieurs generations. C'etait repudier la riguour
abstraite des idees, mais au profit de la pratique
des °hoses. La royaute, ainsi etablie, a done realise
la perfection possible, s'etayant sur un double
droit, l'agrement tacit° de la nation et la designa-
tion expresse du chef de la famille regnant°, "elec-
tion et l'heredite.


Tolle est la monarchic anglaise. Le Parlement
n'a pas abdique ses pouvoirs ; it en suspend l'exer-
cice. Au premier (cart de la royaute, it intervien-
drait de nouveau, comme it l'a fait souvent ; it la
rappellerait au sentiment de son origine et a "exe-
cution de ses engagements. Qui no volt ainsi cc
qu'elle a de precaire et combien, a "examiner de


INTRODUCTION. xi
pros, elle repond mal a "idee qu'on se fait gene-
ralement ("tine monarchic hereditaire? 'Au lieu
d'etre la clef de vOnte de "edifice, la royaute n'e ►
est quo le fronton et comme la decoration exte-
rieure. La puissance róelle reside ailleurs. On
sent vivre sous les apparences un esprit demo-
cratique qui rappelle les origines germaniques de
ce « beau systeme trouve dans les boil », dans cos
forels oil les hommes de guerre (War-man, Ger-
main) s'assemblaient pour deliberer en commun et
acelamer on repousser lours chefs.


Les esprits prevenus qui meconnaissent cette
analogic si curieuse et pourtant si vraie entre le
systeme politique anglais et le regime populaire,
ont a leur service tine objection plus grave que
cello de la suprema tie ostensible d'un monarque.
Its se prevalent de "existence d'une aristocratic,
aussi puissante quo celebre. Mais "argument est
plus specieux que fonds.


Avant tout, il taut bien le reconnaitre, it est memo
indispensable de le cons tater, les Anglais tie com-
prennent pas la democratic comme nous. Nous y
attachons principalement une idee d'egalite ; ils y
cheechent surtout l'application du principe de li-
berte (2). Notre democratic egalilaire, qui n'est que
trop souvent portee a proceder par la force, les




XII INTRODUCTION.


choque, quand elle ne provoque même pas leur de- ,,
dain ou leur colere. La democratic liberal° (3), telle
que l'avaient reglee les plus fameuses republiques
de l'antiquite (la question de l'esclavage ecariee),
est l.eur ideal politique. Tousles ciLoyenspossedent
leur droit naturel, imprescriptible ; ils
prennent toils leur part a la gestion des affaires
communes. Mais taut, s'en faut que calla part doive
etre strictement la 'mime pour chacun. Les supe-
riorites do talent, de caractere, de services, de
naissance merne et de fortune, peuvent etre recoil-
flues, choisies habituellement pour les charges et
les honneurs, entouróes de respect, yen erees mem e
comme quelquc chose de sacre (4).La raison est par
IA satisfaile et les intórets generaux en profilent,sans
que les principes soient violas. Bien plus, cette na-
turelle preference est dans l'instincl des foules, si
bien que le gouvernement populaire demeure plus
fidele aux hommes qui le servent, Bien et les main-
tient plus solidcment aux affaires que le gouverne-
ment des rois lui-meme. L'histoire en temoigne
plus d'une fois.


A1116 le double vice qu'on reproche aux regimes
poliliques ob le peuple exerce une influence pre-
pondórante, l'instabilite et l'abaissement du niveau
general jusqu'au mediocre • ou au pire, disparait


INTRODUCTION. mil
dans la democratic, au sons on la prennent les An-
glais. Ne serail-ce done pas la bonne ?


Quoi qu'on puisse penser de leur preference a ce
sujet, la presence d'une noblesse, ou, pour mieux
dire, d'une n'est pas incompatible avec le
regime democralique (s). Lorsqu'une aristocratic,
comme it est arrive chez nous, constitue une caste,
un ordre a part dans la nation, elle oppose un ob-
stacle reel au developpemenl de l'esprit el des in-
stitutions populaires ; l'Etat porLat-il le nom de
republique, on n'y peut voir qu'une republique
menleuse, un despolisme deguise. Mais si l'aristo-
cratie n'est mitre chose qu'une classe, c'esi-A- dire
une elite de ciloyens, a laquelle on n'appartient pas
necessairement par l' unique fait de la naissance, oil
Fon pout toujours penetrer, soil par le merite, soil
par la fortune, la chaine qui raliache les uns aux
mitres tous les membres de la nation, depuis
plus humble jusqu'au plus puissant, n'est nulle
part rompue ; on ne distingue pas veritablement de
plebeiens et de nobles ; it n'y a que le peuple, et la
democratic, quoi qu'il semble, repose au fond des
mceurs et du gouvernement. C'est precisement ce
qui arrive en Angleterre.


La noblesse anglaise ne forme pas une caste.
Cette circonstance cap.


itale n'est mise en doule par




XIV INTRODUCTION.


personne. On se recrie seulement contre rimmen-
site de ces proprietes qui, concentrees dans les
mains de ses premieres families, font d'un petit
nombre d'hommes les maitres du sol. Assurement,
c'esl la le cote faille d'un etablissement politique
d'ailleurs si parfait, et la France petit, sans execs
d'orgueil, se flatter de l'emporter en ce point. sur sa
rivale. Mais le remade se presente a cute du mal,
d'autant mieux que le mal n'a d'autre source qu'un
execs du bien. Si les grands proprietaires sont arri-
ves en Angleterre a datenir ces immenses &endues
du sol, e'est qu'ils. ont 616 places de bonne heure
en face de petits possesseurs que le besoin de se
defendre contre la noblesse n'obligeait pas, comme
it est arrive en France, a se reunir en corporations
inattaquables. Dotes tout d'abord de cette liberte
etrangere a nos paysans, ifs ne penserent pas avoir
rien A redouter ; ifs resterent isoles, reduits chacun
a leur force individuelle et a leurs ressources pri-
vees. 11 en resultaque, les unsvolontairement, pour
retablir une situation embarrassee, les autres par
contrainte, incapables de resister a la pression ou
a la violence, se laisserent peu a peu envelopper,
pins absorber completement par leurs voisins plus
riches et plus puissants. La liberte, venue plus tard,
comme chez nous, les cut sauves ; prómaturee, elle


INTRODUCTION. XV


les perdit. Mais telle est renergie salutaire de cette
force, qu'elle suffit a elle seule pour reagir contre les
abus dont elle a pu alre la cause indirecte. En ce
moment memo, l'Anglelerre n'en met pas d'autre
en jeu, et ne remploiera pas en vain, pour corriger
tine anomalie fitcheuse, vice evident de la pratique
des choses, mais non du principe des institu-
tions (0).


Le progres de rorganisation terrienne s'accom-
plira naturellement t0t ou lard, comme tant d'autres
deja, et ne sera pas rune des peripeties les moins
attachantes dela transformation lente et silencieuse
qui se fait aujourd'hui memo sous nos yeux dans
le regime politique de la Grande-Bretagne. Ina-
percue pour la foule, cette transformation, ou pour
rappeler du nom que de rêcentes theories scienti-
fiques ont mis en favour, cette evolution commence
a frapper vivement les observateurs exerces (7). -
Comme elle n'est autre chose que le developpement
rationnel de la constitution anglaise et qu'elle en
fait ressortir la nature intime, it est permis d'y
trouver une preuve decisive du caractere democra-
tique des institutions britanniques.


La democratie s'accommode egalement de tomes
les especes de gouvernements, et petit exister aussi
hien sous le convert d'une institution monarchique




XVI INTRODUCTION.


qu'it l'abri (Fun etablissement republicain. Cepen-
dant, lorsqu'elle reside au fond meme des institu-
tions, on dolt pouvoir la discerner a de certains
indices. II faut surtout quela transition de la monar-
chie it la rep ublique se fasseinsensiblement et comme
par une pen te naturelle. La republique en effet est,
de toute evidence, le type ideal et parfait sur lequel
tend a se modeler, si elle ne s'y est pas arretee des
le principe, toute organisation politique Traimen
liberale et populaire. S'il s'eleve on obstacle qu'il
soit necessaire de renverser, si un revirement com-
plet de Fetal, de choses devient indispensable, on
pent affirmer quo la democratic kait absente. Elle
survient alors inopinement ; on n'y reconnait ni la
croissance naturelle d'un Berme, ni Faction regu-
here d'une force inherente et caehee. Que Von
regarde la democratic; en France. Elle etait si pen
enfermee dans les langes de la royaute, qu'il a fallu
la plus formidable des crises pour qu'elle apparfit,
aux 1 ueurs de sinistres eclairs, dans les orages et la
tempete. Le trOne a chi s'ecrouler avec fracas, et
toute une societe s'abimer en jelant un cri de de-
tresse et d'horreur. L'Angleterre cut sa revolution
aussi ; mais, toute a la surface, elle ne bouleversa
pas de fond en comble, si cruelle qu'elle ait etc, les
conditions sociales. Elle passa comme un meteore,




INTRODUCTION. XVII


apres avoir entrave le mouvement politique, hien
loin d'y aider. La royaute, chez nous, trois fois
essaya de se redresser du milieu de ses ruines :
vain effort ! Le sentiment moderne lui Otait trop
hostile pour se preler a une assimilation durable
avec elle. Chez nos voisins, apres sa courte
eclipse, elle revint brink' d'un éclat plus vif et plus
pur. Quelle conclusion fau t-il en Liner? Gest que le
principe democratique n'etait pas chose Otrangere
et nouvelle dans cette constitution monarchique
si telt retablie par une nation si jalouse de ses droits.
11 en etait plata Fame, et, s'il s'en degager
un jour, ce ne sera plus pour la detruire dins un
effort impuissant et premature, mais pour la rajeu-
nir en quelque sorte et en utiliser la derniere seve.
Ainsi volt-on un rameau vent et touffu sortir ilu
tronc noueux d'un °Ilene epuise par les ans.


Le jour oil, par le seul effet de la loi naturelle
du progres, la democratic anglaise se depouillera
de la forme monarchique, n'est pas arrive. Il se
prepare toutefois (8), et ce sont les symptOmes tres-
visibles de cette evolution qui achevent de demon-
trer, en la mettant dans un relief saisissant, la
vertu democratique interne de la constitution
anglaise.


[in fait patent, et si souvent signals qu'il nest pas




XVIII INTRODUCTION.


besoin de s'y appesantir, &est, l'amoindrissement
confirm de la royaute, quelques titres fastueux
qu'il lui plaise de prendre, et de la Chambre des
lords. Les honneurs leur reslent; la realitó du pou-
voir les quitte (9). L'auteur du Developpeinent de la
Constitution anglaise nest pas le seul a l'avoir re-
marque : on ne pule plus guere du gouvernement
de la mine; une autre expression est entrée dans
le langage politique. On dit : le gouvernement de
M. Gladstone, de M. Disraeli. Le ministre domino
tout; le souverain, les lords s'effacent devant to
chef du cabinet.I1 leur serait a pen press impossible
d'opposer une resistance victorieuse a ses desseins.
La persuasion, facilitee assurement par un immense
prestige, est le seul moyen dont le monarque dis-
pose pour agir sur sa volonte. Un vote hostile de
la Chambre haute nuirait plus aux auteurs de ce
vote qu'a celui contre qui ils l'auraient dirige. Le
maitre incontestable et inconteste, c'est le premier
ministre (10). Vingt faits con temporains, hien con-
nus des hommes qui suivent d'un regard souterm
les evenements au dela du detroit, l'attesteraient
sans peine.


Mais co premier ministre, qui le choisit en le
designant, ou plu [CA en l'imposant au souverain:?
Qui le soutient? Qui le renyerse pour lui en substi-


INTRODUCTION. XIX


Wen un autre ? On le sail, la Chambre des commu-
nes (11). Le chef du gouvernement est absolument
a la merci de ce pouvoir supórieur. On ne citerait
pas d'exemple en Angleterre, comme on le ferait
trap aisement en France, d'un cabinet persistant a


durer contre le VM1.1 de la majoritó de la Chambre
basso, s'appuyat-il memo sur la Chambre haute et
sur la royaute. II a le droit d'en appeler a la nation ;
it use quelquefois de ce droit, mais la pensee ne lui
viendrait jamais, en ent-il le pouvoir, de pousser
plus loin la resistance. Si la nation consullee le,
condamne, hien mieux, ne lui donne pas une ap-
probation Oclatante, it s'incline et cede : it rend a
la Chambre des communes l'autorite qu'il avail
recue d'elle.


Est-il necessaire de rappeler la recente retraile
d'un premier ministre celebre?


La Chambre des communes a son tour, quelle
idee convient-il de s'en faire? Qu'elle soil l'expres-
sion fidele du peuple, surtout depuis les dernieres
reformes, on n'en saurait dou ter (12).A part les chefs
de l'aristocratie et la royaute qui les preside, tons
les membres de la nation yontleur place assignee.
11 ne faudrait merne pas croire quo la noblesse en
soil separee. La plus haute aristocratic s'est conG-
née dans la Chambre des lords ; mais toute cello





XX INTRODUCTION.


noblesse secondaire de petits barons, de chevaliers,
qui, jointe aux yeomen, a forme pendant longtcmps
le noyau le plus compacte de la nation anglaise, se
fit incorporer de bonne heure dans la Chambre des
communes. 11 est done vrai de dire que celle-ci
forme, a elle seule, un tout complet, ou ne manque
aucun des elements eonstitutifs peuple qui la
delegue et qu'elle represente.


On le volt, l'edifice se dresse, majestueux et
aches:6, fonds sur la base large et solide, des ci-
toyens de Loutes les classes, constitue par la Cham-
bre des communes qui en est le corps, terming au
sommet par un conseil et par son chef, thins lequel
se resume la souverainete pop ulaire. Itetirez un mo-
ment, par !Imagination, les pouvoirs paralleles, on
pourrait Presque dire accessoires, de la Chambre des
lords et de la royaute, la construction n'en restera
pas moins debout. Vous aurez ]'ideal mime de la
forme republicaine, tel qu'il West realise dans au-
cun grand ttat do monde, et qu'on l'a ecartejusque
dans le type sans cesse propose des republiques
modernes, clans les Etats-Unis d'Amerique (13).


Voila le terme viers lequel, au jugement des ob-
servateurs les plus experimentes, gravile la consti-
tution anglaise. Loin quo ce gouvernement pule-
mentaire soit inherent a Ia monarchie, it se prete


INTRODUCTION. xxt


merveilleusement au progres et a l'avenement do
la democratic la plus sincere. Pourquoi s'y est-on
tromps si longtemps? vient que nos plus
grands philosopher politiques du siecle precedent'
et des ecrivains Mares dans celui-ci n'ont pas su
demeler cette verite, qui semble comme une de-
couverte imprevue? Comment se fait-il que plus
d'un excellent esprit y voie encore un paradoxe
accueilli volontiers par on sourire de . dedain ? La
raison n'en est peut-etre pas (Incite a saisir.


De meme qu'on prend souvent une fausse demo-
cratie pour la bonne, on se meprend aussi, genera-
lement, sun le sons legitime et vrai du mot peuple.
Si l'on vent entendre par le peuple une portion
distincte et separee comme par une barriere du
reste de la nation, une classe dont les interets
seraient speciaux, les souffrances particulieres, les
devoirs plus penibles, et qui ne pourrait conquerir
ses droits meconnus que par une lutte constants,
avouee ou secrete, on s'abuse etrangement. En
France, it y a eu un tiers kat; it n'y en a pas de
quatrieme. Cette prêtendue classe que, dans notre
pays, les partis affectent d'appeler la bourgeoisie,
embrasse en realise tout.e la nation; la bourgeoisie
est peuple, comme le peuple est bourgeoisie. Pour-
quoi le tiers autrefois se distinguait-il de la no-




XXII INTRODUCTION.


blesse? C'est qu'il s'ólevait entre tons deux pour
ainsi dire un rempart que le premier ne pouvait,
franchir. Les lois, les mmurs, les caracteres, le
privilege dans les obligations et les avantages, tout
les divisait. La scission Otail profonde, Pantago-
nisme naturel. Comment l'observateur impartial
decouvrirait-il la plus faible analogie entre cette
situation pass& et celle oil se trouvent placees de
notre temps, vis-à-vis l'une de Fautre, la classe,
ouvriere et la classe bourgeoise? Aucun obstacle
n'arrete Partisan qui aspire a, une condition supe-
rieure ; aucune loi ne l'enchaine, aucun préjugeme
Pecarte, aucune preference ne l'exclut. Que lui
faut-il? Ce West pas meme l'aceumulation d'une
epargne, souvent impossible, difficile toujours;
c'est le sage emploi du salaire quotidien, la culture
de l'esprit, la regle et la conversance introduites
dans ses habitudes qu'elles polissent. Le bourgeois
est l'homme du peuple affine ; l'homme du people
est a son tour, si Pon veut Bien ne pas s'offenser de
l'expression , le bourgeois it Fetat rudimentaire
et imparfait. On pouvait, dans l'ancien regime, faire
un noble par exception ; dans le nouveau, le deve-
loppement qui transforme l'individu , dans son
ascension hors (le la foule jusqu'a l'elite bourgeoise,
est un phenomene naturel et :regulier. La noblesse


INTRODUCTION. XXIII


naissait et grandissait a part, comme certaines
forets des anciens dans un sol sacre, inviolable. La
bourgeoisie enfonce ses racines dans la terre com-
mune; c'est la seve memo qu'elle v puise qui s'e-
panouita sa time en feuillage et en fleurs.


Le spectacle auquel nous assistons en France est
veritablement singulier. Ce ne sold, pas les classes
dites dirigeantes qui repoussent cette communaute
d'interets et d'origine avec le peuple. Les classes
ouvrieres, elles-memes les premieres, la repudient
avec je ne sais quel opiniatre depit. Les travail-
leurs manuels fournissent eux-memes tousles j ours,
comme le prouvent des exemples multiplies, l'êlite
bourgeoise sortie de leur sein. Ce sont eux pourtant
qui affectent de s'isoler dans une sorte, de caste,
et semblent mettre leur application et lour gloire
a entretenir une eternelle inimitie contre ceux qui
leur tendent les bras. Le fait est constant, aussi dou-
loureux qu'inexplicable. L'un des leurs, par exem-
ple, au prix des efforts les plus louables, s'est-il
detache des rangs de la multitude ; est-il parvenu a
se joindre a ce qu'on pourrait appeler Pavan t-garde
du peuple? A l'instant, ils le renient comme un
parjure et un traltre qui ne merite plus que leur
mepris on leur anathema Ainsi, quand it leur est
permis de s'elever, ils,


n'ont d'autre ambition ja-




XXIV INTRODUCTION.


louse que de s'immobiliser dans une condition infe-
rieure et d'y faire redescendre ceux qui en sont
sortis.


Les Anglais Font bien compris : cc nivellement
par en has est le danger mortel du regime popu-
laire. S'il y a on principe certain, un fait indenia-
ble, c'est qu'un pays n'est gouverne avec equite,
avec profit et gloire quo lorsqu'il esi remis aux
mains des citoyens les plus eclaires et les plus
lionnetes. Nulle doctrine ne prevaudra jamais con-
Ire cot axitime du bon sans, Toute l'histoire se de-
roule a nos yeux pour en demon trer la valour. Aussi,
qu'est-il arrive dans les pays oil, soil par Pellet d'une
brusque et violence revolution, soil par l'application
d'un systeme, soil en consequence de circonstances
historiques speciales , la foule passionnee et Menne
a ete appelee subitement a manier elle-meme les
ressorts de l'Etat? L'administration publique et la
mantle des affaires oft, tot ou tard revele les vices-
les plus funestes et engendre les plus desastreux re-
sultats ; tout au monis, les mceurs nationales y ont
subi de cruelles atteintes. Cette classe de citoyens,
qu'a l'exclusion des autres on appelle abusivement
le peuple, et qui n'en est qu'une portion, n'a pas
eu le temps d'atteindre au degre d'education et de
savoir oil les lumieres de l'esprit et la perfection du


INTRODUCTION. XXV


cara.ctere dirigent le conseil et Faction. II en resulte
ne pent quo fausser, quand elle no le brise


pas, le mecanisme dólicat et complique d'un gnu-
vernement. Pour cet art superieur de guider les
destins d'une societe , it est besoin d'une mitre
preparation. S'y aventurer au hasard, c'est se perdre
et perdre le pays avec soi (14). C'est le droit indiscu-
table des couches infCrieures, pour rappeler une
expression rest& celebre, de monter a leur tour a la
surface ; it y await crime h les en repousser, crime
meme ane pas leur en faciliter Faeces. Mais lour in-
teret est de gravir pas a pas les hauleurs, et non de
les escalades. Les fureurs insensees de la premiere
Republique en France ont retarde de bientet un
siècle Fetablissement regulier de cette forme ideale
de gouvernement, et it ne deviendra durable au-
jourd'hui quo s'il reste aux mains prudentes qui
ont entrepris de le 'fonder. ()Won jette les yeux sur
la Republique americaine. Elle petit s'enorgueillir
A bon droit de sa puissance et de ses libertes; elle
a ete la patrie de l'herolsme civil ct de la vertu :
elle a reproduit, dans les temps modernes, le plus
magnifique exemplaire des vertus antiques ; mais
Feruption du venin cache, pour avoir ete tardive,'
ne s'en est pas moins declaree a son heure. Com-
ment la Republique de Washington, de Jefferson,




I


XXVI INTRODUCTION.


de Francklin, est-elle devenue, a panic sortie do la
plus epouvantable guerre intestine, le theatre at-
tristant de taut de desordres et de hontes ? L'exa-
men de la question est particulierement instructif.


Lorsque les colonies americaines firent la con-
gate de leur independance, les divers elements
dont se compose une nation, depuis les plus gro's-
siers jusqu'aux plus parfaits, s'eLaient moles et
confondus des le principe, au milieu du mouve-
ment meme de la colonisation, puis de la resistance.
Les premiers, Bien qu'ils fussent superieurs, grace
a leur education puritaine, a la classe analogue chez
d'autres nations, n'curent done pas le temps de se
polir et de se preparer Rn rOle actif qu'ils devaient
jouer dans la nouvelle patrie affranchie. Quoi de
surprenant qu'ils aient porte dans les affaires pu-
bliques le genie apre et incomplet qui leur Otait
propre ? Les grands hommes de rage d'or dispa-
rurent, le souffle repandu par ces Ames herdiques
dans le corps social naissant se dissipa pen a peu.
Line immigration incessante, composee d'elements
en general infórieurs aux premiers, acheva
troubler rceuvre du perfectionnement de la foule.
A cc moment on vit se faire jour et predominer
peu a peu les instincts vulgaires et egoIstes, la
passion effrenee du gain, la faiblesse on la bizarre-


INTRODUCTION. XXVII


rie des esprits, le penchant a la tyrannie, la rude
et brutale impatience, l'orgueil sans bornes, au tani
de causes actives do desorganisation et de trouble.
La puissante union americaine so debut mainte-
nant contre ces fleaux qui la rongent, et nul ne
pent dire si cette crise redoutable, dont nous
voyons le debut, sera surmontee par sa sagesse et
son bonheur.


Tout autrement en &le de l'Angleterre. Le
germe dem ocralique, depose des l'origine dans sa
constitution, apres avoir donne une premiere fib-
raison, y resta comme a l'etat latent, agissant avec
sttrete, mais lentement et en silence, et dans sa
croissance inegale, Bien quo continue, arrive a peine
de nos jours a une seconde et definitive eclosion.
11 etait dans la nature particuliere de ce principe
et des institutions qui en decoulerent de ne favo-
riser l'avénement de la foule qu'au fur et a mesure
qu'elle s'etait en quelque sorte epuree et avail
passe, coMme on pourrait dire, au crible d'une
education sociale (15). Le peuple, en Angleterre,
n'a pas cesse un moment de prendre part a l'ad-
ministration de l'Etat ; mais it n'exerca ce droit
qu'a la condition de se transformer, de devenir
comme un peuple nouveau, eclaire, poli, ennobli
par le talent, la vertu on la richesse bonne-to. 11




XXVIII INTRODUCTION.


faut dire a son eloge que, par son caractére calme
et sense, par ses instincts dociles et respectueux,
it se prelait admirablement a ce frein salutaire.
Le peuple anglais, de lout temps, a revendique fie-
rement ses libertes publiques et privees, et s'en est
assure la 'pleine possession, a la difference d'autres
pays, comme la France, oil le tiers, si remarquable
qu'il Mt par ses lumieres et sa capacite, cut besoin
un jour de pretendre a etre tout, parse quo jusque-
la it n'avait etc rien. Mais ce memo peuple s'est
aussi touj ours distingue par un rare sentiment d'es-
time et de soumission vis-a-vis de eeux quo lour
merite, lour influence ou leurs charges elevaient
a un degre superieur dans la hierarchic des
citoyens. 11 aspirait a y mon g er avec eux ; mais
regardait comme une condition equitable qu'on n'y
parvint qu'au prix des memes travaux. Ainsi les
moeurs, de concert avec les lois, etablirent, dans
tine nation si him douee pour la liberte et peu
soucieuse dune egali Le mensongere et perilleuse,
une democratic aussi reelle que cello d'Athenes et
de Pericles, dont elle se glori fie a bon droit d'avoir
reproduit l'eclatant modele. Cette democratie ne
se livra pas a la multitude tumultueuse et inculte.
Fondee sur l'amelioralion graduelle du corps de
la nation, elle se confia prudemment ar une elite


INTRODUCTION. XXIX


sans cesse ren ouvelee et sans cesse superieure a cello
qui l'avait devancee. De la sa force et sa duree.
Seulement on apercoit que ce procede memo de-
vait induire . en erreur sur la veritable essence et
la portee do ce regime politique. Populaire en rea-
lite, it pouvait apparaitre comme aristocratique.
On avail le spectacle de la plus sage democratie,
dont une longue histoire a prouve surabondam-
ment les bienfaits. On a cru y voir uric, oligarchic,
et l'on hesite encore aujourd'hui a y chercher
la regle et l'exemple dont, l' oubli, chez nous, si l'on
en juge Par plus d'un indite inquietant, risque de
devenir funeste aux recentes conquetes de noire
libertó.


Il West pas de meilleure methode pour Bien ap-
precier l'inspiration secrete, rharmonie et les ten-
dances de cette constitution anglaise si mal con-
nue, que de remonler aux plus anciennes coutumes
d'ot elle derive. Demeuree intacte au fond, malgre
les transformations diverses qu'elle a dir subir, elle
ne s'est jamais ecartee de sa forme primitive ; elle
s'en est au contraire constamment rapprochee, et
pour dernier progres y est presque enlierement re-
venue dans notre siecle (4 6).Ces antiques institutions
sont d'autant plus faciles a etudier qu'elles se sont
perpetuees jusqu'a 'nous chez quelques petits


b.




XXX INTRODUCTION.


peuples et clans quelques grouper obscurs
echappes pour des causes diverses aux revolutions
des grands Etats, en sont Testes a l'organisation de
leurs premiers jours. Le type de ces modestes so-
cietes se retrouve entre autres dans certains can-
tons de la Suisse, oil un


s'il renaissait,
croirait revoir ces tribes germaniques gull a si ma-
gistralement et si exactement depeintes. Memes
assemblees deliberatives ou claque citoyen parait
en personne ; meme election des chefs devenus
avec le temps de simples magistrats ; meme regime
de la propriete, meme simplicite de mmurs, meme
fierte male et independante. C'est le self-govern-
ment, dans toute la force et l'etendue du terme,
les citoyens, tous egaux, tous libres, administrent
e,ux-mernes leurs affaires en conimun. 'Voila oil les
Anglais reconnaissent, avec une satisfaction qui Va
jusqu'a I'enthousiasme, les origines et le modele de
leur socike politique. On sait en effet s'enor-
gueillissent surtout de n'avoir jamais innove, de
n'avoir fait qu'aider a l'accroissement successif et
a l'expansion de leurs institutions originelles.
L'idee revolutionnaire leur est tout a fait etrangere.
Its n'admettent pas cette introduction inattendue
d'un element nouveau, mfiri par le travail des
penseurs, et venant a son jour 'changer la direction


INTRODUCTION. XXXI


des destinees d'un people (17). 'route l'histoire n'est
A leers yeux qu'une longue et constante evolution,
la perpetuite d'une immemoriale tradition. lls
semblent avoir raison en ce qui concerne leur pays ;
mais it n'a pas ate donne a tons les autres de jouir
de cette felicite et de n'avoir qu'a contempler, sa-
tisfaits, le dóroulement de leur histoire.


11 est cependant une legion precieuse que nous
pouvons encore tirer de cet exemple, en nous appro-
priant une qualite maitresse de ce grand people.
Le sujet est d'une importance assez considerable
pour meriter qu'on s'y arrete.


Nous sommes victimes depuis longtemps d'une
tendance facheuse, d'un deplorable travers dont
les strangers nous ont souvent plaints on rallies :
je veux dire la manic des systemes dans le gouver -
nement. Les Anglais surtout s'ebahissent deviant
nos constitutions successives, elaboróes avec une
methode mine tieuse, oh une science profonde s'est
epuisee en subtiles combinaisons, oil l'on n'a rien
orris, Hen livre au hasard, dont toutes les parties
soot adaptees avec art dans un ensemble impo-
sant, et qui, s'elevant chacune, pour ainsi parler,
cornme une forteresse inexpugnable, semblent de-
fier l'ennemi. Au premier choc, elles s'Ocroulent,
elles disparaissent, po ur faire place a une autre,




XXXII INTRODUCTION.


non moins solide en apparence, non moins fragile
en realite. Nous commettons trop l'erreur de de-
daigner la pratique pour la thêorie, de poursuivre
l'idee en laissant, Ochapper le fait. Tel est notre
genie : it nous taut appliquer aux faits sociaux les
methedes rigoureuses de la pensee (18).Nous n' aeons
de cesse qu'ils ne soient etiquetes et classes; nous
nous ingenions a les tourmenter en mille manieres
pour les enfermer dans tin motile fagonne d'a-
vance ; nous leur imposons une logiquc serree et
inflexible. qui West pas la lour et a laquelle it est
inevitable qu'ils echappent. De la ces oscillations,
ces retours soudains, ces deceptions êternelles.
Le progres, ainsi entrave, devient impossible.
Que les Anglais sont plus sages! Leur genie pra-
tique ne saurait admettre ni ces generalites metho-
diques, ni ces systematiques agencements ; les
ideologues, avec lour science artificielle et leurs
prejuges, lour inspirent une insurmontable aver-
sion. Cc ne sont pas eux qui se forgeraient une
douzaine de constitutions durant l'espace de mains
d'un siecle, et qui, dans leurs livres, construi-
raient des systemes de toutes pieces oil l'auteur.
acharne a sa pens& abstraite, s'obstine a faire en-
trer, comme dans un lit de Procuste, les &One-
ments, les hommes et les el-roses. Its s'en tiennen•


INTRODUCTION.


mut


l'experience qui sail, toujours se corriger elle-
mem, a des habitudes qui se pre-tent comme na-
turellement aux besoins de chaque (Toque. Ds ne
veulent d'autre regle que I usage ; lours institutions
traditionnelles leur suffisent (19). Calmes, attentifs,
sans parti prix, ils regardent, ils observent, ils at,-
tendent, prets a porter secours a la partie
lante du vieil edifice, a combler un vide, a ajouter
une construction, en sorte que ('ensemble se re-
nouvelle et se maintient a la fois, dans une perpe-
tuite qui est un rajeunissement continuel. Sous ce
rapport, en particulier, leur constitution pent etre
regardee comme le chef-d'oeuvre de la politique
liumaine. Dien n'en est &Tit, comme on sait. Des
coutumes immemoriales, des statuts uniquement
destines a les eclaircir ou a les c,onfirmer : e'est
la que tout se borne. Mais cette constitution, in-
corporee a la nation, loin d'etre un programme
creux et, mort comme les nOtres, vit avec elle; elle
conic en quelque sorte dans ses veines avec son sang ;
l'Anglais n'a pas besoin de l'apprendre ; i1 la sait
d'instinct, it ne la comprendrait, pas autrement.
Comme ('enfant devient homme en restant le
memo ainsi s'est-elle successivement trans-
formée, ainsi se transformera-t-elle, sans cesser
d'être
vieille loi, there a tout cceur anglais,




XXXIV
INTRODCCTION.


d'Alfred-le-Grand el d'Edouard le Confesseur.
Imiterons-nous jamais ces esprits positifs et cir-


conspects? Consentirons-nous h faire ceder la rigi-
(lite de nos systémes abstracts et preconeus A la
umbilite prevue des evenements ? It ne semble pas
temeraire d'en nourrir l'esperance, ii voir du
moins les larger traits de la constitution actuelle.
redigee, it est vrai, sous la pression des circon-
stances, mail qui n'ett pas et.6 possible sans le
progres evident do nos mceurs politiques. Elle est
courte, nette, precise. Elle ne fait pas table rase du
passé et ne pretend pas tier l'avenir. C'est la pre-
miere qui n'affecte pas de se croire immortellt! :
plaise ii Dieu Tie, la premiere aussi, toute dispo-
see ii s'assouplir au gre des Ovenements, elle ne
soit pas brisee sous lour etreinte !


Les considerations qui precedent s'appuient stir
l'autorite de tonic unc ócole moderne de remar-
quables ecrivains anglais (20), et concordent specia-
lement avec les theories de l'eminent historien dont
j'offre ici au public le curieux ouvrage. Sur tous
les points que je viens d'examiner, M. Freeman me
parait faire preuve do vues aussi justes que pro-
fondes. Je ne puffs qu'ajouter mon humble opinion
A la sionne. Mais it en est d'aut.res oii je dois me
separer de lui et oil foserai, quel que soil mon res-


INTRODUCTION. XXXV
peel pour l'erudit et eloquent publicists, combat-
tre ses sentiments et sa doctrine.


Lorsque, pros de cent ans en arriere, les plus
;rands esprits et les cwurs les plus genereux qui
aient jamais honors un peuple, se furent reunis
de toutes les parties de la France pour composer
la plus illustre assembles des temps modernes ,
its n'hesiterent pas. Hs declarerent A. la France
qu'elle etait digne et capable de devenir Libre, et
its furent d'avis que les institutions qu'avaient en-
vices pour elle un Voltaire et un Montesquieu de-
vaienl etre le fondement et la Moire de Pere nou-
velle. D'autres hommes, apres eux, s'inspirant do
theories plus seduisantes par lour hardiesse et
leur nouveaute memes, et se recommandant d'un
penseur non moins fameux, proliterent de fautes
pent-Dire inevitables pour s'emparer de la fouls
et l'entrainer par dela, les barrieres prudemment
&Nees. Le C'ontrat social supplants 1'E sprit des lois ;
la Convention renversa l'Odifice de la Constituante,
et, pour en vouloir agrandir premalureme.nt l'en-
ceinte, risqua d'en Obranler la solide assise. Cette
scission, comme l'evenement ne le prouva que
trop, devint fatale, et n'a cesse, depuis lors, de
poser sur nos destinees et sur' celles de la revolu-
lion. Qui pourra dire combien de calamites nous




XXX\'I INTRODUCTION.


eussent 61.6 epargnees, a quell° grandeur solide
nous fussions parvenus, si, des cette époque, R.61-u-
blicains et Constitutionnels, roux-la moins impa-
patients et moins absolus, ceux-ci plus hardis,
mieux instructs aussi de la force interne el de la
portee politique de leur principe, avaient resold
de s'entendre, comme ils l'ont fail aujourd'hui, sur
le terrain commun de la liberte?


II y a, dans cot antagonisme des deux philoso-
phies politiques de Rousseau et de Montesquieu,
une raison d'être serieuse, mais purement doctri-
mile, et qui disparait lorsqu'on passe du domaine
de la theorie h celui des fails (21). 11 imporie, de Bien
specifier le point capital qui les divise, mais it im-
porte tout autant de faire remarquer que cette
divergence n'exerce pas une influence appreciable
sur la pratique des institutions politiques (22). Les
deux .ecoles reconnaissent egalement a chacun des
membres de la cite le droit de Bonner son axis stir
la chose publique. Le suffrage universel, tradition
interrompue de nos premiers aleux, n'est pas
moins acclamó par nine que par l'autre. Mais oil
elles cessent de s'accorder, c'est quand l'une altribue
a. ce suffrage line souverainete absoluc quo l'autre
lui refuse dans ces termer et avec cette portee.
L'ecole de Rousseau place l'origine de la loi dans la


INTRODUCTION. XXXVII


volonte de celui qui la fail. Elle ne s'apercoit pas
qu'elle proclame ainsi, a l'image de la tyrannie des
rois, le despotisme de la multitude. En accordant a.
l'individu cette independanc,e sans berries et sans
frein, elle meconnall la regle eternelle du bien.
cette loi souveraine qui reste superieure a touter
nos resolutions, et, bon gre, mal gre, clans noire
esprit memo, les condamne ou les approuve, suivant
qu'elles Folfensent ou s'y conforment. Les disciples
de Montesquieu n'acceptent pour maitre ni prince,
ni noble, ni ni un homme ni une collection
d'hommes. Leur unique souverain, c'est le Bien et
le Vrai. S'ils rencontraient quelque part le Vrai ab-
solu, le Bien parfait, ils se soumettraient obeissants.
Mais, qui ne le sail? on ne les trouve pas dans
no tre infirme humanite. C'est done noire lot d'.en re-
produire seulement la moins imparfaite expression,
den recueillir partout jusqu'aux rayons les plus
faibles, pour composer de leur ensemble le faisceau
le plus fort et le plus lumineux. Voila pourquoi ii
ne suffit memo pas que l'humble citoyen ecoute,
suive de loin, con tribue a former l'opinion publique.
Les parlementaires craintifs qui s'en sont terms
ont nui a leur autorile et a leur cause, en n'allant
pas jusqu'au bout dans les consequences certaines
do leur principe. 11 est necessaire, comme it est




XXXVIII INTRODUCTION.


juste, quo le plus obscur lasso entendre Lout au
mins ]'echo de sa voix dans les grandes delibera-
tions de la nation : c'est en meme temps un devoir et


un droit pour la sociale aussi Bien que pour lui (23).
Sa part de raison dans la raison generale, se joignant
a toutes les autres, contribuera h. fixer la portion
de justice et de verite qui servira de loi, jusqu'a ce
quo cello loi, a lasuite d'une enquete nouvelle, soft
completes ou corrigee par une mitre. Mais, a aucun
titre, de cetteinterven legitime, obligee, ne peut
naitre une souverainete, en dehors de la justice
cherchee en commun et quo la societe poursuit sans
relache, parce qu'il est possible d'en approcher,
jamais d'y atteindre.


M. Freeman se rallache a recole de Rousseau,
Celle qui predomine chez nous. Il est vrai qu'avec
le sons pratique qui n'abandonne jamais le theori-
tien anglais le plus temeraire, it n'hesite pas a s'en
affranchir lorsqu'elle le gene. On le verra refuser
plus d'une fois, dans son livre, de la suivre jusqu'au
terme rigoureux de ses deductions. Toutefois, la
souverainete absolue de l'individu brille a ses yeux
comme un dogme auguste ; it la Mare avec trans-
port. Ce sera la son plus beau titre aupres des esprits
qui nourrissent les memos convictions. Pour moi, j e
tie puffs ml ektasier, ainsi qu'il fait, devant des


INTRODUCTION.
xxxix


hommes, parce qu'ils ne se soumetlent qu'a leers
interets on a lours caprices formules en lois. Je-
reserverais plutet mon admiration pour ceux qui
inclinent spontanement leer volontó , reconnue
injuste, devant ]'ideal de la Raison. Apres cette cri-
tique, qui petit aussi passer pour un eloge, suivant
le point de vue auquel on se met et lc camp oh Yon
se range,j'en hasarderai d'autres. Je pourrais, par
exemple, relever 'Injustice flagrante avec laquelle
Fauteur, tout plein gull est de sentiments reli-
gieux, juge le catholicisme et la papaute, si cc n'êtaiL
la un terrain sur lequel un Anglais se mon trera Lou-
jours intraitable. Mais oit je no voudrais pas deses-
perer de ma cause, c'est en essayant de le ramener
a une appreciation plus equitable et moins partiale
de notre race.


Lorsque M. Freeman oppose les Teutons aux
Welches, les races latines, qui ne seraient pas aptes
a la liberte, aux races germ aniques, qui en auraient
fait leer monopole, je lui pardonne sa predilection
enthousiaste pour les aieux donl, le sang coule
dans ses veines ; mais j'en appelle do son patrio-
tisme exalts a sa science meme et a sa droiture.
Est-il possible de tenir pour non avenus les bienfaits
in dóniables dint le monde moderne — a part l'An-
gl eterre, s'il Taut rexcepier — est redevable a la




INTRODUCTION.


civilisation romaine? Et qu'a done fait de plus pour
l'humanite la civilisation germaiiique? Sans Rome,
eilt-elle memo existe (24)? Qui affirmera que les li-
bertes rudes et sauvages qu'abritaient les forets du
Nord eussent jamais etc si fecondes, si elles n'avaient
senti les souffles du Midi ? Est-il certain que les
institutions saxonnes, livrees a elles-mdmes dans
file britannique et echappant a Faction tres-com-
plexe du continent latin, eussent enfante hi consti-
tution liberale dont la nation anglaise, est si justement
flere ? De celebres historiens, hors de notro pays, ne
nous ont-ils pas enseigne que Felement arisLocra-
tique des societes modernes de l'Europe y aurait
paru soils les-auspices des Germains memes, dont la
liberte, apres tout, n'aurait die qu'un individualisme
egolste et farouche ? Les Romanis, au contraire, au
su de tons, n'avaient-ils pas savamment organise le
regime communal dans Louie Fetendue de leur em-
pire? EL dans la Grande-Bretagne, ces a utochthones ,
des Celtes, primitivement sounds par les envahis-
seurs sagons, paraissaient-ils done si Otrangers a
tout sentiment de liberte ? Et l'Irlande, oii l'ancien
droit celtique constate Fusage d'assemblees gene-
rales sur une bruyere ouune colline; comme dans la
Suisse memo, dont M. Freeman fait, en debutant,
nn tableau Si poetique et si ilatieur ? Et ces popu-


INTRODUCTION. -
XLI


lotions des Irois Iles normandes, resides la propriete
des Anglais sur nos cotes, inais si essentiellement
franeaises, et relies encore do bas Canada, oil noire
race est sans mélange, qui montrent pourtant une
si rare aptitude pour le self government, faut-il done
les passer sous silence? En fin, pour terminer par le
trail le plus frappant, pout-on oublier, sans se
rendre coupable d'une criante injustice, qu'une re-
volution fameuse entre toutes a, la premiere, non-
seulement defini avec solennite, mais genereuse-
ment Write de mettre en pratique tons les droits,
sans exception , que róclament legitimemenl
l'homme et le eitoyen, et quo cette revolution est la
Revolution f'iancaise?


A vouloir hien approfondir la question, serait-il
memo si malaise de dómontrer quo la philosophic
utili Mire, anglaise, en subordonnant la liberle de
Findividu aux vicissitudes de l'interet general, lui
prete un appui moins ferme et plus discutable que
la grande ecole francaise, qui la Conde sur le carac-
tete sacre, et inviolable de la personne humaine ?
La preuve en est flagrante, sous nos yeux, dans
l
'Allemagne elle-memo. Deja, en remontant de bon


Hombre d'annees, un revirernent singulier s'annon-
eait chez nos voisins d'outre-Rhin. Le philosophe
Hegel se plaignait de la trop large part aecordee




NUJ INTRODUCTION.


dans les institutions anglo-saxonnes A l'ini tiative in-
dividuelle. Aujourd'hui, ce mouvement de reaction
s'y dessine plus nettement encore. Dominee par
des considerations et des circonstances speciales,
obeissant au bosom dune étroite cohesion indis-
pensable it l'achevement de ses desseins, l'Allema-
gne romp', decidement avec la tradition liberale
de ses aieux. Ce n'est plus l'independance de l'in-
dividu qu'elle arbore comme un drapeau sacre,
avec son noble cortege de !Mertes et de vertus ; le
but qu'elle poursuit, avec une Constance et une
rigueur dignes d'une autre cause, c'est la concen-
tration la phis formidable de tous les pouvoirs aux
mains de 1'Etat. La convergent tons ses efforts,
toutes ses lois, toutes les reformes de sa pobtique
interieure et do son administration. L'Etat dorena-
vant sera tout ; I'individn n'a qu'un-devoir qu'un
role, s'absorber dans l'Etat. L'enseignement
s'est donne pour mission de rópandre et de conso-
lider la doctrine nouvelle. Les professeurs les plus




renommes, a. Berlin et ailleurs, enseignent a leurs
disciples que les races royales et les classes diri-
geanies ne doivent pas Rise discutee.s, et planent
an-dessus de l'instabilite des opinions; qu'un bon
prince est Point du Seigneur, une image terrestre
de la majeste divine, don', la parole n'est pas un


INTRODUCTION.


ordre, mais une loi. Nous voila hien loin des anti-
ques Germains et de leur Wapnatack, cc choc des
armes qui dec,idait du choir des chefs et du sort
des propositions qu'ils soumettaient a leurs in-
domptables compagnons !


Ces faits sent notoires ; toutes les voix de la
presse les publient journellement. En verite —
peut-on s'Ocrier — est-ce hien le moment de van-
ter si magnifquement et de porter si haul la grande
ame germanique?


Non, la liberte n'a jamais Ote l'apanage dune
race humaine a ]'exclusion des mares (25). Ne re-
trouve-•on pas le meme droit primal!' chez tons les
peuples it leur naissance? N'a-t-on pas signale 1'a
nalogie des institutions gerinaniques avec celles
memos de l'Inde ? Ce est vrai de dire, c'est
(rue certains peuples, tout en aimant la liberte, ont
pu etre en ',Isaias a porter leurs preferences ailleurs,


y a une portion de verite dans le reproche qui
nous est adresse. Oui, la liberte, hien qu'elle nous
soil aussi there gill personne, nous touch° moms
cependant qu'un autre droit, l'egalite : et c'est la
noire tort. On pelt dire que la passion de l'egalite
est le trait dominant de notre caractere national.
Cette passion s'est nourrie de notre sourde et an-
donne irritation contre le regime des castes ; forti-




XLIV INTRODUCTION.


fiee par la longue du roe d'un combat necessaire, sou-
cent quitte, touj ours repris ; exasperee par la crainte
de voir, apres tant d'efforts, lui echapper la victoire
enlin remport6e. Lame remplie de cet unique
souci, la France — cent ans anssi occupee tout en-
tiere 1 defendre et a recouvrer son in dependance na-
iionale — ne s'est pas habitnee a desirer la liberte ;
elle en a moins compris les avantages et le boson'.
Elle s'est inc,onsciemment abandonnee a tons les
pouvoirs qui ont eu la precaution de ne pas la cho-
quer dans ses plus vifs instincts. L'amour de la li-
berte, n'ayant pu naitre ainsi de l'exercice de la vie
publique, ne s'est developpe en France qua lardi-
vement et dans les plus hautes classes, A la favour
d'une culture eminente de l'esprit. Le bosom de
l'egalit6 ne va pas sans quelque alliage ; it y entre
autre chose quo le legitime souci d'un hien per-
sonnel. L'analyse y dernele sans peine un ele-
ment moins pur, je ne sail quel chagrin inquiet et.
hostile a la vue des avantages d'autrui, qui en est
comme le ferment cache. La liberte au conlraire
n'inspire qu'un attachment noble, delicat, vierge
de lout interet inavouable; le detriment de run,
pour elle, ne pout Ctre le benefice de l'autre; elle
fieurit au profit de tons. Aussi, pour aiguiser en
nous cc. gout Mousse de la Eberle, avons-nous


INTRODUCTION.
XLV


besoin, dans tine plus large mesure peut-Otre quo
d'autres peuples, de nous appliquer a tine double
tiiche : d'une part, etendre le domaine trop res-
treint jusqu'ici, la science a ete circonscrite
clans notre pays ; de l'autre, Clever, et, pour ainsi
parlor, affiner le sentiment public. Hausser le ni-
veau des intelligences et des murs telle est l'muvre
qui sollicite les amis de la liberte. Cost parmi nous
un vcnu


unanime quo l'instruction, comme un sang
genereux destine a regenerer la France, coule de-
sormais a profusion dans tonics les veines du corps
social, et, par une circulation rapide ct inccs-
sante, aille y jeter la vie jusqu'a ses extremites
los plus incites. Mais s'il est un parti politique en-
tre les autres qui la souhaite et s'y devoue, c'est
le parti parce qu'il cede ainsi a la logique
memo et I. la force de son principe. L'instruction
est son plus puissant levier,- la condition de son
triomphe definitif. Les classes eclairees elles-me-
mes, combien pen le sont-elles ? Satisfaites des li-
bertes qui suffisent a leurs interets materiels, elles
n'en ambitionnent pas d'autres, et font bon mar-
ehe de colles qui sauvegardent les interets mo-
raux, la (lignite de l'homme. Descencicz l'echelle
sociale. La, on entend par liberte la facult6 de tout
detruire, de tout oser, de vier tons les devoirs


c.




XLVI INTRODUCTION.


comme de s'arroger tons les droits (26). L'instruction
et ]'education corrigeront ce mal, parse que, s'il est
grand, it ne tient pas du mains, on peat s'en con-
vaincre, a noire constitution intim et a notre sang.


On a pule de decadence ; on a cult que nous fle-
chissions sous ]'heritage heroique de nos pores et
sous le poids de noire revolution. N'a-t-on pas pre-
tendu aussi- que l'Angleterre Malt degeneree de
ses ancôtres et penchait vers sa ruine ? Non, et,
quels quo soient les sympthmes dont on puisse
s'effrayer en cc moment, quelles que soient les ap-
prehensions quo concoivent les Ames timides et
qu'alimentent en elles des esprits mecontents ou
exaltes, ne nous laissons pas alle y a un decourage-
ment indigne. A l'heure de la decadence, un trou-
ble profond regne partout, dans les regions
moyenncs comme a la cime et dans les bas-fonds ;
l'egoisme, la pear, taus les sentiments dangereux
ou vils envahissent l'etre social entier ; comme on
ne s'assure sur rien, on dedaigne l'effort, on s'aban-
donne an hasard ; le regard, qui n'ose percer dans
l'avenir, se detourne du cote du passé pour y cher-
cher des motifs de recrimination canine le present;
le mouvement des esprits et des bras, paralyse,
s'arrete ; les sciences ne dócouvrent plus de nou-
velles verites ; l'industrie n'en 'cherche plus d'inge-


INTRODUCTION.
XLVII


nienses applications ; le commerce recule (levant
I'audace des entreprises ; le travail, devant la pri-
vation de l'epargne; la pens& peril le goat des
haules speculations ou elle mettait sa gloire, et la
philosophie desapprend ses brillanis combats ; on
volt enfin tons les ressorts se detendre, et la na-
tion, ainsi frappe° a mort, n'offre plus quo le spec-
tacle d'une langueur oisive, morne, impuissante, si
elle ne s'eveille pas pour de honteux plaisirs on de
muffles querelles.


En sommes-nous la, et qui ne reconnaitra corn-
hien ce tableau differe de la realite? Le regime pre-
cedent avait pu enerver les caractöres et amollir
les mmurs. Apres la terrible secousse qui nous a
ebranles, les institutions essentiellement liberales
que nous avons enfin adoptees, hien qu'elles soient
imparfaites encore et ballottees comme clans tine
tourmente par ('impatience on ]'hesitation des es-
prits, acheveront de nous arracher a notre tor-
perm et de nous rendre A notre virile energie.
slat que nous ne refusions pas d'en apprendre le
difficile usage.


L'auteur du Debeloppement de la Constitution an-
glaise, du commencement a la fin de son livre, ce-
lebre la liberte. Il en fait le patrimoine et l'hon-
neur de sa race. Je veux hien oiler en etudier chez




XLV111 N't RODUCTION.


lui les applications et l'exereiee ; quant a la vertu
mOme qui en est la source, je la revendique A mon
tour pour mon pays, parce que c'est Celle des
peuples forts qui peuvent etre vaineus, mais se
relevent toujours de leurs delaites.


NOTES DE L'INTRODUCTION


ALExAmu: DEHAYE.


Paris, le 3 juin 1877. (I) Ce que disait M. de Remusitt, it y a plus de Ningt
n'a pas cesse d'être vrai la constitution anglaise


est la meilleure solution europeenne du probleme de la
liberte politique.


11 aurait pa ajouter : aussi Bien dans tut etal republi-
cain que dans une monarchie. C'est cc qu'eclaircira
l'ouvrage mane de M. Freeman. On y verra que lc re


ime parlementaire observe en Anglelerre par Montes-
quieu et de Lobne n'est plus, en realite, celui qui fonc-
tionne sons nos yeux. La preponderance toujours crois-
sante de l'element populaire en a completement change,
non pas la nature, mais la maniere d'etre et la physio-
nomie.


(2) On n'apercevrait cependant qu'une face des (Moses,
si l'ou ne remarquait pas que chile. de toutes
les classes du peuple anglais, au-dessous de la pairie,
a eta entiere des le milieu du moyen Age, a une époque
oit nous etions Bien loin de l'avoir obtenue pour nous-
'names.


Le droll. d'ainesse n'etait pas un privilege de la no-
blesse, mais la loi commune du pays.


(3) Montesquieu :
(c La democratie et l'aristocratie ne sont point des


Etats libres par lour nature. La liberte politique ne se
trouve que dans les Etats moderes.




L NOTES DE L'INTRODUCTION.


Bossuet developpe cello pensee. Il explique qua « la
liberte excessive se &Emil elle-meme » ; — que ,
(«l'autre part, fautorite, qui de sa nature emit ioujOlit'S,
degenere en tyrannic »; — que « l'interet particulier,
qui fait que de part et d'autre on pousse plus loin qu'il
ne faut memo ce qu'on a commence pour le bien pu-
blic, ne permet pas qu'on demeure clans des conseils
moderes »; — qu'enfin « entre ces deux extremites un
peuple sage dolt trouver le milieu ».


N'est-ce pas la une lecon que Woos n'avons jamais eu
plus grand besoin (Maier qu'aujourd'hui memo?


(••) Milton :


For orders and degrees
Jar not wilh liberty, but well consist.


Bossuet, les Empires :
« Le people le plus jaloux de sa liberte que l'univers


aft jamais vu se trouva en memo temps le plus soumis
a ses magistrats et a la puissance legitime. »


(5) La constitution de la noblesse en Angleterre n'a
entraine quo des modifications dans la loi civile. Or, it
est de toute evidence que les lois chiles peuvent varier
sous le memo regime politique, démocratique ou attire,
sans en alb:Ter la nature.


(0) Le principe des institutions anglaises est si pen at-
teint clans cette question que, partout oil la libre occu-
pation du sol n'a pas ere limitee comme dans la mere
patrie, on a vu cc principe deployer a 'Instant toute sa
force democratique. Ainsi en Austridie, ainsi dans l'Amé-
rique anglaise. Si le droit stalutaire a quelque chose d'a-
ristocralique, Ia coutume saxonne au contraire, to com-
mon law, diva d'essence si populaire qu'elle admit tout
d'abord le suffrage universe' memo. On ne se souvient
peut-fare pas asset quo le suffrage universe' fut en vi-
gueur en Angleterre, pour les elections a la Chambre


NOTES DE L'INTRODUCTION.
des 'communes, jusqu'au regne d'Henri VT, au quinzieme
siecle, et, pour les elections paroissiales, jusqu'a la
Restauration.


Quanta ce qui touche "'organisation de Ia propriete
fonciere, tout le monde connait les ligues successive-.
mut organisees depuis une dizaine d'annees de l'autre
ate de la Manche, et les succés qu'elles ont déjà rem-
portes. Mais le travail d'amelioration y date de bien
plus loin, et, chose curieuse, preoccupa les roil les pre-
miers. Les Tudor, en particulier, prirent plus d'une rne-
sure utile contre l'accumulation excessive des Wens-
fonds clans les memos mains. Les mceurs, jusqu'a
present, ont resiste au bon vouloir memo des gouverne-
monis.


(7) Elle s'est lenlement o ,neree et se continue tour
les jours par l'effet surtout du progrãs silencieux,
souterrain en quelque sorte, d'une constitution toute
convenlionnelle, inconnue a la loi &rite, formée de
sous-entendus et d'habilndes, mail d'une puissance
irresistible. C'est it ''etude de colic loi non &rite et si
Orninemment importanle par ses resultats que fauteur
du Developpement de la constitution anglaise consacre son
troisieme chapitre, le plus interessant pout-Otre de
bons.


(8) On essaierait en vain d'enrayer aujourd'hui le
mouvement democratique ; mail Ia sagesse du peuple
et la moderation des ecrivains qui, comma M. Free-
man, dirigent cc monvement peuvent amplement ras-
surer l'Angleterre sur toute Oventualite funeste. Macau-
lay s'effrayail a tort. On pout le prévoir : les reformes
memos les plus graves s'accompliront chez nos voi-
sins a l'heure voulue, sans secousse et sans trouble.
Heurcuse Angletcrre !


(9) Le roi ne prend plus part aux deliberations du
cabinet ; it n'a plus le droll de veto ; it n'a plus le droit
de grace que sous restriction ; it ne peat plus prendre




LII NOTES DE L'INTRODUCTION.


de secretaire polilique, et. s'il nomme aux charges, son
choix est en qucique sorte force.


Les Lords — pour ne titer que ce Mt — no peitvent
plus se taxer eux-memes, car la Chambre des commu-
nes est desormais smile souveraine en matiere d'impOts.
Its n'ont plus memo le droit d'amender les lois do finan-
ces. Its enregistront, its exercent un pouvoir modera-
tour : rien au debt.


(10) Un exemple de l'independance du ministere vis-
a-vis de la repute : Lord Palmerston, en 1852, ecrivant
a Lord Normanby, ambassadeur d'Angleterre a Paris,
qu'il approuve le coup d'Etat, ne coin muniquant pas sa
lcttre h la reins, et r»aintenant son droll de ne pas lui
soumettre ses depeches, ni cette fois ni d'autres.


(II) Depuis 1832 surtoul, le pouvoir, qu'exerce en son
nom le premier ministre, appartient entierement a la
Chambre des communes. C'esl elle qui concentre dans
ses mains tout le gouvernement du pays. M. Disraeli
lui fail dire quelque part : c'est 711.0i, et rien de
plus vrai. Notre anteur ne manque pas de le consta-
ter.


En 1832, Guillaume IV retablit malgre lui et sir les
instances des communes l'administration de lord Grey.
En 4831, lord Melbourne est ramene au ministere mal-
gra le roi encore. On verra aux notes de M. Freeman
comment la rune Victoria fit contralti le de subir Robert
Peel, en 1841. En 1851, cc Int le tour de lord Palmer-
ston. Les faits surabondent.


(12) Sous Henri IV, au quinzieme siècle, les membres
de la Chambre des communes s'intitulaienl les procur«-
teuPs et avouds du peuple entier, « procuratores and atter-
»ies for the whole people. » De nos jours, et apres qua
la bourgeoisie y a deja fait irruption en masse a la suite
de la reforme de 1832, le corps electoral s'est encore
ouvert dans les plus larges proportions aux ouvriers et
aux petits commereants ; on petit done, sans exagerer,


NOTES DE L'INTRODUCTION. 1.11


rendre la Chambre des communes le titre qu'elle pro-
nail autrefois.


(13) 1,e nmud du gouvernement anglais est la respell-
sabilite franchement et invariablement
praliquee, (Pon resulte l'autorite absolue du comite par-
lementaire qui a psis la place de Vanden Conseil prive,
et du premier ministre qui en est lc chef. C'est cc qu'on
a appele le youveenement de cabinet.


Tout autre est la constitution americaine, on le pre-
sident pout agir dans la plus complete independance du
congres. II en resulte, aux Etats-Unis, une dualite de
pouvoirs, Bien moms conforms assurement au type de-


f du gouvernement republicain quc l'autorite unique
el concentree que nous constatons en Angleterre.


(14) Montesquieu :
Le peuple West point du tout propre a discuter les


affaires, cc qui forme un des plus Brands inconvenients
de la dennocralie, »


Si l'on Veut, a l'encontrc, rernarquer le biedait ca-
pital de cette meme democratic, on n'a qu'a consulter
(qui le croirait?) Bossuet lui-memo :


L'avantage que la Grece limit du gouvernement qui
la charmait, etail que les citoyens s'affeetionnaient
d'au tan t plus a ce gouvernement gulls le conduisaient
en commun, et que chaque particulier pourait pa rvenir
aux premiers honneurs. »


(15) Et cette restriction n'a sitrement rien de contraire
a la nature du regime populaire. C'est J.-J. Rousseau
qui a diL : « La democratic pout embrasser tout le, peuple
ou se restreindre jusqu'a la moitie.


Montesquieu recommande aussi de ne pas confondre
le pouvoie du peuple avcc sa libertd. Le peuple unit fibre;
mils it doit acquerir le droit de gouverner.


(1(3) C'est la no point capital de la these quo sentient
M. Freeman dans son ouvrage. Cue observation, mime
superficielle, pent aisement constater les pas quo Mt




4


1,1v NOTES DE L'INTRODUCTION.
chaque jour I'Angleterre vers le regime purement
démocratique ; mais it est necessaire d'y regarder de
plus pros pour demeler au milieu de ces transformations
si graves la conclusion naturelle et logique des premis-
ses manes posses dans ['antique constitution. L'Otat
cle choses actual West qu'un retour h celui des premiers
temps. II y a progres, mais progres en reculant, en re-
montanl aux formes primitives du gouvernement des
Etats libres. Celle maniere d'accomplir une revolution
en conservant au lieu de detruire, cette sorte de radi-
calisrne retrospectif n'est pas un des cotes les moins
curieux du caractere anglais, et M. Freeman le fait res-
sortir avec une originalite non moms frappante d'expres-
sion et de pensee.


(17) Burke a reconnu copendant qu'on pout sans doute
clever un ordre nouveau sans abattre le passe, mais
qu'on doit acceptor l'influence des idees emises par les
grands penseurs e ivoclaméespar les ecrivainsillustres.


Ce ne taut pas, c'est que ces idees, comme le fait
remarquer M. Villemain dans des pages remarquables
sur l'Angleterre, soienl de pures abstractions raises
service des passions, et imposees au nom Tune raison
pretendue par la violence populaire.


(IS) Rousseau :
« On dirait que nous billissons noire edifice avec du


Bois et non pas avec des homilies, lint nous alignons
exactement chaque piece a la regle. »


(10) 11 y a bien l'inconvenient des lois multipliees.
Voir h co sujet Moyen age, au chapitre de la
Constitution anglaise.


(20)L'un d'eux, M. Bagehot, vient malheureusement
d'etre enleve, par une mort inattendue, aux sciences
politiques et sociales qui lui devaient une grande part
de leurs derniers progres.


(21)Rousseau declare que si le gouvernement demo -
cratique convient aux petits Etaks, le monarchique con-




NOTES DE L'INTRODUCTION. 1,V
vient mieux aux grands. Les widens constilutionnels ne
disaient pas autre chose.


(22)La Republique est au terme de tout liberalisme
consequent et sincere, sinon comme une necessite, du
moms comma un achevement et tine perfection. Mais
il s'en follicle tout qu'elle ne s'accommodo pas du gouver-
nement parlementaire. C'est 15„ une erreur que nous
a leguee le dix-huitieme neuf encore dans ce
genre deludes. Le gouvernement parlementaire, loin de


est de nature a entrainer, comme par une pente
une monarchic liberate vers la republique. On


verra, par le present knit, qu'il West. pas difficile d'en
I rouver la preuve dans l'A ngleterre elle-meme.


On ne saurait done imp ternoigner de regret, si,
pour ne pas micux comprendre le genie de la constitu-
tion anglaise, on par je no sais quelle incapacite d'en
!limier les fragiles ressorts, la France derail renoncer
a se la rendre familiere et a se l'approprier. En Etat
republican' pent certainemeut, sans redouter de me-
comptes, alter s'inspirer a ces sources vines du plus pur
liberalism. Bien plus, it v trouverait peut-etre plus
d'elements de (rancho independance pour les partis, de
concert pour les grands pouvoirs, de stabilile generale
onfin quo dans la jeune Republique du nouveau monde.


(23)Montesquieu :
« pons un .Etat libre, tout homme qui est sense envoi;' ?me


dine !Are dolt dtre gouverne par »
(21)11 n'est pas plus possible de flier Faction de [tome


sur le monde ba 'mre qua l'influence des barbares stir
le monde romain. L'abbe Dubos artIlit raison : ces deux
forces devaient con tribuer ensemble au progres general
de l'humanite. Le travail commun des races Miles et
Iles peuples germains elan fait pour les rapprocher
parun hliaeiitileds'amitie, loin de les divisor par des quenelles e


(25) Uëvolulion democratique a Iaqueile assisle notre




L'1'1
NOTES DE L'INTRODUCTION.


siècle tend a repandre partout l'idee de liberte dans le
sons oil l'entendent les peuples d'origine germanique,
celui de findépendanee souveraine de 1'individu. Les
anciens, nos pores, si Piers pourtant, si ardents et si de-
Heats pour leurs droits, ne la separaient pas de l'idee
de discipline et. de riigle.


« Sous ce nom de Eberle, (lit Bossuct, les Romanis
se figuraient, avec les Grecs, un Etat on persoune ne fcit
sniet que de la loi, et on la loi int plus puissance quo
les liommes. »


Ist qu'appelaient-ils loi ? « La raison memo reconnue
par tout le people. » •


N'êtail-ce pas, en verite, un magnifique ideal ?
(26) Montesquieu :
« La liborte politique ne consist° pas b. faire ce que


l'on vent, mais it pouvoir lane ce qua l'on dolt vouloir.


PREFACE DE L'AUTEUR


Le proverbe a qui s'excuse s'accuse » (a) est si
gulierement relourne, centre un auteur qui donne
quelques explications sur l'origine de son travail
(pin pout etre bon do prevenir cette citation en la
faisant soi-meme. Jo voudrais prier le 'cacti' de
ne pas juger cos trois chapitres et les notes qui les
accompagnent comme it ferait d'un livre. Si j'avais
:1 &rite un livre sur la Constitution anglaise, it
strait different de forme, et, en plusieurs points.
different de style. Cie que l'on trouvera ici est la
reproduction un pen elendue de deux Lectures
(conferences) faites a Leeds eta Bradford en janvier
cornier. J'avais pense qu'elles pouvaient mentor
de paraitre en deux articles de revue ; d'autres per-
sonn es ont cru que je rendrais service en les publiant
dans la forme presente. J'ai done developpó la der.
Mere partie de la seconde lecture, qui avail df.i etre
considerablement fibre ,* dans l'exposition orate,


(a) Cite on francais (lobs to tOxte.




T,V111 PREFACE DE L'AUTEUII.


de maniere a en faire un troisieme chapitre, et j'ai
ajoute les notes et renseignements qui m'ont paru
necessaires.


Ce que j'en dis est alin qu'on juge ce que je
viers d'Ocrire comma une lecture, et non comme
tin livre. Dans tine lecture publique, it est impossi-
ble de s'occuper de toutes les parties que l'on you-
drait trailer, , et it ne Pest pas moins d'approfondir
celles auxquelles on s'est arrete. — parse
que c'est tout ce qu'on petit faire — que le choir
des sujets soit heureux, et que l'etude des questions
ainsi choisies, bien que nócessairement insuffi-
sante, soiL du moins aussi consciencieuse que pos-
sible. Bien des chases doivent etre completement
omises ; beaucoup d'autres ne peuvent etre qu'im-
parfaitement examinees ; it faut captiver Fatten-
lion de l'auditoire en en presentant quelques-unes
sous une forme plus ambitieusement travaillee que
celle qu'on adopterait dans toute autre circonstance.
Le but est atteint, si celui qui parle excite chez ses
auditeurs un reel interet pour le sujet dont it les
entretient, eL leur inspire le desir de recourir aux
sources speciales d'une science plus exacta. Si je
reussis de la sorte a renvoyer tous ceux qui desirent
entendre les primitives institutions de notre pays
au grand ouvrage du professeur Stubbs — qui n'en
est pas moms un grand ouvrage parse qu'il tient
dans en espace êtonnamment restreint— ma Wile


PREFACE DE L'AUTEUR. LIX


personnelle seta efficacement accomplie. Dans les
« Documents pour servir teclaircissement de this-
Loire d'Angleterre » de M. Stubbs (a), le lecteur qui ne
cherche qu'une instruction ordinaire trouvera tout
cc qu'il peat avoir besoin d'apprendre, en meme
temps que celui qui songe it &tire un livre ou
pousser plus loin de minutieuses etudes y recon-
naitra le meilleur guide pour executer son projet.
Les grands documents de l'ancienne histoire d'An-
gleterre , jusqu'ici disperses ea et la, sont main-
tenant reunis pour la premiere fois, et le sans en
est explique clans tin exposé suivi, digne du savoir
infaillible et de l'autorite critique du premier des
savants de notre temps.


Pour ma part, mon objet a eta de montrer (pie
les institutions primitives de l'Angleterre et des au-
tres pays teutoniques ne sont pas pure matiere
speculation curieuse , mais au contraire se rat-
tachent Otroitement a notre etat politique actuel.
Jai voulu montrer qua, sur nombre do points, nos
primitives institutions nous touchent de beaucoup
plus pros et ant plus de rapport avec notre Otat
actual que les institutions des ages intermediaires,
qui, a premiere vue, semblent s'en rapprocher da-


( a) a Documents illustrative of English History. » Au resto,
Pour entrer dans la pensee de l'auteur, nous axons donne Zt la
suite de la traduction la liste des ouvrages ausquels it renvoie
le plus frequemment dans ses notes.




LX PREFACE DE L'AUTEUR.


vantage. Si la continuite de notre vie nationale est
pour beaucoup de personnes un fail historique si
difficile a saisir, la permanence de notre vie poli-
tique, et la maniere dont nous avons si souvent
retrograde viers les principes memes les plus anciens
de notre race, est un autre sujel d'atude qui ne
les embarrasse pas moms. Mais ceux qui soot en
possession des principes liberaux dans la politique
moderne ne doivent jamais craindre de remonter
dans notre histoire jusqu'a ses plus anciennes ori-
gines. Aussi loin du moms qu'il est question de
notre race, la liberle y est partout plus ancienne
quo l'esclavage; on pent ajouter, la tolerance plus
ancienne que la persecution. Notre vieille histoire
est le pat•imoine du liberal, qui, toujours pret a
accomplir les reformes, est le vrai conservateur
elle n'est pas celui du soi-disant conservateur qui,
en se refusant a ces reformes, contribue de tout
son pouvoir a causer la destruction. Un point spe-
cial sun lequel j'ai insiste est la maniere dont
notre histoire constitutionnelle a etc aussee dans
les mains des legistes. 11 est parfaitement vrai
que l'histoire d'Angleterre doit etre etudiee clans
le livre des Stitt-as, mais ce doit etre dans- le
livre des Statues qui De commence pas plus lard
que les Jugements d'Ethelbert (Dooms of "Ethel-
berht).


(.iomme j'ai en souvent besoin tie tenir pour ac-


PREFACE DE L'AUTEUR. LXI


cordes des doctrines et des faits que je crois avoir
Moi-meme Otablis dans des ouvrages plus consi-
derables, j'ai, dans mes notes, renvoye frequem-
ment a ces ouvrages (a), au lieu de chercher
demontrer une seconde fois les memes choses.
Dans la partie plus moderns de mon sujet, j'ai
aussi donne tout au long plusieurs extrails, memo
d'auteurs tres-connus , parce que je sais que le
lecteur est souvent bie,n aise d'avoir sous les .yeux,
au moment meme, un passage frappant, sans etre
oblige de le chercher dans l'original. D'un autre
cote, j'ai cite, tout au long Ogalement, plusieurs ex-
traits des statuts et d'autres documents quo beau-
coup tie personnes Wont probablement pas sous la
main. Les parties historiques d'un ado du Parle-
ment doivent etre Oludiees dans les antes mêmes,
et non pas dans les résumés des legistes. Les legistes,
ecrivains et orateurs, ont toujours Pair de rópeter
cc qu'on a dit avant eux, sans s'être reportes aux
sources originales. On pout en von' un exemple
remarquable dans Bette assertion de Blakstone et
d'une fouls de legistes apres lui, dans le Parlement
et hors du Parlement, que le roi ou la reine est de


(a)111. Freeman a public entre attires tine histoire complete et
tres-dtendue do la Conquele Normande, des Essais hisloriques,
I'llistoire el les Conqueles des Sarrasins, nn recueil tres-cu-
rieux de Pothnes legendaires et historiques et des ouvrages
d
'histoire it l'usage des jeunes enfants, remarques pour Icur


precision et lour luciditd.




LYII PREFACE DE L'AUTEUR.


droit le chef de I'Eglise. J'ai a peine besoin de dire
que ce titre flit employe par Henri, Edouard et
Marie, rnais Tell ful abandonne par Marie, et n'a
ete repris par aucun attire souverain apres elle.


Somerlea4e, 15 mars l872.


SOMMAIRES DES GITNPITRES («)


CHAPITHE PREMIER


Les Landesgemeinden (assemhlees generates des Com-
munes) d'Uri et d'Appenzel. — Quel rapport elks ont
avec l'histoire de la Constitution anglaise. — Elements
politiques coinmuns a tonic la race teutonique. —
Elements mon archique, aristocratique etdemocratique
qu'on pent trouver des le principe. — Les trois classes
d'hommes : le noble, le. roturier et le serf. — Predo-
minance universelle de l'esclavage. — Les institutions
teutoniqucs communes a toute la famille arienne. —
Temoignage d'Homere.— Description des assemblees
des Germains par Tacite. — Continuite des institu-
tions anglaises. — La nationalite anglaise constituee.
— Institutions teutoniques importees en Grande-Bre-
tagne par les conquerants anglais. — Ent de Feta-
hlissement sur les conquerants. — Extension pro-
bable de resclavage. — Earls et Churls. — Progres
du pouvoir royal. — Nature de la royau — Caractere
special de saintete du roi. — fin memoriale distinction
entre les rois et les seigneurs (Earidorrnen). — La
royaute n'est pas universelle. — Noms qui expriment


ro), aute. — Commencement de la royaute en Angle-
terre. — Fluctuation entre les rois et les seigneurs. —


(a) Ces sommaires sent detaches de la table, i latMelle
sontjoints dans le lecte anglais.


14


°MN ter




LXIV SOMMA1ttES DES C.11APITRES.


Le pouvoir royal fortifie par Pagrundissement du do-
maine du roi. — Rapports entre le roi et la nation. —
Pouvoiv du Grand Conseil (Witan). — Droit d'election
el de deposition. — Progres du pouvoir royal par la
recommendation des chefs. -- Le compvgitonnage (Comi-
tatus), tel gull est decrit par Tacite. — Poeme sur
hataille de Maldon. — Contraste du sentiment des
Romains et de celui des Teutons quant au service
personnel. — Exemples de service personnel dans les
derniers temps. — Le service personnel et la tenure
d'une terre n'etaient pas originairement reunis. —
Leur Union produit la relation feodale. — Progres des
Thanes. — Its supplantent les comtes (Earls). — Elfets
du changernent. — Il est confirind par la complete
normande.


CHAPITRE II


Developpement graduel de la Constitution anglaise. —
Nouvelles lois imminent reclamees. — Importance du
precedent. — Retour aux anciens principes dans la le-
gislation mode.rne. — Amoindrissemen I des anciennes
assemblers nationales. — Constitution du Witenage-
mot. —Le Witenagemot continue dans la Chambre des
lords. — Les Gemots apres la conquete normande. —
Le droit du roi de faire les convocations. — Les pairies
a vie. — Origine de la Chambre des communes. —
Comparaison entre les Assemblees nationales anglaise
et francaise. — De Phistoire d'Angleterre et de colic
de France en general. — Le tours des Ovenemei its in-
fluen ce par de simples particuliers. — Simon de Mon t-
fort.'— La France sous saint Louis. —Funeste effet de
ses vertus. — Heureux effet des vices des roisangecins


SOMMAIRES DES CH.kPlf RES. LXV


eli Angleterre. — Eliot clu caractere personnel de Guil-
laume le Conquerant. — Les Normands en Angleterre
deviennent graduellement A nglais. — Les Angevins, ni


ormands ni Anglais.
Leur amour des etrangers.—


Lutte entre le roi et le pape. Caractere national de
l'Eglise anglaise. — Separation des juridictions ecele-
siastique et laique sous Guillaume. — Suprematie de
la couronne. Abus de cells suprema lie. — Bon cote
des pretentious ecclesiasliques. — Intervention des
popes dans les affaires anglaises. — Le pape et le roi
ligues contre l'Eglise et la nation anglaises. — Impor-
tance de Londres. — Proves general des villes.—
Commencement de representation. — Chevaliers du
comic. — Pouvoirs judiciaires du Parlement. — Les
citoyens et les bourgeois pour la premiere fois convo-
quits par le comic Simon. — Ses liens avec Bordeaux
et Londres. — Le mute Simon êtranger. — Respect
religieux qu'on lui temoigne ainsi qu'a d'autres vends
personnages politiques. — Edouard l er . — La Consti-
tution definitivement completee sons son refine. —
Nature des derniers changements. — Difference entre
la legislature anglaise et cellos du continent. -- Sys-
teme des Etats. — Trois Etats du royaume. — Pas de
noblesse en Angleterre.— Pas d'Etal du clerge it part
reellement constitue. — Effets de la reunion de che-
valiers et de citoyens clans one seule Chambre. —
gine accidentelle du system des deux Chambres.
lisage impropre de l'expression : « les trois Etats. » —
Progres de la Chambre des communes. — Accord ge-
neral des deux Chamhres. — Grands pouvoirs des an-
diens Parlements.— Caractere du quinzieme siecle. —
Les Parlements moms independants. — Amoind risse-


ent des franchises du comic.—Elections populaires
de roil. —Signes de l'importancedu.Parlement. — Ca-
ractere du seizieme siecle. — Decadence generale des
institutions litres en Europe. — Elles se maintierment





LXVI SONINIAIRES DES CHAPITRES.


en Angleterre. — Service que rend le Parlement.
Queues en sont les causes.— Effets du caractere per-
sonnel d'Henri VIII. — Son respect pour les formes ex-
terieures de la loi. — Temoignages indirects de l'im-
portance du Parlement. — Corruption des elections.
— Affranchissement des bourgs pourris. — Le Pule-
mill sous Elisabeth. — Jacques P r . -- Charles P r,


—Nature des derniers changements.


CHAPITRE 111


Garactere des derniers progres constitutionnels. — Im-
portance plus grande des changements tacites. — Pro-
gres de la Constitution non ecrite distinguce de la loi


— Le vote de defiance de sir Robert Peel. — Sens
de ce vote. — Le progres de la Constitution implique
le sonde ótablissement de la loi. — Rapports entre la
couronne, le ministere et le Parlement. — Esercice
indirect du pouvoir du Parlement. — Origine du
ministere. — Usage recent du mot gouvernement.


—Causes et avantages de l'action indirecte du Parlement.
— Progres des lCgistes de profession. — Leur influence
sur les doctrines constitutionnelles. — Leur raisonne-
ment juste, mais leans prernisses generalement sans
valeur. Retour de la legislation moderne au plus
ancien Otat de choses. —La doctrine quo le Parlement
expire avec la vacance de la couronne. C'est une
consequence de la doctrine sur le writ du roi. —
Opposition avec les doctrines constitutionnelles de la
vieille Angleterre. — Dollies et difficultes quo les prin-
cipes de la vieille Angleterre auraient levies. — Le cas
de 1399. — Deposition de Richard et election d'Henri.


sUMMAIRES DES CHAPITRES.


LXVII


Subtilites legates sur le caractere et la permanence
du Parlement. — he cas de 1000. — La question de la
permanence du Long Parlement apres l'execution de
Charles l er. — La question de la nature et des pou-
voirs de la Convention-Parlement. — La Convention
declaree Parlement par sit propre decision. — La ques-
tion de 1688-1689. — Histoire de la seconde Conven-
tion-Parlement. — La question des diets de la mort
de Marie. — Chacune de ces resolutions est in retour
aux anciennes doctrines. — Leur valour comme pre-
cedents possibles. — Legislation modem quanta la
vacance du trCne. — Le Parlement n'est plus dis-
sous par ce fait. — Ado de Guillaume III. — Acte
de Georges III. — Caractere sense de cette


— La question du Foikland on territoire public.
— Comment it se transforme graduellement en Terra
regis ou terre du domaine. — Le revenu royal employe
suivant le bon plaisir du roi. —Retour aux anciennes
doctrines dans la pratique moderne. — Le cas des
proprietes privées du roi. — lilies Otaient traitees
autrefois comme toute autre propriete. — La doctrine
que le domaine privó du roi tombait dans le domaine
de la couronne. — Retour de la legislation moderne
l'ancienne pratique. —Autres exemples du retour aux
anciens principes. — Histoire de la succession a
couronne. — La couronne anciennetnent elective. —
Preference a.ccordee aux membres dela famille royale.


Progres de lit doctrine du droit herdditaire. —
Comment les lógistes ont (rune la loi de succession.
— Double election du roi. — Le couronnoment cede-
mastique. — L'election ecclesiastique survit a Pelee-
bon eivile. — La succession dans les quatorzieme
et quinzierne siecles. — Droit du Parlement de dis-
poser de la convolute. — Election d'Ilettri VIII. — Son
testament fixe le droit de succession. — Usurpation
des Stuarts. Leur doctrine du droll — L'anz




LKViiI SOMMAIREs DES CHAPITRES,
cien droit confirms par l'election de Guillaume et de
Marie. — La conrounc renduc hereditaire par Fade
de settlement.— Bon cote de la succession hereditaire
dans les temps modernes. — Conclusion. LE DEVELOPPEMENT


DE LA


OBSERVATION


Le lecteur rencontrera dans le cours de l'ouvrage
deux especes de notes : les ones, indiquêes par des
datives, sont recueillics h la fin du volume et appin,-
tiennent a l'autcur anglais ; les wires, indiquees par
des lettres et accompagnant le texte au has des pages,
sont partout cellos du traducteur.


Parini les notes de l'autcur, celles qui n'avaient qu'un
inlAret tout special d'archeologie, de bibliographic ou
de jurisprudence anglaise n'ont pas Old maiutenues on
ont Ole abragees dans la traduction.


1


CONSTITUTION ANGLAISE
IJEPUIS LES TEMPS LES PLUS TtEcutEs


JUSQU'A NOS .TOURS.


ClIAPITRE PREMIER


Tons les ans, dans certaines parties retirees des
vallees el des montagnes de Ia Suisse, le voyageur
assez hardi pour s'aventurer loin des sentiers bat-
his et se mettre en route hors des saisous accou-
luMees, peat assister a un spectacle qu'aucun autre
coin de la lure ne saurait plus lui offrir. La,
qu'il s'arrCte et regarde : it pourra OUNTiV son
Arne a rune de ces emotions que ne ressentira ja-
mais qu'un temoin oculai re, et qu'on n'eprouve dans
sa plenitude qu'une rois durant toute tine vie, je
veux dire le fremissement de joie avec lequel on
‘Jmtemple pour Ia premiere foil la liberte face a face




I


9


2 LE DIlVELOPPEMENT


dans sa plus pure et plus antique forme. Le voya-
geur est lit dims un pays oil les plus vieilles institu-
tions do noire race — institutions dont on peat
suivre la trace jusqu'aux epoques les plus reculóes
qu'eclaire l'histoire ou la regende — ont survecu
dans leur primitive fralcheur.11 est dans un pays
tine immemorialeliberte, one Eberle moins Oternelle
seulethent que les rochers qui la gardent, fait lion te
a rantiquite si vantee de royales dynasties qui
semblent n'être, en comparaison, que des innova-
tions d'hier. chaque armee, par one brillante
matinee de printemps, le peuple souverain, qui pc
conlie pas ses droits a quelques individus detaches
de ses rangs, mais los exerce lui-mane dans la
majeste de sa personne collective, ,'assemble a ciel
ouvert sur la place du marehe ou dans la verte prai-
rie au pied de la montagne, pour faire les lois aux-
quelles it accorde son obeissance, parce qu'il y voit
son oeuvre, et choisir les chefs lui est possible
de saluer avec respect, parce qu'ils tiennent leur
a u torite de lui-merne. Voila tin spectacle dont bien
peu d'Anglais ont joui ! suis run de ceux-rd,
je compte cc privilege parmi les plus Brands bon-
flours de ma vie. Permettez-moi de vous prier de
me suivre par la pewee dans la veritable patrie et
au pays natal do la liberte, dans ce pays oil it West
besoin ni de mythe ni de fable pour rien ajouter au
sentiment de fraicheur dont'on est rani la premiere


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE..


3


fois qu'on foulo le sol et qu'on aspire Fair de rim-
memoriale democratic d'Uri (1).


(rest in des premiers joins de mai; c'est le 'natio
du dimanche : car on estirne dans ce pays (pie
mieux vaut le jour, mieux vaut l'acte ; on estime
qu'on nc pea pas plus verilablement honorer le
Grealeur Teen usant, dans Sa crainle et clans Sa.
presence, plus beau des dons gull a faits a
rhomme. 11ais n'allez pas croire que, pa yee que le
jour de radoration Chretienne est ehoisi pour la
grande assemblee annuelle d'ime repuhlique Chre-
[ionic, les devoirs religieux les plus urgents de cc
jour soient oublies. Avant que nous autres, Bans
notre Ile sensuelle, nous nous soyons arraches de nos
lits, les hommes ,


des montagnes, toes, calholiques
et protestants, ontdcja accompli ]'adoration du ma-
tin clans le temple du Seigneur. Its ont entendu la
messe du pretre on &mite le sermon du pasteur,
avant meme que Twig ues-uns d'entre nous se soient
eveilles en se souvonant que le mein du saint jour
est venu. Aussi, quand je vis des homilies se pres-
ser en foule clans reglise encombree, ou fan te d'es-
Pace an dedans, s'agenouiller stir la terre nue
pres de la porte ouverte; quand je les vis ensuite
s'avancer de la pour tiller s'acquitter des plus
grands devoirs de rhomme et du citoyen, je pus
it poise me defendre de penser a cette parole de la
Sainte I:criture : « La alt est ]'Esprit: du Seigneur,




4 LE DEVELOPPEMENT


est la liberte. » A partir de la place du marche
d'AILdorf, Ia .petite capital° du canton, la proces-
sion poursuit sa route jusqu'au lieu oil se tient l'as-
semblee, a BOzlingen. On voit marcher d'abord la
petite armee du canton, une troupe dont les armes
ne peuvent jamais etre employees qu'a rellousser
l'envahisseur. Au-dessus d'elle flotte Ia banniere,
la tete de taureau d'Uri, l'etendard qui conduisit les
guerriors a la victoire dans les champs de Sempach
et de Morgarten. En avant de tout le cortege,
sur les epaules d'hommes revetus du costume des
ages passes, sont porlees les trompes fameuses,
depouilles du taureau sauvage des anciens jours,
les trompes memes dont le son frappa d'une Celle
Opouvante le cmur intrepide de Charles de Bourgo-
gne. Aloes, precedes de leurs licteurs, viennent les
magistrats de la republique, a cheval; lour chef, le
Landariamann, Porte l'epee au cote. Les citoyens
suivent les chefs gulls ont choisis jusqu'au siege
de l'assemblee, une enceinte dans une verb prairie,
avec une foret de pins s'elevant sur leurs tetes, et
une puissante arête de la chalne de montagnes
leer faisont face de l'autee cute de la vallee. La
foule des hommes likes prend place autour du
premier magistral de la republique, dont les fonc-
Lions expirent ce jour-la.


L'assemblee ouvre la séance. Quelques instants
d'abord sont (tonnes a la priere, priere silencieuse.


CE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
5


adressee par chacun dans le temple quo Dieu lui-
memo s'est Cleve; puts viennent les affaires du jour.
Si des changements a la loi sont, reclames, on les
soumet au vote de l'assemblee, dans laquelle tout
citoyen de rage requis a on suffrage egal el on egal
droit a la pardle. Les magistrats de l'annee ont
maintenant acheve leur tache ; la durée de lair
charge est arrivee a son th yme ; le depot qui avail
ete remis en leurs mains retourne aux mains de
eeux qui le leur avaient confie, aux mains du
people souverain. Le chef de la republique, qui
des ce moment ne l'est plus, quitte son siege de
magistrat, et prend place commeun simple citoyen
dans les rings de ses egaux. 11 depend de la libre
volontó de l'assemblee de le rappeler a son siege,
on cry en mettre un autre a sa place. Les Bens qui
n'ont pris la peine, ni d'etudier attentivement l'his-
toire du passe, ni meme d'observer ce qui arrive
(Vann& en armee de leur propre temps, se corn-
plaisent a declamer contre le caprice et l'ingrati-
tilde du people, et a nous rópeter que, sous un
gouvernoment democratique, ni les hommes choi-
sis, ni les mesures prises ne peuvent curer une
heuro sans qu'on les change. Le temoignage, a la
fois du present et du passe, est la reponse a des
theories sans fondement comme celles-la. L'es-
prit qui animait la democralique Athenes, quand
elle maintenait, d'annee en armee, dans les plus




6 LE DEVELOPPEMENT
hautes fonctions le patricien Pericles et le reac-
tionnaire Phocion, Vi 1, encore pa rmi les democraties
de la Suisse, aussi bien clans rassemblee com-
tnunale (Landesgemeinde) d'Uri quo dans l'assena-.
blee • federale de Berne. Les ministres des -rois, que
ces roil soient despotiques on constitutionnels,
peuvent envier sans resperer la stabili to des charges
de ceux que la voix.. do peuple appelle au gouverne-
ment. A ussi hien dans la confederation entiere que
dans le canton isole, la reelection est. la regle; le
renvoi du magistralsortant est la rare exception (2,.
Le Landammann d'Uri, que ses concitoyens
Cleve au siege d'honneur, et qui n'a rien fait pour
perdre leur contiance, n'a pas a craindre, aprés etre
arrive au lieu de reunion dans Louie la pompe de
sa charge, de voir sa place, dans la marche solen-
nelle du retour, dorm& cont.re son gre a un


Tolle est la scene qui, sauf un moment, lo ps-
que le monde fut bouleverse par les invasions
de la France revolutionnaire (3), s'est perpetuee
d'annee en annee, aussi loin que remonte l'his-
toire des plus immuables des Etats europeens.Venil-
lez, je vous prie, me suivre encore a rendroit
ou se reunit rassemblee cl'un membre plus jeune
de colic meme et noble association de rêpubliques,
et passer avec moi d'Uri a Appenzell, des verbs
prairies de BOzlingen an flanc des collines ou s'e-
tend la place du marche de Trogen.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


Quelque chose de la pompe et des circonstances
qui distinguent rassemblee du canton catholique
et pastoral d'Uri fait (Want dans rassemblee de la
population protestant° et industrielle des Rhodes
exterieures d'Appenzell. Mais le sceau de rantiquite,
le sceau d'une itnmemoriale liberte est egalemeut
imprimó sur rassemblee et sur la vie tout entiere
de rune comme de rautre republique. Nous perdoni
dans Appenzell la procession solennelle, les ma-
gistrats a cheval, la pompe militaire d'Uri ; mais
nous trouvons h la place une coutume immemoriale
qui respire peut-titre plus qu'aucune autre le souffle
de ces temps oh la liberte n'etait pas une chose qui
allat de soi, mais un bien pour lequel les hommes
de,vaient donner lent' peine, et, s'il Chit besoin, leur
sang. Chacun de ceux qui se rendent a rassemblee
des communes de Trogen attache h son 6'0 repee
quo la loi lui ordonne de porter et lui defend en
meme temps de t.irer jamais. Puis, dans le ceremo-
nial de rassemblee elle•m6me, les hommes d'Ap-
penzell ont conserve un ancien usage qui surpasse
tout ce qne j'ai jamais vu ou entendu dire, dans
on emouvante solennite. Lorsque le Landam-


mann nouvellement elu prend possession de sa
charge, son premier devoir est de s'engager par
Serment a °heir aux lois de la republique gull est
aPPele h gouverner. Son second devoir est de faire
prefer a la multitude, devant lui, le mOme set.-




S
1.E DEVELOPPEMENT


ment que celui par lequel it vient de se tier lui-
meme. Lorsqu'on entend la voix de milliers d'hop-
mes fibres jurant ainsi d'obeir aux lois qu'ils ont.
Mites ens-memes, it y a la un moment qu'on ne
peut plus oublier de la vie, un moment qui vaudraii


lui sent qu'on entreprit un hien plus long et
penible voyage que celui d'Appenzell ou d'Uri.


Et maintenant on pourrait me demander pour-
quoi j'ai commence un entretien sur la constitution
de l'Angleterre par une peinture des usages de deux
petites republiques dont l'etat politique et social
est Si comple Lemont different du netre. Je reponds
que j'ai agi ainsi, parce que mon objet n'est pas
simplement d'etudier la constitution del'Angleterre
dans la forme que qua torze cents ens de change-
ments successifs lui ont a la fin donnee, mais de
suivre h la trace ces changements memes en re-
montant aux Opoques les plus reculees (pie l'his•
-Loire ou la tradition met sous nos yeux. Dans le-
institutions d'Uri et d'Appenzell, comme dans ton-
tes celles des cantons suisses qui ne se sont jamais
ecartees du modele originaire, nous pouvons
naitre les institutions de nos propres anceires, ins-
titutions qui furent jadis communes A la race -
Lonique tout entiere, dont la forme exterieure a
necessairement disponi dans de plus grands :tats,
mais qui ren ferment les Bermes d'oh est sortie toute
constitution libre dans le monde. Jetons seulement


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 0


on regard en arriere sur la plus ancienne peinture
que l'histoire nous ait conservee de ]'existence po-
litique et sociale de 110S pores. La Germanic de Ta-
cite nous presente le tableau des institutions de la
race len tonique, avant qu'une branche de cello race
fit voile des bouches de l'Elbe et du Weser pour
venir chercher de nouvelles demeures sur les rives
de 1'1-lumber et de la Tamise. Or, dans ce portrait
de nos pores et de nos freres it y a dix-sept cents
ens, la libre assemblee des Teutons, l'assemblee de
tout le people en armes, apparait A nos yeux, a peu
pros la memo, dans tons les points essentiels, Von
pent la voir encore a Uri, a Unterwalden, a Glaris
et a Appenzell.


Il y a un point cependant fact bien avoir pre-
sent a l'esprit. Dans les assemblees de ces petits can-
tons, c'est seulement le cOle le plus democratique
de la vicille constitution teutonique qui s'offre d'une
maniere saillante a la vue. La republique d'Uri, en
raison des circonstances particulieres de son his-
toire, grandit jusqu'a devenir un Etat souverain et
independent. Mais, a l'origine, ce n'etait pas une na-
tion, ce n'etait pas meme une tribu. Les assemblees
des communes (Laadesgemeinden) dont j'ai parce sont
les assemblees, non d'une nation, mais d'un district;
elles repondent, chez nous, non pas aux assemblees
de tout le royaume, mais aux assemblees moins
irnportantes du comic ou de la centurie. lilies n'en




10
LE DEVELOPPEMENT


sont pas moins dignes pour cola (retro connues, et
n'en jettent pas moins de lumiere sur ceL heritage
politique cornanum qui appartient egalement a la
Souabe et b. 1' Angleterre. Dans tous les pays teuto-
piques qui gardent encore quelques vestiges de
leurs anciennes institutions, les divisions locales ne
sont pas de simples districts adminislratifs traces
pour la corrunodite sur la carte. En fait, co De sant
pas des divisions du Lout ; ce ne soul pas des par-
ties du royaurne, mais les elements primitifs dont
l'assemblage a fait. le royaume. Le Yorkshire, sous
ce nom, est plus jeune que l'AngleLerre ; mais 1'An-
gleterre est plus ^euneque le Yorkshire, sous son
nom a n terieur de Deira. Et qu an t au Deira lui-rneme,
it est. moins ancien que les districts plus petits dont
it


s'esinnIne ' Graven, Cleveland, llolderness el les
attires. L' assemblee communale d'Uri ne repond
pas 'a une assetublee de tonic l'Angleterre, ni memo
de Lout le Deira, mais a une assembles d'Holderness
ou do Cleveland. Settlement, dans le vieux systeme
teutonique, Pagregation la plus considerable etait
simplernent organise° sur le modele des agrega Lions
elementaires done la reunion lni avail donne nais-
sance. En elle, t, Po arriver a Ftinite, pour trouver
l'atome qui, se joi z?.)nant a ses pareils, a compose le
tout politique nous -Nut descendre jusqu';:t des
surfaces encore plus Otroites que celles (Molder-
ness on Cette unite, cot ttiome, le veritable


DE Lk CONSTITUTION ANGLAISE. t


noyau de toute notre vie politique, it bit le cher-
cher dans la Gemeinde ou Commune en Suisse ; en
Angleterre — ne souriez pas en na'entendant
dans l'assemblee paroissiale (Vestry).


La primitive constitution teutonique, la consti-
tution des Germains de Tacite, celle-la mine qui
s'est perpetuee dans quelques coins ecartes du vieil
empire germain, est democralique, mais non pas
dune democratie pure. Ou plutCt, c'est bien la de-
mocratie, la pure democratic, dans le sens plus
vrai, plus ancien, plus honorable de ce mot si
mai interprets ; ce n'est pas la democratic pure au
sens moins honorable, mais tout a fait arbitraire,
qu'on lui attribue souvont dans la controverse mo-
derne. La democratic, suivant Pericles, est le gou-
vernement du peuple entier, par opposition a l'oli-
garchie, qui est le gouvernement d'uno partie seu-
lenient du peuple (4). Un gouvernement qui donne
tout le pouvoir a one classe, un gouvernement qui
exclut tine certaine classe du pouvoir, que cette
classe soil la plus haute ou la plus basse, ne repond
Pas a la definition de Pericles ; c'est un gouverne-
ment, non do runiversalite, mais cl'une partie settle-
ment; ce n'est pas une democra tie, mais une oligar-
chic (5). La democratic, an sons de Pericles, exig'e
clue tout homme litre ait sa voix dans les affaires de
la republique ; offs ne demande pas necessairement
clue bus les homnaes likes aient une voix eg,ale.


410




12 LE DEVELOPPEMENT


Elle n'empeche pas l'existence de magistrats rev•-
tus d'une haute autorite et entoures d'une venera-
tion profonde ; ellc n'empêche pas le respect de la
naissance, ni même l'attachement a une lignee he-
reditaire de chefs.


La vieille Ocole des ecrivains constitutionnels
anglais se complaisait a demontrer que la consti-
tution anglaise contenait trois elements, Fun mo-
narchique, l'antre aristocratique, un autre demo-
cratique, tons trois adaptes ensemble avec une
proportion si vraie et si harmonieusc que nous
pouvions jouir cht bon cute des trois grandes forme,
de gouvernement sans voir jamais le mauvais
d'aucune d'elles. Ces dignes theoriciens Maient
pent-etre un pen partisans d'Utopie clans lours sys-


; encore est-il hors de doute que, partout
nous saisissons une Incur de la vieille organisation
politique des Teutons, nous distinguons ce qu'on
pout parfailement appeler le monarchique, Faristo-
cratique et le dómocratique Clement.. Ces echappees
de vue stir les plus anciens temps nous montrent
trois classes d'hommes qui se retrouvent dans Louie
societe teutonique, le noble, l'homme libre du corn-
m un et le serf. L'existence du serf, si mal que
sonne cc nom aujourd'hui a nos oreilles, n'est pas
une honte on un tort particulier a nos ancetres.
L'esclavage, sous -tine forme ou sons une autre, a
malheureusement eta la loi commune de la plupari


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 13


des nations, dans la plupart des ages ; c'est une
pure exception a la regle generale si, en parlic
par suite des circonstances oil se sont trouves le
plus grand nombre des Etats europeens, en par-
Lie par suite du progres de l'humanite et de la
civilisation, cette detestable institution a pu, dans
l'espace d'un petit nombre de siecles, disparaltre
graduellement d'une certainc portion de la terre.
D'ailleurs it ne Nut, pas oublier que, dans plusieurs
Mats de la societe, la sentence d'esclavage pent
avoir etc accueillie avec- reconnaissance, comme
un adoucissement a son sort, par l'homme qui
avait perdu le droit a la vie, soit comme corn-
battant fait prisonnier clans une guerre sans
merci, soit comme malfaiteur condamne pour ses
crimes. Mais si je inentionne l'existence de l'es-
clavage, c'est uniquement pour que nous nous
rappelions que, lorsque nous parlons de liberte,
d'hommes libres, de democratic et toutes choses
semblables, nous parlons apres tout des droits
d'une Masse privilegiee, et quo, soit a Alhenes, soit
a Rome, soit clans les primitives societes teutoni-
ques, it exislait toujours une masse'enorme d'etres
humains qui n'avaient aucune part a la libertó,
la victoire ou A la gloire de lours mailres (a).


Ca) Angleterre le servage des vilains existait encore
la fin du quatorzieme siMe, et etait mOme alors extreme-
meta rigouraux. On a la charte d'emancipation des serfs ac-




14 LE DEVELOPPEMENT


En cc moment, nous nous occupons plus specia-
lement des distinctions que, des les temps les plus
recules, nous trouvons ótablies entre les hommes
libres eux-memes. Dans la Germanie (Mcrae par
Tacite, comme aujourd'hui dans les cantons demo-
cratiques de la Suisse, le souverain pouvoir appar-
tient au peuple entier, agissant directement dans
la personne de ses membres. Mais si la souverainetó
de l'assemblee populaire nous apparait clairement,
nous ne voyons pas moins clairement apparaitre
l'existenee d'un Conseil,yeunion moins nombreuse
que l'Assemblee generale, et aussi cells d'une classe
de nobles, dont les privileges, dans leur nature et
lour Otendue,ne sont pas tres•bien definis, mais qui
avaient evidemment des privileges d'un genre ou
d'un autre, perpetues par une transmission haredi-
taire. lci, nous aeons un element aristocratique
aussi nettement indique que l'element (lemma que
fourni par l'Assemblee populaire. Enfin, au-dessus
de tout le reste, nous voyons des chefs personnels de
tribes et de nations, portant differents titres, rois,
dues, seigneurs (Ealdormen), qui, (hum la plupart
des cas, tenaient leur droit au gouvernernent de l'u-
nion de Ia naissance a Felection, que la nation
choisissait et quo Ia nation pouvait aussi deposer,
mais qui n'en etaient pas moins personnellement


cordde par le roi 1 la suite de l'insurrection de Vat-Tyler et
bientiit rdvoqude par les nobles (I319-1386?.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 15


ses guides (leaders), premiers magistrats en temps
de pail, generaux en chef dans la guerre. Tel clone,


cote des deux elements dómocratique et aristo-
critique, nous aeons un element monarchique dis-
tinct ressortant clairement des plus anciennes no-
tions quo nous ayons recueillics de la 'ie politique
des Teutons. Le roi, les lords, les communes, dans
leur forme actuelle, sont comparalivement re-
cents ; mais nous decouvrons quelque chose qui
petit justement passer pour le germe du roi, des
lords et des communes, des l'origine memo de noire
lustoire.


Je feral meme un pas plus avant:La constitution
que je viens d'esquisser est assurement le patri-
moine commun de toute la race leutonique, mais
elle est quelque chose de plus. Peut-etre n'aurions-
nous pas tort d'aller jusqu'a l'appeler le patrimoine
eommun de tonic ht famine arienne. 11 se pourrait
encore que nous en relevions des traces au dela des
limites de la famine arienne (6). Mais je laisse de
vete les considerations de ce genre. 11 me suffit de
eonstater que cette constitution, heritage commun
des Teutons. est un heritage qu'ils partagerent
avec les peuples de leur race en Grece et en
Italie.


Consullez les plus antiques temoignages de la ci-
vilisation europeenne. Dans les poemes d'Homere,
no us voyons une constitution, essentiellement sem-




I


LE DEVELOPPEMENT


blable a celle qui nous est expos& dans la Germq-
nie de Tacite, etablie egalement dans le camp
acheen deviant Ilion, dans le royamne insulaire
d'Ithaque, et meme parmi les dieux de I'Olympe.
Jupiter rogue sur tons; mais it est assiste, du con-
seil des grinds dieux, et a certaines Opoques it eon-
vogue a sa cour l'assemblee entiere de la nation
celeste, alors pie les dieux de tout rang se reunis-
sent dans le palais de leur chef, alors que, sauf le
vieil Ocean en personae, toutes les divinites memes
des fleures se presentaient, alors que, comme it est
dit expressement — et cc fait pourrait, it semble,
etre enrele au service de tres-recentes controverses
— pas tine nymph° ne manquait a l'appel (7).
Si nous descendo. ns sur la term, nous trouvons le
roi des hommes, chef commun de tous, mais nous
le trouvons entouró de son conseil particulier de
moindres princes et capitaines. De plus, dans les
grandes occasions, Agamemnon sur la terre, comme
Jupiter dans le ciel, reunit l'assemblee generale des
guerriers libres, oh le debat sans doute prin-
cipalement reserve a tin petit timbre de chefs Olo-
quents, mais ou les simples hommes fibres, ci-
toyens et soldats quo rien ne distinguait, avaient du
mains le droit d'exprimer leur opinion sur les pro-
positions de Icons chefs par de bruyants applaudis-
sements ou par on significatif silence. Cate pein-
tore d'ailleurs ne se borne lias a l'armee rangee en


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 17


bataille sous les remparis d'Ilion; it faut nous rap-
peler pie dans Lollies les societes primitives la dis-
tinction entre les soldats et les citoyens est incon-
nue ; l'armee est la nation, et la nation l'armee. ire
meme tableau que l'Iliade meL sous nos yeux
comme celui de l'organisation politique de l'armee
grecque, les eclaircies que nous ouvre l'Odyssee
sur unc vie plus paisible ne nous l'offrent pas
mains comme celui de la constitution de chaque
republique stir son propre sol. Partout nous iron-
vons les Lrois memos elements, le chef supreme on
roi, les chefs inferieurs qui Covalent son conseil, et
l'autorite dont relevent loutes les autres en dernier
ressort, l'assemblee generale des hommes libres (8).


Nous observons le meme fait dans chaque
pie l'histoire ou la legende nous fournit sur l'etal
politique de Rome et des autres vieilles republiques
italiennes (9). Partout se retrouvent le roi, le senat,
l'assemblee du peuple, et la distribution des pou-
voirs n'est pas essentiellement changee quand la
plus haute autorite personnelle est tranferee des
mains d'un roi nomme a vie aux mains de consuls
Olus pour un an (10). La ressemblance que les plus
anciennes institutions des Grecs, des Italiens et
des Teutons presentent entre elles est si etroite,
si frappante dans tous les details, qu'on peat diffici-
lenient se Menthe d'y voir un hien commun gulls
se sont transmis depuis les temps les plus recules,




18 LE DEVELOPPEMENT


un patrimoine quo les Grecs, les Italiens et les Teu-
tons possedaient deja dans les temps anterieurs
a leur separation, a ces ("Toques sans annales, et
neanmoins authentiques, on les Teutons, les Ita-
liens et les Grecs elaient encore un meme peuple
parlant une meme langue.


J'ai renvoye plusieurs fois au portrait dc noire
race dans les siecles les plus lointains dont it reste
un souvenir, Lel qu'il nous est trace par le plus
grand des historiens romains dans la Germanic de
Tacite. Permettez-moi maintenant de faire passer
sous vos yeux quelques parties spêcialcs de sa des-
cription dans les termes memes qu'il emploie,
aulant que je puis etre capable de les revetir de la
forme anglaise.


« Ili choisissent lours rois en consideration
de leur noblesse, lours chefs en consideration de
leur valeur. Les rois n'ont pas in pouvoir
ni arbitraire, et les chefs gouvernent plutet par
l'exemple quc par le droit de commander. S'ils
sent toujours prets, toujours en vue, toujours en
tete conduisant l'avant-garde, ifs tiennent le pre-
mier rang en honneur.... vans les affaires secon-
daires, les chefs seuls deliberent; clans les grandes,
tous les guerriers, mais avec cette restriction quo
celles dont la decision finale est reservee au peuple
en tier sonL examinees cl'abord par les chefs... La
multitude prend seance en armes clans Pordre


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


qu'elle tronve bon (a); l'ordre de faire silence est
proclame par les probes, qui ant aussi le droit de
con traindre a l'observer. Alors les rois ou chefs,
selon rage qu'ils peuvent avoir, scion leur nais-
sance,




selon leur gloire militaire ou leur eloquence,
sont econtes, mais ifs ont plutet recours a l'in-
lluence de la persuasion qu'a l'autorite du 'com-
mandment. Si leur avis deplait, on le repousse
par un cri; s'il est approuve, les audite l'S font
resonner leurs lances. its pensent que la plus ho-
norable maniere d'applaudir est d'employer leurs
armes pour temoigner leur approbation. L'assem-
Wee regarde aussi comme legitime qu'on lui sou-
melte les faits d'un proces et qu'on porte clevant
elle les accusations capitales... Cette meme assem-
Mee choisit des chefs pour rendre la justice dans
les districts et les villages. Chacun de ces chefs, en
exercant ces functions, recoil cent compagnons pris
dans les hommes du commun (commons), et qui lid
sont adjoints h la fois pour le conseiller et pour ajou-
ter a son autorite. Au reste, ifs ne s'occupent d'au-
cune affaire, publique on privee, qu'on armes. »


Voila bien le tableau d'une republique like tie
guerriers, orb chaque homme fibre a sa place dans
l 'Etat, oil le vote de l'assemblee generale est le der-


.(a) Le sons adopts ici semble contredit par la phrase prd-
cedente de Tacite, qui a plutot voulu dire : « d?s que le nombre
Parait sufiisant. a Le texle lain est dans toutes les mains.




20 LE DEVELOPPEMENT


vier mot en toute matiere, mais oir lo droit here-
ditaire et la charge elective sont egalement Leith,
en grand honneur. Nous y voyons aussi tres-dis-
tinctement l'iniluence du caractere personnel et du
talent de la parole; nous y trouvons l'existence de
divisions locales, d'assemblees locales, de magis-
tratures locales; nous reconnaissons en un mot,
dans ce portrait de nos aleux au fond de leur anti-
que patrie it v a dix-sept cents ans, les germes
touter les institutions qui ont grandi peu a peu
parmi nous durant le tours des ages. Un Suisse des
cantons democratiques y trouverait plus rine le
germe de sa constitution, it y verrait la peinture
vivante de sa constitution meme.


L'an tique constitution teutonique fut ainsi la
constitution de nos ancetres dans leur view pay,
de la Germanic septentrinnale, avant gulls st.
missent en route pour File de la Grande-Bretagne.
Cette constitution, dans lorries ses parties essentiel -
les, its l'apporterent avec eux dims leurs nouvelles
demeures, et la, transplantóe dans un sol nouveau,
elle grandit, se couvrit de flours et. porta des trolls
plus riches et plus durables qu'ellen'avait fait dan-
le pays meme de sa premiere origins. Sur le conti -
nent teutonique, la vieille liberte des Teuton,,,
avec ses assemblees libres, nationales et locales,
disparut gracluellement (levant les cmpietements
d'une couvee de petits princes. Vans File teutoni-


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


21


que, elle a change de forme d'age en age, elle a
traverse mainte tempete et resists aux attaques
de maint ennemi ; mais ells n'a jamais entiere-
went purl. La vie nationale du peuple, dans son•
tours regulier, est rester intacte, malgre les con-
quetes etrangeres et les revolutions intestines,
pendant quatorze cents ans. A aucun moment, le
lien entre le passe et le present n'a elk complete-
ment brise ; a ancun moment, les Anglais n'ont
siege pour combiner une constitution entierement
nouvelle, seduits par quelque Ohlouissante theorie.
Claque pas de notre progres a etc la suite natu-
relle d'un pas precedent; chaque.changernent dans
notre loi et clans notre constitution a etc, non
l'introduction do quelque chose d'entierement
nouveau, mais le developpement et l'amelioration
de quelque chose qui kik dep. ancien. Notre
progres, a certaines epoques, a ete plus ra-
pide ; dans d'autres sR.‘cles, plus lent ; par mo-
ments, nous avons paru rester hnmobiles ou meme
retrograder ; mais la grande marche du developpe-
ment politique ne fut jamais completement arre-
l e ; elle n'a jamais subi de halte durable, depuis
le premier jour oii Parrivee des conquerants teu-
tons commenca a transformer la Grande-Bretagne
Pour en faire l'Angleterre.


Des elements nouveaux et strangers se sont de
temps en temps introduits dans notre droit; mais




42
LE DEVELOPPEMENT


le mem esprit qui Otait capable de developper et
d'ameliorer tout cc qu'il y avail clans cc droit d'an-
eien et d'indigene, a generalement trouve le moyeil,
tot ou tard, de rejeter encore tout cc qui etait
etranger et nouveau. L'ami de la liberte, rand du .
progres, l'homme dont la vue est asset perCan lr
pour decouvrir Fidentite sous l'apparence d'one
dissemblance exterieure, ne do it jamais redouter
de suivre a la trace les institutions politiques
l'Angleterre jusque dans leer forme la plus antique.
Les qua torze cents ans de l'histoire d'Angleterre
appartiennent a ceux qui veulent toujours marcher
en avant, non pas a ceux qui preferent rester im•
mobiles on reculer. La sagesse de nos peres se ma-
nifests toujours, moms par no stupide et absurd.,
attachment aux choses clans Fetat oir cues furen1
a un moment donne, que par cet .esprit — I'esprit
a la lois do vrai reformateur et du conservateur vrai
-- qui maintient Fedifice entier debout, en reparan1
et ameliorant de temps a autre les ctiverses parties
qui ont besoin d'y etre ameliorees ou reparees.Lais-




sons les anciennes coutumes prevaloir ; tenons-
nous toujours fermes dans les sentiers battus.
mais les sentiers bath's ont toujours etc en
Angleterre les routes du progres. L'ancienne con-
tome a toujours redoute de changer pour le pu•
amour do changement, mais elle innovait hardi-
ment, qu an d l'innovation etait vraimont necessai re.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


Ainsi plusieurs des plus heureux changements des
derniers temps, plusieurs des plus salutaires amelio-
rations do notre droll: et de notre constitution ont
eniquement consiste a rejeter des nouveautós qui
s'y etaient glissees a des époques reeentes et mal-
heurenses. Ds ont consiste a faire reparaiire, sous
un exterieur modifie, des principes attssi vieux quo
IN jours oil nous apercevons pour la premiere lois
nos ancetres dans leurs forets de la Germanic.


Chang& qtfelle est dans toutes ses formes et SOS
conditions exterieures, l'Angleterre (Anions vivons
a done Bien plus de rapports, dans sa vraie vie et
dans son veritable esprit, avec l'Angletcrre des
temps les plus recules, qu'elle n'en a avec 1'Angle-
terre d'une epoque bier plus rapprochee de la no-
ire. Dans beaucoup de dispositions salutaires de la
legislation moderne, nous axons recule, a dessein on
non, jusqu'a la plus antique origine de notre race.
Nous axons avance en retournant a un plus ancien
etat de choses ; nous avons reforme en ressuscitant
les institutions de temps plus eloignes et plus
rudes, en nous alfranehissant des subtilites serviles
des legistes normands, en jetant de cOtO, comme
wne chose execrable, les innovations de la tyrannie


. des Tudor et de l'usurpation des Stuarts.
J'ai dit.que la primitive constitution teutonique


fut apportee avec eux par nos ancetres teutons,
(Inand its arriverent en conquerants dans File do




24 LE DEVELOPPEMENT


la Grande-Bretagne. Je ne reviendrai pas sur les de-
tails de la conquete anglaise, cet etablissement, qui
nous donna une nouvelle patrie dans un pays nou-
veau, ni sur loutes les questions et controverses
auxquelles les circonstances de la conquete an-
glaise ont donne naissance. Je in'en suis explique a
mainte et main te reprise, avec la parole et avec
la plume, et j'espere pouvoir tenir maintenant pour
accorde ce que j'ai deja demontre ailleurs
Pespere qu'il me sera permis de considerer corn me
etablie l'evidence des faits clans leur ensemble,
sans entrer clans les details de chaque point .en
particulier.


Je tiendrai done pour vrai — car c'est a ceci quo
se ramene reellemenl la question — que l'Angle-
terre est l'Angleterre et que les Anglais sont les
Anglais. Je tiendrai pour vrai que nous no sommes
ni des Romains ni des Welches, mais hien les des-
cendants des Angles, des Saxons et des Jules qui
vinrent ici aux cinquieme et sixieme siecles, des
Danois et des gormands qui y arriverent au nen-
vieme (a). Je tiendrai pour vrai que nous sommes


(a) 11 est curieux de se rappeler ici le passage comet de
Itossuet : e .N'accusons done pas aveuglement le nature! deS
habitants de l'ile la plus cRCbre du monde, qui, scion les plus
iidCles histoires, tirent leur engine des Gaules ; et ne croyonS
pas que les Merciens, les Danois et les Saxons aient tenement
corrompu en eux cc quo nos pores lour avaient dOnne, de bon,


). Bossuet, au reste. est d'accord avec Lingard, qui s'ap-
puyait lui-mime sue le temoignagq de COsar.Pour co qui est do


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
25


an peuple, sinon de pur sang teutonique — car pas
peuple au monde West d'un sang absolument


pur — du moms d'un sang qui n'est pas plus mele
quo celui do n'importe quelle autre nation ; quo
les Anglais sent aussi veritablement des Anglais
que les Welshes sont des Welshes ou que les Alle-
mands de la haute Germanic sont de la haute
tiermanie. Je tiendrai pour vrai que cc qu'il y a
de teutonique en nous n'est pas simplement un
element parmi les autres, mais que c'est la vie
tame et l'essence de noire personnalité nationale.;
que, s'il y a en nous quelque autre chose, si nous
avons fait quelque emprunt a ceux quo nous avons
soulrtis ou qui nous ont soumis nous-mernes, quoi
que ce puisse etre, ce n'est pas un Clement de
memo valour, mais une pure addition a noire es-
sence teutonique ; en un mot, je tiendrai pour vrai
quo les Anglais sont les Anglais, quo nuns sommes
nous-memos et non quelque autre peuple.


Jo tiendrai tout cela pour vrai. Si quelqu'un le
conteste, s'il y a quelqu'un qui ne veuille pas etre
Anglais et qui prefers etre Welche ou Romainje no
peux pas raisonner avec lui en ce moment ; je pens
settlement le prier de se reporter aux arguments que
j'ai fait valoir sur tons ces points en d'autres temps
et en d'autres lieux. Je tiens pour vrai quo, puisque
1,1 communaute d'origine des Gaulois et des premiers habitants
des lies-Britanniques, le fait semble prouvti.


2




26 LE DEVELOPPEMENT


nous avons en un nom national, une langue natio-
nals, et cola des l'origine, nous pouvons justement
passer pour avoir une existence . nationale ininter-
ro mpue. En lin I orsque nous rencontrons en Grande-
Bretagne tin peuple de langue teutonique vivant
sous les memes lois politiques et sociales quo le
peuple teutonique du continent, it n'est strement
pas hien temeraire ni bien etrange d'en conelure
que la langue et les lois que ces deux peuples ont en
commun sont till hien commun sorti d'une source
commune ; que la colonic insulaire en tin mot vin
elle-melee et apporta ses lois et son langage avec
elle de la vieille terre maternelle par dela les me•s.


Nos pores clone aborderent dans la Grande-Bre-
tagne, et ils apportérent'avec eux le systeme politi-
que originaire, les distinctions de rings, la divi-
sion des pouvoirs qui lour avaient servi dans leer
vieille patrie anglaise ou saxonne. Les circonstances
de la conquete devaient sans doute entrainer de,
changements. La conquete dut tendre probable-
ment a grossir les rings de la classe servile. Tons
les indigenes qui ne furent iii massacres ni expulse,,
durent naturellement passer clans cette classe.
particulier, et quoiqu'il ne soit pas douteux que 110F
a ncetres aient ame.ne de leur pays leers femmes aver
eux, it nest pas moins certain que nom bre de fem mes
bretonnes furent reduites en esclavage, a tel poiul
que, l'un des noms vulgaires du vieil anglais pour


OF: LA CONSTITUTION ANGLAISE.


27


designer tine femme esclave est le mot nine ou
femme welche. On pail croire aussi quo cette fami-
barite croissante avec resclavage dut contribuer a
fortifier la continue par laquelle les hommes libres
coupables de crimes Otaient rednits en esclavage
par Line sentence juridique.


En revanche, je soupconne que les circonstances
de la conquete no furent pas sans influence pour
Clever la position a la foil du simple homme Libre
et du roi ou chef, compares a la classe interme-
(Haire des nobles. II n'y a pas deux chases plus
propres a niveler quo la colonisation et une guerre
heure.use. La force de nivellement de la colonisa-
tion est evidence ; la force de nivellement de la
guerre West pas si frappante dans les temps moder-
nes. Dans les armees modernes oh existe un systeme
nettement (Mani de grades militaires, oh la distinc-
tion entre l'officier et le soldat est profondement
marquee, oh le simple soldat est un pee plus qu'une
machine clans les mains de celui qui le commande,
Pellet pout memo etre en sons inverse. dais dans
un plus ancien kat de chases, quand la victoire de-
pend de la bravoure individuelle de chaque homme,
Tien ne pout elm plus propre a niveler que la guerre.
Ilonneur et profit tombent en partage au cceur le
plus ferme et au bras le plus fort, que celui qui les
possede suit noble on paysan dans son pays. Et cola
devait etre encore plus vrai dans le cas oh la guerre




28 LE DEVELOPPEME,NT


et la civilisation marchaient eke a cote, lorsque
le succes decidait non-seulement la victoire, mais
la conquete, lorsque les hommes combattaienl.
lion pour s'en retourner dans lours anciens foyers
charges de gloire et de butin, mais pour conquerir
des demeures nouvelles, recompense de leur va-
leur. D'un autre eke, dans un Mat de choses


l'influence personnelle est presque tout ;
chef Onergique et populaire est, par le fail, absolu,
parce que personne n'a la pensee de contredire
sa volonte ; mais un chef faible ou mal vu du pen-
ple ne pout exercer aucune autorite d'aucun genre.
Dans un tel kat de choses, personne n'obtien1
aussi aisement l'ascendant d'une influence illimitee
que le chef mililaire qui conduit sa tribu a la vie-
Loire. En mitre, ceLte influence devait se decupler.
quand le clef heoreux conduisail son peuple non-
seulement a la victoire, mais a la conquete, quand
it n'etait pas seulement un chef, mais un fondateur.
mais l'homme qui avail emmenê les siens pour s(
rendre maltres d'un nouveau pays et creer un Etai
nouveau, conquete de son epee et de leurs armes.
La simple noblesse de naissance, si hautemen!
honoree qu'elle ne devait avoir qu'une
antorite, en comparaison de l'une ou de l'autre
de ces deux influences placees au-dessus et au-des-
sous d'elle. Jo crois qu'il est possible de relever
quelques traces de l'effel de , ces influences dans 1;1


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
29


situation de la plus ancienne noblesse d'Angleterre.
Qu'il y eiltune difference entre le noble et l'homme
libre du commun, ou pour employer l'expression
du vieil anglais, entre l'Eovl et le Ceorl, c'est ce qui
resulte des innombrables allusions a cette distinc-
tion qu'on trouve dans nos plus vieilles annales. Mais
ii n'est, nullement aisó do dire cc quo cello dis-
tinction etait reellement. Comme nous verrons tout
a l • heure quo cello primitive noblesse fit place in-
sensiblement une noblesse d'un lout autre genre
et fondee sur un tout autre Principe, nous pouvons
sans doute incliner a penser quo, du moms apres
l'etab/issement des Anglais clans la Grande-Breta-
gne, les privileges des Eorlas furent un pen plus
qu'honorifiques.


J'ai a peine besoin de dire qu'une traditionnelle
deference pour la naissance , une preference Ira-
ditionnelle accord& aux membres de certaines
families dans l'attribution des Charges electives,
pent persister, lorsque la naissance n'entraine
avec elle attain privilege legal d'aucun genre. N ulle
part ce fait ne s'est produit d'une maniere plus
frappanle quo dans des cantons democratiques
de la Suisse dont, j'ai parle plus haul. Dans une
rePublique ou les magistrats Otaient elus tons les
ans, oil tout homme libre avail un vote egal clans
'ear election, it arrivait cependant que, d'annee en
annee, les representants de certaines maisons fa-


2.




30 LE DEVELOPPEMENT


menses etaient emus comtne de droit hereditaire.
Tels etaient les barons d'Attinghausen a Uri et, la
maison de Tschudi a Glaris. Or, quoi que nous 'mis-
sions dire d'une semblable coutume a d'aulres
egards, elle etait assurement hien entendue pour
produire un heureux effet sun les membres de ces
families exceptionnelles ; elle Rail. hien entendue
pour y faire naitre tine succession d'hommes lout
prepares a exercer les hautes magistratures de 1::
republique. Un homme qui sail quo, s'il est digne
d'un certain poste d'honneur, it sera choisi pour ce
poste de preference a tout autre, mais qui sail aussi
que, s'il s'en montre indigne, it risque, soit de ne pas
l'obtenir du tout, soit d'en etre pacifiquem en Oc.art
a. la fin d'une armee ou d'une autre, cot homme a
certainement des motifs plus forts de chercher a
meriter la place qu'il espere occuper que, soitrhom-
me qui doit courir la chance d'une competition ill i-
mitee, soil celui qui succede a l'honneur et a l'au to-
rite par le simple droit de sa naissance.


Ainsi done nos Ores arriverent dans la Grande-
Bretagne, apportant avec eux les trois elements de
la constitution primitive que nous trouvons decrite
dans Tacite ; mais, comme j'incline a le croire, les
circonstances de la conquete contribuerent, pour
un temps du moms, a fortifier les pouvoirs hilt du
chef supreme que du corps general de la nation aux
depens de la classe in termeiliaire des Eorlas on no-


*


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
31


tiles. Etudions d'abord l'origine et I'accroissement
de l'autorite du chef supreme, en d'autres termes,
relóment monarchique, le pouvoir royal.


Qu'est-ce qu'un roi alors? La question est Wert.
plus aisee a faire quo la reponse. Le nom de roi
signifie des chosen Ires-differentes suivant la diffe-
rence des temps et des lieux ; la somme d'autoritó
attachee a ce titre a considerablement varie avec
les licux et les temps. Toutefois une sonic d'idee
commune semble se retrouver dans tons ses divers
usages ; si l'on ne pent pas toujours definir un roi,
on reconnait generalement un roi, lorsqu'on le voit.
Au titre de roi s'atlache, dans le sentiment popu-
laire, du moms, une vague idee de grandeur et de
saintete que n'eveille pas celui d'un simple magis-
t si Cleve que soit ce magistrat en rang et en au-
torite. Je no panic pas de la raison de la chose,
mais de ce qui, en tant que fail., a etc de tout
temps l'impression populaire. On dit que chez les
peoples patens de la Suede, lorsque les affaires
etaient, mal conduiles, dans le cas ou maintenant
nous congedierions un ministre, et oil nos ance-
tres, quelques generations avant nous, lui auraient
tranche la tete, on meprisait des victimes si secon-
daires, et on offrait le roi lui-meme en sacrifice aux
dieux. Une semblable pratique prouve certaine-
ment que nos freres de la Scandinavie n'etaient pas
arrives a cette subtilite constitulionnelle en vertu




32 LE DEVELOPPEMENT


de laquelle la responsabilite de tons les actes
souverain est transferee . h. nn autre. Evidenament
ils n'admettaient pas, comme les modernes fai-
sours de constitutions, quo la personne du roi
inviolable et sacree. Mais je presume quo cette
pratique memo qui montre qu'ils ne le regardaienl
pas comma inviolable, prouve aussi gulls le consi-
deraient comme sacra. Cerlainement, si le roi Mai!
ainsi sacrifie de preference, c'est qu'il y avail en
lui quelque chose qui n'etait dans personne autre,
c'est qu'aucune victime inferieure n'eett ate aussi-
agreable aux dieux.


Mais d'un antra cOLO — pour nous aventur4
un moment au dela du cercle des modeles tento-
nique eL alien — on voit dims l'histoire que
anciens Egyptiens devancerent la grande inven-
tion de la monarchic constitutionnelle ; que
pretres, dans un discours annuel, attribuaient re-
pectueusement Lout le bien qui etait fait dans le
pays au roi personnelletnent, et Lout le mal h see
mauvais conseillers (12). 11 semblerail qu'il y
la deux manieres exactement opposees do traitt
un roi ; et cependant cette coutume d'immoler
roi, et l'autre coutume d'agir avec lui comme
etait incapable do jamais faire mal, derivent Writes
deux du memo principe, ce principe quo le roi,
d'une maniere on dune autre, est essenticllement
different de tout le reste des hommes. Nos pro-


DE LA CONSTITUTION- ANGLAISE. 33


prey rois de la vicille Angleterre, comme tous les
autres rois teutons, n'etaient Tien moins que des
chefs absolus ; la nation les nommaiL et la nation
les deposait ; ils ne pouvaient ricn faire d'impor-
taut en paix on en guerre sans l'assentiment na-
tional ; et malgró tout, on sent:ail que le roi, en
[ant que roi, etait revetu d'une dignitó d'un tout
autre genre quo cello du plus eleve de ses sujets.
11 est possible que colic difference resultat princi-
palement d'une espece de respect religieux qu'im-
posail la personne du roi et que n'inspirait au-
can autre chef inferieur. En effet, dans les temps
d'idolatrie, les rois faisaient renionter lour origine
aux dieux que la nation adorait ; et, dans les siecles
chretiens, comme ils se distinguaient des chefs de
moindre importance par les ceremonies religieuses
qui solennisaient lour entrée en charge, les emus du
peuple devenaient ainsi les Oints du Seigneur.


La distinction entre les rois et les chefs d'un an-
tre genre estrigoureusement d'une antiquite imme-
moriale ; elle est aussi ancienne que quoi quo cc
soit quo nous connaissions des institutions politi.
ques de notre race. Cette difference est clairement
indiquee dans la description que je vous ai lue de
'I a ei t e distipgue d'une maniere bien marquee les
"965 et les duxes, les rois et les chefs ; les chefs dont
l e droi I au commandement s'appuyait sur leur nais-
sance, et les chefs qui le fondaient sur leur Write




ZVE LE DEVELOPPEMENT


personnel. Mais le mem eerivain nous a pprend que,
quoique cello distinction eta ete etablie de si bonne
heure et si bien comprise, elle n'etait cependant
pas universelletnent admise par Loutes les branches
de la race teutonique. Entre les nations germaines
(Writes par Tacit°, quelques-uses, nous (lit-il
expressement , etaient gouvernees par des roil,
tandis que d'autres n'en avaient pas. Cela vent
dire que, clans celles-ci, chaque tribu ou district
avail son chef propre, magistrat durant la paix,
general en temps de guerre, mais que la nation
entiere n'etait pas reunie sous un seal chef qui
droit aux privileges speciaux et mysterieux de la
royaute. Cela vent dire que, hien que nous enlen-
dions parlor de royaute aussi loin que nos histoires
nous font remonter dans le passe, cependant la
royaute ne fut pas la forme la plus ancienne de
gouvernement parmi les tribus teutoniques. Le roi
et son royaume prirent naissance par l'union de
plusicurs (Ants on districts, existant (16 ,ja sous des
chefs separes qui leer etaient propres, et, dans l'his-
toire de nos propres origines, on pent determiner
avec une grande nettete la date et les circonstances
de l'introduc Lion de la royaute.


On aimerait bien a savoir cc que signifiaient exac-
tement les mots teutons que Tacite rendait par les
equivalents latins rex et dux. Pour le dernier
moms, on peut faire une conjecture plausible. Le


DU LA CONSTITUTION ANGLAISE. 35
chef Wilton qui n'etait pas roi portait le titre d'Eal-
dorinan en temps de paix, et d'llercioga en temps
de guerre. Le premier nom ne clemande pas d'ex-
plication. 11 est encore en usage parmi nous, hien .


ail perdu quelque chose de son ancienne, di-
L'autre titre dileretogrz, chef d'armee, l'equi-


valent exact du latin dux, est tombe en desuetude
dans notre langue, mais it survit dans le hail t-alle-
mand sOus la forme de Herzog, qu'on traduit fami-
lierement et correctement par due. Les duces de
Tacite, on ne pout en flouter, etaient les Ealdormen
ou He•etogan.


On voit moms clairement ce qu'etait le Litre gull
voulait traduire par rex. Notre mot Cyning, King
est commun A loutes les langues teutoniques exis-
(antes, et nous le retrouvons aussi loin q.ue nous
pouvons suivre la langue anglaise dans le passé.
Mais ce n'est ni le soul, ni vraisemblablement le plus
ancien mot pour exprimer cette idee. Dans le plus
vieux monument qui nous reste de l'idiome teuto-
nique, la version go thique des Ecritures, le mot
King, sous auculle do ses formes, ne se rencontre
nulle part. Le terme qu'on y voit employe est Thiu-
dans. On y trouve aussi un troisieme mot, Drihten,
qui., en anglais, est plus communement usite dans
un sons religieux.


Je nous prie de vonloir hien prendre patience pen-
dan t clue je m'enfonce un moment dans quelques




30 LE DEVELOPPEMENT '1114'


vieilles etymologies teutoniques, persuade que je
suis que les analogies de ems trois mots ne soft pas
d'uirmince inter6t. Ces noms derivent tons trois ou
se rapprochent beaucoup do mots qui signifient la
race ou le peuple. L'un d'eux, Cyn ou Kin, nous
l'avons garde dans l'anglais moderne, sans en chan-
ger le son et avec tine tres-legere modification dans
le sons. Maintenant, le mot Cyning, dans sa forme
abregee King, vient directement, ou du substantif
Cyn, ou bien d'un adjectil' qui s'y rattache elroite-
ment, Cyne, noble, precisement comme le latin ge-
nerosas vient de genus, qui, soil dit en passant, est le
memo mot quo noire anglais Cyn. Ne vous laissez
pas abuser en allant croire que King ait non a de-
ineler avec canning ou cunning, rhomme adroit. Celui
qui l'a dit le premier ignorait tout sirnplement sa
grammaire du vieil anglais. Ce mot est de la famine
de Cyn et Cyne, et pent se comprendre « le noble
homme ou bien, comme ing est la desinence pa-
tronymique des Teutons, celui qui l'airne mieux
pent former Cyning de Cyn, et faire du roi, non le
Ore de son peuple, mais son rejeton (13).


Quant aux deux attires noms, Thiudans ou Theoden
et Drihten, its ont disparu de fare langue, et aver
eux les deux mots auxquels its se rattachent, pre-
cisement comme Cyning se rattache a Cyn. 7hiu-
dans ou Theoden vient de Thiuda ou Theod, qui vent
dire aussi potpie, mot quo vous reconnaitrez dans


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
37


plusieurs des vieux noms teulons, Theodric, Theod-
berht, Theodbald, et attires semblables. De memo,
Dhriten vient ou directement de Driht, famille, corn-
pagnie, on bien, precisement comme. Cyn et Cyne,
d'un adjectif dribt signifiant noble ou flex.


Ces noms exprimant tous trois la royaute on I ainsi
rappert a des mots qui veulent dire race ott peuple.
Its impliquent l'idee de chef d'un peuple, quelque
chose de plus que le chef d'une simple tribu on
d'un district. Maintenant nos chroniques en vieil
anglais, lorsqu'elles racontent comment les pre-
miers conquerants anglais, Hengest et Horsa, s'e-
tablirent dans le Kent, ne les appellent point Cy-
ningas, mais Heretogan, chefs ou dues. II Taut
qu'Hengest ait d'abord remporte des victoires sur
les Bretons pour qu'on nous disc qu'il a pris le rice
on royaume et que son ills OEsc est appele King.
C'est ainsi que, dans le Wessex, les premiers con-
querants Cerdic et Cynric sont appeles Ealdormen
quand its dêbarquent ; mais, lorsqu'ils ont Rahli
Uric domination fire aux depens des Welches, on
lit gulls prirent aussi le rice, el les chefs des Saxons
de l'Ouest sont des.lors cites comme rois. Il est
done evident que les premiers chefs des etablisse-
ments anglais dans la Grande-Bretagne, quand its
traversaient les mers, portaient settlement le titre
plus humble d' Heretogan ou Ealdormen; ce fut sou-
lement lorsqu'ils eurent livre des batailles et se fu-


3




38 LE DEVELOPPEMENT


rent trouves a la tete cl'un Otablissement puissant
et victorieux stir le sol conquis, qu'ils fluent juges
dignes du titre plus releve de rois. On peat croire
en outre qu'avec tous leurs exploits its n'en auraiem
pas ete juges dignes, s'ils n'avaient passé pour etre
issus du sang des dieux, de la souche divine de
Wode .


On roil ainsi que la royaute, clans le sens strict
du mot, c'est-h-dire distinguee du gouvernement
des dues ou seigneurs (ealdormen), prend son ori-
gine, chez les Anglais de la Grande-Bretagne, non
pas au premier moment meme de la conquete, mais
dans les annees qui la suivirent immediatement, du
vivant de la premiere generation des conquerants .
Cate distinction que l'on remarque chez les Anglais
ales Saxons se retrouve chez les peoples de meme
race de la Scandinavie. Du jour que les Danois et les
Normands commencerent ces invasions qui se ter-
minerent pour eux par de si importants etablisse-
men Is dans l'A ngleterre du Nord et de l'Est, on trouve
toujours chez eux deux classes bien tranchees de
chefs, les rois et les jails, autrement dit eons. Ce
sont les jails qui repondent aux ealdormen anglais.
La meme distinction est encore clairement indiquee,
quancl on lit que les vieux Saxons, les Saxons du
continent, etaient gouvernes, non par des rois,
mais par ces chefs que notre Ocrivain latin se plait
h appeler satrapes, c'est-h-dire, hien enlendu, dues


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 39


ou seigneurs (ealdormen). Mais elle est plus forte-
tement accusee que partout ailleurs dans plusieurs
recits oil il est pails de nations qui, apres avoir ete
reunies sous des rois, sont relombees ensuite sous
la precedents domination de ces petits chefs locaux.
Ainsi, les Lombards en Italie, qui avaient ete con-
duits par des rois h lour grande conquete, renon-
cerent, est-il dit, pour on temps, au gouvernement
royal, et rótablirent le pouvoir de dues indepen-
dank. On rapporte aussi que les Saxons de l'Ouest,
dans notre lie, rejeterent a une certaine époque le
gouvernement des rois, et revinrent de la meme ma-
niere au pouvoir de seigneurs independants. Dans
tous ces cas, on serail, hien aise de savoir plus clai-
rement queue Otait la difference exacte entre le roi
et le due ou eaktorman. Mais il est evident que le
roi etait le representant dune unite nationale plus
etroite, Landis clue le seigneur representait la ten-
dance parliculiere de chaque tribu ou district a
reclamer son independance. Le gouvernement du
Seigneur petit n'avoir pas eta moins effectif que
eelui du roi. Si nous nous rappelons la distinction
traces par Tacite quant aux qualifications respec-
tires de ces deux fonctions, nous awns meme
tout lieu de eroire que le gouvernement du sei-
gneur pourrait hien avoir ete le plus effectif des
deux. Ce v a de certain, c'est qu'on senlait
(pie le seigneur, de maniere ou d'autre, etait moins




I


40 LE DIVELOPPEMENT


separe de la masse de son peuple que n'était le roi ;
les fonct.ions de roi ne pouvaient etre remplies que
par un homme de la souche de Woden ; cellos de
seigneur Otaient, semblerait-il, accessibles au pre-
mier voila qui montrait possedait les qualites
requires clans un chef de nation.


C'est ainsi quo la royaute devint la loi de touter
les trilms Leutoniques qui s'etablirentdans la Grande-
Bretagne et dont la reunion lit la nation anglaise.
Cette reunion, il ne f an t jamais Foublier,f ut tres-lento.
Peu a pen, de petits rois ou des seigneurs indepen-
dants acce.spterent la suprómatie d'un roi plus puis-
sant.Puis,daus une secondepóriode,le plus petitEtat
rut dócidement incorpore au plus grand. Le chef
du premier, alors, s'il n'etait pas completement de-
possede, ne gouvernail plus comrne souverain in-
dependants, ni meme comme souverain vassal, mais
en qualite de simple magistrat, agissant en vertu de
l'autorite deleguee par le souverain de qui it te-
nail sa charge (14). L'Etal fonde par Cerdic et Cyn-
ric sur la cote mCridionale grandit pen a pen par
'Incorporation de plusieurs petits royaumes et
seigneuries independanies, jusqu'a cc ciubras
sat la souverainete de File entiere de Bretagne, et
devint la royaute immediate de tons les Anglais
qui l'habilaiont. Le seigneur d'un coin du Hamp-
shire arriva ainsi pas a pas a etre roi des Saxons
de l'Ouest, puis roi des Saxons, roi des Anglais;


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


41


empereur de Louie la Bretagne, et plus lard enfin
souverain d'un rovaume qui s'etend aux qua tre coins
(11.1 monde. Mais le point qui nous intexesse mainte-
tenan t, c'est qu'a chaque degre d'accroissement du
domaine royal, l'autorite politique du roi sur cc
domaine s'accroissait en memo temps. Le change-
ment de seigneur en roi, celui de roi idolatre en
roi chrelien couronne et sacre par l'onction, con-
trihua beaucoup sans doule a Clever le pouvoir et la
digni Le (in chef, qui acquerait ainsi h chaque trans-
formation de nouveaux litres au respect. Mais cc
n'etaitpaslhtout. L'agrandissement seal du domaine
royal devait chaque fois tres-puissamment aider h
accroftre le pouvoir direct du roi, et plus puissam-
ment encore h augmen ler cc vague respect que
chacun ressent pour la royaute. Daus Homere, nous
voyons certains rois qui avaient « un caractere plus
royal », qui etaient plus rois quo les attires. Hen a ète
de rneme chez nous. Un roi qui *nail sur tout le
Wessex avail davan Loge du roi que celui qui regnait
seuleinent sur File de Wight, et un roi qui gouver-
nait tante l'Angleterre Otait d'un doge, plus Cleve en
royaute que celui qui ne gouvernait que Wessex (15).


A mesure, que s'eLend le territoire stir lequel
rögne un roi, celui-ci devient necessairement de
moms en moms connu de la masse de son peu-
ple ; it s'abrite de plus en plus derriere la crainte
mysterieuse qui it inspire ; de plus en plus it est con-




1.E DEVELOPPEMENT


sidere cornmc un etre different du reste des horn-
mos, d'une autre nature meme que le commun des
magistrats civils ou des chefs militaires, si erninente
que soit la dignite de ceux-ci, si ustre que soil lour
caractere personnel. tine telle separation entre le roi
et, la masse de son peuple pout, it est vrai, clans cer-
taines conditions, el-Ambler, an lieu d'un accroisse-
moot., une diminution do son pouvoir reel. Ce roi
pout devenir, dans ]'opinion populaire, trop grand
et trop imposan I pour l'exercice effectif du pouvoir,
et, - par unc consequence forde do sa grandeur
memo, voir son autorite reelle transferee h ses re-
presentants pour qu'ils gouvernent en son nom. 11
pout olio environne d'une adoration qui releve pres-
queau-dessus cle l'humanite, tandis que la realile du
pouvoir passe a tin maire du palais, ou est partagee
entre les gouverneurs de provinces eloignees (10).
Alais avec une race de rois energiques et habiles
gouvernant line nation qui tend h l'unité el non a
la separation plus complete cle ses parties, chaque
pas dans l'accroissement territorial du royaume est
aussi un pas dans l'aceroissement, non-seulement
de la (lignite exterieure, mais encore cle l'autorite
materielle du roi.


Le roi anglais qui, au seizieme sieclo, posse-
dait la souverainete directe de tonic l'Angle-
Lorre, la supreme autorite sur tout° la Bretagne,
elan un tout autre personnage quo son ztleul qui,


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


dans le sixierne estimait, qu'une victoire
de plus stir les Bretons, ]'acquisition dune par-
cello de plus de lour territoive, une autre con-
taine, pourrait-on dire, de modernes liampshires;
l'avaient rendu assez grand pour echanger son ti-
tre de seigneur contre celui de roi. Ce roi-la Otait
Bien roi clans toute la force clu. terme ; son carac-
tere personnel avail la plus haute influence stir la
prosperite on le malheur de son royaume ; sa vo-
lonte pesait clu plus grand poids, quand it s'agis-
sail de faire les lois deslinees a regir son peuple, ou
de distribuer les honneurs et les charges entre ceux
qui devaient gouverner sous ses ordres. Et, malgre
tout., ce n'etait pas un despote ; on n'oubliait ja-
mais quo le roi n'etait que ce que son nom signifie,


representan I, la personnification, ]'emanation
du- peuple. C'etait du choix du peuple qu'il rece-
vait son autorite pour le gouverner, choix qui se
renfermait, en toute c.irconslance ordinaire, dans
la maison royale, mais qui , au dedans de cello


n'élait pas limile par l'avcugle respect
dune loi particuliere de succession.


Ce choix pouvait, tanttit se fixer stir le membre le
plus digne de la famille royale, tantOt, quand cette
famille no fournissait pas de candidat satisfaisant, se
Porter hardiment sur l'homrne le plus digne parmi le
Pouple tout entier (17). Or, ceux des mains de qui le
roi a Lenu ainsi tout d'ahord son pouvoir en on t




44 LE DEVELOPPEMENT
toujours partage l'exercice avec lui. Les lois, les
concessions de privileges , les nominations aux
charges appartenaient au roi, mais n'etaient deft-
nitives qu'avec l'assentiment clu peuple consults
dans son assemblec nationals, reunion des Sages
Hommes du pays tout entier (IS). Ce n'est pas tout :
ceux qui lui avaient donne son pouvoir et qui lc
dirigeaient dans l'emploi qu'i I en faisait, pouvaient
encore, quand le besoin l'exigeait, lui retirer ce pou-
voir apres le lui avoir confie. A de raves intervalles
— car c'est seulement a de raves in tervalles gull est
vraisemblable qu'on en vienne a colic extremite— la
nation anglaise a exerce le plus eminent de ses pou-
voirs, en reprenant la couronne a des rois indignes
de la porter. Je ne pane pas cl'actes violents ou de
meurtres, non plus que de proces qui, hien quo re-
vetus de la forme legale, n'avaient pas de prece-
dents dans notre histoire. Je no pane ni de la more
secrete d'llenri VI, ni de l'execution publique de
Charles P r . Je pane de la marche reguliere de la
loi. Dans le Northumberland , le droit de deposi-
tion etai .. exerce avec une frequence particuliere.
Mais je veux me reslreindre 1 cette lignee directe
et ininterrompue de princes qui, de rois de Wessex,
devinrent rois d'Anglelerre. Six fois au moins dans
l'espace de neuf cents ans, de Sigeberht de Wessex
a Jacques le Witan on Parlement usa du plus
extreme et du plus eminent de ses pouvoirs (49).


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 4:3


Le dallier exercice qui en a ete fait en a renclu
inutile lout exercice to tur. Tout ce qu'on avail
gagner dans les anciens temps par la deposition
d'un roi pout eire obtenu main tenan t par un vote
de blame contre un ministre, on, dans le cas le plus
extreme, par sa miss en accusation.


Mais, oulre l'accroissement du pouvoir royal qui
resulta naturellenient de l'accroissement des do-
'Dailies du roi, une autre cause contribua active-
ment it revetir le roi d'une influence personnelle
clout l'imporLance Nut presque plus grande quo son
autorite politique. Pour une partie considerable de
ses sujets, pour tons les hommes d'une fortune on
d'une puissance plus qu'ordinaire, le roi cessa par
degres (Pare uniquement roi, pour devenir lord,
et, par degrés aussi, ses sujets devinrent, de sujets
qu'ils etaient seulement, ses honznzes. Ces mots de-
mandent une explication, et je vain encore remonler


Tacile comme a noire point de depart. Parallele-
ment a la socióte politique, composee du roi, des
nobles, de Fassemblee populaire, autant de pou-
voirs strictement politiques, it decrit une autre
institution, une relation qui n'a plus rien de poli-
lique en elle-meme, purement personnelle au cony
traire, mais qui devint graduellement de la plus
haute importance politique : c'est Finstitution du
compognonnage (conitatus), le systems de relation
personnelle entre un homme et son lord, relation


3.




46 LE DEVELOPPEMENT


qui consistail en service fidele d'une part, en fidele
protection do l'autre. Ecoutons encore parlor lc
Mare ltomain, interprete de nos plus vicilles tra-
ditions. •


«11 n'y a pas de honte chez les Germains A etre
vu parmi les compagnons (comites) d'un chef. Or, it
y a des clegres dans le cornpagnonnage (coinitatus),
selon l'estirne accordee par celui dont on forme la
suite; et il existe une grancle rivalite entre les cm-
pagnons, A qui se maintiendra le plus haut dans la
faveur de son chef, comme entre les chefs, a qui
aura les plus nombreux et les plus vaillants compa-
guons... Quand on en vient 1 faction, it est honteux
pour le chef d'etre surpasse en valour; it est hon-
teux pour les compagnons de ne pas egaler la va-
leur de lour chef. C'est, memo une note d'infamie
pour le reslo do la vie quo de se retirer sain et sauf
du champ de bataille oil le chef a pert. Le garden,
lc delendre, rapporter it sa gloire leurs propres
hauls faits, est le premier devoir picux de ses corn-
pagnons. Les chefs combattent pour la victoire; les
compagnons combattent pour lour chef. »


Telle est la description que fait du compagnon-
nage un historien romain du second siècle. Permet-
tez-moi de mettre en regard de cc passage les viers
d'un poete anglais du dixiimne. Ce poete raconte la
bataille de Maldon qui fut livree, en 991, par les
Saxons de l'Est, sous le commandement de leur


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 47


seigneur (catlorman) Brihtnoth, aux envahisseurs
normands. Le seigneur a eta tue ; deux de ses sui-
vants se sont enluis, l'nn d'eux sur le cheval du
seigneur, et tonics les expressions qui sont miles
dans la bouche de ses compagnons restes tickles
roulent sun le lien personnel qui existe entre eux et
leur lord (20).


« La dessus l'abattent
Les soldats patens ;
Et les deux guerriers
A ses deux cotes,
0Elfnoth et Wulftmer,
Mordent la poussiere
Aupres de leur lord.
Leur sang coins cher
D'autres se retirent
Lasses du combat.
La les Ills d*Odda
Les premiers s'enfuirent ;
Godric deserts,
Delaissant le brave
Qui lui fit present
De tant de coursiers
11 prit le cheval
Quo son lord montait,
Santant sur la housse,
Malgre son devoir (a). »


A present, nous passons aux exploits accomplis
par SOS thanes sur son cadavre :


« La fut renverse
Le chef de Farmee,


(a) On tremors a Is fin du volume le texte de cette ballade
qui merite d'exercer le talent d'un pate. Nous nous sommes
contente d'en presenter au lecteur un mot-a-mot rhythme.




48 LE DEVELOPPEMENT


Le comte Ethelred ;
Lit ses camarades,
Chers ii son foyer,
Le virent gisant.
Alors s'elancerent
Los superbes thanes ;
Les hommes sans peur
Se p atent joyeux ;
Its veulent tons
De cos deux sorts l'un,
Mourir, ou venger
Leur chef tant aime. »


Alors l'un des thanes Arend la parole :
« Non, jamais au camp
Thane ne pours
Me jeter l'insulte,
Disant Tie j'ai fui
Pour revoir mon toil,
Quand git mon seigneur,
Mort dans le combat.
Porte irreparable
C'etait mon parent,
Et c'etait mon lord. »


Un autre parle it son tour :
Quel courage, OElfwinc,


To donnais aux thanes
Au fort du danger !
Puisque notre lord
Le comte est h terre,
Que chacun de nous
Excite les autres
Guerricrs it la guerre,
Tant :pie nous pourrons
Bien tenir nos armes,
Mortel cimeterre,
Lance et bonne epee. »


troisiOnne reprend :


BF LA CONSTITUTION ANGLAISE.
49


« Je promets ceci
D'ici je ne veux
Reculer d'un pas ;
Mais j'avancerai
Pour venger mon lord
Et mon camarade ;
Et Fes du lac Stour
Nul heros sans pear
Ne m'insultera,
Parcc quo tout soul
J'irais au logic
Quittant le combat. »


Lc resi t continue un pen plus loin


« Tot dans la bataille
Offa succomba ;
Mais it accomplit
Le vcen de son lord.


await promis,
En prenant l'anneau,
Quo tons deux ensemble
Au bourg e.hevauchant
Retourneraient saufs,
Ou dans la melee,
An fort du carnage,
Tomberaient frappes :
It git en NTai thane
Aupres de son lord.»


Enfin, tin dernier ach6ve :


« Quo lame soil forte,
Le cceur plus ardent,
La valour plus grande,
Quand decroit le nombre.
VoIci le chef mort,
'rout du long conche :
Ileros dans la poudre !
Maudit celui qui




50 DEVELOPPEMENT


A ce jeu sanglant
Maintenant renonce!
Jo suis vicux de jours ;
D'ici je no pars.
Je veux aux cites,
Aux cotes du lord,
D'un honnne si cher,
Oui, Jo veux tomber. »


L'institution du compagnonnage militairesemble
avoir un pen etonne Tacite. Il se emit -oblige de
faire remarquer que ce genre de relation person-
nelle n'etait pas regarde chez les Germains comme


C'etait la le sentiment nature! a un
citoyen romain n'avait absolument


de devoirs qu'envers L'Etat pouvail etre re--
presente soil par 1111 magistrat responsable, soil par
un empereur sans responsabilite ; mais, dans les
deux cas, l'obeissance etail due au representant de
l'Eta t n'existait aucune relation personnelle avec
l'hcmme. La vieille institution romaine du patron
et du client, qui avait tant de ressemblance avec
le compagnonnage germain, etait a peu pros dis-
parue du temps de Tacite, et, a aucune (Toque,
elle n'avait ete adoptee par les hommes de haut
rang (24). Ce qui etonnait Tacite, c'est que, chez les
Germains, les hommes les plus &eves par leur
naissance et lours exploits n'etaient pas considerós
comme deshonores pour entrer au service personnel
d'un seigneur. Pour Tacite Trajan etait
le magistrat supreme de la Republique romaine, le


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
51


commandant en chef de Farm& ; it n'etait, le maitre
personnel que de ses esciaves et de ses affran-
ehis (22). Ce rut settlement a une ("Toque hien pos-
terieure de I'Empire romain que le service person-
nel l lit tour ou clans la Camille cle l'empereur
commenca a etre regarde comme honorable (23).
Au contraire, chez les Teutons, la relation person-
nelle colorait tout ; le service personnel vis-a-vis
d'un roi ou d'un autre chef fut honorable des le
principe ; les nobles les plus fiers de l'Europe se
mt tenus jusqu'a nos jours pour tres-honores de
remplir aupres de la personae des empereurs, des
roil et d'autres princes, des offices que Tacite
juges etre au-clessous de la (lignite dun canyon ro-
main. Nous aeons pris Ihabitude aujourd hui de
ne von rendre ce genre de service qu'a un per-
sonnage royal ; it y a quelques siecles, les hommes
de tout rang s'estimaient honores d'en etre charges
aupres d'hommes du rang immediatemen t superieur
au leur, ou memo d'hommes de leur propre rang qui
les devancaient en age et en reputation. Le chevalier
etait servi par son ecuyer, le maitre par son eleve ;
et le mime principe, mis de cote en toule autre oc-
casionse perpetue encore clans un usage qui est
nidub itablement un reste du compagnonnage teuto-
nique, je veux dire le fagging de nos Ocoles publiques.


Or, le rósultat politique du principe de service per-
sonn el, de ce tie institution du compagnonnage, se




52 LE DEVELOPPEMENT


developpant a cote de la primitive soció le politique,
fut de la plus haute importance dans noire vieille
histoire. La relation personnelle en vint a absorber
la relation purement politique. Entrer an service
d'un chef devint tine pratique si hien etablie qu'a la
fin on jugea du devoir de chaque homme de « cher-
cher un seigneur », on, comme on disait, de se
recommander, de se placer sous la protection d'un
homme plus puissant quo soi-meme. L'homme de-
vait service hale a son lord; le lord devait
protection a son homme. Le nom meme de lord,
dans sa plus ancienne el plus complete forme,
lilaford, impliquc l'idee de la recompense que le
lord accordait a son homme hale. Ce mot nelaisse
pas quo d'être embarrassan I ; mais on ne pent douter
qu'il ne se rattache a la racine Nal, loaf, et que le
sons generique Wen soit le donneur de pain (24).


Maintenant, se cache ici quelque chose qui a con
derablement affecte toute l'organisation politique,
sociale qui suiv it. L'institution du conipagnonna
dans son premier Otat, n'avait absolument rien a
voir avec la possession de la terre. Mais l'homme
attendait la recompense de son fiddle service des
mains de son lord ; ii attendait le pain que celui-ci,
par son titre memo de lord, s'etait engage a
clonner. Il n'y avail naturellement aucune forme
de recompense, aucune maniere de Bonner le pain
qui Mt aussi commode ou aussi honorable que le


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


present d'une terre, que l'homme devait posseder
comme prix du service passé et condition du ser-
vice futur. Au surplus la coutume de conceder des
terres dont la 'possession etait soumise a l'obliga-
tiond'un service militaire etait devenue commune
Bans les derniers temps de la puissance ro-
maine (25). Ces terres, naturellement, y etaient to-
nnes non pas de l'empereur comme seigneur per-
sonnel, mais de la republique romaine dont l'empe-
reur etait le chef et le representant. Mais cet usage
de tenir des terres par le service militaire se ren-
contra A propos avec l'institution leutonique du
service personnel, et l'union de ces deux genres de
services dans la meme personne produisit cette rela-
tion feodale qui a eu une action si puissante sur
toute la vie politique et sociale durant le tours en-
tier du moyen age et ensuite jusqu'a no Ire tern ps.


La terre concedee par le lord h son homme, on la
terre que l'homme consen Lai t a tenir comme si elle
lui avail etc ainsi concede°, pouvait etre un royaume
qu'on tenait de l'empereur ou du pape, tout aussi
hien que le plus petit Lai, (peon tenait d'un voisin
plus puissant. Dons les deux cas, une telle tenure
par le service militaire etait un fief, et de l'institu-
ti on de ces fiefs sortit, avec des consequences mul-
tiples pour le hien et pour le mal, ce qu'on appela
le sysleme fOodal. Mais en tint que le systeme
feodal exista, soil en Anglelerre, soil dans tonic




I
54 LE DEVELOPPEMENT


autre contree, it exista absolument comme un sys-
teme qui avait grancli cote a cote d'un attire plus
ancien, qu'il deplaca en en tier on en partie. Le te-
nancier Modal, tenant sa terre d'un lord par le ser-
vice militaire, supplanta graduellement., en either
on en partie, dans la plupart des con trees de l'Eu-
rope, le possesseur allodial, qui ne tenant sa terre
d'aucun autre homme, et ne connaissait de sup&
rieur quo Dieu et la loi. En Angleterre, cc change-
me.nL ne se fit que graduellement el par parties; ce
fut par le moyen de la conquete normande, on,
plus exacternent, a la faveur des subtiles theories
legales ititroduites avec la conquete normande.
qu'il s'etablit definitivement. Et, apres tout, c'est
plutOt en theorie qu'en fait qu'il rut Otabli. Le sys-
tem Modal, en [Ant que systeme adopte dans
tout le pays et affectant toules les relations de la
vie, ne s'etablit jamais aussi completement en An. 1
gleterre quo dans certains pays du continent.


Mais cc n'est qu'indirectement que mon sujet
a quelque chose a demeler avec le systeme feodal.
et surtout avec son action stir la sociele poll -
tique. J'ai a etudier le compagnonnage, d'oit est
sortie la relation fOodale , principalement sous
un autre aspect, egalement indirect, a savoir, la
maniere dont it influa sur nos plus anciennes ins-
titutions. 11 nous a donne tine nouvelle forme de
noblesse, une noblesse de . service et de relation


GE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


55


personnelle vis-J. du roi, au lieu d'une noblesse,
fondee stir la naissance settle. 11 nous a donne une
noblesse de Thanes, qui, peu a peu, supplanta l'an-
cienne noblesse des or Is.


A mesure que grandirent la puissance et la dignite
rovales, on en vint a regarder comme le comble de
Ihonneur Wearer an service personnel du roi. Deux
rest,' la ts s'ensuivirent : le service du roi, c'est-h-dire
one place dans le compagnonnage royal, devint la
marque et la consecration d'une origine noble. EL ce
fut une grande force pour le pouvoir do roi, quand
celui-ci cut etabli, avec tousles criers de son royautne,
non- seulemen t la relation d'un chef politique, mail
encore cello dun seigneur immediat, d'un seigneur
au service duquel ils Otaient attaches par no lien per-
sonnel, et de qui ils tenaient leurs terres, comme le
present die sapersonnelle bonte . 11 Taut pout-titre voir
la marque d'un declin de la premiere idee do com-
pagnonnage dans ce fait que le vieux mot gesith,
compagnon, repondan t exactemen Lan mot la tin comes
employe par Tacit°, fut remplace par le nom de
thane. (1hegn),littkalement serviteur. Mais taut quo le
service personnel fut estime honorable, le nom de
ser • iteur ne fut Das une degradation, et le nom de
Thane devint l'equivalent du Litre plus ancien
d 'eorl. Les thanes du roi, les hommes qui tenaient
lent' terre du roi et lui 0taient attaches par le lien
dti service personnel, formerent la plus haute classo




$fi


LE DEVELOPPEMENT


de la noblesse. Les thanes de lords inferieurs,
d'aveques et d'ealdormen, formerent une seconde
classe. Une noblesse de ce genre, on ne peut en
douter, alai d'un genre hien plus liberal que
cienne noblesse de naissance, a Lel point que l'admis
sion dans ses rangs n'etait pas interdile aux homme
d'une classe inferieure. Le ceorl, l'homme libre
commun, ne pouvait pas, A. la rigueur, devenir
earl, par la simple raison qu'iI ne pouvait pas chan-
ger d'ancetres ; mail it pouvait, et c'est ce qui arriva
souvent, devenir un thane.D'un au Ire cold cepend ant
une sembl ab le noblesse, tout en 1'elevatiori
du commun des hommes libres, tendait a abais•
ser la condition de ceux d'entre eux qui ne s'ele
vaient pas. Par la meme raison que la barriere de
la naissance ne pent dire franchie, elle est a quel-
ques egards moins genante que colic de la fortune
ou de l'emploi. Les privileges d'une classe stricle-
men', hareditaire se reduisent plus naturellement
a de pores distinctions honoriliques que coax d'ur
noblesse dont le rang est soutenu par les solider
avantages d'un office et d'une relation personnel [e
avec le souverain.


Ainsi done la lendance des premiers six cents
ans apres Fetablissemen desAnglais dans la Grande,
Bretagne fut d'accroitre le pOuvoir de la couronnc,
d'abaisser la classe inferieure des hommes
de transformer la noblesse de naissance en une n0


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


blesse de service personnel vis-à-vis du roi. Autre-
Men I, dit, l'Angleterre, avant la conquete normande,
avait déjà commence a marcher, bien qu'avec
moins de celerite quo la plupart des autres nations,
dans la voie qui conduisait a la ruine generale de
la liberte par toute l'Europe. L'invasion Otrangere
qui, un instant, parut avoir fonde la Eberle a
jamais, ne fit, en realite, qu'en preparer l'Oclosion
nouvelle, le rajeunissement, sous une forme mieux
adaptee a l'etat module des choses, plus propre a
passer jusqu'aux temps modernes, plus favorable
a la conservation du bien-titre d'une grande nation,
quo celle qu'offrait la vieille societó teutonique et
qu'on relrouve encore dans ces coins ecartes. du
monde dont je parlais au debut de mon discours.
Cate destruction momentanee, cette nouvelle vie
qui cure encore, seront le sujet de mon second cha-
pitre. Je ne veux pour le moment que vous engager
4 vous penetrer de cello idee que l'Angleterre n'a
jamais did laissee a aucune epoque sans une assent-
bide nationale d'un genre on d'un antra Que ce flit
le Witenagemot, le Grand-Conseil ou le Parlement,
it y a toujours eu un corps d'hommes, pretendant,
avec plus ou moins de ciroit, parler au nom de la
nation. Et n'oubliez pas non plus que, jusqu'a la
conquele normande, le corps qui reclaim la pa-.
role au nom de la nation, fut, du moins dans la
illeorie legate, la nation elle-rule:nue.




58 LE DEVELOPPENIENT


C'est la un point sue lequel je, me propose de reve-
nir pour en varier plus an long. Pour le moment, jc
voudrais seulement vous suggerer l'opinion, nou-
vellepeut-etre pour beaucoup de personnes, ftit
un temps on Lout homme hive en Angleterre,
moins que tout homme libre a Uri, pouvait recta=
mer un vote direct dans les conseils de son pays.
11 fut un temps on tout homme libre en Angleterre
pouvait faire entendre sa voix ou resonner sa lanee
dans rassemblee qui nommait les evOques , lee
ealdormen et les roil ; un temps on it pouvait se
vanter qua les lois auxquelles it obeissait etaient
celles qu'il avail faites lui-mime; les hommes qui
avaient ponvoir stir lui, des chefs de son propre
choix. Ces jours sent passes, et nous n'avons nul
besoin de chercher a les faire revenir. Les luttes des
siecles sur les champs de bataille et dans le Se-
nat nous out, rendu les mernes clroits sous tine
forme mieux appropriee a notre temps quo la li-
berte barbare de nos peres. Neanmoins it est bon
que nous reportions nos regards sur la source d'o?1
derive tout ce dont nous sommes Piers comme de
noire Bien, tout ce que nous avons transrnis auN
republiques nos lilies (a) sur les autres continents.


(a) C'est 1 juste titre quo le Parlementarisme anglais re%
dique la gloire de cette paternite republicaine. On ne p
nier un fait. La rilmblique des Etats-Unis n'eCtt pas si also'
ment et do prime abord rcgld son admirable vie politique —
celle des beaux temps de son origine — si cite n'avait en auv


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


59


Gloritions les hommes fameux dont nous descen -
dons. Contemplons le roc dans lequel nous avons
ótó tailles, et le fond de la mine d'on nous filmes
tires. La liberte, dit le vieux pate, est tine noble
chose (26). C'est aussi tine chose ancienne. Et ceux
qui raiment maintenant sous son moderne aspect
ne doiventjamais craindre de rechercher ses formes
anciennes, en remontant aux premiers jours on
l'hisLoire a quelque chose a nous dire de la vie la
plus reculee de nos peres et de nos aines.


chose a faire que de donner libre tours au ddveloppement
lAtif des principes memes qui mfirissent encore lentement dans
la mire patrie.




CHANTRE 11


Dans mon premier chapitre, je me suis occup6
principalement des institutions politiques des pre-
miers temps, de ces institutions communes a toule
noire race, qui vivent encore intactes dans quel-
ques peliles societes primitives qu'elle a fondees, et
(roil est sortie la constitution encore existante de
I'Angleterre. Je dois maintenant, pour trailer la
seconde pantie de mon sujet, montrer par quels de-
oTes cette constitution esi sortie d'un Otat politique
avec level, a premiere vue, elle semble avoir si
peu de rapport.


Le point capital de ma these, c'est qu'en effet
elle en est sortie, dans le sens le plus strict du
mot. Notre constitution n'a jamais ate faite,
dans le sens ou on l'entend des constitutions de
plusieurs autres pays. II n'y a jamais eu un mo-
ment oil les Anglais presenterent leur systeme
politique sous la forme d'un acte solennel qui
Mt ou I'exposition de theories abstraites, ou la re-
production du systeme present ou passe d'unc an-


LE DEVELOPPEMENT DE L. CONSTIT. ANGLAISE. 61


ire nation. II existe Bien, it est vrai, certains grands
monuments politiques, clout chacun marque une
etape dans l'histoire de nos institutions. Ainsi,
Grande Gharte, la petition du droit, le bill des droits.
Mais aucun d'eux ne s'annonca comme l'elablisse-
ment de quelque chose de nouveau. Its ne preten-
dirent tons qu'a exposer avec une nouvelle force,
s'il se pouvait, et une nouvelle clartó, des droits
clout les Anglais jouissaient deja depuis longtemps.


Dans toutes nos grandes luttes politiques, la voix
des Anglais ne s'est jamais elevec pour deman-
der l'affirmation de nouveaux principes, l'etablisse-
ment de lois nouvelles ; mais le cri public a toujours
reclame une meilleure observation des lois en vi-
gueur, avec le redressement des torts nés de lour
corruption ou de qu'on en faisait (1). Jusqu'a
ce que la Grande Gharte etlt 616 arrachee au roi
Jean, on rectama les lois du bon roi Edouard ; et
lorsque le tyran, malgre cut appose son sceau


cette ceuvre capi tale, fondement de toutes nos lois
posterieures, on se borna a exigcr la stricte obser-
vation d'une charte qui passait elle•me:me pour We-
tre rien autre chose que la constitution d'Èdouard
sous une forme nouvelle (2). Nous aeons tail des
eh angements de temps en temps ; mais ces change-
ments out ete a la fois un acte de conservation et
Int progres : un acte de conservation, puree qu'ils
6 laient un progres ; un progres, parse qu'ils conser-


4




62 LE DEVELOPPEMENT


vaient. C'etait l'application d'anciens principes
des circonstances nouvelles ; on reparait soigneu-
sement un vieil edifice, on ne Tabattait pas pour en
clever un nouveau. La vie, fame de la loi anglaise
a toujours ete le precedent ; nous avons toujours
cru que ce que nos pores firent une fois, leurs fils
avaient raison de le faire encore. Lorsque les etats
(11.1 royaumc declarerent vacant le Irene de Jac-
ques II, its n'essayerent pas de justifier leur con-
duite hl'aide de quelque doctrine du droit de resis•
lance, on de quelque theorie des droits de I'homme.
It suffisait trois cents ans auparavant, les etats
du royaume eussent declare vacant le trene de
Richard II (3). En marchant ainsi dans les vicilles
routes hattues, en pretant ainsi l'oreille a la sa-
gesse de nos ancetres, nous avons pu changer tou-
Les les fois quo le changement a eta necessaire, et
nous nous sommes gardes de le faire par pur amour
pour une abstraite theorie. C'est ainsi quo nous
avons eta capables d'avancer, un pen lentement sans
doute, mais d'autant plus sttrement; et, lorsqu'il
nous est arrive de faire fausse route, nous avons pu
revenir sur nos pas. C'est sur cello derniere
cello de defaire ce qui a ate fail mal a propos, que
je veux particulierement insister. En suivant 16S
degres par oii noire constitution est parvenue a sa
forme actuelle, j'essaierai par-dessus tout de mon-
trer dans combien de circonstances repetées les


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 63


meilleures dispositions de la legislation moderne
ont etc, volontairement on non, un retour aux prin-
cipes de notre plus ancienne histoire.


Dans mon premier chapit.re, j'ai essaye de faire
voir comment nos Ores apporterent avec eux dans
rile de la Grande-Brelagne les institutions origi-
cellos qui lenr furent communes avec tonic la race
teutonique. essaye de faire voir comment cos
institutions furent modifiees dans le tours des ages
par linvasion anglaise en Bretagne, et par les eve-
nements qui la suivirent. J'ai monire comment le
pouvoir royal s'accrut avec chaque accroissement
territorial du royaume; comment Tancienne no-
blesse de naissance cotta la place a une nouvelle
noblesse de relation personnelle avec le souverain,
et comment l'effet de ces changements semble avoir
eta de rendre plus aisee Feleration de l'indivnlu
libre de la classe inferieure, mais en memo temps
d'abaisser la condition des simples hommes fibres
(bourgeois et paysans), en tant que classe. Ge der-
nier changement s'opera plus largement encore
comme resultat independant des memos change-
ments qui tendaient a accroltre le pouvoir royal.
Dans un kat de choses oil la representation est in-
connue, oil chaque homme libre est Olecteur et le-
gislateur, mais s'il exerce ses droits electifs et
l egislatifs, it doit le faire direclement et en per-
sonne; dans un tel etat de choses, chaque accrois-




61 LE DEVELOPPENIENT


sement du territoire national rend ces droils d'une
valeur moins pratique, et devient cause clue les
pouvoirs reels du gouvernement se concentrent
dans les mains d'un corps moins considerable.


II n'est pas douteux que, dans les plus anciennes
assemblées teutoniques, tout homme libre n'ett sa
place. 11 n'est pas douteux qu'en Angleterre Lout
homme libre ne l'ait gardee clans les petites assem-
bides locales du mark, du hundred et du shire. En-
core aujourd'hui, la ou la legislation moderne n'a
pas fait disparaitre entierement le vieux droll, it en
garde, comma je l'ai fait entendre clans ma pre-
miere lecture, une ombre legere, lorsqu'il donne
son vote dans l'assemblee, qui, de nos j ours encore,
rappelle le Mark, c'est-a-dire clans le Vestry de sa
paroisse.


Mais comment les choses se passaient-elles
pour la grande assembles generale, l'assemblee
des Sages (Wise), le Witenagemot de tout le
royaume? Aucun monument ancien ne nous donne
un exposé clair ou authentique de la constitution de
ce corps. On en parle generalement d'une maniere
vague, comme d'une reunion des hommes sages,
des nobles, des Brands. Mais, a cote de passages
comma ceux-la, on en trouve d'autres qui en par-
lent d'une maniere qui suppose une constitution
Bien plus populaire. Le roi Edouard y est dit avoir
ate nomme roi par e tout le people ». Le comte


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


Godwine « prononce son discours devani le roi et
torte la population du pays. r Les sentences judi-
eiaires et les autres actes de l'autorite sent votes
par l'armee, c'est-a- dire par le people en armes.
Quelquefois on trouve tine mention expresso de la
presence de considerables et populaires classes
d'hommes, comme les citovens de Londres ou de
Winchester. La consequence de tout ceci est facile
a firer. Le droit du simple homme libre d'être pre-
sent, de voter, — it serait peat-titre plus pros dela ye-
rite do dire acclamer (4), -- clans l'assemblee gene-
rale de tout le royaume, ne fut jarnais formellement
supprime. Mais c'etait, un droit que, vu sa nature
particuliere, la plupart des ciloyens pouvaient
peine jamais exercer. Des hommes riches seuls pou-
vaient avoir le rnoyen, et des hommes de quelque
importance personnelle la tentation de faire de
longs voyages dans ce but. 11 n'est pas vraisembla-
ble qu'une grande multitude, dans des circonstan-
ces ordinaires, parlit du nerd de 1'Angleterre pour
assister a des assemblóes terms habituellement
Westminster, a Winchester et a Glocester. Il est
evident que l'assistance a ces assemblees ne clevait
etre llabiLude que d'un petit corps de chefs, com-
tes, Oyeques, abbes, les ofliciers de la tour du poi,
les thanes les plus riches on les plus influents.
Mais it est evident aussi clue ; lorsque la nation
etait particulierement excilee par quelque interet


4.




66 LE DEVELOPPEMENT


puissant, on voyait se mettre en route un grand
nombre d'hommes qui no l'auraient pas fait en
temps ordinaire. De plus, Iorsque l'assemblee se
tenait dans tine Ville, les citoyens de cette Ville,
a l'instant, formaient un element populaire Lout
prat sur le lieu memo. Nous pouvons expliquer ainsi
les termes en apparence contradictoires dans les-
quels on pule de l'assemblee, quelquefois comme
si elle etait un corps aristocratique, d'au tres fois
comme si elle etait an contraire un corps profonde-
ment democratique. En effet, c'etait un corps, de-
mocratique dans l'ancienne theorie, arislocratig no
clans la pratique ordinaire, mais auquel une puis-
sante impulsion populaire pouvait rendre parfois
son ancien caractere democratique. Les actes d'une
representation librement due pouvaient, sans un
trop grand effort de langage, etre attribues au peuple
entier ha-lame. Les actes, au contraire, d'un corps
qui Weill pas etc; representatif n'auraientjamais pu
etre appeles les actes du peuple entier, si le peuple
entier n'avait en lc droit reconnn de prendre part
it ses reunions, Bien que ce droit, dans les circon-
stances ordinaires, ne put Otre exerce quo par nil
petit nombre de citoyens.


C'est de ce corps, dont la constitution, au temps
de la conquete normande, n'etait pas pen devenue
irreguliere et indecise, que noire Parlement est
directement sorti. De rune des deux Chambres de


DE LA. CONSTITUTION ANGLAISE. 67
ce parlement on peut dire plus; on pent dire, non
pas senlement qu'elle est issue de l'ancienne as-
semblee anglaise, mais qu'elle est absolument la
memo, et personnellement iclentique. La Chambre
des lords ne derive pas de l'ancien Wilenagemot :
c'est le Witenagemot lui-memo. Je ne puis aper-
cevoir aucune difference entre les deux assemblees.
Le roi Guillaume convoquait son Witan comme le
roi Edouard convoque avant lui. Dans une
assemblee memorable du regne du Conquerant,
nous lisons quo les grands du royanme fluent =-
forces par la presence du corps entier des tenan-
ciers d'Angleterre, dont le nombre, suivant la tra-
dition, s'eleva soixante, mille. Mais , en regle
generale, les Grands-Conseils, apres la conquête
normande, presentent le mCme caractere incertain
et Ilottant que les Gemots des anciens jours. Dans
la constitution de la Chambre des lords, je ne puis
Hen voir de mysterieux ni d'elonnant. Le caractere
hareditaire qui lui est propre s'introduisit, comme
d'autres choses, insensiblement, par accident plutOt
que par suite d'un dessein arrete. On ne devrait pas
oublier non plus quo, aussi longlemps que les
eveques garderont lours sieges dans la Chambre, le
caractere heréditaire de cette Chambre ne s'etendra
pas a toes ses membres.


Pour moi, il me semble simplement que deux
classes d'hommes, les deux classes les plus elevees,




68 LE DEVELOPPF,MENT


ICS conales et les Oveques, ne perdirent on ne ces-
serent jamais d'exercer ce droit d'assister a l'assem-
Mee de la nation, droll, qui d'abord leur etait corn-
mun avec tous les autres hommes libres. Outre ces
deux classes, le roi convoquait d'autres hommes
nos anciens parlements, a peu pros, it semblerait,
suivani son bon plaisir. Le droit du roi d'agir ainsi
ne pouvait etre dale; quand tout le monde await
un droll abstrait 1 sieger, on ne pouvait blamer le
roi d'appeler specialement ceux dont it desirait
parliculierement la presence. Mais it derail. presque
naturellement s'ensuivre que ces convocations
speciales seraient graduellement considerees comme
conferant un droit exclusif, et que ceux qui n'e-
taient pas particulierement appeles seraient bientOl
consideres comme n'ayant aucune part Ili aucun
interet clans l'affaire. II est certain cependant
s'ecoula un long temps avant que de telles convo-
cations aient passe pour conferer un droll her6-
dilaire, ou seulement un droll, personnel durable.
Le roi ne designait jamais les memos hommes pour
chaque parlement. En dehors des comics et des
eveques, les autres membres, tant du corps laique
que du clerge, furent toujours convoquós, mail la
liste de ceux qui le furent, soil parmi les laiques,
soil parmi les dignilaires ecclesiastiques inferieurs,
varie constamment dun parlement it I'autre. Quo
les convocations personnelles conferassent un droit


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
69


hereditaire exclusif, c'est la une de ces inventions
de legistes qui se sont glissees en si grand nombre
dans notre constitution. Lorsqne la notion de droit
hereditaire se fut une fois introduite, la creation
formelle de pairies par brevets fut. un pas tout na-
turel. En considérant la chose de ce point de rue
historigne, it me semble tout shnplement etonnant
qu'on puisse mettre en doute le pouvoir de la con-
mune de erecr des pairies a vie, comme de regu-
lariser la jouissance on la succession d'une pairie
de la maniere qu'ellc trouve bon de le faire.


Ainsi done, la Chambre des lords, je nlesite pas
a le dire, represente, ou plutOt est hien l'ancien
Witenagemot lui-meme. tine assemblee, ou tout
d'abord chaque homme libre avail, le droll, de pa-
maitre, s'est trouvee, par la force des choses,
pen a peu, sans qu'il y ait eu a un moment quel-
conque de changement soudain, reduite a une as-
sembled entierement hereditaire et officielle, as-
semblee 1 laquelle la couronne pent appeler tout
titoyen, et ne pent pas, etrangete admise aujour-
d'hui, reluser d'appeler les representants de qui-
conque elle y a une fois convoque. Comme it est
arrive pour presque tout le reste, la tendance a se
reduire a un corps de ce genre commenca a se
manifester avant la conquete normande, et fut
linalement confirmed et fixed par les resultats
Cette conquete. Mais la fonction speciale du corps




70 LE DEVELOPPEMENT


sorti de la transformation de la vieille assemblee
nationale, la fonction d'une « autre Chambre »,
Chambre haute, Chambre des lords par opposition
h la Chambre des communes, ne pouvait pas se
manifester avant qu'une seconde Chambre d'une
constitution plus populaire se fat formêe a ses
cotes.


De mime que tout le resle dans noire con-
stitution politique anglaise, les deux Chambres.
naquirent en qucique sorte spontanament et (relies
memes. Ni l'une ni l'aut.re ne fut la creation d'un
ingenieux theoricien, hien qu'il ne soit pas don-
leux quo plusieurs des progres successifs de lour
developpement n'aient ate, chacun a son moment,
Fceuvre d'un homme d'Etat pralique. Nos ancetres
n'avaient pas de systemes; mais chaque generation,
a tour de rule, avait les yeux assez clairvoyants
pour s'apercevoir que tel on lel changement de (16-*:
Lail corrigerait tel ou tel mat immediaL, on entral-
nerait avec soi tel ou lel immediat avantage. Il y a
plus, it est arrive quelquefois qu'un changement
qui avail eta introduit dans une mauvaise inten-
tion avail, en fin de compte, opera, un hien. Des
mesures, prises d'abord en vue de fortifier le pou-
voir de la couronne, ont, ahouti A l'extension des
Broils du people. En revanche, des institutions qui
repondaient, jadis a un dessein honnete et neces-
saire, ont quelquefois, avec le changement des


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. it


temps, change de nature et servi d'instruments
pour le mad au lieu d'aider au bien. Mais, ni dans
l'un ni dans Fautre cas, les institutions de nos pores
ne furent le resultat d'une Lheorie abstraite. C'est.
pour cela qu'elles ont survecu, et Porte de bons
fruits. Noire assemblee nationale a change de nom
et de constitution, mais son identite, en tan!, qua
corps politique, est restee entiere. Voila pourquoi
nous pouvons, a un moment donne, reformer sans
detruire. En France, au contraire, les institutions
ont etc Fceuvre de theories abstraites ; elles ont etc
la creation, pour le hien on pour le mat, de la pens&
de ceriains individus. Le Parlement anglais existe
de temps immemorial ; it est sorti pen a pen du
plus ancien etat de chows. lia France, l'ancien
ordre de choses disparut completement ; le ter-
rain resla libre pour la creation d'une institu-
tion entierement nouvelle, et les etais generaux
virent le jour sur 1'ordre de Philippe le Bel. Les
Anglais, aux qua torzieme et quinziame siecles,
n'avaient aucune theorie des Broils de l'homme ou
de l'humanite universelle. Mais quand its voyaient
un abus dans la pralique, its en reclamaient le
redressement. Les Francais, aux quatorzieme et
quinzieme siecles, avaient des theories aussi ma-
gniflques qu'aucune de celles rlui aient ale pro-
duites au dix-huilieme ou au dix-neuvieme. Its
avaient memo appris deja a faire des oeuvres de




72
Lls DEVELOPPEMENT


sang au nom de la liberte et de la philanthropie (a).
C'est pourquoi les institutions frangaises n'ont pas
dure. Les &its generaux ne vecurent que d'une
vie intermittente de siècle en siècle, et pêrirent
jalnais dans la grande Revolution. Depuis cette
que, aucune institution francaise, aucune forme du
pouvoir, soil legislatil, soit executil, n'a ete capa-
ble de subsister vingt ails sans interruption. Celle
difference n'a pas tenu au dófaut de grands horn-
mes on de nobles desseins chez nos voisins du
continent. Elle, est clue en partie, pouvons-nous
croire, aux differences du genie naturel des deux
nations, en pantie au coins different quo prit leur
histoire respective. En France, les rois firent gra-
duellement disparaitre toute trace des vieilles ins-
titutions liberales, et etablirent un franc despo-


(a) L'auteur a raison de condamner ces « oeuvres de sang
et de critiquer la fureur de systemes qui nous travaille. 11 a
tort, clans cette allusion it notre cerebre Revolution, de me-
connaitre la grandeur du sentiment de liberte qui l'anima,
et aussi la puissance que doit deployer un peuple pour remuer
tout un passe avec une idee. Cette intervention active de
fhomme dans sa propre destinee sociale ne temoigne-t-elle pas
d'une energie plus digne de lui que sa soumission passive a
la fatalite des evenements qui sortent run apres l'autre des
mysterieuses origines de la nation? 11 ne Nut Hen wagerer
non plus. On peat Hier que touter les anciennes institutions
du la France, a aucune époque, aient si completement disparu,
et qu'en particulier Hen de notre ancien regime Mait servi
nouveau. Il serait plus vrai de dire que celui-ci a reorganise
sous tine nouvelle inspiration, et en les cotnpletant, les ele-
ments recucillis dans l'autre.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


73


tisme de la couronne (a). Aussi les Francais sont-
ils restes sans traditions sur le fondement desquel-
Ies it leer Hit possible d'edifier. Dans toes lours
changements, soit en bien, soit en mal, ils out Ole
forces de construire a nouveau par la base. Nos
rois, au contraire, n'abolirent jamais entieremenl
nos institutions Mires; ils trouverent le, moyen de
les faire servir a leurs desseins, eL d'etablir un des-
potisme effectif sans detruire les formes exterieu-
res de la liberte. Les formes survecurent ainsi, et,
dans des temps meilleurs, purent s'adapter a leur
substance. Nous avons toujours eu des principes
traditionnels auxquels nous avons pu revenir, tine
base traditionnelle sur laquelle nous avons pu edi-
fier. 11 serait difficile de relever le nombre des as-
semblees, conventions, chambres des deputes,
corps legislatifs, qui sont noes et ont peri en
France, tandis que la Chambre des lords et la
Chambre des communes out survecu, ainsi quo
leurs pouvoirs, leurs devoirs, leurs relations avec
la couronne, avec la nation, el rune avec l'autre,
toujours changeant en silence, mais, dans leur


01) La hate des rois frangais contre l'aristocratie plus forte
qu'eux fut d'abord legitime et utile ; apres s'etre appuyes sun
le peuple, u s eurent le tort de ne pas partager avec lui le
fruit de la victoire. Les nobles anglais, opprimes par la royaute
dont ils triompherent a la longue, restdrent fifties au con-
traire a leur alliance avec les chevaliers et les bourgeois. De
la surtout cette divergence capitale dans les destinees poli-
tiques des deux peuples.


5




74 LE DEVELOPPEMENT


existence ininterrompue, restart, a travers ces va-
riations, Loujours inlactes, 'Loujours les memos.


Cependantjevoudrais encore faire remarquer quo,
pendant que le developpement, des institutions an-
glaises s'esi ainsi opere presque en obeissanla une
loi naturelle, la sagesse, la prevoyance, le patrio-
tism° d'individus qui furent de grands homilies
d'Etat no doivent jamais etre mis hors de comp to. 11
existait un elat donne de choses, et quelques horn-
mes eurent assez de perspicacite pour voir ce qU it
y avail justement a faire en cot etat. Notre consti-
tatibn n'a pas d'auteur; mais it est un homme a
qui, sauf ce titre, nous pouvons decerner tous les
honneurs, un homme dont la sagesse et le sacrifice
qu'il lit de sa personae imprimerent a l'histoire
d'Angleterre la direction qu'elle a suivie pendant
les six cents dernieres annees. Elle aurait pu
sans doute enlrer dans cette voie sans lui ; les
choses auraient pa aboutir comme elles oat fait
sans qu'un homme marchat si fort en avant a leur
tete; ou, si celni-la n'avait pas paru, quelque mitre
aurait pu surgir pour accomplir son cnuvre. Main
it est inutile de rechercher ce qui aurait pu arri-
ver ; it suflit qu'un homme se soil renconire pour
remplir celte mission, qu'un homme ait existe a qui
nous sommes redevables de ce que cet Otonnant
treizieme siècle, cette grande apoque de creation et
de destruction par tout le monde, rut pour nous un


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE• 75


age de creation et non de ruine. Cot homme,
l'homme qui flail par donner a la liberte anglaise
sa seconde et sa plus durable forme, le hems et le
martyr de l'Angleterre clans la plus terrible de ses
luttes constitutionnelles, ce fat Simon de Montfort,
comte de Leicester. Si on ne peat pas l'appeler
l'auteur de la Constitution anglaise, on peat du
moins le nommer le fondateur de la Chambre des
communes. C'est de son temps que date la renais-
sance de la liberte anglaise; c'est surtout grace a
lui que liberte renaissante ne fat pas etouffee
avant d'avoir porte'des fruits durables.


11 peat paraitre &range au premier abord que le
fondatear des plus recentes iibertes de l'Angleterre,
ne Mt pas un Anglais. Simon de Montfort, origi-
naire de France, fit pour son pays d'adop lion ce qu'il
n'aurait pas pu faire pour son pays natal memo. Et
pourquoi ? Son pays natal, — dirai-je fiorissait
ou souffraiL sous les vertus funestes du plus equi-
table des rois (a). Saint Louis regnait en France,
saint Louis le juste et le pieux, l'homme qui ne
s'ecarta jamais du saltier de la justice, l'homme


apres s'etre engage par serment envers son


le p aradoxe par trop etrange que va developper l'auteur. Une
(a) 11 est difficile de ne pas protester tout de suite centre


ferric e et equitable a-t-elle jamais pu nuire u
Lt t,et n'est-ce pas degrader la liberte que de la faire nai
de preference dans le boulevasement, la corruption et


4


Nines ?




76 LE DUE LOPPEM EN T


voisin, tenait sa parole, a son detriment meme.
Sous son gouvernement equitable, it ne pouvait y
avoir de motif' de róvolte ni de Nine. En entou-
rant la couronne du relict de la noire de ses ver-
tus personnelles, it fit plus que personne pour en
affermir le pouvoir. Il fit ainsi plus que personne
pour frayer la route au miserable despotisme de ses
successeurs, dont les actes coupables auraient jour-
nellement tourmente son ame equitable. En Angle-
terre, au contraire, nous maudissions dans le mo-
ment, mais pour la benir plus tard, one suite de
rois detestables. Nous n y lons des rois dont la poi-
trine ne recelait aucune Otincelle de sentiments:
anglais, mais dont les folios et les embarras per-
mirent ft nos peres de conquerir lour liberte, et
dune maniere d'autant plus durable que c'etait.
morceau par morceau qu'ils la leur arrachaient.
pate latin a dit autrefois que la liberte ne fleurit
jamais avec plus d'eclat que sous un roi equita-
ble (5). C'est ce qui arrive en effet taut que ce roi
equitable demeure lui•meme parmi les hommes.
Mais pour conquerir la liberte comme un heritage 5
tout jamais, it y a des époques oil les vices des rois
nous sont plus utiles que leurs vertus. La tyranuie
de nos maltres angevins fit sortir la liberte anglaise
•de son tombeau momentane. Si Richard, si Jean et


Henri avaient ete de bons rois comme Alfred et
s4ntLouis, la crosse d'Etienne Langton et l'apeede


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


77


Robert Fitz Walter n'auraient jamais Otincele en
avant, des barons et. du peuple anglais ; les hauteurs
de Lewes n'auraient jamais vu le plus decisif
triomphe de sa liberte ; le pave du chceur d'Evesham




ne se serait jamais ferme stir les restes mutiles de
son plus noble'champion (6).


La carriere de Simon de Montfort est la plus glo-
rieuse dans toute noire histoire moderne. Il doit
avoir le cur hien froid 1'Anglais qui ne tressaille
pas, plein de respect et de reconnaissance, en pro-
noncant cc nom immortel ! Mais pour hien com-
prendre son muvre, it nous faut remonter quelque
pen avant son temps, reader et chercher comment
la domination des strangers envahisseurs própara
d'abord la voie A la carrier° du liberateur &ranger.
J'ai montre oil en etait notre constitution a. l'epoque
de la conquete normande. Dans cette constitution,
qu'on s'en souvienne Men, la conquete normande
n'opera absolument aucun changement formel (a).
lien n'a produit un effet plus durable sur Louie
l'histoire anglaise des temps posterieurs que le ca-
ractere personnel et la politique du conquerant
normand. Alois ce n'est pas en qualite de legisla-
teur que Guillaume accomplit son oeuvre principale.


(a) En obligsant lo peuple. conquis S se serrer clans une
union defensive, elle arreta le progres des juridictions sei-
gueuriales, forlitla les cows de comtes, et .empeelta les insti-
tutions saxonnes de se perdre dans la feodalite on elles cou-
raient d'elles-memes. Mais cc resultat fut en effet tout moral.




78
LE DEVELOPPEMENT


Son plus grand ouvrage fut de souder ensemble
les royaumes encore imparfaitement unis de noire
vieille Angleterre, pour en former un seul corps
indivisible, un corps que, depuis son regne, per-
sonne n'a jamais rove de delruire. Toutefois cette
transformation ne resulta d'aucun • acte legislatif
expres; elle fut la consequence insensible de la com-
pression exercee par la complete Otrangere. Guil-
laume n'eut pas d'autre politique ni d'autre regle.
Guillaume fut en realitó 1111 conquerant, un roi par
le tranchant de son epee, mais it n'eu t jamais qu'un
but, deguiser la verite du fait. Il reclama la con-
ronne au nom d'un droit legal; it la recut de l'elec-
tion solennelle du peuple anglais, et fut consacre
dans son pouvoir royal par les mains d'un primat
anglais. I1 declara gouverner, non pas d'apres son
bon vouloir, non pas d'apres des lois de son inven-
tion, mais suivant cellos de son predecesseur et
parent, le roi l:douard. Le grand changement qui
s'opera sous son regnc ne flit pas un changement
lêgislatif formel ; ce fut la revolution silencieuse
implicit-tee dans ii translation — tr.msla lion pro-
dente et graduelle — de toutes les plus grandes
propriótes et des plus hautes charges aux mains
de tenanciers strangers. L'effet momentane fut de
rendre les Anglais, sur leur propre sol, sujets des
conquerants strangers. L'effet durable fut de trans-
former ces conquerants strangers en Anglais, et de


DE LA. CONSTITUTION ANGLAISE. 79
donner al'esprit de liberte en Angleterre une forme
plus definie et plus marquee que jamais jusque-la.


Quelle etait la position reelle tenancier d'ori-
gine normande, one generation on deux en decd de
la conquete ? Il tenait les terres anglaises d'apres la
loi anglaise; en tout le reste, sauf un rang plus Cleve,
it vivait stir le meme pied que les aulres tenanciers
cl'origine anglaise ; it chit ne lin-R .)6111e stir le sol
anglais, souvent dune mere anglaise ; it stall invite
de mille manieres a apprendre les lois de l'Angle-
terre, a y obêir, a les appliquer. Un homme, dans
ces conditions, devenait, bientea pour les senti-
ments, et avant longtemps pour le langage meme,
aussi bon Anglais que s'il fit descendu en droite
ligne d'Hengest ou de Cerdic. Bien n'empechait
un soul des conquerants de möler entierement, sa
destinee a cello de son nouveau pays et du pen-
p ie qui Sa langue Otait francaise, mais
en realite it ressemblait Bien plus a un Anglais
qu'a un Francais. Ce qu'un proche parent
legerement deguise. Le Normand etait un Danois
qui, dans son sajour en Gallic, await prix un lóger
vernis francais, et qui venait en Angleterre pour
s'en debarrasser. Le sang des vrais Normands,
clans les vrais cantons normands de Bayeux et
de Coutances, differe tres-pea du sang des habi-
tants du Nord et de l'Est de l'Angleterre. Voyez un
soldat francais et on fermier normand cCte a cote,




80 LE DEVELOPPENIENT


et vows sentez tout de suite que le Normand nest
qu'un parent depuis longlemps separé des siens.
L'impression generale procluit est cello d'un
homme du Yorkshire ou du Lincolnshire qui aurait
ramasse ca et la quelques mauvaises bribes de fran-
cais. De tels hommes devinrent facilement Anglais.
Nous axons stir ce point le temoignage précis des
Ocrivains contemporains, et tons les renseignements
aceidentels le confirment : clans toutes les classes,
entre la plus elevee etla plus basso, depuis le noble
du plus haul rang jusqu'au vilain, la distinction de
Normand et d'Anglais avait etc oubliee dans l'es-
pace d'un peu moms de cent ails apres l'epoque on
le roi Guillaume entrait en Angleterre (a). A ce
moment intervinrent d'autres causes pour rap-
Kocher et unir de plus en plus tous les enfants du
sol. Une nouvelle dynastic occupa le treme, dynas-
tic qui pretendit etre, par les femmes, a la fois nor-
mande et anglaise, mais qui, par l'origine et les
sentiments, n'etait ni anglaise ni normande (7).
Henri II, comic d'Anjou par son pere, due d'Aqui-
taMe par sa femme, herita aussi des droits de sa
mere sur la Normandie et l'Angleterre ; mais, sous


(a) La haine des vaincus pour leurs conquérants fut certai-
nement hien plus durable et plus profonde. Les Normands
de Don etaient, de longue date, dcvenus do vrais Francais,
et leer langue, parlea en Angleterre par les classes superieures
jusqu'au m y siecle, resta memo employee dans les actes publics
et les rules du parlement jusqu'au Commencement du xve.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
84


son regne, la Normandie et l'Angleterre ne furent
égalennent que des parties d'un vaste empire qui
s'etendait des Orcades aux Pyrenees. Sons la do-
mination puissante et, dans son ensemble, equita-
ble du grand Henri, le pire cote de cot scat de
choses ne se manifesta pas (8). Sous ses fils et sous
son petit-fils, FAngleterre sentit dans toute son
&endue l'amertume et les bienfaits de la con-
quete. Le pays flit envahi par des hommes abso-
lument strangers; ceux de la vieille souche an-
glaise, comme les descendants des premiers colons
nom-lands, virent egalement les natifs d'autres pays
prendre place an-dessus d'eux tons Posies de
confionce, honneurs, richesses, tout fat distribue a
ces nouveaux favoris, et l'homme du pays fut exposé
a nn (Mau plus accablant encore, la violence et
''insolence de mercenaires strangers.


Sous le roi Jean, la Normandie fut perdue (9), et
l'Angleterre redevint la possession principale du roi
d'Angleterre. Mais ni Jean ni Henri ne comp rirent la
Won. Les vices personnels du per°, les vertus per-
sonnelles du fils contribuerent an mem° resultat,
en tant que leur royaume y etait interesse. Le roi
dont la perversite passa en proverbs, qui s'entoura
des scelerats de son espece de tonics les nations, et
le roi dont le plus grand tort fut ne put jamais
dire non a sa femme on a sa mere, aiderent, aussi
hien Inn que l'autre, a exciter l'espri t de resistance,


5.




82 LE DEVELOPPEMENT


a rapprocher davantage toes les Anglais, de quelque
origine qu'ils fussent, et par suite a terminer la
grande tache de donner a I'Angleterre une consti-
tution Iihre et durable. Envers de tels rois, nous
pouvons hien etre reconnaissa.nts, mais nous ne
sommes tenus a aucun remerciment. Nous no com-
mencons a ressentir de reconnaissance personnelle
pour quelqu'un de nos derniers princes que lors-
que parut un roi qui joignit l'habilete politique
d'Ilenri II aux vertus personnelles d'Henri III, et y
ajonta un sentiment de patriolisme anglais, un
sens predominant du droit dans les affaires pu-
bliques, dont ni l'un ni l'autre Henri n'eut jamais
dans son sein la plus faible etincelle. Edouard Ter
le premier de nos derniers rois qui porta un nom
et un cceur anglais, est aussi le premier qui inspire
quelques sentiments de personnelle reconnais-
sance. En Iui 31011S voyons le premier de nos rois
de sang etranger qui fit quelque chose pour le
progres de nos droits constitutionnels autrement
Teen excitant l'esprit d'opposition a son gouver-
noment.


Ce fut ainsi que le rnauvais gouvernement de nos
rois angevins fit naitre parmi tous les hommes du
pays nn universe' esprit de revolte centre la domi-
nation des strangers dans le royaume. Mais cos rois
Oveillerent l'esprit de revolle d'une autre maniere
encore, d'une maniere a peine moins importante,


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
83


par leer vil assujettissement a un pouvoir etranger
dans les matieres ecclesiastiques. Je ne m'occupe
pas ici des dogmes theologiques, de lour verite ou
de leer faussete ; mais la question ecclesiastique est
un cote tres-important do l'hi6toire de la nation a
cafe Opoque. Au temps do la vieille Anglelerre,
ne pout y avoir aucun doute quant a rexistence
d'une suprómatie effective dans les matieres eccle-
siastiques exercee par la couronne. Le roi Otait le
chef supreme de I'Eglise, parce etait le chef
supreme de la nation. L'Eglise et la nation etaient
absolument confondues ; le roi et son Grand-Con-
seil decidaient dans les questions ecclesiastiques,
et disposaient des offices de I'Eglise du meme droit
gulls intervenaient dans le temporel pour y traitor
les unes et y distribuer les autres. L'eveque et l'alder-
man, designes chacun par la meme au Write, presi-
daient conjoinlement rassemblee du comic, et ras-
semblee qu'ils presidaient s'occupait egalement en
toute liberté des causes ecclesiastiques et civiles.


L'un des changements formels qui s'introdui-
sirent en petit nombre dans noire legislation a re-
poque du Conquerant fill la separation des deux ju-
ridictions de reveique et de ralderman. tine des lois
existantes de Guillaume prescrivait retablissement,
stir le modele dvelles du continent, de cows dis-
uncles pour le jugement des causes ecclesiastiques.
Mais ce qui out Bien plus d'importance que cc chan-




LE DEVELOPPEMENT


gement legal, ce fut. le resulta.t materiel de Ia
conquCte, et I'union plus Otroite dont elle fat
origine entre 1'Angleterre et le siege de Rome.


L'entreprise do Conquerant fit approuvee par Hil-
debrand, et bale par le pape au nom duquel
Hildebrand gouvernait deja. Tant que vecut Guil-
laume, la suprematie royale demeura intacie, et,
eu egard a sa position dans un pays conquis, on
pout sincerement reconnaitre n'en abusa pas.
Mais dans des mains moins nobles, l'ancien pouvoir
de la couronne, en tan I. que celle-ci representail la na-
tion, fut souvent mal employe et souvent contestó.
s'eleva, a propos des limites entre les deux pou-
voirs ecclesiastique et civil, de ces quenelles dont
on n'avait jamais en tendu parler dans les anciens
temps. Cependant it faut nous souvenir que des
preten lions qui nous semblent absolument mons-
trueuses aujourd'hui etaient loin de paraitre telles
dans un kat de choses si complótement different de
celui de noire Opoque. 11 n'est pas j usq tea la preten-
lion du clerge d'etre exemp IC tie la ju yidiction civile
dans les cas do crime qui Went alors un tout autre
aspect qu'aujourd'hui. Le privilege ainsi reclame no
se bornai I nullement au corps sacerdotal; il s'eten-
dait pour tine large part a ceux qui, dans le peuple,
Otaient le moins capables de se (Wend y() (10). Or,
qu and on pense aux horribles chatiments, Ia mort et
ties mutilations pires que la mort, que les tribunaux


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


de nos rois angevins infligeaient liberalement pour
de trës-legêres offenses, on comprend que le peuple
regardat d'un mil d'envie les tours des ev6ques,
les plus graves penalites etaien l'emprisonnement
et le fonet (a).


Dans les quenelles entre la couronne et l'Eglise,
depuis Guillaume le Roux jusqu'a Henri 11, on
trouve toujours la sympathie populaire se ran-
geant du dote de l'Eglise. Et it n'y a pas lieu de s'en
etonner, lorsque, parmi les constitutions de Claren-
don que le roi Henri s'efforeait de maintenir et
auxquelles s'opposait l'archeveque Thomas, on en
trouve une qui interdisait l'ordination des vilains
sans le con sentemen t de lours seigneurs. En d'autres
termes, c'etait termer a la classe inferieure le seul
chemin par oii elle eat quelque espoir do s'elever
aux situations qui donnent la consideration et l'au-
torite (11).


Mais apartir du repo de Jean, nous trouvons
nouvel Otat de choses. Un pouvoir etranger entre
en scene, pouvoir qui ne s'etait encore mole que
tres-peu aux affaires strictement in terieures de
l'Angleterre et qui, si tant est qu'il s'en Mt mole du
tout, avail en somme defendu l'interet populaire.


(a) L'ind(tpendance, du clerge etait evidenunent, dans la
rudesse de ens siecle,s, one rrantie de justice et d'Inunanit.
A toute 6poque, le principe liberte s'oppose k la confusion
du pouvoir religieux et du pot •oir civil : ni la conscience ne
releve de


ni la societO politique du dogone.




8786 LE DEVELOPPEMENT


Dans les derniers temps du roi Jean, et durant
lout le regne d'llenri on volt le pape et le roi
etroitement allies contre l'Eglise et la nation an-
glaises. La derniere lois qu'un pape lit du Bien A
l'Angleterre, ce fut lorsqu'Innocent III nous envova
Etienne Langton (12). Toujours, dans la suite, nuns
trouvons le pape et le roi liguós ensemble pour se
soutenir mutuellement dans leur tyrannie et ]ours
exactions. Le pouvoir papal a toujours Ote pret
venir au secours de la couronne, toujours ply& a
lancer les censures ecclesiastiques contre les cham-
pions de la Eberle anglaise. La Grande Chart° fut
denoncee a Rome ; c'est que son auteur &ail le
primat patriole. Le comte Simon mourut excom-
munie; mais,dans la croyance desAnglais, les excom-
munications de Rome ne pouvaient pas empecher
un comte anglais d'operer des miracles et des pro-
cliges innombrables (43) : — argument qui prouve
assez clairement, ii semble, que l'eveque de Rome
n'a aucune juridiction dans ce royaume d'Angleterre.


Contre cette alliance du roi et du pape, la na-
tion se ligua tout entiere ; clercs et laiques, nobles
et vilains, hommes de souche normancle et d'an-
tique origine anglaise, tous s'uuirent pour s'oppo-
ser Ogalement et aux favoris strangers du roi et aux
agre.ssions de Rome. Les historiens de cetle
quo, tons hommes d'eglise, moines pour la plupart,
sont unanirnes en faveur du people. Des prelats


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


comme le primal. Etienne, comme Robert Grosse-
tele de Lincoln et Walter de Cantelupe de Wor-
cester, Invent les plus resolus en faveur de la bonne
cause ; les deux derniers compterent parmi les plus .
intimes amis et conseillers du comte patriote. On
pent voir comment les anciennes divisions et les
vieilles inimilies furent effacees, comment tons les
enfants du sol se confondirent dans une commune
amilie, en lisant la lettre ou sont denonces les abus
de la cour de Rome, et qui fut envoyee 1 cette
cour au nom d'un corps qui n'embrassait rien moms
que toute la noblesse, le clerge el les communes
du royaume cl'Angleterre. Dans cette lettre, docu-
ment d'un franc parler vraiment anglais conserve
par un historien qui l'a tres-bien appreció, les re-
dacleurs exposent que, comme les nobles, le &urge
et les communes au nom de qui die est eerite, ne
possedent pas de sceau common, ils out emprunte,
pour la signer, le sceau de la cite de Londres (ii).


Ce dernier fait me ramene a l'objet dont je m'oc-
cupais beaucoup plus haul et que j'ai l'air pent-Otre
d'avoir oublie, mais qu'un realite je n'ai cesse d'a-
voir sous les yeux, je veux dire les reforms specia-
lement constitutionnelles que nous devons au comte.
Simon de Montfort. Le fait qu'un acte qui de-
clarait parler an nom de Lollies .les classes de la
nation entiere ne pouvait etre convenablement
scene que du sceau de la cite do Londres, indique




88
LE DEVELOPPEMENT


assez la place que tenait cette cite clans ]'opinion
politique du temps. Mais Londres n'occupait cette
position qu'en sa qualitó de membre principal (nine
classe en progres, et comme la plus avancee parmi
les cites et bourgs de I'Angleterre. La grande
wuvre du comic Simon fut de dormer a ces cites
et tt ces bourgs leur place dislincte parmi les ele-
ments du corps politique. Suivons les Rapes par
lesquelles passa l'accomplissement de ce grand
ouvrage.


Lorsqu'on arrive au treizieme siecle, on constate
quo Ia vieille constitution teutonique est entiere-
ment clisparue. On pout, it est vrai, en decouvrir
encore quelques faibles traces ca et la dans le corps
du douzieme siècle, comme lorsque les deux partis,
dans les guerres d'Etienne et de Mathilde, reconnu-
rent le droit des citoyens de Londres a donner leur
voix pour disposer de la couronne (45). Mais le grand
conseil replier, le representant en droite ligne de
l'antique yeel Gemot ou Witenagemot, s'etait rC-
duit aun corps assez semblable i noire Cham-
bre des lords. La constitution de ce corps, comme
je (leja donne a entendre, etait Bien plus flot-
tante, hien moins strictement hereditaire (pie cello
du meme corps aujourd'hui, mais elle etait pres-
que aussi loin d'être en aucun sens one represen-
tation du peuple. La Grande Charte assure les droits
de la nation et de l'assemblee nationale, en tant


DE LA. CONSTITUTION ANGLAISE• 89


qu'elles eurent a resister h l'arbitraire dans la legis-
lation et dans l'iinpOt exige par la couronne. Mais
elle ne fait aucun changernent dans la constitution
de l'assemblec elle-memo. Les grands barons de-
vaient






etre convoques personnellement; les francs-
tenanciers infórieurs, les representants des Land-
sittendemenu. chi Domesday, par line convocation
generale. La Grande Charte en un mot est un bill
des droits, et non pas ce qu'en langage moderne
on entend par un bill de reforme.


i\lais pendant les regnes de Jean et d'Henri III,
on element populaire no tarda pas a penetrer dans
les conseils nationaux d'une maniere plus pratique.
Le droit des simples hommes fibres d'y assister en
personne avait Ole longtemps un simulacre ; celui
des simples francs-tenanciers devenait d peine
plus praticable ; it commence main tenant a se trans-
former en un autre droit plus facile a exercer
cette époque, celui de choisir des representants
pour agir au nom du represents. Comme Lou-
jours en Angleterre, ce droit s'est developpe par
degres, et a etc comme le resultat de ce que nous
pourrions presque appeler line serie d'heureux
accidents. Nous trouvons a la foil sous lc regne
do Jean et clans la premiere partie du regne
d'Uenri plusieurs exemples de dhevaliers con-
vogues dans chaque comic (16). Nous aeons
l'origine de nos representants de comtes, et du




90 LE DEVELOPPEMENT


titre qu'ils portent encore de chevaliers de comtes.
Tel est le premier pas qui fat fait clans la repre-


sentation populaire, en tant quo distincte de la
reunion de tons les citoyens en personne ; mais
it ne Caul pas croire pour cola que coax qui con-
voquerent les premiers ces chevaliers eussent quel-
que idee consciente de la representation popu-
laire. Lear premier objet fat probablement
avantage fiscal ; c'ótait un moyen silr et commode
de battre monnaie. L'idee de convoquer un petit
nombre d'hommes pour agir aux lieu et place de
tons fat sans doute empruntee a la pratique ju-
diciaire, ou, clans les proces, dans les enquetes et
les commissions de tout genre, it Otait d'usage
qu'un certain nombre d'hommes jurassent pour
tout le Comte ou la centurie. Nous ne devons pas
perdre de vue, quoique ce soil un sujel sur le-
quel je n'ai pas le temps d'insister ici, quo nos
institutions judiciaires et nos institutions parle-
mentaires sont etroitement que les ones et
les autres sortirent de nos premieres assemblees,
que des choses qui main tenant semblent aussi
differentes entre elles que nos jurys populaires et
les pouvoirs judiciaires de la Chambre des lords,
sont en realite également toutes deux des fractions
Cie ces pouvoirs judiciaires dont parle Tacite
comme appartenant a ces primitives assemblees.
Ce n'est quo pas a pas que les fonctions de juge,


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 91


de jure, de temoin et de legislateur devinrent des
fonctions tout a fait separees, corn me elles le sont
aujourd'hui.


Ainsi nous trouvons les origines de la Chambre
des communes, comme nous pouvions nous y at-
tendre, dans cette par tie de ses membres qui, pour
le plus grand nombre, ont le plus de rapports
communs avec l'assemblee déjà etablie, la Cham-
bre des lords. C'est ainsi que le developpement de
la constitution s'etait opere a sa maniere habiluelle,
incidemment. Chaque pas en avant, si petit gall
etait , fat indubitablemenl l'muvre du discerne-
ment d'un individu isole, memo lorsque SOS vues
auraient Bien pu ne pas s'etendre au dela de quel-
que avantage mornentane a atteindre. Mais voici
que nous arrivons a ce grand changement, a cette
grande mesure de la reforme parlementaire, qui
n'a laisse a faire aux reformateurs suivants que
des ameliorations de detail. Nous arrivons a .ce
grand acte du Comte patriote qui a fait de noire
Chambre populaire reellement tine Chambre po-
pulaire.


Une Chambre de chevaliers, de membres du
Comte eilL ete comparativement un corps aristo-
cratique ; elle aurait laisse en dehors Fun des ele-
ments de la nation le plus sain et le plus vigou-
reux, par consequent le plus capable de progrés.
Lorsqu'apres la bataille de Lewes, le comic Simon,




92 LE DEVELOPPEMENT


alors maitre du royaume avec le roi sous sa sauve-
garde, convoqua son fameux Parlement, i1 y ap-
pela non-seulement deux chevaliers de chaque
comic, mais aussi deux citoyens de chaque cite et
deux bourgeois de chaque Bourg. Le comte avail
compris de longue date l'importance et la. valour
de l'element civil qui grandissail, dans la societe
politique de son temps. Lorsqu'a une epoque moms
avancee de sa carriére, it fat chargé du gouver-
foment, de la Gascogne, it dui repondre, a son
retour en Angleterre, a des accusations portees
contre lui par l'archeveque de Bordeaux et par les
nobles de la province. Le comic se defendit en
produisant un ecrit qui lui rendait le meilleur te-
moignage, signe du sceau public de la cite de Bor-
deaux. Commc it etait arrive en Gascogne, ainsi
arriva-t-il en Angleterre. Le comic fat toujours un
reformateur, un homme qui s'appliqua a corriger
les- torts pratiques, a combattre les favoris du roi,
a mettre un frein a l'oppression du pape et do roi.
Mais ses premiers pas dans Ia voic de la reforme
furent fails entierement s tir le terrain aristocra-
tique. 11 essaya d'abord de redresser les griefs de la
nation par le seal secours de ses egaux de Ia no-
blesse.11110 tarda pas a s'apercevoir qu'aucune veri-
table reforme ne pouvait s'executer sur une base si
&voile, et peu a pea it admit a sa confiance, d'a-
bond les chevaliers des tortes, puffs enfin cette


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 93


classe dont le bon vouloir lui avait ele si utile dans
son ancien proces, les citoyens et les bourgeois.
Durant tout le cours de la lutte, ceux-ci se ran-
gerent resolament a ses cotes ; Londres fat aussi .
fidele a sa cause que l'avait Ole Bordeaux, et ses
citoyens combattirent, soulfrirent et triompherent
avec, lui dans Ia glorieuse journee de Lewes. Par
line innovation aussi heureuse que hardie, it invita
um; classe qui avait taut fait pour lui et pour la
cause commune a venir prendre sa place dans les
conseils de la nation. Ce fat au parlement du




comic Simon, en 1265, que les elements encore
subsistants de la Chambre populaire, les chevaliers,
les citoyens et les bourgeois, parurent pour la pre-
miere foil cote a cote. Ainsi fat forme ce nouvel
kat du royaume, qui s'etait recemment developpe
et qui Otait destine a devenir lieu a peu, en gran-
dissant, le plus puissant de tous, la Chambre des
communes du Parlement.


Tel est le present que recut I'Angleterre de son
plus noble champion et de son plus grand martyr.
Et it ne faudrait pas nous olfenser de ce que ce
champion et ce martyr a etc d'origine Otrangere.
Nous nous enorgueillissons d'avoir mend en captifs
nos propres conquerants (a), et, de les avoir trans-
formes en enfants du son aussi fideles que nous-


(a) On pease malgre soi au fameux Grcecia cupla ferum
torem cepa.




9i LE DtliELOPPEMENT


Wines. Ce que nous avons fait des conquerants,
nous l'avons fait aussi des colons pacifiques. Dans
les temps qui suivirent, nous accueillimes avec em-
pressement toute victime de la tvrannie et de la
persecution, le Flamand, le Huguenot, le Palatin.
El ceux que nous accueillimes ainsi, nous les avons
adoptes, nous nous les sommes assimiles ; nous
avons fortifie noire vitalite anglaise de tout ce qui
avait le plus de prix chez les peoples strangers.
Aussi pouvons-nous honorer, a cute des hommes qui
naquirent sur le sol anglais, ceux-1a aussi qui, Ve-
nus d'antres pays, firent pour l'Angleterre cc que'
des Ills feraient pour lour mere. Le Danois Canal
proud place a rule des plus illustres de nos rois
indigenes ; Anselme d'Aoste marehe au niveau des
plus honorables de nos prelats nationaux. C'est
ainsi qu'aupres des plus Mares de nos Comtes
nationaux, nous motions le nom gloricux de Simon
de Montfort (a). Stranger qu'il ótait, mais stranger
venu stir nos rivages pour entrer en possession de
terres et d'honneurs qui lui appartenaient par 10-
gitime heritage, it devint noire chef conire des
strangers d'une autre sorts, contre les aventuriers
qui se pressaient a la tour d'un roi ennemi de son


(o) 11 n'en est pas moins vrai que c'est il un homme de sang
welche — pour employer le terme un pea dedaigneux de Mono-
rable ecrivain — que la teutonique Angleterre est ainsi rede-
vabje du dernier et plus glorieux progres de sus anciennes
libertes.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE• 95
proprc peuple. Premier seigneur d'Anglcterre, beau-
frere du roi, it mela sa deslinee, non pas a cello du
prince ou des nobles, mais a tulle du peuple tout en-
tier. II fut respects pendant sa vie comme le chef Olu
de l'Anglelerre, et venere apres sa mort c,omme le
martyr de sa cause. Dans ces temps, la religion ani-
mail bons les sentiments ; le patriote qui se levait
pour le droit et la liberte etait honors a l'egal de
celui qui souffrail pour sa foi. Nous peuplons nos
rues et les places de nos marches des statues des
Brands citoyens de notre temps ; Peel, Herbert,
Lewis, Cobden vivent encore au milieu de nous,
immortalises par le bronze ou le marbre. A cette
autre époque, l'honneur rendu a l'homme d'Etat ne
se distinguail pas Bien de la veneration accordee au
saint ; Waltheof, Simon, Thomas . de Lancastre fu-
rent salues comme les patrons canonises de l'An-
gleterre, et des prodiges furent, °Ores par
leurs reliques ou sur leurs tombes. Les poetes de
trois langues chanterent a l'envi les louanges de
rhomme qui combattit et souffrit pour le droit, et
Simon, le gardien de l'Angleterre sur le champ de
bataille et dans le Sena, passa pour etre encore son
plus fidele pro.tecteur dans les demeures celestes,
d'oU nos pores Outient convaineus que la malediction
de Rome n'avait pas le pouvoir de le bannir (17).


La grande oeuvre du comte martyr out une strange
destinee. Sa carriere personnelle fut interrompue




96 LE DEVELOPPEMENT


brusquemeni ; son oeuvre politique fut porta° a ,:t
perfection par un rival et parent qui ne le cede
qu'a lui pour la gloire mOrite. Sur le champ de
Maine d'Evcsham, Simon pent, Edouard trim -
pha. Mais cc fut sur les Opaules d'Edouard que,
tomba le manteau de Simon ; ce fut it son meurtrier


transmit le flambeau OchappO de sa main mou-
ran te (a). tin moment, son ceuvre parut avoir pen
avec lui ; pendant quelques annees, les parlements
furent encore reunis sans reproduire le modele de la
grande assemble° qui avail, repondu aux writs du
roi Henri prisonnier. Mais le modele en vivait ton-
jours dans les cceurs, et bientet la sagesse du
grand Edouard compril que le present que son on-
cle avail fail au peuple ne pouvait lui etre plus
longtemps retire. Des parlements, sur le modele de
celui de Simon de Montfort, furent assembles soc-
cessivement sans interruption depuis le regne
douard jusqu'a nos jours (18). A cote du nom de
Simon de Montfort, nous pouvons done placer avec
honneur le nom d'Edouard lui-meme et ceux des
vaillants hommes qui lui firent une sage el utile
resistance. C'est a Roger Bigod de Norfolk el Hum-
phrey Bohun de Hereford que noun sommes redo,-


(a) On a pu remarquer dej), que l'auteur, en Oritable 6cri-
rain anglais nourri de ses classiques, jette git et ltt, connne
tine eclaircie, un trait emprunte a lours plus belles pages. 01'
reconnalt ici Lucréce


Et, quasi cursores, vitailampada tradunt.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
97


cables du couronnement de 1'muvre. Le parlement
d'Angleterre etait des lors parvenu a la plenitude de
sa perfection, et le plus humble, mais non le moins
important de ses pouvoirs, lui etait maintenant
pleinement reconnu. Le roi d'Angleterre ne pouvait
prendre aux mains des Anglais ni taxes ni presents
que ceux que les lords et les communes d'Angle-
tcrrc lui avaient accordés de leur plein gre.


Ainsi nous pouvons dire qu'au temps d'Edouard I,
la constitution anglaise recut definitivement la
forme essentielle qu'elle a toujours conservee de-
puis. Le Berme de ces trois institutions, le roi,
les lords, les communes, avail ete apporte avec
nous de notre plus ancienne patrie, huit cents ans
auparavant. partir du regne d'Edouard, nous
trouvons le roi, les lords et les communes elles-
mernes, presque dans la meme forme exterieure,
presque avec le memo pouvoir strictement legal
qu'aujourd'hui encore. Tous les Brands principes de
la liberte anglaise. etaient (16,ja solidement etablis.


11 y a sans doute une grande difference entre la
condition politique de l'Angleterre sous Edouard I"
et celle que nous lui voyons aujourd'hui. Toute-
fois la difference consiste plut61 dans l'application
pratique de la constitution quo dans sa forme
extórieure. Les changements ont ete nombreux ;
une grande partie de ces changements n'ont pas ete
neanmoins des modifications expressement for-


6




98 LE DEVELOPPEMENT


mulees, mais hien plutOt de ces transformations
sourdes dont le travail insensible a fini par nous
dormer une constitution toute de convention, exis-
tant a cote de notre legislation &rite. Curtains de
ces changements onl Ole de simples ameliorations
de detail ; d'autres, des decisions prises pour de-
clarer plus clairement ou garantir plus pleinement
dans la pratique des droits dont l'existence n•etait
pas deniee. Mais, generalement parlant, et tenant
comp Le de cettepartie importante de sous-entendus
conventionnels qui n'ont jamais revetu la forme de
decisions ecrites, les elements essentiels de la Con-
stitution anglaise sont tell aujourd'hui fu-
rent fixes aloes. Pepuis cette époque, l'histoire con- 11
stitutionnelle de l'Angleterre n'est pas purement
une enquete, si interessante et si instructive qu'elle
soil, sur des institutions qui auraicnt disparu ; c'est
l'ettide de quelque chose qui vit encore; c'est
l'examen de lois qui, tonics les lois qu'elles n'ont
pas 'Ole formellement rapportees, sont en picnic,
vigueur aujourd'hui
Jusqu'au regne


douard I", l'histoire d'Anglóterre est a la rigueur le
domaine . des antiquaires ; 1 partir de ce regne, elle
devient le domaine des legistes.


Nous trouvons clone — el Fon comprendra avec
queues restrictions je le dis — la Constitution an-
glaise arrivée a son complet developpement vers la
tin du treizierne sieele, et pops conslatons qu'elle


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 99


est, *dans la forme qu'elle prit aloes, l'ceuvre du
comte Simon de Montfort et du roi Edouard I".
11laintenant, it y a plusieurs points sur lesquels la
forme que prit ainsi finalement notre constitution
differa de la forme que recurent la plupart des
constitutions de la meme famille sur le continent.
La forme usuelle adoptee par toute assemble°. na-
tionale ou provinciale au moyen age hut celle cl'une
assemblee des &cos. Autrement dit, cette assem-
Mee se composait des representants de tonics les
classes de la nation en possession de droits politi-
gnes. Or, clans la plupart des contrees, ces classes
etaient au nombre de trois, les nobles, le clerge et
les communes. Les noms des trois Rats, c'est-a-dire
les nobles, le clergO, les communes, sont egalernent
Bien connus en Angleterre, quoique le sons de ces
trois nonis ne differe pas pen chez nous du sens
qu'on y attache partout ailleurs.


En Angleterre, nous n'avons jamais en, si cc n'est
aux temps reculós des corlas, une noblesse comme
on l'entend par ce mot dans les autres pays. Par-
tout ailleurs, les nobles formaient une classe dis-
Uncle, une classe 1 laquelle it n'etait pent-etre pas
absolument impossible de s'elever, lorsqu'on Wit
place au-dessous , rnais an -dessous de laquelle du
moins it etait absolument impossible de descendre,
lorsqu'on en


•aisait partie. Quels que pussent etre
les privileges du noble, ces privileges s'etendaienti efsfid_iv




100 LE DEVELOPPEMENT


A tons ses enfants et aux enfants de ses enfants,
A toujours el jamais. Dans quelques pays, ses ti-
tres se transmettent de cette maniere a tons
ses descendants ; tons les enfants d'un duc, par
exemple, sont dues et duchesses. En France et
dans la plupart des autres contrees oii existait le
systeme des etas, retat de Ia noblesse a l'assem-
hi& nationale &aft, sous une forme ou sous line
autre, la representation de la classe entiere des
nobles consider& comme un corps distinct. Com-
hien ceci differe de noire Chambre des lords, jen'ai
pas bosom de le faire remarquer. A la rigueur, je le
rópete, nous n'avons pas de noblesse. Les sieges de
noire Cbambre haute passent par heritage et non
par une election ou tine nomination quelconque;
mais aucun privilege politique n'appartient tie droit
aux enfants de ceux qui tiennent ces sieges. Et
meme le fils nine du pair, le futur titulaire de la
pairie, est un simple citoyen aussi longtemps quo
vit son pare. Tons les titres qu'il porte sont de pure
courtoisie et n'entrainent avec eux aucun pri-
vilege politique a l'cxclusion des autres simples
citoyens. Nous pouvons nionter plus hart encore.
Si les enfants du pair ne jouissent d'aucun droit
special, les plusjeunes enfants du roi lui-mame n'en
ont pas davantage. reponse du roi, son fils aine,
sa fille ainee, la femme de son fils eine out tons des
privileges particuliers, que leur attribue la loi. Ses


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


101


antres enfants sont de simples citoyens, a moms
quo leur pare ne juge bon de les Me yer, comme
pent faire de tout autre sujet, au rang tie pair (19).


11 n'y a peut-titre pas dans tonic noire constitu-
tion de disposition plus importante et plus avan-
tageuse que celle-ci, qui rattache toutes les classes
les unes aux autres et n'a pas permis que nous
souffrions a aucune époque sous Ia domination
maudite d'une caste de nobles. Toutefois , Bette
distinction profonde entre notre constitution et
celles de la plupart des attires pays est purement
de tradition. On ne pent pas dire qu'elle ait ate
etablie par aucun individu ni par . aucune assem-
blee. Mais it est aise de voir quo, comme, en An-
glelerre, nos assemblies nationales ne cesserent
jamais d'exister sons une forme on sous une entre,
comme le droit de tons les hommes libres d'y as-
sister en personne ne fnt jamais expressement aboli,
comme le roi conserve celui d'y appeler specie-
lement qui lui plairait, toutes ces circonstances
aiderent a empecher Faccroissement d'une classe
exclusive de nobles. Ce sen timen t aristocratique, l'o r-
gueil de la naissance, a sans doute ete Bien fort de
tout temps. Mais ce n'a etó qu'un pur sentiment, ne
s'aPpuyant stir aucune raison legale. La couronne
pouvait toujours anoblir quelqu'un ; mais la no-
blesse ainsi accord& n'appartenait, qu'a un membre
de la famille a la fois, au possesseur actuel de la


6.




102


LL DEVELOPPEMENT


pairie. Tons les rang y out pu a toutes les époques
librement s'allier par manages ; toutes les charges
ont ete accessibles a tons les hommes fibres ; et
l'Angleterre, a la difference de l'Allemagne, n'a
jamais vu de fondations ecclesiastiques dont les
membres fussent obliges de sortir do souche noble.


La position du second ant ou ordre;le clerge, hit
aussi tres-differente en Angleterre de ce qu'elle
dans les autres pays. En diet, la situation politique
da clerge a toujours OLO, depuis Edouard h r , quel-
que chose d'entierement anormal et inconsistant.
Ailleurs, les representants du clerge, tout. comme
ceux de la noblesse, formerent un ordre distinct
dans l'assemblee. En Angleterre, les grands prelats
avaient des. sieges a la Chambre des lords, oh les
eveques les gardent encore. Mais alors existait
ce corps anormal, appele Convocation, dont le ca-
ractere a toujours flotte entre le synode ecclesias-
tique et la tour parlementaire du royaume. Les
membres du clerge sont encore convoques avec
chaque Parlement, et ils out conserve une lone-
tion parlementaire distincte jusqu'au regne de
Charles II, oil elle leer fu t enlevee sans aucun acte
legislatif formel. Ce lot un de nos grands principes
constitutionnels etablis an temps du roi Edouard
qu'aucun imp& ne pourrait etre consenti au roi
quo par ceux qui devaient le payer. Mais pendant
longtemps les lords et les communes se taxerent


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


I03


separement, et le clerge se taxait aussi dans ses
convocations. Jusqu'a ce que ce pouvoir Mt resi-
gne, un benefice ecclesiastique ne donna pas le
droit de voter pour l'election des membres de la




Chambre des communes (20).
Les communes aussi portent elles-memes un nom


qui eut en Angleterre un sens bien different de celui
qu'on lui donna ailleurs. L'usage par lequel les
chevaliers du Comte, les citoyens et les bourgeois
furent reunis dans une seule chambre, quelle qu'en
snit l'origine, qu'il ait eta d'abord le resultat d'un
dessein premódite on d'un lioureux accident, a ale
un usage non moms avantageux, non moms neces-
saire au plein dóveloppement de notre constitution,
que celui qui etablit que les enfants des pairs du
royaume seraient des roturiers. Dans la plupart
Iles autres contrees, les hommes qui etaient en-
voyes comme representanis des comtes, les cheva-
liers de comte, auraient etc membres de l'ordre de
Ia noblesse. En France, les mots noble homme et
gentilhomme avaient le meme sens, celui de mem-
bre d'une caste aristocratique. Ceux du commun,
le tiers, se composaient de citoyens des villes pri-
vilegiees settlement. Mais, en Angleterre, Ia classe
moyenne n'etaiL pas restrain Le aux vines; elle Otait
rePandue, sous la forme d'une noblesse inferieure
(9en/


•y), et d'un riche corps de proprietaires ruraux
(yeomanry), sur toute la surface du territ.oire. Cette




10 .1- LE DEVELOPPEMENT


classe de petits possesseurs du sol fut pendant long-
temps la force du pays, et les plus heureux rósul-
tats furent produits par la reunion de leurs repre-
sentants dans une seule chambre avec ceux des ci-
tes et clu hourg. Chaque classe trouvait un appui
dans son alliance avec ratan, et celle des ciloyens
gagnait, par son union stir le pied de l'egalite avec
la petite noblesse rurale, une consideration qui lui
aurait toujours manqué autrement. En un mot,
l'union de l'une et de l'autre, l'union de toutes les
classes des hommes libres, excepte le clerge et les
membres en charge de la pairie, de toutes les clas-
ses, depuis le fits able du pair jusqu'au plus petit
possesseur de franc-fief ou bourgeois, cette union
fit, de la Charnhre des communes une veritable re-
presentation de la nation entiere, au lieu qu'elle ne
representat qu'un soul ordre.


Remarquez encore que la forme de gouverne-
ment que les ecrivains politiques appellent bi-eame-
rale, c'est-ii-dire o1 l'assemblee legislative se com-
pose de deux Chambres ou Houses, sortit d'une des
partieularites de l'histoire dangleterre. Les merites
de cette forme de gouvernement sont mainteriant
librement livres a la discussion; mais it est admis
des deux cues que le seul choix a faire est entre deux
Chambres ou une seule : personne ne propose d'en
avoir trois on quatre (21). Cependant le plus grand
nombre des assemblees d'etats stir le continent se


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


105


composaient, comme nous rayons vu, de trois
ehambres; en Suede, ot les paysans, les petits pro-
prietaires ruraux, avaient asset d'importance pour
etre separement representós de pair avec la noblesse,
le clerge et les citoyens, it yen eut quatre, jusque
dans les derniers temps. Le nombre de deux devint
celui de nos Chambres du Parlement, non par suite
de quelque conviction des avantages de ce nombre,
mais parce gull se trouva impossible d'ohtenir du
elerge agit abituellement en Angleterre comme
it faisait partout ailleurs, en membre *tiller du
corps parlementaire. Il recula deviant le fardeau,
se persuada quo la legislation seculiere dtait incom-
patible avec sa profession. De la sorte, au lieu du
clerge, formant comme en France tin ordre dis-
tinct dans le corps legislatif, nous etImes un Parle-
ment de deux Chambres, les lords et les communes,
accompagne d'une espece d'ombre de Parlement
ecclesiastique sous la forme des deux Chambres de
la Convocation. Ainsi, pour taus les projets prati-
ques, it y eut seulement deux ordres dans le Parle-
ment anglais, les lords et les communes. Ainsi,
( 'expression les trois ordres, qui avait tin sens en
France, perdit loute signification en Angleterre.


Pendant des sieeles en arriere, it n'y a pas en
d'ordre *are forme par le clerge; quelques-uns de.
ses membres les plus Cleves appartinrent a l'ordre de
la noblesse, et le reste se rattachait an tiers. De. la




.106 LE DEVELOPPEMENT


est née une idee fausse, quoique tres-generalement
repandue, mais qui s'explique, une conception
erronee qui remonte a l'Opoque du Long Parlement,
au sujet du sons de cette expression, les trois ordres
ou Oats. On emploie constamment ces mots
comme s'ils voulaient dire les trois elements dont
se compose le pouvoir legislatif, le roi, les lords, les
communes. Mais on en tend le mot giat dune classe,
d'un ordre on d'un rang, comme les lords, le clerge,
les communes. Le roi West pas un kat, parce qu'il
n'y a pas une classe on un ordre compose de rois,
le roi etant Line personne seule et existant par
lui-meme. Pour parler e.xactement, it faut dire le
roi et les trois Mats du royaume. Mais en Angle-
terve, comme je l'ai déjà fait voir, celte phrase n'a
pas cc, sens, puisque nous n'avons en realite que
deux etats seulemen t.


Nous dunes ainsi en Angleterre, non pas un kat
de la noblesse formant une classe distincte du
people, mais une Chambre haute de lords heródi-
taires on pourvus d'une charge, dont les privileges
Otaient purement personnels, et dont les enfants
n'avaient aucune prerogative polilique qui les Ole-
vat au-dessus des autres citoyens. Nos &Niles et
quelques dignitaires ec.clesiastiques occuperent des
sieges dans la Chambre haute, mais it n'y out pas
un kat du clerge, ayant une existence distincte et
sa voix a part dans la legislature. Notre Chambre


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
IOT


basse, basso de nom, mais destinee a devenir gra-
duellement la plus haute en pouvoir reel, en Vint
representer, non plus simplernen I les habitants de
villes privilegiees, mais la nation entiere, a la seule
exception des tenants personnels de sieges, ou here-
ditaires, ou attaches a une charge dans la Chambre
haute. Qu'une belle assemblee dirt insensiblement
atlirer a elle tous les pouvoirs effectifs de l'Lat,
c'etait dans la nature des choses, mais elle ne le
fit quo par degres.


Peu de choses, dans no tre histoire parlementaire,
son!, plus remarquables quo la maniere dont les
deux Chambres out le plus souvent agi d'accord.
Je ne parse pas des temps tout modernes, rnais
do l'epoque (A les deux chambres Otaient reelle-
merit des pouvoirs paralleles dans l'Lat. Durant
les six cents ans que les deux Chambres ont yew
cute a cote, les quenelles serieuses entre l'une
et l'au Ire out etc tres-rares, et cellos qui s'eleve-
rent roulaient ceneralement stir des questions de
forme et de privilege in tóressant particulierement
les membres des deux Chambres elles-mem es, et non
sur des sujets qui eussent grande importance pour
la nation en masse (22). Pendant un temps, les
communes marcherent a la suite des lords ; puis les
lords en vinrent peu a peu a suivre a lour tour les
co mmunes


• mais les ruptures ouverles et violentes
entre les Chambres out etc veritablement rares.




108 LE DEVELOPPEMENT


Depuis l'epoque du comLe Simon et jusqu'A nos
jours, le pouvoir du Parlement dans son ensemble
et le pouvoir special de la Chambre des communes
sold. allós sans cesse grandissant de concert. Les
Parlements du quatorzieme siècle exercaient bus
les pouvoirs dont notre Parlement use aujourd'hui,
en memo temps que d'autres dont s'abstiennent les
Parlements modernes.Jeveux dire que les Parlements
de cc temps-la Otaient obliges ou de faire directement
ou de laisser inexecutees main Les choses que le (Ike-
loppemen t du systeme politique conventionnel per-
met a un Parlement moderne de faire indirecte-
ment. Les anciens Parlements demandaient le ren-
voi des ministres du roi; ils disciplinaient sa mai-
son ; ils deleguaient son a.utorite ; s'ilelail necessaire,
ils deployaient leur Bernier et plus grand pouvoir,


_et le relevaient de ses fonctions royales. A cette ópo-
que, un changement de gouvernement ou de poli-
tique, le rcnvoi d'un mauvais ministre et le choix
d'un meilleur a sa place, ne se faisaient jamais
sans une lutte ouverte entre le roi et le Parlement;
souvent ils ne pouvaicnt se faire sans gull en con-
tat l'esclavage, l'emprisonnement ou la mort, peut-
etre settlement au ministre, peut-Otre aussi au roi
lui-meme. Le memo but est atteint aujourd'hui par
un vote de blame de la Chambre des communes; en
plus dun cas, meme sans vote de censure, par le
simple rejet dune mesure sur laquelle un ministre


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


109


a declare gull resterait debout ou tomberait (23).
Le quinziOme siècle, si on le compare au trei-


zieme et au quatorzieme, fut a quelques egards une
periode de relour en arriere. 11 est evident que les
Parlements de cette Opoque furent des corps politi-
ques hien moins independants que ceux des siècles
precedents. Durant les guerres des Deux- Roses, cha-
cun des vainqueurs militaires trouva a son tour un
Parlement tout pref. a appuyer ses pretentions a la
couronne et a decreter la condamnation de ses en-
nemis (Vs). Ce fat meme un Parlement VI
qui adopta la mesure la plus reactionnaire que ja-
mais Parlement ail votee, cello par laquelle le titre
d'electeur de comte fut restreint aux possesseurs do
francs-fiefs dont les terres clonnaient un revenu
annuel de quarante shillings (25). Sur cc point, le
temps et la diminution de valeur de l'argent ont
redresse le tort ; it pent y avoir des francs-tenan -
dors dont les terres n'atteignent pas la valour de
quarante shillings; mais je ne puis croire gulls
composent aujourd'hui une classe hien considera-
ble on hien importante. Mais pour comprendre la
portee de cette restriction au quinziOme siècle, au
lieu do quarante shillings, on pent mettre large-
[Ilea quarante livres ; et cerlainement, si on rayait
de la lisle des electeurs tons ceux dont le Litre est
on franc-fief n'atteignant pas la valeur de quarante
livres — a plus forte raison ceux qui tiren L leur




DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 111


ment supprimees, ou reduites a un vain ceremonial.
Ce fut alors quo Charles-Quint et Philippe II aboli-
ren t les constitutions libres de Castillo et d'Aragon ;
ce fut alors que les Clots géneraux de France se reu-.
nirent pour la derniere fois avant la derniere de
thutes, a Ia veille de Ia grande Revolution. En An-
gleterre, ni les institutions parlementaires ne dispa-
rurent, ni le Parlement- ne dechut jusqu'a n'etre
qu'une vaine formalite. Touiefois, pendan un temps,
les Parlements,aussi hien que toutos nos autres
institutions, furent transformes en instruments de
tyrannie. Sous Henri VIII, les Parlements, comme
les juges, comme les jurys, comme les synodes ec-
clesiastiques decreterent tout cc qui sembla bon
au caprice du despote (a) . Pourquoi avaient-ils
ainsi degenere de ce qu'ils avaient ete clans les
Ages precedents, de cc qu'ils devaient redevenir
ensuite ? La raison en est claire : les communes
n'avaient pas encore pris assez de force pour agir
sans les lords, et ceux-ci avaient cesse d'etre un
corps independant. La Yieille noblesse await ête
aneantie a Towton et a Barnet, et les nouveaux
nobles ótaient les oils esclavftdo roi auquel
ils devaient leurs honneurs. UiliTecle plus lard,
cette nouvelle noblesse avail herite de l'esprit


(a ) 11 est bon de remarquer ce passage, pour se le rappe-
ler plus loin, lorsquc l'auteur 6tablira la legitimite de la dynas-
tic actuelle uniquement sur l'acte du Parlement d'Henri VIII.


110 LE DEVELOPPEMENT


droii dune condition inferieure a la possession
d'un franc-fief — la diminution du corps electoral
de nos comtes ne serait pas peu considerable.


D'un aulre cute, dans jes temps de revolution
qui suivirent, nous entendons parle y plus d'une lois
d'appels directs au people qui nous mettent en me- At.
moire des époques hien plus reculóes. Edouard IV
et Richard III furent ólus rois, ou du moins virent
reconnaitre lours pretentions a la couronne par
des assemblees des citoyens de Londres qui nous re-
portent aux guerres d'Etienne et de Mathilde (26).
Encore mane a cette apoque, le pouvoir du Park-
ment grandissait; l'anxiete avec laquelle chaque
pretendant sollicitait une sanction parlementaire a
ses reclamations etait un signe de l'importance
croissanie du Parlement, et l'on a des têmoi-
gnages accidentels qui dómontrent qu'un siege a
la Chambre des communes, et non pas en qualite
de chevalier d'un comte, mais en qualite de bour-
geois dun bourg, etait alors un objet d'ambition
pour les hommes de . la classe out etaient pris les
chevaliers de cointe, et mCme pour les fits des
membres de la Chambre haute (27).


Enfin arriva le seizieme siècle, le temps de l'e-
preuvepour les institutions parlementaires dans tant
de contrees de l'Europc. Nombre d'assemblees qui
avaient ete-aussi fibres que noire propre Parlement,
furent, dans le courant de ce , siecle, ou complete-


i4




2


rig


1 12 LE DEVELOPPEMENT


de l'ancicnne, et les communes etaient parve-
nues a la plenitude de leur puissance. Ainsi arri-
va-t-il que ion trouve dans les Parlements du
seiziöme siècle une abjecte soumission a la volonte
d'un Lyran, ct qu'on n'apercoil aucune trace d'une
pareille servilitó dans crux du quatorzieme ou du
dix-septiöme. 11 n'y a vraiment aucun rapport
entre les Parlements qui detrOnerent Richard II et
Charles i er , et ces autres Parlements qui, presque
sans débats, passérent des bills d' attainder con-
tre tous ceux h qui s'en prenait le caprice de
Henri VIII, ces Parlements qui, dans le siècle
par excellence de la controverse religieuse, furent
toujours prets a sanctionncr par toute espece de
penalites la forme particuliére de doctrine qui con-
venait pour le moment au defenseur de la foi,
son Ids ou a scs fines.


Comment se fait-il, me demandera-t-on, que.
dans un pared Otat de choses, les institutions parle-
mentaires n'aient pas peri en Angleterre, comme
elles perirent dans tant d'autres pays? It pourrait
suffice de rópondre, qu'aucun prince n'avait interet
a detruire des institutions qu'il voyait se prMer
si complaisamment a ses desseins. Alais pourquoi
ne se róduisirent-elles pas a de simples formes, cc
qui neleur arriva certaine,ment jamais, meme dans
les plus mauvais jours? L'une des raisons , sans
aucun doute, est la situation exceptionnelle de no-


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


113


tre pays, place dans •une ile, situation qui, sons
tant d'autres rapports, a donne un tour particulier


notre histoire. Lc grand ennemi des institutions
parlementaires rut l'introduction des armees perma-
nentes. Le souverain de l'Angleterre , enferme
dans son ile, await hien moms bosom dune armee
permanente que les souverains du continent, enga-
ges qu'ils etaient clans des guerres sans fin avec
leurs voisins des frontieres. IJais je pense aussi que
le caract6re personnel d'Henri VIII flit pour beau-
coup dans le saint definitif de nos libertes.


N'allez pas vows imaginer un instant que j'appar-
tienne a cette ecole paradoxale qui eelébrc Henri VIII
commc un maitre vertueux et bienfaisant. Ne croyez
pas quo je professe pour lui des sentiments de recon-
naissance personnelle comma je fais pour le comte
Simon et pour le roi Edouard. La position d'Ilenri
ressemble davanlage a cello de Guillaume le Con-
querant, quoique j'estime certainement quo le Con-
querant fat en tout point le mcilleur des deux. `otts
deux servirent la cause de la libertó indirectemcnt,
et tous deux la servirent par des moyens conformer
a. lours caract6res respectifs. Sons un rapport, a dire
vrai, Guillaume et Henri se trouvörent dans des-:111t
positions entiérement differentes vis-a-vis de l'An-
gleterre. Guillaume etait etranger, et c'est en grande
partie a cette qualited'etranger qu'il dut de pouvoir
nous faire du lien indirectement. Henri, avec tous




114 LE DEVELOPPEMENT


scs crimes, etait un parfait Anglais ; tout le temps
de son regne, it y cut sympathie entre lui et, la
masse de ses sujets, qui, apres tout, ne souffrirent
pas au trement d'inciclents comme la decapitation
d'une reine ou d'un clue (a). Mais le despotisms de
Guillaume et celui d'Henri VIII eurent ceci de
commun que run et l'autre de ces souverains,
memo clans les pires de ses actes, conserva un scru-
puleux respect pour la lettre de la loi.


En ce qui concerne Guillaume, it n'est pas difficile
de s'en rendre compte, pour peu qu'on Otudie soi-
gneusement les archives de son époque (28) ; pour
ce qui regarde Henri, cette verite est procl am& ban-
tement par les plus grands faits de l'histoire d'An-
&terra. Tandis que les autres rois, tyrans comme
lui, etaient occupes 'utant hors d'Angleterre a ren-
verser les institutions libres, Henri temoignait en
toutes choses du plus grand respect exterieur pour
ces institutions. Tout le temps de son regne, it prit
soin de ne rien faire quo suivant la forme exterieure
legale et reguliere, et do facon a pouvoir s'abriter
sous Ia sanction, soil d'un precedent, soil d'une
loi &rite. En soi, cette perversion de la loi, ce degui-


(a) La decapitation injuste, meme dune reine ou d'un due,
West pas chose insignifiante ; neanmoins on pent apporter
l'appni de l'assertion de l'auteur l'exemple des empereurs ro-
mains. Meme adieux a Rome, its n'en dtaient pas mains chers
souvent aux provinces, qui profitaient de leur gouvernement
sans soutrrir si cruellement de leur earactere.


DE LX CONSTITUTION ANGLAISE. 115


cement du mal sous les debars du droit est reelle-
ment pire, en tout cas plus corrupteur, que la
violence declaree, contre laquelle on est toujours
tents de se revolter ouvertement. Neanmoins une
tyrannie comme cells d'Henri est encore une forme
de l'hommage que le vice rend 6. la vertu ; le respect
soigneux des formes exterieures de Ia liberte rend
plus facile a une autre et plus heureuse generation
le role de rendre a la forme son ancien esprit et
sa premiere vie. Chaque acte criminel commis par
Henri avec l'assentiment du Parlement Unit en rea-
lite un temoignage de l'autorite constante du Par-
lement; l'abaissement meme de notre ancienne con-
stitution la preparait a renaitre un jour avec une
nouvelle force et dans une forme plus parfaite (29).


Un second temoignage semblable de l'importance
du Parlement a cette Opoque resulte de deux autres
circonstances tres-remarquables, clans lesquelles on
reconnait le pouvoir et l'autorité de la Chambre des
communes par le fait meme qu'on fat oblige de
la corrompre. La premiere de ces circons lances fiat
l'intervention active du gouvernement dans les elec-
tions pour le Parlement; l'autre, la creation de
bourgs destines a etre corrompus. Il n'est pas be-
soin de preuves plus fortes Tie celles-la pour attes-
ter l'importance d'un corps qu'on trouvait neces-
saire de _trier et de dresser ainsi. Lacouronne garda
encore le pouvoir de convoquer les membres de n'im-




.410 LE DEVELOPPEMENT


porte quel bourg elle voulait, et, taut que regnerent
les Tudor, on abusa sans reserve de ce pouvoir en en-
voyant des writs aux locali tes qui devaient avec vrai-
semblance elire des membres dociles a la tour (30).
Ainsi naquirent dans le Cornwall et ailleurs plusieurs
de ces honteux petits bourgs, qui furent depouilles
de lours privileges par nos bills successifs de reforme.
Ces bourgs, qui furent toujours corrompus, et qui
avaientóL6 trees pour Fare, doivent etre soigneuse-
ment dislingues d'une autre classe de bourgs ,qui peri t
avec eux.Plusieursvilles auxquelles le comic Simon et
le roi Edouard envoyerent des writs, dechnerent avec
le progres du temps ;quelquefois, elles dechurent com-
pletement ; plus souvent, d'une maniere relative, en
se laissant tout a fait &passer par des villes plus jeu-
nes et perdant ainsi l'importance qu'elles avaient cue
jusque-la. It etait egalement juste de roarer le privi-
lege aux ones et aux autres ; mais it faut hien penser a
l'histoire differente de ces deux classes de villes. Ce
fut justice de supprimer les representants d'Old-Sa-
rum ; mais it y out un temps oil ce fut justice aussi
de les lui donner. Dans le cas d'une foule de bourgs
du Cornwal, on n'avait pas seulement le droil den
supprimer les membres, mais on n'aurait jamais dt1
leur en donner du tout (31).


Ce fut au temps d'Elisabeth que quelque chose
de l'ancien esprit reparut enfin. C'est la quo nous
arrivons au commencement de,cette longue suite de


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


117


grands parlementaires qui se continua sans inter-
ruption depuis son regne j usqu'a nos jours. Quel-
ques esprits audacieux dans la Chambre des com-.
munes commencerent alors une fois de plus a parler
avec un accent digne de ces grander assemblees qui
avaient appris aux Edouard et aux Richard gull
y avail line puissance en Angleterre plus grande
que la leur memo (32). Sous le pale successeur de
la grande refine, la voix de la libertó se fit entendre
plus haut (33). Pendant le regne suivant, s'eleva la
plus fameuse de toutes nos querelles, et un roi d'An-
gleterre une fois encore, comme aux jours d'Henri
et de Simon, prit les armes contre son people pour
apprendre quo le pouvoir de son peuple etait plus
grand que le sien. Mais au dix-septieme siecle, pas
plus qu'an treizieme, on ne reclama des droits et des
pouvoirs consider& commenouveaux; on se bornait


exiger une meilleure garantie des pouvoirs et des
droits dont on etait en possession depuis les plus
anciens temps.


Je n'ai pas le projet d'entrer dans le detail de cette
grande lotte et des evenements qui la suivirent. Jai
retrace avec quelque etenduel'origine et l'accroisse-
ment progressif de noire constitution depuis les
temps les plus reculós jusqu'aux jours oil elle fut le
phis rudement eprouvee sous le despotisme des Tu-
dor et des Stuarts. Notre histoire constitutionnelle
inoderne se ra Ltache plutOt a des recherches d'un au-


7.




118 LE DEVELOPPEMENT DE LA. CONSTIT. ANGLAISE.


tre genre. C'est purement un releve des changements
insensibles elites peu a peu dans la pratique d'ins-
titutions dont la forme exterieure et legale est res-
tee intacte. Aussi terminera.i-je cette esquisse his-
torique si elle petit pretendre h cc Litre,
au point oil nous voici parvenus maintenant.


Au lieu de continuer a faire un exposé malho-
dique de la constitution jusqu'aux temps plus voi-
sins de nous, je choisirai de preference, pour
troisieme panic de mon sujet, l'Oclaircissement
de Fun des points particuliers dont je me suis oc-
cupe, entre affixes de cette faculle que notre deve-
loppement progressif nous a donnee de revenir sur
nos pas, de reculer, quand la necessite nous y force,
jusqu'aux principes d'epoques plus lointaines, sou-
vent des plus lointaines de toutes. Par noire vo-
lonle ou non, beaucoup de nos meilleures lois mo-
domes, je l'ai deja dit, ont ele un progres realise
par un retour en arriere. Comme derniere division
de Fouvrage que j'ai entrepris, j'essaierai de mon ter
dans combien de circonstances repótees nous avoris,
en fait, renonce aux expedients encombrants et
oppressifs des legistes leodaux et royaux pour re-
monter aux principes plus sains, plus liberaux
et plus simples des temps de note antique liberte.


CHAPITIIE III


clans mes deux premiers chapitres, j'ai conduit
ma rapide esquisse de la constitution anglaise jus-
qu'aux Brands evenements du dix-septieme siècle.
J'ai choisi cc moment pour terme de ma narration
suivie, parce que le caractere particulier des temps
posterieurs a Ote que tant et de si importants chan-
gements pratiques s'y sont accomplis sans aucun
changement dans la loi &rite, sans aucune promul-
gation nouvelle de loi, sans aucune nouvelle decla-
ration du sons a y attacher. Les mouvements et les
revolutions des premiers siecles, comme je l'ai dit
plus 'mut, avaient rarement pour but un change-
ment avoue dans la loi, mais tendaient plutOt a
l'etablir plus nettement, a la faire executer avec
plus de conscience et d'honnetete. Tel rut le carac-
tere general de toutes les grandes &tapes de note
histoire politique depuis le jour oil Guillaume de Nor-
mandie remit en vigueur les lois d'fi.:douard, jusqu'a
celui ou Guillaume d'Orange donna son royal assen-
timent au bill des droits.


Cependant, quoique chaque pas dans notre mar-




120
LE DEVELOPPENIENT


the en avant prit la forme, non pas de la creation d'un
nouveau droit, mais de la consolidation d'un droit
ancien, ce pas n'en &tail pas mains marque par un
acte formel et public qui reste enregistre parmi les
êtapes successives de notre progres. C'etait une
charte que concedait le souverain ; c'etait un acte
parlement que recevaient les etats du royaume et
qui reglait dans tine forme legale la nature et l'eten-
due des droits qu'on avaittente d'asseoir stir un ter-
rain plus solide. A partir du dix-septibme siecle, les
chases, sous ce rapport, changerent singulierement.
Le travail de Ia legislation, de la legislation stricte-
ment constitutionnelle, ne cessa pas ; une longue
serie d'actes legislatifs fixent le regard comma autant
de points successifs de notre progres politique, non
moins dans les temps plus recents qu'aux epoques
plus reculees. Mais a eke s'est produite aussi une
serie de changemen Is politiqu es, non moins conside-
rabies que ceux qui sont consignes dans le ]ivre des
statuts, et qui se sont operas sans acte lêgislatif
&attain° espece. Un code entier de maximes politi-
ques, universellement reconnues en theorie, uni-
versellement appliquees dans la pratique, s'est de-
veloppe pea a peu, sans laissez dans les actes
authentiques de notre legislation aucune trace des
diverses periodes de son accroissement.


Jusqu'a Ia fin du dix-septieme siecle, on petit
affirmer qu'aucune demarcation ne saurait etre


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 121


trace° entre la constitution et la loi. Les prero,
gatives de la couronne, les privileges du parle-
ment, Ia liberle des sujets peuvent n'avoir pas tou-
jours ate clairement Minis sur chaque point. On
a dit, it est vrai, que ces trois choses sont de
cellos qui, par leur nature, ne peuvent avoir de
limites fixes. Cependant toutes trois etaient can-
sees reposer, sinon sur . les termes expres du sta-
tut, du mains sur cette creation, nuageuse en
quelque sorte, malgre tout tres-pratique, ce me-
lange de traditions anciennes incontestees et de
fictions recentes des legistes, quo les Anglais re-
connaissent comme la coutume, le droit commun.
Toute violation, soil des droits du souverain, soil
des droits des sujets, Otait une offense legale, sus-
ceptible d'une definition legale, et exposant le con-
pable aux penalites legates. Un acte qui n'aurait
pis rentrer clans la lettre ni du droit statutaire,
ni du droit commun, eta considere en au-
cunc facon comme tin Wit. Si les tours inferieures
etaient trop faibles pour faire justice, la Haute-Cour
du Parlement se tenait prete a punir meme les plus
puissants criminels. Celle-ci etai I armee de pouvoirs
redoutables et rarement employes, mais qui n'en
etaient pas moins reguliers et legaux. Elle pouvait
frappes par l' impeachment , par l' attaincler , par l'exer-
cke du plus grand pouvoir de taus, la deposition du
roi regnant. Mais on n'etait pas encore parvenu h




i 2 2, LE D2VELOPPEMENT


cette perfection dune doctrine plus subtile d'apres
laquelle it petit y avoir des offenses a la constitution
qui ne soient pas des offenses a la loi. On n'avait
pas encore appris que des hommes, dans une
grande charge publique, peuvent avoir une respon-
sabilite reelle et soumise a Faction publique, qu'au-
cune disposition legale n'a cependant definie et sur
laquelle aucun tribunal legal ne pent appuyer un
jugement. On n'avait pas encore trouve que le Par- a
lement lui-meme a un pouvoir, aujourd'hui dans la
pratique le plus grand qui lui appartienne, en vertu
duquel it n'agit ni comme puissance legislative, ni
comme cour de justice, mais prononce des sen-
tences qui n'ont pas moins de force pra Lique pour
n'emporte-r avec elles aucune des consequences
legales de la mort, de la captivite, bannissement
ou de la confiscation. Nous possedons aujourd'hui
tout un systeme de moralite politique, tout un code
de preceptes pour la direction des hommes publics,
preceptes qu'on ne Irouvera a aucune page du sta-
tut ou de la coutume, mais qui, dans la prati-
que, sont a peine tenus pour moms sacres que
n'importe quel principe incorpore clans la Grande
Charte ou dans la petition du droit. Bref, a cute de
noire loi s'est developpee une constitution
non &rite ou conventionnelle.


Lorsqu'un Anglais ciit d'un homme public que sa
Conduite est cons titutionnelle, ou inconstitution-


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 123
nelle, it entend quelque chose de tout different
de ce vent dire par une concluite legale ou
illegale. Uric resolution fameuse de la Chambre
des communes, votee sur la motion d'un grand
homme dt tat, declara un jour que les ministres
actuels de la couronne ne possedaient pas la con-
fiance de la Chambre, et- qu'en continuant d'occu-
per leur charge, ils se mettaient par consequent en
opposition avec l'esprit do la constitution (1). La ye-
rite d'une toile affirmation, conformemen t aux prin-
cipes traditionnels d'apres lesquels ont agi les horn-
mes publics pendant plusieurs generations, ne peut
etre discutee ; mais ce serait en vain qu'on cher-
cherait une trace do pareilles doctrines dans au-
cune page de nos lois &rites. L'auteur de cette
motion ne voulait pas dire qu'il accusait le minis-
tere existant de quelque acte illegal, d'un acte qui
eat pu faire l'objet d'une poursuite decant une cour
inferieure ou d'une accusation a la Haute- Cour du
Parlement lui-meme. I1 ne voulait pas dire que ces
hornmes, ministres de la couronne, designes pour
tout le temps du bon plaisir de la couronne, corn-
ineltaient une infraction a la loi dont la loi eat a
cormailre, parce gulls restaient en possession de
leur charge jusqu'au moment oil la couronne de-
\Tait trouver bon de la leur reprendre. Ce qu'il
voulait dire, c'est que la marche generale de leur
politique Otait de nature, aux yeux dune majorite




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snid so' sod!oupd sop un spo!d xrue ainoj lunSat
ammo° opanSad luoulollosaomun iruaos !sup.? unai;in
!tab aunuou `quoulainos • oipoo rot 131 op Map'


ORILIVUI ounonn Ida lso,u • 11 "luotuolana
SONLUVip snap sot and saldopn aansuoo op salon op
minion ionb olaodulLu iyeaainaq Ir OUnUI puunb
`apassodop snd ou auuodnoo uj lamp la auttodnoo
-e1 and adojuo0 ooujo un a!ualap luoutaidtuIs onu
-guoo li S smq •p3.`(--;a[ °cup un,p avindnoo mins 1!
'uoguspoint atu2tu 01103 suns ormanua !at gun ao4
-nooxo unsTej u ,s ‘luotuoiand np uoIresIdoidanj suns
OXV1. Orin ;MAO' V aIII0.1 uo and 0111.10d1100 ni op daloujo
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np 11o5 4 0,ICELIIVII0 VI op 1105 ‘soacixo oapao un,p no
oaintudoj opuntuopoun,pu!osacinj I!,nb suns 'Jam
op SoilSpIIIII sop a!oAop al 1pm:a `Nand IsuIn
oaquanlo n1 punnb card) !Ignio nom 111j IT qa `oind •
pun o1Tllpllop anal 3115 luotunuas LIDS luotnaidtup


f!nur!ddxo ona
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-noo VI l sud 0111:21.11 11npunwap DU °Ho maoinn
oadoad us op aloe un and soals!u!ui so p


aonmsap op
nonuaload nl sud 4113.113 , u oac1unE9 Tri *saalp snid
i!nwpso 501 ott saunmwoo 501) oaquiurn nEluop suop
-ouoj sal aoa!sod op snuoi 1uo1n10 si! `otnotu-0110
011309 tot 131 anb 1091 issnu io sladwoo


Issnu
ja uuopuoluoo apoo un ii luoul0umojuoo `00uanb
-asuo0 uo,nb 10 `uo!inu ni 1 osnaniuthin TU nuns
III aa1reand au `soununnoo sop oaquingo ni sup


,INZ1I3c1k10-MA:IU




126 LE DEVELOPPEMENT


grandes lignes de la constitution non &rite est con-
sideree comme presque aussi invraisemblable. Les
hommes politiques peuvent debattre le point de sa-
voir si telle ou Celle marche est ou 'fest, pas consti-
tutionnelle, exactement comme les legistes peuvent
discuter la legalite de tel ou tel ado. Mais la forme
mime du dêbat implique rid& y a une con-
stitution a observer, tout comme dans l'autre cas
elle suppose Vexistence d'une loi qu'il faut observer
egalement. Or, cot Otablissement solide d'un code
purement traditionnel et de convention est un des
faits les plus remarquables de l'histoire. II est clair
que ce code implique le plus solide etablissement
possible du pouvoir des lois Ocrites, comme fonde-
ment du lien. S'il y await la moindre crainte d'in-
fractions a la loi ecrite de la part de la couronne
ou de SOS officiers, nous serions obliges de chercher
les moyens d'Ocarter cc danger plus serieux,
lieu de discuter les questions que souleve un code
sans aucune existence legale. Mais it est bon quel-
quefois de s'arreter et de se rappeler a quel point est
tout a fait conventionnel )'ensemble de notre syS-
téme recu.


La doctrine admise quant aux rapports des deux
Chambres du Parlement l'une avec l'autre, la theorie
entiere de la situation du corps connu sous le
nom de Cabinet et de son chef le Premier Mi-
nis Ire, chaque detail en nn, mot de )'oeuvre pra-


DE L. CONSTITUTION ANGLAISE. 127


tique du gouvernement chez nous, est matiere re-
levant entierement de la constitution traditionnelle,
et nullement de la loi &rite. Les limiter de l'auto-
rite royale sont, it est vrai, dailies par la loi ecrite.
Mais je soupconne que hien des gens seraient óton-
nes de la somme de pouvoirs quo la couronne pos--
side encore aujourd'hui en vertu de la loi, et de
Bien d'autres choses qui, a nos yeux, sembleraient
tout a fait monstrueuses, et qui pourtantpourraient
elre faites par l'aulorite royale sans qu'aucune loi
fat violóe.


La loi sans doule nous defend centre tine legis-
lation arbitraire, contra le rappel d'anciennes lois
ou ).'introduction de lois nouvelles sans le con-
sentement des deux Chambres du Parlement. Mais
c'est la constitution non &rite seule qui met la cou-
ronne dans l'impossibilite materielle de refuser son
assentiment aux mesures adoptees par les deux
Chambres du Parlement, et qui, dans plus d'un
cas, lui rend Presque impossible egalement de re-
pousser la priere elm* dans une adresse par
rune seule de ces Chambres.


La loi &rite laisse a la couronne le choix de tons
ses ministres et agents, grands et petits ; la nomi-
nation a leurs charges et leur revocation, aussi
longtemps qu'ils ne commettent aucun crime pu-
nissable par la loi, est affaire laissee a la discretion
P ersonnelle du souverain. La constitution non &rite




128 LE DEVELOPPEMENT


met le souverain dans l'impossibilite matórielle de
garder au pouvoir un ministre quo la Chambre des
communes n'approuve point, et elle lui rend ega-
lemon t presque impossible de revoquer do ses fonc-
lions un ministre qu'approuve la Chambre des com-
munes (3).


La loi ecrite et la constitution non ecrite, aussi
hien l'une que l'autre, affranchissent le souverain
de toute responsabilite personnelle ordinaire (4).
Elles transportent toutes deux la responsabilite du
souverain lui-meme A ses agents et conseillers. Mais
la nature et l'etendue de leur responsabilite sont
completement differentes aux yeux de la loi ecrite
et aux yeux de la constitution non ecrite. La loi
ecrite se contente de hien ótablir quo l'ordre du
souverain n'est pas une excuse pour un acte ille-
gal, et quo celui qui conseille l'execution d'un acte
de ce genre par l'autorite royale doit porter la res-
ponsabilite dont le souverain lui-mame est affran-
chi. La loi ecrite ne connait aucune responsabilite
que cello qui pent etre rendue effective, soit par la
poursuite devant I'une des cows ordinaires, soil
par Paccusa lion devant la Ilaute-Cour du Parlement.
La constitution non ecrite soumet les agents et con-
seillers de la couronne a une responsabilite d'un
tout antre genre. Ce quo nous entendons par la
responsabilite des ministres, c'est gulls sent sujets
a voir tous lours actes publics discules dans le Par-




DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 129


lement, non-seulement sur le terrain de la legalite
ou de l'illegalile de leur caractere, mais pour les
motifs trés-vagues de leur tendance generale. Its
peuvent ne courir aucun danger de poursuite ou
de mise en accusation; mais its n'en sont pas moins
tenus de s'incliner devant d'autres manifestations,
de la volonte de la Chambre des communes; la con-
stitution non ecrite rend un vote de censure aussi
decisif qu'une mise en accusation, et, clans mainle
circonstance, donne a son pur refus d'adopter une
mesure ministórielle autant d'efficacite un
vote de censure.


La loi ecrite ne sail rim du cabinet ni du pre-
mier ministre; elle les connait comme membres de
fume ou de l'autre Chambre du Parlement, comme
conseillers prives, comme detenant, chacun d'eux
dans sa propre personne, certains offices ; mais, en
tant que corps collectil dont les membres sont lies
entre eux par une responsabilite commune, la loi
n'a jamais entendu parlor d'eux (5). Au contraire,
aux yeux de la constitution non ecrite, le premier
ministre et le cabinet dont it est la tete forment le
trait principal de notre system° de gouvernement.


Il suffit d'un coup d'ceil pour remarquer que le
Pouvoir effectif de la couronne n'est pas aujourd'hui
ce qu'il etait sous le regne de Guillaume III on
na6me sous celui de George III. Mais cechangement
est du hien moins aux changements operes clans la




130 LE DEVELOPPEMENT


loi acrite qu'a ceux de la constitution tradition-
nelle. La loi laisse les pouvoirs de la couronne in-
tacts, mais la constitution exige quo ces pouvoirs
soient exerces par des personnes et dans des formes
qui soient acceptables a la majorite de la Chambre
des communes. A l'aide de tous ces moyens, d'une
maniere insensible et indirecte, la Chambre basso
du Parlement, basse quail au rang qu'on liii assi-
gne encore dans la forme, est devenue, par le fait, le
pouvoir dirigeant de la nation. II n'y a pas de con-
traste plus frappant que celui de l'humilité de ses
rapports, dans leur forme, avec la couronne et
meme avec la Chambre haute (6), et de l'irresistible
pouvoir qu'elle exerce en realite sur toutes deux.
Elle a tenement conscience de la force immense de
ses pouvoirs indirects, qu'elle ne se soucie plus de
reclamer les pouvoirs directs qu'elle exercait autre-
lois. II y eut un temps oit le Parlement etait direc-
tement consulte sur les questions de guerre et de
paix. II y eut un temps ou le Parlement reclamait
le droit de nommor directement plusieurs des
grands officiers de l'Etat. II y eut des temps beau-
coup plus anciens oh cc n'etait pas chose extra-
ordinaire que de designer un homme au pouvoir
comme ennemi public, ou de s'adresser direct e


-ment a la couronne pour le faire eloigner de son
poste et de la presence royale. De telles manieres
d'exercer directement le pouvoir parlementaire ne


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


431


sont plus necessaires aujourd'hui, Puree que tonic
la machine gouvernementale pout etre changee par
le simple prod:de du refus qu'oppose la Chambre
a l'adoption dune mesure sur laquelle le ministre
s'est decide a jouer son existence officielle.


Entrer dans l'histoire des periodes par lesquelles
eel kat de choses tout a fail remarquable a passé
pour se constituer n'est pas mon objet ici. Le code
de notre constitution non &rite, comme Lout le
reste chez nous, s'est forme piece a piece, et, pour
la plus grande partie, silencieusement, sans aucun
au teur reconnu. Toutefois, quelques degres de ce de-
veloppement sont aisement visibles et tracent d'im-
portantes demarcations. Le commencement en
pout-etre place sous le regne de Guillaume HI, quand
nous trouvons pour la premiere fois quelque chose
qui ressemble un peu a un ministere dans le Sens
moderne. Jusqu'h cette époque, les serviteurs de la
couronne avaient ete les serviteurs de la couronne,
chacun dans l'accomplissement personnel de sa
propre fonction. Le tenancier de chaque office de-
vaiL un service lidele a la couronne, et etait en
meme temps responsable vis-a-vis de la loi ; mais
ne se trouvait dans aucune relation special° avec
le tenancier d'aucun autre office. Pourvu qu'il ac-
cornplit ses devoirs particuliers, nul ne l'empechait
d 'etre l'ennerni personnel ou politique d'un de ses
cempagnons dans le service de la couronne. Ce fut




132 LE DEVELOPPEMENT


Guillaume qui vit le premier que, si le gouvernement
du roi devait sans doute continuer, it fallait du moins
qu'il y dit tin accord general d'opinions et de desseins
entre les principaux agents gull y employait. De
ce point de depart sortit par degres un systeme qui
oblige les principaux officiers de la couronne h agir
ensemble avec une entente au moins exterieure,
prendre la defense les uns des autres,et, sur les
points vitaux, a rester debout ou tomber ensemble.


Un autre progres remarquable eat lieu a tine épo-
que beaucoup plus recente , lorsque le roi cessa
de prendre une part personnelle aux deliberations
de son cabinet. Je peux memo no ter un changement
de langage qui s'est fait de mon temps, et qui,
comme toes les autres changements de langage,
nest certainement pas sans avoir sa signification.
Nous disons familierement maintenant, dans le
Parlement et hors du Parlement, en parlant du corps
des ministres en fonction au pouvoir, de ce corps
connu de la constitution, mais entierement in-
connu de la loi : « le gouvernement. n Nous disons :
« le gouvernement de M. Gladstone, » ou <( le gou-
vernement de M. Disraeli. n Jo me rappelle tits-
bien le temps oil une telle forme de langage Otait
inconnue, o .4 lc mot « gouvernement » voulait dire
encore « le gouvernement par le roi, les lords et les
communes, » et oil les hommes qui agissaient
corps comme conseillers immediats du roi etaient


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 133


appeles les « ministres » ou « le ministere. » (7)
Cate espece d'accroissement silencieux, je pour-


rais dire clandeslin, sans le secours d'aucun acte
legislatif, produisit cc code non emit et conven-
tionnel de regles politiques dont nous parlons
comme de la constitution. J'ai dit que ce progres
caracierisait les jours qui suivirent la revolution
de 1688 et les distinguait des Opoques anterieures.
(Test bien ainsi qu'il en est sans aucun doute. A
aucune epoque anterieure, taut et de si graves
changements dans la doctrine et la pratique cons ti-
tutionnelles n'auraient obtenu l'acquiescement uni-
versel sans etre consignes dans un acte legislatif
ecrit. Et cependant, cette tendance des derniers
temps n'est apres tout que le developpement tilt&
rieur d'un instinct déjà en action des le principe
(Test tout simplement une autre maniere de mettre
en pratique cet amour inne de l'Anglais pour le pre-
cedent, son attachement it l'usage et it la coutume.


Le developpement de la constitution non &rite a
beaucoup de rapports avec le developpement plus
ancien du droit couturnier. J'ai montre dans les pre-
miers chapitres quo quelques-uns des principes
les plus importants de notre ancienne constitution
s'etaient OLablis insensiblement et par le pouvoir
du precedent, sans s'appuyer sur aucun axle emit
connu. Si nous ne pouvons tiler aucun acto du
Parlement determinant les rapports des membres.


8




13i LE DEVELOPPEMENT


du cabinet avec la couronne, avec la Chambre des
communes et les uns avec les autres, nous ne pou-
vons pas titer davantage Facto du Parlement qui
decida, en opposition arec la pratique de touter les
autres nations, quo les enfants du pair hereditaire
seraient de simples citoyens du commun, des rotu-
riers. La difference reelle est que, dans des temps
plus calms, lorsque la loi await son plein empire,
on trouva que nombre de changements importants
pouvaient s'operer dans la pratique sans necessiter
de changements formels dans la loi. On trouva
aussi qu'il y a une classe considerable de matieres
politiques qui peuvent etre mieux reglees par ce
procede de conventions Lacites qu'elles ne pourraient
l'etre par le moyen d'une decision expresse de la
loi. Nous comprenons pratiquement ce quo l'on
entend par ministres ayant ou n'ayant pas la con-
fiance de Ia Chambre des communes ; nous recoil-
naissons pratiquement les cas dans lesquels, parce
qu'ils n'ont pas la confiance de la Chambre, its doi-
vent resigner leur office, et ceux oir ils peuvent
loyalement en appeler au pays par la dissolution
du Parlement. Mais it serait absolument impossible
de definir de tels cas d'avance par les termes d'un
acte du Parlement. Autre exemple : le speaker de la
Chambre des communes est un officier connu de la
loi._Le leader de la memo Chambre des communes
est une personne aussi hien connue du pays que de


DE LA. CONSTITUTION ANGLAISE. 135


la Chambre ; ses fonctions sont aussi Bien com-
prises que cellos du speaker lui-meme. Mais du
leader, la loi no sail rien. Ce serait en vain qu'on
chercherait a donner une definition legate de ses•
devoirs, et la Chambre elle-meme, jusqu'ici, s'est
refusee a reconnaitre l'existence d'une personne de
ce genre, en aucune facon dont une cour juridique
put tenir compte (8).


Ainsi done, durant un espace de temps qui n'est
pas loin aujourd'hui de completer deux cents ans,
le developpemeni latent et extra-legal de noire con-
stitution conventionnelle a ete au moins aussi con-
siderable quo Font ete les changements formels de
noire loi &rite. Pour ce qui concerne ces derniers,
it est un point sur lequel je desire pariiculierement
insister, je veux dire la maniere dont un bon nom-
bre de parties de Ia legislation moderne ont ete —
volontairemen t on non, j'avoue no pas le savoir —
un retour aux principes plus simples de notre plus
antique constitution.


Je crois pouvoir demontrer que, sur plusieurs
points importants, nous aeons rejetó les satin-
tes legates qui grandirent du Lreizieme au dix-
septieme siecle, et sommes retournes au simple
sens commun du onzieme on du dixieme, et d'e-
poques beaucoup plus reculees encore. Dans ces
anciens ages, nous avions (JOja des lois, rnais nous
n'avions pas encore de legistes. Nous entendons




736 LE DEVELOPPEMENT


parler, au vieux temps , d'hommes plus verses
que les autres dans les lois du pays, mais cette
science spóciale est regardee comme l'attribui
de rage ou de rexperience des affaires publi-
ques, non comme la propriete particuliere d'une
classe professionnelle. La classe des legistes de
profession grandit en memo temps que se deve-
loppa une jurisprudence plus compliquee et plus
technique sous nos rois normands et angevins.
Ce n'est pas quo je veuille temoigner d'aucun de-
damn pour une profession qui, dans retat artificiel
de notre socióte actuelle, est certainement indis-
pensable; mais it n'y a pas Pombre (run doute que
les interpretations des legistes et leur maniere
d'envisager les choses n'aient pas peu nui, non-
seulement a la veritable interpretation de notre
histoire, mais encore a la marche pratique de cette
his toire meme.


La tendance des legistes est de donner tine ex-
tension deraisonnable a cot amour de l'Anglais
pour le precedent, lequel, maintenu dans des bor-
nes raisonnables, est une de nos plus precieuses
sauvegardes. Leur talent est de firer une con-
clusion subtile et logique de premisses donnees;
mais pour ces premisses elles-mernes, ils se conten-
tent ordinairement de les recevoir sans examen
de ceux qui les ont acceptees avant eux. C'est
chose curieuse souvent de voi,r l'adresse etonnante


DE L. CONSTITUTION ANGLAISE. 737
avec laquelle les legistes ont entasse consequences
sur consequences, en partant d'une supposition
purement arbitraire et de leur propre invention.
Chaque deduction de l'argument, prise en elle-
meme, est absolument irrefutable; l'objection doit
s'adresser plus haut , et avant tine Pargumen-
tation commence. Celle-ci est parfaite, pour peu
que l'on admette les premisses ; le seul malheur
est que les premisses seront constamment trou-
vees sans valeur historique.


Ajoulez que la tendance naturelle de resprit du
legiste est au conservatism, h la deference pour
l'autorite. Ce sera toujours le cas, mOme avec des
hommes completement sinceres, dans un siècle
la sincerite n'est plus dangereuse. Mais cette ten-
dance aura une force decuple h une Opoque ou une
sincere exposition de la loi petit faire encourir
celui qui en est l'auteur la defaveur cl'un gouver-
nement arbitraire. Nous verrons done que les pre--
misses, dont les arguments des legistes ont ate
deduits, mais dont Vaud° de I'histoire demon-
tre la faussete, sont ordinairement des premisses
imaginees en faveur de la prerogative de la cou-
ronne, et non pas en favour des droits du people.


Veritablement, tonic cette conception ideale du
souverain considers, personnellement du moms,
comme superieur a la loi, comme irresponsible et'
incapable de mal agir, cette conception du soave-


s.




138 LE DEVELOPPEM ENT


rain considers comme seule origine de tout lion-
neur, premier auteur de tonic propriete, source
primitive d'ot dócoule toute autorite, de n'importe
quel genre, est une pure conception de legistes, et
ne s'appuie cur aucun fondement, quel qu'il soit,
dans les archives de notre ancienne histoire (9) (a).
Dans les derniers temps, it est vrai, le mal s'est
largement corrige lui-memo ; le developpement de
notre constitution non &rite entre les mains des
hommes d'Etat a fait beaucoup, en pratique, pour
nous débarrasser de ces inventions serviles des le-
gistes. L'irresponsabilite personnelle du souverain
devient, en fait, inoffensive, quand les pouvoirs
de la couronne sont reellement exerces par des
rninistres qui agissent sous une double respon •
sabilite, imposee a la fois par la loi &rite et par la
constitution non ecrite. Toutefois, main tenant en-
core, de legeres difficultes se presentent quelque-
fois, lorsqu'une maxime traditionnelle des legistes,
un systeme imagine en faveur des prerogatives de
la couronne se met en travers de l'administration


(a) L'id6e de la royaute de droit divin a pris naissance dans
les primitives societês patriarcales, oft le pert de famine,
avec son autorite gull tient de la nature tame, devenait aise-
ment le type du chef politique. On comprend quo cette con-
ception de la souverainetO no se soit pas presentee a l'esprit
de peuples guerriers et remuants, ou s'y soit promptement
effacee. La famille s'y perdit dans la tribu, la tribu dans l'ar-
mee, et l'egalit6 des dangers dut y creer bientOt l'6galitê des
droits.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 139


parfaitement equitable de la justice. Mais, dans la
plupart des cas les plus graves, le legislateur est di-
rectement intervenu pour &after les fictions ju-
ridiques, et les actes modernes du Parlement ont
ramene les choses aux principes plus simples de
nos premiers ancetres. Je conclurai mon esquisse
de notre histoire constitutionnelle en signalant
plusieurs cas dans lesquels cet heureux resultat
s'est produit.


Pendant plusieurs siecles, ce fut une doctrine
legale universellement recue que le Parlement
expirail a l'instant meme de la mort du roi re-
gnant. Le raisonncment par lequel les legistes
arrivaient a cette conclusion est, comme la plupart
de leurs raisonnements, tout a fait irrefutable, a
condition seulement qu'on admette leurs premisses.
Dans le systeme des legistes, quels que puissent etre
les pouvoirs du Parlement au moment qu'il s'as-
semble effectivement, n'importe a quel point le roi
soil oblige d'agir par son axis, son consentement
on son autorite, le Parlement lui-meme n'en tire
Pat moms son existence de l'autorite du roi. Le
Parlement Otait convoque par le writ du roi. Le
roi sans doute pouvait etre oblige de publier l'or-
dre de convocation ; ce n'en Otait pas moms de
cet ordre que le Parlement tomtit effectivement son
existence et ses pouvoirs. D'apres une autre pre-
somption legal°, la force du writ royal etait esti-




140 LE DEVELOPPEMENT


mee ne durer quo le temps de la vie du roi qui l'a-
vait publie. 11 s'ensuivait done quo le Parlement,
convoque par le writ et tenant de la son autorite,
&tail dissous ipso facto par la mort du roi qui lui
avait ordonne do se rennin


Admettez un instant les suppositions sur lesquel-
les se Conde ce raisonnement, et lc raisonnement
lui-mime est parfait. Mais quelle est la valeur de
ces suppositions elles-mimes? Voyez quel air au-
rait eu cot entassement de subtilites juridiques
aux yeux d'un homme du onzieme siecle, d'un
homme qui avail pris part aux elections d'E-
douard et d'Harold, et pousse son cri on frappe
son bouclier dans la grande assemblee qui reta-
blit Godwine dans SOS terres et dans ses
neurs. Aux yeux d'un pareil spectateur; la doc-
trine qu'une assembles nationale no pouvait se
reunir que stir l'ordre du roi, et celle qui en decoule
que l'assemblee cessait d'exis ter avec le dernier sou-
pir exhale de la poitrine du roi, aurait produit ref-
fet des divagations d'un fou.


A quel moment la reunion do l'assemblee de la
nation etait-elle plus necessaire, a quel moment
cello assembles Otait-elle appelee a exercer ses plus
grands et plus essentiels pouvoirs, sinon quand le
trene etait effectivement vacant, quand l'assemblee
de la nation Otait reunie pour designer celui qui
devait l'occuper a sa place? Et comment l'Assem-


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. la


blee aurait-elle pu se reunir sur l'ordre de con-
vocation du roi, quand ii n'y avait pas de roi
dans le pays pour publier cot ordre? Le writ du
roi, aux yeux de cet homme, paraitrait sans doute
un rnoyen commode , dans les temps ordinal-
res, de fixer le moment et le lieu des seances de
l'assemblee, mail it no serait rien de plus. II ne se-
rail en aucun sons la source des pouvoirs do l'as-
semblee, pouvoirs considererailcomme decou-
lant de ce simple fait quel'assemblee est elle-meme
la nation. Pour lui, ce n'etait pas le roi qui creait
l'assemblee ; c'est l'assemblee qui creait le roi.
La doctrine que le roi no rneurtjamais, quo le treme
ne pent jamais etre vacant, aurait pare un jargon
inintelligible a un homme qui avail vu vaguer le
trene etavait contribue pour sa part a y faire mon-
ter un roi. La doctrine que le roi ne pent jamais
mal agir aurait semble non moins bizarre a un
homme qui savait pouvoir etre convoque, au be-
soin, pour prendre part a la deposition d'un roi.


Trois des plus fameuses assemblees dont fasse
mention l'hisLoire d'Angleterre ont toujours 6te un
embarras dans le systeme de l'interpretation pure-
ment legale ; pour un homme (hi onzieme siecle,
elles auraient paru parfaitement legitimes et regulie-
res, aussi Bien clans leur formation que dans lours
actes. L'assemblee qui, en 1399, deposa Richard II
et nomma Henri IV, Bien que convoquee par le writ




142 LE DEVELOPPEMENT


du roi, ne s'ouvrit pas en vertu de sa delegation, et
parait avoir craint de prendre le nom de parlement,
n'ayant agi que sous le nom d'etats du royaume.
Comme si elle n'eht he en quelque sorte qu'une
assemblee irreguliere, elle sem hie avoir craint d'ob-
server les formes usuelles d'un parlement regulier,
et, quoiqu'elle ait fini par exercer le plus grand des
pouvoirs parlementaires, elle cut pour, on croirait,
de regarder ses propres actes en face. Richard fut
depose ; mais sa deposition se confondit avec line
resignation de la couronne de sa part, une requete
pour l'obtenir de la part d'Henri. Alors, comme
y avait cu abandon de la couronne, on reconnut


devrait s'ensuivre les memos consequences le-
gales que si cet abandon avait resul le de la mort du
roi. On jugea que le Parlement qui avait ete convo-
que par le writ du roi Richard cessait d'existcr au
moment quo Richard cessait d'être roi, et quo,
comme on ne trouvait pas bon de reunir un Parle-
ment nouveau, le memo Parlement se trouvait, par
une fiction legale, convoque une seconde fois en
vertu du writ du roi Henri (10). Tons ces doutes et
ces difficultes, toutes ces finesses de legis les, au-
raient Cte completement inintelligibles a un homme
du onzierne siècle. Aux yeux de cot homme, le Grand
Conseil de la nation, le Mean, se serait assemble,
par ordre du roi Richard ou sans ordre, peu lui
eht importe ; une fois assemble, it aurait accompli


DE Lk CONSTITUTION ANGL.kISE. 143


les deux plus grands actes nationaux, en deposant
un roi et en en choisissant un autre; cola fait, s'il
v avait eu quelque autre affaire nationale a regler,
aucune raison au monde n'ett pu l'empecher de
continuer ses travaux et de la regler.


Prenez maintenant une autre assemblee d'une
(Tale importance dans notro histoire, la Convention
qui vota le rappel de Charles 11. Cette assemblee
succeda hun Parlement qui avait risque un acte plus
violent encore que la deposition d'un roi, qui avait
envoye un roi regnant decant un tribunal et a l'e-
chafaud (11). On n'estima pas, en 1649, que le Long
Parlement eta cesse d'existcr le jour que la tete
de Charles P r tomba sous la hackie; mais la doctrine
qu'il aurait dr1 en etre ainsi ne fut pas oubliee onze
ans plus tard (12). Aussi, cette Convention, qui fut
nominee aussi librement qu'aucun Parlement le fut
jamais (13), en execution du vote du Long Parlement
expirant, fut-elle consideree, parce qu'elle avait ete
nominee ainsi et non en vertu d'un writ du roi,
comme une assemble° dont la validite Ctait dou-
Louse. Celle Convention agit comme un Parlement;
elle retablit le roi ; elle lui accorda un revenu ; elle
fit meme l'ceuvre la plus etonnante de toutes, car
elle se crea elle-merne et vota un acte declarant
qu'elle Ctait un Parlement legal (14). Malgre tout,
cependant, on regarda comme plus sill.' quo tons les
actes tie cette Convention-Parlement fussent confir-




14 LE DEVELOPPEMENT


mes par le Parlement suivant, qui, lui, fut conva-
que clans la due forme, par un writ royal.


Ces nouvelles fan taisies de la fiction, tout a fait di
goes de la subtili LC analogue par suite de laquelle Ia
premiere armee du regne de Charles fut appelee la
douzieme, auraient (AO encore completement inin-
lelligibles a notre homme du onzRune ll
rail pu se rappeler quo Fassemblee qui restaura
Ethelred, — et qui le restaura sous condition, tan-
dis qua Charles n'eut pas de condition a subir —
ne se fit pas scrupule de continuer son oeuvre et
d'adopter une serie des plus graves mesures qui fu-
rent jamais votees par aucune, de nos anciennes
assemblees.


Une Ibis encore, plus tard, la Convention qui
deposa Jacques et nomma Guillaume, sembla,
comme cello qui avail depose Richard et nomme
Henri, douter de sa propre existence et s'effrayer de
ses actes. Jacques fut depose ; mais l'assemblee
qui le dêposa n'osa pas dire le mot, et, de meme
qu'une abdication forcee avail paru convenable
dans le cas de Richard, une abdication conclue de
ses actes fat imaginee dans celui de Jacques (IA.
L'assemblee, qui Clut Guillaume, comme cello qui
nomma Henri et celle qui rappela Charles, pro-
longea son existence a l'aide de la meme fiction
transparent° d'un vote par lequel elle se declara
elle-meme Parlement legal. De sages esprits esti-


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
145


maient a cello epoque que, du moins dans les temps
de revolution, un Parlement pouvait Ctre appele
l'existence, par d'autres movens que celui d'un writ
du roi. Cependant on peiia qu'une garantie de
surcroil etaitdonnee a l'existence de celui-ci et a la
validite de ses actes par le recours a cc mysterieux
pouvoir de self-creation, une seconde foil exerce (16).


Une au tre. question fut enedre posee sous le
meme regne, cello de savoir si un Parlement con-
vogue par le writ-uni .de Guillaume et de Marie
n'expirait pas a la mort de Marie et lorsque Guil-
laume retina seul. Colic sub tilite ne fut enoncee
que pour Cire dedaigneusement Lail& ; encore
peat-il etre sinc6rement mis en doute si elle ne
meritait pas Fatten lion, au moins autant que n'im-
porte laquelle des subtilites analogues qui, clans
les trois occasions precedentes, furent juges d'une
si grande importance (17). La sagesse instinctive des
Anglais, aux jours oil nous avions des lois, mais
cos lois n'etaient pas encore devenues un jouet pour
l'esprit delie des lógistes, aurait vu aussi peu de force
Bans les difficultes qu'on pensait alors necessaire de
lever par des actes solennels du Parlement que dans
colic que ni l'une ni l'autre des deux Chambres n'es-
timerent digne de Ia moindre discussion serieuse.


Main tenant, qu'cst-ce que la legislation moderne
a fait pour s'affranchir de ces expedients puárils
et nous ramener aux doctrines plus simples de nos


9




140 LE DEVELOPPEMENT


pores? Le Parlement est toujours convoque par le
writ du souverain; dans des temps paisibles, aucun
autre moyen do le reunir no saurait encore etre
plus commode. Mais, si des temps de revolution
devaient jamais revenir, comme nous faisons tou
jours nos revolutions d'aprös un precedent, it est
probable quo nous aurions tire quelque lesson des
precedents revolutionnaires de 1390, 1660 et 1088.
A claque date, la fiction devient d'un degre moins
subtile que dans le cas precedent. Les Etats du
royaume qui depos'erent Richard devinrent le Par-
lement d'Henri par la fiction transparente de l'envoi
de writs qui n'etaient pas et ne pouvaient pas etre
suivis d'elections reelles. La Convention qui rappela,


ne dirons-nous pas plutOt ? qui nomma — Char-
les sc transforma bien, H est vrai, en Parlement,
mais on crut necessaire de faire confirmer ses resolu-
tions par un autre Parlement. Enfin les actes de la
Convention de 1088 ne furent pas juges avoir be-
soin d'aucune confirmation de ce genre. Chacune de
ces differences marque un pas dans le retour a cette
doctrine du Sens common que, si commode qu'il
soit, dans les temps ordinaires, de reunir le Parle-
ment par un ordre du souverain , ce n'est pas ce-
pendant de cot ordre, mais du choix du pcuple que
le Parlement tient sa Cecile existence et les pouvoirs
qui en sont inseparables.


Quanta l'autre conclusion de la doctrine des Id-


I


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
147


gistes, a cette consequence quo le Parlement est
dissous ipso facto par une


vacance de la couronne,
de cello-la une legislation plus rationnelle nous a
coin pletement delivrês. Quoique nos Parl emen Ls mo- .
dernes no soient plus assembles pour Clire nos roil,
cependant l'experience et le sons commun nous ont
appris quo le moment ou le souverain change est
precisement celui ou le Grand Conseil de la nation
a besoin d'etre en pleine vie et dans sa pleine activitó.
Par un statut de quelques annees sculement plus
recent quo celui par lequel on resolut la question
de savoir si le Parlement de Guillaume et de
Marie expirait ou non par la mort de Marie, on
deblaya le terrain de toutes les subtilites de ce
genre, et ce fill la Joi desormais que le Parlement qui
existait au moment de la vacance de la couronne
continuerait d'exister pendant six mois, a moins


ne fut expressement dissous par le nouveau
souverain. A ujourd'hui, on regarde comme si ne-
cessaire qu'un nouveau souverain ait un Parlement
tout pret a agir avec lui, qu'un statut recent, pre-
voyant le cas, decide quo, si une vacance de la
couronne survenait pendant le court intervalle


n'y a aucun Parlement existant, le dernier re-
vivra ipso facto, et, a moins qu'il ne soit une se-
conde fois dissous, devra durer six mois encore.
Ainsi, l'evenement qui, par l'adresse perfide des
legistes, etait regarde commc ayant le pouvoir de




LE DEVELOPPEMENT


detruire un Parlement, est aujourd'hui, grace a la
sagesse de la nouvelle revetu, au con-
traire, du pouvoir d'appeler ttn Parlement a l'exis-
tence. Voila veritableinent un de ces cas oh « la
lettre Luc et l'esprit vivifie. » La doctrine qui avail
(AO deduite par une logique irrefutable d'un prin-
cipe absolument sans valour, a Ole ecartee en faveur
de cello que dictait le sons commun. Nous aeons ap-
pris quo le moment, oh l'Etat a perdu celui qui en
etait la tete est lc denier a choisir pour le priver en
memo temps de son corps.


Voila done un exemple remarquable de la ma-
niere dont la plus recente legislation de l'Angle-
terre est retournee aux prineipes de la plus an-
cienne. Voila un point sun lequel le onzieme siecle
et le dix-neuvieme s'accordenl, et oil les scrupules
imaginaires des quatorzieme el quinzieme ont
cessó d'etre &mites. Prenons un autre exemple.
Dans la vieille constitution Leutonique, tout comme
dans la vieille constitution romaine, de wastes
Olendues de pays kaient la propriete de l'etat :
Yager publicus a Rome, le folkland en Angleterre.
A. mesure que le pouvoir royal s'accrut, que le roi
vint a etre considers de plus en plus comme la
personnificalion de la nation, les terres du peuple
furent aussi de plus en plus regardees comme les
terres du roi (a), el le folkland de nos vieilles diaries


(a) La loi des Dipuaires pane des bois communs, comma


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
I i9


anglaises devint insensiblement la terra regis du
domesday. Gomm° it arriva pour d'autres transfor-
mations de ce genre, la conquete normande ne fit
rpm fortifier, en lui dormant son plain diet, tme
tendance qui se manifestait deja en Berme; mail
n'est pas douteux que, jusqu'a la conquete nor-
mantle, le roi ne se soit soumis du moins a la forma-
lite de consulter son Witan, avant d'alióner les terres
du peuple pour en faire la possession d'un individu,
ou, suivant l'expression consacree du vieil
avant de transformer le fblkland en bookland.


Apres la conquete normande, on n'entend plus
parlor des terres du peuple; elles sont devenues les
terres du roi, pour recevoir telle destination que
leur assignerait son bon plaisir personnel. Depuis
l'epoque clu premier Guillaume jusqu'a celle du
troisieme, on disposa des terres qui avaicnt jadis
appartenu au people, sans aucun egard a la volonte
de celui-ci. Sous un roi consciencieux, it se pou-
vait qu'elles fussent affectees au service reel de


ou consacrees a la recompense de ses servi-


s'ils appartenaient au roi: in silvd communi, seu regis. En 724,
Childebert 111 dispose des communaux de Saverne. De nos
jours, la loi do 1861 en Russia attribue la propriete exclusive
des forets aux seigneurs. En France, ces usurpations sent fre-
quentes surtout, et deviennent pour ainsi dire la regle aux xne
et xine siecles. La feodalit6 a suivi partout la mCmie marche.
(Voir un curieux et savant article de la Revue des Deux Mondes:
Comment les democraties primitives se sont feodalisees.)




150 LE DEVELOPPEMENT


tours vraiment fidbles. Sous un roi sans conscience,
it se pouvait aussi qu'elles fussent jetees a la volee a
ses mignons ou a ses mattresses. Aujourd'hui, cc
vice encore a etc corrige. Une coutume aussi forte
qu'une loi exige maintenant qu'au debut de chaquc
nouveau regne, le souverain, non par un acte de
bonte, mais par justice, restitue a.la nation les terres
clue la nation a depuis si longtemps perdues. Les
domaines royaux soot maintenant transferes pour
gull en soit use comme des autres revenus de Fe-
tat, et quo le Parlement en dispose clans l'interet
public. En d'auLres termes, le peuple a reconquis
son hien; on a leis fin a ('usurpation des jours de
l'autorite êtrangere. Dans cette circonstance en-
core, nous sommes retournes aux Baines doctrines
de nos pores ; Ia terra regis des Normands est une
lois de plus devenue le folkland des jours de notre
antique libertó.


Je noterai un cas encore, un cas cette fois oii la
reaction du bon sons antique con tre les fantaisies
des legistes s'est faite evidemment au profit, sinon
de ('abstraction appelee la couronne, certainement
du moins de son detenteur personnel. Aussi long-
temps que le logland resta la terre du peuple,
aussi longtemps que notre monarchie garda son
ancien caractere &car, le roi, comma tout autre
individu, avait le droit d'hóri ter, d'acheter, de le-
guer, ou de faire n'importe queue autre disposition


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. IS!
a son ore, relativement aux terres qui, absolument
comme celles qui appartenaient aux autres An-
glais, etaient sa propriele privee. Nous aeons les
testaments de plusieurs de nos anciens rois, qui
prouvent quo le roi etait a cot egard aussi libre quo
n'importe qui au monde (18). Mais des quo la fic-
tion legale du droit hereditaire prit racine, des quo
prit racine en memo temps l'autre fiction des IC-
gistes, d'apres laquelle les terres du peuplepassaien t
pour etre a la disposition personnelle du roi, on
vit grandir une troisieme fiction, en vertu de la-
quelle it etait term pour certain que la personae et
la charge du roi etaient si inseparablement unies,
que tou Les les proprieles privets que le roi pouvait
avoir cues avant de mon ter sur le tame devenaient,
par le fait meme de son avenemeit, une partie et
une parcelle du domaine royal.


Aussi longtemps quo Ia couronne resta un office
electif, l'injustice d'une pareille regle se serail de-
montree elle-merne ; elle aurait pant a l'instant
aussi deraisonnable clue si l'on avait voulu soutenir
que les propriétes privees d'un Oveque devaient se
fondre dans les proprietes de son siege. Aussi long-
temps qu'il n'y eut aucune certitude quo les enfants
our les autres beritiers du roi regnant devraient ja-
mais lui succeder sur le trOne, c'eat Ole le comble
de 1:injustice quo de les priver ainsi de lour heritage
naturel. L'election d'un roi eat ainsi entraine avec




*1


1


152 LE DEVELOPPENENT.
elle la confiscation de ses hiens personnels. Mais
lorsque la couronne fut regardee comme heredi-
taire, lorsque le folkland fut considers comme la
terra regis, on ne sentit plus cette rigueur. Le fils
able fut pouvu naturellement par son droit de suc-
cession au Crone, et le pouvoir de disposer it son
gre des terres de la couronne donna au roi le moyen
de pourvoir au sort de ses plus jeunes enfants. Et
encore cette doctrine n'en etait-elle pas moins de-
raisonnable ; elle ne s'appuyait sur aucun fonde-
ment, soil de justice naturelle, soil de legislation
ancienne; c'etait une pure consequence graduelle-
ment sortie des theories arbitraires sur les pouvoirs
et les prerogatives du roi. Aussi, a mesure que
l'ancien Oat de choses reparut pen a peu, A mesure
quo l'on commenca a sentir que les dominos de
la couronne n'étaient pas la propriete privee du roi
regnant, mais hien la veritable propriete du peuple
— e'est-a-dire lorsque la terra regis retourna a son
ancien &tat de folbland — on comprit qu'il etait de-
rais.onnable de priver le souverain d'un droit natu-
re! qui appartenait 1 chacun de ses sujets. Les tares
que, pour employer la forme la plus adoucie, le roi
tenait en garde pour le service commun de la na-
tion, fluent des lors employees de nouveau a son
usage. II etait done raisonnable qu'une restriction
qui se rapportait a tin kat de choses passe fiat abo-
lie, et quo les souverains, apres'avoir renonce a un


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.


153


pouvoir usurps gulls n'auraient jamais dfi prendre,
fussent retablis clans la jouissance d'un droit natu-
rel qui n'ellt jamais du leur titre enleve. De même
quo notre souveraine aujourd'hui tient a tant cl'au-
tres egards la place du roi Alfred, plata que cello
des Richard et des Henri des temps posterieurs.
de memo jouit-elle aussi du droit dont jouissait le
roi Alfred, le droit d'acquerir une propriete privee
et d'en disposer, comme ferait n'importe quel autre
membre de la nation.


Ces exemples suffisent, je l'espere, pour demon-
trer ma these. Dans chacun d'eux, la legislation
moderne a repoussó les systemes arbitraires des
lêgistes, et s'est inspiree des principes plus simples
quo la sagesse moins erudite de nos Ores ne pensa
jamais a mettre en question. Je pourrais facilement
prolonger cette enumeration. Tout acte qui a res-
traint les prerogatives injustes de la couronne, lout
acte qui a maintenu ou accru, soit les pouvoirs du
Parlement, soit la liberte des sujets, a eta un retour,
quelquefois a la lettre, toujours a l'esprit de notre
ancienne Mais je desirerais m'etendre
sur un point seulement, le plus important de tons,
et un point oh nous pourrions sembler au premier
abord, non pas du tout nous etre rapproches, mais
nous are eloignes au contraire des principes de Pan-
cien temps. Je veux parler de ce qui concerne la suc-
cession a la couronne.


9.




151 LE DEVELOPPEMENT


La couronne autrefois etait, comme je l'ai deja
dit, elective. Personae n'avait de droit t regner,
avant d'avoir ate appele aux fonclions royales par
le choix de l'Assemblee de la nation. Personae
n'etait roi de fait avant d'avoir ate admis cos
memos fonctions par la consecration de 1'Eglise.
Ces theories, que le roi ne meurt pas, que le
trove n'est jamais vacant, gull ne pout y avoir
d'interregne, quo le regne du plus prochain héritier
commence au moment memo oir finit le regne de
son predecesseur, sont Loutes des fictions de temps
plus recents (a). On ne trouverait aucune trace de
-semblables doctrines a aucune époque anterieure
it l'avenement d'Edouard I er (19). La preference
decidee qui, dans les premiers temps, se portait sur
les membres de la famille royale, et principale-
ment stir le fils ne d'un roi couronne, devint par
degres, sous les influences que la conquete nor-
mande affermit definitivement, la doctrine du droit
hereditaire absolu. Cette doctrine grandit avec l'ex-
tension generale du pouvoir royal ; elle grandit au
fur et h mesure que l'on en vint peu a pen h
considerer la royaute comme une propriete occup-
pee par un soul homme a son propre profit, plutOt


(a) En diet l'avenement du souvcrain n'a pas toujours pris
date do jour de la mort de son prêdOcesseur. Les doctrines
des juristes ont »eanmoins laisse lcur empreinte dans la langue
politique. La mort du roi n'est pas qua}ifiee ddcês (death), mai
demission (demise).


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE.
155


que comme an office confers par le peuple pour
le hien common tin royaume.


Il poui'rait sembler que, sous ce rapport du moins,
nous n'avons pas progresse, que nous mulls plutOt
recule. Car s'il est quelque chose de certain, c'est
que la couronne est plus sirictement, plus indubita-
blement hereditaire aujourd'hui (Ileac ne l'etait du
temps des Normands, des Angevins ou des Tudor.
llais une courte reflexion monirera que, mime sur
cc point, nous n'avons pas recule, nous avons roar-
che en avant. Je veux dire que nous avons pro-
gresse en reculant, en revenant, dans ce cas, non
pas sans doute a. la lettre, mais strement a l'esprit
des anciens temps. La couronne est aujour-
d'hui plus indubitablement hereditaire qu'elle ne
l'etait au quinzieme ou au seizieme siècle ; mais
c'est qu'elle l'est aujourd'hui en vertu de la loi;
c'est que ses pouvoirs soul nettement Minis par la
loi. La volonte du peuple, source de toute loi et de
tout pouvoir (a), s'est manifestee, non pas clans la
forme ancienne d'un choix personnel du roi
chaque vacance de la couronne, mais par un exer-
cice tout aussi regulier de la volonte nationale,
qui a jugs bon de substituer la couronne de pore en
fils dans one famille determinee. C'est sous le regne


(a) Nous avons cu occasion, dans notre Introduction, de rele-
ver ce qui} y a d'exagerd dans cette idea dune force creatrice
du droit attribude a la volonte du people.




• LE DEVELOPPEMENT


du dernier de nos rois emus que la couronne devint
pour la premiere fois legalement hereditaire. Cette
doctrine pent paraitre surprenante, mais une etude
impartiale de notre histoire y conduit inevitable-.
ment. Mien de plus plaisant quo le traitement qu'a
subi noire vieille histoire aux mains des pus
legistes. C'est quelque chose, je dirais presque de
pitoyable que les gaucheries et les meprises d'un
ecrivain comme Blackstone, incapable de corn-
prendre que sa fiction legale du droit hereditaire
n'etait rien moms qu'eternelle, et cola tout en
rencontrant a chaque pas des Ovenements qui mais
darnontraient que clans les temps anciens une Celle
fiction email absolument inconnue (20).


Au Lrefois le roi n'etait pas settlement alu ; il pas-
sail par une double election. J'ai déjà dim Tie, le
caractere religieux dont la plupart des nations
ont tenu a investir incurs rois prit en Angleterre,
comme dans la plupart des autres pays chretiens,
la forme d'une consecration ecclesiastique de la
fonction royale. Nous observons encore ce Ite forme ;
mais dans les temps modernes elle est devenue une
pure forme, une ceremonie frappante sans aucun
doute et instructive, mais enfin une pure ceremonie,
qui n'investit le roi couronne d'aucun pouvoir qu'il
ne possedat tout aussi bien avant d'être couronne.
La mort du dernier roi met l'instant son succes-
sour en possession de tous les droits et de tous les


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 157


pouroirs royaux; son couronnement n'ajoute rien
a son autorite legale, si considórablement qu'il
puisse accroitre sa responsabilite personnelle en-
vers Dieu et envers son peuple (a). Mais it n'en etait
pas ainsi dans le vieux temps. Le choix de l'As-
semblee de la nation donnait au roi ainsi Olu le
droit seulement a devenir roi, mais ne le rendait
pas roi. Le roi-Ola ressemblait a l'eveque-emu. La
recommandation de la couronne, l'alection par le
chapitre, et la validation par l'archereque donnent
a unecertaine personne le droit seulement a nn
certain siege, et ce n'est (pie le rite purement
religieux de la consecration qui le rend effecti-
vement avèque de ce siege. Ainsi en etait-il autre-
fois du roi. Le choix do Witan le faisait roi-
elu ; mais it fallait le couronnement ecclesiastique
et I'onclion pour le rendre roi. Celle ceremonie
religieuse impliquait une election. Choisi déjà pour
la fonction civile par la nation dans son caractére
civil, it etait une seconde fois choisi par l'Eglise,
c'est-h- dire par la nation clans son caractere reli-
gieux, par le clerge et le peuple assembles dans
l'eglise oh la solennite du couronnement allait
s'accomplir.


Cette seconde election ecclesiastique doit tou-


(a) Tin roi qui refuserait de se faire couronner et de
ter serment serait considiTe comma s'il abdiquait; mais tous
ses aetes jusque-14 n'en resteraient pas moms valables.




158
LE DEVELOPPEMENT


jours avoir ate tine pure forme, puisque le choix
de la nation etait déjà fail avant que la córemonie
religieuse commencAt. Mais Felection ecelesiastique
survecut a Felection civile. L'etat de choses que les
legistes ravent avoir existe des le principe est tine
loi de succession strictement hereditaire, suspendue
par d


'accidentelies interruptions. Ces interruptions
qui, aux yeux de l'histoire, sont le simple exercice
•d'un ancien droit, ne son t, a ceux des legistes, que
des revolutions ou des usurpations. Sans doute eel
•etat de choses, kat on tine regle invariable fut par-
fois violee et quo Blackstone reporte dans ses raves
aux dixieme et onzieme siecles, exista reellement
partir du treizieme et ensuite. Depuis l'avenement
du premier roi qui regna avant son couronnement,
Edouard Ter, la succession hereditaire devint la
reg/e en fait. Le fils, ou meme le petit-ills du der-
nier roi (21), fut en general reconnu tout naturelle-
ment, sans lien qui pat a vrai dire s'appeler une
election. Mais le droit du Parlement de regler I'or-
dre de succession fut constamment exerce, et a
chaque pas on recueille des indices qui prouvent
que l'ancienne d'une election d'un genre encore
plus populaire n'etait pas entierement sortie de
l'esprit du peuple.


Deux rois furenl solenncllement deposes, et, a
deposition du second, la couronne passa, comme
elle aurait pu faire dans les anciens temps, a Line


DE LA. CONSTITUTION ANGLAISE. 159


branahe de la maison royale qui n'etait pas la plus
proche dans la ligne de succession. Trois rois de la
maison de Lancaslre regnerent en vertu d'un vrai
titre parlementaire, et la doctrine du droit here-
ditaire irrevocable, la doctrine y await clans
toile ligne de succession une vertu particuliere que
le pouvoir du Parlement, lui-mime ne pouvait pas
detruire, fut emise pour la premiere fois comme
justification formelle des reclamations de la maison
&York (22). Ces reclamations en realite ne pou-
vaient etre formellement justifiees par d'autre ar-
gumentation qua cello de la doctrine toute ser-
vile du droit divin ; mais ce ne fut. pas sur une
pareille doctrine que la cause de la maison d'York
s'appuya reellement. La lisle soigneusement com-
posee . de grand'meres et arriere-grand'ineres qui
fut produile pour demontrer qu'Henri V etait un
usurpateur, jamais obtenu l'attention, si
gouvernement d'Henri VI ne se fat pas rendu
completement impopulairc, tandis quo Richard,
duc d'York, ful l'homrne le plus populaire de son
temps. Richard accepta un compromis parlemen-
taire, qui impliquait naturellement le droit du
Parlement a decider la question. Henri put garder
la couronne pour la vie, et Richard dul remplacer
le fils d'Henri en qualited'heritier presomplif. C'est-
a-dire que, suivant une coutume repandue en Alle-
magne, Bien que rare en Angleterre, Richard fut




160
LE DEVELOPPEMENT


choisi pour remplir une vacance au trove avant que
cette vacance se flit produite (23). Le due Richard
peril a Wakefield ; suivant l'in terpretation yorkiste
de la loi, Henri fut alors dechu de son droit a la
couronne, et Edouard, l'heritier d'York, vit to sien
reconnu par un semblant d'election populaire qui
nous reporte en arriere aux epoques les plus recut-
lees. Le droit de Richard III, hien que nous le fon-
(lions sun d'autres raisons, fut reconnu de la meme
maniere par un conseil qui rappelait du moins
une assemblee populaire. Bref, quoique le prin-
cipe hereditaire etit pris des lors de 'profondes
racines, quoique les querelles entre les pre-ten-
dants A la couronne fussent principalement des que-
relies a propos du droit •de succession, cependant
le souvenir des jours oil la couronne avait Ole veri-
tablement le don du people n'etait pas entierement
efface.


Le' dernier roi qui pouvait
,
elever tout au moins


l'ombre d'une pretention a avoir ete choisi par
la voix du people sous le dais des cieux, n'est per-
sonne autre que Richard III.: Le dernier qui pou-
vait elever une pretention plus fond& a avoir 610 0111
par la memo voix sous les vottes de Westminster,
n'est personne autre qu'Henri VIII. Jusqu'A.
l'ancienne ceremonie ecclesiastique usitee pour l'e-
lection du roi se main tint dans la solennite du cou-
ronnement, et ce ne fut pas tout a fait en sortant


DE LX CONSTITUTION ANGLAISE. 461


de son rule qu'Henri du t publier un cave d'Olire (a)
pour sa propre election. Le projet pour le coo-
ronnement d'Henri subsiste encore ecrit de sapropre
main, et, lout en contenant une affirmation energi-
que de son droit hereditaire, it renferme aussi une
disposition distincte relative a son election par le
people dans la forme ancienne. Le titre d'Henri etait
excellent. En diet un Parlement du regne de son
frere avait declare que la couronne resterait atta-
chee a Henri VII et aux heritiers de son sang. Mais
ce fut dans ce cas quo le droll, hereditaire et parle-
mentaire fut confirmó par l'ancien rite de l'election
ecelesiastique pour la derniere fois dans notre his-
toire.


Son successeur ne fut pas ainsi manifestement
elu. Ce fut peut-titre, entre autres raisons, parce
pie, pour celui-ci, la forme etait particulierement
inutile. Le droit d'Edouard VI de succeder a son
pore etait en effet au-dessus de toute contestation.
Par un exercice du pouvoir parlementaire que nous
pouvons hien trouver etrange (b), mais qui n'en
etait pas moins legal, Henri avail regu le pouvoir


(n) En franeais dans le texte.
(b) Nest-il pas metric entache de nullitd, de la part d'un Parte-


. ment que Fameur lui- meme a depeintcomme silachement servile ?
Et comment un corps emu, ou le corps electoral lui-metne, dans
la doctrine de la souverainete absolue de l'individu que pro-,
fesse Freeman, pout-il abdiquer un droll absolument inalie-
nable ? C'est 1Mt le mend de la diffieulte. Les democrates fran-
,ais soot bien plus consequents.




u32 LE DEVELOPPEMENT


de legner et de substituer la couronne comme it le
jugerait bon. Ce pouvoir, it l'exerca en favour de
ses propres enfants dans l'ordre de filiation, et,
leur derma ou a celni de leurs descendants, en fa-
vour de la descendance de sa plus jeune scour (24).
Edouard, Marie, Elisabeth regnerent done tous le-
galement, en vertu du testament de leur pore.


tine reflexion d'un moment montrera que Marie
et Elisabeth ne pouvaient pas regner toutes les deux
legalernent en vertu d'un droit de succession here-
ditaire. Dans aucun systeme, catholique ou protes-
tant, elles no pouvaient etre toutes deux filles le-
gitimes d'llenri. Le Parlement, it est vrai, les await
declarers Unites deux illegilimes ; dans n'importe
quel systeme, l'une ou ratline aurait dip


l'etre (25).
Mais chacune d'elles regna en vertu d'un titre par-
fai tement legal, a la favour des dispositions de l'acte
qui permit a leur pore de region l'ordre de succes-
sion suivant son bon plaisir. Taut qu'Elisabeth re-
gna, toute divine qu'on put la trouver dans sa pro-
pre personne, on ne pensa pas du moins qu'une
autre personne out quelque droit divin a lui succe-
der. La doctrine qui commenca a prendre credi
sous ses successeurs cut ête consideree de son temp
comme un crime de lose-majeste. Elisabeth savait
ou reposait sa force, et les Stuarts savaient oil leur
force, quelle qu'elle reposait aussi. Au regard
de la loi, le premier Stuart fut un usurpateur ;


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE- i63


occupa le Irene au mepris d'un acte du Parlement
encore en vigueur, quoiqu'il obtint bientet 1111 nou-
vet acte pour sauver son usurpation (26). 11 n'est
pas douteux qu'h la mort d'Elisabeth lc droit legal
h la couronne n'appartint a la maison de Suffolk,
aux descendants de Marie, la plus jeune scour d'H enri.
Mais les circonstances furen I défavorables a leurs
pretentious ; par un accord tacite, d'une sage poli-
tique, mais tout a fait en violation de la loi exis-
tante, la couronne passa sans bruit au roi d'Ecosse,
descendant de la sceur ainee d'Henri, Marguerite.
Elle n'avait pas 60 nommee dans la substitution
d' Henri ; ses descendants done, tout hen tiers en li-
gne directe gulls etaient de Guillaume el de Cerdic,
n'avaient aucun titre legal a la couronne; mais ce
(holt fut admix apres que le roi Jacques fut entre
en possession de la couronne. Les Stuarts furent
ainsi amenes, comme les Yorkistes a une epoque
anterieure, a plainer la theorie du droit divin
succession heróditaire, dans le but de justifier une
occupation du Irene, qui ne trouvait aucune justi-
fication dans la loi anglaise (27).


Dans un jour memorable, on rappela a un Stuart
qu'on roi anglais tenait son droit an trene de la
volonte du peuple. Quoi qu'on puisse dire d'ailleurs
de la nature ou des actes du tribunal devant lequel
Charles 1°r fut accuse, ce tribunal ne fit quo main-
tenir l'ancienne loi d'Angleterre, lorsqu'il declara




164 LE DEVELOPPEMENT


comment « Charles Stuart fut reconnu pour roi,
et recut avec cc titre le depot d'un pouvoir
afin de gouverner par les lois du pays, conformemen t


ces lois et non auirement. » ne fit quo main-
tenir un principe qui avait ete appliqué clans les cas
necessaires pendant neuf cents ans, q mind it declara
a son prisonnier quo c tous ses predecesseurs, et lui
avec eux, Otaient responsables vis-a-vis des com-
munes d'Angleterre.» Oubliant le sort de Sigebehrt
et d'/Ethelred , d'1?,douard et de Richard , Charles
osa en demander des exemples et repondit a ses juges
que « le royaume d'Anglet.erre se transmettait par
voie d'heredite (a) et non de simple succession (28). »
Apres un temps, la dynastic des rois intros disparut
clans ce grand jour oa le people anglais exerca pour la
derniere fois son ancien droit de deposer et d'elire
les rois. La Convention, dont nous aeons si souvent
pule, cette grande assembles, irróguliere. aux yeux
des legis Les, mais en róalite la plus legale de toutes,
parce qu'aucun writ royal ne l'avait convoquee, dis-
persa aux vents toutes ces fictions et ces subtilites,
en proclamant la vacance du Irene. Une veritable
assemble() de la nation, one fois de plus, deploya sa
plus haute puissance, et choisit pour roi Guillaume
d'Orange, de memo quo, six siecles auparavant, une


(a) A quelque point de rue (Item) se place, it est inconte s
-table au moths quo le droit Mreditaire fut toujours èventoel,


jamais absolu. Le roi et le Parlement pouvaient, par une
appeler celui des heritiers qui leur egreait la plus.


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 165


autre assemble° nationals avait Olu Darold, le ills
de Godwine. Le cycle etait róvolu, et lc people
anglais avail reconquis les droits que ses pores
avaient apportes avec eux de lours antiques foyers
par dela les mers. Et cc fut one rencontre heureuse
que son choix remontat jusque chez ces peoples
parents, et qu'un nouveau Guillaume traversat les
mars pour róparer, apres Cant do siecles, les torts
que l'Angleterre reprochait h son homonyme. De
cc moment, sous le gouvernement d'un roi
Finglaterre pouvait enfin, suivant son gre, dormer
a sa couronne une rigoureuse et permanente, here-
dite. L'acte d'etablissement, comme nous savons,
transmit la couronne a Feleetrice Sophie et a ses
heritiers. Aussi, n'est-il pas de rois qui aient jamais
regne par un droit mieux fonds que ceux qui, en
vertu de cot acts, ont ete appeles au trove par Fac-
tion directe de la loi. Voila vraiment des rois — des
cJ/ningas dans le Sens le plus antique du mot — clont


pouvoir ermine directement de la volontë de la
nation.


Dans l'etat actuel de nos institutions, le carac-
tere hóróditaire de noire royaute moderne n'a pas
devie des anciens principes ; it nous permet vrai-
went d'en faire une application plus complete sous
une autre forme. Dans un ordre de choses
aucune forme de gouvernement n'est si naturelle
clue cello que nous vOyons effectivement próvaloir




166 LE DEVELOPPEMENT


chez nos anceires. Un instinct, qui n'etait pas
un pur sentiment, demandait que le roi, dans
toutes les circonstances ordinaires, felt le descen-
dant des premiers souverains. Mais l'opinion que
quelque talent personnel etait necessaire aussi im-
posait la regle que les electeurs eusseut le droit de
choisir librement dans la_ maison royale. A l'Opoque
oil les rois gouvernaient en meme temps qu'ils re-
gnaient, un tel choix, oh entrait pour une bonne
part la consideration des qualites personnelles du
roi choisi, etait le meilleur moyen d'assurer la li-
berte et le bon gouvernement. Sous le regime d'une
constitution conventionnelle, oil les rois regnent,
mail no gouvernent pas, lorsqu'il est ouvertement
professó dans la Chambre des communes qua c'est


cette Chambre que les pouvoirs du gouvernement
ont passé (29), les interets qui etaient autrefois
mieux garantis par une royaute elective le sont
mieux aujourd'hui par une royaute hereditaire (a).
C'est ce que disait le roi spartiate : en diminuant les
pouvoirs de la couronne, on en a rendu la possession
plus durable (30). lin systeme politique comme le


(a) En apparence micux assise, la royaute a ate rejetee, a son
detriment, en dehors du mouvement de la nation. Dans l'etat
de choses acute! et tel que l'a tree dans son ensemble le pro-
gres democratique, l'exercice des libertes a pour objet — de -
(Miff, quoique indirect — le choix du president du cabinet;
veritable chef du gouvernement. La porte est ainsi naturelle-
ment et pacifiquement ouverte a toutes les eventualites, en
sorte quo l'assertion de l'auteur est, encore plus vraie et porte
plus loin qu'il fie lui convient de le reconnoitre lui-meme•


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE• 167


nOtre serait. inconsistaMt avec une royaute elective.
roi eleclif ne pourrait pas etre chargé simple-


mein de regner ; it gouvernerait assurement, ou es-
saierait de le faire. On n'a pas boson' do supposer .
qu'il tenterail de violer la loi &rite. Mais les pou-
voirs qua la loi ecrite attache h. la couronne, it cher-
cherait certainement a les exercer suivant sa ma-
niere personnelle d'apprecier ce qui serail juste et
utile. Et it serait sUrement justice en agissant ainsi.
Car le choix qu'on fait d'un homme personnelle-
ment pour qu'il soit roi, doit etre regarde, en toute
raison, comme impliquant Video clue eel homme
est personnellement capable d'accomplir Iceuvre
du gouvernement. Ce serait alors un president ou
on premier ministre nomme a vie, et qu'il n'y au-
rail aucun autre moyen de .femplacer dans sa
charge quo l'exercice le plus extreme et le plus rare
des pouvoirs du Parlement.


Il y a des conditions sociales ou une monarchic
elective est one forme de gouvernement preferable
it une republique ou a une monarchic hereditaire.
Mais dans l'etat actual des nations civilisees de
l'Europe et de l'Amerique, le choix est a faire entre
la monarchic hereditaire et la republique. Les cir-
constances de notre histoire ont fait de nous un
slat monarchique hereditaire, tout corn= celles
de l'histoire de la Suisse ont fait de ce pays une
republique federale. Or, aucune personne rai-




i68 LE DEVELOPPEMENT


sonnable ne songera 1 desorganiser une institu-
tion qui, comme toutes celles de l'Angleterre,
s'est developpee parce qu'elle Otait necessaire (31).
Notre constitution non Ocrite, qui nous donne un
souverain hereditaire, mais en exigeant quo son
gouvernement soit dirige par des ministres qui
sont, dans la pratique, choisis par la Chambre des
communes, atteint en definitive le memo resultat
que celui qu'on clierchait a obtenir par la royaute
elective de nos pores. Notre systeme donne a l'Etat
un chef personnel, une incarnation personneile de
l'etre national, qui concentre sur soi tous ces
sentiments de respect personnel et de personnel
devo uement qu'une partie considerable du genre ha-
main trouve dur de considerer comme dus aux idees
plus abstraites de Loi et de Republique.Puis, quand
les devoirs do la royaute constiLutionnelle sont rem-
plis de la maniere quo notre propre experience
nous apprend qu'ils peuvent l'etre, la sensation qui
s'eveille en nous est plus que de la sympathie;
c'est le sentiment raisonne d'un sincere respect
personnel.


Toutefois, si profondement differen Les que soient,
par la forme exterieure, la royaute hereditaire de
nos temps modernes et la royaute hereditaire de
nos siecles antiques, elles out toutes deux des points
do ressemblance qui ne se retrouvent pas dans la
royaute, sous la forme qu'elle prit aux ages inter-


DE LA CONSTITUTION ANGLAISE. 169


módiaires. Dans noire ancien comme clans notre
nouveau systeme, la loi existe pour le peuple ; dans
les temps intermediaires, on etlt dit parfois que le
peuple existait liour le roi. Dans noire ancien et •
clans notre nouveau systeme , le roi est revetu
d'une charge, dont les devoirs doivent etre remplis
pour le Bien commun de tous. Dans les temps in-
termediaires, on eilL dit parfois quo le roi
ete fail le maitre d'une propriete, dont it n'avait
qu'a jouir pour son plaisir et son profit person-
nels. Dans les siecles intermediaires, on entend
constamment parler des droits -et des pouvoirs do.
la couronne comme de quelque chose d'êtranger,
d'hostile presque aux droits communs du people.
Dans nos anciens temps et de nos joins, les droits
de la couronne et ceux du peuple sont les mimics,
car it est reconnu quo les pouvoirs de la couronne
doivent etre ex erces pour le bien-etre du peuple,
l'avis et avec le consentement du peuple on de ses
representan


Sans nous laisser aller aux roves des utopistes,
sans nous depeindre l'Angleterre d'il y a mille, ans
comme un paradis terrestre, la voix de l'histoire
serieuse nous enseigne avec certitude que ces temps
recules out en realite beaucoup de points de res-
semblance avec les wares, beaucoup de points sur
lesquels nous sommes veritablement plus voisins
d'eux que des époques qui, si l'on ne calculait quo


10




170
LE DEVELOPPEMENT, ETC•


les annees, seraient beaucoup moms eloignees de
nous. Cost qu'en diet le cercle s'est ferme, c'est
que les jours de la loi êtrangere ont ete effaces,
c'est quo l'Angleterre est, encore une fois l'Angle-
terre. Notre Souveraine aujourd'hui regne par un
droit aussi bon qu'Alfred ou Harold, car elle regne
par le droit qu'ils avaient eux-manes, par la vo-
lonie du peuple, incorporee clans l'acte du Palle-
ment qui a rendu la couronne d'Alfred et d'Harold
hereditaire dans ses ancetres. Regnant par le droit


avaient eux-memes, elle regne aussi pour
les mOrnes fins, pour le hien commun de la nation
dont les lois l'ont placee a sa tote. Aussi, le meil-
leur souhait que nous puissions faire t son
royaume, c'est que cette couronne qu'elle possede
si legitimement, qu'elle a si dignement gardee au
milieu de deux generations de son peuple, elle
puisse, comme Nestor autrefois, continuer de la
porter, entouree de l'affection hien meritee d'une
troisieme generation encore.


NOTES


CHAPITRE PREMIER


(1) Ce quo je dis d'Uri et des autres cantons democra-
tiques ne dolt pas etre mal compris, comme si j'accep-
tais les roves maintenant abandonnes qui donnaient
aux Waldsiadte ou cantons forestiers une origine spe-
ciale et une independance particuliere, en dehors du
reste de la Germanic. Les recherches des savants mo-
domes out demontre, non-seulement que les cantons
forestiers faisaient pantie de l'Etnpire comme leurs voi-
sins , rnais quo differents seigneurs inferieurs, spi-
rituals et temporels, y étaient possesseurs de droits
varies. Si ces cantons acquirent leur in d Open dance com-
plete, on meme s'affranchirent d'autres seigneurs et
s'eleverent au rang de Reichsunmittelbarkeit ou depert-
dances immediales de l'Empi re, cc fat l'ceuvre du temps...
Alais la stiprómatie universelle de l'Empire n'entrai-
nait aucune intervention de sa part dans la constitu-
tion inferieure des districts, cites ou principautes, pas
plus que cello intervention n'etait necessairement irn-
pliquee dans la dependance établie d'un sei-
gneur immediat... Co qui est pa•ticulier aux cantons
forestiers, c'est quo, tandis que pullout ailleurs les vieil-
les communautós locales disparurent graduellement,
clans ceux-ci elks survecureta, resterent florissantes,
et acquirent de nouveaux droits et de nouveaux pou-




172 NOTES.
voirs jusqu'a ce qu'elles devinssent des rópubliques ab-
solument independantes. Je pease done que j'ai le droit
de parlor dc la democratic d'Uri comme avant uric an-
tiquite immemoriale. Nile n'est pas immemoriale dans sa
forme pleinement developpee, mais celle-ci sortit pen a
pea de formes primitives qui sort rigoureusement im-
memoria/es et communes a toute la race teutonique.


Il West pas de sujet sur lequel on se meprenne plus
complêtement quo cetto histoire primitive des cantons
democratiques... On trouvera le resultat de toutes les
recherches sur cette question, sous la forme la plus
abordable, dans rouvrage do M. Albert Rillict, les Origi-
nes de la Confederation. suisse (Geneve el Bale, 1868).


(2-6) (a). 11 y a quelques =lees, j'assistai en Suisse a
toutes les elections an Bundesralh ou conseil executif, et
je constatai quo, dans l'espace de dix-huit ans, it etait
arrive seulement deux fois qu'un membre du conseil
demandat h etre reelu sans robtenir...


(3-7) Du temps de ce qu'on appela la Republique hel-
velique de 1798, les cantons cesserent noire des Etats
souverains, et devinrent de pares subdivisions, des es-
peces de cowries ou departements. L'une des premieres
mesures de cello constitution abolit les anciennes de-
mocraties des cantons forestiers... (b).


Le systôme federal fat en quelque sorte retabli par
l'actc de mediation de Bonaparte, premier consul,
en 1803....


(a) Nous aeons omis, comme it a etc dit, les notes lea moths
importantes : le second chiffre est celui du taste.


(b) Mais elle fonda la democratic representative par toute la
Suisse, en corrigeant ce qu'avait de trop exclusif l'organisation
etroite de la bourgeoisie. L'effroi qu'a de tout temps inspire


l'Angleterre notre Revolution ne ]ui a pas toujours perrnis
d'apprecier avec impartialite son heureuse influence.


Quant aux idees de Napoleon en 1803, elles oat pare asset
bonnes pour titre reprises de nos jours mores par la. Dietc.


NOTES. 173


(1-43) La nature de la democratic est definie par Pe-
ricles dans sa fameuse ()raison funObre (II, 37) : 6v0p•x
tbiv aLa Te, thi; 6%:' U; (AV -.7).s1ova4 CoiXEIV (a) a'f,1.;%?V.7(94.


V.:7EG7l Si ifs/AC 7Cig MGV4tIC rroc Ty aL S'tdyc.p..


ct To iesv, Y.7.7& 31 Ti;•0 g:(t)G1V (0; gY.:(a7SS iv Ty (b) s?A'cztp.t7 •
(Comme ce gouvernement a pour objet l'interet general,
et non pas celui d'un petit nombre d'hommes, on rap-
polio democratie. Les lois assurent regalite a tous dans
les proces particuliers ; quant au rang, it est err pro-
portion du merite de chacun) (c).


Elle est exposee plus clairement encore par Athena-
gore de Syracuse (Thacydid., VI, 39), qui distingue nette-
ment les fonctions des (Eifel-Tales classes dans une de-
mocratic : cr..; y.p.t 77GOTC( !Ai./ 246v,17.1.v
6 -r.riaexiccv fhipcs, VAn.mc; p.iv i f.1a.rous Ely= VAO7C0
7:6; racoaicuc, CiceAsticra.e OD,Tra-.-% :cu; opTvect


4tasa ;:cncbc, xxt rei7a 6U.CA)C 7.7.1 rzca 1.1411
.441 V..rp.TravIa. iv hp.c,;-.•ix (J'appelle peuple, ren-
semble de la nation ; oligarchie, une pantie seulement
Iles citoyens. Les plus stirs gardiens de la fortune pa-
blique sofa les riches ; les meilleurs conseillers sent
les homilies instruits ; personae ne juge mieux, apres
avoir entendu, quo la Coale. Gas ()vantages se rencon-
!rent egalcment, separes et reunis, dans la democratic.)
lei la richessc et rintelligence oat hien chacune leer
sphere distillate. La merne division a pcu pros est tra-
cee par un ecrivain qui pourrait en comparaison etre
suspecle d'aristocratie. Isocrate (A.rdop., 20) est d'avis
quo l'administration des affaires publiques devrait etre
itnmediatement aux mains des homilies qui oat la ri-
chesse et le loisir, mais gulls agiraient en qualite de son-


(a) Solon d'aulres editions :4"-,zz
Il taut lire iv TT (pour 'iv sovc) et non comme le


Porte 1. tort l'edition anglaise.
(c) Nous daimons noire traduction : l'auteur anglais n'a pas


cru devoir en ajouter une aux textes rapporte.
10.




171 NOTES.


viteurs du peuple, du peuple bett y
maitre, — ou, comme


it n'hesite pas a le dire, lour tyran, ayant . plein pou-
voir pour recompenser ou punir : inat•nt &EIO403'.'.n7€5 ion./
Ott (5£i
ss7;1./.:;‘) dots ?


zalhaTisoat
cip-,;&; rai 7.0-


)R,V.V stbc z;;;Evetv wee; •7(.'0 4,.?:;.7er,TCJthiv(•P/,
70i I 5 Si a7clw ZsyE:V (hp/au:vv.); zai 13E0


.0 7.1474P•iVOU5 i77e--
1./..․).s7.a0at 76v zctvOiv 4Sottep cixit


&y.a:cu; v.siv 7vist.i.lvou5
i=atvET.akt
OTip7scv 70.:)7 &Om:go.•.7a;


ourpoiy.0 -.-tracivatv,
1.-aZ5 ;•1p.:xt; Tap.-


"n iTZTEIV. Dens un autre endroit (Panath. , 166), it pane d'une
democratic avec mélange d'aristocratic, et non d'oli-
garchie (7i,v (5 .4y4zaa-rixv 74,v ii-dos7cx?9:7:x


Le sons defavorable qui est souvent attaché au mot
democratie, quand ii ne vieut pas de la simple igno-
rance, a probablernent sa source dans ]'usage qu'Aris-
tote a fait de ce mot. Il distingue (Politic.,111, 7) trois for-
mes legales de gouvernement, la royaute (fixci).cia), 1' aris-
tocratic (3.;:atcxeat-Ea), et ce qu'il appelle particulièrement
TcoXt7e:ct ou rdpublique. 11 ir.dique trois corruptions de cos
formes, la tyrannie, l'oliga


•chie et la democratie (TuFavvis;,
atiamix, delinissant la democratic un gou-
vernement exerce au profit special des pauvres (7:ek
cr.T.f.cieov 70 7E)v et7.4por,). II v a lit quelque chose du me-
pris d'un philosophe pour tout gouvernetnent populaire,
et it est certain que la fac:on de parler d'Aristote n'est
pas celle qu'emploient ordinairement les historiens
grecs. Polybe, comme Harodote et Thucvdide, se sent
du mot democratic dans son vieux sons honorable, et
prend (II, 38) pour type special de cette forme de gou-
vernement la constitution de la liguc Acheenne, qui ren-
fermait certainement en fait un Clement considerable
d'arislocratie : zai itagr,ciat


xxi rx9dica sylp.0-
.A ? a7:7; a).40:,7,; at;a7zy.7.


17pOGGIEEGV! zii,:zpcvsaTipav
.S :S p.S t 7-Z; imtv:,;:s; ,J7xpxc6ar.;. (On ne pout trou-
ver un systôme d'egalite de droits et de liberte de pa-
role plus complet, eu un mot, de democratic plus vraie,


NOTES.


d'organisation plus parfaite que chez les Acheens.)
Bref, ce qu'Aristote appelle .m).tTek, Polybe le nomme
ar.p..sn?a-r:a ; ce qu'Aristote nomme hy.czer47:1, Polybe l'ap-
pelle


(5-14) II s'ensuit que, lorsque la republique de Flo-
rence aholit les franchises de toutes les families nobles,
elle pordit son droit au titre de democratie....


(6-17) J'entends laisser le detail de ces matieres aux
Orienlalistes. Mais dans plusicurs endroits de l'Ancien
Testament on voit quelque chose qui ressemble fort a
une assembles generale, on se combinent des distinc-
tions de rangs entre les membres de cette assemble°
avec la suprematie d'un soul chef qui commando a
tons (a).


(7-18) HOMi:RE, XX,4.


OilitaTa aay..az Oso:k Zyopi,vas xcaiccat
IsCpteTO; ' 0/3)•4.1zoto vavt-c6xov •' «plc :teem
(Net-Cloaca .AtOs; itpO; acZip.a. viscOac.
Our.: Jr, 1To7ap.&.∎ viics9'1.1xszavoto,


ecpx IXI.T.'?itoi Ta r. T.' D.GSM %Ca& vivowmc,
Kai 7:71* :coracle:6v, :ea: Iciam 7.otilevTx.


(Du haul de l'Olympe aux gorges profondes, Jupiter
donne l'ordre a Themis de convoquer les dieux pour
Tassemblee. La messagere obeissante Ya partout les in-
viter d se rendre au palais de lour souverain. A ]'ex-
ception de l'Ocêan, personne ne manque a l'appel, ni
nn fleuve, ni une scule des nymphes qui habitent les
belles for-Us, les' sources des fleuves on les pros
l'herbe epaisse.)


Outre la presence des nymphes dans le celeste Mycel
Gentot, on pourrait remarquer aussi le role important


(a) On a justement fait remarquer que l'ancien Mat social
des Germains West pas autre chose qui une des periodes du
developpement regulier de tons les peuples. Les Germains ont
eu ceci de particulier gulls ne laissiTent pas deperir chez eux
les germes de la liberte dont ils eurent une fois joui.




176 NOTES.
d'Here, d'Athene, et des autres membres feminins du
conseil prive... (a).


(8-20) Pour l'intelligencc complete de Far: d'Homere,
voir l'ouvrage de M. Gladstone, llomere et rage homerique.
M. Gladstone, it mon axis, a beaucoup mieux compris
que M. Grote l'esprit de l'antique constitution des
Grecs.


(0-21). Notts n'avons pas besoin d'entrer dans l'examcn
de Ia primitive constitution romaine, de l'origine de la
distinction entre les patres et la plebs, on de tart d'autres
questions qui out souleve les controverses furicuses des
savants. Les trois elements se retrouvent egalement
dans la version historique et dans la version legen-
daire. Dans le premier livre de Tile-Live, Romulus reu-
nit d'abord l'assemblee generale et choisit ensuite son
senat. Plus loin, nous voyons distinctement qu'on en
appelle du roi ou plutOt des magistrats qui exercent
l'autorite en son nom, it une assembles qui, queue que
pia etre sa constitution, est d'une nature plus populaire
que le senat.


(10-22) II est a peine necessaire de montrer comment
les consuls romains prirent simplement la place des
rois. 31 est possible, comma on l'a pense, quo la revolu-
tion jeta aux mains des patriciens un pouvoir plus
grand qu'auparavant, mais en tout cas le senat et l'as-


(a) L'auteur, en act endroit de son chapitre, fait allusion N
la propagande, aujourd'hui tres-active, poursuivie en Angle-
terre depuis 1832, en favour des droits politiques des deux
trois millions de famines qui, libres de leur personne, paient
elles-mdmes l'impet. A ce mouvement sort melds les noms
d'hommes illustres, comma Richard Cobden, Stuart Mill, Di-
sraeli (lord Beaconsfield), et de femmes de haute naissance,
comme la vicomtesse Amberlay, belle-fill° de lord John Russel,
et Lady Langton, scour du due de Buckingham, entre autres. La
chose nest done -pas aussi frivolo qu'on serait portk, chez nous,
a le croire.


NOTES. 177


semblee fonctionnerent exactement comme par le passe.
(11-26) Voyez mes articles sur « origine de la nation


anglaise (The origin of the English nation), » et sur « la
prdtendue persistance de la civilisation romaine en Angle-
terre (The alleged permanence of roman civilisation in
England) », dans la Revue de Macmillan, 1870.


(12-31) Cette coutume est decrite par Diodore clans
son premier livre. 1.e pretre enumerait d'abord les
bonnes actions du roi et lui attribuait toutes les vertus
possibles ; pubs ii prononcait 'me malediction pour tout
le mal qui avail etc fait, absolvani le roi de tout blame et
demandant que la vengeance celeste retombat sur les
minislres qui lui avaient donne de perfides conseils
7Z),SUTCCZOV 1.177Ep TC7P/ a,,,,OUF.EV<JV 400 E170:£11-0,


1./.EVGO.:1%
c)v goapciT.svc;-,


13.); imr,2 E7GZIY: Cq a,u-
?;2`ITC(.; Cp1-5).% Y.7.1


•ai Ti,s! Ttp.Wp:D:v alit(9v c'070-
czOat). II concluait par quelque conseil moral ou reli-
gieux.


(13-38) Voyez la Conqudte normande (a), au premier vo-
lume, et les passages qui y sort cites. Jo ne voudrais
pas me meler de sanscrit, rnais je suis frappe de cc
quo les vues d'Allen et de Kemble no sort pas incom-
patibles avec l'etymologie sanscrite Ganaka. Comme
curiosite Otymologique, it vaut la peine de rioter que
M. Wedgwood trouve que ce mot est « probablement
identique au tartare chan. »


(14-43) Le meilleur exemple dans l'histoire d'Anglc-
terre de Ia marche des (Moses qui transformait un
royaume en province, en le faisant passer par fetal in-
termediaire de seigneurie it demi independante, est
I'llistoire de la :Verde occidentale du sud sous son ealdor-
man JEtbelred et la lady JEthelfitcd, du temps d'Alfred
et d'Edouard l'Ancien. Voir la Conqudte normande,
premier volume.


(15-15) Homere, Iliad., IX, 60.
(a) L'ouvrage capital de M. Freeman.




178 NOTES.
Kai ;lot .)71.0atir:«.1,
3c(10.s;,-.-q:6; stat.


(Et qu'il me cede, autant quo je suis plus roi quo
(16-46) Les exemples d'un grand royaume se de-


composant en un grand nombre de paths Etats ma-
teriellement independants, mais qui reconnurent la
superiorite nominale du successeur du souverain
naire, ne sent pas rarer. J'ai trouve quelque chose k ea
dire, dans mes Essais historiques, pour l'empire, et pour
le califal, dans mon ouvrage Histoire et Competes des
Sarrasins. L'historique de cette meme marche des eve-
nements dans l'empire mongol aux Inks a eta expose
par lord Macaulay dans ses Essais sur lord Clive et
Warren Hastings. Mais it n'aurait pas di, comparer le
Grand Mogol et sa souverainete nominate avec « le be-
net le plus nul de tous les derniers Carlovingiens,» ces
Carlovingiens que sir Francis Palgrave a releves cl'un
rapris immerite. La dissolution du grand royaume occi-
dental n'est Tien moins qu'u n exemple de la memo loi. Ce


y Taut remarquer surtout, c'est la maniere, ou plu-
tot ce sent les trois differentes manieres dont les mem-
bres disperses de ce royaume se sont rejoints pour for-
mer la Germanic:, l'Italie et la France.


Ce genre do demembrement, ou une suprómatie no-
minale reste encore au souverain originaire, doit etre
distingue de celui ou un pays retombe sous la domina-
tion de dues ou seigneurs, apres une periode de gou-
vernement royal. Dans ce dernier cas, it semblerait
qu'aucune souverainel6 centrale De pdrsista.


(17-47) Je suppose qu'il est it peine necessaire main-
tenant de prouver le caractere electif de la vieille my:ante
anglaise. J'ai dit ce que j'avais a. en dire au premier vo-
lume de la Conquete normande. Mais je puis citer un
tres-remarquable passage-du rapport que firent en 787
au pape Adrien Ter ses legats en Angleterre, Georges et
Theophylact (Hadrian et Stubbs, Councils and Ecclesias-
tical Documents) : « Sanximus ut ,in ordinatione regum


NOTES. 179


nullus permittat pravorum prtevalere assensum : sad le-
gilimi a sacerdotibus et senioribus populi eligan-
tur. » On aimerait a savoir qui Otaient ces a prari »
denonces ici. Celle decision a tout fair d'une restriction
de franchises ou de quelque intervention dans la libertó
d'election, mais en tout cas elle porte temoignage du
caractere electif de notre ancienne royaute, et du ca-
ractere general tout populaire de la constitution.


(i 8-18) J'ai decrit les pouvoirs du Witan, comme je les
cornprends et cornme its ont ate compris par M. Kern-
ble, au premier volume de la Conquete normande et dans
quelqucs-unes des notes qui composent lappendice de
ce volume. En cc qui concerne les pouvoirs du \Vitali,
je ne vois aucune difference entre mes propres rues et
cellos du professeur Stubbs dans son Esquisse pour servir
,('introduction d ses Chartes choisies (Introductory sketch to
his Select Charters), oil les relations entre le roi et le
Witan, et le caractare general de notre ancienne consti-
ulion soft exposés avec une puissance et une clarte


Otonnantes. 'dais ou je me trouve differer tout a fait
d'avis avec lui, c'est pour cc qui regarde la constitution
du Witenagemot. Je considere le Witenagemot comma
tine assemblee de tout le royaume, sur le modele des
petites assemblees du comic et d'autres divisions int.&
rieures. Id. Stubbs admet pleinement le caractere popu-
laire des petites assemblaes, mais refuse tout caractere
de ce genre a la convocation nationale. II est dangereux
de se mettre en opposition avec notre maitre a tous
dans l'histoire constitutionnelle de 1'Angleterre, mais je
prie installment le lecteur de poser ce quo je dis dans
l'appendice a mon premier volume de la Conguête nor-
mande.


(19-50) J'ai mentionne thus les exemples au premier
volume de la Conciu6te normande : Sigeberht, 'Ethelred,
Harthacnut, Edouard II, Richard II, Jacques II. II est re-
inarguable que presque tous ces roil sont les seconds




180 NOTES.
de leur nom ; car, sans compterlred, f:douard,
Richard et Jacques, Harthacnut pourrait tres-bien care
appele Caul 11.


(20-52) Le texte original du chant de Maldon se
trouve clans les Anakela anglo-saxons de Thorpe. L'ex-
trait que je donne est tire de la version en anglais mo-
derns que j'ai essayee dans mon Ilistoire du vieil an-
ylais (Old English history)...


(21 -53) L'histoire do la clientele chez les Romains est
encore un de ces points sur lesquels la legende, l'histoire
et la science ingenieuse des moderues arrivent exacte-
ment a la memo conclusion, en ce qui concerne du
moins notre objet actuel. Que les clients fussent ou
non la plebs, de touts facon les patriciens n'entraient ja-
mais dans la clientele, et ce fait a lui seul acheve le
contraste avec les institutions teutoniques.


(22-54) Le titre de Dominus, impliquant l'idee de mai-
tre d'esclaves, ful toujours refuse par les premiers
empereurs. Suetone et Dion le racontent d'Augusle, et
plus positivement encore de Tibere. Tibere refusa aussi
le titre d'Imperator, autrement que dans le sens rigou-
reusement militaire : mute iap SacmOrr,v ktr.-t,,, 'Ca; i.),EueiFt;
cE11-.E. Gentapciropoc ifAip Td; OTpal-t6Txt; Aurelius
Victor (Cass., XXXIV, 4), dit que GaIus fut appele Domi-
nus, et eels ne fait pas doute pour Domitien. Pline dans
ses lettres donne constarnment a Trajan le titre de Do-
minus ; et ccpendant dans son Panegyrique, ii marque
hien la distinction : « Scis, ut sunt diversa natura domi-
natio et principatus, ita DOD aliis esse principemgratiorem
(Nam qui maxime dominum graventur. » (Vous le sa-
vez, si la nature a profondement sépare le pouvoir du
maitre et celui du prince, le prince est surtoul agrea-
ble a ceux qui ne peuvent supporter le maitre). Voila
qui denote, sous Trajan, un retour aux sentiments et
aux coutumes des temps anterieurs. L'usage dèfinitif
et formel de ce titre semble s'etre etabli avec l'intro-


NOTES.


181


auction de !'etiquette orientate sous Diocletien. 11 est
prodigue par les derniers panegyristes, Eumene, par
exemple « Domino Constanti, « Domine Maxhniane,
Imperator felerne, a et ainsi de suite.


(23-51) Vitellius (Tacit., Hist., 1, 58) fat le premier a
employer les chevaliers roman's dans des offices jut-
que-la toujours remplis par des affranchis ; mais le
systeme no rut completement etabli gal l'epoque d'A-
drien.


(24-57) Les deux mots hlaford et himfdige (lord et lady
sont ties-cmharrassants pour ce qui est de l'originc de
la derriere syllabe. 11 suflit a. mon dessein qu'on m'ac-
conic le rapport de la premiere syllabe avec hldf. Touter
differentes que soient l'origine clu mot salon et Celle du
mot latin, hlaford traduit toujours dominus. I.e francais
seigneur, et ses formes correspondantes en italien et en
espagnol, viennent du lathu senior, et servent d'equiva-
tent iudominus. C'est la un de ces mots en nombre con-
siderable qui repondent it notre EaNorman.


(25-38) Ce sujet est traite Lout au long dans PalgraNe,
Republique anglaise (English Commonwealth), an premier
volume.


(26-63) Barbour, Bruce :
,, A : fredome is A noble thing! »


Herodote longtemps auparavant await (lit aussi :
64 jar: z;iip.% onouaiiov.




GIIAPITR.F, II


( I) Vans le grand ma iifeste poetique clu parti patriole
sous Henri 111 (a), imprime, clans le recucil des Chaats
politigucs de l'Angleterre de Wright (Wright's Political
Loys of England (Camden Society, 1839), it seinble qu'on
ne demande d'aucune maniere de nouvelles lois, qu'on
reclame seulement la promulgation et l'observation des
anciennes. Void en en tier lc passage que • el choisi pour
devise :


communit as regni consulatur ;
Et quid uni • ersitas sentiat sciatur,
Cui leges proprite maxima stint none.
Nee euneti prorineite sic emit idicite,
Quin sciant plus calteris regni sui mores,
Quos relinquant posteris hi qui stint. priore5.
Qui reguntur legibus magic ipsas seiant ;
Quorum cunt in usibus plus periti Punt ;
Et pia res agitur sue, plus eurabunt,
Et quo pax adquiritur sibi proeurabunt. ))


(Ainsi, que ion consults la communaute, et qu'on se-
am cc (pre pause l'universalite des citoyens, qui eon nail
par excellence les lois qui lui conviennent. Le peuple
entier nest pus tenement ignorant qu'il heroic mieux
que personne les coutumcs de l'Elat dignes d'etre trans -
mises aux generations suivantes par cellos qui prece-
dent. Ceux qui font les lois qui les regissent, les corn-
prennent micux ; (Tux qui les expliquent en prow leo I
tine plus grande experience ; cornme it s'agit de leur


(a) A l't!tpoque pa•tment enrage („tad pwliament), comma
l'appelaient les royalisies.


NOTES. 183
affaire propre, Hs veilleront ;Piet. plus de coin, et sau-
rout trouver ce qui assure la paix).


(2) Sur le renouvellement des lois d'Edouard par
Guillaume, voir la Conqu4te normande, au quatrierne vo-
lume, et les Documents de Stubbs. 11 faut noter que les
lois d'r.douard furent encore confirmees par Henri lei,
et, comme la. Grande Cherie est sortie de cello d'Henti 1
proposes par l'archeveque Rtienne Langton en 121 3, la
filiation de la Charte remontant aux lois d'Edouard est
tres-simple. Void les expressions du prima.t qui (lit posi-
tivement gull a fait juror au roi Jean de renouveler lee
lois d'Edouard : « AudistiS quomodo, tempore quo spud
Wintoniam regain absolvi, ipsum jurare compulerim,
good leges iniquas destrueret et leges bones, videlicet
leges Eadwardi, revocarel et in regno faceret ab omni-
bus observari. » 11 fact se rappeler que cette expression,
les lois d'Edouard, ou les lois de u'importc qua mitre
roi, ne signifie pas reellement tin code de lois compose
par ce roi, antis simplement la maniere dont on appli-
quail la loi, et la condition politique generale sous le
regne de cc roi. Voila tout cc qu'on roulail dire en par-
lent de faire revivre les lois d'Edouard au temps de
Guillaume. On entendait simpleinent que Guillaume de-
vait gouverner comme Sec predecesseursanglais evident
gouverne avant lui. Ccpendant, du temps du roi Jean,
it west pas doutcux qu'on nail commence a. considere•
Edouard, recemment canonise, comme tin legislateur,
et a s'imaginer y avail reellement tin code com-
pose de see lois et qu'iI lallait mettre en vigucur.


Sur les diverses confirmations de la Grande Charte,
voyez Hallam, Moyen age.


(:3) Macaulay : «Lorsqu'on leur dit n'y avail aucun
precedent pour declarer le t


•eme vacant, ifs allerent
chercher dans les archives de la Tom .


un rouleau de
parchemin, vieux de pros de trois cents ens, stir lequel,
en bizarres caracteres et en latin barbare, it &ail con-




NOTES.


181 NO'tES.


signs que les etas du royaume avaicnt declare vacant
lc trine d'un perfide et tyrannique Plantagenet.


4-7 ) . Je soupconne que dans toutes les anciennes
assemblees, et non pas dans cello de Sparte seule-
ment, (3.sr; 41,:9(:). Nous avons un reste de
cette coutume dans le cri de « Aye » et « No », dont
le vote actuel est un pus souvenir, exactement comme
la division ordonnee par StlienelaIdas quand it declara
qu'il ne savait pas clans quel sells etait l'acclamation (a).


5-1(-1)
« Nunquam libertas gratior exstat


Qum sub rege pio. »
(CIALVIEN, 11, Cons. Slit. 114.)


A-17) Macaulay : « L'Angleterre doit d'ooir elite
de telles calandtds a un evenement que les historians
out gêneralement represents comma desastreux. Son
interet dtait si directement oppose h celni de ses chefs
qu'elle n'avait rien a espérer que do lours faults et
de kilns malheurs. Les talents et mime les vertus de
ses six premiers rois francais fureut une malediction
pour elle. Les folios et les vices dn. septieme la sauve-
rent... »


(7-21) On dit generalement, en parlant de la, famille
angevine, les Platitagenets ; mais ce surnom ne rut ja•


(/) Le lecteur none saura, pent-etre gre de lui rappeler le
fait : it est intilressant. L'ephore Sthenelaidas, contrairement
h l'avis plus mesnre du roi Archidamos, avait propose, en
quciques mots energiques, qu'on declarat immediatement la
perm a _],thanes. Ce devait etre celle qui est restde si celebre
sous le nom de guerre du Peloponnese. Presse d'en finir et de
proliter, seance tenante, de l'immense emotion quit avait pro-
duite, it feignit, en effet, de n'avoir pas compris si le cri do
l'assemblee etait favorable ott contraire a sa motion, et de-
manda quo ceux qui voulaient la guerre passassent d'un cae,
ceux qui preferaient l'atermoiement„de l'autre. On salt le
resultat.


mais employe avant le quinzieme siecle. 11 pent conven ir
a..011quelquefois, mais nest pits reellement unc des ign tion


exacte, comme les mots do Tudor et de Stuart, tons clew
veritables surnoms, portes par les deux families avant
qu'elles arrivassent au trOne. Dans les almanac:11s, les.
Angevins sont appeles : la ligne saxonne restauree »,
qualification qui donne une idle fausse, Wen qu'on no
puisse douter qu'Henri II ne comprit parfaitement les
avantages pourrait retirer de sa clescendance OW-
gnee par les femme des robs de la vieille Anglelerre.
Le point important a Wen noter, c'est que l'avenement
d'Henri est le commencement (rune dynastic; dislincte
qu'on ne pourrait appeler ni norrnande, ni anglaise
d'aucune maniere, meme la plus indirecte.


8-22) Je n'ai souvenir de rien dans aucun des histo-
diens de l'epoque d'Henri II qui vienne it l'appui des
idees populaires sur les « Normands et les Saxons '•,
consideres corn me des parties distinctes et hostiles de
la nation... (a). La position particuliére d'Ilenri II etait
quelque chose comme colic de 1'empercur Charles-
Quint, colic d'un prince regnant sun un grand nombre
&Etats distinets, sans etre idenlifie pour la nationalite
avec aucun d'eux. Henri gouvernait l'Anglete,rre., la
Normandie et l'Aquitaine, mais n'etait ni Anglais, ni
Normand ni Gascon


(9-23) Du moins la plus gunk partie, la partie con -
Linentale du duche. La portion insulaire. de la Norman-
die comprenant les Iles de la Manche, ne Litt pas perdue,
el reste encore attachee it la couronne d'Angleterre,
non pas it est vrai comme partie in tegrante du Itoyaume


(a) La dernii.a.e grande conspiration saxonne ne datait pour-
taut pas de loin. En I 137 , on devait, i jour fixe, massacrer tons
les Normands du royannze.


(6) Peut-etre convient-il de rappeler que sa mere etait la Bile
de la Saxonne Ed:the, du sang de Cerdic.




180 NOTES.
lini, t»ais comme dependance separee. Voyez la Cm-
q11.41.e normande, au premier volume.


(10-27j 11 fact se rappeler que les int:muffles clerica-
les reclamees a cello epoque n'etaient en aucuno ma-
niere restreintes a cc que nous appellerions aujourd'hui
le clerge, mais s'elendaient aussi it cello classe conside-
rable de personnes qui teindent de petits offices cede-
siastiques, sans etre entrees, comme nous dirions, dans
les saints ordres. L'lg]isc pretendait aussi a la juridic-
lion dans les causes on eta lent intóresses les veuves et
les orphelins, et dans les cas varies oft intervenaient
des questions de parjare, de manque de foi et autres
pareilles. Ainsi Jean, eveque de Poitiers, Ocrit a Thomas
Becket pour se plaindre que les officiers du roi Pont em-
peche d'entendre les causes des veuves et des orphelins,
et de juger en matinee d'usure... Voila qui donne tine si-
gnification toute particuliere aux acclamations qui ac-
eueillirent Thomas Becket, b. son velour, comme « le pare
des orphelins et le juge des veuves » « Videres mox
pauperum turbarn qute convenerat in occursurn, hos
succinctos ut prcevenirent et patrem suum applicantem
exciperent, et benedictionem pNeriperent, alias verb
hum i se humili ter prosternentes, ejulantes hos, ploran tes
illos prce gaucho, et omnes conciamantes: Benedictus
qui venit in nomine Domini, paler orphanornm et index
viduarurn ! et panperes quidem .sic. (On tilt pu voir
bientOt la. foule des pauvres se presser a sa rencontre,
les uns s'elanc;ant pourprendre les devants, recevoir lour
pare au moment creme cit it aborderait, et Importer les
premiers sa benediction ; les autres se prosternant
humblement a terre, ceux-ci g6missant, coax-la plea-
rant de joie, tons s'acriant ensemble : « Beni celui qui
lent au nom du Seigneur, le Ore des orphelins et le


juge des veuves! Voila contrite le recurent les pauvres. »
(Giles, lie de saint Thomqs.) Voir pour plus de details
Ines Essais .histo•ifiws.


NOTES.
487


L'une des constitutions de Clarendon &An-
dait qu'on ordonnilt les vilains sans le consentement
de lour seigneur... Dans les principes de la loi feadale,
on ne pent rien dire centre cello lei, le seigneur ayant
sur le vilain un droll de propriete qu'il at perdu par.
son ordination. Celle prohibition est rappelee. dans
quelques ra ys curieux du plus ancien biographe de
Thomas Becket, Garnier de Pont-Sainte-Maxence (la Vie
de saint Thomas le nun Paris, 1859, p. af-
firme energiquement l'egalite (In gentilhornme et du
vilain devant Dieu :


« Fits h vilains ne fast eu nut liu ordenez
Sanz l'otrei sun seigneur de eta term fl
El dens a sun servise ins a tuz apeiez!
Mietz yak filz h gni est preux et senez,
Qui no foil gentilz hum failliz et debutez.


()mint a Thomas Becket, it n'etait pas fits de vilain,
mais son origiuc dull assez humble pour que le roi pal
le loonier en ridicule comme « plebeius quidam cle-
ricuS.


(12 30 )
Nous comme: loin de volr une facile dans un


choix comme celui &Etienne Langton; encore est-il vrai
que son election forcee sur l'ordre d'Innocent fat
atteinte evidente aux (trolls du roi, du ,convent de
Christ-Church et de la nation anglaise en general...


(f3-32) 11 y a un traile particulier sur les miracles
de Simon de Montfort, imprime avec la chronique de
Rishanger par la Societe Camden, 18i0.


04-3.1) Colic leave, adressee en 12i:7 au page Intw-
cent. IV, se trouve dans Mathieu-Paris. Elle est ecrite
au nom de « universitas cieri et.populi per provinciarn
Cantuariensern constituli, » el elle se termine ainsi :


qui t
communitas nostril sigillum non babel, prcesen-


tes litteras signo communitatis eivitatis Londinensis
Vestrte sanclitali mil timus consignatas »...




185 NOTES.
(15.35) L'autcur des Gestes d'Etienne attribue positi-


n ement l'election d'Etienne aux citovens de Londres...
.‘insi encore, quand le legal Henri, eque do Win-
chester, tint un conseil pour ]'election de Femperesse
Mathilde, les citoyens de 1.ondres furent convoques, et it
est dit tres-clairement gulls avaient le rang de nobles
ou barons : « Londonienses (qui sunt quasi oplimates,
pro magnitudine civitatis, in Anglia). » « Londonienses
qui pmcipui habebatitur in Anglia, sicut proceres. » Tout
cela rappelle exactement les anciennes elections des
rois avant la conquete.


(16-37) Ces premieres traces de representation panic -
mentaire out Old soigneusement relevees par Hallam,
Mayen dye.) On pout encore les suivre plus exactement
dans l'ouvrage du professeur Stubbs...


(17-43) Void un khan tillon des poesies ou Ion pleura
la- 'Dort du comte Simon en demandent son interces-
sion :


Salve, Symon Mantis fortis,
Totius tlos


Durus pcenas passus mortis,
Protector gentis Annie.


Stint de sanctis inaudita
Cunctis passus in hac vita,


Quemquam passum Una:
Manus, pedes, amputari,
Caput, corpus, vulnerari,


Abscidi
Sis pro nobis intercessor
.tpnd Deum, qui defensor


In terris exstiteras. »
(Chants putil iq nes


Simon de Montfort, flour de noire armee,
time intrepide dans le cruel supplice de to moat, protec-
tour du people anglais ! On n'a pas out dire qua, parmi
tons les saints qui out souffert dans cette vie, aucun
jamais subi un Mel martyre : les mains. les plods coupes ;


NOTES. i 89
la tete, le corps criblês de blessures ; la virilite man-
lee. Sois notre intercesseur aupres de Dieu, toi qui etais
notre defenseur sir la terre.)


Extrait d'un poeme en francais :


«
-lies par sa mort, le cuens Mountfort conquist la victoria,


Come ly martyr de Caunterbyr, finist sa vie;
Ne voleit pas li bon Thomas qc perist seinte Eglise.
Le cuens auxi se combati, e monist sauntz feyntise.
Ore est ocys la Slur de psis, qe taunt savoit de guerre,
Ly quells Montfort, sa (lure mart molt emplorra la terra.


« Sire Simoun ly prodhom, e sa compagnie,
En joie vont en ciel amount, en pardurable vie. »... (a).


(18-41) Pour la convocation accidentelle et irregulière
des membres des bourgs entre 1265 et 1295, voir Hal-
lam (Moyen age), et mieux encore les Chartes ehoisies
Stubbs, out le developpement gradual de la representa-
tion parlementaire est traits, comma ilne l'a jamais ("AO
jusqu'ici, avec ]'indication la plus complete de toutes les
autorites. Les termes dans lesquels les chroniques par-
lent de la constitution des anciens parlements d'E-
douardsont aussi vagues qua ceux qui decrivent nos nit-
tiques Gemots... Mais dans une derniere assembles, qui
se tint en 1273, avant qu'Edouard fUt rentre en An-
gleterre, les annales de Winchester nous expliquent
comment « convenerunt archiepiscopi et episcopi, co-
mites et barones, et de quolibet eomitatu quatuor milites
et de qualibet eivitate quatuor. » Le fait ici rappelê et la


(a) Le comte de Leicester (fils puini, comma on sait, de
notre fameux eomte de Montfort) fit tenement estim6 dans son
pays natal quit. la mart de Blanche de Castille et en ]'absence
de saint Louis, la noblesse francaise ne voulut offrir la regence


personae attire avant lui. 1:11 fait quo passe sous silence l'au-
tour, c'est qu'it son Parlement de ;265, it n'appela qu'une
parse des pairs temporels, violant ainsi la Grande. Charte.




190 NOTES.
convocation au Parlement de 1285, qui siegea pour juger
David le Gallois (a), paraissent les deux exemples les
plus clairs d'une representation des bourgs anterieure
a 1295, epoque oil cite devint la regle.


(19-48) Le grand statut de lose-majeste du regne
d'Edouard Ill protege la vie du roi, de sa femme et de
son fits nine, et l'honneur de sa femme, de sa fille ainee
et de la femme de son fits aine; mais le privilege per-
sonnel ne s'elend pas plus loin. Comme la loi anglaise
ne commit pas d'autre classe d'hommes qua les pairs
les roturiers, it s'ensuit quo les plus jeunes enfants du
roi — Paine nail due de Cornouaiiles — sont, a stricte-
meld, parlor, des roturiers, a moins qu'ils n'aienl (de
portes expresscment a In pairie. Je ne sais pas si le cas
s'est jamais presentö, mais je ne vois pas que rien
empeche un fits de roi, n'Otant pas pair, de prendre
part a une election, ni d'etre nomme it la Chambre des
communes, et je trouverais tout 'laurel quo, s'il corn-
mettait un crime, it kit traduit decant un jury




(20-50) Sur ee grave changement constitulionnel, qui
eut lieu en 1064, sans acte du Parlement et par une
simple convention verbale entre Parcheveque Sheldon
et le lord chaneetier Clarendon, voir Hallam, au second
volume de l'Histoire eonstitutionnelle.


(21-52) La question des deux Chambres dans une mo-
narchie et une republique orclinaires est tout a fait dif-
ferente de la indme question dans un eta' federalif. En
Angleterre ou en France, quo la legislature se compose
d'une chambre ou de deux, c'est la une question on la
legislature elle-meme n'a quit choisir l'alternative


0) La sentence des comics et barons assembles fut horrible
et executee dans touts son horreur. C'est depuis is supplice
du dernier des antiques souverains condanme comma
train.° pour avoir defendu rindependance de son pays, que
l'heritier presomptif de la couronne d'Angleterre porte le titre
do Prince do Galles.


NOTES. 191
lui convient le micux. Mais on la constitution est fe-
derate, comma en Suisse ou aux Etats-Unis, les deux
chambres sont absolument necessaires. Les deux son-
verainetes, cello de la nation enliCre et colic des Etats
independants el egaux qui se soul renn is pour la former,.
ne peuvent etre vraiment representees quo existe
deux chambres, l'une, la National •ath ou chambre des
represenlants, qui represente directement la nation, en
taut quo nation ; l'autre, le Ständerath on senal, qui re-
presente la souverainete individuelle des cantons. Dans
la discussion sur la revision de la constitution federate
suisse, une proposition faite clans la 14-ationatrath pour
l'abotition du Standerath a de repoussee a une grande
niajori IC.


(22-55) « Les deux chambres s'étaient violeniment
querellees, en 1675, ix l'occasion de la. juridietion (Pup-
pet des lords; elles s'etaient querellees avec non moins
d'animosite, en 1701, pour la juridiclion des commu-
nes; it propos d'élect ions, avec violence encore, en 1770,
comme on insistait pour l'exclusion des strangers.
Mais sur les mesures generates de politique nationals,
leers dissentiments avaient eta races et sans impor-
lance (a). » (Histoire coastitutionnelle do May, premier
volume.) L'ecrivain poursuit en montrant pourquoi les
differends entre les deux chambres stir les points int-
porlants soul devenus moins communs dans les temps
tout remits.


(23 . 56) II est h, peine necessaire d'insister sur la part
((.6 Un example curieux se rapporte a Fan 1558. La Chambre


basso se plaignit vivement de cc que la Chambre haute lui
avail fait retneure ses amendments a un projet de loi, trans-
uits sans aremonie sur simple papier, et non, comma it cut
convent', sur parchemin.


On sait que ht separation definitive des deux Chambres eut
lien sons Richard 11, en 1371. Cast cello at/nee-lb, mettle qua
la Chambre des communes eut son premier speaker, to cheva-
lier Pierre de la More.




192
NOTES.


que prenait le Witan a la nomination des eveques, Eal-
dormen et autres grands officiers... Le morceau le plus
curicui oft it en soil question est. le grand manifeste
poetique qua j'ai déjà cite plusieurs lois. Ou t


y presente
comme an des torts a la charge d'Heuri III Iu prêten-
Don qu'il elevait de se reserver la nomination aux
grander charges de ITtat. Le passage est long, mais
tact tout a fait la peine (peon le cite en miler :


a Rex cum suis voluit ita libe


esse;
Et sic ease debuir, fuitque necesse
Ant esse desineret rex, privatus jure
Regis, nisi faceret quidq aid relict; cum
Non esse magnatibus regal quos imeferret
Suis comitatibus, wet quibus con ferret
eastrortnn custodiam, vet quern exhibere
I'opulo justitiam wallet, et Where
Regni cancellarium thesaurariumq ue.
Sunni ad arbitrium voluit quemclunque,
Et consiliarios de quacumque gente,
Et ministros varios se przecipiente,
Non intromittentibus se de Lois regis
Anglia baronibus, vim habente legis
Principis imperio, et quod imperaret
Suomet arbitrio singulos ligaret. »


(Le roi voulut etre libre ainsi Vis-à-vis de ses sujets ;
et it falba gull le fat en effet ; it fallut on


cessilt
d'etre roi, prive du droit de repel


., on fit tout cc
qu'il lui plairait. Les grands du royaume ne devaient
plus s'inquieter de max qu'il inettrait a la tete de
sa suite, on a qui ii confierait le commandement des
arrnees. on (1:3 celui lui conviendrait de charger de
rendre la justice an peuple et de prendre pour char,-
celier et tresorier du royaume. 11 voulut nommer cha-




can suivant son bon plaisir, choisir soul dans n'importe
queue gent ses conseillers et ses differents ministres, et
ne permit pas aux barons anglais d'intervenir dans les


NOTES. 193


actes du roi, l'ordre du prince ayant force de loi, et cc
qu'il comrnandait a son gre les obligeant tous.)


(21-57) Par exemple, l'acte vote apres la victoire d'E-
donard IV a Towton. Entre autres choses, le mallieureux
Henri VI est non-seulement fictri cornme usurpateur, •
mais it est accuse d'avoir excite personnellement clans
le Nord le soulevement qui amena la bataille de Wake-
field et la mart de Richard d'York...


(25-58) Cc slatut passa sous Henri VI... Les reproches
qu'il expritne meritent d'être notes, et montrent bleu
les tendances reactionnaires de l'epoque... L'original
francais want la peine d'être rapporté :


« Item come lez elections dez chivalers des countees
esluz a venir as parlements du roi en plusours countees
Dengletcrre, ore tarde ount 'este faitz par trop gra.unde et
excessive nombre dez gents demurrantz deinz mesmes
les countes, dount la greindre partie estoit par gentz
ninon de petit avoir on de null vain, daunt chescun pre-
tende davoir voice equivalent quant a tielx elections
faire ova les plius valantz chivalers ou esquiers de-
murrantz deins mesmes les countes ; dount homicides
riotes bateries et devisions entre les gentiles et ;nitres
gentz de rnesmes les countees verisemblablement sour-
dronl et seront, si covenable remcdie ne soil purveu en
cello partie : Notre seigneur le Roy considerant les pre-
misses ad pourveu el ordene, etc... »


Tout document de ce genre ports temoignage de
l'accroisseinent du pouvoir des communes, et des efforts
du peuple pour quo sa representation devint recllement
populaire.


(26-59) Voici, par exemple, continent le chroniqueur
Hall raconte l'elettion d'Edonard IV :


Soudain lc lord Fawconbridge... demanda aux
citovens assembles s'ils voulaient garder le roi Henri
pour les gouverueretregner doren avant sur eux; a quoi,
d'une seule V0iX, its repondirent : Non, non. Alors illeur




1
194 NOTES.
de.manda s'ils voulaient servir el aim e p ic com te de March,
et ltd. obeir comme alma' prince temporal et lord sou-
verain. Its repondirent cette foil : OM, oui, criant :_Le
roi Edouard, avec force acclamations et battements de
mains... Le lendemain le comte, de March &ail proclame
roi par toute la ville sons le nom d'Eclouard IV. »


(27-61) Macaulay : « I.e chevalier du comte.fut le trait-
d'union entre le baron et le marchand. Sur les memes
banes air venaient s'asseoir l'orfevre, le drapier, Pepi-
cier, envoyes au Parlement par les lilies de commerce,
s'asseyaient aussi des membres qui, dans tout autre
pays, aura.ient en le titre de nobles, les seigneurs here-
ditaires de manoirs, avant droll a te.nir des tours de
justice et a porter la cotta d'armes, el pouvant remonter
a la plus honorable origine a (ravers plusicurs geara-
lions. Quelques-uns d'entre eux etaient les plus jeunes
Ills et les freres de grands lords. D'autres pouvaient
s'enorgueillir rneme d'un sang royal. A la fin, le ills
aloe (Pun comic de Bedford, designe courtoisement
par lc second litre de son pert, an prasenla comma can-
didat pour un siege a la Chambre des communes, et
son exemple tut suivi par d'autres. Siegeant dans cello
chambre, les heritiers des grands du royaume derma-
rent naturellement aussi jaloux de ses privileges, que le
plus humble des bourgeois auxquels its &aim( melds.


Hallam fait la remarque qua c'est sous le regne d'E-
douard IV qu'on renco»lre les premiers membres d'un
hourg portant le titre d'ecuyers, et it cite les leaves de
Poston comme preuve de l'importa.nce, qu'avait des lors
un siege au parletnent, et aussi des influences
times dejit miles en usage pour poser sur les electeurs.
Depuis Pepoque l'aufhenticite des letlres de
Paston a did mice en doute, mais aussi, je crois, suffi-
samment etablie. Il y en a de vraiment curieuses-


(28-63) Le caractere 16 ,91. despotisme de Guil-laume


est evident pour quiconque a la plus legere


NOTES. 193


cormaissance du Domesday (a). Rion ne pent denoter
une plus profonde ignorance du veritable caractere de
cet homme et de son temps, que de se figurer Guillaume
comma n'elant Tien qu'un « grossier soldat e 1.ainsi quo
je l'ai souvent entendu appeler.


(29-64) Sur la veritable maniere d'envisager lc regne
de Henri VIII, j'ai cut quelque chose dans le Fortnightly
Review, septembre 1871.


(30-65) Ces de.ux. formes d'influence iildgale exeméc,
par la couronne sont expliquees par Hallam, dans son
Histoire constitution:wile, au premier volume.:.


(31-66) Je no sais pas quel &alt. au juste Few d'Old
Sarum en 1265 ou en .1205; mais, pea de temps avant la
premiere date, c'etait encore la principale residence en
memo temps du comic et de revalue.. Cependant, sous
le regne d'tdonard llf, it dish si fort dechu qua on em-
ployaiL les pierces de la cathedrale pour achevcr le non-
vel edifice qui s'eleva.it dans la plainc.


(32-67) Pour les relations d'Elisabeth avec son panic-
ment, el specialement pour ]a conduits handle des deux
Wentworth, Pierre el Paul, voir le cinquierne chapitre
de l'Histoire constitutionnelle d'Hallarn, amplement con-
firme par lc journal de sir Simonds d'Ewes... (b).


(a) II ne Nut pas oublier ne prit meme possession de
l'Anglelerre qu'on qualite d'ayant droit du roi des Saxons. On
ne pouvait certainement pousser plus loin le respect de la
if:pate.


((,) Les horns de Pierre et de Paul Wentworth (peat-etre les
deux freres) Wont pas obtenu la celebrice quits meritaient. On
a souvent cite l'dlan unique d'independance de Francois Bacon
dans la session de 1593; on n'aura jamais assez lone la noble
constance des Wentworth, de Pierre surtout, le plus conna.
Celai-ci ne cessa do defendre pendant trente ans, avec autant
do fermete qua de sons et do mesure, moire les Communes
elles-memes et au risque de sa personae, la liberte do la re-
presentation nationale en face do l'altittre et toute-puissance
Elisabeth. C'est lui qui, en 1575, comme Manuel chez nous,
en 1823, pour avoir fait dans la Chambre an appal energiquo




It3
NOTES.


(33-68) Pour les relations de la couroune et de la
Chambre des communes sous Jacques fer, voir entre
autres le sixieme oltapitre d'ffallam, Ilistoire constitu-tionnelle. •


ses privileges, flit interrompu brutalement et arretd par l'ordre
de la Chambre memo. On l'envoya it la Tour, on it retourna en-
core plus tard, sans jamais se departir de sa fiere et calmeintrepidite.


Dans le siecle suivant, un Pierre Wentworth encore, membredu Long Parlement. eut le courage de resister t1 Cromwell eta Lambert.


GHAPITRE


C'est la celebre motion de sir Robert Peel contre
le ministere de lord Melbourne, adoptee a la majorite
dune voix, le join Voir entre autres llistoire
eonstitutionnelle de May, all premier volume...


(21 Resta naturellement au tninistOre le droit d'en
appeler au pays par la dissolution clu Parlement. Seule-
merit si le nouveau Parlement se declare aussi contre
lui, it est evident. qu'il n'a pills rim it faire qu'a se reti-
rer. En 1841, lord Melbourne fit prononcer la dissolu-
tion, et, a la rentree du. nouveau Parlement, un amen-
dement a l'adresse fut adopts par une majorite de 91
voix, le 28 aodi l S41. Les ministres se retireren (a).


(3) On yerra corn hien est recent l'atablissement de ces
principes en etudiant l'histoire du refine de George Ill
dans l'ouvrage de sir T.-E. May. M. Pitt, comme on le
sait, resin au ministere malgrd les votes répetes de in
Chant bre des communes, et it la tin, par une dissolution


un moment bien montra que le pays aril avec
lui. Celle cohduite no paraitrait pas constautionnelle
maintenant, mais it ne taut pas perdre de vue l'irn-
mouse difference qu'il y a entre la Chambre des com-
munes d'alors ct cello d'aujourd'hui.


Quoique l'ordre du souverain ne puisse dire une
excuse pour WI ac.te illegal, et qua les ministres qui
artraient conseille cot note en soient personnellement


Et la reins dui congedier celles des dames de la cham-
bre h coucher qui inquietaieut le nouveau cabinet. C'est
Led eliangier question qui tit tout _ce bruit : trait Bien curieux
tin parlementarisme anglak.




198 NOTES
responsables, it sem hie cependant qu'on wait clierche an-
ent) woven d'en punir le souveraiu lui-memo. On pent
done dire qua le souverain est personnenement irres-
ponsable.


(I) Voir Macaulay. On ne dolt pas cddier que des
ecrivains comme Blackstone et de Lolme no disent
du cabinet...


(6) La position inferieure en apparence de l'assemblae
qui gouverne en realite parait clans tine certaine me-
sure a I'ouverture de chaque session ; mail elle Otait
hien plus accusee dans le ceremonial grotesque, et pre-
bablement tombs en desuetude, d'une conference' des
deux chambres. L'exemple le plus Curicux en ek la con-
ference tenue enfre les deux chambres de la Convention
en 1688. Voir Macaulay.


(7-,S) « Les ministres, » ou « Ic ministere, » etaient les
seals termer usites a l'epoque du bill de Mamie, en
1831-1832. 11 serail interessant de savoir it quel mo-
ment la locution acluelle rut wise en vogue, soft dans les
debals du Parlemenl, soil dans la Janne usuelle.


(8-9) En fevrier 1
M. Cayley fit colic motion :


line commission speciale examinera quels son t les de-
voirs du membre qui conduit les alfaires du gouverrie-
went dans colic Chambre, et conviendrait de faire
do ces fonctions ime charge officielle as cc traitemen »
I.a motion fat retiree, apres avoir eta ccinbattue par
sir Charles Wood (alljOUril . 11 i•omte Halifax), M. Wal-
pole, et lord John Russell (a.ujourd'hui conite Russell:).
Sir Charles Wood representa Ic poste de leader de la
Chambre corn c< tin office qui n'existe pas et clout les
devoirs ne peuvent etre dank. ), M. Walpole en parla
comme dune position totalenient inconnue a la con-
stitution do pays. » Cependant je presume quo chacim
savait en fait que lord John Russell &ait leader de la
Chiunbre des communes, hien que personne ne
donner une definition legate de sa position. Cue discus-


NOTES. 499


lion s'ensuivit entre N. Walpole et lord John Russell
stir la nature de la responsabilite ministerielle. M. Wal-
pole dit « (pie, si grave que fat l'opinion do certains
membres sur la responsabilite cede
responsabilite n'existe qu'en vertu de la charge qua
detient un ministre, ou pent-etre par le fait qu'il est •
conseiller prime. 1.7n ministre esl responsahle des tides
dont it est l'auteur; nil conseiller prime de l'avis qu'il
a donne en cafe quanta. Jusqu'au rogue de Charles lf,
les conseillers prives signaient toujours l'avis gulls
donnaient ; et jusqu'it cc jour le cabinet West pas MI
corps reconnu par la loi. Comme conseiller l u te
personne encourt pea ou pas du tout de responsabilite
pour les acles qu'ellc a conseilles, en raison de la diffi-
culla de la preuve. » Lord John Russell « demanda a la
Chambre de reflachir avant de donner son assentiment
aux doctrines constitutionnelles avancees par M. Wal-
pole. Il restreignait indiunent la responsabilite des
ministres... « restime, D continua lord John, « que cc
nest pas en realite pour l'affaire quo le ministre con-
cha en accomplissant les devoirs parliculiers dc sa
charge, mais Bien pour un axis quit a donne et qu'on
petit lc convaincre, !levant tin comite de cello Chamh•e
ou a la Barre de la Chambre des lords, d'avoir donne
en cffet, gull est responsable, et qu'il encourt les pe-
'tallies qui peuvent rêsulter de la mise en accusa-
tion. o


11 est evident que M. Walpole et lord Russel parlaient
ici tons deux de la s raic responsabilite legate, de cede
responsabilite qui pout etre sanctionnee par tine miss
en accusation ou par toute autre procedure legate, et non
pas de l'espece plus vague de responsabilite qiCon en lend
communernent quand on pane de ministres qui soul
« responsables levant. la Chambre des communes. »
Celle-ci est sanctionnee, non par tine procedure legal°,
mais par des motions du genre de cello de sir Robert




200 NOTES
Peel, en I 841 , 'on de celle du marquis de Hartington,
juin 18A... (a).


9-11) Pour le developpernent de la theorie des juristes
stir la prerogative royale, et le (Want absolu de rai-
sons historiques a l'appui, je dois renvoyer une f'ois
pour toute a la discussion d'Allen dans son ouvrage :
l'Origine et le ddveloppemnt de la prerogative royale en
Anglelerre (Allen's Inquiry into the Rise and Growth of
the Royal Prerogative in England).


• n-I3) On trouvera l'histoire de cette memorable re-
\ (lotion dans Lingard, au troisième volume. Hallam l'a
etudiee au point de cue constitutionnel dans son Mayen
age, deuxieme volume. Hallam fail la remarque que
a dans cette revolution de 1399, on montra une preoc-
cupation, aussi remarquable des formalites de la consti-
tution, en egard aux hornmes et aux temps, que dans
cello de 1688 a... Dans Facie de deposition, on a enre-
gistre. l'abdication de Richard, aussi bier que ses crimes
particuliers et son incapacite generale de gouverner, le
tout rassemble et classe comme autant de motifs de sa
deposition. La formula de deposition est concue en ces
term es : « Propter proemissa, et eorum prretextu, ab omni
digni tate el honore regiis, si quid dignitatis et honoris
jusmodi in co remanserit, merito deponendum pronun-
ciamus, decernimus, et declaramus ; et cam simili
cautela deponimus. » Pius le trove est declare vacant...
Henri fait connaitre alors ses pretentious, exposant cat
Orange amalgame de titres que commentent la plupart
des recits de l'evénement; et les Etats, sans dire lequel
des arguments d'Henri Hs acceptent, lui Octroient le


(i) La direction de la Chambre des communes (leadership)
et la presidence do Cabinet stint, depuis longtemps, presque•
toujours confondues dans la ini:ime personae. La division de ces
deux roles, comme elle a lien sous le ministers actual, fait
exception. On sent queue puissance est ainsi ramassee dans
une seule main, ou plutOt dans l'Assemblee qui la fait mouvoir.


NOTES. 10 1


royaume : « concesserunt unanimiter ut Dux przufalus
super eos regnaret= » : On pourrait diffieilement trouver
tut exemple plus frappant de deposition et d'election.
sauf que, dans les termer que j'ai mis ert italiques,
semble y avoir tine sorte de preoccupation inquiete de
suppleer, par lade de deposition, a un &taut possible
dans rabdication probablement forcee du roi.


La narralion francaise par un partisan de Richard
(Lystoire de la (raison et mart du roy Richart Dengle-
terrej donne, a quelques egards, tin reeit different.
L'assemblee est appelee Parlement, et l'on fait asseoir
tout de suite le due de Laneastre stir le trOne. Mors sir
Thomas Percy « cria : Veez Henry de Lencastre roy
Dengleterre ! Adonc crierent toils les seigneurs prelaz
et le commit de Londres, ouy, ouy nous voulons que
Henry due de Lencastre soil nostre roy et nul antra. »
Quant aux mots « le commun de Londres, » d'autres
lisent « le commun », « le commun I)engleterre et de
Londres », et « tout le commun et conseil de Londres


(11- II) Il taut se rappeler que Charles Ier ne tut pas
depose, mais execute sans avoir cesse d'être roi ; on
l'appela roi dans l'accusation, dans lc jugetnent et dans
Fordre de decapitation.


(12-21) Monk souleva cette question en 1660. Voyez


gar(1(1.( 3-16) Lingard fail remarquer qu'a ce moment meme
« it n'y await pas de con y pour influencer, pas d'in-
terveution militaire pour gouverner les elections. » On
pent done regarder la Convention comme avant etc plus
librement Clue que Bien des Parlements.


(14-17) Le Long Parlement s'etait dissous lui-meme et
avail decrèlS ['election de ses successeurs... Voir Lingard
et aussi l'Histoire constitatioznelle d'Hallam oit le sujet est
traits a fond, et oU l'auleur fait remarquer que « le Panic-
men t suivant, dans ses proces-verbaux, ne nommaitjaliene ,a .is
autrement ses predecesseurs que «la derniere assemble




202 NOTES.
(15-10) Voir la discussion sur le vote fameux de la


Convention-patiement dans Hallam, Histot're constitution-
nate, et dims Macaulay. Hallam fail remarquer que « le
mot fortaiture aurait mienx atteint le hut que lc terme
abdication ou desertion, », et it ajoule : « on procada
par les regles etablies du gouvernement anglais, mais
suivant lc droil general du genre tumuli!). On ne songea
pas taut la Grande Chute qu'au paste originel de la so-
ciete, et Pon rejeta. Coke et Hall pour Hooker et Har-
rington. » Mon opinion est qu'il fact remonler it cc


appelle « les hautes leis constitutionnelles »
pour justifier les actcs de la Convention, mail qu'ils
étaient pleinement justifies par les precedents de Phis-
toire d'Angleterre, du huitieme au quatorzieme siecle.


1.es elats d'Ecosse, it est bon de se le rappeler, ne PC-
mlarent pas devanl l'emploi du mot furfaiture.


(16-20) Voir Paste Pr
Guillaume et Marie « pour ecar-


ter et prevenir toutes questions et disputes concernant
la reunion et le droit de sieger de cc present Parle-
ment. » (Revised Statutes, If, 1.) Cet vete decrele « que
les lords spiriLuels et temporels avec les communes,
assembles a Westminster, le 29° jour de janvier, Pan . de
Notre-Seigneur I U88 (a), et qui siegerent le 13 du moil de
fevrier suivant, soul les deux chambres du Parlement,
et en cello qualite secant et sort, par les presentes,
contirmês et autorises pour louts intention, interpreta-
tion et dessein, gilds qu'ils soient, sans-tenir compte de
l'absence du Writ ou des Writs de convocation, d'aucun
detain de forme cm de n'importe quel vice, comma s'ils
avaient etc convoques scion la forme usuelle. » L'histo-
pique compact de la question est dans Macaulay, au 4t , vo-
lume. Tonle la matière y est resumee en ces termer :
« On repondit que le 'Mora royal etail. pure affaire de
forum, el qu'exposer la substance de nos lois et de nos


(a) Nous aeons 1680 : les Anglais adopthrent bien aprs
nous le ealendrier gregorien.


NOTES. 203
libertes a un hasard serieux pour sauver une forme se-
rail la superstition la plus deraisonnable. Partout on le
souverain, les pairs spirituels et temporels, el les re-
presentants librernent elus par les corps constituants du
royaurne se trouvaient reunis, it Y avail ressence d'un
Parlement. » I)ans les widens temps, on aurait pout-
etre .jugs qu'il y avail ressence d'un Parlement la meme
oil cut manqué le souverain.


(17-21) Macaulay : On avail mis en circulation un
article on la logiquc d'un inechant petit avocal chica-
neur elait employee a prouver quo les Writs publics
en leur nom commtm par Guillaume et Marie ccssaient
d'avoir force de loi, des Ions qua Guillaume regnait sent.
Mais cede miserable chicane avail complatement
&hone . 11 n'en avail pas memo ate question a la
Chambre basso, et on n'en avail pane a la Chambre
haute que pour recarter dedaigneusement. » A mon
point de vire, la chicane est certainemenl miserable,
mais ii est ditficile de your en quoi elle est plus misera-
ble que les autres.


(18-27) Le plus fameux do ces testaments-est celui du
roi Alfred. Cc point est discute tout an long dans Allen,


Royal prerogative ».
(19-29) Edouard Pr est le plus ancien roi dont Fe


rogue soil dale clime epoque aniCnieurc a son couron-
nement. Detail hors de son royaume(a) a la morl de son
[terse, et son droit fat reconnu sans opposition. Mais,
memo dans ce cuts, it cut interregne. lesannees
rogue d'Edouard l r ne soul pas calculees du jour de la
mod de son pere, 'Ids du jour de ses funerailles, lors-
qu'Edouard fat reconnu roi, et que les prélats et les
nobles luipréterent le serment d'allêgeance...


(it) On sait qu'apres avoir vaincu Leicester h Evesham,
(tail alb!: rejoindre, saint Louis dev ant 'Tunis, et quill contiwia
la croisade apr:2s Ses aren tures en Palestine soot des plus
dramatic-pies.




NOTES.
La doctrine gull lie pout y awls d'interregne semble


Moir pris forme pour plaire a Jacques V, et elle ful
naturellement detruite par le grand vote de 1688. Main-
tenant, Bien entendu, ii n'y a pas d'interregne; non pas
du tout en vertu d'une mysterieuse prerogative de la
couronne, mais simplement parce que lade de Settle-
ment a regle d'une facon particuliere la transmission de
la couronne.


(20-31) Blackstone, reduit a ses seules forces dans les
temps &ignorance oh it vivait, est peat-titre pardonna-
ble. Mais ce qui est verilablement trop fort, c'est que,
juriste apres jurisle, tons, dans des editions suecessives,
reproduisent invariablement ces abasourdissantes Arte-
ries qui passaient a repoque de Blackstone pour notre
ancienne histoire constitutionnelle




Les commentai-
res sur la succession du roi Jean, dans l'edition de Black-
stone, publiee par Kerr en 1857, solt particulieremenl
amusants, mais trop longs pour 'etre Cites.


II Nut cependant quo je mentionne urn point. Pour
prouver quo la succession est strictement hereditaire.
Blackstone, au ter volume de Kerr, cite lc statut 25
il'Edouard IlI Nous devons suppose'. que ces savants
juristes avaient lu dun bout a l'aulre le statut gulls
citaient ; mais it est Bien êtonnant gulls n'aient pas vu
que ce statut n'a absolument aucun rapport avec Feta-
blissement dune succession hereditaire it la couronne.
Void. le texte original :


La lei de la Corone Dengletcrre est, pt ad este tout
jours quo les enfant • des rois Denglelerre, quell
part yils soient neez Engleterre on aillors, soot ables C(
deivent porter heritage, apres la most lour auncestors. »


L'objet du statut est tout h fait different de ce qu'on rpou
rail croire a la maniere dont Blackstone le cite. Les mots
siguiticatit's sent ceux qui out etc mis en ilalique. L'ob-
jet du statut est de faire que les enfants du roi et autres
nee de parents anglais de l'autre cote de la mer swept


NOTES.


20:i


capubles d'heriler Cn Angleterre. Lu taut qu'il s'agit de
la succession a /a couronne, l'effet en est simplement
de mettre l'enfant du roi tie hors royaume clans lee
memos conditions quo son here ne dans le royaume
'nettle, c'est-a-dire, dans l'esprit de notre vieille loi, de .
dormer a tons deux egalement la preference due it un
:Et holing (noble de sang royal).


'21-34) La succession d'un petit-fils, qu'on vii pour
la premiere fois en Angleterre dans le cas de Richard II.
marque une epoque distincte dans le p


•ogres do la doc-
trine du droit hereditaire. Elle impliquc la doctrine de
la representation, theorie tout it Nit sublile et technique,
et qu'il n'est pas h beaucoup pros aussi facile ni vrai-
semblable de rencontrer dan3 un eta" primitif de societe
que cello do la proxitnite de parente. 11 tir: tut fail au-
cline opposition contre l'avenement de Richard II; mais
it semble y ail eu dans l'esprit des contempora:ns
une opinion fortement accreditee que Jean de Gaunt cher-
chait a deposseder son never. Dans les anciens temps,
en sa qualité de l'aine et du plus capable des fits surri-
vents d'Uottard III, Jean eiit etc probablement elu sans
qu'on se préoccupat en aucune maniere des (tolls du
jeune Richard.


(22-35) Dans le langage officiel des Vorkistes, lee trois
rois Lancastriens furent des usurpateurs, et le duc Ri-
chard était roi de jure, sinon de facto. Henri VI, dans
Facie de 1101 (a), est a Henri l'usurpateur, dernierement
appele le roi Henri VI. a La prêtention de la maison
&York se fondait sur une descendance par les femmes,
el fort embrouillee, de Lionel, due de Clarence, fils &E-
douard III, plus Age que Jean de Gaunt. Une pretention
si purement technique n'tivait jamais etc mice en avant
jusque-la ; mais on pent etre parfaitement sew qu'on n'au-


(a) Qui proelania Edouard 1V, it londres, apres la bataille de
Saint-Albans.


12




206 NOTES.
rail jamais crn qu'elle pill avail.' grand poids, si le due
Richard, par une autre branche, n'était descendu
d'Edouard en ligne masculine, et s'il n'avait ate, en
outre, le noble le plus capable et le plus populaire du
Pays.


(23-30) Erie election par provision avant la vacance
du Crone cmpdchait naturellement tont interragne. Dans
cc cas, la Commie : « I.e roi est most, vire le roi (a) »
était parfaitement \Tide. Le nouveau roi clad deja choisi
et convolte, el it n'avait rien a faire que de continuer


regner scut au lieu de regner en commit avec son
pare, precisement comme Guillaume continua a raper
seul apres la mort de Marie. En Allemagne, ce fait
se produisait tonics les fois qu'un roi des Romains
dial I flu pendant la vie de l'empereur regnant, En
France, sous les premiers rois de la dynastic pari-
sienne, cat usage fin surtout commit, et cc fait y
cut rarement ou manic n'y cut jarnais d'interregne,
contribua beaucoup sans aucun doute a cc que la con-
ronne devint en France, comme it arviva, la couronne
la plus rigoureusement hereditaire de toute la chra-
tiente. En Angleterre, le scut cas Bien authentique
couronnement (Fun ills dnrant la vie de son pare est
celui d'Henri, fits d'Illenri designe sons le nom d'Henri
le Jenne, el quelquefois d'Henri III (b).


(24-40) . Le testament d'Henri VIII est discute tout au
long clans Hallam, au l er volume et dans Lingard It
en resulte quo Marie et Elisabeth regnerent en realite,
non par la vertu dune descendance royale. , mais bien
d'une substitution particuliare qui donnait la conronne
aux lines illegitimes du roi, com me elle await pu la
dormer au premier êtranger venu


(a) 1•:n fnancais dans le texte.
(I') mini Court-Mantel. Mais sa femme Marguerite, fille de


Louis VII, ne fat pas couronnee avec lui.


NOTES.
207


Pour trouser "'analogue des pouvoirs cxtraordinaires
sins" accordds a Henri VIII, it fault remonter jusqu'au
temps d'Aahelvvulf.


(25-'10 La position des Mies d'ilenri VIII dui man-
rellement se ressentiv dans la pratique do ce fait que
chacune etait l'enfant dune mere reconnue comme
epouse legitime au moment de sa naissance. ii y avail
severite manifeste ranger des enfants nes clans ces
conditions parmi les e» rants illegitimes ord naives ; mais,
dans la ripenr de la loi, comma Henri Opousa ne
Boleyn du vivant de Catherine d'Aragon, title de
Catherine et la title d'Anne ne pouvaient dire légitimes
tattles deux


(26-i3) Le droit de Jacques fist recounu par son pre-
mier Parlement, exactement comme les pretentious
d'autres rois qui arriverent au Iren e (I'une manure irre-
guliere l'asaient 610 avant lui. Il taut remarquer cepen-
danl gull rut eouronnè avant d'avoir Ole recounu


(27-11) he fait que Jacques l er, — un roi qui monla sum
le tretne sans aucune espdce de titre que celui qu'il ac•
quit par un acte-du Parlement postericur it son couron-
Dement, fut reconnn sans 'a moindve opposition, est
une des closes les plus remarquables de noire his-
toire..... Voyez les remarques d'Hallam sur Fespece
d'election facile par laquelle on pourrait dire que Jac-
ques for regna. « Pourquoi absurde d'appeler
cc roi et ses enfants des usurpateurs? C'est qu'il
ce que les flatteurs de sa farnille affectaient le plus de
de dedaigner, lc consentement du peuple, non pas sans
doute exprime par un suffrage regulier ou une election
positive, mais ratifiant unanimement et volontairement
cc qui, de soi, ne pouvait certainement lni (twitter aucun
droll, la decision du Conseil de la fate reine qui l'appe-
Nit au Irene. >,


(28-i5).... he roi avail objecte contre l'autorite de la
Cour qu' n'y voyait aucun des lords qui devaient




208 • NOTES.


faire un Parlenient, y compris le roi...... a C'etait lit
incontestablement le MO fort de l'argumentation de
Charles, ce kraut de concours (le la part des lords. Les
deux C,hambres du Parlement s'etaient concertees dans
la procedure suivie contre Edouard II et Richard II...


(29-47 II est it peine necessaire d'insister sur un fail
si certain..... En tout cas, voici ce qu'on lit dans May,
au 2' volume : « Le pouvoir croissant de ht Chambre
des communes, avec one representation amelioree, a
ere patent et indiscutable. Responsable devant le peuple,
elle a en memo temps term en main la force du peuple.
N'etant plus subordonnee it la couronne, aux ministres,
aux pairs, elle est (termite l'autorite pródominante dans
l'Etat. »...


(30-48) Plutarque, dans son Lyco •gue, racontc que le
roi Theopompe, avant consenti it cc que le pouvoir royal
tilt diminue au profit de celui des ephores, fut repri-
mantle par sa femme, pa yee quo le pouvoir qu'il trans-
meitrail it ses descendants serail moins grand quo celui
qu'il avail recu de ses ancetres :ep.av,




TJvat7.,?4
tivtatZ.:vv.s , io; D.eir76) 77apV2Ciltn ./791 77:/.!G:


32M -42:;0 2 'nxi-,IXA'e,
;61, t5aT


14. 2 67-.11.
trocv emria.),G5cro:
cf.,13,:vo h2c>u7,s


(II sera d'antant plus grand, lui dit-il, qu'il sera plus
durable; car, en realite, debarrasse Unit execs qui
excitait l'envie, ii aura echappe au danger)....


131-49, Il serail parfailement oiseux el sans objet pra-
lique, dans Petal present de l'Augleterre, de discuter les
merites respectifs de la republique et de la monarchic
constitutionnelle. Non-seulement la monarchic constitu-
tion n elle est fermetnent en racinee clans le mut . du peuple,
mais elle a des avan [ages particuliers sur la forrnerepuhl i-
caine, tout corn me la forme republicaine a des avantages
sur elle. On pent se demander si le peuple n'a pas un plus
sérieux contrOle sur l'Executif, quand la Chambre des
communes, nu, en dernier ressort, le people lui-meme


VOTES, 209


dans les polling booths (comme en 1868), pent, it un mo-
ment donne, deplacer un gouvernemen I, n'en a dans
les constitutions on. on Ex &tiff, si fort qu'il puisse avoir
trompe les esperances do ceux qu'ils l'ont ne peut .


,arc ecarte avant l'expiration du lerme de sa charge,
exceple y a preuve legale d'un crime defird. Mais,
d'unc maniere absolute, it semble reellemenl qu'il n'y
ait immune raison pour quo la forme de l'Executif ne
soit pas consideree comma un sujet aussi legiti me tie dis-
cussion que la Chambre des lords, l'Eglise etablie, l'ar-
'nee permanente, ou toute autre question. C'est tout
simplement faire preuve d'ignorancc, ou de pis encore,
que d'employ or le mot de « republicain » comme syno-
nyme de coupe-jarrat on de Mon. Je ne vois pas que
dans les pays republicains ces formes de langage soient
appliqu6es aux admirateurs de la monarchic: mais les
Bens qui patient de la sorte sont precisement ceux qui
Wont anemic idee de la republiquc, soit dans le passé,
soil dans le present.. its orit fres probablement gravi
quelque montague de la Suisse, mais ils ont eu soin de
ne pas s'informer de cc qu'etait la constitution du pays
qui s'elendait it leurs picds....




APPENDICE


LA BATAILLE DE MALDON
LISTE


DES PRINCIPAUX OUTRAGES AUXQUELS BEN VOIE


L'AUTEUR


Stubb's Documents illustrative of English History
Freeman's History of Norman Conquest.
Freeman's Historical Essays.
Hallam, Mogen Age.


Histoire Constitutionnelle.
Macaulay.
May's Constitutional History.
Li ngard.
Mathieu Paris.
Allen's Inquiry into the Rise and Growl of the Royal Pre-


rogative in England.
Francis Pa'grave's English Commonwealt.
Revised edition of the Statutes.


L'auteur, dans son premier chapitre, rapproche
cette ballade anglo-saxonne d'un passage de Tacite,
sur le compagnonnage militaire des Germains.
Nous transcrivonsici le texte que nous annoncions
au lecteur en lc traduisant a la page 47,


Thereon hewed him
The heathen soldiers;
And both the warriors
That near him by-stood ;
YElfnoth and WuIfma3r both
Lay there on the ground
By their lord ;
Their lives they sold.
There bowed they from the fiAt
That there to be would not.


There were Odda's bairns
Erst in Right;
Godric from battle went,
And the good man forsook
That to him ofttimes
Horses had given.






APPENDICE. 213212 APPENDICE.


Ile leapt on the horse
That his lord had owned,
On the housings
That it not right was.


There was fallen
The folk's Elder,
:Ethelred's Earl ;
All there saw
Of his hearth's comrades
That their lord lay dead.
Then there went forth
The proud Thanes,
The undaunted men
Hastened gladly ;
They would there all
One of two things,
Either life forsake,
Or the loved one wreak.


Have and hold
The hard falehion
Spear and good sword.


1 this promise
That I hence mill
Flee a footstep,
But will further go,
To wreak in the fight
My lord and comrade.
Nor by Stourmnere
Any steadfast hero
With words need twit me
That I lordless
Homeward should go,
And wend from the fight.


Rath was in battle
Neither on that folk Offs hewn down,
Shall the Thanes twit me Yet had he furthered
That I from this host That his lord had pledged,
Away would go As lie ere agreed
To seek my home, With his ring-giver
Now mine Elder Beth That they should both
Hewn down in battle ; To the borough ride
To me is that harm most ; Hale to home,
Ito was both my kinsman Or in the host cringe
And my lord. On the slaughter place,


Of their wounds die.
Ilow thou, /Elfwine, bast He lay Thane-like
All our Thanes His lord hard by.
In need-time cheered.
Now our lord Halt, Mind shall the harder be,
The Earl on the earth, Heart shall the keener be,
That of us each one Mood shall the more he,
Others should embolden As our main lessens.
Warmen to the war, Here lies our Elder,
That while we weapons may




APPEND]CF.
All down hewn,
A good man in the dust ;
Ever may he groan
Who now from this war. play
Of %vending thinketh.
I am old of life ;
ft:?.nce stir will I not,
And I by the half
Of my lord,
By such a loved man
To lie am thinking.


214


UN EXTRAIT DU POEME DE BEOTULF.


Nous n'avons pas resiste au desir de oiler, a cOte
de Finteressant document que donne M. Freeman,
Uri aul.re morceau, non monis curieux, extrait
Lkovulf (a). Ceci est un poeme Opique, egalement
en anglo-saxon, mail qui remonte a tine antiquite
Dien autrement reculee, h l'Opoque oil les peuples
qui parlaient cello langue, confines encore dans la
basse Scandinavie, n'avaient pas memo aborde les
bouches de ]'Elbe et les rivages germains. Plus Lard,
au cinquieme ou sixieme siècle, ii fut remanió,
et, de nos jours, les trois mille very el plus dont it
se compose ont Ole traduits en entier par les sa-
vants allemands.


Le passage que nous a rappele la ballade stir la
bataille de Maldon caracterise aussi d'une manie.re
frappanLe l'étroite =UV; qui liait les compagnons
leur seigneur. Le heros de la vieille epopee, Beo-
vulf, prince des Gedtds(b), Veretlds ou Goths, dovan-
cant ses guerriers qui le suivent, s'est attaquC


dragon invincible qu'on retrouve dans les fables


(n) Prononcez Biovulf.
(b) Prononcez Gh:Olas.




216 A ITENDIGE.


primitives de tons les peuples. Le inonstre vomit
r le


vieux roi de si terribles jets de Ilamme et le
serre de si pres quo celui-ei va suecomber. Voiei
ce qui arrive, d'apres le reed!, memo du pate, que
nous aeons essaye de reproduire en viers, litterale-
ment, sur le texte anglo-saxon de Moritz Heyne,
óelairei par la version allemande de Karl Simrock
(Paderborn, 1873) (a).


Alors s'enfuit la troupe a Paspect do danger,
Des nobles jenne elite ; autour de lni pressee,
Loin d'achever la Intte, elle vent se ranger
A rabri dans on bois. En son ante oftensdc,
Lin soul, brave et loyal, sent bouillir sa valour.


Pour la premiere foil, au sein do la tentpete
Do combat, it suivait le Chef et le Seigneur
Qui le combla de dons. A raider it s'apprOte.
Son cceur no faillit point, et de sa faible main
Ne laissa pas tornber lo glaive de son Pere.


Vigidf, aux Compagnons declarant son dessein,
Exhale en mots nombreux tine douleur =eve :
« Mon ante a retenu — depuis qu'il nous donna
• L'ale dans ses testing


— notre proinesse fiere
« Au noble Chef et maitre, alors


nous °ilia
« Nous, ses guerriers, d'anneaux. La Salle de la biere
« Entendit nos serments. Notre bras empresse
a Devait, s'il le fallait, de sa munificence
« Payer on jour les dons : cottes en or tressd,
« Casques, glaives tranchants. C'ost nous de p•efdrence
• Qu'il a voulu choisir dans le camp tout entier,
a En partant pour tenter cette rude aventure,
a Parce
Sit en nous le cam p


le plus altier,


(al II (alit voir aussi l'aitachante analyse et les extraits qu'en
donne M. 'raise dans son Hisloh


•e de la litte
•ature anglaise.


A PPENDICE.


« Nur manier Tepee tine adresse plus sate,
« Et pour porter le casquc an front plus vigooreux.
« It comptait cependant, seul nous sauvant pout-Lire,


Accomplir cet exploit par tin effort heureux,
« Lui, la Pasteur du people et noire Seigneur-maitre.


. . ...... Ce 'Jour funeste a lui


« Ou le Chef des guerriers a besoin de noire aide
Es do vaillants lutteurs. Mions, courons
Defendons le heros, avant qu'enfin it cede


‹c A Peffroyable ardour de ce feu consumant.


Quant it moi, Dieu le salt, je no sens qu'une envie :
« A la flammc livrant cc corps 10011 velment,
« Pour Panneau (Vol. du Chef lui ddrouer ma vie.
« Gui, cc serait grand'honte avec nos boucliers
a De rentrer au pays, chacun dans sa demeure,


Si l'horrible dragon, sous nos cou ps deployes,
a In no s'abattait : it ne font pas quo meure
« Le roi des Vederas. Nous no suivrions pas
« Nos usages anciens, si nutre Chef et. maitre,


Avec tant de. guerriers, les heros des Gel:gas,
« Souffrait et tombait seul. Tout en common dolt etre
« Entre le Chef et nous, le brillant bouciier,
« Et Parttime tressde, et le casquc et la lance,
« Tout I a A ces mots, Viglaf au Chef qui via plier
Court, et par la fumee et la Ilannue s'elance,
S'ecriant, le heros I son bouclier love :
« Courage, cher Beovull


.... a ton secours farrive I ),


13


FIN.




TABLE


Avertissement du Traducteur


Introduction par le Tradneteur.


Notes de l'Introduction ... xux
Preface de TAuteur
Sommaires des chapitres ............. LXIII
Chapitre premier 1
Chapitre deux ieme GO
Chapitre troisii:me 119
Notes du chapitre premier 171
Notes du chapitre deuxieme. I 82
Notes du chapitre troisieme 19"1
Appendice : liste des principaux ouvrages citds par TAn-


te.ur . 210
Le palm cur la bataille de Mahlon, texte anglais




211
Un extrait du pame de Beovulf, traduction




215


FIN BE LA TABLE.


2142277
.
CORBEIL. - Tsp. i WI% de Crtiri:.


411