COLLECTIüN DES MÉMOIRES RELATIFS A LA RÉVOLUTION D'ANGLETERRE. - ---- HISTOIRE DU...
}

COLLECTIüN


DES MÉMOIRES
RELATIFS


A LA RÉVOLUTION D'ANGLETERRE.
-


----


HISTOIRE DU LONG-PARLEMENT, TOME 1.




PAR 1S, IMPRIMERIE DE A. RELIN,
Bue des Mntll11rins Ste-Jacques , nv. 14.




HISTÜIRE
DU


LÜNG-PARLEMENT
CONVOQUÉ PAR CHARLES le.


EN 1640;


PAH TRÜMAS MAY,
5ECRÉTATHE DV :PAIU.l'ME~T.


TOME 1.


A PARIS,
CHEZ BÉCHET AINJ<~, LIBRAIRE-EDITEVn,


A RÜUEN,
'!EME MAlS0N DE COilflHERCE,




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NüTICE
SUR TRüMAS MAY.


LE 5 septembre 1754, le pere de M. Pitt , le grand
lord Chatham écrivait ~l son neven, alors étudiant a
l'Univcrsité de Camhridge: « Je vous ai engagé , il y
« a quelque lemps, a lire l'ltistoire de la Rebellion ~
« de lord Clarendon ; je viens de lire un ouvrage
« heaucoup plus sincere et plus instructif sur le mérne
« périodc de notrc histoirc ; c'est l'llisloiredll Long-
« Parlement ~ par Thomas May. J e vous l'euverrai
« des que vous serez de retour il Camhridge. »


Vers la me me époque ( 16 aoút 1753), le savant et
ingénieux évéque Warburton écrivait aussi au docteur
Hurd ; « L'histoire du Long-Parlement de May est
« un excellent ouvragc, écrit avee beaucoup de ju-
« gement, de pénétration, d'énergie, el avec une can-
« deur qui ajoutera heaucoup il votre estime quand
« vous saurcz que l'auteur l'a écrit par l'ordre de ses
« maitrcs , les dcux chambres du parlcmcnt de 16f¡0.»


Si lord Chatham el Warburton avaient assisté aune
révolution , ils auraicnt vu, j e pense, dans Yhistoire
du Long-Parlement de Thomas May, quelque ehose
de moins , et aussi quelque chose de plus; je dirai
tout a l'heure quel en est, a mes yeux, le caractere.


a




VJ NüTICE
Quoi qu'il en soit , I'opinion de ces deux grand~
hornmes est aujourd'hui, en Angletcrre , celle des amis
les plus sinceres et les plus éclairés des libertes publi-
ques. De tous les écrits eontemporains de la révolu-
tion de 161¡0, l'ouvrage de May lcur parait le plus
judicieux , le plus vrai , eelui qui contient le tablean
le plus eomplet et le plus Iidcle de retaL du pays et
de la marche des événemens, C'est lil du moins ce
que j'ai recueilli de lcurs lettres el dc leurs entre-
tiens,


Maya done vu et jugé la révolution dont il (;tait
térnoin comme la voicnt et la jugent aujourd'hui la
plupart des patriotes anglais. Les faits de ce temps
se présentent á leurs yeux sous l'aspcct qu'ils avaient
aux siens , les impressions qu'il en a re<;llcs ct décrites
sont les leurs; ils adherent aux jugemens qu'i] a por-
tés sur la situation et la conduite des partis. Pros de
deux siecles se sont écoulés ; toutes choses ont changé
de faee ; iI n'y a plus ni papistes ni puritains ~ ni ca-
valiers ni tétes-rondes , la révolution de 1640 n'est
plus, en Angleterre mérne , que de l'liistoire ; et les
W"higs de nos jours Iisent et jugCl1t cettc histoire avec
les mémes sentimcns , dans le mérne esprit qu'y por-
tait, en I'écrivant , un contemporain.


Ce phénomene est rernarquablc et suílirait pom
donner , al'ouvrage de May, une assez haute impor-
tance, Il n'a pas toujours été jllgé de la sorteo Jc nc
parle pas de Clarcndon qui , lié d'ahord avec lui ,
l'accusa ensuite {( de s'étre prostitué au vil cmploi de
{( céléhrer l'inf:1me couduite des h0I11111es qUt s'étaient
,( révoltés centre le Hoi , ce qu'il fit , ajoutc-t-il 1




SUR THO\\'IAS l\lA Y. VI]


« d'une facón si triviale qu'il parut, atous les yeux,
« avoir perdu son esprit en me me temps que sa pro-
1/ hité (1).» Un homme plus impartial que C1aren-
don, qui, sous Charles Iv , avait partagé les opinions
des réformateurs , qni, apres le re tour des Stuart,
siégca presque constamment avee l'opposition , et que
plusieurs fois Charles JI renta vainement de séduire,
André Marvell , a écrít contre May un petit poeme oú
il 1ui reproche sa plume mercenaire ~ se moque de
la basse complaisauce avec 1aquelle il a nommé tel
homme de son parti un Catan ~ tel autrc un Cicéron,
ct soutient que les erreurs de son histoire n'ont point
eu leur sonrce dans l'ignorance de l'écrivain ni dans
une crédulité hounéte , mais dans sa malice et son
intérét personnel (2).


Ainsi J'homme que, peu arres sa mort , un patriote
indépcndaut , et qui n'a jamais cessé de passer pour
tel , taxait hautement de vénalité et de mauvaise foi,
est maintenant, dans l'opinion des patriotes nouveaux,
le narrateur le plus impartial et le plus fidele de la
grande crise it laquelle l'Angleterre doit incoutesta-
blement ses libertés.
~i les préventions de parti , ni la légereté des


jugemens humains ne suílisent ~I expliquer ces vicissi-
tudes de l'opinion , elles ont des causes plus géné-
rales: la renommée de la révolution que raconte


(1) Mcmoires de Clarerulnn su!' sa 1 1ie privce , toru . T. pago 41,
édition de Bale, Ces mcmoircs fcront partic de notro (.'ollection.


('lJ Biographia britannica , a l'allide May, tomo 5, pago 307";
"'lilion de 1?6o.




VIl] NO'rICE


Thomas May les asubies eomme celle de son livre ;
et c'est paree que les événernens mérnes ont changé
de face aux yeux des hommes qu'ils ontjugé si divcr-
sernent l'historien,


11 était né en ] 595, d'une famille ancienne et ho-
norable dans le comté de Sussex , son éducation fut
tres-soignée , et pendant le temps qu'il passa al'Uni-
versité de Cambridge, il s'adonna :1 l'étude de la Iitté-
rature classique avec une passion et un succes qui
présageaient un érndit on un poétc bien plutót qu'un
homme de parti et un historien puritain. Aussi la
poésie et les lettres occupercnt-clles seules la p1'e-
miere portien de sa vie, Venu aLondres an sortir de
l'Université , il s'associa avec ardcur ace mouvcment
général des esprits vers le théútre , les travaux litté-
raires , les divertissemens et les fetes, qui avait com-
meneé sous le rcgne d'Élisabcth , et cachait encare
l'approche menacante des graves pcnsécs de la liberté
et des rudes épreuves de la guerre civile. La cour de
Charles ler érait alors , apres celle ele Francc, la plus
brillante et la plus animée de l'Europc , ce monarque
imprévoyant dépeusait , avec une lég(\reté sérieuse ,
les dernicrs restes da glorieux gonvernement d'É]i-
sabeth et du gouvernement pacifique du roi Jacques
son pere, La haute noblesse , oisive et appauvric ,
aflluait autour de lui, He demandant que des Iaveurs
et des plaisirs, Le duc de Buckingham, son favori ,
présomptueux, hautain , magnifique, frivole , usait
dn pouvoir el. du trésor comme d'une richesse via-
gere, bonne sculcmeut á Iui faire eles créatures et a
satisfaire les capriccs Jo sa volonté. La Reine qui ne




SU R TIlÜ11AS MA Y. IX


voulait pas avoir changé de patrie, ne s'occupait que
d'iutroduirc a Whitchall les manieres, les passe-
temps et les idées de la cour de France, regardant le
pouvoir ahsolu comme une nécessité de la pompe
royale, et le caíholicisme comme la seule religion qui
convint aux gl'ands seigncurs. Les' poétes , les let-
trés , les heaux esprits venaient en fonle chercher la
des occasions a Ieur talent, des triornphes a Ieur
amour-propre et des peusions a 18m pauvreté. Il ne
faut pas les en bltll1lcl' trap séveremeut , les goúts et
les plaisirs de l'csprit entrainent souvent je ne sais
quelle préoccupation noble et douce qui fait ouhlier
al'homme les réalités sccialcs i lc distrait des pensées
du citoyen, et ne lui permet gneres de songer qu'aux
travaux qui le charment et aux protecteurs qui l'en-
couragcnt. Al! milieu des spectaclcs , des conversa-
tious élégantes , des fetes, des mascarades oú prenait
pan toute la cour , dans les clubs spi rituels et joyeux
oú se réunissaient les succcsseurs de Shakspeare et
oú Bcn-Johnson présidai t cncore , on oubliait aisé-
mcnt et la taxc des vaisscaux , el les querelles des
puritains avcc J'arc!1cvtr!l]c Laud , et le juste mais
sombre mécontcntcment du pays. Bien accucilli á la
cour et dans les réunions lettrécs , le jeune May ne
s'iuquiéta que d'y réussir et de leur plaire. Cinc¡ pieces
de théátrc rec;ues avcc íavcnr (I) , une t raduction en
vers des Georgir¡ucs el de quelques cpigrammes de


(1) Ces Cinf[ picces son r : JO. L'j-icl·itier~ comcdic , jOlu;e en 1620.
'J'"J, Clt:np(itre, [ragúli(~ ~ en IG7.fi. 3° . ...1grippine, trae/die, en r628.
¡tOo ..4ntigone, tragidit.·, f'll IG31. 50. Le' f'Tieux couple , comedie. Au-
cune n'est restée au tht:¡ltxe.




l\'OTICE


Martial , dcux poémcs historiqucs , l'un sur le l'i~gll('
du roi Henri IJ (1), 1'a11 tre sur cclui d'Edouard IlI (2);
enfin sa traductiou de la Pliarsalc de Lucaiu el sa
continuation de ce poéme , en [atin et en anglais,
jusqu'a la mort de César, lui valurcnt bicntót une
brillan le reuommée. Ce dernier ouvrage surtout íut
rcgardé comme un chcf-cl'ccuvre el oblienl cncore ,
en Angleterre, beaucoup dcstimc. 011 y admira tille
rare connaissance de l'antiqnité romaiue , de ses SCl1-
timens , de ses mceurs, el un talcut d'.'crire tres-
pen commun, Charles 1'" traitait May avcc distinc-
tion, et ce fut i\ la demande dn Iloi qu'il composa
ses deux poumes sur les ri:t;l1 cs d(~ Hcnri JI et en;:-
douard Il.l. C'était li\ le temps oú le Hoi opprimait se:i
pcuples el oú s'amassait , dans le cccur des pcuplcs ,
lant de méfiance et de colere , mais ni le Iloi ni le
poétc u'avaient , a coup súr , le moindrc prcsscnti-
ment de l'opiuion qu'ils dcvaicnt un jonr avoi "o l'UB
de I'autre , quand le Roi se serait mis en gucrre avec
ses sujets , el le pode au ser-vice eles ennemis de son
prcmier in l ron,


Cependant tout n'érait pas f;\\'C1U el plaisir daos ce"
relations d,cs gens de lettres avec les gl'alllJs scigl1cnrs,
el May en fit un jour une assez triste cxpéri cnce. Le:'
étudians du Temple el leurs joycux compagllons don-
rieren t á la CaDr une el e ces mascararl es alors a la mode.


\1) 'The reiHIl '?J Hing jjcll¡'Y tl:« sr conct H'J'iUCIl (Ji scvcn. !loo""
In- his jlJlljt~~~} '8 con.ma n.l .


:,2;' '[he »ictorious l'eiB'¿ nrf~dÍ\'(fld ¡¡'¡(O th ird , in sr'lJ('n 7-'(¡nk~. 'jI
li;~ll{/j(;.~t":,-':; ('0111111((1/,1




s U R TIlüM AS l\1A Y. XJ
« Ils furent, dit un témoin oculaire , tres-bien re~'us
« du Roi et de la Reine, et n'essuyerent aucun dé-
« sagrément , sauf l'accidcnt que voici, lVI. JUay, un
« charmant pode, celni qui a traduit. Lucain , croisa
« brusquement, dans la salle du banquct , le lord-,
« chambellan , et celui-ci no sachan] qui il était , lui
« cassa le báton de sa charg'c sur les épaules, Le Roi
« qui était la et connaissait JU. May , cal' il !'appellc:
« mon pode, en Ji 1: des reproches au Iord-chambellau
« qui envova clicz lui lc lcndcmain matin pour s'ex-
« cuser , el: lui fil remcttre einquante livres en picces
« d'or. 1f. Maya dú , je crois , cette poJitesse au nom
« que lui donne le Roi (1). » Singulier cxcmplc de
la brutalité des I1H.EUrS el de la petite situation des
lettrés dans une cour qui les recherchai t avec tant de
soin, el: reeevoít d'eux la plupart de ses plaisirs !


Un incident d'un autre genre vint hieutót changer
la situation de May et douner a ses opinions, comme
ases travaux , un nouveau tour, En 1G37, Ben-Johnson
étant mort , lctitrc de pode lauréat et les avantages
qui y étaicnt attachris se trouvcrent vacans, May les
désirait el les sollicita. Un concurrcnt plus heureux,
sir William Daven:mt, les ohtint. l\1ay avait-il déj;t
contracté , avec les advcrsaires de la cour , des rela-
tions qui détourncrent de lui les faveurs royales P 11
vaudrait micux , pour son honneur , que nous pus-
sions le croire ; uiais ri cu ne l'indique , el les écri-


',,1) Hans Hile letlll' (il~ 'J.¡ I'('"\I;Z'I' Jf)')~, :l{lJ'(~ss(:c au comte de Sll'amlrd
-durs lord-licutr-n.uu ,Fhbnrl,f'. /JiIlHfap/Lia l.ritannica , ~t l'arlíde
U(lV. 10m. 5, píl~. :-~oth, ;'1. la no t. E. '1




XIJ NOTICE


vains royalistes imputent sa désertion de 18m partí a
l'humeur que Iui causa l'échec qu'il venait d'essuyer.
May devait étre aisément accessible al'humeur : (1 Né
(1 pour étre riche , dit Clarcndon , si son pere ne s'é-
l( tait ras ruiné, il no possédait qu'un mincc revenu,
« en désaccord avec l'érlucation libérale qu'il avait
« rC9ue; et adéfaut d'une Iortune capable de lni ins-
« pirer quelque hauteur de caractere , iI abaissa son
« caractcre au niveau de sa fortuue. JI était d'un
« naturel singulierernent humble ct timidc, dispo-
« sition qu'il n'affectait point et que forti íiait un défaut
(1 de langue qui , le rcndant improprc 11 la conversa-
« tion, si ce n'est avec ses plns intimes amis, était
« ponr lui 1111 sujet de mortifications qu'il ressentait
« vivement (I). )) Pan vrc , pcu agréable , [orcément
taciturne t J\1ay n'eút pu se tronver long-tcmps bien
ala cour qu'a force de succcs , elle le blcssa daus son
amour-propre; le pcétc triste et offcnsé changea sou-
dain de parti et de protecleurs.


Ce n'était pas des vers qu'il fallait offrir au Long-
Parlerncn t, e 1 le parti prcsby téricn a ttcndait de May
d'autres ser vices que des intcrmcrlcs ou des tra g(~dies.
Quelles fonctions lui furcn t confiécs et quclles ré-
compenses il en obtint, on l'ignorc; on voit scule-
ment qn'il prenait le titre de secrétnire du parlement ,
qn'il fut attaché 11 Fairfax et resida scuvcnt , (1:1n8 le
cours de la guerre civil e , au milien des quartiers de
l'arrnée. Ríen ne donne lien de croirc qu'il aitjamais
joué un róle politiqne de quelque importance, Re-


(( Vie de Ciarendon, tomo 1, pago 40.




SUR TIlOMAS MAY. xUJ


cherché du parlement comme il l'avait été dn Roi ,
ti. cause de son talent et de sa renornmée littéraire , il
assista ala lutte eles intéréts et des passions politiques
comme il avai t assisté aux fétes ele la cour , A la de-
mande ele Charles le' , il avait composé eles poémes ,
sur celle de la chambra eles comrnunes , ou plutót de
quelqucs chefs de parti , il écrivit I'histoire des évé-
uemens qui se passaieut sous ses yenx, et a mesure
qu'ils se développaient. Son Histoire du. Parlement
parut au rnois de mai 1647, pcndant qu'on traitait en-
core avec le Roi prisonnier. Les trois livres qu'il en
publia alors s'arrétent a la batail!e de Newbury,
23 septernbre 1643.


C'est une périlleuse entreprise que d'écrire l'his-
toire pendant qu'elle se fait, et surtout d'écrire , elans
le camp d'un parti , l'histoire d'une révolution fla-
grante qui , d'année en année , de mois en mois,
change ele mal tres , ele príncipes, de langage et de
elesseins. Ce n'était pas un simple parnphlet , appro-
prié atellc question ou telle circonstance déterrninée ,
qu'a vait 11 composer lvlay. Ce u'était pas non plus eles
1Jlemoires ordinaircs , destines ane paraitre qu'apres
sa rnort , el oú il pút déposer , avec 011 sans impar-
tialité, mais libremeut , ce qu'il avait vu , entendu,
recueilli. Son ouvrage avait un but prochain , direct,
qu'il lui était prescrit d'atteindre , et que ccpendant
il ne devait pas, il ne voula it pas avoir l'air de pour-
suivre, Le parlcmcnt était loin de ce jonr oú il s'était
ouvert avec l'adhésion du pays tout entier. Les révo-
lutions les plus salutaircs ne tiennent jamais it la gé-
nération qui les subit les promesses qu'clles luí ont




XLV NüTICE


faites, et Iui amenent des souffrances qu'elle était
loin de prévoir. L'Angleterre se dégoútait de plus en
plus de ses nouveaux maitres. Opprirnée par Ieur
despotisme , déchirée par Ieurs factions, désolée par
la gnerre civile , elle cornmencait a s'cn prendrc au
partí dominant , de ses méeomptes etde ses maux.
Le parlement luttait eontre ce sentimcnt puhlic , es-
sayant ala fois de justifier tout ce qu'il avait fait et de
s'arréter sur la pente qui le poussait á faire bien plus
cncore. Ce fut, on n'en peut douter, dans cet intérét
pressant et impérieux que May entreprit son histoire.
« Peut-étrc , dit-il lni-rnéme dans sa préface, mon
« récit rappellera-t-il a l'esprit de quelques-uns de
« mes 1ecteurs, des pensées qui , eomme le songe de
« Nabuchodonosor , s'étaient effacées de leur souve-
« nir. Un gentilhomme anglais , parti pour voyager
« au moment de la convocation du parlement actuel ,
« et revenu lorsque nos différends avaient éclaté, af-
« firmait, en écoutant les discours qu'on tenait de-
« vant lui a son re tour • que le parlement d'Angle-
« terre était pI us mal cornpris en AngIel.errc qu'á
( Rome, et que nos cornpatriotes avaient plus besoin
« que les étrangers d'étre informés de ce qni s'était
« passé parmi nous: tant , disait-il, ils paraissaient
« oublier el les ehoses elles-mémes et les idées qu'ils
« s'cn étaicnt formées d'abord. »


Dans cctte disposition du publie , une apologie dé-
clarée eút été déeriée d'avance , il fallait qu'un ou-
vrage plus grave, plus calme, écrit comme s'il ne
se fút adressé qn'a la postérité , vint remettre sous
les YClIX des Anglais le coupable gouvernement de




SU H. TRüMAS MA Y. xv


Charles ler avant la convocation du Long-Parlement ,
el présentát la conduite des chambres depuis cette
époque , comme constamment patriotique, néces-


saire, commc imposée uniquement el. en toute occa-
sion par les torts passés dn Roi, et son obstination
a repousser les seules garanties qui pussent en pré-
server I'avcnir. Il fallait CJuc, dans un tel ouvrage ,
les passions du parti parlcmentaire , ses intrigues,
ses pratiques illégalcs , les intéréts pcrsonnels de ses
chefs , tout ce qui eompromet et discréditc un pou-
voir dans l'esprit des peuplcs , fút absolument omis et
passé sous silence, comme si rien de semblable n'eút
influé sur les événemens , comme si les actes de la
chambrc des cornmunes el leurs résultats n'eussent
eu d'autrc cause que les mauvais dcsseins de ses ad-
versaires el. les nécessités de sa situation. Tel est le
vrai caractcrc ele l'Histoire de May , ceuvre ala fois
ofliciclle et littéraire J écritc par un homme naturel-
lement modéré el. soigneux de conserver , dans le
ton du moins, cette impartialité que commande iI ses
yeux la mission gélJérale de I'historien , rnais sous
l'iuspiration cl'un pouvoir cmharrassé de Iui-móme ,
aux prises avec un public refroidi, el. qui , ne se sen-
tant plus ardernment soutcnu par l'opinion, voudrait
au moins la convaincre qu'il n'a ricu fait que par he-
soin ou par dcvoir.


iVIais pendant que, sous cette inspiration , Nlay
composait el. publiait son livrc , un pouvoir nouveau
s'élevait, ruoius scrupuleux , plus énergique, plus
expressif. C'étalt. cclui du parti répuhlicain et de
l'armée, Ce qui ava it convenu á l'apologie des pres-




XVJ NOTICE


bytériens ne suffisait point aux indépendans et a
Cromwell. May abanelonna son histoire. Comment
l'eút-il continuée? En passant d'un chapitre al'autre 1
il cut fallu changer de prineipes et de héros , renier le
eomte d'Essex, M. Hollis, et toutes les prétentions de
modération du parlement cnvers le Roi. La transition
eút été trop hrusque et le contraste trop grossier.
May ne cessa cepenelant d'écrire , de 1647 ~l 1650 il
écrivit au profit des nouveaux maitrcs ele la révo-
lution, comme de 1642 ~l 1647 il avait écrit dans
l'intérét de ses premiers autcurs. En 1650 il puhlia ,
d'abord en lati 11 , eusuite en anglais, un Aúrégé de
rHistoire du P arlement el'A nglcterre, comprenant ,
1°. l'cxpose des causes et du commencement de la
guerre cioile , 2°. le tableau. des principauo: evéne-
mens de cette gllerrc~' 3°. le récit dc I'originc ct des
progres de la seconde gllcrrc cioile. La révolution
tou te entiere fut retracée daus ce nou ve! ol1vrage
jusqu'aux approehes du preces de Charles ler.; elle y
fnt rctracée comme il convenait a Cromwell et au
parti qne Cromwel1 s'appliquait acorrompre, et qu'il
trompait en attcndant,


Quieol1que aura vu une révolution et eomparera
attentivernent les deux ouvrages de Thomas May 1
sera frappé de leur profonde différence. Elle n'est
point grossiere ni palpable; l'historien qui ne manque
ni de modération dans l'esprit , ni d'habileté dans
l'art ele présenter les Iaits selon son dcssein , a pris
grand soin de conserver encore les apparences de
l'impartialité. Mais sa situation le domine et se révele
ilansscs réflexions les plus insignifiantes, dans ses




S L n l' 11 O .\1 AS MAl. x ... 1J
insinuations les plus fugitives, dan s la couleur génl~­
ralo de son réeit. En 1646 la cause du Roi ne sem-
hlait pas absoJument perduc , celle du parlement u'é-
tait encere qu'unc oppositiou au Iond tres-légitime,
bien que d~ja soutenuc par bcaucoup de fraudes el
d'iniquités. La plupart des hons citoycns espéraient
encare la paix , el la révolu tion ne voulait que se j us-
tiíier de ne I'avoir 1'1S COI1C!uc plus Hlt; elle ne l'avai t
pas 1)11, bien qu'e1le l'eút constammcnt souhaité ,
c'cst lit ce (Jue Muy avait entrcpris de prollver au
norn dn parlement , et i1 s'élait adressé surtout acettc
portian du public , éclairée el Ul!silltéresséc, dont le
parlcment avait re<.;u , en 1G4o, sa force el son im-
pulsion. En 1650, au contrnire , la révolution avait
attcint le tenue de ses violcnccs , le dernicr acle,
i' ., .! 1 r • , 'lId'acte n-revoca ),C étrnt consornme , a a granc e esap-
probation de la CI té de Londres et d'uno foule de
gE'ntilshommes de com té, d'honnétcs bourgeois , na-
gueres engagés avcc ardeur dans la canse du parle-
ment. La faetion des independans qui dominai t scule
ll'c"pérait pas, IW tcutait pas de les rallicr ; c'était
dans les classes inféricurcs qu'clle prcnait son POiHt
d'appui , et la mérnc son crédit commencait adécli-
ner ; le Hoi mort redevenait populaire ; de conti-
Huelles émeutes rcdcmandaicnt les rncmbres pres-
bytériens éliminés de la chambre des commuues.
C'était done aux classes inlérieures qu'il importait
de parler , c'étai t la qu'il fallait réchautlcr les in téréts
et lespréjuaés révolutionnaircs en accueillant tous
leurs SOUPSOl}S , en fomcn tant toutes leurs méfiances ,
en préscntant , commc seuls fidcles ala cause natio-


Ú




XVII] NüTICE


nalc , les hommes qui avaient suivi ou poussé la ré-
volution jusqu'au 1J0ut, quels que fussent le sort et le
véritable vceu du pays.


C'est dans ce dessein que, sous des formes tou-
jours prudentes, May , au lieu de continuer son His-
toire y écrivit I'Abrege oú elle est il la fois refaite
et complétée. Le ton en est sec, amcr , non-seule-
meut envers le Roi et les royalistes , mais envcrs
toutes les fractions de parti 1 tous les hommes qui out
cru devoir s'arréter dans la carriere de la révolution.
Les opinions diverses n'y sont plus exposées , comme
dans le premier onvrage, avee cette sorte d'impar-
tialité c¡ui affectc de s'cn remettre au jngement du
lecteur. L'auteur se borne á racouter les faits de la
faeon qui convient au dernier état 011 la révolution
est arrivée , y mélant , chaqué fois que l'occasion
s'en présente, les réflexions et les insinuations les
plus propres arendre odieuse OH suspecte , aux yeux
dn pcuple , toute opinion, toute eonduite qui n 'a
pas été celle de Cromwell et ele ses adhércns.


Mais , en se ehargeant ele cette táclic , I'historien
avait entrepris plus que ses dispositions personnelles,
et peut-étre aussi eelles elu public , ne devaient luí
pennettre d'exécutcr. Presbytérien d'opinion et mo-
déré de caractere , elans la route nouvelle oú il était
entré May s'arréta encere une fois. Apres avoir écrit ,
dans l'intérét des indépendans et de Cromwell, l'his-
toire ele la guerre civile et des discordes intérieures
du parlement , apres avoir pallié le despotisme de
l'armée et les violentes éliminations de la chambre
des communes ,iI n'osa raconter , C01111ne 19 vou-




SLR THO MAS l\1AY. XIX


laicnt sans doute ses maitres , le preces et la mort de
Charles ler. L'Abregé finit brusqnement a la veille
de ee terrible fait (( qui , alui scul , dit l'auteur , exi ge-
(( rait une histoire. » C'est quelque chosc , pOt1l' I'es-
prit de parti et la complaisance cnvers le pouvoir ,
que de reconuaitre une limite, quelle qu'elle soit.


May ne survécut' pas loug-ternps a la publication
de son dernicr ouvrage. Le I3 novembre 1650, apres
avoir , diseut les ]Jiographes , bu galment sa Louteille
de vin accoutumée , il se caucha sans aucun symp-
tome de maladio , et le lendemain matin on le trouva
mort dans son lit. Sa renommée Iittéraire était grande;
il avait bien scrvi la faction qni siégcait scule alors
dans la chamhre des commnnes; elle lui fit fairc de
pompcuscs oliseques et décré La qn 'il serait ensevcli
daus l'ahbaye de Westminster , ou on lui eleva un
monumcnt de marbrc blanc amé d'une longue épi-
taphe. Dix ans apres , Charles JI était remonté sur
le tróne , et les réactions ne respectentpas les tom-
heaux ; celui de Thomas May fut détruit ; le 12
scptcmbre 1661, ses restes furent obscurément trans-
portes daus l'église de Sainte -:'Uargueritc, et tant
que régnerent les Stuart , sa mémoire fut traitée avec
aussi peu de considération. Il avait été au ser-vice
d'un parti , le parti contraire triomphait; il fut con-
venu , pendant plus de trente ans , que May était
dénué de tout merite et n'avait jamais dit une vérité.


na dit , siuon dans son Abregé, du moins dans son
Histoire , les vérités dont l'Angleterre conserve au-
jourd'hui le souvenir , les seules peut-étre qui , apres
cent cinquante ans, soient demeurécs importantes ame




xx J\O'fICE


yeux des Anglais. Les événcmens ne se préscntcnt point
tout en tiers, ni tels qu'ils se son t récllement accornplis ,
a l'csprit des générations éloignées de l'époquc qui
les a vus naitre ; elles n'y cherchcnt et n'y voient que
ce qui les intéresse encere ellcs-mcmes , ce qui ti
influé SUI' Ieur propre destinée , ce fluí corrcspond iL
Ieurs propres impressions , h leurs opinions , ~i lours
besoins. Le Long-Parlcmcnt el tous les partis ([U'¡¡ a
eugendrés , malaré la [ustice nrirniti vc de lcur cause,


l,.; u ~ .L


ont été violens , Iourbcs , injustes , tvra nniques ; I'Au-
gletcrre a soutfert, de leur temps , tous les maux de
la guerre civil e et tous ceu x de l'emnirc des Iactious :


, I


ces souffrances ont ameué des rcactions, causes 11 Ieur
tour de réactions nouvelles : durant Ci:'lFl:1I1le aus ,
la favcur et l'espérance publiques ont passé eles 110is
aux parlemens, des parlemcus a ux Ilois , crrant de
norn en nom, de systcme en systemc et de pouvoir
en pouvoir, sans se fixcr ni se reposer nulle part.
Tout ceja n'cst plus; tout cela est oublié : il ne res le,
de la révolution de rGío, que les priucipcs ~ónéranx
qu'clic proclama el les résultats ,;;Lllc:lres ¡¡u'elle a
valus au pays : c'cst par ];'¡ que maintcuant le public
s'y rattache et s'en souvicnt ; il s'iI1lFljl~le pen d'en
peser scrupulcusemcnt tous les acres ct dc savoir avec
exactitude commeut se sonL parlagés les torts. Qu'OI1
ne lut demande ras de rcsscntir , daus l'histoirc ele
cctte (;1'0([ ue , ton tes les im prcssions qu'en on t 1'('(:118"
les coutcmpornins , de se révoltcr , comnic ils lout
hit, coutrc eles fraudes OLl des injusiiccs qu'il n'a
point vues el sonífertes. Cliaque génération a sa des-
tiuéc , s;~ "TIC ~ r reu ne la touchc vivcmcnt (Iue ce




SUR TIlOlHAS JUAY. xxJ
dont elle parle la peine ou reeueille le fruit , et tres-
pen d'hommes ont l'esprit assez ferme , assez désinté-
ressé pOllr vouloir connaitre et savoir déméler, dans
des Iaits qni ne pescnt point sur eux , la vérité toutc
eutierc. VoiJiJ. pourquoi Thomas May est maintenant
place si hau t dans l'estime des patrio les anglais ; il a
presenté la révolutiou comme elle se presente en
efl'et 11 cux , dans ses intentions generales el ses causes
l<\gitimes. Ce qu'iJ en dit , ce qu'il s'applique 11 en Iaire
valoir, c'cst ce qui en subsiste encore , ce qui répond
encere aux idees el aux sentimens de ses lecteurs ac-
tucls, Ce qu'i] en a dissimnlé ou omis , ils n'en sont
poiut avcrtis par Icurs érnotious personncllcs , ct rien
ne les provoque á le rechercher péniblcmcnt. 11 est
des vérités qui meurent avcc la généralioll qui les a
YHeS, et le monde scrait trop sage s'il avait recueilli ,
sans en rien pcrdrc , toutes cclles qui s'y sont ré vélécs
depuis qu'il y a des hornmes et des évéuernens,


Loin done de s'étonner que les 'Vhigs de nos jours
soieut si pau Irappés de I'adroite partialité qui rl~glle
dans les loer]ls de Thomas i\lay, el l'appcllcut un his-
torien candidc ct sincére , ¡¡faut faire !101111Cur, sinon
it son caracterc , du moins á son esprit, do ce qu'au
milieu des événcmcns il u été apeu pres aussi impar-
tial que dcvait l'étre, en ¡\llglclerre, la postérité elle-
mérno. 11 n'a poiut insulté cfTrontémeat a la vérité ;
il n'a fait l'apologie d'aucun crime, d'aucuu grand dé-
sordrc , il n'a point injurié basscmeut ses advcrsaircs.
Omettrc , pallicr , dissimulur , insinuer , c'est la son
art et son cffort , sa ra.ison ne lui permel gnere d'en-
treprcndrc davantagc , ct si, dans son ~t!Jrégc, il




XXIJ N OTICE


s'est plus cornpleternent asservi au joug d'une faction
plus violente, je suis porté acroire qne ce ne fut pas
sans embarras ni san s regrct. Aussi, malgré les re-
proches qu'il mérite comme historien, son ouvragc
est- il an nombre des plus instructifs qu'on puisse lire
sur cette époque. On n'y trouve point, il est vrai ,
cette liberté, cette variété , cet abandon c¡ ni r~g!lent
daos les Memoires proprement dits. Mais c'est aussi
un grand intérét que celui d'une histoire prcsc¡ue offi-
cielle, éerite amesure que se sout accom plis les évé-
nernens , sous l'inspiration de leurs auteurs , et daos
le desseiu de retenir ou de rattacher le public i:t une
cause qui , apres tout, était la cause de la liberté el
du pays centre le despotisme et la cour.


C'eút été grossir fort inutilement cette collectiou
que d'y insérer les deux ouvrages de May, On a tra-
duit d'abord s0l111istoire du Long-Parlcnicnt, écrite
avec beaucoup plus de détails et de soin que son
Abrégé. Elle s'arréte , comme je l'ai dit , en 1643, el
l'Abrégé se prolonge jusqu'en 1648. Nous avons fait
traduire l'Abrégé~ a partir de l'époc¡uc oi: s'arréte
l'Histoire~' et quant ala prcmierc partic , nous avons
indiqué, dans des notes, les principales différences
qui se rencontrent entre les deux ouvrages, dans le
récit des mémes faits. Les rapprochemens que con-
ticnnent ces notes prouveront clairement que l'JJis-
toire et l'A1Jrégé n'ont été écrits ni dans le méme esprit
ni sous la méme inspiration.


Nous avons aussi cru devoir joindrc acctte traduc-
tion un assez grand nombre de notes, dcstinées a
suppléer au silcnce de l'autcur sur le caractere des




F. o.


S un TROMAS MA Y. XXlJJ


hommes importans , les menées secretes des partis et
ces faits aneedotiques qui abondent d'ordinaite dans
les ~femoires ~ mais que le but particulier et la eon-
leur semi-ofiicielle des écrits de l\Iay ne lui ont pas
permis d'y insé rer.


Ainsi cornplétée , YHistoire dll Loug-Parlcment
nous a paru l'ouvrage qu'il conveuait le míe LlX de placer
en tete de cette collection. Elle oflre , plus cornplé-
tement et plus simplement qu'aucun autre , le tablean
de la marche des évéuernens et de la situation géné-
raje des partís; tablean OLL les divcrs Mémoires vicn-
dront snccessivement oecnper la place qui Ieur ap-
partient.






,.


PREFACE
DE L' AUTEUR.


I.luTILITÉ de l'histoire et les regles de ce genre de
composition ont été si bien et si completement expli-
quées par des écrivains j udicieux que ce serait un tra-
vail perdu, et qui prolongerait fort inutilement cet
ouvrage, que d'y revenir encore. Je désirerais étre as-
sez habile pour que le lecteur , au jugement duquel je
me soumets, reconnút dans ma narration l'observation
de ces regles, au lieu d'en trouver l'exposition vaine-
ment étalée d'avance dans une préface.


Je n'ai d'autre prétention que de demeurer fidele a
la vérité , cette regle unique alaquelle toutes les au-
tres doivent se rapporter , comme toutes nos vertus
morales doivent se rapporter ala justice. Un écrivain
peut offenser la vérité par beaucoup d'autres moyens
que par un pUl' mensong"e. Quelques historiens , tout
en exprimant une grande aversion pour le mensonge
direct , ont cependant revétu la vérité d'habits qui
lui convenaient si peu qu'ils semblent lui donner le
role de la fausseté aremplir; ils lui apprennent a sé-
duire plutót qu'a instruire les lectcurs par des artifices
de rhétorique , d'injustes réticenees et un ton d'in-
vective propre a égarer le jugemcllt de la postérité
dans la fausse route oú ils veulent le conduire. Un
savant évéque d'Angleterre, mort il n'y a pas long-
temps , regardait les annales du cardinal Baronius


l.




2 PREFACE


cornme plus funestes á la cause du protestantisme que
les controverses de llellarmin; et cela peut étre vrai ,
cal' on est bien moins en garde centre les coups d'unc
histoire partiale que contre ceux des éerits polémiqucs
oú l'hostilité se montre avisage découvert,


Je me suis efforcé d'échapper aeette faute; mais
j'entreprends malheureusement un sujet de telle na-
ture qu'il n'est pas tres-aisé de le traiter avec impar-
tialité, et qu'il est presque impossible aux intentions
les plus pures d'en éviter le soup<;on ou le reproche.
D'autres écrivains cntreprendront, je le suppose, le
méme sujet, et eomme aueun d'eux peut-étre ne par-
viendra a satisfaire pleinement le lecteur ,je doman-
derai pour nous tons cette favcur, qu'on nous traite
comme on traite avec le genre humain , et qu'on dé-
clare le meilleur ce qui paraitra le moins mauvais.


Le sujet de eet ouvrage est une guerre eivile , une
gucrre on peut dire plus que eivile , et remplie de
choses miraculeuses , tant dans ses causes que daus
ses eífets , au moins autant qu'aucune de celles que
nous ont représentées tous les siccles , une guerre
aussi cruelle que dénaturéc , el oú les furcurs dc l'épée,
l'aigreur des écrits , tant publies que partieuliers, ont
atteint tout ce qu'on a jamais vu en ce genre. Elle a
tellement partagé les opinions et les affections des
hommes , qu'a peine a-t-on pu vair une vertu recevoir
des éloges, uu argument opérer la convietion ou un
réeit obtenir la confiance , si ce n'est dans un seul et
méme parti. Ce serait done une folie présomptueusc
que d'espérer des deux partis , múme l'indulgenco
pour un ¡XlUVre ct faiblc écrit , incapable de mériter




DE L'AUTEUR.


l'applaudissemeut d'aucun des deux, ou de se flattcr
que des personnes qui n'ont jamais pu s'accorder en
ríen s'accordcront dan s le jugement qu'elles scront
disposées aen portero


Je 11e puis done étre stupide au point de 11e 1)as
sentir la difficulté de la tache' qui. m'est imposée et
tous les mécontenlemens auxquels elle m'expose.
D'autres historiens , qui avaient beancoup moins de
sujet que moi de le faire, se sont, dans Ieur préface,
longuemcnt étcndus sur ce péri1. Tacite lui - móme
s'aillige eles temps désastreux qui font le sujet de ses
annales , bien qu'il n'écrivit pas sous le rcgne des
mémcs princes OU s'étaient passées les choses qu'il
raconte ; mais seulement parce que les familles de
beaucoup d'hommes , qui s'étaient alors couverts d'in-
famie , subsistaient encorc ; et il ne peut s'empécher
d'envier le honheur de ces écrivains qui avaient pris
pour texte de Ieurs ouvrages des temps plus anciens
et plus prosperes; des temps, dit-il , remplis du récit
des grandes et glorieuses actions des anciens Romains,
de leurs honorables exploits et de lcurs vertus exern-
plaires,


J'aurais donné ma vie , n'ayant par moi-rnéme au-
cune importance , pour que le bonheur public me
permit de raconter la prospérité de la nation , la gloire
et le bonheurdu Roi, et une situation tellement heu-
reuse qu'elle eút attcint le but pour lequel tout gou-
verriement a été institué dans ce monde, au lieu d'a-
voir adécrirc des naufrages, des ruines et des desola-
tions. Cependant I'exacte obscrvation et le fidele récit
de ces tristeschoses peuvent aussi étre utiles á la posté-


l.




4 PREFACE
rité; les actions ou plutót les souflranccs actuelles de
ces royaumes, autrefois heurcux , sont, il est vrai ,
d'une si haute et si importante nature qu'elles pour-
ront bien d'elles-mémes et par le poids de lenr propre
rcnommée , arriver, par tradition, a la connaissance
de la postérité , cepenclant cette connaissance sera plus
profitable Iorsque les causes, l'origine et le progres
des événemens scront représentés par une plume
sincere. Qnant ti. la sincérité , j'otrre ici au public un
simple récit des troubles survenus par mi nous, du-
rant la session clu parlement actuel, ainsi que de quel-
ques mesures et actes du gouvcrnement précédent ;
le Iectcur jugcra si c'cst la qu'on doit placer la source
des calamités qui pesent aujourd'hui SUl' nous; j'en
appelle seulement ala mémoirc de tout Anglais, assez
agé pour avoir eu connaissance de ces faits et ayant
assez vécu dans le monde pour étr'e informé de l'opi-
nion commune et des discours dont ils clevinrent le
sujet. C'cst ala mémoire, je le répete , que j'en ap-
pelle pour dire s'il n' est pas vrai que toutes ces actions
et les jugemcns auxquels elles donnerent líeu sont
tels que je les rapporte. Peut-étre man récit rappe1-
lera-t-il a l'esprit de quelques-uns de mes lecteurs
des pensées qui ,comme le songe de Nabuchodonosor,
s'étaient effacées de leur souvenir. Un gentilhomme
anglais parti pour voyager au moment de la convoca-
tion du parlement actuel , et revenu lorsque nos dif-
férens avaient éclaté, affirmait , en écoutant les dis-
cours qu'on tenait devant lui ti. son retour, que le
parlement d'Angleterre était plus mal compás en An-
gleterre qu'a Rome ", et que nos compatriotes avaient




DE L'AUTEUR. 5
plus besoin que les étrangers d'étre informes dc ce qui
s'était passé parmi nous ; tant, disait-il, ils paraissaient
oublier et les choses elles-mémes , et les idees qu'ils
s'en étaient forrnées d'abord,


La durée de la guerre disperse les hommes en dif-
férentes parties du pays, et il en arrive que les notions
qu'ils rccoivent varient selon la situation et la dispo-
sition du lieu oú ils se trouvent. De la résultent non-
seulement une grande diversité , mais souvent encore
de grandes contradictions entre les écrits de ceux qui
rapportent les événemcns de ces temps ; en sorte qu'il
est bien rare que, dans ces époqucs de calamite el de
guerre , les historiens n'aient pas ete en granel désac-
cord. Francois Aarssen a compilé les annales de la
sanglante gnerre eles Pays-Bas, lorsque quclques-unes
de ses provinces échappcrcnt a la dorniuation de
Phili ppe II , roi d'Espagne ; el son récit est tcl que, se-
Ion toute probabili té, les lecteurs seront portés acroirc
le Roi et ses oíliciers parfailement innocens des cala-
mites de ce pays, et aen accuser seulement le peuple
qui les asubies. Metcren a également écrit l'histoire
de cctte époquc , et, en le lisant , on cloit por ter un
j llgement tout opposé sur les causes de cctte gnerre.
La méme contradiction s'es t rencontrée entre leshisto-
rieus de lons les siecles et de toutes les nations. On
ne doit done ras s'étonncr de la retrouver ici,


Mais ce qui sera probablement raconté de plus de
diverses manieres, J'éloigncment ne permettant pas
aux récits de s'accorder , c'est ce qui coneerne la
guerre et l'arrnée. Dans le cours de cette guerre, il a
été extrémernent diflicile , je PUlS c1ire impossible aux




6 PRÉFACE
gens d'un parti , d'étre exactement informés de tous
les projets ou méme de toutes les actions des chefs et
soldats du parti contraire. Le monde a su par la re-
nommée combien d'actes de valeur la nation anglaise,
dans les deux partís, avait eu ase reprocher dans cette
lutte dénaturée, Mais on ne saura jamais parfaite-
ment tout ce qu'ont montré de vertu , de mérito et
de courage , tels ou tels lords , gentilshommes on au-
tres, amoíns (-fUe ces ehoses ne soien t rapport ées par
les écrivains des deux partis. J'ai résidé pendant tout
le cours de la gnerre dans les quartiers , et sous la
proteetion du parlement; ainsi ce que je rapporte en
peu de mots , vers la fin de ce volume , des affaires mi-
litaires, est conforme au point de vue d'oú j'ai pn les
apercevoir. Quant a ce que je puis avoir omis des
actions du parti opposé , je n'ai aoffrir d'au tre apolo-
gie que celle dont se sert Meteren dans la prélace
de son histoire de Belgis tumultibus . Voici ses ex-
pressions : quod plura de Reformatorum el patria?
defensorum quam de partis adversa: rebus gestis
exposucrim ~ minan haud qllaquam est, quoniant
plus commercii el familiaritatis tnihi cum ipsis
et major indagandi opportunitas fuit , si pars
adversa idem tali probitate prcestiterit et ediderit ~
posteritas gesta omnia legere et liquido cognos-
cere magno cum fructu poterit. Jc puis de méme
affirmer r¡!le si, dans ce discours , j'ai rapporté pl us
en détail les actions de ceux qui défcnclaíent le parle-
mcn t que celles des h ornmes qui 1ui faisaient la guerre,
c'est parce que le genre de société OLlje viváis m'a mis
plus aportée de les connaitrc i et de méme que je me




DE L'AUTEUl\..


suis cílorcé de ne pás leur rcndre plus qu'il ue lcur
est dtL , jc n'ai jamais cherché anoircir les autres et
n'ai donné á personne plus de réputation que ne le
permet la vérité de I'histoire. Si les écrivains de I'autre
parti observent la méme franchise , il n'y a pas lien
de craindre que la postérité ne soit pas bien instruite
des malheureux discords qui ont agité ce royaume.


Pour mettre le public á portee de juger de la vraie
nature, des causes et de la marche de ces discords , je
serai obligé de [aire remonter mon récit ades temps
antérieurs , d'oú je tácherai d'arriver a l'époque ac-
tuelle aussi rapidement que le permettra l'obligation
d'exposer la vérité dans toute son étendue.


Il ne me sera pas d'ail1eurs nécessaire de rcprend re
les événemens de trcs-haut , ni de rappcler le gau--
vernement de nos premiers princes : ce coup d'ceil en
arriero n'ira pas plus loin que la souveraine encare
présente ala mémoire de plusieurs personnes vivantes,
cette Reine a qui nous devons l'établissement en ce
royaume de la reJígioll réformée, el fluí P:lf la y a
fondé de nouveaux intéréts c]ue l'avantage el le de-
voir de ses successcurs auraient été de soutcnir; outre
la gloire du Tout-l)uissant, ils y auraient trouvé, pour
cux-mérncs , accroisscmcnt de diglliLé, de pouvoir el
de grallJeur.






HISTüIRE
DU


LONG PARLEMENT
D' ANGLETERRE.


LIVRE PREMIER.


CHAPITRE PREMIER.


Considérations sommaires sur la reine Elísa-
beth , le roí Jacques I", el le cornmencement
du régne du roí Charles T"; Ses deux premiers
parlemens, GuerreavecFEspagneet la France.
Mort du duo de Bucbingham, Troisiéme par~
lement du roí Charles.


LA reine Elisabeth , de glorieuse mémoire , ou-
tre ce riche fonds d'opulence et de grandeur que
son sage gouvernement avait acquis a la nation
anglaise, l'avait enrichie d'un plus grand trésor,
( quenous pouvons, ahon droit, regarder cornme


. la source de tous les autres ) une religion épurée
des superstitions du papismo.




ro HISTOIRE
Cctte réforme engagea la Reine dans de nou-


veaux intéréts , et Iui fit faire cause commune
avec les protestans contre les puissans monarques
attachés al'autre religion; ce qui parut d'abord
avoir pour elle autant de danger et de désavan-
tage qu'elle y a trouvé ensuite d'honneur et de su-
reté. Tant il est impossible qu'aucun péril vienne
a triompher de ceux qui secondent le Seigneur
contre les puissans !


L'orage qui s'élevait en France, sous un aspect
si menacant , contre les faihles cornmencernens du
regnede la Reine, fut soudainement dissipé par la
mort de IIenri II, et peu de mois aprés , ceIle de
son fils Francois II qui avait épousé la reine d'É-
cosse. Le plus grand danger qu'eIle pút craindre
encore , venait de l'Espagne OU régnait alors Phi-
lippe II, prince puissant en vastes domaines , en
richesses , en forces militaires , et non moins fcrme
dan s la cause des ennemis du protestantisme. 11
s'y était engagé par les instigations et avec I'assis-
tance des jésuitcs, dont I'établissement , dans le
siecle précédent , avait été hautement protégé par
le pape Paul III, avec l'intention de les opposer
aux doctrines évangéliques qui cornmencaient a
se répandre rapidernent en AIlemagne et en d'au-
tres pays.


L'ordre entier des jésuites, dans le but de faire
de la chrétienté un seul royaume temporel , cou-
formément a I'esprit de la hiérarchie papale ,




DU LONG PAnLEME~T. 11
avait dévoué ses services a la monarchie d'Es-
pagne, la plus propre de toutes á l'accomplisse-
ment de ce dessein ; cal' c'était de heaucoup la
plus puissantc , par 1'union récente de tant de
royaumes et de duchés sur la tete de 1'Empe-
reur Charles, que le honheur de sa naissance
avait appelé a hériter a la fois de la Castille,
de l'Arragon , de toutes les vastes acquisitions de
son grand-pcre Ferdinand en Italic et dans les lu-
des occidentales, ct du riche et utile patrimoine
de son pere Philippe, la Bourgogue et les Pays-
Bas, 11 avai t Iaissé toutes ces possessions ason fils
Philippe qui avait encare augmenté ce territoire
si étendu par l'addition du royaume de rortugal,
et sembla it ainsi un ennemi trap puissaut pour
que l'Angleterre et tous les protestaus de 1'Europe
fussent en état de lui tenir tete.


Mais la Reine ava it si inséparablcment lié la
cause de sa propre grandeur a cclle de la reli-
gion elle-méme , qu'il était difficile de renverser
l'une sans opérer la ruine de I'autre, Dieu qui
lui avait fait la gnice et donné le courage de s'ap-
puyer entierement sur lui, Fa de sa main toute-
puissante non seulement préservée de tomber ,
mais élevée au-dessus de tous ses ennemis,


Comme ce n'cst pas une histoire qu'on a entre-
pris de faire ici , ce discours n'a pas pour ohjet
d'exposer au long par quels degrés et par qucls
moyens la Reine est parvenue aaccomplir les hauts




12 lIISTOIPtE


Iaits de son regne, mais seulement de déclarer en
peu de mots qu'avant de mourír elle a eu le
honheur de se voir l'instrumcnt que Dieu a par-
tout fait servir aux progd~s de la religion protes-
tante. Elle a abaissé la grandeur de l'Espagne,
en préservant la Franco de sa ruine ponr lui op-
paser quelque contre-poids , comme elle ava it au-
paravant sauvé l'l<:cosse du danaer d'etre englou-
tie par la France. Elle a protégé les IIollandais
contre Philippe, a vaincu ses armées sur ter-re el
sur mer, et a fait , en outre, tant et de telles choses
qu'ellesne semblent pas pouvoir étre l'oeuvre el'un
seul r(~gne. Enfin elle a entierernent soumis 1'11'-
lande ason ohéissance , malgré toutes les suhtiles
machinations ele l'Espagne, et les secours d'armes
donnés ouvertement a de rebelles sujets; toutes
choses qu'elle a accomplies par la justice et la
prudence de son gouvernement, sa régu1arité a
ne recourir a l'affection, aux bras el a la hourse
de ses sujets que par les voies par-Icmentaires ,
cornme aussi par le soin qu'elle a eu de pourvoir
a la súreté de son royaume, en fortifiant au dehors
les protestans. Elle a ainsi óté a tous ses ennemis
le pouvoir de l'atteindre par la force ouverte ; et,
protégée de Dieu jusqu'a la fin, bien qu'on a i í
souvent tenté de la faire périr par des trahisons
domestiques et des assassinats , elle est morte dans
un age avancé, laissant a son successcnr le roí
Jacques le royaume d'Angleterre en meilleure si-




DV LONG PARLEi'llENT.; 3
tuation (lU'il ne fut jamais , et le royaume d'Ir-
lande enticrement suhjugué et soumis; sans qu'il
eút d'autre peine a prendre que de recueillir le
fruit des dépenses et des travaux du regne précé-
dento Il n'avait pour cela rien afaire que de pro-
pagel' la vraie foi clans ce royaume , dessein que
la Heine, prévenue par la mort, n'avait pu ontie-
rement accomplir. G'elit été alors , selon toute
a pparence, une táche facile pour le roi Jacques :
inclépendamment de la gloire ele Dieu , il y eút
trouvé l'accroissement de sa propre gral1deur, ele
sa puissance temporelle , el illui suffisait ele sui-
vre avec fidélité la route que luí avait aplanie
la reine Elisabeth (1).


(1) Jacques Iv , 11 son avénement au tróne d'Angleterre,
trouva tous les partís religieux el politiquea bien disposés
llour lui, « Les puritains , en faveur desquels il était plus
« d'une fois intervenu aupres d'Élisabeth, se promcttaicnt ,
e de la part d'un prince qui professait une religion analoaue
" a la leur , sinon la complete dlOlilion de la hiérarchic
« ccclésiastique, du moins une grande réforme dans l'Église.
« Le cIergé anglican qui s'était enquis avec soIlicitude du
" caractere de Jacques, avait reconnu , dans sa conduite el
« dans ses essais de controversc , un pencbant déci(l(: ¡.(Jl;r
« le systerne épiscopa!. Enfin les catholiques, parti alors
« nombreux el puissant, espéraient de lui heauconp d'in-
« dulgence et ne doutaicnt pas clue Ieurs doctrines nc
« fussent, au fond, agréahlcs a UI1 monarque qui voyait en
« eux les prerniers défenseurs des prétentious de sa famillc ,
« et dont la mere, disoieut-i!s , (:t;tit 1110":" rnarlyr de [cu r




14 HISTOIRE
La prospérité de l'Angleterre semblait alors a


son plus haut période; mais Dieu permet que bien
souvent la prospérité eles États décline, sans au-
eun signe qui nous en avertisse ou aueune raison
que HOUS soyons eapables d'apercevoir , ainsi que
l'a déploré un auteur payen :


o faciles dare summa Deos, eademque tueri
Difficilcs (1) !


Ces eonsidérations ont porté quelques grands
esprits, parrni les écrivains , aimputer l'accrois-
sernent et le déclin des royaumes et républiques
acertains aspects des signes du firmament, aeles
conj onctions et oppositions des planetes , et aeli-
verses éclipses des célestes flambeaux; d'autres
les ont attribués aune force cachée et ala secrete


" cause.)) (!lútoirc d' Écosse, par Malcolm Laing, tomo 3,
})ag. 2; troisieme édition, Londres, 18Ig.) Ces espérances
contradictoires qu'inspirait a tous les partis I'avéneruent
de la maison de Stuart, doivent étre comptées parmi les
causes de sa ruine; son éJ(;vation n'était une victoire pour
personne, et tous se promettaient que son gouvernement
leur procurerait la victoire; aussi fut-elle, des l'origine,
dans une situation incertaine et difficile, en hutte aux es-
pérances de tous les partis sans qu'aucun lui fUt intimement
attaché. (Note de l'Éditeur. )


(1) Que les dieux conscntent aisriment a élever la gran-
deur des État3, et qu'il est dilJicile d'en obtenir d'eux le
maintien '




DU LONG PARLEMENT. 15


puissance des nombres, et la plupart au perpétuel
mouvement de rotation que suit la fortune. Mais
les jugemens de Dieu en ces sortes de choses sont
Iiors de la portée de notre intelligence, et c'est
étre trop sage que de ne vouloir pas quelquefois
consentir a s'étonner,


Le roi Jacques ~ successeur de la reine Elisa-
beth, était un prince sage et instruit , d'un carac-
tere miséricordicux et plein de bonté, excellent
en doctrine dans la religion qu'il professait, ainsi
que le monde s'en peut convaincre par ee qui nous
reste de ses écrits; cnfin un prince de qui I'Angle-
terre avait con':{u de mervcilleuses espérances , et
qu'elle recut avec heaucoup de joic et de trans-
port. J\lais iI ne eommen':{a pas 00. s'était arrétée
celle qui l'avait précédé, et marcha au contraire
dans une route opposée. Je ne me hasarderai pas
a prononeer d'apres mon opinion sur les motils
de eette conduitc; mais quelques-uns ont osé, dans
ces dcrniéres années, écrire et publier qu'elle ve-
nait des craintes que lui avait fait concevoir poul'
sa propre súreté , l'audace des assassins formés
par les jésuites. D'autres, plus bienveillans, 011t
pensé gu'il pouvait avoir été dirigé par un grand
désir de demeurer en paix et union avec les au-
tres princes, bien que dans l'erreur sur les moycns
d'y parvenir. n était en effet par sa nature tres-
enclin ala paix et ennemi de l'effusion du sang ,
conformément acctte parole qu'il aya it toujours




16 HISTOIRE
a la bouche : Beati pacifici. Je ne sais pas péné-
trer les pensées des hommes, et ne faís que rap-
porter ce qu'ils ont laissé voir de leurs actions,


Le roi Jacques, au commencement de san
regne, fit la paix avec l'Espagne que la reine Eli-
saheth avait mise tres-has el aurait probablement
poussée encare plus pres de la ruine, si elleeút
vécu quelques années de plus. Le gouvernement
répuhlicain des provinces unies des Pavs-Bas ,
cet utile allié de l'Angleterre, cammenc;a atomber
dans le mépris, sous ce vain prétexte donné pour
une raisan, que ce n'était pas pour un monarque
un han exemple aencourager.


Alors commencerent de secretes négociations
entre Rome et la cour d'Angleterre, et des tenta-
tives pour réconcilier les deux religions. sfalgré
l'odieuse conspiration des poudres , on adoucit la ri-
gueur des lois pénales contre les catholiques; les
pompesdel'épiscopat et le nomhredescérémonies
augmenterent journellement dans l'église angli-
cane , et toutes les affa ires civiles, tant au dedans
qu'á l'étranger, furent dirigées dans un systeme
analoguc.


Il ne fut pas aisé au Roi de sortir de cette route,
une fois qu'il y fut entré; si bien qu'eníin les pa-
pistes cornmencerent par degrés aavoir acces au-
pres de sa persol1ne et a son ser-vice. Il concut
alors un tres-vif désir de ruarier le prince son
fils a l'infante d'Espagne. U yeut a ce sujet de




DU LONG PARLEMENT. 17


nomhreuses et longues négociations, durant le
cours desquel les , non-seulemcnt le roi d'Espagne ,
mais le pape, se prévalurent, en diverses occa-
sions , pour leur avantage, de l'arclent désir du
Iloi , et le tromperent de plusieurs manieres,
comme le montre évidemment sa correspondance
a vec son ambassaeleur, trouvée et publiée de-
puis Iors.


Ainsi, dans la conduite des affaires, tant civiles
que religieuses , le Roi se trouva insensihlement
amené, non-seulement aabandonner, mais acon-
trarier ses propres intéréts , comme cela parut
hien malheureusernent dans l'affaire du Palatinat,
oL1, selon l'ohservation du duc de Rohan, outre
l'intérét des protestans et l'honneur ele la nation ,
étaient grandement engagées la fortune et l'exis-
tence de ses enfans (1).


De la naquit un autre mal; c'est que le Roí,
répugnant peut-étre a ce que la nation toute en-
t1ere cut connaissance de la direction qu'il avait
prise, montra tous les jours plus d'éloignement
pour les parlemeus; ne les appelant que pour
Iournir a ses elépenses, les dissolvant des qu'ils


(1) La prineesse Élisabeth, filIe de Jaeques le" avait
épousé, en Jij r3, Fréc1érie V , Éleeteur PalaLin, ehef des
protcstans allernands , élu mi de Bohérue en r6r8, et qui ,
défait en r620 a la bataille de PragllP, perdit ensuíle ses
f~lats d'Allemagne dont I'électeur de Baviere fut mIS en
possession. (Note de r Edit.)


1. :>.




18 HISTüIRE


commencaient a se móler des affaircs d'J~tat, ct
ernprisonnant, adiverses reprises, les mcmhres du
parlement, pour des diseours tenus dans son en-
ceinte; ce qui était contre le privilé!Je fonda-
mental de cette haute cour.


En méme temps que les parlemens étaient ainsi
méprisés et insultés, pour subvenir aux dépenses
du ROl, qui n'étaient pas peu considérables , 011
inventa des moyens contra ire s aux lois; et le
Roí, soit qu'il en voulút éviter l'odieux ou la fa-
tigue, se débarrassa , en quelque sorte, de toutcs
les affaires du gouvernement sur le duc de Buc-
kingham, que, du 1'ang de quatrieme íils d'un
chevalier, iI ava it élevé aux premiers olJices du
royaume, et qu'il avait, en outre , revétu du plus
granel pouvoir, en lui conférant, par ul1eh¡venr
extraordinaire, la fonction de nommer atoutes les
places et ern plois dans l'É!Jlise et dans l'État.


Le duc, peu de temps avant la mort de Jacqucs,
etait parvenu an plus haut dcgré de favenr et de
confiance aupres du prince, qn'il égara ensuite
autant qu'il avait égaré son pere : scmblahle a
une vapeur malfaisante qui , exhalée de la terre,
s'élevc si haut qu'elle voile le soleil i'l son cou-
chant comme á son levant.


Le roi Charles cOlHmelJ9a son rcgne le 27 rnars
16::>.5 , euvironné des esperances de la natiou el.
des témoignages universels de son amour et de
son respect. Cet .amour (jHe le peuplc portait á




DU LONG PAJU,E}1ENT. 19
',1 pCJ'50nne, lui avn it rnéme été témoigné anté-
ricurcment , 101'5r1't'i1 n'était encere que priuce
de Galles, a son rctour d'Espagne, quoique son
voyage n'eút pas été agréable a u pays. Lorsque le
peuple le vit revenir sain et sauf, on n'eut besoin
d'ancull édit pour ordonner des fetes et des ae-
iions de graces ; toutes les associations , toutes les
Ianrillcs , comrnc si tous les cocurs eussent été
réunis cu un seul, se rnssernhlerent spontanément
pOlIr pricr Dieu , chanter des psaumes, se réjouir
daus les festins et faire des charités aux pauvres;
on u'a gue1'e vu , je crois , un tel accord de scn-
ti mens se manifestcr sans l'intervention de l'au-
totité.


La mémc aílection le sui vit sur le tróne ; il Y
Iut accueilli par les mórnes esperances. Ces heu-
t-cux présages se fondaient sur la tempérance de
sa jeuncsse, qui, a l'age de vingt-trois ans , 01I iI
é~ait parvcnu nlors , était dcmeurée cxcmpte de
tout vice, ct uc s'étail mólée aaueune de ces liccn-
cieuses cxtravagances, que son age el sa fortune
eussent fait regarder non-seulement comme natu-
¡'clles, mais pres(lue comme excusables (1).


(1) La hienveiilance du pnblic pour le Roi était si grande
'Iue, deux jonrs apr¡~s l'ouvert.ure de son prernier parle-
ment (:n juin 1(25), sir Ilenjamin rtlldyanl dit dans la
chambre dei commun cs : « Les di¡férens q ui se sont élevé,
" entre le fen Roi et le purl ement , ont été la vraie cause
(, (le toutes les misereo du royaume; c'est le Il oi actuel


:..l.




20 HI8TüIRE


Cependant, quelques-uns suspendirent leurs
espérances, ne sachant ce qu'ils dcvaicnt penser
d'un prinee jusque-Iá si reservé ; il ne s'était cu-
core déclaré pour aueun parti, et n'était jamais
intervenu dans les affaires de l'État, quoique,
durant le regne de son pére, il se fUtfait plusieurs
choses tres-dommageables a ses intéréts du mo-
ment et aceux de I'avenir, Mais cette conduitc
avait été en général bien vue de la nation, et
considérée comme un effet de sa piété et de son
obéissance envers le Roi son pere , et 1'on en avait
tiré ce favorable augure: (e Que celui qui savait
« si bien obéir saurait comrnander avec justice. »


.. qui, du vivant de son pere , a fait faire les premiers pas
a vers une réconciliation , ce qui a déjá valu aux sujets
.. plus de bien qu'aueun parlement ne leur en avait fait de-
" puis eent ans. Que ne devons-nous done pas attendre de
.. ce prince rnaintenant qu'il est Roi et tient lout le pouvoir
.. dans sa main? Son bon naturel , sa pureté, son goút pour
" les parlemens , tout en lui est de bon augure. Je propose
" done qu'on prenne tous les moyens propres a rendre tout
u facile entre le Roi et le peuple , de telle sorte qu'ils ne se
.. querellent plus désormais. )J t Histoire Parlementaire ,
par Cohbctt , tomo 2> col. 5; Londres 1807.) Dés:u, comme
toute I'Angleterre, dans ses espérances , sir Benjamín
Rudyard fut , plus tard , un des membres les plus prononcés
de I'opposition presbytérienne ; 011 en verra la preuve dans
le discours qu'il pronon~a á l'ouverture du long parlement ,
et que Maya inséré textuellement dans son ouvrage.


(Note de t Éditeur" )




DU LONG PARLEiVIENT. 21
On s'éf.onna de le voir se Iier d'une si étroite


amitié avcc le duc de Iluckinaham ; communé-
ment ceux qui jouissent aupres du souveraiu
d'une si ext1'ao1'c1inai1'e faveur, éclipsent et 1'a-
baissent beaucoup I'héritier présomptif: du moins
suppose-t-on qu'il en est ainsi; et pour cette
raison , on les voit hais et rcnversés par Iui , Iors-
qu'il arrive au trónc, Les histoires ancicnnes et
modcrnes sont remplies d'exemples de ce genre.


Au commeneement du regne du roi Charles, un
parlement fut convoqué aOxford, la peste régnant
alors aLondres avec une grande fureur. Le duc de
Buckingham y fut hautcmeut accusé; mais , au
grand déplaisir de beaucoup de gens qui en con-
-;urcnt la crainte de voir les affections privées
I'emporter beaucoup trop en lui sur le bien pu-
hlic , le R.oi le soutint contre le parlement, qui
fut dissous l)onr eette seule cause, apres avoir
accordé deux suhsides et avant que ríen eút été
fait. pour le redressement des grieC" du royaurne,
ainsi qu'il est exprime dans la premiere et géllé-
rale rernontrunco du parlernent actuel (1), OU


(1) Celte remontrance fut votée par la chambre des
connnunes , le mercredi 15 décembre 1641 ; elle est inti-
tulée, Hcmontrance des États du ro.y'aume, et s'exprime
dans un hngage cJair et nourri, et offrant toutes les ap-
llarences de la vúité. Voyez la collection de toutes les
Hcmontrauccs , 1)(;clarations, etc., de ce parlement , pu-
hliées llar Husbands en 1642. (Note de l'Allteur.)




HlSTr): E E
sout toucliées en pcn de mots plusieurs des mal-
lieureuses affaires de ces tcrnps-Iá : par exemplc,
la guerre contre l'Espagne, cntreprise p¡¡r le Huí
i mmediatemenl arres la dissolution de ce pa rle-
ment, sur des plans mal con<jllS, et tout-a-Ia it
en opposition avec l'avis (les persollnes sages fluí
lui eonseil1aient d'uttaquer- les Indes occidentales.
Cette marche cut été, sans aucun doute , de beau-
coup la plus facile et la plus propre a assurer le"
suecos de l'Angleterre contre I'Espague. Au lien de
cela, le Roi leva, avee de grandes dépenses , une
armée navale pour assiéger Calais, el la mit sous
les ordres du duc de Buekingham, qui fut revétu
des doubles ti tres d'amiral et de général, bien
qu'il ne commandát pas en personne. L'cxpéclitiou
ful eonduite ele telle surte qu'el le éclloua tout-:l-'
fait, et fut aussi déshonorante que d ispcndicusc.


Ce parlement se plaignit aussi d'un autre projet
mis a exécution clans ce temps, et cléploré pal'
tout le peuple anglais, comme subversif el u plll.'
granel intérét de la nation , le rnuintien de ia re-
ligion protestante. Une ílctte anglaise fut équipée
et mise ala c1isposition des Francais , qui s'en ser-
virent pour disperser et anéanti r toutes les forces
maritimes des Hochellois ; perte irréparable pour
ces c1erniers, et qu'on put rcganler cornme le pre-
miel' pas vers leur destruction (1).


(i) La cour de Frailee avait proinis 1 disent les Mémoi re-




DTJ LONG PAl\.LEMENT. ...23


Ceux ql1 i étaicnt alors a la tete des aflaircs ,
furcnt soupconnés ct accusés par le peuple d'avoir
consenti ace pret de vuisscaux , nio ins par affec-
tion pour la France, que par un projet formé
contre la religion. En effct, dans le mérne temps,


roya listes , de ne se servir des vai sseaux anglais que eontre
les Génois, alliés de l'Espagne, ct Charles le, ignomit
qu'elle cút desscin de les employer centre la Rochelle. II
est difficile de croire que eetle ignoranee ait duré long-
temps. Lorsque ces bátimens arrivcrout a Dieppe, le bruit
se rppandit, parmi les éqnipages, qu'ils allaient servir contre
les RoeheJlois. Les marins irrilf:s ;¡dress¡~rent une remon-
trance a l'amiral sir Jolm Pennillgton, y a pposcren t tous leur
signature , en forme circulaire , pOllr que rien ne fit recon-
naitre les rueneurs , el la tléposerent sous son livre de prieres.
Pennington leur jura qu'il se ferait pendre en Angleterre
llOur fait de dcsobdissancc , plutót ({lle ue se battre en France
contre ses freres les protestans. Toute l'escadre fit voile
aussitót pour les Dunes, La, elle recut de Buckingbam
l'ordre de retourner a Dieppe. Le dnc, suclrant Lien que
cet or.lrc ne snJiir:út pas, emploj-a toutes sortes de ruses
pour les ()(:t1~nlli¡¡er il obé:ir; et le bruit de la réconciliation
tIu roi de Fr.rnce avcc ses sujets hllgU('lIots vin l favOl'isel'
ses desseius ; mais, en arrivant a Dieppe , la flotte reeonnut
lJu'elle avait été trom pée , Sir Ferdinand Gorges retourna
soudain en Angleterre avec le vaisscau qu'il commandait.
Pro-que tous les ol1iciers el. matelots des autres hátimens
déserterent , malgré les offres (Iue leur fit faire le roi de
Franco. Un scul artil len r , dit-on , resta, el il Iut tué en
pointant sa pii~ce contre la Hochclle ; la nouvelle de sa mort
fut, en Angleterre, un sujet de grande joie populaire.
(7\~ole de rftditcllr. )




24 HISTOIRE
le Roí rompit avec la France , sans que ron pút
en comprendre la raison, et lui saisit des vais-
seaux pour une valeur considérahle, sans donner
aucune indemnité aux Anglais, dont, par suite de
eette mesure, les marchandises furen t retenues et
.confisquées dans ce royaume.


L'Angleterre, pour s'en venger, leva une hrave
armée qui, eommandée par le duc de Buckingham
en personnc , alla débarquer al'ile de Ré , et vain-
quit les Francais dans la premiere rencoutre ;
mais, apres quelques mois de séjour en ce lieu,
I'inexpérience du général fit prendre aux affaires
un tour si malheureux que les Francais eurent
l'avantage, et nous firent éprouver une grande
défaite, OU plusieurs hraves gentilshommes per-
dirent la vie , et la nation beaucoup de son a11-
cienne gloire (1).


De la s'ensuivit une autre mesure qui con-
trihua a la ruine des Rochellois. Les Anglais ma-
lades et hlessés furent envoyés dans leur viI1e.,
ou , sur la pl'úmesse solennelje que leur fit
l'Angleterl'e de les ravitailler, ils secoururent ces
malheureux du peu de vivres qui leur restaient.
Ces vivres étaient déja insuffisans pour les 1\0-
chellois, et le roí de France avait beaucoup de
moyens de faire durer long-tcmps le siége; cal'
il joignait alors aux richesses el a la puissance


(1) Voir les lItt!mOlás de Warwick.




DU LONG PARLEME:n. 25


de sa couronne , la force et la réputation qu'a-
vaicnt donnécs a ses armes leurs derniers suecos
centre les autres villes protestantes de la Frunce.


Les Rochellois assiégés, ne doutant pas qu'ils
ne recussent d'Angleterre les convois et vivres
qui leur étaient dús , et dont ils avaient hesoin ,
envoverent leurs vaisseaux pour les chercher,
Mais ces vaisseaux, qu'on aUendait si impaticm-
ment de voir revenir chargés de pain, furent
retenus en Angleterre par un embargo, et retenus
si long-temps que eette malheureuse ville fut
obligéc de se rendre, vaincue par la fa mine , le
plus cruel de tous les ennernis.


Dans le mérne temps qU'Ol1 retenait les vais-
seaux ehargés de porter des vivres ala Ilochelle ,
on préparait en Angleterre un grand arrnement
pour la secourir ; mais ces préparatifs trainerent
en longueurvjusqu'a ce qu'il ne Iút plus temps de
les employer, et l'armée fut a la fin dispersée
par la mort funeste du duc de Buckingham,
son général, poignardé a Portsmouth par un
gentilhomme nommé John Felton.


Ce Fclton était un militaire de petite taille et
d'une figure peu prévenante, d'une disposition
sérieuse et mélancolique, mais religieux dans
toute la conduite de sa vie comrne dans ses dis-
cours; ce que je ne remarque pas pour donner eré-
dit aeeUe action illégale , en supposallt, comme le
firent alors quclqucs-uns, une inspiration de Dicu.




nrSTOIHE


Feltcn avoua i'l ses am is , soit puhliquement , soit
en part.icul icr , qu'il úitait souvent senti secrete-
ment poussé a cette action ; qu'il avait résisté el
IJrié pour s'en défendre, et avait presque surmouté
ces mouvemens; mais qu'il avait été eníin déter-
miné en lisant les remontrances faites contre le
d uc par le parlement qui venait d'étr c dissous;
(Iu'aIors sa conscience lui ava it dit qu'il était juste
et louahle de se rend.re l'exécuteur de la j ustice
sur l'homme que la plus haute cour de judicature,
le corps des représentans du royaume, ava it con-
damné comme traitre. Que la postérité en juge
cornme il lui plaira; iI est certain que Felton
montra un grand repeutir sur l'illégalité de son
action , et cela non par crainte de la mort et des
chátimens d'ici bas , cal' il exprima le désir d'a-
voir la main coupée avant son exécution , ce que
les lois d'AngIeterre ne permirent pas aux juges
d'ordonner (1).


Le HoÍ avait , peu. de ternps anparavant, dig··
sous un autre parlernent , convoqué dans la se-
conde année de son regne (.2), et durant lequel ,


(1) Voir, dans les Éclaircissemells el picces Iiistoriqucs
a la fin de ce volume , lc récit détaillé dc I'assassinat du
due de Buekingham, par Clarcndou ,


(2) Il Y a iei une erreur qui se reproduit dans tout le
paragraphc. Le parlement dans lequel fut aecordée la })hi-
tion des droits, ne fut dissous qu'apres la mort du duc de




D V LONG PARLE~IE]\T, 2'"


;Ila grande joie du pcuple , fut accordée la pétition
des droits. Cepcndant cela ne procura, pour le
iuornent , aucun soulagement, Cal' le parlement
1'ni aussitót dissous , et le Roi persista dans la con-
duite qu'il avait tenue jusqu'alors. Ainsi cette
conduite, an lieu de fortificrla liberté du royaume,
la ruoutra plus 'luC jamais dépourvue de défensc;


Bnckingharn, assassiné le 23 aoút 1628. Maya voulu pai-lcr
sans Joule du secoud parleruent de Charles ler, convoque
le 6 ¡('\Ticr IGAi, dissous le 15 j uin suivant , el dans lequel
il ne fut nullement qucstion de la pétilioll des droits. L'u-
niq ue cause de sa dissolution íut , comme POUl' le prenrier,
l'ohstination rtrcs-Icqitime des communes a poursuivre le
dnc de Buck inglram et it ne voter les subsides qu'apri-s
avoir obtcnu le redrcssement des gricfs publics. Le Roi
adrcssa a la cha iubre les rnenaces les plus hautaines : « Si
vous nc vous hátez de voter les subsides qui vous sont de-
mandés 1 écrivait-jl al'ornteur , ce sera tant pis pour vous ;
car 1 s'il arrive {[uelque rnalheur , a eoup sur 1 je serni le
dernier ú m'cn rcsscntir. " (,Vémoires de vVhitelockc,
pago 3. édit. de 1 (ii:h 1 in-folio,) Dcux memlrres de l'op-
posilion 1 sil' DlIdl,'y Dig¡;s et sir John ElIiot Iurent .11'-
n~tc:s et mis a la Tour par ordre du Roi, a cause de leu rs
discours contre llucló:lgham; la ehambre, irritée, déelara
(¡n'elle ne s'occu perait d'aucune affaire avant qu'on eút fait
droit a ses lllaillles sur cette violation de ses pri-riléges. Sil'
Dudley Carleton , vice-charnbcllan de la maison du Roi ,
€ssaya de la calrncr cn I'illfimidallt : « Tous les royaumes
" ehrétiens, dit-il , ont eu jaclis des parlemens, et leur
" prospérité était grande alors , mais les rois out ap-
" pris a eonnaítre leur propre force; ils ont vu I'esprit




JIlSTOlRE
cal' on vil que les lois el les-mémes n'étaient pas
un obstaelc a la volonté du Roi. Le parlcmcnt ,
dans I'espoir de quelques condescendances , avait
<-léelaré l'intention de donner a Sa Majesté cinq
suhsides. Apres la dissolution du parlement, lc
montant tout entier des cinq subsides fut exigé par
un édit cl'emprunt, et ceux qui ne se soumircnt
pas a cet emprunt, furent mis en prison; de
grosses sommcs cl'argcnt furent requises et levées


" turhulent de leurs parlemens; ils se sont peu a peu ap-
" puyés sur leur seule prérogative, et enfin les parlemens
« ont été détruits dans toute la chrétienté, exccpté chez
" nous. Si vous aviez vu comme moi les peuples étrangers ,
" vous seriez épouvantés d'un tel malheur ; la, les sujets nc
" sont point, comrne chez nous, gras et frais, les épaulcs
« bien garnies de ehair; ce sont des speclres et non des
« hommes; ils n'ont que les os et la peau, quclques
c< haillons pour couvrir leur nudité , et des sabots aux pieds ;
« ils ne peuvent ni manger de la viande ni porter de Lnns
" habits; il faut qu'i!s paient , et le Roi les taxe COlllIllC jI
" lui plait, C'est une misere au-dela de toute expression ,
" et nous en sornmes encore exempts, Prenons done bien
u garde a maintenir le Roi en honnc humeur pour les par-
" lemens, cal' de la dépend tout le honheur de notre na-
u tion. }) Mais les avis de sir Dudley irriterent encore plus
la chambre; il fut interrompu par les cris á la barre! ala
barre ! el malgré ses explications, ses amis eurent beaucoup
de peine a cmpéchcr qu'il ne fút contraint de venir ;1 la
harre demander' pardon de son discours. (Ilistoire parle-
mentaire , t. 2, col. 120; M¿moires de Whitelocke, p. 6. )


(Note de l'Édilt:ur.)




DU LONG PARLEMF.NT. 29


par lettres du seca u-privé. Il y eut un édit pour
pressurcr les sujets par voie d'excise ; on logea
des soldats chez eux , et un projet fut formé pour
mettre la nation aux fers, au moyen de la cava-
Ierie allernande. On vit encore beaucoup d'autres
choses de méme nature.


La conduite eles affaires de l'État, relative-
ment ?t nos alliés, avait été aussi funeste a leurs
mtéréts que déshonorante pour l' Angleterre, et
préjudieiable a la cause de la religion.


La paix fut faite avec l'Espagne , sans le con-
sentement elu parlement; et, par la, fut perdue
toutc cspérance de voir les plus proches parens
du Roi rétablis dan s leur légitime souveraineté;
par la aussi, la religion protestante fut tres-
affaiblie en Allemagne. Nul ne peut considérer,
sans étonnernent , quelle sor te de conseils ava it
alors iniluence sur la cour d'Angleterre; et la
postérité prendra peut-étre pour un paradoxe
cettc simple vérité que, soit a I'intérieur, soit a
I'extérieur , la reJigion protestante a rcyu de
grands dommages de la part de deux Rois, dont
l'un l'a défendue en pcrsonne par de savans
écrits, et dont l'autre, dans sa conduite parti-
culióre , en a observé les préceptcs plus exacte-
ment qu'aucun autre prince contemporain. Mais
les aífaircs civiles furent trap mal conduites pour
donner les moycns de défcndre la vraic religioJl ,
ou du moins ponr laisser le pouvoir de la pro-




...


:)0 mSTOIH.E
pag(~r. 11 se peut aussi (Iue l'indiífércnce ponr la
rcligion ait été la cause (In malhcur qui u'a pas
permis qu'an ohtint , dans les aifaircs civiles, de
plus favorables et plus glorieux résuItats. Les
clroites voies par 011 la reine tlisabcth les avait
si heureusernent conduitcs , étaient dcpuis lon3-
tcmps abandonnées ; et la déviation d evint tcus
les jours plus grancle et plus fatale au royaume,
<fui fut dirigé dans un sens manifestement con-
traireaux principes desongouvernement. La Ileino
avait renclu les ti tres d'honneur plus honorahles ,
en les accordant avee réserve , et sans doute 10rs-
qu'ils étaient bien mérités ; ils se trouverent tout
acoup fo1't baissés de prix , non-seulcment paree
qu'ils avaient été donnés trop facilement, mais
parce qu'ils furent ouvertement vendus , eL de-
vinrent l'acquisition de gens de has étage, OH la
récompense d'hommcs vicieux,


A la mort du duc de Buckingham le peuple fut
transporté d'une joic extraordina ire , et en dOlilJa
ouvcrtemont des térnoignages auxquels les gens
sages trouverent qu'il n'étaitni eonvenable ni dé-
eent de se Iivrer a l'oecasion d'un événemcnt si
triste et si tragique, heaucoup plus propre :l ex-
citer la corn pnssion de ceux qui penscnt chréticll-
nernent, quellcs que fussent cl'ailleurs les fantes
de l'homme.
. On pourrait opposer aux transports de ce pcn-


ple le distique de Sél1C(luc:




DU LONG PARLEMEJ\T.


Res est sacra tniscr ; no]¡ Inca tallgere .{ata;
Sacrileg{C [nistis aústillll(fr c manus (1).


Peut.-étre ])jeu Cut-il offensé de I'exces ele leur
joie , cal' il leur donna hicntót a connaitre que
l'avantage de cette mort n'était pas pour eux
aussi grand qu'ils l'avaient attendu : mais ses ju-
gemens' sont élevés au-dessus el e la connaissancc des
homrnes. La verité est tple le peuplequi, en géné-
ra l, aimait le Roi et répugnait a rnal penser de lui,
cOJJsicI(~rait le d uc camme le seul ohstacle au hon-
heur du royaume; on pouvaitbien craindre qu'ilne
s'élcvát , par la suite , ala place du duc , d'autres
ministres dont les intentions seraient aussi mau-
vaises ou pires; mais on ne supposait pas qu'aucnn
pút avo ir an méme point le pouvoir de les accorn-
pI ir, ni qu'il se rencontrát un second génie ca-
pable el'acquérir un pareil ascendant sur celui
(Iu Roi. n est certain que la joie qu'on éprouva
de la mort. du duc, viut surtout de ce qu'on rc-
dontaií bcaucoup les malheurs auxqucls pouvait.
étre exposé un pays, ou cet homme qui se sa-
vait haí C!U peuple , tenait entre ses mains les
«Iefs du royaume. Il était en eífet arniral et
garde des ciuq parts, avait le commandement


:1) Le ur.rlhcurcux cst un etre sacré ; n'jnsul í cz point a
1lI011 sort; les ruains sacrilciges elles-mémcs s'abstiennent
de :our'lH'l" a ux 101T1he:n:x.




52 HISTOIfiE


des soldats et le pouvoir exclnsifde leur accorder
des récompenses et de l'avancement.


Mais ces joies et ces espéranccs ne furent pas de
longne dnrée; dans la méme annéc, la quatrieme
du roi Charles, et apres la mort du duc de Buckin-
gham, un autre parlemcntfnt dissous (1); et alors
les priviléges de cette haute cour furent plus vio-
lés que jamais. Six membres de la ehambre des
comrnunes , qui s'étaient montrés ardens a soute-
nir les priviléges du parlement, fnrent renfermés
durant plnsieurs mois dans une étroite prison ,
sans pouvoir ohtenir , pendant tout ce temps , la
liberté d'avoir ni livres, ni plumes , ni encre , ni
papier, et saos pouvoir étre admis a caution,
comme le prescrit la loi. lIs furent aussi tou1'-


(1) C'est ici le troisieme parlernent oh fut traitée I'affaire
de la pétition des droits. Il siégea peridant deux sessions , la
prerniere du 17 mars au 26 juin 1628, et la seconde du
?I janvier 1629 au 10 mars suivant , jour de sa dissolu-
tion. Ce jour-lit, le Roi se rendit it la chambre des lords ,
mais sans faire appeler la chambre des communes et son
orateur; il s'entretint gracieusement avec les lords , Ieur
disant que la conduite seditieusc de quclques miliTes,
membrcs de la ch.ambre-basse , etait l'uniquc cal/se de la
dissolution du parlement. Il ordonna ensuite au lord chan-
celier de faire son oflice; et, malgré I'ahsence des corn-
munes , le chancelier dit : Mylords et messicurs oc la
« chambre des cornmuncs, le Roi dissout ce parlement. "
(Mémoires de Whitelocke, pago 12; Ilistoire parlcmai-
tairc , tomo 2, col. 4~)2.) (Note de l'EdiL.)




DU LONG PARLEl\1ENT. 33
montés de procéclures devant des COUl'S inférieu-
res, condamnés et mis al'amende pour des choses
faites en parlement, et le paiernent de ces amen-
des leur fut arraché par la violence. Quelques-
uns, avant d'étre reláchés, furent ohligés de donner
eaution de leur bonne conduite. Ceux qui la refu-
serent furent détenus pendant plusieurs années.
Un de ces derniers, sil' John Elliot, mourut des r i-
gueurs de sa captivité , n'ayant pu ohtenir qu'elIe
fút adoucie, bien que, dans I'intérét de sa san té ,
il présentát souvent ace sujet des demandes ap-
puyées des témoignages de ses médecins. C'était
un gentilhomme d'une grande capacité, et ({ui
s'était montré l'un des plus hardis dans ses dis-
eours pour la liberté de son pays et contre les ini-
quités du duc de Bnckingham. Comme il n'avait
été a cet égard que l'organcde I'opinion publique,
la liberté dont il avait usé dans le parlement
avait ohtenu en général le suffrage de la nation ;
mais elle excita I'indignation des courtisans, et
fut, acause des circonstances, hlámée par les poli-
tiques réservés ; a la maniere dont Tacite hli'l.lne
Thrasea Poctus , cal' on la regarda comme inutile
et par conséquent insensée, la ou elle ne pouvait
apporter aucun remede; sibi periculum , nec aliis
libertatem:


Le peupleanglais, apres la dissolution de ce par-
lement;fut plusieurs années sans jeter unr egartl en
arr iere vers son ancienne liberté. Le Hoi puhl la une


l. 5




m5TüIHE


déclaration contenant des accusations contrc plu-
sieursmembres duparlement, mais dirigée en ['lit
contre le parlcment lui-méme. La nation abattue
futforcée de lire ces choses avec patience et mérne
d'y accéder, en dépit des jugemens de sa raison.


De ce moment le peuple anglais fut privé de
loute esperance de parlcnicnt, et les affaires fu-
rent conduites par des officiers publics, comme s l
le jour de rendre compte n'eút jamais du arri-
ver (1).


Je vais, pourprocéder avec méthode, et pour que


(1) Le Roi sembla lui-m6me s'appliquer a répandre chez
le peuple la conviction qu'aucun parlement ne seraiL plus
convoqué; il publia, peu apres la dissolution du parIement
de 1628, une déclaraLion portant: u Qu'on cherchait dans
« de mauvais desseins a faire croire qu'un parlemcnt serait
u bientót réuni; que Sa l\1ajesté avait prouvé, par sa con-
u duite précédente, qu'elle n'avait pour ces assemhlées
" aucune aversion , mais que leurs derniers exces l'ayant
« malgré elle détournée de ce svsterne , elle regarderait
" comme une insolence , toute démarche ou parole qui ten-
« drait a lui prescrire une époque quelconque pour la con-
u vocation de parlemens nouveaux , )) - u Je ne puis n~'em­
pecher, dit Clarendon en rappol"Lant ce IJassage, de dire
ici que ces imprudentes et précipitées dissolutions des par-
lemens out été la source de ces torrens de d(:sastres qui
nous inondent aujourd'hui. Quoique je n'aie éLé mcmbre
d'aucune de ces premiares assemblces , je u'y suis point
étranger; j'ai examiné avec soin les jouruaux des deux
chambros , el causé familierement avec les hommes qui y
avaientjoué le principal ró!c. On ne saurait nier qu'il n'y




DU LONG PARLEMENT. 35
le lccteur soit ~l portée d'apprécier la cause des
troubles qui survim-ent.eusuitc, présenterd'ahord,
dans un exposé simple ct fidele , l'énumératioll
abrégée de ([nelques-uns des griefs du peuple, el
pareillement cel le de quelques-uns des vices qui
régnercnt dans la nation, durant l'espace de sept
011 huit ans apres la dissolution de ce parlement.
Je rendrai eompte cnsuite des différcntes dispo-
sitions du peuple d'Angleterre, et des divers ju-
gemens des hornmes sur le gouvernement durant
cette périoc1e. Je dirai, en rassant, quelque ehose
des moeurs et eouturncs de la cour d'Angleterre,
ainsi que de l'état des affaires ecclésiastiques, et
de la maniere dont on en jugeait généralcmcnt.


ait eu quelques discours pen conformes a la dignité du
lieu, comme au respect dti aSa J\1ajesté et a ses conseils ;
mais je ne connais aucun acte, aucune résolntion de l'une
ou de l'autre chambre, qui ne füt d'accord avec la sagesse
et la justice [[ue doivent conserver , en de si grandes occa-
,ions, des cours supérieuros. Quiconque rénéchira sur les
actes arbitraires, et les inir¡uités de quelques-uns des mi-
nistres dans les intervalles de leurs réunions, ne sera plus
scandalisé de la vivacité , et mérne de l'emportement qu'el1es
ont ensuite laissé éclater. " (Ilisloire de la Rebellion ,
10m. 1 , pago ti, édiLioIl de Bale.) ( Note de l'Éditellr. )




mSTüIRE


CHAPITRE H.


Court esposé de quelques - uns des maux da
royaume. Dioerses opinions sur le gouverne-
ment d~alors, Etat de la cour el du clergé d'An'
gleterre. Quelques obseroations d'un étranger
concernant la religion da peuple anglais.


Les hommes honnétes et sensés ne peuvent s'em-
pécher de penser qu'il a faUu que les pécliés du
peuple anglais fussent arrivés a un exces hien
coupable , que l'iniquité des gouvernans et
les vices des particuliers fussent bien grands,
pour avoir enfin appelé sur leurs tetes un si sé-
vére jugement de Dieu, et attiré par degrés une
guerre si déplorable et si dévorante. Un historien
anglais ne peut prendre plaisir a détailler ces
crimcs; il préférerait garder le silence, et dire
avec Stace :


•.••• - Nos certi taceamus , et obruta multa
Nocte tegi nostrcepatiamur crimina gentis (1).


l\Iais garder le silence serait envers Dieu une
grande injustice et une grande impiété, puisqu'on
raconterait ses jugemens sur un royaume, sanS


(r) Taisons-uous , et souffrons que les crimes de notre
patrie soient ensevelis dan s une nuit profonde.




DO LONG PARLEMENT. 37
donner a connaitre les péchés qui en orlt été la
cause. Les historiens paíens nous ont bien ensei-
gné ce devoir de piété; cal' ils ne décrivent jamais
une guerre civile, ni une calamité publique,
sans avoir d'abord exposé combien le pays était
devenu vicieux et corrompu, cambien étaient a
hlárner les chefs et le peuple, et combien il était
juste qu'ils fussent punis par eux-mérnes ou par
les autres. Aucun des poetes romains n'a entrepris
d'écrire sur cette grande et déplorable guerre ci-
vilc, qui détruisit les lois et asservit la postérité de
Rome, sans avoir fait d'ahord une longue énumé-
ration des causes qui I'arnenerent ; savoir, le degró
de perversité auquel étaient parvenues les moeurs
romaines, l'avarice et la tyrannie des principaux
gouvernans, le luxe, l'impudicité et la dé-
bauche qui envahissaient l'État tout entier; on
peut le voir dans deux des plus élégans auteurs
par qui ce sujet ait été traite, Et nous chrétiens,
guí ado rons le vrai Dieu et vivons sous la loi de
l'Évallgile, pourrons -110US, sous le poids d'un
lngemel1t si sévere , refuser de reconnaitre nos
offenses?


Il faut commencer par les fantes des premiers
pouvoirs, et l'opprcssion illégale qu'ils exercerent
sur le peuple angLais, durnrit ees huit ou neuf
années pendant lesquelles l'Anglelerre se vit pri-
vée de parlement ; je les toueherai en peu de mots,
renvoyant le lecteur a I'exposé }}etlUCOUP plus




58 HIS'l'OIH.E
étendu qui en a été fait dans la Remontrance. Le
Roi accorda une foule de monopoles sur les choses
les plus nécessaires et de l'usage le plus commun,
comme le savon , le sel, le vin, le cuir, le char-
hon de terre, et plusieurs autres denrées de ce
genre (1).


Regia privatis crescunt ceraria damnis (2).
CLAVDIEN.


Sous ombre d'une loi impéricuse, on exigea
par tout le royaume de grosses sornrnes d'argent
pour défaut de chevalerie (3); les droits de too-
nage el de pesage furent perºus sans avoir été


(1) Cl On vit naitre alors, dit Clarcndon , ponr se procure!
Cl de l'argent, des plans et des mesures de toute sorte; les
" unes ridicules, les antres scandaleuses, toutes tres-op-
« pressives; le bláme et la haine qu'elles méritaient retolll- ..
u baient sur le Roi, le profit allait a d'autres ; a tel point
oc que sur ?,OO,ooo Iivres sterliug , arrachées dans le cours
Cl d'une année, aux sujets , par tant d'iniques procéd(:s, a
Cl peine 1500 livres tournerent-elles au servíce du Itoi. »
( Histoire de la Réúellion, torno 1, pago 115. ) (Note de
l'Édúeur. )


(2) Le trésor royal se grossit des pertes des citoyens.
(3) En vertu des anciennes lois Iéodales , quiconque pos-


sédait un fiof de chevalier, tenu immédiatement de la
COllronne, était obligé de se fairc ar me r chevalier et de
suivrc le Roi a la {j'uerre 011 de payer une certaine somuie
pom' s'en exernpter. SOllS le rcgne d'Edo uard 11, cette ol,li-
gation fut imposée a tous les propriétaires de fiefs d'un re-




DU LONG PAJlLEME~T. 39
revétus des formes de la loi (1), et bien qu'on leur
ait donné pour prétcxte la défense des mers , ce


venu de 20 Iivres sterling. La ceremonie de la collation
du titre de chevalier était ainsi , pour le Roi , la source d'un
revenu assez considerable, Édouard VI et Élisabeth charge-
rent des cornmissaires de rechercher tous les propriétaires
de fiefs, de 40 Iivres sterling de revenu, qui ne s'étaient
pas fait eonférer la chevalerie pour en éviter la dépense , et
de leur faire payer une certaine sornrne en indemnité pour
la eouronne. C'est cett e pratique qJle renouvela CharlesI'" ;
Lien que fondee sur un aneien droit légal, elle n'avait gucres
été employée depuis long-temps qu'it des epoques de détresse
ou ae tyrannie; elle entralnait une inquisition intolérable
et donna lieu aux plus vives réc lamations. Le longparlement
I'interdit par un statut , en 164r. (Voyez le Dicuonnaire
de la lo: anglaise , par sir Thornas Edlyne Tomlins , au
mot Knight, troisierne édition, Londrcs , 1820.)


(Note de Z'Éditeur. )
(1) Le droit de tonnage était un droit sur les vins impor-


tes en Angleterre, et le droit de pesage un droit de 12 de-
niers par lirre pesant sur tontes les marcliandises imporlées
ou exporl(:es. La legislation et la pratiquc avaicnt subi,
quant a la perception de ces droits, heaucoup de vieissi-
tudes. Avant le plein et regulier établissement de la cham-
bre des comrnunes ( sous Édouaro ICT, a la fin du treiz iernc
siccle ), les rois s'arrogeaient le pouvoir de décider seuls des
droits de douane , et en general des impóts qui pesaient sur
le commerce. Depuis le regne d'Édouard ICT, ceUe preten-
due prérogatiw fut positivemeut déclarée illégale , et les
droits de tonnage et de pesage dúrent , comme les autres
impóts , étre votes par le parlement ; mais ce vote demeura
long-temps irrégulier , i:t diverses époques , les droits de




40 HISTOlRE
fut encore sous ce prétexte qu'on établit la fa-
rneuse taxe des vaisseaux (1), et l'ensemhle de


douane ne furent votes que pour un temps limité, pour
deux ans , par exemple , sous le regne de Richard 11. Les
défenseurs des libertés publiques soutenaient des lors, avec
raison, qu'il ne devait y avoir aucune diíférence entre ces
droits et les autres impóts, Cependant, avee les rois de la
maison de Laneaster (Henri V) , s'introduisitl'usage de les
voter pour la vie du prince dans le premier parlement de
son regne, et cette pratique continua, bien qu'avec quel-
ques variations , jusqu'a l'avénement de la maison de Stnart.
Elle entralna cet abus , que Iorsqu'un parlement n'était pas
irnmédiatement convoqué par le nouveau roi , il continuait
souvent apercevoir les droits de tonnage et de 11esage, de
sa propre autorité, et devait ~tre tenté de les considérer
comme incorporés dans sa prérogative. Pour mettre un
terme a ces déviations du principe fondamental de tout
gouvernement libre, les prerniers parlemens de Charles le,
rcfusurent de voter les droits de tonnage et de pesage pour
la vie du Roi; et le Roi, toujours en querelle avec son par-
lement, les percut alors sans loi, n'osant eependant soutenir
absolument qu'i] en avait le droit , mais réc!amallt a titre
d'usage la faveur abusive qui avait été accordée a ses pré-
décesseurs, .et alléguant la nécessité pour prendre , a lui
seul , ce qu'on ne voulait pas lui accorder pour toujours. 11
y avait, en ceci, une réforrne a faire, une regle fixe a éta-
blir, et c'est a cette réforme, qui n'était qu'un retour aux
principes ancíens et légitimes, que le Roi se refusait ,


(Note de rEditcur. )
(1) Ship-money La nature de cette taxe , I'illégalilé de


I'extcnsion que lui donna Charles ler et tout ce qui s'y rap-
parle, sont déveloPl":s ({aus un si grand nombre de mcmoirc:




DU LONG PARLE~lENT. 41
ces deux taxes se monta a 700,000 livres sterl.
imposées sur le peuple anglais, quoique les mers ,
acette époque , fussent mal défendues (1).


A ces abus se joignirent une extension des
forefs de la couronne , contraire a la grande
charte, les levées forcées d'argent pour I'habille-
ment et la marche des troupes, l'enlevement des
armes des milices en di vers comtés, et le désar-
mement du peuple en général par le monopole
de la poudre a tirer , quí fut déposée a la Tour
de Londres, et mise a un si haút prix que les


de eetLe époque, qu'il est inutile d'entrer, a ce sujet, dans
des explieations qui se trouvcrunt partout. Il suífira de dire
que, lorsque Elisaheth avait mis une taxe semhlable pour
résister al'invasion de Philippe JI, l'empressement de I'An-
gleterre a soutenir son gouvernement était tel que la taxe
fut bien plutót volontaire qu'imposée. Il n'y avait done
point , dans ee fait récent , un précédent dont Charles ler
mt en droit de se prévaloir, a rnoins qu'il ne soutint que
ses peuples étaient tenus de subir cet impót eontre leur gré,
paree que, une Iois , ils l'avaient payé volontairement,


(Note de l'Éditeur. )
(r) Lors du premier établissement de la taxe pour les


vaisseaux, la' cité de Londres fut taxée avingt vaisscaux ;
elle demanda qne cette taxation fút réduite a dix vaisseaux
et deux chaloupes; et comme les habitans de Londres
avaient al1égué des prcccdens , le conseil leur répondit: « que
« lespréccdcns des anciens temps étaient l'obéissance et non
" des objections.:» (Mémoires de Whitelocke, pago 7.)


(Note de I Editcur.¡




4.2 HISTOInE
pauvres n'eurent plus le moyen d'en aeheter: per-


. sonne d'ailleurs n'en put avoir sans une permis-
sion; en sorte que plusieurs parties du royaume
se trouverent privées des moyens de défense dont
elles avaient besoin.


Aueune cour de judieature ne pouvait protéger
le peuple contre ces illégalités, le Roi destituant
les juges lorsqu'ils n'aeeomplissaient pas sa vo-
lonté; ce qui les tenait en tclle crainte qu'ils
n'osaient plus faire leur devoir; d'autant que
pour avoir la main sur eux , on avait óté de leurs
lettres-patentes , la clause : Quamdiu se bene
gesserint -' pour y suhstitucr cclle-ci : Durante
bene placito (1).


(r) La corruption des cours judiciai¡"es fut , dit Claren-
don, ce qui porta au comble le mécontenternent du peuple ,
en lui enlevaut toute espérance, et lui donnant lieu de
croire qu'on voulait ériger en systerne ce que, jusqu'alors ,
il n'avait consideré que comme un mal passagel". « Si la
(( taxe des vaisseaux, par exemple, ótahlie, rIit-il , sous le
u prétexte de la nécessité et du danger, s'était présentéo
« comrne une mesure extraordinaire , les citoyens s'y se-
« raient soumis plus aisément. Il est notoire qu'on la Slip·'
u portait avec beaucoup moins de colere avant la décisíoIt
u rendne par les juges centre M. Hampden, qu'on ne le fit
« apreso Beauconp de gens se plaisaient a penser qu'en
" }layant la taxe, ils faisaient quelque chose pour le service
« du Roí, et lui donnaient une marr{lIe d'affection a la-
" quelle ils u'étaient point tenus; d'autres croyaient rée!le-
;, ment a la nécessité el trouvaient ainsi la taxe raisoll-




DO LONG PARLEMENT. 43
On exigea des sujets des sermens nouveaux et


ÍlIégaux, et de nouveaux trihunaux furent érigés
saos aueune loi. Lorsqu'on cut eréé des commis-
sions pour l'examen des émolumens exeessifs, et
qu'on eut découvert de grandes exaetions, les dé-
linquans furent admis acomposition , non-scule-
ment pour le passé, rnais pour les offcnses a ve-
nir; ce qui , au lieu d'apporter remede aux rnaux
du peuple, ne lit que les accroitre et les rendre
plus durables.


Dans ees eirconstanees ~ toutc espérance de
r'avoir jamais un parlement fut entierement han-


u naLle ; d'autres disaient que le Roi en retirait vraiment
« un grand avantage, tandis que pour eux la perte était
" pe tite ; tous enfin se rassuraient en pensant que, lorsqu'ils
" seraient las de la taxe et ne voudraient plus la payer, ils
" pourraient s'adresser aux ]uges et en obtiendraient le re-
« dressement de leurs griefs. Mais lorsqu'ils virent que la
" taxe était exigée dcvant les cours de justice connue un
« impót JéBaJ el qllC des juges,qui avaient juré de suivre la
« la loi , la déc!araient telJe, par des raisons dont la faus-
« seté dail sensible pour tout assistant, alors ils regar-
« derent ceci non plus comme l'affaire d'un seul homme ,
« mais cornme celle de tout le royaume; ce ne fut )JIu:;
" un irnpót demandé par le Roi, mais une taxe mise par
« les juges, et 011 se crut, en conscience, obligé d'y ré-
« sister. C'est une vieille ohservatiou de Thucydide, que
~ les liommes s'irritent beaucoup plus de l'injustice que de
« la iiiolcncc, L'illjustiec, dit-il , nient d'un égal et semblc
" une niolation du droit i la uiolcncc uient du plus fort, ct
" ncst qu'unc nécessitc ti subir. Tant que la taxe des




44 HI8TüIRE
nie; l'oppression s'exercait sur tant de points , tant
d'actes illégaux avaient été commis, que le seul
moycn d'en étre absous , c'était d'en cornmettre
un plus grand; c( d'enlever au peuplc le moyen
« destiné aen faire justice, le gouvcrncment lé-
« gal de l'Angleterre, exercé par le moyen des
ce parlemens. »


En cet état du royaume, les Iiommes justes et
graves qui n'avaient aucune part aux profits de la
tyrannie , ne pouvaient s'ernpécher de présager
tristement les maux qui devaient nécessairement


« vaisseaux ne paru~ rt"ovenir que du conseil du Roi, on
« la considéra comme une mesure du pouvoir auquel on
« avait coutume de se confier, comme un effet de la prc--
" voyance du gouverncmenL La nécessité et I'intérét pu-
e< blic sernblaient des motifs suífisans , et on ne s'effrayait
" pas beaucoup cle voir , dans une occasion extraordinaire ,
.. le pouvoir royal rcruplir une lacune de la loi, ou suppléer
« ason silence r rnais lorsqu'on vit la raison d'État adoptée
" comme un motif légal par les interpretes des Iois , les
« juges aussi prévoyans , aussi initiés dans les mysteres
« de la politique , 1ue des secrétaires d'État, les jugemcns
" fondéssur des faits qui n'avaient été ni examinés ni prouvés,
« et la taxe exigée IJar des motifs qui pouvaient également
« atteindre tous les biens de tous les citoyens, alors on
« cessa d'espérer que cette doctrine et ceux qui la soute-
« naient pussent jamais s'arréter devant aucune borne; et
" des hommes c¡ui avaient peu de raisons d'étre satisfaits
« de leur état présent, en eurent beaucoup de redoutcr les
" dangers de l'avenir." (llistoire de la Rébellion, tomo 1,
pago 117.) (Note de l'Éditcur. )




DU LONG PARLEMENT. 45
résulter d'une si grande iniquité. Us voyaient bien
qu'au point ou les choscs avaient été poussées
dans les voies de l'injustice, il fallait, de toute
nécessité, ou qu'oux-mémes et leur postérité fus-
sent ajamais réduits en csclavage, ou qu'on en
sortit par une vengeance si ápre et si cruelle que
taute Ía nation aurait a en gélllir; et quo ique ,
paur le présent, la situation parút brillante, ce-
pendant comme i ls a vaien t vu les jugemens de
Dieu sur d'autres nations égalemcnt pleines de
sécurité, ils ne pouvaient s'empécher de craindre
la suite. Une autre espece d'hommes, particulie-
rernent dans la haute et lIloyenne noblesse, qui
ne sentaient pas beaucoup l'oppression du gou-
vernement, et n'éprouvaient que p~u ou paint de
dirninution dans leur abondante for tune , ne por-
taient pas leur vuc au - dela de la tranquillité
et de la prospérité dont ils jouissaient alors; et
voyant la nation dans une paix profonde, tandis
que d'autres rayaumes étaient troublés de dé-
sardres, et que l'Allemagne était ravagée par une
guerre cruelle, ils ne faisaient qu'applaudir au
bonheur de l'Angleterre, et traitaient d'ingrats et
d'esprits factieux ceux qui se plaignaient de la
vialatian de nos lois et de nos Iibertés. Ils fai-
saient observer que le royaume regargeait plus
que jamais de richesses, d'ahondance, et de
toutes les sortes de jouissances élégantes; il était,
disaient-ils , de l'honneur d'un peuple, que son




46 HI8TOIRE
monarque vécÜt avec splendeur, sans étre soumis
a aucune restriction dans sa prérogative; eette
indépendanee le mettait en plus grande estime
aupres des autres princes, et lui donnait un grand
avantage dans les traités; ils trouvaient ce qu'on
souffrait des monopoles peu sensible et nullement
onéreux , si on le comparait avec ce <fui se passait
en d'autres États; ils alléguaient que le due de
Toscane chargeait ses sujets de fardeaux bien plus
pesans; que le roi de France s'était rendu maitre
absolu, et avait entiérement comprirné le pou-
voir des parlemel1s, pouvoir qui avait été en
France aussi grand qu'en aucun autre royaume;
et que cependant la France florissait et que la
noblesse y vivait dans la prospérité; enfin, que
les princes el'Autriche, particuliérement en Es-
pagne, faisaient peser sur leurs sujets des irnpóts
tres-onéreux.


Tels étaient les discours ordinaires par OU les
gens de la classe élevée cherchaient, au moyeu de
comparaisons, ajustifier leur asservisserneut.


Les courtisans avaient coutume, pour pre-
miel' argument, d'accuser les parlemens de
cruauté envers les personues favorisées du Roí,
et de trop d'hostílité contre sa prérogative; ils
ajoutaient que le dernier parlement l'avait pris
sur un ton trap haut avec le Roi, ct qu'ils es-
péraient bien que le Roi n'aurait plus hesoin de
parlement. Quelques uns des plus considérahles,




DD LONG PARLEME~T. 47
parrni les homrnes en place et les conseillers
privés, avaient coutume de rire , Iorsque , dans
le vieux langage de l'Angleterre, on employait
eette expression : la liberté des sujete. Mais ces
hommes si empressés de se sournettre au joug,
bien qu'assez nomhreux pour rendre une réfor-
muti ondifficile, ne composaientqu'une bien petitc
partie de la nation, en cornparaison de ce qu'on
trouvait, dans les mérnes rangs de la société,
d'hommes instru its de leurs droits et des véri-
tahles intéréts du royaumc. C'était du coté de
ccux-ci que se rangeaient la généralité des classes
inférieures, et les francs tenanciers capahles de
raisouncr sur leurs droits et sur les vexations
auxquelles ils étaient assujétis.


-:\1ais les péchés de la nation anglaise étaient
trop grands pour lui permettre d'espérer un
prompt ou facile redressement de ses. griefs;
et les moeurs du peuple ét~ient tellement cor-
rompues qu'il tomhait par degrés daus cette
condition oú I'histo ire nous représente les Ro-
mains, uf nec mala; nec retnedia ferre possent ,
de ne pouvoir supporter ni les maux, ni les re-
ruedes. L'impiété abondait en tous lieux; et, ce
qui est bien étrange, il n'y avait pas ele reli-
¡:;iOIl, et cependant la superstition se propageait.
Le luxe eles repas, les cxces ele la honne chere
et de la hoisson, éta ient parvenus, elans le
royaul11e, a un point extraordinaire, tant sous




48 HI8TüIRE
le rapport de la quantité , que sous celui d'une
vaine délicatesse; et , par une sorte d'insul te
aces utiles ouvrages de la création , que Dieu a
prodigués a notre fertile patrie, les Anglais
mélaient ensemble les vices de diverses nations
par leur empressernent pour tout ce qui était
nouveau et étranger;


••..• - Non vulgo nota placebont
Gaudia , non usu plebeio trita uoluptas (1).


PÉTROi'l'E.


Il régnait également, dans presque toutes les
classes du peuple, beaucoup d'orgueil et d'exces
de parure, de modes nouvelles, et d'habille-
mens de diverses formes; ils ne se conten-
taient pas d'imiter, mais surpassaient encare
leurs modeles étrangers, par la bizarrerie de
Ieur maintien et de Ieurs manieres, et enché-
rissaient de pétulance sur la plupart des na-
tions de l'Europe;


Et laxi crines> et tot nova nomina vestis (2).
PÉTRONE.


Les hommes graves soupiraient apres un par-
lement; mais les premiers de l'État n'en travail-


(1) lis ne se plaisaient point aux joies communes du vul-
gaire, ni aux voluptés communément it l'usage du peuple.


(2) Et des cheveux ílottans et mille nouvelles dénomina-
tions de vétemens,




1)\1 LON~r PARLEl\lENT. 49
luient que plus arrlernrnent a l'accomplissement
tle l'ocuvre qu'ils a va ient commencée, l'érection
de la prérogat.ive au rlessus de loutes les Iois,


Le lord Wentworth , créé dcpuis lord Straf-
!(wd pour ses services en ce genre, s'appliquait a
opprimer l'Irlande OU il était lorcl-lieutenant, afin
(le conunencer sur un pays conquis le trnvail
flu'il devait ensuite transporter insensiblemcnt
sur l'Angleterrc; et ron doit avouer, qu'il ava it
procédé tres-bien ct tres-lieureusement dans les
voies ele la tyrannie, au détriment et a la ruine,
¡1 est vrai , de ce royaume, si nonvellement
fondé (1).


C'était un homme de grandes facultés, de


(T) Ily aicierreur et injustice. Lord Strafford cornmit eu
Irlande beancoup d'actes iniques, et son gouyernement y
rut tres-arbitraire , mais ce ne fut point un despotismo iudif-
férent 11. toute raison , étranger 11. toute in tention bienfai-
saute , ni fuueste , en n:sullat , a la prospérit,: du pays. J! J
,,:tabJit I'orcire , protégea el1icacement tous les citoyens cou-
t re l'indiscipline ele l'aI"JlH:e , amdiora beaucoup ].'1 légis]a-
tion civile et 1'adminislration de la justice, releva le com-
merce déchu, introduisit de grandes et utiles manufactures,
l'établit les íinances , lit cesser une m u ltitude de déprédations
et d'nbus , et laissa enfin l'Irlande , tant sous le rapport du
bien-dtre puhlic que 50n5 celui de I'administration générale,
en beaucoup meilleur é!af. IIn'il ne I'avait trouvée. Si les
adrnirateu rs d'Elisabeth avaient en q uelque imparí ialité ,
¡'pxernp1c de cette Reine eú t suffi pour lcur apprcndre qu'i!
e.st uPs {:p0'lues oir un despotismo habiIe, malgré ses inju,;-


T. 4




50 HISTO ¡RE
vues profondes, d'un esprit énergique , habile a
conduire ce qu'il entreprenait , et, pour la cons-
cience, tel qu'il convenait a I'entreprise a 1a-
queHe on l'avait destiné. n connaissait ,: auss i
bien que personne, les bons principes et les
dro its de son pays. U les soutint avec roideur
rlans les premiers parlemens, et fut regal'dé
comme un excellent patrio te. Ces qualités enga-
gerent bientót le Roi a se l'attirer, et a l'élever
en dignité pour l'employer au contraire a mettre
son pays dans l'esclavage, tache que son arn-
bítion le porta facilcment a entreprendre. On
peut, selon moi, appliquer, en quelque sorte, a
cet homme ce que Lucain a dit de Curion :


Haud alium tanul civem tulit indolc Roma
Aut cui plus legos debercnt recta scqucnti:
Perdita tUIZC urbi nocuerunt saicula , postquam
Ambitus , et luxus , et opum rnetuenda facultas
Transverso mentem dubiam torrente tulcrunt ;
lJ.fol7lcntumfluc fllit mutatus Curio rerum (1).


tices et ses dangers, n'est pas sans utilité pour les peuples el
leur fait faire les progres qui plustard les meneront ala
liberté. On peut consultor , sur les bons elfets de l'adminis-
tration de Stralford en 11'1ande , la vie de Strr:/lórd, par
lVI. John lVIacdiarmid ( Lives of liritisli stntcsmcn , 2 vol.
in-So. deuxicme cc.lition , Londres, 1820) et l'Essai histori-
qu(' sur Strafford , par 1\1. de Lalli-Tolendal. (1 vol. in-So,
París, ISI4. ) ( Net. de l' Edit.)


:1) Rome n'a jamais enfanté un citoyen d'un plus grana




DU LONG PAHLEl\IENT. 51


La cour el'Anglcterre, durant cette longue in-
terruption des parlemcns, fut un théátre de plai-
sirs el de maglliíiccnce, égal ;\ ce qu'a jamais
presenté la cour cl'aucun rovaurne; les clivertisse-
mens, les {efes et les passe-temps furent, pendant
ce gl'ancl nombre d'anllées, poussés á tel point,
que l'étranger qui yoyagcait en Angleterre était
loin de croire q u'un royaume cl'Ull aspect si joyeux
Fut étre malade en quclque pai-tie,


La Heine avait été féconele, et arrivait a un
age qui semblait luí elonner elroit apartager
non-seulement la tablc et le lit du Roi, mais en-
care le soin de ses affaires et de ses intéréts,
L'extréme affection ele son m ai-i l'encourageait
a réclamer ce priYilége, elle peuple voyait avec
respect et aclmiration cet amonr conjugal, vertu
rare dans un Roí qu'environnent toujours de si
nombreuses tentations,


Mais le pouvoir ele la Reine donna par degrés
aux papistes, et parmi eux aux plus habiles et
aux plus profonels clans I'esprit jésuitique, la li-
berté cl'approeher, sous couleur de civilité et ele
respect, non-sculement des eourtisans inférieurs,


caractere, ni de qui les lois recusseut plus de scrvices, tant
qu'il marcha dans le hon chemin; mais la cor'rup í ion du
temps devint fata1e a Itorne : l'n mbi t ion , le luxe et le ter-
rible auiour des ricliesses elltralnereut, dans l'égarement
de Icur cours, eette ame ineertaine, et la métamorphose
de Curion décida du sort de l'État.





HISTOIRE


mais da Roi Iui-mérne , et par conséquent de
répandre la sernence dans le terrein ({ui Íeu r
convcnait le m ieux, Insensiblernent , et par com-
plaisance pour la Reine, les nonces da Pape,
Panzian i , Con et Rosetti, furent rCljus ~l la cour
d' Angleterre; et le Hoi dé clara qu'il nc voyai t pas
de raison ponr ne pas recevoir un ambassadeur
du Pape, puisque c'étalt un prince temporel.
Mais ces nonces ne reccvaicnt pas d'honneurs
publics; sí bien que le peuple en général u'y
faisait pas grande attention, et l'assistance ré-
guliere du Roi au préche et an scrmon ne per-
mettait pas aux courtisans de concevoi r aucun
doute sur sa re1igion.


Le clergé, dont toute la force consistait dans
l'appui du Roí, était plongé dans une complete
admiration de son heureux gouvernement, et se
gardaít bien de la lui cacher dans les occa-
sions ou les paroles de la ehaire avaient acces a
son oreille; et non-seulement alors , maÍs dans
toutes leurs réunions , les ministres de l'Église
s'étendaíent avec joie sur ce texte, aflirrnant avec
confiance qu'aucun prinee de l'Europe n'était
aussi ami de l'f:glise que le roi Charles, (Iue la
religiol1l1e ilorissait nulle part qu'cn Anglet.crre,
etque, parmi les Églises réformécs, l'l~gllse angli-
cane était la seule qui conservút I'exterieur et la
dignité d'unc Églisc. Plusieurs d'entre eux avaient
coutume ele direque la sévere punition de Ilieu




DU LONG PARLEMENT. 55
sur le Palatinat venait de la grandenr du sacri-
lége qu'on y avait comrnis en saisissant les biens
des évcchés.


La re ine Elisaheth ellevrnéme , la réforrna-
trice de la religion .. était louée avec froidcur, et
l'on ouhliait toutes ses vertus quand on se rap-
pelait combien elle avait di minué I'évéché
d'Ely (1).


Henri VIH était aussi grandcment condamné
par eux pour avoir saisi les abhayes, et s'étre
emparé d'autant d'évechés qu'ill'avait fait dans
la trente-septieme année de son regne. Le main-
tien de cette splendenr de l'Église qui lenr plai-
sait tant, était donc devenu le but de tous leurs
ellorts , surtout quaud i ls eurent acquis, en
1638, un arclievéque selon lcur coeur , le docteur
Laud, qui , depuis plusieurs années, avait di-
rigé l'Église, apres l'éloignement de l'archeveclue
Ahhot, homme meilleur et plus prudent, dont i l
scrait injusto de ne pas reconnaitre ici la sagesse
et la ver-tu (:J.). C'était un hornme qui avait tou-


(1) Thornas May oublie ici lui-rnéme combien É1isabeth
avait été opposée aux tentativas des presbytériens centre
la hiérarchie de l'Église anglicane, et surtout centre l'au-
torité des éve'lues. (Note de l'E.'diteur. )


(2) L'arclievéque Abbot fut suspendu pour avoir refusé
d'autoriser l'impression d u discours d'un docteur Sibthorp ,
ou celui-ci soutenait que le Roi pouvait faire des lois et tout
ce rflli Iui plaisait (JYfdmoircs de "VYllitelocke,p. 8). Une péti-




54 HISTOIRE
jours agi dans les vér-itables illtérets de l'Angle-
terre et des Églises réforrnées de l'Europe ; tcl-
1ement que, de son temps , le clergé n'excitait en
Angleterre que fort peu de méfiance, et que les
protestans étrangers n'étaient pas tres-prévenus
contre le gouvernement episcopal. Apres Iui , non
sculement la pompe des cérérnonies s'accrut tous
les jours, et de scanda leuscs innovations eu rent
1íeu dans l'Église; mais , en point de doctrine
méme , on fit, vers Rome, des pas manifestes ,
comme ceux qui voudront prendre la peine de


tion , adressée au parlernent par les libraires de Londres, se
plaignit de ce que les Iivres contre Ic papismo étaient snp-
primés , tandis que les livres en Cavenr du papisme obté-
naient souvent I'approbation ~ de la censure; et 1\1. Olivier
Cromwell informa le parlement de l'appui qu'accordait aux
papistes l'évéque de Winchester (ibid. p. 12). C'est la
prerniere fois qn'on voit paraitre le nom de Cromwell dans
les débats du parlernent. Voici ses propres paroles , telles
qu'elles sont rapportées dans Tlustoirc des débatsparlemcll-
taircs . (1 J fév. 16:>9') « IVI. Olivier CromwelJ di! e¡u'il a
« appris d'un docteur Beard , que le docteur Alablaster
« avait préché le plus grossier papismo , a la Croix de Saint-
.. Paul , et que I'én~(lue de Winchester (le docteur Neile ) ,
« son diocésain, lui avait ordonné de ne rien précher en sens
« coutraíre. 11 ajoute que Manwaring , si justement censuré
" dans cette chambre en raison de ses serruons , a été promu
« a un riche bénéfice par la protection du mérne évéque ,
« Si c'est la le chemin aux dignités ecclésiastiques , que ne
.. devons-nous pas attendre?» ( Ilistoire porlemcntaire ,
tome 2, col ~64.) (Not. de rEdit.)




DU LONG PARLEl\1Ei\T. 55
s'cn iustruire pourront le voir dans les écrits de
I'arclievéque Laud, de l\fountague, de IIeylin,
de Pocklington et des autres, ou dans le reeueil
abrégé qu'en a fait un docteur écossais, 1\1. Baillie.
En méme temps leur affection pour l'Église de
Ilome augmentait Ieur mépris pour les Églises
réformées d'outre - mer , qui, loin de recevoir
du clergé anglican les secours et l'appui que Dieu
avait donné it cette ile opulente les Illoyens de leur
fournir, en furent abandonnées dans leurs plus
grands besoins, et y trouverent , au lieu d'un port,
des roehers sur lesquels elles se bi-iserent.


L'archevéque Laud, qui s'était acquis une
grande faveur prés du Roi, en profita surtout pour
augmenter la pompe et les honneurs tcmporels du
clergé; íl fit nornmer lord- trésorier le docteur
Juxon , évéque de Londres, et s'effo1'<;a , tout le
monde l'a su, de faire tomber les premieres pla-
ces ternporel les sur des gens de cette robe. Aussi
le peuple , lorsqu'j} voyait ce Iorcl-trésorier se
remire aWcstminster avec les autres évéques , di-
sait-il en riant que c'était i'.É~'flise triomphante.
Les docteurs et ministres de paroisse furent faits
partoutjuges de paix, au granel dommage des peu-
pies dans les aífa ires civiles, et aux dépens de leur
édification spirituelle.


L'archevéque , par les moyens qu'il employait
pour préserver son clergé du mépris, I'exposa ala
haine, et, comrne le purent prédire a101's les gens




.56 IIISTOI RE
iages ~ au danger plus que probable de se voi r dé-
pouillé de tout, C'est ainsi flue nous voyons, daus
I'histoire , eles hommes qni dévoués par un 01'<1-
ele a quclque ealamité, s'y sont précipités préci-
sément par les moyens qu'ils ont ernployés pour la
prevenir. Par une irnprud ence aussimalheurense,
le clergé , ponr a1)<lltre le pu r itanisme , imil'gina
d'élever contre lui l'irréligioH, la pire eletoutes les
armes qu'il pút choisir poul' en triompher. Cela
parut spéeialement elans ses doctrines sur la ma-
niere ele gareler le jour du Seignenl'. Non scnle·-
ment on puhl ia , poul' ébranlel' la sévérité du pré-
cepte , des écrits eornme cel ni qui porte ponr titre
le dimanche n/est pas le 8ab1Htt ; mais 011 permit
danscejonraux gens de campagne, pn r anto r-isa-
tion publique, des jeux et des passe-tern ps pleins
de gaieté et ele dissipatiou , el l'on orrlnnnu que
la permission fút lue elans les Églises; ce fluí, au
lieu de produire I'eílet <Iu'on en attendait , devint ,
cornme on peut le croire, pour la portiou re1i-
gieuse de la na tion , le niotif d'une plus stricte
observance. Plusieurs pel'sonnes, jusqu'alors ne-
gligentes ou reláchées , en pri rent occasion d'y
penser plus sérieusement, rougissant de se voir
invitées par l'autorité ecclésiastique ace que jus-
qu'alors elles avaient cru tout au plus pouvoir se
parelonner comme une faiblesse (1).


(1) Tcl était l'esprit du temps , que ce fut la en elfet une




DI! LO"'G PAHLEMEJ'lT.


L'excmple de la cour, ou des spectacles étaient
hahituellement rcprésentés les dimanches, n'eut
pas tant l'effet d'cntrainer le peuple a l'imiter,
que d'attirer le hláme sur la eour et sur plusieurs
autres de ses passe-temps et divertissemens qui,
sans cela, auraient été plus favor~hlemellt jugés,
ces sortes de plaisirs ayaut toujours été permis


. .


aux pnnces plllssans.
La protection donnée au reIachement et a I'ir-


réljgioll était, sans aucun doute, un bon moyen
de préparer l'introduction d'une autre rcligion;
ct , I'empire de la piété détruit , le papisme aurait


<lcs mesures les plus impopulaires que prit Charles re,. ; et
elle le fut rJ'autant plus que, san s se borner a perrnottre les
díH~rlissefllens du dirnanche , il alla jusqu'a menacer de sa
colore ceux qui hl;tlllaienl cctto liberté. Le grand-juge Ri-
chardson , entr'autres , fut mandé devant le conseil privé, et
si rudenient maltraité llar Laud qu'il en sortit tout trern-
Llant , disant qu'il nvnit presqne senti sur ses joues les gallts
de lin de l'érv(ll!c. Plnsicurs gentilshommes considérables ,
j!1ges de paix dan., le comtc de Sornmerset cayau! rédigé une
phition al! Roi, pour lui demander de pennettre que les
cabarets et maisons de jeu Iussent fermés le dirnanche ,
Charles se háta de remettre en vigueur la déclaration palo
Iaquelle le roi Jacques son pere avait autorisé ces divertís-
seruens , et se (li.,pensa ainsi de recevoir Icur pétition,
L'austcrité des mccurs dégénere souvent en fanatisme et en
ohservanccs puérilcs ; rn ais ce n'est pas en recoromandant
le reláchernent (lue les gonvcrnemcus peuvent prévenir ce
dauger. (Voir la »i« de Charles re,. par Harris , page 52 ,
not. Lí.) i No« de rea«. )




58 ÍnSTOIRE
trouvé bien plus de facilité 21 s'introduire par de-
grés. On peut mettre en doute que les évéques et
le haut clergé d' AngIeterrc eussent intention de ré-
tablir le papisme; mais te! était évidemment le
hut des agens de Rome; et le clergé anglais, s'il n'y
travaillait pas pour son compte, y travaillait au
moins pour le leur. Un étranger, attaché 11 cette
l'cligion, va nous faire connaitre, par ses propres
observations sur l'Angleterre ,j usqu'á quel point
ils avancaient dans cette route. Voici ses pa roles:


« Les universités, évéques et théologiens d'An-
« gleterre embrassent tous les jours les opinions
(( du catholicisme, quoiqu'ils ne les professent
« pas ouvertement, par crainte des puritains. Par
« exemple, iIs tiennent que l'ÉgIise romaine est
« une vraie Église, que le Pape est supérieur a
« tous les évéques , que e'est alui qu'il appartient
« de convoquer les conseils généraux, qu'il est lé-
ce gitime de prier pOlIr les [unes des morts , qu'on
« devrait élever des autels; en un mot , ils croienL
(( tout ce qu'enseigne l'Église, mais non pas tout
(( ce qu'enseigne la eour de Rome. J)


L'archevéque de Cantorbéry était fort declaré
contre la cour de Rome, quoiqu'il ne le fút pas
autant contre cette ÉgIise. Cal' la doctrine de l'É-
glise romaine n'est point contraire ala pompe de
l'épiscopat; mais la doctrine de la cour de Rome
aurait tout engIouti sous la suprérnatie du Pape,


.et mis toutes les srtpériorités dans sa dépendance.




DU LONG PARLEME~T. 59
L'archevéque sentait tres-bien qu'une pareille su-
jétion abaisserait beaucoup trop 1'autorité tem-
porelle du Roi pour qu'il ne Iút pas trés-idifficile
d'y faire consentir la cour ; en mérne temps elle
l'aurait dépossédé lui-iméme de sa puissance spi-
rituelle, en le foreant de reconnaitre la suhordi-,
nation de son pouvoir métropolitain, qu'il voulait
maintenir aussi absolu et aussi indépendant au
dedans du royaume que s'il eút été pape d'Angle-
terre (1).


Il est certain que I'archevéque de Cantorhéry,
ainsi que 1'a fait ohserver un Anglais , se pronon-
c;:ait souvent centre les papistes T'rentiens ~ qu'il
ne haíssait que cornrne papistes proprement dits;
car-, au concile de Trente, tous les points relatifs
ala eour de Rome, hien que sujets acontestation,
avaient été décIarés articles de foi, sous peine
de damnation; mais les points de foi, concernant


(1) Peu de lemps a vant son élévatiol1 a I'archc\'(~ché de
CantorLér,r, Laud avait , dit-on , reyu de Rome l'offre d'un
chapean de cardinal; mais il refusa , se trouvant au sornmet
des digl1ités ecclésiastiques en Angleterre , et ne voulant pas
avoir de supéricur dans un autre royaume. Whitclocke rap-
porte cette anecdote sans la garantir absolument, et je pense
qu'elle ne mérite aucune confian~e. Laud était sinccrernent
attaché a la religion anglicane. Maís on voit par la combien
Ia nation était disposée a taxer de papisme quiconque défen-
dait des doctrines politiquee analogues a celles de la cour de
Rome. (1lJémoire de Whitel. page 17,) (Not. de l' Edit. )




60 JIlSTOIHE
l'Église roma ine , avaient été laissés a la discus-
sion , sans qu'on osát les soutenir par des ana-
themes, L'auteur vénitien (J), que nous avons
cité, expose quel était l'état de l'Angleterre par
rapport a la religion, et comment elle était di-
visée en papistes , protestans et puritains. Les
papistes sont bien connus. (( Le parti protestant ,
( dit-il, est composé du Roi, de la cour , des
( pairs , de la noblesse et de tous ceux que la
( faveur a élevés a quelque dignité, auxquels
(( il faut ajouter presque tous les évéques et les
(( deux universités. )


11 fait ensuite connaitre la disposition des pro-
testans :


« Ils haíssent , d it-i l , les puritains plus que les
« papistes; tellement qu'ils s'allieraient san s peine
« avec les papistes pour extirper les puritains ,
« et ils ne sont pas si attachés a la religion ré-
(( forméc qu'ils ne pussent revenir a I'ancienne
({ pra tique de leurs ancétres. Ils sont tres-obstines
( a rejeter la suprématie du pape. »


Il parle ensuite des puritains, et dit: 11 lls se
« composent de quelques évéques , de presCJue
( tous les gentilshommes de province et du peu-
« ple ; ce qui en fait de beaucoup le partí le plus
c( puissant. )


Il expose ensuite leurs opinions: ( Les puri-


(1) Paolo Sarpi.




DU LONG PARLEMENT. 5I
[( tains.clit-il, sonteeux qui ont adopté les regles de
t( d.isci pline des réformés francais et hollandais,
H et ne regardent pas la réformatión d'Angleterre
« comme aussi parfaite que celle que Calvin a
« donnée aGenevc. Ils haíssent les papistes heau-
« coup plus qu'ils ne font les protestans. »


Voila ce que j'avai.'l a rapporter des observa-
tions de cet étranger concernant I'Angleterre.




HISTOlRE


CHAPI TRE 111.


E tat de l' Ecosse et de son clergé lorsqu'on leur
envoya la noucelle liturgie. Comment elle [ut
recae .etquelques-uns des ejfets qui s' ensuivirent,
La proclatnation da Roi enooyee par le conde
de Traquaire. Les lords protestent contre.


Telle était la situation du royaume d'Angleterre
vers l'an 1656, Iorsque s'alluma cette premiere
étincelle d'oú sortit ensuite un incendie qui dé-
figura et réduisit presque en ruine trois floris-
sans royaumes. Le souffie qui l'anima ne vint
point de la portíon lésée de l'Angleterre, du peu-
pie, ni des hommes religieux occupés a prier
pour la réforrnation , mais du partí opposé, des
gens qui les avaient tenus en oppression. Les op-
primés n'exciterent aucune commotion, bien que
formant le corps de la nation, ils fussent assez
forts pour se faire rendre justice, s'ils avaient
voulu se soulever d'une maniere illégale.


Le pays était encere tranquille, et, dall,s le
long espace de temps qui s'était écoulé depuis la
mort du duc de Buckingham, l'orage, redouté
mérne avant cette époque, n'avait pas encore
crevé sur l'Angleterre , quoique le gouvernement
eút continué d'entretenir , an plus haut degré,




DU LONG PARLEl.\'lENT. 65
les causes de mécontentement qui donnaient lieu
dc le craindre, On désirait seulernent un parle-
ment , rnais sans oser l'espérer, a moins que
quelque événement étrange, et encere impossible
á deviner, ri'amenát la nécessité d'un tel remede.
Le peuple portait done paisiblernent son joug,
la cour jouissait l ihrernent de sa grandeur et de
son éclat, et le clergé possédait sans obstacle
toutes ses dignités, lorsqu'enfin une trop grande
application aaugmenter et assurer sa prééminencc
le lit entrer dans des voies OU il trouva sa ruine.
Cefut en effet par le clergé que commenc;a I'incen-
die, bien que le gouvernement n'en fút pas ill-
nocent. La tyrannie de l'autorité civile marchait
du mérne pas que l'ambition des évéques , et les
conseils du Roí avaient poussé si loin I'oppres-
sion , que la patience du peuple ne put leur suf-
fire, tant qu'ils n'auraient pas oté au peuple la
possibilité d'obtenir jamais le redressernent de
ses gl'iefs.


Cependant ce fut au nom de la religion que
l'on commen~a l'affaire; on prétendit établir la
conformité de culte entre l'Écosse et l'Angleterre ;
rna is les moyens qu'on employa étaient mal con-
~us, et défectueux sous le rapport de la poli tique
ainsi que de la justice, comme on va le montrer
plus en détail.


L'archevéque de Cantorbéry fut un des princi-
pallX agens de cette fatale entreprise. C'était un




HISTOIHE


homme vigilant, d'un esprit actif ou plutót in-
quiet , plus arden! a eutrept-endre qu'hahile a
conduire, d'un caractcre plus violent et plus
cruel qu'ilne convenait ~l sa profession, et ccpen-
dant si éloigné de dissimuler avec adresse qu'i]
augmentait au contraire la haine par son inso-
Ience. 11 avait peu de vices ignobles ou q u i affec-
tassent sa eonduite privée; on ne l'a taxé ni d'avi-
dité, ni d'intempérance, ni d'incontincncc: homme
en un mot, moíns mauvais en lui - mérne que
mal approprié au gouvernement des afI¡lircs de
l'Angleterre.


On avait, des long-temps, preparé en Éeossc
l'oeuvre (fU'on y voulait entreprendre (1) , et quoi-


(1) Pendant son premier voyage en Écosse (en I{j33), Char-
les avait fait présenter au parlement écossais plusieurs ar-
ticles qui introduisaient, dans le culte public, quelques
innovations et en présageaient d'autres pour I'aveni r ; ils
attribuaient, entre autrcs, au Roi le droit de réglertout ce qui
concernait le vétement des ecclésiastiques. Quand ces propo°
sitions furent mises sous les yenx du parlement , le vicux
lord Melville s'écria : « Sire, j'ai juré, avec votre pere et
« tout le royaume, la profession de Coi dans laquelle le, iu-
« novations que préparent ces articles ont été salenuelle-
« ment abjurées. » Déconcerté de cette apostrophe inattcn-
d!;le, Charles hesita un mornent et se retira; mais rentrant
bientót apres dans l'assemblée, Ü ordonua aux membres de
ne point délibérer et de voter: « J'ai ici 'os noms , dit-il el!
" montrant la liste du parl crueut q u'i l tenait ;\ la main; je
« verrai aujourd'hui que ls sont ceux qni veu lent me senil'. )0




DU LONG PARLEMENT. 65
fJue ce pays eút gl'ancl'peine a supporter l'auto-
riLé et la pompe de l'épiscopat , on pensa qu'il
était ternps de les y porter a leur perfection. Les
évéques avaient en Écosse , aussi bien qu'en An-
sleterre, réuni entre leurs mains tous les pou-
vo irs ecclésiustiques , et y obtenaient une part
égale dans le gouvel'llement des affaires civiles.
De quatorze évéques dont se composait le haut
clergé d'Écosse , OIlZC étaien t conseillers-privés;
I'archevéque de Saiut-Anclré , primat d'Écosse,
était lorcl-chancelier, et l'évéque de Ross, en
grande faveur aupres de l'archeveque de Cantor-
béry, avait l'espérance ccrtaine d'etre nommé


l\Ialgré ces mcnaces , les art icles furent rejel(:s par quinze
pairs el qua rantc-cinq députés formanl la majorité; mais le
lord cliaq,é des registres falsifia la délibération el présenta
les art icles comme adoptes 11:11' le parlernent. Le cornte de
Rothes dénon~a cette infidélité; mais le Roi intervint et
somma le couite d'uccuser formellement, a ses risq ues el pé-
rils, le lord secn:'aire d'al'Oir rabifié les registres: dans un
semblable proces l'accusu teur , s'jl ne rriussissait pas, s'ex-
posait a la peine capitale. RO,lbes intimidé se désista; le Roi
plilla les articles en les touchant de S011 sceptre, et le parle-
ruent fut dis,ous. t Histoire d'Ecosse par Malcolm Laing,
tome 3, page 111. ) Dne lelle rósistance et la nccessi lc de
te!s moyens , e¡uand il s'agissait d'innovations si peu impor-
tantes, auraient d ú [aire prassentir a Charles q uel lc ,eralt
l'issue de tent atives plus graves; mais il n'en persévéra pas
moins; tant il est vrai que nul gonvernernellt ne s'est perdu
faute d'avoir été averti, ( Not. de res«. )


1 o 5




66 HISTOIRE
lord-grand-trésorier. Plusieurs autres étaient
pourvus d'emplois dans le gouvernement et de
fonctions lucratives.


Afin d'établir 1'autorité épiseopale en Éeosse ,
on érigea une haute cour de commission, sem-
hlahle a celle d'Angleterre, et on drcssa, pour
eette Église, un livre de eanons, publié et ratifié
par l'autorité du Roi, ou il était ordonné a tous
les sujets de la eouronne d'Éeosse de se soumettre ,
sur tous les points de la loi religieuse, au juge-
ment des évéques.


Tout l'édifice de la discipline ecclésiastique ,
depuis si long-temps recue en Éeosse, établie par
tant d'actes du parlement, fut, comme le déplo-
rerent alors plusieurs de leurs éerivains, renversé
d'un seul coup, et leurs consistoíres , sociétés et
eongrégations rangés dans la classe des conven-
ticules. Tout droit de décision sur les points de
eontroverse fut exclusivement réservé au tri-
bunal de I'évéque. (( Quoique depuis le malheu-
(e reux synode de Perth, tenu en 1618, 110US n'eus-
(e sions eu, disent-ils , ancnn synode ou assemblée
ce nationale, il nous restait encore une sorte d'ap-
(e parence, le nom du moins de synodes provin-
« cianx, de congrégations, d'assemblées. » Pure
omhre, ala vérité, et vains noms; mais, apres la
monstrueuse production des canons, cette ornbre
méme disparut entierement.




DU LONG PARLEl\'lENT.


. • • . • • • • • • • Olim vera fides libertatis obit;
Nunc et jieta perit (1). LUCAIN.


Cependant le pouvoir de l'épiscopat ne s'en-
raeina pas en Ecosse autant qu'en Angleterre,
et ne trouva pas le méme appuí dans les dis-
positions du pays. La réformation d'AngIeterre
n'avait jamais aboli, par autorité du parle-
ment, avait mérne a peine ébranlé la puissance
épiscopale. Mais en Eeosse elle avait été corn-
pletement détruite, et ne s'était réédifiée de nou-
vcau que par degrés et non sans beaucoup de
diííicultés et de résistance de la part des .pairs ,
de la noblesse des provinces, et de la plupart des
pasteurs; il y avait fallu le secours extraordi-
naire de l'autorité royale, aecompagnée de l'art
singulier qu'avaient employé dcux Rois aconduire
eette affaire, et a replacer l'épiscopat au rang
éminent qu'il occupait.


L'impatience de la haute et de la moyenne no-
hlesse d'Ecosse il supporter ce nouveau joug, fut
sans doute excitée principalement par leur zele
pour la conservation de la religion dans toute sa
pureté; cette Église avait toujours été tres-atta-
chée a la réformation de Geneve, et des Églises
de la mérne croyance, comme il parut par I'ex-
treme répugnance que montra le synode de Perth


(1) Depuis long-temps a péri le véritable amour de la
liberté; maintenant on cesse méme de le feindre ,


5.




68 HISTüIRE
a recevoir le petit nombre de cérémonies qu'a-
vait conservées l'Église anglieane. Cependant il
s'y joignait aussi une grande aversión a voj r di-
minuer Ieurs Iibertés temporelles , ce qui ne pou-
vait manquer de leur arriver par l'admission de
la juridietion épiseopale, ainsi que le firent con-
naitre en diverses occasions les procédés rigoureux
dont userent quelques évéques envers des horn-
mes de qualité du royaume, qu'ils soumirent 11.
des amendes , des emprisonnemens et autres trai-
temens pareils, dont le détail serait trop long
pour entrer dans ce récit (1).


(1) Ce n'étaient point la les seuls ni peut-étre les plus puis-
saus motifs qui por taient la noblesse d'Écosse a reponsser
I'accroissement dn pouvoir des évr\¡ues et tou tes les innova-
tions reiigi(!U3eS fiue voulait le Roi. Au moment de la réfor-
matic.. , elle avait pris ou re!fu de la couronne la plupart
des bi2_3 ecclésiastiques et défendait avec ardeur sa posses-
sion atta::u;e par tout ce qui semblait un rel our ven I'ancien
état du chrgé. Desles premiares années de son regne, Clwr-
les, en réH·jl.~uant les concessions qui avaient précédem mcn t
ahandonn.i aux nobles écossais les dlmes de l'Église, avait
déja excité toutes Ieurs craintes et rencontré leur résistance ,
Une conventiou des États, convoqnée en 1626 pour sane-
tionner Ia restitution de ces dimes, se montra décidéc atout
tenter , plutót que d'y consentir; les propriritaires de dImes
avaient résolu , si aucun argument ne pouvaít déterminer
le comte de Nithisdale, cornmissaire du Roi, a se désister de
ses demandes, de recourir a la pratique de leurs ancétres ,
et de le massacrer lui et ses partisans, au milieude I'assem-
blée, L'un d'entre eux, lord Belhaven , vieillard aveugle , se




DU LONG PARLEMEl'H.


En 1637, un livre de liturgie fut compasé
et envayé el'Angldcl'l'e; ce qui excita les plaiutes
des Ecossais, mécontens de ce qu'on ne I'avait
pas fait accepter d'abard par leur Église, dans
un synode national , cornme il convenait aune
si importante affaire. Il fut expressément cam-
mandé, au nom du Roí, de le recevoir avee
respect, et de le Jire publiquement dans les
Églises, acommencer du jour de Páques , époque
alaquelle le conseil privé d'Écosse avait ordonné
que chaqué paroisse en achetát au moins deux
exemplaires.


Cette liturgie était la mérne ~l-,e la liturgie
ordinaire d'Angleterre, a un pClÍt nombre de
changemens pres dont, conn..10 J~l~n .jt la re-
marque, les uns I'annulaient , les auí ..·-;s la ren-
daient plus mauvaise,


Ce qu'on regardait comme une amélioration ,
c'est qu'on n'y prescrivcit plus la Iecture d'Ull


fit placer a colé UU comte de D:rni'"ies (1'.111 des eonseillers
UU Roi), se saisit de son habit d'erre ',,1<1;11 -:0DUle POUI" se
soutenir dans sa Iaiblcsse , El; ena.; :1;; r¡~ .itre uupoiguard
caché, prct 1\ le lui plonger da.is ;e cc.nr , :..c rrcmier signal
de turnul!e qui viendrait a éclater. (li.isloire dEcosse par
Malcolm Laing , tome 3, page 98.) Lorsqu'au milieu de
telles morurs , les intéréts personne!s et matériels de"
hornmes puissans sont ainsi d'accord avec les scntimens gé-
neraux du pllhlic, la résistance ue peut manquer de réussir.
(Not. de l'Edil.)




70 HISTüIRE


aussi grand nombre des livres apocryphes que dans
la liturgie anglaise, et que tandis que les An-
glais, particulierernent dans les psaumes, s'en te-
naient ala vieille traduction en latin vulgaire, la
nouvelle liturgie suivait la derniere traduetion ,
dite comrnunément , da roi Jacques.


Les divers changemens en mal, remarqués
par les Ecossais, avaient surtout rapport a la
célébration de la céne , comme l'expresse injonc-
tion de placer l'autel ( qu'on désignait sous ce
nom) contre le mur oriental, et le rétahlisse-
ment de plusieurs gestes et postures des minis-
tres, qu'ils avaient expressément rejetés. Mais ee
qu'il y avait de plus grave, c'est que les paroles
de la consécration, qui dans le livre anglais
étaient dirigées contre la transsubstantiation ,
avaient été retranchées de eelui-ci et remplaeées
par d'autres, évidemment conformes pour le sens
a celles des livres de Messe de l'Église romaine ;
camme par exemple : « Ecoute-nous, opere
( tres-misér-icord ieux , et accorde-nous, dans ta
( bonté toute puissante, clebéniretsanctifier, par
« ta parole et ton esprit, ce pain et ce vin, tes
( créatures , afin qu'elles deviennent pour nous
« le corps et le sang de ton fils bien-airné.


Les écrivains écossais ont et relevé clans leurs
écrits plusieurs autres changemens; ils ont af-
firmé que, partout OU ce livre differe de la Ii-
turgie anglaise, il se rapproehe évidemment du




DU LONG PARLEMENT. 71
rnissel romain , et se sont étudiés aprouver qu'il
renfermait en germe toutes les parties importantes
du livre de Messe.


Plusieurs pensérent que si notre propre li-
turgie, sans aucun changement, avait été envoyée
en Ecosse , les Écossais , bi~n que peut-étre ils
ne l'eussent pas recue , en auraient été beau-
eoup moins hlessés, et auraient pu ne regar-
del' cette mesure que comme une invitation fra-
ternelIe d'adopter la pratique des Anglais. Je ne
trouvc les raisons du ehangement indiquées nulle
part, si ce n'est dansla décIaration du Roi sur cette
affaire, ou illui plait de dire :


l( Supposant qu'ils auraient pu se trouver of-
rr fensés si ~ous leur avions offert la liturgie
r( anglaise, totidem oerbis , et que quelqucs
« esprits faetieux se seraient efforcés d'inter-
« préter amal eette offre , comme le signe d'une
(( dépendance que nous prétendions imposer a
(( len!' Église envers l'Église d'Angleterre, au
(( préjudiee de leurs lois et de Ieurs libertés;
« nous avons jugé plus convenahle que leurs
(( propres évéques eomposassent une nouvelle
(( liturgic, pareille en substance a eelle d'An-
« gleterre, afin que le parti de Rome ne pút
« nous reprocher aucune diflérence considérable
tt ou importante entre nos liturgies, et qui ce-
(( pendant s'en distinguát par un petit nombre
« de changemens a peine sensibles, en sorte




7:1 HISTülRE
« qu'on la pút vrairnent et justement regarLler
« eomme eomposée par cette Eglise méme , et
« établie par notre royale autorité, en quaLité
C( de roi d'Ecosse. »


Telles sont les expressions du Roi : les Ecossais
neparurent pas les regardercomme satisfaisantes.


Ils étaient, comme on 1'a dit, mal disposés ponr
leurs évéques , dont le pouvoir el la juridiclion
étaient plutót le résultat de la force (lue de leur
libre consentement; el ils ne pensaient pas que la
conformité de culte ,si ce culte eüt été tcl qu'ils le
pussent ernbrasser en conscience, dút jamais etre
regardée par eux comme un signe de dépendance
envers I'Angleterre, puisqu'ils n'cta ient pas un
peuple conquis, mais un peuple un i aI'A nglcierre
sous la domination d'un me me Roi et dans la jouis-
sanee d'une égale liberté.


lis ne pouvaient qu'étre choqués d'ailleurs de la
couduite que tenaient i'lleurégard l'archevéque de
Cantorbéry el les autres évéques anglais; d'une part
en effet, en plusieurs poinls du culte et des céré-
monies religieuses ¡:egardées comme matiere de
tolérance,les évéques s'approchaient, antant qu'i]
était en leur pouvoir, de l'Église de Rome, sans
autre motif, comme ils le déclarent dans leurs
écrits, que de s'efforcer ararncner-, 5'il était possi-
bIe, l'union dans l'Église chrétienne; et d'autre
part, ils emplova ient alors envers I'Église d'Écosse
qu'ils savaient étré plus disposée au puritanisme




VIi LONG PARLELUEJ"T. 73
que la leur, des moyens d'union tout-a-fait COI1-
traires , cal' au lieu de rapprocher les formes de
leur propre culte de cclles qui convcuaient a la pro-
fession de foí et á Ía discipline des Écossais , ils pré-
tendaient obliger ceux-ci a adopter une liturgie
plus papiste encere que la liturgie anglaise, et
sem blaient ainai cherclier I'uniíé plutót du cóté ele
Rome que de celui de l'Écosse.


Pour reven ir au récit des événemens , le Iivre
de liturgie fu l presenté par ordre du roí al'Église
el au conseiL d'Écosse, et annoncé par une pro-
clamation; le jour fixé pour le lire dans les Égli-
ses, fut le jour de Páques suivant, 1637.


Cependant.d'apres quelques considérations sub-
séquentes, et comme le déclara le Roi, sur quel-
ques indices qu'on avait eus de la dispositiou
des esprits, cette premiere lecture fut différée
jusqu'au 23 juillet suivant , afin que les lords de
la session (nom qu'on donne ace qui s'appel1e
terme en Angleterre (1), et tous ceux qui avaient
quelques affaires devant les trihunaux, pussent,
avant la levée de la session, qni finit toujours le
1 re. aoút, étre térnoins du suecos de cette mesure,
et qne, retournant dans leurs dífférentes provinces,


(1) La session en Écosse et le terme en Angleterre, sont
les époques périodiques OU se tiennent les cours de juslice.
En Ecosse, les juges sont appelés lords de la session,


( Note de t Edileur. )




74 HISTüIRE
ils y pussent dire que la liturgie avait été recue ~t
Edimbourg; cal' on avait donné ordre, pour ce
premier dimanchc, de ne la lire que dans l'église
d'Edimbourg et quelques autres églises adjacen-
tes. L'avis en fut imprimé et publié dans les chai-
res de ces églises le dimanche qui précéda celui
OlI la leclure devait avo ir Iieu,


Le dimanche 23 juillet, la litllrgie fut.lue dan s
l'église de Saint-Gilles , comrnunément appelée
la grande église d'Edimbourg , en présence de
plusieurs membres du conseil privé, des deux ar-
chevéques , de plusieurs autres évéques , des lor-ds
de la session, des magistrats d'Edimbourg et d'un
nornbreux auditoire.


Mais le peuple, principalement les gens de la
derniere classe, cal' cefurenteux qui se déclarérent
les prerniers, manifesterent non-seulement par des
paroles et des cris , mais encore par des actions,
une si grande horreur pour cette Iiturgie, 1 que
les magistrats de la ville eurent grand'peine a
mener le ser-vice a fin, et que I'évéque qui avait
fait la lecture aurait probablement été tué en
sortant par la multitude, s'il n'eút été tiré de ses
mains par le secours d'un noble.


Entre les deux serrnons il y eut une conférence
du conseil et des magistrats , sur les moyells de
prévenir de nouveaux tumultes ; mais quoique
la lecture de I'aprcs-midi fút écoutée plus tran-
quillement, le service fini, le tumulte éclata beau-




DU LONG PARLE.\lENT. 75
coup plus vivemcnt parmi le peuple qui était de-
meuré dans les rues , et I'évéque , qui sortait dans
le carrosse du comte de Roxburgh, n'échappa qu'a
grand'peine au danger d'étre lapidé (1).


(1) Voici quelques détails sur cette prernicre émeute,
mouvernent tout-a-fait spont.mc et populaire qu'on doit re-
garder comme l'a~lc décisif par lequel le peuple d'Écosse
s'engagea centre le ltoi.


« Le dimanche ?3 juillet 1637, le doyen d'Edimbourg
se prepara a officier dans I'église de Saint-GilJes et l' évéque
d' Argyle dans eelle des Pénitens gris. Pour donner plus de
soIennité ir l'iutroduction de la liturgie , les juges , les év~­
(¡nes et une grande par tic du eonseil privé se rendirent a
I'église, el. la nouveauté du spectacle y attira une foule im-
mense de peuple. L'assemblée réunie aSaint-Gilles fut calme
jusqu'au moment ou le service commens;a ; mais tout aeoup
une vieille femme, saisie d'indignation ,se leva, et, éclatant
en injures contre ce qu'elle appelait la messe, lanca ala tete
du doyen la chaise sur laquelle elle était assise. Aussitót
s'éleva un turnulte eflroyable, Les femmes envahirent le
chceur en poussant des cris , et le doyen ne se dégagea de
Ieurs mains qu'en leur abandonnant son surplis. L'évéque
d'Edimbourg monta en ehaire et s'eflorca vainernent d'a-
paiser la fermentation. La chaire fut assaillie a coups de
pi erre , et san s la prompte intervention des magistrats, I'é-
véque aurait été tué sur l'autel. On parvint a faire sortir
une partie de la populace , on ferma les portes de 1'église
el le service recommens:a. Mais la populaee assiégea les por-
tes, brisa les fenétros et rnit fin au serviee en criant : « un
" pape! unpape! l' antechrist ! lapidez-Ic l u « L'évéque re-
tournant chez lui fut enveloppé par les furieux et soustrait a
grand'peine a leur rage. Le serviee fut aussi interrompu




7tl IlISTü IRE
Les principaux pcrsonnases et les magistrats


d'Edimhonrg écrivirent au Roi , el quelques-uus
aussi a I'archevéque de Cantorbéry pour s'excu-
ser, rejetant la fante sur la m ultitucle , cal' per-
sonne de considérable n'avait encore paru: si
bien quele consei1 privé et les magistrats d'Edirn-
hourg se consulterent le jour suivant , dans la
matinée, sur ce qu'il y avait a faire pour la dé-
couverte et la punition des ehefs de ce souleve-
mento


Mais , peu de temps apres , lorsqu'on vit se dé-
clarer quelques personnes d'un rang plus élevé ,
et qu'on eut re¡;u des pétitious de .plusicurs mi-
nistres, a l'effet d'obtenir (( la suspension (les
(( lcetures de la liturgie , jusqll'a ce que Sa Ma-
{( jesté eút pu recevoir de nouvelles pétitions et
« informations, » le conseil se relácha au point
de décider que les évéques n'exigeraient pas l'a-


dans l'églice des Pénitens gris par des pleurs, des gérnisse-
mens et de bruyanfes lamenta!.ions ; cepcndant on le reprit
le soir el il L,t accompli sans obstacle, Mais le tumulte con-
tinua dans les mes. Lord Roxburgh, gal"de du seeau privé,
emmena l'éveque dans sa voiture , et si les gens du comte
n'avaient tiré I'épée, la :,opulace qui le suivait a coups de
pi erres , l'eút iafailliblernent lapidé. Malgré .les eflorts des
éerivains presbytériens pour pallier ces désordres , I'un
d'eux, Baillie, avoue qu'on n'en avait point vu de sembla-
bIes depuis la réforrnntion. " (Hist. d'Ecosse par Malcol.n
Laing, tomo 3 , page 131. ) ( s«. de rEdil.




DU LONG PARLEJ\IENT. 77
(laption de la nonvelle lituraie , avant que le Roi
n'eút fait de nouveau connaitre ses volontés.


Sur quoi un granel nombre de ~entilshommes et
de ministres, rccemm ent a rr-ivés a Edimbourg
avec des pétitions sur ce sujet, retournerent ches
eux en partie satisfails , et en plusieurs endroits
forrnerent des assemhlécs de prieres , aecompa-
gnées de jeunes, POUl' qu'il plút aDieu de diriger
le coeur du Roi dans le sens qu'ils jugeaient le
plus favorable au bien de l'Église et du royaume
d'Écossc.


Le 18 oetohre suivant, apres la fin des moissons,
il se rendit a Eelimhourg un grand eoneours de
gens de toutes les classes , pour apprendre ce qu'il
avait plu au ROl de déeider sur eeUe affaire; ils y
trouverent un édit centre e ux, qui leur enjoignait
« sous peine d' étre traités eomme rebelles, aéva-
euer toute la ville en peu d'heures; et comrne les
habitans d'Edimbourg s'étaient deux fois opposés
tumultueusernent a la leeture de la liturgie, et
ava ien t assa ill i l'évéque d'Edimbourg, en puni-
tion de ces actes, le terme devait étre transféré
dans le bourg de Linlithaow , et le terrne suivant ,
apres les vacances ordinaires , devait étre tenu
au hou1'g de Dendie, oü les termes eontinueraient
ensuite ase tenir, tant qu'il plairait aSa Majesté. ))


Cet édit causa une grande émotion parmi les
pétitionnaires, comme on les nommait alors, et
le 10 octohre ils adrosscrent a11 conseil privé




78 HISTüIRE
une longue plainte contre les évéques qu'ils re-
gardaient cornme les auteurs de toute eette affaire ~
demandant qu'on leur en fit j ustiee, tant pour
d'autres crimes que pour avoir introduit, con-
tre les lois, ce livre superstitieux et idolatre. La
plainte fut souscrite par un granel nombre ele per-
sonnes ele tous les rangs qui declarerent au con-
seil qu'elles ne pouvaient quitter Éelimbourg
avant qu'on n'eút trouvé quelque moyen d'ac-
commoeler la difficulté présente. .


Ils demeurerent elonc, Ieur nombre s'accrois-
sant tous les joul's ele nouveaux arrivans eles pro-
vinces les plus éloignées; si bien que le conseil
fut obligé de consentir a ce qu'en attendant de
nouveaux ordres du Boí, ils élussent quelqucs-
uns d'entre eux pris dans toutes les classes , poul'
représenter les autres , et suivre l'affaire au nom
de tous. Ils choisirent done quatre ele leurs com-
missaires dans la haute noblesse, quatre dans la
nohlesse inférieure, comme représentans des pro-
vinces , quatre bourgeois des vil les et quatre pas-
teurs, comme représentans eles eonsistoires. Cette
affaire ainsi réglée, ils retournerent paisiblement
a leurs demeures.


Le Roi, instruit ele ce qui s'était passé ~ dé-
fendit au conseil d'Édimhourg de ríen prendre
a l'avenir sur lui dans cette controverse, dont il
se réservait aÍui-mérne le jugement; et en décem-
hre 1637 pal'nt une proclamation déclarant que




DU LONG PARLEI\'lENT. . 79
l'intention du Roi était qu'il ne fút porté aucune
atteinte aux lois et aux Iibertés du royaume.


Quand donc les comrnissairesprésentérent une
pétition au conseil pour étre admis a poursuivre
leur action centre les évéques , le eonseil répon-
dit que le Roi lui av~it déíendu de recevoir doré-
navant aucune pétition contre les évéqucs et la li-
turgie.


Les commissaires mécontens préparerent une
protestation contre le conseil du Roi, OlL ils dé-
claraient qu'en leur refusant justice, le conseil du
Roi devenait responsable de tous les malheurs


. .,.qm pourraient s ensuivre.
Le conse il, cra ignan t les effets de cette démar-


che, demanda aux évéques de se retirer, et con-
sentit adonner audience aux eommissaires. Le
lord Lowden íit au nom de tous un discours dans
lequel iI accusaitles évéques , non seulernent d'étre
les auteurs des troubles, mais encore de plusieurs
autres crimes, et demandait qu'ils fussent éloi-
gnés du eonseil jusqu'a ce qu'ils eussent répondu,
et se fussent justiíiés. Un des ministres parla dans
le mérne sens.


Le conseil parut affiigé que les ordres absolus
du Roi ne lui perrnissent pas de leur donner sa-
tisfaction; rnais illes engagea aprendre patience
encore quelque temps jusqu'á ce qu'on eút pu
connaitre de nouveau le bon plaisir du Hoi ,


Le Roi, instruit de nouveau par eux de l'état




80 HISTOIllE


des choses , manda en Angleterre le eomte de Tra-
quaire qui fut hientót renvoyé en Écosse , et en
février 1638 flt publ ier une ordonnance du Hoi a
Stirling 011 siégcait a lors le conseil.


La proclamation déclarait q ue les évcques
étaient accusés a tort ele l'envoi de la liturgie,
que Sa Majesté en était l'auteur et que tout ava it
été fait par son ordre , que le Roi condamnait
toute maniere tumultueuse de présenter des pé-
titions cont.re les évéques enticrement innoeens,
et coutre la lituraie , et les regarelait, ainsi ([ue
toutes signalures données jusqu'alors aeet eílet ,
eomme autant de eonspirations eontre la paix pu-
hlique; qu'il accordait son parelon a tous eeux
qui se repentiraient, que tous ceux qui persévére-
raient seraient punis comme eoupables de haute
trahison. n promettait el'éeoutcr les justes plaiu-
tes de ses sujets toutes les fois qu'elles ne l'offen-
seraient ni clans le fond ni dans la forme.


Aussitót que cette proclamation eut été publiée
a Stirling, le eomte de Hume, lord Lindscy et
quelques autres protestereut centre au nom de
tous les pétitionnaires. Leur protestation fut. ré-
pétée aLinlithgow , puis aÉdimbourg.


Dans cette protestation, que nous ne pouvons
insérer ici tout au long, on déclarait que le livre
eleliturgie était rempli de superstitions el d'idolá-
trie, et qu'on ne devait point les obliger de l'ad-
mettre sans le consenterneut d'un synode national,




DU LONG PARLUIENT. 81


juge légitime en pareille matiére ; qu'il n'étaít
pas juste de leur refuser la liberté d'accuser les
évéques, et que ceux-ci s'étaut rendus coupables de
grands crimes, le peuple leur contestaít tout droít
de le juger et de le gouverner jusqu'á ce qu'ils se
fussent disculpés. Ils protestaient aussi contre la
cour de haute commission , et justifiaient leurs
réunions el signatures de pétitions comme ayant
pour objet de défendre la gloire de Dieu, l'hon-
neur du Roí et les líbertés du royaume. Cette
protestation fut lue aStirling sur la place du mar-
ché et affichée publiquement.


1. 6




HJSTOIRE


(IIAPITRE IV.


Les Ecossais se forment en covenant , le Roí
leur enooie le marquis de H amiltoTl; on leur
accorde un synode uational ; mais il est dis-
sous ale bout de quelques jours par le mar-
quis en sa qualité de commissaire da Roí. Le
Roí se déclare contre les cooenaritaires ~ et
t(we une armée pouríles réduire,


DE Stirling les commissaires se rendirent a
Ed imhoura.oú plusieurs de len!', partisaus vinrent
de divers lieux les rejoindre pour consulter en-
semble sur les affaires présentes; ils résolurent de
renouveler solennellement entre eux le covenant
connu sous le nom de Petite Confession de l'Eglise
d'Ecosse, ou Confession de la Famille du Roi. CeHe
confession avait été dictée et scellée de la main du
Roi Jacques en 1 580 ~ et confirmée ensuite par
tous les états du royaume, et par le décret du
synode national en 1581. Elle fut, sur l'ordro du
conseil et du synode national, signée de nouveau
en 1590 par les Ecossais, et on y ajouta un autre
covenant pour la défense de la vraie rel igion et de
la majestéroyale. Ce fnt ce covenant que renouve-
Jerent en [638 les lords, citoyens et pasteurs dont




DU LONG PARLEMENT. 85
nous avons parlé, et ils en dresserent en meme
temps un autre relatifaux circonstances actuelles,


Ce coveuant , daus sa totalité, tel qu'il cst con-
signé au long dalls les acles du royallme, se com-
posait de trois parties principales. La premiere
était une répétition textuelle de l'ancien covenant
couclu en 1580 ponr la défeuse de la pnreté de
la religioll, lle la personnc et des droits du Roi
centre l']~glisc de llome, et confirmé par l'au-
torité royale et deux svnodes nationaux. La se-
conde partie contenait I'énu meration des actes du
parlemcnt faits en Ecosse pour défeudre contre
le papismo la religion réformée, soit dans la
doctrine, soit pour la discipline ecclésiastique.
La troisierne était une application de l'ancien
coveriant aux circoustances présentes: de mérne
que dans le premier covenant on jnrait de com-
battre toute tendance au papisme , de mérne clans
cclui-ci OH s'engageait a repous~er toutes les in-
nova tious con tenues clans le li vre de 1iturgie
qu'on voulait, illégaiement, les forcer de recevoir.
Ce covenant renfermait aussi le serment de main-
tenir la personne et l'autorité du Roi, et un ser-
ment de défense mutnelle.


Le Iloi , tres - mécontent, fit a ce covenant
qnatre ohjections principales. Il demanda it ,
r", de qucl droit ils l'avaient conc]u et préten-
(1aient exiger un serrnent quelcouque de leurs
concitoyens; ;;¡o. en supposant qu'ils eussent le


6.




84 HISTOIRE
droit d'ordonner le renouvellement de l'ancien
serment, qui leur donnait celui de l'interpréter
comme applícable aux nouvelles circonstances ,
contre la maxime reyue qu'aucune loi ne peut étre
interprétée que par une autorité égale acelle qui
I'a fa ite; ou par Icsjuges nommés pour l'appliquer;
3°. qui leur donnait pouvoir d'y ajouter quelque
chose , et d'y joindre ce nouveau covenant d'as-
sistance mutuelle contre tout pouvoir, sans ex-
ception, qui s'opposerait a leurs desseins; 4°. en-
fin, iI ajoutait que tonte ligue conclue entre des
sujets sans que le Roí en eút eu connaissance et
y cut donné son approhation, avait été déclarée
séclitieuse en Ecosse par denx parlernens , le
dixiérne de Jacques VI, acte donzieme , et le neu-
vierne parlement de la reine Marie , acte quin-
zieme,


On peut voir exposées au long, dans un granel
nombre cl'écrits, les rcponses des covenantaires
a ces objections , et les argumens employés par
le Roi POUl' les souten i r ; cal' non-seulement
alors, mais depuis , et durant les tristes cala-
mités elu royaume, ces eliscussions ont fait le
sujet de volumes entiers , ou 1'0n trouve tout ce
qui pcut étre dit concernant les véritables droits
et priviléaes clu prince et du peuple,


Le covenant fut néanmoins signé par tous ceux
qui se trouvaient présens a Eclímbourg au mois
de février 1638, et eles copies en furent en-




DU LONG PAIUEMENT. 85
voyées a tous les absens, et si promptement si-
gnées de tous qu'á peine avant la fin d'avril pou-
vait-ou com pter uu seul mernbre de la religion
réformée qui n'eút pas signé le covenant (J).
Ainsi l'Église et l'l~tat se trouverent divisés en
deux partís, sous le nom de covenantaires et
non-covenantaires. Les non-eovenanlaires com-
prenaient: l°. les papistes regardés comme tres-
peu nomhreux en Écosse ou ils ne passaient guere
en effet le nombre de six cents; 2°. quelques
gens en place et en faveur a eette époque;
5°. quelques personnes (luí, tout en professant
la religion réformée, tenaient heaueoup aux cé-
rémonies de l'.Église anglicane, et a la liturgio
anglaise.


Plusieurs beques et trois lords du eonsei]
d'Écosse se rendirent a la cour d'Angleterre,
mandés par le Roi pour aviser aux affaires de
ce royaume. Apres beaucoup de débats sur la
questiou de savoír s'il fallait réduire les cove-
nantaíres par les armes, ou user de moyens plus
doux, le Roi leur ordonna de retourner en Écosse
el envoya avec eux le marquis de Hamilton.


Le marquis se rendit d'abord aDalkeith et,


(1) La vilJe d'Aberdcen fut la seule qui refusa d'adopter
le coveuant. L'influence de I'université d'Aberdeen et du
comte de Huntley déterrnina ce refus. (Histoire d'E:cosse ,
par MalcolmLaing, tomo 3, pago J 51.) (Note de TEditeur.s




86 mSTüIRE
peu de jours apres, fit au mois de juin son entrée
a Edimbourg, accompagné d'une mult.itut]e de
personnes de tous les rangs qui étaiellt allées
au devant de lui, el parllli lcsquelles se tl'on-
vaient sept ccnts pastenrs (1).


Le rna rqu is , dapres les onlres du Roi, né-
gocia avec les covenantaires pour les cngager ~l
renoncer a leur covenant, saus quoi , leur d it-il ,
ils u'avaient aucune esperance d'obtenir le sy-
node national qu'ils désiraient si vivement ponr
mettre fin aux troubles de l'í~glise. Mais ils re-
fuserent de se rendre , aHirmant qu'ils ne le pou-
vaient faire sans se parjurer manifestement, et
profaner le nom de Dicu.


On ne put done convenir de ríen, et ils snp-
plicrcnt le marquis, prét ~l retourner en AlIgle-
terre, de mettre Ieur hurnhle requétc sous les
yeux du Roi. Mais , avant son départ , qui eut
lieu au mois de juillet, il publia une proclama-
tion du Roí oú Sa Majesté se déclarait le dé-
fenseur de la re1igionréformée,promettant qu'elle
n'insisterait plus sur l'admission du l ivre eles
canous et de la litllrgie autrement que par les


(1) C'étaient les covenantaires qui fais:Jient a Harnillon
eette réeeption solennelle pour déploj'er, SOLIS ses yeux , Ieur
popnlarité el lenr force. Plus de vingt mille personnes, a
pied ou ti cheval , accompagncrent le ruarquis. (Histoire
d'Écosse, par Maleolm Laing, tomo 3, pago 154.)


(Note de l'Éditeur.)




nu LONG PARLEME'NT. 87
moyens légaux; qu'elle réformerait la hautecom-
mission, et ajoutait qu'elle était déterminée 11
saisir- promptement l'occasion d'assembler un par-
Iernent et un synot1e.


Quand la proclamation fut finie, les covenan-
taires lurent une protestation, dont les points pr-in-
cipaux étaient : qu'ils n'ava ient jamais douté que
Sa lVIajesté ne fút sincerem cut attachée a la re-
ligion protestante; que les concessions qu'elle
venait de faire ne porrvaient suflire a guérir les
maux présens, pnisqu'elle ne révoquait pas en-
tierement la liturgie el la haute cornmission ,
toutes deux imposées iJlégalement au peuple écos-
sais; que leurs réuuicns ne devaient pas étrc flé-
tries de noms ignorninieux, puisqu'elles étaient.
légales, etqu'ils étaientrésolus an'y pas renoncer
jusqu'a ce qu'un synode libre et national cut ra-
mené la paix et rétabli la religion dans sapureté.


Le rnarqn.is partit pour l'Angleterre, et son
retour en Écosse fut fixé au 12 aoút, Dans ce
temps les ]~cossais se soumircut ~l un j ~Úlle so-
lennel; et les covenantaires, 11'espérant pas que
le Iíoi convoquat le synode natioual aussi promp-
tement qne le demandaient les maux du moment,
publierent un écrit OÜ i ls s'efforl;aient de prouvcr
que dans l'état OLl elle se t rouvait, l'Église avait
le droit de pourvoir a ses propres besoins , « et
« qúe dans l'Église elle-mémc résidait le pouvoir
« de convoquer un svnode , dans le f:US ou le




88 HlSTüIH.E
« prince se trouverait étre un ennerni de la yé-
(( rité, ou négIigeraít le hien de l'Église. » lIs
affirmaient que la situation actuelle de l'Église
d'Écosse lui rendait ceHe mesure nécessaire ; i ls
soutenaient cette assertion par un exposé détaiHé
de leurs griefs, et répondaient i.t tous les argu-
mens du parti opposé, relativement aux droits
des princes en fai.t de religion.


Le marquis revint en Écosse avant le jour dé-
signé, et apporta , de la part du Iloi , des articles
auxquels les covenantaires étaient requis de sons-
crire, s'ils voulaient ohtenir, soit un par1ement,
soit un synode; mais ils rejetérent absolument ces
articles comme insuílisans ponr réglcr les choses
d'une maniere stable ; si hien q ue le ma rquis ,
craignant que, fatígués de délais, ils ne finissent
par convoquer un synode sans attendre le con-
sentement du Roi, leur demanda avec instance
de retarder cette convocation, seulement jusqu'a
ce qu'il revint de la cour 011 il retournait ponr
tácher de persuader le Roí. Ils De lui accordcrent
sa requéte qu'avec heaucoup de peine, et son
retour fut fixé au 22 septembre , auquel temps,
si le marquis ne revenait pas , les covenantaires
seraient libres de pourvoir a leurs propres af-
faires.


Maís le marquis, usant d'une extraordinaire
diligence, prévint le jour fixé, et publia la pro-
clamation du Roí, dont voici les points princi-




DU LONG PARLEME~T. 89
paux: 1 0. le Roi ahrogeait tous les décrets du con-
seil relatifs au livre des canons el a la lituraie ;
il abrogeait aussi la haute commission; 2°. per-
sonne ne dcvait plus étre inqu iété au sujet des
cinq articles de Perth; 3°. les éveq ues devaient
étre assujétis a la censure dun synode; 4°. i l
ne pouvait plus étre exigé de serment des pas-
teurs a leur ordination , si ce n'est par U!lC Io i
du parlement; 5°. la Petite Confession de 1580
serait signée dans tout le rovaume; 6°. le Itoi~ J.
convoquai t un synode national pour le 21 no-
vembre 1638, el un parlement af:dimhourg ponr
le 15 rnai 1 63~} Enfin, pour le bien de la pa ix ,
íl ouhliait les offenses passées.


A la premiere lecture de ce pacifique message,
les covenantaíres éprouverent une grande jaLe;
maís, en y regardant de plus pres, íls trouverent,
assurerent-ils , que les expressions dont on s'était
servi, contenaient une condarnnation tacite de
Ieurs précédentes actions , et privaient le synode
national de la liberté qui luí était due.


Dans la craínte done de se laisser tromper, íls
dressereut une nouvelle protestation; non pas,
dirent-ils, qu'ils doutassent de la sincérité da
Roi, mais parce qu'ils ne se fiaient pas aceux qu i
étaient en faveur pres du Roí, et clont , ace qu'ils
pensaient, les conseils pernicieux avaient seuls
empéché le Roi de Ieur uioutrer sa clérnence ,
des le commcnccment de l'afJaire.




90 HISTüIRE
Voici les principaux chefs de la protestation:
r ". Apres d'humbles remercimens 11 Dieu et au


Roi, ils déclaraient ne pouvoir regarder eette
concession eomme un remede aleurs maux; cal'
Sa Majesté traitait de terreur panique une
crainte fondée non sur des motifs imaginaires,
mais sur l'appréhension légitime de voir s'o pércr
un ehangement dans la religion et dan s les Iois ,.
par l'introduction forcée de ces livres positive-
ment papistes;


2°. Le Roi, dans ses préeédentes proclamations,
ayant hautement exalté ces livres comme tres-
religieux et propres au serviee de I'Église, ils ne
pouvaientse contenter d'étre simplement exemptés
de s'y soumettre, si Iesdits livres n'étaientformel-
lement abrogés et condamnés, cal', sans cela, il
ne manquerait pas ensuite de novateurs inquiets
qui en profiteraient pour élever dans l'Église de
nouveaux tro ubles ;


50. C'était diminuer la légitime liherté des
conciles nationaux, el élever le pouvoir des
évéques , que de leur donner le droit de voter
dans les synocles sans y avoir été cléputés par les
Églises;


4°. On ne pouvait consentir aune nouvelle si-
gnature de l'aneien eovenant, par plusieurs rai-
sons cléduites au long dans ectte piece , et entre
autres par eelle-ci, que ce serait éluder le der-
nier covenant, le renfermer dans des limites beau-




DU LONG PARLEMENT. 91
coup plus étroites, et le rendre insuffisant au re-
dressernent des griefs dont on se plaignait alors;
eníin multiplier inutilement les sermeus, et pren-
dre le 110m de Dieu en vain, sans compter plll-
sieurs autres objections, impossibles a rapporter
en leur entier,


L'ancien covenant fut adopté solennellement a
Édimbourg par le rnarquis de Hamilton, Com-
missaire du Roi, el par tóut le conseil privé.


Le marquis donna alors ses ordres pour le sy-
node, era ignant, s'il tardait, que les covenan-
taires ne le convoquassent eux-rnómes , et, le
16 novembre, il se rendit en grande pompe a
GIascow. .


Aprés pI usieurs réunions pour préparer les
affaires, le synode s'ouvrit, suivant l'éclit du
Roi, le 21 novembre; mais, sept jours apres ,
il fut dissous par le marquis de Hamilton, au
norn du Roi , et recut l'ordre de discontinuer ses
séances.


I ..e marquis dit, pour raison , que les lois cl'un
synode libre avaicnt été violées dans plusicurs
des actes de celui-ci, non-seulement pendant le
peu de jours OU il avait siégé, mais aussi avant
qu'il cornmencát , dans la forme des élections, et
plusieurs autres choses semblables (1).


(rjLes ínstructions de Charles ler prescrivaient formelle-
ment aHamilton de tout faire pour que le synode n'eút au-




92 IlISTOIHE
Mais ils protestérent contre cette dissolution,


et continuerent le synode apres le départ du mar-
quiso On trouvera dans deux longues relations lm-
bliées, l'une par le Roi, I'autre pal' le synode, les
actes de eette assembLée, sa mauiere de proeéder,
les obstacles qu'elLe rencontra; corrunent les évc-
qnes protesterent coutre le synode, et le synode
répondit aleur protestation; cormuent le synode
écrivit au Roi; comment il proceda eonlre les
évéques qu'il déposa tous, et com ment des qua-
torze évéques , huit furent excommuniés , q natre
interdits de toutes fonctions sacerdotales, et deux


eun résultat , et de chercher des nullités dans ses acles, afin
de pouvoir le dissoudre ou s'en prévnloir Flus tard : « Je
« n'altends rien de bon de cette assernhl.ie gr:nérale, lui
" éerivait-il; mais j'espere que vous empéchcrcz bcauco up
u de mal, en sernant des divisions enlre eux , en contestant
« la légalité de leurs élections et en protestant contre lcurs
« procédés irréguliers. » Et ail!eurs: " Les pr<:lats sont d' a vis
« de proroger cette assemblée, mais je m'y refuse ; je ferais
« plus de lort ama réputation en ne la laiss.uit ]las se réuui r
« que ses folies ne peuvent Iaire de mal a 1ll0U servicc. Je
« vous ordonne done de l'ouvrir au [our fixé j mais si vous
« pouvez la dissoudre en découvrant des nullités clans ses
« acles, rien de micux. » (Hist. d'Ecossc, par 1\Ialcnlrn
Laing, tomo 3, page ¡61 , noto 77') Il était impossible
que la poli tique qui se révele dans ces leltre; ,:c:h.1ppát eom-
pleternent aux Éeossais et qu'rls ne vissent pas qne les conces-
síons du Roi n'avaieut pour but que de gagner du ternps.
(Not. de rea« )




DU LONG PARLEl\lENT. 93
seulernent eurent la perm ission d'officier en qua-
lité de pasteurs; comment cnfin l'on condamna les
cinq articles de Perth, le livre ele liturgie, celui
des canons et ele I'ordinatiou , on abolit la haute
cornm issiou et tout ce qui s'était introduit dans
l'tgl ise c!epuis l'année 1580, époyue du premier
covenant nationa1.


Les covcnantaires écossais, lorsqu'ils rom-
pirent eux-mérnes Ieur synocle, écrivirent au Roí
une lettre de rernerciment , et publ iei-ent immé-
diatement apres une déclaration datée d'Édim-
hourg, 27 février 1639, et adressée « atous les
( sinceres et hons chrétiens d'Angleterl'e, POUl'
ce laver Icurs actions et Ieurs intcntions de toutcs
( les caIomnies que leurs ennemis pourraient
(( chercher arépanc1re sur eux, »


Cette déclaration fut bien rec;ue de la généra-
lité du peuple anglais , et particulierernent de
ceux qui étaient le plus attachés a la religion ,
aux lois et aux lihertés de leur pays; mais elle
fut supprimée par I'autorité dn Hoi , et la méme
intercliction fut appliquée a tont ce qui pour-
rait étre envoyé par les Écossais. Bientót apres
le Roi fit puhlier une proclamation égalemcnt
datée dn 27 février 1638, ave e ordre de la Iire
dans tontes les églises d'Angleterre. Elle avait
ponr titre : « Proclamation et déclaration pour
« inforrner nos fiddes sujets d'Angleterre, des
« séditieuses actions de q uelques Écossais , qui ,




94 HI8TüIHE
t( sous un faux prétexte de religion, travaillent
ce au renvcrsement absolu de notre autorité
(( royale. »


Cette cléclal'ation était remplie cl'arneres invec-
tives et d'exécrations contre les covenantaires
écossais; mais, dans la vérité , elle prod uisi t peu
d'effet sur le cocur des Anglais; ils étaient clis-
posés a juger favorablement de la conduite des
Écossais , et se coníirrnaient dans cette opinion en
voyant cornbien le Roi avait eu soin cle cacher a
la nation anglaise toute la marche de cette affaire;
cal', loin ele s'en expliquer dans un parlement
convoqué a cet eflet , comme avaient fait avant
lui plusieurs princes en parcillo occasion, il 11'a-
vait seulement pas instruit de ses démarches son
conseil-privé , et ne s'en était ouvert qu':'t quel-
ques-uns des memhres de ce conseil, qu'il jugeait
plus propres que les autres a l'exécution de ses
desseins; il le dit Iui-rnérne en deux passages de
l'écl'it intitulé: Ample Declaration conccrnant
les derniers troubles d'Ecosse. En{in, les Écossais
sont déclarés reLelles, et le roi en personne, a
la tete d'une armée anglaise richement équipée,
se met en marche pour les aIler chátier.




DU LONG PARLEl\1ENT.


CHAI)ITRE V.


95


Éloignement des A Ilglaispour la guerre d'Écosse.
Le Roi s'aoance vers York avec son armée,
Préparatifs des cooenantaires écossais, Paci-
fication , les deux armées soni congédiées. Nou-
oeaux préparatifs de guerre contre FÉcosse.
Un parlement est convoqué en Angleterre pOlir
le ,3 aoril . Le C0771te de Traquaire dissout le
parlement d'Ecosse par ordre da Roí.


J AM A r s le pcuple anglais ne fut si opposé ;. au-
cune guerre, cal' il ne haíssait point I'ennemi qu'il
.1evait cornbattre , et n'approuvait point la cause
qu'on l'obligeait adéfendre,


Les Anglais étaient disposés par la grandeur
de leurs propres souffrances a regarder les Écos-
sais comme innocens, et a les croire traites avec
injustice par cette main dont ils ha'issaient eux-
memos l'opprcssion. Quant a la cause qu'on les
chargeait de soutenir , elle ne pouvait leur faire
'désirer la victoire; illeur était naturel de pré-
voir que, de la mórne épée qui subjuguerait les
Écossais , Ieur liberté serait hientót anéantie; et
ceux qui poussaient a cette guerre étaient égale-
ment les ennemis des deux nations,


Et ce n'était pas seulernent l'opinion des hom-




96 IlISTOIRE
mes les plus sages de la classe éc1airée, le peuple
Iui-mérne cornprenait tres-bien en général quel
était I'intérét mutuel eles deux royaumes.


Les courtisans , en toute autre ehose si complai-
sans ala volonté du mOnar({ue , répugnaient aussi
, l'E" bi f'a eette gnerre contre 1 cosse, len que ce ne ut
pas pour la mérne raison que eeux dont j'ai parlé.
Ils ne considéraient pas en ceci les motifs de la
guerre, ou la cause qu'on se proposait de soute-
nir, mais les désavantages de la guerre el le-méme,
Ils avaient couturne d'exprirner leur sentiment
par des paroles pleines de mépris sur la pauvreté
de l'Éeosse. On n'avait rien a gagner, disaient-
ils, avec des ennemis si misérables. Le Roi , si
son honneurpouvait le permettre,devrait se trou-
ver heureux d'étre débarrassé d'un pareil royaume
et gagnerait beaucoup ale perdre , On entendait
les jeunes courtisans désirer que l'Écosse fút en-
gloutie sous les eaux, ou qu'on püt rebatir l'an-
cienne muraille de l'empereur Sévere.


Les courtisans plus sérieux dans leurs diseours
semblaient craindre également les suites de cette
entreprise; ils faisaient habituellement, je me le
rappelle fort bien, allusion ala guerre que ehar-
les duc de Bourgogne avait contraint les Suisses a
soutenir contre lui, et ace que Philippe de Co-
mines rapporte de la bataille de Granson , qui
coüta au due la valeur de trois miU ions d'éclls
follernent hasardés contre un peuple si misérable




DD tONG PARLEMENT. q'"
" I


que, selou I'cxpression de cet auteur, tons les Suis-
ses eussent-ils été filitS prisonniers, la l'an~ou
quils auraient été en état de fournir n'aurait pas
sllffi poul' payer les éperons et les mors de In-ido
de sa cavalerie. lIs avaient souvent ;l la houche
ce vers :


ClIrandll71l imprimis tu: magna injuria jlat
Fortibus el rniscris (1).


Mais les Anglais, quoiqu'i ls ahhorrassent jus-
"1 '1 1"(In a a pensee (e cette guerre e enaturee, selll-


blaient cependant se féliciter d'nne occasion qui
devait raisonnablement ohliger le Roi a Convo-
quer un parlernent angla is , donncr 1ieu ainsi , par
occasion , au redressement des nombreux gricis
de l'Angletel're, préveni r ponr l'a venir toute
crainte de semblables guerres, et amener la juste
punition de ceux qui avaient occasioué ou fo-
menté les désordres actuels.


¡''Iais le Roí., bien que déterrniué ;\ poursuivre
ses projets de guerre, aima mieux sc passer de
I'aide du parlement (Iue de prendre ses avis, et


, 1 l' .eut recours a (. es ressources (, un genre morns re-
levé. Il emprunta de grosses sommes d'argent ala
haute nohlesse, et exigea, de tous les juges et olli-·
ciers du gouvernement, des préts proportionnels.
Le clergé de tous les rangs se mou tra particu-


(1) Il faut bien se garder oe faire une gralloe injnre a
des hornrues courageux et pauvres.


r , 7




98 HISTOIRE
W:rcment libéral pour cette guerre, qui fut ap-
pelée par heaucoup de gens Hellum episcopale .


Tous les coui-Iisans , tant ceux qui fréquen-
taient ordinaircment la cour que ceux qui n'y pa-
raissaient qu'cxtraordinairement, furent somrnés
d'accompagner le Roi en personne avec un nom-
bre d'hommes et de chevaux proportionné aIeur
rango


Par ee moyen, et al'aide d'un certain nombre
de gentilshommes de comté qui vinrent comme
volontaires POUl' se mettre {lans les bonnes graces
du Roi, et de vieux soldats qui prirent les armes
paree que c'était Ieur méticr, on se compasa une
brillan le armée, dont le rendez-vous général fut
aYork, et le eomte d'Arundcl général en chef.


Le Roi, comme on le savait hieu , avait re~u de
beaucoup de gens, et notamment des évéques ac-
cusés qni s'étaient cnfuis d'Écosse, l'avis que les
covenantaires écossais n'étaient, en aucune facon ,
ca pabIes de lui résister , qu'á peine avait-on he-
soin d'une armée angIaise pour combattre, qu'il
suílirait qu'ellc parút, et queSa Majesté trouverait
en Écosse un parti assez considerable pour faire
alui seull'affaire.


Il est vrai qu'on aurait pu réussir de cette {~l­
({on si les lords du covenant n'avaient adopté a
tem ps une mesure tres-adroite et nécessaire dans
une gnerre défensive aussi bien que dans celle oü
1'09 aurait pr-is l'offensive.




DU LONG PARLE:\tENT. 99
Ontre les incursions (IU'ils pouvaient craindre


de la parl des Anglais sur les frontleres d'Éeosse ,
et l'invasion que pouvait ten ter par la cóte occi-
dentale le lord député d'Irlande, soutenu par le
comte d' Antrim et les forces tirées des I-Tébrides ,
les covcnantair es avaient areelouter, dans le norr] ,
le marquis de Huntley , dans le sud le marquis de
Douglas avec le comtc de Heth , et il fallait s'assu-
rer de la ville d'Abereleen, avant qu'elle ne fút for-
tifiée pour recevoir la flotte du Roi.


Plusicurs Iords, commelordArgyledansl'ouest,
lord Montrose dans le norrl , et le colonel Monroe
dans le m idi , se charaérent de prévenir ces pé-
rils, et y pourvurent a temps.


Les covena ntaires s'ernparérent tout d'ahorel,
sans résistance ni effusion de sang, des principa-
les forteresses du royaume , entre autres d'Édim-
bourg et de Dun-Britton, el les mirent en état de
défense; le port ele Leith fut fortifié ala háte pour
protéger Éelimhourg (r). Ils désarmerent, san s
trouhle , toutes les personnes imlifférentes ou sus-
pectes; ils prirent d'assaut le cháteau eleDalkeith,


(1) Les travaux de fortifiealion de Leith furent une <:cune
nationalc, entreprisc avee tant d'enthousiasme que des
volontaires de la haute comme de la petite noblesse, tra-
vaillerent aux bastions, el que des femmes du plus haut
rangese mélerent aux ouvriers pour porte!' les matériaux.
(Ilistoire d'Ecosse , par Maleolrn Laing, tomo 3, pago I jI.)


(Note de ['Ed¡teur.)
7-




100 BISTOIRE


avec toutes les munitious de guerre que le mal'-
quis ele Hamiltan y avait fait amcner l'année pré-
cédente. Ils y trcuverent la couronno , le sceptre
et l'épée du Hui , qui furent so lenncllcment em-
portés par les principuux seigneurs et déposés
dans le chatean cl'Édilllbourg.


Les lords clu covenant publierent en rnérne
temps, le 27 février, une longue remontranee en
réponse a la proclamation du Roí cantre eux , et
aussi pour faire connaitre au peuple d'AngLeterre
lenrs procédés et leurs intentions.


Au mois de ma i le marquis de Hamiltan arriva
clans le port avec une ílotte , et envoya au gouver-
neur d'Édirnl~;ourgdes lettrcs qui lui cnjoignaíent
dobéir aux orelres du Iloi , et surtout de publier
aÉclimbourg la proclamation (Iue le Roí ava it
rendue ~lYork le 25avril, et <fui, entre autres cho-
ses, cléfendait de payer aux eovenantaires les
sommes ou rentes que pouvaient leur devoir des
tenanciers ou a utres déhíteul'3.


Le gouverneur pria le marquis d'attenclre sa
réponse jusclu'a la rénnion clu parlcment. <fui de-
vait s'assemhlcr sous peu ele jaurs, etle parlemcnt
répondit alors au marquis qu'il ne pouvait obéí1'
a ces ordres pour heaucoup de raisous déduites
en détail clans les notes jointes a cette [ettre,


Sur ces entrefaitcs, le Roí pronom:a la disso-
iution du parlement qui obéít aussitót; mais, se
'Voyant de tous caré, menacés de la guc1're, les




DU LO~G PAllLEl\lENT. 101
Écossais élurent pour leur général sir Alexandre
Leslev , officier formé dans les guerres d'Allema-
gne; les plus puissans corntes et Iorrls du cove-
nant jurerent de lui ohéír en toutcs les choses
relati ves ~l la campagne prochaine, apres avoir
re<;;u de lui le serment qu'il s'acquittera it fidólc-
ment de son devoir, et chacun partit sur-Íe-champ
pour aller dans les di verses contrées du royaumc
exécuter les ordres de Lesley.


.Les armées s'avancaient ainsi des deux cótés ,
et il semblait qu'on ne pút raisonnablement at-
tendré aueune autre issue de ce triste difféeend
que celle qu'il plairait a la guerre de lui donner.
Les covenantaires écossais ne cesserent cependant
pas d'envoyer au Boí des pétitions et des adresses ,
protestant de leur loyauté envers sa couronne et
sa personne. 11s continuerent aussi, tant par lettres
que par messages, de solliciter l'appui des sei-
gneurs anglais, qu'ils regarclaient comme les
mcilleurs et les plus sinceres patriotes, tels que
les corntes d'Essex, de Pembroke et Holland; sup~
posant toujours, telles étaient leurs expressions ,


tt ,. t l' bati l'que ce. c guerre naval appro rattou ( aucun
homme fel'lnement attaché a la religion et aux
libertes des deux royaumes.


Le comte de Dumferling, qui avait a cette
époquo la liberté de commuuiquer avec l'armée
anglaise, assura les eovenantaires ses amis que
les nobles comtes ei-dessus désignés, et presquc




IO'l m5TüIRE


toute la noblesse anglaise 11 étaient fort opposés a
la guerre, etseconderaíentleursdémarchesaupres
du Roi.


Les covenantaires, encouragés par ce rapport ,
renouvelerent si obstinérnent leurs humb les pé-
titions au Roí, qu'apres quelques messages de
part et d'autre, et Dieu voulant se montrer favo-
rabIe, le Roi permit que six cl'entre eux vinssent
le 10 juin traiter en personne clans la tente du
comte d'Arundel, avec quelques seigneurs an-
glais. Le Roi daigna mérne , au bout de quelques
j ours, assister aces conférences; enfin, apres beau-
coup de protestations des covenantaires et quel-
ques explications du Roi avec eux, l'heureuse mé-
diation de sages et nobles conseillers amena une
pacification solennelle , dont les articles donne-
rent satisfaction atoutes les parties ; seulement ,
les covenantaires écossais parurent mécontens
de quelques expressions , dont le roí s'était servi
dans le préambule de l'édit de pacification. Il ap-
pelait, par exemple, Ieur dernier synode, pseudo-
synodus glasguensis 11 et qualifiaít Ieurs prépa-
ratifs d'armernens , de tumultueux, illégaux et
rehelles.


Cependant, sur leur humble requéte , le Roi
consentít, soit aeffacer, soit a modifier quelques-
unes des phrases les plus dures, comme aussi a
expliquer plus clairement d'autres phrases am-
hignes, alin de hannir la métiance de l'esprit des




DU LONG PARLEl\'IENT. 105


peuples ; des copies de cet acte furent remises ü
divers seigneurs anglais, qui s'étaient sincerernent
appliqués aprocurer ccttc heureuse paix , afin que
si quelque doute s'élevait dans la suíte , on pút
les consulter sur l'íntention des contractans,
L~ roí déclara aussi , pour la satisfaction des


f:cossais, que si quelques-unes de ses expressions
pouvaient paraitre dures, ses intentions a leur
égard n'en étaient pas moins hienveillantes ; qn'il
devait prendre soin de sa considération dans les
pays étrangers , et qu'íl étaít inutile de disputer
sur des mots, quand les choses étaient arrangées
et leurs demandes pleinement consenties.


Le Roi Íeur accorda , pour le 6 aoút suivant ,
un libre synode national J el un parlement qui
devait se tenir le 20 clu méme mois , pour confir-
mer et ratifier ce que le synode aurait décrété. Les
Écossais recurent ave e reconnaissance cette au-
torisation , convaincus que c'était la l'unique et
vrai moyen d'établir une paix solide dans l'Église
et l'État.


Ils se réjouirent aussi beaucoup de ce que le
Roí lenr avait promis d'étre aEdimbourg acette
époque ; mais ceUe espérance fut dé¡;;ne; le Roí


s'excusa, alléguant qne des affaires graves et pres-
santes , dont il était informé par les lettres de la
Reine et de son conseil, exigeaient sa personne
a Londres ; i l annonva qu'il enverrait a Edim-




IlISTOTHE


bourg un député, muni de pleins pouvo irs pour
tenir tout ce qu'il avait promis; ce fut le corute
de Traquaire.


Cctte pacification fut solennellement conclue
a la grande joie des gens de bien, le 18 juin 1639;
les deux armées devaicnt étre licenciées dans l'es-
pace de quarante-huit heures , ce qui fut exécuté ;
et les Anglais et les Écossais retouruér-ent chez
eux , renelant gr<lce aDieu qui, sans eflusion de
sang, avait terminé ce différend, et prévenu une
gnerre si méchamment projetée.


Mais cette joie dura peu, cal' le cornte de Tra-
(lilaire, commissaire du Hoi, ne put s'entendre
avec le parlement écossais. Les Écossais se plai-
gnirent qu'on n'accornpl issa it rien de ce que le
Roi avait promis dans la pacification, comrne on
le verra clairement plus tardo


Quoi qu'i] en soit, a peine le Roí était-il de
rctoui- a Londres, que l'acte qui, au dire desÉcos-
sais, contenait les vraies conditions dn traité, fut
dénoucé par le Roi, et (1'apres sa proclamation
hrúlé de la main du bourreau. Aucun des arlicles
(le cet aete n'était mentionné dans la proclamation,
et le peuple anglais ne fut nullement informé
de ee qu'il contena it; aussi les Anglais comrnence-
rent-ils a cr-aindre granc1ement que les conseils
qui avaient amené les premieres dissensions , ne


, 1 ' J l' . ,preva ussent encare a a cour, c autant qu on




DU LONG PAIlLEl\iE:\T. 105


nperccvait de nouveaux préparatifs de guerre (1;'
Laíssons pour quelque temps le parlement


écossais. A la mérne époque lord \Ventworth,
lord député d'Irlande, arríva en Angleterre; il fut
recu par le Iloi avec de grandes marques de fa-
veur et de crédit, honoré d'un titre plus élevé et
créé conde de Strafford. Les Anglais attenclaient
impatiemment quel serait l'eITetde son arrivée ,; on
avait en général une haute opinion de ses talens
et de son hahileté, et on le regardait cornrne le
seul ressort sur lequell'État dút rouler al'avenir.
l\Iais, comme je veux rapporter la vérité ,je dois
d ire que, dans Ieurs conversations hahituelles,
les hornmes éc1airés de ce telllps forrnaient des
conjectures tres-diverses sur l'usage que ferait ce
grand homme de sa capacité et de sa faveur. Quel-
ql1es-uns, conformément a leurs désirs , considé-
rant la rectitude des príncipes qu'il avait montrés
d'abord, scmblaient se ílatter que toute la con-
duite qu'iI avait tenue depuis son élévation n'a-


(1) " Quiconque prendrait sur lui, dit Clarendon, d
" raconter tout ce qui est relatif a ce traité, serait a con»
" sur obliBé d'inventer son récit ; les négociations les plus
« importantes se passcrent en conversation , et tres-peu de
" choses furent rédigées par écrit. Parmi ccux qui prirent
« part a I'affaire , on n'en trouve pas deux qui s'accordent
" dans ce q u'i ls en racontent , ni sur ce qui fut couveuu ,
« ni méme ,ce qu i est pis, sur le sens des conventions écri-
" tes, u (Hist. de la Rdúell. L 1, p. :J.!!.) tNot, dcI'Edit.)




1.06 HIS'füIHE
vait eu d'autre hut que de se rnettre tres-bien avec
le Roi , afin de' pouvoir ensuite , par sa sagesse et
son crédit , obtcnir un heureux ernnire sur le ju-
gernent et les affections du monarcIue, l'éloigner
des mauvais conseils qui l'avaient Iong-ternps en-
valii et le faire entrer dans des voies oh il trou-
veruit plus d'honneur et de bonheur. On pensa it
que le comte était assez sage pour cornprendre ce
qui convenait le mieux á un homme sage, et ce qui
vouvait faire chérir sa gmndeur en en assurant
la durée, Mais d'autres , se rappelant la maniere
dont il avait gouverné en Irlande et son ambition,
n'osaient espérer autant de lui; ils craignaient
qu'il n'eüt pas assez de vertu pour risquer sa for-
tune, en s'opposant aux mauvais conseils qui en-
touraientle Roi , ni assez de faveur pour parvenir
a gouverner en chef; ils avaient peur qu'on ne
I'eút fait venir seulement pour mener abien l'ceu-
vre coupable que des tetes moins fortes que la
sienne avaient commencée. lis pcnsaicnt clu'il se
hasarderait plutót a l'accomplir qu'a former de
nouveaux et meilleurs desseins; Cal' on a remar-
qué que peu de ministres se sont opposés a leurs
princes et qu'ils les ont plutót soutenus et sccon-
dés dans leurs mauvaises inclinations. C'est ce
qui fait que peu de ministres ont détourné leurs
princes des mauvaises routcs oh ils étaient en-
trés ; ils se sont eux-mérnes écarlés des bonnes in-
tentions dans lesquelles ils semblaicnt étre d'a-




DU LONG PARLEl\IENT. 107
bordo Aussi les historiens n'ont-ils jamais attri-
bué a Marcus Agrippa ni a Statilius Taurus,
les mérites d'Auguste, ni imputé a Sejan les
vices de 'I'ihere , selon cette maxime de Mac-
chiavel, recta consilia el guocumque proficis-
cuntur, el principia prudentiá; non autem prin-
cipis prudentia el rectis consiliis derioatur.


En ce temps, le Iloi déclara a son conseill'in-
tention oú iI était de convoquer un parlement en
AngIeterrc pour Iecommencement d'avrilsuivant.
On sembla s'étonner d'entendre quelque chose
d'a ussi nouveau que le nom d'~n parIement ; mais
le long délai mis a sa convocation don na lieu de
craindre quelque nouvel artifice, d'autant que
les préparatifs de guerre contre l'Ecosse se pour-
suivaient avec activité. Le lord député d'Irlande
devait d'abord se rendre dans ce pays et y con-
voquer un parlement; il passa en effet la mer
a la fin de décembre.


On ne savait pas quelle pouvait étre sa mis-
sion; mais on aurait désiré que le parlement
anglais commencát avant que les affaires d'E-
cosse ne fussent poussées trop loin; cal' on pré-
sumait qu'une prompte convocation pourrait
prevenir une si triste guerre, et épargncr a la
nation les charaes que devaient accumuler jus-
qu'au mois d'avril tant de préparatifs militaires,
qui ne pouvaient manquer de nécessiterun sub-
side. On pensait qu'il valait micux prevenir une




El STOIHE


d'attcudre a dessein qu'elle
108


telle nécessité que
fút arrivée.


Le 18 de ce méme mois de déeembre, le eomte
de Traquaire, sur un ordre du Roi donné sou s
le seeau-privé, rompit le parlement d'Eeosse, et
le prorogea jusqn'au 2 juin de l'année suivante.


Les Ecossais se plaignirent de eette mesure,
comme d'une violation de leur liberté, tont-a-
fait nonvelle et iuouíe dans l'espace de vingt
générations. On n'avait point encore vl(~un par-
lement en pleine session, complet, et appelé a
traiter d'aífaires importantes, ainsi dissous sans
le consentement de la chambre cllc-rnóme. De
quelque maniere qne proeédassent les Rois daus
d'antres royaumes, les Ecossais ne songeaient
paint as'en enquérir ; mais ce proeédé était
entierement contraire a leurs lois, auxquelles le
Roi avait dernierement promis de se conformer
dans ses rapports avec eux.


Immécliaternent apres la dissolution du par-
lement d'Ecosse , 'I'raquaire se rend it en toute
háte a la cour d'Angleterre, pour rendre compte
au Roi de ses dérnarches.


De leur coté les dépntés du parlement d'Ecosse
dépccherent au Itoi qnatre commissaires, les
eomtes de Dumferling et de Lowden, Douglas
et BarcIay, auxquels il rem irent des instructions
spéciales.


Leurs instructions étaient de porte1' plaiute





DU LONG PAHLEME"T. 109
llevant le Roi, et non elevant le conseil, u cause
de l'indépendance du royaume d'Ecosse, des in-
jures qu'ils avaieut soufCertes depuis la pacifica-
tion; la dissolution de leur parlemcnt; la gar-
nison mise dans le cháteau d'Edimhourg, et trois
fois plus forte qu'il ne fallaít ponr sa défense;
la garnison anglaise mise dans le chatean de
Dnnbritton; I'opprcssion qu'on exercait sur les
Ecossais qui traíiquaient en Angleterre , et par-
ticu lierernent en Irlancle les contraianant upré-


, t'l


ter de nouveaux serrnens , tout-ú-fait contraires
él cequi avait été stipulé clans les articles de la
pacification, ct dans lesquels était expriméc la
désapprobation du covenant. .


Ils adresserent cn mérne temps ¿l la nation
allglaise un exposé de leur conduite et de leurs
intentions , ou ils détaillaient, comme on pent
l'y voir, les in jures particulieres qu'ils avaient
recues depuis la pacification, et tout ce qui ava it
été fait de contraire a cet accommoclement.


AprE~S quelques conférences avec le Hoi et pl u-
sieurs memhres de son conseil, les qnatre com-
missa ires écossais fnrent mis en prison au mcis
de mars ; le Roi avait l'intention de les uccuser
promptement devant le parlerneut prét u s'as-
semhler : Lowden fut luís ¿l la Tour et les trois
autres dans d'autres prisons.


Vers ce tcmps le comte de Strafforcl arriva a
la cour , revenant cl'lrlande OlJ il avait tcnu un




J 10 HI8TüIH.E


court parlement, de qui il avait ohtenu quatre
subsides, et, le parlement étant prét 11 commencer,
00 dressa un acte d'accusation centre Lowden alors
prisonnierala Tour, 11 l'occasion d'unelettreadres-
sée au Roi de France par les covenantaires écos-
sais , et éerite de la main du eomte.


L'accusation portait que les Ecossais .Ias d'obéirl
aleur Roi, avaient eu recours 11 I'assistance d'un
prince étranger; ce qui pouvait attirer les armées
francaises dans eette He.


Lowden répondit que la leUre avait été éerite
en 1639, au moment oii l'Eeosse était menacée
d'une dangereuse invasion, et oú les covenantaires
savaient que les amhassadeurs et agens de l'Angle-
terre représentaient leur cause sous un jouroc1ieux
aux États et aux princes étrangers; que leur in-
tention était de se laver de ces irnputations , par-
ticulierernent envers le roi de France, dont les
ancétres avaient été autrefois les al1iés du royan-
me d'Ecosse, et dont ils craignaient qu'on ne tra-
vaillát a leur faire un cnnemi; qu'ils ne s'étaient
point propasé de demander au roi de France le
secours de ses armes, ce que toutefois ils j u-
geaient légitime dans une extreme nécessité, et
lorsque la persécution était poussée a I'exces ;
mais quils désiraient seulement sa médiation
aupres de Íeur Roi, et que la lettre, bien exami-
née, ne pouvait offrir aucun autre sens. Bien qu'il
y fút fait mention de seeours, cependant, dans




DU LONG PARLEMENT. 111


lcurs instructions secretes a celui qui devait la
porter, ils avaient spéciíié de quel genre de se-
cours ils entendaient parler. JUaís, en tout cas, ils
alléguerent pour leur défense que la minute de la
leUre ne leur avait pas convenu , qu'ils ne l'a-
vaient nullement approuvée et n'avaient point
eu l'intention de l'envoyer, et que, d'ailleurs, la
souscription au. Roi dont on faisait un si gl'ana
bruit, comme s'ils eussent reconnu par la le roi
de France pour lenr souverain , n'avait point été
écrÍte par eux , mais ajoutée par quelque en-
nemi, apres qu'cUe fut sortie de lcurs mains; de
plus la chose avait été faite avant la pacillcation
et l'acte d'oubli, et ne devait pas maintenant étre
rappelée pour en faire un chef d'accusation con-
tre eux. Que leur réponse parút suífisante ou non,
ce qu'il y a de certain, c'est que l'affaire n'eut au-
cun résultat, bien que le Roi l'eüt donnée, au
commencement du parlement, comme une preuve
de la déloyauté des Ecossais, et comme la jnsti-
ficatiou des préparalifs de gnerre qu'il avait faits
con tre eux (1).


(1) Voici, au sujet de l'arrestation du cornte de Lowdcu ,
une anecdole fort cnrieuse que l'évc(lue de Péterbaraugh
(le dactenr White Kennet) avait écrite en marge de son
sxemplaire des Mr!moires des ducs de JIamilton, par
Burnel.


« Le jeudi 5 février 1719, M. Frazier, ancien secrétaire
du col1ége de Cbcl-ea , ('51 ven u me voir et 11I'a raconté le




112 HISTüIllE


Cependant les Écossais avaient, de Ieur coté i
envoyé au parlement une longue apoloaie de len!'


fait suivant en me protestant de sa vérité. Peu apres la Pll-
Llication des jJI¿moires des ducs de Ilamilton , il se trou-
vait, m'a-t-il dit , dans une n:union de plusieurs pairs an-
glais, oir était aussi lU. Burnet , auteur de cct ounage. Un
des nobles pairs accusa ce dernier d'avoir omis plusieurs
choses dans la crainte de déplaire a la cour. « Eh ! oui,
« certainement, dit M. Hurnet, i! m'n úé impossible de
« rapporter tout ce fIue j'ai trouvé dans les papicrs qu'on
" rn'avait remis; cal' il y avait la des choses q ui n'auraient
" pas soutlert la publication. u Le lord répartit : « (iU'il fal-
« lait que la vérité fUt dite. - Eh bien, dit M. Bur net , en
« supposant (llle ce que je vais vous raconler soit vrai ,
" voyons si vous penserez que j'eusse pu le publier. »


« 'I'andis que le comte de Lowden était prisonnier a la
Tour, le roi Charles Iv , dans un acces de colere et de res-
sentirnent conlre lui, envoya a Sil' "VVillíam Balfour, lieu-
tenant de la Tour, l'ordre de faíre exécuter le lendemain
rnatin son prisonnier, pour crime de haute trahison. Le
lielltenant communiqua au comte de Lowden l'ordre qu'il
veuait de recevoir et lui demanda son avis sur les l1loyens
de se dispenser d'obéir. Le comle de Lowdcn, apr¿~s des
plaintes ameres sur I'cxtréme injustice de I'avoir mis en
prison et de Iui óter ensuite la vie d'une maniere si cruelle ,
pria instamment Balfour d'allcr trouver le rnarquis de Ha-
mil ton lJour luí demander son avis et ses bons oíliccs dans
l'occasion presente. Ealfour se rcndit en consequeucc :1
la cour, ce soir méme , pour táclier de voir le marquis;
mais il ne put le renccntrer avant que le roi ne fút
couclié. Le marquis et le lieutenant allcrent a la porte
de la chambre du Roi el. furent étonllés d'apprendre
c¡u'il était déja au lit. Lorsqu'ils eurent passé quelques




DU LONG PARLEMENT.


« conduite; les engagcant, par de fraternels avis,
ce ~l prendre soin de souten ir leurs lois et Ieurs


momcns dans une grandc agitation , quelqu'un dit a
sir Williar;¡ Ralfour qu'en sa qualite de Iieutcnant de la
Tour, il avait le privilége de frapper ala por Le ele la cham-
hre ;1 coucher du roi , et d'etre, a quelque heure de la
nuit que ce fút , admis aupres de SaMajesLé. Encouragé Ijar
la, Balfour frappa jusqu'a ce qu'il eút été entendu par le
valet de chamhre (lui demanda qui était la. re Balfour, ré-
" pon.lit le lieuteunnt de la Tour, pour parIer d'affaires
" au mi. » Le roi rlit q n'on le fit entrer ; il entra, el, tom-
[rant a gEnoux clovuut le lit, demanda si l'ordre pour l'exé-
cutiou dll comte de Lowrlen avait été légalernent oLtenu de
Sa .Majesté, et si Iui , Halfour , pouvait légalement le mettre
a exécution, Il LAcha, Jiar sus r.risormcm cns et ses instances ,
d 'cugagcr le roi a le supprimer , ou du rnoins a le suspendre,
« Kan, Jit le roi, l'ordre cst de moi et vous devez y oLéir. 1>
Sur quoi le marqu is d e HamilLon, qui était demeuré a la
portc, s'uvauca , et, tombant aussi a genol1x el~vant le roi,
le pria de ne pas insister sur une résolution aussi extraor-
dinaire. Le roi répond it Lr(",-impérieuscment, tant qu'enfin
le mnrqn is , prcn:mt en (lllc)(lue "orle congé, lni dit : "Eh
u hie n , pui'(IUC Votre JUajesté est si déterminée, je vais
« me préparer il partir en Iou te hát e pour I'tcosse demain
" rnatin ; cal' je suis súr qnavnnt la nuit Iou t e la ville sera
" soulcvé« el qnon viendra arracher Votre l\Jajesté de son
'.< pal~li,; je vai, rlonc gagner du pays autant que je le pour-
« rai el.déclarer am es cornpatriotcs (plejc ne suis pour ricn
" la dedans. u Le roi fnt frappé , et dit au marquis de 1'ap-
peler le licn tenn nt ; celni-ci s'(;l.ant 1'approcl¡é rJu lit, le roi
Iui dit: « Donnez-moi i'ordre ; » el I'ayant pris il le dé-
chira en morceaux,


« Eh bien, dit NI. Burnet ,est-ce la une histoire qn'on
l. 8




114 nrSTOlH.E
« Iibertés , afin de tléjouel' les projets de ces mau-
(( vais conseillcrs (Iui no leur ava ient accordé un
« parlement que daus I'intcutiou (l'armer le Hui
« des subsides dOllt i1 avait beso in ponr Ia ire la
« guerre ases sujets d'Écosse, et par cctte guerre
( assujétir , peut-étre ruiner les deux nations,
ce Apres taut de violations , disaieut-ils , apres
« tant de dissolutions de pai-lcmcns en An3teterre,


pút raconter? II Tous ceux qui étaient Jit demcuri.rcnt stu-
péfaits , et leverent les mains au cieJ. ({ J'ai, ,lit 1\I. Frazicr,
entendu cette histoirc de mes prol)res oreilles , el l'ayant
une fois r-acon tée au feu duc de Hamilton , celui q ui a
été lué en duel , Sa Grúee me dit : qu'il avait souvent par-
couru les papiers d'ou le docteur Ilu rn et avait tiré les Il1at(~­
riaux de ces nn'moircs, et {lU'ils {:laient encore en sa posses-
sion en Éeosse. l! se souveuait t res-Lien , me dit-il , d'y
avoir vu le récit dont. je vieus de parler , et eroyait le filit
tout-u-fait vrai. (ric de Charles lcr. par Harris, p. 34'7 -350.)


Cetle aneedote a paru assez certuiue aM. 1\Ia\collll Laing
pour {[u'il l'introJui,it dans son histuire d'Ecosse com me
un fait aH:I·é. Il indique iuémc un a utcu r conlcmporain
{fui la confirme par son l':IlJOign:lge (!¡¡'sto;re d'1'.'co.l,\I' pa¡'
1VIalc@\11l Laing , tomo 3 , ¡wgc I t'9), et ellc cst au ss: rap-
porté e dans '[ueh¡nes pampldcb posI6riellr;, a la vérilé , a
la rcvolution de J 60tl ( vi" de Cl.orlcs lec. pa r Harris, P: 350,
not. a). Nons ue pensons pas cepend aut '[u'on pllisse la rc-
garder co rn m e incontestable; rien ue révi-!e daus le curuc-
tere de Charles lcr cette eruaut.é alld:lciell.'e qui braye
toutes les formes cl sc défait de ses eune n.is par l'assassin at.
Cependant le fait est atteslé par des antorités asscz grayes
}10U!' que Hume n e dtit pas, cornrue il I'a fait, le passe!'
~


absolument sous silenee. ( Not. de rsa« )




DU LONG PARLEMENT. 115


« on n'appelait pas celui -ci pour redresser les
« gl'iefs publics , ma is dans le dessein de le do-
C( mirier tellement, s'il manquait de prudence
cc et de eourage, qu'il n'y aurait plus a Í'avenir
(1 aueune possihilité d'obtenir un tel redresse-
« mento lIs faisaient cbserver flu'on pouvait soup-
« <;onner quelque dangereuse machination , lors-
{( qu'on voyait dans le méme moment refnser un
(1 parlement a l'Écosse, aqui il avait été promis
« sur la parolc d'un Roi, en aeeorder un a l'An-
C( gleterre qui ne s'y attendait pas , et en imposer
« un al'Irlande qui ne le désirait pas. »


La remontrance des Éeossais eontenait plusienrs
détails de la meme nature.


8.




06 IIISTüIRE


CIIAPITRE VI.


Le parlement commence en Angleterre; mais il es!
bietitát dissous, L~assemblée du clergé continue
el siéger. Les Écossais entrent en Angl~ter!'e.
Quelques-uns des événemens de la guerreo Un
parlement est convoqué ]Jou!' le :3 novembre,
'I'réoe de deux mois entre les deux armées,


LE parlement s'ouvrit lo 13 avril. Le Roi y pro-
duisit l'écrit que ses sujets écossais avaientadressé
au roi de France, comme un témoignage évident
de leur déloyauté, qui le mettait dans la néces-
sité de les punir par les armes. n déclara avoir
fait pour cet objet de si grancls préparatifs qu'il
avait hesoin que le parlement lui accordát promp-
tement un suhside. Le lord-trésorier étendit clans
un long et éloquent discours ce texte clue le Hoi
avait exposé en peu de paroles.


Le Roí demand ait douze subsides, en re tour
desquels il promettait l'aholition de la taxe eles
vaisseaux. Plusieurs membres de la chamhre ré-
pondirent a cette demande par différens discours
ou ils étahlissaient : (( que le redrcsscment des
griefs était lc principal objet de la convocation
des parlemens , et devait précéder le don des suh-
sides ; (fue cette marche était seule conforme non




DU LOl'i"G PAnLE¡jlE~T. 1; 7
seulcment a la raison , mais h la constante prali-
que de tous les úges; (lue jamais le redressernent
des griefs n'avait été plus urgent qu'en ce moment
oa le peuple , s'il ne l' obtcnait, ne se préterait
pas volontiers apayer douze subsides; enfin que la
somme étaitextraordinairementforte,surtont 101'5-
qu'on la demandait comme le rachat d'une taxe a
laquelle pcrsonne n'avait jamaís pensé que le Roí
eút aucun droit , et qui] avait levée par un ahus
de pouvoir et contre les lois. »


Le Roí promit que les griefs seraient redres-
sés, mais il demanda l'urgent d'ahorcl, s'appuyant
sur la nécessité de háter la guerre si 1'0n ne vou-
Iait perdre les avantages de l'été (1). Plusieurs
lui répondirent « que le peuple ne voyait ancune
raison de donner son argent pour une guerre qu'il
n'avait ni provoquée ni désirée, qui ne pouvait
en aucune facon lui étre avantageuse, mais ne se
faisait tout au coutraire qu'au péril et détrirnent
de tout le royaume; que ce mérne peuple paie-
rait heaucoup plus volontiers les mérnes .n.hsi-
des ponr ernpécher cette malheureuse ,juen'e,
calmer les troubles de fÉtat et en punir les pi-in-
cipaux fauteurs ou complices. ))


(1) Le Roi employa toutes sortes de ll10yens pour déter-
miner la chambre des comrnuncs a voter sur sa demande
de subsides , avant de s'occuper du redressement des griefs.
II obtint d'abord de la chambre des pairs , « qui était bcau-
,( coup plus asa disposition , " i1it Clarendon , que, dans une




118 IlISTOlHE


Parmi les membres de la eharobre des corn-
munes qui pnrlerent dans ce sens , le lord Digby ,
fils du eorote de Eristol, jeune seigneur de talens
extraordiuaires , se fit remarq uer par un discours
du premier mérite, ou iI se plaigllit que la cham-
hre fútrequise de répondre iromédiatement sur
les suhsides dernandés par le Roi pour commen-


cauférence avec I'autre chnmbre , elle dr:cIGrút formelle-
ment que les communes devaient cormucncer pal' accorder
un subside au Iíoi , cu egarcl a l'urgence de ses a!T:¡ires,
apres quoi elles s'occuporaient de leurs griefs el de lout ce
qu'elles jugeraient couvenable. A peine cctte déclaration
(les lords ei\t-elle été rapporlée it la cham bre des cornmunes ,
qu'elle y excita un violeut (:¡:¡'flf. Les com rn n ues la consi-
dérerent comme une violat ion de leu r priviJ¡'ge, cl se plai-
gnirenl arnerement de ce que les lords prétendaient s'occu-«
ller les premiers des subsides, dont le vote ne pouva it pren-
dre naissance que dans la chambre basse. Cettc altercation
amena une sccoude conférence oii les lords expliquerent
leur déclaration, en disant qu'ils u'avaient point prétendu
s'occuper les premiers du vote des subsides , el n'araient
voulu qu'indiqucr it J',mlre cllambrc (jll'ils haient d',l\'is
qu'elle -commencát par lit. Tel cst en dfet le sens du preces
verbal de cette conférence dans les jouruaux de la chambre
haute, qUOiqUE Clarenrlon aflirmc que les lorrls reconnuren f
expre,<;~"ent qu'ils s'étaient trompés , et qu'ils aJJanuonne-
rent leu r ;;;'eT:~'e~e ¿é~laration. Inquiel de ce délwt eles deux
chambrcs ~;~:i /.;·2issait devoir se prolonger , le Hoi ndressa
un message a la chambre des cornrnuues , porlant que, si
elle voulait lui acco ro er dcucc subsides apayer en trois ans ,
il renoncerait d ans r avenir it toute préteutiou sur la taxe
des vaissenu x. "Oll aurait pu, dit Clarendon , se plaindre




DU LONG PAHLEMENT. 119
cer la guerre et la gnerre civil e ; «cal', dit-il,
( c'est ainsi que je dais I'appeler pnisque nous
(( sommes de la mérne religion, et gouvernés par
c( le me me ROl. » Il divisa ses doléances en cinq
points :


ce r ", On ne nous permet aucunement de re-
« dresser les gL'ief., ;


(( 2°. On De nous permet meme pas de repré-
« senter aSu l\1ajeslé comhien ses sujets sont op-
c( posés il cetro guerre ;


(( 3". On ne 110US permet pas de dire que nous
(( pensons qu'on doit attr-ihuer aux mórnes per-


. " 1 -i-,. ,(( sonues nos gl'ICJS et ceux (es Lcossals, el qu en
(( éloigllant ces iur.eud iaires , on s'assiireruit un
« moyen de guéL'ison facile et honorable;


encore de ce message comme d'une violation de privilége ,
puisque le Roi se déclarait instruit de ce q ui se passait en-
tre les deux chambres ; » cependant OH ue s'arréta point a
ectte difíicu lté , ct pOllr donner une preu\'e de lcu r modé-
rntiou , le" counuu nes résolurcnt de ciisclller sans délai le
message du lloí. « Dans ce d,:bat, dit Clareudon , aucune })a-
role violente ni offcnsan te pour le Hoi ne fut pro noncce , si
ce u'es t un mot d'un gcutilllOlIlllle pea counu , qu i di! que
les subsides seraient employés iI soutenir bellum episcopolc ,
et (ltH~ c'ét<1ít. ;¡UX é-;(?quC3 li fairc eux '.nH~n::es cettc guerre
qui u'intérnssait qu'cnx. » Ccpcndaut la cliambre ne se mon-
tra poi nt c1i"posc:e il accor.Ier un subsirle aussi consiclúahie
c{ne le Il.oi le de;n:uHlait, el ce fut lit le Illolif de la disso-
Iut ion tsubile de ce par!ement. (' lIistoil'c de la lL:!Jellion,
torno J, pago 230 -240 - Ilistoire Pnrlemcntaire , tomo 2,
col. 5(j'~ - 5; l.) (Note de l'Editeul'.;




!:JO msr ome


11 4°. La guerre ne fera qu'élargir la plaie et
« rendre le r-emede impossible ;


11 5°. Ce qu'il y aurait de plus juste, ce serait
11 ele combIer les fosses creusées elans l'intention
11 el'y faire tomher les autres, avec les corps de
11 ceuxqui les ont creusées. ))


M. Pym, homme grave et religieux, présénta
aussi, dans un long discours ele eleux heures, la
série eles griefs qui, acette époque, pesaient sur la
république.


On prit avec empressement un granel nombre
de copies ahrégées de ce diseours, eontenant seu-
lement les points divers qui s'y trouvaient trai-
tés, et 011 les répandit par tout le royaume, cal'
on n'était pas alors dans l'usage d'imprimcr les
disoours tcnus en parlement.


Plusieurs autres memhres, en trop granel nom-
bre pour étre nornmés iei, s'étendirent ample-
ment SUl' les griefs partieuliers dont ils avaient
été informés elans leurs bourgs et eomtés.


Mais ce qui est parfaitement vrai, bien qu'on
ait dit , quicotiid multis peccatur -' inultum. est ,
c'est qu'on ne vit jamais un parlement plus una-
nirne a signaler les griefs, et plus modéré dans
le ton et dans la maniere dont il se prononc;a a
cet égard. Comme c'était le prernier qui, depuis
tant d'années, eút été accordé a l'Angletcrrc, il
évita avee un tel soin tout ce qui aurait pu don-
ner quelque offense, que, malgré la conviction OU




nu LONCT PARLEY1ENT. 1 ? 1
I' ,. l' 1 dé . l'on étart que argent ucman e serart emplOye
d'une maniere eontraire aux intérúts du parle-
ment, 011 prit les subsides en eonsidération, pen-
sant que par la le Roi en vienelrait peuf-étre a
s'affeeti onner aux parlemens ; et 1'on se contén-
taitalors de eette espéranee que, pendant la ses-
sion des ehamhres, les eonseillers pervers qui
environnaient le Itoi, seraient foreés par la crainte
aplus ele modérution. On se f1attait aussi de pou-
voir, en s'interposant avcc prudenee et bonne foi ,
prévenir, eomme l'été préeédent, la guerre avec
l'Éeosse.


Je ne saurais dire si, tandis que cette affaire
était en diseussion, le parlement parut trop lent
aaccorder , ou si le Roi concut de trop grandes
entintes sur les conditions qU'OI1 pourrait lui
faire; je rapporterai seulcment ce qui se passa.


Le Roi en persol1ue vint ala ehambre, le 5 mai ,
dissoudre le parl.ement , quo iqu'avec de hOllnes
paroles, el: pl'Otcstant qu'il gouyerne1'ait d'une
maniere aussi conforme aux Iois que si le pa1'-
lement était préscnt (1). Cependant, le lendemain


(1) Une heure apres la dissolution de ce parlemcnt,
NI. H yae ( depuis lord Clarendon ) , rencontra IVT. Sto-J ohn
(c¡ui fut dClJUis I'un dcs prmcipaux acf.eurs de la révolu-
tion), dont la physionomic était naturellerncnt sombre,
et (fll'-On voyait raremcnt sourire. Il avait en ce moment l'air
tres-gai , el voyant la tristesse empreinte sur les traits de
M. Hyde , comme elle l'était réellement au fond de son cccur e




112 nISTOIRE


de la dissolution , fJuelques mernhres furent CIll-
prisonnés; on fouilla le cahinet de lord Brook,
ses armoires et ses portefeui lles , ponr y tro uver
ses papiers. M. Bellasis et sir John Hotham furent
mis en prison pour quelques discours , rnais re-
lúehés hientót apreso ]'4. Crew , mcmbre ele la
chamhre eles communes, el chargé de recevoir
les pétitions concernant les ministres, fut mis :\
la Tour paree qu'il ne voulait pas livrer quelques
pétitions qu'on lui avait remises elans le parle-
ment; il ne fui élargi qne tres-peu de temps avant
Fouvcrture da pai-lement suivant.


Apres la dissolu tion de celui-ci , la convocation
ou assernhlée du clen:é continua ses séances , el


u


drcssa , avee l'autorisatioll clu Roi, plusicurs ca-
nons, el un serment qui deva it t~tre exigé 110n-
seulement des ecclésiastiques , mais méme d'un
granel nombre ele lúes.


" Ql1'eSl-Ce qu i vous trouble? lui demanda-t-il - (;e
« qui me trouble , répondill'autre, trouble, je crois, beau-
« COllp d'Iionnétcs gens; dans un temps de confusion comrne
« le n¡)lre, jc suis désolé de voir dissoudre si imprudemmen t
« un pa rlenient si sage et qui pouvait senl y porten·ell1('de.
" - Tout cela est bon, reprit NI. S1. .J ohn, avec que lque
« vivacité , av.mt (JlIe les che-es aillent m ieux , il faut
" qu'elles aillent encare plus mal, et ce parlement n'aurait
" jamais fait ce qu'il Iaut faire. » -1! est vrai , ajou te C!;¡-
rendon , qu'il n';¡ur;lit jamais útil ce que jugeaicnt néces-
saire I\I. Sto ·Jo1m el ses arnis. (liisloire de la Hcbcllion ,
10m. 1, pago 210.) (Note de ['i';ditcur.)




DU LONG PARLEMENT. 123


Quelle qne pút étre , dans leur ignorance des
lois, I'opinion des rnernhres de la convocation sur
la continun tion de [eu r session, elle fut regardée
comme tout-ú-Iait iUégale, commc on put le
voir par les actos du parlemcnt suivant , et les dis-
cou rs des j urisconsultes ql1i en faisaieut partie.


Ainsi dans le mois de uo verubt-e, M. Bagsl1aw s'é-
levant centre les canons dressés par la convoca tion,
prouva (lue les evéques et le clergé étaient alors
en état de prcemunire (1). Lord Digby soutint ,
daus le méme temps, que leur convocatíon n'était
autre chose qu'un nouveau syuode rapiécé sur un


(1) Les Auglais appclaient anciennement praimururc ce
genre d'offense envers le gouvernement du Roi, qui consiste
a inlrodnire dans le pays une puissance étrangere et acréer
imperium in imperio en accordaut aux ordres du Pape
l'obéissance qui n'appartient conslitutionnelIernent qu'au
Roi seu1. Ce d(~lit a pris son nom de la corruption des pre-
micrs mots du wri! on mandat quí sornme le préveuu de
cornpara itre pour ]'{:pondre a I'accusation ( prarrnonerifa-:
cias, etc. ) Les cas de pramumirc, bornes d'abord a celui
q u'nn vien t d 'indiquer , sont devenus beaucoup plus nom-
breux dcpuis le r(?gne de Henri VIU, et 011 cornprcud
maiutenant SOllS ce n orn des délits q ui u'ont aucun rapport
avec la soumission il !'alltorité du Pape, comme d';dTinner
mccharn m cn t et ñ dcssciu (lile les dellx cham hrcs pusscdcnt
l'autorité lésislatiye sa ns le cancanrs du Roi, cl'envoycr
un sujet allgbis prisonniur au del!! des rncrs, etc. (Commcn-
taires de Blackstone , 10m. 4, lib. 4, c. 8. )


(,Yole de rEdiie!!r. ;




1.24 HISTOIHE


ancíen conventicule. Plusieurs autres juriscon-
sultes déhattirent cette question a l'occasion des
canons ; si bien qu'au moís de décembre suivaut ,
némine contradicente -' la chambre des com--
rnunes décida que ces canons étaient contraires
aux lois fondamentales du royaume, a la pro-
priété et a la liberté des sujets, et en avril sui-
vant 1641, tombant de nouveau sur la convo-
cation pour ses canons et autres méfaits , on con-
damna la chamhre de convocation apayer au Roi
200,000 liv. d'amende, sur lesquelles l'arche-
véque de Cantorhéry était taxé a 20,000 liv.,
I'archevéque d'York a10,000, l'év(~que de Chester
a 3000, et les autres acompléter la sorn me pro-
portionnel.lement a leurs moyens respectifs.


n est certain que cette convocation n'était,
pour le Roi, d'aucun avantage réel, si ce n'est
qu'elle lui donnait les moyens et l'occasion de
tirer du clergé les somrnes dont il avait besoin
pour soutenir la guerre qu'il veua it d'cutrc-
prendre centre les Écossais.


Le Roi devait se trouver en eífet , alors, dans
de grandes extrémités, ayant asoute nir une gucrre
si coúteuse , sans le secours du parlerneut.


Les moyens auxquels il cut recours , pou!' y
suppléer , furent d'abord de faire contribuer le
clergé, aqui cette guerre déplaisait moins qu'aux
lales.


On fit des collectcs parrni les papistes ; les




UD LONG PARLE:.'IIENT. Ca5


writs pour le paiement de la taxe des vaisseaux
rlevinrent plus nornbreux quc jamais, On cssaya
de faire, sur la cité de Londres, des emprunts
considérables, et les plus riches citoyens eurent
ordre, a cet effet , d'enregistrer leurs noms a la
chambre du conseil. Mais ces moyens ne se trou-
vant pas suffisans, on eut recours ad'autres encore
moins usités. On saisit a la Tour 1'01' et l'argent
en lingots. Lord Cottington acheta, pour l'usage
du Roi, une grosse partie de poivre qui se reven-
dit ensuite ahas prix, cte.


On délibéra aussi de frapper pour 400,000 Iiv,
de monuaie de has alni , alléguant que la reine
Élisaheth avait employé ce moyen pour soutenir
la guerre d'Irlande; mais les marchands ayant
représenté les inconvéniens de cette mesure, le
Roí y renonl{a.


Lorsque les Écossais apprirent la dissolution
du parlernent d'Angleterre, ils jugerent qu'il était
tern ps de pourvoir a lenr propre súrcté ; len!'
commerce était cntrnvé : ils se voyaient appauvris
par la perte de plusienrs vaisseaux qu'on leur
avait enlevés en d ivers lieux; ils résolurent done
d'cntrer en Al1gleterre , l'épéc dans une main et
une péíition dans l'autre, et d'adresser en méme
ternps, au peuple é1nglais, deux remontrances
trés-étendues pour luí Glire connaitre Iours inten-
rions envers la nation , et les motifs de leur inva-




120 IlISTOIHE


sion , On peut voir ces pieces au long dans leurs
écrits imprimés.


Le Roi, ini()l'Jllé des projets des Écossais, en-
vaya une floUe ponr inquiéter les cotes d'Écosse,
et une arméc de terre s'assemhla ~I York, com-
manclée par le comte de Straffonl, en sa qua-
lité de présic1cnt dUDorel. Au moment de la levée
de cette armée, le camte de Northumberland en
avait élé nommé généro.lissi:llc; ruais sa santé ne
lui permit pas alors de s'y rcndrc.


On avait fait passer de granrls rnag;¡sins de
mnnitions a IIull, Newcastle et Rerwick, el le
eh¡lteau d'Édimbourg était confié aItivcn, homme
tres-ferme dans le par-ti du Hoi.


Mais ce fut une chose surprenante a voir dans
eette expédition de l'armée du Iloi contre le Nord,
que l'aversion dont, en divers lieux, les soldats se
montrerent pénétrés pour une pareille guerreo


Les chefs et gentilshornmes de haut rang s'abs-
tenaient , par pure obéissance ponr le Hoi, de
discours cr-itiques sur les motifs el Ies consé-
quences de la guerre; mais les soldats ne mon-
traient aueune eonfiance, el clemandaient, avee
des signes de mutinerie, « si Ieurs oíficiers étaieot
« ou non des papistes, » En plusieurs endroits,
ils ne consentirent a s'apaiser qu'apres leur
avoir vu recevoir la eommunion. lIs exercerent
des violences sur plusieurs de leurs chefs, et en




DU LONG PAH.LEl\lE~T.
, '1 . 1tuercut mente que qUCS-UIlS, exprunant avcc Wi'-


dicsse leu r aut.i pathic pour la cause qu'ils ser-
vaieut , au granel élonJlcllJcllt ele plusieurs qui
no pouvaient coucevcir que le peuple se ruoutrát
si sensible aux intcréts elu pays et de la reiigion,
quand les lorels et les gentilshommes semblaient
ne pas l'et1'c (1).


De cette répugnance des soldats anglais, il
resulta que la gllcr1'e ne fut pas si arden te, ni
si funeste aux deux nations , qu'elle aurait pu
I'étre autrcruent. I1 y cut au commencernent un


(1) Ce ne Iut [las seulement a l'armée et par:!Ji les solda ls
flue l'esprit puhlic cOlllmens;a des-Ion a se manifester par
des violences. Plusieurs émellles (:cLttercnt a Londres. Le 9
mai, entre aul.res , un placan! aíliché a la vieille Bourse
exhorta les apprentis de la Cité a se soulever et a venir at-
taquer l'urchcvúquu Laud dans son palais de Lambeth. Ils
y vinrent , en eífet , au nombre de plusieurs milliers selon
Claren¡]on, et de ciIHI cents sclon Whitelocke, criant qu'ils
voulaíen t mettre I'o rchcvéque en pieces, Laud, averti a
temps, avait pourvu a sa s[[relé ; mais l'alarme Cut telle qu'il
alla loger pendant que lques jours aVVhitehal1. Un des chefs
de celte émeute fut pendu comme coupahle de haute trahi-
son pour avoir tenté de faire la guerre au Roi. Rien n'indi-
(Iua, dit Clarendon, que eette .candaleuse insurrection
eút été excitée par quele¡ue homme considéraLle; mais plus
tard les cliefs du pa rti presbylérien en lnucrent hautement
l'intention el les autcurs, (Histoire de la Rebellion, tomo 1,
pago 246. M¿moires de 'Whitelocke, pago 33. )


(lYote de l'Editeur.)




HISTüIRE
peu de sang versé, mais tres-peu , a Newburne,
ville éloignée ele cinq milles de Neweastle, ou une
partie ele l'armée anglaise s'était eampée ponr
couper le passage aux Eeossais qui marchaient
vers Newcastle.


Plusieurs des soldats anala is ahandonnerent
leurs ehefs et prirent la fuite plus prompternent
que cette nation n'a coutume de le faircá la
guerreo Ccpendant la cavalerie anglaise tint
ferme, et chargea les Éeossais avec heaucoup de
eourage et de résolution , mais sans succes a
cause de l'infériorité du nombre.


Aueune des relations anglaise ou écossaise n'a
rapporté le no mhre des hommes tués dans cette
esearmouehe; mais il es! certain qu'il fut pea
considérable.


Les Ecossais firent prisonniers trois arelens et
braves ofliciers de l'armée anglaise, le colonel
Wilrnot , sir John Digby et Oneal , dont les dcux
derniers étaient papistes , et tous deux capitaiues
de cavalcric,


Ce comhat ouvrit aux Ecossais les portes de
la riche ville ele Neweastle, et, peu de jours arres,
ils mirent dans Dllrham une garnison sous les
ordres du comte de Dumferlíng , et , s'étant em-
parés du fort de l\eweastle sur la Tille, i15 Y
prirent quelques vaisseaux qui venaieut d'arr-ivcr
chargés de blé pour Í'armée du Roi.


n y eut aussi dans le mérne temps un peu de




DU LONG PARLEMENT. 129
sang répandu devant la petite ville de Dunsian
en Ecosse , La garnison 311glaisede Berwick, ayant
appris quil s'y trouvait quelques rnunitions , en-
voya un détachement pour l'attaqucr; mais les
Anglais la trouverent mieux fortiJiée qu'ils ne s'y
étaient attemlus, et furent repoussés avcc (luel-
quc perle; puis, apprenant que les Ecossa is mar-
chaient contre eux a vec des forces supérieures,
commanrlécs par le lord Haddington, qui périt en-
suite malheurousement a Douglas par une ex-
plosion , ils retournerent aBerwick.


Pendaut qne tout ccci se passait, le Roi avait
sornrné, par une proclamation , tous les gentils-
hommcs anglais de venir, avec leurs troupes et
leurs vassaux , le joimlre aYork le 20 seplern-
bre pour ma rcher con I re les Eeossa is. Du rant
son séjour dans cettc ville, il recut une humble
pétition des Eeossais, contenant I'assurancc de
Ieur íidél ité envers Iui et (le l'innoeenee de leurs
intentions a régarcl de l'Angletcrre.


Mais Íeurs cxpressious étaieut si générales, que
le Roí, en répondant a u co mte de Lanerk., seeré-
tai re d'Élat en Eeosse, leur ordonna de spécifier
lenrs demandes; tandis que les Eeossais se pré-
paraient ~l le ía ire , il plut a Bien de taucher le
ceeur de pl nsieu rs sei¡';llclll'S allg!ai s , Cjuí, dépla-
rant le ma lheur et la hontc ou cettc fatale ean-
duité du Roí allaít jeter l'Angleterre, luí adres-


l. 9




15o IIISTOIRE


sercnt une humhle lettre , pour lui représenter
la triste condition du royaume, les maux qui de-
vaient accompagner cette odieuse guerre, le dan-
gel' de sa personne , la ruine de ses revenus, l'op-
pression de ses sujets et les rapines que commet-
tait l'armée qu'il venait de lever; ils se plaigni-
rent de ce que des commandemens avaient été
confiés a des papistes , aqui les lois ne permet-
taient pas d'avoir des armes dans leur propre
maison; ils exposérent au Roí les désastres qu'au-
rait asouffrir le pays, si, comme on I'assurait , il
y faisait venir des troupes irlandaises et étran-
gel'es; ils récla merent contre la levée de la taxe
des vaisseaux , contre cette multitude de mono-
poles et autres concessions d'ou naissaient, ponr
le peuple entier, tant de souílrauces. Enfin, ils
insisterent sur le principal grief des sujets , la
longue suspension des parlernens , et la dissolu-
tion, non - seulernent du dernier , mais de tous
ceux qu i avaient été convoques précédemment et
qu'on avait a insi ern péchés de faire aucun bien.
Pour remédier a tous ces maux et détourner a
l'avenir tout dangel' tant de la personne du Roi
que de l'État, ils le priaient de vouloir bien con-
voquer sans délai un parlement qui pút faire
cesser les causes des calamités publiques, et en
punir convenablement les auteurs ; ils deman-
daient enfin que la guerre fút terminée sanS corn-




DU LONG PARLE:UENT. 131
bat, de maniere aconcilier I'honneur et la súreté
du 1\oi avec le bien du peuple, et dans le des-
sein de réunir les deux royaumes eontre les enne-
mis eommuns de la religion réformée. Cette péti-
tion était signée par vingt comtes et harons.


Le Roi, en reeevant ce message des pairs d'An-
gleterre, ordonna, par proclamation, que tous les
Iords eussent a se réunir a York le 24 septem-
bre, et la illeur déclara que, de sa libre volonté,
il avait résolu de convoquer en Angleterre un
parlement qui pút siéger sans retard, prenant
seulementle temps nécessaire pour I'érnission des
writs de eonvoeation. L'époque de la réunion du
parlement fut fixée au 3 novembre 1640.


Mais le Roi voulut d'abord consulter les lords
sur la réponse qu'il devait faire aux demandes
des Eeossais, et les moyens de traiter honora-
hlement avee des gens qui avaient si audacieu-
sement envahi l'Angleterre.


Pour leur :f:1.il'e bien connaitre l'état des rela-
tions des deux pays, il ordonna au eomte de
Traquaire, qui avait été son cornrnissaire en
Ecosse, de rapporter exactement tout ce qui
s'était passé depuis l'origine des débats,


Il désira aussi que les lords lui indiquassent
comment il pourrait payer son armée avant la
levéedes subsides qu'il attendait du prochain
parlement.





l!b HISTOlRn


Apres heaucoup de d iscussions sur ce (luí con-
venait a l'honneur et aux intéréts du Roi, il fut
enfin convenu et arrété, par la rnajorité des pairs,
qu'on choisirait seize lords pour négocier avec
les Ecossais, et s'entendre ave e eux sur les con-
ditions du traité.


Les corntes de Bedford, d'Essex , de Hertforcl,
de Salisbury, de 'Varwick, Ilolland, Bristol et
Berkslrire , et les barons \Vharton, P<Jget,Kimbol-
ton, Brook , Paulet, Howard, Saville et Duns-
more, furent nomrnés a cet effet.


On demanda aux Ecossais d'envoyer le mérne
nombre de négociateurs avec des pleins-pouvnirs ,
et on lcur donna les sauf-conduits les plus arnples.


Quancl les discussions de ces commissaires
vinrent acornmeneer, le comte de Bristol porta en
général la parole ponr les Anglais, et le eomte
de Lowclen pour les Ecossais.


Apres beauccup de demandes et d'explications
réciproques , sur des rnatieres ou 1'on vint aisc-
ment a hout de s'entendre , il se rencontra un
point ou iI semhlait bien diffícile que les pairs
anglais pussent céder. Les Ecossais dernanderent
(Iue leur arrnée fút payée par les AngIais, dont
les propres troupes étaient en gmndc détresse
fante de solde.


Cependant ces honnétes seigneurs , pénétrés
de tout le rnaIheur de cette guerre, résolurent




nn LONG PARLDIE~T. 1";'";
d'y mettre un terme a tout prix, et en consé-
'luence on ai-réta les articles suivans (1) :


r>. Une tréve de deux mois jusqu'au 16 de-
cembre;


2°. Le payement de 850 livres par jour aux:
Écossais durant la tréve ;


5°. Si cette sornrne n'était pas payée, les Écos-
sais étaient autorisés a la lever sur les comtés de
Northumbcrland, Cumberland, Westmoreland
et Durham;


4°. Les Écossais clevaient prendre dans ces
comtés leurs quartiers d'hiver ;


5°. Point de nouveaux préparatifs de guerre ;
6°. Les offenses privées ne fcraient point rorn-


pre la tréve , et de part et rl'autre on en donnerait
satisfaction ;


7°. Les marchands trafiqueraient librement ,
et sans beso in de sauf-conduits, dans les deux:
royaumes; mais les soldats ne ponrraient quitter-
leurs quartiers sans autor isation,


A ces conrl itions , et bien r¡~e les armées ne
fussent pas encere licenciécs, cctte fatale gucrre
fut conduite pres de son terme , el les deux na-
tions coucurent la pleine confiance qu'une paix
solicle en devait résulter, Tout devait, en effet,
étre débattn dans le parlement britannique qui


(1) 'Ce traité fut conclu 11 Rippon. (Note de rÉdit.)




154 llISTOIRE
allait s'ouvrir sous quinze jours, et il était hien
prohable qu'un parlement extirperait toutes les
causes d'une guerre quí n'eút jamais commencé,
si un parlement eút été réuni. Le peuple espé-
rait aussi que ce parlement jouirait de toutes les
libertés assurées a ces assemhlées par les lois fon-
damentales et la constitution du royaume, et dont
ell es avaient été si long-temps privées. Le Roi se
voyait enfin forcé de le convoquer; c'était la
seule route OU ii pút marcher déscrrnais , apres
en avoir malheureusement essayé tant d'autres ,
et le peuple, qu'i l n'eüt pas été sur apres tant de
souffrances de provoquer plus long-temps, avait
placé la son dernier espoir.


J'en ai déjá dit assez pour mettre le lecteur
judicieux aportée d'entrevoir quel était alors le
triste état de l'Angleterre, combien le remede
était ala fois urgentet difficile, et quelle sagesse,
quelle prudence le Roi et le peuple avaient he-
soin d'apporter dans les relations ou ils allaient
entrer.


Pour répandre encore plus de jour sur les évé-
nemens , et voulant dans ce simple récit laisser
parler les faits et les hommes sans y trap ajouter
du mien, je .ferai connaitre quelques - uns des
discours prononcés al'ouverture de ce parlement,
par des hommes de sens et de modération, qui
s'efforcerent, autant qu'ils le purent, de mé-




DU LONG PARLEMENT. 155


nager le Roi et de ne point le hlesser dans son
honneur.


Les courtisans eux-mémes ( comme on peut le
voir dans un écrit sincere trouvé dans le cabinet
du Roi) commencaient apartager l'opinion du
parlement et du peuple sur l'état 011 se trouvaient
le parlement el le royaume, lorsque ce parlernent
tant désiré fut eufiu réuni.




156 HISTOlH.E


CHAPITRE VII.


Ouoerture du parlement d'Allgleterre. Examen
des griefs. Les délinquans soru. reclierchés,
L"'archevéque de Cantorbh;r est envoy é á la
Tour. Fuite da secrétaire el)État Wirulebanlí:.7
el du lord-chancelier Finc/i.


Le parlement s'ouvrit le 3 novembre 1640 (1).
Le Roí y p1'ononc;a un discours tres-bon et tres-
ag1'éable aux deux chambres, qui ne prétendaient
pas ohtenir de lui un aveu des erreurs passées ,
capahle de nuire a sa dignité personnelle, mais


(1) Qnelques personnes voulurent eng~ger I'archevéque
Laud a Iaire retarder de denx ou trois jours I'ouverture du
Long-Parlement. Le 3 novcm lne était, disail-on ,un jour
de mauvnis augure; Ic parlemcnt, réuni ee móm c jOllr dans
la vinglieme année du rcgne de lIenri VIII, avait COI11-
mencé par la chute dn cardinal 'Yolsey, et fini p<1r la des-
tmetion des aLbayes ; mais l'archevéque ne fit aucune at-
te ntion a ces vains présages, (~ldmoires de vVhite1ocke,
pago 35,) La cérémonie méme de l'ouverture dn parlement
fut triste el pen solennelle; le Roi ne se rendit point a
VVestminster par terre et avec la pompe accou tumée ; il
arriva pres([ue sans suite , et dans sa hanjlle, jusqu'au Las
de l'escalier, et alla a l'église comme il cút fait au sortir
d'une séance d'ajollrnement. (Clarenclon, Histoire de la
Rébellion, tom , 2. , pago l.) i Notc de l' Editeur. )




DU LONG PAnLE~lEI'\T,


d8siraient sculement qu'il leur accordát a l'a-
venir son affection (1).


Elles entenrlirent avec beaucoup de joie les
gracieuses paro les par lesquelles le Hoi les assu-
ra it : ( qu'i l s'ahanclonnait librement et sans ré-
« serve ~l I'affcction de ses sujets cl'Angleterre;
( les priant d'exarniner les moyells les plus pro-
C( pres aassurer la tranqu il lité ele ce royaumc ,
( et a satislaire , dans cette vue , a leurs justes


(1) "Aux électiolls qui ameuerent ce parlernent, [a cour ne
néSligea rien , dit Vvhitelocke, pOU!' faire nommer ses ami" ;
mais ceux qui avaieut la favcur de la cour ne jouissaiellt
dans le ¡¡;IYs tI'auclllle eslime; et ce ne fllt pas une chose
pea étrangeque de voir a vec quell e vivacité les citoyens
repoussaieut tout e prélention, tout candidat, q ui paraissaient
a voir q uelque rapport avec la COUl', Aussi tres-peu d'!Jommes
de ce parti furent-ils élus mcmbres de ce parlement. " (lW¿·
moires d.e Whitelocke, pago 35. ) L'inHuence du gOllverne-
ment sur ces élections fut si faible, que le Roi ne pul pas
mell1e faire élirc sir Thomas Gardiner, qu'il c1ésirait avoir
ponr oratcur de la chambre des corum unes , quoiqu'on
I'eút présenté cornme cnn didat en trois eudroits difléreus,
Ce qui para itra bizarre, c'ext ([ue le Roi ue fut informé du
rnauvais suecos de cette tentative ,que le malin m émo (ju
jour o ir le parlement dcvait souvrir , Dans la nécessité (le
prendre brusqucm ent un parti sur le choix cl'un oraleur, on
jeta le:; yeux sur 1\1. Lenthall, dout Ie parti rlu PLlJi cspérait
au moins l'imparlialit,:. Ce fut a grand'peine qu'on le
d étermina :1 se laisser portel' il cette charge , et iI ne tarda
pas a se donncr complriterue n t au partí dominant. t Hist .
de la llcb, , tom. :2 , pagc "1,,;' i Not, de rEdit.)




138 HI5TOIHE
l( doléances : dessein auquel iI était déterminé a
« concourir si sincerement que le monde con-
« naitrait l'intention 011 il était de rendre le
« royaume glorieux et florissant. C'était a eux
« que, Iihrement et de sa propre volonté, il re-
« mettait le soin de voir par oü cornmencer. »


II leur demanda aussi de mettre de coté toute
espece de soupc;ons et de méfianecs, et promit de
sa part d'en faire autant; en méme temps pour
colorer la derniere guerre, et justifier ou excu-
ser la conduite de cette affaire, il se montra tres-
blessé de I'audace qu'avaient eue les Ecossais
d'entrer contre sa volonté en Angleterre avec une
armée; il les qualifia de rebeIles, et ajouta qu'iI
allait de son honneur et de celui de l'Angleterre
de les expulser,


Dans son second discours, lu deux jours
apres , il dit encere : « Je vous ai dit que les re-
« belles devaient étre chassés de l' Angleterre ;
« dans la vérité, je dois les nommer ainsi, tant
« qu'ils nous envahiront amain armée, hienque
(( je sois en négociation avec eux, et que, dans un
{( édit seellé de mon granel sceau , je les appelle
(( mes sujets, cal' ils le sont en e1fet. )J


Pour rendre moins déplaisante eette demande
de les faire sortir d' Angleterre, le Roi dit qu'il
y éta it poussé par la considération de ce (lue de-
vaieut souffi-ir de leur présence ses sujets du 1101'd
de l'Angletcrrc.




DU LONG PARLE\\IENT. 159


Tout cela fut exposé plus en détail dans un long
discours du lord Finch, qui donna aussi acon-
naitre que la résolution prise par le Roi de con-
voquer un parlement avait précédé la pétition
des lords aYork.


Bien que les deux chambres du Parlement
rendissent graces au Roi de sa bonté, cependant
on verra, par les détails suivans, qu'elles ne con-
sic1éraient pas du mérne oeil que lui la propo-
sitien de chasser les Ecossais; cal', enviren une
semaine apres , la chambre des communes 01'-
donna que les deux armées recussent la somme
de 100,000 Iiv. levées proportionnellement sur
tous les comtés de l'Angleterre, excepté sur
les comtés du nord qui avaient la charge de leur
séjour. Il fut ordonné que, jusqu'á la levée de la
somme, elle scrait empruntée a intéréts.


Les commissaires écossais eurent la permis-
sion de venir exposer leurs doléances et discuter
leurs affaires aLondres, ou ils arriverent en effet
le J9 du méme mois; cal' I'accommodernent n'était
pas encore Iini , mais toujours en négociation,
et les conférences, comme le dit le Roí dans son
discours , furent seulement transportées de Hip-
pon aLondres.


Avallt que le parlement pút proceder aI'irn-
portante cure qu'on attendait de lui, il avait be-
soin de quelque temps ponr rechercher et met-
tre au jour les pluies qn'il avait ¡\ guérir. C'est




140 HISTom E


ce que firent, en d'élégans et judicieux discours ,
plusieurs membres des deux chambres.


Le 9 novernbre , lendemain du jour OU la
chambre des communes avait été constituée (1),
M. Grimston, sir Benjamin Rudyard, M. Pym


(1) Voiei quelle était la composition de ce fameux parle-
ment de 1640, et quelles vicissitudes elle essuya pendant sa
d urée ; ce resume nous parait propre a intéresser nos lec-
teurs.


t ", Chambre des Pairs.


A I'ouverture du parlernent , la chambra des pairo était
composée de cent cinquante membres , savoir :


Un duc;
Un mare¡uis;
Soixante-trois comtes;
Cine¡ vicorntes ,
Cinquante-quatre barons ;
Deux archevéques ;
Et vingt-quatre éveques.
De 1640 a 1642, c'est-a-dire entre l'onverture du parle-


ment et I'explosion de la guerre civile , Charles ¡er crea
douze pairs ; de sorte q u'a cetto dernicro (:porlue, la charn-
bre despairs était composée de cent soixanle-deux mem-
bres.


De ce nombre, soixante-onze pairs Iaíques , et tous les
pairs ccclésiastiques , en tout q uatre -vingt-dix -sepl pairs,
prirent partí pour le Roi, apres I'explosion de la guerre
civile.


De 1642 a 1649, époque de sa mort , Charles le' crea
vingt-deux pairs ; mais ils ne prirent séance dans la charnbre
qu'apres la restanration.




DU LONG PARLEMENT. 14 1
et M. Bagshaw fircnt l'énumération et le ta-
bleau des abus relatifs a la religion et des norn-


2°. Cl.ambre des -Commullcs.
La chambre des cornrnunes était eomposée de einq eenta


seize mernbres , savoir :
Qllall'e.,-ingt.huit députés de eomté.
Qllatre ce nt vingt-quatre députés de villes , cités , bourg5


et ports.
Quatre d¡:putés des universités d'Oxford et de Cambridge.
Sur ce nombre, les élections annulées, les éliminations ,


les dédarations d'incapaeité , les déces , etc. , donnerent lieu
de [6':0 a -¡(i50, a trois cent cinquante réélections, sans
<:omp~er un granel nombre de places qui derneurerent va-
cantes.


Parmi les 856 membres qui passcrcnt ainsi successive-
ment , soit des I'origiue , soit plus tard , et cornme élus il des
v\aces vacantes, daus la chambre des communes,


237 signerent le covenant,
180 abandonnerent le parlement i\ diverses époques , re-


joignirent le Roi el siégerent dans la convention ou
anti-parlement d'Oxforel. Parrni eux se trouvaient
plusieurs de ceux flui avaient signé le covenant.


139 furent exclus de la chambre a diverses époflues, par
la faction dominante ou par i'armée, sans compter
ceux qui Iurent déclarés indignes et déchus , parce
q u'rls étaient allés rejoind re le Roi.


Un granel nombre de mernbres s'abstinrenl. de siéger et
se retirerent chez eux sans prendre parti ; de sorl e {[U'ir da-
ter de 1643, la chambre des comrnunes fut en génúal assez
peu nombreuse , el alla se réduisant de jour en jour.


(Voy. l'Histoire Parlcmentaire oii sont contenus les la-
hlenux dont le dépollillcment. no us a fonrni ces resultats ,
t. ~, 1:01.'9 [ - :-".;l- ) ( YOfo rf' rrditeul'. )




142 HIS'l'OIRE


hreuses violations des lois et des libertés qui
avaient en Iieu durant les années précédentes.
Sir John Clotworthy, du Devonshire, étahli en 11'-
lande, exposa, fort au désavantage de lorel Straf-
ford , les injustices dont ce pays avait été vic-
time.


Plusieurs gentilshommes de haut rang parle-
rent les jours suivans dans le mérne sens , sans
que jamais, au milieu de leurs plaintes , le Roi
se trouvát nommé qu'avec respect. L'expression
de leur mécontentement sur les griefs dont iIs
se plaignaient était toujours melée de remerci-
mens pour l'espérance qui lea:r était donnée d'en
obtenir le redressement.


Leurs remercimens étaient toujours adressés
au Roi, et les torts rejetés sur ses ministres. Le
leeteur pourra voir un parfait exemple elu ton
de ces discours dans celui de sir Benjamin Rud-
yard (1), le second qui fut prononeé a la cham-
hre ; il fait connaitre quels étaient les griefs dont
on se pIaignait, et de quelle maniere on avait
soin , dans ces plaintes, de ménager le Roi. L'au-
teur de ce discours était un homme plein de re-
ligion, de seience et de jugement, cujus erant


(1) C'est le méme orateur qui, comme on I'a vu , s'était
félicité, a I'avénement de Charles, de la bonne intelligence
qui allait désormais régner entre le Roi et la nation.


(Note de l'EáúclIr.)




DU LONG PARLEl\IENT. 145
mores qualis facundia. J'insérerai son discours
en entier pour l'intelligence de la situation.


M. L'ORATEUR,


(e Nous sommes assemblés iei pour faire les
affaires de Di~u et celles du Roi, ce qui com-
prend les nótres en notre qualité de chrétiens
et de sujets. Avant tout craignons Dieu, IJOUS en
honorerons mieux ensuite le Roi; cal' si nous
n'avons pas été prosperes dans nos parlemens ,
c'est, je le crains bien, pour lui avoir préféré
d'autres choses, Que la religion soit notre p rimum
qucerite , cal' tout le reste n'est aupres d'elle que
des el coetera, Et cependant nous obtiendrons ce
reste et bien plus promptement et bien plus súre-
ment, si nous donnons aDieu la préséance qui luí
appartient.


« Nous savons tous quels troubles ont été
jetés dans l'Égl ise pour de vaines et misérahles
bagatelles, comment toute I'Église et tout le
royaume ont été en désordre pour le placement
d'une métaphore (1), d'un autel.


(e Nous avons vu des ministres, leurs femmes,
leurs enfans, leurs familles, ruinés contre toute
10i, centre toute conscience, contre toute pitié


(1) L'orateur voulait sans doute parler de la présence
réelle et du sacrifice de la messe, (Note de l'Editeur, )




144 mSTüIRE
de coeur , ponr s'étre élevés eontre les clanses du
dirnanche. Commcnt les hornmes qui ont fait ces
choses , pcnsent - ils qu'i ls seront tra ités Iorsque
le maiLrc de la ma ison y iend ra et lcs trouvera
frappant ainsi ses autres serviteurs?


« De pareilles inventions sont des eriblcs des-
finés ~l séparer les hons ; ce qui est l'occupatiou
du démon.


« C'est ala prédícation qu'ils en vculent ; cal',
selon ce que j'ai appris jusqu'á présent, ces ma-
chinations et autres semblables n'ont éLé em-
ployécs qne contre les prédicatenrs zélés.


« Ils méprisent la parole el ivine, et vouclraient
bien, dit-on, avoir quc1(Iue cliose ele sembiable
a la messe qui ne rnord pas (1), une rc1igioll mu-
selée. Ils voudraient dissiper et énerver la puis-
sanee et l'énergie de la religion , en la réduisaut
a de pompeuses et brillantes formalités, a de
vieilles cérémonies hors d'usage qu'ils remet-
traient a nenf. Telle est prohahlement eette r:cu-
vre louable a laquelIe oil Ira vaille, et qu'a célé-
brée si haut le docteur IIeylin dans ses audaeienx
pamplilets. Tous Icurs faits el gestes sont si me-
lés , si Lrouillés, si compliqués , qu'ou ne peut


(1) Allusion a la maniere dont le prétre OH les fid¡des
avalent , S;lIlS I'cntnmer, la Sainte lIostie. Cliez les protestan5
la Cene est célébrée avec du pain que mangent les fidelos.


(Note de l'Editeur.)




DU LONG PARLEMENT. 145
trouver dans aucun de Icurs procéelés rien de
clair ni ele sincere. Et qu'ils ne elisent pas que
ce sont la les méchans soupl{ons , les malignes in-
terprétations de quelques factieux d'entre nous,
puisqu'un partisan ele Rome s'est van té et félicité,
dans un ouvrage imprimé, de ce que la face de
notre Église commencait achanger, le langage de
notre religion a changer, puisqu'on a publique-
ment écrit (fue si l'on tenait un synode , non inter-
mixtispuritanis , d'ou les puritains fussent exclus ,
nos artieles de Ioi et leur religion seraient bientót
d'accord.


« Ils ont conduilles choses ace point, qu'on.est
admis ainsultcr , sous le nom de puritanisme, toute
notre rcligion, et a soutenir le papisme, a la fa-
veur de quelqnes duretés contre les jésuites.


« Quiconque soumet ses actions a quelque
regle, soit elivine ou humaine, est un puritain.
Quiconque voudra.it étre gouverné par les lois
du Roí, est un puritain.


« Celni qui se refuse a faire ce que d'autres
voudraient exiger de lui , est un puritain. Leur
grande affaire, leur principal moyen, est de re-
présenter tous ceux de la religion comme un parti
suspect dan s le royaume.


« Faisons réflexion aux pernicieux résultats de
cette conduite, aux défections qu'elle 110US a fait
subir d'un coté, aux séparations qu'elle nous
force a souffrir ele l'autre. Quelques-uns, voyant


l. 10




146 lllSl'OLRE
la tendance des choses , se hátent de devenir ou
de se déclarer d'avance papistes , espérant par lá
se rendre plus agréables et plus favorisés (1 ).Cne
grande association cornposée des sujets du Iloi
qui s'efforcent de demeurer dans notre commu-
nion , consic1érant jUSqU'Oll 1'0n est alié déj;\, et
craignantqu'on n'aille encore heaucoup plus Ioin ,
s'est vue contrainte de fuir le pays (2). Qucl(lues-
uns ele ses membres ant cherché d'autres contrécs
habitées; un tres-granel nombre habitent des dé-
serts sauvages, paree que leur pays nc voulait
plus les souffrir. Ceux qui en sont la cause, U'Ol1t-
ils pas jeté un opprohre sur notre gou ver'uement ?


« M. l'orateur, que natre premier soin soit
d'ernpécher la continuation ou le retour d'unc
pareille conduite ; en affermissant notre religion,
nous préviendrons et déjouerons plusieurs com-
plots que tentent maintenant ces mérnes hommes
et quelques autres, Sovez.-en certain, monsieur ,


(r) La fille du comte de Devonshire se fit catholique ;
['archeveque Laud lni demanda les raisons de sa conver-
sion.-" C'est , dit-elle, que JI.' n'aime pas a marcher dans
" la foule.-Que voulez-vous dire? reprit Laud.-Je vois
" ({ue votre grace, et heaucoup cl'autres , se Idtent vcrs
« Rome; j'ai pris les <levans pOllr n'el,'e pas pressée dans
" la foule.» (Note de I'Ji'ditclIr. )


Allmion a l',;migratioll des pllntams (fui allerent
fOllc]cr en Arnériquf.' les colonies de la Nouvelle-Angleterre.


(Vote de rFtlilutr. )




nu LONG PAH.LEl\1ENT 147
la religion est depuis long-temps l'objet de I'ini-
mitié de ceux qui rernplisseut ce royaume de
leurs machinations. C'est un priucipe connu et
confirmé par I'expérience , que ceux qui veulent
introduire dan s l'Église une religion nouvelle
doivent commencer par porter le désorrlre dans
le gouvernement, aíin de pouvoi r travailler a
leurs projets au milieu cl'une eonfusion mainte-
nant bien pres d'entrer chcz nous,


« J'en viens maintenaut , M. l'orateur, plus
particulicroment aux affaires du Roi, qui sont
aproprement parler celles du royaume; cal' l'un
ne peut exister sans l'autre, tant sont intimes les
rapports qui les unissent. Cependant quelques-
UDS ont travaillé violemment et par artifice a
faire naitre entre eux un divoree, ala ruine du
Roi et du royaume.


« n est grand temps, Iorsque les fondations
sont ébranlées, de prendre garde a l'édifice. Il
fauclrait n'avoir ni coeur , ni téte , ni ame, pour
ne pas se sentir érnu dans tout son etre, a la vue
des détresses et des miseres de la république,
pour ne pas s'empresser de toute sa force et de
tout son pouvoir a y porter remede par de légi-
times moycns.


« Le Roi [ui-mémo se trouve de graneles diffi-
cultés; nous ne pourrions, sans un manque de
respect plus qu'inhumain , chercher aen prendre
avantaae sur lui. Tirons-en plutót un avantagc


10.




148 IIISTOIRE
pour lui; profitons-en pour le mieux servir quand
il en a le pI us hesoin, et sans chercher notre
propre bien ailleurs que dans le sien: autrement
HOUS nous reudrions eoupables du erime que nous
condamnons dans les autres,


« Su "'Iajesté s'est remise librement et sans
réserve entre les mains de son parlernent , el i]
n' est, je le présume, personne dans eette eham-
bre qui ne se sente honoré de ce geand dépót ;
rnais si ses affaires ne prospereut pas davantage
entre nos mains qu'entre les mains de ceux qui
les ont conduites jusqu'á ce jour , nous nous ren-
d rons pour toujours indignes d'une si gracieuse
confianee.


« J'ai souvent pensé et dit qu'il n'y avait que
de grandes extrémités qui pussent sauver et guérir
ce royaume, et que lorsqu'on se trouverait dans
ces extrémités , il était bien clouteux si elles se-
ra ient son salut ou sa ruine. Nous sommes main-
tenant, M. I'orateur, sur ce point vertical; il n'est
done plus teulps de pallier, de caresser le mal
qui nous détruit.


« Cherchons le remede, et , pour cela, com-
mcnc;ons par connaitre la maladie, Mais, étu-
d ier les maladies de l'État, c'est, disent quel-
(fues-uns, tracluire le gouvemement devant le
public : cependant cl'autres pensent que, par cela
·'enl , on a déja íait la moitié du chemin vers la
:.:;uerlson.




DU LO~G PAHLEIHENT. 149
(e Sa Majesté est plus sage que ceux qui ron t


conseillée ; il est done impossible qu'elle ne voie
et ne sente pas la perversité, le péril de Ieurs
conseils, qui éclatent plus haut que je ne puis
le dire, Cal' ils sonnent la lugubre et doulourense
agonie de tout le royaume. Sa J\Iajesté sait tres-
bien qui sont ces hommcs. Pour nous, que les
choses nous les fasscnt connaitrc ; que leurs ac-
tions les manifestent.


(( Ce sout des hommes qui parlent lonauement
du ser-vice du Roi; mais qui n'ont rien fait que
pour leur propre service, et ceci est trop évi-
dento


rr Ils exaltent magnifiquement le pouvoir du
Roi; mais ils en ont fait un J'louvoír misérablc
qui ne produit plus que la íaiblesse du Roi et elu
Royaume.


( Us ont épuisé jusqu'au fonel les caisses du
Roi; que dis-je? ils les ont eléfoncées pour a]ler
puiser plus Ioin ,


ce Ils out dépensé follement , sans utilité , a vec
granel péril, dimmenses. sommes d'argent; si
bien que plus el'argent encore , si le Roí ne change
de conseils, ne ferait qu'accélérer sa ruine.


(( Ils ont touj ours et obstinérnent sui vi une
voie pernicieuse : ils commencent par poussel'
toutes choses aUlle extrémíté; ils font ensui te
(le cette extrérnité , qui est leur ouvrage, le mo-
tif de uouveaux acres sept [ois pires (fue les pré-




HIS'fülH.E


cédens; et c'est la qu'en ee moment, nous nous
trouvons réduits.


« Ils ont presque enticrement perverti le plus
sage gouvernement du monde; un gouvernement
qui placait la souveraineté clans un Hoi , et la li-
berté dans les sujets ; constitution dont I'harrno-
nie, soigneusement ménagée, assurc le .honhenr
de l'État, sa richesse, sa durée , son pouvoir.


« Ils ont astucieusemcnt el i'ldigncmeut rejeté
sur le Roi toutes leurs machinations el tons [eurs
projets; ce que n'ont jamais fait les bons el sages
ministres, q ui prennent sur leur cornpte toutes les
choses pénibles ct dures, pour hlire chérir et
laisser briHer le nom de leur maitre.


{( Ils n'ont pas souffert que Sa Majesté parút ,
aux yeux de son peuple, dans l'éclat de sa bonté
naturelle.


C( Ils ont éclipsé le Roi en s'interposant entre
lui el ses sujets. Quoique des corps opaques et
grossiers puissent obscurcir et voiler la Íu rnie re
d u soleil, cependanl le soleil ri'cu conserve pas
moins sa propre splendeur; et lorsque ces corps
sont écartés, toutes les créatures de la terre mar-
chent a la clarté du soleil, et sont réjouies par
ses rayons.


« Mais ils ont inventé aleur proíit une fausse et
superstitieuse maxime (rÍ~[at; disant que si un
Roi souffre qU'OIl Iui ar'rache ses scrvitcurs , i l
n'ohtiendra hieutót de persolllle aucun hon ser-




DU LONG PARLE~'lENT. I5I
vice; tandis qu'au contraire , la vérité est que
c'est la le plus súr moyen de préserver un Roi
des mauvais serviteurs; cal' la parole divine a
dit : éloignez du Iloi les méchans, et son tróne
sera affermi.


(( M. l'orateur, nous voyons mainteuant quelles
sont en général lesplaies, et lorsque HOUS les
examinerons de plus pres , ayons soin d'extirper
jusqu'an coeur du mal; ne nous bornons pas a
une cure légere, Cal' le verán reparaitrait hientót
avec plus de fureur. Pensez a cela; consultez-
vous, et dites votre avis.


« On a soutenu insolemment que le Roi ne
devait jamais appcler un parlement, tant quil
n'avait pas besoin de son peuple, Ce sont la de
méchantes paroles , semences de troubles et de
divisions ; Cal' le Roi doit toujours, et selon les
temps, avoir besoin de la force, du coeur , des
bras et de la bourse de son peuple ; et le peuple
doit. toujours avoir hesoin de la clémence, dela
justice el de la protcction du Roi; et eette réci-
procité forme la plus forte comme la plus douce
unrou.


( On a dit aussi demiérement qu'un parlement
prendrait toujours plus au Roí qu'il ne l ui don-
nerait. On devrait hien plutót dire que la cessa-
tion de tant de gricf.., mettra les sujets en état de
donner bien plus qu'ou nc pent leur prendre par
tout nutre moyen. Les monopoles et les inven-




152 HI8TOlHE


tions illégales ne sont que d'étraits syphons qui
pompent bien peu de sucs. L'échiquier Iui-méme ,
quand il est plein , n'est qu'une citerne, et main-
tenant c'est une citerne desséchéc. Les parle-
mens seuls sont les sources de la richesse du Roí,
et je ne doute pas que dans ce parlement, libres
comme nous le serons dans nos avis, nous ne
soyons d'autant plus lihéraux de notre baurse;
en sorte que Sa Majesté, apprenant par cxpérience
a reconnaitre les bons conseils , étahlira sa gran-
deur sur ses vrais et solides fondemens, el, avec
la hénédiction de Dieu, ne se verra plus jamais
réduitcá de si périlleuses extrémités.


l\Jr l' t ., .. 1" l'« .'.H. ora eur , J avoue que Je vrens ( agll' n une
faljon contraire a ma nature , comme llmes pre-
cédentes habitudes dans cette assemblée; mais
la deplorable condition de l'Église et de l'État
s'est si fortement emparée de mon esprit qu'elle
a surmonté ma disposition. Cepcnelant je ne suis
pas oir sanguinll7n: je ne elésire la perte d'aucun
homme : je remercie Dieu de ce que je ne hais
la personne et n'envie la fortune d'aucun homme;
seulement je souhaite ardcmment une réforme
complete, dans un temps qui l'exige, qui doit
l'obtenir. Je supplie humhlement celte chambre
d'y proceder avec autant de modération et ele
douceur que le permeUra le salut du Roí et du
l'oyaume. »




DU LONG PARLE~lENT. T5:')
Le prernier soin du parlernent ;' autant du


moins qu'au milieu du concours de tant d'irn-
portantes affaires, il put s'occuper a réparer les
pertes et les injustices pacticulicres , fut de faire
rendre justicc aux ínfortunés ministres empri-
sonnés üu destitués par les évéques , et aux autres
perscJl1nes qui avaient été persécutées pour cause
de religíon. Quelqucs semaincs aprcs l'ouvcrture
du parlemcut , plusieurs de ces ministres furent
reláchés , remis en possession de leurs fonctions ,
et leurs oppresseurs condamnés a des dommages
envers eux. Plusieurs docteurs et théologiens qui
s'étaient depuis pcu cm ployés tres - activerncnt
dans l'Églisc a pousser aux inriovations rclatives
aux autels et aux cérémonies, et qui, par con-
séquent , se trouvaient alors en grand crédit au-
pres du gouvernement, furent accusés et envoyés
en prison; ce changement si grand et si subit pa-
rut une cliose merveilleuse, et digne de servir
d'avertissernent a la postérité,


QlIam./;oagz"lz·loco st aren! superbi (1).


Parrni plusieurs exemples de ce gen1'e, le plus
remarquahle fut l'appui que préta le parlement
a trois hornrnes persécutés , le docteur Bastwick ,
médecin, .:\1. Prynne, homme de loi, et M. Bur-
ton, ministre.


1) Comhien est fragile le poste des superbes.




15~ H ISTOIHE
Ces trois hommes avaient été accusés du me me


délit, ou de délits au fond tres-peu difTérens,
comme on en peut juger par leurs écrits (1). In-
capables de se taire daos une cause si impor-
tante, ils avaient écrit centro la forme ele I'épis-
copat en Angleterre, et contrc les inconvéuiens
et extravaganees qui, selon leur opinion, en décou-
laíent nécessairement au préjudicede la pureté
de la religion. Ils avaient été tous trois , pour
eette offense , séverernent censurés par la cour de
haute cornrnissiou , et renfermés en différentes
prisons 011 ils (lemellTerent long-temps, jusqu'á
ce q u'eníin Icur cause fut portee elevant la


(1) La condarnnation de Prynne fut sinon rnotivéc , du
moins provoquée par une odieuse manceuvre. Il avait publié
en 1632 son ouvrage intitulé Histrio-Mastix ; dirigé e~ntre
les spectacles et qui contcnait un chapitre llOrtant flue les
femmes qui [oucn.t la comedie sont des prostiuu'es natoires,
Six sernaines apr(~s la publication de ce livre , la Reine joua
un role daus une pastnral« au clrátcau de Sonuuersct ; le
lendemain de eette représentatiou, quelques pn:Jals dout
Prynne s'étail attiré I'inim il.ir! en écrivant eoutre la juri-
dictian des éveques, mont.rcrent au Roi son dernier onHage,
disant filie Prynne avait eu l'iuleution d'aUar]lwr la Reine.
Le Roi et la Reine n'ordonnerent d'ahor<l aucunc poursuite
centre l ui; mais I'archevéque Lauc1, par l'entremise du doc-
teur Hev liu , le flt traduire, pel! apris , rlov.mt la cliambre
Étoilée, q ui le coud.uuua , pour ses écrils coutre ]'épiseopal,
au r ude chát imcut donL il est ici qucstiou. (1Jlólloircs de
Whitelncl.e , p¡¡ge 18. ) ( Yote de l' Edit. )




(Note de l'Auteur. )


DlJ LONG PARLEMENT. 155
charnhre Étniléo , qui rendit contre eux un fu-
neste arrét (1). Tons trois furent le meme jour
exposés au pilori dans la cour du palais de
Westminster, et eurent les oreilles coupées (2).


(1) Le 30 juin 1637; ceux des 10nl5 ou memhres de la
ehambre Étoilée qlli eurcut le plus de part a eeHe cruelle
sentence, furent sir Tholllas Coventry, lord -garde du
gr'and sceau, et .lit, .Iohn Fiuch , alors grand juge de la cour
des plaids COI111Jluns.


(2) Cette cruelIe exécution excita dans le pcuple I'indi-
gnation la plus vive.M. Ingram, concierge de la prison de
la Flouc , dit Iui-mérne au Roi, qu~ plus ele cent millo per-
souncs s'étaient réunies }Jour voir passer Burton , et }10USSer
des cris de rage contre ses persécnteurs; sa femme le sui-
vait en voiture, et de tous cótés la multitud e lui jetait de
I'argent. Lorsque Prynne fut conduit au, chatean ele Carnar-
von , le shcrif]' tle la partie occidentale du comtéde Chester
alla au-devant de lui avec heaucoup d'autres personnes, le
fil mcurn: che,,; lni , le f,lta , le eléfraya el lui donna des la-
pisserícs ]J0U¡' rncu iilcr sa chamhre en prison : on lui oíh-it
des présens , de l'argeut et toutes sortes de choses, mais il
rcfusa. Le cOll\'age (Iue mouf.rcren t les condamnés au lllO-
ment de l'exécution, redoubla la passiou de leurs partisans.
Le docl.enl" Bastwick, surtout , se montra imperturbable .
" Les granels seiglleurs de la cour, dit-il , ont des jours ou
íls pm'tent au cou JCUri marques d'honneur; cecí est pour
moi un jOUl" semblab!o , et je tuen réjouis. » Triste et na-
turellc analagie! Le mnrquis de l\lontrose, mourant sur un
gibet {Jaur Cbarles Ier , dit trnize ans plus tard , el avec le
JI1(~rne seutiment , h ]11'11 pr;" les rnérnes paroles : « Ce cor-




156 fllSTOIHE
Ce fut,je mele rappellc, pour beaucoup d'hon-


nétes gens qui s'en expliquerent en ce sens , un
spectacle aussi triste qu'étrange, de voir ces trois
personnes de professions ditférentes et eles plus
honorées dans le royaume (1), un eccIésiasLique,
un j urisconsulte et un médecin , soum is le méme
jour a un chátirnent ignominieux, auquel il s
étaient conclamnés par des magistrats protestans,
pour avoir soutenu des pi-incipes professés par
la plupart des protestans en Angleterre, et sou-
tenus par toutes les Églises protestantes de I'Eu-
rope.


don m'honore et me plait davantage que tous ceux que j'ai
resus de mon Roi. 11 L'efl'et que produisirent sur les assistans
les discours de ces malheureux inquiéta Laud lui - mérue ;
il aurait voulu qu'on les fit taire : 11 Concevez-vous , écri"it-
11 il i.t Strafford (28 aoút 1637) , qu'on ait perrnis aPrynne
11 et i.t ses compagnons de dire ce qu'il leur a plu pendant
« qu'ils étaient au pilori? Le peuple les a couverts d'accla-
11 mations, et on a pris note de tout ce qu'ils disaient, et des
« copies de ces notes se sont répandues aussitot dans la cité;
« et lorsqu'ils sout sortis de la viHe pour se rendre chacun
« dans sa prison , on a souffert que des milliers de gens vins-
11 sent sur la route prendre congé d'eux. 11 (Yie de Charle"
I«, par Harris , pago 267') (Note de l'Editeur. )


(1) Clarendon et la plnpart des écrivains royalistes af-
firment que Prynne, Burton et Bastwick étaientdes horruue-,
sans considératiou personnelle et sans talens dans leur pro-
fession, ( Histoiri- de la R(Ibclliotl, tomo 7., pago 54.)


: iVo(c de l'l';dúrllr,




UD LONG PARLEiVlENT. 157


lHais il parut que la chambre Étoilée s'occu-
pait seulement de l'illégalité de la publication ,
et la punissait cornrne une désobéissance aux
autorités d'alors, ~


Ce ne fut que le commencement de leur cIulti-
ment. Ils furent ensuite envoyés dans des parties
reculéesdu royaume, oú on les tint dans une éiroite
réclusion , sans leur accorder nj. encre ni papier,
ni la vue deleurs amis; on ne permit pas méme
~l deux d'entrc eux qui étaient mariés, de voir Ieur
fem/ne; dans les divers déplacemens qu'on leur
11t subir, i ls eurent successivement pour prison
les cháteaux de Launceston , Lancaster , Carnar-
van, et les Hes de Scilly, Gernesey et Jersey.


Ci'Hf jours apres la prerniére séanee du par-
lement, on les envoya chercher tous les trois
dan s les lieux de leur exil; M. Prynne et M. Bur-
ton arriverent a Londres le 28 novembre, ra-
menés par cinq mille personnes, hommes et
femmes, (fui avaient été ~l cheval aleur reneontre
a quelqucs mil/es de la vil1e, et portaient toutes
a leur coiffure des hranches de ramarin et de
laurier en signe de joie et de triomphe. Le doe-
teur Bastwick rey intpeude joursapres de la méme
maniere.


Les opiuions furent tres-diversos sur ce fait :
queleples personnes du clergé et de la cour, ainsi
que plusieurs autres de moindre rang, laissérent
voir cambien elles en étaient choquées ; qunlifiant




HISTOIHE


ce mouvement de tumnlte audacieux , et le regar-
dant comme un aífrout ponr les cours de justice
et l'autorité rovalc. D'autres, pleius de compas-
sion ponr ce qu'avaient souffert ces malheureux,
et désirant une réforme dans la justice crimi-
nol le , virent cet événement ave e plaisír; on espé-
rait qn'il prodnirait nn hon effet sur I'esprit dn
Roí, et lui ferait comprendre l'éloignement
qu'inspiraient a son peuple ces mesnres rigon-
reuses. On y voyait aussi le présage du renver-
sement de la cour de haute cornmission et de la
chambre Éto iJée, présage (fui se vérifia avant que
la moitié de l'année fút acoompl ie,


On ne sait de quollc maniere cct incident agit
alors sur le Roí; mais 011 ne peut toujours at-
tendré un méme succes des aetions de cctte nature ,
par ou le peuple , de son propre mouvcment et
d'une fayon en apparence tnrnultuense , exprime
son approhation OH sa désapprobatioll sur les rna-
tiercs de gOllvernement; selon la disposion du
prince OH de celui qui gouvernc, elles le eon-
duisent aune réforine , on Le portent a la haine
centre cenx qui bláment ses actions; aut cor-
rigunt -' aut irritant.


Un mois apres , l'affaire de ces trois hommes
fut, par ordre dn parlement, renvoyée dans les
comités pour en faire l'examen et le rapport.


D' , .". 1. apres ces rapports presentes en moms (e
deux mois,il fut déclaré , ponl' c.Írar.uu d'eux en




UU LONG PARLE~lE"'T.
particulier, que les jugemens rendus contre eux
étaient illégaux, inj ustes et contraires ala liberlé
des sujets, et un mois apres on Ieur vota des
domrnages en componsation de tout ce qu'i ls
avaient soulI'ert. U fut décidé que ces dommages
leur seraient payés en argent par l'archeYf~(Ine
de Cantorbéry, les hauts commissa ires , et les
lords q ui avaient voté coutre eux dans la charn-
hre Ét.oilée, (Jll'ils seraient rcrnis en possess ion
de leur état, el qu'ils recevraient, M. Burtou
6000 liv., el M. Prynne 5000 liv.; par un vote
particulier, le docteur Bastwick eutaussi la mérne
sornrne (1).


De mórne que ceux-ci recurent de la Conso-
Íation aprcs leurs souITrances, et cornme si ce
début dn parlement eút été en petit une sorte de
,¡ ngement clernier , d'autres théologiens, apres de
courtes jouissances, furent livrés aux tourmens
qu i Ies aUendaient.


On nomma UII comité pour examiner les mi-
nistres scanda leux et ceux qui avaicnt. donllé dans
la supersf.ition, Les preruiers se trouverent de cleux
sortes: les hommes d'une vie reláchée , et les dé-


(1) La ch.un ln-c cassa de mérne le jugement rendu en 1630
contre :U. Alexarulrc Leigbt.oll) condamué , pour un écrit
contre I'cpiscopat , au uiéurc supplice ([He Prvnn c , Rast-
wick el Burton. (Histoirc parlemclltaire., tomo 2, col. )63.)


( Note de l' Erlitcnr, )




160 1I1STOl JIE


bauchés; ils furcnt censures en conséquence ; plu-
sieurs de eette espece avaient obtenu de hons
bénéficcs, et on les soutenait dans la vue de
faire affront aux puritains. Un granel nombre
furent bientót aeeusés, et suecessivement elesti-
tués. Le nombre de eeux qui s'étaient rendus
coupables sur le second chef ne fut pas médio-
crement considérable; et, en effet , i] n'était pas
vraisemblable que la route qui menait aux pre-
miers emplois dút se trouver pen héCfuentée.


Parmi les hommes de son rang, le docteur
Coosens, président d u collége de Saint-Pierre, a
Cambridge, s'était i[lj t surtont remarquer par
ses pratiques superstitieuses. Ce n'élait pas un
homme eonnu par une grande science ; ce n'était
pas non plus un homme scanclaleux dans sa vie ;
mais il apportait beaucoup d'affectation et de
soin dans les eérémonies purement extéricures
de la religion, introduisant des usages (fu'un
état protestant ne pouvait convenahlement sonf-
frir.


Il fut interrogé sur diverses matieres , tantót
isolément, tantót en mérne temps que d'autres ec-
clésiastiques. Il fut emprisonné et obligé ensuite
de donner caution; mais , quoiquc privé de qucl-
fIues hénéfices, iI échappa a tout chátirnent ri-
goureux, et fut au nombre des délinquans qui
dúrent se réjouir de ce que le parlement avait
tant d'afT'aires.




DU LONG PARLE)IENT. 161
Des ecclésiastiques plus considérables que le


docteur Cooscns, parurent alors sur la scene ;
I'évéque Wren était personnellement coupable
des me mes superstitions; mais, en sa qualité de
maaistrat , son délit était hien plus grave, cal'
il pouvait égarer d'autres hornmes. Le 19 dé-
cembre i1 fut accusé de trahison, et contraint
de signer, pour garantie de sa comparution en
justice, une reconnaissance de 30,000 livres,
avec trois cautions engagées chacune pour 10,000
livres.


Ce \'Vren était évéque de Norwich, dioccse
ou se trouvaient autant de ces séveres observa-
teurs de la religion, communément appelés pu-
ritains, que dans aucune autre partie de l'Angle-
terreo Il leur avait imposé des cérémonies su-
persti tieuses , ou qu'ils jugeaient telles, avait
supprimé dans les églises des lectures en usage,
et renvoyé plusieurs ministres chéris et respectés
de leurs paroissiens. Par un incident singulicr ,
ses rigllcurs le reudircnt coupable d'nn crime
bizarre contre la richesse et la prospérité de l'Éta t.
Un granel nombre de négocians (il Y en avait
bcaucoup dans cette contrée) furent tellcment
inquiétés et tourmentés par les vexations de
['évéque de Norwich, qne, pour y échapper, ils
quitterent le royaume. Les uns se rendirent dans
la Nouvelle-Angleterre ou d'autres parties de
l'Amérique, et les autres en Hollande, oü i ls trans-


l. 1 1




flISTOIl\E
portérent leurs manufactures de draps, Non-scu-
lement ce fut une perte réelle , par la diminution
du capital du royaume, mais encere ce com-
merce de draperie qui a été la source de tant de
richesses et el'avantages pour l'Anglcterre, fut
mis par la elans Un véritable elanger, comme on le
voit dans la remontrancc el u parlernent. Des ac-
cusations encore plus positives furent elil'igées
contre cet évéque , et j'aurai occasion el'en par-
ler plus tard en revenant a la procéclure dont il
fut l'objet (1).


Le 18 elécembre, veille du jonr OU I'évéque
Wren fut aeceusé, un homme bien plus impor-
tant dans l'église et dans l'État, \Villiarn Laud,.
archevéque de Cantorbéry, fut déclaré par la
chambre des communes, eoupable de haute tra-
hison; M. Denzil lIollis, mernbre de cette
chambre, fut envoyé a la ehambre des lords


(1) En 1623, W ren avait accompagné Charles, alors prince
de Galles, dans son \oyage en Espagne , en (Jualité de cha-
pelain. A son retour en Angleterre , les éveques Laud , An-
drews et Neile le questionnerent sur ce qu'il avait pu obser-
ver des dispositions du prince a l'égard de ntglise anglicane:
" La science de mon maitre , leur réponrl it-il , est infúienre
« acelle du Roi, son pere , mais son jugement est tres-droit ;
u et !Juant i.t son affection pour la doctrine et la discipline
" de l'Église, j'y compte beaucoup plus que sur celle de son
« pcre qui, vous le savez, s'est montré plus d'une fois faible.
.. et inconstant, » Laud et Neile lui dernaudcrcnt des preu~




DO r.o:..'G PARLDIE:'T. 16:'>
ponr v intenter l'accusation. L'archevéque fut
a ussitót a rrcté ; i1 (:ra ¡! accusé , a insi ([ue le eomte
de Strafford, parles c omm issaires écossais , d'a-
vojr excité la derll¡¿~re guerre entre les deux Ila-
tj ous , Diverscs charges furent dressécs contre luí,
et un comité cut mission de les examiner et de les
pourSlllvrc.


Le 23 février, M. Pym fit á la chamhre des
cornmuncs un rapport sur les erimes odieux ct
c ap itaux imputes á I'archevéque Laud. Un long
déhat s'éleva dans la chambre, et une accusation
de haute trahison, en quatorze articles, fut intentéc
rontre lui ; dcux jours apres la chamhre des com-
m unes I'envoya ~l la cha mbre des lords , par l"en-
tremise de M. Pym.


L'arclievéque comparut devant les lords pou!'
entendre lire cette aceusation, et la ehamhre


ves détaillées de ce fju'il disait; apros une heure de com-er-
sal ion, l'évú¡ue .Audrews , qui avait gardé le silence, dit
lout a conp ; « Bien, doclenr; Dieu veuille qne vous sOJez
« un vrai prophcte dans lout ce <Jlle vous venez de nons an-
« nancer: quant it moi , je suis bien 5111' de J';~lre dans ce
" que je vais dire: vous, mJ lord de Durham (I'évéque N eile) ,
,. et moi , nou s serons alors dans notre tOIIlbca'u ; mais VOW¡
« mvlord de Saint-David (I'évéque Laud) et vous docteur ,
11 vous vivrez assez pour voir le jour ou volre rnaitre sera
" contraint de défenJ re sa couronne et sa téte , amoins qu'il
II ne couscnte 'it abnndonner le parti de l'.Église...


: VOle de l'Edi{eur. '1
1 1 •




164 IIlSTO IRE
vota aussitót sa réc1usion ala Tour; mais sur ses
instances , et par quelques considérations per-
sonnelles, on lui permit de demeurer encore
deux j ours sous la surveillance de l'huissier ala
verge noire , apres quoi il fut envoyé a la Tour,
ou nous le laisserons jusqu'a ce que le cours des
événemens nous ramene ason proceso


Apres une si longue corruption du gouverne-
ment, il devait se rencontrer un grand nombre
de délinquans dans l'ordre civil, aussi bien
qu'en matiere religieuse. J'en nommerai d'abord
un qui parut le premier sur la scene et en dis-
parut presqlle aussitót,


Sir Francis \Vindebank, premier secrétaire
d'État, tres-aimé et favorisé de I'archevéquo de
Cantorbéry, devait acctte amitié, du moins
selon l'opinion publique, la place éminente qu'il
occupait. Le 12 novembre il fut séverernent ill-
tcrrogé sur sa conduite envers les prétres pa-
pistes; depuis sept Oll huit ans qu'il remplissait
ses fonctions, ilen avaitadmis un granel nombre
a caution, et reláché beaucoup d'autres de sa
propre autorité, sans égard aux lois en vi-
gueur. Un comité fut chargé d'cxaminer sa
conduite; il fut prouvé que, dans l'espace de
quatre ans , il avait accordé des lettres de grace a
soixante-quatorze récusans, mis soixante-quatre
prétres condamnés en liberté, et déchargé d'ac-
cusation vinat-neuf prétres par un ordre ver-




DU LONG PARLEMENT. t65
hal (1). Certain qne tont cela tourncrait mal pour
Iui, iljugea prudent de quittcr le pays avant tout
preces, et le 4 décemhre, on annon~a ala charn-
bre que le seerétaire d'État Windehank s'était
enfui avec M. Read, son premier secrétaire ;
hientót apres on sut qu'il était arrivé en Franee ,
oü il résida long-temps.


Vers la mérne époque, la grande affaire de la


(l) Clarendon rapporte un singulier exemple de la pro-
tection qne sir Francis Windebank accordait aux catholi-
queso « Un huissier nommé Newton , dit-il , qui était sur-
« tout employé a arréter les prétres , vint un ¡our trouver
« sir Francis Willdebank dans son jardin, lui disant qu'il
« amenait avec lui un prétre , homme actif et opiniátre ,
ti qu'il avait arrété le matiu , et demandant dans quelle
« prison il devait le conduire. Le secrétaire d'État lui de-
« manda avec colere s'il ne renoncerait done jamais aceHe
" humeur persécutrice; et, l'appelant un dróle , i] prit le
« warrant en vertu duquel l'huissier avait arrété le prétre ,
« et s'en alla sans lui donner aucune direction. L'huissier
« elfrayé s'imagina que le prétre était quelque homme en
.. faveur , et , au líeu de le retenir, le laissa partir en liberté.
" Le prétre rassuré retourna tranquillement chez lui ; mais ,
" deux ou trois jours apres , il fut arrété pour dettes et ern-
« prisonné a ce titre. Au bout de quelques jours, sir Fran-
u cis WindeLank envoya ehercher l'huissier, et lui de-
« manda ce qu'était devenu le prétre qu'illui avait amené
« naguere; l'huissier rripondit qu'il avait cru que l'arresta-
" tion de cet hornrne avait déplu a son Honneur, et qu'en
« conséquence, il ne s'était plus' inquiété de le retenir. Le
« secrétaire d'État lui dit, d'un ton fort irrité, que la libé-




166 H15TUIH.E
taxe des vaisseaux fut débattue dans le parlement ,
et les deux chambres voterent que c'était une taxe
illégale et insupportable. Presque tous les juges
furent déclarés clélinquans a cet égarcl, a cause
des opiníons contraires a la loi qu'ils avaient
émises, comme OH le yerra hientót ave e plus de
détail. Quant ad'autres petites vcxations , comme
une multitude de monopoles sur des denrées de
l'usage le plus familier, la chambre les con-
damnait chaque jour, et le nombre des délin-
(luans censurés pour offenses de ce genre , fut si
considérahle que je ne m'arréterai pas ;t les.
nornmer.


« ration d'un prétre n'était pas une chose simple; fIne s'i]
* ne retrouvait pas prompternent celui-ci , il en répondait
« sur sa vie; que c'était un dróle dangereux el qu'il ne
« fallait pas laisser échapper de la sorteo L'huissier épou-
" vanté de ces menaces , et poussé aussi par son goút na tu-
" re! pour de telles mesures, mit dans ses recherches la
" plus grande activité. JI apprrt cnfin que le prétre était al"
« rété pour dettes. II alla a la prisou et le redemanda comme
" son prisonnier , quí s'était évadé de ses mains. On le lui
« remit en ver tu du premier warranl donl il était porteur,
« et il l'amena aussitót au secrétairc d'EtaL Mais peu de
« jours apres , le prétre fut mis en liberté. Sal! créa ncie r tit
« arréter le geólier a la garde duquel il l'avait remis; el ce-
« Iui-ci mit en cause I'huissier , qui , a son lour, s'adressa a
« la chambre des comrnunes , soutenant (púl n'avait agi
« que par ordre du secrétaire d'Étal. " (IJistoll'c de la 1lé-
bellion , L :2, pago 18.: (Yote de l'Editclll'. "




DU LONG PARLDIENT. 167


La chambre se conduisit en tout ceci avec tant
d'imp<lrtialité que plusieurs de ses membres en
fnrcnt exclus pour ce délit (1).


Mais aucun juge ne fut aussi gravement inculpé
dans le débat de la taxe des vaisseaux, que le lord-
garde-du-sceau Finch , qui s'y était employé avec
une activité prodigieuse; il fut prouvé qu'il avait
mis en usage les promesses et les menaces pour
~orrompre les autres juges.


(1) 11 s'en faut bien que la chambre des communes fit en
ceci preuve d'irnpartialité. Les détails que donne Clarendon,
et dontquelques-unssont confirmes par les journaux mérne de
la chambre, ne permeUent pas de dou ter que le parti do-
minant se servit au contraire de ce pretexte pour opprimer
ses adversaires. « Le comité chargé de vérifier les élections ,
« dit-jl , prit grand soin d'écarter les mernhres dont les opio
.. nions étaient suspectes , et aucune regle de justice ne
« fut observée dans ce travai1. Les chefs du partí disaient
" mérne souvent entre eux que, dans toutes les questions
l< d'élection, il fallait se décider par le merite ou l'indi-
l< gnité de l'élu , sans s'inquiéter de savoir quelle avait été
" l'intention des clcctours. Ainsi un hornme était adrnis d'a-
« pres le méme principe qui faisait annuler l'élection d'un
" nutre. On déelara que, quelles que fussent la légaiité et la ré-
« gularité de l'élection, nul ne siégerait dans la chambre, s'il
" avait concouru 011 pris part a quelque monopole , ou s'il
l< avait été employé dans quelque commission illégale. Par
" Ce mayen on éearta plusiellrs gentilshommes considé-
« rables , a la place desquels on en fit élire de mieux dis-
r- poses pour leparti; mais, en cela mérne, aueune regle fixlt




168 rusroi RE
En 1636, lorsque cette taxe des vaisseaux fut


inventée et mise en pratique poul' la prerniére
fois, sir John Finch avait été nomrné récemment
lord-grand-juge a la cour des plaids-communs.
D'abord procureul' fondéde la reine, il jouissait
de la faveur du Iloi et de celle de plusieurs sei-
gneurs puissans a la cour. C'était un homme de
bonne famille, d'un caractére impérieux et hau-
1ain, éloquent, bien que peu versé dans la science
des lois (1).


En déeembre 1659, a la mort du lord-garde-
du-seeau Coventry , iI plut au roi de eonférer a
sir John Finch eette eharge importante, et iI en
était revétu a l'époquc dont nous parlons.


« ne fut maintenue; cal' on se garda bien d'écarter aucun
« de ceux que le parti espérait faire servir 1:1 ses desseins.
« Aussi le Roi, dans une de ses déclarations, fit un reproche
" a la chambre, de ce qu'upres avoir éliminé un granel
u nombre d'élus pour canse de mouopolc , elle n'avait ce-
" pendant jamais inquiété sir Henri Mildmay , et M. La-
" wrence \Yhitaker qui avaient scandaleusement participé
f( a ces vexations, mais qui depuis s'étaient encore plus
« scandaleusement engagés dans toutes les entreprises contre
f( Sa Majesté; et jamais on n'osa répondre a celte accusa-
« tion. JI ( Hist, de la Rébcll. , tomo 2, page 13.) (Not.
de rs.u: )


(1) « Sir Jolm Finch, dit Clarendon, avec une fortune
assez genée, avait mené une vie Iort libre: doué d'un es-
prit vif et de talens naturels , il ne s'inquiéta l)as bcaucoup




DU LONG PAIU.EillEfiT. IG~)
Le 7 décembre, lorsque la taxe des vaisscaux


eut été pleinement débaUue et absolument con-
damnée par la chambre des communes, on en vint
a examiner le délit des juges : trois seulement
avaient émis une opinion coutraire a la laxe; les
raisons aIléguées par deux d'entee eux , les juges
Crooke (1) et Hutton, avaícnt été célebres dans le
pays. Le baron Dcnham, qui était le troisieme ,
se trouvant malade, n'avait pu développer son
avis avec autaut détendue. Seize membres de la


d'ajouler a ces dons une instr-uct.ion étcnrlue ct solide dans
la profession par oii il voulait s'élevcr , el une fois entré
dans les affaires, iI se servir plus de son arlresse (pIe de sa
science , Bien vu a la cour , iI ri'avait cepend aut pas assez
de crédit pour la diriger ou la réformer. II prit l'affaire de
la taxe des vaisseaux OU l'avait laissée M. Noy , et, en sa
qualité de juge, íl exerca sur ses collégues, au snjet de cette
q uestion , une influence qui contribua beaucoup it ce juge-
ment dont ils eurent tous a se repen tir. Lorsqu'il eut été
fait garde du grand sceau , un plaideur s'opposant devant
luí a un hill qui n'était fondé que snr un ordre du conseil
privé, iI répondit que tant qu'il serait garde du sceau , pcr-
sonne ne serait assez hardi pour contester Ia validité de tcls
ordres , et que la sagesse du conseil privé serait toujours
pour lui une Ioi suffisante pour qu'il y conformát ses ar-
réts, « (llist. de la Réúell. , tomo 1 , page 126. ) i Not, de
rtu« )


(1) Le juge Crooke avait d'abord resol u de voter pour la
taxe des vaisseaux , dans le preces de i\I. Hampden, ou ceLLe




170 JllSTülHE
chambre furent chargés d'examiner la conduite
des nutres jnges, et de rechercher quelles rnenaces
ou qucHes promesscs avaient été employées aleur
égard, et par qui,
Apn~~s cet examen, un comité eut mission de


d.resser diverses accusations contre les juges, et
une accusation de haute trahison contre lord
Finch. n s'adressa hientót humblement a la
chambre, demanclant qu'avaut de porter contre
lui l'accusation de haute trahison, elle voulút bien
entendre , de sa propre houche, la défense q u'i]
se proposait dc fou rnit-.


On Iui accorda sa requéte , et deux jours apres,
dans un long discours , il s'efrorc;a de se jnstifier;
mais ce fut en vain. Bien que sn concluite fút
humbleet soumise , et sa haranaue pleine d'une


grande quest.ion fut solennellcment déhattnc; mais }leu de
jOUl'S avant le jugemcnt, conuue il s'entrctcuait tristement
de cettc affaire avec quelques-uns de ses plus proches pa-
rens, sa ferume , q ui était pleinc de piété et de vertu , lui
(lit qu'elle espérait qn'aucnne crainte, soit pour lui, soit
ponr sa famiHe, ne lui ferait faire quelque chose contre sa
conscience , et qu'elle ai mcrait mieux souffrir avcc lui la der-
nierc mise re que d'étre la cause d'une semblable conduite ,
Crooke changea tout-a-coup de résolution, el quand vint
son tour de parlcr , iI se prononya, centre l'attente générale,
en favcur (le M, HamJ)(len. ( jJIémoires de Ti/hitelocke,
pag, 2.4,:


'. Note de rE'dil .:




lJD LO~TG P~\.RLEj¡E~T. 17 1


arl roite éloqucnce , il ne put détourner I'ar'rét ,
malgré la pitié dont plus ietrrs unemb'res de la
chambre furent touchés en sa filveur.


Secretement informé par ses arnis , ~u s'aper-
cevant bien Íur-méme que ses affaircs prenaient
une mauvaise touruure, il résolut de prévenir le
péril, s'eufuit sous un dóguisement, et arriva en
Hollande.


Apres Sil fuite , un vote de la chambre des corn-
munes le déc1ara coupable de haute trahison, sur
quatre chefs :


1°. Pour avo ir désohéi a la chambre, en refu-
sant de parlcr sclon ses ordres , lorsqu'i] était
ornteur du parlement dans la quatrieme année
d II roi Charles;


2°. Pour avoir menaeé plusieurs juges au sujet
de la laxe des vaisseaux;
3~. Pour s'étrc illégalement et cruellement con-


duit dans l'affaire des foréts , Iorsqu'i] était lord-
grand-juge ;\ la cour des plaids-cornmuns ;


4°. Pour avoir dressé la déclaratÍon iujurieusc
publiéc apres la dissolution du parÍement.


Un acte d'accusation fut rédigé centre lui, et
porté a la chambre des lords le 14 janvier 1641,
tro is scmaines apres sa fuite; lord Falkland, chargé
de lc préscntcr, prollonr;a centre sir John Finch
un discours tres-vil' el tres-éneraique.


Comme ces dcux derniers coupahles , rnalgré
J'érnincnce dc leurs fonc LÍOl,Js , n'occuperent pas




172 HI5TOmE
long-temps le parlcment, et ne ralentirent point
le cours des affaires publiques, puisque leur
fuite prévint leur proces , on ne s'étonnera po int
quils ne tiennent pas plus de place dans ce
récit.




DU LONG PAnLE~JENT.


CIIAPITRE VII 1.


Procés et mort da comte de 8lrajJurd. Conspira-
tion découoerte pendant le cours des débats,
¿lcte paur assurer la duree rht p arlement:
Quelques mots sur la cortcession des parlemens
triennaux, faite dans le tnois de février pré-
cédent,


Gn plus grand acteur parut alors sur la scene ,
Thomas 'Ventworth , comte de Strafford , Iieute-
nant d'Irlande, hornme trop important pour
qu'on le la issát échapper, et aussitót arrété qu'ac-
cusé, de maniere ace qu'il ne püt échapper ason
proces (1).


(1) :Malgré l'élendue q u'a donnée :May au réeit du
preces de StralTord, il a su pprimé , q uclq ucfois dans une
intention partiale , beaucoup de détails importans et de
I'intérét le plus drarnatique. lH. de Lalli - Tolendal et
M. Macdiarmid les ont recuaillis dans les deux ouvrages
que nous avons déja indiques. Mais la nature de notre col-
lection 110US fait un devoir de les présenler dans leur forme
originale el tels que nous les ont transmis soit vVhitelocke
qui fut président d u comité de la chambre des com-
rnun es chargé de dresser l'acte d'accusatioIl de Strntford ,
soit Clarendon, l'histoire paJ'!ementai,'e, et d'autres do-
cumens conternporains. Le récil de Whitelocke est cir-
constancié, exact , animé et assez impartía] , cal' ji fut tres-




174 HlS'fOlltE
Si je considere la gravité des c!Jarges intentées


contre lui , l'écJat et la solennité du procés, sa
lon,gue durée , l'importance du temps qui y fut
consacré , el enfin de quellc immensité devaieut
en étre les résul tats , je puis dire hardirnent
qu'aucun sujet en Angleterre, et peut-étre en Eu-
rape, n'a jamais elonné au monde un tel spectacle.


Ce proces fut si granel qu';t peine peut-on 1'ap-
peler le preces du comte de Strafforcl. Les senti-
mens du Hoi envers son peuple et le parlement ,
les succes futurs du parlement luí - mérne , les
espérances eles trois royanmes, tout était en d(:-
hat qnanel Strafford était accusé ,


Beaucoup de sujets en Europe avaient joué sur
le théátre du monde un role plus hruyant, aucun
n'en sortit jamais avec plus de fracas ; la matiere
ele son aecusation n'intéressait pas seulernent un
royaume; trois royaumes étaient ses accusateurs ,
el poursuivaient avec ápreté , dans la mort d'un
seul homme, la vengeance de tOU8 leurs griefs;
en sorte quc rsous pouvons dire de son proces,
cornme Claudien dc Huílin :


frappé Iui-rnérue de la grandellr d'áme que déploya I'ac-
cusé , el de I'illégalité eJe pl usieurs procédés des accusatem-s,
On le trouvera ala fin de ce volum e , dans les éclaircisse-
mens el pieces liistoriques , et nous y avons joint tous les
ilétails qui nous out ·été conserves sur ce qui se passa entre
la condamnat.ion de Slralforu et son exécution , ainsi que
sur l'exéculioll mérne . ( ..Vol. de l'ltdil. )




In; r.o x G P\ l~ 1.FJn:yr.


(!/!;'!lsis RI!!7illllrtl divide terris.
Dix jours apres l'onverture du parlernent , le


comtede Strafford, récemrnent arrivé du nord, sié-
geait dans la charnbre des In i I'S, lorsque M. Pvm ,
homme d'une expérienre consornméc dans les dé-
bats par lementa ires, et el'un attaehement éprouvé
aux intéréts de son pays, se rendit;l eette ehambre,
et, aunorn des commnnesdA ngieterre, aceusa Tho·-
mas, comtede Strafford, lord-lieutenantd'Irlande,
de haute tra/¡imn, dernandant ,\ Ieurs seigneuries
cIueleditcomte Iút exclus el II parlementeten vovéen
pr-ison, Il les informa aussi (fue, sous peu de jours,
les corumuncs adrcsscraieilt h leu rs seigncuI'ics
les motifs et articles dcta il lés de cettc accusation.


Le comte fut invité ;1 se retirer : aprcs un dé-
hat i] fut rappele et remis ala garde de nmis-
sier de la ehambre; aussitót apres , le 13 novern-
bre, un sergent d'armes fut envoyé en Irlarule ,
pour arréter sir George Ratcliffe, favori da comte,
et qui sous ses ordr-cs ava it heaucoup coutrihué
;'1 l'oppression de nrlillldc, homme hahiJc ct tres-
versé dans les Iois , cal' il avait étudié au Temple
et pris le grade de doctcur,


Lc4 décemhl'e, sir George arriva, et se rcmit
Íuj.-méme cutre les mains lle I'orateur , cl'ou il
passa daus une prison. Qualre jours apres , les
Iords du parlcmcnt envoverent le cornte de Struf-
ford ala Tour, clljoignant au lieutenant de placee
auprcs de lui une gardc attentive.




176 mSTüIRE
La multiplicité et I'importance des afíaires du


parlement l'ohligerent de mettre beaucoup d'in-
.tervalle entre les divers actcs du proces du eomte
de Strafford. Cependant, avant la fin de janvier,
on lut dans la chamhre des cornrnunes une longue
accusation contre lui, et un message fut hientót
apres envoyé a la charnbrc des lords, pou!' de-
mander qu'on le snspendit de ses fonctions et di-
gnités en Angleterre et en lrlandc.


Les eharges portées eontrc lui s'élevaient á nenf
articles qui , sur une nouvelle aceusation, furent
ensuite augmentés jusqu'au nombre de vingt-
huit. On les peut voir cn cnticr dans les registres;
mais, pour la satisfaction du Iecteur-, je donnerai
iei en ahrégé une idée de lenr eontenu. Le pre-
miel' et le second article avaient heaueoup de res-
semblance; ils étaient relatifs ala maniere arbi-
traire dont il avait gouverné l'Irlande et les par-
ties de l'Angleterre 011 il avait exercé son autori-
rité, ainsi qu'aux atteintes portées par lui, dan s
ses fonetions, aux 10i5 fonc1amcntales du royanme,
dont il avait eherehé aopérer le renversement. n
était de plus aeeusé, 5°. d'avoir retenu une partie
des revenus du Roi, sans en reudre un eompte
légal; 4°. d'avoir abusé de son pouvo ir ponr J'ac-
croissement et l'eneouragement du papisme; 5°. de
s'etre mal icieusernent appliqué acxciter la guerre
entre I'Angleterrc ct l'Éeossc; 6°. d'avoir, en sa
qualité de lieutenant-général de l'armée du nord,




DU LONG PARLEMENT. ]77
soulfert volontairement que les Écossais défissent
les Anglais P New]mrne, et prissent Newcastle ,
afin que, par cette perle et ce déshonneur, les
Anglais se trouvassent engagés contre les Éeossais
dans une auerre nationale etimplaeable; r- d'avoir
lravailIé a détruire les parlemens, et a irriter le
Roi eontre eux, afin d'éviter les comptes qu'il
avait a leur rendre; 8°. enfin, d'avoir fait toutes
ces choses pendant la durée de son pouvoir en
qualité de lord député d'Irlande, et de lieutenant-
général des armées du nord de l'Angleterre.


Les cornmunes se réservant la liberté de nou-
velles accusations eontre ledit eomte, le SOI1l-
merent de répondre légalement a eelles-ei.


L'aecusation subséquente, consistant en vingt-
huit articles , fut en grande partie le développe-
ment de la premiere : on y insistait plus en détail
sur les actes de tyrannie exercés en Irlande contre
diverses personnes, et au mépris des lois. On est
ohligé de renvoyer pour ces partieularités aux
registres du pariement, leur étendue ne permet-
tant pas ele les insérer iei.


Le comte de Strafford fut eonduit le 28 février
devant les 10r<1s pour elonner sa réponse, ce qu'il
fit. Le Roi fut lui-mérne présent ala leeture.


Cette réponse fut tres-étendue , et lorsqu'elle
fut flnie, on le renvoya ala Tour, pour y derneu-
rer jusqu'á nouvel ordre.


Un comité fut nommé ponr examiner cette af-
1. 12




178 nrsro m e
faire : le 4 rna rs suivant , ce comité fit un rap-
port par Iequel la chambre déclarait voulo ir
soutenir et suivre contre lorel Strafford l'accusa-
tion de haute trahison: le comité ne jugea pas
a propos de répliquer a la réponse elu cornte,
et pensa qu'on devait aussitót commencer son
proceso


On tint done une conférence avec les lords ,
relati vement a ce proces et a quelques-unes eles
formes qu'on eroyait devoir y employer.


Les cornmissaires cl'Écosse porterent aussi une
accusation contre le cornte de StraITorcl, relati ve-
ment aux injures que leur nation et leur royaume
pensaient avoir reyues de lui. Mais le fond ele
cette accusation se trouvait contenu dans les a1'-
tieles dressés contre lui par le parlement d'An-
gleterre, et clont nous avons parlé ci-dessus.


Le 22 mars r641 commenya ce mémorahle pro-
ces du comte de Strafforel.


On ehoisit, pour le' líeu des séances , la salle de
\Vestminster, ou 1'0n éleva, eles deux cótés , des
arnphithéátres composés de neuf rangées de gra-
dins; sept de ces gradins furent destinés aux mem-
bres de la chambre des communes, tous réunis en
comité. Les deux degrés supérieurs furent occupés
par les cornmissaires d'Ecosse et les lords d'Ir-
lande, qui devaient s'y rendre.


Dans le m ilieu , sur eles degrés moins élevés ,
siégeaient les pairsd'Angleterre, le cornte d'Arun-




DU LO::\'G PARLE}lENT. 179
del, lorcl-graml-maitre de la rnaisou du Roi, el
le comte de Lindsey, lord-grand-connétable. Une
tróne y fut aussi placé pour le Roi, qui assista en
effet a tout lc preces sans manqucr un seul jour;
mais ii se tint toujours, avec la Reine et plusicurs
autres clames, dans une galerie fermée, disposée
acet effet, et la , il prenait Iui-rnéme des notes
par écrit.


Le cornte de Strafford répondi t tous les j OU1'S ¡l
la barre, chacun des me/u bres de la chamhre des
eomrnunes, qui s'était forrnée en comité, ayant
la liberté de I'accuscr lorsqu'i l le jugeait a pro-
pos. Mais , quoique plusieurs d'entre eux pa1'-
lassent quelquefois dans ce procés , l'accusation
fut particulierernent conduite par MYI. Glynn et
Maynarcl, jurisconsultes expérimentés , et tous
deux memhres de la chamhre.


Chaque jour apportaitcontre le eomtc la p1'ellve
de quelque odieux délit; mais , de quelque délit
qu'i] se vil charaé , les principaux elforts de son
éloqucnce, et il en avait beaucoup , teudaient a
écarter l'aecusation de haute trahison : il niai ¡
plusieurs faits, excusait et atténuait lcs autres
avec une grande hahiLcté , ayant toujours en vue
d'établir ce scul point: {( que quels quc fussent le
« nombre et la gravité des délits , on ne ponvait,
« en .les réunissant , en construire le crirne de
« trahison, s'il ne s'en trouvait, en particulier ,
« (luclqu'un <fu i le con tint. ))


1 2.




ISO HI5TOIRE


Durant toute la prerniere semaine, du Iundi au
samedi , sans interruption , le comte fut chaque
jour amené de la Tour a la salle de Westminster,
et tenu ala barre plusieurs heures de suite, et le
résultat de la séance de chaque jour était, dans
toutes les compagnies, le principal sujet des con-
versations et des disputes.


Cal', dans ce temps, on commen<ja ase diviser
d'opinion. La généralité du clergé s'était éprise
d'affection et d'admiration pour le comte , a tel
point, qu'on en avait presque entierement oublié
l'archevéque de Cantorbéry. Les courtisans l'exal-
taient, et les femmes, dont la voix a beaucoup
d'influence sur quelques portions de la société 7
étaient excessivement portées pour lui. Les prin-
cipales dames de la cour remplissaient les galeries
de la salle de Westminster, et on semblait prendre
beaucoup de plaisir a voir autant de Sempronie ,
munies de plumes, d'encre et de papier, prenant
des notes, et discourant sur les principes des lois
et du gouvernement. Toutes étaicnt prononcées en
sa faveur, soit qu'elles y fussent disposées par la
compassion naturelle a leur sexe, ou par l'ambi-
tion d'étre crues capables d'apprécier les talens
du prisonnier. Tels étaient I'intérét et l'affection
qu'elles témoignaient ouvertement pour lui, que
quelques personnes ne purent s'empécher de rap~
peler aleur mémoire ces vers :




nu LONG PARLEl\lENT.


Non formosus eral, sed erat facundus Ulysses ,
El tamen cequoreas torsit amorc deas (1).


Le preces dura de cette maniere, et avec tres-
peu d'interruptions , depuis le 22 rnars jusqu'au
22 avril suivant. Le eornte répondit en personne
pendant quinze jours.


Apres ce long examen, la chambre des com-
munes mit en discussion un bill d'attainder contre
le comte, et le déclara coupable de haute trahi-
son, sur plusieurs chefs de l'accusation portée
contre lui, particulierement pour une opinion
émise devant le Roi, dans un conseil secret, et
dont on découvrit la trace dans quelques notes
de sir Henri Vane, alors consei'ller-privé, n était
rapporté, dans ces notes, que le comte de Straf-
ford avait dit au Roi, qu'il avait en Irlande une
armée que Sa Majesté pouvait employer aréduire


, l' b ,-ce royaume a o eissance,
Sir Henri Vane, fils ainé du susdit sir Henri,


dit ala cbambre qu'il avait trouvé ces notes dans
le cabinet de son pére , et les avait produites a
son insu; ce qui parut causer au pére une grande
colére contre son fils.


Je rapporte ceci tres au long, paree que ce fut
la prerniere occasion oü , cornme on le verra , la
chambre des cornmunes fut visiblement aban-


(1) Ulysse n'était pas beau , mais il était élorluent, et il
enflamma d'amour les déesses de la mero




HISTOIRE


donnée d'un de ses membres les plus éminens ,
lord Digby. Il s'opposa ace vote, ainsi que quel-
ques autres.


On nomma néanmoins un comité, pour dresser
le bill d'attainder J qui fut lu a la chambre des
communes le 21 avril. I,e comte fut de nouveau
déclaré coupable de haute trahison, a une tres-
grande majorité, cal' il n'y eut d'opposans que
cinquante-neuf membres, au nombre desquels
fut lord Digby, qui pronon~a,acette occasion, un
discours tres-élégamment composé, mais tres-
désagréable a la chambre.


Le bi11 d'attainder fut envoyé a la chambre
des Iords ou sa Iecture causa une grande division;
plusieurs lords s'y opposerent fortement.


Mais M. St.-John, procureur-général du Roi
et memhre de la chambre dcs communes, fut
chargé, peu de jours arres, de soutenir la légalité
du hill , et d'en convaincre les lords; ce qu'il fit
le 29 avril , dans la salle de 'Vestmintcr, le lord
Strafford présent a la barre, et le Iioi avec la
Reine aleur place accoutumée.


M. Sto John développa le bill dans ses diffé-
rentes hranches, l'appuya sur les précédens sta-
tuts et autres autorités de la mérne nature , de
maniere a convaincre pleinement presque tous
ceux qui l'entelldirent (1).


:1) La parlialilv de '\Ia,V se rvvele claireuient ici , malgré




DU LONG PARLEMENT. 185


Cependant le Iloi ne se crut pas autorisé, en
conscience , acondamner Strafford comme cou-
pable de haute trahison. U s'eu expliqua en ce
sens aux chambres deux jours apres , et leur dé-
clara qu'aucune crainte ou considération que ce
pút étre ne lui ferait ahandonner une résolution
fondée sur sa consciencc, Il avoua toutefois qu'il
regardait les méfaits du camte cornme si grands,
qu'il le tenait désormais pour inhahile atout
emploi , de (fuelque genre que ce fút , et ajouta
plusieurs antros exprcssions de la mérne nature,


Le discours du Iloi fnt assez désagréable aux
charnhres ; mais le peuple de la Cité perdit


la rúserve el la Iroid eur de son langage. Les bills d' attain-
del' ne sont en eux-rnémes et n'ont [amais été en Angle-
terre qne des proscriptions violentes, nn procédé révola-
tionnaire employé, 11 défaut de moyen. légaux, par une
faction dominante pour se débarrasser de ses ennemis.
Telle fut la condarnnation da cornte de Strafforrl , el tous
les acles de la clwrnbre des connnunes , (bns le cours de
ce grand preces , sont ernpreints de ce fougueux esprit de
part i qui cherche la vengeance, non la j ustice , el brise
toutes les lois , toutes les [armes lorsqu'elles font obstacle
a ses desscins. Straflord s'élait remlu coupable , a nolre
avis, de véritables crimes et envers l'État el envers plu-
sieurs inrl ivid us. l\'bis toutes les lois , positives et morales,
furent violéos dans son preces , et ses accusataurs commi-
rent contre lui presCfue toutes les iniquités qu'ils (ni repro-
chaient,


: :Yo[. de tea«. )




184 HISTüIl\E
patience , et, quatre jours apres , cinq mille
personnes environ se portérent aWestminster ,
demandant a grands cris qu'on fit justice da
comte de Strafford. Le peuple suivit les lords
avec beaucoup de clameurs, disant qu'on était
ruiné, et que le commerce tombait par défaut
d'exécution de la justice (1).


Les lords donnerent de bonnes paroles , et
promirent de porter ces plaintes au Roi; mais
elles se renouvelérent le jour suivaut de la meme
maniere. Les craintes étaient fort augmentées
par des hruits de tentatives faites pour tirer le


(1) May ne fait conuaitre ici ni l'étendue de ces df:sordres
populaires , ni le refus tacite que fit la chambre des commu-
nes de les réprimer en aucune facón. Un rassemblement
d'environ 6000 individus, dit Whítelocke, se forma pen-
dant plusieurs jours aux avenues de la chambre des pairs ;
ils étaíent armés d'épées, de couteaux , de bátons , se ran-
geaient en haie et sommaient violemment les lords , ame-
sure qu'ils arrivaient en voiture, de faire justice. Ils s'adres-
serent surtout avec les plus vives clameurs au comte d'A-
rundel qui descendit de voiture, et chapean has , entouré
de quelques autres lords , leur prornit de parler au Roí ponr
qne justíce fút faíte selon leurs désirs, Les prédicateurs , du
haut de la chaire , fomentaient de tout leur pouvoir ces
mouvernens, Le 3 mai, le Roí envoya un messageaux lords
pour demander que les chambres prissent ces désordres en
considération et avisassent aux moyens de maintenir la
paix publique. Le 4, la chambre des lords eut a ce sujet
une conférence avec un comité de la chambre des commu-
nes ; le lord garde-du-sceau-privé y exposa que les pairs




DD LONG PARLEME:'{T. l~"
comte de sa prison; ce qui fit qn'on envoya plu-
sieurs lorcls pour garcler la Tour, et assister en
cas de besoin le lientenant.


Cependant , et bien que les juges eussent dans
cet intervalle donné leur opinion dans la chamhre
des Iords , relativement au comte de Strafforcl;
bien que les lords l'eussent déclaré coupahle de
haute trahison sur le quinzieme artícle, ponr
avoir faít en Irlande des levées d'argent amain
armée, et sur le dix-neuvieme , ponr avoir exigé
eles sujets d'Irlande le serment qn'ils ne protes-
teraient contre aucun des ordres dn Roí, la ré-
solutíon du Roí fut trés-diflicile aébranler.


A la fin, fatigué de ces plaintes, il assembla
a\Vhítehall un conseil privé quí dura, luí pré-
sent , une grande partie de la journée. Il fit aussi
appeler les juges, pour qu'ils exprimassent ele-
vant lui leur opinion sur l'affaire du comte. Il


occupés a terminer la grande affaire du cornte ele Stralford
étaient tellement assiégés par la multitude qu'on pouvait
dire qu'ils ne seraienL pas libres tant que ces gens-la ne se-
raient l)as obligés de rester tranquilles ehez eux; Ieurs
seigneuries réc1amaient done quelque mesure qui préviut
ces rassemblerncns tumul tueux, A cela le comité des COUl-
munes dit qu'il ne pouvait répondre sur-Ie-charnp , qu'il
rendrait compte de l'affaire a la chambre , et qu'elle en ver-
rait sa réponse en temps et lieu. Aucune repense ne fut
envoyée, et l'on ne trou ve, dans les proees-verbaux des deux
chambres, aucune trace de quelque délibération sur ce sujeto
( Hisr, parlo , t. 2, col. )55, '778.) (Note de l'Édit.)




186 mSTülHE
envoya chereher quatre évéques pour lever ses
scrupules de conscience. Apres quoi il délivra au
eomte d'Arundel, lord du seeau-privé, et adeux
lords ehambellans, une eommission pour signer
le biU de l'exéculion du eomte de Strafford. Elle
fut fixéeatrois joursde la, le mercredi 1 2 mai 1641,
ct cut lieu le jour désigné, sur l'échafaud de To-
wer-HilI.


Telle fut la déplorahle fin du eomte de Straf-
ford. Nous pouvons dire avec vérité que, comme sa
vie et ses eonseils avaient jusqu'alors influé, d'une
maniere tres-importante, sur le sort de l'État, iI
en fut malheureusement de méme de son preces
et de sa condamnation.


Les divisions et les désordres qu'avait pu faire
naitre sa vie, 11'ont pas surpassé ceux qu'occasionna
sa mort.


Appien a observédudictateurSylla que, comme
son pouvoir pendant sa vie priva le sénat de sa
liberté, ainsi fircnt encore ses funérailles ; cal'
elles furent suivies d'un si grand nombre de ses
vieux soldats et satellites, que les sénateurs qui y
étaient présens n' oserent exprirner libremeo t leurs
pensées SUl' son compte, mais furent contraints de
le llatter mort comme ils I'ava ient fait vivant (1).


(1) Ce ne fut point sur le compte de Strafford , mais sur le
compte de ses accusateurs et de ses juges qu'il fut impossible
de s'cxprirnr-r librement apres sa mort ; el loin que la ílat-




DO LONG PAltLEMENT. 181
Je ne saurais dire avec certítude jusqu'á quel


point, durant sa vie, le comte de Strafford, ainsi
qu'on le spéeifia dans l'aceusation portée centre
luí, avait aliéné le Roí de ses peuples et <].e son
parlement; rnais il est certaín, et e'est ce quí


, ." • . 1 '1m a engage a m y arreter SI ong - temps, 1 est
certain que son preces et sa mort éleverent en ee
genre des divisions qui , malheureusement en-
tretenues et augmentées par les événemens sub-
séquens, ont presque amené la ruine des trois
royaumes (1).


terie l'accompagnát au dela du tombeau, la persécution
atteignit quiconque osa se montrer bienveillant envers sa
mémoire. En voici une preuve irrécusable: M. Taylor,
membre de la chambre des communes, s'étant permís de
dire qu'on avait comrnis un meurtre avec le glaive de la
justice et que, pour le monde entier, il ne voudrait pas
avoir sur la conscience le sang versé dont répondraient les
auteurs du bill d' attainder, non seulerncnt on le contraignit
de s'excuser agenoux devant la charnbre , mais il fut exclus,
declaré incapable de jamais siéger dans le parlement , en-
voyé a la Tour pour y rester a ussi Jong-temps qu'il plairait
a la chambre, conduit a"Yindsor dont il était député, avec
ordre d'y rétracter pubJiquement ses paroles, et remplacé
immédiatemcnt. i Histoire p arlementaire , t. 2, col. H.S.)
Les hornmes qui se portaicnt a des acles si tyranniques u'é-
taient pas , acoup sur, bien rassurés eux-rnémes sur la lé-
gitimité de leur conduite envers un ennemi vaincu.


( Note de rtis«. )




188 H18'L'OmE
La longueur du proces , dans un temps OU deux


armées étaient sur picd, payées agrands frais,
et OU d'importantes affaires étaient en souffrance ,
cxcif,¡t, chez quelques esprits impatiens, une sorte
de mécontentement contre le parlement. La forme
de la condamnation amena des dissentimens dans
le sein du parlement Iui-rnéme , et l'ápreté avec
laqueHe on poursuivit la mort du comte fit naitre
ou éclater, entre le Roi el le parlement, de dé-
plorables causes d'éloignement.


Cinquante - neuf membres de la chambre des
communes se séparérent des autres dans le vote
du bill d'attainder; et le lendemain quelques
pcrsonnes qu'on doit au moins taxer d'impru-
dence, bien qu'on n'ait jamais su qui elles étaient,
ni par qui elles furent informées , aíficherent
dans le marché les noms de ces cinquante-neuf,
avec ces mots en tete de la liste : Noms de ces
hommes qui , pour sauver un traitre , ooudraient
liorer leur pays (r).


Ceux qu'on avait ainsi stigmatisés supposerent
que la chose avait été faite par quelques membres
de la chambre ou aleur instigation, en furent extré-


(1) Cette liste, telle qu'on la trouve imprimée dans l'His-
toire p arlcrncrüaire (tom. 2, col. 756), ne porte que
einquante-six noms , nombre conforme aeelui qu'indiquent
plusieurs memoires.


( Note de r Editeur. )




DU LO""G PARLE:'IIENl'. 189


mernent irrités, et se séparerent par degrés de la
cause parlementaire. Non pas tous cependant, cal'
il y avait parmi eux des hommes tres-sages et
tres-instruits ; mais la plupart d'entre eux, dans
la malheureuse querelle qui eut Iieu env iron un
an apres , ahandonnerent tout- a- fait le parle-
ment.


Ce fut sur ce méme bill d'attainder que lord
Digby pron Onl;:a le discours dont on a déjá parlé,
et que la ehambre, eomme ill'avait livré al'im-
pression, fit hrúler par la main du bourreau;
ce qui détermina lord Digby a fluitter le parle-
ment, et a jouer dans l'autre parti le róle impor-
tant qu'on lui yerra dans la suite,


Mais la plus fácheuse conséquence de toute
cctte affaire fut de montrer le Roi completement
sé paré du parlement.


Pour prévenir la mort du eomte de Strafford
on avait préparé les moyens de le faire évader de
la Tour. Dans ce dessein, et aussi pour dompter
le parlcment par la force des armes, une grande
conspiration fut ourdie ¡par beaueoup de gens de
qualité . les principaux étaicnt M. lIenry Pe rey ,
feere du eomte de Northumberland, M. Henri
J crmyn, favori de la Reine, aupres de lac¡uelle il
remplissait la charge de grand écuver , M. Go-
ring, fils ainé de lord..Goring, M. \Vilmot, fils
ainé de lord \Vilmot, le colonel Ashburnham,
le capitaine PoUard, sir John Suckling , Oneal,




190 IJI5TüIRE
papiste ielandais , et heaucoup dautres d'tm rang
inférieur, qui n'étaient instruits que de ccrtaines
portions du projet; cal' il paralt, par les inter-
rogatoires, que leur plan avait diverses ramifi-
cations, et qu'ils n'étaient pas tous coupahles des
mérnes cr-imes,


Ce qui aíHigea le plus les lionnétes gens et les
fit presquc désespérer du bonheur qu'ils s'étaient
promis de ce parlement , ce fut ladécouverte de
la participation du Roi a ce complot; participa-
tion attestée par l'interrogatoire du colouel Go-
ring, et par une lettre de M. Percy 11 son frere
le comte de Northulllberlancl, ou il rend compte
de ses entretiens avec le Roi, et du soin que pre-
nait le Roi de leur donner pour associés tous les
hommes quil jugeuit capables de concourir au
succes (1).


(1) La participation du Roi fut prouvée par la pétition
mérne que les conspiratcurs firent circuler daus I'arrnée
pour la faire revétir d'uu granrl nombre de sígnatlll'es.
Charles avait écrit au ba s , de sa rnain, les deux Iettres
C. R. (Carolus rcx), pour que personne ne pút douter
qn'elle avait son approbatíon. Clarendon nie cepenrlan t qu'il
y eút aucun complot. « Le projel de pétition et tontos les au-
« tres démarches, dit-il, n'avaient d'autre bul que de COllS-
« tater publ iquement le dévonemenl de 1'armée au Roí el
« d'ernpéchcr qu'elle ne fút sédui!e par ses ennemis. )) iHist,
de la R('bell. , tom , 2, p. I 32-1/¡9') La leltre de M. Percy
el l'interrogatoire de Gorillg ne permettent pas d'adopter
eette explication ni de douter de la réalité du complot. TI




DU LOi\G PAnLE¡\lENT. T9T


Les conspirateurs s'étaient réciproqnement en-
gagés par serment au secret le plus profond, Le
rarport fait au parjement par les comités chargés
d'interroger les divers prévenus , fit connaitre
toutes les parties du plan.


lls se proposaient de s'emparer de la tour de
Londres en y introduisant des solclats; sir John
Suckling et quelques autres conspiratenrs , sous
pretexte de lever des troupes pour le Portugal,
avaient enrólé a Londres des gens qui devaient
se renrlre rnaitres de la Tour.


est également hors de donle (¡ne le partí popu laire saisissait
avec joie toules les occasions que lui foumissaienL les me-
nées de la cour, pour cut retcnir les alarmes publiques el
exagérer les périls du parlement. Telle était, a ce sujet,
la disposition des esprit s (¡ue les plus étranges absurdités
obtenaient créance el donnaient lieu aux sceues les plus
ridicules. Le 5 mai 16{1, par exernple , le bruit courut
qu'i] yavait un complot pour faire santer la chambre des
corurn uncs. Sir ""Valler Ede en parla le jour mhne a
la chamhrc ; pendant son discours , lH. Middleton et
]\l. MoyJe, remarqnables pal' leur corpulence , se leYe-
rent pour le mieux enlendre; dans ce mou vern ent une
planche crae¡na avee grand brui t i " la chamLre saute ! »
s'écria-t-on de Ion tes parts, et sir John Wray dit qu'i]
sentait l'odeur de la poudre. Plusieurs membres sortirent
en désordre et repand ircnt I'effroi dans la fonle qu i tit ir-
ruption dans la salle en criant, u la chambre saute! on
égorge. les ruernlnes de la chambrc! » La confusion était
au comble quand sir Robert Mansel tira son éj1éc, s'écriant
({lIe c'était une honte , et prenant sur Iui d'ordonner a tout




(Note de rss«. )


Tg2 IllSTüIRE
Le lieutenant sir Williarn Balfour recut clu


Hoi l'ordre d'admeUre ces soldats dan s l'intériellr;
mais, démélant qu'il y avait un complot pour l'é-
vasion du comte de Strafford, i] désobéit a cet
ordre : ce fut ainsi qu'ille déclara dans son inter-
rogatoire.


On y voit également que le comte offrit safille
en mariage avec 2,000 Iivres sterling au fils du
lieutenant, s'il voulait favoriser sa fuite.


Une autre partie du projet, el la plus grave,
c'était de faire arriver l'armée anglaise qui était
dans le norcl, non encere licenciée, et de l'enga-


le monde de se tenir tranquille , cal' il n'y avait lit ni en-
nemis , ni danger pour le parlement, GIl se calma; mais
quelques-uns des plus zélés avaient déja répandu l'alarme
au dehors ; on hattit le tambour dans les rues , et un régi-
ment de milice se mit en marche, avec heaucoup de vo-
loutaires , pour aIler sauver le parlement qui avait repris
ses délibérations. t Hist, parlemcntaire , tomo 2, col. .)83. )
Cotte ridicule épreuve ne changea pojnt , comme il arrive
toujours, les dispositions de I'esprit public; el iI parait que
les meneurs du parti populaire continuerent ales exploiter
avec le méme suecos ; cal' cinq jours apres ( 10 mai ) le bruit
se ,"épandit de nouveau que les salles de Westmillster étaient
minées, qu'on voulait faire sauter la chambre, et un co-
mité fut chargé de visiter soit les caves, soit toutes les
maisons adjacentes, pour dissiper ces craintes que, par
un elfet infaillible , l'attention qU'OH leur accordait entre-
tenait el, redoublait toujours. (l/ist. porlemcntairc, tomo 2,
col. ¡88. )




DD LONG PARLEl\IENT. 193
gel' centre le parlement, aíin (l'~btenir des cham-
hres , par crainte, plusieurs concessions relatives
ala prérogative rovalc , et aussi pour maintenir
l'épiscopat. Ces faits résultaient de la lettre de
M. Percv.


Pour assurer le succes du complot, une armée
francaise devait débarquer aPortsmouth, et cette
vil1e devait étre mise dans les mains de M. Jer-
mYl1. L'armée d'Iriaude , forte de huit mille horn-
mes, presque tous papistes, devait, aprés l'évasion
du comte de Straflord , étre transportée en An-
gleterre, sous ses ordres , et employée au mérnc
dessein.


Tcls furent les aveux contenus dans les divers
interrogatoires.


Le parlement fut profondément affiigé de voir
le Hoi engagé si avant dans cette entreprise, et
on se rappela alors que, le 28 avril précédent, Sa
Majesté avait dit aux chambres que, par des mo-
tifs qu'elle seule pouvait connaitre , elle ne vou-
lait pas consentir au licenciernent de l'armée
d'Irlande.


La conspiration ayant été découverte, du moins
en partie, Percy, Jermyn et Suckling prirent la
fuite le 6 mai, vcille du jour OU ils devaient étre
interrogés, et passerent en France, ou Suckling
mourut peu apreso


Mais bientOt, le I4 juin, sur la cornmunica-
tion faite a la chambre d'une ICUrc écritc de


I. 1 ')




BTSTOIRE


France par M. Percy , a son frere le comte de
Northumberland, 'Vilmot, Ashburnham et Pol-
lard , tous trois membres de la chambre, et norri-
més dans eette lettre eomme associés au complot,
recurent l'ordre de se retirer ; rappelés ensuite
et interrogés l'un apres l'autre, ils furent envoyés,
'Vilmot ala Tour, Ashburnham a la prison du
hanc du Roi , et Pollard aGate-House , d'ou ils
sortirent peu apres sous caution, n'ayant pas paru
aussi coupahles que d'autres conspirateurs.


Goring, dans son interrogatoire , s'expl iqua si
franchement avec la charnbre , et se justifia si
bien de toute mauvaise intention, que le parle-
ment ne le fit point emprisonner.


Oneal, le plus coupable de tous, cal' c'était
lui qui avait formé le dessein de faire marcher
l'armée anglaise contre le parlement, fut arrété
et envoyé a la Tour, d'oii on pensait en général
qu'il ne sortirait que pour subir son preces et
son supplice ; mais il s'échappa.


Le parlemcnt comrneucai t a rencontrer de
grands obstacles dans son dessein de rétahlir
l'ordre dans l'État; les conspirations naissaieut
de toutes parts; il était plein de doutes sur la
sincérité des protestations du Roí, et cousidérui t
aussi la prodigieuse dépense qu'il filllait faire
poul' la solde de deux armées , et les autres
charges du gouvernement, sans autre moyen pour
y suffire que d'emprunter sur la foi publique. Il




DU LO.\G PAnLEMENT. I~p
se Jétennina done, du cornmuu accorrl des deux
cliambres , a proposer au H.oi un hill destiné ~L
assurer la durée du parlement, et déclarant quil
ue serait point dissous sans le consenternent des
dcux chambrcs, ni avant ({ue les griefs puhl ies
ne fussent pleinement redressés (1).


(1) On se servit , pour anieuer ce bill décisií', el'un argll-
ment tres -propre a agir puissammcnt sur le public. 11 nv
arait pour sllilire aux dépenses de l'enlretien des deux ar-
ll1':cs, aucun autre moyen que de faire de, emprunts dans
la cité de Londres, en recourant au erédit de q uclq ues ri-
ches négocians. Les hommcs chargés de cett.e aífaire "tU-
rent dire qu'il devenait impossihle d'emprunter ames la ci té,
cal' les préleurs n'avaient d'autrc ga"antie que la bonne foi
des chamhres ; et ils comrnencaicut a s'upercevoir que ectte
garantie serait illusoire si les charnbres étaient dissoutes.
L'inc¡uiétude gagna eeux qui avaicnt déja prété de fortes
somrues ; on demanda de toutes parts que](Iue mesure (luí
plit dissiper de telles craintes, et fonder le crédit public soit
pour le pass,:, soit 1Jour I'avenir. Un chevaher du cmuté de
Lancaster , pnussé sans doute a eeLle démarehe par les me-
n eurs du pa rl.j , olJi'it de procurer au Hoi 650,000 liv. stcr.,
en aLlendant la levée des subsides , s'il voulait s'engager it
ne proroger , ajourner, ni dissoudre les deux charubres san,
Ieur consentement. (lV]l!moires de VVhitelocke, pago 43. ;
La motion en fut faite le jour mérne dans la chamhre (k.¡
corrnnunes. « La faveur qu'elle obtint, dit CIaren don , Llt
« incroyable; on nornrna surv Ie- champ un comitri chars,'
« de prcparer it ce sujet un hill fort conrt; en moins él'une
" heure , le comité rentra dans la chambre; le projct de hill
« fut immédiaterueut lu dcu x roi, ;IYC( uue rapidi té iuouu,


13.




196 HlS'fOiRE


Le bill fut rétligé selon ces bases, et le ro mal
1641 , jour oir le Roi adopta le bill pour l'exé-
cution du comte de Straffcrd , il signa égale-
ment cel ui-ci.


Le 15 février précédent , le Roi avait signé le
Lill qui lui fut alurs présenté par les deux cham-
bres pour la tenue d'Ull parlement, tous les trois
aus ; le Iord-garde-du-sceau et le lord-chancelier
du duché devaient s'ohliaer , par serrnent , aen-
voyer, chaqué troisiéme année , les sorits de con-
vocation, et, adéfaut d'exécution de ce serrnent ,
i ls devaient perdre leurs places,


Le méme jour, dans I'apres-rnirl i, les deux
chamhres conferórent ensemble sur les remerci-
mens a adresser au Roi. n fut arrété que tout le
parlement se rendrait vers le Roi aWhitehaIl,


« dans le parlernent , et , adopté le lcndcmain it quell{ues
" voix prcs , il fut envoyé a la charnbre des pairs. » Les
pairs voulurent y faire quelques arnendemens , et surtout
restreindre le bill aun lemps limité; iIs demandcrent, dam
une conférence, que cette interdiction de la faculté de dissou-
dre le parlement sans son ave u , ne subsistát (Iue pendantdeux
ans. J\Iais les communes prirent fort malla proposition . " Com-
« ment pouvait-on imaginer, dircut-elles , que les rnernbres
« des deux chainbres qui abandonnaient Ieurs maisons et
" leurs prol1l"es altlil'es pour le service public, s'obstineruient
" it siégel' plus long-temps que ne l'exigel'ait la uécessité ? "
Les amendemens furent donc rejetés , et le bill reto urna
aux Iords qui se décidl~l'cnl a I'adopter. (llistoire de la R¿-
b,Jli(l/1, t. ~, pago lfil.) ( Note de l'Edueur, )




DC LO::-;G PAIU.E'\IEi'i'f. ,::.,


el que le lord-garde-dn-seeau , parlant au nom
des deux chambres, exprimora it leur rcconnais-
sanee a Sa Majesté ; ce qui eut lieu comme il était
convenu.


Cette soirée fut consacrée, dans Londres, par
orare du parlement, a des témoignages d'allé-
gresse; on sonna les cloches, on fit des feux de
joie , et toutes les choses usitées en pareille oc-
casion.


Toutes les histoires nous apprennent combien ,
dans les rnonarchies Iimitées , cornrne ceIle a'An-
gleterre, les Rois peuvent , par degrés, ernpiéter
sur les droits et les priviléges du peuplc, Ainsi
heaucoup de choses que, par la eonstitution de
l'État, il pourrait, ajuste titre , réclamer cornme
son dú , tornbent en désuétude par le laps du
temps, et sont ensuite regardées córnme des gr.kes
extraordinaires, dont la concession attire au prince
de grands rernercimens.


Tel fut le cas ponr ees parlemens triennaux:
aussi , Iorsque ensu ite de leurs malheureuses di-
visions, le Roí reprocha aux deux chambres cette
faveur qu'il leur aya it accordée, elles furent
pleinemeut en droit de lui répondre que ce n'était
pas mérne tout ee qu'elles pouvaient légalement
requérir, puisque deux slatuts encore en vigueur
leur accordaicnt un parlement chaque anuée,


Le Roi cependant ne put s'cmpécher de leur
dire, en uccordant ce parlement triennal, qu'il




19'5 TilSTOl HE


les oLligcait en cela d'une maniere qu'elles u'u-
vaient guere méritée : ( cal', poul' parler fran-
« chement, dit-il, rien jusqu'ici n'a dú heau-
« eoup m' eneourager avous faire eette eoncession,
« ct , en eonsidérant votre eonduite extérieure,
« plutót que le fond de vos intentions , je pour-
( rais mettre en doute si je dois vous l'ac-
« cordel'. »


Quant a la concession que fit le Itoi , par le
hill du JO mai, relatif a la continuat.ion du par-
lement, non-seulement il la reprocha ensuite
amércmont aux ehamhres, mais elle fut hl:imée,
dans les entretiens particuliers, par bcaucoup de
gens gui n'aimaient ras le parlement , et par toute
la faction épiscopale, comme passant les pouvoirs
du Roi.


Lors de la grande ruptul'e, et quand la guerre
vint a éclater, le parlement, dans ses différentes
déclarations, répondit aux discours et aux écrits
de ces hommcs :


« Que hien que le hill semhlát apporter quel-
« ques restrictions au droit qu'a le Roi de dis-
« soudre les parlemens, iI n'ótait point réeiJement
« ce clroit ala couronne, mais qu'il en suspendait
« seulement l'exercice pour eette fois; ce qui était
« tellement nécessaire a la paix pnbl iq ue , que,
« sans cette suspension , le parlement n'aurait pu
« entreprendre aucune des grandes táches qu'il
( s'était irnposées , mais aurait abandonné les




DI; LONG PARLEi\lENT. 19~)


ti deux armées au désordre et ~l la confusiou , el
« le royaume entier au sang et ala ruine. »


Pour payel' les armées et subvenir aux autres
charges nécessaires , il faIlait en effet cmprunter
sur la foi publique, qui aurait été nulle si ce par-
lement avait pu étre dissous a la volonté du lloi.


Et lorsqu'on ohjecta qu'aucun Roi n'avait ja-
mais rien accorclé de pareil, ilfut répondu que,
manifestement, aucun Hoi , jusqu'alors, n'avait
mis le parlement dans une telle nécessité de le
demander; que, d'ailleurs, dans la constitution
du gouvernemcll t d'Angleterl'e, les législateul's
n'avaient jamais entendu accordcr au Roi le pou-
voir de dissoudre le parlement peudant la rlis-
cussion des grandes aífaires du Hoyaume, et que,
bien que les Rois eussent usé de ce pouvoir , il
n'en était pas moins illégal.


Les Écossais , dans leur remontrance de 16!~o,
s'étaient plaints au Hoi de ce qu'il avait violé
Íeurs lois, eu pronolH;ant la dissolntion de len!'
parlcmcnt, sans lc consenternent de cette assem-
hlée; et il est tout-ú-fait cntendu , parmi lcs
hornmes versés dans les lois des deux nations ,
que les purlemens an¡.;lais out possédé originai-
rernent la mérue liberté (1).


(1) Cette allégatioll est cornpletement fausse. J usqu'a
cellwépoque, le droit du Roi de dissoud re ou de proroger
le parlement anglais n' avait jurnais été mis en questiou .


'Vote dI' l'E'¡iteul'. )




200 lIISTOIRE
Cependant tout le monde fut d'opinion, en ce


temps, que le Roi n'aurait probablement pas con-
senti au bill, si le vif sentiment que le peuplc
commencait a concevoir de ses griefs, et la ré-
cente découverte de l'odieuse trahison qui devait
faire marcher une armée centre le parlement ,
ne lui eussent rcndu trap dangereux de le refuscr.


Cette opinion fut entierement confirmée par
la conduite que tint ensuite le Roí, lorsque le
temps et l'inconstance de quelques memhres de
la haute et moyenne noblesse lui eurent donné
un parti, et lorsque ne pouvant plus défaire par
les lois le noeud une fois formé, il entreprit de le
couper par l'épée : le fait a été relevé dans les
déclarations du parlement.




DU LONG PARLEMENT.


CHAPITRE IX.


201


.rlrgent accordé aux Ecossais par le parletnent
d'Angleterre. Grande dépense du licenciement
des deux armées. Fortes laxes pOltr y subve-
nir. Capitation, Le peuple fait une protesta-
tion. A ele pour la suppression de la cour de
Houte-Conimission , et dela chambre Étoilée.
Autres éoénemens de ce temps. La Reine-mere
de France quítte l'Anglelerre. Le Roí va en
h'cosse.


Le parlement, aprés avoir obtenu l'acte de con-
tinuatíon, se sentant un peu plus fort et plus as-


. , , d d IX' •sure ,eommen~.a a S oeeuper es gran es anaires
de l'État; mais son premier soin fut de se déli-
vrer de l'insupportable charge de maiutenir deux
armées sur pied. Il fut donc décidé que les armécs
seraient imrnédiatement licenciées.


Le eomte de Holland fut nommé par le Hoi , a
la grande approbatíon du parlement , pour aller ,
en qualité de général, Iicencier l'armée anglaise,
et l'argent néccssaire fut assigné sur la capita-
tion (1) dont je parierai ci-apres , et sur les six
subsides; mais, pour se procurer promptement


(1) I'oli-moncyi poli-tn.r.




.202 HISTOIG E


une aussi forte somme, on fit fondre et fra ppcr
en monnaie, avee uneeélérité extraordinaire, une
grande quantité de vaisselle d'argent.


Le lecteur désirera peut-étre qu'on lui expli-
que ici eomment l'armée éeossaise dont le Roi,
au eommeneement du parlement, avait si vive-
ment demandé l'expulsion en la traitant de re-
belle , avait pu demeurer sur pied jusqu'á eette
époque.


La suspension d'arrnes qui avait dú d'ahorcl
expirer a la fin de déeembre, avait été pro-
longée d'un rnois par les ehambres, qui prirent
ensuite en considération la demande faite par les
Écossais d' étre inciemnisés des eharges el des perles
qu'ils avaient supportées depuis le comrncuce-
ment de la malheureuse guerre que leur avait
suseitée le Roí.


En février suivant, apres avoir sérieusement
discuté cette affaire, pesé soigneusernent les he-
soins des Écossais, et examiné leurs demandes, on
eonvint non- seulcment (IU'on leur rcstítuerait
leurs vaisseaux pris durant eette guerre, et, de
plus, 4,000 livres d'argent comptant, pour les
remettre en état; mais , délibérant sur le f<)J]d de
l'affaire, les deux chamhres déciderent de don-
ner lasomme considérahlc de Soo.ooo livres , pour
subvenir aux besoins , ee furent leurs expressions,
el réparer les perles de nos [réres dY1~cosse. Le
parlement se réscrva de délibércr en temps op-




DU LO~G PARLE'IENT. 203


portun sur la maniere de lever eette somme et sur
les époques du paiement.


Les commissaires éeossais, trois jours apres ,
r '1 ' 1presenterent eurs remercunens au par ement ,


non - seulement ponr cette grosse sornrne de
300,000 livres, mais ponr le titre ele freres qn'il
leur avait elonné.


Dans la méme scmaine, ponr maintenir et for-
tifier l'union des deux nations , le parlement 01'-
donna la suppression de tous les l ivres , libelles
et proc/amations pnbliécs centre les Écossais , et
fit renrlre des actions de gnlccs dans tontes les
églises d'Angleterre, pour l'heureuse conc1usion
de eette paix.


Mais il arriva ensuite que le parlement, pressé
de tant de grandes et importantes affaires, ne
put, jusqu'au 19 juin suivant , tronver le mo-
ment de discuter et de déterminer positivement
les époques oit serait payée anx Écossais la forte
sommc qu'il leur avait aeeordée; il ful alors
décidé qu'ils rccevraient 100,000 Jivres a la mi-
été de L'année suivan te, et les autres 200,000 nn


, '1 A' E~-'·'an apres, a a mcme epoqne. Les 'cossals pre-
seutercut :, cliverscs reprises an parlcmcnt des
demandes d'argent qui furcnt amicalement rec;ues
el prises en consirléra tion par les chamhres; elles
avaient p0111' ohjet l'entretien de leur arméc qui de-
meura fort long-tcmps sur picd : en sorte que, vers
la fin dn mois de ma i suivant, il était dú á l'armée




.20'!- HISTüI HE


écossaise, cutre le don de 500,000 Iivres , un ar-"
riéré ele 120,000 Iivres.


Le parlement d'Angleterre supportait volon-
tiers eette chargc pesante plutót que de laisser
partir les Écossais , avant que les affaires eussent
pris une tournure plus stahle (1). Aussi plu-
sieurs personnes du clergé et autres, qui n'ai-
maient pas le parlemcnt , Iui en firent-elles re-
proche, non-seulement dans leurs discours , mais
aussi dans plusieurs libelles, et lui impute rent á
crime eette méfiance contre le Roi, qui lui fa i-
sait conserver a son ser-vice des troupes étran-


(1) On a vu , dans la Notice sur Thomas May, queIle dif-
férence de ton, et mérne d'intcntions, se fait remarquer
entre son Histoire du long Parlement et l' Abdgé qu'il en
publia trois ans plus tard; on a vu aussi quelle en était la
cause, du moins prohahle. Nous rcncontrons id un premier
excrnplc de cette infidélité rnoralc qui consiste a préscnter les
mérnes faits sous un jour différent, selon le puLlic auquel
on s'adresse et l'impression qu'on veut produire. Dans le
passage de son Histoire, c¡ui est l'oLjct de cctte note, J\lay ne
dissimule point que ce fut le parlcmcnt lui -rnéme qui re-
tint en Angleterre I'arméc écossaise et imposa ainsi cette
charge a son pays; il se contente de l'en justilier par la né-
cessité : justification qui ne s'adresse évidemment c¡u'a la
classe des hornmes éc1airés, la seule qu'en 1647 (époc¡ue de
la publication de cette histoire) i] fút nécessaire de con-
vaincre de la légitimité de la résistance du parlement au
Roi. Mais en 1650, ép'Hlllc dc la puhlicatiou de l'Abrégé,
c'était surtout chez le pCllplc, plus mohile dans ses aífections
et plus désintéressé dans ses scntimeus , (IU'il Fallait cfl""cel




ur LONG PARLEMEl'il'. 205


~eres, pour tenir en respect son propre souve-
ramo


Il estcertain, en eílet, fIue du m oment oú eurent
éclaté les conspirations dont on a parlé, les cham-
hres ne se eroyant pas tres-súres du Roi, et ne
se fiant pas non plus ent ierement a l'armée, dé-
sirerent fIue les f~cossais demeurassent en armes
aussi long-temps fIue les autres ne seraient pas
licenciés; d'autant qu'elles se méfiaient aussi de
cette armée IrIantla ise que le Roi, eomme on l'a
déjil dit, avait déclaré ne pas voulorr eongédier
par des raisons que lui seul eonnaissait.


L'arrnée écossaise ne fut pas l icenciée avantle


les impressions douloureuses qu'avait causées la mort de
Charles 1'''. ; et le meil1eur moyen d'y réussir était, sans
doute, de rejeter sur le Itoi en personne la responsabilité de
tout ce qu'on avait souffert. Aussi NIay y prend-ilsoin d'at-
tribuer a Charles seul cette onéreuse prolongation du séjoul"
des J~cossais, dont il cherche ici a justificr le par]ement :
« Le paiernent de deux armées penJant Ull si long iH-
" terralle, dit-il , fut une grande charge pour le pauHe
« peuple d'Angletcrre qui , Jans l'espoir de gagner quelque


H chose a force de ternps , la supporta avec une patience
" excessive , sans murmures et sans aigreur conl.re le Hoi
« qui la lui avait occasionnée. » ( Abr(gé de l'Histoire du
long Parlcrnent dans la Collection d'Ecrits rclat(p aui:
gucrrcs civiles da rignc de Charles Je, , publiée par NI. F.
Mazcres, t. 1 , pago 23. - Londres 1815.) Kous renCOIJ-
trerons plusieurs aulres excmples de ce genre J'infidelité.


(Vot(' de l' Editeur, )




206 1lI5TOIHE
mois d'aoút , époque alaquelle le corntc de Hol-
lanel, nommé général a cet effet , licencia aussi
l'armée anglaise. Les deux arrnées se séparoreut
tranquillement, et les soldats s'en retournerent
dans leurs foyers selon eles étapcs réglées par les
juges de paix des difTérens comtés qu'ils avaient a
traverser.


Pour subvenir aune dépense aussi forte que le
paiement de cleux grandes armées, le parlemeut,
outre le vote des six suhsides , irnposa une taxe
nouvelle, ou du moins peu connue j usq U'~I ce j our;
ce fut la capitation , a laquelle tout le royaullJe
elevait étre sournis, Chaque due fut taxé a 100 li-
vres , les marquis a80 livres , les corn les ;\ (io Ii-
vres , les vieomtes et harons a40 livres, les che-
valiers ele l'ordre du Rain a 30 Iivres , les autres
chevaliers a 20 Ii vres , les éeuyers a 10 livres;
toute personne dépensant 100 livres par an , fut
taxée a5livres; tous ceux qui possédaient quel-
quelque chose, dúrent payel' en proportion de
leurs facultés, et les plus pauvres n'en fu ren t pas
quittes amoins de C penee.


Ce bi11 de capitation fut présenté au Roi par les
chamhres avec deux autres 1i11s d'une grande iru-
portance, l'un portant la suppression de la COUl'
de Haute-Commission, et Í'autre cel le de la charn-
hrc Étoilée (1).


(1) Voir , sur l'origiuc el la uature de ces UCUX cotn, , ,j




DU LO;\iG PARLE;VIE~T. 207


Mais le Roí moutra en eette occasion quclq ue
répugnanee, et voulait pour le moment n'accep-
ter que le bill de capitation , se réservant de dé-
libérer sur les deux autres. La chambra des C0111-
munes, informée par les lords de cette résolutiol1,
s'en montra mécontente, e't déclara que Sa Ma-
jesté les accepterait tous trois ou point dn tout,


Le Roi nearnuoins aeeepta le 2 juilIet, comme il
I'avait annoncc, le hill pourla capitation, et laissa
les deux autres en suspenso Mais apprel1ant aquel
point la chose était mal prise, et jugeant apres
múre délihération qu'il ne faHait pas alors mé-
contenter le pays, il rcviut le mardi sui vant
5 juillet, et aeeepta les deux bills pour la sup-
pressíon de la cour de Ilaute-Commission , et de
la ehamhre Étoilée.


Plusieurs des eourtisans el des plus proches
serviteurs du Roí furent tres-fáchés que Sa Ma-
jesté, puisqu'clle devait sitót apres aceepter ces
deux bilis, ne les cut pas acceptés franchement
eomme on le Iui avait demandé, en mérne temps
que celui pour la capitation. En eifet, cela pou-
vait faire penser que Sa l\fajesté ne s'y était pas
portée de bon coeur , et que, comme on le crai-
gnait alors, ses sentimens ne s'accordaient pas


légilimement l'objct de I'auimudvcrsiou publique, les ilfé-
moires de Warwick , el divers autrcs nuímoires.


( Note de 1'1.'diICllr. )




:w8 mSTÜIRE
pleinement av el: les désirs de son peuple , d'ou il
résulta que la reconna issance a laquelle aurait
eu droit un si granel hienfait librementet promp-
tement accorelé, lui fut en par-tie refusée.


Le Roí done, en acceptant ces eleux Iiills , dit
au parlement : « Qu'il ne pouvait se montrer in-
« sensible a ce qui lui avaít été dít du mécon-
( tentement excité par son refus de les accepter
( plus tót , et qu'il trouvait fort étrange qu'onlui
( demandút d'adopter des mesures si impor-
( tantes sans se donner le ternps de les examiner ;
« qu'il s'étonnait qu'on pút nourrir quelques
« mécontenternens , quand on devait se rappeler
« combien il avait déja fait dans ce parlement;
« la concession que les juges conserveraient leurs
« places, quam diicse bene gesserint , la limitation
« des lois sur les foréts , l'abolition de la taxe des
( vaisseaux , la reconna issance du droit des su-
( jets sur l'impOt du tonnaae el pesage, les par~
« Iernens triennaux, le libre cours de la justicc
( contre les délinquans, etc., etc. )) Il conclut
par sa gracieuse promessc qu'il ne négLigerait
r ien de tout ce qui pouvait procurer ~l ses sujets
une juste satisfaction.


Lorsqu'i] eut accepté les brlls ci - elessus me n-
tionnés , et aprés quclques mots sur le voyage
qu'il avait intention ele faire en Écosse, il fit au
parlement une proposition fort raisonnable au
sujet de son neveu , le )lrince électeur palatino U




DU LONG PARLE1HENT. 209
ne pouvait, dit-il, se dispenser d'accéder au ele-
sir de ce prince, et d'envoyer un ambassadeur
qui lui prétát son appui dans la diete de Ratis-
bonne, aupres de I'ompcreur: mais, eraignant
que cet ambassadeur n'obtint pas une réponse
aussi favorahle que selon la justicc on devait
I'espérer, et pour donner plus de poids a eette
démarche, il avait l'intention de puhlicr en son
propre nom un mariifeste , et il ne voulait le faire
que du consentemcnt et sclon l'avis du parlement,
convaincu que, sans cela, ce serait un acte de peu
de valeur.


Ce manifeste fut rédigé avcc la pleine appro-
bation des dcux chambres, et sir Thomas Rowe,
membre des commnnes, homme d'une grande
capacité >' fut envoyé aRatishonne, mais sa mis-
sion n'obtint aucun succés,


Vers le méme temps, la Reine - mere de
France (1), d'apres le désir manifesté par le
pariement, se d isposa a quitter l'Angleterre. Le
Roí consentit a son départ ; mais l'argent man-
quant ponr son voyage, le parIement luí accorda
10,000 livres sterling, aprendre sur le prorluit
de la capitation. Cette Reine était arrivée en An-
gleterre trois ans anparavant, et le Roi son gen-
dre l'avait rc¡;ue avec ele grands respects, luí al-
louant, pour soutenir son rang, 100 livres par jour.


(1) Marie de Médió<.
1 •




:;¡¡O H.l8TOlRE


Pour le malheur de cette Reine (je ne puis
dire si ce fut par sa faute ), pendant son séjour
ici, l'AngleLerre et l'Écosse avaient été en proie
a de grands troubles , que le peuple imputa en
partie a ses conseils , sachant quel pouvoir la
Reine sa íille avait aupres du Hoi.


D'autres ne s'en prenaient nullerneut a elle, et
attrihuaient tout le mal aux conseillers qui , long-
temps avant son arrivée, avaient déja tourmenté
I'Angleterre. Mais le' peuplc fondait son juge-
ment sur les actions ou les démarchcs par les-
quelles cette Reine s'était déja fait connaitre
ai lleurs.


Qlloi qu'i l en soit , elle redoutaiL heaueoup le
peuple anglais, et ava it peu auparavant demandé
une garde, témoignant des craintes pour sa vie ,
a raison , disait-elle, de quelques tentatives déjá
dirigées centre elle (J). Une garete fut en effet
placée autour de sa maison.


(1) Les era in tes de NIarie de Mérlicis pour sa súreté per-
sormel le étaient tri::s-Iégitimes, et :;VIay ne J?,Ollrait en dou-
ler, car les chamhres elles-mérnes. l'avaient reconnu. Lord
Holland déclara un jour a la charnbre des pairs , qn'en sa
qualité de lord-lieutenant du comté de Middlesex, il avait
ordonné a cent Iusiliers de servir de garde a la Reine-mere
dont le palais avait élé insulté par la populace , mais que
plusiellrs d'entre eux avaient montré heaucoup d'hurneur
d'etre employés a ce service, disant lPl'ils avaient mienx it
faire qne de gardel' des étr.1ngers. 11 savait de plus, ajoula-
¡-ji, q uu n ¡,Urollpcmcnt tu mu ltuen x devai t ,e fnl'lIJer I~




DU LONG PARLElUENT. 211


Sa régencc cn Francc n'avait point été heu-
reuse, ni conforme aux intéréts du pays. Peut-
étre faut-il moins lui en aUrihner le tort , que
l'imputer au sort commun de tantes les régences
de Pleines-meres dans ce royaume. Aussi de Thou
approuve-t-il cette parole de Charlcs IX ( prince
que d'ailleurs il HC loue guere ), qui disait sur
son lit de mort, que puisqu'il devait mourir si
jeune, il rcmerciait Dieu ele n'avoir point de fils,
ce qui épargnerait a la Frunce une régence dont
il avait vu les tristes effets. Jl avait pour mere
Catherine de Médicis , de la rnéme famille que
la veuve de Henri IV.


Aprcs la régence, la conduite de cette derniere
Reine avait été tel le que le Roi son fils ne voulut
pas la garcler dans son royaume. Elle ne fut pas
bien rec;ue non plus chcz son gendre le roi el'Es-
pagne, el le peuple y témoigna autant d'impa-


lendemain autour de Saint-Jarnes , et il reclama I'interven-
tion de la chambre pour faire cesser de' tels désordres et
mettre la Reine-mere il J'abri de tout outrage. Une confé-
rence eut lieu it ce suje; entre les deux chambres ( 11 mai
¡641); et elles ordonnerent que la milice de Londres four-
nirait une garde a la Reine-mere. Mais l'exaspération po-
pulaire conl re les prétres et les catholiques qui se réunissaient
chez Marie de .Médicis, était au comble ; et six jours apres
la chambre des cornmunes sollicita son départ, afin de pré-
venir, est-il dit , le blárne qui ne manquerait pas de tomber
sur la nation en cas d'un fácheux accidento i Histoire Par-
lerncntaire , t. 2, col. 788, 793. ) ( Note de l'Editeur. )


14·




21 ~ 1lI STO m s
tience de la vojr partir, que firent ensuite les An-
glais. En sorte qu'on vit la un étranae exernple
de l'instabilité des fortunes humaines; Cal' une si
grande Reine, mere de tant de puissans prinecs "
ne put trouver un asile súr pour sa vicillesse.


Peu de temps apres son départ d'Angleterre ,
elle maurut a Calagne, camme pour faire naitre
l'iclée de la eomparer a la fameuse impératrice
de Rome qui fonda cette ville el y étahl i t une eo-
lonie rornaine , Agrippinc, fcrnme ele Clauele el
mere de Néron. L'une et l'autre avaient manié le
pouvoir, et s'y étaient montrées actives, mais dé-
sagréables aux peuples; l'une et l'autre reconnu-
rent que la grandeur de leur GIs n'était pas aussi
favorable aleur empire qu'elles l'avaient espéré,
et elles apprirent que tout pouvoir qui dépencl
d'un autre est faible et peu súr , comme dit Ta-
cite, en parlant de cette mérne Agrippine : Nihil
rerum mortalium iam instabile et fiuxun» est
quamfama patentice ~ non sua vi nixce.


Enviran deux mais avant le départ de cette
Reine, la prineesse Marie , tille ainée du Roi, a
peine agée de dix ans, fut mariée, avec grande
pompe, a 'Vhitehall, au jeune prince d'Orange
(Guillaume); I'évéque Wren , al ors doyen de la
chapelle clu Roi, accomplit la eérérnonie le 2
mai 1641.


Ce mariage, débaltu d'ahord dans le parle-
ment , avait re~u son approhation ; le 9 février,




DU LONG PAllLEiVlENT. 213


le Roi lui-mérne avait fait connaitre ala chambre
des lords les brillantes propositions que lui fai-
saient a ce sujet les ambassadeurs des Provinces-
Unies,


Le peuple fut, en général, charmé de ce rna-
riage, et trés-content que le Roi eút choisi pour
gendre un prince protestant , au service d'un État
si Iona-temps allié de l'Angleterre , engagé dans
la méme foi, dans les mérnes intéréts , et gou~
vcrné par la discipline rcligieuse que la plupart
des Anglais désil'aient introduire dans leur Église,
comme elle avait déj~, été introduite dans l'}:glise
d'f:cosse :intention qui , du reste, n'était pas
alors aussi hautement déclarée qu'elle le fut plus
tardo Envoyant que le Roi avait lui-meme ehoisi
pour sa íille ce mariage, le peuple commerH;a
a croire que la faction espagnole avait perdu tout
crédit a la cour , et que les affaires seraient dé-
sorrnais conduites sclon le goút vraiment anglais.


Ce qui confirma cette esperance , ce fut de voir
que le parjcment uvanca it, suns essuyer, de la
part du Iíoi , aUCUBe opposition , Nulle dissension ,
en effet, n'avait encore éclaté, et ne semblait
probable; Cal' le complot des hommes qui vou-
laient soulever larmée contre le parlement, n'é-
tait pas encere découvert, et ce ne fut que quel-
quesjours aprcs cette uníon qu'on en soupc;onna
l'existence,


Mais il y avait des gens (fui suspendaicut leur




214 HISTülRE


JOle, et se promettaient, de ce maríage, peu
de bonheur pour l'Angleterre, a moins que le
Roi ne flit parfaitement sincere avec son peup!e ,
et ne prit des intentions conlormcs aux désirs
publics. Ceux-la consirléra ient, d'une part, la
situation du pr-ince d'Orallge , et craigllaicnt (fue
pour acquérir plus de pouvoir qu'i l n'en devait
posséder, il ne soutint le Roi dans sa lutte contre
le peuple , a charge de revanche en cas de hesoin.
D'autre part, ils pensaient que les Ét;! ls-généraux
de I1011ande étaient des politiques monrla ius , (fui
avaient en vue de bien autres i ntéréts que ceux
de la religion; si la discorde éclalait en Angle-
terre entre le prince et le peuplc , ce qu'on ne
cessa jamais absolument de redouter , on disait
que ces palitiqnes pourraient fort hien se ranger
du parti du Roi , contre la juste liberté des su-
jets, afin d'abaUre la force de l'Angleterre, et
de prévenir un agranc1issement qui poui-rait
nuire a Ieur propre forfune. Le roi d'Espagne
était alors si faible, qne les Provinccs-Lnies n'a-
vaient plus hesoin , comme auparavant, d'iuvo-
quer contre lui le secou.rs de l'Angleterre.


A dater de ce mois de jllillet, le par!cment
fut occupé d'un si granel nombre el'aft:'lires, pour
la réforme des ahus intcrieurs , quc ce serait une
fatigante et inutile tache de les rapporter toutes
avec détail. On peut les chercher dans les re-
gistres parlementaires, el je me contenterai d'in--




DU LONG PABLEMENl'. 2I5


diquer les principaux événemens qui précéderent
le départ du Roi pour l'Écosse.


Le 5 juillet 1641, la chamhre des cornmunes
recut le rapport de son comité sur l'accusation de
Mauhieu Wren , évéque de Norwich et ensuite
d'Ély. Tous les articles se rapportaient a l'intro-
duction de pratiques superstitieuses , trap sern-
blables a la religion rornaine.


Apres un débal , la chambre vota que I'évéque
"Vren luí paraissait indigne d'occuper aucune
charge dans l'Église ou dans l'État, et qu'elle eu-
verrait un message aux lords, pour les prier de
demander aussi au Hoi que Iedit évéque fút
éloigné de sa personne el de son service,


Vers le mórne temps, la chambre des communes
entendit la lecture des charges dressées contre
les juges qui avaient émis une opinion illégale
dans l'affaire de la taxe des vaísseaux; ils étaient
au nombre de cinq ; le juge Bramston , le haron
Trevor , lc baron '\eston, le haron Davenport,
et le jnge Crawley. Plusieurs memhres se char-
gerent d'appuyer l'aceusation spéeiale eontre
chaeun d'cux , et Iirent a ce sujet de grands dis-
cours, apportant de nouvclles preuves du crime.
Les eharges dressées centre le juge Bcrldcy éta ient
plus graves, et I'accusaieut de haute trahison.


Le Roí ne s'occunait absolnmcnt (fue de SOIl
. ,


voyage d'Écosse , dont il a vait fixé I'époque au
JO aoút, Les (leH" chambres y ava ient d'ahnnl




:.n6 HISTOIRE
consenti; mais, apres un múr examen, elles dé~
sirérent que le Roi voulút bien différer son départ
de quinze jours. Les maux du royaume, disait-
on, ne pouvaient recevoir un remede suílisant , a
moins que le Roi ne se prétát a ce délai, cal' iI
y avait beaucoup d'affaires pressantes 21 terminer,
et rien n'était encore réglé, pour assurer la marche
du gouvernement en son ahsence.


Le Roi, malgré ces sollicitations souvent répé-
tées, tint ferrnement au jour quil avait fixé, al-
Iéguant que les affaires d'Écosse exigeaient ahso-
lurnent sa présence (1); ([u'il aclopterait , avant de
de partir, toutes les résolulions importantes, et
qne déja, plusicurs fois, il avait cngagé le parle-
ment a se háter dans ses travaux, pour que tout
fút accompli avant eette époque.


En conséqnenee, le 10 aoút , le Roi partit de
Londres ponr l'Éeosse (2). J\fais, le méme jOlIr,


(1: 11 Y a ici une erreur qu'il est diilicile de ne pas at-
tribuer a une secrete intenlion ue présentur tou jours le Roi
cornme opposé aux désirs du parlement. Charles avait Mja
consenti, sur la demande des chambres, a retarder d'uu
iuois son départ pour l'Écosse, el les charubres s'ctaient
engagées alors a ne plus lui demander de nouvcaux dé-
lais. ( llistoire p arlcmcntaire , tomo 2, col. fq9; Clarcndou ,
Histoire de la R(!bel!iOll, tomo 2, pag. I p~)- )


( Note de l'EdÚe1l1'. ,
~2) Dans SOIl Abl'l~[?;é, I\Iay ajo~ltc ou iusinue , il propos u('


ce voyage, des fails el des reflcxions propres a préscntcr la




DU LONG PARLEMENT. 217


avant de se mettre en route, il se rendit a la
chambre des Iords , et adopta divers bills que les
chambres avaient préparés ; quclques-uns d'un


couduite de Charles sons un jour heauconp plus défavorable.
« Le Roi, dit-il , partit de Londres le 10 aoú í , et se clirigea
en toute ha te vers l'Écosse. II tra versa les armées qu'on li-
cenciait; et, s'il en faut croiro un écrivain écossais, il lenta
sous main toutes sor les de moyens pour engager I'armée écos-
saise a le servir contre le pa r le rn ent d'Ang!eterre, essayant
de la séduire par la promesse d'un riche butin, et offrant
des Lijoux de grande valeur pour gage de l'aecomplissement
de cette promesse. JI" ne prétends point afíirmcr la vérité de
ce fait; c'est an lecleur it en juger d'apr¡~s ce qui s'est passé
depuis. JVTais sí la chose a eu Jieu comruc on le dit, ce fut
une grande fausseté ele la part du Roi , qui n'avait pas cu-
core declaré ses intentions hostiles centre le parlerncnt. Ou
ne sut pas en Angleterre elans qucl dessein l e Roi était alié
en Écosse. Le rné m e auteur dit que ce fut pour s'assurer ele
ceux des nobles sur lesquels il croyait ne pas pouvoir comp-
ter, pour concourir a J'exécution de ses projets en Angle-
terreo Ce qu'íl y a de súr , c'cst que vers le mois de septem-
bre , le comité permanent de vYestminster apprit par des
lettres d'I~cosse, la dt:coll\erte d'Ull complot formé centre
la vil" de quclq ucs-uns des premiers pairs de ce royaume ;
sur quoi le comité craignit quelque atlentat de la mém e
source , et playa de forles gardes en différens enrl roit s de la
cité de Londres. » (Abn~€é, etc. dans la Collection de 1\1.1\1a-
zcres , t. 1, p. 33.)


Du reste, May parle de ce dernier complot dans son His-
toirememe (Tiv. 2, chapo 1), mais avec le ton du doute .
."íous [oindrons a ce passage df'S éclaircissemens historiques
i nrportans. (Note de l' Jidltt:IiJ". :




218 - HI8TüIRE


intérét puhlic , eomme le biJl sur la ehevalerie,
le bill pour la librc fabricatíon de la poudre et
du salpétre , etc., et d'autrcs qui n'eta ient rela tifs
qu'il des intéréts prives.


11 désigna également la commission revétue
du pouvoir d'aclopter les bilis en son absenee; les
commissaires nommés furcnt le lorcl-chaneelicr,
le lord garde-du-seeau privé. le eomte de Lind-
sey, le cornte d'Essex , le marquis dc Hertford ,
le cornle de Bath el le cornte de Dorset.


Il leur signa aussi un autre hill, par lequel il
nornrnait le cornte d'Essex général de toutes les
armées en del;a de la Trent , et luí donnait pou-
voir de lever des troupes en cas de nécessité.


Quant a une autre requéte que les deux cham-
bres luí avaient présentée, le jaur précédent,
pour que le cornte de Pernbroke flit fait lord-
grand-maitre de la maison du Roí (1), a la place
du eomte d'Arundel, durant l'absence de celui-ci,
qui était alors alié accompagner la reine-mere,
avec le eomte de Salishury , i1 dit qu'il examina-
rait la chose aloisir.


U eomrnen~a, en ce t.emps, a s'élever rlans le
sein du peuple beaucoup de méfiances, de dívi-
sions et de différences d'opinions concernant le
parlement.; elles furent succcssivcment fomentées
par les personnes que leurs intéréts particul iers


'r) Lord Stcward.




DU LONG PARLEl\1ENT. 219


et les pertes qu'el les avaient subies rendaient COll-
traires au parlement, et dont le nombre ne
pouvait étre petit. Ainsi s'ouvr it une voie fu-
neste aux deplorables désordres qui suivirent, Les
éveques, bien quils ne fussent pas encere entie-
rement dépouillés, ava ient été Iort réduits; un
granel nombre de personnes dont I'existcnce el la
fortune dépendaienl: de la Ieur , et surtout ccux
qui avaicnt tourné leurs esperances de ce coté,
entre autres beaucoup de membres du clergé el
des deux reniversités , commeucerent ase déclarer
tous les jours davantage centre le parlement, se
plaignant qu'on enlevait á la scieuce toutes ses ré-
compenses; ce qui agit puissamment sur l'esprit
des jeunes gens el des amhitieux de cette robe.
Une autre chose qui semhla inquiéter plusieurs


l' '1 A f l' Apersonnes ( un caractere ionnete ,ut extreme
Iicence a laquelle s'était 1ivrée la multitude,
presque des le commencemcnt du parlcment; 011
voyait le peuple s'ingérer, sans ordre et sans dé-
cence, de travailler par lu.i-rnérne á la réforma-
tion; troubler le ser-vice public par des violences
pendant la lecture des prieres ; déchirer les Íivres ,
surpl is et autres choses de ce genre; et le parle-
ment , soit qu'il Iút trop occupé par la variété de
ses afraires , OH qu'il craignit peut-étre de perdre
unparti considérable, dont il pouvait a voir be~­
soin contre un ennern i pnissant, ne réprimait




2:l0 HI51'OI1\&


pas ces désordres , autant que l'auraient desiré
les personnes dont je parle.


Joignez a cela ce qu'on cntendait rapporter
jonrneUement de conventicules et de ridicnles
prédications faites par des artisans ct des hommes
illétrés de la derniere classe du peuple, au grand
scandale et mécontentement de heaucoup de gens.
Quelques-uns les excusaient en plaisantant, et, fai-
sant allusion au ternps qu i avait précédé, disaient
(( que ces artisans ne faisaient que se charger
« d'un devoir négligé par les prélats et les gral1lls
(( docteurs, la prédication de I' Ér;on¡:¡ile,. que ce
« n'était qu'une invasión réciproque de leurs mu-
(( tuelles fonctions, et qu'il étaitjuste que les mar-
« chands de chandelle, de sel, les tisserands ct
« autres de cette sorte montassenten chaire, quand
« Í'archevéque Iu i-jnérne , au Iieu de précher ,
« s'occupai t chaque jour a faire des projets COll-
{( cernant le cuir, le sel, le savon el autres den-
(( rées du ressort de ces marchands, ))


Beaucoup de gens s'éloigncrent insensihlement.
du parlement, sécluits par les discours empoi-
sonnés dont les entretenaient les amis, parens et
partisans de tant de grands coupables, a qui un
tel parlement ne pouvait qu'inspirer beaucoup
de craintes, Ces hommes formaicnt un parti peu
nombreux en proportion du peuple entier; mais
ils poursuivaient leurs iutéréts particulicrs avec




UD LONG PARLEMEN1'. 221


plus de chaleur que l'on n'en met d'ordinaire a
soutenir eeux du publico Quelques-uns des par-
tisans du parlement furent c1écouragés par le
temps et lenr propl'e inconstanee, et paree qu'ils
avaient compré que le reelressement des griefs
rnarcherait plus vite que cela n'était possihle a
espérer el'un parlement, quelque actif qu'il pút
étro ; ils ouhliaient que -' rassemblé apres une si
longue iuterruption , ee1ui-ei était obligé de tra-
vailler i la réforme, au milieu d'une immense
variété d'affaires ; ces hommes done, au bout de
quclquc tcmps, se lasscrent ele ce qu'ils avaient
si long-temps désiré , ne faisant pas aUention
qu'un prince, lorsqu'un parlement lui déplait ,
trouve faeilement le rnoven d'entraver sa marche


.J


et de retarder la guérisoll de l'État. Quand cela
arrive, le peuple, f:cltigué de l'attente d'une telle
gnérison, oublie ordinairement par degrés l'a-
merturne des maux qui la rendaient nécessaire ;
mi. bien, eomme pour guérir tant et de si longlles
malad ics et en prévenir le re tour , on se trouve
pres([ue toujours dans la néeessité d'imposer des
taxes pesantes et el'épu iser j usqu'a un certain point
l'al'gent du peuple , il devient extrérnement sen-
sible a cette nouvelle soulfranee; et rccevant ,
pour un temps, plus de douleur de la guérison
qu'il n'en avait resscuti auparavant du mal qui
le consumait, il ne songe pas que les causes de
ce qu'il endure sont toutes dans le passé , et que




222 HISTOIRE


ses souffrances présentes sout uécessaires pour sa
súreté a venir.


Les hommes éclairés de ce ternps avaieut cru
qu'un parlement tant et aussi long-t.emps désiré
que I'avait été celui-ci , un pat-lcment assemblé
apres ele si manifestes et constantes violations des
lois et libertés de l'Angleterre, ne pourrait jamais
devenir oclienx au peup]e. lIs ne pensaient pas,
du mo ins , qu'il pút déplaire it une assez grande
partie du peuple pour courir le r-isque d'en étre
attaqué , et pent-étre détruit et chassé. C'est ce
qui arriva, cependant , en moins d'une année;
j'ai déja incliqué quel ques-uines eles causes qui
duren t engager, centre le par! ement, cette por-
tion de la natíon dont les intéréts particuliers
et l'existence s'étaient trouvés compromiso le ne
saurais bien expliquer eomment il se fit que
quelques personnes entierernent désintéressées ,
et dans leur fortune, et dans leur état, se trou-
ver-eut tel lemcnt hlessées de quelques actes du
pa rlement, qu'el les abandonuerent son parti;
mais je me rappelle, qu'it peine un an écoulé,
et lorsque la guerre civile commenc,;a a éclater
dans tout le royaume, chacun , dans les sociétés,
commenc;a aussi a exprimer son opinion, et arai-
sonner, soit pour, soit contre le parlement. On
publia, des deux cótés , divers traités, et plu-
sieurs genti1shommes abandonnerent alors le par-
lement , se pronon~ant arner'ement centre la ma-




DO LONG PARLEMENT.


uiere dont iL s'était eonduit dans les alfaires de
religion. I1s lui reproehaient, surtout, d'avoir
cnconragé, ou de u'avo ir pas réprimé les vio-
leuces cornmises, cornme je l'ai dit, par le peuple,
dans les églises, et (le l'avoir laissé se porter ades
actions qui lenr paraissaient contraires a la dis-
cipline de l'Église anglieane, et dont l'eílet devait
étre d'introcLuire toutes sortes de sectes et de sehis-
mes. Ceux qui teuaieut le pa rti du parlement ne
s'accordaicnt pas non plus sur ce point. Qnelques-
uns disaient qu'i l était sage au parlement de ne
pas proceder contre les auteurs de ces violences;
ce (fui aurait pu, cornrne OH I'a déja observé, lui
faire penlre un parti considerable. D'autres pen-
saient et disa ient , qu'en souITrant ces choses ,
il perrla it plus de partisans dans les classes
élevées, qu'i l ne pouvait en acquérir de l'autre
coté. lis soutenaienL aussi que les lois et les li-
bertés ava ient été tel1ement violées par le Hoi ,
«(ll'íl aurait m ieux valu (Ju'on n'entreprit pas
el 'intércsser ú ce point la religion dans la cause de
la réforme des abus ; cal' ii était fréquent, acette
époque , el ans les discours parlementaires destinés
a relever l'injustice, la tyrannie et la corruption
des hornmes en place, de placer le papisme, OH le
soupí,{on de papisme, en tete des aeeusations
qu'on portait eontre cux. le me rappelle que,
lorsque la guerre fut comrnencée , parmi les petits




HJSTOIRE


traités publiés ulors , quelques - uns sans nom
d'auteur, j'en trouvai un ou cette opinion était
exprimée en des termes que je rapporterai ici :
(( Peut-étrc , dit-on , en insistant tl'OP vivernent
« sur la religion, et en accnsant le Roi d'affection
(( pour le papisme , est-il arrivé qu'on a affaibli
« le parlement et donné au Roi des par'tisans.
« n semble que soit ce un granel paradoxe de
( dire que la meilleure de toutes les choses , et la
« seule nécessaire, la religion , Iorsqu'on la met
« dans la méme balance que les lois et la Ii-
« berté , en puisse rend re le poids plus léger; ce-
(( pendant il se pent faire que cela arrive. On
« ne sanrait nier que les étranaes relations éta-
« blies entre Rome et la cour d'Angleterre, les
« lettres écrites au pape par le Roi Iui-mérne , la
« favenr qu'il a montrée aux prétres et autres
(( choses de ee genre, ne puissent donner au
« peuple de justes raisons de craindre qu'on ne
I( travaille astlper les fOlldemens de sa religion.
( Cependant, comme la hienveillance dn Roi pour
« le papisme ne peut étre aussi claircmcnt prou-
1( vée, aux yeux de tous, que la violaí ion des Iois
« et des Iibertés du royaume, ce qui concerne la
« religion demeure, selon le jugernent du peuple,
(( une chose en qnestion; d'autant plus que le Roí
« proteste toujours de son attachement a la reli-
« gion, et le public, amusé par ces disputes, oublie




DU LONG PARLEMENT.


l( insensiblement le erime évident dont le Roi
( s est rendu coupable , la violation des lois et de
« la liberté. U y a plus; quehlues-ulls supposant
(( que le parlement a été injuste a l'garcl du Roí
!( sous le rapport de la rcligíon 5 íiuissent par
( supposer que, sous d'autres rapports, Sa Ma-
« jesté n'est pas aussi coupablc <lu'on voudrait
( le faire cruire : c'est ee que j 'ai derniere-
« ment entenrlu soutenir a quelques personnes.
M Il en resulte une étr,!-llgc ehose; c'est que les
(e ll(:gociations du H.oi avec Rome, au détrirnent
(( de la rcliaion protestante, finiront peut-étre ,
« dans un pays protcstaut ~ par tonrner au profit
« de la couronne ; et nous pouvons ajouter a cela
« une supposition tont aussi paradoxalc , c'cst
« que .si le Roí u'avait jamais ríen fait de préju-
« diciahle a la religion protestante, il n'aurait
(( pas trouvé, dans le parlcment, tant de pro-


A' 1 .
« testans prets a prem re son parh; car, comme
« il n'y aurait eu ancune dispute sur la religion,
i( les crimes de son mauvais gOllveruemcnt dans
(e les aíiai res civiles aura ient pal'n, aux yeux de
( tous , clairs et inexcusahles ; nous avons vu
« qnel.[ues-uns des Hois précédens, lors<lu'il n'y
(( avait qu'uue seule religion , et, par couséquent ,
« aucune dispute acet égarcl, séverement censurés
[( dans le parlcmcnt ponr <le semhlables violations
.( des lois et de la liberté, saus clue personne se mi t.


1. 15




IlISTÜJítE
« en avant pour les justifier. Et pourquoi un
(( parlement ne regardcrait-il pas ces choses
«( comme suílisantes pour mériter son atteution
(( ct légitimer sa cause devant Dieu ? est-ce que
(( par tout pays 011 la religion n'est pas entierc-
(( ment dépravée, le Tout-Puissant n'abliorrc
C( pas l'injustice, l'oppression, la tyrannie et
(( autres choses de ce genre? il Ies abhorre encore
(( bien plus dans les lieux ou la religionest pro-


, ({ fessée plus purement.
« Il est arrivé, de plus, qu'en nomruant si sou-


(( vent la religioll , comme si elle ét.ait le seul
(( ohjet de querelle, on a place la question dans
{( un jour tres-faux ; en sorte que quelques-uns
(( par ignorance, d'autres par adresse ct par un
« mépris volontaire dont ils se servent pour at-
(( taquer la cause du parlcment , écrivent des
(( volumes entiers sur une question mal po-
rr sée; an lieu de demander si le parlement,
(( d'Angleterre, légalernent assemblé, le Roí
« censé présent , peut (létellClre par les armes la
« religion établie, les Iois et les libertés de
« la nation centre les sujets coupables qui re-
(( tiennent au mílieu d'eux le Roi égaré; ils
( demandent si, généralement parlant, les su-
( jets peuvent faire la guerre ¡¡ leur Roi pour
( cause de religion. » Telle était ~l ceHe époque
I'opinion d'un grand nombre des partisans du




DU LONG PARLEl\1ENT.


pnrlement. Mais ponrsnivons notre narrntiou.
Le parlement s'était aper<;u de la défectiou de


([uelques-uns de ses adhérens : i l avait aussi dé-
COUVCl't plnsieurs conspirations et rnachinations
tramées par ses ennemis, et en craignait encore
clavantage. U avait donc, dans le rnois de mai
précédent, dressé une protestation qui fllladoptée
solennellement par tons les memhres des (leux
chambres, et euvovée dans toute ['Augleterre,
pour ({ue le pcuple I'adoptát également.


Elle était conyue en 'ces termes:
« Moi , A. B., en présence du Dieu tout-puis-


« sant, je promets, jure et proteste, de main!e-
« nir et défendre, en tant queje le poui-rai Iégale-
« ment , de rna vie J de mon pouvoir et de mes
« hiens, la vraie religion protestante réformée ,
« telle qu'elle est contenue dans la doctrine de
« l'Église d'Angleterre, contre tout papisme et
« innovation papiste qu'on voudrait introduire
( dans ce royaume centre ladite doctrine; el
« conformément aux devoirs de mon allégeance,
« je maintieudru i et défemlrai la royale personne
« de Sa ;\Iajesté, son honneur et ses prérogati ves,
« comme aussi le pouvoir et le privilége des
1( parlernens, les libertés et droits légaux des su-
« jets; je soutieud rai de mérne toute personne
« ayant pris part ;\ cette protestation, en tout ce
« qu'elle fera pOllr la soutenir par les voies lé-


J 5.




228 lIlSTüIRE


« gales , et je m'opposerai de tout mon pouvoir
« a tous ceux qui, par force, artífices , conjura-
« tions, complots, conspirations ou autrement,
(( feraient quelque ehose de contraire a ce que
(( contient la presente protcstation; m'efforcant ,
« par toutes les voies et moyens horinétes qui se
(( trouveront en mon pouvoir, de les livrer aux
« chátimens qu'ils méritent. En outre , je m'effor-
(( cerai, autant que je le pourrai , par tous les
« moyens justes et honorables, de maintenir I'u-
« nion et la paix entre les trois royaumes d'An-
« gleterre, d'f=cosse et d'Irlande, el nulle espé-
(( rance, erainte ou quelque autre considération
« que ce soit , ne me fera manquer acette pra-
(( messe, ace voeu , aeette protestation. »


Il n'est pas hors de propos de faire connaitre
ici en peu de mots quelques ehangemens qui
avaient eu lieu avant le départ du roi pour l'Éeosse,
bien qu'ils ne se rapportent pas immédiatement
a cette époque, mais a quelques semaines ou a
quelques rnois auparavant. Ils tornbér-ent sur des
hommes dont nous aurons occasion de reparler
dans le cours de eette histoire,


Le lord Cottington avait, le 17 mai 1741,
donné sa démission de la place de maitre de la
cour des tutelles , et le lord vicomte Say et Sele
lui sueeéda dans ces fonctions. Peu de jours aprés,
le docteur Juxon , évéque de Londres, rendit son.




DU LONG PARLEMENT. 229
háton de lord-trésorier, et eette eharge fut re-
m ise entre les mains de cinq commissaires, Vers
cette époque le comte de Leicester, dernierement
revenu de l'amhassade de France, fut nommé
par le Roi lord-lieutenant d'Irlande, Lc eomte
de Newcastle, gouverl1cur du prince de Galles, fut
écarté , et le marquis de Hertford nommé a sa
place.




mST (JI HE


LIVRE SECOND.


CHAPITRE PREMIEn.


Comité établi durant I'interruption de la session
da parlement. Rébeliion des 1rlandais el mas-
sacre des protestans en Irlande . QueLqucs Pj'-
forts da parlement ansilais pour secourir ce
royaume,


L,ABSE~CE du Roi produisit une grande staana-
tion dans les affaires de l'Angleterre. Au milieu


<-


de ce concours d'objets importans, et dans 1'at-
ten te ou l'on était du redresserncnt d'un si granel
nombre de pressans griefs, rien ne pouvait (~trc
si désagréahle au peuple (1'1'1111 pareiJ délai : re-
tarder la guérison, c'était, apeu de chose pres ,
donner 1.1 mort; aussi dans un court espate de
temps, en vit-on des suites pires (Iue n'aura ieut
pu les imaginer les homrnes les plus prévoyans ,
ou que les plus méfians n'aura ieut pu les soup-
c;oi'lller. Cepeudant les craintes et les méfiances
étaient alo rs parvenues ~l un tres-haut degré; et
le parlement dAugleterre comptait moiris que




DC LONG PARLEMENT. 2)1


jamais sur la sincérité des dispositions du Roi en
sa faveur. Rien d'important ne se fit dan S le par-
lement ·durant I'ahsence du Iloi ; il Y eut seule-
ment quelqucs clcbats relatifs au service de l'É-
glise ct a des changemens a faire daus la Iitur-.
gie; mais rien De fut candil acct égarcl (1). 011
ne discuta qu'une seule affaire; lc Roí y donua


(1) Ces déha!.s Iurcnt une tentativo du parti puritain con-
tre I'~:gljse anglieane; el ee parti , aux mains duquel la ré-
volutiou dsvait tomher , en était encore si pen le main-e
qu'il éehoua complélement. dans cette prcrn icrc altaque con-
tre la lilurgic en vigucur. Bien que la charuhrc tic> COl11-
munes [{\l en ee moment lres - peu nornbreuse , les propo-
sitions des puritains y furent rejetées par 55 voix con trc 37'
Mais ils ne perd iren t pas courage; le lendemain, en I'ah-
sence de la plupart des mernbres présens la veille, ils repri-
rent leur motion comme si elle n'avait pas été rejetée, vn-
terent quelques-uns des changemens q¿¡'ils voulaient faire
dans la liturgie, et cnvoy erent leur résolutíou a la cham-
bre des pairs, espérant qu'elle y passernit de mérne , ala fa-
veur de I'absence d'un grand nombre de Iords. i'lIais la en-
core, elle essuya un nouvcl échec ; au líeu de I'adopter , les
pairs présens voterent la réimpression d'une ancienne 01'-
donnance de leur chambre , portant que le scrvice divin de-
vait se [aire dans les formes presct-itcs par les acles d!J par-
lernent, el que tont homme qui tenlerait de le troubler se-
rait pun] selon les lois. Les lords transmirent cette résolu-
tion ala clrambrr- des cornruunes ; rnais les puritaius , tou-
jonrs presqllc scu!s et porn-suivnnt opiniátrément leur des-
sein, déclarcrent que onze pnirs seulement avaieut adoptó


. cette résolutíon, flnc neuf s'y éLaient oppo:;és, fju'ainsi 01\




~


2J2 mSTOIllE


Iu.i-rnérne oeeasion par une lettre écrite aux lorLls,
peu de jours apres son arrivée en tcosse. 11 Ieur
annoncait qu'i l avait prornis an roi d'Espagne de
lui donner quatre mille soldats de cette armée
d'lrlande, levée par le eomt.e de Strafforcl et ré-
eemment lieeneiée; il désirait que le parlement
accédát a ce qu'il aecomplit sa promesse; mais la
charnhre des eommunes que les lords avaient in-
vitée ;\ une eonférenee sur cet ohjet, ne vou lut
pas consentir a envoyer un seul lrlanclais an se-
cours du. roi d'Espagne : on donna alors quel-
ques-uns des motifs de eette résolution; mais ils
furent exposés plus en détail, environ dix jours
apres , apropos d'une seconde lettre du Iloi , dans
laquelle Sa Majesté dédarait que l'ambassadeur
d'Espagne réclamait la promesse qu'el le luí avait
faite, et qu'elle nc pouvait en honneur la rétracter,
Néanmoins, elle avait , disait-elle , trouvé I'am-
})assadeur si raisonnable qu'il se conteutait de
deux mille hommes; Sa Majesté cspérait que le


ne lui devait point obcissance ; et ils enjoiguirent en me me
temps a toutes les comrnunes d'Angleterre de se couforuier
<la "ole de la charnbre des communes, (Histoire Parlemeu-
tairc, t. 2, col. g06, 910; Histoire de la Réúelliol1, par Cla-
rendon, t. 2, pago 214.) Cet exernple montre, entre mille
autres , quelle était déjaa cette époque , la violeuce de l' es-
prit de parti, et cornbien il tenait déjit peu de cOlllpte de
toutes les formes l(~ga¡ej.


( l\'ole de l'l~'d¡lellr. )




DU LONG PAHLE~lENT.


parlement ne les lui refuserait paso La chambre
prit la chose en eonsidération; et deux jours
aprés , dans une eonfércncc avcc les lords, lord
Falkland , membre de la ehambre des eommu-
nes , énouea an nom de cette chambre les rai-
son s ponr lesquelles elle ne jugcait pas convena-
hle de déférer aux désirs du Hoi. Non-seulcment
le roi d'Espaane , (lit- il, était l'all ié et le con-
fédéré de l'Empereur, mais jI l'aidait de scs
secours contre le prince électeur nevcu de Sa
l\lajes!é, que le pouvoir et l'injustice de I'Em-
pereur privaient depuis lon~-temps de son héri-
tage. JI para.itr-ait done contradictoire que, dans
le móme lernps OU lc Roi publiait un manifcste
en fa veur de son ueveu et cnvovait pour lc soute-
nir un ambassadeur a la diete de Ratisbonne , il
prétát secours aux ennernis de ce mérne prinee
électeur et parut ainsi tirer l'épée centre lui.
Cette démarche devait d'ailleurs porter néces-
saireurent un grand préjudice a la cause protes-
tante dont le par/erncnt avait tant acoeur de se-


1 1 'D" . .con, el' les progreso apres ces raisons , on Jugca
convenuhle de résister sur ce point aux désirs da
Roi; ct imrnédiatement apres ~ les deux cham-
hrcs s';IJOUrnl~J'entde ce jour 8 septernbre au .20
octohru , et clésigncrent un comité permanent de
cinqua.ito membres CJui devaient síéger daos cet
intervalle.


Avallt la nouvelle réunion du parlemcnt, des




HISTOIHE
leUres da comité anglais en í~eosse, lucs a11 eo··
mité permanent de Westrninster , annoncércnt la
découverte d'nn complot tramé par le comte de
Crawford et autres contre le marquis de Hamil-
ton et quelques-uns des premiers pairs d'Eeosse.
Comment ce complot fut découvert et prévenu,
et si le Roi y avait quelque part, c'est ce don! le
parlemeut ne s'informa point, imitant l'exem ple
des États d'Éeosse qui garderent a ce sujet le
plus profond sileuce. Depuis Iors , un écrivain de
ce pays a positivernent accusé le Roi d'y avoir
pris part, mais sans le prouver (1). Seulement le
comité permanent, craignant qn'a Londres des
tentatives sernblablcs ne sortissent de la inémc
source , établit de fortes gardes dans certains
quartiers de la cité, en attendant que les cham-
brcs, aleur re tour , ordonnassent d'autres dispo-
sitions (2). La mal veillance des d iverses classes


(1) Clarcndou couvient du complot et móme d u projet
d'assassiner les marquis d'Argyle et de IIamilton; mais il
afiirme que le Roi reponssa, avec horreur , cc dernier des-
sein. 1\1. lVIalcolm L?illg , dans son Histoire d'Ecosse, at-
tache, au contraire, te. plus grande importance a toute cette
affaire, croit que le Boi l'avait préparée de longue ruain ,
et y voit la canse de l'irréconciliable rupturc f1ui éciata
hicntót entre Charles et le parlement. Voir , a la fin de ce
volume , les (:clail'clssemens historiques,


(2) Cette no nvel le ar-riva it Londres la veille du jour oh
les charnbres devaient se réunir de nouveau , apr¡~s la sus-
pensiono « Le matin mérne de ce jonr, dit Clarendou ,




DC LONr~ PAHLE:lIENT. 2'35
de gens dont j'ai parlé tout a l'heure, commen-
ca it alors aéclater non seulement dans les con-
vcrsations familieres , mais dans des libelles in-
su ltans et amers contre les membres des deux
chambres ~ qui passaient pour les plus zélés dans
la cause du pays; c'était l¡l un mntif hien suffisant
pou]' accroitre les craintes et les méfiances du
parlemcnt. .


Mais le fatal incendie qui deva it si cruellement
ra vager les trois royaumes, éclata duns celui ou


M. Hyde (c'est de Iui-rnéme qu'i l parle) se promenait dans
\Yestlllinster-Hall avcc les. corntes de Holland et d' Essex ;
il, avaieut tous denx ¡'air fort troublés de ce complot et
semblaient croire que d'aulres }Jersonnes pouvaient avoir
a craindre les uangers qu'Argyle el Hamilton venaient de
courir. 1\1. lIyde trouvant ces craintes indignes d'eux leur
dit gaiment: " Je sais tres-bien ce que vous pensiez l'un et
« l'autre de ces deux lord s, il y a un an on deux; je m'étonne
" que vous ayez si complétement changé d'avis. » lis lui
répondirent en sonriant : u Les temps et la cour sont hien
u challgés aussi dcpuis lors, « A peine les chaiubrcs furent
elles réunies et les Iet tres d'Écosse lues qu'on fit la motiou
de demander au comle d'Essex, nomrne général en l'al)-
scucc du Roi, une garde chargée de vei ller conslarnment
ala súreté J u par lement , ce qui fut fait. Tout cela n'avait
pour objel (lIle J'enlretenir le peup\e dans l'idée ([lle le
parlernen t (:Iait en dallgec Les choses s'étaien t arra ngées
le plus paisiblement du monde en Écosse , el l'unique n:-
sultat qu'clles eussent produit , c'c-t t[ue Hamilton avait ét(:
fait duc el Argyle marquis. )} t Hlst. de la RéÚel. , tomo 2,
pago 226. ) (Not. de l']i'dit. )




HISTülPtE
on le redoutait le moins; et les gens qui semblaicnt
jouir de la plus profonde sécurité -' furent les pre-
miers asouffrir. Vers la fin d'octobre I64r , pen-
dant le séjour du Roi en Écosse, la rébellian la
plus sanglante et la plus barbare dont ancune na-
tion se soit jamais rendue conpable, se manifesta
tout a conp en lrlande. L'atrocité de cet événe-
ment est sans exemple; et le rare mvstére ayer:
Iequel fut conduit un si noi r et si vaste dessein ,
doit exciter la plus profonde surprise. Les inno-
cens protestans sc virent en un mornent dépouillés
de lcurs hiens; et , dansl'cspace d'un mois , plnsde
deux cent mille hommes, femmes ou enfans, furent
massacrés , souvent avec eles tortures inouies,


L'étonnemcntdu puhlic fut d'autant plus granél
que l'ancienne haine des Irlandais ponr les An-
glais, sentiment si commun aux nations eon-
quises, semblait absolument onhliée. Qlurante
ans de paix avaient fonclu les deux peuples en un
seul corps; et un grand nombre d' al! iances , de
mariages, dcs relations fréquenfes et qui por-
taient extérieurement toutes les apparellces dunc
bienvcillance réciproque, paraissaient avoir ci-
menté leur union. En beancoup de lieux, on
voyait lesdeux nations adoptcr récipro,[nement
les mocurs l'une de ]'autre; un genlilhomme. a
qui la place qu'il occupait en Irlande donnait les
moyens dc I'ohserver, et qui a puhlié la rclation
la plus fidelc dc cette funeste rébellion, dit lni-




DU LONG PARLEME:NT. 237
méme que heaucoup d'Anglais se laissaient ailer
aux manieres el aux usages des Irlandais, tandis
que heaucoup dIr-landais , surtout dans la classe
supérieure , arlopta ient dans la vie privée le lan-
gage, les habitudes et les modes des Anglais. Le
gouvernement était doux; le Roi avait mérne ac-
cardé récemment a l'Irlande le redressement de
(luelques anciens griefs. Aucun Anglais, dit le
iuéme auteur, n'avait découvert le moindre in-
d ice de la conspiration , avant le jour mérne oii
elle deva it éclater; seulement sir vVilliam Cole,
dans une lettre aux lords-juges sir William Par-
sons et sir John Bnrlace, avait exprimé qnelques
craintes sur les réunions et les pratiques de gens
présumés capahles d'un mauvais dessein.


Cette horrible machination, conduite avec tant
de secret, devait recevoir son exécution le 25 oc-
tobre , aneuf heures du matin; les rebelles de-
vaient s'emparer du cháteau de Dublin, la prin-
cipale forteresse du royaume, ou étaientdéposées
les armes de l'armée irlandaise qu'on venait de
Jicencier, et d'autres munitions de guerre qu'a-
vait amassées le comte de Strafford. Beaucoup de
gentilshommes irlandais du plus haut rang s'é-
taient rendus la nuit précédente aDublin, pour
1'exécution de leur projet. Il était aussi convenu,
parmi les conspirateurs, que le méme jonr tous
les forts et arsenaux de Sa Majesté dans ceroyaume
seraient surpris , et tous les Anglais ou protestans




HISTOIHE


qui refuseraient ele se joindre aeux, massacrés.
Mais il plut aDieu de prévenir de la maniere la
plus inattendue la prise du chál.eau (le Duhlin, et
d'empecher ainsi que le royaume ne fut eornplé-
terneut perxlu en un jour. Hugh JTac-Mahon, pe-
tit-fils du farneux rebelle Tvrone ,gentilhomme
fod considerable dans le comté de Monagan, et
qui avait sen i en Espagne commc lieutenan t-
colouel , s'était reudu a Dubliu la vcille elu jour
de l'exécution du complot, ou jI devait jouer
un grand role. n entra en familiarité, dans une
taverue , avec un Irlanelais nommé Owen o Co-
nel ly, qui était protestant, el au servicc ele sir
John Clutwortl,y, membre du parlcmcut anglais.
n en dit tant a cet Owen , en huvant avec luí,
qu'en sortant de la taverne, ce brave hornrue ,
aneuf heures elu soir, aila avertir, au risque ele
sa vie, le lord-juge Parsons, du dangereux projet
ourcli clans tout le royaume. Mac -Mahon fut
aussitót arrété , el, apres son intcrrogatoire, Oil
se saisit aussi du lord Maquire , UI1 des princi-
paux conspiruteurs, 011 les enferma sous honne
garcle, et le cháteau fut mis al'abri de tonte len-
tative ; rnais un granel nombre de conjures iru-
portans, tels que Rime, More, Plunkett et autres,
s'évadcrent de Duhlin pendan! la nuit.


Les Iords d u conseil, stupéfaits de la décou-
verte d'une telle trahison, vireut en méme temps
avec eífroi qu'il n'y avait aucun moyen de la rré-




)) [J LOj\G PAllLl;:l\IEN1'. 239
ven ir; cal' ;\lac-Mahon, dans son interrogato ire ,
Ieur avait dit fnll1cllement clu'a cette heure méme
Ious les corntés ele l'Irlandc étaient soulevés. Ils
essayerent cependaut d'appliquer a ce mal dé-
scspéré les remedes les plus efficaces; se flattant
c[ue peut.-étre la nouvclle du mauvais succes de
la teutati ve sur le chateau de Dublin troublerait
les conspirateurs des comtés les plus éloigllés, et
encouragerait les sujets fideles ase défendrc avec
plus de confiauce, ils publierent sur-Ie-champ
une proclamation qu'ils firent répand re par d'a-
droits messagers partout OÚ ils purent l'envoyer.
Elle avait pour lmt de fa ire connaitre la décou-
verte dn complot, et d'exhorter tous les citoyens a
faire leur devoir centre les conjurés. Mais il n'é-
tait plus temps de prevenir le projet général, et
ce jour mérne on 'lit arriver quelques pauvres
protestans anglais elont on apprit qu'ils avaient
été dépouillés, el que leurs maisons aya ient été
surprises par les rehelles. Ils furent suivis bien-
tüt apres de plusieurs autres ; il en arrivait tous
les jours et presqu'á tontes les heures. Les mas-
sacres et les dévastations augmentaicnt journelle-
ment : en plusieurs corntés les villes et les ,il-
lages étaient incendies. Pour empécher les progn3s
de cette affreuse contagion, les lords-jnges dépé-
cherent des lettres au Roi, alors en Écosse , ct
au comte de Lcicester, nommé dernieremcnt par
le Hoi lieutcnant d'Irlandc, mais encere a1.011-




HISTOIHE


dres, pour les informer de l'état déplorahle oil
ils se trouvaient. En mérne temps, ils examine-
rent , avec toute la diligence possible , ce qu'ils
avaient de ressources a opposer a une tcllc
guerreo lIs trouverent aDublin des armes et des
munitions ponr dix mille bommes, ave e une
quantité proportionnée d'artil1erie, de meches,
de poudre et de plomb, amassée clans cette viIle
par le feu eomte de Strafford , dans une toute
autre vue; mais la providenee de Dieu les avait
réservées ponr eette occasion, Cependant les oHi-
ciers et les soldats ele l'ancienne armée étaient
tellcment dispersés dans des lieux éloignés OU Oll
les ava it employés a la garde des forteresses ,
qu'il n'était guere possible d'en reunir un gralld
nombre pour défendre Dublín ou faire tete aux
rebelles du nord. Ce qu'il y avait de plus fácheux
pour le gouvernement et de plus a vantageux pour
les rebclles , e'est qu'il ne se trouvait point d'ar-
gent dans l'éehiquíer; de plus, les' revenus du
Roí et les rentes dues anx gentilshommes anglaís
pour ectte moitié d'année , étant alors , soit dans
les maíns des fermíers, soit dans eeHes des col-
leeteurs, ne pouvaient manquer de tomber au
pouvoir desrebelles. Ainsi, ponr un mal présent,
ii n'y avait fIue des remedes éloignés, puisque
toutes les ressourecs étaient dans les secours qu'on
pouvait tirer du par-lement d'Angleterre.




DU LONG PARLEl\1ENT.


te 23 octohre , jnnr marqué ponr la surprise
du C!~ú¡L:au de DaUin, ],:s rebclles du nord se
declurórcnt daus 1:1 province d'Llstcr , et, en pen
de j ours, se Jll irclI ten posscssiou de tunt de villcs,
Iorts et hal¡i!u¡ions de fíclltiJshommcs dans les
diIJ'érc!ís cOllllés de cctte provincc, qu.e le nornjrre
en pal'a¡il'a pres(lue iucrovn hle , surtont si ron
cOllsidcl'e cornhicn les princ¡p~n1X nclcurs de cettc
conspiration, teis que sir r1Jelil11 Oneal , son
frere et les ,mIres, ruauqun ien t d'Iwbileté dans
la conduite des aífaires , soit militaires, soit po-
l itiques. Ces succcs fUl'cllt d us ~lla coa lit ion gé-
nérale des irla;l(lais el ~l len!' profoudc d issirn u-
Ia tion ; ils ¡iL'(TCllt aussi un grand avantagc tIc
lcxtr ómc sécurité (fl1';¡vaient inspirée aux 1\n-
gIais ce méLange ct ceUe tengue cohahitation des
deux peu ples , et les rclations amieales qui s'é-
taient établics entre eux. Ces deux causes contri-
huerent a augmenter le earnage qui se fit des
Anglais; cal', lorsque I'iucendie éclata, ils implo-
rerent l'amitié de Íeurs voisins, seignenrs ou fer-
miers irlanclais, et remirent dans leurs mains et
sous Íeur protection , leurs trésors, Ieurs femmes,
Ieurs enlans et tout ce qu'ils avaient de plus pré-
cieux, espérant CIne les liens ele l'amitié prevau-
draient sur tout le reste; mais , en général, ceux
il qui ils s'étaicnt couíiés les l ivrerent aux re-
belles, ou les tuerent de lcurs propres mains
avee autant de cruauté que de perfidie. On pensa


1. JO




24~ HISTOIR E
aénéralement qu'ils avaieut été excites a cetteh .
barbare trahison par les ensorcellemens de Íeu rs
prétres , qui leur disaient « que c'était un peché
« mortel de protéger ou secourir aucun Anglais. »)


Dans ces douloureuses circonstances , le mé-
lange des deux nations ata aux Anglais le moyen
de se défendre aussi l)ien qu'ils Í'aui-aieut fait s'ils
avaient vécu entre eux et séparés des Irlandais;
cal' partout ou ils purent se rénnir en corps ou se
tenir sur leurs garcles, ils se défendircut , malgré
la surprise et la consternation d'un tcl moment ,
avec un courage au-deB. de toute croyance. Mais
en fin les Irlanc1ais, par les iustructions de leurs
prétres , lenr offrirent de les recevo ir acomposi-
tjon , leur promettant de respecter leur vie et
leurs biens , de leur donner des sauf-conduits et
la liberté de se rcndre partout Oll ils voudraient.
11s confirmcrent ces conventions par des protesta-
tions et des serrnens salennels, et souvent par des
écrits signés et scellés de leur main ; puis, lors-
qu'nne Iois ils tcnaicnt les Anglais en leur pou-
voir, les soldats les dépouillaient de tout ce qu'ils
avaient , et les tuaient a lcurplaisir.


Cest ainsi que furent traités un grand nombre
d'entre eux , a Armagh par sir Phelirn Oneal et
son frere , a Belterbert par Philippe Orelly, et
aLongforcl, Tnllough et autres cháteaux du eomté
de l'crmanagh, par plusieurs autres de ces re-
helles. Mais si les Anglais, au lieu de défendre




DU LONG PARLEMENT. 2!~3
chacun Jeurs maisons , ce qui les rendit heaucoup
plus aisés avaincre, les eussent quittées au pre-
miel' signe de la rébeUion, el se fussent rassem-
blés en corps, ils auraíent résísté avec beaucoup
plus de succes. Tandis que ces horríbles massa-
eres se commettaíent dans la malheureuse Irlande
et s'étendaíent de jour en jaur dans tautes les par-
ties de ce rayaume, que plusieurs comtés dans les
différentes provinces se déclaraient et suivaient
le barbare cxcmplc des hahítans de l'Ulster, la
nouvcllc de ce triste événement arrívait au par-
lement d'Angleterre.


Les premieres Iettres écrites par les lords-juges,
le 25octobre, furent portées et rendues aLonelres,
le elernier ele ce mois , par Owen oConelly, celui
qu i avait en le bonheur de découvrír le premíer
complot. n y ajouta tous les elétails parvenus 11 sa
cannaissance. Les lorels, qui en avaient été infar-
més les premiers, en instruisirent la chambre
des comrnunes dans une conférence. La chambre
décida aussitót ( de se réunir en comité pour
« examiner les choses qu'ellc venait el'apprendre
1( relativement a la rébellion d'Irlande, et les
(( moyens de pourvoir a la súreté de l'Angle-
( terreo » Il fut résolu, dans le comité , 1°. qu'on
formerait aussitót un fands de 50,000 livres, ern-
pruntées pour cet effet 11 la cité de Londres, sur
le crédit public; 2°. qu'on nammeraít un comité
pris dans les deux chambres, pour examinar les


16.




244 mSTOIRE
aífaires d'Irlande; 5°, qu'Owen (' Conell y , qti;
avait découvert cette grande trahison , rccevrn it
actuellement une grati(icatioll (le 500 livres, ct
qu'illui serait aHoué une pen'iion de 200 livrcs
de rente, jusqu'a ce qu'ou cút [[(:fIuis ponr lui un
fonels de terre d'utle pllls grande valour ; 4°, (illC
dans les diíférens com tés d'Angletel're, on s'assu-
rerait des gens de qual ité papistes ; 5°. qne per-


, 't lIT , 'tisonne, SI ce n es. es marc iu nus , n aurnt a per-
mission de se rcndre en Irlande , sans un certiíieat
du comité chargé des affaires d'lrlande.


On íit lh-clessus un rapport aux deux chambres
qn i adoptcrent ti vec cm presscmen t les décisions
du comité, dans les deux jours (lui su ivi ren! la
nouvelle de la réhellion; et, malaré les trouhles


el


qui oommencaient a s'élever en An31eterre, du-
rant tout le mois de novemhre, on consacra une
portian de chaqué jour ala discussion des affaires
d'Irlande. Dans les qnatre premiers jours du mois
on s'occupa de la secourir par des cnvois con-
sidérahles d'argent, de v ivres el de rnunitions
de toute sorteo On prit les moyens nécessaires
pour lever les troupes dont ce royal1me pourruit
avoir besoin, et rasscmhler les ,vaisseaux néces-
saires ala garde des cótes , com rne on le peut vo ir
plus en détail dans les registres dn pni-lement.


Tandis que le parlement d'Anglelerre s'occu-
pait amettre ordre aux affaires de I'Irlande en-
sfUlglantée, il arriva rl'autres lettres des Iords-




DU LONG PARLEMENT. 245
juges sous la datc du 5 novembre. Elles furent
communiqudes aux deux cliarnbres , qui , dans la
chaleu r de leur zele sur cette affaire, voterent
une levéc de 200,000 liv., destinées tt réprimer
la rébcllion d'Irlande , pourvoir a la sureté de
l'Angleterre et payer la deUe publique. Il faUut,
pour ccla, avoir recours á la cité de Londres,
cal' les Ievées dans le royaume auraient été un
moyen trap lent pour l'urgence oú on se trouvait ;


I? l' l' , , Aet , aun (cl1courager a cite a ce prct, on 01'-
dOllna qu'il lui scrait donné des súretés pour
l'argent qu'elle avait déjá prété , et que l'intérét
dn tont [ui scrait payé au taux élevé de huit pour
ccnt. Tandis que le par1ement d'Angleterre tra-
vaillait ainsi avec activité a porter secours a
l'Irlande, cette horrible rébeUian s'étendait ra-
pidement et en tous sens dans ee malheureux
royaume. Chaque jour de nouveaux comtés se joi-
gnaíent aux premiers révoltés; nombre de lords
ct de gentilsllOlIlmes dcmeurés plusieurs jours a
Dublin , sans fIU 'on les soupconnát, al lcrent dans
les provinces se 1'anger parmi les rebelles, et.
prendre part a ces cruautés. Les lords-juges el le
conseíl- privé, déja assez empéchés á pou1'-
voir a la súrcté de Duhlin , á ravitaíller le chá-
teau et a se rnettre en défense centre les dan-
gers. qui meuaca ient la ville, virent encare ces
diílicultés augmentées par les terreurs des mal.
heureux dépouillés quí s'y rendaíent en foule.




246 HISTOIRE
Cependant, malgré tous ces embarras, les


soins du conseil-privé ne se hornerent pas a la
seule ville de Dublin. Comme 011 avait dans le
cháteau un magasin d'armes, on résolut de s'en
servir pour résister aux rebelles en d' autres lieux.
On fit un heureux emploi de quelques-unes de ces
ces armes, en les remettant aux mains de sir Henri
Tichburne, de sir Charles Coote et de plusieurs
autres, qui, a leur éternel honneur, rendirent
de tres-arands services. Mais une autre partie des
armes recui un emploi plus funeste que ne I'aurait
été leur perte; Cal' on les distribua aux lords et
gentilshommes du district anglais, qui se décla-
rerent hientót pour les rebelles, et firent usage
des moyens qu'on leur avait donnés, contre
ceux qui les avaient mis entre leurs mains. Ce
district anglais est une vaste étendue de terre,
dont les Anglais avaient pris possession lors de la
premiere conquéte de l'Irlande, et qu'ils avaient
toujours habité dcpuis, ncontenait plusieurs como
tés, comme ccux de Dublin, Meth, Lowth, Kil-
dare, etc. Les lords du conseilavaient cru pouvoir
confier a ces lords et gentilshommes des armes et
des commandemens, hien que plusieurs d'entre eux
fussent connus pour papistes , espérant que, s'il
leur restait dans le coeur quelque loyauté, une
sí grande marque de confiance aurait au moins le
pouvoir de les empécher de se joindre aI'ennemi ,
et que s'ils étaieut fid~les, elle leur donnerait des




DU LONG PARLEMENT. 247
moyens de s'opposer aux incursions que l'on crai-
goait de la part des rebelles du nord. Le conseil
s'était cru d'autant plus autorisé a accorder sa
confiancc a ces perfidcs, qu'ils s'étaient rendus a
Duhlin de leur propre mouverneut , protestant
de lenr fidélité avec les sermeus les plus solennels,
et déclarant qu'ils étaient préts el empressés a
secourir leurs seigneurics.


Mais tcl1cs étaieut les cruelles calamités qui
devaient accabler la malheureuse Irlande, que
tous ces lorels papistes, rnalgré les serrnens qu'ils
avaient prétés , eurent la perfielie, aussitót qu'on
Ieur cut confié des commandemens et des armes,
de quitter leurs maisons, et de se déclarer ouver-
tement en rébellion. Au nombre de ceux-Iá furent
le vicomte ele Mongannet, Gormanston, Costeloe ,
Dillon, Birne, BeHer, Talbot et plusieurs autres.


La situation ele Dublin elevenait chaque jour
plus déplorable , et l'affiiction des habitans sur
les dangcrs qui les menacaient eux-rnérnes , n'é-
tait pas si grande que I'extrérne douleur que la
compassion lcur faisait ressentir pour les mal-
heureux Anglais qui venaient s'y réfugier. Dublin
était l"asile de tous les protestans déponillés, et,
par conséquent, devenait le triste théátre oü
aboutissait les récits de toutes ces hoi-reurs, Tous
lescrimes commis ai lleurs y étaient rapportés et
déplorés, Les yeux des habitans ele Dublin lenr
attestaient assez la cruauté des rehelles, par la




248 HI5TOIRE
YUC des Anglais dépouillés q ui aruivaient jour-
nellement dans In viUe; mais leurs oreilles étaicnt
encore hien plus affiigécs par le récit des hor-
ribles tortures qui accompazunicnt en d'autres
lieux la mort de heaucoup d'autres. C'était pour
eux une excessive douleur que raspeet des sccnes


.de détresse qui de tons cótés venaient chaquc
jour s'offrir ~l eux. Des gens de tont rang, de
tont age, de tout sexe, réduits a la miscre ,
dépouillés , nus et conservant a peine quel-
ques lamheaux ou de la paille tressée pour
ceindre leur eorps; quelques-uns mortellemen t
Iilessés , d'autres gelés de fraid, ceux-ci haras-
sés par la fuite et tellement excédés q u'i ls ar--
r ivaient dans la ville en se trainant sur leurs
genonx; ceux-Iá tellement épuisés par la faim,
qu'il n'y avait plus aucuu espoir de les sauver;
outre les soufTranees de Ieurs eorps, ils étaient
accablés des tourmens d'esprit que leur faisaient
endurer la perte de [eur fortune et le douloureux
souvenir de leurs rnaris , femmes ou e11fanS , mas-
sacres devant leurs yeux avec la deruiere bar-
barie. C'est dans cet état lamentable, le eorps
épuisé, l'esprit presque al iéné , qu'ils arri vaient
a Dublin, quelques-uns pour y trouver des se-
cours, quclqucs autros un tombeau, ce qui était
hien plus (fue n'avaient pll o!ltenir des rehelles
leurs arn is assassinés : on les vova it parcoui-ir
les rues comme des spectres errans , et ils l'CJH-




DU LONG PAH.LEMENT. .2~9
pI issaient tontes les granges, toutes les écuries
el Ious les hanaards de la ville. Ils V mou-


u "


raicnt hientót aprcs l'avoir attcinte , et en si
graml nomhre, qne les cimetieres de Duhlin ne
pnrent les contenir; les lords fnrent ohl igés de
faire enclaver deux vastes terrains des deux cótés
de la r iviére , ponr leur servir de sépulture.
J\Jais ee qne les yeux contemplaient de cette fu-
neste trngédic, u'cn était que la moindre partie ,
el seulement l'omhre de ce qui fnt raconté , récit
dont la douleur sera partagée par tout leetenr
el par tonte la postdrité. Plusieurs cenlaines de
ceux qui s'étaicnt échappés, dans les interroga-
toires légaux qu'ils subirent ensuite devant le
conseil , et qu'on peut voir au long dans les re-
gistres, ont raconté sous serrnent et en détail
les horribles massacrcs commis par ces san-
guinaires scélérats sur des homrncs , desfemmes
ct des en1illls, el les eruelles tortures qu'ils
avaient inventécs pour les exercer ~l leur égarc1.
A peine dans I'histoire des siecles les plus atroces
peut-on rien trouver de comparable a ces hor-
reurs.


En différens [ieux , qu'il serait trap long de
nonuner ici , plusieurs milliers d'Anglais, apres
avoir souílert tout ce (Iu'on pouvait leur faire
souífrir , pérj reut (les genres de morí les plus dou-
loureux. Quclq ues-uns furent hrúlcs ¿I petit feu ;
dautres noyés par forme de divertissement : s'ils




250 BISTOIRE


essayaient de se sauver en nageant, on les empé-
chait avec de longues gaules de regagner le ri-
vage, ou bien on les tuait dans l'eau a caups de
fusil. Plusieurs furent enterrés vivans, et quel-
ques-uns mis en terre , le buste seulement dehors
pour y mourir de faim. Mais ce qu'il y eut de
plus barbare et ce qu'on trouve dans plusieurs
rapports, ce fut la cruauté exercée envers les
femmes grosses. Ces miserables ne se contenterent
pas sirnplement de les tuer : ils leur ouvrirent le
ventre , et plusieurs fois prirent plaisir a voir
les cochons dévorer les enfans qu'ils en avaient
arrachés. Mais je n'ai pas le courage de m'arréter
plus long-temps sur un si déplorable récit.


La plus grande partie de ces inhumaines cruau-
tés fut exercée par des Irlandais sur de pauvres
Bretons désarmés, de qui ils n'avaient re~u au-
cune offense; apres avoir sacrifié a leur seule
méchanceté le sang de tant de mil liers d'inno-
cens, ils en sacrifierent ensuite un nombre égal
a leur vengeance; et toutes les fois qu'ils rece-
vaient quelque éehee de la part des troupes a11-
glaises, ils massacraient un grand nombre des
protestans anglais qui vivaient encare parmi eux.


Cependant les lords du conseil avaient armé
tout ce qui était capable de qnelque service, et
donné des cornmissions pour la levée de plusienrs
régimens. Ces commissions furent, pour la plu-
part, données a des hornmes d'honneur, cornme




DU LONG PARLEMENT. .251


leurs actions le témoignerent hautement. Sir
Charles Coote, homme actif et courageux, qui
fut aussi nommé gouyerneur de Dublin, forma
avec une grande diligence un régiment de pauvres
Anglais ruinés et dépouillés qui s'étaient réfugiés
dans cette ville. Sir Henri Tichburne, digue offi-
cier , fut envoyé avec un régiment de pied pou!'
défendre Tredagh contre l'approche des rehelles.
Lord Lambert, sir Thomas Lucas, le capitaine
Armstrong, le capitaine Yarner et d'autres, eu-
rent aussi des commissions pour lever des soldats.


Cela se passa vers le milieu de novembre ,
époque alaqueIle le comte d'Ormond arriva aussi
~1. Dublin, avec une troupe de cavalerie bien ar-
mée. Quelques jours apres , une commission du
comte de Leicester, lord -lieutenant d'Irlande,
approuvée par une lettre du Roi, qui était alors
en Écosse, le nomma lieutcnant-général de toutes
les troupcs d'Irlande ; cal' le comte de Leicester
n'étant pas alors suffisamment pouryu des équipa-
ges nécessaires pour se renclre en Irlande, ne put
y aIler en personne.


Le comte éci-ivitaussi aux Iords-juges de Oublin .•
des leUres propres a leur apporter quelque con-
solation dans Ieur détresse; illeur donnait acon-
naitre que le Roi s'en était remis au parlement
d'Angleterre de toute l'affaire d'Irlande. Ces let-
tres, accompagnées d'un ordre du parlement . Íeur
apprirent qu'il s'était chargé de la conduite et des




2~2 nrSTOlRE
dépenses de la guerre, et que décidé a lcur pré-
ter un prompt et v19oureux secours, il avait des-
tiné une somme de 50,000 livres a les aidcr dans
leurs hesoins actuels , et ponrvu pour la suite aux
dépenses nécessaires.


Afinde ne pas les laisser tout - a-filit sans se-
eours réeIs pour le moment, le parlement cl'An-
gleterre leur envoyait en mérne temps 20,000 li-
vres ; eomme leur trésor cornmencai t II s'épuiser
tout-a-fait , cette somme lcur arr-iva fort ~l propas
pour ljayer les eompagnies nouvellemcnt levées.


Vers la fin de novemhre , les Iords-juges et le
eouseil d'IrIande, eonsidérant l'aifl'euse el ésola tiou
qui avait couvcrt tout le royaume et les maux flui
le menacaient encare, ordonnerent par proclama-
tion qu'on ohservát tous ]es vendredis da ns la ville
de Duhlin, un jeúne puhlie et religieux pour im-
plorer la misérieorde et l'assistanee du Tout-Puis-
sant, et détourncr sa colore de clessus ee pays.




DU LONG PAI\.LE:iIENT.


CHAI>ITRE rr.


Le Roí reoient el'Ecosse ~ et son retour est ma»
gnifiquement célébré par la cité de Londres.
Remontralzce publiée parle prirlement, Le ROl
oient d la cham bre des C01J11J1Z111CS. P rotestation
des dotize év(1r¡fI{?s; comment elle fut censurée
par les lords et les C077277Utlles. Dicers obstacles
s'opposent el ce qu'on secoure i'Irlande,


LAISSONS l'Irlande se débattre contre ces la-
mentables calarnités, et revenons aux aífaires
d'Angleterrc. Ycrs ce mémo tcmps, cnviron a
la fin de novembre 1641 , le Roi revint d'É-
cosse, et fut rec,:u ~ feté par la cité de Londres,
et accompagné a son palais de Whiteha.ll avec
d'aussi pompcuses solennités et d'aussi magnifi-
ques témoignaaes d'amour et de fidélité, qu'en
eút jamais ohtenu aucun roí d'Angleterre (1).


(1) Dans l'Abrégé, May s'exprime , sur cette circon-
slance, avec henucoup plus d'humeur, et en tire des in-
ductions beaueoup plus hostiles centre le Roi: « Tandis
« que l'Irlande , dit-il , était dans cet état de désolation , le
" Roi revint {l'Écosse, et fut reS:ll par la cité de Londres
" avcc la plus pompcusc snlcnuitd. La totalité des citoyens
« rangés par compagnies , selon leurs diverses professions,
" allcrent au Jeyant du Roi iI chaval , et en armes, et dans




'25!~ HJS'J'UIHE
Lé Roí parut tres-sensible 11. ces marques ex-


traord.inaires de l'afICclion publique, el il en té-
moigna sa recouuaissance a la cité, en in vitant
peu de jours apres les principaux de ses citoyens
á Ham ptoneourt 00. ils furen t trai tés par 1ui, el
oú plusieurs alderrnen recurent de lui le titre de
chcvaliers. Tandis que le Roi résidait aHampton-
court , la ehambre des eommunes lui présenta
une remontrance ou déclaration de l'état du
royaume ou étaient exposés les priueipaux griefs
et mesures oppressives sous lesquels la nation
avait gémi depuis le cornmencement de son regne;
mais on eut soin , comme cela peul se voir dans
la pétition qui aceompagna la remontrance, d'ap-


" le plus dispendieux équipage qu'ou eút encore vu , el
q l'escorterent a travers la ville jusqu'a son palais de vVhi-
~ tehal!. Quelques personnes blúmcrent la cité de cette
" r,éception si coúteuse , dans un si ti-iste temps ; d'autres
" espércrent qu'elle pourrait gagner au peuple les do utcu-
« ses aífections du Roi.lVlais elle produisit sur le Roí un effet
" tout contraire. JI commcnca a penser que, (Iuelque chose
" qu'il fit, ríen ne pourrait lui óter I'amour de la cité, et
" quelques-uns le ílatterent de l'espérance que la cité l'ai-
u: derait a enchaiucr le parlernent lui-mérne. En sorte qu'il
« en devint plus dédaigneux envers le parlement, et pour
" se rendre plus cher a la cité, il invita plusieurs des prin-
.. cipaux citoyens a Hamptoncourt ou illes traita et en fit
.. quelques-uns chevaliers. « (Abrégé de I'histoire du Long-
Parlernent, dans la collcction. de NI. JVIazeres, 1. 1, p. 36. ':
(Note de rÉdito )




DU LONG PARLEMENT. 255
porter daus I'expressiou de ces faits toutes les for-
mes rl'affection et (le respect compatibles avec de
telles vérités. Toute la faute était rejetée sur les
mauvais ministres qu'on désignait sous le norn de
par-ti malintentionné.


Cette remontrance avait été débattue avec heau-
caup de chaleur dans la chambre des cornmunes ,
tres-peu de temps avant que le Roi ne revint d'É-
cosse; et , lorsqu'elle fut votée, la chambre se
trouva tellement divisée , qu'on ne l'emporta que
de neufvoix. La discussion fut si longue et si vive,
et les argumens produits pour et contre si norn-
breux, qu'on y passa uon-seulernent le jour , mais
une Grande partie de la nuit, et que la séance ne
fut pas levée avant deux heures clu matin (1).


(1) Le parti dorninant n'avait cepeudant rien négligé pour
[aire adopter la remontrance a I'improvistc et presque sans
-Iébat. 11 avait essayé de persuader a un grand nombre de
memhres, que ce n'était au fond qu'une démarche commi-
natoire ; que la remonlrancene serait point puhliée, el qu'eIle
a vait pour uniquc ohjet d'inlirnider les mal inten t ionncs en
leur prouvanl que la chambre ne les laisserait jamais pré-
valoir. Le 22 novembre , el sans que la chambre en ftil
avertie , la séance étant déjafort avancée , on proposa tout a
eoup de voter snr la rernontrance ; lord Falkland et ses amis
eurent hcaucoup de peine a ohtenir que le déhat fúl remis
au lendemain matin. Crornwel l , encore fort ohseur, lui de-
manda pourquoi il in.,i.s!ait si vivernent sur ce delai. " Paree
qu'il est trop tard , lui réponelit lord Falkland , el qu'il y
aura a. coup sur une eliseussion.- Une légere discussion , ~
reprit Cromwell; le partí se flattait d'avoir réussi a prevenir




HI5T01RE


Ceux qui tenaient ponr la remontrance disaicnt;
eorome ils rexprillH~l'C!ltensuito dans la péLttioa


toute oppositiou o u :¡ lWU prl:>. LJ m':prisc ¡'[ait grallde ;
car le débat, ouvert le lendemain il n cu i' hcurcs du matin ,
dura jlls'l"':m jO'H' suiv.uit it mitli.L:n GI':lnc1 nombre de
m cmbrcs s'(;talt'?lt re!.in_::' de í'atir:;nc, :lprej avoir yolé sur
plusieiu-s .unanIc.ucn , : el lor..;:t:1'O!1 c.i \"1111. a u YOLe (l(;lini-
tif, la rcmontrauce n e ful adopl¡:C 'ine par 15:) voix courrc riS.
l\L IIalllpden fil an.;~Ítut la lno~inJl qne rl'npre~)loil en
EL\t ordonnée par la chamhrc; ce 'llJi ;",,"11'11111 ,1,'b:d ('11-
eore plus yif qne le précét!cllt. On \il alor, 'i"e le parli
ne vonhiljns sourncttrc la rcmonl rn nce it L'i1i'iro!Jafiol! de
la chruulnc ,les lorcl" cl (Ine c'ét:lit un y,:r;t;¡ble appel a n
peuple. :\I. lI,rde (c1cp"is Ior.l Clarcllflo1l) s'oppo'la tt'l:s-
vivemontn l'impression, d,:c;ara1ll 1[IW si la j)jolioJl élait
adoptée , il dClllandait ;1 prolcsl(~l". 1\1. lOa] ITlCl' el pIuúcu rj
nutres se Ievcreut en désordre, .criant t.ous a la [oi, flll' ih
prolestaient. Cependaut la chrunbre s'étant calmée r'cu it
pen, on convint, i.t deux houres apres mirli , de rcrneltre le
déLat sur l'impre""ion nn leu(lcmaill ll1:ttin: « Eh Lieu ! dit
lord Falklaud a Crouiwcl l , en sortant de la chnml.re , y a-
t-il eu un débat? - Je vous en croirai une nutre fois , » dit
celui-ci ; et se pencliaut vers son oreille : " Si la rcruoutr.uicc
avait été rejel.ée, ajouta-t-il, j':wrais vendu clemain tout
ee qne je p05s¡~de el. flltitté l' Angleterre pour toujours; et
je conuais hcaucoup d'honnétes gens qui en auraient fait au-
tant, l>


Sir Benjamin Rudyard dit en sortant que la rcruontrance
était le vcrdict d'un j ury aífarné.


La remontrunce Iut pn:scllU:C a u Itoi le I CC. décembre pal'
un comité de onze membres, présirlé par sir Italph Hoptou
qui , le Icu.Icrnain ~ fi t ;1 la ch.uuhrc le rapport suivuut :
" Hiel', dans la suiréc , le comité chargé de se priiscuter a




DU LONG PARLEMENT. 257
au Hoi , « quils n'avaient d'autre Jntention que
( d'éclairer Sa Majesté , les pairs et tous ses
« Sa Majesté, se rendi!. i.t IIamptoncourt; el. sir Richard
« vYynne informa .'la Majesté que nous étions la. Au bout
« d'un quart d'hcure , le Roi envoya un gentilhomme pour
« nous appeler, avec ordre de ne laisser cntrer que le comité
« seul. ]\,ous nous m lmes tous i.t genoux devan 1. le Iloi ; et en
<, I'absence de celui d'entre nous (Iue la chambre avaitchargé
« de cet oífice , je comrncncai a lire a genoux la pétition .
« Mais Sa l\1ajesté nous ordouna de nous lever , el. je COl'!-
" tinu ai debout ma Iecture , La prernicre observation que
« fit 5a Majesté , cut trait ;i cetle portie de la pétition qui
« accuse un parti de malintentionnés du projet de clJan-
« gel' la religion. Le Itoi dit avcc une grande vivacité : - Si
" queh¡u'un a le ]JI'ojet de changer la religion , que le dia-
u b!c l'emporte, quel qu'il soit.-Je coutiuuai, etlorsc¡ue j'en
" vins au paragraphe qui met en reserve les biens des re-
" belles d'Irlamle, il plut a Sa Majesté de dire:-Ke dispo-
« sons Fas de la IJeau de l'ours avant de l'avoir tué. - La
« lecture de la pétition achevée , le Roi manifesta le désir de
« nous faire quelques qucstions : nous dimes que nous n'é-
" tions point autorisés it rieu dire de plus sur toute cef.te
« affaire. -Bien, <lit le Roi ; a u moins vous pouvez parler
« comme simples p.u-ticuliers, La chambre a-t-elle intention
« de puhlier eette (léclaration? - K ous dimes que nous ne
« pouvions répondre i.t cela. -Eh bien: reprit le Roi, je
n suppose que VOus n'attcndcz }las sur l'heure une n'ponse
« it une si ¡ougue p(~tition. J e vous dirai donc que j'ai lai,sé
" I'Ecosse [or t "!Jiea el. en paix. I1s sont tous contens de moi ,
« el. ruoi aussi d'el/x. J'y suis resté plus long-temps que je
« n'imaginais; mais si je n'v ctais alié, vous n'auriez p:Js
« été sitót quittes de l'armée. Je vous rcpondrui sur cette af-
« faire-ci aussi promptement que le permettra sa gravité.-1I


1. 17




HlSTOIRE


(( loyaux sujets; qu'ils n'avaicnt pas dessein de
(( jeter le moindre Llame sur sa personne, ruais
« seulement de lui représenter comhien 011 avait
(( abusé de son autorité royale et de sa coníiance ,
(( au grand préjudice et danger de Sa Majesté et
c( de tous ses bons sujets. »


Hors du parlement, plusieurs personlles atta-
chées al'opinion de la majorité , soutenaient daus
les conversations que cette remontrance pouvait
devenir utile, et que le Roi, q ui peut-étre igno-
rait jusqu'a un certain point tout le mal qui avait
été fait, pourrait étre arnené par la non-seulemeut
a la connaissance de ses errcurs passées, mais a
une crainte salutaire d'y retomber lorsqu'il ver-
rait que les torts des priuces dans le gouvernement
nemanquent jamais d'éclater aux yeux du publico


" nous donna atous sa main ahaiser , el nous envoya ensuite
« M. le contróleur, qui nous ordonna , de sa par! , de porter
« a la chambre le voiu du Hoi pour (IUC la remontrance
" ne fút pas publiée avant l'arrivée de sa réponse, » Malgré
ce vceu , la chambre des corn munes la lit puhlier trois seruai-
nes apreso (llistoire Parlementaire, tomo 2, col. ~J3¡ -
943 ; Clarendon, Ilistoire de la Rcbellion , t. ?,' }Jag. 246
et suivantcs.) L'im}Jortance de cette remontrance qu'on doit
considérer non-seuleruent cornme I'exposé gélléral des griefs
du royaume, mais aussi comme J'acte décisif par Iequel Ie
partí populaire s'engagea irrévocabJcment et publiquernent
contre Charles ler. , nous fait un devoír de l'insérer d ans les
Eclaircissemens el Pieces liistoriqucs , ainsi que la Itepons»
du Roi. (Nole de l'Editeur. \




DU LONG PARLEMENT. 259


D'autres pensaient que eette remontrance, au
lieu de régler aI'avenir la eonduite du Roi, ne
sen ira it C[U'a lui rendre odieux eeux qui l'au-
raient faite; iI verrait en eux des eenseurs de ses
crimes, des hommes uniqucment occupés a ter-
nir sa réputation auprcs du peuple; et tel fut en
cffet le sentiment du Roi, eomme on en put juger
par sa réponse. Il était, disait-on, plus eonvena-
ble daus un momenf ou la bienveillance du Roi
pour le parlement était fort doutcuse, de se le
concilier en passant salís silence ses erreurs, que
de l'irriter en les puhliant, et il était pcu sage
d'entrer en contcstation avec lui, ¿'¡ moins qu'on
n'espédt changer ses dispositions , ou que le par-
[ement ne 1'út assuré dc son propre pouvoir et dé-
terminé a en user.


Quant amoi, je ne porterai point de j ugemcnt
sur tout ceci; et en vérité il est impossible dc ju-
gel' sainement des choses par l'événement; un si
malheureux génie présidait a cette époque ( cal'
les historiens ont remarqué que chaqué époque
avai t son génie, aussi bien que chaque climat ct
chaqué homme), qu'aucun elfort ne tourna abien,
et que les actions ne produisirent point les légi-
times eífcts qu'on en pouvait attendre.


Qui n'eút pensé que la magnifique et coúteuse
rete que la cité de Londres donna au Roi, lui
aurait fait chérir cette ville, et aurait amené des
deux parts la confiance et la paix ? Mais il en ar-


17·




260 HISTüIRE


rrva autrement: beaucoup d'ennemis du parle-
ment répéterent en tous lieux, comme chacun
sait , que la cité était dégoutée de l'ennuyeuse
obstination des deux chamhres, et disposée ase
joindre au Roi contre elles. Le Roi partagea-t-il
ou non cette opinion ? c'est ce que je ne saurais dé-
cider. Cependant quelques-unes de ses actions
donné rent 1ieu de présumer qu'il avait conc;u cet
cspoir. Il témoigna dans ses desseins contre le par-
lement plus de confiance qu'auparavant , et re-
tira a quelques mernbres les charges qu'il leur
avait conférées : aussi la cité, voyant qucl mau-
vais usagc on avait fait des bruits populaires, se
vit-elle obligée de se déclarer dans une pétition
aux deux chambres. « Des malveillans, y est-il
« dit, avaient interprété la tendre et loyale ré-
(( ception que la cité ava it faite au Roi, comme
(( une preuvc qu'etlc était portée a se ranger ab-
« solument de son partí, et aahandonner le par-
a lement. Les hahitans de la cité professaient
« des senti rnens í.out coutrn ires : iIs vouIaient
(( vivre et mourir avec les deux chambres , pour
(( le salut de la répuhlique. »


Aprés cette démarche, la cité aussi bien que
le parlement parurent désagréables au Hoi et ala
Reine.


Les craintes et les méíiallces qui régnaient alors
étaient d'une nature bien plus sombre que cel1es
des années précédentes. Deux ans auparavant le




DU LONG PARLE1\IENT 261


peuple craignait de ne jamais voir un parlement
tant que le Roi vivrait, mainlenant il eommen-
c;ait aeraindre qu'aueun parlement ne pút sauver
l'État.


A cette époque devint pleinement manifeste la
fatale rupture du Roí et du parlement, et ehaque
jour s'élargit un abime que rien ne devait eom-
hler , jusqu'an moment ou le royaume ení ier se-
rait plongé pen a }len dans une guerre déplora-
ble, Ancune confianee ne régna plus dans les re-
lations du Roi et de eette haute eour. Chaque jour
leur apporla de nouveaux motifs de division. A
chaque oeeasion étaient puhliées des déclara-
tíons récipi-oques ; et bien que la forme en fút
d'ordinaire adoueie, de la part du Roi par des
expressions de bienveillance, de la part des eham-
bres par des protestatíons d'attachement, cepen-
dant le fond en étai t amer , et ne contenait guere
qne des reproches mutuc1s; les événemens suc-
cessifs envenirnerent par degrés le ton de eette
corresponc!ance, á tel poínt qu'elle tit hientót tris-
tement pressentir la gnerre dénatnrée quí devait
la suivre,


En réponse ala remontranee dont j'ai parlé, le
Roi puhlia une déclaration pour la défense de son
gouvernement et de son honncur ; il envaya en
méme temps un message au conseil cornmnn de
Londres ponr se plaiudre des réunions tumul-
tueuses des gens de la cité. qui se formaiel1t




HISTÜIRE
chaqué jour aupres de Westminster , occasion-
nant des désordres sur eette place, et autour de
son palais ele \Vhitchal1.


Le peuple, en effet, elans ces temps de méfiance
et el'alarmes, avait coutume de se reunir par
baneles, pour présenter aux cham1res des péti-
tions , ou il protestait du dévouement quil leur
portait. Les soup<fons devinrent tels, que le mérne
jour 01l le Roi envoya á la cité le message que je
viens de rapporter, la chambrc des cornmunes
s'adressa au Roi, POUl' lui demaneler une garcle
ele súreté, Il y avail., disait-elle, un parti ele mal-
intcntionnés profondément irr-ites contre les cham-
bres, (flti prenait chaqué jonr plus de conflance
avcc plus de force, et en était ven u ~l ce clegl'é
d'audace de se répandre en cliseours m ena~allS
contre le parlement Iui-jnémo ; la chambre sup-
pliait done le Itoi de lni aecorder une ganle prise
dans le sein de la cité, et conunaudée par le
comte d'Essex , lord-chambellan de la maison de
sa majesté , dont la fidélité au Hoi et ;\ ('tlat u'a-
vait jamais été mise en question.


Le Iloi se refusa acette demande, mais en pro-
mettant solennellement , « et sur sa parole de
« Hoi , qu'il veillerait a la súreté du parlement.
« et de cliacun de ses membres, avec autant ele
« soin qu'á la sienne propre et [1 celle (le ses en-
« fans, et que si cette assui'uuce génél'alc ne suf-
H fisait pas pour clissipcr lcurs appréhensions, i]




DU LONG PARLE:\lENT. 263


« leur donnerait une gardc pour veiller a leur
« porte, aussi vrai qu'il réponelrait devant Dieu
« de ce qui pourrait arriver (1). »


Le lenclemain de eette réponse, le 4janvier 1642,
le Roi donua malheureusement a tout le puhlic
un juste motifde penser que les méfianees du par-
lement n'étaient pas sans sujeto Ce jour-la, le
Roi se rendít en personne au parlement, accom-
pagné d'un grand nombre de gentilshommes ,
soldats et autrcs J armés de pistolets et d'épées,
au nombre d'environ trois cents, qui monterent
jusqu'á la porte de la chambre des communes,
et en occupercnt toutes les avenues, Le Roi entra
dans la chamhro , et demanda qu'on Iu i Iivrát
cinq de ses mernbrcs : « Ces cinq membres sont-
ils ou ne sont-ils pas ici? » dit-il en s'asseyant
dans le fauteuíl de l'orateur. L'oi-atcur , M. \Vil-
liam LenthaLl, répondit fol't sagementau Roi
« qu'jl n'avait point d'yeux poul' voir, et poiut


(1) Le Roi, it son retour d'];:cosse, avait ordonné le ren-
voi de la garde ([ue le parlement s'était fait donner en son
abseuce , bien ([ne les denx chambres insistassent de concert
pOllr <¡u'elle [út couscrvé«. Le 29 décernbre (d:i!¡l), les
comrnunes demnnrlerent aux lords de se joindre a elles ponr
demander au Roi une garde nouvelle , mais les lords sy re-
fuscreu t ; et , sur ce refus, la chambre des communes se dé-
cida immédiatcment (le 31 déccmbre) a présenter , ponr
son cumple, la pét i íiou isolée á laquelle le Itoi répondit
dans les termes ([ee rapporte May. iIlistoirc parlementaire ,
tom.:1, col. 9'ío, 993, 1001.) UYole de l'Edileur.)




264 HISTOIRE
« de langue pour répondre, II rnoins qu'il n'en
« recút l'ordre de la ehambre (1). ))


Les mcmhres que dernandait le Itoi étaient :
M. Denzill Hollis, second fils du comte de CIare,
sir Arllmr Haslerig, lVI. Pym, ]\f. Hampden et
lVI. Strocle, tous hornmes cl'une grande considé-
ration dans la charnhre. Deux cl'cntre eúx ,
1\1. Holl is et M. Stroele, avaient souH'crt par arelre
du Roi, et a raison de Ieur conduite dans le
parlement de la quatr-ierne anuée de son regne,
un dur emprisonnement de plusieurs années , ce
qui était contraire aux priviléges de cette haute
cour. Le jour précédent, le Roí, par l'entremise
de son avocat- général, sir Edward I1erhert,
membre Iui-rnórnc de la chambre eles cornmunes,
avait demandé qu'on luí livrát ces ciuq gentils-
homrnes , et envoyé un sergent d'armes pour les
arréterv Il voulait, disait-il, intenter contre eux
et contre lorel Kimbolton , fils ainé du comte de
lVIanchester etmemhre de la chamhre des lords (?),


(1) Maya omis, sur cet important événement, des dé-
tails curieux et dramatiques ; on les trouvera dans le récit
de Rushworth que nous publions dans les éclaircúsc/l7cllS
liistorioues. Rushworth était alors I'nn des c1ercs de la
chambre et vit tout ce qui se p:lssa. OVate de l'l!o'dilellr. )


(2) Lord Kimboltou était présent a la chamhre des pairs
au moment oh l'avocal.-gélH:ral y présenta I'accusation dont
il était l'objet; il se leva aussitót , disposé , dit-il, a obéir
a tout ce qu'ordonnerait la chambre , mais demandant que




DU LONG PARLEl\1ENT.


une accusation de haute trahison et autres crrmes
sous les chefs suivans :


sa j ustification íút publique comme son accusation venait
de l'c~tre. La chambre , dit Clarendon , parut saisie de stll-
peur par cette dcmurche du n.oi , et elle se donna jllsqu'au
Jendemain pOllr en délibérer, afin de vuir ce que feraient
ses maítres, messicurs de la chambre des ccruruunes. Ce
silence uuivcrsel des pairs fut d'autant plus remarquable ,
que lord Digby avait promis au Hoi ([ll'aussitot apres l'ac-
cusation intcnl(:e par l'avoeat-général, il ferait llli-meme
la molion d'envoyer lord Kimbolton en prison , 5'il eút ten u
sa parole , un violent débat se serait élevé dans la chambre,
et heaueoup de pairs auraient, acoup súr , adopté I'avis de
lord Digby; 1I1:.Iis il se montra, au contraire , plus étonné
et plus troublé que persullne de I'accusatiou de l'avocat-
général. Se trouvant assis dans ce moment pres de lord
Kimbolton , avcc qui il aílcctait de vivre dans une grande
intimité, il lui dit tout bas, avec une émotion apparente et
une profonde dissimulation : " Le Hoi est bien malheureu-
« sement conseillé; mais j'aurai moi-imdme bien du mal-
« heur ou je saurai de fluí est ven u ce conseil , je vais, sur-
" Ie-chauip , trouvcr Sa l\lajesté pour m'en informer et
« provenir les Iris les ec)J]s(;(luenees de tout ceci; » et il sortit
en effet de la chambrc. 01', lord Digby seul avait donné
au n.oi ce conseil; c'était lui qui Iui avait désigné les hommos
qu'il faIlait accuser, et notamment lord Kimbolton , contre
qui il y avait beancoup moins a Jire que contre bien d'autres;
il s'était mérue engagé a prouver que lord Kimbolton avait
dit a la multitude , attroupée autour du parlernent , qu'elle
ferait mieux d'nller aVVhitehall. Lorsqu'il vit le mauvais
succes de l' accusation dans les charnbres et le mécontente-
ment général qu"elle Ieur inspirait, il conseilla au Roi de
se rendre le lendemain a Guila-Hall (l'holel de ville de la




266 HIS TOIRE


10. Qu'ils avaient tenté de renverser le gouvcr-
nernent , de dépouil1er le Roi de son pouvoir lé-
gal, et de placer ses sujets sous un pouvoir arhi-
traire et tyrannique;


2°, Qu'ils avaient tenté par d'odieuses calom-
nies centre le gouvcrncmel1t du Roi, d'aliéner de
lui l'affcctíon de son peuple ;


30 • Qu'ils tentaicnt de soulever l'armée contre
les ordres du Roi, et de l'attirer dans leurs perfi-
des desseins ;


4°. Qu'ils invitaient et encourageaient tra itreu-


cité de Londres) et d'informer le rua irc et les aldermen
des motifs de sa conrl nite. Il l'engagea en Ill.:hne lemps,
pour ne poiut para il re a1attn ni cmbarrassé de ce q ui s'é-
tait fait, a faire préparer , d ans la nuit, une proclarnaLion
qni défendráiL atonte ]Jersonne de recevoir ou cacher les
rnem1res accusris , 011 savait hien déj!l qu'ils ét.aient tons
r éunis , et sans aucune crainte pour lcur s úreté personnelle,
d:ms nne maison de la cité. Tout cela fut fait sans etre corn-
m u niq uo a llui l¡ne ce soit , eL lord Digby seul en fut l'au-
teu r. 11 fauL dire, a la vériLé, q ui] ofl'ril d'ell prcnrlrc snr
lui tous les périL; cal' il proposa a u Itoi d'uller, avec une
compagnie de gentilsllOlIlInes, arrcter les mernbres accusés
dans la maison oh ils étaient cachés, et de les lui nurcuer
rnorts 011 vifs ; mais le B.oi n'airnait pas les coups de lIJaiJl de
ce genre. ([fistolre de ZaRéúelliOIl, 10m. :', pago 331.) Cctte
dernierc circonstance ue s'aecorrle gl1¡~re, avec la dissÍruu-
lation dont avait usé lord Digby dan> la chambre des pairs,
au moment de l'aecnsation; cependant Clarendon l'aflinne
positivernent, et rien d'ailleurs n'nu tor ise a en douter.


is.«. de r Editcur.




nu LONG PARLE;}1ENT. 267
sement une puissance étranaere ~l envahir le
rovaume d'AnCFleterre ;~ o


5°. Qu'i]s travaillaient traitreusernent a dé-
truire les elroits et I'existcnce mórne elu parlement;


6°. Qu'ils voulaient par la force et la terreur ,
contrainclre le parlement ales seconder clans leurs
crimincls desseins ; et (IU'a cet cffct , ils provo-
quaient el soutenaient des réunions tumultueuses
contre le Roi ct le parlement ;


7°. Qu'iIs avaient traitrensement méclité d'ex-
citer-, el excitaicnt en effet, la guerre contre le Roi.


A la réception de eette demande, la cham-
hre eles cornmunes, voulunt pl'évenir toute vio-
Iation eles priviléges parJementaires, elécréta
« que si quelqu'un se renelait a la elemeure (le
« quelque membre de la chamhre et voulait
« mettre le scellé sur son appartement ou ses pa-
« picrs , ou se saisir de sa personne, le mernhre
« menacé pouvai t requérir la protection el 11 cons-
« tahle et se placer sous sa garde jusquá ce que
« la chamhre y da pourvu. 011 déeréta égale-
« rnent (iue si quelqu'un rnéditait cl'ardHer 011
« de détenir un mernhre ele la chamhre, avaut
« d'en avo ii- inforrné Ía chambre et 1'e\11 ses 01'-
« di-es ~l cet dfct, ledil membre ou quiconque
« vicudrait a son secours , aurait elroit de se
( mettrc en défcnse el de résister, conformément
« ~lla protestation qu i avail été faite de déJendre
« les priviléges du purl ement. »)




268 IfISTüIRE
Tout ccla s'était passé la veille du jour ou le


Roi entra en personnc dans la chambre des com-
munes. Les cinq membrcs ayant eu quelque vent
de ce qui les menacait , s'étaient abscntés du con-
sentement de la chambre. Le Roi ne les trouvant
pas, s'adressa ;\ la chambre du fauteuil ele I'ora-
teur 011 il était assis , ct di t : « qu'i] était tres-fa-
(( ché ele ce qui arrivait; qu'aucun roi d'Angle-
(( terre n'avait jamais eu pour les priviléges elu
(( parlemcnt plus de respect qu'il n'cn voulait té-
(( moigner; mais que ces cinq membres étaient
« eles hommes elangereux; que, sur sa parole ele
« Roi, i! ne méelitait aucune violence; qu'il vou-
(( lait proceder contrc eux franchement et légale-
( ment; que puisqu'i] ne pouvait accomplir le
( projet qui l'avait amené, il ne les elérangerai t
( paspluslong-temps; maisqu'il espéra it qu'aus-
(( sitót que ces cinq membres repara itr-aient elans
(( la chamhre, la cha mlu-e les remettraitentre ses
(( mains ; sinon , qu'i! prenelrait so in [ui-méme de
« les elécouvrir. ))


Une si étrange violation des priviléges du par-
Iernent fut aggravée par plusieurs circonstances.
Déja la veille:; janvier, et malgré la déclaration
ci-elcssus ment.ionnée de la chamlire des commu-
nes . les scci lés ava ient été apposés, en ver tu el'un
ordre du Roí, sur les appartemens, cahinets et
papiers de ces ciuq mernbrcs. Sir\Villiam Killi-
grew, sir 'VilliallJ Flcmen el d'autres avaien!




DU LONG PARLEMENT.


été chargés de cette mission, Deux jours apres ,
le 6 janvier, le Hoi publia une proclamation poul'
ordonner l'arrestation et l'emprisonnement des
cinq membres , insinuant que s'ils avaient pris
la fuite et refusé de se sournettre a la justice ,
c'est qu'ils avaient la conseience de Íeur crime.


Sur quoi, la chambre des communes puhl ia
quelques jours apres , pour soutenir ses privilé-
ges, une déclaration ou la proclamation dn Roí,
désignée sous le titrc d'Ull papier imprimé, est
déclarée fausse , scandaleuse et illégale, et ou l'on
avertit les mernbres de la chambre des cornrnunes
que, nonobstant ledit papier imprimé, et tout
wa rrant ou toute autre attaque dirigée contre eux
ou quelqu'un d'eux , ils n'en peuvent et doivent
pas moins continuer ase rendre ala chamhre des
communes et dans ses différens comités; que tout
le monde peut également loger , commuuiquer et
converser avec eux ou chacun d'eux; et que (OJui-
conque serait poursuivi pou!' ce fait, serait 50US
la protection et le privilége de la ehamhre.


La chambrc des cornruuncs déclarait , en outre ,
que la puhlication des différens articles compo-
sant une accusation de haute trahison contre lorel
Kimbolton et les cinq membres suselits, faite au
nom du Roi dans le Temple et autres lioux, par sir
William Killigrew, sir ,;ViIIiarn Flemen et autres,
était une haute violation eles priviléges du parle-
ment, un granel outrage fait an Roi et ason gou-




:A70 lIISTOIRE


vernernent , un acte séditieux teudant manifeste-
ment a troubler la tranquillité du royaume, une
injure et une insulte fa ite ~l des membres centre
Iesquels il n'y avait ni charge légale, ni aucun e
espcco d'accusation,


A l'occasion de ce que contient cette déclara-
tion a l'égard du Temple, nous ne devons pas
omettre que vers le mérne temps, graee au mal-
heureux esprit de division (fui régnait dans tou-
tes les classes , il se trouva des gens qu i n'aimant
pas le parlement, allerent de tous cótés persua-
dant aux jeunes étudians du Temple, d'offi-ir leurs
serviees au Roi en qual ite de gardes, dans le cas
ou sa personne serait menaeée de quelr¡ue dan-
gel'; en sorte que plusieurs de ces jeunes gens,
pour se mettre en faveur, al lerent a la cour et
furent tres-bien rel{us du Roi et de la Reine.


Le pai-lement dé clara en mérne temps qu'nne
teIle viol ation de ses priviléges et des Íibertés
des snjels ne pouvait reeevoir une suflisante ré-
paration , s'il ne plaisait á Sa ~lajcsté de révéler
les no ms de ceux flui lui avaient persuadé ID. de
donner des war-rants pour rfUe le scellé fút mis sur
les appartemens et eabinets des cinq membres;
2 0 , denvoyer un sergent d'armes ala chamhre des
cornmuncs pour demander qu'on les lui Iivrát ;
50, de donner I'ordre de les arréter ; 40, de venir
a la chambre en personne ; 5°. de publier des ar-
lides en forme de proclarnation centre lesdits




UD LONG PARLEMEN'1'. 27J


membres; l'intentian du parlement était que les
personnes qui avaient conseillé au ROl ces actions
recussent le chátiment qu'elles méritaient.


En conséquence , les chambres suppliaient
hum hlernent Sa Majesté de vouloir bien satis-
fai re aces j listes et légales rcquótes , en leur fai-
saut connaitre ceux (lui I'avaient conseillée ; cal'
ce genre de satisfaction a été assuré aux cham-
hres par deux statuts portant que, si pendant la
durée du parlement le Roi accuse un de ses
memhres cl'un crime quelconque, il doit décla-
rer au parlement quels sont ceux qui lui ont
couseil lé cette clémarche. Le Roi s'y refusa;
sur quoi la chambrc des communcs interrogea
l'avocat- général, sir Edward Herbert . qui
avait puhl ié ces articles. Il n'avoua rien relati-
vement a aucune autre personne, mais déclara
seulement avoir ret;:u l'ordre du Roi Iui-onérne ,
el ue snvoir rien autre chose. Le Roi rend it
le méme témoignage sur son avocat - général,
dans une ]el.lre arl ressée au lorcl-garde du sceau ;
ille jusLiGait en disant qu'i] n'avait fa it que rem-
plir le devoir d'un serviteur. Mais le parlement
en jugea antrement, et pensa que sir Eclward
Herbert uva it violé les priviléges du parlement
en publiant ces articles, et comrnis un acte illé-
gal. Sur quoi il fut envoyé en prison.


Cette conduite du Rai affiígea excessivement
tous les protestans honnétes : elle devenait sur-




272 HISTüLRE
tout funeste dans un temps ou les malheureuses
affaires d'lrlantle requeraient de prompts et puis-
sans secours; ces déplorahles divisions , re-
tardant nécessairement les mesures ~l prendrc ,
menacaient ,la cause des protestans ll'une ruine
totale (1). La cité de Londres u'y fut pas moins
sensible que le reste, et, dans ses profondes et


(1) Dans l'Abdgé, May impute plus clairement au Hoi
le dessein de mettre par la empécherneu t il I'envoi des se-
eours nécessaires il I'Irlande. " Ce fut une élrange chose ,
dit-il , de voir ecuo grande violation des priviléges du par-
Ieruent tomher il une telle époque, et pour distraire l'atten-
tion du royaume des ser.ours (lIJe réciamait l'frlanac, Oll
s'en plaignit de tous e(¡tés, et l'on se rappeln des propos des
rebollos, rapporté., par quelques pauvres protestans qui s'é-
taient sauvés d1rlande. Les Irlandais disaient hautemcnt
qu'on avait bien tort de fuir en Angleterre dans l'espér:mce
d'y vivre plus en slLrete:, cal' ce royaume devait étre hientót
en aussi ruauvais état que I'Irlandc , ¡fue le Roi avait le
projct ele se séparer du parlcmcut et de lui d¡:clarer la
guerre, el. ([Ile comme alors ils anruien t íini Ieur aílairc en
Irlande, ils iraient aider le Iloi centre le parlelllellt. "
( Abrégé de "by, dans la collcction de l\I. ,\Ia7,cres, torn. 1,
pago 38.) Les malhenrs de l'Irlande étaienl., dans ces temps
de calamítd , Ce qui avait le p1us frappé I'imagiuatioll du
peuple , et l'un des moyens clont on s'était serví ponr
l'animer eontre le Tloi . m ais ce fut ';cnle;~]ent lors de son
proces qu'on en lit contre lni une accusation positivo ; aussi
dans l' Abr/g(;, lVlay ahandonne-l.-il plusienrs fois la reserve
avec laquelle, dans l'Histoire, il avait sculemcnt jeté sur
Charles des souP!i0ns de complicité. (Note de l' ¡{'dit. )




DU LONG PARLEMENT. 275


tl'isles appréhensions, elle présenta au Roí une
pétition pour luí exprimer toutcs les craintes
dont elle était pénétrée, La pétition roulait sur
ec que (( Sa Majesté avait óté aun hommc d'hon-
I( neur et de confiance la charge de lieutenant de
« la Tour (1); qu'clle avait mis Whitehall sur


(1) Le Roi avait oté la lieutenance de la tour a sir Wil-
liam Balfour , dont il se méfiait, pour la donuer au colonel
Lunsford. La chambre des cornmunes prit feu aussitót , et
demanda aux lords de se réunir a elle poul' présenter au
Roi une pétition contre cette nomination. Le colonel Luns-
Iord était , disait-on , un homme licencienx, ruiné, et sa
religion élait fort suspecte, cal', pendant qu'il était Jil'armée,
il avuit refusé d'aller a l'église ; la chamhre des communes
demandait qU'OIl nornrnát a sa place sir .Iohn Conyers.
Les lords refuscrent de se joindre a la pétition des com-
munes , disant que c'était ernpiéter sur la prérogative
royale; les cornmunes ne se tinrent pas ponr battues, el
voterent sur-le-champ que le colonel Lunsford était, a
leur avis, indigne d'occuper le poste de lieutenant de la
Tour, attendu qu'il n'avait pas la con/lance des cornmunes
d'Aug]cterre. Les lorrls engagerent sous main le Roi a en
nommer un autre ; Lunsford donna sa démission et fut
remplacé par sir John Byron : « Ce n'ctait pas , dit Claren-
" don, cclui qu'avait recommandé le parti , mais il ne s'en
« n:jouit ras moins de voir les conseils d u Roi si mohiles;
(( il avait prouvé sa puissance. l) Il en fit hientót une plus
complete épreuve. Le 1 l janvier 1642, la chambre des
counnunes demanda l'éloignement du nouveau lieutenant
de la Tour, disant quc les bourgeois de la cité, pleins de
méfiance centre lui , retiraicnt leurs ¡¡lIh(," de la monua ie ,
,'cl"llJaient lcurs boutiques et ab.uulouuaicut leur com-


1 •




174 HI8'füIRE
(( un pied extraordinaire de défense, par le nom-
« bre des hommes etdes munitionsqu'elle y avait
(( renfermés; que quelques-uns ele ces hommes
( avaient attaqué par eles discours insultans el
( blcssé acoups d'épée eles citoycns desarmes qui
« passaient pres de ce lieu. » Pour expliquer
ectte partie de la pétition , le lecteur doit étre in-
formé qne le Roí, le lenrlemain de son entrée
dans la chambre des cornruunes , s'était rendu
en voiture elans la cité de Londres , ou on lui
avait dit que s'étaient retires les cinq memhres ;
et que la, les citoyens, se pressant en foule autour
de sa voiture, l'avaicnt humh!ement supplié de
vouloir bien s'accommoder avec son parlement,
et n'en pas enfreindre les priviléges (1). Le Roí,
voyant bien ele quel coté se tournaient les affec-


merce ; elle insista pour la nomination de son candidat
sir Johu Conyers. La chambre des lords refusa encere
d'adhérer a ceHe pétilion; mais elle céda enfin a des ins-
tunees réitérées , et le Roi cédant a son tour aux deux
chambres, leur annons:a, le II février , qu'il venait de
nornmer sir John Conyers lieutenant de la Tour, a la
'place de sir John Byron. ( Hist, porlementaire , tome 2 ,
col. 982,1029,1087; Hist . de la rcbel., tomo 2, pago 284.)
( Note de rÉdito )


(1) Ces supplications n'avaient pas été si humbles ni si pai-
sihles que May le prétend. Des qu'on sut dans la cité la
tentative du Roi contra les cinq membres, le peuple prit
soudaiucment les armes, et malgré les efforts du lord-rnaire,




DU LONG PARLEIIIENT. 175
tions de la cité, retourna aWhitehall , oü iI
derneura environ une sernaine, Durant ce ternps ,
je ne saurais Jire par quel conseil ou par quelle
intention, il s'y composa une petite suite mili-
taire de gentilshommes et autres qui , ainsi qu'rl
est déclaré dans la pétition, insulté rent plu-
sieurs citoyens qui passaient pres de "\Vhite-
hall. La cité se pla int aussi, clans sa pétition,
« des manceuvres dern ierernent employées a l'é-
« gard des étudians du Temple; de l'introduc-
(( tion, dans la Tour, de plusieurs canonniers et
« autres auxiliaires ; de la découverte faite der-


sir Richard Gurney, pour apaiser la fermentation, la
multitude passa la nuit a courir les rues en criant « que
" les cavaliers allaient venir mettre le feu 11 la cité, et que
'1 le R.oi était aleur tete. II Le lendemain matin, le Roi
se rendit au conseil commun et s'efforca de regagner la
bienveillance des hourgeois; il dit a l'un des shériffs les
plus prononcés qu'il voulait dlner chez lui, et y alla diner
en effet le mérne jour ; mais tout cela réussit peu. Quand
le Roi traversa la cité, la multitude se pressa autour de
sa voiture , réclamant a grands cris les pl'iVlNges du'parle-
mcnt ! les pl'ivil,:ges du parlemcnt ! On entendit mérnc ce
cri plus meuacant : tl uos lentes, Israel! Pendant ce
ternps , les cinq membres étaient cachés dans une rnaison
voisine de celle ou siégeait le comité que la chambre des
communes vcuait de nommer pour délibérer sur cettc af-
faire; et des personnes aílidées allaient et vcnaient sans cesse
pour prendre et transmettre leurs directious. (lIisl. de la
rdbcll. , tome 2 , p3ge 333 1 338. )


( .YMc de l'Edit. )
IS.




:176 UlSTOIRE
11 nierement de divers ouvrages d'artifice entre
l( les mains d'un papiste. Mais , disait-on , ce qui
r( augmente par-dessus tout nos craintes , e'est la
1( démarehe qu'a faite dernierement Votre Ma-
(( jesté en se rendant ala ehamhre des eommunes,
(( suivie ~ outre sa garde, d'un grand nombre
f( d'hommes armés, pour ysaisir plusieurs mem-
1( bresde cette chambre, au risqued'exposer votre
I( personne sacrée, ainsi que les personnes et pri-
I( viléges de eette honorable assemhlée. Le résul-
I( tat de ces inquiétantes circonstances menace
« non-seulement d'une entiere ruine le Com-
I( merce de la cité et du royaume, malheur dont
« les pétitionnaires se ressentent déja. profon-
I( dément, mais aussi la religíon protestante, les
I( vies et Iibertés de tous vos loyanx sujets. Les
11 pét.itionnaires supplient done tres-humhlement
(( votre sacrée Majesté de pourvoir a ce que,
11 par les avis de votre grande assemhlée du par-
(( lement, les protestans d'Irlande soient promp-
11 tement seeourus, la Tour remise entre les
« mains de personnes de confiance, et qu'éloi-
(1 gnanttoute personne suspecte et inconnue d'au-
« tour de Whitehall et de Westminster, Votre
(1 Majestéforme , pour sa súreté et celle du parle-
« ment, une garde qui soit connue et approuvée
f( du public; enfin que le lord Kimbolton et les
(1 einq mernbres de la ehambre des cornmunes ,
( derniérement accusés ,soient laissés en liberté




nu LONG PARLEMENT. 277
(( ou qu'on procede contre eux d'une maniere qui
« n'ait rien de contraire aux priviléges du par-
« lement, ))


Le Roi, bien qu'il trouvát , comme il le dit
lui-rnéme , cette pétition tout-á-fait inusitée ,
voulait satisfaire la cité, et lui répondit gracieuse-
ment sur tous les points. Il avait, dit-il , montré
sur les affaires d'lrlande autant de sollicitude
qu'il était possible , et ne manquerait pas d'en
montrer autant a I'avenir ; ce qu'il avait fait re-
Iativernent a la Tour, en déplacant un hommc
de confiance pour en mettre asa place un autre
d'une réputation sans nuages, avait eu pour objet
de dissiper les craintes témoignées auparavant
par les habitans méme de Londres; quant aux
préparatifs de défense qu'il y avait faits, ils
avaient autant pour objet la súreté et l'avantage
de la cité, que celui de sa propre personne. 11
allégua, POUl' se justifier d'entretenir une gardc
a \Vhitehall, I'aflluence désordonnée et tumul-·
tueuse de peuple qui s'était portée a\Vestminster,
et avait mis en danger sa royale personne, saus
que les lois donnassent centre ce péril aucun moyen
de répression. Si des citoyens avaient été blessés,
il étaitcertain que cela était arrivé par leur propre
faute; il ne conna issait pas, dit-il, d'autre ma-
noeuvre employée envers les étudians du Temple,
que de leur avoir fait entendre gracieusemellt
qu'il acccptait l'offre de leurs loyales aílections ,




278 m5TOIRE
et les encourageait a la lui conserver en toute
occasiou; il n'avait nulle connaissance d'aucun
ouvl'age d'artifice trouvé entre les mains de pa-
pistes. Quant ala chambre des communes, il n'y
était point alIé dans l'intention d'user de vio-
lenee, quoique la violence mérnc eút pu se justifier
en ce cas , Cal' il était certain que les priv iléges du
parlement ne s'étendaient pas au cas de trahison,
et qu'on pouvait prouver c1airement que les cinq
membres en étaient coupables; on le ferait con-
naitre au publie quand il en serait temps, et il
serait procédé contre eux conformément aux Iois,


Apres avoir répondu ;\ cette pétition, le Roí
informa le parlemeut , par un autre message,
(IU'il renoncait pour le moment a la poursuite
des cinq membres , et , dans le mérne temps, iI
répondit favorahlement aux pétitionnaires du
cornté de Buckingham , qui vinrent , au nombre
d'environ deux mille, solliciter en faveur de
leur député M. Hampden , gentilhomme tenu en
grand honneur par cux et par la plus grande
partie du royaume (1). Ils demandaient , dans eette


(1) 11 est fort a regretter que May ne donue presc¡ue ja-.
rnais aueun détail sur le caractcre et le genre d'infiuence
politique des hommes importans avec qui il avait vécu. On
s'étoune , par exemple , qu'il parle si rarernent et si seche-
ment de M. Harnpden , san s contredit l'uH des chefs les
plus éminens du parti populaire. Pour suppléer a cette la-
eune , HOUS iusérons , dans les eclaircissemens liistoriques j




DU LONG PARLEMENT. .:179
pétition, que M. Hampden, et ceux qui se trou-
vaient avec lui sous le poids de la 111e111e accusa-
tion, pussent jouir des justes priviléges du par-
Iement.


Les citoyens avaient alors coutnme de venir en
grand nombre aWestrninster présenter des péti-
tions au parlernent. Quelles que fussent les in ten-
tions de ceux qui venaient ainsi, cette hahitude
devint funeste au bien de l'État. Quoique les péti-
tionnaires fussent sans armes, et que les amis du
parlement n'en pussent concevoir aucune crainte,
ceux qui ne se sentaient pas bien dans l'esprit do.
peuple en prirent une occasiou ou un pretexte
de frayeur, et soutinrent que cette nomhreuse
affiuence de peuple troublait le royaume et genait
en quclque sorte la liberté des chambres; les
gens de la basse classe étant tres-disposés a in-
sulter de paroles ceux qu'ils ne regardaient pas
comme affectionnés au bien puhlic, de quelque
rang qu'ils pussent étre. Quelques-uns prirent
occasion de la pou1' justifier l'établissement d'une
garde a\Vhitehall, et ensuite pour excuser le Roi
de ce quil ne se montrait pas au parlement (1).
le portrait de ce patriote célebre, par Clarendon, qui ex-
celJait a bien observer les caracteres individuels et qui ,
malgré les préventions de partí , ne manque pas tout-a-fait
de justice envers ses adversaires, (Note de l'Editeur.)


(1) Ce fut dans ces fréquentes altercations des volontaires
qui se rendaient a Whitehall pour servir de garde au Roi ,




:-!So l'lISTüIRE
C'était sur les mérnes bases qu'environ une


sernaine avant la pétition de la cité, les douzc
évéques avaieut dressé la pétition et protestation
qu'ils ad.resserent a Sa l\fajesté et aux pairs, En
voici le contenu :


(( lIs protestent avoir en abomination toutes
( actions ou opinions tendantes au papismeet
~


et de la multitude qui se rassernblait en tu multe , que na-
quirent, selon Clarendon ,ces dénominations de cavaliers
et de tétes rondes (round-heads) • qui bientót furent applí-
quées, d'une maniere générale, au parti du Roí et a celui
(]u parlement, (Histoire de la Rébellion , tomo 2, pago 296.)
'\Yhitelocke ne rapporte I'origiue de ces noms qu'a la pre-
mi ere année de la guerre civile; mais c'est probablement
de leur extension qu'il veut parler. (Mémoires de White-
Iocke , pago 57' ) Quant a la gravité de ces querelles et a
l'impunité des émeutes, on en a déja vu des preuves. 11 est
évident que la chambre des communes n'osait ni ne voulait
rnéme réprimer les exces de son parti ; la chambre des pairs
insista plusieurs fois pour obtenir une déclaration qui bla-
rnát du moins , au norn du parlement, de semblables dé-
sordres; mais les meneurs de la chambre des comrnunes
répondirent toujours qu'ils se gardllraient bien de décou-
rager leurs amis , cal' ils avaient besoin de toutes sor tes
d'amis. u A Dieu ne plaise, dit M. Pym, que nous em-
« péchions le peuple d'obtenir , par cette voie, ce qu'il a si
« juste raison de demander." t Histoirc parlementaire ,
tomo 2, col. 986.) Les presbytériens honnétes et sinceres,
qui n' étaient point initiés aux pratiques des meneurs, éle-
vaient de temps en temps la voix pour réclamer le main-
tien de I'ordre légal el la répression des tetes rondes aussi
bien que des cavalicrs, On en voit un excmple dans un




DU LONG PARLEl\lE:'iT. 281


( tout projet malveillant contre l'État; mais ils
« ont le désir et l'intention d'accomplir leur
« devoir dans le parlement; cependant , commc
cc en se rendant ace devoir, ils ont été violemment
« menacés , insuités et mis en danger de la vie
« par la multitucle, et que la plainte qu'ils en ont
( faite n'a pu leur procurer ni réparation ni pro-
« tection, ils protestent humblement devant
(( Sa Majestéet les nobles pairs que, se réservant
(( tout droit de siéger et voter ad'autres époc¡ues
( dans la chambre des pairs, ils n'osent ni sié-
I( ger, ni voter en cette chamhre, jusqu'á ce que
Ce Sa Majesté leur ait donné les moyens de le faire
(( avec súreté. Et, cornme ce ne sont pas des
({ eraintes vaines , mais fondées sur des motifs
t< solides et véritahles, ils protestent en toute
« soumission et humilité , devant Sa Majesté et
(( les pairs, centre toutes lois , ordres , votes, ré-
(( solutions et déterminations qui ont déja passé a
(1 la chambre, en leur absence , depuis le 27 de
« ce mois de déccmbre 1641, cornme nuls et
« de nul effet, et contre tout ce qui pourra y


discours prononeé, le 29 décembre 1641, par M. Sruith
t Histoire parlcmcntaire, tomo 2, col. 987) ; mais I'impul-
sion révolutionnaire était donnée; elle devait , plus tard ,
jeter le Long-Parlement et ses chefs dans le plus profond
décri , mais, en attendan t, ils la seeondaient de tout leur
pouvoir , et déjouaient toutes les tentatives par lesquelles ou
essayait quelquefois de la contenir. t Notc de l'Éditeur. )




.282 mSTOIRE
(( passer durant eette absenee forcée. Ils rleman-
(( dent au Roi que ectte protestation soit enre-
« gistrée par le clerc de la chambre (1). »


Les Iords du parlement , dans une conférenee,
déclarerent aussitót ala chambre des communes,
par la bouche du lord-garde-du-sceau, que, re-
garclant cette protestation commc d'une dange-
reuse conséquence, et comme un cmpiétement


{I) Voici le réeit que fait I'évéque Hall de l'une de,
émeutes qui éclataient eontre eux chaque jour , rricit con-
firmé par tous les monumens du temps et par le silence
des éerivains du parti opposo, « La populace , dit-il , n'h,;-
« sitait pas a déclarer hautement qu'elle voulait mettre
ti les évéques en pieces. La chambre envoya plusieurs mes-
" sages aux groupes tumultueux qui entouraient West-
« minster, pour les engager a se retirer et a abandonner
« 1eurs sanglantes résolutions; mais ils persisterent obsti-
" nément. La nuit approchait; l'un des pairs , le marquis
« de Hertford, s'approcha du banc des évéques , et nous
{( dit que nous étions en grand danger, en nous conseillant de
« prendre quelque mesure pour notre súreté. Nous lui de-
l( mandárnes ce qni lui paraissait le plus sage, et il nons
{( engagea il passer la nuit dans la salle du parlement.-
« Ces gens-la, dit-il , jurent qu'ils veilleront jusqu'il votre
« sortie et qu'ils visiteront toutes les voitures avec des torches
« pour qu'aucun de vous ne puisse échapper.-On lit alors
" une motion contre toutes ces émeutes, et on envaya des
« messages a la ehambre des communes , mais ils n'eurent
{( aucnn résultat. Cependant , c~mme le danger était pres-
« sant, on proposa de prendre qnclque parti qui pút non s
.. en préserver pour le momento Quelques-uns des lords
" aecueillirent eette rnotion llar un sourire; quelques nutres,




DU LONG PARLEl\IEj'iT. 283
considérable sur les priviléaes fondamentaux et
sur I'existence méme du parlcment, ils avaient
jugé a propos de la eommuniqucr a la chambre
des eommunes. Les communes rcmcrcierent leurs
seigneuries de leur en avoirfait part avec tant ele
hienveillance et de promptitude , et de leur avoir
dit ce qu'elles en pensa ient. Elles prirent ensuite
la résolution d'accuser les douze évéques de haute
trahison (l).


M. GIYllu fut done envoyé ~l la chambre des


" notamment le cornte de Manchester , offrirent de rece-
• voir , dans leur rnaison, l'archeVCI]Ue d'York et ses amis.
« Jc fus du nombre. Nos autrcs col legues se sauvcrent , les
« uns en restant dans la charnbre , les autres en s'échappant
• IJar des sorties secretes et des ehemins détournés; rnais il
" fut bien clair que nous ne pouvions plus nous hasarder a
t< venir a la chambre sans quelque meilleure garantie. II
(Histoire parlementaire , tomo 2 , col. 991. )


(Note de l'Éditeur.)
(1) La sriance , oü la chambre des cornrnunesadopta cette


résolution, oílrit un singulier spectacle. II y avait dans la
charnhre , on n'en saurait douter, une minorité assez norn-
breuse qui voulait couserver I'episcopat et le droit des
év-c1lues de siéger dans le parIement; cependant I'état gé-
néral des .csprits leur était si contraire que leur protesta-
tion parut insensée a leurs propres partisans ; et les mémes
homrnes qui souteuaient que les éVCf]UeS devaicnt rester dans
la chambre-haute , furent tres-choques de les voir déclarer
que tout ce que ferait, en leur absence , le parlement, ou la
violence les erupéchait d'assister, serait frappé de nullité. "Le
" bláme fut si général, dit Clarendon , que, dans le débat de




284 mSTOIRE
Iords ; et, a la harre, 'la nom de toutes les COlU-
munes d'Angleterre, il accusa ces douze prélats
de haute trahison pour avoir entrepris de re n-
verser les lois fonda mentales du royaume et l'exis-
tence meme du parlement. Il demanda aux lords
fIue lesdits prélats fussent immédiatement sé-
questrés du parlement ~ mis sous súre gardc,
et que leurs seigneuries assignassent aux com-
munes un jour trés-prochain pour recevoir Ieut
accusation. Les lords aussitót envoyerent prendre
ces évéques par l'huissier a la verge noire. A
huit heures du soir ils étaient tous saisis , et fu-
rent amenés pour se présenter agenoux ala barre.
Dix d'entre eux furent envoyés a la Tour, et les
deux autres, en considération de leur age , furent
confiés a la garde de l'huissier a la verge naire.
Ces douze évéques étaient l'archevéque el'York,
les évéques de Durham, de Coventry et Lichtfield,
de Norwich , de Saint-Asaph , de Bath et Wells J
de Hereford , d'Oxford, d'Ély, de Glocester, de
Peterborough et de Landaff.


Tels étaient les travaux journaliers du parle-
ment d'Angleterre, et e'est ainsi non-seulement


Ct la chambre des communes, un seul membre osa parler
" en faveur des évéques ; et il se contenta de dire qu'il ne
" croyait pas qu'ils fussent coupahles de haute-trahison J
" mais qu'a coup súr ils étaient devenus fous , et qu'il votait
.. pour qu'on les envoyát aBedlam. » t Histoire porlcmca-
tnire , tomo 2, col. 995.) (Note de l'Éditeur. \




DD LONG PARLEME"iT. 285
'lu'il fut entierement empéché de porter secours a
l'ldande, rnais que le redressernent des griefs de
l'Angleterre etla conclusion des affaires de l'État
se trouverent tellement retardes, qu'enfin les deux
royaumes furent enveloppés dans les mérnes dé-
sordres. Ce fut une étrange chose qu'une si har-
bare et si sanglante rébellion pút avoÍr éclaté en
lrlande sans qu'on eút d'avance le moindre soup-
,?on d'une telle calamité, et sans que les innocens
protestans anglais y eussent donné le rnoindre
motif. Mais certainernent, si l'on y pense bien, iI
paraitra aussi étrange que la vengeance de cet
horrible carnage ait éprouvé des ohstacles, et
I'on sera porté a regarder la chose comme irnpos-
sihle, a moins de supposer 'que le soulevernent
et les obstacles qui en ont ernpéché la répressiou
out procédé de la mérne source,


Lorsqn'on avait vu au commencement de dé.,..
cemhre tous les préparatifs que le parlement
avait eu soin de faire a la prerniere nouvelle ele
la révolte , on avait eu grande espérance que Í'Ir-
lande serait promptement secourue, et qu'on y
transporterait promptement des troupes de l'Í~­
cosse ; mais, acette époque, le Roí était reveuu
cl'Écosse, et , dans un diseours au parlement, ou
il le conjura de s'occuper des secours envoyés en
Irlande, iI parla aussi d'un bi11 alors en elébat ala
chamhre des pairs , et qui ordonnait la presse des
.... olclats pour l'Irlanrle; i! déelara que ce moyen




286 HISTOIRE
lui déplaisait, paree que c'était, dit-íl, un granel
ernpiétement sur la prél'ogative royale (1 ).11ajouta
qu'il avait peu d'obligation a celui qui avait mis
ainsi en diseussion les limites dc son ancienne et
indubitable préroaative. II proposa qu'au moins
le bi11 passát avec un salvo jure, al'égarel du Roí
et du peuple , laissant ces débats aun ternps (luí
y fuf plus propre.


Ce discours du Roi déplut bcauconp aux d eux
chambres, comme une grande violation du pri-
vilége du parlement ; elles lui adresserent une
pétition ou elles disaient que le Roi, en pre-
nant connaissance des débats de la chambre des
Iords , relativcment au bill de la presse des sol-
dats, avait violé le privilége fondamental du
parlement, qui est : (( que le Roi ne doit pren-
( dre cormajssance dc rien de ce qui se propose
( ou se débat dans l'une ou l'autre charnbre , sans
( leur aveu et sans en avoir été informé par elles-
( mémes , et qu'il ne doit proposer aucune con-
( dition ou limitation aun hill préparé ou dé-
(( battu, ni en manifester son approbation ou dé-
( sapprobation , jusqu'a ce qu'il lui ait été pré-
(t senté dans les formes voulues par la constitu-


(1) Le préamhule de ce hill portait : « Qu'en aucun cas ,
« sauf celui d'une invasion étrangere, le Roi n'avait le droit
« d'ordonner lapresse de ses sujets pour le service militaire,
" attendu qu'un tcl droit était incompatible avec la liberté
" des citoyens.,. (llistoire parlementaire , t. 2, col. g6g. )




DU LONG PARLElIENT. 287
« tion du parlement; en sorte que tout membre
H de l'une ou l'autre chambre, a pleine liberté
« de parler , proposer ou discuter toute chose
« selon les réglemens elu parlement, sans que le
« Roi ait le droit ele concevoir aucun eléplaisir
« contre lui pour ses opinions ou propositions. »
Elles lui demandaient en mérne temps réparation
de cette violation de privilége , el, pour qu'elle
ne se renouvelát pas a l'avenir, priaient le Roi
de leur faire connaitre les hommes qui l'y avaient
porté par Ieurs rapports et leurs mauvais con-
seils, aíin qu'ils pussent recevo ir le chátiment
qu'ils méritaicnt.


Cette affaire prit quelque temps, et fut au nom-
bre des malheureux obstacles qui empécherent
qu'on ne secourút promptement l'Irlande. De
plus, malgré les imminens besoins de ce royaume,
et l'intérét que lui portait la généralité de l'An-
gleterre, les préparatifs se firent si lentement
qu'il se passa beaucoup de temps avant que la
chambre des communes pút parvenir a.mettre le
lorel-lieutenant en état d'envoyer au moins un ré-
giment pour la défense de la ville etdu cháteau de
Dublin. Ce régiment était commandé par un digne
gentilhomme nommé sir Simon Harcourt; com me
il avait été nommé gouverneur dc la vil le de Du-
blin, le parlement lui donna ordre de partir avec
son régiment, et il débarqua en Irlandc le dcr-
uier jour de décembre 1641, au granel soulage-




:.:l88 HISTüIRE
ment de la ville , alors frappée d'affiiction et de
terreur par l'approche des rebelles irlandais,


Enviren trois semaines apres , un autre ernpé-
chement fut apporté aux affaires d'Irlande. Les
Écossais firent au parlemcnt huit propositions
ayant pour objet l'envoi, dans le nord de 1'11'-
lande, de 2,500 Écossais, alors en état de mar-
cher. Les deux chambres adoptérent toutes ces
propositions; mais le Roi s'opposa a la troisierne,
qui était que la ville et le cháteau de Carrick
rergus fussentconfiés ala garde des Écossais, qui
auraient la faculté d'y demeurer ou d'étendre
leurs quarticrs a volonté; que si quelques régi-
mens ou traupes de cette province se joignaient
a eux, ils seraient sous les ordres du général des
troupes écossaises. Le Roi lit des ohjections acet
article, et demanda que les chambres le pris-
sent de nouveau en considération, comme une
chose importante, el qui pouvait étre préjn-
diciable a l'Angleterre. Cependant si la charn-
bre désirait qu'il en fút ainsi , le Roí demandait
;\ en conférer [uj-méme avec les commissaires
écossais , ponr vair comment ils pourraient lui
donner satisfaction sur cet artide. Les Écossais
dirent a Sa Majesté que, puisque la chose était
consentie par les deux chambres, et qne l'argn-
ment de Sa Majesté portait sur ce que c'était re-
mettre une trop grande conlia nce entre les mains
d'llne arrnée nuxiliaire , i ls espéraient que Sa




DU LONG PARLE\lE:'\T. 289
Majesté (PÚ était lenr H.oi natnrel, ne leur mon-
trerait pas moins de coníiance que ne I'avait fait
librement la nation dont ils étaient les alliés;
sur quoi le Roi consentit enlin aadopter l'article
et l'opinion du parlemen L Ce fatal ohstacle ap-
porté au soulagement de l'Irlande n'avait été que
la suite d'un autre ; cal', d'ahord , les cornmis-
sa ires d'Écosse n'avaient pa.s été autorisés par le
gouvernement de ce royaume a traiter ponr l'ell-
voi de rnoins de dix mille hom mes; ce a quoi les
lords ne voulaient pas consentir. Cet obstacle
avait paru écarté par la hienveillance zélée de la
rharnhre des oornmuues , qui , conformément aux
instructions reyues par les commissaires écossais,
Tata l'envoi des dix milIe Í~cossais.Mais la charn-
hre des Iords , apres de longs débats, ne voulut
pas y consentir, a moíns que la chambre des corn-
munes ne donnát l'assurance qu'on enverrait en
méme temps dix mille Anglais. Les communes le
désiraieut autant que les lords , et promircnt d')'
faire leurs efforts; ma is tout le monde compre-
nait hien que les Anglais ne pouvaient étre levés
et encere moins transportés en Irlande aussi
promptemcnt que les Écossais. le nai pas en-
tendu donner d'autres raisons de cette résoln-
tion, si ce ncst qu'il aurait été déshonoraut ponr
l'Angleterre que la révolte dIrjande 1llt réprimée
par les Écossais. Cétait la ce que disaient par-
tout les papistes et les auf res ennern is dela cause.


1. 19




.290 HISTOIRE


Cependantles bons protestans s'étonnaient heau-
coup qu'on pul s'arrétcr aun pareil point d'hon-
neur, tandis que leur religion et leur cause
étaient livrées en Irlande a un état si déplora-
hle, Cela commenc;a a abattre les esprits et le
courage des pauvres protestans d'lrlandc; ils
craignirent qu'on ne travaillat , sous main , adé-
jouer les bonnes intentions dela chambre des corn-
munes et des lorcls affectionnés au bien de l'État;
car,dans la chambredeslords, la majoritése pro-
non<;a contre eux, tant il y avait encore de lords pa·
pistes et malintentionnés, sans compter les vingt-
quatre évéques, qui n'avaient pas encere perdu le
droit de siéger dans le parlement.


Les gens bien intentionnés se plaignaient aussi
en général de ce que le Roi avait hésité si long-
temps a déclarer rebelles ces barbares lrlan-
dais; et non-seulement on en parlait ainsi dans le
peuple, mais le parlement [ui-onérne parut adop-
ter cette opinion dans la déclara tion qu'il publia,
lorsque sa rupture avec le Roi fut devenue mani-
teste. 11 dit : « que cette odieuse réhellion avait
« été soutenue par la cour d'Angleterre, et il en
( donna pour preuve le retard de la proclama-
« tiou qui accusait les Irlandais ele traliison. Elle
« ne parut en eílet que le prern ier janvier, quoi-
« que la révolte eút éclaté au mois d'octobre pré-
t; cédcnt, De plus, OH n'en avait imprimé que
(1 quarante cxemplni res , d'apl'es une injonction




DU LONG PARLEMENT. 29 1


t( spécialc du Roí de ne pas excéder ce nombre.
« Le Roí avait égalellleiJt Ol'llOllllé (PI'O:) n'en m it
« aucun en eirculation, sans son expresse volonté,
« com me le prouve le warrant donné acet effet,
( et dontle parlement publia une copie, en sorte
« que la proclamation ne fut connue que d'un
« tres-petit nombre de gens; circonstance d'au-
I( tant plus remarquable, dit le pa rIement, qu'on
« avait procédé d'une toute autre faeon centre
« les Écossais. Les proclamations dirigées contrc
« eux avaient été rapidement publiées, répan-
« dues avec une extreme diligence dans tout le
(1 royaume, et le Roí avait donné l'ordre de les
« Iire dans toutes les églises, en les accompagnant
( de pr-iores publiques et d'exécrations centre les
( rebclles. »


Cette déclaration des lords et des communes
fut puhliée pendant que le Roí était aYork; elle
luí déplut grandement et il s'empressa d'y rc-
poud re. COlllllle le reproche relatif a l'Irlande
éta it le plus grave pour la réputation du Roi, il
est juste que le lecteur connaisse sa réponse. En
voici textuellement les paroles :


( Pour soutenir les expressions inconvenantes
« par lesquelles on a supposé notre oonuivence ,
« on du moins notre défaut de zelc daus l'affaíre
(1 de la rébeUion d'Trlande si odicuse a tous les
II gens de bien, on a i Illaginé un nouveau senre


de calomnie. On a dit qne notre procln matiou
19·




HISTOIRE
« contre ces traitres n'avait pas paru avant le
« cornmencement de janvier, quoique la rébel-
( lion eút éclaté en octohre , et que par notre 01'-
« dre spécial, quarante exemplaires seulement
« en avaient été imprimés. Personne n'ignorequ'a
« cette époque, nous étíons en Écosse ; que de la,
« et arres avoir fait passer d'Écosse en Irlande
« tous les secours nécessaires , nous avons vive-
« ment recommandé cctte affaire au parlement;


, , 'L ] l'« qu apre$ notre retour a one res, HOUS avons
« traitée nous-mérnes d'aprt:s les avis de notre
« conseil (l'Irlande et des deux ehamhres. Si au-
« cuneproclamation n'a parll plus tót (ce quenolls
« ne nous rappelons pas avec certitude , bien que
« nous pensions qu'il y en a eu de publiées avant
« le mois de janvier), cela ne peut étre imputé
« qu'a l'avis des lords - juges cl'Irlande qui n'en
« ont sollicité aucune avant cette époque; et
« quand ils nous I'ont demandée, íls n'en vou-
« laient que vingt exemplaires signés de nous;
« mais, pour la súreté du service, nous l'avons
« fait imprimer, ce qu'on ne demandait point;
« et nous en avons signé un plus gl'and nombre
« d'exernplaires que nos juges ne le demandaient.
« Tout cela était bien connu de quelques mem-
« brcs du pai-lement , qui en sont el'autant plus
« coupables s'i ls ont garelé le silence lorsque la
« derniere eléclaratíon a été votée; et s'ils out
« parlé, nous n'en sommes que plus fondés anous




DU LONG PARLEMEN'l'. 29'5
(( plaindre du hláme odieux qu'on a voulu jeter
I( sur nous dans l'esprit de notre peuple , quand
« on savait si hien comment répondre aux repro-
« ches qu'on nous adressait. »


Telle fut la réponse du Hoi aux plainles du par~
lement a l'égard de l'Irlande; mais la chambre
(les communes, dans une autre décIaration pu-
bliée long-temps apres , chargea de nouveau le
Roí a ce sujet , en y ajoutant des circonstances
aggravantes. (( Les rebel'les , y est-il dit, s'etaient
(( impudemment qualifiés cl'armée de la Reine,
« annoncant qu'ils s'étaient soulevés pour main-.
« tenir la prérogative du Roí et la religion ele la
( Reine contre le parlement puritain d'Angle-
« terreo Aussitót le parlement avait humblement
(( et instamment conseillé a Sa Majesté de faire
( cesser ce dangereux scandale, en proclamant
« les Irlandais rebelles et traitres envers la cou-
« ronne d'Angleterre , ce qui les aurait aífaihlis
{( soudain, et aurait encouragé les sujets Iidéles ,
« soit dans le parlement, soit dans le puhlic, a
« leur résister avec "igueur. Mais telle était au-
« pres du Roí l'influence des mauvais conseil-
« lers, qu'aucune proclamation ne fut publiéc,
« si ce n'est trois mois apres l'explosion de la
« révolte, et le Roí voulut qu'on n'en tirát que
(( .quarante exem pla ires , qui ne devaieut étre
« distribués que d'apres ses illjonctiolls spé-
El ciales. JJ





294 u rs r orn s
La proclamation contre les Irlan<.Iais ne parut


ell effet que deux jours avant cette violente entrée
du Roi dans la chambre des cornruunes dont nous
avons déj~1 parlé; événcmcnt qui causa tant de
troubles ct retarda si long-tcmps les secours dont
l'Irlandc avait besoin.


'Trois semaines apres , la chambre des com-
muncs se plaignit aussi de ce que, malgré I'ordre
des deux chamhres qui fermait aux papistes irlan-
dais tous les ports d' Angleterre, plusieurs des
principaux chefs des rehelles avaient été admis
en vertu de passe-ports directs du Roí. Le Roi ré-
pondit , qu'apres avoir consulté su propre mé-
moire et les notes de ses secrétaires ~ ilne se trou-
vait coupable d'aucune concession de ce genre (1).


(1) Ce u'est ras ici le lieu de discuter la légitimité des re-
proches qne le parlement adressait aCharles le< au sujet des
affaire» d'lrlande. Parmi les pI us ardcns ennernis du Roi,
apeine quelques-uus ont ils osé dire qu'il avait approuvé ou
du moins loléré In premiere insurrectiou des Irlamlnis ; et
cettc accusation est évidemmenL al.surrl e. Ce fluí u'cst pa;
m oius évidcut , c'cst t¡lle le roi el le 'parlement voulaicut ,
I'Llt1 et I'autre, prcndre seu ls en m ain la répression de l'lr-
laude, aun d'avoir la disposition des lroupes (fui y seraient
employées et de pouvoir sen servir au hesoin centre un
autrc ennemi. Le parlement craianait de remet\.re au Roi
Iui-rnérnc la direction de cett e guerre; ct le Roi redouLait
de voir le parlemenL maitre des forces 'fu"jl fallait lever ponr
la soutenir. Te1!e fut el'aborJ la \·érit;,J.>le canse des olistacle,
ct des lcntcur-, f[1l'el.\!Y3 cctte deph¡;,l,:e affaire; les deux




DU LONG PARLE~IENT.
partís saerifiaient tour atour, a leurs intéréts propres, les
intéréts de i'Irlande désolée. Quand la guerre civile eut
(:claté entre le roi et le parlement, Charles ler fut eonduit
de jour en jour a traiter avec plus de ménagement les ca-
tholiques j la Reine plaidait sans cesse leur cause aupres de
Iui ; et tout porte a croire qu'a mesure que sa situation de-
vint plus mauvaise, il mit mnins d'empressement a ré-
primer les Irlandais dont il finit par accepterles secours,


(Note de l'Éditeur.)




IlISTOlRF:


La Reine passe en Hollaude aoec sa fille la prin-
cesse l1:larte. Différellds entre le Roí el le par-
lement ~ concernant la milice, Le Roí marche
oers York. Une petition des lords des communes
l'atteiut el Theobalds. Jl recoi! el l'{ew-lflarket
u/le autre déclaration, Sir Jola: lIot1zmn luí
refuse I'entrée de IfuL!.


IL était. Sillglll icr que parmi taut de mesures
proposées et entreprises, aucuue ne réussit a
uvaucer du moins ceUc importante affaire de la
réduction de I'Irlande. Vers le milieu de févricl'
les deux chamhres imaainerent un moyen qui
[eur parut ]e plus efllcace et le plus súr de tous
pour le succes de cette gnerre; e'était d'em-
prllnter, par voie de souscription (1), sur des


(1) By adventuring. On appela adventurcrs les souscrip-
teurs cpJi s'cngag(~reul al'1'i'ICI" certaines sorumes sur ce S'lbc
évenlnel des terrcs d'Trlaudc qu'il fallail conquririr. Le par-
Iement prornit millo acres de lerre, daus le couitc ll'Ulster,
a quiconque souscr-irait ponr 200 Iivres sterlin[-;"; milic dans
le cornté de Couunught á tout souscriptcur pour 350 livres ;
ru i lle dans le cornté de l\'lullsler po u!' 450 livres , el mille
dan s le cornté de Leinstcr pon)" tioo livrcs ,


(Note de [' É'dit. j




DU LO~G PARLEl\IENT. 297
terres d'Irlande. On comptait, dan s les quatre
provinces d'UIster, Connau3ht, Munster et Leins-
ter, deux millions et demi d'acres de terre
~\ coníisquer sur les rebellcs de cette province,
et a partager entre les préteurs de la cité de
Londres ou des comtés environnans qui fourni-
raient ou s'engageraienL a fournir les sommes
jngées nécessaires d'aprés un examen approfondi :
en sorte que si on remportait la victoire sur ces
rebelles sanguinaires, tout Anglais (lui, de sa
personne ou de sa hourse, aurait contribué a cette
ceuvre méritoire, serait assuré de s'en voir lar-
gement récompensé. Le Roi accéda volontiers a
ces propositions , et offrit mérne de se rendre de
sa personne en Irlaude , ce qne le par1ement ne
jngea pas a propos d'accepter. l\1ais un acte fut
passé pour conférer au parlement le pouvoir de
poursuivre la gnerre jusqu'a ce que l'lrlande fút
déclarée entierernent sonmise; cet acte portait


'" ~..fIu a aucune epoqne, aucune palX m suspenslOll
d'armes avec les rehelles ne pourrait avoir lieu
sans le consentement des deux chambres.


Cependantlesdébats vena ient de s'ouvrir sur une
autre afliJ ire qui importait beaucoup ala súreté et
au salut de l'Angleterre.ll s'agissait d'organiser la
milice d'AngIeterreetdu paysdeGalles, de maniere
¡l ce qu'elle Iút confiée, dans chaqué comté, ades
personnes approuvécs du parlernent. Une pétition
fut arlressée au Roi sur ce snjet. On venait pré-




298 HISTOJRE
cisément de recevoir nn message daté du 20 jan-
vier, Oi1 le Roi, en termes obligeans , déclarait au
parlement que les griefs particuliers et les sujets
{le plainte étant trop nombreux pour qu'il ne fUt
])as fatigant pour les chambres de les lui présenter
en détail, il désirait qu'elles les comprissent et
rédigeasscnt en un seul corps, « afin que Sa Ma-
« jesté et les chambres elles-memes pussent en
« portcr un jugcment plus net , alors, disait le
« message, on verra , par les actions de Sa Ma-
(( jesté, combien elle a toujours été éloignée des
« projets et des intentions que semblent lui
« attribuer les craintes et les méfiances exagérées
« de quelques personlles, et combien elle est
« préte a égaler et mérne surpasser les plus
([ grands exernples donnés par les princes les
(( plus indulgens, de Ieur bienveillance et de leur
« amour pour le peuple. »


Ce message fut re~u dn parlement avec des té- .
llIoignages de reconnaissance, et il résolut dc le
prendre sér-ieusement ct promptement cn consl-
dération (1). Mais, afin d'etre en état de rernplir


(1) May dissimule iei le silence que garda, sur ectte pro-
position dllll.oi , la charubre des communcs. Charles en la
lui adressant avuit évidermnent I'intention de se débarrasser
promptement du parlement, ou de le mettre dans son tor t
sil hésistait ;'1 préscnter aimi en rnusse les griefs publies et
3 aeeepter la satisfaction gt:nérale que le Roi offrait de don-
ner sans retardo La ch a urb re des pairs adhéra sllr-]c-c!i;,1Ii1'




DU LONG PARLE:\IE~T. 299
avec sécui-ité son devoir clans une pareille affaire,
il demanda au Roi de le tranquill iser en mettant
la Tour et les autres principales fo rteresses , ainsi
que la milice du royaume, entre les mains de per-
sonnes en qui le parlement pút avoir confiance, et
qui fusscnt recommandées par les chambres. On
vit par la réponse du Roi que cette pétition lui
avait déplu; mais la chose était d'une telle gra-
vité qu'on ne pouvait s'en tenir a une seule ré-
p011se.


Le parlement réitéra plusieurs fois ses pétitions
sur ce sujet, et recut plusieurs réponses , qui
toutés existent dans les registres. Le Roi y promet
souvent d'avoir soin cIue le commandement d'au-
cune partie de la milíce ne soit confié qu'en des
mains fideIes aux intéréts de la république. Mais
JI se réserve la nomination aces places comme un
des principaux et inseparables fleurons de la con-
ronne qu'il a l'eljue de ses ancétres et des lois f(Hl-
damentales du l'Oyaume. Le parlement, de son
coté, affirmai t que le Hoi ne pouvait le mettre en
mesure de réprimer la rébellion d'Irlande, ni le


a la proposi í.ion d u Roi et vota en réponse UIl rnessage
qu'elle communiq ua á la chamLre des communes en l'in-
vitant '1 s'y joindre. Mais les mcneurs dn parti sentirent
1res-bien que si la chose se passait aiuxi , le pouvoir lenr
échapí)erait bientót ; i ls e.upécherent la chambre de J'épon-
.1re , et la proposition du Roi n'eut aucun résultat. ( His-
toir« parlcmcnrairc, to m . 2, col. J016.) (Note de l'Edit .




500 mSTOIRE
rassurer lui-méme entierement , qu'en lui accor-
dant , sans retard, cette lmmble pétition, et il
espérait que le Roí ne la refuserait pas ahsolu-
ment. Le parlemcnt ajoutait qu'il était de son
Je"'oir, envers le Roi et la république , de repre-
senter a Sa Majesté aquel point cette mesure
était nécessaire , et que, pour la conservation de
tous deux , les lois divines et humaines lui enjoi-
gnaient d'eo pressel' l'exécutÍon.


Tandis qne cette affaire était en discussion , et
avant que rien n'eút été conclu , des motifs dont
on va rendre compte engagerent le Roi a se mettre
en route ponr Cantorbéry. On a déja dit qu'apres
son apparition dans la chambre des communes,
pour y surprendre les cinq mem bres , le ROl éta i t
demeuré une sernaine avVhitehall et s'était ensui te
retiré aIlarnpton-Court, Le jour suivant, un cer-
tainnombre de hourgeoisde la cité, embarqués sur
la Tamise dans de.heaux bateaux garnis d'arrnes a
feu, conduísirent en grande pompe les cinq rnern-
hresa\Vestminster, manifestant pa r leurs discours
la résolution OL1 ils étaient de ne point ahandonucr
ceux qui siégeaient pour la défense de leur reli-
gion, de leurs lois et de lcur liberté (1).


(1) Un mol échappé au Il oi iJ cetle occasion lui lit, dit-on,
le plus grand tort parmi le, mntelots. Que1rlu'un lui dit
qu'il avait perdu leur alTection, et llu'iis avaient l'inten-
tion d'adresser une pétition a la cbambre. « Cela m'étonne,
• dit le Iloi: comment? ces rats d'eau cesseraient dem'étre




DU LONG PAIUEl\lENT. 301
Le Roi , qui était alors aHampton-Court, pa-


rut extrérnernent mécontent de la cité, et pré-
tendít que son ahsence du par-lerncnt avait pour
canse les dangers auxquels I'exposaient les tu-
multes qu'on pouvait exciter parmi le peuple. Ce
qu'il y a de certain, e'est que. dcpuis ce temps ,
on ne put, ni de corps, ni d'esprit , le ra ppro-
cher de la cité ~ ni du parlement.


Pen de jours aprés que le Roi se fut établi ~l
lIampton - Court , i l envoya ordre a plusieurs
membres du parlement, qui faisaient partie de
sa maison, de le quitter pour se rendre aupres
de sa personne. Mais les deux principaux, Rohert,
eomte d'Essex , créé dern ierernent Iord-cham-
hellan (1), et Henri, comte de Holland, maitre


« attachés ? " Les rnatelots, dit un parnphlet du temps, fu-
rent tres-choques de ce terme de mépris. ( Observations sur
la vil' et la mor! du roi Charles Icc. par Williarn Lilly, as-
trologue célebre du temps , puhliées pOUl' la premiere fois
en 1651, et réimprimées dans la collcctiori de M. Mazeres,
tomo 1 ,pag. 173.) (Note de l'Edit.¡


(1) « Le comte d'Essex, dit Clarendon, a prouvé , par
son exemple, qu'rm jngement faible, un peu de vanité et
beaucoup d'orgneil suflisent pour précipiLe¡' un homme
dans des enLreprises aussi illégales et aussi violentes (Iue
celles ou pourrait ponsser la plus ¡matia])!e amlrition , Il
n'avait en eífet aucune ardeur pour les titres, les Iavcurs
ou les emplois; il voulait seulement elre hien vu clu public,
et que le public parlát bien de lui, el ([ue la hienveillance po-
pulaire le mil en mesure de jouir dOllcClllcnt de sa situu-




302 HISTOIHE


de la gardc-rohe, airnerent mieux obéir au writ
par Íeq uel illeur avait ordonné d'assister au par-


.Iement pour y traiter les plus importantes aífaires


tion , Nul horruue au fond ne détestait plus que lui la ré-
volte ; aucune tentativo claire et positive n'eút pu I'y porter,
et il y fut conduit par les voies les plus détournées. L'orgueil
lui tenait lieu d'arnbitÍon ; il se désolait de voir un autre
hornme traite; avec plus d'éganls IJue lui, et s'en irritait
comme a'une injustice, d'autant plus liu'i] était tres-cxact
a rendre bons offices pour bOI15 offices et égards pour égards.
Il était sincere et constant dans ses amitiés, et ne se fLÍ! per-
mis envers ses ennernis aucune pratique honteuse. Persoune
Jl'eut jamais sur lui assez de crédit pour lui [aire absoll1-
ment ouhlier la Ioyauté qu'il devait au Hoí , maís il se cru t
assez sage pour décider Iui-rnérne de ce qui était ou n'était
pas trahison. Les distinctions qu'on étahlissait entre lapré-
rogative royal e et le pouvoir du Roi en parlement, la pré-
teudue légilimité des ordormances des chambres, toutes
ces nouvelles théories du tell1ps lui brouillerent le cerveau ;
si hien qu'i l renon~a a son propre jugement pour suivre ce-
lui lIes horn mes qui , a ce qu'il croyait, avaient d'aussi
bonnes intentions que luí, et connaissaient mieux les gran-
des questions politiques. Sa van ité luí lit prendre plaisir it
étre appelé T'otre Exccllcncc , il eut la faiblesse de croire
qu'il serait général dans les ch ambres comrne dans les
charnps de bataille, et qu'il gouverncrait les passions et les
drimarchcs c1u partí comme il gagne¡'ait pour lui des ba-
tailles ; il se promettait d'étre ainsi ,non le clestructeur ,
m ais le sauveur c1u Roi et du foyaume. Abusé par ceHe
imprudente confiance, il se lanra SUl' cette mcr ou il ne
rencoutra que des écueils el d'ou il ne put jarnais rentrcr
(hn, le rorL " ( Histoir: de la R(i{)(i!l. tomo 5, pag, 3()(1, ,




UD LONG PARLE.\IE;\lT. 303


de l'Augleter1'e, que de se rendre al'ordre parti-
cujier qu'illeur donnait de le su ivre aHarnpton-
Court (1). Ils alléguerent pou1' excuse que Ieur
présence au parlemont était le plus utile service
qu'i] pút recevoir d'eux en sa qualité de Roi. Alo1's


Clarendon ne tient , dans ce porlrait , aucun compte des
¡ustes raisons ni des sentimens patriotiques et désintéressés
qui, indépendamment de toute faiblesse personnelle , pous-
scrent le cornte d'Essex dans les rangs de I'opposition la plu ....
vive; et en cela, la partialité est évidente. Mais ceHe
omission une foís reconuue, ce qu'il dit du caractere du
comle cl'Esscx est plein de finesse el de \'érité. ( Note de
ts.», )


(1) Ce ne fut point par une résolution purement persou-
nelle que les lords Essex et Halland refuserent de (luitler
le parlement pour se rendre aupres du B.oi ; il purait méme
'lile lord Essex s'étaiL d'abord décidé 3 partir; mais an m o-
meut ou il venait de revétir ses habits de voyage, lord
Holland arriva et le fit changer de résolutiou en lui disant
'lue, s'il allait a IIampton-Court, il Y serait assassiné .
. CI:Jreudon, Histoirc de la R(!ÚelZ. tomo 3 , pago ¡80.)
Quoi (IU'il en soit de celle circonstance , les dellx corut es
soumirent le message du Roi a la chambre des lords qui
en lit l'objet d'une délíbération et vota : ¡o. Ou'eu demeu-
ra n t dans ladite chambre, et par son exprés commund e-
ment , les lords Essex el Holland ne se rendaieut poin t
coupables de desohéissance aux ord res du Roí; ~,,o. ([[le
c'était violer les pri\'i!éges du parlernent que d'exigcr f[ ue
lesdits lords quittassent leur siége pour se rcndre a la cou r ,
.rtt cndu qu 'ils siégc:Jient en vertu des writs de convocatio n
d ti Roí; 3". que le Boí He pouvait dispeuser aucun paJI',
,P;-!f UII orrl re n~\·:~tll de snn .-.;ce:-Hl, de l'ohlig:1l.ion de ;;lt'~(-_'r




flISTOIRE
le Roí envoya un messagcr redcmauder a l'nn 'le
háton , et a Í'au tre la clef, signes de leur oflice.
lis les remiren t sans résistance entre les mains du
messager (1).


dans la chaurbre , q uand la chambrc l'en rcq uérait ; 40. que
tout pair fluí, en vertu d'uu purcil ordrc dn Roi , se dis-
pcn serait de siéger malgré les r(.r{liÍsiLioTJs de la chambre ,
se rendrai t coupab!c d'une olfeuse que la chambre anrait
droit de punir, (I1isloire parlcmcntairc, torn . ~, col. 1171,)
( Note de l' li'diteur. )


(1) Les plus sages amis du Itoi firent de vains eilorts ponr
JI' déLourner d'une démarche qui devait rejeter irrevocable-
iuent cleux hommes aussi considé rabies dans les rangs de
ses ennernis. Clarcndon pense méme (jlJe ,si le comte d'Es-
sex ue s'était trouvé ainsi dégagé de toute fonction person-
nelle aupres du Roi , i'l u'uút jamais consenti a prendre le
cornmandement de I'armée parlementaire. l\fais Charles
ne vou lut ríen entcndre , donnant ponr raison décisive qn'il
I'avait promis a la Reine et ue luí manquerait pas de pa-
role. La Reine avait conyu ta nt d'illimitié contre lord Hol-
land (fu'elle avait déclaré a son marí (Iue, si le comtc gar'
dait ,a charge, elle ue vivrait dr'cidément plus a la cour,
Le Boi orrlorma douc a lord LiLtlcton, garde d u grand seean,
(I'aller redcmander aux deux com tes les insignes de Ieurs fone-
t ions ; mais telsétaient I'ascendant moral du parlemcnt et I'a-
hntteruent des ministres du Roi que lord Littleton, saisi d'é-
}'ouvallte, nc pul se résoUllre áremplir unc telle urission ;
il al}a trouver lord Fa lkl.md el le supplia de I'en excuse!'
aupres du Roí, allf:guant pour s'en dispenser d'assez mau-
vais es raisons, Lord Fal], land en rCTHlit corupte au Roi qui
aussil.ót ccrivit de sa main , a lord FalklancI lui s méme ,
une lettre oü il le chargenit de s'acquitter en vcrsonne de la




DU LONG PARLE1\IENT. 305
De Hampton-Court, le Ro i et la Reine, vers le


milieu dcfévrier, se rend irent á Cantorbéry, et de
la aDouvres, avec la princesse Marie, leur fille
ainée, mariée moins el'un an uuparavant aGuil-
laume, fils du prince d·Orange. La Reine passa
de la en Hollande, sous prétexte de conduire au
prinee sa íemme qui n'était alors agée que d'en-
viren dix ans. Le parlement ne s'y opposa point.
Mais la Reine empOl·ta avec elle les joyaux de la
couronne , du moins en grande partie, et les mit
aussiíót en gage en Hollande. De l'aq;ent qu'elle
en retira, elle acheta des armes et des rnunitions
pour souteuir cette fUlleste guerre qui commen«;;a


démarclte, en s'excusant de luí donncr une si désagréable
coru mission, Elleétait en eifet plusdésagréable ponr lord Falk-
land que pour tout autre , car il étaítlié avec les deux corn-
les et en avait souvent rC!ru de hons oflices ; il en fut done
un peu troublé. Cependnnt , incapable d'bésitcr dans une
circonstance difíicile , il partit , rencontra lord Essex et lord
Hol!and flui se rendaicnt a la charuhre des Iords , et leur
remit le message; ils le prierent am icalement de leur ac-
corder quelques momens de déliL¡:raLion, prornettant de
le faire avertir, dans une demi-heure, a la chamLre des
comrnunes oii il allait. Les choses se passererit ainsi : apres
s'en etre enLrctenus avec Icurs amis ala charuhre des lords ,
les dcux comtes rcmireut ti Falkland , l'un son bAton, I'au-
t re sa clef' , et la chambre prit aussitót les résolutions rap-
portees dans la note precedente. t Histoir« de la R¿bell. ,
tom.,3, pago 181-Jij!¡.)


l.


( Note de rEdil. )
AO




306 IlI5TülHE
peu de temps apres entre le Roi et le parle-
ment (1).


(1) Les craintes de la Reine pour sa propre sureté Iurcnt
un des principaux ruotifs de son départ et de celui du Roi. 11
est impossible de déterminer aujonrd'hui si , des 101'5, ces
entintes étaient fondées; ce c¡ui est certain, c'est qu'elles
étaient réelles , sincer-es el ne manquaient pas de pretextes
plausibles. Deux circonstances recentes avaicut dú les ren-
dre tres-vives. Le 27 déccmbrc 1641, la chambre des 10nl5
fut informée que, pendaut le dernier voyage du Roi en Écosse,
quelqu'un avait rapporté a la Reine que, d.ms une réunion
tenue, a Kensington, par les meneurs du parLi dominant,
le comle de Newport avait dit flue le Roi avait grand tort
de faire des complots en Ecosse , cal' il a vait laissé aLou-
<hes sa femme el ses eufans. Le eomte de .i\e1Vport se leva


, aussitót el raconta (Iu'informé de ce prétendu propos , il
élait alié trouver la Reine qui l'avait assuré qu'elle n'eu
croyait rien ; mais que le vendredi précédcnt, le Roi lui
en avait parlé, et , sur sa dénégation, lui avait dit: « J e
suis fáché que votre seigneurie ait si mauvaise mémoire. »
Les deux charubres se réunirent aussitót pour adresser
a u Roi une pétition a ce sujet et lui demander de nom-
mer les a ut eurs de ces rapports : u Il est vrai , rópondi t
« Churlos ; j'ai entendu parler de propositions failes it
« Ivensington pour se saisir de ma fenuue et de mes enfans ;
u dans des choses d'une natu re si grave, un prince se doít
u de rechercher la vérité ,meme quand il ne croit pas aux
« lrruits repandus. J'ai done fait a Newport quelques ques-
« tions it ce sujet , mais sans témoigner a ucuncmcut ,
« co ru m e il a eu I'audace de le pr(:lendrc, que j'y ajou-
« t asse la moindre foi; il me serait aisé de le l1rouH~r,
" JU!ilS le reganle cormn e indigne de moi d'engager avcc
" un simple particulier une telle discussíon ; qu'il \'0115 SU[-




nu LONG PAH.LE~lENT. 507
Le séjour du Roi a Cantorbéry et aDouvres ne


1'llt pas long, el ces villes n'étaíent pas assez éloi-
gnées ponr qu'on ne pút encore tra iter de quel-
ques affaires, quoiqu'avec une grande incornmo-
díté pour les lords et les membres des communes,
ohlígés a tous momens de se rendre d'un lieu a
I'autre. Ce quí se fit de plus important en cet·
intervalle, ce fut l'acceptatíon, par le Roí, du


« fise de savorr que je n'ai accordé et n'accorde aucune
« créance 11 tous ces propos.» ( Histoire p arlcrnctitaire ,
tomo 2 , col. 984. ) Cepelldant des liruits du mérne genre
continuercnt a se repanrlre et a a tl irer l'attention de la fa-
mille royale ; la Reine dit , a u commencement du m ois de
janvier rG4?, qu'elle savait que les chambres voulaicnt
I'accuser de haute-trahison. Les chambres lui adressercnt
un message }l0ur nier le fait, et elle protesta de nouveau
qu'elle n'en croyait rien. (lbid., col. rob r , ) " Il n'est pas
« douteux , Jit Clarcndou , qu'il u'en eUt été question dans
u les conversations intimes et les sourdes menées du partí ...
( llistoire de la Rlúell. , tomo 3, pago 81. ) Les évcncuicns
postririeurs ne perrnettent gllt,re en eifet de don ter que de
tels desseins n'eussent ¡:tc: formés de tres-bonne heure dans
la charnbrc des communes, que la Reine u'y eút donné
líen par son attachement décidé au cntholicisrne et au })Ou-
voir ahsol u , et (iu'clle ne flLt convaincue , ainsi (fUC le
Roi , qu 'elle avait a les redouter: Mais , dans les révolutions,
I'hypocrisie est inhérente aux par tis ; les faíbles nient ce
qu'ils craignent, les forts ce qu'ils feront; et Ieur conduite
n'en est ]las moins régl(:e par ces projcts et ces craintes (jue
leurs discours déuientcnt sans cesse jusqu'au jour ou leurs
actions vienneut les prollver. (Note de l'Edit.)


zo ,




508 HISTOIRE
hill qui retirait aux evcques le droit de siéger
dans le parlement.


QualHlla Reine et sa fine eurent mis ala voile,
le Ptoi revint ti. Greenwich, d'ou il envoya cher-
cher le prince de Galles et le duc d'York, ponr
quils l'accompagnassent dans son voyage aYork,
ou il avait intention de s'établir. 11 aHa en effet jus-
qu'á Théohalds, ou il fut rejoint, le r". mars 1642,
par une pétition des deux chambrcs, conjurant
Sa Majesté de vonloir hien enGn faire droit a leur
indispensable demande concernant la mi/ice d'An-
gleterrc. Elles ajoutaient que si le Roi s'y rcfusait,
le parlement, dans ces temps de trouble, céderait
:'t la nécessité, et prendrait, a cct égard, ponr la
súreté du royaume, les mesures qu'il avait pro-
posees a Sa Majesté. Les chamhres suppliaient
également le Roi de continuer a résider pres de
Lond res et de son parlement ,et de n'eu pas éloi-
gner le prince son Iils. }~nfin, elles désiraient que
Sa Majesté apprit, par l'organe eles charnhres, son
grand conseil, que, selon les lois d'Angleterre,
le pouvoir de lever , organiser et employer la
mil ice dans quelque cité, viHe ou autre líeu que
ce fút , ne pouvait étre accordé a aucune corpo-
ration, par charle ou autrement, sans l'autori-
sation ou le consentement du parlernent.


Le Roi refusa de donner, relati vement a la mi-
lice, aucune autre réponse que celles qu'il ava it
données d'ahord ; ajoutant qu'ilne se croyait pas




nu LONG PARLEMENT. 509
en súreté pres de Londres, et que, quant au prince
ion fils, il en prendrait soin 'de maniere aen P01l-
voir réponclre a Dieu comme pere, ases État~
eomme Roi.


Le parlement, en recevant cette courte réponse
du Roi, déclara qu'rl Ia regarclait comrnc un refus
positif', et réitéra les aílirrnations eontenues dans
sa pétition au Roi, sur le dangcr quil y avait a
le laisser s'éloigner autant du parlcmcnt et ern-
mener avec lui son fils. Les deux chamhres cnjoi-
gnirent au eomte de Northumberlancl, grand-
amiral, de donner les ordres les plus prompt:)
pour que tous les vaisseaux de la marine royale
fussent gréés et mis en état d\~h'e emplovés uu
service de l'État.


Les deux chamhres rédigerent une déclara-
tion qui fut présentée au Roi le 9 mars, pres de
New-Market , par les comtes de Pembroke et de
Holland , et quelques mernhres elela charnhre des
comrnunes. On y remettait sous les yeux du Roi
quelques-ulls des ancicns griefs exposés dans la
prerniere remontrance qu'il avait re<,;ue a son
retour d'Écosse. Ainsi on y répétait que le projct
de changer la religion avait eu pour auteurs les
gens qui jouissaient pres de lui de la plus grande
autorité , que la guerre contre I'Écosse avait en
pourobjet de favoriser ce projet, et que, d'a-
IJrcS plusieurs présomptions fondées SUl' les ré-
sultats de plusieurs enquétos judiciaircs , c'é-




HISTüIRE


tait en Angleterre qu'avait été combiné le plan
de la rébellion el'Irlamle. On parlait encore, dans
cette déclaration, de la tentative du Roi pour
conduire son armée contre le par-lerneut; des
warrants que, rnalgré toutes ses promesses, il
avait donnés pour l'émigration eleJermyn, Digby
et aut.res délinquans ; de la maniere dont il s'é-
tait permis de violer les priviléges du parlement,
en venant elans la chambre des communes pour
y arreter les cinq membres, etc. Le parlement
s'appuyait sur ces faits pour justifier ses craintes
et ses méfiances, et prouver qu'elles étaient trop
bien fondées pour que le salut de la répuhIique ,
commis entre ses mains , lui permit de les négli-
gel'. Il niait la réalité des dangers auxquels Sa Ma-
jesté se disaitexposée en restant pres de Londres,
et soutenait que ces prétendues craintes n'étaient
qu'un prétexte fourni a Sa .lVIajesté par de mau-
vais et perfides conseillers, pour embarrasser les
affaires publiques, en dounant lieu de croire, par
son absence , qu'elle voulait décourager ceux qu i
entreprenaient de secourir l'Irlande, et entraver
les mesures prises a cet eífet ; ce qui devai t né-
cessairement augmenter la confiance des rebelles
et ele tous les malintentionnés de ce royaumc.


Le Roi, a la réception de cette rcmontrance,
exprima une grande indígnation, et se plaignit
du ton dans laquelle elle était con~ue , disant que
ce n'était ni une invitation, ni une sollicitation




De LONG l'AHLEi\1ENT. 31 [
«le retourner pres du parlernent , mais une véri-
tahle scmonce , et qu'il ne trouvait nulle part que
la rhétorique d'Aristote fit mention tl'un pareil
moyen de persuasion; i1 ajouta qu'il repondrait
dans une autre déclaration qui , en effet, fut
faite et publiée peu de jours apreso Dans cettc
déclaration , íl proteste solennellement de la sin-
cérité de sa religion, justiíie ses démarches, et
uie que les warrants pour l'émigration de M. Jer-
myn et nutres aient été donnés dans la forme
dont on sc plaint. Il impute au parlement des
erain tes sans rnotifs et fondécs sur les exprcssions
incertaines dc quelques avis cnvoyés de Rome,
de Venise, dc Pai-is , et autres lieux; il énumére
les gracieuses concessions qu'il a déja faites du-
rant ce parlement , pour la satisfaction de son
peuple, et proteste enfin qu'il désire vivement
résider prés de son parlernent , et retourncrait
immédiatcment a Londres s'il voyait ou appre-
nait qu'on cút pris quelqucs préeautions pour su
súreté (r).


(1) On publin immédiatcment a Londres un rccit de la
,;onfú-ence des cornmissaires du parlernent avec le Iioi a
New-lVIarkct, récit Ires-curieux ]Jar les détails fjll'il cnntieut
sur la colore du Iloi et Cll méruc temps sur ses efforts pour
éluder la necessit« de réponc!re positivement il la demande
de revenir a Londres. En voici les pas,ages les plus remar-
·tllal~cs :


« 1 ,or':[lLC S;\ Maje,;l(; (~1I1clldit ce pa"agl' ("!e la (lécbra-




312 IlTST O IlH:


Le 15 mars , le ltoi étant prót apartir ponr la
vil le d'York, envoya de Iluntingdon un autre mes-


« tion du parlement , flui parle du sv arrant accordé pour
te l't:migration de 1\1. J ermyn , elle int errompit le comte de
« IIolland qui la lisait , en disant :-Cela est faux.-":"'Le
1( mérne sujet revenant une seconde fois, Sa Majesté répÚa :
1( -C'est un mensonge.-On lui expliqua alors que le
1( warrant avait , a la vérité , été accordé a une époque ou
« rien ne l'interdisait encore, mais ({u'on se plaignait de
1( ce qu'il l'avait laissé mettre aexécution. - 11 fallait mieux
1( expliquer cela, dit le Itoi ; c'est une grande affaire que
« daccuser un roi tic IIlaIHIUel' a sa parole, - Venant en-
1( suite a la déclaraíion elle-rnéme . - Je u'uurais jamais
1( cru , dit-il , qu'un te! message me vint du parlernent , ,'il
1( ne m'était apporté llar des hommes d'honneur ; j'en suis
l( raché pom le parlement, et eharmé pom moi , j'y ré-
1( poudrai , j'en suis sur, de fayon iJ. satisfaire rnon peuple ;
" chose qui , je m'en Hatte, est déjll bien avancée. Vous
« parlez de mauvais conseils ; les informations que le par-
" lernent s'est procurées sont heaucoup plus mauvaises que
1( les conseils que j'ai recns , Qll'ai-jc refusé au parlcrnent ?
« -Lord HollanJ cita la pétition rclutive a la milice. -
« Ce n'était pas un bil! , dit le H.oi. - C'élail une pctition
« indispcnsable , rép1iclua lord Holland , -Je ne l'ai pas
" refusée, repr it le Roi. - Le lendemain le Roi leur rernit
" sa réponse; lord lIollancI la lut a ux autres comrnissaires
" et s'ell(}l's:a eusuite d'engagcr le Roi a revenir auprcs du
« parlement. - VOHS ne faites r ieu qui m'y pOl'te, dit le
« Roi; une telle déclaratiou u' cst ras propre am'y décider;
« ce n'cst pas dans la Rl:étori'jlle d'Aristote que vous avez
« trouvé de semhlables Uloyens de pcrsuasion, - Le comte
" de Pernbroke lui fit obscrvcr (ille le parlerncnt l'avait déjil




DD LONG PARLEl\lEN'T. 31:1


sage, dans lequel il exprime combien il est occupé
tIe l'Irlande , et désire ne pas violer les priviléges
tlu parlement; mais , ayant particulierement á
cceur de lui faire connaitre qu'il n'ignore pas ses
propres droits , il lui défend d'oser, sous forme


" humblement supplié de revenir. - V otre déclaration me
« prouve que les paroles ne signifient rien. - Que Votre
" Majesté daigne done nous dire c1airement ce qu'eHe vou-
« clrait pour «s déeider. -Je ferais fouetter un enfant de
" I'ecole de Westminster qui, dans la répouse que je vous
~ remets, ne saurait pas voir c1airement ce que je veux ,
« vous vous trompez si vous voyez, dans cel te réponse , 1111
« refus de retourner auprcs du parlement. -Le comte de
" Pernbroke lui demanda eneore si la pétition du parle-
" ment, fluant a la rnilice, ne pourrait pas étre accordée ,
.. du moins pour un terups limité, -Non, de par Dieu ,
ti 11as pour une heure, reprit le Hoi , vous m'avez demandé
u la ce qu'on n'a jamais demandé a un Roí, ce que je ne
" confierais pas a rua femme et a mes enfans. - Sa Ma-
" jeslé ajouta : -Les ailaires d'Irlande ne se feront jamais
« pal' les moyen> que vous avez pris; une assemblée de
« quatre cents personnes n'en viendra pas a bout ; íl faut
« qne cela soit rcrn is au x soins d'un seul homme. Si on
« ru'cu chargcait , j'el1gagerllis ma téte i.t y réussir ; ct
" quoiq ue jc ne sois anjourd'hui qu'un rneneliant, clit-il
« alee une aflirmation tres-énergique , je trouverai de I'ar-
« gent pour I'enu-eprend ro. »


L'imprimeur el u p;ll:lphlet quí contenait ce récit fut
mandé l)al' la charulno des lords; maís il dit qu'i] avait re~:\l
le manuscrit d'Ull secrctaire du ganle-du-sceau, el fut ren-
voyé. t Histoirc parlcrncntaire , tomo 2, col. 1 ]26.)


(Note de l'Éditcur. :




51 4 HltlTOIRE
quclconquc d'ordre ou cl'ordonnance rcmlue sans
sa participation , relativement ala milicc ou tout
autre objet, rien entreprendre qui ne soit déj¡\
autorisé par les lois. En méme temps, il recom-
mande aux chambres, comme il I'a déja fait pal'
son message du 20 janvier dernier, de dresser et
rédiger, avec toute la promptitude possible, tous
les actes qui leur paraitront nécessaires pour l'é-
tablissement présent et futur de leurs privilégcs.
Telle fut , en somme , la teneur de quelques-unes
de ces déclarations, pétitions et réponses ; cal', ¡l
eette époque , et pendant les trois mois qui sni-
virent , les messages, remontrances, pétitions et
réponses acquirent, en toute occasion, un si énorme
volume, que leur collection composerait une tres-
longue histoire,


Ainsi, voilá le Roi a York, tandis que le par-
lernent siégeant a Londres, déc1are et vote du
commun consentement des deux chambres , a la
reception de ce message :


« r ", Que la résidence de Roi dans un l ieu
l( si éloigné de son parlement , n'est pas seule-
(( ment un ohstacle aux affaires d'Irlande, rua is
(( peut en entrainer la ruine;


(( 2°. Que quand les lords et commnnes sié-
(( geant en parlernent ont déclaré quelle est la
( loi du pays, c'est une haute violation des pi-i-
(( viléges du pm-lement que de vouloi r non-sen-
« lement discuter et mettrc en quesí.ion n:Ue




DU LONG PA RLE~l E '\'1'. 515
« loi, mais s'y opposer et défendre qu'elle soit
(( obéie; ))


« 3". Qne ceux qui ont consei lIé au Roi de s'ah-
(( sen ter du parlement, sont ennemis de la paix
(( elece royaume, et doivent étre justement soup-
(( connés de favoriser la réhellion d'Irlande. »)


11 peut pa raitre étrange an lecteur que, sous
les yeux el a la connaissance du parlcment qni,
non-seulernent était témoin de ses actions, mais
semblait déméler ses projets et en prévoir les
effets probables, le Roi ait pu, sans autre obsta-
ele qu'une vaine opposition par écrit, conduire
si ouvertement son entreprise jusqu'au point oú
elle devait envelopper le royaume entier dans la
gucrre la plus destruetive et la plus malheu-
reuse. Je ne me hasarderai pas a donner mOI1
opinion sur le temps ou la maniere qu'on aurait
pu choisir pour prevenir la ruine du royaume ;
j'expose seulement ce qui se fit alors, afin que la
postérité en porte son jugement.


Le parlement n'ignorait pas, oudu moins devait
soup9onner, cal' 011 en parlait ouvertement accttc
épofJue, que la Reine, lorsqu'el!e avait passé en
Ilollande , y avait emporté avec elle les joyaux de
la couronnc, pour les vendrc et les mettre en gage,
et s'il le savait, iI ne pouvait douter de l'intell-
tion de la Reinc, ct de ce qui elevait s'en suivre.
n ne pouvait ignorer non plus combien cet acle
était illégal, et cornhien pal' conséquent il était a




516 IlISTOIHE
propos de le prévcnir; aussi les cliambres accu-
serent-ellcs pLus tard la Reine de haute trahison ,
pour ce fait, et surcnt bien apprcndre au monde,
dans une déclaration , quel crime c'est a un Roí
d'aliéner les ornemens, et particulierement les
joyaux de la couronne, surtout sí ce Roi les em-
plnie ou aliene dans l'intention de faire la guerre
a son peuple , pour la conservation duquel, non-
seulernent ces joyaux, mais tout ce qu'il possede
a été mis entre ses mains.


On Iit mine de s'opposer ace que le prince par-
tlt avec le Iloi de IIampton-Court pour ailer dans
le nord , ce qui pouvait augmentcr les craintes et
méfiances du peuple. Cependant cela n'ernpécha
pas le roi de I'emrnener ; enfin le parlement n'i-
gnorait pas quel obstacle le Boi , en s'éloignant de
la résidence du parlcment, apportait ala marche
des affaires, aux réglemens a faire pour I'An-
gleterre et aux secours adonner aI'Irlande. Illui
avait mérne dit assez c1airement que ce voyage ,
n'eút-il aucun ohjet répréhenaible , ne Se pouvait
excuser en aucune maniere, puisquil offrait les
plus grands inconvéniens , et ne présentait aucun
des avantages qu'on alléguait ponr le défendre.
Cependant le Iloi partit tranquillement.


Le parlement ne prévint a force ouverte qu'un
seul des projets du Roí.. qui, á la vérité , était re-
gardé comme le but principal de son voyage daus
le nord ; ce fut la prise de la fortc vi lle et de la




nu LONG PARLEMENT. 317
citadellc de Hull , et du magasin cl'armes qui s'y
trouvait déposé. Mais ce fut une chose remar-
quable que le soin qu'on mit des dcux cótés aem-
péchcr , s'il eút été possible , que le Roi n'éprou-
vát un refus formel devantles portes de Hull, el
que les clioses n'aUassent si loin. Le Roi regar-da
cette action comme un si grand aífront que cela.
d evint ensuite des deux parts le sujet d'un grand
nombre de volumineuses déclarations.


Le Roi, pourprévcnir un parci l incident, avait
averti le parlement par un message daté d'York,
8 avril 1642, qu'il était dans l'intention de se
rendre en personne en Ir-lanrle , POUI' chátier par
les ar-mes ces rebeUes sanguinaires; et , dans ce
but, il jugeait a propos de faire eonnaitre au
parlement qu'il cornptait faire lever, sur des
ordres de lui , dans les comtés voisins de celui de
Chester , une garde composée de 2,000 hommes
de pied et de 200 chevaux, qu'il se proposait de
faire équiper , disait- il, au moyen des armes
tirées de son magasin de Hull.


Vers le me me temps, les deux chambres avaient
adressé une pétition au Roí ~ pour qu'il permit
de transporter le magasin de I1ull a la Tour de
Londres, disant pour raison que les provisions
d'arrnes et de munitions renfermées a la Tour,
étaient fort diminuées par les envois qu'on en
avait faits aI'Irlande, dont les besoins en ce gcnre
augmentaient chaque jour; que les rnotifs (lu'on




HlSTülRE


avait eus POUl' mcttre un magasin aHull n'exis-
taient plus, puisqu'il n'y avait plus de danger du
coté de l'Écosse. On ajoutait que ce magasin se-
rait ala Tour plus en súreté, moins dispendieux,
et qu'on le transporterait de la plus aisérnent en
lrlande.


te Roi parut tres-irrité de cette pétition, et ré-
ponrl it , entre autres choses , que ceHes de ces ar-
mes qui étaient destinées pour les comtés d'Uls-
ter ou de Leinster y pourraient étre envoyées heau-
coup plus commodément de Ilullque de Londres.
Mais ce qui snrtout parut exciter son rcssenti-
meut , ce fut d'a pprendre que le pa rlement, s'y
prenant a temps , avait , sans son consenternent ,
envoyé l'ordre d'óter le commandement de la
place au comte de Newcastle, que le Roi, dans
eette réponse, désigne comme un hornme d'hon-
neur ,d'une fortuue et d'une réputation sans
tache, et I'ava it fait rernettre ainsi que la cita-
del le entre les mains de sir John Hotham. Le
parlement, cornrne 011 pcut le voir par la dé-
claration qu'ilfit il cette époque, avait été con-
firmé dans I'opinion (lue le voya3e du Iloi vers le
nord avait pour hut de se rendre alIull, par une
leUre qu'il avait interceptée de lonl Georges
Djgby a sir Lew is Dives. Cette lcttre, datée de
l\fiddlehourg en Zélande, le zo jallvicr l642, por-
tait quc, si le Roi voulait sc déclarer et se retirer en
Iieu súr . lui , lord Dighy, pourrait se rend re au-




DIJ LONG PARLE!\IENT. 519
pl'(~s de lui, du Iieu 011 il était, tout aussi hien
qne el'une ville d'Anglelerre, et qu'il y restait en
attcndant l'occasion d't~tre plus utile pour son ser-
vice. Les mérnes exprcssions se trouvaientdans une
lettre adresséeala Reine, intcrceptéc dans le mérne
paquet. Il y parlait de méme des services qu'il pou-
vait lui rend re en Zélande, et lui demandait un
chiffre au moyen duquel il pút correspondre avec
elle par écrit (1).


Nous avons déjá parlé de ce jeune lord; c'étoit
un homme de granel talent et qui s'était rendu


(1) La lettre de lord Dig1y a la Ilciuc se t rouvait dans
'111 pat[uct adressé au secrétairc el'État Nicholas. La cham-
Lre deslonls hesita il I'ouvrir et demanda I'avis de la cliaru-
bre des cornrnunes. Les comrnunes voterent pour qne la
lettre fút ouverte. Les lords , hésitant encore , réclarnerent
une eonférenee des deux chambres. II y fut dit, de la part
des cornmunes , qu'elles ne voyaient aucune raison ele re-
venir sur leur vote; que la súreté du royaume était ici in-
téressée, pn isqu'on pouvait , par ce moyen, découvrir el
prevenir les ma n vais desseins de lord Digby ; que si on ren-
voyait la lettre a la Reine sans l'ouvrir , le parlement aurait
cusuite toutes les peines elu monde a deviner ce que lord
Digby pouvait y proposer ; qu'on avait eu tout réeemment
de Lonnes raisons de se méfier <les pratiques de lord Dighv:
qu'il ne fallait pas perrlre une si bonne oecasion de servil'
l'Etat , et que, si on la rnanquait , on ne saurait tIlle dire
pour répondre de eette négligence. Plus scrupulcux et moins
"ngagés dans la révolution que les communes, les lords uo
-(:' ren::firen t pas sur-lc-champ a leurs raisons ; un long el
\ir déhat cut encoré lieu dans la chambre haute. Cepcn-




mSTOIRE
agréable au parlement, jUSC[U'U l'épocIue de la
mort du comtc de Straíford. Le discours qll'il fit
sur ceUe affaire, et quelques autres actes répré-
hensibles, tra lrirent alors son opinion , et ce qui
I'éloigna tout-á-Iait du pariement, ce fnt l'ordre
donné pal' la chambre, ({ue le discours qu'il avoit
imprimémalgré scs ordres.sera it ln-úlé par la main
du hourreau (1). Aussi le vit-on en diverses occa-
sions, s'appliquer a aigeir les différends qui s'ele-


dant , a la fin, la lettre fut ouverte. Elle contenait !J peu
pres ce que rapporte ]\fay. Informée de ce qui venait de se
passer, la Reine adressa ( J 7 féYrier l6 /í2)un message a la
cliambrc des Iords , olfrant de don ner satisfaclion au parle-
ment sur celte correspondance, Mais ce mcssage u'eut pas
de suite ; et, le 26 février suivant, la chambre des cum-
munes accusa lord Digby de haute trahison, (Histoire Par-
lementaire , tomo 2, col. 1091, 1103. )


( Note de r Editeur.)
(1) Ce ne fut pas la le seu] exernple d'un semblable pro-


cédé de la charnbre des eommunes; elle allu méme plus
loin en d'autres occasions. Sir Edward Dering, nagueres
I'un des chefs dn partí populaire , s'en étaít 11n peu séparé
dans la discussion de la grande remontrance. 11 lit imprimer
la collection de ses discours, Le 1 re février 1642, la chamhro
yotaque eette publication était unoutrage envers la charnbre,
<¡ue le livre serait brúlé par la main du bourreau , sir Ed-
ward Dering exclus , déclaré incapable de siégel', et un
nouveau writ expédié pOlll' faire proceder a son r cmpla-
cement. Sil' Edwanl Dering Cut mandé et vint s'agenouiller
a la barre de la chambre poar entendre lire cette sentence
lllti fut uussitót exécutée. Le 31 mars suivant , George




DU LONG PARLEl\1ENT, 321


vaient entre le Hoi et le parlemcnt. La chambre
des cormnunes le declara pcrturbateur de la paix
publique, pour avoir paru armé aKingston, sur


Benyon, m:gociant considórnble de la cité, ayaut rédigé et
présenté an parlcrncn t une pÚition fort mesurée cont rc 1'01'-
donnance relativo it l'org::misation de la milice, la chambre
des com m un es l'nccusa de /¡,)nle trahison, alléguant, « que
« le dit Georgc flcnyon, horume aCCI'édité el puissan í cl ans
« la cité, qnoúlu'il counút fort bien les dissensions et les
" d¡:sordres actnellement existans, s'était efforcé de semer
« la división entre le Roi et le parlement , et entre le par-
" lement et la cité, en pn:scntant, a ux deux chamhrcs , une
" pélition calolllni;¡trice el outrageante; <In'lln tel complot
« élait, COl11ll1e le chcval de Troie, plein de p(;rils et de
« mal hcurs , etc, etc, » Au m ém e moment, lc part i dom i-
nant se faisait adresser , par el'autres négocians de la cité,
des l)étitions en faveur de la mérne ordonnauce , et s'en
prévalait, dans ses déclarations, comme de la libre et im-
périeuse cxpression du vcou publico La liberté de la tribnne
n'était pas plus respectée <JlIC celle de la presse. Sir RallJh
Hopton fut ouvoyc ;lla Tour ponr av oir dit, d ans la cham-
})I'C des cornrnuncs , qn'jl fallait prcndre bien gal'Je avant
d'accnser leRoi , non-sculcnicut d'ctre apostat de sa reli-
gion, mais de chercher a pousser le peuple dans la ruém e
apostasie. Lord IIerbert de Cherbury fut censuré et arrété
lJom' avo ir manifesté quclqucs doutes sur la résolution ¡ju
Roi de faire la gnerre a u parlemcnt , et il n'échappa it une
poursuite plus sévere q u'eu rétractant ses paroles. t Histoir«
p arlementairc , tomo 2, col. 1°'72, I14g, 1!l8, 1242.)
Les exernples de ce genre sont en tres-grand nombre et de-
vinrent chaque jour plus fréquens.
(No"~ de l'Editeur.)


1 • 2J




1-I1STüIRE


la Tamise, d'une maniere inusitée, illégalc rt
accompagnée de toutes les circonstances qui pou-
vaient incriminer cette action. Il fut mandé par
la chambre des Iords , et, a défaut de comparu-
tion dans les vingt jours, il devoit étre déclaré
traitre; mais, dans l'intervalle, il fut transporté
en Hollande par sir John Pennington, sur un
ordre signé de la main du Hoi , comme on peut
le voir dans la déclaration des chambres du mois
.le mars suivant.


Pendant que le Roi et le parlement se dispu-
taient le magas in ele Hull, le parlement s'occu-
pait a organíser successivcmcnt la miHce dans
les divers comtés, et aen mettre le commande-
rnent dans des mains auxquelles il pút se confiero
Il travaillait aussi ase rendre maitre de la ílotte,
et a pourvoir aux moyens de se défendre contre
toute force étrangere qu i voudrait attaquer le
royaume. Comme la santé du comte de Nor-
thumLerland, Iord-amiral (1), ne lui perrnettait


(1) « Le cumte de Northumberland, dit Clarendon, dans
" tonte sa conduite et ses manieres, était vraiment un grand
« seignellr; son respect pour l'étiquetle el les formes ex-
" térieures provenait du désir de gardCI" toute sa dignité
" en écartant de Ini les hommes Ianrilier« et audacjeux
« dont ce temps était plein , et nul n'y réussit aussi bien.
" Quoique ses idées ne fussent ni étendues, ni profondes,
« cependant sa gravité et sa réserve , soit dans la conversa-
" tion, soit dans la chambre des lords , lui valureut la ré-




DU LONG PAHLE~'IE!'\T. 323
pas ulors ue cornmandcr la ílotte en personne, le
parlement désigna a sa seigncul'ie, pour le sup-
plécr dans cettc fonctíon, le comte de "Warwick,
ho mme qui méritait toute confiance par son ha-
bileté dans les affaircs maritirnes , et son irrépro-
chahle réputation (1); mais, apprenant que le Roí
« pulatíon d'un homme sage el ca pable , Llse iuon írait tel
" en effet dans le gouvenlemeut de sa maison et <le sn fa-
« mille oir il se j;lisait scrupuleuscment obéir ; personuc
" neut jamais plus rarcment a répond re de paroles iuu-
« tiles ou légcrcs ; et dans les débats im portans , il s'expii-
« mait toujou rs avcc beaucoup de convenance. S'il avait cru
« le Roi aussi elevé au -dcssus de lui qu'i! se croyait élevé
" lui-mcme au-d essu s des [ro mm es les plus considérables,
« i l e út été un su jet précieux ; mais , Iaisant peu de cas de
" tout le monde et }laS assez de cas d u !toi, il fut accessible
,( ¡t toutes les impressions que voulurent lui donner des
u gens qui I'ahordaient avec les plus grandes démonstrations
« rl'estime el de respecl, moyen infaiJ1ible de réussir au-
« pres des caracteres de ce genre. On l'crupéclia ainsi , d'a-
« bord , de [aire ce flue Ini commandaient la reconnaissance
" etl'honnenr; etune [ois ellgagé de la sorte, il se trouva


aisémcllt conduit it faire ensuite ce qu'il n'aurait jamais
dú Iaire et ce qu'il nc s'était nullement proposé, u (llis-


toire de la R(fúellion, tome 5, page 35(1.)
( Note de l'Editeur.)


(1) u On ne s'étonna point, dit Clarendon, de voir le
" comte de \Varwick abandonner le partí rlu lloi qu'il n'a-
" vait jamais bien servi ; Licn q u'i l Iút mcrubre du conscil
« privé, il ne se l'egardait point comme lié par cct lionneur ,
," cal' il savaiL qu'il était d u nombre des horurues (Iue 1e Itoi


y avait appelés sans leur porter une grande estime el saos
21.




HlSTOlRE


avait nommé a ce commandcment sir John Pen-
nington, les deux chambres, par un message du
28 mars, supplierent Sa Majesté de ne pas em-
pécher plus long-temps le comte ele Warwick ,
noble seigneur choisi par les deux chambres, de


u aucun dessein de leur accorder sa conflancc : il se rangea
u done du partí de ceux a c¡ui iI devait vrairueut son eIéva-
" tion , C'était un homme d'un esprit gai et soci:.hle, joyeux
.. compagnon, et si liceneieux dans ses actions corntuc da!n
« ses discours , qu'il eút été difficile de trouver des mrcurs
u moins pures : aussi cú t-on raisonnablement pu eroire
" que jamais un tel homme ne contrilJllerait en rien a u
u Louleversernent d'un royanme. Mais , malgTé tous ces
.. défauts, il avait un grand crédit aupr(~s des gens qu i ,
.. dans le commencement des trouLles, íircnt tout le
.. mal. Sa maison Ieur était tonjours ouverte; il eu avait
u fait le rendez-vous des lJ¡-(:dicaleurs it ([ni le gouverne-
" ment du Roi imposait silcncc , dans le temp5 oit il avait
u asscz d'autorité pour imposer silence a quclq u'un , Katu-
u rellement prodigue, il d(,:pensait, au profit de ces gens-la,
" une grande part.ie de sa forlune, assistait it toutes lcurs
" dévotions, s'égayait avcc eux ct SUI' leu r comple san s
• qu'ils s'en fAchassent; il devint ainsi le chef dc ce parll el
u ac:quit lc rcnom d'un saint (a god!r man. ) ..... Plus tard
K il sc donna pleinernent a CromwelI, maria son íils it la
K fille du Protecteur , et v écnt. avec lui dan; une intimité
" si étroite qu'ille pleura arncrcmcnt a sa mort. Áutrefois
« eriblé de dettcs , il Iaissa sa fortnne plus améliorée que nc
K fit aueun des hommes c¡ui trafiqucrcnt de leur iníluence
" dans la eornrnodc anarchie de eette rébellion. " i Histoirc
de la Réúellion, torne 5, page 362. )


(Note de I'Editf"lIr,




DU LO:\lG PARLElIENT.


se charger de ce service , dont le fardeau devait
étre supporté par le penple. Le Roi refusa d'acl-
mettre le comte de \Varwick, et trouva tres-
mauvais, comme iI parnt par sa lettre au lord-
r'arde-dn-scean, (Ine les chamhrcs voulussent s'in-n
gérer a nommcr au comrnandcmcnt des forces
maritimes; mais , peu de mois apres, le comte de
\Varwick fut m is en possession de toute la fIoUe,
malgl'é I'opposition ele plusieurs officiers, qui,
placés antériouremeut par le Boi, s'efforcerent,
comme on le yerra hientót plus en détail, de
conrluire [eurs vaisseaux aSa Majesté.


Le 23 uvri] 1642, le Roí, accolnpagné de quel-
ques nohles et cl'une suite peu considéruhle de
gentilshommes et de soldats, se presenta devant
les murs de Uull, et demanda av étre recu; mais


" ,


i1 trouva les portes fermées et les ponts levés
par l'orclre ele sir Jolm Ilotham, mernbre de la
chambre des communes, Zt qui le parlement avait
confié le gOllvernemenf. de cette ville, Sir John
Hothaln panJÍ snrle rempart, et " se mettant
a genoux, suppl ia Sa l\1aj esté de vouloir bien
ne pas lui ordonner ce que, malgré I'extréme
donleur qll'il éprouvait ~l désobéir a Sa Majesté
en quoi que ce fút , il serait obligé de lui re fu-
ser. Il ne po uva it , dit-il, admettre Sa Majesté,
sans violer son devoir envers le parlement, et
supplia le Iloi de lui permettre d'envoyer vers le




!b6 HISTOI (lE
parlemcnt, ponr l'informer de l'ordre de Sa Ma-
jcsté, et prendre les siens (1).


(1) Voici le récit que fait Clarendon de cet événement
qui fut le prélnde de la guerre civile :


« Le Roi partit d'York , suivi de deux ou trois cents
gentilshommes, pour se rendre a Hnl1; ar rivé a un mille
de la place, il 11t dire asir John IIotham qu'il irait diner le
jour mérne avec lui. Sir John en fut ou en parut excessive-
ment troublé. C'était un homme d'un caractere timide et
d'un esprit incertain; il lui fallait du temps ponr se dt;cidcr:
aussi beaucoup de gens pensaient que, si on I'eút hahile-
ment preparé d'avance et en secret, il se serait conformé
aux désirs du Roi. 11 possédait une gr'ande fortune en terres
el. beaucoup d'argellt comptant ; sa Iamiile était aucienne
et hien alliée; il ne manc¡uait point d'afIection pour le gou-
vernemeut d u Roi, el nul ne souhaitait moins que lui de
voir la nation engagée dans une guerre civile. Lorsqu'il ac-
cepta du parlement la charge de gouverneur de Hull , Ioin'
de se douter qu'elle le précipiterait dans la rébellion, il pen-
sait que le Roi se rendrait enfin a l'avis des charnbres , et
[,u'en I'empéchant de prcndre possession de cet arsenal, 011
préviendrait toute rupture irrevocable. En apprenaut l'ap-
proche du Roi, il tomba done dans une grande anxiété; il
convoqua les principaux magistrats avec quelques oíficiers ,
el ils le déterminerenl. a refuser au P.oi l'entrée de la place.
Sa Majesté en arrivant trouv a les lJorles ferrnées, les pOllt-
levis dressés et les remparts garnis de troupes comme s'il se
fút agi de recevoir un ennemi. Sir John Hotham parut lui-
rnérne SLII' le rempart , et, avec des protestations de dévotl-
ment mélées de I'expression de grandes craintes, il dit au
Roi qu'il ne pouvait lui ouvrir les portes d'une ville dont




DU LONG PAnLDIE;\T.


Le Roi, sur ce refus, entra en colere , et, a pi-es
quelques paroles fort vives, parut refuser de
croire que le parlemcnt cut donné de semblables
ordres : ii dit a sir Johu Hotham que s'il en
avait en effct pour lui refuser l'entrée a lui en
personne, il devai t les lui montrer par éerit, ou
qu'autrement il n'y ajouterait aucune foi. Mais
sir John dont l'ordre ne portait pas expressé-
ment le nom dn Roi, quoiqu'il sút bien quelle
avait été en le lui donnant l'intention du parlo-
ment , oc voulut produire aueun écrit; il eOl1-


le parlement lui avait confié la garde. -" Je ne crois point ,
" dit le Roi , que vous ayez des ordres du parlernent pour
" me fenner les portes et me laisser ainsi hors des murs.
- « La suite de Votre Majesté est si nombreuse, reprit sir
« John, que, si elle entrait, je ne pourrais répondre de la
" place. II - Le Roi offrit de n'entrer qu'avec vinst che-
vaux; sir Johu refusant tuujours, le Roi lui ordonna de ve-
nir le trouver ponr conférer avec lui, prometlant,sur sa pa-
role royale, qu'il serait en surelé et libre de retourner. Sil'
John s'cn excusant cncore, le Roi lui dit que sa conduite
était sans exernple , qn'il attirerait sur le royaume toutes
sortes de ruaux el aIlait s'entendre proclamer traitre ..... Sir
J ohn , l'air fort troublé , balbutia quelques mots sur la charge
qui] avait relfue du parleruent , et tomba a genoux, invo-
IIuant la malédiet.ion de Dieu sur lui et les siens s'il u'étnit
ras vrai qu'il était sujet loyal et fidele de Sa Majesté ; mais
il refusa positivement au Roi tout acces dans la ville. Le Huí
le íit aussitót proclamer Iraitre j proclarnation que sir John
écouta avec quelques marques d'irrévérence el de dédain. "
([lislaire de la Rébellion, t. 3, p. 235. ) ( Notc de r Edil)




328 HISTOIRE


tinua seulement a supplier le Roí de ne pas luí
ordonner ce qu'il ne pouvaít faire. Sur quoi le
Roí, apres quelques heures passées en va in a
tourner autour de la vílle, proclama traitre sir
John Hotham et s'éloigna, apres avoir rcr:u des
ma ins de sir John son íils le duc d'York, et son
neven le prince électeur, que cclu i-ci avait la
veille rer:us dans la víIle, ou il les ava it logés et
traités dans cet interval lc. Le [enrlemain le Boí,
par un message au parlement , se plaignit de l'af-
front (Iue lui avait fait sir John Hotham, I'accu-
sant d'avoir traitrcuscmcnt el séclitieusemcnt es-
sayé de rejeter sa désobéissance sur le parlement,
et feig:lant de eroire que nOLlWlH ~i va it E¡jt cela
de son chef, sans aucun ordre ni autorisation des
chambres, Deux jours apres, il envoya un autre
message pour se plaindre, avec plus d'arnertume
encore, d'une si grande insulte, eapahle, disait-
i l , si on nc lui en accorrlai t pas la réparation, de
faire cro ire an monde que ses priYii(:ges éiaielll.
devenus iuféricurs a ccux de íous ses sujets , ct
que ses propriétés étaient moins pl'o!égécs par les
lois que celles des moindres citovens {In royanme.
11 éci-ivit en t1l(~lJ1e temps une [etf re nu maire de
Hul l, lui recommandaut, ainsi <¡n'aux autrcs offi-
eiers de la ville, d'avoirsoinqu'allCllrlCportiondes
magasins ne fúttransportée hors dccette viHe, sur
aucun orrlreou par aucuue autorité qui n'aurait
pas I'assentirnent de Sa Jlajef>té,. attesté par sa si-




DU LONG PAHLEC\lENT. 5~9
gnature. Il fit aussi intercepter tous les passages
entre Hull et Londres, et, par ce moyen, saisit un
émissaire envoyé aLondres par sir John Hotham,
et chargé d'une lettre ou celui-ci rendait compte
an parlement de sa conduite en cette occasion.


Le par Íemen l, lorsqu'i l fut instruit de ce qui
s'était passé, déclara les moti ls qn'il ava it eus
de faire ferrncr les portes de Hull, et ajouta qu'cn
fermant les passages el interceptant les lettres
ou messages ac1ressés a u parlement, ou venus de
luí, OH envovés pour son scrvice, le Roi violait
1 1 , '1' 1 1 1iautement es pnVl egcs ucs cnumnres , et que
par les lois du pays el leurs sermens , elles étaient
ohligées :\ les défenc1l'e et J. punir ceux qui les
avaient violés. En conséqueuce , elles ordounérent
:\ tous shériffs, juges, constables et autres ofiicicrs
d'aicler les pcrsollnes employées au ser-vice du
parlement en tont ce qui serait néccssaire pOllr
les faire passer prompien1Cnl, Iiln-ernent et en
súrcte. Elles adrcsscrcut nussi a ces mémcs om-
cicrs, dans les com tes el 'York et de Lincolu, rordre
1 '1' , " 1 1 1ce rcuurre toute arrnce lCYCe contre a F acc He
Hul l , ct pour fcrmer les passages au détriment
de la f.l'!lw¡lliIlilé du royaume.


Deux jours aprcs, un vote du padellleilt dé-
clara que sir John Hotham n'avait ríen f<lit que
par ortlre des deux chamhres. JI fut aussi statué
que la proclamation par laquel le air John Hotham
ava it été déclnré trni tre , était, en raison de sa




.530 HISTOIRE
qual ité de memhre de la chambre des cornmunes,
une haute violation des priviléges du parlcment.
II fut aussi statué que, déclarer traitrc sir Johu
Hotham, sans avoir employé eontre lui les formes
de la loi, c'était portcr atteinte ala liberté des su-
jets et aux Iois du pays.


Le eomte de Stamford, le lord "Villoughhy (le
Parham , sir Edward Ayscough, sir Christopho
Wrav , sir Samuel Oweild et M. Hatcher, furent
cnvoyés aHuLl et dans les comtés d'York et de
Lincoln, en qualité de cornmissaires des dcux
chamhres et pour le service du royaume , et au-
torisés a requérir , cn toute oceasion , l'assistance
de tous shériffs, JO uges, maires , cte.


u


Le Roi, le 4 mai , répondit aces déclaratious ,
votes et ordres d'assistanee donnés par les deux
ehambres, exprimant fort au long son indigna-
tion contre un pareil aífront , et combien il se
regardait comme insulté de ce t¡ue le parlemenL
ne lui faisait pas justice de Hotham; il s'efforca it
de prouver, pae des eitations tirées d'anciens sta-
tuts, que le refus de sir John Hotham de le Íuisser
entrer a Ilull était positivernent un des cas de
haute trahison reconnus par le pays. Il y eut sur
ce sujet, dans I'espace d'une scmaine, deux
autres dédarations des ehambres et deux ré-
ponses du Roi, trop Iougues pour étre insérées
ici, Mais les cléelaralions du Roi, en général,
n'avaient pour 01>Jc1 que de souteuir Ies UI'Oit5 el




nu LONG PARLE~IENT. 55I
la dignité de Roi conforrnément aux lois tlu pays,
sans aucun égard aux circonstances présentes ni
aux choses qU'Ul1 parlement pouvait regarder
com me dangereuses , et croire, durant sa session ,
qu'i] était nécessaire de prevenir. Le parlement ,
de son cóté , avec toute l'humilité possihle et les
expressinus les plus respectueuses envers la per-
sonne du Roi, semhlait vouloir éviter de penscr
qu'on eút fait ou flu'on eút eu intention de faire
aucun affront a Sa Majesté; il s'occupait seu le-
ment de tirer IIull, la milice et la Ilotte , des
mains de ces conseillers pervers, dont il croyait
que la trop grande influence sur le Roi mettait
en danger le royaume et le Roi Iui-mérne. Il té-
rnoiana it vouloir s'occuper également de défendre
ces deux intéréts , ainsi que l'y appelait l'autorité
conférée au parlernent par les lois fondamenfales
de l'Angleterre. Il clemandait qu'illui fút permis
de d ire a u Roi que son pouvoir sur les vil les , les
armes el le royalllllC Iui-rnéme, n'est pas du genre
de ces propriétés particul lcres qu'on pent aliéncr,
ou dont on peut disposer asa volonté, flue ce pon--
voir lui a été accordé seulement pour le bien de
tous, mais (fue le parlement, tant qu'i] siége, es!
seul appelé a le conseiller et le dirigerdans I'emploi
de ce dépót. I1 n'est ni han, ni utile, continuent
les auteurs de cette rléclaration , de disputen tanl
qu'on ne s'accordo pas sur les prinoipes , et i] a
toujours été reconnu, ponl' un principe certain ,




HISTOlRE


que le parlement, durant sa session , est le seul
juge de ce qui peut étre dangereux a la répn-
blique, et ele ce qui , en cas de danger, peut etre
utile et légaI. Le Iloi n'a ras le d ro i t , alors, dc
s'opposer ~l ces mesures, ni de les contrcdire , d'a-
prcs les avis de ses conseillers-privés. Tant que le
Roí, ajouta ient-ils, ne voudi-a it pas consentir }re-
connaitre ce príncipe, les disputes et déclnrations
seront interminables, et il n'en résultera, entre
lui ct son peuple, aucun moyen dc s'entendre.


Si le lecteur désire, 1l cct égard, pI us de c1é-
ta ils , i! trouvera ccs questions complétcmcut dé-
hall ues dans la déc]ara/¡on du pai-lement désiguée
sous le nom de sa trois iérnc rcmonLrance , sous la
clate du 26 mai 1642; les demandes du Roi sont
exprimées dans sa réponse ~l cette rcmontrance.


Cependant les eh oses commencaient á s'éehauffer
beaucoup. Le parlement avait autorisé sir John
Hotharn ~l euvover (les orrl res aux constabies et


.'
autrcs olliciers , pour qu'i ls cussent h se rendre
en armes h Hull, afin de cléCencl re la ville , et le
Roi, de son coté, c1éfenc1ai¡ d'ohéil' ~l ces ordres ,
mcssages on invitations , sans une antorisation
de sa main ,


Le Roí avait convoqué, (1ans la ville d'York ,
les gentilshommes ele ce cornté. I1s s'y i-enrl ir-ent
en conséquence , le 12 mai 1G42, et El, aprcs
leur avcir ;Hlressé quclques paroles, i l leur fit
li.re a haute vnix sa réponse a la déclaration des




DlJ LONG PARLEMENT. 533
chambres '. relativement a Hull, la réponse du
parlement ~l ses deux messages sur le rnérne sujet,
sa réplique a cette réponse, et son mcssage aux
deuxcharnbres , déclarant ses motifs pour refuser
de consentir au hill sur la m il ice. Apres quoi il
s'cífcrca , daus un discours qu'illeur adressa , de
les eífrayer sur les perlides tentati ves dont il
pouvait étre l'objet, et demanda que, par cette
raison, il fút levé pour sa défense une garde a
cheval et apied. 11 se plaignit aussi de ce quc lcs
commissaires du parlement, Ferdiuand lord Fair-
fax, sir Hugh Cholmly, sir Philippe Stapleton
el sir Henri CllOlmly, tous ([natre ruernhi-es ele la
chamhre des cornmunes , rcfusaient de lui obéir.
Lc Iloi leur avait ordouné , cn effet , de quitter
ce comté; mais i ls ne crurent pas qu'employés
par le parlement dans leur propre pays, et pour
le service de l'Etat , il leur fút permis dc se
retirer sans I'ordre du par lement (lui les ava it
envovés. Le Roi, dans son discours aux gentils-
hommes du comté, les avertit de prendre ganle
a ces quatre commissaires , ne sachant pas quellc
doctrine séditieuse ils étaiellt capables d'enseigner
au peuple, sous le nom cl'obéissance au parIemcnt.
Le discours et la déclaration du Roí fnrent rec,:us
avec heaucoup d'applaudissemens par plusieurs
de ces gelltilsholllmcs et. des gens de leur suite ,
et ce qui venait du parlement n'obtint , des memes
p¡:rsonnes, tant pour les ra isonnemens que pour 16




3~4 HISl'OIRE
langage, que des huées et des expressionsrle mépris,


Cependallt, plusieursaussi decesaentilshom mes,
et la plus gnlllde partie des fonctionnaires , vir-ent
avec douleur que cette séparation du Iloi et de
son gmnd - conseil ne pouvait amener (Iue mal-
heurs sur le royaume et déshonneur pour lui-
méme. Ils répondirent done humblement 11 sa
propositiou , relativement a une garde, qu'ils
étaient disposés a entreprcndre tout service , a
courir tous dangers nécessaires a la su reté de
Sa l\Iajesté; mais qu'ils ne se croyaient pas ca-
pahles de la eonseilIer dans une affaire de si
grande conséquenee, et ils la supplierent hum-
blement de leur faire part du motif qui la portait
a se méfier de sa haute-cour du parlernent , dont
ils pensaient que la loyale et afJectionnée sollici-
tude pour l'honneur, la súreté du Roi el la pros-
périté du royaume, méritait SOIl entiere eOll-
Iiance. Quant aux quatre commissaires du par-
lernent, ( c'est en qualité, disaient - ils, de
« gentilshommes de rang et de fortune appar-
(( tenant a ee comté, qu'i ls ont été désignés par
« les deux chambres pour se rendrc aupres de
(( Sa Majesté. Nous la supplions Íiumhlemcnt de
ce nous permettre d'exprimer notre confiance dans
« Ieur fidélité sans tache envers Votre Majesté ,
« afin qu'elle daigne, sans crainte, les admettre
« auprés de sa personne, pour la négociation des
« affaircs dont ils sout chargés, jusqu'a ce que




DI; LONG PARLEMENT. 335
« le parlemcnt les rnppelle. ]\OI1S vous repon-
« doos tous de leur fidélité, et sommes Ires-assures
(( que Votre Majesté sera défeIHlue par celle de
« ses sujets de ce comté , sans avoir bcsoin d'une
« garde extraorrliuaire. ))


Le Roi recut le [endernaiu une pétition de plu-
sieurs milliers de personnes qui s'intitulaient les
paisibles sujets du comté.rYork. Les péti tionnaires
cxprimaient leur Joyauté et leur affection envers
le Roi, ctajoutaient: « Nous sornmes persuadés que
t( la nécessité d'obéir absolument et de honne vo-
« lonté aux justes cornmandcmcns de Votre flla-
(( jesté ne sera jamais si bien démontrée que
u q uand vous les déclarerez en parlernent. Si le
« parlement et Vol re Majesté se divisaient, ce
« dont Dieu nous préserve , e'est en tremblant jus-
« qu'au fond du cccur que nous prévoyons quels
« dangcrs et quelle diminution de puissance et
« de sécurité en résu] teraient pour vous-méme el
(( pour tout le roya ume; Cal' tout le monde COlIl-
« prend aisément que Votre J\lajesté ne pourrait
r( t.irer d'un ou pi usieurs comtés en particulicr,
( autant de puissance et de force que de la totalité
(( du royaume, sur lequcl s'étendra votrc auto-
« rité, lorsqu'il n'y aura plus aucun sujet de
« era in te , et que la coníinnce sera rétablic entre
«( Votre Majesté et le pariement, dont les graves
« et loyaux conseils sont, dans notre humble opi-
( nion, le moyen évident de mettre prompte-




336 HISTüIRE
« ment, s'il plait a Dieu, une fin aux troubles
« de l'Irlande , et d'étahlir votre tróne sur ses
11 bases légitimes. Enfin., nous vous supplions
« humblement qu'il nous soit permis de vous
« représentcr notre incapacité ~l devenir juges
« entre Votre Majesté et le parlement , en qucl-
(( que chese que ce soit, et ;l disputar I'autorité
11 de l'nl1 ou de l'autre de ces pouvo irs (Iue nons
« reSardons hnmblement comme destinés a se
« fodifier l'un I'autre. »


CeHe pétition déplut fo1't an roi, et ne le fit pas
changer d'avis. Il persista dans son projet de lever
des troupes, sou-, pretexte dese former une garde;
en méme temps le parlement avoua ses commis-
saires dans le nord de tout ce qu'i ls avaient fait
et devaient faire encore en conséqnence des 01'-
dres qu'iis avaicnt rec;'us eles chamhrcs POlll' la
conservation de la tranqnillité dn royaume. U
maintint aussi son ordonnance sur la milice,
ses ordres pour l'organiser dans toutes les par-
ties du royaume, et désigna certains jours ponr
I'exercer dans tous les comtés , conformément a
l'ordonnance. Il fut aussi arrété (Ine des rncmhres
du parlement seraicnt cnvoyés dan s les comtés ,
pou!' veillcr ~l l'exécntion de cette ordonnance, et
qne les magasins situés clans lesdivers cantons de
l'Angleterre et du pays de Calles seraient mis au
pouvoir des Iords-licutenaus decescomtés nornmés
par le parlement. 1,orsque le roi cut fait une procla-




DU LON G PARLE MENT. 337
mation pour sommer tous les gentilshommes et
nutres hahitans du eomté d'York de se rendre
en armes pres de lui , afin de Iui servir de garde,
le parlcment décIara trois jours apres qu'il était
contraire aux Iois et aux libertés du royaume
qu'aucun des sujets du roi, autres que ceux qui
étaient 011 igés aun serviee spéeial, recút de lui
I'ordre de l'accompagner a sa volonté, et que
quiconque , sous pretexte d'avoir rel{u de lui cet
ordre, prenr!railles armes et se réunirait ad'au-
tres dans un appareil militaire, fait pour ef-
frayer les peuples de Sa Majesté, serait consideré
comme perturbateur de la paix publique, et que
les shériífs des comtés OU se formeraient ces ras-
semblemcns d'hommes armés, seraient tenus de
lever illHnédiatement des forces dans le comté,
ponr les réprimer et maintenir la paix du Roi ,
conforrnément a la loi.


Les ordres du Roi et ceux du parlement étaient
il cette épo(Jue si dirccterncnt opposés en toutes
choses , CFlC la chambre des lords ayant appris
que le roi avait résolu de transporter le tenue
qui allait s'ouvrir de Westminster a York, et
avait onlonné au lord-garde-du-sceau de pn-
hlier les proclamations et writs néeessaires pour
ce~ objet, vota que ce déplaeement du tenue pen-
dant la session du pa rlement était illégal , et dé-
tendit au lord-garde-du-seean d'envover aucun
{ITi!, ou de sceller aucune proclamation ace sujet ,


I ,




338 HI8TüIRE


CHAPITRE IV.


Plusieurs membres des deux chambres quittent
le parlcment , et se rerulent auprés du Roi:
Neuf des lords qui s'étaient éloignés les pre-


. '1 .mters , sont accuses par es communes el cen-
surés par les pairs. Le grand sceau est emporté
de Londres d York. Qllelques votes da parle-
ment concernant les mesures prises par le ROl.
Pétition du parlement au Roi , contenant rlix-
neufp ropositions.


LE Roi, sous prétcxte de se former une garde.
poursuivit avec activité son projet de lever des
troupes, et il y parvint jusqu'á un certain point,
soit par ses discours aífectueux et les marques
dc hienveillance qu'iI donna aux penplcs des
eomtés septentrionaux, soit par ses protestations
solennelles eontre tout projct de violer les lois
et les libertés du royaume, et de déclarer la
guerre au parlement. Cependant le royaume


. n'avait pas grand'peur des troupes que le Roi
pouvait lever de cette maniere; etaucune des ten-
tatives qu'il avait faites dans le nord ne parais-
sait donner líen de eraindre une guerre eivile,
jnsqu'au moment de la grandc défcction qui s'o-
péra parmi les memhres du parlement, acompter
de la fin d'avril et pendant la plus grande partie




DU LONG PARLE MENT.


du mois de mai. Durant cet intervalle, les lords
l'un apres l'autrc, et quelquefois plusieurs en-
semble, abandonnerent leurs siégcs au parlement
pour se rcnclre aYork aupres duRoi; en sorte que,
dans un tres-court espace de temps, le plus gmnd
nombre prit ce parti, et le départ de eeux qui
s'éloignaient comrnenca aparaitre moins étrange
que la constanee des autres ademeurer (1). Vers
le me me tcmps, plusieurs memhres de la chambre
des eommuncs, bien qu'en petit nombre eompa-
rativement a celui des membres restans , oublie-
rent le dépót quí Íeur avait été coníié , au point
de quittcr leurs siéges au parlemont ; quel ques-
uns , dit-ou, appelés par la lettre du Roí, cl'autres
ele leur propre mouvement (2).


(1) Les Iords qui quittercnt le parlement furent le due de
Riehmoncl, le marquis de I1ertford, les eomtes de Lindsey,
Curnberland , lIuntingdon, Bath , Southampton, Dorset,
Salisbury, Kortharnpton, Devonshire, Bristol , vVestmore-
Iand , Berkshire, Monmouth, Rivers , Newcastle , Douvres ,
Carnarvon , Newport; les lords Mnultravcrs , 1iVilloughby
d'Eresby, Rich, Howard de Charle ton , Newark, Paget,
Chancloys, Faulconhridge, Pawlet, Lovelaee, Coventry,
Mohlln, Dunsrnore, Grey de Ruthen, Seymour et Capell.
Cependant Salisbury se repentit peu de jours aprcs , et s'é-
chappant sccreteruent d'York , vint a Londres se rejoirid re
au parlement, auquel il adhéra eonstamrnent depuis.


( Note de I'Allteur.)
(2) On a vu , dans une note précédente, quel fut le


nombre des pairs et des membres de la chambre des com-
22.




340 IllSTüIRE
Cette révoite de tant de mcmhres du parle-


mcnt commen~aa répandre dans le royaume un
effroi généra1. Tous ceux qui désiraient la trau-
quillité publique furent consternés, et l'on n'en-
tendit plus, dans Ieurs réunions et leurs conversa-
t ions , que de tristes prédictions sur les malheurs
q ui atlendaient le royaume, si un miracle tout
puissant ne venai l les prévenir. Tous étaient d'avis
que, sans cet événement, il aurait éLé impossiblc
de mettre en dangcr le parlement, demeuré va in-
<fueur jusqu'alors de tant d'entreprises ouvertes
et de secretes conspirutions. De mérne, disaient-ils,
que lit ruine del'Angletcrre ne pouvn it, selon toute
probabilité, venir que d'elle-meme, ainsi la chute
du parlement, événementquidevaitprécéder I'au-
tre, ne pouvait étre opérée que par ses propres
memhres ; en sorte qu'ils devaient vérifier cette
sentence : Perditio iua ex te. Quelle que fút la dif-
férence des opinions sur cette conduite des mem-
bres du parlement que quelques-uns excusaient
jusqu'a un certain point, tandis que d'autres les
condamnaient, selon que leurs jugemens étaient


munes qui , adiverses époques, quittcrent le parlement pour
a iler rejoindre le Roi et Iorrncr ensuite le coutrc-parlcmcnt
d'Oxford. 11 fut constaté, par un appel nominal fait dans
la chambre des comrnunes le 16 íuin 1642, que le uorubrc
de ces rncmhrcs était, a cette éporlue, de soixante-cinq ;
il :,'aecl'ut heaucoup dans la suitc. t Ilistoire p arlcmentaire,
tOlI1. 2 , col. d72.) UYote de l'Editeur. )




DU LONG P AllLE:\IEN T.


détcrlllinés par des aífcctions et eles intéréts part i-
cu1iers, tous les gens raisonnables étaient d'accord
SU1' les elfets probables de cette révolte , et n'en
voyaient sortir que ruines et calamités. Que peut-il
en résulter, disaient-ils , si ce n'est de nourrir et
d'augmenter l'inimitié dulloieontre le parlement,
de l'eneourager as'en éloigner et a I'attaquer, de
donner coníiance aux rebelIes de l'Irlande, de nous
mettre en danger de perdre ce royaume , de favo-
riser les pa pistes, d'empéchcr le eours de la justice,
et dassurer l'irnpunité aux délinquans de toute
espece, Rien jusqu'alors n'avait pu saper ni éhran-
ler la dign ité de cette haute cour , et le respect
quilniétaitdú. Désormais, non-sculement Ie peu-
ple , la voyant diminuer en nombre, aHait étre
porté a la regarder eomme un parlement impar-
fait; mais le Roi pouvait en prendre avantage pour
lui donner lesnoms de faetion, prétendu parlement,
ou autres pareils. Ses déclarations et éerits subsé-
quens justifier-ent en eífet cette crainte, par I'em-
ploi d'expressions dont il ne s'é:ait jamais serví
anparavant. Le jugemen! du peuple sur cettc dé-
sertion des lords et des mernhres de la chauihre
des cornmuues offrit, eomme on voit , des opi-
nions fort diverses. Quelques-ulls considérant Icur
grand nombre, la forlune, la réputation et les
talens de la plupart d'entrc eux, commencerent
a penser, ou du moins ú dire, que le parlernent
nctait pas libre, et que ses niembres, telle était




HI5TüIRE


en effet I'excuse qu'ils donnaient, étaient oIJpl'i.-
més par une Iaction qui dominait dans les
chambres , et par la crainte que lenr causa ieut
les turnultes de la cité. En cette occasion, on rap-
pelait de quclle maniere on uvai l afliché , daus
le marché, les 110msdes cinquante-neuf mernbres
qui avaient refusé de condanmer le cornte de
Strafford. On se prévalait aussi des menaees


1 ' l', \ 1ac ressees par une popu ace grosslcre a que (IlleS
lords qu'clle croyait peu aífcctiounés au parle-
mento


D'autres répondaient que, malgré cette impru-
dente conduite de quclques gens mal conscillés,
il n'y avait pas acraindrc que les tumultes de la
cité en vinssent a violer la liberté des séances
du parlement; que ce soulevement de la multi-
turle dans la cité avait plutót pour ohjet de sou-
tenir et de défendre le parlement centre les en-
treprises qu'on pouvait faire pour enchainer sa
juste liberté, et de le ga1'an tirdes perlicles conjura-
tions que, selon le hruit puhlie, truma ient centre
lui ses ennemis. Le complot formé peu de ternps
auparavant pour tourner l'arrnéc centre luí et le
concours de gens armés qui avait eu lien der-
nierement aux environs tle\Vhitehall, étaient,
disaitvon , pour le peuple de justes motifs de
craintc, Aueun mernhre du parlement ne pouva it
redouter, de la chamhrc elle-méme, ríen qu'i l ne
fút obligé de snppol'ter pluró! ([Ile de manquerá




DU LONG PARLE!HENT. 345
la grande mission que lu i ava it confiée le peuple;
et il y avait lieu de presumer qu'auoun mernbre
I 1 (1' " , ,.(U par ernent , a ectronné a son pays, n aurart


rien ;J soufI'rir de la chambre dont 011 devait
croire que les voeux et les résolutions tendaient.
tous au hien puhlic; pour en juger autrement, il
aurait faUu supposer que nos ancétres , en cons-
tituant le gouvernement, s'étaient grandement
trompes; el il n't:lail ras prohable que la liherté
des sujets pút étre violée par ccttc conr, insfituée
ponr étre sa seule garantie 9 et sans laquelle elle
aurait toujours souffert de la part des princes ,
mérne des princes lesmoins per\ ers,


On soutenait qu'il était houteux a la majorité
des Íords de déserter le parlement sous pretexte
de crainte; que s'ils s'éloignaient par un véritable
mécontcntcrnent de ce qui se passait , ils étaient.
assez nornbrcux pour cspérer d'cn empécher les
inconvénicns en restant, et pour n' avoi r acraindre
ele courir aucun danger pour la honne cause; que
l'honncur, d'aillellrs, commandait atout homme,
fút-il scul , de soutenir , a tout risque , la vérité
qu'il était légalement appelé a défendre. D'un
autrc cote, en fnyant en si granel nombre, iIs
encourageaient le Itoi a se déclarer contre le
parlement, et. fomentaient ainsi des dissensions
qui ne pouvaient a va ir un bon cffet.


11eaucoup de gens faisaient remarquer (Iue
plusieurs de ces lords ctaicnt des homrnes en ré-




344 HlSTüIRE
putation d'honneur et de vertu; mais bien (IHe
cela ne fút pas contesté, la conduite précédente
des lords en général n'avait fourni aucun signe
certain a quoi 1'on pút rcconnai trc ccux don! OH
devait espérer qu'ils continuei-aient d'adhérer
au parlement , et ceux qui devaient l'abandon-
ner; Cal' on s'était trompé plus d'une fois ~l cet
égard. Cependant il fut avéré que ceux des Iorrls
en qui le peuple s'était plus prn-ticul ierement
confié, comme en de vrais patriote s , furent de
ceux qui demeurercnt ficleIes a la chambrc (I),
et que ceux pour qui le peuple, en général, té-


(1) Cette assertion n'est pas exacte. Plusieurs des lord,
qui s'éloignerent du parlement avaient non-seulement ap-·
partenu dans l'origine a l'opposition, mais ne s'en étaient
point séparés dans les derniers temps, et avaient concouru ;.
quelques-unes des mesures les plus déeisives. Lord Paget ,
par exemple, apres avoir voté pour I'ordonnancc qui met-
tait la miliee a la disposition du parlement , avait acceplé la
cornmission de lord -lieutenan t dans le Bueksshire ponr
l'exécution de eette ordonnance, et s'était niémc o ccupé de
l'organisation effeetive de la miliee dans ce eomté. QUllnd
il vit le partí populaire déeidément engagé dans les vo ies de
la guerre civiJe , il s'en separa et écrivit , en partant, a la
ehambre des lords la lettre suivante. - u II pourra paraítre
" étrange que moi qui , des le debut de ce parlement , ai
« poursuivi avec le zele le plus prononcé la reforme de tous
« les abus dans l'Eglise et dans I'Etat, j'abandonne mainte-
« nant cctte cause au milieu des troubles c¡ui n011S assicgent.
« La vérité est que j'ai toujours en pour hut le bien public ;
u tant que j'ai cru q u'on y tendait , j' ai úé {'rel a risquer ma




nn LONG PARLEi'dE1\T.


moignail de l'doigllelJlent et de la méfianco , se
rallgórellt tous , en cette occasion , au nombre
des déserteurs.


On disait souvent aussi que les mcmhrcs de la
charnbrc des communes qui s'étaient retirés ,
étaicnt, en général, des hommes dun espri' d is-
tingué, au moins anlant qu'aucun de CCLlX fpli
restaient. U n'cst point élrange, réponclait-on ,
qn'il en so it ainsi ; on pouvait mérne le présnmer
aisément : fe sont en effet des hommes qui ont
on croieut avoir les talcns nécessaires pour attirer
les rcgards d'un prince; et quand on atti-ibuerait
il tous les memhrcs du par'lemeut la mérne drai-


« fortune et 111a vie ; mais depuis que je vois que, sous une
« Iaussc apparence <le loyauté, on se prepare a fain~ la
« guerre au Roí, j'airne mieux obéir a ma conscicnce que
« m'asservir a des intérets parliculiers. Je suis maintenant
« en route pOIll' me reud re aupres de Sa l\1ajesté. Je vais
« me jeter it ses pieds el m ourir en {jc1de sujet. SI{;W: Pa-
« i,.et. (11 jllin IG{2.) » 011 ne trouve sur les registres ele
la chambrc des l);til'S :iUCUlIC 1race de cctt e Iettre ; mais UII
n ornmé Hugh Perry l'ayant publiée , la chambre des eom-
III UllCS le manda ala barre et l'envoya en prison. (Nisto/re
Parlcnrcntnire , tome 2, col. 1388.) II est hors de doute que
les motifs d'un granel nomhre des membres qui se rctirerent
alors du parlement étaient les rnémes (Iue ceux de lord Pa-
get, et que heaucoup de patriotes sinceres ne voulureut
'iue se sél)arer ¿'un parti q ui , il mesure qu'i l aY;lI1~~ail dans
la rcvolu l.ion, contrac tait des intéréts porsonnels étrangers
el souveut opposés aI'iutéré; public. ( Note de l'Editeur, )




346 I-1ISTOIHE
ture, il éta it prohable que ceux-lá se retireraien t
les prerniers, Il y a une gramle diffél'ence entre
la vraie sagcsse et les talens, eomme l'éloquence.
I'esprit , I'instructiou , cte.; la sagesse qui n'cst
pas décorée de tous ces ornemens, est d'orclinaire
la plus solide comme la plus incorruptible: elle
ressemble a la heauté simple et sans parure.
tand is que la heauté qui prend soin de ses vele-
mens, en devient plus sujette ill'orgueii, et plus
exposée aux tentations. Un vieux membre du
parlement faisait remarquer que c'étaient tous
les hommes d'un esprit hrillant qu'on avait vu
abandonner la cause de leur pays aussitót que le
Roi avait pris la peine de les tenter; tandis que
des hommes, d'une sagesse plus simple, avaient
eu l'honneur de persévérer dans leur dévouement
a la chose publique. Outre ce danger des sécluc-
tions d'un Roi, on a souvent vu de tels hommes
prendre de l'humeur et s'n-r-i ter Iorsqu'un de
leurs discours n'a pas obtenu le succes qu'i]s en
espéraienl, ou Iorsqu'i ls out essnyé quclquc
autre dégout; et de nombreux exemples, quel-
ques-uns bien éclatans, font voir jusqu'ou cette
colere peut porter des esprits íiers et amhi-
tieux, méme contre leur propre pays et la voix
de leur conscience. L'histoire a conservé, en ce
gen re , la mémoire du romain Corioian et de l'es-
pagnol Julien, ;'. cause des immenses effcts de
leur conduite; mais cambien d'hornmes plus ohs-




UD LOJ\G PARLE~IENT. 347
curs , et maintenant oubl iés , ont été poussés dans
les rnérnes voies el par les mémes rnotifs ! 1}'ail-
Ieurs , parmi ces membres dissidcns, il y en a plu-
sieurs (fui, par lcur profession , semblent appelés
a recevoir du Roi de faeiles el grandes faveurs.
Tels sont les jurisconsultes et les théologiens : i1
est done bien naturel qu'ils penchent du cóté ou
les appelle leur avancement.


Tels étaient les propos que l'on tenait alors
dans les divcrses réunions , selon l'opinion ou le
sentirnent dont chacun était animé (1).


On verra bientót, par une délihératÍon de la
chamhre des comrnunes , présentée aux Íords par
JI. Denzil Hollis, ce que pensait ou redoutait le
parlement de la retraite de tant de rnernbres.


Le Hoi , encouragé et fortiGé par l'aecroisse-
ment d'influence que cet événement apporta aSon
parti , poursuivit son dessein de lever des troupes
dans le nord , Le parlement lui adressa le 20 mai
une pétition pour lui demander ele licencier ses
troupes, de compter, ponr sa sécurité, al'exemple


el) Clarendon, qu'on doit regarder comme l'organe de la
portion (:clain:e et modérée du parti royaliste, a discute
avec soin les motifs de cette rel.raite d'un granel nombre de
membres des deux chambres; et ce <In'il en dit est néces-
saire aconnaitre pour bien apprécier tIuel était alors l'ctat
d u parlernent , de la cité et. des partis. 011 trouvera ses
¡'dlexions a la fin (le ce volume dans les Eclaircisscmens
ilz".\for/r¡lIes. : Note de l'Editcur, )




548 IlISTOmE
de ses prédécesscurs , sur les Iois et l'affection de
son peuple , et de se contentcr de sa garde Ol-cli-
naire. Les chamhres déclarerent que, s'il en était
autrernent , elles se croiraient ohligées, par leur
elevoir envers Dieu, par la coníiance que leur
accordait la nation, et par les lois fonclamentales
clu royaume, d'employer tous leurs soins el tout
leur pouvoir aassurcr la liherté du parlement et
la paix publique. Elles adopterent ensuite une
déclaration portant qu'il paraissait que le ROl,
séduit par de mauvais conseils, se elisposait ¿l
faire la guerre au parlement, bien que, dans tous
ses actes et avis, le pa rlement ne se fút propasé
aucun autre but que le hien elu royaume el l'ac--
complissement ele tous ses elevoirs envers Sa Ma-
jesté; il fut également voté que, si le Roi faisait la
guerre, ce serait une violation ele la foi j urée a
son peuple, et un prernicr pas vers la elissolutíon
du gouverncment; que quiconque suivrait ou as-
sisterait le Roí clans une telle gllerre , serait cou-
pable ele trahison en vertu des lois du royaume ,
comme l'avaient déciclé, sous Richard JI el
Henri IV, deux actes du parlement, et que ces
coupables encourraient la peine portée centre
les traitres,


Cepenelant les lords quí avaient quitté le par-
lement continuant a siéger aupres du Roi dans
les corntés du nord , le parlement, par un ordre
au 30 mai, sornrna neuf d'entre eux qui étaient




DU LONG PARLEi\'IENT. 349
pnrtis les premiers ,de comparaitre ~l \Vesl-
miuster ; savoir , les eomtes de Northampton, de
Devonshire , de Douvres el de:\Ionmouth, les
lords Howard de CharIeton, Rich, Grey de Ilu-
then , Coventry et Capell ; rnais ils refuserent ah-
solurnent de revenir J se contentant de répondre
par écrit. Le parlemcnt jugea leur ICUre incon-
venante et insultante, et la chamhre des com-
munes prit eontre eux une résolution que M. 1I01lis
presenta le 15 juin aux lords, en l'accompaanant
d'un discours dont j'illsérerai ici une grande par-
tie , pour faire bien connaitre au lecteur I'état du
Iloyaumc a cette époque, et le jugemellt q u'en
pnrta ient les chambres.


l\1. 1I011is comrneuca en ces termes:,
( Milords, par ordre des chevaliers , citoyens


« et bourgeois de la chambre des cornmunes , je
( viens vcrsvos seianeui-ies, au nom du parlement,
» ou plutót au nom de tout le royaume, tourrnenté
( de discordes, de craintes et de périls, (lue In i
« prépare un parti ardent a détruire notre reli-
( gion, notre liberté et nos lois , ces hiens pré-
« cieux et chéris que le parlement est chargé de
( ~arder.


( Les mau vais conseillers , nos plus grands en-
« nemis , ont toujours eu pour politique (l'écar-
'( ter, de frapper , de dissoudre ou dc di viscr les
« parlemens , en el isan t naitre des factions, des
,r rlivcrsions OH des obstacles , paur trouhlcr OH




350 HISTUIHE
« arréter leur marche , et par-venir a les dé-
(¡ truire ,


« Vos seianeuries out déja fait, depuis que
(¡ siege lc parlement actuel , I'expérience de eette


I( véríté. Les manoeuvrcs et les projets se sont
I( succédés contre lui; on a voulu d'abord l'inti-
« mider et lui enlever toute Liberté, en Iui faisant
I( peur d'une armée; cnsuite on a essayé de lever
(( centre lui des forces, de l'attaquer et de cou-
« per avec le glaive le seullien q ui unisse ensern-
« ble le Roi et les sujets , les sujets entre eux, et
« qui fasse de notre gouvcrnement tout entier
« un corps solide, unique, ct , jc "espere, indis-
( soluble.


(( Dieu a souffié sur ces desseins et les a fait
I( échouer. On en a formé un autre; on a tenté
« d'entraver nos dél ibérations et nos actes , afín
« que dans l'intervalle le feu de la rébellion pút
(( consumer le royaume d'Irlande, et que le par-
(( lement, entou.ré d'obstacles , de dissensions et
I( de méíiances , fomeutées au milieu de HOUS, fút
« hors d'état d'y por-ter remede. Entre tous ces
I( embarras, le plus grave, celui <fui doit entre-
« tenir et accroitre tous les autres, c'est J'ahsenee
(( de Sa Majesté , (fui cesse ainsi ele concourir avec
rr le parlement, et nous retire <l la fois sa pré-
« senee et son iníluence ; de n suit que les re-
« ruedes ne peuvent éü-e apportés OU ils sont
(( néeessaires, que tous eeux dont on essaie coú-




BU LONG P AHL E\lENT. 351


( tent au parlement des peines infinies , et aux
« sujets des charges doubles , triples de ce qui
:( seraitarrivé si le Roi ne nous eút point quittés.
( Ainsi le peuple est écrasé, et tont le bláme
« retomhe sur le parlement qui passe pour la
« cause de tous ces maux, tandis que leurs véri-·
« tables auteurs , par les obstacles qu'ils ne ces-
(( sent de nous susciter J nous ernpéchent de les
( guérir promptement et saus trop de sacr-iíices.


( C'est]¡'J. ce qu'on a fait, milords; et cepen-
( dant , pal' 1'infinie bénéd.iction de Dieu, le par-
« lernent s'est vu en état de surmonter tant de
( périls; quoique la nuit cut été somhre et ora-
( geuse, quelques heures de jour se sont fait en-
( trevoir; nos armées ont miraculeusement réussi
« en Irlande; les méchantes pratiques de nos en-
« nernis intérieurs ont été déjouées a mesure
( qu'elles se développaient; enfin le parlement
( a commencé a régler les grandes aífaires de
« l'.I~glise et de I'État, et á pourvoir á la súrete
« du royaume, soit centre toute invasion étran-
i( gere, soit contre les efforts du mauvais partí
« qui s'agite au milieu de nous,


« Alors 01.1 a essayé de trois moyens différens
« pour amtihlir et paralyser la marche du pou-
« voir du parlement, et arriver á le détruire
[( completemeut.


« 1". Sous pretexte de former une ganie per-
<;nn'1elle a Sa l\fajest¡'. , 011 a rassernblé des




HISTOI ItE


« troupes ,1 York, nliu de s'en servir cont.re le
« padement el de pl'Otóger pal' la force les (1L:-
« Jinquu ns ; en so rte qlle le pmlement ne puisse
le se Ia i re obéir et (Inc ses ordres soieut nni-
« prisés, afia de lui <!ter tout crédit , et <1'en
« faire une imago parlinmerüi ; une pnre ombre
« sans substaucc et sans réa lité.


(( 2°. On a adrcssé an parlcmcnt , au nom de
e( Sa Majesté , et sous la forme (le dédarations eL
« de messages venantdu Iloi , d'aJl}(~res in vccti ves,
(( dont l'objet est de le mettre dans l'embarras,
( et de l'obliger a perdre son temps en réponses.
« Ontre cela Oll a répandu al'litieiellscment dans
« le penplc, en donuaut aux faits une cou leur
( trompcnse, des opinions et des sentimcns dé-
« sa vantageux au parlement, alin , s'i] est pos-
( siblc , d'échauffer les csprits contrelni, et de
« les cxcitcr ale détrnire, el, dans ce parlement,
« tous les parIemens avenir, ce qui cntraincra it
« la ruine de ceux qu i auraicnt été séduits aiusi ,
( de Íeurs femmes ct de [eurs enfa nts ,


( 3°. Le tro isierne com plot est d'éloigner d 11
« parIcment plusicurs de ses mcmbrcs , de Ieur
« persuader d'ouhlier leurs devoirs , ct l1'al)[ll1-
« donner leurs siéges ponr se reurlre aYork; on es-
« pcrc jeter par la UIl déshol1llcur sur les actions
« des deux chambres , en lcs rcprésentant commc
( le fait d'ul1 petit nombre d'hommes, et pluftJt


d'Wl partí que rl'un ¡lal'lcment; peut-ótre mcrue




DU LONG PARLE~IENT. 555
(( se propose-t-on d'élever un anti-parlement en
« opposition acelui-ci.


« C'est la, milords , en ce mornent , le granel eles-
« sein au moyen duquel nosennemis esperent peu a
« l)eu déchiredt mort le parlement et le réduire a
( rien, par l'abandan successif de tons ses mem-
( hresj munreuvres dangereuses el désespérées, et,
« comme l'ont tres-bien observé vos seignenries
« Iorsqu'i] vous p lut de nous comrnuniquer cette
« affaire, qu'on doit regarder comme l'effet des
( mauvais conseils auxquels appartient mainte-
( naut l'influence. Ces mauvais conseils tendent
« tous a dissoudre le parlcmcnt, ehargé, sous la.
({ protectiou de Dieu , de la eonservation des
( trois royaumes; a luí seul a été rernis le
( soin de les maintenir dans une ferme loyauté
( envers lc Roi, une íidelc soumission a sa cou-·
( ronne, et de les sauver ainsi du chaos et du
« bouleversemcnt qui les menacent et en feraient
« un sinistre spectacle de misero et de tlésolation.
I( Avec ce parlement périra it la derriiere espé-
« rance de la religioll protestante, si long-temps
I( opprirnée , et pl'es(lue enticrcment détr-uite
i( clans les aut.res pays; avec lui s'évanouÍrait la
« seule ressource qui nous reste pour demeurcr
« une natÍon d'hommes libres et non d'esclaves,
" pOUl' conserve!' encore (luelques propriétés.
( Ceparlcment , cn un mol, estIc seul ohstacle


opposé á la breche par OlI notre pays est lllC-
t . 23




354 HISTülRE
( nacé d'une inondation de désordres et de cala-
« mités.


« C'est ce parlement, milords, qu'ils veulent
« détruíre; mais j'espere qu'il détruíra les des-
« tructeurs eux-rnémes , et leur sera comme un
« mur de feu pour les consumer, tandis que nous
/( y trouverons un mur d'airain pour défendre le
« Roi, le royaume, nous-mérnes et tout ce que
« nous possédons.


« La sagesse de vos seigneuries a prévu ce mal-
« heur , et vous vous étes efforcés de le prévenir
« par les ordres que vous avez donnés pou!' re-
« tenir les membres de votre chambre; l'ordre
/( du 9 avril et plusieurs autres leur out intimé( a tous de siéger, leur défendant de se rendre
( a York, ou 1'on voit les nuages s'amonceler
« avec une rapidité qui annouce la ternpéte ,
« et OLt de tcls préparatifs sont déja faits contre
« le parlement, que les deux chamhres se sont
« vues obligées de voter que le Iíoi , séduit par
« des conseils pervers, projetait une guerrc contre
« le parlement , et que tous ceux qui le servi-
« raient et l'aideraient dans une pareille guerre,
ce seraient déclarés traitres. Ce vote , passé 11:
( 20 mai, a marqué d'un signe de réprohation
(( la ville d'York, et manifesté l'opinion des cham-
« bres sur ceux qui s'y renc1ent.


( Cependant, eu de telIes circonstances, quand
« le royaume a plus que jamais hesoin ¡j'IUl pal'-




DU LONG PARLEMENT. 5r;r;
« lement, et que le parlernent a plus que jamais
« besoin de la présenee, du seeours, des efforts
« les plus effieaees et de l'avis de tous ses mem-
abres; quand le salut de tous, quand celui de
«( trois royaumes en dépend, aprés de tels ordres
(( de la part de vos seigneuries, apres le vote des
I( deux ehambres, on voit des lords s'éloigner,
« malgré le devoir qui les oblige a siéger au
« parlement, ou ils sont appelés par ordre seellé
( du grand-seeau, c'ost-ú-dire , par le plus irn-
e( périeux et le plus absolu des ordres du Roi,
e( eelui auquel aueun autre eommandement de
( Sa Majesté ne pent dispenser d'obéir; on les
« voit délaisser la fonction qui leur a été donnée,
a de traiter et délibérer de arduis regni -' des
« grandes, urgentes et pressantes affaires du
« royaume, jamais plus urgentes, jamais plus
« pressantes qu'en ee moment, Sans étre retenus
« par aueune de ees eonsidérations, les lords
« eomtes de Northampton, Devonshire, Douvres ,
(( Monmouth, les lords Howard de Charleton,
( Rieh, Grey, Coventry et Capell ont abandonné
« leurs siéges , se sont retires du parlement et
« rendus aYork; et , sommés de paraitre par un
I( ordre du .50 mai, au Iieu d'obéir, ils ont ex-
« primé leur refus dans une leUre que vos sei-
( gneuries et la ehambre des eommunes ont jugée
( inconvenante et méprisante.


« Milords, la chambre des communes, en




356 HlSTOlRE
« eonsidération de l'importance de cette affaire,
({ pour le salut du royaume et l'existenee méme
« du parlement, a voté, arres clélibération,
« qu'en quittant le parlement san S eongé, bien
« qu'il eút été déclaré par les deux chambres que
( le Roi, séduit par des eonseils pervers, pro-
« jetait une guerre eontre le parlement, et ,en
(( continuant de demeurer a York malgré les
(( sommations et commandemens qu'ils ont re-
« ({US, ces neuf lords ont hautement affronté et
(( méprisé les deux chambres, et que cesdits
(( lords ont excité, autant qu'il est en eux, la
(( désertion dans le parlement , et sont justement
« soupconnés de provoquer une guerre centre lc
« parlernent.


( La chambre, en raison de son devoir en
« pareillc circonstance, et d'apres la protestation
(( qui l'oblige a faire tous ses efforts pour livrer
« au chátiment qu'i ls méritent ceux qui offensent
(¡ si grievement les priviléges et l'essence mérne
« du parJement, m'a envayé pour accuser ces
( lords et demander qu'il en soit fait prompte
(( et exemplaire justice.


(( En conséquence, au nom des citoyens che-
« valiers et bourgeois de la charnbre des com-
( munes rasscmhlés au parlement, et au nom de
( toutes les communes d'Angleterre, j'accuse ici
( Spencer , comte de Northamptoll, William ,
.r comte de Ilevonsliire , Henri , comte dc Dou-




DU LONG PAHLE:ilENT. 3,>7
(e vres, I-1enri, comte de Monrnouth , Charles, lord
ce IIowarddeCharleton,RC'bert-Charles,lordGrey
( ele Ruthen, Thomas, lord Coventry, et Arthur,
« lord Capell, pour les hauts erimes et méfaits sui-
« vans ; asavo ir , que contre leur devoir de pairs
« elu royaume, et somrnés par writ de siéger
« au parlement, contre un ordre de la ehambre
« des pairs du 9 avril dernier, et plusieurs autres
( orelres rcquérant la préscnce des rnembres ele
« eette chambre, et, aprcs les votes eleseleux cham-
( hres , en date du 20 mai dernier, portant quele
« Roi,séduitpar desconseils pervers, projetait une
'( guelTe contre le parlement, et que quiconque
( le scrvirait ou I'assisterait dans cette guerre,
« serait déclaré traitre, ces lorels, dans le méme
« mois de mai, se sont, au mépris desdits ordres et
« votes, et en ayant connaissanee, retirés de ladite
« ehambre des pairs et rendus ala ville el'York,
« GU se faisaient et se font encere avec activité les
({ préparatifs de Iadite guerre, bien qu'ils fusseut
( instruits de ces préparatifs, et , qu'ayant été ,
le par un ordre elu 15 mai , dúment sommés par
( la chamhre eles pairs ele comparaitre dcvant
« elle le 8 juin dernier, ils ont refusé ele compa-
« raitre el répourlu el'unc maniere méprisante,
« par une lettre de leur ma in aclressée arora ten!'
« de lit chambre des lords , et qui clcmeure insérée
( dans les registres.


e' Pour lesquels ci-imes et méhits íendans ¡'¡




358 HlSTOlRE
« mettre obstacle a la marche du parlement el
11 aux grandes affaires du royaume, aarnener la
« dissolution du parlement et a troubler la paix
re dn royaume, j'ai rec;n l'orelre ele demander a
(( vos seigneuries , an nom desdites cornmunes ,
« que lesrlits Iords soient immédiatement jugés
« sur leurs réponses , et recoiven t, conformément
« aIeur témérité, un prompt et exemplaire chá-
( timent, les communes se réservant ultérieure-
«( ment la liberté de porter en toute occasion
« centre lesclits lorels on quelques - uns el'eux ,
(( telle autre accusation qu'el les jngerant a pra-
« pos. »


Sur cette accusation contre les neuf lords , la
chambre des pairs, siégeant en robe, commen~a,
environ un mois apres , la eliscussion ele l'affaire;
apres qu'en différens discours , plusieurs lords
eurent fait resso rtir la grandeur ele l'oífense , les
accusés furent déclarés, 1 0. incapables de siéger
en qualité de membres de la chambre; 2°. en-
tiercment cléchus de tous les bénéíices et pi-ivi-
léges du parlement; 3°. ils furent condamnés a
demeurer en prison tant qu'il plairait ala cham-
breo Apres quoi, il fut arre té que lesdits lords
seraient requis au nom eles deux chamhres de
venir subir lcur jugement.


A pen pres vers ce mérne temps ou les mernbrcs
des deux chambres ahandonnaient journellcment
leurs siéges pom' aller trouver le Hoi a York, ji




DU LONG PARLE!lIENT. 359
ar'riva un autre événement bien fácheux pour le
paclement , et hien propre a encourager le Roi
clans ses projets. Le grand-sceau d'Angleterre fut
emporté de Londres a York.


Lors de la fuite du Iord-garde-du-sceau Finch ,
le Roi avait confié la garde du granel-secau a
Édonard, lorel Littleton, granel- juge des plaids
COl11l11uns, et l'avait créé baron du royaul11e;
aprés le départ des autres lords pour York, lord
Littleton pamt quelque tel11ps, dans toute sa
conduile extérieure , ferrnernent attaché au par-
lement , et , en toute occasion , il avait voté dans
le sens de ceux qui lui étaient le plus fidEdes. 11
avait voté, entre autres choses , ponr l'organisa-
tion de la miliee par ordonnance du parlement,
en sorte qu'il ne paraissait pas qu'on pút former
aucun doute sur sa constance (1); mais enfin ,


(1) Le 14 juin ( 1642) on lut dans la chamhre des pairs ,
la lettre suivante de lord Littleton, adressée d'York ou il
avait rejoint le Roi, alord ""Villollghby de Parham :


II 1\Iilord, Sa Majesté adaigné me montl'eraujourd'hui une
" ¡cttre ou votre seigneurie Iui dit que j' ai voté dans la cham-
II hre des pairs pour l'orrlounancc relative ala milice; elle m'a
« demandé ce (lui en était et je Ini ai rendu compte de la vé-
II rité qui cst ccci :J'(:'aisabsentdelachambre lorsqu'ony
II passa la premie re orrlonnanco sur ce sujet ; je m'y trou-
« vais pendant le débat de la seconde ordonnance, et j'aí
,. voté contre , Sa ~Iajesté nia ordonné de vous en informer.


York, j juin 16f2, signé Edward Littleton. » Ce dut étre
'In f:\chellx embarras ponr lorrI Littleton flue 11e rccevoir du




3'60 IlISTOIRE
clans les derniers jours du mois de juin , un jeunc
gentilhomme, M. Thomas Elliot,valet-de-chambre
du Roi, lui fut envayé secretemcnt cl'Yark, et le
lord-garde-du-sceau l'ayant fait entrer dans sa
chamhrc a coucher, oü ils demeurerent seuls, il
ménagea tcllement les choses, qne, soit par per-
suasion , menaces ou promesses, il obtint, au
hout de trois heures , qne le grand-seean lui fut
remis, et l'emporta en tonte háte au Roi aYork.


Le lord-garde-du-scean Littleton, considérant
ensuite ce qu'il venait de faire ou plutót de souf-
frir, et n'ayant aucun moyen de s'en justifier ele-
vant le parlemcnt, partit Iui-mérne le lcndcmain
ele honne heure, a la suite du sceau , et se rendit
aupres clu Roi (1).
Itoi l'ordre d'écrire une semblable lettre , cal' la dénégatiuu
qu'clle contient était fausse. La chambre des pairs ordonna
aussitót la vérification de ses registres, et il fut constaté que
lord Littleton avait voté POUI' l'ordonnance sur la milice ,
« en cas cl'extréme danger et de refus absolu du Roi; » qu'il
avait mérne approuvé tous les téglemens d'ex(:cntion. La
chambre fit imprirner et répandre cet cxtrait de ses praccs-
verbaux, ( Histoire Parlemcntairc , tome ::1, col. I3G¡.)
( Note de r Éditeur. )


(1) Ce fut Clarendan, encare présent a Londres, qui dé-
termina lord Littleton a envoycr le graml-sceau au Roi.
Le récit qu'il fait de toute cette affaire est plein de dé-
tails si piquans et qui peignent si bien les angoisses et la con-
duite des horumes faibles dans les temps difficiles , qne nous
croyons devoir l'insérer en entier dans les Eclaircissemcns
Iiistoriques. (Nolc de rF;t/ilCUJ'.)




DU LONG PARLEMENT. 561
CcHeaction excita contre lui dc grandcs plaiutes


it Londres, ct le Roí lui-mérne ne lui montra pas,
depuis ce tcmps, heaucoup de considération, On
a su ele quelqucs-uns des amis de lord Littleton ,
qui lc suivirent hientót a York, la raison qu'il
leur donna pour avoir ainsi laissé sortir le grand-
seeau de ses mains; le ROÍ, leur dit-i l , en le
créant lord-garde-dn-sceau, l'avait obligé, en
particulier , a faire serment que, lorsquil luí
cnverrait demander le granel-sceau, il le livre-
raÍt aussitót, Il assura ses amis qu'il n'avait pas
cru , en conscience , devoir manquer a ce ser-
mento Seulement, leur (lit- il, il se repentait ,
mais trap tard, d'avoir accepté l'office de garde-
du-sceau a de telles conditions (1).


Le parlement, I)our prévenir une guerre si fu-
neste , envoya ordre, d'une part, a tous les shé-
r iífs , juges ct autres officiers résidant dans le
rayon de cent einquante milles autour de la vi llo
d'York J de prendre un soin particulier de faire
arréter toutcs armes et munitions que 1'011 pour-
rait conduire vers York, jusqu'á ce qu'ils en


(1) Daus son Abdgé, May ajoutc cette r étlexion : " Le
" sceau avait été confié a lord Littleton depnis la eonvo-
« eation dn parlcment actuel ; ce qui fit bien connaitre
« qnelles avaient été des-lors les intentions du Roi it l'é-
« gard de cc par-lcrneu í. » TI n'est nullernent probable que
Charles I« prévit , en IGf¡O , les uécessités oh il fut réduit en
¡()f¡2. (Note de FEditcur.>




IlISTOIRE


eussent donné avis aux deux chambres et rc(;:u
leurs directions a cet égard; il Íeur fut ordonné ,
dans cette vue ~ de placer dans l'étendue de leurs
juridictions respectives, des sentinelles atteutives,
chargées d'examiner si on portait des armes et de
saisi r toutes les personnes sur qui on en trouverait.
Le parlement ordonna , d'autre part, aux shériffs
du comté de Lancaster et autres comtés adjacents,
d'ernpécher la levée et le rassemhlement de tous
soldats, soit a cheval, soit a picd, requis par
ordre du Roí, sans le consentement des deux
chambres, déclarant en rnérne temps tous ceux
qui exécuteraient de pa rei ls orcl res (!ti Roi , per-
turbateurs de la paix publique, el. enjoignant aux
milices d'aider les shériffs dans I'exécution de cet
ordre,


Le Roi répondit immédiatement a ces orclres
du parlement, par une proclamation qui défen-
dait a tous ceux de ses sujets faisant partie des
milices du royaume, de se rassemhler, marcher,
se rencIre a aucune rente ou exerciee en vertu
d'aucun ordre, ordonnance d'une ou des deux
chambres du parlement, s'i] n'était accornpagué
du consentement ou warrant de Sa Majesté. IJe
parlement n'en continua pas moins á s'occuper
de l'organisation de la milice. Par un ordre du
2 juin ~ il enjoignit aceux des miliciens qui s'é-
taient révo1tés, de rentrer dans leur devoi r avan í
le 16 du rnérne mois , sous peine d'une arnende .le




DU LONG PARLEl\fENT. 363
100 liv. destinées a la guerre d'Irlande, et d'en-
couri r , en outre, tous les autres chátirnens que
les deux chambrcs jugeraient a propos d'ordon-
ner. La milice commen<.;a, a cette époque, a se
former en plusieurs [ieux.


Ce nl(~me jour, 2 juin, les deux chambres
envovereut au Roi une pétition accompagnée de
dix-neuf propositions. Le Hoi les recut avec une
grande indignatiou, cornrne on le vit par les re-
proches qu'il fit et sur l'ensemble et sur différens
détails de ces propositions, les regardant comme
une limitation injurieuse de 5011 pouvoir et de sa
prérogative. La pétition et les propositions étaient
ainsi qu'il suit :


Humble pétitiori el avis des deu.x chambres da
parlement ~ accompagnée de dix-neuf proposi-
tions el d'une conclusion , adressée el Sa Majesté
le .2 juin 104.2.


« Les trés-i hnmhles et Iidel es sujets de Votre
( Majesté, les lorrls et communes du parlement,
« n'ayant en leur ame et pensée rien qui leur
« soit plus précieux et qu'ils estiment plus im-
« portant, apres la gloire et 1e service de Dieu,
« que le juste accornplissement ele leurs devoirs
(( envers Votre Majesté et ce royaume; pénétrés
« en outre des maux et troubles actuels, ainsi
« que des calamités et dangers imrninens aux-
« quels cesmaux et troubles exposent Votre Ma-
« jesté et ses sujets, toutes choses qui proviennent




564 HISTOIHE
« des coupables prat.iques et mauvais conseils de
« gens étrangers a toute affcction pour la vraie
« religion, I'hormeur de Votre Majes té et la paix
« publique; apres avoir múrernent considéré
« les Causes de tant dedésastres , lesclits lords et
« cornmuues présentent aVotre Majesté leur pé-
« tition et leur avis, afin que, clans votre sagcsse
(1 royale el. dans votre amonr poul' le bien de vos
« sujets, il vous plaise accepter leurs propo-
( sitions, comme le moyen le plus eíiicace de
« dissiper, avec l'aide de Dieu, les dissensions el
« les méfianees qui se sont élevées entre Votrc
( Majesté et son peuple , et de pr:'(;eure r á tons
« honneur , paix el. súreté, »


Voici queUes étaient les propositions :
( l°. Les lords et autres membres du conseil-


« privé du Roi, ainsi que tous les grands-ofIieiers
« ou ministres d'État, soit dans l'intérieur du
( royaul1le ~ soit au-delá des mers , seront écartés
« du conscil-privé et de Ieurs charges, aI'excep-
( tion de ceux dont les deux charnbres approu-
( veront le maintien, Les personnes mises a la
« plaee des ministres révoqués ne seront nom-
f( mées qu'avec l'approbation du parlement , el
(( les conseillers-privés préteront un serrnent dont
« le parlement réglera la forme el les termes;


( 2 0 • Les arandes affaires du roya urne ne seront
~, "


({ point traitées ni décidécs par les avis de sim-
« pIes particulicrs OH de conscillcrs inconnus el




DU LONG PARLE1\lENT. 365
( non assermentés; mais toutes les affaires qui
« intéressent le puhlic et peuvent étre portées
« elevant la hautc-cour du parlement, qui est le
« geand-conseil du Hoi , y seront examinées, dé-
« battues et décidées, et jamaís a il leurs. Qui-
« conque osera agircontrairement hcette maxime,
« tambera sous la censure et la juridiction du par-
« lement. Toutes les affa ircs qui appartiennent
( au conseil - privé du Roi seront traitées ct
( jugées par les gentilshommes ou autres, n0111-
« més, d'époque en époquc , mernhres dudit con-
( seil, avec l'approbation du parlernent. Aucun
({ acte puhlic concernant les afTaíres da royaume
( et dans lesntti-ibutions du coriseil- privé, llC
( sera présumé valable comme émanant de I'au-
( toi-ité royale, a moins qu'il ne soit rendu de
({ l'avis et a vec le consentement de la majorité
« des mernbres dudit conseil , ce qui devra étrc
« attesté par lcur signature. Le conseil-privé nc
« sera jamais formé de plus de vingt-cinq mem-
« hres , ni de ruoins de quinze. Si une place de
f( conseiller - privé vient a vaquer dans l'inter-
« valle des sessions du parlement, elle ne sera
« remplie qu'avec l'assentiment de la majorité
( de ce conseil, saufl'approhation du parlement,
« asa plus prochaine réunion , sans quoi la no-
.{ rnination sera nuBe et non avenue;


« 3°, Le 10rd-grancl-prévOt d'Angleterre, le
( lord-granrl-connébble, le Iorrl-chancel ier-oule




566 HISTüJ RE
« lord-garde-clu-grallcl-sceau, le lord-trésorier,
( le lord-garde-dll-sceau-privé, le comte-maré-
(( chal, le lord-grand-amiral , le lord-des-cinq-
« ports, le gOllverneur el chef de 1'1 rlancle, le
« chancelier de l'échiquier, les secrétaires cl'État,
« les deux grands-juges et le Iord-prernicr-baron
« ne scront nommés qu'avec I'approhation idu
(( parlement, et dans l'intervalle des sessions, avec
(( I'assentiment de la majorité du conseil, selon
(( le mode prescrit pour le choix des conseillers-
(( privés;


(( 4°, Celui ou ceux a qui sera confiée l'éduca-
( tion des enfans du Roí, seront nommés dans les
(( mérnes fo~'mes et aux mémes conditions; et
(( parmi les serviteurs et employés aupres d'eux,
le ceux contre qui les chambres auraient de justes
(( sujets de plainte seront écartés a leur de-
« manele.


(( 5°. Aueun mariage ne sera traité ou concIu
« pour aueun eles enfans elu Roi, avec aucun
« prince étranger ou toute autre personne, soit
(( au dcdans, soit au elehors de l'Angletere, saos
(( le consentement du parlement, sous peine d'un
(( writ eleprtemunire contre tous ceux qui trai-
r( teraient ou concluraicnt un tel mariage, et
(( laelite peine ne pourra étre re mise , si ce n'est
« du consentement des deux chamhres.


(( 6°. Les lois en vigueur contre les jésuites, les
« prétres et les récusans papistes , seron t stricte-




UD LONG PARLEMEi'iT. 567
;{ ment exécutées satis dispense ni tolérance au-
« cune, et le parlement avisera aquelque moyen
(( plus eíficace pour les mettre hors d'ét.at de trou-
« hler le royaume ou d'éluder les lois, de que! que
« maniere que ce soit.


( 7°. Les Iords papistes perdront la faculté de
(( voter dans la chambre des pairs, aussi long-
rr temps q u'ils persisteront dans le papisme , et
« le Roi consentira aee q u'on dresse un hill pour
rr faire élever les eníans des papistes par des pro-
« testa ns , dans la religion protestante,


« 8°. Votrc Majesté vondra bien consentir a
« toutes les réformes que les deux charnbres cro i-
(( rout devoir faire dans le gouvcrnemcnt de l'E-
rr glise, apres en avoir délibéré avec les théolo-
« gicns, ainsi qu'il est exprimé dans leurs décla-
« rations sur cet objeto Votre Majesté vaudra bien
« les aieler ele tous ses efforts aétablir unrevenu
« suílisant ponr l'entretien des ministres chargés
(( de la prédicati,pndans tont le royaume, et Votre
« Majesté voudra bien aussi donner son consen-
(( tement a toutes les lois, ayant pour hut d'ex-
« ti rper les innovations , la superstition , la plu-
í( ralité des bénéfices et d'écarter les ministres
« scandaleux.


« go.Votre i\Jajesté voudra bien laisser sur le
<1 mérne pied tout ce (pIe les deux chambres ont
« réglé relativement a la milice jusqu'á ce que
,( ¡enrs mesures a ient été délinitivement a r-rétées




368 HISTOIRE
« par un biU. Votre Majesté voudra bien aussi
« retirer ses déclarations et proclamations contre
( les ordonnances portées acet égard par les deux
( chamhres.


( 100. Tout memhre de l'une ou de l'autre
« chambre, qui, depuis l'ouverture du parle-
( ment actuel , aura été privé d'une place ou
« office quelconque , en sera remis en possession
« ou recevra satisfaction d'une autre maniere,
« sur la pétition de la chamhre dont il se trouve
( memhre.


« 1 1°. 'I'ous les conseillers privés et juges pré-
(( teront, dans laformerttgléeet déterminéeparun
(( acte du parlement, le serrnent de maiuteuir la
(( pétition des droits et plusieurs autres statuts da
( parlement actuel, selon ce qui sera déterminé
« par les deux chambres; et il sera rait, achaque
« tenue, par lesjuges du hanc duRoi, par les
(( juges d'assises dans I'étendue de leur juriclic-
« tion et pa~' les juges de paix dans leurs sessions,
( une enquéte sur toutes les aU~ques et aUeintes
( portées contre ces lois, pour les punir COI1-
« formément a,la loi.


« 120 • 1:'ous les juges et oíficicrs places par
« approbation des deux clrambres , conserveront
« Ieur place quáni diiE berul se f.{esserinl.


« 130 • Tousles délinquans seront soumis au
(( jugement clu parlemcnt, soit qu'ils se trouvent
:, danslc royaumc OH aient pris la fuite; el toutc




OC LONG PARLE ¡VlENT. 369
« personne citée par l'une ou l'autre des deux
« chambres, sera tenue de comparaitre, et de se
« soumettre a la décision du parlernent.


fe 14°. Le pardon général offert par Votre Ma-
f( jesté, subira telles exceptions que les deux
(e chambres croiront devoir y appor1!er.


« 15°. Les forts et cháteaux de ce royaume
« seront mis sous le commandemerrt et la ganle
(( des persoooes nornmées par Votre Majesté avec
f( l'approbation du parlement, et daos les inter-
c( valles des parlernens , avec l'approbation de la
« majorité du conseil ~ ainsi qu'il a été établi
« daos l'article relatif an choix des conscillers.


« 16°. La garde extraordinaire et les forces mi-
l( litaires réunies maintenant aupres de Votre Ma-
(( jesté, seront éloignées et licenciées, et a l'ave-
« nir Votre Majesté ne lóvera aucune garde ni
( troupes extraordinaires , si ce n'est conformé-
« ment ala loi, en cas de rébellion ou d'invasion.


« 17°. Votre Majesté voudra bien s'allier plus
« intimement avec les Etats des Provinces-Unies
« et les autres Etats et prioces voisins attachés
« a la religion protestante, atin de la défendre
« centre tous les projets et tentatives du pape et
« de ses adhérens pour la renverser et la clé-
f( truire; ce qui procurera aVotre Majesté un
« grand accroissement de puissance et de re-
« putation, et donnera a vos sujets le désir et
( les moyens de vous aider, par les voies parle-


L 24




370 HISTüIRE
«( mentaires, a rétablir votre royale soeur et les
4( princes ses enfans dans les dignités et sou-
6( vcrainetés qu i leur appartiennent, et a secou-
« rir dans leur clétresse les autres princes pra-
« testans qui ont souffert pour la méme cause.


(( ISo. Votre l\fajesté, par acte du parlcment,
« déchargera d'accusation le lorel Kimbolton et
« les cinq membres ele la chambre des com-
« munes, en telle sorle que les parlemcns avenir
« soient a l'abri eles conséquences d'un si mau-
« vais précédent.


« 19°. Votre Majesté vouelra bien , par sa gra-
( cieuse bonté, passer un hill pour empécher que
« les pairs qui seront créés aI'aveuir IIC puissent
(1 siéger ni voter au parlement, sans y avoir été
(1 aelmis du consentement des deux chamhres.


(1 Lors1ue, selon nos humbles désirs , Votre
11 Majesté nous aura accorrlé ces demandes, nous
11 nous occuperons a régler votre revenu actuel,
(( de la maniere qui vous sera le plus avan-
« tageuse, et al'établir de tclle sorte quc, par une
11 augmentation (fui sera rendue constante et a
« demeure, il suílise asoutenir glorieusement et
« largement votre royale clignité, et surpasse
« tout ce qui a été accordé jusqu'ici par les
11 sujets de ce royaume aux prédécesseurs de
« Votre Majesté. Nous remettrons aussi la ville
11 ele Hull dans les ma ins de celui que désigncra
« Votre Majesté , avec le consentement et I'ap-




DD LONG PARLEl\1ENT. 371


« probation du parlcmcnt. Nons lui remettrons
« un com pte exact de tous les magasins, et nous
'( ferons avec joie nos derniers cfforts pour que
« nos raroles et nos actions témoignent sincé-
« rement a Votre 1\1ajesté l'attacliement loyal et
« soumis avec Iequel nous veillerons ala conser-
( vation de la dignité royale, de la grandeur et
« de la sécurité de Votre 1\Iajesté et de sa pos-
c( térité. JJ


Le Roi répondit a ces propositions du par-
lement d'une maniere qui prouvait combien la
chose lui était désagréable; avant ele s'expliquer
en particulier sur chacune des propositions, iI
se plaint en général, et en termes tres- amers,
de la maniere dont on procede contre lui. U
remarque que la cabale (ce sont ses propres
expressions) qui a préparé cette affaire, a ern-
ployé contre lui beaueoup d'art et d'habileté,
en s'emparant d'abord d'un pouvoir illégitime ,
POUl' soutenir ensuite des demandes illégales. Il
aeeuse les mernbres de cette cabale d'avoir écarté
la loi cornme un obstacle aleurs desseins, d'avoir
donné, comme des lois , au peuple leurs ordres
et ordonnances , dans la vue d'exercer un pouvoir
purernent arbitraire, etd'avoirexigé qu'on s'y sou-
rnit , san S attendre le consentement ou concours
royal. II reproche ases adversaires de ]ui avoir en-
levé lecommandelllent de 1am ilice, prérogative in,
hérente asa couronne , d'avoir soutenu centre lui


.24·




372 HISTüIRE
lIotham dans sa trahison, et d'avoir répandu eles
inveetives eontre son gouvernement, ponr affai-
blir, dans I'esprit de ses sujets, l'autorité et I'es-
time qui luisont dus, en l'aeeusant, par une étrange
calomnie , de favoriser la révolte dans le sein de
son royaume. Ils ont, selon lui, propagé une
nouvelle doctrine, enseignant que le Roi est
obligé de passer toutes les Iois qui lui seront pré-
sentées pa. les deux ehambres; maxime de gou-
vernement aussi favorable a leurs projets habi-
tuels que destruetive de tous ses droits. lIs ont
imposé silence ases sujets, en eondamnant toutes
les pétitions qui ne Ieur plaisaient pas, et pour
préparerconvenablement Sa Majesté aux ameres
pilules qu'ils lui présentent, ils ont remph l'es-
prit des peuples de eraintes et de méfiances vaines,
et ont employé plusieurs autres moyens du mérne
genre. ( S'ils avaient eu, dit-il, I'Imprudence
(( de me faire, avant le temps, des propositions
( de ee genre , et telles que leurs sages et mo-
« destes prédécesseurs n'ont jarnais imaginé d'en
« présenter de semblables aaucun de nos ance-
« tres, telles encere que notre honneur et la con-
« sidération de I'autorité royale que Dien nous
« a confiée pour le bien de notre peuple , ne HOUS
(( permettent pas de les recevoir dans une juste
(( indignation, leurs espérances auraient été
« promptement détruites, et les personnes aux-
:( quclles ils destinent les ernplois, les honncurs ,




DU LONG PARLEMENT.


« le pouvoir et les commandemens, auraient,
( dans un temps moins bien choisi, décu Ieur
( attente, etcouvert de honte Íeurs entreprises, ))
Voila pourquoi, ajoute-t-il, ils ont eu soin de
préparer lachose d'avance ; mais il semble crain-
dre d'aiJIeurs que ces propositions , que le parle-
ment ne lui presente pas comme les seulcs choses
qu'il désire , ne soient destinées seulement a ser-
vir de préliminaire a de nouvelles prétentions ,
beaucoup plus hautes encore; et il remarque que,
ponr mieux parvenir a leur but, ceux qui ont
combiné ces propositions ont déguisé leurs in ten-
tions véritables sous un mélange de plusieurs
choses dignes de l'approbation de tout honnéte
homme, de quelques demandes spécieuses et po-
pulaires, et d'autres qu'il a deja accordées, les
entrelacant artificieusement avec celles qui n'ont
pour objet que le succes de leurs vues d'ambition
et d'intérét personnel.


Cependant le Roi ne veut pas qu'on le soup-
c;,:onne d'aUribuer ce dessein aux chambres ou a
l'une des deux chambres de son parlement. Il dé-
clare, au contraire , avoir la plus grande con-
fiance dans la loyauté, l'attachement et la droi-
tu re d'intention de ce grand corps, sachant tres-
bien qu'un grand nombre de memhres des deux
chamhrcs sont ahsens , et que plusieurs autres
se sont montrés contraires aux choses dont il se
plaint; mais il rrnit, et , en conséquenee , d":-




574 HISTülllE
c1are a la face du monde que ce plan coupahle
procede des discours artificieux, des pernicieuses
manoeuvres et des mauvais conseils de quelques
esprits ambitieux etturLulens,ennemis de la vraie
religion de Dieu , pour se servir de leur propre
langage, de l'unité de I'Église, de son honneur
et de sa súreté , de la pa ix publique et de la pros-
périté du peuple.


Le Roi s'exprime , en particulier, avee une
grande indignation contre dix des propositions ,
1 re e 3e 4e 5" e e 5" c-e t ees 1 , 2, , , ,9, 10 , 1 ,1 U e 19, sou-
tenant que si on avait eu envie, comme on le pré-
tend, d'accorder S011 honucur et Id sécurité du peu-
ple , on ne lui aurait pas presenté de sernblables
propositions. Il ajoute que toute protestation en
ce sens , lorsqu'on y joint de telles demandes,
ne peut lui paraitre qu'une moquerie et une
insulte. Il soutient de plus qu'il se regarderait
eomme indigne do sang royal que lui out trans-
mis tant d'a'ieux célebres, et des hautes fonc-
tions que lui ont c-uíiées les Iois, si, en accédant
a de pareilles prétentions, il consentait a se dé-
pouiller d'une si grande partie du pauvoir in-
hérent ~l sa couroune, el a y faire participer dau-
tres que lui. Il proteste que, fút-il vaincu , pri-
sonnier, et réduit en pire condition que ne l'a ja-
mais été le plus malheureux de ses prédécesseurs,
il ne s'ahaisserait paint aaccorder de semblables
demandes, et ;\ cIJalJg('r la condition d'un Roi




DU LONG PARLEi\lENT. 375
d'Angleterre contre celle d'un doge de Venise.


Les diverses réponses du Roi et les argumens
dontil s'est servi contre chacune des propositions,
sont trop étendus ponr trouver place ici. Ceux
qui les veulent connaitre en détail peuvent les
chercher dans le recueil imprimé des dédara-
tions et ordonnances du parlement.




HISTOIRE


CHAPITRE V.


Ordre du parlement pour faire apporter ti Gztild-
hall de i'argent et de la oaisselle, Déclaration
du Roí aux lords qui s'étaient rendusprés de lui,
Profession et protestation de ces lords aú Roi.
Le Roí met le siege deoant Hull, mais u le
leve aussitát. Le comte de Warwíck prend
poseession de la [lotte en gualité de lord-ami-
ralo Le comte d' Essex est nonuné par le par-
lement général de toutes ses troupes,


,


LE 10 juin suivant, les deux chambres domH~­
rent ordre qu'on apportát l'argent et la vaisselle
pour servir al'entretien des chevaux, cavaliers,
et armes destinés amaintenir la tranquillité pu-
blique, adéfendre la personne du roi (dont le
parlement , dans ses expressions , montrai t autant
de soin que de sa propre súreté }, et a garantir
la súreté des deux chambres. On promettait atous
ceux qui apporteraient de l'argent monnoyé ou
de la vaisselle, ou fourniraient des cavaliers et des
armes, de leur rendre leur argent avec un inté-
rét de huit pour cent, Le parlement engageait
la foi publique a ce paiernent (1 ).


(r) Ávant de décreter cet ordre, et le méme jour cepell-
dant, les deux charnbres ouvriren l. , dans leur 11ropre sein .
une souscription ponr 'UhYf'!llir .urx fraí, de la guerre en




DU LONG PARLEMENT. 377
On nomma quatre trésoriers, dont les recus


devenaient pour les préteurs un titre qui les au-
torisait a réclamer la restitution de leur argent,
avec I'intérét prornis. Les trésoriers étaient sir


fournissant aUSSl soit de l'argent J sait des cavaliers armés
el équipés. Quand cette souscription fut proposée dans la
ehambre haute, dix-huit pairs présens souscrivirent aussitót
pour une somme de 10,300 Iivres stcrling, et l'équipement
de 196 chcvaux, D'autres pairs s'engagerent a servir en per-
sonne. (1listoire Parlementaire, tome z , col. 1362.) Dans
la ehambre des communes OU eette rnotion était née , on lit
un appel nominal pour demander achaque rnembre ce qu'il
voulait faire; la plupart d'entre eux souserivirent. Sir Henri
Killigl'ew, appelé a son tour , se leva et dit : « Si l'occasion
« s'en présente , je me procurerai un hon cheval, une bonne
" eotte de bufílc , une bonne paire de pistolets, et je ne
<l serai pas embarrassé a trouver une honne cause. 11 Il sortit
aussitót de la ehambre, prit la poste pour le eomté de Cor-
nouailles oh étaient ses terres, et se décIara en faveur du
Roi. ( Clarendon, Ilist. de la Rébell. , tome 8, page 290,)
Plusieurs irniteren t son exernple. D'autres, apres avoir re-
fusé aussi , r-estcrcnt a Londres; mais l'animosité de leurs
collegues et les insultes de la populaee leur prouve rent bien-
tót qu'ils n'y étaient pas en súreté. u Un gentilhornme dis-
" tingué m'a raeonté, dit Clarendon , que, peu de [ours
« aprcs son refus de souserire, un homrne de la faction ,
" qui lui portait quelque hienveillanee , lui conseilIa de s'en
« aller de Londres, de peur , lui dit-il , que les petits gar-
" j;ons TIe lui fissent sauter la cervelle dans les rues , aeOllps
" de pierres. Beaueoup de mernhres de la ehambre, q ui
" faisaient de vains efforts pour éviter le renoru de malin-
-: lentionnés, avaient souscrit en disant qu'ils voulaieut qUl'




378 HISTOIRE
John 'Vollaston, chevalier et alderman de Lon-
dres, l'alderman Towes , l'alderman Warner et
l'alderman Anelrews. Des commissaires furent
aussi nommés pour estimer la valeur eles che-
vaux et des armes qui seraient fournis.


On elemandait, dans cet orrl re, que toutes les
personnes résidant a Londres ou aux environs ,
;\ la distance de quatre-vingts milles, envoyassent
l'argent, la vaisselle ou les chevaux qu'elles yOU-
draient fourn ir, dans l'espace de quinze .i ours a
cOlllpter de cet avertissernent , et que cel les qui
hahitaient plus loin les envoyassent dans les trois
semaines. CelIes qui avaicnt intention de contri-
huer, mais n'étaient pas pour le moment pou1'-
vues d'argent ou de chevaux, étaient engagées a
souscrire dans le temps prescrit , afin qu'on fut
a portée de connaitre promptement le montant
des fonds qu'on pourrait appliquei- a cet impor-
tant service; enfin on déclarait que tout ce qui
serait fourni, serait employé uniquement, comme
onl'avait promis, au maintien de la religion pro-
testante, de la súreté , de la diunité et de l'auto-


c..


rité du Roi, des lois du pays, de la tranquillité


" leur argent fút employé Ji la défense de la personne du
« Roi; mais on les contraignit bientót a verser les somrnes
" promises pour recevoir I'emploi qu'il plairait aux seuls
" meneurs du partí de r¡ualifier d¡:Ccnse du Roi. » ( nido ,
tome 4, page 136. ) (Nole de riau. }




DU LONG PARLEl\IENT. 379
du royaume et des priviléges du parlement (1).


Tandis qu'on rédigeait cet ordre, il fut donné,
par leUres, avis an parlement que les joyaux de
la couronne avaient été mis en gage aAmsterdam
et dans plusieurs autres end roits des Pays-Bas,


1, , .. f.'et que sur urgent qu on en retrrart , on se tour-
nissait, dans ce mérne pays, de rnunitions de
guerre , telles que pieces de siége , coulevrines ,
pieces de campagne, mor-tiers agl'enades, et dune
grande qualltité de poudre , de pistolets , de cara-
bines, de selles et autres objets de mérne natu re,
D'aprés quoi le parlement sentit qu'il lui était
impossible de douter que le Roi n'eút le projet de
lui fail'e la suerre, et ne s'y fút préparé depuis
1ong-temps.


(1) .. C'est une chose a peine croyable, dit Clarendon
lui-mérne , que la quantité de vaisselle qui fut apportée en
dix jours aux trésoriers du parti ; on manqua d'hommes
pOllr la recevoir et de place pour la déposer; la foule des
gens qui en apportaient était si grande qu'au hout de deux
jom's, plusieurs étaient encore a attendre qu'on les déchar-
ge;lt de leurs seditieuses offrandes. » (Ilistoirede la Rébl"!lion,
tome 4, page 136.) "Les cflorts des }Jrédicateurs, dit vYhi-
« telocke , eurenl tant de succes qu'on vit de pauvres femmcs
« apporter leurs anneaux de ruaiiage et les épinglcs d'O!" ou
« d'argent qui retenaient leurs cheveux. » (lII¿moire,c de
ffThitelocke, page 51:i.) Le partí royaliste, comrnc le 1'3p-
porte Maya la fin de ce chapj tre , se m oquait de ces dons
en disant que les troupes du parlement étaient une leocc de
di:',' et d'm::;lIiUes; ma is ils n'en prouvaient pas ruoins la di-
reclion el la vivacité de l'esprit pub lic. (¡Yatc de ri'ditcllr.)




380 IHSTOIRE


Il apprit en mérne temps que le Roi avait en-o
voyé dans le eomté de Leieester une eommissionde
recrutement au eomte de Huntington, au eom te
de Devonshire et aM. Henri Hastings, second fils
du eomte de Huntington; lord Hastings , fils ainé
de ce comte, était alors dans le parti du parle-
ment ; outre ces trois prineipaux cornmissaires ,
la eommission contenait le nom de plusieurs
autres ehevaliers et gent.ilshommes de ce cornté.
Le Roi aeeompagna eette eommission d'une lettre
ou il expliquait les motifs qui l'avaient engagé ala
donner, et se plaignait de ee que le parlement,
par son ordonnance sur la miliee, voulait le dé-
pouiller d'un droit inhérent asa couronne, Quant
aux motifs qui autorisaient, selon lui, la comrnis-
sion de reerutement, il se fonde, dans sa leUre,
sur une déclaration du parlement, dont il emploie
les expressions textuelles, disant que, puisqn'il
a été déclaré par un vote des deux ehambres, du
15 mars dernier , que le royaume avait été et
était encare dans un danger évident et imrui-
nent de la part de ses ennemis extérieurs et de
celle du parti papiste dans l'intérieur, iI était,
pour la su reté de sa personne et de son peuple ,
dans l'urgente et. inévitable nécessité de mettre
son royaume en état de défense. Ainsi, le préli-
minaire de l'ordonnanee du parlement sur la mi-
liee devint , pour le roi, totidem oerbis -' le texte
de la commission de reerutement; Ia copie de'




DU LONG PARLEMENT. 38t:
cette eommission et de eette lettre étant tombées
entre les mains du parlement, il fut arreté par
les deux chambres assemblées , (( que cette com-
« mission de recrutement, pour le comté de Lei-
« cester, était contraire ala loi, a la liberté et a
« la propriété des sujets. )) 11 fut arrété, de plus,
deux jours apres , ( que tous ceux qui agiraient
H en vue d' exécuter la presente commission, se-
« raient regardés comme perturhateurs de la
« paix du royaume et traitres envers la liberté
« des sujets. » Les deux chambres ordonnerent
aussi que cette cornmission et les votes susdits
seraient imprimés et puhl iés dans tout le royaumc.


Le Roí, cependant, n'oub1iait rien de ce qui
pouvait eontribuer au succes de ses projets et de
l'entreprise gu'il avait formée. n adressa une
courte déclaration aux lords qui s'étaient rendus
pres de lui aYork et aux mernhres de son consei1
privé. En voici le texte.


( Nous déclarons que HOUS He requerrons vo-
C( tre obéissance que dans la limite des Iois re-
( connues, de rnérne que nous attendons de vous
« de ne point obéir ades commandemens qui ne
( seraicnt point fondés sur les lois , ou vous se-
« raient imposés par d'autres personnes. Nous
(( vous protégerons, vous et tous ceux qui se refu-
( seront a cette sorle de commandement, soit
(( qu'ils proviennent de votes et ordres des deux
'( chambres ou de toute autre source, contre tous




HISTOIRE


(( les dangcrs que pourrait vous faire courir
« ce refus. Nous défcndrons la vraie re1igion
« protestante étahlie par les lois, les lihertés
« légales des sujets d' Angleterre et les justes pri-
« vilégesdes trois ordres du parlement, et nous
« ne requerrons de vous obéissance qu'autant que
« HOUS exécuterons cet engagement. Notre inten-
« tion n'est point, comme on le prétend fausse-
te ment, de vous engager en aucune guerre contre
« le parlemeut, amoins que cela ne devint néees-
:( saire pour notre défense centre ceux qui !I0US
« attaqueraient insolemment, dans notre per-
~ sonue ou nas clroits et ceux de nos adhérens. »


Les lords el les membres du conserl répondi-
rent acette cléclaration du Roi, par une promesse
signée de leur ma in et con~ue ainsi qu'il suit,


N \ "1 ,. , 1« ious nous engageons a n o len' a aucun ore re
« ou cornrnaudement (1ni ne sera it pas con-
« forme aux lois reconnues du pays. Nous nous
« eng<Jgeons adéfendrc la personnc de Votre Ma-
« jesté, sa couronue, sa dignilé, ainsi que sa juste
( et légale prérogative, contre toute personne et
« pouvoir quelconques. Nous défendrons la vraie
« re! igioll protestante éta blie par la 10i du pays,
« les libertés légales des sujets de l'Angleterre, et
« les priv ¡!t;gcs de Votre Majcsté el des deux cham-
« hres da parlcment. EnGn IJOUS nous engageons
« a nobéi r á aucun réglcmcnt, ordre ou ordon-
(e nance (iuelcui¡{lue, rclutif a aucune espece de




DU LONG PARLEMENT. 385
(f milice, qui n'aurait pas l'assentiment royal (1).»)


Le roi écrivit aussitót une lettre au lord-maire,
aux aldermen et aux shériffs de Londres pour dé-
femlre expressérnent toute contribution d'argent ou
de vaisselle dans la vue de fOllrnil' des armes au
parlement. Il interdit tout pret.d'argent, excepté
celui qui serait destiné asecourir l'Irlande ou a
pa yer les Écossais. Il publia ensuite une déclara-
tion adressée a tous ses sujets OU il s'éleve avec
amerturne contre le parlement pour lui avoir faus-
sement et scandaleusement imputé le projet de
Eúre la guerre au parlement, ou de lever des
troupesdans eette intention. En méme temps , afin
de pourvo ir aux dangers dont un partí malinten-
tiouné , dit-il en empruntant les expnessions du


(1) Cet engagemenl fut signé par le lord-garde-du-sceau,
le duc de Richmond, le marquis de Hertford ; les corntes de
Lindsey , de Cumberland, de Huntington, de Bath , de
Southarnpton , de Dorset , de SaJisbury, de Noi-thampton ,
de Devonshire , de 13rislol, de Westmoreland, de Berk-
sbire, de Monmouth, de Hivers , de Newcastle, de Dou-
vres , de Carnarvon, de Newport , les lords Mowhray et
lUaultravers, Willougby-d'Eresby , Rich, Charles Howard
oe Charleton , Newark , Paget, Chandoys , Faulconbridge ,
Pawlet , Lovelace, Coventry, Saville, Mohun, Dunsmore,
Seyrnour , Grey de Ruthen , Falkland; le contróleur , le
secrétaire Nicholas, sir J ohn Colepepper; le lord-grand-juge
Bauks. -l\lay a ornis , dans cette liste, les comtes de
Cambridge et de CIare, dont les norns se trouvent sur la
Iiste ol'iginale, imprimée a York en 1042, par Robert
Barker. t llistoire p arlcmcniairc, tom , 2 , col. 1374. )




384 HISTOIRE
parlement, menace sa personne et le royaume,
il invite ses affectionnés sujets a l'aider de Ieur
argent et de leur vaisselle, dont ii promet le paie-
ment avec un intérét de huit pou!' cent (1). Aussi-


(1) Cetappel du Roi a la lihéralité et au zele de son partí
n'obtiat pas , abeaucoup prcs , le rnérne suecos que celui du
parlement au partí populaire. Clarendon, qui s'en plaint,
en rapporte deux preuves assez piquantes : « Dans le voisi-
nage de Nottingham vivaient, clit-il, deux hommes consi-
dérahles, tres-o-iches , trcs vuvares , et qu'on savait mu-
nis de beaucoup d'argent comptant. Lord Capel! fut envoyé
a I'un, et M. Ashburnharn, gentilhoIIlme de la chambre du
Roi et qui avait taute sa confiance, a I'autre; ils étaient
tous deux porteurs d'une lettre ele la main du Roi, et qui
demandait un emprunt de 10,000 011 5,000 Jivres sterling.
Lord Capell fut tres-bien rey u llar son hóte , et traité auss'i
bien que le comportait le petit état de la maison : « J e suis
« désolé, lui dit celui-ci avec toutes sor tes de protestations
<l de dévouement, de ne pouvoir cornplaire aux ordres de
« Sa Majesté ; tout le monde sait que je n'ai et n'ai jamaís
(( eu d'argent comptant. Depuis dix ou douze ans , j'achete
« chaque année des terres pour un mil!ier de livres ; I'argent
« ne reste done jamais dans mes mains , ce dont je ne me
" soucierais point d'ailleurs. Mais j'ai, ti quelques milles
(( d'iei; un voisin qui n'est bon a rien , vit eomme un pour-
« ceau, se refuse les choses les plus néeessaires , et ne peut
" pas avoir moins de 20,000 livres dans la misérahle maison
(( qu'il habite; envoyez ehez lui; il ne saurait nier qu'il a de
(( l'argent. II 11 conclut en p.rotestant de sa tidélité au Roi ,
de sa haine pour le parlernent, et parut rnéme promettre de
travailler a procurer de I'argent au Roi; il n'en fit rien , et
cependant ses sentimens haient sinceres, car il fut tué dans
la suite au service de Sa Majesté.




DU LONG PARLEl\lENT. 385
tót arres, par une déclaration faite devant les
lords et les membres de son conseil, il désavoua,


« M. Ashburnham n'obtint ni plus d'argenL ni tant de
bonnes paroles, Le lord auque! il était adressé avait si pen
de relaLions avec la cour, qu'il n'avait jamais entendu pro-
nancer son nom, et qu'apres avoir lu la letLre du Roi, il
lui demanda de qui elle était. -" Du Roi; vous le voyez
« bien, lui dit M. AshLurnham. - Je ne suis pas, re-
(t prit l'autre, assez sot pour le eroire ; j'ai recu des lettles
« du Roi et de son pere, » Et courant a son eabinet, il en
revint avee une derni-douzaine de lettres , disant : « Voiei
« des lettres du Roi; elles commeneent toutes par: Tres-
(t féal el bien aimr' (Right trusty and wel! ocloved¡ et le nom
« du Roi est toujours au haut; cette letLre-ci commenee
" par mon nom tout du long, et finit par; l/olre qjJcctiollné
(e C. R.; je suis sur qu'elle n'est pas de la main du Roi. ,.
En eonséquenee il donna a M. Ashburnham un mauvais
souper et un mauvais lit, ajontant qu'il conférerait de nou-
veau avee lui le lenclemain matin. Sur ce, il dép(kha sur-le-
ehamp un domestique avec une letLre a lord Falkland qui
était neveu de sa femme, et n'avait presque jamais vu son
ancle. Le messagcr arriva a Nottíngham vers minuit, et
trouva lord Falkland au Jit. Le lord lui rnandait qu'un cer-
tain Ashburnham était venu le trouver et lui avaít remis
une lettre en disant qu'elJe était du Roí; mais qu'il était ,
lui, bien súr qu'il n'en était ríen; qu'il le priait done de
lui [aire savoir ce que e'était que eet Ashburnham , eL ({u'il
le retieudrait ehez lui jusqu'au reLourde son messager. Tout
en éclatant de rire, lord Falkland se háta d'informer le lord
du rang de M. Ashburnham, lui garantissant sur sa parole
que la lettre étaitLien du Roi. Le messager étant de retour
che? son maitre , sa seigueurie traita ]H. Ashhurnham avcc


1. ?-5




586 HISTOIRE
.prenant Dieu a témoin de la sincérité de ses pa-
roles, tout préparatif ou intention de guerre contrc
le parlement; sur quoi les lords et tous ceux qui


des égards si nouveaux , que cel ui-ci qui en ignorait la cause
';'imagina qu'i! repartirait avec tout l'argent qu'il était venu
chercher. Mais le 100'd , d'un air aussi gracieux qu'il le 11ut
prendre, ce qui ne lui était }las ordinaire, lui dit: "J'ai si
« peu d'argent que j'en manque pour moi-mém e ; mais j'ai,
« a quatre ou cinq mili es d'ici, un voisin qui n'a jamais
II fait de bien a personne, n'aime que lui seul , et possede
« un monde d'argent; il pourrait fournir au Roí tout ce dont
« 5.1 Majesté a besoin ; envO'ycz chez lui, et s'il vous refuse ,
II je sais en quel endroit il a caché un tou neau plcinde pi¡~ces
II d'or; je vous le découvrirai; iI a si peu d'amis que le Roi
" peut le traiter comme il lui plaira sans que personne s'en
" soucie. II Ce fut la tout ce que 1.'1. Ashburnham en puL
tirer, Cependant ce misérable homrne était si loin de vou-
loir d11 bien au parIement , que, lorsque le parti se fut em-
paré du comté de Nottingharn comme de tout le wyaume,
il ne voulut jarnais lui donner un sou , ni mérne entrer en
composit.ion , a titre de delinquant , comme 011 y conír.ri-
gnait tous ceux qui avaient vécu daus les quartiers de l'ar-
mée du Roi.


II Un autre gentilhomme, qu'on savait fort riclie , solii-
cité pareillement de pn~ler au Roi Sno livres slerljng, lui
el1\'oya un présent de cent pieccs d'or , déclarant qu'il ava it
eu beaucoup de peine a se les procurer, et jurant, avec le,
plus violentes imprécations , que, jalllais (lallS sa vie, il ne
s'élait vu en possession de Soo Iivres ;1 la fois. Ccpenduut ,
un mois aprcs le df:part du Iloi , les U'oupes d u parleru eut ,
qui avaient une bien autre [ayon d'ernl'nmler, lui prirent
5,000 livres stcrlilJg qu'on 11'0111'.1 cacl\(:c, .laus la charubrc




DU i.oxc PARLE:\lENT. 387
se trou vaient alors a York, signerent la décla-
ration et profession suivante :


« Nous soussignés, par égard pour le désir de
(( Sa Majesté, pour la vérité, et fideles a nos de-
(( voirs envers I'honneur de sa personne, étant
(e ici présens et témoins des déclarations fré-
« quentes et sinceres, ou Sa Majesté a exprimé


ou il couchait. " (Hisloire de la Rébellion, tome 5,
pages 54 - 57· )


L'Uuiyersité d'Oxford envoya au Roi toute sa vaisselle ,
avec une sornrne d'argent considérable, fruit des souscrip-
tions volontaires de ses principaux ruembres. Quelques etu-
dialls se chargercnt d'en effectuer le transport, et se rendi-
rcnt en llersonne aupres du Roi. Quant a l'Université de
Cambridge, Clarendon aftirme qu'elle envoya également a
Charles le,. sa vaisselle et de l'argent. (Histoire de la Ré-
bellion , tome 5, page 53.) Mais May rapporte, comrne on
le yerra plus tard, que Cromwell ernpécha cet envoi ; et son
¡'écit est confirmé par l' Ilistoire porlcmentaire , oii on lit:
( '9 aoút ¡u!¡?) ({ue" M. Cromwell, alors député de Cam-
" bridge, s'cmpara , d'apres les ordres du parlement , du
« chateau de cette ville, et prévint l'enlevemcnt de la vais-
" selle de l'Université, pour une valeur de 20,000 livres
<1 sterling. Le jour suivant , une ordonnance de la chambre
« des cornmuucs déchargea lVI. Cromwell de toute respon-
<1 sabilité pour cet acte, et lui enjoignit de veiller a l'avenir
H ace qu'aucune sormue ou vaisselle, appartenant aux di-
" vers colléges de I'Université de Cambridge, ne fút en-
<1 voyée au Itoi }lOUr l'aider dans sa guerre contre le parle-
., ment. " tHistoire pnrlcmcutairc , tome u, col. 1453.)


( ]Vole dc r Editeur. )
25.




388 HISTOIRE
(( son aversión pour tout projet de Iaire la guerrc
(( au parlement , ne voyant aueun préparatif ni
(( eonseil qui puisse raisonnablement faire croirc(( a un tel dessein , nous déclarons devantDieu
« et attestons au monde que nous sommes pleine-
« ment persuadés que Sa Majesté n'a point d'inten-
« tion semblahle, et que tous ses efforts tendent
« a I'affermissernent de la religion protestante,
« des justes priviléges du pa rlement , de la li-
f( herté des sujets, des lois , de la paix et de la
«( prospérité de ce royaume. »


Le Roi, fortifié par les seeours d'arrnes et de
rnunitions qu'il avait recus de JIaHande, et plus
encare par cette protestation des lords qui , en
aflirmant qu'il n'avait point l'intention de faire la
guerre au parlement, lui fournissaient les moyens
d'attirer plus aisérnent le peuple dans son partí,
cOllllllen«:;a as'occuper de ses affaires avee heau-
coup d'ad.resse et un soin infatigable. Il répondit
sans retard a toutes les pétitions ou déclarations
des ehambres; il repoussa entre autres par un ma-
nifeste fort bien rédigé, en date du 7 juin, et
plein de récriminations ameres, une pétition (lui
lui avait été présentée aYork, au nom rlu parle-
ment, par lord Iloward , sir Hugh Cholmley et
sir Philippe Stapleton , pour le supplicr de ne pas
placer ses sujets entre leur dcvoir envers lui el
lcur devoir envers les chambres. Enfin , dan s I'es-
pace de trois sernnines , soit par Iui-onúrne , SOlJ




DU LONG PAnLE~IENT. 38J
par ses messagers, et aforce de discours , procla-
mations et déclarations, il avanca merveilleuse-
ment ses affaires. A Newark , ii adressa un dis-
cours aux gentilshommes du comté de Nottin-
gham, de la facon la plus aimable et la plus per-
suasive, se louant beaucoup de leur affectiou
POUI' lui, éloge qui, re/{u de la bouche du Roi,
les engageait pour l'avenir. A Lincoln, il parla
de la mérne maniere aux gentilshornmes de ce
comté, protestan! de ses bonnes intentions, non-
seulemcnt a leur égarcl, mais pour les lois et l i-
hertés de tout le royaume. A la mémc époque , et
avec l'aide J'hahiles jurisconsultes qu'il avait
pres de lui, il repoussa de tout point, dans une
longue réplique, une déclaration que le parle-
ment avait publiée contre la commission de recru-
tement, el ou 1'0n discutait le statut de Henri IV,
qui avait servi de base acette eommission. Le Roi
puhl ia aussi une proclamation contretous ceuxqui
tentcraient de lever des troupes sans ses ordres ,
alléguant tous les statuts qui condamnaient de
parei ls desseins; daus une mitre, il prit soin de
prouverau peuplela légalitéde sescommissionsde
recrutement, el Y prescrivit la plus stricte obéis-
sanee. II déJendit de m éme tout enlevement on
déplacement des magasins de rnunitions situés
dans les divers comtés, ct toute tentative ponr
sccourir ou ravitailler centro luí la ville de Hull.




590 HISTomE
Le parlcment déclara, de son coLé, que ces pro--
clamations faites sans son ave u éLaicnt illégales;
iI défendit atous les shériffs , maires, etc., de les
publ.ier, ainsi qu'aux curés et vica ires de les lire
dans les églises. '


D'York, le roi se rendit a Beverley, eL envoya
de la un message aux chambres, annoncant son
dessein de marcher vers I1ull pour s'en emparer,
si avant son départ on ne lui remettait cette place.
Quand ce message arriva ala chambre des pa irs ,
elle venait d'arréter une pétition, pour engager
le Roi a s'entendre avec son parlement, afin d'é-
viter une guerre civi]e, Le eomtc de Hollanrl, sil'
John Holland, et sir Philippe Stapleton , furent
ehargés de la lui présenter a Beverley. Cette pé-
tition parut contenir une réponse si satisfaisante
au message du Roi, que les deux ehamhres ne
jugerent pas a propos d'en [aire une autre; rnais
aussitót apres , elles publierent une déclaration
pour la défense du royaume et de la ville de HuU,
s'engageant a indemniser quieonque sonífriru it
quelque perte, soit en accourant ala défense de
cette place, soit par i'ouverture des digues dont
elle était entourée.


Le Roi persista dans son dessein de s'emparer
de Hull; et comme cette ville, déja tres-impor-
tante en quaJité de place farte maritime , fut b
cause ou le théátre de heaucoup d'événemens




DU LO~G PARLE:\JENT. 3~.lI
considerables dans le cours de la gnerre civilc ,
j'entrerai rlans quelques détails sur tout ce qui s'y
rapporte.


Comme il y avait aHull de riches arsenaux , ce
furent probahlement les avantages que lui offrait
cette place, qui engagerent le Roi a quitter un
parlement établi aLondres, et ase rendre dans le
nord. Ce fut la qne le Roi vil pour la premiere fois
ses ordres désobeis , et ses tentatives repoussées
par la force; aussi ce fut contre Hull que se dirigea
la prern iére explosion de sa colere et de ses armes.


Le Roi marcha d'York a Ilevei-Iev , ville située
a six milles de Ilu ll , avec une armée de trois
nriile hommes de picd et de m i lle chevaux. Il es-
pérait que sir J ohn Pennington , avec quelques-
UllS de ses vaisscaux , fermerait les passages de
la mer et ernpécherait que Hull ne fút ravitaillé
par cette voie. Le comte de Warwick ,en s'em-
parant de la flotte, déjoua cette espérance ; rnais
le Roi, qui n'en était pas informé, résolut d'as-
siéger Hull par terre , et défendit, sous peine de
morí, qu'on y fit passer aucun convoi. I1 employa
beaucoup de soldats aouvrir des tranchées poul'
détourner les courans d'eau vive qui se rendaient
a I1ul1, et envoya deux ceu ts chevaux dans le
comté de Lincoln , sous les ordres de lord \Vil-
1011~hhy, fils du conde de Lindsey, et de sir Tha-
lilas Glenham ~ pour arrétcr tous les secours qui
pouvaient venir ele Ilurtou sur I'Huruber,




592 HISTOIRE
Sir John Hotham , voyant les mesures du Roi,


et informé qu'i l était en personne a une heure et
dernie de marche de la "Ville , lui adressa d'abord
d'humbles pétítions, partrois messagers successifs
que le Roi Iit arreter. Il convoqua ensuite un con-
seil de guerre, ou 1'0n débaUit la question de
savoir si onne laisserait pas l'ennemi s'approcher
de la place avec ses troupes, en s'abstenant de
l'écarter par les batteries des remparts, jusqu'au
moment ou la marée serait parvenue a toute sa
hauteur, pour lácher alors les écluses et noyer
l'armée qu'on redoutait. On se décida pour le parti
plus doux, d'ouvrir sur-le-champ les éc1uses, lt
la faveur d'une marée de printemps, et d'inonder
ainsi d'avanee tous les environs de Hull. Mais sir
John Hotham, avant d'exécuter eette mesure,
en fit avertir les propriétaires d'alentour, et leur
donna le temps de mettre a I'abri leurs bestiaux
et leurs meubles , les assurant que le parlement
les indemniserait de toute autre perte, sur les
hiens des personnes qui avaient acti vement se-
condé le Roi dans ses desseins,


Sir John écrivit au parlement pour l'informer
de la situation ou se trouvait la viJle, demandant
seulement, afin qu'on pút lui accorder prompte-
ment sa demande, un secours d'argent et de vi-o
vres, et 500 hornmes. Le parlement fit battre le
tambour a Londres et dans les Iieux adjacens,
pour rassembler les soldats et les envayer par mer




DU LONG PAHLEl\IENT. 39~
a Ilull. Les chamh res dernanderent au comte de
\Varwick d'envoyer, des Dunes aHull, deux vais-
seaux du Roi, pour les mettre aux ordres de sir
.TOhl1, afin qu'il s'en servit de la maniere qui serait
le plus utile , et sir .Tohn Meldrum, gentilhomme
écossais, officier plein de eourage et d'expél'ience,
fut nommé pour seconder sir .Tohn Hotham dans
cette partie du ser-vice,


L'armée cIuRoi n'espérait pas emporter la place
de vive force; elle ne faisait ses approehes qu'avec
de grandes difficultés et heaucoup de désavan-
tages, et presque toujours la nuit. Ce fut dans
l'obscurité qu'elle brúla deux moulins aux envi-
rons de la ville. Les assiégeans eurent enfin re-
cours a la ruse , et, ayant dans Hull des gens
préts a seconder leurs desseins, ils les enga-
gerent lA mettre le feu en quatre endroits, et
pendant que les soldats et les habitans seraient
occupés a l'éteindre, deux mille hommes de l'ar-
mée elu Roi devaient attaquer les rcmparls. Les
gens ele la ville qui étaient entrés dans le complot,
devaient étre avertis , du dehors, par un feu al-
lumé sur le couvent de Beverley, du moment 011.
tout serait preparé pour l'assaut, et c'était alors
qu'ils elevaicnt eornmencer l'incendie. La trahison
fut découverte par un des eomplices qui l'avoua
a sir John I1otham. Les barques et les hateaux
placés sur la r-iviere d'Humber, rendirent de
uornbreux services.




39/; JIIST OI RE
Les habitans de la hanlieue de Ilull fureut si


irri.tés de la trahison (Iu'avaient VOUhl entre-
prendrc contre eux leurs ennem is , que, toujours
plus animés, ils s'enrólerent tous dans l'armée
de défense; en sorte que les murs de la ville ne
pouvaient plus les contenir. Cinq eents hommes,
conduits par sir John Meldrum, fircnt , a la
Iin de juillet, une sortie contre les assiégeans,
qui , les voyant approcher, se préparerent a
les reeevoir eourageusement; ma is iI n'y avait
qu'une petite partie des troupes du Iioi .qui
fussent décidées a se battre; le reste, cornposé
de la miliee du pays, n'était pas disposé a en
venir aux mains avec des voisins. La cavaIerie
du Roi et les plus détermi.nés de ses partisaus ,
se vayan! ahandonnés par les gens de pied, se
retirerent aussi vite qu'ils le purent a Ilever-
ley; sir John Meldrum les poursuivit , en
tua deux , et leur fit trente prisonniers. Peu
de temps apres , quand les secours de Londres
furent arrivés a Hull, sir Jolm i\leldrurn, a la
tete d'une troupe plus considérable , fi!. une si ter-
rible sortie sur les assiégeans, qu'une grande
partie se retira en désordre avec une perte de
vingt-un hommes tués et quinze prisonniers. Sir
John Meldrum poursuivit son avantage avec tanl
de célérité , qu'il tamba tout acoup sur une ville
ennemie appelée Alby , a trois ou quatre mil les
de Hull, ou les magasins da Iloi étaicnt cléposés




nu LONG P,\.RLE:\IENT. )~)5
/lans une grange q ui renfermait une grande (1 uan-
tité de munitions, de poudre , de balles et plu-
sieurs machines employées :l des ouvrages d'ar-
tifice. Sir John l'attaqua :l l'improviste au milicu
de la nuit , ehassa la garnison, eomposée, pour
la plus grande partic , de milices et d'autres ha-
])itans du eomté (I'York qui, ne se portant pas
avec beaucoup de zcle á cette guerre, s'enfuirent.
le plus vitc (IU'i!s purent, laissant leurs armes
derri/~re cux. Sir John ernporta avec lui une par-
tie des munitions et les armes, et, mettant le
feu á la grange, consuma la poudre , les ouvrages
rl'artifice et fout ce qu'il ne put emporter. Apres
quoi , il rentra á Hull sans aceident.


Le Roi assernhla un conseil de guerre qui ,
considérant le mauvais succes de ses premiares
démarehes et l'importance de ne pas perclre
de temps, décicla qu'on leverait le siége de
Hull, el qu'on contiuuera it ,1 marcher en avant.
Les principaux de ceux qui entouraient le Roi,
rejeterent leur défaite sur l'inhabileté de leurs
eapitaines campagnards et la lácheté des milices.
Le Iloi aurait prohahlement obtenu de meilleurs
succes , si sir JolmPennington avait pu amener
a son sccours une partie de la flotte; mais le
eornte ele \'Varwick s'en était emparé, cornme
i 1 est tem ps de le rapporter en détail.


Le comte de 'Varw ick avait toujours eu taut
de goút POUl' le ser-vice muri tj me , et monírnit




396 IlISTOIUE
tant d'expérience dans cette partie , que, comme
c'était d'ailleurs un homme de eourage, d'une
vie religieuse (1) et d'une fidélité éprouvée aux
intértts de son pays, le parlement l'avait jugé ,
entre tous les nobles de son temps, le plus pro-
pre a commander ia ílotte en qual ité de lord-
arni rnl ; ill'avait done chargé, en eeUe qualité ,
de l'importante affaire de l'organisation de la
milice de terre et de mero


Le Roi , de son coté, avait donné cet crnpl oi a
sir John Pennington, long-temps vice-amiral,
el qui avait obtenu des succes sur mero II
avait écrit au comtc de 'Varwick, lui ordon-
nant expressément de quitter le commandement.
Le comte de Warwick , qui était déjá venu pren-
dre possession de la flotte , se trouva fort emhar-
rassé entre ces deux orrlres super ieurs, Il assern-
bla done un conseil de guerre auquel il commu-
niqua I'ordonnance du parlement et la lettre du
Hoi ; mais la eonseienee du eomte lui orclonnait
d'obéir plutót au parlement, et iI donna Íui-mérne,
dans une lettre a un membre de la ehambre des


(1) Ce que dit ici May , du caractere de lord Warwick, a
déjá ete revolfue en doute dans une note precedente ,d'aprcs
Clarendon , assez juste en genéral envers les personlles, qui
connaissnit lui-méme le comtc, et dont le temoignage est
confirme, en ceci , par plusieurs nutres ecrivaills du temps,


(Note de l'Edúclll'.)




DU LONG PAllLElilENT. 597
Iortls , les motifs de cettc détcrmination. ( En COL-
« sidérant, dit-il , la sollicitude que j'ai remar-
( quée dans les parlemens de cc royaume pour le
( bien et la sécurité du Roi , du pays et de chacun
« de ses habitans , songeant de plus que les par-
« lemens sont le grand - conseil par l'autorité
« duquel les rois d'Angleterre se sont toujours
( adressés aÍeurs sujets, je me suis déterminé á
« derneurer en possession de mOI1 emploi jusqu'á
« ce (IU'il me soit óté par l'autorité qui me l'a
« confié. )) -


La plupart des capitaines prircnt unanimement
la mérne résolut ion que le comte; cinq seule-
rnent , savoir , lo contre-aruiral, le capitainc
Fogge, le capitaine Raily, le capitaine Slingsby, et
le capitaine Wake s'y refuserent, alléguant l'ordre
qu'ils avaient rer,u du Roi d'obéir asir John Pe n-
nington, qu'il avait nomméamiral au lieu du cornte
ele Northumberland. Ces cinq capitaines avaient
réuni Ieurs vaisseaux en cercle pour se cléfemlrc
centre le comte; rna is il les 6t environner, et,
mettant a l'ancre autour d'eux, les somma ele
nouveau de se rendre, Trois amenerent et se rcn-
clirent; deux seulement, le eapitaine Slingsby et le
capitaine 'Vake, tinrent ferme dans leur pre-
miere résolution. Le comte fit pointer un canon
centre eux, et, leur montrant le sahlier, 1('111'
envoya sa chaloupe et la plupart des chaloupes (k
la ílottc , p'H11' leur f:1ire connaitre le danucr




598 HISTOIRE
qu'i ls couraient s'ils n'arnenaient pas dans I'in-
tervalle marqué par J'écoulement dn sable. Mais
i ls refuserent si péremptoirement que les pilotes
et les matelots, s'échanffant contre cux, monterent
a l'ahordage, et, quoiqu'ils n'eussent pas d'ar-
BIes, saisirent ces deux capitaines arrnés d'épées
et de pistolets ,'abatlirent leurs máts et leurs ver-
gues, et les amene rent tous deux au comte. Ainsi,
par le surprenant courage de ces hommes sans
armes, la chose se trouva tlnie sans aucune eífu-
sion de sang, au moment ou le comte se prépara it
;\ tirer.


Peu de jours apres , le comtc re.;¡ut, par hasard,
une nouvelle augmentation de forces; un gl'alHl
el fort vaisseau du Roí, appelé le Lion, qui venait
de Hollancle et faisait voile vers Newcastle, ayant
été mis en danger par la ternpéte , fut poussé
rlans les duncs. Le capitaine Fox, qui eomman-
(lait ee vaisseau , salua le eomte de 'Varwiek,
qui IUl ftt connaitre l'ordonnanee dn parlement,
en vertu de laquelle sa seignellrie devait prendre
le eommandcment de tous les vaisseaux , et le re-
(111 i t de s'y soumcttre. Le ca pita ine refusa el'ahorrl
d'ohéir a I'ordonnance , el fut, en conséquence ,
entouré de tous cótés ; mais tous les ofíiciers de
son vaisscau se soumirent , ct aba isscrcut leurs
máts ct leurs vailes en signe d'obéissanee. Ce vais-
sean était tres-considérable, el porta it quarante-
clcux ;ra:¡ds canons de hrül1ze. On prit, en méuie




DU LONG PAIlLEMENT. 399
temps, un petit vaisseau chargé d'excellente
poudre. Le comte apprit, par quelques hommes
<1e l'équi page du Lían~ que le j eune prince Robert,
le prince Maurice, et plusieurs autres généraux,
ava ient eu le projet de venir de HoJlande Sur ce
vaisseau: mais, qu'apres avoir essuyé ala mer trois
jours et trois nuits de ternpéte , ces deux princes
malades et épuisés s'étaient fait remettre aterre
en IIollande.


Lorsque le Roí fut instruit de la prise du Lían ~
il envaya demander au comte de Warwick, par
un message, de le lui rendre avec tout ce qu'iL
contenuit , et de le fa ire conduire á Scarborough.
JUais le camte répomlit que le parlement lui avajt
confié le commandement de la ílotte , et que ce
va isscau en faisaitpartie. Il suppliait done hum-
hlement Sa Majesté de lui pardonner, s'il ne pau-
vait le lui rendre sans le cansentement des cham-
hres. n ajouta qu'il n'avait pas connaissance qu'il y
eúl sur ce vaisseau rien qui appartint a Sa Majesté.


I! est temps de Iaisser le comte de 'Varwick.
:. ses travaux maritimes, paur revenir aux 1e-
vécs el, nux préparatifs m il itajres qui se faisaieut
sur [erre; cal' le mornent fatal était venu OlI ce
loug et enn uycux cornbat de déclarations , ele pé-
titions et de proc1amations, al lait se changcr
en une gnerrc récllc ct sanglante, et ou la plumo
allait etre secondée par l'épée.
L(~ C1 jniHet IGI¡2 , le parlcmcnt vota qu'i] sc-




40 0 HI8TüIRE
rait levé une armée pour la súreté de la personne
du Roi et la défense du parlement. Ce fut ainsi
qu'il. s'exprima, désirant unir toujours ee qui
semblait étre séparé par tant d'éloignement et
d'inim itié.


Le eomte d'Essex fut nommé, par l'honorable et
unanimc consentement des deux chambres, gé-
néral de ces armées et de toutes les troupes levées
par le parlement. Il jura de vivre et de mourir
pour cette cause.


Le comte d'Essex était un gentilhomme d'une
réputation honorable et sans tache, d'une fidélité
envers son pays et son prinee au dessusde tout soup-
t;on. Quel que fút, dans les divers telnps, I'esprit de
la conr, il avait toujours servi honorablement les
véritables intéréts du peuple anglais et de la reli-
gion protestante, et c'étaitdans cettevuequ'ilavait
pris par-ti clans la guerre palatine et s'était mis
au ser-vice des Provinees-Unies; ele telle sorte que
lorsqu'on chercha un lord auquelon pút conlier
le commandement en chef, il ne parut pas qu'il
pút y avoir la moindre inccrtituele; on pCllt
dire de ce choix, comme Velleius Paterculus l'a
dit d'un autre, non quccretulus eral qaem el~[{e­
rent sed eligendus qui eminebat,


Le parlement était alors fort en éla!: de lever les
troupes et de les bien éqniper, allmoyen eles mon-
ceaux (rargentet de va issej le.eu tassés pour cetohjCf.
21 GnildhaU , ou iIs s'allgmcntaient tons les jours




DU LON& PARLEMENT. 401
des libres cantributions des amis du parlemenr,
Ce n'étaient pas seulement les riches hahitans de
lacité et les gen tilshommes voisins de Londres qu'on
voyait apporter leurs gros sacs et leurs grandes
pieces de vaisselle; mais les plus pauvres, comme
la veuve de l'Évangile, apportaient aussi leur
abole; si bien que les ennemis de la cause avaient
coutume de dire , par moquerie , que c'était une
Ievée de dés et d'aiguilles.


Le conde d'Essex s'occupait , avec beaucoup de
soin el d'hahileté , a leve!' son armée, Il voulut
avoir autant de cavalerie qu'on en pourrait for-
mer, sentant bien que ce qu'il y avait de plus im-
llortant pour lui, c'était d'aJler a la recherche
des troupes du Roi, de le s empécherde piller le
pays et de désarmer les comtés pou!' s'équiper. Si
l'on considere la lonaue paix qui avait régné en
Angleterre , et le peu d'armcs alors en état, 011
peat dire que cette armée fut, non-seulement
levée, mais équipée en tres-peu de temps. Outre
les lords envoyés en diíférens comtés pour orga-
niser la milice , et qui levaient des troupes pour
la défense des lieux ou ils se trouvaient , plusieurs
de ceux qui siégeaient a la chambre des pairs
s'enrólerent dans l'armée du lord-général, et
prirent des commissions de colonel. Le lord Ro-
herts , le lord Saint-John, fils ainé du eomte de
Bolingbroke, le lord de Rochford, fils ainé du
comte de Douvres, el plusieurs gentilshommes


J. 26




402 HI8TOITlE
du prernier rang dans la chamhre des communes ,
pr'irent des comm issions pour servir, soit apied,
soit a cheval. Parmi eux se trouvaient sir John
Merric, qui fut fait sergent-major-général de I'ar-
mée, le lord Grey de Groohy, Gis da comte de
Stamford, 1\1. Denzil Hollis, M. Hampden, sir
Philippe Stapleton, sir \Villiam \Valler, sir James
Lnke, sir IIenry Cholmley, M. Grantham,
M. \Vhitelocke, et plusieurs autres. Deux jours
apres qne le comte d'Essex eut été nommé généra-
Iissime , le comte de Bedford fut fait général de
la cavalerie (1).


(1) Ce fut le 25 aoú! (1642), selon Clarendon, et le 22,
selon Rushworth, que le Roi planta son étendard á Not-
tingham, et que fut ainsi déclarée la gueHe civile, Les dé-
tails de ectte eérémonie sont fort diversement raeontés.
A en eroirc Rushworth, elle fut hrillante; un nornbreux
cortége de lords, de gentilshommes et plus de 2,000 homrnes
de troupes y assisterent. " Aussitót que l'étendard Cut
« dressé , dit-il, un héraut d'arrnes s'apprétn it lire une
« proclaruation ou le R oi exposait les nécessités qui le con-
" traignaient a eette démarche déeisive ..... :Mais avant ,¡ue
« les trompeltes eussent sonné , le Roi demanda iJ. revoir
« eette proclamation et la lut it llart; quelques pas:;3ges pa-
" raissaut lui déplaire , il demanda une plurnc el. de I'en-
« ere, raya de sa main plusieurs mols el la remit ensuite
(J au hér.mt qui la lut avee qnelque peine, it canse des ra-
« tures de Su Majesté.» t Histoire parlcmentaire , tome 2 ,
col. 1457')" L'étendard fut dressé , dit Clarendon, iJ. sir
" heures du soir , apres une journée sombre et orageuse.
" sans autre cérémcnie que le roulement de quelques tam-




DD LONG PARLEl\'IENT. 405
« bours et le son de quelques trom petles. Les assistans ob-
« servaient tristement de sini-tres présages. Il n'y avait pas
« la un seul régiment d'infanlerie; les milices du comté,
« convoquées par le shériff', étaient les seules troupes qui
« gardassenlla personne et l'étendard du Roi. La procla-
« mation n'avait point attiré un grand concours de volon-
« taires , les armes et les munitions n'étaient pas encore
« arrivées d'York; une mélancolie générale enveloppait
« toute la ville. L'étendard fut renversé dans la nuit mérne
« par un furieux ouragall, el il ne put étre relevé qu'un
« Oll deux jours apreso » i Histoire de la Hebellion , tome 4,
page 258.) William Lilly, dans ses Observations sur la
ui« et la mort du roi Charles, donne encore quelques dé-
tails nouveaux ou di/férens : u Les héraults qui se trouvaient
aupres du Roi, dit-il , ignorant de quelle maniere devait
étre dressé l'étendard royal, le suspendirent a une des
tours du cháteau de Nottíngham, dans l'intérieur des rern-
parts ; c'était la que le roi Richard III avait jadis planté
le sien. Une violente tempéte abattit pendant la nuit ce-
lui de Charles; le Roí tronva mauvais qu'on I'eút placé en
dedans du chatean. « Il fallait le mettre, dií.-i! , dans un
« lieu ouvert oii chaeun pUL en approeher , el non dans une
« prison.)l 1I le fit done enlever et transporter hors du chá-
teau, pres du pare. Mais quand les hérauls voulurent l'en-
foneer en terre, ils s'apercurent (lue le terrain n'était qu'un
roe tres-duro Avec leurs poigllards et leurs couteaux, ils
crsuserent un petit trou pour y fixer le pied de l'étendard;
mais il ne tint pas, el on fut obligé, pendant quelques
heures, de le soutenir abras. Toutes ces circonstances Frap-
perent des-Iors l'imagiuation des assistans , el ils en tirerent
de sinistres présages sur le sort de la guerre qui allait
commeneer. 1I t Übservations sur la vie et la mort du roi
Charles, par Will. Lilly, dans la Collection de M. 1\1a-
zeres, ele. , tome 1 , lJagc 1)6. ) ( Note de l'Editeur.)


.26.






ÉCLAIRCISSEMENS
ET


,


PIECES HISTORIQUES.






,


"E cr. AIRe 1ss E )\{E N S
ET


,


PIECES HISTORIQUES.


I.


Su/' T'assassinat du duc de Buckingham. (23 aóut 1628.)


., IL y avait un nommé John Fclton, hornme obscur , élevé
dans le métier de soldat et nommé récemment Jieutenant
d'une compagnie de gens de pied. Son capitaine ayant été
tué lors de la re traite de 1'ile de Ré, il pensa que le com-
rnandement de la compagníe luí revenait de droit, et le duc
de Buckíngham, général de l'armée, ayant refusé de la lui
donner , il rendit sa cornmission de Iieutenant et quitta le
service. Il était d'un caractere rnélancolique, et ne faisait
gncre société avec }Jersonne : il était cependant d'une fa-
mille estimée dans le comté de Suffolk , et jouissait d'une
fortune honnéte. Depuis le moment qu'il avait quitté l'ar-
mée , il avaít habité Londres; e' étaít alors que la chambre des
communes , emportée par sa haine et ses préventions centre
le duc de Buckingham, l'avait accusé, devant la chambre
des pairs , de plusieurs actions coupables et imprudentes,
el, dans un discours ten u a la chambre, il avait été désigné
comrue la cause de tous les maux que souffrait le royaume
et comme ennemi public.


u 1I se répandit quelques copies de ce passage : car on ne
se permettait pas encore, ainsi qu'ou l'a fait depuis peu,




408 ÉCLAIRCISSElUENS
d'imprimer tous ces discours séditieux. Celui-ci, et quelqnes
accusations violentes répandues contre le duc de Buc-
kingham dans le public , qui n'aimait pas ce grand person-
nage, produisirent heaucoup d'effet sur I'esprit du mélanco-
lique Felton. Il fréquentait aussi habituellement les sermons
de quelques prédicateurs populaires dans la cité; et bien
qu'ilsnefussent pas encore arrivés ace degré de présomption
et d'irnpudence qu'ils ont atteint depuis, leurs prédications ,
réunies aces autres causes, conduisirent par degrés Felton ,
comrne il I'a décla~6 dans un deses interrogatoires, acroire
que ce serait servir Dieu que de tuer le duc , ce a quoi il
serésolut bientót,


« Il se munit simplement , pour ce meurtre, d'un cou-
teau cornmun qu'il acheta chez le prernier coutelier pour
un shelling, et ainsi armé, il se mit en route pour Ports-
mouth oü il arriva la veilJe de la Saint-Barthélemy. Le due
y était oecupé afaire préparer la ílotte et l'armée avee les-
quelles il comptait , peu de jours apres, alleren personne au
secours de La RocheUe, alors étroitement assiégée par le
cardinal de Richelieu. Le duo était d'autant 111us ohligé de
secourir La Rochelle, que, lors de son séjour a I'ile de Ré,
iI en avait re9u d'abondans secours de vivres , que les Ro-
chellois lui avaient mérne envoyé quelques compagnies de
soldats, ce qui les affaiblissait alors de toute maniere el Ieur
était fort préjudiciahle.


« Le matin de ce jour de la Saint-Barthélerny , le duc
avait recu des lettres quilui apprenaient que La Roehelle s'é-
tait délivrée par ses propres forces; sur quoi il ordonna
qu'on le fit déjeuner promptelllent, voulant se háter d'aller
porter ces honnes nouvelles au Roi , alors aSouthwick chez
sir Daniel Morton , acinq millos de Portsmouth. La cham-
bre oii iI s'habilJait étaitremplie de monde, de gens de
qualité et d'officiers de la fIoUe et de I'armée.


« Dans le nombre étaient M. de Soubise, frere du duc de




ET PIEe ES HISTORIQUES. 40~)
Rohan, et plusieurs autres gentilshommes francais , qui al-
tendaient avec un empressement inqniet l'embarqnement
de l'armée et le départ de la flotte. lIs étaient Iort troublés
et agités de la crainte que les nouvelles re!;ues le matin ne
retardassent les préparatifs du voyage , que, dans leur im-
patience et leur intérét , ils trouvaient conduits avec beau-
coup de Ienteur. Ils avaient donné beaucoup de raisons au
duc pOllr le convaincre que cette nouvelle ne pouvait étre
vraie, et que c'était certainement un artifice des ennemis ,
dont l'objet était de refroidir la chaleur et le zCle qu'on
pouvait mettre al'envoi des secours dont ils avaient tout Iieu
de craindre I'arrivée; il n'était ]Jas douteux qu'un retard ne
les délivrát de la terrible appréhension qu'ils en avaient, en
leur donnant le temps d'acbever les forts et les ouvrages
entrepris du coté de la mer et dans le port, et qui étaient
déja presque finis.


« Ils parlaient, cornme c'est la coutume des Francais et
l'accent de Ieur langue, avec un tel ton de vivacité et de
véhémence, que ceux des spectateurs qui ne comprenaient
pas le francais , croyaient qu'ils étaient tres en colere el
maltraitaient le duc de paroles, Lorsqu'il fut habillé et
qu'on l'eut averti que son déjeúner était prét , il s'achemina
vers la porte, et tandis qu'il marchait, au mornent ou il
s'était tourné pour répondre a sir Thomas Frier , colonel de
l'armée, qui lui parlait a l'oreilIe, il fut soudainernent
frappé par-dessus l'épaule d'un coup de couteau dans le
sein, II ne dit que ces mots: ~ le scélérat m'a tué; » et aussi-
tót , arrachant lu i-ruérne le couteau, il tomba mort. Le
coup lui avait percé le cceur.


Persorme n'avait vu ni le coup, ni l'homme qui I'avait
porté; mais, dans le désordre OU l'on était, chacun formait
sa conjecture et la donnait pour réelle. La plupart se réunis-
sant a peuser que le COllp avait été fait par les Francais
(IU'Ol! croyait avoir eutcudu parler au duc avec beaucoup




É C LAIRCIS5El\1EN S
de colere , ce fut une sorte de m irac!e qu'on ne les tuút pas
tous sur-Ic-champ. lis furent sauvés par quelques personnes
plus calmes, égalcmcnl. pe"suauées de leur crime, mais qui
les réservaieut pour un preces et une punition judiciaire.


1( On trouva aterre, IJ"Cs de la porte et au milieu de la
foule , un chapeau , dans I'intérieur duquel était cousu ala
forme un papier sur lequel étaient écritesquatre ou cinq
lignes de cetle déclaration de la chamhre des cornmunes
dans laquclle on désignait le duc comme un ennemi du
royaume; au-dessous, élaÍent ceritos une ou deux excla-
mations dé votes en furme de priere, Il fut aisé de conclurc
que le chapeau appartenait au meurtcier ; rnais il u'en était
pas plus aisé de deviner qui ce pouvait étre , cal' l'écrit n'ap-
l'rellait rien a cet égal'd , et qui que ce fUt, on devait croire
'lu'il s'était éloigné le plus vite qu'il avait pu pour u'étre pas
trouvé sans chapcau.


1( Dans ce désordre , tandis que l'un courait d'un c¡'¡té et
l'autre d'un autre, on vil un homme se prornener sans cha-
lleau et d'un air tres-calme devant la porte; sur quoi quel-
qu'un cria , « voilil celui qui a tué le duc;" et d'autres
personnes accoururent aussitót , demandant: Qui est-ce ?
qui est-ce ? L'homme sans chapeau répondit tres-tranquil-
Iement . 1( c'est moi. » Alors quelques-uns des plus furieux
se jeterent sur lui , l'épée nue , pour le tuer ; rnais d'autres ,
au rnoins aussi affiigés de celte perte , et précisément en
raison de cela, songercnt a sa défense, Qllant a lui, les
hras ouverts et I'air calme et serein , il offrait sa poitrine a
la fureur et aux coups des plus enragés, aimaut mieux
tomher , sur-de-charnp , victirne de leu r colere , (lue d'étre
reservé a une sen tence judiciaire qu'il se voyait destiné a.
subir.


« On le reconnut bientót pour ce Felton dont nous avons
parlé; les plus considerables de ceux qui se trouvaient la,
tiont quelques-uns étaicnt chargés de fonctions publiques,




ET prECES HISTORIQUES.
le conduisirent dans une chambre particuliere , et, jugeant
a propos de dissimuler d'abord, ils lui dirent que le due
était seulement dangereusement blessé, mais non pas sans
espoir de guérison. Sur quoi Felton sourit , et dit qu'il sa-
vait bien que le coup qu'il avait donné devait avoir terminé
toutes leurs espérances. On lui demanda ensnite , cal' c'é-
lait la surtout ce qu 'on voulait découvrir , par (Iuelle insti-
gation il avait cornmis cette action horrible et maudite. n
répondit , avec une assurance surprenante, qu'on pouvait
s'éparguer la peine d'une pareille recherche; que personne
au monde n'avait asscz de pouvoir ou de crédit sur lui,
pour ~tre en état de I'engager, ou de le disposer a une ac-
tion de ce genre ; qu'il ne s'élait confié de son projet ni de
sa résolution a personne ; qu'il s'y était porlé de son propre
mouvernent et d'aprcs I'irnpulsion de sa conscicuce : que I'on
connaltrait ses motifs , si I'on trouvait son chapeau dans le-
quel illes avait écrits, pensant qu'il périrait proLaLlemen t.
dans cette entreprise. Il avoua n'étre arrivé ala ville que le
soir précédent, et avoi r gardé la chambre afin de n'étre vu
ni remarqué de }Jersonne. Il s'était rendu le matin a la de-
meure du duc OU il avait attendu qu'il sortit , et ayant re-
connu, par le mouvement qui se faisait au dedans , qu'il
allait sortir , il s'approchn de la porte comme pour lever la
portiere , et comme sir Thomas Fricr s'étant mis a parler
au dile, ainsi qu'on I'a dit, le duc, qui était beaucoup plus
grand que lui, se pencha de son coté, Felton saisit ce mo-
ment pour le frapper par-dessus l'épau!c.


« IJ parlait tres-libremant de ce qu'il avait fait , et sup-
portait les reproches qui lui étaient adressés avec la tran-
quillité d'un homme qui croit n'avoir rien a se reprocher;
mais apres avoir élé quelque temps en prison, ou il fut
traité 1 non-seulernent sans aUCUDe rigueur 1 mais méme
avec beaucoup d'humanité, il parut changer de sentiment 1
et se conduisit avant et pendant son preces , qui cut lieu




ECLAIRCISSEl\lENS


quatre mois apres , a la cour du bane du Roi, avec bean-
eoup de modestie et 'de singulieres mal"ques de repentir ; di-
sant qu'il était convaincn en eonseienee que son action étail
criminelle, et demandant pardon au Roi, a la duchesse et
a tous les serviteurs du due qu'il recounaissait avoir offensés,
Il demanda instamment aux j nges, qu'avant de le mettre a
mor! on lui coupát la main qui avait exéeuté celte action
impie. » (llistoire de la Rebcllion , par Clarendon , torne 1,
pages 45-51. )




El' PIECES HISTORIQUES. 415


Il.


Sur le procés el l'cax'cution du comte de StrajJord. (22 mars
- 12 I1UÚ J64 1. )


tl ON uésigna le temps el les lieux du preces du comte,
et la salle de Wesminster fut prriparée pour cet objeto 011
n'a jamais vu , ni la ni ailleurs, un tribunal plus solennel
et plus majestueux. Au milieu de I'amphithéátre , vers le
Las, sur des bancs couverts de drap écarlate, siégeaient les
lords , vétus de leur robe de pairs , le visage levé. A leur
t(~te et en faee d'eux, étaitassis sur son siége le comte
d' Arundel , fait, a eette occasion, lord grand-maltre de la
maison du Roi. Le comte de Lindsey, orateur de la chambre
des pairs , fut fait , pour le temps da proces , lord grand-
connétable d'Angleterre, et chargé des dispositions né-
cessaires.


tl On éleva , des deux cótés de la salle, des échafauds,
au bas desquels s'assirent les membres des communes , dé-
couverts , eomme formant le comité général de la cham-
bre , et parmi eux s'assirent plusieurs centaines de spec-
tateurs.


Derriere les pairs et vers I'extrémité la plus élevée , on
avait placé , pour le Roi , un siége couvert d'an drap royal,
élevé sur un degré ; de chaque coté de ce siége, sous un dais,
était une galerie fermée, pour que le Roi, la reine et le
prince pussent y etre en particulier,


fl A I'extrémité inférieure du dais était un échafaud sur
leque1 se placaient ordínairement les dames de qualité, et it
droite vers le has, a la mérne hauteur que les Iords , était
un espace réservé avec des séparations pour le comité da
parlement. Derriere , était une porte conduisant a une




ÉCLAIRCISSEMESS
chambre oii le comité pút se retirer pour conférer quand
l'occasion l'exigcrait.


u Pres de la place réservée au comité, était celle du cornte
(le Strafford, et a cóté de lui un siége pour le lieutenaut de
la Tour. Il y avait auss i des places pour les sccrétaires du
eomte et pour ses couseils , afin quils pussellt étrc pres
de lui.


« Les canous de l'Église interdisant aux évcqlles l'm'sis-
lance en cas de sang ou de rnort; ils ne parurent point au
proceso


« Ce fut le luudi, 22. mars 1611 ,'Iue le comte cornparut
pour la prerniere fois. Le Roi, la Reine et le l)rince étaient
présens , ainsi qu'un grand nombre de lords étrangers iJ. la
chambre, et beaucoup de dames. Les pa irs étaient vétus de
leur roLe et sur leur Si(ige; et les échafauds étaient cou-
verts des mernhres de la ehambre des comrnunes et d'un
grand nombre de slJectateurs eonfondus avec eux,


« Le eomte fut conduit a la barre par le lieuteuant de la
Tour. Il était vétu de noir , et portait son S1. Georges atta-
ehé a son cou par une chaine d'or; dans son maintien pa-
raissait une male tristcsse , son extdrieur était convenable;
il était un pell courbé par reffet de la rnauvaise santé ou
l'habitude de son eorps. Toutes ses actions avaient de la
grace,etses discours étaient rernplis de foreeet J'agrémen1.


" Le lord grand-maitre lui declara qu'il était appelé ponr
répondre a l'accusation de haute trahison portee centre lui
par les communes d' Angleterre et d'Irlanue. AIOl'S 011 lut
SOR accusation, et ensuite sa réponse ; puis , comme la journéc
était avancée , la cour se sépara.


« Le lendemain, 1\1. Pym fit un discours plein d'esprit et de
rhétorique pour servir de préliminaire aux articles de l'ac-
cusation, M. Glynn fut ehargé de soutenir les sept premiers,
et de prouver que le eomte avait voulu renverser les lois
fondamentales d'Angleterre et d'Irlaude.




ET PIECES HISTOlUQUES. 415
« On produisit ensuite un papier cache té , qui , ayant


été ouvert et lu , fut reconuu pour un écrit envoyé du par-
lement d'Irlande, et portant que les communes de ce
royaume avaient déclaré le comte coupable de haute tra-
hison,


« Le comte alors s'écria avec emportement qu'i] y avait
une conspirution contre lui POUI' lui óter la vic.


« Le comité de la chambre des cornmunes prit acte de ces
paroles , et demanda aux lords qu'il leur Iút fait justice dn
comte, qui , chargé de haute trahison, accusait le parle-
ment des deux royaumes d'une conspiration conh:e lui.


« Sur quoi le comte , tombant agenoux, demanda hum-
blement pardon de cette expression inconsidérée, }Jrotes-
tant sinccremeut qu'il n'avait point entendn parler de I'un
ni de l'autre parJernent, mais seulcment de quelques per-
sonnes en particulier. Ainsi la chose fut laissée de cóté.


" Ensuite, le comité presenta aux lords trois nouveaux
articles a ajouter 11 l'accusation, et demanda que le comte
y répondit immédiatement ; aquoi le comte fit observer que
la poursuite étant clo se , il espérait e¡u'on ne l'obligerait pas
a répondre ainsi !t des charges incidentes et inattendues ,
san, avoir eu un temps convenahle pour s'y préparer , lUais
les lords ayant trouvé que les articlcs n'étaient pas d'ulle
grande importance , le presserent de repondré sur-le-champ,
ce qu'il fit aussitót.


« Le 24 mars, le comité continua asoutenir les articlos de
l'accusation, et lorsque Glynn eut soutenu ceux dont il élait
chargé, Maynard procéda aux articles suivants; et, apres lui,
M. Pahner fut chargé de soutenir ceux qui venaient ensuite,
d'appuyer sur les causes aggravantes, et de faire ressortir
les preuves; ce qu'il poursuivit jusqu'aux sept derniers arti-
clesexclusivernent , que 1'Yhitelocke devait soutenir,


« Les artic1es dont fut chargé Whitelocke étaient d'une
haute importance; quelques uns, particulierement le vingt-




ÉCLAIRCISSEl"lENS
quatrieme, avaient rapport au projet de faire passer en Ecosse
l'armée alors en Irlande, pour la condnir~ de la en An-
gleterre, afin de soumettre ce royaume.


" Whitelocke ayant conféré avec sir Henri Vane le pcre,
et quelques autres témoins , relativement a cet article ,
et j ugeant que les témoignages IIu'ils avaient aproduire n'é-
taient pas suffisans pour fournir la preuve de cette accusa-
tion , pensa qu'il n'était pas honorable pour la chambre des
communes de soutenir unarticle dont on ne pouvait fournir
c!airement la pt·euve. Il proposa done au comité de l'écarter
de la procédure,


« Le comité fut de son avis; mais sir 'Valter Earle ayant
entrepris de le soutenir, on le lui abandonna. En eon-
séquence, Whiteloeke, apres avoir soutenu le "ingt-
troisieme artiele, s'assit , et sir Walter Earle commenca ,
avec heaucoup de gt'avité et de eonfianee, a appuyer sur le
eont.enu du víngt-quatrieme article, sur les dangereuses
conséquences et la haute criminalité des faits qui y étaient
renfermés, el il fit appeler les témoins pour prollver les
(létails de l'accusation qu'il avait amplement développée.


« Ouelques-uns des témoins ne se trouvaient pas alors en
Angleterre. Ceux qui cOlnparul'ent, apres avoir été adrnis
au serrnent , parlerent d'autJ'es choses que de cedont il s'a-
gissait, et ne prouverent nn\lement les faits eontenus dans
l'article ; en sorte fIue le chevalier devint fort pále , et per-
dit tout-u-fait contenance, Mais le eomte de Strafforrl qui
ne négligeait rien de ce qui pouvait servir asa défense, s'étant
levé de son siége, fit une profonde révérence aux lords, eomme
il avait eoutume , et parla en ces termes.


" MILORDS,


" Je suis un pauvre gentilhomme, prisonnier a votre
« barre; I'accusation portée eontre moi a été soutenue par
" plusieurs personncs versees dans la seienee des lois, tres-




ET PIECES IlISTORIQUES.
« l¡abiles 11 plaider , puissantes en raisonnemens , et par plu-
« sieurs autres nobles personnes douées de heaucoup de ta-
« Iens et d'éloquence. .I'avais bien espéré que les choses ti-
" raient 11 leur fin. Mais voila , maintenant, milords , que,
« deja fatigué , je vois tomber sur moi un nouveau et puissant
« orateur, et que ce noble chevalier vient tu'accabler d'un
« fardeau, en vérité , bien pesant, et exposer a ma charge
« des crirues plus odieux qu'aucun de ceux dont m'ont
« accuso tous les gentilshornrnes venus avant lui.


« Le savant gentilhomme qui a soutenu contre moi les
« derniers articles s'est assis , lorsqu'i! est arrivé a cet ar-
« tiele vingt-cuarrieme , et a paru le rejeter , et cependant il
« n'a rien laissé adirede ce qui pouvait eLredit d'important.


« Mais le noble chevalier va plus loin que tous les autres,
« plus loin que l'articlc rnéme , il me reproche des choscs
re qui n'y sont pas conLcnues, des ehoses impossibles ; c'c,h
« été vraiment un miraele qu'il parvint a les prouver. Mais
« fen demande humblement pardon a vos seigneuries,
« comme je ne veux pas prendre mal a propos votre temps,
« jc vous diraí seulernent que lorsqu'on ne prouve rien
« centre moi, la sagesse et la i ustice de vos seigneurics
« n'exigeront certainement pas que ie me défenJe...


Lorsque le comLese fut rassis , le lord Digby se leva, et ,
dans un discours ingénieux et plein d'éloqllence, désa-
voua sir Walter Earle ,priant leurs seigneuries de pardon-
ncr cette méprise, et disant qu'on n'avait pas eu l'intenlion
de soutenir cet article ; ce qui était évident, puisque le gen-
tilhonune qui avait soutenu les précédens s'était abstenu de
parler SUl' cclui-ci.


« Il demanda que ce vingt-quatrierne article Iút mis de
cóté , et que Ieurs seigneuries n'eussent plus as'occuper , sur
ce point, de l'attaque ni de la défense, mais qu'elles YOU-
Jussent bien regarder ce (IU'avait dit le noble chevalicr comme
une pure superfétation,


l. 27




418 ÉCLAIRCISSEMENS
« Lorsque lord Digby eut cessé de parler, Whiteloeke se


leva; et apres que les sourires eurent cessé, il procéda asou-
tenir le vingt-cinquieme article. La Reine, qui était pré-
sente au proces , demanda le nom de ce chevalier qu'avait .
relevé lord Digby, et eomme on Iui eut appris qu'ils'ap-
pelait sir Walter Earle, eIJe dit que le ehien d'eau (1)
aboyait et ne mordait pas, mais que les autres mordaient



serré.


« Le comte de Strafford, en parlant des commissaires
qui avaient soutenu l'accusation eontre lui, et particulie-
rement des jurisconsultes, dit a un de ses amis que Glynn
et l\'Iaynard s'étaient conduits avee lui en avocats; mais
Palmer et Whitelocke, en gentilshommes; et que cepen-
dant ils n'avaient ríen omis d'ímportant de ce qui pouvait
étre dit centre l ui.


« Lorsque les commissaires eurent épuisé les articles de
l'accusation, ils dernanderent que si le comte avait quelque
chose de plus a dire pour sa défense, il eut la liberté de
parlero Le eomte obtint avec peine jusqu'au lendemaiu
matin,


« Le lendemain, les deux chambres étant réunies , le
lieutenant de la Tour les informa que le comte avait été
extrémement malla nuit précédente l d'une violente attaque
de la picrre , et n'était pas en état de sortir el' jour-la, il priait
done humblement Ieurs seigneuries de le dispenser de com-
paraitre,


« En conséquence, on s'ajourna au lendernain rnatin : et
dans l'apres-midi , quelques lords furent envoyés par la
ehambre, pour savoir dans quel état se trouvait le cornte.
Ils le trouverent un peu remis, et espérant pouvoir se rend re
a la ehambre le lendemain.


« La chambre se réunit donc de nouveau le 10 avril , el




ET PrECES BlSTORIQUES.
les eommunes dernauderent la permission de produire de
nouveaux témoignages a l'appui du vingt-troisieme article ,
Le eomte demanda la rnéme permissiou pour lui-rnéme ,
el. pria qu'on recút quelqnes témoignages en sa faveur, qui
n'avaient pas encore été produits. Le comité s'y opposa;
mais les lords ayant tronvé la chose juste, aprcs une chancle
discussion, les conununes se leverent mécontentes, sans
mérne assigner un jour pour une nouvelie réunion ,


" Le 12 avril, a la chambre des communes, M. Pym pro-
duisit un écrit contenant quelques notes prises par le secré-
taire d'État Vane, relativement a quelques-unes des opi-
nions émises au conseil du Roi.


" Voici cornment cet écrit avait été déeouvert :
« Le seerétaire d'Etat Vane, étant a la campaglle, écrivit


a son fils, sir IIenri Vane, alors a Londres, et lui envova
la def de son eaLinet , l,onr que son fils cherchát dans son
bureau et luí fit passer quelques papiers dout il avait
besoin.


« Le fils , cherehant parmi les papiers de son pere, tomba
sur ces notes, qui lui parurent d'une telle importance pour
le publie , et tellement a la charge du eomte de Strafford,
qu'il se crut , en son devoir et conscienee, obligé de les
[aire connaitre.


« 11 les montra a 1\1. Pym, qui le pressa vivement et
obtint de lui d'en faire usage eontre le eomte de Strafford,
eomme d'uue picce matérielle et de la plus grande con sé-
quenee dans cette affaire.


« Les notes Iurent done produites ala ehambre des com-
munes , et le furent également dans I'apres-rnidi, a une
eonférenee avee les lords, Le lendemain, le eomte ayant été
amené a VVestrninster, et les deux charnbres réunies, les
notes furent lues publiquement. Le titre en était : Point de
danger á foire la guerre á I'Ecosse , si on lafait qjJensivf'
..t non defensioe. .




¡.~O F.CLAIRCISSE:1JENS
Suivaient les opinions des interlocuteurs.
" L. R. C. (Le roí Charles.) Cornment pouvom·nous en-


trcprendre une guerre offensive , si nous n'avons llas plus
ll'argent?


« Le L. lieutcnant d'J. (Le comte de Strafford.) Em-
prnntez cent mille livres a la cité, poussez vigoureusemeut
la levée de la laxe des vaisseaux ; Votre Majesté a éprouvé
I'affection de son peuple , elle est maitresse de se délivrer de
toutes les regles prescritos au gonvernement. Votre Majé,té
a essayé de tous les moyens; elle a été refusée; elle est ab-
soute devant Dieu et les hornmes ; vous avez d'ailleurs une
armée en Irlande que vous pouvcz cmployer a soumettre
ce royaume (1) , cal' je suis sur que les Ecossais ne peuvent
tenir cinq mois.


« Le L. A. (L'archevéque Laud.) Vous avez essayé de
toul; on vous a tout reíusé , u'est-il pas légitilllc d'employer
la [orce? ..


« L. Coto (Lord Cottington.) 11 faudra faire des alliances
dans l'étranger 1Jour la défense du royaume, La chambre
basse est lasse du Roi et de I'I':glise; dans cette inevitable
nécessité , tous les moyens sont bons pour lever de l' argent;
el il faut les cmployer , cal' ils sont légitimes.


" Le L. A. Seulement pour une guerre offensive; mais
non pas pour une guerre défensive.


« Le L. Iicutcuant d'J. La ville est pleine de lords , 01'-
ganisez la commission d'enrólement , el si quelqu'un d'eux
s'avise de bouger, nous l'en ferons repentir, »


« A la lecture de ce papier le cornte répondit: « qu'il était
" bien rigoureux de poursuivre comme trahison les opi-


(1) And you haoe an al'my in Ireland tliat y ou may emplov: lo
reduce this Kinodoni lo obedicnce. La phrase qLli suit cclle-ci el
I'ohjet de la d isc.ussiun i ndi qucnt que ces mots , this ](ingdofll, s'ap-
llliquaiclll 1I nZCQ.5C Unon a I'Allglclcrre. (Note de ¡:Editcur.y




ET PI:ECES llISTORIQUES. 4~I
~ nions el les discours proférés par les eonseillers prives,
« dans une discussion du eonseil.


.. Quant a ces mots, que le Roi a une arrnée en Irlande
!t pour soumettre ce royaume, 1°. Ils ne sont prouvés , oit
« le comte, que par le temoignage d'un seul homme, le se-
« crétaire Vane ; ce qui ne suíiit vas devant les tribunaux
" en matiere de dette ; a plus forte raison , lorsqu'il s'agit
e: de la vie et de la mort.


" 2°. La déposilion du seerélaire est exlrémement dou-
u teuse. Dans ses deux premiers interrogatoires, il n'a pu se
« rappeler aucune parole de ce genre. Dans le troisieme , il
« n'a rien pu afíirrner de positif, si ce n'esl qu'on avait dit ces
" mots, ou quelque ehose de pareil ; mais les mots peuvent
... se ressembler par le son et avoir un sens tres-différent,


« 3°. 11 n'y avait de présens au débat que huit eonseil!ers
u privés; deux d'entre eux, le secrétaire d'Etat vVin-
" debank el I'archevéque Laud, ne peuvent étre produits
u eomme l.émoins. Le secrétaire Vane affirme que j'ai dit,
" ces paroles; je le nie . Il reste done quatre témoins , le
.. marquis de Hamilton, le eomte de Northumberland, le
« lord t.résoricr et le lord Cottington. lis ont tous déclaré sur
« Ieur honneur fIu'ils n'avaient jamais entendu profércr
" ces paroles ni ríen de pareil.


« 4°. Supposé que je les aic dites, ce dont je ne conviens
« pas, le mot, ce royaume, ne peut raisonnablement s'ap-
« pliquer a1'Angleterre; tout le monde en eonvient, car
« l'Angleterre, ainsi que 1'.1 declaré le eomte de Clal'e, n'é-
« tait pas en état de désobéissance, et d'ailleurs les lords
« du eonseil peuvent altester qu'on n'a jamais en l'inten-
« tion de faire entrer l'armée en Angleterre. 1)


u Ce papier , d'une si grande importance , disparut pelt
apreso du comité des eommunes; et d'apres la réponse du
comte on avait lieu de supposer qu'il lui avait ete envoyé
par tlueltlu'un des commissaires. "VYhitelocke étant alors




L¡22 ÉCLAIRCISSEMENS
président du comité et chargé de la garde des papiers , le
soupson de cette trahison tomba particulierernent sur lui.


« Quelques recherches que l'on PI'¡t faire, le papier ne
put se retrouver. Whilelocke, averti du momcnt ou il avait
manqué, fit observer que dans la multitude des papiers qu'il
avait en garde, il ne lui était pas aisé de s'assurer s'ils avaient
toujours été rendus, Jorsqu'on en avait retiré queIqu'un pour
le produire ou pour s'en servir.


« 11 ajouta qu'il n'avait jarnais moutré ce papier a per-
sorme , si ce n' est aux cornmissaires , et qu'il ne savait pas
entre les mains de qui il était, ni ce qu'il était devenu ;
que ce n'était ras lui qui I'avait soustrait, flu'il ne savait
nullcmeut qui avait pu le soustraire. Cela ne servit de rien,
et il fallut informer la chambre de la disparítion du papier.
Elle ordonna que chacun des rneruhres du comité ftlt
sornmé de protestar solennellernent devant la chambre
qu'il n'était point l'auteur de la soustraction , el ne savait
ce que la piece était devenue.


« Tous le protesterent , et lord Digby plus fortement et
avec plus de violentes :¡ffirmations que les autres. Cependant
ensuite, a la bataille de Naseby, les papiers du Roi ayant
été pris, on y trouva une copie de ces notes, écrite de la
main du lord Digby ; en sorte que Whitelocke fut justifié et
que l'on sut par qui le papier avait été envoyé au Itoi et
de la au comte de Strafford.


t< Lorsque le comte eut répondu aux preuves addition-
nel les , le lord graud-maitre lui dit « que s'jl avait f[uel-
que chose de plus aajouter pour sa défense , il faJlait qu'il
le dit de suite, parce flue la cour entendait disposer les choses
pour un IH'ompt jugement. »


" Sur quoi le cornte resuma en peu de mots les di/férentes
parties de sa défense et termina ainsi :


" Il est dur de se vcir poursuiví d'apres une loi qu'on ne
" }leut vous mon traj- nulle part; ou done s'est caché tant de




ET PIECES HISTORIQUE5.
« siecles ce feu étouflé sous la cendre, sans qu'aucune


fumée le fit découvrir, el qui éclate tout a coup pour
" me consumer moi et mes enfans ?


.. Il est extrérnernent dur de voir la punition précéc1er la
" promulgation de la loi, et d'elre puni d'apres une loi
« postérieure au fait qu'elle condamne. Quel homme peut
.. se croire en súreté , si I'on admet un pareil exemple?


« Milords, il est bien dur encore, sous un autre point
" de vue , de n'avoir re~u aucun signe aquoi nous pussíons
" reconnaitre cette offense, aueun avertissement qui put
« nous servir aI'éviter. Si un homme passe la Tamise dans
" un batean et se brise sur une ancre qui ne lui a été indi-
« quée par aucune bouée flottante 11 la surface de I'eau , ce-
" lui a qui I'ancre npparf.icnt sera puni; mais s'il a fait
" ílotter une bouée, chaeun passera a ses risques el périls.


« Milords, veuillez avoír cet égard'pour la pairie d' An-
.. gleterre, de ne point vous exposer vous-rnémes aces ac--
.. cusations hypothétiques, 11 ces interprétations construc-
u tives de la loi ; si I'on veut faire el'un preces un exercice
" d'esprit, qu'on lui donne quelque autre sujet que la vie et
" l'honneur des pairs,


« Ce sera sagesse a I'égard de vous-me mes , de votre pos-
" térite el de tout le royaume , de jeter au feu ces sanglans
~ el rnystcrieux recueils de trahisons coustructives et arLi-
" traires, comme les premiers chrétiens brúlerent les livres
" relatifs aux arts de pure curiosité , el de vous en tenir a
« la simple lettre de la loi el des statuts , OU nous appre-
« nons ce q ui est trahison el ce qui ne l' est pas , sans avoir
" l'amLition de devenir, daos I'art de tuer , plus savaus que
" nos ancétrcs,


" Voila 240 ans enticrs qu'aucun hornme n'avait été at-
« teint avant moi par le crime de trahison a ce <legré.
" N'éveillons pas, pour notre perte, ces lions sudorruis ,
" en tirant de la poussiere ce petit nombre de registres




ECLAIRCISSEMENS


" moisis, oubliés , ou négligés le long des murailles pendant
" si granel nombre de générations.


" Qu'il plaise ayos seignellries de ue point ajonter ames
" autres malheurs , celui de donner un précr'dent aussi [;1-
" eheux que le serait celui-ei par ses conséquences a l'é-
" gard de tout le royaume. Ne hlessez pas , a travers mon
" corps, les intéréts de la chose pl,blif!uc; bien f[Ue ces
" m essieurs assurent qu'ils pilrlent pour la eh ose publique,
" c'est moi qui, dnns eelte occasion , parle véritablement
rt pour elle, el vous fais con n aitre les inconvéniens el. les
« rriaux auxquels on va l'exposer.


« Cal', comme il est dit dans le statul. du roi Henri IV,
« nuI ne saurn plus flue dire ou que fairc , s'il a a craiudre
" de tels chátirueus.


" N'embarrassez pas, milords, les ministres du gouverne-
" menL dans de telles difiieul tés, q L1e les honuncs sages, les
" hormnes ¿'[¡orrneur el. de Iortune ne puissent , en súreté
« el. tranquillité , s'employer aux affaires publiques. Si vous
" pesez el. mesurez Ieur conduite jnsqu'all moin.Ire grain
" et au moindre scrupule , les iutéréts du royaume seront
" Iivrés a I'abandon , n ul homme, ayant quelque eh ose a
« perdre, ne voudra s'cn charger.


u: Milords , je vous ai importunés plus long-Lemps qne je
" ne l'aurais fait, n'était ce flue je dais a ces chers gages
" que m'a laissés une Sainle, aujourrf 'hu i dans le eiel (1)."


« A ces mots il sarréta un moment, laissa couler qucl-
q ues larmes que lui arraehait ce souvenir , puis il reprit :


« Me perdre moi-méme m'est indifférent; mais que les
« suites de mon imprudence s'eteudent ¡usque sur mes en-
(( fans, c'est la ce qni me déchire jusqu'au fonel de I'áme,


(( Pardonnez mI faiblesse ; j'aurais eu quclque chose en~


(1) Les enfans qu'il avait cus de sa prcmicrc Icmmc Arahe!la llollis,
. (Note de l' Editeur.)




El' PIECES ·HISTORIQDES.
« core il ajouter , mais cela m'est impossible ; qu'il n'en soit
" donc plus question.


« Quant a moi, milorrls , j'aí élé, par la grace de Dieu ,
" instruit a penser <pIe les aíllictions de ceUe vio pr éscnto
" ne sont ríen, cotu pa rees aceite éteruclle masse de gloire
« q ui doit nous etre révélée cnsuite,


« Ainsi , milords, c'cst en toute tranquillité d'esprit que
" je me soumets volontiers avotre jugement, q Uf' ce soit un
" jugement de vie ou un jugement de mo/t; Te Deum lau-
n d'I1JUIS. II


« Jamais, certainement , personne n'a joué un tel rolé
et sur un lel thú1tre, avec Vlus de sagesse, de constance el
d'élo(luence, avec une plus grande force de raison , de ju-
gement et d'empire sur soi-rnórn e , avec plus de gráce dan>
ses paroles et son maiut icu , <¡tle ne le fit ce grand et excel-
lent Louuue , lous ccux flui l'entendirent, si ron en excepte
un petit nombre, se sent.ircnt le cu-ur touché de tristesse el
de pitíé.


« Lorsqu'i! eut fini , Pym et Glynn s'appliquerent afaire
ressortir les circonstances aggravantes de ses offenses, et les
charnbrcs se sépal·(~rent.


« Les communes jugi,rent it propos de jnstifier, en point.
de droit , I'accusation de trahison ; M. Saint-John , I'un des
membres du comité, ti! a cet etret un discours savant et tra-
vaillé.


u II insista, entre beaucoup d'autres choses , sur ce que,
{bus le statut de la vingt-cinquieme année du r¡~gne
d'I;:douard I11, le titre 'I'raliison contient cette réserve ,
<¡ue, comme ous les genres de trahison ne peuvent étre dé-
finís dans la Joi, tont ce qu'a I'avenir le parlernent déclarc-
rait trahison , scrait puní cornme tel.


« Le point de droi! fut discuté pour le cnmte, par
M. Lane; étaient aussi présens , 1\1. Loe, l\I. Gardiner et
I\I. LightFoot 1 également ses conseils.




ÉCLAIRCISSEMENS
« M. Lane répondit sur le statut d'Édouard lB, que c'é-


tait une !oi déclaralive et qui ne pouvait etre applic¡uée par
voie d'équité, de conséquence , ou de construction , mais
seulerueut selon la Iettre expresse; que, comme c'était une
loi pénale , elle n'admettait point la méthode dinduction ;
que le but (les chátiruens élail de conlraindre aux lois con-
11IWS, non pas aux lois douteuses ou conjecturales.


« Quant a la réserve, il dit que, dans la sixierne année
du regne de Henri VIII, les lords avaient presenté une pé-
tition pour demander que les cas de trahison fussent tous
déterminés par un statut ; et que, dans le parlernent de
cette année, un acte avait été fait , révoquant la reserve du
statut d'Édouard IlI, et déclaraut que rien ne serait tenu pour
trahison que ce qn i était littéralemen t cornpris dans ce statut,


" A la suite de ce débat, on in trod uisit , (lans la chambre
,;es cornmun es , un bill d'attainder centre le cornte pour
crime de haute trahison ; et , le bill discuté , on le vota cou-
pable de haute trahison. Le 19 avril, ce bill devint I'occasion
JI' tres-vifs débats.


" Lord Dighy et plusieurs autres se prononcerent hal1-
tement en faveur du comte et centre le bill; mais la charn-
bre s'étant divisée le bill passa : cependant il y eut 59 voix
centre. Cela arrjva le 21 avril , et le mérne jour, dans I'a-
pres-crridi , le hi,ll fut envoyé a la chambre des lords,


« Le 24 avril , les lords j ugerent a propos de désigner un
jour puur la lectnre du bill d' attainder; et le 29 , pal' ordre
de la chambre des comrnunes , lord Strafford présenl,
M. Sainl-Jolm soutint , devanl les Iords , I~ hill en point de
droit , I'appuyant d'a"gumens el d'autorités.


« Le I cr. mai , le ROl réunit les deux charnbres du parle-
ment , et leur demanda avec ardeur de ne pas procéder sé-
verernent contrI' le, comte , disant qu'il répondait de lui,
f[Uant a la pI liS grande partie des points principaux de 1'3C-
cusation : qn 'on ue pouvait , en conscience, le condamner




El' PIECES HISTORIQUES.
110urhaute trahison, et que, ni crainte, ni aucune aut re
considération quelconqne, ne pourrait le forcer aagir con-
tre sa conscience.


" 11 ajonta que, quant 11 la mauvaise conduite du comte, il
en était si convaiucu , qll'il ne le croyait pas susceptible
d'etre employé, par lui ou par l'Élat, dans aucune place de
confiance , pas méme celle de conslable.


« Le 2 mai , qui était un dimanche, on précha , dans
f[uelrllles chaires, la nécessité de faire actue llerncnt justicc
de ([uelqne grand délinquant ; et, le Jendemain 3 mai , la
populace, au nombre rl'envirou six mille , s'en vint cn fonle
ú VVcsminster, armée d'épées , de hátons et de marteaux,
criant 1Jom avoir jnstice du comle de Straflord , et prétex-
tan! la ruine du corn merce el le manque de pain.


« La /JInltiluc1e s'adrcssa a u comt e de l\Ion!gomlllcry (luí
lui daulla de )Jollncs p..roles et s'efforca de l'apaiser , ce
qui est le mcilleur partí 11 prendre dans les érneutes popu-
Iaires. Cepcudant le peuplc maltrait a beauconp qnelques-
uns des lonls ; ou aflicha a VVestminster les noms de tous
ceux des membres des communes qui avaient voté pour le
comte, et on les appela StrqfJórdiells.


« Quelql1es-uns de ceux qu i ét~ient nornmés dans cette
liste en informcrent la chambre corruue d'une haute vio-
Iation des priviléges du parlernent ; mais, la cliose étant re-
gardée comme le fait de la multitude , on ne songea point
a la punir. En ruérne temps que ces émeutes avaieut lieu ,
on recut la nouvelle de quelques manosuvres dans le nord
pour déh:H1cher l'armée anglaise, et la tourner contre le
parlciuent.


« Sur quarante -cinq Iords , vingt-six votercnt le com í e
coupahlc de hante trahison , sur le ,5e • artiele, ponr avo ir
levé de l'argelll en Irlnncle , lJar force, et militairement ; et
sur le '9"' article , ponr avoir sournis les sujets d'Irlande a
un serrncnt.




te L A IR CISSE:\'IEl\S
" Lorsque ce bill cut été passé par les lords , ils eurcnt


une eonférence avec la chamhre des cornrnunes , et quel-
ques lords envoverent un message au Roi ponr lui dernau-
dersa réponse a cct égard, ainsi qll'a I'(:ganl du hil! pour la
continuation du parlement , également passé pa¡' 'les deux
charnhres. Le Roi promit de répondre dans les denx jours.


« La présentation de ces denx hills mit le Itoi dans une
grande anx irite entre les clnrncurs d'un peuple mécontent el
les tronblcs d'une conscience ill([ui¡~te. Quelques-uns disent
qu'il prit conseil de plusieurs des éY(~ques et de ses autres
conseil lcrs intimes sur ce qu'il y avuit it faire dans une si-
tuation si délicale , el {Ine la plupart le presscrcnt de con-
sent ir, ll'a['res l'opinion des juges qu'il y avait traliison , el
(Iue le hill étail légal.


« lis insisfiTcnl anssi sur les votes du parle>"el1t el di¡'enl
'lu'apres tout Strafforrl n'étail qu'un honmie , (¡U 'jI n'y
avait pas d'aulre expédient pour apaiser la rage du peuplc,
et qu'on avait tout a craindre d'une multitude furieuse.


« D'apres tout cela, ils lui couscillcrent de passer les
hills (1).


re Mais le motif principal qui détermiua le Roi fut , Jit-
an, une le!tre du comte de Strafford , dans laquelle ce
]101>11' corn te , examinant toutes ces ehoses el ce qu'il y
avait de plus avantazeux dans ces eirconstances dilliciles ,
rnettait la conscience el u Iloi a I'aisc , le suppliant humble-
ment de prevenir les maux que pourrait causer son rofus, el
d'nccepter le bill, « NI' permettez pas, disait-il , (Iue [e sois
" un obstacle a lhcureux accord que Dien, j'cn ai la eon-
« fiance , veut établir pom' toujonrs entre \'05 sujels et
« vous. Sire , mon eonsentement en ceci \'OUS acquitte plus
« que ne pourrait le [aire le monde enlier. Toute injustice


(1) L'"",1 fI" C de Londres, Juxon , conscilla scul au ltoi de nécout.er.
'1" e sa couscicncc, (¡Vole de l' Eilitcur.¡




ET P IECES IIlSTORlQUES.
" est eifacée par le cousenterneut de celui qui I'a suhie (1). "


<t Par tous ces Illoyens, et par quelques autres plus se-
crets, on persuada au Roi de signer une comrnission pat"
Iaquelle il chargeait trois lord s d'accepter le bill. La plu-
part de ses sujets et des étrangers s'étonnerent merveil-
[cusemcnt c¡u'on eút pu le porter a y consentir.


f( Aprcs avoir signé les hills , le Roi envoya au comte son
secrétaire Carleton pour I'informcr de ce qui s'él.ait passé ,


(1) Voici la dcruicrc part io ele ccttc Icttrc vraimcnt admirable:
( Si jc vous disais , Sire , (PW je n'épl'ouvc aucun combat, je me


Icrais ruoins homme (Ille jc ne le suis. Dicn connait ma faiblesse , ct-
Iorsque 3VCC un coeur innoccnt, il s'agit d'appclcr la dcstruction sur
ma tete ct sur ce1le de mes jcuncs cnfans, on peat croire ({u~jl n'cst
pas facilc un mni ns d'ohtcni t: , ponI" un td sa cri licc , le conscntcment de
la chair et du .s:wg.


f( Je me ,,,j, déci,!c' cep,'ndant, ct pour le partí 'I"C jo erais le plus
noblc , et ponr ¡'inu'rct qui cst incontestablcmentlc plus grauel; cal' (IU~
devicnt un particulier mis en balance avec votre persouue sacrée et FÉtat
tout unticr?


o: En deux mots , sire , jr: rends 11 votre conscicnce sa liben". Je su1'-
plie humblcmcut VfJtre Majesté de prévcnir , en siqnant mon alTet de
mort, tous les maux que pourrait entraincr un rcfus; et cet obstacle
(que jc 'ne vcux pas méme maudirc , mais que je puis au rnoins dé-
plorcr ) étant uue fois écart.' du chernin 'l"i peut vous conduire aux be-
ncdictions de la paix , j'esperc 'lue le eiel la maintiendra pour tou-
jours entre vous vos su jets,


« Sire , mon consentcrueut VOIlS acquittera plus devant Dieu que tour;
ee que pourruit fairc le monde cnticr , Nul r.r.ritcmen t n'est injusto en-
vers cclui qui veut le subir. Jc.pardonnc a tont le monde , uon-seu··
lement avcc calme, mais 3.VCC la douccur d'une satisfucrion iufinie
POUT mon 3.1IlC pn1le Ji qnitter sa dépouille mortclle ; el POUl" YOUS,
Sire , je donne rna vie périssahle avcc toute la joie possible, commc un
juste retour pour vos excessivcs faveurs, Qu'il vous plaisc sculcmeu;
jetcr un rcgard de bonté sur mon pallvre fils et SUI' ses trois so.urs ..
mais sculemcnt cn raison de ce f[He Ieur pi:re, aujourrPlllll ~i iIlfortun{~-..
p~railfU. dans la.u.itc:\Yoi¡· ú¿ iUllO~Cllt ou coupable. l)


(IV'ate d~: C!1Jil~Hr.)




ÉCLA IRCISS E)1EJ\S
et lui en donner les raisons , qn'il ron,b principalcmcnt sur
le consenLement du comte. Celui-ci demanda au secréLaire si
réellement le Roi avait 011 non passé le hill, wmme ne pou-
vant croire, san squelque étonnement, que le Roi l'eñt fait; et
lorsqu'il fut assuré qu'ill'avait passé , il se leva de son siége,
leva les yeux au ciel, posa sa main sur son crour, et dit: «Nc
« mel.tez pas votre confiance dans les princes ni dans les
<l enfaus des hommes; cal' il n'y a point en eux de salnt. •


<l 1I arriva , cornme dans toutes les grandes affaires, que
le Roi fut fort blámé pour avoir passé ces deux Lills, l'un
contre son plus fidele serviteur, el I'autre centre lui-
méme.


.. 11 en eut certaincment de grands remords , et le lende-
main, il envoya aux lords , par le prince, une leUre écrite
en entier de sa main, les priant de conférer avec la chambre
des communes pour épal'gnel' la vie du comte , ce qui lui
serait une haute satisfaction.


« Quelques-uns n'ont pas hésité a dire que cela luí
avait élé prornis avant qu'il signñt le hill d' attainder , et
pour l'engager a le signel". Mais la chambre des Iords ne
jugea pas a propos de se rendre aux desirs de Sa Majesté.


« Le 12 mai, le comte fut conduit a l'échafaud, dressé
sur Tower-Hil1. 11 leva , en passant, les yeux vers la fe-
nétre de la prison OU se tenait l'archevéque Laud qui Iui
rlorma des parajes de courage el de consolation.


« Le discours et les pricres qu'il fit sur \'échafaud , furent
rernplis d'esprit de charilé et de piélé. 11 douna quelques
ordres relatifs a ses eufans , et mourut avec douceur , avec
courage, et avec un deuil général.


« Ainsi tomba ce noble eomte, laissant peu d'hornmes
capables de l'égaler pour les facultés et I'hahilet é uature llcs ,
ponr les talens acquis par l'étude et I'expérience des plus
grandes affaires , pour la sagesse , la fidélité et la noblesse
d.e l'esprit.




ET PIECES mSTORIQDES.
« On dit qu'un projet qui avait été formé pour I'evasion


du comte fut découvert par trois femrnes qui regardaicnt
et écoutaient a travers le trou de la serrure de la galerie du
eomte, tandis qu'il s'entretenaít avec le eapitaine Billingsley ;
elles les enteudirent parler de faire deseendre le vaisseau
qui devait prendre le comte a hord, et Billingsley vint aH'C
un ordre rlu Roi demander au lieulenant de la Tour, sir
William Balfour , d'y rccevoir deux cents hommes qu'il
amenait pour sa súreté; mais sir WiJ1iam refusa de les laisser
entrer, soup~onnant qu'ils venaient pour favoriser l'évasioIl
du comte,


« Balfour avoua qu'on lui avait oITert deux mil1e livres
pour consentir 11 I'évasion du comte; el le comte, lni-cnéme,
ue nia point un dessein, qui n'avait, dit-il, d'autre objet que
de le transporter dans un autre chatean. Mais Balfour de-
meura fidele a la cause de ses compatriotes les covenan-
taires el de leurs amis dans le parlement (1).


« Plusieurs grands officiers de l'État se démirent de leurs
places, soit qu'ils ne se jl1geassent plus en súreté, soit ponr sa-
tisfaire les mécontens, (Mémoires de Whiteloeke, p. 40-44.) "


Tel est le récit qne fait , du proces et de la mor! du comte
de Strafford , un homme qui porta la parole contra lui et
fut constammenl engagé dans le partí contraire. Nous au-
rions pu y insérer de bien plus longs développemens, mais
HOUS ne nous sornmes poiut proposé de reprod uire dans toutc
sou éteudue le preces de StraITord , tel qu'on le trouve dans
la eollection des preces politiquee d'Anglcterre (Statt'


(1) Des presbytériens puissans, parmi lesquels était lord Lowden,
firent parvenir aStpf](¡nl, dans sa prison , 'Iu'ils Iui répondaicnt de so
vie et de sa liberté s~il vouluit prornettre de se rangcr avec eux ; jJ ne
.laigna pas méme écouter jusqu'au bout cette proposition. ( Essai sur
la vie de Strafford , par l\L de Lalll-Tolcndal , pago qj8.)


! Note de l"l:.'diteur. )




ÉCL;\WCISSE;\l ENS
T'rials} ; nous avons voulu seulernent faire bien connaitre
ce qu'avaient é!é en cel le grande occasionIes accusateurs ,
I'accusé , le Roi, le parlernent et StralTord. Dans ce Lu t ,
il était indispensable de conserver a la narrntion de White-
10c1,e toute son originalité. On trouvera dans d'autres JI¡!-
moircs quelques détails de plus. Nous eroyons cependant
devoir ajouter iei les derniercs pages de l' EssaL' historique
de i\I. de Lalli-Tollendal sur la »ie de SIT'i:!/ord. Les faits
relalifs aux derniers ruomens du comte y sont recueillis avec
u no exactitud e pleine du plus vif int¡:rct ; le récit de \Vhi-
telocke est trcs-incornplet a eet l:ganl.


1< Quaml sa mort fut certaiue , Straflord fit venir le licute-
nant de la Tour, et lui demanda s'il ne serait pas possihle
q ui] pút parler un instant iJ l'arclrevéq uc de c'antorbúy.
Balfour répondit qu'il ue pouvait pas le penuetll'e sans un
ordre du parlement. 1< M. le lieutenant, dit le eomte , vous
" screz présent , el vous nous entenc1rez; croyez-yous (lue
1< l'archevéque et moi ayons le tcmps de tramer, Iui une
« hérésie, et moi une trahison? » 13alfour continuant a
s'excuser, proposa au comte de présentel' une pÚition au
parlement ; Non, dit Strafford, j'ai Iini avec eux , et ne
u les importunel'ai pas davantage , je vais adresser mes
« prieres a un tribunal au-dessus du leur, dont il n'y a ni
« prévention ni err'eur il redouter. " Puis , se tournant
vcrs I'archevéque d'Arrnagh, qui était présent • l( Milord,
l( poursuivit-il, ce IIuej'avais a ucrn:mder ull primat de
« Cantorbéry , c'était de m'accorder cette nuit le secou rs
e de ses prieres ; c'était encore , lorsque jc ¡lasserai demain
« sous sa fenétre , pour aller it la mort, de s')' présenter
l( ponr me donner sa bénédiction, et pour rccevnir mon
« dcrriier adieu. Daigncriez-vous, mylord, vous charger de
" ce mcssage auprcs de Iui ? »


« L'archcvéque d' Anw1gh alla sur-Ie-champ rcmplir les in




ET PItcES HISTORIQUES. 453
tentions du comte; Laud lui répondit que les prieres que lui
demandait son ami étaient un devoir, mais qu'il doutait
que sa do~leur et sa faiblesse lui permissent d'étre témoin
de ce funeste départ,


« Le lendemain , avant qu'on se mit en marche pour le
Iieu de 1'exécution, le primat d'Irlande anllOnj;a au cornte,
de la part clu Roi, que toutes les demandes qu'il avait faites
pour son fils, pour ses arnis , et ses compagnons d'infortune,
lui étaient accordées. « Répétez-Iui surtout, avait dit
« Charles a Usher, que s'il n'avait été question que de ma
« vie, jamais ou ne m'eút arraché cet horrible consente-
« mento »


« Strafford fut reconnaissant : il se rappela encere un ami
a recommander au Roi; il en chargea Usher et lui dit:
(( Partons. »


« En sortant de la Tour, il s'arréta pres de la charnhre
ou était le prélat de Cantorbéry. Laud , averti par le bruit,
restait immobile et saisi dans le fond de son appartement ,
Iorsqu'il entendit la voix de son malheureux ami, qui lui
criait : « Milord, votre bénédiction et vos prieres. l) Il ne
put résister , s'avanj;a en tremblant vers ses fenétres , vit le
comle qui altendait agcnol1x ce qu'il avaií demandé, et ten-
rlit ses mains a travers les barreaux de sa prison ; mais, au
m ilieu de sa priere , la voix lui manque, les forces I'abandon-
nent, et ce respectable vieillard tombe en arriere sans con-
nai"sance. SLrafTord ,apres avoir fait quelques IJas ,se reLourne
encore VCI'S cette charnbre qui renfermait une vicLime d(:-
vouee .1insi qne lui, et, fléchissant encoré le genou: "Adieu,
« milord, diL-il, que Dieu protege votre innocence ! » et
il marche au supplice.


« Le lieutenant dc la Tour lui offril un carrosse pour ar-
river sur la place de I'exécution ; il voulait lui faire craindre
(lue Ic peuple ne se jelitt sur lui et ne le mit en pieces. Ce
quc Balfour craignait réellement , c'étaiL la pitié , c'était


J. :>8




ÉCLAIRCISSEMENS
l'admiration que pouvaient inspirer le malheur et le cournge
d'un grand homme. « 1\1:. le lieutenant, lui répondit Straf-
u ford, j'ose regarder en face la mort , et par conséquent
K le peuple; votre affaire est que je n'échappe point. Quant
" a moi, il m'est égal de mourir de la main de l'exécuteur
« ou par la furie de ce peuple; laissez-le faire ce qui lui
« lui conviendra. II


« Le primat d'Irlande, sir Georges Wentworth, le comte
de Cleveland, et nombre d'amis lui formaient un corlége.
11 était vétu de noir, tenant a sa main des gants hlancs, et
ressemblait plus a un général conduisant son armée a la
victoire, qu'iJ. un homme condamné qui allait subir sa sen-
tence. Cent mille hommes étaient accourus a ce spectacle
cruel; la plupart avec la soif de son sang; et tel fut l'as-
cendant de sa vertu sur leur fureur , que non-seulement ils
le voyaient passer dans un profond silence, maís que heau-
coup se découvraient avec respect quaud il passait pres d'eux;
il leur rendait a tous leur salut; son ame était ace degre
de sublimité d'avoir bien plus~ de pitié pour leur aveugle-
ment que de ressentiment contre leur injustice,


« Monté sur l'échafaud , environné du noble cortége que
la religion, la nature et l'amitié avaient réuni autonr de lui,
il proféra un discours dont íl avait noté par écrit les chefs
principaux. 11 protestait de son innocence, mais en par-
donnant du fond de son crnur a tous ceux qui l'avuicnt
calornnié. A sa profession de foi religieuse , il joignait en-
core sa profession politique , et il était en mourant ce que
nous l'avons Vil toute sa vie, ennerni de tous les exces ,
voulant le mélange des trois formes de gouvernement con-
nues, et eroyant la constitution d'Anglelcrre , lorsqu'elle
serait solidement fixée , la mieux ca!culée pOllr le bouheur
de l'espece humaine. 11 plaignait, iI justifiait le Roi de I'af-
freuse uécessité a laquelle un si hon prince avait élé réduilj
il le remerciait ¿'¡¡voir voulu ernpécher , puis adoucir b




ET prECES HISTORIQUES. 455
senlence qui allait s'exéellfer : il priait le eiel de l'en ré-
eompenser. Il déclarait enfin qu'il mourait eomme il avait
véeu, souhaitant ason prinee et ason pays tout le bonheur
dont on pouvait jouir sur la terreo " Cependant, disait-il,
u et ce fut sa seule plainte, que ehaeun mette la main sur
« son coeur, et se demande si e' est un eommencement de bon-
« heur puhlic qu'une réforme écrite en caracteres de sango
« Je erains qu'ils n'aient pris un bien mauvais ehemin; mais
" jeprie le Dieu tout-puissant qu'il n'y ait pas une seulegoutte
« demon sangqui s'élevecontre euxlejour de Ieurjugerncnt.»


"Il fit alor s le tour de I'échafaud, donnant la main atous
ceux qui l'avaient accompagné, en leur disant un adieu so-
lennel. Apres avoir prié pendant enviren une demi-heure,
a genoux, et son ehapelain aupres de lui, il appela sir
Georges l'Ventworth. « Mon frere , lui dit-il, il faut 110US
« séparer. Parlez de moi ama sceur, 'a ma femme ; portez
« rna derniere hénédiction a mon fils; dites -lui, de ma
« part, qu'il vive craignant Dieu et fidele au Roi; qu'il
« pardonne a110S ennemis: il voit ce que sont les grandeurs;
« s'il m'en croit, il vivra tranquilIe dans ses terres, servan!
« son comté dans le modeste emploi de jllge de paix , n'as-
" pirant pas ade plus hautes places , Donnez aussi ma héné-
« diction a mes filIes, Anne et Arabella , et n'oubliez }1aS
« Ieur petite sccur. Pauvre enfant, qui est malheureuse
« avant de savoir discerrier le malheur! Dieu la pro-
« tege! l' lci le comte s'arréta une minute; puis , pressant
encoré la main de son frere : « J'ai presque fini, dit-il ;
« un seul coup va ravir a ma femme son époux , a mes
C( enfans leur pere , a mes pauvres serviteurs lenr hon
« maitre , a vous un frere tendre , a tous mes amis un
« ami reconnaissant , Dieu vous consoJe tous! »


« Il se déshahilla tranquillement, remerciant le eiel de
n'éprouver aucune terreur a I'approehe de la mort. u En


"él' ité , dit-il , je (luitte mes Yetemells avec autant de sé-
28.




436 ECLAIRCISSEMENS
u rénité que quand je les quíttais pour me reposer dans les
u bras du sommeil, »


« Lui-méme releva ses cheveux, découvrit son cou et
appela I'exécuteur qui n'avait pas encore osé se montrer.
" Milord, pardonnee-moi., s'écria le bourreau en tom-
re bant a genoux.- A vous et a tout le monde, répondit
e< Strafford. J'ai encore quelques priores a adresser au.ciel ,
e< et je poserai ensuite ma tete sur le hilIot pour l'essayer,
e< je lareleverai un instant ; je l'y replacerai, j'étendrai les
u mains , et ce sera pour vous le signal de frapper. M Il s'a-
genouilIa, ayant a sa droite I'archevéque et a sa gauche
son chapelain ; apres -quelques prieres proférées a haute
voix , et les mains levées vers le ciel , il dit al'oreille du cha-
pelain, les derniers mots qu'il dút proférer, se pla!(a sur
le bilIot et don na le signa!. Sa tete fut ahattue d'UI! seul
coup. L'exécuteur la montra au peuple, en criant : Díeu
sauve le Roi! u (Essai sur la-vie du cornte de Strqfford, par
M. de Lalli-Tolendal , pago 478-485. )




ET PIECES HISTORIQUES.


lII.


Sur le complot impute a Charles Iv, contre les princi-
paza chefi' du partí presbytéricn pendant son voyagc
en Écosse , en 1641.


«.. LES écrivains des deux partís ont attrihué les mesures
iJlégales qui out signalé la premiere partie du regne de
Charles, les uns a son caractere impérieux , les autres 11
l'urgence des nécessités OU il s'est trouvé. De mérne , ils
ont donné pour cause 11 la conduite violente que tinrent
ensuite les communes , les uns une juste méfiance de la
sincérité du Roi, tirée de la connaissance intime de son
carnctere , les autres un projet factieux de renvcrser la
constitution et d'usurper la domination supréme de I'Etat.
La méfiance des communes, eüt-elle été mal fondée, pouvait
n'en etre pas moins sincere; mais on doit observer que le
Roi avait donné lieu de soups;onner justement sa sincérité
en refusant une administration populaire au parlernent
anglais, en méme ternps qu'ill'accordait aux Écossais. Le
refus fait aux Anglais avait pour motif le désir du Roi
de se réserver les moyens de ressaisir dans un temps plus
favorable I'autorité absolue, La coucession faite aux Écos-
sais était évidemment destinée a s'assurer leur neutralité,
et en cas de rupture , leur appui. Mais ce ne fut pas la le
seul but secret du voyage de Charles en Écosse. Il arriva ,
peudant son séjour en ce pays, un événement désigné dans
l'hisloíre d'Ecosse , sous le nom de l'incident , comme si
c'eút été un événernent fortuito Mais , lorsqu'on le l'a}J-
proche de ce qui se passa ensuite en Auglelerre, peut-
étre en ~peut-on tirer la~ plus juste explication des dessein,
du Roi.




458 ÉCLAIRCISSEMENS
« Argyle et Hamilton avaicnt acquis la prépondérance


dans le parlemcnt écossais; mais le dernÍer avait perdu
dans la rnéme proportion la confiance d u Roi , et 011 l' a
accusé de s'étre montré trop inquiet du soin de sa propre
conservation, Un colonel Hnrry découvrit, dit-on , sur
I'avis de Stewart, officier su baltcrnc , un complot formé
pour les perdre. Ils devaient dans la soirée, en se rendant
a une conférence ala cour, etre arrétés cornme traitres par
le comte de Crawfurd, et par Cochrane qui avait son régi-
ment dans le voisinage. On devait les conduire sur une fré-
gate en rade ou ils seraient étroiteme nt gardés, ou les as-
sassiner s'ils essayaient de faire résis tance. Ils se tinrent en
garde cette nuit-Ia contre toute surprise ; mais l'alarme re-
doubla le lendemain, 10rs'Iu'0 n vit le Roi se rendre au
parlement , accompagné de cinq cents soldats , ou hommes
arrnés. Argyle, Hamilton et Lanerk, frere de celui-ci, se
retirerent il sa résidence de Kinneil , disant, que, comme
leurs partisans étáient nombreux et irrités, ils avaient , sans
cela, tout lieu de craindre qu'il ne s'élevát quelque désordre.
Le Roi se plaignit des soup90IlS injur-ieux que faisait naitre
leur fuite , voulut que SOI1 honneur fút publiquement réta-
bli, et que jusque-la Hamilto n fut exclu du parlement;
mais les Etats, plus modérés et plus prudens , disculperent
leur souverain par un examen secret et un rapport public
de l'affaire ; et les trois nobles lords furent prompternent
rappelés.


« L'incident pent, au premier COllp d'ceil , se présenter
sous l'aspect d'un complot supposé; mais les aveux et les dé-
clarations contradictoires de Crawfurd et de Cochrane ne
permetlent pas de douter qu'on n'eút formé le projet d'ar-
réter Argyle et Hamilton. On l'avait communiqué aux
lords Ogilvy, Gray et Almond; ce fut par eux que le se-
cret transpira. Il était su anssi de Murray, valet de chambre
du Roi, qui avait introduit chez lui Cochrane en audience




ET PIECES HISTORIQUES.
particuliere , et avait été chargé de remettre a Charles
trois lettres de lVIontrose, dans lesquelles eelui-ei disait
avoír a informer Sa Majesté d'une affaire de la plus haute
importance , non-seulement pour 'son honneur , mais pour
le maintien et la solidité de sa couroune. Hamilton et Ar-
gyle avaient été dénoucés tous deux, comme traitres , par
Montrose; et ce que disait celui-ci , d'une affaire relative
a l'honneur et la stabilité de la couronne, ne peut s'en-
tendre que des relations de ces deux nobles avec les puri-
fains politiques de I'Angleterre, originairement la cause de
la recente invasion des Écossais. Le Roi avait déjil décou-
vert el était extrémement empressé de se procurer l'invita-
tion forgée llar lord Saville, qui avait été déposée entre
les mains de Wariston; et nous devons penser, d'apres I'au-
torité de Clarendon, que les renseignemens qu'il mettait
tant de prix a obtenir, sur les relations eoupables des chefs
populaires des deux royaumes, lu i parvinrent par les eom-
munications qu'il conserva avec Montrose alors en prison.
Selon Clarendon, Montrose fut in troduit secretement par
lVIurray chez le Roi, et l'informa de plusieurs particula-
rités relatives au eommencement de la rébellion, et dont,
comme membre du comité des États, il avait été néces-
sairernent instruit. 11 affirma, el offrit de prouver, en par-
lement, que Harnilton n'était pas moins coupable qu'Ar-
gyle, Mais il conseilla de les assassiner plutót tous les deux,
et , avec sa résolution ordinaire , proposa de s'encharger.
Comrne Montrose était alors en prison, I'entrevue fut ob-
tenue indirectement par l'intervention de Cochrane; mais
les détails donnés par Clarendon sont exacts sous tous les
autres rapports. La proposition d'assassiner Argyle et Ha-
milton était tou t- a- fait dans le caractere de Montrose , et
le projet de leur arrestation peut etre attribué au zele im-
portun de leurs accusateurs. On ne donne aucune explica-
tion satisfaisanle sur les lettres , et ¡JOUS devons conclure




440 ÉCLAIRCISSEMENS
que le Roí recut de Montrose les renseignemens quí luí
avaíent été refusés par vVariston , et que lors de la fuíte
d' Argyle et d'Hamilton, il les réserva pour s'en servir a
accuser leurs confédérés d' Angletcrrc.


« A la premiere nouvelle de l' incident , les membres di-
rigeans du parlement d' Angleterre laisscrent assez voir
leurs craintes ; par l'accusation suLite de Straflord , ils
avaient prévenu l'accusation qui devait étre portée contre
eux; maís ils se trouvaient exposés aux rnémes dangers,
maíntenant 4:ue le Roi avait découvert les détails de leurs
relations et de leur correspondance avec les Écossais, Ils se
sentirent aussitót , ou affecterent de se rnontrcr alarmés,
eomme si leur süreté personnelle eút été en danger; et on
crut savoir que, dans leurs secretes conférences, ils avaicnt
fait laproposition désespérée de s'assurer de la Reine et
de son enfant pour leur servir d'otages (r), Ils préparerent
cette mérnorable rernontrance qu'ils présenterent ensuite a
Charles, lors de son retour. lIs y récapitulerent minutieu-
sementtoutes les erreurs et les infortunes de son regne, et
recornmanderent le choix de ministres qui ne fussent , ni
suspects, ni désagréables aux comrnunes, et aux conseils de
qui le parlement eút lieu de se fier. Si l'acrimonie qui
regne dans cette remontrance déccJe leur extreme irritation,
la conclusion fait suffisamment connaitre qu'il restait encore
un remede facile, encore inusité, il est vrai, mais rigoureu-


(1) JI parait , d'apr!" ccla , et d'apr;'s la conversation de Clarcndon
avec Essex et avec Holland , '{'lC Ieur alarme fut sericuse ; 01', l'on
ne peut glle.re snpposor 'fue, sans la er aintc de I'accusation , ces pairs
cusscnt formé un misérable complot pour amuscr le peuple de leurs
tcrrcurs pcrsounellcs, Ce qne déclara Cromwell 11 Falklaml, 'fne Iui et
plusicurs autres de son partí auraient tout vcndu et qnit.té le royanme, si
la fumeuse rcmontrancc cut été rejetée , est une prenve de plus de I'a-
larme que leur causa l'incident, ct de la méfiance que leur inspirait
Charles.




ET prECES HISTORIQUES.
sement constitutionnel, et que la confiance refusée a ce ti x
qui avaient déserté la cause publique, cette confianee que ne
pouvaient plus obtenir l'insolence de l'archevcrlue 'Villiams,
la légheté de Digby el l'infamie de Saville, était réservée
aux modestes, mais inflexibles vertus de Hampden , a la
douce intégrité de KimboIton, au génie sincere et arder.t
de HoJlis, et a la froide sagacité du vieux Pym , Depuis ecLte
époque, leurs mesures devinrent plus audacieuses , plus dé-
tenninées, plus violentes, et leur méfiance fut incurable;
ils prévirent leur perte, si le parlement était dissous, ou la
ruine de Ieur popularité , si l'autorité royale demeurait en-
tiere. Et comme le bruit et les clameurs' sont les principaux
moyens d'une assemblée populaire pour obtenir le pouvoir,
on tint le peuple agité par de constantes alarmes. Les Iords
papistas spirituels furent excJus du parlement comme
obstac1e a toute réfonne; rnais Ieur expulsion fut le résultat
des pétilions tumultueuses des citoyens, de I'irnprudence des
prélats eux-mémes , et de-I'attaque que les tétes rondes,
populace désarmée, eurent a soutenir de la part des cava-
Iiers, ou des ofliciers licenciés atlachés a la cour , La pro-
testation des évéques , qui devint I'occasion de les accnser
et de les exclure du parlement , a été attribuée ala violenee
de I'archevéque Williams; et on a dit que le Roi ne I'a-
vait approuvée que par précipitation ct par surprise. La
protestation, cependant , était au fond la rnéme que celle
que les prélats écossais avaient précédernment préparée par
ses ordres; et comme toutes les deux élaient dirigées centre
l'autorité de I'assemblée ou d u parlernent , d'oii étaient ex-
clus les prélats, l'une était calculée ponr insinuer secreto-
ment, I'autrepour établir publiquemcnt une cause de nul-
Jité, et douner lieu a une dissolution. Si les fonctions des
pairs temporels eussent été suspendues par l'absence des
pairs spirituels , les pouvoirs des communes eussent élé éga-
lement interrompus et le parlement dissous . On ne sera pas




ÉCLAIRCISSE~lENS
surpris que Charles, instruit de l'ineffieaeité de la prerniere
protestation, espérát quelque succes de la seeonde, si l'on
songe qu'elle fut suivie par une mesure intempestive et fatale
au dernier point, suite naturelle de la eonduite qu'il avait
tenue en Écosse , et que le parlement regarda eomme don-
nant la mesure de sa sineérité.


« Lorsque les eommunes redemanderent au Roi leur
aneienne garde, il les assura, sur sa parole de Roi, sa pro-
testation favorite, qu'eUes n'avaient nuUement lieu de
craindre ou de s'alarrner, puisqu'il lenr promettait de veil-
ler a la súreté de ehaque membre avec autant de soin qu'a
sa propre eonservation ou acelle de ses enfans. Ce fut ee
mérne jour qu'il choisit pour porter une accusation de tra-
hison eontre lord Kirnbolton el les cinq membres des com-
munes , Hampden, Pym, Ilollis, Ilaslerig el Strode, On les
fit d'abord demander par un seul gendarme; et le lende-
main , le Roi, accompagné de sa garde et de sa suite , les
réclama en personne dans la ehambre des eommunes;
puis il alla exposer sa dignité au mépris de la cité , en es-
sayant inutilement la mérne démarche a Guildhall. Une
mesure si imprudente, prise dans un momenl oii l'on com-
mencait adésapprouver généralelllent la violenee du parle-
ment, et ou le flux de la faveur populaire retournait vers
le souverain , ue peut étre altribuée qu'aux suggestions du
vain et vindicatif Digby, et aux eonseils, ou plutót aux
ordres de 1'impérieuse reine. On ne peut douter, eepen-
dant, que le caractere et les dispositions particulieres de
Charles n'y aient eu beaueoup de part. 11 supportait iru-
patiemment la déHbération; il était facile a se laisser per-
suader , et ardent dans ses résolutions ; il se trouvait esposé
sans reláche aux attaques des eornmunes, el déja irrité de
leurs efforts pour limiter sa prérogative, il ressentait par-
tieulierement 1'aeusation contre les prélats; cependant,
apres toutes ces explications atténuantes, il en reste assez pour




ET PIECES HISTORIQUES. 443
nous convaincre que si l'exécution de cette mesure a été de-
terminée et accélérée par la Reine et par Digby, le projet
en était formé depuis long-temps. Les principaux articles
d'accusation étaient J'avoir invité et encouragé les Ecossais a
envahir l'Angleterre, dans l'intentiou de renverser les lois
fondamentales et l'autorité du souverain et d'érigel' a la
place un pouvoir tyrannique. Nous sommes assurés qu'on
s'était procuré, en Écosse, les rnatériaux de cette accusa-
tion , et nous avons tout líen de conclure que c'était de
Montrose qu'on les avait obtenues. Le redressement des
griefs, dans la précédente session, avait excité un profond
ressentiment, et on était depuis long-temps dans la réso-
Jution de faire subir, malgré l'amnistie générale, a cenx
qui l'avaient arraché , un chátíment exemplaire , aussitót
qu'on rcutrcrait en possession du pouvoir. Ainsi done le
dernier voyage du Roi en Ecosse , cutre le désir de s'as-
surer la nentralíté ou le secours des Écossais , avait encore
pour objet, selon toute apparence, celui de découvrir et
de pouvoir accuser leurs confédérés d' Angleterre.


« Lorsqu'urie fois on a reconnu la trace des renseigne-
mens donnés par Montrose, I'arrestation projetée d'Argyle
et d'Hamilton, Ieur fuite du parlement, l'alarme prise par
les cornmunes d'Angleterre, et la violence qu'elles mani-
festent ensuite , l' accusation portée contre leurs chefs et la
tentativa faite pour s'en saisir, se lientintimernent et appa-
raissent comme une série de faits qui procedent évidemment
de la méme cause. La derniere tentative du Roi pour se
saisir des cinc¡ membres du parlement est presc¡ue la conlre-
partie exacte de l'incident d'Ecosse. Ces deux démarches
étaient également la suite des révélations de Montrose, et
furent inspirées par le méme esprit d'irréflexion. Quand on
compare la violence OU se [eterent tout acoup les cornrnunes,
et la résolutiou désespérée qn'elles prirent de désarmer leur
souverain , avec la conduite modérée et constitutionnelle




444 ECLAIRCISSEMENS
qui avait marqué la session précédente, on ne peut attri-
huer ce changement qu'aux alarmes que leur causa la dé-
couverte de leur correspondance , et a la confirmation du
soupron qu'elIes avaient déja formé, que le projet momen-
tané de s'emparer d' Argyle n'avait été que le prélude de I'ac-
cusation et du chátiment qu'on voulait leur faire subir. A la
suite d'un des précédens parlemens, Hollis etStrode avaient
été emprisonnés au mépris de la récente pétition des droits ;
une rigoureuse amende avait été imposée au premier. Les
rnémes hommes n'avaient gucre lieu d'attendre du Roi plus
de douceur , de modération et de justice, s'ils se trouvaient
de nouveau exposés a son ressentirnent ; n'ignorant pas que
leurs rapports avec les Écossais avaient été découverts , ils
ne pouvaient douter qu'on ne se réservát a les punir aussi-
tót qu'on aurait eu soin de les dépouiller de leurs fonc-
tions, et ils penserent qu'il n'y avaít pour eux ni resso urce
ni súreté , s'ils ne parvenaient a diminuer le pouvoir de la
couronne, et a en prévenir l'abus.


({ L'incident est la seule clef qu'on puisse avoir de la con-
duite des deux partis , la seule qui puisse nous initier dans
les secrets motifs du parlemcnt et du Roi. Le monarque qui,
apres un acte d'oubli, descend jusqu'a la recherche des tra-
hisons amnistiées de ses sujets, a certainement eu intention ,
des le commencement, de se prévaloir, comme il Fa fait en-
suite , de ces découvertes. Charles avait donc déja prémédité
sa vengeance, les rnoyens de reconquérir le pouvoir absolu,
et embrassait avec précipitation l'occasion favorable qu'il
croyait avoir trouvée d'écraser ses adversaires. S'il eút pu
s'emparer d'eux, la faveur populaire , qui s'attache rare-
ment aux malheureux , eút cédé peut-étre aux preuves qu'il
aurait données de .leur crime : mais le coup dirigé contre les
communes retomba sur Charles lui-onéme , l'opposition
profita, avec une habileté superieure , de la rupture qu'il
avait cherchée ; le parlerneut , la cité, la nation touteen-




ET PIECES HISTORIQUES. 445
riere retentirent de la violation des priviléges ; le Roi , dés-
appointé et inconsolable, quitta Whitehall OU il ne revint
pius que captif, tandis que les memhres accusés furent réel-
lement conduits en triomphe hors de l'asile qu'ils avaient
pris dans la cité, et rétablis dans leurs siéges ... t Histoire
d' Ecossc , par Malcolm Laing, tome 3, pages 227- 237. )




446 ÉCLAIRCISSEMENS


IV.


Hemontrance du Long-Parlement a Charles lo' , sur Téuu:
du royaume,présentée au Hoipar un comité de la chombre
des cornmunes le 1er décembre 1641, el publicc , par
ordre de la chambre , le 15 décembre suivant, .


LES communes assemblées en ce présent parlcment , arres
avoir, pendant l'espace d'une année, avec heaucoup d'ar-
deur , de fidélité, d'affection et de zCle pour le bien public
de ce royaume et pour l'honneur et le service ue s, Ma-
jesté, combattu les grands dangers et causes d'alarrnes , les
pressantes miseres et les calamités , les divers maux et dé-
sordres qui avaient non-seulement attaqué , mais enticre-
ment détruit et anéanti la liberté, la paix et la prospérité de
ce royaume, ainsi que le bonheur et les esperances de tous
les bons sujeLs de Sa Majesté, et excessivement aifaibli et
miné les fondemens et la force de son treme royal, out re-
connu, dans les partis el factions e¡ui ont été la cause de ces
maux, une foule de mauvaises intentions, une opposirion
toujours subsistante et uneapplicaLion continuelle as'efforcer
de décréditer ce qui a été fait , d'élever une multitud e
d'obstacles l)our ernpécher ce qui reste a faire, et de fo-
menter des méfiances entre le Roi et le parlement, afin de
le priver ainsi , lui et son peu ple , du fruit de ses gracieuses
intentions et de l'humble désir qu'ont formé les communes
de rendre a ce royaume la paix , la súreté et le bonheur,
Pour provenir les misérables effets de ces eílorts mnlvail-
lans, nous avons cru devoir exposer :


10. La rnciue et I'accroissement de ces pernicicux desseins ;
2°. La maturité a laquelle ils sont 11anenus avant I'ou-


verture dn présent parlcment;




E T PIE e Es H 1ST o R 1QuE s. 447
3°. Les moyens efficaces ernployés pour extirper ces


maux dangereux, et les progres qui ont été faits dans ce
sens par la bonté de Sa lVbjesté et la sagesse de son parle-
rnent ;


!¡.o. Les obstacles el oppositions qu'on a apportés aces pro-
gres, et qui les ont interrornpus ,


5°, Les moyens á prendre pour écarter ces obstacles , ac-
cornpln- nos honuétes et fideJes intentions, et réussir dans
les efforts que nous faisons pour rétublir et affermir, comme
par le passé , I'honneur, la grandeur et la sécurité de cette
couronne et de cette nation.


Nous avons trouvé que la racine de tous ces maux rési-
dait dans un projet pernicieux et mal intentionné de ren-
verser les lois fondamentales et les príncipes de gouvcrllr-
ment , sur lesquels sont solidement établis la súreté el la
justice du royaume. Les fauteurs et exécuteurs de ces des-
seins ont été :


1°. Les papistes, disciples des jésuites et qui haíssent les
lois, comme obsta eles au changement et renversement de
la religion , objet de leurs plus ardens désirs;


2°, Les évéques el la partie la plus corrompue du clergé,
qui nourrissent le penchant aux pompes extérieures et a la
superstition , comme les effets naturels et les appuis les p'US
probables de la tyrannie et de l'usurpation ecclésiastique;


3°, Les conseillers et les courtisans qui, dans des vues
particulieres , ont entrepris de faire prévaloir dans ce pays
les intéréts de quelques princes ou États étrangers, au pré-
iudice de Sa Majest¡: et de 1'État.


Voici les príncipes généraux d'apres lesquels ils out réglé
el gOllverné toutes leurs actions et résolutions particulieres e


1°, Entretenir de continuels différends et mécontentemens
entre le Roi et le peuple , sur les questions de prérogative
el de liherté, afin d'cn tirer, auprcs de lui, el par des a}Jpa-
ronces de dévollement a son service, des avantages pour




448 ÉCLAIB.C ISSEMENS
eux et pour leur parti, et d'en obtenir les places les plus
importantes et celles qui donnent le plus de pouvoir dans le
royaurne;


2°. Oter a la religion sa pureté et son pouvoir , et op-
primer c¡uieonque s'y est montré attaché, comrne opposé
au but q u'jls se proposent , et comme le plus grand obstacle
au ehangement qu'ils veulent introduire j


3°. Rallier ensemble les portions du royaume les plus fa-
vorables aleurs desseins , et diviser celles qui y sont les plus
contraires, Ceci s'est manifesté en plusieurs manieres; sa-
voir, dans le soin (IU'ils ont eu d'eneourager le parti armi-
ni en sur les points a l'égard desquels il s'accorrle avec les
papistes; de multipJier et d'élargir les causes de désacconl
qui pouvaient se trouver entre les protestans ordinaires et
ceux qu'ils appellent puritains ; d'introduire et de soutenir
les opinious et les eérémonies les plus propres a faciliter un
aecommodement avec les papistes ; d'accroitre et de main-
tenir l'ignOl'anee , le reláchement et l'impiété parmi le peu-
ple , afin de pouvoir, de ces trois partis , les papistes , les
arminiens et les lihertins , composer un corps en état d'exé-
cuter les projcts ct les résolutions les plus propres a les con-
duire a Ieur hut;


4°. Dégoúter le Roi des parlemens , par des calomnies et
de fausses impntations, en lui o/hant, pour obtenir Ies fonds
dont il avait besoin, des moyens plus avantageux en appa-
rence que 'ceux c¡n'il pouvait trouver par la voie ordinaire
des subsides; moyens qni, au fait, ont apporté an Roi el
au peuple , plus de perte que de gain, et ont causé les dé-
sordres dont nous soutfrons tous maintenant.


Comme les opérations de tout eorps compasé prennent la
couleur de I'élément prédominant, ainsi dans ce parti ,
formé de plnsieurs , on peut aisément apercevoir les intéréts
jésuitiques comme les plus nctifs , ccux c¡ui ont exercé le
plus dernpire , ct out le plns constnmment dirigé la con-




ET prECES HISTüR IQ DES.
duite du partí; sí I'on n'y met obstacle , ils doivent, selon
toute apparence , dévorcr le reste, ou le convertir en leur
propre nature.


Au com.mencement du regne de Sa lHajesté, on vit re-
vivrc et reíleurir de nouveau ce part.i , un rnornent affaibli
par la rllplure de l'Angleterre avec l'Espagne, dans la der-
n icre anuéc du roi Jacques , et par le mariage de Sa lVlajesté
avec une princesse de France, Les in teréts et les conseils de
la Frunce n'étaient pas aussi contraires que ceux de I'Es-
pagne au bien de notro religion et a la prospérité de ce
royaume, et les papistes d'Angleterre avaient plus adhéré
a I'Espagnc qu'a Ia Frunce. Cependant ils conservaient le
projet et la résolution d' affaiblir le partí protestanL en tout
pays, rnéme en France, afin d'ouvrir la route au chan-
gement de religion qu'ils voulaient amener cu . Angle-
terreo


Le premio' effet et le premier témoignage de la renais-
sanee tIe leurs forces, fut la dissolution du parlerncnt tenu
aOxford , apres qu'il eut donné deux subsídes aSa Majesté ,
et avant qu'il eút reyu satisfaction sur aucun de ses griefs.
Nous en avons vu dopuis d'autrcs résultats encoré plus
funestes.


La destruction de la fIotte de La Ptochelle , opérée par le
moyen de nos vaissen nx mis en mer et Iivrés aux mains des
Francais , contre I'avis du parlement ; cvcnemcnt qui Iaissa
cette villo sans défense l)ar m er , et fut, non-seulement une
des premicres canses de la perle de celte importante place,
mais amena nussi , en France , la ruine de toutes les forces
et de toutes les garanties que pouvait conserver la religion
protestante.


La guerre, détournée ensuite des lndes orientales, oh nous
pouvions attaquer les Espagnols avec plus de facilité et d'es-
poir de vaincre , pOLlr aller échouer centre Calais , dans une
eulreprise dispendieuse, cornbinée de telle sor-te qucl!e


l.




450 ÉCLAIltCISSEMENS
semble avoir e u plutót ponr objet de nous dégouter de la
guerre que de nous y donner I':l\':mlage.


La rupture sondaine avcc la Francc , a qui l'on prit des
vaisseaux ponr nne valeur eonsiclérable, san s clédommager
les Anglais, clont les propriétés furent , en raison de cette
mesure , séqnestrées et confisquees en France,


La paix faite avec l'Espagne, sans le eonsentement du
parlement, au mépris des promesses <lu roi Jaee¡ues aux deux
ehambres; et, par suite , l'abandon de la cause du prinee Pa-
latin, qu'on laissa iJ. la merci de négoeiatio1l5 coúteuscs et
sans espoir, eonfiées, pour la plupart , a des honuues qu'on
pouvait justement soups:onner de peu d'attaehement il cette
cause.


Le royaume aeeablé, SUJ' toute sa surfaee, de logemens de
soldats , et le projct forrnc , cl'aeeord avec celte mesure,
d'introduire en Angleterre la cavalerie al1emandc, alin que
le pays se soumit par crainte, ou se vit forcé, par des ri-
gueurs, atoutes les eontributions arbitraires flu'on voudrait
luí domandcr.


La dissolution du parJement, dans la seeonde année du
rcgne de Sa Majesté, aprcs qu'i] eut dédaré l'intention d'ae-
cordel' ciriq subsides.


La valeur de ces cinq snbsides irnposcc au x sujets apres la
d issol ution du parlemcnt , par une commission d'emprnnl;
et nombre de gentilshommes et autres, ponr n'avoir pas
voulu payer eet emprunt, enfermés dans des prisons, oir
pl usieurs d'entre enx unt contracto des maladies qui lenr
ont eoúté la vil"; de grossrs somrncs d'argent requises et
levées par des ordres sous le seean-privé; une injuste el.
pernicieuse tentative ponr extorquer aux snjets des paiemens
eOllsidéraLles par voie d'cx<;Íse, e t nne eommission pour cet
objet iuvcstie du seean de Sa lVIajesu:; la pétition des droits,
Ilagneres aceordée en pleiu parlernent, invalidée par une dé-
clarntion i!légale, imprimée :;v'"c cctte pétition ponr la tour-




ET PIECES HISTORIQUES.
ner contre elle-meme et contre le pouvoir du parlement, et
la pétition devenue inutile, si ce n'est qu'elle a servi amani-
rester I'audacieuse et présomptueuse inj ustice de ces mi-
nistres qui osaient violer les lois et anéantir la liberté du
royanme, si c!airement et si solennellement déclarées.


Un autre parlement CliSSiOUS dans la epIatrieme année dn
regne de Sa Majesté, et le privilége du parlement violé par
I'emprisonnement de plusieurs membres de la chambre, dé-
tenus durant un grand nombre de mois dans une étroite
détention, prives de livres, d'encre, de papier , de toutes les
douceurs de la vie , de tout moyen de conserver leur santé,
et de la permission d'écrire a leurs femrnes , méme lorsqu'ils
étaient malades; et, pour que rien nc manquát a cette
cruauté, apr'es des années passées dans cette situation misé-
rahle , on leur refusait les moyens de recevoir les consola-
tions spiritueIles dont ils avaient besoin , ne permettant pas
qu'í!, sortissent pour jouir du service divin, dans la maison
de Dieu, ni' que les ministres de Dieu pussent venir les
trouver el. leur administrer, dans leur chambre, des con-
solations particulieres ; et , pour les tenir dans cet état d'op-
pression, on ne les admettait point a donner caution con-
formément a la loi, mais on les vexaít par des proces devant
des cours inférieures; on les condamnait et on les mettait
it I'amende pour des choses faites en parlement ; onextor-
quait d'eux lepaiemenl. de ces amendes, et on en forcait d'au-
tres it donner , pour étre relúchés , caution de leur bonne
conduite.


L'emprísonnement de ceux qui ont refusé de donner
caution a été prolongé , el. u'cút point eu de terrne , si la
nécessité n' eút , l'année derniere , forcé de convoquer un
autre parlement qui les a délivrés. Un d'eux est mor! , par
suite de, la cruauté et des souffrances de son emprisonne-
ment, dont on n'a ríen voulu relácher , quoíque les décla-
rations de ses rnédecins eussent fait connaitre que sa "ie




ÉCLAIRCISSEflIENS
était dans un danger imminent, et que par de nombreuses et
humbles l)étitions, iI eút sollieité son élargissement , Ol1 d u
moins un adoucis scmuu! a sa captivité, Et son sang ap-
pelle encare la vengeance , au moins le repentir sur ces
ministres qui metlent obstacle , a la fois , a la justice et ala
clémence de 5a iVIajesté.


Lors de la dissoIution de ces derniers parlemens , on a
publié des déclaratious mensongeres et scandaleusespour
.calomnier leurs procédés , rcndre inj usterneut odicux plu-
sicurs de leurs membres, et colorcr les violences donl on
usait envers eux; des procIamations cnt éu' failes dans le
mérne objet, et Ji la grande const ernation dn pcuple , on
Iui a défendn rnérue de prononcer le nom de parlcment.


Apres la dissolution du parIement tenu dans la quatricme
année du regne de Sa Majeslé , I'injnstice , l'opprcssion ,
la violence se son t débordées sur nous sans aucune e-pece
de frein ni de modération; et, cependant , la premiere
mesure qu'on prit alors , celle d'exiger dans tout le royaume
de grossés sommes pour défaut de chevaleric , parnissait
avoir, au moins , quelque ombre et quelque apparence de
l'égalité. l\'lais si on l'examine judicieusement dans ses rap-
ports avec cette loi tombée en désuétude qui lui a seni de
prétexte , on la trouvera contrairc a toutes les regles de
justice , soit rclativement aux personnes qui e nrent a la
supporter , ou a u taux des aruendcs exigées, ou a la ma-
niere absurde et injuste dont on a procédé dans cette oc-
casion , Les droits de touuase et de pesage out élé im-
posés sans aueune apparence ou prélexte ele loi. Plusieurs
autres pesantes impositions ont été perpéluées contre la
loi, et quelquex-unes se sont trouvées si exorbitantes, que la
sornme de I'impót excédait la valeur de la chose imposée.
Le tarif des droits de douane a élé dernierernent aug-
menté jusqu'a un taux tres - élevé , et les marchands qui
n'ont pas voulu se soumettre a des payemens illégaux el ex-




ET PIECES HISTORIQUES. 453
cessifs j ont été opprimés et lourmentés au- dela de tonte
mesure; le eours ordinaire de la justice , droit comrnun el
natnrel de tous les sujets d'Angletcrre, a été complete-
ment entravé. El bien que tout cet argent eút élé levé son.
le pretexte de la défeuse des mers , ou a imaginé, sous le
mérne pretexte , une taxe nouvelle et inouie, appelée la
taxe des vaisseaux, Et au moyen de ces impóts réunis, il
s'est tronvé des années OU les sujels onl supporté une
charge de sept cent mille livres sterJing; et cependant,
les marehands ont etr: laissés teIJement sans dérense centre
la violence des corsaires harbaresqucs , que ceux-ci se sont
emparés de plusieurs gros vaisseaux d'une haute valeur el
de plusieurs miIJiers de snjets de Sa Majesté qui languissent
encere dans les miseros de J'esclavage.


Nous avons vu, parsuifedu méme systcrne , les foréts agran-
dies au m épris de la charte des foréts , et dénormes COIl1IJO-
sítions exigées par suite de cette mesure; les exactions pour
I'haLillement et la marche des troupes , et d'autres charges
relatives a I'arrnée ; l'enlevernent des armes de la milice
dans plusieurs corntés , le projet monstrueux d'accaparer
toute la poudre a tirer , dans une seule main , en l'enfer-
mant dans la tour de Londres, el la vendant a si haut
prix que les pauvres n'(;laient ]las en état d'en acheter ;
personne, d'aillell\'S, ne pouvant en avoir sans permission,
plusieurs portions du royaume se trouvaient privées des
ll10yens de défense néccssaires , en mérne temps qu'en la
vendanl au prix exorbitant auqnel elle a eté.portée, Otl
en t.irait un av;mfage illógilime, a la td:s-gmnde charge et
au Jélriment des sujcts. Les bois de charpente des foróts
du ltoi out eté senú;¡lemcnt détruits , parlieuliercrnent
ceux de la rorel de Dcan , d'ob se tiraient preSl!Ue tous
ceux dont on avait besoin pom" I'cntrcticu ele la marine,
et qui a été vendue a des papistes, Au moyen d'un pré-
lendll litre (In Roi, les sujets ont été rléponillés (le Ieurs




ECLAIRC ISSE:.\IEl\ S


droits sur les lais el relais de la mero On a Iait UIl IllO-
nopo]e du savon , du sel, du vin, du cuir, du cliarbon
de terre, et en quelque sorte de tontes les denrées de l'u-
sage le plus commnn el le plus. nécessaire. On a imposé
des genes a la liberté des sujets, relativement a Icur habi-
tation , 11 leur industrie, a leurs antres intéréts. lis onl
hé vcxcs el opprimés par des ponnoyeurs ) des clercs de
marché, des cornrn is au salpcln~. On leur a fait payer de
prélenelnes nuisances, comme le droit ele conservar cer-
tains bátimens dans Londres, ou aux emirons ; la conver-
sien de terres labourables en páture , et le maintien des 1)<1-
tures , onl élé défendus sous le norn de causes de (l(;popula-
tion. On a par ces moyens tiré des millions ele la boursc de,
sujets sans granel proíit pour Sa Majesté. De grandes quanti-
tés de lerres counuunales el parliculicre.s out 151(; enlovees aux
sujets , sans lcur consentem ent et malgré Icnr voloute , son,
le pretexte du statut rendu l)our I'amélioration de I'agri-
culture et par un ahus de la commission des dignes el ca-
nanx. Et non-seulement I'intérét privé, mais la foi publi-
que a été violée par l'enlhement de l'argent el des lingots
qui se trouvaient a la monnaie; ct tont le royaumc a été au
moment de se voir dépouillé par l'ubominable projet d'une
monnaie de cuivre. Pour s'étre refusés a ces charges iJlé-
gales , un grand nombre des sujets de Sa NIajesté ont été
tourrnnntds de longs et co ú teu x proces, Quelqucs-uns onl
subi des amendes et des condamnations; dautres out
enduré de longnes et dures détentions, qui ont coúté a
beaucoup la santé , :1 quelqucs -Un5 la vie ; d'autres ont
e u leur maison forcce , leurs biens saisis. On a privé Cjuel-
ques antres de la liberté d'exercer leurs légitimes profes-
sious. Des vaisseaux out été arrétés d;ms leur travcrséc et
saisis ti la mer d'une n¡aniere hosti!c par les faiseurs de
projets ,comme par des euncmis publics. Les marchands
Ollt eu défen,!' de d~chargcr leurs denrées clans les ports Oil




ET Pl.ECES IlISTOHIQUES, 455
ils en pouvaien t tirer le plus davantagc , et ont été forcé,
de les porler aux lieux les plus favorables a l'intéret des
monopolcu rs et des Iaiseurs de projets. La chambre Étoilée
a prodigué les jugemens e~travagans, non-seuleiuent pou!"
maiutenir et faíre prospérer les monopoles et les autres
taxes illégales , ruais aussi dans plusieurs au tres cas qui ne
présel)laient que peu ou point d'offense ; en raison de quoi
les sujets de Sa l\lajesté ont été accablés de taxes pesantes ,
d'ernprisonnemens, de peines a[flictiyes, mutilations , fus-
tigatioTJS, pillH'i , báillonnernent, elhention, hannissemcnt ;
ct ces arréts out été exécutés d'une maniere si rigoureuse ,
qu'i}s privaient non-seulernent les conelamnés ele la société
de leur, amis , de l'exercice de leur profession, de la dou-
ceur des livres, ele l'usage elu papier et de l'encre , mais
violnient , par une sép,ll'ation forcé e , cclle intime union
que Dieu a étahlie entre nn homrnc et sa fernm c ; en telle
sorte ({ue plus icurs époux ont été prin:s des cousolations
et de la société l'un de I'autre pendant plusieurs années de
suite, sans pouvoir espérer aucun soulagement, si Dieu ,
par sa toute-puissante providence , u'eút apporté quelque
interruption '1 la domination et a l'influcncc des auteurs et
fauteurs de ces mesures despotiqucs et imprudentes.


Des jnges ont hé dépouillés de Ieur ernploi pour avo ir re-
fuse d'agir coutre Ieur serment et leur conscience; d'autres
out élé tellement intirnit!l:s qu'j ls n'ont osé faire leur de-
voir , et, pour les mieux tenir daus la sujétioll, 011 a retiré de
leur patente la clause : qual71 diu se Irene gesseril; et on y
a insl"l'é celle-ci : durante Iiene placito, Des horume : de loi
ont élé I'éjlrilll<lndés pou!" ótrc dcmcuros fid¡~les '1 lcurs
clients; Jes avccats et des procllreurs out ét(' menacés ,
quelques-uns múm e punis, pour avoir poursuivi en justice
des demandes légitirncs, el pal' ce moyen tou t acces it la
justice a élé interroiupu et fermé. On a contraiut, contre la
íoi, les sujots '1 111' nouveaux scrmens ; de nouvclles juri-




456 ECLAIRCISSEMENS
dictions ont été créées san s aucune Ioi; le conseil privé a
voulu, par ses ordres , entraver les sujels dans l'usage de
leurs biens ,propriétés , dans Ieurs ponrsnites et actions lé-
gales. La prétendue con!' d u comte Marcchal a élé arbi-
traire et il!égale daus son existence comme daus ses pro-
cédés. La chancellerie, la cour de I'Échie¡nier, la cour des
Tntelleset les autres tribunaux d'Angleterre out été op-
pressifs, par J'extension illégale de leur juridiclion. Un
grand nombre de familles ont vu leurs hiens détériorés , et
quelques-uues ont été ruinées par les amenc1es exigécs pom
des compositions sur des tutellcs. Tons les baux de plus
de cent ans ont été faits de maniere ¿I creer des c1roils de
tutelle contraircs a la loi. On a use; de prodel,;s il:(:gaux
pour engager le jnry 11 décider pOlll' le Roi. Les cours
de la Ioi comm une , yoyant les hommes dispos,:s ú cher-
cher la justice la oh elle élait capaLle de se plier il ¡eun
désirs , out, comrne on le sait, dévié des regles de la Ioi
cornrnunc , et out souvent dépassé les limites de leur
inridiction pour commettre l'inj ustice sous pretexte d'é-
quité. Des ti tres d'honneur , des places de judicature ,
et d'autres offices ont été vendus pon!' de grosses somrnes
d'argent, d'oii il est resulté que la jus~ice commune du
royaume a été mise fort en danger, non-seulement en ou-
vrant, ú des hornmes pen capables , les lJ10yens d'entrer
daus des places importuntcs, rnais a ussi en donnanL occasion
a la corr uption , aux extorsions , ú l'inj ustice , cal' il est rare
que les ernplois mal acquis soient bien rcmpl is. Oll a <lC-
cordé des corn m issiuns pour examinar les abus cominis dans
la perception des ernohuncns , et, Iorsqu'on a c1écollvert de
grandes exactions , 011 a cornposé avec les d(:¡Í¡](jllans, non-
seulement pou!' le ternps passé , mais pOlir des immunitcs ct
garantics acconlécs el'ayance anx dé/ils it venir, ce (pi,
sous couleur de reméd icr aux griefs des sujets, u'a rait (jlle
les enraciner et les a?gran'r. La métlwde ordinaire de norn-




ET prECES HISTOJ:UQUES,
ITIer les shéríffs n'a point été observée , maís on a souvent
employé dans ces nominal ions des formes inusitées, quel-
quefois pour punir ceux IIu'on nommait el lcur irnposer une
clwrge, q uclq uclois pour choisir des hommes propres a ser-
vir dinstrurucnt i.t ce qu'on voulait faire.


Les éveques et nutres mernbres du c1ergé ont usé de
leur victoire pour faire susperul re , cxcommu nier , privar de
leurs ernplois el rlégrader plusieurs lcboricux , savans el pieux
ministres, i.t la grande dou lcur et íúche use oppression d'un
granu nombre de hons sujels de Sa lV1ajesté. La eour de
haute cornrnission en est venue a un tel exccs de rigueur et
de sévérité qu'cllo n'est guere resté e en deca de l'inquisi-
tion romaine, et IIue múruc , en plusieurs cas , le pouvoir de
I'archevéque a élé rcndu encere plus oppressif en appuyant
et fort ifian t son autorité de eelle du consuil-privé.


Les é,c(jues eL lenr.; trihuna nx ont ,:galement pcrsticuté
les comtés , el, bien 'I ue leur juridictioll n'ait pas égalé
eelle de la haute COUI' pour la rigueur et I'exces des cháti-
meliS, elle n'a pas élé moins oppressive , en raison de la gé-
néralitl: et de la multiplicité ue ces vexatious qui, tumbant
sur la derniere classe des ouvriers et des artisans , en a ap-
pauvri des milliers , et a teliemen t tourrnenté et vexé les
autres, q uuu grand nombrc, pour échapper a de pareilles
miseres , out tIuilté le royaumc et se sont réfllgiés quel-
ques-uns dans la uouvclle AngletelTe et d'autres parties de
l'Amél'ic¡ue, quelques autres en Hollancle oh iIs out trans-
porté lenrs fabriques d'étoffes de bine; ce qui u'a pas seu-
lernent OCC:JSiDlI(: u ne per!.c el. d im inution de la richcsse
actuel!e du I'oyau/llc, mais a cntrainé un granel uia l en
nous cxpnsant au danger de perche ce commerce d'étoíles
qui a úé pour ceUenatiun une abondantc sonrce cl'honueu r
el. de richesses. On a rf'gardé cornm e les plus propi'c; :lIIX
emplois ecclésiast iques , el. on a placé de préf¡:rence ceux
(f'li se sont montrés les plus empressé, i.t favoriser les progre;




458 l<= CL AIRC ISSElH E NS
de la supcrstition , et les plus artlens a décrier la piél<: el
I'honnéteté.


Les serrnons les plus pnblics et les plus solennels qu'on
ait précliés devant 5a .iVIajesté ont eu pour objet, soit de met-
I.rc la pn:rogative au - d essus des lois , ou de rahaisser le
drcit de propriété des sujets , ou bien ils ont été rempli,
d'invectives destinées a rendre odieux ceux qui cherchaient
a maintenir la religiou, les lois et les Iibertés da royaur~le ;
et ces derniers étaieut certains de se voir écartés des com-
missions de paix et de tous les aulres cmplois donnant quel-
que part au gouvernement du pays. Plusicnrs nobles per-
sounages demeuraient conseillers de nOJl1, mais le pouvoi r
et l'aulorité résidaient de fait dans 1es mains d'un petit nom-
bre d'hommes choisis parrni les Iidelcs Un partí, el dont
les résolufions el les détermínalions arrivaicnt a u couscil
pour y recevoír leur confirmation et lcur ex('cution, non
pas pour y (~tre débattues et délibérées, nul ne pouvant, sans
danger de disgráce , essayer de s'y opposer, Bien plus , ceux
qui ne concouraient pas pleinement et actívemenl au succes
de ces d esseins , quelle que flit d:aílleurs l'crniuence de lenr
caractere et de Ieurs talens, étaient si loin de se voir employés
dans ancnne place de confiance et conférant quelque pon-
voir, qu'ils étaient négligés, repoussés et en tonte occasion
insultes etopprímés. Cette factíon avaít alleinl un te! degré
et une telle plénitude de pouvoir , q u'elle connueucait a
penser qu'il était temps de terrn iner son ouvrage dont l'ac-
complissernent dépendait de ces t.rois poinls :


J". Il fallai! (lue le gouvcrncmcnt mt ¡],iJivn: de toutcs
les entraves qu'irnposait la loi a l'égard des persounes et des
propriétés ;


9.°. Il fallait que les papistes et.les protestans se réunissent
sur la doctrine, la díscipline et. les cú,:mollies; sculerucnt .
cette union ne devait. p:¡S eucnrc porter le nom de pa-




ET PÜCES HlSTORlQUES. 459
3'. Les puritains, sous le nom desquels le parti eomprend


tous ceux qui veulent conserver les lois et les libertés du
royaume, et y maintenir la puissanee de la religion, doi-
veut etre ou extirpes par la force, ou chassés par la crainte.
A cet effet, on avait jugr; uécessaire de sournettre J'Éeosse
il des superstitions et it des innovations papistes qui PUSSCllt
la reudrc capable de s'unir a l'AngletelTe dans le grand
ebangement qu'on avait intention rl'opérer. C'est pourquoi
on voulu t contraiudrc les l~cossais d'accepter de nouveaux
cauons et une nouvelle líturgie ; et lorsqu'il s s'y furent re-
Iusés , on leva une armée pour les y forcer ; les papistes et le
clergé se montrerent trcs-empressés de contribucr de leur
argent IJour cette entreprise. Les Écossais leverent égale-
ment une armée pour leur défcnse ; et quand les deux armées
fur ent en présence el. pr(~s d'eu vcmr a un combaL san-
81ant , les hieufaisautes dispositions de Sa Majesté, les con-
scils de la noblesse anglaise et la respectueuse soumission
.les tcossais parvinrent tellement a l'emporter sur les mau-
vais conseils , que la paix se fit , et que Sa Majesté retourna
tranquillement et avec honneur aLondres.


Cette réconciliation ínattendue fut infiniment agréable
a tout le royaume, excepté an partí malintentionné c¡ui
avait ponr chefs l'arcllevikpJe Laud et le comte de Straf-
ford , Eux et leur faction commencerent a s'élever centre
la paix , a cnvenimer les proddés des Etats d'~~cosse, el.
réussircnt ainsi a irriter Sa lVIajesté, au point qu'elle se
prépara de nouveau a la guerreo TelJe était Ieur confiance,
qll'apr(~s avoi r corrompu et r1ésorganisé toute la machine
du güuvernement, ils espcrnicnt eorrompre encere le seul
moyen qui rJemellrúl. de tout rétablir dans l'ordre et l'élal.
lr:gitime, Ils conseillercnt donc au Roi de COllYOr[ller un
l'"r]ement, non pour eu prendre conseil et avis, mais pour
,'en autoriser, en tirer de:, ,eeOllrs d'argent et eIlgvger ainsi
;"111 le royaume dan; leu r <fllerel1e. En rncrne temps, il-,




460 ÉCLAIRCISSEl\1EN S
continuaieut lcurs injustas levées d'argent, résolus de sou-
mettre le parlcmcut iJ. leurs volontés, et d'établir le mal
par des lois, ou de le dissoudre, et de se donner ainsi
quelque prétexte de plus de continuer iJ. extorquer par la
violence ce qu'ils ne pouvaient obtenír d'unlibre consente-
mento Le motif lIu'i]s donnaient pour justifier la guerre était
que les demandes irrespectueuses du parlerneut d'Éeosse
étaient nne raison suflisante ponr autoriser Su :vrajesté a
p rendre les armes contre les Écossais, sans écouter ce qu'ils
avaient a al1éguer en faveur de ces demandes. On leva
done contre eux une nouvelle armée. On saisit leurs vais-
seaux , soit en mer, soit dans tous les ports d'Angleterre
et d'Irlande. Leur pétition fut rejetée, leurs cornmissaires
ne purent obtenir audience , Toute I'Angleterre fut mi-
sérablement n:duite a l'état le plus violcut par les Ievées
d'hommes et d'argent, et par l'emprisonnement de ceux
qui refusaient de se soumettre ji ces levées. Le comte de
Strafford, qui avait passé en Irlande, ob1igea le parlernent
de ce royaume ü se déclarer conlre les Écossais, et iJ. don-
ner quatre subsides pour soutenir celte guen-e. II voulut
que les Irlandais s'y engageassent personnellement de leur
vie et de leur fortuue,' et donna des ordres pour la levée en
Irlande d'une armée de h uit mille hornrnes de picd el
de mille clrcvaux , la plus grande part ie papistes. Le parle-
ment se réunit le 13 avril 1640. Le cornte de Strafford ,
I'archevéque de CautorLéry et leur parti oLtiurent du Roí
qu'on insisterait pour que la chambre des communes ac-
cordát les secours uécessaires á la guerre ll'I~cosse, avant
d'avoir pOllrvu á aucun redressement des grands et pres-
sans griefs d u peuple , ce q ui élait contre les priviléges el
procédés fondamentaux du parlemenl. : et cepend ant , le
parlement, da ns son humble respect ponr Sa ~Iajesté, y
consentit, jllsquc-liJ que I'on convint de prendre en consi-
dériltion l'"ff;¡ire dps snhsidcs, et qu'elle fut débattlle pell-




ET PIECES HISTORIQUES.
dant deux jours. Douze subsides avaient été demandé,
pOllr le rachat de la scule taxe des vaisseaux. Un troisierne
jour de discussiou avait été désigné ponr terminer l'affaire,
quand les chefs du parti commenccrent a craindre que le
penple ne s'nccornmodát avec le Roi, en lui accordant I'ar-
gent qn'il demanebit , mais qu'cn m ém e temps il ne dé-
jou,\t lenrs méchans projets de guerre contre ]'Écosse; car
OH voyait Lien qu'il nctait nullement dispose it soutenir
cettc guerreo


lIs conseillCrent donc méehamment a u Roi de dissondre
le pa rlement , ot i1e relomber dans ces voies de désordre
qui offraient it leurs rnauvaises intentions 1)!us de moyens
,le suecos.


Apres la dissol ution de ce parleruent , prononcée le 5
mai lG4o, le parti deviut si auelacienx qu'il conseilla au
Roi de se servir ele son pouvoir pom' se fournir d'argent
sur les biens de ses sujcts , it su volonté el sa ns leur censen-
tement. Les jours suivans , on fit des recherches dans les
cahinets , hureaux et tiroirs de qnelques memhres des deux
chamhres; peu de temps aprcs , on cn mit un autre dans
une étroile prisou , ]J0ur n'avoir l'as li\Té quelc¡ues péti-
íions qu'ij avait recucs au nom de la charnbre ; el suppos
qu'on projelat encore, comme OH ]'a dit, quelque mesure
plus rigollreuse, iI est proLable que la maladie du corn te
de Straflord , el les émeulcs q ui s'éleverent a Southwark
et :Il1X environs de Lambeth, furnnt les motifs qui el1guge-
rent a se relácher de ces intentions violentes. On publia,
au nom de Sa Majesté , une fausse et scandaleuse d,~­
claration centre la chambre des communes, qui, ce-
pendant, produisit peu d'eílet sur le peuple , et ne servit
qu'a manifester I'impudeuce de ceux qui en étaient le,
auteurs.


On essaya de lever un emprunt forcé sur la cité de
Londres. Le lord maire et les aldermen recurent l'ordrc




É e L i\ 1H e J sS E 1\1 E x S
de dresser, dans leurs différens quartiers , la liste des norns
rIe ceux qu'ils jugeaient en état de próter , et des somrues
qu'ils pouvaient préter. Ceux q ui refusercnt ue le faire
furent mis en prison.


L'archevéque , les autres évéques et le clergé, demeu-
rcrent asscmblés en convocation; et en vertu d'une nouvelle
commission, cette convocation fut couvertie en un synode
provincial, clans lequel , par une présomption inouie , il,
firent des canons contenant pl usieurs choses contraires á
la prérogative royal e , ame lois fondamentales et aux statuts
du royaume, aux droits d u parlement, a la propriété et a
la liberté des sujets , et des choses tenJantes á la sédition
et d'une ~onséquencedangereuse par lequelles ils établis-
saient leurs usurpations, justiíiaient leur culte de l'autel,
et ces autres innovations superstitieuses quils avaient in-
troduites sans l'autorité d'une loi.


Ils imposerent un nouveau scrrucnt a plusieurs sujets
de 5.'1 Majesté, tant ecclésiastiques que Iaiques , pour les
ohliger a soutenir leur tyrannie, mirent. sur le clergé
une forte taxe a t.it.re de don a 5a Majesté , et se mon-
t.rcrent en général fort. disposés en faveur de la guerre d'E-
cosse, q ui fut. désignée par quclq ucs-uns , sous le nom de
guerre épiscopale. On composa une prier» qui] fut. 01'-
donné de Iire dans toutes les églises, et dans laquelle O!1
appelait les Écossai, rehelles, pOtll' en faire venir les cleux
nations aux mains et. les rendre irrécouciliables. Tous ces
prétendus canons et. constitutions furent. soutenus par des
décrets de suspension, excommunication et. destitution,
au moycn desquels on voulait se défaire de tous les bons
ministres, et de la plus grande partie deshommes bien in-
tentionnés de ce royaume, afin d'ouvrir une voie plus fa-
cile aux projets de réconciliation avec Rome. Le part.i pa-
piste exigea de telles exemptions dr-s lois pénales, qu'elJes
équivalaient. ;'1 la tolérance ; ce qu'on accompllgna de beau-




ET PI.ECES HISTOH.IQUES. -163
coup d'aulres encour;¡gerncns et faveurs de la cour. Le
partí avait it lui un des secrétaÍres d'Etat, sir Francis vVÍn-
debank, agent puissant , au moyen duquel ÍI réussissait
dans tout ce qu'il désirait, et un nonce du pape qui résÍ-
dait iI Londres ponr agir et gouverner conformrimcnt aux
in st.rur-tious qu'jl recevait de B ome , et pour interceder en
favenr des papistes avec le puissaut secours des princes
étr;¡ngers de celle religion. Par son moyen, les papistcs de
toutes les sor-Ies , haute, llloyenne nohlesse el clergé, ont
été convoqués en forme de parIernent. 011 a úigé de nou-
velles juridictions (l'archeH~lll1es romains , des taxes ont
été levé es ; il s'cst formé dans l'Etat un autre Etat , indé-
pendant par son gouvernement, opposé au nótre d'inU:-
réts et d'affections, occupé a corrompre secreterncnt ceu x
des hommcs de notre I'eligion qu'il trouvait ignorans el
lIégligens, ernpressc d'ourdir des complots coutre les
plus Icrru es , all.endant ainsi ]'occasion de détruire par la
force ceux qu'on ne pouvait espércr de séduire. Dans
cette vue , ils se fortiíiaient d'armes et de munitions, s'en-
courageaient par des prieres superstitieuses que le nance
leur enjoignait de faire toutes les sernaiucs pour le suecos
de quelque grand desseiu; iIs avaieul un tel pouvoir il la
cour , qu'uue commission fut donnée duns l'intentioIl d'en
revétir quelque homme iuipot-tant de cette religioli pour
l'autoriser a lever des soldats, et it les corumander et ern-
ployer conforrnément a des instructious secretes dressées ,
nous le croyons, tout a l'avantage des auteurs de cette com-
biuaison , Les trésors de Sa Majesté fnrent épuisés, se' re-
venus an ticipés , ses serviteu rs et ofliciers forcés de préter
de grosses sorn mes d'argent. 011 cita une foule de gens de-
vant le conseil pl'iv(; pour s'étre refusés a des paiemens
illégaux, et on les fatiglla par la longneur du temps qu'rls
v rlerneurcrent. Les prjson-, furent rernplies de ceux qu'on y
envovait pour la mérue cause. On grand nombre de shériffs




ECLA. LRCISS El\lENS


furent sommés de cornparaitre devant la chambre Étoilée, el.
quelques-uns furent emprisonnés ponr ne s'étre l1as portés
avec assez d'activité a lever la laxe des vaisseaux. Le peuple
languissait dans le malheur et la crainte, ne voyait plus
a ucu ne ressource et tombait dans le désespoir. La no-
blesse comrncncait a se lasser de son silence et de sa pa-
tience, el. a comprendre quels devoirs et que lle mission
lui étaienl. imposés. Ouclques-uus de ses principaux mem-
bres adresscrcnt done une pétilion it Sa lVIajesté , dans un
temps ou les mauvais conseils étaicut si puissans qu'on
avait licu de croire qu'une pareille d¡{marche était 111m
dangereuse pour ses auteurs qu'utile au redrcsscment des
m aux publics , dont on sollicitait l'adoucissement.


Tandis que le royaume était dans cette agitation el. cet
état de souffr-ancc, les Ecassais , g(~Ilf(.s clans leur commerce,
appauvris par la perte d'un grand nomhre de vaissenux ,
ne pouvant parvenir a apaiser Sa '\Iajesté par des suppli-
cations dénuées de la force des armes, entrcrent dans le
royaume avec une puissante armée, traversercnt plutot
qu'ils ne forcerent le passage de Ir, Tyne aNewburne, pres
de Kcwcastle, el. sans aucun acle hoslile, sans exercer au-
ClllJ ravage dans le pays, prirent possession de Newcastle ,
el se trouveren! en position favorable pour pOtlSSel' plus vi-
vement l'armée du Iioi. J\Iais leur respect:, le scntiment de
leur devoir envcrs Sa J\Iajesté, et I'nrnour fralernel quils
portaient it la nation rlllglaise, les engagcrent it s'arróter ,
ce qui donna au Roi le loisi r de s'attacher it de meilleurs
conseils, crne Dieu hénit et dirigea en telle sorte , qu'il COll-
voqua it York, le :>4 septembre , le grand conseil des pairs
et annons;a un parlement pour le 3 novembre suivant, Le
premier jour du grand conseil , les Écossais présenterent a
Sa Majesté une humhle péLitian, d'aprcs laquelle on dé-
cida que des négociations seraient entamées a Rippon. On
convint d'une cessation d'armes et l'accommodement dé-




El' PI¡~CES lllSTOIUQCES.
Jinitif Iut rcmis au x soins et i! la sagesse du parlern e nt..


Au premier mo.ueut de notre rcurnon , toute oppcsition
se!llhla disparaitre, les maux prod uits par ces m auvais con-
sóls étaieut si évidcn s que personal' n'osait s'elcvor pOllr
le; a,:[ellare. NéamIloins, ce (1 u'j l y avait a [aire pn;senl ait
en soi de granues d iílicultds ; la corruption et les m aux ac-
cuuurlés pcndant seize ans , fortifié, par la cou t ume , l'an-
torité , et par l'intért~l COIllIUILll de p!USíClll"!i puissans clé-
Iiuquans , étaient. nrrivés a n jour du jugement el de la
reforme. II fallail pourvoir it I'entrerien de la m a isnn du
Itoi , cal' on I'avail n;dllil. it un te! ,:tal al' détresse cru'í!
ne pouvait suhveni r it ses dépeIl.ses ordinaires el nécessaires
sans le SeCO!lrS de son pcu ple , II fa llait payer deux :lrmées,
dont la charge se monlait apresdc fluarrf'-vinsl. millo livre
slerling par mois el on élail obli¡;é dimposer de lnurrl-,
fanJeaux au pClIple déji! épllisé par un grand nombre dI,
mesures oppresslves.


Tel1es étaient les difficullés, en apparence invincihles,
qu'avec l'aide de la Providence divine nous avons surmon-
tées, les contrariéL(:; inrom pal ibles que nous avons engrande
part ie couci liccs , Six suhsides out élé accnrrl es , ainsi ([U'UU
hill de capitation , qu i, sil eút é!é levé comme il convcun it ,
devait rcnd rc eucore la valcur de six subsides , eu-tou t , si"
ceut mille livrcs. I, ous avons , en out re , contracté envr-rs
les Ecossais une delle de deuxcent vingt mille livres , et
cepend:lnt, Dien a tcllem en! héni les eflor!:, de ce parle-
rneu t (¡lle le royaumc él tiré grand aV3nlage de toutr-s ce;
charges. 011 a aholi la taxe des vaisseaux , qui coú tai 1 a u
royaull1P plus de rleux cenl mille ¡ivres pal' ;]]1. On a d,:-
livré les citovcus de la laxe de !'habilleúlent e t marche des
tronpes et des au t res charges militaircs, q ui , d an s plll~;ieur>
l'rovinces, n e s\:¡cvaient gn(~res moi ns hnut (ine la t axr
des vaisseaux. 011 a supprimr] tous le'i monopoles (:ontqnel-
([Iles-uus coútaient cnscuili]c au pellplc plm (rUTl m illicu


l.




!¡66 ÉCLAIftCISSEMENS
'par an , le savon , 100,000 livres , le vin , 300,000, le cuir,
nécessairernent heaucoup plus, et le se! non moins que le
cuir; sans cornptcr les monopolcs moins irnportans , dont
lc dornmage cxacterncnt calculé s'élevcrait iJ. une somme
eonsidérable. j\Jais un résultat encore plus avantageux ,
e'est d'avoir extirpé la racine de ces maux , le pouvoir arbi-
traire qu'on prétendait attribuer il Sa Majcsté de tnxer ses
sujets , ou dimposer Icurs propriétés , sans leur comente-
ment, donné en parlemcnt, ce q ui a été maintenant déclaré.


• eontraire a la loi par le jugement des deux charnbres , et
aussi par un acte du parlement. On a fait un autre pas tres-
important; les mauvais conseillcrs ot exécuteurs de toutes
ces injustices, ces griefs vivans ont été tcllement réprimés
par la justice qui a été faile ducomte de Strafford, par la
fuite du lord Finch el du sccrétairc "VVindebank, l'accusation
et I'emprisonnement de l'archevéque de Canlorbé'T et du
juge Berkley, et l'accusation de plusieurs autres évéques et
juges, qu'il est vraisemblahle que nous en somrnes débar-
rassés poUr le présent et préservés a I'avenir.


L'interruption des parlernens est désorrnais prévenue par
le bill des parlemens triennanx, et la brusque dissolution
du parlement actuel est également prévenue par un autre
bill p~)\'tant qu'il ne pourra étre ni dissous ni ajourné sans
1e consentement des deux chambres; deux lois qui, iJ. les
bien considérer, doivent etre regardées comme plus avan-
tageuses que toutes les précédentes, parce qu'ellcs assurcnt
aux remedes actuels le lemps d'opérer pleinement leur effet,
el établissent pour I'avenir une source perpétuelle des re-
rnedes nécessaires.


La chambre étoilée , la cour de haute cornrnission et la
cour du président el du conseil du Nord, oii se forgeaient
tant de maux, d'oppressions et de violences , out été entie-
remen! supprimées; ce qui a donné plus de garanties aux
sujets :ponr la súreté de lcur personne , de leur liberté ct de




ET PlECES I:.IlSTORIQU ES. 4G7
Jeurs propriétés, (pl'ils n'en pourraient ohtenir d'aucllllc loi
pour régler la marche de ces cours, ni d'aucun exemple des-
tiné a imprimer la terreur aux juges.


Le pouvoir immodéré du consei] privé, et l'abus excessif
de ce pouvoir , ont été réglés et restrcirrts de maniere anous
donner tout lieu d'espérer que les temps a venir nc connai-
tront ríen de pareil aux actes qu'i l s'est permis contre la
liberté publique, si ce n'cst par l'h istnire q ui nous fourniru
une occasion de plus de Iouer Dieu des bontés de Sa l\Ia-
jesté et des fideles eiforts du parlemeut actuel. Les canon;
de la convocation et le droit d'en faire a l'avenir ont été
abolis par le vote des deux chambres.


Le pouvoir exorbitant des évéques et de Ieurs tribu-
naux est infiniment dirninué par quelques précautions in-
sérées dans le bill centre la cour de haute comrnission. Les
auteurs des nombre uses innovations introduites dans la
doctrine et les cérémonies, et les ministres scandaleux dan;
Ieur conduite, ont été tellement frappés de crainte par les
plaintes et les accusations justement portees contre eux, que
HOUS avons tout lieu d'cspérer qu'ils se montreront plus ré-
servés a I'avenir: soit qu'ils arrivent a une intime conviction
de leur propre folie, ou se trouvent conteuus a I'extérielll'
par la craiute de la punition,


Une bonne loi a restreint les foréts daus lenrs justes bornes:
d'autres lois, également hienfaisautes , ont réprimé et ]¡¡'e-.
veuu les empiétemens et I'oppression des conrs des mine"
les extorsiona des clercs de marché, la contrainte exercce
sur les sujets pour les ohliger a recevoir I'ordre de cher;¡-
Jerie contre leur volonté, en sourncttant a des a rncndcs
ceux qui nc le recevaient Ilas , el les vcxations exercées daus
la levée de ces arnendes.


On prepare plusieurs lois el institutions cxcellentes , des-
tinées a- rernédier au pouvoir désordounc , aLIX vcxations el.
usurpations des évéques , a réformcr l'orgLIeil et l'oiaivcté


JO.




f:CL AIH C ISSE ~I EN S
ll'un grand nombre des mcmhrcs d u clergé; a soulager le
}lenple des eérémonies inutiles dans l'exercice du cu lt e ; a["ire
juger el ccarter les ministres indignes et in utilcs, et il cnlre-
teuir, d ans to ut lc royaume, de picux el actifs prcdicatcu r-s.


On a fait sur bcaucoup d'autrcs affaircs pressantes (:e;
propositions de la plus grande importance pour le bien (]~
ce royaumej et quoiq ue jnsqn'ici hien pen aient 1111 avoir
leur cífet , non s espérons qu'avant [a {in de cette session ,
ces choses auront re!fu quclques améliorations ct (]uelquc
perfectionnement.


Dans le nombre sonl: I'établissement des revenus royan"
el I'ordre a yapporter ponr réprirner les a hus cornmis par
les officiers de la couronne, el retrancher les d(;pellSes '11-
perflues, ,ct afin qn'il soit plus súrerucnt pOllrvu a ux dé-
1Joursés nécessaires pour I'Irou neur de Sa lIIajcsté, la défense
el le gouvernement du royaume;


Des lois ponr régler les cours de j ustice et dimilllJer les
Ienteurs el les charges des proces ; une méthodc cílicace
ponr ernpécher l'exportation de l'or et de l'argcnt , el l'iné-
galité du change entre nOlIS et les autres nations i l'al1l(:lio-
]'atioll des produits na turcls d u p:1Ys; l'aeeroissemenl de nos
manufactures j l'étabJissement d'une balance dn commerce
q u i puisse accroltre la richesse du royaulllc, ou a n moins
l'empecher {íe se détériorer, ainsi ([u'il est arrivé depui, plu-
sienrs années par la négligence don t on a usé il cel (:garcl.
Donner, sur nos cóles, plus d'importance a la peche du lJu-
reng, ce, qui sera t.res-ufilc ponr fou rnir a ux palllTeS un
mOJen de travail , el formera une abondantr- p';pinicre de
m.u-ius , capables de mettrc le royaume en élat d'exéculcr
de h"randes cntreprises.


Voici maintenant les oppositions , les obstacles et nutres
.lifficnl:és {[ue nous avons rencontrés dans notre routc , et
(lui eontinuenl a nous d isputer le p:13Sn¡;c avcc (¡!1eli¡ue
puissance , et bcaucoup d'opiniMreté.




ET PIi~CES IIlSTOnIQ CES.
Le pulí rualiutcntiouué , que nous avons deja désigne:


corum e le Iauteur el l'agenlde toules nos rni,cres, a de non-
ven n pris conrage; íl a e u le crédit , m ém e depuis la COfl\'O-
c.uion de ce parlement, de faire porter quelques-uns ce se,
íai-eurs el de ses instrumens il des dignil<:s, a des placas de
confi.mce el d'un service actif. 11 s'est e/I()rcé de donner it
Sa ;\Iajeslé de íáchcuscs imprcssions contre nous et une opi-
nion défayorahlc de ncs démarches, lui pcrsuadant que nous
a \'iOll.' lraY:lilJé pOli!'nous et non pour elle, el qne nous avions
obten 11 d'elle ]Je:lUcoup rJechoses Ires-prejudiciahles il la cou-
rnnuc sou- le r:lppor!. de la prérogatiye et du revenu. POUl'
rcpollsser cette calomnie, nous ne croyons pas avoir autre
chose adire, si ce n'est que tout ce que 1I0llS avons fait est
pour Sa Mejesié, paur sa gramlcllr, son honneur el pour lui
Iouruir )'applli Jan!. elle a Leso: 11, Quamlll.ons dormous viugt-
cinrI wille Iivres pal' mois pour le soulagementdes prov iuccs
~ep!elllri()llales, c'est au Roi I{ne 1I0US les donnons, cal' il est
dans !,obligation de protéger ses sujets. Les personnes qui
nous out mis dans la nécessité J'encourir ces énormes dépcl1-
ses, sont Ies mauvais conscillers de Sa Majesté, et leurs cou-
pables iustrumcns, aqui l'on doit attrihuer les griefs qu i ont
amené les l;:cossais en Angleterre. El s'jl plaisait a5a l\1ajesté
de contraindre les auteurs de cette guerre il en faire satis-
radian, ce e¡ui serait, de S:I parl, jllste et facile, on pourrait
raisonnablemen 1, a ce (pl'i] parait , délivrcr de ce fardeau
le peuple, ent icr cment innocent des causes quí nOl1S 1'0111
imposc,


Qtiand nous avons pris sur nous la charge de payer l'ar-
Hu:e, ce (Iui coú!e plus de cinquante rnille livres par mois,
n'est-ce pas a u Roi que cela a éLé donné ? Tous les officicrs
de ceHe arrnée n'étaicut-ils llas engagés avec Sa l\bjesté,
il de.,' conditions plus chi.res , el avec des traitcmens plus
forts qne ceux (Iu'on accorde cl'ordinaire ? N'avons-nous
}las1'1'is aussi SUI' nous le paierncut de ce seconrs fraternel ,




ÉC LAlnCISSE ~lE~S
de trois cent mille livres, ([(le nous avous donné anx Éco,-
s.us? Celle som m e n\:tait-el1e pas destince iI réparer les dom-
m;¡¡:ies ot les pertes qu'avaieut souflerts les l~cossais, de la
part des vaisseunx du Roi et de ses m in istrus ? Ces trois
ohjets se moutent a plus de onze cent mille livres. Sa Majesté
:\ res:u, en cutre, en irnpots sur les denrées, au moins quatre
cent mi lIe Iivrr-s , en sorte ({u'elle a tiré de la hourse de ses
sujets, depuis le commencernent du parlerncnt , un million
et demi. Et. cf'perltlant ces hoiumes ont l'impudence de dire
i.t Sa Majestc (}ue nous n'avons rien fait lJOur e\le.


Quant a la seconde partie de leurs accusations , nous
teconnaissons avec heaucoup de gralitude ({ue S;¡ Majesté a
passé , dans le parl ernent actuel , plus de bilis utiles en faveur
de ses sujets, qu'il ne s'cn es! passé en pl usieu rs gcncrations.
Mais en nrérn e temps, nous ne pou1'ons oublier que les
rnémes conseils empoisonnés se sont. Iaissé reconnaitre
dans les efforts que l'on a faits }lOUr ernpécher I'acceptation
de ces actes utiles. Et quant aux deux chambres du }larle-
ment, nous pouvous en toute vérité et en toute rnodestie
aíiirmcr que nous avons toujours eu soin de ne rien deman-
d er qui pút affaiblir la COUI oune , soit par r;¡pporl ases légi-
times profits , 01.1 111.1 pouvoir dout elle a besoin. Les parle-
mens I ricnnaux ne sont pas , dans le fond , une concession
aussi étend ue que ce] le (Ine la loi nous autorise it requérir ,
(:es statuts , cncore en vigneul" , ordonnent qu'jl y ait cha-
(rHe annéc un parlcm ont ; et qt!aut it la forn.e , jJ esl au
pouvoir du Roi d'emlH~c1ler qu'elle'oit j.unais oruployée ,
s'i l veut , en convoquant a tem]'s le [': ,·'elJlcnt , prérenir la
nécessite d'lln autre mode de réuuion , Le hill pour la conti-
nuation du parlement actuel parait , s.ms rlout.e , apporter
quelqlle restriction au pouvoir qu'a le n'Ji de dissoudre les
p;"'lemens; mais il nc I'cnli-ve p.1S a la couronne , il ne fait
qu'eu suspundr-o I'cxercice pOllr cette fois, el dans.la circons-
tunee actuelle: ce qui ctait si nccessaire. pOllr la séCllrilf




ET PIE CES IlISTOHIQUES.
du Roi lui-méme , et pour la tranquillité publique, (Iue
sans cela nous n'aurions pu prendre sur nous aucune des
grandes charges que nous nous somrnes imposées; rnais
HOllS aurions élé ob!igés de Iaisser les deux arrnées livrées
au désordre et i.t la confusión , et tout le royaume au saJlI;
et au pillage.


Il résulta it de lachambre étoilée plus d'oppression que de
proíit , les fortes amcndes étaient , pour la pl upad, rernises,
el le reste renvoyé á de long; termes. Les amendes irnposécs
par la cour de haute corn nussion étaient, en elles-me mes,
iujustcs , et ne renlraienl que rarement ou jamais dans la
bourse du Roi. C'est sur ces qualre bilis que l'on s'est parti-
culierement appuyé ; dans le reste, on ne trouve pas l'ombre
d'UD préjudice fait i.t la couroune.


Les memes hommes out cherché adiminuer nolre crédit
<101m le peLlple, et a lui donncr de I'éloi bnemcnt ponr les
parlemens, Ils nous ont accusés d'avoir perdu beauconp de
temps afaire lJeu de chose , particulierement sur ce qui a
ralJport aux griefs concernant la religion. Ils disent encore
que le parlement est un fardeau pour le royaume, en ce
(Iue, par les nombreuscs protections qu'ou en obticnt , il
entrave la justice el le commerce, et que la quantité de
5ubsides qu'il accorde est heaucoup plus pesante que les
taxes qu'on endurait auparavant. A cela, nous avons une
reponse préte. Soit que l'on considere le temps employé
pal-Ie parlcment actuel , par rapport a la longue durée du
temps qu'ont apporté as'accroitre et a s'enraciner les griefs
que nous avons deja écartés, aux puissans appuis qu 'avaient .
en leur faveur les délinquans que nous avons ponrsuivis,
aux grands besoins et autres charges de l'État auxquels nOU5
avons pourvu; soit qu'on le mette en balance avec les
nornbreux avantages que non-seulement la génération pré-
sen te, mais les géné c atious futures doivent, sclon touto
.probabilité , rccucillir des hormes lois et des procédés du




I~CL.\mCISSE ~I E~ S
parlement actuel, nous ne dou tnns pas ([lIe tout honuuc d'un
jugellleut impartid ne coriclue tIue notro temps a été bcau-
c:Jup mieux emp!oyé que i.e l'a été, en beaucoup de l)r¡:cé-.
dcns parlemells, mis I'u n nu bou t de l'~lIlre, un intervulle
de bien plus ]ougue d urce. K ous pensons aussi que les
dlarges q u i out eté illlposées au x sujets , el les a ut.res incoa
vcuieus qu'ils out supporlés, parailrout bien légers, com-
pan:s ill'aralllage qu'i!s en ont rel.:U ct el! doivent r ecevoir.
Quant a ce qui concerue les protections, le parlement en
scu t si bien l 'incouvéuient (!u'il est dan; I'intention d'en
ouulager le peuple , antant que cela pOllITa se faire, cl'ac-
cord ..vec I'honneur el la justiee, et <Iu'il s'occupe a passcr
u n Lill pour donuer sat isfaction i{ cet égard.


Les llH\mes ruul iuten l.ionnés ont essayé, par de 110111-
breuses et adroiles rnanuuvrcs , de serncr la division entre
HOll.S el nos freres d'Eeosse, calomniaut leurs proced¿ et
lcurs intentions it notro égard, et s'eíforcaut secreteruent
,1e nous exciter et irritcr les uns contre les autres. Leur parti ,
d aus la chambre des pairs, cornposé d'~\e(Jues et de lords
papistes , a eu le pouvoir d'apporter beaucoup d'obstacles el
de retarrls a la poursuite des délillqnam el. d'elllptcher
q u'on n e procédút it la discussion de plusieurs bilis utilcs
passés dans la chamhre des eommunes, eoneernant la réfor-
m al ion de p!usieurs granos abus et corruptions Jans I'Eglise
el. dans l'État.


lb ont truvaillri a sét1uire et ;1 corromprc (Juelques mem-
bres des comruuues pOUl' les at.tirer dans des conspirations


..-


. el des complots coutre la liberté d u pa rleurent , el par leurs
agens el. iustrumens ils out tenté de jeter la dé,aif'ection et
le mécontentement dans l'arruéc de Sa Majesté, et de l'enga-
gel' i1 sontenir leurs pervers el perfides desseins , il se décla-
rer ponr (¡ue les é\'e'lt!es conservassent le droit de vot.er et
l cu rs fonctious dans la ch.uubre des pairs 1 et it contrnindre
le parlerneut de ré:;lcr, linriter et disposcr Sil marche de h




ET PltCES IlISTOIUQUES.
m.uucre la plus propre a concourir aux inlentions de eette
(langerel,se et puissante faetion; el lorsque le de.ssein per-
nicieu x qu'i!s avaient form(: de faire marcher I'arméc contre
le parleuicut el la cit<; de Londres a été découvert ,et cIue
la tcutative a eté prévenue , ils en out combine un autre de
la mérnc darunab!e nature , ajoutant a Ieurs premieres dé-
marches des cííorts pour engager l'aI'lll('c .Écoss:1Íse a dc-
mcurer nCI.ILre, taudis que l'armee allglaise, qu'ils avaicnt
tra yai!!,: iJ. cOl'rúilJl're et cuvcuimer contre nous, par de fausscs
el calounueuses suggestiom , aurait exécuté leurs intentions
pcncrscs pour le renverserncnt de notre religion et la disso-
lutiou de uotre gouvernement.


C'est ainsi qu'ils se sont conLinue!lement 1ines ades pra-
tiques pour troublcr la tr:ll1(p1ÍJliu;, i, des complots pOl1l'
opt'i'cr la flestr'uclion de Lons les t:lals du Il oi , et qu'ils out
cmj1!oJ'é p;;rtont lcurs émissaires et leurs agens iJ. la rénssile
de leurs diaboliques projets , toujours découverts et Jéjoués
ea AngIe!erre et en Écosse , l,ar la vigilance des hornmes
bien intentionnés , avant qu'ils fusseut muro pour I'cxécu-
tion, En Irlaude seulement , pays plus éloigné, ils out
eu le temps el la faciliLé de mouter et de préparer leur
eaLrcprise, et ils avaicnt podé leur ouvr;lge a un te!
poin 1 de perfection 'I uils se scraieut mis en posses-
sion de tout le royaume, auraient totalerncnt rcnvcrsé
le gouvernernellt, cxLirp(: la rejigion e't détruit tous lc;
protestans, a qui la conscicnce de leur devoir envcrs
Dieu, Ieur roi et leur paY';, n'aurait pas perrnis de se
joinJre aeux, si par la rucrvcilleusc providence de Dieu ,
leur priucipal« entreprise sur la ville et le cháteau de Du-
Llin n'eút eLe d.:courerLc eL prévenue le soir ruérne d u jOlll'
'.¡ui précédail cclui <leJ'execuLion, Malgré cet te déconveJ'te,
ils out éciaté en plusieurs autres part ies de ce royaullle, out
;tlJ'pris ,:e5 villas et <les chútcaux , couunis des meurtres ,
~~c;; l;;:l"it~ ct (l'a~l~.r;.',~ i:-lfJ.1a~c;) ont SCCO:"H: tous les liens de 1'0-




4-74 ÉCLAIRCISSEjm NS
l)éissance envers Sa ]\'Iajesté et les lois du royanme, et out
allnmé dans tont le pays un incendie tel, que l'iníinie bé-
nédiction de Dieu sur la sagesse et les efforts du gouverne-
m ent , pent seule parvenir á I'étcindre. Et _certaineruent ,
si Dieu, dans sa grande miséricorde sur notre pays, n'cút
(]écauY(~rt et confondu leur prern ier dessein, nous au-
r ious été le prologue de la trag¡:die d'Irlande , et offririons
maintenant au monde un lamentable spectacle de misere
el. de confusion.


Et mainlenant qnelle espérance ,avons-nous, si ce n'est
e u Dieu, puisquc le seul moyen que 110ns ayans de suhsi stcr
d doprirer une réforme est, aprcs lui, daus le parlement?
Que ponvons-Ilous, nous chambre des COIDI11UneS, sans le
concours de la charnl.re des lord, ?Et quel concours pouvons-
nous en e'p¡:rcl', 'l uancl les ¡'H\¡lleS el les 10'I,as récusans
s'y trouvcnt en si grand noru hre et si puissnns qu'iIs son t
en élat de travcrser et d'arrétcr nos plus énergiques eíforts
1'our la réforme, et, par ce moyen , de donner au parti mal
iuteutionn é la possibilité de calomnier nos démarches? 115
rrpandent dans le peuple que notre intcntion est d'abolir
t.out gonvernement de l'Eg!isc, et de Iaisscr chacun cn li-
Lerté de servir et d'adorcr Dieu selon son propre caprice,
d'absoudre les sujets de eette obéissance qu'ils d oivent , apri-s
Dieu, a Sa lVJajesté a laquclle nous savons qu'a é\¡: confite
la 10i ecclésiastiquc , aussi bien que la loi ternporclle et le
soin de gouverner les membres de l'Eglise d' Ángleterre se-
Ion les regles d'orclre et de discipline élablies par le parle-
rucnt , son grand conseil dans tontos les affaires de l'Eglise
el de l'Etat. Nous confcssons que notre i ntcntion et le but
(le nos efforts ont toujours été de Iirniter le pouvoir exor-
Iiit ant que se sont arrogé les prélals , entierement contre
la plrole de Dien et les Iois dn p:lYs, C'est d ans cette vne
que nous avons pas5c le hill qui les (:cart;::it <les fonctions el
cmplois ternporuls , a lin (Jlt'ils PUSSCllt se donner lJlus CIl-




ET pIi~CES IIISTOPtIQUES.
ticrernent nu modeste exorcice de !CUf rniuistere . IIs se sont
cnx-mérnes opposcs a ce bill , et ont ete le principal obstacle
a son acceptation.


Nons rléclarons ici (lue nous sommes fort loin de vouloir
ou de désir'er relácher le frein précienx de la discipline et d u
gouvernemenl de l'(:glise, el (~C laisser de simples individns,
ou de.s congregations particulieres , choisir la forme de culte
{lui leur plait, cal' HOUS tenons pour nécessaire qu'i! soi t
élabli dans to ut le royallrne une exacte conforrnité a la re-
gle prescrito pillo les lois , d'accord avee la parol« de Dieu.
Nons d(~sirons délivrer les consciences de l'observance des
cérémonies inutiles , supprimer les innovations et faire dis-
paraitre les monumens d'idolatrie; el ponr mieux effectuer
cette réforme, non s sonhailons (ln'on assernh] e un synode
g(:n¡:ral des plus graves, des plus pieux, des plus savans ,
des plus jud icieu x doctenrs de cette ile , assistés de quelques
doctenrs élrangers de la nll~l11e religion que nous ; que ce
syno.le soit Ch~l'gé d'examiner tout~s les choses nécessaires
a la paix et an gouvernement de l'Église, et d'exposer au
parlement le résu lt a t de ses consul tatious , pourvétre , par
celui-ci , adoplt: el. confirmé, et recevoir le sceau de I'au-
torité , a lin (Iue [out le royaume soit tenu de Ini ohéir.


Ils non, ont !TH:challlTnent accusés de l'inlention de dé-
truire el de (\écourager la sciencc; !.audi.. que notre soin et
notre désir principal col.de la faire prospérer et de pourvoir
suffisamment dans tout le royaume a 1'entretien des mi-
nistres en état de précher : ce qui sera un grand encourage-
ment ]I'mr les hornmes inslruits, et un moyen certain de
prévenir I'indigellce, l'aLjection et l'ignorance oh se trouvc
rnaintenaul réJuite la plus granJe partie du clergé. Notro
intention est (:galement de réforrncr et de purifier les sources
(le la scienee, les deux Universités , a íin que les ruisscaux
qui en découleront soicnt clairs el purs, ct dcvienncnt l'hon-
neur el la satisfaction de lout le pays.




tCLAmc [SSE\IE~S
Ils se sont efforcés de noireir nos proct:dé; en parlemcnt,


en défiguranl, par des interprétatious forcées , le sens de
nos ordonnanees. lis disent au pcuple , qu'en touchant a n
pouvoir de l'épiscopat , nous avons occasionne des sectes et
des conventicules, tandis que ee sont I'idolátr ie et les
ccrémonies papistes introd uites dans I'Église par les coru-
manrlernens des éveqnes, (lui , non-seulcment en ont éloigné
le peu ple , mais l'onl oL!igé a, quittcr le royanme. Aiusi ,
,clllLlab!es aElie, nous nous voyons accnsos par ce part] m.r]
i ntcntionné, de porter le trouLle el ans l 'État ; el tandis que nous
rravaillons il la réforrne des abus, ils non s désignent connue
les auteurs des maux que nous nous appliquons aprévenir,


Nous pensons que, ponr perfectionner I'ou vrage coru-
mencé et écarter al'aveuir tous les obstacles , il ya plusicurs
mesures ellicaces a prcndrc, '


D'aLord, comme nous apercevollS que les principes de
la rcligion des papistes tendent a la destruction et a l'cxtir-
pation dertous les protestans ,anssilot qu'i ls trouveront I'oc-
casion favorable, il est. nocessuirc de les tenir dans nne con-
,lition lelle qu'ils ne puisscnt (~tre en ¡:tat. de nous faire all-
r.u n mal; el pour éviter qU'OIl leur accorde désorIUais la
conniveuce et la faveur qu'on Ienr a montrées jusqu'ici, il
cst indispensahle que Sa Majesté veu ille bien consentir it
l'établissernenl d'unc corn rnission composée de (Iuelqnes
hornmes d'élite il la nomination du par!ement, el chargés
(re surveiller les progres des papistes, Ieurs conseils et leurs
délllarches, el ti' employer tous les moyens qne fournissent les
lois pour prevenir leurs pernicieux desseins centre la paix
el la sú.rete du royamne. Et il fent user de mesures eJli-
caces POLll" dérnasquer l'artifice eles papistes qlli se couvrent
,l'une [cinte conformité it l'.Église, artífice a la faveur duquel
des personnes mal afI'ectioIluées :1 [;¡ vújtabJe religioIl, ont
t:!t~ admises a (les places de CfJnn~I;:C:; el. rcvétues de la p!u.-;
:';1·;lllde autorité.




ET PIECES IlISTüIUQUES. 4/i
Pour le main tien des Iois et des Ijbertés du royanme, el


:.¡(111 que tous les griefs et toutes les exactions illégales puis-
sen! étre portées et punies aux assises , et que les juges et
jnges de paix aicnt soin d'en saisir le grand jnry, etque les
juges et shériífs prétent serment de faire exécuter, comme
ils le doivent, la pélition des droits et les autres Iois ; Sa
J\Iaje,té sera hurublemcnt suppli{:e par les dellx chambres
de ne remettre le soiu de ses affaires , soit 11 I'intéricur , soit
11 rétranger, qu'1I des conseillers, eles ambassadeurs et dau-
tres ministres, tels que le parlement ait lieu de prendre
confiance en enx, sans quoi nous ne pourrions donner á
Sa Majesté les secours qu'elle demande pour I'entrelien de
son lJropre gouvernemeút, ni accorder aux proteslans d'ou-
tre mer I'appui dont ils out besoin.


II peut souvent arrivcr que les cornmunes aient de justes
motifs ponr prcndre ornbrage de tels ou tels conseillers,
hicn q uellcs ne les accusent d'aucun crirne ; cal' il y a des
causes de méfianco qui ne s'appuient pas sur des preuves.
ct d'autres qrri , bien que prouvées, ne sont pas légalernent
criminelles : comme d'clre connu pour favoriser les papis-
tes,ou de s'étre montré trcs-ardent adéfendr« ou asoutenir
quclques-uns des grands coupahles recherchés dans le par-
lement, ou de parlcr avec mépris de l'une (JU de l'anlre
chambre du parlernent ou des procedes parleruentuircs ,
(JU d'étre le Iacteur , l'agent de quelqu e priuce étt'anger
,J'une antre religion, ou d'(~lre justement soupconu é d'ayoir
oblelllI, ¡!Our de l'argent, des places de conseiller 011 autre
place de confiance dans le gouvernement. Ces choses et
Leaucoup d'antres sont des motifs suffisnns pour que nou s
suppliions instamment Sa lVIajest.é de 11e pas meltre ses im-
portantes ¡¡fLires entre les mains de ceux qui s' en sont ren-
dlls coupables , bien fIne 110m 11C voulions pas proceder centre
eux par la voic légale de !'accusation.


Il est nécessaire que t ous les comeit!crs d'État soient t8-




¿-~78 te LAIn e1sSElilE l'i S
nus au serrnent tl'oh,erve¡"lcs ¡ois q ui conscrvent la liherlé
des sujets, et qu'ils prelent égalemeut serment de He reee-
voir aueun don, récornpen se ou pension d'aucun prince
élranger, a moius de le Jéclarer , dan s un temp. requis ,
::lUX lord. du conseil de Sa lVIajesté ; et quaud mérue , alors,
ils se parjur-eraien t méchamment , iI Y aurait cela d'utile ,
qn'ils seraient recorm us faux el parjures envers ceux qui les
c mploiraieut , et obtiendraient aussi peu de crédit auprcs
d'eux qu'aupres de nous,


Afín que Sa Majesté ail des motifs de s'alt;¡d:er aux bons
c0l15ei15, il faud rait lui montrcr , tl'une maniere humblc el
respectueuse , combien il serait avanlageux pour elle de
voir ses reveuus établis avec une magnificence ea rabIe de
la soutenir a vec honneur , et tout son pcuple uni dans des
dispositions d'obéissanee cnvers eUe el dnns ses elforts pOllr
le bien publ ic ; de voir enfin , par I'inflllencc de son pouvoir
el de son gouvernement, son royaume el ses alliés, jouír
du bonheur , de la richesse , de la paix et de la súreté ,


11est nécessaire de prendre tons les moyens possibles pour
réunir les deux royaumes d'Anglelerre et d'I~cosse, el de
les engafier a s'aider et assister mu tuel leruent , pour I'hon-
ncur de rile et le bien eommun de tous cleux. TI faut écarter
du milieu de nous tous les sujels rle discorde sur de.1 ruatieres
religiemes el indifférentes en elles-m¡;me;, el nons réu nir
cou t.rc I'cnnemi commun a flui nos rl ivisions donncnt les
mOJens de nous détruire , ainsi fll¡'i[ I'esperc , et sy est
eílorcé bien souvent.


Liés aux Églises étrangeres par la charité que nous Ieur
devons , el par la prudence que nous commandc notre pro-
pl'e intérét , il faudra 110m appl iquer , par ton les sortes d'of-
Iiccs d'amiti(: , ;1 les unir avcc uous d:ms la meJtle cause, ct
travnillcr au maintien de leur liberté, leur súreté et Ieur
prospérité : cal', par ce mOY~IJ, nous accroitrons notre
propre force, el par notre concours vers nn hut counnuu ,




ET PIEeES HISTOIHQUES.
nous pourrons eflectuer le bien de tont le corps protcst.an!.


Si ces conseils sont suivis , nnus ne dou íons )las que Dieu
ne couronne ce parlcmcnl J'un suecos qui sera, pour Sa
1\Iajest.é, le fondement et la source de plus d'hoIlucnr el de
bonheur que n'en ont [amais obtenu les rois ses prédé-
cesseurs.


Ddclaration de Sa 111aje.l'té, á tOIlS ses qjJéctíomzés sujets,
en rt'ponsc ¿l la remantrance 011 íft!claratioll de l'état du.
roy-mmw,jaiteparla cliambre des communes, (Puhliée
de I'avis de son conseil privé. )


Bien que nous ne pensions ras que par sa rcmontrance
sur I'état du royanme, not.re chambre des comrnuues ait
eu l'intent.ion de nous ohliger a une apologie de nos ac-
tions passées ou présentes, néanrnoins , puisque, en consi-
dérant les troubles actuels , il lui a paru si nécessaire de
publier cette déclarat.ion pour la satisfaction de nos aflcc-
tionnés sujets, nous avons jugé conforme au x devoirs du
rang dan s lequel Dieu nous aplacé, de prcndve part a une
ccuvre si utile, el nous ne croirons pas au dessous de notre
dignité royale, de descendre , en cette occasion , a tous le"
détails propres. a concilier et affermir les sentimens des dcr-
niers de nos sujets : cal' telle est l'intime conscience que nous
avons de la droiture de notre conduite, el de n'avoir ricn
Iait , gl'aces aDieu , que pour la paix et le bonhenr de notre
royaume, ycomprenant la prospérité de nos sujets , que nous
désirons , du fond de notre coeur , qne nos plus secretes rCIl-
sées soient exposees it leur vue el a leur examen, bien que
nous ne puissions, il faut I'avouer , nous erupéchcr d'ctl'e
lres-affiigé que, daus ces conjonctures, ou l'étranger est
.l"'.íi.l si instruit des rualheurs de ce l'oy:tl1me, il existe une




ÉCLi IHCISSE;UE::-i'S
n,:ccssilé qui 110115 011i,.;c il pnLlier de pareils t1é:;llk ~Oll>
prions Dieu qu'i! n'en resulte aucun des inconvéuicns qu'on
n'a pas en l'intenlion d'amcner.


Nous passerons, en pen de mols , sur cet!e pnrtie du re-
.cit Oi1 sont retracés , avec de si vives expressions , les mal-
hcurs qui out aeeablé le royaume dermis uotre avcnemcnt a
la eonronne jnslru'aU courmcncemen t d u p.ulcrucn t acl ucl ;
et, sur cettc autre OÜ ron reeonnait combicn de bouues lois
ont passé par notre grace et favcur , dans ce parlcmcu t ,
l'0ur la súrete de nolre peuple. Nous dirous sculcmcnt , sur
ce point, que, si nous n'avous refusé aucun des bilis qui
nous out été presentes par notre parIement, ponr le red res-
scrnent des griefs mentionnés dans la remontrance , I'un (les
:raotifs <{ni ont le plus pnissamment contribué acette déter-
mination de not.re parl. a hé la résolllljon l¡Ue nons aYOIlS
prise, aprcs avoir examine el rcconuu l\:ta l de uof re my.l11flle,
tIe dclivrer , ir l'avenir , nos sujets des l~JnlcJux q ui les 11.'-
n.rien t en soufírance : résolution que nous aurions exécutée ,
quand méme ces lois ne nous anraient ras ele proposées.
Nous les maintiend rons done aussi inviolables que nous au-
rons soin (p1e le demenrent nos propres droits , et nous ne
dontons pas lIue tons nos aílect iounes snjets ne considerent
avec assez de gralitude et d'au;¡dl<'lllcnl les remc,des ap-
portés a leurs iu aux , ponr se ra ppnler sans peil;eIll(ime
ce qu'ils out el! a supporler pe!r su i!o (Jes :lccil~ens et:
de la nécessite des temps; et pen!-elre, (lnelqne pen (le
par! que 110l1S prétendious en ceci ir leur reCOllllaiss:mre , un
pieux sentirncnt des beuédidlons de Dieu sur c(·lte n.rl ion
les portel"a-t-il ir confesser, ll"e méme dans cesseixc der-
nicrcs annécs , ils out jOl1i, SOtlS le rapport de ¡:l paix et de
l'abondauee, d'l1n hant degl'(~ de prcijJ/:ri!c:, non-ese ule-
ment par cornparnison avec le urs voi-ius , run is mClllc en
r.rpproclrant nos temps Je ceux '1u'ú jnsl!? titre 011 a t cuu,
pour fortl;ué,;,




ET PIECES HISTORIQUES.
Nous supposons que les eraintes et les rnéfiances qui pe u-


vent faire quelque impressiou sur l'esprit de nos peuples ,
son! de deux sortes , et ]Jortent, les unes sur lareligion , les
autres sur la liberté et les intéréts civils, II se peut que les
craintes sur la religion ne soient pas seulement relatives
aux dangers de voir la nótre , la religion reconnue du pays,
envahie par le parti romain; mais qu'elles aíent rapport a
quelques-unes des cérémonies qui l'accompagnent, et dont
un certain nombre de consciences délicates sont ou se
prétendent scandalisées ; cal' nous ne parlerons ras des cé-
rémonies.qui , adoptées sans warrant ou injonction légale ,
sont déja ou seront bientót abolies.


Quant a la religion, comrne iI se peut qu'on nous soup-
yonne de quelque penchant pour le papisme , nous voulons
déclarer au monde entier, qu'apres avoir été , des notre en-
fance , éJevé dans les préceptes et la pratique de Ia religion
actuellernentétahlie dans ce royaume, non content de nous en
tenirsimplementauxpríncipes de notre éd ucation,nous avons,
et la chose est bien connue, employé beaucoup de temps et de
peine a examiner les bases de ceHe religion, en tant que
dilIérente de celIe de Rome j et nous sornmes , du fond de
notre áme , complHement convaincu et assuré qu'eIle est,
de toutes les religions aetueIlement pratiquées dans le monde
ehrétien, la plus pure et la plus conforme ala parole sacrée
de Dieu j et comme nous eroyons pouvoir la soutenir par
des raisons sans réplíque, nous serions prét , nous l'espé-
rons, a la. scelIer de notre sang, s'il plaisait a Díeu de
nous appeler ace sacrifice. Rien done ne saurait étre accepté
de nous avee autant d'empressement, que les propositions
qui pourraient contribuer a la rendre plus puissante iei, ou
illa propager au dehors, seul moyen d'attirer la hénédietion
de Dieu sur nous et sur eette nation ; et nous serions bien
malheureux , si notre peuple avait eu besoin de cette profes-
sion de foi de notre part, car nous avons toujours en soin ,


lo 31




ECLAIRCI S SE:\IENS
sans ostentation, que nolrc pratiquc personnelle mIL COIl'-
tamment en évidencc, uutant f[u'il était en notre pouvoir,
l'attention et le rcspect <lue uous portons a notre religioll.


Quant aux diíféreuds qui se sont élevés entre nous , sur
des mnticres de religion , indill'érentes en elles-iuúrnes , no us
eonsentirons volonticrs , l)ar égard pour un certain nombre
de nos affeclionnés sujels , que, selou I'avis de not.re parle-
ment, quelques lois soient portées ponr cxempler les cons-
ciences délicates de tout ch:itiment ou recherche rclat.i vc-
rucnt ades cas et ades cérémonies regardées , par la pl npart ,
COIllIl1e des choses iud iílérentes , et tenues, par quclqucs-
11115, comrne cntierement l11égales, POUHll (Iue la chose
soit faite et soutenue avec assez de rnodestie, de modération
et de soumission, pour que la paix el le repos du royaumc
n'en soient pas troublés; que la décence et la convenance
du senice de Dieu u'en recoivent aucune atteinte , et (lUt:
les pienses, sages et dérotes ;¡ctÍO!lS des liorumes respec-
tables qui furent les premiers ouvricrs de notre Lieulreu-
reuse réformatiou, ou de ceux qui viveut anjourd'hui paruri
nous, ne soient pas calomniées el diffamées; car nous ne l'0u-
vons, saTIS douleur de co-ur, et sans nous faire quelque re-
proche a nous-n1(~me.s et anos ministres de la non exécution
{le nos lois, considérer la licence audacieuse avcc laquclle
certains honnues impriment des parnphlcts , pH~chell t el
pu hlicut des serrnons si plei ns J'amertume et de nial ,cj[-
lance contre le gouyernement actuel , coutre les lois ctahlies ,
et rernplis d'un esprit si séditicux contre nous-mdm e et centre
la pai x du royaume, que nous sommes q ucl quefois COI1-
fondus en voyant de quels yeux sont regardées ces choscs ,
de <fuelles oreilles elles sont enlendues.


1'\ous avon s done de justes mot ifs d'ortlonner, couuuc 1I0US
lnvóns déja fait et Iaisous encore ici, á tous 1I0S jl:gCS ct
;,~eni flp jnstice, il nol r« procureur el a notro i\\ocat-¡.;,:né-
r.il , <'t ;¡ tout le reste de notro savant conseil , (JI' 1'0111'-




ET PIECES HISTORIQUES. 485
SU1ITC ;1\ el: tonte I'act ivité possihle , cux et leurs fauteurs,
ceux qui , soit palo leurs écrits OH leurs discours , out si au-
dacieuscrucnt et si méchamment violé les lois, troublé la
paix de l'Etat, et, autant qu'il est en eux, ébranlé les bases
sur lesquelles se fondent el s' aífermissent cette paix et ce
honheur. El nous ne doutons }las ({ue tous nos affectionnés
sujels ne sentent tres-bien que celte conduite rnmuante ,
viru lente , ue peat aboutir qu 'au désordre, et que si elle
n'esl pas puuie el prévenue a lempS, elle jetera, non-
seulement de la défavenr sur le salutaire tempérament que
nous voulons adopter, mais dcvicndra , plus qu'on ne le sau-
rait dire, une source de calomnies el d'accusations centre
la religion de notre royaume d'Angleterre.


Quant aux libertes etaux iutéréts civil s de nos sujets,
nous n'aurons que peu de chose a dire, puisque , par ce
grand nombre d'exceJ!entes Iois , passécs par nous dans le
parlement actuel, nous avons érigé un si grand nombre de
iuonumens durables de notre royale et paternelle sollici-
tu de IJour notre peuple; et , en vérité , a notro grande sa-
I isfaction. Nous regardons ces concessions comrne si larges
et si amples, qu'elles no laissent plus, au tres-grand nombre
de> hommes sages, que peu de eh oses adésirer.


Nous avons tres-bien compris de quel droit et de quel
privil(ige nous nous étions départi en consentant au bill dn
parlement triennal et acelui de la continuation du parlement
actuel , ainsi que dans le préambule du bill sur les droits de
tou nage et de pesage, cause de tant de divisions dans le
d er nicr parlement et que nous avons voulu écarter, afin
<lu'aucun de nos intén~ts personnels ne fúL ;i I'avenir l'occa-
sion de troubler la concorde. Nous nous somrnes cru su.fIi-
sammcnt dédommagé palo la certitude que nous conservons
encore d'obtenir de notre peuple un juste retour de con-
íiance , de libéralité et d'obéissance. Dans les bilis pou!"
la'llppressioll des cours de haute commission et al' notre


31.




ECLAI B. C IS SEl\1 ENS
ehambre Étoilée , nons crúm es av.;'ir douné anolre peup!«
une satisfaction suíiisante pour qu'il lui [M aisé de revenir
(le toutes les méfianees et ele toutes les craintcs qu'il avait
pu concevoir ele l'exereiee arbitraire et oppre ssif eles pou-
voirs civil et eeclésiastique, surtout lorsque le retour d'uu
parlement triennal clevait le rassurer centre toutes les in-
quietudes possibles,


Nous aurions mieux aimé, sans étre oLligé de rappcl er
ces ehoses, et plusieurs autres qui ne sont point indigues
d'attention, qu'elles fussent appréeiées par le cour et l'af-
fection de notre peuple ; ear, de mérne que nous avons saisi
ces oeeasions de rcndre sa eondition plus dance el plus he u-
reuse , nous ne eloutons }las que, par un relour de gr:tti-
tude et ele soumission envers nous, il ne soit prét a soutenir
nos droits ave e autant de tcndrcssc et d'ardeur, et a dé-
fendre notre honneur d'olI dépencTent si [01'1 sa sl1reté el
son existenee. Et nous aurons soin qu'i] ne nous soit pro-
posé aueune mesure propre acompldtcr el a affermir ccttr-
süreté , a laquelle nous ne nous montrions également 1m;t
a eontrihuer ele tous nos efforts.


Si, eomme nous en prenons Dieu il témoin, 'ces réwlu-
tions sont l'effet des eonseils que nous recevons actuellc-
ment, et que tous nos affcctionnes sujets puissent, avec eon-
fianee, eompter sur les avantages qu'clles leur promettenl ;
ccrtuincment , elles ne peuvent etrc aecolllpagm:es d'aucuu
mauvais elessein eontre le publie, et aucune des personnes
portées par nous , depuis le corurneuccment d u parlcmcnt
aetuel, a des dignilés , a eles places de eonfianee, ou con fé-
rant quclq ue autorité , n'a non plus donné lieu h de pareils
.~oup~~ons; et nons rlevons l'avouer, ce n'cst pas UI! de nos
moindres rnalheurs de voir que, bien que uous a 'ayons g;1rdé
il notre service ni protégé aucun de ceux dout notre parle-
ment a cru de\'oir se plaind re dcpuis le commeneement de
sa sexsion , et !lif'1l qae, dan.- 'I'H]lí{lle ternps ({ue ce soit , il




El' PIi,:CES 11ISTOn IQCES.
nous soit apeine arrivc d'accorder it qui que ce fút un tr'ruoi-
gnage de bienvcillance et de faveur , saus avoir en soin de
cilOisir, pour cette distinctiou , des hommes qui jouissaient
parmi notre peupled'lln haut degré de réputation etd'estime,
cepeuclant il se soit si promptement élevé des malentendus
entre eux et notre peuple , et qu'on ait concu si vite des soup-
yOllS contre leur fidélité et leur droiture , surtout, lorsque
nous ne nég!igeons pas une occasion de déclarer que nous ne
croyollS pouvoir étre bien scrvi que pal' d'honnetes gens,
et d'une maniere honn óte. Si, néanrnoins, nous nous
sorurues réellcmeut mépris dans le choix eles hommes que
uo ns emplovons aux aflaires , aussitót que nous en serons
infornni , soit par nos }ll'Opres obsr-rvatious , ou par des
renseignemens ccrt ains qui pourraient uous venir d'ail-
leurs , nous les alwndonnerons a la jllstice publique, chargés
des marques de notre rnécontentcmeu t.


Si, uéanmoius , quclque parti malintentionné reprenait
conrage, et formait le dessein de sacrifier la paix et le bon-
heur de son pays aux sinistres projets de son am hition , en
se recouvrant d'un prétcxt.e de religion et de conscience ;
s'il s'ef(ilr~ait de détruire notre réputation et notre iníluence
dan s le pays, d'af{;¡ihlir, parmi nos b01l5 sujets , notre au-
t.orité ct notre légitillle po uvoir ; iil allait attaquant les
lois acluellcs ponr rclácher les liens d u gouvernement, afin
'Ine le dúol'dre et la confusion vinssent éclater au milieu de
uous ; HOllS ne dontou5 pas ({ue Dieu, a n temps qu'il anrait
Jll:l rrlué, ne nous le nI. dccouvrir , et 'I uc la sagesse ct le
conl"agc de notro haute cour d u parleuient ne nous aidas-
sent it le n:prilJ]<'r el le punir.


Aprcs avoir dit tout ce ({u'il Úait possible pour faire
conuaitrc la purcle et la rlroitu r c de nos int.entions envers
notrc penple , el f;,it tout ce que nous avous 1m ponr ma-
nifester nos inten tions, uous devons croire avcc confiance
'¡lIe 1.0115 no; bous sujets rccouuaürout que, soit par nos ac-




486 ÉCLAIRCJSSEMENS
tions passées, soit par la résolution que nous avons prise de
consentir a ce qui nous sera demandé avec justice, nous
avons pleinement accompli tout ce qui nous était prescrit ;
et que, maintenant, leur repos et leur prospérité dépen-
dent uniquement d'eux , et qu'il est en leur pouvoir de les
mainteuir par leur obéissance et leur respect envers les lois,
héritage de tous les sujets et unique garantie qu'ils puissent
avoir pour leur víe , leur liberté et leur propriété. Si on les
négligeait et méprisait sous quelque spécieux prétexte que
ee fút , il en résulterait nécessai rement pour eux de grands
malheurs , si ce n'est mérne une irréparable confusion. Et
nous n'en doutons ras, rien, de la part d'un Roi, ne saurait
etre mieux accueilli par ses sujets que la déclaration que
nous faísons iei, que nous sommes résolus pour notre part ,
nou-seulcmcnt a observer les lois pour notre eompte, mais
aussi a les soutenir contre quelque opposition que ce soit ,
fút-ce al! hasard de notre vie ,


Nous espérons que nou-seulement la loyaulé et les hon-
nétes sentimens de tous nos affectionnés sujets concourront,
avec nous , amaintenir constamment la bonne intelligence
entre nous ct notre peuple ; rnais, dans les circonstances ac-
tuelles , leur intérct et le nótre , et la cornpassion qu'cxcite
l'état déplorabl e de nos pauvres sujets proteslans, en Ir-
lande, les inviten t a dcrneurer unis et ¿'aeeord entre eux,
afin que nous puissions nous associer dans une méme in-
tention de secourir et délivrer ce malheureux royaume,
ou des rcbelles inhumains exercent sur notre miséralile
peuple des barbaries tellernent inouies q uaucune oreille
chrétienne n'en peut, sans horreur , entendrc'Je récit, et
qu'aucune histoire n'en pourrait offrir un semblable. Et
eomme nous mettons ectte afTliction au-dessus de tontes
celles qu'il a plu a Dieu de répandre sur nous, e'est un
grand accroissernent a la douleur qu'eJle nous cause, de voir
que les troubles de I'Angleterre aient emprché d'appliquer




E'f PIECES HISTOnIQUES. 487
a ces maux , toujours croissans , des rernedes wussi prolupts,
q u'ou devait l'aUendre, et (Iue l'exigeait la nécessité. POUl'
uotre part, des que la prerniere nouvelle de cette rébellion
HOUS fut parvenue, nous en informámes notre parlement
d'Écosse ou nous étions alors, et requimes son aide et son
assistance. Notre parlement d'Angleterre recut immédia-
tement de nous le rnérne avis et la m('.me recornmanda-
iion ; et, depuis notre retour iei, nons avons été au devant
de tontos les propositions qui nous out été faites en ce sens.
Et nous avous dernierement offert, par un message, ir notre
chamhre des. pairs , cornrnuniqué anotre ehamhre des com-
munes, de nous charger de lever promptement dix milJe vo-
lontaires anglais, pour le servicc d'Irlande, si la chambre
des eommunes voulait , par une déclaralion , s'engager il
les payer; détails que nous somrnes en quelquc sorte ohlig(;
de puLlier, ayant appris les Lru its répandus par la mé-
chanceté de quelques-uns , et tendans a faire croire que les
retards de cette affaire venaient d'un défaut de honne vo-
lonté de notre part a accélérer I'aceomplissement de ce
grand ouvrage; en raison de quoi nous reconnaissons iei que
ce serait un grand crime envers le Dieu tout-puissant , et
un 'erime inexcusahle a I'éganl de nos bons sujets de nos
trois royaumes, si nous u'ernployious pas tout ce que nous
avons de moyens et de facultés a secourir et protéger ce
malheureux peuple , de la maniere la plus prompte et la
pIus eílicace.


« El maintenant , nous conjnrons tons nos bons sujets , de
([uelque rang qu'ils pnissent étre , par tous les liens d'amonr,
de devoir ou d'obéissance ,préeieux a ton s les gens de bien,
de se joinclre a nons ponr le rétablisscment de la paix dans
eet autre royanme, et le maintien de la paix dans celui-ci:
d'écarler les inqu iétudes et les craintes qui peuvent inter-
rompre le cours de leur affection pour nous , ainsi que les
méfiauce,i et les appréhcnsions capables de diminuer Ieur




488 ÉCLAIRCISSEMENS
charité les uns envers les autres. Et alors , si les péchés de
cette nation n'ont pas déja déterminé contre nous tous un
inévitable jugement , Dieu fera encore de nous le puissant
et glorieux Roi d'un peuple libre et heureux. n


( Histoire parlementairc , tome 2 , col. 946 - 964;
9']2-977')




ET PIte ES IlISTOBIQUES. 1¡8~)


v.


Sur I'entree de Charles le' dans la cliambr« des communes •
pour I'arrestation de jJE~I. Hampdell, PJ"17l, Ilollis ,
Strode el Haslcrig . (1 [anvier 164:>.·)


" Quand les einq mernbres accusés vinrent ee jour-Ia ,
I'apres-dlnée , a la ehambre, ils ne furent pas plutót assis
a leur place que la chambre fut informée par le capitaine
Langrish, qui avait servi en Frauee, qu'il venait de \iVhite-
hall, OU il s'était trouvé parmi les officiers et les soldats, et
avait apprisd'eux que Sa Majesté se rendait a la chambre
des communes avec une garde militaire; il les avait de-
vancés avec quelque difíiculté pour arriver a la chambre
avaut eux , et faisait savoir a la ehambre que ces ofliciers
et ces soldats étaient déja tout preso Ln des membres de la
chambreavait aussi re9u de la corntesse de Carlisle , S02ur
du comle de NorthumLerland, l'avis secret d'une tentative
qu'on devait faire ce jour-Ia pour se saisir des eiuq mcrn-
bres. La chamhre les engagea done a se retirer, pour évi-
ter les désordres qui se seraienl élevés, si les soldats avaient
voulu user de violence pour les faire sortir. Quatre desdits


membres céderent de honne grace acet ordre ; mais M. Strode
s'obstinant ademeurer , sir \'Valter Earle, son ancien ami,
le poussa enfin dehors par force au moment OU le Roi en-
trait a \Vestminster dans la cour du Palais-Neuf. Lorsque
Sa Majesté traversa Westminster-hall, les offieiers, em-·
ployés et réformés dont il était accompagné, se rangerent
en haie des deux cótés de la salle, laissant au milieu d'eux
un passage llar lequel Sa Majesté se rendit a I'escalier qui
conduit a la chamhre des comruunes. La garJe des pcn-




49° I~ CLAIRCISSEMENS
sionnaires et des hallebard iers , qui accompagnait aussi Sa
Majesté, demeura dcva nt la porte de la chambre, qui fut
ouverte ave e violence , et 5a Majesté entra dans la charnbre.
En passant pour se rendre au fauteuil de l'orateur, elle
jeta nn coup d'rnil a droite du coté de la harre de la cham-
JIre , lieu ou ;VI. Pym avait coutume de s'asseoir ; mais Sa
lVIajesté, qui le connaissait hien , ne le voyant lJas, elle s'a-
vanea vers le fallteuil, et dit : .. Avec votre perrnission ,
...1\1. l'orateur, jI' vous ernprunterai un moment votre fau-
« teuil; » sur quoi Sa Majeslé y monta. Apres y étre de-
meurée un instant, elle jeta les yeux sur les membres de la
chambre, qui demeuraient tous debout et découverts; mais
elle n'y apercut aucun des cinq membres. Et au fait, lors
meme qu'ils y eussent été, il eút été diflicile de les distin-
guer parmi fant de visages découverts, tous levés a la fois.
Alors Sa Majesté parla en ces termes:


« Messieurs , jI' suis raché de I'occasion qui rnarnene
.. parmi vous; je vous ai envoyé hiel' un sergent d'armes,
" chargé d'une rnission tres-importante, qui était de saisir
« quelques personnes accusécs , par roan ordre, de hante tra-
" hison; sur quoi j'attendais de vous l'obéissance et non Fas
.. un message. JI' dais vous déclarer ici que bien qu'aucun
lo des rois d'Angleterre n'ait élé plus soigneux que [e nI' le
" serai de maintenir vos priviléges de lout mon pouvoir ,
« cependant, vous devez savoir que dans les cas JI'
" trahison il n'y a plus de privilége pour personne, Je
« viens savoir si quelques-uns de ceux qui en ont été ac-
« cusés se tro uvent ici ; cal' jI' dais vous dire , msssieurs ,
« que tant que les membres que j'ai accusés , non pas d'un
({ crime léger, mais de trahison, seront dans cette eham-
" bre , je ue puis espérer qu'elle rentre dans le droit de-
" voir OU je désire siucercmcut la voir. JI' viens done vous
" dire (pIe je veux les avoir , quelque part qu'ils se tronvent.
« Jevois bien (Iue les oiseaux se sont envolés; a la bonne




ET PI tCES HI5TOn TQUES.
« hcure ; j'altends de vous que vous me les enverrez aus"i-
« tót qu'ils reviendront, et je vous certifie , sur rna parole
« de Roi, que je n'eus jamais le projet d'employer la force,
« mais que je procéderai centre eux par les voies légales et
t( ele droit, cal' je n'ai jamais eu d'autre intenlion. Main-
« tenant, puisque, je le vais bien, je ne puis faire la chose
« pour [aquel le j'élais venu , je saisis l'occasion de répéter
« ce que j'ai déjit dit , que je maintiendrai tout ce que j'ai
" fait ponr tous mes sujels et pour lcur bien. Je ne YOUS
« dérangerai pas davantage j mais je vous le dis , je eompte
" qu'aussitót iqu'ils reutreront dans la chambre, vous me
« les enverrez , autrernent je prendrai des moyens pour les
« trouver. »


Tandis que le Roi était demeuré a regarder autour de la
chambre , I'orateur s'étaít tenu au-dessous du fauteuil tout
pr¡~s de lui. 5.1 NIajesté lui demanda si quelc!u'uu des CilHI
mcmbres était dans la charnbre , s'il les voyait, et a qnelle
place; alors I'or ateur, tombant a genoux, répondit: "AHC
« le bon plaisir de Votre lVIajesté, je n'ai ici ni yeux pour
« voir , ni langu e lJour parlcr , flu'aulant qu'il plait a la
" ehambre, dont je suis ici le serviteur , de me le coru-
« mander, et je supplie humblement Votre Majesté de me
e pardonner, si je ne puis faire d'autre réponse, a ce qu'i]
« plait a Votre lVIajesté de me demander. »


Lorsque le Roi eut fini son discours, il sortit de la charnbre
qui était dans une grande agitation, et plusieurs rnembres
cricrent assez haut pour qu'il l'entendlt : Privilége, privi-
lége. La chamhre s'ajourna au lendemain a une heure. Le
mérne soir , Sa Majesté envoya J can l\Taxwell, huissier de
la chambre des pairs , requerir M. Rushworlh, clere assis-
tant de la chamhre des eommunes, que Sa lVIajeslé avait vu
prendre son discours en caracteres abrégés, de venir la trou-
ver; et quand lVIaxwell I'eut amené aulRoi" Sa Majest<:
voulut flu'il lui remit une copie du diseours fIu' elle avait




ÉCLALRCISSEaI ENS
]Jrononcé a la charubre, M. Ru:;hIVorlh, espérant que Sa
Majesté voudrait I'excuser , la pria de se rappeler que
M. Francis Nevil, député du comté d'York a la chamhre
des communes, avait été mis a la Tour, seulement pour
avoir répélé a Sa Majcsté les paroles dites ala chambre par
lVI. Ilenri Be\lasis, fils du lord Faulconhridge. A quoi Sa
Majesté répondit brusquement: « Je nc vous demande pas
« ce qu'ont dit aucuns des membres de la chambre, rnais ce
u que j'ai dit moi-rnérne. II Sur quoi, M. Rushwcrth obéit
sans hésiter a I'ordre de Sa J\Iajesté, et en sa présence ,
dans la chambre appelée le ¡oJal!, transcrivit, d'apres ces
caracteres abrégés, le discours de Sa Majesté , q ui demeura
dans la chambre tont le temps qu'il écrivit , alors , et en ce
Iieu mérne , il presenta an Roi ce qu'il venait d'écrire, el
il plut a Sa Majesté d'ordonner qu'on l'envoyát sur-le-
champ a l'imprcssion. Cela paml imprimé le Iendemam
matin. (llistoire parlementaire , t. 2, col. 1009 - 1011,)


Voici une autre relation du mérne fait que nous joignons
a celle de Rushworth, p~rce qu'e\le contient quelques dé-
tails eurieux ; elle émane d'ailleurs d'un hornm c du parti
royaliste , sir Edmond Varney, tué ensuite a la hataille
d'Edgehill, et dans les papiers duque! on l'a trouvéc écrite
au erayon.


« Le mardi 4 janvier 1642, la chambre des cornmuues
s'étant réunie vers une heure , on y apprit qu'i] y avait un
dessein de s'ernparer , par force, de la personne de cinq
mernbres, Pour éviter tout tumultc , on leur ordonna de
s'ahsenter , rnais sans transcrire cet. ordre sur les registres;
et ils se retirerent, Peu aprcs le Roi arriva avec ses gardes
et pcnsionnaires , au nombre de dcux ou trois cents soldats
et gentilshommes. II ordonna aux soldats de rester dans la
grand'sa\le et nous fit dirc qu'il était a la porte. On pres-
crivit a I'orateur ele se tenir a sa place, la masse devant lui ;
le Roi vint a la porte suivi du seu] comtc Palatin, et en-




El' PIECES HISTORIQI; ES. 495
joigllit, S01lS peine de mort, a ceux qui le suivaient, de ne
point entrer. Le comte de Roxborough resta en dehors, le dos
appuyé contre la porte. LeRoi s'avanca le chapean ala main,
vcrs le fauLeuil de l'orateur : I'orateur se leva pour aller au-
Jevant tle lui; le Roi prit sa place, mais saus s'asseoir dans le
fauteuiJ.ll dit alors quil attendait de nous I'obéissance ason
lllessage de la veille, et non une réponse. L'orateur ayant dit
qu'il n'avait point d'yeux pour voir ni de 1angue pour parler,
si ce n'esl quand la chambre lui en donnait l'ordre , sur ce,
le Roi reprit : « J e crois mes yeux aussi bons que les vótres ,
« mais les oiscaux se sont envolés; j'espere que la chambre
" me les cnve'rra, cal' leur trahison est odieuse, et telle
« que vous devriez tous me remercier de l'avoir décou-
« verte. JI Il s'en alla aussitót , tenant toujours son chapean
a la main jusl!u'il ce lIu'i1 mt a la porte. La chambre s'a-
journa sur-lc-champ au lendcmain il une heure , pour déli-
hérer sur ce quil y avait il faire , JI (HistoircparlcmclItairc,
!. 2, col. J 01 J 1 note e¡ \1




ÉCLAIRCISSEMENS


VI.


Sur le caractcre de ""ti. Hampdcn,


« LA mort de l\'l. Hampden (1) eút t:lé regardée comme la
compensation d'unc défaite; elle ne pouvait , par cOllsé-
quent, qu'ajouter beaucoup a la victoirc, 11 fut alteinl a
I'épaule de deux bailes qui lui briscrent l'os , et il en IllOU-
rut trois scmaines apres dans des douleurs extraordinnires ;
cela causa dans lout le pa rt.i une aussi grande conslernalion
que si son armée toute entiere eút été détruile el extcrmince.
Plusieurs observereut , et ces observations ne sont l,as rares
daus les crises des gTanJes affaires , que la plai ne de Chal-
graw, lhé~hre de cette dcrnierc renconlre, Oll l\T. Hamp-
den avait reyu le coup mortel , était le lien ou il avait mi,
a exécntion , pour la prnmicre fois, l'ordonnance de la mi-
lice, et engagé dans la rébel1iotl lout ce comté oh i1 jonissait
d' un graJ](1 crédito On sut , par les prisormicrs Iai ts ce jonr-
la, et tous en convin reut , q u'nprcs I'nttaque faite le rnatin
sur lenr q nart icr , il ava it mis une excessive activité il ras-
sembler des forces pourpou rsu ivru I'ennemi; (lne, bien cfue
colonel d'infalllerie , il s'était mis, comme volantaire, avec


(JI Blcssé 1, mort il la rcnr-on tre de CIJ"l~rave en ¡Ilin IGp. - Ce
portrait de 3T. Hnmpdcu porte (:yidenllllent Je cucln-r d(~ la rna1r.'il1an('c.
Soit avcuglcmcnt, soit il dcsscin , Clar(,lldon y garde le silcncc sur ll'S
q nu lir és morales de ~I. Hamp.Icn , ponr niusi stcr que sur la snpúiol'il.:
de son esprit, et le pnisentcr plllliJt cornmc un Jlal;ile cJlt'f de pili'li
(fue cornmc 1111 granrl cilnyen. l\lais i l rr'cu r-st. pas nmin s CUl'i('I!X rlc voir
ce (Inc pcnsai t , du genre de talcn t el d~inf111cllr.c de 1\1. [l.uu pdcu , le
plus cclai}'(~ el nnsxi le plus moderé de ses ad\"l'J .... aircs ; d'autant '{'!"
les Iu-illnns doS"c!:i, donncs ]1 ce gl'aud [mmme r:1r l es éCl'iyaills ,le son
f,¡rti, snnt ";\~:nlCS ('\ 1(' lt)nt peu ('ormallrr'. (}l""olc d{~ fFditcl/f. /




ET PIECES HISTOrdQU ES. 495
¡¡'S prcrnicrs cnvalier-s qui s'étaient trouvés préts , el que,
!orsque le prince Il obert f 1 halte , tous les officiers étant
c1'avis d'attendre clue Ieur corps les eút rejoints, M. Hamp-
den, l'honune, aprcs le général , Ic plus considéré de tous ,
Iut seul d'avis contraire et 'obtint d'eux qu'on avancerait ;
tant sa destinée le poussait violemment á venir payer le prix
de son offense, au lieu méme oh il J'avait commise enviran
un an au paravant.


" C'était un genlilhornrne d'une bonne famille du comté de
Buckingham, né riche et de I'extérieur le plus civil et le
plus allable ; ason enlrée (lans le monde il s'étaitahandonné
a des divertisseruens , des exercices et des socié tés fréquenlés
llar les hornmcs les plus livrés aux plaisirs, Il se renferrna
ensuite dans des sociétés plus réservées et plus graves, sans
perdre cependant sa galté el sa YÍvacit.é naturelles , et sur-
tont sa facile obligeancc envers tout le monde. Cependant
les gens q ui vivaient dans son in timité voyaient en lu i un
grand éloignement centre le gouvernement de l'l;:glise ;
mais la plupart n'y apercevaient qu'un rnécontentemeut
centre quclques hornmes de l'Église , et les innovations qu'ils
avaient introduites , dont ]\f. Hampden redoutait les effets
pom la tranquillité publique. Avant l'aifaire de la taxe (les
vaisscaux , sa répu tation était plutót grande dans son comté
qu'c~tcndue partout le royaume; mais alors il devint le sujet
de tous les discours ; chacun voulait savoír qui, et quel était
eelui qui osait, a ses propres périls , soutenir la liberté, la
proprióté pnblique, et délivrer son pays du danger de de-
venir la proic ele la cour. Au milieu ele toute ceHe agitatíon,
il conserva daus sa conduite une modération et une mo-
destie si rares , que ceux qui le veillaient de plus pres , pour
prendre centre lui quelque avantage au moyen duc¡ue! ils
pussent parv en ir a ébranler sa ferrneté dans la cause qu'il
.outcnait , furent cux -mémes obJigés de lui rendre hom-




496 ECLAIH.C ISSE ~iENS
« L'arrét porté centre lui le gl'andit encore plus que l' action


pour laquelle il le subissait; et lorsqu'{l revint au parlernent
actuel , COIl1ILle ehevalier de son comté, tous les yeux se
fixerent sur lui comme sur le patria: pater, et le pilote des-
tiné aguider le vaisseau a travers les ternpétes et les écueils
qui le menacaient. J e suis persuadé que son pouvoir et ses
moyens de faire le bien OH le mal étaienL a cette époque
plus grands que eeux de qui que ce fút dans le royaume ,
et au-dessus de ce qu'en avait jamais possédé aucun homrne
de sa condition ; sa réputation de droiture était univcrselle ,
et ses sentimens paraissaient telIement dirigés vers le bien
pnblic, qu'il ne semblait pas qu'uucun intt:n~t particulier ,
ou aucune corruption pút jarnnis les faire dévier.


« La modération eL l'affabilité singulieres , les apparences
de modestie et de défércncc (ju'il montrait dans la discus-
sion, lui donnaient I'air de n'y point apporter d'opinion a
lni, mais simplement le désir de s'écIairer et de s'instruire.
Cependant il avait uue maniere si suhtile d'interroger, eL
sous la forme du doute il savait si bien iusinuer ses objec-
tions, qu'il pénétrait de ses opiuions ceux desqucls il p["(:-
t.emlait les recevoir et se faire instruire; et mórne anpres
de ceux qui sava icnt se garantir de eetle iníluence , eL dis-
cerner en lui les opinions alT(~lf:es .nrxquclles íls ne pou-
vaíent s'accomruoder , il conserva toujours la rriput.ution
¿'un homme ingéniellx et conscíencíeux. C'etaít en eílet un
hornrne tres-saga et de grandes facultés, doué de l'esprit de
popularíté et du talcnt de gouverner le peuple, plus complet-
tement qu'aucun homme (jue j'aie jamais connu , Dans la
premiere année du parlement , íl pamt plutót travaillcr
a modércr et adoucir I'espt'it de mécontenlement qu'a l'en-
Ilarurncr , mais IcshOlnmcsclairvoyans e1salh passion aperee-
vaieut clniremcnt que sa urodératiou veuait de sa prudence,
et de ce qu'il voyait que les temps ll'élaicnl pas encore m úrs,
p!ntót que de t1íiposilioIlS réclicmcnt iuo-Icrécs. Il mettait




ET PItCES lJISTORIQUES.
3U jour des opinions et des motions, dont il confiait ensuite
l'éducation a d'autres , déguisant si bien ses propres des-
seins , quil semblait rarernent désirer plus rlu'on n'avait
ohtenu; plusieurs fois , sur des propositions outrées, et des-
tinées, lorsqu'clles auraient été suffisamment múries par la
majorité, aouvrir la voie a.des projets qu'on ne mettait pas
encore en avant , on le vit sortir de la chambre au momsnt
du vote, afin de ne pas paraitre consentir a une telle absur-
dité; ce qui fit naitre chez quelques-uns autant de doute sur
sa rlroiture que cela excita I'approbation des autres. Per-
sonne ne doute qu'il n'eút eu aumoins connaissance des pre-
nrieres machinations pour amener I'invasion des Écossais en
Angleterre, ainsi que de t.out ce qui se complota depuis
(1 ans le parlement en leur Iavcur et pour arnener des chan-
gemens dans le gouvernement.


Lorsqu'i/ se vit au nori1hre des memhres accusés, par le
Hoi , de haute trahison, il se tit en lui un grand change-
ruent ; son caractere et sa conduite devinrent beaucoup plus
;'pres; et il n'est pas douteux que, des qu'il eut tiré l'épée,
il jeta le fourreau. 11 s'opposa avee violenee aux ourer-
t urcs de' paix que le roi envoya de Nottingham, et re-
pOlls,a de mérne tous les expérliens qui, dans les négo-
ciations d'Oxford, auraient pu amener quclquo aeeommo-
dement. On eomptait particulierement sur lui pour empe-
clier qu'on ne fit naitre au eomte d'Essex aueun désir de
paix, ou, s'il en avait, )J0ur les rendre inutiles. Au fait,
le parti avait beaucoup plus de eonfianee en lui que dans le
général Iui-méme. Au eommeneement des troubles, il prit
le commandemcnt d'un régiment d'infanterie et rernplit en
toute occasion , avec la plus grande ponctualité , les devoirs
d'un colone!. 11 étaít d'une grande tempéranee, souverains-
ment maih-e de ses passions et de ses sentimens; il avait
par conséqnent un grand pouvoir sur ceux des autres, 11
":tait d'une activité et d'une vigilance que ne pouvait fatigue'


1. 52




4gB ECLAIRCISSEMENS
l'homme le plus laborieux; d'une sagacité que ne pouvait
tromper le plus fin ni le plus habile, et d'un eourage per-
sonnel, égal a ses plus éminentes qualités ; en sorte qu'on ne
pouvait le désirer pour ennemi , quand il était possible de
s'en faire un ami, et que, cornme ennemi , il était aussia
craindre qu'aucun homme le pút étre , Sa mort ne fut done:
pas moins agréable al'un'des partis, que deplorée par l'autre.
En un mot , on pouvait lui appliquer ce qui a été dit de
Cinna, qu'il n' était aucun mal que sa tete ne fut capable de
combiner , sa langue de persuader, sa main d'exécuter. Sa
mort parut done une grande délivrance pour la nation .•
(Histoire de la Hebellion , tom 6, page 86-91. )




ET PIECES HISTORIQUES.


VII.


499


Sur Tenlevement du grand sccau d'Angleterrc et le départ
du garde du seca u Liuleton pour rejoindre Charles Jer,
aYork. (mai 1642.)


« Enviran ce temps, il survint un événement qui troubla
beaucoup la faction dominante, d'autant plus qu'elle ne s'y
at.tendait paso Le lord -garde-du-seeau quitta Londres et
se rendit aYork, et mit ainsi le B.oi en possession de son
grand seeau; ee que tous les partis regarderent alors
eomme un tres-grand avantage. Le Roi était tres-mécontent
du lord-garde-du-sceau, Littleton, qui n'avait pas agi pour
lui aussí utilement qu'il I'avait espéré , avait perdu toute sa
vigueur depuis le moment de l'aeeusation des einq mem-
bres, et, au lieu de s'opposer le rnoins du monde a aueune
des extravagantes discussíons du parlement, avait souffert en
silence qu'elles eussent toutes leur eours. De plus, Littleton
avait non-seulement refusé, eomme on l'a dit, d'exéeuter les
ordres du Roi, relativement aux comtes d'Essex et Holland;
mais il avait montré de grandes complaisanees et Iait gran-
dement la eour a ce parti, dont les membres, dans les
deux chambres , avaient eu affaire a lui. Enfin, dans une
q nest ion réeemment soumise a la ehambre des pairs , rela-
tivement a la miliee , il avait voté contre le Roi et la loi, au
granel scandale et méconlentement eles partisans du Roi.


« Il jouissait , comme juriseonsulte , J'une grande répu-
tation pour sa seienee et pour les autres qualités qui appar-
tiennent aux homrnes ele premier ordre. Il était el'une bonne
Iarnille du eomté de Shrewsbury, et avait hérité de son
pere une fortune eomielérablc. II était d'une belle figure;
son exté rieur était eelui J'un homme cornme il faut, et in-


32.




500 ECLAIRCISSEMENS


ñnirnent agréable. Il était connu pour le courage que dans
sa jeunesse il avait manifesté les armes ala main, 11 av.nt
pris beaucoup de peine a s'instruire dans la partie la pl us
di~cile et la plus compliquée des lois, aussi bien que dans
eelle qui était de I'usage le plus habituel, Il était non-seu-
lement tres-expert et versé dans les livres , mais aussi dans
la eonnaissancc des registres et précédens légaux. II s'était
associé, pour ce travail, a M. Selden, avec lequel iI était lié
o'une étroite amitié, et qui lui avait été rl'un grand secours;
en sorte que, parmi ceux qui s'adonnaient a la pratique , il
était rega¡'dé comme le plus fort dans la connaissance rle la
jurisprudence ancienne, et, par la seule supériorité de ses
talens, s'était élevé au prernier rang parmi les pratieiens
devant les cours de la loi commune. n avait été nommé
greffier de Londres, avant d'avoir été appelé au banc du
Roi, et était arrivé a la clientelle la plus étendue dans toutes
IN cours , soit de la loi commune, soit autres. Quand le
Roi regarda d'un peu plus pres a ses affaires , et s'apercut
qu'il aurait bien des choses ti faire ti Westminster, il ren-
voya un vieux procureur général inutile et ignorant, qui
avait été revétu de cel emploi par la faveur de Buckingham,
et Littleton l'obtint a sa place, ce qui lui valut beaucoup
plus d'honneur que de profit , cal' il se trouva privé par eette
fonction du reveno qu'il avait d'abord tiré de sa pratique.
A la mort du lord Coventry, Fineh ayant été fait g.1l"de du
sceau , Liltleton fut promu a I'ernploi de grand ¡uge eles
plaids cornmuns, alors le meil1eur offiee de judicature.
II avait coutume de dire que, dans le secret de ses désirs ,
cet ernploi avait été I'objet de sa plus haute arnbition. Ce:
fnt, en effet, la sphere OU il parut avec le plus d'éclat el
d'avantage; il possédait toute la science requise pour de pa-
reilles fonctions, et était un excellent juge, d'une haute
gravité, et au dessus de tout soup~on de corruption,


« T:tnrlis qu'j] occupait cet emploi, l'archev~rIlIe rle Can-




El' PIECES mS'i'ORIQUES.
torbéry etle cornte de Strafford engagerent le Roi a I'ap-
peler au conseil OU il soutint sa réputation , et , [orsque le
lord Finch quilla le royaurne au commencernent du parle-
ment, on le regarda, 11 beaucoup d'égards, comme l'homme
le plus propre a rernplir sa place. Le comte de Strafford ,
lorsqu'il eut été mis a la Tour; demanda que Littleton fut
nomrné baron, espérant que, par son autorité et sa connais-
sanee des lois , il s'opposerait tres-utilement aux procédés
extraordinaires et inexcusables du parlement; mais , du
moment ou Littleton fut chargé du grand sceau , il sernbla
hors de son élément; et dans les affaires rnérne de la chan-
cellerie, quelque expérience qu'il cul de la pratique el des
procétlés de cette cour, il se montra Irappé tle perplexité, <1'il'-
résolution , el ne dép(~chapas, comme on aurait du s'y atten-
dre , les affaires d u conseil. JI ne conserva dans le parlement
aueune dignité , et tomba dans un si cornplet abattement,
que presque personne ne lui témoignait plus d'égards, si ce
n'est ceux qui étaiellt le plus opposús au Roi; ceux-ci , a
la vérité, s'attacherent extrérnernent a lui et en fureut re!rus
avec une égale bienveillance. Ses amis attribuerent ce chan-
gement a une grande maladie dont il avait été saisi peu
apres avoir été fait baron , et dont tout le monde avait cru
qu'il mourrait. Elle I'avait cmpéché plusieurs fois d'aller a
la chambre; en sor te qu'il ne rend it au comte de Strafford
aucun des ser vices qui avaient élé l'unique objct de sa pro-
motion; a eompter de cettc époque il ne ful plus le rnérue
hornme. Mais certainement ce chaugement avait une autre
canse qne sa rualad ie , ct iI était preocupé de quelque crainte
sinístre (Ill'il ne pouvait maitriser , et n'aurait eonfiée aau-
cun de ses amis.


H M. Hyde, un de ceux a qni le Roi se fiait le plus dans
la ehambre des com m unes et qui avait toujours eu une
grande estime pOllr le garde-dll-sceau, fut aussi trou1)16
«(ue perionne de 3.1 couduite : comme ille vovait fréquem-




502 Ee LAlllClSS El\IE~S
ment , il alla le trouver ti I'occasion du vote sur la milice ,
et lui dit sincerement , et avee une grande liherté, combien
il avait perdu dans I'estirne de tons les honuétes gens, et
que le Roi ne pouvait qu'ctre exeessivement mécontent de
lui. Il ajouta encore plusieurs ehoses au sujet de ce vote:
bien que le garde du scean ne sút pas alors que le Roi ac-
cordátsecretemcnt tant de confiance ti M. liyde, il savait
tres-bien que Sa lVIajesté en avait tres-bonne opinion , et, des
le commencernent du parlement , il avait souvent entendu
le Roi, lorsque I'entretien tombait sur les j urisconsultcs de
la chamhre, prendre cette oecasion de parlcr de lV1. Hyde ,
cornme d'nn homme dont il avait oui dire beaucoup de bien;
ce que le garde du sc~au avait souvent rapporté ti celui-ci. Il
connaissait aussi I'amitié flui existait entre le lord Falkland
et lVI. Hyde, et savait combien de méfiance commcncaient a
exciter les fréquentes communications qu'avait celui-ci avec
les deux nouveaux conseillers privés.


« Ce fut dans son cabinet a Exeterhouse que lVI. Hyde
lui tint ce diseours, qu'il écouta avec toute l' attention pos-
sible. A peine lVI. liyde avait-íl eommencé ti parler , que
lord Littleton se leva de sa chaise pour aller a la porte de
son cabinet, et voyant queIques personnes dans la chambre
proehaine, il les pria de se retirer, puis il ferrna la porte de
eette chambre et eelle de son cahinet, revint s'asseoir, fit
asseoir aussi M. Hyde , et commenca par le remercier beau-
coup de son arnitié, dont il avait, dit-il, fait toujonrs grand
cas, ajoutant qu'il ne pouvait lui mieux témoigner I'estime
qu'il faisait de cette amitié et de lui, qu'en lui parlant aussi
Iibrement qu'il allait le faire. Alors , il déplora sa propre si-
tuation , et le malheur d' avoir été tiré de fa conr des plaids
comrnuns oü il eonnaissait et les affaires et les personnes
avec qui il avait a traiter , pour étre élevé au poste éminent
oh il se trouvait alors, qui 1'0bligeait it communiquer et it
traiter avec des hommes d'une autre sorte, et qu'il ne con-




ET PIECES HISTORlQUES. 503
naissait pas, sur des affaires qu'il ne comprenait pas, et sans
trouver parrni eux un seul ami avec lequel íl pút conférer
sur les doutes qui s'élevaient dans son esprit.


H I1IJarla du malheureux état des affaires du Roi, di-
sant combíen il avait élé et était encere trahi par ceux
(lui l'entouraienl. 11 s'exprima avec toute l'indignation pos-
sible centre les procédés du parlement , et ajouta que la
Iaction ne ferail jamais toul cela, si elle n'était résolue d'en
[aire encoré davalltagc; qu'il eonnaissait trop bien le Roi, el
avait trap bien observé la conduite de divers individus, ainsi
(¡ue le cours genéral des aflaires publiques depuis ces cinq ou
six derníers rnois, pour ne pas prévoir qu'avant peu la guerre
aurait lieu entre le Roí et les deux chambres , et il remar-
tlua de {¡ue1le importance il serait alors pour le Roí d'avoir
avec luí le grand seeau. JI se répandit alors en expressions
de respect et d'aJTect.ion pour la personne du Roi, aussi bien
l/UC pour sa haute dignilé; ajoutant que personne n'était
plus prét que lui a mourir avee et }J0ur Sa Majesté; que
e'était pareequ'il prévoyaít cettc néeessité qu'il s'était con-
duit avcc tantde cornplaisance pour le parti, afin de le rendre
favorable a leur cause, ou d'obtenir du rnoins qu'il ne se mé-
fiát point de lui ..Il savaitque beaucoup de gens avaient táché
d'élever des soups;ons eontre lui, el que peu de jours aupara-
vant il avait été délibéré sur la question de savoir si, dans la
erainle que le Roi n' envoy át ehercher le seeau, ou ne le lui
retirát , il ne serait pas bon de le rnettre en quelque lieu sur ou
I'on !le courrait pas rísque de le perdre, ft d'oii le garde du
sceau le rccevrait toutes les fois qu'illui serait nécessaire pour
I'exécutiou de son ofliee; cal', du reste, on ne voulait pas le
désobliger. C'était la connaissance qu'il avait eue de cette dé-
libération, etla crainte qu'on u'y donnát suite, qui, dans les
deruicrs débats sur la milice, I'avaient engagé avoter d'une
lllalli¡~re IJfopre, il le savait, adonner de tres-fácheuses im-
presúons au roí et abeaucoup d'autres personncs dont il n'é-




504 ECLAIRC1SSEj-1ENS
tait pas bien connu. Mais s'rl ne s'était sournis sur ce poiut
a l'opinion du parti, le sceau lui eñt été enlevé le jour méme,
tandis qu'en accédant par son vote , qui ne pouvait porler
préjudice qu'a lui et non pas au Roi, il avait si bien
sagné [eur confiance, qu'il était en état de conserver le
sceau entre ses rnains , jusqu'au mornent OU le Roi le lui
dernanderait , et qu'alors il serait tout prét a le porter aSa
Majesté.


" Ce discours fit grand plaisir aM. Hyde, qui demanda
a lord Littleton s'il lui permettait, quand il en trouverait
l'occasion, d'assurer le Roi qu'il était prét a lui rendre ses
services, aussitót qu'il en serait requiso Lord Littleton le
pria de le faire, et de transmettre au Roi la parole qu'il
donnait d'exécuter ce qu'il venait de promettre aussitót qu'il
IJlairait a Sa Maje;té; ils se séparerent lá-dessus.


". Ce fut trcs-peu de jonrs apres (Iue le Roi , excessivernent
mécontent et irrité de la conduite du garde-du-scean, en-
voya au lord Falkland l'ordre de lui redemander le sceau.
La volonté du Roi était positive en ceci, bien qu'il ne fút pas
encore délerminé sur le choix de l'homme qu'il mettrait ala
placede Littleton. SaMajesté cornpreuait aussi les deux autres
arnis (1) dans sa consultation, leur demandant d'examiner s'il
fallait confier le sceau au lord-grand-juge Banks,contre lequel
elle faisait elle-méme quelques objections, ou it M. Selden ;
elle exigeait qu'jls lui fissent connaitre , sur-Ie-champ , leur
opinion ace sujeto L'ordre de dernander le sceau au titulaire
actuel , était positif ; mais les trois arnis ne savaient qui in-
diquer pour le remplacer; le lord-grand-juge Banks parais-
sait aussi effrayé que I'autre , et bien que ce fút un homme
de grand talent et d'une hormétete sans tache, on ne le
croyait ]las suffisant paur un tel emploi dans des circons-


(1) M. Ilyde el sir Job" Colcpepper.




El' PIECES HISTOlUQUES.
tunees si orageuses. IIs ne doutaient pas de I'airection de
NI:. 5elden pour le Roi ; maís , en méme temps, ils le con-
naissaient trop bien pour n'étre pas certains qu'il refuserait la
place si elle luí était offerte. II était agé, d'une santé déli-
cate, depuis long-temps accoutumé ases aises , et les aimant
heaucollp. Il était riche, et n'auraÍt ras entrepr ís un voyage
a York, ni consentí acoucher hors de son lit pou1' toutes les
places du monde, dont il ne s'était jamais soucié.


« Tous trois étant d'avis qu'il ne fallait offrir le sceau ni
a I'un ni a I'autre , M. Hyde leur raconta la conversation
qu'il avait eueavec le garde-du-sceau, et les promesses ({lle
lui avait faites celui-ci ; il ne doutait pas qu'il ne les exé-
cutát tres - ponctuellement. Il proposa donc qu'en faisant
part au Roi de leur opinion sur les deux personnes dont il
leur avait parlé, ils lui conseiJlassent de suspendre sa réso-
lution a l'égard du garde-du-sceau, et de lui écrire avec
bonté de lui rapporler le sceau , plutót que de le lui rede-
mander et de l'en dépouiller. Il offrit de s'engager aupres du
Roi pour le garde-du-sceau , que celui-ci obéirait aux
ordres de Sa l\Iajesté ; mais aucun des deux autres ne fut de
son avis. lis n'estimaient pas le garde-du-sceau, el ne
croyaient pas qu'il se rendit aupres de 5a Majesté, si elle le faÍ-
sait demander, pensant c¡u'il trouverait quelc¡ue détour pour
s'en excuser. Il leur répugnait donc que M. Hyde hasardát
sa réputation sur sa parole. Il les pria alors de considérer
combien ÍI était absolument nécessaÍre que le Roi se déter-
minát c1'abord sur le choix de la personne a qui il voulait
confier le sceau , avant de le tirer des mains oii il était alors;
cal' il ne pouvait etre oisif, sans que la jllstice du royaume
ne se trouvát en désordre , et san s exciter de plus grandes
et plus justes c1ameurs qu'il ne s'en était encore élevé : il
fallaiL, d'ailleurs, prendre grand soin qu'il ne fút an pou-
voir de personne de le refuser, ce qui serait encore plus pré-
jndiciablc a Sa Majesté.Tl lcs pria , par-dessus tout, de bien




506 ÉCLAIRCISSEMENS
rélléchir que l'affaire était surtout de faire arriver le grand
sceau au lieu oh Sa lHajesté s'était déterminée a résider,
et qne si lord Littleton tenait sa promesse , et voulait servir
le Roi , ce qu'il y avait de mienx incontestablement, c'était
de les avoir , lui et le sceau. Si, d'un autre coté, Littleton
ruauquait 11 sa parole et ne craignait pas d' offenser le Roi, il
refuserait de remettre le sceau, et informerait les lords de sa
désohéissance, que la faction le louerait, rricompcnserait et le
prendrait en faveur , qu'alors il serait 11 I'avenir 11 la dispo-
sition des factieux ; ce qui serait un plus grand mal qu'on ne
pouvait l'imaginer, et que le grand sceau de Sa lVIajestéserait
journellement employé contre elle, sans qu'il fút possible ,
avant plusieurs rnois , d'en avoir fait faire un nouveau.


« Ces objections leur pal'urerlt de quelque poids , el ils se
résolurent de rendre compte du tout au Roi et d'attendre
ses ordres, Lord Falkland et M. IIyde écrivirent 11 Sa Ma-
jesté et envoyerent leurs lettres le soir mérne. Le Roi ap-
prouva Ieurs raisons, et fut bien aise que M. Hyde eút tant
de confiance dans le gal·de-du-sceau. Quant ir. lui cependant,
dit-il , il en doutait toujours, et était determiné 11 envoyer,


. l'un des jours de la sernaine suivante, chercher le sceau et
le garde-du-sceau, ajoutant que ce serait , comrne on le lui
avait conseillé, le sarnedi dans I'aprcs-rnid i , aussitót qne la
chambre des lords .aurait fini sa séance , afin qu'on u'eút
connaissance de rien jusqu'au lundi. M. liyde, qui avait
continué ir. voir fréquernment le garde-du-sceau , et se ¡¡ait
de plus en plus 11 sa droiture, alla chez lui, el le trouvant
ferme dans sa résolution, el persuadé, d'apres la violence
des charnbres, qu'il ne fallait pas tarder long-temps, il lui
dit qu'illui arriverait un rnessage dans la semaine suivante;
que lui, M. Hyde, le verrait encore une fois pour l'avertir du
jour, et qu'alors il se rendrait avant lui a York, ce qui fit
grand plaisir ~ lord Littleton; il fut convenu , entre les
trois amis , qu'il etait ternps , qu'iJ Iallait IIu'il partit dans




ET PIECES HISTOIUQUES. 50'"I
un jour ou deux, le Roi ayant cu soin de l'envoyer cherchcr
u n pen d'avance, et qu'alors la déclaration du 19 mai sur
la ru ilice aurait passé.


Le samedi suivant, entre deux ou trois hcures de I'apres-
rnul i , JV[. Elliot, valct de ehambre du prinee, se rendit
chez le garde-du-seeau, et le trouva seul dans la eham-
bre oh il avait eoutume de se tenir ; il lui rcmit une
leltre écrite de la main d u Roi, dans laquelle ce!ui-ci le
priait, avec heaucoup d'cxpressious de honté ct d'estime,
de se rendre promplement aupres de lui, ajoutant que si
SOl! indisposition (cal' il était souvent tourmenlé de la gl'a-
vello et d'une rétcntion d'urine) ne lui permettait ¡laS de
faire le voyage aussi rapidement que l'exigeait la circons-
tance, il fallait qu'il confiát le sceau a celui qui lui portait la
lettre , et qui, élant jeune et fort, ferait t.oute la diligenee
nécessaire; en sorle qne lui pourrait faire son voyage avec
les précaut.ions qu'exigeait sa santé. Le gard'e-dn-seeau fut
surpris un ehoix du messager qui ne lui plaisait pas, et plus
encoré lorsqu'il le vit instruit du contenu de la lettre qu'il
se flattait qu'on n'aurait pas communiqué a eelui qu'on en-
verrait. Il répondit avec beaueoup de réservc, et q uaud
I'autre , qui n'était pas poli, lui demanda assez hrutalcment
le seeau qu'i! n'imaginait pas devoir sortir de ses mains, il
répondit qu'il ne le rendrait qu'au Roi Iui-rnéme ; mais en-
suite se remettant et relisant la lettre, il fit promptement ré-
ílcxion qu'il y aurait danger a emporter le seeau avec 1ui,
paree que si on le poursuivait et qu'on le prit , ce qu'il avait
tout lieu de eraindre , le Roi se trouverait trompé dans son
attente et privé du sceau qn'il rnettait avec raison tant d'írn-
jlortanee aposséder , et qu'alors on lui imputerait son mal-
heur 11 crirne , et qu'on le soupconnerait d'une infidéIité que
certainement iI détestait du fond du eoeur. Il pensa que le
seul moyen de prevenir cet ineonvénient, ou du moins de




508 ÉCLAI RCISSE lUEN S
paraitre innoeent de la ehose , était de rernettre le seeau Íl.
celui (lue le Roi avait chargé de le recevoir, Ainsi, sans rien
dire a M. Elliot de ce qu'il comptait faire , il mit le sceau
entre ses mains, Celui-ei monta sur-Ie-charnp a eheval, lit
la route avec une diligence extraordinaire , et porta le sceau
a Sa Majesté, qui fut tres-satisfaite de l'avoir et tres-con-
tente de son messager.


« Le garde-du-seeau dit ce soir-Ia qu'il était indisposé
et se eoucherait de bonne heure, qu'ainsi il ne fallait lais-
ser entrer personne chez lui. Alors il fit appeler le sergent
qui était chargé de la garde du sceau , et en qui il avait
avec raison une tres-grande confianee, et Ini dit sans dé-
tour qu'il était déterminé a partir le lendemain matin pour
aller trouver le Roi qui l'avait mandé , qu'il savait bien
combien par cette démarche ir excíterait le ressentiment du
parlement, qui prendrait tous les moyens possibJes pour se
saisir de lui , qu'il ne savait meme pas eomment il pourrait
faire le voyage. 1I se remit done entierement entre ses
mains ,le ehargea d'avoir soin que ses chevaux fussent préts
le lendemain matin, lui dit qu'il viendrait seul a sa suite,
et lui servirait de guide pour le conduire par le meilleur
chemin , ne voulant comrnurriq uer son dessein a personne
qu'a lui. L'honnéte sergent eut beaueoup de joie de eette
proposition, et prepar-a de tres-bon C02ur tout ee qu'il fallait
pour le voyage. Il envoya les ehevaux hors de la ville. Le
garde-du-sceau monta en voiture le lendemain de tres-bonue
heure, et aussitót qu'ils furent hors de la ville , lui , le ser-
gent et un seul valet monterent a cheval , et, cornme on
était an commeneement du mois de juin, ils firent ceHe
premiere journée si forte, qu'avant la fin du troisierne jour
lord Littleton baisa la maín d u Roi a York.


Il avait eu soin d'assiguer , pour la séanee du lundi de la
chambre des pairs , une heure plus avancée qu'il l'ordinaire ,




ET PIECES HISTOTIIQUES, 5°9
Le dirnanche se passa sans quepersonne rernarquát l'absence
€Iu garde-du-seeau , et plusieurs pel'soOIles, sachant qu'i]
n'était pas a sa maison, le crurent a sa rnaison de campa-
gne de Cranford, OL1 il se rendait souvent le samedi soir ,
revenant le lundi d'assez bonne heure pour la chamba',
I .es lords consentaient volontiers a ce que, ces jours-la , la
5éanee commenci\t plus tard ; mais, lorsqu'on sut le lundi
matin a quelle heure et de quelle maniere il avait quitté sa
maison , le désordre fut grand dans les deux chambres; et
ceux qui s'étaient imaginé avoír tant d'influence sur lui
qu'ils se croyaient instruits de toutes ses pensées, et en
avaient pris et donné aux aulres une grande idée de leur
importance 1 baissaient la tete, éperdus de honte; et bien
([u'ils crussent eertainement qu'il était déja hors de portée
lors dc l'ouverture de la séance, cependant, pour ma-
nifesler leur indignation eontre lui, et dans I'espérance
'fue ses infirmités l'auraient retenu quelque tcmps en route
(personne en effet ne supposant qu'il eüt pu faire ce voyage
avec la diligence qu'il y mit ) 1 ils donnerent , pour se saisir
de sa personne, un ordre tel qu'il sernblait qu'il s'agit du
seélérat OH du meurtrier le plus odieux, On le fit impri-
mer et répandre par expres , avec la plus grande diligence,
sur toute la surface du 1'Oyaurne.


« On a rapporté iei, avec le plus grand détail, toutes les
circonstances qui précéderent et suivirent le voyage du
garde-du-seean a York, par un sentiment de justiee en-
vcrs la mémoire de ce nohle personnage dont l'honneur a
beaneonp souffert dans I'opinion d'un grand nombre de
gens, par suite des vanteries de eelui qui avait été ehargé
de lui demander le seeau et l'avait re~u de lui. C'était un
hornme qui parlait haut, et avec hardiesse , et qui aurait
V01¡]U faire croire qne c'était l)ar sa résolution et sa fermeté
qu'i l avait enlcvé a lord Littleton le grand sceau , malgré




510 ÉCLAIRCISSEMENS
ses dents. Quelque impossible que ftlt la chose , elle ne
lrouva que trop de crédit, et c'est pourquoi on a exposé ici le
fait tel qu'il est, dans un récit exact, et qui ne contient
autre chose que la vérité due a celui qu'il concerne. 11 iHist,
de la Rébellion, par Clarendon, tomo 3, pago 34I-348;
tomo 4,pag. I -8. )




ET prECES HISTORIQUES.


VIII.


5II


S ur les motifs qui d{fterminerent un grand nombre de mem-
bres des deux cliambres ti quitter le parlemeni el ti re-
[oindre le ROl, en 1612.


" D'apres ce qu'on a dit du nombre et de la qualité des
pairs , qui, en s'absentant de la chambre , et se rendant au-
pres de Sa Majesté, firent clairement connaitre qu'ils étaient
opposés aux résolutions d'oh naquirent tant de désordres ,
on pourra s'étonner un jour que ces pairs , et ceux des memo
bres des communes qui, alors et dans la suite, se déclarerent
pour le ser-vicedu Roi, et qui composaient réellement la moi-
tié, ou pres de la moitié de cette chambre, n'aient pas rnieux
aimé, par leur active et fidele assiduité dans les chambres, et
conformément a la mission qui leur avait été confié e , s'op-
poser a ces pernicieuses mesures, que de quitter leur poste,
et de laisser aiusi des hommes dont les funestes intcntions
étaient déja assez manifestes, en possession du crédit , de
I'autorité et de tout le pouvoir d'un parIement, avec la cer-
titude que le peuple serait aisément et grandement séduit
par eux. J e ne veux ni ne puis excuser ici les hommes qui,
depuis le commencement de ce parlement , soit paresse ,
négligence, irréflexion ou lassitude , se sont dispenses d'y
assister dans un temps oh ceux qui projetaient ces prodi-
gieux changemens étaient réellement en tres-petit nombre ,
et ne parvenaient journelIement a en amener d'autres a
leur opinion., que parce que ceux qui s'y opposaient ne se
montraient pas également actifs et appliqués a soutenir la
Ieur. Je n'excuserai pas davantage les pairs qui, se trou-
vant quatre centre un , se sont laissés duper, persuader et
force!' par des menaces, a l'abandon de leurs droits ; el cela,




ÉCLAIHCISSEMENS
par une poignée d'hommes , que, dans le commeucement ,
ils auraient pu aisément écraser. Dans la chambre des COIll~
munes, au contraire, les principaux menemos étaient des
hommes de talens remarquables , de beaucoup de réputa-
tiou, d'une admirable dextérité, prétendant a une sévere
juslice, et a beaucoup de régularité ; le nombre des faibles
ou des esprits étroits, qu'ils devaient naturellement diri-
gel', faisant toujours la rnajorité , ils se trouve rcnt toujours,
des I'origine, en état d'cmportct tout ce qu'ils avaient visible-
ment a coeur de faire passer, ou au rnoins de décréditer et
(le dépopulariser tout hornmc contre q ui ils jugeaient néces-
saire de procéder, fut-il en possession de la réputation la
plus irréprochable, et n'élevát - on centre lui que les
plaintes les plus frivoles. Ainsi il était illlpossible lfll'il3
ne fussent pas reJoutables dans cette chambre, si ce u'est
au x homrnes les plus élevés au-dessus de toutes les con-
sidérations vulgaires.


l( Mais je ne doute pas que quiconque repassera avec soin
les différens faits qui ont eu Iieu dans les deux chambres ,
depuis le temps de la publication de la prernicre rernon-
trance, lorsque Sa Majesté revint d'Écosse, jusqu'an temps
dont nous parlons , ne pense que le pai-ti pris par un si grand
nombre de membres de se rendre, comme tous les lords
et quelques membres des communes en avaient recu
I'ordre expres , soit aupres de Sa Majesté, soit au lieu ou ils
croyaient étre le plus utiles a Sa Majesté , pour la conser-
vation de la paix du royaume, était un acte, non-seule-
ment de devoir, mais de prudence, et une conduite digne de
sages et hormét.es citoyens. Dans la chambre des pairs ,
les évéques , qui avaient autant de droit d'y siéger, et étaient
aussi bien membres du parlement qu'aucun des autres lords,
en avaient été, pour la plupart, éloignés par la force et par
u ne violence positive; depuis 101'5 avait passé le bill qui
excluait de leur siége tous les homrnes de leur ordre. Ceux




ET pli~CES IJISTOIUQUES.
des pairs q ui étaient le plus conn us ponr tenir au gouverne-
ment actuel de l'église , étaient publiquemellt menacés par
la populace ; quelques-uns mérue en avaient eté atta-
qués. L'affaire de la milice avaít été deux fois rejct(:e dans
la chambre haute, aprcs des d(:bats solenuels , jusqu'á ce
qu'enfin une telle violencc se fut manifestée aux portes de
la chambre ruéme , et (lu'au dedans les menaces et les ac-
cusations contre ceux qui refusaient de consentir a cettc
affaire eussent éu; portées a ce point qu'auclln de ceux
(lu'on avait remarqués pOllr s'opposer aux injustes \'0-
Iontés de la faction, ne pouvait croire sa vie a I'abri du c1au-
gel' dont le menacaient des mains brutales; quelques-uns
avaient été déclarés ennemis de leur pays, pour avoir refusé
ce qu'il était légalement en leur pouvoir de refuser , d';w-
tres' avaicnt éte accusés crirniuellcment pi:r les COlllfl1Unes
pour des paro les pronoucées dans les débats de la chambre
des pairs , ensu ite de quoi plusicurs recurent , par lettre,
l'ordre spécial de se rcndre aupres de Sa JVIajesté. De sern-
blablcs lettres avaient toujours été regardées comme un
!Jon, légal et suffisant mot.if pour s'abscntcr de la chambre,
el d cpuis le comruencemeut des parlemens jusqu'it ce jour ,
on n'avait jamais négligé d'olléir it des ordres de ce gel1l'e.
Cesmem.Lres n'curcut pas été fjllc](lllCSSemaincs avec SaMa-
jcsté qne, sur un avis faux et cxtravagant, dcux d'entre eux
fl1rent, sans plus d'examen, declares cnnem is du royaumc ,
ct neuf autres , sur une accusation portee centre eux par la
charnLl'e (les COm1l111nCS, furentdeclarés incapables de siéger
<lans la chambra des pairs , pcndant la session, uniq ue-
ment iJ canse de lenr absence ; décision qui rcntrait unique-
mentdans la juridiction des pairs , et par suite de ce juge-
ruent , eusseut-ils voulu revenir, ils se trouvaieut exclus de
Icur cbambre.


« DaiJs cclle des communes , le cas était pire encare. En
premicr lieu, ceux qui avaicut I'éclamé ceUe liberté esseri-


J, 35




5 r4 I~C L AIR CISSE 1\'1 EN S
tielle a un parlemcn t , et qui , conformément a leur opi-
nion , avaient témoign6 ICUl' éloigncrnent et lcur répugnance
pour ce quc le par ti violent poursuivait avec tant de yéhp-
meuce , a vaient ú<:, co mm e on 1'.1 dit, proclamés enncmis
de leur pays, el leurs (:crits avaicnt été placardés, sur papier
on parchernin, dans les lieux les plus visibles , accompagnés
de quc1clue épithde ignominieuse; bien que la chosc ne
fú t avouée ni autoriséc par aueun acte public de la charnbre,
cependant, cmnme, lorsqu'ou seu plaignit, il ne fut rien
faiL ;1 eet égard, ct qne la plainte fnt cl'ail leurs tres-pe u en-
courngée, on en put conclure que cette violation des privi-
lr:ges de la chambre nc lni était pas dr:s'1p'éable, Ainsi , par
ce qni a ú,; expose ici en détail alce sincérlt(:, il cst éyident
<Iue, si le, <:mentes n'étaient pas directement provoquées
p:lr la chnmbrc , elles y truuva ien t n n appui et un encou-
ragement.


" Alors, ce <¡ui av ait été rejeté apres des el ébats solenncls
ct étendus dans une chambre complete, fut plusieurs fois
repris dam une chambre incorn plcte , 11 des heures inusitces
el. non pru-lemeutaires , et elécidé en sen s eanlraire eles pre-
micres eonclusions , CcpcnJant les merubres de la minorité
se hornaieut alors a faire ce qu'i}s regardaient cornme leur
dcvoir et a s'opposer á ce q u'ordon nait la majorité. lis cs-
péraient que les esprit, finiraient bien tót par s'éclairer , Ij\le
bicu C¡U'Ol1. usát quelquefois , centre le Roi, cl'exprcssions
violentes el irrcspectneuses, on s'abstiendrait (l'acLíons dan-
gerellses ct illégales; qu'cufi n d nuroi ns on n'obtieuclrait j~!­
mais de la chambre eles pairs de se joindre OH ele concourir


" :1 aucu n acle pdj lldiei~Jble a u pouvoir souverain. Mais quand
on vi t rplC la rnajorité dc la chambre des COnHJ1UneS avait
cu I'adresse ele rcnd re la minorité de la chanibre des lords
trap forte pour la m ajoril c , et [[u'en nll~me temps que tous
se montraient jalonx jus([u'illa furcur des privilégcs du par-
lement a I'égard <In Roí, les clmmbres cllcs-mémes atta-




ET 1'lECES HISTORIQUES.
quaient la racine de ton, leurs priviléges; que, d'apres des
considérations purement métap1tysiques, on s'ernparait de
la miliee du royaume, ce qui ne devait avoir lieu (Ju'en cas
de nécessité : que, malgrél'ordre (]u Roi, Oll lui don nait un
chef centre le gré du Itoi : (lue le parti , maitre d'exécutcr
ses résolutions qnand il lui piairnit , avait pris celle de noui-
mer un général ( résollltion bien corm ue avant le tcrnps ou
ce grand nombre de mernhres se reudit i.t York et en dau trcs
endroits, et mise a exécution trois ou quatre jonrs arres) ,
hcaucoup de gens pcnscrent <¡u'il était temps de mcUre leu r
iunocenco it couvert , et que, puisque par la marche et les
réglemens de la chambre des communes, ils ne pouvaient
pas, eomme les lords, laisser une protestation , comme U11
nionument ou un témoigl1nge de leur opposition a ux réso-
lutionsou acles illc:gaux ,il, n'avaicnt d'all trc moyen de [aire
connaitre Jeur é!oigllemenl pom' tout ce (p¡i se faisait, que
,le l1'y pas concourir par leur présence. Ou reusa, avec rai-
son, comrne il n'y avait pas d'autre moyen de faire la chose
paisiblernent et avec súrcté , que le peuple, en comparant
le nombre de ceux qui étaient dcmeures présens il ces acles
llOU veaux , et la 'l u alite , le noruhre , la répu talio n de ceux
q n i s'é¡;¡ient absentés , en scrai! plus facilement d,:tcrminé it '
préférer les ;meiennes lois d u royaume aces votes innuis qui
cn étaientla deslruction, el n'émanaieBl qued'un petit nombre
d'hon'l1les, s'intitulant eux-m émes les deux chambres du
parJement; (Jue ce serait done un hon moyen pour agir sur
la conscience el le" sentimens rnod(:r¿s de ceux e¡ ni dcrueu-
raicn t en aITii:re, el le, convaiucre de la nécessit(: d'em-
ployer tous lcurs eiforts aameuer , par quclqu cs dcrnarches
couveuables a upri.s de Sa Majesté, un heurcux et génúal
accounuodemeut , capuhle de tout reunir ct d'él..blir les pri-
,iléges, la dignité et la súreté du p..ilerueut sur lcur, vruics
el legitimes bases.


« A la vcrité , quelqu e raisonnal.lcs que pl1SU~Jlt ¡;<!raílrc




516 EGLAIRCISSEl\I ENS
ces cspéranccs , elles n'cnrcnt pas l'cílct qu'on en attendait,
de ramener les autres 11 la bonue fui; au contraire, des
hornmes (pl'avait fort dérangés la présence de ceux qui ve-



naient de se retirer, et que leur opposition empéchait d'aller
aussi vite quils l'auraient vouln dans le uia] qu'ils proje-
taien t, furent euchan tés d' en ctl'C débarrassés. Cependant ,
considérant hieutót quel eifel celle scpar.rtion pouvait pro-
duire su r ]'csprit des homrncs éclaircs , ils trouverent moyen
de jete¡'le blame sur ccux qui étaient a]JSeIlS, et de prevenir
en 1Jl(~Il1C tcrups les inconvéniens fIn'iIs pouvaient avoir it
craindre de leur retour , Ils publicreut un ordre pour que
tous les membres absens eussent a comparnitre tel jour ,
sous peine, pour chacun, de cent Iivres d'nmendo , et qui-
conque ne par;¡ issait pas au jour désigné , qu'on n'avait pas
mis it un tenue asscz long ponr que ceux qui étaient loin
eussent le temps de s' y rendre , ne c1evait plus se perrnettre
de siéger daus la chambrc avant d'avoir payé l'amcnde et
expliqué it la charnbre ,d'une maniere satisfaisante , lemotif
de son absence; si bien que tous ceux qui étaient avec le
Roi, et le nombre Leanconp plus eonsidéraLle de ccux qui
s'étaicut récllemcnt éIuignés pour se rafralchir l'esprit, ou
par raison d'affaires , et avec le projet de revenir, cornpri-
rent elairement qll'i]s étaient définitiyement oxclus de la
chambre; iI était clair , en effet , qu'ou n'approuverait ja-
niais les motifs de Icur abseuce , si on n e voulait pas de leur
personne et qu'on n'approuvát pas Ieurs opinions. La chose
fut bientót prouvée, cal' le jour ne fut pas plutót passé, que,
sans etre autorisée par aucun précédent, et saus aucune ap-
parenee de droit , la faction expulsa un grand nombre de
membres, quelquofois jusqu'a yingt par jour, non-seule-
rueut de ccu x (pi étaient avec le Roi , ninrs d'autres qui Iu i
avaient également déplu ; el elle ordonua (lue de uouveaux
writs fussent envoyés pOI,r qu'on élú~ d'uutrcs mernbres iJ.
Ieur place.




ET PI:ECES IlISTOnIQUES.
« OH ne saurait nier qll'il ue soit resté á la chambre quel-


(IUCS hommes d'une grande honnétcté et intégrité. lIs s'op-
poserent , avec hcaucoup de courage et de liberté, aux pro-
cédés impossibles '1 justifier q u'on y su ivait alors. On le
leur pcrnnt Leaucoup plus facilement qu'on ne I'avait fait
aupat"avant, dans le temps oh le nomhre des opposans était
plus granel; el il se peut f:lire (IU'il se t rouvát encore dans
cette chambre quclq ucs hommes qui se reposaient sur I'idée
d'avoir fait Ieur devoir en refusant toujours leur conseute-
ment a ton les les décisions séditieuses ou ilIégales. lVIais j'cn
appeHe a la conscienco de ces hommes eux-mdmcs ; en de-
meurant a la chambre, n'ont-ils pas été plusieurs fois con-
t.raints pal' la force et la terrear de concourir ou de se sou-
metlre aplusieurs actos contraires aleur conscience dans les
matieres de loi et de droit , contraires a leur jngement et i1
leurs Iurnicres , contraires auss] iJ lenr scrment el a la fidélilé
qu'ils avaient jurée au Roi? Je leur demande si, dans le cas
oh ils «s seraient refusés , ils n'auraient pas été pillés ,
expulsés , mis en prison. On ne sanrait done Llúmer ceux
(lui, pour conserver leur innocence el leur liberté, ont
mieux airue enco ur ir toutes les censures, tous les embarras
auxquels ils pouvaient s'exposer , et qu i , depuis , out été
aLondamment aInassés coutre eux. » tHistoirc de la Rcbel-
lion , tome !¡ ,page ¡51¡.)




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TABLE DES ~IATIERES
CONTENUES


DANS CE VOLUl\1E.


HI5TüIRE DU LÜKG-PARLEMENT.


N OTICE sur T'homas llfay.
PRf:FACE DE 1.' AUTEUI\.


LIVRE PHEMIER.


p¡¡ge v


CrrAPITHE ler. COllsidó'atiolls sommaircs sur la reine
Elisabetli , le roi Jacques l» . el le commencnment
du ,'eglle du roi Charles 1". Ses deux premiers par-
[crncns , Gucrre avec l'E,'pagrze el la France, lWorl
du dile de IJllckillglwm. 'L'roisieme pnrlcment du
roi Charles. 9


e 11A P 1 T 1\ E Ir. Court cxpost' de quelques-uns des maua:
du rOTaume. Divcrscs opiuions sur le gOIll'ertlement
d' alors , Etat de la cour et du clergl d'AlIgleterre.
Que/ques obscrvat ions d'un. etrangcr conccrttant la
religioll du peuplc angla:s, 36


Cn A P 1T 1\ E JJI, Etat dc l' P:cosse et de son clergé lars-
qu'on lcur em'~ra la nouvelle Iiturgic, Connnent elle
fut re0uc, et fJuelques-ulls des eDets quí s'ensuivirent,
La proclamation du Roí envovee par le. comte de
T'raquaire, Les lords protestent centre. 62


CIlAPITRP. IV. Les Ecossais seformenl en covenant ;
le Rci IClIr envaie le rnarquis de JIamilton; 071 lear




TABLE DES l\IATIERE~.
accorde un sInode national ; mais il cst dissous au
bout de quelqnes [ours pnr le marquis en sa qualitá
de commissaire du Roi. Le Roi se declare contre les
covcnanlaires, el li:ve une nrmde pour les rcduire. 82


CllAPITRE V. Eloignemcnt des Anglais pour la gllerre
d'Ec·osse. Le Roi s'avancc ucrs York avec son ar-
mee, PnlJ"ratif.\' des covcnantaires écossais. Paci-
fication; les deu.x: arnuíes sont cong¡idiécs, Nouvcaua:
prl'paratifs de guerre contre l' Ecosse. Un parlemcnt
est convoqui' en Arrgleterre pour le 13 avril, Le
comte de T'raquaire dissout le pnrlcrncnt d'Ecossc
par ordre du Roi. gG


CHAPITRE VI. Le parlemen: commencc en AlIgle-
tcrre ; mais il est bienuu. dissous . L'assembli!e du.
{.'lerg¡! coutiru«: el sié({er. Les Ecossais entren! en
Angleterre. Quelques-Ims des /!Vó/{;177cns de la ({uerre,
Un parlcment est convootu! pour le 3 novcrnbrc,
Tréve de deux mois entre les deux armées, llG


CIIAPITRE VII. Üuverturc rl« parlemcnt d'Angle-
terreo Examen des gri(:ls. Les ddinquans sont re-
chcrcluis, L'arclicvcouc de Cant orlu'rr cst env(U'é 1/
la T'our, Fuite du sccrctaire d'Étnt rrúldebank, el
du lord-cl.ancelier Ftnclr. 13G


CrrAPITRE VIII. Preces et mort du comte dc Stnif-
ford. Conspiratiori dccouvertc pcndant le cours des
deb ats, Acte pOllr assurcr la d!llú~ du purlcmcnt,
Quclques mots sur la concession des p arlcrncns
triennaua: ,faite dans le mois dcfcvricr prcccdcnt. 1 ~3


e¡¡ A P 1 T n E IX. Argent accordc aux Fcossais par le
parlcmcntd'Anglctcrre. Grande ([¡jJCIISC rln liccncic-
meut des deux arnu'cs . Forres uixcs POll/')' sulivc-
nir, Capitation. Le peujJ!c fai: une protestation,
Acta pOllr la suppression ¡fe 11{ ('(lUZ' de Haute-Com-




TABLE DES MATIERES. 521


mission, et de Ir¡ charnbre J!;toilée. Al/tres (Ivénemens
de ce temps. La Heme-mere de France quitte l'An-
glctcrrc. Le ROl va en Ecosse, 201


LIVRE SECOND.


CHAPITRE Ter. Comité ltaMi dnrant l'interruption de
la session du parlcrncnt , ReIbellion des Irlandais et
massacre Jes protestans en Irlande, Quel'lues f!.fJórts
du parlement anglais pour secourir ce royaume. 230


CHAPI T RE 1I. Le ROl revient d' Ecosse , et son retour
cst magrufiquement célébré par la cité de Londres.
Remontrance puMite par le parlement, Le Roí
»ien: á la chambre des cornrnunes, Protestation des
douze év/ques; comrnent elle fut ccnsurce par les
lords et les communes. Divers obstacles s'opposcnt a
ce qu'on secoure l'Trlande. 253


C HA P 1 T R E 11I. La Reine passe en Hollande avec sa
jille la princesse Morie. DifJérends entre le Roi el
le parlemcnt , concernant la milice, Le Roi marche
7JerS York. Une pétition des lords des communes
l'atteint a T'lu'olralds, Jl recoit á New-lYlarket une
autrcdéclaration, Sir Jolm lIotham lui refuse Ten-
trée de HuU. 296


eH A PITR E 1V. Plusicurs membres des deu.r cliarnlires
quittent le pnrlemcnt , et se rendcnt aupres du Roi.
Ne!!! drs lords qui s'etaient eloigncs les premiers,
sont accuscs par les communes et censures par les
pairs, Le gralld sceau est emporté de Londres iL
York. Quelques uotes du parlcment concernant le:


"'1.1. ~~


;;




]'AULE DES MATIERES.
mesures prisas por le Roi, P(:lilinll di: parlcment au
Roí, conterutnt dir-ncuf propositious, 333


e H A P 1T H E V. Ür.Ir« du p arlemcnt P'í"!' [aire appor-
ter Ii GII/U,T'al! .le l'{11~::;'e!¡{ el de la -aaisselle, Dlcla-
rauon du Roi aux lords 1"i s'(:{aienl. rcn.duspris de
lui, Profcssinn ct prot-rst.tiior: de ces lord,\' att Roi.
Te Roi me! le si/(J"I' dcvnn¡ Hull , mais il l« Z¡'ve au s-:
si/ót. Lr: CO'11fe de Jprarvvú:k prcnr!posscssion de la
flotte en '7ullliir: de lord-rmural, Le comte Ir ~'ssex
est nomrne par le pnrlcment général de toutcs ses
trollpes. 3:6


ÉCLAIRCISSEMENS ET PIECES lIlSTORIQCES.


L Sur T'assassinot d« duc de EIICk(llgluIIJl. (23 aoilt
IG2S. ) 407


11. Sur le proccs et l'cxt'cutron. du comte de Slr,!iliJrd.
(2ry. mars- 12 mai 1641.) !¡13


111. Sur le complot imputé a Charles t«, contre les
priucipau r c!u/s d« pnrti presbylérien pcrulant son
l."""crage en Ecossc, rll üil¡ l. 43:


1V. Hemoutrance dn Long-Parlement ti Charles lec,
sur l'aat tEll r()'y{{lIme, prcsenu!« au Boipar 1lI1 co-
mite de la cliambrc des communes le 1 c r dcccmbre
IG'fl, et jiuMile, par ordre de la chombre , le 15
dcccmbrc stuvrmr.


DÉ CLARA T ION de Sa llIajest¿, ti 10/1.1' ses l!fJ;~ctionll(!s
sujets, en réponse á la remontrance ou dcclaratiou
de l' état du royallme ,faite par la cliambrc des com-
rnunes . (Publiée de I'avis de son couscil pri\"é.)


V. SlIr l'entrec de Charles I" dans la clrambre des
communes , pour l'crrcstattan de JlI¡W. Hamp den ,
Pvm , Iloliis, Strcde el Ilaslcrig. (1 [anvicr 16i:?) 1°'¡Uf}




TADLE DES ~rATlknES.
V 1. Sur le caractcrc de 111. J]umpd::n.
VII. Sur Tenlcvcment du grmzd sccau d'Angletcrre el


le depart du gardc-du-saau Littlelon pOllr rejoindrc
Charles i-, ú Yor!.. (mai 16!¡'L)


VIII. Sur les m(J/!r~ r¡ui d¿tcrmitz(>rcnl un gral/d
nombre de membres des di'll:L' cl.am/rrcs it quitter le
p arlcmcnt el á rcjoindrc le Roí, en ¡(jl¡~.


r r x DE LA TAf,LL


r, ¡ I