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XI


HISTOIRE
[rE L'El\1PEREUII


y N AP()LE()N
P·\R


P.-M. LAURENT DE L'ARntcHE,


P A It H o H A e E v E 1\ N E T.


PARIS,
.J.-J. DUBOCHET ET ce, ÉDITEUnS,


rile de Seiue-Saint-Germaio. 33.


~859.


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HISTOIHE
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l/ElVIPEREUR NAPOLÉON.


ellA P lTItE PREMIER.


Origine el Enfance de Napoléoll.


ANDIS que Voltaire et Rousseau, inclinés vel'S
la tombe, allaient etre enle,'és an siécle qu'ils
avaient rempli du bruit de leur nOlTI, et que
lUirabeau , destiné a faire passer de la philo-


"-sophie ti l'éloquenee politiqne le seeptl'e de
'~'I'opinion, se rendait fameux par ses exees


t'Í ses désordrcs de jeunesse, en attcndant
d'obtcnil' pOllr son ñge mÚl' la célébrité et la gloil'e de l'ol'atellr et de
I'IJOmme (I'éint; la Providen('e, qui, par des vOÍes dont elle seule a


I
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!




12 HISTOIHE


lc secret , mime tOlljollrs le monde aux fins qu'elle a con¡;ues; la Provi-
llcnce, qui) dans la suceession des générations et des empit'es, a mencil-
leusement tout disposé pour le progres des idées et le sueces des grandes
révolutions; la Providence fait naltre ) dans un coin obscur dc la J\lé-
diterranée, l'homme qui devait meUre le génie de la guelTe au servicc
de J'esprit de réfOl'me, et cIore le dix - huitieme siücle, déja si 01'-
gueilleux de ses conque tes rationnelles el de se s triomphes du forum,
par des prodiges militaires plus écIalants que tout cc qlli avait frappé
d'élonnement I'antiqllité et le moyen age.


N apoléon Bonapurte naquit a Ajaccio (He de Corse), lc ~ 5 aotit ~ 769.
dc Charles Bonapal'te el de Lrolitia Ramolino .. Si nous eussions VéCll en
des temps plus favorables au merveilleux , les prédietions populaires et
les signes eélcstes n'auraient pas manqué a cet événement. " Sa mere,
remme Corte au moral et au physiquc, et qui avait fnit la guenc,


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1--- DE ~Al'ULÉUl'i. t5
grosse de luí, voulut, dit :u. de Las-Cazes ) aIler a la messe a cuuse de
la solennité du jOlll' ; elle fut oblígee de revenir en toute !JUte ) ne put
aUeindre sa ehambre a couch~r, et dé posa son enfant sur un de ces
víeux tapís alltíques) a grandes t1gures de ces hél'oS de la rabIe ou de
I'lIiarle peut-eh'e: c'était ~apoléon. »


Uuelques éct'ivains ) pro/Hant de la nohlesse incontestable de la famille
Bonaparte) imaginerent) sous le consulat et a la veille du rétablisse-
ment de la monarchie , de fabriquer une généalogie de princes pour le
rutu!' em)leI'CUl', et de lui trouver des a'jeux parmi d'anciens rois du
Nord, l\Iais le soldat , (lui sentait vivre en lui la rérolution fraIl~uise ) et
!fui n'ollbliait point que son mérite seul J'arait podé, sous lc regne de
l'égalité, dcs grades inférieurs de l'armér au l'ung supreme, tit répon-
dre par ses jO\lJ'\l1ll!:\ que su lloblesse ne l'eposait que SUI' les servieos
qu'il avait rendus a son pays, et C[u'elle ne dalait que de 1l!1)/l!eno((e.


Le {Jet'e de NapoJéoIl avait étudíé a Pise el aRome. C'él.ait UII
homme instnlÍt et diser!, qui mon tt'a aussi beaucoup de chalenr et
d'énergie en di\erses cil'constances fort importantes 1 et notammcnl a la
cO\ls\llte cxtraordinail'e de COl'se 1 l'elative a la sOlllnissioIl de cette i1e
a la France. Charles ¡¡onapade pat'ut plus larel it Yel'sailIes, ti la tete
de la députation de sa pl'ovince et a l'oeeasion des diffét'ends qui s'étaient


---_.~----- ---_._._ ... _------




HJSTOIRE


éleves enh'e les deux généraux fruo<;ais qui commandaient en Corse,
1\1. de 3Iarheuf et 1\1. de l\"m'bonne Pelez.


Le crMit de ce dernier, si puissant a la eoUl', éehoua contre la fran-
chise et l'autorité du témoignage de Charles llonaparte , qui , l)OUl' res-
ter fidele a la verité et ti la justice, plaida éloquemmcnt pour 1\1. de
Mal'beuf.


C'est la l'ol'igine et la cause unique de la pl'otection qne ce seignellr
aecorda depnis ti la famille Bonaparte.


Quoiqnc Napoléon nc ftit que le second des fils de Charles Bona-
parte) il était considéré comme le chef de la famille. Son grand-oncle,
l'archidiacl'e Lucien , qlli avait été le guide ct l'appni de tous les siens,
lui avait donné ce titre ti son lit de mort, en recommandant ti l'ainé
(Joseph) de ne pas l'oublier; ce qui fit dire ensuite a l\"apoléon que
e' était un vrai (lf:sltérilage, la se/me de J acob el d' J!;saii.


Il dcvait ceHe distinction remarquable an caractere gravc et réiléelij ,
an sens droit et a la haute raison qu'il avait monlrés de bonne heure,


Placé, en 1777, a I'école militaire de Brienne, il s'y appliqua slll'lout
ti l'étude de l'histoire, de la géographie et des scienccs exactes. Il y
eut pOUl' répétiteur Pichegru, et pOl1r camarade 1\1. de 1l01ll'l'ienne. 11
I'éussit priucipalement dans les mathématiques. Son goul pom' les ma-
tieres politiques fut des lors remarqué. Passionné pou!' l'indépendance
de sa pahie , il voua une espeee de euIte a Paoli, qll'il défendait avec
chaleur eontre 1 'opinion meme de son pere.


JI n'est point vrai qn'il rúL an collége, comme on l'a imprimé so u-
vent , solitaire et taeitllrne, sans égaux et sans amis. 1l n'est pas l))uS
exuct, quoi qu'en ait dit 1\1. de Bourrienne, en courLisan disgraeié, qu'i1
se montr3.t aigl'e dans ses Jiropos el {l'es-Jien aimant. C'est sa gravité pré-
coee et ses manieres brusques et severes qui ront {aíl accusel' U tort de
'misanthropie et de sécheresse d 'ame. N apoléon était au contl'aire nntll-
rellement donx et arreetueux. Ce ne fut qu'ul'époque de sa pubcrté qu 'i1
se manifesta quelque changement dans son cnractel'e, el qu 'i! de'riot


\ ' sombre et morose. TeI est du moins le témoignage qu'il a porté SUl'lui-
I Ill(~mc dans ses dictées a Sainte-Hélene.
I


On a prétendll aussi que son goút pOUI' la' retraite , et son penchant
aussi exelusH que précoce pour I'art mililaire , I'avaient fail se rdégucr
en quelque sorte dan s son jardin, et s'y fOl'tilier contre les ¿¡!taques de
ses camarades. L'un de ces derniers s'est chargé de démcntil' eeUe his-


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DE i\APOU:O~o 15
toire, el de raeontel' ce qlli a pu y donner lieu : e' esí la famellse am~c­
dote de la fol'tcrcsse eonstrllite en neige, et assiégée et défendue arce des
boules de neige o


« Dans l'hivcl' dc 178;"; a 1784, dit-il, si mémOl'able pal'la qllanlité
de ncige qui s'amoncelait sur les routcs, dans les eours, etc., 1\ apoléon


o fut singuliCre~el1! MInr¿:~~ ; ?lus de petits jardins, plus de ccs iso lc-
. -m€~s ~f,'Jieux qu'il rechcl'chait. Au momeat !loe ses récréations, il était


forcé de se meIcl' a la foule de ses eamarades, el de se pnm1ener avec
• eux en long et en large dans une salle inunense. POlIr s'at'l'ueher a eette
..,. monotonie de promenade, J\"apoléon sut remUCI' tonte l'école, en fai-


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16 HISTOIHE


sant sentir u ses camaraJes qu 'ils s 'alllllseraient bien autl'elllent, s 'íls
voulaient, avec des pelles, se frayer différenL'l passages au milieu des
neiges, faire des ollvrages U comes, creuser des tl'anchées, éleser des
parapets, des cavaliers, etc. - Le prcmier travaíl fini , nous pourroIls ,
<lit-íl ) nous diviscl' en peloton s) faire une espeee de siége; et, eomme
l'inventellI' de ce nouveau plaisÍI', je me eharge de dirige!' les atta(lIJes.
- La troupe joyeuse aecueillit ce pl'Ojet avce enthousim;¡nc ; iI fut exé-
euté, et ecttc pelite guerre simulée dura l'espace de quinze jours; elle
ne cessa que lorsque des graviers ou de petites pien'es, s'étant melés
ü la neige dont on se sel'vait pom' faÍl'o des boules, il en d'sulla tlue plu-
sieurs pensionnaires, soit assiégeants, soít assiégés, ftll'l'nt assez gri(\H'-
ment blossés. Je me rappelle meme que je rus un des éleves les plus
maltraités par eeUe mih'llÍlle, 11


Pour remueI' ainsi toute Ncnle, il faHait hien (Iue le jeune Bonaparte,
malgré ses habitudes de médilation soIitail'e, f't1t conservé upe eert3ine
iníluenee SUl' la masse rlrs ~lCves) d \¡u'il n 'ellt pas donné l. Re:') t'plalions
aver eux le cm'iwtt're dp sa~vagerie) de l'ude.~~tic-d'~U1' qu'on s'est
plu a lni attl'iuuer , sur 1 .. !c¿ de quelques biogl'3phes prév;i;-:lS._0~ .';'81
informé&..
~- ,j"--


Non-seuIement iI jouh;sait de l'estitne de ses cllmara'des, mais iI pos-
¡ St'-Jait ll~'plus boot degré~Cl'\Jle-de ses pfofesseul's. La plupal't (\'(,l1ll'e


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VE NAPOLÉON,


eux out pl'étendu depuis lui avoi,' pl'édit de gl'andes destinées. 1\1. de
l'Éguille, son maill'e d'histoire) assllrait, sous l'empire) que l'on ÍI'ou-
Yel'ait, daus les U1'rhiyes de rtrole miJitaire , une note ou il avai! pres-
sen ti el tmcé en pen tle 11101s tout l'avenil' de son élere : (i Corse de
natioll el de rararte,'e, mait-il dit, il ira loin si les eirconstnnces le fa-
voriscnl. 1;


Son pt'Olesselll' de helles-lettres, qui a pl'is un l'auf!; nssez distingué
pUl'mi les rhéteul's , Domail'ou, appcIait ses amplifiealiolls « <lu gnlllit
chaurré al! volean. )


Au eOllcours de ~ 78:} , il fut choisi) pUl' le chevaliel', de Kél'alio ,
pOUl' l' toole militaire de Pal'is. l~n vain on objecta a cet ofllciel' génó-
,'al, qui I'cmplissait les fonctious d'insperteUl', que le jelllH' élhe u'ayail
pas l'tlge refluis) el qu'¡¡ ll'était f()I't (Iue SOl' les malhélllaliques, « ,Jp
snis re que je rais, dit-il : si je passe iei pal'-desslIs la ('l'gle, ce Il'csl
point une fa"ellr de farllille; je ne conuais pas eelle de ret enfanl; e 'es!
tout ti callse (le 11Ii-llleme; faper90is ici une élineplle ¡¡U'OH ne saul'ait
trop culliycI'. l)


En ('ntmnt dans ccUe llouveIle éeole, l\apoI¡"oll ne tarda pas tI SI'
olltrel' sUl'pl'is et affligé de l' óducalioll molle et luxucusc qlúm y dOIl-
il 11 des jeunes gens qne Pon destinail poul'taot illa ,ie dure des camps


et au pénible mótiCl' des armes, Ce fut pour lui le sujet d'un mémoire
qu'il adl't'ssa u son principal) 1\1, BerLon, el dans leque! il l'epl'ésenta
{( que les (~Iines dll roi) lous pallvl'es genlilshommes, ne pouYaienl pui-
sel') au lieu des qualités dll rceur, que ramollr de la glo)'iole, ou plutót
des sentiments de suffisance et de vanité tels) qu'en I'egagllant leUl's pé-
nates, loin de partnge .. ayec plaisir la modiquc aisance de lem' famille,
ils rougil'aicnt pcut-étl'c des auteUl's de leurs jours) et dédaigneraient
lenr modesto manoü', Au Iiell , disait-il, d'entreteni,' un nomhreux do-
mestique <llltOlll' de ces ('Ieyes) de ICllr dOllllel' jOlll'11cllement des replls
¡'¡ deux senicE's) de faire panHle d'un mall('ge lres-cotltellx , lan! pOOl'
les chevaux que pon1' les écuyers , ne Yalldl'ait-il pas llIieux ) SIJlIS lou-
te[ois intclTompl'e le cours de leurs dudes, les astreind¡'c á se sllf/1rL'
a eux-memes'? PlIisqu'i1s sont loin d'étl'c riehes, el que tous sont ¡Jps-
tinés au se¡'vice militail'e 1 n 'est-ce pas la seule el v(~l'itable ('dllealion
flU' il fandmit lenr donner? AssujeUis iJ ulle yie sobre, l¡ soignl'l' lelll'
tenue, ils en devi(mdraieut plus l'olmstcs, saul'aient !JI'aHI' les intem-
pr'l'if's des saiso\ls. SlIpportel' mee (,olll'ap;e lpi' faligll(,s de In gllPI'!'C. d




HISTO! RE


inspirer Ierespect et un dévonement aveugIe aux soldats qni seraient
sous lenrs oreJres. »


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Ainsi l\apoIéon , encore enfant, jet~it dans un mémoire (l'éeolier les
fondements d'une institutioll qn'il devait réaIis8I' un jou!' dans sa toutc-
puissance.


Les examens briJIants qu 'iI soutint le tirent, du rest,e, distingue!' a


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DE l\APOLltON.


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París, comme íl I'a\ait été a llrienne. H SOl'tit de I'École militaire en
4787, et passa, en qualité de Jieulenant en second, au l'!'giment d'nl'-
tilIerie do La FCl'e, nlors en gal'llison a Grenoble.


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UIAPITBE 11.


ENDANT son séjour 11 Puris,
Napoléoll, a peine fl¡2.é de t1ix-
huit ans, fu! admis dans la fu-
lIliliuritl~ tic l'abhó Haynal, HIel'
Jequel il lI·ail.ait, salls trop lj'in-
~. f("riorité, les plus haules ques-


tions d'histoiI'c 1 de J¡"gislatioIl d
de politiqueo


Envoyé 11 Y¡¡le\lee 1 oú se trollvait almos une partie de son l'égiment,
il Y fut biento! inll'Odllit dans les meilleures soriétés 1 el particulieremcnt
dans eelle de madamc r1u Colombier, femme (rlln I'tIl'e mél'ite, et qlli




HISTOIHE LlE I\APOLlio:"\.


r!olllwitln tOIl á lu bonne compugnic. Ce fut Ji) qu'il connut lH. dc 1\lon-
tali\'ct, dont iI fit depuis son ministrc de l'intéricur


.Undamo du Colombier u\uit un fille\ qui inspira un jeuIle oflicier
d'artilll?I'ie les lwemicl's sentimcÍ1ts d'amour qu'iI etlt éprou\t~s en su vie,


Ji


Cclle incIinalion, uussi tendt,c qu'innocente J fut heureusement parta~
gée par cello qui en était l'objd; elle amena de petits rendez-vous,


, :\'al'oléon l'c\'it plus tanl mallCllloisellc un ColomlJier it LYOIl, ou elle t'tait mariée a M. ue Bres·
sirux, • ."empCH'UL' la pla~a. cnlllme dame ll'honncllr, chcz une de ses slI'urs I et uonna un emploj
;\Yanlageux an nHI'i.


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22 HISTOIIIE


dans lesquels, au dire de Napoléon, toulle bonheul' des dt'lIx amants se
I'éduisait tl mnngel' des cerises ensemhle.


Il ne fut, du reste, jnmais questioll de les unir. La mere, malgrt'
son estime et son attachemcllt pOllr le jeulle homme, ne songca poinl
3 eette allianee, comme on I'n pr·étendu. En revanche, elle lui prédit
SOlIvent de hautes deslinées, et renouvela meme ses prédictions au lit
de mort) alors que la révolulion fran.,;aise venait d'ouvrü' la carriere
oú elles devaient s·aeeomplie.


Ses préoecupations de eamr et ses sueces dans le monde n'cmpeehe-
rent pourtant pas Napoléon de continuer ses graves études et de se li-
vrer 3 l'examen des problemes les plus difficiles de l'économie sociale.
I1l'emporta, sous le voile de l'anonyme, le pl'ix que l'académie de 1.yon
avait proposé sur eette question, posee par l'abbé Raynal: « Quels sont
» les prineipes el les institulions' tl inculquer aux hommes, pour les
" relldre le plus heureux possible?» N apoléon n"pondil en disciple du
dix-huiticme siccle, et il fut eouronné. Le souvenü' de ce h'jomphe ne
lui pal'ut pas sans doute tres-flatteur dans la suite, puisque, son mémoü'e
lui ayallt été présenté sous l'empire par 1\1. de Talleyrand, il s'em-
pressa de le jetee au feu.


La l'évolution fran~aise eclata; toute la jeunesse éclairée y applaudit
ayec transport. Ce n 'était poue elle que l'heureuse application des doc-
trines encyelopédiques dont elle était imbue. Les genlilsllOmmes infatués
de leurs pl'iviléges et de leuI's titres, el il s'en Í1'ouvait un gl'and nomlH'e
dans l'm'mée , ne partngerent pas eet enthousiasme. l\Iais cet esprit de
caste ne pouvait pas faire manquel' a son génie et 3 son siecle un offi-
cier dont Paolí avait dit ayec tant de I'aison et de vél'ité, « qn'il élnit
tailJé a l'antique, que e'était un homme de Plutarql1e. )) Napoléon n'imita
donc pns la plupart de ses eamarades qui ulJcrent bouder a l'étranger
la régénération de leuI' patrie. Sans doute la considération de su fol'-
tune el de sa gloire aida ici l'influenee de ses opinions et de ses prínci-
pes, et iI put dire a son eapitaine , en se jetanl dans le partí des IlOVU-
teurs, (( que les révolutiolls étaient un bon temps pour les militaires (lui
maient du eourage el de l'esprit; ») mais es1-ce ulle raison de n'aUdbuel'
qU'3 un calcul mesquin et de dépouíller de toute moralité polilique le
palriotisme ardenl qu 'il avait manifesté) Ilvallt l'explosion meme de la
erise, et dans ses COlwel'salions et dans ses écrits? Ce n'pst pas avec
la nullité eontemplati're d'un idéologuc OH avee l'ahnép:ation ascDlique




DE ~ APOLÉON. 25
d'un moine qu'il faut enlt'er dan s les affuires publiques, si ron veut
agir puissamment sur les hommes, et contribuer a améliorer le sOI'l
des peuples; ce n 'est pus avec le désintéressement absolu de l'ill1puis-
sanee que 1'0n rait de grandes choses et que ron pousse le monde en
anllll. II fut heu!'eux pou!' la France que, parll1i les législateurs et les
soldats dévoués a la l'éforll1e de 1789, iI se tl'ouvfu des tunes mides
de la gloire qui s'acquiert par d'éminents serviees , ou umbitieuses du
POUVOil' qui facilite au génie la réalisalion de ses plans, Il fut surtout
heureux pour elle que parmi ces ambilieux I san s lesquels le drame ré-
volutionnaire, privé de mom'ement et de vie, n'aurait présenté que le
rl'oid et stérile speclacle d'un congres de quakers ou d'un eoneile de
jansénistes, il se soit rencontré un soldat-législateur, capable d'aspirel'
el de s'é1ever a une rel10mmée ct Ü une autorité imll1enses, par d'im-
menses Íl'arllllx atl pl'Ofit de la eivilisution européenne.


l\'apoléon obéit done a la (ois 3 ses convictions et au pressentiment di'
sa deslinée en embrussant nvee chaleur le parti populaire. Mais ce! ar-


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HISTOIHE


dent pah'iotisme ne I'empecha pas de nOllJTir en son (IIne Ulle a\el'sioll
instindive pour l'unal'chie, et d'assister avec indignatioll pt doulcUl' aux
orgíes démagogiqucs qui lllUl'tIUCrenl l'agonie d'Ull pouvoil' dont la SlIC-
cession devait un jOUl' lui revenir. C'esl aínsi qu'au 20 juin nD2, se
ll'ouvant sur la tel'l'usse du bord de reau) aux Tuilel'Íes, et voyallt
Louis XV[ coiffé d'lIll bonncl I'ouge par un hommc C\U ¡¡euple, il s'écl'ia,
apl'es une apostl'Ophe aussi ÍI'í,-iale qu'énel'gique: « Coml1lenl a-t-oll
pu laissel' entrer celle callaille? il faUait en halayel' qualre 011 cinq eents
avec dn canon, et le I'este courrait encoro. »


Témoin du ~ O amil, qu'i1 av aH prévu comme une consefluence in-
evitable el pl'ochaine dll 20 juin ) l\apoléon, toujours pal'lisan zélé de la
1'évolulion frallsaise I mais toujOllt'S altaché par llr('ssenliment ou pm'
raison aux. idéos d' Ol'c1re el a la cOllsidérutioll du pouvoir, ahandonna
la capitale de la France pom' se rondre en Corseo Paoli intl'iguait alo1's
dans celle He en raveur de l' A\Jglelel're. Le jellIle patl'iotc fl'all~ais, llJ'()-
fOIl(Mmenl affligé de celte condllite, brisa, des c(' ll10111Cllt, l'idolt' de
son enfaIlce, 11 prit un comlllalldemenl dalls les gal'des nutiollales, t'I
eombattit it oull'anee le vieillard pour lequcl il aYait ll10Illr'e jllsque-Iil
tanl de respect, de sympathie et d'admü'ation.


Le parti anglais l'ayanl emporté, et I'incendie d'Ajaceio ayant signlllé
ce triomphe, la famille Bonaparte, dont la maisoll a,ail dé hl'lllée, se
réfugia en Franee el s'élablit a l\Iarseille. N ap(Mon ne Sl'jolll'lla paR


I • longtemps dans eette vme; il se huta de I'ctolll'Jler a Pal'Ís , oú les é, ó-
ncments se pressaient avee tant de violence el de J'apidité , (lile ehaflll('
,iour et chaque hem'e y donnaienlle signul d'llne nouyelle Cl'ise,


Le lUidi "enait d'arhorer l'élcndard du fédéralisme 1 el la trahison
aVflit livli' 1bilron aux A~. L{} gl:i~ml' CtN'!,fNJ.x fut d¡,jl'gÓ pm' la
Con\"t'1ltion d'allel' rétablil' la Provcree SO LIS les lois de la rtllHlhlique . el
(1'y adi'(~I'la défaite pt la punilion des rebelles et des lraItres.


D¿'s que la yidoire eul eonduit ce génél'al dan:; JUarseille, le siége de
Toulon fut onloIlue. Napoleon :;\ rendit en qllalité de cOlluuandanl
tl'artilleríe, C'est a eelle époql1e qu'il publia, SOllS le litre de SOllpe1'
de BeallCail'e, nn opuscule tlont le Mémol'ial de SainÜ,-Ilélene ne dit
rien, mais que 1\1. de Bourriel1ue Melare avoil' re911 de Bonaparte lui-
méme a son retonr de Toulon. Cet écrit pOl;te, du l'este, le caclH't dl's
opinions qll 'il devuit profosser alors C01l11l1C patriote éncl'gi(JlIt' el ('onlllw
militail'e habite; il J't'I1l'erme, SIII' les tl'Ollbles dll Midi I't sllr l'épisod('




DE NAPOLÉON.


du ft'r1éralisme, un jugelllent qui dé cele chez le simple officier d'ar-
tillerie la haute raison et le sens droit qne ron admira 1)lus tan} dans
l'empereuI' .


---------




CHAPrTBE 111.


ORSQlE Nnpoléon a""ira ~ous les 1ll1lJ'i'
de Toulon, il Y lrollva une armee de
volontaires intrépides, mais llaS un chef
,~digne de les eommander. Le général


Cartnux, qui affretait un luxe el une
magnificl'llce peu compatibles uwc


I'austél'ité des principes républicains, avait encore plus d'ignoranc('
que (le faste. La conquete de Toulon était une tache au-dessus de ses
ron'cs; mais il était loin de reconnaitrc eeHe incapacitó désesperantr.
11 s'attl'ibuait au contraire pxdusivement la pni~sance de conceplion el
d'execnlion que redamail une pareillc entreprise. Ce fnt edt(' ridieule
conliauce en lui-meme qui lui inspira le fnmeux plan ¡¡ui prOV(H!Ua son
l'appcl, el qui était eonc;u en crs termes:


(( Le géneral d'adlllel'ie foudroipl'a Toulon pendant Il'ois jOlll'S, nll
bout desquels je l'attaquerai sur [roís co!onnes, et I'enlóvcl'ai. )


Helll'eUsemcnl qld:\ eoté de ce singulier et laconiqlle lac!icien ji f:e
lrollva un ofíleiel' suballeme aussi (~leYé pm' sa scienee d ses lalenls
mililait'es qu 'il étail inférielll' par son grnde. C'élait un jenne homme de'
vingt-ql1ntre nllS. Quoiql1e simple et modeste ellcore 1 il ne pn t racher
le l1lólwis fin 'jI l'esscnlait pon1' la plupart des hommes qne la hiérarrhic
el la discipline lui faisai('\llulI deyoir (le l'egnrdcl' commc srs sllpórieul's


- -- ----- - ~--~~---~---~




-~------~-----


U/STO/HE VE 'dl'OtEO-'.


llwis tlonll'illcplie pouvuit dcvenil' si l'uI\csle a la l'éllllbli(IUC. Ce 111épl'is
lmp légitillle el lu couscience de su slIpériol'ité sur toul ce flui I'enloll-
rait l'elllJul'dirent a brusquel' ses clwfs eux-memes, plulót que de lL'~
Iaisser exéculer suus conlradietion dt's mesures qu'il jugeait désas-
treuses. Dans ses démelés jO\lrnaliers a,ee CurLuux, il url'iva il la
femllle du gén61'ul en chef de dire ti son Illal'i: « lUais laisse dOlle fait'e
ce jeune hOll1me; il eu sail plus que toi; il ne le demande rien. :\e
I'ends-tu pus compte't la gloil'e te rcste. )


Des son a1'rivée au camp, Napoléoll, avec ce coup d'wil prompl el
Stll' qui u si bien serví son génie SUI' les champs de bataille, ayait com-
pl'is que pOUt' I'eprenlll'e TOlllon il fallait I'allaquel' ti r¡ssuc de la l'ade,
el il uvait dít, en montranl ce poinl sur la cal'te J (lile c'élail lit qu'élait
Tuulon. Mais illit pendant louglemps de yains effods pour que son avis
hit suiYi. Le cOll1mandant du génie seulle pal'tageait; el cel applli <1'\11]
omcier éclain) ue pouyait vainere le ~lllpide ellletpmellt uu gén6ral eu
cllef'. En!ill J il se l1'ouva parmi les repl'6senluuls du peuple un hOllllue
oou6 d'assez de p6néll'alion et de perspic\lcité pOUt' deyinel' Oll p.'esscl\-
tir le gl'Uud capitaine SO LIS 1'1lnil'Ol'Jne dll simple cOIl1J1lU\Hlant d'al'til-
lerie. l\'apoléon oblint toule la latitude de pouvoÍl's dont il avail hesoin
pour aSSUl'er le suecos de ses plans; Carlanx fut l'évoqué, l'étl'angel'
ehassé de Toulon J et le vainqueur J se l'appclanl plus tm'd ce premiel'
ll'iomphe llu'i! dut en pal'lie U la confiance du representant dn peuple,
disait ayec recollllaissance « que c'était Gasparin qui avait oU\Cl't sa
cal'riere. »


Pendant le siégo, l\'apol6on donna rexemple du plus granel sallg-froid
et de la plus rare bl'avolll'e : ca\' ce n'était pas soulemellt dalls le conseil
qll'illl1onlrait son savoil' el son habileté; i11es portait allssi au milieu
de l'actioll, el faisail autant admire\' du solda! son calme hérolque , llldl
for({ait les génél'allx il s'6tonner de rétendlle el de la rapidite de son
iutelligence, Cetle intrópidité lui yalllt d'avoÍl' plusieul's Che\allX tues
sous lui, et ll"etrc blessé lui-meme ~I la C'llÍsse ganche, ayec menaee
d'arnputation.


II était si peu disposé J pat' tompérament, iI la théerie pu\'e, et dédai-
gnait tellement la supé\'io\'ité et la science exclusiveIl10nt sp6clllatives ,
qu'il ne put jamais s'en contenter et 5'y borner. Concemí\' et cxéellter
élaiont ponr luí deux choses étl'Oitement liées, et il eút ét6 embarrassé
de sa vaste pensée s'il ne se fLit pas senti une tuno el un bras pour se d6-




28 HISTOlHE


VOllel' avec courage et perséverance ü sa réalisation. Cc Lesoin d'ugir l'a
suivi partout; ill'éprouva de bonne heure i il l'a conservé dans toutes
les phases de sa fortune, et il est mort des qu'il n'a plus eu 1'0ecasiOIl
de le satisfaire, des qu'il a cté ohligé de replier sur elle-meme ceHe
puissance d'imaginalioIl qui avait rempli I'Europe de ses eréations gi-
gantesques.


Ce n'était pas seulement aux grandes eh oses qn'il appliquait eeUe ac-
tivité incessante ; quand les cireonstanees l'exigeaient, il mettuit la ll1uin
a tout, et ne eraignait pus d'exposer son esprit transeendant ti la déro-
geanee, en se faisant, selon l'exigenee du moment , pratieien de detail.
Ainsi, pendant le siége de Toulon , se trouvant un jour dans une halte-
ríe an moment Ol! l'un des ehargeurs fut tué, il s'empara aussitót du
rcfouloil' el ehargea lui-meme une oouzaine de eoups. Il y gagna une


gale maligne dont l'adilleur était infecté, et qui ) apres avoil' mis en
danger la vie du commandant, lui causa l'cxtreme maigrcul' qu'iJ con-
sena penrlant les guerres (l'~:gypte et fl'Italie. Sa gllél'ison radicale ne
fut opérée que sous l'empire, par les soins de Corvisurt.


Tous ses ehefs ne furent pas aussi jalol1x el allssi ineptes que Car-
taux. Les généraux Out1wil et Dugommicr lui témoignerent au eoo-


! traire une haute estime el une déférenee qu'on n'a pas fl'ordillaire pOUI'
\ ___ d_eS __ I_~o_~_,r_"U"._~{'lmt le ,.ésullat ,le son ;01ll1CnSC el ülConl"lublcsupe-




"


DE NAPOLÉO:\. 29


I'iol'ité de savoir el de talent. Dugommier fut étonne de l"entendre, apres
la prise du Petit-Gibraltar', lui dire mee une aSSllmnee qui fut pl'Ophé-
tique: « Allez VOUS reposer; nous venons de prendre Toulon; vous
pourrez y coucher apres- demU"in. )) l'Ilais l'étonnement tit place a la
plus vive admiration et a un yéritable ellgouemenllorsque la prédictioll
fut poneluellement et pleinemellt accomplie. Napoléon J dans son tes la-
ment J s'est SOllvenu des générallx Dlltheil el Dugommicr, comme de
Gasparin. Dugommier écrivit alors au comité de salut public, en lui
demandant le grade de général de hrigade pour le commandant Bona-
Ilarte: « Récompensez et avancez ce jeune homme, cal' si ron était
ingrat envers lui, il s'avancerait tout seu1. »


Les representants du peuple firent droit a sa demande. Le nou-
veau général fut employe a l'armée d'rtalie, sous Dumerbion , el con-
tribua puissamment a la prise de Saorgio J aux succes de Tanaro et
d'üneilJe.


Quoique altaehé au sysleme des républieains al'dents qui sanvaient
alors le pays par une énergie souycnl accompagnée de mesUl'CS tCl'l'i-
bIes) N apoléon, de la lwutellr de son génie, dominait trop les pas-
sions et les opinions qui se hellrtaient si violemment, pour ne pas eon-
seryer, sous l'influence meme de la fievl'e révollltionnaiI'e, un earactet'e
de modél'ation et d'impartialité philosophique, inaccessible aux altein-
tes des exagél'ations dll joUl'. Aussi n'usa-t-il de son Cl'édit et ele son
pouvoÍl' que pour prot.éger ses adversaires politiques contre la persécu-
tion, et pOUl' sauver des émigrés que la tempele avait jetés sur la cóle de
Fl'ance et parmi lesquels se trouvait la ramille de Chabrillant. Lorsque
les vengeances de la Convention sur les fédéralistes du i\Jidi vinrent fl'ap-
peI' le doyen et le plus riche des négociants de l\Iarseille) 1\1. Hugues,
vieillard de quatl'e-vingt-qnatre ans, il fut atterré par cette immolation ,
(lui lui a rait dire depuis: « Alors vraiment, a un tel spedacIe , je me
crus ¡¡la fin du monde. »


JUalg,'é I'horreur que luí inspit'aient ces actes de barbarie, Napoléon
jugeail ayec calme et saos prévenlion lcs sanglants dominateurs de eeUe
époque. « L' Empereur, dit le Mémol'ial de Sainle-Hélene, rendait ¡¡
Robespicl'l'e la justiee de dire qu'il avait vu de longues Jettres de luí á
son f"l're) Robespicl'l'e jeune, alors l'epl'ésentant a l'armée dll lUidi) OÚ
il comballait el désavouait ayec clwleur ces exces , disant qu'ils désho-
noraicnt la révolution et la tueraient. II




50 111 S ro Il~ E


HohespietTe jeutle, COtlltIlC Gaspal'in, avait cotllpris el arltllid~ le
gt'and h0111111e naissant. lltH tou:> ses efforts pOut' l' amener ti Paris, lot's
de son rappel, el peu de temps avant le ti tlwl't11ÍdoJ'. « Si je n'('ussl' in-
tlexiblement refusé, dit Napoléon, soit-on ou pouyait me COUdllil'l' t111
premier pos, et quelles autres destinées m'attendaient?))


Ce fut au siége de TOlllon qu 'il rencontrn et s 'attacha Duroe el J lIllot :
Duroc, qlli a possédt~ seul son intimité el son entict'c ('onlianec, el J lI-
not, qu'íl distingua por le tt'oit suivont :


Le eOI11tl1(lndant d'al'lillerie, ü son UlTi\ée ti TouloJl, faisallt ('O[j-




~----- - ----1


J) E 'í A P O L li () ~ . :51
~ff'lIil"(' une baltc'¡'i(', eut. hcsoin d'{'cl'iro sur le terl'ain memo, et il dc-
IIHlIHla un sel'gcnt Otl un cnp0l'nl qui pút lui servir de secrétaire. 11 s'cn
[1l'éscnla un allssitrll, el la leltl'e dait ü peine terminl'e qu\m boulcL la
('ouwit de lenc. "Bien, tlitle so!dnt éCl'i\-ain, jc n'nlll'ai lHIS lwsoin de
sahle. )) C'étnit J unol; el cette pl'ellH~' de coul'age el. de sang-rroid sunH
ponr le I'rcommantlel' ¡\ son commnndant, qlli le ponssa depuis aux pre-
Illiel's grades de l' armée.


La cOIHILH\te <le Tonlon, dne an jeune Bonaparte, ne pul eependant
le meltl'e ¡\I'abl'i (les l!'acasse¡'ies ct des pOll!'suites qll'épl'OllYaient alOl's
la plnpal'l des chds militaires de la part des commissaires de la Com-en-
tion. U JI dérret , qui resta salls exécution , le manda ,\ la barre pour y
rl'pondre de quel1lnes mesnrrs qu 'iI arait ordonnées relatiyement allX
forLifications de ~Ial'seille. Un repl'ésentant, llIécontent dt: la I'aillelll'
elt: son cal'aeti're el irrité de le t!'ouvel' peu doeile ú ses e),jgenees, pro-
non<;a conlre lui la formule si sourent meul'tl'iere, el eeUe fois ItClll'ell-
~elllent illusoil'c el vaine, de la mise hors la loi.


Tons les l'epi'l'scntants it I'armée du l\Iidi ne Il1onl"áenl pas, comme
nous I'mons dit pl'óct'dCIl1111enl, des sentiments hostiles a l'égal'd de Na-
p01éon. L'un d,el1x, entre autres, marié a une felllllle fod aimable et
belle, le cOlllilla d'éganls el de l)('évenances, et lui laissa dans sa maison
tous les droits d'llnc familiarité, dont profita ou abusa le gl~nél'al d'ar-
ti1Icl'ie, s'il faut s'enl'appol'ter aux indiscrélions dI! Mémoriu{ de Sainle-
lIé/cne, d,npres leque! I'épollsc partageait la biemeillanee et l'engouc-
Illrnt dl1 mal'i, qui fut un des premiers a appeler l'allention de la Con-
vention sur le yainqueUI' de Toulon , Ü l'épOf{Ue dll 4;) vendémiaire.


Napoléon, deYOnll empel'eur, revit sa jolie h6lesse de Nice. Le temps,
les malltcUI's a,aíenL altél'é, OH plulot détrnit entierement ('e qui nvait
dwrmé autrefois Napoléon. (( Comment, dit l'Empe¡'eUI' n ecUe dame,
ne vous étes-volls pas sení de nos eonnaissanees de l'armée de Nice
pom> arJ'in'r jllSqU' it moi? il en est plnsieul's CJui sont des personnages
d en pel'pélllel rapport awc moL - HéJas! sire) répondit-elle, nons
nr nons sommes plus ('onnus des qu'ils ont été grands et que je suis de-
venllC malhelll'eUse. )) Elle ótait wuve alol's et plongée dans la plus a('-
rrense misóre : Napoléon Ini ac('orc!a tout ce qu'elle demandait.


Se l'eportant Ü l'époquc de ecHe bonne (orlune , comme cela s'appelle
dans le Rtyk~ dn monde, sinon dans la langue de la moral e ) ]\'"apoléon a
di! 1\ ce snjrt : (1 ,rdais bien jeunc alors; j't"tais hellrellx et fiel' de mon




52 IIISTOIHE


petit sueees; aussi chet'chai-je a le reconnaitre par toutcs les aUentions
en mon pouvoir ; et vous aUez voir quel peut étre l'abus de l'autorité,
ti quoi peut tenir le sort des hommes, cal' je ne suis pas pire (IU'UIl au-
tl'C. Me promenant un jour awc elle au milieu de nos positions, dans les
environs du col de Tende, a titre de reconnaissance eomme chef de
l'artillerie, il me vint subitemcllt a l'ldée de lui donner le spectacle d'une
petite guerre, et j'ordonnai une attaque d'avant-poste. Nous mmes vain-


queurs, il est vrai; mais évidemment iI ne pouvait y avoir de résultat;
l'attaque était une pure fantaisie , el poudant quelques hommes y reste-
rent. Aussi , plus tard , toutes les foís que le souvenir m'en est l'evenu
a I'esprit, je me le suis fort reproché. »


Les événements du 9 thermidor arreterent momentanément Napo-
léon dans la carriere oú il venait de débuter ave e tant de succcs et
d'éclat. Soit que ses Iiaisons avee Robespiel'l'e jeune l'ellssent rendu
suspect allX réactellrs, soit que les emiellx de sa gloire naissante eus-
sent pris ce pretexte 011 tout autre pour le perdI'e, il fut sllspendu de
ses fonctions, et mis en état d'aI'restation par ordre d'Albitte, de La-
porte el de Sallicetti, quí lui tirent un crime du voyage flu'il avait faH
a Genes, d' apres un arrCté et les instrucliolls memes de Jeur collcgue
Ricord, qu'ils avaient remplacé.


Déclaré indigne de la confiance de r ul'lnée, el renvoyé par-devant le




comité de salut public, le genéral Bonaparte n'aerepta point sileneieu-
sement eeUe déclH~ance et ectte accusalion. 1I l'édigea allssitüt ulle Ilotp,
([u'il adressa aux l'cprésentants qui l'ayaiellt fait arréter) et tlans la-
({uelle Ol! troure tlejit le slyle hautain ) énel'gique el eoncis qu'on a si
facilement reCOllIlU depuis, et admiré dan s lous ses discoUI's et ses éel'its.
Voici quelques f['agmenls de eelle piecc I'emanlllable:


(( Vous m'avez slIspendu de mes fondions, arreté, et declare sllspeel.
)) Me voila Iléll'i sans avoir été jugé, ou bien jugé san s avoir dé ell-


lendn.
1) Dans un dat l'évolutionnaire) il Y a deux classes : les suspects et les


paLriotes .....
II Dans qlIelIe classe vcut-on me plaecr'?
" De¡mis l'ol'iginc de la révollltion, n'ai-je pas étt'~ loujours aUaché


iIllX principes?
» ~e m'a-t-on pas toujoUl'S ,ti dans la 11Itte, soit ('ontt'e les cnnelllis


illtCl'IlCS, soit, COJ1l1ne llIililairc, coutre les étl'allgel's?
» J'¡ü sacritié le sejour de mon dépal'lell1cnt, fai aballdonné mes


bicns, j'ai tout pel'du pOUl' la ['épublique.
)) Dep"is, j'ai servi SOIlS Touloll ayee quelque distinction , et j'ui mé-
I'ít(~ a l'armée d'ltalie la part des lallriers qu'elle u aequis a la prise de
Saorgio, d'Oneille et de Tanam .....


» A la découverte de la eonspiration de Rohespiel'l'e 1 ma eonduite a
dé celle (run homme accoutumé a ne voi .. que les principes.


l' L'on ue pent done pas me contester le titI'e de palriote.
, POUl'fluoi me dédare-l-on slIspect sans m'cntendl'e?
¡, Innocent, patriote) C¡¡IOlllnié 1 quelles que soient les I1WSllI'('S quc


prenne le eomité, je lIe pourrai pas me plnii1fh'e de lui.
)1 Si trois hOllUllCS décIaraicnt que fai commis un Mlit, je 11C' pOl!r-


rais me plaindre du jllry qlli me condamncl'uiL
» Des l'epréscntants doiycnt-ils mettre le gOll\el'ncllIC'IJt dans la né-


('essiló d'etr'c injuste ct impoliliquC'?
¡, Entrndez-moi, flétl'llisez l'0ppl'ession qni m'envinHlne, ell'estilllez-


moi res time des patriotes.
)) Une heure apres, si lcs méchunts \eulent ma de, je I'estime si peu,


je I'ai si sOllvenl mépl'isée .. ", Oui, la seule irlée qn'elle pellt etre encore
ulilc a la patrie me [aH en sOlltenir le fardeall ayel' l'ourage. )1


Celte prol('slalior., noble et Iil'l'e dans sa simplieilé, anwna les ('('-




1I1STOIHE DE l\APOLÚOl\.
présentants it réfléchir qu'ils avaienl affaire a un hommc de haute capa-
cité et de grand caraetere , et qu'ils dcvaient désespáer par conséfjuent
de le courber sous l'arbitraire et la persécution sans s'exposer a une
vigoureuse et fongue résistance de sa parl. Conciliant done les exigences
de l'amour-propre etles avertissements de la prudence, Albilte et Salli-
cetti, d'accord mec le général Dumerbion, révoquerent prmisoirement
leUl' arreté , et prononc(~rent la mise en liberté dll général Bonallarte,
« dont les connaissanees militaires et locales, disaient-ifs, pouvaient etre
lltiles a la républiqlle. Il


Sur ces entrefaites, la réaction thermidorienne ayant livré la rlirec-
tion du comité militaire a un ancien capitaine d'artillerie , nommé An-
hry, Napoléon ful en levé ti son arme, et (lésigné comme général d'in-
fllnterje pour 811er servir dans la Vendée. Indigné d'une mutationllUssi
injurieLlse, et peu disposé a consacreJ' le talent fju'il se reconnaissait a
une guerre aussi ingrate, il s'empressa , en arri,'ant a Paris , de porter
ses réclamations au comité militaire, an sein duquel il s'exprima avec
beaucoup de chaleur et de véhémence. Aubry fut inflexible; il dit a ~a­
poléon « qu 'it était jenne, qu 'iI fallaillaisser passer les anciens; )) a quoi
NapoIéon répondit « qu'on vieillissait vilo sur le ehamp de bataillc) et
qu'il en arrivait. )) Le présielent elu comité n 'avait jamais Vll le feu.


Mais eolle vive et urelente repnrtie était plus faite pour aigril' que pou!'
persuade!' Aubry. 1l s'obstina dan s la mesure qu'il avaíl priso, el le jeune
officier, non moins opiniatre clans ses rósolutions, aima mieux se laissel'
destituer que de cérler a l'injustice.




CIIAPITHE IV.


n.'.slitlllioll. Tl'eilC y{'lIdérniail'e . .Jtl~PplJilll.'. ~Jal'iagf·.


L est curieux de ,"oir le (Iominntelll' fulUl' de
1 'Eul'Ope al'l'eté dans su eal'rihe) ('rappé de
Jestitlllion el rayé de la liste des généraux
fran9ais en aeli,ité) par une mesure signée
~de [\lerlin de Douui, de Berlier, de Hoissy-
d 'Anglas et de Cnmbueércs, qui devaient


lous un joU!' rivaliser de zete el de démonstrations adulatrices pOU!' ob-
tellir un sourire ou un geste approbateur du jeune omeier qu'ils traitaif'nt
alol's avec si peu de ménagemcnls el d'égal'ds.


Maís il se lrouva parmi les réactellI's de thel'lllidor un homme qui ne




111 S T O Ili L


\Oulul pas laisscl' absolullleut oisil's les talents militail'es que llouaparte
ayait montl'és U Toulon. Ce fut Pontecoulullt, Sllccesselll' d 'Aubry, qui,
sans se mettJ'c en peinc des l'l'{lI'oches de la faelion dOlllinante , ell1pl(J~a
l\'apoléon a la confeetion des plans de campagnc.


Cettc position oIJscu¡'C, qui alIait si mal au caractere d'un gucrrieJ'
pom lequclle mOllyement , la gloil'e el le bruit etaient des conrlitions
necessaims d'exislence ) fut hientot considérée commc (rol! aYanta~euse
et trop honorahle pOlll' le jellne officiel' dont 011 avait ,otIlu ruineJ' la
desliuée et briser les armes. Letol1rneur de la ~Ianchl', qui l'l'l1lpla\a
Pontécoulant dans la présidel1ce du comilé militaire, repril les Yieilles
rm1rlll1eS d'Allbl'y, et Napoléon peJ'dit toute esp(~ce d'cmploi.


Ce fut alors que, désespérant de yaincre les jalousies, les préyentiolls
('t l('s Iwines puissanles donl il était l'objet, el que ne youlanl pas nl'an-
moins )nissel' l,touffer sous les coups de l'illlpl~ritie pt <1' un arbitraiJ'p
tracassiel' tout ce qu'il f;entait en lui-mcmc de capacitó }lolitiquc el guer-
rióre, il détolll'na un instant ses rpgnrds de la tel'l'C' (J' EUI'O)le, pouJ' le"
porter sur rOrieIlt. Illui fallait , u tout prix, de grandes destin(~l'f;; la
nature l'anüt formé pOllr y pl'étendre et pou!' les accOlllplir; ct si la
France les lui refllsait, rOrient devnit les lui offl'il'.


Plein de eelle pensee , il rédigea une 1I0te pO\lI' fail'c comprendrp all
gouyernemellt fran~ais fJu'il était de I'intérct de In réplIblique d'acC'ro!tn'
lcs moyens défcnsifs de la Porte contre les VIICS mnhitiC'lIses C'lles ll'll-
tntives envahissantes des monm'chips PlII'OpeCnI1es. « Le génél'nl J3olla-
pade, disait-il, qui, depuis sn jcunesse , sert dans l'artillpI'Íe, qui ru
comll1andée au siége de Toulon el pendant deux campagnes U I'urmée
d'I1alie, s'offre ao gouvernement pOUI' passel' en Turr¡uie, ayer une mis-
sion clu gouvernell1ent. ....


)) II sera utilc ti su patl'ic dans ceHe nouvelle carrj¡\re; s 'ji peut I'ell-
tire plus l'edoutahle la force des Turcs, perf('clionnel' la cl{>fcflse dc lellrs
principales forteresses et en construire, il aura rmdll un vl'ai service
ú son pays.)) - (( Si un commis de la gllel're, dit M. J3olllTíenne, eLlt
mis au bas de cette note, accordé, ce mot changeait peut - etre la
fuee de l' Europe. " )Iuis ce mol ne fut pus mis. La pró()(~cupal.ion
qlle la politir¡l1c intél'ieure et les lulles de partis causaiellt HU gouverne-
Illcnt l'empecherent de donner son attention ú des plans militail'es
dont le résultat était aussi incertain qu'éloigné; el Napoléon continua
tle dcmeurer oisif dans París) condmnné il l'innclion par le pouyoil',




DE L\Al'OÜOi\, ;)7


mais retenu en disponibilité par la Providence, aux ordres de la révo-
lnl¡on.


La révollllion ne le lit pas trop attendre. Les I'oyalistes, I'éveillés el
enhardis pal' la réaction thermilJoriellne , se glisserent dans les sections
parisiennes et les pousserent il la révolte conlre la Convenlion. Les pre-
miel's slIeees [urent pom'les insllrgés. Le générall\Ienou , soup~onné de


'~
~~fif


r,
\1'.


h'ahison, et c('rlainement cOllpable de mollesse el convaineu t1'ineapa-
cité, faeilita eoUe vieloire aux sectionnaires, qu'il étah ehargé de dis-
perser et de SOllmettre. Les menellrs de la Conwntion, b'op eompro-
mis avee le royalisme, malgré lellrs fureurs contre les jaeobins, pour
ne [las s 'alarmer dll triomphe de la contre-révollltion , se souvinrent
alol's qu'ils ayaient proscrit, désarmé et emprisonné une foule d'ar-
dents pah'iotes qlli pou\'aient devenir, en des conjonctllres si périllellses.
d'intrépícles allxiliaiT'l's. Les républicains pe['sécutés entendirent l'appel
de leUl's persl>euteurs , et COIll'llrenl aux armes ponr conjurer le danger
eommun. Jrais il fallnit un général a eette armée improvisér, apres
l'échec et l'arrestation de l\1enoll j el Barras, désigné pour en etre le
ehef, ne pouvait guere exercer qu 'un commandement nominal, 11 eut le
bon esp['it de le cOl1lprenclre et de se faire donner un adjudant qui ron-
mlt mÍl'ux que lui le méticl' de la guerreo JI proposa le gl>néral Bona-




58 IJISTOIHE


parle, el la ComentioIl confirma ce dlOix par UII décl'et, (Iue Bonapal'tp
pul cntendre des tl'ibunes publi([ues , OLJ il s'était empl'eSsl' de se l'cn-


dre pOut' obsener de plus p1'08 la cOlllluite (IP l'asselllhU'e 'lui !('IWit ('11
ses mains les destinées de la I'épllhliqllc,


D'apres le Memorial de Sainle-Hélene, l\apoll'on aunlil d@bél'é pres
d'une demi-helll'e a\cc lui-méme Slll' l'aceeptatiol1 ou le refus du I)Oste
important auquel OH l'appelait. Il n 'ayait pas voulu se battl'ü contl'e la
Yenrlée, il ne de\'ait pas se déeider salls ilésitation 11 mitmiller les Pari-
siens. « l\Iais si la COll"entioll slIeeombc, se dit-il ti lui-mcllw, íjue d('-
"irollent les gl'andes Yél'it(~s de' notre réyolulion? nos nomh\'('usrs




DE \AP()LI~O\. 59
victoires, llotl'e sang si souvenl versé, ne sont plus que des actions
honteLlses. L'étrnnger, (Iue nous rmll1S tant yainru J triomphe et nous
accable de son mépris .... , Ainsi la dNaile de la COl1Yenlion ceindrait le
f'l'out de l'élrangel', el scellel'ait la honte ct l'esclnyage de la patrie. « Ce
smlinwtlt, Yingt-einq alls, la cOlJliance en ses force s , sa destinée, l'fm-
portcl'cnl. 1l se décidn) et se l'fndit nn comité. ,¡


Cl'tte I'ésolution fnt fatale aux illSUl'gl'S. ~ap()léon pril si bien ses
mesures, qu'cn pcu d'heul'es de combal l'al'mée pal'isienne fut chass('e
de toutes ses positions , et la révolte complóternent étouffée,


La ComentioIl recompcnsa son libl'ratrlll' en le Ilolllmant générnl en
eher de I'armén <10 l'inli'\'j('III',




IIISTO[1i F


Des ce jOut', ~apoléoJl put pré,oir qu'il disposerait hient(¡t des forces
militaires de la Frmwe, I't il monta réellclllent le premier degré du
tJ'()ne en pl'(>nant le commandement sllprellle de la capitale.


Qllel ehangemenl dans sa fortune en villgt-ql1atl'e hellres! Le ~ 2 \'ell-
démiail'e, il végétait dans la disgn\ce, désespéré d'étre obligé de replie!'
su!' lui-meme l'aelívité de son esprit, poussé pUl' les obstacJes et les tra-
verses a doutCl' de son avenir, et tellement faligul' des entrayes qu'il
reneonÍl'ait sur la seene politiqlle, que la dOllcelll' rt le repos de la Yic
pl'iv{~e finissaient par le ten ter , el lui faisaienL dire, eu apprenanL le ma-
riage de son frere Joseph avee la fille du premier négociant de l\Iarseille :
" Qu'il est heureux, ce coquin dc Joseph! ))


Le ~ 4 wndémiaire, an contraire) toutes ces velléites bourgeoises
avaient dispal'll. Le disgracié de la veille se Íl'ouYait le dominateul' dll
lendl'main. 11 était dc\enu le centre de tOlltl'S les intrigues el de toutes
les alllbitions, eomme il élait 1'ame de tOllS les mOIlYements. En pré-
sen re dll t'Oyalisme, dont k géllie de la Franee repoussait le drllpeau,
et Il'ayallt au-dessus de lui qu'uue assemblée rapidement vieillie dans la
eaniére des C'oups d'état el dans les lutles d'éehafaud , le jeune vaiu-
quellr des sections parisiennes aUacha a SOll étoile naissante les destinées
de la révolution , que l'étoile palie de la Conrelllioll ne pouvait plus COIl-
duire avec réclat des premiers aOs de la liberté.


Le premier usage que Dt "Napolóon de son eredit el de son pouvoir fui
de samer lUellou, donl le comité voulait la perte.


lUalgl'é toute sa modération, les yaincus ne pUl'ent luí pal'donnel' IcUl'
défaite; mais leul' vengeanre se borna a un sobriqnet, et ils 1Ie purent rien
de plus eOlltre luí que de !'appeler le Mitmitleul'.


La population parisienne était profondément hlessée et hllmiJi{'('; la
disPlte ,int mettre le eomble a SO" mócontentement el ú l'impopularih':
ell'S gens de guerre qui l'avaient foudroyée et rédui!e. (, Un jour que In
distribution du pain avait manqué, dit i\I. de Las-Cases, et IIII'i! s'dail
formé des attl'Oupements nombreux a la porte des boulangel's, 1\ apo-
16011 passail, avee une partie de son état -major, pOUl' yeilJer ú la
trunquillité publique; un gros de la populaee, les femmes surtout, le
pl'eSSí:'ut, demandanl dll puin 11 gmnds rris; la fOllle s'allgmente, les
menaces s'accroissrnt et la situation elevient (les plus c['itiques. Une
femme mOllstl'Ul'Usement grosse et grasse se fait partieulieremeut ['('-
marquel' par srs gestes el par ses paroles : « TOllt el' las d'l'pallle-




[) E \.\ r () ú: () ".
tj('r~, rrie-t-elle ('ll [lpostl'ophanL ce gt'oupe (rofl1eiel's) se mocluenl de
IlOUS: pOUl'VU qu'ils mangrnt et qn'ils s'engraissent bien, il leur est
forf. égal que l(~ peupl(~ mcure(le faim. » :\ap()l~on l'interpdlr: « La
hOllllC) regan1e-moi bien: (1l1C1 esl le plus gras de nous deux -? » 01' 1
Kap()ll~on étuit alol's rxlremement maigl'e. « J 'élais un uaí parcl!e-
miIl, » dif;ait-il. Un l'il'e unin'rsel désarnw In populacC', t't I'état-majot'
('ontilluc su routr.


C('pendant la grmité du mOll\"emcnt in~ulTectíonnel de vendémiaire
el la presque uIlirersalité des récl'íminalions (luí s'é!eyaíent, du seín de
lous les partís) contre la Comention, avaient faíl ordonner le dl\sar-
mement génciral des seetions. T,lIldis qu'on exéeutait eeUe mesure, 1m
jellne homme de dix a douze ¡ms ,int sllpplier le gl'nlTal en ehef de luí
faire rendre répéC' de son p¿~re ) qui nynit commandé les armées de In


()




42 I1ISTOIRE


,'épublique. C'était Eug(me de Beauharnais. Napoléon accueillit sa prierc
et le t.'aita aYec beaucoup de bonté. Le jeune homme pleura d'atten-


drissem(~nt , et parla de la bienveillance <iu général a sa me¡'e, qui se
cmt obligée d'aller l'en remereier. lIadmne Beauharnais, jeune encore,
nI' chercha pas sans doute a voiler, lIans ecUe visite, la grace et les
attraits qni la faisaient remarquer dans les plus brillantes sociétés de la
capitale. Napoléon en fut assez touché pour désirer de suivre des rda-
tions que le hasard venait de luí ouvrir. II passa toutes ses soirées chez
Joséphine. Quelques débris de l'ancienne m'istocratie s'y rencontraient ,
et ne s'y tl'Ouvaient pas trop mal de la compagnie du pclit mitrailleur,
comme on avait affecté de l'appder dans les salons. Quand la sociétó
s'était retirée , iI restait quelques intimes, tels que le vieux lU. de i\lon-
tesquiou et le duc de Nivernais) ponr causer, a portes fermées, de
l'ancienne COllr, « pour faire un tour a Yersailles. )) On trouverait au-


I ________ ~~-~---~--




DE ~APOLÉON. 43
jOllrJ'hui le vaínquellr de vendémiaire bien étt'angcment plaeé au milieu
de ces vétérans de l'OEil-de-Bamf, si Pon ne savait ce qu'il a fait depuis
pour l'étiquette et le blason , qnoiqu'il nc se soitjamnis ?éparti pour lui-
memc du dédain philosophiqueque ces choses luí ínspiraicnt, et bien
qu'il diIt etre le représentant quand méme de la révolntioIl franc;aise el
I'effroi des aristoeraties europécnnes.


Ce n'était pas du reste une simple eonnaissance ou une liaison épbé-
mere que Napoléon avait formée a\ ee madame de Beauharnais. L 'amour
le plus vif et le plus tendre était entré dans son ¡'¡me, et ilmit son bonheur
a épollser ceHe qu'i! adorait. Ce mariage eut líeu le 9 mars ~ 796. Une
négresse avait prédit a Joséphine qu'elle serait reine: e 'élait du moins
ce qu'elle aimait a racontel', sans l)a!'aitre trop incrédule. Son union
ayee Bonaparte fut un premier pas vers I'aecomplissemcnt de la pro-
phétie.




o


CHAPITHE V.


Pl'curiCl'C '~aUlpaltlle d'lti:tlie.


CHÉH EH) génénl! en chef de r unnée d' llulie,
uvait compromis les m'mes et l'honneul'
de la répl1bliqne pUl' son incapacité mili-
taire et par les désordres de son admi-
nistruLion. 11 a,ait laissé péril' ses pl'opres
chmnux funte de subsistnnee. L'année


manquuit de tout) el ne pouyait plus tenit' duns lu riYÍere de Genes.
Le direcLoire, llOur I'aire ecsscr ce dénument complet, el iJ défaut (\'ar-
gent et de "ivres, luí enYoya Ull Ilouveuu gónérul. Heureusement en
général était Bonapal'te : son génie tint lieu de tout.


Bonapurlc parlit de París le 2 t marsl7HG ) laissant le eommnnde-
ment de l'nl'mée de l'intérieur iJ un "ienx génpral nomllló IJatl'i. Son


-- !




¡---------
I


r~~-------~----- ----


I IIISTOIHE DE ;,\APOLÉO~.
plan de call1pugne étuit tout fait. Il anüt résolu de pénétrer en Italie
par la vallée qui sépare les derniel's mameIons des Alpes et des Apen-
nins, et de désllnir rarmée austro-sarde, en for<;ant les impériaux a
couvl'ir l\Iilall, et les Piét110lltais a garantir leur capitale. II arriva a l\'ice
a la Hn de marso Le quartier-général, qui ll'avail pas quitlé cette ville
depuis le COIllmencement de la campagne, fut porié a Alhenga. « Sol-
dats! dit l\'upoléon en passant la premiere revue des troupes, vous etes
llUS , mal nourris; on nous doit beaucoup , on ne pcut rien nous donner.
Yotre patiencc , le courage que vous monÍl'ez au milicu de ces l'ochers,
sont admirables; mais ils ne vous procurent aucune gloire. Je viens
vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riehes provin-
ces, de grandes villes seront en notre pouvoir; et la, vous aurez l'i-
chesses, honn eur et gloil'e. Soldats d 'Italie! manqueriez-vous de eou-
ruge? ))


Ce langage fut accueilli urce cnlhollsiasme el l'endit l'e:,;poil' ¡'¡ l'armée.
Le géné,'al en chef en profita pOli" parler haut au sénat de Genes, uuquel
il lit demandel' le passugc de la llochetta etles cleIs de Gavi.


Il écrivit, le 8 ¡l\l'il, au directoi,'e: "J'ai trouvé ecHe unnée, non-


. ,






1----


DE N APOLÉON.
De nouveaux combats ne furent pour lui que l'occasion de nOllveallx


sllcces; Bonaparte , vainqueur, le 14 a iVIilIesimo et le 16 a Dego, se
trouva avoir répondn, non pas le lendemain de la bataille , mais par
troís triomphes en quatre jours, au manifeste de Beaulieu ; et le soir
meme du combat de Dégo il rendil compte au directoire de ses rapides
et glorieuses opérations) en s'appliquant a faire ressortir la part qu'a-
vaient prise a ces brillantes journées les chefs sous ses Ol'dres : Joubert ,
l\Jasséna, Augcreau, lVIénard, Laharpc, Rampon, Lanues, etc.


(( Nous avons, dans cette journée, fait de sept a neuf mille prison-
nieJ's, parmi lesquels un lieutenant-général, vingt ou tren le colonels ou
lieutenants-colonels.


)) L'ennemi a en denx mille a deux mille cinq cents hommes tués.
» Je vous ferai part le plus t6t qu'jl me sera possible des détails de


eeHe affaire gloriclIse et des 110m mes qui s'y sont partienlierement dis-
tingués. ))


Ce fut ,ers ee temps que le général Colli , commandant la droite ,
écrivit a Bonaparte pour lui réclamer un parlementaire nommé )Ioulin,
émigré f¡'au9ais, qu 'on avait reteun a l\Jurseco) et ponr le lUcnacer
d'usrr de repl'esailles sur la prrsonne du chef de brigade Barthélemy,
devenu prisonnier des Autl'ichiens. Le general franliais répondit : (( Mon-
sicur, un emigré est un cnfant panicide qu'allcun eal'actere ne pcut
rendí'e sacre. L 'on a manqué a l'honneur, aux égards dus au peuplc
fran9iüs, lorsque l'on a cnvoyé i\1. J\foulín pour parlementaire. Vous
connaissez les lois de la guerre, et je ne crois pas a la représailIe dont
vous menacez M. le che[ de brigade Barthélemy. Si) contre toutes les
lois de la guerre, vous vous permctliez un tel acte de barbarie) tous
vos prisonniers ID 'en répondl'aient de suite, avec la plus cruelle ven-
granee; ca¡' j'ai pour les offieiers de votre nation l'estime que l'on doit
a de braves militaires. II Et Bonaparte ne faisait pas une vaine menare,
il tcnait déja en son pOllVoir un grand nombre de prisonniers ; c'était
le ~ 8 avdl qu'ill'épondait ainsi a Col!i.


Le resultat des brillantes journées ou les noms de Joubert, de Mas-
séna et d' Augereau furent pour la premiere foís glorieusement révélés
tl la France, fut de couper l'arriere-gal'de ennemie, commandée par
Provera, et de luí faire poser les armes; de p1'<"parer la disjonction des
Autrichiens et des Piémontais, et d'ollvrir aux trouprs l'épublicaines le
r!ouble chemin de lUilan et de TUl'in.




[J 1 STOIR E


Parveuu sur les hauleurs de lUontezcmoto, qu 'Augercau avait occu-
pées le jour meme que Serrurier avaiL force Colli d'cYacuel' son camp
retranché de Céva, le géneral en chef montrll de la il son armee les pics
orgueilleuxque la neige signalaiL au loiu, et qui s'élevaient comme de
magnifiques eascades de glace sur les riehes plaines du PiémonL « An-
nibal a forcé les Alpes, dit-il a ses soltlats en fixanL ses regards sur ces
montagnes; nous, nous les aUl'ons lournées.»


Le 22 , nouvelle vicloire. Le Tanal'O étail passé; la re¡Joute de la Bi-
coque enlevée 1 l\Iondovi et ses IYHlgasins an pouvoir de l'armee J'épuhli-
cainc. Le 2J, Cherasque fut prise. Elle avait du canon, on s'occupa ac-
tivement de la fortifier. Un armistice y fut signé le 28.


Quelques jours auparavant 1 le 24. Bonaparle avait répondu en ces
termes a une lettre (Iu géneral Colli : (1 Le dirccloire exécutif s'esL ré-
sené le droit de traiter de la puix : il faut donc que les plénipotcntiair('s
dll roi votre mailre se rend('nt il Paris, ou aHendent a Genes les plénipo-
tentiaires que le gOllvel'llement fl'angais pourruit y envoyer.


» La position militaire et mOl'ale des dellx armées l'end tall te sus-
pension pure el simple impossible. Quoique je sois en parliclIlicr con-
vainell que le gOllvernement accordera des conditions de paix hono·
rabies ü volre roi, je ne pllis , sllr des prt'sOIllptions vagues 1 arretcr ma
marche; il est cependant un ll10yen de parvenir a votre hut, eonfoI'Iw'
aux vrois iutérets de yotre cour, et qui ópargnerait une effusion de sang
inutile et Ms ]ors conll'aire a la raison et mlx loís ele' la gurrrc : e'est de




() E :\.\ l' O 1. En\' .


mettl'(~ el1 mon pOll\'Oir deux des tl'Ois fol'leresses de Coni, (L~lexan­
dril', de Torlone, a ,"olre choi" ..... l)


Les fortel'csses de Coni el de TOl'tonc flll'ent lin'ées nux républicains ;
on y ajouta meme cdle de Céva, et l'armistice fut COllelU.


QlIe de choses accomplies en un 1l10is! la république n 'avait plns il
tt'emhlel' pour ses ports et ses fl'ontieres : elle faisait trembler) (1 son
tOUl', dans lcurs capitales, les l'Ois qui la mena~aiont naguel'e; et ce
changement s'était opéré avec une rapidité prodigieuse , sans nouvdles
ressonrces, ayec une armée épuisée ) quí manquait a la fois de sllbsis-
tances, d'al'tillerie et de cavalerie. Ce miracle était le doublc prodllit rlll
génie d'un grand homme, el du génic de la liberté, qui lui donnait de,
soldats el des Iieutcnants dignes de lui.


Les étrangers étaknt fl'app¡\s de iitllpcur. L 'armée fran~aise 1 lMine
(l'admiration ponr SOIl ,Íclllle chef, s'iw[uiétait n{'anmoins de son avenir .





:;0 111 S rOl 1\ L


au lllilicu de ses slIcces inollls , ('n songl'uIll ti la faihlesse des 1ll0) ell~
qu'elll' possédait pOlll' sui\T(~ l(~ COlll'S de ('rtt(~ hrillante fodune, et pOli!'
h'nter UlW cnll'eprise uussi difticile que la cOJl(luete de l'llalie. Pour dis-
sipor edIl' inqlliétude et r('ehauffl'r dp plus ('Il plus l'pnthousiasIlJe des
tl'oupes, :.\"upoléon !eUl' adl'cssu, de Chl'l'aSIIUe, la pJ'oelmuatioll sui-
,'allte:


« Soldats ! vous a\ez en quinze jours I'emporté si'\' victoil'cs, pris vingl
PI un dl'apealL\, cinfluunt('-cill<j pii'('cs de canon, plllSif'uJ's plae(~s fol'les,
ct confluis la partir la }llus riche du Piémollt; vous a\l'Z fai! (lllinzc milll'
pl'isonniel':;, tué ou blessé plus de di:.. mille hOlll¡¡;l'S. Y ous ,ous di('z
jusllll'ici hattus pou\' des l'oehel's stél'ilrs, iJlustl'és pal' yotre cOlll'agC')
llIais illuliles ti la patrie. Yous égalez aujounrhui par vos scniees l'ar-
m('l' eoJl(llII~rall!t' l11' la Hollande et du Hhin. l)¡"nu('s de tout, vous aH'Z
suppléé ti tou!. Yuus an:z gngllé des bataillt's salls CUllO!lS, passé d<,s r(-
rieres salls pOllls, fait des marc]¡ps r()I'Cl~(,S ~alls souli¡:I's, hi\OLH1fllll' sall~;
l'au-de-\Íe el sou\~elll satls paill. Les phalallges l'l']luhlieaillc~, les soldafi'
dp la liberté daient seuls capahles de souffl'il' CP IJIW vous 11' l'Z soul'kl'l!
La patrie l'ecolluaissante vous dewa en partie sa pl'Ospél'ité ; el si, vaiu-
(1IIrlll'S (lü Toulon, vous pl'ésagetltes l'immorlelle campagne de ,1703 ,
\Os vid()il'CS adueHes en pl'ésagent une plus bolle ellCOI'!'.


)) Les (le 11 x années qui naguel'e vous atlaquaient uvee andace filien!
("pou,ant("l's de\ant vous; 1<'s hOIl1ll1es penen; 'lui riail'1I1 de \OlI'(' IIIi-
S('I'C , se r('jouissaient, dalls lcurs peusées, des triolllphes de nos ('lIl1e-
lIIis J sOllt confondus et tremblants. ]Uaís, solrlats 1 il ne faut pas vous le
dissimulel') vous n 'avez rien fait, }lUiSqIÚI vous reste ene'ore ti faire, l\ i
lurill, lli )[ilun ne sont ti mus; les eendl'es des \aiJ1(lucllI'S de T:m!uill
sont eHCOl'e foulées par les assassills de llasse,ilk! y(JUS diez dÓllIl'S dI'
tou! au cOlllllleneemen1 de la ealllpugne; vous eles uujOlml'hui aboll-
dnmnwllt poun us. Les magasills pl'is ti vos ennemis sont llOllll)lell~ ;
I'al'tillel'it' de sir"ge el de call1pagne ('sl Ul'l'i,óe, Soldats! la patl'ie a di'Oil
(I"altl'ndl'e de vous de gl'1llltles dioses. Justilie!'ez-volls SOll altellte? Les
plus gnlllds obstad('s sonl fl'anchis sans dOllle; lIlais vous avez ('¡]Con'
dl's l'olllhats it li\T(,I', ¡]ps villt's iJ prl:'ndre, d(,s l'i,ii!I'('s iJ passl'!'. En ('sl-
iJ I'nll'(' nO\ls ¡JOIl[ le l'ollruge s'ul1lollisse? En ci>l-il (Iui pl'éfl'l'l'l'ail'Jlt 1'1'-
[(\111'111'1' HiI' 1(' suml1wt de l'Alwnnin eí des ,,\I)1<'s l>ssl1yel' patiemmellt ks
injl1l'cs de ('('!te soldatl'sqllt' esclme? l\"on! il lI'en est pas pal'llli Jl'~
\'ainqllt'llrs d(' MOllfcnol1l' , <!t' Milll'~il1lo) (1(' ))l'¡L:O, dI' 3Ioll<!ovi, 10115





DE 'lAI'OU:O\.


bnilmt de pOI'tel' au IOjD la gloil'e du peupIi' fl'l1n~ais. TOllS ycuIent hu-
JIlilirr ces !'Ois ol'gueilleux, ql1i osaient méditeI' de nous donni'r des fers.
TouR wuIent dieter ulle paix gloriellse, et qui inclC'mnise la palrie des sa-
cl'iflcrs iml11cnscs qu'elle n faits. Amis! je YOUS la pl'Omets cette con-
(Iuete; mnis il est une eOl1flitioll qu'il faut que \OUS j lll'iez de l'empliJ' :
e'est de respecter les peupIes que YOUS d('liuez, e'e~t de l'Ópl'imel' les
pillages hOl'l'ihJcs nl1x(Iue!s se portent des scélél'ats suscités par vos onne,...
mis. Snl1s ('('la, vous nc sericz 110int les lihérateurs des peuples , vous en
sCl'íez les tléaux ; vous no sel'iez pas rtlOnncur du peuple fl'l1n~ais, il
YOus dósarouernit. Vos victoires, votl'C cournge, vos ~meces, le sang de
nos fl'óres morts al1X eombats, tont serait perdu , méme l'honneur et la
p;loire. QuanUl moi et aux généraux qui ont votl'C eonflanco, nous l'OU-'
girjolls de eommunder it nne al'mée snns discipline, SallS fl'ein, qui ne
cnnnaih'ait de loi que la force. Mais, inwsti de l'autol'itó nntionale , fort
de la jllstire et pHI' la loi , jo snnrai fnire respectel' it el' pe lit nombre


• (l'hommes sans cOllrage, salls CWlll', les lois de l'hllmanité et de l"hon-
IIrllr, rrll'ils fOIl/ent al/X pieds. Je ne souffrirai pas que (les hl'igands sOllil-
Icut vos lauriel's. Jo ferai e,d'cuter it la rigllelll' le róglement que j'ai fail
'lWU,'e 1\ l'ordl'e. Lrs pillareis scront impitoyablemcnl fusillés; M'jü pll1-
f'ieurs ront ótó. J'ai eu lieu de remarque!' nwe plnisil' l'empl'essemenl
aH'C ICfIuelles hons soldats de l'armée se sont portt"s ü rain' e.\écuf('1'
les (mIres.


1) Peuples d'ltalie! l'armt'e franljaise vicnt pour rompre vos ehalnes :
l.' prllplt' fran~ais ('st rami de tous les peuples; venez nH'C ronlimw('
Hu-L1evanl d'dle. Vos propriétés, yotro roligion et vos usages s(,l'Ont \'t'S-
]lt'e(,s. XOllS fnisons la gil erre en eunemis gónóreux) el nOllS n'pn vou-
!ons qu'aux Iyrans qui vous asseni¡;sent. ))


Ce Inngage annollr,ait dans l\apok'oll plus que le gl'and eapitaine. Oi!
~ voÍl déju J'homme d'état et le politique habile, qui semhle pressPlltir'
~a ¡]estin{'ü (h~ ('onquémnt-Iégislatellr, et qui s'efforee d'exeilc\, la sym-
pathie non rnoitls que l'admirution des peuples , en ¡eUl' nl11lOn~nnt leul'
dt'!livrance 1 la punitinn des pillanls, et le respeet serllpulenx d(' lerlJ' rc-
liginn et de It'Ul's mamrs,


C't'-tait a dix licues st'ull'ment de TllI'in fIue l\npol(ool1 pnrlait arce tant
d'assurunee, d pl'cnait 1 pOllr ninf'i dir(' , possrssion de ntalie. Le roi
de Sardaigne s '('11 .~mnt; il activa les négoeiatiolls ollvertes. Les prc-
miól'cs rOIlI'¡"I'CllreS eur('1]t lietl ehez son maltro (l'h6trl SalmntOl'¡s , qui




1l1STOII\E


fut dcpuis préfet <Iu pabis de l\apolóon) sous l'empire; el l'armislice
que nous aHHlS annoncé plus haut ayant été conclu a Chel'asqlw) sous
celte condition) entre mItres) que le roí de Sanlaiglle auandollucrait
immédiatement la coalition, et qu'jl enverrajt un plénipotenliaire a
Paris pour y tmiter de la paix dl-tlnitive, tout cela fut ponctucllement
cxócllté. Le monarque sarde était serré de trop pres par l'al'lnéo rélm-
hlicaino pOUl' songer a lllanquer de parole. n expédia le comte de nOyel
a Paris ayec les inslt'uclions les plus pacifiques. De son coté, l\apoléon
avait fail déjü partÍ!' pou!' eeHe capitale le chef d'escadron 3Illrat, chal'gé
de porter la nouyelle des yidoires qui avaient signalé l'oU\cl'lure de la
emnpagne. (( Yous pouwz) écrivait-il uu dircctoiro, dicter en maitre la
paix au roi do Sardaignc ... Si \otrc projet est de le détl'ol1e!' 1 il faut
que yous 1 'amusiez quelqnes décades et que vous me pré\eniez de suite ;
je m 'empare de Yall'nce et jo marche sur Turin.


1) J'eIlVC1Tai douze mille hommes SUl' Home, lorsque j'aurai haUu
Jkaulicu ... ))


J .cs repn"sentanls de la ualion aceucilJircnt ce ll1essuge en déel'étulIt,
JlOlll' la cinquicme fois en six joUl'S) que I'al'lnée ¡l'ltalie avait hien
mérité de la patrie. La l)tlix arce h~ roi de Sardaigue viut ajouter hienlo!
Ú l'allégresse publiquc. Elle (ut signée le ~:J mai) et uux conditious les
plus avantagenses pou!' la France.


Bouaparte) n'ayant plus ü comuaUre que les impérianx) se demanda
s 'ji devait garde!' la ligne du Tésin, ou se porter su!' l' Adigc avec l'au-
t1acieuse célérité qui l'avait rendu maitre en quelques jonrs des plus
)lI'lles prminccs de la monarchie sardo. n uous u consoné lui-memo ,
daus une note que le lUémoriat de Sainle-Ilélene u reclleillie, les raisons
([ui militaient pour l'nn et l'autre parli. Le premier) tout de prudence
el de réserre , ne conyenait ni a la position de la répuhli(llle naissanle ,
qui a\uit besoin d'intimider la coalition par des coups redonblés el des
prodiges incessants, ni au jeune général , que son caractere et son am-
hition poussaient allX résollltiollS qui exigeaient le plus (l'aelirité et d'all-
dace J et qui offraient lo plus de chances de difficulté el d'édat. Bouaparte
se porta donc en arant, apres avoir écrit an directoire: « Je ll1al'ehe
(kmain sur Beaulieu ; je l'ol)lige a repasser.le Pe) ; je le passe immédia-
tement apres; je m 'empare de tonto la Lombardie, rt, avant un mois )
j'esp&l'e eti'e sur les lllontaglles dll Tyrol ) Íl'ouver l'armée du Rhín, et
portt'r de conccrt la guerro dans la Bayiere. ))




))1: \r\l'OL1~O~.
Le !) mai il écrivait au dÍl'ec!elll' Camot :
" l\"OllS avons enfin passé le pú. La seconde eampagne es! eOmlllf'n-


ere, Hcaulieu est déconccl'ló; il ca!!'ule assez mal, et iI donne constam-
llwnt dnns l!~s pi('¡~ps qu'on lui tentl; pellt-etre vOlldl'a-t-il donne(' une
bulaille, cal' celltomme a l'audaee de la fUl'eur el non celle du génil' ...
Encol'P ulle yidoil'p, el nous somnws maUres dI' 1'Ilalip ... Ce (IUC I1011S
aHlllS pl'is ti l'clluemi est incalculable ... J e YOUS fais passcI' Yiugt ta-
hlC'aux des 1'I'ClIÜCl'S maitl'C's, du COl'l'l'ge el de l\liclwl-AngC'.


)) Je YOllS dois des l'emereieI11l'ilÍs pal'tiellliers pom les attentioI1s que
\OUS \ou\ez bien ayoil' pour ma 1'cJl1111e; je YOUS la l'ecommande, elle
est pall'iole sincóre, el je l'aime 11 la folie. ))


Le lendelllain meme de ceHe lettre, la Yictoire nouH'lle dout Rona-
parle attmdait la possession de rIlalie fut ac(plise ti l'Iii~toir('. Elle a
I'endu célebre le nom de Lodi) que les l'épublicains pmpol'fcl'ent.


tI' gaill de edte bntnilk fut l(~ ¡n'dude de In eOmjUete de la Lombanlie.
En pell dC' jOlll's, Pizzigltiloue, Crélllone ct ImIles lrs ,illes principales
dn !.\lilanais tomhi~r(,Ilt 1m poU\oil' de l'arméc fraLH;aise.


- ---- ---------------------------




.. ,
;), IIISTOIII E


Uu milieu (iL's bimuacs el a tl'ayers le fracas des al'll](,~. :\ap{)ll~()n .
'lue l'on aurail pu cl'oil'e accablé sous ses préOccllpatiolls guel'riercs d
politiques) montl'ait de la suJlicitude pour les arls, el d('llltllHJait au
dil'cdoil'e une COlllluission d'al'tistes pour rec\!eillir I('s objpls pl'l'ciellX
qUl' la con(ltH~te llletlait tI:,oa di:,opo:,:ilion. On l'a YU ¡¡lus tan\ rdl1~cl' des
tl'l'SOI'S dOllt il aUl'ait pu faire sa pl'Opl'il-té padinili¿'\,l', pOli!' eonsenel'
un lab!eau du COI'l'l'ge , dont il vOlllait emichil' 1(' )IllS(~e national.


Et ce Il'était pas seulenH'nt ponr le progr(\s PI. la prospl~rill~ des IJCaux-
al'ls qlúlmanifestait de l'intérel et de la sollieitude; tout c(~ qni s(' rat-
laehait au dotlwine de l'intellig<'nce, a la culture dcs lettres on des
scienres , il la cause de la rivilisalion Illoderue, ll'O\!vait place t!¡]flS Sil
\ aste pmsée. Quillze joUl's aprrs le passage du Po) entre le )¡rllit d u
canon (It' Lodi ella i'UllH"e du eamp de 1Iantolle , il sn ,Mmhnil il I'CIll-
pl'CSSellll'nt uniyersel dont il était l'ohjet a son qual'liel'-géné,'al de l\Ji-
jan) pon!' éel'i,'() iJ un cé¡¿.hre géometre, au sayant Oriani, ecHe Id!.!'e
l'emarquable :


AU ClTOYEN ORIANI.


Les seiences, fluí honol'ent l'esprit humain 1 les nrl:,;, qui L'llIhel-




lll~ \ 0\1' o LI~ o \ O
lisscnlla ,io rt h'ansmcttcut les grandes ac:tions ú la post("rilé, doivl'nl
('!J'e spécialeJlll'ut lHlllOrt'S dans les gOllYrl'l1rnH'nts lihres. Tons le:-;
l!ollllllCS de genio) rt tous rrux qui ont ohtenu Ulll'nng (InllS In l'epllbli-
flUC' des Idtl'l'S, sont frcres, que! (¡ue soií le pays qui lcf' ait 'us 11aitl'f'.


)) Les sH\anls) dans i\lilnn) n'y jouissnient pas de la l'OlISidl;ratioll
flu'ils (1('\<Iient aroir. lletirl's dalls le fond de kul's lahol'atoÍl'es, ib
s '('slimnient hcurClIx (¡ue lrs rois el les pl'etl"CS youlussl'llt bien 11(' pas
!elll' faire d(' mal. U n'en esl pas ainsi aujoul'd'hui: la pf'l1sée est dl'-
n'1I\)(, libl'e rlans l'ltalir; il n'y a plus ni inf[uisilion, ni inloléranee, ni
despo[('s. J'imile les Simmts tI se réunil' el ú me pl'oposel' kul's \lWS
tolll' ks moyeIls qu'il y aurait tI prendre, ou les besoills qtúls amaiclIl
pOlll' (Ionm'!' an'\. seienccs et au'\. bcaux-arts une nouydle \ io el un'
Ilouyclle existence. Tous eeux ¡¡ui youdl'onl alkI' ('J1 Fn\llee y s('n)[11
accIH'illis mre distinetiol1 par le gourernement. Le IH'nple fl'an~a:s
ajoute plus de )ll'ix ir l'rlCqllisilio!l d'Ull silY<ml lllalh¿'llInticil'fi, (1\1II
I)('inll'e f'n I'l;putatioll) d'ull llOlllllle (Iistingué, ¡¡url que soit rétaL qu'il
proli.'sse, que de la ,iHe la plns l'iche el la plus abondallll'.


1) SOY('Z done 1 eitoyrn, l'organe de ces srntiments aupl't's des sa-
rallls distingul's f1ui se b'om l~1t dans le Milanais.


1) BIl:'íU'AltTE. Il


Mais ce laet, ('e gm'!t, eclle aptilutlc el cette aetiYité qui s'appli-
¡¡uaien[ tI [ou[ !'l (luí deedaien! l'llniwrsalité du gl'nie , s °ils l'clllplissaiellt
(U'¡onnement pt (l'admil'fllion les alllis el les ennemis de la Frane(' , Ill'
laissaiclll pas fIlie (hnspil'el' flurl(lues alarmes au gOUH'l'IlCUlcnt olllbl'a-
geux qui l'l'gissait alol's la l'épublique. Le dil'eetoirc pressentait son SllC-
ceSSPlll' dan s ll' \ninqueur de l\lontenotte et de Lodi, et il HHllait
l-Ioigller autant que possible roU\el'ture de la succession, A eelle fin ,
il l'ssaya de r!OIl1ll'r un seeol1d it eelui qui aYait proUYé par une sl'l'ie (It>
üdoi)'('s inl'Spt'l'l'eS q1l'il savait agir el nlincl'e lout seul. Ronapal'l('
IIC R' lrompa point SUl' le sl'ntiment qui lui faisait adjoindl'e Kdlel'lllUnn ,
d dallS une Idlre il eoulia sou n)(~'eolltelltl'mcnt ~I celni Ms dil'l'C:tl'uI'S
dont Ir' ('aJ'iw{t'l'e, les sel'\irl's el ]es connaissall('es lui inspil'aiml de
]'estimc. "JI' (,l'Ois 1 éerhait-il il Camot 1 que l'éllnil' Krllprmanl1 Ú ll10i
('11 Halie, ("('st youloil' tOlll pcrdl'c. Jc He lmis pas senil' H)lontiel'~
il\'ec 1111 Itomme c¡ni ~e el'oit le premier gl'nél'ul de l'Eul'Ope; et (l'ail-
IClIrs jü (')'ois (IU 'tm llwmais génél'ul \ aut mieux que ¡]C'ux hOIlS, La
gl]('ITe es! rOIl1Ill(' le gou\crneIl1cnt 1 (' 'est une nffaire de tae!, )1




;:¡¡¡ IlISTOlllE


Cette ldtl'e envoyee, Kapoléon mait eOlltillUl' d'agir SclOIl ['es Jll'Opres
vues, ct d'CXl'cutCl' son plan. II U\ ait fait son cn(d·(' h'jomphale ü )lilall


)('1:'; mai, llendant qu'on signait ti Pal'is la paix qu'il mait lui-menw
imposée ti la Sardaigne, ti 3Iontenotle, á D6go, ti lUillésimo ct 11 :\londmi.


Le direeloü'c n'osa pas r6aliser son projet d'adjonelion. j{c1kr-
mann fut nOllllllé gouverneur general des pa~-s cé(h~s 11 la Frallce par
Ic dernier traité ayec sa majesté sarde, et Bonapar[e eonsena sans
partage le cOlllmanrlement en chef de l'al'mée d'Ttali("


Son premie!' soin fut de porter le c('n[re des opérations SUl' L\.digc ,
pt d'établir le bloeus de )lantoue. L'annee fran\,lise nI.' eOlllptait glll\J'('


pourtant que trenln mili/.' hOlllllles. L 'aIHlacp dl' son ge"néral n 'en jda pas
ll10ins l'alal'lllC dan s le ronseil auliq\lP. On songpa de suite, ti YiellllC',


------------------




IJE :'HPOLÉON. ,.-,)j


¡¡,'('[j,'el' \\'UI'I11SI'I' dps hord:; dn Hhin) el 1, rCOVOYI'I' en Itnli0 an'(' IIn
I'eofor! de !r(~n!e mille homnws de ses meilkures tmupcs,


D0 son cúlé, l\'apolóo!l nI' se dissimulai! pas que les combals jOllrna-
li('I'S e! les maladies pOII\'aient ti/lil' par réduire son aJ'mée, déjil si rai-
hle, ti lIne tmp grande infél'iorité d0 nombJ'(~ vis-a-YÍs dcs impériaux, el
il n(" cessait de róclmner aupres du diredoi!'e pO m' fllI'on Ini enronlt des
1'('('l'lWS, ct que l'armée du I\bin opérat une puissante diH'I'sion en I'C-
pl'enant activement les hostilités, « Je m'imagine qu'on se bat slIr le
Hhin, avait-ill'cril 11 Cal'not peu de jours apres le succes de Lodi; si
I'armistice continllait, l'armée d'Italie serait ócrasée; il semit dign!' de
la répllblique d'aller signer' le tl'ailó de paix, aycc les tmis armées ré-
IInies, dans le c(Pur de la Baviél'e ou de l' Autriche étonnée, )}


Napoll'on avait d'al1tanl plus de raison de demande!' la c()opératioll des
aJ'mées dn Hhin el de Sambre-et-Meuse) qu'elle luí ayait étó fOl'nw\le-
mcnl¡H'omis(> , a son d¡'~paJ'l de Paris, pom' la mi-auil) tundis que ccs
1ll'mées ne se mirent en rnollvement (IU'a la fin de juin , IOl'sque WUl'ln-
scr, qu 'UIIC di \ el'sion ll10ins tan!i V(> al1l'ait pu ['etcnir en Allemagnc, a!'-
r¡vait. en ltalie avee ses l'enrorts,


C(>tJ:\. que rédamaitlc gt'uól'al fl'fln~ais n(> fllrcnt pas aussi prompts : le
dil'ecloil'e, soit impossihilitó) soit malveillance, re'sta sounl ü ses in-
stanees. Aillsi obligé de faire faee ave!.' trcute milIe hommes a une m'-
mi'e cOlllpost-e de pres de cmt mill(', ~ apoMon chel'che alOl's m lui-
IIH\me lps moyens t!'at!ónuel' la supól'ioritó numérique des impél'iallx,
Son génie el sa fOl'tune nI' l'abandonneront pas en eette cil'constance, 11
imagine un plan de marches el de contJ'e-mal'ches, de fausses attaques
el de I'etraites sitIIIMes. de manmuvres hardies et de mouvemenls ra-
pides) il la fav('I!I' desflul'ls il e~p¿'re divise)' et isolCl' les trois corps eIl-
nemis, el venir ensuite) an pas de ('nurse) toutes ses (0I'C(>5 réunies,
Ips atta(tupr sépm'p/llent el les haltl'e 1'1111 apl't'S l'autre, Le succes le plll~
t'omplet jllstifi(' la pensée et l'espoÍl' dll gl'and eapitaine, qlli est pllis-
samment se('ond(. pat' l'intelligmce el la hmvoure des géuéraux et des
soldals I'épublicains, Tmtdis que Wurmsel' le croit occllpé devant )ran-
tOlle, il s'échappe pon!' aimi dire du sir"ge de cctte place, et se por-
lant, avee la rapidité de l'éclair, (In ptJ SUI' l'Adige, de la Chiesa an
)rineio, il scmble se multiplier pou!' se trouver presque en meme temps
illa reneont!'e de ton les les divisions ennemies, qu'il ('ulbllte, disperse et .,
ruine dalls une suite fle f'omhats qn'on appelle {a camlJaglle des cinq




58 /IISTOIHE


jOIl/'8) el quí se donncrcnl ü Salo, il Lonado, ü CastigIiOll!', ele. QlIO~­
nat1<mieh eommantlnit les Alllrichiens dans la plupart de ces dól"aiLrs ,
mais w. urmser fut bnHu en i1cI'SOlllle dnns la plus d("\GS[t'PllSC de [oule,:,
ediL' d(' Casli¡:lione. I


Dans le r('sumé de ecHe pt'Odigieusc cnmpagnc) que le gt~n¡"rHI yie-
torieux rédigen sur le ehnmp de batnilIn) el qll'il pnyoyn au dir(~etoil'('
le ~ 9 thermiclor an IV (6 aOtH ~ 796), on lrouye les détails qui suivt'lIt :


i( Depuis plusielll's jOlll's les vingt rnille hommcs de renfort que l' a 1'-
mée autriehienne du Rhin 3vait envoyés 1\ l'nrmée d'ltalie élaicnt HlTi-
vés, ce qui, joint a un nombre consiclérable de recrues et a un gl'lmd
nombre de bataillons venus de l'intérieur de l' Alllriehe, rendait ecHe
armée extremement redoutahle : l'opinion gpn¡"I'ale étnit que hienlot les
Autl'iehiens sel'aient dalls Jri1an .....




DE i\AI)OLl~()\,


)) L'cnnemi, en descenclanl clu Tyrol par Breseia ell'Adige, me mel-
{ait au miliell. Si l'al'luéc républieaine était tl'Op faible pour faire rae e
allx (livisions de l'ennemi, ell!' pOllvait ¡Jattl'e cbarUlle cl'dles sépal'é-
lIleul, el par ma position je me tráuyais entre elles. Il m'était done possi-
bl!~) en rótl'Ogl'adant l'apidement) ti' e 11\ cloppel' la division ennemie cles-
('Cndue de Brescia , de la prendre prisolluiere el la balll'c complételllcnt,
el de la revenir sur le l\lincio attaque!' W llI'mSel' et l'obliger a repassel'
dans le Tyrol; mais pour exéeuler ce projet il fallait dans vingt-quatl'e
hellrcs lever'lc siégc de l\lantoue) qui élait sur le point d'etre prise) cal'
il n'y avait pas moyen de retarder six heures. II raHait, pour l'exéeution
de ce l)l'l)jct, repasser sur-le-ehamp le iUineio, el ne pas donner allx di\'i-
sions ennemies le temps de m'envelopper. La fortune a souri a ce projet,
elle eombal de Dezenzano, les deux combats de Salo, la bataille de Lo-
liado, eelle de Castigliorll', en sont les résultats .....


)) Le ~ 6, a la pointe du jOUT', nous nous troU\umes eu présenee : le
général Guienx, qui était il notre gauche, dúvait attaquer Salo; le gé-
lIáal Masséna était au centT'c, et devait aUaquer Lonaclo; le gélléral
Angel'cau, qui était a la droite, devait attaqnerpar Castiglione. L'ennemi,
an !ien d'Clre attaqué, attaqua ¡'avant- garde de Masséna, qui était il
Lonado; déja elle était enveloppée, el le général Digeon prisonnier;
on nons avait enlevé trois pieres d'arlillel'ie a cheval. Je fis anssitót
fornwr lal se demi-brigadc el la 52" en colonne serrée par balaillons;
d pendant le temps qn'au pas de charge nous cherchions il pel'cor l'en-
Iwmi, celui-ei s'élendait davantage pOUI' nous cnvclopper; su manamvrc
me parnt un súr gamut de la victoil'e. Masséna envoya seulemellt quel-
(pIeS tiraiUeurs oUI' les ailes des impél'iaux) pour retardt~r leuT' marche;
la premiere colon nI' al'l'ivée a LOIw(lo for~a les ennemis; le ~ ~e régi-
ment de dragons chm'gea les hOlllalls el repril nos pieces.


)) Dans un instanl l'ennemi se tl'Oma éparpillé et disséminé. II vou-
lait opérel' sa retmite 5111' le lUiurio; j' ordouuai a mon aicIo de eamp,
chef de brigude, Junot, de se Illcltl'C iJ la tete de ma eompaguie des
guides, de poul'sui\Te l'ennemi, de le gagner de yitesse il Dezenzano; il
I'encontra le eolond Bende)' mee une partie de son régiment de hou-
luns, qu'il ehargea; mais JUIIOt, ne voulant pas s'amuscr ti charger la
queue, fit UII détoUl' par la droile, pl'il en frout le régiment, blessa le
colonel qu'il voulait premh'e prisonniee, lorsqu'i} fut lui-rneme entoUl'é;
el apees en ami .. tll(~ six rlP sa prop¡,e main, il fuI culbuté, remersé dans




I~------


(;0 UISTOIHE


un fossé, et blessé de six coups de sabl'e, dont on me Caíl. espérel' qu'all-
cun ne sera mOl'tel.


)l L'ennemi opérait sa retraite sur Salo: Salo se trollvant il IIOUS,
eette division errant dans les montagnes a été presque toute pl'ison-
Iliere, Pendant ce temps Augereull marchait Sllr Casfiglione, s'emparait
tle ce "illage; toute la journée il livra et soutint des eombals opinitltl'es
contre des forces dOllbles des siennes : arfillerie, infanferie, eavalerie,
tont a fait pal'faitement son devoÍl'; el l'cnnemi, dan s cette journée
mémorable, a été complétement battll de tous les cotés.


f) Il a perdu dans eeUe journée vingt pieces de canon) dellx ti trois
mille hommes tués OH blessés et qllatl'e mille pl'isonniers , parmi lesquels
tl'Ois générallx .....


1) Pendant toute la jOllrnée du ~ 7, Wlll'lllSer s'ocrupa a l'assemblcl'
les débris de son armée, a faire arriver sa réserve, illirer de lUanlolli'
lont ce qui était possiblc, a les ranger en bataille dans la plaine, entn'
le village Sean ello , Otl iI appllya sa droite , el la Chicsu, oú il appuya
sa gallchc.


») Le sor! de l'Italie n'était pas encor~ déeidé. Wurmsel' l'éunit UlI
corps de vingt-cinq mille hommes, une eavalerie nombl'euse , et sentil
pouvoil' encore balancel' le destino De mon ebté, je donnai des ordres
pour réunir tOOt0s les colonnes de l'al'lnée.




Ill~ .\;\ l' () Ll~ o :\ . (il
» Je me J'enllís mOi-IlH3me a Lonado pom' voir les trollpes que je


!louvais en tirel'; muis quelle fut mu surpl'ise en entrant dans cette
pluee) d'y ['ecevoi!' IIn pal'lementai,'e qui sommaít le commandant de
Lonado de se ,'pndre J paree que, disait - il , il était eemé de tous co-
tés! Effectivement, les diffél'enlcs vedeltes de euvaleric lll'annon~aíent
IIue plusieurs colonnes touchaíent nos grand'gardes, et que déjú la
J'Oute de Breseia a Lonudo éluil Íllterceptée au Ponl-San-l\Iarco, Je
sentís alors que ce ne pouvait etl'e que les débrís de la division eou-
pée, qui, apres avoir erré et s'étre rejoints, eherchaienl a se faire pas-
sage.


II La circonstance était assez embarrassante : je n'avais 11 Lonado
qu'ú peu pl'CS douze cellts hommes; je tis venil' le parlell1enlail'e: je


lui tis débander les yeux; jo luí dís que si son général availla présolllp-
lio[) de prendre le général en chef de I'Ul'mée d'ltalie , il n'avait qu'ü
avance!'; qu'iJ devait savoir que j'étais a Lonado, puisql1e tout le mondl'




1 --------- -- - -- --~--~------ ------------ --- -- - -------------,


62 HISTOIBE


savait que l'al'Illée républieaine y était; que tous lcs ofliciers généruux
el officiel's supérieurs OC la division seraicnt responsables oc I'insulte
personneJIe qu'ils m'avaient faite; je lui déclarai que si sons lIuit mi-
nutes toute sa oivision n'uvait pus posé les armes, jc ne ferais gnlce il
aucun.


)) Le parlementaire pal'ul fOl't étonné oe me voir lil, cl un instant
apres loule ceUe colonne posa les armes. Elle était fode de quatl'e mille
hommes, deux pieces de cunon et cinquunlc homllles de cuvuleric;
elle venait de Gavardo, el cherchait une issue pom se sanvcr.
l\'ayanl pu se faire jonr le malin par Salo, elle cherchait u sc le faire
par Lonado.


)) Le ~ 8, a la pointe du jou!', nous nons trouvames en présence;
cependant il était six henres du matin el rien nc bougcait encore. Je lis
faire un lllouvcment retrograde a toutc l'al'mee pom' attil'er l'cnncmi
a nous, du temps qne le genéral Serrurier , que j'aUendais 1) chaque
instant, venait de Marcario, el des lors tOllrnait tonte la gallcIw de
WUl'l1lser. Ce mouvement eut en pal'tie l'effet qu'on en aUendait.
Wurmser se prolongeait sur sa droite pom' obscnel'.


)) Des l 'instant que nous aperl{umes la division du géneral Serruricr,
commandéc par le général Fiorella , qui attaquait la gauche, j'ordonnai


a l' adj udant -général Yerdiere d' aUaquer une redoutc qu' avaielll faile les
ennemis dans le miliell de la plaillc pOllt' souteuil' lCUl' gauche. Je char-




1---------- --


6,-.J


geai 1110n aide de camp, ehef de bataillon , iHal'mont, de dil'iger vingt
pifkes d'al'Íil1el'ie légel'c, et d'obliger Ijar ce seul feu l'ennemi a nOl1s
ahandol1twr ce poste intéressant. Apres une vivo eanonnade, la gauchn
dc l'ennemi se mit en pleine I'etl'alte.


a :\Ilgrl'eall attaquale centro, HpPllyé ü la tOUl' de Solfél'ino; Masséna
attaqua la dmile; l'adjudant-général Leclel'c, a la tete de la ;)" demi-
hrigade, marcha au secoul's de la /je demi-bl'igade.


a Toule la cmalorie, aux ordres dll général Beaumont , marcha SUl'
la droite, pOUl' soutenir l'arlillerie l('gere et l'infanterie. l\ous fLlmes
partout victorieux, partout nons obtinmes les succes les plus corn-
plds.


)) l\ous avons pris a I'ennemi dix-huit pieces de canon, cent vingt
caissons de munitions : sa perle ya it deux mille hommes tant tués
que prisonniers. 11 a été dans une déroute complete; mais nos troupes ,
hal'assées de fatigue, n'ont pu le poursuivré que l'espace de trois
lieups. L'adjudant-général Frontin a été tué : ce brave hommo eslmol'l
en face de l'ennemi.


» VoiliJ. donc en cinq joul's une autre eampagne flnie. Wurmser a
perdll dans ces cin<¡ jOllrs soixante-dix pieces de canon de campagne)
lous ses caisso(]s tl)infaut(~rie, dOllze il quillze mille prisOImiers, six
millc Inés ou blessés, ot pl'esqllc lOllles les troupes YCDant dll Hllin. ln-
dépe11l1amment de cela, une grande partie est encore ('parpillée, et nons
lps nnuassons en poursuivunt l'ennemi. TOlls les officiers) soldats el gé-
néraux out déployó dans ceUe circonstance difficile un granel cal'actere
de bruvoul'e ..... »


Ces événemcnts menrilleux exdterenl au plus huut <legré l'entholl-
siasllIe des peuplrs d'ltalie qlli avaient manifesté de Iu sympathie pour la
róvolulioIl fran<.;aise. Les pal'lisans de l' A ufriche fllrent attérés; ils
avai!~nt eul'impl'udcnce de monlt'PI' leul' joie en voyant aniver Wllrm-
scr, el de s 'assoeÍpr ü la jactanee des impériallx qui , ú raison de lenr
imnwnso supél'ioritó de nombre, c('ll']H'aienl d'avance la déroutc drs
F¡'anr,ais el leur expulsioll de la Péninsule. Le eardinall\IaUei, archeye-
que de Fel'rare , avait été un de ces imprudents. Il ayait fail plus que se
r~joujr de l'approdw des Autrichiens et de nos reyers éyentllels, il
avait ponssé la population sur laqnelle s'exer<.;ait 8011 autorité pacifique
11 des acles d'hostilité ('ontre l'armée frangaise. Apres la batuille de
Castiglione, Napo)¡"on Ir fit a1'l'etrr et ('ondllirc 11 Brescia. Le prétre




til IIISTOIHE


italien , convertí par l'insucces de ses manruuv)'cs insllI'\'ccliollllcIles d
pm' la dél'oute de ses amis, ne craignil pas de s'humilie\' ¡J('vnnt le vain-
l[uell\', el de lui di\'e: Pcccavi. CeUp contl'ition apparen!e lui \'éus~il.


1\ ap()I(~oll se contenta de le faire enfpl'lner pOUI' trois Illois dans un sl-lni-
naire. 11 était ne prince I'Omain, el fut depllis ch,ll'gé des pleins pOllvoirs
dll saínL-síége, u Tolentíno,


l\Iaís le l\Hut sacerdoce élaít lo in de re~)I'ésenter rpspl'it ct les dis-
positions de la nalion ilaliellIlc tI l'l'gal'd de la Franc(). En Píémonl ,
rlans la Lomh[l\'(líe d les légations, la propaganrll' 1'('\olutioHnaire maí!




DE :\'\1'0/.(:0\. (i!'¡


l.I'Ouré ¡fe nOlllbrcllx pros('lytes, Les Milanais snrtollt s 'étaient montres
fayorables uu drapean répnhlicain; le génl'l'u! cn chef lenr en témoigna


hautement sa reconnaissuncc, (( Lorsquc l'armée battait en retraite,
lem' écrivit-il) quelqucs partisans de l' Autriche el les ennemis de la
liberté la cl'oyaient perdue sans ressouree; lorsqu'il était impossiblc a
vous-memes de souP9onner que eeUe retraite n'étuit qu'une ruse, vous
avez montre de l'attachement pour la France, de l'amolll' pOUl' ]a li-
bet'té; vous uvez déployé un zele et un caractere qui vous Ollt méJ'ité
l'estimc de l'armée , et vous mél'iteront la protection de la républiqup
ft·an9aise.


)) Chaqne jOUl' votre peuple se rend davantage digne de la liberté; il
ucquiert chaque jour de l'énergie. II paraih'a sans doutc un jour avee
gloirc SUI' la seene du monde, Ilecevez le témoignage de ma satisfadioll,
et ]e VffiU sincere que fait le peuple frull9uis pour YOUS yoir libres et
hcureux. 1)


Napoléon no s'on tint pas, aree ces peuples, ú de simples féliritations.
n mit a profit Icurs bonnes dispositions, et pour cux-memes, el pour la
r('publiquo franc:aise, et'Jlolll' la cause de I'émaneipation univel'selle, en
organisant ]a révolution au dclil des Alpes, par la fondaLion des répu-
bliques transpadane et cispadane. Ces eréations important{·s, qu 'i! im-
provisait, en quelque sorte, en courant d'un clwmp de bulaille a l'uuh'e,
ne l'eIllpechaient pasde pousser la guerre aree vigueur. A peine délivré i
de l'armée formidable que le cabinet de Vienne avait dwrgée de ehasser í. :
~>''''~J.".


----I/-.-A.!~:\'-,:r~~,~"~'
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-,-~~~~--------- -- -- - --------------------------


(jI) IIISIOIBE


les FI'anQnis tic n talie, il se I'emil it prcsscl' le siloge de l\lanIOlw, OlJ
Wunnset' 110 panint a se jeter ayee ql1elqlws tl'ouprs rl des pl'OYisions
que le jOlll' meme de la lll'ise do Legnago (~5 septemul'e), el apl'cs moir
loté battu dans dix rombats , savoir: le 6 aoúl, a Prsehirra ; le ~I , ü la
Corona; Ir 2.~, il Borgo-Forte el 11 Goycrnalo; le 5 septembre, il Sen'a-
valle; le ,.¡ , iJ Iloverodo; le;l, iJ Trentr, qui fut prise; le 7, iJ Coyolo;
]e 8, a Bassano, el1el2, iJ Cel'ra.


Le lenclemain de son enlt'ée dans Mantoue, les Mbris de son al'm(~e
furent encol'e mis en démnte a Due-Caslelli, el le snl'lendemain, 4;j, le
rombal de Saint-Georges compléta la rnine de l'al'ml'e imp6l'iale.


'\Iais WlIl'lnser ne fut point abandonné par sa rOl1I' dans eeUe I)osi-
lion difficilc. L' ompOl'eUI' d' Autdcho le eonsidérait eomme le l)lus expl'-
rimenté et le plus habile de ses eapitaines; il savait ensuite quc l\Iantolle
était la olef de ses étals. Dc nouveaux erforls furent done tcutés a Yicune
pour réparer les désastres de la premiere ('xpédition . el pour prépm'cJ',
pm' la délivranee de Mantoue et de W Ul'mser, ee que les rois ct les U1'is-
tocrates europl~cns appelaicnt la délivrance de I'Italie.


ene nonvelle arme-'e impériale , fOl,te d'environ soixantc mille hom-
mes, sous les ordres du maréchal d' Alvinzi 1 arconrut done un secoU\'s
de Mantouc.


Au premier bruit de la mnrehe de eeUe ar'mée, i\upoléon dul se
plaindre IlInerement de ce qne ses avis n'avnient pas été suiyis sur le
Rhin, oú les forees républieaines étaient suffisantes pour opérel' une
diyersion salutaire. n nvait demnndé instamment des st'cours, el on ne
lui en avai! cn\oy(~ aucuo, Quoique toujours eonfian! pn Ini-meme el
dans ses tronpes, il crut devoil' mnnifestel' an directoire des ernintes sur
l'issue de la nouvelle eampagllc, afin de faÍl'e comprt'ndrc au gouver-
nemenl fl'augais l'énormité de ses torts enn)rs l'armée d'Italie, qu'i1
u-vait négligée au milieu de ses iunombrables triompltes.


" Je YOUS dois eompte des opérations qui se sont passées depuis le 21 de
re mois. S'il n 'esl pas sutisfaisant, vous n 'en uUribuerez pas la faute it
I'armée: son infériorité, et répuisement oit elle est des hommes les
plus IJraves , me ronl tou! eraindre pour elle. Peut-etre sommcs-nous il
la veille de perdre l'ltalie. A ncun des secours attendus n'esl arrivé ; la
83e demi-brigude ne part pas; tous les seeours veuant des départements
sonl arretés 11 Lyon el sul'Íout a Marseille. On CJ'oit qn' i1 esl indiff6renl
de les arreter huit ou dix jours; on n(' songe pas que les dcslinées de
~~~~~~~~~~~_._----~-------


I
I
,-




I


!


J) E \ A l' O L E O \ . ti 7


rItalin t'l de 1'¡':ul'Ope se Jl'eidenl iei pendnnt ce telllps-Iú. Toull'elllpire
a été en IllOuvelllClll el yeti1 eneot'c. L'aelivite de llo11'e gouYel'l1ement,
atl commeneement de In gucl'I'e, peul seulo dOllllel' Ulle idee de la nw-
niere dont on se conduit n Vicnue. 11 n'est pas de joUI' Ol1 il n'arl'iH'
eillq mille hOIluues; el, depuis dcux Ulois qu'i1 esl évident qll'il faut des
seeoUl's iei , il lI'Ost oneot'o <lt't'ive IIu' un bataillon de la 40", mauyaist'
lt'oupo el non accoutmnée au feu, taudis que toutes \lOS ,icilles milices
de l'ar'tl1l'e ti' Italie languissent en ,'epos dalls la 8e di\ision, Je fais motl
deyoit', l'ut'lnée fait 11' sien: mon time est <léehit'ee, mnis nHl eonseienee
est eH l'epos. Des seeoUt's! emoyez-moi des seeollt's! mais il ne faul
plus s'en faire un jell: iI faul, non de re/fedif, mais dll present sons les
m'mes .. \nnoneez-Yolls six mille hommes, le ministre de la guPtTe an-
nonee six mille hOlllmes effeelifs d ll'ois millc hommes pl'ésents sous les
¡¡¡'mes; at'J'i,,;s 11 3filaH, ils sont I'éduils ¡'¡ qllinze cents homll1es; (le
lI'est dotlc (Iue quitJze e(,!lls hOlll111eS que I'e<;oit I'année .....


" Les hll'sSt~S sont I'élite de I'armee : lons nos oflkiers supél'ieUl's,
tous nos générallx rI'élHe sont hors de combat; lou! ce qlli nÚ1t'l'i\e es!
si itlepte! el ils ll'Ollt pas la CO\lfiUIlCC du solda!. L'armée d'Ilalie, I'é-
Juile il une poignée de monde, ('st ('puisée. Les héros de Lodi , de Mil-
lésimo, de Casliglionc el de Bassano son! 11101'1s pOUt' lcul' patrie 011
sont ill'hopital, il tle reste plus aux corps que lem' ,'éplltalion el Icul'
ol'gl1üi1. J oulJerl, Lannes, Latlllsse, Yietor, Mura!, Charlo!, DUJluis,
Hampon , Pigeon, l\Iet11ll'11 , Chabran , sont blessés; )\OUS sommes ahan-
donnés au foud de l'Ilalie. La présomplion de Illes 1'ol'ecs nous élait
utile; OH publie il Paris, daHs des discollrs ornciels, qne nons ne som-
mes que lt'onle mille hOI1l111es.


)) .l'ai perdll dans eeHe guel're pen de monde, mais lous des hOlllmes
d'dile qu'il cst illlpossiblc de l'elllplacc!'. Ce qui me resle de hl'ayes yoH
la JlIor[ ilJfaillible, Humilieu de chanees si eon!inuelll's d ayee des forees
si infáielll'es; püul-(\ll'c I'hclIl'c <111 braye Al1ge1'eau, tic l'in1t>¡"pide -'Ias-
séna, de Berlhiet', de ..... ('s[ pl'csde sonnül': alo1's! alol's! que deyieu-
dt'OlÜ ces ht'aves gens? CeHe iMe me ren(ll'ésené i je n'ose plus affl'Cltl-
lel' la mOl'l, qui st'l'ui[ uu :';lIjel de déeolll'agcment el de malheltl' pour
qui esl l'ohjd tle Il1PS solli('i!lldcs.


1) Sous ¡WU de jOlll's 1I0US l'ssaÍe1'olls IIIl det'lliel' effot'Í : si la fo..tune
1I01lS sout'il, l\lanloue senl pt'is, el mee lui l' [talie. Iknl'ol'ct' par motl
:Jl'mée d(~ sit\ge, il n'esll'i¡'1l qU¡~ je 11(' pllisse lentl'l'. Si j'Hrais I'e¡:ll la




11 1 S T () 1 n lo: 1I E i\' A PO L l'; () \ .


S3", forle de ll'ois Illille eilH! cellls ]¡ommns cOllnus iI I'al'lllée, j'cllsse
l'épondll de tout! PClll-etre sous peu de jOlll'S ne scrn-cc pns nssez de
qllal'untc mille /¡ommel'. })


Les funestes pressentimenls de BOlln!ln1'le, qu'il lI'éprou\nit pcut-etre
pas aussi pl'ofondélllenl qu'il affectnit de le dil'e , ne se I't'aliserent pns,
I'f la fol'lune SOUl'it eneOl'e Ú nos nrlIles.


JI lIe Jallut que que!llues jOlll'S nll vainqlleul' de Lodi pOllr remerser
IOlltes les espél'1l11ces que la eoalition avail pll fonder sur la l'éputatioll
de d'Alvinzi et sur In fOl'ee nllmó/'ique de ses troupes. Une hataille de
tl'Ois joun;, qui se terminn par la mélllOl'uhle vicloil'e d' Areole, aclwva
de donnel' el de faire reeonnaih'e aux armes fl'an~aises l'incontestable
supél'iol'il(~ contre la(!uclle lllltaiellt en \oin les vieux génél'aux elles
,iellx soldats de l'Autl'iehe. Cest a cpHe balailIe que Napolóon , voyant
ses grellndiers hésiter un iustant sous le fell tcnihle <le l'ennemi, qui
oecupait des )1ositions formidables, f'allta aterre, pl'it un dl'apeau, et
s'é1all~a sur le pont d' AreoJe, oú les eadavres étaient entassés, en
s'éeriant: « Soldats, n'éles-vous plus les brayes de iodi'? suirez-moi! »
Ángel'cau cn Dt aulant. Ces Iréro'iques exemples nI' furenl pas sans in-
Hucnee slll'le I'ésultat de la bataille. Elle lit pel'dl'e trente picces de ca-
non, I'in(! mille pl'iSOllniel's el si;.,: mille Illorts il d'Alvinzi i Davido"ich
I'egagna le Tyl'Ol et WUl'rnser renh'a dans 3Iantouc.


\' oici cOlllruent flteul'eux nlÍuqlleul' de tOllS ces guelTicl's allemands
{'panchail sa sulisfactioIl el sa joie Jes plus intimes; eommellt il SI' dé-
Jassait de ses fatigues d de ses triompbes par l'effusio" de la plus "ive
tendresse pOUI' sa fernme. II é('rit de V él'Onne il.T oséphine : « Enlin, 1lI011
adorable .Toséphine, jo I'enais. La 1110rt lI'est plus dc\ant mes yeux ,
et la gloil'e el I'hoIlIlelll' SOllt eucore dans IlIon CO'llI', L'ellnemi esl ballu
ú AI'tole, Demain HOUS répurerons la sottisc de Yauhois, qui a alJau-
donn{~ I{jvoli ; iUanloue dans huit jours sera ü nous, d je poul'rui hieH-
tM, dans tes !JI'as, te dOllllel' l11ille )ll'euH's de !'anlent amom' ele ton
mal'i. Dl'S I'instant que jI' le poul'l'ai , je me I'ertdroi a Milan. Je sui~ un
peu fatigué. J'ai !'e~lI une IcUre d'Eugl'ne p[ d'llo!'lcnse : ces enfants
sonl CItIll'llHll1ts. COJllllle !oule lila tllaison est tUl peu disppl'Sl'e, dUlllo-
nwnt que lout miau!'a rejoillt, je te les en n'l'l'ai ,


Il :\OllS nYons faH ciuq mille pl'isonniel's , et tué an moins six l1lill('
hommes allX L'tluemis, Adien, mon adorable Josl'phiuL', reuse iI nwi
~ollvent. Si tu cf'ssais d'aimel' ton Aehille, Oll si ton C(PUI' se I'l'fl'oillis-




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I


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I


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I


I
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70 UISTOIHE


sait pOUl' lui , tu sentis bien afl'['euse, bien injuste; rnais je suis Stll' (Iue
lu seras toujours mOll amante, comn1l' jo sl'I'ai tOlljolll'S ton tendl'e ami.
La l1lol'l, clle seule, poul'l'a I'Otllpre I'unioll quc la sympathie, l'amolll'
et le sentiment ont formée, Donne - moi des nouvelles du petil ventre;
mille ct mille buisl'I's tendres et amoureux, "


Le meme joUl' , 29 bl'unulÍl'c (19 novembl'C'), e'est-a-dil'e le suden-
dcmaiu de la butuille d'Al'cole, le gené\'¡}l victol'ieux l'enduit compte all
tlil't~etoil'e de cette mómoruhle joul't1éc.


« On avait jllge il propos, écrivail-il, d'eVaCller le yillage ¡j'Al'cole,
et nOllS !Ions atte!ldions a la pointl~ du )Olll' il ett'e atlaqués par loule
l'arl1lce enucmic) qlli se lt'Ounlit a,oir en le tcmps dc I'ail'e liler se¡,
hagages et ses pm'cs !I'at'lilleri(' _ l'l de' se pol'lt't' ('11 at'l'ieJ'c pO\ll' !lons
J'c{,e.'yoir,


)) A la pelite llOillte dll jOllt', le eombat s'engngeu pal'lout a\('(: la plus
grande YinlCik, )Iassena, qui était 5\11' la gauchc) mil en derflllle I'cn-
lIellli el le pOlu'sui\Íl jus(lu'au\ po!'les dt' Caldero, Le gónórnl llobcrl,
qui était SllI' la challsset~ dll ceutre , avec la tiY, culbuta ]'ellllcnlÍ il la


!liÚOlllldle el ('(111\ I'il !(~ ('halllp dI' bnlaillt· de l'adm \'('~, ,I'OI'c!Ollllai il
I adjudalll Yial d.' !Oll:.!..·!' !'Adíge me!' liBe.' d<"lIli-iJl'ig,ul., pOli!' IOllrlll'l'




DE NAPOU;ON. 7 t


toutc la gauche de rellnemi; mais ce pays offre des obslades iminei-
bIes; e 'est en vain que ce brave adjudant-génél'al se précipite dans ['eau
jllSljll 'all cou , il ne peuL pas faire une diversion slIffisante . .Te fis) pen-
c1ant la llUit dll 26 an 27, jeter des ponts SUl' les canaux el les marais :
le génél'al AlIgel'eau y passa avcc sa di\ision. A dix heures dll matiu
nous fúmes en préseuce ; le génél'al l\lasscna a la gauche, le gl'né\'al
Robert an centre, le genéral Augereau a la d\'Oite. L'ennemi attaqlla
vigoUl'ellsemcnlle centre, qu'il tit plim'. Je rc!irai alol's la 52" tole la


gallche, je la pla~ai eo embuscade daos les bois , et au moment ou
l'ennemi, poussant vigoureusement le centre, était sur le point de tOllr-
oer uotl'e droile, le géoéral Gardanoe sorlit de son embuscade, prit
l'enoemi en flanc et en fit un carnage horrible. La gauche de l'ennemi,
étant appuyée a des marais , el par la supériorité du nomlwe, imposait
a notre dl'oite : j'ordonnai au citoycn Hercllle, officier de mes guides ,
de choisir vingt-cinq hommes dans sa compagnie) de longer l'Adige
d'une demi-lielle, de toumer tons les mat'ais quí appuyaient la gauche




-.) 1_ IIISTO/HE


des ellnemis, el de lomber enslIítc au grand galop sur le dos de 1'en-
nemi en faisanl sonner plusieurs ll'Oll1pettes. CeUe manamvre réussit
parfaitement : l'infanlerie se lrouva ébranlée; le général Allgereau snt
pl'Otiter dll moment. Cependant elle résiste encore, quoiqu'en battant en
re traite , lorsqll'une petite eolonne de huit a nenf cents hommcs, avee
qllat!'e pieres de canon que j'avais fait filer par Porto-Lcgnago pon!'
prendl'e une position en arriere de I'ennemi, acheva de le mettl'e en
dél'oute. Le général Masséna, qui s'était reporté an cenlre, lllUl'clla droil
au "iIlage d'Arcole, dont iI s'empara, et poul'suivit I'ennemi jnsqu'ulI
village de San - Bonifacio; maís la nuit nOlls empecha d'aller plus
avant. ....


¡) Les géné¡'aux et officiers de l'étul-major ont montré une activité et
une bl'avoure sans exemple ; douze ou ¡¡uinze ont élé lués; e' élait véri-
tablemellt un combat a mort : pas un d'eux qui n'ait ses hahits cl'iblés
ele baIles. n


D'Alvinzi essaya néanmoíns de se relever de sa défaíte; il revinl,
avec Provéra , par les gorges dll Tyrol, el cette nouvelle ag¡'ession nc
fut qu'une occasion de nouveaux triomphes pour l'armée fraIl(,¡aise el
pou!' son chef. La bataille de Rivoli, les combuts de Saint-Georges et de
la Favorite, ~ÍI la victoil'e l;esta constamment fidele au drapean républi-
caio, réduisiroot Provera a se rendre avec son corps d'armée, et pres-
quo sons los yeux do Wurmsor, qui capitula lui-meme bientót apr'(>s
duns l\lantoue.


On lit dans les buIletins dictés par Bonaparlo a son quartier-général
de RoverboIlo, los 28 et 29 nivoso an v (47 et ~ 8 janviel' n97), et I'en-
fermant les détails de ces nouveJIes victoires :


" Le 24, l'eonemi jeta brusquement un pont a Anghiari, el Y lit
passel' son avant-gm'de, a nne liene de Porlo-Legoago; en meme temps
le general Joubert m'instruisit qu'une colollne assez considérable filait
par 3Iontagna , et menal,;ait de tournel' son avant- garde a la Corona,
nifft'rents indices me fircnt connallre le véritable projet de l'ennemi, el
je ne doutai plus qu'il n'eÍlt envíe d'attaqllcr, avcc ses principales
rOl'CeS, ma Iigne do Rivoli , et par la arrivel' a Mantone. Je fis parlü'
dans la nuit la plus grande partie de la division du générall\Iassena , ot
je me rendis ll1oi-meme a Rivoli, ou ]'arrivai a deux henres apres
minuit.


» Je Os allssitót reprendre au général Joubert la position inlércssantc


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!lE \.\I'OI.ÉO\. ,.)


lit- Sall-)lan:o; je lis gal'llir le platl>au de HiyoJi ll'al'tilJel'j(') el jI.' displl-
saj louL) n/in d(~ pl'pn(h'(~, Ú la poinle dll jOIlI', une offl'nsiH' I'('doutahle,
d dI' murclwl' llloi-m('nw:'1 l'ennt'mi,


n ,\ In poinl(' du jOlIl', Jlotr'l' aill' ¡)l'Oitr I'l !'ail .. gaudH' d(' 1'¡'nJl('mi


"p l'I'II('OIIlI'(,l'I'llt ~Ul' I,'s hnutelll's d(' Snll-)lan'o : 11' ('olllhat fllt jl'l'I'ihl,'
('j opilli;lt1'(' ...


n Cqwlld:lllt il r a\ait dl~jü tmis Il\'ul'(,s qul:' 1'011 SI' hallllil, \.'1 1\'11-
II('UÜ 111' nous mait pas eneo!' ... ~lI'éselllt' [oules ~,'~ rOn"ps: lHlI' (,O\Ollll(,
\'nnemic qui nvnit longt'~ l'Adige , SOIlS la Iwoll'ctioll d'un grand lIolllfll'l'
de pieces , marche droit au plnteatl de Hi\()li pOlll' l'('Ilh~vpr. t'I par 1:\
lllellUee de lotll'lle!' la droilt' die eentre, .1 'ul'tlollllai au géuéral tle 1',1\ a-
1(,l'il' L(·r1('J'(' dI' SI:' !l0rll'!' pOlll' dld!'!!P!' l"'IlIH'llli "'11 pm'''>IlHil a ~'t'lllP;¡ """,. fP·.
~, ' i i, '".


~~>




1I1STOIHL


I'el' dll platean de Hiroli, el j'ell\oyai le die[' d't'sl'adI'OII Lasalle, mee
('in(IIH\lJte dl'agons, prendre en Hane l'infantcl'ie , (Iui altaqllail le centrf',
el la dWl'gcr vigoUl'ellSelllenl. Au memc iustant, h~ ¡!/~lll"l'al JOllbcl'[
ay¡¡il fait des('endl'c des hanteurs de San-31an'o (llle\(!Ul'S bataillolls ([ni
plougeaient le platean de Ri\oli. L'clluemi, qlli mait (h;jil p("Jletd~ SIII'
11' pintean, attmlllé yiH'ment el (le tout' eútl~s, lili~t;c un gl'and nombre (\('
1lI0rts, une parlie dc son al'lillerie , d l'entl'e d<luS la ,all¡"e de I'Arligl'.
A pf'll pre~ al! lI1emc lllomellt, la colollue (l'lÍ dait (h"ji! tkPllis long-
[elllps ('Jl llIal'che pOli!' nous t.ou\'ll('r el nous COllpel' toute rdl'aite SI'
l'angea en hataille sur des l)itons del'l'iere nous .. l'anlÍs laissé la 7Je 1'11
l'l'sen e , (lui non-sl'ukment tint cette colonne en respect, mais eneo1'('
el1 atta(IUa la gall('l!e, qlli s'était anlllcee, et la llIit s\lI'-le-champ en M-
l'Oute, Lal8c dellÜ-hl'igade atTiHI su\' ('es entrl'Íaites, daus le temps ()\lP
k' general Hl'Y mait pl'is position del'l'icn' la ('olonnc(lUi HOUS louJ'IIait ;
j(' Ii~ all~sitút CllnOnl1P\, \'PllIwmi aH'l' <lU('\(!lIl'S pit'('\'s de 12; j'ordOlllwi


rattaquc, et, eUllloins ll'un ()lwrt d'lwllI'C, tOlltc ceUe eololll1e, ('om-
posée de plus de (luatl'E' milk hOJllIJ1cS , fut faite pl'isonnipl'l'.


-~------ - ----




¡;¡


" L'l'llIlemi) padout en tlpJ'oute) fut par[out pOlll'sui\ i J d pendant
[Ullt!· la Huit on nous a111ella des prÍsonnie1's. Quinzc ccnts hommes qui se
Sllllvaiellt pHI' Guarda furent arretés par cinquanle homl11cs de la 18",
(Iui, du mOJ11rnt qu'ils les eurent reeonnus J marehcrent sur eux nrrc
t'olllianec elleu!' onlonnerent de poser les armcs.


J) L'¡~lInemi ("tnit (meore maUrc dc la Corona, mais ne pOllVHiL plus
etl'l' dangl'rcux. II fallait s'8111p1'esser de warchel'enntm la divisioll de
.\1. le général Provera , qui an:it passé r Adige le 2~ ) i.J Anghiari, J(~ fis
fiJer 1(' génél'al Yidor arf'e la lll'ave 57e J et réLl'Ogl'ade1' le général ~Ias­
~élla, qui, aYec ulIe partie de sa division, ar1'iva i.J l{owrhdlo 1(' 2:).


lo .le laissai l'Ol'd.'e , en partant, au général Jouhed d'attaquer, 11 la
poinle dlljour, l'ellllellli s'il l-lait assez tl'máai1'e ponr J'cste1' I:'neOl'l' I1
la Corona.


'l Le gÓJll'ral Mural anüt marchó tOllle la lluit mee unf' Mmi-IJI'igalk'
t!'infallk·.'i(, l(!p:¿'J'(', f't ¡J.,\ait pal'uitl'e dmls la matülól' SIII' k~ IWlllnl1l'~


(I(~ J\lonlehaltlo, flni c\ominonlla Corona: cffeeliycment, apl'f>s une 1'(',_
~is[an('f' asscz ,i\ (', I 'mnemi fu! mis ('11 déronte, et ('c qui l'tait ("ehappó




I ~


í(i II1Sl01l\L


<l la jOUI'IIl'(' lit- la ",jUI' fui rait pl'isollJliel', La l'avall'l'ie [ll' pul s(' "au",1'
I(u ('11 ll'aV('I'f'Bllt L\(lige ti In lIage, ('[ il ~'elllloya heaw'olll"


)) .\ ous H\'OIlS rail. t1ans I.·s deu:\. ,ioUl'néps de Hivoli. tl'l~izp mille Iwisoll-
lIiel'~ , d pris IIpuf pi.\('('t' dI' canOll, "


La slIi[(, tlu hlllh'lill psI ('OIlSHI'l'I'(' au n'('il des ('omlJHts de Sainl-
(.poi';!", tI'Anghial'i t't (1(· la r(\\orile, SOlltPlIlIS conLt'p 1(' gt;m;l'al Pr()\i'I'a,
,\u dl'llXi¿'l1H' ('omhal d' Auglrial'i, tllI COIllIlHlll(lnnl (les hulHlls t'c pl'est'III('
dC:'\ ant UII ps('atll'OlI d" He ¡'éginlPllt de dl'agolls , el , par lIlle d.· tes fnu-
fal'OlInades eOBlIIlUlles aux Aul¡'il'hiens : " Rend('z-\ouS I " ('I'ie-t-il au
n:':.!ÍIlH'n!. L,' ('Hun'lI Duriviel' fail al'l'etel' SOIl (';;('"dl'OIl : " Si ItI ('~
IIra\.', \ i.'IIS nw pI'('ndl'(', II f'l'ie-t-il all ('O\lItlliIlHI:lllt ('lIl1pmi, Ips dt'!1\


l'OI'pS s'arreLelll, el les ueux chefs dOllucl'ent un exemple de ces eombals
que nous Medt avee tan! d'agl'ément Le Tasse, Le eommandant des
hnlans fut hlessé de deux eoups de sabre : ('('s tmupes alol's s(' cJwrgerent,
pt les hulnns furent faits prisonniel's, , ' , ,


« Lp 27 . il une hem'p mant le jOUl' 1 les ennemis aUa<luel'ent la Fa\o-
rite dans le lemps qlW \Vurmser fit UI1P 'sortie el attaqua les lignes (\11
hloeus par Saint-Antoine, Le gén6ral Yietor, a la tete de la 57e demi-
11I'igack, cullm!a 10llt c(' f1ui SI' tl'O\l\'a (1pvant luL W\lI'I.llSCI' fllt ohlig¡', de




7'7


I'e/ltn'[' dUIIS }lautouc ¡J1't'Slflle aussitót qll 'il 1'11 était surti) PI Jaissa Jp
I'bulIp tIc batnille eOllwrt ele mOl'ts et de prisoIllliers de guerre, Serrll-
I'¡PI' I1t avancr\' alors le géllél'al Victor mee la ;)7" demi-brigadc, afin
c!'ac('ulel' Proyern mI fallboul'g (Ic> Saint-George , et par la le tenir blo-
qllP, EtTect.iwlIH'nl, la (~()nfllsi()n ('( le dé~,)J'(II'(, etaient (!rms 1"[0; ,'an¡¡;s PII-


~-s.. ~.
~""s. -':;,


, ,,:.', -' ~-
--:' h.,.>


nemis : eavalcrie , illfantrl'ie, artillerie , tout était péle-mele. La terrible
57e demi-hl'igade n'était arriMe par rien : d'un coté elle prenait troís
picces de canon, d'un autre elle mellait tI pied le régiment de hussards de
Hel'dendy. Dans ce moment le respectahle géneral Provera demanda ü
rapituler ; il compta sur notre générosilé , el ne se trompa paso N OllS lUÍ
(\ecorcIames la eapítulation dont je vous enverrai les artides : six millc
\wisonniers , parmi lesqueIs tous les volontaires de Vienne, yingt picecs
de canon, fUl'cnt le fruit de cette journée mémorable.


" L'armée de la république a done, en quatre jours , gagné dcux hl1-
lailles rangécs el six combats , fait prcs de vingt-cinq mil1e prisonnirrs,
parmi ]¡'squels \In lieutenant-génl'l'al ct df'u'\ génél'l1UX, dOllzr Ü (JllillZC'




itl I1ISTOIHE


eolonels, etc. ; pl"is vingL (ll'apeaux , soixante pieees de eanon, el tul- 011
hlessé au moins six mille hOlllmes. 11


Tl1nt de rewl'S deYl1ient préparer Wurmsel' Ü une eapitulatioll if\('~\i­
tabie, et lui faire comprendre que le siége de ;\ll1ntouo allail lillil"
('omme toutes les aub>es tmtreprises de l'armée répuhlieaine.


Lorsqu'i1 fut queslion de la retldition, il envoya le gélléral Klenau ,
son premier aide de cilmp, an quartier-génél'uI ele Sel'J"urier, qui étuit it
Hm'erbello, el qui ne vouIut entf'ndre aucune proposition san s en av( li 1"
I'éféré au général en chef.


Napoléon cut fanlaisíe d'assister incognito I1UX eonférenecs. 11 \iul 11
Hovel'hello, S'Pl1ve10PPI1 dans Sil capote el se mit il l-eril'e, tl1l1dis qul'
Klenau el Serl"uríer diseulaient. II dounuít ses condilions PIl llIHrgl'
ll1I~me des pl'opositíons de Wurmser, el quand iI cut fini ) il diL uu gl'-
Iléral alltl'ichit'll, qui I'ayait pris sallS doule pOl1l> un silllplt' s(,I'ifw


d'état-majol' : « Si Wurmsel' muít seu\emenl pOUl' díx-huil Oll ÚlIgl
jOll\'S de ,'íHes et flu'i1 parlul de se l'f'1ldl'c, il ne ml-l'iLel'l1it alleUlle ('1\-
pilulalion honorahle. Yoiei les eondiLio\ls (JlIC je lui al'conle, ujouta-
t-il en l'emettant le pupil'r a Scrrul"iel'. \'ous y lirez Slll'toUt qu'il sera
lihre de sa pp)'sonnc, j1111'(,C que j'honol'(' SOIl gl'ul1l1 il¡.!;I' el scs mÓl'itps ,




~---_. -----~


IJ 1: :0 PO L1~0:\.
el 11[/(' je lIe yellX [las qll'il deyiellne la "ictime des illtl'igants qui YO[/-
t1l'ai('l\t 1(' perdre ti Yienne. S'ilou\T(' ses portes demain, il aura lc~
eOllditiOlls que je yiells d'écrire; s'il tarde quillze jOllrs, UlI mois, deux,
il mll'a ('lIco1'(, les memcs conditi01is, 11 peut done désormais aHendr('
jllsqll'an del'llier 1ll0l'ceau de pain. Je pars ti rinstant pour passer le Po;
.ie mal'che SlII' Home. Vous cllnnaissez mes intentions, allcz les dil'c it
\O t \'l' gt·lIt·ral.


Slll'pl'is de se ll'ome1' mlm"sellee du géné1'al en chef, et plein d'ad-
U1il'atioll et de reeonnaissallCC pour tout ce qu'il "enait d'mtcnd1'e.
KIPIlall avoua (lue Wlll'IllSI'I' n'ayait plus de vivres que pour trois jOUl's.
Le vieux maréehal ne fut pas moins érnu que son aidc de camp, en
appl'enant ce qui s'étail passé aux poul'pa1'lcrs de lloverbello. II en té-
U10igna sa gratitude tI l\"apoléoIl, en le prévenant d"tmc tentatiye d'em-
poisonnemmt qui se tramait alO1'S conh'e Ini en Romaglle. Du reste, cl'
ful SerJ'llriel' (lui, ell l'ahscllce du général en chef, présida ti la reddi-
[ioll de 3Iantone (1 '" féuier n07 ).


'f\'ois jours ap\"(\s la l'apitulation de l\1antollc, llollapm'te, ll1écolltelll de
la condllite du pallC, dil'igf'H une colonne de 1 'armée frall/;aise sur IlOlllt',
el pllblia, le G ré\Tiel' ·1707, de son (IUartier-général de llologne, une
proelamalion dont voiei le début :


" L 'al'luée fl'tlll~aíse va entrer sur le ll'lTitoire du pape; elle protegerll
la r('ligioll et le pt·llple.


)) Le snldclt fl'tloqaÍs pOl'fi! d 'une l1wÍn 1:11m'jonnetle, SÚI' garant de /11
Yicloin') rt offre, de l'autre, aux différentes viHes et villages, paix, pro-
tf'rtion el súreté .... l\lalheur a ceux qui la dédaigneraient, et qui, de
gaieté de cceur, sédllits par des hommes profondément hypocrites et scé-
lerats, atlil'crail'lll dans leUl's maisons la gllcl're et ses horrem's, et la
H'ngeanrc d'une année qúi a, dans six mois, fait cent mille prisonniers
des ll1eillC'lll'eS tmupes de l'empereul' , pris quatre ecnt pie ces de canon,
('('111 di\ drapeaux • ('[ dl·truil einq lll'll1ées ...


La I'l'sistallce du saint-siége ne pouvait pas elre sérieusc.
Píe n) menacé dans sa capitale , fit laire ses répugnances el ses di~­


[losilions hostiles, el se hUta de demander la paix au général répuhli-
("ain) qui la lui acronla par un h'aité du ~ O féuíer J el SOllS les con-
ditions flui suiwnt : ~ () le pape renonce il toutes ses pl'étentions su!'
A vignon el le cOll1tat Yenaissin; 2° il d~de ti pcrpétllité illa république
ft'an~aise Bologn(', Fl'l'I'llre el la l{omagne; ;'i" il cede PII outre ¡ous




/lISTOIII L


h's ohjets ti'HI'l deJlHludós par UOllaparlt', tds 1/\1<' rApolJoJl du Belve-
del'e) la Tl'ansligurnlion de Haphnel) ete. ; 4," il rétablit l'éeole h'aIl\aÜ;('
it nome) et paie a titre de eontrihution militaire 45 millions en urgent
on en effets prócieux. A ce traitó , Pie YI ajoula) le 22 février) un brPl
remurquable dans leque! il donne á Ronnparte le titre de SOl! e/1fT (lIs,


Ccpendant les lYH'rS si multipliés des arml'cs ault'iehiennes mui!'nt
hmnilié et consterné le eonseil aulique) sans vuincre sa haine opiniutre
('onlt'e la róvolution frun\uise) et sans lui inspirer des iMes pacifiques.
I~puisé pnr la guerre) il s'enteta á bravcr la fOl'tunp, el ü luUel'. aH'('
les MbI'Ís de ses f()rmidables arrnees, contre la puissance victol'ieuse fJuí
les avait si facilem(~nt dispersces ct détruit!'s c¡uand elles étaimt ü l'apo-
!.(ce de lenI' confiance et de leur force, L'al'ehidne Charles fui envoyé en
I talie pom' y prendre le eommandenwnt en ehef des tl'Oupes impériales.
d {lOUl' essayer de réparer les désastl'rs de ses prédéeess('urs, Cl'oyaut
d'abord qlW Ronaparte, alors oecupé ü punir le pape ¡\P la \Íolalioll
du traite de Bologne, avait emmeIle avec lni une bOllne pnrtít' d('
son al'mée, il mulut profiter de crHe absencf' pom' pl'esser son aLlaqlH',
el lit repasser la Brcnta au general Guyeux, l\Iais il s'aJlel'~ul biputtlt (k
son errem', Napoléon, qui n'avait conduit a Ronw (lne f(uatrc ou einq
mille hommes, rcparut sur la Brenta) el porta, au eommencement r!('
mat's) son qunrlier-général a Bassano, oú il pllblia la pl'Oclmllatiou
slli\ante :


" Soldats I
., La prise de l\Iantoue vient de finir une campagne qui vous a (Ionlw


des titres éternels a la reeol1naissanee de la patrie,
), Vous avez remporté la victoire dnns qnntorze balail!cos I'ange('s 1'1


soixanle-dix combals; vous avez fait plus (le cent mille prisonniel's , IH'i~
I1 l'ennemi cinq cenls pieces de campagnr, dellx mille Of' gros ('alih,'(',
i)ualre équipages de ponls,


., Les eontribllliol1s mis('~ ~II!' \es pays qtl\' \OIlS ilWZ ('onq\lis 0111
lIollrri 1 elltretenu) soldé l'armée pelldant loute la eampagllf'; \ O\lS
mez en outre envoyé trente millions aH millistpl'(' (\('s finmw('s pOli!' li'
sO\llageIllml dn (r'l'sor pnblic.


" Vous avez ('Jll'ichi le l\Il1séllJl1 de París de plus de Irois ('CHIs objels,
dlcfs-d'ceuvre de I'anciennc et Jlollwl]e Italíe. p[ IIU'íl a rnlln h'('J1(e
siérlrs pon!' pl'Oduil''',


" ,"om; a,"pz ('(lIIqlli~ iI la 1,("puhlil(lI!' I!'~ pllls b('lk~ l'OII1I'('i'~ di' l' Eu-




¡jE \.\1'01.1:0\. SI


mpl'. Les 1'l"!>uvlilIUCS Lombarde el TI'il/lspad.'l/lc HlIlS doil'cut ICII]'
libel'tl'; les coulcnrs fl'all~aises flottpllt pour la pl'emiere fois SUl' les
bords de l'Adl'iatitlue, en faee et il Yiugl-quatl'e hellres de umigatioll de
l'mwienne l\Incédoinr; les !'Ois de.Stmlaigne, de 1\ nples, le pape, le due
de Parnll', se sont délaehés de la coaliliol1 de !lOS CllIICUÜS, d ont hriglll~
no!re amitié; \Ous aycz chassé les Anglais de LiHJIlrnr) de Genes, de la
COl'se .. " }Iuis YOUS n'aH~z pas eneo!'e [out achevé ; \lIl(' grande destinée
yons esll'éservée : e'esl en YOUS que la palde met ses plus dieres cspé-
l'tlIlees; vous contillUerrz il PI1 M!'e (liglws.


)) De tant d'ellllernis qui se coaliserelll pour élouffcr la répuhliquc il
~a naissance, l'emperenl' seul reste de\"mlt nous, Se dégl'adant lui-
meme du nmg d'llne grande puissanee, e(' prinee s'est mis a la soldp
des marehands de Londres; il lI'a plus de volonté J de politi<lue, que
ceBe de ces insulail'es l)('rfides qui , ptrangers nm malheurs de la gllel're,
sourient an,c plaisÍI' aux llWlL\ du conlillcnt.


» Lp (lil'cctoil'c exéeutif u'a ¡'ien l'pat'gnl~ po u\' donnel' la paix a I'EII-
I'ope ; la ll)()(Il~ralioll de ses pl'opositions 1\e se l'('ssentait pas de la fo]'ee
ele S('5 Ill'mées; ilu'anlÍt pas consulté yotre eOUl'age, mais l'humunih;
e! l'emie de YOUS ('aire ¡'elllrel' daus HlS familles; il n'n pas été éeouté
Ü "ienne, 11 n'cst done plus d'espél'allCe ponr la paix ([LI'en aBant la ehel'-
eher dans le e(t'ur des dats hérédilaires de la maison d'Autdehe, YOllS
y tromel'ez un brave peuple, ueeablé pal' la guerre qu'il a elle eonll'e I('s
TUl'es, el par la guerre aduelle, Les habitants de YieuIle el des étuls
ti' Autriche gémiss('llt pal' l'meuglemenl et J'ul'bitl'uire de leut' gOllvel'I1e-
ment. 11 n'en est pas un qui ne soit eOllvaineu que rOl' de J'Anglelel'l'e a
C'ol'rompu les ministI'es de l' empel'eur, Vous respecterez leUt' religiou el
lellt's mO'lII's; vous IJl'otl'gel'ez lcul'b pl'oprietés; e'est la libel,té (ll)(~ YOUS
apporterez ú la hl'a\(~ nation J¡ongmise,


)) La maison d' Autriclw, qui, depuis tmis sÍ(?cles, va perdant, :'1
dwque guerre , une padie de sa puissallce , qui mécontente ses peuple~
('Il les dépollillant dr, leurs priúléges, se trouyera l'éduile) a In fin de
eette sixieme emnpagne ( puisqu'elle nous contraint ü la Caire) , it ae-
eept.el' la paix que nous lui aeeordel'ons ) et ú descendl'e , dans la l'éulité,
au rallg des puissances secondaires , oú elle s'cst déjil placée en se mel-
tant aux gagps et a la dispositioll de l'Angletel'I'c, )j


Napoléon, fatigué de vaincl'e l'empereLlJ' en ltalie, sans pouvoir I'a-
mene!' a négocic!', avait en effet I'l'solu de pol'le\' la guelTP en AntrielH'


1I




L'')
"-


IIISTO)HE


lllCtllC, afin fIlie la "ue Ju dl'apeau trícolore , 50US les tllUr5 de Vieune ,
prodllisit sur la chancelkrie alltl'Íchieulle une impression plus vive Pi plus
profonde que n'avilient pu le faire les rerel's lointaíns de Bcaulieu, de
Proyera, d'Alviuzi et de Wurlllser. Son projet était de pénéh'C'l' en
AlIemagne par la chaussée de la Carinthie, et d'aller pl'endrc position
SIII' le SiLl1lllcl'ing. II üt occuper les gOl'ges d'Osopo el de la Pontéba par


Masséna , (luí, apres avoÍl' passé la Piave et le Tagliamento, tlans les
montagnes, battit le prince Charles ( 10 mal'S 4797), le poursuivit,
l'épée Jans les reins, s,empara de Feltre , de Cadore et de Bellune, et
fit uu gl'and Hombre de prisonniers, parmi lesquels un émigl'é fran-
.¡;ais, le général de Lusignan , qui avait insulté ses compatriotes malades
dalls les hopilaux de Bl'eseia, a l'époque de la retraÍte simuléc de l'ar-
mée républicaine. Le ·16, la bataille du Tagliamcllto acheya de faü'e
perclre a l'archiclllc les belles espérances qu'il mait appol'tées ('n Italie,
et que son commandement avait pu inspÍl'cr ~ su cour.


Le princo Charles, ainsi battu et humilié, se décida a1or5 tila retraite,
et ne panint a l' effeducr, dCPllis le Tagliamento j llSqU'a la Muer) qu'a-
pres avoir essuyé des défaites journalicres , dans les combats de Lavis ,
Tramins, C1auseJl, Tarvis) Gradisca, Villach, Palma-Nova, etc., etc




\--_.


S-,)


Le 51 , l\npoleoll ótait 1J Clagenfllrt, capitale de la Cnl'inthie. En en!nmt
dans eeU(~ provincc, il anlit nrlressé une proclmuation a ses hnhitnnls ,
¡¡our les engager iJ regnl'lle1' les FJ'<lll(;ais eomme des libéraleut's el non
Jloinl eOllllllC des cllnemis. " La nation fran~ajsc, disait-il, est ramie
de loutes h's natiolls , I't parlirulii~J'ement des lmwes penples de la (;l'1'-
JlHlllie .... Yous ddestez antan! que Hons , je le sais , el les Allglais, (Jui
senls gnglll'llt il la guelTe acluelle. et voh'e ministcre, qui lelll' esl
H'ndu. 11


Au mili .. u lle' s('s tl'Íomphes, :\apoléon gllettait un ennemi sec)'e!,
(lui, dellllis longt('mps, n'atlcndail qll'nne occnsio\1 favorablr pour
("datcr: c'dait 11' sénat de Venise, Ce corps, essclltieIlement al'is[ocl'a-
tique el ,1CH)L\é :1 la coalition des mis COlltl'C la I'évolutioll rrnn~aise ,
fomentail l'inslIlTectioll el poussait il I'assassinat, cluns la haule ltalie
I't lp t(ll'l'itoi)'l' Yt'nitien, eontre I'arlllt't' d'pnblicaine. L'helll'p de SOIl
dltllimenl JI(' pOll\ait etrp rd.l1l'llée.


BOna¡wl'll' ('cl'iYit au do¡re :
,1 TOU[l' la [PITC' f('l'llw tIfO la SI"I,("nissime répuhli'lue de "L'uisl' pst 1'11


,IrllWS,
l) De IO\ls coll's le c1'i de raIJiemrnt des paysnns qUf' YOllS mez armes


('sI: (1 Morl allX Fran~ais! » plusieul's eenlailles de soldats dc l'arml:l'
d' l[alie en onldéjil étl~ les, i('limes. Y ous MsaYo\1ez yainement des l'assem-
hlemeuts que YOUS mcz organisés; l'l'Oil'iez-mus que dans un moment 0(1
jI' suis au ro'lIt' dl' l' Allemaglle , jr sois impuissunt ponl' faire resped(~1' 1 ..
pl'emiel' pl'uple de l'llniYel's!' Croyez-yous que les légións d'ltalie souffri-
ront le massael'e que vous excitez? Le sung de mes freres el'armes sera
H'llgó, el il n'est aucun !l('S batailIons fl'ansais qui, chargé d'tlll si noble
minist('rc, ne sf'ute redonblel' son courage ellripler ses moyens. Le sénat
¡le Yenise a n'pondn par la perftdie la plus noire aux procédés génél't'ux
'lue nous amns toujours PUb awc lui. Je YOUS pnyoie mon premiel' aitle de
(,UlllJl, pour et .. e portenr dp la pd'sente lcttre. La guel're ou la puix. Si
\OUS ne pl'enez pas sur-k-ehamp les moyells d~ di:-siper les rassemble-
mcnts; si YO\lS ne raih's pas lJ]'J'()lrl' et lin'C'r en nws mains les autellrS
eles assassinals (lui ,icl1Iwnl de se COllunettre , la gl1erl'(~ est déclarée. Le
Turc \l'est pas sur \OS frontiéres, aueUIl eUIIemi lle vous lllcllaee; vous
IIYCZ fait ,') ¡j('ssl'in naitl'e des prétcxtes, ponr aHlil' rair rle jnstifier Ull
l'assC'mblclllcIIt dirigé contrI' l'armée : il sera dissout dans \ingt.-ql1atre
heurps. l\ous ne SOIllll1eS plus au tpmps de Charles YIlI. Si, contre le




,---


HISTOIHE


YU'II bil'n ll1al\il'l'slé Ull gOllvel'llellleul l'í'aIl9uis, \OllS me J'ÚllliH'Z au
parti tle faire la gu('I'J'f', ne penspz pas I'f'ppndunt, qn'il I'exelllple des
soldats que ,ous ayez armés , les soldats fI'au9ais J'magent les cmnpagnes
<In peuple innocent et inforhmé de la terre ferme; je le protégel'ni) el il
bénira un jour jl/slII/ 'al/x ('rimes qui aumut obligé l'al'lJ1('e fl'[lIlc,aisl' Ú k
soustl'aire Ú voh'e gOllvernempnt tyranniqne, »


Le 7 aVI'i1, un armistice fuI eoncIlI 11 Jlldenbl1l'g. Qualld le pl'incl'
Charles se vit tout ú fail hors d'état de len ir la cumpagne) les dMilés di'
"eu\Yluark el lu posilion d'Hundsmark oecupés par }Iassélla , il COII1-
men~a ú comprendre que l'inflexibililé monurchique du cahinrl autl'i-
dlien n'(>tuit plus de saisoll. De son coté, Napoléon) qui ayait ('()mpll~
sur le concours de rHl'lI](~'e de SamlH'e-el-.'I1euse, el qni venait d'ap-
prl'l1dre que eelle année Jl'mail pas bongé f't ne bougerait pas, n'osail
¡](~passel' le SimnlPring , de peur de s'engage\' isoIl'menl, sans appui ~11l'
ses flanes, dans l'intérielll' de l' AJlemagnc. Allssi, des fjll' il eu L I'C(;U le
Illessage du directoire qui lui anlloll~uit olHcidlellleut que It's armél's du
Hhin et de Sambre-et-:Ueuse n 'opérel'aient pas la djyersiOlI dont il
a"ail fait sentil' I'imporlanee el lu necessité) il s'empl'essa tl'eeril'e il
l' arehidne ponr lui offrÍl' de partager la gloil'e de paeitier l' Europe, el dp
fail'e cesser les sacrifices immenses que la guerre eoúlait ill' Autl'iche el
1, la Franee. « Les bruycs militaires) lui dit-il , fontla guelTe el d(\sirmt
la paix. AYolls-nous assez tué de monde et assez caus:~ de l1lHllX a la tri~le
Immanité '? .. Vous, quí, par "otre naissanee, approchez si p]'(.s du lrolle)
el Hes au-dessus de touÍl's les pt'líles passions flui animent souycnl les
ministres elles gnun'rnements, eles-vous décid(\ iI mórilpl' le Litre de
hienfaiteur de rhUllH1l1it(\ entiel'C et du uni saUH'ur de l' AJlt'lllagne 1."
Quant t, moi) Jl1nl1Sielll' le gl~nel'all'1l chef) si 1'00m'l'lUl'l' que .je \Ü:IIS
de vous faire peut samer la ,in h un s('ul homme, jc lile' tl'Ouwl'ai plus
fiel' de la COtll'OlmC ciriflue qnc jI' llle ü'ollYel'ais l1\Oil' m("l'ilé(' , que de
la trisle gloil'e C(tli peull'eycnil' dcs SI1CC~'S militail'cs. )J


Le's disposilions pacifirIl1cs que eelle lellre l'cnfpl'mnit fl1l'('lIt }Jienlót
l'OllllUeS Ú \'iellIlC , ou cJJ('s calmerenl un peu la cons[el'llalioll CjuC' l'ap-
pl'ochc dn drapeau l'l-puhlienin y avait répalldl1e. L'empcreul' s'cm-
pressa d\'moyel' l' ambassadeur napolitain Gallo unprcs d(' }jona-
parle) et I'armisticc de .JudenhUl'g fnt le l'ésultat de edle Mmarche.


N apoléon pronta d('s ¡oisies que lui Inissnit la snsp(~nSiOlI d'm'mes ponl'
~e plailldre an dirce[oil'l' dI' l'('sP('c(' <1'(1)'/11(' (/11 {¡ras (lans l('qlwllps al'-




DE 'iAI'OLÉO:'oi. C' '" ~"1. )
m(;l~S d'AlIemngne avaicnt persisté ti se tcnir pelldant qu'illuHait en Italie,
avee de faibles reSSOllI'CCS, eonll'e lOllles les fo]'(~es de la mouarehie
ilutl'ichienne. Peu soueieux d'ailleurs du passé , ye1'S lequel il pourait se
tourner san s regret, il s'occupait de l'awnir, el l'éclall1nit plus vhe-
ment (lue jamais la coopération de Moreau J pour obtenir de meillellres.
eOllditions daIls le trailó de paix , ou de plus grandes ehanees de succcs
PI1 ras de reprise des hostilités. « Quand 011 a bOl1ne el1vie d'cnlrcr ell
campaglle , dit-i1 au directoil'c , il n'y a rien qui arrete; et jamais, dc-
llUis que l'histoire nous retraee des opérations militaircs, une riviel'e n'a
IlU etl'C un ohstaclc r(~d. Si JIol'eau veut passer le RllÍn, il le passe1'a,
pt, s'il I'nynit déjil passé nons serions dans un état a pouyoir dieler les
conditiolls de In paix , d'une maniere impél'ieuse , et sans cOllrir aucUlW
('hmw() ; mais qlli cl'aiut de pel'dre la gloil'e est sü1' de la pel'dl'e. J 'ai passt·
les Alp('s-Juliennes nt les ~\II)()S-l\ori(lu~s su\' trois pieds de glace, ete.
Si je lI'ellsse Vll (Iue la lnmquillité de l'armée et mon intéret particll-
liel' , jp me semis alTetó au dela de l'ISOllZO ; je me suis préeipilé dans
I'Alklllagnc, POli!' dégagel' les a1'mées dn Hhin el empéche1' l'ellllemi
(l'y [ll'l·tl(lre l'orfetlsive. le sllis allX portes de YieIlIle, el eelle eOIlI' in-
solellte el ol'gucilleusc a ses plénipolenliail'es a mon qllartiel'-général. 11
faut quP Ips <ll'mées du Hhin n'aient point de saug dans les ,cines: si elles
me laissent seul, nlors jc lll'en retournerai en Jtalie. L'Europe entiere
jllgpra la (lifféren('o de conduite des dcux armées. ))


C('·taille 26 germinal que les nógoeiations avoient été ouverles a Léo-
ben; les préliminaires de la paix y fu1'ent signés le 2U. Bonapnrte s'en-
Il'etenant (l\ee les plónipotentiaires alltrichiens lenr dit: ,( Y otl'e gou-
verlleHleut a ClI\"()j"Ó eOlltrc moi qualre armées sans généraux, et ectte
fois Ufl p/~n{·t'¡¡l sans arm(~e. )) Et COl11me ees commissait'es lui O1on-
trai('lIt, 1'\1 tete dI] traité projetó, que l'empereur reeonnaissait la répll-
hlir¡llC rran9aise : " Effaeez, s'écrin ,in~ment Napoléon; l'cxistence de
la réllllhlir¡ue est Llussi Yisihle que k solcil; un pareil article ne pourrail
(,OI1Yellil' ql1'i¡ des aYeugles. »


Le 1ll01llent. d(~ songnr il Yenise était veuu. ecUe rópublique COUl'lll
elle-lllemC au-derant el\! dangel' (llÜ la llwna9ait. Ses nobles, liés a r Au-
II'idlC flui semblait attcndl'c il l'ahr! de la convcnlion de Léoben que de
[¡k hes sieail'cs Yillsscnl ti son secoul's, el la délivrassent d'llll Yaillquelll'
qlli avait tr'iOll1phé de la Ill'aYOl1l'c de ses vicux soldats; les nobles de
\' ('nis(' , dis-je, unís au sac('l'(loC'c ilalien, sOlllevcrent les poplllations




IIISTO[I\E


ignorantC's des hords de l'Adl'iatiqlle, el fil'ent égorgel', rlans \'("I'one.
an milien des retes de PtllJlles, un grand nomlJl'e de Fl'uw;ais. Les mi-
nistres de la l'eligion. ollhliant Ipuf' mission de pnix et de charité .


l'f'celwienl) en fUl'iellx, « qu'il dail pel'lllis el mcme mérituire de fuer
les jacobius. »


Bonaparte aecoul'l1t Hllssitüt pour fairc ccsser la l'évolte el l' assassinat
duns le Y l'l'OIHlÍS, et ponr uller tirel' YeugeulIcc ¡]ps VI)/i/,C8 l'I;J1ilicnIlCS,
Le soit, mÓ1l10 de l'insul'I'cction, il dit a SOIl ancien camu\'ade BOlll'-
l'ieune, don! il anüt rait son secl'étaire parliculil'l') p{ ([ui mnit. I'ailli P('-
"ir son s l('s poignards ('Il WlIant le r('joindre : (, Sois tl'a1Hlllillp, ef'S
('()(IlIins-lil llle le paiet'Onl. Le//1' r{!Pllbli1flW a l'écu. " Pcn de .jOlIt's apl'¿'~;
il l>cl'i,it an di!'cetoil'c « qne Ir senl parti qn'oll púl prl'mlt'e dail de ,k,-
Iruil'l' el' gOllH'l't1ellwllt fé'n)('(' el sangllinaire; el'errarel' le 110m y('ui-
lien dr dpsslIs la sul'fare dn globe, ))


En "ain les prméditeurs de B!'l'seia, de.llrrgamc el de Crl'll10nC ré-
digel'ctlt-ils IeUI'S lH'OCl's-H'l'hnu". clp manie!'c ü ilt~itluer et il rai!'p ('mil'c
(Iue les Fran\nis maien! proyoqut' les l'.\e(~s dont ils m"ni('lÜ él(', ,ie-
limes: Bünapal'le !ell!' douna un lh;menti solenncl, daus un tlHltlif('sll'




-------------1
PE NAPOLEON, Si


qlli fnt l'arrel de morl de l'aristocratie yénitienne, el qui se terminait
par les di~positions suivantes :


« Le general en chef requirr! le ministre de France pres la répu-
IJIi1luC de \' enise de sortil' de lndite Yille; ordonne aux différents agents
de la république de V cnise dnns tn Lombardie et dans la Terre-Fcnl1e
vl'uitienne de l'évacuer dans les yingt-qnntre henres;


)1 Ordoulle aux différents gélléraux de division de traiter en enne-
mies les troupes de la r{'publique de Yenise; de faire abattre dans [oules
les Yilles de la Terre-Ferme le lion de Saint-l\Iarc, »


Cet oI'dre dll jour fut pOllctuellement exécuté. La terreur s'empara
du grand conseil de Venise. II se démit du pOll'i"Oir, el rendit la souvc-
rnineté au pellple, quí confia J'exereiee de l'aulol'ité a une Ii1mlicipalilt',.
Lel G maí , le drapea u ll'icolore fut plnnté sur la place Saint-Marc pal'
le général Bnrnguay d'Hilliers. La révolution démocratirlue la plus com-
plete s'opéra daos toulc I'étcndue des états vénitiens. Dandolo, avocat




~s IJ 1 S T () 1 H 1:


de YCllise, l'un des r!eux St'uls homl1ws de IIll;I'ite (IU(' ;\apoléon lh"elm'¡¡
amil' J't'llcontl'és en ltalie, fut po!'li', pUl' In f'aveul' populail'e, ti la
dit'cdiol1 de ce mOUH'll1E'l1to Jp !ion de Saint .'lat'C el il's e)¡l'\HlIX (10
Corinthc, qui out depuis t;cni U OI'!lC['l'ure de tl'iOlllphe du Cm'1'ouscI .
flll>ent t\'a!lsportés Ú Pariso


Tandis que les négoeiuliolls se pOlll'suivaicllt mec I'Autl'ielte, i\<IJlo-
léon appl'it que IIoche el :\IOl'CHIl avaieut passé le Hhillo 11 ll'y anlit fIl\!'
peu de joUl'S que le dil'eeloil'e lui a\ail aUllollcó (lue ee passagc n'auJ'ail
pas lieu ; el ql1and lE' l>erUS de eette eoo]lératioll PUiSStlllle I"avail seul
détel'miné it suspendee les hostilílés el tI s'an'elel' aux podes de Yienne.
11 se voyait eondamné a assister, l'épée dans lo ['oLlrreau, et lié par UlI
al'lnisLicl' am: IllOUYelllents militaiI'l's qu'i1 avait I'l'da1l1l~S d. sollicités ell
vain pendant deux mois, alors qu'ils pOllvaient I'aider tI arborel' I'l'-
tendanl répuhlieain sur la capilalo de l' Aull'iche. 11 l'lait. évidellt I[lH'
ses sl1cces tl'Op rapides avaient alarmé le díl'ectoil'e, et que les penlar-
qlles pressentaient I'empen'lll' dalls le conquél'ant de I'ltalioo Il a COII-
fessé lui-meme , ti Sainte-Ilélelle, qu'en effet, depuís I,o¡{i, il lui (>lail
venu dans l'idée qu 'j) pourrait bien devenir I1n aotenr décisir SUI' la
sccne politiqueo (( Alol's naql1it, disait-il, la premiére étincelle de la
haute ambition o "


Les dil'ecteUl's, qlli avaient apel'gll celle étincdle ) el flui cl'aigllaielll
qu'eUe n'cmbrasut l'édifice répllblicain , dont ils occl1paient le faito, ell
contl'ariaient done les progres et le développement, poussés (IU'ils étaient
par leur jalousie personnello ot par l'insl.inct ombrageu\. de la démocl>a-
tie, lIs voyaient avec peine que la l'eeonnaissance nalionale ell'admil'¡¡-
tíon de I'l':urope tendaient. a se eoncentrer Sl1l> un seul homrne, ct ils [14'
\'oulaienl pus foumir tI ceí hornIlle les llloyl'nS de meUl'e le comblo il
I'engouement dont il étaít l'objet, en eUll'alll lrioIllphalement dnll~
Vienne, a In tete de toutes les annél's l'l'IHlblíl'aÍIll's. Napoléon les c\c-
\"ina comme íls l'avaient dminé lui-I11("me, ce qni ne l'empedw pas df'
témoignel' vivemellt son mécolltentement clans loules ses I('[tres ct sc~
eonv81>sntions. Mais le dil>ectoil'e put d'antant mieux dissillllller les yél'i-
l.ables molifs de son él.l'ange eonduile, que le gén('l'[ll Bonaparte, COIll-
mandant de l'armée de l'illtériellr, apres yendémiail'o, avait COlH;11 el
laissé lui-meme dans les archives de la gllerre un plan do emnpaglH'
qui fixait le tel'me des hosfilités et la pacit1cation SUl' la crete dll Sim-
mering, 1l avait ainsi posé lui-memo la barricl't' <]u'it brltlait. mninlenant




1---


DE \' APOLÚ1\" S!l
tle f('llllehir. i\lais le vainqueur ctti prince Charles deyait aroÍI' Ilpcessai-
reIllcn! des pcnsées plus vas tes ct des HICS Illoins Illodestes que lo vain·-
1¡tIPIll' des hOlll'geois parisicns.


BOIlnparlc était dans un Ue dll -Tagliauwuto lorsqu'il rec;ut le eoUl'-


l'ie[' (luÍ lui appol'luit la ilollwlle du passage JlI nhin par Jloreau. « Rien,
dit :U. de Bounienne, ne pourrait peindl'e l'émotion du g('néral, il la
lectul'c de ces d(·peches .... Le boulevcrse!1lenl de ses pensées fut (el.
qll'il eOL1~ut IIn !1l0111cnt ri<lée de I'epasser sur la rive gauche dn Taglia·
mento, d de tout 1'0m[11'e sous un prétexte quclconque .. __ . Il disait :
(( Quelle clifftTCllce duus les lll'éliminairrs, si toutcfois ils clIssent eu
líen: }) 11 est certain 11l1e i\apoléon n'alll'ait pas montré les dispositions
pacifilluCS qu'ilmanifcsla dalls su lettrc au princo Charles, s'il (,lit pu
compti'l' S\Il' la coopáation des armées (fAlJemagne. La conquNe de i
"ieuIIe lni i'Ouriail alltant que celle de nomo l'muit pell tenté. La dupli- ¡ •
citó jalouse el sOllp~onIlcuse du dÍrcctoirc no Jui pel'lllit pas cette [ois de ~J..,~,
satisfaire wn amJ¡ití()ll. _ 4'~~~';>T-l :-><-'90..


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90 HISTOIHE


Les negociations tl'ainaient en longueur. Le genéral en chef pl'olita
des loisirs que lui laissait l'armistice pour visiter la Lombardie et les états
de ,. eoise ) et ponr y organiscr un gouvernement. lllui fallait pour cela
des hommes, et il les chcrchait vainement. « Bon Dieu J disait-il, que
les hommes sont rares ! II ya en ltalie dix-huit millions d'hommes, el
j'en t1'ouve a peine deux , Dandolo et :\Ielzi. "


A la fin, fatigué des entra ves que les mcneurs de la république avaienl
apportées a l'exécution de ses plans, et dégouté des lenteurs des diplo-
mates autrichiens , Bonaparle parla de se démettre du commandement
de rannée d'ltalie, et d'aller pl'endre dans la rc1raite et la solitude, le
repos dont il pl'étendait amit' besoin, Ce n'était sans doute qu'une mü-
llUl:C qu'il n'avait Hulle ellVie de réaliser. II ne croyait pas que l'oH put
se passer de lui , apres les ser vices qu'il avait rendus J les talcnts prodi-
gieux dOlltil avait fait preuve, et l'immensc popularité qu'il a\ait aequise.
L' aUlIonce de sa démission Ini paraissait, u juste titre, un é\ (~Ilelllell t
politique assez important pour compromeltl'e, vis-u-vis de la H¡¡lion ,
lp, gouvcrncment qui l'aurait provoquée par ses injustices, el tlceeptée
par exces d'ingl'atitude el d'emie. l\Iais ce ne fut qu'une fausse alarme.
n se contenta de sc plaindrc aml'll'ement et de prendre, de plus en plus)
le ton haut et fiel' , dans sa correspondanee omeielle. Apres avoi!' Melaré
que, "yu la position des choses ,les Il(~goeiations ll1cmes avee r Empereul'
daient devenues une opération miJitaire, » ce qui le rendait l'arhitre de
la paix et de la guerre , et le préparait a le devenir du sort llleme de la
république , il affecta de se ll10ntrer rassasié de gloire) pou\' hien con-
vaincre ses admirateurs ) ses rivaux ct ses enncmis, que les intéreb de
la France) et non les siens propres, étaient les sculs Jl10hiles de la
grande acliYité qu'i! déployait. «( Je me suis lancé sur Yienne ) dil-il duns
une de ses lettres, ayant acquis plus de gloirc qu'il n'en fant pOUl' eh'e
Itellrellx, et uyant derriere moi les sllpedws plaincs de l'ltalie , eOl1lmc
j'ayais fait au eommeneement de la eampagnc demiere J eH eherehant
du pain ponr l'année que la république ne pouyait plus nOlllTir. 1)


Le Diredoirc fut aidé) du reste, dans sa hasse jalollsie d (lans sa
peur, par les exeitations de la politiqlle intél'ie\1l'e. La réaetion thCl'llli-
dorienne a\ait ('animé le royalisme qui venait de se relever, dans lcs
élections J de sa défaite de ycnLlt·miail'e. Il était natureI que le parli de
la eontl'e-réyollltion rcdouttlt l'infll1enee du géuéral qni ilyait sauvé la
l'épuLli(IUe par einquante yictoires , el dout la renol11nl(~e, la gloire ct




DE \lAPOLÉO\l. 91
l'existcncc étaient attachées au salllt et au progres de la réyolution. Les
orateurs el les écriyains de ce par ti profiterent. de la Uherté illimitée dc
la b'ihune d de la l)resse ) pour répandre toutcs sortcs de bruits et accré-
ditrr les sOllp~ons les plus injurieux sur le caractére et les projets de
Napoléon. Le Dir'ectoire, malgré son état de llltte acharnée a l'égard
des Clichyens , les laissa dire el faire tout ce qu'ils voulurent el oserent
('nntre le héros d' Arcole et de Lodi, dont l'illustration rapide l'offlls-
qllait. On illlprima dans les journuux el les pamphlets, on proclama
flans lps conseils et dans lt·s cluhs J que le gouyernement de Yenise avait
élé ,,¡ctime des perlldies el des provocalions souterraines du général


frnnGais) el que tous ces assassinats, donl OH s'était plaint il la faee
du monde) el dont on [mlit tiré une vengeance si éclatante , n'anlient pié


.... ,




92 HISTOJJlE


que des événernents prévus et maehiavéliqucnwnt comhinés au (Jual'lier-
général de l'arlllée républicainc. DUlllolunl, l'un des eorypltées du
royalisme, fit une lllotion 1 dans lflquelle il glissa une phrase qui men-
tionnait expressément les doutes éleY(~s, au conscil des ancicns, sur lt's
causes et la gravité des violfltions du droit des gens, cornmises a Yenise.
Nflpoléon, instruít de loutes ces attaques et insilluatíons malYellIantes ,
en écrivit au Directoire: " .J'avais le droit , lui dit-il, apr('s aYoÍl' oon-
clu cinC( paix et dónné un coup dc massue a la coalition, sinon a des
triomphes ciYiques, dll moíns a vivre tranquillo, el ú la protection des
premiers magistrats dc la république. Aujourd'hui je me voís dessprvi,
persécuté, décrié par tous les moyens honteux que la politique appol'Íe
a la persécution .....


» Eh quoi ! HOUS avons été assassinés par des traih'cs; plus de (Iuatre
cenls hOlllmes oHt péri , el les premiers magistrats de la répllblique lui
feront un crimc de l'avoir cru un mOllwnt !


') Je sais hien qu'il ya dos sociétés ou l'on dit : Ce sang est-it dOlle si
pUl' ? ...


)) Que des h01111110S lúehes el quí sont lllorLs au sentirnent de la patrie
et de la gloirc nationalo l'aient dit, je ne m'en plaíndrais l)as , je n'y
eusse pas faít altention; mais j'ai le droit de me plaindl'e de l'avilisse-
muní dans lequel les premiers magistrats de la répuhlique trainent coux
qui ont ag!'andi et porté si haut la gloire du nom fran<;ais.


» Je vons réitere) citoyens direeleUl's ) la demande que je vous ai faite
de ma démission. J'ai besoin de vivre tranquille, si les l)oignards de
Clichy veulent me laisser Yivre.


)) Vous m'mez ehargé de négociations, j'y suís peu propre. ))
Peu de temps auparavant iI avait eCI'it en pal'lieulier a Carnot :
« J' ai regu votre leltre) mon eher direcíeur, S\1l' le champ de ha-


taille de Rivoh. J'ai nI clans le temps arcc pilié tontee que ron débite
SUI' mon compte. L'on me fait parle!' ehacun sllivant sa passinn. Je el'ois
qne vous me eonnaíssez trop pour imagine!' que je puisse élre inHlIcncé
par qui que ('c soit; j'ai toujours en a me louel' des marques d'amitil;
que vous m' avez données a moi et aux miens, et jc vous ('n eons(,l'Vcrai
tonjoUl's une vraio rcconnaissan('e. 1I est des 110mmes pou!' qni la hain('
est un besoin, el qui, ne pouvant honleverser la république, s'on con-
solent en semant la dissension et la di~corde pal'lont oú ils peuH'nt arri-
wr. Quant a moi. qudqur ehose qll'ils (lis('nt , ils ne m'alt('jgn('nt plus:




f) E \ A P () L ú¡ \ .
reslilll(' d'llll pdit uombre de persollues eOlIllllC \"ous, eelle de mes
e1lnlCII,.](I('s ct des soldals, qlll'iqul'fois aussi l'opinion d(~ la post<"rih'~,
et pal'-dessus tOllt le selllillll'll( de 111a eonseil'll(:e et la pl'Ospél'ité de
ma patr'i(', m'illl/'I'('~~(,JÜ llni(llll'il1enL 1)


l\UPOll'0I1 se ehal'gea aussi de répouure lui-meme aux cal0ll1uies de
111 faction dichycnne, au sujct de Ye!lise , et il fit répandre u eel effd ,
dans l'aJ'lllée, sous le yoile de l'anonyme, une note qui r(-['utnit tontes
les nss('rlions m('nsong;t']'('s !lu royalisme ct fjui I'étahlissait la \(~I'itÁ dans
tous ses droits.


n y ayait moills de sincél'itó , comme je l' ai dt':jil fait I'emm'quer, dans
l'oft're de sa clémissioll. Quuutil eeUe lIlodestie qui le lJortait iI se déela-
rel' pen pI'Op]'(' aux tl'anlllX diplomatiques, on llf'lltjllgcr de la \aleur
de sa dl'e1aratioll par 11' Irait sllirant, qlli se rapporte ans nl'goeiatiol1s
de Campo-Fol'mio , el lJll'il a l'aconté IlIi-111(\n1<' 11 Sainln-l [¡"I<~ne.


" :U. dl' Coh"Il!.w), dj~ai!.-il, d.ail j'J¡Olllllll' de la lllonal'chie nutri-
chielllle, rtlllle' de ses projets, le dircct()llI' de' sa diploma!i!', II avait
OCCUPl' les prcmi¿'res arnhassades de I'EllI'Opl', et s'étuit tl'Ouré long-
te'mps allprós ele Cath(~ritw , dont iI a"ait caph'l 111 hienH'illancc parlicu-
liól'e, Fiel' de son l'ang el de son illipol'tance, il He dontait pas que la
c1ignil!'l (le ses manióres el son hahitllde des cours ne dnssl'llt ('craser
faeilelllmlllll gl'nel'al sorti des camps révolll tionnaires; aussi ahoJ'(la-
t-ille gt"nél'al fl'll\1~ais aYec lllW cer!aillP lég<'rd(',; mais iI suflil de l'alli-
tude d des p\'ellliól'es pal'oJes de celui-ei pOlll' le rell1ettre aussitt'Jt it sa
place, dont, au demeUl'ant, il nc ehercha jmnais plus ir sorti\'. - Les
confél'ences, ajoute .1'11. de Las Cazes, languirent d'ahord heaucoup,
1\1. de Cobentz(') , suivant la eoutmne dll cahitwt aulrichien , se montra
lorl habile ir tl'ainel'les choses ('Il longueur, Cependant le gl'néral fral1-
9ais rrsolut d'eIl /inir, La conlér('nc8 C{n'il s'était dit c1twoir etre la drr-
ni¿'rr fui t!('S plus vi\cs; iI en arri\a ilmettl'r le marche illa main; il fu!
refusl,. Se le,ant alo]'s dans une pspéce de' flll'l'lll' , il s'é(,l'ia trós-énergi-
qlH'l1wnl: " Vous ,oulez la gu('I'I'C '! eh }JiclI ! HlllS l'aun'z, ') Et saisis-
sant un magnifique eabar('t de porc(')aine , que:tU. de Cobenlzcl ré'pélait
ehaque jour an'e com plaisance' lui U\ oir élé douné par la grande Cathc-
rillc, il le jeta de tOl1lcs srs fOl'c('s sllr Ir planeher, oú il vola en milIe
éclnls, " Voypz, s'l'(,1'ia-I-il encon'; eh hien ! tdle srl'a ,ot]'(' monarehir
aulridti('I1IW avant tmis mois ; jn 'OI1S Ir prollwls. ' El il s'l~lan~a lJr(~'ei­
pitamnwnl !to]'s dp la salle. JI. (J¡~ Cohrntzpl t!('l11eUl'a pC'!I'ifié, disai(




IIISTOIHE


l'Emperelll' ; mais 1\1. de Gallo, son seeond , d henUCOllp plus conciliant.
accmnpngnn le gf'n('I'al rran~nis jusqu'il sa YOitlll'C, ('ssayant (le le rrleuir,


'( me timut foree coups de chapeau , ajoul.ait l'Empcrcur , el. daus unc
attitude si piteuse , qn'eu depit de ma colere ostemible , je ne pouvais
m'cmpccher d'en rire intérieuremenl. heaucoup. ))


Cette maniere de negocier, qui semblait justifier ce que l\"apoléon
avait dit de son peu d'aptitnde pour la diplomatie, ne laissa pas néan-
moins d'obtenir l'effct qu'il s'en était promis. En ccHe oecasion, la
brusquerie pomait passer pour de l' adresse ct de l' hnbileté. II fa\lait en
Huir avee les lenteurs ealeulées et li's hésitations pertldcs du cubinet au-
trichien. Napoléon conlribua ti umener eette Hn tardi\'e en hrisant l'élé-
gant cadean de Catherinr. Sa violence si'rvit mieux celle fois les inlerNs
di' la France que n'aurait pn le faire la ruse polie d'un Yéténlll ele> conr.
II put s'emportrr 3 propos , et l'on pent dire que, s'il manqua a l'éti-
qurtte i't aux convenanccs, ce fut pour bien mérite!' de son pays et de
l'humanité en a('célérant la conelusion de la paix.


Mais tandis que 1\ apoMon s'irritail, en ·ltalie, des longllellrs inter-
minahles des eonférenees diplomatiques, et de l'inaction que lui nvail
imposée le mauyais youloir du Directoire, et des outrages qUi' les fa('-




lJ E i\ A l' Ü L1~ () :\ .
tious de l'inlérieur lui adre:,;:,;aielll ) de ton:,; les puints de l' EuruIlC , par
l'intermédiail'e des émigres et des cOl'respondants a gages , le Diredoir('
fut menad! dans son existence par la majorité royaliste des dcux COI1-
seils; le\8 fl'Uetidor approchait.


L'armee d'Italie , qui avait ,"amcu dans tant de hatailles , ¡¡OUS le dra-
peau republicain , et le chef iIIustre qui l'avait menee, au pas de course,
de victoire cn victoire, devaiellt fixer l' aUention des deux partis, les
craintes de l'un et les esperances de l'autre. Napoléon, naguere ca-
lomnié ouvertement ou en secr(~t pal' les Clichyens et le Directoire) se
vit tout a COllp l'echercher el flatter de tout coté. Fran90is Ducoudray,
)'un des oratem's les plus influents de la majOl'itt! monarchique, ne crai-
gnit pas de donller le titre de héros au rnitrailleur du 15 wnoérniaire 1
en {lisant de lui « qu'il s'était distingué par les talents du négociateur 1
ap!'(~s avoir égalé en huit mois les hOlllllles les plus illustres dalls l'ad
mili taire. ))


Mais ces louangt 's illtél'cssées d' un h01l1111e hahile 1Ie po uyaiell t pas
couyrir la Iwiue que SOIl parti llourI"issail et exhalail ) dans ses joumaux
et dans ses duus) contre le général ell chef de I'm'mée d'ltalie. Aubry,
ce Yieil elluemi de BOllapal'te , étnit \1n des lllCIlcurs de la réuuion de
Clkhy. Soutenu par quelques oratcurs furihollds , il Jemalldait a grands
cris la destitution et I'al'restation de l\apoléon. C'en était assez pom' que
ce del'l1ier ne dút {las halancer entre le Direetoire el les conseils. 31ais
~apoléon méprisait le Dil'cctoil'e, dans le sein duque! il n'y avait qu'lln
homme dont il estimút le em'aclere) ct dont ilreconnút les senil'es el la
capacité) et l'd homme) Cal'l1ot) s'était sépal'é de la majorité directo-
dale par des Sl'['lIpules constitutiollnds qui le faisaient répugner a l'C'-
pousscr les emahissements du royalisme par un coup d'état. Cependant
!'in{Juence de ses antéct~dents , de ses souvenirs et aussi de ses previsions
remporta sur son mépris pour Barras, et sur son estime pour Cnmot.


Un instant, il fut décidé a mar('her sur Paris) en traversant LyOIl )
illa tete de vingl-einq mille hOlllllles; et íl eút réalisé ce projet, si les
ehanrns de sucees fllssent rcstéps aux Cli('hyens oans la eapítale. Ce qui
le deterlllina surtout iJ. lllettre sa puissante épée du coté des directeurs
l'Olltrr. la majol"ité dt$ eonseils, l'e fut la dél'Ollverte de la trahison de
Piehegl'u) qui dil'igeait eette majorité , et dont les intelligenccs crimi-
lleIles avee rétrang(;r fUl'ent deyoilées par la saisie et le dépouillernent
des papiers dn fameux C'omte t1 'Antl'aigues, intrigant l'oyaliste, surpris




i
I
I
I


I i


lIlSTOIRE


d andé daos les dats de Ye!lise, laissé libre, sur purole, duns .Hilan ,
el flui s 'évada en SlIisse oú il publiu un libelle infume eonlre N upoléOIl 1
donl illl'anlil eu qu'ü se louer.


L'indignalion de Bonapm'te contre le parti de l'étranger éclatu dans
l'udresse qu'il ellYOya 1 an nom de l'ul'Ill6e d'Italie, pour intimide!' les
ronscils et rassurt'l' le Diredoirc. « La route de Paris, lit-il dire ü ses
(,oll1pagnolls d'arrnes , orfre-t-dle plus d'obstades que ('elle de ViCnIl(> 'i
non; elle Hons sera ouverte par les rópublicains restés fideles lt la libertó.
nénllis, nous la défendrons, et nos ennemis amont vécu.


') Des hOlllIl1eS ('ouyerts d'ignominie , mides de \engeuuces , saturé~
de crimes, s 'agitent et eomplottent au milien de París, quanrl nons ayons
tl'iompltó aux porles de Vimne ..... Vous qui avez fait. du mópris , de
i'infalllü~ , de l'outrage ct de la mort, le partage des dófenseurs de la
l'ópublique, trelllblez ! de l'Adige au Hhin et ü la Seíne ) il n'}: a qu '1m
pas; tremhlez ! vos inilluitós sont comptóps, pt le prix ('1} est au hou\
de nos halol1neltes. ¡)


Nnpolóoll cholsit, pour porte!' ecHe adresse) Augereau, Cdlli de ses
lieutenants flui pouvait le mieux aspil'eI' au premier role) ct faire ou-
blier le gélléral en chef, par sa consistan ce l)ersonnelle au milieu des
clrconstallces ¡¡ui se lH'l'I)ul'aiellL Quant u l'ar¡::ent que Barras anlil de-
mandé par l'inlel'Illódiaire de son sccr6taire Bottot ) pour faire réussil'
]ajOllJ'lléc prémúlitée) l\apoléon se ronlenla de le pnllucltre, et ne le
livra jamais. II expédia 1 du reste 1 son aide ele e¡¡mIl LavnJldle, ú
Paris ) comptant sur son zde et sa lwrspiraeiló pour elre instl'Uil de
tout) el 1I11leme (['agi¡' se!on l'exigenee des é"énemcnts,


La liaison de Bonaparle ayec Desaix date de eetle époflue. Desaix,
empIolé a l'ann6e du RlIill , suivait de loin ayec adllliratioll les triom-
phes du général en chef de rarmée d 'Italie. II profita des loisirs que lui
laissa rarmistícp ele U:ohen pom wnir admirf'l' de plus pri's le gl'alld
eapítuine. Ces deux hOllllIlCS se eOlIlpl'Írent et S'aílllerellt en se vo.yant.
Dans un de lenrs f~ntl'dif~nS ) ;\npoléon nrant voulu confie)' ú son I1OU\ el
ami le Sl'l'l'ct de la ll'uhisOil dc PidlCgl'U : « )luís nous le savions sur le
fihin il y a plus de trois mois, répol1llit Desaix. Un rOllrgon enlc\ó atl
génél'al Klillglin nous a liue toutc la correspondance de Pichegl'll aFee
les ennemis de la republique. - Muis lIlorean n'(,11 a-t-il t!onné aucune
e()nnl\i~~l\nee l\\11Ym~l't()'¡\'I'? - ~()n, .-E\llill'n ~ c:est lITl I'riml'; quallrl
il s'agil de la Ill'de de la palt'ie , le silelwc est UlW I'omplícilé, » Ap1't's le


i _____ _




Di': \,\l'oLEO\ .


. , ¡:; fmetido!' , lorsfJlle Pichrgl'lI se trollnl I'l'appt· pm' un ¡Jéc\'(·t di' M·-
portation, l\lOl'PHU Ip M'n()n~a j[(nominif'll~eJ1l('nt. " En 1\(' paJ'lanl pas


plus tot , a dit Napoléon , il a trahí la patrie; en parlant aussi taro, jI a
arrablé un malheureux. »)


Bonaparte apprit avec une joie extreme la dNaite el la proscriplion
¡)es Cliehyens, qu 'Augerean lui annont;a en ces termes: « Enfin , mon
gt,néral, ma mission est accomplie, el les promesses de l'al'lllee d'Italie
ont ett· acqllitlécs eeHe nui t. )1


JUnis le direeloire, une fois débarrassé dcs royalistes, revint i! sa ja-
IOllsie secrete f't opiniMrc conlre Napoléon. Quoiqu'il conmit bien la
pens!'·p du general sur le ~ 8 [¡'udidor, aprcs loutes les dépeehes qu'il
en avait rer,ues, et qui totltes récIamaicnt le coup d'état avec une énf'r-
gie voisine de la vioJence, il répandit le hruit dalJs Paris, poul' le [aire
propagf'r deli! dans I 'tll' 111 ee , que l'opinion <le Bonaparte sur ceUe jOllJ'llée I
était douteuse; et) pOlll' donner plus de poids a ce S()UP~o[] , il dwr- li
gea Augereau d'mh'csser lllí-meme i! tous les généraux de division la
circulaire quP If' génél'al en chef seul aurait oLi natllrdlcmcnlleul' en- ~~~:: ~::'" ..


- ________ ~__ __ _ u__ ~#': ~
t ( ~ o', <. .,' )~ ~" :~:/.




¡------
I


98 IIISTOIl\E


voye)', Axel'ti de toules ees mallG'U\Tes, :\apoleon s'emp¡>cssa (1'cn te-
moignl'l' SOI1 l\I('contentemcnt el son indignalion,


" JI esí constant, eCl'ivit-il au elircrloir'e, que le gouvernernent en
agit envers moi ú peu pres eomme envers Pichegru arres yendúniairf'
[Jn IV,


») Je vous prie de me remplacer et de m'accorder ma démission. Au-
cune puissance sur la tel'l'e l1e sera ca rabIe de me faire continuer de ser-
vil', apres celle marque horrible de }"ingratitnde du gouvernement, a
laquelle j'etais bien 10il1 ele m 'attendre, !\la san té , cOIlsidérahlement af-
fedee, demande impél'ieusement du repos et (le la tranqllillité.


» La sitnlltion de mon ame a aussi besoin de se l'etremper dans la
rnasse des citoFns, Depuis tmp longtcmps un grand pouvoir est contlé
dans mes mains, Je m'ell suis seni dan s toutes les ciI>eonstances pOUl' k
bien de la patrie; tant pis pom ccux qui nI' eroicnl pas it la ver'tu , et qui
pourraient avoir suspecle la mienne, l\ia récompense est dans llJa COIl-
science et dans l'opinion de la postérilé" ...


» Croyez que, s'il y avait un momcnl de péril, je serais all premicr
rang pOllr défendre la liberté et la constitutiol1 de ran 111, "


Le diree1oire, qui ne se scntait pas ussez fort pOllr soutenir une lutte
directe el ostensible avec l'ilIustl'e guerrier, eonllnua de dissimuler, 11
se huta de lui faire parvcnir des explicutions et des excuses pour calme)'
son ressentiment. (( Craignez , lui dil-il, quc les conspirateurs )'oyaux ,
au llloment ou peut-etre ils empoisonnaient lIoche, n'aient essayé dr
jeter dans votre ame des dégotits el drs défhll1ces capables de prive1'
voh'e patrie des efforts de votre génie, "


BonuptlI'te n 'était pas aussi profondément dégotité de son cOlllmallde-
meot en chef qu'il vOlllait le paru!tre; il tit donc somblunt t1'accepter les
explications f!utteuses qu'on lui donnait, el se mit il correspoIlfJr>e par-
ticulicremcnt avee des memlwes et des ministres du dirc(}toirc, sur les
éventualités de la guerre, les condilions de lu paix , et les plus graves
questions de la politiquc géné['ale, Les (]ungers de la république momen-
tanémenL conjurés ñ I'extériellr et a l'intérieur>, il penehait désornwis a
la modél'ation el a la clémence, « Le sort de l'Europe, éerivit-il it Frall-
~ois de NeufehUtcau , est dans runion, la sugessc ella force du gouver-
nement. 11 est une petito purtie de la nation qu'il faut \ain('re pm' un hOIl
gouvernenwnt. .... Un al'reté du directoire exécutif écrollle les Irúnes;
faites que des l'crivains stipcndiés ou d'amhilieux fanuüqlles, déguisés




!lE :\\POr.I~():\. !I!l
SOllS toute espece de masques, ne nOlls replongent plus dans le tO\'1'I'111
révolutionnaire, ))


e'est a celte époqlle qu'un homnw fameux, des rassemblée constí-
tuante, el dont la renommee n'a filit que s'étendre dermis par une activ('
pal'ticipation Ü l'étublíssement et iJ la chute de tous les regimes qui oul
1~(llIssé la France de n:'action en reac!ion jusqu'á sa situalion pré~ente;
c'est a eette époqll("·, dis-je, que Talleyrand, tOUjOlll'S prompt iJ saluer
le soleíllevullt, chel'chn a ouvrit' des relations sllivies et des rapporls
confidcntiels mee Bonapal'le, Illui (~cri\"it plusicurs lettres sur le ~ 8 fruc-
tidor, et dans toules il s'exprima ayec la vehémence d'llll at'dent revo-
lutionnaire, II esl curicux de le voir, lui, qlli a si pllissalllment contrilmt'
dalls la slIite iJ fairp montct' sur le trone les dellx branrhes de la maisoll
de Bourboll , el dOllt les dCl'llihes afl'cdiolls politiques out ete déliniti-
Yement acql1isc~, dll moills ('11 appm'cuce, 11 la dynastil' J'(;gnanle; il eSI
eut'ipux de le voir aIlIlO(]('('I' a\f!C enthousiasnw 11 son futur emper!:'lII' , iJ
l'idole qu'il devait tour iJ tour ellcellser et bl'isel', « qu'une mort promplp
a élé prollOlwee confl' .. <juicolI<[ue rappellel'ait la l'Oyauté, la eOllstilutioll
de 95 uu d'Orléalls! ))


:\apoléoll l'e(:lIt ces nyatl<'es du chef de la fartioll flu'on appelait dall~
le temps les cOllslillltionniste~ et les diploUlates, en hOl1lllle pl'esse d('
donnel' des dais et (le preparer (les instruments a la grande ambitioJl
dont il était anime, 11 senlait que SOIl hcure n'était pas vmue, maís
qu'elle vientlrait , et i! ttir\wit de se (:oneilier les hommes pour les fail'\'
Il10UVOil' iJ son gt'é quand les eirconstances l'exigel'ail'nl. Uwsqu'on
pense a I'allarchie qui regnait f'll Franee avant et apres le 18 fl'llCtidOl' ,
ü la déeonsidél'alioll des dl-positaires du pOllVoir, ala corl'UptioIl des IlIIS
el a l'ineptie des autl'es, iI cst pel'lllis de ('mire que Napoléon fut trop
réservé el trop tilllide , el qll'i! ue presuma pas ass(~z de I"influence lk
son nOI!1 el de la lassitllde des partis, en reculanl denmlle coup <l'eta!.
qu'il Illl'ditail, el qu'il execllta plus tarel avec tant de slI('('es, :\Iais il lui
parl1t qu'il fnUnit agl'andil' encol'e sa renollllllee par de nouveallX p/'o-
digps, et laisscl' s'aect'OItre le dégotlt de la Illasse de la nutiotl pom' les
tOllrmenll's de la d¡"l!1ocratie, Peul-ett'e songca-t-il dés lol's <'ll'ex pédilion
d'ltgypte; e'est ee que beaueoup de gens ont pensé, apt'es moÍt'lu la
pl'orlamation qu'il adrt'ssa, le -1 (j sf'ptembreli"D7, allx llwt'íllS de l'es-
cadt'e dp I'amiral Brueix, el clans lal(lIelle, celébt'ant le tl'iolllphe du di-
r(>ctoil'e sllr les (( traitres el les emigr'es qui s'étnient cmparés de la Iri-




Ino 1I1 S r O lB E Ií E "A 1'0 L 1:: ().\.


Imue Iwliollale, » il dit U ces bl'UYes: « Sans vous, 1l011S JH' POU\OIlS pOI'-
ter la gloil'c du nom ft'au<;uis que dans un petit ('oin de l'Eut'OIH> ; u\"ec
VOlIS, nous traVPl'semtls les meJ's, d porterolls l'élentlun\ dc la I'ÓpU-
hliql1e dans les conlJ'ees les plus eloiguecs. J)


POUI' l'éalisel' ce ,usle pl'ojet, il falIait el 'aboJ'd eonchtn> la país eu
Europe. L'Aull'iche , !lont let 8 ft'udidor mait d(>lruil les cspéran('r's,
fondées sur une l'evoluLÍon intel'icurc en France, n 'anüt plus les mernes
t'aisotls (le I'etardcr la marche des négocíations; mais le dit'eC'loil'l', l'tl-
lJr'~ de sa vidoíre sur Il'S t'oyalisles alliés de l'emprreUl' , montmit des
disposilioIlS gUl'I'ricl'es. (' TI ne faut plus ménager l'Autriche, ecrivit-il ú
Bonaparte; sa pedidie, sou iutdligenee avce les conspirateurs de l'io-
terieul' sont mallifesles. Il Ces on!t't's belliqlleux n'entraient poillt dan!'
les Hles du géor''I'al en eheL L'appl'oche de l'hin'l' le Mtermina :1 pres-
ser la ('ondu~i()n de la pah:. " 1I faut plus d'ltn mois pom que les at'lnees
du Hhin me s('('olldent si elles SOllt eH 1lIl'Slll'C, dit-il ü son s('('t'dail'(> , d
dalls quinze JOUt's les neiges encomlw(,l'ont Ips l'outes d I('s passages.
e'est fini, je fais la paix, Venise ¡)Hiera les ft'ais de la glH>l't'C el la lilllite
t\u Rhin, Lt' direeloit'e d les avocats dil'ont ce qu 'ils vour!t-ollL "


La paix fut en elTd signée (1 Campo-Fot'miu, le 26 Yl'Jltlt',tlliaire an '1
(17 odolJt'eI7!l7), Lu délivrance des pl'iSOnIlict's d'Olmutz, La Fayctll',
LatoUl--:\fauboul'g el Bureau de Pusy , fut une des pt'cl1Iiel'es eoIHlitiollS
(Iu tt'aité. Napoléon y tint ave(~ persévérance, d J'l'xigea mee ehalellt'.
1I est j liste de (Iire r¡u'¡¡ agissait en rela selon les instl'uctiotls ti lt di I'el'toil'(,.





C1IAPITBE VI.


A gllel'l'e et les négociations Be le t'denant plus
sUl'les fl'Ontiel'es de l'Alltricbe, i\apoléoll se


, mil a visite!' ses cOBquetcs et ú pa!'collt'Íl' la
Lomhat'die, qui l'aeeueillit en libératclIl', Lps
acclanllltioBs popl1lain's le suilin'nt partol1t,
t, lorsflu'lln ordl'c de Pal'is I'obligea de S!~


rl'lldl'c tl Ha(lstadt pOl1l' y prt'sidpl' la Ivgntion
fnlll(;aise, il rClIcoIltl'a la lll(\IllC aclmil'ation t't le meme (,lIlh()usia~mc
dans tOllte la Suisse, <]lI'il tl'ilrCl'Sa de Genl~IP h Bille, A\lll1t dp (Illittel'
~lilan, il <'Il\oya all dircc!oil't', par Joubcrt, LE lllUI'EHJ DE L',UIMÓ;
n'ITIL1E, Il'fjlld offrail SUl' l'ulIP de ~l'S fncc~ le 1'('SIII11(' dp [Otiles les




lO:! IIISTOI B E


mel'veilles que cette [mnée anlit aeeomplies; SUI' l'autre , ces Illots :
A L'ARMÉE n'ITALIE, Lo! PATRIE RECO;'íNAISSA~TE. 1.OI's de son del'llíel'
passage a ~Ianloue, il avail fait célébrer un service funNJ['e en l'honneul'
de Hoche, f1ui venait de moul'il', et il [mJÍL pI'cssé I'achevement du
monument éleré a la mémoire de Vil'gile.


Pal'mi les admil'ateul's el les cul'ieux (Iui se pOl'tel'ent SUl' son passage,
a cette époflue, se Ít'ouva un obsel'Vateur, plein d'espril el de p{'nétra-
tion, et donllcs remarques, envoyées u Paris, furent insérées dans Ull
joul'Ilal, en décembre 1797. On y lisait: « J'ai vu avec un vil' inléret et
une exh'cme attention cet hOInllle extl'aordinllil't' qui a rnit de si gnllldes


dIOSI'S, et (Iui ~('mble allllOIJ('l'I' (ille sa eal'l'icl'l' 1I'('st pas 1('I'nlÍnée, J(,
rai tl'ollvé ro!'! I'csselllblalll iI son pnl'll'nit: lwlit, minc!', pille, ayallt rail'




fatigul'. mais non malade, romme on l"a dit. 11 m'a parll qu'il ~(~outait
(]vec plus de distraction que d'intl'ret, el qu'il était plus occupé de ce qu'il
peusuit que de ee (lu'on lui disait. 11 y a beaucoup d'esprit dans sa phy-
sionolllie ; on y remarque un air (ie médilation habituelle qui ne revele
,'ien de ce (lui se passe dans l'intérieUl'. Dans eeUe tete pensllnle , dans
ef'tte tHlle forte , il est impossible de ne pas supposel' quelques pensées
hardies (lui infllleront sur la dcstinec de I'Eul'ope. ))


En tl'm;ersant la plaine de 1\1orat, oú les Suisses exterminerent I'ar-
mee de Charles-le-Témémire, en ~ 4;;6, Lannes voulutdire que les FraIl-
t;ais craujoul'll'hui combattaient mieux que cela. « Hans ce temps-lit ,
intcrl'ompit b,'usquement Napoleoll , les Bourguignons n'étaient pas des
Fraw;ais. Il


Arrivé 11 Radstadt, Napoléon s'apersut bientót que son llouveau poste
ne lui convenait nuIlement. C'étail it Paris, au centre du H!ouvement
politi!jlle, Oll a la tete de son armée, que eet homme prodigieux pouvait
désormais troll\er une place digne de lui. l\Iais iI n'ellt pllS besoin de ré-
c1al1ler son retour dans la eapitale; une leftre du direrloire l"y appela.
M. de Bourrieune, son secrétaire , qul ne eonnaissait pas eneol'e sa ra-
dialion de la liste des émigrés , eraignait de l'accompagner, et youlait
reste!' en Allemagne. « Venez, luí dit Bonaparte, passez le Rhin sans
craillte; ils ne vous al"l'aehcl'Ont pas d'aupres de moi; je réponds de
vous. ))


La réception de l\apoléon 11 Paris Cut telle qu'il devait l'altendre de la
faveur universelle que ses hauts faits avaient acquise a son nomo Le dl-
.. ectoire, organe ofliciel et obligó de la reeonnaissanee nationale, dissi-
mula ses craintes et sa jalousie , pour donner une rete brillante au con-
quérant de l'Italie, dans l'eneeinte du Luxemboul'g. Ce fut Talleyrand
qlli présenta le hél'oS aux direetellrs, et il pronon~a) iJ eetle occasion, un
discollrs qui I'espi!'ait le plus ardent el le plus pUl' républicanisme. (IOn
c1Dit remarquer, dit-il, et peut-éÍl'e avee quelq ue surprise, tous mes
efforts en ce moment pour expliLJuer, ponr attónuer presque la gloire de
Bonaparte; il lIe s 'en offensera paso Le dirai-je? j'ai craint un instant
pour lui cette ombl'ageuse inquiétude qui, dans une république nais-
sante, s'alal'lTIP de fOllt ce qui semble porte!' une aUeillte queleonque a
l'égalité; mais je m'abusais: la grancleur personnelle, Ioin de porter
atleinte Ú l'égalité, en est le plus beau triomphe; et dans eeUe journée
meme, les rópuhlieains frall<;ais doivent tous se trouve,' plus grands. »




¡--~


101 HISTOII{E


l\ apok'oll l'':'pondit, el, dOHnant pOUt' la l'l'emit"I'e fois ü la !lation fl'an-
(:aise le titre de GRA?\DE, il s'exprima en ces ternwf; :


« Citoyens dil'ceteurs ,
» Le peuple f"a!H;ais, pOlW éll'e lil)!'e, mait lps rois Ü cOIlIhatll'C,
)) Pom obtenir Ulle cOIlstitutioIl fondée sur la raison, il Y avait dix-


huil siecIes de préjugés ü ,ainere.
)) La cOllstitutioll de I'an IIl. et vous, avez triomphé de tOllS ces ob-


stacJes,
JI La J'pligion , la féodalité ct le royalisrne ont sllccessivcment depuis


,ingt siecJes gouvel'llé l' Europe; mais, de la paix que Y(lUS Yenez de
cOllclure, date l'ere des gouyerncments représcntatifs.


» Vous etes parrenns Ü ol'ganism'la GRA~DI' :'iATIO:'l, dontle territoire
Il'est cil'conscrit que parceque la nature en a posé elle-lllclllc les limites.


" Vous mez fait plus.
» Les deux plus belles {larties de 1 'Europe , .iadis si célehres pm' les


sciences, les ads et les grands hommes . doní p\les furent le hcrceau ,
,oient avec les plus grandes espérances le génie de la liberté sortir des
tombeaux de lelll'S ancetres.


» J'ai l'honneu!' de vous remeltl'c le lr<lité sjgn(~ ü Campo-Fol'mio, el.
.. atiné pUl' sa majesté l"empereul'.


» Lorsque le honheur flu pellple frans;ais sera assis sur les nwillcures
lois organir¡ues, rEmope entiere deviendra lihre. ))


11 Y ayait t¡uelquc modestie, de la parí dll llégociatellr de P:Jsseriano,
Ú faire ainsi honneur au direríoire de la eoncJusion de la paix. Mais les
convenanccs cxigeaient cet hommage officid, ('[ ccux qui le regurent
n'en furent pas plus dupes que cdui qui se Cl'ut ohligé de le l'endre. 1\a-
poléon, des ccHe époque, s'était mis, de fait, a la place du gouvernement
de la républi(IUe, vis-u-vis de la diplomatie elll'Opéennc. 11 pel'sonnifiait
déjil l'étal en lui , el il pretait I1 la Franec l'aUitllde et le langa~e (¡lIe sa
noble umbition el sa haute raisoll, et nOll les instnlCtions dll dir('ctoil'f~,
lui indiqllaient comme les plus Jignes du gl'und peuple, et les plus favo-
rables aux yues ultérieures du grand homme. Depllis son enírée en Ila-
lie, et surtout depuis Lodi, il s'était appliqué il faire pel'flt'e a la politi-
quc frans;aise le earaclere farouche que la luUe terrible de 05 lui mait
néeessail'emenl imprimé. Ce n'était pus au nom d'une démagogic flll'i-
bonde et implacable qu'i! voulait conquérir une paix glorie use pou!' son
pays pt une rmomméc immense pour lui-memc. III11i parut que le tCl1lpS I


-- ~-~----I




DE NAPOU:O\. 1(1;;


élait yenu d'apaiscr le fanatismc révolutiollnaire dont il avait compris
autrefois la néeessité et ressenti les inspirations. Dans les négoeiations
awe le roi de Sardaigne, avee le pape, awe l'empe!'enr, jI se mont!'a
animé de eet esprit de eoneiliationet de tolé!'ance qui distingue les hom-
mes supériellrs aux exigences et aux passions des partis. l\Iais ce fut
surtout dans les eonfcrences qui amenerent le traité de Campo-Formio
.qu'i1 s'efforsa de présente!' aux rois de l' t::urope la républíque fnll1gaise
comme un ennemi généreux, qui n'avait poiut de haiues ayellgles, et
donl les p!'ineipes el les conseils n'allraient rien de mena~ant désol'll1ais
pO'~r les gouvernements étrangers. 1l l'a déelaré lui-meme iJ Sainte-Hé-
lene. « Les prineipes qui devaien! régler la répllbliqlle, a-t-il dit, ayaient
été déterminés a Campo-l"ormio : le direcloirey clait ctrangel'. )) El lellc
était la puissance recHe qu'cxergait cet homme, que le Diree[oire) dont
il avait ainsi méconnu l'alltorité supreme et usurpé les fonetions, n 'osa
pas lui demander eompte de ses mépris et de son audaee , et qu'i1 lui
adressa solennelIement, pa!' l'organe de son président, les f1alteries les
plus pompeuses. {f La nature, avare de sesprodiges, di! Barras en ré-
pondant au général , ne donne que de loin en loin de grands hommes a
la tel're; mais elle dut etre jalouse de marquer l'aurore de la libertt'
par un de ces phénomenes, et la sublime révolution du pellple fran~ais,
llouveHe dans l'histoire des nations, devait pré5cnter un génie nOllvcan
dans l'histoÍ!'e des hommes célebres. " Cette adulation, imposée il
I'envie par l'inOuencc de l'opinion publique, indique toute la hautclII'
de la posilion que Napoléon avait conquise; et il esl remarquable
que le chef du gouvernement républicain se soit cru obligé de parlpl'
a un simple général, son subordonné, comme lui parla plus tard ,
dan s le meme lien , le président de son sénat, ou le premier de sps ser-
viteurs,


Les Parisiens se montrerent oublienx; le vainqueur d'Al'cole ayait
effaeé le mitrailleur de vendémiaire. Partóut oII l\"apoléon pal'aissail , il
était l'objet des plus vives accIamations. Au théfttre, le parterre et les
loges le demandaient a grands cris, des qu'on le savait dan s la salle.
Ces démonstrations, si f1atteuses pour son amour-proprc, paraissaieót
cependant le gener; iI dit une [ois : (( Si j'avais su que les loges fussenl
ainsi déeouverles, je ne serais pas venu. )) Ayant eu le désil' de voir
un opéra-eomique qui attirait alors la foule, ct dans Jequel jouaient
madame Saint-Áubin et Elleviou, il en fit demander la l'eprésentation ,


l ___ _
1\




I (jI; IIISTUII\E
SOUS celte ll1ot!cste forlllule : « Si cela dait possiblc; " el le dircclrlll'
rópolltlit adl'Oitrment (¡tl'il n'y anlit rien d'impossihll~ pOUl' le nÜ11-
qm'lIl' dltalie, tlui, (\epuis ¡oll¡ÜelllpS, arait fait rnyer ('(' mol t1u rli('-
tionnail'(',


Malgró 1\'mpl't'sseIllPllt müversel dont il était j'ohjd, i\ apoléoll, sans
se laissrl' enivrrl' pal' I'cort'lIs qu 'OB lui prodigllait, f'l jllgrllnt S11 posi-
tion an'c ralme el sang-fl'Oid, rraignit 'lu'lIne trop longul' inadion ne nI
perdl'{' 1(' sOllrcnÍl' de SPS an('i('n~ SPI'vic('s el n 'atliódlL l'e:>o.altalioll dr s('s
admirnleurs, " On lit' eon~('I'n' iI Paris le souH'nÍl' de I'i('l} , disail-il. Si jr
]'('sll' )ong!Plllps sans rjell fnil'(' .. ic suis lWl'du, t:I1C n'1I011l111t'C dans cctlr




D E ~ A l' () LI~ ü N , ~ 07
grande llabylone enl'empJ¡l('(~ une antre; 011 ne m'aura pas vu II'0is fois
HU spcclacle tlU'oll ne me regardel'a plus: aussi n'iJ'ili-jt~ que ¡'aremellt. ¡¡
(lllis ill'épétait le mol de Cl'oIHwel, quand on lui raisait l'emHl'quel' COIll-
hit'll Sll pl'l'sencl' ('xcitait l'enlhousiasme : " Rah! le peuple se porlel'ait
aH'1' autant d'empl'esscment au dcvant de moi, si j'allais a l'écharaud, "
1I refusa Hile l'epl'ésculalion d'appal'llt que lui oiTl'ill'Ullministl'lltion de
I'Ope¡'a; iln'allait plus all speetacle qu'cn loge grillée,


11 y ellt) des edte époque, des complots eontre sa persol]nc, Unc
fell1111e le lit prévenit' qu'on voulait l'empoisonner : on m'reta l'individll
qlli vint lui dOnlle)' cct avis, et on le condllisit, aeeompagné du jllge de
pa1x dc ¡'31Tondissement, chez la femme d'oú l'avel'tissement était parti.
On lrouva ectte malheurellsc hnignée dan s son snng; les assnssins , in-
stnJÍls qu' elle a nlÍt entelldu el déllo!lcé leurs infames pl'ojets, tenterem
de Sl' déhaJ'I'us~(,1' de son témoignng(' par un nOUH'au (:l'inll'.


¡:;('nrle dll Dil'l'('[oil't', BOllapnr!(' voulllt se fall'(' mlllldlr(' dans I'JIl~ti-




"lOS 1I1S 1 O 1 II E
• 1111, (l"oiqu'jllui [alhll tout autre cho:sequc des occupalions scielltifiques
ov des passe-lemps littérail'cs. II fut resu en remplacemenl de Camot,
'lue le ,18 fructidor avait attcint, el lit padie de la c!asse des sciences el
des arls. La IeUre qu'il éCl'ivit au pl'ésü.lent Camus est tl'Op remal'qua-
ble pOUI' que nous ne la donnions pas ¡ei en enlie/'.


({ Citoyen pl'ésidellt,
J. Le suFft'age des hommes distingllés qui composenl l'luslilul m'lto-


Llore.
,. .le S('JlS hien qu "mant d'etre lem' égal je senlÍ lou¡;tcmps leUl' éco-


liel'.
). S'il était ulle malliere plus expressive de leul' faire conllait/'e l'estime


que {ai pOUl' vous, je m"en servirais.
1) Les vraies conque tes , les seules qui ne donnent aucun regl'et, sont


ceHes que ron fait sur !'ignorance,
)J L'occupalion la plus honorable commc la plus utile pour les nalioIls


e'est de contribller 11 l'extension des idées hUHwines.
» La vraie puissance de la république frangaise doit consister désor-


mnis a ne pas permettre qu'il existe une sCllle idée nouvelle qui ne lui
appat'tielllle"


" BO:'iAl'AIlTE. JI


Ce langage était admirable daus la boucllC d'un hommc qui était par-
venu an SOll1ll1et de la gloire par des travaux puremcnt militait'es. Mais
Napoléon ('tait jaloux de montrer qu'il n'élait pas aveuglé par la fol'tune
el pur' l' engouement du métier. Pour anivel' al 'élévation que son génie
ambitieux: avait apel'~ue, el vC\'s laquelle iJ pOl'tait sa pensée avec al'deul'
el pCJ'sé\él'ance, il avait besoin de laisser voil' en lui plus qu'un gnmd
eapitaine infatué de ses succes, el disposé a n'appl'éeieJ' que l'al't de la
gUCl'l'e, la seiellce et le eourage des camps. lIluí impol'lait que la grande
natioll, celle reine du monde sur laquelle il voulait régner lui-meme •
s 'aecoutumut"1"I le regal'der cOl11me le plus capable, non-seulement de la
défendl'e par les armes, mais allssi de protéger le développement de ses
richesses intelleeluelles el l'exercice du patronage universcl qu'ellc exel'-
o:;ait autant par ba supériorité mo('¡)]e que par sa prépondérance Illi-
litaire.


:\[ais le moment était-il YeIlU (h~ faÍl'e édaler lE'S Iw(>tenliolls secl'etE's
qu'il nOllrrissait dE'pllis la eampngne d'1talir? :\"apol(\on ne le pensa
pas, et des lors il dut songel' il surtir au plus \Íle de l'oisiveté qui




-"- --------------- -"--------------------


DE NAPOLÉON.
J'isquait de compromettre , sinon de dévorer rapidemcnt, sa vaste re-
nomll1ée.


Le départ pour l'Égypte fut done résolu. Le Directoíre s'y preta, paree
que sa prévoyanee peu lointaine, et qui n'embrassait que les dangers du
Iendemain, lui faisait désirer l'éloignement de )'iIlustre guerrier, sans
réfleehÍl' que de nouveaux triomphes ne feraient qu'éblouir de plus en
plus la natíon, el qu' aeeroitre, par eonsequent, la popuIarité qu'il redou-
lait. Bonaparte, qui avait eonc;u le plan, en prépara seull'exeeution , et
se ehargea d'organiser toute l'armée expéditionnaire, Ce fut lui aussi qui
forma et ehoisit les diverses eommíssions de savants et d'artístes qui de-
vaíent suivre nos tI'oupes pour faire servir les sueees de nos armes aux
progres de la civilisatioll, Quand on luí demanda s'il resterait longtemps
en Égypte, iI répondit: « Peu de lllois, ou six ans; tout dépend des évé-
nements. ») 1I ell1porta avec lui une bibliotheque de camp, composee de
volumes in-~ 8, en livres de seiences et uds, géographie et voyages,
hisloil'e, poésie, romans et politique, On trouva dans son catologuc:
Plutarquc, PoIy be, Thucydide, Tite-Uve, Tacite, Raynal, VoItaire,
Frédérie 11, IIolll¡'we, Le Tasse, Ossian, Virgíle, Fénelon, La Fontaine,
Rousseau, l\1arll1ontel, Le Sage, Goethe, le Vieux-Testament, le Nou-
veau, le Coran, le Védam, I'Esprit des Loís, la l\1ythologie,


A la veille de quitter París, un démelé de Bernadotte avee le cabinet
autrichíen, uu sujetdu drapeau tl'Íeolore quel'ambassadeurfranl.:uis avait
al'boré SUl' son hOtel, et qui avait été insulté par la populace de Vienne ,
faillit relenir Bonaparte en Europe. Le Direetoíre voulait obtenir ven-
geanee de cet outrage au prix d'une nouvelle guerre, que le vainqueur
de l'ltalie aurait eonduite, l\1ais eelui-ei, dont eette nouveIle dil'eetion dé-
l'uugeaít les vues, fit remal'quer ayee raison " que e'était a la politique
ti gouvernel' les inciclents , et non pas aux ineidents 11 gouverner ]a poli-
tique, » Le Direc!oü'e dut eédeI' a une observation allssi frappante de
justesse, et Napo]éon s'aehemina vel'S Toulon.


Arrivé, le 8 Illai H99, dans eette vilIe qui futle bereeau de sa renom·
mée et de sa gloil'e , Ronaparte apprit que la législation dl'aeonienne que
l'émigl'ation avait provoquée eontre elle, et que le ~ 8 frllctidor avait re-
mise en vigueur, répalldait encore le deuíl dans la neurieme divisÍon mi-
litaire. N'ayant point el' ordres a elonner, eoml11e générnl, dans un pnys
quí n'était pas SOllS son commandcment, il éel'ivit , eomme membre de
l' 1 nstitut national, aux eommíssions militaÍres du Midi, pon\' les exhorter




HU HISTOIRE


il prendl'e conseil de la clemence et de l'humanité dans leurs arl'éts,
« J 'ai appris avec la plus grande doulcu\', leur dit-il , que dcs vieilllmb
ages de soixante-dix a quatre-vingts ans, de miser'ables femmes encein-
tes ou environnees d'enfants en bas age, avaient ete fusillés eommc pre-
venus d'émigralion.


1) Les soldats de la liberté seraient - ils donc devcnus des bOllr-
reaux!


1) La pitié qu'ils ont portee jusqu'au milieu des combats serait-elle
donc morte dans leurs ca?urs?


Il La loi du ~ 9 fmetidor a été une mcsure de salut publico Son in-
tenlion a ete d'atteindl'e les conspil'ateurs, et non de miserables femmes
el des vieillards caducs.


» Je vous exhorte donc, citoyens, toutes les fois que la loi presenlera
a vOÍl'e tribunal des vieiJIards de plus de soixallte ans , ou des femmes,
de déclarer qu'an milieu des combats vous avcz respecté les vieillanls
et les femmes de vos ennemis.


» Le militaire qui signe une sentence eonÍl'e une personne incapable
de porter les armes est un lUche, 1)


eette généreuse demarehe sau va la vie il un vieil emigré que la com-
mission toulonnaise allait envoyer a la mort. 11 est beau de voir ainsi
un soldat, habitué a faire eouler le sung humain sur les ehamps dc ba-
taille, reeommander a des soldats de respecter ce sang dans la faiblcsse
inoffensive de la vieillesse et de la femme; il est beau de le voir ) lui) le
premier des guerriers, rappeler les gens de guerre a l'humanité, et s'ap-
puye!', dans ses exhol'tatioJls philanthl'opiques, non SUJ' son pouvoir on
sa célébl'ité militaire, mais sur les titres que sa capacité rationnelle, que
ses talents, ses connaissances el ses tl'avaux pacifiques lui ont fait obte-
nir. Il Y a dans cette leUre de Bonaparte, membre de )'Tnstitut, aux
commissioJlS mililaÍl'es du l\1idi, un sentiment hipn profolld de la subor-
dinatioIl necessaire du glaive 11 la pensée, dans la grande ceuvrc du pl'O-
gres social.


Lorsque tout fut pl'ét pOUJ' l'embal'quement, el que le départ pm'ut
pl'ochain, Napoléon adressu 11 son al'mée la hat'angue suivantc :


" Ofticiers el Soldats,
)) 11 Y a deux ans que je vins vous c011unande1': iI ecUe epoque, YOlIS


étiez dans la ri"icee de Genes, cluns la plus grande misl're) manqnant de
tout, ayant suel'ifié jllsqu'il vos montrrs pou!' votre subsistance récipl'o-




DE .\APOLÉON. III
que; je vous promis de faire cesser vos miseres; je vous conduisis en
Italie; la, tout vous fut aecordé ... 1\e vous ai-jc pas tenu parole'? »


Les soldats répondü'ent pm' le cl'i général : « Oui! ))


l\apoléon l'epril :
« Et bien! apprenez que \OllS n'avez point encore assez fait pom' la


patrie, et que la patrie n'a point encorc fait assez pour vous,
" .Te vais actuellement vous mener dans un pays O", par vos exploits


futurs, vous sUl'passerez ceux qui étonnent aujourd'hui vos admil'ateurs,
et l'endl'ez a la patrie des services qu'ellc a droit d'attendl'(' d'une ar-
méc d'invincibles.




H2


~~ --~-----------~------ -~----~-~--I


IIISTOIRE


J) Je promets a ehaque soldat qu'au retour de eette expédition il aura
de quoí acheter six arpents de terreo


» Vous allez eourir de nouveaux dangers, vous les plll'tagerez a ver
vos freres les marins. CeHe arme, jusqu'iei, ne s'est pas rendue redou-
table a nos ennemís; leurs exploits n'ont point égalé les votrcs ; les oe-
casions leur ont manqué; mais le courage des marins est égal au vótre :
leur volonté est eelle de triompher; lis y parviendront avec vous.


» Communiquez-Ieur cet espoir invincible qui partout vous rendit
vietorieux; seeondez leurs efforts; vivez a bord avee eeUe intelligence
qui caractéI'Íse des hommes purement animés et voués au bien de la
meme cause; ils ont, eomme vous, aequis des droits a la reconnaissance
nationale, dans l'art difficile de la marine.


)) Habituez-vous aux manceuvres du bord; devenez la terreur de vos
ennemis de terre et de mer; imitez en cela les soldats romains, qui su-
rent a la fois battre Carthage en plaine et les Carthaginois sur lellrs
fIoUes. »


Les cris de « Vive la république! » furent la téponse dI' I'armée.


I
I


J""'phl"" a,,11 accomp"~n~,O" m,,'1 " TOUIO",Bon,p",1~"lmalt I
___ ~_~ _______ ~~ ___ ~ __ ~~ _________________ ~ __ ~ _______ ~ __ ~~~_t




DE .\.\POLEo.\. f 1:;


l1H'C passion. J ,rl1l'S l1diel1X Curent des plus louchanls. IJs pOllyairnt cl'ain-
dre flue leul' sépal'l1tion !le fút étcl'llellr 1 rn songel1nt ml\ has[l\'(ls flul' 11'
¡rrnPI'al 111l11it conrir. L 'psradre mit ~ 111 yoik II'I!) 1l111i.


I :i




,


e 11\ l' 1 T 11 E \ 11.


:.; sortanl de '['olllon 1 [esentlre se diL"igca \cr~
Malte. 1:n soir que ron Yot-;lwil sur la mC'l'
de Sicile 1 le secrétaire rlll gt~nt'r¡]l en chel
~c;el'Ut apereevoir, par un heflu soleil eOllehanl,
>,::->--c~~~~.,:c,;~",~~"<=-la cime des Alpes. 11 fit part de sn MCO\1Yel'tp


a Bonaparlc, qui ne répondit que par un gC'ste (\'incrédnlíté. :Uais
l'amiral Brueyx, ayant pris sn lorgneUe, Melara que BoulTicnne avait
tres-bíen VU. AIOl's Bonapal'le de s'écrier: « Les Alpes~ \) Et npri,s 1II1
moment de profonde méditation et de reverie, il ajouta : « l\on, jf'
ne puis vOÍl' sans émotion la terre de I'Ilnlie! V oilil rOl'Íent; j'y vais.
Une entreprise périlleuse m'appelle. Ces monts dominent les plnines oú


,---------




115


fui eu le ]¡oulwul' de ronduit'e tunt de foís les Fl'aLH;ais it la vidoil'l'.
A n~e ellX , nous vuincl'ol1s cneOl'p. )¡


Pendant la trmersée il se plaisaiL hcaucoup ú comel'Sel' avce les sa-
\ anls elles génól't1nx quí l'aeeollipugnaient, parlant a chaclIn de I'objct
de sef' goúts el de ses étndes. Awc l\Ionge et Bel'lhollet, qn'il appelait
souvent aupres de lui, il s'entrelenail des sciences exactes et meme de
métaphysil{ue Oll d(~ politiqueo Le génél'al Cafal'elli Dufalga, qlúl esti-
mait el affectiollllait d\me maniere particuliere, lui proellrait aussi de
joul'ualie¡'es distractioIls par la Yivacité de son esprit et le chul'me de sa
COIlH'l'sution. Apl'es le dine1', il aimait ú pose1' des questiolls difficill'i> :;111'


les plus gl'a,p,-; Illatiel'l's, el ill<ltwe1' les uus eoutre les aull'l's des inlcrlo-
euteul'S qu'il dósiguait, soil pour appl'endre U les j uge1', soit pour s 'in-
st1'uire lui-mtlllle, et e'était toujon1's IlU plus habile, 11 cclui qui soute-
tlllit le plus iugéniellscment le parndoxal et l'absurde, qu'il donnait la
préfél'Pllcc. Ces discussiolls n'avaient done pOLU' lui qu\mc valelll'
(rexerciee ratiouncl ou de gymnaslilllJe intelh~duC'lJc. 11 ailllait Hussi il
mel.lrc t'll jell le double prolMnw de LIge rlll 1ll00Hle el de su deslnw-
tion pl'Obabll'. Son imagillation el sn PCJ1S(:'P ne se h'oU\aienl il I'nise que
SlIl' de lal'ges 011 de sublimes dOnllÓl'~.




IIG H1STOJIU~


Apres ulle nayigalion Ll'Uuquille de vingt jours ) 1 \JseadJ'(~ fl'all~:aise pa-
l'ut, lelO juin) demnt lUalte, quí se laíssa ocellper sans résistance; ce
qni fít dil'e par Cafarelli ti Bonaparle, apl'eS la visite des furtifieations :
« 3Ia foí , mon génél'al , nous S0l11ll1eS bíen heureux qu'il y ait eu quel-
qlúm dans la ville pOUl' 110US en onuir les portes, )) ]X apoléoll a pourlanl
nié ti Sainte-Hélene qu'jJ eút élé l'cdevable de eelle conquete ti des il1-
telligcnees parlieuli¿'¡'es. (¡ C'est dans IHantone, 11- t - il dit, que je pris
3Ialte; e'est le gél1lTeux trailcmcnt employé sur WUl'lllSer (lui me valut
la soull1ission du gnllld-mailre et des ehe\aliers. » 1\'1. de llourrienne af-
linDe an contl'aire que lrs chevaliers furcnt lirrés,


Quoi qu'il en soíl) llonapurlc ne s 'ul'relu (Iue peu de jours tI Malte. La
lIotle eingla \e1'S Candir, quí fut rt:ronnue ll' 2:) juin, et ce fut ce détour
((uí trompa Nelson, ct ([U! l'empecha de rencolltrer l'cxpédilion frangaisc
do\ant Alexandr'ie, COI1lIlle il Ll\ait calculé, Ce fut LI'cs-hom'l'ux pom'
I'ul'lllée fl'ansaisc, cal' Bl'ueyx déclal'ait qu'arec dix raisseallx selllemenl
¡'amil'al anglais aurait pour luí toules les ehanees dc sucet·s, « Diell
vcuille, disait-il soU\'ent arce un profoml sOllpir, que IlOUS passioIls salls
['encontrer les Anglais! J)


Anmt de toneher la cute africaine) Bonaparle nmlut s'adl'csser une
ruis ellCOI'e iI ses soldats, pour l'échautTcl' leur cllthousiasllJc par la pCl'-
spective d'une pl'ochaine et vaste eonquete , el pOlll' les pl'émuHír' COH-
tre les daugel's du déequragement et de rilldisciplillC, Yoiei la fumeuse
[ll'Oclall1ation qu'il leur fit en eette cil'eonstance :


« BO~APARTE, MEMBlIE DE L'li'lSTl'fUT :'\ATlO:'\AL, GÉNÉlUL E:'\ CHEF.
~ A !lord du 1. .. 0lUENT, le .4 mrssillol' aH ,'J.


) Soldats)
1) VOUS aIlez entl'l'prcndl'l' une eonquete dont les effels SllI' la eivilisa-


lion elle COlllmercc do monde sonl ineakulables, Vous podel'o/': ti J'An-
gleterre le eoup le plus SÚl' el le plus sl'l1siblc, en attcllllant (Iue vous
puissiez lui dOllllcl'le eoup de mort.


J) Nons ferons quelques marches fatigantes; nous livrerons plusicurs
eomhats; nons l'éussit'ons dans tontes uos entt'cpl'isf's; lcs dcstills sont
pour IlOllS, Les beys mamelucl,s, fluí fa\Ol'isl'll1 eXelllSiH'lllcnt le COIll-
lllCl'CC auglnis, ([ui out COUH'l't d'avanirs úos négociants, l'l !lui t) fLlIlIJi-
sent les malheurcllx lltlhilnlll!' du l\il, qUl'I(l1lí's ,jOIll's apn's lIotl'f' arTin~p
n 'pxisteront plus.




DE \\P()LI~U\. 117
¡¡ Les lWuP!PS ayee lesquds JlOUS alloJls YÍvre sout mahométaus : leul'


premier arlicle de roi est celui-ei: « 11 n'y a pas d'autre Dieu que Dieu,
et 1\Iahomel est son prophete, )) Ne les contredisez pas; agissez avee eux
comllle nous lI\'ons agi avec les juifs ) a\ ec les Italiens; ayez des égards
pOllr leul's muphlis, pon!' leurs imans, cOll1me vous en avez en pOlll'
les rabbins el les évcques; ayez pom' les cérémonies que prescrit l'AI-
coran, pour les mosquées, la me me lolél'ance que vous avez eue pOIll'
les cOUYCJlls, pOIll' les synagoglles, pour la religion de l\Iolse et de
Jésus-Chl'ist.


» Les légions romaines pl'otégeaienl toutes les religions, Vous tl'OUW-
rez ici des usages différents de cenx dc l'Eul'Ope : il faut vous y aceoll-
tumer,


» Les peuples chez lesqueIs nons allons entrel' traitent les feulllles
différemment que nous; mais, dan s tous lrs pays, celni qui viole t'st
un 1ll01lstre,


)) Le pillage n'eul'iehit ({U'UlI petit nombre d'hommes, iluous désllO-
llOre, il détl'uit nos ressources , il nous rend euuemis des peuplcs qu'il
est de Iloll'e intéret d'avoir pom' amis,


» La premie re Yille que IlOUS allons l'enconh'(>1' a été batíe par Alexan-
tire; nous h'ouvel'ons ti chaque pas de grauds souvenil's dignes d'excitel'
I'!"lllulatiou des Fran~ais, »


A la suite de eette pl'OcJamation) llonapal'le ¡Jublia un o['(ll'e du jOlll'
t.¡uí pOI'lait peine de ll10rt contl'e tout individu d¿ l'al'1l1ée qui pillerait ,
Yio\el'ait, Illeltl'ait des contl'ibutions, 011 COJl1ll1eUl'ait des extorsious qud-
COl1qU(l5'. 11 rendait les corps responsables des exces de ceux de Ieul's
lIlembl'es que la camaraderie mililail'c aurait youlu soustl'aire a l'appli-
ealion de cctle redolltablc p¡'~nali!é, Les chers étaient allssi soumis i1 ulle
responsabilité f1ui devait activcr leul' suneillanee el slillluler leur 5én',-
rilé.


Toute ecHe rigi(lité prudrntt~ était el 'ailleul's imitée des Romains) que
Bonapal'le I'appelle si jU5tcmenl daus sa pl'odmnaLion, lUais ee fln,il y a
de \I'ainH'nt nOLlvcan clan s eeUe picee remarquable, comme dalls la plu-
1)t1l'! de eclles que l'cxpédition d'Égyple inspira au grand homme qui la
díl'igcaít, c\'sl le spcctade d'un eouquél'mll qlli, toufes les fois ¡¡n'il a
hesoin d(~ I'aire ent(~ndl'e ¡me pal'ole solenndle ti ses soldats ou aux pl'U-
pies donl. il rmalli! le ICl'l'iloirc, ne \a point, sur les tl'aces de t;e:5 dc-
nmeil'l's, l'crhcl'('hcr dnns des litres pompru\ Oll lf'ITibles J'npplli de la




;M'l


11 S 1lISTOII\E


supel';ilition, de la vauité ou de la !le u!' , wais q lIi affeete al! eoutl'ait'e de
cOHsidérer comllle son premie!' tih'e OH respect et ti la contlallee des nu-
[ious sa qualité de membre cl'une institution académillue, dont l'alltol'it(·
lIe repose que ~Ul' l'i1lJ1uence paci[j(IUe de la pensée el (le lu l'uiSOll hll-
maine, Alexaudre s'était anno!leé, l~n Itgypte meme) eOl11lllC lils rlp ,Il!-
piter; César avuit YOUlll descendre aussi des dieux ]lUl' Ascagllc; i\lahlJ-
met s'était présenté en prophet(), tout en ngiss:mt, dans l'exe['('ice cI('
son apostolat, comme un soldat farouche, et en donnunt all plus !'('dol!-
tallle de ses lielltenants le SUI'l10111 de l'Í~pée de Dieu. Attila se fit appd('I'
le fléall de Dieu; et la diyinité elle-me me , dalls le moyen áge chrélil'JI.
eOllllllt' dans ranlicpüté pa'ienne, I'e~ut pOUl' pl'incipal attl'ibul, de la parl
des théologiens et des poetes, le dépot dc la foucl!'r , 1(: commandemellt
des al'llH~rS et la direetion des batailIes, BOllHparte cOlnprCllait tm)) !JipI!
le siede dont il etait la plus brillante e'-pl'ession, el sur Jequel il (hmlÍt
eXCl'CL'l' I"ollluipotencc du gi'uic, pomo S'culOlll'el' d'aulres presligl's que
tle eellx que de grands talents l't de gl'allds SIlC(,(~S pruYeut Pllfanh'l'; el
l'Olllllle s'il cUt voulu tÓllloignel' d'ulle 1IlIllli¿'l'l~("c1atallll' el pal' son pl'O-
[lec exemple que le progl'¿~s social, anlloIlce par les philosopltl'S ct ac-
l'lleilli par Jes peuples, cOllsistail dans la sub()l'(lination pmgl'eSSiH~ dll
glaive 1\ la puissanee ciYilisatl'ice des al'ls, (Iu connneree el ell' la scil'ucl',
il place, lui , le premier des gllel'riers, chez la natioll la plus lJelliqueuse
de la telTe , sa quulilé de général en chef <1pr('s ceHe de simple acmlé-
micicn; iI nwt en tete de ses leUres ofllcielles el de ses pl'OcIalllaliolls :
Bouapal'le , MEMIlUE llE L'Il\STlTUT l\ATIO~AL.


La fIoUe arriva le ,1 cr juillet deyant Alexaudl'ie, l\"clson y ólaiL dL'u\
jours aupal'anmt, et, sUl'Jwis de n 'y pas rencontl'el' re\p!~elition fl'an-
¡;aise, il supposa fin 'elle avait gagne les c¡'¡tes de Syl'ic, pOlll' dl'hLll'(llIel'
a Ale\andrelte. Bonaparte, illslruit de son apparition, ('1, lm\\oyant SOIl
pl'ochain retoul', J'ésolllt d'erreclller immédiatelllcut le Mhal'<[ul'lIlcUl
de son al'lllée. L 'amiral Brlleyx y trouyait des inconv('ni(:nts d s'y op
posait de tontcs ses forces. Bonapal'te insista, et lit valoil' SOIl eOllllllUll-
dell1ent supreme. (( Amiral, dit-il ti Brul'yx, (lui demandailllll rdanl di'
douze hellrrs seulemenl, IlOUS n 'oyons pas de temps ti pl)rdl'e; la For-
tUlle Ilr me dOllllC que trois jOUl'S; si jc n'en prolitp pas, 1101lS SOlllllH'S
pCl'llus. l)


L'amil'al dllt d'de", heUl'ellsenH'nt pOlll' SOl! eseadl'c; cal' SdSOIl, 11\'
rayant pas trou"pl' dans If'S pal'ngcs Ol! il I'mait chc'l'cI\('·('. !\(' tarda p(l~




i


[) E ¡\ ,\ PO L É 0\. I I (~
il rrrenil' \r1'5 A /(ox[llld I'i!'. l\T [lis c'ét[lit tl'Op I[lnl ; la ll'nacité et la promp-
titudr (1(' BOllaparte avaielll sanve l'armée franl{aise, qni élait alor5
rntil>r('nwllt ¡I tenr.


1 A' Mharquemrnt eut líeu (l:llls la nuit du ~ el' an 2 juillct. ilunr hcurc


du matin, au i\larabout, il trois lieues d'Alexandrie. On mal'cha allssi-
tot sur eette ville, dont les 1'empal'ts furent escaladés. KIéLc1', qui eom-
manda l'altaque, fut blesse a la tete. Cette conquete ne emita du restp
que pf~U d 'effo1'ts , et ne fut suivie d'aucun cxces : il n'y eut ni pillage .
ni meu1't1'e dans Alexand1'ic.


Au momcnt de mettre pied aterre, Bonapal'te éc1'ivit la Icttl'e sui-
vante an paeha d'Égypte :


" Le Dirrdoire exécutif de la republique frangaise s'est adl'essé plu-


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!:!() HISTOIHE


sieurs fois iI la Sublime- Porte ponr demnndel' In chtJtiment drs beys
d'Égypte qui accablaient d'avanies les eOIDmer<¡Unts frun~ais.


JJ Mnis la Sublime-Porte a dedare que les beys, gens eapI'ieienx et
avides, n 'écoutaient pas lps prindpes de In justice, et que non-s('ule-
ment elle n'autorisail pas les insultes qu'ils faisaienl u ses I!ons el an-
ciens amis les Fran9nis, mais que meme elle leur tJtait sa protection.


» La republiqne fran~aise s 'es! decidée u envoyer une puissante m'-
mee pon1' mett1'e fin anx brigandages des beys d 'Égypte, ainsi qn'elle n
dé obligee de le faÍl'e plusicul's [ois dan s ce sii~ele eonh'e les hcys de Tu-
nís et d' AIger.


)) 'foi, qui devrais étre le malt1'e des beys, et que ecpendnut ils tien-
nent au Caire san s autol'ite et sans pOllvoir , tu dois voil' mon nrrivee
l1yrC plnisir.


JJ Tu es sans doule déju illstruit que je ne viens point 110m ríen fnir('
eontr'c le Kornll ni le sultnn; tu snis que la nation fl'an9aise pst la seule
et unique alliee qu'ait en Europe le sultan


JJ Viens donc a ma rrncontre, rt mandis avec moi In rncc impie des
beys, ))


En entrant dalls Alexandrie, il s"empressa de publier une proclamn-
tion aux habitants; elle était ainsi con~ue ;


" BO~APARTE, ME~mRE DE L'INSTITUT NATION.U" GI~NÉRAL EN CHEF
DE L'ARl\lÉE FRAN<;:HSE.


» Depuis assez longtemps les bcys quí gouvernent l'Égypte insultent a
la nation frangaise, et couvrent ses négociants d'avanips; rhenrr fI\I
chatiment est arrivec.


J) Depuis longtemps cps ramassis d'escIaves, llchetés dnns le Cnllcnsp
et la Géol'gie, tyrannisenl la plus bdle partie dn monde; IIwis Dieu , 111'
f1ni clépend tout, a OI'donne que lpul' pmpil'r ¡¡nit.


1) Pcuples de ntgypte, 011 (lira que je Yims pOllr détnlÍl'c yolre l'rlí-
gion ; ne le croyez pus! Repondez q\le je viens vous restituel' vos dl'Oils,
punir les usurpateurs , et que je respecte plus que les mamelucks Dien ,
son prophete et le Ko1'nll. Dites-Ieul' que tOIlS l\:'s homnws sont (;gaux
devant Dieu; la sagesSe , les lalcnts el les ycrtus mettent sculs de la dif-
fe1'ence entre eux. 01', queHe sagesse , quels tulents, qnrlles yrrtus dis-
tinguent les mamclueks, ponr qu'ils ail'nt ex('lusin>IIH'nt tout "e (I"í
rend la vie nimable et !lolJ('e?


I __ ~ ___ ---------~---------------~--




DE NAI'OLÉON. t 21


11 Si ]' Égypte est ICl\l' ferme , q lI'ils montren t le buil q lIe Diell lelll' en
11 raiL ;Unis Diell est juste et misél'j¡'ol'diellX ponr le pellple,


" TOlls les Égyptíens sel'ollt uppdés ti. gél'cl' tontes les places; les plus
sages, les plus instl'uils, les plus vel'lueux , gomernel'ont, elle peuple
sera heu ['CUX,


11 11 Y avait jadis pal'mi vous de grandes viHes, de grauds canaux, un
grand cOlluncrce ; qui a tout détl'lrit, si ce n'est Pavar'ice, les injllstices
et la tyr'annie des mameJncks?


1) Cadis, cheiks, imans, schodwdgis, dites un pcuple (Iue I10US som-
mes amis des vrais lllllsulmuns. N'est-ce pas nous qui avolIs détruit le
pape, qui disait <Ju'il fallait ['aire la gllerre allx tnllsulmans? N'est-ce
pas llOllS qni avous détruilles chevalíers de .\lalte, paree qne ces in-
sensés cl'Oyaient que Dieu voulait qu'ils tissent la guel'J'e aux musul-
Illans? N'est-ce pas uous qui ayons dé daus tons les siedcs les amis du
gl'and-seignetll' (que Dieu aecolllplisse ses désil's ! ) et l'ennemi de ses
ennemis? Les mamelucks, au contl'aire, ne se sont-ils !las I'évoltés cou-
Ir'e I'alltol'it<" du gl'and-seigneul', flU'ils mécollllaissent ellcore? ils ne
sui\ent que Icul's caprices.


1) T¡'ois fois heureux ceux (lui sel'olll au'e nOlls! ils prospél'el'ont
dans leUl' fortune el !cUl' rang, Heureux cellx qui seront llellh'es! ils au-
rOllt le lemps d'apprendre a uous connaitrc, et ils se l'angel'ont avec
nOlls. ~lais malheUI', tl'ois [oís malheul' a ceux qui s'al'mel'ont pOUl' les
mamelueks et combattl'Ont contr'(' nOlls! 11 n 'y aura pas d'espél'ance
pour enx : ils péril'ont. 1)


Bonapal'te, apres avoir confié a Klébel' le commandel1lcnt d' Alexan-
Mie) quitta ceUe place le 7 juillet, {Jl'enant la route dc Damanhoul' " 11
tl'aVtWS le désert, oú la faim, la soif et une cbalem' aecablante firentépl'Oll-
\'(~r a l'ar'mée dessouffmnces inOllles allxqueIles beaucollp de solclats suc-
comból'ent. On tl'ouva lJuellJlIes soulagements a DmnanhoUl', oú BOIla-
parlc (\tablit son fjual'tiel'-g('nél'al c!tez le clreick, vieilJunl qui afrectait la
pauvreté, pOlll' se mettre u couwrt des exactions que les appal'ences de
la I'iclwsse lui aUl'aient altir('es, JI continua ti. mUl'dlCI' SUl' le Caire, el,
en quatl'e jOlIl'S, il eut baHlI les malllclucks U Ramanieh , et tlétl'uit la
fioUille ella cavalel'ie des heys iJ ChébrPisse. Dans ce del'llier combat, le
géntwal PIl c!trl' avait adopté I'ol'dl'e de bataille en can'és contl'c lesquels
la cayalel'ie elllwlllie viut se brisel', malgl'é l'autlace de son aUaque et
I'impétuosil{' de son cOlII'agl'. Au COllllllellCement de ceUe affaire, OlJ le


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122 HISTOIRE


chef de divísion Pér'ée, attaqué par lInfl fOl'ce supél'iflllre, change3 \lne


positioll pél'illeuse en UII succes édatant, les savants l\fong(' f't Rer-
I ____ -_--~~~------


____________ J .
_1




DE i\APOLÉÜi'.
Iholol I'elldirent des sc¡'\ict's csscntiels en combuttunt en persolluo l'el1-
1I01ll i.


Ces divel's avantages, remportés sur les Arabes, lIe fUl'ent que le pré-
lude d '1111 tl'Íomphe plus complet, qui ouvrit les portes du Cuire a 1"al'-
mée franguise, Vel's la /ln de juillel, dIe se trouva en présence de 1\10u-
rud-Bey, el uu pied des pynll1lÍdes. e' est la que Bonapurte, inspiré a la
vlIe de ces mlti(IucS et gigantesques monuments, s'écria, au moment de
livrer la bataille : !I Solduts, vous alJez eombattl'e les dominatem's de
l' Égypte ; songcz que du haut de ces monuments qUtIl'ante siécles vous
contemplent! J)


QUaI>unte sj(~cles contemplaient en effet les Frall~uis du haut des py-
l'all1ides! qllurunte siécles, dont le premier avait vu jeler les fondemenls
de ces immcnsps lombes royales pUl' les ll1ains serviles dcs eastes égyp-
tiennes, et dont le derniel' voyait conquéril', an pI'ofit de la eivilisation,




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I


12\ HISTOIl\E


ces monuments de la sel'Vitude alltique, pal' les mains libres des eitoyens
francais! La eOllrte harangue de l\'apoléon indiquait toule la dislaIlee qui


sepal'tüt les fondaleUl's des conquérants; les \lBS, tyrans ou esclan's par
la naissance; les aUÍL'cs, tous libres et égaux, chcfs on soldats, selon leur
mérite. Des Pharaons, maItrcs absolus et oppresseurs de tribus hérédi-
tairement soumiscs aux travaux les plus dlll's el a l'existence la plus ab-
jede, a\l gén6ral qlli ,ient di!'c aux .F:gyptiens que « tOIlS les homIlles
sont égaux devaot Dieu, ) et quí IcUl' annOBce le regne exdusif des talents
et des ve!'tus, II Y a lIne chaioc non illterl'Omplle de progres lents el pé-


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I-~-~~


I
I




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[) E \:\ I'OL ÉO\. 12:>
nibles, donl le prcmic!' anncall louche tl la p¡'cmicl'c piel'rc des pyra-
Illides, posee pat' la tllis(lI'e hél'éditai1'e, et le dernier a la procIamation
du guenier qui ue reeonnait qn'a la sagesse et a la eapacité le d1'oit de
('ommaudcr allx I}ommes , etllui se lIlontrc plus jalmlX el plus fiel' de
la prépondérance de ses lumióres que de la pllissanee de son épée. En
disant aux soldats dc la republi<¡ue que quarante si&cles les eontemplent,
alo1's qu'ils out en face el qu'ils ,"ont eombath'e les tribus qui out re-
cueilli les débris de l'esclavage autiqlle, Bonaparíe excite vivemeut l'al'-
deUl' de ses tmupes 11 consener el a étendre les ])ienfaits d 'une civilisation
qui a conté a l'humanité quatre mille ans d'efforts et de sacrifices. Du
reste, ces témoins imposants et mystérieux ne furen! pas attestes eu vaiu:
l'arméc fl'an<;aise répondit par une yictoire compli:~te a l'invocation élo-
quente ele son géneral.


La balaille a regu le uom d'l~mbabeh , elu ,illuge pres duquel elle se
donna. Les lUamelucks y furent éCI'asés apres un eombat opiniatre , qui
dlll'a dix-ncllf heure8. Yoici le r¡"cit de ceUe luUe acharnee el tenible ,
tel que le vainquelll' se chargea de I'écrire lui-meme.


B.\TAILLE DES PYRAl\IlI.lES.


« Le 5, a la poinle du jOllt', nous rencontrames les avant-gardes, que
IJOIlS repollss~mes de yillage en village.


" A deux heures apres midi, IlOUS nous troU\~llJes eu pn\senec des
I'etl'anchements de I'al'lnee ennemie.


» J'ordonnai uux divisions des généruux Desaix et Reynier de pren-
dre positioIl sur la droitc entl'c Djyzeh et Embabeh, de maniere a l'oupe/'
a J'elluemi la communication de la Haute-Égypte, qui etait sa retraite
natllI'clle. L 'a/'mee dait l'augée de la meme maniere qu'a la bataille de
Chebreisse.


» Des l'instant que !Hourad-Bey s'aper~ut du mouvement du général
Desaix, il se résolut a le eharger, et iI ellvoya un de ses beys les plus
l)['ave8 avec un corps d'élite qui, avec la rapidité de i'éclair, chargea les
deux divisions. On le laissa approcher jusqu'a cinquante pas , et on l'ac-
cueillit par une grele de baIles et de mitraille, qui en fit tomber un grand
nombre sur le ehamp de bataille, lis se jetúrent dans J'intenalle que
formaient les (kus divisions, oú i1s furent rcgus pHI' un double feu qui
acheva lenr défaite.


" Je sai~is l'instant, el j'ordoIlnai a la diyision du général BOIl, qui
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t :!ti 11 tSTOll\E


était sur le Nil, de se pOl'ter a l'aUaque des retmnchements, el au géné-
ral Vial, qui commande la division du général l\1enou) de se porter' en-
b'e le eoq)s qlli ,"enait de le chm'ger et les reh'anchements) de maniere il
l'emplil' le tt'iple but, d'empecher le COl'pS d'y rentrel' , de couper la re-
tmite a celui qui les occupait, et eufin , s'il était necessaire , d'attaquer
res retran('hemenLs par la gauche.


Il Des l'instant que les génerallx Vial el Bon furent a podee, i1s 01'-
donnerent aux premiere et troisieme divisions de chaque bataillon de se
ranger en colonnes d 'attaque, tandis que les deuxieme el qllah'ieme con-
serve\'aient lenr me me positiou, formant toujOUl'S le bata ilIon carre,
qui ne se trouvait plus que SllI' trois de hautellr, et s 'avanl.1ait pOllr sou-
tenil'les colonnes d'attaque.


" Les colonnes d'attaqnc du général Bon, COllllllUlHlées pal' le brave
general Rampon, se jetel'ent SlII' les I'etl'anchements awc Jenr impétno-
site ordinaire, malgl'é le ren d 'une assez grande qnantité d 'm'Lillerie ,
lorsque les mamelllcks tir('ut une ehnr'ge; ils soJ'tirenl drs I,(·tl'anrhe-
lllents au grand galop, Nos colollnes elll'ent le temps de (airC' IwJte , de
faire ft'Ont de tous cotés, el de les I'ccevoil' la balonneHe all hOllt du fu-
sil, et plll' une grele de bailes. A ,'instant meme le champ de bataille en
fut jonché. Nos tmupes eureut bieutot enlevé les retranchements. Les
mamelucks en fuite se pl'écipitcI'cnt aussitót en foule SUl' leur gauche;
mais un batailloÍl de carabiniers, sous le feu duquel ils fUl'ent obligés
de passel' a cinq pas, en fit une bouchel'ie effroyable, Un tres-gl'3nd
nombl'e se jeta dans le Nil, et s'y noya.


» Plus de quatl'e ('ents chameaux chm'gés de bagages, cinquante {Jíe-
ces d'artillel'ie, sont tombés en notre pouvoil', J' évalue la pcrLe des ma·
melucks a deux mille hommes de cavalerie cl'plite. Une grande pal'tie des
heys ont été blessés ou tnés, l\Iourad-Bey a été bJessé a la joue, NoÍl'e
pe de se monte a vingt ou trente homllles tués et a cent vingt blesses, Dans
la l1uit meme, la ville du Caire a été évaclIée, Toules leul's chaloupes
canonniel'es, corvettes, brirks , l~t meme une frégate ont été bl'lllés, el
le 4, nos tl'OlIpCS sont cnlrees au Caire. Pendanl la nuit, la populace a
hnJlé les maisons des heys et rommis plnsienrs exceso Le Caire, qui a
plus de trois ceut mille habitants , a la plus vilaine populace du monde.


» Apres le gl'3nd nombl'e de combats et de batailles que les tl'Oupes
que je commaude ont Iivl'és contre des forces supérieurcs, je ne m'avi-
sel'ais point de louer leul' contenance et leur sang-froid clans ceHe occa-




DE l\'AI'OÜO\. 12i
siOJl, si \"(~l'itablement ce genre tout nouveau n'avai! exigé de leul' part
une patience qui contraste avec nmpétuosité franc;aise. S'ils se fussenl
livrés a leul' al'lleur, ils n' auraient point eu la vicloü'e, qni ne pouvait
s'obtenir que par un grand sang-froid et une gl'allde patiC'nee.


)) La cavaleI"ie des lllUlllelucks a montré ulle grande bravoure. lIs dé-
fendaient lem' forlune, el il n'y a ]las un treux 1iur lequel nos soltlats
n'aient tl'ouvé tl'Ois, quatre et cillq eenls louis d '01'.


)j Tout le luxe de ces gens - ei étaitdans leul's chevaux et Ieur al'l1lement.
Leurs maisolls sont pitoyabIes. 1l es1 difficiIe de YOir une lerre plus ((>1'-
tile clun penple plus misérable, plus igllornllt et plus abruti: lis préferenl
un bOutOll de nos soldats a un écu de six fl'ancs; daus les \'iIIages ils He
connaissent pas meme une paire de ciseaux. Leurs Ulaisons sont d'ulI
peu de boue. lls n'ont pou!' tout llleubIe qu'une natte de paille ct dellx 011
trois pots de ten·e. lIs mangent d consornment en général fOl·t peu de
chose. lis ne connaissent guere l'nsage des moulins, de sOl'le que nous
avons bivouaqué SUI· des tas immenses ele blé, sans pouvoir a\'oir de
farille. l\ous ne nons nounissions que de légumes el de besliaux. Le pen
de gl'ains fJn'ils convel'lissenl en fm'ine, ils le font avec des pir1'l'es; et )
dans quelqnes g1'OS villages, il Y a des moulins que font 10umel' des
hwufs.


)) l'\ous avons dé continuelIement hm'celés par des nuées d' A 1'a bes ,
qui sont les plus granels voJeurs el les plus grands scdérats de la terre,
assassinant les Tures comme les Franc;ais, prenant tout ce qui lenr tombe
dans les mains. Le général de Iwigade lUuireur et plusieu!'s 8lltres aides
de camp et orticiers de l'élat-major ont été assassinés pm' ces misérabIes,
embusqués dcrriere des digues el dans des fossés, SUl' leurs excellenls
petits chevaux ; maIheu!' a celui qui s'éloigne a ccnt pas des colonnes. {.(.
général Muirell!' , malgré les représentations de la gmnd'garde, seul,
par une fatalité que j 'ai souvent ¡'emar'quée accompagner eeux qlli sont
arrivés a leur derniere henre, a voulu monte!' SU1' un lllonticule a eleux
cents pas dn camp ; derriere étaient trois bédouins qui l' ont assassiné. La
république fait une perte ,.éelle : e 'était un rles généraux les plus JJl'c')ves
que je CODllllsse.


» La I'épubliqnc ne peut avoir une colonie plus" sa portée et d'un sol
plus riche que I'Égyp1e. Le cJimat est tres-sain. par'ce quc les Iluits sont
f1'alciles. Malgré f(lIinze jOUI'S de marche, de fatignes de toute espere, la


I privalioll dll vin, et memede toulcequi peut alléger la faligue, nousn'a-
I 1 ______ _




t2X tltSTOll\E


vons point de malades. Le soldat a lrouyé une gl'ande ressOllree dans les
pasteques, espece de melons d'eau qui son! en tres-grande (PHllltité .....


» L 'artillerie s'es! spécialement distinguée. Je vous demallde le grade
de général de division pOllr le généml de brigadc Dommurlill. J'ai promu
au grade de géIH:Tal de brigade le chef de brigade Dcslaing, cOlluuandnnt
la qualrieme demi-brigade ; le général Zayonschek s'est fOl'l bien eonduit
dans plusieurs missions impoI'Íanles que je Ini ai confiées. L'ordonnateur
Sucy s'était embarqué sur notre tlottille du Nil, pour etre plus a porlée de
nous fnire paSSf'r des vivrt>s du DeHa. Voyant que jf' I'edouhlais de mar-
che, et désirant etre a mes eótés lors de la bataille , il se jeta dans une
rhalollpe eanonniere, d, malgré les périls qll'il m'ait 11 rouril', il se sé-
para de la tloUille. La ehatoupe éehoua; iI fut assailli par une grande
quanlité d'ennemis, el montra le plus grand eourage; blessé trcs-dange-
I'euscment au bras, il parvinl, pUl' son excmplc, a ranimer l'équilHlge,
el 11 lirer la ehaloupe du mauyais pas 011 elle s'était engagée.


) Nous sommes sans aueune nouvelle de France depuis notre dé-
part.. ...


» Je vous pI'ie de faire payet' une gl'alil1calion de 1 ,200 fl'. a la felllme
du citoyen Larrey, chil'urgien en chef de I'armée. 11 nous a rendu , au
milieu du désert , les plus grands seniees par son activité el son ze!c.
C,est l'omcier de sanlé que je eonnaisse le plus fait pour eh'e ti la tele
des ambulances d'une armée. »


Le lendelllain, 4 thermidor (22 juillet), Bonaparte s'approcha du
Caire, el pnblia la proclamation suivante :


« Penple dll Caire, je suis conlent de volt'e conduite; \"ous avez bien
fait de ne pas prendre parti contl'c moi. Je suis venu pour déll'uil'c la raee
des mamelllcks, protéger le commerce et les nalllrels dll pays. Que tous
ceux qui onl peul' se lranquillisent; que (,Cl/X qui se sont éloignés I'eIl-
trent dans lenrs maisons; que la pri¿~re ait lien aujourd 'hui COlllme il
I'ordinaire, comme je veux qu'elle continue loujours. Ne craignf'z rien
POli[' vos familles, \"os maisons, YOS propriétés, el SUl'tout pour la reli-
gion du prophete quej'aime. Comme il est U1'gent qll'il y ait des hOlllmes
chargés de la police, afin que la tranquillité ne soil point troublée , iI Y
aura un diyan , cOlllposé de sepl personnes, qui se ,'éuniront (1 la mos-
quée de Vel'; il Y pn aura toujours deux pres du eommandant de la
place, et quatre seront ocellpées a mainlellir la trall(luillité publique el
:', "eillc\' ü la polí('t'. »




PI,: '\ A l' (1 L I () \ ,


Bouaparte cnh'a, le;;l4 jllillet, dans la capital!' de l'tgypte. LI' :n, il


érl'ívit il son frcl'e Joseph , lllemlH"e dn conseil dPs cinq-eents :
" Tu velTas dans les papiers publics, lui dit-il, les hulletins des ha-


tailles et de la conquete de l'Égyple, qui a été assez disputée pour ¡¡jou-
ter f'ncore une fcuille n la gloil'e militail'e de celte al'mée. L'Égypte est k,
pays le plus riche en ble, riz, légllmes, viande, qui existe sur la terreo
La barbarie est ti son comble. Il n 'y a poinl d'argellt, pas meme pOli\'
soldel' les troupes. Je peux ctre en France dans deux mois.


)) Fais en sorte que j'aie une campagne ti lllon arrivée, soit pres de
Paris, soit en Bourgogne. J'y compte passer l'hivcr. »


eeHe leUre pro uve que :\"apoleon croyait sa conquete asscz asslll'ée
pour pouvojl' en eonllcr la cOl1servation , sans danger, a la prudence el
a l'habileté de ses lieutenants. Mais pourquoi ee n'tour inopine en
Fral1c(~? venait-il y chel'eher de nouvelles reSSOUl'ces militail'cs el des
élémenls de colo!1isation , COIllIl1C qlll'lqlleS-Ul1S r ont prnse? OH hi('1l


!7




130 11 ISTOI n E [¡ E !\ APOL~:O\.
n 'uvail-il d'uutrc llllt que de se rapprocher du théfltt'c oú son destill
l'uppelait a jouer le !lI'emie¡' role) el l'egul'dait-il ('OllllllC procuains les
événements qu'i! Huit prévus et souhaités depuis I()llglelllps, <fans J"in-
térN de son eIévation? 11 nous semble que la dcrnih'c sllppositiol1 est la
pllls vraisembluhle.




---~-------- ---~


CHAPITHE VIII.


J'I'~asLl'e" u'AI'oukir. l::tahll.,;;serncllts rt ITlstiLlItinn~ di' Duna[Iartc en Égvl'ic. Call1Jlagnc de Syric.
lIetulIl' en Égyptr, B3taill,' 11' Ahuukir. 0,'1'3rl pour 1; Frailee,


A:-IDIS que Desaix poursuinüt Mourad-
Bey dUlls laIlaute-Égypte, Nupoléon s'oc-


. cllpait, au Caire J de donner une admi-
nislration l'égnliere aux provinces égyp-
ticnnes. l\Iais lbrahim - Bey, qui s'était


. podé en Syrie, obligea, par ses rnome-
menls, le cnnquénlllt législateul' de quiLLerses tl'uYaux de pacification
[lOlll' rctoumer an combal. Bonaparte le rencontra et le baltit u
Salehey'h. Le hrave Sulkowslü fut blessé dans cette affaire,


La joie de ce Ilouwall triomphe fuI hientót trouhlée par une nouyelle
d('plorable. Kléher annon<;a par une dépeche a Bonaparte que Nelson ve-
nait de délruire la fioite frau<;aise a Aboukir, apres une luUe Msespérée.
D¿'s que le hrnit de eette eatastrophe se fut rilpandu dans l'armée, le mt>-
contentemellt el la conslemation furent au comble, Les soldllts et les gé-
nél'aux , que le dégot'tt et l'inquiétllde ayaient saisis aux premif'rs jOlll's
du dd)[lJ'(!umnenl, ressenlirellt plus viyement que jamais les atleintes de


-- --~----------------~~--¡




I !
I


i


----~---~_._------------~-----~


IIISTOIIIE


la nostalgie, et exlwlerent souvent leur desencllüllll'ment en IllUI·lllures.
Napoléon, mesuranl d'un coup d'<ril toule l'énormité deee désastre, en
parut d'abord aecablé; et eomme on lui disait que le direcloire s'cmpres-
serait sans doute de le reparer, il interrompit vivement : « Votre diree-
toire! dil-il, e'est un tas de ..... Ils m'envient et me ha'issent; ils me
laissel'Ont pél'ir irí. Et lmis, ajouta-t-il en désignan! son état-majOl', ne
voyez-volls pas ton tes ces figUl'es? e'est ti qui ue restel'll paso ))


3Iais I'abattement Jl'allait pas ti sa grande ame; il s'en rdeva bientút
pOllI' s'écriel' ayee l'aceeut d'une héro'iqne résignation: « Eh bien! nons
restel'ons iei, ou nons en sortirons grands COllUlle les anciellS ! ! "


Des ce lIloment Bonaplll'Íe s'occupa, aree une ardeul' el une aeti\ilé
infatigables, de l'organbation ririle de l'ltgypte. Plus que jamais il sentil
le besoin de se concilier les habitanls du pays, el d')' former des élahlis-


senwnts durables. L'une des premieres el principales créalions fut celle
d'un inslilutsur le mod&le de celuideParis. lile diviso en (lIllJtI'f' class<,s:




I J/~ \.\ l' (J L I~ () \ ,
mathélllatiques, physiquf', ('col1omie politillue, littl-I'utul'e el beaux-arls,
La présidence en fut dOlluée a )longe, el Bonaparte s'honora lui-meme
du titre de yice-pl'ésident. L 'installnliol1 de ce COl'pS eut lieu avec solen-
nilé. e'est lil que l'immortef guerrier confirma ses belles puroles au
chef de !'Institul de FI'unce, lors de son ndmissiol1, en ne se montrant
jalollx de ses conquetcs ({u'antant qu'illes faisait Slll' la harbarie, et que
le prOgl'eS de ses armes n'élail pas autre que le progres des lumier!'s.


Bonaparte, déjij populail'e parmi les musulmans, qui l'nppelaient le sul-
tan Kéhir (pere du feu) , fut admis el invité par eux a tOlltes leul's retes.


Cest ainsi lIu'il assista, mais san s y présidel', eomme on l'a CI'U, a cel-
les dll débOl'dement dll Ni! el de l'anni\'ersnire dI' la naissance de Maho-
nwt. Les égm'ds qu'il lémoigna pOUI' la religion du prophde, en touk


~ I
" ,


occasion, nI' contl'ibllcrerlt pas pl'lI U fail'e respecte/' son 110m et son au-
to/'ité par les Égyptiens, On a ,·oulll voit' dans cette conduite un espece
de sympalhie pour l'islamisme, qllnnd il n'y avait que de l'habileté poli-


i


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,------------


I
!


UISTOlHE


lique t. llonaparle u'était ni musulman ni chl't'tien; lui et son armee
repl'cseutaienLen Égypte la philosophie frnn9aise, le seeptici~me tolérant,
l'indifférence reJigieuse du dix-huit¡¿'tlle siede. Sculement, ti défaut de
religion positive dans sa tete, il nourrissait un fOlld de vague religiosité
dans son ame. l\1ais ceHe disposition , qui le preserva de l'hiérophobie
de son temps, et qui lui perll1it de conve['se[' sóricusement el d'enlretenir
des l'elations de hienveillallce avee les imans elles cheid\s, COll1ll1e il a pu
le faire, en d'autres circouslances, asee les millistres du christianisll1c
OH du judaisme; ceUe disposition ne se rflpp['()chait pas lllus du Col'tln
que de rÉvangile.


L 'armiversaire de la fOIlclation de la repllhliquc fut celebré au Cail'e le
I er yendémiaire an m. Bonaparte prósida ti ceHe solennité patl'Íotiquc.
,( Soldats, dit-il 11 ses cOlllpagnons d' armes, il Y a einq ans) l'indépen-
dance du peuple etait menacée; vous reprltes Toulon , ce fut le presage
de la ruine de vos ennemis. Un an aprl~s) YOUS haHie7. les Autrichiens
a Dégo : l'année suiyatlte vous étiez SUI' le somIl1ct des Alpes. Vous lut-
tiez contre i\Iantoue, il Y a deux nns , et nOl!S remportions la celebre ba-
taille de Saint-Georges. L'an passé, vous étiez aux sources de la Drave
et de I'Ysonzo, de retour de rAlIemagne. Qui eút dit alor8 que mus serie7.
aujourd'hui sur les bords du l\iI, au cenh'e de ¡'anc¡en continent? Depuis
l' Anglais, célebre duns les arLs el le commel'ce, jusqu'an hideux et fé-
roce bédollin, vous fixe7. les regards dll monde. Soldats! votre destinée
est belle) paree que vous etes dignes de ce q tle vous avez fait et de l' opi-
nion que Pon a de vous. Vous mOUl're7. avec honneur commc les braves
dont les noms SOl1t insc['its sur ceUe pyl'amide 2, 011 vous retournere7.
dans votre patrie eOllverts ele laul'iers et de l'aclrnil'ation de tous les
peuples.


)) Depuis cinq lUoís quenous sommes éloignés de l'Ellropc, nous avol1s
été l'objet perpétuel des sollicillldes de nos compatriotes. Dans ce jour,
qUaI'ante milliol1s de eiloyens célebrent I'ere du gouvel'nernent repré-
sentatíf; qunrante millions de cítoyens pensent ti vous; tous elisent:
C'est ti IeUl'S travaux, a 1eur sang que nous elevrons la paix générale, le
repos, la prospéI'ité dll cormnerce et les bicnfaits de la liberté chile. ))


, M. de Bounicnnc, témoin oenIairc, rlément tont ce quc ',"alter Seott et (l'an!rcs écl'ivains on!
avancé sur la participation solennelle tIc BOllapartc aux cér(monir, IIImulmanrs. 11 aftinnr IjU'i1
n'y parut qu'en ~imple spcctatcur, et toujours ayec le costmnr- fl'all~ .. ais.


, 11 avait fai! gl'arer Slll' la COIOIlIlC de Pompee le nOIll drs 'lUJI'Jutc premier, solda!s mOI'!s en
Égypte.


I
-- - -------- -- -------- -j




DE \.\POÚO\,


De ICIIl' crité, les ehcieks, eUl'econllaissallCC de la paJ'l qlll' Bonapal'lc
avait pl'ise u lclIl's fétcs l , s'associcl'ent, dll moins en Uppal'CIlCe, UllX l'é-
jouissanccs de l' al'l11éc fl'an~aise j ii:> fil'ent 1'etcntil' la grande mosr¡llée de


" ~~~~~f!'J,
lii!,cc:O-", -<'.;


chants ¡\'allégl'cssc, ils !ll'i¿Tf'lll Ir ¡¡rallel Allah (e de hénit' le favori dI' la
Yictoil'f'~, f't de rail'(' pI'OSpPI'PI' l'nl'mé(' t!('s hl':I\(,~ tII' l'()('cident. ))


, Ce fuI. chez le eheie!': EI-Bckri '111<' :\al'ol"()1l pal'li('ipa á la cél<'lll'atioll de I'anni,el',ail'e de Ma-
\tOIlle!, 11 y tL'Ouva dellx jeunes Mamelucks, lh,'ahim el r¡Ou,tan, .10nt il tit la demande al1 chcick
(lui ks lui c:érlil. 11 ne pOl'fait dll reste ni turhan, lIi allCUlI llutrí' illSigllc de tI1allOmétismc. n avait
fait fait'c a la V(\l'it{~ un costmt1r t1ll'C, mais par PIll'!> r:mtaisie, l'f pour s'en ¿UlIILSel' ayec ses rami-
Hel',~. COrrJlIlC 011 lui d.\dal'a frauclH'lllcllt qn'H u'nllait pas a ~a physiuflOlJlif' f't ;1 ~es :l1l11l'f's, il tlP
r('~"aya [las (lt'ux fois.


2 l'íapol(~on a laiss{~ ('11 Égyptl'. alifan!. (111'('11 Eul'opt', de~ {l'ae('sillllH:l'is~ .. hlcs de SOIl pJ~~a~r; son
110m est en lrn¡:ration dlf~z ks h;Jl'h;-¡\'e~ cúmml' rhez Ic.~ peuples civili::'.¡',s Ilu'il ~oumit a SC'S arllles. Lp
réIehl'c orientalisir C}¡ampollioll jr111H', ~Iu'mll~ 1l1{)l't 1\l't;m3lul'[01' iI Cllle, é a la SCi{'IlCI! el il "'C'S ;ulli~,
non.., a raeonlé f(u'ayant dé aC{'l\{'illi pal' un ]¡ry de l;1 T}¡t',lt:l'il1r', tlans son lOyag-r íl.llX I'Il!I1r~ {;p;yp.




IIISTOIHE


Au milicu de ces déll1onstraLions umicales, les cJwfs des Illamelueks,
alliés de l' Angletet'J'e, Ibrahimet MOllead-Bey, fomentaient une inslII'l'l'('-
lion qui ne tal'da pas d'écJater dans la capilale n)(~rne de r(g~[lte. BOllil-


pm'te était alors au Yiellx-CaiI'e : des qu'il fut ins!nJit de ce qui se passail,
il se huta de J'evenil' iI son quarliel'-général. Les mes du Caire ful'(,\)!


tie.nnes. et se tl'Oll\'ant a diner c}¡ez lui, ir se CL'ut ohligt~ de lJ0l'Lcl' UTl Loasl au victo-ro¡, lH'I'suadé
que son hóte lui rcndraitcettc politessc plll'eIlleut oflicíclle en IlUvant all roí tic France, alors
Charles X. Maisle uey I"is.a de ct,té les ron venances diplomatíqllC5, el s'auandolluanl á UlI sentírncnt
d'admiration '1ue pal'tageait hien cel'tainement nolre illustre ami, i[lui dít avec raceent tlll pllls ür
enthousiasme: oc.le vais te pl'oposrl' nn toast qlw tu He l'dl1 .... ('l'a~ pa:.:: ,1n :/I'(flld BOtlfl}larte!)I




DI: \.\ l' n '.1: () \ . 1:;,


\'¡te hala~ écs par les tl'oupes fran~aises, qui rédllisirl'Bt les I'é\"ollés ti se
¡('[('I' dans la gl'ancle mosquée , oú ils flll'elll hienli\t foudroyés par 1'a1'-
tilkl'ie, lis a,,¡¡iclIt I'cl'usé de capitule1' : le bruit dll tonn('ITP qui Yinl fl'ap-
pel' leul' imaginntion supel'stiticusc It's rendit plus lnütables, Mnis Ka-
¡¡OIl'OH repoussa leul's pl'opositions ta1'di\es. « L'I\('lII>(~ de In eJémcnec
est pnsséü, leuI> dil-il; 'OllS awz eOllllnellcé, e'esl ti moi de finil'. » ] .es
portes de la l1losquée fllrent nllssilt)t fOl'des, et le sang des Tul'CS coula
('fl aIJondancc. Bonaparlc mait ti ycngcr, entre autres , la 11101't du gé-
nérnl Dllpllis , comll1nndant de la place) el cclle dll hl'a\e Sulkowsky ,
pour l<'([uel il avail autant d'affection que d·'estime.


L'inlluence anglaise, qui avait prOYoqlH~ la sédition dll Caire et le
soulhement de toute l'Égypte , panint aussi ti détermiuer le diyau de
Constantinople i1 des aetes d'hostilité coull'e lu Franre. Un manifcslc dI!
grand-sl'igllrlll', rempli d'imprérations el t1'ill\r(,[i\(':-;, Yotlllit les dra-
peallx de la l'ép"bliqIC Ü l'ignominie, el scs soldats il l'exterminalioll.
Honaparte répondit il ecs outr>ages rt iI ces proroealioIls homicides par
UBe jll'Odillnalion qui sc lel'llliuait aiusi.: « Le plus I'eligieux des pro-
¡¡lides a dit : Ln s¡'~(lition est Plldormie; lIIalldit soit celuí qui la 1'6veil-
)('ra! "


JI ~(' ,'pndit. pr'" ¡¡pl'(\~ ¡'l SIIez p01l1' ,isilel> les tJ'are~ dI' l' ancil'l1 ranal


qui jojgllnit I('s eallx du ]\il ti la mer HOllge. jUoIlge et BerthoJld l'ar-


IS




HISTOIRE


compagnercnt; ayant en le désÍl' de ,oir les sources de MOIse, íl failli!
devenir victime de sa curiosité, en s'égarant, par l'effct de la nuil, ti tra-
vers la marée montant(~. « Je eourns le danger de périr comme Pha-
raon, a-t-il dit lui-meme; ce qui n' eút pas manqué de fournir a tous les
pl'édieateurs de la chr6tienlé un lexte magnifiquc contre moi. ¡¡


Les moines du mont Sillal J le sachant dalls leu!' voisinage , lui CIl-
voyerent une députation pour lui demander de s'inscrirp sur lem' !,pgb-


In!, 11 la suite d'Ali, de Saladin, d'lbl'ahim, etc. ;\apoll'oll ue leUI' ""-
fusa pas uue raveu!' qui flattait sa propre passion pou!' la célplll'ité.


Cependant Djelzar-Pacha s'était emparé du ro!'t d' EI-Arish, en SYI'ie.
Napoléon, qui méditait depuis quelque temps une campagne dan s cettp
p!'oviuee, n~solut aussilót d'exéculer son dessein. La nouvelle des suc-
ces de Djezzal' lui était aI'rin'(' I1 Suez; il s'('mpressa de retourn(,l' al!




lJ E \ ,\ i' O L E O\".


t:uirc, pÜIII' y prendre les troupes (lont il avait Lesoin pou!' son expéili-
lion) et, apl'cs m'oil' ussuré la tl'anquillilé el lu soumissioll de ceUe ca-
pitale , par le supplice nocturno des chefs du peuplc quí avaient figuré
dan s la dernic!'e révolte, il quiUa I'Égypte et entra en Asie. Le désert
était devant lui; illc h'u\el'su, monté le plus souvent sur un dromadaire,
<Jui résístaít l11ieux que ses chpvnux ~ In ('Iwleur ('t aux faligues. L'avant-


garde s'étant égan\e, il He la rel1'ouva qll'Ull monlt'ul OÜ eHe se ¡¡\Tuil
au désespoir, pres de succomLer de lassilude ou de mourir de soif. Bo-
I1aparle annonga de reau et des ,iHes a ces malheureux soldats. « l\Jais
quund tout cela eut tardé daHlIltuge, leur dit-il, serait-ce une raison de
I11m'murer et de manquel' de couragt:'? Son, soldats, apprenez a mou-
I'ir uvec honneur. Ji


t:epelldant les prí\alious elles souffruuces physiqut:'s de\cnaicllt tellt:'s
quelquefois, que la hiél'D1'chie el la discipline en étaient gl'a\cment allé-
I'ées. II arriva ti un soldat fra\l(,:ais, sur les saLlt:'s brúlants de l' Arabie.
de ('éde!' avec peine 11 scs chefs quelqucs gouttes d'euu bÜllrbellse 011




I
I


1-10 IIISTOIIlE


l'ombl'e de quelques pans de vieux mur, eOll11l1C il !eUI' disputa plu~
ta/'(\, au mílieu des glaces de la Rllssie , le coin d'lIn llJauvais rOyel' Oll
des lambeaux de cheval. UIl jOllr que le général en chef se sentait suf/'o-
quó par l'ardelll' du solcil, il obtint) eomme une grilce, de mettl'c sa tell'
a 1'0mb1'c sous un débl'is de porte, (t El I'on me faisait la, a dit Napo-
léon, une immense eoneession, )) En souleyant du pied quelques piel'l'e8,


il déeouVl'it un eamée d' Allgllste, auqupI les savants ont aUaehé beau-
coup de prix, et que N apoléon donna d' abord a Andréossy, pOlll' le I'e-
prendl'c cnsuite ct en gl'atifier JoséphinE', CE' fut sur If's ruines de Péhlze
que rette belle déeouvE'rte eut Iieu,


En aUant chereher l'al'llIéc tun[ue en S} rie, Bonaparte se pl'Oposait
de pOussE'r plus 10il1 SE'S aHnques inrlireetes rontrE' la pui~sance britan-
nique. Le projet (['ulle expédition dans l'Inde, ti travers la Perse, était
arl'eté dans son esprit. et iI avait éCl'it ti Tippo-Snt~h une> leUre ainsi COI1-
sue: "VOUS aurez déji:l été instruit de mOTI anivée sur les hOl'ds de In
mer Rouge, avee une al'lnée innomlwable"E't invincible', I'emplie dll dé-
sir de vous délivrel' dll joug de fer de l' An¡detel're.


» Je m'elllpresse de vous fairE' cOIlnaitrc le désil' que j'ai <Iue \OIIS
me (\onniE'z, pm'la voie de .\Iasca{p nll de Moka, des nomelks de la si-




1\1


tuation polititlllC OÚ VOUS VOUS tl'ouvez. Jc désircrais meme que "'Vous
pussiez cllvoyel' [¡ Suez ou au gnmd Caire quelque homnw adroit quí
Ctl! volre cOllfiance 1 ayec I('quclje pusse ronférer. ¡¡


Cclle leltre resla salls réponse. Elle avait été écrite le 2;-; jauvier 1799.
el l'empil'e de Tippo-Sacb tomba peu dc tCllIpS apres.


Ronaparle al'l'iva lIevant E1-Arish au milieu de février.
Ce fol't capitula le 16 févric[' 1 apl'cs une déroule complete des mll-


melucks. Six jOlll's apres, Gaza oUYl'it ses portes. Quand on fut pres de


Jél'usalclll, Bonnpul'le, II qui 1'Oll demandait s'i1 n'avait pas le désil' dt'
PuSS(~l' par rcHe ville, répondit vivement: (( Oh! pour cela non! .Térusa-
Jem n'est point dans mu lignc d'opérations; je ne veux pns avoir aHail'P
tI des monlagnards dans des ehemins difficiles. Et puis, dc l'autre coli'
du mojns je serai nssailli par une nombreuse cavaleric . .Te n'ambjtionl1t'
[las 1(>, sor! de Cassins. "


Le f) lIlUÍ's, .Tnt'l'n fut (,1Il!1ol'té d'assaut el nhnndonné HII pillage cl all




1llSTOIllE


massaere. Bonaparte envoya ses aides de eatnp Beauharnaís et C.'oísíer
pour apaise!' la fureu!' du soldat. lis arriyc!'ent n temps pOlIl' acco!'der
la vie sanve a quatre mille Amantes OH Alhanais, qni faisaient partie de


la gal'llison , et qui avaient échappé au eamage en se réfllgíanl daw; de
vaste caravenserais. Lorsque le général en chef aper<;ut eette masse de
pI'isonniers qu'ou lui ameuait, il S'écl'ía d'lIn ton pénéll'é : " Que vell-
lent-ils que j'en fasse? Ai-je des vivres pour les nourrir; des btItiments
pour les transporter en France ou en Égypte? Que diab\c 111' ont-ils raíl
la? » Les aides de eamp s'cxcuserent sur le dang;er qu'ils auraient COUl'lI
il refuser la capitulation, en rappelrmt d'ailleurs il ROllaparle la missioll
d'humanité qu'il lCUl' avait eonfiée. ,( Oui, sans doute, réplíqua-l-i\ vi-
vement, pour les femmes, les enfants , les \ ieillards , ulUis non pas pOIll'
des soldats armés; il fallait l11ouril', et ne pas m'amenerees malheureux.
Que voulez-vous ql1e j'cn fasse? Il Mlibéra pendant h'ois jours sur Ip
sor! de ces malheurellx , aHendant que \Il mer el le~ yenl!' luí amel1as-




sen[ t1IW YOile hospitaliere ponr le debarrasser de ses prisonniel's, sans
le réduil'e a faire couler eneore des flots de sango lUais les murmurcs de
l'annt'e ne lui pcrmirent pas de retard('r dayantage une mesure qui luí
inspit'ait la plns grande repubnilllce. L'ordre de fnsiller les Amantes et
les Albanais fut donué lelO marso


La prisp de .Jarfa fut mmoneee au Cnire par la pl'oclmnation sni-
vanlc :


« Au 110m de Dieu, misérieordíeux, c\ement, tres-saint, maitre du
monde, ({ni fail de sa propl'iélé ce qu'il \cut, qui dispose de la vicloirc,
voiei le réeit dcs gl'aces que Dieu tres-hant a aecordées a la répllbliqu('
fl'an0aise; aussi nons nous sommcs emparé de Jarra, en SYI'il'.


" Djezzar avait l'inlention de se I'endre en f:gypte , la demelll'C de~
pauVI'cs, avcc les brigands m'abes. 3Iais les décrets de Dicu détmísent
les ruses des hommes. 11 youlail fait'c eouler le sang ) selon son llsagl'
harbarc) 11 cause de son orgucil el des mauyais principes qu'íl a re.-¡us
des mamelllcks rt de son lwn d 'esprit; il n' n pas pensé que tOll t yient dt'
Diel\.


" Le 2G de ramazan, l'armép fran~aise cerna .Iaffn, Le 2i , le general
en chef tit faire des fossés , parce qu 'il üt (lue III ville était gal'llie de
canon s et renfermait heallcoup de monde. Le 2!) , le fossé était d'cnvi-
I'on cent pieds de longuelll'. Le géneral en chef lit placer les canon s ,
les mortiel's et des battel'Íes dll colé de la mer pom' a ['['eter cellx qlli vou-
dl'aient sortil'.


), Le jeudi ) dpl'l1ier jour de ramazan , Ir général en chef cut pitie des
habitants de .Jarra; il tit sommer le gouvel'l1em'; pour toute réponse, 0\1
m'reta l'envoyé, ('ontre ton tes les lois de la gucITe ct de l\1ahomet.


» A ¡'instant la colel'e de Bonapal'te éc1ata; il tit tirer le canon et les
bombes. En pC'll d'instants le canon de JaITa fut démonté. A midi,
la rLlm'aille avait tille breche; on donnn I'assallt, et en l1loins t!'une
hem'e les Frall~ais eUI'l'nt {Iris la ville et les fol'[s. Les deux armees eOlll-
mellcerenl tl se halll'e. Lps Fran.-¡ais furent vnin<[tleurs; le pilIage dura
toute la nuit. Le vendredi, le general eul eompassion des Égyptíens qui
se t\'Ouvaienl a Jaffa ; pauvres et !'iches, il leur accorda le pal'dOIl et le~
lit retournl'r avee honnellr clans leul' pays. ti m agit de menlP Ü I'égal'd
de eeux (le Damas el d' Alcp.


" Dans le combat, plus de qllat['e mille hOlllllles de Djezzar Im'ent
tué!' pnl' la fll!'illnrlp el I'arme hlanche. LN; Fran~ais perdíJ'f'nt pen de






1"" 11 1ST< I 1 l\ 1:
monde. Il Y cut peu de blcssl's; ils pl'llelrcrcut par le ChClllill du pOlll
sans etl'e rus. O adoratelll's de Dieu! sOllmettez-YOUS ;') ses decn'ts; \le
vous oppose7. pas il sa volonte; obselTez ses commatHlemellts. Sarhez
que le monde est sa propriéle, el qu'iJ la donne il qlli ji Yen!. SI1I' ce, le
sallll el la misél'iconle de Dieu. »


L'at'mée fl'an~aise avait apporté en Syric les germes de la pesle ; ('11('
se développa au siégc de Jarra, et devint clHlqlle jOlll' plus intense. llona-
parte dit de 1 'adjudant-general Grésieux, qui ne rOlllait louchel' person:iC'
pOlll' se gm'antil' de la contagion ; (( S'i! a IWlIl' de la pe¡.;le, il en 1110Ul'l'a."
Sa prédicLion s 'accompJit au ¡;iége d' Acre.


Ce rut 11'16 mal'S que Bonaparte al'l'iva denmt ceUe place. II y l'en-
l'onh'a unc résistance plus Yigou)'('usc qu'iJ 111' I'arait supposé, Le gene-
ral Cafarelli y \'e~111 ulle blesslll'e 1lllll'I.dlc ; avant de remIre le del')lir'I'
soupir, i I SI' lit Jire la prefacp de Yoltnirp I1 rEs¡m', d('8 T,r¡;,~, c(' qui 11<'


parllt pas peu singuliel' an généJ't11 en chef, qui fllt ¡J'ailIeul's pl'Ofoll!)("-
ment amigl' dn cette IWl'le,





DE i\APOLI~ON.
Des nouvellesde la Haute-Égypte arriverent au quarlier-général. De-


saix annon~ait, entre mItres, que la djerme t' ltalie avait éehoué sllr In
rive occidentale du Nil, apres nn combat sanglant. Napoléon, dont le
génie fut quelqllefois accessibleaux inspirations superstitieuses t, s'écria
en IlppreDLll1t ce fnneste événement : (, L'Italie est perdue pour la
France, c 'en est rait; mes pressentimenls ne me tl'Ompent jnmais. II


Pendan! le siége de Saint-Jean-d' Acre fut gaglléc la eélebl'e bataille
du mnnl Thabor, ou Kléber, attaqué el enveloppé par douze mille ca-
valiers el antant d'holl1mes de pied, leur opposa ayec trois mille fan-
tassins In plus hÓl'Oique résistance, BOllaparte, instruit de la force de
l' enncll1i, se délacha avec une division pour soutenir KIéber, Ál'rivé sU!'
le chall1p de bataille, il partagea sa division en deux carrés, et la disposa
de maniere u former un trinngle équilatéral avee le earré de Kléber,
mettant ainsi l'ennemi au milieu d'eux, Le feu terrible qui partit alors
des extrémitós de ce triangle lit tourbillonner les mamelucks sU!' eux-
memes et les dispersa dnns toujes les directions, laissant la plaine rou-
verte de cadavres. Cette armée 1 qne les habitants disflient innombrahJe


, !I"erusa ceprtlrlant. au Cairo. tic se preter aux jongleries de l'un de ces prophétes vagabnnds 'Ini
pa .. comen! I'Orient, et qui voulait lui rlirc sa bonne rortune.


IH




Uü HISTOIRE


comme les éloiJes du ciel et les sables de la mer, avait été détruite pm'
six mille .Frant¡ais.


A pres Jeux mois de siége, Napoléon, voyant sa pelitc armée s'affaiblü'
chaque jOllr par les ravages de la peste el par les eombats fréquents qu'iJ
faUait soutenir contre une garnison intrépide, que eommandait un chef
opiniatre, se décida u retourner en ~~gypte. Tous ses vastes projels sur
I'Orient, qui le faisaient promener son imagination ambitieuse, tanMt
sur l'Indus , tantót sur le Bosphol'e , l'abanuonnerent en ce momeot; ce
quí luí a fait dire plus taru que « si Saint-Jean-d'Acre fUt tombé, il ehan-
geait la face du monde; que le sort de l'Orient était dans ceUe bicoque. 1)


Voici la proelamation qu 'il publia a son quartier - général d' Ael'e ,
pour annoneer etjustifier son retour en Égypte :


« Soldats,
,) Vous avez tt'aversé le déscrt qui sépare l' Afrique de l' Asie aver


plus de rapiJité qu'une armée arabe.
l) Varmée arabe qui était en maI'l'he pour envahír 1'Égypte est dé-


truite; vous avez pris son général, ses équipages de campagne, scs ba-
gages, ses outres, ses chameaux.


» Vous vous etes emparés de toutes les pIaees fodes quí défendent
les puits du désert.


» Vous avez dispersé, aux ebamps du mont Thabor, eeUe nllée
d'hommes aceourus de toutes les parties de l' Asie, uans l'espoil' de
piller l'Égypte.


» Les trente vaisseaux que vous avez vus arriver dans Acre, il Y a
douze jours, portaient l'armée qui devait assiéger Alexandl'Íe; mais
obligée d'aeeouril' a Acre, elle y a fini ses Jestins : une partie do ses
drapeaux omeront votre entrée en Égypte,


» Enfin, apres avoir, avec une poignée d'hommes, nourri la gut'l're
pendant trois mois dans le cOJUl"de la Syl'io , pris quaranle pieees de
eampagne, cinquante drapeaux , fait six mille prisonniel's, rasé les for-
tifications de Gaza, Jaffa, Ca'iffa, Acre, nous allons rentrer en tgyple;
la saison des débarquements m'y appelle.


» Encore quelques jours, et vous aviez l'espoil' de prendre le paeha
meme au milieu de son palais; mais, dans eette saison , la prise du cha-
teau d'Acre ne vaut pas la perte de quelques jours : les bmves que je de-
vrais y perdre sont aujourd 'bui nécessaires pour des opérations plus
essentielles. »


~---- --------------- - ----~- -------


-1


I




DE NAPOLÉON. 1017
Le signal de la retraite fut donné le 20 maL Bonapal'le voulut que


tout le monde se mil u pied, pour laisscr les chevaux a la clbposition des
blessés et des pestiférés. Qmmd son écuyer vint lui demander quel elle-
val il se réservait pOllr lui-meme, ¡tIc renvoya avec eotere en luí eriant :
« Que lout le monde aille a pied ! ..... moi le premier; ne eonnaissez-
vous pas l'ol'd,'e? Sortez. ))


A Jaffa, oú l'on arl'iva le 24, les malades eneombeaientles hOpitaux ;
la lievre y sévissait avec la plus geande intensité. Le général en chef vi-
sita ces malheureux : il compatit vivement a leurs souffrances, et se mon-
tl"3 doulolll'eusemenl affecté d'un aussi teiste spedacIe. L'ordre de les
évacuer fut donné. ¡Uais ji y avait parmi eux des pestiférés, donL le nOIll-
Iwe s'élevail u soixante, selon lU. de Bourrienne, et, entre ceux-ci, sept
a huit étaient teIlemenlmalades, dit le JJIémorial de Sainle-liélene) qu'ils
ne pouvaicnt vivre all dela de vingt-qualre heures. Que Caire de ces mo-


I'ibonds? Bonapal'teconsulla: OH luí répondit que plusieurs demandaienl
instammenlla !l1ol'l; que leur contad pom'mil eh'e funeste a l'armée,




IIISTOIHE


------- ---------1
et que ce serait 11 la foís un acte de prudence el de ch[lI'ité de devaneer
lem' mort de quelques heures, Il est iJ peu pres eedaio qu'uoe potion
soporifique lem' fut adminístrée,


En s'approchant du Caire, Bonapade cut saín d1ol'donner qu'on lui
preparat une réceplion triomphale dans eeHe capitale, pour détrui,'e ou
alténuer les ftteheuses impl'cs8ions que Fissuc de l'exPl>dilion de Syl'ie
pouvait faire sur l'esprit des habitants el des soldats. 11 fallait pl'évenil'
le découragement des llIlS et contenir les dispositions séditieuses des au-
tr'cs. La politique lui faisait un besoin , et unus dirons meme un devoil',
de dissimuler' ses perles et d'cxagél'cl' 8('8 avantages.


Le divan du Cai,'c r¡;pon!lit aux \ues de Bonaparte; il ordouna des
fdes el publia une proclamation OlI se trollvent I!'s passages suivants :


« II est al'rivé au Caire , le bien gardé , le chef de l'armée fran~aise ,
le géneral Bonapal'le, qui aime la l'e1igion de :Uahomel. .. Jl est entré au
Caire pat' la porte de la Victoíre .. , Ce .iour est un grand jour, on n 'en a
jamais nI de pareil. .. 11 fut ü Gaza oí ti Jarra: il a pl'olégé les habitants
de Gaza; mais ceux de JaiTa, égarés, n 'arant pas voulu se rend,'e, il les
livra tous, dans sa colere, au piilage et ü la modo JI a détruH fous les
I'emparts el fait péril' tout ce qui s'y trouvait. »


Pendant son séjour au Cair'c, l\"apoléon s'occupa de traraux de sta-
tistiquc SUl' l'Égypte, Les notes qu'il rédígea ont été publiées dans les
mémoires de son seerétaire.


Une Iloll\clle incul'sion de l\Iourad-Bey dan s fa Basse-Égypte l' arra-
cha bientót a ses paisibles oceupations. l\ quitta le Caire le 44 juillet et
s'achcmina YE'rs les Pyramidcs.


l\Iais un message de l\Iarmont, qui commandait ü Alexandrie, lui ap-
porta, le;) au SOil', la nouvelle que les Tures, protégés par les An-
glais, araient opéré un débarquement ü Aboukir, dans la joul'llée!llt 41 .
Le génél'al en chef vola aussitót au-devant de Farmée musulmane,
l'ommandée par Mustafa-Pacha; ¡llui tardait de "coger le désastI'e d' A-
boukir dan s Aboukir meme. Cette vengeance fut complete. Dix mille
hommes fUI'l~nt rejetés dans la mer, le reste fut pris ou tué. Laissons
pal'ler BOllaparte lui - meme éerivant au directoire Slll' ceUe grande
jOlll'llée.


« Je vous ai annoneé, par ma dépeche du 21 f1ol'éal, (Iue la saison
des débarquemenls me déterminait a quittel' la Syrie.


» Le 25 messidor, cent voiles, dont plusicurs de guerre, se présenlent


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DE :\APOLÉO\'. 1 1\1
(1(~Yallt AIl'xaildrie, el mouillent a Aboukil'. Le 27, I'enllemi déhal'qlle,
prcnd d'assalll, et 'aYl'C une intrépidité t::inguliCl'e, la l'cdoute palissadée
cL.\.boukir. Le ror! capitule; l'ennemi déhm'que son artillcl'ie de campa-
gne, el, ,'cn[ol'cé par einquante voiles, il prend position, sa droile
appllyl'e 11 la mer; sa gauche au lac lUaadicb , SUI' de hautes collilles de
sahle.


1) Je pars de mon camp des Pyl'alllides le 26, j'arrive le ~ el' thermi-
do¡' a Rahmanieh, je ehoisis Birkel ponr le centre de mes opérations, et
le 7 thermidor, ti t::cpt hcures du matin, je me trouve en présence de
I'ennemi.


» Le général Lannes mm'che le long du lac, et se range en halaille
vis-a-\-is la gauche d(~ l'ennemi, dans le lemps que le générall\lurat, qui
commande l'avant-garde, fait attaquer la droite par le général Ocstaings;
il esl soutellll par le général Lanusse.


)) Une -beIle plaine de (IUah'e cenls toises sépare les ailes de I'armée
rnnemie : notl'c cavalerie y pén6tre, el avee la rapidité de la pCllsée, se


trouve HUI' les denicres de la gauchr el de la droite de l'ennemÍ , qUÍ,
sabré, culbuté, se noíe llans la me1' : pas un n'échappe. Si c'eut ¡~té une




150 HISTOIRE


nrméc cUl'opéenne, nons faisions trois mille prisonniers : ici c(' rUJ'enl
tmis mille morts.


)) La seconrle Iigne de l'ennemi, silul'e a cin(1 Ol1 six cenls toises, oc-
cupe une po~ition formidable. L'isthme est la rxtl'emempnt élI'Oit; iI
était "ctranehé avee le pllls grand soin, flanqué par trente chalonpes ('a-


llonnieres : en avant de cette position, l'ennemi oeellpait le village d' A-
boukir, qn'il avait crénelé et ban'ieadé. Le général Murat force le vil-




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DE :-':APOLÉON.
lage; le général Lannes, avec la 22e et une partie de la 6ge, se porte sur
la gflueJw Je l'ennemi j le général Fugiel'es, en colonnes selTées, atta que
la droite. La dMense et l'attaque sont également vives; mais l'intrépide
cavalerie du général l\Iurat a résolu d 'avoil'le principal honneur de cette
journée, elle charge l'ennemi sur sa gauche, se porte sur les derrierl's
de la <imite, la suq1l'cnd ¡'¡ un mauvais passage , et en fait une horrible
boucherie. Le citoyen Bemard, chef de bataillon de la 69 c , et le citoyen
Bayle, capitaine oe grenadiel's de eefte demi- brigade , entrent les pre-
miers dans la redoute, et par la se eouvrent de gloire,


)i Toute la seconde ligne de l'ennemi, eomme la premiere, reste sur le
ehamp de bataille ou se noie,


» Il reste ¡'¡ l'ennemi trois mille hommes de réserve qu'il a placés dans
le fort d'Ahoukir, situé a qllatre cents toises derricre la seconde ligne;
le génél'al Lanllsse l'investit: on le bomharde mee six mOl·tiers.


») Le rivage ou, l'¡mnée derniere, les courants ont porté les eadavres
anglais et fran~ais, est aujourd'lmi couvert de eeux de nos ennemis : on
en a compté plusieurs rnilliers: pas un seul hornme de cette armée ne
s'esL échappé.


)) l\Iustapha, pacha de Romélie, général en chef de 1 'armée , et cousin
gel'lnain de l'amhassadeur furc a Paris, est prisonnier avee tous ses
orficier's : je vous envoie ses trois queues .....


)) Le gain de eeUe hataille est dó prineipalement au génél'al Murat : je
vous demande pom' ee général le grade de général de division , su bri-
gaLle de cavalerie u fait l'impossible .....


)) J 'ai fait présent au général Berthier, de la part du direcLoire exécu-
tiI', d'un poignard d'un hcau travail, comme marque de satisfaction des
serviees qu'il n'a eessé de rendre pendant tonte la campagne ... ))


Bonaparte profita de ce succes pour envoyer un parlementaire ti l'a-
miral anglais. Celui-ci lui flt passcr la gazeUe franc;aise de Franrfort du
~o juin--l799. Le généI'al fran¡;ais, qui se plaignait depuis longtemps de
ce qll'on le laissait sans nouvelles d'Europe, pareourut ectte feuille avee
avidité. 11 y vit la triste situation des affail'es de }'rance el les I'evers de
nos armées : « Eh bien I s'éeria-t-il, mon pressentiment ne m'a pas
trompé; I'Italie est perdue ! I ! Les Illisérahles ! Tout le fruit de nos vi c-
toircs a disparu! iJ faut que je parte. ))


Sa résolution fnt prise des cet instant; iI la confia a Berthier et a l'a-
miral Gantheaume, qui fut chargé de préparer deux frégates, la Mui1'On




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152 HISTOIHE


el la Carrere , el deux pclits Mtiments , la Rel'a/1c/¡(, et la For/1I1w) pOlll'
transportel' Ir général et sa snile en France.


11 s'agissait de laisser le commandemeÍlt en chE'f de l'arm('e en des


U mains dignes. Bonaparte n 'avait ti choj¡;jr qu 'entre Desaix et Kléber, J a-loux d'emmener le premier aver lui , il se decida ti désigner le second ~------~---~-~




~ 55


pour son sUCCCSSCUl', quoiqu'ils ne fussent pas tres - bien ensemble 1,
IIllli érrivit pour lui faire part de son dessein et pour lui transmettre le
pomoir dont il le ehargf'ait. Parmi les instructions qu'il lui donna nous
tl'Ouvons eelle phrasp : « Les chrétiens seront toujours nos amis : iI faut
les empecher d'etre trop insolents, afin que les Turcs n'aienl pas contre
nous le meme fanatisme que contre les chrétiens, ce qui nous les ren-
drait irl'éconciliablef:, »


Le retour de Bonaparle fut-il désiré et sollicité par le dil'ectoire 2 ,


• Jlonapartc avail écrit a K léber, en 1798 : « Croyez au prix que j"attache a votre estime et a votre
ilmilié, .Te crains que nons ne soyons un peu hrouillés, Vous seriez injlLqte si vous douliez de la peiue
<[ue j"en (;prouverais, Sur le sol de l"lÍgyple, les uuages, quaud il y en a, pa"ent dam six hemes; de
mon cutl~, s'il y en avait, il:'! seraient passt-5 dans t1'oi5. ») Tont cela tpmoigne de la crainte d'une rup-
1me plus que d'une sympathic mutuelle, Les deux guerricrs pouvaienl el devaient s'estimer, mais il
est évident <¡u'H, ne s'aimaien! pas,


'2 On a parlé aussi ele missivl's que Bonaparte anrait re~'ues (le ses frefes au siégc tI'Acre, par no-
lrrrnédiaire tI'un officicr llonuné Rourbaki. f't qui l'auraient engagé a ahandonner ce sirge pour re~
tourner eu F,'auce, Cela n'es! [las \Taisemblable, Bonapade se plaignail de !'ignoran ce complé!e oÍ!
il eLaiL des affairf's d'Y,ur0l'l?, juslIu'an moment. de son déllfl:rt.




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!


HISTOIRE DE NAPOLÉON.
qui l'avait vu partir ayer une joie secrete que le guerrier n'ignorait pas
lui-meme? On a cité une leUre signée de Treilhard, Lareveillere-Lépaux
et Barras, et par laquelle Napoléon aurait été pal'ticulierement déter-
miné a quitter l'Égypte. Il est difficile de dil'e comment lui vint cett<1
résolution au milieu de versions contradidoires i ce qui nous parait
cel'tain c'est que, dégouté de ses vues sur l'Orient par le mauvais sue-
ces de sa campagne en Syrie, et instruit de l'état des choses et des es-
prits en France, il crut que le moment était venu de laisser apparaitre
ses idées ambitieuses et de les tourner vers l'Oceident. « Les nouvelles
d'Europe, dit-il dans une proclamation datée d'Alexandrie, m'ont dé-
cidé a partir pour la Franee. Je laisse le commandement de l'armée
au général Kléber. L'armée aura bientót de mes nouvelles. Il me emIte
de quitter des soldats auxquels je suis le plus attaché i ce ne sera que
momentanément, et le général que je laisse a la contiance du gouverne-
ment et la mienne. »)


Bonaparte mit a la voile a la fin d'aotlt, emmenant avec luí Berthier,
Marmont, ltIurat, Lannes, Andréossy, lIIonge, Berthollet Jete. 11 évita
la croisiere anglaise, qui s'était éloignée de la cóte africaine pOllr al1el' se
ravitailler dans un port de Chypre. Ayant ainsi échappé a Sydne1-
Smith, il débarqua a Fréjus le 6 octobl'e.


I
~------ --------




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CIIAPITHE IX,


.\ trllve¡'sée d' Alexundrie a Fréjus n'avait pas
été effecfuée sans contre-temps et sans dangers,
Pom' sortir des eaux de I'Égypte, la flottille
avait eu a lutter cootre des vents tellement con-
traires que l'amiral avait proposé de ('('otrer


"dans le port; et ce parti, cooseillé ou désiré pal'
,'tout J'équipuge, aurait été suivi saos le ferme


- ~ -:- vouloir et la résolution inébranlahle de Bona-
parte, qlli était décidé ú tout braver et u tout risquer pom' accomplir
les hall tes deslinées qui l'attendaienl en EUl'Ope, II rC'TIl'ontra les memes




-156 HISTOIRE


obstacles et les memes conseils au départ d'Ajaecio, el iJ ) opposa la
meme ténacíté. Cette puissance de résolution et l'itinéraire étrange qu'il
tra¡;a a l'amiral Ganthcaume, le long des cótes d'Afrique, pour ve-
nir gagner ensuite la poinle de la Sardaigne, le firent échapper pro-
bablement aux croisieres anglaises. La perspective des ennuis de la
quarantaine le contrariait beaucoup, en meme temps que la plus
petite voile aper¡;ue en mer lui causait les plus vives inquiétudes. II
avait appris a Ajaccio la funeste issue de la bataille de NoYi, el il ne
cessait de dire : « Sans celle mandite quarantaillc, ti peine a tene
j'irais me mettre a tete de l'armée d'Italie. II y a encore de la res-
SOUl'ce. Je suis SÚl' qu'il n'y a pas un génél'al qui me refusat le commau-
dement. La nouwlle d'une vieloire remportée par moi arriverail
aussitót a Paris que eelle d' Aboukir. Cela ferait bien. » On voit que Ho-
naparle sentait le besoin d'atténuer par qudque dlOse d'éclatant et d'ex-
tl'3ordinail'e les fUeheuses impressions que pouvait produire son départ
de l' Égyple; départ solitait'e el tellemellt il10piné qu'il devait exposer


le général au reproche d'avoir abandolÍné son armée. lUais lorsqu'il
eonnul [oute l'étcndue de8 revers qu'ayuient essuyésles armes ('r:m~aises
au dela des monts , il perdit l'espoir de réaliser les rapides triomphes
qu'il avait revés, el il tomba dans un état d'afOiction qui a fait di re qu'il


-----~---




IJI


sellllJlait porter le deuil de I'Italie. Au reste, l'elllpressement des habi-
tanls de Fréjus le préserva des anxiélés de la qUal'antaine. Dl'S qu' ils fu-
rent instruits dc l'entrée du généI'al Bonapartc da LIS leur port, ils cou-
vrirent la mel' de bateaux, et se porterent en foule autOl1l' du vaisseau


qui avaitle grand /tolllIlle i1 son bonl, l'Il CI'üm( : « l\ous aimons miellx
la peste que les Autrichiells. )) Les précHutiollS sanitaires devinrent ainsi
impossibles a obse('vcr, et Bonaparte ('Jl pronta pOli\' accélérer' son I'e-
tour a Paris.


Il avait fait annonccr son arrivée a ses fl'eres el a sa femIlle, qui eou-
I'llrent a sa l'encontre SUI' la mute de la Boul'gogne, par ou il devait pas-
ser d'ap('cs l'itinél'ail'e qu'il leul' avait envoyé, Mais a Lyon il changea
d'avis, et prit la mute du BOlu'bonnais. Joséphine et ses beaux-frcres , ne
l'ayant pas tI'ouvé a Lyon, revinrent en toute hute a Paris.


Quelque opinion qu'on pút se fOl'll1cr du b('usq ue retour d'un généI'al
en chef laissant son al'll1ée au dela des mers) SOllS un cíel bl'úlant et
sur une terre insalubre) la grande majorité de la natiol1 le ['eltut
eomme un lilJératcul'. La démoeratie, apres avoÍl' donné a la FI'ancp
ses immensps ressoul'ces contT'e \'étrangel', a,ait fini pat' \H'Odllire a
I'intél'ieul' une lassitude universelle ¡¡ fOl'ce di) vicissiludes, de l'éac-
tions el de lil'aillelIlenls. La révolulion, q\li Hall tromé de si dignes el
de si puissants m'ganes dans l'assemblée eonstitunnte, la législatiYC)
la cOIlvention et le comité de salut publie, n'avait rien a attend,'e des


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I :iN HISTOIHE


-~-~--I


institutions et des dominateurs de cette epoque, parce qu'ils laissaient
deconsiderer le pouvoir sans profit ponr la liberte, et remplacer l'om~
nipotence populaire par la tyrannie alternative des factions. Si l'on
ajouLe a cela que la république, dans les mains oú elle etait tombée et
sous les formes qu'elle avait prises, n'avait pas pu retenir la \icíoire sous
nos drapeaux, et que des rcvers multipliés U\'aient fnil perdre lc frllit de
nos prcmieres el immortclles campagnes) on conceVl'a aisérnenl que
les esprits fllssent géneralement disposés ponr un grand changement po-
litique. 1\1ais de queHe natnrc serait ce changemcnt , el quel hornme Oll
qucls homIlles l'accompliraienl? "oila ce que ron se demaIlllaiL, el ce
(l\1i donnait lien a mille eonjectures, a des esperances ou 11 des craintes,
suivant les opinioIls et les intérets de cellX ql1i élaient préoccupes de ces
<j ueslioIls.


Le coup d'l'lat ne pouvait pas se faire au proíit de la démocl'alíe, quí
portail alors tont le poids des souvcnirs cl des pré\'entions dont ellc n'est
pas encore entieremcnt déli\Tee, et qlli étail exdusivement accnsée du
désordre eL dc l'anarchie dont tout le monde a!lendait impaliemmenlla
fin, Il ne pouvait pas tOlll'fier non plus en favcur dll royalisme, parec
que la masse de la nation n'avait pas cessé de youloir les résultats de
la révolulion, tout en se fatígllant des tourmentcs du régime l'épubli-
cain, et quc l'armée entierc, eomme fructidor l'avait pro\lvé J se sc-
rait d'ailleurs soulevée conh'e t.oute tenlatíve pour ramener les Bour-
bons.


e' était done seulement vers une concentralion des pouvoil's puhlics en
des mains vigourellses que I'opinion nationale manifestait sa tendance,
mais toujours dans le sens et J'intéret de la révollltion, el non point COI1-
t¡'e elle. Dans une kilI' situation) enh'c la répugnance invincihlc du peu-
pIe et de l'al'mée pom' une réaclion bourbonnicnne, et la crainte non
moins vi\-e d'une recrudescence oehlocratique, ]a nécessité appelait au
timo n des affaires un homme qui pLlt préserver la reforme soeiale de 89
des dangel's que lui a,ail fail eourir Ic relachement croissant des rpssods
de J'aulol'ité, et qui empechiit la disposition des esprits) si uni\erselle-
mcnt prononcés pour la force et l'unité de la puissanre adlllinisll'ativc,
de tOUl'ficr au profit du parti royalisle. POllr remplil' sa haute mission ,
cel homme ne devait Mtroner passagerement la démocl'atic qtÚlIl pro-
fit de la révolution elle-meme, et que renclre individuelle la dielatul'c
col!ective (lllC les assemlMes nationales avaient exercée HU nom du pcu-


I


i




DE L\APOLÉOl\. H¡9


pIe. 11 faIIait donc qu 'il flit inlimement ré"olulionnail'e, déyoué sans ré-
sene anx illtérets nOUH'aux, pl'ofonclément imbu de l'esprit de son sie-
ele, élc"é sur une gloire aequise au serviee de la France régénél'ée, el
capable de tl'iompher, par l'ascrndant de sa renolllmée et de son génie,
de la fielélité el de l'aítachement que l'exaltation pah'iotirllle nourrissait
dans qudques ames rt'publicaines pour la cOllstitutioll de !'an III. 1I fal-
lait aussi que son bras offdt une gal'Untie puissante contrc l'élrallgel', et
que son nom n'eút pas figuré parmi les hommes d'état impitoyables de
cctte terreur qui avait sauvé le pays sans Inisser aux libératelll's d'nu-
tre récompense que la flétl'Íssure de leur memoire. C'était un soldat de
la révolulion qui pouvait seul dompter le lion populaire et remerser le
systéme républicain, san s aHeindre au fond les cl'éntions ré\"olutionnai-
res qui étaient toujours c1H'wes a la Franee. TI y aYllÍt longtemps que ee
soldut avait pressenti ce !te grande tache, et que son mnbition guettait le
moment de la saisit', pm'ee que la eonseience de sa nature, de sa posi-
!ion et de srs fo['ees lui arait dit de bonne heure qu'jl réllni~sait toules
les conditions néeessaires ponr la remplir .avec sucees.


Ce que BOlla parte avait prévll et désiré concordait tl'Op a\"ee les
vmux el les besoins publies , pour que sa présence ne dev¡ut pas le signe
Iwécul'seUl' de l'événement qui devait eommeneer une phase llouvelle
dans le cours il'l'ésislible de la révolution fran9aise. Aussi, d&s que SOIl
retour fut eounu, lous les partis songerent-ils a se serrer autour de lui ,
a se faÍl'e uu appui de sa réputation et de son génie, et ti le faire senil' á
la I'éussite de leUl's combinaisons et de leurs plans.


La rnajorité du direetoire, fOl'mée de Barras, Gohier et Moulins,
voulait eonsel'Ver la eonstitlltion de rau III : Barras, paree qu'il trouvait
en ell(~ un moyen de se perpétuer au pouvoir ; Gohier et l\Ioulins, paree
qu'ils croyaient sincerement a la possibilité de rnaintenir le régime répll-
blieain sous sa forme aetuelle. Sieyes, au eontraire, qui avait tonjolll's
nOllrri all fonel du ca'lIl' une prédisposition monarchique et une répu-
gnance dédaigneuse pour les formes populaires, Sieycs aUeildait impa-
tiemment une oeeasion de manifester et de satisfaire son penehant seere!.
On l'aecusait meme d'avoir pensé á trahir la république uu profit d'un
prinee de la maiSOll de Brunswiek , comme on soupgonnait Barras d'a-
voi." en dt>sespoir de cause et lassé par tant de Yicissitudes , ouvel't des
relations avec la maison de Bourbon. Sieycs était done acqllis el'a-
vance a celui qui oserait ten ter un coup d'état conÍl'e les hommes et les


_._- -_._.-- --'------~


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!ti O IlISTOIHE


inslilutions démocratiques; et Roger-Ducos) son collegne, nI' lWll!'ait el
n 'agissait guere que par lui. Cependant Bonaparte méconnnt d'abord
ce complice' inévitable; il aCCecta meme 11 son égard un dédain insultanf ,
dans un diner que Gohiel' lui offrit le lendemain de la premie re enfrevnc
que le général eut avec le directoire ) ct dans laquello tont se passa ayer
uno réserve et une froideur respectives. Ce fut ti la suite de ce diner que
Sieyes dit avee humeur : « Voyez comme ce petit insolent traite un me m-
bre d 'une autorité qui aUl'ait du le faü'e rusiller! »


l\Iais cet éloignement réciproque qu'épl'ouvaient le métaphysicien et
le guerrier céda bientót au désir commun de changer l'ol'dre poli tique
établi en France, Quelqu'un ayantdit un jour devant Ronapm'le : (t Chel'-
chez un appui dans les personnes qui traÍlent de jacobins les amis de la
république, el soyez convaincu que Sieyes est a la tete de ces gens-la, )
le général sentit sa répugnance s'affaiblir, ou il s 'effor¡;a du moins de
la dissimulel' pour faire concourir a l'exécution de ses desseins l'homme
qu'il avait d'abord aceucilli dédaigneusement et clue certainement il
n'aimait pas. Le direcloire, pour se débarrasser d'un voisinage dange-
rellX, vOlllait exiler Bonaparte dans le commandement de ¡'armée qui
lui eonviendr'ait le mieux. l\Iais celte offre, brillante pOtll' ton! all!t'e gé-
néral, n 'était pas faite po m' ten ter le flltur souvcrain de la France. « Je
n'ai pas voulu refuser, dit-il, mais je leur ai demandé du temps pom
rétablir ma santé; et, pou!' évíter d'autres offres embarrassantes, je
me suis retiré. Je ne retournerai plus 11 leurs seances; je me décide
pour le parti Sieyes; il se compose de plus d'opinions que celui du dé-
bauehé Barras, ))


Les combinaisons qui amenerent le 18 hrumaire fUI'cnl ourdies prin-
cipalement par LlIcien Bonapart(" dans les conscils, et par Sieyes, Tal-
leyrand, FOIlChé, Réal , Hegnalllt de Saint-Jcan-d' Angély et quclqlles
autt'es. Fouché, surtollt, se mOlltra impatient de détruil'e le systeme
répllblicain, dont il avait servi alltl'cfois les exigences If's plus cruelles;
il dit au secrétaire de Bonaparte: (( Que votre genéral se Mte; s'i1 tarde
il est perdu. »)


Cambacéres et Lebrun Curen t plus lents 11 se déeider. Le role de COll-
spil'ateur n 'allait pas a la circonspection de l'un et a la modération de
I'uutl'e. Bonapal'tc, instruít de leul' hésitation, s'écl'ia comme s'i! dispo-
sait dejil des destinées de la Franee : « Je Be veux point de tergiYel'sa-
tion; qu'ilsnc pensent pas que raje bcsoin d'eux; qu'ils se dt'cident




--- -- ------


¡¡ L \\ r n ¡ I~ ( I \ . 1(; I


illljourd'lllIi, siuon demain. il sera tt'op tan!; je lIJe S('IlS assez forlllwin-
tellant pOlll' ('tre scu!. ))


Presque tous les généraux de l'cnom pr6sents u Paris entrcrent dans
les ,ucs de llonaparte; )loreauIui-mcme se mit it sa djspositíon, et !lOUS
Yerl'Ol1S bientot qllelle fonction iI consentit u remplil' clans la journée quí
se IH'6pm'aiL l\Iais il manquait u l'iIlustre conspil'atem' l'appuj de ('eluí
de ses compagnons d'armes dont il retloutait le plus l'opposition, les ta-
len[s el le cal'ae[cre : Bel'lladolte s'opiniUtrait il d6fendre la rópubli-
qlle et la constitution de l'an 1II . .Joseph llonaparte, son parent) l'amena
pourtant chez son rrcre dan s la matinée du 18 brumaire, Tous les offi-
ciers g(~n6raux s'y lrouvaient en unifol'me; Bernadotte y était ven U en
hnbil hOlll'geois, Bonapade s'en offusqUil, Iui témoignil vjH'mf'nt Sil SUI'-


prise, et ('('ntraina dal1s un c<lbinet, Ol! il s'expliquH su!' ses Ill'ojets ayec la
plus entiere frilnchise. (j Votre directoire est d(;testé, lui dit-il, ,"otre COI1-
stitlltiol1 est llsée; ji faut faire maison nette et donnerune autre direction 311
gouvernement. AlJez mettre votre uniforme: je ne puis vous attendrc
plus longtemps; vous me J'etrourel'ez aux Tl!ileries al! milieu de tous nos
emnarades. Ne comptez ni sur ),Ioreau, ni sur BeurnonvilIe, ni surles
g6n6raux de volee h()rd. Quand vous connaitrcz micux les hommcs )
,.ous n~rrcz qu'ils promettent beaucoup et tiennent pen, Ne vous y fiez
JlilS. » BernarloHe J'épondit qu'iI ne voulait pas prendre pilrt a 1I1lf' ré-


:.'1




11;2 IlISTOlnE


Lellion, et Donapar!c exigea alors de lui la promcsse d'une I1ellll'alit('~
complete, qu'jl n 'obtintd'abol'dqu'u dcmi. (, Jé I'eslcrai tranquille eomme
citoycn, répondit l'austére républicain qui depujs s'est laissé faire roi;
mais si le direclojl'e me donne des ordees d'agir, je marcherai contre
tous les perturbatenrs. » A ces 111ots, Bonaparte, au lien de se livrer a la
fougue de son cUl'Uctere, s 'effol'tta de maitriser son jrritution, pOllr con-
jurel', pUl' des promesses et des flutlcries, l'intervcntion hostilc d'un
homme ¡J'esprit et de courage qui ponvait faire échoucr la eonspiration.


Pendunl (¡ue tout cela se passait dans la petite maiSOll de la rue de la
Yictoirc, oú logeait le vainquem' el' Areole et dcs Pyl'amides, le eonseil
des anciens lui emoyait, par un messllge, le ueeret suivant :


« .\rt. l. Le corps législatif est transl'éré dans la commnnc de Saint-
eloud.


" ;\rt. 2. Les conseils y seront rcndlls dcmain ~ 9, a midi.
)) Al'l. 5. Le général Bonaparte est chargé de l'exécnlion du présent


décret. II prendm tOlltes les mesurcs neccssaires ponr la stil'eté de la rc-
prescntalion nationale. Le géneral commalldant la 1 je di vision militaire,
la gaI'fle du corps l~gislalif, les gardes nationales sédeutaires, les trou-
pes de ligne qui se trouvent dans la COll1ll11lne de Paris, dans l'nrl'Ou-
dissement constitlltionnel et dans toule l'élendue oc la ~ 7" division mili-
taire, sont mis immediatcment sous ses ordres, etc.


» Art. 4. Le général Bonapade est appclé dans le scin du conseill10uI'
y recevoir une expédition du présenl décret el preter sej'lllent. II se COll-
Cel'tel'a avec les eommissaires-inspecteurs des dl'uX eOIlseils. ))


Le général s 'nttendait a ee décret, convrnu entre lui pt ses partisans
dans le conseil. Arres en avoir dOllUé leclnre aux lronpes, jI ajoula :


" Soldats!
)) Le décrcl cxÍI'aordinaire du cOl1seil des aneiens est conforme aux


m'licles -102 etl 05 (le I'ade cOIlstitutionnel. 11 111 'a remis le commandp-
men t de la yille et de l' a rmée.


)) Je l'ai aceepté pOUl' secondcl' lcs mesures qu'jl ya lwendrc , et qllj
SOllt tont enticrl's en faYelll' du peupl!'.


)) La république est mal goUyernl'c dermis del1x ans. Y 011 S avez espél'é
que mOTI retom' mettrait IIn tf'l'me iJ tant de lllallX 1; YOllS raH'z ('óJ¡'·-


, Bon~[lal'tc ""ait ilMI" t á ('xag .. · .. .,,· les Illalh(,lll"s pllblirs, ponr jllstifier la rélollltion qll'j[ rnédi·
taiL (lans les formes goun'rllel1H'nlah'~; Illai~, qnelql1e (]('plorahle que f,it la situation de la n'puhlique,
les affairt's militairt'!' 11i-' donnait'lIll'lHS les m(}llW~ inqllifl1Hlr~ (ju':\lwrs](\ hatalllr tlr \cwi; les bueres


1-.- -------.. ----- --- - ----




In:¡


!)I'é avee ulle lIuioll qlli m'illlpose des obligations que je remplis; vous
remplirez les ,,{¡tres, et vous secondel'ez votre general ave e l'énergie, la
fennelé el la connanc(' que j 'ai loujoul'S ,ues en \ OllS.


)) La liberté, la ú('Íoil'e et In 'IJaíx replnceront la république fl'an~aise
au rang qu'cl!c occupaít en EUl'ope, el que I'incptie oula trahison a pu
seule luí fain' perch'e. JI


Le dél'l'el des anciens fllt ]lublié et la générale hattlle dans tOIlS les


/flltll'liCI'S de París. Bonaparte nt Pllsuite afficher In prodamation sui-
wmle :


" Cítoyens,
Le ('ollseil des unciens, dépositnire de la sagesse llalionale, ,icnt de


,'endl'eln dt"crel cí-joinL JI esl autorisé par les al'lieles 102 el 105 de
l'aete constitulíOl1l1Cl.


di' :\la"..,t"II;1 ;l\ait'lIt n;l'art' 11111' l'al'lil' de 110:; (k-~;hL'l':--•. \.u""j, 1.)l'6\tH, lc' h,;llú'al en chef de l'al'm,;\'
d'l:gYI,lr (lit aH .lirrrtoirr qlúl ,"tait \"1'1111, con<lnil pal' ses alarmes palriotitlues, puur partager les llérHs
du gOllv(,I'JH'menl L'('puhEcain , (~olliet' se liMa ti!' tlLi l't\p()!1I1rc ! (( G¡;Jléral , ils élaient granr1s, lllais
llon~ ('n somIlK'~ ~lt)l'ieusl'tllcnl SOl'tis. '-mis al'rivel. 11 pl'OpOS pon!' f:rléhl'p.L' ayer n011S lrs l1omhrt'ux
triollll'hps de vos rOlllpagnoJl!' d'lIrmr:;, rt 11011-; I'onsolcl' ¡JI" la perle tln jrul1c gucl'l'icr (Jollhrrt;: qui
pl'(~s de "nll~ :Ippl'i I ;'1 "()lll].:l! t:-¡> l'! a y;litl('l't'. t~ nO~np:L't(' a\'ait cxag-éL'(: le rlaH3cr ; Gullit'l' exag¡"l'ait a
:-'Oll !Plll'la ~{{'l1l'itf'"


j--~---




l(jl 1I ISTUIH E


» Je llle ch<Jrge de prendl't~ (les mewI'CS pOUI' la SLll'eté de la repl'('8('II'
tatioll llalionale. La translation est nécessaire et moment¡lIl(~e, Le cOJ'ps
législatif se trouvera u meme ele tirel' la représentatioll du dauger immi-
uent ou la désOl'ganisation de Loutes les parlies de l'aelministratiou JlOUS
conduit.


)) I1 a besoin, dans ceUe circonstance cssentielle, de l'uuint1 et de la
confiance des patriotes, RaIlicz-vous Hutour de lui, c'est lc scululOyCll
d 'asseoir la république sur les bases de la libertécivile, du bonheur ilJt('·-
I'ielll', de la victoire et de la paix, ))


Tundis que Bouaparte se tt'Ouvait ainsi investi de fait, el mee Ulle ap
parence de légalité, du eOll1mandement suprerne de la capitule, le dil'et'-
toire ne faisait rien, et, il faut le dil'c pOUl' su justificalion, ue pOll\'ai 1
['ien faire pOUl' déjouer les intrigues qui rentoUl'aient, et 110llI' maintellil'
a la fois son ulltol'ité et la eonsliLutioll, Gohier attendait bonnemenl dlPz
lui, au LuXeIllDOUl'g, le ehef des conj Ut'és qui s'y était familicrement ill-
vité lui-meme a dincr, et il lI'aul'ait pas osé soup~onner son glOl'ieux COIl-
vive d'avoir voulu, par ceUe inyitatioll) consigneL' le pn\sidcnt de la
['épublique daus sa salle u mallger, pour lui laisser ignoreL' re q ui se tra-
mait ou s'exérlltait contl'e le gonvemelllent direetorial. l\1olllins exhalait
son indignation en pl'Otestatiolls solitaiL'es et impuissantes; BaLTas ap-
prenait que le eoup d'état donl onlui avait fait cspércr qu'il partageraiL
les profits s'aecomplil'ail S<lt1S lui 1 , el qu'il u'avait qll'u se l'ésignel'
u la nullité qui allilit lui échoir, Sieyes et Roger -Ducos l>taicnt décidés


.¡ Bonaparte 3vait pl'úrnis a Barras de ~'(~nlt~1lI1L'e ,}\ Cí: lui SUl' ses prujels, et illui 3vait all1l0nCt~
une yjsite pOUL' le 17 hrumairc au soie, dans celte intention. )lais il se contenta Lle lui euroyer ~Uil
secrdairc, ce qui dpllutait (lue le géllél'al ayait son temps pri~ ailleurs t el (fu'il arait rlorllll; ulle autl'e
dil'ection a S(,s confirlenees. llanas le cUJIlprit; des tju'il vit entre!' ~I. ,le UouL'ricune I il se l'eganla
comme un hOlmne }lC't'du, et illni dit en le recowJuisant : (( .fe \'ob que llollllpaL'le me trompe; il lIe
l'evienura }las. c'est Hni; c'cst pourt;:ml á llloi qu'il rloit tonl. )) r:a:">suri.lTlce que le sc('d'lairc \'olllut
lui donnel' de la "bite de son grn('L'al pUIIl' le Lcndcmain u'inspil'a [las I'llIs <le rOLLliaLLte au LliL'ec-
teuL',


La "dile. HOfli.lpal'le lI'inailpils éli.,' all'iSi t:lllDaL'L'':bsé, au:\. Tuilel'ies. an~e le sCCL'étairc de Bal'l'tls.
llutot, qu'iL avalL pl'b llOlH' le l'('lH'i"~entallt du tlirrctuire, et i.llllluel il adrcssa Ulle "ire apostl'uplte
llll'il commcll~.'a pae ces UlotS: (( (Ju'avez-vous fait de la France:l. .. » un t¡;moin oeulail'e, :U. CoJ]ot,
a raclInlé ainsi ceUe sceIlc 1lH..;morable :


íí .le nc sais que1 gl~nie l'ill~}lirait en Ci' lIlomcnL Des exprrssions el des images sublimes couleL'í'nt
de ,sa. ])u,uchc en torrcut d'éloquencc, llllelguit la Franee tcl1c qu'iL l'ayait labsl;f' ; S(~:'\ al'~Crlall~ l'I;lll-
l'1is ',~ S~Jil' tCl'L'ituire a¡';TaIltli , ses tronpcs bien \"étnes , bien noul'ries, ll.1l'lout ,'idoril'usrs. etc., rte. ;
puis"sc tl'a.n~l-IorLaIlt tUllt a ('oup sur nos uernicl's champs de hatailLc, il y montra encore ses soltlats,
TIC connabs;lllt snlls luí (!11e la yieloire , y:tillcu:-;, cOlH~hés morts an chJmp de la dt'faite j il peigllit
lenl':': déhris humilfes, ete" rle .. , Tout ('('la ful tl'acé el! traits si largl':'l.:-.i }ll'OfOfHls, ellll'OllOIlClí <I\'CC
une ,'éhí~nl(·Il(·e. avee un ton {]'autorité f"t dt~ dOl1lrll!':-.i illlpnsant, IIU{' l0115 ceux qui {'taienl pri'sellls
furcnt p(ílli~tn"s ¡l'indignation ('ontl'e le dircctoÍt'c. ))




l> E \ A l' U L I~ U '1 .
il se dl'lueltre de JeUl'~ foucliul1ti, et DguI'uient, le premier surluut, parmi
les mCIICLlI'S dll complot. Les obslueles que EonapuI'te pOIlYait reuconLr'cr
rú'xistlliellt dOlle que dans le eunseil.


1I s'y rendit, le ·H), 11 une heúre apl'es midi, alH'Cs moir faíl Ol'l'UpCl'
tuutes les positiolls importantes par ses trouJlcs ) 50llS les ortln's de gé-
néraux dévuués, en etllmenunt avec lui Berlhiel', Lefcue) 3Iul'ut) LUll-


Iles, etc, (luallt a ]\[oJ't'au, il t'n nt It~ gc61icr des dirccLcuI's réealeitrunts,
Gohicl' el ]\[oulins, dOllt 011 publia néanmoins la démission , pUl' un de
ces mensongcs dont on ne se Dí pati faule cn eette journée, Siey¿'s el Ro-
gCl'-Ducos cllVoycrellt récllemcnt la IcuI' : Sieyes, tOlljOlll'S soigneux de
se mónagel' une issue a tout ¡'~VéllCIIlCllt, cut la précautioIl dc se fairemet-
tre ('11 al'l'cstatiol1 chez lui. Barras, insLl'llÍt pal' TallcYI'L1l1d de ce que lui
avait rait pl'esscnlil' la visite de lloufl'icnne, ahdiqua entre les mains du
farncux ntigociall'lIl', d partit incontinenl pou!' G!'osbois, laisslIllt une




,---- -


i


111 S TUI i~ E


leth'e pour le présidellt du eonseil des anciells, dmls laquelle , apr¿'s avoil'
protesté de son désintéressement et de son amour cxclusif pOllr la patrie
et la libel'lé, il déclarait « qu'il renll'ait ayee joíe dans les rangs de simple
citoyen 1 heureux, apres tant d'ornges, de remettre entiers, et plus 1'es-
pectnbles que jmnais, les destíns de la ¡-('publique don! il avait padagé 1('
Mpót. 1)


Quoique lescunjurés se crussent malLrcs du conseil des aneiells, Bona-
parte reneontra dalls eeHe assemblée plus d'opposition qu'il n'ell H\'ait
prévll. Sa présenee y de\'int le signal des plus "ives illterp(>llatiolls, et
eomme il était habitué u pal'lel' a des mas ses obéissuntes, l'attitwk
hostile de quelques républieains séveres ou exallés, quí se cOllwail'nt
du litI'e sacl'é de représentallt du peuple, luí causa une ('motio!l cl un
trollhle qlli faillil'ent eumpromettre le sueces de la journ(\('. Des phra-
ses eoup¡"es, des ll10ts SUllS suile) des exdmnatiolls intelTOlllpUPS par
les lllurllllll'es de l'auditoire fUl'l'nl tout ce qu'il pul faire entcndl'e 11 la
bane. Tantót il adressait des upostrophes el des aceusalions 1111 parli
démocI'atique, tanl()t il pl'enait le ton apologetíqlle et chcrelwit u jlls-
lifier sa condllitc par le souvenü' de ses seniees passés. A la fin , il in-
voqlla la liberté et fégalité, et comme Lengld cn prit occasion de llli
rappeler la constitution , il s'écriu avee plus d'assurance: « La consti-
tntion! vous l'avez violéc au ~ 8 fructidor, an 22 floréal, all 50 pl'ai-
rial. La constitution! elle est invoquée par ton tes les [actions, d elle a
été violée par toutes, .. et, Hujourd' hui encore, e'est en son nom que l'on
conspire. S'il faut s'expliquer tout a fait, s'il faut nommel' les hOll1mes,
je les nommerai. Je dirai que les directeurs Barras et lUoulillS m'ont
prolJOsé de me mettre a la tete d 'un parti tendant 11 l'et1versel' tOIlS les
hommes a idées libérales. »


Ces derniers mols souleverent toutes les passions 'lui s'agituient dans
le conseil. On demanda le comité secrd, mais la lllajOl'ilé s'y opposu ,
d Bonaparte fnt sommé de s'cxpli'luer nettement t, la facI~ de la nation.
Son embarras fut alo)'s plus grand que jamais; et au milieu tll' la plus
vi\-e agitation , il termina par ce c¡'i J qn'il prOllOn(:a en se retil'llnt :
« Ql1i m'aill1e me sllive! ))


L' ol'age gl'Ondait ayec plus de yiole[Jce encore an conscil des cinq-ecllts 1
(Iont la mujorilé l'('stail inl'hran lable dalls son dérollemen t 11 la l'epllhlilllw
et ula eonslitulioll. La ¡edure de la lelll'l' de Barras, confinllant (out Cl'
que les érénemcll ts de la ,cille fuisuicnt pl'ésagel', anil pl'O\1 )(1111', les [11'0-




IHi


posiliolls le~ plus (;nel'gi([lll'S contrI' qllicOllljllC aU('nlcruil a l'ordre exi-
stallL SIIl' la lllotiO!1 de Drlhrel, les rl'pn"sclItants rl'nol1\eJaicnl leUl'
sernl('!1t lorsctuc BOl1apartc parut dans l'assemblée a,ce lIne rscork de
grcnadiers, A eclte vue, une indignatioll prcsqlll' lllliycrselll' se manifesta
dans la salle, 011 eria de toutes parts: I( A bas le dirtatel1l'! 1, bas le
Crotlm('}! Bonapade hol's la loi! )' WUc!(IUCS dl'PUlt'S s'éJancerent de
lellrs sié~es, ct se porterenl ala reneontre dll généralllour luí reproche,'
('clle pl'Ofanatioll dll temple des [ois, « Que raites-vous, téméraire, lui dit
Rigonnrt, I'rlirrZ-Y0I1S ' " Et commc ceUe démo!1sl!'alion paraissait una-
nillle, Bonaparle, eneOl'c tout ému de la résistance inaUendue qn'il Hait
I'ellcontr¡\e aux aneiens, se \it impuissant allltter contre le Ilouvean tu-
multe purlemelltaire, plus mena~ant que le pl'emier, d regagna promp-
\('IlW!1t !'O!1 I'S('orlP, qui le ramena au milipu (les tl'Oupr~ 1, ti!, il se


1 Il (':-;t innlilp de' l'appf'll'l' id l;:¡ ,rr~ion offir.j('!Lp 'Iui vonlllt tr;:m~f()rm('1' en a .... ~a~sins If's l'epl'esen-
f:lIlts (111 ]wl1plr . el' {Iui I'('COllllYlalHla aux favrul's <In pl'¡~mipl' cOllsnl ]f' grrn;:¡clier Thomé et un antrr
rle !-,f'i) call1at',Hll's, p0111' pn'tendw's hlPs~m'(ls que ni 1'1111 ni I'autre n'avait l'e~lles. Toul le monde
sail ;mjolll'd'll1li que la r:lule d(¡~ poi!!;nards TU' fut iTlypnlfit' qllP pOll\' h"~itirnrl' nnlrrvention de!'.




IGS tlISTOJ[lE


sentit micux it J'aise, ct sa eonllanee et son auduce Jui revinl'cnt [out it
fait quand Lucien, qui avait été eonh'aint d'abandonner la pl'ésidenee
pour n'avoil' pas voulu mettre allx voix la proscription de son frere, lui
appol'ta, non seulement !'appui de l'aulol'ité donl il venail de se dépouil-
lel' dans le sein de l'assemhléc, ct dont ill1f'rsislait néanmoins á s'étay('l'
au dehors , mnis eneore le seCOLll'S de son doqnCIlcc, de son courage f'I
de son neti\ité.


Luden monta a cheval, pareourut les rnngs des soldats, el, an'e I'(1C-
cent d'un ltonune <{ui semblail aroil' eneore dcvant les yeux drs poi-
gnards et des assassins, il s'éeria :


« Ciloyens, soldals,
» Le pl'ósident dll conseil des rinq-cents vous déclm'r (lile l'immensc


majOl'ité de ce eonseil est dans ce moment sous la terreu!' de quelques
représentanls du peuple u slyle!) qui assipgent la lribune, l)['ésentent In
mnrt a leUl's eollegues, et enlevent les délibératiolls les plus affl'ellses.


JJ Je vous Melare que ees audaeieux bl'igands, sans doulc 80lMs pa!'
J'Angleterre, se sont mis en rébellion contre le eonseil des anciens, el
ont osé parler de mettre hors la loi le génél'al ehargó de I'exécution de
son Meret; eomme si nous élions eneol'e a ces temps affreux de lelll'
regne, Ol! ce mot, hors la loi, suffisait pour faire tomber les teles les
plus eheres a la patrie,


)) Je vous déclare que ce pelit nomhre de furieux se sont mis ell\-
memes hors la loi par leurs attentats contre la liberté de ee eonseil.


J) Au nom de ce pcuple qui , depuis tant d'années, est le jouet de ces
misél'ables enfants de la terreur , je eonfie aux guerriel's le 80in de déli-
nel' la majorité de lcurs rcprésentanls, afin que, délivrée des stylets pal'
les ba'ionnettes, elle puisse délibérer sur le sort de la république.


)) Général, et vous, soldats, el vous tous, citoycns, vous /le reconnai-
trez pom' législalcurs de la France que cel1X qui yont se I'endre allpres
de moi; quant iI ceux qui !'esh~ront clans l'Orangerie, que la force les ex-
pulse! Ces hrigancls ne sont plus les représentants dn pcuple, mais les J'e-


ha'ionlleltes et pom exciter I'anilllarh'crsion nationale contrc les I'rpllblicains. QIII'lljllC opinion 'lllC
I'on adopte SIII' le 1~ bl'lI111ail'e, il est illlpossiblc dc nc pas tléll'il', allllOlll de la mOl'ale pnblirlllc, ton·
tes les imposturc~ ct les calumnies donl firent u~age ceux (tui se prnclarnercnt enslIile ll·:-.lilJI;l'ateul'!'Ói
dI] pays, llllClWl Je :-;nccl.'s put CnW'(Jllnf; Ielll'S ('ffol't~. La l('!Trlll' aussi Rall\a la Frall('e, el plus d'ulI
tel'L'oristc emplo~ a ~lf's mo)'r,l1s ou commit des aetes que Len!' résulttlt nr sanl'ilit justifitl'. C'('st U<ll1S
la llléme balance qlle l'hi,loire rloi! IWSf'1' les ael('s el lrs pal'olf's de Luden Bonapal'le el de SI" como
plices,




DE \APOLI~Oi\, 1f,(I
préselltnnts du poigna!'d, Que ee litre leu!' n'ste, f(u'illes suivc pnrtout !
p[ JOl'squ 'ils oserollt se mOIlÍl'el' au peuple, que tous les doigts les dé-
signent sous ce nom rnél'ité tll' 1'í~lm'senlu[]ts du polgnanl !".


» Yivr la n'¡mbJíllll('! 1)
Ce' lUIlgnge t('ouya pOlll'lant )('s soldals indeciso Pour les déterminer,


Luden njoutn : « Jc jure de perre)' le ~eill de mon pl'Opl'C f!'ere si jnmais
il porte ntteinte n la liberté des Franr,ais. ))


Ce senllent, pl'OIlOIWé avel' force, tl'iompha de l'hésitntioll des tl'OU-


pes, Pourtallt el' lll' ful pas sallS hé'sitatiOllqllc llonapal'le onloIllla a )lu-
I'al de 111111'('lIel' iI la tCl(' de8 gl'PllIldicl's, d. de dispersc¡'la reprósentatioll
natiollnle. l\lnis. (]("r,1I dans l'l'spoir ((1I'i! m'nit formé de tout obtenir par
J'nscendant dl' sa \w('senc(' et ¡Jp ses diseollrs, et YiH~men t pl'üssé pnr
son frerc pt les (ll'illeipaux conjures, il Sl' c1érida il dissoudrc 1'llsselll-
IMe par la force, l'I en HU imtullt la salle fut eyucUl',p,




170 HISTOIRE


Cependant pour donner a leurs ades l'apparence de la légalité, les
auteurs du 48 brumaire, une fois victorieux, voulllrent se servir encore
des formes GOnstitllLionnelles qll'ils venaient de détrllire, et ¡Is chcr-
eher'ent, a cet effel , de tous c(¡tés, quelques débris de l'assemblée qu'ils
a vaien t violemment expulsée, pour former un silIlulacre de représenta lion
nationale. Luden pal'Vint ti réunir, dans l'orangerie de Saint-Cloud ,
une trentaine de députés qui se chargerenl d\~xercer machinaIrment k
pouvoir souverain que BonapaI'le possédait déjil en réalité, el qui cll~eré­
terent en eonséquence, outre l'éliminalion de soixantc-un de leurs col)(>-
gues, la dissolution du dil'edoíre el la fOI'l11fllion d'une commission rOI1-
suIaire , composée de tmis membres, savoÍl': Sieyes, Roger-Ducos el
Bonapal'te. Ce gl'lwd ehangement fut eonsomml~ ti nellf lIeures du soir.


11 était onzc lIeures (lue Bonaparte II 'aYait cncorc pl'is allClln alin1f'nt
de tOllte la journée. Au licu de s'oceupel' de ses hesoins physif(llcs, il
ne songea, en entrant chez lui, el quoirllle la nuit ftlt avancée, fIn'ti com-
pléter eeUe mét110rable journéc \ en I'annon~ant, et en I'l'xpliqllanl,
avee sa supériorité ordinuire, au pellple ('rangais. TI t'(Sdigea, clans ce
but, la procIamation sllirante :


« A mon retour a Paris, j'ai trouvé la dirisíon dans tOlltes lps alltol'i-
tés, et l'aceord étahli sur eelle seule vérité, que la eonstilution était n
moitié délruile, el De pouvnit sauSer la libel,té!


)) Tous les pnrtis sont venus n moi, 111'ont confié leurs desseins , M-
voilé leurs secrets, et ll1'onl demandé ll10n appui: j'ai refusé ({'etrc
I'homme ({'un parti.


)) Leeonseil des Aneiens m 'a appelé, j'airépondu a son appe!. Un plan
de reslauratioD générale nvnit été concerté par des hommes en flui la
nation est accoutumée a voir des défensetlt's de la liberté, de l'égalité ,
de la propriété. Ce plan demandait un examen ealllle , libre, exempt de
toute influenee et de loute crainte. En cOnSt'(IUCnCC, le conseil dcs Aneil'lIs
a résolu la translation dll 1'00'pS J('gislatif ñ Saint-Cloud; iI m'a chargé de
la disposition de la force nécessaire a son inMpendanec. J'<IÍ eru dCHlir
ti mes eoncitoyens, al/x soldats périssant dnns nos armées, ti la gloiJ'(~
nationale, neqllise au prix de I('ur sang, d'acceptcr le commandelllent. »


Bonaparte i'aisait ensuile lc réeil de ce flui s 'élait passé ti Saint-Cloml.
el eonHrmait par son puissant témoignage le mensonge a lldacienx de
LlIcien sllr les stylets et les poignards; iI terminait aitlsi :


1( Ft'afif;ais, vous l'eeonnaitr'('z ~ans <10\l!(' 1(' zt'ln ¡J'UIl "nIdal. de la




DE ~APOLÉO", 171
lihel'l.é, d'un eito)'l'\1 dévoué 11 la l'épublique. Les ¡Mes eonservatriees,
tutélllil'es, libél'ales, sonl rentrées dans leurs dl'Oits par In dispersion
des fae!ieux quí opprimaient les eonseils , el qui , pOUl' eLl'e devenus les
plus odieux des hommes, n'ont i1as eessé d'elre les plns misél'ables. )




ClIAPITHE X.


ES bOllnnp~ allst¡'H"es dans leu!"s 1.1I'incilJL>S,
les \'épubliraills in(Jexihles, persuades filie la
rause poplIlair'c a \ ait suceombé sons le glaive
d la ealomnie ayer les formes démocrati-
'lues de la eonslitulion de l'nn IIl, tlétrirent
eomme un erime dc lcse-natioll le coup ¡\'é-
tnl de brumail'e. La masse dn peuple, le g\'OS


de lous les parlis, rimmensc maj()['ité des condilions éJcvées el des
cIasses moycnnes el la prcsqlle nnnnimité rlPs rlasscs ollvr'iercs , tout ce
(Iui aUachait plus de pl'ix I1 la prospél'ité malérieJle de la Franee, u sa
pacilication domestique et a su sCl'U1'ité extérieul'e ¡¡U'UUX questions de
mécunisme constitutionnel et de métaphysiqne gouvel'llementnle; le pays
cntie\', en un mol, ll10ins qllelqlles esprits indotllptables, s'empressa
d'absoud¡'e Bonaparte de l'attentat de Saint-Cloud, qui fut dils lors uni-
versellement considéré et accllcilli eomme un évéllement réparatellr,


« On a disClllé mélaphysÍllllement, a dit Nnpoléon a Sainte-lIt-lene, et
I'on discutera longtemps enCOl'e si nons ne "iolames pns les lois, si nOll5




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- ---------------------------


11 1 s T () 1 1\ E f) 1: .\.\ l' () L ~ () .\. li5
IJ(~ Illllles [las cl'iminels ; luais ce sOllt alltaut d'abstractious, bouues tout
,1 il plus pour les liues el les l .. ibulles J el qui doirent dispal'ailre deyant
l'impt'l'icllSe Ill"c('ssilé; aulant yaudJ'[\it accusel' de dégiit le marin qui
('(jupe ses múts ¡¡our lle pas sombrero Le fait est que la patl'ie san s nons
l-Lait pcrdue ) et que nous la samúnws. Aussi les allleul's, les grands ac-
tl'UI'S de ce mémorable COllp (l"Mat. au lieu de dén(~galions el de jllstifi-
('atiOlls, ¡Joirellt-ils, ñ l'exelllple de (~e llolllain, S(' contenter de l'épon-
dl'e uw'c fie!'t(~ il lelll's ueeusateul's: (f i\"ous prolestons que \101lS avons
~auvé \lol\'(' pays; vcncz a"pe TlOI\S !'PIH!t'P gl'úces aux dieux, "


)) El cedes, tOllS ('eux qui, dans le temps, faisaicnt partie du lOllrbil-
IOH polititlUC, out eu d'nutnnt moins de droit de se récrier avecjusticc,




I J .. JlI STO 11\ E


que lOllS conrcnail.'nl qu'un changemeot étail indispensahle ) fIlIP tous le
HlulaimlÍ, el que chaeun cherchait ti l'opél'el' de son c<lté. Je fis 11', mien
ill'aide des moMl'és, La fin suhite de l'anarchie, 11', re tour imlllédiat de
l'ordrp, de l'union, de la force, de la gloire, furent ses l'éslIltals. Cellx
des jacobins, Oll ceux des im11l0l'allX 1, auraient-ils été sllpüieul's? iI
esl permis de croire que non. Toutefois il n'esl pas moins tres-naIUl'eJ
q ll'ils en soipnl dcmeurés méconten ts, et qu 'ils en aienljeté les hauls cris.
Aussi n'est-ce qu'il des tcmps plus doignés, a des bommes plus désin-
tél'essés qll 'jJ appa\'lient de prononel.'l' sainemcut sur cette grande af-
faÍl'e. ))


Ces telIlps doignés approehent; k-s hommes désintérpssés arl'ivpnt.
Quoique les génél'ations actucJles soipnt pl'ofondément impl'égnées d(~
I'esprit démoel'Htique, dont Bonapal'te dispersa les repl'ésentants el ren-
yersa les institutiolls a Sainl-Cloud, les démoerutcs d'aujounl'hui, pe\'-
sonnellemenl étrangers aux impressions Yiolentes que eette dislwl'sion el
ce rellyerSemen! flrcnl éproU\cl' allx plus dWlIds palriotes, doivent elt'c
assez dC-gagés des ressentiments légitimes et de la juste l'anClllle de leul's
¡¡ereS, pOUl' se demander, dans le c[llme de la m¡\r!itation el du hallt de
I'impm'lialité histOl'ique, si le eOllp d'état qui atteignit les plus fenents
I'évolutionnaires, et qui souleva d'indignation tout ce qu'il y avait de
plus sévere, de plus ardent el de plus pUl" p[lrmi les \'épublicains et les
démocl'ales, ne fut pas, apres tout, plus favorable que funeste il la mar-
che de la l'émlution el aux progres de la démoeratie.


Quand Bonaparlc se présenta, le glaivc en main, pour mdlre sa pro-
pre pensée et sa senIl' volonté ,', la place des lois que le peuplc Hvait éta-
blies et des magislrats qll'il avai! élllS, e'esl que les lois et les magislmls
du pcuple étaient implIissants u défendre sa cause eonll'e ses elmemis du
dedalls et du I1ehors; c "('st que le eoUl'S de la I'évolution élait entl'avé, son
slleces déJinitif COllllH'Omis par la faiblesse ou la eorrllption du pouroÍl';
e'es! que la d¡'-ccnll'ulisation menat;ail de livre!' le pnys aux passionsétroi-
tes et nnarehiql1es des localités et des factions; e 'esl, entin, que la
ehollannerie et I'émigration, toujours appuyées sur la coalition des rois


~ ;XapoleOll désigllc ainsi les lrois parti~ issus dl\ la révoluf,iljn, el tlui se disputaknt alors le pou-
yoiL' : ( ~e 1nn'rll~'(/e :: lPs jaeohins) Ilont un g(~L1(~ral fort connll .: Bel"nadotte , JouL'dan ~ Augercau eH
f:taiC'nt) c;taitun des chrfs; les modéJ'cs, conduits paL' Sieyt~s, et ICA poul'ds ayant llal'ras a leHl'
lt't~. , 11 ajoult~ "ue les jacoLins lui offrircnl la dictalurc el qu'illa refusa , paree "U' ji comprit 'Iu'a-
lH'l'S ayoir vaincu ayec rux: il scrait aussit4)t rétluit a vaincre contrc eux,




._--!


DE 'L\POLÉII\.


de l'Eul'Ope, dispuluient incessammenl et pleines (J'espénmee, a la catlu-
cité du jarohinisme, les grandes conque(es politiqnes que le jacobil1ismc
seuI, en sa jeunesse, anüt pu entreprendre, rl'aliseI' el lIwintenir.


11 élait évident que la revolutión avait epuisé ses ressoul'ces démogo-
giqlles, et qll'clIe ayait use l'une de ses forllles, Apres ¡¡voir vainru por
l'onmipolenee de la multitude, elle l'i~quuil de se IJIesser elle-meme aYer
ce I'edoutoble ins(rmnent de so victoire , qu'elle n'étail pus cncol'e assez
hobile iJ manier longtclllps SUIlS dongel', Sa nonvelle situation cxigcait
done une forme nouvclle; la dictatul'e el 'tm scul devait reparer le des-
ordre que la dictalul'e de tOllS ue pQuvait plus conlenil', CJétail une des
plus beBes manifestations de la puissanee re\Olutionnoire, que eette fa-
cililé ü tromer, selonles besoins du moment, des iM'es el des homnws
d'ol'dre pOIll' continuer l'wuvre des idees et des hommes de liberte, sous
une uppureIlce de réoctio!1 et de rontroste, et, ('[] d'ulité, duns un interet
comll1Ul1 el UI1 bul ¡denlirlue, La I'oyauté et l'aristoel'otie e\1ropéennes,
qui avaient tremblé de'tant le [wllple SOU\ crain, quund iI s 'exprimait par
des millioIls de voix, el qu'il agitait des millions de bras hérolques, s'hn-
hituaieot iJ ne plus le cl'uindI'e el eommeIl~aiellt meme ü reprendre Sl1I'
lui qllelqlle anmtage, depuis que la l11ulliplieilé de ses orgoues arait alllellé
de fuuestes divisions, elrompl1 I'imposnnle llnanimité qu 'il dut u ses joul's
de péril, dOlll il fit ses jours de gloim, II falloit que le pellple sOllvewill
rmnenilt ses ilTéconciliobles ennemis ú la crainte el a\1 respect dont iI
essayoit de s'aHranchir, d f!u'il porttlt elans lcul's capitales memes cel
élendal'd de la réfol'lllC , qu'i\ s'é[ait bOl'llé iJ défcndre jusqlle-liJ contre
lems ottnques, Pour ohlenil' ce mognifique rl'sultat, iJ n 'avuit ))esoil1 que
de ehongel' de ladique et d'nlllll'e, que de se I'ojeunil' et de se I'clrcmpc¡'
pat' uoe grande métamorphose, Le nombre immense de ses organes avai!
fini par l'cxposer aux dissensions el aux cléchirements internes; la plll-
parl de ses membrcs, fatigués por une longue lutte, ¡"taienl cxtenll¡"s ,
\'uinés, gongrenés, 5a yolonlé et son action , morcelees par eles I'ouagt's
in/inis r¡ui s'entre-chor¡lInient le plus sourent, lllo11quaient d'unite el de
rorce: il retroma la force el tJunite en saehant a pl'OpOS \'0\110ir el agil'
pal' le genie !l'UI1 seul hOll1l11e.


Ainsi Bonn111l1'te ne (]('t..tmfl point le peupte il Saint-Cloud , il en chnn-
gen sellIcment 13 I'rpl'ésentatiol1; illa rendit unique, de eolleelivc qu'el!e
¡"lail. El le peuple ll10ntra qll'ille comprcnait bien, ('ll salllant son an',-
nemcnl 1I\W' enf]¡ousiaslllc. COl1lme l'nssemhJéc cons!iflltlnte et le comitó




I,H IIISTOII\ E


de sallll publie avaipnt (~:xpl'illlé la \olontó nationale dalls sa pél'iode dI'
destruction el de resistallee, de mell1e le dietatelll', qui se para sllC'cessi-
vemelll des till'CS de conslll cl d 'cmpcreuI' , en fut la glOl'ieuse expl'es-
sion, dans sa pel'iode de réorgauisation pt de propagallde al'lllél', .\ pl'(~S
tant de fautes commises depuis pat-Ie grand homme, apl'cs tant de dévia-
tioTls illibél'ales, tant de r(',el's essuyés et d'outrages subis, le pellple est
r('sté inebl'anlablc cluns su pensóe, pt la pensee dll pellple est la seuk
donlla pel'sévérance atteste l'infaillibilité, Sur cet orean politique, dont
le flux et le rellux ont euglouli pendant trente aus, et englolltisS('(lt cha-
que jOl1l' de si "astes renOmlllt~('s el de si brillantes réputations, le sou-
,enil' de Napol!:on sUl'nage seul , lml\ant la temp(~t(' !'t les flots qui 1]('
font que relevel', comme pOlll' lui faire l'peemir de plus haut le lémoi-
gnage impáissable des sympathies poplllaires,


Et ce n' est point aux prodiges de son t'pée, dont le luxe peut éblouil' la
gónération contempol'aine , qu'il doit ecHe immense et constante popu-
larité, Le eulte de son llom, plus religiellscment gardé sous le chaull1\'
que SOllS les lambl'is, indiqne ass('z quC', loin d'moir arreté le dérclop-
pement des princil)es et des intél'ets démocl'atiqlles, il cut qnelqlle dl'oi I
a se direle pI'emier démocrate de l' Enrope; ear ce n 'est pas sans )'aisoll
que le pellple le considere encore comme le l'évolutionnail'c qui a le plus
puissamment ébl'anIé les vieilles dominations et Ips supériol'ités factice~
de la naissance et de la fortllne, pal'l'émancipation du mérite, qui dC'yinl
le ¡eul titre iI tous les emplois, el donlles élus parvinrent jusqu'all t!'tIllC',
pOlll' fOlller sous leurs pieds de panelllls l'orgueil et les pl'estiges d('
I'antique I'oyallté, et laisser ainsi un champ libre el une yaste earrii'l'C' :'!
I'esprit d'égalité depuis le del'Jlipl' (le¡rré jllsqll'au Ill'emiel' l'ang de la
hié¡'archie politique,


Que les hommes forle/l1ent lH'éoccupés des destillecs de leu!' pays pi
de l'a\enir de I'humnnité n'aillenl done pas épouser la querclle pel'soll-
ndle des républieains de l'an VJlJ 1 et ¡]¡>mandc'l' ('ompt.e 11 llonaparle dc'
la constítutioll de l'an 1Il, s'il est d 'aillellrs ineolltestable que son llSlIl'pa-
tion, puisqu'ol1 w'nt I'appelel' ainsi, lIe fuI qu'lIlle des faces SOllS les-
quelles l' esprit révolutionnairc devait se eonsolider en Frunce, et se ré-
pandl'e en Eul'Opl', .\lirabean anssi fllt nn uSllrpntelll', quall(1 pou/' l'endn'
souveraine nne assl'mbl("1? Slll' laquell/? il sr s/?ntailla Jlnissance de régn('1'
lui-memc par la purole, il pnussa le tiel's-l'lal a llll']lrisel' sp~ cahiprs, ú
dl'll'uil'e I'aneienllt' di~lincti()1l dc's ol'tlrc's, d ÚI'PIl\(,I'Sel' les lois (~\istan-




i __


n E \" ,\ P O LI~ O .\ . 177
tes, pom' sc prodamer unüI uc dépositairc dll pOllyoir eonstituanl. Il n 'y
a gucl'e pourtant que les rigoristes de l'ancien l'égime qui aienl osé dire
que le serment du Jeu-de-Palllnc fut un acte impie et eoupable, paree
qu'il ]lOrta atteinle aux insliluticms fondamentaIes de la lllonarehie, el
qu'il fut pl'Mc en yioIation manifeste du mandal e'jlrcs des déput{Os. Il
n 'apparlient , en cffl'l, (¡U'U des seGtaires el u des kgisles , dupes de leul's
I'essentiments ou dc leurs serupules, de ehicaner ainsi lü génie sur la lé-
galilé dü sa missioll quancl iI ,ienl aecomplir de grandes ehoses.


Si llonapartü n 'éteignit pas l(~ volean clémocl'ulitlUe, eommü on l'en a
tour ti tour aeeusé üt féJieité, et s'il ne fit que eaeher ce que son era tel'('
avail d'cfh'ayanl, d'abord sous lü fauleuil eonsulairü, ensuile sous le
trone impérial, l'esprit rc'publicain doií l'absoudre d'avoir saerifié les
formes de la démoeratiü u ses intérets essenlieIs, u son salut et u sa p1'o-
pagation. Sans lui, la républiquc n'en périssait pas moins ; mais queIques
annl'es de plus d'existence sous des lois impuissantcs el dcs auloritCs
m-ilies n'allraient fait qu'aggl'a\e1' lü mal qui la dévol'ait et les aecuSD-
tions dont on l'aceablaít. Tels aUl'aient été les pl'ogl'es de la lassitude et
du dégoút, qll'llne 1'éaetion violente uurait pu s'opérer contre la révolu-
tion) meme san s pCl'll1ettl'e ti nul de ses pa1'tisans d'en diriger la marche
dans le sens des nouveallx intérets ) et que nous aurions eu des les pre-
rnieres annces dll dix-nellvierne siccle la restauration qui n 'est ,enne que
quinze ans plus tanl. Sans dOllte la restulll'ulion n'uurait pas mienx
rénssi qn'clle ne I'a fait ti s'asseoir définitirement; muis elle aurait eu
plus dc chanecs de dUl't'e si elle fút ycnne ti la fareur' des discordes ci-
viles, a la suite d'l1ne cornmotion intérieure, pt avpe l'apparenee d\m
acle de spontanéité nationale, qui l'aurait présenr'-e du vice originel dont
elle fut maculée dans son allianee avee l' élrangm'; vice radical, qlli la
perdit ti son déhllt. A eelle époque d'aillrurs , elle ('tit l'ell'ouvé encOl'C
elevant ellc la plus grandr padie des g('nérations flui avaient été élevées
sous l'ancien régime, et que les tourmcntes révolntionnaires avaient un
{len rr'-conciliées ayee le hon viellX tcmps, D'nn autre cOté, les enfanls
de la révolntion) qni se sont tl'Omés des hommes en ~ 81 ~), et dont ren-
t1'r'-c duns les affaires puhliques a rait le désespoir des Doul'bons) HUI'a¡enl
vn atTéte)' dans ses commencenwnts lenr édueatíon libél'ale, el I'on S8-
rait panenu d'uut:mt plus facilement ti leul' faire détester ir1'é\ocahle-
ment In )'épuhlique, que In prolongation de son agonie l'aurait rendlle
plus odiellSf', Ce fut done, qnoique involonlairement, dans I'intérct




liS IlISTOIHE


meme des croyanees l'épublicaines que Bonaparte rcmersa le syslcmr
répuhlicain ; et l'on peut dire quJau fond il ne tua !las plus la l'é!lublirlllf>
que la révolution J mais' qu'ill'empeeha seulement de suseiter plus long-
temps conlre elle la prévention et la haine , et de rendre par la sa I'éha-
hilitation trop difficile et tl'Op lointaine.


Les républieains de l'époque ne pouvaient pas juger ainsi le coup d'r',-
tal qui venait de les atteindre. Len!' irritatiorl inquiéta le nomean gou-
vernemcnt, qui songea un instanl u proscrire quelques-uns de leuI's
ehefs, 'foutefois, les citoyens honorables désignés pour eel ostracisme
('lJ furent quitles pour une simple mise en sU\'Yeillance.


Pou\' donner une idée complete du désmdre qui régnait en FI'ance
!iOUS le Directoire qlland Bonaparte lui arracha lc pOllvoir, il suffit de
<Jire que le consul ayant voulu expédier un courI'ier u Championnet , qui
eommandaiten ltalie, OH ne trouva pasdans le trésOl' publicde qnoi payel'
les frais du message; et IOl'squ'il voulut eonnaitre l't-lal des a .. mées, il Cut
obligé ¡l'envoyer des commissaires sur les lieux J u Mfaut de roles dan s
les bureallx de la guerreo «~Iais du moins J disait Bonaparle aux elll-
ployés du minislere J vous devez avoir l'élat de la solde, qui HOUS me-
nera u notre but. - Nous ne la payons pas, 1) luí répondit-on.


Des la pl'emiere sl'unee de la eommission eonsulaire, Sieyes, qui se
IInltail d'ohtenil', par son uge et ses antéeédents poli tiques J une marque


de défél'enre de la pttrt du jeune eollegue qu'il jalousait plus qUf~ jamais,
;;e mit iI dil'c : « Ql1i de nous présidera?)) C'était une maniere de force!'




ses coIli'gues ú lui abandonner cet honncur. l\Iais id la COI'ce des c!toses
('emporla sur la courloisie , et Boger-Ducos répondit vivcmcllt: (( Ke
Yoyrz-vous pas que c'est le général qui préside? »


Sieyes, tout hérissé de métap!tysique, ne pcnsait pas qu'ulI jcUt}('
homme qui sorlait des eamps, et dont les éludes et les travaux mililaires
scmblaienl ayoü' absol'bé toute l'existence, pul contester le soin el la
gloire d'imaginer de nouvclles combinaisons gouvernemcnlales ti. un vé-
[óran J¡"¡,"¡slateur, donl on disait ayec raison qu'il avait tonjours , eomllle
Thomas Payne, une eonstitution dans sa poche. II préscnta done ha1'Ji-
mmt le fruit de ses méditalions jomnaliü'es, ello1'squ'i¡ en vint ú pJ'o-
poser un grand - ólecteur, lIlÜ deHlit résider a Yersaillcs , ayec un 1'e-
veuu de six millions , et salls autre fondíon que eelle de nommer deux
consuls, SOIlS le bon plaisir du sénat, quí pouvail annulel' l'éJeclion et ab-
sorber mcme le grand - électeur) Bonapal'te se mit ú rire et a sabrel' ,
selon sa propre expressíon) les niaiseries métaphysiLlues de son coUe-
gue. Sieycs) aussi timide que vain des qu'il rencontrait une résistnllcl'
séricusc') se défendit mal. 11 voulut justifier sa conception par une analo-
gio avec la royauté. « 3Iais ) lui répliqua le génél'al, vous prenez l'abu~
pOll1' le principe ) l'ombre pOlIr le corps. Et eomment avez-vous pu ima-
gincl', monsieur Sieyes, qU'tlll homme de quelque talent ot d'un peu
d'honneur YOlllút se résignel' au róle d'un cochon 11 l'engl'ais de quel-
que:,; millions'! J)


Des ce moment , tout fut dit eutre le métaphysicien el le guerl'iel'; ib
compril'enl l'un et l'autre qu'ils ne pouvaient pas marcher longtemps
ensemble. La constitution de l'an VIlI fut promulguée. Elle établissait
un simulael'e de 1'eprésentation nalionale, répartie en divers corps) le
sénat) le h'ibllnat ct le corps législatíf , tandís que la véritable représen-
tation résida de fait dans le consulat, ou plutot dans le premier conslll.


Une fois paI'Venu 11 ce poste supreme) Bonaparle se débarrassa de
Sieyes, quí se laissa absorber au moyen d'une dotalion nationale. II
l'envoya égalemellt Roger-Dllcos, qui trouva sa ret1'aite natllrelle dalls
le séllat, eL il prit pour ses nouveaux eollegues Cambaeél'cs et Lebrllll.


Les premieres mesures du eonsulat ne pouvaient étre qne répara-
trices. La loi des otages et celle de l'emp1'unt forcé fUl'ent révoquées. 1.11
tolérance remplaga la versécution; la philosophie, assise au pouvoü' .
pe1'mit al1x croyants de rappcler leurs p1'étl'es et de h'lever leurs auteb.
Les émigrés et les proscl'its de toules les opinions et de toutes les épo-


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I


I ISO
HISTOIHE


ques l'entl'~réllL CUI'1I0(. l'lltl'f~ nutres, pussa de rt'úl il rJlI~titllt d <111
lIlinisti~l'e "


_ lill: 'J'


"~"~o t',':'~.llJ-tt, J\ .. -{'¿,,-,,-~ i
v f),':;,


Dans les lJl'cm¡el's telllps de sa supl'enw magistl'atul'c, et pendaut (lu"jI
l'psiduit encore au Luxembourg , Bonaparte consel'Ya toute la simplicité
de goúts, de meEurs et de manieres qu'íl te!lait de ses disposilions nutu-
relles, et que l'habiludc des cumps était loin de lui ayoi1' fuit pcrc1!'o. Il était
el'uno grande sobl'iété, et lléanmoills il pressentnit Mjil qu'il deYÍendl'ail
gros mangelll', el que sa maigl'elll' dispal'altrait pom' raÍl'o place iJ robé-
sité. Les hains chauds) don! il usait tl'cs-frt"quemment, !lC furenl péllt-
&t1'e pas saBS inflllencc Slll' ce dCl'l1iel' changemellt. Qllunt au sommeil, il
en pl'euuit sept helll'eS SllI' vingt-quutl'e, el il reeoll1manduit tOlljOUl'S de
ne point l'heille1', a moins qu'il He s'agit de mUllvaises IlOll\ elles: (1 Cm')
disuil-il, ayec une bonne nouH'lle , 1'ien Be presse; tandis qll "ayee UIle
mauvuisc, il n'y n pas 1111 instant ü penlre. 1)




! ' -- ~-------~


DE ~APOL1~O\, ISI
Malg;l'é la \Ü~ un IH'U hourgcoisp qll'il lllellait dalls son palais COllSll-


laire, il recevait joul'llellement toules les illustt'<ltiolls de l'époflue 1 el
Joséphine faisait les honneurs de son saloll avee la gracc et l'altll'-
uité d'ulle grande dame de lavieilJe socié,té frml~aise, e'est lu que les
t('J'Iues de politesse et de eivilité 1 que le l'igorisme l'épublieain mait fait
baUllil' de la eomersation , oserent se montl'er en Mpit de la pl'oscription
(luí pesait sur ('ux, et que le 11/ol/8ielll' cssaya de se remetlre en vogue
aux dépclIs du ei/oyel/.


Le premier cOllsul, plongé le plus souvent dans ses méditations et ses
rcveries, llrenait rarelllent part uux euuseries spiritllelles et uux passe-
temps agl'éables du ccreIc brillant flui coml1len~ait tl se fOl'lne1' chez lui.
n lui arl'hait pourtant de se [rom'er parfois ell hOllue humcur, el alors
il prouplit, par le charme , la vi\acilé et meme l'abondauce de ses pa-
roles, que pOllr ctre homrne ailllahle illl'uyait qu'u le youloil'. l\Iais il
le youliljt I'Ul'enwlIt) el les (lames surtou t enrent tl se pluindl'c de ce d(,fnu t
de bOIllle ro!oIlL(',


DIII' ('l) apparence et [acile ti s 'emportel', Ronaparte caehait SOLlS eelle
e~peee de samagcric extérieul'e une tune accessible aux selltiments les
plus affeeluel1x et al1X plus douces émotions. Autant il étaiL sOlllbre el
Illorose, bl'llsque et Yiolent) sé"üe et inexorable (lllaIlll il dai! suus le
poids de ses préoceupations poliLiques, on qu'il se tl'omait en seelW
comme hOlllllle public, autallt iI avait de mansllétwle, de fmnilial'itl~ ,
de teIldresse extrcnw , de bonhomie 1 dans les rdaLions intimes de la Vil'
pl'iyée.


A l'appui de ce que nous disons ici lleS ql1alités du cwur el des alTcc-
tions domestiques de Kapoléon, nous ne pouvons l1lieux fail'e que de ei-
ter le f/'agment cJ'une lcUre qll'il éCl'ivait, en ran III ) tl son frtTe Joseph :
« Duns ql1dques événemellts que la fortuue te place, tu sais bien, mon
ami, que tu ne peux pas a\oil' de meilleur ami, il qui tu sois plus che!'
el qui Msil'e plus sineórementton bonhcnr ..... La yie est un songeléger
qui se dissipe. Si tu pal's, el que tu penses que ce puisse etre pour quel-
que temps!!! ('l}voie-moi ton portl'ait. Kons avons véclI tanl cJ'années
ensemble, si éll'oitemenL unis, que nos eceurs se sont confondus, et tu
sais mieux (IUC pel'sonne combien le mien est entierement ti toi; je sen s ,
('n tl'agant ces lignes, une émotion dont j'ai eu peu d'exemples dans ma
vie; je sellS hien que nOllS tardel'Ons tl nous voi!' I et je lle ¡mis plus COll-
tinuel' ma lelll'(""" "
-~--~~-~~~~-,--- ---~,-,-----"----"-"




I!ISTOIHE


l\ladumc Lmtilia ayait contllmc de (lit'c, ell pal'ianL dp son fils l\" apo-
léon) alors qn'il était au faite de la puissance : « L'elllpcl'euJ' u beau
fait'e, iI est bono » M. de llounienne lui rend le memo tÓllloignage , tour
en prétendant que Napolóon affeelail de ne pas croire ill'alllitió, et fJlI'il
déclarait meme n'aimer personne. eette conh'adiction s'explique pUl' la
différüllce des posilions: l'holl1me d'élat n 'a point d'al'fedions pl'iyées;
et C 'est C01111ne tel, dan s la sphel'e des intér8ts génél'al1x dont il était
dWI'gé, (Iue l\"apoléon disait n'aimer personue. l\Iais en dehol's de la po-
litique, illaissait aussi la natllre reprendl'e amplement ses dt'oits; ct on
I'a VII meme tempérer la joie et l'ivresse l1u ll'iomphe jllsque sur les
champs de bataille, par un retonr a des sentiments que le métiet' de la
guerre oMige d'étouffer Oll de contenir. Pendant les campagncs d'ltalie,
et apres un combat sanglant , il passait ayec son élat-majol' un milieu des
morts et des blessés) el ses officiers) étourdis par la vidoire, laissaiellt
éelater leur enlhousiasme sans s'arrCler aux tahleaux pllls Oll moins
déehil'unts qui s'offraient incessamment a leurs yeux. Tout il coup, le
général victoriellx aper90it un ehien qui gélllissail il coté du cadavre d'lII1
soldat aulrichien: « Voyez) messieurs, leur dit-il, ce ehien I10US dQIlnC
une le~oIl d'hllmanité. »


l\lais qlldque place q\H' tinssent dans l'ame de Kapoléon les senlimenls




DE 'IAPOLEO\ 1:-\:;


qlli font la base des vertlls pri\"ées et dll honheul' domestique) et qllel-
que IH'ix f}u 'il attaehilt a ce bouheur , il en devait le sucrifice a la gloirc
ct iJ la prospérité du lJeuple dont il venait de se faire l"llnirl'Je représen-
tant; cal' , nous le répétoIls , quoique la nouvelle constitution cut confié
le pouvoir exécutif a trois consuls, tout le monde savait hien qu'un seul
gOllvernait : aussi , lors de leuI' instaIlation , Cmnbaeéres et Lehrun res-
semblaicnt- ils plus, selon J'expression de M. de Bourrienne , a deux té-
1l10ins qn 'il deux collegues de Bonaparte. La monarchie se trouvait done
rétablie dc fait, sous le titre de répuhlique. Le premier consul faisait tout
et devait tout faire , d'apres ce que l'on étuit en droit d'attendre de la
source de son pouvoir, de l'ascendant de son caractere et de l'empire
des circonstances. Talleyrand l'avait bien pressenti, et, en courtisan
précoce et habile , il avait parlé dans ce sens a Bonaparte des le pre-
mier jou!' qll'il vint travailler avec lui comme ministre des affaires
éll'angercs.


« Citoyen consul, lui dit-il, vous Ill'avcz confié le ministere des rela-
tions exté,'ieures, et je justifierai votre eonfianee; mais je erois devoü'
vous déc1arer des a présent que je ne veux travaillcr qu'avec vous. Il n 'y
a point Ii! de yaine Ji('dé de ma part, je vous parle senlement dan s l'inté-
ret de la France : pour qu·elle soit biel! gouvernée, pour qu'il y ait unité
d'adion , il faut que vous soyez le premier eonsul , et que le prelllÍer
(,oIl~nl ait dans sa maill tout ce qui tient directement a la politique, e'est-
il-dire les ministeres de I'intériellr et de la poliee pour les affuires du
dedans, mon ministere pour les affaires du dehors) et cnsllite les deux
gl'ands moyens d'cxéeuüon, la guerre et la marine. Jl serait done de
tonte eonvenance que les ministres de ces cinq départemenls travaillas-
sent avec vous seul. L'administrutioll de la justice et le bon ordre dans
les finances tiennent sans donte á la politique par une foule de liens, mais
ils sont moins serrés. Si vous me permettez de le dirc, gl'nl'ral, j'ajou-
terai qu'il conviendrait alol"s de donller au second cOllsul, tres-habile ju-
riseonslllte, la haute maill sur la justice; et au troisieme eOIlsul , égulc-
ment bien versé clan s la connaissunec des lois financicres , la haute main
sur les finances. Cela les oeeupera' cela les amusel'a; et vous, général , i
ayant il votre disposition toutes les parties vitales du gouvernement, í
vous arriverez au noble but que vous vous proposez, la régénél'ation de la I
Fmnc<,." « Savez-YOllS que Talleyrand est de bon conseil, dit Bona-
parte it son s(·c,·étaire, apres la sortie dll ministre. e'esí un homnw de I


--




I SI IIISTOIBE


grand sens, 11 n'esl pas nwladl'oit, ilm'a pénétl'(;. Ce (IU'il me con-
spille, YOus SHyeZ bien que fai emie de le rail'e, Mnis, rllCOl'e un COllp ,
il a raison : on marche plus rite quand on marchr srul. Ll'lmlll ('st un
hOllnete hotllmc, mais il n 'y a pas de polilif[ue dalls sa tete: il rail des
livres; Cambacl'l'cs a trop de tradilions de la rl~volllti()n, II ['aul l¡tH' mOIl
gomeruement soit un gouveruement tont Den/'. )J


Il fallait bien que ce earactere essentiel de nOllreanté fut illslineti\r-
nwnt cotllpris par tout le monde, pnisC)lIe, d'nnc part, les atllis de la
revollllion applaudissaient en masse au gomernenwnt consulairn , hic'lI
¡¡ti' il pút dé élevé sur Ips ruines de la constitlltion répllblicaine de r an I1I,
I't quc, d'Ull autre c¡,¡té, les populalions Hrellglément afferlionnl'es ü ¡'an-
cien l'égime refllsaient ICUl' adhésion au pouroil' noureau, malgl'é tOllS
Irs artes (le conciliation et ele pl'U¡)rnre qni ayaient marquó son inslal-
lation,


Craignant qne eette obstination nI' rallmllut la guel'l'c ei\ilc dnlls
rOnes!, le premier eonsul adressa d'abonl allx hahilants dr ees contrees
une pl'Oclamation pon!' les prémunir contre les excitntiolls des m;enls
de l'Anglcterrr, Scs nrertissements, nppuy¡"s su)' une armee de soixante
mille h0111l11es, obtinrent d'heureux resultats el prévinrellt une ('xplosion
générale. Cependant les cheIs roynlistes, soutenus dnns leuI' 11f'l'sévérance
et par lelll's convictions personnellf's, el, pm'lps encolll'agelllents de la
diplomatic curopéennc, se mainlinl'ent en armes, toujolll'S prets a
I'ecommencer la Iutte, Bonaparte, qlli ne pOllvait pns prl'lldl'e Ü ICIll'
égard le langagc et le ton de nmparlialité hislol'iflue 1 et qui n'aurait pn
remplir meme la mission révolutionnaire dont íl avait etó eltargé d'en
haut, s'il etlt été capable d'envisagcr ayer, rilllpassihilite ¡\'nn philo-
soplte obsf'rvateur les nOllvelles menaees de la chOUaIlllel'ie el de 1'¡'--
migration; Bonaparte caractt'I'isa ayee son énergie ordinaire les opi-
niátres provoeateUl's de l'insurt'ect.ion royaliste 1 et il les signala, dans
une proelamation, au mépris de la natioll el aux vrngeances de J'al'-
mée.


Les royalislcs comprirent que le temps de la guerre eivile l'lait. pnssé,
qll'ils n'nvaient pll1s de c[lmpagne ü ['aire et de hataille a livrer contre
le nonveau J'eprésenlant de la revollltion, et i1s dllrellt se résigncl' iI dol'P
l'histoirr de la Venrlée; heurellx de pOllyoir laisser en dehor's fles atma-
les de lel1l' fidélité et de len1' hl'rolsme les actes de pillagr et de meul'tre ,
les ,ols el les assassinals, qui deraient formf't' désormais les sculs et i~no-




hles ll'Opltées des llandes quí ínfpslerent I'Ones! pt !l • .\Iidi npl't·s la dísso-
Infion desnrmées l'oHlles 1,


Comprimer ou punir les ennemis obstinés de lu l'épublique) .. écom-
penser ses intl'épides ddenseurs) telle était la double tache qne Bona-
parte poursuivnit avee la plus inébranlable fermeté) avee la plus rigou-
,'euse justice. Sachant combicn le mérite aime a etre disliugué) combien il
gagIJc a se yoir appréei(~) il dislribua cent sabres d 'honneur aux soldnts
!lui ¡"étaicnt signalés par des actions d'éclat; et le peuple, qui Yoyait
llouller a la bruvoure les marques houol'ifiques réservées autrefois a la
IIllisSIlIl(,(', applnudit ü edle distributioll, qui) loill de blet:sel' l'égalité ,


~ Ce fut ('n t'1' tt'mp~ quu tjueli111es hOlllllJCS émincnts du pal'ti royaliste s'ima~in~r(,llt lIU';t l'e:\('IH-
p'e ,lc Monck, BOIlalm'le se tlénmcl'ait a la rrstaUl'ation ,le la Illonarcllie. Intl'Odllits S('cl'l'tcl1IcIII
,nlprl's dI' lui, il lcUl' di!, ,J'ouhlie le pass(', et j'om-l'e un \"aste ellamp á l'a\'enil'. Quicon'lue 111.11'-
dlcra drnil dl'vant Ini, ~Cl'a lJl'oLrgt-, sans dislillCtiOll: qllicOIl(lUe ~'('cartrl'a a droitc 011 il ga11che sera
frapp{ .le IrI fOl1l1r(', T~ai~s('z tOUR 1r's Yentlécns qUl yculent se rang:el' snns le gouycrncment I1atio}l.(l1
el Sí' pl.lCfl' gOl1S IlIrl protcctioll :-.ui\'l'f' la grande rOBte qni lp11I' e .... t lI'tH,pr ...




i __


IlISTOIII E


pOlIl' laqucllc il arai! rait la rérolutiotl , rétablissnil. I'lU ronlrnil'f' . ~ur la
base indeslrlletihlf' tll' In jllstirc, su!' la I'l'Illllnératioll proporlionnelle d('s
srniees el dc's vertus.


Une leUt'e de remereiements qu'ill'e<;lIt a eette époque d'un scrgent de
grenadiers, nommé Aune, lui fournit l'oecasion de faire la réponse slli-
vante: (1 J'ai re<;u votre leUI'e, mon brm'e camarade, lui ecrivil-il, vous
n'aviez pas besoin de me parler de YOS aetíons , je les cOllIwis toutes,
Vous eles le plus hruve grcnadicr de l'urmée depuis la mort du hr3\e Be-
nezette, Y ous avez eUlIn des cent sabres que j'ai dislrihw:'s ¡II'al'll}!'e; IOlls
\es soldats étaient d'uceord que e'étuit vous qui le méritiez daHllltage,


1) Jc désirq heaueoup vous remir, le ministre de la gllel'rr HlUS envoi('
I'ol'tlre de wnir ti. París, »


(.}l1e!rlues ,ues seel'etes que Ronaparle púl cachet' sous ses (lt'~lI1onsll'[l­
tions de franehise et de familiarité, il vallt miellx eneore le \oir J1attel' el
I'éeompellseI' ainsi la brllHIUl'e, meme par cakul d'ambition 1 que df' le
SlliYl'I' au\ féfps d()nrl(~(,s f'1l l'honnrur drs hommrs qni furrnf ('rnH"~




DE i\ A POLl~O\. ISi
"avoit' prpser\'l~) a Sain!-Cloud, des dangrfs qu'jl tiC COUl'ut paso S'i' esl
\Tai (l'ailleurs que Bonaparte rccherchaít la popularM duns l'illtérel des
pcnsécs ambitieuscs qu 'iI nOUlTissait en son ame, el s 'jI es! égalemetl t
inconlestaltle que la considération de su g['[wdcur personnelle, de su
puissance el de sa renolllmée entrait pour beaucollp dans toulps ses en-
trcprises militaires et politiques, iI faut rcconnaitl'f~ allssi (] ue sa Pl1iSSaIH'f'
et su grandeur ne pouvaient etre que celles de la France, dont les desti-
nécs lui étaient remises , et que, pour luí) lrayaillet' ti sa p1'Opl'e gloire ,
al! succes de son ambition, a son imIDortalite, e'était travailler a I'éh-'-
valion, a la prospérité et a l'avenir du pel1ple que, le premier, iI avail
salué du nom de grand , et dont il offrait dans sa personne el son génir
l'admirable personnification. Le ponvoir sans bornes dont il jouissait nI'
devait lui servil' que de levier pour faire faire a l'esprit d'égalité et an g(;-
nie de la civilisution moderne les progres I10uvcaux que l'esl)rit de liberté,
momentallément entravé dans ses formes extérieures, ne pouvait plus
favoriser ou aecomplir lui- meme. Les sayants et les artistes rc~uretll
en effet dcs eneouragements dc toutessortes; l'industrie nationale,
paralysée pat' les discordes civiles, pl'it un cssor qu'elle n 'amit jamais
COllnu. La banque de France s'établit ; l'étalon des poids et llleSUl'e~,
élnboré par l'lnstitut, obtint la sanction législative; en un mot, Bona-
parte réalisa, eomme dwf du gouverncment fI'anlSais, ce qu'il avait
('on~u , vouln el fait presscntil' lorsqu'il n'était que générul républicain ,
el qll 'i] se monÍt'ait jalo\lx d'enrichir le Musée national, d'intcnoger les
profcsseurs, de meUre les sanmls en tete de son état-major, el de se _
I'ecomman(ler a restime et au respert des peuples, bien plus par son ti-
tre de lllembre de I'Institut, que par celuí de commandant supremc df>s
armées.


Le cOIIsul se trouvait d'antant plus helll'eux de POll\'Oil' présider anx
wnqueles intellecluellcs, et d't'llcouragn'les progrcs de la sC'ience, qu'il
avait t,twé lui-méme, dans sa jeunesse, la gloire scif'ntifiqllc, et songé
tl1(~me 11 Sllt'{Hlsser l\ewton. "JellIlc, dit-il, je m'étais mis dans l'esprit
tIe rlcvetlit' \In inventenr, llnl\'ewton. " :U. Geoffroy Saint-Hilait'e raeoIlte
qll'ill'a mtendu dirc: (, Le métier des armes est de,-enu ma pl'Ofession ;
ce ne fut point de mon ehoix, je m'y tl'Ouvai engagé du fait des eircon-
stances. " Dans les dernieres lieures de son séjour nu Caire, il apostro-
pba vivemcnt )Iongc , ql1i t'épétait avec affcctation le mot de Lagrange :
" ~ul n'alteindra la gloirr, de Newton, iI n'y mait qu'lln monde a dé- ¡


___________ ~ __ .~ _____ . ___ . ___________ . ______ ~ ____ ~J




/11 S TUI B I'~


COU\Til'. - (Ju'ui-jp entendu'! s'éeria-t-il; mais LE MO~UE lJES UÉT.l.lLS ~
qui a jalllais songú a eet autre, ti eelni-lti? 1Ioi , des l'¡'¡ge de quinze ans ,
j 'y eroyais .... , (Jlli a fait attention au caraclel'e d'in tensilé el de lt'aelion,
il tres-eonrle distanee, des aetions des minimes atomes, don! no LIS SOI11-
mes, d'une manict'e queleonque, les observateul's obligés? ))


Sous le poids de ses préoeeupalions guelTierf's, el au l11ilieu des triom-
phes journaliel's qui marquerent ses eampagnes d'Itulie, ilresta toUjOU1'S
fidele a ses gouts, et ne eessa de faire mareher de front l'agl'awlissement
polilique de la Franee et l'exploration seientifique, duns I'intérot de la
C'iyilisation uni \'(é'rselle.


A Payie, il interrogea le physiologiste Searpa. En 180 1 , il eut des
conférences ave e le physicien Yolta, qn'iJ combla de présents el d'hon-
nellrs. En 1802) il fonda un prix de 60,000 franes ponr cellli qui, par
ses déeollV(·!'tes et ses expérienees, ferait faire a l'éleell'icilé, au galva-
nisme, un pas eomparabk ií c(~lui que fil'ent faire il ces seiences Fl'an-
klin et Yolla. n demanda aussi il J'lnstitut un J'(~'sumé des progl'es que la
l'évülutiün avait [ait faire jusque-lil aux arts, ti la littératllre et au\
scienceb. Chéniel' fut ehurgó de la par tic lítléraire.


Le süin de pacifier et d 'organiser I'intél'ieur de la rép\lhlique TI 'OCC\l-
pait pas exclllsivement le premier cOIlsul ; il sOllgeuit aussi 11 la paix ex-
térieure, dont il aurait voulu [aire le complénwnt des hicnfaits qui avaient
marqué son avénement au pouvoir. A cel effel, il fit OU\TÜ' des négocia-
tions avec le cabillet de Londres par M. de TalleyrmHl, el i1 écrivit lui-
mome, le 26 déeembre -1799, la lettre suivante au roi tI 'Angleterre ,
des les pt'emit'l's jotlt's de son installation au eonsulat an'e Cambacél'e~
e t U'lm 111 :


({ Bo:'i.\1' unE. PRE'I1ER CO;\TSI'L DE L \ IIÚlBLIQLE .. \ S. ~l. LE BOl
!lE L.\ G1Ui'íDE-Bl\ETAG:'iE ET ll'II\L.\~DE.


¡> Appclé pat' le HCU de la nalion fI'angaise i.t OCCIl[K'I' la prelllicl'e
llwgistratul'e de la répllhliql1e, je erois convenable, I'll entrant en charge,
¡I'm fait'e directelllent part Ü ,otre majeslt".


» La gnert'e, qni dcpuis huit ans rnYage les quatl'e parties du monde,
doit-ellc eh'e éterndle'? n'est-iJ done <lucun llloyen de s'entendl'e?


» Comment les dellx nations les plus édail'ées de I'EuJ'Ope, puissanlt's
d j'ortes plus que ne l'exigent leut' súreté el lem' indépendance, peuvellt-




DE :-iAPOLÉON.


elles saeri/ier ti des idees de vaina grandeur le bien du eommerce, la
prosperite intéricure , le bonheur des familles? Comment ne sentent-
elles pas quo la paix est le premier des besoins comme la premiere des
gloires?


» Ces sontiments ne peuvent pas etre etrangers au CffiUl' de votre lUa-
¡este, fll1i gouverne une nation libre, et dans le seul but de la rondre
heureuse.


)) Yotre :\Iajeste ne yerra dan s ceUe ouverture que mon desir sincere
de eonlribuer efficacement , pour la seconde fois, u la pacifieation gene-
rale, par une démarche lll'omplc , toute de eonfiance , et dégagee de ces
formes qui, nécessail'es peut-etre pour déguiser la dépendanee des etats
faibles, ne déeclent dans les états fortsque]e desir mutuel de se tromper.


)) La Franee, rAngleterre, par rabus de leurs force s , peuvent ]ong-
tC'll1pS encore, pour le malheur de tous ks peup]es, en retarder l'épllise-
IlW/lt ; mais , fose le dire, le sort de toutes les nal.ions eivilisées est atta-
cM ti la fin d'U11(' guerre qui emb,'asse le monde entier.


)) BONAI'ARTE. "
Ce 11' était point la un vain étalage de modération et de philanthropie. Si


llonapal'Íe eut désÍl'é la eontinuation de la guerre, s'iJ n'eút aime que la
guerre, eomme on ]e lui a tant reproché, ríen no l'obJigeaitilfaire ceUe
démarche di recte et pressante auprcs du roi d'Angleterre. Sans doute il
croyait la paix profitable u son gouvcrncment , mais e 'était dans l'intérCl
de la France et de la eivilisation européenne qu'il tenait surtout a af-
fermir et a faire aimer son gouverncment. Et puis, avee quelle fran-
chiso, quelle dignité et quelle mesure il parle de son mépris pour les
formes de la diplomatie I On reeonnalt faeilement a ce langage l' enfant
de la démocratie ) le dépositaire des intérets de la révolution. Aussi le
vieux monarque refusa-t-il d 'agréer l'innovation que ]e magistrat repu-
blicain avait essayé d'introduire dans les rapports diplomatiques, il fit
répondre, par lord Grenville, quc la correspondan ce directe entamee
par le premie!' consul ne pouvait lui convenir, et iI ehargea le meme
ministre de rédiger une note pleine de réeriminations conh'e la France.
Bonaparte comprit que, pOUl' forcer a la paix cet opini3tre ennemi de
nob'e régénération politique, il fallait autre chose qu'un appel a sa raison
et asa générosilé. Mais il n'aurait pas voulu garder sur les bras dellx ad-
"ersaires aussi puissants que Londres et Vienne, ct e'est pour détaeher
1'11n ou l'nutre de la C'oalition rontre ]a Franee qu'il fit des ouvertures a




IfIO IIISTOIHE DE NAPOLI~O'i.
lOllS les deux. Ses effol'ts furent partout repoussés. L'antipathic que I('~
eours étrangeres avaicnt con~ue contl'c le pcuple f['an<;ais des rOI'igine dc
la révolution ne pouvait céder qu '3 I'ascendanl de la victoire el a la né-
crssité.




I:U,\PITBE XI.


Tr~II~latioH dr'la l·c .... idt'lIce eOn!;ulain' alll. Tuilt'ri(·~. ~OU\(~IIt' C;Ullp .. gllt' d'ltalil'.
Il;¡taillc tIe Mal'rngo, lktollr J Paris Frt(' natlOnalr.


E premier consul conllaissait trop l'im-
portanee des formes que revet le pomoil'


'et l'influence des moindres eil'constanees
extérienres dont on l'environne, ponr ne
pas s 'appliqner a donIler au sicn tout e('


_ qui pouvait en étendl'e et en relever l'é-
clat aux yeux dn penple. Le palais dn Luxembourg ay aH été la de-
meure d'une autol'ilé (h-'hile, issue de nos assemblécs révolutionnaires ,
et tombée, au milieu des accIamations de la France, sons le poids de la
répugnance publiquc qu 'ayail fait naill'e el que rendait ebaque jour plus
vive et plus profoncle la pl'Olongation de l'anarchie; c 'en élait assez pou.'
que Bonapal'lc se tromal mal a l'aise clans un pal'eil séjour. Ce quí ayait
pu sllffi.,(' a logcr, meme lllxueusemcnt. un gouvernement essentíellcment




~\l2 HISTOIHE


provisoire, et dont la courte existeuce ne formait qu'une périOfle de (lé-
ehiremenls, de turpiturles et de désastres dans les souvenirs populail'es :
ne convenait plus u un guuvernement qui sentait en lui l'unité et la force,
et qui aspirait a ajouter la durée a sa puissance et a sa gloire. Il fallait
désormais au consulle palais des rois, paree qu'il cxer¡;ait réellmueHt It'
pouvoir des rois ; et ce n 'était plus qu'aux Tuileries, consacrées dans k's
traditions nalionales comme le siége naturel des ehefs de l'état, el comme
une espece de sanctuaire gouvcrnemenlal, ce n'élait plus qu'al1x Tl1ile-
l'ies que pouvait résider Bonaparte. Devait-on craindre qu'il n 'y [lit im-
portuné OH influencé par l'ombre de la vieilIe monardüc, dont OH le soup-
(,'onnait dl~ja dl! vouloir rofail'o l'édifice? e'est en effet ce qu'insinuaienl
les républicains ombragel1x : ll1ais, entre le ~ O aont et le ~ 8 brumaire.
entre Louis X VI el N a¡lOléon , il Y avait eu pourlaut d' autres jOlll'Ilées et
tl'autres pouvoirs chers, a bon droit, aux démocrates; il Y avait ('u la
eonwntion et le comité de salut Pllblie , qui U\~aient siégé aussi dan s la
royale demeure; et certes leur séjour dans ce palais anüt bien dü suf-
fire a son inauguration révolutionnaire , suffire pOUl' en bannil' iJ jamais
l'ombre mena9ante et toutes les mau\'uises inflllellces de l' uncieul'(;ginll'.


La résolution du coosul une fois prise, son installlltion dan s sa 110l/-
velle résidence fut fixée au ~ ti janvier ~ 800. Ce jour étant venu, il dit ü
son seerétaire : « Eh bien! c'est donc enfin aujollrd'hlli CJ.ue nOlls allolls
couchcr aux Tuileries ... : n faut y aIler avee un cortégc, cda m 'ennuie;
mais il faut parler aux yeux ; cela fait bien l)our le peuplc. Le Directoil'(~
(\tait trop simple; aussi il ne jouissait d'uueune considération. A l'm'mée,
la simplicité est a sa place; dans une grande ville, dans un palais, il fallt
que le chef d'un gouvernementattire a lui les I'egards par tous les moyens
possibles .....


A une hellre précise, Bonaparte quitta le Luxcmbourg, suiYi d 'U\I cor-
tége plus imposant que magnifique, et dont la belle tenue drs tmupcs rai-
saH la principale pompeo Chaque eorps marehait sa musique eH tCle; I<'s
générallx et leur état- majOl' étaient i, che val , et le peuple se prcssail ('\1
foule sur leur passage , pOllr se faire signaler) pour yoir et admire!' dI'
pres les héros de tant de batailles, l' élite des gllerricrs donl les immor ~
telles campagnes de la révollltionlui avaient rendules 110ms si fmnili(,I'~.
Mais entre eux ~OllS , il recherehait surtout· eelui qui ne s'élevait aujollr-
d'hui au-dl'ssus d'ellx par son pouvoir que paree qu'illeur fut tOlljollrs
supérieur par son génie et ses seniccs, l'llOmme qui rl'sl/mait ('[l Ini In




------- -- -----


DE \i.\POLl~O\.
gloirc mililail'c (h~ I'époquc, et á lu forlune dIH!uel lu lit'uncc allaehail
avec orglleil sa pl'opl'e drstinée, 'fous les regards se porlaient sur le pre-


miel' consul, dont la yoitul'e était ulldee de si" d\(~vum. hlanes que I'em-
pCt'enr d'Allemagne lui avait donnés apl'cs le truilé de Campo-Formio.
Camhacól'cs et Lebrull, plucés SUl' le devant de sa yoiture, paraissairnt
n'Ml'c que les ehambellans de leul' eollcgue. U~ ('ortége tl'aWI'sa une
gnmde partie de Paris, el la présenee de Bonaparte excita pal'tout le plns
"ir rnthousiaslllc, (( qui alors, dit un témoin non suspect, lH. de BOlll'-
I'imue, u'avait pas bcsoin d'eÍl'e eommandé par la poliee. "


AI'I'iyé dans la eou1' du ehatean, le ('ousul) ayant Mural et Lanncs it ses
cútés, pass a les tmupcs en I'CYUC, Qnand vinrent n M'file!' deyant lui la
nI)". la tÍ:')" I't la 50" demi-brigades. iI tlta son dHlJleaU (,t s'irl('lína en


~i~ne de 1'('slwet ala Hle de IClll'S <ll'apeall'\ llIis l'1l lillllbeall\ pm' Ip teH




1 '11 11 1 :-; r () i n 1:
do I'ennemi el noirl'is par la poudn'. La l'cnw lel'lIlÍnl'p, il ~'installa snns
ostentation dans la vieille hahitatiol1 royalc.


Cependant, pour éloigner le soup<;on d 'une I'eslaul'alion monal'chiqll('
tl'Op lwusque, il voulut que la royale demeUl'e IH' I1m'int la sirnne qw'
sous le litre de Palais dn gomernement ; et afin de ménagl'l' dmanlag('
les susceptibilités répllblicaines, il lit entrer en foule aYer lui dans sa 11011-
,'elle résidence les tahIeallx el les stalues des grands hommes de rnnti-
quité, dont le souvenir était cher aux amis de la liberil".


David fut ehargé, mtre autre~, de placer son JUlIiU8 Bm(ns dans 1111('
des galeries de la nOIlYClle IHlhitation cOllsulaire. On y introdllisit égalr-
ment un beau husle du second Rl'ulIlS, apporté d'ltalie,


TOl1trs ces pl'écaut.ions annon~aielll chez le premier cOIIsul, avre ulle
Icndunce ll10uarchique bien earuclérisée, le senliment lll'ofond de SOIl
origine el de su position rómllllionnaires. Ce sentimellt le dOll1inait rl1-
core, el lorsqu'i1 sembla plus tard s'en etre affrandli, le peuple le gurda
pour luí: cal' si madame Lmtitia ne se laíssa poitlt trompe l' sur le CU'UI'
ele son fils par ses formes brusques et sé\(:~res, ct ~i elle persistn tOlljollr~
il dil'e : ({ L 'cmpcreul" a bean fail'e) il est bon; » de memo le pellpl(' de
Franee, par une sorte <l'instinct, s'est oLstinl~ il dire dll conslll rt tic
I'emperelll", alors qtúl puraissait le plus infidele a sa mission el 'aYrnil',
et qu 'il s'essayait, sur]a pente rapide des réactions , a restaurer le bln-
son et le trone: « Bonaparte a heau faire , iI est démocrale. ))


C'est de son installation aux Tuileries que datent les mesures n'11m'u-
trices el les grands étahlissements dont quelqucs-uns ont été déjil indi-
qués, te]s que]e décret portant el6turc de la liste des émigrés, I'orga-
nisation de la banque de France et celle des préfeclul'es. Un événemcnl
(]ui venaitde mettre en dellilles n'~p\lhlicains el'Amérique fOllrnit bientúl
au premier conslIlllne nOllvelle cccasion ele manifester que, malgré son
rapide acllf'minement au p<)Uyoir suprcmc ) il se considérail toujoUl'~
comme le premier magistrnt d'III1C I'épllhliqllc, el lit, ('oml11r !t>L par 1111('
sympathir inaltél'ahle, a la dcstinée des PCUJlles libres.


« Washington est morl
'


» pol'!ait un ol'tlre du jOllr lldressé ú toutes
les trollpes de la l"épublique, « ce granel homme s'est battn contrr la
tyrannie; il a consolidé la liberté de su palrie ; sa mémoire sel'a loujours
chere an peuplc fr'ant;ais, conune a tOIlS Irs hommrs librrs drs r1l'1I\
mondes, el spécialement au\: soldats fran¡;ais qlli, cOl11nw lui el ks sol-
daIs américains, se baUenl pOl1l' la liberté et I'égfllit{·.




UL .\.\I'ULEU\. I '}?i


" EH ~()IIS(;(IIlPHt;(', LE 1'1íE:ilfEH CO;,\SLL Ül'lIOlllll' lllll') pendanl dix jOlll'S,
dl's e/,01)('s lIoirs sCl'Onl suspendus tI tous les drapeallx et gllidons de la
I'l;pllblique, »


Le 1l1l~Jl1e jour, les eOllsnls proc\arncl'ent le résultut des \-otes émis "m'
le nOllvd aete conslilutionnel.


S 111' trois millions douze mille cillC[ ceut soixantc-neuf votanLs, (luillze
('ent soixalltc-deux avnient n'jeté, et t!'Ois millions onzc mille sept cellh>
a\ uiellL a~eepLé In eonstitution.


SUI' ces plltrefaites, des nouvelles de l'armée d 'Égypte parvinl'ent au
gouvernell1ent. Elles étaient adressées au directoire , et KlélJel' n 'y mt'-
nageait pas fionaparte, qn'il accllsait d'avoir abandonné son armée dans
le déllúmenl el la déh'psse. Le premiel' consul, q ni dépollilla ces dépe-
ches, s'estima hellrenx qu'elles fussellt tombées entre ses ll1nins. lncapa-
ble du reste de sncl'ilier a ses ressentiments personneJs ce que les inté-
I'ets génél'lllIx de la France pouvaient exiger de lui, il répondit solennel-
lemelll a Kléber en homme qui savait se maltriser et prouver par lit
l'olllbiell il était digne de cOllllllander nux aUÍI'es. Sa I'épon~e fut 1Il1e
pl'Oelamalion adl'esséc ti l'armée d'Orient, et qui était cel'tes admira-
hlemenl cow;ue pour cacher la natllre des missivcs el des rappol'ts venus
I"(;eelllllwnl (l'Égyple ; voici cette pl'Oclamation :


" Soldats,
.. Ll'S ronsuls de la républiqlle s'occlIpcnL SOll\eIlt de I'armée ll'Ol'imL
, La France connait toute l'influence de ,"os eOlHl11étes su\' la restau-


I'ation de son commerce et la eivilisalion du monde. L 'Europe en[jt~l'I'
,ous regarde. Je suis sonvent en pensée avec vous.


\\ Dans quelqllc siluation que lcs lwsards de la guerre vous mettellt ,
soyez toujours \es soldats de Hivoli el d' Aboukir) vous serez im-ilJeible~,


11 Por·tez a Kléber eeHe confianec sans bornes que vous Hiez en llloi :
íI la llIérite.


'1 Soldats, songez au jou\' ou) viclorieux , vous rentrerez SUl' le h'J'I'i·
t(Jire sacré; ce sera un jOUI' de gloire pOll!' la nalion entiere. ))


(;('pcndant la con!' de Vienne, revenue de l'abattemcnt ou l'avaient
jdt"e ses innombl'abJes défaites dans les mémorables campagnes d'rtalie,
il,ait cédé encOl'c une fois a snlwine inyétérée contre la république fl'nIl-
I;nise) et s 'était associée avec empressement it la politique hostile du
I'abincl nnglais, en repoussnnt toutes les propositions pacifiques de 130-
11 a pnrte . Dans ('elle ~itl1ntioIl, le prcmicl' consul ordollna ti 'abol'll la 1'01'-




t!llí IIISTOIHE


IIwlion, it Dijoll, d'ulle ul'lIlée de I'éservc de soixallle Illille hOlll111eS, dont
iI conlia le comnHl\ldement a BerthieI' 1 (lui fut remplacé au ministere d(~
la guerre par Cal'Ilot. l\Iais ii ne larda pas a aller se mettl'e lui - menll'
H la tete de cdte al'lllée, dontillit une I10uvelle armée d'llalie.


Parti de Paris le 6 muí, il alTiva le 1:; au mont Saint - Bemanl J (IU 'il
fl'anchit en tmis jOlll's. Le ~ R, Ronapal'l(' ('cl'ivit (\" ~on (IUal'lil'r-g\'Ill-ral


de J\Iartigny au lllinish'e de l'intél'ielIl' 1 pOli!' lUÍ allllOIlCCI' quc tC lJa ¡,;-
suge dil'ficile étail erf('('Íué , el que ]'arIll(~(, I'nlib'e serllit d¿~s 1(, 21 slIr 11'
sol italien.




D E 1\.\ P n L1~ O \ . 1\)7
" Citoyenlllillistre, lui dit-il, jI.' suis au pied des grandes Alpes, au llli-


líeu du Valais.
» Le Gr'ulld-Saillt-llernard a offel'l bien des obstacles qui out été sur-


1I10ntés avec ce courage hérolque qlli distiugue les troupes fl'Hn~aises dan:;
tOlItes les ein'OIlstaIH'es. Le lier's de ral'tillel'ie esl déja en Halie; I'armé!'
dt'scelld a forcc ; BerLhier est en Pil'lllOllt : dalls t1'oís jours tout sera passl'. \)


Tout s'uecoIllplit ('!l effpt selon que le premier conslIl l'avait Il1'é\ u,
mee ordl'e et et'lérité.


Apr'es (lll'OIl se fut emparé, ('omme u la course, de la cité d' Aost,
I'armée se t1'ollva Ul'l'ctée par le fort de Burd, regardé comme inexpu-
gnable u raison de 8a position sur un roeher a pic, et fermant une valk'e
lll'ofonde qu'il fallait frallchir. POUI' sUl'mouLer cel obstacle, 011 cl'eusa
(Ians le roc, hol's de la portée du canon, un sentior qui senit de passage
Ü l'infantel'ie et 11 la cavalerie; ¡mis, par une uuit obscure, on eme-
loppa do paille les roues des voilures el dt's eanOIlS, et l'on parvint


aiIl~i ,1 dé[l¡hH~1' Ir fort ('H tl'a\'l'l'saul la p('Litr Yille d(' Bard. sous le 1'('11




IllSIUlltE


d'une lmtlel'ie de ,ingt-deux pieees, donlll's eoups , ti .. és a r avellture .
\le fil'ent que peu de mal allx soldats républicaills.


Des les premie!'s jours de juin , le quarlier-génél'Ul fut porté a Milan ,
rl'ou Bonaparte adressa a l'armée la pl'Oclamatíon sllivante ) aprés avoir
décrété le rétablissement de la republique eisulpine :


(\ Soldals ,
1) Un de nos dépurtemellls étuit uu pOllvoir de l'enllellli ; la t'onsle!'-


lIutioIl t'tuit duns tout le nOl'd de la Franee : la plus gl'Hnde partie du
tCl'I'itoire ligul'ien, le plus Jidéle ami de la l'épuhlique, était envullí.


1) La l'épublique císulpine, anéantie des la campagne passée, était de-
,enue le jouet du grotesl}ue régime reoda!. Soldals, vous mal'chez, el
déja le terriloire fransais est délivré, la joie ct l'espél'allce sueeedent .
dans notI'e palde, a la constel'lwtion el a la e¡'ainle.


'J YOHS l'elldrez la liberté el I'indépendance au peuple de Genes; il
sera pour toujolll'S délivre de ses éternels enncmis.


1) Vous etes dans la capilale de la Cisalpine; l'ennemi épouvanlé lI'as-
pire plus qu'u I'egagne!' ses fl'Ontieres. Vous lui avez eulevé ses hitpitaux,
ses Ilwgasins, ses pares de résen<'_


li Le prellliel' ade de la eampagne esl tenuÍlH:-; des lIIilliollS dhoIll-




I


lJ E :\.\ rOL I~ O .\ .
Illrs, vous !'rlltrnt!rí'. tous les jours. yons mlrrssent t!rs fldes !Ir I'rrOI1-
naissance.


" ¡\[ais aurait-oll donr impunpmenl \iolé le terl'itoil'e fI'an~ais; lais-
sereí'.-YOIlS retoll\'lle1' dalls ses foyers l'armée qui a porté l'alarme dans
vos familles? V 0\18 courrez aux armes! .....


n Eh bien! marchez a sa poursuite , opposez-vous a sa re traite , a1'-
raehez-lui les lan1'icrs llont die s'est parée, et, par la, apprenéz an
monde que la malédidion est sur les insensés qui osent insultcr le terri-
toire dll grand peuple.


)) Le résultat de tOllS 110S efforts sera: Gloire sans Iluage et paix so-
lide. »


La gloire sans nuage était des longtemps aequise a l'armée fran~aisr
et á son chef, mnis illeur était plus difficile d'obtenir une paix plus so-
lide'. On élait pourtant a la veille de l'une de ces batailles rlécisives qui
amcnent lrs el1llemis les plus obstinés a étonffer, momentanément an
moins. Irllrs r1ispositions hostiles. Le 9 jllin, Bonaparte passa Ir


P(¡, rt hattit les impériaux illVIontehello, oú l'un de ses lielltpnants, Ir
général Lannes, rendit son nom fameux. Le ~.1, il atteignit encor('
les impériaux dans les plaines de J\1arengo, el remporta 8tH' eux l'unl'
des plus grandes vicloires qui aient ilIustré les armes républicaines.
Lnissons [¡¡il'e nn minflurur lui-meme le récit de ('ette immorfrllr jO\lr~
n(!'(\ :


" Apri's la bataillr de l\Iontchdlo l'armée se mil rl1 mar('l!r pOlll'
I-~-~- ~- .--- ---~.----_._-- ----------




200 111 STO III E


passer la Síerll, L'llvant-garde, commllnMe pal' le gl'nél'al Gardanne,
a, le 24, reneontré l'ennemi qui défendait les approches dI' ]¡¡ ROI'-
mida el les trois ponts qldl avait pres d' Alexandl'ie, l'a clllbllté, lni a
pris oellx piec'es oe canon el rait cent prísonniprs.


" La division dll général Clwbran arrivait en meme temps I{' long
dll Pb, vis-u-vis Valenee, pour empeeher l' ennemi de passer ce f]{'UH',
Ainsi Mélas se trouvaít serré entre la Bormída et le Po, La seu\('
re traite qlli lui restait apres la bataille de Montelwllo se trouvait intel'-
ceptée; l'ennemi paraissait n 'avoit, enCOl'e aucun llrojet et tres-ini'el'lnill
de ses mOllvements,


)) Le 21, a la pointe du jOlll', l' ennemi passa la Bormicla SUl' les tr()i~
ponts, résolu de se faire une tl'ouée; déboucha en force, sllrprit nolr('
avant-garde, et commen~a an~e la plus grande VíVflCité la e('¡¿'bre ha-
taille de Marengo, qui déeide enfin du sort de l' Ilalie et de I'm'mée anll'i-
ehienne,


n Quatre foís pendant la bataille nOllS flvons ele en l'etl'flite ) el qllatl'f'
fois nOllS avons été en avant. Plus de soixante pieccs de canon ont éh;
de part el d'alltre, sur différ'ents points et il différentes hrul'es, pris('s el
repl'ises. Tl y n en plus de douze rharges de cflYfll(,l'i<', et nn'c dim~l'('nh;


I sueees.
j---~-~--------- - --- --~-~~------------~------ ---------~--------




(lE i\APOLÉO\. 2ÚI
¡, 1I dail [mis heul'(,s apl't's midi. Dix ll1ille hommes t!'inJ'anlC'!'ie df'-


h()I'(laielll lIoh'p dl'Oite dan s la f;nperlJe plaine de Saint-Jlllien; ils ¡"taienL
!'outellns par IIlIe liglle de cayalel'ie el beaucoup d'al'ÍilIel'ie. Les grcna-
dicl's de la g[JI'(!e furent plaeés cómme une redoute de granit au milieu de
('e tic illllllellf;e plaine : rien ne put l'enLmller; cayalerie, iufan[el'ie, [11'-
[ill('I'i(', toul Cut (lil'igó contr'l' c(' hataillon, mais en yain. Ce fnl alol's qll(,
\Tainll'llt ron, il ('(' ([tiC lwul Illll' poignéc dI' gens de ('(('111'.


)) Par cette résistance opiniútl'e la gauche de l'ennell1i se tl'ouva ('on-
tenue, el notn~ limite appuy('e jusqu'a l'arrivée du général )lonnier, qui
cnleva a la balollnette le villnge de Cnstel-Ceriolo.


» La cavaleric ennemie tit alors un mouvement rapide sur notl'e gau-
ehe, quí déja se tl'Ouvait ébranlée. Ce mouY€ll1ent précipita sa n'traite.


» L'ennemi avan<;ait S\1r toute la ligne, faisant \1n Ceu de mitl'aille
avee plus de e('nt pieees de canon




IIISTnII\E


» Les routes étaient couvertes de fuyards 1 de hlessés 1 de débl'is. La
butaille paraissait etl'e pel'dul'. On laissa ayancer l'enncmi jl1squ'ü ul1e
portée de fusil du villnge Snint-Julien) oil l'tnit en bataille la diyisiol1
Desaix , avee huit pieces cPartilJerie légere en mant, el deux hataiJlons
en potenec sur les ailes. Tous les fuynl'ds se rallinient del'l'ji'l'e.


)) Déja l'ennemi faisait des fautes qui présagenient sa eata~trophe. T1
étendnit tl'Op ses ailes.


» La pl'éscnce du premier consnl ranimaillc lllOl'al des tl'Oupes.
') Enfnnls! lpul' disait-il, souvenez-Yous qne mon habitude esl de COII-


elle!' slIr ](o chnmp dc lIalail1e. ))


Ji AIlX cris de vive la république! vive le premier eonsul! Desaix nhol'dn
nn pns de charge et pnr le centrc. Dans un instant l'ennemi est clllbl1té.
Le géné!'nl Kellermann) qui , avrc S3 brigade de grosse cnvalcrie) mnit
toute In journéc protégé In retrailc de notre gnuche, (~xéeutn une ehnrge




D E :\ Al' O L I~ O 'i .
mee lallt de ,igueul' pt si ü prolloS (lile six miill' gl'pnadiers pI le ge(](f'ral
Zacl! . chef de l'étul-Illujol' general; fllrellt faits prisolluiers, el plusirurs


geuét'aux l'llllelllis tlles. TOllle l'ul'lllée slIivit ce IllOIlVl'lllelJt. La dl'Oitp
de I'ellnemi se trouva eOllpee. La eonsternation el l'épollvantc se mirell!
dans ses rangs.


) La eavah~rie alltl'iehiennc s'élait portee au centrc pom' proteger la
n'traitc. Le cllef de brigadc Bessieres, a la tete des easse-eols el des gre-
nar1iers de la gal'de, ext':eula une charge avec autant d'activité que de va-
/ellr, perr,a la Iigne de cavalerie cnnemie, ee qui aclleva l'enliere derolltc
de 1'<11'111('('.


)) Nous avous pl'is quinze drnpeaux, qual'aule pieces de canou, ('[ fait
six tl hllilltlille prisonniers; plus de six mille ennemis sDnt restés Slll' le
champ de baiaille.


» Le !.le h~g(,l' a me,'ile le titt'e d·incomparahle. La gl'osse cmalel'ie el
le se de dl'a¡!OlIs se sont C0I1V!'!'!;; ¡JI' gloi¡'(>. :\'otl'e pl'l'(l' ('st HUSf'i eOl1sí,"




1--


201 IlISIOII\ E


dérable : uous avous en six ceuts hOllllllCS tllé~, (luillZe cculs hl('~sés , d
nenf eeuts prisouuiers.


Jl Les géuéraux Champaux, )!armonl el Boudd sont hless¡\s.
" Le général en chef Berthiel' a cu ses hahits cl'iblés (le baIles; plu-


sieues de ses aides de eamp ont élé démontl~s. )lais une pel'te Vi\emL'nt
sentie par l' m'mée ) et qui le sera pal' toule la républiq ne) ferme uotre
CO!lIl' a la joie. Desaix a été frappé d'nne baile atl commcncemcnt de la
charge de sa d.irision; il est mort sur le COllp; il lI'a Ctl que le temps dc
dil'e an jClll1e Lebrun qui était avee lui : ,( Alkz dil'e uu pn'llIiel' eOllsuJ
que je melles avce 11' I'cgl't't de n'nvoi,' pas asscz fait 1'0111' \i\l'p datls la
jlost('l'itl\. "


Halls le conrs de sa vie, le gelléeal Desaix a en (1 naIre chevt1ux tués
sous llli) d ret:;u trois blessures. Il n'avait rejoint le qllt1rtier-géuéral que
depuis trois jOUI'S ; il bnilait de se hattre, el a vait dit detl\. ou tl'Ois fois la
wilIe á ses uides de camp : " r oilil bicn longtemps fjlH' jr ne llW bals plus




!-


eH EUl'Ope; les lJolllds nc me cOl1nuissenl plus; iI nons urri\'el'u quel(!lw
ehos('. H LOI'Sqll'OIl vint, uUlllilicu <lu plus fol'l du feu, mlllOlH'er au pre-
mie!' e()n~lIlla IUort de Desaix, íl ne luí éclHlppa que ('e sellllllot : " Pour-
(llloi ne m'('~l-il pas p('l'mis de plelll'er'? J) SOIl COl'pS a ék transportó 011
poste il l\Iílall, pom' y clre ernhaumé.


Deux .iOUI'''; apJ'¿~s Bonaparte écriyit au\ ('ollsuls la l!!tlre slIhanle,
dutéc dll r¡uarliel'-gl~lléral de Torre oi Carafola :


({ Le lendemain dI' In hataille oe ~Iareng(), eiloyl'ns eonsuls, le g(;nél'al
~rélas a rail delllandl'!' al1X avulIt-postes qu'il lui fút ¡¡el'mis de 111' ellvoycl'
ll' g¡"n(;I'al S"al. OH a anClé dans la jouméc la eonvclltion dont vous
tl'Ou"cl'ez ('i - joint copie. Elle a été signéc dans la Illlit par le g(;nt'l'al
BcrthicJ' die génél'lll Mélas. J'espere que le peuplc fl'au~uis scra eoutl'tlt
dc son armée. »


La balaillc de l\IarclIgo li\Ta h~ Pil'lllOlll d la ],olllbanlie ü la Franee.
Lo promiel' e()ll~lll S(\jolll'na peu de lelllp~ en Ilalic. A .mlau , le pellpl(·
I'maill'c<;;ll aH'e Clll]¡ollsiasnw, et lC's pl'cll'es memes s'étaielll assoeiés iI
I'allégl'esse t;<'~lIú'all'. Bonaparle, pom' se mélwgcl' leu)' appui, pal'la l'll
('('s tel'llH's <lUX ('IIl'ÓS de eelle capitule:


« ~Iillisll'(,s (('une religion (lui est aussi la ulÍelllll'. leul' dit-il , je \Oll;;
I'egal'de ('.()IlIIllC mes plus ehcl's mnis; je \OUS dl-c'InI'C que j'en\'Ísagel'ui
I'OIllIlll' pC'l'tlll'hatrlll'S dll l'epos pllblie, et que j('ft'l'lli punil> CODlllle lds d('
la munióre la plus I'igollrellse et la plus éelatanle, et IJIClllC, s'jl le falll, dI'
la peine de mor!, qllieonqlle fel'a la llloindl'e insulte tI 11011'(' eOlnlllUlle
religion, ou qui osera se permettre le plus U'gel' outl'üge enycrs YOS 1)CI'--
sonues sacl'écs.


)¡ I.es philosophes mollel'nes) ajollta-t-il, se son! cffol'cés de persuader
iI la Franee quc la religion catltolilJul' était l'j¡nplaeable ennemic de tOllt
systt~me dÓll1o(,l'utique el de tOllt gourernemen11'('puhlicaiu : de lit eelle
('melle pel'sóe\llion (¡\lO la r('publique fl'angaise exer~a contre la religion
d eOIlÍl'e ses minish'('s; de lil loutes les horl'ruT'S aUX(ludles fut liYl'é
cl'l infol'tllnó peuple ... ,. )Ioi Ilussi je sllis philosoplH', et je sais que, dllns
IInc sociétó qnt'leonqllc, nlll humille 111' sal1l'ait passt'l' pum rer!ueux el
jusle s'illlc sail d'oú iI \ieut ('[ Ol1 il YU. La simple l'aisoll ne peut nous
fOlll'l1il' lll-dessus uueullo Illmiere ; salls la rdigioIl, on marche eoutinnel-
1l'lllent cluns j¡'s tÚH\hl'C'S, el la l'eJigiou eatholiqnC' esí la senle 1J1li dOlllle
it I'!t01l11ll0 des llllUiól'('S eerlaiIles el infailJibles Slll' son prineipr et sn fln
d(,l'Iliól'e ....


____________ i




H ISTOIl\E


Ce 1I'('sl1'as Sl'Ulelllenl il la poJiti(llH: d'ull soldat alllbitieu.\ <lIt'il faut
attrihlJ(~l' ce langage. Qnoiquc indiffél'cnt en llIali<!l'c l'cligiellse, aiusi
(¡ue l'arait prouvé sa eonduite au Cail'e, Bonapal'te [I'était ,'il'JI moius
l¡u'il'l'éligil'lIx. " }[a 1'aisoll, disait-il, me tient dans l'íncl'(~(¡lllitú tI(,
lJeaucollp de e!toses; Illais Il'S impl'essions de 1110n enfance Pi ks iuspi-
¡'ations de ma pl'f~míhe jeunesse me l'ejettellt dans l'incel'litude. Il


l'Ilais il était dominé Slll'tOllt pm' la nécessité poJiti<¡UC de la l'eligioll
Lp Mémol'ial de Sai}/{e-Ilélene, les ,~Umoil'es de Aa¡¡oléo/t, le ¡[o('[(,uI'
O' .\Iéa1'a, PdPi de la Lozt~I'e et Thiballdealll'attestent égalemcnt. "Je Ul'
vois pas dans la religion , tlisait-il , le mystel'e de l'inearnaliou, mais le
myste1'e de J'onlre sodal; die rallachl' au ciel 1lIH' idél' d'é¡plité flui l'1Il-
peehe que le 1'iche ne soil massacl'é pUI'le pauVl'c ..... 1> iI -~ i\OllS mIJos
\1I des républil¡UeS, des tléulOCl'aties, el jamais d'dat salls rl'ligioll, ~au~
culle, sans pl'etl'(,~, JI


C'est done ü ('ette lllani0l'c lrellvisagl'r les IIUl'sliollS l'l'iigiclIses Ijll'il
faut altl'ibue¡' pl'incipalement l'acclleil rait par BOllaparte au.\ cUl'e's dl'
~liIan, el le diseoul's dOllt 1I0US avons rappol'lé Il's passages il's plus 1'('-
lllanluables. Du reste, I'ltalie reconqllise eH Illll:'l(llleS joUI'S) le prewie!'
consul se hata de rentrcl' en Franee, aprcs U\oir créé tille eOllslI\{e pOlll'
l'éol'ganiser la I'épublique Cisalpine, et amir rélabli l'ulli,crsité de )la-


vie. Le 20 jllill , il lit ll'an~pol'lcl' 1(' COl'pS (le !)esai, au mont Saint-1kl'-




207


111m I , el il onlOlllla ([U'UIl rnonUn1ent sel'ait é1'igé en ce lien illa tl)l'moiJ'('
dI' (' .. j('lll1e h¡"l'Os. Le 2H, il arriya il Lyol1, Olt il \oulul signulc¡' ~on pas-
sa¡w par un ucle l'l'pal'lltem' qui lui eoneiWH des 101's l'affedion de rettr
gl':lIldn (,t industl'iel1Se rilé, au sefn de laquelle son nom n'a ¡laS ecssé <1'«,>-
tre ('11 ,éné1'atinn. La rcconstl'llC'tiol1 drs fa~ades de Belleeonr fut M'erl'-
t('c, el Bonaparle en posa llli-meme la premi¿'n' pieITe.


Le ;) juillct, c 'esl-il-dil'e moins de deux mois apJ'(~s son déparl de Pa-
ris, il"enb'a triomphant dans eeHe eapitale, au miliell des acclall1atioll~
(['UI1 pellple inunense. Son premier soin fut de récompensel' la b1'avolll'e
de ses ('ompagnons d'armes, néjil, h rOllwrture de la campagne, pt au
pif'(l (lu mont Saint-Bernun[, il avait nOl1ll1lé PRE~IlEIl GIlENADIER DE LA
nÓ'UIlLlQVE l'intrépide Latolll'-d'Auvergne, qui se I'efusait á tout aWlDre-
n1<'nt. Au re tour 1 ct ap1'es une expédition aussi rapidc 1 com'oIlllée par
une Yidoil'C aussi hrillante , il ('rul demir faire un grand nomlm' (l{' pl'O-
mo!ions et rlistriburr des breYels d'honIlellr.


Tnndis que le pI'emiel' eonsul repl'ennil en !(llel(]ues jou1's la plus bel\{'
pol'lion fin I'Italie, Brune et Bel'l1adotte 1 cOl11manclant en chef Irs [11'-
lIlées de l'ollest, antient paeil¡(~ la Bretagne, el ulle rete ü l'UIlioIl de tous
les FI'nn~ais nvait dé résoluc. ün nl'I'eté des eonsllls du ,12 juin en ren-
\Ora la eéléhl'ation auf 4 jllillet, afin que la nation eonfondit dans llnt'
meme eonsécl'alion le l'etour de la eoneon1c ella naissanec de la liberté;
el pOUl' que rien ne nwnquut it eelte grande solennité , Oll fixa au menw
joUl' la pose des premicl'f's picl'res des eolonnes déparll'I11l'nlaks el de la
eolonne nationale : les unes élevées clans chaque ehef-lieu de départemrnt,
el l'autre a Paris, place Vendome 1 toutes a la gloit'e des lmm_'s mOl'ls
pOUI' la <lerense de la patrie et de la liberté,


Le Champ-de-.\rars) quí <lvail re<5u les dépulés de toutes les gardes na-
tionales d(~ Fl'anee lors du pl'emirl' anniwl'sail'r (le juillet , ü eelle jOllr-
né(' Illémornble de la fédt'ralion 1 rele eirique que ron essaya de l'elllll'('
I'digieuse) rt oll La Fayelte représenla le patriolisme naissant, Talley-
rand la roi expiran le ; le Champ-rk'-lUars re\it, apres dix ans de tI'OU-
hles civils et de guerl'f's étl'angcI'l's, les ddenseu1's de la révolntion réunis
encore dans sa vaste eneeiute , non pour y jurel' eeUe fois de ,ainet'('
OH de mourir 1 mais pom' y voir allester solennellement par les député"
de ]'nr'iñée, que le sel'ment des députés de la garde nationale était gloriell-
sement rempli, et qlle la Frnnce nOllwlle avait vaineu la vieilIe Europe.
Des oflieiers eIlYoyés par les dellx armé-es dll Rhin l'f ¡j'ltalie M'ploye-




IIISTolllE


n'ul CII PI'!'''' . rle\nnl l('s conSll~~, les dl'apc(lll\ pl'is 1, l'enncllIi , qn'ils


venaient offl'ü' au gOl\ve1'nellJenl comme hommage ~l la palrie , el Bona-
parte lem ad t'essa ces nobles pa1'oles :


« Les drapeanx p1'ésentés an gouvel'l1cmcnt devant le peuple de eett~'
immense capitale aUestent le génie des généranx en chef, J'\Ioreau, "Mas-
séna el Be1'thier; les talents militail'es des générallx) leUl's lieutenants ,
el la bravoure du soldat fran<;ais.


)) Oc retout' dans les camps, dites aux soldats que, pour l'époque dl1
I rr Yendémiaire, oú nous célébrerons l'anniversaire de la république, le
peuple fran<;ais altend, OH la pnblícation de la paix, OH, si]' ennemi y mcl-
tait des obslaeles invinribles) de nouveaux 'drapeaux, frnits de nouvelles
\ictoires. )}


Un trait 1l1('l'ite d'efr(' remnrql1é dans ('eUe ('oude hnrangue : Bona-


-----~ ------ -~~


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DE ":\POLÉO". 20U


pnrlc, rorr¡'~ de g'rffncer lui-l11cme dnns la dislrihulíon des éloges qu'íl
donne nux chefs mililail'cs et a l' nrmée, et quí snit hien d' nilleurs que cet
ouhli nécessniro de lui-l11el11e sera plus que compensé pnr les souvenirs du
peuple, Bonnl)nrte s'nppliqllc n mcttre cn reliefprt'cisément cellX des gé-
nérnllx quí purent micux nourrir il son égnrrl qnclques pcnsécs de rira-
lité, el. il place Morean et l\Iasséna avant Berlhier , son confident el son
muí. e'est encorc une maniere hnbile d'éearter tout soup~on de jalou-
sic envers ces illustres guerriers, comme aussi de témoigner qu'il ne peul
pns voir sériousement en eux des rivaux a craindl'o ot u rabnisser. Voilu
l'orgueil intimo du génio qui tient a se lnisser deviner et apercevoir it tra-
vers la modestie obligée du langage officiel , et qui ne montre jnmnis
mieux le sentimellt qu'il a de sa sup(\riorité qu'en paraissant s'occuper
excIusivement de fairo ressortir colle des autres.


Cettc belle journée se termina par UII hanquet que le premier conslll
donna aux principales autorités de In républiql1e , et dans leque! il por1n
le longt sllivnnt:


" Ar: i;' .1I'IT.LET ET Al' PEl;I'LE FllA~(HS, l\'OTRE S(){)VERAI'I.)\


27




UL\PITHE XIl.


Ol'gallisation du consdl d'état. COHgres de Lunt'·ville. Fi'tt' de I:t fnlld;llint! dI' 1;-1 I'f'puhlir{llt'.
Complot I'Ppllhlirain. Cml~pil'ation l'nyaliste, .'lal'hillp illf"'l'n"lr.


A signature des préliminaires de la paix entre
la Franee et l' Ault'lehe, par le premier eonsul,
suivit de pres la céléhratlon <lu ~ JI juillet) el


, justifia les dispositions pacifiques qll'il avait
ll1anifestées aux députés ellVoyés 11 Paris par
les armées d'Allemagne et d'ltalie.


Un ll10is apres, Bonaparle s'occupa <I'o!'-
ganiser le conseil d'élat et d'en n01l1ll1er les mell1bres. Le 5 sept('mbre
il conclut un tI'alté d'amitié et de commeree entre la Frunce elles Étals-
Unis; et le 20 dn meme ll1ois, sur le refus dl' l'emperf'lIt' de signe!' les
prélirninaires de la paix) il indique un autre eOllgres 11 Lun('vi!l", oil il fil
I'cprésentel' la républiquc par le génél'al Clarkl'.


La rete du ~ cr vendéll1iaire ne fut pas ll10ins pOlllpellse que celle dl1
~ 4 juillet. D"s dl~plllés de 1011t"5 les autorilés départemenlales y assistr-




111 S l O 111 E J) E \.\ PO L 1:: () \. 211


I'ent. On Ilvait fixé I1 ce jour la pose de la pl'emicl'c picl'l'o dll U10l1l1l11f'nt
national it él'igel' sur la place de la VictoÍl'e , iJ la Illémoil'e de Dcsaix el
tle Kléhet" tomh<"s tOl1S deux le Jl1emO jouJ', 1\1Il ¡¡ Marengo, sons le fell
lit' ¡'ennf'mi; l'alltl'e au Cail't~, S0l1S le poigllan! 11'[111 assassin. La 1l'ans-


lulioll des celldrcs de Tlll'eIlIH' au telllple de "1<11'8, onlonnee par les con-
suls, ajonta aussi ¡¡ ['¡;dnt de I 'nnniversail'e de la fondalioTl de la républi-
que. Le ministre de la gllerre, Cantot, prononc;¡u un diseours a eeUr'
occasion, el nuBe ))ouche n'était plus digne que la sienne de fail'e l'élogf'
du glH'l'I'iel' iIlullorlel donl la FranCf' honol'ait les restes. C'était la science
militaire, In génie modeste , les wrtus publiques et pl'ivées du granel ca-
pitainf' dp la monal'ehif~, cél("bl'és par le grano eitoyen de la républi(IUe
<Iui anlit mis, eOI1lllle Tllremw, an senire <le son pays, el sa han!p 1110-
l'alik', d sn p/'ofonde eonnaissanc(' !Ir' I'al'l dp la ¡me1'l'1'. Camot Sl1t mere)'




21:2 H1ST01HE


aux nonu; de Klébel' el de Ue~aix eclui du brave el savant Lalour-d' Au-
vergne, qui venait d'étre tué en AlIemagne, et dont la mortfrappait la race
meme du grand homme ti la mémoire duquel il payalt un h'ibut ~olennel.
Ce fut un beau jom' pom' lous les Franc;ais fiers et jaloux de ce nom que
eelui oú la patrie rcconnaissante put confondre ainsi, dan s une apo-
théose eommune, ses illustI'es enfants de tous les temps et de tous le~ re-
gimes) sous les auspices d'un gouvemement qui avait pOUI' ministre
Carnot, et pour chef Bonaparte.


L'inal1guralion du Prylanée, ti Saint - Cyl', mm'qua encme la ce-
lébration du hl1itieme annivel'saire de la fondatioIl de l'ere ('épuhli-
caine.


Cependant, malgl'é la pompe des fetes eiviql1es, el lllalgl'é les efrol't~
du consul pom' ne pas donner l'alarme aux patriotes ombrageux sur la
nalure de ses arriere-pensées, la maniere donl il s'était emparé du pou-
,"oh' et les dispositions qu'i1 avait montrécs depuis annon~aienl trop !,jan
impatienee d'en linir avee les institutions republicaines, pour que les \e-
tel'ans et les adeptes du parti l'épublicain, yiolemment irrités, ne trou-
vassent pas pal'mi eux quelques fanatiques, capables de concevoir et
d'exécutel' l'assassinat d'un homme qui n'étail pour eux qu'un usúrpa-
tem' et qu'un tyran, L'ex-député Arena, le sculpteur Céraehi, Topino-
Lebrun, éleve de David, e! Damerville étaient de ce nombre, Un misé-
rabIe, nomméHarreI, exploita leurhainecontreBonaparte, etles fitcn-
trer dans un complot don! illivra les fils a la police, Telle fut la sécurité
du IH'emier consul a l'égard des auteurs de ceUe trame, qu'il ne s'abslint
pas d'assister a la relH'ésenlation cxtl'aordinaire de l'Opéra, ou les conju-
res avaient résolu de l'assaiUir.


De leur coté, les partisans opiniutres des BOUl'bons, qui s'étaient
flaltés un instant de rencontrer un 3Ionck dan s Bonaparte, et qui ne pou-
vaient plus conserver ce fol espoi1', se mirent a eonspil'el' eontre luí. La
malveillance étl'augere, l'émigration et la chouanneríe s'entendirent, el
la machine infernale écIata, C'était le 5 nivosc; le premie .. cOllsul se
rendait al'Opéra , ou l'on donnait la premiére représentalion de 1'ora-
torio d'I1aydn, la CréalioJt, II était accompagllé de Lanues, Bcrthier el
Laurislon. En passant dans la rue Saint-~icaise , il fut surpris 11111' I'ex-
plosion d'un baril de pouclre qu'on mail placé sur UBe ChaITCllc, Dix se-
condes de retarel, et c'en était faH de Bonaparle et de sa suite, Ileurel1-
sement le coeher, (lui étai!. iHC, foucUa les chevaux plus vivement que de




OE :\'APOL~O:\.
coutume, el eett(' plui' grande l'l'lérilé, due a uu incideut si si Ilg111ier ,


pl'éscl'va l'holl1mc (lollt la (in tl'agiql1e eút changé les prochaines destinées
de la Franee el de l' El/rope. «:\ 011S SOlllUH'S lIliués , s 'éeriu le premiel'
eOI1SlI1. )) Lallnes el Bcrlhier illsistaiellt pou/' qu'on I'entrat aux Tuilel'ies.
,( :\on, nou, di! Bonapade, ti rOpt'l'tl! J) 11 Y pUl'llt en eHe!, et se mil
SII\' In <!eYHnt (le sa loge, oll il 1ll0l1ll'a un frontal1ssi ¡,;cl'L'Ín el aussi calme
que si la ([Ilióludc la plus pal'fnit(' tú! régué dan:; son (1\)1<'. 11 ll'eu était




2H IlISTOIRE


l'ien cept'ndant. Apres quclques instanls dOlllles I1 cette démonsh'atioll
publique de h'aIllluillité, ~ fut emporté par la violence de ses impres-
sions, et il accourut am(Tuileries, oú se pressaient les personnages in-
tluents de l'époque, pom' savoil' ce qui s'était passé et ce qui aUait CII
advenir. A peine arrivé au milieu d'eux, Bonapartc s'abandonna a tout('
la fougue de son earaetere, et, d'une voix I'orte, illeur dit : {( Voila l'cell-
v:re des jacobins; ce sont les jacobins qui ont voulu m'assassiner! ... 1I
n'y a la-dedans ni nobles, ni pl'etrcs, ni ehouans ~ ... ,le sais a quoi m'ell
tenir, et I'on ne me fera pas prendre le ehange. Ce sont des septembri-
seurs, des seélérals, eouverts de h(me, qlli sont en rl~voIte ouverte, en
eonspiration permanente, en bataillon eart'é eOl1tre tous les gouvel'l1e-
ments qui se sont sueeedé, Ce sont des artiStUlS, des peintres 1 , quí
ont l'imagination ardente, un peu plus d'instrurtion que le peuple, et
exel'cent de l' ínfiuenee sur lui. Ce sont les assassins de Versailles, le¡;
brigands dll 5\ mai, les eonspirateurs de prairial, les auteurs de tOtH;
les crimes commis contre les gouvernements. Si 011 ne peLllles enehai-
ner, ii faut qu'on les eerase; iI faut pUl'ger la France de eeUe /ie
dégotitante. Point de pitié pour de tels seéIérats ! ... "


Ces paroles, ou la prévention se melait a l'indignalioH la plus juste,
furent répétées, 11 peu pres, dans \Ine réponse dn premiCl' conslll a une
déplllalion du départcmcnt de la Seine; mais ce IILI'íl y cut de déplo-
I'3ble, e'esl qll'elles fUl'ent aLlssí suivies du supplice des ,¡etillles que
l'agent provoealem' Harrel avait livrées a la poliee, el de la déportation
de cent trente citoyens que la persévérance et l'ardeur de lem' paÍl'io-
tisme rcndaicnt suspeets, Le ministre de la police, Foucht~) llui avait ti
se diseulper de n'aroir point préH'llu el tU'jOlll' l'attental, se montrn
l'un des plus al'dents a fl'appel' les prétenlllls coupables; el I(~s llIl'Slll'es
(IU'il proposa obtinrent aisement la sanclion <iu pl'emiel' eonsul, dOlIt il
excitait et dil'Ígeait depuis longtemps les soup9ons contre les républi-
cains. Par une combillaison que ríen He saul'ail j usliliet', 011 ne se ('011-
tenta pas de pl'Oscl'il'e en masse des innoeents , on voulut allssi les YOIWr
HU mépris et a l'opprobre en associant monstrllcllsemenl les noms ho-
norahles de Talot, de Destrem , de ] .epelletíel'-Saillt-Fargeall, ete., PIe.,
ti eeux de quelques sieaires obseul's de la tel'l'eUl', auxqucls on affeela
d'appliqllel' l'l"pilhete de septembrisellrs, afln de I't'Ildr0 le11l' ('()mpli('ill"~


; Alln.,ioll a Cerachi l't TopiIlO-LelHUI. l'UII ~el1lptt'lll' d rautl'4~ p<'illtr4',




215


pllls neellblllute pOllr ces républicaius iITépl'ochables qu'oll youlail flétrir
d (lt'pol'!('I' 1'11 IlH\llle temps, Un lIlois npres on M'eouvrit que le ('rinw
appllrlellllit aux roya listes ; dellx émissaires de la elrollanneri(' , Carboll
P[ Saint-Bt"gent) comainells (l'etre les auleurs de l'attentat, Curent COl1-
dutllués Ú lIIor! cl exécutés; mais eette ¡1Uuition des uais coupables
\le lit pas l'évoqllel' la lIH'SlIl'e que le gOllvernemenl avait prise (lb imlo
('01111'<' les dél1lo(,l'ates iIlnOCl'lIts ) qui, u km' passage ti Nantes, avaienl
fuilli d(,\(,\lir Yiclimes de l'intlignation publique.


Cetle jllstice dictatOl'iale renconLl'a peu d'opposants, tant l'opinioll
élait alors prol101lc\'e en fa,-eur de Bonaparte. L'amil'al Truguet hasarda
pOllrtant ({Llelqm's I'éflexiolls en faH'ur du purti donl il professait les doc-
trine!' , et il !'e plaigllit de ce que l'esprit Pllblic était eOlTompll par des
pllulicatiolls qui prechaient le retollr a la monarchie et an gonvernement
Irél'('~dilail'('. C'élnit une allusion ü I'éerit intitulé PomfICfe e¡¡(re César,
Ü'OIl!/lIrl el BO/llll)(Jl'!f, lequel étllit publié sons la prolection flu minis-
Ir!' de rilltél'iPIII', I'l pal'llissail ('videmnlellt (kstilll' il somlel' ll~s di¡;po!'i-
lions du peuple fl'all(:ais Slll' la révolutiOlIl¡Ue Bonapnrte lDl'ditnil.


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. ,




CHAPlTHE XIIT.


C,l'éation des ll'i1mnallx exccptionncls. Travaux puhli"s. Tl'ailé dr tunéville. Essol' donne ,'m,
scienre-s ct a l'hlllustrir. Tralté, lle paix avf'C l'Espa;::;nc j :Saplrs "t Parrnp.


Concol'llat. Paix tl'Amirns. Te De"", it 'iotI·c·Tlam.,.


ES écrits deslinés a préparel' les esprils a une
nouvelle révolulion rlans la forme rlll gouvcr-
ncment n'ay:mt pas élé accueillis ('omme de-
yaienl le raire supposer la favenr populaire
dont jouissait le eon~ul, et le discrédit dans
leque! élaient tomhées les idées et les inslitu-
·~~~~;;;:;=~.~-ti()ns répnhlicaines, on en dissimnla l'origine


officielle, cll'on ajourna sagement les projets qu'ils faisaient pressentir.
Mais la machine infernale fDurnill' occasioll de créer des t l'ihllnaUx spé-
cial1x et des jurirlictions exeeptionncllcs 1 qui devinrcnt les instrllmcnts
rapidps du pouvoir ahsoln que le premier c011fml exel'l;ait en rÍ'alité sur
la France. Cctte instilution redoutable SOlden d:ms le trihunal I'oppo-
silion eonragense de Benjamin-Constant, Dallnou 1 Ginguené, Chénicr,
Tsn:l1'fl. etc. Tl'ois ou quatre voix g("nÓl'ellSPS, celles dp Lmnhrechts.


--1


I




I


lllSTOIIIE DE "AI'OLl~O\. 217
Lanjuinais, Garal el Lenoir-Lal'Oebe se t1l'enl aussi entendl'e dans le
sénat. lUais les défenseul's des libedés puhliques furent en tres-grallde
minol'ité et les désirs du consul furent faciIement comertis en disposilions
législatives.


A coté de ces mesurrs réaetionnairrs, 011 Yoyait cl13flue jou .. des
actes marqués au coin du gt'nie qui devait portrr si hant la gloire et la
puissance de la FI'ance. Les routes ct l('s canaux s'ouH'aieut de [outes
parts; les beaux-arts acquél'aieni une spIendellr nouvelle; les !lécou-
wrtes seientillques étaient encouragées; le commel'ce et l'indusll'ie <.'11-
traient dans des voies jUS(lUe-l11 inconnues.


Le ~ 7 janvicr ~ 801 , le rélablissement de la compagnie d' Arl'iqne fut
ordonné, et le premier consul , transportant sa p('nsée de l'Allas aux Al-
pes, ct emhrassant dans m yaste sollicitude les intérets de la ci\ilisation
chez les peuples policés el chez les barbares, c1wl'gea, par un c\écret du
meme jour) le général TUl'l'eau de pl'ésidel' au eonfeetionneIllcnt de la
bdle route du Simplon.


Le 9 février, la paix eOl1til1('ntale fut signée 11 Luné\ille. Bonaparte 0n
pl'it occasion c\'accuser le caIJinet allglais d'etre le senl ohstnde a la pacifi-
cation univer8elle. « Pourquoí, dit-il au corps légisIalif el au ll'ilJUuat dans
son message, pourquoi fant-íl qlw ce tl'aité ne soít pas le tmité de la país
générale? C'étaille YWU de la France; c 'était l'objct coustant des efforts
du gourernement; ll1aís lons crs effol'ts ont dé yains. L' EUI'O]l<.' sait ton!
ce que le ministere britallniql1e a tenté pour faire échouer les négociations
de Luné\ille. )) En répomlant ensuite aux fdicitations que le COl'])S légis-
latir lui adl'essa , illaissa des-Iol's apparaitre la gigautesque eonreption du
blocuscontinental. «Tontes les puissances du continent, dit-il, s'entcndront
ponr faire renlrer l'Angleterre dans le chemin de la modération, de l'e-
quité el de la l'aison. "


Le consu), s'appluudissanl aussi du l'dour de la paix intérieul'C qui
avait précédé la paix extérieure, témoigna son contentement de l'"c('o\'(\
el de l'union qu'il nvait l'emal'qul's dan s les dépal'tellleuts qu'il "enai! dt,
risiter , et iI ajouta : « Ainsí on 11(' doit aUaeher uucune importan ce am:
harangues inconsidérées de quelques hommes. » C'était une allusion uux
discours hardis prononcés an tribunat a I 'occasion des tl'ibunaux extl'a-
ordillaires. Ce corps fut eonsiclérl~ (les ce moment eomme le drl'l1iel'
refuge de l'esprit républirain, el ron dllt songer a l'y étollffel', (rabord
pflr U'limination, plus tard par la sllppression complete.


1---·




2tS lltSTOtl\E


Lo tI'aité de Lunéville, conelu principalemenl aree la COlll' de Vienne,
fut suivi de traités particuliers aycc Naplcs, Madrid el Parme. Ce fut vel's
le meme temps que Bonaparte eréa les départements du Roe 1', de la SmTI' ,
de Rhin-et-~Ioselle et du 3Iont-Tonnerre; et, C0111me l'agralldissement ('[
la padfieation de la répllbJique devaient eoneourÍl' are e sa ln'ospérilé m<I-
térielle, le cOllsul se fit autoriser par une loi a établir des boul'ses de e0111-
merce, et il ordonna qn"¡¡ serait fait ehaque annéo, du ~ 7 au 22 sep-
tembre, une exposition publique des p1'oduits de l'industrie frangaisc.


Libre de toute préoccupation du coté des puissanees continentales, el
parvenu a isoler l' Anglclel'l'e , du moins en apparence, dans le noureall
systeme que la révolution ,ietoriollse venait d'imposer ti la diplomalie
européenne, Bonapa1'te a\"11it fondé de grandes espérances SUI' l"amiti<',
personnelle qlli l'unissait au czm' Paul ler. L'assassinat de ce prinee, dans
la nuit du 25 au 24 ma1's, renversa tous ses projets. Des qu'il fut instruil
de eet éYénell1ent , il en témoigna la plus Yiye afOielion , el fit insérer au
MoniteuJ' la note suivante :


« Paul le, est mort dan s la nuit dll 25 au 2.4 marso L'eseadre anglaif:('
a passé le SUl1d le 50. L'histoire nous apprendra les l'apports qui pClI\ent
exister entre ces deux événements. »


C"était la seconde fois que Bonaparte voyait déjouer par des a('cidl'nt~
les vastes desseins qu 'il avait con<;ns ponr l'llÍne1' la puissallce allglai~('
<Ians les Indes.


Cependant, il ne suftlsail pas au premier consul d'avoir yaineu l' Eu-
rope, pacifié la France, ranimé lo comll1Ol'ce el l'industrie, donné 1111
nOllve! essor aux arts et aux sC'Íenres. Au milieu de ses immens('s el glo-
I'ieux tl'avaux etdo ses gl'andes créalions , il senlail que son plan de 1'('01'-
ganisation était ineoll1plet, et qu'il manquait encore qneltlne chose a SOIl
édifiee: uno place pour la religion. Jusque-la, sans doute, il ne ravait pas
méeonl1ue el dédaignée; mais rion n 'était encore réglé ponr elle, soit dans
les trailés, soit dans les lois; et si le clergé avait en aussi sa part dans I(;~;
fan'urs consulaires , Sil nouvellc position , (luelque avantageuse <Iue Bo-
naparte reÍlt faite, n'on était pilS moins précaire. Pour la fixer sur \lIW
base légale, le premier consul entra en négociation avee Rome, et con-
elut un eoncordat avee Pie VII. Les philosophes de son entourage , qlli


I avaient accepté la révolution de brumaire paree qu'elle avait donné de la
i stabiJité a leur fortune soudaine , se récJ'ierent eontre la réaction reli-I gieuse. lis auraient youln que Bonaparte se proe1amat chef de la l'eligioll
I~~ __ - ________ _




I)/~ \AI'OLÉO~. 21 \l
gallieane, el q u' il J'ompi t di'linitiwrllent aye(' le sain t-siége. lVIais, le prell1Ít'I'
('onsnl comprenait mieux l'impoJ'tance de la religion de la majol'ité, ot ¡ .
le dangel' de blesser le ¡l:I'OS de la nation sur une lllatü:-re aussi délicate.


Dl'jiJ 1 ppndant le roUl'S de la revolulion , el. SOllS le regne du phi loso-
phisme per~é('uteur de la montagne el du diredoire 1 le vide que laisse
dans rdat l'allsellce de la religion s'dait fail sentir a qnelques hOlllmes
'Iui avaient successi,elllent el yainelllent essaye de le comble\' ) ks uns
(l\rc c!rs fl\tpS iJ rl~tre slIpreme 1 les autres mee le culte des tltéopltilau-
lltl'opes. (t Cdui qui poul'rait relllplaeer la Di"inité dans le systeme de 1'11-
ni,,'l's, avait dit Robespierre, serait a mes) eux un prodige de génie.
lIJais rellli qni) sans l'avoir remplaeée, eberche a la bannÍl' de fesprit
dl'S hommes, n'est plus qu'nn pl'Otlige de slupidité ou de peryel'sité. »


Quelques années plus tard, l'un des esprits les plus élevés et les l)lu"
profonds du pal'li de l'émigl'ntion) de nIaistre 1 deplorant le reluehement
des liens sociaux, l'affaiblissement des principes morallx, l'instabilité des
sOllverainclés qui manquaient de base) anít allribué le désorMe uni-
\('I'se] ,'1 In disparition de la foi) et iI s'élail éerié qu'en présenee d'ulI
~peclacle nussi aftligeant toul vrai philosophe devait opter entre l'une de
('es dellx hypotheses, « ou que le christianísme serait r¡"généré pnr qu('l-
Ijue \'Oie extraordinaire, ou Ijll'il se fOl'merait une religion nouvelle. ))


Houaparle, il faut le ¡jire 1 malgré la suhlimité habituelle de son genie.
lit: \it pas la lwessante alternative que le penseUt' calholique avait posé!'
iltout wai philosophe. A ses yeux ) les eroyances religieuses, si diversos
pnrmi les nalions , n'ótaient glH"re que des superstitiolls consacrées pnl'
le temps 1 des imagillutions de l'enfance des peullles, toutes comhaUu('s
par la raison) dont elle n 'ayait fait que contrarier les progres, el quí
illlposaient toutefois !lans leur vieillesse des ménagements a l'homnw
ti 'état. TI disait du christianisme meme ,qu'jJ appelait pourtant la vrait'
l'e1igioll) que « l'instruction el l'hisloire élnient ses plus gnmds ennemis.


Caait j ugel' le colosse <!iún qui fut pendant quinze siecles le déposi-
(ail'e de la seienee ct le précepteur de la raison humaine J non sur le ma-
gnifique tnhleau de son inlluellce eiyilisalrice al'époque de sa grand(,lll' ,
mai" SUI' le Í1'iste speetneJe de s('s débats avec la scienee el la raison, iI
l'ópofJue dc sn décadencc. En opposanl ai[\si l'instl'uctiotl el rhistoire au
ebt'istianisme, sans distinrtion de temps et de lieux , Honnpart!' onbliail
l'étl'Oile liaison qui exista entl'c la religion el la seicnce, entre la l'cligioIl
PI la polilitlUC, 1, la naissancf' des soeiétés model'IlPs. dnns la lultr- drs




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220 IIISTOI HE


(')"oyanccs chretiennes et des m(Eurs che,-alcresqucs contre les tl'adi-
tions (légoütantes du monde palen et les gl'ossieres superslitions des na-
lions idolatres: allianee incontestahle pourtant, et que signalcnt avcc
éclat les I10ms des Panl, des Clément, des Augustin, des Jérbme, des
Bernard, eomme cellX de IIilrlpbrancl , de Charlemagne el d'Alfrcd.


11 fallail sans doule que la haule inlelljgencc de Bonaparte sommcillut,
comme fait parfois le génie d'IIomere, lorsque, donnant pour un fait per-
manent l'antagonistlle aetucl d,-'s dogmcs chrétiens et des doctrines phi-
losophiquf's, il en venflit 11 nier, non-srulemrnt le coneours supremc de
l'élémmt rcligieux au dévdoPPc1l1ent rationncl et au perfectionnement
politiqlle des soeiétés humflinps dflns le pflssé, mflis la perfectibilité IIu~me
de l'esprit humain en matiere religieuse; ce qu'il exprimail sous ccHe
forme yulgaire ,que (( cha('un devait demeurer dans la rdigion dans la-
qnel1e ji ayait été éley(\ dan s la l'eligion de ses peres (O':Ukl1'a), et qu'il
ne \olllait pas qu'iJ s'ell établit de 1l00m~lIes (Pelet de la Lüzere).


Si Bonaparte eút ('rtI ~I l'inlluence soeiale de la religion dans l'aypnir', il
etlL songé peut-etre que eette religion ne pounit plus elre, apres tmis
siedes de pl'otestations el de dOllte philosop/¡i/l11e, flpres Bacon el Des-
cartes, apres Voltail'e et ROllsseau, ce qu 'elle ayait été an moyen ilge, et
il eüt pu ajouter asa mission de eonqllénmt législateUl' et de réyolutiofl-
naire polilique eelle de réfol'matelll' rcligieux. 11 eüt eompl'is alol's la
necessité d'option a laquelle de Maistre prétendaít sOllmeltre les philo-
sophes, et, portant dans le domaine de la religion la sollicitllde active el
féconde de son génie, il etit fm'orisé 0\1 provoqué la régénél'ation du ('hl'is-
tianisme, oul'apparition d'lllle eroyanee 110m-elle, selon qu'il se mt dé-
cidé pOUl' runo ou l'aulre de ('es deux hypotheses, selon flll'il eút em-
brflssé la yoíe dans laqm~lle l'iIlustl'e LamellIHlis est enlré plus tanl, 011
('elle qn'ont tenté d'ouvril' des IlOYateUl'S dont les hardiesses ont mél'ité
p<ll'fois d'étl't' acclleillies par les plus gl'ands po(itps el(' la Fl'flnce) Bél'an-
g('l' et Lamal'line.


Mais Bonaparte, simple théi~le, ct hornant sa rcligion pel'sonnelle ti
une el'oyance ahstl'aile, ne Yoyait, nOlls le répétons, comnw phiJosophe,
\lans les religions positives, que les éternels enuelllis de la raison el de la
8('ienl'0, el, ('omll1l' homme d'état, que les moyens d'adion surle peuple,
Oll des t>mbnrrns pOllr le pOl1Yoil' , SllÍ\-nnt In nnÍll1'e de lelll's l'flpports
avec les gOl1Ye1'\1C'lllents. Pnrtant de 111, et tl'Ol1YUllt la majorilt· de la nH-
lion fran<;aif'f' at!rw)¡/'t· illl eillholicisme par ('elle ('onsiMration qui lui




DE l\APOLÉO.\'. 22~


faisait Jjre H luj-lllelfle tI Uf' eha("uII dcnüt Yivl'e el 1II01ll'Íl' dans la religion
de ses pel'eS, jll'tait natul'cl qu'jl s'occupiit de regler mee le saint-siege
l('s inV'ras (lu euIte catholique , qu 'ji affedat de vouloir renrlre á rÉglise
el it l'épiscopat kilI' anrielllle spkndl'ur, et C/u' jI cOIlsentit á caeher ses
opinions in limes , son iIldil"fr'~rell('e d son incl'érlulité sous les démonstl'u-
tions fastueusl's (['une Coi offkieIle. Anssi, lmrvant les sal'easmes de sa
cou!' toute yoItajrienrll' . lit-il chanteI' un Te J)eum ú IXotl'e-Dame a I'oc-


easion dI! concordat el de la pajx aw(' J'AnglclelTe) qui YeIlait d'etl'e signée
el Amiens. TOlls les personnagl's marquants de J'époquc assisterent al'ette
mil· rc\igieuse. LOl'sque Lannes el Augt'l'cau, (lui faisaienl pudie dI! l'Ol'-




222 HISTOI R E


tl'ge Jes eonsuls J sUI'l'n1lll1' on les eondllit:iuil a la l1wsse , ils youlul'ent SE'
retire!'. Bonapartn leur intima l'orJre de res ter , el il s'amusa , le lende-
main, a demander malicieusemellt a Augereau eOllll1lenl il avait t!'ouvé la
eórémonie. ;Uais l'inlrépidc solJat d'Arcole et de Lodi lui )'envoya sa plai-
santerie: « Fol't bellc, répolldit-il; ji n'y manquuit qu'un lllillion J'hom-
lIles q ui se sunt fait lucr pou!' déh'uire ce que nons rétahlissons. ))


1I Y avait de l' exagératioll clans eelle mnere répon~e. Le mili ion d' hOI11-
Illes ne s'était pas fait tue)' pou!' anéantir la religion, mais pom' cl111)ceher
le retolll' (I¡,s ahus dr In reIigion, le relour des dimes, des imlllunités , des
priviJéges eedósiasliqucs ; el rien dc tout celfl n'ótait rétabli pal' le eon-
eOl'dat. Sans doute la révollltion aWlit paru un instant en vOllloir a la re-
ligion ellc-meme , et poursuivre I'abolilioll eomplek des eulles ehl'éliens
pour leut' sllbstitller lc clllte de la l'aison ; mais e '(.Lail pl'écis{~ment cc sou-
\!'Ilir qll'i! raHait crfaeer. Sa destin(e n'était pas de déplacer seulement
I'oppression el J'ul'hitraire , d'assllrer lc trioll1phc d'un parti SllI' I'aut!'e,
tl'affranchil' les esclaves pom' assenir les ll1aitres, dc fOHmir a la philo-
sophie l'oc('usion (l'odieuses représailles {'onll'c l'intolérance religieuse,
d de ne donner au monde que le s('andah~ ll'lIne longue satumale. Loill
de la, elle ne pouvait triomphel' détlnitivement qu'en promant que sa
('ause était eelle de la société tout entiól'e; que le tll'Oit nOllH'nu qu\%'
avai!. eré(' prott'geait tous les membl'es de l'état, san s distinctioll de
classe, d'opinion et de ('royane(~) et qu'il y avait sons son drapeau des
~aranties pour toutcs les tradilions ({ui pouvaient elJ'e rneore l'ohjet rI('S
l'espects populaires, pour tous les intérHs, malériels ou ll1ol'aux, qui ccs-
saient de lui eh'e hostiles. Plus rHe avait été rigonreuse, implacable ell-
\ CI'S les pretres quand il s'était agi de leur enlever la riehe pal'l que ran-
cien régime leur avail faitc dans la distribution des priviléges sociaux,
(lU qu'il avait fallu combattre et puni)' lem' )'ésistance, plus elle devait
s'altaclH')' 11 monh'e)' qt1f' 51'S )'iguo\ll'S ne s'appliquerent qll'aux iuégali-
tl-s l1101Istrlleust'~ élablies au prolit dll c1ergé , el a rllOstilité aeti\e des
lwivilégiés dépossédés eontre le nomel ordre de ehoses; cal', si eetll'
hostilité opiniutre avait Hmené la cIütm'c des temples, provoqué les 01'-
¡:des des ap61res dc la raison, el fail ehang!'I' les églises en dubs tant fjll' ¡j-
\ait dnré la lntll', il était inJispensahle que la rémlntion Yiclol'i('u~('
exprimat d'une maniere éclalanle, all !'etour dc la paix et de la conco]'(le,
qn'l'lle n'avnit étt' qll'accidentellement el par n(cessité \,('J}uemie dll 8a-
('(,l'fIo('(' el dn ('uIt!', 'lu'illl'y avait poillt in(,()l1lpatihilik ('nll'(' l'Ik d In




DE l\' A rol. ~~ON. 22:)
I'eligion du plus gl'tlI1d nombl'c, el que, loin de profcsscl' l'athéisme,
comllle on l'eu aeeusait vlllgairement, elle ("tait f1isposée, uon-seulemrnt
a tolél'el', mais ti pl'atiquel' les eroyanees existanlcs aussi Jongtcmps
Ilu'ellcs ne scraient pas l'empIacées pat' dcs croyances nomelles au sein
dll pcuple, u qui il faut aUÍl'e ellose que le seeptieisme ou la théosophie
[lOUl' alimcnll'cIigieux, C'cst celte lllanifcslalion solcnnelle el néccssaire
que fit la révolutioll en traitant avec Rome, en pllbliant le concordat, et
Cll allanl cn grande pompe a la mcsse, dans la pcrsonne du plus glorieux
de ses enfants, du plus iIlnstre de ses interpretes, Si le partí de la contrc-
I'évolntion s'en applaudit comme d'un sueces pour sa causc, ce Cul une
graveerreur' de sa part. Lorsqne Henri IV troma que Pm'is valait « une
lllesse, ) et qu'il consentit a faire pl'ofession publique de eatholieisme,
eet actes de cOlldcscendance , en faisant tonrbcl' des nrains de scs cnnc-
mis l'armc la plus dangel'euse qll'ils pllssent employer conh'c lui, ne n'-
leva point, mais acheva de nlÍner le pal'ti de la ligue.


« Le concordat de ~ 80 I , a dit N apoléon dans ses Memoires, était lll'-
eessaire u la religiol1, a la républiclue, au gouvel'l1emenl. .... II fil eessel'
le desOI'dre, dissipa tous les scrupules des ac([Uél'elll'S de biens lIatio-
llaux, el rompille derniel' t1l par lequel l'ancienne d~-nastie communi-
(IUail cncore avecle pays ..... J) Dans une des conférenees qui précédel'ent
eel acte , illui était echappe de dil'e : « Si le pape n'a\,ait pas existe) il
ellt faUn le Cl'l'Cr pOUl' ectte oecasion, eOIlllne les consuls romains faisaiclll
Ull dietateur dans les cil'constances difficiles. ))


Reconcilié avec la papauté, Bonapal'tc dOllha du reste un noureuu
gage de dUl'ée a ceUe allianee en fondant des royaumes sur le sol italien,
(1\1 il avalt vouln autrefois couvrir de republiques, La Toscanc devinl
unc patitc 111011arc11ie au profit d'nn infant de Parme 1 auquel on avai!
enlové ses états pour les reunÍ!' ti la Lombardie, Ce prince) paré du li-
!l'e de rol d'Étrurie, "isita la eapitale de la Franee sous le 110m de comk
de Livoul'l1e, On lui donna des retes brillantes, Ol! l'élegance el les ma-
nieres de l'allcieulle arislocratie l'l'parurent. Toule la magnilieencc de
('el accueil ne pouvait eaeller la nullité du personnage qui en élait l'ohjd:
el eomme OH lémoignait un peu de surprise a Bonaparte de l'devalioll
tI'un aussi pauvre homme au rang supl'cme, il répondit: « La politiqlw
l'a voulu; et d'aiUenrs il n'y a pas de mal a faire voi1' a la jeunesse, (I"i
n'a pas vu de 1'ois, eomment iIs sont fait~. ))


N'ótail-ce pas dil'e que ses arrierc-pcnsées de reconstruetion monal'-




22~ HISTOIRE


chique pOl'taient toujoUl's l'empl'einte du cachcll'érolulionnaire , ct que
si l'Asselllblée législative et la COllvention avaient aUaqué la royauté
dans le roi, il était appelé, lui , a cOlltinner lenr O?uvre, et a déÍl'IIÜ'e le
prestige protecteur de la royauté en faisant des l'ois? ....


l\Iais si le prelllier consullaissail apercüvoÍl' sous les dehol's d'uue hos-
pitalité fastueuse le lllépris que lui inspirait le royal personnagü qtúI ve-
nait d'illlposer a l'Étrurie, il mit, d'autre part, 1ll0illS de pompe el d'éti-
qnette, et plus de vél'itable empressement, dans l'accueil fIu'il fil a un
nonvel Mte qni luí ünt des rives de la Iamise. Ce ll'était pas une uul-
lité prineiere, cachant sons les insignes du ]'aJlg et le luxe eles cours la
pauvreté de son esprit et les miseres ele son ame; e' était une haute inlel-
ligence dans un noble earaetere, un homme tout a rait superieul', chez
lequel, a dit Napoléun, « le CCCUl' l'échauffait le gónie) tandís que, chez
Pitt, le génie desséchait le C(PUt'. )) C'était Fox!


Bonaparte prodigua ti l'illuslre Anglais les plus virs témoignages d'af-
fection ct d'estime, « Je le l'ecevais SOllYellt, dit-il dans le Mérnoria{; la


J--
~- --T~~~-~- -~ --<~,


.;: ,1


'- =----=-- --"--


renommée m'avait enlretenu de ses talents; je l'econnus bientol en lui
une helle ame, un hon c{['ur, des vues larges, généreuses, libérales, un
ornement de l'humanité . .le l'aimais. ~ous eausions souvenl sans nul
préjugé, et sur une fuule d'objets ..... Fox est un modele p01l1' les horn-
mes d'état, et son érole, tót ou tard, doit régÜ' le monde ..... »




22:)


La s)lIlpathie que le prcmier cOllsul manifesta pOIll' Fox fut genérale-
meot parlagée en Fl'ance. (( On le re<;ut comlllC un triomphatellr dans
toutes les villes 011 il passa. On lui offrit spontanément des fetes) et on
lui rendit les plus granrls honneurs dans tous les lieux oú il fut reconnu. ))
(C),lUeal'a. )


La réyolution frnn<;aise ne devait pas moins ú son ami pm'sévérant..
et trente-sept ans plus tard elle sera largement payee de su brillante
hospitalité ellYel'S Fox par la réception que le peuple anglais fera a un
soldat de Napoléon) ú un vétéran de la république. e'est que l'ecole de
Fox et de ~Iackintosh, 110pulaire en France en ~ 80 1, le sera deyenue
en Angletert'e, en ~ 858.


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el L\ P IT R E '\ l\'.


flCpui~ le traitt, d'AlIlil'I1s ,25 Illar~ 1802! jusqlÚt la rUl,tUl'c de la Fl'ancc a\"tc l'Anglr.I('LTC'
1'22mai t~03 .


E Yide qlle la ré\olutioll I'rall<iaise a\ :Jit pl'oduit.
~('Ion ]'('\lll'essioll de Bllrl,e, dans le \iellX s~'s­
teme elll'Opéell, dait loin (rétl'e comhl('.. S'{'lar-
gissant all eOlltl'aire au llonl el ü rest, pUl' nos
COIHjlH'tes en AIIemllgnc el rn Ttalje, illle\tlit ej'-
frayer plus que jmllais les eabinets dl'angC'l's.
:~:;";;"~;;;;;;:;~~~;::;:::.j:':·.:"Iais l'épuisement des t1nanees, la lassilllde des
peuples, le besoiu de l'<"parer les désastres de tallt de balailks 1)('1'-
dues el de tan! de eampagneil malllelll'euses, la ('rainte de \Iotl\eam,
reyers, el aussi une espl'ce de eroymlel' sllperstitiellse Ü la {'ortlllw ,h'
In république pt de son chl'f, (out ('('la a\nit fait cedel' l'Eul'Ope ('lIl'l'-
t¡enne el féodale ü l'ascendallt irrésistib1e de la Frailee r(':yollllionnail'e;
el dl'sormnis le peuple lilwC', (lui fut si longtemps assailli par les nations
escJaYes, et fmppé de Imr réprobatioll rOlllllle impie el eOll1ll1e l'l~gi('itlP,
était parrenu ü se réconciliel' nyce la papauté p[ la l'Oynllt.ó, salls rim I'é-
tractel' de ses principes ni de ses nctes, envers le pape et eIlyers les mis.


Quelle ndmÍl'able position que eelle de In république fl'all~nise! Alll'¿'~
avoi!' suppol'lé avec un hérolsme de dix allnées le poids SOUH'llt :1('(';1-
hlnnt (I'une longue guerre , pour échappel' ti la domination du pl'i\Ílt"ge,
elle se ,'oyait enlln au falte de la puissanee, jouissant, fiére el tl'anC(uillf',
des bienfaits de l'éPllité, et poma]]t étonnel' le monde par les 1lIl'I'\l'illes




1I1STOIRE D E ~ APOLl~OL\'.
de la paíx, ('omme elle l'mait étonnl~ p:ll' les prodiges de la guerreo Si ses
anllées se compllsait'nt dPs plus lwayes soldats el des meilleuJ's capitaiut's
du temps, ses admillish-ations comptaient aussi dans lellr seill toutes ]('s
Ilolabílílt's quí s' étalent ré'lMe~ par l' ex périence des affalr(~s publiques;
?es assemhkes politiqlles renfennaient I'('li((' Il<,s orateu1's el des puhli-
('isles CUl'Opt'CIlS; son 1 n~titllt était sans égal panniles ('orps académiques;
S(~S sav:mls pn"~idai('])l aux MeoU\ertes dont ils avaient conquis l'inilia-
tire; scs ¡itlél'ateu!'!,; , ses plll~IrS, ses p<,intres, ses sClllplellrs, tpnaient
le seeptt'e dans lo domaine des a1'ts; son eommel'ce et son industrie,
rIotés en qnelques joU!'s de routes, de ponts, do canaux innombrables,
wnaíent ¡"laler leur rlehesse sons les vOLites du Lou\Te, ('ol11me pour
lait'c pfilir le faste sll'rile de l'ancirnne monm'chíc devant le luxe fécond
de la Francc n01l\'('lIe; la jrnnesse , pour s'élevcr digne de ceUe grande
4:'pOfjUC, voyait s'¡H1uÍ\' d('s écol('s p01l1' chafjuc degt'é ¡J'instruelion, d
tl'ollvuit duns le lI'éslll' public llll appui pOllr mll'el' dans les Iycécs; ses
l11us(es I't S('S hiblíotheqm's s'Pllrichissaient du fl'nit de ses conquCtes, el
la ,ietoire IlIi alllcnait 11 París la V él/lIs de Médicis et la Pallas de Vel-
¡etri. Son nom, enlin , l'edouté des rois, était 1lIt ob.ict de respeel el d'ad-
mil'alion pOllr lps Ilt'uplps, Ainsi, gloire mílilairc, gloire })olitiquc, gloire
liUéraiJ'c, triomphe de la ei\ilisalion par les armes, par la 8eiel1ec, par
les a!'ls , pm' r in4111strie; lranquillité parfaile au dellans, paix nnirerselle
au tlChOI'S, el avce lout eel:! pOlll' lH'emier magistmt BOl\A.PARTE!. ..
Tdk était la silnatioll de la république fl'all~lljse apr¿'s la paix d'Amiens!


mm ne manrluail done alors n la gran(]l'ur ol illa prospérité de la
FJ·:lI1CC. ~Iais cel (~tat florissLlnt, qui faisaill'emie de l'Europe, trouvait
<fans la eonslitution meme dl's ehanees inévitahles d'instahilité. Tout le
lllOn(lp {'tait eOllvninru que les Yíeloires , la pacitication , la vuissance el
la splendeur de la réplIhlique <'taient I'n grande vartie 1'0'1Iue de I'ho1l1me
('\lraonlillaire que la Proyidencc avail ctl\oyé au secoul'S ele la révolu-
lion; el tout le 1ll0l1llc pcnsait allssi que la (ltwee et la cOllservalion de
('1'11(' splpndeUl' rt de eelle pllissaurc l'eposaient actllcllement et repose-
raient longtemps etlcorc sur lo génie dont riles étaient l'ouvrage. Fallait-
il done que ee gónie créatelll' el consen ateur pút etre écarté du timon
de l'l'tat ct dépouilló de sa mission prmi(knlidle par le jell du mécanisllle
('onslituliOlmd, et pill' l'intervention de la cabale el ele l'lnlriglle? Était-
il rai~onnah\c de SllppO~l'r que, le lJl'emier par ll's srrví('rs, pa!' la gloíre,
par l'in!eJliW'Ill'4" par la yolonté, par toutes les facultes du guerriet· el de




I
I I
! I I I ¡ I
I


221:; HISTOlltE


l'homme d'étut, il put 6t1'e rejeté duns un rUllg seeoudaire par une lléces-
si té légale? Le senat avaít cru faire assez lorsque, SUl' 11\ proposition du
trihunal, qui demandail un gage éclatunt de la I'econnaÍSsunce nutionule
pour le lwemier consul, il avait nommé Bonaparte consul pou1' dix ans.
-'luis eelte prolongation n'en laissait pus moins la supreme mugistruture
avec son caractere temporaire , et ne faisait l)a1' conséquent qu'ajourner
des inconvénients et des dangers qu'il s'agissait de prévenir et d'éloigner
indéfiniment. Vil hommc tel que BOlla parte , aree la position qu'il avail
faite 11 la France et ayec celle que la France lui avail faile 11 lui-meme,
!le pom-ait pas plus, apres dix ans qu'apres cinq ans) redevenit' simple
eiloyt'll, OH se réduire il n'étm fiue le second dans l'étaL II n'y avait que
sa sépal'ation d'avec la Frunce, par l'exil OH par la mort, qui put l'em-
pecher d'étre le pl'emier en France. Lui ella France le comprirenl; CUl'.
lorsque dédaignant le \ote par lequel le sl~nal lui avait déce1'né le CO!l-
SlIlat pOlll' dix anuces, il en appela au peuple ellui posa celle questioll :
{( BOllaparte sel'a-t-il eonsul ü ,ie·? ¡) le peuple ac('ourul en foule au
sCl'utin, d répoudil par plus de trois milliolls de \oix: (, Oll. "


Le sénat, pOli!' faire oublier tlulant que possihlp sa l'és8rve intempl's-




I
VE \ APOLÉO\. :!2!J I


tive, se hMa de pl'oelamer le Y(rU du peuple, en y ajoutant meme rattl'i-
lmtioll d"L1ne Il~uvelle lll'érogative pom' le premie!' consnl, celle de
choisü' son suceessem'. BOllaparte l'épondit ala déplItation de ce COl'pS :


" Sélluteun;,
'1 La vil' d'un ciloyen est a sa patl'i!:'. Le pt'lIple f["(ll1~ais yeut qne la


mienne lui soit consacrée .. " ... T'obéis a sa yolonté .....
») En me donnalll un nouveall gage, un gage pennanent de sa C01l-


¡ia!lee, il m'impose le deyoinl'étayel' le systcme de ses lois par des insti-
lllHons préyoyantes.


J) Par mes effol'ts, par yotre COnCOlll'S, par le concoUl's de toutes les
autorités, par la eonfianee et la volonté de cet immellse peuple, la libedé,
l'égalité, la prospél'ité de la France seront a l'abri des capl'ices dll sol't
el de l'incertitude de l'avenir ..... Le meillem' des peuplt's sera le plus
Iteul'ellx , comme il est le plus digne de l'etre, et sa félieité contribue!'a
il edIl' de I'Eu!'ope enlit~l'e"


» Contellt alo!'s d'ayoil' été appelé par 1"01'd1'e de celui de qui tout
l'llllllW it l'mnener SUl' la tt'rre la justiee, rordre et régalité, j'elltelldrai
SOllllCl' la demiCl'c hcul'e saIlS I'egrel et sallS illquiétude SUl' l'opinioll
des génémtions /'utures. IJ


L 'opiuion dcs géuératiolls contellll)Oraines étaH en clJet pomo lui Ull
gagc édatant et un signe pl'écnrsellr de l'apolhéose que lui résel'YaÍl la
poslél'ilé. Cepcndant le vU'u populaire (lui lui avait assuré la jouissnnee
\iagt're de la supreme magistratllre reueollll'a quclcllJes protestatious i80-
l,;es, (lui ue scrvil'cnt qu't\ mettre en relief de nobles caraclcl'es, saIlS
attl~lluer l'universalité et la n6ccssité du yote national. Il n'était guere
Jlossible qu'il en fút alltrement. Le consulal a vie semblait aUachpl' les
dcslinées de la république aux dcslill(\~S d\1O homme, et constituait UIle
l'SPCCC (le ll1oI1m'chie üagcl'c qui pla~ait la république sur les confins de
la monal'chie héréditail'c : COIlUllent les susceptibiJités ombragcuses , les
llléiiam'es systématiques, les convictions persévéranÍl's des diverses 6eo-
les libérales ([ui s'étaieut prodnitl.'s depuis ,1789, allraient-elles dispal'lI
10ut Ú coup pOUl'laisser élablit' ayec l'apparellee d"une approbation una-
Ilime ce qui len!' élail essellt1ellemelll antipathique? Mais on ClH pu ('¡'oire
alors que la Franee, en inyestissant Bonaparte d 'uu illunense pOll\oil',
11(' ('Maít [las seulement a l'ell1pil'c des eirconstances, et qu'au lieu de
fail'ü tout simplcllll.'nt un arte prmisoi¡'e ele sagesse et de né('pssilé pat'
l'installalioI1 el"tm (lictateul', elle enlendait agir en principe, se donuel'




111 S T () 1 Il E


ulIe cOllstitution définilive, et rCllonccr, t'n fuH'U1' ti!' ses chefs a ,e-
nit', i¡ toutes les doctrines de pondéralion ct de garantie qu 'elle Hrail in-
\OqUl'CS el défendues si glorieusemcnt eonLI't' ses anciells malll'es, 11 fal-
lait que la révoluLion , en exaItant llonapal'te comme le plus glOl'i('ux el
le plus Jidele représentant dc ses inlérets acluels el de ses C'xigences llOU-
wlles, ne se l'enittl pas elle-meme dan s ses représentanls passés, el qu'dlc
poussuL au t'ontl'uil'e quel<llles ydéraIlS dc nos assemhlées naliollalcs II
jnstifier lenr grande ceune , et iI rédamer pour les droils ubslraits dll
peuple cO/l[rc rengoucIlIC'lll passager dn pellple. Le conslllat n'avait pas
seul sallvé el illusÍI'é la révolutioll : ayallllui, ccUe douhle ükhe avait été
merveillellsenwnt remplie par l'Assemhléc constituanle et par la Con-
\ enlioll, La Couventioll et rAssemblée cOIlstilllunte devaiellt donc lrou-
H~r des Ol'ganes pOli l' protester en bu' /lom conÍl'e I'entrainemcnt des
t'sprils vers le pOll\"ojr ab~oln ) el pou\' cmpechcr que les maXilllt'S Iibé-
rales pI'oelami'cs Oll 17R9, d dont l'e:xagél'Ulion ayait dé ulle condition
de salut public enI7!)5, !le fusscnt mises tout ti fait en ollbli et Hn se pel'-
tlissent par la prescriptioll, L'Assemblée constitunnlc repamt dans La
FayeLte pou!' n'acco/'(ler qu'un sufü'age moti\(~ et sllspensifsllI' la question
du cO/lsulat iI Yie; tandis que I'ombre dc la COllVenlion donna un \otl'
:Ibsolllment nl'galif par la bOLIche de Cal'l1ol.


L'opposition de La Fayetle était pr6nlc par le prcmiel' cO!lsul, qui .
(lans plusieuI's entrcliens lJu'il avait eLls avec le prisonniel' d'OImutz, d('-
]luis sa r'enh'ée en Franee, n'avait jamais pu le déterminer ti acecplcr la
dignité de sérwteUl'. Si BO!lapal'le cút mieux connu La FayeHe , il se ftU
épargné toute tentative de 11l'osélytisme a son égard. NO/l-seulctllenl La
Fayetle était le meme CJu'en HS9, mais iI tenait allssi a ce que 'ron stH
hien, en France, en Europe, en Amérique, qu'il élailloujoUl's le mellw,
Plein du souvcnü' du rOle impo1'lant qu'il avait si nobJemeut rem)lli, soil
ti cMé de W flshinglon, soit il c<lté de lUirabeau, il s'é[ait rait une pel'-
sonnalité polilique dc premicI' Ol'dre, dont la conservalion intacle 1'0c-
ellpait sans cesse, el qll 'il n\~lait nlllIement disposé a sllhaIterniser envers
(lui que ce h)t. Sa prélelltioll élait de représentel' aussi une époqur,
(rétre l'cxpressioll d'tlllc iMe, le drapean "i"aut des patriotes de S9 ; el
(IUand cel hOll1me s'npparaissait ainsi ti lui-mellle, le fl'Ont rayonnant de
la gloirc du JCll-de-Paume et de la Rastille, avee les hautes IwoporlioIls
([ue la recolluuissllllce nationale lui avait faites mlX beaux jOlll's (le l'As-
scmblce constitllantr; lorsCJu'il considérait iI juste titre cornme une po-




I


__ . ______ . ___ o;


DE "AI'()LÉO~
sition hístoriquc, il'l'éroealJlenwnt ac(\uisc, celle qn'il occupait HU pn'-
IIIiel' plan du tahleau des plus gl'andes seenf's qui lllaI'qul'['ellt le tl'iol1l·
pIJe de \'égalité slll'le privilé(!:e, COll11l1cut cd homllle aurait-il pll consentir
:'1 d0scendl'c du pi('destal que lni ayaiPllt dn'ss(~ les YainqlwUl's du ~ 4 juil-
Id, ponr aIler se jetet' el disparaitl'e dans la foule des seniteul's qui
cntolll'aicnt le yainc¡w'ur tlu 18 hrumait'e? Sans donte dans les \ues du
1'('gnlateUl' supremo d mysl(~ri('IL\ des affaires hUllli.lines, le 48 unnnail'(,
elleH juilld sc liuieut an déYeloppementcl"uu meme desseiu, au 5U(,-
ci's d'une mcme cause; mais cdle relation intime, eachée dnns les pl'O-
fondeurs du systeme révolutionnaire de la Providenee, tl \'n laissaut
pas moins subsiste!' entre les insÍl'uments divel's dont la Pro\idenu'
s'élait tOUl' Ü tour servie) selon les cit'conslances, pOUl' m'I'i,er Ü Ut1l'
llIeme Hu , loutes les incompatihilités et les uulipathies iudividuelll's qui
pOl1vaient résulle[' de la diff¡"rence des sitllations, ¡{es ca!'¡jc1eres el des
inteHigenel's. Ainsi, le palriole de la pl'ctlliel'!' f¡"dél'alioI\ , jaloux de SOIl
il11l11UaLilitl', ¡le pou nlÍI guel'e s'entendre urec le dietateul' de 1802 ;
ainsi La Fayelte dut reCuset' la toge sénatoriale, el s'effaeer nohlemenl
dans sa t'rlraite de Lagt'ange, un lien de se perdre étoul'diment c1ans 1(,
monde lll'illant des Tuileri!'s.


Ce fut entr!' le Sétlatlls-cotlsulle f(1I i déeernaillc eousula! a Bonapal'le
pOut' dix ans el le pldJiseite flui rendit viagóre celle prorogation que le
premiel' cOllsul fonda l'ül'dre de la Ll>gion-d'lIonneur.


(< CeUe institulion, lit-il di re a ses interpretes derant le eorps légis-
latir, erface les dislillCtiolls uohiliail'cs) flui plar:niellt la gloirc hél'iti'('


1--------




HISTOIHE


anmt la GLOIRE ACQUlSE, et les ¡)l'seeudanls des gnlllr!s JlOnmlt's ¡¡vanl
LES GILüDS Homms. ))


C'était rendre un nouvcl hommage aux principes de la phil()sophit~
Illoderue , et constituer la vraie ('galité sur la hase de la l'ócompellse ~l'­
Ion le mél'ite ; mais Bouaparte jelait celle grande création al! milieu (l'llll
peuple qui comptaiL enCOl'e dans son sein qnelques parlisans des distirw-
tions hóródítaires, naturellelllent jalouses des distindions pcrsounelles,
el quelques niyeleurs qni voyaieut la renaissancü de l'ancienlle al'isloel'a-
tie, ou la fondation d'une (IJ'istoeratie nOllH'lle dans la distiucliou la plus
lógitinlP. C'en était assez pour que rétablissement de la Légion-d'IIon-
neur ne passút pas sans opposition; el, nous deyons le dil'c, il fut menlP
attaql1é par des hOlIlmes qlli ue pomaient etre sOllp~onnés ni de rivalité
tll'isloel'<llif(ue, ni d'exagél'ation démoeratique. Bonaparte rn fut 6tonn(;,
el s'en pril aux oralellrs (¡ui avaient défendu le projet. TI disait qne " ~i
la diyersilé des ordres de ehevalerir el len!' spécinlité de récoll1pens('
eonsacrnient les castes, l'unique déeoration de la Lóg:ion-d'honnem·.
avec l'universalité de son applieation, était au contraire le type (h~
l'égalité. IJ C'était pm' eette considé,'a!ioIl q n 'il avait I'epousst'~ les eOIl-
seils de eeux qui Hmlaieul \le [aire de la Lég:ioll-rl'Honnrlll' qu'un (lI'dl'('
exelusivell1ent militaiJ'c. " Cette idl'e, dit-il, pouvait etre bonne au ll'lllpS
du rógill1e féodal et de la ehevalerie, ou lorsque les Gaulois flll'ent
eonquis pm' les Franes. La nation étaít esclave; les vainqlleurs seuls
étaient libres; ils étaient tout; ils l'étaient eOll1me ll1ilitaires ..... 11 ne faut
pas raisonner des siedes de barbarie aux temps actnels. Nous sommes
trenle millions d'hommes rénnis par les lumieres, la propriété et le eom-
merce. Trois 011 quatre cents militaires ne sontrien allpri·s de eelle masse.
Oulre que le général ne eommande que par les qualitós civiles, des qll'il
n'esl plus en foncliol1s, ilrentre dans l'ordre civil. L'armée e'est la na-
tion. Si ron considérnit le militaire abstraeLion faite de ses ['apports aw('
l'orclre civil, on se convainerait qu'i1 ne connait })oint d'allÍl'e 10i que la
force, qu'il rapporte tout iJ lui, qu'il ne voit que lui ..... Le propre du mi-
litaire est de tout vouloir dcspotiquement; eelni de l'homme civil est de
tout SOllll1ettre il la discussion, it la vérité, il la raison ..... Je n'ht"sib'
(lonc pas a penser, en rait de próémincnec, qu 'elle appartient ineontesta-
hlemcnt au civil ..... Ce n'est pas eomme gónéral que je gou\'('\'lIe, mais
paree que la nation eroit que fai les (IUalités civiles pl'opres HU gOllvel'-
I1r11wnl. Si clIp n'avait pas eelte opinion , le ¡:!:ouYrl'l1ement ne se sOllti(>n-


------------- I
___________________ __ __ _____________ ____ ______ ___________ __ ____ __ _ ___ --______ 1




IJ E .\ ,\ l' U L É 0'\.
drait paso Je snvais bien ce que jc faisais IOl'squl', géllél'al (l"al'lI1ée) je
pn'lwis la qualité de membl'e de I1nstituti j'étais SÚI' (l'etre ('ompris ,
Illeme )lilr le del'l1ier tambour .....


» Si la Légion-d'Honneur u'élait pas la réeompense des sel"'iees ei-
Yils COlDtllü des senicps militaires, die cessl'rait d'étre la Légion-
,l'Ilonueul' .... »


« Le jour oú ron s'éloignera de rorganisation premiere , a-t-il dil dc-
¡mis, on auJ'a detrllit UIle grande pensée, et ma L('giün-d'Hünueur e('s-
sera d 'exister. II


C'était en effet une grande pensée que celle d'exeitel' el d'entretenÍl'
l'émulation parmi les citoyens en ollvrallt a tous également la eurrierc
des distinclioIls bonorifiques comme celle des dignités et des fOllctions.
Désol'mais l(~ mérite étnit tout, et le busard de la llaissance n 'étail plus
I'ien: e 'était le triomplle de la révolution dégagée de ses préklltiolls ac-
cidentelles, et cllJ'iellse (le consaCl'el' ce qu'elle anút essentiellmlCIlt et
('OnSlallllllcnt youlu. 11 est done permis de pensf'I' quc', si la Légion-
d'I1onnelll' II'OllVa de Jl('uubreux mhe¡'sai¡'es parmi les plus ilIusLres
paLriofcs, e'est qu'i1s ne erurent pas au bien intlirlU(' par les oratem's du
goureI'llÜlllf'/lt, et qu'ils ne vil'ent qu'uu llloyen pour Bonapal'tp de se faire
des ert'aturps et de rameller insenslblement la nation aux Hllciens ti tres ,
]¡\ ou Houap'lI'te leut' monlruil seulelllent les premiers Sf'ITiteurs du pa~'s
it l'écompensel', el les principes de l'égalité il meltre m pratique par la
fondalion d\1Il ordre accessible a tous. De ectte maniere, ron peut dire
'Ille l'opposiliol1 énergique manifestée au se in du tl'ibunat dél'iya ll10ins
(le ce que les tribuns indociles comprÍrent mal le premier eonsul que
de ce qu'ils pressenlirent et devinerent Íl'es-bien l'empel'eur.


I1Iais paJ'mi les eréatioIls consulaires, il en est une du moins qu'il n'esl
au pouyoir d'uucune susceptibilité de parti ou de sede d'attélltlel' dans la
llIémoire ct la reconnaissance des peuplps : e'est le Cnde civil. En ,ain
,outlrait-oll prétend¡'e que ce fut l\emre spéciaJe el exclusive des grands
j urisconsultes que la ré\oIution avait mis en reliet'. Tou! le monde sait fIue,
dan:,; les discussions les plus importantes, BOIlaparte donna sou avis, ct
qu'illui arriva meme souvent de tranclter, par un mot heureux, par un
dc ces éclairs qui u'appartiennent qll'all génie, des difficllltés 110nt les lé-
gistes uyuient peine a sortir. C'est ainsi qu'il fil ajouler le chapitre V au
titre des aeles de l'état ciúl, pou!' fixpl' d'une maniere spéeiale et sLll'e la
('oJldiljoJl t'Í,il(' (les Illilitail'es hors du tel'l'itoirc de la républiql1e. On di-


;;0




IIISTOIHE


sait, pour se dispenser de ecUe addilion, qu'il suffisail que les acles con-
cemant ces militaires fussenl revetus des formes usilées dans les pays
étrangers oú ils se tmuveraiellt. « Le mililaire, repartit prompteIllent ~a­
poléon, n'esl jarnuis ehez l'élranger lorsqu'il est SOllS le drapean j la oú
pst le dt'<1pe::m, la e~t la patl'ie. ),


Cepcndant 1<1 paix d'Amicns laissait oisives dans les mains de Uona-
parte toutes les reSSOllrees militaires de la Franre. Ce ful alors que le
premier eonsul songea a profiter dn calme enl'opéen ponl' por ter la
guerre en Amérique et conqllérir Saint -Domingue. Il donna le eom-
mandement de l'expédition a son beau - f.,ere Lcclere. Elle ne fut pas
hpurensp. Son principal résultal fut l'f'lllevement du chef des noirs,






DE \ APOLÉO:-¡, 23::;
TOIIssaint LOlI\ crhll'c, hOl11me remal'qllahle pnl'llli les siens, el qlli.


transporté en Francc, y mourut au fo1't de Joux. Leclerc périt avec le
regret de s'Ctre chargé d'une entreprise désastreuse. Rochmn\Jcau, qui
lui succéda , perdit la colonie par sa dureté.


L'ltalie, berccau de la gloire et de la puissance de Bonaparte, occu-
pait aussi sa pensée. II avait l'e9u de la consulta, réunie a Lyon au COI11-
menCClllent de ~ 802 J la présideuce ele la république Cisn]pine, dont nul,
pal'lui les ltaliens, n 'aurnit été capable de snpporter le poids, alors
mcme qu'il ne (lit pas entré dans les yues de Bonaparte de le garder
pour lni. « Vous n 'avez que des lois parliclllíeres, dit-il aux dépulés de
eeUe nation; il vous fuut des lois générales. Votre peuple n 'a que des
habitudes locales; il faut qu'il prenne des habitudes nationales.)) Dans le
courant de la meme année Ronnparte réunit le Piémont ü la France,
et le divisa en six dépadements : le Po, la Doil'e, la Sésin, la Stura, le
Tanal'o, el Marengo.




IIISTOI!\F


Les pl'culÍCl'S jOlll'S de l'allllée 1805 fUI'ellluHll'qul's par une llonwll('
orgmlisalion dc l'lnstitut nationaJ , flui fnt distl'ibué en (!ua[l'c classes :
10 les sCÍences; 2" In lnllglle et lalitlél'll[UI'C; 5" rhistoire et In littéralul'c
aneiennes; !~O les beallx-arls. CcUe classiliealion l'etranehait de l'Institut
les scienees morales et politiflues. C'était I'effet des rcsscntilllents que
nonapar[e épl'omait de l'opposition solilaire de quelrll1cS puhlieistes
et métapbysieiens qui avaient osé élever la voix conlre ses plans de gou-
vememellt jusque dans le sein du tribunal, et qui, des ('e moment, nI'
fnl'ent plus ü ses yeu'\: que des idéologues.


Le premier eOllsul fonda eneor'c a ecHe epoC[ue divers etahJissemenls
(I'tllle haute impol'tancC' : 1'éeolC' speeiale militail'c de Fontainebleau , el
I'écolp spéciale des al'ts et métiet's de COlllpiegne.


r ainqueu\' des \lIonarehies ellropeennC's et paeHicatelll' de la réjluhli-
(lue fransaise, BOllapal'le voulut ajoulel' ti ce dOllble litl'e edlli de lIIé-
diateur de la confé(lératioIl helrétiqlle. 1I donna ü eet elId a la Sllisse
ulle organisntioll nou\ellc, (lui termina les différends l'levés {'nlt'e le~
ullciem: enntons. Dix-lIcuf' états, ayant dlilcnn leur propre constitlltiol1,
SO'JS la pl'Olection supl'clIle de la FraIlee, formcrent la nouwlle JIclvétie.


Le pl'C'mier cOllsullelll' ad!-essa une proelalllatioll , dans laqul'lIe 011
lisait le passage suivant :


(( 11 n 'es! aucun honllne sensé qui ne YOÍl~ que la médiation dont j<'
me chal'g(~ est pom' l'lTelvélie un bienfait de ceHe Prmidcllce (Iui, au mi-
lien de tant ele houleversements et de chocs, a tOlljonrs ,('illé a "exi-
stence et ü l'inMpendance de Yoll'c nation, el qllc eelle médialion est 1(,
seul moren qni ,"ous reste pour samOet' rune ell'antl'e. »


LC's rabinds étl'angers ne voyaient qu 'avec un dépit melé el 'nxasp('-
ration l'ascendant prodigicux el la suprématie univel'selle quc la Fl'ance
et son .ipllne chef prenaient de plus C'n plus llans lC's affait'C's de l'ElIl'O[lc.
)[ais c'était sul'tont 11 LOl1flres, dans les conseils de Saint-.Tames, oú tanl
r1P coa Ji tions avaien t été COIl({neS et formées pat' l' u ris tocra tic elll'opéenne
contre la démocl'alie fransaise, que la paix était supportée UH'C impa-
l¡encC'. Comment les hommes d'étal fl11i ayaient participé 011 applalldi
allX fUrelll'S du manifeste de Bruns"ick se seraicnt-ils ré~ign(\s 11 con-
tcmpler longtemps, l'arme au bI'DS, le spC'.clacIe de la gl'andCUl' el de la
PI'ospt'l'ité croissanles rrun peuple qu'ils s\~taiC'nt {]aUt's de li\Tel'ú ll'lIl'S
f)oldats com111(' une proie faciJe? Les éCl'iyains dn tOl'ysnw l'epl'odui-
saienl inc('ssamment tout ce qlle ]'(\('ole de BIle!(C' el de PiU il1lagina (11'




plus ,iull-lll d de plus iIlSt'IlS('~ (~()llll't' la n;\oluLion IhHl(;aist'o Llollllpar(e
lit' d'pondit d 'ah()\'(l qu' rn faisant insércl' au Monileul' ulle no!!' qui
COIlIIl1CrH;ait ainsi :


« lne padic des journalistes anglais I'este cn proie 3 la discorde.
"/"ou(('s les lignes qll'ils impriment sont dcs lignes de sango IIs <lppellenl
;1 gl'nnds cl'is la glll'l'l'C ci\ ilc au sein dc la nation occidentale, si J¡P\1l'CU-
S('Il1f'lll pnciliéeo TOllS leurs raisonllements, toutes IeUI'S hypotheses
rou\elll SUl' ces deux poinls :


0)1" I maginel' des grirfs conll'e la l~nm('e; 2° se cl'éer des allit's, el
dOllllf'r aillsi 11 lellrs pa~sions des auxiliaires pm'mí Ics grandes puissanc('s
dll eOlltinent.


" Leurs gl'ids principaux sont les arfail'es (le Suisse, donl I"helll'eusl'
iSSIIP ("\cite leul' jalollse furcllI'o o'. o ))


La lIote officielle se terlllinait par des Ya'IlX pom' le llwintien de la
paix, tout ('n indir¡ml11t qllf' la Fran('(' dait Im~te a la gllel'l'c, el <[u '011
lI'obliendl'ait jmnais rieu d'c1le par dr's proeédés menar,ants, Elle [ut du
l'('sll~ suirie d'ulle seconde note sortie de la meme l)lume 1 et C[l1i finis-
~ail pal' ('dte plll'ase remarr¡unhle :


" 11 est plus racile aux Yagues de I'Oet'un de dél'aeinel' le rodler (Iui
r'lIll'me sa [un'u!' depuis <¡unrante sic'c1es llU'11 la raction ('nnemie el!'
l' Enrope ct des \¡ol1mws (le ralln11lf'1' la gnerl'e el toutes ses fnreul's au
lIlilil'u de rOeeidl'nl, el sul'lout de faire púlit, un instnnt rastre <In pellple
fI'Dnr,ais. ))


:Uais (¡ieulot le premier eonsul ne dut pas se borne)' a rail'c de la [10-
Ir"mique dans son joumal officieJ. II devint trop évident que les passion~
(\('S Iihellistes allglais ayaient acces dans le eabinet de Saint-Janws 1
COl1l11H' I.lonapal'tl' rayail dit assez clairemenl pm' eeHe flénonciatioll 50-
1('1111('1\(' quc le J/Ollilfl/J o porta d'un bout de IT,Ufope 3 I'autre:


" Le Times, qne ron dit el!'e sous la sUl'veillanee ministériellC', ~e
n"prllld CII il1\"celiH'S perpéluelles eontre la Fran('C'o o o.' Tout ce que l'i-
lIwginalioll peut se IlPindrE' de has, de vil, de méchant, le mist'rahle
J"atlril>lll' au gouH'rnemerll franr,uíso Qucl esl son bul? .. , .. Qui le
paje J .... o


)) ['11 .ioul'l1ul, l'édigé pat' de mis(Tubles éllli¡;l'és, le resh' le plus illl-
plll" "il rehut, sans patrie, salls h0l1l1eUI', souilló de tOl1S les ('('in1('~,
«u'il n'est lHl ponmil' d'¡jueuIlP nllmistie df' laYer, enrhérit ellCOI'C ~Ul'
Ir' Ti/llfso




,--------------- - --- --- ------------


11 1ST O I B E n E :\ A PO L I~ () :'l.
" OIlZC éveques) presides par l"atl'Oee (~Velllle d'Al'I'a~ ) rehelles ula


patrie et a l'Église, se réunissent a Londl'es; ils impriment des libelles
contre les eveques dll c1ergé fl'an~ais; ils inj urient le gouvel'llcmenl ct k
pape) pm'ce qll'ils ont rétahli la pnix el 1'1;:vnngile pnrmi fJLHII'ant(~ l1lil-
Iiolls de chrétiens,


» L 'ile de Jersey est pleine de bl'ignnds condamnés amort par les ll'i-
hllnallx pom' des crimes commis posti'l'iel\l'ement u la paix, JlOlll' des
assassinats 1 des viols 1 des inct'ndies!!! Le traite d'Amiens stipull'
1J1l'Oll lin'era respediYenwnt lps ¡wl'sonnes accl1séps de el'Íllles et de
1l1('llI'tre; les assassins q lIi sout ü Jersey) an contrajre, sout l'ceueiJlis ...


" Geol'ges porte oUH'l'IeIllent 1\ LOIHh'es son cOl'don I'ouge, en 1'I"('OIll-
(lt'llse de la machine infel'Oah~ ql1i a ddl'llit un quadiel' de Paris 1 el
donne la mort 11 trente femmcs, enfanls OH paisibles eitatlills. edle pl'O-
leclioll spl'('iale IÚllltorisc-t-ellc pas t\ pCllsel' que s 'jI ('lit 1'¡"l1ssi) 011 lui
eút donnó l'ordre de la Jnrretiel'e'! »


Apl'es de tels nrtl's el de [clles a('('usa[iolls. que t1e\cllail la pai\ t1'A-
III i('lIs '!




CHAPITHE XV.


Hllplllrr de 1.1 Franf'r pI dr rAn~ld('LT~. Yoyagrs de Bonap.1l'tr rn lklp;iqllt" ('t ~1I1' 14':0; ('MI':",
COIl:,-pil'Zltinll rlt' P¡ehrgl'tl (,t de (~i·or~r~. ~Iol't dll dlll' d'Enghil'll. Fin dn COll!"Hlal.


';'mHTÉ t'ul'opéenne, créée primitivement par
,le christianisme el par la conqllete, et mise
, depuis snus la pI'oteclion de la diplomatie,


avait été violemment rompue par la révolu-
tion fran<;aisc. Tous les vieux gouvernements
s 'en étaient al31'més, et le cabinct britanni-


, bien qu'on appelat I'AngletelTe la
terre cIassique de la liberté, s'était mon-


tt'é l~ plu~ passioIlné et le plus opiniah'c de nos ennenüs, paree qu'il
représentait, sous des formes constitutionnelles, l'aristocratie la plus
ol'gueilleuse et la plus implaeable , la féodalité la plus vivaee qui ftlt en
Europe. Nulle paix durable et sincere n'était possible pour la Franee
avec ce cabinet, ni avec aucun de ecux qu'il dirigeait sur le continent.
Une hostilité secrete et incessante devait se trouver au font! de toutes les
démonstralions pacifiques des chancelleries; et cette antipalhie, fondée




IIISTUII\F


sur lIUO opposilion radicale do principes d d'intérets, ne laisait tIlle s'a('-
c!'oitro 11 mesure que le tt'iomphe des inté!'cts et dos pl'illcip('s I'érolu-
tionnaires, en les reuelant plus mella<,{ants, cOl11mandait Iléallmoins une
halte aux emportemenls royaux et aux fureurs aristocratiflues, Si I't"-
puisement, la déll'esse el le Cl'i des peuples fOl'9aient parfois les gourer-
nements 11 déposer les armes) iI n'en résultait que des trait!',s ('phémcrt's
quí laissaient subsister toutos les causes de guene ) el que ron se ré-
servait d'enfreindre sans serllpule 11 la pl'el1liere oceasion. La Yieille
EUI'ope voulait ohstinémellt reconq ut'rir son [l\ITI::, comme elle le Yeul
encore alljoul'lrIlIIi; elle sentait quc e'était pou!' elle une (IUestion d'exi-
slcllce) et quaIH) elle ue pomait pas marcher tI son hut il force omerle ,
elle dissimulait offlcwllement et prenait les yoies souterrailles. De sou
cilté, la jeuue EUl'Ope devail travaillel' aussi, tantót arec I'hl'l'OJSllle du
soldat, tautot aree la prudence de l'holl1Il1e d'état, 11 fonder une u:\ITI:
NOUVELLE, s(lchant trós-hien CIu'il y aurai! toujOUI'S pél'il et a))sellce de
bon yoisinage pOUl' elle allssi longlemps que le Pl'ivilége COllfillel'ait l'é-
galité. e'est le sentitllcnt de eelte illcompat.ibili!é indestructible qui a fait
dÍl'e ill\"apoléon que « dans einqllante ans rEul'ope serait cosaque OH
l'épuhlique; )) ee (lui sigllille seulernent que, dans el' laps de temps ) la
l'évolution ou la eontl'e-révolution auront rétabli l'unité cUl'Opéenne; el
comme il n'est pas dans l'ordl'e naturel des clloses que la puissallce era-
venir, la force el la ft~condité, qui formenll'apanage providentid de la
jeunesse, puissent lui etre retirées pour etl'e données mimculell,;ement
a la vieillesse , l'alternative prophétique que les échos de Sainle-lId¿'llp
nous ont rapportée n'a rien qui doive alarmer sérieusenwnt les homll1Ps
qui espel'ent la conversion plus ou moins loilltaine de la harbarie mos-
coyite aux iMes fran9aises.


Si, apres plus de trente ans, la guerre tIc principes, <,mpéehée d'érla-
ter par I'influence des dispositions et des besoins des peuples, continue
sourdement au sein de la paix de la parl dcs gouvel'nements, (lue ne dP-
vait-ce pas étre en ~ 805, IOl'sque les passions bouillonnaient toujours ,
et que la révolution n'avait pas encOJ'e, 110ur faire croü'e ü sa dur{~e el il
son sucees Jéllnitif, ni les victoires de l'empiL'e, ni les tentatives impuis-
santes dP la restanration, ni les pl'Odigiel1x événenwnts de ~ 850? UJlr
InUe ollvertc deyait donc sllceéder 11 ers lrostilités rarhécs e¡('s iJue le mo-
ment pUl'aitrail favorable aux el1nemis illvétérés de la Franc('. ] 1 no fal-
lnt pas dellx ans 11 la cour de Londres 110ur SI' faligu(']" tI<- la paix m('I1-




DE :"\APOLÉO~. 241
songi.'['e qu 'elle avait faite a Anüens, et pour relancer l'uue contre l'autre,
daos uue arene meurll'icre) deux nations qui u'auraiCIlt eu besoio que
d'etre conduites par des gouwrnements a yues libérales, pUl' des hOlll-
mes d'état de l'école de Fox, pour marcher de fl'ont, et dans un conce1't
admirable, a la paix , u la prospé1'ité J a la civilisalion du monde,


L n message des consuls du 20 mai 1803 app1'it au sénat, au corps-
législalif et au tribunat les dispositions hostiles du cabinet anglais et
I'imminenee de la guerreo Ces différents COl'pS répondirent a eette com-
munication en exprimant le vom (j qlt"il ftit pris ill'instant les plus éner-
giques mesures afin de fait'e respecter la foi des traités et la dignité du
peuple fran~ais. J) Leur résolulion, portée au gouvernement, fut accueil-
lie par ces paroles solenneHes du premier consul :


« Nous sommes forcés a faire la guel'l'e pour repousser une injuste
ng['ession: nOlls la ferons mee gloire.


Il Si le roi d'Angleterre est 1'ésolu de tenil' la Gl'unde-Bretagne en étut
d{' guerre justlu'a ce que la Franee lui reeonnaisse le dl'Oit d'exéeuter ou
de viole1' il son gré les traités, ainsi que le pl'ivilége d'outrager le gou-
vel'llClllent frnnl1ais dans les pllbliealions offieielles ou pri vées , sans que
nous puissions nons en plaindre, il faut s'affliger sur le sort de l'huma-
nit(,.


11 Cerlainement nons voulons luissel' ti nos neveux le nOIll frangais
l.oujours honoré) loujours san s tache .....


,¡ Quelles que puissent etre les circonstances, nous laisse1'ons toujours
ti l' Angleterre l'initiative des pl'océdés violents contre la llaix et l'indé-
pendanee des nations, et elle 1'eeevra de nous l' exemple de la modéra-
tion, qui seule peut maintenir l'ordre social. )J


La possession des Hes de Lampedouze et de MaIte et l'évaeuation de
la Hollande étnient les causes appa1'entes, les prétextes sur lesqucls se
fondait le roi d'Anglclerre pOtlr rompre le truité d'Amiens; mais, en
réalité, la meme cause flui avait formé la premie re coalilion faisait
ar'mer de nouveau la Grande-Bretagne conh'e la Franee : e'était la
guerre de prineipes eontre la révolution franc;aise qni se rallumnit. En
vain l'empe1'eul' de Russie et le roi de Prusse affeelerent-ils d'offrir
leul' médiation; les événements des années suivantes prouveront
qu'ils étaient les alliés seerrts de nos ennemis, avee lesquels ils avnient
concerté sans donte le refus omeiel qui fut fait illeur pl'oposilion. Scule-
mellt , eommc I'Angleterre avait moins sourfert que les puissanees du





11 ISTOIItE


continent dans les premieres guerres, et qu'il lui avait faUu moills de
temps pour reprendre haleine, il était naturcl qu'eUe se pla~at a I'avant-
garde des nouyelles coalitions qui devaient longtemps encore s'acharner
contre la France.


Le premier résultat de celle ruplure fut désastreux llOur le cahinel qui
l'avait pl'ovoqnép. Les Í1'oupes fran~aises occuperent le IIanovrc, pt
l'armée anglo-hanovriellne, honteusemenl ahandonnéc par son chef,
le duc de Cambridge, demeura prisonniere de gnerre.


La lutie ainsi commencée glorieusement, Bonaparte parlit de Paris
pour visiler la Belgiqne. Bruxelles le re~llt en triomphaleul', el le peuple
beIge témoigna partout sur son passage l'enthousiasme qu'íl éprountil
de la présence du héros anquel il devaít sa réccnte agrégation a la répu-
blique f"lllIr,aise. Bonaparle répondit a cel aecueil a sa maniere, en dotant
le pays cl'établissements el de eonstl'llctions el 'utilité publique: il ordonna
la réuníon du Rhin, de la l\Ieuse et de I'Eséaut pal' un grand canal de
communication.


Revenu 11 París, iI tit ounir le pont des Arts au puhlic , (>t convertít




DE :\APOLÉON_ 213
le Prylunée eH Lycée. Les affaires étrangeres l'occlIpuient également. II
conclut UIl l/'aité d'alliance ayec la Suisse, donna une audience extraor-
dinuire ill'amhassadeur de la porte ottomane, et publia lu cession de la
LOllisiane al1X États-lJnis moyennant une indemuité de soixante millions
de franes.


)Iais ce qui fixaít pa/'-dessus tOllt la sollieituue du premier consul,
(~'était la guerre avec la Grande-Bretagne. 11 médita sérieusement une
descente en Angleterre, « et si l'on a pu eo rÍl'e a Paris, a-t-il dit depuis,
PiU n'eü l'iait pas dans Londres.)) Partí de Paris au commencement
de I1owmhre, íl tlt une lournée sur les cotes pour visitcr les travaux
illlmenscs qu'il avait ordoonés dans ce bul, et il assista a uo com-


hat qui cut lieu it Bouloglle cntre une division anglaise et la tloHille
franºaise.


En rent['ant dans su eupitale (cal' Bonapartc rt"gnait déja) , le premie/'
eonslll trol1va un message du roí el' Angletene au padement, et dans le-
(jucl Georges III déclaraít « qu'il alluit marcher a la tete de son peuple ;
que In France en voulait sérieusement a la eonstitution, ala religion ct
11 l'indépendanrc dc la nation anglaise, mais ql1'au moyen des mesUl'('S
([u'il ulIait prcncll'e cette m€mc Frunce ne ['etil'el'ait de son projet que
la dlofaite, [a confllsioll et le llIalhcuI'. »


--------------




244 HISTOIRE


Bonaparte, saisi el'indignation, se hata d'écl'ire dans le Monileur "
« Est-ce bien le roi el' Ang\eterre, le cher d'une nation maitl'esse dc's


mer's el souveraíne de l'Inde, qui tíent ce langage? .... Ceux quí lui dic-
tent ces díscours inconsidél'és ignorent-i1s done que Har'old le parjlll'e se
mit allssi a la tete de son pellll1e? ignorent-ils que les prestiges de la
naissance, les attl'ibuts du pouvoir sOllverain, le mantea u de pouJ'pn'
qui COUVl'e les mis, sont de fl'agiles houeliel's dans ces moments oll
la mort, se promcnant a travers les rangs de l'une et de l'autre arméc,
attend le coup d'cril dll gt~nie et un l110uvement inatlendll pOlll' ehoísiJ'
le partí qui doit lui roul'l1ir ses victimes? Le joUl' d'llne bataillr, tous lrs
hommes sont égallx.


» L'habitllde deS" combats, la supériorité de la tactique el le sang-
(roid du commaIlllement font sellls les vainquelll's ou les Yainclls. lJIl
roi qui, 11 soixante-trois ans, se mettl'ait pour la prerniere fois u la tete
de ses troupes, serait, dan s un jour de combat, un embarras de plus pour
les ~iens, une nouvelle chance de succes pom' ses ennemis.


)) Le roi d' Angleterre parle de l'honnenr dc sa COUl'onne, du maintícu
de la constitution, de la religion, des lois, de l'indéprndance. La jouís-
sance de tOIlS ces biens précieux n'était-elle pas assul'él' par le traité d 'A-
miens? .... Qu'a done de commun le rocher de Malte aYec yotre reli-
gio!J, vos lois et votre indépendance?


)) Il n'appartient pas a la prndence humaine de connaitre ce que la
Pr'ovidenee a arreté dans sa profonde sagesse pour servir a la plmition
du parjure et an cht!timent de ceux qui sourtlent la division , provoqucn!
la guerre, et, POU¡'les vains pl'étex!es ou les seeretes "aisons d'IIne ambi-
!.ion misérable, prodiguent sans ménagement le sang des hommes ; mais
nOllS pOUVOIlS présager ayec assmanee I'issue de ceHe importan le ('on-
lestalion, el dire que vous n'aurez pas }Talte, IJU(, vous n'aurez poill!
Lampedonze, et que vous signerez un traité moills avantagellx que c('-
luí d'Amiens.


l) La défaile, la eonfllsion el le malhellr! ..... Tout('s ces rodomonla-
des sont indignes 11 la fois d'un gl'and penple et d'un hOl1lme dans f'on
hon sens. Le roi d'Anglcten'e eút-il r('rnporlt~ autant dc Yictoi¡'cs qu'A-
lexandl'e, Annihal ou César, ce langagene serait pas moins ins('ns(;.
Le deslin de la guerre el le sort des hatailles tiennent 11 si prll de el!osr,
qu'il faut elre dépounu de toute raison pOUl' affirmel' que l'arlW"('
fran~aisr, (Iui jIlS(¡U'Ü ce jour n'a point passé pomo ltw}w, 110 ll'OlI-




----------------- I


DE ~AP()LÉO~. ? , .. _'t.l


H'I'llit sur lo sol de III GI'ande-Bretagne que défaile, eonl'usioll et Illal-
bClIl'. ))


La gllel'l'c amit rail eonnaitre Bonllparte eommc le plus gl'and capi-
taine qui fnt jmnais; le gouvernement mait ll1ontl'é en lui le génie dI'
l'hommc d'élat: il lui manquait de faire ses preuves cOl1une écrivain
dans un temps oú la presse était déja une pllissanee poli tique . Cedes,
ses proclllllllltions, scs ordl'l's du jom', ses lwrangues militaires d ses
discours officiels pouvaient donnel' \Ine idée de l'énergique concision, de
la noblcsse et de l'dévation de son style; mais ce n'était pas asscz enro!'l'
pou!' révéler toute l'étendlle et la vaJ'iété de srs facultés. Son instinct dI'
gl'and homme lui disait qu'il devait savoir manier toules les armes re-
c\oulables de J'époque, l'épée, la parole el la plnme, n 'étre persollllelle-
ment élranger il anClln des moyens priueipaux dont le pouvoiL' avait be-
soin pour agir sur les penplcs au dedans et pour défendl'e leUl'S (ll'Oits
au dehors. O,', le journlllisme ex('r~ait il cet égal'rl un incontestable CIll-
pire, el cela suflí!. JlOlll' qu'ü sa qllalité de conquénmt et de législatelll'
BOllaparte ne d(~daignilt }las de joinrlre eelle de journalü;le : il devenail
par la nlOmttle complet de son siecle. Elloin de pensel' qu'il enlt dél'O-
gel' en se jetalll dans III polémique des joul'llallx , nOllS sommes pCl'slIadi'
(llle le vainqlleUl' de :\larengo ne s'estimail pas moins JIl plume it la mnill,
combatlant les ennemis de la Franee, dans des lignes éloquentes, lWl' la
pubsance de la l'llison, que lorsqu'il brandissait le glaive au moment dll
combat, pOlIt' laucer sur eux ses imincibles phlllanges. Disons míen:\: : il
a exprimé plus d'tllle fois que s'il fallait opter entre les qualilés civiles el
les ql1alilés militllit'es il n 'hésitel'ait pas ü accorder la lll'éémillence aux
qualités civiles) et nous l'avons Vl1 nagnere rappeler le soin CIll'il avait eu,
('n Égypte et en ltlllie, de plarel' son titre de lIlembl'e de rrnstitut avant
celui de générlll en chef.


Qu'on ne dise IWS qu'il y a"ait en cela Ilffectation de sa part; non.
BOJ1llparte compl'enait seulement a quelles conditions on pouvllit désor-
mais gouvel'l1er un peuple que la philosophie m-Ilit insllrgé ('ontre la
ll1onare]¡ie l1ulilaire de Louis XIV. ]] savllit que la n:'wlulion fl'an-
<:aise n'étllit que la lntte de rintelligenee contl'e les institlltions féorlales
([ue la force bl'utale anül établies, el que si í~lIe était obligée parrois
de recourir' elle-me me ü la force brutale pour se défendre , ce ne de-
YIli! étre qll'¡'l regl'et qu'elle arceptait ee geul'e de combat. Bonllpm'tt'
aimait dOllc mit'lIx la SPl'vil' awr son nrme' natlll'eJle, la logiqlH', qui




IIISTOlHE


l~clail'e el péuetl'e les espl'its pour les soumeltl'e a la l'ai¡;oll, (!u'avec les
ugents meurtricrs qu'on emploie a la guerre ponr répandre abo\l(lam-
mentle sang des hOllllUe¡;, el ({ui peuvent ne donner pour résultat (IUl'
l'assujettissement de la raison a la force, ee qni constitnerail essentielle-
lllent la contre-révollltion, Anssi, dans toutes les gnerres qu'il a en iJ
souteni!') généml, consul ou empereur, s'est-il toujoUl's appliqué a con-
stater, COlmlle a la I'upture dn trailé d'Amiens , qu'il ne cédail qu'iJ la
nécessit(~ de reponss81' une injuste agl'ession , el qu'il rejetait sur les en-
nemis de la France la rcsponsabilité des maux qni allaient etre faits a
l'humallité 1,


Tout en faisant juslice, dan¡; sa feuille officielle , des fanfal'onnades par-
lementail'es dll roí Georges, le premier consul ne cessait pas de S'OCCIl-
pe!' actiyement de la réorganisation intérieure de la républillue, Le 20 dé-
cembl'e -1805 il proYoqua un sénalus-consulte llui modilia la constitution
dll corps législatif, dont l'ol1vertnre eut líen le 6 janvier ~ 80 ~, ]U, de
Fontanes fut nomIllé président de ee eorps. En le préférant nux nutres
candidals, mnlgré ses liaisoIls avec le parti royaliste) Bonaparte ne
fit que poul'suivrc le systemc de fusion au moyen duqud il espérait
l'éunit', dans un attachement comIllun a In I'évolution dessouillée, se-
Ion son expressioIl, les ennemis modérés et les amis cxagéré¡; de la
cause démocratiquc, eel1x qui virent la révolution nvec répl1gnance
et ceux qui la servirent par des exces, Fontanes et Fouché enlin , et
avec eux tous les hommcs que la pI'udence ou l'ambition, la fatigue
du passé el l'incertitude de l'avenir poussaient a la cOIlciliation et au
reposo


L'exposé de la situalion de la république fut fait au corps législatif it la
séancc du ~ 6 janvieJ', C'était un mngnifiql1e tnhleall des progres dc In
prospérité nntionnle. )1. de Fontanes, a la tete (['une députalion, ex-
prima au premier consulles félicilations de cette assemhlée, « Le COl'pS
législalif, lui <lit-il , YOUS remel'cie, nu nom dn peuple fran~ais , de tant
d'lltiles trnvaux commencés en fnveur de l'agricultul'e et de l'industrie ,
et que la gllerre n'a poinl interrompus, L'hnbitude des grandes idéps


• Pour donncl' plus de poiels a ses pl'otcstalions pacifiques, TIollapal'te voulut '1u'elles fussent
,'evétucs du serau de la religion. 11 ue!llaIllla des priercs piIhliqucs au clrl'gé pom le sueci,s de ses
armes contrc l'injuste agre~sioTJ ¡le ('Anglrtrrft:, et le clergé se rendit a ses ya'ux. L'archc\'i~(IUe de
Paris, le cardinal tie nelloy, pllhUa m{'me a cette occasion un mandcment méJlloral>le, (lans
Jequel il dOllna prophélil¡uemcnt it TIonapal'te le litre de ConquéJ'anf de l'Durope, el signala le
p;ouvcrnemcTlt angljl-ís COlllme l'antrul' de la guerreo




DE \AP()Lf~O\.
fait négligr}' qllelquefois allX esprits supérieurs Ins détails de l'adl1linis-
tl'ation; la postérité ne vous adressera pas ce reproche. La pensée ct
l'uetion de \'otre gouvernement sont purtollt ú la fois.


)) 'Joul se perfeclionne; les haines s'éteignent, les oppositions s'ef~
facent, ct, SOllS nnflllellce vidorieusc d'un génie qui cnlraine toul, les
choses, les sysl¿'mes l'l les hommes qui par'aissaient le plus éloignés se
rapprochent, se confondent, et servent de concerl a la gloirc de la patrie.
Les huhiludes anciennes et les habitudes nouvelles se mettent d'aceol'd;
on conserve tout ce qui doit maintenir l'égalité des droits ciYils et poli ti-
qnes; on reprend tont ce qui peut accroitre la spJendeur el la dignilt',
d'lln gl'and empire.


» Ces hienfaits, citoyen premier nonsul, sont l'ouvrage de quatrn an-
nées. TOllS les rayons de la gloire nationale, qui pUlissaienl depllis einq
ans, ont 1'epris un éclat qu'ils n'ayaient point eu jusqll'i:I vous. »


11 semlllait que l'admiration llniverselIe dont Bonapal'te ('tait l'ohjct
f'Í l'adhésion prcsque unanime que la France avait donnée au consulal ü
vie devaicnt décourager les factions et les contraindre ú rester oisires;
llwis les pllrlis qui ont un principe pour drapeau sunivenl longtemps a
lell1's déláites, alors meme que ce principe, altéré par le temps , n'a plus
que la vaJel1I' d'un préjugé. La llwsse des royalistes pouvait céder a la
force des chosf's, 1Il'ascen(l3nt du génie \Íetorieux , ü la forll1ne de Bo-
naparte, et se résigncr ü "oir la volonté de Dieu ct le doigt de la PI'ovi-
dence dan s les événements prodigieux qui s'élenient C0111111e un milI'
désormais infranchissahle entre les Bourhons et la France : id élait en
cfret le scnliment qui dominait a cette époque parmi les populations qui
s'étaient dévouéf's alltrefois a la cause royale. Lf's ehefs du padi, néan-
moius, ceux rcslés dans l'émigration, persévéraient tOlljours dans lellrs
haines et leurs inlrigllf's contre le nouvel ol'llre de choscs ; ils élaient stirs
des syrnpathies de toutes les cOllrs européennes, et dc leur assistance se-
crete qui pOl1\'ait devenir manifeste sdon les eirconstances, et ils avaient
l'appui flagrant de l'Angleterre depuis qu'elle aHlit violé la foi pro mise
ü Amiells.


En cet ét:lt, ill('lIl' parut que la conlinualion de la tranquillité inté-
ricure, en ramenant les peuples de l'ouest 11 de paisibles hahitudes,
rendl'ait de plus en plus diffieile tuute nouvelle tentative d'insl1rrection ,
el qu'il était urgent des lors d'altaquer le consul avant que son pouvoit'
eút jeté de plus profondes racines. e no conspiralion fut done ourdic




JlISTU IIU~


eonlre le gOll\'el'llemenl el la "ie de BOlwparte. Du Rhill a la Tamise ,
les eonjurés s'enlendil'ent, sous les auspiees du eabinet anglais, Jivré aux
exeitations du plus fougueux torysme. Pichcgru, fidele a ses antécédents
de traitre, prit part au complot, s'assoeia au fameux ehollan Georges
Cadoudal. Moreau, ternissant la gloire de Hohenlinden, re.,;ut sans ill-
dignation, eeouta peut-etre m0me ayce complaisance ]a eonfidene('
de eeUe trame odieuse. « Comment Moreau s' est - il engagé dans un!'
telle affnirc? s'écria Bonaparte. Le seul homme qui put me donner des
inquiétudes , le seul qui put ayoir des ehnnees contre moi, se perdl'c si
maladroitemcnt! J'ai une étoile ..... ))


La eonspil'ation découverte, le gouycrnemenl la délloIl\a a toulc
I'Europe par tons les moyens de publieité qu'il possédait. Tous les corps
de I'état vinrcnt exprimer au premier eonsull'indignation dont ¡Is étaicnt
pénetrés, et renouveler l'assurance de leur coneours ti toutes les mr-
sures qn'exigerait In répression de pareils attentats. Bonaparte leur 1'1"-
pnndit :


«( Depnis le jour oú je suis arrivé a la supremc magistraturc, un
grand nombre de complots ont été formés contl'e ma vie; nourri dans
les camps , je n'ai jamais mis aucune impol'tan('r n des dnngel's flui nr
m'inspirent aucune crainte.


» l\Iais je ne puis me défendre d'un sentiment pl'ofond el pénible)
100'sciue je songe dans quclle situation se trouverait nujOll\'(l'hui ce gl'and
peuple si le dernier attentnt nvait pu réussir : cal' e'est principalement
('ontre la gloÍl'e, la liber'lé elles dcstinóes dn peuple fran\ais que 1'0n 11
conspiré.


" J 'ai depnis longlemps renoneé aux douceurs de la condition privée;
tous mes moments, ma "ie entiere, sont employés n remplir les devoirs
que mes destiné es et le peuple frau\ais m 'ont imposés.


)) Le ciel \'eillera sur la France et dójollera les complots drs méclmnts.
Les eitoyens doivent etre san s alarmes; ma vie durera tant qu'clle sern
nécessaire ti la nalion. l\Iais ce que je veux que le peuple fran\ais sache
bien, e'est que l'existence sans sa conDante el sans son amOlI1' serai!
pour moi sallS eonsolation, el n'aurait plus aueun but. ))


En laissnnt ainsi entreYOir le lriomphe de la contre-révollltion dans le
~;ueces d'un complot contre sa vie, et en rattachanl ti sa propl'e existence
la gloÍl'e, la liberte el les destinées de la Francr) Bonaparte indiquail
nssez que la magistl'atul'e viagere que le peuple lui avnit confiée ne su/'-




J) E \ A PO L I~ () \ . 2~9
Ilsait plus iI ses yeux pour garantir I'avenir du pays, et qu'il songeait a
une institlltion nouvelle qui pút défendre apres lui les intérets nouveallX.
Nous verrons bientót sa pensée se produire et se réaliser.


Parmi les émigrés qui se tenuient prets u frallchir la frontiere au pre-
miel' signal donné IJar les conspirateurs, se trouvait le dernier rejeton
du sang de Conde, le duc d'Enghien. Le premier consulle fit arretel' dans
les états de Bade et conduirc u Vincennes, oú il fut jugé et fusillé avec une


pl'éeipitation extl'aordinaire. Celte exécution a été 1'epl'ochée a Bona-
parle eomme un laclle assassinat, qui impl'imait a sa mémoire une tache
ineffaqable. Si le jeune p1'ince, qlli portait l'un des plus grands noms de
I'uncienne France, n'avait fait la guerre aux idées et allX institlltions qui
lui (~taient natllrellement antipathiques qu'a la maniere de ses ancetres,
awe la loyauté des preux, selon les lois de l'honneur et le droit des gens,
sou arrestation et sa morí rentreraient absolument dans le domaine de
ceUe poJitiqlle implacable qui elIlploya la terreur et l'échafaud commc
armes d(~ guene , et des lol's Bonapal'te, cité pOUI' ce chef au tribunal
<le I'histoire, ne pOlllTait s'y défendJ'p (Iu'en líant sa cause ¡¡ celle du Co-


-------------------------


.12


!


l.
I


1


II
!




2;)0 HISlOllIE


mité de snlut Pllblie , pt en invoqllnnt eomme lui la néeessité. lUais si ,
au cOllt!'aire, le due d'Enghiell lIe s'élait pas boI'Ilé a combalb'c la répll-
blique en soldat, et s'il avait aceeplé I'éellement l'allianec des hommes
qui ne I'eeulai('nt pns devant l'nssassillnt!tu pl'emier conslll pou!' houlr-
\el'ser et nsservil' leuI' pnys , ce n' esl plus le deseelldaut du vainqueul' de
Bocl'oy qui pél'it dans les fossés de Vineennes , ce n'est flue le ('ompli('('
de GeoI'ges et de Piehegru.


« J'ai fait al'I'eter el jugeI' le due ll'Enghien, dit i\"apoll'on dalls son
1'es{amenl, pal'ee que cela était néerssnil'r a la sÚ.'ct('·, 11 l'int{'ret el ¡\
)' honneul' dll peuple fran0ais, lOl'sqllc le comte d'Al'tois entretenuit, de
son aven, soixallte assassins a Pat'Ís. Dans ulle sClIlblablc eireoIlstarll'e,
j'agirais encore de meme. » -- (( Si je n'avais pas eu pou)' moi, contl'e
le due d' Enghien, les lois du pnys, dil-il nilleurs, il me srrait rrstf~ If's
dl'oits de la loi naLllrelle, ceux dc la légitime défense. Lui et les siens
n'avaient d'nulre but jounlaliel' que de m'óter la ,ie; j'étais nssailli (\e
toules parts et achaque instant ; e "étaient des fllsils a Yent, des machin('s
infernales, des compluts, des emlJllches de toule CSpt·cc. Je m'cn lassai :
.ie saisis j'oecasion de leur renroyer la terrcul' jusque dans Londn's , el
eela me réussit. .... Eh! quí poul'I'ait y trouyer ti l'cdire? le sang apprlle
le sang; il faudl'ait etre niais 011 insensé pOllr croire qu'une famille au]'()it
eu I'étrange privilége d'attaqller journellement lIlon cxístence sans 1Ill'
donner le dmit de le lui rend.·e ..... Je n'mais persollnellelllent jnmais
rien rait a Illwun d'eux; une grande nation m'arait placé ¡¡ sa LMe; In
pl'esque tutalité de I'Europc nvnit aceédé a ce ehoix, el mOI1 sang, n¡ll'l"s
tout, vnlait bien le leur. J)


Snns elollte le sang elll grallfl homme qui faisait I'ndmÍl'ation de n:u-
rope el le bonheur de la FJ'al1ee ne Hllaíl pas moins que le sang despl'ill-
ces quí s'eff()l'~nient de tl'Oubll'r la Frailee el I'EuroJlc pour faire resti-
tuer iJ leur ol'gupilleuse nullité un pouvoír dont la PrOYidener ) pat' la mi\
du penple, avait disposé en farenr du génie .l\lais (lui lle sait que le sang des
hé!'os que ne pl'otl'ge 1)a5 le prestige hél'uldiquf' est sans lwi\ pOll!' les raees
royales el p0l1l' les nristocrnties qui se gl'Oupent autour d'f'lles? qui ne sai l
que les mel11rs hOl11mcs flui afredent de s'ntlelldri!' el de s'indigllcl' ('11
royanL tomber I'illustl'iltion héd'ditnire sous In faux df's rt-actions polili-
qUf'S, dnnsf'nt ensuite, a la maniere des sauvages, dans le voisinage dll Sllp-
pliee, quand le plomb mortd ya f['appel' l'illustl'ation [lel'so\1ndle? r!('-
mandez pllllM iJ I'ombre dI:' ret inrortllné mar~ehnl, flui n'dait. pas, lui ,




DE NAPOLÉ()~. 251
le d('~(,t'[I(lallt des I)\'(lws) ll1ais le hnm' tlt'S Iml\es, el q\lí lI'an,t pa~


souiJIé el' litre daus la confitlellee de Iflches assassins. Lorsqu'oll est vé-
rítablemenl hUJllain, 1'on a des émotions douloureuses et des lal'll1Cs pOUl'
toutes les vidimes des ré\'ülutions, sans aceeption de partis; lorsqu'oll
esl vraiment Fran<;ais, 1'0n a des sympathies pOli!' lontes les gloires de la
Francf'; l'on s'arllige cll'on se eOUVI'e de dellil en présence del'impiloya-
ble raison d'état, quand elle ne sait pas respecter dans ses fureurs les
grandesrenonnnées Gonquises a Austerlitz et a Mm'engo, comme quaud
elln inserit sur ses mmales horhicides les noms illllstrés ~I Fontenoy el
a Rocl'Oy.


On a prélelldu que Bonaparte ay¡Jit été pOllssé ti faire périr le tiue
d'Englticn par le désir et la nl'cessité de donner une garantie eonlrc le
retour des Bourbons allX viellx jacobins qui l'cntollraient, et qui lui apla?
nissaienlle chelllin du trolle. Cette supposition, que le caractere et les
parolcs de Bonaparte déll1en lcn 1 , manque tont ti fait de vmisemblanee.
l\"ous ne rappellerons pas la mitl'aillade de Saint-Roch et la déportntion
des Clichyens; iI Y ayail eneore des ohstacles plus insllrmontables que
les souvenirs du ~ i') vendémiaire et du 18 fl'uctidor entre le premier eon-
su! el le purti ro)uliste. D'autrrs, plus compromis que lui avee I'ancienne
dynastie, Fouehé et TnJ1eyrand, par exemple, s'assirent bien, plus tard,
dnns les cO\1spils de Louis XVITT; mais ce qui I'pndait ,,,"niment inulilt'


_______ 1


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252 IJ ISTO I H E () E N APO U=ON.


l'horrible garantie qu'on aurail exigée de lui, e'es1 qu'il avai1 assez mOll-
tré ce qu'il voulait et pouvait etre : e 'est que tout le monde savait parfaite-
rnent que pour s'entendre avee les Bourbons il aurail fallu qu'il ehangeút
brusquement de nature, qu 'il désertiit sa destinée) qu'il oubliiit sa posi-
tion et eelle de la Franee, qu 'i! renon9iit a la fois a son passé et ti son
avenir, qu'ileessal, en un mol, d'eh'e lui-meme. "Je n'aijamais songé
aux prinees) a-t-il dit a Sainte-Héltme; el si favais eu pom' eux des
disposilions favorables, iln'eúl pas été en mon pOllvoi¡' de les aecomplit'.
Du reste, le bruit eoumit que je leur avais fait des propositions touchaut
la cession de leurs droils) ainsi qu'on s'est plu a le consacrer dans des
déclarations pompeuses répandues en Europe avee profusion : i! n'en
était rien. Et comment cela aurait-il pu etre? moi qui ne pouvais régul'r
préeisémcnt que par le prinl'ipe qui les faisail exc1ure, cclui de la souve-
railleté du pellple? e'est ce qll'auront pensé san s doute, dans le temps ,
les gens rélléehis, qui m'aceordaiml de n'etr~ ni fou ni imhécile. "


QlIoi qu'il en soit, les eonspil'ateurs qui antient YOll] u relever le tn'HW
des BourboIls au prix d'llIl assassinat eontribuerent, en eiTet, au rétahlis-
sement de la monarehie; mais eette révolu1ion ne s' accomplit pas 1111
profit du prétendant qu'ils avaient eru servir, et ils purent voír de leur
prison qu'ils n'avuient fait que donner une eOUl'Onne ti eelui {Iont ils
avaicnt médité la mOl't.




CHAPITRE XVI.


ElahliSSClllt'tll du gUIl\t'I'llenIf'Ilt iBlpérial. Aete ue clpmence. Calllp de Bonlogllr
"oyage en Ildgi(tue


1 Bonaparte n'eut désire qll'lIn gl'and
pouvoir pour rétablir l'ordre et l'unité
dans l'administration del'état, et p01l1'


'1 I donncr a la révolution J"usque-Ia ne-1,lr '
.:: ii 1 militante, le déveJoppe-
, 1


1
, ment régulier que les comlllsions de


démocratie avaicnt rendu long-
temps impossible, l'exercice viager


de la supreme magistrature eut du lui suffirc , surtout avec l'attributioIl
exorbitante du droit dc désigller lui-meme son successeur" En effet, le
dlOix laissé au disccrncll1ent d'une si haute intelligence o(,frait an pou-


._----------------------------- ----




"------------ - ------------ "----- --"------- " "-1


IIISTO lit E


yoir nouveau de bien plus sures garanties que le hasanl tk la Ilaissaul'c
contI'e I'éventualité d'lln hél'itier inhabile; et il élait tout il fait probabh~
que le prell1iel'-né du futur lIlonarque sel'ait 1l10ins aple que le sel'lmd de~
rnfants illustl'es de la Frunce a gouvernel' ce beau pays.


En essayant de recollstituer un pouvoir héréditaire, il eroyait sans uoule
Il'agir prineipalell1ent que pour la stabilité de son amwe , pour la pel'pé-
tuilé de l'orure nouycau , issu de la révolulion, « L'hérédité, dit-il, peul
seule ell1pecher la contre - révolution. On n'a rien a craindre de mOIl yi-
vrlllt; mais tOllt chef électif serait, apres moi, trop raible pOUl' resistel' aux
partisans des Bourbons ..... La France doit beaucoup a ses vingt genéraux
de division; ils ont braveIl1ent eombattu dans le rang oú jls étajl'llt plaeés;
mais aucUIl n'a l'étoffe d'ull général en chef, encore moins d'uII chef de
gourernell1ent. ») (PELET DE LA LOZEltE,)


Ce jugement sé\f~J'e , porté par BOllaparte sur les gt'néraux de di\isiol1
les plus distingués, était-il fondé? leur inaplitude gOllveruemenlale, si
halltement proclamée, n 'a-t-elle pas été demenlie dcpuis par qudqlles-uns
d'en!t'e eux, et n'est-ce pas un de ces Jielltenants, dont on disait dédai-
gneusement, en 180,4, qu'aucun d'eux « n'avait l'etoffe d'un chef de gou-
vernement, » qui oceupe encore, en ~ 859, le trone des Wasa, uuquel il
fut appelé des ~ 8t o , sans qne la coalitioll des vieilles races royales, (Iui
brisa le seeptre de l\apoléon, ait pu trouver, dans l'inhabileté ou les
fautes de cet anden général fran~ais, le moyen cll'occasion de restaurer
le légilimité en SuMe, eomme elle a pu le fail'e en France, et de délivrel'
cnticrement I'Europe ll10narehique du sean dale des royantés plébéiennes? .


Et si les généraux les plus célebres s'étaient trouves réellement au-des-
sous du role de «chef de gOllvernement, » n'y a\ait-il aussi que des inca-
pacités politiques punni ces iIlustrations civiles qui entouraienlle pl'emit'r
eonsul, et parmi lesquelles il pouvait ehoisir le nouveau chef de I\~tat tIJut
aussi bien que parmi les I'I:~pulalions guerricl'es?


NOlls ne le croyons pas; et il nous parait incontestable que si Bona-
parle, pour justifier le rétablissement de l'hérédilé , a!légua sérirusemeut
l'impossibilité de ÍJ'ouver un homme digne de la premiere magistrature)
dans le vaste concours de célébrités que la révolulion avait ouverl ('Il
France, son intelligence fut eetle fois dupe de son mnbition, En ehcl'-
chant une garantie de slabilité dans le }'établissement de l'hél'édité
Il10narchique , Bonaparle eomptait-il moins sur la yalenl' pcrsonndle de
son héritier (Iue sur la puissance flu principe hr."réditairl'? Ce[ t'spoil',


,-,----"" -----




DE i\APOLÉO~, 2:;:;
s'il f'xista chez le prellliel' cOllsul, el s'il ful pal'la¡;e par les honuncs
(relal (lui l'aíderent a relever le trone, prom'e seulenwnt que le génie
le plns élevé a ses moments de sommeil, el la sagacile la plus exel'-
cl'e) ses joUI'S d'meuglemellt. .


QlH' l'on ('út complé, avallt tout) sur la puissance du príncipe hé-
rédilairc) au moyen tlge, a la bonne heurc; alors l'hérédité élait
non-sculcl1lcnl possibIc, mais nécessaire. Elle elait possible, cal' il
snffisait que la religion l'eüt consacrée pour qn'elle devlnt inviolable
anx ycux des princes el des peuples, dont la foi vive et identíque
assurail la soumission eommune a toute institution, loi ou maxime
qui portait le earaet(~re divino Elle était possible, cal', en ces temps
¡l'lIni\erselles et profomles cropnces, le sacre des rois n'élail pas une
vaine ceremonic; cal' l'huíle saínte a"ait sa vel'lu politiqlle, et le scean
de la legitimilé n'apparlenait qll'i! l'oint du Seigneul' el ti sa racl'.


Elle était nécessaírl' , cal') sans la eonsecration religicuse de ce dogme
politique, la tranquillité el l'unité du royaume auraient été eompromisC's,
illa fin de eharJue regoe , par les rívulités des grands vassaux, dont les
llllS aUl'aicnt hl'igué la couronne i.t maio a"mée, tandis que les uutres au-
l'Ilirnt ('galement rerouru a la force pour se rendre indépendants et. pour
briser le joug de toutc suzerainelé. Puisque, en dépit du droit publie de
la monarchie) sanctionné par la reIigion, ces prétentions ambitieuses et
ces tendunees anarchiques se sonl munifestées lant de foís, et qu' elles ont
pl'Ovoqué si souvent la guerre civile, en France, dppuis l'origine de la féo-
dalilé jusq\l'uux tl'Oubles de la Fronde, que n'auraient done pas osé les
seigneurs avides de domination et de riehesse , passionnés pour la guerre
d irnpalients de tont frein, si leur turbulrnce et leur amhition n'avaient
Mé contel1lWS par l'aulorité morale d'lln príncipe qu'ils ne pouvaienl en-
freindl'c sans s'exposel' au rep"odlC de lcul' lwopre eonseience, et sans se
faire mettn\ comme félons et impies, an ban de I'Église et de l'état? La
barbarie et l'indoeilité féodales aUI'aíent M~ehiré plus erueIlement encore
fin' elles ne 1 'ont fait le sein de la France, el le moyell de tl'iompher d 'elles
('lit manqué ala eOllronne. C'est la sanction I'eligieuse aecOl'dée ill'héré-
<lité c¡ni rendit I'opiniatre insllbordination des barons définitivement im-
pui~salltc eontJ'(' le lrone, eommc elle mait donné it Jcanne c1'Arc la forc('
l11iraelllrllSf' dont. r\lr avait en hesoin pour sallver, aver un mi enfant, le
plus /)('all royamne du monde. Quand Rieheliell el Louis XIY aehe\l'l'ent
<Ir dompter l'anti!¡lIc at'jsloeralir, el (¡lI'ils ('bau('h¿'l'r~nt In plan d'llnité el




2:5(, IIISTOI H E


de cenll'3lisation pcrfcctionné el réalisé depuis pUl' la révolution fran<;aisr,
les violences el le despotisme qu'ils exerccrent eontre les grands réussi-
l>ent au pouvoir royal au lieu de lui étre funestes , paree que le pouvoir
royal était alors le représentant du dl'Oit divin, encore protégé par la foi
des peuples, et qu'en frappant les sujels superbes qui lui faisaient om-
brage, íI n'atteignail que les rcpréscntants de la force brutale, cachée sous
la pompe des titres.


En 1804, qu'était devenu le droit divin, protecteur de l'hérédilé?
Il avait fait place au droit divin du mérile et du génie, el la foi univer-


selle était désormais acquise a la souvcraineté du peuple.
D'un autre e6té, y ayait-il autour du fauteuil consulail'c des \assaux


redoutables, maitres des plus beIles provinccs de la monarehie, ineessam-
Illent disposés il la guerrc, et prets a troubler rélat pour s'emparel' dll
pouvoir supremo ou pour se déclarer indépendants dans un coin de l' cm-
pire? Non, rien de tout cela n 'était a craindre : si la sainte ampoule étrtit
perduc, le blason était en lambeaux. Au lieu des puissances féodales, hé-
l'éditail'ement destinées au métier des armes, et ne pouvant se mainlenir
que par les anues, dans une société constituée par la conql1ete et organi-
sée ponr la guerro, la }<'rance voyait surgir de toutes parLs) dans l'agri-
culture et dan s le commerce, dans les arts et dan s les scienees, des llUis-
sanees nou\'elles s'élevant au-dessus des anciennes de toute la supériorité
du mérite personnel sur le hasard de la oaissance, eL ne ponvant subsister
ou grandir que par la paix. I~es notabilités militail>es elles-memes ne de-
vaient leur élévation qu'a l'état exceptionnel oú s'était lrouvé le pays de-
puis quinze ans , et leur gloirc consistait surtout a le faire joni!' paisible-
ment des bienfaits d'llne ré\ollltion quí, en préparant l'associalion
morale el induslrielle des peuples, demit rendre un jOllr par la tontc
guerre impossible. Nos générallx étaient d'aillellrs sans inflllenee parliell-
¡¡ere et directe sur aUCllne portion dll terrítoire) sans dientele politiqlle,
sans aUClln moycn de répéter le r6le des gens de guerre de l'ancien ré-
gime. JI ne pOllvait pas y avoir en eux l'étoffe d'un Armagnac ou tI'un
Bourguignon, d'un 3fontmorellcy ou d'un d'Épernon ; et leul' condllitr
pleine (h~ réserve et de prudence achaque changemcnt de rcgne a proU\l',
en eHet) dans la suite, que la transmission du pouvoÍl>, héréditaire 011
élective) ne serait nullement troublée 0\1 eontra1'iéc par le111's vucs pe\'-
sonnellos.


Bonaparle se trompait done quand il ('hcrehait il jllstifier le ['établis-




DE NAPOLÉON. 257
sement de la 1l10narchie hereditaire en invoquant ues maximes et des
faits qui appal'tenaient a un étal social toul différellt. Ce qui avait eté pos-
sibIe et llécessail'e au sein cl'une société militaire et el'oyante 1 n 'était ni
nécessaire ni possiblc clans Ulle société inclustrielle et sceptique, qui n'a-
vait plus de tul'lmlence féodale a I'edoute!' , et qui ne demanuait u la for-
tune des eomLats eIle-memc, pour prix des triomphes guerriers les plus
éclalants, (lue le uroít de se livrer aree SéCUl'ilé ti ses travaux pacifiques.


Le lll'emier consnl, cluns les temps voisins du 48 brumaire, avait 1 dll
resle, donné lui-memo des l'aisons tres-puissantos contre l'hérédité; il
avait proclamé que cette institution , si salutaire a la France du moyen
(Ige, était devenue impossible a la Frunce du dix-nellvieme siec\e. ( L'ht,-
rédilé est absurde, disait-il, non dans ce sens qu "elle n 'assure pas la sta-
bilitó de l'etat , mais parce qu'elle est imposEible en France. Elle y a éló
établio pendant longtemps, mais arec drs institutions qui la rendaieut
praticable, ([ui n'existent plus) el <¡u'on ne peul ui ne doit rétablil'. L 'M-
l'édilé dél'iro r1u dl'Oit ('ivil; elle sllppose la propriété, elle esL faile pOUl'
en assurer la trallsmissioll. COllllllent cOlh'ilieJ' l"hél'édité de la premiel'e
magisLl'atun~ an'(' le pl'ineipe d!' la sOlI\-el'aÍlwté du pellp\e '? eomment
porsuader que celte magistralllre l'sluue Pl'OlH'iété '? Lorsqne la rOUl'OlllJe
était heréditairc, il Y availun {!,l'nnd nombre de magistralul'e:,; (luí l' étaienl
aussi; cdt(' Jletion était lIne loi pres(jue géIH"rale, il n'en reste plus rien.»)
(THIIUUDEAU. - LeConsu{a(, ell'l~mpire.)


Uu commeucement a la fin dll cOllSlIlat , l'absul'lJe était-il de\CllU l'ai-
sonnable, ella dissemblauce l'adicale du pl'éseut el du passé, si nettell1l'ul
apCl'<,iue en 4800, avait-elle cesse, OH etait-elle moius fl'appante en 1804?


1\'011 sans doute ; lllais si ehaque époqlle avait consonó son caractere,
Bonapm'le avait mo(lifié ses iMes. Lo supreme pouyoir, a titre viager )
ne lui sur/isait plus. L'orgueillellso pensée do fondor une dynastie et de
fairo de sa ramillo uno rare royale avail tmun' aeces dans son time. Dl'S
lors sa poli tique , lOlljoul'S na liouale ct philosophi!lllC j usque-Ia , toujolll's
vasto el gl'Hnde OOll1ll1e I'intelligeucc dout elle émauait, se trollva expo-
sée a s'cntachcl' pUl' le contact des rousidél'ations secoudaires , el a des-
cendre trop sOllvent allx proportions mcsquinos des vanités et des COI11-
hinaisons dyuastiqlles. (( Ce géant démesllré, dit M. de Chateallbl'iand ,
He liait point complétcnwut ses destiuées a celles de ses contempol'ains;
son génie appartenait 11 }'tlge model'l1e, son ambition élait des vieux
jours; il ne s'apel'<;ut pas que les miracles de sa vie dépassaient de beau-


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! 1.~8---- --------------IlJ-S~OIRE ------------


coup la valeul' d'un diademe, el quc cet orncment gothique lui siérait
mal. ))


Il est juste de dire cependant que, tout en cédant a « son amhition
des vieux jours, ») Bonaparte garda assez le sentiment des nécessités de
« l'age moderne») pour ne pas altrihucI' ti l'hérédité qu'il instituait le
caractere absolu et les conséquences rigoureuses de l'ancien droit divin.
Il voulait, au contraire, la concilier, autant que possible, avec la sonve-
raineté du peuple: anssi, lorsque le sénat se rendit en corps aupres de
luí, le 28 floréal an XII (~8 maí t 801,)) pour lui présenter le sénatns-con-
sulte de ce jour, par lequclle premier consul était appelé au trone, et la
dignité impériale déclarée hé¡'éditaire dans sa famille, Bonaparte affec-
ta-t-il de dire dans sa réponse :


« Je soumets a la sanction dn peuple la loi de l'hérédité. J'espere que la
France ne se repentira jamais des honneurs dont elle environnera ma ra-
mille. Dans tons les cas, mon esprit ne sera plus ayec ma postérité le joUl'
oú elle cesserait de mériter l'amour et la confiance du peuple Cran¡;ais. ))


N'était-ce pas rendre l"hérédité pnrement conditionnelle, subordon-
ner les priviléges du sang aux droits de la nation , mainlenir !'exercicc
facultatif de la souveraineté du peuple, et adhérer d'avunce solennelle-
ment a la déchéance éventuelle de la d ynastie qu 'il Condait, si elle yenui t
a perdre la confiance nationale?


Dans ce sens, le principe héréditaire n 'aUribuait plus aux membres de
la famille impériale qu'une espece de candidature légale, qui pouvait
offrir quelques garanties d'ordre et de stabílité contre les secousses insé-
parables des interregnes, sans óter an peuplc Ic droit souverain d'écarter
le successible qui ne mériterait pas, ou qui cesserait de mériter son
amour et sa confiance.


e'es! bien ainsi, en eHet, qu'a été entendue et prati(lUee l'hérédité, ell
Fraoce, depuis le commencement de ce siccle. Bonapade lui-memc, qui
eraiot taot de mourÍr avant l'acbevement de son amvre, et qui yeut se
donner des héritiers pour en assurer la eonsolidation, survivra a su dy-
nastie et a son propre gouvernemcnt, Caute de trouver un appui suffisant
contre l'étranger dans le lion populaire qu'il aura enchainé on endormi
a l'ombre de son gloriellx despotisme. Le vote du Luxembourg et le sa-
cre de Notre-Dame ne lui serviront de rien ; le senat qui l'aura exalté k
rcjeUera; le pontife qui I'aura béni, le maudira; ct f}uand, sur les rui-
nes de l'h8rédité impériale, la légitimité ancienne viendra s'asseoir, el


1 ___ .


------~--------------- --------




259


déJier , dans son imprévoyance et son orgueil, l'esprit du siécle et de la
nation, il suffira de quelques ouvriers en haillons pour punir l'orgueil
dynastique, pour ven gel' la nation et le si<'~cle, et pour vérifier cctte parole
de Bonaparte lui-meme « que désormais l'hérédité, teUe qu'on la conce-
,'ait sous nos anciens l'ois, est absurde et impossiblc. On s'apercevra alors
que le génie de l'homme et l'illustration de la mce, le sacre de Paris et
le sacre de Reims , ne sont plus que de vaines garanties de stahilité, el
lJue si la consécration constitutionnelle d'un trone héréditaire préserve le
pays de fl'équentes agitations populaires el d'intrigues électorales, tou-
jours périlleuses, ce n' est que pour le livrer a la périodicité des eommo-
!.ions révolutionnaires. On n'aura pas eu ti redouter, en effd, le tumulte
des assemblées primaires , mais le lien dynastique n'en sera pas moins
lH'isé; au lieu du bruit du serutin, on aura entendu le cliquetis des ar-
mes; on aura subi une invasion, ou fait une révolution , et I'onlre de
successibilité, imaginé comme moyen infaillible de perpétuité pour les
gouvernements, se trouvera violé deux fois en moins de vingt ans , tan-
tót pm' les halonnettes étrangeres , dans l' élu de la natíon; tantot par le
glaive national, dans l'élu des halonnettes étrangeres. Que l'on s'applau-
disse ensuite d'amir échappé aux désordres inséparahles du systeme
électif, et d'avoir placé la tranquillité de l'état et la fortune des races
princicres sous la protection de l'hérédité!.,.


Quel pouvait etre cependant, quel fut le résultat moral du rCtablisse-
ment de la monarchie el du pouvoir héréditaire en France, sur l'esprit
des peuples européens?


La royauté et l'hérédité, considérées d'une maniere abstraite, y ga-
gnercnt-elles réellement? lcs tI'unes devinrent-ils plus solides? les dy-
nasties fllrcnt-elles miellx affermies? l'antique prestige qui avait fait leur
splendeur el leur force reprit-il la puissance de fascinalion et d' entrai-
nemcnl qu'il excr<;a aulrefois sur la société européenne tOllt entiere?


Plus que jamais, au contraire, ce prestige s'affaiblit au sein des na-
tions qlland on vit le peuple qui avait régné en masse SOl1S le bonnct
rouge el la carmagnote se faire empereur dans un de ses soldats , re-
velír la pourpre et ceindre le diademe, sans que le monde trouvat scan-
daleux ce que la vieille Europe ne pouvait prendre que pour une pro fa-
nation des insignes monarchiques et puur une odieuse usurpation.


Plus que jamais le príncipe de l'hérédité fut altéré lorsque les familles ¡
plébéiennes, rempla\unlla plus noble des dynasties, en France, en llalie, , I
,,;~..,~ •• , ,c,


-- - -- -- -- - - -. --. - - ------------.-.- ----------·-, .... 7'-t~"-1-~.<':::'<~c
,/ i - . ((',




260 UISTOIHE


en Espllglle, etc". , siégel'ent fraternellement entt'c les descendants de
Chlldes-Quint de Piel're-Ie-Grand el de Frédéric. . ,


Tant il est vrai qu'il étllit dans la destinée de llonapul'te de restel' ra-
gent le plus uctif de la n\vollltion) jllsque dans ceux de ses act('s qui pOI'-
taien! le plus en apparence le cachet de la conl!'e-rl'yollltion, Pou!' se
défendre eontre toute l'Europe) eette réyolution avait lhl passel' de la
monarehie cons!itutionnelle u la l'épuhliqlle, POLI!' s'étendre u toule
l' Elll'Ope, el répandl'e purloul le genne des iMes J'ran9íüses J elle se nt
ambitieuse el conquél'ante, et passa de la l't'publiqlle U la l11onal'ehie
lIIiJítail'e. ecHe nouvelIe ll'unsfonnatioll s'accomplil par le sónatl1s-con-
sulte du28 fJort~alun Xli (18maiI80'.). LeeonsuIC~lI11hal'érós, dlU!'gé
de porter cel aete solenncl aux pieds du collóglle c¡ui dc\"ellait son mai
tI'(" prononga les pm'oles slIirantes:


(( Le peuple fl'an~uis a goúté pellllant des siedes les avantages attae)¡i's
iJ I'hél'éditó du pO\l\oir. JI a Cait une éJlI'('ll\ e cOllrle, mais pénible) du
sysleme eonlraire. II l'enll'c ) par l'eITe! d'Ullé (Iólihératioll libre et ré-
flóchie , dans un sentier conforme 11 son g¡"nie. II use lihre1l1cnt de ses
dl'oils pOUl' délégller a volre mujeslé illlpériale une puissallee que son
intél'ct lui défend d'exel'cer pat' Jui-meme. 11 stipllle pour les géuéraliolls
il Yenir, et, par un paele solenllel , il conlie le bOllheur de ses nereux
tI des rejetons de yotre raee. Cellx-ci imiteronl vos vcrlus; ceux-Ia hóri-
teront de notre amour et de notl'c fldélité. ))


Napoléon répondit :
« Tout ce qui pe8t contribuer an bien dé la patl'ie est essentiellemellt


lié U llotro bonbelll'.
1) .l'accepte le titre que vous cl'oyez lIlile u la gloil'é de la nation. »
Suhol'llonnanl ensuill' l'hérédité lIo11H'lIe tt la sanclioll dll VOlé popu-


lail'o, il eut soin de no pas trop provoquer les r('pugnanccs démo(:ralill'!('S
du sil'elc, el de rendl'o un del'llier hOIl1ll1age U la sOliveraiJletó du peuple,
dans I'aote meme qui allait en suspendre indélluimcllt rexercice. C'cst
alol's qu'il proféra la phrase relllunlllable que nous ayons déju rapportée:
" .le sonmets a la sanetion dll peuple la loi de J'hérédilé. J 'espere que la
France ne se repenliru jamais des hOIllleurs dont dIe enyil'Onnol'a ma
famille. Dans lous les eas ) mon esprit nI' sera plus mee ma pustél'ité le
jon .. ou dle eesserait dP mérite!' I'mnour ·et la (,(l/lfianee de la gl'andp
nation. ))


En ~ol'talll de I'alldil:'ll('(l elp 1'¡>mprl'('IlI' , 1(· ~("nal ('n (,Ol'pS R' J'('lIdit




r-------- ---- -----~-~----------I
DE '\'APOLÉON', 261


Uupl'b, de Joséphille, pour la saluer <iu titl'e d'impératl'ice, « 11adame,
lui dit Cumbacél'es, la J'enommée publie le bien que vous ne cessez de
rain'; elle dit que, toujOUl'S uccessihle aux ll1alhellreux, vous ll'usez de
\Otl'e crédit allpres dll clld de )"dat que pou!' soulager lenr infortune, el
Ilu'uu plaisir d'ohliger, votl'e Illajesté ajoute eette Mlicatesse aimable qui
l'end la reeouuaissanee plus douee et le bienfait plus pl'l'eieux, CeUe dis-
positiun lwésage que le llOlll de l'impératriee Joséphine sera le signal de
la consolation et de l' espl'rnnee,., Le sénat se félicite de salue!' le premier
\otl'e majeslé impél'iale. ))


Cambacéres fut récompensé de son zele par la dignité d'al'chi-chauce-
li()\', On ne devait pas moins a l'rmpressement qu'il avait mis ti déposel'
le till'e de seeon(l magistrat de la l'l'publique pOUI' prendre celuí de pre-
miel' sujet de l'empire, Lebnm deyint archi-trésorier,


Ce ne fut pas seulemellt daus sa l'(~'p()nse au sénat que l\'apoléon s'ap-
plirllla uméllager les susccptihilités républicailles; la formule du serment
lIu'il pl'cla en pl'enaut possessioll dll tl'úne Inisse apel'('(woir la meme
pcns(~e, Jl vcu! que la Francf' sache bien que l'emperelll' n'cst) comme [e
consul, (¡ue le premiet' représcntnnt de la I'évollltioll, le sOlltien le plus
glol'ieux ct le plus puissant de la cause populaire, le supremc défenseur
de la républiqlle elle-mcme. Voici ce sermen! :


(, .Te jure de mailltenir l'intégrité du lCI'I'itoire tle la républiqlle; de
l'especler et de faire respcder les lois d\1 coneordat el la liberté des cul-
tes; (le l'especler et de faü'e respectel' l' égalilé des dl'Oits , la liberté poli-
tique et civilc, l'irrévoeabilité des ventes des biens uationallx; de He le-
vel' auculI impol, de n'étahlü' auclIne taxe tIu'en vertu de la loi; de main-
!(!nü' l' institlll ion de la Légion-d' HOIlneUl' ; de gouverller dans la seule vue
de I'illtl~ret, du hOllhelll' el de la gloire du peuple fralll;ais, »)


1Ialgré tant d'('/'t()rts pon!' fairc cl'oil'e a la natioH que l'établissell1ent
de l'elllpil'e laisserait subsister la répuhlilIUc, il élail impossible que la
fondatioll d'une nouvclle dynastil' n'é\-eill~t pas les eeaintes des républi-
('aills pl'l'sévérants, el qll'dle n 'ameni'lt pas de lellr part quelque pl'otesta-
¡ion éuergiqllc, Le plus illustre d'entre ellX, Cal'llot, se fit cneore lcm'
ol'gane en eeUe cil'eonstanee, La proposition de retablir le llOuvoir héré-
ditaire au profit de l\apoléon et de sa famille étaitnée au sein du tribunat.
C'('st la que Cal'llot la l'ombattit a son uppal'ition, « Dcpuis le ~ 8 bl'l1-
llIail'e, dit-il, il s'est trouvé Ilne époqlle, unique pellt-étre dans les annu-
h's 11" IllOllll" , pOllr IlIl'ditCI' il l'alwj M~ OI'afH>f; , pon!' ('ondel' la Iibel'tt'~


I




:26:2 1llSTOIHE


sur des hases solides, avouées pm' l'expérience et pm'la raison. Aprcs la
paix d'Amiens, Bonaparte a pu choisir entre le systeme répuhlieain dIe
systeme monarchiflue : il etll rail tout ce qu'il eúl voulu; il n'eút pas ren-
contré la plus légere opposition. Le Mpot de la liberté lui élait eonllé; il
avait juré de la défelldre : en tenant sa promesse il eút rempli l'atlpnte de
la nalion, qui l'avait jugé seul eapable de ,'ésoudre le gl'Und problCmc de
la liberté publique dans les vastes dais; il se fút eouyert (l'une gloire in-
comparahle .... ))


La yoix de Camot s'était pel'due dans le désert. Les gl'ands corps de
rétat furent unaninlPs i dans leul' entrainement ven; la rnonarchic. Oll
PLlt di! une résurrection miraculeuse du eóté droit de l'assemhlée eonsti-
luante. Ce n'étail pas poul'Íant de ce coté qu'étaient venus le sénat et le
tl'ibllnat, ni meme le eorps législatif. lUais telle avait été la marche des
événements, (lue les vétérans de la convention se trouyerent métamor-
phosés tout a coup en courtisans, oublieu\: de leurs prinripes, de leur lall-
gage et de leur costullle de la ydlle.


Les généraux républicains cédérent eomme les aneiens représentunts
du peuple 11 l'empire des eirconstanecs. ToujouI'S dévoués a la révolution,
i1s eonsentirent d'antant mienx a la srrvir sous sa forme nouvelle, qu'ils
y trouverent un gagc de stabilité ponr lenr propre élévation. Le lende-
main de sa promotion a la dignité impériale, Napoléon appcla autour de
son trone ses plus illustres compagnons d'armes , qn'il revetit du titI'e de
mar6ehaux de l'empire, savoir : BerthieI' , lUurat, Moncey , Jourdan ,
JUasséna, AugeI'eau, Bernadotte, Soult, Brunc, Lanncs, ~lortier, Ney,
Davoust, Bessieres, Kellermann, Lefehvre, Pérignon et Serrm'ier.


Le peuple n'aecusa poinl d'apostasic tous les soldats de la r6puhliqlle,
en les Yoyant accepter un titre qui rappelait la monaI'ehie féodale. 11
eonsidéra, au eonlrairc, comme 1111 nOllvelhommageaux principesd'éga-
lité, qui lui étaient si ehel's, le déel'ct qui attl'ibuait exelusivement allX
senices et aux talents militail'es la haute dignité que rancien régime ne
donnait presquc toujoUl's qu'a la naiss3nce.


l\'apoléon eut hientót oecasion de signaler son avénement au pouvoir
supreme par un aete de elémence. Un arrel de la eOlll' de justiee crimi-
Ilelle, renllule ~ O juin -1801, rondamna a la peine de mort Georges Ca-
doudal ct ses complires. Le généraI 310I'e3u', protégé pal' la célóhrité tlt'


i 11 n'y ('ut qU(' tl'ois opposants dans Ir s.\nat, GI't"goirr, Lambl'('l'hts rt (;al'at. Lanjuillais dail
ab::-ent.




r--··-----


DE NHOÜO\. 26:>
son nom et par les sylllpalhics dc l'armée, échappa illa peine des cOnsl)i-
['ateUl's; la cour ne pronont;a contre lui qu'une réclusion de deux annérs,
qui fut coml1luée en un exil perpétuel. l\Iais, pal'mi les accus('S fl'Uppés
d'llne condamnation capitale, se tl'Ouvaient des hommes de grande nais-
sallee , 1\131. de Hivicl'e et de Polignac, entre autres. Les démarches les
plus actives furent faites aupres de ~apoléoll pour les sauver, et José-
phine sé cltargca elle-meme d'appuyer les pressantes sllpplications des
familles alarmées. Sous ses auspices, madame de 1\lontesson se rendit ti
Saillt-Cloud et y présenta madame de Polignac a l'empercUl', pOli!' lui
dcmandel'la grace de son mari et celle de 1\1. de Riviere. « N ous sommes
panennes, disait peu de jours apres l'impératl'Íce , il Jaire approcher dc'
lui madame de Polignac ; mon Dieu! qn 'elle était hrlle ! llonapal'te a l'll'
touché en la voyant; illui a dit: (( 1\ladarne I c'est .l ma \ie qu 'en youlait
votre mari, je ¡mis done lui pardomwr. »


La générosité dp i\apoléon ne s' anCla pas aux coudanmés dont le nom
avail suscité en leUl' faveu!' de l)lüssantes interccssiollS. Une jrUlw filie,
iSSlle ¡j'UIIC maisoll ohseure, ne sortit pas moins heul'cuse que ll1a¡]anie d('




261 tllSTOIHE


Poligllue du palais de Saint-Clollt1 el de I"allflienee dc l\'mpcl'cuJ', Elll'
avait ohtenu pOli!' son ft'('re ee que i\ apoléon avnit a('cOl'd(o Ú In grande


dame pour son mal'i, La cié menee impérialt' , imoqllée aH:C SUCCl'S par
l\1Jr. de Polignac ('t de Rivi¿'I'e , s'élcudit il Lajolais 1 Bouvd de LoziPI',
Rochelle, Gaillal'd, Russillon el Charles d'lIozicr, Georgcs el 8('S all{n's
rompliees furent emoyés au suppliee, Pie!legrll .avait pl'éWIlU ;'¡ la f()i~
la condmnnation ella peine ell s'drallglaut dans su pl'iSOII. « L'e,,J'clI-
tion de GeOl'ges , dill\apolóon (Ians ses Mémoircs, n 'inspira pas de re-
grets, paree que l'assassinal, pom' quelque eause (lll(, ec soit, sera tOlljolll'S
odieux a des Franr,ais, L'aetioll (le .Judith a bcsoin de toutc la pllissaJlCl'
des Éerilul'(,s POlll' ne pas I'ó\olll'l', )) (Juant au t'lIieit!p de Pichegru, il de-
nit étl'e révoqllé en doute dans llIl temps Ol1 {oules lcs passions haiu('lIses
des pm'tis conü'nires et des i'acliol1s \ aincues s 'mlendaient si bien POlll'
noircir et calomnier le "ainquenr, 11 pent meme y moir en des hom-
mes de bonne foi qui se lnisserent pel'Stladl'l' que In mort de Piehep;nl
avait été h3tée par les ordres de l'emperenr, (e II s('['niL honleux de chel'-
cher a s'en défendl'e, ti dit l\apoléon; c'esí par trop absurde, Une pou-
vais-je y gagn(~r'! Un hOl1lme de mon cal'act('re n 'agit pas SUlIS de grands


í
I


- I




D E i'i A P O L I~ () \ ,
lllotifs, ~l'¡¡-t-on jamais vu \('rser le sang par eapl'iec? Quclql\(,s efforls
qll'OIl ait faits pour noircir ma vie eL Mnatul'er mon caract(~re, ceux
quí me connaissenL savent que ll10n organisalion est éll'angere au crime;
el iI n 'est point, dans toute mon' administration , mI arte pri\é dont je ne
pllsse parle\' deHlIlt un tribunal, je ne dis pas sallS elllbarl'as, llwis mfmw
arce qllelquc avantagc. Tout honnenwnt, c'est que Pich('gnl se vit dans
une siLuation sallS l'essource; son tlllle fOl'te Ile put emisagel' l'illfamie
dn supplice; iI d(;sespém de ma demenee ou la dédaigna) rt il se donna
la UlOl'l. » (Mémol'iat.)


l\Jais tandis que les prínees quí avaient aL'mé le hl'as de Geol'ges el en-
tminé Píchegm iI une nouvelle h'ahison dévol'aient, sur le soll1l'itan-
Ilique, la hOllte d'avoir donné le sceptl'e a celuí qu'ils voulaient raire
pél'ü' sous lepoignard, le chef de la famille des Bourbons, que Kapoléoll
(léelare n 'avoir jamais trouvé « dans une conspil'ation dil'eete contre sa
vie, )) et qui dait alors retiré a Varsovie, Cl'ut devoil' [lllbliel' \In mani-
reste eoutl'e l'aete senatorial c¡ui uvuit foudó une quatricme dynastie.
Fourhé, qui eut le premiel' eonnaissance de eette piece, s'empressa de
la porter il l'empereur, persuade que Kapoléon lui tiendrait compte de
son zCIe el de su diligcllce , el qu 'il lui donneI'ait incontinent des ol'dres
sevcl'es POll/' empucher que l'écl'it de Louis XVIII ne se répandit en
Franee. Fouché se trompait. NapoléoIl prit la copie de la décIar:Jtion du
prétendant, la lut, et dit froidement au minish'c en la lui rendant: « Ah!
ah ! le comte de Lille veutfuire des siennes ! eh bien! a la bonlle heurc,
:Uon d\'oit est dans la volonte de la Franee, et, tant quc j'uurai une épée,
je saurai le maintenit-. Les Boul'hons doivent pourtant savoil' que je ne
les cl'ains pas; qll'ils me luissent done tl'anqllille. Vous dites que les ba-
dallds dll faubollrg Saint-Germain vont prendrc cl colporter des copies
de la protestatioll dll eomte de Lille? eh, bon Dieu! qu'ils la lisent tout
a lell/' aise. Fouché ) envoyez cela au Monilcnr; jr vcux que cela y soit
demain. )) Et, en erfet, le lendemain, ~ er juillet, le ilJoniteul' publia la pro-
testation de Louis X VIII.


L 'anni\ersail'!' de la prise de la Bastille revenait quclqucs jOUl'S aprcs.
eette fUte l'épubIicainc semblait devoü' etre importune au nouveau 1110n-
aL'que. II n 'en fut rien cependanl; l\apoléon sut s'ernparer des sOllveniI's
du ~.4 juillet ponr leslier aux institulions qu'il avait fondees. 11 ehoisit ce
jouI'-la lllume pOllr la premiere distributioIl des croix de la Légion-
d'Honneur et pour la pl'estatioIl du sel'ment des légionnaires. La céré-


,


-- -------




IlISTOIHE


monie cut lícu allx Invalides. Le clmlinal dll Bello)', ar'cheveql1e de Pa-
ris, it la !Me de son e1el'gé, alla l'cc(>voir l'empel'elll' a la porl!' de I'é¡dise.


~apoléoll était suivi des gl'ands dignitail'es et des fonctionnaires émínents
de l' empire. Apres l' office di vin, LacépMe, gl'and - chancelier de la té-
gion - d'Honneur, prit la pal'Ole et pl'Onon~a un discoUl's dont nous
extrayons le passage suivant :


" Aujourd'hui, tout ce que le peuple a vouln le 1'1 juillet ~ 789 existe
par sa volonté. TI a conquís sa liberté; elle est fondée sur des loís im-
ll1uables: il a voulu l'égalité; elle est défendue p[\)' un gouvel'l1emeut don!
elle est la hase ..... Répétez ces 111ols, qui déja ont été pl'Oférés dans celle
enceínte. el qll'i1s retentissent jusqu'aux extrémités de l'empire! tout ce


-1




II E .\.\ l' O Ll~ u\ . 267
(lu'a dahli le 1·'1 jllillí't est inébl'auluhle; ríen de ce qu'il 11 détrllit ne peut
I'cparaltre. 1)


Apres son diseoun;, Laeépedc ayallt faitl'appel dl'sgnlllds-oHieiers de
la U'gion, pnl'llli h's(Iuels figul'i1it le eanlinnl Capral'a, I'emprreur se
cOllVl'it ti la maniere des l'ois dc Franee, el, aUlllilieu du silenet' pI'ofond.
du recllcíllPnwnt religieux dc l'us5('111blée , il dit el'ulle yoix fermc :


« COIHlllalldanls, o rfieil'l's , légionnuires, ciloyens el 801dat8, YOUS jurez
sur Yoh'e honneul' de \'ousdévoucr au servicc de l'empirc el il la COl1sel'-
, atioll de SOll territoil'e, dans SOll illtl-grité; illa défense de l' empereur '.
des lois de la rópllblique et dt's pl'opriet~s qll'elles ont consuerées; d('
('omhaUl'e, pat' tous les lIIoyells que la j ustice , la raisoll et les lois alllo-
riSl'lIt, toute entl'('¡wise qui telldrait ti rétahlir le régillle féodal; enlin,
mus jurez de COllcolll'ir de tout votre pouvoü' au mainlien de In
liherló el dc I'égalih;, basrs pr('mil'l'eS lle nos cOllstitlllions. Vous le
jurez, 1)


Tous les lIIelllhres ,le la U'gioll s'écl'iel'ent: (, .le le jlll'(>, IJ et les cris
de « Vive l'empeJ'l'lIl'! IJ rl'll'lIlil'('ut allssHüt S011S les \oú!es du temple.
i\l, de BOlllTienne a\oue (Iue r('lltllOlI~illSnlt' (\(os assistanb st:rait impos-
sibIl' il déerire o


Le lendclllain de eelte cél'énlOUic, I'école Polyteehnique re9ut lIlW
organisation nomell('.


Deuxjollrs apres, ~apuléoll partit de Paris )JOlU O aller ,isiler les cules
de la i\Iauche et iuspectel' I('s ealllps LIlI'íl y a,ait fOl'lnés, 11 a,ait au-
uoneé que le but de ce voyagl' était une disll'ibulion solennelle de eroix
de la U>gion-d'Honnelll' allx bl'ayrs f!ui n'avaic:nt pu assister a eelle de;;
lmlllidl's. On )leIlsa généralement toutefois que eelle dislribution n'était
fju'un jlrétl'xtc:, d qlle i\apoléon avuit surtout en yue la rl'alisation 1111
[ll'Ojel fmori (¡U'OU lui supposait, ulle deseen te en Augleterl'e,


Les trolll)('s (:ellelonnét>s sur la e"lte s'éteudaient depuis Í~taples jllsqu'ú
Oslen(lL>. Davoust eOllul1antlait U Dunkerque; i\ey, il Calais; Oudillot, a
Saint-Omel'; lUal'lllOnt , sur les fl'Olllil'res dc la Hollunde , et SOlllt , au
eamp général de BOllloglle,


A son illTivée dan s ('elle del'!IÍere \ille, I'empereur trollva ¡'armée
pleine d'anlelll' et d'enthollsiasnw, Soldats et gélléJ'aux s(' cl'Oyaient U la
v('iIle d(' passel'le d¡'-ll'Oit, el I'olln'élait pas non plus sans iuquiétudl' au
(leli! riela .\Jauclln, Cinq emts miles, cOlllmandées par l'amiral Yel'illwl,
semhlail'llt n'aUeIldl'e que le signnl de se dil'igel' \'CI'S les porls de la




2GS IlISTOIRE


Grandr-llretaglle. :\apoléon seul avait le seel'et de la destínatioll éveIi-
tu elle de ces camps fOl'midables. Tout (~n mella~a[lt réellement l' Angle-
terre, il voyait se former de llouveallX orages sur le continent; et, quand
íI paraissait absol'bé par les préparatifs írnrnenses d'llne expéllilion
maritime, c'était alors qu'íl se préparait le plus activement prut-etre
o la guerre continenlale , donl il apercevait dans le lointain l'il1é\ Hahle
explosiono


Qllatre-vingt mille hommes des camps de Boulogne et de ~rontI'euil s('
l'élll1irent sous les (mires du maréchal Soult , dans une \ aste plaine , el
non loin de la Tour de César, L'emperrnr pamt au milien (\\'ux, entou\'(;


d'lln état-major qlli se composait des plus illusll'es capilaines de c:dlp
grande époque. 11 se pla/{a sur une éminenre que la natllre semhlait luí
avoir ménagée il dessein eomme ponl' lui servir de td)!)c ) et la , d'Ulll'
voix forte, il répéta l'alloeution qu'il avait adressée allX légionnairrs it In




DE ~APOdO\.
cérémonie des Invalides. Su purole ne fut pas moins puissunte u Boulo-
gne qu'a Pu!'is; elle excita des trunsports unü·eJ'seIs , et la satisfac-
tion qu'il en éprouva fut si vive, que l'un de ses aides de cump, le
géuéral Rapp, a dedan\ depuis qll'il n'avait jamais vu NapoJéoIl si
contcnt.


Cette belle joumee de la Tom' d'Ol'dre fut néanmoins tl'oublée vel's le
SOÜ' pUl' un ol'uge qui lit cl'uindl'e un instant ponr une partie de la Ilot-


',<.


tille. L't'mpel'eul', avcrti aussitol, s'cmpressa d'accollrir duns le port
pour ordounel' des llleSUl'eS el présidel' a leur exécutioll. Mais a son aJ'-
rivép la tempete cessa, COlUllle si les éléments eussent subi allssi l'asccll-
daul dI! grand homme et la faseination irrésislible de son regal'll. La flot-
tille rentra ¡nlnde dalls le port , et NapoleoIl retourna au camp, Oll les
ll'Oupes se liuerellt bienlul aux di\el'tissements et aux jellx. La rete se




2¡O IlISTUIHE


tcrmina pUl' un fen d'al'tifice tiré sur la cote, el dont les jets IUlllillClI\
furent apel'9us des cotes me mes d' Angleterl'e.


Pendant le séjoUI' de :\apoléon an camp de Bouloglle , deux lIlatdo!s
anglais, prisonniers an dépót de YerdulI, s' éclwpperellt el panin t'enl j us-
qu'tl Bonlogne, oi! ils se fi['cnl un petit huteau, sans nutre oulil que leurs
conteanx, arec quclques lllorcenux de hois qu'ils njusLCrent le IlloillS mal
qu'ils purent, ponr tenter de passer en Angletcrre SUI' c0tte fre1e har-
qne, fJll'Ull seul hOllllne pouvait aisémcnt porter SUI' son dos. Leur tJ'[l-
vail Hni, les del!:\. matclots se miren! eu mer, et essayt\rent de gagnel' une
f1'égate anglaise flui croisait ¡¡la vue des cútes. lis étaiellt ti peill(' partís
que les donaniel's les ape1'9urenL Saisis bientót et ramet)(;s nll port, ib
furent menés deyanll'empereUl', qui avait demandé a les yoír, ainsi (Iue
le nI' petit bútimenl, sur le bruit qu'avnit fnit dans tont le catllp 1eur au-
daCÍensc tentntire. ce Est-i1 bien \rai, leul' demanda l'empel'eur, que vous
ayez SO!lg('~ a tl'tlvcl'sel' la mer uyec cela? -- Ah! sire) lui dil'ent-ils J si
'OlIS eH doutez, donnez-nous la pm'mission J et vous al/ez )lOUS "oÍ!' par-
tir. - Je le venx bien; vous des des homll1es hardis, (~ntl'eJlI'cllmlts;


i'admit'(~ lü eOllrug(> pnl'lollt oll íl se trOll\'e, mais je!le H'IlX pas (\LH' vous
pxposicz volre vít,: \OLlS etes libres: hien plus, je vais vous fai!'e ronrluil'c




DE !\APOLÉO\. 271
il hol'tl d'ull btltinwnt anglais. Vous il'\'z dil'e a Londres (1 11011 e estime j'ai
pour les b"ares, meme qUHllll i1s f'ont mes ennell1is. )) Ces deux hommes,
qu'oll mll'ail fll~illt·~ e0Il1111C cspiolls si l'empereur nc les eut fail wnir de-
van! 'lui , lI'ohtiJll'ent pas seuJcment lem' liberlé; :\apoléoll lelll' donna
ó1l1ssi plllSiclIl's pieees d'or. 11 s'est plu depuis il racontel' ce fait a ses
(,ollJpagllons d"exil il. Sainte-I1élene.


L'empcl'cur, aHlIls-nous dit , s"atlelldait Ú ulle gllelTe plus ou moios
pl'ochaine sur le continC'nt. TI savalt que si la diploll1atie monarchique
(le l'Elll'Ope avaH modillé son lallgage et ses prétentions SOllS le poids de
nos armes vietoriellses 1 elle n'avait pas challgl' ses affections et ses }lI'in-
Cipl'S. D'un jom' ill'alltre 1 les intl'Íglles du cabinet anglais pouvaient en-
t I'ainer les cours de Vienne, de Pétersbollrg 011 de Bel'1in a une nouvelle
coalition contre la France. Les dispositions hostiles de toutes ces eours
daiellt pressentics par quiconque compl'enuit J'illcompntibilité de notre
Illonarchie ré\"OlutiolllHlire tlVl'C la rieille \'Oyau[(~ des mitres états. 31ais
Napoléon connaíssait miplIx cncoI'c, et d'une maniere positire, par ses
agmts diplomatiques, le mall\-ais vouloil' et les lendunees guerrieres des
('abinds autl'ichien, I'Usse et prllssien. Les quah'e-vingl mille hommes
(/u"il avait devant lui au camp de Boulognc devaient Ini servil' pour les
"'renlnalités que ce mauvais Hmloir pouvait amener. l\ voyait la son
11 venir' et celni de la Fl'ancc : aussi ne négligea- t- il ,'ien pOUl' cntl'etenir
et stimuler I'enthousiasme des tmupes. 11 formait des lors avec les dé-
[wis des armées républicaines le noyan des phalanges impél'iales, dont la
Providence avait marqué le passage a ll'avers toutes les capitales de l' Eu-
mpl'. C'étaient toujoUl's les memes soldats, les memes g<"néraux) les
hOl1lmes et l'esprit du dix-huitieme siee\c, les enfants de la révolution. Le
camp de Boulogne fut le berceau de ceUe Grande-Armée ) conquérante
pt pl'opagandiste a la fois) q ui, apres dix années de tr'iomphes inouls)
ll'ou\"a aux champs de Waterloo une tombe creusée par la trahison et la
fatalilé) el IIu'dle illustm pUl' son hél'Olsme, en aimant mieux mourü'
que de se rendre.


Les préparatifs militaires qui occupaient si activement l'empereur ne
l'empechaient pas cependant de donnel' ses soins a I'adininistration civile
de l"empire. II se plaisait au contrail'e ü prouver) non-seulement que son
génie et sa sollicitude embrassaient loutes les branehes du gouvernement,
mais que sa pensée pouvait se porte,' au meme instant, et san s rien per-
fh'e de sa netteté el de sa puissance, sur les objets les plus divel's. C'est


i ____________ _




- -~----- ------- ----------------------------~ ------


272 1I1STOIRE


aillsi qu'au milieu des inspections et des revues du ('mIlI' de Boulogue iI
fonda les prix décennallx par un déeret ainsi eon<;u :


(( NAPOLÉON , empereur des l'ranljais , u tous eeux qlli les présentes
If'ttres verront, salllt :


)) Étant dans I'intention d'eneourager les sciences, les lettres et les
arts, qui conh'ibllent eminemment a l'ilIustration et a la gloire des na-
tion5;


)) Désirant non-seulement que la France COIlSCI've la supel'iol'ité qu'elle
a acquise dans les scieIlces et dan5 les art5, mais encol'e que le sil'cle qui
eommellce l'emporte sur ceux qui l'ont precedé;


)) Voulant allssi connattl'e les hommes qui am'ont le plus participé 11
l'écIat des scieuces, des lettres et des al'ts ;


)) ~ous avous déCl'eté et décl'etons ce qui suit :
)) ART 1. Il Y aum de dix ans en dix ans, le jour anniyersaire dll


-i 8 brumaire, une distribution de gl'ands prix, donlles de notre pro-
pre Illain, dans le lien et avec la solennité qlli seront uIterieurelllenl
régles.


J) 1I. Tous les oUVl'ages de sciences, dl~ littél'ature et d'arts, toutes les
inventions utiles, tous les établissemenls consaerl's 1l\lX pJ'()grl's de l'agri-
culture ou de l'indllsLI'ie nationale, publiés, connus ou fOrInes dans un
intenalle de dix annees, dont le tenue preeedem d'llll an 1 'époque de
la distribution, concourronl pour le grand prix,


» IlT. La premic'lI'e distl'ibntion des gl'llnds prix se ft.'ra le -i 8 bl'Ul11airc
an XVIII; et, conformément aux dispositions de l'arliclc précédcnt) le
concoUl's comprendra tous les ouvrages, inventions 011 établissements
publies ou connus depuis I'intervallc du ~ 8 Lrumairc de l'an VII au ~ 8
brumaire de l'an XVII.


) IV, Ces grands prix seront les uns de la valeur de 10,000 fl'anes,
les autres de la valeur de 5,000 franes.


») V. Les gl'ands prix de la valeuI' de ~ 0,000 francs sCl'onl au nombre
de nenf, et dCcel'l1és :


» 10 AllX auteurs des deux meilleurs ouvrages de scienee : I'un pOli\'
les seieuces physiqlles, I'autre pour les sciences mathématiques;


» 2° A l'auteur de la meilleure histoil'e on dn meillenJ' mOl'ceau (\'his-
I toire, soit anciennc) soil moderne;
I ) 50 A l'inventeur de la machine la plus utile aux arts et aux manu-


I 1 __ '_'aC_l_" •. es, ____________________________________ _




I


D E ;'\ A P O L1~ () '1/ _
)) 40 Au fondateur de l'Nablissement le plus avanlagcux il l'agl'Ícul-


turc ou ti l"industrie naliouale ;
» 5° A I'auteur du meilleur ouvrage drama tique , soít comédie, soit


h'agédic, rcpl'ésenté sur les tbéfltl'es fran~ais;
» 6° Aux allteurs des deux mcillellrs ouvrages, l'un de peintllre, l'al1-


trI' de sculpture, reprt'scntant des actions d -éelat ou des éyéncments mé-
mOl'ables puises dans uotl'e histoire;


)) 7° Au compositelll' du meilleul' opéra representé sur le theiHl'e dp
l'Académie impériale de musiquc.


)) VI. Les grands prix de la yaleur de;) ,000 fl'anes seront au lIom-
Iwe de tl'eize, et décernes :


)) ~o Aux traductcurs dc dix manuscrils dc la bibliothcqne impél'ialc
ou des autres bibliotheques de Paris, ecrits en langues anciennes ou en
langues orientales, les plus utiles, soit aux sciences, soit a l'hisloire, soit
nux belles-lctlres, soit nnx arts;


)) 2° Aux autellrs des tl'ois meilleurs petits poemes aynnt pour sujetdes
éVl'nemcnts mémorubles de notre hisloire, ou des actions honOl'ahles
pOUI' le caractere fran~ais.


)) VII. Ces prix seront déeernés sur le rapport et la proposilion d 'un
jury composé des quatre secrétaires perpétuels des qunÍt'e elusses dc
l'Institut, et des quatre présidents en fonctions duns I'année qui précédel'a
celle de la distribution. ))


Tandis que rEmope eroyuit N upoléon pret a fondre sur l' Angletcrre,
Bruxelles le vit tout a coup paraitre dans ses murs. 11 y avait donné
rendez-vous a Joséphine, et i1s se rencontl'erent en effrt au ch¡Hcau-
de Laken, qui avait été magnifiqueruent disposé pour les recevoil'.
C'est la qu'il propos d'un roman de madame de Stael, J.\"apoléon pro~
non~a sur eette femme célebre les paroles remal'quables qn'on va lire,
et qui peuvent servil' il explique\' la position hostile que prit dans la
suite Pauteur de COl'inne ,is-a -vis de l'empereur: (( .Te n'aimc pas
plus, dit-il, les femmcs qui se font hommes que les hommes effémi-
nes. Chacun son role dans ce monde. Qu'est-ce qne c'esL que ce va-
gabondage d'imngination? qu'en reste-t-il? Bien. Tont cela, <,'est de
la métaphysique de sentiment, du désordre d'esprit. .Te ne peux pas
souffrir eeHe femme-Ia; d'abord, parec que je n'aime pas les femmes
qui se jeltent a ma tete, et Dien sait enrubien elle m 'a fait de ciljo-


l~ri~_S~)_
~--


------ ------- -----~---------~




27~ IIISTOIHE


L'éloigllemenl que ~apoléon avait toujOUl'S épl'Ouvé pour madame
de StaCl, « deycnue une chaude ennemie pour s'ett'e vue trop rcbutée, )
selon les expl'essions du JJémoriat, ['ond iei le grand homme injuste en-
vers les femmes en genéral, paree qu 'il avail a se plaindre 11adieuliere-
ment de ¡'une d'elIes. Son jugement, toujours si sur et si droit, fut
d'ai1lcurs tellcmcnt faussé a cet égard par ses rancunes et ses habitu-
des, qu'il n'était pas revenu, a Sainte-Hélene, de sa maniere d'envisa-
gel' les rapports moraux des sexes, et qu'il persistait a dire que « la
femll1e n'était bonne 'lu'a faire des enfants. « Vous prétendriez a l'é-
galité? disaÍt-íl en présence de ll1esdames Bertrand et de l\Iontholon;
mais e'est folie! la femme est notre propriété, nous ne sommes pas la
sienne. ))


Le séjour de l'empereur a Laken ne fut pas de longue dUl'ée. II quitta
eelle belle résidenee pour se rendre a Aix-Ia-Chapelle, Ol! il s'arreta
quelques joUl'S, retenll on quelque sorte par une sympathie myslérieusc
pour la capitale et la tombe du eonquérant-législateur dont, arres mille
ans, il relevail ¡'cmpire, et qui, coml11e lui, avait re~u du ciella l11ission
de civiliser l'Europe par la double puissance de son génie ct de ses
armes.


De la ville de Charlel11agne, dont il voulut rapporter les insignes 11
París, Napoléon s'achemina vers Mayence, travel'sant Cologne el Co-
blentz. Les princesde l'empire coururent au-devant de lui, el il profita
de leur empressement pour jetet' les fondements de la Confédé['atioIl du
Rhio, doot il pensait des lors 11 faire une barriere pour la France eontl'e
les gl'andes puissaoees du Nord.


l\Iais les hommages sínccl'es ou simulés des princes el les sul'fr'ages
du peuplo He suffisaient pas encore au glorieux restaurateur de l'empire
de Charlemagne. Le héros civilisateur du moyen age avait fail eonsa-
crer son pouvoir par la religion; et Napoléon, peu soucÍeux de la diffé-
['enee des temps, voulait entourer son trone de tous les appllis donl avail
été environné le trone de Charlemagne. Pour que la ressell1blance fUt
meme complete autant qlle possible, il dé sira l'onction pontificale , et il
expédia dans ce but, de l\Iayence aRome, un négociateur, Cafarelli,
pour décider Pie VII a venir sacrer l'empet'eur des Fran~ais 11 Paris.
Pendant que eeUe négoeiation se poul'suivait , Napoléon ordonnait, des
hords du Hhin, le départ de deux ese adres , rune de Rocheforl et l'autre
de TOlllon, f'OllS le rommandement des amiraux l\Jissiessy el Villeneuve.




-------- !


VE l\APOLÉOl\. 275
11 semLlait aiosi toujours préoccupé d'expéditions mal'itimcs. Apres
tl'ois mois d'abscnce, ill'cprit le chemin de Sil capitale et arriva il Saint
Cloud V(,I'S le milieu rI'ado})!'p.




I~-
--------------


---------- ---------


eH A.PITRE X VJ I.


COllvucatiulI du COI'!,' [¡'sislalir, Vél'ificatioll des votes l'upulaircs, Arrivée du pape Pie \'11
en Frallce, Couronnemellt dc l'eml'el'eUI'.


'ÉPOQUE du COUI'Onnement appl'oehail.
Cafarelli mandait de Rome que sa mil;-
sion a"ait réussi. J\"apoléon aUait s'as-


sur le tróne des fils ainés de l'É-
avee l'assentirnent solenncl el
les auspiees memes du chef in-


faillible de I'Église, Mais allX pompes
de la religion devait se joindl'e aussi le faste des représentations poli-
tiques. Le sénat, le trilmnat et le conseil d'état pOllvaient étre considérés
eomme en état de pcrmanence; le corps législalif seul avait besoin d'élrc
convoqué longtemps d'avance, et il le fut par un décl'ct dul7 oclobre.


--i




~-~----~ - ----- -- -


I i HISTOIRE DE
I


I


l\ Al'OLÉON. 277
Les membres du sénat avaient déja preté un serment individuel a


l'emperem', et le président de ce corps, Fran~ois de Neufch8.teau, avait
meme prononcé un discours ou Pon remarquait la phrase suivante :


« Sil'e, dans un avenir reculé, quand les enfants de nos enfants vien-
dront dans le meme appareil reconnaitre comme empereur celui de vos
petits-cnfants ou de vos arriere-neveux qui devra recevoir leur serment
de fidelité, pour luí peindre les sentiments, les VffiUX et les besoins du
l)euple, pour luí tracer tous ses devoirs, on n'aura qu'un mota lui dire:
« Vous vous appelez BONAPARTE; vous etes Phomme de la France: prinee,
souvenez-vous du GRAND NAPOLÉON. »


Lorsque les votes du peuple sur le sénatus-consulte du 28 f10réal an XII
eurent été recueillis, et que la commission spéciale du recensement, dont
Rmderer fut l'organe, eut constaté que « trois millions cinq cent soíxante
et douze mille tmis cent víngl-neuf citoyens» avaient déclaré vouloir
l'héródité de la dignité impériale dans la descendance directe, naturelle,
légitime et adoptiye de Napoleon Bonaparte, et dans la descendance na-
turelle et légitime de Joseph Bonaparte et de Louis Bonaparte, ce ful en-
core Fran~ois de Neufchiiteau qui fut eharge de féliciter Napoléon sur
le nonveau témoignage de confianee et de gratitude que venait de lui don-
ner le peuple f['¡m.,;ais. Au milieu des efforls d'adulation et des flagorne-
ries aeadémiques qui deyaient composer nécessairement le discours offi-
ciel du président du senat, et qui étaicnt du moins excusables en face
d'UD homme tel que Napoléon , l'orateur sut marquer la distinctioD es-
sentielle qu'il faHait étaLlir entre la monarehie impériale et l'ancienne
royauté, et qui n'était pas autre que celle qui existait entre la révolution
elle-meme et Pan cien régime, puísque, sans cela, le vote ['écent du peu-
pie fl'an~ais aurait été inexplicable. « Le titre d'empereur) dit-il, a tou-
jours rappelé , non eeHe royauté devant laquelle s'humilient et se pro-
sternent des sujcts, mais I'idee grande et libérale d'un premier magistrat
commandant au nom de la loi, a laquelle des citoyens s'honorent
d'obéir. »


Napoléon l'epondit :
« le monte au trone ou m 'ont appelé les VffiUX uIlanimes du sénat, du


peuplc el de l'armee , le cccur' plein du sentiment des gl'andes destinees
de ce peuple, que du milieu des camps fai le premier salué du Hom de
GRAND.


») Df'puis mOIl adolcscence, mes pensees tOllt entiel'es lui sonl dévo-
1


I __ ~_~_-_._--_. __ ._- _ .. __ -____ _ _ ___ 1




27S HISTOIRE


l ues ; et je dois le dü'e ici) mes plaisirs et mes peines ne se composent plus
aujom'd'hui que du bonheur ou du malheur de mon peuple.


» 1\'Jes descendants conserveront longtemps ce trone, le premim' de
I'univers.


» Dans les camps, ils seront les premiers soldats de I'armée, sacri-
Hant leur vie pour la défense de leur pays.


» l\fagistrats, ils ne perdront jamais de vue que le mépl'is des lois el
l'ébranlement de I'ordre social ne sont que le résnltat de la faiblesse el
de l'incertitude des princes.


J) Vous, sénuteurs, dont les conscils et I'appui ne m'ont jamais man-
qué dan s les circonstanees les plus difficiles, votre esprit se transmettra
a vos suecesseurs; soyez toujours les sontiens et les premiers eonseillers
de ce trone, si nécessuire au bonhenr de ce vaste empire. »


On était a la veille du sacre. Pie VII, partí de Rome an commence-
ment de novembre, arriva a Fontainebleau le 25. Nupoléon, qni avail
ménagé une partie de chasse ponr se trouver sur son passage, fut a su
renconh'e sur la muto de Nemonrs. Des qu'i1 I'aperc;ut. il mit pied 11


ten'e: le poutife en l1t autant, et apres s'etre emhrassés, ils l110ntól'ent
dans la meme voitm'e, el se rendirent au palais impérial de Fontainc-


---------------




DE N APOLÉON. 279
bleau, qui avait été remeublé a neuf avec une gl'ande magnificence.
L'empereuI' el le pape eurent plusieurs eonférences dans cette demeuI'e
l"Oyale; ils en partiI'ent le 28 , et firent ce jour-la me me leuI' entl'ée a
Paris.


Le sacre était fixé au 2 décemb¡·e. l\1ais on avait hésilé d'abord sur le
choix du lieu. Les uns avaient parlé du Champ-de-l\1at's, les autres) de
réglise des] nvalides ; N apoléon préféra l\' otre-Dame. Le Champ-de-:Ual's
était trop pleiu des souvonirs révolutionnaires pour conveniI' a une céré-
monie dans laquelle la révolution, faisant oublier ses débuts orageux, sa
haine primitivo pour les rois et les pretres, devait chereher a justifier
son tI'Uvestissement monurehiquc, et montrer a l'Europe qu'elle pou-
vait se eoncilier avec l'unité du pouvoir et l'exercice de la religion. <}'au-
raH été un contre-sens de répéter en ~ 804 ce qu' on avail fait en 4790.
l\lais si Pie VlI avait trop le sentiment de sa dignité pour se preter a un
at'rangement qui n' aurait plus fait de lui que le parodiste de Talleyrand ,
Napoléon avait aussi le tact trop délicat et trop sur pour rien exiger de
semblable. « On a songé an Champ-de-l.\'Iars, dit-il, par réminiseence de
la fédération; mais les temps sont bien changés ... On a parlé de célé-
brer la eérémonie dans l'église des Invalides, a cause des souvenirs gller-
riers qui s'y rattachent; mais celle de Notre-Dame vaudra mieux : elle
est plus vaste, elle a aussi ses souvenirs (lui parlent davantage a I'imagi-


,nation; elle donnem a la solennité un caradere plus auguste ... » (PELET
DE LA LozimE.)


Au jour marqué, Píe VlI se rendít done a Notre-Dame, suiví d'un
clCl'gé nomhI'eux, el pl'écédé, selon l'usage romain, d'une mule qui tit
beaueoup rire les Parisiens, ce qui nuisit pendant quelques instants a la
gravité de la marche du eortége pontifical. L'empereur vint apres le
pape. Jamais prince n 'avait été entoUl'é d'un eortége aussi imposant ni
allssi pompellx. Toutes les illllstrations militaires et civiles étaient la.
L'écIat de la gloire personnelle s'y melait a celui des rangs et des digni-
lés. Le faste des insignes el des costumes, le luxe des voitures et des che-.
vaux, la richesse des livrées, l'affluenee des spectateurs venus de toutes
les parties de l'empire, toul contI'ibuait a faire de eette solennité un spee-
lucIe inOlll <le magniucenee et de grandellr. La nation était représentée
iJ l'.'otre-Dame l)ar les présidcnts de cantons , les présidents des colléges ,
électoraux , les députés des différentes administrations et de l'armée, le I
eorps légíslatíf et les autres grunds corps de rétat. Le pape officia. Quant
~-t"""', =~~--~~~_ .. _-_ ... _--~=~---~ ....==- ¡¡'/ .~~~j;~
~, ..




,~--------- -~


280 HISTOIRE


a l'empereur, en se présentant a I 'aute], il n 'aUendit pas que le pontife le
eouronn3t; mais, prenant lui-meme la eouronne des mains du pape, il se
la posa sur la tete, ct couronna ensuite l'impératricc.


Le lendemain de ceUe grande solennité, il Y eut au Champ-de-Mars
une revue suivie de la distribution des aigles impériales aux différents
corps de l'armée. L'cmpereur, placé sur un trone qu'on lui avait éJevé
pres de l'École-Militaire, tit eeHe distriblltion en pcrsonne. A un signal
donné, les troupes s'ébranlerent et s'approcherent de lui. « Soldats, lenr
dit-il, voila vos drapeaux; ces aigles vous· serviront toujours de point de
ralliement : elles seront partout on votre empercur les jugera nécessail'es


1 __ POU:'_I~ défense de_~on tr~ne~e~~ son pellPle~~~ _ _ _ ~_. __ ~ __ .




---~ .... _----_._- _ .. - --_.-._-_.


PE \APOU:O\_ 2S1


1) VOUS jurez dL' sacI'¡üel' votre Vil' pour les défc[l{h'e, el dp les mailllc-
nj¡' conslalllment pnr \'oÍl'c rOlll'ngc sur le chemin de I'hOIIDeUI' d rlt' In
vidoire. ))


Les soldats l'cpondircnt pnr- d'ullnninws aee!amations : " "OI1S le
jlll'ons! JI


Le scnnl el la yiHe de Paris voulurenl ensuile consacrer l'époque dl1
('ouronnement pnr des fetes qll'ils donncrent a l' f'mpereur et 11 l'impél'n-
tric('. Le cons('il lllllnil'ipnl de In eapitale présenta melle 11 celte occasion
une arlr('ssp de félieitations a l'empereur, qui lui fil la réponse suivant(' :


" :Uessi('urs du corps Illunil'ipal) je sllis yonu :}u milit'u de vous pOll!'
donner ú ma bonne yillo de Paris l'asslll'ance de ma pl'otection spccilM.
Dans toutes les cil'constnnccs je mo ferai 1m plaisir et un dovoir de lui
donnel' des prrun's partiellliercs de mn j¡iellYf>illnne(' : ear je WllX qu(' i
YOllS sachiez que c!nns les bataillcs) dans lt's plus gramls pél'ils, sur les i


.--._.--~_=~ .. _._ _ ___ ~~--~=_J
56




282 IIISTOIRE DE \:\I'OLI~W\.
mers) au miliru des déserls meme, j'ai PU toujolll's en vue J'opinion de
celte grande capitale de l' Europe, apres tOlltefois le suffrage , tout-puis-
sant sur mon cmUl', de la postél'ité. 1)


Pic VII était resté a Paris pendant toutes ces fetes. ]\ n 'était venu en
France que dans l'espoir de raire senil' sa condescendallce ) non smJ1e-
llIcnt aux intércts de la religion) mais encore n ceux de sa souvC!'uineté
temporelle. II était donc naturel qu'iJ prolollgeat son séjour aupres de
Napoléon aussi longlemps qu'ille jugerait nécessaire i:t la réalisation des
espérances qu'il avait con~lIes. Nons verrons plns tard si ces esperances
élaient fondees, et si l'emperenr, tout en pl'odigllant all pontife romain
les mal'qlles de respect el les t(,moigllages de gmtitude' POlll' l' ollction
saillte qu"il en m-ait re~lIc, cut jamais ¡'itk'e de sacrilll'I' ti sa 1'l'coJlnaissaIlC('
les principes ellcs inU'rCls (\('Ia politiCJu{' rrnll(;ni~(' rIl ltalí('_


------- ----~ ----~




;1
1


1
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¡,.,'
1,1'1


1:II\PITBE \VIII.


:"ti':-.~I(HI (~II ("I~rp:-. l('¡.!,i:-.lallt. !1I;¡II~Llrdll01L dI' \a ~1¡\I1Le dt, .\apo}¡-\oIL I.cltn' dl' 1'('mpt'I'!'111
:!II rOl d'.\lIglt'lI'I'l'l', H"'POIISI' de lord '11I1~["iI\'e.


" J


COIllIHUlli('alion dll s{;nat


I~GT-CINQ jOlll'S apl'cs le eOlll'OIllIl'''
; =mcllt, l'empereul' tit l'ollvertllre dc la


l' , -S('SSiOll du COl'PS légü3latjf. « PriJ1(~es ,


"idenee l'l la \'OloIlté de la


, magistrats, soldats, eitoyens, dit-il ,
i¡nous n 'avons tous dans notre car-
riere qll'un seul but : l'intéret de la
patrie, Si ce trtme, sUl'leqnella Pro-


nalion 111'ont rait montel' esl chel' ti mes
yeux, c'est piIl'ce que senl il l)Pul défendre et conservel' les intérets les
plus sacl'és du peuple franc;ais,


,) La faiblesse dn pOllvoir sUlweme est la plus affl'cuse calamité des
pellples, Soldat ou premier consul, je n'ai ell qu'une pensée; empercur,
je n 'en ni point Il'anh'es : les prospérités de la Franec, J 'ni été nssez
heurellx pour l'illustr('l' par des virloires, pour la consolider par des




----_.-----


1------·- ------------ -- -----------1


284 lIlSTul H ¡.:


traités, pum J'aITacher aux discordes civiles, el Y prépllrel' la l'enais-
sanee des mreurs, de la suciété et de III l'eli¡,riun. Si la mort ne me 8ur-
prend pllS au milieu de mes lravaux, fesp¡'ll'c laisser iJ. la postérité un
souvenir qui serve u jamais d'excmple ou de reproche 11 mes sllcces-
seurs.


» lUon ministre de l'intérieul' vous fera l'exposé de la situation de
l'empire. ))
~1. de Champllgny remplit en effet eette tuehe brillante et facile. JI


peignit le calme, la gl'andem' et la prospérité de la Franee, apres tant
de tourmentes; les pr6trcs et les pasteurs dcs euItes divers réunis dans
nn meme amour de la patrie, dans une mlmil'atioll eommune pou!'
Napoléon; la législation nouvelle eélébrée partout comme un bienfait;
les écoles de droit pretes a s'ouvrir; l'école Polytechnique pcuplant
de sujets uliIes nos arsenaux, nos ports et nos ateliers; féeole des
Al'ts et l\létiers de Compiegne obtenant tous les jours de nomeaux
succes; le génie J'rangais provoqué a enfanter des chefs-d'omvre dalls
toules les branches des scienees, des lettres et des arts, par l'institution
des prix décellnaux ; l'administration des Ponts el Chllussl'es pOIlI'~lIi-


vant llvec COnlilllH'e les OH\ ruges COl1llllellc('s et l'U méditallt de 1l01l-




DE \APOLÉOl'i. :285


\caux; une viJlc nouvelle s'élevnnt dans la Vendée (Napoléon-Vendée),
pour y devenir un foyer de lumieres, le centre d 'une surveillanee nc-
tive et sure; le eommm'ce I'npllelé sur In rive gauche du Rhin par les
décrets de l'empereur, et dünnnnt i.t Ylnyence et a Cologne tous les
avanlages des enll'epols récls, sans les dangers des versemenls fl'UU-
duleux dnns rintét'ieul' de la Frnnce; nos manufactul'es se perfec-
tionnnnt; notre industrie étendnnt ses racines SUt' notre propre sol,
et repoussnnt !'industrie nnglaise loin de nos frontieres, apres etre
parvenue u l'égnler dnns ce qui faisnit sa gloire et ses succcs, la per-
fection de ses mnehines; l'agl'ieulture s'agrandissant et s'éclairant;
entill les richesses véritnbles se multipliaut sur 10us les points de
l'empil'e. A la suile de ce tableau, le ministre constata que le nom-
bre des indigents de la capitale était de trente-deux mille au - des-
sous de ce (IU'il était en 9~ , et de vingt-cinc] mille de ce qu'il était en
l'an x.


Le tableau de notre situntion eolonialc élnit moins prospcre, i.t ennse
de In guerre maritime. Quant a nos relations diplomatiques mee lL's
puissanees du continent, clles étnient extérieul'cment mnicales; mais,
1l0US le r'épétons, ce n 'était qu'une fausse paix qui couvnit toujOUl'S In
guerreo


En réponse u ceUe eommunication, le eorps législntif se rendit en
corps el engrnnd costume, le 2 jnnvier ~80;), a l'nudience de I'empe-
rcur, pom'lui pr'ésl'nter une ndresse, dans laquelle le président, 1\1. de
Fontnnes, glissn, malgré les I11m'mures de la mnjorité de ses eollegues,
J'aneienne formule de « tres-tidNes sujets. » Quclques jours npres, la
statue de Nnpoléon, exéeutée pnr Chaudet, fut inaugUl'ée dans le lieu
des séances des députés; et 1\1. de Vaublane, questeur de ce corps,
portant la pnrole dalls ceHe cérémonie, en présellce de l'empereur, de
J'impératrice et des gmnds personnages de l'empire, eommen~a ainsi
I'éloge historique de son héros :


« l\'1essieUl's J vous nvez signnIe l'achevement du Code civil par un
aete d'admiration el de reconnnissnnce. Vous arez décerné une stalue
au prince mustre don! la vololllé ferllle et constante a fait nchevet' ce
gr'and ouvrnge, en meme temps que sa vnste intelligenee a répnndu
la plus vire IUlllicre sur eeUe noble partie des institutiolls humnines.
Pl'cmiet' consul nlo1's, empel'eLll' des Fran~ais aujourd'hui, iI parait
dans le temple df's lois In tete ol'l1ée df' cette couronne tl'iomphnlc


I ______ ~~ _________ ~.~ __ ~ __ ~~ _____ ~ _____________ ----1




2S6 IIISIOII\E


Jont la vidoil'e fa eeillt si WIIVCllt en luí pn'sag('alll le llalldl'au Jes
mis .....


" Si la louangl' COITOlllplll's {lIlWS f'lIbles, dk es!. l'alillll'lIt dl's gl'i1n-
(\('s :l11l('f' .....


), Qncl h0l11lnc , plus qll(' ~apoll>oll, IlH"rilp d(' ~(." ('ollt(,l1lp()J'ains




DE \APOÜO\. 2Ri


rOlllme de Ji! postél'ité, l'honneur supreme que vous lui décerncz
i1ujoUl'd'hlli? .... »


lU. de FOlltanes eut son tour, et la louange ne fut ni moins habile ni
moins magniflque dan s sa bOliche. « La gloire J dit-il J obtient uujour-
d'hui la plus juste récompense, etle pouvoir en meme temps re00itles
plus nobles instl'llctions. Ce n'est point au grand enpituine, ce n'est
point au vainqueur de tant de peuples que ce monument est érigé : le
eorps législutif le consaere au rcstuurateur des lois. Des esclaves trem-
blants, des nations enehainées ne s'humilient point aux pieds de eette
statuc; mnis une nntion généreusc y voit avec plaisir les traits de son
1 ibÓl'atC\ll' .


j) Pórisscnt les lllonuments élevés l)tlr l'orgueil et b llaUerie! mais
que la rcconnnissancc honore toujoul's reux qui sont le prix de l'hé-
l'o"islIle d des hicnfaits. l!


I p corps législatif termina sa session pcu de tr'mps apreso La elotul'e
('11 fut pl'Ononcée par ~I. de Ségut" eonseillel' d'étnt, qui: apres ayoir
I'appell~ daIls son discOlll'S , et SOllS unel10uvelle fOl'llle, les mel'Vcilles
d,i('bl'('('s par' Laeépede, Frnn~ois dp l\"f'ufchateau , Yaublane, Fonta-
IWS, d('. , I'ecollllnanda allX députés les pal'olcs qlW l'emperem' avait
Pl'Ok'l'l'l'S Jui-menw a l'oll\erture de eeUe session ; « Prinees, magis-
t I'n(s, soldats, ritorens. nons n 'anms tous qu 'nn seul hut, rintél'él de
la patrie. "


Mais Napolóoll avait eompl'is que cet intéret demandait avunt tout
IIl1e paix solide et durable, une paix vél'itablement européenne, dont
l' i\1I~lelerrc nI' fút pas exceptée. Oubliant alors le peu de sucees qu'a-
vait obtenll autrefois la letlre .du premier eonslll au roi Georges 111,
il 1'('f1ouyela I comnw empereur, aupres de ce prinee ses tentatives
pacifif(L1Ps. « l\1onsicul' mon frerp, lui éCl'iyil-il (le 2 janvier ~80;-i),
;¡PI)('lt'~ an tl'(lne par la Providence et pal' lcs suffl'uges du sénat, dll
[lollple el de J'armée I Illon prcmiel' sentiment est un vmn de paix. La
Franee el I'Angleterre IIsent leur prospérité, c!les peuvent lutter des
sit'e1es. Mais leurs gOllverncmcuts l'emplissent-ils bien le plus sacré de
Imll's devoirs? el tant de sang vel'sé inutilement) et saIls la perspee-
Uve d' Hucun hul, ne les ueeuse-t-il pas dans leur pro[ll'e conscience?
Je n'aUache pas /le déshonneur ti faire le pl'emil'l' pas; fai assez, je
pense, [lrouvé uu monde que je ne redoute HlleUlle ehanee de la guerre;
elle ne m'offl'e d'ai1leurs rien que je doive l'(·t!out('r. La paix est le




~-----------------,---------


28S IllSTtllH 1:


vmu de mon ccem' J J1lais la guerre n 'a jamais l'lt'· ¡'Olltl'airc il IlW
gloir'e, cte., etc.)


Napoléon ne rc~ut point de réponse ¡Iirerte) le roi el'AngldclTe ~('
contenta de faire écril'e par lord l\Illlgrave n )1. de TalleYl'1111d une Id.-
tre fort vague, que l'empereur fit mcttre SOIlS les yeux dn sénat mce
une copie de eelle qu'il avait adrcssée lni-meme ~I Georges 1 n. (1 Sa
majesté, disait lord l\Iulgraye, a re~l1 la lettl'e qui lui a ¡'>te adl't'ssf>e
par le CHEF elu gouvernement fl'angais.


)) l\ n'y a aucun ohjet que sa majeste ait plus iI C(I'lI\' q u(' de saisir la
pl'cmiere oeeasion de procurer de nouveau iI ses sujets les uyantaf:cs
el'une paix fondée sur des hases quí ne soient pas incompatibles ayee la
slirete permanente et les intérCts essentieJs de ses états. Sa maj('sté est
persuadée que ce hien ne peut elre atteint que par des ilITangpmeTlts
ql1i puissent en meme trmps pounoir ti la tranqllillite 11 venir de J'Eu-
rope, et pré\'enir le renouvellell1ent eles dangers et des malhel1rs dans
lesque\s elle s'est trouvée enveloppóe. Conformément ti ce seu/illlcnt, sa
mnjesté sent qu'illui est impossihle de répondl'e plus padiculi¿'l'rllwnl
1I1'ouyertllre qui lui a été faite, jllsqll'il ce qu'clle ait rll le IPmps de
eommuniquer avee les puissances du cOlltínent, rt\ue kSfjllelles (>lle :"i'
trouve engagee par des liaisons et des I'apports eonfidpnticls , et padi-
ellW~rement avec l'emperellr de Russie, qlli a donné les prellrPs les
plus forles de la sagesse et de l'élévatíon des scntimen!s dont il esl
animé, et du vir intérCt qu'il prend 11 In súreté et 11 l'indépendanc(' de
l'Europe. 11


l\1algré les efforts du diplomate anglais pour ne rien di!'e de p"('cis
sur les vérilahies dispositions du cahinet de Londres 11 I'egard de la
France, la réponse qll'on vient de Üre indiflllait. assez qu'rllrs n'l-taiellt
point pacifiques. Que signifiait en erre! cc l'efus affecft'~ l\t> donner it Xapo-
lóon le titre que le peuple fl'Un~ais vpnait de lui Mecme!', qnr le papl'
nvait consaeré, que toute rEul'Ope continentale et lH'inciel'e fll'ait I'i'-
connn? QlIels étaient en~lIíte les nl'J'angemenls inclispensahlrs ü la sú-
,'eté future de l'Europe, et qui étaient sellls cnpables dc prevenir le rr-
nouvellement des malheurs passés? Et ces liaisons confidrntielles mw
lrs puissances dn eontinent, el particulierement aYec rel1lperrur de HlIs-
sie 1 dans que! hut et eontre qui avaicnt -elles ('lé fonllées? TOl1t dans
cette pice!', en apparence si moMrc"e el si inclc"cisr , t1t'-celail el caraeh"-
risait la pcnsee opiniúh'r du rahinrt de Saint-.1amri;, r(,~pl'it dr TIUI'k!'




I


DE l\'APOLÉON. 289
el de PHt, le systeme bien arrete de faire la guerre a la Franee, ouve1'-
tement ou par des intrigues sOllterraines, aussi longtemps que la Franee
ne donnerait pas des garanties de tranquillité a la vieille Europe en
abjurant ses nouvelles doctrines, et en renversant ses nouvelles insti-
tutions pour revenir a I'aneien regime. l\"apoléon le sentit, et donna la
plus grande publieité a eette cor1'espondanee, qui justifiait ses prépa1'a-
lífs, el qui suffit pOUI' vérifier eeHe remarque judieieuse de 1\1. Bignon,
laquelle s'appliquera aux guerres subséquentes, que « la gucl're rontre
l'empereur fut tOlljOUl'S la guel'l'e eontre la révo]lltion. H


-----~-- -------~-- -~---------~-~----~-------,




CH,\PITIIE XIX,


,'j]polt-'oll pl'nrlamp. 1'(li d'lIalif'. ()f'part 11 .... Paris. Séjolll' a Tm'jl), "ollllm,'nl dI' ~Ial'l'[]~o.
Entré!' a 'liJan. Ht;union flf' (;{>nes a la Franrc. N011YP;l1I ".H'I'(',
,r()ya~r f'n fI;1\ir. Rf'tonr pn Franrr.


A comlllunication faite au sénat par 'l'al-
leyranfl, au nom dr rempereur 1 avait
Yerti la Frunce. nésormais N apoléon étail


mesure avrc l'opinion publique contrr
le reprorhe d'avoir Hlulu la continuation


.. , de la guel'l'e maritime, ou d'avoir sus-
f cité la guerre continrntale. si elle wnait


a érlnter.
Pie VI ( élait toujollrs il París. 1l y vit arriver les députés des collé-


ges élerlm'nllx el des ('orps eonstitués (Ir la répllbliquC' itnlÍ<'nne, y('nunl




1IlSTOIHE DE NAPOLÉO~. 291
llletll'e aux llÍeds de I'emperellr le ,cen de leu\' natioll , et jlroclamel'
i\ apoléon mi d' Italie.


lHelzi, viee-président de In républi<lue, fut l'orgatle de la llépulation;
il se présenta, lel7 mal's ·180:), a l'audienee solennellp de l'plllpet'eUr ,
el la, en pl'ésenee du séuat, il pt'OIlOl](;a un diseoUl's qu'il termina par
eette pbrase :


« Sil'e) vous voulutes qUl' la répuulique italipllI1e (~xistat, el elll' a
existé. Vellillez que la 1lI0uarchie italienne soit heurcllse. Pl elle le
sera. ,)


Napoléon répondit :
« .l\otre pl'emiel'e volonté, eneore toute COl1verte du sang et de la


!loussiere des bataiJles, fut la réorganisation de la palt'ie italienne.
l) Vous crLltes alors nécessaire a vos intérCts que nous fllssions le


chd de votre gouverncmellt; et aujounl'hui , persistant dans la meme
pellsée, vous YOlllez que nOllS soyOtlS le premiel' de vos rois : la
sépal'ation des eourOIlues de France et d'Italie, (Iui peut dl'e utile
pOlll' aSSlll'el' l'indépendance de 'os descendants, serait dans ce mo-
lllent J'llllesle a voh'e existence et fl votre tranqllillité, Je la garderai
eelle cOllronne, mais seulement tout le temps que vos illtéréts l'exi-
gel'Ont; el jc verrai arec plaisir arriver le moment ou jc pourrai
la placel' SUI' une plus jeune tele , qlli, ulliméc de mon esprit, eon-
tinue mOIl ouvragc) et soit tOlljOl1l'S pl'ete n sacrifier su peJ'soIllle el
ses illlérels ti la sltl'cté et au honltell!' du pellplc su!' leqlle\ la Provi-
dence) les constitlltiolls du royaul11e et ma volonté l'alll'ont appelé ti
!'éguer. 1)


Ce Il '('lait pas sans une secrete el lll'ofonde inquiétnde que le pape
YOyait se COI'mer le IlOllvcau J'oyaume d'Halie, et l'alltOl'ité dil'ecte de
:\apoléon s'étcndl'p jllsqu'aux portes de Rome, Le voyage de Franee,
détel'lllillé surtoul par des cOllsidól'atiolls temporelles, avait en UIl tout
alltre hut (Iue ce redoutable voisinage. Pie YIl dissimllla cependant son
mécontentement, dn moins dalls ses manifestations extél'ieul'es, puis-
fJu'il consentit a pl'eter ulle J'ois encore son ministere pontifical ti la
famillc impó'iale,


Un second fils H'nait de naih'C' ti Luuis Bonapal'te, el l'empel'eUl'
avail fait déposel' tlans les archives du sénat l'uete de Ilai~sancc du
jCl1l1e prince 1 (lile les eonstitlltions de l'empirc appelaient éventuelle-
ment au tr6ne. Le nomean-nó I'(,\llt le nom de Napoléon-Lollis ; il enl




292 HISTOIHE


I'cmpercOl' POUl' pal'l'ain) el il fut baptisé paf' le pape) le 2." Illars 480:;'
dans le dHlteau de Saint-CloUtL


L'empereur quitta Paris) le 1 er avril) pour se l'endl'c ti :\lilun avee
l'impéJ'atrice. 11 s'arreta trois semaincs a Tllrin, oi! il habita le palais
de Stupinice, surnommé le Saint-Cloud des rois de Sal'daigne. Le pape
vint l'y voir en retournant aRome, et ils eul'C'll! ensemble plusicurs
conférences, dans lesquelles Napoléon ne donna jamais a Pie vn) pas
plus que dans leurs entretiens de Fontainehlcall OH de Paris, le droit
d'altendre, en échange de l'huilc sainlc ,la !11oindrc ccssion dc tel'l'i-
toire.


Le 8 mai, marchan! SOl' :\Iilan, N apoléon vOlllu I visitel' le champ




------------------------------------


------------------------------,


DE NAPOLÉOl\. 295
de bataille de 31arengo. On y avait réuni lous les eorps fran<,;ais qui se
trouvaient dans cctt(~ partie de ntalie. L'empereur les passa en re-
yue, eouvert du coslume el du chapeau (IU'il pOl'tait le jour de cette
grande bataillc. « 011 remal'qua, dit BOUlTiellnc, (Iue les vers, qui
lIe respectent pas plus les habits des gl'unds homllles que leur corps


nprcs leur mort, avaicnt troué son costumc, ce qui ne l'empechn pas
dp s 'en parer. II




:----~---


11--29~ apmeon nese 1'cmil en ,,::::~~) :,: ::1'1"'8 ",ui 'pUM' ,,, p,','",ié,'"
I pierre du monument consacré aux IH'aves qui étaielll morls sur "('
I champ de bataille, ('t il fH le meme jOUl' son ent!'ee ti Milan.
I Les historiens les plus hostiles a Napoléon ont reconnll que ('ette ca-
I pitale lui fit une réception aussi brillante que toutes celles dont il avai!


dé l'objet en Francc, apres Léohell d :\Ial'engo. L'enlhollsiasmc d('~
Italiens était ti son comble.


Napoléon OCCllpa le palais de !\Louza, Oll le ,lemiel' dogc de Gencs )
Durazzo, yint lui demande!' de I'éullil' la l'epublique liglll'ieune a l'em~
pire fran~ais.


i\apoléon l'epondit :
« 1\1. le doge) ll1essieul's les deputés du senal et du peuplr lh>


Genes,
» Les idees libérales allraient pu seu les donller a votre gOll\;erne~


lllcnt la splcndeul' qu'il avait il y a plusieUl's siécles; mais je n 'ai pas
tardé a me cOl1\aincre de I 'impossíbilité oi! vous étiez, seuls, (h~ ríen
faire qui fLit digne de vos peres.


» Tout a changé : les nouveaux principes de la législation des mers
que les Anglais ont adoptés, et obligé la plus grande partie de l'Eul'Ope
a reconnaitre; le droit de blocus qu'ils peuvent étendre aux places non
bloquées, et qui n 'est autre rhose que le droit d'anéantir a leur volonté
le commerre des peuples ; les ravages toujours croissants des Barbares~
ques, toutes ces circonstances ne vous offl'aient qu'un isolement dans
volre indépendance. La postéríté me saura gré de ce que j'aí voulu ren-
(lre libres les mers, et obliger les Barbaresques a ne poillt faire la guerl'e
aux pavillons faibles. Je n'étais animé que par l'intéret et la dignité de
l'homme. Au trnité d'Amiens, I'Angleterrc s'est refusée a coopérel' a ces
idées libérales .....


II OÚ il n 'existe pas d'indépendance mm'itime pou!' un peuple eOll1-
ll1er~ant, naH le besoin de se réunir sous un plus puissant pavilJon. Je
l'éaliserai votre vceu; je vous réunirai a mon grand peuple. »


Cette réunion fut en erret immédiatell1ent exécutée, el le doge de
Genes devinl sénateur fransais.


Le sacre de l\"apoléon comme roí d'ltalie eut lieu le 26 mai, dalls la
cathédrale de Milan. Ce fut le cardinal Cap!'ara, archeveque de cctte
capitale, quí officia. 1I remit l'antique couronne de fer a l'empel'elll',
quí, renouvelant ce qu'i! avail fait au sacre de París, se la posa lui-




I
I


DE \APOÜO\.


memr- ~lll' la I¡\(e I'n s '('crian! : « Dieu me l'a donnél' , gare il. qui la
!ouchp! 1)


)Iais la cout' de Vienne, plus l'fieOl'e que le saint - siége, devait etrl'
jalouse de l'etablissement de la domination fl'angaise en ltalie. C'était un
grief pal'liculieI' qu'elle aHlit a a,jouter anx griefs génél'flUx que les an-
ciennes mOllal'ehil's de l'Eul'ope enh'etenaient avec une persislaJ)('e re-
Iigiellse, pom' les rai!'e raloil' 0n telllps oppnrtull, contl'e le gourerJw-
lIH'lIt rérolllljonnain~ de France. i\apolt'on, qui s'atll'lldait toujours il
I'explosion des Iwinrs I't d¡>s mecontentl'ments que son {'k~vati()n et la
prospérité de I'etllpire ne faisaient que ranimer parmi les "ieu],. ennemi~
de la I'évollltion fl'an~aise, S'nCl'llpa des IOI'S plus que jall1ais de main-
tpnil' et de I'echallffer 10 dévouement et j'enthnusiasme du peuple sou-
mis il. sa pllissanre. 11 pal'coul'ut le I'nyallme d'ltali(' avec JoséphitlC', 1'1
ils excitel'cnt partnut, SUl' lelII' passage, les plus rivf's Ilcdamations. Gl'-
ncs, f'ntre alltl'l'S, donn[l allx illllstl'l'S YoyageuI's une fete superbe.
Ayant de qllittet' )lilan , ~apolron accomplilla promesse qll'il nvnÍt fail!'


I~-




296 HISTorUE DE NAPOLI~ON.
aux Ha1iens ; ¡llem' donna un vice-roi, et porta son choix sur Eugene
Beauharnais. Il institua ensuite l'ordre de la Couronne-dc-Fcl" et orga-
nisa l'universilé de TUI'in.


i\apoléon et Joséphine ayant rcpl'is le ehemin de la France, aITiverent,
le 14 juillet , a Fontainebleau, et se rendirent de la a Paris et il Saint-
CIoud. Mais les eÍl'constances ne perl11cttaicnt pas a l'empercur de jouir
en paix de sn gloire, et il étnit dans sa destinée que sa gl'andeur s'acerut
ílllX dópens de son !'f')los.


i
I---~




CHAPlTRE XX.


Ih'parl ,I!, liapoléolll'0"" le ('amp de lIollloglle. lIa,semb"'menl tlcs Imupes franfai .. " ,\11'
les fl"Onticres ¡jp I"Aulrkhr. Rclour de rempercur á Paris. Rélahliss~mrnl du


ralendrier gr~gorien. La guerre immincnle ave e I'Autrichc. d,'lIoncéc
au srna!, qui or,lonne une levee de quatre·,'ingl mille


hommes. L'empcreur par! ponr I'al'llll'e.
campagne d'Alls!erlitl,


E m01l10nt prévu par l\apoléon appro-
chait; les hostílités occuItes aUaient se


, changor en guerre Ollvertc : rempe-
reu\' quítta dc nouveau sa capitale, au
commencement du mois d'aoút, pom'
se rendro au camp de lloulogno ot
inspecter I'armee échelonnee sur lf's
cotes.


Ce voyagc ne dura qU'lln mois, pellllant lequel 1'00'dl"e de reunil' qua-
tre-Yingt millo hommes sur la fl'Onti(:)I"o ti' Autriche fut donné par I'em-
pCI'ClIJ" ,


Dc l'clour a Paris, N apoléon songea, au milieu de ses preoccllpalions
guerriel'es, a relablir le calendrie!' g!'égorien. C'était une consequenee
nu syslt'me gouvrrncmental qll'il avait adopté, du titr"e qu'il avait pris ;


I




HISTOIHE


rere républíeaine était incompatible avee l'ensemble des institutiollS
monarchiques dont Napoléon s'entourait t1ésormais partout oil pé-
nétrait sa puissancc. Ccpendant la division de l' année at'l'etée pal' la
cOllrenlion nationale avait été basée Slll' drs culeuls scientifiques :
n'importe, ce sera eneore la science qui démontl'el'a la nécl'ssité l!('
revenir au vieux calcndriel', el La Place se chargel'a de restaurer I'!PUVl'U
de Rome. Il est juste de dire toutdois que ce savant sénaleur tit valoir
avant tout, en fareut' du ca1cndl'iel' gl'égol'ien, son universalilé, el
qu 'il jugea nécessaire de dissiper les craintes que le ehangemcnt Pl'oposé
pouyait inspirel' SUl' le rétablissement des anciellnes mrsuJ'('s. l\Iais ce
qu"il faut sul'lout l'etellir, ce sont les pal'oles de l'ol'uteur du gouvemc-
ment, Hegnault de Saint-Jean-d'Angely, eherchant ü ne rail'e considél'el'
que comme t\'Unsitoil'e le pl'Ojet soumis an sénat. « Un jOlll' viendra
saIls doute, dil-il, oú l' EUl'ope , calmée , l'endlle a la paix, a ses con-
ceptions utiles , a ses dudes savantes, sentira le besoin de pel'feclionner
les inslilutions sociules, de rapprocher les pellples en lenr rendant ces
institntions communes, oú elle vOlldl'a marquer une ere Il1t'lHoralM
par une maniere génél'ale el plus parfaite de mesurer le temps.


)1 Alors un nomeau calendriel' pOlliTa se composel' pour l'Eul'Ope
PlItiere, pour I'univers politiqlle el commer~:ant, des délH'is pel'fee-
tionnés de celui auquella France renonce en ce moment afin de ne pílS
s'isoler au milieu de l'Europe. »


L'Eul'ope s'obstinait pourlant ü tenil' la France dans l'isolement, en
dépit du I'établissement de tant d'institntions sUl'années et commllnes anx
anciens états, parce qu'elle voyait tr'es-bien que l'espece de contl'e-révo-
lution opél'ée ti la sllloface de la société fran\aise ne constituait qu'un
dégllisement politique et passager qui laissait ü la révollltioll soriale
toute sa puissance intime, loule sa vil'tualité démocl'atique, Aussi , dix
jOl1l'S arres le sénatl1s-consnlte qui substitllait :e eaIcndriel' de rancien
I'égime a cellli de la république, Nupoléon ful-il obligé d'exposer au sé-
nat la cond uile hostile de l' A utriclte el de la Russie, et d 'annoncel" son
dépad prochain pour I'année. « Sénateurs, dit-il, dans les cil'constan-
ces présenles de I'EUl'ope, j'éprouve le hesoin de nw tl'OllVl?I' al! milien
de vous et de vous faire cOllnaiÍl'c mes sentiments.


» Je vais quitter ma capilale pOUl' lile meltre á la tete de I 'at'tlJ(·(', por-
tel' un pl'ompt secom's 11 mes alliés, et défendl'c les intél'ets I~:s plus
chers de mes peuples.




DE 'iAPOU~U'i.
J) Les \ teU\ des eternels elllwmis du continent sonl accolllplis : la


guerre a c:ommelJe(~ au milieu de l' AlIeulUgne. L' Autriche et la Rllssie
se sonl réunies u l' Angleterre, el Ilolre gent'ralion est elltralnée de IIOU-
"eau dans loules les calamites de la guerreo 11 y a peu de jours, j'espé-
rais eIICOI'l' que la paix ne serait poillt trouhlée; mais rarnH;e alltri-
ehieuue a passL~ I'lnn, lUunich esl el1\ahit~, l'électeur ele BaYÍel'e esl
ehassé de sa capitale'. Tontes mes espérances se sont é"anouies.


1) e'est Ilans cet instant que s,est dévoil¡"e la méehanct~té des ellllelllis
un cOlltiuellt. lis eraignaient eIlCOl'e la manifeslation ele mon \iolcut
amoul' pou!' la paix; i1s cl'aignaiellt que l'Autl'iehe, u raspeel uu gO\ll'fre
flU'ils maient creusé sous ses pas , ne re\inl ü des sentill1~llts de jns-
tice el dl' modération, lis I'out précipitee dans la guerreo Je gl'llIis du
snng fln'il ya en coM(>r u l'Enrope; IlHJis le 110m f .. an~ais en obtiendl'll
un llollveauluslre,


)) Séna[elll's, (1111111(\, de \'o!t·c aVPII, a In yO ix du peuple fl'all~ais [out
cnticl', j'ai placé sur ma [ele la couJ'onlle impél'iale) j'ai r('011 de vous,
de [OllS les citopms, I'engageult'nt de la maintenir pure el salls tHchc,
:\lon ¡¡euplt' m'n dOllné dans tOllh~s les circonslanees des lJl'CU\CS de sa
('ouliauce l'l de sou amoUl', II voleru sous les drapeaux die' son elllpe-
l'eul' el de son armée , qui dUIlS pell de jOlll's UlInmt dépiNé lps froll-
ti¿'res.


)) Mat!;istrats, soldats, eitoyells, tous Yl'Ulellt lllailllenir la palt'ie hOl's
de l'illflllence de l'AlIgleterre, qui, si dIe pl'é\alait, ue nous aeml'dl'l'uit
l)ll 'une paix emironnée d 'ignominie et de honle, el dout les prillcipa-
les conditions seraient l'illcelldie de IlOS flottes , le comblement de nos
pol'ts el l'unéantissement de nOÍl'e industrie,


)) Toutes les lH'omesses que j'ai faites au peuple fl'Ull0ais, je les ai k-
llIlPS. Le ¡¡ellple fl'aIl~ais, a son tour, n 'a pl'is aucun engagelllenl avee
llloi qu'il n'ail surpass(', Duns eette cil'constanee, si importante pOllr sa
gloire el la mieHne, il coutinllel'a de mériter ce nom ele grand peuple
don! je le salllai au milicll dcs ehamps de batnillc,


)) Fl'an~ais, wtl'e cmpereul' [era son devoil', mes soldats feront le
lPlIl', vous fl'rez le \Otre, ))


Le séllat répondit it l'appel de l'empprcUI' en ,otant une lcvél' dP qlla-
!l'e-\ingt mille !Joll1mes ella l'éorganisatiol1 de la ganle nationale. Le
tribuna! youlut aussi faire acte ele zelc el de M\Ouernent. 11 S'eIllpl'eSSa
de porter au pied dll tri'me I'expl'ession des smliments d'indignation




300 HISTOII\E


que lui faisaienl ép,'omel'les démarches hostiles de la llussie et de l'Au-
triche. Les autorités de In cnpitale ne crurent pns non plus devoir gar-
dcr le silence en des conjonctures aussi graves. Le préfet de la Seine )
Frochot, a la tetc du corps municipal, vint présenter a l'empereur les
cIefs de París, comme antique symbole de la soumission el du dévoue-
ment de la cité. « S'il est vrai , comme on le répnnd 1 dit ce mngish'at ,
que l'on en veuille a votl'e pel'sonne , que ron en veuille a l'indépen-
danee de la nation, ti nos libedés, a nos institutions, ordonnez que no-
h'e défense soit Pl'opOl'tionnée a l'intéret d' une lelle cause. OÚ qu'ill'aille
marcher, croyez que tout sera bienlót pl'et a vous suivre, a VOll~ ser-
\"ir, a vou~ venger. ))


Quelquc large parl que ron "euille faiee uux démonsh'utions obligl~es
des grnnds corps de l'état el au camctel'e suspect des harangues offi-
cielles, il est certain que les o\'ateurs dont nous avons jusqu'a préscnt
cité les pal'Oles ne faisaient, apres tout, que yader, sous des fOl'lnes
plus ou moins brillantes, I'exprrssion du sentimcnt national. Ainsi as-
slIré du concoUl's de la France , ~apoléon pm'tit de Pal'is le 2·4 sl'ptelll-


Ill'e, établit son qll:lI'tiel'-génél'al ~I Stl'asbouI'¡:(, el y pl1blia, le 2!), la pl'O-
cIamation suivante, adl'cssée a l'llI'mée :




I


DE \APOÜ:Ui\. :;01


« Soldats!
)) La guelTe de la troisiellle eoalitioll est eommencée. L 'armée all-


tl'ichienne a passé nnn, violé les tl'aités, attaqué et chassé de sa capitale
lIotl'e allié ... VOlls-memes vous avez dti accol\l'il' a marches forcées iJ
la dd'ense tle nos fI'Onlieres. Mais déja vous aYez passé le Hhin : nous
lIe 1I0US arreterons plus que nous n 'arons assuré l'índépendallce dll
corps germanique, seeouru nos alliés, el confondu l'orgueil dcs inJus-
les agressellrs. Nous ne ferons plus de paix sans garantie; notl'e généro-
sité ne trompera plus notre politique.


» Soldats) votre empereur esl au milieu de vous. Vous n'étes que
I'avant-garde du gl'llIld peuple; s 'il est nécessaire) il se leyera tout eu-
lier iJ lIla voix pOllr confondre et dissoudre ceUe nouvelle ligue qu'ont
tissue la haine el rol' de l'Angletel're.


» l\Iais, soldats J nous aurons des marches forcées a faire, des fati-
glles el des pl'ivations de toute espece a endurer; quelques obsta-
eles (IU'OIl I1011S oppose, nous les vaillcl'ons, et nous He prelldrons
de I'epos que HOUS n "ayoHs planté nos aigles sur le terriloÍl'e de nos
(·nnemis.


« NAPOU':O:\. »
L 'elllpel'eUI', arant passé le Bhill iJ Kehl, le ·1 er oclobre , coucha le


mellle jour a Ettclingen, 00 ilregut l' électeur el les princes de Eade, ct
se dirigea ensuite sur LOllisbolll'g, ou illogea dans le palais de l'électeur
de Wul'tembel'g.


Le 6, l'al'mée franliaise entrait en Baviere, apres avoir évité les mon-
lagnes NoÍl'es et la ligne de rivieres parallCles quí se jeUenl dans la yal-
lée du Danube. Les Aulrichiens, qui, apres avoÍl' envahi pendant la paix
les états bavarois, avaient youlu s'avallcer jllsqu'aux débouchés de la
rore! l\oirc pOUl' en disputer le passagc a I'al'lnée fl'anliaisc, se ll'Ouvaienl
déja menacés Slll' leurs derl'ieres.


L'empcreul" adressa, le mellle jour J une prodamatioll aux soldats
bavarois. (1 Je me suis mis a la tete de mon arméc, lem' dit-il, pour dé-
livrel' voll'c patrie des plus injllsLes Oppl"csseul"s ..... En bon allié de '"0-
tre sOllvel'ain, fai été touché des marques d'amoul' que vous lui arez
dOHuées dan s ceUe eirconstallce importante. Je connais votre bl'amllre;
je me fiatte LJu'aprt~s la premiel'c bataille je pOlllTai dire 11 volrc prinee
el a mon pellple que vous eles dignes clf~ combaUl'e dans les rangs de
la (\I'llnrlf' m'mée. ))




502 HISTOIBE


Le IClldcllInin . 1111 IlI'f'mier f'nga¡¡;emeut eul Iiell. Le (Joul 1111 Lecli ,


vainelllellt défmdu par J'eunellli , fut cmporlé par deux cl'nls t1ragoll~
du C(WPS dt~ MUl'a!. Lf' colond Waltiel' chargea a la teLe de ces bl'Uves.


Le 8, le maréchal SOlllt, qui avail M'ja siguall' son débil! dans e('[te
enmpa¡¡;ne par l'occupation de DouU\verth) se porta sur AlIgshourg.


Cependallt Murat , a la tete de t!'Ois divisiollS de ea\alcrie, llHIIIO'll-
\Tait pour eoupcr la I'onte (rUlm ti. Augshourg. Ayant rencontró r('l1-
nemi 11 Wertingen, ill'attaqua vivement, et, sOlltenu par le ll1aréehal
Lannes, qui survint arce la division Ondino!, il for<;tl, apres deux hClI-
res de combal, le COI'pS tlllit'ichien, composé de dOllze balaillons d(~
grenadiers, ti. mettre bas les armes. L 'cmpercUl' YOlllllt apprcndl'e llli-
mr'm1e ce hrillanL fail (l'armes aux [lréfl'ls et llwires (11, la ville de Pal'is,
en lel1l' envoyant les dm[lpaux C't deux piecps de canon pl'is ti. l'elllwmi,
pOUl' etre pla('és a L 'Hotel-de-Ville. La leUre était datée du 10 octuhre,
un quarlicr -gént"ral ti 'Allgsbuurg. Le llHll'éehal Soull était enit'(; la
wille clans cdte dernierc vJlle, an'c les divisio/ls Yantlamme, Saint-lli-
lai¡'e et Legl'and.


L 'empel'eUI', passant les dl'agOl1S en l'enw HeI village de ZlIl1lers)¡all-
sen, se Lit pl'ésentel' le nOlluné 3Ial'entc, qui, an passa¡¡;e dl1 Lech, anlit
sau\ó SOl! capitaine, hicn que cclui-CÍ l' eút fait eassel' peo de joul's HlI-
pal'tlvant de son ~l'[\(h., de sous-offlcie¡'. J\ apoléon tlonna I'aiglp II() In
Légioll-lI'lIonneur 11 el' bI'H\'(), flui répondit: (I.Jp n'ai fnilque Illon de-




DE NAPOLÉOl\. i)()5
\'Oir. ~I()n eapilaine nÚlVait eassé pour qllelques falltrs de disciplilw )
Illllis il sait que j 'ai toUjOlll'S dé bon solda!. ))


LIl conrIuit.e drs dl'agons au combal de Wertiugen u'avalt pas ótémoins
admil'able qn'an pont du Lech. L'empereur se fit done amener un dm-
gon l)Dr rógiment, et lenl' donna, comme a Marente, l'aigle de la Légion-
d'Honneul'. Quand le ehcf-d'escadron Excelmaus, aide de camp de
:\Iul'aL, et qui avait eu deux chevaux tués dans la journée, apporta au
quartier-général les drapeaux pris aux Autrichiens, Napoléon lui dit :
" Jc sais qu'on ne peut pas étl'e plus brare que vous; jc vous Cais officier
de la Légion-d'Honneur. »


Vingt-quatre !temes seulement a¡H'es le combat de Wcrtingen, le
pont de GünzbOlll'g, défendu par l'archiduc Ferdinand en personne, fut
enlcvó a la hal()J)J)~tte pm' un ró¡;illlent (le ;')gC) de la division Malhcr ,
clll C(l!'p~ du maróchall\e). Le eolonel Lacuée, qlli combaUait avec intré-
1)((lit(~ a la teLe de ce régiment, resla sur le ehamp de hataille.


De loutes pal'ls les Autrichiens étaienl en pleine retraite, et l'armée
rl"Ul1~nise, en les pOUl'SlÜ\ant 1 exéeutait de si habilcs mnncelllTes, que
IplII's communieations Maíent presque 101l(es coupéps. (( Une arraire




504 H IST011\E


décisivc va avoi['lieu, disait le cinquieme Bulletin; l'armée autl'ichienne
se h'ouve a peu pl'es dans la meme position que l'armée de Mélas a
Marengo.


« L'empereur était sur le pont du Lech, lorsque le corps d'armée dll
général Marmont a défilé, Il a fait former en cercle chaque régiment,
lui a parlé de la sitllation de l'ennemi, de rimminence d'une grande
bataille, de la confianoe qu'il avait en eux, CeUe harangue avait líen
pendant un temps affreux; iI tombait une neige abondante, et la troupe
avait de la bone jusqu'aux genoux, (OÍ éprouvait un froid excessif. l\fais
les paroles de l'empereur étaient de f1amme ; en I'écoutant, le soldat ou-
bliait ses fatigues et ses privations, el était impatient de vOÍl' arriver
l'hem'e du combat. ))


Des le14 octobre, la capital e de la Baviere fut délivl'éc : le mm'échal
Bel'IladoUe y entra a six heures du matin, apres en avoir chassé le prinre
FCl'dinand, qui laissa buiL cents prisonniers au pouvoir du vainqucul".


Presque en meme temps, une division fran¡;aise, sous les Ol'dl'CS dll
général Dupont, et forte seulemerit de six mille hommes, résistait aYec
succes a la gal'Ilison d'Ulm, composée de vingt-cinq mille, el Iui faisait
quinzc cenls pl'isonniers au combal d' Albeck.


L'empereur vint lui-meme au camp devant Ulm, 1(' 15 OrlOhl'P, 11


Ol'donna I'occllpatioll du pont el de la position ¡)'Elchingen p0111' fa-
cilitel' )'investisscmentde l'arméc cnncmic.


Le maréchnl i\'ey passa ce pont le1 ~, a la pointe du j01l1', el emporla
la position d'Elchingen malgl'é la plus vive résislancc. Le Icndemain I




:;0:;


l'empel'l'llr repanlt devant ülm. Mural, Lalllws pi l\ey se plueál'llt l'l\
buluille pour dOllne¡' l'ussuut, tundis (IUC SOlllt oecllpait Biheruch, el
que Bernadotle POlll'Sllivail seR SlIcces au dela de lUllnich, achenml la
Mronte rlll général KienmaycI'. Au cump dTlm, le solda! élait dalls la
boue jusqu 'aux geno 11 X , ('t il y lwait huit joUl's (JlH' J"empel"ell\' nI' s'("!ail
débotté.


Le n, Macl{ pl'évint l'assHut el capitula. 'foute la gamison res la Jlri-
sonniel"c.


Napoléon regardait le combat d'Elchingen comme I'un des plusbeaux
fails d'armes quc ron put citel'. Ce fut du qual'tier-général , ({u'il porta
sur ce gloricux champ de balaiHe, qu'iJ ('crivit, le 18, au sénat conscr-
vateur, pou!' luí faire hommage de quarante d!'apeaux conquis par 1'a1'-
mée franr.;aise dans les divers eombats qui avaient suivi eelui de Wertin-
gen: (( Depuis mon entrée en eampagne J dit-il, fai dispersé une armée
de eent milIe honunes ; j 'en ai fait prcs de la moitié prisonnil~rc; Il' reste
est tué, blessé ou déserté; ou récluit a la plus gl'ande eonsternation .....
Le premier objet de la guerre est déja rempli. L'éleeleur de Bavicrc esl
rélabli sur son trúne. Les injustes ag¡'eSSCUl's ont élé fruppés commc par


1 __ la rOllJr~~~_a_vec raid~~~Di~\1~_~'~~~l'e, dm~~I~~~~I~c~ac~~~c __ _




.-,Oli 111 S T () I H l':


lemps, tl'iomplll'l' de lIles auh'es enncmis. " 11 ndl'('ssa 1(' lIl('ll1r jOlll'
unE' I'il'eulnil'e flUX ("v(~ques de I'empil'!', pOlll' les invitel' Ú ('nil'e ('han!e!"
\lll Te f)eum. (1 Lps Yidoit'ps (~datalltr5 que "icllllellt d'oht¡'nir nos fIl'-
l\lt~es, ICl\l' dil-il, conLI'e la ligue injuste (Iu'ont fO\ll('lItl'c la Itflill(' el )'01'
(le l' Angletel'l'e, veulent I)tte moi pt mon IlP\lple ndl'essiolls del' l'cllH'l'eil'-
IllE'nts au Dieu des armees, et l'implol'iollS pon\' c¡u'il soit cOIIstmnnwnl
:n'el' nOUR, 1)


La eapitlllation d' lJIm ]'('011t son CXPl'u!ioll lc 20 ocLo])I'(,. \ingt-srpt
lllille soldals aulrichiclIs, soixanlc pic('cs de callOll, dix-Imit gt"Ul-r<!\IX ,
ddilél'ent devant ]"empel'el\l', (lui Mai! piad' SlIl' les hauleul's de I'abbayr
d'Elchingcll, dominant le Dallube, alo1's déhol'dé an'c UllP yiolellcc smls
('Xe111p1<- ¡\('puis c('nL HUS. En YOYHnl pass(,I' ('dle m'ml"c pI'isonlli¿'\,('.
i\apoléon dit anx g;t'~ne\'ml\ all!r'irhiens qu'il llyait nppeks HllP\,('S de lui:
" Mpssil'ul's) \oll'(' lIluit,'c' I1W rait une gllt'l'l'(~ injuste, .Jto \OllS J(~ !lis f\'flll-
chellH'llt. je \le sais pns pOlll'f(llOi j(> 1\1(' hats; jI' \lP sais rr qlH' ron \"('111


de Illoi. Il ~lark répondit que l'empcl'cur d'AlIelllagllc n'aul'nil pns \olllll
la ¡!tI(,lTl', mais qu'il y availété fOI'(,l~ pal' la Rnssie. " En t'e ras, l'epl'il
;\¡¡poléoll, \"ous n'ütl's donc pllls une pnissan{'l' '? "




P E \.\ l' O L I~ I I \ . :;07
LIlI' Iloll\dle pl'Odillnnlioll 1, ¡- al'mée fut puhlicc , HU Iluartil'l' - gétlé-


",11 dl:Jehingen, le 21 oC'tolm'; elle était aillsi i'o\l(;lIe :
« Soldals de la gnlllde 1l1'll1ée ,


1) tn qllinze jOlll'S nous aVOllS rait une campaglw. Ce que tlOUS no LIS
I'l'Oposiolls es1 l'e!11l'li : nous a\OIlS chassé les lroup('s de la maison ti' AIl-
lrielte de la Bm i¿'l'(', !'t réíahli nolr!' allié clans la sou\"emineté de ses
daIs, Celte u!'lIlee ([ui, a\'ee autunt d'oslelltatioll que d'imprudenec,
dait yellllC se plae!'!' SUI' nos fr'ontieres, pst aneantie, iUais flu"importe il
I'AnglelelTe? SOll but est rempli. Nous ne SOllllIles plus tl Boulogne, d
son suhside ne spra ni plus ni ll10ins gr'and.


) De ('ent millu hommes qui romposai('\lt epth~ armee) soixante mill('
sont prisonuiel's, lis irout remplucer nos cOllscrils duns les ll'maux dI'
[)OS campagnes. Ikux cenls pióces de canon, tout le pal'(~, quatre-Yitlgl-
dix dl'alK'uux , tous les ge\l('nHlx sonl en 1I0tl'C pOll\oil'; il ne s'es[ pn:-;
l'chappé de cdle arll1(\e (Iulnze mil\(' hmmnes. SlIldals, .ie YOIlS m ;)i~
alllloJleé 1lI1e graudc bnluille ; lIIais, gruces am, lIlUuHlÍses ('()mhinaisO\I~
<1(. 1\'IHll'mi, j'aí IlIl obtenir les melues slIcees sans coul'il' les menws
dHlIIC('S; et, ce qlli esl ill('oll('('rable <lnlls I'hisloil'e des nalions, IlIl si
grillld r¡"sllltat tiC nO\lS affaihlit pas de plus (le l[uinzc ecuts f¡oll1mcs lto\'s
di' cOlllba!.


IJ ~()Jd¡¡ls, ('(' sll('('i~s ('S[ dú ¡¡ \O[I'l' ('oufial1ec salls hot'lles dans ,oln'
<'Hlpel'PIII" iI \olrc paliellcc tl Sllpporter les futigucs el les (Il'iyulions de
luutc cspecp, il vot('(~ ,'al'e intl'¡"pidit.(~.


IJ :\Iais nous ne nous arreterons pas la, Vous eles illlpulil'uts dc eOIll-
menee!' une scco\l(le cumpagne. Celte armée russe, que l'c)(' de l' Anglp-
terre 11 tr'utlsporté'e des pxtl'émit(·s de l'tl\liycrs, IlOUS allons luí faire
("lll'Ouvel' le meme sor!.


») .\ ce combal <'st a lta eJ H', plus sl'('cia!rment J'llOnnelll' dc l'infantOl'ie;
(,'esllü quc \a sc déeidcr, pOUl' la seeoudc fois, ecHe qu('stion qui I'a
d¡"j:l ("Iú en Suissl' l'l en llollalllll' : si I'illran[cric fralH;aisc est la sc-
!:olldc OLl la prclIliere de l'E\1\'O(lP. 11 n'y a pas Ii! d(~ gén¡"l'allx cont.l'l'
It'Stllll'ls jt' l'"isst' a\Oil' de la gloil'l' 1\ aeqllél'il'. TOllt 1l10n soill sera d'oh-
lenil' la ,ielrlÍl'e aH'!: le 1l10ill:-; jlos;;ihle d'e{Tusion dl' sans : m('s soldal,
S))II[ I1I('S L'lIf(lllls. »


Cdlt' pl'()('lanw[ion fut ~lIi\i(' d'un dl'l'l'd portalll 'lile I\' lllois ("colIl<"
d<'l'lIis 1(' 2;) sepl!'ll1hl'l' jllStlll'all 2'¡ octuhrl' H'l'ail comptl' pOllr 1111<'
(':II11l'n~lI(, :"1 llIllI!' l'al'IIIl',<,.




IIIS1()lltE


L'elllpCl't'UI' (¡uitta ellsuite J'abhaye (l'Elehillgt'1I , el pl'il la 1'()lIh~ !Ir
:\Iunirh, oü il entl'a le 2l¡,


L'm'mée autriehienne étail u peu pl'CS détl'uite. Toule['ois, ses débris,
poul'suivis activement dans leur ruite pl'écipilée, cllI'ent (1 {~¡W()UWI' ell-
('ore, en diverscs rencontres, le choc de l'impétnosité et de la valeur
fl'an~aises. Enlln, apres une marche constamment viel<)l'ieuse, el signa-
lée par les combats de Marienzel) de :\Iérhenbuch) de Lamhach, dI' Lo-
vers et <1' Amslellen) la gl'ande al'Illl'C tIlTiYH en fuec dc Vienne, D¿,s le
10 novemlwc, I'emprrem' (otahlit son t¡uartier-géllél'al ti \Iolk, rt logt'a
U I'abbaye, l'nne des plus bellrs de l' Europe. C'est une positioll forte,
qui domine le Danubc, et dunt Ics Romuins uvaieut [,ait un de leurs
postes les plus il1lpul'l:mts; ils l'appdaient la :\Iaison-de-Fl'r, el die
avait été btltie par Commode,


Avant d'entn,'I' duns la capitale de l'Aull'iche, l'a¡'lllép franc,uisl' dl'\ait
ajouter un nouwau triomplH', un succes éclatant, u ses tl'iOlllphes jou\'-
naliers, Le ,11 novell1bl'c, six bataillons , formant en tOllt quatt'e lIlilll'
hommes, et commandés par It~ l1laJ'édwI ]Uo!'lier, aHeignirl'nt le gl'OS
de l'al'luée l'ustie au YiIlage de Diel'llfleill , oú ils cl'oyaiellt lJe tr'Oll\Cl'
qu'une ul'l'icI'e-ganle. L'infél'iol'ité du nombre ne l'nlentit pas l'an]elll'
dcs soldats fl'an9ais. Depuis six heures d .. matin jusqu 'a qWIÍl'e hem'(':;
de l'apres-midi, ces quah'e mille l)I'aves soutinl'ellt le eombat eonll'e \'m'-
mée l'usse, In mirent rn dérollte, lui tuel'ent ou blesserent f(lIatl'c Illille
hommes et til'ent treize cents pI'isonniel's.


Del1x jOUl'S apres ce eombat mémorable, la grande al'mée lit son ('11-
tl'ée dans la capitale de l' AIlÍl'iehe. Le mal'érhal Lannes (>t le génénll
Bertrand passl'rrnt les premirl's Sl\I' le pont (Iue les arlifieicI's l'lIllemis
n'anüent pll parvcnir ti brúler.


L'cmpel'(>Ul' ne \oulut point entrer dans Vieuue; il étab\it son quarlier-
généml au palnis de Sehmnlll'unn, b~ti pal' 1\Im'ie-Thérese. En voyau!'
dans le eabinel !]u'il ehoisit pOllr ll'ayailler, une statlle en marI)I'e repré-
seutant eeUe souveraine 1 il dit que si crtle grande reine vivnit, elle n 'UII-
nlÍt pas fait ra\agel' son pays par les Cosaques el les Moseovitl's, en
pl'rnant pour eonseils une femme telle q ne mndnmc Colloredo, un COIll'-
lisan eomme Cohentzel, un scrib(> eOl1l111e Collt'llbaeh, un intl'igant
eomme Lamherly, et, pour eommander s(>s m'\il(\es, un g(~néral COllllllC
Mack,


La eoul' autrichienne avait ahandonnó In c¡¡pitale et slli\i Ics (ldll'is




11 E \ A l' U L I~ (/ \ .
de l'arlllée. Les aulorilés, l'estees dans Vienue, el aya lit Ü lem' tete "J, de
Bubna, se rentlil'cnt il Schcenbl'lmn pOUI' présenter les hommages de
eeUe grande cité ü l'empel'elll'. Napo¡¿'on lit le meilleul' aeeueil ú ceUe
déplllatioll, el puhlia un Ol'tlre" dll jOUl' dans Jeque! il recommanda ú ses
soldats la disciplille la plus sévcl'e, le l'espect le plus ubsolll des person-
nes el des propril·tés.


L'oceupation de Vieunc \le suspendit pas le com's des événemenls el
des opél'atioIls mililaires. Murat el Lannes, POlll'sltivanl vivement l'm'-
mee austro-l'l1sse dans sa l'etl'aite vers la Moravie, parvinl'ent il I'at-
teindre, et la batlirent deux jours de suite, les ,15 el "16 norembl'e. il


I1ollabl'ull el a J unlersdorf. Le marécha! SOlllt prit part ü eeUe del'llic['(~
affaire,


Slll' ces entrefaitcs, le mal'échal Key, C'hal'gé d'envahil' lelFol, s'ae-
qlliltait de sa mission « ayec son illlelligence el son intl'épidité al'coulu-
mees, )) selon les cxprcssíons memes du vingt-C'inquiemc hlllletin. Apri's
s\~tl'e empal'é des forts de Schal'tllitz et de l\'eustal'k, il entra daIls lIlS-
pI'iiC'k, le ~ 6 nowmbI'e, et y troura scize mille fusils, H\'ec une imlllPnse
quantité de poudre. Parllli les braves régimcnts de son COl'pS d'arml'c,
figuraille 7 (jO , qui a\ait perdu dcux drapcaux pcndant la dcmiel'(' guelTP,
el fJui avait resscnti une artliction profondc de ('cite perte. Ces drapcaux
furent l'PÍrou"l-s dans l'arsenal d'Tnspriicl,; un oflicícl' les l'cconnut;




:;Iil IJISTUII\E


el, lorsquc le maréchul l\'ey le~ lit J'cudl'C HU régilllPllt IIH'(' solcnnitl',
dp~ Im'lTIcs ('Olllt''l'l'Ut ¡fes H'Ux dc tOlls les viellx 'io/tlu[s, Iilndís 1(111' I('~


jellues cOllscrils s'ellorgneillissaicn[ d'avoj¡' contrihu(; ií 1'l'Co
!1I11lÚrir /I'S


insigncs dont 111 perte ayait ('OLUl' dI' si ,ir" n'¿l'ds h ¡PUl' (,OI'pS
. L'clIl-


pCI'CIl\', instl'ui! de ('ctte seelle tonchanle, ol'llol1!w (lile le sO
ll\('nil' ('[l ftH


conservé pal' UIl tableall.


te Iendemain (In comhal 11(' JlIlltcl'sdorf, l'ell1p('l'l'lIl' poda SOI
l qllo'll'-




I
1-


J) E '\ ,\ J> O L I~ O '\ . :)11
linl'-g~'nl'I'al ¡'] ZIl,úm, qlli, de li1 , fuI sllcc('ssivelllent tnlllsrél'é ú POl'litz
d it B!'LÍnll. Les Husses, dans lem' relraile , essuyaieut chaque jour de
lIourdles défuite~. Enfin, trOlnpés pUl' uu lllOU\ elllcut I'l'tl"Og,l'adc que
:\ a p0\(!OIl opél'a pOllr leuI' laissel' eroire qu 'il j ugeait sa positiou pl'ril-
leuse l'l son urllltoe coll1pl'omise, ils S'arl'dl'['t'nt, et pril'enl aussitót 1'0[-
fensi\e, ne (,olll\lI'enant ]las que le chef de l'arl1ltoe fl'all~aise lW HllIlnit
que les mneuer slIl'le teJ'rail! lIlI'il avait ehoisi pOUl'lenr li\Ter bataiJle.
()lIalld l\apoltoon les vil donnel' si eomplétement dans le piége qu'il 11)[11'
avait telldu , iI ne ehereha qll'il les maintenir dans leur folle contiallee i
el ilmaltl'isa assez l'impatienec de son earaetrl'e pOllr éeouter avee uue
appal'ente rl'signation les propositions inaccepta}Jles d'un parletllenlaile.
Enfin, le .\ er dóel'mhl'e, les d('ux armées dant ('n prés()I}('P, el la halaille
qu'i1 uyait si hien [ll'éparóe dani de\eHUe Cel'taille, il assemlJla ses mnrto-
('I!aux, d, It~UI' Illontl'ant les liglles etluemies, il s'écria : (, Celle anUt'e
e~t :llllOi. Il - - « Soldais, r1it-il ()Ilsuite dans lIne pl'odamatioll da[Óe dll
hivouac d'AlIsledilz, I'at'mée I'IIsse se pl'ésente pOllr venger l'al'l1lée all-
ll'ithielllle dTlm. Ce sont ('os melIleS hataillons que vous avez battlls i1
1I011aurülI, el que depuis vous avez poursuivis jus1lu'ici.


» Les positions que nons occupons sont formidables; el pendnnt
flU'ils nWI'cheront pout' IOllrner nw dl'Oile, ils me présente!'ont le flanc.


)) Soldats, je dil'igerai moi-meme tons vos bataillolls; je me tiendrai
loin dll fetl, si, avec votre bravonre accoulumóe, vous podez le désol'-
tire el la ('onfnsion tlans les rangs ennemis; mais , si la victoire était un
moment incertaine, vous verriez votre empereur s'exposer allx pl'e-
miers coups, cal' la "ictoi!'e ne saurait hésite!', dans eette journée surtollt,
oú il Y va de l'honllelll' de l'infanterie frant;{aise, qui importe tant a l'hon-
neur de touto la natioll.


" Que, sous prétexte d'emmener les blessés, on ne désol'gallise pas les
I'angs, d que chacun soit bien péndré de tette pensée, qu'il faut vain-
(Te ees slipendiés de l' Angleterre, qui sont animés d'uue si grande haine
eoutre lIotre natioIl.


1) eeUe vie10ire finil'a noh'e eampngne, et nOlls pOIll'rons reprendl'e
IlOS quarliers d'hiver, oú !lOUS serous joints pUl' les Ilouvelles armóes
qlli se fOl'luent en Franee, et alors la paix que je ferai sOl'a digne de mOl!
penple, de vous et de moi. 1)


e ·était la veille de l'anniversaire du ('omonnement; le soir, il Y eut
illumination au ('amp pOli!' edébrel' eette rete.




:;12 ItISTOIHE


Le lendemain , les prévisions et les espérllllees de Napoll'on s'ae('ol11-
plil'ent. Les sp6eulations militaires de son génie, seeondées par l'intclli-
genee et la bravoUl'e de ses lieutenants eomme par l'illtrépídité de ses
soldats, lui firent remporter u Austerlítz une de ees vietoires elél'Ísires
que I'histoire ne présenle que rllrement duns la vie des plus grands capi-
tilines) et que l\apoléon seul a mllItípliées dan:,; la sienne, Yoíd les ddai1s
de eette grande bataille tels ql1'ils sont contenus an tl'entieme hulletin.


IUTAlLLE n'AUSTEltLITZ.


« Le 6 frimaire, I'empel'ellr) en I'ecevant la comml1nieation des pleills
pouvoirs de ~nI. de Stadion et de Giula y) offrit préalablemellt un Ilrmis-
tice, alin d' épargner le sang) si l' on avait effecti venwnt en vie de s' U1'I'an gl'J'
el d'en venir 11 un accommodement définitif.


» lHais il fut raeile u l'emperellr de s'apercevoir llu'on a\ ait el'autres
projets; et eomme l'espoir du sucees ne pouvail venir a l'ennemi que dll
cóté de l'armée russe ,il eonjeetura aisément que les deuxieme ('t troi-
sicme armées étaient arrivées, ou sur le point d'arrirel" u Olmütz, et que
les négociations n'étaient plus qu'une ruse de guerrc pour endormir S11
vigihmce.


Il Lt' 7, a neuf heures du matin, une nuée de ensaques, soutenlle par


la cllvalpl'ie I'llsse, tit pliel' les avant-postes du pl'inc(' Mlll'at, Cf'rna \' i:-;-
ehan, et y Iwit cinqllantf' hOl1nnes [, piC'el elll W rép:inwnt de d,'ap:olls.




DE \APOLÜ)\,


Dalls la jout'llée , I'empel'eur JI' Rllssie se I'endit a Visrhau , et toulr
l'al'méc rllsse prit position derriere ecUe ville.


» L'empcrenr avait cnvoyé son aide de eamp, le général SaYar}' ,
¡J0Ul' complimenter rempel'eur de Russie des qu'il auntit Sil ce pl'in('p
arriyó iI l'armée. Le génél'al Savary I'evint au moment ou I'pmpereur
fni~tlilla \'eeonnaissance des feux de hiyouacs ennemis plaeés a 'ischau.
11 se loua }¡eaucoup du hon nceueil, des grttees et des hons spnliments
pP\'SOllllrlS de I'empcrcnr de Russjp J pt meme <lu grand-due Constantin ,
qui ellt pour lui toute espece de soins et d'attentions; mais il fut Caeile de
eomprendre, pm' la sllite des conversatioos qu'il cut pcndaot trois jOllrs
av('c une trentaioe de frelllquets qlli , sous diffél'ents ti tres , eoviroonenl
rempcreur de Russie, que la présomption, I'imprudenee el I'inconsidó-
ration régneraient dans I('s déeisions dll cubiJlP! lllilitail'e, comnw elles
avaient régnó rlans celles du cabinet poli tique.


1) ene armée aillsi condllite nI' pouvait tarder a fa~re des rantes, Le
plan de l'emperelll' fut, dL's re ll1omenl, de les attendre el d'l'pier I'in-
stant rI'en [lI'OOter. JI donna sur-le-ehump l'ordre de rctraite 11 son ar-
Illée, se retira de nuit, rOl11mo s'il eM cssuyé une dNaite, prit ulle bonne
posilioll iI t!'Ois lieues en arriere, lit travaillCI' mee heaueoup d'ostenta-
tiOH ti la forlifier el ti Y ('tablir des baHeries.


» 11 fit proposer une entrevue a l'empereur de Bussic, qui lui enYo)'a
son aide de eamp Delgorouki : cet airle de carnp put remarquer que
tout respirait dans la eontenanee de l'armée fran¡;;aise la réservc et la
tirnidité, Le placement des grand'gardl:'s, les fortifications que ron fai-
sait, en toute Mte, tout laissait YOil' ñ \'officier I'Ilsse un(' <lnnéc a demi
battue.


» Contre r lIsage de I'elllpercnr, qui ne re<.;oit jamais avee taol de
('iI'('onspeetion les parlementaires a son qllartier-gl'nél'al, il se rendit lui-
meme iI ses HYant-pllstes. Apres les premíers compliments, I'officier
l'I1sse voulut entamer des questions politiques. Il trunehail sur toul aYec
une illlpertinenre difficile a imaginer; il était dans l'ignoranee la plus ab-
solue des intél'éls de rEurope eL de la sitLlation du continent. C'était, en
un mol, un jellne trOlllp('tle de I'Angleterre. II parlait a I'empereur
eomme il pade allX officiers rllsses, que depnis longtemps il indigne par
sa hauteul' el ses llwmab pl'oeédés. L'empereur eontint toute son indi-
gnatioll; el ee jeune homme, qui a pris une yéritahle influf'nee su\' I'em-
líel'f'lII' Alexandl'e , retoUl'Illl plein de l'iMe que ral'mée fran~aise étflit


I
-_" ___ ~ __ J


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HISTOIRE


:\ la v<,iIle de sa perte. On se conyaincra de tout ce qu 'a dti souffrir I'em-


pereur, quand on S3ura que, SUl' la fin de la conveI'sation, ¡llui proposa
de céder la Belgi1lue et de mettre la couronne dc [er sur la tete des plus
implacables ennemis de la France. Toutes ces differentes démarches
remplirent leur efret. Les jeunes tetes qui dirigent les alTaires russes se
livrel'ent sans mesure a lem' présomption naturelle. Il n'était plus ques-
tion de baUre l'armée fl'an9aise, mais de la tOUl'nel' et de la pI'endl'e:
elle n 'avait tant rait que pal' la lachete des Autrichiens. 011 assure qur
plusieul's vieux généraux autl'ichiens, qui avaient fait des campagnes
contre l'empe!'eur, pl'evinl'ent le conseil que ce n'était pas avec cette
confiance qu'il fallait marche!' contre une armée qui comptait tant de
vieux soldats et d'officicrs dn premier merite. lIs disaient qu'ils avaien!
vu l'empereul', reduit 11 une poignée de monde dans les CÍrconstances
les plus difficiles, ressaisir la victoire par des opérations rapides el
imprévues, et détruire les armées les plus noml)J'euses; que cependant
ici on n 'avait obtenu aucun avantage; qu'au eontraire, toutes les affai-
res d'arriere-garde de Ir¡ premiel'e armee russe avaient été en rayenr de
1_:mée_f~'_~~y:~~;~naiS a cela ecHe jeunesse présomptlleuse opposailla~J


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,~­


I


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bravoure de quatre-vingt mille Russes, l'enlhousiasIlle que leur inspirail
la pl'ésellcc de leuI' empereuI', le corps d'élite de la gardc impél'inle de
Russie, et, ce qu'ils n 'osnicnt probnblement pns dire, leur talent 1 dont
iIs étnienl étonnés que les Autrichiens voulllssent méconnaitre la puis-
sauce,


» Le lO, rempel'cur, du haut de son bivouac, aper<,;ut, avec une in-
dicible joie, l'm'mée russe, commen<,;ant, 11 deux portées de canon de
ses avnnl-postes, un mouvement de flnnc pom' tOUl'ller sa dmite. 11 vil
alol's jusqu'l1 quel poinl la présoIVption ct l'ignorance de l' art de la gueI'l'e
avaient égnré les conseils de cette brave armée. 11 dit plusieurs fois :
(( A vant demain au soíl' 1 eette nrmée est a moi. ))


» Cependnnt le sentimellt de l'ennemi étnit bien différent : il se pl'é-
senlnit devnnt nos grllnds'gal'des 11 portée de pislolet : il détilait pal' unto
marche de Ilanc sur une ligne de quatl'e lieues, en prolongeant I'armée
fran<,;aise, qui paraissait IJe pas oser quilter 5n posilion ; il n 'avait qu 'une
cminte, c'était que \'al'méc frangaise ne lui échappnt. On lit tout pour
confirmer l'ennell1i dans cctte idée. Le prince )Jurat lit avancer un petit
corps de cavalel'ie dans la plaine, mais tout d'Ull coup iI parut étonné
des rOl'CCS immenses de l'ennell1i, et rentra 11 la hate, Ainsi tout tendait
a conllrme1' le général russe dans I'opération mal calculée qu'i! avait ar-
retée. L'empcreur tit mettre a l'o1'dl'e la proclamation ci-joinle. Le soir:
iI voulut visitel', 11 pied et incognito, lous les bivouacs; mais 11 peine eul-
il fait quelques pas qu'il fut reconnu, 11 ~eI'ail impossible de peindl'e




:;1/; Il I S l' () II~ E


rellthousillSllle des soldals en le voyant. Des fa IIHUX de paille rureut mis
en un instant au haut de milliel's de perches, el quatre-vingt millo hom-
mes se présenter(~nt lIevant l'empel'eUl' en le saIuant par dcs aeelmna-
tions, les uns pour feter l'aulliversaire de son cOl\l'otmement, les autl'Cli
disant que l'al'luée donnel'aille lendemain son bouquet 11 l'empereUl'. Un
dos plus vieux gl'enadiel's s'apPl'Ocha de lui el lui dil :


(( Siro, tu 11 'mll'as pus besoiu de t'exll0sel' ; jo le prollle[s, au 110m
des gl'el111díers de l'al'mée , que tu n' tlUI'aS 11 combattre que df's yeux ,
el quc nqus t'mucllcl'ons dcmain les dl'apeBUX ell'arlillerie de I'arm(~('
I'usse pom' célébrer l'anníversail'e de ton eOUl'onnement. "


)) L'cmperelll' dit en enh'ant dans son hivouac, qlli eonsistait en llllP
mallvaise cabane de paille, sans toit, que luí avaienl faite les gl'enalliel's :




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IJE \'\I'OLI:W.\. 517


" ruila Iu plus belle soil'ée de ma ,ie; mais je l'egretle de pensel'
(lile je perdl'ai bon nombre de ces bran's gens. Je sens, au lllal que cela
me fait, qu'ils SOllt vérilablcmellt mes ent'anls, et, en H'rité, je me I'e-
pl'Oehp (luelquefois ce sentiment, cal' je cl'ains qu'íl ne me rende iuha-
hile a faire la guerreo » Si l'ennemi eút pn ,"oil' ce spectacle , il eút été
(;pollvallté. Mais l'insellsé cOlltilluait toujours son mouYement, et 1'011-
rait 1) grands pas i¡ 5a pel'te_


» L'empereur lit sur-Ie-champ ton tes ses dispositions de bataille. 1I fit
pal'tir le mtU'échal Davoust en toule hule pour se rendre au couvent de
Raygern; il devait 1 avec une de ses divisÍons el une divisioIl de dl'a-
gons, y contenir l'aile gallche de l'emwmi, afin qu'all moment donnl~
elle se ll'OlIvut cnveloppt:'e; il donna le commandemcnt de la ganehc au
maréclml L'mncs, de la droite au maréchal Soult, du ceull'e au maI'é-
chal BernadoUe, el de toutc ]a cavalel'ie, qll'il réllnit sllr un sen] poínt,
au princc l\lul'al. La gauc/te du mal'éclwl Lanncs était appuyéc au San-
ton, posilion superbe que rempel'cur avait fait fOl'lificr, et Olt il avait fait.
placer dix-hl1it pieces de canon. D¿'s la veillc, il avait confié la garde de
eeHe helle position an 1 je régiment d'ínfantel'ie légcl'c, et certes elle nc
pouvait 6tre gal'f)pe par de mcillcurcs tl'oupes. La division dll gt'nél'ul
Suchet formail la gauchc du mal'echal Lnnnes ; cclle du genera] Cafarelli
fOl'mnit sa dl'Oitp, fjui était appuyee sur la cavalcric dn prince :.\Iurat.
eeHe-ci avait devant elle les hussards et chasseUI's SOIlS les ordres dll gé-
néral Kcllermann, et les divisions de dl'agons Yalthel' et Benumont; el
en l'ésel'\Te les divisions de cuirassiers des généraux Nansollly el d'Haut-
poull, avec vingt-quatL'e pieces d'artillerie légere.


)) Le mal'échnl BernadoUe, c'est-a-dire le centre, avait iI sa gauchc
la division du géneral Rivaud , uppuyée 3 la droite du prinee MlIl'at, et
it sa dl'Oite la divisíO!l du géneral Dl'Ouet.


» Le mart'c/tal Soult, flui commandait la droite de I'armee, ayait 3 sn
gauclw la dÍrÍsion du génél'al Yandamme , an centre la divisíon du géné-
ral Saint-Hilail'e, 3 sa droite la divisiou du bra,,!.' général Lcgl'and.


» Lc mm't'chal Davoust était détaché sur la dl'oite du génél'al Legl'anrl
flui gal'rlait les débouchés des étangs , el des villages de Sokolnitz et de
Cdnilz, II avait avec ]uí la division Friant el les dl'agons de la di\'ision
du général BOlll'ciCl'. La division Gudin devait se meth'c de grand ma-
tin en marche de ~ic()lsblll'g, ponr contenir le COl'pS ennemi qlli aurait
pn déhordel' la droite,


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I
i


HISTOIRE


" L'empereur, avec son fidele compagnoll de gllerre, le maréchal
Berthier, son prelllier aide de eamp, le colonel-génel'al J lInot, et tout
son élat-majol', se tl'Ouvait en reserve arec les dix batailIons de sa ganle
pt les dix bataillons de grenadiers dll general Oudinot, dont le genéral
DlIl'OC cOl1lmandait uue parlie.


" Celte réserve était rangee sU!' dellx lignes, en colonnes par hatail-
lons, a distance de déploiement, ayanl uans les illtenalles quarante pie-
ces de canon servies par les canonniers de la garue, C'est avec eette 1'('.-
sene que I'empereur avait le projet de se precipiter partout oú il eút
élé necessaire. On pent dire que celle ['¡"serve valail une m'mee.


" A une heure dll matin , l'empereur monta a cheval pour pareourit'
les postes, reconnaib'e les feu\ des bivollacs de l'ennemi, et se raÍl'e ren-
dre cOl1lpte par les grallu'gardes de ce qu'elles avaielll [lU entendre des
monvel1lents des RlIsses. II appl'it qu'i1s avaient passe la nllit (lans l 'j-
VI'esse eL des cris tlllllllltllellx, et qu'un corps d'infanterie russe s'était
presenté 1IU yillage de Solwlnitz, occupe pal' UI1 I'¡"gimenl de la divisioll
dll genéral Legrand, quí I'e~ut OI'dre de le rellfo\'('c[',


II Lf' H ll'imail'c, I(~jo\lr pal'lItpn[in. Lesolpil se Ina\'ndieux, etl'('l




I


OE I\APOLÉON.
anniversai['c du courOllnelllent de rempereUl" oú allait se passer un des
plus heaux faits d'armes du siecle, fut nne des plus belles journées de
r automl1e.


II eette bataille, que les soldats s'obstinent a appeler la joumée des
Tl'Ois Empel'eurs, que d'aulres appellent la jou1'Ilée de I'Anniversaire ,
et que I'empel'eur a nOlllmée la journée d'Austerlitz, sera [1 jamais mp-
morablc dans les fastes de la grande nation.


» L'empcrcUl', cntoul'é de tons les mal'échaux, attendail, pour dOI1-
ner les del'l1iers ordres, que l'horizon fLit bien éclairci. Au premier
rayon du soleil, les ordres fnrent donnés, et ('ha que ma1'échal rejoignit
son ('o1'ps an grand galop.


)) L'empereu1' dit en passant sUI'le fmnl de bandiere de plllsieurs régi-
ll1ents: « Soldats, il faut finir cette campague par un coup de tonncrre
f{ui cfinfonde l'orglleil de nos ennemis. )) Aussitüt les chapeaux au bout
des ba'ionneUes et les C['ís de ( Vive l'cmperellr! furent le vérilable signal
du combat. Un instant apres la canonnade se fit entendre a l'extrémité
de la d['oite, que l'avant-garde ellnemie avait déja débordée j mais la
rencontre imprévue du maréchal Davoust arreta l'ennerni tout COlll't ,
el le combat s'rngagea.


" Le maréchal Soult s'ébranle all merne instant, se dil'ige sur les hall-
teurs d u village de Pringen avee les divisions des généraux Vandamme
el Saint-Hilaire, et coupe entierernent la dl'oite de I'ennemi, dont tous
les mOllvements devinrent incertains. Surprise par une marche de flanc
pendant qu'elle fuyait , se croyant atlaquante et se voyant altaqllée, elle
se regarde a demi battue.


)) Le princc :Hurat s'ébranle avec sa cavaleric; la gauche, comman-
dée pal' le maréchal Lannes, marche en échelon par régiment, comme a
I'exl:wcice. Une canon nade épouvantable s'engage sur toute la ligne;
deux cents pieccs de canon, et pres de deux cent mille hommes, faisaient
un bruit affl'eux : c'était un véritable combat de géanls. II n'y avait pas
une hcure qu'on se bat1ait , et toule la gauehe de l'ennemi était coupée.
Sa droite se trouvait déjil arrivée a Austerlitz, quartier-général des deux
empereurs, qui durent faire marcber sur-Ie-champ la garde de l'empe-
reur de Russie, pour tache!' de rétablir la comrnunication du centre awc
la gauehc. Un bataillon du 4" de ligne fut chargé par la garde impériale
russe a che val et fut culbulé; mais l'empe¡'elll' n'était pas loill; il s'a-
per<;ut de ce rnouvernent; il ordonna au maréchal Bessieres de se porte!'


1 _____ _




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320 111 STO 11\ E


BU secoul's de su dl'oite avec ses invincibles, el hienl!',! les d('tI:\ ¡!al'dl'~
furent aux llIains.


)\ Le suce('s ne pouvait etre douteux : dans un Illoment la g:m)e I'IIS¡;t~
fut en dél'onte. Coloncl, 11l'tillerie, étendm'ds, tont fut enlevé. Le régi-
ment du granel-dne Constantin fnt éerasé; lui-meme ne dut son salut
qu'u la vitesse de son ehevnl.


)\ Des hauteurs d'Austerlilz, les deux empereurs virent In défaite de
tonte la garele I'usse. Au meme moment, le centre de I'al'mée, eOHl-
mandé par le mal'éehal Bernadotle 1 s 'avan~a; t!'Ois de sps régimen!s
soutinrent une Íl'cs-heIle I'harge de cavalel'íe. La gaudw 1 commandép
par le maréchal Lannes, donna troís foís. Toutes lps charges furent vie-


1 __ toríel_ls_es_._L_a_d_i\_,j_Si_O_Il r1u généraJ CafareJlí s'rst dislingH¡'>r. Lps dirisiollS


i __ _




\---


[) E :\ A r () L1~ O \ . 321
de euirassiers se sont emparees des hatteric~s de l'ennemí. A une heure
npres mi<lí la ,ictoire était decidee, elle n 'uyuit pas eté un moment dou-
¡euse. Pas un homme de la resene n 'ayuit ele neressaire et n'avait
donne nuIle part. La ranonnade ne se soulcnait plus qu'a notre omite


\
'.


Le corps de l'ennemÍ, quí a\"ni! dé cerné et dwssú de toutes ses hnll-
teurs, se !rourait dans un bas-fond el acelllé a un lae. L 'empereur s\
porta aver \ingl pióc('s ¡)p cnnon. Ce rorps fut ehassé (le position en po-
sition, et ron vi! un spcctnde hOl'l'ihlp [pI fju'on l'arait nI il Abollkil',
vingt mille hommes s(' jf'tant dans l'eall et 50 noynnt dans les l[les.


» Dellx colonncs, chaellne de fllwLre mille Rtlsses, mettent has les al'-
mes el se renMn! prisollnieres; tOll1 le pare de I'ennemi fut pris. Les
resulta/s de cette journée son!: (Iunrante drapeaux russes, parllli les-
quels son! les l'tmdflrds de la gnrdp imp("rinle; un nombre ('ollsitl(',-
rabIe dc prisonniers; I'dnt- major nc les ('onnait pas e!leore tons; on
avait déjú In \lole de vingt mille; douze Oll <)l1inzc générallx; nI! ll10ins


':1


____ J




III STo 11\ 1"


(¡llinZ<' milJe Busses Inés, restés Slll' le ehmnp de batailIe. QUOiqll'OIl
n'ail pas ellCOI'C \es l'apporls, on pent, llU premiel' coup d'mil, éya-
Iller l1otl'e perte it huit ('ents hommes tllés d (!uinze 011 seizc cellts
hlessés. Cela n'étounera pas les militaires ) qui savent que ce n 'esl (llI('
dans la dél'Olllc qn'on penl des ]¡olllllles, el nul nutre corps que le
bataillon du /j" n'a été rOlllpll. Parmi les hlessés sont le génél'al Saint-
Hilaire. qui, fl'uppi: an COllllnencelllent de l'action) esl restó tOllte la
jOllrnée sur le champ de hataille; il s'esl rouwl'l de gloil'e; les gé-
lIéranx de dirision Kellermann el WaIther, les générllllx de brigade
Valhnber, ThidJllllt) SdJastiani, COlllpan el Happ) aide de camp dc
I'empereul'. C'e'st r'e del'l1ier qlli ) en dwrgl'ant iI la tete des g]'cnadil'l's
de la garde, a pl'is le prince Repnin, eOlllll1andant les chevaliers de la
garde illlpérialc de Russie. Quallt aux hOlllllles qui se sont distingllés,
(,'est tOllh: rurm(~e qlli s'pst coun~rte de gloil'e. Elle a ('onstammelll
cltal'gé aux cris de Vi\e I'('lUpel'Clll' ~ et l'idc'e de c('lébl'er si glol'ieuse-
Ilwnt I'annivf'l'sail'c du (,oul'Onncment animnit enrOl'e les soldats.


" L'unul'e rl'Un~aise, (!Uoiqlle nOlllbl'ellSe el belle, était moills 110111-
IH'cuse que I'al'lllt'c t'nnemie, qlli ('tai! fOl't(' de ('ent ('in!! mille hOnllll(,S,
dont quatl'e - vingt mille Rllsses el \'ingt - dnq mille Autrichiens. La
Illoitié de eelle nl'llléc esl détl'uite, le rest(· a i>!¡\ mis I'n (J(.l'oule COIll-
pli,tf', (>1 In plus gmnde pal'li(> a .id(; ~es m'nws.


n Crtte jOIll'nl'e eoútera des lnrmes de sang ü Sninl- Pl-tCI'SbOlll'g.
Puisse-l- die y [aire ['('jde]' m('(' indignalioIl 1'01' de l'Angld.c·]Tc! el
puisse el' jPllIlc I)['incl' . CfIW tant M V('rtIlS appelait'llt II él]'(' le p!"re (le




[lE \\I'OÚ:O\.


ses SlIjets, sanaeher ill'inJlllelll'e de ces trenle frdllquds que L\llgle-
lerre solde mee ud, el dont les imp8rtine:lces obscllrcissent ses inlell-
tiolls, lui font pel'lh'e l'umour de ses solduls, el le jdlenl duns les op6ra-
lioBS les plus el'l'onées. La mitUl'c , en le douant de si grandes (!ll1lliles .
l'avait appelé 11 etre le cOllsolatellr de 1'1':\1l'Op(" Des cOllscils perlidcs.
('n Ip rendant l'auxiliail'c de I'Auglderre, le plaecrout dalls rlJis(oÍrc mI
I'Hllg des hommes qui, en perpétualllla guerrc sur le eoutinellt, aUl'onl
consolidé la tyrannie britanniql1c SUI' les 11lers, et fait le malhcu!' (le IlO-
lre genéralioll. Si la France ne pe\1t ar!'iH~I' ala paix qu'a\1x condiliollS
q\1e raide de camp DoIgOl'ouI,i proposait ti I'empereur, et que M. dt>
.\oyozilzof a,"ait ét(~ chargé de porter, la Ilussip llP les obtiendrilit pas ,
fJuand meme son armee serait pampée sur les lwutems de MOlltmartre.


j, Dans une relntion plus détailIée de eelte hataille , l'élal-mujol' rel'a
cOllnaitre ce que chaque corps, c1w(lIlC officicr, chaqne général, Ollt
raít pOlll' ¡Ilustre\' le nom fl'an~nis, d dOJllwr un tÓlloignage de JeUI'
amoul' a l"empel'CIII'.


)) Le 12, ti la poillte du jOlll', le pl'iuee Jean de Lichtensteill, I'OJllllWn-
dan! J'al'mée autl'icbielllle, esl \PIIU tI'OU\(,], I'cmpel'eul' ti SOI1 qunrlier-


geIlél'al. dabli dans UIIP gl'angl'; il ('11 a ('11 UIlI' IOllgue audicnce. CCPl'll-
dant llOUS pOlll'sllin)lls nos SI](,Cl~S. L't'lll1l11ni 8'(',,1 l'('tir(. Slll' 1(' d]('min




521 HISTOIRE DE NAPOUO.~.
d' Austel'litz it Godding. Dans eelte ¡'ell't1ile, il pn\le le fltlllc; 1't1rmél'
frnn~aise est déja Slll' ses del'l'ieres, et le suit l'épée dans les reins.


)) J amais ehamp de btltaille ne fut plus horrible: du milieu de laes im-
U1enses, on entend encore les cris de milliers d'!tommes qu'on ne peut
secoudl'. II faudra tmÍs jours pour que tOllS les blessés ennemís soíent
évacués sur Bl'unn. Le camr saigne. Puisse tant de sang versé, puissent
tant de U1t1lheurs retomber enfin SUl' les perfides insulail'es qlli en sonl
la cause 1 pllissent les luches (\¡~ Lonclf'f~s por!"r la peine dp tanl dI'
mamo t "




CHAPITHE XXI.


H';',",ultals de l;l ktlalllc d'Auslcrlitl. CUlIlb,¡ln<l\al de Tl'al(:lI,:":'~u·. Pah de Pl'l~st)!)uq.~.
Lp..; HoUl'bulls de Naples détrollés. La ll,ndcl'c I~ri;.;éc eu ruyaUIlIc. Dl'apt';HI\
d'Au"t~'rlilz l'Il\'U~·líS a Paris. I.etollf dI' .:\"apult\o!l I~TI Fralll't'


A royauté d I'Ul'istocl'atie européennes,
humiliées dans la personne des empereul's
'Allemagne et de Russie, furent con-


H,r"rll'OC>" d' apprendre que la nouvelle coa-
',Iition aYUit rctl'OU\é a Austerlitz la meme
;nation qu'lI Zul'Ích et a Marengo. 1I sem-
blait que la Providence, ll1énugeant UlI


rappl'Ochement dans les épOllues, eut fixé elle-meme a I'annivet'saire
du couronnement le premier tl'iomphe décisif de I'empereur ~apo­
léon, comme pour témoigner au monde que les soldals de l'empire ne
faisaient que eontinuer dignernent I'(['une des phalanges républicaines;
que les pompes monarchiques n 'avaient pas plus altéré le moral dll
peuple d de l'al'Iuée (llle le génie de 1f'\Il' chef, et que la révolutioll ,


'\ }
.


. r.
. ,




52G H1ST01HE


toujoUl'S héroülue el loujours invillcible, ll'muit pas l't'ssé de I'l'gllCI' ell
Franee.


Ce gl'illld rerers, qui n' utteigllit dircctemenl que la llussie el l'Au-
t!'iche, mais dout le contrc-coup se fit "jolemuwnl sentiL' a 13eI'lin pt iI
Londl'es, ne corrigea pas les llloteurs de la guerl'e, Ce n 'était pas pou!'
une cession de tel'ritoil'e, pour des inll'rCls muleriels, [lom' dcs gL'iefs
spéciaux et accidentcls, qu'ils araienl relancé dans l'al'clle des combats
les monarchic;; les plus puissantes de I'Europe, Il s'agissait pOli!' ellA
d'une. qucstion de príncipes, cause de guerl'e actire el peL'manente, quoi-
que ll10ins precise el llloins saillante qu"tme <[uestioll terrÍtol'iule OH flllun-
eicl'c; ce qui fuisait que j\ apoléon pou\ail sembler s' y J1ll;pn'lltke, el tlin'
uux ofllciel's tlutl'iehicns, ses prisonniers : « Je ne sais pas POlJl'(lllOi je
me bats; je ne sais pas ee que l'on vcut de mol. ))


Le cabind de Saillt-James persista donc uans ses pluns hostiles eOlltl'C
la Frullce, malgré la défnitc complete de scs aIliés. L'issue du combat de
Tl'ufalgal' était velme d'ailIeurs lui offl'Í1' d'mance une iLllll1enSe COlll-
peosation: les floUes fl'an<;aise et espaglloIe combillt'CS a"aieul été anéall-
lics, sur les cótes méridiooales de l' Espagne, par \('Ison, q ui payu de


sa "ie ce tl'iomphe décisif de la marine anglaisc. Ce lul au llliliell de sc~
l'upides el éclalants sueces contJ't~ les Aust\'()-Husses lJue l\"apoleon up-




DE \APOLltOi\. ;;2i


pl'il ('C lJl>sasll'c, II a dit depuis a ce sujet : « Daus la plllpart des batail-
Irs I¡UC nons arons penlnes contre les Anglais, 011 nons étíons inférieul's,
011 nOlls étions réunis avee des yaisseaux espagnols, quí) étant mal 01'-
g:lllisés) affaiblis~aíelll nolre ligIie allliell de la renforcer; ou bien enfin
les gón('l'aux, commandants en chef) quí voulaient la bataille el mtll'-
ehaient ti l'eunemi, hésitaicllt alol's , se mellaienl en retraite sons diffl~­
rCBls prétextes , el compromettaíent ainsi les plus brares. » (1 J'aí passé
tOllt mon temps, a-I-i1 dit aillellrs, ti chercher l'homme de la mUI'ine salls
uroil' pu l'éussir a le [rouver. II Y a dalls ce métier une spéeialité , une
teehnícité qlli al'1'etait tOlltes mes conceptions ..... Si j'aYuis reneontré
fluelqu'lIll ql1i eút ahondé dans lllOIl sells el deyancé mes idéps, quels
résultats n'enssions-nolls pas ohtenlls! Mais, sous mon regue, il n'a ja-
mais pl1 s'élever(lans la marine un hOl11l11e qui s'écal'l<1t de la l'Outine PI
(lui súl cd'er. »


La destl'Uction de la flotte ft'an<;aise attrisla pl'Ofondélllent l"e111pr1'rllr.
11 vil des 101's l'empil'e des mers asslll'é pOllr longtemps anx Anglais;
:mssi songea-t-i1 plus que jamais a les atteindre sn1' le continent, Boít dans
Irs alliés qn'i!s soucloyaient, soit dans le COl11merce colonial don! ils exel'-
<;aient le llloIlopole,


Le torysl1le , ahallll par le pl'l'l1lip[' hullctin de la gl'ande al'mée , s'{--
tail clone rrlcré, dans Londres, inso]mt et sllperbe; et son ('hd ¡Ilustrp,
Pitt, donlla fin approchait, selllhlait dnoir llloul'i1', coml1w Ndson) au
srin du triomphe. Depuis IH'l'S (l'un mois l' Angletel'l'e s'eniuail des
SIWCl'S inespél'es de son eseadl'e; elle s 'enhardissait, au lJl'uit du canon dc
Trafalgnr, a pcrpóluPl' une gllclTe qlli, tout en prépal'ant la chllte tle :\a-
poléon, devait faeilitrr pendant dix ans l',,!ineation réyolntionnaire dI' •
l'Europe, l\Iais laissons le cabinet de Saint-Jarnes au milien des réjouis-
sances puhliques, el btllons-nous de re\cnir 1\ AlIsterlitz, qlli !l'Ollbla si
,ite les mtes <1n torysme el les del'l1i¡\res joirs de Pitt.


Le lendemain de eelte grande hataille, tl la llOinle du jou1', le \11'in('('
.lean de Li('hleinslein, commandant l'arm{'e antrichienne de l\Iol'ayie , ~c
pd'scnta au qunl'tipl'-général ele l'empereur l'\apoléon , (·tubli dans une
gl'<lIlge, Il wnail sollicile1' une enÍl'eHle pOlll' S011 maitre, qui ayait be-
soin de se reeommandrl' á la mo<!él'a!ioll et ala générosité du yainqueur
pOlll' sumer sa couronne el ses états de l'applicaliol1 du droil de C011-
f[lléte. Nupo\¡"on lui uccorrla sa demande) et I'entrerue désirée par k
ll1onal'C[ne vninru put lien, le men1P jour, an hiyouac <In hél'Os vicloric\l\,




528 HISTOIRE


(j Je vous l'e~ois ¡lnns le seul palais que j'habite deplIis dcux mois, iJ dit
:\apoléon 11 I'emperellr Frant;ois ; et edui-ci de répondl'e ullssitút avee


un SOIll'Ü'C ('orcé: ({ YOlls tirez si bon pal'li de mIre hahitation qu'dl(·
"oit vous plaire. » En C¡llPlqncs hcures , un armistire fut convenl1 , et Jr~
principalrs conditions de In paix aI'l'etées. L 'cmpcI'enr (I'Allemagnc,
cédnnl anx cÍl'constances, s't1ppliqnait il flat.ler J'irl'italion dn \'ninquclll'
contre les Anglais. « Ce sont dps marchands , répétait-il f1W'C arrecta-
[ion; ils mettent r!l fen le rontinenl pour S'aSSlll'pr le commercc "11
mOlldr. ,) TI parla al1ssi atl no!)) de I'f'mprl'CllI' de HlIssie, ¡¡ni, disHit-i1.




529


ab:lIldoIlnait J 'allianc€' anglaise et voulait faire la paix séparément. {( 11 n'y
a roin! de doule, ajonla-t-il : dans sa querelle avec l'Angleterre, la
Fnlllce a raisnn. " La France a raison! N'était-cc pas une ehose mer-
veillellse de voi!' les pl'inees qui' avaient soulevé des masses innombra-
hles de soldals contre la Franee, s'éclairer ainsi tout a eoup sur le bon
droit de leurs ennemis et sur les torts de leurs alliés? N'était-ce pas une
ehose déplorable que ceUe illumination subite ne fút venue qu'apres
vingt combals el une bat.aille Ol! le sang humain avait coulé en abondance?


l\apoléon n'abusa point de la sllpériorité que lui donnaient les événe-
menls de la \eilIe. Il promit de suspendre la marche de ses colonnes et
de laissel' passer l'aJ'mée russe, si Alexandl'C voulait s'engager a retour-
ner c1ans ses dats et a évacuer la Pologne alltl'ichienne et prussienne.
L'empel'eul' Fl'Iln¡;ois donna ceHe assurance au nom d'Alexandre, et se
('e lira ensllite, accompagné des princes de Lichteinstein et de Schwart-
zenberg. l\apoléon l'accompngna jllsqu'a sa voiture, et revint coucher 11
Austerlitz, Il dit en quittant le lllonarqlle lmtrichien : {( Cet hornme me
fait fail'e UIle faute, cal' j'aurais pu sllivre ma victoire , et prendre tOllte
I'armée \'usse et autrichienne; mais enfin quelques laI'mes de moins se-
mnt versées. "


Napoléon avait paI'lé a ses soldats, la veille du combat, ponr enflam-
mer lem' courage et leur pl'6suger la "ictoire ; il n'oublia point de s'adres-
ser eucore il eux, apres la bataillc, pom les féliciter d'avoir si noblement
contrihué a vérifier su pr6dictioIl. « Soldats, lenr dit-il, je suis content de
vous! Vous avez, a la journée d'Austerlitz, jnstifié tout ce que j'aUendais
de votre intI'épidité, V OllS avez déeoré vosaigles d'nne immoI'telle gloire ...
Lorsqne tont ce qui est nécessaÍl'e ponr assurer le bonheur et la prospé-
['ité de notre patrie sera accompli 1 je vous I'amenerai en France. La,
vous s8rez l'objet de mes plus tendres sollicitudes, !\ion pellple vous re-
vena avec joie; et il vous snffira de dire : « .J 'étais a la batuilIe d'Auster-
litz, )1 pom' que l'oJ1l'éponde: " Voila un braveo »


Cependant un aide de camp de Napoléon , le gén6ral Sav3l'Y, avait
aecompagné I'emperem' d'Allemagne pOllI' savoir si Alexandre acceptait
les engagements pris en son nom. Le czar s'empI'essa de ratilier l'assu-
rance donnée par son august~~ allié; pllis il dit ti l'envoyé fI'alll{ais:
" Vous étiez infér'ieurs il moi, et cependant vous étiez supérieurs Slll'
lons les points d'attml'1E'. - Sir'e, 1'6pondit Suyary 1 c'est l'art de la
guerl'e ct le fruit de qllinzp flllS de gloire; e'est la quarantieme butuille




550 HISTOIRE


que donne l'empereur. - Cela est vrai, reprit Alexandl'e; e'esl un
grand homme de guerreo Pour moi, c'est la premiere fois que jc


mis le feu. Je n'ai jamais eu la pretention de me mesurer aree lui .. Ie
m'en vais dans ma capitale. J'étais venu an secollrs de J'cmperelll'cl"AI-
lcmagne; il m' a fait dire qu 'il était content : je le suis allssi. »


L'armistice convenu le 5 décembre entre Napoléon et l'empel'elll'
d' Allemagne ret;{lIt, le 6, la forme officielle , par la signatllre <111 mare-
chal Redhier et du prince de Lichteinslein.


Celte sllspension des hostilités fut sllivie de dellx décrels , dont l'un
accordail des pensions aux vem"es el aux enfanls des militaires de (out
gl'ade lllés 11 Austerlitz, tanclis que l'autl'e ordonnait que les canons rus-
ses et alltriclüens pris sur ce champ de balaille seraienl fondlls, et servi-
raient a l'éreclion, sur la place Vendóme, d\me colonne lriomphale
pour perpétuer la gloil'e de l'armee fl·¡m~aise. Dans un tl'Oisieme
décret, l'empereur, adoptant tous les enfants des généraux, officiers el
soldats franljais morts 11 la bataille d' AlIslerlitz, onlonnail : ~ (1 qll'i]r;
fussent enlretenus el eleves aux frais de l'état; 2° qu'ils pllssentjoindr('
~I]ellrs noms de bapteme el de famille celui de :\ apoléon.


n'Auslerlitz, le quadier-général revin! ü Bl'ünn. C'esl lit que Na[1o-




i -
I


DE NAPOLÉONo 551
léon , s'élanl fait présenler le prince Repnin , colonel des chevaliers-
gardes, lui dit « qu'il ne voulait pas priver l'empereul' de Russie d 'aussi
braves gens, el qu'il pouvait réunir tous les prisonniel's de la garde im-
périale ,'usse el retoul'I1er avec eux dans leur patde. ))


Le ~ 5 décembre, Napoléon était de re tour a Schecnbrunn. lJ y reQut
la députation des maires de Paris. Le maire du sepW~me arrondissement
porta la parole. L'empereur lem' annonQa la eonclusion prochaine de
la pnix, et les chnrgea de porter a Pnris les drapeaux pris a Austerlitz
et destinés a l'églisc de Noh'e-Dame. JI écrivit en meme temps au car-
dinnl-archeveque pour lui confier la garde de ce glorieux dépót , et pour
lui exprimel' l'intention que, tous les ans, un office solennel ftit chanté
dans la métropole en mémoire des hraves morts pour In pntrie dans eette
gl'ande journée.


Pendant son séjour ti Sehcenbrul1ll , l'empereur, passant Ulle rC\ue)
arriva al! premier bataillon du 4e régiment de lige, qui nvait été entamé
a Austerlitz, et y nvait pcrdu son aigle. « Soldats, s'écria l\apoICon,
qll'avez-vous fait de l'aigle que je vous nvais donnée? Vous aviez juré
qu 'elle vous servirnit de point de ralliement et que vous la dérendriez au
péril de votre vie: comment avez-vous tenu votre sermen!? » Le major
répondit que, le porte-dl'apcnu ayant été tué dans une ehargc, personne
ne s'en était aperQu au miliell de la fumée; mais que le corps n'en avait
pas moins fait son devoir , puisqu'il avait eulhuté deux bataillons russes
et pl'is deux drapeaux, dont il faisaithommagea l'empereur. Apres avoir
hésité un instant, N apoléon interpella les offieíers el les soldats de j urer
qu'i!s ne s'étaient pas apm'Qus de la perte de leur aigle, ce que tous firent
uussitót; el l'empereur , prenant alors un ton moins sévere, leur dit en
souriant ; (1 Dans ce cns, je vous rendrai done votre aíglc. »


Les negociatiolls ponr la paix avaient éte suivies avee la plus grande
aetivite; elles amenerent le traité de Presbourg, qui ful signé le 26 dé-
cembre, et par lequelles élals vénitiens furentréunis an royaume d°Italie,
et les éleeteurs de llaviere et de W nrtcmberg eleves a la dignité royale.
Napoléon anllOIlr;a lui-meme eette heurellse nonvelle a son armee par
une proelnmation du 27, et daos laquelle il lellr disait qu'apres avoir
vu leur cmperem' partager avec eux lellI'S períls et Ieurs fatigues, ils vien-
dl'aient le vOÍl' entolm) de la grandeur et de la splendeur qni appartenaient
au sOllvel'ain dll premier pellple de 1'1ll1ivers. «.le donnerai uIle grande
lete, allx premiers jours de ruaí , ti París, Iljoutait-il; vous y serez ton5,




HISTOIHE


el apres nous ¡mns oil nous appelleront le bonheul' de notre patrie el les
intérets de notre gloire. Soldats, l'idée que je vous verrai tous, nvantsix
mois. rangés autour de mon palais , sourit a rnon eamr, ct j'éprollve


d'aYallee les plus tendres érnotiolls. l\ous eéléhrel'ons la mémoire de
cellX qui) dans ces deux eampagnes) sont morts au ehamp d'honnell\' ;
et le monde nOllS yerra tOllt prets a imiter leur exernple) et a faire en-
eore plus que DOUS n'avons fait, s'ille faut, enntre ceux qui voudraient
aUaquer notre honneur, ou qui se laisseraiellt séduire par 1'01' eorrup-
teur des éternels ennemis du eontinent. "


e'est ce langage magique, tout-puissant sud' esprit du soldat i ce sont
les interpellations individuclles dans les revucs el le ton de eamaraderie
rnilitaire que l\'apoléon savait prendre si ti pl'OpOS , {lui I'ont fail arcuser
d'avoir conquis et rnainlenu sn grande popuhll'ité dan s les camps par une
80rte de eharlatanisrne. l\1ais les écrivains qui out hasardé ce reproehe
n'ont pas compris que, si une pareille qualifieation pOllvait s'appliquer iI
l'habileté déployée par un grand homme pour remIre une nation 011
une armée ca rabIe d'enfanter de grandes choses , il n'en l'é8UHcI'ait pas
que le grand homme se Cut rabaissé uu niveau de ce que ¡'on appclle
vulgaÍl'ement un chadatan, mais hien que le dJUrlatanisllle aurait été




UE NAPOL~()N.
devé i.t la IHlulellJ' dll pall'iotislUe el de rintelligplI(,c politique, d pllr-
I'oís meme [¡ la slIhlimité dll génie. Que I'on onvre eu eHel J'histoire, el
I'on verra que nu! Jes bienfaileul"s de !'humanité, uu! des gl'ands civi-
lisateul's, par la !égislalion, par la religion Ol! par la conquete, ne s'esl
faíl faute des moyens d'entraiueJllent qu 'emplo) ait l\ apoléon I)OUI' mai-
tríser les hommes el les 111l'nel' U de hautes destinées. Si I'usage qn'íls
ont Cait de leur supél'iorité pOUl'Ie bouhen!' ou la gloire des nations {leut
s'appeler charlatanisme, comlTIr l'ascendant de la maréchale d'Anerc
sur 1\Iarie de lUédícis s'appela sOl'eellerie) ill1e faut pas, dans notl'(,
siecle, dresscl' le bUcher pour de tels eharlatans, mais flire plutó! :
Ilonneur i\ leur eharlatanisme!


Les adíeux de :\apoléon tl la capítale de I'Autriche ne Illél'itelll pas
llloins que sa demióre proclamalion ti son al'll1ée d'etre reelleillis pl1l'
I 'histoire.


" Habitants de Vienne, leur dit-i1, je me suis peu montrl' panui YOUS,
non pm' dédain ou pUl' un vain orgueil; mais je n 'ai pas \Ol1Ju distl'aiI'e
en vous aUCllll des sentiments que vous dcviez au prince ayec qui j'é-
tais dans l'jntention de fajee une pl'Ompte paix. En vous quittant) l'ece-
vez, eomme UII présent qui vous prOI1\'e mon estime, votre arsenal ín-
taet, que les Jois de la gllelTe avaient rendu lIla propriéV~; serYez-vous-
en 101ljours pOlll' le maÍntien de I'ol'drc. Tous les maux que vous avez
soufferts, attl'ihuez -les aux malhcurs inséparables de la guerre; et,
tous les ménagements que mon armée a apportés dans vos contl'ées ,
vous les devez a l'estime que vous avez méritée. )


Celte proc\amation était 11 peine signée, et la paix annoncée au peupll'
de Vienne et ti l'al'mée fran<;aise , que, par une nouvelle proclamation,
ti la dale du meme jour, 27 déeembre, Kapoléon dénont;ait al1 monde
la pel'fidie de la eourde Kaples, quí, au mépl'is d'un traité condu dellx
rnois aupa!'avant, venait d'Ollvl'ir ses ports aux Anglais. Jamais sa pa-
role n'avait été plus noble, plus énergiqlle) plus mena<;ante. Des Bour-
bons donnaient la main aux Anglais el trahissaient la France! C'en t'tait
assez pOllr que les passions, les antipathies, les répugnances de la natioll
fussent aussitót soulcvées, et pou!' qu'elles cherchassent a se faire jOlll'
dans le lallgage de son chef. lci, la diclatllre impériale deyait parlel'
comme l"eút fait la diclatllre conventionnelle. 11 fallaít elre inexorabI!'
pou!' le parjure royal, el faire descenc1re du lt'tllle les Bourhons de Na-
pIes, hllmilié'f' et flt,tris, 11 In f¡\('(' Ms Anglnis, l\apoléon rellllllit admi-


.,


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llISTOI HE


l'ahlemeut '~ette laehe. Jamais il ne représellta mif'ux la r("volution el la
FraIlee. Voici d'abord la proclamatíoll a la grande anllée:


" Du eam[l impérial de S c\l<rnb I'Un n , 2() décembre ~ 80:).
)) Soldats,


») Depllis dix ans, rai tout fait pOlll' sam'el' le roí de l\aples; il a tUlIt
{ait pom' se perdre.


» Aprcs les batailles de Dégo, de JUondovi, de Lodi, il ne pounlit m' op-
pose!' qu'une [aible résistallce. Je me fiai allx paroles de ce prince, et rus
génércux enwrs lui.


» Lorsque la seeonde eoalition fut dissoute a Marengo, le roí de Na-
pIes, qui, le premier, ayait cornmeneé cette injuste guerre, ahandonné a
LUlléville par ses aJliés, resta seul et sans défense. II m 'implora; je lui
panlonnai une seeondc [ois.


») 11 y a peu de lllois, YOUS étiez aux portes de Naples .. rarais d'as-
sez légitimes l'aisons el de suspeeter la trahison qui se méditait , et de
wnger les outrages qui m'avaient dé faits. Je fus cneol'C génércux. Je
reconnus la neutralité de Naples; je vous ol'donnai d'évacuer ce
royaume jet, pour la troisieme [ois , la maisoIl de 1\ aples fuL l'afferIllie
pt sauyée.


» Pardonnel'ons-nous une quatrit'mlc fuis? i\ous fiel'olls-nous une
q uatl'ieme fois a une COIII' sans roi, sans honneur el sans l'aison? N 0\1 ,
non! La dynastie de Naples a cessé de régner; son existel1ce est incom-
patible avec le repos de I'Europe et l'honneur de ma COUl'onne.


)) Soldnls, mal'(~hC'z; [)l'.éeipitcz dans les flols, si lnllt (':-l '1u'ils 'O\lS




DE \AP()U~O\.
attendent, ces debiles bataillol1s des tyruns des llle\,::;. l\1ontl'ez uUllloude
de lIucHe maniere nous punissons les parjul'es. 1\'e tardez pas il m'ap-
prendre que I'Italie est tont entiere soumise a mes lois, ou a eelles ctc
mes alliés; que le plus beau pays de la [erre esl affranchi du jOllg des
hommes les plus perfides; que la sainteté des traités est vengée, et que
les manes de mes braves soldats, égorgés dalls les ports de Sieile a leu\'
l'etolll' d'Égypte, apres avoir échuppé aux périls des nauf/'ages, des dé-
serts, el dc tcnt combal5, sont enfin apaisés. »


L'armée d'ltalie, que les triomphes de Masséna avaient condllitc sur
les fl'Ontieres de l'Autriehe, et qui était ainsi devenue le ltuitit'me cOJ'pS
de l'urml'e d' AlIemagne ,remplit dignement le \'a~lI de 1\'apoléon, en al-
lant s'cmparm', au pas de course , du l'Oyaume de i\'aples. eetLe \'apidc
conqueLe fut annoncée en ces termes par le trente - sepW~me bulletin
de la grande armt~e :


" Le g¡'~néral Saint-Cyr marche i:t grandes journées S11l' 1\'aples pOllr
puni¡'la trllhison de la reine, et préeipiter du trólle ecHe femme crimi-
nelle, C[1lÍ, arce tant d'impudeul', a violé tout ce qui est sacre pal'l1li les
hommes. On a voulu intel'rédel' pour elle aUpl'8S de J'elllperellt', iI n
répondll :


» Les hostilités dussent-elles recommencel', d la nntioll soutpnil' lIJ)('
guerre de trente an8, une si ntroce perfidie ne peut etre pardonllee. L;¡
reine de Naples a cessé de régner; ce dernier crime n rempli 5n des ti-
née. Qu'elle aíJIe a Londres augmente¡' le nomhre des intrigants, d
former un comité d'enere sympathique avec Druke, Speneer- Smith ,
Taylor, Wickam; elle pourra y appeler, si elle le juge eonvennble,
le baron d' Armfeld, MM. de Fersen, d'Antraigues, et le moinp
~lorus. »


Avant de C[llilter Vi('nne, NapoJéon désira s'expli(IUer fr'anehement
a\'ee un envoyé au roi de Prllsse, l\L d'IIaugwitz, qui n 'était renu su\'
le théiitre de la guerre que pour en épier les mouvements et les chan-
ces, et pour eh'e plus prompt a déclm'el' l'alliance de son mnitre arce les
eoUl's d'Auh'ichc et de Rllssie, au premier éehec des armes fl'an9aises.
Snns doute la ba!aille c!' Austel'lilz avait fait ajourner ecHe déclaratioJl )
el le ministre prussien, oeeupé 11 négociel' un nomeau traité a\'Cc 1\1. ch'
Talleyrand, nc songeait plus déjil ¡¡ ses instructions primitives, lorsqHe
s 'étant pl'ésenté a l'emperenr, reIui-ri lui dit du ton le plus sévrre ('t
aree une grande halltellr :




:;:;(i IIISTOlliE
E:;t-ee tille cOlHlllite loyale que celle de \otl't' Illaitl'e mee moi '( II


sel'ait plus hOIlOl'able l)Out' lui de m'ayoil' onvertel1lellt Melaré la guel'l'c,
'luoiqll 'il¡útit aucun ll1olifpour le faire .... Je pr(ofcl'e les enneIllis fnlllcs
;') de faux amis. Qu'est-ce fIue eda signilie? Vous YOUS dites mes alli{'s,
et YOUS souffl'ez en Hanovre un corps russe de trente mili e hommes ,
qui communiquc par vos étals an~c la grande [H'mée rllsse. Rien ne pe lit
justifier une pareille condllite j c'est un acle patellt d'hostilité. Si vos
pOllyoirs ne sonl pa:; assez étenclus ponr traitel' toutes ('es qllestions ,
mettez-Yous en regle j moi, je \ais Illal'che!' sur mes cnllemis partout Oll
ils se tl'Oll\ent. )l


1\1. d'Haug"itz ne pouvait niel' la l('gitilllité des reproches qu'il recl'-
vail; et pom faire oublier sa position équivoque, il se 1l1011tra disposé
11 traiter avec la France sur les bases pl'Oposées pm' M. de Talleyrancl.
Il signa donc un traité solennd, par lequelle HallO\l'e rul échangé contl'C'
le:; margl't1viats de Baireuth el d'Ansparh, tandis que :.\1. de Hardenbrrg
tt'aitait a Berlin, par m'dre el sous les yeux memr dll ¡'oi de Prusse, a\r('
le cabinet de Londres. 1\"OIlS VPlTons hienlOt les cl'fels dr eette douhlr
diploll1utie.


En¡'etournant a Paris ,Napoléoll passa par .\JlInieh , ot'J il séjOlll'Illl
qllelque temps pour assister an I1wl'inge du pl'j¡H:e Eugene avec la filie
du roi de Baviere. Il écrivit de ceUe capitale, le 6 janvier ~ 806, au sénal
conservateur, afin de l'instruire que le traité de Presbourg lui serail
bientót soumis et qu'il aurait a le faire publier comme loi de l'empirc.
« Je voulais, dans une séance solennellr, dit-il, vous en faire conna¡tn~
moi-meme les conditions; mais ayant depllis longtemps alTeté, avec k
roi de Ba\'iere , Ir mal'iage de mon fils, 1L· prince Eugene, ayer la prill-
cesse Augusta, sa filie, el me tl'ouvant a ~Iunirh an moment oü le ma-
l'iage allnit eh'e céJébrl\ je n 'ai pu résister au plaisÍl' d'unil' moi-meme les·
jellnes épOIlX, qui sont tous deux le modele de leur sexl' ..... !\Ion aI'l'i-
vée au milieu de mon peuple sera donc relardée de fluclques jours; ces
jours paraitront longs ü mon cmur; mais al)l'(\s avoir élé sans cesse li-
vré aux devoil's d'un soldat, j'éprouve un ICI1lIre délassell1cnt a m'occll-
per des détails el des devoil's d'un pere de famille. :.\fais, ne voulant pus
retarder davantage la publication du trait.é dc l'nix, j'ai ordonné qll'il
wus fút comrnuniqué sans délai. »


A celte communication en succéda bientot \lile autre. L'empel'cul' ap-
prit au s~nat qu'il wnait d'adopter Eugene pOlll' son fils , et qll'il l'appe-




~~~ ~-~--~-----~-----I


nE \AI'OU:O\.


lait a régnel', apres lni, su!' les Italiells, 11 dNaut de deseendants na-
tllrels el l¡\gilillles.


Le m(lriage de ce jcune prince eut lieule I?) jamierl80;j, il :\1 nnich.
Nnpnlénn et .T()~éphine assisferenf 11 la cérémnnie, et \'(>hansserent par
1f'1lI' présencp ),(·dat des retes que la cour de Bavierc donna pour célé-


hrel' eette lIniOIl. Eugene avait pll1'U d'abord eonlr(lrié des ['remiel'es
OllVel'tlll'es que l'empereur lui avait fait raire El ce sllje! ; il répllgnait i:J
rail'(~ un mariagc politique ; mais des qu'il cut V1l, et qu 'ji pul apprécier
la jennc prineesse qui lui était destinée, il entra avee empl'essement dan s
les vues de ~apnléon,


Pendant qne l'emperelll' p\'olongeait son séjoUl' en Ba\'íere, les grands
('orps de rétat et le peuple parisien se préparaíent ti I'ecevoü' dignement
le vainqlleur el' Austerlitz,


Le tribunat avait pl'is l'inilialive, Dans la séance du 50 décemlH'e
180:), il avait adopté lmp proposition tpndant 11 « donner all hél'OS quí ,
ú rot'cC de pl'Odiges, rendait l'éloge impossible, un témoignage (l'admi-
t'ation, d'amoul' el de rceonnaissnnee qui restcit immortc\ comrnc sn
gloirc. »


I.e I el' jflnvip)' 1806, les einqufltlte-qllalre dl'apeallx (/onnés all sénat
par l'cmpereul' [urent portés an Lllxembourg par le tribunat en corps,




H ISTOI Il E


suivi des autorilés, de la musiqne militaire et d'lIne partie de la ga1'l1i-


, 1/- "\ ~
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son de Paris. L 'arehi-ehaneelier et tons les ministres etairnt presents il
eette seance. Le sénat, presidé par le gl'antl-électellr , signaJa la recep-
tion du glorieux présent qlli aIlait déeorer son palnis en <Iec/'e/ant, nll
nom dll pcuple rran~ais :
~ o QU'IlIl monument triomphnl serait consacré a Nnpoleon-Ir-Grand;
2° QlW le s(~nat en corps iraíl au-devant de S. 1\1. il1lpél'iak' et royalf."


et luí pl'esrnlerait rhomrnage de l"admirntioll, de In I'('connnissnn('r d dI'
l' mnoUl' du peuple frnnr,nis ;


:;0 Qur In leltre de }'rmpel'eur nu s('nat, da/él' tI' Elehingrll, le 26 H'n-


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----_.----- ---------------- -----


DE L\'APOLÉON, ;:;;:¡!)


déllliairc an XIV) ~erait gravée sur des la bies de marbl'e qui seL'aicnt pi a-
cées Jaus la salle des séanccs du sénat;


4° Uu'iJ. la suite de ectte IcUre, on gravcrait pareillelllent ce qui suit :
" Les qllarante Jl'upeaux,et quatorzc allh'es , ajoulés aux IH'emiel's


par ~a lllajesl(i, ont été <lppol'tés au sénat pat' le t1'ibunat en corps , et
dé[lm;I'~s dans edte Ralle 1 le mercredi, ~ el' janvier ·1806, ))


La eathédrale de Paris avait eu aussi sa parl dans la distl'ibution des
trophécs de ceHe imLllortelle eampngne. Nous avons Vll que des dl'a-
peaux, qui lui étaient destinés, avaient été rernis a la municipalit6 pari-
sienue an eumpimpél'ial de ScbceLlbl'unn. Le clergé métropolitain vint
le ~!) janvier' les l'eCeVOiL', en grande pompe , a la porte de son église,
aux vOlites de luquclle ils fUl'ent appendus,


!-_._----~---_ ... - -- ..




11 --
I I ..


I


CHAPlTHE XXII.


l\apuleOll recOllrm cmpereur par la Portr. OttOIuane. Le Panthéull ('endu au culte (:.tlholitIUí',
lIe.lauralioll ,le Saint-Oenis. Uuvel·turc du corp' l<'gislatif. Travaux llUblies.


eolle de procérlme civile. lillivcrsit~ illlpériale. BilI1lIUC de France.
Slaluls impl'riaux. Joscph Ílonaparte, rui tle ¡¡aples. Jlmat,


gl'alld-duc de Berg. Louis Bunapartc, roi de
Hollande. Fondalion tle la cOllfédération


tlu Hhill. Grantl sallh6lrin r"uni
a Pads. Traité avcc la Porte.


J:l'égoeiatioH pum la I'aix
univel'selle, ,\IUl't


tlr" Fox .


. APOLÉON et Joséphine rentrerent a Paris
~6. Leu .. présence dans la capitale p1'o-
. ·t un mouverncnt d'cnthollsiasme uni-
rsel, dont le sénat et le tribunat se


les OI'ganes, a l'audience soIennelle
(lui Ieor fut donnée, le 28 , aux Tuileries.


« Sire) dit le président du premier de
ces corps (Fnlll~ois de ]\cuf-Chuteau), quoique votre modestie parle si
simplcmeut (1('s pl'odiges sans nombre pHI' lesquels ee gl'nie, qui avail
------------------_.~._~-----------




IIIST(lII\E DE \\1'(11.1:(1\.


tll-jiJ s\lI'Jlassé tons les aull'P~ hú'os, \icllt lh~ se ~ul'passel' 11Ii-IlH\nw,
i;ouffrez que Il()Ui; e'\ú'uliolls le décret du sówt el! c10llUilllt solrllIlelh~­
lIlclIl au saUH'LlI' de tu Fnllll'e le IIOlll de Cl'IIlId) ce IlOI1l si juste, ce
litre lJue la \oix du pellple, qui" cst id la \oi" de Die u , J]OllS prescl'il
de ,ous décel'Ill'l'. "


L'empcreur rl'ponclil qu'ill'l'l11cl'eiaille sénat des sentilllcnts que SOll
présideul yelHlit de lui l'Xprimer , el <In 'il mettrait son unique glnil'e iJ
tixer les desline'es de la France de lllanien' quc , dans les úges les plus
I'eculés, die fút loujoUl's rceonnlle par la sl'ulr llénomination de gnllld
pcuple.


Ces féJieitations solenncllcs fUl'ent suivies de n;'jouissall('('s publiques.
l\apoléoll uyait a c(Cm' de faire reconnuitl'c par {ous ks gOl1YCl'IW-


IlleIlts de l'Europe le titre d'empel'eur que la nalinn fran~aise lui a\ait
dé('el'Ilé. La digIlill~ du grand peuple dont iI teuuit ses droils lui Sl'm-
hlait engag0e duns ('cUt' l'econnaissanc(1 ; el su fierté pCl'sonndlc, SOIl
tlIllOUr-pI'Opre, son ol'gueil, ne le disposaieut pas moins il y nllacher
l!eaucoup de prix. Alexandl'L' l':mlÍt fot'l meconlenté eH lni adressanl
UlW Il'lll'l' sous le siJllpll' litre de (( chef du gourernemcnl fl'ilIl~ais, )) i.l
l'cxel1lple dll roi d'Allg[(~teITe, fluí a"ait meme alTcdé de He COITeSpUIl-
dre que par ['entrelllise d'un secrétaire d'dat. Ce fuI donc \Ine esp&ec de
dédoIllmagem('J1t pOUl' Nnpoléon, quand il apprit que le sllltan de COll-
stanlinople, Selim 111, "ennit de le reconnnitrc officif'lkmcnt empere\ll'
des Fran\;ais.


Ce désir d'etre ndmis, par les rnis, iI l'hoJlnem' t!r la confratemitú
seI'a funeste iI i.\" apoleon, en le poussaut ti des acotes impolitiques , tant
dans su diplomatie que dans son udministration ínterieure. Ainsi, il AllS-
terlitz, il semontregénéreux, jusqu'a l'imprlldence, envel's des t'l1nemis
pllissallts et it'recollcilial.Jles qu'il pomail unéantü', ct il se le reproche
uussi[6t comme une faute. Ainsi, nu retom' de ectte memorable cnmpngne,
il restitue le Panthéon au culte catholique, el ordonne la restauration de
la sepllltllre ro1'ale de Snint-Denis , sans craindre de blesser les suscep-
libililés philosophil¡UCS el délllOel'atiques du peupk (lui fail seul sn force
el sa gl'andeul'. Ln meme décret , rendu le 20 feniel' ,1806, suffil u ces
deux mesures. II est pnn'oqué par le minish'e de l'intél'ieur, í\L de
Chulllpagu1', donl le rapport pcul faire apprécier les tentlances gou-
\crnementales de l'éPUC¡lll"


( Sirr, dit ('l~ ll1illi~II'(', l,l>glise de Sninte-Gene\ÍeH', le plui' !Jeau t!p




5·"2 1IlSTOIHE


tous les temples de la capitule; ce temple, qui) placé au sOllullet uu mOll t
eonsael'é i:t uu euHe tutl'luire, eoul'onnail si noblemcnt J'cIlsemble des
chefs-d'ceuvre qui décOl'ent eelle capitule, et annoIl~ait de loiil a l'étran-
gel' le l'egue auguste de la l'eligion sur eeUe population immense, enle\ l~
au va'u de la pié té au ll10ment meme ou die en allait jouir, eonsaerl'
el1suile a une autre destinatioll, luissé en fin déscrt, sans emploi el StllJS
but, semble s'élollllel' lui-meme d\1Il tel abandono La ¡'roide clIriosité ,
en visitant son (>neeinte, s'étollue de reneonlrcr déjil dans un mOllll tlIcn 1
a peine acheyé la solitude des ruines; le génie des arts, qui épuise Sl\l'
lui toute la riehesse de ses conceplions) s'aftlíge de le lrOlln'r sans ea-
I'aetcre, je dirai presqllc sallS tUlle et sans yie; la religion) voyan! S('S
e8penlllCeS trompées, détoul'ne ses l'eganls d'un monument dont la mH-
jcslé ne pcut etl'e dignement remplie que pat' le euHe du Tres-lIaut, el
qui s'élevait comme le juste hOlluuagp rendu i:t Dieu par le géllie dn;
homllles.


» Saint-])enis s'enorgueillit d 'un Llutre lllOlIumellt q ui date, au COI1-
tl'ail'e, de ¡'origine meme de la nulion , <Iue Dagobert dédia au protee-
teur de la FI'ance, que releva l'ahhé Suger, qui r('lIf<~rIlle en quel<Juc
sorte dan s son sein l'histoire tout entiére de ect empire. VI) rCl'oscIJt
trois raee!:! <¡ui régnerent sur la FraIlee; spectacle qui cOIllmande (\<'5
méditations profondes pour les princes et pour les peuples, clrappeIle a
la fois tOllte la gl'andeurdes choses humaines et leur fragile duree; mau-
solée eonsacre par la religion et par les siecles, vaste cereueil plein d'lIne
poussiere de mis, placé a l'éeUl't et hors dn tumulte de la capitule, eomll1C
par un lllouvement de terrenr et de respeet .....


» Sil'e, votre pensée seule a ranimé et presque recréé ces deux monll-
ments. Elle Icur remIra tOtIte leur dignilé prernicre. »


Le retoul' aux idées religieuses et monUl'chiqnes ne pouvait dl'e micux
eXlwimé. Si l'empereur voulait s'en faire un merite, a l'élt'angpr) el
Ulellle en Fnmce aupres du dergé el de tout le parti de ¡'ancien rcginw ,
ses intentions étaient pal'faitement servies ici pUl' son ministre; quoiqlle
tan! el 'cfforls, pour mentü' a son origine et masquer sa véritahlc nlllure,
dlls~ent etl'l~ perdus, alH'cs tout, devant la viei\le ElIrope, dcvant la vieille
Franee el l'anti(lue saeel'lloce, <jui, uppréciant mil'Ux Kapolc'oll Boua-
parte qu'il ne s'apprcciait alors Jui-m(\me, s'obstinaient i:t ne voir en lui
que I'éle\'e el le pl'Otecteur du philosophisme,l'enfant el le soutien de la
délIlocrntip. ]'('llIlPllli lié' plus redoulable el non point le "t'staLlralt'ur sin-




I
I


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--1
I


5 ~3 i
('ere du passé, objet de leuI' veneration et de leurs l'cgrets, PouI' justiHer
I'empcreur, on a imoqué son systcme de fusion el de I'econ('ilialion ge'-
w"ralr, S'il ne s'agissait que rles aetes qui rétablil'ent en Fnmee le librr
exercice dcs euItes, interl'ompu par la perséelllion eOnH'ntiOllllelle ou
elirrclOl'iale, l'excuse sel'ait illlmissible, Quand le premie)' cOJlsul faisait
rouHir les temples catholiques, dalls un pays dont l'immense majorité
jlmfcsse el pl'atique le catholieisme, par hahilude dll moins, sinon ayer
toule la [erveur de la foi , Bonaparte agissait alors en hornme el 'étaL 11
cédail a la fois a l'empire des eirconstances et a l'exige[}ce dcs principes,
Le Va'U publie , la religion et la saine philosophie étaient egalement sa-
tisfnits: cal' ee n' élait la que de la toléJ'ancc d de la liberté, qui n'cxcluenl
111(\me pas la protrction, lorsqll'elle n'est pas hostile il el'nutres interels
el 11 d'antres croyallees,


:\Iais ql1and I'emperellr, non conll'Ilt d'avoir rendu au e1crgé ses ('gli-
ses désertes, et (I'ayoir llJis le p1'etre eatholique SOllS la double p1'otee-
tion de la loi el dll lrésor JluLlic, chasse la philosophie de ses temples,
pOllr y intl'Oniser le catholieisme; quand illaisse parlel' mee dédain des
fO[}llations patl'iotilllles pour leuI' subslitller aree edat des restaurations
déricales; quand il fait jeter des paroles de mépris sllr la tomLe majes-
IlIeuse que la patrie I'eeonnnissante nvait consacl'ée Ü la sépultllre de ses
grnnds hommes, el qu'il prete ensllite eomplaisamment l'oreille 11 des
phrases pompeuses Slll' « la ]loussióre dc-s l'Ois, » sur la dédicace de Ielll'S
tombeaux, a Saint-Denis, pm' nagohert ; et tout eela pour faire tomber
en désuetude l'apolhéose philosophique, pou!' relegueI' la memoiI'e et le
llom des grands hommes dan s les caveallx dll Panlhéon, pour faire fou-
lel' pnr des chanoines t la l)oussiere de Voltaire et de Rousseau, d pour
aSSlll'er 11 la poussicre impériale que des chanoines la garcleront anssi it
Saint-Denis, melée a la cendre df>s rois, oh! alors il n 'ya plus seu\ement
acte de tolerance, de liberte 011 de protection, pour le culte catholiquc,
dans edle conduite de l'empel'em'; il Y a lü allaque direete eont1'e les
principrs qlli firent conSllcrer le Panthéon it la sepllItllre des gI'nnds
homIt1es; il Y a condamnalion dll lwesent, et I'éhabililalion dll passé; il
y a contl'e-re\'olution enfin , d ríen ql1i ressrmble il un netr de npcrssitl'
ou ele pI'lldenee politir¡tle : l'¡nenil' le {l,'oU\'el'a,


, l.e décl'ct impl:rial du 20 féVl'ier IS06 chargr Ir chapitl'c métropolitain, augmenk ,lc six IIICI1l-
hrrs I de rlr'i~('I'\:¡1' I'f~Ii."e di' Snintr·(Jr'nf'vif\'f'. II t;tahlit á l'église de Saint-lleflls mi rhapitrf' ('0111-
posé de dix ('h~noin('.;;.


!


i" --___ ----"""---------""--"-




IlISTulllE


L'O\lvcrtlll'c de In l1o\lvelle sessiol1 du COl'PS législntif !le sllivit que dr
quelques jours le décret du ~o fé\Tirr ) rt llul , pm'mi les dépntl-s de 1"
F¡'illlCe, ne songen ¡¡ réclilllwr contre J'abandon <lui \enait d\'tre ['nit
d'un temple national an c1ergl' l'O\llnin. Toute pl'otf'station ¡¡ ce slljct ('lit
l;tó du 1\'5te ¡nutill'. Ct~ n'était plllS a la lrilmne, ni par la presse, flnf'
la France devait eXCl'Cel' rll'sOl'mnis son nction rén)lulionnai,'e sur
l'Elll'ope.


;\"apoléon rl'Onon~;a lui-Illemc le disCOlII'~ (\'OIlH'I'IIII'('; il s', m'rIIS;],


pOllr ainsi dirc, tlela tl'01' grande gé!ll;l'osit<'~ dOIllllOllS \'L!\Ons hlilmé Il:l-
gllc¡'e , el sembla p\'ósagc\' Irs érl'nemrnts r¡ni ron! convaincn d'imprll-
¡kncc. I( La Bussie, dil-il, ne doit Ir rctoll\' des Mhris de son ilrJ1ll'C r¡1l 'all




IJE \APOLI::O\.


hienfaiL d(~ la capitulation (lue je lui ai aeef)['llóe. l\Iaitl'e de remerser le
lrolle imperial d 'Autriche, je rai rafknui. La conduile du cahind de
\iellnc fel'll-t-l'Ile que la l'ustérité me repl'OdleJ'H d'il\oil' manllllé de
pd~,oyanee '1 Ji


Les llIinistrcs rendil'l'ul cUlllple dc la silllUlioll de l'l'lllpi\'e, dOllt la
prosl'('~l'ilé dait toujonrs (,l'Oissank. Des l'Olltps, des canaux, eles ponts,
des 1l100111illl:llts de tuutcs surtes, wllstI'ueliolls utiles el elllbellissCIlH'nls,
e()lllmell~aiellt ou s'aehenlient sur toU!; les points de eeHe yaste 1ll00Hll'-
chie, (lui sr' {,olHposail alo\'s de cent dix départements, non cOlllpl'is la
lIolland(~, I<'S étals yénitiens el le royallllw d'ltalie,


({ Plnsieu\'s cOUlmunicaljuns lloll\<eJlcs. dit le ministre de l' lnlú'ieul' ,
M'siróes par les administres, ont fixé I'attention du gOll\ernel11ent. Cell('
lk Yaloglle illa I10gue es1 ache,ée; ceHe de Caen il Honfleur se termine;
('elle d'Aja('('i() 1111aslia l'~1 Ú lI1oilir"; cdle dAlexandl'i(' ú Sa\olllw est
traeée; cdh~ de Pans 11 .Uu)ellcc par I1amhollrg, el' A.ix-Ia-Chapdle a
1lontjoie, sotllordollnées. Dile louable élllula[joll anillle un graud 1I0111-
bre de l'OllHlIlIlles pOli\' la l'estaul'atioll des dWlIlins ricinHlIX,


" I)(·s pOllb se rétablisseut, su\' le lUlill, 11 Kehl el ú Bl'issac; sur la
.Ueuse, u Givcl; sur le Cher, ~I Tours; sur la Loire, il ~L'\ers el il Roannc;
su!' la Saúlln, i¡ Am.,onll(" ete. , etc. ])eu\ indomptabl('s IOl'l'ents, la 1>11-
l'[llIce et l' lsere, seroul assl'nis Ú passer sous des ponts.


}) Six gnlllds CllIJaU\. 80llt eH cxéeutioll : celui de Saint - ()nclltill , \e
('anal Napolóon, joignallt le Uhin au Bh{¡I1l~, le cunal de Bourgogne, eeux
dn Blavel el de nlc-et-Rallce ) le callal d' Aries et les eanaux tl'elllbl'an-
ehell1enl de la Belgillue.


)1 Qllclques autres sont commencés 011 tracés, tels que ('enx de Saillt-
Yalel' y , (le 13eaueaire u Aigues-J.'I1ortes, de Séclall, de l\iort il La Hoehelle
('1 de i\anles a 131'(,sl.. Plusicurs enfin SOllt projetés, eoullue eetlx de la
Censé<:, de Charlel'Oi, d'Ypl'C's d de Briare.


" Si mus jetez les regards SUI' nos ports) YOUS yelTez qll'on s 'OCClIPP
sur jes rleux Iller~ it les l'L'lIdre plus accessihles , plus cOll1modes et plus
súrs. "


111. de Chall1pa;::lIy ani,ait ellsuite a parle!' des gl'andes eonstl'lH'tions
el des embellissenH'llts de Pal'is.


" Vos I'egal'ds, clit-il, lt mtre l'elour dalls la capitale, ont été fl'appés
de la h'ollvel' plus embeJlie dans le COUI'S d' une année de guerre qu 'elle
ne]p fllt jndis (,JI UII dClI1i-siecle de paix. De nOUYefll1X c¡uais se 11I'01on-




H1STOjHE


gcul slll'les l'ives de la Seille.Deux ponls muiellt dé executes les alinees
¡¡recL'dentes; le troisicme, le plus importanl de tous par son étendue ,
('st sur le poiut de s' ucheycr. Dans son yoisinagc est t!'ace un nouveUll
quartier destiné iJ en compléter la décol'ation; les mes lit' ce f]llartiel'
portent les noms des guerriers qlli out trollre une mort honorable dmls
le cours de la cumpugne; le ponl prend lui-llH~ll1e le nom d' Auste\'-
lilz.


)j En s '¡'Ioignunt des honls ele la Seine, UlI are de triomphe , placé il
I'cntrée des bOlllevurds, deriendra un 1l0UH'aU 1Il0IlUlllellt de ces (,y{.-
lIements donlle souvenir doil etre plus durable <Iue tout ce que nou¡:;
pOllrl'OnS faire pOllr le perpetl1f'l'. Qu' an moins ces onvrages attestent iJ
la postérité que nOlls avons eté aussi justes qu 'dIe le sera, d que not\'()
¡'econnaissance a égalé notre mhni('ation. \)


A ce rapporl, dont nous ne dOllllOllS qu'ulI fragment , el au discoul'~
d'ouycrlUl'e de l'einpcl'eul', le eol'ps législatif répondit par une adress('
<¡ui ne faisait tlue reproulIire tOlltes les démollstl'ulions d'enll!ollsiasme
d de dévollelllcnt luxlIeusement étalées dalls toutes les lwrangues précé-
(len les des gl'amls COl'pS de l'état. « Les mmees, SOllS Yotl'C ]'¿'glle, disail
JI. de Fontanes, sont plus fécondes en éréucments gloriellx <llIe les si6clcs
sons d'autl'es dynasties,


) Le monde se c!'Oil revenu iJ ces temps oi!, eomme le disait le plus
Lll'ilJant et le plus 11I'0fon<1 des ecl'ivains poliliques , la marche dll vain-
qnenr élait si rapide que l'uniu'rs semblait pIntó! le prix de la eourse
que ceJlli de la ,idoire. »


Ce langage , pour sortir de la bOllche d'nn COlll'LÍsan, n'en était pas
moins la simple expression de ¡'histoil'e; ('[\1' tel était le cal'ac!el'e pro-
digieux de la yie de i\"apoléon, que la flalterie, si féconde en formulcs
hypel'holiques, ne pOllvait parler de son genie el de sa gloire san s rester
dans les limiles de la vérité, alors meme tlll'elle semblait s'abandollnel'
I() pI liS a l'exageration.


Daus ecHe session , le eorps législatif adopla le Code de proeedure ci-
yjle, <[ lle le minislre de l'IntérieUl' avait sainemenl appréeié en disant :
,( Ce 11(' sem pas un ouvrage parfnit; mais il sera meilleur que ce qlli
existe jusqu '11 préscnl. »


L'élablissement de J'université impériale date allssi de cdle (']loque,
Les motifs de eette fondation importante fur()llt ('\pos<~s par le eddJl't,
Foul'l'l'oy, que sa seiellee el SOIl patriotisme allraicllt clt'¡ [Jorter aux fOI1t-


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/lE \APOLÉONo
liolls de gl'and-mnill'e, et ú qui :'iapoléoll eut le lo!'t de Pl't'>f('rer un abl)(',
de rancien reginw, 1\1. de Fonlaneso


L 'ol'ganisatioll de la bantiue de Franee re9ut allssi In sanction législu-
lin-, Slll' le rapport dll cOlIseillcr cretal HegnauIt de Snillt-Jean-d' Angely o


J)ans le discoul's de clótllre, pl'Ononcé par un autre conseiller d'état .
JI o J aubert , n la s(:'ullee d ul2 mui180G , on remanjlla le pasf:iage su ¡-
\'ant :


« Sa majesté a jeté Ull regul'd pro('ond sur les di verses padies du
systcme financier o


l) Elle a consulte la naturc du sol, calculé les reSSO\lrces el les moyells
que lc m()UH~ment du C0Jl1111el'Ce cxtériellI' doil pl"OCUI'er U l'agl'ieul1clll'
et au marchando


1) Su majesté u entelldu allssi eelle récJalllation ulliverselle qlli s'I"le-
vait contre la laxc d'enlret.ien des J'Outeso


» EL sa majesté u dit :
» QllP la conll'ibution fonC'Ícl'e soit Uégrf'\ ee ;
J) (¿ue les hm'l'i(~res dispal'aissent;
» Quc les impúts indircds les mieux appropriés a la situatioll de la


FranC'c YÍennent aSSUl"er les fonds néC'cssaires pOUl'l'ad'millistration o »
C'dait I'mmoncerlrs dl'Oits-réllniso La politiqlle 11l0lHll'chique de l'Cl1l-


pire alIait se relleter dans son systcme financiero l\' apoléoll youluit se
cOllciliel'la grande pl'Op1"Íéll~, s'appllyer sur l'al'istocratic terrienne , el
il lui promcttait un dégróyement aux dépens dll consommatcur prolé-
taire, e'est-a-rlire de la masse du peuple, sur laquclle devaiL rctomJJer, etl
délinitive) le poids de r¡mpót indirect. Si, malgré toutes ces deriations
de la yoie populairc, Napoléoll trouye la nalion fidcle il son C'ulle et la
H.it pcrsistel' dalls son rngouement, iI n'en est pas moins vl'ai que les
éeal'ls de la politiqlw intérienre L/u monarque ) quoique compensés par
les prodiges qui signa1erol1l u j'extéricUl'la propagande involontaü'c du
eonrjuél'anL, fillil'ont par atliédil' l'cnthousiasme national; el quand le
jour des revcl's "icndra) quallllla Proyidence se mettra cOlltre l'empil'f',
pour entrainer le pell]lle illaissC'r faire la Pl'midence, enll'e autres pro-
messes raites an lwuple, Oll llli parlera dn )' aholition des droits-réunis !


:\apoléotl ayail trop de logirIlw dans su tde ponl' n'en {las JIlctlrc dans
scs ades) dans ses plans, dans Sil réaction monflrdliqlleo Ce qu'il rnait
raít pOUl' lui , COIl1Il1C chef de l'total, il le l'épéía pOlll' ses proc!Jes et ses
li('utellalll~o Des statu!s illl]1l'l'iaux fUl'ellt présC'nlés au SlW¡( , I1 la sóanc('




HISTOIHE


dll ¡) 1 1l1()1':-; 1 SOG , reglan! l'elat lles IH'inees el pl'inces!'es de la maiSOl1
impl'l'iall'; él'igeant en (luches el fit'fs hél'éditait'es la Dalmalif', l' I~­
tl'ie, ele.; appdallt J oseph-N apoléoll Bonaparte a II t!'{me de ~ aples ;
donnant a 3Itwat , bcall-h'el'c de rempCrClll', la somel'ainell' des dUellb
de Berg et de Cleves ; a la pl'incesse Palllille, la prineipllIlte tle G lItlstalla;
il Bel'thiel', celle de ]\'('III'chttleL ete., e/e.


Ce que IlOIlS avons dit de l'hérédité polili(IUe, llll slIjl4 (I(lla dignitó illl-
périale dont ~e I'evelit :\apoléon, pellt s'appliquer i\ J'dalJlisscllIcnl dc"
grancls l1efs h("('{'ditail'es, el nOlls dispf'IISe de t'epl'Oduil'e le~ I'l'lIe'\iolls
¡[ue nous <lYflllS faites sur les essais ¡\p restallration t('ntl's par rempe-
I'f'Ul', pt sur le (lénwnti donné pllr lui U J'assemhlée cOlIslÍlllllllte. \()\I~
VtlTOns pllls tan! l'a'U\TC {ll'ineipalE' du ji marf' 4 ROG HllIll¡J¡,P 1('
31 mal's ,1814; tandis que les grauds resultats de la ]luil dll 4 aoútl78H
resteront impél'is~ahles. Que I'on n'oublip pas d'aillclIn;, aill~i lpl(' 1I0U¡';
I'avons déjil rail remarquer, (llf(~ les nobles et les !'Ois de l'elllpin',
tires dll limon plél)(~i('n, el, consenaut :\ trmtrs loules I('s métaIlIOl'-
pItoses leur esscnec reyollItionnaire, n'onl fait que lIIeltr(' ;'1 la portú'
des regards du ppuple la Ilohlesi'e et la l'Oyaulé, el <¡lIe ('olllt'ill\If'I' ain,i
a l'affaiblissement ou a la ruine flu prestigr C]ui sntMllait dall!' I¡'III' vil'il-
lesse ces dcux gnmdes institutions.


Parmi les cl'eations et proJllotions que nOlls WI1011S !l'éIlUl1Il'I'CI" ilen
etait une qui devait surtout avoir c1E'S cOl1sequencE's tout:\ rail f;mll'ahlrs
it la pl'Opagl:lliof) (les idéps fnll1<;aiscs el 11 la prépnration de la r';vollllioll
eUl'opéenne : e' était l' élévation (le J oseph BOllaparte au trone ¡le N nplcs,
it l'exelusiol1 des p'oul'bons, ¡,ejetés eH Sicile. SallS le savoil' et sans
le vouloÍ!', une mnin, q1li se dira royale, déposera au pied d u \' (',-
slIve le gerll1e des I'émllllions libl'l'ales; el tú! 011 tarel ce germe frllcti-
{ieril.
l~n nutre frere de ~apoléon, touis Bonapnrte, 1'e~llt aus~i , (lans le


eOLlrant de la mcme allnée, nnvestiture d'nne COlll'Onne. Les dépllt¡'·s (ltl
peuple batave, par l'OI'gane de J'amiral YCl'hucJ, dernand¿'l'ent ill'em-
perenr lE' prince Louis-Napoléon pour « cllE'!' sllpreme de lenr ['("publi-
que, )) sous le titre de « roi de I-loJlande. )) Lenr \'illU ful facilellll'Jlt 1'rl11-
plí. Dans une audience solenllelle , qni leur fut donnee aux Tuikries le
;; ,iuiIl1806, i\apoléon proclama SO!! frl're roi de IIoJlandl'. « Prinee ,
lui dit-il, n'.gnez sur ces ¡>E'UplC's. Lelll's peres ll'aclluir('lllleul' inM'pen-
dance ([ne par les seCOllrs constants de la Frunce'. D('PlIis, In lIollandl'




rllll'alliée dü l'AlIgletc'I'I'('; ('iI(~ fuI ('()\lqlli~e: cHe dut: ('11('01'1" ala Frau('c
:iOll existell(,l'. (iil'dle vous (\oi\'e done des !'Ois ¡¡ni pl'Ol<~gent ses lilwrlls,
~('S lois el sa religioll. Jlais lIe ('e~sez jamais (retl't' Fran<;ai~. })


Ces L!PI'niers lHots resumenL toule la politique de :\apoléoll ualls l'ell-
lahissement des trones voisins. Son but, en COlll'OlIlWllt scs freres, n 'é-
tait pas sculelllent de donner ti sa famille I1l1e position élevée et diglle de la
sienne. II voulait, ayant (out. que les monm'dties enril'Ounantes, snll-
Illises a ses lois, ne fussent plus tille des lll'miuces de la ll10narchie fl'HlI-
,:aise; el, pOLlr que lenr assimilatioIl 11 l'empit'e fLlt plus !lI'o[onde el plus
súre, illes pla<;nit SOllS la domillation de son pl'opre sango llaiutellant,
s'il est \I'ai que, h" oú la puissanee de la Franec s'étahlissail sOll\Pl'ail1e-
IIwnt, e'elait le gellie meme de la ciyjli~atipll purOp(\(,11l1e <¡ui dait illtl'O-
Ili~é, il faut savoil' gl'é 11 l\apoléon, n'Plit-il en en \lle (Ille rt':xtenf'io\l de
son antorilé !)('rsonnclle, d'ayoir chel'ché 11 [aire L'¡If!'('\' intimemelll dnns
la gl'amle uniló de la FI'ancr, nOllvelle IOllS les peupii''; ¡¡u'il pal'\enait il
ddadH'l' dn sys¡¿'IllC de I 'alleieIllle EUl'ope.


L'elllpel'eul' Illtll'ehail it son but, llon-seulcll1cnt ell pIa~alll les SiCll~
SllI' les tn'lIles des \ipilles (lynasties, mais en [Ol'mallt des eOIl[,(;dl~l'ations
[luissantes, dont il était le chef SOllS le litre dc prolectetll' on de média-
tcur. C'esl ainsi qu'a¡lI'I!s a\"oit' éley¡'~ les élpdpurs de Bmiere el de WUI'-
iCl1Ihel'g atI rang des rois, iI vOlllut les líet' plus éll'OitCl1lcnt ('neme aux
dcstilll'CS de son cmpil'e pal' un tr~lÍt(~ solc'nnel quí [olJ(la la eOIl['¡"dóra-
lion dll Rhin, el <Iui pul pour résultat (le rcndre a pen prcs l'ran(;aisps les
plus bclles cOl1trées de l'Allellwglle.


Ct· fllt an miliru de ces p(~ns"'es de renom'cllelllE'llt des 1'a(:e8 I'()yale~
autolll' de la France que Kapoléon s'oecupa dc l'organisalion rlétiniti\(~
dü ~Oll consei! d'('taL, tle I'institution ¡\'ulle ehaire d'ec!>llolllie ['lI!'ale :\
U'('ole d'AI{'ol't, d(~ I',"tahlissenwnt des lIal'as, de In snppl'e~si()n des mai-
somo de jellx dnns tont rempil'e, ctc., de. Il mnit porté anssi sa solliei-
lude sur J'élal incel'tnin des jnir~ , el íl :mlit l'endu un décrct, le 50 JIJ:li
ISOG, imitant tOll8 ses Sll.icts dc la I'cligion hélmúque [¡ envoy('!' eles dt,-
pulés il Paris. Ce !lé('rcL I'C(~l¡( son l':xéell!ioll, et, le 2() .illilld de la IIlCllll'
allll('~p, le gr<lIHI sanh("(h'in juif tint sa jH'ctnicl'c asselllbll'e.


La Fl'Ullce n'dait alors en gucl'l'e qu'mec la ll11ssie el I'Allglekt'l'l'.
Elle a\ait I'uilnn lrail(; a\unlagc'ux mee la Port(:-OltOll1aIlP, grúet' Ü l'ill-
tdligünec p[ ú nwbilcté de son amhassar!Pnr il COllstantinopll', le g("I1("-
ral S¡~Il:lsliani. ~apoléon donna 1111(> j1l'emiel't' audienec 11 1\'I1\OY'" cx-




IlISTOII\E


traol'dinait'e de la Sublime-Porte, 3Ioulwd-Effendi , le jOllt' lIIellle de la


l'éception aux Tuíleries des déplltés ele la Hollancle, et dll décret qlli dis-
posa des pl'incipalltés de Bénévcnl et ue Ponte-Cono en faveu)' de TI1I-
leyrand et de llernadotte.


JUais siles hostilités continuaienl entre le gouvcl'llement fran~ais el les
cabinets de Londres el de Péte~sbolll'g, re n'était pas sans espérance de
paix, La mort de PHt, survenue en janvier t 806, avait fait rentrer Fox
an minislcre, el celle circonstance seule sufllsnit pOlll' faire croirc u qucl-
qlles l11odificatiolls dans la politiqne anglaise a l'égal'd de la 1;'l'ance. Fox
el Napoléon, nons I'avons dit, s'eslimaient ll1utuellemenl. Pendant SOIl
demier ministere, l'illustre Anglnis, ayant re~tl d'un misúable trans-
ruge J'ofl're d'attenlcr u la Yie de l'empCl'eUl', s'cllIpressa de faire aJT(~­
ter cel assassin, el il écrivit ensuile, a Pal'is, au minisll'c des relatiolls ex-
térieures ponr l'instnlÍl'e de tout, et pour lui dire que les lois anglaises ne
¡¡el'meltant pas de retenir ]ongtemps en prisoll un étrangrl' qlli ne s'est
rendu coupuble d'uucul1 délit, il a"ait pl'is cepcndnllt sur ]ui de nI.' faire
relucher ce scéJel'atque IOl'sque Napoléon, hien pl'éVrlll1, se srl'ait mis ('n
gnrde contre ses attentats.


Ayec un tel minislre, l'ancienne riralM de la Frallce ct de]' Anglctcl'],(,
pouvait faire hientót pInce a drs rlisposilions 1l10illS hostiles, el la pai~
dCWllnit possible. Napoléoll y croyait; ill' a déclaré u Sainte-Ih;li~ne. :\lai~
la I'{\volution fl'anr;aise n'avait visité encol'C que ('ulle des ¡rrandcs cnpi-


:'




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DE :\APOLÉO:\. 3')1


tales de J'Europe, et elle était nltenJue ailleul's. Fox Il10urut le 1:) sep-
tcmbl'et SOG , pendant les négociations avec la F r:l\1 ce , et 1'0l11b1'c J(>
Pitt ramcna l'obstirwlioll guel'l'iere dans les conseils britanniques.




CHAl'lTHE \\111.


" traité de paix ayait été signé il Paris, le
:W juillet ~ 806 ) pa!' le ministre de Rus-
sic) sous l'inOucnce alol's pueifiquf' du
minislere anglais. 3Iaís la mo!'!. de Fo).
:Iyant I'endu il eelte inOuenee SOll carac-
¡¿'I'e lwslilc) Alexandre l'efusa dp l'atiLle)'
1'0'11\ re de sou 11l1lha~sndellJ' , et se (,OIl-


('e!'ta aycc le nO\lWIlU cabillt'l anglnis pi mec la COIlI' d., Berlin pOl!I'
l'allutll('!' In guerre S\Il' Ji' eontincl1t. Di'ji! depuis 1111 au l'f~mpl'l'CUI'
de Hussie, le roi de Pl'lls~e el Sil felllllw avaient signé le falllellx tl'nih"
de Postdmn, et juré, SUJ' le tombenu du gJ'aIld Fl'édéric , de 1'('lIIliI' tous
]eurs effol'ts contri' la Ii'rance,


l'ínpOl(\oll, instruit des prépal'atifs des COUI'S du 1\01'11, les dÓlOn~a il
ses alliés de la cOllfédération du Rhin. 11 éCI'i,it, le 21 septemlm' ~ 806,
au roí de Ba,-iel'C' pou!' lui signaler spécialcment les armellwuts de In
PI'II!'sr, el !H)UI' I'('dampl' )(' (~ontin¡;ent promis par le tI'aitr" du ~ 2 jllillpl.




f1ISTOIRE DE :-;.\I'OÜ:u\.


Trois joul's npres, il quitta Saint-Cloud et marcha wrs L\llemagllr,
accompagné de Joséphine. ArI'ivé le 28 a l\Iaycllce, Oll ji se sépara dI'
l'jmpératrice, ji rc\ut, le 50, l'aeeession de I'élccleul' de Wul'lzbourg it
la confédération du nhin, el passa ce fleme lel er octobre. Le 6, SOtl
qllartier-général était a Bamberg, d'Oll il adressa a son armée lIne ¡¡ro-


, clanllltion pOUI' lui signal8l' I'mnell1i <¡u 'elle allai! combattre. (( Soldals .
dit-il, des el'is de guerre se sont rait enteudre i1 Bel'lin ; depujs deLlx moi~,
Hons SOllllllCS provol{ués lous les jOlll'S davantflge.


» La meme faelion, le meme esprit de wrtige <¡ui, a la fflYelll' (le nos
dissensions intestines , conduisait, il Y a qualol'ze ans, les Prussiens ¡:u
miliell des plaínes de Champagne, domine dans leur consejJ. .... Ils troll-
y('rent en Champagne la défaite, la mort et la hontC' .....


)) lUarcholls donc ..... que I'armée prllssk'unc ép¡,ouye le mt'llw sor!
qu'elle éproUHl, il ya quatorze ans! qu'ils apprennent que s'il est facile
d'acquéril' Utl aeCl'oiSSemellt de domainc el de puissance ayec l'amilié dll
grand peuplc, SI)fI inimitié (qu'on !le peut PI'O\o'1I1(,1' ({ue par l'ahandon
de tout f'spl'jl de sagesse el dI' raisoIl) est plus terrible que les ternpetes
de rOcéan. })


JI est facile de s'aperceyoil' que l'emperelll' est miellx dans son rble,
que son allul'e est plus f"anche et plus anitlJ("e, qlland il exhume les tradi-
tioBs rérolulionnaires dont le dépul a ¡',té mis en ses mains, que 101'5-
fluil éVOfllle les souvenil's religieux el monarchiqnes de Sainte - Gene-
vieve et de Saint-Denis.


Cependant Napoléon est entré en campagne et il va fondre sur ks
ennemis, sans mieux savoil' que dans la derniere guerre « pOllrquoi il
se bat et ce qne ron veut de luÍ. » e'est ce qu'i1 exprime formellclllent
dans un message qu'i1 adressa ele Bamberg, le 7 octobre, an sénat COI1-
servatem' : e


« Dans une gucrre aussi juste, dit-i1, oú nous ne prellons les armes
que pour nous défenJre , que IlOUS n'avons pro\'oquée par aueun acle.
par ancune prétention, ct dont il IlOUS serait impossible d 'assigner la vé-
,'itable cause, nOllS cornptons entierement sur l'appui des lois et sur ('('-
Ini des peuples, fIue les cireonstances appclll'Ilt a nous dOIluer de nOll-
velles prellves de lenr dévouement et de leur courage. ))


l\'OIlS avons indiqué, nons, cette véritallle cause, a l'occasion des guer·
res précédentes; et :\apoléon, qui, depnis qu'i1 s'est fait couronnel' et
sarrf'1' rmpf'('('IlI' , S('mlM el'aindre d'avo\ler que les I'ois pllisscnt CnrOI'('


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- ~. 1.
.).) . IllSTOlnE


lui faire une guel'l'e de principes, le dOllue lui-menw ú penser ualls sa
prodamation a l'armée, quand il aeeuse i( la l1lel1le faetion , le l1leme
esprit de vertigc, )l qui conduisit Brunswid, en Champaglle, en n92, de
domincr aujourd'hui, eommc alors, dans les conseils dc la monarchie
prussienne.


Du reste, le jour meme dc son mcssage au sénat, il re¡;ut de l\1aycnee
U11 eourrier dc Talleyrand qui lui npportait une lettrc du roi de Prusse,
dans laquf'lle el' prinee répétait) en vingt pages, tous les gl'iefs eoll1-
rnuns que les ennemis de la révollltion n'avaient ecssé de rf'lll'oduire
d{~puis quinzl' ans, et sous tOlltes les formes, contre la FI'ancc. L'CIll-
pereur nI' pnt en aehever la lf'cÍlll'e ; il dit allx personnes c¡ni I'l'ulo1\-
raicnl :


« .le plains 111011 fl'ere le mi de PI'usse; il n'entend pas le Frangnis ,
¡11I'a súrement pas In eette rapsodie. »


Et eomme la leUre du roi était aceompagnée de la fameusc note d0
". de Knohplsdol'f, l'empel'CUl' ajouta en s'adressant il Rerlhier :


{( 3Iaréehal, 011 n01\S donne U11 rendez-vous d'houueuI' pour le 8, ja-
ll1ais un rran~ais n'y a manqué; mais comme 011 dit fju'il y a IIIlC Iwlle
l'eille qui veut étre témoin des combats, soyons cour!ois) el mardlOns ,
~ans nous coueher, l)om la Saxt'. )


Napoléon fElisElit allllsion a la reine de Prusse qui était il l'armée,


« habillée eJl amazone, portant l'unif'orme de son régiment de dragons )
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DE NAI'OLl~()~.


éet'ivallt vittgt Ictlres par jOttl', disuÍt le premier bulletin, pour exciter de
tou tes [liJl'ts l' inccnd ic. ))


L'etltpereur tinl pal'oJc. Le R odobre, il sorLait de Bnmherg a trois
heurcs du matin, lr(}Yl'l'suit dtÍns la jOUJ'Ill'e la roreL de Franconin, el, as-
sistait le 9, u Sehlcitz, an hrillant déhut de la ciJlupugne. Ce village fuI
enleyé par Ir maréchal Remallott!', qui hattit en celte rencontre un corps
de dix mille Prussiens, dont la plus graltde partie resta pl'isonnicl'c.


JIurat prit allssi pnrt a l'adion I se mettant a la tete des charges, le sa-
bl'e a la main.


Un nOllyeall slled~s signala la journée du 10 a Saalfeld. Ce comhal fut
dOIltlé par raile guuehe de l'arméc fran~aise , sous le commandement
du mllt'édwl Lannes. I1l'llt l)Our résultat la dérollte complete de l'avant-
gat'lll' du prince de IIohenlohe, commandée par le prince Louis de
Prusst', qui resta sur le ehamp de bataillE', Ce jellne prince était airné
de I'armée, dont iI brúlait de relen-r la vieille gloire. Son cOllrage le
penlil. 11 s'étail monll'é I'un des plus ardents promotellrs de la ¡mene,
el SOtl nvis dans les cotlseilS pt'USSiCllS avait été de (lrendre une offensive
vigOltJ't'USt'. F('('~missntlt a l'idée d'abanclonner le poste confié iI sa V[I-
leUl', il ctlgagea le comhat contre des forces évidenunent snpériellres,




HISTOIHE


et (lui H\ aieut de plus I'avantage de la position. Aprl's une ,ive résis-
tanee, sa ligue fllt déhol'llée et I'ompue; et pendant qu'il faisait des
efforts dl"Scspél'l~s pOlI!' ralliel' lcs fuyal'Cls, il se ,it atteint 11111' un
Illarl~chal-des-Iogis de hussnrtls, nommé Guindet, qui le SOIlnna de
['endre so:! épée, et auquel il ne I'épondit qu 'en se (]wl!aIlt en défeuse.
11 fut alOI's fr:lppt~ mortellcIllcnt, ce qlli nI dil'(, daus le dcuxienw hul-


letin qlIe l( les pI'cmicrs conp~ (le la gllerrc m aient tué un de ses <lU-
tenrs. ))


Des le 12 , les COUl'elll'S de l'armée f['an¡;aise étaient aux portes de
Leipsick et le quartier-général de l'emperem' a Géra. L'issue de la ('am-
pagne n'était pas donteuse ponr Napoléon;, lI1ais comJllC ji tenait ü é1oj-
gner de Iui la T'psponsahilité de la guerre, pt iJ hipl1 étahlir aux yelT\. dl'
la France ehle I'Eul'ope ,t¡Il'il n'ayait rien négligé ponr consenel' la paix,
il s'occupa, ü Gél't1, dofaire iI la letlrc du roi de PrIlsse unr réponsp




[) E \ A P O U: O \ , 357
qui deúu[ bil'[][üt puhlique , et dont nous rappelkrolls id I('s principam.
passugp.~ :


« lUollsieu!' lllon reeee, je n'ai l'e(~U que 11' 7 la letíre de YO[l'f' l\Iajesté,
du 2:j sl'plembl'e. Je slIis fúdÍé qne I'on ait 1'ait signer eette esp¿~ee de
palllJlhlet. Je ne lui l'épouds (Iue ponr lui pmtester que je n'aUrihl1erai
,¡nlllais iI 1'\1(' It's ehoses quí y sont coutelllH'S; toutps SO!lt coutruil'es i1
SOIl cHl'nde['(' et tt l'honneul' de tous deux. Je plnins (,t dédaigne les ré-
dae!l'Ul's tI'Ull pal'l'il ouwage. J'ai eelSu immédinÍl'IlH'nt lIpri's la note de
son llIinis(l'l" du 1 e,' oetobl'e, Elle m'a donné rendez-yous le 8 ; eu bOll
ch('\Llliee, ,ie lui ai tenu pueote; jI' suis au milieu de la S1\W, QIl'elle
m'(,ll ('['oi/' , j'aí t!('S foref's (elles, que Sf'S I'OI'('PS ne pl'uwnt balanee!'
IOllgtelllps la \i<'toire. l\Iuis pOllrquoi ¡,('pandee tant de sang? i1 qnd but '1
J(' (il'lldl'ni i1 Yotre i\Iajl's(l' le lllenw lnngage que j'aí tellu tt l'empel'CUl'
Alexalldr(' deux jours mant la bataille d'Austcditz, .... POUl'quoí 1'aíl'e
('I!0l'gel' !lOS sujds? Je l1e prise point lIne vidoíl'e f[uí Eera achctl'l' pat'
la \il' d'lIll !Jon 1l0111hrp lit' mes clIfallb, Si j'dais iJ ll10n ddl11t clan s la
c'iIlTi¿'l'e militait'e, et si je pOU\ uis ('['ninch'(' les hasal'ds des eOluhals , el'
langagt' st'l'ailloul iJ fni1 dl'placp, Sin', Yotl'e 3Iajesté seea vaincue j' dIe
allra ('omp['oJlli~ 1(' ['('pos dI' :"('S jOUl'S , l'existeu('e de scs sujds, sans
l'olllhl'e <I'11lI ))['('·[('xl.('. Elle P~t nujollrd'hui illtade) el peu1 traite!' nn'('
l1wi <1'UI e mnniel'c COI 1 fo I'Il1 e 11 son eang; f'!le traitl'l'n, anlllt llll l1lois,
mais dilns 11[1(' situiltion difft"I'Pl1It'" ... .Te ~nis qu(' p('ul-dl'e j'il'ritl' dans
c('(te leltre une ('crlaíne slls('cptíbilitl~ de sOl!Ycl'ain j mais Irs cÍl'eon-
stan('es ne dematlflcnt anCllll ménagemcnt. Que Yolre )Injest!; ordolllle
a \'essaim dl' mah l'illants el d'inconsiMl'és dont ('lIt) est ClltOurt~l' de SI'
tnir(' tI l'aspeel de son b'ú[w, dnns le l'espee1 qni lui es1 L1ú, pt qu'rlle
['(,!HIt' la 1nl\l(IUillitt' tt elle et tt scs éta(s,.", »


L'empe/'elll' Jl(' sr' ll'olllpait pas en disant que ~a }¡,ttI'C íl'l'iterait peut-
N['t' dH'z le roí de Pl'lIsse la suscep(ibilité du souwrain ; pt iJ li~ait hien
all~si ¡}ans l'an'llil' qutlnd il tlllllon<;ait hnnlinwnt ü ce prinee ({ que Su
.\Iajest.é sprait \'ninf'lIe,» En ('ffrt, ¡}('\lX jOl1r's apres, l'al'lllée pl'Ussienne
('tait an¡'~m1ti(~ aux dmmps r!'U'na, et, le 1:-; odobre, le eill<lUiellW bulle-
[in ¡}p la gl'and(' (ll'!l1t\', t!ressé sllr le ehmnp de bataille, s\'xlwimait
ainRi :


n ITULLE DE J[~;"í,L




IIISTOIHE


joues, une campaglle qui a enliceemenl ealmé edle f['énésil' gucnicr('
Iluí s'était empal'ée des telps pl'ussiennes ...


« Le roi de Pl'nsse youlut (,Olllllleneel' ks hostilités au 9 oetohr(', ('11
dl'bouchant sm' Fl'ancfo['t par sa droite, sur W ul'lzhourg par son cen-
tre, el sur Bamberg par sa gauehe; toules les diri¡;ions de sou m'mé('
daient disposl'es pom' ('X(!('utl'l' ce plan; mais I'armée frmH;aise, tou!'-
[Jaut sllr l'extrémilé de sa gallche, se ÍI'ouYa en ppu de jours il Sadl-
bou!'g, il Lahenstein, il Schleitz, il Gel'a, il Naumhourg, l:m'Ill('I~ prllS-
~il'n[Je, lOUl'née, pmploya Il'sjollI'Ilé!'s dps 9, ~O,I~ d12 t. rappdl'1'
tous ses detaehelllcnts, el le t;), dh~ se présl'llla en hataille enh'e Ca-
pdsdorf et AIH'rstaedl, forte de pl't'S de ('pnl cinqnante milll' )¡omn1l's.


1( Le ~ 3, il deux heures a¡)J'(\s Illjdi, l'empereur arriva ü l ("na , el, su!'
\111 petit plateau qu'occupail notre a\anl-gal'fl!', iI ape\'0ut les ilisposi-
lions de l'mnemi, qui pamissait mano'uv\,eI' pOl1l' aUaquel' le lende-
main, ('t forcer ks dirers débouehés de la Saale. L'enn!'mi Mfentlnil
en fo\'ce, el par une position inexpugnahle , la f'hnusst~(, de l{'na il Wei-
mm', el pl1l'aissait pen~t'1' 11ul' les Franl,'ais ne poul'l'aient dt"[¡oudlel'
dans la plaine sans moir forcé ce passage ; il ne paraissait }las possible ,
en effet, de faire monle!' de l'al'tillel'Íe S\Il' le plaleau, qui, d'ailll'urs ,
l'tait si pelil, que ([uatre hataillons pouyaient Ú pl'iJW s'y dl~ploF['. 011
lit travailler toute la nuit a un chemin dans le ,'oe, et ron panint 1.
conduire l'artillerie sur la hauteur.


« Le maréchal Davoust I'esul l'ordre de dóboucher par Naulllhoul'g
[lOUI' dPfendre les défilés de Kmsen , si I'enuemi. voulait marcht'" ~111'
l\"aumbourg, 011 pO\l1' se remIre iI Alpoda, ]lOUl' le pI'l'nd,'c il dos s'il
restait dans la position oi, il etait.


" J .eeol'ps du marédtal [lrillee d(' Ponh'-Col'\() fut Mstillé ti déholldlCl'
de Dornhou!'g po nI' tom !Jel' sur les deI'l'i¿'I'cs dp l' I'nnt'mi , soi I qu'il Sl'
[l()rtllt l'I1 fOl'ce su!' :\aumhollrg, soit qu'il s(' [loJ'tilt S\ll' 1('na.


" La gl'Osse caral(,,'i(', Ilui n'mui! pas l'IlCOre rejoint l'm'IIJé!', He )lOU-
,ait la re.ioindl'c fJu'il midi; la c(lyalel'íe de la gal'lle impél'ínle ¡'~llIi[ it
l!'('n[n-six hl'lII'cS d(~ (lislancp, que!({lWS fOl'tes llJal'dll's qu'dle e¡Jt raites
depuís son départ de Paris. l\Iais il est des momenls t. la glleITe oú <111-
('lI11e cOIIsich"ratiOIl lIe doit halancer I'manlngl' de pd~\enil' I'l'Ill1ellli d
(It' l'all,IIIUl'I' le IIl'ell1iel'. L'(,ll1p('n~\l1' 111 rang(l[' su!' le plakau qu'o('('U-
pait l'anmt-ganlt', (1118 I't'nnemi pm'aissait avoi,' llégligé, el Yis-ü-\is
duque! il (·[ai!. t'n position, tout 1(' C()l'pS 1111 llllll'("('h:ll Lanrl(l~, I'lmfjll<'




OE NAPOLÉO\.


divisiolJ formanl unp aile. Le maréchal Lefebvre fit disposer au somll1el
la gar¡{p imp¡"I'iale en bala ilion carré. L'empereur hivollaqua an mi-


lieu de ses braws. La nnil offrait un spedaelp dignc d'ohservation ,
et'lui de deux arméps , doot l'\lne déployait son fl'ont Slll' six lieues d'é-
{mdue, el emlwassait de ses fenx i'atmosphh'(', l'autre dont les feux
apparents étaient eonel'Ilh'('s sur un pelil point, el d:ms l'une 1'1 l'autrp
annee de I'aclivite el dll mouvelllent. Les feux des deux al'Jllées daient
it une demi-portée de canon; les smtinelles se louchaimt presqne, et jI
ue se t'aisait ll<lS un mouvl'ment qui ne fúl entl'ndl1.


" Les corps des marechal1x l\"ey el Soult l'assaipnl la nnit ('I1 marches.
A la pointe du jou!', toute l'al'luee peit les armes. La (livision Gazan
était rangée sur t\'Ois liglles, a la gauche du lllatl'a\l. La division Suchpt
formait la droite ; la garde impériale oecupait le sommel dn ll1onticule;
chaeun de ("('s ('orps a1'3nt ses canons dans les inlt'nallps. De la ville et
des raBées \oisilles on arnit pratiqné des débonehés qui permeltaimt le
déploiellll'nt le plus fadle aux tl'oupes qui n'ovaient Jm etre plaeées sur
Je platean; cal' e'dait peul-etre la pl'emiére fois qu'ulIe armée devait
passer par un si petit délJollché.


« Un hl'(lllillanl épais olJselll'eissait le joul'. L' empel'eur passa devant
plllsip\ll's lignes; il reeommanda aux soldats de se tenir en garde eontrc
eelle eavalerie prussienne , qn'on pejgnait comme si redoutahle. Il les
lit souwnil' qu'il y avait un an qn'a la meme époqlle ils avaient prislllm ;




!I ¡S I Ui B E


que l'al'1nee pl'llssieullc, ('Ollune l'al'Jllée autrichírnnr, l·tait aujourd'hui
ccrni"e, ayant perdu sa ligue d'opc'rations, srs magasills; Ilu'rJle \1e se
haltait plus dans ee moment pOll!' la gloire, mais pOlll' SlI I'<,[¡'ait{'; qlle
cherchant u faÍl't' U\1e lrou(~e sur diffl'rcllts poillts, les rol'ps (l'arllll'e
qui la laisspraient passer seraiellt I'erdus d'hollllt'lIl' el de I'l-pulalion, A
ce discoul's animl', le soldat n"pondit pat' des ('I'is (In « :\lal'dIOIlS. )) Lc~
tirailleurs engagerent l'aetion, la fusillarle (lf'yjnl vin'. (Juclque hOllnf'
que ftlt la position que l'euuPlIli Ol'('upait, il en ful Mhllsqm;, d I'al'mee
f,'aI](:aise , débouehant llans la plaiw) , COI11I11('I\(;a ti ¡¡rcud!'f' ~()II ol'dl'f'
de bataillc,


« De son ctitó, le gros de l'annee ennemie, qui n'avait eule pl'Ojd d 'al-
laquer que lorsque le brollillard serait dissipé , ¡¡rit les armes. 17ll corps
de cinquante mille hommes de la gaurhe se posta pOllr C/lll\Tir Il's M·-
lilés de l\allmbourg el s'empat'er des déhourhés de }{o'sen ; mais il lI\ait
tMja été pl'éwnu par le maréchal Davoust. Les (\eux llutres ('orps,
formanl 1l\1e force de quatre-vingt mille hommes, se POl'tl'l'Cllt l'H avuHt
de l'al'lnee fralH;aise, qui déhouehait du platean de léna. Le hrouillal'd
couuit les dcux al'mi"cS"})('ndant (\cux lll'un's, uwis enlin iI fut dissip!:'
par un beau soleij d'automne. Les deux anllées s'apel'~Ul'eIlt iJ pd,itr
porlée de canon. La gauche de l' uI'luée fn\ll9aise, appuyée sur un ül-
lage et des bois, était rOllllllandée par le mareehal Augereau. La ganle
impél"iale la separait du centre, qu'occupait le marechal Lannes. La
droite était formée par le co1'ps du maréchal SOlllt; le man'rhal Nry
n'avait qu'ull simple corps de tmis mille hommps, seules tl'oul11's qui
fussent arrivees de son eoI'ps d'armóe.


« L'at'méc el1nemie était nombreuse el montrait une helle ravalerie.
Les manCBuvres etaient exécutécs avec pr('eisioll et rapidité. L'empel'elll'
elH désil'é retarder de dellx heul'es d'en venir aux mains, afin d'attcndre,
dans la position qu'il venait de prl'Ildre apres l'attaqllc du matin, les
tl'Oupes qui devaient le joindl'p, pt surlout la cavalcrie; mais l'al'l!cur
fran9aise l'emporta. PIllsieul's halaillons s'étant eugagés an vilJage de
Hollstedt, il vit l' ennemi s' ébranler pour les en déposter. Le mal'l>ehal
Lannes re.,;ut ordre sur-Ie-champ de marcher en échelons pOli!' sOlltenit'
ce village. Le marl'ehal Soult avait atta qué un bois sur la droile. L'en-
nemi ayant fait un mouvement de sa dmite sur notre gallchc , jr maré-
chal Allgercau fut ehm'gé de le ('epousser; en moins d'une heul'r l'aelion
devint généralp; dCIlX rent cinquante Oll tmis rent mille hommps ,




Il E \ A l' () L I~ O \1 . "HI
11\ r(' sqll (tU hui l rrnls pi;'('('5 (le ranon, s(,ll1nirnt partollt In 11101'1. rt
offI'nil'lü \111 (k c('s spec!al'ks I'ares dans I'histoirc.


" Ik part el d "ilU [re fin manO'U\Ta consl.amnwnt commr Ü IIllr pnrnile.
Pnrrni nos tl'Ouprs il n\' rnt j"amais Ir ll10indre drsordl'C'; la yidoire
ne fut pas UII 1Il0011C11l il)(,('I'laine. L'Pl1l[H'l'l'III' pnl [olljOUI'S nupl'cs tlr
lui, intll·pPl1Ilmllll1l'nl. de la p:,mlc' illlpl"l'iale, 1111 hon nomhrE' de tl'OllpeS
de' 1'{;sPl'n' pOlIl' !l0nHlil' pal'('r iI tout acridellt impl'úu.


1) Le IIlm'l'chal Soult, aynnt ('nl('Yl'~ le hoi" ([II'il nttaquait drpllis d('ux
IU'l\l'c'S, fil. un 1110UH'l1ll'llt en ay¡mt. I)n115 crt instan!, on prórint ['el11-
[l('\,('Ul' quP la di\ i~ion de cmalcríe fl'anr,aise de résrrre cOlllmenr,ait
it SI' plan'r, (,t ¡¡ur drllx (livisions {In corps dn maréchal Ncy se pla~ai('\11
Pll arl'il'l'C' Sil\' le ('hamp de hataille. On fit alors ayanrrl' tOlltps les tmupes
flui {'Iai,'nt ('n 1'¡"Sl'I'W S\Il' la premi('l'e ligne, rt ql1i , se tromnnt ainsi
appuy!',PS, cl1lhllt¡'~l'rnt I'mnrmi dnns un ('[in d'rl'il el. le mirent {'n pkin('
I'Pll'nite. TI la nI rll ordJ'(, pl'lldant la pl'emi{"l'l' hrure; mais elle dr,int un
IIffr('u\. (!t"srll'lI l'() dll mOllll'nt fJlle nos diyj~ions de drngons pt nos cuiras-
siel's, ayalltle gl'nnd-dlH' de nerg ü IClII' tete, pnrentprendre pnl't 11 l'a ffai 1'1' .
Crs hrmcs cm aliers, fr('lllissant de ,"oir la vieloil'C ¡\{'ci¡\('(' snns em: ,
se pl't'<'Íl'it(-rellt partolll OJ'I ils !'l'neontren·nll'ennemi. La rayalel'ie ,
I'infant('rie pl'u5sirnnc ne ¡mrent soutcnir lelll' choc. En ,ain I'illfantel'ic
I'l1nrl11i{~ se I'ormn cn lwtaillons CaITl-S. Cinc¡ (le rrs hataillons fUI'('IJt
enfone¡"s; adillrl'ie, cavalerie , infunteric, tout fut eulbntt"' el ¡tris. Les
FI'anr:ais alTin\I'rl1t il ,,"cimar en mcme tC'mps qnc l'ennemi, quí fut
ainsí poursuívi )1PIH1:mt I'espaee de six lieues.


" A notl'c rlroite, le f'orps tlu mar{'chal Dmollst faisait t!('s prodig(·s.
i\on-seIlIrment il conlint, mais mrna buttant, pendant pll1s dc Imis
liellcs, le gl'OS d"" troulH's ClllU'llliPR quí dr\nit d{,hollc]¡el' dn cút{1 di'
J\ o'srn. , .


») L('s r¡"suJlals t!p la hataillr sont: trente Ú f[IIHrante mill(' prisonniers.
il en arriH' Ü ehnqlH' !l1o\ll('nt; Yingt-('inq á tI'ente drapeall\. , t\'Ois cenls
I'i(>('('s dI' canon, des mngasills irmn('nses de su hsistnl1c(,s. Pnrmi les
prisonniers l'j' h'oll\ent plus de yiogt générnux, donl plll~ieurs li(>l1te-
nnnts-génél'allX, entl'c nutres le lielltennnt-gfm(;ral Srhmettall. L(' nombro
des morts est inmwnse rlans )' nrlllée pJ'l1~siennr. 011 compla qn'il y a
plus dI' \ingt mille tués OH blessós; le feld-lllarl'dHll )Iollcn¡]ol'fr a été
hle~só; 11' dlll' de Bnllls" ieI. a dé tué; le g('nérnl Bliicher a ('·t(': 1nr; le
[1l'inc(> lIenri de Pl'lISSr, grihl'11ll'nt h]¡'f's¡" .. \\1 dire C!('S désel'lcurs ,


46




3G2 IIISTOI HE


des prisonllicl's rt d('s jlllrI('menlaires, )1' désordr(' d la ('oll~tel'ilatioll
sont e\tl'emef' dllns les déhl'is (le l'[l/'móe 1'I1IH'mie ...


» L'urméc prussiellue a, dmls ef't[e l)[llaille, penlu toutr retraite I't
toute su ligue tl'opéruüons. Su gauchc, poUl'suivie pUl' le lIJal'l~('hal Da-
must, opéra sa retraite sur W cimar, dans le tewps que sa dJ'Oit(· d
son centre se rctiraient de 'Veimar sur l\al1l11bourg. La eonfusion fut
done extreme. Le roi a du se retireJ' iJ tJ'aYrrs lf's champs, ú la téte dr
son régiment de cavalerie.


» Xotre perte est évaluée it mille ou douze ('cuts tués <'t ti [mis millr
blessés. Le grand-due de Bcrg inveslit en ce mOlllent la plaec d'El'furtb,
nú il se ÍJ'OllYe un corps d'ennemis que' commandent le maJ'édwl de
;\IollPIldodf el le pl'inee d'Orange. Si cela pE'ut ajoutel' (¡uf'iqllc e1JOS(~
allX lit!'es tIti'a l'al'mép a l'estime et it la eonsidération dt' la nation ,




OE 'dPOLÉO'l. 563
ríCII IIC pOUlTa ajoulcl' aH sClItillwnt d'attt'ndrisselllcnt qu'ont éprouvé
e('tI\: qui ont dó klllOills de l'eutltousiasll1c el a(~ l'amoul' qu'dle t61110i-
ptait ti l'ellljlel'l'\1I' au plus forl du rombal. S'il y a,ait un mOl1wnt d'hó-
sitatioll) le scul (,1'i de ,i\(' 1\'lIlpel'l'Ul' l'allimait les cOlll'ugeH d retl'em-
lmit toutes les tUlles. Al! fo!'t (le la nH~lóu, I'empel'cur, Yoyuut ses aigles
111enad~('~ pal' la emal('I'i.-, SI' podail au ¡ralop pO\11' ol'dorlllel' des mau-
((,U\Tes el (Ie~ dmngements (1(' fl'Ollt en canés; il dait intet'rompu tt
dwque illstallt pal' les cris (le '1\'0 l'ellllwrcur! La garde impériale a
piell yoyuit awr un d¡"pil qu'elle He pomait dissimulm' tontle monde aux
llwius el die dan5 l'inaelion. PIIIsicul's, ois tirent entcndre ces mots :


'( En a\allt! Il « QlI'est-c(' '! dit l'elllp(~l'ellr, ce ¡le peut are qll'lIl1 jCIIIle
hOlllllH' <¡lIi n'a [)lb dc barbe qui pent Hmloir prl'jngel' ce que jc dois
faire; qu'il at[('lIde (¡u'il Hit comnHmdú dan s trente halaillcs rangées




Sti4 1I1STUIH E


avallt de pl'ételldre me dOllller des aris. J) C'daü'1l1 d'fedin'mellt des \(~~­
lites, dont le jeulle courage était impaliCllt lh~ s!' :o.igna!!'I'.


) Dalls une meléc aussi ehaude) pendant ti llC l' clIuellli pCl'llait [ll'csq ue
tous ses gélléraux , on doit remereier eeUe PI'OYidl~l\('e q lIi gm'llait IlO!J'(!
armée, Ullt'Un hommc de marque n'a l'tl~ tLlé ni hkssé. Le 11 Jare'elw I
Lannes a ell un hiscalen qui lni a rasé la poitl'ine salls le }JIesSl'J'. Lu
llHu'éelwl Davollst u en son chapea u emporté el un p'allll llomhl'l~ dt>
halles dans ses hnhits ..... ))


Six millo Saxons el plus de trois eellts ol'licicl's se tl'OU\'nil'llt pat'lIli
les pl'iSollllÍcrs de cette journée, Nnpoléoll, hahile il sr'parc!' la ¡¡alioli
saXOlllle du pcuple prllssiell , el a se ménnger un a,lIié SlIl' r Elhe l'OIlÍl'P
la eoUl' de Bpdill, se lit lll'éspnte!' ces pl'isonllicl's el leul' pl'Omit de les
l'cuvoyer tous dalls lelll's foyers, s'ils youlaient s'ellgagl'1' il nI' plus Sl'l'-
vil' eontro In FI'aIJeC. La plaee des Saxons, disait-il, lotait mHl'fjll<'~e dans
la confédéralioll du Rhiu. La Franee dail la pl'oleelriee uallll'ellc de la
Saxe, eontl'Ü les ,iolellccs de la Pl'lISSl', II fallait lllCtll'C Ull tt'I'JlW 11 l'I'S
violl'ncl's. Le eontiuent ayait hesoin de ['('pos. II fallail q 11(' l'l~ "(']los
existat, (( dút-il ell co¡'¡ter la chute dt' qw'lrllles [rOlles. »)


Les Saxons l'ompl'il'ent ce laugage, donncl'ent la garantie 111l'01l exi-
geaiL d'eux et l'entrel'pnt tous dans leurs familles avec ulle proelmuatioll
que l'empen:ur adressait illeurs eomputriotes.


LalJatailled'Iéna fut immédiatement suiyie de la pl'ise Il'El'f1lI'lh, <{ui
capitula le16. Le prince d'Orallge ot le feld-mal'éehal )lolleudol'ff y 1'11-
!'ellt faits pl'isonniers.


Le meUte jourle roi de Prusse lit demallllel' uu armisliee, que l\apo-
léon refusa. Cepentlant le génél'al Kalkrl'u!h J pl'l'Ss(~ par le mal'édwl
Sonlt, el eraigllallt d'etre pl'is ayee unl' colon nI' de t1ix mili e houllues
qu'il eOlllmandait, et dans laqllelle se trouvait le l110narque prllssien lui-
meme, invoqua lIue suspensioll d'armes qui aurait de' aCC'()['Ilt"(' pm'
l'empereur. Le mUl'éehal Soult lI'eu voulut I'iell cl'oirc; il di! Ilu'illotail
impossible que l\ap(Mou pút commis une pnl'eille rante , et qu'i1Ill' 1'('-
cOllnaitl'ait eet aI'lllistice que IOl'squ'illui aUl'aiU'lé oflicielll'llll'l1t I1otilil'.
Le généml prussien se rendit alol's allx avant-posl\'s f1'all~ais pOli!' ('011-
férel' aver le mal'l'elwl el pOli!' se reeoIIunallder Ú la gt'llt'1'lJsit(;, 011
pourrait pl'es(lue dil'l' ti la pitié du vainqueul'.


(1 lUonsieu!' le général, répondit le gucl'l'ipl' fl'alll;ais, il ya lOllgll'llljlS
qn'on en agit aillsi aYec nous; on en appelle ü not1'e géllél'ositt:, (!LHllHl 011




DE .\Al'OLEU'í.


osl yaiul'lI, el on ouhlie un instant aprcs la mngllallilllité que 1l0US a YOJlS
eOlltunw d(~ lllontl'Cl', APl'l'S la halaille d'Ausk'l'tilz, l'clllpCl'CUI' a('con]a
un ul'luisti('e ti LIl'llll'C I'USSC; ce'! al'l1listicc sama l'al'lnée, \'oycz In ma-
llil~l'n in(ligne (lont agisscnt aujomd'lmi les Russes., .. , Poscz les armes,
et j'attclldl'ui duns cclle situution les onll'es de l'empl'l'l'ul'. »


Le géw;ral pl'ussil'n se rdil'H confoJldu, et le marédwl SOlllt, ayant
('ontillllé ele IH)lll'SlIi\l'e adh cll1cnt l'cnnemi pendant plllsieul's jours,
1ll'l'i\'a le 22 SOllS les llllll'S de ~IagdelJouI'g, Les Pl'lIssiens !lC compl'e-
lIaiellt rien ti ces mal'l'hes l'apidcs, ti cette promptitudé de Jl10UH'Jl]m/s,
qlli les M'll10l'nlisaient !Ians kur fuite, ce qui faisait clire ti .\apoléoll ,
dans son (Ilwtorzi(~l1le bullt'tin :


« Ccs lllessiclIl'S daicnt ~ans doutl' aecoutull1(;S aux manO'U\TeS de la
gucrre de st'pt aHS. lls YOlllaicul demander tl'Ois joul's pOlll' entelTC'1' les
morts, Songrz aux \'Írants, a l'l'POHdu l'empcrcul', el laissC'z-nous le
SOiIl d'culclTcl' les lllOl'ls ; iIn'}" a pas besoin (lr tri'YC pOlIr cela, »


Tundis quc SouH dwsslIit ainsi l'ml1emi ell'yant lui, dalls la dil'eetioll
de Magdchollrg, el qll'jllui faisail épI'Oll\Cl' lks lwl'les contill\l!'llcs, cluns
cctte pOUl'suite au pas de (,oUl'se, B('l'Ila(lottr (ldl'llisait ti lIalle la l'é- -
5('1'\l' pl'llSSiCIllll', l'oll1mandée par UJI pl'ince de Wnrt('tuhel'g, A la suitl'
dC' ('C'U(' Yidoil'C', )'elllpC'l'C'lIl' traversa le dwmp de lJataille de ]{oslmdl.


11 onlolluu que la ('OIOlIllC !Iui y avait ('tl~ éj('\l'e fút tl'auspOl'tl-r ¡'¡
Paris.




111 STu II\E


Le cornbat de llalle s'était dOlllll: le 1 í. Le J 8, le mari'chal DaYOlIsl
s'elllpa1'a de Leipsidi:; d. le 21, la I'Ollte de ?\Jag(1elJolll'g se l¡'Oll\:ltJt
f(,I'Jl]t-e uux Pl'ussiplls pat' Jps ('orps ([(: SOlllt d de }llll'at, ei: JJ(' fut plus
qu'une l'spec~e de salive !fui jielll lhll1i' les Mbris d.' l('u1' m'/lli'·C'. Le \ü'il
cJIlH'mi de la Fl'an('(~, le fanwu\ Bl'UIlS" i(l, l'allte\1l' du mallirest(~ ill-
(,pJldiai1'c de 17U2 , ,illt alo1's lIlettl'c ses l-lals sous la pl'Oll'etiOll de l'cllI-
pl'l'l'tll'. Singulicl'c destinée du pl'emiel' géllél'alissinw de l'al'istoC'l'atil'
elll'ol't-l'Ilne soule\ée conlrl' la l'("\olulioll fI'HIIl;aisl'! Il (-[ait alljounl'hlli
il gellollx deHUlt el' memc Jll'I1JlIl' qu'il Jl)eJHlt:ait (¡lIalol'zc alls auparanlllt,
UH'C tant d'inmleul'(, el de bru[ali[¡"; il ('l'uignait IlOur SI'S palais, 1'0111'
sa propre delllcul'l' , le fe!' el le fetl donl il in ait aplll'lt· la pllissalll:l'
destl'uctl'iec slIr la ('apilale de la France, sur HOS \ iHe" I't JI(.S c,llllpaglll'S,
Brlllls"i('k, ]'cdoutant I('s J'('p)'{'saillt's (IU'il arait pl'()\oqllél'S, sol1il'ilait
humblellleJIt In géll(;l'osiló dll soltlat fraJl~ais, Slll' Icqucl jI s'dail l)l'(lI11is
llU si fadle tl'iomplw; el, SOll manifeste 11 la majll , il osait delllalldel'
au hól'oto:) )¡¡"l'itier l'l l't'pn"st'Illallt dc's rl'publicains d(' 179:2, tl'elJ'e
traité a\l'e lllOdél'utiOll, ¡l'dl'e pl'olég¡'~ par le ,,¡¡iJl(llll'Ul' {'(Jllln' les
abus de la "idoirc, Qllcl beau mOll1ClIt pO\ll' la rérollltioll trioJllphaute!
La Pl'o\'irleuce Iui tlmcJlc, suppliant d eOllstpl'llÓ, le plus ,IIH:iell, le
pllls fOllgll!'lIX, le plus opiniútr(' de ses supel'lws l'IlJwmis, La ]'{~VOllltioll
saUl'a punir I'ol'gllL'il , el lllontl'ei' nl-tlllllloillS sa supériol'ilé par SOlJ ill-
dlllgcllL'l'; eal' dIe a, pOlll' pal'll'l' PI agir C'!l son Hum, ~apoléoll BO[Ja-
parte,


(1 Si je faisais démolir la ,me (lp JkUIIS\\id, , dit l'l'mp('rpUl' iI l'cu-
YOH' du duc, el si je H'y laissais pas pielTl' slIr picJ'l'(" quc dirait \otre
pl'iul'l'! La loi du talion !le lile p('t'md-dle pas d\' fail'c 11 BI'IIJ1s\\ i('k ('('
qu'il \OlIlait fail'c dans 111a capilaic'? AllllO!I('U']e ]l!'ojd de délllOlir des
,i/les, ('da peut (\[1'1' iJlSl'lIH~; lllnis \ouloil' ¡'¡I('l' ]']¡OIlJH'lIl' iI loule 1I11C'
t\I'm("e de bl'a\('s gms, luí pI'OpO~('t' dt' (1lIiltcl' L\II('IlW¡W(' ]1m' jOllJ'\l("('s
d'("lapes, ü la H'llle HHllllwtioll d<' )'m'JlH; .. pl'lI:<Si('llll(" \oilit el' que la
postL'l'itó aura pe'in!' it ('l'oil'l'. Le du(' cI(' Bl'ulIs\rie).; ll'eút jamais dú se
pl't'lllt' lt 1'(' lItl Id out!':lge; !Ol'S(!H'O!l a IJlau('J¡i S(i!lS ll's ¡WIlH':;, oJt doit
J'l's]ledc'l' !'!tollnt'1I1' mililaü'(', el ('l' u'est P,h d'aillelli's dans !tos plainl's
tI(· CIWJl1pUglll' (fU(' el' ~:t"ll(''1'al a pu i!('I!lH"!'it' jl' dmit tI(· !ruite!' k:-. dj'a-
]leal!" f¡';III(:ni~ a\('(' un [d llH·'j1l'i" .....


I! B('Il\'i'I'~l'l' d d0lt'uÍl'(' !es lt¡¡lli[aliuils d('s ('iloY"IIS ]laisihlcs, rt~pda
plusiplIrs fui,; ('lll'OI'e .\:llliJ!lull C\\U' la ]11[1:; gl',¡¡¡d" (']¡nll'ul', (,'est !Ill




OE \APOÜO\.


erime qni ~c n"parc mce rlu klllps ct de l'argcnt; mais (k'shol1orct' IIlIC
arJl1(:'c, YOllloil' (11l' die fllü' ItOI'~ de l' AlIeJJ1aglle dnant ]' ¡¡igk prussiCllue,
(·'n't \lile ha~:;I'''~c (IUC el'lui-Iü spul (lui l:J (,()Il~eiJl(' {'Iait eapable di: COIll-
mrltre. ))


Ll's lotals du dlle de Bl'llIb\\ iel\: r('st¿'I'C'lIl d'uillcurs SO\lS In protection
du rlroit rleR gl'IlS. L,elllPerelll' nrriyu:1 Potsrlmn le 2'4. Dans la soil't'e
du menH' jOlll' il pan'o\1l'ul 11' palilis di' Sans-Sollcy, dont la sitllalioIl d.
la distrihlltionlui parl1rmt fOl't IlClks; il s'arreta pendan! C[1le\qUf' tPl11pS,
f't e0111111e liV\'('· illlllP IIH',rlita!ion \)['ofoIH1p , dans la chamhre <lu gralld


~ -; ,


Fn;dl'ric, qlli se tt'OlIvni[ encore lllCllblc'(' elleudlH' !ellc ¡¡u'elle dait 11 ,,11
nlOrt.




111STOJHE


Le Jcndcll1ain 2~), aprl's moil' pa~;;é' eJl 1'("!le la ganlc illlpél'inlc i1
pied) eOlllllHlIHléc pm' le lllnl'(;('hal Lefeh\Te, il ,'isita le tomhrall dr FI'l"-
dc'rie,


1( Les \'('strs de ('r gl'nnd hmmnc, dit le dix-huitiel)le hullctin, sont
I'enfermés dnns un ('('r('\H'il (k hois \,('('ollvcrl e\1 euivl'e) plaeé dans UII


en V(',llI, ~nns OI'lH'lIlellts, sans Il'ophé'es, ;;<1118 i!lH'IHle distindion qui \'np-
jlellent les grnndes aetions qu 'il a raítes,


.. L'mlpe\'ru\' a fnit pl'éscllt iI ¡'!tille! dcs Imalides de Paris de I'é'pée
de FrédÚ'ie, de son Nll'dnn (le l'Aiglf'-~()il', dI' sa crintul'e de générnl )
ainsi que des (lrapeanx que portait sa garde dans la gue!Te (le sept ans.
Les ,ieux imnlidcs de l'armée de lTaIlO\TPaCrtli'ill('I'ont a\('<: UIl resprd
l'digicllx lout cr qui a appadenu 11 lID c!f'S pí'emif'l's ('npitainrs dont I'his-
!oil'r rOJlSCl'\e le sou\('nil', II En royan! qur In COUI' ti!' Pl'll~S(, n'ayait.


, !




IlE NAPOLÉON.
pns sOIlgó ¡'¡ lI1('[tl'(, ces glol'icllSeS I'cli<jIH'S ¡', ]'¡¡)lI'i de l'ill\'il~ioJl, i\apo-
lóon s'ót'l'ia, Illontrant vi\cmellt J'Ull geste l'épée tlu gnllld eapilaillc ;
ti .r ninH' mif'lIx C('1a (¡ue villgt millions, ))


47




CHAP1TIIE XXIV.


}-,lIlrt"t Je r.;apOlt\.Jl1 a IJ.el'lin. ~uu bt:::juur dan:, ct'ttt-: capitalt'. lHucus cOllLilll'utal. Su",pnl~I(lll
t..l*t:tl'mes . .:\lc8sage au !)éuat. Lt'n;c de qllatl'e·vingt IlIille hOIllIlIt'~.


P,odama1Íol1 dt~ PO:-'('II. JJOII\HlIcnt uc la J\la¡}"h'lflf-·.


E 27 cetolll'e I SOG, moins tJ'un an deplli~
la prise de Yieuue, l\apoléon lit son rn-
tl'éc soll'nuelle tl Eel'lill, par la magllifique
porte de Charloltl'llhOlll'g, ('[}touré des
marédwux Eerthicl', DaY<)\]st el Auge-
reau, de son grand'mareehal dll ¡¡alais,
DUl'oe, et de son grantl-écuyer. Caulin-


eourt. 1l rnal'ehait cuh'e les grenadiel's el les ehasseul's ñ cheval de la
gardc, sur un chemin que bOl'daient, en ligue de balaille, les grena-




IlI.'iT () I B E D E \.\ P O L I~ O ~ . "il
dil'rs de In di\ision ;\nnsouty. Ln murehe étui! ouycrte par le mureehnl
Lefehnü, illn tete de l'infanteriü de In garde. La populntion de Berlín
s'/'lait ]l()l'li'e ('n foule ú la rCIH'olltre du vaÍuqueuI', (Iu'clle ilccueilJit
aree II's plus vin's dómonslmtioT!s d'ndmirntion et de I'espect. Les elefs
d(~ edle ('apilale fUI'cllt o[fcrles Ü l'ernpert'ul' pal' le corps dí' ville, que
le g/'n("ral I1ullin, eommnndnnt de In pl:l('p, S(' ('hfl['W~ d(~ presenter,


L\lll des [ll'l'mic'rs soins lle l'empcl'elH' fllt de former IIn eol'ps Jl1l1ni-
<'ipnl de soixa,l[e ll1emhrl's, doné il ('onlinl'élerlion allx elcllX millc bOllr-
¡!;pois les plus riehe~. Le eorps de vilk s'é[:mt rendu de nouvenu nUIH'eS
dc lUÍ, ayantil sa tete le prinee d'I-Iatzfeld, qui ayait aeeeplé le goU\el'\le-
!lwnt eiú1 de Berlin, au nom des Fransais, et qui n'en eonlimwit pas
ll10ins de eorrespondre m'ce le roi de Prnsse ponr I'instruire des 111ome-
Jl)enls de l'al'mée ,ietoriellse: (( :\e y(Jos presentez pas devan! moi, dit
l\'apol<'~on il re prinrp, je n'ai ras hrsoin de vos services; relil'ez-yous
dalls YOS terres, )) Qlll'I(IlH'S in!'tants apres ~r. d'Hatzfdd fut m'reté, et
lh d' il Ilne ('ommission milit.aiI'0.


Son épOll5e, filie de :n, de SchnknhOlll'g, inslI'uite de ce qlli v('Jlait de
SI' passe]', s':¡hnndol1lwit nu plus \'iolen! d(~sespoir, IOI'squ'Ílllli vint dans
J'i¡]¡"(~ d'implol'e]' la el611C\lCe de l\'apollo.nn, DllI'Oe 1'1' eneourarrea, et se
ehnrgea de J'illl¡'odll;I'(', Elle ';IIt. done au pnlais, se jeta aux pieds de
l'emI'I'I'PllI', Pi 11' supplin !l'épfll'gnel' son mal'i , fJll'elle ne el'Oyait pOllr-
~ni\'i <¡n'á enl1~(' <In lIlinislt'e Sl hlllcnholll'g, J'lln des al'lisllIlS de la guerreo
l\apoll'()llla dl-tl'Ompn, cn lui npprennnt que l\J. d'Halzfcld eorresponduit
me(' le J'oi de Pru5se, el' (¡ui pT'ollvnit (IU'il n'avait recherché le con[hlllee
(1('5 Fl'<ln(;ais qne pOlll' les (rahir. l\Iadamc d' JIalzfeld se rérria, en pI'O-
t('~li1l11 d!' ],innocenec (lll pl'ince, el cn soulenal't f}u'il élnit ,i('limc el'une
,,¡Trell,,/) ('alomnip, «( Vous rOllnaissc7. l'éerilnrc de volre nKlJ'i, luí dit
]'l'IllPI'I'('tll'; .ic vnis YOllS fnjl'(~ jll;2:e.)) Et al! 111emc instant il se fi! ap-
pOl'lel'la l(,[il'e iní('I'('('plée, f}ll'il I'm1ÍUlllssilút il celle danw. La lwineessc
('lait alo1's 2¡'(:~se de plll~ dp huit lllois, L'éJlJolion qu'clle éprollvait il
l'hmlne mol, en li,ant la pl'ellrC il'l'efl'agahle de la elllpahililé de son
(',POUX, lui eallsnit des ('nmou;ssemellls eoníilluds, dont elle ne l'cyenail
(Jlw pOllL' f.omlJel' drl))s les g(;l1lissel1lenls el les sflne,lols, l\ap()I(~()n fut
IO\1('/J(', dI' la Jlosiíion c!onlOlll'cuse ele edle femme. «( Eh him ! lui dit-il,
,ous 11'11('7; ('('tíe ¡díl'(', jclez-1a :lll fen; eelte ¡¡ieee llnéanlie . .ie ne pOl1l'rai
Jllll~ fnir/' (,(lIltl,lIll1WI' ,olt'/' mal'Í, )) La sc('ne se pass:lil (le\ :lnt ulle e!w-
min(',(,. J.n I))'in('('sse (l'lIalí·J('ld s'('mpressa <k sampl' son mal'i : la~ldtl'(, '_'_"
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572 H ISTOIH E


flIt hl'w(~e; dIe mal'édtal Bel'thie!' rC<.)llt immediatel1lcnt 1'00'dl'0 dI' faire
mcltre le góllól'ul d'lIalzfcld en Jihrrté.


Daus un de ses bulldins l'empereul' aHlÍt fo!'! maHl'ail(~ la reine de
Pl'lIsse. « Les Prut'SiPllS, y disail-il, aeClISl'llt h~ vOyHge de l'clllpel'l'lll'
Alexnndl'e des malhellrs de la Prusse, Le challgemeut qlli S'l'st op<"l'é
des 101'5 dans l'espl'it de la \,('j[W, (lui, di' reBune lilllide et lllodcstc, s'oc-
cupant dp son inlól'ielll') cst dClclllle tlll'lmlelllc et gtlel'l'il\re, a dI', une
l'é\()(lllioll suhiie. Elle a roulu toul u ('oup moil' Ull l'é;ÚtllC'III) ¡¡!lel' UtI
conscil; die a si ))ien IllC'I](; la ll1onul'chie, f¡U'en ¡lt'1I de joul's die I'a ('011-
duile au ))01'11 du pl'ócipi('t'. })


L'impl'l'ult'Íl'(' JOS\'phull', l'U li~ant ecUc lkuoll('iatioll, pol'lée, ;1 In fdel'




DE l\APUÚO:"l.


dUllloude, contrI' une jcuue el brlie reinc, fut douloUl'euscment affl'dee,
ctdle s'en cxplÜll1<l frallchcmcllt avcc son époux daus Ulle !cttre oú die
lui rqll'ocl!a de s'0[re plu trop sounmt a dire dumal des relllllleS. Xapo-
IÚlIl lui repollllit :


« J'ai re~l1 ta lcttre, oú tu me plll'ilÍS f:'¡d](~(' (In mal qun jn Jis Ms
fl'umws. II est ,rai (Iue je hais lcs rellulles illtt'igalltes au deJa de tout.
J() suis aeeoutumé a dps f(·mlllcs hOlllles, douccs ct eOlleiliullles: ce SOJl!
t'dlcs (Iue j' aime. Si elles nÚlllt gúté, cc 11' est pas ma faute, mais la tienue.
Au J"('ste, tu venas que j'ai dé forl hon pom' une qui s'L'st ll10ntree sen-
sible I't !Jonne, mudame d'Hatzfeld. Lorsquc je lui montrai la leUre dI'
sou mari, elle me dit en sanglotant, arce une pl'Ofonde sensibilité d
nalvemcnt: "C'est hien la son écriture. ,) Son [lc('pnt allnit ü l'úme; elll'
me fit peine. Je lui dis : « Eh bien! madamc, jetez eeUe !cUre au feu : jf'
ne sel"ai plus assez puissant pour faire f'OlHlnnmcl' Yotl'e mari. » Elle
Ill'lHa la Ictlt'c, el me parllt bien heul'euse. Son llIari est depuis tnlll-
«(llÍlk; deux heul'es plus tanl, il élait perdu. Tu mis done que j'aime h's
femull's houBes, nalves el douces ; mnis ("est que eelles-Ia seules te rcs-
semhl('nL )'


Le II'ndemain de son entl'ée a Berlin l'emper('l1I' donna audienct' aux
minislres de Bmiel'e, (['Espagne, de Portugal el (le la Porte. Il re(;ut le
1ll(~IlW j01l1' le d('rg(\ des diversps cOIllJnunions protestantes, ainsi que
les COlll'S de justiee , flui lui fureut présentées par 11' chancelier. Il eon-
1'("1'11 avee plllsieul's mngisll"ats SlII' differenls points de l'organisation jll-
dieiaire.


el' fut pendant son sójour a Berlin que Napoléon rendit le fameux dé-
I'l'd (Iui établit le hlocus continental, en interdisant aux peuples et aux
nlliés de l'empil'c f1'UIH;ais tout eornrneree et toute eOl11l11unieation aw('
les Hes hritanniques. Cel aete:, considere par qudques-uns eOl11rno uue
ll1l'sure inscuséc, ct qu'on n'aUribua genéralement gu'a l'aveuglement de
la haine, t-lait pl"Ovoquó eependallt par l'obstinalion dll cabinet anglais 11
sOlllevel' ineessmnment lrs pllissances conlinentales eontre la Franee.
C'dait le résullat de ecHe série d'intrigues, de pel'fidies , de complots,
d')¡oslilil(s el (I'altenlals dc toules sor[('5, par lesquels l'aristoeratie an-
glaise avait eombattllla dt'~mo(Talie fl'U!l(;aise depuisl792; c'étnit la ré-
punse de la révolulion YidorÍl'lIsc anx flll'ellrS ll1onat'chiql1l's dont dIe fut
l'objd ti son hel'cl'au , alors (IU'on la lllettait au han de I'Enrope, au spin
(k la(juelIe les honuncs d'é[al tI'outre-mel' pl'étcuclalellt lJu'elle avait eréé




IIIS]oll:F


(, un ridl'. )) Pllisl!Ue Bm'ke el Pitt, qui a\aielll vOlllll isoler la FrmH'c au
milit'lI dll monde polieé, domillaiellt meore, par leut's umis et leul's dis-
l"ipks, dalls l('s conseils de Londres, et y faisaient réóner la mcme pen-
~('C, pOlmIlloi la Frnl\c(' ilurait-dle nl"ólig(~ d'user de représaillPs, el se se-
rait-clle ahstnl\le d'isolel' alltaut que possible l'Angleterl'e au milieu des
Ill(,],s'! Lp hloeus, don! ou 3\~ait menacé pendant qllinze ans l'esprit nim-
llllionnail'e, denlÍt enfel'lJlcr ü son tout' la coutl'e-révolulion elle-mcmc
dans son principal fOYt"" llll sC'in (11) l'Océan. E! puis, esl-il hien vrai que
ce bloells , Ü JlC l'emisagcr mcme que sous le rnpport des intérets lIwté-
l'it'ls, n'ait rait que <1u mal nllX peuples du continent, et fIlI'il ait eu univer-
~('lIclllent en Enrope tOllt('S ks conséfIuences Msnstreuscs qu'on lni a nt-
trihlJ("es'! TI ('ausa sans doule des bouleyersemenls de forlulles dans le
eOll1mel'ce maritime, el soumit n des pri\alions monwutnnécs les popula-
lions que la fl'ande ne lmt apprmisiollller, ou que l'('](~,ation exorhitante
des prix fit r('\1OJlcer h l'usa!2-e (ll'S prodllits (:oloniallx. :\1ais , outre que
('el dat de choscs n'était que temporaire, et que le bloc\Js, meme lllal oh-
sené, n'en dl~Yait pas !l1oins ayoir l'rffd moral qll'en altendait l'em-
llC'reur, iI est ineonlestahle allssi (lue l'indllsll'it· eut'OpéeJllH' n'y dait pas
absolumcnt cOlllpromise, et que la Frnnee , par exemple, dllt au Mcre!
de Berlin la eréalioll d'une industrie nouvdle bien irnlJorÍllIlle , celle de
la fahrication (lu Sllcre indig(~'w. 01', re résuHnt, immense pour l'awnir,
fút-ille seul, denait sufíit'e pour remIre les généralions f[[(lII'(,s indulgcn-
tes enwrs l\apoléon, 11 raison des sourf,'ances passageres qlW son sys-
teme fit éprouyer ü la génération coutemponline. « le me suis ll'oUVÓ seul
de mou avis, sur]e conliueut, a dit Xapoléon ; il m'a fallu, I)OIll' l'instant
employer partollt la liolcucc. En[]1l l'on eommene(' il me compl'endre ;
Moji! l'al']¡l'e porte son fl'lIil; le tcmps fera l{' reste.


)) Si je n'ellsse succomhé, j'aul'ais chnngé la race du commercc, ll11ssi
birn que la ronte de l'industrie. J':mlÍs naluralisó au miliell de nOlls le
sucrc, l'indigo; j'uul'uis J1all1l'<lli~(" le colon, el birn d'aulrps choses en-
eore. On m'cúl n, Mplaccr ll's colonies, si l'on se fút ohstiné iJ nc pus
nnus NI dOJll]('1' uue pOl'liOll. "


Tantlis ljlH' l'l'mpl'¡'('l1I' s'ocrupnit, (Iaus Bcdin, d'nUcinclrc ks prcmiers
aulellrs dt' la gUl'ITl', el se pd'pm'ait ti IlWU,'C l'Angld('ITC hors dn dl'Oit
eOmmllJl, ]HHll' la comhalll'e :\ armes ("~aJes el la pnnir de ses ,iolations
inc('ssantps dn c!['oit des gens, les lieut('nanl" (le l\'i1p()I<'~()n ne laissaient
allcun "('pos ill't,IltlC'mi, et jlOlIl'SlIivaicllt SllJ' tous lrs points les débris <1('




DE \APOLÉU\'.
I'année )lI'llSSiellne. Des le 28 odohre Mural S'Clllpnnl de Pl'cnlzlow, el
fOI'~;a le IJl'inee de Hohenlohe iJ capituler mec son eOl'ps d'a\'m(~e. Le leu-
demain, la fol'lel'esse ele SleHin lombait au pouvoir du générul Lassall('.
eollllllundanl la Moile du g!'arid-dllc de B('rg j taudis que le gt'nél'al ..\1il-
haud, commaudanl la ganeh(', fnisail mettre bas ks armes ti ulle colonllc
dI' six mille hommes.


Custl'in se rendit, le 2 llO\Clll U I'C , au lllUt'é<:hal Davollst. Morlil'l' s'em-
paralt , dnns ce t!'mps-liJ , des états de IIesse el de Hambourg. A. Flllde el
a Brunswiek, on cnleva les armoiries du pl'illce d'Orange el cellcs du due.
« Ces deux 1'l'ioces ne régneront plus, dil le vingl-quall'ieme hulleíin; rE'
sont les peiueipallx anteul's de ceite nouvelle coalition. »


Un sueccs éclalant alteoclail les Fl'lln<;ais sons les lllUl'S el dans les rue:-;
de Lubeck. Le 6 novembre, Mural, Soult e! Bl'rnadottc , par l'hnbilek
de leurs manceuvres , de leurs ll10Uvell1cnts eOllluinés, sc rcneoulrcl'cnl
elevan! ('cUp piare, oi! le fmnPllx BIü('her ilyait C'onduit ('Í rcnfermé le"


dernieres espérances de la mOllarehie pl'u:-;sieIlIlP. L'asslIlIt fut donné ; el




:576 IIISTOIHE


Bernatlo!t(' pénétra dans la ,iI1c plll' la porl~ de la TI',ml, (1('I1(lant 11tH'
Soult cllt\'uit par cclle de :.\111111'11.


La r('~islanc(' avnit (·té \in'. On sc hattait ('I1(,OI'C' dans l('s \'lIes; llIuis.
le 7 au matin, Bliie!w\' el le l)J'il1('C' de BI'unR"iek-CEls, 11 la [etr tI0 dix g('-
néraux !H'llssiens, de CÜHI ccnt dix -11l1it offieiC'rs r[ de plus de vingt millc
hommes, se pl'ésenterent aux vainqueurs, demandel'cnt il eallitllh'r, el
dél1lerent imm!!diatement devant l'armée frarJ(;aise.


En quelqllcs jOllrs les autres plaef's de gllf'lTe sllhil'ent le méme sOI'L
Magdchourg ouyrit scs portes le 8. Les Fran~ais y trouverent huit cenls
pieees de canon) ct une garnisoll de seizc mille homm('5. L' cm pereUl' a vait
dirigé aussi un eorps d'armée sur la Yistule) a la poursuite dll roi de
Prusse, qui fuyait précipitamment avec les dix ou douze milIe hommes
qui lui rcstaient encore.


Le W, le maréehal Davoust entra a Posen, dont les hahitants, plus
Polonais que Prussiens, le ret;urent avee enthousiasme. Le16, le t['C'nte-
deuxieme hullelin annonga (1 qu'apres la prise de lUagdebourg et l'affairr
de Lubeck, la campagne contl'C la Prusse se trouvait entierement finie. »


Ce meme jour, une suspension d'armes fllt sip:née a Charlottenbourg.


e'est alot's que l'empfweur s'oecupa du déerel dOllt nOlls avons déjil
parlé, Slll' le bloeus des Hes britanniques.


La Prusse, frappée avee la pl'omptitude et l'érlat de la foudrc, n'existc


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:)77


plIlS, eOlllnw puissaucü poli tique ; mnis L\ ngleLel'l'P, '111l a [JOUSS(' la
111'11:0;:0;(' 11 In gUPITe, est toUjolll'S inLacle, i\apol(~()1l H'ut l'alL('indl'l', (,iso-
I(,\, d(' 1'Elll'ope, Ilu't'lle \'an~onne el soudoie tour 11 toUI', pm' ;';011 mnno-
pok~ ('OIllIllI'I'('ial d par ses intl'igm:s diplomatiqul's, LI' S) i>l(\llle que Na-
(101('011 a ('on~u hksse les principes de la eÍúlisation 1IJ()(I!>I'l\(,; ille sent, il
11' dit; mais il inv(lIlue In loi, In dl'Oil. de la l'é('ipl'OeiLi',


En demandant all sénat IIlle Inée de cOlIs('ri[s, 1'l'IlIIW1'eUI' Iui commu-
lIil(lHl ('ette gl'allde llW;;lII'(', mC'e ulIe dét'lal'al.ion dl':O; [ll'illeipt's Iju'il a\ait
¡Hlopll"s ('omme I'rgle g(;nl~I'ílI(', 11 l\otrü extt'ellW modél'al.Íon, dit-il, apn\s
('h<l('lIn(' (ks tl'ois pl'emi¿'l'es guel'I'l'S, a d(' la eause de ('el1e q lIi Il'ul' a
SIJ('('("¡\¡", e'es! ainsi «(lll' nous H\OnS eu it IIII[PI' ('onl.l'(' 11111' 1III,lll'iem(' I'O;¡-
lil.ioll, 1I('uf mois apl'('s «(UC la tl'oisicme mait (~t(, dissollte, l\('llf mois a (ln\;.;
('I'S \ i('[oil't';.; ('l'latalltes (1111' 1I0llS maiL <lel'()(,(!t',,,s la Pl'm idl'II('(', d qlli d('
"aienl <lSSIII'('I' 1111 IOllg l'l'pOS ,111 ('olllilll'llt",


" Dan;.; ('('Ue posiLion, nO!íS mollS (Iris pOlll' princip('s ill\nl'iahl('~ dI' n(;-
11'1~ (,olldllitl' de He point ('"al'llt'I', lIi Ikrlill, lIi Ynl'~O\il', ni I('s pl'milll'l ~
Ijlle la fol'(,(~ d('s aI'IIll'S 11 fait tOlllhl'l' ('n nos mains, a\<l1I1 (lile la paix W'"
1II;l'al(' IlC soi! ('olll'hl<" ¡¡lit' ks ('olonips espaguol('s, holl<lllllaisl's PI. fl'all-
(:ai~;es IU' soit'llt 1'('IHlues , Ijue les I'olldell\('nls tll' la plliss<lIH't' o ltolll a 11 l'
111' SOil'lIl rnff!'l'IIlis, el l'ind('[lt'IHIaIl('(' ahsollil' (\¡> ('(' \astl' ('Illpil'(', pl'(-
Illiel' intérel d(' Ilotl'i' [ll'u(lle, il'l'l"H)('ahlenll'ut ('ons<1('I'I"I'. i\ous mOlls mis
Il's Ues hl'ilanllittlll's 1'11 élal de hlot'IIS, el 1l0!lS a\OIlS Ol'dOIlIl(' eontl'l' (>]h'"
(I"s (Iispositions ({ui n'~pl1gnaielll:l nolre eO'I1I', Mais nOlls :I\OIIS ét{, ('011-
ll'ainls, !Iol\I' le hien de nos allil's, ti opposel' Ú 1'1'1111('1 11 i 1'01111111111 I('s
I1H\I111'S HI'IlWS !Iont il se sel'v:lit ('onh'p nous, ,.


" \OIlS SOllllll('S dalls un de ('('s inslanls importanls IJOIII' la t!('sLilll'C des
lIaliolls; d 1" p(,lIpIP fl'anl:ais se 1ll01ltl'PI'a dignp dC' ('('lIe qui l'at!<'IIII, L('
Sl'WlhIS-('OIlSlllle 1111(' nous avons ol'donné dc VOIIS jll'éSPlllel', el qlli md-
Ira it voLi'(' disposilioll, dans les p['('mieni jO\ll's de l'anuél', la ('OIlSCI'iptioll
dl'1'1II1 1 HOi, qlli, d<lns les ('il'('onstaJll'('S ordinai¡'('s, nI' dl'\'l'ilit eI,re le\(',('
Ijll'llll l1lois de s!'ptembl'e , sera ('\é(,lIlt~ mee empl'eSSeUIl'llt paJ' les peres
('Omml' par les I'llflluts, Eh! dans qllP( plus l)pan monJI'n1. [loIllTions-nolls
:11'(1el('1' SOIlS les ar'l!les les jelllles Frall~ais! ils mn'out il Irav('I's('I', p01l1'
~" 1't'lIdle iJ I<'III'S (1I'apI',lIr\, les capilnlps rll' nos ('IlIl('lllis el les l'hamps
di' hnlnilll' illllstr'(~S par les \Íe!oin's de klll's ainés, "


Ccllt' !I('IlI,lIll\t, l"(ait jllsli¡j(',p pal' l'appl'odK' dl'S BIISS('S, it la 1'('¡H'OIl-
I


--~---_~~~ __ J
11'(' ¡j,'sqlll'ls !\apllk'()1I \oulnit H' (101'1<'1' pOli!' ('01111111'111'('1' UI1t' Ilouwll('




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IIISTOII\E


cmnpagne) des que la saison le pcnl1cttrait. 11 (luitta Berlín le 2:> IJO-
H'mbre, et al'rint , le 28, a Posen. Le mallvais temps, les fatigues,
ks pl'irations, avaiellt ralenti l'ardeur des soldats. Apr('s tant de eOlll-
hats et de yidoires, les ellncIl1is dc la Frailee rcjetl's uu dcla de la Yis-
tule, il scmblait que le moment de s'arreter fút YCIlU, al! liCl! de cou-
rÍ!' au-denmt de nouwlles bataillcs. Lc senat lui-meme , si obsequieux
d'ordillairc, muit laisse pCl'ccr celte pensee de modéJ'atioll, dans llllf'
m1!'f'sse quc l'cmpcrcur avuit rc~ue a Berlín. )Iuis le Sl'BUl) l'arllll'c d
le prllplc pounüellt BC pas l'omprendre touLL' la gl'milé des ('i!'eOI1SlaIlCes,
toute la ténacitó de la üeille Europe, tontc l'cxigellce <lu s\-sl('llIe qw'
l\apoleofl ¡¡vait dú cOIlcevoi1' pour meltre enfill les implacables CIlUClllis
de la jenne France hOl's d'état de formel' c011l1'e elle de 11ouvdl('s eoa-
litiulls. Le Heu génl!J'al était pour la )JilÍx, 1'l'l1lpcl'('uJ' 11' s1Hait hi('n ;
("¡"tait le sicn aussi. .Uais l'emperclll' (:ollnaissait lIJieux que p('rsOlllll' eH
fluP)S liem 1:1 guerrc lui serait plus a\antageusc , et il flUl'lIcs cOlldilions
la paix ('lait Msi('ahle et possible. e'est pom' cela que, laissant agil' S01l
intelligence sou\'cl'aine, el sans tl'Op SI' sourier dl's e1ameu/'s lointainl't'
OH prüehaillf'S qu'i! pourrait suscitel' (:Ol1tl'O lui, iI llwrdw dl'Oit en
Pologne pom' y éCl'aser les Russl'S, au liel! de les laissl'l' al'l'in'l' 011
Pl'l1sse pOUl' y reclIcillil' Jes dóhris el relever les eSJú'[lIl('Ps d(' h'l\I's
allies yaincus. 11 s'exposait sallS doutc par la a se fail'e u('ClISl'l' de pro-
roquer la guerre , conmlO il ayait compl'Omis sa l)opulal'itl' p;ll'le blol'lIs
continental, ([lIoif/ll'illle cherchnt qu'u sOllleycl' le l,cuple allglais coutl'l'
ses minisÍI'ps obstines a la guerre, en leut' I'envoyallt la ('('spoflsabilitl'
de cplle meSl\l't~ f'xtl'eme. Mais Napolt\JJI nnüt dil de}luis JOllgÍl'lllpS que
son élévatioll, étant I'Q'uYl'e des circoJlstanccs, ('édamait imperiellSPllH'llt
la didatul'c. Or il était clnllS su natlll'l' d'holllIlle de gÚlÍe, (,OlllllH'
dans sa missioll de dietatenr, de ~U\ oir J'L's[el' seu) d(, SOll a \ is, d('
111<1I'chel' hal'clill1c!l[ ti ses fj\lS á t\'(\Ye1'S J'illlprohatioll mClIH' des }l('lI-
pi ('s que Dipu a\ait plaeés sous su lllain puisstluk, d de S(' l'éso\ld1'l',
splon l'exI)\,E'ssion dc l\Iiraheuu, " it n'n[tPII(II'(' lila' jll,;ti('(' ('olls[nlllp qli('
dll tpmps d de la postél'ih;, »


Si l'al'mée se montre dOl1e dispos('e a l"aire haH\:', (lllalld le \"aiIHllll'lIl'
(le ¡allt de batailks pl'llsC' qu'il faut alle!' f'll mant, cmit-Oll que le g/'nie
abdiqllCI'H ¡out á COllp , pour ohéil' ti el'UX qu'il tloit commarl<!('(''! 1\on,
('(' Sl'I'H au contraire pOl\!' lui lIIll' 11011Yellc oeeasio!l <1(' manife~ter sa su-
pério!'ité entl'ainante et irrpsistihlP ; ('Í s'il y a pal'llli ks tl'OlIP('S, 1l01l!'


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llE ~APOLÉOi\.
ne dirons pas Ms symptómes de mécontentt'lllellt, mais de simples dl'-
sirs de n'pos , iI ya les ranimer d'un mot , d les remire plus impatielltes
qm' jall1ais <1(' reprl'lldr'c, conil'e 1('8 ennemis du nom fl'Un~ais, le tel'l'i-
hl(· j('l1 dn la gW·)'I'e.


If ',11 qllJI·tifr-gl~nI5I'al de Posen, le 2 lléccmlll'('.


)) Soldals, IeU!' dit-il , il ~. a aujollnl'hlli un an , it eette hl'lI!'e rnenH"
que YOUS diez sur 1(' chmnp (\p bataille d'.\ustel'litz. 1.('8 halaillo[)s
l'usses épouvantés fuyaient en désordre , OH , enH'loppés , rendaient les
armes a leurs HlÍnqueurs, Le lendemain ils firent entendl'e til's parole~
de paix; mais elles étaient tl'ompeuses : a peine éehappés , llar reITet
d'une gén(~rositp peul-eh'c condaJ11nahle, aux désastl'f's (le la tl'Oisii:nw
coalitioIl, ils ('n out ounli Ulle quatri¿'me, mais 1'alIié SUl' la taditlllC
dl\(IUd ils fondaient leur pl'ineipale ('SpéraIlel' n 'dait M'ja (.tus; ses
plaees {Ol'tC'S, ses capitales, ses magasins, ses an'ellaux, deux eeilt
quah'('-yillgls dmpeaux, sept (,(,IltS pi¿'ees de hataill(" ei[)(l gl'alldes plllces
dl~ glH'I'J'(" ~ont ('n notr(' pOll\oir, L'O(lel', la Wal'tha , les dés<'t'!.s de
la Polngne, 1(' mamais tcmps de la saison, n'ont pu YOUS ,1I'l'di'r lIll
mOIl1(,lll; vous nn~z lout brmt~, tout surmont(; ; tout a fui ü yotre a)l-
pt'oehe. e'cst en vain que les Busses ont vouIu ddcndrl' la eapilale de
('('Ile an('j('tlI1C et illllstre Pologtte. L' aigle frmt<:aise pIune SUJ' la "istu 1('.
Le hmvC' <'Í infol'tl1lJ('~ Polonais , en vous Yoyant , ('roill'c\oil'l('s j¡;giotts
de Sohieski de rdour de leul' mémorable exp~dition.


}) Sold::ts, nOlls 1)(' Mposel'ons pas les tll'l1les que la pnix g~npl'all'
lJ'ait affel'lni et a8suré la pllissance de nos alliés, n'ait restitu~ a lIotl'e
('ommel'('e sa súrdé ct ses eolonies, :\OUS avons conqllis, sur I'Elbe el
SlII' 1'0(\<'1', POlldidlél'y, nos ptablissements des lndes, le cap de
nOlIll('-E~pt'rallce el les colonies espagno1cs. Qui donnerait aux Busses
le dl'Oit de halaneer les destins , qui 1cur donnerait le droit de reIlverser
de si jusks c1ess('ins '? Eux , et IlOl1S, ne sommeS-IlOUS plus l('s soldats
d'Austeditz? ,)


Ct'lln [ll'oelamation pl'Oduisit un effel imJ11ense, non-sl'ulemcut Ü
I'armée (k la Y¡stule) mais dans toute l' AlIemagnc; BOlll'rimlle lui-
lIIeme en eonvil'l1t el I'attest<~. )Inin!mant, si l'esprit fl'Ondeul' s'esl
Illontn': ró('lIpnwlll dans quel(Iucs hivouaes , et si des velléités d'oppo-
silion s(' sont gliss(~('s au milieu d('s flugorneries séllutoriaIes , tout cela
restera salls importan('('; ~apolpon, mee son laconisme soIenlld, a
I'ppolJ(lu it toutes ks insinuations , 11 toul!'!; I('s l'lImcurs impl'Obatives,




5S0 IIISTOlnE DE "AI'()L1~O\.
A nlllt de se l'('nH'lIt'c en c<lmjlagul' I'l'IllPI't'l'lll' \"Oulllt ('Ollsael'l')' pn!'


UIl mOlUIIlll'Il( les pl'odiges des denx dernien's ¡,(1I('ITI'S, A la pl'Oclama-
tion <In '2 d("('t'mlll'e il ajollta, le IIIc111e jOlll' , un dl'cret portant (,fllre
alltres dispositioflS :


(, Al't. ,Ier. II sen) étahli sur' l'P1nplaeenwntde la l\ladpl('inl' de no!re
honrw ville dp Par'is, aux f!'ais du t1'ésOI' el de lIotl'e COl1l'OIllH', un mo-
1Il111lt'llt d0dié ü la gl'ande al'lnée, portant SlII' k fl'Ontispi('(' :


L'EMI'Ell.EUlI i'iAPOLl~O:\ Arx SOLD.\TS llE L.\ GR.\;'iDE AHMá.
¡) 2. Dans l'inl/~I'ipUl' du 1ll00WIl1('Ut S(,I'Ollt iIlSI'l'its, sur' dl's tahll's dI!


mal'l)['l', ks nOllls de tOllS les hOI1lIlll'S, pat' COl'pS d'arll1\"e d par régi-
ment, quí ont assisV" allx hatailles d'LIIll, d'Austl'rlitz d Il'na, el su!'
d('s tahles el'o\' massif, ir's nOlllS de tOIlS (,I'UX (luí sont morts sur les
ehamps de bataille, Sur des tnbles d'at'geut iI sera ¡,(l'¡¡yé la l'éeupítula-
tion, pilr dépal'lelllcut, d('s soldats que ('haque dépal'tenwnt a fOUl'lIís iJ
la grandl' armée.


" ;). AuloUl' dI' la salle senlllt sC'lIlptés des bils-reliefs , Otl Sl'I'Ollt 1'e-
\)J}tés les ('olollels de chaculI des l'égiwc/lIs de la grande m'méc,


avee ¡euI'S nOIHS, etc, , etc, ))
Les Hlltn's dispositions de ce déel'ct Ol'dounaí('/It le Mptlt J dans l'ill-


tl\l'ieUI' du monument • d('s trophées pl'is a l'ennpmi dnns ('('s dl'IIX ('UIII-
pagnes • et la célébration solenndle des onrnversail'cs des hataillcs d' A lIS-
lel'lítz et d' lénn.


.. _------------


______ 1




i
1


"


~:¡H"'~~, __ .


Campa¡.!;ne tle PologlI('. Pal.\. lit' Til .. ill


'E~lPEl\E[l\ I'('sta ti Posen jllsc¡u'au/6 de-
e(,llIhJ'(~. Il y re~ut la députatioIl de Var-


I sovie, eomposóe du grand ehumhellan de


'",z""",~r'
Lithuanie, Gutakouski, et des principaux
membres de la noblesse polonaise.


]Uais l' armee fran~nis(' mnrehnit toujoul's
en uvunt. Apres avoir battn les Rllsses dans


J(, y nlle lH'l'miel'e ren('ontl'c ti Lowiez, oe('upé
Varsovie et obtCIlU la eapitulnlion de Torgau, elle pa~snit la Y istule ,
11' 6, ti '1'1101"11 , ou le mnl'éeha\ i\ey trouva ('Ilcon' qudl\u('s Prussiells


1----- ------------




----~I


!IISTOIBE


(lui fUl'Cllt fnei\eIlll'lIt disperst·s. ljll trail J'('lmm¡unhle ~igllala ce jlas-
sage. Lt' lJatl'au (llli pol'lai ( l' a\ ant-gllrd(' f¡'a!ll'aise ("la/ll retenll par
!t·s gln~()ns, au mili('u dn llenye, (les batdiprs po!o/lais s'¡'·lallcerent
pon1' H'nir In Mgagf:'r , malgl'é le fen de l'ennemi qni fllt ¡jllssilM dírigé
sur ('ux. Vo~ ant (ILle le~ baIles ne les arl'elaient pas, les Pl'\lssims ('11-
\'oyc'\'ellt il 1<'111' tonr ¡]{'s haldiers POU¡' s'ojljlOSC¡' i¡ la lll:iII0'IIV1'e
des Pol()nais. Lne lutte COl'pS a corps s'('lIs11ivit. Ll's Prllssi('IlS fllr{'/lt
j('[¡"s Ü l'cau, el I'hérolrfllP d frat{'¡'lwlll: assislance des Polollais, ('011-
1'0I1I1l'C de sueees, condllisit saine el sal1\C' I'avant-ganle fran(:aise SUl' la
!'in' dmite dI' la Yistlll/'.


En quC'lquC's jOl1rs tOllt" l'm'ml'c SI' tl'OllVa sur {'('[te ri\'o. Lol ~ ,
lc maréehal Davoust hatlit un eorps ¡'l1Sse, apres avoir pnssé )P Rug.
t:n traité de pai\ fut eondll eC' jOlll'-lü (l\('C la Saxe. L'{·II'r[('III' mtra
dans lfl I'oufédération dll Rhin , ('[ n'sut 1(: titrl' (h~ roi. C'étnit 1111C' a('-
IIuisitiol1 impodrll1tl' pour le srsteme frm19ais. qui s(' [¡'o¡m1it ainsi éla-
hli aux portes de lkrlin.


L'emp('rC'lIr fit son I'ntl'é(', l{'\ "\ 1 Ü rarsoyi(:. Lps solliritations I('s
plus pr{'ssantl's I'nssiégerC'nt pour le ddl'rminer Ü rM.ahlir le l'Oyaume
de Polo¡.t:IIC'. 11 l"l'aiguit de s"t'ngngC'1' pI ne lil que (ks n"POIlS('S qui lais-
saipnt tout!' libl'rl<" 11 l'aw'nir. !I .I'nin1l' les Polonais, disait-il il llnpp, ¡ ¡


_. __ ._-__ . __ 1




1------
J) E \\ l' () L E () \ '


Ipul' anleul' me plait ,le ,oudrais bíen en Jaí)'!' UlI peuple iudq/(='lldanl ;
mais c'est bi(IIl diflieile. Trop de geIls out pl'is ulle part dll gateuu ; l' Au-
iriche I la HlI~sii', la Pl'lIsse ;Ia meche une fois allullll'~e , (lui sait oú
s' arreterait l'iucelldic. l\Ion premier devoir est CI1\ ers la France) et je
ne dois pas la sacriiipr 11 la Pologne; cela nOllS menel'ait tmp loin. El
[luis , il faut s'e11 re111ettl'e au souwraill de toutes cJlOses, UH telIlps;
il nous enspignera ce que nous aUI'ons it fain'. J)


Sur ces entrdaites J le général Kaminski, irrité M la marche rétro'
grade des uutrl'S gt'néraux rUSSl'S, s' u,ansu rUllÍdl'lllcnt tl la rl'llcolllrc
des troup(~s fran~aises. II rallia il lui fleIlingsen el Buxhowden , el rc-
gardant cctle jOIlction comme un gago certain de la victoire, il la eélé-
bra , au ch¡'¡tcau de Siérock, pal' drs fél<'s ('t des illuminations que les
Fran~ais pouvaif'ilt apercevoir dn hallt des tOllrs de Yarsovip,


L'empereur quitta la capitale de l'uncimue Pologne le 2:1 déeelllbre ,
el passant aussitút le Bug, sur 1eque1 il fit jet(Jl' un pon!, en dellx
lIeu['cs) il 1nn~a In COl'pS de Dmoust sur les Busses , c¡ui fUI'en! bnttus
¡¡ Czaruovo, dalls uu eúmhat flUÍ se prOIOIl(!('n dnns la I1nit. Le gt"llt"l'al




illSlull\E


Pctit cnlem les redolltes du pont au clair de la hllH'; il d"II:\ lit'lll'('f; 1111
matill la Jél'Oute de I'enneuü était eOlllplde.


Ct' premie!' ('chee de Ii.alllinski ne fuI (¡ue le signal de HOllvelles
danites, qu'il essuya I('s 24, 2;) el 26, 11 J\'asielsk , a KUI'SOlllb, it
Lopa('kz~'n , h Golymin d ti Pulstuek , el ti In slIi[p ¡]e!iI[lwllps I'nl'll1(~(,
['usse se mit ]ll'écipitanmWlll ('1\ plcilW rdl'ait(', npri's ami,' 1)('1'(111
qllatre-\ingts pit'ces d'artillcl'Íe, c!O\1Z(' (>mts \oi[lI!'C's, el dix il ¡]ollze
millc homllws. e'est ainsi quc se rl'ulisl-rent lps l'spémIl(,('S ql1e le [.!;(~lIé­
ral 1'1155(' mait lllallif'estú's an>c tilIlt de faste el d'('clat daIls les fetes
du ehútl'au «(' Siél'Oek.


B!'eslm\ capitula le ;; jamil,,'j R07. Cdte YiUe Hyait CII dé'ji! ses fall-
boul'gs hrülés par 1('5 assiégés, el heall('ollp ¡}'I'Ilf'anls el de fl'l1IllH'S
avaieul pl'l'i dalls les ílamu1f's. Jél'úmc Napoléoll s'était rail distinglle!'
dans ('e désasln'lI\ éY('III'Il1C'llt, en portan! des se('()urs nux Yiclinws de
I'inel'udie. Le~ F'>H11('ai~ aillll'l'ent mie\lx 1"('1101)('('1' [lU dl"oit l'igol1l'l'lIX


> '


qn(' 1('111' attl'illlwil'nt 11's lois de la g\l('rI'f' , qlle di' "iokl" ks lois <le 1'I111-
'llallif¡',. lls 1'('<W'f'nt g("]]('J'eIlSellH'nt k~ fll\;¡nls, HU lil'll dI' 1f's l'I'pOIlS-




llE NAPOLÉO:\. 5S5
tie!' daus la place assiégée tille courulluait le vaste embrasement de leul's
demcuJ"cs.


L'elllpCI'CUI' était l'cveuu) le 2 jauviel') a Varsovic. 11 y n:t.;ut les
ilutol'ilés de la ville, les ministres étrangel's el une dépulatioIl du royuume
d'Italie. Pour exciter I'émulation des troupes de la confédératiüll du
l\hin ,il récompensa le eol'ps wurternbergeois qui s'était emparé de
Glogau, en envoyant au roi de WUl'temberg une paJ'tie des drapeaux
pl'is dans ccUe place, et dix décorations de la Légion-d'Honneul', u dis-
lrihuer aux plus braves soldats de ce corps.


Les hostilités resterent COlIune suspelldues pendant une vinglaine de
jours. ;.\1ais le 2;) janvier elles furent avantageusement reprises u Moh-
ringlle, p3r llernadottc, qui mit en déroute les comtcs Palhen et Cal-
litzill, lcuI' prit tl'ois cenls hommes, et leuf' en tua ou blessa douze
eenls.


L'empereur venait d'apprelldre que de gl'allds événcll1ents s'étaient




5SG 1IISTOli'E


pussés i.t COllstnutilloplc. Les Husses ct les GI'CC'S en a\nient {-tó ehnssó:;;
In tete d'Ipsilnnli élail mise i.t prix, et le sultnll nynit dédul'é In gm'ITl'
a la Rnssie. Napoléon vit fians eelle résolution de la Porle, IH)[)-SCIIle-
mellt le sueees de su diplomatie, mais I'infhwl1C'e des l'apides tl'iolllllh('s
qu'il avail obtel111S sU!' les puissnuees dll Nord. Ses efl'ol'ts aup¡,('s de la
Perse , pOIlr susciter des embnrras nOUH'HUX it la Hussil' sur Sl'S fl'oll-
tieres asia tiques , réussi['cnt ("galcUleul. Fiel' ct hellrcux ¡lp eeUe (lollbln
(liversion, il (~n fi t sen ti l' l'imporlancc ) dnIls un lllei'Snge (llI'il adl'essa
HU sénat, ('11 insistan! sllr la néeessité de garanli l' l'ilHléllPIIdan('(' el le
ll1aintien inh'gl'al de l'eIllpil'e ottoman) cOlnme harril're nalurelle aux
mvahissemenls de la plli~sanC'e mosC'ovile. « Eh! (lui pOl1l'rnit ea\eukr,
dit-il, la dllrée des gllerres, le nomhre des eampagnes r¡u'il faudrnil
fairc un jour, pour répat'er les Illalheurs qui résultel'aicllt de la Iwrlt~
de I'empirc de Constantinoplc I sí l'amoul' ¡\'un lúe)¡c repos et les déli('f's
de la grande vi \le l'('Jllportail'Ilt SUl' les cOllscils d'unc sage pI'ÓvOyalll'("?
:\ous luisserioIls il nos IlnV('lIX un long hél'itagc de gllClTeS el d(~ mal··


.IIfII/I' (.,'~ u


hcurs. La tiat'e grccque l'dcn~'e et lriol11phantn, dqmis la Baltil[lH'
jusqll'a la MéditelTanée, on vel'rail de nos jours \lOS jlrovinccs a({¡¡(lUl'('s
par uIIe nuée de fallatiqucs et de bahrares ; el si, uans celle lulle lmp
tardive , l'Europe civilisée vellait il périr, notre coupablc indilTt'l'clI('('
exeiterait justement les plaintes de la postérité, et scrait un titt'e tl'O]l-
probre dalls l'histoire. )) Ce message répondait plus dj['el'lemeIlt qun la
procJamalion de Posen aux insinuutioIls paeifiql1es du s(~nat, quc ~apo­
léon était en position de juger et de déclarnl' intmlpeslives. JI esl I'\'-
marquable d'ailleul's quc la melllC sollieillluc, que témoiglle ici l'eUl-
pereur (les Fran<?ais pou!' la l'Ollscrvation inlégrale lI(' la puissane(' oHo-
mane, avait ¡\h~ manifestée) 100's de l'exllédition d'l~gyptc , par le chef'
du cabine! anglais, par PiU lui-meme) qui pl'olloIl~a , dans un illl(~l'et
exclusivement britmmiquc , des paroles analogut's ú rdlcs (}tI(' ~ap()h"'on
adrcsse i.t son stmat duns un intérót clll'opéen , da liS nn intól'Ct de ri\ili-
salion uni\"crselIe.


Pendant son séjonr a Varsovie, l'emp('['('lIl' 1'('(;1I1 la p("·tilion slli-
vante :


(1 Sir e ,
({ :\Ion extl'1lit haptistail'e date de I'all I ()!JO ; (Ioll\' j'ai il IlI'l"f;(,llt rellt


dix-sept ans. Je me rappelle en('on~ la hntai\lc de YieulIe , d le:; l('mps
de Jean Sohicski.




DE :\APOLÉO\. 387
(( .le ('royais «(lI'ils ne se I'cproduiraientjamais; mais nssul'ément jr'


lll'at:elldais mcorc Illoins it ¡,cH)ir lo siede d'Alc'\uudro.
1( )la üeil1pssc m'a aUiré les bienfaits (le tOU8 les souveraills qui ont


d(" id, pt jn d~('lallln ccux dll grund i\"apoléon, étant, a 1110n age plus
I¡He seculairc, lIors d'ólat de lrmailler.


1( "i\el:, sirc, aussi \ongtcmps quc moi, votre gloiro n'en a pas
hesoi1l , mais le ))ouhcllI' du gonre hllmain lo dcmande.


(1 NAllOCIU. ,)
L'l'lllpCrelll', it qni ce vieillnrd présenta lui-meme su pétition, S'C\11-


pl'rssa ¡l'(\('(;nrillir Sil dem'll1(\p. lllui accorda IIne pcnsion de ('ent na-
po1ÓOf] S , ot lui tit payel' une année d'avallce.


Les nourelles de Constantinople ne firent qu' uig.'ir l' emllereur Alexun-
dl'c, sans lui iIlSpil'('¡' h: désir de cesser les hostilités sur la Vistule pOlll'




IIISTOIBE


diriger ses forccs vers le Danu)¡c. Loiu de 111 , profitant de l'mTin'>f' des
reufol'ts qn'il avait fnit vrni!' de la Moldavie, il youlut nt'/'nel!er les
Frnn~nis iJ 1f'U1's qnartiers d'hiver. et reprrndre tout iI f'OUp l'om'Jl-
sivf'.


Napoléon vit avec plaisil' les dispositions <ln C1;nr. 11 donna orikr 11
RrrnndoHe de les favorise¡' , ct de se retirer devant l'arJ1lI'(' russ(', JlOUT'
l'attil'er sur le has de la Yistulr. 11 quilla rnsuite Yarsovie, rt rrjoi;mit
1\lorat h Yillenherg, le:')1 jamier :111 soir.


Le lendemain, l'm'/11pe ft'all<;aise s(' porta illa rf'nf'onh'f' (ks Russ('s,
qn'elle atteignit l. Passmheim , f't C[ui rétl'ogradóI'f'nt ('n louk IIM(, pour
prendre positioll il SuktdoJ'f. NapoléoJl , l)('nsant qll'ils N.ah'nt (lispos(:);
it y lenir, s'établil rntre la Passarge pI I'A]]e, ay('(' sa garde, la f'ava-
lrrir, Irs troi~ii:mr rl srptii~mc corps, el clHlJ't;('a k llIal'{>dHlI Soul!
d'enlever Ir pont de R¡'rf'fried pour dl']¡(wder la gauC']¡e (]P ]'ennPllli.


Reningsen, qui anil compris l'impol'!all('(, de crUe position, avai[
confié la gar(]e du pont de Bpi'pJI'ied iI douze de ses HH'ilkurs hatnil-
lons. 3fais loule lenl' inld>piclit.:'> ('clIOlHl dPYlmt la hr:woIII'i: et l'im)1¡"-
tllosit/ franr;nises. ti: pont fllt enleyé 1m pas M {'harge, rt les nllSSCS
laisserpnt, an'c ¡¡natre pic('cs de (,aTIOJI, \In granel JloJ11IJ1'(' (]e Jll()l'ls
et de hlcssés sur ]e champ dp halaille.


Napol(:on avait pomhiné les mOI1Wlllents de' ses <1irel's corps d'ar-
lllée de muniere a por ter un coup déei~if. Mais le hnsl1l'!1 MI'ung;ca lIJW
purtie de Sf'S p]aus. L'oflicier portcur de ses ordI'(,s iJ BernndoHe !OInha
mtre les mains de l'ennpmi , et Benings('J] ('n profitn pOlll' (>riler 1(' pi(>~('
oú l'entrainaient le génie et la "ipill .. rxpf>l'i('n('(' du ('hef ¡k ]'arm¡"('
fl'anr;aise.


Le comhat ;:,,,: Bpl'gfl'iNl, qui cut li('1l le ;) févricr, nI' fllt, 11\'('('
n'ux de Wntprdorf, de Dif'pprn, de lloff el de Pl'c\lssie]'¡-Erlall, ¡¡ui
sp donnerent les l¡ , ;, el r. fórricl' , que le pn'>llIde dp J'1I1l(' des jO\l!'lléc's
les plus sanglanles de noll'e Ili:,;toiI'e militnir('. L'('glis() pt 1(' f'inlf'ti(\re
d'Eylull, opini:1tr('ll1ent (]t'>fen(llls pnl' les fl.\1sses, n'ayaim( {>t{> enlrvós,
le (¡, (1\1'11 clix he\1res du soir, aprcs llll eomhnt Ilw\lrt.rier de pnrt ct
d'autre. Le 7 , ti la poinle dll JOUl' , Reningsel1 f'OJnnwn~:a l'attmlue par
une "ive canonnade sur la vilJe d'Eylall ~ l'adion s\'nf'af'ca aussitbt slIr
loule la ligne. L'artillf'I'ie fl'an(;aise fit d'aliord h('nl1c()lIp <1(' Jllal 111'('11-
nemi, que Davoust ycnait aUuquer S\1r ses !1el'l'i¿'I'(,s, pendnnt qn' AII-
geren\l nllnit fondr'f' SlII' son ef'nlt'e , IOl'sqll'lllle nri;rr épflis~¡' , p]onp:(',1Jl[




Il E I\ A P O L l~ O [\ .
Il'S c!pux al'mú's dnus l'o!Js(,lll'it{', sama ks Hussrs d'nnr destl'llctioll
('ompld('. Ang('I'eau s'óg;al'n ('lIll'r b droile rt le ('rlltre <le l'elllwllli.
POli\' 1(' til'(~\' de cc!le position p(~I'ilIrlls(" il fallait la pl'Omptítlldr (Ir
mn¡·pption dr ]'eJl1pprell1', r[ 'la rallirlit(· antanl r1l1r la vigllrllr d'rxf.-
l'lItion dI' ~J\ll'at. Ln ('ayal(·,>i/'. SOUle11l1p par la ganlf', tour'na la fliyi-


sion Snint-lIilnil'e, rt tomba ú l'impro,istr sur l'ennemi. Tont re flui
vOlllllt S'opp05rr (\ r1le fut culh\lt/~ ; clk traversn plusieurs foís I'nl'm(\r
l'usse, srmnnt pnrLout. l'rffroi el In mor!. nans ('e trmps-Iú , les 1111]-
1'('('lIallx ])ayoust d lX('~ s'upprocllerent, déhourlHlnf., I'un sur le:.:
rle!'l'leres, l'alltrl' Sl1I> la gnuehc des Russes. Beníngsen, Yoynnt son
arriere-gnl'de eompromisr, YOUlllt, il Imit heul'es dll soi!', rrprrndre
Ir vi1lagr de Sdmaditten, pOli!' s'en faire un point d'nppui dnns sa re-
traite; mais Irs grenadicrs I'llsses, qu'il chargea de edte pórillcus('
[entati"e, l·('ho\1l~·J'('nt eompldement et furent mis en pleinc dél'oute.
Le Iendcmaín I'm>méc russe se retira au ddú de la Pré'gel , vÍvement
poursuivic, (,t laissant sur le rhamp flf' lH1taille seizr piecrs <le ranon
(·t ses hles~;{'s,




IlISTOIHE


Ln C:ll'lIage n"nil <'tI', hOl'rihll' Ilans In joul'I1éc d'Eylnll. Lp cill-


qU:lIltc-huitii'll1C hlllletill pOI·k' ¡¡ di,\-Ill'l1[ (,(,!lts morts d iI eiwI milll'




--------------


IJE \APOLÉU:-;. ;)!)I


sept ('('lIls hle~~·;('S la pel'k' lles Frall\ais, <'Í edIl' !ll's llus~l'S it ~l'pt
lllilll~ 1lI01'ls ; mais (lue!lluCS historien s pl'l-tell(lt-lIt que ce ehifl'n' n'ci'[
pas t'xaet, el ils font monlL'r it six mille k nOlllhre des 1lI01'ts et l.
\illf.!:t mill(' ('(']lIi des bll'SSt'S, pOUl' les Hussl's; taudis que les Fraw;ais
11\Il'ail~lIt eu (['(lis mille hommes tUt'S el (!Ilinw mille hless¡"s.


(luoi fjll'il ('11 soit, la hataille dut Ctee hien llIeul'tl'icl'c, 11Ilisqul'
I'l'mperenr, dans trois lettl'es (IU'il écri\it II .loséphine, pl'lltlant le
mois de fl~\Ti(,I', I'('\"int tonjol1\'s arec ullc artliction pl'OfOlldc S 11\' ee
trisLe sujl't. « JI y 11 eu hiel', dit-il, Ulle gl'ill1de bataille. La Yi('[oire
ll1'est rest('c, mais rai perdll bien dn mOlicIe, La ¡¡pl'te (Il' l'enn('llli ,
plus cOIlsidét'able m('ore, nI' me COtlsole lJils ....


" Ce l'ays est comcd (le lllorts el de hless('s, ajoutc-t-il dans su
~;('('onde lcttre; el' n'('s! ¡¡as la hl'lln pal'tie de la guerre. L'on SOllf'l'I'(',
d l':illll' es! 0PIII'pss¡'.n lle yoj¡' tant de yil'liuws .... lo


LOl'sllue It's eJlllclllis de la F l'aJl<'!' 11' d.aiell t 1'"s f,ll'i lemcnt éeI'HS{'S d
ha!tus SUlIS I'('~SOlll'l'es, ils H\'Himt l'hahitude de S(' dil'!' Yai1H[uelll's. JI
¡'.tait done llatul'el que la JHltailll' d'Eylml, oú ils 1I0US mai('l\t fait
presfllw autaut de mal qu'iJs en anlient sOlllTer! ellX-lll('meS, IIl' IcUl'
[lm'tH pas assl'Z Meisive pour do['c la eaJnpagne et allH'I It'!' des pl'O-
positiolls de paix. Aussi huit joul's !lC ~;'¡'~(,ollll'),(,Jlt pas sans ulle 1I0U-
\'dle dfllsio]l de sango LI' 16 ft'~\Ti('[') ll~ génl'Tal Ess('II , il la t("te ¡[p
yingt-einq mille )¡OlIlIlIl'S, se porta SUI' Ostl'O\('lIka, el s'y lit hall)'\'
pa!' Ic eitH!lliellle (,Ol'pS dI' l'al'lll('1' fl'an~:ais(', (IIH' ('ollllll,lIIdait le
gl"nt~l'al Saya!')", sc('ondé, dalls c!'ttl' \Íc[oil'(" pUl' les génél'aux Oll-
<linot, Suehet el Cazan, Le fils dll fmueux Su,,"al'o\Y péril dans ce
('otlll¡at.


Le mcme jou!', 1'empl'l'l'llI') qui élait eueOl'e ti PI'l'ussid ... -E) lau ,
puhlia Hile pl'odamalion !fui finiss,lit aillsi :


11 Ayant MjoUl\ l?lIs les pl'ojds de l'('iltlellli, IlOUS allons 1l0US np-
prol'lH'I' de la Yistule <'l l'l'IIll'('I' dnlls nos ean[onl\('IllClltS. Qui OSéra
('11 trouhlel' le l'cjlos S'CII rq)('ntira ; ('al' ) au ddi! de la Yislule, ('oll1me
au (lcli! du nanuhe, au milieu t!es frillws de 1'1liwr, COllll11C tlll eOIll-
1Il('J1CCmellt de l'alltol1lne, IHlllS sPl'ons toujolll's ks solJals frUlIGais ,
('t les soIdals frntH.;ais de la gmnde armé\'. )


TOlljoul's soiglll'llX de J'etld\'(~ hotllllwge Ü la lIlémoirt' ¡[1'S hm-
H'S) l\apo]('~otl ordotllla que les canons pl'is ü Eylall seJ'uiellt fondus
[lOlll' (,ll fnire une stn(ul' du gént"J'al d'[Iaulpoul, ('ollltllandnllt les ('ui-


l.




rtlssit'I's)
jOUl'W"(' ,


IIIS rolltE


lIIurl des blessul'l's qu'jI tl\uil n'¡;ucs dilllS ('elle lCl'l'iJ¡;('


, i


1I téll10igllll sa satisl'tlctioll an g¡"lIl'l'al Sanll') pOlll' sa eontluite il
Ostl'olenka) et il le rapprla HUpt'(\s de lni. Le eOllllllaIH!t'IIICtlt dtl
einflUiell10 eorps fut cou[jé ti l\1asséna,


Apres différents eOll1bats) qui ont donllé qllelque ce/éJ)I'it('· il des
villagcs jusque-lil ignorl's) tels que Pelel'\valde) Gustadt, Liguau, ete.,
mais <[ni ne produisit'ent auenn résultat imporlant pour l'issue de la
eampagne, le quartier-géIlél'al de }'emI1el'eur s'élablit, h~ 2:, auil )
il Fillkcllstcin, l\apoléon y rendit un décl'et SUl' les théutl'cs de París,
IIlI'il divisa en grands théUtl'cS el théútl'es sccondail'cs.


Cependallt, iI fOl'('p de Yainel'e et de tonquérit', I'al'mée fransaise
s'dait affaiblie par la frél!UCIlCe des l'ene¡mÍl'ps ll1ellrtrieres , pm' l'é-
tendue des provinees (!u\~lk ayait cmahies et par le nombrc des places
l!u'dle avait oeenpées. De Ilouyelles rCCl'ues de\illJ'ent donc néet's-
sairf's; l'emperem les demallda) et eeb lit dil'l~ que l"lIlnonte d'ulI
gralld SUeteS n'élail plus l}tW l¡~ signal ¡\'une lt'vée de cOllsl'l'ils. Dalls
rétat (les ehost's ) cette demande élait },OUl'lllllt indispelHilhle, Puisque
les puissan('es eUlIt'mies, malgl'é leul's innombl'nb!es déf¡üles, per-
sistnient a tcuir la eampaglle, et 1\ I'PfllSf'1' la paix aux seuks eoudiliotls
que la Franee pút trollrer honorables). ce n'élait pas au Yainqlwul'
¡\'ahanr!onnel' lúchellleut le fruil de tant de hatailIes, el de lllelll'e fin
ti la guerl'C par le sL\erifice dA ses inlél'ets el dc sa gloire. ~apoléon
I'aisait toules It'~ ('()tl('t'ssions l'aisonnahles; apr¡"s 1l\oi.. planté son




-~ ---~~~-----------,


o E N A PO L I~ O N .
drtlpeall ,idoJ'il'UX Ú Berlin ct ú YUl'scnie, il ofj'l'alt en ('me slIr la \'is-
lule ce (ll1'il n"Hit pl'oposé n\~anl la eampagne. <1 Kous som111es prCts
a condllJ'c llyeC la Hussie, disait-il uu séllat (mrssngc (lu 20 marsl807,
daté (1'Oste1'olle), aux mcmes conditions que son négociateur avait
signées, d que les intrigues ct l'influellee de I'Angletcrre l'ont con-
ll'uinle a repousscl'. N ons sommes p1'ets a rendl'e 11 ces huit millions


-d'hahitants confluís par nos armes la tranquillil(~ , et au roi de Prusse,
sn capitale l\Iais si tant de pr('m~es de modé1'ation , si souY€nt renou-
vdées, ne peuwnt ricn contl'e les illllsions qne la l)assion suggerc il
]'Anglelcrrc; si ectte puissance ne peut trouvcr la paix que dan s
l'ahaissclllcul de la Franre, il l1e 110US reste plus qu'a gémir sur les
malheurs de la gU8ITe, et a rejeter l'opprobre et le bltJme sur cette
natioIl, qui alimente son monopolo ayee le sang du conlinent. »


L'empel'em' dait persnadé que ses propositiol1s pacifiques ne se-
I'aient aeceptées q\le lorsqn'i! ntmlit enlen': aux Pl'uss1ens lcur der'-
nicre reSSOlll'ce, Dl1ntzick, el ohtenu sur les Russes une vicloire aussi
décisin: que edle d'Iéna. Ce clouble butlixait désormais son attcntioll.


Dcs le mois de mal'S Dl1ntzick avait été investí, mais plnsieurs ré-
ginwlI[s russes y ótaient cntrés par mero Le gc'n('ral ]{alkreuth eom-
lllanrlait dans la place. L'al'll1ée assic'gcante était sons les on11'('s dll
lllal'édwI LddnT('. Aprcs plusieurs sorties inrnlC'lueust's, la gal'Ilison
se Cl'ul \ln insta:¡t au moment d'etl'e déli\Tl'e. Le 1)) mai , le gélléral
Kamitlski, IiIs dll fdcl-mm'échal (le ce 110m, YCIlU au seCOllrs de la
\illp, altar¡lIa l'armée fran(:aise. Mais I'cUlpereur, pn'\enu ti temps
de son dcsscin, avait cnvoyé le maréchal tannes el le générl11 Ou-
dinot pO\1l' l'enforcer le mal'(~chal Lcfl'bvre. Les Russes fllrcnt víve-
l1wnt rrpo\1ssés au eombat de Weíschelmuncle, Obligés de s'aeculer anx


f(wliiicalions de ('elle place, i]s jetáent prúripitl1mment lelll's hlcsSl'S


~ ~---~--~------~----


.'ir)




IIISTOIHE


Eur les hMil11rnls qlli ¡¡"lÍen I seni Ü IrllJ' [nlflsp0l't, rt ils les \'('11-
vort'l'rnt Ü lürnigsbet'g, a la vue des assil'g<':S, qlli, du halll de klll'S
rempal'ls ddahrés, assistór('nl ü la fuite honteuse de IpUJ's pr¡"[enr!lIs
I i.bé .. a tcurs.


Etlcollragés par ce succes , les assil'geants poussi~l'cllt leurs tI'llvaux
avec la plus grande aetiYité. Le 17 mai la lIline lit sauter un hloeklllls
de la place d'armes dll e1H'll1in COllH'!'t. Le19, la dpscl'lIte elle passap:p
dll fossé furent cxécutés ü srpl 11('1I1'cs du soir, Le 21, le maréchal Le-
febvr'c donna le signal de l'assnllt, et les soldats comnwll(:ail'llt it y IllOII-
ter, IOl'sqlle le gl'néral Ralkreuth demanda ü capitule!' allx con(litions IIII'il
avait accordées autrefois lui-mcmr ¡¡la gal'llison de lUayence, ce qui lui
fut acconlé.


l\apolúm aUachait une tdle impol'tanee ü la prise de Dantzick , qU'il
la premicl'e nouvdle qu'il en eut a son ql1arlier-géné¡'al de Finl,cstein,
il s'Plllpressa d'ordomwr des pl'iel'es publÍllues Cl! adiollS de gruces, <'l
de donner une preuve éclatante de satisfaclion au marl'dwl LdcJHTP.
( Sans doute, dit-il dans une Iettre au séllat, la cOllscienee d'anli¡' fuit
son deyoil', et les biensaHaehés ü no!t'p eslinw, sumsellt POUl'l'etcllir IIIl
bon Frall~ais dan s la ligne de l'honllcll!'; mais l'ol'dl'e dI' notr'!' Rocil-tl'
est ainsi constitllé, qu'ü des distinctions Ilppal'enles , Ü Ulle gram{p for-
tune, sont aHachés une considération et un éclat dont nOlls YOldons que
soient cnYirol1nés eeux de nos sujels, gmnds l)m' lcu!'s talcnts, par Icul's
services et par lenr caraca~l'e, ce premier don de l' hOlllme.


» Celui qlli nous a le plus secondé dan s la premiere jOllrnée de notre
regne , et qui, apres ayoir rendll drs srnief's <lons toult'S les eireon-
staners de Sil e¡¡¡'riere l1lilitail'e, vient d'attacher son 110m it un si¡"ge l1lt'-
111()['ahle, Olt iI a déployé des talents el un brillanl eOllrage, HOUS a pal'll
mél'iter llIH1 ('~dalante distindion. NOlls aY()Us VOUlll allssi eom;acrpl'llll(>
époquc si honorable pour nos armes, el, par les lcll¡'es-patenles dOllt
nOllS ehargeons notrc cousin l'archi-challeclier de vous donTler commll-
nication , nous avons crú~ nolt'(> cousin le marl'dwl et sé'naicur LcfeJ¡-
vre dllc de Dautziek. Que ce tih'e , porté par ses descendants , lem' re-
traep les ver tus de lel1r pcre, ct qu'eux-mcll1Ps ils s'e\l rcconnaissenl
indignes s'ils préféraient jamais un h¡che rq)()s pt l'oisirdé (]e la gl'illlt1l'
villp aux pé¡'ils el ti la nohle poussiere Ms camps! Ql1'nllClll1 d'rux ne
termine sa ctll'riere sans aYoÍl' versé son saTlg pOlll' la gloil'e el J'l¡oll-
JWllI' de nolre belle Fnmce; que, dans Ip 110m <¡11 'ils P0I'I('l1t, ils ne




[) E i\ Al'OÜO\'. 5!J5
VOiClll jnnwis un privilégc, mnis des deroü's enyers nos peuplcs et ('11-
\'L'l'S IlOllS. J'


Si I'cIllpel'C'l\!' n'eúL youlu que rendl'e gl'Juds par des litres cellx qui
l'était'lll dl'jü par leurs talcnts, 1eul's seniees d leu!' ('arad61'e, la saine
philosophic U'lllll'llit rien a reprendre dans ('ctte élévatiou l)erSOllllcl1e
des hOllllnes qui avaient hien mérité de leut' pays ; elle l'cgrcllerait seu-
lcment, peut-etre, que la distillclion éelatante dont on les jllgea dignes ne
fit que l'C'pI'olluire ou pal'odiet' des dlstindions surannél'S que la raison
du si6cle avait rail aholü' depllis longtemps, comme incompatibles awc
le rógne de l'égalité , et UllXtlllelles s'attaehait inévitubleml'nt tillO rémi-
niscenre d'orgueil aristocl'Utiqllc et de privilége, 1\lais l\apoléon ne se
bOI'lJe pas iei il ehereher dans le hl¡¡son, nagnere si ridicule, l'éclut el la
C'OIlsilMl'Ulion dont il youlait envil'Onner les persoIllluges éminents qui
l'lltollI'nienl son trtme , il prc'tend rendl'e héréditaires celte considél'ation
d eel pelat, faire disparaitt'c les hél'Os de la clPmoeratic el lenr deseen-
dance, sous la pompe des vanités hél'aldiques que la démoeratíc se van-
tait d'aYoÍ!' anéanties. Et eomme s'il I'rconnaissait lni-meme l'étl'angeh'~
el l'illeonséqllcII('e d'une pareille prételltioll, il se húte d'y appo1'l81' un
eorre(,[if, (']1 annulant moralemeIlt le bénéfiee cle l'hérédité, si la p05té-
rité du hrave uno}Jli laisse prrdl'e, dans la mollesse el l' oisiveté des villes,
le sOU\l'nir de la hravoul'e qui aura se ni de point de elt\part asa noblesse.
Napoléon ne s'iw¡ui6le pas eles suites de la eontl'Udietion évenludle qu'il
eré e entre le dl'oit et le rail, lpguaut ainsi anx générations futuI'cS le soin
de juger l'I1eore les deseen dances nohiliuires, el de reeommeneer pénl-
hh>mcnt le proees des raees d(>gimérées. Bien plus, il exige des héritiers
d'lln grand eitoyen, quí fuI soldat par cireonstancc, que tous, jl1squ'mI
cll'l'Ilier, verscnt lem sang cluns les combats, pour rester digncs de lcur
patI'Ímoille aristocratique , semblant indiquer pm' lü que, dans l'avenir
comIlle dans le pas5é, le métier des armC's sera le seul nohle, el mécon-
naissant ¡¡insi la grande rérollltion flui s'opóre sous nos yeux, el flui l1is-
tiuguera la s()('idé nonrelle de cclle du moyen ago , en rell1pla~al\t les
supériorités lllilitaires des lt'll1ps féodaux pUl' les sllpt"riol'ilés paeil1ques
dll monde inldleetuel et du monde indllstriel'.


, "a]lol"on appn'cia micllx lrs ttndaIlces du siccle. lorsLJu'¡I,lit a l'occasion.le la Légioll d'lInll'
lIeul':


• l\'otl'r ,:,ll1ralion rt IlOS llHrUl'S pa~~I:es 110115 fah;aicnt bien plus \'anitcux l{nc rorts pcn:"iC'ut's.
Aus)i, lJieu dl's officiers se tl'uUVrJil'llt-ils eh! IqU("~ uc ,o;r ICUL' Jll{ me décoratioIl llescclId re jusqll'al1




I


H 1 STOllt E


¡Uais l\apoléon avait une missioll prineipale il remplir, cellC' tlt' I1wttre
l'Europc, seicmmcnt OH malgl'é lui, en eoutact pCrmUIH'llt aw(~ la d~\'o­
lution fI'an~aise, pUl' la force Ul'S a ['lllC'S. Lors done qu'il exalte UU 501-.
dat, n'impoI'te pat' qud moyen, il est dans son 1'úlc , cal' le sohlat esl
l'instrument héI'olque el pl'oYidentiel qui lui u été uonllé pom' accomplil'
su grunde tacllC'. ElIWis, nous ne saUl'iol1s trop le "("pdel', (IU'i] fasse des
nobles pouI' réeompenseI' les se1'\iees reudus illa révolution qui a dt:tl'llit
san s l'l'ÍouI' la noblesse, celLe anmnalie ne ressusC'ÍtcrH pas, mais aehe-
vera de ruilwl' cette vieille institution.


Tundís que le dcrnier appui de la monarchie prllssiennc tombait ü Dant-
zick, des négoeiations pOUl' la paix araient dé ourertes entre les Hl1sses
et les Frant;<lis. Mais le cabincl anglais youlailla pl'Olongalion de la guelTl';
11C'U 1l1í imporlnit d'épuiser ses nlliés, s'il parrenni[ illassel' el il épllb(']'
aussi la Franee. L'ernperelll' Alexal1l11'e étnil d'uiIll'ul's l'llCOI'C fneile ü
pOllsser aux eornbats; il n'avait pas eSSll~ e une dc ces dél'aites par l('s-


·cqudles ~apoléon avait couturne de dore la guelTe. L'année 1'1lSSe se mi!
done en mouvemcnt le ¡j juin, el les hostililes cOlllmellCel'mt allssittit.


Le pont de Spanden fut l'objel de la premiere aUaque des Husses


DOllze r('giments tenterent tic l'enlever. Y igoUl'ellSel11mt rl'llOussés, ¡ls
renouwlereut scpl [oís leul's efforts, el sept fois ils écltouercnt. l"Il seul


tambou!', et emhl'as~er rgalrment le pl't\tl'e, le jllgr. l'écl'ivain et l·al'ti~te. Mais el' tl'.lvcrs se fr,t
pass~i nous mal'chions "ite I et llielltíH 11"s militail'rs se scraicnt tl'OU\ és bonorés ,le se yoir cu con-
fraternité a"0C les prcmiel's savants et les plus J.istingués ue toules Irs pl'ufcssiollS 11


1------ _.-




DE l\APOLÉO~.
l'¡"gimcnt de dragons, lel7c , dn corps de Bernadotte, les chnl'gca si rin~
mcnt, aIll'es leuI' septieme assallt, qll'ils lachercnl pied el baltit'l'IJt en
I'etr'aite, Une parcille tentatiye sur le pont de Lomitten n'elll pas une
Dlcillcure issue. Le g(~néI'al russe y perdit la ,ie. Le maréchal Soult ,eil-
lait de ce cóté.


La gal'de imp(~riale 1'llsse, soutenue de trois di visions, et cotllmandú~
par le général en chef flu'accompagnaille grand-due Constalltill, ne fut
pas plus heun'use conlre les posiliollS que le maréchal Ney occupait a
Allkirken. Le brillant combat de Deppcu, qui cut lieule 1endemaill.cmlta
nux Ilusses deux mille morts et tl'Ois lllilJe blessés. Le SUCC('S de l'al'mée
fran~aise fut aUribué, dans le récit of(iciel, (( aux mancell\TeS dll maré-
chal !\ey, a l'intl'épitlité qu'il montl'H el qu'il commulIillua iI ses troupes,
el an lalent Mployé pade glméml de divisioll, Mm'challd. »


Pendant huit .iOUl'S, les dellx armées préludcrmt ninsi, dnns des cnga-
gcments partids, iI une arraire générale. Enlin elles se rcucontI'¿'l'l'lIt, le
4!¡ juin, i¡ Friedland. A tl'ois heurcs du malin, le eal10n se fit cntendt'c.
<1 C'cst unjol1l' de bonhelll" dit l\npokon,c'est l'anni,cl'sail'e deMal'engo, 1)


Les mtH'('dwlIx LunDes ct MOl'tier commeDcerent le feu, soutenlls pal'


les dlTgOllS de Gmu('hy el Ict; (,lIil'as~il'l's de :\"aHSouty. niCll de déei~if
,,----------




;)9S 1I1STOIHE
He résulta d'abord du choc des tliffél'l'nts eOl'ps cngagés, Cc IIC fllt qu'a
eillq hcurcs du soil' que Napoléon, ayant l'econnu 1;) posilioll dI.' la ba-
laille, déeida d'cnlevcr sur-Ie-champ la villc de Fl'iedlund , ('ll filisallt
}Jt'Usqllclllcnt un changement de front. II fil eOl11mcncel' l'atttHll1c par
l'extl'émité de la droilc,


A cinq hcures et demie, une battel'ic do vingt pirces donnu lo signa!.
C'était le mad'chal Ncy qui s'l~brunlait. Au mCll1c m0111ent , lc ¡¡/'nél'ul
:\Ian'halld, ti la tcte dc sa dirision, avan(ja , l'ar111c au JJI'as , SUl' l'CIl-
ncmi, en sc dil'igcant sur le eJocher de la yillc, Cette atla<luo HlH1ackusc ,
soutenlle par l'arlilleric, q\li fit {'prouvcr unc gl'andc perle allX HlIsses,
prépara le S\lCC('8 de la jOlll'llée, Cepelldant I'cIlllcmi avait cmhllsf{ué sa
ganlc impél'iale a pied ct a cltera!. (ilIDllll il yjt le ('or[ls du Ilullú;hal
1\ey mardlC[' a son hut avce tallt d'intrépidité, ti trarcrs ton s les obsta-
des (lui se multipliaicnt sllr son passagü, il fit débouehcl' ecHe fOl'lnida-
ble réservc slIr la gnllchc du mal'édltll. Le ('1Ioc fut terriblc, :Uais le gé-
nél'ul Dupont survillt UYCC Sil dh'ision, et la yietoi['e resta déllnitin'llltlllt
UllX Frangnis, En yain les Husscs 111'ent-ils avanccr toutes Icul's réscrves,
Frledland Cut cmpOl,té , au miliell d'un hOl'l'lhlc curnage, lis Jaissrl'cnt
vingt mllle h0111me8 sur lc champ de batailIe , dont quinze miJIe fUl'cnt
tlltiS et ('inq milIc bkssés, et dalls ce nombre trente généraux, (( )les pfi-
fants, écriyit Napoléon a Joséphine , ont digncment céIébré la bataille
de lUm'cngo, La bataille de Friedland sera aussi célehre et aussi glo-
rieuse pour mon peuple .... , C'est une digne Sillur de Marengo, Auster-
litz, Iénu, )


Des que la nouycllc de ceUe yictoire arrlya ti Kamigsbcrg, les Russcs
el les Pl'llssiens se hatcl'ent d'ahumlonnt'l'lu place, Le mUl'éc1lal SOlllt y
mtra, lel6 juin, el y trouva des richcsscs immenst's, des approvision-
uements en grain , plus de yingt milIc blessés , des mUllitions de tOtltes
S()l'tcs, el cutre autres cent soixnnte mille fllSils, réccmmcnt arrivés d' An-
gletcrre) et encore emlJtU'qués, Lel!), l'empcrellr porta son qllarticl'-
générul ti Tilsitt,


L\;rénement que l'cmperellr Alexandre semhlnit altcndl'c pom' prn-
ser sérieuscmcnt a In paix dait enil)] uecompli: l'armée russe avait
('lI sn jOlll'lll~e funeste, sa déroute complde, sa lléfaite déeisive, Le
21 juin, le czar d. le !'Oi de Prusse ('ondurcnt un nrmistice n\,('c I'em-
pCrClll', Lc 22 , 1\ apoléon adressa ti son al'luéc la pl'Oclalllution sui-
vante :




DE i\AI'OLÉON.
({ Sol(lnts,


») Le;) juin nous Hons (,te att.aql1Ps dan s nos cantonncl1wnls pat' l'al'-
mée I'I1S5('. L'L'nnemi s'est mépJ'is sur h~s causes (1(' nolre inadi\ilé. JI
s'est apel'<;1I tmp tarel que noh'e rrpos élait cclui elu lion : il se !'('pent uc
l'aYOir ollhlié.


J) Des horus ue la Vislule nous sommes arrirés sllr les eUllx UII j\il'-
men aYee la rapidilé de l'ai31e. Vous eélébl'Ules (1 A usterlitz l' unnirersaire
du COUrOnI1C'll1ent ; \OIlS i1\eZ, celle ann(~r) célébré cdui de la balaille dp
MareIlgo, qui mit fin il. la gllerre de la seconde coaliLion.


J) FratH,:ais, vous awz l'lé dignes de 'OIlS et de moi. Vous rcntrel'ez en
Fnmce COUWI·ts de tous 'os lauriers , apres a,oÍr ohtcnu une paix glo-
rieus(' (lUÍ podc ¡¡\'ee dIe la ganmtie de sa durée. )


Les hases de cette paix furent arrctécs par les t['ois rnonarql1es , dan::;
unc ('nh'cvuc qll'ils eUl'cnt sllr le l\iémcIl.


Le 2;:; jllin, !lune heure apres midi, l\apoléoIl, accompagné de 3Illrat,
llertltier, Duroc et Cau]lJincoul't, se rendi!, dans IlIl bateau, au milicu de


cc fkure, ou l' on ayait placé des ['arlcaux et ('leré des pm ilIons Imul' re-
ccyoit' les dl'l1X cmpct'cUt'S et 1(: roi de Pl'llSSl'. Au meme iustant ;\ lexan-
dt'e s\'mharquait sur l'al1tt'e riye, tlVCC le granel-due CODstantin, le gl'[lt'-
1':11 lkningscIl, le généJ'al Ounlroff, le princc Lahanof ct le COl11t(· dc
Lil'wn.


Les dt'l1,\ hatcal1x arriv('l'cut en meme temps. En l111'Uanl le l)ied sur




1I1STOIHE


le I'a<lr<lu, AlexI1l1(h'e rt i\apoléon s'empl'esserent de dOIlncl' aux dl'IlX
armél's, rampées sur ehaque rive, un signe pr(~eUl'selll' de la rél'!llldliu-
(iOH: ils se jderl'l1t dans les lJl'as l'un de l'aulre, et passer('Ilt rnsuíle
plusielll's heures ensemble. La conférence fluie, les lllonarqlles regagne-
rmt chanm kur hateau el rentrerenl duns leur eump.


Lc lelldemain , 26, IIlle sceomle entl'('Hle eutlieu au paYillon du Nié-
men, etle roí de Prussc y assisla. Pendant plusicurs jours les t1'ois prin-
ces se ,isitel'cut fréquemml'l1t et se <lonnel'ent fks feLPs. La plus franche
mnitié semhlait avoír remplacé tout 11 coup les dispositiolls hostiles qui
anJient fait eoulcl' tant de sango Dans IIn <liner, l\apoléon porta la
sanlé de la reine de Pmsse, qu'il arait traitéc ayec si peu de ménagclllent
tlans ses hulldins.


eette prineesse w'riva ¡¡ Tilsi ll, le () juillct, ti midi. Deux heures apl'ós


l\apoléonllli faisaíl sn üsill'. Elle illsi~ta, dil-oL1, pOLI!' reml!'c les coudi-




- --1


DE L\APOLÉO:\.
-l0·1


tions de la paix ll10ins dlll'(OS ponr Sll couroUI1C. 3Iais toutc la puissallce
de sl'dnclion donl la nalw'(' el l'étlucalion l'aYail'nt <1ouée ne pul rirn
changer anx l'ésolntiolls ¡¡rises ¡¡"an! son arriyée. Le 8, le traité de paix
fnt. Siglll~. La Fnlllcc y faisait r¿'connallre le hloCllS conlinmlal, les l'oyau-
!Uf'S <1(' Saxe, de JJollande el de Westphalie ( ce del'llier crcé au proiit de
J l'rúme, aux dÓIWI1S de la Prllssc, du I1anoYre et de la I1esse), et le gn:md-
duché de Yal'smie, (lui enlt'ail dans la confédóration dn Rhín, dont ~a­
poléoll élait lwoelmné ]ll'otectenr l,ar les grandes llllÍssances dll l\ord ,
eontee lesquelles ('elte alliance a\ ait été prineipalPluent conslílllé,c.


Avant de (IuiUl'1' T¡¡silt, Napolóon se Dt préscntrr le plus brave soldal
de la garde imllórialc russe, el luí donna I'aiglc d'or de la Légion-d'Hon-


neul', en lr'mlOignagc d'cstimc ponr ee rOI'ps. JI fit préscnl de son portrait
h l'hf'lman r!f'S eosarlues, Plalow. Quelquf's baschil's, emoyés par Alexan-
dI'(" \ im'en! lui (IOnnf'l'llIl eonc('rtil la maniere de 10U1' pays.


Lf' !) jnilld, Ú onzt' IH'UI'c~ du matin, l\"apolénn, décoré dn granel co)'-
dOIl d(' ['onll'f' de Saínk\ndr(·, se rcndit ('hez 1'1'111pel'f'\II' de Rllssie qll'íl
t\'Ollvn :1 la tl'le lit:· sa gal'de, et portant la grandc decoration de la Légion
¡['IIonnl'nr. APl'l'S a\Oir passé troís heures ensemhle, ils montrrenl




402 n I STO I H E DE\'\ l' O L/1 O N.
a ehcntl et s'neheminerent Wl'S les bords du :\iémcn ou Alexnndrc s'em-
hnrqua. l\apoléon le suivit dc' l'(pi] jusqu'iJ l'nutre riye, en signe d'mni-
tié. Le roí de Prusse étant ,"cnu peu de temps apees yoil' l'cmperenr des
Frangais, eelui-cí luí rendit immédialemcnt sa ,isite , ct partit ensuitc
pour Kamígsberg.




CHAPlTllE :XXVJ.


Hetour de :\apoléon a l'aris. sessiou du curps-Iégislatif. Suppresslon du trillllnat. Voyage
de rtlnpercur en ltalic. Occul'atioll du Portugal. Retour tle ~apoléon.


Tableall des progrés tlcs sdellces ct tles al ts depuis 1789.


'E~IPEREUll ne S'UrI'Ctu pUS longtemps
duns l'anrienne capilak' de la Prussc. 11
en 11artit, le ~ 5 juillet, et arriva, le 17,


'a Drcsde, en compagnie du roi de Saxe,
r":;


, ql1i avait été le reccvoir a Bautzen, sur la
.frolltiere de ses dats. Le 27, j'\' apoléon
étail renlré a Snint-Clowl.


Le Sl'uat, le tribunal, le C'OJ'ps-législatif, la coul' de cassation, le dergé,
le corps municipal, toutes les aulOl'itl·s enun, civiles, militail'es 011 ('eclé-
siasti,[l1cs, villrent Mpos!'}', ayec empressement, leurs félicitations HU
pied du mOllarque victol'ipux.


L'elllpel'eUr vOlllllt signaler son retolll' pm' des promotions et des ré-
compenses. II eonfét'a la digni[(· de sénateur aux généraux de dhisiOlI
Kk'in d de lkaumont, al1x tl'ibllllS Curée el Fabre de I'Allde, a l'arche-
yetlue de Turill, el a 1'1I11 des main's de Paris, j)I. Dl1ponL Le prince de




1-1 ~ ------------
I '¡04 JlISTO [lt E
i Bénéwut, Tallcynmd , fut nOUlllló ,lee - gl'and - (.!eetrUl' ; le 11l'Üll'C' (h'


]\euJ'ehúlel, ]3erthicl', n'(;llt le titre (1(' yirc-('ouuétabk.
Le 1::; aoút, j01l1' de sa rete, l'empCl'elll' se l'l'udit l'll gl'aude pompe ü


Xotl'C-DalllC, oú fut chaulé le Te DeulIl, en adiolls de gl'ttCl'S, pou!' la paix
de Tilsitt.


Une déplltatioll dI! royaume d'Italie ,int joiudl'e ses félicitatiolls ü edIes
des gl'alllls l'Ol'pS de l'clIIpil'c. l"apoll'oll s'cn lllolltra sali"fait. « .rai
('pl'olln.' IIlle joie Pat'til'lllii'l'l' , !lit-iI, (Ialls le eOlll'S de la Catllpap,Ill' del'-
uiere, de la eonduitc distillglll'e 1[1l'Ollt tellll(' llH'S tl'Ollpl'S ilali('III1l's.
Pou!' la pl'('mii'l'l' fois, dl'puis hieIl des sii~des, Il'S ltaliens se sont lllolllrés
an~c homwur sur 1(' gl'alHl thl'útl'C' dll monde: j'cspác (llÚIll si IWlIrl'ux
l'Ull1Ill('J]el'1lll'lIt l'xcitera l't'lllUlatioll (le tI Ilalioll; (lllt' I('s f('IllIlH'S dks-
menws 1'l'l1\el'l'Ollt d'allpl'es d'clll's edte j(,lIlH'~S(, olsi\(' qlllIallgllit dalls
les boudoil's, OU du llloins ne les l'<'eeH'out qtlt' IOl'squ'ils ~el'Ont ('OU\l'I'!s
d'hulIOl'alJll's deatl'iecs. Du reste, j'espel'e mant l'hiwl' allel' fail'c mi
tout' dans llI('S ,"lats ti' Italle. »)


L'ouvel'tul'e du eol'ps ll'gislalif cul lieu le I (j amll. Elle fut faite par
l'empercur, qui, r¡"sumant en un mot toute la grandellr de la Frallec, pro-
nou~a ces impérissables pal'oles: « Je me suis s('J1ti tiCI' d'elre Il' premipr
parmi vous. )) JIalheureusement iI cóté de ('('tt(~ nohle exp1'essioll (['mi
sublime et légítime orgueil, Xapoléoll laissa glisser.unc justil1eation assez
paradoxale des titl'es impériaux qu'il avall cl'éés pom' servü' d'aliments il
des vanités d'un autre age. Selon lui, il avait youlll l)ar lü « empceher le
I'dOlll' de tout titrc fóodal, incompatible avel' nos inslillltioIlS ; ) comme
si le rétahlissement des litres eonsacl'és par la fl~odalitó pOllvait etrc pl'is
sérieusement pou!' un obstadc ü lenr r{'[otll', pal'r(' qU'Oll ll'osait pas y
ajou[l'l' ce1'lains priYill'ges deH'Bus intoléralMs, alol's Slll'ÍoUt qn'on le."
e_\hllmait, aree Cl' qu'ils maienl en el!' plus alltipathiqne au xnne sieeIe ct
ü la rérolutioll I'l'atlgaise, le pl'iueipe de I'hl'l'l'dité.


Au resle, ]'illslitlltion (i'ulle nohlessl' h{'l'(\]itail'(~ n'était que In e()nSl~­
qucnec de In fondation rl'llIW dynastie. Aprl's s'elre wmollel' en qudque
sorte eOllUlle cm-oyé d'm hallt, pOUl' )'eslaurt'l' ]l' pouvoil', tombc". di-
sait-il, dans l(~ snllg et dans la boue, l\'apoléoll se ]aisse elIl}lol'tel' lmr le
mOUVellll'llt réadioIlllail'l' dout il a donnó le I'ignal, en fayeu!' de l'esprit
ll'ol'dl'c el dI' COllSl'n ¡¡lion. Cl'oyanl n'agil' que ¡[nns les limites d'lIlH' pl'l~­
nmmec légitimc ('outre l'exagératioll du pl'iuci[ll' de liberté, il e~ageJ'('
imo!outllirClllellt le principe rl'allto!'itl" ('0ll111W jI se Halle dc 11(' ('OnSHCl'l'1'




DE i\APOLÉO~. ~05
(llH~ l'al'istocratie du ll1t'l'itc (IUalld ilfait des grands par la Ilaissance, et
<[1I'il s'dfol'C(' de donnel' (le la slabilitl'· a son nOllH'l empire, Plll'appuyant
1)l'("('is¡;lIwnt sllI'll's ¡'·tais Yel'IllOlllus ((l1i cl'al[utTent violemmeut, il y ti un
¡\ellli-skele, sous le poids de Iri monarchip de Chademagne.


Dan:-; son dis('ours d'omerture l'ell1perelll' avait mmoneé allssi des
ll1odificaliollS allx lois constitutiollndles. On pouvait etl'e certain d'tmmce
que le )!ésultat de S('8 U1(\lilaliolls lW serail que 11' développe\llcnt de Sil
llL'IlS("e didalol'inle, el qll'il allait. atténl1er on faire disparaltre ee qui for-
mait encore 111\(' l'Clm:'sentation fictiH', en lldlOl'S de la l'eprésenlalioll
n:'dle el absolue qu'il 11lrI~ait en lni-meme, Le tribunat, malgl'é le soin
(IU'il avail ru (11' pl'end\'e l'initiatiw des lllotions Ulollarchiques , fut sup-
primé; SOJlllOI\1 seul aUJ'ait suffi pOUl' lui 1101'tCI' malhf'ur . Une institution
dOllt }"(H'igine l't la dénolllinalioil rappdaicIlt iuecssmmnent lc systeme
d'pllhlieain nI' pOll\"ail pus elre longtemps tol('r<'c clans le yoisinage des
¡lUI'S e[ (les pl'illces que la munil1tC!1ee imp{'l'iale l'essusc'it.ait mi¡'aellleuse-
IlICHt aulou\' ti!' son t.nJlle , dans la pe!'soIluc des plus celeJJ\"cs détrac-
l<'UI"S et des plus \'('doutables eIllIl'mis de l'anlique hlason, Du resle , les
tl'ihuns 1Il0lltl'CrcIlt llIlt· rl-signalion exemplail'e ; plus eourtisans que ja-
mais, iIs remereicl'ent, et ils bénircnt la main qlli les frappait, et selllblC-
I'cnt YOllloil' jllstilkr par la l'cllI[lerellr, en promant a la Frailee <[ue la
sllppl'ession de leur ('or1's n'availrien ({'alm'mant pou!' les lihertés natio-
nales, et (IU'il n'y aUl'ait qu'un nwnsonge de moins dans la eOllstitution de
l' élal.


L'clllpereul' aW0l'ta allssi f{uelqlles ('hangements dans l'organisation
du (,OI'pS législatif pt clans la fonne de ses délibérations, L'úgP de clua-
raute ans fut exigé pom' les memhres de ce ('orps, et sa vil' ]lolitique
res la t'O/H'entrée dans trois commissiolls, qui devaien! conférer ayec
les eommissiolls du conseil d'<':'lnt, sur chaque projet de loi, dont l'i-
lIilialiw ('lail exdusi\ement l't:senée au gouvenwmcnt. Le ('O de de
('OIHUW\'C(' fllt voté dalls celte SCSSiOIl.


La gl1l'lTe (,()lltinuait dans le: norel, entre la Franee el la SuMe. Le
I U noút, la ville de Stralsl1nd fut prise Ilnl' les Fran<,iais, el l'ile de
Hngen ayallt eupitull' le 5 septemhre suivant, la conquete ue la Po-
1lIt"I'mnin su{:doisc: se trollva complete. Le roi de SuMe n'en resta pus
lllOillS attadlé it l'alliallce allglaise.


C'étnit av('(' peine sans dOllte que: Napoléoll vo~ ait la Balli(I1I8 Oll-
\('de au pa\iJlolI lll'itnnni(l'le, et la eour de Sloehholm obstillélllcnt




\lIST().I H E


n'belle ali hloCllS continental. -'lais il dail un alltl'c royaumc dOllt les
relalions constantes m-ec l' Angleterre contrariairnt hC[lt\('oup plus le
sysU'me fJ'an<;ais; c'était le Portugal. La maison de Bl'ugunce, liée
par ses intéréts comme!'ciaux autant que par SI'S affinil('s politi([ucs, St·
soumit ü toules les exigellccs du cubillct anglais, el. 11(' tint jamai~
nucun compte dll d{~(,I'd de Berlin, alOl's meme fJu'elll' se tl{·c1al'ail
offieieHemellt en dat d'hostilité ,is-u-vis la Grande-nrelagnc, pOUl'
mieux trompel' l'íapoU'on. Cette infidólité occulte ü \' alliance fl'tlll-
~:aise fut dénolleée it l' Europe par l' cmpercUl', flui ellH)ya un corps
t!'ul'mée cn Portugal, sous le eonllllandemenl de Junot, apl'es moil'
tt'Hité) uv('c la eour de :Uadrid, p01l1' le passagn (ks trollp('s impérialeH
it tl'Uvers l' Espagne.


Tandis (lile JIIllot s'aeheminait - \'e1'S le Tage, Napoléol1 se préparait
il YÍsite1' encore les ))o1't1s du Pe) et de l' Adl'iatiqlle, A ,"allt SOIl Mpart,
iI I'e~ut, PIl audienee so!cnndle, l' tlIuhassadelll' de Pel'se, qui était
Hl'I'ivé u París, pol'lclIr de prt·sPOls magnifiques pou!' l'pmpPI'cul' ,
:Il1X pieds t!w!ud i\ tléposa, eutre nutres ()hj('t~ 1'(,11l11\'(luahl('s, !ps sahl'('~
de Tamcrlan d de Tltmnnf: KOllli-l\l1ll.


\'npolC'OIl pal'tít dI' Paris le 1 ¡¡ llo\'í'lllhn' (1807), (·t <lITiY:I it -'[ilall




DE N APOLl~O\'. <l07
le 21. PCll ¡[r' jours al)l'(\s, la garde ül1})ériale , couycrle des }auricrs
el' Austcrlitz, d'Iéna ct de Friedland, lit son clltréc triomphale dans
la e.apitale. Son al'l'iy<"e fllt le signal de gnm(1cs rr"jouissances. Les
alltorit(,s parisicnncs YOUlurcllt la reter El l'Hótl:'l-dl:'-Yille , et le sénal,
rlans son 11alais meme.


L'('mperel1l' ne s'arrCta })as longtcmps il ~Iilan; il lui tl1r(lait de se
fait'e connailrc aux llOUYCaUX sujets C¡lle lui avait donnl's le tnlÍté de
Prl:'shourg. n arriva il Vellisc le 29 novembrc, le jOlll' meme fluC
Junot, apl'l's avoir h'3\crsé l'Espagne, s'emparait d'Ahrantes , la pre-
micre ville de Portugal. Le lt~ndemain, l'armée frml9,aise rntrait dans
Lisbollne, qllP la ramille royale avait abandonn(~e illa Vllíl d'llll peuple
constern(') ponr se renrlre fl h01'(1 de l'escadre anglaise, et se ,,('-
tirer an Brésil.


Aprós avoir par'colll'n les dats vénitiens ct la Lomha1'die, el s'e-
t1'e rencontró, iI lUantoue, awc son fl'cre Luden, dont il youlait
faire épouscr la fille au pl'illee des Aslurics, ~apoléon rentra claus
la capitale [le son royal1me el'Ttalie. n y puhlia diverses lettres-patentes
qui conféraimt Ir titre de prince de Yenise au vice-roi Eug(~nc Beau-
hamnis, et cl'!ui de princesse de llolognc il sa DIle Joséphine; 3Ielzi, an-
ríen ]ll'rsident de la rópublic¡ue Cisalpine , devinl due de Lodi. L'em-
pel'eur ayanl fait donneI' lecture de ces actes au corps-Iégislatif italien ,
prit ensuite la parole lui-meme et s'exprima ainsi :


« l\Icssieurs les possidellti) dotti el commercianli) je YOUS "ois avee
plaisir environner mon treme. De retour ap¡'es tl'Ois ans d'abscnce,
.il· me plais a remarquer les pl'ogrcs qu'ont faits mes lleuples; mais
([1](' de chosf's il rf'stc f'nrorf' a fairf' pour effacer les fautes dr nos
pi'res , et vous remlre dignes des destins que je vous prépare !


l) Les divisions intestines de nos ancetres , lenr mÍsérable égoi'sme de
ville, préparerent la perte de tons nos droits. La patr'ie fut désM-
ritée de son rang el de S8 dignité, elle qui, clans des siedes plus
doignés, avait porté si loin l'honnellr elf' ses armes el l't~dat de SAS
vertns. Cet édat, ces vertus, je fais consister m3 gloire a lrs r('-
conquérir. l)


Ces paroles furent acclleillies avec transpol't par les Mputés italicllS
dont la division, en propriétaires, savants el industriels, correspon-
flait mieux, on pf'ut lf' (lÍre, que l' organisation du corps-lógislatif
fran~ais, aux clivcrses natures d'intérets et ele capacités, dont la


I
J




408 111 STO 1 1\ 1:


pl'édominellre dans la soeiété pOllnüt jllsliJil'1' ou meme néeessil(')' la
rcprésentation duns la politi(!ue. )Iais ce'He rlifférenee daus le m('~('a­
nisme eonslitlltioIlnel de de m: peuples soumis a la meme dOJllination,
eourb(~s S0\15 le meme sreptre, s'cxplique pUl' eette eit'conslan!'(', (lIj('
sur le sol de l'Ttalit', XU)loléon , !touulle de réyolulioll , muit aIT1H'lu'!
le poumil> il l'ancien ré¡üme, tundis qu'en Frunre il uvuit. ddl'tm¡"
d'autres réYOlutiollnail'es. En effd, a 3lilun, ti llologne, 11 Y elli~e ,
comme dans le reste de ¡'Eu\,0lle, ses etlJwl11is naturels étaient 1'a-
l'istoe\'aHe et l(~ dergé, sur l'abaissenwut des(¡ucls il uvuit fondé la
pllissance fl'an9aise; les patrio tes , sortís des nmgs int8l'mr"diail'('s,
d('s eJasses ieUrées ct lahot'ieuses, daienl ses applti~ ohligés. A Paris ,
uu contl'ail'e, i\ se sO\1H'nuit tO\1jOllt'S qu'il maiL conquis le td'¡nc 1'1
Saint-Clond , sur les répul'liraills, sur les diseiplcs de la philosophie
l11oderne. De la sa disposition il'l'l'sistible 11 cOIlsidéJ'!'r rOll1nw Sl1~­
peds, a traiter de songe-erenx les esprits sérieHx qui pur!ail'llt dr
liberté clans leurs éet'Íts, el (Iui s'oeeupaieut de spéculaliolls polili-
ques; de lit l'exil (le ma(lmne de Stai'l, la disgrúc(' de llenjamin-
Constant, le Mclain pom' Tril(,~", YoIJll'~c, Cahnnis, d.c, , ('/ ('lIfin
la suppression du tribunat et d'UIle elasse importante de l'Iustitut.
Les do({i du royaume d'Italie u'étaicut que des idéologuf's PIl de(:ü des
monts, tant il est vrui qu'il y mail denx honmws, OH plnhit (knx
nik's rlans Napol¡'.Oll, Sf'lol1 qu'il était f'n faee de I'étrangcr OH ('11 ]'('-
gal'd de la Fl'tlIll'e. Rdonnatellr dans l'o1'ganisalioll des pays ('()\I(¡nis,
il devenait ('onservateul' d()s qu' il s' agissait de l' admiuistration inlú'Íf'ul'('
de l'empi1'e; sa positioll seulc, diffr"I'l'lltc au dc!ü el en de~:¡¡ d('s fl'on-
ti<'~res, le poussait il celle conlradidion, <¡ni a fuit dire iI ;\r. de
Chateaubrialld, que « tant6t iI faisait un pas me(' le siede, et tnntút
il reculait Yers le passé. 1)


nepllis la paix de Tilsilt, l' .\ngle[et't'e, que l'empereur Alexand¡'c
s'était vainement dwrgl' d'amrner a une réeollcilintinn uwc la Frall('e ,
n'a\ait fnit que mettl'c plus d'obstillatioll d (l'uchartw\11cnt dans ses
ré~olutions gnel'ricl'es. Furiellsl' (l(~ l'a(¡h(;sion offirielle des gl'alldl's
puissanccs du Xord an blocus continental, dlemail rcpollssé opi-
niMrénwnt l'in(('rwnt.ion <lu czar, el em'oy(; yingl-sept hutilllenls C'l
yingt millc hommes dans la Baltique, sous les ordres de lord Calh-
(,[[1't, pOUI' foreel' le roi de Danelllarek ü li\Te)' sa t1oltc, ü litre
de dépM. Ce prinee ayait dú refuser. L'amiral auglais mail n'pondu




DE :\IAPOLÚ)~.
il sa I1oJ¡Ie r¡"sistnuce pnr le bombal'dement de Copenhngue , leque! fut


suivi fle la cnpituIntioll immédiale de cptte cnpitalp, el de In tlestruc-
tion de In flotte danoise. En apprenallt cctte horrible violation du
droit des gens, que les Anglais répétaient de tOlltes parls, el sous
toutes les formes, contre la neutralité impuissante , Napoléon résolut
de compléter le systCIl1C de I'eprésailles qu'il avait adopté aprl's la
bntaíJIe d'Iéna ; eí le décret de lUilan vin! donner an décret de Berlin
toute l'cxtension rigourense que les circollstances paraissaient exigel'.
L'emperellr y Mclarn (1 dénntionalisé» tou! hUtiment qui se sonmct-
trait il la mesure violente par laquelle le roi d' Angleterre ayait mis
tous lcs ports de la France ct de ses alliés en état de blocus, et 01'-
donné la visite, sur mer, de tons les baliments européens qui sc-
raieut rencoutrés par les croisiercs bl'itanniques.


De uOllvellps combinaisons territol'inles fix(\reIlt eneOl'e l'attention
de l'empcreur pendant son s('jour en Italie. La Toscane et les légn-
tions (·tnient deslinées a faire partie de l'empire fran~ais. Apres avoil"
tout pd'paró ponr cette n~l1nion, il t'rprit le chpmin de In France.


52




111 STOlll E


En tl'1l\eJ'saIlt les Alpes, il s'arrcta /J Chambét'y. Un j!'tlIle hOJlllllr
l'y atlendllit pout' lui demander de [airc (,(,SS!' I , l'e.\íJ de sa mt'l'l';
c'('tait M. de Slad. :\apolt'~oll l'ncelll'iJlil biell pel'sonIlCIll'J111'IIl, tnnis
se l1lontl'a fmt dUt, il I'égard de la filie de 1\'ed:er, el de 1\'eel\('1'
lui-Il1Clm~. « Yolre mi'!'1' , lui dít-il , doil Otre contente d'l'h'c ú Yíellul' ;
elle aura heau jeu pOlll' apl)t'endrc l'allrll1nnd .... Je 111' dí:,; pas qUí'
ce soit IItW 111("('hante fell1T1w .... Elle a dc l'eslwil; die ('Il n heau-
eOl1p tmp, peut-etl'('; mais c'csl un e~j)l'it san,; ft'C'in , ínsu}¡ol'dotlllt,.
Elle ti dé (oled'e (lan,; le ('haos (l'mle monm'cltíe (lui s'C'(,I'Oll!1' el de
la révolutiotl; die fait de tout c('la un mllalgauw! 'fout ('da !leul
deH'nir dang!'I'('lI\. A n'e l'exaHalion de sn tete, dIe pellt faít'e des
prosl'lytes. ,J'y <loís n'jlJeI'. Elle lIe llI'aillW paso e'est dalls l'intl'!'l'l
de eeux qll'ellc eOIllI))'olllrttl'ait qlW je BC dois [las la laisser rCH'ni!'
ti París .... Elle seniraít (le d!'apean au fanhourg Suitlt-(;cl'maín ....
Elle ferail dl's 1'Iaisauteries : dIe n'y allal'he pas d'itll[lOl'lanl'l'; llluí,;
moi, j'ell nwls healll'oup. l\Ion gOll\el'l1rmenl u'est poitlt une lllaí-
sanlet'ie, d je pl'cnds tOllt au sériellx; il fallt qll'on lr~ suche, l'l
elites-le hien tl loul le mOllde. » Lí' jl'ulle de Stad protesla de I'ill-
tention dc sa ll1P!'e de ne clonnel' allClltl sujd lI'ombl'age an goUH'I'-
nemcut impl'rial, el de no nlil' ([u'un [1elit nOlllbre (l'alllis, dOllt
la liste s!'l'aít Jlll\nw SOlltlliso tI l'apPl'obation de I'elll[lel'cur; ¡mis il
ajonta : QuelqllE'S !lCl'SOI1JlCS m'onl dít (lue e'était le dorniel' onvrage
de mon grand-p¿'l'e quí yous ayait indisposé coutre ll1a mi're ; jr lmís
pourtanl jUI'C'r il yotre majesté flll'ellc n'y a eré pon!' ['ien. _. Oní,
certainellwnt, repl'íl l'eIlljlcreur, cel o\l\Tago y est pour heallcoup.
y oh'o grand-pere était un ich'ologllc, UIl ron, 1111 yieux malliaque. A
soixante ans youloit' retl\erst'l' ma ('onslitutioIl, raÍl'c drs phms do
eOIlstítutioIl; les dais st'raient, tlIH foi, hien gOlnernés avee des
hommes a systblles, des faisrlll's de thl'ol'it's, qui jugent les hornmrs
dans df's li\Tes d le 1ll0lHlo sur la r¡¡de ! .... Lt's éeonomiste:,; sont dcs
songe - creux qui revent des plans de finances, et 1\e sauraiPnt pas
remplír les fOlletioTls de lWl'CeptcuI' dans le dl~rniel' yillagc de lllon
empíl'e. L'olHrnpp de votl'e grantl-pl're esl l'ceuvre d'IIIl vicil ('J}tet¡',
quí rst mOl't en ra})¡khallt sur ll' gouycmeJlwnt des états.)' A c('s
mots, le petit-llls de 1\'c('ket' S'(;mllt, el, íntelTom[lnnl l'CIlljll'l'('lII',
cmt pOllYoir lui dit'!' (Ille sans (Ioute il s'¡'-lait fait \'ellfh'e complc <In
livre par des personnes mahcillantes, el f[ll'il ne l'imlÍt pas lu lui-




\tI


Illl\me) pllisquc son gl'and-pere y \'('I1([<lit justi(,l' all g(\nic lle Xapo-
h\lII « C'est ce ([ui vous lnHupe, lui dil \lH'nwnl l'ell1pel'ellt' ; jc l'ai
lu moi-meme ti'un !Joul it l'autrc ... , Oui , ilme ¡'l'nll \IlW helle jllt'-
lice! il m'appdlc nlOlIlme nél'essaire! et, d 'apl'l'S son om I'age) la
IlI'emiel'e (,hose it faire était de COUpCI' le eou a cet homme néces-
saire, 011i) j'élais lIéecssail'c) indispensable) pOlIr d'parer [Ollles
les sotlises de volre gran(l-pere, pOllr effaecl' le lllal qu'il a rait 11
la Franee .... Cest lui qui a rail la ré\Olulion .... Ln rl'gnc des brollil-
lon8 est fini; je vpux de la suhordination. Hespeetez l'autol'ité , paree
qu'elle vient de Dicu.oo. Vous eles jeune; si \OUS miez mOJl ('Xpl\-
rience, vous jugel'iez miel1x les clloses. nien loin de me choquel',
votre franehise m'a plu : faime qU'UJl filIO plaide la cause de sa mere ....
Malg¡'é cela) jl' ne veux pas VO\1S donner de fallsses espél'ances) el
jo ne puis vous cacher que vous n'oLtieudl'ez rien. » :\1. de Slad SI'
rctira, et I'emp('J'(~IIl' dit ensuite it I)III'OC : « i\'ai-jc pas été un peu


• <1m' av('c ce jell[]e homnw '?.. Je le ('!'ois. Eh bil'n ! j'ell suis him
aise) aplú [out; d'ulIt!'es 11'y I'cYicndl'ont paso Ces gells-lil dl'lligl'ellt
tout ce que je fais; ils ne me cOIllI)\'('I1!1Cnt lllls. Il


.\apoléon al'l'iYI1 a París le ~ er jamier 1808. Tl'ois jours apn\s,
a('eolllpagné de l'illlp<'~ratl'iee .Josél'hinl', il ,isita Il' ('("ld)]'(· ]leintre


David dans son alelil'I', pOl1!' \' ,oir le tablcau dll C'O\l/'()nllenH'1l1.




~---


I


-11 2 IlISTOIHE


Dans le couraut Ju meme mois il dOIllla des statuls Jellllitifs ü
la Banque de France, et réunit Flessingue et ses dépendances ü
l'empire. Le sort du Portugal n'était pas fixé enCOl'e. Quoiqll'il ftlt
enticrcment soumis atu armes fran<;aises, N"upoléon ne vonlut rien
précipiter a l'égard de ce royaume. II se contenta d'y organiser un
gouvernement provisoire, a la tete duquel il plaga Junot, avec le titI'e de
gouverneur-général, par un décret du -1 er février. Le lendemain, il dé-
cerna le meme titI'c a son beau-frere, le prince Borghese, pour les M-
partcments au dela des Alpes.


L'Institut national remplit, a cette époque , une mission importante,
dont l'empereur l'uvait ehargé dans l'un de ees moments ou le génic de
I'homme, libre des passions dn monarque, se préoccupait avant tont des
intérets gén6raux de la civilisation. Chacune des trois classes de ce corps
illustre présenta un rapport sur les progres de la branehe des eonnais-
sanees humaines qui était l'objet spécial de ses travaux. Le tableau his-
torique, renfermé dans l'ensemble de ces rapports, embr'assa ainsi les
sciences, les arts et les leth'es, a partir de ~ 789. Chénier fut Je rappor-
teur de la classe qui représentait l'ancienne Académie frungaise; De-
lambre et Cuvier exposcrent les pl'ogres des sciences physiques et mu-
thématiques; Dacier parla au nOll1 de ce He podion de I'Institllt qui
forme aujourd'hui l' Académie des inscriptions et helles-leUres, et Le-
breton présenta le l'apport de la e]asse des beaux-arts. Le tl'avuil de
l'Institut restera comme un monument de la grandeur du penple qui,
au milieu des tourmentes (le la guerre civile el des anxiétés ineessantes
de la gnene étrangere, a"ait eultivé fl'Uctueusement le domnine de
l'intelligenee, et s'était élevé dans la triple earriére dll savant, du lilté-
rateur et de ['artiste, alors que l'Eul'Ope et le monde le croyaient exclu-
sivement soldat. Ce sera aussi une éloquente réponsc aux détractelll's
de la révolution, et, par eonséqucnt, une justification indirecte de tous
cenx qui, comme Nerker ,'si maltraité par l'emperellr, contribllérent,
par leurs théories écollomiques et leurs plans de finanees, a l'explo-
sion de ceHe grande erise; cal', quoi q u' en ait dit N apoléon, les idéo-
logues ont rempli leur tache romme les conquérants : les nns et les
autres ont pu finir par s'égarer, apres avoir été unmoment les hommes
de leur siécle. La sociélé, dans sa marche rapide, renonvelIe souvent ses
guides; mais elle ne doit pas mélwiser ceux ¡¡U' elle laisse en arriere, paree
qu'il ne leur a pas été donné de pouvoir la snivre toujours. Necker, ridi-


-~----------




VE l\AI'OLltON.


cule ('J1 1 SOS, amo yeux de l\apoléon, ql1i représentait la France J'alors,
avait été porté en tl'iolllphe pUl' lu Frailee de 1789 .




- ~-~---- ~ --~ ~-------~-------~,


CIIAPITIlE XX\II.


EJ'l:lslollgtemps la I't" ollllio!l frHlIr;aisl' !I' il-
vait plus ti eOlllhatlt'l' IIIW t!nns In non) lit'
l' Enrope; lllais le llIidi l'lait pllllúl ,,11 hjllglll"


(,()llYcrti. Jps 1'1')lII¡!:nlllH'I'S, )p" ant.ipa-
lúes qn'elle avait soulen',cs ti son origilw,


s tout.cs ks COUl'S, si cll('s avaient l'l/·
"",'h·"'·'''tes ¿f la dissillllllatiOlI par la forl'('
~~~~~r;:: des armes, n'eo slIbsislaielll pas ll10ins tlll


fond des fmws; l. Madrid et ti Lishonne, eomme ü Yil'llIIP, il Berlin d
ü Pétersbourg, le philosophisme élait un misiu inl'oll1lllode, et il dl'-
\ait l'étre surLout ponr le saint-offiee d l'inquisilion. Napoll\ou nt' l'i-
gnorait paso 1I savait que le eabine! espagnol, eOlllllle ct'lui (l'Alltl'i(']Il',
était pret a se déclal'eI' l'alIié de la Prusse, tle la Hussie et de l'Angldel'l'l',
100'sc¡ue la balaille d'Jéna vint tt'ompel' les espél'anees dI' la coalitio!l.
Une prodmnation du prinee de la Pai", (lt~ fallll'lI\ GOllo]) avait t!é\'oik·
les arrH~l'e-peosées de l'Eselll'inl. Cette mauiCestatiotl pl'l'watlll'Ó(' p('('(lit
le gouvel'llemcnt de Charles IV ; illui fallul ('onr!('s('('J1(]¡-t' Ü lou(es les


,-------------~---~-------------~ ---




I


I


I![STO[HE DE .\Al'OÜOi\.
·11 fi


pxigences de Nllpo1éon, pou!' se fuire punlonller les dispositions hosti-
les qll'il s'i'[ail hasanlé il 1aisse1' soup~onner, De la cet envoi d'un co1'ps
auxiliai!"!' m Allemaglle, sous les ordn's (le la Romana, et ce passage
imp1'lld('Jlt acconló alL\ l/'oupes fl'an~¡Üses pom la COIlqUete du P01'tu-
p:al. Des t'o/'ps tl'ohspnatioll se fOl'lUlTent sur loule la ligue des Pyn;-
nées, sous fliffél'ents l\OlIl" ct mec l'apparente destinatioIl de renforcel'
l't de sOllteuir l'l'Xpédiliol1 lUt'itmüenne, L'empe!'eur ne voulait pas seu-
lement lmllir ll'S wlk·iV·s et le langage agressif de 1806 ; il songeait sur-
tout il se mettre ill'abri, pOUl' 1'a\('nil', de toule entreprise orrensive (]¡;
la part des lmissallt'cs méridionales, en eas de nOllvelles 1'l1ptures ayec les
monardücs du nonl, Il se pl'éoccl1pait beaucol1p aussi de l'exécution 1'i-
goureuse ¡}ps (lécl'ds de Berlin et de 1Iikm ; ct sa sévérilé, il cet égard ,
se tOlIl;nait natlll'cll('l}Wnt el d'une llHllIÍ<~re plus pa1'tieuliel'e \'ces les pays
mUi'itillles, tds (lue les dellx péllinsl1le~, Déjil ses mesures étaienl pl'ises ú
l\ap1es t'l il LisbtHlI1e, el t,'es-<l\allcées ü IlOll1l', ainsi que nOl1s le velTons
pllls tan!. )lnis e'élait I'Espugue baignée par deux lllers, gouvernée par
UIl Bourholl, ('[ sUl'pl'ise J1agl1ól'(~ en dat de pl'Orocationeontl'ela France,
qll'il impol'lait pl'Ílleipall'llwnt d'asscni!' au ~ystcme fran~ais, L'occupa-
lion militail'l' des pl'O\inees et des places septentrionales de ce royaull1e
fu t dOlí c réso 111(' .


Les (,OI'pS d'o]¡senation de la Gil'onde et des Pyrénlor.'s re~urenll'O\'­
(1,'(' (h· SI' portel' en mant. Le ma['('chall\1oncey cntra dans les proYinees
bas([ues; Dupont s'étublit il Valladolid, el Duhesme pénétm en Catalogne,
Il n'y a~ait pas llloins des lors de soixante-dix mille Fral1(~ais dans la Pé-
ninsule, llon compJ'is le corps de Junot. Ces tmupes furent I'egues sallS
opposilion dans les place s forles,


Si l'emperenr n'eút désiré alors qu'unc puissante garantir lle la fidélité
de la COUl' de Madrid ü l'alliance fl'an~aise, l'oeeupation de ees poillts
importants lui Plit peut-ctl'c suFfi, Mais la situulioll illtérieurc de l' Espa-
glle el les én"nements domestiques SUl'YCl1US dans le palais de l'EsclIrial,
Jl1o¡Jilierl'llt son plan prilllitif, el offrirent il son ambitioJl el il son génie
I'oecasion de rattaehcr la nation e~pagtl()le an peull1c fl'U11(¡~ais , non pas
seulcnwllt par une ima:;ion pel'lllauenll', mais par une rérolutioll,


La ll1olltll'('hip lit) Charles-Quint dail [1101'S dil'igóc par UIl de ce:-; hOI11-
Illes (llIe Diell 1](' malHlue jamais de placel' au timon des ótats dont il per-
111('[ la dlllte pour les 1'('générer : ella famille rople aussi était manlul,('
du signe de la décmll'flC(>, Le sang de Louis XIV se souilJaitilla face du
L~ __ _




~ I (i HISIOIHE


monde; l'insolence dll parrellU el l'cffronlerie du vice obtenaient les
hommages de la fierté castillaoe; l'avilissemcnt du pouroir , illévitahle
avant- courcur de sa ruine, était au comble; l'amant de la reine s'étllil
fait le favori uu roi et le tyran de l'Espagne; Godo! maitrisait, déshono-
rait et perdait une raee auguste dont les destios étaient aecomplis. « Son
ascendanl, dit un écrivain aUaché aux Boul'bons, était snns bornes sur
In fnmille royale; son pouvoir était eelui d'un maHl'e absolu; les h'ésors
de l' Amérique étaieo! ti sa disposition, et illes employait a des sédllctions
infames; enfin, il avait fail de In cour de l\Iadrid un de ces lieux ou la
muse indignée ue J uvénal a conduit la mere de Brilannieus. )l


Évidemment, c'était la ce qll'on appdle le signe des temps! La pl'Otec-
tion divine s'était visiblement rctirée du roynume de Pélage, C0111111e
elle avail abaudoIlné, un sicrle allpaeavant, le teune de Clovis, L'Espa-
gne -avaít aussi sa régence. Le scean de la dégrada [ion ne laissait plus
apereevoir les b'aces de l'huile sainte sur des fmllts éCl'asés du poitls
d'llne COllronne sUl'chargée de ronille el d'opprobre, Mais la royauté ne
suhissait pas senle les clégotitantcs atteintrs de la. décrépitude. La seve
vigoureuse dn moyen age était épuisée dans toutes les parties du eol'ps
social. La noblesse el le c1ergé, appuis Ilatlll'ds el auxiliuü'es pllissants
du pOllvoir royal, allx jours de sa splendcur, partageaient avrc lui ll's
miscres el les infirmités de la vieillesse, La demiere heUl'e de ranrit'n
régime élait venne aussi au dela des Pyrénées; Napoléon se sentil ap-
pelé ti donner le signal, a SOllner le terrible glns de ses funél'ailles.


Il n'avail songé d'abord, nons le répétons, qu'ti s'assurer militairelllcllt
de la fidélité d'nn allié suspect. l\iais lorsqu'il vil la famiHe royale se per-
dre elle-meme par le seandale et la discorde, le peuple agité par des ré-
volutions de palais , Charles IV et Ferdinand implol'Unt ti ses l)i('(ls , l'UIl
contre l'aulre, la protection de la France, le roi et la reine dénon~ant leu\'
fils , el le fils les détronanl el les ontl'ageant tons drux ) illui paml qu'il
poul'l'ait faire mienx en Espagne que d'y occuper des forteresses, el que
le moment était al'l'ivé de ehanger l' aspect misérable de ce nohle ct }WUll
pays , rn l'unissant plus étroitement ti son empire , en faisant r(~gner Ü
l1adrid les idées fran<;aises, soit sons le nom de Charles IV, soil sous ee-
lui de Ferdinand , Ol! de tont autre prétendant qu'illui convientlrait de
f'hoisir. Dans ce hul, iI dil'igea le maréchal Urssieres, a la tete de vingt-
cinq mille hommes, vers les provinces Basqucs, ponr y renf()l'el~I' 1Ion-
f'ey et Dllpont , el il donna le eommandemenl en ehd de l'expédition Ü


I I __ ~ ___ ---
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DE i\APOLÉO'l.


)Illrat, qlli porta son quartier-général ti Burgos, dans le commenre-
ment du lllois de llWl'S.


Des que l'appl'oehc des FI'an<;ais fut connue daus )Iadl'id, le lwuple
cria El la trahison, et la ('.oHI' s'rnfuit iI Al'anjllez, Godo., qui s'était flatti'
un instant d'moir trompé J\apoléoll el de l'avoir mis dans ses intÓl'ets,
s'aper<;ut de la vanité de ses espéranees el eonseilla Iachement 11 Charo.
I('s lY d'imiler la maison de Bl'aganee et de se 1'eti1'er dans l'Amériqlle
espa¡mole. Le roi ne savait qu'obéil' a son favori; iI consentit El partÍ/' im-
médialelllcnt pour Séville, l\Iais les prépal'atifs de déparl irI'iterent 1'01'-
gueil rastillan. Les soup~ons de perfidie, qui plunaient sur le prinee de l:!
Paix, tl'ouvel'ent pllls de cl'édit et devinrent plus violents ; 1816 mars, la
colh0 nationnl0 nt e:\ plosion, Le puJais d' Aralljnez fut envahi par une po-


puluc(' fnrieuse, Mmanclant á g[,(lDds tris la tete de Godol. L'hOtel du fa-




.~~~~~--------------------


HISTOIRE.


vorí fut forcé el mis au pillage; il n'échappa IUÍ-mcme ti une mort cer-
taine qn'en se sanvant dans un gl'enier. Alol's Charks IV, quí maí!
essayé de calmer le peuple, en lui anuon~ant que le prince de la Paix eon-
sentait a se démettre de tons ses emplois, se \il contraillt de déposer lui-
meme la dignité royule. Il publia un aete solenncl d'abdicatíoll rn faycnr
du prince des Astlll'ies , qui prit allssitót le nOln de Ferdinand vn , ('[
qní commeIll;a son regue par la conl1scatíon des hicns de Godol, qu'on
avaitjeté dans une prison, pUlir y altendre 1<-s rengeaJ1ecs jlldieiaíres d\1
J10uveau monarque. .,


A peine le premier bruit de ces t'~,éncmcnts fuí-il pat'Yl-IHI i¡ Burgos,
que l\Iurat se hUta de ~lHlI'('her sur l\Iarlritl. 11 y rntra le 25 mars , a la
tete ,le six mille hommes de la garde el des eol'ps de Dupont el de i\JOJ1-
cey, au milieu d'un peuple frnppé de stllpÜl1r ct plrin de méfianee, mnis
non terríl1é.


Le lendemain, Ferdilland Vil I(uitta Al'anjllez pOli\' fail'ü au~si son
entl'ée dans la cHllilale (ks Espagnes. Le 1ll0l'JW :,;ih-nce qUÍ, la yeillc,
avait aeeueilli les FI'an~His, se ehangea ('11 ,ir ('nlh()I1~Ím;nw Ú 1':l\lpl'odw




DE NAPOLI~O~. 419
dI! nouveau roL La population (~nW)J'e se porta a su l'eneontre., impntiente
do saluer le prinee qui la délivrait dlljOllg ignominieux de Godo].


Le eorps díplomaliquc saneliollna par une d6narclw oflkielIe les évé-
nements d'Aranjuez, et ne se fit aucun sCl'l1pule de reconnaitre le roi de
l'émeule. L'ambassadelll' de France seul, d'aceord avee ~Iurat, évita de
se prononeel·. Le gélléralissime fran~ais envoya toutefois un message tI
Charles 1 V, pour l' aSSUl'er de sa protection et lui offrir son assistance. J.e
viel1x roi ne songea d'abord qu'a sal1ver (,t tI recouvrer son favori. « II
n'a d'auh'e tort, disait-il, que edui de m'ayoir été aUaché tonte l11a vio;
la mort de mon malheureux ami eutralncrait la micnne. )) .Et Godcl¡ lui
fut rendu.


Charles IV protesta on~uite rontre I'abdication que l'insnrrcction po-
pnlair'e lui avait arrachée; il déllon~a la violen ce qll'il avait subie a l'e111-
¡¡erenr, dans une lettre qu'il c1ulI'gea Murat de lui faire parvenir. De son
eút<\, le pl'inee dl's AstUl'il'S l'erivit également a Napoléon, dont il redou-
tait la pllissallte intenpntion en fmeur de son pere, pour justifier les éyé-
11('111el1t8 qui l'avaieut porté lwématnrément au trune, ct pour plaeer son
lI11tOl'ité naissante SOllS l'appui de l'aIliance fl'ansaise. Napoléon com·


1____ ___ . _____ _




420 11 [STO litE


l'rit, ú la réccplion de ces Mux lettres, (lile les Pl'élt'lldus maUI'es de la
monarchie espagnok la lllettaient SOIlS S('S pieds, incapables (lll'ils élail'l1t
l'un et l'uutre d'cn i:)outcnirle fardeuu,lHais le curactere du pellple espa-
gnolllli donnait des cmintes et le laissait encol'C dans )'ineel'lilllde. « l\e
croycz pas, écrivait-il ú "Jurut, le 29 murs, que vous n'ayez que oes
tI'oupes a montrer pom' sOllll1etlre l'Espagne. La I'óvolution ou 20 llltll'S
pl'ouve LIlI'íl ya 01' l't"nergie dlcz les Espagnuls ... L'aristoeratie et le
dergt" sont les maitres de I'Espagne. S'ils craignent pour leurs priviléges
el pOllr leur existenee, ils fel'ont contre IlOllS des levées en mass(' ...
L'Espagne a plus de eent mille hommes sous les armes, c'esl plus qu'il
nI' faut pOUl' soutenil', aYec avantage, une guerre illtérieure. Divist-s SUI'
plusieurs poinls, ils peuH'nl sel'vü' de noyau au soule\'ement total de la
monilrchie ... Je mus présente l'ensemble des obstacles (lui sont illé\i-
lables; il en est d'allÍl'cs que YOUS sentircz. L'Anglelel're ne laissera pas
(\dwppcl' eeUe oceasion de multipliel' nos ellluarras ... La fumille royale
u'ayant point (luillé l'Esp:lglle pour aller s'établil' aux lmks, il n'y u
qll'lIne réyolntion qni pllif;se dWlIger l'état de ce pays. e'est pellt-etl'(~
eelui de l'Europe qui y est le moins pd'pat'(; ... ])alls I'inlerd d(' lllOIl
('\11 pire, je ¡lllis faire heaucoup de hien ú J' Espaglle. Vuds sont les llwil-
Icllrs moycns i:t }ll'endre'? ..


)) ¡rai-jc tI Jladrid l ... U me selllhle difJi('ih~ lit' I'aire regnel' Char-
les IV: son gonverncl11ent el son favori sont tdlmnent Mpopularisés
qu'ils ne se soutiendraient pus tmis mois.


» Ferdinand est I'pnncmi de la France , e'est pOlll' crla qu'un 1'a faíl
l'Oi. Le placer sur le trólle sera senil' les faetions (Iui , Uepuís yingt-eiwl
IlIlS, yculmt l'anéanlissement de la Fl'llJlCP ... .Jp pensn qu'il ne faul
"im pl'eeipitel', qu'il cOllvieut de prenorc eonseil des (\,elH'lllellls qui
\'ont sllivl'P ... ,rai dOllnt'~ ()J'(lt'e ü Smtll'y d'aller aUpl'l'S du lIouwHuroi
voir ce (Iui SI' passe. II se Co¡¡ccrtcra arce yotre allessc impél'ialp ...
\' ous ferez eu sOl'k (Iue ks Esp:lgnols He puissent pas Soup(:onnp\, le parti
que je prrndl'ai. Cda ne vous sera pas difficilc; je n'en sais ríen 1110i-
Illemc. .. r ous lcut' Jil'ez (Iue r cm pcrelll' dési re le perft)etionllclIll'nl
(les illstitutions politiqlles de l'Espagne, pour la ll1ettre ('t1 I'npporl aw('
I'étal de eivilisalion de I'Eul'O)lI' ... Que l'Espagnc a ])esoill de n'erépl'
la machine dI' son gOllH'I'ncment, el qll'illui faut des lois qui garantiss811l
!P8 citoyeus de l'ul'bitl'Uü'c el des uSllrpatio!l'; de' la f't"odalitó; ¡Jps illSlilll-
tiolls (lui ranilll('t1t 1'iIHlusll'ie, \'(Ip'iellltlll'(' pt h's al'ts. ,"ous leur 1)('il1<1l'l'z .




[) E \ A l' () LI~ O \ .
I'dat de tranquillité et d'aisauct'dout jOllit la FraIlee, malgré)($ gllel'l'e~
011 die s'est tl'Ollvée ellgagée; la splendellI' de la rdigion qui doit son étn-
blissement au concordat que j'ai signé a\L'C le pape. Vous leuf' démoIltl'l'-
n'z les anltltages qu'ils pellvent tirel' d'une f(~géllératioIl politillue : 1'01'
dl'e el la pili,- dans l'inlériellr, la eonsiMratioll el la puissance a l'ext(;-
rieul'. Td doit .::tre l'esprit de YOS (liscOllrs el d(' 'os écrits .. , :\e brus-
tluez aueulle délllal'ehe. Je puis altl'lld¡'e ti lla~ ouue , je puis passer les
Pyrénées ... .Te songel'ai a vos intél'as pal'tielllil~rs, n'y souge:l pas \'OllS-
IHerl1c ... V OIlS aHez troJ) vite daus vos illstruetiolls du I ~.,. Si la guene
s'allumait, [out sel'ait pel'll'u. C'est a la politique et aux nl'gocialiolls qu'il
¡¡ ppartiellt de décidel' des destinées de l' Espagnc. l)


Avallt de s'al'l'eter aUlle résolution, NallOléoIl vOlllul \oir de pl'es rl~­
lat des dIOses d se eOIlvainel'e par lui-meme des exigences el des possi-
hilités de la situation, Partí de París le 2 aui] , il alTiva a EOl'deallx le ~,
l'l Y séjolll'lla pOli¡, attendl'e J()s(~phine IllIi ,inl l'y rcjoíndrc le lO, lIs
mllrehcrcnt msemb]e \'e1'5 Ba~ on[)(' , oú ils tirent 1(~1Il' ('lItl'ée le 1!J. LI'
ehútl'¡¡u de Mar!'ac, desÜlh; Ú etl'(~ tt~moill de l'uu des grands (;"éne-
lIlt'nts politiqul's de I'époc¡ue, dcvint pOll!' qnelques mois la résid('!l('('
illlpériall' .


1)i·s !l' lendl'main de son al'J'i,ée iI Ba~ Olllh" I'l'lllflereul' s'elllpressa tI<-
I'l"pondrc all Ill'ínee d('s Astm'ies. Ajoul'Ilant son jllgcmelll SUI' le méritl'
PI In 'Hll'U!' de l'~bdi('atioll de Charh's IV, il ne dOllna au lils que le titn'
d'altesse I'oyal(" lui parla llu danger, pour h's prilH~es, d'aecouttll1WI' ks
Ilt'upll's Ú se fairc juslice eux-memes, el lui signala le suicide llOlitiqlJ('
t¡u'il eommettrait, el la honte dont iI couVI'irait son propl'c front , s'il SI'
laissaíl condtül'e a déshonol'el' sa mere, pOUI' raire un PI'OCt·s scandaleux
au fH\ol'i .. \. la fm de Sil lettre, l'empereur exprimait, ('!1 denx mots, k
Msil' d'ullc entreme. L'étude direde des persOllllages luí étaít nécessail'c
pOlll' )lrend¡'e Ulle ddel'l11inatiol1. Si la fuile au ~lexir¡ue se flit réalisée, la
111lestion H!müt dé simplifiée , la positiqn moills emuul'rassante, la rég(~­
Il(ol'atioll de l'Espagne plus I'a('ile. lHais ec M·par!. mancIué et l'émcute
ll'iomphante, il I'eslait d('ux l'Ois an Jiell d'llIl , (lout il fallait fixcI'le sort.
Le pal'ti Ú pl'clldrc sur les ehoses d{'pendaillw(llll'oup de cdui auqucl 011
s'al'('(~tel'Hit ill'égal'd des pCl'sonnes, sur lesqllclles l\apoléon ne voulait
[)l'OllOllCel' qu'apres les Hyoil' soumiscs ú I'l'pl'l'lI\e de son epil pénétl'ant el
tI(, son illcompnl'ahk sagaeM,


Lqll'illcü ({l'S .\.stul'ief; h6sita fl'ahol'd il S(' l'('n<ll'(, HU dl:'sinlp i\aflo-




llISTumE


!ÓOIl. Cepf'Jldant, tan di s quo qu€lquc&-ulls de ses conseillel's lui si gnu-
Jaicnt un piégc dans l'entrcvuc proposée, d'aufrcs lui faisaienf sentir l'im-
portance de de van ce!' son pere allpres de l' empereur, et de mettre en sa
/'a\cuI' les !lrcmióres iml)['cssions toujoUl'S si difl1ciles it détnJire. Fcnli-
Ilaud céda a ce dernil>r avis. 11 quitta Madrid, au gl'1lnd regret du peuplc
('spagnol , el s'adwmina , plein d'illcel'titude et d'anxiétó, yers les fron-
tiercs dI,) France, AITivé it Vittol'Ía, il voulut y altendre l'cmpcreur;
mais l'empel'euI' ne vcnait pas , el les m¡'~llles considórations qui avaient
alllenele jeune prince dans l' Alava, l'entrainel'ent a Bayonne. Le 20 avril,
accoll1pagné de don Cal'los, son (rere, il se pl'ésenta au chñteau de :\lm'-
['3C, ou se tl'ourait ~apoléon. Charles IV suirit de pres le prince des As-
lul'Íes. l\e youlant pas llli laisscr le dll1ll1p libre, a BaJonnc, il y accourut
avec la reine et le fmorí, pour se placer sous la Ill'otection de l'ell1pc-
renr. Alor8, le soldat panenu, l'éln dn pCllple, l'enfant de la réyolu-
tion fl'l1nsaise, ,it a ses genoux les (leseendants de saint Louis, les hé-
ritirrs de Pélflge, les gardieIls de l\'pée dll Cid, mettunt 11 sa discrétion
la destilléc de ('elle untique el vaste monm'eltie dont la possessioIl faisail
dil'e awc tant d'ol'gueil a Philippe 1I « qlle le solril ne se eOllchait jamais
sur ses tenes! » Quelle leson pour la \!eilJe .E u l'ope ) dan:,; el' tablea u !
En face de ces Qrgueilleuses Pyrénées) qll'tm Bourbon avait tenté vai-
nement d'aplanir pal' des ul'rangements dynastiques, le moyen age
dégénéré, COllvert d' opprobrc et fmppé d'impllissance, se trainait misé-
rablement it trawrs la pitie el le mepris publics , pour aUer lllendier Ú
la porte dn chatea u de Marrac quelqlles heures d'existence) Oll l)our y
deposer, avant de mourir I les lambeaux de sa gl'andeur passóe, ses
pompes éteintes et sa gloire temie, an pied du majestueux représentant
de la gloire ct de la grandeul' de ret'e ll1odernc!


Le lwinee des Astul'ies aUl'ait Msil'é un rapproehement avee son
perc, afin de s'entcndl'e pou!' l'cndre inutile l'inlel'vention du redoulal.Jle
médiatelll' qu'iIs aVflicnt choisi. Dans ce dessnin, il voulut sllivl'e un
jOllr Charles IV dans son appartelllent, mais le Yieux roi lui dit vive-
ment: ({ Arl'étrz, princc, n'm~ez-,ous pas assez outl'agé mes cheveux
blanes'? JI el ille repoussa. Le lendemain il lui reprocha sa eonduitc
en trrnws amers dan s \lne leHl'e Ü lflquelle J\ apoléon ne fut pus dmn-
ger, et qui tinissait aiusi, par allusion h l'('~mrutp d' Aralljucz : ,( Tout
,loit otl'e fait pon!' le lwupl(', el ríen pal' luÍ. Ouhliel' ecHe maxime, e'est
se rel}(Ire eOllpuule de tOlls les crimes qui d¡"ri\"f'nLde ('pt ollbli. l'




Ccpcndnnt ~npoléon nynit appris, en peu de jours, a connaltre el il
appréeieI' les deux pel'sonoages qu'il était yoou étudiel', A la premier!'
enh'(wuc, Clwrk's IV et son fils étnieot jugés, itTérocablcmmt jngés.
« QlIand jo les vis ú mes pieds, a dit depuis Knpoléon, que jo pus jngcr
moi-meme de toute leuI' incnpacité, je pris OH pitié le sort d'ul1 gl'and
pcuple; jc saisis aux chcvellx roccnsion unique quc me lm"scntait la
fOl'lune p0111' régén(~rer rEspagne, renlever ú rAngleterre, el runir in-
timement il notre systcme. Dans lllU pensée, e'était poser une des buses
fondamentules du repos et de In sécurité (le I'Europe. Mais loin d'y em-
ployel' d'ignobles, de raibles Mtours, COlllllle OH l'a pl'étondu, si fai
péehé, e'est, au contl'aire, l1aI' une nudacieuse franchiso, par un exc¿'s
d'énergie, Rayonne ne fut pns un guet - apens, mais un immense, un
éelatant coup d'étnt.. ... Je dédaignni les ,oics tor1ueuscs et eommuncs .
. Je me trollntis si pllissan1! j'osni fl'npper de trop han!. .Te ,olllus agir
comme la Proyidence, qui remédie anx mallx des moI"tels par des
moyens ti son gré, pnrfois violents, salls S'illqllié[CI' d'aucull jugement. ))


:\apoléol1 s'est jugé 11li-lllCl1le admil'ahlenwnt dnns ces del'lli¿'rcs pa-
"011..'5; il a carae1érisé, avec une slIhlim(~ franchise et une parfaite y{'rih~,
sa résollltion 11 l'égard de l'Espagne. Ce fu1 « un immense, un l'elatallt
COllp d'état! ») II agit eomme la Proyidence, qni frappe pnrfois YÍo-
lemment ceux !Ju'elle veut sauver, sans s'inquiéter du jugel1lent df's
hommes. Et comment n'aurait-il pas agi comme elle, pllisqll'il n'était,
aprós tout, que son agen1 dans la grande ceuVl'e de la rt'génération es-
pngnole; puisqu'il était tcllcment SOllS l'intll1ence d'nne inspiration su-
pél'icllI'e et au-dessus des comhinaisons de In prudencc comnmne, qu 'il
se jeta (lans cette entreprise, en dépit des ohstncles qu'il avait si bien
prévus et signall$ dans sn leUl'c il Mnrat, et qu'i1 y trouvn en eff¡~t la
fin dll prestige flui le fnisait Sllpposcr im incible, la fin de « sa lllol'alité
en Europe, )) sclon su propl'e expl'ession ; la fin de sa puissance, la fin
de sn dynastic? Mais Ilue fnit á la Pro\'idenec, que fait á I'l!1lmanité, la
fin de tontes ces choses, si le hut providf'ntiel cst rempli, si la ra¡son
hlllllnine conse\'Ye et ngrnndit son ('mpire, 11 nH'~\,,'e qn'u/l potentat !lenl
le sien'?


Oui, ~apoléon pOllITa (Iire UIl jOl1r (, fIlie In gil erre d'Espagnc l'n
pcrdn : que ton1cs les cÍrconstnnces de ses dé'sastres vimnent se l'atta-
chel' ti ce nmud fatal (Mérn())"ial), II I\Jais 1(' rcnVf'l'senwol de sa j11'Ofli-
giellsP fol'tun(' d de ses PSP('\',lJl(,(,s (lyI1n~li(flll'S Sl'l'a pd·('(~dé d'lIne lutll'




IlISTOIIIE


de six I1ns, pcmlnnt laqlH'llc ¡¡,s dpu~ peuples les plus eiyilisé's de l'Eu-
I'ope, les F)'all~ais et les Allglais, se clonneront rendeZ-YOllS en Espa-
gnc, el y portet'Onl, les llllS, les I11a'urs démoeratiqucs, les autres, ¡¡)~
idées eonstitlltiomwIles de len!' pays. Qll 'apres cela l'issU(~ de la gucrl'<'
soit, en ddinitiye, funeste aux armes frall~aises, la philosophie mo-
derne n'en illlra pas moins séjourné longlemps et excl'cé son prosély-
lisme dans le yoi¡.;inage du Saint-Ofliee, en s'abritant sons la ten te d!'~
alJiés de l'Espagnc, comme sous cclIp de ses conquét'anls. Locke PI
BenUwm se sel'ont établis aux hhouacs de Wellingtol1, pendant qu('
COl1dillae et 31ontesql1ieu auront yisité les rives de I'f~IJl'e, dll 1IIan~a­
nares et du Tage, a la snite de l'Iapoléon. Et quand les tl'oupes impt'-
['iales spront forcées de repasser les Pyrénées el d'ahandonIlel' letlr
eonqnéte, rancien régimp troun't'a pm'tout a son retour le gm'me des
idl~es libérales, la haiue de l'illquisition et du monachismc, l'amour dI'
la liberté. Féroee alors aulant qu'il fut l{¡ehe, il trempera la main dan~
lo sang de ses plus illustl'f's lihérateUl's, paree qu'i1s allront pris a\l
sérif'ux la eonstilulion qui sama ll'ul' indépendanel'. l\Iais toutc la 111011-
strllosité de eeUe ingratitnelc fera des l~l[\J·tyrs, et non pas des esclaves.
Ce ne sera pus en vain que Cadix ) émulo de Londres, l1ura eH pendan l
six I1ns sa tl'ibune nat.iona le, p[ que lUl1drid) Pampelllne et J~aI'Celolll)(,
seront deyenues eles villes fran~aises. Porlier sera imité par Lacy, Mina
par l'Empécinado; puís vicndront Quil'oga et Riégo; el si l'absolllfismc
lrouve celle foís uu I1ppui en Franee, eette 1111il1nee inespérée aura lr5
memes résllltats que l'allianee anglaise. Ce qu'l1uront commencé les n.;-
térans de Napoléon) les jeunes solrlals de LOllis XYIll rl1chewront.
Enl'olés contee la constitlltion ele Cad1x, ils coutinueronl d'initícl' le
peuple espagnol, par lellJ' conlad, allx hahitudes el aux opinions eOll-
stitutionnelles; dp telle sorte que le royal émeutie1' d'Arnnjuoz, apl'~)s
avoi1' réeompenst' paJ' les galer'cs ou l'éehafaud les lib<"rallx cspagnols
¡¡ui surcnt 1'eeonqu('rir hérolf{uement le tróne qu'il aYl1ít sí !tonteuse-
ment abandonné lllÍ-mCll1e, se yelTa eontraíllt) ti son lit de mol'!, de
placer le sceptre de Castille, l'hCl'itage de ses enfanls, sous In pl'Otec-
lion de eet esprit de l'éforme dont iI l1ura si el'llf'llf'ment pOllrsuÍYÍ les
généreux sectatours. Alors, nons le répétons, qu'il ne reste plus rien
de la pnissanec personnrlle de ~apoléon8t des destinées qn'ill1yait ré-
senées ti Sil fmnille , peu importe: le drapean de la eiYilisation n'eIl
sera pa~ moinR planté en Espngnp, el , au milieu des ealamilés qui an-




I)E \AI'OU:O\.


I'Ollllksolé les géllél'utions eontemponlines , el qui poul'l'ont durer long-
temps CHeme, l'rnfHn[ell1ent fin IlOllWHll pClllJlc rspagnol finil'a par


s'i\reompli,', C'était lü le principal but de J.\apoléon. lll'indiqua r:\]11'cs-
sément dan s sa leUre au gl'and-duc de Bt>rg; il l'a rópété tI Sainle-
IléU~ne. « Dans la crise oú se trouyait la Franee, a-t-il dit ; clans la lntte
des idées nouyclles , dans la grande cause du siede contre le reste dI'
I'Eul'opl', nous ne pOllvions laissel' I'Espagne (~n arrihe.» (11:Jémol'ial.)


Tout va conll'ibuCI' ti I'endl'e plus ]ll'omptl' el plus fennc la résolulioI1
de l\ apoléon. ene inSllrl'eetioIl a Cll lien dans l\Iadl'id ; bien qu'apais(;e
1131' des (lol.s tIl' sallg, dI!' a lais~l' la l'apitale ¡j(. l'Espagne cluns 1111 é!at
d'drcl'wscence qui, d'helll'c cn ]¡em'e, gagne les proyineps. I111'y a [llll~
Ü h("sitel' : les IlOUl'llOlls 1\(' pouITaieu! plus l'églll'1' sur le peuple espa-
gnol que SOlIS le !Jon plai~il' l1e r(~nwlll(', hoslilc ü l'in(lucnrc fnlll~ais('.


:¡ ~




426 I1ISTOIHE


Le ;; mai) Chal'les IV ahdique l'O faveur de Napoléon; et) cinq jours
apr('s) le prince des Asluries et les infants Don Carlos) Don Antonio
et Don Francisco) ratiiíent ccUe ahdication) el renoncent ü tOl/te pl'é-
tentioll au 1rone d'Espagne. Le ,ienx roi se retire a Compiegne) mee
la reine et l' inséparable Godo!; les infants yont habiter Valen~ay .


Cet abandon de la couronne pm> Charles IV el par ses fils mil le
comble a l'irl'ilalion de la nation espagllole. L'insurrection devinl géné-


()


raJe; des juntes se formerenl de ton tes pal'ls ¡lOUr organiser 0t dil'ig0¡'
la défense du pays coníl'e l'invasion étl'ang(\re. ene junk eentrale s'{·-
tablit ensuite ü Sé,ille. L(c's Espagnols en masse, selon ]'exp¡'ession




DE :\APOLÉU\. 127
mcme de :\fapoléon, 58 ronduisir8nt comme un homme d'honneur.


CeHe noble aUitnde répondait aux prévisions de l'empereur; mais,
une foís engagé, il lW pouyuit plus reeulcr, ct il eomptait toujours,
d'ailleurs, sur l'aseendanl de sa fortune et la puissanee de ses armes.
JI nomllla, de son roté, une junte, qu 'il ¡mestit du gouvernement de
I'Espagnc, el il lui donna son beau-frel'e, .i\[Ul'Ut, pour président. A
peine installée, eeUe junte demanda ponr roi le frere de l'empereur,
Joseph Napoléon, qui oeeupail alors le trone de NapIes.


Napoléon cOlmnen~a par annonrer aux Espagnols les événements de
Bayonne, dans une 11l'odamation oú illeur exposait le bien qn'il s'étaÍt
pro posé en aceeptant la eession solennelle dn ;) maí. « Apres une lon-
glle agonie, leur (lit-il, YotI'e nation pél'issait. fai vu vos maux; je
vellx y porter remede ... y otre monarehie est ,ieillie ; ma mission est de
la rajellnir. J 'améliorerai toutes vos institutions , et je vous ferai jouir,
si vous me seeonclez, des bienfaits d'une réforme sans froissements,
san s désonlres, sans comulsions.


« ESl)agnols, j'ai fait convoquer" une assemblée génémle des dépllta-
tions des ¡>l'ovinees ct des villes : je veux m'assurer par moi-mcme de
vos désirs et de vos besoins.


« Je déposerai alors tous mes droits, et je placerai votre glorieuse
couronne sU!' la tete d'un ault'e moi-meme, en vous garantissant une
constitution qui concilie la sainte et sallltaire autorité du souverain avee
les libertés et priviléges du peuple.


» Soyez pleius d'espérance et de confiance dans les circonstanees ac-
tuelles; cal' je veux que vos derniers neveux conservent mon souvenit'
et disent : - Il est le régénérateur de notre patrie. »


Cette proelamation fut publiée le 25 mai, a Bayonne. Le 6 juin sui-
vant, un décret impérial, daté de la meme ,ille, appelait Joseph Na-
poléon au trone des Espagnes et des Indes. Ce prinee ne tm'da pas
d'arriver. Avant de se rendre ti. Madrid, il passa quelque temps aupres
de l' emperenr, et re~llt mcme a Bayonne les députations que Murat avait
mission d~ lui adresser de toutes les provinces soumises aux armes fran-
r,aises. Ce fut d.ans cette cité que se réunit, le 6 juillet, la junte géné-
rule eOl1Yoquée par ~al)()léon. Une constitntion hasée sur celle de
l'an VIII fut présentée a edte assemblée, qui s'empressa de l'adopter.


:Uais ce n'était la qll'une représentation factice dn peuple cspagnol.
Quclqucs géné~[~U~_ft'~n9i1is lui accorderent trop d'importanee; ils cru- I




IlISTOIBE


rent flll'elle suffírail pour soumettre l'Espague, Oll dUllloius pOllI' rédllil'e
a l'état de simple Jl1utinerie, facile ti rúpl'imer, l'inslllTedioIl gÓlll'l'ale
qui s'ol'ganisait sur tous les points de la Péninsnle. CeUe ('IT('lll' fnt fa-
tale ti l'un d'eux. Le gén~~I'al J)npont, (lui avail pris \lne "i nohln part it
la vidoil'e de Friedland, se séparu des autres eol'ps de l'anl1l:e frall~aise
ponr se poder ü Andnjm' pt p('ndl'C'I' en Andalollsie, oit la rt'mlle f<li-
sait de rapidC's progreso el' JIlOlIH'nwnt im]1l'1H1ent put (ks snites fll-
nestes. A ppine Bpssiel'e wnait-il dI' gagne[' la halaille de Hio-Seco, d
i\Ioncey, de s'emparer de Yalenef', qlH~ la cld'aile pt la ('apitlllation de
Baylm (C'mirent l'édal dll dl't1peau fran<;ais , el appl'il'l'Ilt 11 l'EIII'ol)('
(¡ue les (\l'mées de Napolúon n'étaient pa~ invincihles. Dupont, c('rnó par
Castanos, Mposa les (tI'mes, et son eorps d'urlllée, fol't de dix-huit 11
vingt mille hommes, rnt fait Ill'isomlÍpr de gLlt'IT('. A ('p!t() nouH'lle,
l'insurredion gl'andiL dan" toutcs les autres proYÍllces de la ll1ollal'dlie
espagnolf', eL le I'oi Joseph jug('(1 jll'lull'nt (\'ol'dOnnel' 11 l'm'I1l(\e fl'an-
~aise de se retirer nu cleliJ d(' I'Elwe.


Napoléon, parti de Bu~ onue le :12 jllillet, appril tI BOJ'df'aux la dé-
faite el la eapilulaLiol1 de DuponL. 1I en fut illdiglJ(", et dit a l'un de
ses ministl'ps . « Qu'UJl(, tU'mée soit hattll(' J ce 1I'('st rieJl, le sol't des
armes est joul'llulier et l'on l'épare lllle M'faite; mais (Ill 'une al'llll~e
fasse une eapitulalion houteuse, c'est \lne tadw pon!' le nom fran~ais,
pour la gloire des armes. Les plaies faite, a l'honn('llr ll<' guérissent
point. L'pffet moral en est terrible. Commcnt! un Fran~ais a eu l'in-
tlignilé de quitter l'unifOl'me fran<;ais pour revetir l'uniforme ennemi!
On a eu l'infamie de consentíl' it ce que nos soldats fussent fouillés
dans leul's saes eonUlle des yoleurs'? Devais-je m 'atlendre 11 cda du
genéral 'Dupont, un honlll1(~ que je soignais, que j'devais pOllr le
fuire maréchal! ... On dit qu'il n'y uyoit pas d'aIlLl'l's llloyens de sau-
ver l'al'mée, de pl'éwnil' l'égorgemellt des soldats. Eh! il eut mieux
valn qu'ils E'ussent tous pt."ri les a1'l11('S Ü la maill, ([u'jl n'en fút pas
revenu un seul. Lenl' mort eut útt' glorieuse; nous les eussions veu-
gés. On rdl'ollve des soldats; ji n'y a que l'honneur qnc ron ne rc-
ll'Ouve paso » (Le consulat el l' empil'e. )


Le g(~néral Dupont fut livré 11 la haute eOll1' illlpériale, el Napoléoll
óerivit lui-meme dans le j)¡ouitellt' dll "10 Doút les ligues suiran[es :


« n y a ]len d'exemples d'une eonclnite aussi eonll'tlÍl'e 11 tous ks
pl'incipes de In guerreo Le gélléral Dupont, <Jui ll'a ]las Sil (lil'igcr "Oll




42!l


urm(\e, a ensLlitn montl'ó, dnns les négociulions, eI1COl'C llloins de
coul'age civil et d'hahilcté, Comme Sabilllls Titurills) il a été entrainé
¡'¡ sa pel'te pHI' un e;;prit de wl'tigl', d il s'esl laissé tl'Olllpl'l' par les
ruses d les illsifllwtioI\s d'lll1 illlt!'e Amhiorix; muis plus henrf'ux (IUl'
les nútl'l's, les soldnts I'Omains mOlll'llI'l'nt tous les al'mes ti la main, n


Si la hontc de li1 capitlllation de Baylell dait ineffa~able, les perles
matóricJ\es occasionn(·~(·s par celte cutnstl'ophe n'étail'flt pas du lIloins
il'I'éparables, Alm:s anút' IId!'i son lil'lItel1allt, l\'apok'on s'occupa de
releve!' les espérances d la llloralité du soldat fran~ais en Espagne,
II ordol1na de nOUH~ll('s len~es, envoya des renforts, d ponr téll1o;-
gner de su propre eouliauce dans le réslIltat défillitif de la guerre, pOut'
bien munifester que su résolution de liel' intimelllcut la nation espa-
gnole a l'cmpil'e fran~ais était toujO\lI's la memc, toujours int'bl'aula-
"le) iI ordonna, pill' un dccl'et dul3 aoút, l'ouvertul'e d'une gl'tlIlde
!'Oute de )JadrÍlI it Paris,




CIJAPITRE XXVIII.


[Ielour ue I'cllll'el'eUL' a Saint-Clúud. COll1l1lunicaliullS uiplomalit¡lIes. llmui ue lruupes en E'pague.
Eull'evue ,I'Erflll'lh. lIelullr á Paris. Yislte all Muséc. Scssion uu corl's lt'gislalif. lJépal't


de l'elllpel'eur pour lla)onnc. Nouvclle invasion de I'E'pagne. !'rise úe Maurid,
.~bolition ue nlHI"isition. Sj"IIlplomcs u'hostllilt', avce I'AlIlriche.


Napoléoll <¡lIitte pn'cipitammcnt l'al'lll('e u'Espagnc
pour retourner 11 Paris el se rendl'c


en Allemagne.


'DIl'EREVR était rentré a Saint-Clond le jOlll'
de sn fete. Il y reSlIt en gl'ande cérémonie le


'cOlute de Tolsto] , ambassadenr russe, qui
lui remit les mngnifiqucs présents dont ]'Clll-
pereur Alexalldre l'avnit chnrgé. Napoléon
en ordonna l'cxposition publique aux Tuile-


Toujours soigncux d'effacer les traces des dissensions intestiues de
la Frunce, afin de parveniI> plus fncilemcnt ti la réalisation dc SOIl




IIISTOIBF DE \APOLÉO\. 431


systi~me de fusion, il dérréLa la fondation de nomhl'l'lIx étahlissements
puhlies) en lous gen res ) dans les dl'pal'Íements qui avaient été le théatre
de la guerrp drile.


La nouvelle de la hataille de Vimerra, entre lord Wellington el
.Tunol) arriva sur' res entl'efailes a Paris. Les Franc;;ais , eomplétcment
hattus, avaient été foreés de eapituler. lls s'étaient soumis ü évaeuer
le POI'tugal et a ronlrer en FI'anee sur des vaisseaux anglais.


Ce seeond éehee de ses aI'mes au delü des Pyrénées, quelque humi-
liant lJu'il put elfe, n'étail pas rait pOUl' déeoUI'ager Napoléon, dont
le partí était si bien aI'l'(~té al' égard de-la Péi1insule) qu 'j] disait au sé-
nat, le 4 septcmhrc: « .le suis résolll ü pOllsser les affaires d'Espagne
avee la plus grande aetivité, el il détI'Uil'e les armécs que I'Angletcrrc a
déharquées dans ce pays ... J'imposc avee eonlianee de nouyeaux sa-
crifiecs a mes peuplcs; ils sont néeessaires ponr leur cn épargner de
plus eonsidérahles. » Dans ec message) qui fut suivi el'un rapport dll
minislI'c Champagny sur les affaircs d'Espagne, l'cmpcrcur déplol'ait
la 1)('1'[(' dll slIItan Sélim, son allié, qu'il appclait le meilIellr des em-
perellrs ottomalls) ct qni ycnait de périr (l(~ la main de scs neyellx. II
s'y ft%'itait, par eOlllpeIlsntion, de son allimwe intime aYer Alexanclre,
« ce qui ne devai1 laissel' aueun cspoir 11 L\llgleterre dans ses projets
rontre la paix dll contillent. )) Le s(;nat ré110nflit a l'emperellr par le YOte
d'tme lc,ée de (¡uatrc - ,ingt mille conscJ'its. « La volouté dll penple
fl'an~ais, sirr, lui dit-il par I'organe de son pn'sidcnt LacépMe, cst la
memr que cel1e de votre majcsté.


» La guerre d'Espagne est politíquc, ellc es1 juste, ene est nér8s-
saire. »


Une cil'eonslance qn'il ne faut pas omcttre, c'est que l'ora1eur du
sénat déelara, dans sa hat'ang\lf~, que re eorps avait été unanime
pour aceédcr avce empI'cssell1enL aux désirs de l'cll11)ercUl'.


Cepeudant le hesoin de nouveaux rrnforts devenait chaque jour plus
pressant en Espagne. L'insurrcetion, triomphante, régnait toujours
dans la eapitale el dans les principales provinces. Ce n'était pas avce
les rerrlles récemmpnt or~anisée& que la victoire pouvait étl'e ram e-
née sous les drapeallx de la France. Napoléou s'adressa done a ses
,ieiBes phalallges) aux Yainqncllrs d'Austerlit.", d'léna et de Fl'ied-
land. Dans une grande 1'eVlle qn'il passa aux Tllileries, le ~I septem-
!Jre, il annonca aux soldats de la grande a1'm6e qll'il marc}¡erait




IIISTOIRE


-------~I


hienlM IlH'C eu\: en Espagne, Ol1 le gt'Und pcuple avnil aussi !ks 0\1-
t\'agrs ti venger.


«( Solrlats, lrur dit-il, IlPI'('S IlVOil' triomphé slIr lrs hords 4111 J)a-
l1ullr cl de la YisluIl', \ousaycz tran'l sé l'Alll'magne Ú marches
forrées; jI' vous fais aujollnl'hlli tI'aW'I'SCI' la 1'1'IlI1Ce salls vous don-
nor un momont de ropos.


«( Soldnts, j'ai )¡rsoin dc \OUS; la pr('senre hidcllse du l{'opard
souillo les eontinl'Ills d'Esl:agnc el dc Portugal. Qu'ü \oh'c Ilspcrt,
il ruÍe épOlmlllté : portolls nos ai¡.dcs ll'ioml'hantes jusqll'allx eolonnrs
d'Hcrrulc! li! aussí nous aHHlS dl's outl'agl's Ü H'ngcl' ,


(( Soldats, vous avcz suqmssl' la J'('llolllmée dcs arm(~es moclcl'-
nes; mais vous avez égflh; In gltlire dcs Ilrmées dc nomo quí, daIls
uno mcme eampagnc, triomphcrcnt su!' lo Rhin el SUl' l'Euphratc, ('11
rlIYl'ic ct sur le Tngc,


» Lne longuc paix, 11IlC prospáité durahle scraicllt le IH'ix de vos
tnmlllx; un vraÍ Franr,ais nE' pcut,' no doit prendl'c aueUIl I'rpos jlls-
f[u'á re quc les mers soien! onvertrs pt affrnnrhies.


» Soldllts, tout ce qlle YOIIS aH'Z fnit, tout re que YOIIS fel'rz l'nrorn
pour le bonhrlll' du pOllple Fl'am;ais el pOlll' lila gloil'e, sera {>kl'll('\!c-
ment dans mon ('(('111', ))


I




DE N APOLI~O:\,
(;es paroies ne ¡¡I'ellt qu'üecl'OiLre l'ellthousiasme Mjil si gr'aud des


soldnts (h~ ral'mée dll l\'onl. llIcul' tardait, apr'(>s tanl de guelT{'s fo-
llIenll'cs pUl' L\lJgldeI're, apá'''' tUllt de tl'iolllplws oDlellus sur ses
alliés, tIe S(~ I'P[\('Ollh'PI' enlirr 1'aee tI face pt de se mesurel' avee les sol
daIs de eelle ['eiue des mel'S, (¡u'on Iput' signulait, dans 101ll(,5 It·s pro
dmnalioJls, ('01111111' l'del'nelle ennemie dn ('ontillPnl,


Le pl'emier eOl'ps, fonné de ees lllagniliques el formidables hatail-
lons, par'tit de Pal'is, le 25 septemhre, SDUS le ('ommandernent du ma-_,
rechaI Victo/', En trmersant la capitalt', ils furent l'e~us a la bal'l'iel'l'
par le préfet de la Seine et par le eorps Ulunicipal.


,\luis ¡¡vant de murehel' iui-rneme a la tete des trollpes I}ll'il em;oyait
en Espagne, Napoléou, toujOUI'S sous i'influence des impressions trom-
pellses <¡1I'il avait l'e(:lIc5 ,\ Tilsitt , HU sujet du czar, VOIIJlIl sanC'tionner


:):i




lIlSTOIHE


('neore, dans lIne cnlrl'\'Ue, I'dl'Oite amitié qu'i1 avait cOI1t:;ue llOur
Alexandre, et que celui-('i avait sl'llIhlé partagcr, II selltuit le }wsoin
de conféret' arce ce prinee, qui l'tuit, uprl's lui, le plus pllissuut des
l11onat'ques du eontillellt, sur tout('s les qurstions actueJlcs de la poJi-
!itIUe enropéenn(', el sur les affail'cs d'Espugue pl'ineipulcmcut. El'fut'th
fut ('hoisi pout' le lieu de l'('ntl'evue, Les (kux empet'elll's y al'I'i'('l'(,lIt
au eomllwneemenl d'oetohl'e : tous les pl'itlCCS de la eonfédél'atioll du
Hhin s'y étai('(lt J'l'lldus, cOll1me pour foI'lucl', alltolll' de Icur sllpl'rhe
pt'olcctcuI', un ('('I'('le de court.isans eout'Onnés, l\:apoléon, afiu de reu-
dre 1(' sójouJ' d'Et'fut'th plus agt'l'able ti son iIlustre ami, s'élail fail a('-
compngner pat' la Comódie - Fran~aise, A l' une (ks rql\'éSelltations,
AJexandt,c uffeeta de saisir an'(' transpoJ't et applalldit de toutes ses fol'-
('('S un YeJ's dont tout le ulOude lit aisémcnt l'applicalioll :


I"all¡jli{~ d'ulI ~Tall(l hOllllHe c::;t UII lJlcufaJl ,k~ dwux.


Huit JOlll'S se pnssereut dntls les fetes; mnis la politi'lllc ne fut [las
o!lbJiée, Aux hünquds el tIllX s[lectaclcs sn('eédail'lll les 1'lltl'etiCIIS ill-




DE NAPOLÉO:\'. ,-:-' ,'l.).)
times. L'empereur de Russie eut l'air' de YOllloir all1enel' l'A\lgleterre ü
la paix : il signa ll1cme ayec ~apoléon une lettre pressante dans ce huí.
i\rais l'aycnir prom era sa sincérité! Il dOIllla ensuite son appl'Obation
entir"re i. la glwrre tl'Espagne, 'paree qu'jl y voyait une divcrsion rort
mantageuse pOllr le Nord, dans la gllerre COlltl'C la révollltion, et de
plus une oeeasion d'affaihlissell1ent Oll de ruine ponr les deux pays
dont la rivalité était la plns redolllable pour l'empire russe, la France
et l' Angleterre.


Les deux sonverains se séparerent Jet ~ oetobre, tl'('s-satisfaits fUI1
de l'autl'e; l\'apoléon se cl'Oyant sillc~~remrnt rami d'Alcxandl'c, et \le
pensant pas qll'il dut un jonr dire de lui : C'est un Grec du Bas-Em-
pire!


Le H\ octoJJI'e, I'empet'cm' était de reto111' ü Saint-Cloud. Qnatl'c
.iou!'!> apl'l'S, il visita le l\Jusée avee l'impérat1'Íce, et s'enÍl'ptint long-


tem[ls arec les artistes qui s'étaiüntempressés de veuir faire les honneurs
de leul' tt'mple au glorieux protedeul' des ads .


. ------.---~._------__IJ_¡y;___-_:___




"ISTOI R E


L'ol1Wrhll'(~ (In ('OI'])S lé¡!islalif cut lirn k 2:;. Se rroynnt SUI' dt' la
Hussie, )'t'Jllpel'cl1l' llarla nwc eonfianr(' dp ses df'ss('ins d df' ses espt'·-
I'an('es an snjl't dr l'Espagnf'. « Cest UIl hienfait pnrlicllliPl' de peH!'
Pl'oyidence qui a constamlllent }1T'ott'gé nos llI'Illf'S, dit-il, ql1P les pas-
~ions aient aveugh\ If'S ronseils anglais pOI1T' qu'ils renonepnl iJ la pro-
tedion Ms mers, f't pl'éspntcnt enOn )el1l' m'lm\e SUI' Ir conf.inent. Je
pm's dans reu de jOllrs, pOlll' me mettl'c moi-meme a la tete de mon
arm('(~, et, awc l'aide (1(' Diel1 , rO\ll'OIHIPI' dans l\lmll'id 11' roi d'Espa-
¡UH', et plantel' mes ai¡dl:'s Sil\' lps forls dI' Lisholllw. L'em]lerelll' () ..
BII¡;;¡;;ie el Illoi, nOll8 nons somnws YIlS iJ Erful'th; nous somnws (]'ar-
I'ord f't inyariahlf'lllcnt unis pOIll' la paix cOl11l11e po 11 l' la ¡!1If'ITe. »


L 'emppl't'lIl' pal'lit, en effet, de Pm'is, let!) of'Íolm', d arriya, 11'
;) 1I00emlll'c, all ('hMeall ¡J(, )lal'rae. Le ;), son qllal'tiel'-général était
11 ,'itlol'ia, et )e !) , il Burgos, apl'cs une yiC'toil'f' dl1 maréchal Soult SIlI'
l'm'lm'(' d'Eslramarll1re. Le menl(' jon!', le IlHu'échal "idol' haUait 1'111'-
mée ele Galir(, 11 Espinosa de los Monteros.


Jp plan d.· Napol("oll ¡'>(nil d'ísolrr ('('s denx arl11ées J'UIlC de l'au-
Ire, afín de Irs détruin' sl'parém('nt. Jl avail. diJ'ígé Vidor eontn'
Hlacke, PI i\ey et Moneey ('ontre Castanos qui commandail tOlljours
l'armée d' Andalollsie, tandis qu'il se pla~ait lni-m(\me au ('entre des
opératíolls, aye(' SOlllt, ct une résen-e de cavaleríe confiée a Bes-
siel'es.


Cette distrihution tk ses forces lui avait Mja pleinement I'éllssi. Var-
1I\('e de I'Estramadllre était dissipé(', ('elle dI" Galir(, anéantie. Les
fllyuJ'ds dll romhat d'Espinosa, ayant vOIII" se réorganiscr iI Rey-
nosa, l'approche du mal'échal SOlllt les f(),'~a d'ahandonnl'r Icurs
approvisioIlIwmcnts d k'III' maV'['iel, et de Sf' jeter en Msordl'e dans
les montagnes de Léon,


La dmite de J'anul'(' fl'an9,aise l-tait done entj¡'>rement dégagée:
mais on avait SIll' la gallehe Palafox, qui cOl11malldait en Á['agon,
d Castanos, le yainquelll' de Baylen. Tandis que SOlllt plII'com'ait et
Msarmait la prmincl' de Santalldel', J'emperenr rhar¡!ea le mm'éehal
Lannes de s(' nwUre ü la ponrsllite des arm(\'s d'Aragon I't d'An-
dalousie. Le maréchal j\"ey ful Mtacl)(\ YCI'S Soria et Tal'azon, ponr
SI' plac('1' enit'e Castanos et Madrid, PO\lI' coupel' 11 cc génél'al le
dlf'win de la eapitak, ('11 ('as de Mfaite, ('t l(~ rcjeÍl'1' SUJ' Yalenre.


Les mano'uvres de Lannes ohligúl'ent les gén(:I't\l1x ('sl'ngnols (11' se




PE ;'\ A I'()JJ:O\. ,--'''t.) I


retil'e!' I'lIt,,(' Tlld('la pt Cas('alll<'. Lil, appuy('~ S\lI' rtlm', t't l(·ur's
fOl'Crs nI' S'(~]¡'YHJ1t pas 11 moins de (lU<lI'anle-cinfJ mil1l' hommes, ils
(,1'\lJ'enl pOIlYoil' a('r(']1fel' le eomhat. lUais ils avaient tmp présum(~ des
IIvantag('s de 1(,\11' posilion, dll nombre et dn rourage dp lcul's soldllt~.
Le mar{'rhal Lannl's ku!' lit. l'ssuyl'r IIne Ml'Outr romplCte, el Yengea
Sil!' CastaTlos lui-meme I'hoUTl('ur franr,ais rompromi5 11 BaylI'Tl. La


hataill(' de TudeJa emita aux Espagnols 51'pt mili e hommes , t.'enle ('a-
nons et Sl'pt d,'aprll1lx. Pa1afox se retira snr Saragosse el Castalios sur
Va Im('('.


En apprl'tlIlTlt eette nonvelle virloi,'e , Napo1éon l'ésolnt de marcher
dil'('dement sllr l\Iaflr'id) laissant SOl1lt, ti droite, pomo surveillcr Ie~
mOIlYements des provinres orcidl'nta1es, I't LmlTlcs) Il gauehe, pomo
eontenir ks déhris dp I'al'lnée d'ArugoTl. ~ey continua d'observer l'ar-
mée (l'Anda1ousie.


3Iais le patr'¡otisme espagnol nl' se Iassail paso De nouvelIes Ievérs en
Eslramadnre el en Castille avaient formé, improvis(\ une armée nou-
\'elle qui, forte de vingt mille hOl1lllm;, viut se jeter sur le passage de




458 J1ISTOIHE


)'l'mppl'l'lll' et tmt.cr de lui fernwl' le défilé de Somo-Sierra. Les pre-
miers eorps fran~ais furent, en effet, U1Tdl'S pendanlqlw\lllles illstants
par le feu des ballel'ies qui défendaient ce col étl'Oit et de difticili' ac("l's.
II faUut la présenee meme de l\apoléon et l'impétuosité irrésistihle de
la eavalcrie de la garde, pour vainel'e la résistanee vigolll'euse d¡>s Es-
pagnols. Mais 1I l'apparit.iol1 dp l'¡~mperenr, 3111l signal donné, les chas-
sellrs el les lunCÍel's POIOIlUis ehargcl'ent au ¡U1lop, et en un din d'wil,


tOllt ohsluek fut bl'isé. L'al'llll'e frungaise passa SUl' le ventI'e de l'en-
lH'mi, sabl'a Il's canolllIiprs SUl' leul's.pit>ees, et SP l)I'('senta aU'( portes
de l\Iallrid, sans plus trouyer la moindre traee de l'U1'ml'c l'spagnole,
¡llli ayait \oulu l'tIlTNer a Somo-SielTa. Ce hrillant fait (l'armes eut
lien le 2U norpmhre, sepl joul's apl'es la hataille de Tudda. LeJ er tM-
cemhre, k <[nal'tier-génél'al de l'emperenl' se tl'OllVa élahli il San-All-
gustillo, dalls k yoisinage de la capilale, (lui capitllh le 4, le knde
main (le la pl'ise de SI'gmic par 1(, maréchal Lefebuc.


:\Iadl'id avait d'abol'd songl' 11 se défendl'l'. Qllaranlc millc paysHlIs
armés el huit milll? hommes dl' ll'Oupes réglllióres, OIItre les milieiclis,




DE \APOLI~O\, 13\1
v t'>[nient f'(>lIf(>l'tlH"S, a\el' ('l'nl pit'ccs IIc canon, lks hal't'iead('s H\aient


été rapidemellt dl'\é(~s : tout allnon~ait doue une vive n\sisLance J it tel
¡lOinl que dem, sOlllmations dl' l'eulpel'l'lll' anlÍent {-lé aeclleillies pm' des
demonslt'atíons de mépris d dp f'llrPllI'. Ln f(~\1 cotllmen<,;a alot's et fuI
dirige Sl\l' un palais (BIICIl Retiro) qui domine la "iHe. Des que ee poste
importanl cut d¡'~ (>nlc\¡'~ aprt's de sanglanls cffol'ls J par le Illm'édHll
YidOl', on nwna~a la Yillr d'lllle dl'stl'lwtion immediatc, el eelle me-
naec pl'oduisil son dTl'l. L'tI['mee espagnole sortit de :Uadl'id, les lr'Oll!lPS
Il'l'eguliéres se d¡'>lJall(lcl'cnt, et les alltol'ités signcrent UIlC capitula-
tiOIl.


l\apoléon signaln e(~tte con(lucte par un gl'and aete, (lile I'irritation
du peuple espagllol l'empccha de reconnaltre) COlllllle il l'clIl fait en
d'aull'es temps. Le joUI' meme de la capituIalion de Madrid) l'in-
(¡uisition fut abolie el le nombre des conrenls considérablement di-
minné,


1\' npoll'oll adl'cssa ensuitc UIIC Ilou\elle pl'Odamation aux Espagnols.
« \' ous a\ez été égal'és pal' des hommes perlides) lem' dit-il, ils vous


ont engagés dans lllle lutte illseIlsée.,. Dans peu de Illois vous avez été
¡iVl'es it loutes les angoisses des factioIls populail'es. La dMaite de vos
armées a été l'arrail'e de queIques llIarches. Je suis entré dans Madrid:
les dl'Oits de la gucl'l'e m'autOl'isent it (lonnee un grand exemple el it
layer clans le sang les oUl!'ag<'s raits ú moi el a ma nation : je n'ai
ée()ut(~ que la c\émence ... JI' \OUS avais dit clan s mil proclamation du
2 jllin queje \'flulais elre "olre régénél'atcu\', Aux d["()ils <¡uí m'out ell'




410 H ISTOIRE


cédés par les pl'inces de la derniere dynastie, vous avez voulu (Iue j'a-
jOlltasse le droit de cOlHluete, Cela ne changera rien a mes dispositiolls.
Je veux meme louel' ce qu'il peut y avoil' de genereux dalls vos effods:
je veull. rcconnaitre que ron vous a eaché vos Vl'uis inlén'ts.,. Espa-
gnols, votre destilH\e est eutre vos mains, J{l'jdez le poisou que les AIl-
glais ont repalldu pal'mi vous .. , Tout ce qui s'opposait a \otl'e pI'OSpl\-
rité et a votre grandeur, je l'ai détruit; les enh'aves qui pesaient sur
le peuple, je les ai bl'iSées; Ulle constitlltioll libérale vous uonue, au
lieu d'une monarchie absolue, une monarehie temperée, II depend de
vous que celte constilutioIl soit encore Yol!'e loi.


1) i.\Iais si tous mes cfforts sont iIlutiles, ajouta-t-il en tennillant, el
si vous ne l'épondez pas a ma coufiallee, il ne me restera qu'a vous
tl'aitel' en pl'ovinces conquises el a plaeel' mon frere sur un autre trolll'.
Je meltl'ai alors la eOUl'onne d' EspagIle SUl' ma tete, et je saul'ai la
faire I'especlel' des méchants, cal' Dieu m'a donné la force et la volonlé
Ilécessaires pour surlllonter tous les obstacles,)J


Les Espagnols se monlt'erent sourds a ce langage, aussi peu touehés
des menaces que des promesses dc l'emperelll', Mais le mot de consti-
lution ne fut pas prononcé en rain; rindépendaucc castil/ane s'en em-
para, et les chefs de I'insul'l'ection se lrom¿'rcnt condllils, pal' la force
des cil'collstances, a doter cux-memes l'Espagne d'unc constitlltioll
plus démocratiquc que celle qui avait été adoptée a Bayonne,


Le corregidor de MadI'Íd j a la tete d'une deputation de la vi!le,
porta aux pieds du vainqlleUI' l'expl'ession de sentiments qui u'étaienl
pas dans les ames, mais dont la manifestation était l'endue néeessail'c
par l'ocenpation militaire de la eapitalc, « Je l'egl'ette, l'épondit I'ClIl-
pereur, le mal que 3larh'id a essuyé; et je tiens a bonhelll' pal'ticuliPl'
d'avoir pu la sauvel' et lui epal'gnel' de plus gl'anc!s maux,


11 .Je me slIis elllpl'etisé de IH'endl'e des tnes\II'es (Iui trant[uillisl'IIl
toutes les classes de citoyens, saehant comlJit>I1 j'inecl'titude est pénible
pom' tons les peuples et pour tous les homllles.


» ,I'ai conservé les OI'lIl'l'S I'eligieu\. en I'cstl'eignallt le nombre des
moillcs, II n'est pas un homme senst! qui ne jugeat qu'ils étaient trop
l1ombreux, Du surpllls des biens des COllrents, j'ai pOUl'Vll aux besoin~
des cures, de eeUe classe la plus illtéré;sallte el la plus utile pal'mi k
cle¡'gé,


I! ,l'ai abolj ce tribunal, eoutre 1l'(luel le sieele el l'Eul'ope l'éda-




DE :'\APOLÉO'\. 111
mai('nt. I.es ¡¡l'¡"ln's t!OiH'¡Ü p'lliclel' les cODseie¡H'es, llJais 1](' doiH'JlI
(~\CI'l'CI' Huellne jllJ'idiclion cxtériellJ'e el (,ol'(1orelle S\II' lps ('itmells.


" .J '¡ji suppriuj(; les dl'oils usurpés par les Sl'igllt'UI'S diJlls les tCllllb
de glll'I'I'e civile.


" J'ai slIpprimé les droits fl~()dall\, el ehaClI1I pOlliTa établir Jes J¡(l-
ldlt'l'ies, des fOlll'S, des mOlllills, dtlS IIHlIHll'agues, des pechel'ies, d.
dOlllWI' Ull libre essol' a son industrie". L'l'golsllle) la l'ichesse et la
pl'Ospérité d'ull polit nomlll'e d'hommes) nuisaient plus a ,"otre agl'i-
ellituJ'e que les cha:eurs de la cuniellle,


" COll1l11e il n'y a qu'ull Die,l, ¡¡ ne da;t y nvoil' dans 1I1l ól.at qu'lIIw




¡ I
, I


IIISTOIRE


justice. Toul('s les jllstic('s parliculieJ'l's aynil'llt ('1(, usurpr'es ell'(aient
conlrail'es allX dl'Oits dc la llation . .Te I!'s ai ddl'lIill'~.


» .T'ai allssi faíl cOllllaitl'e il eha('un ce fju'il pO\l\¡¡it ayOir il c!'aindl'l',
rc qll'il pOllyait espere!' ...


» 11 n'est allellll obstade eapahlc de reLarikr longtcmps J'exl'clltion
dr mes yolonlés.


1) Les Rou!'hons n(' rement plus r{'gner rn Elll'0llP ...
» La g{'nération rnurl'H y,arier clans ses opinions, tro)) de passiolls


ont été lllises en jeu; mais YOS nr\'('lIx me hó,ironl eomme votre re-
gónó,'ateul'; i1s placeront al! nombl'(' d('s joUl'S mémorabll's eetlx oú j'aí
pam parmi ,"ous. »


Pendant son coul'l séjoul' dans la capilalc' des Espagnes, l\apoll'oll
s'ocellpa d'inspeell'I' la tenue el ele mainlelli"Il' 11011 I'spril de ses tl'OU-
pes, TI passa, le !) décclIlhrc , llll P!'nrlo, la reHlC elu eol'ps dll mart'-
c1H1I 1 ,efebvre; le ~ O, celle des 1';'gilIlen(s de la cOllf¡'·dération dll Hhin ,
('[ le ~ 1 , ('elle de la cavalerie, (lans laquelle figllraíent les laneic!'s po-


lonais. Le colond de ce beall l'Ol'pS I'c<;ut des JIIaius de l'elllpCI'l'lll'. 11
ceUe dl'l'lliel'e reme, la croix de rommnndE'm' (le la L(\gion-d' I1oll-
nelll'.


Ce fut de :\Iadrirl que Napoléon CIlHl)H au JlonilclI1' \lile note pOli!'
délllentil' IInc répol1se faite par l'impél'nll'iee iJ IIl1e dt"putation d1l COl'pS
lógislatif, el dans lui]udle Josephinc avait placé ce COl'pS an soml1wt tlt'
la hi('I'm'chie politii]ue, en disnnl « qu'iln'prósen(ailla l1atíon. H




1-


!
DE NAPOLÉON.


l\'apoléoD dédal'a , ualls su fellille oflll'ielle, « qlll' le premier reJlrl~­
selltant de la nalioll, e'était l'elllflereul'. )l


011 s\)st heaueollp réerié mntre cptte prétenlion, el eepcndanl elle
('[ait conforme ú ronll'e légal de l'époqllc el ron M)!! avan! [out S 111' la
(luissance des raits.


Le pellple, qui avait podé l\apoléoIl all tl'one , pal' ses aedamatioIls
t!'a!lol'(l, el ensllite par des suffl'ages l'égulierelllent exprilllés, dcvail
micux voil' son repl'éscntallt t'l1 lui que dans une assemhlée dOlllla I10-
llIillation lui élait !:tl'angúI'{'.


El d'ailJeurs, le corps législatif élait-il aple a gOU\Cl'nCl' la Frallc(' ,
el ú faire raee il toutes les exigenees de sa situation , mI milieu des cir-
l'ollslall('es 01') se trouvnit l'Europe, romme ll' lit Napo]¡'>on'? l\"ou, suns
doule. C'dail done bien eelui qlli leuait en ses mains glo!'ipusps ('[
puissanles toule la deslinée présenfe el }ll'Oehaine de la nation) qui était
son "('l'itable représenlant, el non point l'aSS8111b]¡':1? inutile qui n'étail
dle- meme qu 'une émanation du pouvoir impérial, par la maniere
dont se {{)jsaienL les ('leetions, el qui aurail dé inlwbile il ac('omplir n'
(/ue le I,,'as Yigoureux du dictaLeur et le g('nie du gl,t1l1l1 hOllllllC r¡"ali-
~el'ent.


CepPlldant, tandis que l'empereur s'oeeupait ¡¡ Madrid (le I'orgalli-
salion (le I'Espagne, ce qui ne rempedwil pas de slIl'Yeillel' les dis-
COUI'S el les aetes des personnes f1ui le repl'ésenlaient ti. Paris, les opé-
I'ations militaires eontinuaient dans les l))'ovincps espagnoles, OlJ I'in-
HIITeetion l'enaissait pal'toul de ses cendres.


Les Anglais avaient f1uitté le Portugal pOli!' accourir au seCOUl'S de
la capitale de la monarchie espagnole; mais le général l\Ioore dés-
espérant d'al'l'iH'1' ¡¡ temps, ehallgea toul tI coup de plan eL COll~llt
le projet de se poder SUl' Valladolid, aOn de cOllpel' les eommuuica-
lions de l'armée rran~aise. Cettc résolution lui de,int (alale. Assailli
d'nll col('), coupé de l'autre, il se vit eontraint de commPllcPI', a
Palencia, une désastrellse retraile, qui le eonduisit sous l'épée con-
stamment ,idoripllse du maréchal Soull, jusflll'a la Corogne, olI il
se lit blessel' mortellement, aprcs aYOir perdll dix mille hommes, che-
,aux, eanons el appl'ovisionnements de tontes sortes. Les débris de
son aI'mée ellrent a peine le temps de regagner la me!'; ils ahandon-
ne!'ent la Corogne au maréchal, apl'cs unp vaine tentative de dércnse )
qui dlll'a tl'ois jours. Soult avail égalemenl dispersé, pendant ecHe ponr-




IIISTOIHE


suite, le CO!'PS espagnol dp la Hornana, fluí s'dait rd'lI~il' r1ans les 1lI011-
ta!.ill(,~ drs Astnl'Íps.


L'eJllpcrellI' s'é[ait porté Illi-lll{~IIlC il la J'('I!COlltrc des Anglais, (¡¿'s
ljll'il avait appris \cut' mOUH'IllCllt 5111' Madrid. C'esl SOIlS ses ol'dl'l's
del! sa présenee ljue les opé!'ations avaient commclWt: ('11 Gnlice. Dall5
lí's !ll'l'miers jOLlI'S de janvier, 1'011 quarliel'-général fut SI]('('('ssiw'Jllent
podé iI AstOl'ga el il Bi'nmenlc. 11 ravait aLl~si élal¡li, pendall! c('!te
cxp{'dilioll, iI 'j'ol'désíllas) dans les h~liUl('llts ('xtóricurs du eOllvcnl
(le Saillte-Claire) oi! mourut .Jeanlle-lu-Folle) mi're de Chal'll's-Quinl.
Cr COLlYi'IJt n dé constnrit sur 1111 an(·ipl1 palais des l\{,llll'CS, dont il
rl'st(' IIn hain d dl'lI\ f':allps t"('s-hien con5('!,\-("5. L'¡¡hIH'SS('. úg¡"(' de




~()i\¡¡III(' - qllinzc ans, ~l' flt pn;spnt .. I· iI l'em[lI'I'PlII'. flui la I'('(;II[ ilH'(,
h('(Ilwollp de di:-;tindion el lui ac('ol'dn diyerses grucps.


En Cntulogne le sueces des armes fran<;aises Il'uvait llaS dé 1lI0ÜIS
(;datant. GOllvio/l-Saint-Cyr avnit péuétr'é dans .Bnl"C(~lonne, apl'('s s'etro
l'mpal'é de Roses; elle mUl'quis de Vives) hattu a Cardade, étuiL [omhé
dilns la disgl'two de la junte.


Ainsi, depuis l'ul'I'ivée de I'pmpereUl' en Espngne, tout nyait ehangé




------- -----,---


,-\lli 1I1STOIHE


de fare; la Yictoire dait ren'llllC SOllS 80S dl'tlpcall\ , alls~i ('lllpl'l'SS(',C,
aussi rapide, aussi brillanh) l)lI'elle l'avait dé jllsflIh~-h ('11 Allmwguc
d CII Italie,


En lIIoins de deux mois, l'armée <lnglaise avait été anéalltie, /(,
eorps dI' la Homalla détruit , la .capitalc re('onflllisl', lps prilleipal"s )lI'O-
Yill('es OCCllpl'CS. Les (h":-wstr('s (k DlIp011t l'l de .1 111101 daj('nl aillsi plus
l)1H' )'él'urés. Si les Espagnols pcr~islail'ut !olljollrs (laus Ieur haillP [lOUI' la
dOlllination fl'allsaise, le eahinl'! aqglllis eommeJH;nit IIl'anIJloillS 11 rraill-
drc qu 'ils ne f'lIsscnt Ü la fiu écras~& JlOlll' longl(,)Ilps, slIhjll;'.!JI("s silloll
rallil's; el mnlgl'é le ('[lI'actel'c lll'éraii'e .. dc IC\l1' slIjdioIl, la kgilimilé
n'en aUl'ait pas moins l'dlOUé , dallS ecUe Jlrcllli¿~re guerre, la plus fa-
rorable qll'dle elit cncol'c soutcnllc t'ontre la rl":()]11 flOll , 11 fallait dOlw
I'ail'c qlliUl'r J'Espagne HU g/~rJie im;in('ihle gui {'l:til Yellll Y détl'lIin' I(,s
grandes ('sp(;rant'l's eonc,u('s apres ks capilulalions dI' Hay 1m el (k
Cintra. La diplomatie anglaise sr clwrgea !I(' le J'urnl'I1l'1' clans 1" 1\onl,
de le contnIÍnd!'(' ('nrOl'e it diviser ses (orees, Ce ne fuI pas la Prllsse,
eneore tonte Il1l'urtl'ie des eOllps tCl'I'ibJcs fin 'die :naif I'C~\lS 11 ~l'na,
qlli sen'it eette fois d'illstrlll1wnl au caIJine[ de Saint-.1aJ11l's; ('l' lIe fuI
pas l10n plus la H ussie, qui ll'avait pas deall'is<" S('S hkssul'l's de FrÍt'¡)-
land; et qui n'au\'ait pas d'uillell!'s os('~ dé\oile!' si/M I'hypol'l'isie Ms
pl'otcslations mni('ules d'ErfuI'lh; ce fllt l'Autl'ielte, rewnue de l'abal-
lement el dc' la conslernation qu'eIle avait mlmifl'slc"e apl'l'S Auster-
litz) gIlí consl'nlit a provoquc\' de nouW'au le YainqllcllI' tr0l' gloIll'-
rCllX qui l'ayait impl'lldemIl1ent (\plwgnée. Trois flns de paix el dc' J'('pos
lui a"aient sufli ponr réoJ'guniser ses aJ'm{'('s; elle se sC'lltait prele tI
tcni!' la emnpagnc, ct si elle y oblenait dc's SUCCl'S, la "ieille diplomatip
montr'eJ'ait alol's (fll'clle ne se eOllsíMnlÍt pas plus e()]umc enchain¡"("
it flrdin el ti Nlt'l'sboUJ'g, par le tmilc" de Tilsitt, qll'pllc n'¡nait CJ'll
6tl'c ¡iél' 11 Yiennc, pm' re!ui de Prrs!Jollrg. QlIoi qll'il aniw, on esl
tO\ljoUl's slir de Il'otlYer un rt'fllge dans la g{'I1(\rosill' du yaiIHIUl'lII'.
Si ron épl'ome de nomeallx !'('Yf>rs, O!l fera un nOU\Wlll tl'ail{'. QueJ-
qw's COIlccssions tel'l'itorialcs pOlll'l'ont Ml'e f>xigées; mais le tl'óne I'CS-
tnl'a tOlljoUI'S inlae[, el la cause de l'alltique l'Oyaulé aUl'a étt', satl\(\e
('11 Espagn(', ('1] altiranl son redoutable ad,eJ'sail'e au fond de la Cel'-
manÍ('.


l\aJloléon ótait ü Yalla(lolid IOl'squ'il appl'it les dispo~ilions hostiles el
ks arrnements dP I'Autl'iche, Apres a\'oil' re~lI dans cPlte \iHe de I10Il1-




DE i\APOLÉO:\'.
I)I'('II~('~ (h"plI!nliolls \enll('~ ele Madrid, ordonné la sllppressioIl t!'lIll


('()l]\'('n! de dOll1ini('ain;; oú UIl soldat f't'lln(:ais ar<lit él(; (;¡';()I'p/' , Pl s\\tl'(,
Illolllr(' f'aml'ahlf' anx hé!lédidiIlS, ([ui !lC s'o(,(,llpnil'nt 1]111' de s(lill~


spil'itllf'ls el de la ('ulllll'e des leUres, el qui avaient ~au\é la vie i:t pln-




111 S T () 11\ E IJ E i\ A l' O L l': () ~ .
Sil'IIl'S FI't1l1sais, il (luitta p!'él·ipitamment \' 1·:l'paSIIl' pOli!' !'dllll\"\\('\' á
Pmis, ou il a\'l'inl In :!5 jnmit'I' I HOO.


;: ..... c' --




CHAPITRE XXIX.


SON 1'et0l1l' de llflyonne, en aOtlt ~ 808, Nfl-
•. ~:poJéon avait été informé que I'Aut!'iehe, dont
. ,:=l'attitude fut fort équivoqllc pendanlla cam-


•. e pagne de Prusse, laissait apereevoil' des
ressentiments et des intcntions malveillantes
eontre la Franee. II s' en expliqua franehe-
ment avec l' ambassadeur de eette puissanee ,


1\1. de J\Iettcrnidl, qui étflit ven u a Saint-Cloud, avec le corps diplo-
mali«uc, pour félieiter S. lU. 1. el n. a l'oceasion de sa fete. L'ambas-
sadeur pl'Otesta des dispositions paeitiqucs dc sa cou1', et déclara que
les armements signlllés au gouvel'llement fraw;ais n'avaient qu'nn but
défcnsif. Napoléon lui fit remarquer combien celte cxplication était
déraisounahle, puisque nuI sujet d'inquiétude, nuI symplóme d'attaque)
meme lointaille, n'eúslaient ponr l'Aulriche. ( Cependant, ajouta-t-il,
,otre empercur ne ycut pas la guel're, je le crois; je eompte sur la
parole qu'il m'a dOllnée lors de notre ent1'evue. Il ne peut avoir de
ressentimcnt ('outre moi. J'ai occupé sa eapitale, la plus grande par-
tic de ses pl'OYiue('s : pl'csque tout lui . a été rendu .... Croyez-vous que




HISTOIBE


le vainqueur des armées fran~aises, qlli au1'aít été mait¡'e de París,
en eút agi arec eette modération ~ (M. de )lelternidl et tOI1S les di-
plolllates et prinees de la coalitíon ont I'épondll a eette (lllCslioIl, t'1I
auil ,1814.) .... Des intl'Ígnes pa1'ticuliórrs YOUS entminent la oú vous
ne voulez pas aller. Les Anglais et leurs l)artisans dietent toules ('('s
fausses mesures; Mjil ils s'applaudissellt de l'espéranee de ,oir de
nouwau l'ElIrope en fru .... ·) )1. de )Ietterních persístn il n~er les YlleS
hostiles de son gomernement. Plus ta1'd, et au eommeneelllent du
mois de marsl800, lorsque KapoléoIl était reWllll de í\!adl'id , sur la
ee1'tilude acquise d'une I'llpture imminenle proVü(!uée par la eoul' de
Vienne, l'ambassadeur autrichim osn tenir le meme langage au mi-
nistre des relatioIlS extérieures, Chmnpagn~·. (( Si l'(,lllpel'eur, luí díl-
il, avait rédlemt'Ilt des inquil,tudes sur ee qU'oll a appdé nos arnw-
ments, pourquoi ) au lieu de se taire mee moi, el d'appC'ler les tl'OllpeS
de la COIlfédération , Ile m'a-t-il pas parlé? on se sel'ait f'xpliflUé , d
pl'obablenwnt cntmuu. -- A (IUoi cela aurait-il scrvi'? l'l'pondit le mi-
nistre fmnr.ais. A quoi ont seni des dr'-manJles selllblabks, failes il y
a einfj ll1ois? L'elllpereur ne YOUS parle plus, 11l0JlSieUI', parce qu'alors
il YOUS a padé en ,ain, pal'ee que YOUS aYez perdn aupri's de lui ) par
des promesses tl'ompeuses , le erédit qu'on aeeorde au litre d'mnbassa-
den!' .... Au surplus, l' empel'cur, qui ne vous demande rien que de le
faire jouir de la séeurité de la paix, ne ycut pas la guerre : il YOUS la
fera si vous l'y contraignez. 11 ne vous en a pas donDé le plus l<"gel"
pretexte., .. Je ne sais ou vos mesures vous entrainl'ront; mais si la
guerre a líen, e'est paree que vous l'aurez voulu. » iU. de 31etlernich ,
embarmssé, se relim en se plaignant d' are maltraité dans les cereks
de la eOllr; et lU. de Champagn)' lui répliqlla (Iue e'étail la eour de
Vienne qui, n'exéentant pas les pl'omesses faites par son ambassadeur,
avait seule blessé la dignité de son earactóre. Ce ministre comul\uliqua
au sénat, a la séance du ,1 ,1 a\'1'il, les deux elltretiens que l'empereur
et lui avaient eus avee l'ambassadeur autrichien; il lit eonnaitre les
préparatifs hostiles de la eour de YieDne, et Ilpres son rapport, un
eonseiller d'élat présenla un pl'ojet de sénatus-eonsnlte qui mettait qua-
rante mille conserits a la disposition du ministre de la guelTe. Ce pl'Ojl't
fut adopté: le sénut y ajonta une adl'esse oú se retrOllYt'rent les pal'Oles
mémombles que Napoléon avait cOl1signées duns une leUre il l'empereur
d' Autriehe. (( Que les déma1'ches de votre majesté, avait dit KapoléoIl,




DE l\APOLltOl\. ;':¡l


monlrcnl de la coníümee, elles en illspil'eront. La meilleure politique
n ujourrl' hui , e'est la sinc{~l'Íté ct In vérité. Qu'eHe me eonfie ses inquié-
tudrs, 10rS(!U'01l parviendl'a a lui en donner, je les dissiperai' sur-Ie-
chmnp. )¡


C'était a Londres que Frant{ois II avait eonfié ses inquiétudes; et
qlland le sénat fran<,;ais votait des levées de eonserits et donnait son ap-
prolJation aux préparatifs de la guerre, les hostilités étaient déja C0111-
mCllcées; l' Antl'iche avait publié son manífeste et envahi h~s étnts de la
conféclération du Rhin. Napoléon en étnit encore a dire, eomme son
ministre, qn'il n'avait pas donné (1 le plus légerprétexte )) d'une rup-
ture, a la cour de Vienne; et, eom111e dans les eampagnes d' Auster-
Iitz ct d'Iéna, il répétait peut-etre qu'il n(~ savait pas ce qu'on voulait
de lui, ni pourquoi i1 se battait. Le ealJinet autriehien s'était exprimé
néanmoins de mani(\re a dissiper tous ses doules, ct a bien faire C0111-
prendre que ce n'était pns pOllr des griefs particuliers, mais ponr des
rnisons générnles, ponr IIne question eumpl"enne, pOllr la cause qui
avaít enfanté loures les coalitions antérieUl'es, que In foi jurée au bi-
youac d' Austerlitz et déposl'e dans le traité de Preshourg allait etre
violée. C' était UIle reproduc!ion des manif'estes de la vieille Europe,
depuis eelui de Brunswick; e' était une nouvdle croisade que le conseil
aulique prcchait contre l' ennemi comlllun) c'est-a-dire contre la France,
contre le siecle, C'onÍl'e les idées nouvellps dont l\apoléon n'était que
la représentalion.


l' Autriehe s'était done déclaréc des le 9 avril, ct le ~ O ses armées
entraienl en eampagne. Le ~2, l'empereur, instruit par le télégraphe
du passage de 1'Inn par l' ennemi, partil uussitút de Paris; le '16 avril
iI arrivait ü Dillingl'll el y pl'Omettait au roí de Enviere de le ramener
en I¡uinze jours dans sa capitale, d'oLJ le prince Charles l'avait chassé;
le ~ 7, íl était a Donaw!'rt, et disnÍt a ses soldats, dans une proclamation :


« Soldats, le tcrritoire de la confédération a óté violé. Le général
autrichic'n ,"cut que nous fuyions a l'aspeet de ses armes, et que nous
luí abandonnions nos alliés. J'arrive avec la rapidité de l'éclair.


)l Soldats, j'élais entouré de vous lorsque le son vera in d' Autriche
,inl ü mon bivouac de 1Ioravie : vous l'avcz entendll implorer ma clé-
mene!', et me jurel' unr mnitié étel'I1eIle. Yainqueurs dans trois guer-
res, I'Autl'iel)(' ti dú lout a Ilotre génél'ositó; trois foís elle a étt, pal'jure.
Nos sllcC'es passés nOlls sont IIn súr garant de la vicloire qui nous atlend.




IIISTOIBE


» J\Ial'c}¡ons done, el qu'il no[l'c nsprc[ l'enneIlJi n'('onllaissc son
yainqueur. 1)


L' Autl'iehc avuit compté sur l'abscnec de l\apol(ion el de sa gnrcle ,
sur l'éloignenwnt des vieilles ban(les de :lUarengo et el' Ausl(~rli[z. Elle
suvnit qu'il ne restuit plus que quulre-vingt milk Frnn~ais) épars dUlls
toute I'Alk'mugne; el son nl'm(··p, di, iséC' ('!l neuf COl'Jls, sous les 01'-
dl'es de l'archiduc Charles, n'aYait pns lIIoins de cillfl cent mille homnws.
Ses premiers mOllvcments pal'ul'ent hcureux. Le roi de Bavi('l'p ayai[
fui de l\Iunieh devant l'ul'chiduc, <lui 8'elnit porté I'apidement de l'Inn
sur l'lser, L'm'I11(':e fran¡;abc {'[ait alors {'parpill("l' SUI' une ligll(' de'
soixante licnes, ce quí l'exposait il Nn' (;oupéc l't il se f¡lÍre ha[[n, ('11
détaiJ. Le général autl'ichicn 8'(,11 était apcJ'(;u, d se 1IlolJlrait plcin
d'ucli\Ílt: cld'espoil', 100'sflue I'm'J'ivpe de i\apoléoll ,int [out dlilllger.
L'al'llelll' du prim'e Charles el r!p son m'nH;C se ralen[it, cdle des soJ-
duts fl'3nsais s'nccl'l1t:m contrnire. Tmltes les dispositiolls impru(kntps
I'ul'ent vite eorrigées. L'empercUl' reprit le (,Olll'S de ses adlllirahlr's
man<puvres, ct lint pamle all roi de ll:nii'J'p, 11 1 .. ranwna lriompllilnt
dans su capitnle avaut le dixi¿'me jOlll' ,H'cOJ1lpli, dl'puis la pron1<'ssf'
qu'illllí en avait faite. Des le 2:) a\Til, c(' [lrince rcn[rail ú MUllidl, el
Xapoléon, en six joUl'S, ayait rpmporté six ,ictoircs Sll/' rarm¡"(' ,1\1-
trichienne. Ce n'était que le ,I!) qu'oll ayait 1m atlpjndre l'enn('mi, d
IUl dOllble succes, HU combat de Pfaffen!tofTl'I1 el ú la hataille de Tann.
¡¡vait mal'ql1é eette jou1'l1('e. A u combat (h· Peissing, 1(' 1('ITihle :; j".


t'1)IllIllLllldé par le braH' colond Chm'I'i¡"J'(', jllstili" son SIIl'IlOIIl; il al)C)['(ln




DE l\AI'OLltO\.


seul, el Mflt sncccssivemcnt six régiments aulr'ichiens. Le 20, IlOIl-
vclle rencontre a AIH'nsherg, nouYl'lle butaille , nomeau triomphe pom'
les Fran~ais. L'clIuemi ne tint (}LI'une heUl'e, el laissa au poumil' du
vuinquclIl' hui! drapeuux, douze pi¿'ces lle canon el dix-huit mille pri-
sonnieI's. Le 21, le comhal de Landshnt acheva la défaile de la wille.


Dans eette .iO\ll'IJ¡'~(~, le général Mouton, u la lete d'une colouIIe de gl'(,-
lIadiel's, s'élan~u a travers les flmnmes qui dévoruienl un des ponts de
l' her. "Avuneez toujollrs, et ne tirez pas! )) eriail-il a ses soldats , d' une
voix !onnanlr; et rn pell d 'inslanls ii cut pénélré dan s la Yille , qni deyint
le théiitre d'une llltle sanglante et qne l'emwmi ne tarda pus a abandon-
nel'. Dans ce moment, l'archiduc Charles, ala tete dI! corps de Bo-
Ilt'me, surprenait, a Ratisbonne, un délarlwnwnt (le mille hommes, quí
avait été ehm'gé de garder le pont, ct qní se laissa cernel' et prendre,
fa 11 te d'moir éló prhenll de se retirer. Au premier vruit de ce! éH'np-
mmt, I'mnpel'cllr jura que, tlans \ingt-(lw1Í/'c heures, le saug alltl'ichim
cOlllel'uil dans Ralisbonup, pou!' wngcr l'affront fait u ses arIlles. Le 22,
il mardw en ciTe! slIr eette vil/e, reneontru l'ennt'llli, fod de cent dix
mille hOIll III es , qui avait pris positioll a Eckmiihl. Ce 1'nt encore pOLI!'
I'cmperelll' l'oceil~ion d\me gl'anrle bataille et d'ull grand triomphe. En
qlldqllPs inslants, cette nOmlll'CllSe année, altatl'lée sU!' tous les points,
fut chasst'e de [oules ses positjons el mise en pleine déroute, li!i~sant la
plus grande partie de son artillerie, quinze clrapeaux et vingt mili!' pl'i-
sonniel's. L'al'c1Jidllc Charles IW dllt lui-lllemC son salllt qu'illa \ilesse
de son chp\,il!.




!lISTOIHE


Le lt~nrlpma¡n 23, !'armee victoricusc se presenta llevant I\atis-
bonne, (llIe la eavalerie alltriehienue, eulhulée par Lannes, ne ¡mt
cOllYril' : mais six régiments, que l'al'elliduc mait laissós dans la plaee.
essayerent oe la Uéfenrlre. L'empereul' viut llli-méme onlonner I'al-
laque. Il Y fllt hIesse d '\llle halle au pied droit. Le hrl1it s't'n repandil


al1ssitót dans I'armee , el les soldats d'accolll'ir avec iIlf[uiétude : mais
ils arrivaient a peine que Xapoléon, qui s'était fait pansl'r en un in-
slant) l'etl1ontait a clleval, an miliell des plus vives acelamalions, Bien-
tM les murailIes furent cscaladées el la ville prise. 'fOllt ce qui resista
passa par les armes; hnit mille hommes se rendirent.


Cependant le ll1aréchal Bessieres poursuinlit les débris des corps au-
trichiens) battlls a Abensberg et a Landshlll. Il les atteignil) le 2;) a
Neumar¡'~) au ll1oll1ent ou ils venaient de se rallier a un C01'pS de ré-
serve qui arrivait sur I'T nn, les batlit et leur fit quinze cents prison-
niers.




DE NAPOLÉO~. '1'::1" <1 .)~)


Ce memc jour) l'empereul' publiait, a ltatisbonnc, l' onl1'c UII jou!'
suirant :


« Soluats,
)) Vous aH'Z jUStilll~ mon atte'nte; vous avez suppléé au nomhre pm'


votl'e courage ; vous avez glorieusement m,ll'illlé la différence qui existo
entl'o les ~oldats de César el les anuées de XCI"':('s.


)) En pell de jom's) nous avons triomphé dans les trois hataílles
de Tann, el' Ahensherg el d'Eekmühl, d dans les eombats de Peis-
sing, de Landshut et de Ratishonne. Cent pü\ces de eanon, quarante
drapeaux, cinquanto millc pl'isonnie1's, t1'ois équipages altelés, trois
mille roitures attclées pol'lant les hagages, tmItes les eaisses des 1'égi-
ments, ,"oila lu résultat de la rapidilé de vos marches et de yotre COll-
fnge.


)) l/ennemi, eniHé par un euhind pat'jul'e, paraissait ne plus con-
sene1' aucun souvenil' de 'mus; son rén.'il a été prompt; vous lui uvez
pum plus terribles que jmnuis. i\agucl'e il a tnnersé l'Iun el emuhi le
territoire de nos alliés; nagu(.'re il se promettail de poder la guel'rc
au sdn de notre patrie. Aujolll'd'hlli, défait, épouvanté, il fuit en di's-
ordl'e; di'ja mon ayarJt-ganle a passé l'Inn; avant un 1110is nous serons
a Vienne. ))


Cctte 1l1'éJiction audacieuse sera aecolllplie, COlllll1e celle faite an roi
de Ilm;icre. l\apoléon va se porter rapidement sur la capitale de l'Au-
tl'iche. Le 50 avril, son quartier-général est a Illlrghausen , oú la COI11-
tesse d' Armanspe1'g vint le supplier de lui faire rendre son mal'i, que
les Autrichiens ont emmené pl'isonnier, comme sOllp~onné de sympa-
thie pour la }<'rance. C'est la qu'est publié ce troisieme hullctin de la
grande armée, dans lequel .l\npoléon, plcin du sOllvenir de l'entrevue
d'Austerlitz, et oubliant qu'jJ n'y a pas d'engagernent sacré pour les
priO('(>s de vieille raec avec les gou\'Cl'I1rments d'ol'igine réHJllltion-
naire, s'exprirne avec amerlullle el dureté sllr la ]w\'sonne mt'me de
l'empereur Frall~;ois. « L'empereur d'Aulriehe, dit-il, a f[llitté Yienne,
et u signé ¡¿m partanl une ]lI'odumation, rédigt':e par Gcntz, dans le
style et resprit des plus sots Jibelles. TI s'est porté ti Scharding, posi-
tion qu'il a choisÍe préei~élllcIlt pOll!' n'etre nulle part, ni dans sa ca-
pitale pOllr gouvcJ'Iler ses dats, ni ¡¡U emnp, oú il n'cút été f]lI'un il1-
utile embmTas, 11 est dimeile de yoir un lll'ince plus débil e el plus
fatlx. ») Si ~apoléon est I'ésolu ti détróncr le monarqlle qu'il olltrage




----~----~-- I


111 STO 1 ¡tE


urce lant ue l;ulennilé, l;un languge n'esl (lU'injuriellx i mais s'il doil
traiter eneore mec lui, et le laisser sur le trúne d'un(~ vllste el llUis-
sante monarehie, ce langage est impolilirlue, cal' jl jelle ullns l'ame du
prinee, si hautemeJlt outl'llgé, de lwofon(ls ressentiments, fllIÍ rendront,
plus que jamais, tuule paix el toute alliallee ayee la eonr ue Vienne
suspertes el r1angereusl's.


Lel el' mai, le qllartier-généraI s 'établit a lüed, oú l'rmpereur ar-
riya dans la nuit. Lr 5, un corps de tI'pnle mille Aulriehiem;, reste des
raincus de Landshut, se retil'ait sur Ebersberg, lorsf[u 'il fut alteint par
les tirailkLlrs du Pú el les tinülkUl's curses, (Iui lui 111'('lIt éprouver
une perle eonsidérabIe. B(~ssieres et Oudinot vCIlllient d'opél'er leur
johction ayee l\Iasséuu, et se dirigeaient sur Ebersberg, menagant d'en-
\cIopper et d'anéantir h~ eorps autriehiell ; le général Clapart~de mal'-
ehail en tete avee sa division, (¡ui ne eomptail guere que ~ept mili/'
hommes. Des (¡túl eut débouehé) l'pl1l1emi, dOlllla pO~itiOIl était avall-
lageuse, ne voulllt pas attendl'e (lile les divers (~()I'PS de l'al'mée fnlll-
¡;aise qui le poursUiYlliellt fussent arrivés; iI atlaqua la di\isioIl d'ayanl-
garue) apres avoir mis le 1'en a la ville, quí était (:olls[l'uile en bois. Ell
un inslanl, l'ineendie cllIbrasa tout, el gaglla jusqll'allx pl'f'mü"')'('s tr'[I-
"ées du pont. Le fen arreta la mal'rlw de B('ssi('l'es, (I"í passait le pUII[
arec la earaleríe pOllr sontenir C!apal'ble, Ce g¡"nél'al fut ainsi obligé
de se défendre seul) pendant trois heures, awc sept mili e houllnes,
contre trente mille. i\fais enllll un passage fut Oll"C1't a t.1'a\CI'S les
1]ammes ; les généraux Legrand et Durosnel surrinrl'Ilt l)ar eles points
différeuts. Le soldat fran¡;ais lit des prodiges d'intrépidilé el de valenr.
Le ehUleau fut emporté el incendié, et l'ennemi sc retira en désordre
jusqu'a Enns) oú ilImIla le pont ponr prot<;ger sa fuih~ dans la diree-
tion ele Vienne. Le combat d'Ehersberg emita aux Autrichiens douze
mi!le hommcs) dont sept millc cinq eents pl'isulIniel's. Le cinquiérne
bullptin signala en ces termes les \ainqueurs de ce tic joul'Ilt'e :


« La division CJaparMe, quí faít partie des g)'enadiers d'Oudinot,
s'est couverle de gloire; elle a cu trois eeuts hOllllues tllés et six eents
blessés. L'ímpdllosité des hataillon~ de tirailkurs du Pú el de lirailleul's
eorses a tixé l'atteution de tonte l'armée. Le pont, la "ille et la posi-
tion d'Ebel'sbel'g ~el'unt des IllOnUllll'Ills durables de leur eourage. Le
Yoyageur s' arretera el dira : --- C' est iel, e' es l de eette su pel'be posi-
tiOll, dé ce pont d'une si longlle étendue, de ce chatean si 1'Ol't par sa


I
I


" ------ "-----,~---I




DE ;'\IAPOLÉO\.


si[unlioll, qu'uJlc nl'méc \1(, lrell(e-rlllq lllille Antl'ichims a dé chassl'('
par scpt mili .. Fl'an~ai~. )


L'(,llllwl'eur ]'('~ut Ú SOIl biyo1HW d'Eb(,l'~hcrg- UIlC déplltatioll d('s
¡"[a[s de la J1allle->\llll'icl!e. JI {'(ludw, 1(' 4, a Ellas, dans le ehú[eau
ti" ('omle d'A \\('sl'el'g, el se rl'lrollva, le (j, ü crti<' fanH'llse abbay.'
de )lolrk, 0\1 il ~'étnil i1l'l'óf(" pelldanlla eampngne de ~ 805, el dont Irs
ean .. 's fOlll'llin'lIl edte f()i~ il LlI'llIée plnsi('llI's míllions de houloil!es do
vino En pass(]nl Ileran! les ruines du ehúteau dI' Di el'l1í'lein, ~\lI' pne
émin('fiee au d('II. de ~I()kk 1 el dans la diredion de YÍ<'nne, l'ellljlel'ellr
dit nll llliln'ehal Lannes, q\li ¡"[ait á ses (,{Ms: "negarde, voi!ú la pri-
son d(' Hidlm'll Cmnr-(]e-Lioll. Lui allssi alla, eomme IlOUS , en Syrie
rt en Palestille. Le CO'UI'-de-Lioll , mon hl'an' Lannes, n 'élait pas plus
bl'aH' <¡\le toi. 1l fut 11111S hplll'cUX que moi a Saint-Jean-d'Acre. Un
dile d'Autriehc le v('ndit il un empcrrul' d'Allemaglle qui le fit enferme.'
lit. C'dait le kmps de la har!Jal'ic. Quclle diffél'('ll('l' nYl'e Ilotl'e eiv¡li-
sation! On a 'u comment j'ai traité l'empcl'eul' tI' Aull'idlc (l11e jo j1ou-
vais f:lÍre prisonniel'. Eh bien! je le lntilcrai c\lco1'e de mÚIll(,. Ce 11' cst
pas l1loi qui VCllX eda, (,'est le tcmps! )) l\apoléon (H'ail raisol1 : ("était
le t(,l1lpS (lui le faisait gén('I'f'lL\, , grlllld, 1l1i1gnanillw apres la ,idojec;
c'('tait le sii'd(' fluí agissnit elllui, f[lHlIld il marljllait, par ses procf,(]és
('n\('l'~ les lllOTwl'ques ,ail1e\ls, la distallcc (Itli sé pare l10tre ci,ili~ation
d(~ la ha I'hilI'il'. Mais s'il ~e Jllonll'e \'I¡omm,' de la ciYilisalioll :1\('(' la
vieillc l'OymM, cdle-ci r('~lel'a, 11 son [i '111" (ligne (1<' son ol'igilH', f'l SI'
111011tl'el'<1 gal'di('nnc ¡idde des ('I'I'f'IlH-ills de Ll had,lJt'ü', Le' f!/'nip dI! dix-




---'-~-I


lJISTUIl\E


IlellV¡¿'me sÍt~do uvait dé I'húte eourtois et hiell\eillallt dn bivOllue d' AlIs-
tel'litz; le géllie du llloyen áge sera le gcolicr farollche de Sainle-Hélene.


De l\Iolck, le qllurtier-gélléral de l'empcreUl' fut porté a Saint-Pol
ten, dnns la jOllrnée du 8. Dellx jOllrs apres) a nenf hellres dll malin)
:\apoléon était aux portes de Yienne.


L'archiduc i\Iaxilllilien, rrere de l'impéralriec, commandait dans eclte
capilulc. 11 \olllut essayel' de In déren(ll'e. Les pI'emi¿'res sOJl1lllations
(lll'on luí nt rurent l'epoussées mee hnutem'. Ce jellue prinee })OllSSa l'a-
\clIgh'mellt jusqu'ií clécerner une cspece d'ovation au chef d'ull attt'Oupe-
meul qlli avait violé le dl'oil des gl'lls SUl' la pcrsonnc d'un aide-de-enmp
du lllal'échal Lauues, cnvoyé en parlemelltairc; iI fit prOl1lPnel' triom-
phalement ce forccné, cluns toutes les mes de Yienue, monté sur lc che-
val I11l'IllC dc l'oflicio¡' fran~ais qui avtlit dé lachelllcnt asstlilli et blcssé.


L'cmpo!'l'lIl' étuillllallrc des faubourgs) formant les deux tiel's de la
populalioll oc ecHe capitalc. II y orgauisa une garoe civ¡IIUO el dcs ll111-
Ilieipalitl's, qui cmoyel'enlune dépulalioll ti l'ardlÍ!luc pOli!' le suppliel'
d' l'pargucr lcllrs de!1lelll'es; le prillce fut peu tonché do celte démarclll' )
et le reu continua. Alors l'cmpereul' so ,it réduil ti ordonJ1el' lc hOlll-
ba\'(lement. Une hattcrie de ,ingt obusiers) placée ti cent loiscs des


relllpal't~, eOlllllH'[H:il, le ~ 1, Ü lll'llf heul'cs dll soi[', iI IClllc!J'OyOl' la




I
1-


DE :\APOLÉü\.


place. En lllOÍUS de quutre hcul'es, dix-huit cents obus fut'eut lan('é~.
La vj]]p ne présenta hícntM plus que l'aspect d'unc masse de fpu, sous
laquelle s'agitait en désOI'dre une populatíoIl désoléc. Apres (l'inutíles
effoI'ts conlre le travaíl des assiégeants, l'al'chiduc, apprenant que les
Fran~aís avaient passé un bl'as du Danubc, et craigmml qu'ils ne par-
vinssent a lui couper la re traite , sortit précipitammcnt de la ville i\ la
raveur de lu nuit, luissant uu général Ü'Reillí le soin de capituler. En
erfet, ti la pointe uu jOlll', ce général nt annonCCI' qu'on allait ccsscr le
feo, et peu apr(\s, une députation, rlont l'archcveque de Vicnne faisait
pudie, fut envoyée aupres de Napoléon, qui la rer,ut dans lp paro de
Schambrunn.


Le meme jour, 42, )fasséna s 'empara de Léopoldstadt. Dllns la soi-
rée , la capitlllal.íon <In Vienne fnt sign(\e, el le ·15 , [1 si" hcul'es du ma-
tin, Üu(linot, a la tete de ses grenadiel's, pl'it posspssion de la place.
L'ord.'e du joU!' suinmt fu! aussitM pllblié :


" Soldats,
" UlIl110is al1\'(\s que l'ennemi passa non, au mellle jOlll', il la mellle


heul'o, nons sommes entl'és dans Yienne.
« Sos landwehI's, ses levées en masse, ses remparts crt'és par la ruge


impllissante des prioces de la maison de LOl'l'aine, n'ont point soutel1u
vos regal'ds.


» Les prínces de ectte maison out abandonné Ieur capitale, lIon
comme des soldats d'honneul' qui cecIent aux cil'constanees et aux re-
VOl'S de la guerJ'e, l11ais eomme des parjures que pOllrsllivent leurs 1'('-
morcls.


)) En fllyallt de Vienue , \elll'S adieux a ses habitants ont été le meul'-
tee et ¡'incendie; comnw "U'dt'e, ils ont de lellrs propres mains ¡"gorg(~
leues f'nfants.


» Le peupll' de Yiennc) SeIOII l'cxpl'ession de la dépntation de ses
fallbollI'gs, délaissé, abandonné, veuf, sera l'ohjcl de vos égards. J'm
prends les habitants SOllS ma sp¡leiale protedion. QlIant illlX llOmnws
tllrblllenls et méchants, j'en feraí une jllstiee exel11plnil'e.


)) Soldats! soyons bons pOllr ]ps pOllvres paysans, pOlll' ce !Jon pell-
pIe qni a tont de droils ü nolt'e estime. Ne eonseJ'Yons aucnn ol'glH'il
de tous nos sucees; voyons-y Ull!' prellV<' Ik cetti' juslice divino qui
pllnil¡'ingl'at I't le pat'jUl'e.




¡----------
l(iU 1-11 STOII\E


L'llI'll1é(~ auh'iehienne, en abalHlonnant la capilale dc rcmpil'e, u'a-
vait pas reHollcé a la guerreo Couvel'le par 11' DanuJw) dont elle avait
Jélnüt les ponls u Vienne el dalls les lieux cuvironnants, dl(~ altellllait
une oecasion farorahle pOul· pl'endl'e I'offensi,e. Le pont de Liutz fui
le pl'plllie!' hut de ses attaqlles; mais Yandamme lui rl'sisla vigou!'cu-
sement J et Bematlottc, qui slInillt, la mit en pleillü dó!'uute. De son
coté, Napoléoll élail aussi impatient dl' foreer le passage du fleme,
pOllr IlCheY81' edle glol'icuse eampagne. La reconslrue!ioIl du pont
lixait done n!o\'s sa sollicitude. l\lasséna en avaít établi plllS!ellrS sur les
bras du Danube qui baignellll'ile de Lobnu; l\'apoléon I'ésolut de s'('\}
senil' pOli!' le passage de I'al'luée mUere. En trois jOlll'S) lcs eorps de
Lannes, Bessieres el JI ass(;na se trOl" el'cul en positio!l dans l'lIe. On
eommuni(lllait awe la rire Jroite par un pont de JlalPatlX 1 long de eilHI
eents toises 1 et eOIlVl'allt tl'ois bl'as c/u fleuH~. Un auh'(~ pon! , qui n'a-
vaH qu'une longueu\' de soixante el une toises, joignuit rile 11 la l'i\C
gaUl~he. C 'est pat' lu que déboueb¿'J'ent sans obslaeks tl'cll1e-eiwl l1Iille
hommes, dans la jO\lrné(~ du 2 t mai) pOli!' alle\' se metll'p en halailJe
d'A~pe\'ll ti Esslillg. Mais YCI'S les quat!'e helll'('s <fu SOíl', I':!n:liídllc
Charles J qui avait rasselllblé tous les (léhl'is des direl's COI'pS 1l11lrí-
ehiens hatlus cn Bmícre, el ((ui avail fail avtlUCl'r ses l'ésc!'ves) se [ll'é-
senla ü la tete Jc ccnl mille h0Il1111eS 1 el "inl fondrc SUl' les eol'ps de
Masséna, de Bessiel'es et de Lanncs, les seuls de 1'U1'mée franl;aise fluí
eussent gagll6 la gauche du Danube. Masséna fut le premiel' attaqué
dans Aspel'n, et il s'y mainlint, mnlgré l'inrél'Íorité lIu nombre, pm'
(les prodiges (le valAm'; tmmes en lit autant dans Essling, tandis qlW
Bessieres faisait de brillantes ('ltarges de cavakrie eonl\'e le eeut\'e de
l' cllnl'llli, pIncé enlre ecs dClIx Yillnges.


Ln Iluít fit cessl'r 11' fell. Les eent mille A u [¡'iehiens du )lrinee Chnrll'~
n'avaient pu fnír(~ perdre un pOllee de t81'I'ain nm tnmte-cínlI milh~
Fl'at)(::ais de ;)Iassénu., dc Lanncs et de Bl'Ssiel'cs, Vicunent dOl\c des
I'cnfol'ls, el, la jOllrn<'~e dlllell¡)Plllain sel'a funesle ü l'al'('hiduc. En erfe!,
les grenarliers t!'Olldinot, la di\ision Saint-Tl ilaíl'l', dt,UX ])l'jgadl's de
cayalc!'!e ll'ge!'L' el le Ira in d'al'tillel'ie pasSl'rent les )lOllts dans la Iluit,
el villl'('nt pl'endl'e position sur la ligne de halaille, ]\a(loléol! disposa
lout pOli!' une grande yidoire. A <}uat!'L' 11l'u!'es du mulin 1 le signal du
('ombat fut l'llcore dOllllé par I'cllllemi ('ontl'e 1" \iIJage IrA~llt'rn ; mais
31usSl'IlU daillil pOli!' le dd'endl'(', Ce! illllstl'P glH'ITi('l', dont rintl'('pi-




DE :OI'OLÉO:'\. 4til


<lité, le sang-fl'Oid d les tulcllts militail'C's u'apparaissaient jamais miCl!:\
que dans les jlOSitioIlS diflieill's, llC se contenta pas de repolNl'l' ks
Au[ridliclJs 11 el!lU'IIIW de lcul's alllHllll'S; il pl'it !.Jil'utot IlIi-m¡\mc 1'0['-
fensive, el culbula yiVCmcllt ks l'oluunes qui lui élaiellt opposées. Dans
le llIellll' JIl01llellt, J "mues d la jeune gUl'lle se portaiellt impétw'use-
lllcnl SUl' lc centre de l'anllée aull'iehienne, aUn de eoupcl' la COl11mll-
Iliealioll des ueux ailes. TOllt plia devaut I'héro'iqllC maréehal, el la
vicloire devenait eel'taine et décisive, lorsqlle, yers les sept heurcs du
matin, on annon~a a l'empercul' tju \1I1e cl'ue subite dn Danube, ayallt
mtl'aiué des aI'bl'es, des radeaux el des débris de maisou, avail ell1-
porté le gnmd pont qui joignait I'ile de Lo!.Jau 11 la l'ive droite, el <lui
/'ol'llwit I'uniljlle yoic de eommunieation entre \es ('(ll'pS ellgagl's sur la
l'ive gallche et le resle de l'ar'móe lI'3ngaise. A celte nouvelle, Napo-
léoll, qui n'mait gUL~l'e flWC Ini que cinquullte mille hommes pou!' tenir
tele ¡¡ !Cent mille , IU suspendre le lllOUyement ell f1Vflut, el ol'donna 11 ses
maréchallx de conserver selllement lelll' positiol1, pour opél'e1' ensuitl'
lem' I'ell'aile en !Jon o1'd1'e uaus rile de Lobun. Cd (mire fut exéclIté.
C(~néI'UllX el soldals soutinrent \CaleUrellselllt'nt I'honnelll' Ilu drapeau
fl'mI9ai:,;. L 'eunümi , inslruit de la l'upture des ponts) (luí mnit fll'l'cté le
pare de I'éserve de I'armée fnm<;aisl', cl (¡ui la pl'ivait ainsi tIe cfll'touehes
;, canon el d'illl'anlerie, 1'l'nnl'lllí s'enharllit ,) l'eprendl'e l'offensive sur
tOllS lt>s points. II attaqna en lllellle telllps Aspel'l1 el Essling, pcndant
t!'Ois foís, el tl'ois (oís il fut l'epoussé. Le gÓ1óral ;Uouton se signala il
la tete des fusiliers (le la garete. Le maréchal Lanncs, que l'empereur
avait chargé de conserver le champ de !Jataillc) remplit vaillamment
cctle tache; il ('onlribua puissamment il samel' cptte belle porlioIl de
1',lI'Inée fl'angaise dont un coujJ dll SOl't "enait de eompromettre l'exis-
[ellc('. :Uais el' seniee édalant était le del'llier quc ce solda! ilIustl'e tllH
I'clldl'e a SOIl pays et au gl'and capilaine r¡ui était pJulót son ami que
~011 maUre. Un !.Joulet luí emporla Ja cuisse SU1' la fin de la joumée.
L'umputntion fuI faite immédiatemellt, el avec UII sllcces qui 111 conee-
voit, des espérancE's quí ne se l'éalisL'renl paso Le Illal'éehal fut pOl'lé
SlII' un bl'lll1canl devant l'elllpCI'CUI', (llli He pul relenil' srs larmes a la
"lIe de rlln de ses plus dH'l'S eompa¡molls (['armes blcssé ti lllod. « 11
fallail hiell, díl-ill'll se lOlll'llant Yel'S cellx qlli l'cmil'onnaient, que mon
C([,llI', dans eelle jOlII'I1I"C, fút fnlppé par un l'Ollp au:,;si spnsible, pour
(1110 jl~ pllSSl' m'a]JLllldolllll'l' iI d'uult'cs S()Í1ls qUl' ('('11\ ¡k 111011 arll1l'{'. )




\62 IIISTOIRE


Lanncs, (lui arait 1)('1'(111 c0I111aissancc ) repl'it ses sens cn sc rctrouvant


¡¡reS de Napoléon; il se jeta a son cou) et lui dit: "Dans IIne heure ,
vous aurcz pcrdu celui qui mcurl avec la gloil'C et la conviction fl'avoi,'
été el d'etrc votre meillem ami, J) Le maréchnl vécut cncore dix jours,
et ron con<jut meme un instanL l'cspoir de lc sauver; mais unc ficvre
pernideuse l'emporta, le 51 mai, n Yienne. " e'est au mnmcnt tll'
<Juittcr la vie, a dit Kapoléon, qu'on s'y raltache de toutes ses forces.
Lannes) le plus bravc de tous les l!olllllles, LauIJes, privé de ses deux
jamhcs, nc voulail pas mOlll'ü'... A ehaque instant, lc malheurcux
demandait l'empcl'eul'; il se crampollnait a moi de tont le reste de'
¡;a vie; il ne vOlllait que moi, !le pl'lIsait qu'a llloi. Espece d'inslinct!
Assul'émcnl, il aimait mil'lIx sa fCllll11e rt scs cnfnnts que moi; il IJ'cn
parlait pourtnnt pas : c'est qu'il Il'm altendnit ri(>n; e'était lni ¡lui le's
pl'Oll';.!;cait, taudis q u 'au contrairc) ll1oi, j'élais son protccteur, .1' étais
pou!' lui qudquc chose dc vaguc, de supéril'lIl'; j'dais S3 l)l'ovidcnce:
il implorait!... JI ¡'.tuit illlJlossiblc, njontait Kapoléon, impnssible
menw, d\)tl'c plus Ill'aye que ~IlI!'at ('Í Lanucs. Mural n'¡\[nit ¡J(,Il1l'l1l'l'


" ____ 1




DE NAPOLÉON.
que brave. L'psprit do Lauucs avait gralllli au 'llvpau de son coul'age;
il élait devcnu un géant. .. S'il etlt vécu dans ces del'l1iel's temps, jo !le
pcnsc [las qu'il eút été possible de le yo ir manque!' a l'honneUl' et au
devoil' ... Il était de Ct'S hommes ti changc!' la face des uffaires pat' son
propl'e poids el par sa propre inflnence. ))


La lmtaille d'Essling porta un autre eoup aux affections privé es dp
I'emperollr, et enleva ti l'armée l'uu de ses ehcfs les plus braves ct les
plus hahiles) le géneral Saint-Hilaire. (( Dans eeHe journée, disent 1Ps
1Jlémoires de Napoléon) pél'il'ent les genéraux duc de l\IontpJ)ello el
Suint-IIiluire, deux héms, les meilleurs amis de Napoléon; il en H'J'sa
des larmes. Ceux-Ia n'eussent pas manqué de constancc dans ses mal-
!leurs, ils n 'eussout pas été infidéles [¡ la gloiJ'e du peuple fraIH;ais, »
Ces portes eruolles causerent une affliction profonde a l'empereur) d
le l'amenerent tristement a la pensee du néant des eh oses humaines.
ÉCl'ivant, le 51 mai, a Joséphine , et lui eonfiant sa douleur an sujet tI!'
la mort de Launes, qui avait sueeombé le ll1atin, illaissa tomber de sa
plume eeUe amere réilexion: « Ainsi tout finit! » ouhliant en ce mo-
J1101lt la grandeUt' de son rou vre d l'immensité de sa gloire, qu'il es-
pél'llit hien d'ailIuurs renclre imperissahles, el l'ollÍllion de celle ]losté-
rité dont il s'était rait un e\llte, d clonlla justiec ne pouvail faiIlir) ni
,'¡ lui, ni a ses immoJ'tels compagnons d'armes.


La jOlll'I1ée d' Es~ling , éminemment glorieuse pOUl' les arl11<'S f,'an-
~ai,es, laissa cependant la victoire indéeise : des deux parts, on s'at-
tl'ilJua le tl'iompho, Aux yeux de l'Europe, e'était un échce pour :\'a-
po}¡'~on, habitllú a éerasel' son enl1emi J de n 'avoir pu ecUe fois clwsspl'
les A utl'iehiens de leurs positions , el el' avoir élé réduit, par un acCÍ-
den! impl'éHl el lllll' finft'l'iol'ité de ses forees, a gm'der les siennes.
L 'cmp('J'('IIl' (,OJ1llwit que eeHe halt('~ pt'O(lnirait un prf(~t moral ass('z f¡'¡-
('h('IIX, tant en Frunce <TU'a l'étl'Ungel', pOUt' qu'il dúl s'alladlel' lt IlC
pas aggraver le lllul pUl' le moindl'e mou\enwnt l'éll'ograde. lll'ésolul
done de se maintenil' dans ecUe He de Loball , qui n'avait dú éh'e d'a-
hOl'd qu'llne espece d'cntrepót po u!' le passage dll Danllbe, el clans 1<1-
([IH'I1e le débordemcnt dll flollve ot la ruptUl'c des ponls vcnaient de
['cmpl'iSOnnel' avee une partie de son arméc.


De son eúté, le prince Charles, inquict cles mOllvements de Davoust,
(lui hombal'dait Presbourg) ll'osa pas prcndl'o l'offensivo, l'Í se décidn
il I'ol'tiliel' su positioll cutre Aspern el Enzl'l'sdol'f.




HISTPIIIE


Cl'llendunl l\'apoléoIl faisnit tl'll\nilier actiH't1Icnl Ü la I'l'collstl'll('liOI\
des ponls; hicnlót les commllnicntions de l'ile nH'C la rive droite I'llrrllt
rétablic~, On npprit rnsllile que l'm'Ill('.¡· ¡j'ltnlie, ~OIlS les ordl'(,s dll
lwincc Engcne, nyait battn cOlllplélelllrnt, it Saint-Jlichrl, le ('Orps nu-
h'irhien ¡j'Irllnchich, Imis jOlll'S n¡H't's la hataille d'Essling, d qne les
vninqllcurs avnirnt opéré J¡'\Ir ,jonetion awc l'arml'(' d'Allemagl\e ~1I1'
les ltuulclIl's du Sil11ll1el'ing, Ccl helll'ellX h-l'nellwllt fut anno!1ré all\
tl'ollprs pnr la pl'oc!amalion sni \antc :


(( Soldals (le rarmée lrIlalir,
Il Vous mez glot'icusement altcint le hut ([\le jc YOUS ;¡yais mm'qm'·;


le Sillllllel'ing n ólé témoin de votre jondion <1\ el' la pT,ll1dc ill'luéc.
Il Soyez les hiemnms! .Te snis eontent de vous!!! SlIl'pl'is lHII' UIl


ellllemi IWl'lide avnnt que YOS eülOlIllCS fllssent rÓlInips, YOIIS avpz (11'1
rl>tl'Ogl'adcl' jusqu'ú l' Adigc; mais lorsqnc vous J'c~úlcs \'o\'dt'c (le mul'-
d](·¡, en ayant, YOllS ótipz SUl' le c1wmp m('~m()l'ahlc d' A ['('ole, el 1:\,
YOUS jurutes, 511\' les manes de nos hét'os, de triompher, Vous UH'Z
tenu pal'Ole 11 la balaille de la Piava, au\ eOflllHlt,; de Saillt-Dallid, dI'
Tanis, de Goriee .. , La eolonrw alltrichi('illle dI' 1('I!i!chi('h, qui la
11l'etll¡l'I'C cntra dans )Iunieh, qlli r!ollna le signal des 1ll:15sael'('S d<lns k
Tyl'o] , envil'Onnéc ú Sainl-:\Jiehcl, est tomlll'!' SOllS \OS baúmnet!¡>s,
Yous arez rait une prompte jusliee de ccs débl'iR déroh¡"s tI la eoh'rc
de la gl'alHle armée,


)) Soldals, l'ltte arm¡"c alltrichieIllle d'ltalic, l]lli, un ll1o\l1cnL, souilla
pm' sa prl'sence IllPS pl'min('cs, (¡ui ayait la pl'¡"o¡mlio!1 (\r beiset' ma
COI1\'Onlle de fl'!', battur, dispeJ'sée, alll'antie, grtlec il YOllS, sera lit 1
cxclllple dc la '('l'ilt' d(' edIl' devisc: Dieu 111(' 1:[ dOlltle, gnn~ Ü qlli la
t(Juche. "


La jmiction (n:lIg(o¡¡e fut sllivÍl' (¡'lltte nO\ln'lIe ,id(jire quc cl'
prillce remporta , sur ,'archidue Jenn ct l'arehiduc palatiu , il Baah, le
H juin, annÍ\el'sail'e dcs halnilles de lUut'('ngo el de Fr¡edland, ~1n['­
mont, a¡wes des sucros en ])ulmntir, yint, it son tour, se I'éllllir it la
gl'ande Hl'm(>e, ct se mrHI'(~ dans le cel'clc d'opération de l'empereul'.
D(\s lors, ~ apohjon vit (ll!!' le Illonwnt ótnit H'llll de porter le COllp (I!"-
cisil auque! il se pn:'parait dqmis plus ~1'1I1l m()i~, Allt'¿'s le s:lIlg ill-
ntilc g!oriensel1wnt Ycrs(', Ü Eylau, il lui mail rallu Friedi:lIld; npt'('s
Esslillg, iJ Ini f;l!lail W,lgt':llll, Yoi('i 11' I'ú'it (]e' edil' balnil!(' (·,Irail du
\ingl-cillfjuil·tll!' hlllldin , (lui :maol1ce (\'ahor<l 1(' J1ao~;l(' <111 ]);Hlul)(',


-,


I




DE \APOLÉO\.
le 4 jllillct, il dix helll'es tlu soir, ¡'incendie d'Ellzel'sJol'Í, el lJlJ('¡(IIJ('~
ilvantages dans la joumée dI! ¡;


ll.n.ULLE IJE WAGIUM.


" "ivement effrayé des pl'Ogl'es de I'armée fl'1lll~aise, el des gmnds
résullalsqu 'elle ohtellait IH'esque sans erforts ) l'ennemi fit marcher
toutes ses [mupes, et it síx heUl'cs lit! soir il oceupa la position sui-
\ante : sa tkoite, de Stadclau 1'1 GerasdOl'f; son centr'e, de Gel'as dOl'f
iI Wagram, et Sll gauche, de Wagram iI Nellsediel. L'année fraIl~llisL'
avait sa gauche iI Gross-Aspern) son eentr'(! iI Raschdo..r) et sa dr'oite
iI Glinzendorf. Dans ('elte POSitioIl, la jOllt'lléc paraíssait prcsque fluíe ,
et il f¡¡lIail s'¡¡ltendrc ü a,oir' le lendemain une grande bataille; mais
on l'évitait, et on coupaít la position de l' PIlIH'rní en l'cmpcchant d('
cOIlceyoir aucun syslt'me) si dans la nnít on s'emp¡¡rait du villagc dI'
Wag,'am : alol'5 sa ligne, déjil iIl1ll1ense) prise 11 la húte el par I('~


59




'~-------------------------_.-----------r


..


466 HlSTOIRE


chances du combat, laisserait errer les différents corps dr l'armée sans
ordre et sans dil'eetion) el 00 ('(l alll'ait en boo mUl'ché saos engngement
sérieux. L'aUaque de Wagram eUt lipll : nos tl'oupes emporte!'ent ce
viJIage; mais \lne colonne tic Saxons I:'t une colonne tiC' FI'an~ais se
pril'ent dans l'obsclIl'Íté pour des t!'oupes eooemies, et cette opéralion
fut maoquée.


)) On se prépara a10rs a la batui1le de Wagram. II parait quc les dis-
positions du généraI fl'angais el dll gén(\l'ill autl'Íchiell fureot inverses .
L'empereUl' passa tonte la nllil 11 rassembler sps forces sur son centre,
ou i1 était de sa pel'soone 1 a une pCJI'lée de caooo de Wagrmn. A cet
effet, le (lnc de Rivoli se porta sur la gau('he d'Adeddau 1 en laissaol slIr
Aspero une senle division, qni eut ordl'e de se rrplier en ('as d'évéoe-
menl sur l'ile de Lobau. Le ducd'Aurrslaedt rccevait 1'00'<1re de dépasspr
le village Grosshoffen pour s'approcher du centre. Le gélléral autri-
cbieo 1 an conlraire) affaiblissait son centre pour garnir el augmentcl'
ses exLrémités, auxquelles il donnait une nouvelJe étendue.


) Le 6, a la poinle du jour, lo prince elo Pon le-Corvo orrupa In
gauche, ayant en seronde Iigne le duc de llivoli. Le vico-J'oi le liail un
centro 1 OU lo corps du comlo Oudinot, celui dn due de Rnguse, ernx
de la garde impériale et les di visions de cuirassiers fonDaient sept ou
huit lignes.


) Le due d'Auerstaedt marcha de la droite pour arriver au ceoÍl'e.
L'ennemi, an contl'ail'e, mettail le corps de Bellegarde en marche sur
Stadclau. Les corps de ColoWl'ath, de Lichtenstein et de lIiIler liaient
ceHe droite a la positioo de Wagram 1 OU était lo prinec de Hohenzol-
lern, et a l'extrémité de la gauche, a Neusiedel, on débouehail le corps
de Rosemberg, pour déborder égalemeot le due d' AuerstaedL Le corps
de Rosemberg et celllí dn duc d' Auerstacdt, Caisaot un mouvement in-
verse, se rencontl'crent au pl'emier rayon du soleil, el donnerent le
signal de la bataille. L'empel'Clll' se porta aussit(it sur ce point, fit ren-
forcer lo duc d'Áucrstaedl par la division de cuirassiers du duc de
Padone, el fil prendre le corps de Rosemberg en flanc par une baUe-
l'Íe de douze picees de la division du général comle Nansonly. En moins
de trois quarts d'henre, le beau corps dll due d' Auerstacdt cut fait
raison du corps de Rosemberg, le eulbuta, el le rejeta au del a de Neu-
siedel, apres lui avoir fait beaueoup de mal.


,) Pendant ce temps la canonnade s'cngageait SIII' toute la ligne, et
---_.- ._._----_ .. _-- ._--_._------------




DE NAPOLÉON. .167
les dispositions de l' ennemi se dévcloppaient de moment en moment;
tau[e su gauche se garnissail d'artilIerie : on eút dit que le général au·
trlclJien ne se ballail pas pour la victoire, mais qu·'il n'avait en vue que
Je moyen d' en p I'ofi ter . Celtedisposition de l' enncmi pal'uissait si in-
sensée, que ron eraignait quelque piége, et que l'empereur différa
quelque temps arant d'onlonner les fueiles dispositions qu'i! avait a
faire pour annuler celles de l'ennemi et les lui rendl'e fuuestes. II 01'-
donnu uu duc de Rivoli de [aire une aUuque sur un víllage qu'occupait
l'ennemi, et qui pressait un pell l'e:xtl'émité du centre de l'armée. 11
ordonnu uu due d'Auerstuedl de toul'ller la position de l.\'eusiedel, et
de pousser de la sur Wugrum; el il fi! former en colonne le duc de
Raguse et le général 1\lacdonald) pour enleyer Wagram au moment Ol!
déboueherait le duc d'Auerstuedt.


)) Sur ces entrefaites, on vint prévenir que l'ennemi attaquait avee
fureur le vmage qu'avuit enlevé le duc de nivolij que notre gauche était


'\--:-:-=~~---


,~~~


d6bordée de trois mille toises; qu'une vive canonnade se faisait déja
entendre a Gross-Aspern, et que rintrrvalle de Gross-Aspern u Wa-
gram paraissait couvert d'une immense ligne d'arlillerie. II n'y eut plus
a douler : l'ennemi commettait une énorme raule; il ne s'agissait que
d'en profi[er. L'empereur ordonna sur-le-champ au générall\laedonald
de disposer les divisions nroussier el Lamarque en colonne d'attaque :
iIles fit soulenil' par la division du général Nansouly, par la garde a


1 _________________________________________ _




~68 111 STOll\ E


cltcval, el pal' une batterie de soixlIntc pieces de la gardo el de qua-
mnte pieees des différents COr¡lS, Le général comte de Lauristoo, a 11I l·


tete de eette baUerie de cent picees d'arlillerie, llIarChll au trot a I'eo-
ncmi, s'lIvanlda slIns tirer jusqu'illll demi-podée du ClInon, et la com-
men~a un Ceu prodigieux qui éteignit celuí de l'ennemi , et porta 11I mort
dnns ses rllngs. Le générallUacdonald marcha alors UH pns de dlllI'ge.
Le général de division Reille, avee la brigade de fusiliers et de tirnil-
leurs de In garde, soutenait le générnll\Iaedonald. Ln gnrde nvnit fuiL
un changement de froot pour rendl'o ccllo attnque infnillible. Dans un
clin d'roil le centre de l'eoncmi perdit une lieue de terrain ; Sll droite ,
épouvantée, sentit le danger de 11I position ou elle s'étnit placee, el
rétrograda en grande hUte. Le dlle de Rivoli l'atlaqIlll alors en tete.
Pendant que la déroute du cenh'e portait la consternation et for~lIit
les mouvements de la droite de l'ennemi, sa gauche était attaquée el
débordée par le duc el' Auerstaedt, qui avnit enlevé l\"eusiedel, et quí,
étant monté sur le plnteau, marchait sur Wngl'um. La division Bl'o"s-
sier et In division Gudin se sont comerles de gloire.


)) Tl n'était alors que dix heures du matin, et les hommos les moins
dairvoynnls voyaient quo la jOUI'IH"e était déoidée) et que la vietoire
était ti nous.


A midi, le comte Oudinot Illnrcha sur Wagl'um pour nicler a l'at-
taque du dnc el' Auerslaedt. 11 y réussit 1 et enlevn edte importante po-
sition. Des dix lH'ures, l'ennellli ne se battnit plus que pom' sa retraite;
des midi, ello étnit prononcée et se faisait en désordre, et beaueoup avnnt
I'a nuit l'ennemi était hors de vue. Nutre gauche étnit placée a Jetelsée




--------- -- ----------------


DE NAPOLÉO~. 469
et f;bel'sdorf, notre centre sur Obersdorf, et la cavulerie de notre
droite avait des postes jusqu 'a Sonki,'chen,


» Le 7, a la pointe du jom,: rm'mée était en mouvement, et mar-
chait sur KOl'Ileubourg et Wolkersdorr, ct avait des postes sur l\icols-
bourg. L'ellnemi, coupé de la Hongrie el de la Moravie, se trouvait
acculé du coté de la Boh{~me,


» Tel est le récil de la bataille de Wngl'am, bataille déeisive et i:1 ja-
mais célebre, ou trois a quntre cent mille hommes, dom~e 11 quillZc
cents pieces de canon se LaHaient pOUI' de grands intérets, sur un ehnmp
de bataille étudié, médité, fortifié par l'ennemi depuis plusieul's mois,
Dix drapeaux, qual'allle pieccs de canon, vingt mille prisonniel's, dont
trois ou quatl'e cents officiers, et bon nombl'e de génél'aux, de coloncls
et de majors, sont des trophées de celte vidoire, Les champs de ba-
taille sont couverts de morts, parmi lesquels on trouve les corps de
plllsicurs généraux, et entre autr'es d'lln nommé Normann, Frangai:;,
traitre 11 sa patrie, qui avait prostitué ses talents contre elle, ))


Pom' la troisieme fois, l\'apoléon se trouvait maitl'e des deslinées de
la maison de Lorraine, qll'il mait accusée d 'ingratitude el de paJ'jllre,
devunt l'Europe ct devant l'hisloire: pour la troisieme fois, ce vaiu-
queur, si violent dans ses menaces, si aceablant dans ses reproches,
accueillit avec emprt'~sement les propositions pacifiques des provoea-
teUl'S de la guern~, donl la joul'llée de Wagl'Um avnit renyersé les es-
pérnnces el délr'uit tontes les ressolll'ces. L'emperellr d'Auh'iche ayanl
fait demander une suspension d' arllles , l\apoléon la lui accorda ) et elle
fut signée le 4 O j uíllet, a Zna 1111. Lrs négociations pour la paix s 'ollvri-
I'enl aussitót; elles dllrerent t!'Ois mois, pendant lesquels l\'apoléon
habita le chúteHlI de Sch<pnbJ'unn.


Ce fut daos eclte résid('nce ([u'il apprit le clébarquement de dix-huit
mille Aoglais dans j'j]e de W nlchel'en , la capitulalion de Flessíngue, el
les tentatives slIr' Anvers. Il tit parti!' aussitót Bel'lladotte et le minisll'{)
Daru, pOlll' veiHer a la défense de celte derniere place. Les Anglais fu-
rent en effet repoussés et contl'aints de se n'mharquer pour retourner en
Angleterre, apl'es avoir prl'dll , par les lllaladies) les trois quar[s de
cette al'lnée expédilionnaire,


L'empeJ'eul' ordonna de mettre en jugement le général Monct, quí
ne s'étail pas suftisamment cléfendu dans Flessingue,


l\Iais nut:mt il était séve¡'c envers ccux qui ne lui paraissnient pas avoj¡'
, _____ -------_ .. _--_._------ -- - ---- ------------ -- -




470 HISTOIRE


faH tout ce qui leur était possible pour sauver l'honneur fran~ais, au-
tant il se plaisait a proclamer el 11 recompensel'le mérite des hommes
de téte et de cmur qui le secondaient puissamment dans les camps et
dans les consrils. C'esl ainsi qu'aprcs Wagram iI nomma tmis nou-
vcal1X maréehaux, üudinot, l\facdonald et l\farmont.


L'armée fl'an~aisc était alors étahlie sur tOU8 les points de I'Alle-
magne J dcpl1is le Danuhc jllsqll'id'Elbe, depuis le Rhin jusqu'a rOdero
Cctte occupalion, toujours onéreuse pour les haLilants, les disposait
a écouter com¡llaisamment toutes les décIamations violen tes que les
agmls de l' AngletelTe el les émissuírcs de Vienne et de Berlin fai-
saicnt entendl'e contre la France et contre son chef. La marche de
la diplomatie était ignorée des populations allemandes , peu au fail de la
déloyaulé de leur ehancellerie , et qui , saeh,ml tI'cs-hien seulement que
la guerre étnit un f1éau ponr elles, en rapportaient naturellemcnt la
responsaLilité a cclui qui envahissait leur territoire et qni semhlait
elre insatiahle dans ses conquétes. De HI, celte haine nationale qui
commen~a des lors a fermenter dans la Germanie contre Napoléon, et
qui prépara de nouveaux et de redoutables ennemis parmi les peuples
au représentant du principe populaire, qui n'en avait eu réellement
jusque-lil que d'impuissants parmi les rois.


Les premiers symptómes de l'existence et de l'intensité de cette
an tipa lhie naissante se monlrerent d'une maniere frappante a Scheen-
brunn, dan s la tentatiye d'un jeune fanatique, venu d'Erfurth a "ienne)
pour assassincr Napoléon. Surpris, au moment ou il allait meUre
son projet a exécution) il resta calme et impassihle, ne témoigna ja-
mais aucun repentir, et n'expl'irna que le I'egeet de n'avoir pas tué
l'empereur: J\'apoléon voulut l'interroger lui-meme sur son pays, sa
famille, ses liaison s , ses habitudes. Il déclara se nommer Staps, d'Er-
furth, etre fils d'un ministre IUlhérien, n'avoir jamais connu Schill
ni Schneider, et n'eÍl'e affilié ni aux feancs-magons ni aux illuminés.
L'empcrcur lui demanda poul'quoi, l'ayant vu 11 Erfurth, il n'avait
pas chereM a 10rs a le tuer. « Vous laissiez respirer mon pa ys , répon-
dit-il, je croyais la paíx assurée. » Ce jeune hornrne n'avail done vOlllu
frapper en J\'llpoléon que l'aulenr de la guerre, le conquérant infa-
tigahle, le perlurbateur du repos européen. Si les peuples d'Allemagne
eussent mieux connu l'étal réel des e/loses, et les véritables proYoca-


1 __ ~:_:l~ guerre, C':'_ cODtrc:u::rovr:go:v:cments que leur




DE NAPOLÉO~.
haine [)!]("ait été didgée, qlle leur bras se serait levé. Napoléon com-
prit) aux réponsl's oc ce jeulle hommo , combien In poli tique menson-
gere de ses ennemis avait exalté les teles ell Allcmagne. 1I aurait voulu ,
dit-on, faire graee a Slaps, dont la franchise el le eouragc l'uvaient


frappé, et en qui d'ailleurs il ne voyait qu'un instrument aveugle des
passions soulcvées par la vieille diplomatie. Mais ses ordres n'arri-
verent pas a tcmps. Le jeune Allemand re~ut la mort avec le plus grand
sang-froid, en criant : Vive la paix! vive la liberté! vive l' Allemagne 1


La paix, qui avait allssi ses séides SUl' le sol germanique, fut enlin
cooc1ue a Vienne le 14 octobrcl8h9. L'emperenr d'Alltriche fut soumis
il de nonvelles concessions territoriales envers la France, la Saxe , etc.
Le czar, dont les YffilIX avaient été probablement pour les ennemis de
la France pendant la gnerre, le czar lui-meme cut 8a part de la dé-
pouille de ses allies secrets: Napolcon, qni eroyait tonjours a la sin ..
cér'ité des démonslrations d'Errurth, fit donnrr 11 Alrxandre la partie


~-~-------~----------




r .~-~._--~.---------


--172 IIISTOIRE DE NAPOLÉON.
la plus oriental e de l'ancienne Gallicie, l'cnfcrmanl quatT'c ccnt mille
umes de population. Le traité signé, jI quilla Sch(enbl'llllll pOUl' rctour-
ner en Fralle(', d alTiva le 26 octobrc a Fontainebleall.


------~---------------------




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CHAPITllE XXX.


E toutes parts, les mis a"aieot cessé de ré-
sistel', sur le continent, i1 l'asccndant de la


Y,fortuoe de Napoléoo ct i:t la puissuocc de ses
UI'HIPS. L'orgueil héréelitaire des dynastirs el
des aristoeraties dait J)urtout yaincu; il 5'a-
ibaissait elevan! la gloire pléul'il'One du tdme


'- - impél'ial, ou se réfugiait un dela des mers ,
,R{" ,~j!'tll!'rrl~" -- pom y eueher ses affroots el ses hlesslII'rs.


Hans le l\lidi, c'étailla maison de Rragaoce qui a"ait fni an Brésil, rt
crIle de l\aplcs eo Sieile, i1 l'aspect de nos aigles victoriellses; tandis
que les Bourhofls d'Espagne <'taient veous implorer, i1 Bayorlllc, l'appui
de l\apo[('on rt lni livrer leur COlll'onne. Dans le l\()l'(l, les raers altii'res


60




111 STO lilE


n'élaieut pas moins humiliées: les maisolls de Lonaine d de Brande-
bourg , nagulwe si hal1taiues et si haineuses , étaient l'éduites ü se faire
plus que modestes et a sollicitt'r le tit.'e d'alliées aupl'es de lem' vain-
qlleur. De son cóté, le superbe autoerale, le chef de l'iIlustl'C maisou
dcs Romanow, avait affecié de quitter le role chevalen'sque de pl'emier
champion du droit divill, pour se dire et se proclamel', I'U tout lieu ,
l'admiratellr et l'ami du grand homme que le principe révolutiounaiI'('
faisait régner sur la FraIlee, et a la COut' duqud ilmultipliaitles présenls
et les ambassades. Les petits prinees el les I'épubliques avaient étt: ni'-
ressairemenl entrainés dans ce mouvemellt de soumission univl'l'selle :
les altesses alleman(les s'étaiellt placées SOl1S la protcelioll de l'invin-
cible conquérant, el les républirains hataves lui avaient demandt: UII
roi de sa famille, pendant que ccux d'Italie lui donnaient la eOlll'O\llI('
de fer) el que la confédél'alion heh-étique acecplait sa redoulahle 111('-
diation.


Cependant, an milieu de la pl'Osteruation génél'llle que pl'oulIisaicnt
l'admiration ehez les uus et la crainte ehez les auh'ps; dans ee vaste
tablt~au de la sujétion eommune des monm'ehies el des répuhliques,
une lacune se laissait apereevoil'. Dans un eoin de l' Eu\"O]w, an fOl\ll
.de l'ltalie) le plus faíhle, le plus insignifiant des sOllveraillS politillLH'S
osait résister, seul, au dominatelll' universel, et ne craignait pas de
tl'oublel', par son oPPOSitiOll, son blñme et ses menaces meme, le
conrert de louanges et d'adlllations qui retentissait d'un hOllt ú l'alltre
du eontinent. Ce prince réealeitrant, ce dernier organc de la résislan('('
du passé allx exigences de l'homme du jour, e'était le pape, relui-Iü
meme qui avait quitté le palais quirinal pOUl' venir sacrer Napoléon il
Paris.


Le pape, si peu redoutablc eommc prince tempol'el, pOllvait-il
done eompter eneore sur reffet des foudres spirituelles~ Le moyen úge,
qui eroulait ou ehaneelait de tontes parts, était-il aRome plrin de force et
de vie? Les institu!ions et les croyances religicuses, qui tirent la spll'n-
denr et la suprématie de la papauté, avaient-elles moins subi l'aetioll
déló!ere du temps que les institutions religíellses PI les ('l'oyances politiqllcs
sur lesquelles la royauté et l'aristocratie ayaient fondé !CUI' ('mpire '?


L'hisloire ótaillil qlli dísait le contraire. Depuis plus de dellx ecnls
ans, on avait {'Cl'ít de Frnnre an sain! -siége qm' ses hulles se gc-
laien! en passant les Alprs. Depuis !rois si&eles , I't'sl1l'il philosophil¡tH',


--~_:




~-- ~--- ~~---- ~~-


OE N'\POLÉO\,


I('s th('o!'i('s liuél'ales, le lil)l'o examon avaient unuehé prcsque lout le
lIonl dt· l' Eul'Opo tl la domiualion pontificale. C'était par les quoslions
rdigiellS('S que la raisotl humaine avait eommeneé, en All('magnc, sa
I'évolte contre les pllissances et les souverainetés du moyen úge, C'é-
tait la J'(\volulion dans l'église qui avait amené en Anglctel're la révo-
11Ilion dans 1'l'tat. En France, il est vrai, le schisme et l'hérésie uvuient
s('mhló I'cs¡lPcter le trono de saínt Louis, 011 du moins n'avaicllt pu s'y
asseoil'; Ulais la foi romuine u'avait riCJ1 gagné a eette conservation
ofliciello dll royuume h'(\s-chrétien. Sans parlor des atteinles portées
Hnx traditions du Vatican pal' l'apparition du gallicanismc) qui VOulllt
faü'e inrliJlel' le géuie de Hildehl'and deyant le génie de Bossnd, un
révolutioilJ1lliI'L' plus hal'LIi, plus puissant et plns radical que le schisme
d que J'hél'ésie, avail envahi tous les degrés de la soeióté frangaise;
e'dllit la philosophie. Elle ne s'était pas proposé d'éleyer autd contre
<Iutd; lUais d'éhrunlel' tous les cultes en faisant passer le doute sur
tOllS les dogmes, el colle undaeiousc tentative nynit réussi, l\1ontaigne
d Descal'Íes) Yoltnü'e et Itollsseau ) avaicnt élé pUlIl' le saint-siége des
pllllcmis plus dangereux que Luther el Calvin.


Pie VII ne pouvait méeonnaitre cette vérité) que ses sueeosseUl'S 011t
pl'odamée eux-mcmes daus de sulennelles el ameres lamentatious. J\'Iais
Pie VIl élait déposituire d'lll1 pomoir qui avait maltl'isé les rois et gou-
H'J'llé absollllllent la conscienee des peuples, alors que le sacel'doce,
lJlliqne ~ardiel1 des scíences el des lcttres, el sentinelle avancée de la ci-
,ilisatioll, était aussi le seul protecteUl' des pcuples eonÍl'e les exces
de la hl'lltnlité féodale. Fiel' de ce souvenir, et appuyé en meme temps
Slll' la foi , qui lui monlrait la 80urce de son autorité dans le cíel, le
pontife romuin ne cOllsi(lérait le I'dtlehement dos eroyances que eomme
1I1le ah('ITalion accidentelle de l'esprit humain , et, par ol'gueil comme
par devoü', il l't'fllsllil de re('onnaih'L' que la M'cmlonre de sa doclrine
('l'it altél'é le pl'illeipe et dút modilier la manifestation do su supreme
dignité.


-'lais eotte prétention du pape n'était qu'ulle uoble illusioll. Sans
(lolltl' la puiss,lI1Cü spirit.udh~ Illli avait dvilisé le mon(le fóodal n'était.
pas tombt'e aussi has (IUO la féodalité elle-meme. II était naturel que
l('s j(h'·ps rdigil'lIsl's, ({ui arail'lIl donné au clergé la sllpé1'Íorité sur
la nohkss(', au t('lllpS (le 1('1I1' Spl!'lHll'nr C01l1mnne, rendissent pas-
~ap:<"rcl1l('Jll la rlli/l(' dn cl'úlit ('('elésiastique ll10ins complete el l1l oins




HISTOIllE


pl'ofondl' que lo dlstl'édit du patriciat. La dispal'itioll de l'al'istocl'atio
ne laissail aucuo vide dans l'état) il en cut élé autrement de cdlo
dll sacel'doce; cal' s'il esl facile a la philosophie qui remerse un o1'dro
politique de lui cn substituel' un nouveau, de faire une l'é[lublique
ou une 1II0narchie, d'élah(lI'el' une eOIlstitulion) d'Ol'ganiser uu gou-
H'rnement, de créer une policc, de trouver en/in des !louunes el
des lois 1'OUl' samet' pt'oYisoiremcnt) et avec plus OH moins de bon-
henr, le matériel lle la soci6tó, a h'avers le désol'llr'e moral des épo-
qnes de transition) rien de tout cela n'est possible dans l'ol'llre rdi-
gieux, 11 n'y a la ni organisation iuuucdiale a espérel', ni \ote dl~ dogmes,
ni pl'omotion de personues que l'on puisse <lrbitmirement imprmiscl'.
Alol's les Yicilles Cl'O~ unccs, mulgré leur affaiblissement, delllcmeut
t:Oll1me de respectables mines, sous lesquelles YÍenL s'al)l'itel' tout eo
llui a he so in dc priel' el de croil'e, tout ce qui Yit d'habitudes ti défaui
de 1'01.


C'esL cette pet'scYél'tlllce roulillícre de la lllllSSl' des fide1es, suIJi-
sante pour L'Ilh'elCllil' un reste de l110uvenwnt duns les temples el pOUl'
eachet' l'indifflTClIce illlillw des ú!lles SOllS les deho!'s ¡['uue "aiIle {)I'lI-
tique; e'est r.:elle perpctniLl\ du c\lIte, a tl'uvel'S le dl;luIJl'(~llWIII des
dodt'iJles et des croyauccs, quí put senle trompl'!' la puíSSaJl(,l~ spil'i-
tnelle sur su vcritahle situation , el la eOllduire a pellse1' qu'elle étuit
encore asspz forte pour parler uux rois eL uux empercurs le lungage
altier du moine de ClUB)'.


Desl80a, peu de tcmps apres le COUl'onnement de l'empereu1',
Pie VII avait voulu réaliser les f'spérances qui l'muient déterminé a
frallchit, les Alpes pOUl' ycnir eonsaerel', a Paris, la rl'rolutioll fl'Uu-
r;aise, dans la prl'sonne de ~apoléoll. Il dl'll1anllait installlllleut qu'oll lui
rcmit les ll'gatiolls, qu'on ugl'andit son tel'l'itoire. CeUe conccssion n'en-
h'ait pas dans les VUf'S de l'empereur sur l'llalic ; elle fut constaml11ent
['efasée. Alol's le pOlllife sc repenlit d'avoÍl' preté son supremo ministcl'c
pour un aele qui cxcluait dn tróne de Franee « les fils aiués de l'église.))
Ses rcgrets et sou mécoulentemcnt se manifestcl'ent clans ses pa!'oles,
dans ses leltres, daos toutes ses démal'ehes. II refusa obslinément
l'institution canonique allX éveques I10111més par l'cmpercul', l'ollfor-
mpm(~nt au concordat, et il persista a oUYl'ir ses ports aux Anglais.


Cl'tte eonduite irrita Napoléon; il éerivit an pape, k' 13 févrierJ 80G :
I( Pour des intérets mondains, on laisse pl~l'il' des únlf's ...


.. __________ J




DE 1\ Al'OLÉO:\. 1,77


') Votro sainlelé esl souveraine de HOllle; muis j'en suis l'ctlJpe-
rcur : lous ll1l'S enncll1is doivcnt elre les siens. ) Pie VII l'l'POllllit,
t'Olllllle l'aul'aicnt fui! les Bonifaee et les Grégoü'e : « Lo someruin
pontife no recollIlait point et n'a jUllluis I'econnu aueune lJuissUllt'L'
supérieul'o a la SiPIlI\e... L' elllpOreUI' d(~ Home n' existe poillt... Lp
ücairp d'ull dit~1l de paix doit consener la paix avee tous, sallS dis-
l.indion de eatholirlues et d'hl'rétiques, ))


Ulle l'épollse faite avce tant de hauteul' el de (Fgnité n'etait pas de
nature 11 calmel' les resseutilllellts de 1'empel'eur. II insista, il mewl(ia ;
llIllis ee fut eu ,ain, Pie Vll disait ctre tlalls les tel'mes OU (,oJlcordat ,
(lui I\l' Jixait poillt de déIai pOlll' l'institution eanonique, ct il ne voulait
pas abamlullIu'l' ce 'Iu'il appelait un moyell d'adioll pOllr le saint-
siége, sur les gouYCl'Ilelllellls el sur les peuples. Ensuite l'admissiolJ
des Allglais dans ses ports lui dail eOllunandée par les besoills de ses
sujets, pUl' ses I))'incipps ik paix et de ehal'ité univl'¡'sdll'.


Le ehal'gé t!'affHil'es de Napoléoll (Jssaya de faire eOlllpl'CllLll'1' au
pontife que ('l' langag" el el' raiSOIllll'JlWnt n'étaient plus de saison, el
qu'i1s poul'l'ail'llllJien Ilt' senil' qu'iJ atti¡'el' \ludqnc mage SLlr HOllw.
LI~ pape fut inflexible. (, Si 011 Ill'üte la \le, dit-il au ministre frCllH;ais,
lila IOll1he m']¡onOl'el'H, el JI' sprai jllstilié allX yeux de Dieu d dans
la múuoirp des homIl1e~ ... Si l'clllpel'elll' üéeute ses melwees el lli'
lile reeollnalt plus comme pl'ince sUllvcl'ain, jI' He le rcconnaitl'ai
plus eonlllle empereuI' : si je suis mal, illle SP1'a pas bien. » Pic VIl
était pen;umlé qu'une rnalédietioll, tomhée dI' sa bOllche, devil'ndrail
funeste a Napoléoll) et que le saint-siége n'avait qu'a gagner a une l'Up-
lure éelatante. (( La persecution, disait-il, prOdllil'U le schisme, seuI
IlIoyen de sauYI'I' l'église. »


Tou[C's 1'('5 pHl'OleS de ¡¡erlé el d'obtitination, rapportées a l'empel'eur
par son pl('llipol('l1tiaire, ne faisaient que le sllrpl'C'ndre, l'aflligel' el
l'uigrir de plus en plus. II éerivit, le ·1 er mai 1807, des honls de la
\'istule, au prince Eugene, aloI's vice-l'oi : « Le pape ne ycut done
plus que j'uie des évcl}uCS C'll Halie. Si e'l'st la Sl'I'YÍ!'la l'eligioIl, COtll-
llIent doivpnt faire ceux qui yculent la perdl'c? )


Le résultat d"s eampagnes de Prusse el de Pologne n'ébranla point
la l'ésollltion de Pie VII. Apres TilsiU , pell touché de la soumissioll des
potenLats du nord aux Hll'S (le Napok;on, le lJalll' persista a oppospr
au yainquClll' de Fl'iedlaud la supl'émutic dll saillt-sil'ge SUl' loutes les




H1ST01HE


¡¡uissuuces de la te1'1'e. AIOl's Napoh~oll , ('etouruaut ti Par!s ) se dédda
ü em oye\' de Dl'esde) ti son ministre pres la cour de l{Olllt· ) une longue
ldlre dans laquelle il jugeait de haut ) 11 son tour, les pd~lt'lIli()ns pon-
filicales , el annon<;ait qu'il ü'uit, s'il le fallail) repondl'e ('11 pel'SOlllle
au pupe) dans Home meme. « Sa Sllilltd¡", diL-il, l'l'Oil'uit-elle done
que les dl'Oits du tl'tll1e soienl moins sacres que cenx de la tiare? Il y
uvait des I'ois UlUllt (¡u'il y cllt des papes ... Ils wnlent, di~ellt-ils,
me dellonc('I' a la chl'diente! 11 Y a la une el'l'eUI' de lllille ans de date, ..
La ('our de H.onw lH'eelw sOUl'tlement la I'ébellioll depllis deux ans, Je
le sOllffl'e du pape aellll'l, je \le le souffril'ais pas (l'lIn autre pape!
l111e Yl'ut-il faire en me (lónon<;unt a .la rhl'étienté? metíre mO\l tl'tme
('n interdit '? m'(,xC0ll1ll111Ilie1'? pense-t-il dOllC que les armes tOllllJel'Ont
(les mains de mes wldals '? lwnsc·-t-ill11l'lt1'e le poignm'd allX mains des
pellplcs pOli!' m'l'gorgP1' '? Cetle infúll1l' doctrine, il est des papes furi-
bonds (fui I'ont preehée; mais il m'cst encOl'C diflieile de cl'oiro (Iue
l'illtcntion de Pie VIl soit de les imitel', II nc 1'cstel'ait plus alo1's (¡u'il
l'ssa~ el' de IlW rait'c ('OIl[lCI' les ellen'lIX l'l de m'L'nfet'lner dans un 1110-
Ilusterl' ... II Y a Ji¡ tallt d'l'xh'aYa~all('e, que je ne lmis que ¡rc'mir de
eL't csprit de Yl'l'tige qui s'est (,IllIJa1'(~ de deux 011 lt'ois ('urdinaux (lui
gerent les affaires de Rome.


» Le pape actue1 s'cst donné la peine de venir ti mon eouronnement.
J 'ai reCOlltlU, dalls cette démarehe) un saint prélat; mais il voulait
(Iue je lui cédasse les légations. Je n'ai pu ni vouIu le fait'c, Le pape esl
trop puissant.. " Le pape menace de 1'ai1'e un appe! au pellple, Aitlsi il
en appdlera a mes slljets'? Que diront-ils? iIs dit'Onl, COll1l1le Il~oj, qu'ils
vculeut la l'digion) mais qu'i!s ue yeuleut rien sOIlfJ'l'Ír d'lIne puissallpe
étt'anget'c! ... .le tiens ma eOUt'onne dc~ Dic'u (,t de la volontr\ de ml'S
ppuplps, Je serai toujours , pom' la rour de Rome, Chademagne) pt
non LOllis-le-Débonnaire, Si par les dlicanes ¡¡ui me sOlll faill's les
pretn's de ROllle e1'oient ohteni1' un agt'andisscment tempord, ils se
tl'Olllpcnt. Je ne donnpl'ai pus ks h\gations pOUl' un rac('oIlllllodement.))


L'attitudp f('rme el inéhl'anlable d'lln pontife désarme, en race d'un
pOI1<juél'ant SOllS le glnive dnqud tout tl'emhlait et plinit P11 Enrope)
offl'ait san s (Ioute 1111 l10lJle l'Í lJl'au speetade; l11ais lPs pl'étt'nliotls d les
Illl'll[l('es pontifl('alps n'('n renfel'lnairntpas 111oins, sdon 1(' lIlot de
:'iapoléon, une l'ITPIll' de mille ans de date, Home maitlH':lll fai!'\' : la
fore,' !lIoral\' d 1(' PaI'arten' ('n(,l'~iqll(, (1(, SOl! éreql1P 11(' !l0l1yai('l1t pas




lui n'lIdre h cllc-llIellll' son antiquc puissan('c, Pi lH' scn ai('1I1. plll~
fJu'a mdlre en l'did unc grande et majestlleuse illdividualik'. (JII(' la
,'ille étel'nellc muudisse ou <[U' dIe hénisse d('sormuis, peu illlport!' : nul
prinec ne S'('I1 soucie, pm'ee f1lW nill pellpl(, n'alh'nd plus rl'('lh' le si-
gnal de la soumission ou de la désohéissn!we, du déyouemcnt ou dp In
<!l'saffeetion n I'éganl (le ses ehefs. Rome I'a mulu ainsi. Aprl's avoil"
dominl' les rois duns l'iotéret des peupks, au nom dp la dvilisatioll
alors chretiennc, elle se ligua awe les mis contrc k's lll'lIpks, sow;
la hunniere des prl'jllgl's et des abus l (lWmd la eivilisution , dans se;;
transformations inc!'ssantes pt progl'PSSiH'S, quittant la rol)(' du pretl'('
pOllr prendre le manlr'au du philosophe, vint jeter sur le monde flp,;
illé('s npuws pt hurdil's, plus ('onciliahles mee l('s doe!rin('s dt> l'ltvan-
gile qu'an'(' 1('8 Iwllitu<1e8 <1'1111 s:!el'l'doee admis p:tI' 1(' poun>il' km-
jlord an lHlI'tagc des privik'ges politit!LH's el d{'s dOlJ('CUl'S lIP la ,ii'
Illondaine.


Alors les ímpJ'(~eations sou\el'nint's !lu 'atiean ne fUJ't'IÜ plus diJ'igél'~
ronll'c ks ,iolene('s el les pxd~s de 1'0PPl'('SSCUI' f(;odal , mais eOlltre la
raison indoeile el les Msirs d'émaneipation dn penplc 0ppl'imé. L'al-
liancc se fit entre In eourOIlne ct la tian' , snns (Iistinelion (le eroynnc('s
I'eligieuses. Ln royauté l héréti!{uc ou sehismatifllw, fut. mieux traitét'
ir Romc que la liberté orthodm.e. La liberté s'en est ressOIm:nue. Quand
la Providenee a fait sonIler 1'1H'ure des révoJutions et donnl~ aux peupks
lt' )louYOir de lIHlllllil't' ¡¡lem tOlll', Ju den: (Iui s'dait fait l'mn .. iliaire dll
haron s'est VII fi'apper des memes anathemes. La foudrc ti éclaté a la
fois sur les palais episcopaux et sur les demelll'es princieres. Les pllis-
~(lDces rivaks du moyen age ont seellé kul' réeolleiliation SOllS le eOllJl
de l'or'agc. Elles avairnt abuse en commllll dc' leur grandeur, elles ont
subi liD(' Meht'allce l'Olllllllme. La 011 le sareasl11e dn philosop)¡l' d la
purole eorrosivc du tribun avai('[lt fait pulir ou mettl'e en pi¿'('('s le man-
tean roynl, 00 a ¡¡U remarquer Hllssi des taches incIelébile5 et (l'irn"-
parahles déehirnres 1:1 la pOllrpre rOlllaiue, rt 1c saint-siége 5' ('st Sf'Ilt!
YÍolemment ébl'anh\ par la commotion ¡¡ni renwJ'sait les trtlllt'S.


Lors done que Pie YII revendique Clleore la suprématic nl1iYCl'selkl
tlonl jonirent scs pl'éd&ecsspurs , sans tenir compte de la différellce (ks I
temps, cette slIpcrhe el audaeieuse tentati\"e lIe pellt étre consirlérée que I
emnme un nnaehronisme sans cOl1séqnenee. 11 a bean s(' hiss('l' su l' I
I'orglleil tratlitionlld dll Yatican, d 1110ntl'(,1' dn hant dn (JlIil'innlbl S pl''': 'I> .... ¡,.~~ .. '"
"~,\,>0 ~ ~:


- - .' > ~<' /-' . fr--'t:',,:
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HISTOIIiE


foudres éteillt('s'; le potclltat que ecUe démonstration menacE" ell eOIl-
llait toute la ,anité; jI sait que ee n'est pas la papauté l'edoutable dll
moyen age qUÍ se d\,('sse contl'e 'lui, mais seulement son ombl'e irn-
puissante, et qu'il ne lnÍ faut pas heaucoup d'audacc pour bl'an'I' ]'ex-
eommllllÍeaüon , au milicu d'ull peuple qui ne croil pas plus que lui
a la résurrection du passé, et an sein rluquel le cri d'alarme, POllSS(',
pal' le ehef vénr"rahle de la ehrétienlé, ['emue a peine qn('lques úIlles
an foud d('s presbyteres et des basiliqnes.


Cepcndant Pie VII, tout en brandissant le glaiye émollssé de Cré-
goire VII et de Sixte-Quint, se montre disposé a aeeueillir dans son palaii'
le l'edoutablc ennemi qui lui fait annoncer une prodwine visite. « Si e(~
projel se réalisait , nous ne ehlel'ions a personne, dit-il, l'honnenr de
rec('roir un htJte si illnstre. Le palais <In Vatiean, que non s fcrions
disposel" serait destiné a rcecvoir Votre l\Iajesté et sa suite. »


l\Iuis l' empe1'cul' ne put pas eXl'cutel' ce yoyage. Les affaires (le
Portngal et celles d'Espagne le retinrent a Paris, plus prét a mare/H'l'
ve1's les PY1'r"nées ({u'a traYC1'ser les Alpes. Les négoeiations avec le saint-
sil'ge eontin\1(~rent némlllloills par I'cllt1'emise des agents diplomatiqurs
et toUjOUl'S avcc le meme insueees. Le pape se roidit plns que jamais
contre les exigenees de Napoléon. L'empereur persista, de son e6tl~, a
refuser son adhésion aux VffiUX du pontife : la rupture devint inévi-
fahle. « Une la négociation soit done rompue, éerivit Napoléon a son
ministre, le 9 janvie1' 1808, puisque ainsi veut le l)ape, el qn'il n'r ail
plus entre ses états el ceu\. de Sa jIajeslé aueune 1'clation paeififlue. ))


C'était annoncer l'occupation proehainc des dats romains par les
nrmées franlSaiscs. Pie Y Il ne pouvait guere s'y tl'Ol11per; aussi dit-il il
l'agent fran~ais , dans une andience qll'illui donna ve1's la fin dn meme
mois: « n n'y aura pas de résistanee mililaire. Je me retirel'ai au r1Hi-
{euu Saint-Angc. On ne lircra pas un seul conp de fusil; mais il faudra
que yotre gén('ral fasse briser les portes. Je me place1'ai a l'enlrée dll
fort. Les t1'oupes seront oblip;r'('s de passer sur mon eorps , el l'univers
salll'a que 1'(>l11per('l1r a fait foukl' aux pieds ee!ui flui l'a saeré. Dirll
frra le 1'('5 te . ,)


C('rtes, tout était admirable dans ce langage. Le pontife se monl .. ail
sublime dans sa résignation, suhlime dans ses espéranees. l\Iais ef'tte
fermetl' el edte C'onfiance n' étai('J\t fondérs flue sur la roi isolú' rlu
prfotrr sOl1\"erain dont elles honoraient le earaeterc. Diell n'mait plus




[) E :\ ,\ P O U~ () \


l'len 11 ,.¡¡il'f' pOli!' la papauté jet l'lIniwrs, peu dispos¡', ÍI s'¡"/llulI\Oil'
ponr elle, ne s'apercenJit pas meme de ses dange!'s et de ses plailltes.


Sdon les l)/'('~risions de Pie VII, 1'occllpation militail'¡' dll patl'i-
moine de saínt Pien'(' fut résolne d ordonn¡'>c par 1'em]1el'('\1r. Qlld-
lIues détachements de lmupes fl'all~¡lises suffirent pOlll' mal'!'her it la
I'Onquete d'uIle eité (lui avait été deux 1'ois la mait1'esse du monde, !'l
dont la vaste domination m'ait re~u deux fois la promesse de l't:ternik.
Tout déploiement de forces militai1'es aurait été inutile. La reine dl's
nations mail disparo; le génie de 1'antiqllitt, ne yeillait plus mi Capi[ole:
le géIlie du moyen úge expirait an Vatican; le signe qui fit ,ainel'(,
Constantin s'inclina done san s résistanee de\ant les aigles de Xapoléon,
dont les soldats purent di/'e, t'n s'emparant sans COllp fél'il' de celte
imnwnse capitale, que désormais la ville éterndle n'était plus qU'\1n
magnifique mausolt'p, Cfup la tombe froide (,t solitairp des pOlltifes el.
¡les Césars,


Ce COllp d'(:tal, non moins éclatant que cdui de Bayonne, ('omp1('-
tail le triomphe de la révolntion fraIJ(;aise, A tl'uvers les délmts <1r
Pie VIJ et dI' NapoJ¡'~on, le g(\nip model'ne d.ait ypnn constate1' sa pnis-
sance et marquer la fin d('s grandenrs romaines, m plantant ses insi-
gnes SUI' 1('8 t1úmes de l'ol'gneillr'use mélropole du passé, sans rencon-
11'(>1' la moindre opposition, san s provoquer les protestations des peu-
plrs pt df's mis de la e1u'étil'llh\, sans fail'l' sonnn', dans I'lmi\'p/,s
!'alholique , le to('sin d'lIne nouvelle eroism)¡o.


L'inflexihilité du pape ne fut pas vaineue tOlltefois par 1'enyahíssement
de ses états, Sdon la menaee qu'il en avait faile, Pie V11 lan~a unp
hulle d'excommunieation cont1'e l'emperellr, quulld il "it que ce de/'-
níer n'était [las J1loins inébr:mlahle que lui dans ses résolntioIls, et que
J'occupation militaire dp Rome se prolongeait indéfinimenL " PHI' I'au-
Im'itó du Dieu tout-puissant, drs saints apótres PieJ'\'(' ('1 Paul, et par
la nolJ'f', dit le saint-pt're , nous déclal'Ons que vous et lous vos coopé-
rateurs, d'upres l'attentat que \OUS \enez de commettrp, mus aYez
('ncouru l' excommunieatioll, etc, , etc. »


Napoléon était a Vienne, couverl des lauJ'iers d'Eelunuhl et de Ra-
tisbonne, 10rsCfu'il apprit la publieation de cette bulle, H réso!llt allssitM
d'exi¡'lJlr du pape la réllnion du domaine pontifieal 1, I'empil'e fran<;ais ,
I'l , en eas de refus , de faire enle"er Sa Saintet¡", Le g¡'~llél'al Hadet flit
rharg¡\ de celtf' p¡"nihle mi~sion, 11 se présenta , iI ('('( ('ffet, all palais




IIISTOII: E


íjllil'illaJ, dans la IIni! du :; an (j juilkt 18(W, d pl'('~sa ill~lmlllnrll!
Pie \11 dc conscntir ü la rrssion de SOll domaill(' 1í'lllpol'f'1 pOIIl' \)]'(.-
\<('\lil' I('s nWS\lI'e~ l'igoul'l'uSCS nllxql1rUes l'(':\pos('I'ail \111(' yailw I'("si;;-
lal1(,(, , " ';1' W' 1(, \mis, réponrlit JI' pOlltife, je np JI' (lois pa~, jI' 1](' 11'
\1'11\ pas, J'ai j1¡,ol1lis de\tlllt Dieu de ronsrnel' iI In saínt(' ("f,!.lisr lotlles
srs poss('ssions < PI jl'!le mallqucrai jnmnis nn s(>I'l1wnl ([1](' j'ai fail di'
Jes maintenil' < J) Lc génél'al ]'('pI'it : « Sninl-póre, je snis t I'I's-nrflig/'
qne Yoh'(' Sainlp(¡" ni' ,cuille pas sonsrrirr a e<'ll, , denwntli', pllisqlH' ,
('n l'dusant, vous 11(' faites que' vous ('Xpo~('l' Ü de nO\lwlles tl'ilmln-
lions." - LE PAl'E : " .l'ai (li/.; l'iPIl \;Ul' la 1('\'\'(' JI(' \)('ut llle fail'f'
dwngC'l', el jr suis Pl'l't a n'l'sC'l' la derniÓ1'r gonttn dn mon sang, ;'¡
perdl'C' la \ie ü J'illstant 1l11~nll', plulúl quC' de yjokl' j(' s(,l'll1('nt qlH' j'ni
!'ail dl'yant Di('u. n . LE GI::\(:¡\\L: " lié h[plI \ la 1'('sollll.iol1 q\l(' \O\lS
!l1'(>IWZ ¡]pv[elldl'a peuL-Nl'e POI1I' vous la SOUI'('P de grande!' ('nlmllih"s. )'


LE PAPE: «.le !'lIis d{'eid(', d r[en ¡le p('ut 1lI'I;b1'll1l1('\,. " LI:
l~I::NÚ\AL : " Pllisqu!' (plle l'~l ,otl'(, r~sollltion , je suis f¡'¡du', d('~ ol'(ll'('~
11"(, 11l0n SOll\l'l'ain m'a dOlIll('S d d(' la rommission que j'ni 1'('<':[1(' ¡JI'
lui, JI - LE PAPE: "En \("l'il~, mon /lis , ('ctte eomll1ission ll'alfil'('I'H
pns SII1' \O\lS ks hi'nl'dietiOlls 1111 cid, )1 - LE G(NÓUL : " Sllint-pi'I'P,


iI taut qlll' fl'lIln¡('"P Vot!'p SaillLd(' an'(' Illoi. » -- 1.1: PHE : 11 \'(liLI




LJE \APULEO\,


dOIlt: la 1't'('Olllwit>salln' qui U1'I'~l J'l'tlel'\l'C' pUlll' lOllt e(' ([lle faí fHil
pOllr 'U[l'(' ('JIlpel'('llJ"! "oili! dOBe la l'l'l'ollll)('n~(' pUII!' lila gnllld('
('olld('SCl'lIdall!'(' pOlH' llli el lJ01I1' l'l'gli~(' gallicanl', .\lais lwut-e[I'l' slli~­
je, Ü ('d ("gal'!I, cOllpabiL" devaut DicLI; il \l'ut lll'CIl [llllJil', jl' llle
';OlHlll'ts il\ce ltlltllilil!'~. " --- LE CI::.'''::IU,L : ,1 Tdh~ ('~lllla ('oIHmissioll:
je slIis I'ú!'hé de l'l'XI;('ULel') puis(ll1(' je suis cutho!i(ll1C el \Otre lils, 1) LI'
I'al'diuul Pal'('L1 dl'lllauda alors (\ue le -uillt-pel'e pút cunllellPl' ayec llli
les l!1'I'SOUlll'S (11I'i\ Ul'sigllel'ait ; mais iL' gl'uél'lllrépoudit il SOB élllillelH'('
'1"1') d'alH'('S les unl!'!'s dl' l'elllpl'I'!!U!', elk~ seul" pourl'ait tll':(,Olllpn-
1:)11('1' le pap('. --" Et eOlllbü'll de l!~llIpS 1I0US aeeOl'(h~-t-oll pOUl' l('s [lrl'-
I'al'alil's de YO' agl' l l'l'prit le cantillal. " -- " Ulle demi-IH'IIl'(~, J) dit il'
gélléral. "\Iors J¡, poutift' se leH1 l'l Ul' pl'OllOIlt;Ll plus «ue ces pal'oks :
" 1110lls , que la \Ololltl; 111' DÍl'1l soit faite eu moi. JI


l'ue \oillll'l' aUdée allelldait le pape il t'lI11!' des purtes dll [lalai~.
Pie \' IJ , !llouta aH'l' JI' nll'llíllal PtIl'l'a, ti' général Badd Sl~ llIit sur 11'
lle\ant, dalls IIJ1 l'abl'iolet. .\ la porte del Jlopolo, ulle ulItn' VOi(III'I'
dnit pl'l;[1I1I'1"(' 1){)1I1' !t's nllgllstes Yoyagelll'S, L'ofliuicl' fl'all~uis \0111111.
l)f'o(itl'I' d!' ce dWllgl'1l1Cllt pOlll' rellouvdel' ses inslanl'('s nup\'es tllI
pape, " 1Il'sl l'Ill'OI'e lplIlps pou\' Yoh'!' Saínt!'ll;, lui !lit-il) dI' l'enOIlel'1'
ntl\ dais de I'églisp, " - « l\'on, )j l'épéta seehemcllt le pontifl', el la
pOl'tie¡'!' SI' fenna aussittlt SUI' lui, En quelques minutes, il se tr'ou, ¡¡
hol's de Honw d SUI' la !'ou te de FlOl'enl'l'. Des biogt'aphes out préteudll
(Iue le génél'al Hadel avait l'olllmandé, dans la suiLe) au peintrl' Dell-
\Cnlltti, IIU tableau ¡'l'pl'éSelltallt la sortie du pape de Monte-emalJo ,
a,vee tOHS les personllagcs (Iui y avaient figurt,.


" 1.1' lIlalJll'UI'I'UX pOlllife, dit .\1. de BOU!'I'ielllle) ena (lt~ ville !'II
,iHe, d e'était il qui Jle voudl'ait pas I'eee\'oil' eet illustl'u l)J'isollllieJ'.
Elisa J¡, 1'1'll\oya dl~ Flm'enee ü TUl'in; de TUl'in, le pl'inl'e BOl'ghl~S('
l'expt"dia dalls l'iJltél'ieul' de la France, II eut l'onstauul1ent pOllr gunk
d'hollIlClIl' ulle l'sl'olwde (le gendal'fl1l's; t'l en(in l\'apoll~on le rel1\u~ il
Ü SmOlll', dans il' g(}[1\e1'Ill'ment du peince BOl'gllóSl') Sans doule pOUI'
I'appekl' iugénieuSl'lllent ü son beau-frel'c llu'm ant d'lJ\ oil' en l'hollllelll'
dt' lui appal'leuil' par allitUlC'c, il mait lhl son ilIustl'ation ti Paul V, Dall~
tous les cas, eel Ó'<"Ill'll1ent) tout fÚl'hl'ux) tout hlumahle (lu'i! soit, lI!'
SI'1'\ il'ail !las 11 fai!'!' el'oü'c (\l1e le cid se plait i! vengel' [lI'Olllplt'lltl'lll
les atll'll(a(s l'llH'I'S le chef de la sainh' église) Cal' le jOlll' ml~nl(> qlli
SlIivit la llllit Ol! !t, pape fllt l'Iltl'\'(~' l'daira la vid()it'(~ de Wa.~I'a!ll. "




11 J STU J JI E


el' ful dll palai~ illlpél'ial dt' SdlOmut'unn, el peudant le~ uégoeia-
tions de la paix avee l' Autriche, que Napoléon envoya au ¡!hlél'ui
Miollis, commandanl mililaire aRome, l'ordre d'exéeuter le déel'd
portan! J'éunion dps états du pape ti l'empil'e fran~ais, Rcndant wmJlle
de eette mesure au corps-Iégislatif, ti l'ouverture de la sessiOIl de
~ 809, qui ~ui\i! le lraité de Yienlle , l'empereur s'exprima ainsi :


" L'histoire Ill'a indiqué la eonduile que je de vais lcnir enn'!'s ltome.
Le~ papes, dewnus sOUyeraillS d'uuc pal'tie dc l'llalie , se sont eOllstam-·
IlwllL Illontl'és les enllpmis de toute puissanee lll'épondél'ante datls la
P(;nitlsule. lis ont pmployé lem' illflul'Ilee spiriluPlle pou!' lui lluire. 1I
m'a done été d(~montré que l'infiuenee spiriluelle, exercl'(' dallS Illes
états par un prinee élrangel', était eOIltl'ail'e i:t I'indépelldanee de la
France , a la dignité el i:t la sllI'dé dc mon Í!'tmp. Cependanl, comrne
je reeonnais la néeessilé dp l'influenee spirituelle des deseendants du pr'p-
miel' des pasteul's , je n'ai pu toneilier ees grands intél'ets f!u't'n annu-
Jant la donatioJ) des empel'eul's fr'ant}ais, " mes prédéecsseu¡'s , " p[ 1'11
r'éunissant les dats romains i:t la FraIlee. ))


Pie ni ayait tout pl'ént, spoliation el per'seeution , el eeHe jler-
spective n'avait point ébl'Unlé su gl'Unde ame. Quand ses pr'(;risiolls fu-
I'ent l'éalisées, il ne lit que se fOl'tilier dans sa résolutioll premien'. A
la fin de 18t O, iI refusa l'institution canonique a un éveqlle que Napo-
léon ayait nommé au siége de l"lorenee, et il dérendit meme, par UlI
bref, de receyoi,' un administrateur. L'empereur demanda un rapport
sur ces objets a son eonseil-d'état, et ordonna que ce rappol't el le uref
du pape fussmt imprimés. En vain on lui ohjedu les ineoménicnt~
d'une parei1le publiealion. 11 Je désire celle publit'iló, <lit-il; il faut
que tonte l' Europe eonnaisse llla longanimilé, la provoeution du pape.
el le lllotif des l11C'suJ'es que je me dispose a lH'endr'e pom' rép¡'imer t'I
prévenir désormais des acles semulables. e'es! un ('rime (h~ la part tÍll
ehef de l'églised'attaquer un souwrain qui respeele les dogmf's de la reli-
giOll. Je dois Mfendre ma eouronne el lllon peuplt', 1'1lni\l'l's t'Iltil'l'
('ontre ees entreprises téméraires qui, trop longtemps, ont avili le~
mis el tourmenlé l'humanitó ... Un pape qui IH'eche la reYOlte aux slljet~
n' est plus le chef de l' église de Dieu, mais le pape de Satan.


" 11 est temps de mettre un t(,l'me a tant d'audace, d'lIslIrpation el de
désol'dres, La Providenee m'a , je erois , appelé a faire rt'ntl'er dans d('
justes limites e(-'tte autorité perniei('use 11tH' les papes SI' sonl HJ'I'og(;e , il




!JE :\AP()LI~ÜI\.
eH garalltir la géllératiuJI présente) l't en délivrel' il jumuis les généra-
tions futlll'es. Que du moins 011 prenne en France contre cette autorité
illcessamment envuhissante les memes préeuutions que chez les autl'es
puissunces de l' Europe. D'iciil huit joul's ) un pl'Ojet sera pl'éscnté au
séllat, pOUl' l'établil' le droit qu'ont toujOUl'S eu les cmpel'eurs de con-
tinner la JlominatioIl des papes ¡ et poul' qu'avant son instal1ation le
pape jurc, entl'e les mains de l'empel'eul' des Fl'an~ai~, soumissioll aux
í!Uab'e al'ticles de la déclal'ation du clel'gé de 4 ÜS2. Si les al'tieles sont
OI'thodoxes, POlU'{luoi les papes les l'epoussent-ils? S'ils ne sont pas
eonfol'mes a la cl'oyallee des papes, les papes et les Fran~ais ne sont
done pas de la mClllc rcIigion '? "


Les Fl'aIl~ais lI'étaient plus en eHet, depuis longtemps, de la meme
l'eligion, malgl'é lí's manifestatiolls extérielll'cs d'une pratique eommune;
sallS cpla le potentat, exeolllllllluié pom' avoil' violé \(' patrimoinc de
saint PielTe et jeté son successeur dans les fel's, n'aumit pas t'untiulIt'
ll'entl'alncr SOllS son drapeau une nation p1eine de dévonenwnt pt d'PIl-
thousiasme, quand son augllste pl'isonniel' voyait tombt,1' ses gónisse-
llll'nts el ses doléanees dans un ablme sans fond d 8allS éeho , celni de
l' illdiffPI'PIH'P.




t.IIAI'ITIIE \\\1


SOIl I'dUll1' (l'.\I1('IlWglll', :\apo!l"oll s'dail
at'l'et~', pl'udunt (¡ueJque tclllpS U FOlltaitw-


,. hkau, oi! il avait menw I'l'ndu diveJ's dC'('I'ds
l'eJatif's iJ l'admittistrlltion tll' I'empit't" 1: ('11 I.n',


uns S1I capilale, il Y fut suivi par h~s mis
su création, (lui aecout'ut'cnt iJ Pnl'is P(HII'


félieilcr sU!' ses nOUyeallX triomphes p[ SUI'
la eOllc111sioll de la paix. 'liJan, Florcnce t't llame envoyerPllt des d¡'~­
[llllalions dans le mem(~ hut; le synode gl'l'C de Dalmatie cut aussi la
sicnne, que l'empcreul' I'e¡;ut) le 20 llovcmbrel80U, l'Il uudiellcc S(J-
lennelle.


On tOllchait a l'anniversuire dll COUl'OIllWIlH'llt el de la halililh~ d'Aus
terlitz. Bien !le fut épaI'll;!lé pOllr en ,'('nd,'(' la céldmüioll plus fasltli'use




IllSTolHL IIE \APOLÜ)\. 4H7


(·t plus hl'illunll'. A la fl'le anuudJe 011 joignit un Te IJellm il I'occaslon
dp la pnix, el \'("glise de Notrc-DaIlle n'l,'ut eette fois , non-sculc'lllmt}e
~("I1a~d les aull'('s ¡¡raneIs f'OlllS de 1'l'tat, mais le COIlCOUl'S d'altcsscs d
(k majl'stés, qui rormaicnt al()f's la ('our elle cortégl' de l'empcrrur :
les mis de Saxc, dn lIollande, de Westplwlie) de l\aples et de Wlll'-
[¡'mhel'g assisth'ent il la eérémonie. QlIdques jouJ's al)1'L's, le vice-roi
el'ltalie, le roi ct la reine de Baviere vinrent aecl'OllJ'e mcore eeHe )'I"u-
Ilioll de tótc's eOl1l'Onné('s.


Napo\óolI pouvait se croire parvenu il son apog¡'·c. DL'S qu'il nc lui
('tai! pas elonnó de }llanter jamais srs aigles sur les tOlll'S de Lond¡'es , il
n'avait plus riCH it ajouter, en Enro)le, Ü sa pllissanec d 11 sn gloil'r. e(,-
pendan! sa missioll ótail loín d't-tl'c aeeol11plie. 1\11' lui I'l mee luí, In
I'évolntion s'dait hien dablic ül\aples, ti -'Indrid, Ü Rome, a Milan ) ti
,'imnc, 11 l\Illuie]¡, il S!uttganl, il Cassd, Ú .\Inyl'nel', a Dl'csde, ú
Ilamhol1l'g, ú Berlin et il YarsO\ie ; mais la n'~Yolnlion, rúluite il gankl'
I'illcognilo sons 1(' costull1e impérinl, IH' pomait plus procéder il l'ini-
tiat.ion dl's pellples par la ,oie rapide d'Ulll' alHbcieuse pl'opagalldl'. 11
lui imporlait (Iolle d(' sr'-joul'Iler le plus longtemps possihle ill'élrangel',
pou!' qUl' la commllnieation knte el secrete (k ses idéps el de ses 1ll0'1II'~
('tU 1(' t('mps <1(' s'opérel' et (le fl'urtifll'r. Napoléoll In senil ü meryeill('.
Ohslim'· il fondel' une dmasli(' , ü ohtenil' POU!' lui et ses desl'endant~ ks
hOIlIll'lIl'!' (11' la ('onr['nlt'I'niM Sou\('!'aine alll'l'i's des gl'Undes pllissalll'(,!'
dn l'olltin('llt, il ,oulut se cOllC'Ílier, apres scs édalantes vieloires, I'a-
miti(~ I'l I'allian(,(, des potentats qu'il anlÍt vnineus. Erfurth lui pnraissait
!'époudre (\'Alexaudre. S'il parvennit a Iier l'AuÍl'iche, la Prusse seull'
n'osel'ait hougel'; l'infillence anglaise serait ruinée dan s le l\ord, et les
trai!l's de paix l'essel'uient d'et.¡'c de simples treyes Oll des armislires,
:\Iain!('J1ant, ql1l' l'espoir de paeifiel' l'Ellrope d'une maniere durable
I't (l'aUnchel' sineerement ü son alliance les yieillrs raees royales de Pé-
tcrsbourg et de ViCllne ne soit qu'une fUIll'sle illusion, don! le góni('
du grand homme ne sait pas défendre la faiblesse dn ll1onarque, ]leu
importe. Les efforts paciflques (le Napoléon aUl'Ont toujOll1'S un résultat :
ils ajoul'llcl'Ont l'expJosion d(~ la guel'l'l'; ¡ls pel'l1wttl'Ont aux soldal"
fl'<lllr;ais de cOll\Tir encol'(> pL'ndant quelf\ues annécs l'Allemagne, Ullt>
pal'tic de la Pojogllc, <'l de montl'('r allX peuples de ('es ('onll'ét·s, dans
\('s relations ,joul'Tlalicres de In \ÍC COnUTIllIH.' , la morale rémlutionnail'('
pt les hahitllde~ d('mocl'ntiq\lc'~ en aC'lio!1




¡SS ¡¡ 1ST 011\ E


Le désil' ¡\p complétel' son l'tahlissem('[ft drnastilflle et de se fail'p
admettl'c ualls la fmnille drs roís ínspil'ait dOl1e Ü J\apoléol1 d('s (J(oIlJaI'-
ches favorables ü la paeifÍcation de l'Enrope, l\Jais ('11 111(\n1l' tPlnps.c¡u'il .
eherehait des amis et des alliés pOUl' sa dynnslie, dans h·s cours éll'an-
ger('s , il songcait a lui donncr , en France, \lne hase .Jloll\'elle. 1I crnt
remplir ee double hut en faisant pro}losel' son diwn'(' mee Jos('philH' ,
et en formant un nouveau mariage qui lui pmmit d('s hél'itil'rs de son
sang en ligne direete el d'augusÍl's allianees fondées Slll' une illustre pa-
renté. L'adoption d'Eugene ne lui suffisait plus. C'était, a la vérité, Ull
suecesseur tout pret a saisir les renes el a gouvel'lleI' pa!' lui-mcnw :
mais !l n'avait pas 'été élevé pom le lrún~, et le prestige de la naissan('('
lui manquait, au" yeux de Napoléon, qui avait si bien su s'en passel'
pour lui-ml~rne, et qui airnait mi('ux dés(lI'Inais jetel' les dpstiné('s ¡Je'
son empircdans le berrean d'un enfanl nó pl'inre impél'Íal , que de 1('8
ronfier au noble raraetóre, au mérite C'cl'tain el a la capaeitó !lien eOllmH'
d'Ull homme mu!'i ü ses rútés. Le reI1VO¡ de Jos('phinc fut donc r('soln.
Elle s\ Htll'lldait, « bien qu"t>lle eút dOllné le hOIl(¡eur a f'nJ1 mari ('(
qu'elle se fut eonstamment monll'ép son amie la plus tendrr, » aillf;i
que le dit NapoMon lui-meme dans le Mémoriat de Sain{r-lIé¡ime. v·~
considérations d'état l'iwaienl emporti', chez l'eml)('reur, sur les afff'r-
tions privées, n était hommepolitique 'avant toul. Joséphine avait 111
depuis quelque temps le sort qui luí était réservé sur la physionomie di'
son illustre époux , qui semhlait s'éloigner d'{'lIe ü mesure qu'il s'élcvait
dans la sphere des grandeurs pt des vanités mOllarehiques. Enfin CI'
qu'ellc pressentait se n"alisa. Le funeste speret fJu'elle mait apel'~u HU
fond de l'urne de ~apoléon , d dont le soup~on Mehil'llit rruellement. la
sicnne, lui fllt révi'lé par son mm'i. C'était le 50 novembf'p ~80H.
L'emp<'reur et l'impératl'Íc{' avaimt diné ens('mhle, Napoll'on, somlm'
et préoPC'upé, Joséphine, h'iste el sileneieuse: Apres le dineI', tout 1(,
monde fut .('ongédié, « Je li~nis dans l'aIti'ration de ses tl'aits, a dit (\(.-
lmis Joséphine, le comhat qui se passait dans son anw; muis ('I1fill jI'
,'oyais !lien que mon helll'e étnit nrrivée. JI était tI'emhlnnt, I'l moi,
j'éprouvais un frif'son universd. TI s'approcha de moi , me prit la mnin.
la posa Slll' son ('(PUl' , me regarda IIn mOIlwnt sans I'ien dirp , puif' (,Illill
laissn ('c!wpp('r e('s parolcs funestes . Joséphine! ma bonne Jost"phillp I
tu sais si .Íl' t'ni aimé! .. , C'est a toi, a loi seule (Iue j'ai dú les s(~uls ill-
stants dI' hOIlheur (¡tI<' j'ai ¡;(olHés 1'11 el' mOIlflp . .!os("phinf', m11 d('stifH',(·




DE \'APOLI~O~. 489
¡,st plus Cortc que ma volonté. Mes affeclions lcs plus cheres doíwnt SI.'
(aí¡'c devant 11.'5 íntérets de la France. » .Joséphine ne voulut pas en en-
tend,'c tlavantagp; pUe intpl'l'ompit vivement fempereur. « N'cn dites


... \
,<1
\ \
~ (,.' - - "-"


, \~~ {':':-~ ~


pas plus, Ini dit-elle, je m'y attentlais; jI.' vous comprpnds ... }) Ses
sanglots l'intcrl'Ompil'ent a son tour; la pamle expira sur ses lcvres ;
sps sen s faillirent ; elle fut transportée dans sa chambre, Otl elle se vit,
f'O revenant a cllc, entre sa fille Hortense el Corvisarl, et en face de
Napoléon.


Mais cptte premiere el violmte secousse, a laquell(' l\'mpereur avaít
dú s'attendre, lit place a une douleur plus calme et plus concentrée.
,Toséphine eut I'aír de se résigner. Elle consentít a toutes les démonstra-
tions publiques qu'on exigea d'elle. Le drame officíel fut joué aux Tui-
leríes dans la soil'ée dnl J déeembre ~ 809 , d:ms une assemblée de fa-
mille, a Iaquellc assistaierit I'archichancelier Cambaeér¿'s et le secrétaíre
de '\'état civil. ;Xapoléon, quí avait tOllt préparé ponl' l'accoffip'líssement
de ses d($scins, s'expl'ima ainsi :


" La politíqne de ma monal'chie , dit-il, l'intél'et, le besoin de mes
peuples, quí Ollt constamment guidé toutes mes actions, veulent qu'a-
pl'es moi jc laisse a des enfants héritiel's de mon amour pour .mes peu-
pIes ce trane ou la providence ro'a pIaeé. Cependant, depuis plusíeurs
années, fai perdu l'espél'ance d'avoir des enfunts de mon mal'iage avec
ma bien-aimée épollse, l'impérutrice Joséphine : c'est ce qui me porte


1'·)
'-




;'90 I1ISTOIHE


il sacl'ifi81' les plus douces affections de roon cecur, il n'écouter que le
bien de l'état, el a vouloir la dissolution de notre mnringe, .. Pm'vcnn
a l'age de quul'unte ans, je puis concevoir l'espérance de V1\'1'(, nsscz
ponr ólever, dnns mon esprit et dans ma pensée, les cnfants qu'il
pI aira ü In providenee de me donner. Dicu sait combien ll\1e pal'cille ró-
solution a couté ti lUon cccur; rouis il n'rsl aueuo saerifiee (lui soit uu-
dessns de moo courage) lorsqu'il m'est dómootl'ó qu'il est lItile au bien
de la Franee.


1) J'ai le besoio J'ajouler que, loin d'avoir jamais eu a me plaindl'e,
je o'ai eu , au contraire, qu'il me louer de l'nttnchrmrnt rt (le la ten-
dresse de ma bien-aimóe ópouse : elle n embelli quinze ans de mn vie ;
le sOllvenir en restera tOUjOlll'S gravó dans mon eecnr. Elle n été
couronnée de ma main , je ,eux qu'elle eonsene Ir rang rtlr titro d'im-
pératriee; mais surtoul qn'elle nI' Joute jamais de mrs sentimm!s, el
qll'(']le me tienne toujours ponr son meilleuret son plus chel' nmi. )J


Joséphine, maltrisant I'émotion donlollrellse qui rrmplissait son
[une, s'ncquitla ayec dignité dn triste róle qu'on lui avait départi, 1'1
pronon~a fidelement lrs pm'olrs offieiellps que l'archichanerlier altm-
dait pOllr les porter au sónut :


« A Vl'C la permission de notre augusle et cher épOllX, dit-r1le, ,je
dois dóclarer que, ne conservant aucun espoir d'avoir des cnfan1s qui
puissent satisfaire les besoins de sa politiqlle et l'intéret <le la France , je
me plais a lui donner la plus grande preuve d'aUachemenl et de dévoue-
ment qui ait jamais été donnée sur la terre, Je tiens tout de ses bontés ;
e'est sa main qlli m'a couronnée ) et ) du han! de ce trone , je n'ai regll
que des témoignages d'affeclion el d'amonr dll peuple franr,ais.


1) .k erois reconnaltre tons ces sentimenls en consentant a la dissolll-
tion d'lIn mariage qlli, désol'mais, est un obstacle an bim de la Frailee,
qui la prive d'etre un jOllr gouvernée par les descendants d'un grand
homme, si évidemment suscitó par la providenee pour effaeer les lllaux
<I'ulle terrible révolution) et rétablir l'autel, le tl'one et l'ordre social.
!\iais la díssollltion de mon muriage ne ehangera rien aux sentimenls de
ilIOn ('(PUl' ; l' empert'U1' aura toujonrs en moi sa meillellr<' amie . .fe sais
('ombicll' eel acle, commandé par la poli tique el par de si grands illtére!s.
a fl'oissó son cecUl' ; mais l'nn el I'uutre; nons sommes glol'ieux dll sa-
('rine,' que nous faisons an bien de la patri('. "


L'assrmblée plait lIomhrellse : lous les assislanls étaiL'ut aUmdris




I
!


.-------_._------------ -.- -- ---------


DE NAPOLÉON.
jusqu'aux hu'mes. Le lendemain, l'arehiehaneelier presenta, et le senat
s'cmpressa d'adopter un projel de senatus-consultc prononc;ant le di-
vorce de Napoleon et de Josephine.


Ce grand acte accompli, l'empcreur s'oceupa du choix d'une nou-
velle épouse. Alexandre lui avait laissé entrevoir qu'il lui donnerait
volontiers la main d' une de ses smurs, la grande--duchesse Anne. Une
négociation fut ouverte en consequenee avec la Russic ; l11ais Napoléon
fll)Iwit bientót par son ambassadeur a Vienne, l\J. de Narbonne, que la
maison de Lorraine enviuit aussi son allianee ) et qu'elle serait charl11ee
de le voir epousér une princesse autriehienne, l'archiduehesse ~Iarie­
Louise. Peut-on croire que ces desirs d'alliance annon~assent, de la
part des souverains étrangers, une renonciation a toute nouvelle guerre
de principes ct une conversion sincere a une politique de l11oderation et
de hienveillance envers le gouvernement qui n'etait ponr eux que I'l1é-
ritiel' et le representant de la revolntion frall9aise? Tant de revers , ac-
cumules d'annee en annee, avaient sans doute altere leur syl11pathie
pour le malheur des princes legitimes; et l'on coni,;oit qu'apres Auster-
litz, lena, Friedland et Wagram, les l110narques du Nord dussent
eommencer a se lasser de tenir la campagne , d'épuiser lcurs ressources
financieres et d'arroser la moitié de l'Europe du sang de l'elite de ses
sujets pour la cause d'une race dechue, surtout quand Napoléon faisait
tout pour les persuader que le danger commun , dont la republique les
avait menaces, n'existait plus. Mais cette lassitude ne pouvait jamais
amener une veritable reconciliation : il ne fallait qu'un changement de
fortune dans la vil' de Napoléon pour réveiller, en dépit des liens dll
sang, les vieux ressentiments, les vieilles haines dont la révolution el
lui avaicnt ete l'objet. Les évenements 1'0nt prouve a l'égard de l' Au-
tl'Íc:hc; la Rllssie n'eút pas éte mieux contenue, dans sa tendance anti-
fralli,;aise, par la cOllsidération d'un mariage. Ne sait-on pas qu'en po-
lilique les affedions de famille ne vieunent qu'apres les illtérets et les
raisons d'état '? II est probable qu'un beau-frere, sur le trone des czars,
n'eút l)as rnieux fait qu'un bcau-pere sur le trone de Marie-Thérese,
pOllr le salut de l'ernpire et de la dynastie de Napoléon. D1'Ins les deux
cas , le gl'and homme, sclon sa propre expression, eut « posé le pied
sur un abime couvert de fleurs. ))


La recherche de son allianee, par les millsons souveraines les plus
orgueilleuses et les plus puissantes de I'Europe, restera dans l'histoire




c--------------------


HISTOlltE


eomme un monument de la grandeur a laquelle la France el son chef
étaient parvenus, el de l'éclatante supéríorité que la gloire plébéienne
exen;ait sur l'illustration et la vanité antiques. Quel triomphe pour la
démocratie fran<;aisc ~ Ce n'était pas assez que lcur longue et opiniatre
eonjuration contre l'esprit révolutionnaire n'eót abouti qu'a faire eOIl-
rOIluer la révolution, et a lui donuer le plus brillant des diademes ell
échange du bonnel rouge: un dernicr affront manquait a l'orglleil d~­
nastique; un dernicr coup était réservé au préjllgé de la naissanee. Ce
préjugé, eomert des mépris du philosophe el frappé des anathemes <lu
pellple, avait bien été immolé en Franee par la haute noblesse elle-menw;
mais la nnít mémorable du q aoÍlt ~ 789 n'avait dé, pour l'Europe
monarehique, qu'une orgie législative, dont les eonséqnenccs avaíellt
mnené d'unanimes protestations dans les eours étrangcres, le manifeste
de Brllns\\íck , la déclaratíon de Pilnítz. Pour complóter la vídoire dll
príncipe d'égalité, iI falIaít done qll'a l'abjlll'ation solennelle des l\1ont-
morency, a la tríbune de l'assemblée eonstituanle, vInt se joindre le
saerifice des prétentions de race, l'abandon du systeme des mésallianees,
la profanation du culte généalogique, de la part des lllaisons régnantes
elIes-memes; el cettc profanalion, eet abandon, ee sacl'ifice furent en
effet accomplis par les superbes signataires mcmes de la déclaration de
Pilnitz. Les descendants altiers de Píerre-le-Grand et les magniliqlles
héritiers de Charles-Quint envoyerent un jonr lellI' diplomatie rival"
frappcr a la porte des Tuileries , pour y offrÍl' la llluín d'une smUl' 011
d'une fille des Césars au commandant d'artillerie qui foudroya dans
Tonlon la vieille royauté, au nom de la l\Iontagne régieide. C;' en u étt,
fait san s retour du prestige de l'illustration héréditairc, et le principe
révolutionnairc n'a plus rien eu a ajouter an tríomphe des dl'oits dll
génie et du lustre personuel sur les préjugés dn sang, qnand la lllaísOll
de Lorraine, unie par 3Iarie-Antoinette a la maison de Bourbon, a Vil
son augustc ehcf faire conduire sa filIe, en grande pompc et a ll'a-
vers la tombe du duc d'Enghien, dans la couche dn soldat qui fit pro-
scrire les royalistes au ~ 8 fruclidor, et qui les mitrailla au ~ 5 vendé-
miaire.


Libre de choisil' entre divcrses princesses du sang le plus iIlustre ,
Napoléon, apres avoir pris l'avis dI' son cOllseil, se décida pour la filIe
de l'empereur d' Autriche, pou\' l'archiduchesse l\Iaríe-Louise. Le ma-
l'échal Berthicr fut chargé d'alIer en faire la demande officielle a ViennC'.




DE i\APOLÉO'i.
IlI.ll'J'ivll dans ceHe cllpitale an commeneemenl de IllIll'sI8J O, et, 1l1wes
:I\oil' fui! acccpter le portrait de son maitrp, il pUl'ut ¡¡ l'ulIIlieuce so-


lcnnelle que l'cmpel'eul' Frangois lui aecol'da pOUl' l'aecomplissl'lllenl
de sa haute mission,


" Sil't~, luí dit-il , jc ,iens au nom de l'empereuI' , 111011 maitl'c, von;;
demandt'l' la main de l'archiduchesse 3Im'ie-Louise, YOÍl'e illustl'c I1UI'.


)) U's (~millentes lJualités qlli dislingllellt eette pl'ince~se ont assigné sa
¡¡la en sur uu grand [rOBe, Elle y fera le bonheur d' uu gl'and peupIe el
celui d'lln gr~lIld ItOUlIllC,


» La politiqnc de mon souvel'ain s'est trouvée d'aeeord ayer les vmux
de son e<rUl'.


11 CeHe IInion de deux puissantes familles, Sü'e, don llera a deux na-
tions géuéreuses de nouvelles assumnces de tranquillité et de bonheul'. ))


L'mlper'eur' d'Autl'iche répondit :
« .le l'rgarde la demande en mariage de ma filie eomme un gage (k;;


scntirnents de l' el11pCrellr des Fran~ais, que j' apprécic,
,) Mes verllx pour le honheur des futul's époux ne sanraient etrl~ ('\-


pl'jlllés avec trop de n'rilé; jI sera le mipn.
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HISTOIBE


» Je tl'ouYel'ai dans l'amitié du pl'inee que vous représentez de lll'é-
cienx motifs de consolation de la sl'paratioIl de mon enfant ehéri; nos
penples y verront le gage assuré de !eur bien-etre mutue! .


• ¡ J'accorde la main de ma filie ill'empereur des ICI'an9,ais. "
Le maréelwl s'adl'essa alors ill'a!'ehiduchesse 3Jal'ie-Louise.
" Madame, lui dit-ii, vos allgusks parenls ont rPlllpli les VO'U\ dI'


¡'empel'eu!', 111011 llla1tl'c.
Il Des consirlél'ntions poli tiques peuyent avoir inllné sur la détenui-


natioll de nos deux souverains; mais la lwemiere consitlération, c\'st
eelle de votre bonheur : e'est Slll'tout de votre cmur, madame, qlH'
I'empereur) Illon maUre, veut YOUS obtenir.


Il II sera beau de yoir unis SllI' un gmnd trone, au génie de la puis-
sance, h's attl'llils et les gl'uces qui la font chéril'.


Il Ce .ionr, madame, sera heureux pour l'empPI'pur) mon maUre,
si votl'e allesse impél'ia!e ll1'ordonne de lui dire qn'elle partage les espé-
I'ances) les \ ceux ct les sentillleuts de son CITur. 11


La princesse donna allssitút la l'éponse qui lui avail élé didée.
" La volonté de mOIl pe re , dit-elle, a constammellt (;t6 la mienne ;


1110n bonhell1' restera toujours le sien.
)) e'est dans ces principes que S. 1\1. l'cmpe1'eur NallOléoIl pcut ll'Ou-


ver le gage des sentiments que je vouerai il mon éponx, heul'euse si je
lmis contl'ibuer a son bonhcur et a ceIui d'une grande nation ! le donne,
avec la perlllission de lllon pere, mon consentell1ent il ll10n union avec
l'empereur Napok'on. »
l~n tt'Oisieme discours fut adressé ill'illlpératrice, qui répéta il peu


pres dans sa réponse lrs vwux qll'avait déjil exprill1és son auguste
éponx. Enfin J'mnhassadeur franr;ais annonr;a au princ(~ Chal'les que
l'emperellr Napoléon dési1'ait que Son Altcsse aeeeptM sa'p1'ocllralion
pour la cérémonic du mariage. « J'aeeepte arce plaisir, répon.dit l'ar-
ehiduc, la pl'oposition que S. 1\1. l'empereur des Franr;ais yeut hien me
tl'ansmettre par votre OJ'gane, égalell1cnt fIatté par son choix que péné-
Iré du donx pressentiment que eette alliance effacera jusffll'ti l'arrierc-
ppnsée des dissensions politiques, réparera les maux de la guerre d
préparrra un avenir henreux il deux nations qui sont faitrs pour s'esti-
lllrr) et qui se renclen! une justice I'l'cipl'oque. Je compte entre les mo-
ments les plus intéresstlllts de ma vie ceIui ou , en signe d'un rapproehe-
ment aussi franc qne loyal, jI.' présenterai la main ti madame l' archidu-




DE NAPOLÉO\.


dlcsse :\lnrie-Lnuisc , nu Ilom du granel ll10nurqllc qlli YOUS a déMgllé ,
et je YOIlS prit', mon pl'iuce (le lllaréehal avail rc~u le titt·c de pl'iuce
de ]\/'ufeh:itel el de Wagrnm), d'Nre vis-a-\is de la Fnlt1re mti(']'e J'jn-
terpretc des \U'UX anlcnts que je forme pour (Iue le~ ycrtus dc madamc
J'archirluehesse ('imenlenl a jamais l'amitié de nos souvet'ains et le bon-
hClI!' de It'urs peuples. »


La cél¡"))l'ation elu mariage cut lien le ~ ~ ll1urs , ti Vienne. La nou-
vclle impóralri('c des Fran¡;ais se mit en route , le 15 , ponr la F.'anre.
Elle al'l'iva le 27 ti Compit'gne, OlJ Nnpoh'~()n :nait été la rerevoil'. Un
('ét'ómouial fastllellx avait été pn"paré pou\, ecHe p['emiére eutreme ;
mais Napo)¡"on, ne fJoll\unl répl'imcr son impalienee, passa pal'-dcs-
sus la )oi que lui-meme a\'ait tracée. A('c.ompagné uu seul roi de Na-


pies, il l¡uiUa serreleUleul Compiégne, par UIl lemps pluvicu\, l'l ulla


-------------------------




.\96 IJISTOIItE


se placer pour attenure la fnture' imperatricc SOllS le porche d'une petiti'
(~glise ue village; ues que Maríe-Lollise arríva, il s'élanr,a dans sa voi-
ture, et ils revínrent immédiatement au palais de Compi¿'gnc. Les iIllls-
tl'es époux se rC'Ildircnl ensuite á Saint-Cloud, oú le mariag(~ civil fut
célebre le ~ '" avril. Le kndemaln, lIs firont leur entrée dalJs ¡ayapitale,
La ceremonie du mal'iagc religieux , enlourée de tout(· la pompo dps
cours et elll eulte catholique, eul lieu le memo jOUl' dans une chapelle
(Iu LOllne, magni!if/ucnwnt Mcoree ponr celLP sol('J1nité. L'empereur


et I'impératrice re~lIl"('nt la bénediction nuptiale des rnains du cardinal
Fesch, grand-aumónicr , en presencl' de toule la famillc impérialr, des
cardinaux, archcvequl'S, eveques pt grands dignitaires de l'empire, ainsi
que d'une dépulation de tous les corps de l'état. Ce fut une fetc vraimenl
pOPlllairl'; tont Paris sp livra a la joie, t,t ce mouvemcnt d'allégressr
publíquesecommuniqlla, non-senlpment atontes lps partíes de la France,
mais a tons ll's peupks du continent, qui CI'urent voir, dans le mariag('
(le Napolpon aree une al'ehídllchesse d'Alltriehe, un gage assuré de la
dIlI'Pf' fle In paix.




DE i\APOLEO\. '0\)7


Jp ;¡ mdl, k ~{'lInt de Frallce , le séoi1t d'!tali<', le eonseil d't'tnt, le
!'OI'pS J(;!,i~ latif, lf's mil1i~tl'(,s, 1<'s curdinan", Jn com' d(~ cassnlioIl, ele"
\inn'nllll'ésCIllcr km's fdicilnlion:-; ti l't'mp('l'c!l], d a sa nomdle ('POUSE"
([ui k~ 1'('(;ul'<'I11 assis Sil]' l('ur tdH1e, el eny¡¡'oIlnés dll eOl'légc bril-
lant qlH~ f(wmait la double cour ue l'cmlJÍre frall~ais el du royaume
(1' !talie. Dell" jonrs apres, l\"apoléon el 1\Tarie-Lollise pal'tirent pou!'
Compi¿'gne, ou ils s(~jonrnól'cnt jlisqu'au 2i du llleme mois. lis allórent
ensuite visiter la BelgÍl¡ue et lr's dépal'tements du nOl'd, depllis Dun-
kerquf: et LilJe jusqu'all I-Iavre el Rouen, Le 4er jUill, leul's majesll's
daiell! rentl'ées dans la cnpitale, L'enthollsiasme qui nyait éclnté ú 1'0c-
casion des fc!r's du nlm'inge n'(>tait pas n~fl'Oidi. Ln ville de Pnris offl'it
IIne fete hrillante:, ~apoll'oll el 11 l\Inl'ie-Lollise, qlli assistórent. au
baTH[ud ct an hnl ([lIi lell!' fllrent (IOllllés ti l'Ilútcl-de-Yille,


La ¡r<lI'fle illl]l¡"l'ialf' ,onlllt c¡"ldH'el' allssi l'llllioll de SOIl glorien" chef
aH'(' la IIII¡, hil'll-aim¡',(, (l'UlI 1Il0llarrlllc qn\'lle :mlit si sOIlYrnt \~aillel1
d humilié. La felc cut Iiel! au Challlp-dc-Mars, clIn gardc en lit


les hOIlIlcllrs Ü \apol("oll I't il sa hl'illalltr' ¡;POllSC, an nom de tOlltp
I'arm('·('.


,-------


--~----~--_._------


r . • ~. ~\




I!)~ H I STO lIt E /) E N A PO LL~ O N .
An miliell de res transports universcls et de ccs réjonissanc('s splen-


dides, l'ambassadeur d' Autriche dcvuil avoir son jOUl" pour étaler sa
joic of11cicllc ct son faste diplomati'lllp. II choisit le ~r,. juilld, el la f"tí'
fllt marquée par un sillistre l'véuclIlcnt. Le feu prit a la salle du haI ;
la femme du ministre autrichien et plusieurs autres pcrsonncs P('~I·jren 1
daos I'incendie. Napoléon ne Jaissa pas it une main l·tI'augerc le soin ct
I'hoIlUeUI' de salIYer son épollse; iIla saisit vin'llleIlt et l'emporta llli-
móme hol's des pie ces elllhras('es. Oll se rappt'la alors IJue les retes pOli!'
le mariage dn Louis XYI et de l\Iarie-Antoiuette avaient été troublées
anssi pm' de graví'S arritlcnts.




,


I
,




e 1I\1' ITH E \ '( \11.


IIi'l'lIadoLlc ap[lel,' ;1 ~uceeL1('1' aH rvi de SueLlp. Ht'llllioll de la Jlollandc a la F'-;tIIt'("


EU de temps apres J(,S retes (lu maringe de
~npoJéon avee lHarie-Louise, un évéllemenl
remnrqunhle s'élui[ pussé dUBs le nord de
l' EUl'ope. Bernndoltp nvail été é111 priuee
royal de Suede; In diete l' nvnit apprló h suc-
céder a Cha1'les XliI, alln de lllaintcllil' l'ex-
dusion dont la famillp des Wasa 3vail ctc


fl'appée 10l's de l'dévntion dll prince rl'gnant (le duc de Sndermnnie) au
trtHle.


Les l'('lll'CSentants de la nntion suérloise crurent plairc, sans doute, h
NapoJéon, et ngir dnns les intl-rCls de su politiqne , en fnisant un pnreiJ
ehoix. Peut-étre meme avaient-ils sonllé les inÍl'ntiolls de l'empereur iI
('et rgard , quoique des éeriynins nit'nt prétendn que l'l-lection ¡müt l>tü
tout ¡¡ f¡¡it sIlOlllall('e, el (Ine l'agent franljais lt Stod,11011ll n\ anlÍt mellle




-------,


?ion IIISTOIIU,-


p!'is pal't que pOlll' la contrariel'. « lkl'lladollt~ /'lIL dll, a dil ~aJl()It"oIL
paree (llIe sa felllllle 6tait la slPur dc edle de> monlh\l'I' JOSI'plr, r(;gllaJll
alors ti Madrid. BernadoUe, affiehant UIW grande d("peudaIH'l', ,in[ llIe
dell1amkl' lIlon agl'émcnt , }mMstant nwe ulle inqllié[mle tl'Op \isihle
qu'il n'accpptl'l'uit qll'alltanl que eda me s('l'ait agl'{·nhle.


» :Moi, monm'que élu du peuple, j'mais ti rt~polldre que je ne smais
point m'opposel' aux éleelions des autl'es penpks. e'est el' ql\(' j(' (lis il
Bprnadottp, (Iont toute l'nltilllde l¡'ahissai ll' anxil't¡'· que faisait naltre l' al-
iente de lIla répollse. J'ajoutai qu'il n'mai[ qu'i¡ p1'o{ite1' <le la biclIYeil-
hul('~' donl il ólait l'objd , que je He youlais a\oit' été [lOUI' rien dalls
son (;Ipelion, mais <Iu'dl(' ayait ll10n assC'IItimellt el mes ,(pu\:. TOllt('-
fois, le dirai-je, .i'é¡womais un nl'l'i¿'¡'c-instinct <Jui me l'mdaitla dIOS!'
t1ésagrt'ublc d péllibk. »


Ce fú(']¡('u),. lw<'ss('fltinll'nt l·tait tl'l's-Ilatul'd dlcz l'cllllH'J'('lIl' , (l"i 11('
p<lll\ait ollhli('1' <jll'¡'nlre lui ellkrnadolll' il y mait tOlljour~ ('u un 1('-
,ain de ri'Hlilt· s('cL'Ne d jatuais de sympulhie. CeJwndalll e'dail llIl
Fnmr,nis, Iln soldat (lü la 1'l"pu]l]úluC, atll]w'l les gl'anrlelll's (l<' I'¡'mpit'<·
n'mnÍ!ml pas malHlué : il scmhlait qll'UII li('JI indi¡.;soluhle, plus ro)'t
que Ips rél'ugnunees d les gl'icfs persolluds, atf.adwit ird'\OcalJIew('Jlt
11m, destinr"('s de la Frallce 1l01lYl'lle l'illusll'l' gllerril'r <lui ('~lai[ uPJlr'I(~ ti
J'l'gllCl' un joUI' sur la Sul·dp. Napok'oll lle s'ul'J'¡\ta dOlw pas aux UH,[,-
tisscments intimps qu'il recevuit de su 11l'ofonde intelligelll'c des ]¡omnl<'s.
11 permit ti son liputrllnnt rl'aeeéder au YU'll des Suédois, el s'il Jit, 1'11
cela, violenec ti ses prop1'es peuelrants, e'est unc raison de plus du
J'pconnult1'e quc le domiuateur uniH'1'scl était dominó lui-meme lm[' ulle
f(ll'Ce sl1p('~r'i('urc ti In sienne. II ¡"Iait dit q lleduus le \ast(~m(Hl\('lllt'lrt de la
r('géw;ration cUl'OpéenllC', un I'llfnnt de ('elle réyolution, ¡[ontlp dt'l'1Iir'1'
d('s W nsn arnit fotó l'elllwmi le plus opillitlll'e sur le contirwnt, ¡mil s'as-
seoi!' sur leur trlJllC et ft'l'ait de ll'ur enpi lalt~ ulle ülle fl'H[]~:lIisp. Si ,
plus tal'd, le 1I0UH'UU roi oublie SOIl Ol'igilw el se nwt ú In sllil(~ d(~ la
,¡eille EUJ'ope, ('e poul'l'a 61.1'(' lll'l'judiciuble ü son tllll'Íenne gloin' el 1'u-
lIe~t(' illa 1'01'tlll)(, (1<~ Knpol("oll; lIlais la Sw!dc u'¡'1l dl'\ ¡i'ndl'll pas 1l1OillS
lllJ(' eOllquete assnróc, f't plus OU llloill" pl'oe!wiJlc, pOli!' la jeulw EII-
J'ope, pOUl' la ClIlIse du si\~cle. Ce ne S('.!':l pas ('11 rain (lll'dle aHl'a ill-
~tall(~ la philosophie d la rh'·lllo{,J'atir· tlans ses paJais, d <ju'di<' aUl'a '11
dcs('('wh'(' SUI' die, dps hmltenrs (IC' I'mlllliJlis!ralioll d du \ OiSj!l¡I~i' dll
tnlne, 11' sO\lme liJ¡l'ral, l'baleille f'iúli"alri<'C' d(' la FI'<I!)('('.




I


I \
, ,


D E. :\ A P O Ll~ () \ .
PI'I'SIJIII' nu llIemc 1ll0l1lt'llt oi! l'un des plus céldll'es llltu,,"dlalL\ dI'


1\apolt"ol1 allait attcndl'e une courOllne U StocldlOlm , l'un de ses fról'l's
l[uiUnilla sicJIlw a Amstcrdam, Louis Bonapal'te éluit un hOllUllC d'es-
pt'it , pl('in de: hOllnes intL'Htions; mais le seeptre de IIollunde, sous
r('IIlJlil'(~ du bloeus contincntul, étuit au-dessus de ses forces, el il le
[¡¡issu tombcr u terre. Depuis longtemps l'empercul' lui reprochait su
Il'Op grande faihlpsse duns l'ext'cution des dl>crets dc Berlin f't ele 3liluu.
Le MonilcllT U\ nit mlmlC signalé les conlraycntions joul'Jluliel'cS de la
llo11andc at! systeme napoléonien) el) sur Ulle pluinle que le princp
Loui" a,ait expl'illlee it cc sujct, l'empel'eur luimait répondu tic Sch(l~Il­
hl'llllJl : 1I C'I'S! la Franee qlli a sujct dc se plainclt'c dH mauv:iÍs esprit
'1ui rt'¡!:llc dJ('z ,ous. Si ,ous ,oulez que jc yous cite lOlltes les tlltlÍsons
f¡oll:lIIdaises (Iui sont lt~s ll'ompcltl's de L\ngll'icrrc, cc scra fort aisé,
\' os l'egkllH'1I1s de douanes sonl si mal exécutés quc toulc la corl'espoll-
claIl<'e (It~ l' Anglelerre aYec le eOlltillent se fait par la Ilollande ... La
lIo11ande ('st HIlC prmillC'ü anglaisc. »


Cps I'l~(,l'iminations étaicnt restees sans erfet. Le roi Lonis était plus
lOlWhé des lllaLIX présents de la I10llande que des résllltats éloigués
<[U<' le hloCllS eontillelltal pOlmút prolllcttl'C U Napoléon, Le systemC' de
\"'IllPI'J'I'UI' cxigeait, dans l'exéeution, des tuncs assez fortemcnt trem-
[lecs pOli!' se nwttl'e en C'onununieation avcc la sicuue, Ses premiers
ageuts fUl'etlt ses fl'erl's, des qu'il s'engagcu rlans la fondation d'unc
dyllastie. Il Cl'ut les rapprocher de scs YCCIlX ct de ses iMes en les l'ap-
pl'oehaut de lui, dalls la hiél'al'chie politique, en lcur donnant une
position analogue U celle qu'il oecupuit llli-meme, en lcur posant allssi
l1IW coUt'onne sur le fronl; mais', sclon l'cxprcssion qu'ila appliquée u
LOllis, illle fit que des (1 rois lwéfets )) , qui ayaient toutes les qllalilés
n("(:essail'es pour figlll'el' lto\1ol'ahlt'nwnt dalls un rang seeondaire et
111111S un autrc Íl'llllls, el aucune de ccllcs (Iu'exigeaienlles eireollstanccs.
Si I'oll ayail tl'oU\é faeikuH'lllllOlll' 1'1'1111)('1'('\11' un eortége convenable
dc tetes couJ'oIlnél's) iI fnt 1lI0illS aisé de I'ClIeontl'cr des auxiliaires, des
/'oopú'atl'lIl's intl'lligrnts pOlH' le grand hOtlUllC. Lc trone s'élait de\ó
HU miliplI du plus l)J'ilIallt euluurage; le gl'nie resta solitaire.


] ,ouis Bonapal'lt', au lieu de s'illspil'l'l' <le la pensee de son fret'e el de
dll'l'I'h('\' ti I't'udl'ü la nol1ilnde rnlll~nis(', en ,k'pit des l'ésistanel's pas-
~ngi'l'('s (ks illtl'l'ds f\'oisses, la laissail ,in'e SOllS le pnll'Onagr el (tulls
Iu dl'p"lItlalH'1' Illl'l'cllnlik' (le L\ngll'lC'n'('. 1\apo!t'oll, contrarié par




IIISTOIBE


cette condesecndallcc el blcssé de voir ses pl'(~mil'l'S avis dúlaignés ,
écriYit au roi de Hollandc une nouvellc Mtre (Iui slIftirait scule pom'
téllloigner, clan s l'histoire, que l'empereur, pleinc11wnt identifi(~ avec
le pellple qui s'dait donné a lui, ne vivait plus (Iue de la vil' dc la
France. V oiei qudques passages de ceHe missi ve remarquahle :


(( Votre majl'sté, en montant sur le tróne de I1011andc, a on hli(;
qu' elle l~tait fran~aise, et u m¡\me tcndu tous les res80r1s de sa raison .
tOLll'menté la délicalpsse de sa conscience pourse persuader qu'dle ótait
hollandaise, Lps I1011unclais qlli ont indiné pour la Franet; out été né-
gligés et pcrséclltés; ceux qui ont s(~rvi l' Anglpterrc ont été mis en
amnt. Dcs Fran~ais, depuis l'officit)r jusqu'au soldat, ont élé chassés,
déeonsidérés; et r ai eu la dou 11'111' de voir en Hollande, sous IIn [ll'inc(;'
de mon sang, le 110m fran~ais expos(~ á la honte. Cepenllant je porte
tellemcnt dans mon ('(Cur, j'ai su soutenir' si hant, sur les hal0nnel[es
de mes sold¡Jts, l'estimp et l'honnenr du llom franr,ais, qu'il n'appaJ'-
tient ni ala I1ollande, ni u (lui que el' soit, d'y POrll'l' atteinte impu-
némenl. .. QlIi a done pu .iustifier la eonduite insultante pour la nation
f'Í offpmítlule pour moi, qll'a tenue votre maj(,sÍ<~ 't \' ous rlevnz eom-
prendre que je ne me sépare pus de mes prédécesseul's, d quc, dermis
Clovis jusqu'au comité de salllt pllblie, je me tiens solidaire de tout. ..
.Te sais qu'il est venu de mode, parmi de eertaines gens, de faire lllon
éloge et de déerier la Franee ; mais ceux qui n'aiment pas la FraIlee Jll'
m'aiment pas, ccux qui disent dll' mal de mes peuplcs, je les tíens pour
llles plus gl'ands ennemis ... DaIls mon diseollrs au corps législatif)
j'ai laissé entl'evoil' mon méeontmtement; cal' jI' ne vous earherai pas
que mon intention est de réunir la Hollande a la France, commc eom-
plélllent de lel'ritoire, eom1l1e le coup le plus funesle que je puissc
porler u l' Augleterre , el comme me délivrant des perpétlleJll)S insultes
que les ll1ClleUrS ele yotre cahinl'Í!le cessmt de me faire. L'cmbouehurc
elu Rhin et eelle de la Mcuse c\oivent m'appartenir. Le pl'ineipe, en
Franee, que le Thalwag du Rltiu est notrp limite, est un pl'incipe fOIl-
c1amental. .. .lP pnis done lai550r hla ITollnIlfle la ,'ivp droite <lu Hhin,
et jI' lcverai les prohibitions donnr"es a mes douanes t(jules les fois que
les traités existunts, et qui serout rellouYelés) seront (':\t''('IMs. \' oici


. mes intentions :
-lo L'intcrdietion (11) tout eommel'ce el de' loul(' ('OJJ1JllllIlÍ('atioll arel'


l' AlIgletl'J'I'e :




DE \APOLL~O\. :;(1:;


~" r'H' ¡¡olt!' dI' qllalm'z!' ,nisseuu" ,In liglw, de sl'pl fl'(\gat.es el ct(~
sept. hl'icks OH eOl'vettcs armé s et é(¡uipés ;


;)0 rile armée de terre de vingt-cinq mille hOl1l1lWS ;
!¡O Suppl'ession des rnaréchaux ;
;iO DestI'uclion de lous les priviléges de la noblesse eontl'aires it la


\'onstitution que fai donnée et que j'ai garantie.
« r olre majesté peut faire négocir,r sur ces hases avec le duc de Ca-


dore, par l'entrernise de son ministre; mnis elle pcut etre eerlaine qu'au
premier paquehot qui sera introduit en Ilollande , je rétablirai la défens(~
des douanes ; qll'it la premii~rr insulte qui sera faite ti mon pavillon, je
[('rai saisil' Ü Illain UI'llH'e, et pendre au gnmd mM l'offieier hollandais
(¡ui se perlllelll'<l d'insulter lllon aigle ... "


Le roi de Hollande ne fllt point com;erti pnr C'e langage du maitre.
Les besoins, les intérets aetuels de l'industric hollandaise fixaicnt tou-
jours, ct par-dessus tout, sa sol\ieitlldr. 11 ne SP C'J'oyait rngagé qu'cn-
"ers le peuple }mtavr, pt se serait reproehé de poursuin'e un autre bUl,
qne la prospérité immédiale des prmÍIwes comprisl's duns la cireoll-
srJ'iplioJl Ü'rt'itoriale de SOlll'OyaulIle. Ne voyant plus que la I1011ande,
il ouhliail (lU'il u'y uyuit dé placé que ponr la faire concol1rir au triom-
phI' d'llI1e cause plus générale, a la gloire et an salul dll gnmd empire.
e'est que Louis répugnait, par tempél'ament, aux mesures extremes,
aux remCctes hérolques. Il était de cel1X qui font de la politique en myo-
\1eS, eomme dit de lVIaislt'e; el ses scrupules, qui avail'ut d'ailleurs
leur coté louahle, l'etnpCchaient de voir que le blocus continental n'était
ponr l'empereur que ce que le gouvernement l'évolutionnaire avait l·!(;
ponr la rópublique, une nécessité déplorable et passagere.


Louis ne el'Oyait pas d'ailleurs que le bloeus déerété contre I'Angle-
le!Te dút moil' pour lrs inté,·¡\fs hl'itanniqlles le l'ésultut fuueste que
s'en pl'omcllail l'clllpel'l'ur.


" La drsll'lldjon de la Ho[Jumle, l'cri"ait-il a Napoléon, loin ri'e/re
uu mo)'en d'aUeindl'e l' Angleterre, est un moyen de l'aceroltrc par toule
l'industrie el tontes les richesses qui s'y réfugiel'ont. 11 n'y a que trois
rnoyens d'alteindl'e réeJkment l'Augleterre : on en détaehant d'elle l'Ir-
lande, ou en s'emparant des lnde!' orientales, ou par UIle descente. Ces
deux derniers moyens, quoique les plus efficaees, sont inexl'cutables
sans marille; mais je snis élonné qn'on ait si facilement renoncé au
premier. "


.-------___ 1




i-----


IIISTOIHE


L'em)lel'euJ', flui savaít tl'l's-lJicn qu'il lle d("ll'lIisait pns la llollaJHII'
('11 lui imposant (les sarrilkrs ti'IllJlorail'('s, et (lui lIn ('I'oynit pm; no"
plus qlle l'industl'ie anglaisr clút gagnrr ü la (Tise que sllhissniPlli rj{~res­
sniren1f'nt les industries eOlltinentnles, pngagées dalls I('s SI)(~(,lIlations
lllnritimrs; l' clllperrlll' fut j1eu tou('J¡(\ (les l't"rl'Íminaliolls clu roi tOll is.
Lol's de son Yoyage en Belgique, illui ndl'essn d'OstplHh~ unjO nouH'J1e
missiye, 'lui n'¡"lait que la n'I)J'()(lndioll d(,s 1\I(\n1<'8 repl'oehrs. « Si ,
soul1lise a un de mes frel'E's, llli dit-il, la TJoIlal\(lp 1)(' tt·O\IYP pas en lui
mon image, vous ddl'uis('z tonte cOlll1mW(' dans mon arllllillistl'atio!l;
mus hrisez VOus-lllc'me yotre sc('ptre. Aimez la Frall('c, aillwz mn
gloire, c'est l'uniquc maniere di' srnil' 1(' roi d(' llollalldr.


" La HolIande, ilrvrnur pnl'lie dl~ mon rmpil'l' , si mus ('ussil'z MI' re
que \OlIS deyiez etre, m'¡'út été d'autilnt plus phi'l'l', que jo lui antis
donn!" un prinpc'qui élait pl'esque mon fils. En YOlIS llH'ttant slIr le trúm'
de Ílollande, j'ayais rm y plarer UIl eiloycn fl'all~ais; YOUS HH'Z t'ui\ i
.\llle mute dimnt-trnlement opposée ... RpYCllez de ,otre fausse I'outl';
snyrz hien Franc;:nis de C'(('tlr OH yolre pellpll' mus dlllSSPl'a ... e '¡'t' 1
nw('. de la raisoll d de la politiq\lr qur ron gouYI'J'He ks dais ... \)


Le roi de Hollnnde , qui pCl'sislail il youloir rester lIo11anclais, sdoll
le eri du moment et les besoins aC'ÍlIds dn prllple lllarchalHl dI' ses porb,
et non point sclon les yurse! les prévisioHS lointaines dI' l'elll]l("'eUl' ,
I1nit pnr se lasser de la lutte inégale qu'il soutC'llait mee son frere , el
abandonna ses étnts pour se retire!' en Allemagne , apl'eS :n oir clIYoyé 11
Paris un aete forme! d'abdieation. Napoléon se montra indigné de edIl'
démare!w. Sur le l'appol'Í que lui ('Jl fit le ministl'c dt's relations C'xté-
I'ieu!'es, il dérrda , le D juilld 1810 , la r¡'~union de la llollandc it ['em-
pil'l' fraIl~ais, et le muréehul Olldinot s'empara immérliatcmrnt 1[' Am-
stpr(ln!l1.


L't>mpcl'cul' ne dé\Ora pns cn silcnce l'afnídion quC' luí ('nusnil}n
t'onduite ele son frl~l'e. Quantl ('!'luí-ei, par son a]¡llicatioJl d par' sn fui le,
ayail eu le desseill de l'acclISCI', elevant l'Europe el la postt"l'itó, de ltti
nvoir rClldu la COUl'onne tl'Op pl'santc par ses rxigl'lle('S , Na[lol('~on 11('
pouyait rester sous le t'oup ct le seaIlllale de eelle dl-noneialion, salls
l'épondI'e it l'accllsate.ul' innllendu ([u'il a\'nit rrnroJltl'('~ clans sa fmnille ,
tlút-il l'accablcr pnJ' 1'l'xpression s¡'~ri~re !l'un bl.lmc solmnl'l. El COlllllle
tout devail etre hors des romhinnisons yulgaires I't ,les ri'glrs commllllCS
Ilans Ics [l(,tcs de cet hOll1l11r pxtraoJ'(linnÍl'(', iI sut (¡'OJJWI' un moyen ,




PI: 'i.\ l' O L1~ () \ .
quc Hui tl'alll'ilit osc imagincr, ponl' fai\'(' pén<'~IJ'('r plus pl'OlondenH'lIt l.'
t['ait (IU'il destinait au lllalhcm'('ux Louis, pI pou\' l'mdl'C' sa J'L'pl'Ohatioll
plus édatantc et plus remal'f[uahlp, Ce sel'a en s'atlendl'issanl sur le sorl
du lils CJu'il frappera le pe re : lamlmw pal'Ole donnel'u la ,ie a l'lln d
la IUOI't a l'autl'e, dans le monde politiqul' ; et le peuple, qui regle s('~
alTections et ses haines sur eelles de son 1\(~l'os , cessera de comprendl'c ,
dans son aUachement ¡¡ la famille impériale, le frere qui tllll'a vouln se
séparel' de l'empcI'clll', et il s'intél't'ssera au neveu, dont l'empereUl' Sl~
sel'a dl'('lm'é l'appui et pl'esCJlle le perl', Le 20 juillel, dans une gl'andl'
réllnion ü Saint-Cloufl, Napoléon se rait pI'l'scnter le prineC' NapoléflTl-
Louis, son filknl, PI Ini dil an'!' effllsioll :


" y (')le¡/; , mOIl Iils, je serai volre pere ; vous n'y perdrez I'¡(>II,
1) La conduite de voh'C ptTe aftlige mon c<PUI'; sa maIadie seuIe peu i


l'exp1ifluer, Quand vous serez grand. vous paierez sa dette el la vótre.
N'ollhliez jamais. dans fiuelque positioIl que vous plaCel'ont rnu politi-
qlW et I'intéret de rnon el11piI'~, qne vos premicl's devoil's sont enver¡;
llloi, vos seconds envel'S la Frunce; tOLlS \'os autres devoil's, IlIClIll'
t'[}Vl'I'S les pClIples que ji' jlourrais vous ron fi l'I' , lIe vie!llH'lIt fJU'Hpl'(·S. "


,.,


'"




HISTulllE


Si un \'Oi vlIlgait'c, assis sur un auh'c h'óne que eelui de Fl'tlllce , 1<'-
lIait un pareillangage, on lui reproehel'ait, tI bOll dl'oit, comme UII
excL's d'orgueil, de se placee avant la patrie, et eomme un exees d'ég0'ismp
natíonal, de sacrifier a sa politi'lue les intérNs des peuples alliés 011
con'luis. Mais Napoll'on ne mettuit les devoirs envees lui-mcme au-des-
sus des devoirs envers la Feanee que paree qu.'il se considé,'ait eomm!'
la tete et le eceu!' de la Feanee; et il ne faisait venir les devoil's des
prinees, ses snjets, envers les peuplt's qu'il lenI' eonfiait, qu'apees
leurs devoirs envees la France; que paree qu'il regardait aussi la France
eomme la tete et le eceul' de l'Europe ct du monde eivilise.


La reunion du Valais a l'empire suivit de pres eelle de la Hollande.
L'empereur eommuniql1a ces deux grandes mesures au sénat, pal' un
mcme message, a la sl'anee du 10 deeembre 4810. On y lisait :


( Les arrets publiés par le eonseillwitannique , en ~ son et ~ 807 , ont
déchire le droit publie de l'Europe. 1'n nouvd ordee de ehoses r(-gil
l'unívers. De Ilouvelles gal'anties m'etant devenues néeessain's, In
"l-tmion des embouehul'es dc I'Eseaut, de la l\leuse, du Rhin, de rEm~,
du Weser et de l'Elbe a I'empire , l'établissement d'une navigation inh\-
deure aYec la Baltique, m'ont parll eÍ1'e les premi¿'res el les plus im-
portantes.


') J'ai fait d"esser le plan d'un canal qui sera exéeuté avant cinf( ans)
el f(ui joindra la Baltique a la Seine.


» La reunion du Valais est une conséquence prévue des immellsr~
t\'flvaux que je fais fuire depuis dix ans dans eeUe lm'tie des Alpes.
Lors de mon acte de mediation, je séparai le Valais de la eonfédéra-
lion helvétique, prévoyant des 101'8 une mesure si utile a la Franee et il
l'Italie,


1) Tant que la gucrre durera avec l' Angleterre) le peuple fran,:;ais IW
¡loít pas poser les armes.


)) 1Ies finanees sont dans l'etat le plus prospere; je puis foul1lir a toutes
les dépellses que nécessite eel immensc empire, saIlS demander a mes
peuples de nouveaux sacrifices. »


Ce n'était pas une des moindres merveillcs du rcgne de Napoléon que
eeHe prospérité finaneiere. Elle etait cIue prineipakment a l'esprit d'or-
Me qu'il avait communi'lué a toutes les branehes de I'administmtion ,
el qu'ill'xigeait plus séverement eneore dans la gestioTl dl's deniers pu-
blies. On a pn ~)ptonnel' alH'eS lni qu'il eút soutenu la gllerre pendant


--_ ... _-------




DE '1\POLI~()\ .,)üi
quillze alls. tI'uu bou! de rEurore á l'aull'e, el lJu'il eút gOllvel'l1é la
FraIlee llouvelle, dans ses vastes limites, de ROllle ti Hmnbuul'g , avee
! .. s ¡nemes impots qui unt ti peine suffi depuis pOUl' entretenil' la paix
dans le cercle (-troit de l'andemie France.


Le séJlal s'empressa de l'épondre ti l'appel de l'empercur; il consaCl'a
pm' deux sénatus-consultl's la réunion du Valais el celle de la Holland!'
ti l'empire fran~ais, et yota ensuite une adresse) dont la pl'emier(~
phrase indi{lue toute la pensée.


(, Sire, la profondeul' et l'étendue de vos desseins, la franchise ella
générosilé de voh'e politique, votre sollieitude constante ponr le biel!
de vos peupl~~s , ne se sont jamais plus manifestees que dans le message
adressé [tU senat par votre majeste imperiale el I'oyale. )1


Le (ltivouement senatorial ne s'exhala pas, dll I'este, en phrases
pornpeuses el en vaines fiaUerics. La ronseriplioll l1laritillle el ('die de
1 S 11 ftll'ent votéps á la Illeme sellnre.




CIL\PITHE XXXlll.


,\Ie~ures contre la pres~e. lU. de cbateautJriauullollUllé a rIn!'.Utul VOUl' l't111placer Cht~lli('r.
"'ai"ance ct lJapteme un l'oi ue lIome. Fétes puhliques daus la capitalc et .Ian.'


I'empíl'c. ConciIP national. Le [lape .1 Fontairwhlrau.


E tOUH leH reproches élevés contrI.' la mémoin~
de Napoléon, nul n'a été rel)l'oduit avee lant.
Ile pel'sÓ\él'ancl' l't 11'nigl'eUl' que celui d'ayoir
douffé la liberté de diseussion dans les as-
selllIJ\t',!:,s Mlih('nmles el dans les f('uilles pu-


ues. l\\'\H-il faít qu'é!llblil' la ceIlsure et


1'('lllh'l' la tl'ihnIle JllueW~, e'en seraíl assez,
anx yeux de (luelqlles jansénistl's pnlitiqués,


pOlI!' temir le lustre de 8a vie el ponr snú'hllrgeI' SOll aUl'éole de gloire du


signe des tyrans. A Dlcu nc 11hlise que nons eontl'slions l'nlililé sllpremc


de la presse 1 Plus que personne) nons reconnaissons d nons respec-




!lISTOIHE DE NAPOLÉON. .'íOO
tOIl:; eH elle la pI'eIlliere des puitiSanCL's civilisatl'ices , la vÓl'itable souve-
raine Ut'S temps mod!~rnes, l'agent impél'issable de la Pl'ovideIlee dans
la gl'Hndc (Eu\Te de l'émancipation des peuples, la glorieusc devanciere
du consul Bonapal'te dans la prépal'alion, l'accomplíssemeut et la dé-
reIlse de la révolution franr;aise , el l'unique hél'itiere de l'influcnce, de
l'ascendant et du pOU\'Oil' de l'empereur Napoléon sur l'opinion publi-
que, non-seulement en fl'ance , mais encore parmi toutes les nations
policées.


Lorsque NapoléoIl s'ell1para des renes de l'état, la presse lombait de
lassitude et d'épuisell1ent, alJl'4!sune lutte opiniatl'e de dix années. In-
strument des nomhreux partis qui diYisaient la nalion, elle ne srrvait
plus que l'anarehie et laissait croltl'e ks dégouts et le ll1épris autolll' de
la révollltion qu'elle iI\'¡üt su autrefois faire rllórir et respecter. Hlni
('allait du repos ponr se retremper , eomme il fallait a la róvolution un
pl'Oterteur JlOllvean qui la défendit mieux contre sps ('nnmlis implura-
bies et eontre ses amis égarés. L'heure d'un dictateur était H'nue : Na-
poléon parut. La démoeratie renonc;a a la parole multiple de ses eo-
mices, de ses clubs et de ses journallx, parole qui avait été sublime
parfois et tonjours puissante an moment des dangers de la France, et
<¡ui avait fini par ne plus etre qu'nne cause ineessante de déchirements
et de trouhles pOUl' le pays et qu'un moyen permanent d'affaiblir et de
décon~idérer le pouvoir. L' ere du silencc commenqa, ou, pluto!, aux
orages du forum suecéda un admirable monologue, daus lequcl la
Fl'3nce ne se montra pas moins grande qu'aux plus beaux jours de Sil
carriere .parlementaire. Vhéritage des illustres orateurs de la consti-
tuante et de la cOIlvention était gaspillé par des successeurs indignes OH
inhabiles. lHille voix discordantes s'élevaient qui voulaient toutes inter-
prét(>r ü Icur maniere les besoins et les vmnx du pays, et qui ne réus-
sissaient qu'a le til'3i1ler indéfiniment et a perpétuer ses périls et ses
souffrances. Au milieu de ces voix confuses, un homme sllrvint, qui
osa dire a son tour: « e'est moi qui suiti la France ; cal' je sais mieux
que tous ses prétendus interpretes ee qu'illui faut et ce qu'clle désirc. »
Et comme cet homme disait vrai, la France le crut et I'accepta pOlIr
son unitlue organe.


Des ce moment, les voix confnses et discordantes se turent, et le su-
pl'eme représentant de la Franee parla seul : e'était la cOlldition inévita-
hle de la tache qu'il avait a remplir pour reudl'e la rt'volulion tl'3nqnillc




;)10 nISTOIHE


au dedans el puissante au dehors. Toutefois, la liberte de la pn'sse IIC
ful pas Ctouffée; elle ~e laissa seulement COUVl'Ü' d'un \oile et mcltre iJ
l'écart, jus(¡u'a ce que l'illévitable réaction dont clle était l'ohjel cut
eessé , el que les eireonstanees vinssent la ramcncl' sur la scenc, pou!'
lui restituer le gouvernement des esprits. Elle comprit sans doule que
("'était pour elle le moment de la re traite , et qu'elle devait laisser faire
el dire le géllie du dictateur, puisqu'elle se résigna au silence , sous 1('
l'egne duquel elle put meme faire oublier ses execs el réparcr ses
forces, afin de rcparaitl'e un jour plus active et plus influente flue ja-
mais. Si la franchise des écrits et des journaux eut été nécessaire a ceUe
époque, nul ne l'eut violée impunémenl; et si la pl'esse, qui s'est mon-
trée depuis héro"iquement rebeIle aux ordonnances de Charles X, obéil
senilcment alors aux décrets de Napoléon, e'est que les sentiments el
les besoins populaires de ~ 810 n'étaient pas ceux de ~ 850, el que la
pl'esse s'inspira des instinds nationaux el senil égalemenl la cause du
siecle, soit lorsqu'elle s'abstint de résistallee ellvers le rep¡'éselllalll de
la I'évolulion, soil IOl'squ'dle don na 1(' t'ignal de la r"Yolle ('onl,'(' le
)'eprésentant de l'anciell régime.


A peine Napoléon venait-il de publier une nOllvelIe meSlll'(' ''('s trie-
tive, touehant la presse périodiqlle, et qui avait pour but de n'alltol'isel'
qu'un seul journal pm' département, qu'un événement imprévu vint le
confirmer dans le systeme que la difficulté des temps lui avait imposé,
de faire surveiller toute manifestation publique des pensées et des
opinions poliliques.


1\1. de Chateaubriand avait été nommé pom' remplacer Chénier 3
l' lnslitul. L' usage voulait que le récipiendaire nt l' éloge de son prCllé-
eessem', 1\'1. de Chateaubriand, en novateur audacieux, tenta de s'af-
fl'anchir du joug de la tradition, et ne eraignit pas de prend)'e un rule
révolutionnaire, dans le sein de l'Aeadémie, pour s'en faire une occasion
de répéler d'éloquentes dédamations eoutre la révolution franljaise, et
de blamer amcrement lc poete patriote a qui la France dcvait Ic «Chant
dn Départ, 1) lVlais son discours, soumis préalablement á une commis-
sion, ell'epoussé par elle, ne fut point prononcé. Une partie des eom-
missaires opina néanmoills dans un sen~ contruire, el parmi eux se
trouvait un des eoul'tisans les plus empl'essés de Napoléoll. Des que
celui-eÍ en fut instruit, il demanda á Jire l'cpuvl'e de \1. de Chateau~
briand , et quand iI eut HI avrc qnelle haute1ll' el quelle violence l'ml"




511


leul' ,,<!'A!a!n)J , dont le gr"nic n'dait \1ilS ('nrOl'(' arrh('· aux slIblim('~
Im'~\isi()ns flui lui OIlt I'l'Y¡"(¡" de¡mis « l'avenir social" de la France,
essayait de ,'abaissl'l' le pl'ésent et d'exalter le passé, il ne put rontenir
son indignation , el saisissant ,IU milieu d'un cereIc nombreux le digni-
lain~ a('f/(Iémicirn qui avait jugó le discours proscrit conrorme aux con-
vmances el digne de la pubIieité, iI l'aposll'opha brusquement en ('e~
termes:


« Est-ce bien vous, l\Ionsieur, lui dit-il, qui avez voulu autorispr
une pareilIe diah'ibe ? et depuis qnand l'Inslitut se permel-il de devenir
une assemblée politique '( Qu'il fasse des vers, qu'il censure les fautes
(le langue ; mais qu'il ne sorte pas du domaine des Muses, ou je saurai
l'y faire rentrer. Que M. de Chateaubriand ait de l'insanité ou de la
malveillance, il Y a ponr lui des petites maisons ou des chtttiments.
Puis, peut-etre encore) est-ce son opinion) et il n'en doit pas le saeri-
firc a ma polilique, qu'il ignore, comme vous, qui la connaissez si
bien: il pcut avoir son excuse; vous ne saudez avoir la votre, vous
(lui YÍrrz ú mes cMés, qui savez ce fine je fais, ee que jI' V('ll.\. :\ron-




512 IIISTOl H E


sienr, je vous tiens pou!' COUI)able, pour l'l'imint'l : vous ne tell(kz il
rien moills qu'il rumener le désordre , la conrnsion, l'anarehic, Ir's
massaeres .... SomJ11f's-nous rlone des handils, el ne suis-je donc ífU'UI1
nsul'pateur? Je n'ai détroné personne, lUonsieur j fai trollvé, j' ai rel('v6
la couronne dan s le ruisscau, et le peuple l'a mise sur ma tetc; (IU'on
respecte scs artes.


)) Analyser en puhlie, mcltt'c en questíon, discutel' des fuits uussi
I'écents, dans les C'Íreonstances ou nous sommes, e'est recltcl'ehcl' dt':'I
eOIlvnlsions nouwlles, e'est HI'c l'ennemi du repos publico La rcstau-
ralioll de lu monarcltie est et doit demeurer un mystere. Et puís,
qll'est-ce que e<'lte nouveUc proscription prétenduc des COIlYcntiollnels
et des l'l'gicidcs? eomment oser róveiller des points anssi dt,licats '!
Laissons 11 Dipu Ü (H'ononcer sur ce qu'il n'est plus pel'll1is aux hommes
de juger! Seriez-vous done plus dil'licile que l'impératrice"? elle a bien
des int6rCts aussi chers que vous, pellt-etre , el bien autI'eJ1lPnl dil'cets;
imitez plntrit sa rnod6ration, sa mugnanimité; elle n'a vouln rien ap-
prpl1(h'e , ni rien eOllnaitre.


») Eh! quoi! l'ohjel de lous mes soins, le [mit de tons mes efforl~
serait-il done perdu ! C'est done a dire que si je yrnais á vous manflul'1'
tlemain, vons vous égorgeriez eneo!'e entre vous de plus hdll>! Ah !
pauvre France! que tu as longtemps eHeore besoin d'un tulellr! ,)


Cctte derniere exrlamatioll de l'emperellr explique tOllte la penSt'e
polilique qui pr6sida a son avénement et qui earactérisa son rcgne. 11
entendait protéger la Franee, la préserver du retour des faetioIls.
l'rmpeeher de s'épuiser en vaines disputes ou en sanglantes querelles,
quand l'esprit de parti lui imputa!t d'agir par ex tes d'ambition el
d'orgueil; pt ce quí était qualitir'~ de I( tyranuie )1 par ses détracteurs,
il l'appclait, lui, une « tnteIlc souwrainc)) ; eommc le peuplc, son
juge supreme et infailliblc, ne voyait ct n'admirait qu'un gouvernement
forl et glorieux, conduit par le g6nie d'un grand homme, lil oú qllel-
ques frondeurs isolés n'apel'cevaient et ne signalaient que les traces dll
dcspotisme. Le moment approehait, eependant, oú la fortllne aUait ac-
cordel' a l\'apoléon la plus haute et la derniere favenr qu'il semblút
désormais en aUendre.


Le ~ 9 mal's ~ 811 , l'impt-rutriee lUariC'-Louise resselltit les prrmi(~J'rs
donleurs de l'enfanlement. On craignit d'ahord des eouel!es pél'il1euses ;
le c('INlI'e DulJois, préyoyant le cas oú une 0p<"ratioll di f!1(·¡IP dl'\ if'll-




DE i\APOLI~O\'.
drait nú'('ssain', ¡lrmanda re qll'il faudrnit fait'l~ si ron ('(ait ré-dnit. 11
opte[' mIre lo :.;alut de la mi~!'l' et cellli de l'l'tlfant. (1 1\r pmsez qn'ü la
me['l', » dit yjYPtlletlt l'l'tllp¡:l'eut', Cll flui les nffections de l'hol1ll11e tt'iOI11-
phi'!'c[lt, ü ce monH'nt solennd, des inl('~rds el des combinaisolls tlu
lIlOnm'([Ul', Le 20, ü nellf heu!'es (lu matin , toules srs nnxiét(s nY/üetll
cessé, tous ses Msirs étaient )'emplis : Mario-Louise nccouchait tI'un
IiIs, que Napoléon re<;ut allssitút dnns ses 1>1'11:';, et qu'il s'cmpl'essa M
monh'el' aux oft1ciprs de sa mnisot1 , en s'éel'ianL, tInns l'iu('sse de la
joie : II e' esí. un !'OÍ de ROJl1l'. )1


Le bruit du eanon nnIlon~a bientilt ü la capitale l'heureux éVl'nement
qui comblait les vO'ux du ('heí de l'empire. Des fetes et des rejouis-
sanc('s puhliqllrs yinrent rendre temoignage de la part que prenait 11'
grand pellple au honheur rlu gl'nnd homme. Naples, ::\Iilan, toutes les
yi1les oú la dominntion fnll1~aise ayait pénólré, imitf>t'rnt Pnris. Lf's
COl'pS ¡JI' ]'(·tal. , 1('5 amhassndf'IIl's drnngers offrirent ü l'emi leurs ft',-
Iieitations it l'heul'eus pere du roi de n111l1e ) el re fut le pl'inef' d'Hatz-
feld, eelui-li1 meme it qUÍ i\'apoléon nynit fnil gnief' , 11 Brrlin, en eon-
sidéralion des larl11es de son épome , fluí rrprésellta, 0n ed.tr oeeasion,
lí· roi dC' Prussr.


Le hapt{'l11e du mi de HOJ111' ~r lit, le !l jnin , it L\oll'c-Dnnw. Toul
Pm'is Sf' porta S\Il' le passap,(' (Ir ['eHlpen·ur. Le peupte mulait lin' !ni-
meme, su!' le front I'adieux (le son hé1'Of' , lrs jouÍssanees illtimes dn
p¿'re et du monal'f¡ue ) rt il désil'nit nussi tui U'moip:nel' son ])1'0(11'(' ('on-


------------------------0- --------~ .. - ----.. - --------~-~---~*h..--


.\




--------r


1I1ST01HE


tentelIlent. Le sourirc de 1\ apoléon, si fugitif ot si l'arl' sur sa figlll'e
sévere, se luissait surprendre el observer eeUe fois, et produisait un
¡mmense refIet sur toutes les physionomies qui se pressaimt autour du
cortége, C'étmt UD magnifique spectacle, u la splcndour duquclle ('iel
meme semblait eoneourir) en fmorisant eelte belle journ¡"e d'un soleil
édatant et d'UIl azur saIlS Images, ce qui tit dire a l'enthousiasme po-
pul aire , dont le pocte a rocucilli le souvenir et l'expression : « Toujours
le ciel le protégc! ))


Lo joune prince fut baptisé par son grulld-ollclp, le cardinal Feseh.
II cut ponr pal'I'ain son ulcul, l'empcrcul' d'Autl'iehc , et rl'<,iut les
noms de Napoléon-Frant;:ois-Charles-Joseph. Son hapteme devint le
signal de grandes réjouissanees dan s tonte I'étendue de la vaste domi-
nation dP son pi' re . Le préfet de la Seine 8t Ir (,Ol'pS municipal de Paris
retcrrnt les maires des bonnes yilles de l' empire et du royamne d'Itali0.
Le détracteur le plus éhonté de N apoléon, 1\1. de Bourrienlle, est obligé'
de eonf'ess('I' quc' « l'al'ri\ée au monde du roi de Ilomn fut saluée par
un enthousiasme génóral, el que jmnais enfant ne vit le jonr CUyirOIlIu'·
(!'tIlle aussl brillante auréole de gloiI'e. »
~'lais u travors les manifestntioIls de l'aIlégresse publique et ele ren-


gouement universel, l\apoléon allercevait l'esprit sacerdotal ({ni s'agitait
obscurément pour former une. opposition. souterraine el pour essayer
ele miner son trone. Pie VII persistait toujOl~rs dans son refus do donner
l'institution canonique aux ó\eques nommés par 1'0mperC'ul', ou, pOUI'
mieux dire, il ne voulait entendre a nueun arrangement, qn'il n'eút
dé préalahlenwnt réintégró dnns la possession de sa eapitale ct de ses
dats. En yaiu Napoléon ayait proIllu ti. l'archevechó de Pal'Ís ]c chef
meme de l'aneim colé dI'Oit de l'assemhlée constitnante, l'infIexibilité
pontifical e ne se I'dúcha pas en faveur cIu célebre abbó )(aUl'~', qui
disait ue s'étre rallié au uouvel. empire que paree qu'il y trouvait In
conséeratiou du principe monal'chique, (Iont il avait été le M·rensen)'
m'dent et opinintre. Le pape 1an9a mume uu brd conh'e ce ,i('ux dwm-
pion de la royauté et du sainl-siége; mais col adn de réprobation n'(,-
tnit répnndu qn'en secret. C'est a]ors que 1\apoléoIl, iustrnit qu'un
Fonelionnaire éminent de l'empire, le directeur de la librairic, Portalis,
avait connu celle propagation clandestiJÍe et ne l'avait pas empechél' ,
I'interpella viwment al1 milíeu de son conscil c1'état. « Qud 11 pn eh'e
Yoh'c motif? lui (lit-il. Scruicnt-('r vos prineipcs religieu:\? Mais alors




DE i\ APOLI~O\.
pourquoi vous Íl'OUYCZ-YOUS ieí? Je nc úolonte la cünseÍencc de P(,I'-
SOJllW. Vous ai-jc !Iris au eollet pour vous faire mon conseiller d'état?
e'es! une faVeHI' illi'igne que vous aY()z sollicitée. Youset(~s ie.i In 1,Ius jculle,
el: p()ut-etre le seul (luí y soit' sans des titres pcrsollnc!s; je u'ai YU en
vous que les services de votrn pére ... Les devoirs d'un conseiller d\':-
tal envel's moi son! immenses : vous les arez "\"io1(·s ; vous lle l'etes plus,
Sortez ,ne reparuissez plus iei. JOell sllis lIavre o ear j'ui presents it la
m{'llloil'e les vc['tus el les s('nieps d(' \'olr'(' pi'J'('. ))


.01 ,


Le jC'lIlle e()lls('iller (fetal sortit , ell dfd o pt 1'm1lpereur ajunta:
" J 'l'spóre (jU' lllW pm'('ilh: ~(,¡:lIe ne se l'('lIouwllera jauwis ; die 111 'a


rait tl'Op elp mal.
.\l<lis el' 1I't'-lait pas IlS,,\'Z pOli!' !\<Ijloh"-Ol\ dO('~elllre rte SOIl entou!'agl'


les hOlllllh'S (Iollt 1(',; s\ll1palllip" daipIlt aequisps (¡ la papallte. Afil1 (le
\h"joul'1' ja ml1ln·illallt(· o('('ultC' d'ulll' grande partie du del'g('·. il eu!
I'ülée (le Jl0l'le!' HU gl'aJl(I jou!' Ii! guerre sourde qu'onlui faisait, au nom
de Pie \'11 o Il\"('l: des hn.f's d des hullps, et de tradllire devHllt l'épis('o-
pat fl'ilIl<:ais o Wl\'(lim natlll'cl des doe!rines galliellncs, les pl'etentions
lIltl'ilIl1O\lI¡¡iIH'~ <llI pontifc'. TI ('0I1"\"oq1111 done IlIl ('OI1<'il<' nationaL d01l1




;:1 ti; IJISTOIHE


fl eonlia la pl'ésid(~Ilee au cardinal Feselt , d dalls le s('in duquel il cut
soin de fairo eatrer Pépiseopat italien, qu'il eroyait dodIo Ü S\'S VilOS.
L'appel qu'il adressa aux éveques était ainsi con~1l :


" Les églises les plus illustres et les plus populouses de l'empire 50nt
\acantes ; \lile des {larties contractantes du eoneordat l'a méeonnu. La
couduite que l'on a tenuo en Allernagnc dcpuis dix ans a pl'esquc détruit
l'épiseoput duns cette partie de la cllr0tienté : iln'y a alljOl\l'{l'hui q\le
lIuit éYeql1es ; gralld nombre de dioecses sont gouwrués par des vieaires
apostoli(lues; on a tl'lmbIé les dwpitl'cs (lans le droit qu'ils ont de
ponnoÍl', l,endant la ,aeanr(~ du siége, Ü l'administl'atioll du diocese,
et l' 011 a ou nli des mann~ll \Tes tenébl'enscs temIaut ti excite!' la dis-
corde el la séditlon parmi nos sujets, Les ehapit!'es out rejeté (ks brefs
contI'ail'es a kurs droits ct allX saints canolls.


)l Cependant les tlIlUecs s't:'eoulent, de JlOllY<'aux évee!t0s v'lcnnent iI
\aquel' tons les joul's : s'il n'y était pourvll promptement, l'épiscopat
s'l'teindrait en Franee d ell ltalie l'ütllllle en Allelllafjlw. YonIant pre-
,enit' un état de chosps si contrnire au bien de 110t1'C rpligioIl , aux pl'in-
eipes de l'egIise gallicanc el (llIX intél'Cts de l'dat , nous aHHlS résolu de
réunir au 9 juin prochaill , dans l'église de l\otl'e-Dl.llne de Pnl'is, tO\lS
les éveques de France et d'Italie en cOllcHe nutiona!.


» Nous désirons done qu'aussitót que vous aUl'ez. I'e<;H la pr(~sente,
,ous uyez a vous mettI'e en route, afin d'etre arrivé dan s 110tre bonnc
ville de Paris dans la premie re semaine du mois de juin.


») eette lettre n'é!ant a nutre fin, Hons pl'ions Dieu qu'il vous ait ('JI
sa saintc garde, »


La pI'emÍl~re l'éunion génél'ale des éveques n'eut pourtant l¡eH que le
20 juin. L'cmpcreur, malgl'e le soin qu'il avait eu ¡}p choisir le pl'ési-
dt'nt de eeUe ass('mhlée (lans sa fmnill(' , rll' la trollva pas allssi doeile
(IU'ill'avait espél'é. Le cardinal Fesch trompa, le premier, l'espoir de
Na¡)oléon, PIl laissullt apl'rcc\oil' en lui, dans le eoudIe, le prCtre de
Rome, bien plus quC' 11' ¡.!Tand (lignitail'l' de l'l'mpirp. L'(\pisropat!le POll-
vait gnere agir autI'ement; ce n'était plus le temps du gaIJieanisnw. Le
18" siede f't la révolution fl'an~aise, YCIlllS apl'cs UOSsllet, ayaipnt pl'Ofoll-
M'lllmt dH'11ll1é la doclrine et l'antol'ité .de el' graIHl honmw tlans le S('in
.111 e1ergé. Sous le coup du sal'casrne yoltail'icll et de la pel'seculion poli-
tique, le saf'cnlo('l' mait dú se rdournel' U'I'S le saint-si('ge, et s'altach(,l'
plus \ iWll1l'llt quP jamnis an ehefsllpreme en qui rl'sidaillP prirH'ipe vital




I----~


I
I


~-----I I----~-
DE ~APOLÉO'l. 517 I


du catholicisme. L' épiscopat aurait craint d' tlchever la ruine de I' églisc
J'olllaiue en France, d de se frapper lui-memo au CQ~ur, en se prol1on-


~ant hautement contre l(~s prétentiol1s pontiJkales, et en se prettmt aux
mesures qui tondaient a at'faiblir ses ¡iens avec la puissancc spiritlleIle,
dont il tirait sa propre force. Apres avoir commis l'imprlldence de se
faire )'aisonnem' et de proclamer les liberlés de l'église gallicane sous
LOllis XIV, il avait dé ranwné violemrnent, par les événernents des
dcrnlórcs mmées du regne de Louis XVI, aux traditions ultramontaines.
Et plus i1 se scntaitmenacé par l'esprit des temps nonveaux, plus il cher-
('hait u se replac('r sous la protcelion du génie des temps anciens , el U
remonter H'1"S la source de Sil pllissance et de sa vie. l\hlÍs si lf's éve-
(JlJ(>s ('11 curps apfJal'tenaient nécessairement eneorc au passé, les princes
de I,!"glise, lwis isolément, duleut de leur slede, et peu disposés ü
luUer ('ontre le redoulable el magnifique dispensaleur Ms gl'uces el des
faH'UI·S llIoudaines. Le couf'Íle fut don!' dissous, et l'(~ll1perellr oblinl
(lp ('hallllO prélat fran~llis et italien une dédaration indhiduelle, pleilw-
lIll'l1t conforme 11 ses Yues.




518 I1JSTOIRE DE NAPOLÉON.
Le pape était alors u Savone, toujours inébl'anlable dans ses résolll-


tions. L'empereur le jugea trop voisin de Rome, OH trop exposé ill~tl'C
enlevé llar les Anglais, ct ille fit venir a Fontainebleau. Au miliell de
ses rigueuI's eontre Pie VII, Napoléon n'oubliait point les éganls qu'il
devait an caraeteI'e et a la dignité de son auguste pI'isonnier. Ponr lui
rendre les ennuis de l'exil plus supportahles, il pla~a aUllI'CS de sa pl'l'-
sonne le savant Deno\l, dont les attentions délicates, les soins em-
pressés ct l'aimable eonversation adoueirent en effet les peines du sainl-
pere. Pie VII prit de l'attachement pour le suvant et estimahle eompa-
gnon de su relraite. llle questionna soun~nt sur l't'xpédition d'Égypte.
et voulllt eonnaitre l'ouvrage qu'il avait puhlié sU!' les antiquités de ce
pays .. U. Dl'l1on, qui se rappclait que son lin'" renfermait quell[uf's
pages peu orlhodoxes d diffieiles u eoneilier mee le sysleme de l't~el'i­
ture SUl' l'oI'igine et l't'tge (lu monde, avail eraint d'ahord que sa sain-
teté ne fut hlessée d'y trouver des explieations et des conjeetures eos-
mogoui(lUes ({ui eonlI'uI'iaient celles de la Genese. ",luis le pap(~ ne s"m'-
l'eta pus u eeUe divergence entre la spéeulalion sCÍentifique el le systl>me
révélé, ct comme il s'aper~ut que Denon s'effor~ait de la lui cacher, il
se mil tI le rassurer en disant : « C\~st égal, IllOU fils, [out eda es!
!'xtremement eurieux; en vérité, je nI' le savais pus. l' Le savallt
fran~ais apprit alors au pontifeque le livre dont il faisait I'('logp mait
été fruppé d'anatheme avee son auteur, lmr sa saintdé dle-méme.
\( Exeommunié! toi, mon Iils, reprit le pape, je t'ui excommunié'
fen sllis bien faehé, je t'assure que je ne m'en doutais paso "




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CHAPITBE XXXI\'.


Lllllp d'tl'il rdrosl'ertif "111' la IllaITlH' dps tíypnf'mi~I1t5 milit;¡il'('!'. ('11 E~l'agnl' {'l en Porlugal,
,le t~O!l 1\ t~t2.


'ÉIlUCATION frant;;aise dn peuple espagnol
continuait au milieu des ealamilés de la
guerreo Depuis que l'empereur avait quitté
la Péninsule, ses lieutenanls, incessam-
ment harcelés par les guérillas, avaient eu
eueoro a combattre fréquemment les tro\1-
'_~;;::;:'~:::':;;;:::;:"":':'.,-_LCJ' _- prs régulieres dont se composaient les ar-


mées anglo-espugnoles; muis u travers les
ehanees (livrrses de ces rencontres jOllrnalieres, el apres des batailles
sanglantes et des siéges mcurlriers, l'autorité du roi Joseph se trouvait
militaircmcnt assise sur tous les points de la monarchie espagnole.


Des les premiers mois de 1809, et apres la rentrée de Napoll;on ('fl
Frunce, Palafox) qui s'l'tait jetó dans Saragossc a l'isslle de la dóronte




520 UISTOIRE


de Tndda, avait défendll la capitale de l' Aragon avec l'hérolsmc des
ancicns Cantabrcs. Les Frangais resterent plusienrs ll10is son s les murs
de Saragosse , et quand la bravoure des soldats, la srience des géné-
raux et tontes les ressources de l'art de la gucrre habilement mises en
amvre par les chefs de l'artillerie et dn génie, eurent fait tomher les
ouvrages extél'ieurs de la place et les remparts de la ville au l)ouyoir
des armes impériales, iI fallut wntinuer encore dans les rues cette
lllUe acharnée , et faire en quelque sorte le siége particnlier de chaque
maison. A la fin, l'opiniútrcté eS11agnole dut céder i:t la voleur fron~aise.


Le 2~ févripr 1809, la villc se rendil a discrétion an maréehnj
Lannes. Le président de In junte) 1farinno Domingllcz) preta serment
de fidélité un roi Josoph. « Nous avons fait notre devoir contre vous,
(lit-il an maréehal, en nous défendant jnsqu'a la dcrniere exh'émité;
e'est avee la meme constance que nous tiendrons désormais nos nOll-
veaux engagements. ))


Il serait diflkile de décrire l'étnt d'horreur et de désolation dans
leqlld se trouvnit plongée la capitale de l' Aragon. line affrr'use épidé-
míe était venne ajouter ses ravages ti. eetix de la guerrr. " Les hópilaux,
dit un illustrc maréehal dans ses 1'Iémoires , ne I,ouvaicnt plus rreevoir
les malades et les blessés. Lrs eimetieres étaimt insuffisanfs pour con-




DE NAPOLÉOI\'. ;)21
tt'nir les lllorts; les eadaues, cousus dans des saes dc toile, gisaicIIt
¡lar cCIltaines illa porte des églises. »


La pl'isc de Saragossc fut suivie de celle de Jaca et de 310uzon. TOl1s
ces reycrs ne pnrcnt n('anmoins abaUrc la constanee des insurgés cspa-
gnols. Une partie de l'armée rran~aisc d'Aragon venait de passer en
Castille ponr y prcndrc des cantonnements, laissant an troisiemc corps
le 50in de eonserVí'r une conquetc qui avait coMé huit millo hommes aux
assiegeanls. D0s que le general BIarke aplwit, en Catalogne, que les
yainquenrs de Palafox s'ébÍent divisés rt que le cinquieme corps s'était
éloigné de l'Ebre pour se diriger ycrs le Tage, il partit de Tortose, ida
tete de quarantc milIc hommcs , et penl-lra dnns l' Aragon avee l'inten-
tion el l'espoir de reprendre Saragosse.


CeUe tenlative fut d'abord marquée par un léger avanlage qne BIaeke
obtint a AIcanilz. 31ais le troisieme corps dait comm:ll1de par un chef
Itabile ct yaleurenx, SuelH't, <¡ui m'ait gagné les hallts grafks de I'al'-
m('~e par d'écJatunts senices dans les guel'l'es d'ltalie el d'AlJemagne,
rt qui devait fain: .di¡'p un joul' i1l\"apoleon que, 5'il avait en (leux nw-
I'édwux eommc luí, en Espagne, iI anrait conquis et consene la Pé-
ninsule, tnnt son l'spl'il juste, conciliant et nrlmínistl'ntif, son lnet míli-




111 STOIII E .


taire ct sa bravoUl'e lui f1renl ohtellil' des SU('('ÚS iUOIIIS. SlIc\td a\:lÍt
dt~ aJllld<'~ 11 remplacer Junot en Al'ngoo. Ce sngl' e[ l",ave guerricl' Cllt
hieotbt rt"pud~ I'nffront d'no premier echec , et rnmefl('~ la vid(lil'(~ SOIlS
les drnpeuux de la France. Les eombals glol'ieux de !\Iaria et de Bd-
chittp détl'llisil'eut les esperanccs de Blacke el le foreel'ent de rculI'('I' ('JI
Catalogne. Suche[ fut digllement sceondé par son chef d'état-majol',
l'intrépide gónéI'al IInl'Íspe, el par le commnn¡]nJ1t de l'aI'tillerie Yull(~e,
a quí une lointaine conqllete u yalu depuis lc haton (le mar(·ehul.


L' armée espagnolc ainsi dispersée, le général cn chef dn tl'oisienw
corps rcyint El Saragosse, oú iI s'oecupa de cicatrisrr les plairs e[ <1'a-
paiser les l'cssentíments de la population. Scs cfforLs ne flll'enL pas
vains. Saragosse repril bient6t, un milien de) ses l'lliJlrs, I(~ l'OUl'S drs
retes et des eérómonÍcs religienses, dont les plus illlposuntes fUl'('Jll


eélébrées dans l'église du Pilar, SOIlS la pJ'()tertion (lu gr"Jl(;l'al fl'an(:ai~,




1--------- --~-----~-------------------


DE NAPOLÉOi\.
qui jugca melllc conH'llahll~ Il'associcr la pompe militai.re ¡¡ la majesté
lIu (,lIlt(~.


Ct> fu! pm' M tris actes, et il force de pl'udence et de dell1onstl'Utions
hiell\eillanh's, autant qne par le ll1ailltieu rigoul'eux de la discipline,
(lile la vme la plus hoslile ti la domination fl'an~nise, entre toutes les
('i[¡"~ l'spagnolC's, se troma conduitC' insmsiblement a suppo!'tl'l' ~ans '
mUl'mure ceUe meme dominatloll qu'dle a\"nit repollssée avee tant de
viguem' et d' opiniatrelé.


VAragon smnhlait IH'CS d'are paeillé lorsqlle l'apparitioll d'ull nOll-
vean ('hd de guérillns, le jpU\w Mina, vint raHumer daus eette provinee
le fell de l'insurrectioIl. l\Iais le general Suchet ne laissa pas a l'incendie
le temps de se dévelollPer et de s'étendre. Il poursuivit Mina a outrance,
dispel'sa ses bandes el le fit lui-meme prisonnier.


L'urlllée fratH;aise n'était pas si heureuse en Catalogne. Nos géné-
I'aux s'y maintenaient a peifl(~, ayant sans cesse a luUer contre les
('OI'PS nomhreux de partisnns que fournissait la population eatalaIle, OH
(,01ltl'e les tl'oupes régulieres de Caro, de lllacke et d'Odonnel. Pour
(!oIlnel', sur ce poiot, a nos armes, la meme supériorité (llI'en Al'agon,
il fallut ngralldir la mission de Suche!, e! le faire des cendre des mon-
[agnes de Saragosse dans les plaines de Tarragone et de Valence.


AVHlIt d'opérer ce mOlnement, le chef du troisieme corps s'ocoupa
tl'assurer la soumission de la pl'Ovince qu'il alIait abandonneI', en s'em-
parant des forleresses qui marquent, du nord un midi, la limite de
l' Al'agon et de la Catalogue. Ce fut l' affaire de qnclques mois. Le l¡
tn-rilI810, il était maltre de Balaguer; el, le ~ 5 juin de la meme
année, Lérida, lUéquinenza et 1\IorelIa se trouvaient en son pouvoir.
Le dOllble clH'min de Yall'Ilce ct de 1'ortose s'ouvrit alors elevant le
pacificakul' de l' Al'agol1; il prit oclui de Tortose.


Le général (,slmgl101 Curo lllanifcsta d'ahord l'inh~ntion de S'ollposer
au siége de ceUe place; mais ti l'apPl'oche de Su('l!et, il changea de
dCSSt'in d se retira en touto hateo Suchct attendit néanmoins, pOUl'
a!taquer Tortose, que le septieme corps lui ('ut fourni les renforts in-
di~p('Jlsahles qll'il avait d(~man<lés. Cl'S renfoI'ts arriverent dans le cou-
I'ant (le (léc(~mhl'ü ~ 8~~, el lel el jmlvicl' ~ 8~ ,1 , le drapea u f['ungais
Iloltait sur la phH'e.


Tm·tose souulÍse, le vaÍlh]UeUr, fidek il son s~"stemc de }lrlldl'llce,
lIe voulut pas pOllsser plus loin Sl'S su('ces en Catalogne, avanl d'avoir




524 I1ISTOIIlE


purgé' de nOllveall l' Aragou de quelqlles bandes qui avaient tenté d'y
p('Ilé'trer, sous le commandement de Yillacampa, de l'Empecinado et du
vieux Mina. L'cxpulsioIl de ces tl'Ois rhcfs oceupa Suchet pcndant quel-
ques mois. Yillaemnpa et l'Empecinado se retircrent dan s la province
de Cucn~a; Mina se jeta dans les moutagnes de la K aYarre) d Suchet
reparut aussitot , en Catalogne, aux portes de Tarragone.


Cette ville était un des bouleyards de l'insurreetioll dans le nord de
la Pénillsulc ; huit lllille hornmes de garnison s'y élaiellt renfermés, as-
surés d' etro ravitaillés par la mer. Le gélléral Suchet imcstit la plaee


ayec qunrallte mille hommes, el ill'emporta d'assnut al! bout de deux
mois, le 2\ juin ~ 811 .


Cette nouvelle el importante eonquéte remplit de joie l'emperellr,
qni nttaehail d'autallt plus de prix al! slIeecs de ses al'lllécs en Espagne
qu'ils y étaient plus rares ct moins décisifs que dans les autres purties
de l'Enrope. Ainsi, l'opinion déjil si favorable qu'j] avait mnnifestél~ sur
le général Suchet se fOl'tilla de plus en plus dans l'esprit de Napoléon ,




DE i'lAPOLÉO~.
qlli s't'll1pl'eSsa d'élever le vainqueur de Turragone a la dignité do rna-
l'édwl de l'empire.


L'occupation du l\Iont-Scrra suivit de pres la prise do Tarrugone.
1\'os armes victorieusos prcnaicnt décidément, sur cc point, l'uscendant
qu'ellcs avaient exercé aux plus beaux jours des guerres d'AlIernagno
ct d'Italie. La régcnce espagnole, craignant que Valence ne subit le
sorl des places fortes de la Catalogue, se huta d'y jeter uu corps de dix
mille hommcs, sous les ordres de Blacke, pourarreter la marehe triom-
l)hale de Suchet. Les chUtcaux d'Oropeza et de Sagonte fureut mis en
état do déf'ens() j mais iJs no purent tenir contro l'impétuosité fraut;aise.
Le ehtlteau d 'Oropeza fut facilemeut enJevé, et cclui de Sagonte, quoi-
que soeouru par Blacke, a la teto de vingt-cinq mille hommes, fut
forcé de capituler, le 26 odobre ~ 8~ ,1 , upres plusicurs assauts, et le
lendemain d'une bataille sanglante, ou le général espagnol, compléte-
ment défait, perdit plus de cinq lnille hommes.


Rien no s' opposait plus a lino attaque directo contre Valenee. Ce fu t
alors que, pOUl' empucher ou retarder la chute de cetto plaee, I'Empe-
dnndo et Mina, qui Jiguraicllt un premier rang parmi les héros de l' in-
d¡"pl'Ildance nalionalo, on aHondant d'ét/,e inscrits en tete des proscl'its
de l'absolulisme et des martyrs de la liberté, tent6rent d'opérel' une di-
vcrsion en faveUI' de Blaeke , par de nou velles incursions dans les mon-
tagncs de l' Al'agon. Le mnréchal Suchet, pour se prélllunir contre le
ilanger qui aurait pu lui venir de ce cMé, demanda des renforts, el des
qu'illes cut obtenus, il passa le Guadalaviar, rejeta une partie de l'ar-
mée espagnole dans le royanme de Murcie et enferma l'autre dans
Vaknce. Celte ville entendait prononeor sans alarme le nom du pacifi-
cateur de Saragosse; elle redoutait davantage les évontualités calmni-
tcuses d'un siége et d'llne prise d'assaut. Aussi, des que la hombo eut
excreé quelqucs ravagcs, la poplllatioIl demandu-t-elle a capituler. La
garnison, forte de dix-Inút mille hommes, et son chef, le général
BIaeke, furent faits prisoIlniers.


e' étnit le ~ O janvier ,18~ 2 que Yalencr' avait ouverl ses portes a l'ar-
mé!' r,·ant;aisc. Le 24 du meme mois, l' empereu/', qui mottait toujOUI'S
UIlC' recompense éclatanle a cúté d'un éminent scrvice , rendit un déeret
par 1e(IUe! il établissait, dans lo royaull1o do Valence, un capital en
Ilil'l1s-fonds (lo la v¡¡!eur do clellx cents rnillions, pou!' utre disll'ibués
flUX offiriers-g('nól'aux, offiriers ot soldats de l'arlllee d' Aragon. Le




,-


- ----- -------- - - - - - -- ----------- ~ -~-- - --- - -- ------


I


11ISTOI RE


ull'me déeret llomma le maréchal Suehet due d'Albuféra , avec abandon
des revenlls attaehés 11 ce duché.


Pendant les trois Ulmées <fui séparercnt la pl'ise de Saragosse dn eelle
de Valenre, et qlli furent remplies d'événements journaliel's, dont le
I'ésultat fut d'établil', aver ({UelfJue ehance !le durée, la dominat.ioll
r"nnr,aise dans les pl'Ovinees!lu nord-cst de la Péllillsule , les vidssit\l(lrs
lIt> la guerre, l¡uoifJue moins favol'ables dans l'oucst et le midi 11 la ('ause
fin roi Joscph , y fOllrnirent pourtant l'occasioll de llouvdles "idoil'CS
iJ plllsieul's des génémux fJuo l'empereur avait plaeés 11 la Leto de SPS
intrépides phalanges, dans les provilwps mél'idionales de la llloum'ehie
()spagnole et dans le royaume de Portugal.


Apres la prise de la Corogne, en janvier ~ 80fl, le nUlrl~cbal Soult
avait envahi ce dernier royaume, tandis rIlIe le maréehal Ney ponr-
suivait la confJuete el la pacificatÍoll de la Caliee el des Astul'ies , el que
le maréchal Victor hattait, a ~IeMllill, l'al'lllée d'EslramnJlIl'e, 1'0111-
lllaudée par le général Cuesta.


Les progl'es du maréchal Soult en Portugal, furent bl'iJIants el I'a-
pides; mais i1s ll'eUl'ent pas une IOllgue dlll'él~. ti avait hattn la 110mn-
na , le G mars, sur les hortls de la Tamega, d. s'était ('mpill'é slIecessÍ-
Vl'ment de Chaves, de Braga, de Guimal'aens et d'Oporto. Cette de\'-
nil~re ville, la seconde du Portugal, uvait fait de vaines démonstrations
de det'ense; elle s'était soumise apres un premier assaut, le 29 mal's
~1809, le lendemain meme de la hataille de Medellin 1 d (lplIX jours
apl'es celle de Ciudad-Héal, dan8 lafJuelle le général Séhastiani mit en
pleine dérollte le duc de l'Infantado.


Ces sueres presque simnltanés des din)rs chefs de l'armée fl'uu9uise
rcsterent néanmoins sans résultat sur l'esprit des populations, rrn'ils ini-
terent de plus en plus an líen de les intimider. Dne iusuI'l'L'dion gón{~­
,'ale éclata en Estramadul'C'; la junte de Badajoz répondit an~c ulle
ficI'té melée de Yiolenee aux sllmmations !Iu vainqueur rk ~I('ddlin.
I)ans le meme telllps W cllington, 11 la Íl~trl d'nn corps de trente mille
hommes, s'acheminait de Lishonne vers Oporto, pour mlt'wr edtr'
importante eonquete au mal'échul Soult, que le soulcvement de l'Estra-
madure pI'i,ait de la ('oopéralioll un !l1m'échal Victor, et (¡ui dail d'ail-
h'III'S IllPIWCÓ, du coLó de la Talll¡"ga, par le général porlllgais Sylrl'il'a,
1[II'alIait l'Pl1('Ol'l'.(,1' Beresronl. Dans une positioll allssi púill('us(', ¡'al'-
lll{~e fl'ant;aise selllblait destinée tl subil' iné\it.abletnent ulle lroisieme




-


I
DE l\APOLÉON.


fois l'affront ell' Baykn t'í de Cintra; mais elle avait pOlll' chef, en edil'
f'ir('olls[an('(', l'un des plus lwhilrs et drs plus SilYants capitainrs dn
~ierl('. 11 Soult la sauya par la promptitude etl'a-pl'opOS de ses lIleSUl'eS,
¡]it l'autrm des Guerres de larévolnlion. 11 suerifia sans hesitation,
matéricl, lllunilions, apl1roYisionnrmrnts. Tl sr Mta (h' gagner Guima-
l'<IeDS; lmis, laissant a gauehe Braga, ou W dlingtoIl lI1ena~ait de le de-
vaneer, iI s'enfon~a dan S les moutagnes que ereuse le Cavado. 011 at-
tcignit an bout de deux jOUl'S Ruinlens, embranehclIlent de la route
dI' Chaves, oú elait poste Syly('il'a, rt (l'lllw gOl'g(' profoJllk flui, en
tMoyant le lit ¡]u tOl'l'ellt, aboutit a i\lontalegl'e. L'al'm{'c l'I1tiel'c se
.ida dmls ('('S seuliers étl'oits, oú dellx hommes pouyail'nl 11 p,'in(' lKH':.-


f'f'l' (k fl'Ollt .. \ se¡.; pieds, 1(' Cmado, ¡tonll{' par ulle pluie úol"nk ,
--~--_ .. _-----~




528 IIISTO! H E


roulnit m mugissant; sur sa tete étaient sllspeudus des rOdlel'S d'o!1
partait une fusilladc inccssante. Enfin le chclllin, d(jil si péllibll', (tait
rompu dc distance cn rustance par dcs ruisseaux qui débordaient dl'
lcurs Iits cscnrpés. Soult snrmonta tons ccs obstadcs. Il pnnint iI <lé-
rober sa marche aux deux géllémux enllemis el a touchel' la fl'onticl'l',
d'ou il gagna Ormsc. Quclqucs hommes seulement furent elllcyés il
l'entl'ée du délllé dl! Cavado. La cnvalerie conscna ses ehcvBux et l'ill-
fanterie scs armes. eette retmite, bicn difrércnte dc celle de ~Joore,
esi un des litl'cs dc gloil'e du mnréchal. Scrré, eomme I'avait été k
gt~néraI angIais, entre deux armé('s supérieures m nombre, illes évila
l'une et I'nutre. JI passa sur le corps d'une poplllalion insul'gée. J1 sul
inspirer aux soldats assez de eonfiance pO\1l' leur faire supporler ayer
une constance admi¡'able la disettc, la tel11pétc d les dif{1eullt',s tI'ulle
route oú iIs furent escortés d'un feu I'Oulant, auxqucls ils ne pouyaimt
répondrc. ))


Le l11aréchal Soult, ninsi éehappé comll1e pm' mirade ¡'¡ W rJlin~­
ton, a Bel'esford et a Sylvcim, qui se Ilaltaietlt de l'ayoir Cnfrrll1l'
clnns les gorges du Portugal, l'e}1nl'ut l.out ü ('()UP en EspaglJ(' pOUI'
tOl11hcr cncore sur la Romana, ü qui il lit lovcl' eH toute hMe le sil'ge
de Lugo. Ney, quí anüt ohtenll tIans les Asturies les mi'mes r(.sullats
que Suchet en Aragon, ,int a la rcncontre de Soult el se ronccrta avec
lui pour achevcr de détnlÍre le corps de la J~omana el de SOUmOlll'f'
les insurgés de la Galice. :'IIais les 1110uvemenls militaircs quc l'ennrmí
préparait dans le centre de la Péninsule obligerent bienhit ces del1'\
maréchaux de modificr leurs combinaisons et de ehangcl' l('Ilrs plans.


',"clliugton, n'ayant pu réussir dans son f'xpl"llition l'Ontre Soult,
s'était reLourné YCI'S l'Estramadure, ou il espérait ctrr plus heureux
contre le corps de Yictor. Il ayait quitté son cmnp <1' Abranti's, il la
tete de vingt-quatre mille hommes, appuyé, a dl'oite , sur l'année os-
pagnole de Cuesta, forte de trcntt'-six millo hommes, el n gaucho, sur
la légion de Rohrrt 'Yibon, compost"e !le quatl'e mille hommes. JI
pouvait compter en outre sur le ooncours d'un corps de Yingl-deux
mille homnws , eoml11andé par "encgas , ct ¡¡tli ¡"tail pl'd, (1 d¡"houdwl'
lIans les plaines ele la l\IandH', tandis que le duo rI'Elparque mall<l'U-
vrel'ait dans le nord an'c les débris de la HOlnana , el que BCI'('sforcl
opérerail sur les fronlieres de l'Eslramadllr(', aH'e un (,Ol'pS de 'lllinzl'
millc Portugais) destiné ü senil' tIc résC'I'H'. C'dail ensuilC' HU milicll




DE r\APOLÉO:'l. .. 529
(le Ilomlll'pusrs ¡HU"ri11as , d ú trmers drs populatiolls sOlllrr~l's pom' la
cnuse de l'i\l(lépeuclnlll'e uuliollale, que tOllles ces nrmées anglaises ) rs-
png[]oles d podugnises alluipnt l'éllUil' JcUl'S elTorts, non-sclll!'nlC'llt
pOli!' fOlld!'e SUl' le mUl'l'dlHl Yir'Íol', mais pon!' surpremh'e la capitale
meme el arradler Madrid au roi .Toseph.


Ce del'1lkl' comprit le dangel' qui le menac;ait. II orrlonna ¿¡ SOIl tour
UIlr gl'anrle c()J1cpntl'ntioIl (les POl'pS ele l'arméo fraIH;,aiso sur le 'fago,
yers TalaH'yra de la ReYIw. :\Iais, sans elonner h Soult el ¿¡ JIorlipr le
tomps ll'cffectuP\' kur jOildioll, Jospph, pl>éfél'ant l'avis de Victor a
cPllli ele .Tourdan, son mnjor-général, ct n'attendant pas memo l'm>['ivée
de Sr"hastiani, qui ueyail venir de 'folede pou!' se rallier, engagea k
comhaL Cdte impatiellce préserva l'armée enIlemie d'une fléfaitc déci-
sive, Les Anglo-Espagnols fléfendírent vaillnmment kurs positions et
les eonsenl't'ent. Leu\' perte, égale ¿¡ eclle dps Frnn~ais , s'éleYa u en-
,iron /llJit mille hom\1lPs) eJl tués Oll hlessés; eí, eomme dans touÍl's
les batnillcs Otl l'annéc fran~aisc n'était pas com¡Mlement yidorieuse ,
les anllé~('s el!llemleS ayaient l'habitlldc de s'nttribnel> l'mantagc, la
joul'nl'e de Talmt'yra fut el'léh¡'ée cmnmc éllli!wmment glorieusf> pom'
W dlin~ton, P[l Espngne) pn Angleterre el dans tons les pays de l'En-
rore oú comai! une jalollsip invétérép eontJ>p la France. :\Iais Soult ,in!
hicntút troubler les ehants de triomplte qui ,'rtrnlissaipnt dans le camp
Cl1l1ctlli. Il oecupa Placl'l1cia au 1110l11el1t 01'1 ""dlingtol1, que l'isSllO de la
hataillp de Talnw\Ta aynit fait nommer généralissime des arm('ps an-
glo-espagnoles el portugaises, le croyait cneore dans les environs de
fil'l1avente. Hél1ni 11 )Iortier, et apres avoir opt\ré sa joneíion ayer
Viclor', Ü O['opcsa, Soult nttaqua I'arm('e enncmie, le 8 aotlt ~ 809,


1m pont de l'Arzobispo, rt eette fois le succes no resta }las ineertain.
Toutefois , an forl de la melée, le l11aréehal rut un instant d(~s doutes
~llr la marche du comhat. Un hrouillal'd de poussiere s'était deré quí
I\'mp(\¡'hait tt'llement de distinguer les COl'pS qui prenaient par!. a l'ae-
tion , que n'ape!'ecYant lll\ls lp5 régiments de cavaleric qu'il avait dirígés
conLl'ü l'infanLerie anglo-espagnolc, pL les croyant anéantis par une
dwrge du due d'AlImque\,(!ue, (¡ui était sllrvenu avec l'avan[age dll
nom1Jt'e ,jI cut I'idóe de faire tirel' le canon sur ce brouillard, craí-
gnant qu'il ne lui cachút la eaya/eric l'Ilnemie yjetoríense. nientM I'in-
('('\'titude cessn. Les Espagnols daienl halllls, el le feu , prl'llant aux
lllojsSPllS el gagIHlllt ks hOÍs, laissa voir, 11 travers un vaste


~ t ".




HISTOIHE


c1íp, I'mlil'l'e dél'Oute et la fuite \m\~ípitée des tl'oupes d!' W dlinglon.


Le résultat du ('ombut de l'Al'zobispo fut de rejder Cuesta dans IPs
montagnes de la Manche et de l'Estramadure , et de contraindre le ge-
neral anglais 11 pl'csser sn rctl'aite SUl' Badajoz. De son ('lité, le maré-
chal Ney, retournant en Galiee, bnttit, au col de Banos , la U'gion de
Wilson , trois joUI'S apees le rombal ti' AlmoIlacid , qui sr donna le len-
demain dr rl'lui de l' Arzobispo. et dans lcquel le f!én¿','al S¿.bastiani
détruisit le corps de Y t'llégas , dont les débris se I'Nugil'['ent au }las de
course dans lcs gorges de la Sirrra-~Iorcna.


Cependant la ronstancc espagnole sr mailltcnait au milieu de tOUR ces
reverso Ballestcl'os, (lui cOlllmcn¡;ail U lHll'alll'c, mait fail de nouwlll'!\
l¿'vées dans les Asturies, et l('s ayait amenées an dne d' Elparque , quí
s'étaít emparé de Salamanque, aprcs ayoir obtcun nn ll'ger avantage
('ontre un ddnc)¡ell1ent du corps du mal'ú'hall\ey, que }'rIl1pcrenr avait
apIJelé en Allemagne, et qui rrnait d'etre remplaré par le géneral Mul'-
rhand, dans le rommulldeIl1cnt de l'm'ml'e de Galjre.


Enflés par ('C faíble sucd's. d tOlljOUl'S prompts 1\ f:(' 1'(']('\'('1' «(' lellr~




DE \.\POLFO\. 5:;\


défaites, les Espagnols voulllrent tenter une nouvelle irruplion dans la
)IaIlche el cssayer cncorc d'cnlever )Iadrid. Arizaga, a la lele de soixante
mille hommes, déhourha par Despena-Perros, el s'avanga sur la ea-
pilalc , en suirant la direetion de Tolécle et d' Aranjllez, tandis que le
duc cl'Elparque opérait son IllOUyement sur la route de Burgos.


Le maréchal Soult cornmanrlait en chef l'armée fran<;aise, cornme
sueeesseur du rnaréehal Jourdan allx fonctions de major-général. Il
appela ¡¡lui Yietor, l\lortier el Sébastiani, el marcha droit ti. l'ennemi,
q\¡'il fit reculnr deyant lui jusqu'ti. Oeana, ou l'armée espagnole fut
anéalltie, lel 8 novembret 809. Pendant eeUe mémorable hataille ,
Arizaga, au lieu de <'ombattl'e ü la tete de ses troupes, se retira dans
le dot!H'r de la ville, et assista, de ll}, eomnw simple spectateur) a la


destruetion de son armét'. Il pel'llit son al'tillerie, ses bagages el Sf'S
drapeaux , et laissa trente milIe prisonniers au llOUyoir du vainquenr.


La défaite d'Al'izaga entraina la retraite du duc d'Albuquerquc, qui
était resté en Estramadurc ponr soulenir sa ga ndle, et qui s' ('nfuil a Tc-
1'1Ixillo. Lo due d' Elpal'flue, compl'Omis égalcllll'ut par le Jésaslre d'O-




nI STOI [t E


cana, se mil nussi en rell'ailc el gagna Ciudad-Rodrigo, ou il ne parYÍlIt
qn'apri~s ami,' essuyé un éehee: au pon! d'Alba, d Ill'nln tI'ois mille
hommes, ses eanons l'l ses hngages,


C'étail le Illomrnt dr por[pr un deI'l1ier eoup u l'illsUlTeetion espa-
gnole (,t ill'intrJ'Yl'ntion anglaist', L'empl'l'eU!' le pomait d'autant mienx
que srs tl'iomphes en Allemagne et le l'eloUl' de la paix (lans le nOI'(l lui
penndtaicnt dc dirige\' ulIe partie de Sl'S h'Clllpl'S YiclOl'il'lIsc's Yers la
Péninsule, L'a\'ll1ee franr,aise, en Espagne , fut dOlle portee u trois ('enl
milIe hommes, dans les prl'\l1il'rs mois de 1810, et placee SOllS les
orclrcs du roi Joseph, dont le commandcll1ent supr(\me n'(~tnit que fieüf,
el était exel'eé en réalit('~ par le mnjol'-géJ1("l'tll , le llIarr"dtal Soult,


Les pl'emiol'cs operations eurent pou\' objet l'attaque de la Sil'l'I'a-
)Io\'ena, dont les cols etaient miues, el qui fut neanmoins cnlevc;c en
uu jOUl' ( 20 jamiel'l H I O ), malgre la vive l'L~sislallce des Espagnols
Des ce momellt, le midi de la Péninsule fut enticrement ouverl u I'nr-
mée fran~aise. Gl'cnade, Sé,iIle, l\Ialnga, l\Iurcie, Olivenza, Badajoz,
tombcrcnt suecCSSiVl'lllent al! pomolr de nos armes. ::Unis Cadix résista;
Cadix , le siége de ecUe fameuse assemblée qui discuta une constitution
dórnocratique d dirigea une guel'l'e natiollale) sous le canon de In
France révolutionnail'e, et au llom d'un roi dont la cause n'était pas
nutre que eeIle de I'aristocratic et du monachisme. Cc dernier houle-
vnrd de l'indépendance espagnole suhit uu étl'Oit bloeus du coté de la
terre; mais la mer lui resta; la mer qul lui apporta des vivres) des
munitions, des hommes et des idees!


Tandis que SOlllt parcoUl'ait tl'iomphalenwnt l' Andalousie, poursui-
vant les déLl'is de l' a\'lll(~e cspngnole, Ilsslt"geallt el prenallt des plac()s,
~Iasséna, yellU t'll Espugnc eouycrt des laul'iel's d'Essling , rnvahissait
le Portugal d ma\'chait 8Ul' Li~honne. -'Jais il mait eomplé SLlI' la co-
opération de I' m'll1("e d'Andalousie, el cctt!' coopél'alion lui mtlllLJlla.
Soult, retenu par les Anf!.lo-Esp~gnols d'AIgeE'inls d dp Gibraltar, qui
mCllac:ail'llt inel'SS<1lllll1ellt l'AllIlalollsie et les proyiucl's dlllittoral o]'il'1l-
tal, ne lit auenll rlt"tac!tement ('[} fmeur de l'al'll1ée (le Portugal. Jlas-
sena, ainsi isolé, lIe put tenir tete u "~dliIlgloll, el fut Joree de rentre!'
('[} Espaglle. Sa retraite fut desastreuse. Wellington pOlll'SlIiyit I'nJ'lllée
frnn~;aise sur le territoire cspagnol, s'empura d'Oli,enza d assic"gl't1
Badajoz. Su présenee ranima le COlll'age et releva les esperances de
l'inSlllTrction. )Iais Soult uceüurut, attaqua vivemcnt Bercsfol'd il AI-




DE N APOLÉOl\.
buera, et se porta (lU pied d('s mOlltngncs, attenllant des renfurts pour
déliuer Badajoz, lorsque les lllOll\CllIl'llts de Blacke et de Ballesteros
le fircnt rcvC'Ilil' ti Sé,ille, II dil'igea de la une expéditiou coutl'e les
insnrges de la Sierra-de-Honda, et nne fentative infT'llrlllcusc sur Tarifa.


C<'pendant Wellinglon , dt"barrassé de la sUl'\eillance de Soult, fit
pOllrsuivre activenwnt le si<"ge de lladajoz, el ecHe place fut emportée
le ü aHil 1812. Soult était aCeOUl'll ele nouveau pOUl' la sccolll'il'; mais
il n'al'riva que le lendemain de la capitlllatioIl , et le vainquClll', ne YOU-
lanl pas s' cxposer a perdl'e tl'Op vite sa récente conque te, rdusa la ha-
tail1e que lui offrit le général fran~ais.


SOllll re\Ínt a Sé, ille, ou il s' oceupa de pacifler l' Anelalousie, el ele
tenit' en éche(; les partisans de la Ronda et le (;amp de Saint-Hoch.
lUais les Anglo-Espagnols avaient poursuiyi leurs sllcees. De l'Estrama-
dure ils s'étaient portés dan s la Manche, ayairnt hnttu l'armée du cen-
tre, occupé )Iadrid ) et forcé Joseph de se retirer Sil!' Valence pour s'y
pIacel' sous la protection de Suchet. Des ce momellt, l' occupatioll de
l'Anclalo\lsic n'était plus possible. Le blocus de Cadíx fut aban(lonné,
el le marédwl Soult, opljrant sa retl'aile par' Gl'enade d ~lul'cie, üt sa
jonction ayec Sllclwt Y0rS Alicante, el se rallia cnsuite a l'ul'mée du
ccntre, ponr I'cprendre le clwmin de Madrid et se mettre en mesure
de reconqllérir ecUe eapitale.




C1L\PITRE XXXV.


- LEXAi\IlRE uyuit ('PSS¡\ deImis ]OIlgtl'lllpS de COII-
sül¡\¡,Pl' l'umitié (lu grantl ]HnnJllP ('omme un
bienfait dps dietlX. De la eonlialité solenndle


,de Tilsitt d des sonyeni,'s intimes d'Erfnl,th,


UCII/W¡':' 11' el le resscltlinwnt qui naíss('(}t d'llIw
uffection éteinte el (['ulle espérulIce tl'Ompée.


Tant que l'Europe continentale luí araít pam assez forte ¡mur ('011-
linnel' la guel'I'e de príncipe conlre la ré\olution fl"all~aise, {lel"sonoil1¡"e
dan s Napoléon , l'allloerate ayait prelé l'ol'eille <ltlX cxeitalioJls du ea-




IIISTOIHE DE l\APOLl~O~,
binet nnglais, et il N.ait entn' aYec emprcssement d3ns les conlitions
de ~ 80;:; et dcl806 eontre la France , m3rchant t3nttlt llerrierr I'Au-
tddw, tantút d(:l'l'i(\re la Prusse, 1\13is Austel'litz et Fricdl3nd 3vaienl
lassé son orthodoxie dyn3stiqúe, Susceptible d'ex3lt3tion et doué d'uJ]p
illtelligl'Ill'e a,;sl'Z élcvée pOllr e:omprendl'c fIue la plupart des dioses
donl s'jwlignait la ,ieille: Europe pOll,aient birn n'elre que des néees-
sités lll'ovidentielles 1, il avait rompu provisoiremcnt avee le passé) dan s
les enlrevl1es du ~iélllcn , en se retirant de l'alliance anglaise POUI' C'111-
bras"er la poli tique de l'holllme nouveau qui avait prodmné le hloe:llS
continental. Si l'astl'c de la Franee ne devait l'as púlir; si la fortune de
i\apol('on rcstait inéLralllabll' el tOlljonrs aseendantc, il valait lllieux
s'unil' alui pour llartnge!' la SUIH'émalie européenne, que de s'ohstincr
a se fairC' battl'C' par ses iminl'ibles phalanges, el dan s l'intéret d'nn('
canse qne le del semblait abandonner, Ce fllrent ces réflcxions qtli
rendirent Alexandl'e si aITcc1ucux a Tilsitt el si elltllOusiaste a El'fUl'th ,
sans le fain) rmoneer toutdois aux ehances d'lln rCvil't'llll'llt poIiliqur
el al'é\elllllaliló d'ulI rclour au yjC'lIx s~ sleme eUl'opéen, quand les cir-
ronstantes l'exigel'ail'l1t ou le pcrmettrairnt.


.'fais Kapoléon, tont en rroyant il la sineél'ité des sentimcnts que
manifestait Ale\aJ1(lrr, et qll'il éprollvait lllí-mcme, ¡¡"ait marrhé i:
I'aeeomplissemcnt (le ses ,ues el l'xploilé les é":'lI(.'Illt'lIts au profit de
la ¡]omination d de la prépowll'ranee f/'an~aiscs, S:HlS [mp s'inquiétel'
dn d('plaisir que l'extcnsion de nol/'e puissanee pouyait causer an po-
tentat qui r¡"gnait a Pétersbonrg, Ainsi l'agression (le l' AlItl'iehe en
480!) , en exposant l'emperC'llr Fran90is a de nouvdIes dNaites, lui
a\ail fait subir de l1ou'\'eaux dónembrements qlli avail'l1t rapproehé ks
limites de l'empit'c frall~:ais des frontieres de l'empire russe ; ct ce '\'oi-
siuage avail des dangers que ne dnait pas suffisammcnt compenser,
aux ycux de l'autocrate, la ecssion qui lui était faite d'une partie de la
Gallide , par l'nn des ¡¡rtieles dll traité de Yil'nne, lUais ce qui contra-
riait et LIessait le czar par-drssus tont, c'était l'existcnce dll grand du-
ehé de Yarsovic, dont il n'avait pu empeehcl' la création a Tilsitt, ('1


1 it Croira-t·on jamais, JI a Jit i\alloleoJl a Sainte-I1élenr (f}lérrwdnl~', (( ce qurj'ai eu ti débattrp
ave~ lui : il me ,outenait '1m rhén'tli1é élait un ahm dans la sonw¡'ainrté, H fai ,Iú passer 1,Ius
u'une hcure el n,('r ilion ,'I<"I\I('ner el ma logj1luc á Ini Ilronvcr (Iue edil' hér<'<lité etait le I'PpOS et
le honhcul' ues IH'u[lles, Pcut·dre an"j me mystifiait-il:" L'Cln du ]lcui'le, renran! de la r(VIJI,,·
t:OIL. cndoctrinant le fIl;,; des n)i~, Ir chd lIrs coalitions m()narchique~ I pour le con, crtir au dogrnr
dc I'héL'i;llilé! Qud étralig'c :-;¡Wct.1ele! (juclJe intcl'vct'siolL 11(' rMI'R!




HISTOIBE


dans leqlH'1 ses appréhensions et scs mél1ances lui montraif'nt tOlljours
le royaume de Pologne pret ti surgir de ses ruines. Allssi, puur se
donner qllelque sécurité a cet égal'cl, ne cessa-t-il d' insister aUpl'l'S du
cabind dcs Tuilel'ies, afin (l'obtenir de Kapoléon une déclaratioll ex-
prcsse ct solC!lIlelle qu 'il ne tcntcl'ail jmnais de rétablir la nutionalité
polonaise. Lll instaut, iI put croire son VQ'U le lllus al'denl aceompli.
Lc ij jamier ~ H 10, l' ambassudeur fran~nis, Caulaincourt, duc de
Viccnce, signa un pl'Ojcl de convcntioll qui llOl'Íait fOl'lllellel11cnt :
~ o (llll' le royaume de Polognc ne sel'ait jmnais rétahli ; 20 qne les nOlI1S
de Pologne rt (le Polonais seraielit 11l'oscrits dans les uetl's; 5" que le
duché de VarsoYie ne poul'raitjamais reeeyoil' d'agl'andissemcnt lel'l'i-
lorial sur aucune des l)artirs de l'uneien royaume de Pologne; 4° que
la eOllH'ntion serait rendue publique.


Caulaincourt n'était pas de cette écoIc diplomatique doní le maitre a
dit « (Iue la parole u'avait été donnée a l'homme que I)OIll' raider a ca-
che!' sa pcnsée. » L'aptiludc pOUl' les affaires et l'habilcté dans les npgo-
C'Íations s'alliaiellt rn lui a une grande él!"\ ation dans le CHl'actere , ct la
tillCSSC de son esprit restait toujolll's subol'(lonnéc a la droitlll'e de son
tllllC. 11 se souveuait que lo!'s (l!·s propositions dc maringe entl'e 1\ apo-
léon el la graude-duchesse Anne, il anlit été autol'isé 11 promelll'n une
déclaration semblahle a celle qu'exigeait désol'lnnis Alexandre, et il
consenlit tl signer le pl'ojet de convention qui lui étuit lwés('nté, saTIs
songer flUX modifications que la ruptnre de 1'alliauee de familIo et le
eours des é\ÚlemclIts avaienl du apportcl' aux vues et aux combinai-
sons de 1'empareur dcs FraTl~ais. Il fHllt le dire allssi, le duc de ,'i-
ceuce, en gagnant l'cstimc ct l'affection du czar pn1' ses belles mani(>res
rt scs éminelltes ({ualités) s'était laissé un pell séduirc a son tour dans
le comme1'ce intime rlu hrillan! Alexandre.


Napoléon rcfusa d'appr()U\~cr cc qu'uYait acceplé son amhassadeur.
3I(~(,()lItent el' Alcxandl'c , qui u' exéculail qu' ú demi le hlo('us contiuental,
d n'nyant plus aucun molif de lui sacl'ilicr ruur de ses l)]¡lS ancienne8
rt de ses pllls r1H"res l)ellSl'Cs sur la poli tique C'mopécnne, iI dCll1l'ura
fel'IIWIIlent altadl('~ 11 l'opilliol1 qn'í! mait émise dqmis IOIlgtemps et
(!n'il n'a cessé dc profcsscr (]epuis, « q!le Ir rt>lllhlissement de la Po-
lognt' l-lait (lésirnhle ponr touÍC's les puissanccs de l'o('cident , ct que tant
que ce royalllne ne serait pas l'eh'ouYé, I'Europe sprait salls frolltil\]'es
du cM/~ de l' Asip. » Le czar insista llt>anIl1oins el emoya UII Ilo!ne<!u




55i


prnjl'! de (h'~dm'alion, qui JI(' fnisait. (lIJe ]'epl'Odllire k premier, SO\18
"fin fol'llH' moins Jwlte f't moins t'spli('ile. NapoleoJl pPl'sisla de son
eút(~ I'f rf'poussa ("Il(,I'p:iquement la pl'Oposition ll1odi(\ee du mOllnrqne
l'U8SP. AloJ's le priuce KOlll'ukin, sur l'ordre qu'il en re<;nt de Pdel's-
]¡OUl'g, vint (V·dm'('1' it l'f'mperenr des FI'UIl~ais que son rcfus prolongé
sernit pl'is pO\ll' IlIl indice cel'tain d'inlentions et d'arricl'e-pensees en
faveul' de la Pologne. jlais N apoIéoll, plus aigri qu'inlimidé par ('ptte
communieatioIl dn négociatf'ul' moseovite. lui repondit vivrment :
({ Que pl'étmrlla Hussie IHIl' un tellangage ? Yeut-elle la guelTP '1 ... Si
j'avais YOllln I'l'lnl,lil' la Polognf', .ie l'aurais dit , et jc Il'aurais pus re-
tiré nwS tl'olllll'S (le I'AllemagnC' ... ',lais je lle veux point me désho-
llorer ('J1 Melarant quC' Ir royaumc dn Pologne ne sera jamais rétnhli ,
me renclre ridicule pn parlant le langage de la divinité, flétrir ma mé-
moil'e ('Jl mellant le s('pnu ¡¡ eet aete (l'une poli tique machiavélique; eaJ'
e'est plus f(lI'aVOllel' le partage de la Pologne, de déclarer qn'elle ne
sera jilllwis r{·lahlip. :\on, je Be puis pas pl'endre l' l'Ilgagement de
m'armrr contl'f' ,les gens qui m'onl hien sprvi , qui m'ont téll1(,jgnl! une
hOlllw yolonte ('onstante et un grand dévollement. .. .Te ne dirai pas anx
Frall<;ais : TI faut que votre sDng poule pour mettrc la Pologne sous le
jllug de la Hussir. Si jamllis je signais que le I'oyaume de Pologne lIe
sera jamais rétahli, e'est qne j'allrais l'intentíon dp le l'éLahlír, eL l'infa-
míe d'une telle dédaration serait effaeée par le fait qllÍ la Mmentirait. 1)


Le moment ll'(·taít pas venu pour Alexandre de prNlare ulle aUitude
hostíle. Mais n'aUendanL plus ríen de l'allianee fran<;aise, <¡uand lXa-
poléon refusait, el'un eMé, de se prononcer hautemput contre le réta-
blissement du rovaume de Pologne, et <¡u'il se rappl'ochaít, d'autl'P
part, de la politique auLl'iehiennc, sur la question d'Orient, en hor-
nant les cOl1eessions failes ~l Erfurth, it la possession de la liIoldavie
el de la Valachie , ee <¡ui exrlllait la rive droite eL les houches dll Da-
nube, le czar, qui avait Iaissé violer jllsqllf'-la le bloCllS continental par
la ('ontrehande el pUl' les lIelltres, ne craignit plus de l'enfreindre ou-
W'rtement lui-merne dans ses ades ofjjciels. Le ~!) janvier ~ 811, iI
l'rn<lit un ukasf' f[uí lwohihait h~s produits fl'all<;ais, tels que les objets
de luxe et les vins, el ([ui fayorisait. l'imporlation dans ses états des
denr¡\es coloniales, au moren de l'ahnisseJIlpnt des tarifs, De plus, en
eas de eonl!'aventiol1, les mar('handises fran~ais('s devaient ctr(' hrti-
lées , el. les p¡,oducfiolls eoloniales seulement eonfisquées.


________________________ ~ __ ~ ____ . __ ____.J


68




IIISTOIRE


Napoll'OIl fnt saisi d'nllc violente Í1Títafíon ti la nlC de' cel a('[('. « ta
haíne sente, dit-il ti l'mnbassadenr r\lsse' , a pn eonseíllcI' l'ukase dll
.j J janrier. 1\'OU5 croit-on done insensihles a l'honneul"? la nation frml-
~aisc esl fihl'ense', ardente; elle Se' croira déshonorée lorsqu'dle ap-
pl'endra que S0S pl'OduiLs sel'ont lWlIlés dnns les ports rllsses, tandís
que les prodnits anglais seront scnlelllm! eonfisqués. Je ne erains pas
(te rous le Melarer , monsicnr l'amhassadeur , j'aimerais micnx rece-
voir un soufflet sur la joue que de roíI' brlllel' les prnduits de l'industrie
et dn trarail de mes snjds. Qnd plus grand mal la Hussic peut-I?llc
faire a la Frailee? ne pourant envahil' notr<: territoil'e, die Hons aUn-
que dans Hotre eommel'ce d dans notl'o industrie.»


L'empCI'CUl' ne s'cn tint pas t1 cette viYe exprcssion de son méconten-
tement ; iI (lol1l1a ordre au dne de Yieenee de llcmrmdel' le rappel de
l'ukase. )[ais Alcxandre ne s'était pas si nudacieusement avancé pon!'
se cOlluir aussitút de honte , en rcculant Iñclwmellt hla pl'l'míCI'C pro-
testation ele la Frnnce. Lile mesurc aussi importante n'avait pas été
prise sal1s a"oir été longUl'lllent el múrenwnt délibérée; avant de la
rcndrc publique, le cnbine! de' Pélcrshollrg ('fl avait indubilahlrJ1wn!
prénl la portl~e, les conséqucnccs el les effets sur le cabílld fl'an¡;nis.
Sa réponse ne pouvait étee dontense. On était redeyenu .\nglnis Cll
Russie , depnis que la France avait l'efusé , par la bouehc de 1\' apoIéon,
de proclamer irrévocable I'anéantissement (le la Polognc, el de prr-
mettre a l'ambition moscovite de franehir le Danube el de s'établil' aux
portes de ConslantinopIe. La préférel1ce donnée a la maison ll'Aulri-
che, dans le ehoix d'une épouse , n'avait pas peu eontl'ibué )\on 111us i1
détncher Alexandl'e de l'allianee politiquc de 1\'apoIéon.


1\'e pouyant plus espén'r de parlager awc lui l'empire du l'ontinent ,
et de mett1'e la polític¡uc 1'U88C, sous In redoutnblr garantie de la France,
sur la double fluestion de la Turquie el ,le la Pologne, le czar n'nvaít
plus de raison de s'attaeher au systl~me du hél'oS de la dl'mocrntic, d
de lui saerHicr ses tendanecs el ses affinitós primitives. Quand done iI fut
bien convaineu qu'il n'avait fíen 11 g:lgnCl' nyec l'homme de la l'évolulion,
il retourna naturellement aux prineipes contrc-réyolulionnnires C¡lIi
avaíent poussé autrcfois Souwarow jusque sur la frontierc de France,
d qui l'entrainl'rcnt lui-meme ti Austerlitz ct a FricdIallll. Ce retoul'
d' Alexandre i1 l' allianee anglaise lui était d' autant plus fneHe, qu'il sa-
tisfaisait par H, , non-seulemcnt les opinions politÍllues des hautes cIasses




D E ~ A P O L I~ O i\ .
de son clllpire, mais les intól'éls matél'iels de tous ses sujets, k eOlll-
lllel'l~e d !'industrie de la Hussie entiere.


L'l1kasr resta done tPI qu'il a"ait dé publié, el les arlllements eOllsi-
dél'ahles don! il anüt été préeédé eontinuerent. NapoléoIl arma a son
tour. La garnison de Dantúek fut l'l'IlfoI'eée ; des masses nomhl'euses
tl'averserent l' Allemagne. Alexandre demanda alors des explications :
on lui réllOudit fIu' 11 ne s' agissait que de se mettl'c en mesure cOlltl'e les
desseins hostiles filIe laissaient son p/Jonnel' ses prépal'atifs militaires. II
prolesta de ses intelltions pacifiques, mais en renouvelallt toujours ses
gl'ids, en insistant sur la déelal'ation reIati\'e a la Pologne, el sur la
I'estitution du duché d'OIdellhourg , que NapoIéon R\'ait été obligé d'eu-
vallÍr comme (~tant clevenu le foyer le plus actif de la eontrehande ell-
ropéenne, qui menac;ait d'annuler le bloeus continental.


Ainsi, la rupture cxistait réellement des 1811 , dans la pensée intime
des dCl1x empcreUl's. !ls ne pOllvaient plus s'entcndre sur les pOillts les
plus impol'Íants de leUl' politique respective; iI fallnit done que tót ou
tanl ils en vinsscJlt aux mains. Cependant l\apoMoll, qui fut tonjours
soigneux de rejder sur ses adH'I'saires la I'espollsabililé de la gucrre ,
d qui s('mblait ne descendre qu'a rcgl'et sur ces ehamps de bataille oú
la gloire de son nom ne faisait (lue s'aceJ'oitl'c, l\apoléoll ne voulut pas
entrel' en campagne contre son ami d'El'furth, sans molr ehel'ché a
amener entl'e eux une réconciliation , de laqllelle dépendait le repos de
l'Europe. Illui éCI'iyit plusicul's foís dans ce but. (( Ceci, lui disait-il dans
une de ses lettl'es, estIa répétition de ce quc j'ai vu en Pl'usse, en ~ 80G,
et a Vienue, en ~809, Pour moi, je resterai l'ami de la personne de
\'otl'e majest<'~ , meme quand cette fntalité qui entralne l' Europe devrait
lInjour mettre les [lJ'mps a la main de nos deux nations. Je ne me réglerai
que sur ce qlW fera voll'emajesté; jen'aHaqlleraijamais; mestroupes ne
s'avauceront que IOI'tlrllle votre majesté aura déchiré le tl'/Jité de Tilsitt.
Je serai le pl'emier a désarmer, si Yolt'c lllajesté veut revenit' a la meme
eOllfiance. A-t-elle jmuais en a se repentil' de la confiance qu'elIe m'a
témoignée? ),


Ce langage modél'é lit croire a l'empereul' Alexandre que Xapoléon
l'edoutait une ruptnre ouverte , et qu'iI n'élait pas pret pon!' la guerreo
Il était confirmé dans eette opinion pae les rappol'ts que J11. de Roman-
zor recevait de Pal'is, ct qui représentaient l'empel'ellI' des Fl'an~ais
eornrne disl)()sé a faire des sacl'ifices pour éviter une nouvelle collisioll




HISTUlRE


slIr le ('ontiIH'nt. (i L'Occilsion élait favorabll' , disait le diploma[¡~ 1'1lSSC,
il fallait la saisü' ; il ne s 'agissait que de se moutrPl' el de parlel' fel'me ~
ou aurait les indemnités duduc d'Oldenboul'g ; on aC(lui(~l'I'ait Dantzi('''.
et la Russie se créel'ait une Íll1ll1ense considl'l'atioll en EUl'Ope. lJ


Ces insinuatioIls et ('('s cOllseils hostiles flaUaiPl1t tl'Op les dispositiollS
pel'sonnelles du cwr pOUl' qll'il y J'('stat sOllJ'd. Il se laissa f'acilpmellt
persuader que ~ npoléoll n '6tait pas en mesure de vouloil' la gncl'l'e ('[
de la faire ayec succes , el il dirigea ('11 ronséql1euee de IlOUYl'aUX (,Ol'pS
de troupes sur la \istul(', en les faisant suiyre d'u[]e note que son tllli-
bassadeur a Paris fut chal'gé de présmtel' a l'empel'elll', pt dans lwl11t'IIP
il ajoutait, a ses anciennes exigences, l"abnndon d(' Dantzi('k et r6\"a-
('uation fin duché de Yatso\Í('.


(1 Je erus alors la gll(,l'r(' dédaJ'l'e , a dit Napol('on ; dqmis longtemps
je n'élais plus accoutumé alln pal'eil tOllo Je n'<'"lais pas dan s rhahitude
(le nw laisspl' prévpnil'. Je pomais ma1'eh()]' tl la llllssie a la tde dll
reste de l'Elll'Ope; l'<.'nh't'})['isc 6tait populail'e, la eUllSP était ellro-
péelllle: c 'était le demier efl'ort <¡ui restait ü 1'ai1'(, ü la France ; ses ¡}et'-
tinées, celles du nouveau sys¡¿'me cUrOpl'l'1I ¡'>tajellt HII l)(llIt de la
luUe. » (JJémol'iaf.)


En effet , la réadion provid.entielle qne la France nouvdle eXl'n.:ait,
par la puissance Ms armes, SUl' la vieille Enrope, touehait ü son tel'll1P;
mais avaut de Huir, elle deHlÍt C'omplétcr son 0211YrP et sn gloil'('. Ce
n'était pas assez qll'elle etlt puni, dans Vicnne et dans Berlin , les signn-
taires <1u traité de Pilnitz, et qlW les soldats dc la r¡"YOllllion ellSSl'ul
dé mclés par la conquciP allX populations ass('nies de la Prllsse l'!
de l'AutridH'; il manquait (meore c¡uelque dlosc Ü l'clIseigm'Jllt'llt dps
pcuples par la grande nation. Les alarnws que SOlm aro,," l'óp<llHlit UIl
joUl' sur nos frolltic'res dcnlÍellt él,'p repol'l('('s jl1sqllCS all sein de l'cm-
pire 1'Ilsse, duns l'aneienne eapi[nle (\('s CZ<lrs, duus ;\loseOll lllellH' ,
la "ille sajnte, d íl était dit que la ci\ilisatioll fl'all~i1is(', 11l'0\of[\H"(' par
les ligues opilliiltl'eS des supcrlJl'S ehalllpiolls dll pw;sé, irait triolllplw-
lement, sous le coslume glll'I'J'ÍP1', pI tlla sllitl' <111 p:lollil' des cOllque!¡'",
\"i~iter la bal'bm'ie (111 milif~u dp ses dt'S0r[s, et qll'dlc y fel'ail ('In iel',
á des raees ahaissées par Ir sel'vnge, le rarOll cl'intdligp]wf' d de ficl'lt·~
flui lllal'lllle au fl'Ol11. la noble l'H('e des l'nfants (h~ la Fl'mle(', Les (\es-
tins s'al'l'omplil'Ont : la l'eVollltioll \iC'l1dl'll s'asscoil' an foyer <In paysan
1'1Isse. Et, eomme ces etres lllystél'iellx 11 la lwésellec descluds 011 attl'i-




LJ E \ A l' O L I~ O". ;';11
buait un(: iniluence secrde, (Iue le temps seul lllettait ell évidelll'e, elle
laissera partout, sur SOll passage, des lraces qui serout d'aJ¡o('(1 inaper-
(;lIe5, mais que la riglleur (ks frimas n'd'facera poillt , et (Iue les é,é-
IlCllleuts fel'Ont t¡Jt ou tanl reCOll11 aill'e .
~lIe les destins S'tH.'(·omplisscllt dOll('! ... " l\"apoléoll va marcher a


la Hussie, a la t(\t(: du reste de l'Europe. Il C'est au Kl'emlin que les
dieux out marqué le tenue de S('S conquetes , el AlcxanJre l'y appeIle
pUl' ses \lotes provocatrices , par la violatioll solcnIldle du bl(Jcus ('()(]-
(inental, [lar ses prétenlions Slll' ])anlzick él SUI' la Pologne.




CHAPITHE "XX VI.


CalJlpagnl~ Jr HIlSSi(~. \ I~J2..',


VAiYl' de (luittel' Pal'is el d'appl'C'udl'e
, of!ieÍdkuwllt tl la Frullee (11lC les SCI'-
- menls tl'Erfurlh ue furellt (lile jeux de


¡¡l'iuces, et qn '"\ ¡pxnod!'e k force de re-
COlllll1el1Cer, dnns In nonl dI' l'ElImpe,
la lutle ouverte dCIJllis yingt ans entro
¡'aneien ct le nou \cau sys¡¿'UH' politique,
Napoléol1 fait adopte!', 1)[11' !¡>s grands


corps de l'empil'e, di\erses llH'SUl'eS qui pement annOllcel' ti ses ¡¡cuples
la vastc expéditioll qu'il pl'épal'c, la guetTO loinlnine qUÍ ya éclal('[',


Le 25 décembn'1811 , un súwtus-consulte m ait Illis 11 la dispositioll
du ministl'e dI' la gW>ITe un eonlingclll de ccnt vÍngt IIlÍlle homllles il
prenul'c Slll' la cOIlsf'riptÍoll (It, ~ 812, Lel3 mal's suinmt, mI )\ou\pI
arte s(>llatorÍal orgnnísa la gal'dc naLionale el la di, isa ell t['ois 1)(111:',




I
i


BISTOIHE DE NAPOÜO:\.


Pru t1r jours aprl's (leI7), soixante mille hommes d n premie!' ban
fUl'ellt u('>('la\'('s (lisponihlrs p01l1' la formation d'une armú) ínlél'ícul'C ,
quí devaít dre ehal'gpo plus .sp¡"eialement de la déknsc (lu tcrl'iloíl'e ;
la tevl'e onlinaíl'e dr la conscl'iption fut on olltre ol'donné('.
~OIl conh~nt de tout disposer pOtl!' la guerre, dans le seín de l'cm-


pire, l\ap()U~on, ([ni voulait marche!' a la Russie a la t<~tr dn rrslr de
I'Eul'Opl', s'O('CUllH de formel' el de cimenter, a l'extél'íeur, de lmis-
sanles allianccs. Deux traités fllrent coneJlIs it cC'Í effet, run an'e la
Prusse ct l'antl'e aH'C l' A ntriche, les 2'. févl'iel' el 1 ¿j mars ·1 H·12. Les
aSSlll'aneeS les plus amiealcs ¡"taient alo1's pro(liguérs par l('s ehnncC'lle-
l'i(,5 de Vi('llnc et !le Bel"lin all potenlat ,ietol'icux, que la COl'tune ne
srmhlait pas menacer eneOl'e d'une tl'ahison pl'ochaine.


Ce fut du sein de eeUe France, dont il avait fait une « ritndelle J) ([ui
paraissait inex [lugnahle, et 1\ trml'),s eelle Alleuwgnc dout les rois daien!
ü ses pieds, que l\"apoléon s'aehemina wrs lrs fl'Ontiel'es (k l'eIllpil'C'
I'USSC', pOli!' se nwttl'f~ 11 In tdr dt' l'al'm¡"c la plus formidable quC' le
g(\nie des couí{uetrs eút jamais eOI1duite,


Partí de Par'ís aree l'impól'utricc, le 9 mai 4812, il traversa rapi-
dement 1Hetz, )[ayrncc et FrancfOl't , el llI'l"iY<l , le H , a Dresde. C'¡"-
tait une nmUellee de tetes cOUl'onnées duns la eapitale de la Saxe. Na-
poléoll y eut son (í salof) des ['ois Ji : les altesses el les lllajestés sem-
hlaient s'y 6t1'e (lonné rendez-vous pour rivalisel' d'emp¡,essemrnt et
(l'adlllation allpl'CS dll cbef du gl'nnd empire. L'o1'gueil des races anti-
([111'15 dla YaTtité des fmnil!es nouvelles s'abaissaient également devant
lui. A voit, ce COI1Cou)'s de superbes coul'tisans et de magnifiqucs f1at-
tCIIJ'S IJlli {/CCOIlI'lIicnl de tO/ltcs pal'ts, et des 11l111teul's memc dll t{'{me,
pOlIl' s 'nssocier a la prostcrnation g(\nél'nle que l' cmpereur remarquait
partout autollr de lui sllr son passnge, 011 cút dit (IUO tous ces iIlustres
adlllatl'lIrs araient en lui UllC foi in¡'·hranlahle, et que son pouvoir leur
pal'aissait pal'tieiprr de l'ímmol'taJit(! (lui était assul'éc a son nomo


« O vous , s'écrie 1\1. de Prndt, qui youlez vous faire une juste idée
tIc la prépotenco que Napoléon rxcl're ('\1 Europe, transportez-vous en
esprit 11 Dresde, et venez y contempler ce prince al! plus hant pél'iode
de su gloirn.


" Napoléon oecnpo les grands appartemcnts du eMteau ; il Y est en-
tOUl'é d'llTlc partie nombrensc de sa maison, e'est ehez lui que se l'éu-
nissent les Mtes angustes que renferme le palais du roi de Saxe.


-~~~~-------~~ .. _-~--~--------¡




HISTOIHE


)) Son lcwl' se tkllt, COlllll1e Ü l'ol'dinaü'c, 11 !wuf heul'cs. e'('st Jil
qn'il rant ,oil' aw(' ([uelle sO\llnissioJ\ une fOllle ¡Jp pl'in('es (l'('J~)p('n'lIl'
d'Alltril'he d le rui de Pl'lISSl' , mee leul's ministr('s .Uetl(·l'Iüch d 1Ial'-


denb('rg étaient dn nomhre), confondus p3l'mi lrs ceurtisans, attend Ir
moment de comparaih'e.


)) l\apokon ('st le roí des mis, Sllr luí sont tournés tous lps r('gard~.
L'aflln('ll('c (les draUl'prf;, des mililair('~, des ('ollt·tisanf;, l'"rl'in'·!, di,'
Mpart des cOllrricl's, In fonle se ]lrécipitnnt aux portcs (lu pa[ais (ks 11'
ll10indre moU\cmrnt de Hotn' rmpcl'cu!'. se pn'ssant Slll' ses pas, ](,
cOlllf'llIplnnt aycc ('el ai!' qur donnrnt l'admiration et l'étnnllrmrnt:
l'attente des éYl'IWJ)1ellts pcintl· sur tous les Yisa!"('~ ... Tout cetel:-
semhle prl'sellte le tahleau le plus "asll' , le plus pil!ualll, d.](o mOllll-
ment le plus écJatant que l'on puissl' ('le\'e\' n la mémoin' de :'ínpn-
kOIl. ))


Ce futrlalls edle entl'enle de Dresdc (Ine l'empereur rl'Antridle el'ut
llaUer l'orgueil de ~apoléon, en lui app\'enant que la falllill(~ drs flo-
napade ayait éte souH'raine it Tl'é\isf', « 11 youlniL Il' din' 11 -'Jilri('-
LOllisr, ;1 qni ('da rleyait fain° granel plaisi". I1 Ce prim'(' ('·tnit (¡'aillem's




- ------------


!


DI': NAPOLÉU:\.


au comble de la joie. « L'empcl'eur d'Auteidle, dit le baron .Fain, Ile
¡¡cut cachet' la vive ('motion fIll 'il épl'Ouve; il embrusse son gendre, el.
se plait ü lui répéter qu 'ii peut comptcr sur l' Autriche pour le triomphe
de la cause eOllllllunc. » Le roi de Prusse se conduit de la meme ma-
niere, « il réitero ¡Je vive voix a J\'apoléon l'assurance d'un aUachement
inviolable au systeme qlli les unit. »


Lo séjour ¡Je Napoléon a Dresde ne fut pas de longue durée. Il se
luita de gagner les rives du Niémen, en passant l)ar Praguo) ou il se
sépara de Marie-Louise. Avant d'entrer en eampagne, il visita Kcenigs-
berg et Dantziek. Rapp, l'un de ses lieutenants qll'il estimait le plus il
eause de sa bravollre et de sa franchise, commandait dans cette derniere
place. Murat ct Bodhier s'y trouverent avec I'empereur. Le roi de Na-
pies paraissait mécontent; Napoléoll en fit la remarque et dit il Rapp :
« N'avez-vous IlaS trouvé a l\IUl'Ilt quelque chose d'extraordinaire'!
Pour moi , je le lrOlIve change. Est-ce qu'il est malade '? - Sire) ré-
[tonelit lo gouverneur de Dantzick, )Iurat n'est pas mala de i mais il est
triste. - Triste! ct POUl'lIUoi't reprit vivement l'empereur , n'est-il pas
cO[Jtenl d'etre roi i - Sire) ajoulu Rapp, Mural dit qu'il ne l'est paso
- e'est sa faute , répliqua Napoléon. Pourquoi ('st-il :\"apolitain? pour-
quoi n'est-il pus FraI)(.;ais ? .. Quand il est dans son royaume, il n'y
fait que des sollises ; il raHlrise le cornmerce (l\ee l' Anglelen'e, je ne
W'ux pas de cela. »


Le lCIlllcmain de ee eolloque, l'empereur retin! ti OiOIl!lPI' Happ,
\'.


Bel'Lhier et Mural. 11 ('('lit s'lIpereevoil') Ü la n~sene (h· Oies ('o[Jvl\es ,




,-_._--_._-------- -
;ílli IIISTOlltE


qll'ils l'l'aignaif'nt d'avoir il. s'expliquel' sur la gUCl'l'C ([II'il allait enll'e-
¡¡['endro : c'était une espcce de pl'olestation taeite. « Je vois bim, IllPS-
sicurs, que VOIIS n'are)'; plus envie de fail'e la guerreo Le l'oi de l\apJes \1
voudrait ne plus qllitter le beau elimat Je son royaume; Bt'I,thiel' dé-
sire chassel' dans sa terre de Grosbois , et Rapp est impatient d'hahi[el'
son hotel de Paris.) Napoléon uyaít dit 'Tai; mais Berthiel' f't Mural
n'os(~I't'nt pus en eOl1\enil'; Rapp seul eulla hardil'ssl' de le cOllfesser.
L'empcl'eu1' ne pOllvait d'ailleul's s'en prenrlre qn'ú lui-mome du chan-
gt'l11ent (lui m-ait pn s'opt"rel' dans 1'3me de CfudCfues-nns de ses g¡"J1{>-
raux. Au milien du faste des COU1'S, des exeitations fiu sybal'itisme 1ll0-
narchillLle , dcs jOllissances el df's sédurtions de la gnmdeul', le I'oi de
~aplcs et le prinee de l\eufehiltel n'avaient pas dli conSf'nf'I' lps hahi-
tudes aventUl'ellSeS, l'anlclIl' infaligable el l'insoucianee inh'¡"pidc (Iui
maient pu distinglHw Mural el llel'lhier, soldaLs de !'m'mi'e d'Italie, ü
:\Iontellotte et il. Lodi.


Cepclldanl les appréhensions uonL ces viplIx soldats l1e pou\¡¡ielll se
défendre il. l'appl'Oche (['ulle gUf'l'l'e dont I'issuü échnppait iI tout(' pré-
voyancc humainü, ne les elllpcehcl'mt pas de se 11l01ltrer disposés ú
poul'suivre leul' glorieuse em'l'il)re, SUI' les tl'<\Ces du gl'<tIid )¡olllUle ,
qui était a la fois leur eamarade, lcUl' guide et leLlI' mallre. « l\"ons
regrcUons la paix , dircnt-ils , lllais miüux vant la guürl'e alljonrd'hlli
qu'lI11 al'rangelllent sllivi d'lIne paix hoileuse : ce serail toujollrs il. I'C-
COlluueneer. ») Et Rapp se levant , ajouta: « Sirc, votrü Rapp manie
encore assez bien son cheval el son sahre POlll' n'étl'e pas l'e1égllé iei ,
eomme un vieil invalide, quand vous aUez vous baltre : aeeol'dez-ll1oi
de reprendl'e pres de votre persollne nlOn sen ice d'aide dc camp. )


Rapp, dan s son cOllllnnndcll1ent de Dantúd" s'{>tait eOllrilié l'estime
etl'affeelion des Prllssif'Jls pm'l'inrlulgen('(' qu'il avait apportée ü l'('xé-
('ulion <In blocus continental. Les pxigences ri¡;OUrellSes de la politique
étaient incompatibles mee lps hahillldPs et le cm'aelere de ce rl'ane sol-
tia!. Napoléon, flui l'apPI'éciait, ne lui a"ait fait aucun rf'proche de sa
conduite, et lorscrlle, en cntt'ant dans son salon, il avait Upl't'~ll le
hllste de la t'eine de Pl'usse, il s'était contenté de lui dil'(~ PIl sou-
l'Íanl : « :\Ialtre Rapp, je vous pl'é\iens que j'éct'it'ai il 3Iarie-Louise
ectle infidélilt'. ))


L'cmpcl'ellr quilla Dantúck le ~ 1 juin, d prit la l'Oute de Kce-
nigsbel'g , oú il arl'ira le~ 2, apres avoil', ehemin f"isuut, pass\' ('11




--- ------------_._-----~~-


DE í\APOLÉO\.
l'l'yue le eorps de Dmoust. La sllbsistance et la poliee de I'armt"c
¡'occllpaicllt alol's pl'incipalell1cnt. « 11 donnait plus de telllps au comte
Dal'li (!ll'an majOl'-w"né,'al )) (Fain). " Son g('nie ¡¡ctif, ajoute .\1. de
S("glll', était alol's porté toutenticr sur ces détails impOt'tants. II dui[
pl'()(ligut' de 1'l'l'0ll1111amlations, d'onh'es, d'al'gent mcrne : ses lcttres
¡'attestent. L('s jOl!l's se passaient ti dicter ses instl'LlCtions sllr ces ohjets.
La Huit, il se l'elevait ClIeOl'e, (;ll seul général re0llt, dan s une senle
jO\ll'llée, six dópcc!tes de llli, toutes l'emplies de eette sollicitude. ,¡


Toutefois, avant de flonncr le ~igilal des hoslililés , l'empereul' l\a-
p(MolI VOlllut teutel' eucore de se réCOlleilier aYec Alexandl't', pHI'
IIHe négociatiou dil'l'e!c. II ehargea done son aide de cnlnp Lauris-
ton de chercher a pat'\('nit' jusqu'iI la pPl'sonne meme du czar, pou ..
lui exprimer le ,if Msil' qu'il éprouYait d'éviter une l'llptnre ayee
son ancien ami de Tilsitt <:t d'El'furth. ~Iais Laul'iston ne put appro-
d)(·l', ni le IllOIlm'(JUc rlli>SC, ni ses ministres. Quand NapoléoIl ap-
pl'it, par son seel'étai,'c tle légalion, Pl'évost, que son plénipoten-
liaire élait ainsi re]lollssé, il donna anssitbt 1'(mIre de mal'cllf'l' CIl
anl/lt d de IHIS~('l' le l\iétllell. « Lcs vainens, dit-il, ¡)l'Pllllent Ip tOIl
de Yainqllcul's; la fatalité les {'ntralne; ([lle les dcstins s'aeeomplis-
S('lIt! ¡) Et la proc1amation suh"anle, datél' (lu (IlIm'tie/'-gt"llt'nll (k' Wil-
ko"isk y , fut irrllnédiatclllent puhlü'l' :


" Soldats,
l) La seeonde gllerl'e de Pologne esl cOll1ll1eneée. La l)l'emiere s'es(


tel'lninú, u Fl'icdlalld et a Tilsitt : a Tilsitt, la Russie a juré élel'l1l'lIe
allianee tI la Fl'lll1ce el guerre u I'Angleterl'e. Elle viole aujourd'hui
ses Sel'lllents! elle ne Yeut donner aueune explieatioll de son étrange
eonduitc) que les aigles fran9aises n'aient ('epassé le Rhin, laissant
IHIt' Ii! nos alliés it sa discl'élion.


l) La Russic est t'utl'ainée par la falalilé! ses destins doivent s'ae-
complir. Nous el'oimjt--elle done dégénérés '? Ne serions-notls done plus
les soldats Il\\llstel'litz'? Elle nous plael' entre le déshonneur el la
gUt'ITl'. Le eholx IlC saul'ait ctre dOlllellx. lUm'eholls done en avant !
passolls le :\ü\mcn, portons la gnel're SllL' son Íl'l'l'itoire. La sceonde
glll'l'l'e de Pologne sera gloriellse aux :11'l1WS fl'angaises eonune la pre-
mi('>,,!,; mais la paix (llIe 1l0US eonelul'ons pOl'trl'il a'8e elle sa garantir,
et 1lH'ltril 1I1l tCl'l1W 11 e('[[e orglleil1ellse in/luellce que la Rllssie a exern\e
depllis cinquallte ans SUI' les affaires de I'Eul'ope.




IlISTOI RE


L'al'lllée fl'tlIl~ais(~ , forte de plus de 1l'Ois ('ent mille hommes, était
,livisée en treize COl'pS , sans y eomprendre lps armes d'¡',litr rlla ganle.


Le premier corps avail été confié a Davoust; le dellxióme a OueJi-
not; le troisicme a Ney ; le quatrieme an prim'e Ellgene ; le I'inquil'me
a Ponia1owski; le sixieme a Gouvion-Saint-Cyr; le septieme a ne~­
niel' ; le hui ti eme a J érome l\' apoléon, roi de Westphalie; le lleuvieme
Ü Yictor; le dixieme a Maedonald ; le onzieme a Augereau ; le douzicn1l'
Ü l\lurat, f't le h'eizieme an prince de Sclrwartzenberg. Les différents
f'Orps de la gal'de étaienl commandés par trois maréehaux : LefehvI'e"
Mortie\' el Bessil~I'CS.


A l'approehe de eett(~ armée formidable, les nusses se mirent en
l'ct\'aite , abandonnant la ligne du Xiémen pour se porter sur le Dniépcl'
pt la Dwina. Napoléon les suivil de preso Le 25 juin, a dellx hem'es
du mntin , il arriva aux avant-postes, daos les envil'Ons de K(n,vno.
Iwit IIlW rapofp (.( \lI1 bonnet polonais d'un des ehevall-Iége\'s, et . 11 In


lave\ll' de re d('gUlsemenl. pareouI'Ut et explora lui-meme les bCtl'ds du
Niémen, pour déeollwil' le líen le plus fan)rablc au passage des trou-
pes, Le génél'al llm.,o l'aeeompaglla seul dans (,f'ttf' reconnaissance.


L'empf'\'em' ayant rC'ma\'qul~ un eÍl'C'uit que fail lf' f1,'uw, pri~s dll
village de Poniémeu , an-d(~SSllS de J{owno, (U'signa ee point POlll' pass('\,
sur l'auLJ'C' I'i\'('. Dans In soiréC' du meme jonr, I'al'mél' se mil dO\lc




DE NAPOLltO~. :¡·Hl
en mOUYCllwnt, el iJ ne fallnt que deux heures an genel'al Éble pOlll'
jetel' tl'Ois [Jouts, sur lesfluels l'al'lnée détila tonte la nuít, en tl'ois eo-
lonnes. La largeul' du l\iémen, en cet endl'Oit, était d'envil'On eenl
toises. Des l'alIbe dll joU1', l'ármée fl'an~aise se t1'ouva établie an dt~la
du flcuve. (( Qne! tablean, dit l'uuteu1' du ¡}fanllscrit de ~ 812, l'o'il dé-
couvre alo1's des hautelll's d' Alexiston! e'est I'EuJ'opc tout enLil'JI'e J'e-
présentée pae l'élite de ses teoupes, et se précipitant sur la telTe d(~s
Russes, que le doigt de Napoléon lui montee. l)


lHaih'e de Kowno , I'empereue voulul en fuil'e un point d'appui sur
ses derrieres. II y laissa done une garnisoJl el y ol'ganisa un service
d'hopital.


e' est sous les mUl'S de eette ville que la Vilia se jeUe dan s le Niémen.
Les Russl's, en se retirant, avaicnt brtllé le pont établi sur ecHe 1'i-
viere; muis eel obstacle De put aI'1'cter l'impétuosité des dlCvau-lt'gel's
polonais; ils se laneerent rlans la Vilia et la franehirent a la nag(~.


Les Russes n'opposaient prcsque alleune 1'ésislance, et semblaient
déeidés ü évitf'1' toute espef'e de cllOC el de rencont1'C ayer l'al'll1ée
fr'an~aise. Qlldquf:'s cosaqucs scnIement apparaissaient ~ü el lü, et i1s
étaient promptement dissipes.


011 al'riva ainsi sons lrs mnrs de Wilna. L'emperellr s'y tronvait Ir
27 , ¡¡ dPllX heures apl'cs midi; et le Ienrlprnain , ü la pointe du joUl' ,
il faisait ses dispositions pOIlI" une attaCfuf' sériense, ne pl'l1sant pas que
l'eBBcmi ahandonn:ll sans MofeIlse un poste important qui couvrait une


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550 I1ISTOIRE


triple ligne de magasins. Napoléon s'était trompé Sllt' les illtclltions des
HlIsses. Apres ayoil' éclwngé quelques coups de canon, rait salltt'I' ll~
pont de la Vilia el livré leurs approvisíonnements aux Ilammps, ils se
l'etirerf'nt préripitmnment ~l l'approche d('. l'armée franQaisp. Ce fllt
Alexandre llli-memc qui donna le signal de ce mouvement rétrograde.
n <'tait dl'llLlÍs qudque ternps il Wilua, avee sa COUI', pt ce fut dans un
bal, au chátpllu de Zacrpst, ehez 1(' général lknigscn, qn'il rer,nt la
nOll\dle que le Nit'mcll était franchi d que Napoléoll s'mmH;ait rapi-
denwnt á tl'avers la Pologne russe, Du sein des fd('s pt dps plaisirs, le
ezar passa aux emharras pt 11 l'anxi(,tó d'une retraite qui alJait rl'sseIl1-
bler á UIle fuite. La cayalel'ic 1<"gerc se lllit á la POlll'suite des RUSSl·S.
Dnns ce lemps-lü, N apoléon ) cntoUl'é dps Polonais commandós par le
prince Radzi,,¡¡, fit son entrée á Wilna , le 28 jUill, á mi di , d « aux
acelamatioIls d'un peuple qui le l'egardait COlllllle son libénlteul'. II
(Chmnbmy).


Le premier soin de 1't'mpE'relll' , en pl'enant poss('ssion de la capitah'
de la Lithuanic, fut de donner un gOllYemement proYÍsoÍl'c á eettc
provincr. :U. Rignon, que le Teslamenl de NIl/)()(éon, la [¡'jhlllw natio-
nale et l' lJi810ire de la Dijilomatie r/'an~aise ont r('ndll dqmis si jush'-
ment eél&lH'c , fut placé auprt's de cc gouveJ'llcmcnt en q\lalit(' dl' COJll-
missaÍl'(' impérial. l)'un al1h'c cúlé, on apprl'llail ql1'llne di("te se C011-
stituait ti Varsovic en confédération génénlle, S0l18 la lW('sidl'lIce du
Iwincc Adam Czartorinski; el 1'011 sut hicuÍ(lt que ('ctte « voix sóculairp))
se10n l'exprcssion de 1\1. rain, avait }WOclalllé le rótnhlisseml'Ilt du
royaume de Polognc. Des Mputés Ilommés pat' ('('He aS5emlMe se ren-
dir(~nt ensuHe allpres de Napoléon , ponr mettl'e SOIlS sa protectiouleur
nationalité renaissantc. « Si j' eussc I'(~~gné lo['s du prcmi¡'r, d u seeond ou
du tl'oisieme padagc de la Pologlle, leur dit l'cmpcl'clll', j'aul'nis an1lé
toul mOIl peuple pOl1l' vous soutE'nil'". Si YOS I'ffOl,ts sont unanimrs,
Y0l15 pOllvez conceyoir l' cspoir de réduire vos e\1lwll1is:ü J'('COIlJwltI'C
vos dl'Oits; mais dan s ces contl'('cs si ('loignóes d si élcnllucs, e'esl
surtout par l'unanimÍtI: des efforts de la p0]ll1latloll qui les couvre, quc
vous dcyl'z fonder vos espól'ances de succes. ))


CrttE' unanimit(' p\istait ('11 Polognp. J)('jillp sixi('me hulletin ) I't'll-
dant comptc de l'ciTe! qu'nvait pl'oduit en Lithuanic k passa¡¡:e du
l\iémen par l'armée fl'aIH;aise, avait retmcé en ces tenues l'élall que
notre présence ycnait imprimel' 11 la nation polouaise


'----------- ------------- --




DE \'APOLÉO:\, :;;¡.j


• Willla, 12juillctl812,


)) Le peuplc de Pologlle s'émeut de tous cútés, L'aiglc blanchc esl
m'!Jol'ée partout. PI'dl'es, noi)les, paysaus, femmes, tous demandcnl
l'indépendance de leur l1atiol1 .. , )


Ce n'dait pas un raible auxiliaire pour nos tl'Oupes que cel cntholl-
siasme patl'iotir¡ue des populalions dont nous a\ions a occlIpcr el ü pnr'-
COUl'il' le so] pOU1' arrivel' aux Husses, Mai" Napoléoll, tout en encou-
I'ageant ce génél'eux sentiment, ne pOll\ait pas en satisfail'e pleinmnPllt
I'exif;ence. La l'ésu1'l'ectioIl C'omplde du peuple polollais aurait e0111-
promis les intt"rels de dl'UX monal'ques qu'i1 ,'eganlait alot's ('omme
ses l)l'ineipaux alli¡"s, l'empcreul' d'Autl'iche ('tle roi dc Prusse, Aussi
s'abstemlit-il de déclarel' llli-meme que I'antiqllc roymmw des Jagd-
lons serait rétabli; d quand les dépul('s de la tlide \ a¡'sO\ienne lui de-
mandent ce rétabIissement, affectc-t-il de lenr dir'e quc les Polonais
ne doivent ('omp[er (Iue sur eux-mcllles, dnns I'cf'uue de lrm' imk-
pl'w!ance, iJ CHUS(' dI' l'éloi¡rnelllent et de l'deudue de kur pnys, Le
gouH'l'IIrll1rnt provisoil'(' C)u'il inslitu8 n'psl donc que POU¡' la PologlIC'
I'lIss!', la Lit)¡llanie, « 11 ne faut )las écouter, dit-il , un zdc illCOllSidél'é
pOli\' la cause polonaisc, La FI'anee n\ant tout: e'est Ii! 11m politique, ))
Politique prudente, sans doute, mnis que ~npoléon aurait tl'ollvée tl'Op
limide cn d'aul¡'es tl'tllps!


Le quartier-général de l'empereUl' était toujours ü Wilna; mais
I'a¡'mée fnlJ1~aise llOursuivait sU!' tous les points sa marche victorieusc,
Bagrationet Plalow avaient été séparés de BarcIay de ToIly pal' la rapidité
desmouvcments ('(des manceuvl'es de l' cmpercm', La position deces deux
gt~lIél'UUX devellait périlleuse, Alexandrc le saitet se húte d'expétliel' son
nide de ('¡¡mp, le général Balaehoff, ü ~npolé'on , dans le hut apparent
d' olnTil' des négociations pom' la paix, et avee la mission róellc d'u\'I'ctcr
I'illlpdllosité de I'armée fr¡¡lI~aise, et de donner iI Bagrntion le temps
(l(~ se l'alliel'. Kapoléon aceueiUe avec cmpl'essementl'envoyé d'Alexan
dre, <'l lui exprime le plus vif regret d'une ruplure qu'il a tout rait
pOUI' 1'I'évenir, L'officier moscovite répond ü cel accueil cn annon~ant
(Iue I'empel'eul' cst disposé ü rentl'e\' dans le systemc du blocus con-
tinental, et qu'il ('onsentira 11 tl'aiter sur ('PUe bns(' , pourvu que les
FI'an¡;ais, avant toutc nógociatioll, repassent le Niémen et évacuent
1(' [eITHoÍr(' I'USSC,


" Que jc me I'ctil'e derl'iel'c le i\il'll1rn! 11 mUl'mUl'e l'\t1p()I{~on. \1




! --- - --- - - ----~~---


I ~--------------


:¡;J:2 H 18TOI RE


s(' ('outicnt, se jll'OIUene il pus pl'essés et lllédite su l'(;ponse. llientót ,
dédaignallt lu (¡uestion qlli l' a blcssé, il en l'm-iellt a la (11H'stioll prin-
cipak.. « Traitons sUI'-le-champ, rrprencl-il, tl'aitons id, il \Vilna
mellle, sans laissel' rien en ul'l'iel'e. La diplomatie ne sait plus .. iPII
linir qlland ]('s ('ireollstaIlces ne la eommandent plus; signons) et je
repasserai le l\iémen des que la paix l'aura ainsi réglé. » (Ma1!u-
scril ¡(el ti I:!. )


Certes cette proposition aurait amplcment répondu aux intentions
(Iu czar) s'il eút vraiment désiré la paix. 3Iais la mission de 1\1. de
llalaehoff, nous l'avons dit, mait un tout uutre motif. Ce général se
I'elranl'ha done rigoureusemenl derriere les instructions qll'il avait
re<;ues de son maltre) et Melara qu'il devail insister avant toul SIII'
I'évacuation immédiate dll telTitoire rllsse. « Sont-ce la des paroles
de puix'? s'éeria alors l\apoléoll. Agit-on de la sor te quand , de bonne
roi, on nou! conc\ure? Est-ce ainsi (lu'on agissuit u Tilsitt? ... .Te !le
llUis lll'y mépremlre ; ces gcns-lu ne veulent que que\qllPs jOlll'S de r¡"pit;
ils ue songrnt flu'~1 sauver Bagl'alion) el se llloquent de comprol1wttre
ce qu'il y a de plus sacré. Eh bien! He nous occupons plus (lue d'aeJ¡eH-'r
ce qui cst si bíeu COIllIlll'IICé; i¡ faut que lenrs embarras soienl COlI)-
plets) pOUl' qu'ils pe1'll1ettent U leur emperelll' de revenir u llloi. 1)


L'elllpereur quitta Willla, le ~ 6 juillet, avec la résolulion de péné-
tl'er dans la vieille Hussie, en pla~ant son centre d'opération cnÍl'e la
Dwilla el le BOl'ysthenc. Évitant donc de poursuivre Barda y , flui fuit
Slll' Pétersboul'g, ellaissnnt ü Davoust , U Jél'OIllC et u Schwartzenbcrg,
(lui Illano_'uvrent sur notre dl'llite, le SOiH t1'empecher Bagration de ga-
gnl'l' le cump relranché de Dl'issa , oú il cst attl'udu par AlexaHdl'e lui-
memc, i\"apoléon ya l1wrdll'r dans la directioIl de Witepsk et de Smo-
ll'lIsl\. 3Iais ce mouwm¡'nt s'l'xécutc sans que le bul (¡IIC se proposc
l'empcrcur soit cOllnn ¡]p tout autre que luÍ. ({ 31édilant ses plans pOU1'
la suitp de la campagnc, dit 31. Fail1, et doununt lni-memc les onlres
qui el1 [ll'l'parent l'exénIlion) illle rail C0I111aitrc U chaeull de ecux (lui
doirmt y eoncoul'ir, que la pUl't qlli le concemc. L'ensemhle en reste
d:lns su pensóc, el ses combinuisolls militail'es, semblables allx écri-
tUl'l'S s)"mpathiqllcs, que le f(,u seul peut mellrc en évidcnce , l'esteroIlt
in<llwn?UeS tallt que le ('hump de batuille ne les aura pas rt',élécs. »


l\Iais eelle ignorancc des secl'els du génie dOllne lil'u 11 millo cOIljl'C-
lll\,('s; chacun vout de\Íncl' d lIIll'l'prete U su manicre le~ projds ti!'




DE :\APOLÉO\. j:j.;


l'cmpcl'l'ur. Comme iJ la c(1mpagne oel80i, l'csprit fl"onrlell1" se 1ll0lltre
au I[llartier-général. Napoléon scmble n'y pas prclldl"e ganle. (JlW 1'on
se trompe ü ses cútés, (lllC l'on apprt'hende et que l'on rnlll'mUl"e , l)('ll
lui importe. Il connait, lui, la justesse et la portée de ses plans, el iJ
('1'1 bien súr de faire taire la critique des hinmacs, quand il 1.'11 yicndl'()
il réalisel' ses dpsseins, (l'accord avec la Yictoíl'e. Que ses liclllenants
se bOl"llent donc a bien remplir ses intcntions, Ü e~ú:uter ponctnelk-
Ilwnt SPS ordres, pt le succes Mtrompera toutes les sinistres pl'é\ i-
sions. Malheul'eusement lous ses lieutenants IlO sont pas aussi prompls
a agil' qu'ill'cstlui-meme ü concc,oir. Parmi eux il cn cst un, et c'est
le fl'{~re de l'!'Illpcl'eUl' (Jérúme), qui a re~1l mission de poursuiul'
Bagration l'épée dans les reins , el quí , pal' la lentenr de sa marche,
laissc prendJ'e au général russe troi5 journées d'avallce, tl'Oís joul'I1ées
que llngratioll passc trunquillcl1lcn1 a se renwtlre de ses fatigues, il
i\cs\yig. Crlwndant Napoléon ayait écrit 11 SOll frel'e, dans les termes
les plus vifs, pUllr I'exeiter a pOUSSCl' son corps d'm'mé!' Cll anlllt.


Mais ces inslnwlions sonl reslées sans effet. « Le génél'al russe a pll
faire son mO\lH'l11ent aussi paisihlell1ellt que s'i!Il'anlÍt ell pcrsonnc il
sa poursuite.)) (J/all1/scrit de 1812.) Alors l\'apoléon, donnaut un libre
essor a son méconlen1ement, a éel'it an roi de W cstphalie : « 11 es1
impossible de matHEUVrel" avec plus de maladresse; vous se1"CZ cause
quc Bagration aura le temps de se rctil'rr : vous m'aurez fait pel'Ch'c
le fnlit des combinaisons les plus habiles, el la plus belIe occasio!l
qui puisse se rencontrer dan s eette guerl'e. J)


L'cmpcreur ne s'en tient pas a ce reproche. II yent s'assurer doré-
navant unc cOOllél'ation plus adive dn corps westphalien, et iI placc
incoutincnt son fl'el'e Jérúme SOIlS les ordl'es de Davollst. l\Iais Jén)me
¡¡ellse que son titre de roí l'clIlpeehc d'aeeeptcr eelle snh(lI'llinalion,
et il se retire dc l'armée. l\'apolúm s'cn émellt, et dévore néanmoins en
silencc l'amcrtnme qll'il ressent cln bms(IUe éloignemcnt de son frere.
Pcut-etrc recollllnlt-il qu'il cut lorl de viole!', au pl'Ofit de sa famil1c,
les principes (l'(>galité fluí firent su force el sa gloil'c ; peu l-etre en est-il
11 se r<,pentir d'avoir méeonnu la seule hiémrchie J{'gitime , en devant ,
au l'ang sUIll'cllle, des intelligenccs qlli n'étaÍl'nt pas formées pour de
si hautes destin('es; en faisant des I"ois moins eupablcs que (lI·s maré-
dl:lllx , I't cn s'exposallt ainsi Ü sOlllc\er de facheux conflits entre
l't'llIilll'I1C'(, du litre el la snpériorité dn talent.


iO




55'¡ IIISTO IH E


La retl'üite de J érome tit passer les Westphaliens, d' abord sons k~
ordres dn génél'al Thnrrenll, pnis sous le COl11mallUellletlt de J unot ,
dne d' Abrantes. xInis le huitieme corps u' en resta pas 111oill5 corn-
pris uans le cOlllluanuement uu maréchal Davollst, ct l'elllpel'eur
n'eut qu'a se féliciter de eette mesure. Davousl était cnfin panenu
a atteindre Bagration pres de 1lohilow , et quoiqu'il n'eút avec lui
que deux divisions , harassées par de longues marches, il avait hattu ks
Russes. ;\lais I'éloigllement du eol'ps "estphaJien, alol's ablln(\olllll'· (k
sou chef, ne lui permit pllS de tirer de cel avanlage tout le profil 'iu'íl
aurait pu en attendl'e.


Tnndís que Dayoust débarl'assait aiusi notre droite, en rejctanl Ba-
gl'ation sur Smolcnsk, lUaedonald l't Ondinot chassaíent dev:ll1t e!lx le
corps de Wittgenstein, que Barday avait dé taché pou!' inqlliéter notre
gnuche et couvrír Saillt-Pélersbollrg, apl'eS avoír é!é obligé luí-nH~nw
d'abandonner, avee l'empel'enr Alexandre, le camp de Dl'íssa ct lit'
se jctel' sur la route de Witepsk, dans la directiou que prenait !\apo-
léou.


Barclay espérait toujours que Bngration, (~dw\lpallt i:t DUVOlli't, fini-
['ait par opérel' sa jonction. 1\"e l'ayant pas rcneonlré it Witepsk, il
(~OUl'nt au Jevant de luí, vers Orcha, laissant au corps d'Oslennann
le soin de protéger la re traite de Doctoroff, commandanl I'arrierl'-
gm'dc, et de .. alentír la marche des premÍl3res colonncs de l'armée fran-
gaise.


Ce fut ce C01'pS détaché de l'arlllée de BlIrclay que JUmat et Eu-
gene rencoutrcrl'nt el battírent, a Ostrowno , Jans deux cOlllbats COll-
sécutifs, qui se donnerenlles 2;) et 26 juillet.


Le succes du premier jour fut du a l'arrivée de la dívision Ddzons,
qui décida la re traite de l'ínfanterie rllsse, contrc laquelle la carúleril'
du roi de l\aples renouvelait en vain ses attaqlles.


Le lcndemain, l"lIrmée eUllelllie, qui uvail reºlI des reufol'ls lleu-
dant la unit, se montra dis!wsée a l'eeommencer le combal. Les Fran-
~ais anssi étaieut en plus grand nombre que la ,eille; le pl'ince Eugene
s'était réuní a Murat.


Le général russe, qni muit remplacé Ostermunn , oeeupait ulle po-
sition si l1\antugeuse, <¡u'í! l'allail, llOur ren ehasser, [oule la ]¡ravolll'('
el toute l'impétuosité des soldats fl'an(;aís. II mait elevan! lui un ravin
[ll'ofond 1 iJ sa gauche un boh; lres-épais, et asa droíte la DVÚIU. Aussi




DE NAPOLÉO\'


les premi¡"res altaqlles des Fran~ais fllrent-elles illfruetueuses. Les
Husses, mdlanl il profit les mantages dn terrain, se c1éfendirent ayer
une ral'e opiniutrett:'. On crut meme un instant qu'íls allaienl prendre
J'offensive, ct eeUe menaee devint préeisément le signal de leur défaite.
Quand nos génél'llux s'ape!'~ul'ent de ce monvement d'agrcssíon, ils
comprírent f(u 'it n 'y avait plus que des efforts extraordinaires et 1 'in-
Humee de lenI' intn;pidité personnelle quí pussent conjureI' le c1an-
gel' et décídel' la fortune rn fllWUI' de nos armes. Murat et Eugene
donnel'ent l'excmple; Junot, Xansouty, etc., les imiterent j ils chal'-
gerent tons, en tete de leur colonnc , et l'élan qu'ils cOIl1mUníqlH~rent
aux soldals eut un erfd si prompt qu'en peu d'heures les Russes, dé-
logés de toutes lellrs positions, recnlerent jllsque dans les ellYirons de
Comll!'ehi, Ol! ils trouvercnt un hois pour leur servir d'appni et le
génél'ul Tontchkoff ponr les renfm'cer.


L'al'lllt'e f¡'an9aise était impatiente de franchir le dernier obstade
(¡ui re(¡lI'flait son enlrée dans Witepsk; 1113is ses ehefs ne youlaipnt pas
s 'engnger impl'udemment dans une vaste foret ou tout índiquait que
l'ennemi avail rallié des troupes fraiehes, dont on ne pouvait eonnaitl'e
('neo re le nomhre et la force. lUura! el El1gene hésitaient done, quand
1\ apoléon survint. Des qu'il parut, la coni1anee et I'enthousíasme écla-
terent SUJ' la physionomie des généraux et des soldats. (( On congut,
dit un témoin oeulaire (:\1. Eugene Labaume), qu'il allait couronner
In gloil'e d'une aussi belle journée. Le roi de Na pIes et le pl'ince eou-
I'l1l'ent a Sil rencontl'c ct luí i1rent part des événements quí vcnaient
(l(~ se passer el des mesures qu'ils avaient prises. Napoléon , pOlll' mieux
en jllger, se porta rllpide111cnt vers les postes les plus avancés de notre
ligne, d, d'une éminenee, il ohserva longtemps la position de I'enne-
mi el In natUl'e du termin. Sa pénétl'ation s'élan9ant jusf(u'au camp
des RIIsses, il devina lel1rs projets. Des lors, de nouvelles disposi-
liol1s, ordollll(~es aYec sang-fl'Oid, exécutées nvec ordre et rapidité,
port(>r(·¡1t l'armée nu milieu de la foret; allant toujours au gl'and trot ,
die débol1chn vers les eoBines de Witepsk, IlU moment oi! le jom' C0111-
nwn~ait de flnir. "


Le 27, d¿~s I'aube du jOlll', l'armée ,ictorieuse poursuivit su marche.
:\Inis les Russes, qlli se retiraient ('11 bon ol'(ll'e J ayant aUeint le gros de
l'arllll'(' de Bardar, s'nrrélermt nnssitút d parllrent disposés il rece-
\oir la batnillp.




!),'jfi HISTOI [lE


Le l'uisscau (le la Lutrhissa sépal'ait les ueux al'mées, Un petit pont,
jeté sur un ravin, s'oITl'ait a Kapoléon pour le pnssage de SI'S tl'OUpl'S;
mais ce pont avuit besoin u'C[['e reparé, el l'empel'eur cllal'geu le gén('-
ral llronssi!'l' de protógn ceHe opernlioll , pendan! qu'il se portui! IlIi-
meme a l'nvant-garde, SUl' une émincnce. C'est de la qu'il Iml voir 1111
détuel!cllwIlt de dcnx rcn!s voltigenrs <lu 90. de ligne, isolé (l'ahord dll
reste de I'Ill'll](~'e el ClI\e1oppé de tout eMé par la caHllel'ie I'USSC, dis-
paraltre ctans la meh;c des hommes et lks e]¡enmx 1 el rcparaltl'c en-
suile intnct l'Í tl'iomphullt 1 un mOlllcllt lllellle OÚ on le ('['oyait enti(~re­
mcnt penlu, (i Aquel rorps nppartiemwnt ('es hl'aVE's ~ ') d"mlmcla vi-
H'nwnt l'empereur, d il cxpL'din anssitót un de se5 oflieiers d'ordon-
nnnct' pOUl' s'en instl'ui\'e el pour klll' di!'t' en son nom « f1u'ils muiellt
tous m('l'iV, In eroix, ), Les \'Oltigt'UI'S l'l'pOlldirent : « Nous SOlllllles en-
fants de PurÍs; )) et, agitant IeUJ's schalws i1U bUlIt des halODlIettes, ils
('riel'ent n"pc tl'nn5port: « Vi \'e l'empereul' ~ \)


Cepl'lHlant la batnille, tUlIt désil'ee par l\'allOléon el a Inf!uellt' les




DE NAPOLÉON. 557
Rllsses semhlaient enOn résolus) devait etre eneore ajournée. Dans la
soirée du 27, Barday apprit que Bag['ation avai! été forcé M passer
le Dniéper el de se pol'ler sur la Soge. CeUe nouvelle le fit change¡'
brllsquement de résolution. 11 abandonna son camp, a la faveul' de la
nuit, et se retira précipitamment au dela de Witepsk, marchant droit
au BorysthCne) oú il espérait rallier Bagration. Quand le jour parut,
les Fran(;ais furent frappés d'étonnement de ne plus voir devant eux
l'armée ennemie qui) pen d'heures auparavant, couvrait de ses feux
les bords de la Llltehissa. lIs oecuperent rapidement les positions que
lrs Rllsses avaicnt quittées, et entl'erent, sans COllp férir, dans Witepsk ,
dont Barelay avait entrainé les habitants dans sa fuite.
. Le c¡uartier-général resta plusieUl's jours dans ecHe "ille. L'empereur
y apprit sllceessivement différents succes remportés par ses lientenants.
Le 50 juillct, le général rllsse Konlniew, fut batíu, a Jakubowo, par
le général Legrand. Le 1 el aoút, Oudinot défit Witlgenstein, a Obolar-
zina, dans ulle hataille dont I'issue fut longtemps doutellse. Le '12 du
meme mois, tandis que N ap<Mon se dirígeait sur Rnssasna, et pendant
qu'a I'autre botlt de I'Eul'ope nos armes essuyaient des re"e1'S, ct que
l'm>mée anglo-pol'tugaise s'emparait de Madri(l) les Russes éprollvaient,
dans trois combnls divers, et a d'assez grandes distanees, la vakur de
nos soldats, laqllelle semblait meme s'étre eommuniquée a nos alIiés :
Sehwartzenherg lriomphait de Tormasoff a Gorodeezna; l\ey meftait
Barclay en déroute a Krasnol; et Oudinot faisaít subir un nOllwl éehec
a Wittgenstein, dans les environs de Polosk.


lUaís au milieu de leurs défaitcs jOllrnalieres, les Husses furent sc-
('ourl1S par la diplomatie, avant de I'etre par le elimat. lUahmolld , hn1'-
cdé pUl' le eaIJinet anglais, venait de faire la paix avee le ewr; ct Ber-
nadotte avait lraité aussi avec les ennemis de la Franee, eomme pour
prÍ\er a dessein .\apoléon de l'avantagc de la double divcrsion sur la-
quelle il avait eompté avanlla guerreo L'empercur apprit eette fúcheuse
nouvelle a Witepsk. « Les Turcs, dit-il, paieront ectte faute bien eher!
Elle est si grossiere) que je ne devais pas la pl'évoir. )) Quand il dé-
e01]vrit que la Suede a\ait cOllclu un traité avec Alexandre, depllis le
2~ mars) il s'écrin: (, Le 2!¡ mal's! et le 29 maí, Berrwdotfe ne 111'en-
\Oynit-il pas eueore M. Signeul, llOur marchander a Dresde! !! Si ja-
mnis l'on m'aeellse d'ayoir provoqué eette guerrc, ajouta-t-il, qLH' 1'011 i
considere, ponr 111 'absoudre, eombicn peu ma partie était Iié.e UH'e }, .. ~.:.""


~{#rr l· ~..J·i ' - - - -~~ ~~-~--- - ¡~'-' ;
. "'-¡::: ,,:~
~t ,




HISTOIRE


les Tures, et dans qnelles h'acasseries je m'étais embarrassé aVl?c la
Surtle. »


Malgré ces contrctemps diplomatiques , Napoléon dut poursuivre son
but avec persévérance, dans l'espoir d'obtenir, sur les champs de ba-
taille, la réparation du mal immense que venaient de lui faire de fu-
n('5t('s négociations. L'arméc frangaise continua done de se rapprocher
du B(lI'ysthene, et de pénétr('r an e(pur de la Russie. Le 14 aout, le
qual'tier-général de l'empereur s'établit a Rassasna, tl peu de distanee
de Snwlensk, qu'oeeupaient Barday el Bagration réunis. Une affaire
générale était devenue imminente. Elle eut lieu le ~ 7 aoút, sous les
murs de Smolensk. Deux c('nt mille hommes y prirent part; sons le
eommfllld('ment de Napoléon, d'un coté, de Barday de Tolly ct de Ba-
gration, de l'autre. Les Russes s'étaient fortifiés en avanl de Smolensk;
tous I('urs retranchements furent empodés, ainsi que les faubonrgs,
par les eorps de Davoust, de N ey et de Poniatowski. Les fortifications
intérieures ne tinrent pas mieux : les divisions Friant, Glldió et ~Io­
rand, soutenues par le général d'arlillerie Sorbier, ouvrirent la breche
el forcerent l'ennemi d'évaeuer les tour8 qn'il occupait, en y jetant des
obus, qui accrurent les progre s du fen que les Russes mirent eux-
memes tl la ville; (( ce qui donna aux Frangais, au milieu d'une belle
nuit d'aoút, selon les termes du treizieme hulletin, le speelacle qu'offre
aux habitanls de l\"aples une érllption du V ésuve. »)


A une henre apres minuit, les Russes, voyant qu'ils ne pouvaient
plus se maintenir, acheverent d'incendier la yille, repasserent la ri-
,¡ere, et brúlerent les ponts; tl deux hellres, nos grenadiers monterent
il I'assaut et trouverent la place éVllcllée. L'ennemi n'avait laissé que
des morts OH des mOllrants au milien des ilammes et des ruines. Ce fut
un hOJ'rible tableau ponl' l'arrnée fran~aise. L'empereur s'occnpa d'a-
bord el' arrete!' le progre s de I'incendie, et de faire donnel' des secoUl's
Ilnx blessés. « Napoléon, dit le gélléral Gourgaud) est, de tous les gé-
néraux anciens et modernes, celui qui a porté l'intéret le plus 8ui,-i au"
hle8sés . .J amais l'iyresse de la vidoire ne les lui a fait otlblit'r, el su pre-
miere pensée, Ilpres ehaque bataille, est toujours pOIl!' eux. ))


Apees uyoir pllrcourll les dehors dela ville, el examiné les postrs
fortifiés d'olI ses inlr<"picles phllllln~es avaient délogé les Rllsses, l\"apo-
I(~on nmlnt reconnalt,'e par llli-meme la nouvelle p08ition de l'ennemi ,
an deli¡ c1n Borysthenc. II se pla~a , f¡ ("et efTet, dans l'embrasure (]'nnc




DE NAPOLÉON. 559
"iei!le tour, et ehercha de l'reil, sur les hanteurs qui dominent Smo-


lensli, le camp dc Bal'clay et celni de Bagl'ation. l\Iais ces deux gené-
I'UUX s'étaient mis en pleine retraite; le premier, SUl' la l'Oute de Péters-
bourg; le seeond, sur celle de 1\1oscou. CeUe sepamtion yolontaire des
deux armees russes, qui avaient eu tant de peine a operer leur jonc-
tion, ne l)arut a Napoleon qu'une manwuvre simlllée; ses eoureurs lui
appl'il'ent bientót apres qu'il ne s'était point trompé dans ses eonjec-
tures, et que Barclay , cessant de marcher au nord, se rapproehait en
effet de Bagl'ation, dans la dil'eetion de lUoscou. Des ce momt~nt, il
ol'donua de poul'suivre ViyeUlent l'eIlnemi, dans l'espoir de l'aUeindre
el de l'écl'ilser avant qu'il púl gagner son anciellne capitule. L'honueul'
de mareher a l'avunt-garde et de porter les premiers eOllps ée\mt al1
marecllal Ney, qllijllstifiu glorieusement la c()nfia\lc(~ de Napoléon, lml'
!'intelligcnce el la bruvollre qll'i! M'ploya a la journee de Yalolltina.


Ce combat fut des plus sanglants. Les Russes, chassés qualre Cois de
leurs positioIlS, les reprirent quatre fois; a la fin ils furent définitivement
culbutes par le valeul'eull. Gudin, qui chal'gea il la tete de sa divisioIl.




560 HISTOIRE


----1
I


dont la vigueur et l'impétuosité lirent croire a l'ennemi qu'il essuyait
le elJOc de la garde impériale. Les divisions Razout, Ledru ct Mal'ehaml ,
du eorps du mal'éehal Ney, soulinl'ent vívement l'aUaque de Jeurs c¡¡-
marades. Le général russe Tontehkoff, assailli an milicll meme de ses
soldats, par un lie\ltenant dn ~ 2e , nommé Étienne, rendit les armes a
ed Iludarieux et vaillant officier. Une perle doulourense pom' Napoléon
et pour l'al'll1ée fnmgaise, se mela toutefois au succes de celle jOlll'l1él'.
Gudin, (lui avait pris une si gmnde part ti ce succcs, le paya (11- su ,ie.
11 fllt tl'lll1spol'té mortellement blessé a Smolel1sk, ou il expira bientút
apreso L'empel'eur le lit entel'l'er dans la eitadelIe.


La vieloire de Yaloutina aUl'ait pll etre dé~('isiYe, si .T lInot, ('xécutant
fiddement les ol'dl'es qui Iui uvaicnt elé trunsmis, était arrivé a telllps
pour couper le corps de Barday, qui s'était séparé de celui de Bagl'ation
a leuI' sortie de Smolensk, en prenant la direetion de Pétel'sboul'g, et
qui mano'uYl'ait désormais pour opércr une nouvelle jonelion SUI' la
route de )1oscol1. )1ais le duc d'Abrantes, apl'es avoir passé le Bon s-
thcne, au puint qui lui avait elé indiqué, resta immobile, malgré I"s
instances du roi de Naples et les avis du général Goul'gaud , qui lui pilr-
lait pourtant au nom de I'cmperellr. Qlwnd l'\apoléon fnt instruit de
la conduite de son lieutenant, il s'en affligea vi\ement, et dil u Ber-
thier : (1 J unot n' en veut plus; vous le voyez, je ne puis lui laisser un
commanrlement : que Rapp le remplace; il parle aIlemand, il mcnera
bien les Westphaliens. ) J unot était ce meme sous-officier que le com-
mand~lIlt d'adilIerie Bonapar!e avait remarqué et pris en affection, an
siége de Toulon) a cause de son sang-fl'oid et de son coul'age. Mais le
sergent républicain, devenu sous l'empire d!le d' Aúranles, eommenc;ait
a ressrntir, dit-on , les premiers effels de la maladie don! il es! morí,
lorsque son inaetion et son indoeilité pl'ésenerent l'armée 1'1Isse d'une
déroule complete.


La faute de .T unot, tOllt en remplissant le cmur de N apoléoIl d' amer-
tume, n'empecha pas I'emperclll' de temoigner sa joie el SOlI eontente-
mellt aux braves qui avaient décidé le succes du combat de Yaloulina.
II se rendit sur le champ de bataille meme, et passa ('11 revuc les divcrs
régiments qui s' y ('taient distingués. « AI'l'Í\é an 7e d'illfanterie légere,
dit le géIléral Gourgaud, il lit fOl'mer le eel'cIe pm' tous les capitaincs,
et lenr dit : Dt'signez-moi le meilleur officier du régimenl. - SiI'e, ils
sont tous bons ... - Allons, ce n'est pas repondre; Jites au muins




DE l\'APOLÉO.\'. 5hl
COlllmc Thémistoc\e : le pl'(:1l1ier, e'est 1l1oi; le s<,curILl, C'l'~t IllOH yoi-
~ill ... " Alors, OH nOlllmLl le capitaine l\Iolleey, blessé, el dans ce mo-
JIlent aiJsent. " Quoi! díll'empcreur, l\Ioncey, qui a été IlIon page! le
fils dll marédml! voyons un autrc 1 - Sire, e'est le llH'ill('ur! -- Eh
lJien! je lui donne la déeoration, »


Renll'é ti. S1l101ensk, Napoléon s'y livl'a aux plus pénibles réllexions
sur l"oceasion qui venait de lui éehappcl" d'anéalllir l'année russe ct
(\'arriver tl une pl"omple condllsion de la paix, L'incertiturle COI11-
Ilwn(;ait a le gagner; de vagues prc~sentill1ents lui faisnicnt désit'er
de terminer aH plus tut eelte loinlaine Calltpa¡n,le. Tout ('e qu'on lui
annonr,ait des états de Prusse et de Pologne, sur la tlisposilion des es-
llt"ils el Slll' les monvcmrnts rle TOl"1l1asoff'; tont ee qu'il Yoyait et en-
'!endait a son quartier-général, ou les fl"ondeurs de Bl"llnn, d'ÉlJers-
dorf J de Pulstuck et d' Eylau Hai('nt repnru; tout concourait a le
t'eíenir a Smolcn&k) et il sougea llItls d'une fois a s'y arrcter. l\Iais
iI appl'it hicntúf les di\ers a\antnges obl<>IlUs sur l'ennemi le cl2 par
Sdmartzcuherg, Legrand J Oudillot el Gomion Saint-Cyr, d ses ap-
[lréhcIlSiollS les plus \in's dispal'lIl'l'l¡( ou s'affaihlit'ellt. D'UIl autre c<!té,
les Russes semhlaient fuir plulót qne se retirer a l'npproche de l'armée
fl'ml¡;aise. Les hésitatioos de la 11l'udl'Ilce eéderent done a l'espoil' d'une
victoire décisÍ\e : « ]\ous somnws engag(~s trop arant pour reculer, dit
l\"apoléon, arrhé SUl' I'Ougea; si je ne me proposais que la gIoire des
exploits guerriers, je u'allrais qu'a revenir u Smolcnsk, y plantel' mes
aiglcs et me contenter d'étendre u droile el a gauche des bras qUÍ écra-
seraienl Wittgenstein et Tormasoff. Ces 0l)érations seraient brillantes;
elles acltcveraient tres-hien la campagne, mais ne termineraient pas
la guerre .. , La paix est devant nous; 110US n'en sommes qu'a huit
jouruées: si prcs du Imt, il n'y a plus a délihérer, l\Iat'chons sur ~Ios­
cou! »


JllarcllOns sur ft!OSWIl! le gnmd llOmme le veut : lIne main invisihle
I'y pousse; il faut que les destios s'accomplisscnt!


------------------


71




CllAl'lTHE \\\\11.


-; '\ quittunt le cump de Drissu) Alexandl'c
~\ s'plait retiré ti l\Ioscou. Pl'olitunt de la


,


"1 présenre du ('zar) le gOUYeJ"l1cur Rostojl-
" dlin aYait rassl'lIlhJl. 1rs lIohJes el !t's llltll·-
:" cltanlls, uu I{ remlill ) pOll1' Irlll' dl'mandlT
de nourl'Ul1X ~ucl'i!lces d'howmes PI tl'ar-
gent; il leu!' antit montré l'ennemi au
('<rUl" dr l'l-tnl, d I"rpréscu[p ~apoll'on


l'omllle un g('nic eXÍl'nninukur flui Yellai[ raYagl'\" !PUl" patric, déll'llil'('
leu!" indépenduu('c nationale el l"('I1\(,l'sel' len!' !"eligioll. e'en ('t<lit as~l'Z
pOlll' YOlll'l' h' conquú'unt u j'Ü('(,l'utioIl des noble); t't (h-s hOlil'¡:,:rois
mosemill's. D'ullllllinws ucc!urnatiollS tll'cllrillirent done la ,éh("Illl'lltC
1lllo('lllion de Itostojlehin, L'lHlhile ¡:,:ouYC'1'T\PuJ" IH' S'Cll linl pas lú. POIII'




,


J liS T ( ) 11\ 1: lJ E \ A l' OLÉ O :\ .


exei(el' plus \ i\t'l1lrnt ('ncoI'C la supcl'slilion rt pou!' nwtt!'r le comhle 11
l'c'nlhonsin~me des IlUbitunts de J[OSCOll) il cOllscilla an chef de l'el11-
piro) flui l'lait d'ailkul's rcvClu du supremo ponlificul) de Yrnir cxcr('cI'
en personne In puissunrc d'cntraincll1ent et l'inflncnco irrésisliblo qll'i\
teuait de SOIl HlltOl'l'ulic polilique el de son onmipolence sael'él'. Au mo-
llH'nt oll noslopehin sl'mhlait ayoir porté l'assl'mblée au plus haut dl'gré
¡}'exnltnlíon: Akxandl'c !'lllTint fOllt 11 ('oup) pm' une porte dc la chn-


pelle <Iu palais, el parla viv('mellt il son toUl' po m' lu patrie et lu J'eli-
gion, mises uu bonl de I'ubime pUl' l'insntiable ambition du tITan uni-
Wl'sl'l i. {( Les <!("sUf;tI'CS dont H}[IS eles lIll'UUl't's) dit-il en tCl'millullt)


¡ .\apokoll fut df"~i:;IH;, daJl::i tllh~ pl'oclamalion. COIllIUt' UIl1l4lU\I';m .1Iúlorh.


----- _.~._------


I _______ .. _--~- _____ . ____ .. ____ ~




1llSTOIIIE


ne doin>nt elre consiM'rés que comme des moyens n("C('s:;:~lil'es Jlollr
parvenil' a COIlSOll1ll1el' la ruine de l'ennellli. ')


Il Y avait dans la voix, dallS le geste, dans le l'egar(] d'Alexandl'c
quelque dlOse (le sinistl'e lorsqu'il pronon~a ces dernieres PUI'OIl'S. 11
était impossihle, en effet, qll'all milieu d'aussi graves eil'constanres,
dans une position <¡ui nl~cessitait. l'emploi de Uloyens extl'cmes, le lan-
gage (Iu cZa!' ne laissúl pas apparaitre les ,iVl's el pl'Oronllcs émotions du
pontir(~ l'!. du monal'que. La ]lolitiquo prcnait un carad¿'l'e passionllé,
el la gllerre une forme tcrrible, dll ctM (lt's Russes.


Pour eux, l\"apoléon n'était pas un ennemi Ol'tlinail'e que l'on dút
so contcntel' do combattre selon les rógles eommlllles; 11 hll's ycux,
le chd dll peuple fl'a11<;ais était, arant tout, l'oppresscur des 1l1011an¡UeS
du conlinent, et il paraissait au czar que, pour bl'iser le joug (lui Iwsait
SUl' eux, les ll10narques pouvaient recouJ'il' ti d'autres Uloyells filie c('ux
autorisés par les lois de la guerreo Aussi, loin de se borner ti (,Ollnel'
In Mrense de son empir(~ n la srience de ses génél'aux el ti la branlllre
de ses soldats, d de s'adresser diredement el so]enudll'lllent ü l'ulli
versalilé de ses slljets, d::ms ses décrets el ses prodamatiolls, ehoisit-il
pnrmi ses senitcurs lps plus déyoués qnclf[lles Itolluues d'lllle (:llel'gie
sauvage, pour les initiel' a l'arf,'eux mystóro d'lIne résis[tlI1ec désespt'~­
rée. Alexandre pensa que la monarchie ponvait nvoir aussi sa loi Sll-
prcme de salut ]Jllblic J soit ponr conjurer l'invasioll, soit pon!' la 1'('11-
dl'e funeste a l'aJ'mée eonquéranle. Si eelle p('ns{:e ne l\'ntraina ¡¡as il
s'entourer do geúliers et de bonrreaux, ti multipliel' les iueal'cél'aliollS
et les supplices, e'est fine la siluation de l'empire rnsse 11(' l'cxigpail
pns, el qu'il ne pouvait y aYOir ni 81lSprc(s J ni prnscrils J lü oú iln 'y
¡müt ni dissiden{s J ni émigrés J IJi [r(litres. 3Iais d'autl'es sacriflccs, sys-
tématiquement COIlSOmll1l'S, rurent arrachés ü su gl~uérosilé natiw; d
i1s enrent des ronséquertces anssi désastrcnses ponr do IwlIe5 prO\illc(,5
et de grandes rités de la monarchie ll1oscovite, qu'arlligealltes ponr
l'l!umanitl,. Au lieu de geúliers el de bourl'c(1ux, l'autoeratc eut ~e:,; ill-
ccndiaircs, qui, úpres avoir édail'é la fllitp de l'arnH'e russe et la mar-
che vietOl'ieuse des Frunc:ais, dqmis "'ilna jusqu'a Smolensk, en li\l'i1nt
nux ilammes les ponts, les magasins elles vi!les cntieres, c()uronni~I'ent
ensuite eel imll1eIlSe cmbrasement par l'incendie meme cIt' la ,ille snÍllt(';
e'élait la l'hon'Íblc pd'sage que l'CUferlllnimt les dernicl'(,s pal'Olt·s du
czar, dans I'assemhlt'·(' dll l\.rc¡n]in. Que ]<'8 habilnnts de 31oscou Sl' le


! ---.- ---~~------_._- -- ---- --------


. I




DE 1\.\POLÉO~.


-----~------I


!


ticnnent pOIll' dit : 1('111' maitre a confié le salut de SOIl empil'e au gúnin
de la destl'lldion!


CCIll'lIdant Napoléon, une fois résoIll a marchel' SUJ' l\Ioscou, ¡mtit
pnussé la guelTe ayer Yigllelll' et !llené les Ptusses, l'('pée dans les l'('ins,
lHlUl' 1('111' faire aeceptel' la bataille par laqllrlle il se flallait dc clore les
hostilités et de d¡"lt'I'minel' le ('zar ti la paix, Mais AlcxmHlre ne l'at-
telldit pas au Jüemlin; d, au lieu de se portCl'a sa }'ellcont1'e, pou!'
pl'cncll'c le cOlllmUlH!emcnt eles années rllsses, il s'achell1ina rapide-
ment yers Pétel'sboul'g, d'olI il myoya le yi('ux J{lllllSOW I l'emplacl'r
narday-de-Toll ~-, « pensan!, dit le colond nutturlin, qu'il fallait .un
IlOIl1 russ<, pou!' nationaliser la glW1'1'n dar:1lltnge. ')


(luand Kutllso\\ alTiHl a l'm'llll'e, Barcla~' avnit pl'is posilioIl entre
Yiazl11n nt Ghjalh, el se disposait au combat pOUl' le Jendl'l11ain. Le
,¡eu\: gllcrl'ier ne vOlllllt pns laisscr croirc que le gl'nl'l'al tlisgl'arié cut
bien ehoisi son tel'l'nin, elles Ptusses se retil'eretlt encore a Ilotre ap-
pt'oe}¡e. lis s'<lI'1'diTcnt ('nOn rn dl'~ú de !\foseo\\, enh'(' la ~\l()s('O\Yn ('[
la J\:aloew: e'eslIil que se donna, Ir 7 spptr'mbre, la grande ba!ailIe,
si ardClllllll'nt d(.:-;irl'c pat' i\apoléon.


La v"j]]e !le retl(~ mémol'able joul'I1ée, el di's les prcmicl's l'a)OI1S
de l'aUrOl'(" l'empel'el!l' était il rheval, rnwloppé daos sa I'cdillgote
grise, Il pl'it aYec lui I\app d Caulaincourt, que slIiyaienl de loin qlld-
f)ucs ehassclll'S, el, sans atJtI'e escode, iI se porta d'abonl a la re con-
nnissnnce des mant-postes russes, et fut yisiter en ddail les posilions
qu'occupail'nt les diye,'s COl'pS de l'al'lnée fl'an~aise. La conOanee d
l'espoil' rayonnaient sur son fl'ont, et on l'mtrndit mtm1C fn',lotllwJ',
au milicu des bi'OlH1C'S du gl'nél'al Pajol, l'ail' pah'iotique :


1.<1 \'idoil'l' en cllalllallt 110US OI1\TC la hrtrl'i~'re.


Sm' ('es ellll'efail('s, al'l'ivermt m1 rmnp le rolonel Faln iel', qui appol"-
tait, du rond <1" l'Espagne, la désaslre\lse 11011\('11(' d(' la hntaille tI(,
Sa!amaIH!lIt', d ~r. de U('al1ss('t, ,-el1<1l1t dc Saint-Cloud, aw(' la mis-
sion de I'PJ)1l'lll'C ti l'empel'('llr des kttl'ps dI' lUal'ic-Louisl', aiusi <[lit' k
pOl'lJ'ait du roi ele ROllle.


~ MadaIllc dc Stat'I, ,lout l"n::il cOIIUIluait. se trouyait alnrs a IJétcrsbourg: rIle ,,¡sita h,utnsofí,
la "dile Ile son d4"part ¡¡/llll' 1';11'1111;4', {( C'étail! !lit-elle, un vif'iilanl pkin ¡k ~r;ll'(' ¡blls le" m;l-
l1it'lTS, et ¡Jp \'il;¡dLf~ daJls 1;1 physioll()lllir ,. F:n 1(' rega~'d;1II1, j¡~ eraigllíli!' qll'illll~ ffil pas ¡lt' fon'('
a luttf'l' COlltrl' ¡¡'S Ilollllllrs ;ll!n'~ l'1 j(,ll1W~ qui fOll¡]ai¡'lIt !'ollt" la HlIs:-.i(~; llI;¡is les Ii.UssP-" cOIIl'ti:-:ail"\
~ Pdp\'~h[JIl\'g, l'edl'viPJlllf'lIt Tal'l;l!'('S h l'al'lllI"(' .••. \vilnt tle pi1~·lir. h.u(n:-.o\Y <lIla rain' sa lH'j{''I'f';)
l'("glbr de ~\iltl'{'-Halllr d(~ Kas;m, d 1'll1t ll' l'C'uplr qui ~lÜ\a¡¡ ~l'S p.1S lui edil tk !'auy¡'t' la HllSSl(', '1




5üü nlSTOIRE


Kapoléon s'exprima séverement, uyec le colonrl FahYii'I', Slll' le
comp[e du marédwl 1Ial'll1ont, dont la défaite avait Ji\Té 3Iarll'ii[ i.
Wellington. Le coloncl défl'ndit générl'usen1l'Ilt son général.


1: n tout uutre ueel1eil fut fuit a JI. de Beuusset. L' empprpnr ayait ("[i'
1'l'ofonMn1l'nl altenLlri en reeevanl des nomelles de ce qu'il Hvait de
plus chcr un mowlc. Le portrait de son lBs lui cansait sudout lps plus
do[(('('s d les plus viH's étllotiolls. Apres l'avoil' montré Hl1X personnes
qni l'entoLlt'aient, ¡lle conGa u son sect'étaire, en lui disant: « Tenez,


l'dil'l'z-le, sCl'l'ez-lc; c"t'st ,oit, de tl'Op IJO!llW helll'l' un dWl1Ip de ba-
taille. 1) Le lelTaill !'lIl' 1('1111d le Iprarlit'l'-gi"Ili"l'lIl ('lnit dalili le ti t!1'-
vint, eH dfd, le e!ulInp de balaille du 7.


BXLULLE !lE U }[()SCO\\I.
( Edrad du !S~ bUllpÜIl.)


,( Le 7, ü dellx hl'urcs dll malin, l'ell1pet'elll' dait f'ntolll'Ó d('s ma-
I'('chaux u la position prisc l'anm[-Yeille. A. piue¡ hellres et dell1ie le




1--


DE lUPOLÉON. 3tii
~()l('iI ~(' IPHI ~iln~ IlIwgcs; la ,eill(' il anlit plll : « C\'stll' solpil d'AllS-
f('I'lifz, )) <lit rempel'l'ul'. Quoi(lue an lllois de scptendJl'(', ji fai~;lif allssi
fmilI qu'ml1l1ois de (l(~c('mbl'e en JUoraYie. L'arml'e ('n a('("cpla l"augul'l'.
Ull ballilllll bnn, et on lul foi'ul'e uu joul' snivallt :


« Soldats,
» Yoiltl la hatailh~ que vous awz tant désil'é('! Désormais la ,jdoire


dépend de vous : elle nous esl nércssail'e; elle nous dOlllH'ra I'aholl-
dance, de bOIlS qunl'tiel's d'hher, el UIl pl'ompt n'tour dmls la pall'i(·!
Conduisez-vous eOllllllC ti Austerlitz, ti FriedIand, ti Witepsl" :l Smo-
lensk , el qne la postérité la plus rcculée rile aree ol'gneil ,olre cOlllluile
tlans cdte jOllrné(); que ron dise de vous. « 11 élait a ectte grande ba-
tlille sous les mUl'S de Mosco n ! »


• A U C:lIllp illlp~ri:ll , !'ur les hautL'urs ile IJorullillo, le 7 scptonlJrc, a .Jrux heurcs dll matin. JI


)) L'ul'llléc n\Jlondit pUl' des aedarrwtions réitél'ées. Le platean sur
IC(IUd é,tnit l'al'lllée était cO\1\cr! dc cadaucs russes du comlJllt de l'a-
villll-veillc.


J) Lf' prillce )louintowski, qui ('orl1lnit In dl'oit(J, se mil f'Il mOl1Ye-
llIent [l0l1l' tourner la fmet sur laquclle l'eullemi appllyait su gauche.
Le priJl(~e d'Eclllnühl se mit en marche le long de la fOI'l't, la diYi-
sion Compans en tCtf', Dem baUerif's de soixante pil-ees !le canon dw-
CUIle, batlant la position de l'enncllli, uvaient été ronstruitcs lll'lldanlla
Iluit.


» A six hellres, le général romte Sorbier, qui ayait armé la hallerie
dl'Oile avee l'artilleric de la réserve de la garde, eonllneIl~a le feu. Le
gt'lIéI'a1 P('I'fl('tly J avec trente pieees Je canon) prit la tete de la Ji\Í-
sin n Compans (Illlatri(~me du pr('mier eorps), (lui long('a le hois tom-
lIilllt la tete de la posilioIl de l'ennemi. A six heures et demic, le t';<,né-
ral Compans est bkssé. A scpt helll'('s, le prillce J'Eckmülb a son
eheval tU!-. L'attaquc anlllce, la ll1011sqncterie s'engage. Le yice-roi,
(lui formait notre gnllelte, atlnque el prcnd le ,illage de Borodino (Iue
rf'nnemi ne pOllvait défendre, ee village dant SllI' la rive gauche de la
I\ologhao A sept helll'es, le marérhal dile d' Elehingm se mct en 1ll01l-
n'IllCllt, el SOllS la pl'Olcdiol1 de soixalltc pil'('CS dc canon que ll~ g(~IH"­
ral FO\ltIll'1' a\ nit pln('(\'s la ,dIe ('OIIlI'e.le centre dc l'enncmi, se porln
contru Ir> ('('n[¡'('. )lille pil'ces de cnnon Hmli~srnt de part et dO ll11ll'C la
Hlort. .\ huil heul'cs, h·s po"ilions dc l'cnnemi sunt ellleyél's, ses rc-




56S HISTOIHE


dOlltes prises " et notre artil1crie eourotJIle ses mmnl'lons. L',lYlmtage
de position qu'avaient eu peudant dcux hellres les hatleri('s ellllPllÚl'S
HOllS appartieu! mainlcnanl. Lcs parapcls qui out dé eontre Hons l1('n-
dan! l'attaqllc rcderiennent pour nons. L'e11lwmi roit la hataillc per-
dlI(~, qu'il ne la croyait que eOlllllll'I1cée. Padie de son adillel'ie es!
prise, le reste est évaeué SUl' ses lignes en lIlTiel'e. Dans ecUe exlt'é-
mité, il prmd le parli de ]'(\tablil' le rombat, el d'atlaqllcl' mce tontes
scs masscs les fortes positions qn'ii n'a pn garder. Tl'ois cents lliec('s
de canon fnmgaiscs lllaeées sur les halltcut'S fOlldroient ses masses, et
ses soldats viennent mourir an pied de res parapels qll'ils maient de-
vés les jonrs pt'écédents ayec tanl de soin, el COlJll11e des ahl'is pro!cc-
tellrs,


») Le roi de l\"uples, ayee la eavaJcrie, fit dive!'ses charges. Le dile
el' Elching('n se cOllwit de gloiJ'e, et mont!'a autan! d'intrépidité que dc
sang-froid. L'empcreur orclonua une dwrge de fl'ont, la droite en
,mmt : ce ll1oU\Cl11eut !10US rend maitl'('S des lmis quat'ls dll dWlllp de
bataiJlc. Le pl'ince Ponintowski se bat dans le hois avec des SUC(,l'S
variés,


)) Il restait 11 l'ennemi ses redoules de dJ'Oi[e j le générlll cOlllte ,:\10-
ranel y marche el l('s enlóve; mais ü neuf heures dll Jl)atin, atliH)ué de
tous cMés, il ne peut s'y maintenir. L'emwllli, encouragé par ce suc-
ces) lit avancer sa réscne et ses dernieres lroupes pour leuter ('ncOl'O
la forlune. La ganlc impériale en fait pal'lie. 11 aUaque notre ceuÍl'o
5111' lequel anlit pivoté notre droite. On ernint pendant \ln mompnt qu'íl
u'euleve le villuge brú16; la diYision Friant s'y porte; quatre-vingls
pirres ÍI"1n\aises arrétent d'ahol'd el écrasent ensllíte les roloIlues eu-
lH'mi('s (lui s(' tiPllflent l)('ndant d('u" lteures sel'l'ées sous la mi traille ,
n"osant pas avancer, ne YOlllant pas recule!', el ren()n~ant ill't'spoir de
la vídoire. Le roí de :\aples (keide kur íncertiLude; il faít cltaq;l'), le
()lIntricme (,OI'1'S de cayaJcrie) qui pénetl'e par lc's breches que la mi-
traille de nos canon s a faítes dans les masses sel'l'ées des Husses e les


, La prisr ,le rune de ces re<1IJlltcs est signal,:c. clans nos fas tes militai res. enmme !'uu ,les plll'
IH'ilU\ Cails d arnw~ qui all'lIl illu·;ll't~ la valenI' fraw:aise.


LOl'sllUP :\':1pol('on? vb·dtant le rhallll' dl' hltaillC', ani\'tl a la grande 1'l'llollte .. il rlppl'it. (k la
hOllclll' IlH;IllC 1111 ColOlWl Clwl'riere. I'nmnwnt elle ;\', aif I:t(\ l'llle\'I:e. ~Iurat, (lui accUlllpil~Utlill'(,lII.
IH'l'f'lll', tui !lit: !! C"'!'it un ,1(' nos <lnciplls rlr: l'al'Iw\e (]'ltalil'. ), \aputf~uJJ , IJlli SI' sml\ enai 1 d 'aillcurs
tlu !JL'iIlant coml!:lt llí: P¡'yssillg, t'l (le Soll aUocntioll au ~j(\ qll'i1 :l\'ait f,"lidti:: de jn ... lifier dr p111 ....
eJl plus son SIH'1I0Hl de T¡JITible, ~apoh~()n recompcns<l le diglle chef de ce ])l'tlyt' I'égimrnt, en l't:.
kvant al] ~l'a,k tle ~(:Il\\l'al lit, hrigadc.




1---~-


OE i'lAI'OLÉON.


eSCUdl'OllS de kul's euirussiers i ils se débandent de tous ('otés. Lt' gé-
néml de division comte Cuulaincourt, gouvel'lleUI' des pages de l'empe-


~ ;


I'CllI' , se porte illa tete uu ;)" de cuil'ussiers, culbule tout, entle duns la
redoute de gauehe par la gorgc. Des ce moment, plus d'ineel'titude, la
hataille est gagnée : il lournc contre les ennemis les villgt el une piree:;
de canon qui se trouvent dans la redoute, Le emnte Caulaincourt) qui
n'nait de se distinguer par eeUe belle eharge, avait tCl'lniué ses des-
linées; iI tomhc mort fmppé par UIl boulet : mort glol'icuse et digne
d'cmie!


1) 11 est dellx heures apres mi di , toute espéruuee uhandonnc l'enlle-
mi : la bataille est finje, la canonnade eontinue enco!'e; iI se bat pou!'
sa I'draite et pou!' son sal lit , mais non plus pour la virtoÍl'e.


J) La pede de l' ennemi est énol'me : douze il tl'cize mille h0Il1111eS el
hllil u nenf mille cltevallx ont été comlMs sur le champ de l)[ltaille)
soÍx,lIIle picees dt' canon el eillq mílle prÍsoHlliel's sonl restf's en notre
JlOUY( )ir.


») l\'OllS a\OllS eu d(·ux mille cinq eenls hommcs lués ct le' triple dl'
blessés. l\' otre perle tolale pcut etl'e évaIuée il dix milIc h0Il1111eS : celle


72


J.' ....
-, I ' ...


I ,{,




:j j" 11 1I1STOlnE
dl~ J't'lIlwmi iI (!Uill'nnll' OH ('ill({Uallte milk. Jamnis on ,,'a nI un pared
dwmp de bataillp. SlII' six ('adancs, il r {'II avnit UIl fl'allr,ais el ein(1
I'lISS('S. ()uarnnte p/'Ill'ram rIlS~('S ont ("lé tUl'S, bksSl'S Oll lwis : le gé-
1I('l'al Hagl'atioll a étt', blessó.


11 l\Olls a\ OIIS pel'tlu le gl'uéral tiC' division cOlulc Monlhl'lIIl, hu;
t!'llll ('Oll[l ell' rnnon; le gl'l1ól'al eomle CnnlaineOlll't, qui avail dt' ell-
YOyó Jlonr le remplaet'r, tUl; d'l1n menw con)) unc J¡eure apl'es.


" Les gl'llénlUx de hrignde COlllpcre, PIOUZOIllH', l\1al'ionl Hual'l,
oul. (,tó tUl's; sC'pt 011 hui! gÓllérHl1A ont dó hIessés, la plnpm'l Il'gcl'e-
llll'llt. Le pl'inee d'Eekll1iihln'n eu nucun mal. Les troupes fl'au~ais('s se
SOllt couYe1'tes de gloi re et out montre leUl' grande supórioriló Slll' les
Iroupes russes. Telle est eH peu de mols l'esquisse de la batailll' de
la lUoskowa, dOHnép iI dl'UX liellOS en alTiel'C' de Mojalsk el ti vingt-
eillq lieues dl' l\!oseoll , [ll'es de la petile ririere de la l\Ioscowa. Nous
1l\ons tire soixunle mille cou[ls dc canon, qui sonl M'ja l'emplaeés par
I'arl'iye(' de huit eenls \oiturC's flui nyaipnt d(~passé Smolensk aumt la
lla(aille. Tous les bois l'l les "illnges, clepuis le chmnp de bntaillp jus-
flu'j('j, sonl cou\'el'!s de mol'!s d de hlesses. On a tmu\'e iei dem
milk JllOl'ts OH amputes l'USSl'S. Plusielll's gellel'aux ou ('oIOl)(,]s sonl.
Iwisonniers.


" L'C'l11pe]'C'ur lI'a jamais elé expos¡'~; la gank) ni ü pied, lIi ü eheyal,
Il'a pas donné et n'a pas pel'du un seul homulP. La "i('(oÍ!'e n'a jamais
úlé illCerlail1e. Si l'eullcmi, foree dans ses positiOlls, Il'avait pas voulu
les relll'endl'l', notre perle aurait étó plus rorte que la sicnne; mnis il
a détrnit son a .. mee en la tenallt depuis ¡mil IWUI'es juslJu'ü deux sous
le {cu de IlOS ballcries, den s'opiuiall'allt it r(']lI't'fHlt'c te Ilu'il arail
pel'(lu. C'est.)a CHUS!' ¡le:son inm1C'nse ]lel'le ... "


()udque gnmd que fút le su('ccs de ('ette joul'lIée, il pourait l'éll'('
('l1rOI'e da\anlage) si :\"npo]¡"o\l, au Iit'U de ¡¡nil' la halaille il fllHlll'e
heul'es du soir, ellt mis a pl'Ofit le reste du jOlll' POlII' faire donnel' sa
gal'de, et pou!' fail'e dwngel' ninsi la defailc de l'ellll('lIIi en ulle com··
plCtI' dérollle. CeHe re[olllw dll grand capitaille, au milieu dI' j'in'ess('
d(~ la vietoir(', a été di\'(~rsement interprétóC'. (llwlqul's errivains assu-
I'cnt flll'elle fut des 1000S am(>r'('menl blamt>e, au quartier-gónt'l'al, el ils
fOIlt dil'!' an mil"('l'lwl l\"cy : « PuisfJu'il l1e fail plus la gllerre par Jui-
11)('nll', et ([u'il n'('~t plus gt"nóral, qu'il veut raire partout I'c'm!WrCIII',
([II'il rdOlll'lll' 1Il1'\ Tllill'l'i('~ el IlOll'; laisse el!'!' gt~llt'l'aux pOll!' lui. \)




DE :\APOLÉO\. .")71
« .HUI'al, dH ~I. de Sl~gUI', pensa que les pt'cmiel'cs nttcilllcs de r équi-
Iloxe uraient éhl'alllé son lempénunellt affaibli, el que l'adioll de son
géllie étuit eonune enehainée pUl' son cOJ'ps affaissé, sous le Lt'jple poids
de la fatigue, de la fievre et d'tin mal quí, de tous, est ccluí qui peut-
¿·tre abat le plus les forces l)hysiques el morales de l'homme .. , Les
micux instnlits penserent qu'a eeUe distallee, et a la tete d'une al'lllée
d'étl'llllgel's, quí n'uvaient d'¡lI1tre líen que la victoire, uu e01'p5 d'élite
d dévou6 lui avait pal'll illdispcnsable il COlIS('l'Vet' .• ,


Il n'est guere vraisembbble qu'allclln des Iieutenauts de i\:upoléoll Hil
jumais dé, non ras assez hal'di, mais assez i[ljuste pOUI' lui l'qll'oeltl'l'
« d\.' faire pal'tout l'empereUl' el dc n'etl'e plus général, » h l'oc(,!lsion
11l(\me d'unc bnlaille dont les snvants préparatirs et l'active el suprcllIe
\Iirection n'uyaient incontestablement appal'tellu qu'it lui seu!. Quant au
(16sÍl' de conse\'VCl' une réservc intade, et de In fonner aYec un COl'P~
¡\'¡\lilc el dévoué, tel qne Sil gnrde, 1\npoléol1 I'expliquu en disant;
(( Et s'il y u une seconde bataille demain, aY('(' c¡uoi In livrcrni-je? ))
Depuis, le gt-nél'nl GOUl'gaud, dé,-cloppunt ceHe explieution, u ujoute :
« Si In gurde anlÍt été entumée it la bataille de la .\Ioscowa, l'nrmée
fl'tll1~uise, dont eette ganIe fOl'mn constall1ll1C'Ilt le noyan et soutint le
eoul'age pendant la retraite, n'aurnit pu que diffieilement repusser le
1\ iémen. 1)


Quoi qu'il en soit, ce 1'ul il eoup súr par la consldcnltion du salllt
el de la gIoil'e de son armee, ou pm' l'espoü' d'une pnix prochnine, el
toujours dnns l'intéret de In France ou de l'humaníté, quc Napoléon
ne rendít pas la snnglante bataille de la Moscowa plus ll1eurtricl'e en-
cOl'e, pnr l'intet'vention de sa garde; et si quelqu'un cherehait a insi-
nue!' qu'íl fut alot,s domine par le sentiment de su sureté personndle ,
el qu'iI c6da seulement a des motifs tirés du soin de sa pl'opl'e con-
servntion, nous réponddons que Napoléon a donné, depuis TouIon
jusqu'a Waterloo, le llémenti le plus éclatnnt a ccUe insinuution ou-
trngl'ante, Non, le génie nudacieux, qui avait con~u eette expédition
gigantesque, n'en compromit pas lui-meme le sueces définitif Ijar une
arriere-pensée d' égo'isme! Que le mal physiquc l' eúl atteillt el affaiblí,
comme un auh'e, il n'y avait rien en cela d'impossiblc. Que sa proll1p-
titude de résolution el son énergie de volonté en eussent souffert, cela
peut se concevoir eneore, A Sll101ensk, il hésitait déja. ~Jais si, tou-
rhant an tel'me de ses pl'ospérités, n'ayant plus rien it njontel' alllllstl'c




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J72 1llSTUlHE


de SOll Ilom, el se Yo1'ant parvenu si haut qu'il ne lui restút plus f1u'il
déchoir, Napoléon avait laissé pénétrer pal'fois l'incedilude et l'alJxiété
dans son ame; eet ébranlement passager de la eonOnnee el de la foi
que lui avait longtemps inspirées sa fortune ascendante, pouvait bien,
aux appl'Oches dll déclin, lui faire perdre, en eertalns moments, qucl-
que ehose de sa vigueur de coneeption, de sa rapidité d'exécution et de
cette audaee qui semblait autI'efois commander au deslln, snns que la
gl'tmdeur de son caractere en fut altérée, sans que d'ignobles l)récau-
tions, dielées par un misérable individualisme, vinssent aussitot rem-
placer en lui la sollieitude constante qu'il avalt 1110ntrée avant tout
pOllr la Franee) depuis qu'il avait été porté par elle au falte de la puis-
sanee. Et a qui fera-t-on eroire que le sublime eom'age du soldat d' Ar-
cole et de Lodi, que l'hérolsme du général qui, a Essling, affrontait
tellement le péril, que ses offieiers le menaeerent de le faiI'e enlever par
leul's grenadiers; a qui fera-t-on croire que ce sublime couragc et eel
hérolsme eussent jamais pu faire place, dans Napoléo\l) a une luche
inqlliétude sur le SOl't personnel du monarque 't Bouriennc lui-mell1e,
BOlll'ienne, si enelin a atténuer la gloire du grand homll1e, el qui
semble n'avoir pl'is la plume que pour conb'edire le lémoignage de son
pays et de son sii~c1e elevant le tribullal de l'histoire; Bouriennc s'in-
digne au soup\{on de faiblesse ou de erainte que eertaines gens oserent
dirigel' eonb'c Napoléon, au re tour de 1\loseol1. « Lui, craindre! s'é-
erie-t-il, lui, luche ou poltronl eh! vraiment, vous le eonnaissez bien!
JI n'était jamais plus heureux que sur un ehamp de bataille) lllus tran-
quille qu'an milieu des dangers. »


Répétons-Ie done, avee le général Gonrgaud, le baron Fain, ete"
l'empereul' ne ménagea la garde, a la l\Iosemva, que dans l'intéret
ll1ell1e de l' armée entiere, et en vlle des possibilités ultérieures de la
guerre, ou de la eonclusion proehaine de la paix. Quel que pút eh'e
d'aiJIeurs son affaiblissell1ent physique, il est eertain qu'il ue paralysa
ni son génie, ni son aetivilé. Ce fut l'empereur qui pl'épara el qui eon-
duisit eette grande bataille , ee qui nI' l'a pas empeehé de faire honnenr
de la vietoiI'e aux principaux chefs de son armée, a eeux-la meme a
qui l' OH prete de si étranges paroles a son l~gm'd. « Inh'épides héros,
dit-il dans ses lHémoil'es, l\Iurat, Ney 1; Ponialowski, e'est ü vous que


, Le maréchal N,"y fut récOmllfnS(' de la noble par! tJlI'iJ eu! au sucrés de cette grande bataille
(lar le (itre (lP P"¡nre de la MOSCOWQ.


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DE NAPOLÉON. 575
la gloirü en est dne! Que de grandes, que de IleIles actions l'histoire
nurnil a recucillil'! elle diralt comment ces inh'épides euil'nssiers fo\'-
cerent les rcdoules, sabrerent les eanonniers sur leul's pieees; dIe
ral'Ontel'ait le dévollement héroIque de ~Iontbrun, de Caulineourt,
qui trOlm'~I'ent la mort au milieu de leur gloire; elle dirait ce que nos
eanonniers) déeouverts en pleine eampagne, firent contre des batte-
ries plus nombreuses et couvel'tes par de bon5 épaulements j et ces
intrépides fantassins qui, an moment le plus critique, HU líen d'm-oil'
besoin d' etre rassnrés par lenr général, c\'Íaient : « Sois lranquilll')
tes soldats ont tons juré aujonrd'hui de vainere) el íls vaineront! »
Quelques pm'cenes de tunt de gloire parviend\'ont-elles allx siócles a
YetlÍl'! Ou In mensongc) b ealomnie, le crime, prévaudl'Ont-ils [ 1)


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CI/APITIlE \\\VIII,


UTUSOW, baHu U la l\10SCO\\:l , mnlgré l'a-
, vllnlage de la posilion et du nombre, nI.'


cl'aignil pas de mentir IlU peuple russc el
a son souverain, en faisant anlloncer de
lous ('otés, el en écrivant meme a Alexan-
dl'c, que la victoire éLllit rt'slée au d,'a-


-peau moscovite, Sa marche rétl'Ograde ne ~~~~~~~~~' pouvait guere eependant se concilier avec
une pal'eille prétent.ion, Arres s'ütre sauvé précipitamrnenL du champ
de hataille YCI'S l\Iojalsk, et avoi,' simulé de nouvcaux prépllratifs dc
défense, il ahandonna ecHe ville aux Fran-;ais le 9 septembre, el mar-
cha en tOllte luite vers l\'Ioscou, laissant au pouvoir de l'ennemi d'in-
nombrables blessés, qlli n'avaient encore re~u aumn secours, et qui
durent lems prcmiers soulagements a l'armée yidorieuse, (( Aidé de


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11 1ST () I H E [) E \ A P () Lit () \ .
1I11f'lques soldats de la garde, dont j'avais mis plusieurs fois I'humaniló
il 1't"pJ'cme, dit le doctclll' Larl'cy, je pOUl'YUS d' ahord aux pl'emiers
besoins de ces malheureux. Les óglises el la maison communc uvaicnt
di! mises cn état <le I'ecevoir les blessés fran<;ais. Les Russps fUl'ent
réunis dans des maisoIls de négociants. )) LOl'squ'on avait annoncé a
Napoléon que Platoff, commandant l'UI'rib'c-garde de Kutllsoff, se
disposait a tenir en avant de Mojalsl, , « Soit, avait-il dit, HOUS restc-
rous quelques heul'cs de plus avec nos malheureux blp~sés. 1)


Cel)endant on ap!wcnd que RlltllSO\\ conserve el1eo1'e l'espoi¡' de sau-
n'!' lUoscou , et qu'i1 éleve, a quelques lieues en avanl de eeHe rapi-
lale, des om I'ag('s qui semLleut indiquer l'intention de sOlllenil' un
1l0UH'aU rOl1lbat. Rostoprhin s'efforce Illi-memc de faire croire aux
Husses ([IIl' td est bieu le dessein dll général en chef, dans une pro-
e1amalion dll H septcmbre) qui est ainsi con~uc : « II dit qu"il dé-
fl'ndra l\(oscou jus(lu'a la del'lliere goutte de son sang, el C¡1I'il est prót
¡¡ f;e hattl'e meme dans les I'lIes de eeHe ville. OIl a fermé les tl'ihu-
nam ; milis que rda ne vous inquiete pas) mes amis : il faut mett!'e
h's affail'l's en Ol'(lt'c. l\ous n'ayons pas hesoin de tl'ihunaux pour faire
le pro('l's au scélérat. Si c('pendant ils mc c1e\enaicnl nécessaÍl'es, je
pn'lHlrais dcs je\llws gens de la "iJle et de la campagne. Dans deux ou
t!'Ois jOlll'S, je dOllncl'ai le signal. ArlllCZ-YOUS hien dc hac!ws el de
pÜlues, d, si vous voulez mieux fail'e, preuez des fourches a tl'Ois
denls : le Fran~ais n'est pas plus lourd ([u'une gerbe de blé. » - « JI'
pars demain, disail Rostopchin le jour suivant) pour me rendre pri~s
de S, A. le prinee KutllSOW, 110ur prendrc, conjointenwnt arec lui ,
des lllCSUl'CS pOlll' ('xlel'luinel' nos ennemis, i\'ous rellVl'ITOIlS au diablo
('('s hM('s) et IIOUS leUl' fe1'oIls rendee l'itme. Je reviend!'ai POU!' le <ti-
nel', et nOlls mdtl'Ons la main a )' ccuvre pOUl' r(~duil'e en poudre ccs
pel'Jides. ))


C' ('st par' re lilugage que le goU\e!'lIelll' de 1\loscou, l'Ol'atcm' dll
IÜ(,lIllill 1, prdlllle tI I'uecomplissemcnt des sacl'ifices désastl'ellx que le
CZilr lui-meme a faíl pl'cssentil'. :Uais Kulusow ne verscra pas la dcr-
llit're goutte de son sang pOli\' préSel'\l'I' la ville sainte de l'invasioIl


I les dt~négations dont !'incrllllip de :\[nS(~()ll J (:té l'nhj('t ne p{,ll\'cnt pas détrllirf' de's Faits irdyo-
calJklllrIlt :I(:qlli~ a l'hif'toirr; elles pl'oun'lIt S~'U tcnH'nt qll(' ceux qlll <lyail'I1t CdfH:n 1111 llOrrilJlc
systi'lnc .lr d(~rells(, p01U' sauyel' kilI' llay~. lI'onl Ita:) 0:-'\:' n'rm]11I'l.' erlslIilp tlc h'tll'S :ll'Íl's dl',"allt la
p()f'kl'il(~, 011 din'. COlllI1W {'\' farnf'llx niYoln~iormairt' de ¡"l'ancc : 1,( Pt"ris~r ma InéIW):I'I\ el ~l'H' la
patrie soit s~mY(;c! Il




576 HISTOIRE


étrangere: le vieux guerrier n'y a jamais songé, et ){ostopdtin le sail
bien. On s'esl aI'l'Cté ti un tout antre dessein, et le moment de nwtll'e
la main 3. l'<rune est proche. Dans la nuit du ,15 au ~,~ septembl'c,
Kutllso" ahandonnc tontes les positions en avant de :\Ioscou, el se re-
tire vel's l'orjent, en tl'aversant rapidemcnt l'immcnsc cité, qn'il scm-
hlait I1ilguel'e résolu a défelldre aYee une sort!' de fanatisme. « Le ,14 sep-
teml)!'!', dit un éerivain moscovÍle, jOUl' de dcuil éternel pour les C<rUl'S
waimcut russes, l'arméc ley a le eamp de FiIi, il tl'ois 1Il'1I1'es du ma-
tin, el pénétra, par la barI'¡¿~re de Doragomilmy, dan S la ville qu' elle
avait a trayel'scr dans sa plus grande longllcur, pOUl' sOl'tir par la har-
riere de Kolomna ... lUoscou pl'ésentait l'aspect h~ l)llIS 11Igllbl'c ... La
marche de l'al'll1ée russe avait plulot l'ail' d'unc pOl1lpe fllncbl'e fJlJt>
d'lIne marche militaire ... Des officiel's et des soldats pleurail'llt de rage
et de ({t'sespoil'. » (BvTTLRLL\.)


Cependant les Fl'anSJlÍs , en voyant le camp de FiIi si inopinémrnl
levé, se sont mis a la poursnite des ){usscs. Murat, l'impétueux 1I1u-
rat, toujours en quCle dll pél'il et le plus pl'ompt á l'aUaque, s'est
élancé le premier sur les traces de l'cIlllcmi, el a devancé l'avant-garde
meme. A midi, il est déjil dans Irs I'lles de l\Ioscou) n'ayant ayec lui
que quclqucs cavaliers, et se jetant némnl1oins, tete haissée, sur I'al'-
riere-garde de I\:utusow. Bienlot son escorte s'accl'oit; :\apoléon lui
a envoyé Gourgaud pour le soutenir. Les eosaques pademcntmt alol's;
ils entourent le guerrier avenlureux dont iIs admirent a la fois le riche
costume el le bouillant coul'age. Murat, qui est tl'es-connu parmi eux,
SUl'tout depuis Tilsitt, Otl il leur fit des pd'scuts, ne sera pas moins gé-
néreux aujourd'hui. Il donne sa montre il lcur chef, et dispose meme
de celle de Goul'gaml ainsi que des bijoux de ses officiers pOUl' ell raiJ'(~
la distl'ibution aux barbares qui l'cntoul'ent, el ¡¡ni, une fois posses-
seUl'S de ces éblouissallts eudeaux) se pressent d'évacuer 31oscol\, d dI'
reprmdre lellrs cOllrses el leul's llwna.mvres il'régulieres Slll' les dl'l'-
rieres de l' arlllée l'Usse.


Tandis fJue les CosafJues se retirent, Napoléon avec le rl'sle de son
avant-garde arriw aux portes de la ville. Le bmsque départ de I\u tu-
sow, apres tant de démonstrations etde mellaces dl' résislauce; l'a-
bandon d'Ulle cité fJui sert d'('ntl'epút aux richesses de l'Em'op(' d d(~
.'Asie, l'excmple de Smolcllsk, et les Yesliges fumullts de tant de M's-
astres accul1111lés SlIl' lespllls helles pl'ovinces dl' la Hus:-;ic par des


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I _____ ~--~--------- __ .. _~_~.~




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DE NAPOLÉON. ;;77
m ains rmscs, tout cela inspire de la méfhmce 11 l'empereUl', et le fait
hésilel'. Ce n'est 110Ul' ainsi dire qu'ü túton~ qn'il va prendre possession
de sa nouvelle el importante conquete. Il s'arrete d'abord ti la bar-


('iere, fai! reconnaitre la ville au df'llOrs, ordonne 11 Eugene de I'en-
velopper au nord, el a Poniatowski de l'embrasser au midi, pendant
que Davonst se tiendra an centre; puis il pousse sa garde en avant,
sous le commandement de Lefevre, qui entre triomphalement dans
JUoscon et va s'étnblir an IÜ'ernlin.


Napoléon franchit tl son tour la barriere. )Tais, comme si une voix
intérieure l'avertissait qu'il a le pied SUI' un abime, et que lUOSCOII
('enferme dans ses Illurailles le terme des succes de l'al'Inée fran~aise
('t le premier signnl de la décadence du grand empire , il craint encore
de s'engager duns la ville, fait seulement quelques pas, et se loge pro-
visoirement dans une auberge. Le lendemain , ~ 5, nul symptome alar-
mant n'ayant apparl1 , il fait taire les pressentiments et les craintes qui
l'assiégeaient In \eille, et) se livrant avec confinnce a son dcstin et a la
COl'lune de la Franee qu'il croit tonjours identifiés, il marche hal'di-
ment au Kremlin, et s'y installe.


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IIISTOIHE DE l\APOU~O\'.
Lo uut de la eampagno cst-iI mainlcn:mt aUcint'? L'cccupntion de


Moscou détel'minera-t-elle Alexandre a la paix) COll1Ille l\"apoléoll s'tn
est flatté'! e'est l'opinion IlllÍ l'i'gne dans I'année fl'an~aise, e'est l'es-
péranee des chefs et des soldals, qui s'écl'ient tous a l'emi: ( La voilil
done celte "ille fameuse! .\loscou! ¡\IOSCOll! .. , dangel's, ~ollfTrances,
[out esl ouhlié, 1) Pllisse cet enthollSiasll1e ne pas etl'C bientot slIivi d'une
amero déception I Selon le mot de l'empereur lui-meme) (, nous allons
voir te que les Husses yont fairt', 1)




CIUPITHE \\\[\.


lllCtJlldic ·tll' :\h)sc(,u. S\::k:-. \:e Cl' U:t'!-i.:1sll"'. ~":l oh'o1l a!lIIHl \,tiUCHlClIt tI\'~ IJl'ull,,:~ili(ilh dt· !I;li\
Ht'lraill~ (k~ Fl'anra¡~. I.r l\Ial'':ckll ~h)rlil'l' r<Jit s;lUh'r tI' K 1'('lIdin.


IlE l'este-t-il ml1inlcuilnl tl faire it la I'holu .
lion fl'tlnl~l1is(' pom' l1Clle"I:'I' sn I,("aetion ex·
Ml'ieure el sa ('ourse triomphnlp a traYcl'S
l'ElIl'OIW, pota' punir les al'istocraties el les


tlutl!S UlH'¡Pl!IWS de I ('1m: pel'"év¡"I'nnlcs
rellrs contrc la Franco I\Oll\(%'.
Si pHe 10m' fit expicl' nllt!'i'fois les IlI'Iltales


fol'l'anlt'¡'ies di! llruns" ¡('1-) ('1\(' tire YCJ1-
IH'(\\H'(' nlljoul'd'ltlli di' In Stluvngc at'l'tlganc(' de ~',lI\\at'O\v .. \pl'('S :Iyoi,'
contlllit son mn!,wiliqlle I'l'pl'ésenlanl dnns l()lIt,'~ \;'s ('<lp¡lales, inlt'oduit
\¡> glOl'ieux pll'!J("ÍI'1l dnn~ lons les llillni~ (lui sen :\ii'\ll d'ils¡¡e d d(' ~n:l('­
tllail'e ,', l'ol'plt'i! anliq!ll'. rIle 'I<'U! dí' l'dnh!ir <111 T\\'i'illliil, (hn:, !a
<1('1111'11\'(' il('~ ('Z,lI':;' d Pi(,I'I'r-]e-·~;I'<lIl,l !len' !~(mi\' il S')!) t0111' ~()US Ie,s
pas (lll \'\1:\[::\1, ('Olllllli' nilgl1el'(' JI' !l;I',1\1(l FI'¡"!I(~l'ic ('1 C1F,J'i",,·j}l1iIlL




5SU HISTOIRE


Tout ce que la ré\olution avait il accomplil', 50llS les auspices dc
I'aigle et par le bms du gl'and homme, pou!' l'huIlliliatioll des !'Ois d
l'enseignemenl démocratique des peuples, sernit-íl done pres d't'tl'e
cOll30mmé? La mission de l\" apoléon toucherait-elle ti sa fin '?


Les événemenls vont répondre.
Napoléon n'a pas cessé, ne ee~ser¡l pas sans doule d'etl'(~ 1I1l(~ ef-


frayallte incarnatioll du príncipe révolutiollllaire aux yeux des monar-
ques étrangers; le peuple fran<,;nis ne se résoudra pns lIon plus ti voir
autre chose en lui que la personnilication dll principe d'égalité. l\Iais 1('
peuple fran~ais ne s'ahllscrn pas, toutefois, sur les [endances de son
chef, lorsqll'ille yerra oublier un instant (( le dl'oit divin de la capaeit(~
et du génie, » dont il est la sublime expl'cssion, pour se eomplnit'e ti
l'essusciter des supériorit('s faclic(!s, transmissibks par la naissaul'e; el
les peuples européens, laissés apres AusterJitz, léna d Wagram, 11 la
mel'cí de leurs vieux goUyel'nements aux abois, aUl'Ont Ú !'eproeher aussÍ,
a celui dont ils aUendaient leu!' déliuance, d'avoÍ!' reculé tl'Op sOllvenl
devant une franche et large applieatioIl de ceUe pl'opugande dont iI fut
d'aillellrs, par la force des chosrs comme par la pllissanee de son gé-
nie, l'ugent le plus actif et le plns prodigieux. Sans parle!' des Polo-
nais, placés provisoirement sous la proteclion incertainu de I' a venir,
les Rllsses eux - memes viennent d'éprouver que l\apoléon répugne il
prendrc le role de propagandistl'. 1( En proelmnant la lilJerté des es-
claves, dit-il depuis it son sénat, j'aUl'ais pu armer la plus gl'and(~ par-
tic de la population russe contre elle-meme. Dans un grand nombre de
villages, cel affl'fmchissement m'a éh~ demandé, mais la glll'I'I'C que je
fais aux Russes n'est que polilique; el d'aillelll's I'abrutissement de ceUe
e1asse nombreuse du pCllple I'usse esl tel, (lu'une semhlahle mcsUl'('
vouerait aux plus horrihles supplires bien des famillrs .. Crtte (kmierl'
considél'atioll suffisait pOllr que je me refllsusse un pareilllloyen cOBtn'
mes ennemis. Gn écl'ivain anglais aHesl!' le mcme fail.. 1( Il n'esl pas
doutenx, dit Robert Wilson, qll'on etit plI fomenkl' en Bnssin l1IW
guerr(~ civile; et ce fut Bonapade qui I'ejda les offres d'insUlTedioll
qu'on lui Jit pendant qu'il était ti ~loscoll. )l


Quclque louablcs que [luisseut Clre les molirs (luí font rq)()ll~Sl'r i('i
par l'empereur les orfres des populatioIls esclaycs, toujours l'st-il ('cr-
tain que l\ apoléon IJeut tombl'l" désormais sans C'ntrninnr la I'évolul.ion
dans sa chute, sans compromettI'e le p1'Ogl'es ultéril'lll" des )lI'Ílwi pes




OE l\APOLÉUN. ;:;S I


populaires, Il Y a dan s son caractel'e, da liS sa position, des répugnan-
I'es inévitables que rhistoire devra apprédel', La démocratie est bien
prés d'aYoil' ohtenn oc lui tout ce qu'eIle pouvait en attendre, par 1('
mloIange de ses intrépides enfants avec les nations du septentl'ion et du
midi, rleplIis Cadix jusqu'a YIOSCOll,


lUais si le role Jlolilique de i\apoléon doit hientút t1nir, s'il est au bout
de Sil phase révolutionnaire, que va devenü' son nile de eonqnérant?


Quaml les d ienx semhl aient veillPl' ellx-memes sur sa tete et pl'end I'e
soin de sa fortune, c'ótait la eivilisatioll , hien plus encore que la COII-
que le, qui fixaiL leur soIlicitude et détenninuit leur myst<;I'ieusc assis-
tanee; c'étail l'instl'llll1ent puissanl et glorieux de la régénél'ation eul'O-
jl(\enne (lU'ih; pl'OlégC'aient en lni, plntbt que le fOlldnteul' d'ulle t1rnaslie
0\1 que le vninqueur de tant de batailles, Le seeOlll'S rI'en bUlIt pOllrra
clone lui malHlueJ', dl~s iju'il n'aura plus rien it faire dans les ,oies pro-
videntieIles, pou!' J'abaissement des mis el pOlll' l'éclucaliol1lles peuples,
Le Cicl , ¡¡lIi lui fut si longlcmps pmpiee , tlans l'intére! de l'é-lmlIleipa-
lion 1111 iVl'I'splle , ]10UI'1'11 50 fllil'e l1eutre entre le potelltat nOllwau elles
\'iellx polel1tats; el alo]'s celle nClIl1'alilé n'arredel'a-l-dlP pas le génil'
de I'hol1ll1l1' , 11 'llllll~IH'I'a-l-cJlc pas des jOl1l's fl1llestes a sa puis~aIlee, nI'
hD.tera-t-(~I1c pas l'accol11plissemcnt de sa deslillt-t' '! ...


Nous allons voil' el' (llIe les Husscs ,out faire,
(( Napoléon croit avoÍl' lout (iré\ 11, diL un témoill oenlain.': batailk


sanglanle, ~¡"j()lll' pl'Olongtl) hirel' l'igoul'eU\, des reH'\'S memc ;." la
posSCSSiOll de ~loscou el les dCllx cent soixante mille hommes (111 'i I n
Iaissés oeI'l'iere luí semblent le metlre au-desslIs de tous les incirIcnts".
lUais il peine esl-il assis au Iüemlin qu'un hOl'l'ible incendie se déclare :
ce lJlI'il n'a pas JlI'évlI, ce (IU'il n'a Jlll prévoir, la dcstl'Uction de l\los-
('ou par ks Busses eux-memes, lui al'raehe le point d'appui sllr lcqllel
ses principalC's comhinaisons reposent.


» Ql1elques incen,lies partieJs avaient édaté dans les pl'cmicl's mo-
ments de nol\'(1 atTi\ée, Nous les a,ions attrjhll/~s a l'il1lJlrudence du
solda!." l\Jais le '\ ü, le \ent s'é!anl mis il soufJ!e\' arcc üoll'uee, I'em-
lH'asement devint génél'lIl. Une grunde pudie de la ville est en bois;
dln I'l'I1fnrme do nomlm'lI\ magasins d'pau-ele-vil', d'hniles el de mu-
tieres C'OInhllstihles. 'Jou(es les pompes out disparll, et 1I0S Í!'aruillel1l's
!lC font plus ([ue des efforts illlpuissullts,


)) })p Iloil's lourhillolls de fumée se sonl ¡'~I8\és SOllS le vent : parti:-;




IJI STO 111 1-_


des qllnrtiel's orientnux, ils se sont úLendus su!' la ville jdant pnl'toul
¡'affl'l'use oden!' de sOllfl'e el de hilllme. Ln flaml11e 1('5 suit arce I'api-
ditl', s'uruncc de mnison en nw i so!1, s'accrolt de tout ce qu'elle Mrore,
el roule dans un lit de [eu d'lll1(' ('xtl'émilé de la ville t\ I'autre. Tandís
qlH' c('s pl'emiet's sillons tI(' ¡'incendie poursuivenlleur COlII'S ÚpOLlY1m
table, d'autres brasi('l's se sont nllull1és; de nouwnu\ tOIT('Ills m dé-
coulent, el, pOllssé5 par le Y('tlt, s'allongettt dan s les intl'nulks qw'
les laves précédenles n'ont pu nlleindrc. On dil'ail (IUf' la lelTe s\'sl
entr'omel'le pOli!' fOlll'ni!' [Ot!S h's [('\[\ ([ui ('r1alf'nt! I'inccnclie se ró-
palld [1YC(' fll1'f'llt'; il ne cOllllait plus ni di!'ce[ion , ni limiles; il mllgit,
il bouillonne C0tl111K' les flols de la tempete, el In mnlhelll'eUSl) ,illt·
achere de s'englolllil' dans 1111 océall de Jlamme!


)) A la p\¡lC(~ de tllnt de maisot1s el de pahis ji ne reste dehout qUf'
des masscs ele hI'i(¡ ucs qui mm'fIlH'nlla place des foyers domestiques, Ct'S
llIilliel's de pyramides IJ'Ouquées el Iloircies tlOllS np¡ml'aisscnl comrllc
le ~qllelcllc ht'lll~ de )10,(,011.


" Des 1'('\]("(1'(';,; dll Vl'eJl1lin, Napolt'on a SOllS les yeux (,cUf' grande


eala:-:tl'ophe ... Scipioll, en Yoyanllll'lileI' Cnrlltagc, ne plIl se dérl'w!n'




1---- ---------


DE :\APOLÉO:\.


d'un triste pl'cssenLimcnt ~lll' le sort qne Borne aurait· iI son tonr: Na-
Jloléon demeure pt~nsíf. .. tOllte l'al'mée est plongée duns la stnpeur. Le
morne si1cuee qui l'l'gne un Kl'emlin n'esl inlet't'ompu que pUl' ces ex-
dauwtiotls : « Voilil (lotlc COtllllle ils font la gil ene ! La rjYilisation de
Pétcl'sboul'g nons a tt'ompés; ce sont toujoul's les Scythes! » (Maitll-
scril de 1812.)
~apoléon a Y ti maintenanl ce qll'allaiellt fait'e les Russes. Au lieu de


parlementai!'es ou de négociateul's qui \icnnent lui demander la paix,
il a lnlUvé, dans Moscou ) des iurrndini t'Cs quí l'oBt emeloppé dans 11n
nlste elllhl'asement, fllli l'out enlolll'é de rllines. II pl'ut dit'e mainle-
[Jant, avec madat1le de Slilt\l, " (lu'aUclIne nation cí\"ilisée ne tient all-
taut {les sam ngrs que le pl'uple russe. » Les agents de Rostopehin) uu
nomhre de neuf ('cnts, ont él(! aposlés dans les ca\es puur meLtt'e le
reu iI tous les quartiel's. Quelques-uns on 1 ú{, suqwis la lOl'che en main.
lis Ollt tout arom',; el lcut' dl-elal'lllion llceUR' Hoslopdlin, (lui n'a pus
agi, lui, sans l'aulorisalion de son malll'c; cat" quel sujel de l'allto-
crule Ctlt youlu assumer slIr sa le le la rcspomahiJilé d'un si gnmd dés-
astl'c'(


Cq'endant la f1amme gagne le \oisinilge dn Kl'emlin; ks ,ill'('s du
pnlai~ imperial éclatcnl; il est temps que Xapoléon lJOlll'voie iI sa sÚl'eté
el (lu'jl se t!écirle 11 la t'ctt'aite. Il s'~ n>fllse Ill'anll1oins. e'est un pre-
tllie)' pas en arriere qll'Oll lui detllande; il le sent, el il ne Yeut pas re-
culet· deyant la barbat'ie (IU'íl a yaincue dalls yin;;t eomba(s, lju 'ji a fait
fuir d(~\ant luí durant l'espaee de dcux crnls lieues, el it tl'avers les pll1s
))elll's }lrovinees de l'empire l'usse. En ,ain 011 lui montt'e les llatlll1le-
ches /[lIi tombent dans la eoUt' de l'arsenal, les l'toupes enflammées ql1i
jonchent le sol ou stalionne l'urtillcl'ie avrr. ses caissons; en \ain on
l'asslIt'e que ses dangers pel'sonnds tt'Ouhlent les eanonniers ell'em-
pliss('nt des plus vives alarmrs tOl1lle qUilrlier-général, il résiste iI lous
les cotl5eils, a toutes les instanees. Lariboissiere, Lefevre, Bessieres,
Eugi'ne , viennent édlOuer toUt' iI tour, daIls 1('l1l's pressantes sollieitu-
tion~, pOllr le détet'mincl' iI s'doigner d'un pédl 'luí devÍent a ehaque
iustant plus irnmínent. ~apoléon, an Kl'emlin, est 11 son apogép; il Y
('st arTivé en pass:lIIt SllI' le corp5 des ('eut mille brayes de Kutuzow, et
il se révolte a l'idée d'en etre dwssé par uIIe poignée d'inernrliaires,
par quelques eentaines d'flgents de RostopehilJ. Apres avoi!' été élevé si !
halll pUl'la vietoire, lui) dcscendl'e! lui, J'{'tl'ogratlc'l', el suns aVOil'~"té . ~ __ !~


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---------1


58\ IIISTOlllE


vai[Jeu! Il ne pcut s'y résigner. Il Youdl'a déflPr la harharie an miliell
de ses furelll's, lultel' jllsqu'all bOllt eonll'c la fatalilt', pl'ouve!' 11 ses
samages cnnclllis qu'il y n plus de foree dans sa gl'andp tlllle que de
puissanec dans leuI's infernales eombinaisons. Pendanl plllSielll'S hcures
cneol'e il restel'a ferme el inl'hranlalJlc au Kn'mlin .. , !\lais ectte ,ir
qu'il e\posc, ceUe vie qu'il prodiguc, appnrlienl it l'al'lllée, appartient
it la France, Elle esl int~,itablclllc[Jt eOlllpromisc, si ~apoJ¡"on s'ohstine
ü delIlcurcr, en dépit du progl'('s effl'ayant des f1nmmes. Napolóon re-
connaHI'a donc la maiu de la nó('essité el finirn pm' s'y sOllmetll'e, Lors-
fIlIC Bel'lhiel', C[ui est monté sur une lerl'asse flu Kl'cuJlin, vicndl'1l lui
apprendl'c f(u'iln'y a pas un ll1nl1wnt tI pcrdl'c d (Iue ¡'inecndie cllve-
loppe lc palais, il cédel'u au désÍl' de tont ('e ([ni l'pnlouJ'(~, rt, pa~sant
sous une YOútr de f('\1, il se rclil'erH ti une pdite distance de l\)OSCOll,
an chutean de Pe!l'O\\skole, SllI' la rOllle de Pr'!.t'I'sboUl'g,


Ce fut dans l'apl'es-midi dul6 scptcrnbre que :\npolé'on sortit de
lUoseou, A peine insLallé dans sa 1l0llyclle l'l'sidellce, iI S') li\l'a aux
médita(iolls les plus }l\'ofolldes Slll' le desnst\'l'u\ inddl'nt <lui YCllait de
dérangPI' lons 5('5 plans eL SUI' le )ludi <lu'il muíl Ü pl'('))<lre, Sa pl'emie\'('
pensce fut d'aller ehel'che!', ü PélershOlll'g, la pai\ (lu'iln'mait pu eon-
quél'ÍI' Ü .\Ioscou, el il passu la Huit ü trace!' sa llwrdle su!' la l'nrte.
l\Jais avallt d'ngil" il wmlut C'onsultel' ou pIuló[ bHe!' son entoul'age, et
il s'aper~nt que son dessein trouyait peu d'ap¡)J'obateUl's all qual'tiel'-
gént'ral. Eugene seul pensait enmme l'empcl'enr; Eugene était pl'cl ü
rnal'cher a l'avant-gnrde, Son infatigable conrage applaudissait au pm-
jet hurdi el it la eonstullee de l\"apoll~on, Mais d'alltres eOlll'ages, non
moins Iwillanls, aynient dé amenés , par les derniel's événerncllts, a se
laissel' dominer par la prudenee, Cellx qui avaicllt rl'dOlM, il son ou-
wdure, ectte carnpagne lointaille, ne pOllyaient guel'e sonrin' il l'id(',c
de la pl'OlongeI' ene'ore el de s'enfoneer dnns le nonl , ü l'encolltre des
fl'Ímas, Les appréhensions qui s 'étaient manifrst('~es il DanLzig d Ü SlIlO-
lensk reparurent done, En el'autres temps, elles n'ellssent ríell ehangó
aux dólel'minations du mailre : ü Pell'o\\slwle, cllcs fUl'ent plus puis-
santes, « On panint ú le fail'e c10nler pour la ]wemiel'e fois ¡Jp la Sll-
périorité de son eoup d'cl'i), l) dit M. Fain. La responsabilité d'lIne
seeonde campngne lui semhle ll'Op dlll'e :1 poder', 11 ne S(~ lais~e pas
convaincre Ill'nnmoins par CCllX qlli disC'Ilt ne l'f'pOllSS('1' la pOllrsllile de
la gllt'ITe YC1'S pt'tel'sboul'g, que dans J'cspoil' d'ohteuir la paix ü :\los-


1 _______ _


!




DE i\\ l' O L E O :\ ,


COI! C( :',l' el'o! ez pus, !cUl' dit-il, (ille eeux <lui onl bl'úlé .\lOSl'OU ~(Jü'Ill
gens a \cniL' faire la paiA q llcl(lUes jOllrs plus tanl ' si le parti (Iui est
cOllpahle de eeUe ['(~sollllion domine nujourd'hui dans le caLind d'.A-
leAandre, loules les espénmecs dont je yois que vous vous flntlez sont
,aillcs. » l\lnlgré cclte prévisioll, trop jllstifiée depuis, il f1t eédcl', it
l' avis de ses lielltenants , eeUe slIpériol'ité qlli alltrefois faisait Lout l1échir
llevant die. « Puis~c-t-il ne pas déehoÍl' de lui-mlime, ajollte l'auteul'
dll Ma/tllsGl'iL de 1812 , en conscnÍ<lnt a desecndre jusq\l'aux idé('s de
ceux qui l'entolll'('nt. Le premiel' pas cst fait! »


Napoléon reste done dans les emil'Olls (le MOSCOll, Si I'OH eút dé au
11101S d'aoúl, il eút tcuu durantagc a son opinion, el, comme ilra di!
a Sainte-IléIelle, l'anlll'c eut marché SUl' Saint-Pt'tel'sLolll'g. 1\1ais la
bellc saison va f1ni¡', el celte consid(;l'ation le dl'cidr a sui\ ro les eOllseils
de ses virux compagnons d'arnws.


L'incendie ayait ecssé dans 3losCOll; le lÜ'cmJiu, tant mt'naeé, avai t
mcme échappé aux flmnmes. L'cIl111Creur y l'enlra le ~8 au malino La
\ille aait remplic de pillanls d(~ tOlltcs les nations. La pn'~st'l1ce de Na-
poJéon Cllt hientbl rdaIJli l'ordl'e. En passanl Slll' le fllIai de la ~I()s­
t'O\\J, il aper¡;nt la maisoll des enfants trollvés, (( Allez, dit-il aussitót
a son sf'crótai re intf'l'prCtc, nHez Yoil' de ma parl ce que sonl tlevenus


'\"'\\\'
\, \ \ \ ,\


e('s petits mnlhcnrellx. ) Le sceJ'élnire obéit. AlTin'~ ill'élahlis~ement ,


-, , ,




58G IIISTO] RE


i1 apprit que les enfants au-dessus de douze ans avaient étt~ (;varu{>s su!'
l\'iZlli -Noyogorod, el que ks plus jeuIlcs, abandonnés illa nw!'C'i des
ilanmws, en avaient été préservés par le pifluel de sauveganle (IUt' j\" 11-
poléon leur avait envoyé dan s la nuit dnl4 au 45. « La p!'otedion dl>
yotre maitre, leur dit le directeur de l'hospiee, a été ponr nous ulle
gnlce dll eiel; sans le regarel que ~a majeslé a jeté sur nous, el il ne no liS
était pas pet'mis de I'espérer, notre maison devenait la l)roie du pillage
et de l'ineendie. » Le \Íeillanl russe eondllisit ensuite l'interpretl> dilllS
les salles el le préscnla aux enfanls, en leur disant : « C'est l'empel'(>\II'
qui rnYOie ce Franr,ais.» 11 n'en fallut pas dmantage ponr excite!' la
rivc el bl'llyante recoDnaissanl'e de ces jennes infortllnés. lis se jel¿'rmt
a l'envi sur le messager de Napoléon, pOUl' l'ul'cabler de l'a1'csses : les
uns embrassaient ses genonx, les autres s'aUaehaienl a son con, el tous
eriaient avec transport: « Ton empereur esl notre providence. l'


Lorsque Napoléon entendit, de la bouche de son secrétnire, les dé-
lails de cBlte réc('ption, il en fut tres-touché, el il manda aussitrit le
directem' de l'hospice, qui se nommait Toutdmine, et qUÍ luí demanda
la permission d'écrire a l'impératl'ice-mere, pour lui apprendre COIll-
ment la maison avait été préserrée du feu. La eonwrsation l]u'il eut
avec luí du1'nit encore, lorsl]ue quelques flammes appaJ'urent de I'au-
t1'e coté de la riviere, et \'inrent faire craindre a Napoléon que l'in-
cenelie ne ftlt pas entierement éteint. A celle vue, son indignation lc
saisit de Douvean, le nom de Rostopehin lui revint a la bonclw. « Le
malheul'eux! s'écria-t-il, qui, aux calamités déja si grandes de la
guel'l'e, n osé ajouter un embrasement atrocc, fait á la main el de
sang-f\'oid! Le barhare! ce n'esl pas as~('z pOU1' lui d'abandonlwl' de
pauues enFants dont iI est lc premiel' tuten1', et \ingt mi H(' hlessés (lile
I' al'lnée russe a confié s a ses soins : femmes, enfants, YÍeilIanls, 01'-
phclins, blessés, tout est voné ilune impitoyabIc destl'llC'lioIl! et il eroil
faire le Romain ! e' esí un sauvage stupide! J)


Le lendemain , 1\1. de TouleImine yillt re mettrc a l'el1lpereur la lcttl'c
qu'il avait obtenu d'écl'ire tI la supl'cme protedrice des clI(unts [l·UlIl'CS.
Cette IcUre renfermait une espece d'ouyel'turc pOIl\' la paix; elle finis-
sait ¡¡iusi : ( l\Jadame, l'empereul' l\apoléon gémil de yoir noll'c C¡¡lli-
tale presflue cntü~rement détmite par des moyens qui lIe sonl pas , dit-
il, CClIX qu'on cmploie en bonue guerreo II pa1'ait l'oll\aiueu que si
pel'sonne ne s 'inlerposait entre lui el notre auguste empercur Alexau-




I ---~~_.-- ----
I


DE ~AP()ÜO:-¡. !iS7
drc, klll' ancicllne umilié re¡lI'('ndl'Uit bientot ses uroits, d tOllS 1l0S
IlwlhL'III'S /inirait'llt. ¡)


Napolt\on lIe s'en tint pus aceHe déllloIlstl'ation indirectc de scs SCIl-
limenls pacillquL's. 11 éCl'iYit lui-menw a l'clllpel'eUI' Alexandl'e pm' l'en-
lr!'ll1is(~ d'lIl1 )1. Jako\\lefr, qui purtit le 2!¡ septelllhl'e pOUI' Saint-Pé-
tCJ'sboul'g; et, le .,. octobl'e , il se dédda a faire une démal'ehe officielle
a l'appui de scs tentalives seel'des, en cJl\oyanl son aide de Cilllljl ,
Lauristoll, au <luaI'licl'-génél'al de Kutusow, l\Iais edui-ci Melara qu'il
ne 'poll\'ait (,lIlt'!'1' en négoriation, IÚ laissel' ]lusser le négociatcul' plus
mant, smlS ('11 avoÍl' l'c(:u l'alllol'isalioll dc son maill'e, II expédia a cel
effl'l Il' Pl'Í1H'(' Wolkonski HUpl'eS dll Clal',


Pendant tow; ccs pouqHlrlel'S pl'épal'atoil'es et ccs IOÍnlains lllessages,
(lui pl'enaieut beaucollp de temps, ks n'SSOUl'e(,S que l'incendie mait
l'pargllées s'épuisaient, l'm'm<'~e 1'1Isse mHllo~lI\Tait. COllllne si elle cM
voulu nons enfel'lnel' ualls ~lOSCOll, les Cosaques llOUS harcdaiellt de
tOlltes parts, el la ll1allvaise saison ap¡wodwil sans que les négocialions
fllssenL seulemenL ollrertes.


Xnpoléoll voyait ainsi se rérWer ce qu'il avait íllmollcé a ses géllé-
\':lUX, que « ceux qui a"aieut brulé )loscou n'étaient pus gens iI \ellil'
faire la paix qudques jours plus tanl. )) 11 prolongm toutefois son s(\-
jour au Kremlin, s'o('cupanl aeti\'ement de la police ínlérielll'e de l\Jos-
('ou el des pays eOlli¡uis, se melant aux Il10indres détails du senicf'
militail'e el des lllollvements de l'armée, el dirigcant encore, du: mi-
lieu de tant (le soins el de travUllX , et a trave1's une sí grande dislance,
la h:mte administration de son empíre. Un mois s'était pOllrtant ecoulé
dl'puis son cnb'ée dans l'mwiennc capilale des ezal'S, el ni la leUre de
.\l, de TOllLelmine, ni lu missive ('oJlfiée a )1. de Jaeo\\leff, ni la M-
P('.e/w portee pal' le llrince Wolkonsky, ni la presente de Lau!'istoll au
(':nllp dn J\utuSO\\, n'avaienl amené ni selllement rait espere1' le moindl'e
I'l'sllltat. Sou/'(\ a toutns les ouyel'llll'cS, tl tOllles les pJ'opositions paci-
¡¡I[l/CS, Alexandl'c semblail oublie!' que la plus hdle portion de ses étab
('út enrahie, ('Olln~rfe de ruines, et il détouruait ses regal'lls du Kl'cm-
lin, ]lOIll'\eS porler Sil\' le ('alJine! de Saint-James, d'ou ¡ui atTiyaient in-
('('SStllllllll'llt tll'S fdicilalions el dc-s encolll'agemcnls, La condllite d' A-
lexandl'(~ l'lait d'aillclll's éminemment logiqlle, II aYait voulu la gllel'l'e;
ilm :l\'ait a('('<,pl(', toutes les ('hanees désasll'ellSeS, pOUI' f¡¡il'C l)l'(;yaloil'
[() ,ieux sysleme CUl'OP<"cu, le sys¡¿'me angluis, Sl1I' la politÍ<llle de In




------1


IIISTOIIIE


rérollltioll et de son ehef. Ce n'était pas alwes amil' suhi tOllt ce (jll'une
pal'eille I'l'solutiOll ayait pu lui attirer de plus fuueste, qu'il denlit re-
nonce!' an hut ql1'il s'était proposé, La ,ieille EUl'Ope, dont il s'l-tait
fait le dWlllpion, Be Ini dell1andait plus, ponl' tont erfort, qne de res-
tel' mud ('!l faee de la eOIJ(IlJ(~tl', assisl' sur le sol fmuant de JIoscol1, el
aUendant aH'\: inquiétudc IIt'S pnl'oles de pnix all sein meme du [r'iolll-
phe. Alexandrc n'mait done pas il hésitl'r ; son refns de traiter ¡mlit
dI' assurt' d'anlllel' ti Casllrcagh, par les inslruclions données a Hostop-
ehin,


Tundis que h~ gonH'l'lwllll'IÜ I'usse gardait ainsi ohstillt'llIl'nt son at-
titllfle h()slil(~) le clilllat se fuisuit l'igout'cux. Lc 13 odohl'C, la Ilcibe
convrit le sol "Dépechons-nous, dit .l\'apoléon, il faut dans vingt jOlll's
NI'e en quartiel' d'hiwr. ') Le lendemain, il éCI'iyit il Murat de reeolt-
nallre la l'oute de ~Iojaisk, et il lit partir les tl'OlJltées, le 4 rj, SOIlS
l'cscorte dll g{'I1l'l'nl Claparcde, pendant que commeD~ait l'évacuation
des Ululades et des blcssés BUl' Smolensk, Le signal dll dépal't est donc
il'l'évocahlemcnt dODné, « Cda nc doit pns s'appder une retrnite, dit
.l\' apoléon dans srs Mémoires, puisquc l'm'mée était vidoricusc, et qu'eIle
cut pu marcher égalemcnt SUl' Saillt-PétersboUl'g, SIIl' Kalouga ou SUI'
Toula, que Kutusow etIt en vnin essayé de eOllvI'Ír ... elle ne se reti-
rait pas SUl' Smolensk, paree qu'elle était battue, mais po nI' hivernel'
en Pologne. ))


L'anuée frallsaise était cn effet victol'ieuse, el elle le fut jusqu'au
derniel' monwnt de l'occupation de ;\loscou; ear, le n octobre, le roi
de ~aples battait les Rnsses a Wenko,vo, en méme temps que GOll-
\ion-Saint-CF t'epoussait les attaques de 'Yitgl'Ilstciu sur Polotsk, Na-
poléon n'en préroyait pas moins que sa marche rétrograde pl'oduirait
en Europe une sensation défavorable a l'autol'ité mOl'ale el ill'immensp
ascendant (Iue scs prospóritó;, aulant que son génie, lui araient fait
exercer jllsflue-Ia su!' ses amis et ses (~nnemis, sur les cabillets et SIlt'
les lwuples. Ses alli(~s de Constantinople et de Stockhohu lui avaient
fait défaut il l'ouvcl'Íul'e de la eampagne; ses alliés de Vienne et de Ber-
¡in, déja si lents el si tiedes dans leul' eO!lCours, pO\IVaicnt étre I'l.'f1'Oi-
<lis davantage et eneonragés duus leul's l1wuyaisl's dispositioDS, en
\oyant les Fran~ais abandonner leurs eOlllluetcs en H.ussie pour l'üntr'cl'
en Pologne, Cependant il n'y avait plus a balancee TOllte l'spél'anee d¡~
paix était p('nltw, et I\' climat du l1ol'cl avait dOllné ses pl'C'J1liel's ayet'-


I __ ~ __ - " "" __




DE ,\APOLI~U\. 5S!J
tisscml'llts. ~apoléon sortit de ~IoseO\l, le 19 oetohl'e, pnr la roule de
¡(alouga, upres moir luissé uu lllllrédwl ~Iortier, commnnctant I'ar-
ric~rc-gnrde, rOl'dre lIt> faire sauter le Kremlin.


Le maréehal l'er,nt de l'em'pcrenr d'antres instrudions moins rigou-
renses. « Je ne saurais lrop, lui dit ~apoléon, vous rceoIllmundel' ce
qui nous reste eneore de blessés. Plncez-Ies SllI' les voitures de la jeunc
ganle, sur eellcs de la eavulcrie á pied, en fin sur toutes eelles qn'on
trouvera. Les Homains donnaicnt des eoul'onnes eiviques á (:cux qni
sauvaient des eitoyens! comhi('n n'en méritercz-vous pas a mes yeux
pOllt' tous les JUuHlelll'cux que vous sauverez! il faut les faire montel'
SlI\' vos Pl'OlwCS chcvaux et sur cellX dc tout voll'c monde. C'est ainsi
flue j'ai fail a Saint-Jcan-d'.\.cI'C. On doit C0111nl0neCI' par les offieiers,
passel' cnsuile aux sOlls-oflieiers, el préférer les Fran<;,ais. Assl'mhlez
les généraux ct les ofíleiel's sons YOS m'dres; faites-Ieur sentir tout eo
que l'humanité exige dans ectte eirconstance. )l'


Cl'tte I'ell'ai'te, (luí Il'a ril'Il d'abonl de sillistre, montre néanmoins
l'm'mrn fl'an9aise sous un aspl'et tout nouveau , bien fait ponr pl'O\'o-
quel' de tristes pl'essenliments el d'ameres rélIexiolls sur l'incolIstanee
de la fortllnl' et I'instabilité des gl'anlklll's hllll1aines N apoléon esl encore
vainquellr, mais jI se rl'tir'c (h~\a:Jt. I('s vainclls, embarrassé, dans sa
marche, du lIlatél'iel illlluellse dont il a dú se pourvoil', et entraiuuut
eTl qlle\qllc sorte apres lui sps magasins et ses hópitanx ílUI' d'innom-


brables voitures. (( e'est une IOllgue file de ealeches el dc pctits dw-




~JO HISTOIRE DE NAPOLÉON.


riots, dit 1\1. Fain, auto1ll' desquels ehaque compagnie ('s1 groupée. On
s'est accommodé de tout ce qu'on a ll'Ouvé de moyens de transpo[·ts
¡;OllS les hangars de l\Ioscon et dan s les environs. Chaclll1 y a placó sa
résm've pal'ticulicre de vi, res et d'hahillements, el Cl'oit ]lOllV¡IiI' se la
méllager jusqu'au tenue de la l'etraite. Des femmes, rks enfuuts, qud-
ques Fran~aises, des Husses meme ('t des Allemandes, appartenanl il
In population de Moseon, Ol1t llIieux aimé lll1rtil' aYee HOUS que d'at-
teud I'e le rctoul' des Casar¡ Hes dans leul' ville. Elles ont re~u un asilo
au milieu <le nos bagages. »


Les <lemieres colounes de l' armée fl'an~:aise quittereul 1\loscou , le
25 oC'Íohl'e, il deux heures du malill. llw ltl'lIl'e apl'l>s, le Jüetlllill
sauta. l'11 chef de hntaiIJon d'uJ'tilleJ'il' de marine, 31. OUoJle, s'¡~luit
('hargé d'allel' placer les meches allulllées sur les tOI1Uenllx. L'(~>.plo­
sion, pl'oduite jlat' l'enl <luntre-üngls milliel's de poudl'e, détl'uisil, mce
}¡'s tours pl'Íncipales du pulnis et l'at'senal , l'éqnipage d(' pont, le dl'pót
de fllslls et tout le ma téricl de l' artillerie russe. Le général W illlzinge-
rode, qui s'étailll'op ]¡úlé, la yeille, de chol'cher il rcntl'l'l' dans 3108-
con, et qui avait vainement cssa~~é de se l'oLlvril' du tilm de parlemcn-
taire, ne retira de sa préeipitation que la doulcur d'assistcl', captif, il
la dcslruction de l'anlique demeUl'e des czars. La ville saintc ne \il
¡}'ailleurs linir l'occupation des Fran<)nis que pour se reÍl'ollVCI' iUl'OII-
tinent en prole aux eosaques et allx pillards.


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CIL\I'ITHE XL.


¡';uite de la l't'tl'altc dc~ Fl'all~'a¡s. \apolt"OIl a SIIIOll'IISk. Cnllspiralioll de \lallrt.


IPOLl:O'i ~(' f]a!tait !I'alll'r pl'l'ndl"(, S('S f[lHlI'-
tiC'l"s d'lúer SU!' les frontieres ,le la Lilhu;l-
ni('. (1 Yers les pn'mi¿'I'cS semaines de no-
yelIlbre, é('rivait-il au due de Bassano, ulol's
ú Wilna, j'mll'lli ralIlCllé mes tl'Oupes da!1s
1(' can'é qui esl mh'c Smolensk, lUohilmy.


-:\Iinsk el Witl'psk ... CeHe nouwlli' position
/( " • __ ~_c) O me l'apIll'oche it la fois de Saint-Pl'tersbourg


d de Willla, el je vais me trol1WI', Jlour la campagni' pl'Ochaine, it
\ ingt 111<ll'ehcs plus pres des moyens ct du bu!. .. Au surplus, ,Ians ks
affairrs de ectte natul'e, l'événcmcnt se tmuvc 4(uclquefois difri'rrr
bcauc(lul' de ('c qui ti dé pd~\'u .. !




lJ ISTUII\E


L'é,énClllcllt justiliel'a malhelll'eusemcnl tmp [út la SHgl'SSC oc ('('!le
réflexion!


Cepelldant KlItusOW, insll'uit de nos ll1ouYelllenls, a,ait leyé son
cmnp de Tarolltino, et s\"taiL podé ti la hate Slll' l\Ialoja1'Oslmvdz pOli!'
y deHHlcel' I'arllll'e f('all~aise, lUais le prince Eugene y avail déjtl [ll'is
posilion, Le gén(:I'al I'usse, youlallt ltwtlre ti ]ll'oli[ Sil sllpériorit{~ Illl-
mél'ique, dOllIla aussitót le signa] de l'alta(lue, C'était dans la llwlinél~
du 2·í oclohl'e, La diYision Delzons fllt la pl'emiere assaillie; elle l'é-
sisla hél'Olfluement, d perdit, HU milien de l'action, son intl'épide gé-
nél'al, qlle rempla~a immédiatement le chef d'état-major Guilleminot.
On se hatlait des cleux parts avee tant d'aehal'llement, que Sl'pt fois all
llloins la ville fut prise et repl'isr, L'empl'l'elll', qui était SllI'Vl'IlU, oh-
servait tout d u hau t d 'ulle ('lllilll'llC'e, L' Ul'l'ivél' dps di \ i~i()IIS (;(;1'11 "d el
COll1pans lit cesser le eomhat. Kutusow, déscspér'ant d'empol'lcl' déli-
nitiyemrnt l\Ialojm'oslawetz el de s'y dahlil', se J'eplia pOUI' C01l\TÍI' la
!'oute de Kalouga , qu'il parut J'abo['(l résolu iJ nons fel'lllCI', aU prix
ll1el11e d'une nouYl'lle hntailIe,


Dans la soirée, :\apol<"ol1 I'entra ti son fl"artieI'-gl;nl'1'al de GOl'Od-
nia, ou il n'arait pOlll' se logc!' ({U'UIIC {[!'Oite callnne, TllStl'llit de l'al-
lilude mena<;antl' que semhlait ]>I'l'wlrc Kutuso,,", el t!'nanl ti coulinucl'
sa mal'rltc SUI' I\:alouga, iI se deóda ti eomhaltre ellcore le lendemain
et a passer sur le wntl'e de l'ennell1i. lUais ses génel'aux pensel'ent dif-
fóremment. Le comhat de la veille arait dé si llleurtl'ier! Eugene ct
Davoust bivouaquaient SUl' des monceaux de eadnvres, ¡ti ou fut l\Ialo-
jal'oslawelz, qui avait été liYJ'én aux JlaJlllllcs d qui n'offl'ait plus lJue
des J'uines, La pl'1Il1ence conseillait de gngller au plus ,ite ]l'S llutlrticrs
d'hÍ\I'l', rt d'é,iter toutl' occasion tl'aff,liblil'les rangs de l'al'1116" PlIis-
(Iue la route de Slllolcn~k, pal' "'iasl1Ia, l'estai[ oun'I'te, il fallnit se
luiter dc la Iwendl'l', d laissl'1' le ¡2;("lIl"1'1I1 ru~sl' Sl' IH'("pal'l'r inlltiknwllt
11 nn"s disputer «,lle de l{alouga. Aillsi disail'lIl ('('u'\: qui ('lllll(II'aimt
1\apol<'on, et lui de s'illdigner 11 un parcíl aris! « HeC'ull'J' dl'Yalll Ku-
tusm,! s'écl'ia-t-il; rl'('uler deY<mt l'ennemi fluand on rient d!' le bat-
(I'e, au monwnt lwul-NI'<' ni! il n'attend qn'llll sigile po m' J'l'l'll ft> l' lni-
Illeme! »


Tons les J'('nf'I'ip1('nwllt~ apportés an qnill'til'l'-gl:IlI"I'al par les offieil'J'S
d\mlollllllnre présl'lltairnt Ill:anmoins I\utllSOW ('()lllllle dis]lOH";1 lClli!'
[l,te ¡¡ l' arm<~e franc;aise d 11 I'if:qllel' la hatailk, plnlúl q UI' ¡J"ahnndon-




/) E :\ A l' O L I~ O ~ .
/1<'/' ses posiLio!ls, et de nons el'del' le tel'l'ain sur la route qn'il voulait
llOIlS f'ernwl'.


l\apuléol1 n'dait pas eonvaincll par ces rappol'ts; il \'ou1l1t tont mir'
pat' lui-ll1emL', el, le 2::i, a la puinle du jOllr, il monta á e!H'yal ponl'
,isitE'!' le champ de ba!aille, el ]lour l'L'('onnaitl'c le ('amp ct les dispo-
sitiolls dc l'elluemi. Arrivé ]lres de 3Ialojal'Osla\\etz, i1 fut taut ü eoup
enveloppé duns le toul'billon d'une alerte, callsée par un I/Oum de en-
saques. Son sang-f!'oÍd ¡,('sta inallérahle au lllilicu de la pallirlue 1'l;-
pandue autou!' de lUÍ, au nom el iI IJ appl'oche (le Platoff; mais il fallu t
que l' cm pel'Pur et son escode se lIlissent en mesure de se ddemlre, L(~
g{'nél'al Hnpp, quí tl'Ouva duns cette échnnffonrée une nOllvelle OCCII-
síon d'illllstr01' son conrage, fllt renversé et revint tout mellrtri au hi-
vouuc. « Quand l\apoléon, dit-il dans ses Mémoircs, vit mon ('heval
eouvert de sang, ilme demanda si j'étais blessé . .Tc lui répondis que
fen ayais él<; qlliUe pOllr qUE'lllues contusions : alOl's il se pl'it a ril'c de
lIotl'e aventlll'(', 1)11(' je ne tt'ounlÍ cependant pns amllsnntí'. )) La pr(;-
sencE' du mar'echal Bessi¿'l'cs, qui sUl'Vint ü la tetp de ql1elqllPs ('sendrons
des grE'nadirrs de In gaJ'(ll~, suffit du reste pou!' a!'l'etel' le désordre et
pOli!' mctlr'e II's CosafJues en fnite. L'emperelll' continua nlors t/'anqllil-
lE'nwnt Sft mm'd/o, 01 sc tl'OllVa bientút sur le théatre dn sanglant com-
hat de la v('ille. n y fut l'P~lI pnr le jeune ht',\,os qui ayait appris iI
vainere son S lui J et qui Mnit eneOl'e toul ému des pertcs cruelles que lui
nvait cOLMes son triomphe. (1 Eugónp, lnÍ dit-il en )'embrnssant, ce
combat est vot.re plus beau fail d'm'l11es. J)


La visite dll champ de hataille confirmn d'nillellrs les avis donnés ü
Napoléon, Les Busses ¡"levaiclIt des redoutrs; leur r¡"sollllion do 1I0US
ban'el' le passngr t'~tnit done lIien pl'ise. D'lIn autre cóle, lE' sanp; du
soldat den~nait ('hnque jou/' plus prét'ieux. II a"ait coulé si ahondam-
ment sur le sol de 1Ialojaroslnwetz : N apoléon en avait de douloureux
t(~moignap;es sons les )'rl!X. Il Y avait la de quoi rnjl'f~ ceder anx eonsejls
de ceux qlli le pressaient de se rE'tirer au plus tút sur Smolensk, pat'
la voie non eontestéc de l\Iojulsk et de WinsllIa, Cepl'lldant jI ne lwit
('e pnrti que le lendemain, 20, IOI'squ'il apprit qne Kutnsow s'¡\fail
mis lui-meme cn ret!'aite, Napoléon n'a"nit pl\lS a craindre qu'on 1('
sOllp~onnllt d'avoir rceulé de, allt ]'ennemi i iI pouvait désormais 1'('-
nOTlee!' ~l rnllrcher slIr Kalouga, sans compl'Onwttl'e I'honnclIl' dl' se~
arl1ws.


',l




IllS1011\ E


De Gorodnia, ill'étrogl'ada d'abon} sur Boro"sk) el s'dahlit, le 27,
tI YCl'éia.


Le lendemain) il aJ'I'i\c dans la soirée an ehútf'au rl'Oupinskoc.
Le 2U , il s'al'l'6la (ll't·s LIt' I'abhay(' de Rolotsko], Oil) malgl'é ses 01'-


tires si explieites et si pressallts ) se h'oLlvaient eneore des blessés donl
le transport n'avait pu s'effectuer, faute de ehariots d'ambulance.
(( Que chaque Yoiture) s' éeria-t-il ) lwenne done un de ces malheureux! 1)
Et non-seulement il ordonna que l'on commen~at par les siennes) mais
il nmlut que If'S médeeins et ehirurgiens de sa maison, Ribes et Lhe¡'-
minier, sllI'Yeillassent le senÍCe sanitail'e de ce convoÍ.


Al'riyé, dan s la soirée du meme jour, u Ghjath, il Y passa pres de
ringt-quall'c hcul'cs, et enlra, le 51 , iI Wiasma, Olt l'allendaient des
leUres de Paris el de Wilna , ainsi que des rapports (les maréehaux Vic-
tOI' et Saint-Cyr.


l\'apolf.on) qui eSI)("rait ralliel' le cluc de Bellllne 11 Smolensk , el qui
,lrait eomptl~ sllr les mauU'llYl'rs (k re lielllf'nant, eomme sllr eeHes dl'
:Uuedonald, de Saint-Cyr et de Sdmartzenherg, pOlll' maintenir se~
deITi('J'cs el ses flanes libres, pOll!' "l'jetel\ au nord, Wittgenstein SlII'




DE NAPOU:O!\',


Pélershourg, et pOl1l' rontenil', au midi) l'amil'al Tchikhngoff, qui étuit
acrOllfU des lJol'ds dll Dannbe sm' le Dniéper, apres la conelusion de la
paix ayec la Porle; Napoléon apprit qu'il ne Íl'ouyerait plus Yictor ¡'¡
Smolensk, ni Saint-Cyr a Polotsk; que ?I1acdonald, rejeté en Coul'lande,
ne communiquait plus qu'avec Wilna, et que Selnvartzenberg arail
laissé passcr l'ami¡'al russe ellh'e lui et l'armée fran<;aise. Aiusi la foI'-
tune, qui arait contrarié notl'e marchc vicloricuse par des incidenls
diplomatiques fJu'on ne pourait préroil', cont¡'arie nolrc relraite par
des e\enemellts militail'cs non moins inaUendus; elle se plail u deran-
gel' {outes les comhinaisons, á tl'ahi¡' toutcs les espérances du grand
!lOl1lllle, qu'eJle comhlait rwgucre de ses fmeul's. l\Jais elle aura heall
faire; si elle panient un jour u lui arracher le pouvoir, il ne lui sera
du 11l0illS junwis donné de porter attcinte a son génie el ti sa gloire.


L 'emper{llll' s'mTeta dcux jOUI'S a Wiasma ; jJ en purtit le 2 noyem-
bre, a midi, el porta, le ;3, son quartier-génél'ul a Slowl\Owo, pen-
dant que le pl'ince ElIg(~lIe , Davoust el l\"ey, attuqués u Wiasllla et SUl'
la route de lUedyn, P¡H' .\IilOl'udmYitz el Huefrsko'j, l'epouss~.lient yigou-
I'cusemerlt les HlIsses el maintenail'nt l'o/'(lre de la retraite, dans le::;
del'llieres colonlles de l'm'mee frm19uise. Si Kutusow nous eút prevel1us
Ü Wiasmu , notl'c ]losit.ioll devenait extd:ll1ement perilleuse. l\luis But-
tllrlin explique les lentelll's dll feltl-marechnl, par In crainle de forcel'
les Frall~ais it se ¡mUre en désespl'l'és, el de les rédllire ti la terrible
alternativc qu'ils anüent si souyellll'endue funeste a lems ennemis, de
vaiucre ou de ]1loUl'il'.


Le hrillant comhal de Wiasma cut pOUl' effet de ralentir ellcore da-
Yantage la poursuite des Russes. Leurs troupes reglllicrcs ne tenterenl
plus d'al'l'eter l'al'mt-e fran~aise dans su marche rétrogl'ade. Les Co-
saflues seuls cOIltinuel'ent d'inquiéter l'm'l'iel'e-garde, que l'empel'eur
arait placee sous le cOll1l11andemellt dn mm'échal Ney. Ponr les éloi-
gnCl' autant que possible, on imagina un moyen qui renssit parfaite-
I11cnt. « QlIand l'utteluge d'ulI fOllrgon se lI'ouvait démonté et ql1'il fal-
luit l'ub¡mdonnel', dit le général Gourgaud, on y attaehait une IOllglle
meche alllllllée. Les Cosafjlles, ,oyant de la fllmée sorlir du cilisson ,
n'osniC'ut en uppl'odH'1' ([u'il n'eÍlt rait explosioJ), ce ({ni tal'dait assez
lougtemps. ))


A i\Iidwle"ska, i\"apoIt'on reneontra un mC'ssage du dlle de llellune,
tiui luí allnOn(;a lllle le mUl'é'ehal, apl'¿"; ayoil' fait sn jonctioll avpc ll'




IJ/STOIBE


('Ot'pS de Gouvíon-Saint-Cyr, s'était retiré du cóté de Senno, au ¡¡(>tI
(le marchet' Sltt' Wittgenstein el de reprcndrc Pololsk. Ccttc nouvdlc
contraria "ivetlwnt l'empereur. JI écl'ivit aussitól a rietor de marchcr
sur Wittgenstein el dc l'eprcudt'e Polotsk.


Cclle fois ene ore les pré\Ísions dc l'cmpel'CUl' SCl'Ont dé~ues, scs ill-
~tntctiollS inef!icaees. Il les jllge ponrtallt si importantes, il tient t('lle-
menl a leu!' l'igoUl'cuse exéeution) qu'il les retlouvdlc daus la nuit) par
l'enlt'pmisl' de son major-général. !\Iais, ('elle !luit meme) le terrible
al1xiliaire slIr lequelll's Russes ont compté) el (lue la rOl'tunc s'esl asso-


eÍl" pour Irahi!' nos aiglcs, úellL s'abatlrc COllllllC Ull g(~ni(' I'x[PI'miwl-
(eu1' sur le camp des Fran<;ais. Un vent glacial porte plwtoul la souf-
france ct la mort. Quand le jOlll' paralt ('1 qu'il faut se rell1etlre en
mal'ehe, 011 l1'ou\"e les cheyaux g(·lés pm' millieJ's el un yerglas qui a1'-
rete iJ ('haque pas tout ee quí a 1'ésist(\ aH froid de la Iluit. La yoitul'e
dll ('nhinl't de l'empercllI' s'~garc meme an miliC'u dps neigps.


Cepelldnut 011 aplH'oehe dI' Smolensk, « Dans quellt'jste étal, dit Iln
tónoilt oClllairc) le Yenl du nonl pousse l'ann('C' Sllt' ('pHe yille! Alll01lt'




DE i':APOLÉO"l. 'í97
de l'ellll)(,l'eul', le ~oUI'it'e du eOlll'tisan est lombé des lcvres qui en
avuieJlt le plus l'habilud(~; toutes les ligurcs sont Jéfaites. Les ames
fortes, quí 11' (HIt pas de lllasqlle a perdl'e, sont les seules dont I'expres-
sion n'ait pas ehangé sous les trails plus I'udes que le f!'Oid et J'insomnie
leur impl'immt. Quant a i\'apoléon, sa douleur est celle d'uue grande
:lll1e aux p,'ises avee l'advel'sité. »)


11 entrc a Smolcnsk, Oll il s'était promis de faire reposer ses tl'oupes;
a Smolensk, ou il ne tromera plus Yietor pOllr soutenir la retraite
d'une année que l'hívcl' décime impitoyahlemeut, et quí n'offrira hien-
[()! qun Ms Il('hl'is. El, commc si ce n'était pas assez des calamités
l]n'il a SOllS les yenx, (les nO\lvelles de Paris vienneJlt lui monh'er, 11
('úl('~ de l'inconslance de la fot'lune, l'instahilité de su pllissunee et de
sa dyIlastie, aloJ's ({u'il croyait les a,oir mises 11 l'ahri de tOllte atta-
que, et lps avoit' marqIH\ps, pOUl' ainsi dit'c, du sceau de la perpé-
[uilé.


Un prisonnicl' d'état, ('onsignó dallS une maison de santé, un mom-
hl'e ohscul' tI'ulle assoeiation répllhlicainc presque inconuue; un ofíiciel'
salls 1'('110111, salls cntolll'age, salls uppui, salls autre ressource que son
imagination el son autlaee) le géné,'al l\1allPl, avait ('on~\1 le projet de
1'('\lYcr~el', Ü l'aído d'\lIw fnllsse nouvelle et de qllelqlles faux ordres,
le pOllvoil' colossal dcnlllt leqncl tout tl'cmhluit ou se prostel'Dait en
Enl'Op!', d (lui paraissait inébranlahle sur sa hase.


Le t!) octohl'e, [audis que l'hem'e de la déendence somw au ]üem-
liu el que Napoléoll sort de Moseou, l\Iallet s'éehappe de la maison de
sall!t; OLI il suhissait la slll'veillance de la poliee, se préscnte pcu d'ill-
SUlIltS apl'es, sous le nOIl1 du génél'al LamoUe, au ehef de la di"ieme
I'lIhorte de la garde nationale, le eoloncl SOlllicr, lui annonce la morl
tle l'empeJ'('II\', aiusi que l'étahlissement d'un uouveau gouvernement,
PI lui oJ'donne de luí l'emcllrc le eommandemcnt de son corps. n était
alor5 dellx hcures dll malino Le coloncl était an lit el sOllffrant. A la
IHl\l\elJe de la mort de Napoléon, il ne pCllse qu'a pleurel' el s'exeme
d¡~ /w pOlI\oir SI' lm!'/'. lUais il intime rordre iI son adjudant (l'assem-
hl('I' la ('ohol'te el dI' la meltrc 11 la disposition du général Lamolte, ce
qui est immódintement exécllté, ~rallct, mUlli d'uu flambeall, vient alol'~
lil'e al/X soldals, 11 llloilié endol'mis, les jOlll'Ilaux, II's pl'odamations,
ks décl'l'ls fju 'il n fnhl'iqués; ('t cdte tl'Ollpe, ('omposéc de dOllze (,l'lIls
hOtlllllCS, 11' Sllít <!ocil('llwnt pm'follt 011 illui plail dí' la COl\(lllil'('.




IIISTOIBE


11 tiC dirigc d'a!Jol'd vers la prisoll de la FOl'e(~, d'oú il fait sortir ses
deux principaux cOlllpliees, Lahorie et Guidal, 1}1I'il chal'ge d'allül'
mcttl'e en al'l'eslalion les deux ehefs de la poliee, MM, SU\ ar~ el Pas-
quiel'.


Le pl'éfet de police n'oppose pas la moindre résistanee aux ordres
de del1x homnws qui {'taienl nagu(~['e ses prisonniers, el dont il deYílit
soigller et ll1aintenir la détenlioll,


Le ministre de la police n'a pas llon plus d'objection a faire a son
al'reslalion, el ti tout ce que luí débitent Guidal el Lahorie des imeu-
tiolls de Mall('t. Olllc surprpod au lit, et il se laisse conduil'e ti la Force,
ou il l'emplaC'e, ayee le préfet de poliee, les deux prisonniers d'état
quí vienuellt de les Hl'retel' l'un el l'autre,


Le lw¡'.fel de la Spine, Fl'Ochot, montre la meme coufiance el la
meme doC'ilitl', Il croit l'empereur mort, et il rait honnement prepare]'
la salle qui doil servil' ti I'installation du 110uveau gouvernemcnl.


l\Iallet fut moins hemellx ('hez le gonverneUl' de Paris. Le général
Hulin, au lieH de ~e Jaisser al'retcr salls explication, demanda ti yoir
!t's ordres pn yerll! dpsquels OH procédaít contl'e lui, et passa inc()n/.i-
!lent dans son cabinct. .Uallet le suiri!, et nI! !11oment oú le gOllverneul'
se l'doul'llait pour réelnmer eneol'e l'exhiLitioll des pieces dont on s'e-
layait pou!' le meltl'e (lll tlrrestation, l'andacíenx conspíratellr luí til'a uu
coup de pistolet qni le bJessa au visagc et le lit tomber sans lp tner. Un
capitnine de la dixíeme cohorte était pl'ésent, el l'attitude du gOllrel'-
neul' ne lui donna pas le moíndre soup~on de la slIqll'ise dont il était
dupe avec tout son corps, par sllite de la crédllIité de son colonel.


Illllill blessl', l'eIl\el'sé, :\lallet se rendit chez l'adjudant-général Dou-
cel. :\lais il y ll'oll\'a un inspecleur général de Jlolice qui le l'eCOnnllt,
J'intel']wlla viremen!., et donna aussit<')t l'ol'dl'e de l'ar['(!tel'. Mallet, se
\oyallt pel'dll , essaya d'édwPIll'1' au sort <[ui J'altendait en se .servanl
d'un second pislolet I(u'il IPnait cach(; dans sa poche. eeUe del'rlÍel'C
ressource lui fut enlen'e, Les personnes présentes a l' état-major, mcme
eelles qni J'maient suiYi jusque-lti m el' une ellliere soumission, se jc-
terent sur luí et le désarmerent. En PPII d'instnnts, les conjurés) apres
¡¡roir régué pendant deux henres sU!' la capitule ellllormie, se l'eUCOII-
hú'enl d" nouveau SOllS les \el'l'OUX, Le ministI'e de In poli(,p, désiglló
pUl' MallC't, ("tait ()c('uP(~ dalls son hútel a se fail'e prclldre mesure di'
son costlll1W, 10I'sq\1'01l \ inl pOlll' l'al'l'el('I',




- ... - - -------------1


DE \APOLÉü\.


Ainsi finit eette extravagante eOJ1spiralion , qui fut eomme une espere
de rnuchcmal' ou eorome Hne srene de somnanbulislllC pOUI' quelqllcs
hauts fonctionnuires , tundis que la population pal'isienne, plongée duns
le sommeil, retrouva a son réveil sa sécurité de la veille. Elle ne con-
Hut la salurnule Iloetume qui s'étnit passée au milieu u'elle quc par
le récit du 1l1onileul', et elle n'cn resut quelque émotion que par les
exécutions promptes qui suivirent et qui eouterent la vie a quntorze
personnes.


LOl'squc Nupoléon cut lu la dé peche qui l'instrllisait de eette éehauf-
fourée, il s'étonna moins de l'alldace dps eonspil'ateurs que de la faci-
lité ql1'¡Is avaient trouvée ehez les autorités Supél'ieurcs, dont ils de-
vaient attendrc un énergique démenti et unc écJatante répression pour
Irlll's fausses nouvelles et leurs folles tentatives. Les rétlexions les plus
pénibles et les mieux fondées vinrent l' assaillir et l' attrister. « Voilil
done, dit-il) a quoí tient mon pouvoil'? quoi! ... il est done bien aven-
turé, s'il suffit d'un seul homme, d'un détenu, pour le eompromettl'e!
roa eoumnne est done bicn peu affel'mic sur ma tete, si, dans ma ca-
pilale J1](~rne, IIn coup de main hardi de trois aventuriers peut la faire
chaneeler! AIlI'CS douze années de gouvernement, apres mon mariage ,
ap .. (~s la naissance de lllon fils, apres tallt de sel'ments, ma mort pour-
nlit devenir eneol'e un moyen de révolution! ... Et Napoléon II, on
Il'y pensuit donc pus! "


Non, on n'y pensait pas! et il n 'était "enu dans l'idée de pel'sonne
que le cri sacramentel de l'anciennc monarchie pút etre upplieabJe a
la monm'chic impériale, que l'oll dot répondrc tI Mallet et tI ses adhé-
I'ents ; (i L'empereur est mort, vive l'ernpereur! ))


Cependant l'hérédité du pouvoil' supreme et l'ordre de suceessibilité
daient formellement garantís et réglés par la cOHstitution! l\1ais, qu'é-
tait-ee qu'une disposition constitlltionnelle que l'esprit du temps n'avait
pas revctuc de sa sunction souveraine? Napoléon u beau etre le plus
habile, le plus puissant, le plus gloriellx des fondateul's de dynastie)
il nresscnL que son ceuvre ne dllrera pas ; son exc1amation trahit une
inquiete prévoyance. Quoi! l'oH a pu eroire qu'en répandant seulemenl
le hmit de sa mort, e'm srrait fait de ~on gouvernement et de sa raet> ,
rt que son édifiee tout entier serait eensé uvoir pérí ave e lui! et l'on
ne s'est point tromp6! el /lul n'a songé 11 son fils I!! cel oubli le frappt>
et l'afllige. Qu'il ne s'rn [1I't'Dlle pas toutefois aux fonctionnaires émi-


I




tillO 'J1STOIRE DE ~APOLÉOl\.
nel1ts, aux chefs do l'empil'o, qui ont ainsi oublié d'invoquer le l)J'in-
eipe sur lequel rcposent l'élévation et l'avmil' memo de kilI' propre
famille. Ce n'est pas leu1' faute, s'ils l1'Ol1t pas pensé 11 Napoléoll 1I;
e'est le faH dn siecle dOl1t le génie les domine a lenI" insll, et qlli est
peu dynastique,


Napoléon ajollte, rn se lOllrnant vel's r un de ses plus braves offi-
ciers, et faisant toujours allllsion aux événemellts dc París: « Bapp,
un malhcul' n'arrivo pas seul; e'est Je complónlf'nt de ce quí se passe
iri. Je ne puís pas eLro partont, milis il fallt que je re"oie ma capitale;
ma pl'ésenre yest indispensable pour l'crnonter l'opinion. 11 me fallt
des hommes el de l'argent; de gl'ands su cee s , de grandes vidoires ré- .
parel'ont tout. "


Et il Y aura beallrollp 11 réparer! d'heuro en helll'e nos malheurs
s' accroissent; ce nI' sera bient6t plus lIne rell'aite qm' nOlls alll'ons ¡¡
raeont('l', mnis un immf'nse désastl'f' ...




~ -,.,...;:~.---.. -:.,
- -=-=: -~--


Ul A l' IT H E \ L l.


lIéparl de Srnolensk, Affreuse sltllaholl de LU'tll(,. BataIH(' dt" lit Ih'rrsllla.
Hl'tour dI' 1'I'IlIP('l't'UI' a Pal'i:oi,


c~ ArOLÉON ne pOLlvait s'an'Cter longtemps il
~\ SmolCIlsk. Presque tontes les réserves qu'il


Cee avait éclwlonnées pon!' servir d' appui asa rc-
traitc avaicnt été déplacées par des marches
et des cootremarches imprévues. Les appro-
visionnemt'nts sur lesquels il avnit compté
lui manquaiellt égalcmcllt ou étnient rapi-
demcnt consommés et gaspillés au miliell


dll désordrc el des lJesoillS de l'armée. Achaque iostant il apprenail
(Iuclllues perles nOllvelles, ql1elque fllIlestc événement. Tantót c'élait
la dirisioll détachée sur I\:alouga, qui entr'ait dans Smolensk apr('s
avoir laissé entre les maim; de TiutURO\\" uoe de ses brigades tout en-


__ . _____________ . ________ . ____ .. _________ _*...L


i6 .~. :., ,-
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(i02 IllSTOll\E


lii'n~; tantút e 'était Eugulle a qui le passage de la W oop avait cOlHé
douze cents chevüux) soixanle piuces de canon el tous ses équipages;
ct uu milieu de lant de calamit(~s) Tehitchagoff approchail) Tt'hildwgof[
n'était plus qu'a quelques marches de l' armée fransaise) ct notre plus
redoutable el1Jll'mi) le fl'oid) faisuit descendre le ther111omet¡'c a vingt
degrós de gluce.


Tout ótait donc maintcnant conjuré contrc i\"apolóon) comme tout
lui s011l'iait autrefois. Un seul appui restail ti son courage inalt(~rable,
e'était le courage persévérunt d(~ ses généraux el de ses solduts. Duns
toutes les renconl¡'es) les guerriers fran~ais se montruient tOlljours
dignes dll grand peuple flui les mait chargés du Mpút de sa gloire)
el dignes dll grand homme dont ils pm'tageaient les rcvers C0111111e ils
avaient pm'lagé ses trio111phcs. A aUCUIle époque de tClll' prospél'ité
ils ne furent plus inh'épides. Un des comhals (¡ue livra lenr al'l'iere-
gardc) sous les ordres de N ey) a été appelé) par' l' Anglais W ilsOI1) fa
ballliffe des héros. Ces! it la suite de cc brillan! fail ¡}'armes, que fr.


b/"al'e des b}'(//,cs I enlouré de ('ent mille IlUSSl't;, panillt ü kilI' ú'happf~"
I


------------




DE :'IAPOLÉON.
el á rejoindre l'm'mée fnm~aíse, á trayers un pays inconnu, el apl'l's
avoit' passé le Borysthene S\ll' les glar,ons du fIcuve. En apprenant son
arl'ivée, Napoléon, quí l'avait cm perdu, s'écl'ia avee transport : « J'ai
deux cents millions dans les caves des Tuileries, je les aurais donnós
pou!' le mal'échal Ney! ))


1\lai5 l'hém'isme, auxiliaire du genie, s'il est encore assez pnissant
ponr retenir la gloil'e sous nos drapcallx, ne peut rien contre la for-
tune quí s'en éloigne de plus en plus, qui nous lrahit et nous accable
chaqlH' joul' davantage. néjü d'épollrantables malhem's sont a déplore!',
et ils vont s'elTacer d<'vant les événements plus terribles quí reslent tl
Jécril'l'. POlll' faire choÍt' un homme de la slature de l\apoléon, il fal-
lait une commotion Yiolente et uniyersdle qui tournút contre lui les
illlórets, les passions, les eIéments; il fallait une conjnration de la
Íl.'ITe et du del, une conjul'ation qui se manifestat par qUf'lque grande
catastrophe ... La catast!'ophe est arr¡yee. Celni dont elle doit com-
mencer In ruine en diclera lui-meme les détails. Si l'empel'eur ressent
virement les coups de l'adwl'sité ponr lui , ponr les sien s , el surtollt
pOllr la France, il domine encore assrz l'infortlllw pOllr l'envisagcr
sans faiblesse el sans ahattement, 11OUI' parler d'elle avec une nohlc
résignation qui n'c.\dut pas l'espél'ance; le chiffl'e dll hulletin ou il CO[l-
signera son pénihle rérit, doulollrellsement consené dans les traditions
populail'es, suffira IOllgtemps pour signaler d'un mot l'époque et rim-
mensité des rcvel's de la grande armee; pom marquer elans le lointain
la premiere Ilériode de la chute du grand eapitaine.


VI:'iGT-NE[\'lE~1E BULLETIN.


« J usqu 'au 6 novemlH'e, le tcmps a élépaI"faít, elle mOllvement de
l'anuée s'est exécuté aYec le plus granel sucees. Le fmid a commencé
le 7 ; des ce moment, chaque nuit nous avons perdu plllSiclll's centuincs
de chevaux, qui mouraient au hivouac. Arrivés a Smolensk, nOllS
avions déjil perdu hien des chevaux de cayalerie et el'artillerie.


)) L' armée russe de Y olh ynie était o pposée a notl'o droile . Notro
<Imite quilta la ligne d'o11ération de l\linsk, et prit pour pivot de ses
opérations la ligne de Varsovie. L'empereur apprit a Smolensk, le 9,
ce changement de ligne d'operations, et présuma ce qne ferait l'enne-
mi. Quelqlle dllr qll'il lui parót de se mettre en mouvement duns une


I
----- I




IiOI IIISTOIBE


si cruelle suison, le nOllvcl étut des dIOses le néeessilail, il espérajt ar-
riyel' a Minsk, ou dll moins sur la Eérésina, avant l'ennemi ; il partit
le 13 de Smolensk; le ~ 6, il concha a Krasnoe, Le froid, qui mait
commencé le 7, s'acrrnt subitement, et, du H au ~5 el alll6, le
thermomótrc manIlla seize el dix-huil degrés au-dessous de glare. Lps
e!wmins fUl'cnt COllWl'ts de H'rglas; les ehevaux de eavalerie, d'nrtil-


lerie, périssaient toutes les nllits, non pur' ccnlaines, mais par mil-
liers, sllrtout les chevaux de Franee et d' Allemagne : plus de trente
mille ehevaux pél'irent en peu de jours; notre cavaleric se tl'OllVa tOllte
a pied; notre artillerie et nos transpoI'ls se tl'OlIYaienl sans aUelage : il
fallllt abandonner et ,1élI'llire une bOllne partie de nos rieees et de nos
munitions de guerre et de bOliche.


» ecue armée, si belle le 6, était bien différenle des le ~ I¡ , prcsqlle
saos cavalerie, saos artillerie, sans transports. Sans cavalerie, nous
ne pOllvions pas nous éclaire1' a un quart de Iieue; cependant, sans a1'-
tilIerie, nons ne pouvions pas risquer une bataille et attendre de pled
ferme; il fallait marcher pour ne pas étl'e contrainl a une bataillc, que
Ir défaut de munitions nous empeehait de désil'el'; il fallait OCCUpCI' un
certain espacc pOllI' n'etrc pas tournés, et cela sans cayaleric q\li édai-
rM d 'lui ¡i{jt les colonnes. Cellc diffleulté, jointe a 1In fl'oi(l cxccssif




- _._----- ------------ ----


DE '1APOLÉOl'l. (i05


suhi!cment ,enu, renuil notre situation facheuse. Les hommes que la
nntnJ'c n'a pas lr'cmpés assez fortrment pour etre au-dessus de ton tes
les chances du sort et de la fortune, parurent ébranlés, perdirent len r
gaielé, lcur bonne hnmenr, et· ne reverent que malheul's et catastro-
pites; cenx qu'elle a créés supél'iellrs a tont, conserverent leur gaieté,
leul's manieres ordinaires, et virent une nouyelle gloire dans des diffi-
clIItés différentes a sUl'lllonler.


» L'ennemi, qui voyait sur les chemins les traces de eette affreuse
calamité qui frappait !'armée frangaise, chel'cha a en profiter. Il en-
vdoppait toutes les colonnes par ses Ccrsaqlles, qui enlevaient , eomme
I('s AI'abes clans les déseI"ts, les trains el les voitllres qui s'écartaient.
Celte méprísahle cavalel'Íe, quí ne faH que du bl'ltil, et n'est pus cu-
pable d'enfoncer une eompagnie de yoltigeurs, se rendit redoutable a
la farellr des eil'constanccs. Cependunt l'ennerni eut a se repentir de
toutes les tentativcs sél'ieusl's qu'il vouIut entreprendrc ; il fut eulbu(é
par le vice-roí au devant duque! il s'était placé, el Y perdit beaucoup
de monde.


)) Le duc d'Elchingcn qui, arce trois mille hommes, faisait l'arriere-
garde) avait fait sautel' les rempar(s de Smolensk. II fut eerIlé et se
tl'oura dans une position critique: il s'en tira ayec eeHe intrépidité qui
le distingue. Aprcs avoir tenu l'ennemi éloigné de lui pendant toute la
jüurnée du ~ 8) et l'aroir constarnment rcpoussé, a la nuil il fit un
mouvement par le flanc droit) passa le BOl'ysthene, et déjoua tous les
calculs de l'ennemi. Le ~ 9, l'armée passa le Borysthene a Orza, et
l'armée russe fatiguéc, ayant perdu beaucoup de monde, cessa la ses
tcntativrs.


II L'armée de Volhinie s'était portée des le ~ 6 SUl' Minsk, et rnlll'-
dwit sur Borisow. Le général Dombrowski défendit la tete du pont de
BOl'isow avee tl'ois mille hommcs. Le 25, il fut forcé, el ohligé d'éva-
('lIrr ceUe position. L'ennemi pnssa alors la Bél'ésina, mal'dwnt sur
Bobr; la division Lambert faísait l'nYnnt-gal'de. Le deuxieme ('orlls,
commalldé par le duc de Reggio, qui était a Tseherin , avait rcgu l'ordre
de se porter sur Borisow pOllr assurcr tI l'al'mée le passagc de la Béré~
sina. Le 2~ , le dile de Reggio rencontl'a la division Lambert a quatre
lieues de Borisow, l'attaqlla, la battit, lui tit deux mille prisonniers,
lui pl'it six picces de canon, einq cents voitures de bagages de l'al'mée
de Yolhinie, el rejcta l'ennemi sur la rive droile de la Bérésina. Le gé-




606 IIISTOI RE


nél'al Rerkoim, avoe le 4" de euirassiors, se dislingua pal' uno bello
ehargo. L'ennemi ne trouvn son salut qu'en bl'ulanlle pont, (lui a plus
de trois cents toises.


)) Copendant l'ennemi occupait tOllS les passages de la Rél'(~sinn. eette
riviere est large de quarante toises; dIe charriait assez de glaees; mais
sos hords sont couverts de marais de lrois ccnts toiscs de long, ce (lui
la rend un obstade difficíle 11 franehir.


)) Le géuéral enncmi muit pIncé ses qllntrc divisions dans diffl~renls
débouchés ou il présumait que l'armée fran~aise YOlldrait passel'.


)) Le 26, ti la pointe dn jour, l'empereur, apres avoir troIlllJé 1'en-
nemi par divers mouvemeIlls faits dalls la jourlll'e du 2:;, se porta sur
le YilIage de Stlldzianca, el Ot aussWit, malgré IIlle division ennemie,
et en sa IWl'sence, jeter deux ponts sur la riyiere. Le due dc Heggio
passa, attaqua l'ennemi, et le mena hatíant dellx heLll'es; l'enllellli se
relira sur la t6te <Iu pont de Borisow. Le gélH~Tal Legrand, ofíieicr dn
pl'emier mérite, fut hlessé grie\eIl1ent, mais non dangerellsement.
Toute la joul'l1ée dn 26 et du 2i l'armée passa.


) Le dne de Bellune, commandaut le nellyieme corps, mait I'e(:"
ordl'e de sllivre le mouyemenl dll dlle de Heggio, de [aire 1'<11'1'1('1'('-
garde, el de contenir l'armée l'usse lle b D\\Í1111 qui le ~Ili\ait. La di-
vision Partoullaux faisait l'arriere-garde de ce eorps. Le 2i it mi,li, le
due de Bellllue arrin avee deux di \i5ions au ¡lont de Stlldzinllcu.


1) La division Partounallx pal'lit a la nuit de BOl'isow. [ne hl'igade
de eette division qui formait l'al'l'iel'e-garde, f't quí était ('hal'gt'~e de
hrCllcr les ponts, partit it sept heures du soir : elle al'l'i\a enlre dix el
onze heures; elle ehel'eha sa pl'emit~re brigade el SOl! géuéral de dhi-
sion (lui étaieut pal'!i~ dClIx heures avanl, el qu'elle n'avail pas reneon-
td's en route, Ses recherches furen! vaiues ; on eOI1<;II! alol's des in-
qniétlldes. Tou! ce qu'oll a pn connaitrc delmis, e'est que eelle pr('-
miere hrigade, partie it cinq hellres, s'est égarée 11 six, a pris tI droÍle
au liell de prendre ti gauche, el a [ail (leux ou h'ois lieuC's dalls celle
dil'ectíon; que dans la unit, et tl'ansíe (le froid, elle s'est rallll'e aux
fenx ele l'ennemi, qu'elle a j1ris ¡JOur eellX de l'annéc fran<;aise; en-
tourée ainsi, elle aura élé enlcvée. Celte cruelle méprise doit nOllS avoir
fait perch'e deux millc hommes d'infanlerie, lmis ccnts chcyaux el trois
}Jic'ees eI'artilleriC'. Des hrllils com'aient que le général de divisioll n'é-
tail pas avee sa colonne, et avait marché isolément.




DE NAPOIJO[\'o 607


dait la t¡>¡(~ fin pont snl' la rire gauche; le (Inc dl~ Reggio, et dcniere
lui toute ['armt'e, dait sur la rive <froile.


» BOl'isow ayan! étt~ évacuó, les armées de la Dwina el de Yolhinie
communiquel'cnt; elles concerterent lIne attar¡lIe o Le 28, n la poinle
du jOllr, le due (le Reggio tit prévenir l'elllpel'clIl' (IU'il dail atlaqué;
une demi-Iwure aprl's, le duc de Bellune le fut sur la rive gauche;
l'armée prit les armeso Le due d'Ekhillgen se porto a In suite du due
de Rcggio, el le due de Trévise derriere le duc d'Ekhingen. Le com-
bal dcvint rir; l'ennemi voulut déborder notre droite; le général DOll-
merc, commawlant la cinqnicme division de cuil'nssiers, el qui faisait
partie dll deuxielllc eorps reslé sur la Dwina, onlonna une charge dc
ea\alcrie aux ,,,e el 5" régiments de cuil'assiers, au moment ou la légion
de la Vislule s'engageait dans les bois pon1' percel' le centre de l'en-
nemi, qui fut culbnté et mis en dérouteo Ces braves cnirassiers enfon-
c('rent suceessivement six can'l's d'infanterie, et IllÍl'ent cn déroute la
cavalel'ie cnnemic qni venait au seconl's de son infantel'ic : six mille
prisoIlnicl's, orux drapeaux et six pieces de canon tomberent en noh'c
pOll\'oil' lo


~ Dans ('cite gIIH'Il'Il!'l('l'CIlt'OIlIIT \(o~ t:LlII'il!'!~ll'l'!'! !'t.lIt'llt cummiwdc; ... par ti' eolnnel Uuhols, qni
"ha,oge3 á Ipm Idr, ,ol Irs rnl,oain" par son exempko En rr'romprn;;<> de rr 'rrvire relal.ml. il rul
nomrné géurr'al . p.u' un drcl'f't tlatr du champ tlr hataille.


--~------i




I
. !


608 HISTOIBE


)) De son eóté, le due de Bellllne fit chnrgrl' vigmll'pusem('nt l'm-
nellli, le butlit, lui Ilt eiIHI il six eents prisonnirrs, et 113 liut hors la
podee du eanon du pont. Le générul Fournier fit une belle chal'ge de
cavalel'ie.


)) Duns le eombat de la Bérésina, l'armée de Volhinic a beaueoup
souffcrt. Le dne de Rcggio a été blessé; su blessllre n'est pas dange-
I'euse; e'est une halle qn'il a reC;lle ¡]uns le e6t6,


)) Le lendemain 29, nons restfnnes sur 1(' dwmp de hataille. Nous
avions il choisü' cntre deux routes, eelle de l\linsk et eelle de Wilnn,
La route de ;,\linsk passc Ul! milicu d\me fOl'et ct de murais inellltes,
et i1 cut été impossible a l'al'lllee de s'y noul'l'ir. La route de Wilnn ,
un eontruire, passe dans d(~ trcs-hons pays; l'urmée, suns eavalel'ie,
raible en munitions , hOl'rihlement fatiguée de einqunnte jOUl'S de mar-
che, trainant a su suite ses malades el les hlesses de tant de eombats ,
avait besoin d'arTiver a ses lllngasins. Le ¡jO, le l]llal'tier-général fut a
Pleehnitsi, le ~ cr Mcrmbre a Slaild, et le 5 a Molotlelschino, oír l'ur-
mee a re~u les ¡H'emiers eonyois de Wilna.


) Tous Irs oflkiC']'s el soldats blessl's, el tout ce Ilni est embarras,
bagages, etc., ont été dirigés Slll' Wilna.


)) Dire que l'ul'mée a besoin de rétnblil' Sil di,:cipline, de se !'('faire,
de remonter su cavalcl'ie, son artillerie el son matériel, e'est le réslIltat
de I'exposé qui vient d'etre fait. Le repos est son premier besoin., ,


)) Dans tous ces mOllvements, l'empel'ellr a toujours marché an mi
lien de sa garde, la cavalel'ie, eommandée par le maréehul duc d'Is-
trie, l'infanterie, eommandée par le due de Dantziek .. ,


)) l\"otre cnvulerie était tellrmrnt (l¡'.mont<'~e, que l'on a dú r{'lmir les
offieiers auxqnels íl re~tait un elteval, pOllr en former Ilnatre compa-
guíes de cent cinf(uante hommcs ehaell[lC', Les généraux y faisaient les
fonetions ele eupitainrs, et Irs eolonrls crlles de sous-officiers. Ce[ C's-
cad mn saeré, cOlllmandé par le générul G rOllchy, et sous Irs orrlrrs
dn roí de Naples, ne pC'rdait pas de ,"ue l'rmperel1r dans tons ses mou-
vements.


)) La sanló de su illnjesté n'u jamais été mrillrlll'p. ))
Il s'rst trollvé des hommes ussez injustes pOll!' ['e¡¡mcher ('C'tle lh'I'-


ni(we phrase a Napoh'on, comme une imulle ü la dOlllr\l1' de tan! dI'
1, fumilles que son hlllletin allait remplir c!'alal'l1ws, et que nos c!l'sastres


cOllvraient dC' Mllil.


I __ ~ ___ -------~ ___ ~___-




LJE "'AI'()L1~ON.
Fallail-il J.lJnc qu'il ajouliIL lui-meme a la consternation el iI l'anxidó


{lu'Un aussi funeste réeil (lorait illévilablement prodllire dan s tOllll'em~
pire, en laissallt il la maheillanee un préLexle de renourder le bl'uit
Illellsonger qui mait fnilli suffire ü tmis aventuriers pour ébranler son
trúne'? i\'éLait-ce pas une parole de consolation et d'espoir qu'il adres-
sail a la }<'nmee, en lui disant, apres le luguhrc lablcau de ses pertcs,
(¡U e les dpslins el les fl'imas, dan s leurs fUl'eurs combinées, avaient
au moins respecté le gl'und homme en (lui die avait ,écu si glol'ieuse-
\1lenl dans ks jours prOSl)crrS, et don! la rie lui derenait plus pré-
('ipuse d h' génie plus néeessaire que jmllais pour truverser ses jours
nNastcs!


Poul'C]uoi i\'apoléon aurait-il craint fl'aillenrs de raire connaHl'e !i la
France et iI l'Eul'ope l'énol'llIité des re\el'S qll'il \euait d'essu)cr!
Pourqlwi se serait-il s('nli hu mi lié par ¡'an'u d'anssi grands déf'astrl's?
Son CO'Ul' el sa tetc n'y étaielll ¡JOur rien; ni l'un ni l'nutre ne lui
a\'aicnl fait d<'-faut dans Ics eirconstances Ics plus difficil('s. Les {'tl'an-
gers, les Huss('s cux-mcm('s lui ont rendu ce témoignnge. A Toloszie 1
I'esserré datls un espace de quinze lienes, entre Kutusow, Wittgen-
stein el Tchilchakoff; cmit'onné par t\'Ois corps d'arm(\e fOl'manl une'
musse de cent einqllante mille hommes; ne Yoyant autonr de lui que
\isages morncs el n'entt'lldant que de timides murmures qni décelaient
I'abattcment des tUllcS qui lui maienl toujours ¡ltIru le plus rorlcment
trcmpécs, il conserva assez de calme ct de constance, il resta asscz
digne du gl'aml peuple d de lui-meme 110m' faire dire a ses soldats :
« 11 nous tiJ'(~ra encore de la 1 » et pour foreer ses ennemis ü cct éela-
tanl hommage ; « Dans celle situation, dit Butturlin, la plus périlleuse
OlJ il sr soit jamais tromé, ce grand capitaille ne fut pas au-dessous de
Jui-mt~me. Sans se laisser abattl'e par l'imminence du dange!', il osa
le l1wsurer avce l'(l~il du génie, el tI'ollva encol'e des ressources lü oú
un général moius lwbilc pt moins (lélerminé n'pn aurait p11S memo
soupc;onné la possibilité. ))


Mais que peut le géllic contl'c les éléments! l\'npoléonn'('chappe, iI
/'OI'CC de cOlll'age et d'habileté) aux maUa'llvres des généraux rllssrs
Iltle pou!' yoir tomber son arml~e sous la I'igueur du froid, dont I'in-
t(~nsit(~ et les nlYnges s'accroissent enCOl'e apres le dépal't du vingt-
lIeuYÍl'me hulktin. (( La main gel e sur le fer, les larmes se glacent sur
Il's jours, n ~d()n rpxprt'ssioIl d\m lémoill oculaire; et res nohles pha-




(jIO 11ISTOIHE


langes, qui avaient failsi longlemps ll'embll'('¡'Europe, preSl'lltcIlt nl<lill-
tenant l'aspcd le plus miserable, (( NOlls etiolls tous dans IIn td état
d'abattement et de torpeur, dit le docLcur Lal'l'ey, que I1011S avioI1s peine'
a I10US reconnaitre les llns les nutres; on marchait dans UIl morlll' si-
lenee, .. l'organe de la vue el les fMees musculair(~s etaient affaihlis
au point qu'il était trcs-difficile de suivre sa dil'ection el de conse\'-
vel' l'é(IUilibl'e ... la mort (-Lail de,nnc(-e par In paIelll' du yisnge, par
une sort0 d'idiotismc. par In di ffiCII!ti, de pudel', par 1.1 faihll'ss(> dI! la
\'ne. »


.\apülcoll dC\<llt-¡1 1'esl,'!' al! Illiliell de l'es l'lTl'ayanls déhl'is de ~;¡
gl'am\P al'mép , PI rxpos!'l' il de pareilles attciotes I'intelliglmc(' el le hras
¡¡lIi faisaicnt toujOUl'S l'espoir de la Francc? I\ul n'alll'ait osi! le PCIl-
ser. l)l'lIX jOlll's apl'l'S l'enwi <l1I funeste bllllctin, il reunit, il son quar-
tiel'-g(;nél'fll de ~Iol'ghoni, ses pl'incipnllx lieutcnants, p01l1' kilI' aJl-
IlOI1Cel' f[u'il ¡¡llait se separer d'ellx el I'l'gagne¡' Ir plus vitc possible s;¡
capital!', oil It's é,encmenls I'endaicnt sa !lreslmec I1éeessait'c. 11 Jc VOll~
I¡uittc, lcllt' dil-il , mais e'esl pOllr allcr chen'hel' h'oís ('cnt mili!' 501-
dais. II faul bien se I1lt'ttre ell mesurc de soutellir !lile st'l'onde eam-
pagnp, puisqut', pOli!' la prell1i¿'I'e foil', II!lC eall1pagne lI'a I'11S ucherl'
la gUCITt' ... El pourlant 11 fluoi cela a-l-iI tl'lHl '? .. VOllS san'z I'hisLoil'1'
11(' no~ (I¡"~nstrf's, pt ('ombien ('~t pelile la part flue les Husscs y ont




DE \,HOLEO\. (ill
¡¡rise. lis pel1wlll hien llin~ (;OIllIlle les Athénicns de Thémistodl' . (¡ l\ous
í:,tio[l::l pel'lllls, si nous n'l'ussions été [ll'rdus' » (Juant il nous, nolre
Illli111le vain(lueLH' e'eslle froi~1 J dont la rigueur prématul'éc u trompé
!e'S hahitunts eux-mcllles. Les cOlltre-marches de Sclmartzenbel'{~ Ollt
raille restc! Ainsi J l'audacc ¡noll]c el'un inrcndiaire J un hircr sllrna-
[Ilrel, (le lúrites intrigues, de sottes mnhitioIls, quelf(ucs J'autcs, de la
tmhisol1 [1elll-6ll'C, l't de honlclIx mysten's qu'on stlllra !>a/lS doute 1111
,iou\", voilil re (Iui 1I0US ramene nu point ¡J'oú nOlls 50mnws partis. Vit-
0[1 jamuis plus (le dWIH'CS fllHlI'uhlcs dérulIgées par des conlrariétés
plus illlpré\!Ics? La campagne de I\ussic n'en sera pas moins la plus
~jol'i(,!Isc, la plus diffirilp Pi la plus honorable dont l'histoire modcrne
[luissc raire ll1eIltioll. ))
JA~ meme joul' (;) dl'(,clllbre) l'emperelll' prit la route dc Parls, Iui~­


sunt le commanucment en rhef de l'armée au roi de ~apl('s. Il Yoyagea
tlans un tl'aineau, sous le nom uu duc de YiCL')1('C J qui }'aceoJl1pagllail.
En pai'sant ,1 Willla, il cntretinl )p dile. (1(' flassano pendant (11)('lrll1L'''
hClIl'cs. A Yuno,ie, il cOl1\cl'~a aYec le ('omte Potod,i, et ,isita les
fortilicalions de Praga. Le ~,~ Mcrmhre, il arriya el Dresdc J au mi-
lieu dc la nllit: el, apl't's IIlle jonguc conrél'l'IH'c ayer SOll fideJc el \'(~­
IIt~rablc allil'~ Ir' !'Oi de S,1\.C, ill'í')lI"it ]c rhemin de sa l'llpitak. Le" 8 il
("tait il Paris




CIIAPlTHE XLIi.


H.'>lkxlOn~ ~ur l'l~Sl]l' lksa.'itl'cu:,;(: d.'l cx'l'editloIl d(~ nus"lI'. :\d[HJ!t'O!J re~olt 1('.'1 f¡'hcllalioll.í dl'_"
gralllh COl'pS ue ¡','laL LI-:'n-'(' d(~ I roL ... c('nt clUquallU~ mili.' lt(lmllJr~. Ill'fi'¡:tlutl dI!
g~"Ilél"a1 IU'IL"\.-.ieIl ¡J'Yo["ck .. \1Ul';lt alJanrlonnr. l'arIlH:c. OUy(~L'tUI'{'


<l" cur~, Il'gislaliL


oscou a done trompé l'espoir de :\apoiéoll,
En allant plantel' ses aiglt's au KI'emlin,
l'empereur ayuit esp(~l'é y tl'OUH'r une paix
glorieuse el solide) le lerme de ses expé-


, llitions gl1errióres, l'affennissemenl de Sll
polilique et de sa pllissance. « C'étuit Jlour
la gr'nnrle cause) n-L-il dit plus till'd) la fin
des hasnrds et le eommeneement de la s(\,-


CUI'iLé. U Il llourel horizon) de IlOllveaux trmallx allaient se déroulel',
tous pleins du bien-éll'e et de la prospél'ité de tous. Le systeme e\1I'O-
péen se trollvaÍt fondé; il n'était plus question que de l'organist'r ...
Satisfait sur ces grands points el tmnquilIe partout, j'Ulll'1lis eu aussi
mon conyrc8 et ma Sainle-Alliunee: ce sont des idées iJu'on m'a ,oh"es.
'Dans eeUe réllnion de tOlls I('s souyerains) nous eussions traité de nos
intt"l'ets en fumille, el COll1ptt'~ dc clere u mnilre mee les peuples". La




IIISTOIHE DE NAPOLÉO'l.
muse Ju siécle était gllgnée, la l'évolution Ilccomplie; ii ue s'agissait
plus que tIl' la raccommoder avec ce qll'elle n'ayait pas détruit. 01',
eel ollVl'age m'appartenait ; je l'avais iH'éparé de longue mllin , aux dé-
(leIls de lIla pOllUlurité peut-etre. N'impodc, jc devellais l'arche de l'an-
('iennl' <'t de la nouW'lle alliance, le médiateur naturel entre rancien el
[(' nOllvel ordre de choses. J'a\ais les principes el la confi:lIlce de l'un,
je m'étais identifié avec I'autl'c; j'appartenais a tous les deux, j'aurais
fait en conscÍC'nee la part de c!tacun. 11


Pourquoi la Prmid('Jlce rdllsll-t-elle son supreme eoncoUl's a I'cxé-
('ulion d'un plan allssi magnifique? Pourquoi pla~a-t-elle un abime Ii!
oil Nnpoléoll ayait marqué le hut de tous ses erforts, le tl'iomphe du
si6ele, I'aecomplissement de la révolution? Pourquoi un inunense Ms-
astre pour !H'ix u'un allsfi "aste dessein, et I'n échaTlge d'UTl aussi grand
l'(>sl111at?


" Les hommes quí ont éerit ou méditó l'histoÍre, dit 1\1. de 3faislrl' ,
ont ndmiró eelle forel' secrete qlli se joue des cOllsdls hurnains, »


S'il est nai, comll1e 1'a proclamé Napol('on a Sainte-Ilélime, qul'
dans un temps prodlllin In civilisation I't la barbarie doivent yider cn-
Lii~rrmrnt lelll' qUl'relle, et que nO\lS mardlions au triomphe complct
de 1'Ilne O\l de l'autl'e, il est eertain aussi que In cause du si6cle nI'
pomait ]las Nl'e p!eincrnent el iITé"ocllhlpll1mt gngnóe par la con sé-
cralion d'llll systernc mÍtoyen, qui aurait fait viHe pele-mele In jeUllP
el la \Ícille Enrope, en conscrvant a l'une ses anciennes formes, ses
institutions aristocratiques el sur qudques poinls meme ses antiqlles dy-
nastics, ('t ('Jl passant a l'autre ses idées nouvelles, ses tendances libé-
rales et ses idt'es dómocraliques,


SOllS dl'S apparenees de modéralion, commandées par les círcon-
stances, la révolulioIl el l'aneien régime auraienl loujours gardé au
fO!1d ICllrs dissidences radicales et lelH's antipathies inyincibles; leul'
J'('~co!1cilialion n'aurait jamais été que superlicielle ct t-phémcre, En es-
sayant d(~ 1ps unir, de les ll1arier, malgró l'incompalibilité absolne qui
cxistail tJJlll'e eux, Napoléon n'enlr(~prjt done qu'U1w ceuvre essentiellc-
Ilwnt lransiloil'e, el ne fil, de son aveu, que compromettre sa popula-
rilé, D'un cóté, l'ancienne socidó conserva ses rancu!1rs, ses répu-
¡":Ilances, ses appl'dlCIIsions ti l't'gard de l'homme qni avaÍt les prineipes
d la confinnec de la société nouYCUe; d'autre part, la sociótó nouyelle
persista dan s ses pl'étcntlons, et fut ameIH."l' ¡¡ craimll'c que ses principe",




1;1 I IIISTOIHE


I\e fu~~cnt plus nussi profonlh;ment cIH'acinés dans l'IIOIllll1e qui s'dlol'-
t;ait de s'identilieI' avec la société nnciennc,


Napoléoll pourslli\llIlt une tl'ansaetion déi1l1itive entre l'anf'ü'l1 d 11'
Ilouvd ol'lll'e de dIoses; l\npoléon méditallt une saillte alliatlee de~,
someraills, tdle a pen pres que ses cllIwmis l\'tablil'ent duns la sui[c
Slll' les déhris de su PUisS¡¡¡H'l', d non point U\lt' suillte alliance des ]lL'U-
pIes, tdle que nél'ang<>[' l' a challlt'e dmls ses \e1'5 proph¡'·ti(IUeS; l\apo-
léon lllédinteul' entre le lllO)m u¡re el le eli"-\leuyieme siee!e, n'étail
plus en effet dans le role (lue lui a,uit assigné la Pl'oYidenee, l'úle el'uc-
live I)l'opagan(le au pl'Ofit de l'a"enil', d non pus d'al'bilrnge impartia]
llans un but de IllÚlagement pOU!' le passl\, Par eeHe conccption, qui
séduisit tl'Op facilen1l'nt son génic , il ayait posé un nec plus IIllrá ti )'es ..
prít ele l'NOl'llle dont les ffiU\TCS étaient ('ncorr loin d'étre accomplil·s.
Soit désil' dI' cOllcilialio!l el d'onlre, soit bcsoin de 1'<'pOS d de stubi-
lité, le Yerhe de la démocratie fl'anr,aise s't'-!nit ainsi fait stationnnil'e:
il en ótait n'nu Ü p('IlSer (Ille J'ielé'al de la politi'lue cont<'mporainc el 1;\
luche du héros des temps ll1()(lrmes consislail'nl a enfcl'Iucr d'llne maill
pllissante le torrent rt',olutiolllJail'e dans le lit étl'Oit el mtn' les digll(,~
ruinées ou la ll1ain débile de la ,icille EUl'ope n'uvuit pu le contcnir.
'lais, quclquc eúté génél'rux (pie pilt pl'éSelllel' cdte teIltali,e, elle n"t'I\
eonstituait pas ll10ins 1lIH' audacieus<' ll('.¡wtioll dt's p('rfectiollllemenb
1Iltél'ieul's et (onclarneutullx quc la jcnnc Elll'Ope avait (¡mil d'espél'el'
dans son organisation poli tique . C'élait al'l'etl'l' les déycloppl'IHl'IltS de la
l'égénération univcl'sdlc que de ('herehel' ainsi a raceoll1111oder la l'évo-
Illlion 1 avec ce qu'elle n'anüt pas détl'llit, avec ks resll's loujours me-
nar,ants des monarchies et des aristocralies curopéenncs; c'l-lait laissel'
l'ancien régime sur un piédestal, el donnel' ce piédestal ponr derniól'e
limite au progrc's social. 01', C0111me il avait été l)J'omis aux Ileuples,
par la Providcnce, une émaneipation plus fl'anche, plus lnl'ge el plus
sél'icuse que celle donlles uurait gralifiés la ~illinte allianee des souve-
rains, la Providf'nee anangca tout pour J'aecomplisscment de ses l)l'()-
messcs,


, Que des hommes d'etat con,'oivent une transactioll passagel"t' mtre les dellx princlpcs 'lui di'
v¡scnt n:lIro]le dOlmis cinquaute aus, a la Donne heure ! Qu'ils s'cfforcfllt de ]lrOlollger les tréves
([u'ils obtieunent l't pendant leSl[uclles I'CSIH'it hUlllain ]loursuit son cours, el marche a la fOllllatiOIl
<léfiuilivc de I'ordl"e nonveall, ce!te t~ichc au"i rcstrcinte pcut élrc aceomplic avec plus ou moin, de
Sllctés: lllais 4U'OU nc preulle ]lae la susl'cllsiou d'arIlles poor la fin dernicrc ,le tonte lnltc. et le prt\·
visoirc pou!' le délinitif.


.,




I)'~ \\ P () ut () \ . (j13
Elle liyI'tl d'ahol'd le (tivaIl a l'in(luenee anglaiSt·, el séduisit Bl'ruu-


dolte allx eonférl'llces d'Abo; puis elle souffla l'orgneil aux uns, la tié-
deur et l'l'llYie aux autres, conseilla les leIltcurs ct les eontre-marches
(le Scll\YDL'lzrnhcrg , frarpa J ünot de vertige ti 'Valoulinn , mit la ton'he
nux rnains de Rostopehin, rendit Alpxandre sOllrd a toutes les insinua-
tions pacifiques, el i\"apoléoIl acecssihle aux inspimlioIls craintives de
ses lieutenants; [jt ainsi chanr('lrl' dans l'úme tlu héros la eonfianee nb-
soluc el jllsC[lIr-Ia inélmmlnhl() (ln'iI avait tonjours ('ue 0n llli-meme,
I'elinl tl'ois joUt's de tro)) le eonqllérant de l\Ioscou an Kremlin, M-
ehailla pl'óna!.tm'·m('nt ('()ntl'e lui le plus J'igonreux des hivers, ens('-
rdilln plus belle des aruH\es sous la neige, dwngea l'ellthousiasme el.
l'mllJliration en MeollJ'agrJlWnt et en dolénnee, sema partout l'oubli
des mimdes opél'l$ el des }Jil1nfails I'epandus par le gl'anel homme, in-
troduisit l'ingmtitllde dans le palais des monarques alliés qu'iI avail
lrop ('pargnés, C't jusque dans la rorDle dl'meul'e des pm'ellts C[u'il DHlíl
COlll'OIII1ÚS, arllla eontre lui les deux mondes dont il s'était eru le me-
(liateUl' nntllrd, C'l poussa (1 la fois le~ lwuplC's a la réyoltl' el les !'Ois il
In trnhisoIl.


Ce ful sans t.!outl' 1111 l'pomanlahll' tabican que rkssin<l la PI'O\Íc!l'Il('('
(lans la comhinaison de tous ees érénenwllt~, (lans Ip tlt"('hahwment de
toutcs ees passiolls. Mais eOI1U1)C' il n\ n poínt de hm;anl pon!' elle,
fluí a tout 11l'évIl el tout eoonlonné lJOur I'accomplissement de ses des-
seins; de meme íl n'y a point de déso!'dre a ses yeux, paree que sa
main souveraine, selon l'expression rl'lIn grand ('eri\"ain, le plic il la
l'()gle d le force de ('oncoul'ir au Imt.


Les mis vont done t!'ahir! les peuples s'insUl'ger! « Tant que ID pl'O-
spérilú dure, dit II eette occasion Benjmnin-Collstant, la lwine des peu-
pIes n'est ril'll; mais au premier revers, eelte hainc éelate, rt elle est
invineible. Le tcrl'ihle hiver de 4 H 12 al815 détI'Uisit l' armée fran~aise.
La Pologne, la Pl'llSSe, la Bariel'e, IC' nltin, YÍl'eut Napoléon fugitif
1'C'gagnC'1' la FruncL' ... De la Yistule n\1 nhin la voix cks pellples se DI
C'Iltendre : l('s princ()s Dl'ent quclquc temps la sourde oreillc; mais lC'~
nrmécs, qui, en définiti\-e, sorties des rangs du peuplC', pal'tagent tO\1-
jours ses pcnchants d sC's V(rIlX, se déclarerent ponl' l'nffranchisscment
de Icur palrie. Le torrent populaire yaiIlquit les résistnnces l'oyale~,
et les sujets f()J'('Ó!'C'nt Icurs mailres Ü l'cdevenil' libres, 1)


Le ('('Jiohre puhlidstc llC ¡lOl1\'ait-il pas l'L'I1flr(' eel Iwmmage an pa-




lil() f/iSTOIBE


Il'i()tisme dl'~ pC\lplcs, sans faire hOIllleur aux rois d'uIle résislancc fluí
He lpur cot'tta pns bellucoup u'cfforts, el qui duit lIi('1I loin (1(' I('ur p!'n-
~<"c. lHais, sclon lui, « \ps alliés dll mn1tre du monde le sennil'llt ll'l'~­
loyalement; et quand ils se yunterent de l'moir Ln¡\¡j, cc ful de la fa-
luiló de perfidie. ))


L'histoir0 n'alloptern [las ectlc opinion. Les rois ne sl'naient Napo-
léon que mnlgré ellX et son s lL' eO\lp de la nécessit(,. lis nc pouvaicnt
lui pal'lIOllnel' ni l'lH'igirw de son ponnlil', ni les dUlIgl'rs, lIi Il'S hu-
miliations ([u'il 10\11' lit sllhil'. Jamuis ils He fUl"l'Ilt sÍlll'l'l'eS dUllS leuT'
alliunee; la prospóritó senle fit taire passagl'l'eu1l'lllleul's haincs s('crdes
et PCI'só\é¡'anles, Quunt aux peupll's, ils maient dé sillcl'\"es, eux,
tIuns kur flllmiration pour le g('nie qlli gonvemait la Frallce; d lors-
qu'ils rrllrent a\oil' des grids contre lui, ils ne 1\'ulolll'en'¡Ü pilS <!('S
clllbúc]¡cs de la diplolllatic; ils /1e le trnhirl'nt pas dans de sontcl'rnilleg
n¡"gocintioT\s, OH par de fausscs manCCUYITS militail'es, nwis ils le COI11-
battirellt OUYel'l011lellt sur les ChalllpS de hatailln.


Le sorl en est t10rw j('I<'~! la Pl'midellce cntrainc les ppupl('s contl'l'
Nap()I<'~()Il, parce' I¡m' l\apok'on l'Illend llésormais les illlt'rCls popl1lai¡'I'S
C01l111lC UD ehd dI' dYIloslie et llon plus COllUlIe 1(' 11I'elllil'¡' Ill<lgi-l¡'ul
d'un ('tat libre, ]~coutl'z-le plulúl I'épontlanl flUX t!l'pnluliollS du SÓllill
el dll cOllscil d'dat, CJl\Oyl'CS pou\' le fdi('it(,l' SIII' son rl'lolll' dc HlIssic,
Ce ll'('~t pas la raison du sil'ele C[1l'il imwlllc 11 I'uppui de son l-tablis-
SClllent hÓl'óditail'e, ni l'esprit de l'a\~cnil' qu'íl interroge, pOU\' CO/l-
fOlldl'e les f¡}ctieux qni oseraient menacer son trone : son l'egard est ex-
dusi\l'lI1l'nt tOlll'l1é '(,I'S le passó; el' sont les trallilions sacl'amrntelles
de J'ancien r¡"gilIle qll'il rappdle aux sénatclIl'S, ponr bi(,ll earadériscr
le gouwrnell1enl qll'il a ,oulu <1011111'1' ¡¡la Fl'llllCC, d, faisanl a]JlI~ion
iI l'oubli de son tils, 100's de la cOIlspiration de ~Iallet, i1IClIl' dit: « ;\O~
percs a\aicllt ponl' eri de rallicl11enl : Le roí est l11ort, \Í\e le l'Oi! Ce
pen de mots contient les pl'Ílwipallx a\~antagcs de la monarchil', » A\c('
les conseíllel's tI'e'tal, il de\cloppe cnCOl'e mil'lIx sa peIlSt'e; il attaqlll'
de rl'ont le liból'nlisme, SOllS le Hom d' idéofo[¡ie; il accuse la mdaphy-
si (1lJ() , (lui a rellWI'Se ks ,ieilles inslitlltions de la Frnnce, d'avoir C:lllSl'
[Ol/S les malheurs du pnys; il cite, en (¡udqlle sode, le dix-lluiticIllI'
~i(\'l!' tout I'Iltier ü la harre ue son consril pour lni },l'prOdlCI' ses doc-
tril1l's d ses nl'lps ré\ollllionnaires. « C'e8t il l'itl6o!ogie, dit-il, it cdle
tlmdm:usc mótaphysique, qui, en reclterl'lwnl 11\('C suhtilitt', ll'f' caut'('~




DE \\l'tIL'::O:\' nli


IJl'elllil'!'es, \eut su!' ses bases fonder la législation des l'euph's, au lieu
d',lppropriel' les lois il la eonuaissauee du eO!ur hUllwin et HllX le¡;uns
de l'histoire, <Iu'il faut attl'i)mer tuus les malheurs qu'a éprouyés notre
belle Franee, Ces eITeurs de\aienl mnener le régime des II011une8 de
sango En dfel, qui a proclamé le principe d'itlSUl'l'eelion eOlllllle un
deroirl qui a adulé le peuple en l'appelallt Ü ulle somerainelé flu'il
étail inca¡Jable d'exel'cl'r'! .. , "


C'est par de lelles l'écriminutioIlS que l'empt'l'!'ur aggrU\e les alteilltes
déjü portécs 11 sa pupulal'ité, Cps at.tl'Ínt!'s ne luissel'ont pus san s doute
de traces duus l'hisloire, (Jú les qllelllues lignes, accol'llées Ú regrd
ilUX l'aulcs du gl'al!d l101llll1e) passel'ont iuapcl'<;ues au milieu des in-
nombrables et brillan les pages qu'exig<,rollt les meneilles elles bien-
faits de son regne el de sa \Íe) et qui seront les sellles que le pellple
\oudra lire, Il's seules que la postérité écoulel'a t. :\Iais la génération
conlelllporaille) SOllS le poids du mallleur flagrallt) ne sait lWS jugel'
de si haut. Ses illlpl'essions al'Íuelles l'emlJol'tent momentanémenl SUI'
son engollcll1l'lll de la ,cille el Be lui laisst'nt pas pl'éyoir (IU' dIe reYieH-
dra le lelldemain a son admiriltioB cxclusi, e. Elle souIfl'e de la pro-
longation de la guerre, et de toutrs pal'ts on lui crie que la guerre esl
l'LcuYl'e du conquérant (Iui afondé sa fOl'tunü el qlli youdl'ait établir Sil
domination) dans toule l' Europe) sur la gloire des armes. Le peuple
de ,1815 ne connait pas le secret des chancdleries; il ne sait pas que
l\apoléon n'a jamais été l'agresseur dans toutes les campagnüs qu'il 11
faites) et on lui lalsse ignorer que l'aristocratie anglaise et le royalisme
continental poursuivcnt Opilliulrément dans l'empereur le représentant
de la révolulion fran~aise. Les {lllissances coalisées lui diront bienlot,
au conlraire) qu'dles marchmt 11 la délivrance des nations) qu'elles
n'en yeulent (Iu'aU despotisnw qui pese sur l'Europe. Ellrs se procla-
meront libérales, pour enlnüner leurs peuples; et l\apoléon) de son
colé) au lieu d'avcl'tir le peuple fran~ais que e'esi le principe démocra-
tique cll'hél'ilage de la révolution qU'Oll allaque en sa personlle) fera
accuser les rois d'ingratitnde au milieu de son sénat, en rappdallt qu 'il


1 La po~tl:'I'H(~ a CUlllllltUcé, pUlir :\apoleoll, ('11 dt·()t llH~llle ue la lOlHbc J elle Iemk'lllain de ~;l
cliute. Il r a d(:ja lUIl~telllpS (pie Bl'llj;ullin·COll!:itant a reLit ce tpli suit : « On a ouh1it~ aujollrtl'hui le
scutirucul de fati~lte l'l d'(Iv(,l':-:.iollllUi, ,-el's la íiu de l'cmpil'c, ~'attacl1ail meIllC aux Yictuil't'~ qUi~ )"
ll'au('(' <"{,lit (OUddllllll'l' a I'CllIlIOJ tel. OH:l. ouhhé ce scntllUCll,t) COIl1lLJe a t:clte Lpoque on a\~UI~)1 ,
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(lIS HISTOIRE


les a sau\és du débordement rév(¡lutionnaire, qu'il 11 " étollffti le foyer
dll volean qui les menac;ail tous l. 11


Mais le moment d't'cIater n'est pas venu pom'les grandes pllissanees
dll conlinent, que l\apoléon a tralnées a sa suile en Hussie; l'arméc
fl'an~aise couvl'e encore le sol enlier de l' AlIemagne.


L'emperenr s'était montl'é fod méeontent, 11 son l'etour, de la con-
dnite des prineipaux peJ'sonnages de l'empil'e, 11 l'oecasion !In COllp de
main lenlé par Mallet, el il avait rappelé asee illlention, dans ses ré·
pon ses an sénat ct m! cOIlscil d'état, qu'un magistral devait Cll'e lou-
jours prel 11 périr, 11 l'exemple des lIarlay et des l\Iolé, « pOli l' dNendre
le snuveI'ain, le [rúne el les lois, J)


" A mOI1 arrirl'e, a-t-il dit daJls la suite, ehaeun me raeontait mee
tant de bonne foi tous les détails qui les eoneel'l1aient el qui les aceu-
saitmt lous! lis anmaient nalvellleut qu'ils ayaicnt été altrapl's; f(u'ils
nvaient el'U un moment núnoir perdu.,. l\lais le roi de Home! leul'
dis-je, Vos sermenls, vos prineipes, H)S doetl'Ínes ! YOIlS me failes f¡'é-
mil' pOUI' l'meni¡' ... Et alors je vonll1s un exemple pom' ("f'lnil'('" pI tenÍ!'
en gal'lle les rsprits. Il tomba sur le puuvre FJ'oe!tot, le préfct tle Paris,
Ilui assnrément m'étai[ fo1'l atlae!té. ))


Froehot deslitné, les hauts fonctionnail'es de l'empi¡'e admmwsll>s pt
les félicitntions banales des gl'ands corps de l'dal lel'lllinées, l'empe-
l'eur songea al1X mesures urg('J1tes que réclamait notre situntion mi-
litaire. La eonscriplion ordinaire !le suffisuÍt l)lus; il demanda el le
sénat s'empressa de décl'élcr une levée de lmis cenl einquante mille
hommes.


Cependanl les débris de l'expé<lilioll de nussie, lt'a\ersant la Po-
lognc i.t la hule, venaient se rallier SIlI' les fl'¡mti¿'l'es d(~ rAIl{'magne.
DispCl'SI>S, vnincus, aeealJllos pat' les délllenls, ils aYaiellt eneore baltu
Irs Tlllsses clans une affaire d'anicre-gaJ'(le , 11 Ko\mo, son s les ordl'cs
du maréehal Ney; el depuis lors, Plato,," el ses Cosnqucs, ql10ique
sui\nnl el hnrcelant illeessllmmeut les Fran~ais, a,'aient selllblé craindre
de se meSUl'l'r avee eeUe poignée d(~ hravcs rn qui J'(;sitlaient [olljours
l'honnem', la gloire ct le eouruge impél'issables de la grande al'll1ée.
M¡lis J10\lS sommes DlTirés a l'une tic ces épor¡lles ou l'hl'I'olsme el le
génie de I'homme se déploicnt en yain ponr détourner les ('()UPS f(ll'lInC


!_---~--




DE :\APULEUi\.


IWÚIl ill\isible lui porle. Si la victoire s· attache eneme i1 110S pas au
llIiJieu de nos \llulheUt·s, la fül'Íune se plait a se montrer de plus en plus
inndeIe el conlrnire. Elle nous .nvait donné des alliés douteux, elle yn
!lons les r('li[,(~I' tous, 1'1In Ilpres l'autl'C, pour nous en faire des enne-
mis implneables. Le eol'ps aUJ\.iliait'e prussien eommence, Son chef, le
générlll Yorck, ql1i n'agit pas san S doute sponlanément, et qui a re9u
ses instrllelions du calJinct de Berlin , traite ayec les RlIsses; et Frédé-
I'ic-Guillnume, dont les éLllts sOtll toujours sous la dépendance ou In
menace des al'mée~ fl'an~aises, désavoue d'abord solennellement ee
'[U 'jJ ti seerctement onlonné, san!' a se montrel' plus frnnc dans la suit('
par une défeclion cOlllplNe el manifeste.


La capitnlation dll génél'al Yorek mec le général. Diébitch eut liell
le 50 déeembreUH 2. Yingt jOllrs alH'(~s (le ~ R janvier ~ 815) , l\Iut'at,
(lout l\'ul101éon avait rait son liel1tenullt suprcme, aban(lonna précipi-
tamment l'armée rran<;aise pOUl' I'elourner il Naples, apres ayoir l'emis
le eOlllllHllldement ell chef a Eugenc. Des que rempereul' fut ayet'li de
r'c bt'usrllle d('pul't, qu'il pou\ait cO/lsidérel' comme une scunda\euse
d(;sel'tion, il en ('~(,I'i\it iI Sil SOlUl' Carolino: ({ Voll'e muri, lui dit-il ,
est un fo1't braro hOlllllle SUl' le clwmp de bataille, mais il est plus faible
r!u'une femme rluand ilIle yoit pus l'l'nnellli : il n'a aueun eoul'age mo-
l'UI. )) - « .le suppose, éct'ivit-il a Mllral lui-memo, que vous n'6tes pas
de ceux r¡ui pensent que le lion est modo Si vous faisiez ce calcul, il
serllit faux. Vous m'¡¡vez fait tout le mal que vous pOllviez depllis mon
dépal't de Wilna : le titre de roi vous a tourné la tete. »


Ce rcpl'Oche n'était que trop rondé,
En quittant le poste émineut Otl l'empereur l'uvait placé, Murat mait


[leis plus dc soin de sa eouronne que de sa gloire , el il lui arrivcra de
penlre l'une sans peésener l'ault'e. Aroe quelle rapiditó marclll'nl d'ail-
lenes les événemcnts! Napoléon en es! enco1'e aux premiers joUl's dl'
I'mlrcrsité, et déjil il peut pressentir toutes les noirc('urs, toules les
pel'lirlies qu'elle luí réserve. L'ingratitucIe 11 pénétré dans rtune de ceux
(lui luí doivent (out, lem' rang, \etll' célébrité, leur fortune; elle a
gagné le CcrUl' de l'un de ses proches el elle y eoure la trahison. A quoi
ne doil-il pas s'altend['c aprl's un pareil excmple?


La scssioIl dll eOl'ps It'gislalif S'Olt\l'e, lel4 féuiet', SOllS eps tl'ísll'~
auspices. Napoh')oll, qui, malgré la nullité sileneil'llSe de eelte aSS('l1I-
hlt'l', ,oit Clll")l'e en elle le funlomc de la démo<Tntil' bruyanle lill'il


I




j


li20 11 1 S T O 1 1\ E /) E \ A P O U! () \


/¡úillonna antl'efois ti Saint-Cloud, continne, dans son dís('()nl's d'ml\cl'-
ture, de ft'apper d'anathcme les théories libérales qu'il a si peu mérl<l-
gécs ayec le sénat et le conseil d'étal. Il aceuse le cahinet llnglllis. non
pas de suivre les errcments de la politique de Pitl rt d'anwntrl' obsti-
nément les rois d'antiqlle origine contrc les pellples afi'raIlehis de lelll'
joug ou impaticnts de I'Ctre • mais, an eonlt'aire, de propngcr, paJ'lni
('CS pellples, I'psprit de l'é\Olte contre les sOl,,·crains. Prf'nrmt d'llillpUl'S
ou affeclan! de prendre pour une simple Dontndc de la fortlllw les re-
\el'S qll'il Yient d'esslIypr, il dissimllle les torts de eeux de ses alliú,
dOllt la eoopl'l'ation n'a été ni active, ni fr'anehe, dans I'es]loir de les
!,ptcnir Slll' la (lente de la défeclion, par de nouyeaux el d'¡"clalanls
succes; et iI sn montrc assez eonfiant claus l'avenir ponr dil'e encol'(,
avee allfant de tierté r¡1H' fl'éner¡rjp : (( La nynnstip fl'aIl~aise :1'('gIlc ('1
régnel'a ('n Espague. ))


Mais, pour jllslifler ('elle eOIlfiullee. pOli!' pl'épal'f'1' ('('S II011H'aux
SIIC(,(\5, les levées d'hommes IlE' slIffiseIlI pas, il faut anssi de Il()\1\('ll('~
l'essolll'(,('S linanciel'es. NapoJ('on l1e cache ri('1l <k ses pl'ojt'!s el de ses
hesoins au eorps législalif. (( .Te (]("sil'(' In paix, dit-il, ('111' <,st n("c('s~ail'('
au monde! QlIatl'e fois, delmis la rllplllt'(' r¡lli a suiri le tnlÍlé d'Allliens .
.ir ('ni Iwoposée dalls des démm'ches solcnl1('II(,8. J(, n(' ('rai jamais
([I1'Ulle paix honornhle ('t eonfol'n](' aux inl<'l'd,; p\ ;'¡In /,:1':11\(1('111' de mOIl
pmpil'p. "




CIIAPITIIE XLIII.


HLUS, clans su vil' miraenleuse, qui selll'
ole appurtenil' autant a l'épopée qu'il 1'11is-
toire, IX apoléoll nI' s'est monlré plus gl'and
que dan s la lutte inégaIe qu'il est eondam-


. né a sOlltenir eontre l'inexot'aoIe deslinée <
TI'Íste el sublime spedacle! Tout ce qui [l


été donné a l'hOllUllt', en force, en conslance, en magnanimité, en
géuie, l\apoléon le possede, Nupoléon le déploie: la stature morale
uu héros s'é1t've a mesure que le colosse cln potentat s'affaisse. e'esl
la grandclll' huwaille dans tout son éclal, cluns toule son énergie, clans




(;22 1I 1 STOII{ E


ses plus huutes pl'opol'tions, aux prises avee les pulssunees sU\'llaturelles
qui la eonfonclent sans l'abaisser.


L'emperellr a dit ses malheurs, sa voloulé, son espoir iJ. la Franc(>.
A sa voix, le peuple s'est ému; il a oublié ses gl"iefs et donne ses en-
funts. En quelrflles 111ois, uno noU\olle armée a eté formee; elle esl
prcte iJ. entrer 011 cmnpagne. Les débris de la grande armée l'altellllpnt
sm·l' ElIJe.


Arant de quitler París, Napoleon, merti pUI·I'éehallffourt,c de Mal-
let, t'ssaic de meltre son gouvernemellt a l'abri des dangers que son
absence peut fairo naitre, en eonfiant l'oxt'rcíce du suprcll1e pOll\oir
ti l'impératriee Marie-Louiso , el en établissant aupres d' elle un eOBseij
dc régenee. POlll' se débarrasser des inquiétudes quo pourraillui cau-
SCl' érenludlement la rnptnre avee le saint-siége, il s'efforce !l'amene¡-
Pio VII (1 un arrangell1ent, et il panient a lui faire sigu<'l" un nouycau
('oncordat qui est aussitút 1mblié, bien que le pape, cédant aUlle nou-
,dIe illfluenco, nit déjil YOlllu le rétracter.


1\1ais, au milieu des "astcs préparalifs qui s'execulent SOIlS son acli\e
el ilTt'sístihle impulsion, l\'apoléon prévoit qu'tIITívé slIr I'Elbe il n'alll"lI
plus selllement en face les armél's dll czar, el que ses alliés de lledin
el ele Vienne, qui furent toujoul's ses ennemis secrets, laisseront écla-
ter leurs elíspositions hostiles. La derniere levée de tI'ois eent cinllllante
mille honunes lui parait done insuffisante, et il en ordonne une nou-
relle de cent qllatre-vingt mille. Le pellple, quoiqu'il nJait plus son en-
thousiasme des tcmps voisins de Marengo et (\' Austerlilz, se S01lll1et
en coro avee une patriolique résignation au nouveau sacrifice que les
cit'constances lui imposent. Cependant les classes forlunées, llui sonl
les plus inléressées iJ. la eléfense elu sol, s·efforemt d'echaplwr, a prü,
el'argent) au tribut ele la eonscriptiol1. Chaque Camille, émlle par les
dangers pl"ochuins dll soldal, épuise ses dernicrcs ressources l)Our libé-
rel' les siens du senice militaire. Napoléon n'ignore pus que eelle d~pu­
gnance rOUl' le métier des armes ne fail que s' accroltl'e ti mesure que
les perils et les besoins do l'empíre allgmentent. 1\13is e'est unc contagion
qu'il esl deyenu impossihle d'anctel'; seulement on peut en alténuer le~
effets. Si les conditions éleyées ont aeheté eheremmt jusqu'ici le dl"Oit
de reslel' lotranghes aux faligues dll soldat, on peut, quancl \c salllt de
l'état l'exige, rcndre ce dl'Oit moins absolu, et les empecher de s'iso!el"
enlit'rement, au mnyen de \cut" 01', de la lutle sanglallte dilllS laqucll(~




DE ~APOLJtO~.
Ir pnys ('si rngagé. Ce sera done 11 elles a fournir un contingf'nl (le' dix
mille hommes, dont on formera qUlltre régimcnts de gal'des d']IOl1-
11('111', el nul sacrifice pécuniaire ne poul'l'a exempter de ce seniee ex-
traol'dinaire les fils ele fllmille que l'anlorité désignera. Un sélla(us-
consulte du :5 aHil ~ 815 eonsaere eeUe mesure,


Ceprndanl, le hruit du canon de la Bérésina avait été réveillel' dan s
I1al'hycll lc chrf de la maison de Bourbon, el relevel' ses espéranees.
La con tl'c-I'éyolu lion , conjlll'ée jusqne-liJ pm' un déploicllll'I1l pl'esquc
falmlc'ux d(! cOlll'agc civil el ¡]'hól'o'islllc militail'e, pnl'nt désol'lnais ])OS-
sible 11 LOllis XVIlT. 11 pensa quc si la YCl'tll gucl'l'i(\re du solda! fl'HIl-
<,:ais restait innltórable au milieu des ¡'ever's, l'entuollsiasme pnh'iotiqllc
<Iu citoyen était dll moins assez rdl'Oidi pour que l'étrangel' put espél'r¡'
de ne plus reneontrer rn France l'élan univer~eI qui avait renelll ,nines
loules les coalilions antél'iellreS, Plein de relle ülée, le prétendnnt pu-
blín en Angldel'l'e, et fit ¡'ppantlrc Sllr le continen! une proe!al11atio!l
dans laqll('l1e i1 s'at)l'rssllit sllrtollt a la lassitllde du pellpJc, exploitnnt
atll'oilelllmll'opinion COl1l111ll11e qui nltribllait a Napoléon la pl'Olon-
galion de la glwrrr, ('t promettanl, entl'e autres ('hoses, {( tI'abolir la
eOIlscl'iplion. » L'el1lprI'PllI' semhla n'attae]¡er Il11Clme jmpol'lallce ~
cptte pllbliealion; iI n'cn prit pas meme occasion de surveille¡' Oll d'é-
cm'ter les aneicns royalisles donl il avait rcmpli toules les admiflisll'a-
tions, l'Í ll11xqllelS i! avait meme confii\ quclques- UlIS des pl'('rniel's
postes de l'étnt. l\1nis ce qui se pas~mit en Allemagne rxcitait davanlage
son attention el sa sollieitude.


L'ol'ngc gl'Ondait dans les YiIles anséatiqu('s; le sol de la Germnllic,
miné sllr IOllS les points pHI' les affiliutions secl'cles, était mcnueé (['cf-
frajllnles c:\plosions; lrs insul'reclions poplIlail'es avnient meme dt'~jil
amené la SIl~P('IISioll ele la constiflltioll dllllS la 52e division milituil'l'
(IIambollrg). Ln jellllesse des IIniversités était ala tete de ce mouY!'-
l1lt'nt; elle preehait la hainc du nom fl'tln~ais et l'horreuI' du joug étrnn-
ger, rn invoquant les iMes libérales qui a\aicnl fait le salllt f't la gloil'e
de la France; et les priners, aI'll1és depuis si longtemps contrc c('s
menws itlées, eDcollrngf'aient en sec/'et Oll favol'isaien! ouyc!'tel11Cllt
rc qll'i\s ont appcJé plus tard des « nwnées démngogiqlles. »


Él!'angc situalioll! La guel're tic ~ 81 5 Il'est, au fond, pou!' [es rois,
que la conlinuatioJl d(~ 111 gllel'l'e de ~ 792; e'est tOlljours la gUC'l'I'e eontl'r
la !'l'yolntion; el leul' langnge offre néllllJlloins le eontrnste le plus




¡ ---_.--- ---


IlISTOIHE


fmppant arce celui de Pillliltz el de Cob1entz! Al! lieu dl' cOlllill\l('I' il
appdel' a leu1' aide les pr~jllg(\S poliliques et religicllx des IH'upl('s conh'('
In Mmocratie franqaise, ils sOlllerent aujolll'(t'hlli I'intelli¡;rncr, In rai-
son philosophique el le patriotisme des peuples, au 110m dl~ la lilwr[('·,
contl'e le despotismo do la Franee. La liberlt· a donc fait plus (IlIe \nil1-
cre les mis; elle les a condamn~s Ü l' h~ !l0cl'isie, elle a eOll\el'ti les
natioIls. ,,:'est en Pl'usse surtout que se mallifesle ce grund dwnge-
mont. Nap()l~on s'apercoua trop tUl'd qU'llne franrhe pt'Opagand!' lui
aurait pl'éparé de pllissants auxilillil'cs la oú ses reVl'l'S lui font rencol1-
1I'er cl'implaeablos ennemis; et on l'entendra dil'O alol's avce 1'cgl'cl ;
« )IOll plus g¡'and to1't a peut-etre été de n'awil' pas llétl'úl1t~ le !'Oi de
Pl'l1sse lorsque jo pomais si aisément le faire. Apr('s Fi'iedland , j'au-
rais dú retiror la Silésie a la Pl'usse, ot abundonner ceUe pI'O\ inee illa
Saxe; lo roi do P1'usse et les Prussíens étaienlll'op ltullIilü',s I)(HIf' no pa~
ehercher a se venger illa premiere occasion. Si fen eusse Dgi DillSi, si
je lour eusse donné IIne conslitution libre, ot que j'ollsse délíné les
I)a~'sans de l'osclavage féodal, la natiol1 /llll'Dit été contente. )) (0·311:\lu.)


La Prusse ost done décidément cnnelllie, el lIon-selllenwnt la nalioll
que N apoléon a laissée imprudemmC'I1t daus les J'ers, mais aussi le
princ'e qu'il a g~n¡"rousomellt maiutenu SUI' le tronC'o Le simulacro dc
réprobation dont fut frappé le général Yorck par son souyerain, n 'tI
{lu couvrir longtemps les dispositíons du ('abinet de Berlin, qui écIatent
chaque JOU!' on acles de mulveillanco et d'hostilité. L'emperelll' est
impatient de ti1'Cl' vengennee de celte défoetion, el d(~ Plllli¡' le 111C'n-
songé qui l'a cuehée pendant dellx mois. D¿'s les promiers jours d'a
nit, il rend solcnnello, pUl' une démarche officiell(>, la guel'I'(' (lile le
monarque prussion lui fDit activement suns ose1' la déolarel', ('l il se
pn"pal'o i¡ marcher YE'rS l'Elhe,


Mais un autre ennemi s'annonoe pill'mi les pui~HlIleC's du i.\'ol'd, Bl'I'-
nadolte ne se borne plus il traiter ayce les fillsses, il YC'lIt sp hnttn'
conll'o les Fnll1~ais. En aoútl812) et 1I la fllJl1el1Se eutl'enlC d'Aho, il
a\'ait dit ü Alexandre, qui se montrait ft'l'nwmont disposé il ]'epousscr
toute pl'oposition pacifi(!ue : « ectte résollltion affra[]chira l'Eul'Opc! "
Et le czar, touché des paroles el des tnanicres obséquipllSCS du ,leu:\:
solda! de la répllblique fl'anr,aise) lui avait garanti la possession du
tl'()ne de Sucde el rait espérer meme la rom'onne de Frunco. Apl'('s les
désas!l'es de la rampagne M l\Ioseou, Bcmadotte croillo l11o!l1onl 'CIlU




/) E :\ A P () Ll~ O '\


de mm'cher au bul <fU'OIl a laissé cnll'evoit' u son mnbition; rt, SOllS
l'upparrIlce d'un dérouement exclusif aux intérets de sa patrie adop-
tive, iI cherche a satisfaire la jalousie invétérée qu'il manifl'sta au
1 H brllm,lire, et a réaliser lcs chimeriques espél'unccs dont un princr
habile I'a berceo (( S'il avait eu le jugement et l'ame a la halllelll' de la
sitllation, a dit Napoléon; s'il avait élé bon Suedois, ainsi qu'il I'a pré-
tendu, il pouvait retabli1' le lustre ct la puissance de sa nouvelle patrie,
rl'lH'cndre la Finlandc el enlever Pdersbourg avant que j'eusse atlcint
MOSCOll, l\Iais il cede a dl's ressentiments personnels, a une sottc va·
nité, a de pclites passions. La tete lui lo u l'Ile , a lui jaeobin, de se voil'
recherché par des souverains d'ancienne race, de se trouver en confé-
renec de politique et d'mnitié avec un empereur de toutes les Russies,
qui ne lui épargne aucune cajolerie! »


Avant d'ent\'er en !ice et de se ranger sonS les drapeaux des ennc-
mis de la France, Bel'lladotte voulut eolore1' sa résolution aux yeux
de l'Europe et de la postel'ilé, en faisant intervenir les intén\ls COlll-
merciaux dc la Suede, compromis par' le hloeus continental. 11 ecrivit
en conséquence a Napoléon une lettre qui devait senil' de pl'éambulf)
upologétique a sa conduite, et dans laquelle il accusait celui qui fut
tout' a tou\' son rival et son mailre, d'avoir provoflué toutes les guerres
précédentes et d 'avoir rait couler le ,ang d'tlll mili ion d'hommes, pom'
le succes d'un sysleme qui blessait les droits el rllinait le commerce de
toutes les nations. «( Les calmnités dll continent, disait-iI en terminan!,
I'éclament la paix, et vob'e majesté ne doit pas la repousser. l)


l\'apoléon ne repoussait pas la paix; il la voulait seulelllent, malgré
ses malheurs, eomme au milieu de ses triomphes, sur la base des en-
gagements pris a Tilsitt; et Bernadolte, qui avait félicité Alexandre sur
sa persévérance guerriere, savait bien que ce n'était pas au cabinet des
Tuileries que la prolollgalion des hoslilités devait etre aUribuée, mais
a ceux qui no tcnaient aucnn compte de la foi promise ~I Tilsilt, et de
l'amitié jurée a Erfurlh.


Ce n'était que sur le ehamp de bataille que l\'apoléon pouvait 1'épon-
dre aux sanglants reproches et aux insolentes recriminations dont il
était l'objet de la part de son aneien licutenant, qui allait ( livrer u nos
ennemis, l) srlon les expressions du Mtfmorial, r( la def de notre poli-
tique, la taclique de nos armées, el leur monlrer le chernin du sol
sacr(~! l) L'empereur quitta done Sain!-Clolld, I1 la mi-aHil, pou!' cou-


7<)




--1
(¡2fj HISTOIBE


rir au nouveau rendez-vous que l' Eul'Opc seplentriounle lui donnait ptl
Allemagne.


L'arméc fran~aise, obligée de jeter de nombreuses gal'llisons dans
les places fortes qu' elle avaít laissées sur ses derrieres) depuis Dantúck
jusqu 'a lUagdebourg, étail alo1's établie sur la Saale, el sous les ordres
du vice-roi. Dresde et Leipsick étaient nu pouvoir des Prussicns et des
Russcs j le roi de Saxe avait été contnlint d'aban(!onne1' ses états et de
chercher un abrí sous le canon de la Franee; de toutes paJ'ts les en-
nemís de Napoléon gagnaient du terrain , el ll1etlaienl 11 profil son ab-
sencc du milicu de ses t1'oupes.


l\1ais Napoléon va repm'altre au campo 1I arrive ü Erful'lh le 2;) U\l'il.
pendant que le maréchal Ney s'cmpal'c de Wcissenfcls, apl'eS un com-
bat flui lui fait dire « qn'il n'a jamais Hl a la fois plus d'cnlhousiasllle
el de sang-froid dans l'infanterie; )} et la nouvelle campngue SI' tmuv!'
ainsi glorieusement ouvcrte pnr lc m6mc soldat qui, ü travcrs tant de
désastres, n si vaillamment fermé la dCl'lliere. Le résultat de ce p,'c-
miel' succes est de rejeter l' ennemi sur la rí ve dl'Oite de la Saale, el
d'opérer la jonction de l'armée <¡uc le vice-roi a l'1unenée de Pologul'
avec eelle que l'emperellI' amime de France.


Napoléon porte son quartier-général [¡ Weissenfels) ct fuit jeter lrois
ponts sur la Saale. La, il apprend un de ces trails de COUl'age el d'au-
dace dont nos fastes mililaires sont remplis, el qui lui foul'uit l'occa-
sion de constater, 3 la satisfaclion de l' orgueil national, que la mauvaisl'
fortune n'a rien changé a la supériorité moralc el uu curacterc indomp-
tablc du soldat fran<;ais. Un colonel prussien, il la tete d'une centuine
de hussal'ds, a enveloppé quinze gl'euudiers dul5e de liguc, entr!'
Saalfeld et léna, el il lem' a crié de se rendre. Pomo toule réponse, 1('
sergent l'a ajusté, et l'a étendu raide mort. Les autl'cs grenadiers S('
sont mis allssilót en liraillcllrs, out tué sepl P"USSiCIlS, et les hllssards
ont pris la fuite.


Le ~ pr mai, le maréchal Ney. poursui"ant ses SlICCÓS sous les yeux
de Napoléon, se porle en avant avec la divisioIl Souham) dont il fOl'01(,
qllatre can'és. TI passe au pns de chal'ge, el au c('¡ d(~ Vive l'empert'lIl'.
le défilé de Poserna que défendent six piec('s de canon et trois lignes dI'
cavalerie. Les divisions GtTard, l\Iarehand. BI'Cllier el Rieal'd le sui-
"cnt, rt cn <¡uclqucs heul'es quinze mille eayaliel's. sous les ordl'es de
Wintzingcl'ode, sont ehassps pHI' quinze millc fanlassins, de 1:1 bell('




-~-- -~-~----- ~~--~---~---------


LJE \APOLl~O\
pluine (Iui s'étend des halltelll'S de Weissenf'els jllsqll'iJ J'Elbe. La eo-
valerie de la gnnlc, commundée pnr le mal'échal Bessiel'es, a soulenu
notre infanlel'ie, el quoiqu'eJle n'nit pas été engagée, e'est elle qui sup-
porte la [H'ineipale llerte de la jOllrnée. " Par une de ces fa!nlités dont
I'histoire de la gllerrc est pleine, dit NapoléoIl dans son ral)pOl't a
I'impératriee, le premier eoup de canoll qni a été tiré dans ecHe jour-
ner n coupé Ir poignrt nn duc d'Ish'ie, lui a percé In poitrillt~ et I'a


~--~;-~~~~~:-;--;~~'-;=>-<
,,,,/ ~ .:-~ l - ' ¡- " ~ ."


jeté rnide mort. II s'était avancé a cinq cents pas du coté des tirailleurs
pour bien reconnaitrc In plnine. Ce mnrl'chal, qu'on peut n juste titre
nommer bl'avc rt juste, étnit l'ecommandahle aulant par son eoup d\:eil
militaiJ'e, pnr sa grande expériencc de I'arme de la eavalerie, que par
ses qllaJités civiles et son altnchement a l'empeI'elll'. Sa mOl't sur le
champ d'honneLll' est In plus digne d'cnvie; elle a été si l'apide, qu'elle
a dÍ! etl'e salls doulcur. Il es! pru de prrtcs qui pussrnt etre plus sen-
sibles nu CU'UI' de l'empereur. L'arméc et In Franee entiórc parlage-
ront In douleur que Sil majesté il rcssenlie 1


¡ L'l'B1p('reur se dtaq:!;ea d'annoncer lui-lllcmc a la marechale Bessieres la mort de son iHII~tl't,
';poux; sa l('tlre eOIllTllcn(_'ait ¡linSl:
~ :\1.1 consinc, "ntrc mari cst lllort all clwHliI d'hunneur. La pprte que vous raíles el ('dl~ di' Yl)~




ti:!s HISTOII{E
Dans la nuit dlll cr au 2 mai) Napoléon établit son qllartier-général


11 Lutzen l que le eombat de la veíJIe nous avait liVl'é. ,La jeune et la
vieille garde entonraient l'empereur et formaient la droite de l'armée.
1\"ey, placé au centre, occupait I(túa; le vice-roi commandait la gau-
che, appuyée 11 l' Elster. Le 2, a dix heures du matin, dans eeUe meme
plaine qu'avait rcndne célebre la victoire de Gustave-Adolphc, l'm'mée
s'ébranla sons les yeux memes de l'empereur de Russie el du roi de
Prusse, qui étaient venus ranimer par leur pl'ésenee !'ardellr guel'riere
de leurs soldats. La IH'ineipale attnque ¡les coalisés fut dirigt~e SUl' le
centre de l' armée fran~aise. Des mnsses innombrables de Russes et de
Prussiens murehel'ent en l'nngs sel'l'és vers KaIa, oú le maréehul Ney
cut a soulenir un choe terrible. L' enIlemi, favorisé a la fois pal' le
nombre el pal' le le l'I'ai n , semblait ne pas douter du succes. II avuit
une eavalerie formidable, l't la nótr'e étnit restéc SOIlS les gla<,;oIls el
dans les neiges de la Hussie. Mais au commeneement de l'aetion, l'em-
pereur avait dit a ses lroupes : « e'est une hataille d'Égypte; une bonne
infanlerie doit savoir se suffire. » Et les tI'oupes étail'l1t impalientes de
justifier le mot du grand capitaine. Le village de KUIa fut IH'is el. I'f'pl'is
plusieurs fois; il resta enfin au général Gérard qui, blessé de plllsiellrs
baIles, ne youlut pas quitter le champ de balaille, disant que le mo-
ment était venu pour tous les Fran~ais qui avaien! du CU:lur de vaincl'c
ou de mou!'ir.


J\falgré ce premier avantage el tou.le I'intrépidité déployée pm' les
cinq divisions du corps dn maréehal Ney, la vietoire é!uit loin cependant
d'etl'e déeidée en faYeur de nos armes. Les Russes ne se lassaient pas
de combattre, et s'attaquaient avec aclwrnement 11 notre centre, qu'ils
espóraient !oujours enfolleer. Un instanl ils ¡Juren! el'oil'e que le succes
coul'Onnel'ait leut' valeurellse obslination. Qllelques batai1lons, nccables
par le nombre, fléchil'ent un moment et se débandérent; le víllage de
Kala tomba une fois eneore au pouvoÍl' de l'ennemi, mais 1\"apoléon
survint, et tout ce qui avait plié se rallia pour marcher en avan!, au
cl'i de Vive l'empereur! C'était beaueoup d'avoil' arreté ce eommen-
cement de déronte; il s'agissait maintenant de gagner la bataille pal'
IIne manrellvrc déeisive. Tandis que le prinee Eugene el le mal'echal


cnfants est gra11l1e sans dOllte . 1" mienne rest davantagc encorr. Le duc dlstric C5lmort de la plu,
helle morl el sans souffrir. Ill"i"e une réputation .am tachc: c'cst le plus bell,,;rita~c qu'i! "i! I'u
légllcr iI ses cnfan! •. ,




1--- -- - -- ----- -----~


o E 1\ A P O Lit () :\ . G2\l
lUacdonald attaquaicnlles ailes et la l'ésel're de l'ennemi, et que le gé-
néral Berlrand accourait pour se meltre en Iigne, Napoléon ol'donne
au maréchal l\fortier de conduire la jeune garde, tete baissée, a Ka'ia ,
d'emporter ce village et d'y fall'e passer par les armes tout ce qui résis-
terait. 11 chargea ensuite son airle de eamp, le général Drouot, de pla-
('el' une batlerie de quatre-vingts picces en tete de la vieille garde, ql1i
devait sOl1tenil' le centre, et s'appl1yer eJle-meme a notre cavalerie
('angée en bataille sur les derrieres. Ces ordres furent promptement
exéeutés. La balterie, dirigée par les généraux Dulallloy, DI'OIlOt et
Devaux, porta rapidement I'épouvanle et la mort dans les rangs enne-
mis. Ce fut le tour des Prussiens el des Russes de lléchir et de se dé-
hander. l\lais eette (ois la débandade ne fut pas partielle et instantanée,
comme l'avait été eelle de quelques-uns de nos bataillons; elle devint
bientót, dans l'autre camp, générale et définilive. !\Iorlier reprit I(aJa
san s COllp férir, el le général Bertrand arriva i:r temps pour achever la
déroute des vainclls.


Cette victoire remplit de joie l'ame de Napoléon. II avait retrouvé
dans ses jeunes soldats toute la valeur de ses viel1x compagnons d'armes.
« 11 y a vingt ans, dit-il, que je commande des armées fran~aises; je
n'ai pas encore Vil autant de braVOllre el de dévouement. » C'était la
grande armée qui aVüit I'epat'u pOUI' détromper cel1X ql1i la supposaient
ensevelie a jamais dans les déserts du Nord. Avec elle, l'empereur se
flaUe de rétablir facilement le prestige de son nom et l'ascendant de sa
moralité en Europe. « Si tous les souverains el les ministres qui dirigent
Icurs cabinets, dit-i1, pouvaient avoir été présents sur ce champ de
bataille, i1s renoIlceraient a l'espoir' de faire rétrograder l'étoile de la
France. )) (Rapport orficiel. ) Une armée de cent cinqllante a deux eent
mille hommes avait été mise en pleine déroute, par moins de la moitié
de l'm'mée fran9aise, déja si considérablement rédllite par la fatale issue
de ·la derniere campagne. Les Rl1sses et les Prl1ssicns avaierrl eu une
tr'cntaine de mille hommes tllés 011 hlessés; la perte des Fran¡;ais s'éleva
a dix mille.


Le lendemain de cette mémorable jOllrnéc, N apoléon se livra avec
son armée a l'un de ces épanchements solennels qu'i! se plaisait tant a
,'enouveler, pm'ce qu'i! en connaissait la magique influence, el dont le
ton de sublime camaradcric, toujours accablant pour l'enncmi) était la
plus helle des r('compenses pOlll' le soldat fl'an\,ais, justement fier eI'é/re




-¡-[¡:)O -~----- - H I ST()-I-I{~~--~~~~;()~ É~-~---~


I~


interpellé et applaudi a la face dll monde par le gJ'alld homme que le
monde admirait. Voici un extrait de la pl'oclmnntioll qui fut publié(l, In
;; mai, au quartier impérial de Lutzell :


<, Solda ts ,
Il Je suis content de \"OUS! Vous avez rempli mon attentp! Vous avez


suppléé a tout p3l' votee bonne volonté et par votl'e bravourr. Vous
avez, dans la célebre journée du 2 mai , Mfail et mis en déroute I'ar-
mée russe et prllssienne 1 cornmandt'-e par J'emperelll' All'xandre et le roi
de Prusse. Vous m-ez ajoutt~ un nouveaulllsll'(' it In ¡doil'e de BItS aigles.
Vous avez monh'ó tout ce dont est eapalJle le sang rl·ml~a;s. La hataiJll'
de Lutzen sera mise au-dl'ssus dl:'s halailks d' Allstt'rlilz, d' (('Ila, di'
Friedland el de la M()~('()wa!




I


L


--,,¡ "


CHAPlTHE XLIV.


.\TTlT il Lulzen, I'armee eOlllbint'~e d'A-
lexandre el de Frédéríe-Guillallme se
hatu de rcpusser SUl' la ríve d\"Oite oe
¡'Elbe. Lell mai, l\"llpoléon se rendít
maUre de Dresde , et, le lendemain, iI
fut a Iu renco ntre du roi de Sux!', qui lit
su rentl'ée solennelle dans sa capital!',


:, au son des cloches et aux acelamatiolls
d'un peuple irnmeuse. L 'emperelll' se tint constlll11l11en 1 iJ che val ü e6té
de ce vénérable !JI'iuce, el ille reeonduisit ai nsi j llsqu'a son palais, HII
bruit du canoll.


Apres cetle restaul'atioll triomphule de SO[l lidelc allié, le premier
lIsage que tit Napoléon de Sil vieloire. fut de pl'oposer aux vaineus la
réunion immédiate d'un congl'es. il Pra~llt', pOlIl' la négociation M la
paix génél'lJ\e. Mais les offl'es dn vainquelIl' de Lulzen 11(' furent pa~
mieux arcueillies que relles du con<¡uél'a11 t. de Moscou. NapoIéon s'a-
pel'(;llt meme. allX mellées diplomatülllcs. dont ses agents lui appor-
taient le secret, quc ({ rabime ('ollVCl'l de IIcul's, Sl\l' lcquel iI avait posé




652 HISTOIRE


le picd en se mari:mt, » était pret il s'ouvril' devant lui ) el que I'ltellrc
de la défection approeltait pour son allgllste lwau-p('rf'. 11 dissimllla
néanmoins ses gricfs el ses inquiéludes, et se contenta d 'cmoyer le
prínce Eugene en ltalie, nvpc mission d'y OI'gnnisel' une nrmée défen-
sive, p0l1l' le eas ou l' Alltl'iehe víendraít a se déc\arel' eonll'e nous. En
se sépal'ant du vicc-roi, Napoléon n 'ouhlia pas de lui donnel' un léll1oi-
gnage éc\atnnt de sa satisfaetion pour les scrviees éll1inents qu'jl avait
rendus i:I l'année dcplIis le COIlllllClwernent de la del'lliel'e eampagne :
il él'igea en duché le palnis de Bologne et In ten'e de Gnlliel'n, nppnr-
tenant a son dOll1nine pI'ívé, et il pn fi! don il la princesse de Bolognl',
filie 3iuée d'Eugene.


L 'empereur étaít en rore a Drcs!lc, lorsqu'il apprit In cnpitulatíon de
Spandau. Cet événell1ellt, qui était d'l1n funes!e exemple pOlll' les au-
tres gal'llísons, fin'ita dvenlf'nt, et il flt nussitút nrn\ter el traduirc
devant une eOll1mission de maréehal1x le gt'n{'ral qui commandait la
plaée, ainsi que les memlH'es ¡fu eonseil de défense qui n 'avni!mt pas
protesté. " Si la gal'llison de Spandau , dit-il ensuite, 11 rrndu sllns siége
une place forte environnée de mllrais, et a souscrit il une capitulntion
qui tloit eh'e l'objet d'une enquete et d'un jugrment, In condllite qu'a
tenue la garnison de Wittemberg a été bien diffél'ente. Le gélléral La-
poype s'est parfaitell1ent conduit, el a soutenu ,'honneul' des armes
clans la défense de ce prliot important , quí du reste cst une mauvaise
place, n 'ayant qll'une enceinte a Illoitié détl'l1ite, el qui ne pOllvait de-
voir sa résistance qu'an courage de ses défenseuI's.» (Bal)port o ffleie I
a I'impératriee. )


Napoléon, n'attpnclant plus rien de SPS pl'OpositioIls paciUql1es , sortit
de Dresde le 18 mai pOlIr se porter daos la Lusace et y pourslIiVJ'e le
cours de ses opérations mililaires. En pcu de jouJ's, il ('lit obtenu de
nouveaux pt éclatants sueees. Lei 9, Lauriston avait baltu le génóral
Yorck a Weissy; le 20 pt le 21, l'empereur gagna en pprsonne les ba-
lailles de Baufzen pt de Wurtchen t; le 22, l'arriere-garde des Russl's,
vivement poursuivie par le général Reynier, fut alteinte ct mise en dé-
mute sur les hautellrs de Reiehcnbaeh. l\Iais la fin de eette joul'llée fut


, Napoléon rendit, "Ilr le ~halllp ,le hataille de wnrtchcn, un Meret portant " éredion d'un mI)·
nument SUI' I~ 'Iont-C~nis, pOUl' tl'ansmettL'e a la postérit(~ la plus I'f~elllre le géw;,'('ux dévnuelIlPIIt
du peuple ft'an~ais, don! dOUlC c,'n! mill .. ,'"fa"t. s·¡<taien! le, ,'s !,Oltt' ,léfellllt'e les frontieres de la
l)atrie J11rnacéc par fétrangcr. ,




DE \APOLÉO\


sip;nnlée pill' ulle nou,l'ilc ¡lute, plus eruelle meore pOUl' ]\apoléon
que [outes celles qu'il nvnit suhies jusque-Ia, plus douloureuse pOIl1' son
CO'I11' quc eelles ml~me de llessieres et de Lannes, Vers les sept heurcs
du soir, lc grana maréehal du palais, Duroc, é[ant a causer, sur une
pe tite éminence et a une assez grande distancc tlu feu, aw'c le marécha 1
l\Iorliel' el le génél'al Kirgeller, tous les trois pied ti [C!TC, un boulel
rnsa de prcs le duc de 'J'ré\ise, ounit le has-yentre a DUI'oc el renversa
le général Kirgonel', quí resta mort su.l' le coup,


Des flue l'emperclIl' fut instruít dc cc fuueste événement, il eoumt
chcz Duroc, qui l'cspirait encore, el quí avait conservé [out son sang-
froíd, Dul'OC serra la main de Napoléon et la porta a scs lenes, « Tou/('
ma \ io, lui dit-il, a (,té consacrée a votrc service, et je ne la l'egretll'
(lile par l'utilité dont elle pouvait vous ctre eneore! - Dul'oc, répon-
dit I'empereul', il est une nutre vie! e'es[ lti que YOIlS il'('z m'aHend,'p.


el (lile nous 1l0US retl'O\I\'erons \ln jOLlI'. - Oui, sin'; llwis ce sera
dan s trente aní', quntHI \OIlS aul'('Z tl'iomphé de 'os enIll'mis cll'éalisé
ton [es les espérances dl' Ilotl'e patrie ... J'ai yécu en honnete hOI11I11(';
jI.' ne me reproche rien. Je ¡aissc une lille, \Oh'l' majcsté lui sl'l'\il'n
de pere, »




IIIST()IIIE


l\:upoléon, profoudémcnt ulteudri, prit alors la lIwin dl'oik tI(, ])Ul'oe
llnus la sienne et r('sta Ull quarl d'heure la tete appuyc'c SIII' la nwill
gnuche de son ,ieux l'ml1nrnde sans pouvoil' pl'Ofél'l'r une p:1\'olt,. DUI'o(,
I'olllpille pI'pmif'1' le silenc(', ponr épal'gller un plus long dél'hirenwnt
u l'¡jme du gmnd homme qni u'aYait ]las cessé d'Ctre son ami en de"
\enant son maltrl'. (( Ah! sire, lni clit-il, allez-vous-en! ce speclael!'
vous Iwil1l'! )) l\:apoléon céda il ceite c!el'uit\re sollieiludc de l'amitil':
il ((ttitta Durol: sans pouvoü' lui diru au[re ehose ql1e ees mots :
« Adien done, mon ami! » el il eut !Jesoin de s'appuyel' SlIl' le mart'·-
('hal Soult el sur Canlincourl IlOnr 1'('[OUI'nel' dans sa lenle, oil il IW
mulllt I'ecemir )1el'solllw ])endnlll toule la nui1.


Le jOlll' sui\ant) le génó'al Heynicl' ohtinluIl 1l0U\el avantage SllI' I('R
HIISS(,S, IllI eomhat lle CorJitz. Le 2.'1, !t, mm'éellal .\"cy fOI'\,n )(> passap:('
de la l\'('iss, el le 2:5, au nwtin, il l'tait nu delü de la ~Jm·i¡.;s, faisanl
son l'lIlré(, dans Buntzlnu, oiJ l'ellllll'ITUI' HlTi\a daIls la f;oil'ú'. C'¡"tail
,bns ('dIe ,ille (¡lit' It' \Ít'ux Kullll'io\\ ¡"[ail mor[ de[luis '1uelqUl's 1'('-
III a i Ill'S .


ell !l'gel' cl'llL'e, essuyé le 26, IHu'k !:(l'nél'all\IaisoIl, de\nnl. la ,ille
,1'1-laynau, lI'alTela pas longlemps !t, (,Ot1l'S d"s SI1CCl"S d la IlJar('II(,
vi<'!mieuse de l'al'll1Pf' fl'nnc;aisl>. Deux jours aprt'S, le géné1'll1 Séhns-
tiani s'emparait, a Sprollau, eI'un (,oll\oi eOJlsidérahle, taJldis que le
maró(·hal Üudinot ballait) ü Hoyel's\\cnla , le COl'pS pl'llssien de BulO\v.


L 'nlal'll1e, (luí s'était déjil manifestée a Berlín, coml1lcn9uit a gagnc['
Br'c·slaw, mpnaeé pat' Lam'iston, Les souvPI'ains alliés, quoiflu'ils fus-
smt tOlljollrs résolus il fain' la gl1el're aussi lougtemps f(l1l' le dl'Oit pu-
hli(' de la "ipille El1rolw n'al1l'ait pas ],('Illplaeó le systell1(' fl'anc;ai:,;,
sl'ntirellt toutefois la Iléc('ssité de Sus[lcuelre les hostilitl'S, soit pOli!' S('
I'elcwl' des défaites jOll1'llalicl'('s ¡¡u'ils ¡"pl'Ol1\aienl depuis \111 moi~,
soit I'(HI1' ¡[olllll'r i\ la 1('J11('III' mtlriehil'lIIw l(·tl·mps de ('011\('1' la ddt'('-
[iOB 'Iui devait rain' tOUl'Ill'l' (,ollll't' Napoléoll tonlt's les Chmll'('~ d,' \:¡
l'umpnglw. Le 29, a dix IWllres dll matin, le l'omte SdlOlmalolT, aid('
(le eamp de l'emperel1l' de RlIssie, et le g<"né¡'al prussipn , 1{leisl, Sl'
pI'l;sellt¿'l'enl allx avant-postes frarH:ais, pOllr proposel' HIl :lnnistil'('
que le due de YieeIlec né!:(oeia a"ce ellX, d'abol'fl au eouvent de "'a-
tl'lsla(lt, PI'l'S de Lignitz, el cnsuite au ,illagc Ilcut!'alisé de P('icher-
"ilz, oú il fl1t eondl1 l'l signé Ir> ,'4 .i"in, [rois jOlll's apl'l'S l'('nlrée d('
Lauristoll dans la l'apilaJe de la Silésie.




O:;.';


Le t('I'Jlll' de \' ll1'lnistic<, fll t lixé II II 20 j uillel. l\" apoteoll insista (10111'
fail'c aceeple\' l'offl'e d'llll cong¡'es a P\'ugue; el aJin de grille\' la 111a1'che
t(~[léb\'('use el hostile UU ('onspil allliqul', il p\'oposu dr s 'en \'appol'tel' 1)
la médiation dr> l'empel'clI\' d'Aull'iel!e.


La diplomalic étl'augere ¡"vila tll' sr [ll'ouoncer, Elle ne \oulait ([lit'
gagner uu ll'mps; et, dans ce hut, M. de l\Ietternidl sut 11I'olllcl' dt's
méllagemellts el (le III défé¡'cnce que ~a[lo\éoll UlOlltl'llit enH'I'S son \lPau-
pere pOli\' obleni¡', du vainq\l('lIl'de Lutzen l'l tll' Bnulzen, la pl'olonga-
tion de I'al'mistire jusqll'au 10 aoút. ~Ini:,;, rc Mlai rxpiré, la Pl'usse el
la Hus~ie IL'OlIVallt les eonsé(IUí:'OCeS morales de nos ¡Jl'emiers SUCC('S
suflisalllluent affaihlies 1 et l'Ailtriche ayanl [ll'is it l'aise loutes H'S me-
sures pOlll' bien pl'épm'c\' sa défection et la rendrc fllnesle, le plus pos-
sihle, 11 l'aJ'mée f¡'an~llise, les géllérllux d' Alexanul'e d de Fl'é(k~l'i('­
Guíllallme lléllOllCel'ent la fin de l'al'mistice, 1t~1 ~ aoút, a midi, pendant
tille le ministl'p de l'empereur Fran~ois ad\'cssllil a Jlotl'e íll1lhassll(leur
prb, la cou!' (le Vienne, ill. de N'arbol1lw) III dédal'alio\1 de glll'ITt' du
cabind aull'ichien cont\'e la F"llIH'e. Ce fut alors qll(~ :\al'o1(~oll tlécolI-
nit toute la pl'OfOlldell\' de I'abillle SlII' ll'fJud il avait Jlosé le pied ('11
s'lIllillllt ,1 la maison de LOITnilH', en cllcl'rhant iI mter la gloirf' dI' sa
j('lIlK' dynnslie SIII' J'ol'glwil tI('S "ieiHes races l'Oyalr·s.


Un én\lIem(~nt judiciail'e yt'nait de eauspl' un grllIld scalldalt, dans
tout.l'l·mpire. Les prr'~p()i'és tlp l'octl'oi tl'AIlVPI'S, nccusés de dt'préda-
lioll el \1oloil'l'ment coupahles, anüent l'dwpp(', a la Jl('ilw IJII'ils a\ail'1I1
('IICOUI'lIC, ell ('ol'l'ompanl "('s nwmhres du jlll'Y, Des tlue \\'lllllen'UI'
fuI instruil de te dúplol'able acqnittemenl, il ('11 témoiglltl la plus vivr
indignatioll, d se MI" d'él'I'j¡'c au gl'and-jllge, ministre de la jusli('l',
pOlll' qu'ill'út a OI'dOlllll'I' une enqllcte SUI' les Il1nno~U\T('S hOlltl'us('s
qui avaient préJlHl'ú l'impllnité et le tl'iomphe fin ('rime.


1( l\"oll'l' illtl'lltion, lui dit-il, ('st qu'('I\ Wl'tll du paragl'aphe.4 de I'nl'-
tiele r;:j du tilre rj des ('onstitutions de l'l'mpil'l', YOUS n01l5 prrsclllicz,
dans uu ('onseil pl'ivé, UII pl'ojet de sénatus-co\lslIlte pOllr annulel' Ir'
jugcl1lelll de In ('0\11' d'assisl's de Bl'llxelles et cmoyel' c('!te affail'e ti la
CO\ll' de Cassalion, (Iui Msigncl'H \lile eO\ll' il1lpl~rialc pm'-devant la-
({lldl!' la )ll'Oddlll'(' sera reCOI1l1I1e\lc¡"l' el jllgét', les chamhres rl~llIlics
el sans jlllT- i\ous désirons quc si la (,o\'l'lIption esl ndive il éluclcl'
1'd'ld des lois, Ir's COlTllplp\lI's snehelll que k.lS ¡ois, dans leul' sagl'ssl' ,
flnl Sil ¡¡oun'oir iJ ¡out. ,\




634i IIISTOII\E DE '\AI'OLl~U\
C'étail dUBIIl'!' Ü la didature imppl'iale sa plus gt',lIldp t~:l.l.e[)SiOll, Lu


volonté du mnitt'e \le l'erollnaissait rien an-dessus d'dlc, pas plus dnrts
le domaine de In juslicl' que dans edui de la politilllle; el, qmllld la
moralc puhliquc lui pal'aissnit sl'andnlplISCI1lPOt olltl'agée, il lui fallnit
une éclatantc l'("puralion , qlldqllC ,ioleIH'l' que ron dút fail'c aux tcxtcs
l'oI1sliluliollnds, QUOÜlllC Cl' ll1l'pl'is dps gm'nnlil's el des fOl'mrs I(~gnlt>s
n'eút pOll!' hut que d'a~Slln'I' Ü la loi son eflleacité, il la concussion el
,1 la forfnillll't' Il'UI' jllste chútimrnt, 1(:5 hOJ11mps qlli se pr(~orcupaient
munt tout des dangl'l's de I'arhill'nin' el qui voynil'tlt, dans UIl pnl'cil
exemple, la I'uilH' cOl1lpll'(¡' de l'll1délll'ndall('l' du pOU\ oi,' jlldiC'iail'l' .
('es hO!11mes s'é('\'il~I'l'llt, appIlH'~S slIr l'allloriló dl~ l\Iontl'sqllicll, qlll'
lit ou le pouvoir cx('cutif inlcrvenait dnlls I('s jugements, il y avait
monslnlOsile dans le gOllvt'I'[)ell1ent. De te nombt'e fut le pl'efd mcme
d' AmcI's, l'irlli>gl'c \' oyl'l'-d'Argel1sotl. Il nima mil'ux se dÓ!11etll'e de
ses fOllctiolls que de prclcr son l'OIll'OUI'S il la ~ql1('slr'ation (les hicns
lles areus('·s a),solls. dUl':lIIl la ~('('OJ](le 1H'l"\entioIl illaf)lll'lIe il:,; flll'pnt
~()lImis.




CHAPlTllE \LV.


N 1l011H'aLl rendez-vous st'mhluit fixe il Dl'('S-
de; ll's sUll\L'raillS dll i\'ol'd, les pl'iul'(,s dI'
l' Allemagne y ac('ouraien[ de tOlltes pal'ls,
non pas pOli!' y recomposer l(~ sa)on des rois
el l'elltourage adulat0U1' de ~ 812, mais pou!'
formcr antoLlI' de Napoléon UII ceJ'c]e l-troit
r!'cnn('lllis implarables,


DCllx cent mille Husses, Pl'lIssit'lls d AIIÍl'iehiells, eommandés par
¡'('mp('('('lIl' de H,,~si(' , le roi de Pl'lIsse el 1(' pl'illce de Sdmartzenberg)
lJ'aversaiellt J'ilpid('JlH'lIt la Boheml1 pOli!' euyahil' la Saxe, el prendl'e
}lositioll SlI!' la I'ire gaudl!' de l'Elbe, CCllt mille hOll1ll1ps, sous les
(mires de mueJ¡e!' el S;¡Ckml, maIHl'U\Taient ('11 Silésie; et ('ent dix
mille )¡olllll1eS, p:ll'llli lesquds li¡!;U1'ai('lIl les 1101l1bJ'cux ('o!'ps de YOIOll-
tain's qu'avait pl'Oduils l'dan du pntl'ioti~lll(' gel'llHlIliljue, s'mall(:niclll,
su,' louÍ!' la liglle de lIamboul'g il Bel'lin , Ú la reIleolltt'e des Fl'arh:ais.


L'avantage dll Hombl'(' ¡'.taü dOlJ(' ill('onkslahJ('J})clIt n('quis ;nL\ plli~­
t'all(,ps allit·('s, <¡ui troll\:licut (['aill('II"s un fUl'lllidable <llixiliai"i' daus
l'esprit iUSlII'/'l·etiolll\(,j (\(·s p0]lulatioIlS n!lelllalldcs. Tallt di' d¡;lIh'('S
favorahles, tallt ¡J'('·J(·IlIl'llls tll' SII('('l'S ,,'mail'ut pas SlIfti ioutdois il la


------ ~--------~




IIISTOIHE


coalition pOIll' llli fake C'spúrC'I' de vainel'C' la l'évolutioll fr'an<;nise dalls
la pel'sonne c1u plus illustre de ses mfants. I1lui nvait fallll gnglwl', sP··
duire, embnucher deux nutt'es enfnnts de eelte ll)(~llle revolution, et
obtenil' d'eux le seerd de la seience militail'c ct du prestige gUClTiel' qui
H\aieut fait la grandeUt' de leut' mere el lcUl' pl'Opl'C elé,atioll. MOl'call,
lll'éfél'llnt tout ti ('oup In fall1iliarité d'un autoel'ate ti I'hospitalité d'un
pcuple liI)1'e, avait abantlonné l'hcul'CllSe terre de Washingtoll pOllr
tlTlel' exereet' aupres d' Alexandrc le l'(lle de eOIlseillel' intime, el il se
t.l'onvait alot's ti la gl'unde arméc de Bohóme, sous l'étendal'll Illoseo-
vite, en fac(' dll drapcau de la Fmnce. Ikl'l1adolte, se/on l'expression
du Mémnrial, « donnait i¡ nos entwmis la dd de I)otre politiqIH'. la
tactique de nos arlllé('s; i\ IrUl' montrait l~' ehelllin du sol saeré! II e'était
lui qui eommandait ('n avant (I<~ llerlin.


Le peuple fl'nll<;nis avait done !lien sngemcnt dislribué son adtlliratioIl.
son estiIl10 et sa confiancc, quand, allX approchcs c11118 brlll1lairl' OH
sous le eonsulat, iI anlÍt refusé d'attaehel' les destíllées de la l'évollltiol1
il tout autre nOI1l qu'ü cdlli de llonaparle, el IIlI'il avait produmó c('
Ilom le premier parmi I(~s patl'iotes, salls S0 Iaissel' tl'Olll¡WI' par CCI'-
taines allures de répllblieallisnJ(~ inflexihle, ('( ('[l d{>pit de qlll'IqtH'S pl'O-
testaliolls i~olól's qui \oulaient fain' de Bernnll()tt(~ el (h~ lUOI'('all les
Rl'utlls el les Catons de l'époqlle. Que les véténms dll dllb du l\1anégl'
el les aneiens nfliliés de la société des Philatlelplles se IIMent d'abjlll'eI'
1('111' illlprl'Yoyante pd·tlileelion I't lIt' l'eC(l\1n aitt,(, la sllpél'jorill'·. I'in-
faillihilité Ile I'inslinct naÜollal. Le ch<'l' de' \'o]lposil.ion (It> ('an mI r('I1l-
plact~ alljollrd'hui Bruns"iek ; le ('her de l'opposition de 180!l a sueet"d(~
a Sotmaro\\ ... Diell I'a \"oulll ainsi pOI 11' qlH' la ]H'IlSPL1 el l'enlhou-
siasl1w du gl',ll111 ]1('upl(' fllssrnt jllstifiés, f'l dans celui qtl'il ayait ehoisi.
d c1ans crtl\. qll'il avait r('pouss(~s.


Que llel'llmlolle d !\Iorelltl r('ndmt mainlenant le se('ot1l's de kili'
pxpl'rieJlc(' et de leul' hras funesle il la fortllne 111' ~ap()l(~on, pell im-
porte: s'il slIccolllbe. i1 Sl'ra, lui, 11ll1l10111cnt tIl' Stl ehlltl', ('C qll'il fut
all jour de son élhalion, "l'hOlllllH' dI' la FI'atH'e, » tandis qllt' ~('S
alleiens riYHUX Ile trotlycrout c1alls le sueel's menH' que la l!outl' el It' 1'('-
monis étel'lldlcmellt altaehes au titre de tr'ansfuges el de sel',ih'lIl's de
I'étl'angel' l.


l lll'~1 jllsll' tnntf'fuis ¡J'¡'tahlil' ulle dislinctioll t'UlL'C Btl'lliHlottt' ('t \IO!'(,JH. Bt'l'lIJlinllP, ~',¡JHh;11I1
~Ul' la lIalure d I't;¡í'whw {(r' S!'~ Ikvoil'S eIl\,('r:-o IJ. 1'1';\11('(' d Plln'r~ sa palrip adnpli,c. 0111111''('011·




D E ~ A PO L É () ,
3l1lt'at n aussi fnil er¡¡iodre pOlll' sa fidl>litl', pOlll' sa gloil'l' ... 11 ('sl


¡"eril, sur !'uoe des pnges de ses dcstioées, qu'il l'coiera, qu'il trahirú
!ion hicnfaiteul', soo ami, son fr('n'! l\Iais I'heure dl' la fl'looic el 11 e'
l'opp1'Ohl'c o'a pns elWOI'(' sooné pOllr lui. Ip U aOtH, Murat a rl'paru
au eamp de Dres(\c, d il ,,¡ellt eombattre cocore les I'nnemis de ~apo­
léoo et (h> la Fraoee.


Cqll'nrlant la campa¡!;nc n'COlIHJíel]('e SOllS d'heurellx auspiccs pOLlr
1'[lI'llll'C fl'an~ais('. Napo!t',oo s'es! porté it la l'enconlre d'Alexaodl'c ct
dll roi dc Pl'llsse, a forcé lps ddHl\lch{'s de la Boheme, s 'est elllpal'(~
de Gobd, (k Rumhour¡!; et de Geol'gcllthal, el, apn!s s'etre avancé
jllslllI'á vingl lielll's de Pl'aglll" illsl r(~V('Il\l it Zittall, d'oú il \'a l'ejoiIY-
dre, ell !oute hMe, l'al'lnée de Sill'sie, qui a besoill de sa préseocl\.
Lc 21, i.t la poiote du joUl', il ('sI i.t Lo.'\\eoherg, oú il fail jeter des pOllls
sur le Bolll'l', qu'il pnsse, claus la journée, malgré le fcu de l'enocmi,
qui est eulbllló ('l [lollrslIivi jusqu'ü Goldbl'l'g. Le 25) nomdle aUaquc.
Le général G¡"l'lIl'd, ¡¡Ili debollehe par la gauehe, enfonee el dispcl's(,
lHW colonlle de úngt-('illq mille P),lIssi('J1~, tandis (llIe, sur la droi!e,
FI<'llsbl'rg est pris d I'I'\)I'i~, d qll(' la M'route (les alliés <,st l'nfln Mei-
(Iée par UIle charge illlpdl\('llSl' d ll1l'urtriere dnI5:)" régiment.


lUais tOllS ('es avantages, rempor[('s en SMsil', rcstent saIlS illlhH'lle('
Sll\' la marche de' la grHlldl' llI'Jl1('1' de flohemc, CJlli s'ayaoce ll1I'nal,?1I111'
sU!' la ('apilale de la Sa.\e. l\apoléoll, a,crti de el' 1l10ll\emcllt, laissl'
aussilút le (,oll1mandement de l'armóe de Silésie au mar<"ellal .\Inedo-
nnld) t't aeeourt avce Ney au seeollrs de Dn'sde. Arrivera-t-il n telllps?
J){>jil la ,ille psI, rO\l'loppée pHI' ¡\l'S llH1SSl'S illnOmbl'ables qlli dt'hOll-
ehent de toutes parts ]10111' ('craser la faíble arml"C (\11 mal'échal Saint-
Cyr, rctl'anehee delTj('I'e les palissadcs dcs I'allbollrgs. Des I'enetres de
SOIl palais, le vicllx \'Oi assis!e it la Mnlslation des belles elllnpagnes
ql1i emíl'ol1llf'nt sn capitale, d il Illt'le sn doull'lIl' U la constl'l'I1ation de
ses suj l'ls , TOIl! 1lI1l10nCe qlle J)I'l'Sdl' \a tOl1lher uu pou mil' des A\1stl'O-
Husses, pt qU(' le mm'(;chal Sainl-Cy" [)l' ]10111'1'(\ r¡"sisll'r IOllgtcmps il
Schwnrtzcnberg. La tidelitl> des COl'pS allt'mands Ilui sl'ncnl encort'
SOllS nos dmpeaux en est ébr::mlée; fh~ux I'¡"gimenls de hussards "C8-
phaliens passl:'llt Ü I'l'I1nrmi. Bientót les hahitnnts parleronl de se rendJ'(.',


!\1ais tOllt it eOllp l\'apoléoIl parait ; lc 26, il dix heures du matin, il
ltaiS~"Hlllll("'IlIP lps vrais intl;l'd~ ¡JI' celle-ci. pj~Lna¡t se croil'l' plus SU{"UOIS qlh' Fralh:ais el agir ('11
eOllséqul'l1cc, 31urt'<lu ('tait SiHlS C:\CU::'C.




6"0 fllSTOIHE


traverse an galop le pont de Dl'('sde, et ses lroupes le sui\('nt au pilS
de charEe. Des ce momellt, le décollragement a cl'ssé, la confiallce (l
reparu. Le peuple de Dl'esde, ('\l voyant déliler les cuil'assiers de La-
tour-lUallbourg, pousse Ms Cl'is ,le joie, COllune s'i\ \isait SUl' ccs íi-
gmes guerrieres le présage du sa\l1t dc la Yille.


En alTivant, !'emp,'rclll' H'ul sami,' d'abon\ l(lll'ls 11l'l"paralifs lk dl~­
fense l'on a faits) el il esl hielltüt satisfait d'apl'l'eudl'e lIn'íl fi'a que son
npprobatioJ1 a d011lWI' 11 loutes les mesUl'('S pl'ises pal' le marédral Saint-
Cyr. Tranquille sur' ce point, il monte alol's an chMI"lU. d. Y ['aSSl1I'e
par sa présellce la fmnille l'oyale, qui sOllgeait Ú fuil',


Sa visite \le dure qnJun instant. Ul'st impatil'lIt de ,"oil' par Illi-mcllll'
le nombre, la positiou et les l110uvetnenls de l' erlllemi, d il marche
rapilkment, dalls ce but, H'l'S l'ulle de~ portes de la \iUe, ü tra\'crs ulle
population biemeillallÍL' qni eherehe, snr le front calme el sl'l'ein dn
grrmd capitaine, 1" gage de sa PI'OP['(' ¡,;l'clIrité. A une ht'u\'1' , l\apoléon
est á l'extrémité du fallhol1rg de Pilllitz; il nwt ¡¡i('tI il terre el pat'-
COllrt toule l'enceinll' extél'ieul'e de la Yilk, el! H' I'approelwllt a~s('z
des a\ant-postcs CIlIlClllis pom' (I"'"ne bnlle mor te vienne atkinurc ir
ses e(¡tés le jculle pagc qui l'accompagllc.


A trois hellres, le signa\ dI' l'allaquc est donné par [I'ois coups de
canon llui partent des batterjes de I'armée anstt'O-l'llSSC, A ce signal,
l'mnemi, qui com'onne IOlltes les hautem's dOllt la ville esl ('[(tourée,
descend dans la plaine et se porte avec impétuosité Slll' nos l'('(Lonles.
11 est e\cité par la présenee dl's sOll\'erains, el deja, dans l'iul'sse de
ce premier (Jan, il s'est e1'll vainquel1r, el s'est mis a crier : Pal'is 1
Paris! Mais hientút 1" soldat fl'[lll<;ais rail sentir, a son toUI', la Yigl1l'ur
de ses eoups, el son emperelll' est la aussi 'lui vrille h I'hOIllH'lll' dI' Sl'~
aigles. En un instanlla lutle de\Íent gt"lll"rale el terrible. Les n:'sl'l'\l'~
(o]h's-memes sont ellgagl'es; ¡J"s obus d boulds tombent duus la ,illl',
l\apoléon comprl'l1d 'IlI'íl n'a ¡¡as un 1l1001H'nt a pel'llrl' pOli\' Ji\e\' le sorl.
du eombat, el pOIll' sauver la capitale dn seul allié qui lní reste fl,li~ll'. 11
jelte, sur le flmw droit de I'clll1cmi, Mural el su eHyalerie, d, SlIl' Ic
Ilanc gauche, le eorps elu dile ,le Tré\isl'. !lnis, il rait ,1d)OlldH'J', pal'
h's portes de Pima el de Plauen, ql1atre diYisiollS de la j('lllll' gnnle,
commanrlées Pill' km's dignes c1wfs, 1"8 gt'~nt'\'a\l\. nUlllolltieI', Eal'l'Ois,
D('col1z l't Bogllrt, plac(;s Cl1\.-mhlws SOIlS Ics onl\'es ,111 IJI'n\I' IlI'illl'l'
de la ~Ioseown, L'appnrition de ('es ,lrl1\ colonlll'S dwng(' aU.-sil/,[ I'ils-


----¡
I




DE \AI'OLÉO\. nI!


pet'! de la halaille. Tout plie el se n'tire dC\:lIIt la jl'[lIle g¡¡n!t'. Ct's as-
~aillallt8, nagub'c si Oel's el si [ll'l'somplllcllx , sont p()ul'~ui, is Illaillt(~­
Ilan[ dilas [ou!cs les dirl'etiolls, d ah:mdonnent la plainc 11'1'ils ;I\aicul
l'mahic H\W' laut d'al't!"lIl', el liul' les ,'uil'assÍt'l's balaielll pl'l'sque salls
I'(·'si~tnn('e.


(1 L'rmpel'elll' est tlans D['cs(!t,! il n'cn faut rllls tlolller, s'éclie alo. s
1,' pl'illce de Sdm al'tzcul)(,l'g; le momeut fa\lirahle pOUl' rr:k\el' la
\ille est penlll! ne sOllgfOns plus (IU'a nous ['allicl', "


1,'('l11prl'{'III' rrnait rn effe! de constate!' sa présellcc, nOIH'('¡rlellleIlt
par les sa, antes dis[lositioIls et les habilrs nlnIlCl'UHeS (IU'il :l\ ait or-
(lonn¡"es) mais mlssi par son acliye partieipatioll aux dforts hél'ol(lues
pt aux pél'ils de son al'lllée. « i\ apoléon , au IIIilieu tI'UIlC glelc dc bou-
lets et de halks, dit un éCl'iyaill allemand J tl'llloin oClllaire J passe all
gl'and galop dans le Sehlo~s-Gass, pOllr gngllcI' la porte dll Ine et la bu\'-
rii'I'e de Lippodis",aldc. APl'l'S s\ etre m'n-tú UIl illstallt, il e01l1'l f'IIl'


- .~-


_1_~-~-Ei!FlI.~ ~~-;''-_ ...


le ehnmp de bataille; un oflkicr de sa suitc est tué ú eMe de Iui, el
plllSielll's (lo ses nides (le camp sonL blessés. )) (Récil de ce fluí s'es[
passé ú D\'csde) pal' un Saxon, t,"l1loin ()clllnil'(', le majol' d'Ode-
Iehen. )


Ce lúst qu'ü ncuf heul'cs du SOil' que le bl'uit !In canon e('58(' de se
faire E'nlf'l:dre. A ollZe heul'cs, l'CI1Ipel'elll' esl cllcon' debout, pllI'COU-


I nlIlt les bivollaes, chcl'ehant Ü ['('eonnaltl'e IlIi-lllpme la ligoe ennemie
1_-


SI




¡------


H I STO lit E


et prépanlllt ses ealculs et ses plans pOUl' le lendellluill, A milluil, il est
l'entré au chatean; mais arant de se mettl'e au lit, il appdle I3erthil:'l'
dans son cabine!, et lui dicte des ol'dl'es qui sont aussilót expédiés a
tons les génél'aux commandant des COl'pS J'a1'mée, alin que chacun
d'eux soit pl'et, des le Illatin, il secollder le géllie de I'empereur pOllr
le succes Je la nouvelle joul'I1ée qui se prépare.


Cependant un eOl'Jls untl'iclüen, qu'lllle distribulioll d'eau-de-vie a
fuit l'evellil' lle l'abaltcllH'ul 011 1'¡¡1'1l1l~e (lu IH'ince de Schwal'lzenbcl'g
avait été plongée pal' su défaite de la willl', a tenté une sUl'prise, ¡¡la
fa\cul' (le la !lllit, su!' la [lO/'lI) (lePlauen. ~Jais il y u tl'o\lYé le gl'uél'al
Dumollstier el le colond Cumbrone : DUlllollstiel' qui a la jambc f1'a-
cassée, et quí yeut encol'C ('om:lllltrl'; Cmnlwone flui faH l'epentÍl'les
nssaillanls de lellr alldace, ('n len1' prellant \In batnilloll tout ('ntiel' ('1
un d/'aprau.


Cdte atla(IUl' noct\ll'lll' nllllOIlCl' que les alliés, si l'Olllplétement mis
rn dérontr tlans la jOlll'!H"e <lu 26, ne se tieIlllent pns JlOUI' défillilire-
ment rainells) et qlle ron doit s 'altendl'e il les \oil' /'e\l'uil' au combal.
~apolt'oll l'a prl'Yll. f/lItHld il u l'lIroyé daus la uuit il lOlls ses Iieutc-
nants dl'S instl'uctions si pl'essnntes. Des six hcul'es du malin, nwlgl'{~
la bOlle et la plllie, il est il che\ al, et il sort par la porte de Fl'eyberg
pom' allel' ('XUmi()el' cnl'OI'C les licux , étudiel' le lerl'aiu oú la lulle ya
I'ccomll1cnccl'. Su/' I('s hal/tem's qu'il a en raee, UBe lacune se fait re-
marque/'. Le COl'pS fIn génél'al alltl'ichien, Klenuu, n'a pns en{'ore O{'-
cupé In posilion f1ui lui a étt~ as,ignée. L'empel'eu/' ol'llonne aussitúl il
Mu/'at I'lll Yido/' (le se porte/' SUI' ce point cl d'y dc\tlOcel' I'ennemi.
Le roi de l'\aples et le due de I3e\hme exé(,lItl'nt ce mouyement aH'('
pl'omplitudl'. A lI('uf heul'es du matin ) ils sont tlHlltl'l'S de la position;
mais une vire cnnonmHlp s'est engagée au c('nll'l' j l'artillerie y soutient
le [1l'ineipnl (,[fod (le la hntnille. « e'es! la, dit le Malluscrit del8lil,
f/"e le soJ¡lat f/'an~nis slIbit Il's lois les plus durl's d(~ la lactiflue 1110-
rlel'nl'. Hongpant le fl'f,ill <[ui /,('ti('nl son ardeul', il I'este des hrurcs
entir/'rs imIHohilt', ('11 IlIi[[p :111\ houlds dont I('s t!ell\ lignrs fOllt 1111
("changp ('ontinnd. )'


:\ ()nzr hrlll'l'S, '1I1I'al csl dt;jú an delü dl's gOl'ges de PlallNl. Un I"a
Vil, 11' snbre ¡¡In mnin, son I1lnllt('l1\l hrofll' (\'01' retl'oussé sur répnule,
ehnrger n la I(\te des cnrahiniers d des euil'assiers et se prt'cipil('/, sur
I'inrantprie antrichif'nw'. Son SIlCC('S) ntHlllel Yidol' d Lat()llI'-~rilllholll'g




DE I'\APOÜOI'\.


onl gbricllsel1lcnt e'onCOlll'U 1 csl J¡'~sorll1ais (,Ol1lpld; I'aile giluclte des
allies CSll~cl'asl·c.


LCIII' aile droik n'cst pas plus hC\lI'CllSC; clle fuit deymll la jt'lllW
g:mle dOllt l'clllpercur esl Ü'II11 lui-Illl'me purtagcr le dungel' el Ir-
lriolllphe.


SII[' lons les points, la yalcnr fJ'an~nise se monll't' aussi brillan!e el
aw~si sontcnue qll'all\ plus helks jOlll'JleeS de notre hisloil'c militail'e.
llellx hataillolls de la úeille garue, les seub de cdle arme qlli aicnt ('Iti
cngagés, n'oul cOlllhaltu (lll'Ü la baúmnclle el Ollt e'ulbulé tout ce qu'ils
Ollt rel1contl'e SUI' Icm passage, [\]o1'tier, Saint-Cyr d ~nnsonty ne se
son! pas llloillS di~linglll's qlle 3!lIrul, Vido\' ct Lalonl'-:Uaubolll'g. Cel
cn~elllJ¡k :1I1mirahle (l(~ IOlls les couragcs el de lous les lalenls, formé
sons les anspices dll g¡"nie, dc\ait ctrc e'ont'Onné (l'lln rósullal (h'·<"isif.
A lmis hClll'CS, la halaille de lkcstle es! Mfiniti\'cmcnt gagnée par 1\ tl-
po1t"on, Les mona\''1llcs alJ:és, \1lcnar<"s dI' pCl'drc lt'l1l' e'ommllllie'at.io!l
arce' la Bohimw, sont ohligt'·s de pO\ll'voil' a lenl' SII\,pté, C'l prcnnclll le
partí de la rdrailt', 1ais~ant au pOllvoil' du raill(lucIII' Yingl-einq a trente
mili!' p\'isoflu¡crs, r¡lIilrau!c drapcau:.; el. soi:-.an!c pit'cC's de canon. l.c
premiel' (,()Ilp (1" C:lIIOIl, tí!'(': d('s halt"I'j(·s d(' la g,lI'Ik illlpc'\'ial(', a


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bIes sé mortelkment le gélléral Moreal!. Le e'iel n';) pas vouln que 1('


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H 1 STOlllE


vuiuqueul' de lluhenliudcu eut le temps d'aggl'a\el' sun erime el de PIT-
pétuel' sa l!Unte SUl' les champs de uataille, el il a faH cessel' le Sl'UU-
dale de la pl'ésence d'UH tel homme au milieu des llusscs!".


L'empel'clIl' peut croiee que la pl'olt'ction diYine lui l'e\ÍclIl, en Yoytlnt
le pUl'l'icide si pl'omptemelll utteillt el puni, duns son ancien compéli-
teuI', el la défeeLion si vigoureuscmcut chútiéc, dans ses alliés de Víel1lw
et de Bcrlin. Ce n' est lllulheul'eUSClllelll q u' une illusioll lluí pussel'a \lte,
II eu est "CHU a ce point que les plus beaux fuíls d'al'lllCS De le sau\c-
l'ont pus d'uue chute pl'odwine. Sépuré de I'esprillibél'al, qui se dl'c,:se
fierement COUtl'l~ lui du lllilieu de la jeullesse allelllaude, il se tl'OUIl'
poussé en dchol's UC sn lllission prilllilivc : I'holllllle politique ya finit·
en Ka[loléon. ~Iais COllllllC son géuic luí reste fidde, el tIue la natio-
ualité fl',U1<;aise cst loujoul'S iI]('m'I](~e l'll luí, jI tOIllIJl'l'H du trú,lC SatlS
etre déchu de su gloil'c; il tOlllUCl'a, en grandissaut loujours [lour la
postérité j en l'enouwlaut, jusl[u'a la del'l1il'l'C' hcure de SOH \'xistl'llee
souvel'aine, les melllt's [lrudigt's don! il étollunit le Il:Olllle I¡UUlld il tl'a-
vailluit encoré' a S01l élévatiou, ou l[u'il était panl'nu a I'apogéc de sa
puissullee.


Le czar, le roi de Pnlssl', le pritll'l' de Sdm m'tzl'lllJl'l'g flliclll dOlle
uue fois l'lIl'ore devant l'aigle de Frailee, emporlalll U\ ce l'UX Jlo/"e(\u
expil'ant. lis out [¡tile de gngnel' les défilés de la Boheme. Kapolúm les
fail pOlll'sui\TC vivemcllt. l\lais un de ses génél'Uux, l[ui presumc lro[l
de la vnlelll' de ses trou[ll's el de sn Pl'olll'C bravollre) essaie , a\pe lIIH'
poigllée de soldats iutrepides) de uarrcr le paosage a loule uue annél',
Le génél'nl Yandamllle, oulJliallt, sclon la remarque de l'elllperl'Ul',
« (¡u'il faut faire un pont d'o!', ou OppOSCI' une harril're d'¡wil'l', a une
t1l'luée <[ui fuit, )) d l[lúlll'esl pas USSl'Z furl pOUl' fOl'lller eelle hal'-
riere d'acÍt'l'; le géllél'al Yalldalllllle se jdll' dalls k's gorgl'S de Kuhn,
el tente u'y tlrrclcl' la gl'aude al'll1ée yaincue il Dl'esde. :\lais apres des
dforts inouls d Ulll' l'l'sislance désespl1'ée qui font epl'OU\er une perle
l'ollsidéralJle a l'enncmi, lc gl;nél'al frallgais est aeeahló pal' 1(' Hom]¡n'.
ti disparaH dalls la melée; OH lt~ eroi! mort. SOIl l'orps ti 't1l'lllée lout
eutier es! fait pl'iWllUier, el ['OH uppl'l'lld bil'lltúl qu'il et>t lOlllhé lui-
llll'llle au poU\oil' dl's Austl'o-Ilusses.


Cd éehec isolé, qui eOllta plus de díx millc !JOlllllICS Ü 1'(\l'l11él' fl'nn-
gaise, utténun ks dfels de la lJutnille de nl'l'sde. DI' l'ul1l'stes evéuelllenls
se passaient lLlÍlkllrs, pl'l's<IlIe en mcmc temps, a l'al'l1lel' de Silésie.
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DE 'APOLÉOi\.


Les f:W<lnoes pluies avaimt amellé le débordemellt des ri\"i&res, L'eall
eouuaÍt toutes les routes; les ponls étaient elllportés, nos oi\'ers eol'ps
pl'i\és oc commullications entre enx. Dans une positioll allssi pél'illcuse,
le lllarédwl ~laedonald fut obligé de repassel' le Bobel', la Qucisse el
la l\'eisse, aprl's avoil' penlu, 11 Lamenhel'g) la plus grande partie de
la di\'ision Puthod, oonl les délJl'is se sau\cl'ellt a la nnge,


Napolé(!H, laissalllla gl'aude al'lllée ellllelllie e01111ne Cllfenllée dans
les lllolltagUl's de la Bohl'llle, s'adwmina Yl'I'S la Silésil', el ]'eneolltl'U
le COl'pS de Macllonald SUI' les halltclIl'S du Iloehl,il'l'h, le,1· seplembre,
Lc meuH' jOlll', il Jit l'cpl'cnol'c l'offeusi\e 11 eclle année, attaqlla I'm-
m'mi, 11' dl>Jws(llla des hauteul's du Wolenberg, le poursui\il peudant
toutc la jOlll'uée du ;:;, jllS(IU'a Gmrlitz) le f()l'~a 11l'epaSSel' préeipitam-
lllCllt la 1\"('isse el la Queisse, el rentra, le ti 11 sl'pl hClIl'es dll soil', iJ
DI'('sde, oi! il appl'it que le conseil de glll'ITe dll l!'oisicmc corps d'ar-
Illl'C Yl'nail dt, contlarmlel' a mor! le génél'al Jomini, Suisse (le nalioll,
chef d'état-n:ajol' dc cc COl'pS, pOUI' moiI' déscrté a l'l'lluemi au 1110-
Illl'lIt de la I'l'prisc des hoslilités,


Cqll'lIdant k mal'édwI OlldillOt u'anüt pas élé plus helln'lIx, da[)s
sa llIarche SUI' Berlin, que ~la('dollald) l'll Siksie, Batlll, le :U~ ¡¡oút, ti
GI'OSS-BCl'l'('II, iI arait élé rel1lplaec par 1\"ey, IllIi, apl'es a\Oir oblenu
<¡1Il'llfue anllllagc, le :; seplembre, Slll' le gónól'al Talleuseill, essllya ,
le Jellllemuill , une tléfaite 11 Jutl'l'bo('k, oú il fut attaqllé par' Bernadotte
el Bulo".


Ainsi, les revers eOllllllellgaient a devcuir plus fl'óqlll'llts partollt oi!
l'<'lll[ll'I't'UI' H't'lait paso 1\"apoléoll mait Oll éll'e le pl'emil'l' a s'cn apcl'('e-
\oil'; aussi, faisaut (le Dl'esdc le ceutre dc ses opél'ations, s'1' tillt-il t'U
qud(llle sorte a cheval sur I'EJlw, tOlljOUl'S pl'el a accollril' la 011 le
daugel' sel'ait le plus pl'Pssant, toujo\ll's m nwslII'u de sUl'H'illel' el dc
dil'igel' les manCl'lI\Tl'S el les JllOUH'IllClllS des COl'pS llo111brt'ux qui ('0111-
posail'lll son al'llll'(', 11 passa dt, la sol'le 1<' lIlois de sq)[t'mbl'e el la pl'C-
mil~\'e moiLié d'oetolH'l~, lIHll'chulIt, lautót a SelmarlzellbPl'g , tall[¡'¡t iI
Sackl'll, [¡¡lllól ti Blücht'I' el ti lkl'l1adolle; baUanlles uus 11 Gqel'shül'g,
les aull't's ti Dessau, el kilI' fais,llIt l'('doutel' 11 tous la l'enconl1'e du }JI'¡¡S
illVillcible qui selllblait jOllil' du privilé'ge de l'ubiquité, l\lais ees lriom-
phcs lIe faisaieut qllc décil1ler son urmée) oéju si aiTaiblic par les dés-
astl'CS de la eumpagne précédente, suns déll'uil'e les l'('SSOlll'ces SUlIS
(;ess(' l'e1l3issanles des HI'IHl't'S eOlllhinées. Les rCllforls aITivuil'llt de


1- ________ _


'" I




(i ~ (i 11 ISlOllt E


toates purts a I'ellnemi. De nouwlles déreetions ullaient eneorc lui Yr-
nil' en uide, Le roi de Bmicre imitait l'empercul' d'Aulri('hc, yjolnnt
la foi des truités el bl'isant les liens de ramille, L'jnSlll'l'cdion ~e pl'O-
pagenit ensuite su\' nos derril'res, Des corps de pal'ti~ulls s'dait'lll 01'-
gauisés en Saxe ct en Westphnlie, Le géuérul SUXOll Thielmanll avnit
ahandonné nos dJ'npenux ponr se mcttre a la t6le de t/'ois millo cou-
\'('lII'S, Russes el Prus~iens, el iI nyait surpris, il I1ulIl'lllbo,u/,g, t/'Ois
ti qualre cenls maladcs, qui lui fUl'ent rl'pl'is a Frcybourg p<1r le gt'ué-
ral Lefebvrc DesnoucUes. Hans ce mOUH'ment gén('~ral d('s populatiolls
allemandes eonll'e la dOl11inntion fruw:;aise, le roi de \Yestpltalie, Jé-
n)llle Bonaparte, tlnlÍt été dwssé de sa capitale el obligó de se retirer
sur le Hhin,


A la nouycllc de la déft'ction de la Ba\ióre el des (lispositions iIlSUl'-
reelionnelles qui se manifl'staient clans l'Alklllagnl' ('entrule, l\upoléo[\
COtnlll'it qu'illui serait difl1cile de se maintí'ni\' su\' I'Elhe, d il sOllgl'U
a se rapprochc\' dt's frontieres (le Francl', eH conservant le plus pos-
sible son uttitude vidorieuse, lUais en faee d'ulIe arlllée illnol1l!H'uhle)
qne les défaites les plus completes ne poU\aicot amoindl'ir paree (¡u'dlc
s'alilJ1cntait ineessmnment des recrues dI' toulo l' Europe, il sentít
qu'une leyée d'lloml1ws considérable lui étuit derclIue 11 éeessfli l'e , el iI
fit demandE'r flU sénat deux cen! qualre-vingt mille consl'l'its) par l'illl-
pératl'ice régenle, (lui pl'Ol101ll.;a a ccUe occasion, le 7 oclohre, un dis-
eO\ll's que l\apoléon lui avait adressé (le son (luarli('I'-gt'nú·¡¡1.


Le sénat, qui s'étuil toujours ll10ntré empressé Ü rl'mplir les vceux
de l'cmpcrcul', ne devait pas se faire indocile qualld les besoins dll puys
devcnaient plus gl'unds el (Iue la positioIl de l'm'ml~e f/'anttaise a ¡'é-
h'allg('r nécessitait de prompts seCOlll'S : la leH~l' de dpl/x cenl quatrc-
\ingt mille cOIlserits ful done \otée san s opposilion"


NapolL'on était encore sur l' ElIJe maltre des ponts dI' Dessan, d' Akell
!'t de Wartcnbollrg, oout les gélll'rallx He~\IieJ' el fll'l'!/'and d le ma-
réchal l\ey s'daiCllt empul'és, el son proje'l, dit le rappo/'L officid,
( ¡\tuiL d(' p:I~Sl'r ce lleuH~, de matlO'lI\Tl'\' Sll\' la riH' droite, (kpuis
lIambourg jusqu" a Dl'esde; de lIlcnacet' Potsdam el Ikrlin, l'l de Ilf'('/l-
d\'e pour cl'tll\'e d'opé\'ation :\Ing(¡('bollJ'g, lorsque la nou\"elle de la
dNl'diol1 des B:l\-arois le fit \'l'1l01lCel' ti ce dl'ss('ÍJI el le déeida ü sc' re-
tirel' su\' Leipsiek. ))


edte t'ésolutioll cO!llbla de joie les ('CllSe,,,'s du (ll1arti(,I'-g('~néral, qui




DE i\APOLÉO:'l.


voyaient a,,('c peine 1\ apoléon incliner a len ter un cuup de maín 811l'
Berlín et a portel' la guel'l'e entre I'Elbe et l'Oder, qllallll ils ne dési-
raicllt rien tant el1x-memes que de revenir an plus nte SUl' le Hhin.


L'emperenl' arl'iya le15 oc:tobre i.t Leipsick, oÍ! étuient déja réllnis
les eorps de Victo!" d'Augereuu el de Lnuriston; les alliés l'y suivil'ent
de pl'eS , et, par \ln ll10\lyement combiné de toutes lcurs forces épnrses,
ils parvinrent a se concentrer, des le 16, autour de l'armée (rnn~aise,
qui se tl'Ou"n ainsi nrretée dans su marche, au midi et au couehllnt
par Sehwnrlzenhel'g et Gilllay, !nndis que Beningsen et Collol'edo,
Ll!iieher elllemndolte accouraiclIt mI' elle de rest et du nord.




CHAPlTHE XLVI.


Bill,lillt' di' rarlldn 1'1 di' LI'lll~ick. Ilt~rc('tioll .k~ !-'aXOlh. b.¡·w· dl~~óI:oitn'lh\' dI' \.1 CóllllpilglH'.
Hdolll' de 1'l'lJIlH~I'('l1r :\ Pari~.


L\'Q ecnt Illillü hOll1llWS St' lromait'nt ('H 111'("-
seneÜ sous les lllUrS OU dalls I!'s ell\irolls de


. Lcipsie].;; une grande balaille dml el)('ore de-
wnue inévitablp.


Des le ·I;j, Napoléoll , npres avoir l'assllré
le roi et la reine de Saxe 1 qui élaienl H~1ll1S
le rejoindl'e ti Leipsiel" SI' llIit 11 ¡'xplol'Pl' \('s
dehol's de la YilJe el ú ,isikl' les divel's ('Ol'PS


d'armée étahlis tlalls ll's Hellx ell\'ironnanls, Le resle de la jOlll'll('e el
11tH:' pal'lie de la Iluil furent cOl1s¿)crt·s aux pr('llal'alifs dI' la halaillf'.
!fui paraissail certainc pOli!' le lendell1ain.


Le 16, i¡ nenf heures dl1 malin, k signal dll ('omhal fut en errel donné,
au Illidi de Lcipsiek, llar le llrince de Selm arlzenlll'rg; mais ('Pile al-
taque devint bienhit g<'nérnle, et elle fut soulenlle par deux ('enls pil'('('s
de canon. L('8 alliés (,Ul'mt d'nbonl l'aynntag('; ils mena(;aient les ,il-
lagl's dü Markk'd)('rg ct dü Dolilz, d faisaim[ pliel' no[1'ü dl'oilp IOI'SIIU('
l'inl'ant('rie d(' PO!lialm' ski l'l d'Allgcrcau) et la cayair'l'i(' dll gÓll'!'al
Milhalld 1I<Il'ÚI1l'('nt il <lrl'c!cr de ce eólé les jll'ogl'¿'s de 1'l'Ill](,l1li.


,


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!lISTOrIlE DE NAPOLItON_


A 11 r,entre, Yielor et Lnnl'is(on eOl1servel'ent Yarhan et Lielwr\val-
1", ítz, Jllalgl'l~ les efforls dn ]1l'illC'e de W Ilrlemberg el des génératL\
Gorzakof[ el KIt'nall.


311lis ce n'dait pas assrz pour l'empel'eul' de résistel' m'ee 511Cr,('5 rt
de ganlcr ses posilioIlS; il avait hesoin, plus que jalllais, d'un triol11plH'
édatant, d'une vidoire décisiye; et <}uand :,;('s ennemis érhollaient dans
lellrs prelUieres atlaqlles, íl devaiL les allaquel' viH'ment il son tOlll',
salls lpul' donner le temps de faire cess('1' le désol'dl'e el le c!éc()urage-
l11ent da liS leurs COIOllIlCS, el de remplacer pm' dcs troupes f,'airhrs les
corps fatigués rt baltlls; e'est ce que lit ~npoléon.
Lall~allt 11 gauche )[ae¡]oI1ald et Sl-I)Ustíani sur Kló)Hu, et dOIlIlant


onlrc ü !\Iodi('r d'allel' soutenü' Laul'iston avee deux divisions de la
jellne ganle, il cmoya it limite Oudinol POLI)' appuyel' YieloI', tandis
que CUI'ia1 mardw sur Dolilz afin de renforeer Poniatowski. Cent rin-
I]uante pieees de l'nrl.i1lerie de la gardr, dirigt-es pm'le général Drouof,
vinrent protégcl' t'cs di\-rrs mOIlYell1ents.


TOllt le monde, géUl't'HlIX el soldats, l'rmpIit les \ues du grund eu-
pitaine. Yiclor rt Ollllinot, menant le pl'ince de WUl'lemberg l'épéc
dans les reins, le c!Jasserent ¡}evnnt ellx jllSqU'i1 Gossa. l\Iortier el LUll-
ristoll ne InlÍlereI1t pas mieux le corps de Klénau. lHucdonuId el Sébus-
liani obtinrent de 10111' c<'lté un sueees eomplel, el Poniatl'vski l'entlil
vainps toutes J¡,s tentalives eombinées des Prussiens, de#Russes et des
Alltl'ichiens l1om' lui faire abandonner sa position sur les bords de la
Pleiss.


L' empereur Alexandrc, voyant que la batuille de Vaehau allllit etre
perdue) se decida a faire donnCl' non-seulement ses résenes, mais son
l'SCOl'tC mcme, an I'isque dl' eOll1promeltre sa pro~rc sureté; il uccou-
,'ut sur le point le plus menacé el Ianr,a les Cosa~~s de la gar'<le sur' In
cavalerie franr,aise. Cette résolution extreme, aussi générellse qn'im-
prudente, si elle pouvait eomprornettre la personne <lu czar) préservn
toutcfoís l'arrnée des alliés d'une défaite pompIete. Les Cosaques rcpl'i-
rent vingt-qllatr'e des villgl-six pieces de canon quí vcuaient d'etre en-
Icvées Ul1X Ilusses; les réservrs uutriehiennes pal'llrrnt enslIitl'. « Les
aIlil's élaipnt si nombrcux , dit le .U¿lflOl'ial de Sainle-llélime) que quand
]('urs trollpcs élai('nt fntigllées, elles étaicnt régnlierernent relevépf;
I'omme 1) la parade. )) .\ H'e lIne telle supériol'ité l1ulllériqlle, ils lll'
pomaient gllln' Nre (ldinitiH'Jlwnl hattus; a\l~~i, lt1algl'é k,; prodigl's


J




(i·jO !IISTOIRE


de Yukm' qUI' lit l'arnH;¡' fnlll<;aise, la vidoire n's!a-l-dle ü peu pri's
indécis('.


Mais on lI'anli! \lns (,ol1lhaltu sl'ukment il Yaehau; le canon s'dail
fail rnll'ndr(' allSsi sur la Pm'tlra el du ('ól<" de Linr!ennll. SU!' la Pal'lha,
Bliieher, flui al ail ("galement !HHII'lui I'avantagc du nombre) llYail fini
par rain' plie!' le ('orps de 3Ial'lllont. A Linrlenau, Gilllay anlit ('Ir'- l1loins
"PUI'PUX ('on[('(' Ip gl'néral Bf'rlrand , qui ayai! dden(ll1 d smm', la roUII'
tle FraJwP.


Les allit,s pl'!'di\,l'nl \ingl mille homnws il Y m'hall, Lp gl'11 l'l'aI au-
tri('hirn Mel'feld , tombé de dH'\al au mili(,\l des halorIllP!lI'S fl'all(;aiH'~,
rendit son {'pl'P aH eapilainc Plcinesc!ll', (It, la division Curial. On
eompta, dll eól(~ drs Franr,::ais, t!rux milh~ eiue¡ ernls homnws tant tUl'S
qne hlrs,¡"s. Le ¡:,t.néral Lalour-3Iauhourg eut la clIisse emp0l'h"e par
un boulel. l\apoléon donna des ¡"Iogl's ti la conduite de ses li(,1l1pnanls,
Yidor, lUal'lnont, l\ey, Ondinot, i\Inrclonald, Auge!'NIU, etc,; il signara
Hlrtout la hravolll'e (le Lauriston el l'hél'o'iquc inln:'pidilé de Ponin-
!owsld fln'il élpvfI n la dignitl~ dc maréchal.


Dl'puis qnelql1l' tcmps, les batailles c¡ui srmblnient devoil' étl'c déci-
sives ponr l'pmpereur l\'apolf"on dl'llIcuraient sans rl>snltnt. Lulzen.
Bautzcn el Dresde n'maient fuit qn'aee['oitre le nomhr(' l'll'ardclIl' cI('
ses conemis : quc pouvait-ildonc f'~pél'Pl' d'tlllc jOllrnée oú le sncet'S
n'avait pflS été mnrqué par la déroute, ni memo pal' la I'etraite des
!'oalisés'? En rentrant daos sn teole, il dut se préparer il eombaltl'c le
Iendcmflin.


Daos la soirl~e, OH ¡ni amena son Ill'isonnier, le général Merfcld ,
qu'i1 avuit cotlnll ¡'¡ Léohen , el il fJui iI s'empressa de rail'c rl'lldl'c SOIl
épée, Le Inissnnl partir cnsuilc SIl1' pal'ole, il le chm'gea de proposilions
pacifiques pom' ]'emper('lII' d'Aull'idle, et lui (lit nll !l10lllent dI.' le ren-
\'Oyel' :


" On se trompe SUl' Illon compte; je ne demnnde pas mieux fJue de
me rppospl' a l'ombre de In paix, el de reH'r lc bonheUl' de la France,
apr('s avoir l'evé sa gloire ...


« Je dois finir par faire des sacrifices, jo le snis; jo suis pret a I('s
faÍl'o ... Adien, générul; lorsque de ma pnl't vous pal'!erez d'm'misticl'
aux deux empereurs) jo no doute pas que la yoix qui fl'appel'u ICllrs
orf'ÍlIcs ne soit pOUJ' eux bien (\loqucnte en souyenÍl's. »


Le général !\Iel'(eld I'doul'l1u al! miljPII des sicns, qui furrnt aussi




slIqn'iti (11lC salisfait¡; di' le I'('\oil'; nwis les pal'oks di' paix <Iollt iI étnit
pol'lelll' n'y oblinn'llt qU'Ull Irl's-fl'oill a{'cucil. Les sentiUll'llts pCl'son-
lIPis dcs IllOIl<ll'<(lI<'R, I('s sOll\enil's il1n)(¡t!é~ pm' ~apoJ('()n, étail'nl. 1'11-
li,~I'I'!l](,1l1 suhOJ'(!Olllil'S allx CXigl'llC('S d'mlt' polilique eOllllllllll(' el ill-
flc'.i:JI(', La ('oalilion IW di'\nit pas I'ompl'l' ses l'angs, mo(It'I'l'1' SI'S
lli'étentions d I'aknlil' ses eOllps, il n](,~II!'(' !JU(' I(~s ('\I"IlClllellls Sl' pro-
lIol1(:nirnt de plus CII plus pOIlI' elle,


La hatnillo aUl'ail done l'eeoll1mcrrcé le 17, si les grandes pIUles el
k's mauvais ehcllllns qui avaienl l'etunlé J'al'l'ivée UII géllél'al Bellingsen,
ll'anil'llt ('llgng¡'~ k's allil's il t'l'IlVOp'l' !clll' alfaque au h>ndelllaill, Si
l\apoJl>oll etlt pCllsé qll'on délibl'l'uit, au camp cnucmi, SUI' I('s pl'OpO-
siliollS (,ollfi('l'S il l\r. dc ~rel'feld, il dlt étt; bien ,ile dt,t['()mp(~. Le t 8,
des la pointe <lu jOIlI', h's alli(',s étaicllt cn mOllvcment. )Inis I'<'mpe-
I'PlI\' anlit tout 1)['("\ u , el il avait IWSSl~ la nuit il faire Sl'S disposiliollS,
('O\ll'ant (It' son hi\'o\lflr :1 In tpnte {'Ip SI'S gl~n~I'flllx, I'i'\'('illflnl j\"pr il


!:i'LHll1itz , visitant Eertl'and a LiJl(lenau , l't dotHllllJt pal'tout Si'ti ol'llrl's
[lOLII' le Ielldemain.


A dix helll'l's, la eUlIollIwdc s 'cuga¡::i'H ~Lll' [oule la liglH'. LI'S l'lllll'-




(j52 HISTOI RE


mis Jirigcrent principlllemcnt leurs effo!'ts SUI' l(Os villnf!:PS de COIll1c\Yitz
d Je Probslheide, ill'enlcwll1ent desque\s ils uHadtail'nt le gain de la
bataille. Quatl'e fois ils essayerent d'cmpurlel' Pro]¡slheidl', el lIuatn'
fois ils éehoucrenl. Sur tous les points , l'm'm(~e fl'alll:ili~e défcIHlil opi-
nial['ément l't pal'\'illt 11 rOllSl'I'\PI' ses positions. L'al'ml~e ¡le Silésil' ll~llta
\ainement de s'clllparer du fauboUl'g de Ilalle el de s'¡"lablir sur la ri\c
gaudle de la Pal'lI13. Si die I'l'ussil il franchil' c('[tl' ri\ii'I'(~ iJ [llusi(,lII'~
rt'prises, die fuI aussilút assaillie el culbult-e par le pduce de la )los-
CO\YlI, qui réllssit toujolll'S il la rejekr sur l'null'e riH'.


A tmis hl~ul'es, les chanees de la bataille étaient pour l'annél' fl'all-
<;nise. Mais un Je ces éré[wments que la seiellce mililail'c !le peut lIi
préroil' ni pl'é\"l'nir, el llui maient dl'l"angé tanl de fois depllis 1111 mi
k's caleuls de ]';apoléo[l \int changer toul a coup la faee dl's ehuses.
L'armée saXOIlne l't la ca\alet'ie \\ul'tembel'geoisl' passCrt'llt ill'eIll1ellli ;
1<: g{méral en ehef) Zcschau) ¡¡ui resta ¡¡deJe il noll'e drapean, !lC pul
t'elenil' que cinq cl'llls homull's sous son comm'lIldClIll'Ut. L 'artillel'ie
louma mellle ses quul'allte pi0ccs de eUIlUII eOllll'e la uivisioll du gl"llé-
ral DUl'utte,


Cette défection inoule) opérée sur le dWlllp lIt: bataille ml~n}(', ou-
Hit un Yide dans les ligIles frml<;aises, el li\J'a allx allil's la POSi[jOll
importante que l'armée saxonne antill'll~ cltargú' lIt' ddelltll'l'. En Pl'U
d'instants, l'eIlllemi (c'était BemaJolte) eut passé la Pat'tha el o('('upé
lteidnitz. 11 n'était plus qu'il UllP d('mi-lit,ul' de L!'ipsid" Iot'sllue :\a-
poléon suninl lui-ll}(~m(~ avee une t1i\Ísiun Je la garue. La ['rl'sell!'l'
lle l'cmpereur ranimn rard!'ur dp Sl'S tI'OU¡ws. Heidnitz fut hi('ntút re-
¡Iris, el qlland la Huit U1Tiva, nous dions, COlllllle la wil!c) maitt'l'S
du champ de bataille) pllltú[ yainlllH'llI's que \'uinclIs) mais r¡"dllils de
plus en plus il reCOll1l1leucer cha![ue jouI' des luttes sanglantes, qui n'H-
\aient pOUl' résullat que d'affaiblir nos rangs) l't dont l'issuc la plus
lreul'cuse ne pouvait plus I10US pt'ocure¡' lfll'lll1 chctnill p(~llihlenwnt dis-
puté et une retl'nite glOl'ieuse ti ll'a\e['s le sol gcl'tuallique,


]';apoléon se retl'Ouyait done) Upl'CS les llérolqucs effot'ls lle son al'-
méc, aux champs de Leipsiel\, comllW apres les beallx fails d'a¡'!1ll's
de la joul'Dl~e de Vaelwu, dans la lIécessilé de se prl'parer ti un IlUU-
\cau combat pOllr le jOlll' slli\ant. :\fuis, ú serl hl'UI'CS du SOil', les
gl"lll'I'<1UX SOI'bil'r et Dul<111loy YÍnrcllt lui appl'Plldl'e <[IW les munitio[]s
de guerl'e (taienl (>puisées) el <ju'on m¡¡it il peine de (11lOi entl'l'lellil' 11'


i. _____ _




DE NAPOLÉO\' (155


fcu pendant deu\. hellres. lkpllis cinll joUl'S, l'ul"Illée avait tiré }lItis de
deux ('cnt \iugl millo ('OllPS de canon, el ron n'll\ait plus il ellOisir,
pOUl' su IÚlppl'O\isiollllcr, llu'cutm lUagdchourg d Erfllrth.


Dalls UIle pal'eille situutio!1, il lI'y mail pas illmlulleer. l\apoléon se
dl'eiJa JlOUl' Erful'lll, et aonna aussilút 1'0l'llt'ü IIp la I'draitu pat' les
ddilés de Linaenau, dont le générul Ikrtl'antl arail si vuillullllllcut dé-
fUlldu et eonsené le libl'e passage conlre le corps tlutl'iehien de Giulay.


L'cmpel'L'l1l' quitla son bi\Ollae Ú huit llelln':,; tlu :,;oil' , d I'CIltl'a dalls
Leipsick, OlJ illogea dans une auberge (l'h6tcl dc~ Arllles de Pl'Ilssc).
Le due de Bassano lui reudit eompte de l'entr'dieu LIlI'il venait d'ayoir
aree le roi de Saxt'. Ce ,énél'able prinee s'était montré inconsolable
de la conduite de son fll'm('e, d il ne voulait pas se séparel' de l'empf'-
I't'UI', dont il élait t!é{'itlé ú suivre la fOl'tune. « Excel1ellt 11I'incc, dit
l\ upoléo!l, il est toujours le llH~llle! je le l'etl'Ouve tel qu'il élait en 1807,
1[ lIalHI il inscl'ivail SUI' des Ul'es de triomphe : A ;'Ul'OLÉON, FllÉDÉRIC-
ALG[STE llECONNAISSANT, i)


L'elllpcr'elll' passa la uuit a die ter des ordl'l's aux dllrs de Bassano d
de Yi('e!lec. Lel!), a la pointe du jour', la plus gl'aude par ti e de I'al'-
mée avait effedué son mouvc])]ent de n'trailc. Yidor el Augel'cnll dé-
filerenl les prt'miers. Marmont fut ehal'gó de défendl'e le plus lougtemps
qu'il le pOlll'l'ait le fallboul'g de IInlle, Hegniel' c('lui de Hosenthal, el
]\ey el'lIX de l'est. Lalll'istoll, l'IIaedonald el POlliatowski, plaeés a l'ar-
l'iL're-g-arde, «llI'ent se maillteuir dnlls les gllal'tiers du midi el eonser-
'CI' les appl'oehes (le l'EIstel' jusllu'a ce que les eorps de l\'"ey et de
l\lal'lllout eussenl fl'anehi la ri\'it'·re. Cet 01'(11'<: fuI donné ¡¡ Poninlowski
par l'ümp(']'('llI' hri-memc. « Pr'illcP, lui dit l\'"apoll'oll, vous dél'cndrez
1(, fauhoul'g du lllidi. - Sil'e, rl'pondH-il, fai bien peu de monde. -
EII bien! vous vous défmdl'('z ¡¡WC ce que VOIIS ¡¡vez. - Ah! Sil'e,
IIOllS tiendrolls! 1l011S 80mmes loujollrs pl'Cts a pl'l'ir ¡¡out' yotro ma-
jl'sté. II L'ilhrs!J'c el iuforluué PoloÍwis tint pal'Ule; il ne de\uit pllls
l'evoÍl' l' empcreul'.


On avait proposé ¡¡ l\'apoléon tIe faire de Lcipsick \lile tete de délilé
d tI 'ineendicl' ses vastes faubo\1l'gs, ¡¡lln d't'!1l pce[¡el' renrH'm i Ile s' y
¡'~lablit', ce qui aurait laissé plus (le t('mps ü l'al'1Jll'C fl'alH;aise pOIl1' 011é-
rer' sa l'elraite et sortir dll déJilé de Liudenall.


« Qlld<fl1e odicnse que fút la trahison de l' arméc saxoune, di! k
rapp()['t ornriel, l'l'mpCl'Clll' ne put se résoudl'c a détI'lIiI'l' une dl'S llt'lks




6:H IlISTOIHE


villes de l' Allemagne; iI aima mieux s'cxposel' a pcnlrc quclqul's Cl'II-
taines de voiturcs que d'adoptcl' ce partí barbare, »


Cependant l'ennemi s'étant apel'~u du mOllYCnwnt retl'Ograde dl's
Fran~ais, totltes ses COIOllllCS se jet(~l'CI1t a la fois sur Lcipsiek, impa-
tientes d'y pÓlléln'I' el d'y sigllalpl', [laI' la (kstl'lldion Ile llolre a1'l'iel'(,-
ganle, le gl'nnd óvónc!l1ent qui li\l'ait I'AlICllJ<lgIlC a In coalitioll,


l\'Iais ellcs l'c[}('onll'cl'cnt dans II's fallbourgs une l'esislallcü opiniúll'l'
d inattcnduc. l\Ia('tlonuld et Poninto"ski, ('hm'gt's du salut dc I'al'ln¡'~e,
l'emplil'l'llt !t{'l'oiIIUI'l11l'nt la nohle el pl~l'ill('us(' llIissiOIl !lui kili' avait
dé coulil'e, Pcudant !ju'ils al'l'étaÍl'lIt I'CllllCIlIi aux porles de la ville,
I'cmpcrl'lII' t-lait l'I1(,Ol'e aupl'l'S du ['(Ji dc S,L\l', 11 I':l.pl'imait Ü ce yjl'il~
Inl'd la douleul' qu'ilrcssclllait de le laissl'l' mi milieu dI.' scs CIlIlCIllis;
d, pom' éloigller le 1ll0lllCIlt dc klll' sl'paratioll, il pl'OlolIgt',lit la ('on-
\C1'salion el I'd:mlait 81'S adil'ux , IOl'slJuP, au IJI'llit d'ullc \i,e rusilladl'
Ilui se lit elltendl'e du nilé du faubolll'g lk Halle, le mi se le, a l'llll'l'ssa
I'emperelll' de quil!el' Leipt'i('k nu plus \ ít(~, (( YOllS aYl'Z assez fait, luí
dit-il, el e'l'sl llIailllcrwlIl pOU!SSCI' tl'Op loiu la gl:\:l'l'Osité que de I'is-
![uel' "oll'e pl'l'SOJllW pOlll' 1'l'Stl'l' ![ul'lqllf's ins!ailt.s de plus il 1l0llS (,ou-
soler. )) Napoléolll'l'sislu d'n!Jo)'d; lunis le IJl'lIil de la fll~ilJade s'dallt
I'appl'ochó, la )'I'inc el tu pl'incl'~SI' .\lIgllsl:1 j()i~lIil'l'llt Il'lll'S illstances
il celles du roi, d 1'CI1I]lt'l'l'lll' ('eda alol's, (( Je 1Il' vOlllnis IOUS IllIilll'l',
leu!' dit-il, que (luantl l'elllwmi sel'ait dans la \ill .. , l'I jl' \OUS dc\nis
eelle prclIve de déVOUClllCllt. l\Iais jl' "ois quemalll.(.SI.IH.(. lll' fail que
l'edOllbll'I' vos nlal'Il1l's; jI.' ¡¡'illsiste plus. Hen'\l'z IiIl'S adictIX, (luoi
lJu'il puis,c aJ'riH'I', la FI'<IIH'e ae!Jllill<'I'¿¡ l:l (!elle II'lII11iti¡'~ 111Il' j'ai (,Oll-
tl'adée l'IlYl'I'S VOllS, )) Le roi I'l'(,ollllllisit !'empI'I'I'UI' jllsqll'ül'esraliel',
d 111 ils s't'mbl'assl'l'cnl pOlll' la del'lli¿'I'l' [O!S,


Ce n'l'tai! pOlll'tant qll\lIh' fauss(' alcl'k qui maitmis en l'llloi les lIU-
gustl'S allil's de :\apolt'oll, \\lal'lllllllt, Nc'y, Ikgllil'l', ~la!'(l()nald, Lall-
l'iston, Poniatll,,"ski, étajen! IOlljoul's maíll'!'s Iks positions eoniiócs ü
l,'ur gal'dr', Touícs les aUal\lH'S de mlielH'L' d des alltres gt"nt"I'¡]lIX 1'1l-
Ilelllis, malgl'ó le rell'nliSSl'Illt'llt alal'll1alllqll'l'lll's arail'llt 1'11 dHIlS la
vilIe, avaient ólé \igoUl'eusenll'llt 1'!'[l()II~SÚ'S. L'elllp.'l'l'lll' pul (J(lIle SOI'-
tí;' de Ll'ipsiek SilIlS obsla!'L~ el g:W:Ill'I' ll'illquillt'IlH'IJ! Lilldl'IlUII,


"[uis Ile 1l011WUU\ illeidl'tlls, <¡ui SOllt au-d\'SSllS lit' la jll'l'VOYalJl'(, du
géllie, YI)[]t aIIlCIIl'I' de 1I0ll\l'illlX dl'~;(lsll'l'~.


Pl'Ildalllllll!' l'arl'ien'-p::1I'l11' tll'f.'nll piell il pi"lllps fallh()lIl'g~ d o]li'l'l'




In: ~ A l' o L I~ ü:'~
lentcment sa rdl'¡1itc ROUS les mlll's de Leipsick, les Saxons resti's dans la
,-iIle tin'nt dll haut des rempal'ls SIll' l('s tl'Ouprs fl'an(:ai:,;(·s. On :,;e pr('ssr
alol's W'l'S le g\'nnd Jlonl de l'Elste'r (Iui ouvrc le défilé de Lindenau. Ce
pont ('[ait miné, el le colonel i\I()]llfort nvait mission dn h) faire sauter,
des que les derni¿wps colonnps de l'armée au\'aienl pa~sé Slll' l'uutr'e
I'ivn, afin de retarder la mal'ehe de I'ennemi. PaI' la plus funest(· des
mépl'ises, le S<l¡WUI' il f1ui la mi·dw n été conll{-(', cl'Oilque les Frnnr,ais
out cntiercmcnt ¡[{-lilé el que les allic.s nrrin'nt, en yoynnl tirel', ¡J(>!,
bouleval'ls d t1('s l'empal'ls, sur 1'1lI'l'i¿·I'p-gal'de. 11 n1\'1 le fpu nux (ou-
gasses, el une forle explosioll ya l'('vcillp[' l'el11pl,),cU!' qlll' le sOlllmeil,
aidé par lu fali~llü, a ~ul'pris nu Il10ulin rlr Lin!lpllau, Le gl'tlnd pont
de l'EIstel' u suuté, ct quatl'c eorps d'al'll1ée, ayant aYee eux plus de
deux ecnts piec('s de ('anon, sont ('nrore Sil\' l(Os houlcvarls ou dans les
faubourgs, Que vont dcW'uir {'cs h\'uH's quc cOll1mundcnt Mardounld ,
Reynipr, LOllriston, Poniatowsld? Arroblés par le nomhre, iI ue leur
est plus possihlc de résisler, el la n'lraile ,,¡put de kilI' vire fcrmée pill'
une main frnn~aise! ;\Iacdonald se jette daus l'EIstcr el se sauyc a la


nagr, Pouiatowsld laucc son cheval duus la riviere, tombe dans 1111


-~
._~ _____ ~_-.l




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G:)6 IlISTOIHE


gouffl'e et ne reparait plus. Reynier et Lauriston disparaissent aussi;
on les eroit Ines ou noyés. Douze mille hommes unt peri OH sont lombi's
au pouvoit' de l'ennemi, clans el' funeste eyélleIDent.


Les allies sont mflitl'eS de Leipsiek. Le roi de Saxe est eontluil 11
Berlin, pOllr y expiel', dans la disgn1ee des gl'tludes puissunces de l'Eu-.
rope, son inviolable fidélité a la Frflnee; et Hernmlotle, pflrtngeflnt
duns Leipsick le tl'iomphe el l'iwesse des cllIlt'lllis du nom fl'an~ais,
s'assiod familicl'oment a la tablo des sllperhos potentats qui puul'slIiwnt,
eontre Napoleon, la restauration dn droit cliYiIl!


I.es rois légitimes onl eneore ¡K'soin de faire taire k'lll'S re¡lllgnanccs,
de eaeher leurs al'ricl'e-pensees. Ils dissimlllent ayce le pl'Ínce (\'OI'i,
gine 11lébéienne, comme ayee le libél'alisme allel11und , donl ils ont aussi
aceepté les seeours. La Yieille EUl'ope sam'a bien se redresser fi(~r('mcnt
<levant ses imprlHh~nts auxiliail'es el leu!' d('niPI' ses plus solcnnelks
pl'Omesses, quand eHe aura hien comhattll l' ellllemi C0111 11111 n .


Nupoléon a dÍ! !'cconnallrc, au nouveuu coup r¡ui Yieut de l'aUeindre,
¡'inexorable et inyisible puissance qui déjone tOl1S ses ('ulellls, trompe
toules ses prévisions, d semble le menel' fataIenwllt a l'ahime, a tl'a-
vers une série de vietoires que sl1ivent d annl1knt aussilút des ineidcn[s
inou'is d d'épol1vantublcs catastrophes.


A¡1I'cS nvoir payé un juste tribut de I'cgrets aux vidinws de ce grand
désastre, l'empereur fait tra<luire devant un conseil de gllel'l'c le eolo-
nel l\lontfort et le sapel1r qui a fait salltcr prématurément le pont de
l'Elster; pllis il conlinuo sa retraite sur El'furth, ou le quartier-général
s'établit le 25, et ou (( l'armée fran<;aise vietorieusc arrivc, ditlc hul-
¡etin adrcssé a l'impéralrice, comme arriverait une armée bnltlle.


Napoleon quilte Erful'lh, le 25, et poursuit sa marche YCI'S le Rhin.
Les Austro-Bavarois se portent asa rencontre, et essaient de lui bal'rcl'
le passage a I1anau. Mais les malheurs de Leipsiek n'ont pas tdlement
affaibli l'al'mée fmn<;aise qu'elle ne puisse faü'e repentir encore de lem'
audace les allil's infideles qlli osent ten ter de lui fermel' su rdruile.
L'empereur passera slly le ventee de soixante mille Autrichiens et Ba-
varois, commandés par de WrCde et protégés par quatl'e-vingts bou-
ches a fell. En vain l'artillerie fran~aise paraitra IIn instanl compromise
par les charges répétées fi'une eavalcrie nombrouse. Au moment oi!
¡' ennemi l' enveloppera de toutes parts el se l1altera de l' enleYe!', ¡es ca-
nonniers s'armeront de la carabine et défcndl'Ont opiniall'ément lcul's


'--------_._----------------------




DE :'\,\POLÉO:\. (ijí


pi¿'('('s d('ITil'J'(' h',",s nfh',b, I.e hrHH' nrouot 1('111' dOl11wI'a l't'xrmpk,


il mcltl'a l'épee ú la maiu, pt son attitude hél'olque cOllliendra assez
IOIlp.tellljls l'L'llllemi pour qne Nansouty puisse i1lTiver avr(' la cavaleric
dp In g,mle pI rlégager les intl'épi(les artillellrs.


!..,s Ravm'ois perdirmt dix mille hommes au combat de Hanau. Six
dI' Iplll'S genérallx fUI'enl Inés ou blrssés, d ils laisserent an pouvoir du
\ ainr¡ncm des callOIlS d (ks drapeallx. NapoléoIl signala deux escudl'Ons
de ganks t1'honnenr comme a~nnl partagé les périls el la gloil'c des
cllirassiers, des grcnadiers ú eheval d des dmgons, c1ans cette brillante
affail·c.
L(~ 41'1 novembl'c) 1'('l11p(,l'eul' tlITi\a il Fnmerorl. 11 écrivit) de lü,


a :\laric-Lollisc, pom' I\li annoneer l'cmoi de úlIgt drapeallx prjs a
Vaehau, ú Lcipsit'k pl á Ilanau. C'etuicnt des lroph('~()s chcrcmcnt payés.
Le lendemain) Napoléon mIra 11 )!ayrnee ú ejuey ILpures du malino II
s'y oceupa, pendan! (ludr¡lles jonrs) de la I'eorganisation de l'armee


-~- I




111 S T O 111 E Il E N A l' O L I~ 0\ .
qui allait s'établir sur la ligne dll Rhin, el padit, 1(' S dans la Ilui! ,
pOU!' I'rnll'('[' ('n FI'anrp. Lp !), il rinq hpurps dll soil', il ("(ail il Snínl-
C101l<l.




e 1I A JI I T B E :x LVI/.


Le s,;nat I~OIJ1plimclltl~ l'emplTl'Ill'. Lcn;e de tl'ois eeullllHlt! hUUllIles. Rl'ltlli~IH el dbsolutioll
dl1 corll' kgislatif.


OLlt la seeollde foís, dUlls l'cspaec d'IIIlC
~ anné(>, l\apolr~oll, (Iui avait si )ollglemps
. habitué les Parislells aux dwnts de yietoi,'('
et aux rentd'cs triomphak's, était revenu
dans sa cupitale, trahi par ses alliés et par


) la fortune, pOll\'suiYi par les armées (k toufe
'l'Eul'ope, et n'ayant plus a opposel' que les


ddwis de la sienne, tomhée glorieusemcut au champ d'honneul' sous
les eoups de )(1 fdouie et dc la fntalité.


Allait-oll luí demande .. l'Olllpte des cnpl'iccs du sort el des tl'ahisons
(¡u'iI maít suhies? La Fr'ancc, ollhlíant qn'il n'uyuit poiut ]lrOV()qlll~ la
glll'IT(> (,t qu'ilrH' l'avail sOlltelllle qlle pOli!' elle arce tant <1(' constaure


. I


¡ ¡k'Z :~t//-:
;{/I
o',, I


I
!




liGO IIISTOIHE


et de ,iguelll', se PI'l~JHlrail-elle a lui dire, comnw autrdois 11' maUre
Ile Bome a y m'l1s : (( Hmds-moi Jlles ]¡'~giolls. »


Non, le grand penple ne temit'a pns sa gloire pm' cette injustic(' I'f
ccHe ingrutitllde envcI'S le grmld homllw. II ne sera ni courtisun ob-
stiné, commc le sénat, ni fronden}' intelllpestif comme le- COI'pS légis-
latif; il déplol'cl'a les fant('s politilllles cOl1unises duns la pI'ospérité,
muis il se gardera d'en faire un slljet de récriminntion ou de n'[ll'()cJ¡es,
dnns l'adversité, Son instinc! infaillihle percera le masque royal don!
le génie de la réyolution s'('st mukn('onh'l'usel1ll'nt couvert, el il (lel'-
sistera a sOlltenir de ses vO?ux el de son s:mg le \¡(;ros (lui, sous la toge
consulaire el paré dl's laul'icl's de l' J~gypte el de l'ltalie, eéU'!Jrait en
4800, au Chnmp-de-3Inrs, I'anni\ersaire du 14 juillel, et saluait mce
ellthousiasme le peuple fran~ais comme SOi'i SOlJVER \1:-1. Si le,; grands
corps de l'état n'expriment pas sa penst-e, il ira chcrcber dans la 80-
litude un ilIustre pntriote pour en faire son m'gane; el le tt'ilJUB t'out'a-
geux <¡ui rl'sista seul au l'étahli~sell1ent de la lllOltarchie, \iclIdra aceu-
ser, par l' offre de son bl'as n l' empeJ'PUl') ces l<"gislatl'u I'S si IOll¡(ÍClll ps
mnets qni UUl'out utteudu ponr manifester qudl[lIl's wlléitrs d'ol'[iosi-
tion, d'61t't' cneouragés pat' le hruit du canon l-tnlllger el soutellus [lar
l'immiolmre des clanp;ers de l'empire. Cnrnot, c¡ui s'¡'xila dl's affail'l's
publiques, et dont la voix resta pure (le toute f1atlerie qllilnd ]\ npoléon
voyait ñ Sl'S pieds les mandatait'cs offieiels de la FraIlee elles mis les
plus orgueillenx de l'Ellrope , Carnot l'cl'il'a ill'empcreur pour se nwt-
tre a sa disposition, lllll'ce que, malgl'é certains aetcs !leu eompatibles
avec les lendanees du si¿~rle, il, reeonnallra toujollrs en lui le )'epl'é-
sentant de la nationalité fran9aise; d l'empel'Cllr lui rt-pondra cn le
rhargeant de la défense d'AIl\l'rs.


Le sénat s'est elllpressé de yenÍl' rt-pt-[e\' a 1'l'll1pei'('ul' ses (~tel'llelll's
IJagorneries; I'PlllpercllI' lui a dit dans sa répow;p : « Toute l'Europe
I1l¿Jl'ehait avec nous iI y a un un; tout!' l' Ellropc marche aujOlll'll'hui
conh'e nous : e'est que l'opinioll du monde est faite par la Frailee ou
par l' Angletel'l'l'. ]\ous aUl'ions done tout a rcd()u~l'r salls 1't-lIel'gic el la
puissance de la nation.


» La postérité dil'tl que si de gl'alllles el el'ili(lue~ eil'('onstam'cs se sont
préscIltl'cS, elles 11' étaient pus au-dessus de la F l'atlCl' el de lllOi. ))


Le lendemain) 15 novpmbl'e) tlne Je\ éu de tl'Ois f'Pol mi 1Il' l'OIlsnits
fut demandée par le gOllVel'lll'IlH'l1t d votél' par JI' fót'lIaL




OE ;-'¡APOLÉO:'i. (j(jt


Le COl'pS légi~latif étaít convoqué, depuis le 25 odobl'C, par un dé-
('I'e! daté de Gotta .. \ son arl'ivée 3 París, l'empercur avait été avel'li
(Iue des illfluences hostiles chel'chaient a s'emparer de la direction de
celte assemblée. Faisunt uussitot lisage du pouvoiL' dictatorial qu'il sa-
vait si bien s'al'l'oger fluand les cil'constances l'exigeaient, il décréla que
le président dn corps législatif scrait nommé par lui, et son choix s'ar-
reta SUJ' le due de Mussa, alol's gl'and-juge, qui fut remplacé au mi-
nistcl'e de la jllstic(> pm'le cOllseiller d'r:'~tat Molé.


La déf'('l1se dll tCl'l'itoÍl'c ('tail robjd des pl'éoccl1pations les plus vives
de Napolr:"on. Par un cIéCI'(>t du ~ 6 déel'mbre, il onlonna la formation
de trente cohortes de la ganlc nlltionale, qll'il destina a la défense des
plaees fortes.


Le ~ 9 du mcme mois, eul lien l'ouverture de la session du cOJ'P~
légíslatif.


L'empereuJ' l1t communiqul'r aux députés et au sénat les pieees di-
plomaliqlll's qui contenllient le secret des négociations, pendant la dcl'-
nicrc campagne, el qui pomaient donncl' la meSlIl'e des dispositions
aetueHes des grandes puissmlccs. Ces deux corps nommerent chacuIl
une commission pom' pl'océder a l'examen de ces documents. 1\1. de
Fonlanes fut le rapporteur de la commission senatoriale; 1\1. Lniné,
député de la Gil'Onde, parla IlU nom de la commission législative.


M. de Fontanes soutint son role de pUl'tisan inebranlnhle de la mon-
arehie d de serviteur zelé de l'empire. 11 s'étonna de la déclaratioIl des
souverains coa Uses , qui, dans leurs plus reeents manifestes, affectaient
de dire qu'ils n'en vOlllaient qu'a l'empereUl' et non point a la nation
rl'an~ais('. (1 Cette déclaration , dit l' orateur du sÓlat, est d'un caraclere
íllusite dan s la diplomalic des rois : ce n'est plus aux rois comme eux
qu'ils dé\cloppent leul's griefs, et qu'íls envoient leurs manifestes ; e'est
aux peuples qn'ils les adressent. Cd exemple nc peut-il pas etre fu-
ueste'? Faut-HIe donul'l' SUl'tout ti ceHe époqlle oü les esprits, travaíll(~s
de toules les maladies dl' l'ol'gueil, OHt tant de peine a fléchir sous l'au-
tOl'ité flui les pl'Otége en reprimant leul' auclace '? Et eontre qui eetll'
attaque cst-elle dil'igr:"c? Contre un granel homl11e qni méríta la reeOI1-
naissance de tous les mis; C1ll' en rélablissant le tr6ne de France, il
a fermé le foyer du \olean qui les menagait tons. II


Ce lallgagl', pOllt' faire ressoI'liJ' I'imprevoyance ou l'ingratitllde dl's
rois, mcttail [Il'éeisément en relief ce que, dans les circonstanres pl'é-




HISTOII\E


sen tes , 1\'IIl[ll'J'('UI' aurait ('U hl'soin d'efrucel' d(' la Ill(~nlOil'p d('s [l('\I-
pIL·s. C'était pal' la lonl<'-pnissance <le la (h~m()cl'alil' diseiplin('(', el ,1\ el'
la force irl'ésistihle elu 1ll0UH'lIlent \'évolutionllui\'e dont il s'éluit rail j¡,
supl'cme régulaleu\', qlle l\uJl0J¡\nn a,'aH tant dI' [ois t\'iomph6 des ('n-
nemis de la France, et qu'il a\ait été l'éplllé si IOllgtl'mps imincihle, En
s'uttadwnt ulle plus mOlltrel' ell lui qlle le \'e~lalll'ateul' des llIlCi('IIW'S
instilutions el le libératell\' de la, ieille Europl', Ollllli ('nh'y"il SOIl caru('-
ti'I'e primitif, Sil natlll'e popnlilire, le lalismun qui l'a\'ait aitll, ti op6n'I'
tOLlS les mirades de sa ,ie. Ce n'l'tait plus le génie du siede, elll'liuinulll
la Yietoire an drapean de la \'l'\Olu lioll fralH;aise, L' 11('\'('111(' pl(,,)('~ien.
«(ni, pendant tant d'anllé(·s, ('omha SOIlS sa main re¡[olllahle le génie dll
passé, ¡¡\,ait Hni par en subir l'illJlllenl'e, d il s'étnit fail le prolee!l'lIl'
de la l'oyauté el de l'arislol'l'nlie; ses llallelll's l'npl'elaienlmaillLL'H:1II1
('dl<' d('vintion PI I'('n fdi('itnient hantl'nwnt. :\Iais, en le signalant ainsi it
la l'econnaissanc(' d(' ]' Elll'Ope morHu'ehi«ue, nI' j IIstifiait-on pas le SOIl-
l&vement de I'Elll'Opc libl'l'ale flui M'ployait alors ses banlli¿'I'(,s ¡['UII
hout ti l'nult'(' de I'Allemnglll', d (llli faisait pI'OJ1W!.tI'l' dps COllslitlltiollS
illlerlin, tandis <}u'elle en faisait ú C:ulix? ~'était-('e pns allssi fnyol'ispl',
ul'intérieur, le réreil el les lllt'llées de l'esp\'it de parti, (11lC d(' s'atla-
qller mlx tenrlanees démoel'aliqlles de l'épofJlll', et de I)J'(\S('nter Nnpo-


,


léoll eommel'ennemi d(~ ces ll'ndnnces'! Cdn était d'nutant plus ü erain-
dre que les souvenirs auxqllels en appelait ~1, de Fontanes ne manquaient
pas d(~ yél'ité, Il était incontestahle, en effet, et nousaVOIlseu plus d'IIIH'
fois occasion de le recomtaltre, que N apoléol1 , se!on son propre nveu .
a\ait f'l1l'l'ehé i:t s'idcnlillel' mee rancien ordl'(~ de chosps.


Sal1s cette prételltion fatale, la puissance indestl'uctible , atlaehl'e 1.
I'ordl'c nou\eau, l1e l'et'rt pa~ abnndollné; la fol'tune cM été plus ('on-
slant(~, la tl'ahison moins aetire, et il n' Pllt pas Monné le monde, dalls
la meme eatllpngne, par le 110mbl'(' de ses lI'iomph('s d par la rapidit(,
de sa déeadl'nce.


:\!ais l\I. de Fontalles Ile monl\'ilÍt (IU(' 1'1111 <1('S cbit',s de In \Íe poli-
tique de Napoléon, <,t e'était <'IleOl'e le ('(ité le plus enpalM d'augnH'nlel'
la liédeur des UIIS el de servir la maheillallee des tluh'('s, L'('mp('\'('llI'
Il<' se plaignait pas néanll10ins de la tilaniáe dont ses aeh's d ~a p()~i­
tioll, ti I'égard des pellples d des rois, étai<'Ilt enYisngés et ('arad(~l'is('s.
Le dll'f de la quall'ieme dmnstie l'etl'ouHlit SOl p\'Opl'l' pensé!' dans 1('
discotlr!' dll ,ietlx I'oyalisle que le S('llat mail pl'is pOlll' ol'gmw. 1I ('('-




DE ~APOLÜ)\.
mcreia la M'putatioll de ce corps des sentimenls qll'elll' luí mait l'Xl'l'i-
111("5, el il pl'ignill'nsuit(, , en termes peu rassurants, la situation dl' In
Fnlllc('.


" \OIlS aH'Z VU, dit-il, par 'les pi¿'ees que je VOI1S ai fai! COlllJllU-
"iq\l(~r, el' que jp fnis pOllr la paix. Les sael'ificl'S que comportent /efi
hases préliminnirl's ([IJe m'ont proposécs les enncmis) el que j'ai ac-
eeptéps, je ks fpl'ais sans regrl'l; mH vil' n'a 1}1l'Un Imt, le bonhelll' dps
Fl'nu(:ais.


" C')(lmdant Ic> Bénl'll, \' Alsarc, la Frauc!tp-Comlé, le Braballl, sonl
entalllés. Lps cris de cette partie d(~ ma [amilI!' me dédliJ'ent I'anw!
j'nppdlc les Franl,'ais au seCOllrs des Franc;ais! »


II n'é[nit fllll' tmp uai que la Franee ólait entamée. Les armées d'Es-
"agll('. forrél's d'évacu!'r la PónÍnslIle, repassaient les Pyt'én{>es, pour-
suivies par Ics Anglo-Espagnols qui eampaicnt déjil SlII' notrc terriloit'e,
AII nonl , Il' Rhin ¡"Iait rranehi sur plusieurs poillts; el le yjee-roi !le se
soull'nait plus qll'l\\,ce peil1(' HU dl'lü dl's Alpes, tandis que les pInces
rorles de I'ElJ)(' el de l'Oder S(' rcndniellt et que Dantílirk meme eupitu-
!ait. Lp 1ll0JlwuI dmail p<1I'<lIII'e fa\orab]!' au parti eOlllt'e-rémlution-
nail'(' qlli n'ayait jmnais d{>sespéré, el don!. les [ll'ineipes, dérendlls H\('('
obstinatiol1 par le torysllw mlglais, maient été la e[tus!' plus Oll 1l1oin:-;
aHllH',c de toulp ('oalition eontre In Franee. Les Boul'bollS, donl le nom
s0mhlait oublié el qui étaien! e0111¡Mtemrnt étl'angel's illlX gl·n¡"mt.iolls
nouvelles, l'epUI'lll'ent sur les fl'Ollticrcs d'Espagne el inondÓl'ent les
dépal'lements ml~I'Íllionallx de leurs pl'Oe1amations. Imítant leUI'S pllis-
sants alliés d'outrc-Blrirr, qui avaient a{'ecpté le eon{'ours flu TlflJeurl
bund, ils ehereherellt allssi á embaucher le libémlisme renaissant, el


, ne eraignil'ent ras de se lH'ésentel' eomme les restallratellrs des lihl'l'tés
publiques, pcndant que d'au!t'('s, ]lar un eontraste remarqlluble, rc-
('ommandaient Nnpoléon eomme le I'estalll'ateur de l'autd et du tdllll'.
Aillsi les ennemis les plus tlehamés de la ré\'olution sc I.rouvaient I'é-
duits h lui I'endl'l' hommage, et ü pl'odanwr qu'dle n'était plus I'lwe
l'cmperelll', pOli\' quc 1'8111p(,1'1'1I1' ('essft[ d'iitre in\'incible.


C'dait surtoul dalls l'ollest f'l dans le rnidi flue les partisans df's BOlll'-
hons s'agitaipnl. En f!uelf!uPs f'lldroits, df's l'assembleUll'I1ts de eons('rils
réfraf'tair0s, encollragés par des eonspiratrurs, eomnlCll!;aient Ú pren-
drc une attitutle lJlenar,allte. A Paris, un comité sllpél'Íf'ur, dans kquel
sié.geaif'llt des honmws ¡¡ui ont marqué df'puis parmi I('s f'Onstitutio11lwlfi




¡¡(jI UlSTOIKE


les plus c(;I¿~I}I'es, sPI'vaipnt d .. lipn l'l de guide aux Ilwcltinatelll's du dc-
dans ('t dn (]('hors,


Eh bien! la commission du COl'pS l{'gislatif ('hoisit cc mOll1enl pOIll'
insinuer quc le despotismc avait remplacé le regnc tks lois, el qut' la
prolonglltioll de la guerl'e IW denlit NI'c attrihuée flu'a I'emperelll'; scs
idées d'agl'andissenwnt el de dominatioll étant les seuls obstndes a la
pacification gónél'Ule! Enhardie par les malheul's el les dangers publies,
dIe eut rair dc mettre des cOllditions au concolll's el aux sacl'il1ces que
l.\'apoléon demandait aux député's de la nation pour pl'éservel' le pays de
I'inyasion étrangere. L'emperelll' s'indigna d'une hardiesse allssi tardi\'('
et aussi intelllpesti\'c. L'impl'cssion el la distributioll du l'appol't de
~r, Lainé avaient l·tl' yotées par les quah'e cinquiómes de l'asspmb]('c :
ce vote fut annulé paJ' la \'olouté du maUrc, Le 50 dloccmhrc, I'im]ll'cs-
sioll aI'I'etée el les éprcllves saisies, Napoléon yint s'épanchel' claus le
sf'in du ('onscil d'élat.


(r Messieurs, dit-il, \ons eonnaissrz la situatioIl (ks dIoses el les dan-
gers de la patrie; j'ai CI'U, sans y Nl'c obligl', de\oil' ell dUlIucl' ulle
cornmunicatioIl intime aux dépnlés elIl ('orps }('·gislatif. .. mais ils onl fail
de cd acle de ma eonfiancc une m'me ('ouÍl'(' Illoi, ("esl-tl-dirr ('oulrr
la patl'il'. Le COI'pf; l(ogislatif, au lieIl d'aidel' il :-;:Il\\l'1' la Fl'illl('(', ('011-
COUl'l a pl'{'cipit('I' Sil nIÍne; il tl'nhit'ses de\'Oirs, ji' l'('mplis It's mil'l1s.
jp le dissOIlS, »


Malgré la mesul'e de répl'obatioll que l'empcl'eur "enait de pl'endl'e
('ontre eIlX, les memhl'es du eorps législatif se présentel'ent ¡¡ son au-
diencc, le ~ er jamier, aux Tuileries, ponr lui adressel' leul's félicitations
Ü l'oceasion dc la solennilé du jour de l'an. Des qu'ils parul'ent devant
lui, jI sentil rew'nil' toute l'irritation dont il a"ait été saisi it la l)('cmierc
nouvclle de leur résolution, et illes apostl'Oplta de la mani¿'re la plus
vive, en ces tel'mes :


" J'ai supprimé l'imp¡,('ssion de ,"oll'e adl'ess(' : die dait iIleclldiail'c.
1) Les onze douziemes dn eorps législatif sont eomposés de bons ci-


toyens, jc les reeoIlnuis ('[ j'aul'ai -des é~gu¡,ds pour enx; maís l'auh'('
douzieme ne renferme quc drs factif'ux , et \'otl'e commi~sion est de ce
Ilombrr, (eette comrnissioll était cOlIlposée de MM. Lainé, Raynollard,
~Inine de Ril'an l't Flaugerguc.) l\I, Lainé est un traitre quí cOI'I'espond
avec le prince l'('gent par l'intermédiaire de lkst·z(,; j(' h· sais, j'rn ni
la preu\'e; les aulr'cs sont tks factil'll:\ ..


-----------------_!




DE .\¡\POLU)\


YO\lS dH~l'dl('z, dans 'Oh'l' ndl'essc, U s{'p¡m'l' Il' sOllH'l'nin uc In
l!;l!ioll. '¡oi selll je suis le t'l'(lI'ésenlant <iu [wuple. Et qui de vous POIl['-


rail se charger r!'UIl tel fardeau? Le [rone n'est que fiu bois reCouycrt
de WIOlll'S. Si je you)ais YOUS cl'oire, je céMrllis a l'eIlllcmi plus lJu'il
nn mn d<'mandc : YO\lS aurez la paix dans trois mois OH je périrai. ,)


)l C'cst ('(llllre mui quc les ellnemis s'adtaruellt plus encoI'C quc cou-
tre les Fl'iltH:ais; mais llour cela scu) fUllt-il qu'il me soit peI'mis de dé-
mCmht'lT l'dilt?




(j(j{i HISTOIRE IJE NAPOLÉON.


l) Est-ee que je ne sacrilie pas mOll orgneil el ma lierté ¡JOur obtcuir
la paix ~ Olli, je suis fiel' pm're que j(~ suis eouragellx; je sllis !iel' paree
que j'ai fait de grandes ehoses pOllI' tu France. L'adl'esse était indigne
de moi et du eorps Jógislatif; un joul' je la ferai imprimer, mais ce sera
ponr faire honte an CIll'pS lógislatif. Vous avez voulu me couvril' de
houe, mnis jo suis de ees hornmes que ron tUl' el que \'on ne désbonol'c
paso


" Hetoul'lle7. (bus vos foyers ... En supposant meme (IUC j'('us~c des
tol'ts, vous lIe devriez l1ns me faire des l'(~prochcs ¡mhlics; e'est en fa-
mille i¡u 'il faullavC'1' son linge sale. Au reste, la Frailee a plus besoill
de l1loi <lIW ir lI'ai bcsoin de la FI'n!W('




CIlAPITHE XLVIII.


\ Fl'ill}('e H plus bCf;oin de llloi qlle jc lI'm
,besoill d'el\e 1


Suhlime orglleil (In génie qui ti le senti-
men t de sa puissance) el qui connait la haute


'. el vasto portée de son bras el de son appui!
l\Iais le génic, il coté (lu secret de f'a force)


peut ilvoil' ses ilIusiollS.
--~~- --",- ~- .- LeV7~"~ Snns doule Napoléoll) l'01l1l11C hOffilne (~t


comme personnngc historiqllc , n 'a plus besoin de la Franee llOur jouil'
tic sa gloirü pt la tl'unsmettre a la postél'ité : mais, eomme emperenr,
('ommc chef d'un grand état, que pourrait-il sans la Franee'? Comment
défendrait-il sans elle Sil ('Olll'Onne et su dynnslie? Comment érhuppc-
rait-il ¡¡la mort poliliqllC dont l'Eul'opc entiere le menare?


D'llll nutre r(¡[(~, s'il csl \Tai que la Franco ait besoin i'lus que jamais
(h~ I\"p(.(' (11' l\apoléoll pOUI' résistor a\l\ Hrrnt'CS des l'ois coalisés el pOl!l'
(JL.li\J'('I' son l<:l'l'iloin' déjil souillé par l'enllemi) n'cst-il pas ('crtain


." ._------.. - -""----------




(¡(iS 1llSTOIl\E


nussi qlle le SllCCCS de I'im usiOT\ pourrait ill1WIWr la d('l'Iliere IJ('lll'r <1('
l'ell1pil'c et la déeh6anee il'n\voeable du gnmd hOHlllle, el H'dre eqJeIl-
danl qu'uIll'ehee passager, flu'un aeeidenl dans la \ie d'un gl'alld pnuph>,
dont le poete dil'a un jOlll' qlle, 5'íl pent tomhel', e'est « eomme la fOlldrr
qui se releve et gl'Ollde an haut des airs. » :\'oublions pus que e'est a la
France surtout iju'on doit appliquer ce que 1'011 a r6p6té tant de fois,
flu'au milieu des üeissitudes el des eommotiolls (Iui ('mpol'lenlles prin-
ces, les dpwslies ct les instituliolls, les natjolls spules no p('~rissent pa8.


N upol6oll pal'Ull'ollbliel', fIlIand il se luissa ul'rachol' p:lI' I'indignatioll
les paroles orgueilll'llSeS (IU'il jda a la faco des (h;plllt"s de la Frall('('.
Bicn (IUO le eorps légí~latif f'lH, ú conp sur, eédé ú de fUllebles inllllell('('~
et 11 d'imprudentes inspirations, et qu'il fút d'uilleul's peu populail'e ¡¡nI'
ses anlécédents, il Y uvait entüre qlldflue dan!;!'I' a le tl'ail<~r a\('c [¡mi
de dt'·d:lÍn el pl'esflue avl'c colóre, Malgl'(; sa nllllilé eOflstitlltiollndle t'I
Sil longue dociljt(~, il étail toujours pl'ot¡;gé par son titre, 011 <Stait ha-
bitué 11 yoir en lui un reste ele démocratie, l'ollllH'e du s)t'tenH' l'Ic('-
lir; e'en était assez pou!' remlrc p<"l'íllellse loutl' atta<IlJ(' ll'Op dil'el'l<'
el tl'Op violente dont il M,ipndrait l'objd, Plus d'une l'ois oes pott'lltats,
se croyant Ínébranlahlcs sur leur trt)[]e, ont ('prou\é flue la mlollf¡'·
indi\ idueHe la plus forle ne brllsque el ne Mfie jamais en \'ain les co['p~
qui ne representent meme l{u'impal'faileIlH'nt la volonté d'un (wys;
plus d 'tille fois, le scepll'e s' est bl'isé conÍl'e un simulacl'o de rppl'ésPfI-
tation nationale.


Le COl'PS législatif avait fail beaucoup de mal sans dOllte par ses ill-
sinuatioIls malveíllanles eontl'e l\apoléon, dans un momrnt oú le ehd
de I'cmpire avait hesoin de tOl1te la confiance de la nalíon pour disputf'l'
il I'éh'unger le sol meme de la patrie. ~lais l'emperelll' aggrava [Jellt-
etl'e le mal, ell donuallt de l'éc\at a l'opposítiOIl inopporlune tI(·s d<'·-
plltés el en les !'enYoyanl dWI'gés dI' sa l'épl'Ohatioll solcllnl'll<'. Cel/('
tlissitl<'[]ce entl'p le monanllle C't l'nll des gl'alllh; COJ'pS de l'dat fut ha-
bilf'ment exploitée par les fadiolls de I'inlél'iellr el par les agellts de la
diplomalie cUl'opéenne, Les mnemis s'estimaiellt helll'CIIX, IJlIand ils
s'effol'<;,aient (lc sépareI' Napoléon de la France pOUl' le rendl'c pluR
\lIlnél'ahle, d'mtendr(' l\apoléoll se distinguer lui-meme de la natio/l
aree la<pldle il s'étail tOl1jOUl'S idl'lllifié, el <lil'e qu'l'Ilt' ¡¡\Hit plus 1H·-
~oi/l de Ini qll'il ll'anlÍt hesoin d'elll', Le peuple de Frailee !le lui ('/1
nmdl'a pns lIénntl10illS tic ceLle pl'étcntion sllperbe, et ses L'lIfnnts (,Olll'-




VE :\APOLÉO:\.


ron/. f'lII' les pas dll lié'ros, en Alsae!.', en Lorraine el en Champagne,
pOllr l'aich'1' it dél'1'1Il11'e le territoü'e el l'honneur du pays.


A \ allt de quitler Paris, Napoléon, par leUl'es patentes du 25 jan-
riel', conf¡"I'a le lilee de rpgpnte a JIarie-Lollise, qui peeta sermen!,
Je' 2'" en ePlte qualité, entre les nwins de l'empereur, el dans un con-
scil eomposé des pI'inees ct des gl'ands dignitail'es de l'empil'e, des mi-
nislrí's du rabine! et des ministres el' !\tat.


Lp llleme jOUl', ~apolé()n eOllVoflll<1 aux Tuilel'ies les officiel's dc la
gal'dt' Ila!iolla!e parisil'nne, dont il s'é[ait déclaré le eommalldant en
dH'f. (( Je pill'S arce eonfiallee, leur dit-il; je Hlis eombattl'e l'ennemi,
ct je mus laisse ce que j'ai de l)lus eher au monde, l'impératl'iee et
111011 liIs! » ~I)r. de Bl'am'as, de Bl'évannes, ele., ilguraient panni ces
o('Jieiel's, qui j\ll'el'ellt lous de gal'ller lc dép61 eonilé a leur dévoucment.


Ce fut ce jOUl'-]¡1 eneol'c que .Napol{,on re<;ut la lettrc dont nous avons
Mjil parló, d paJ'lar¡uelle Carnot lui olTrait ses seniees. QueI eonlt'asle
se pl'ésenla alors a l'esprit de I'empel'(,lll'! Cal'l1ot) qui avait été le der-
lIiel' Ol'glllll' de la republilJl1e, (,t qlli etnit resté élrangcl' aux splentlelll's
dl~ la nOl1rellc llIoll<ll'chie, Cm'nol ~e I'appl'oehait, clan s l'adversité, dl'
celui dont il a\ail ('011l1Jatlll l'élévalion, tandís que Murat, l'un des
lm'mi('rs prilleps d(~ ]'empire, le beau-frere, l'ami, le vieux eamarad\'
de l'elllperCllI', ('ol1lIM par lni de dignités et d'honnellrs el doté d'UIH'
rOlll'onne) e\¡oisissait h~ mornent ou la fOl'tune tl'ahissait son bicnfai-
(eut' 1)our dOIlllL'[' au monde le seanda]c d'llne défertion nOllvelle, d
pOUl' poder aux Aulriehiens pI aux Russes le secours de eette bravolll'P
tOllLe fl'anr,aise ([ui lem' avait élé si sOl\vent falale ... l\"apoléoIl venait
d'appl'endre que le roi de Naples imitait lo pl'illee royal dc Suede, d
(Iue, par un traité a la date dul I janvier, son beuu-frere ct son beau-
p('re avaient eoneIl1, sons les anspices des Allglais, une étroitc allianee
pOllr lui faire la gl1cl're; de telle SOl'tc que le Pl'ineo Eugene, qui se
s01ltenait a p¡>ine ('11 faee des aJ'mées autl'ichiennes, allait ayoil' BUl' ses
delTi(~I'es I'nl'mée llapolitail1(', el ee hrillant gpn(.1'1l1 dont il avait si loug-
telllps admiré le eonrage el pal'tagé la gloire, ct qni mail été 1'lIn des
chl'fs les plus illustres de l'armée fran~aise '.


1I fallait Loute la f()['ce d'ame de NapoleoIl pour n'etre ras élH'an h',
, I.e \"IIT-nl! II¡¡}¡J¡;¡, :t rd\(\ OCf.IS10fl. 1111 IIla!liri'~ti' 'iUl M' II'rlllinJ.it JillSJ : ,{ ()uoiqU!' 11111 ¡¡ \¡¡-


IIO\('OH pal' ]I'S li"lIs du ~all:g. f'llnl dcyanl tout, iI ~t' d¡''Clarl' COII~l'e 1ul; el dan:; qlwl mOllwu'')
101· .... 1IUl' \aI1idl'(HI ('~I IWlillS hL'un'IJ~:




¡¡j(l HISTOli\l'


tlans S1I eonslllnre pUl' tunt d'ineidents déplol'ablcs, tHnl de lúchetr"s,
tant d'inramies. Muis il avait regn de la nature un earaetl'l'e rol't d fiel',
uiJlsi qu'ill'avait dit lui-meme dnns une oeeasion I'éeenle, pt il s'indi-
gnail dP l'abnnrlo!l 11l1iverscl dont ehaque jOUl' lui apporlailull nomcau
symplóme, sans se laissel' abatlre ni tléeournger.


SunllonlunL done S('S dégoúts, et hru\ant ¡'ol'age (lui gl'Ollllail sur
tous les points de la Fl'aIlee, il mnrr·ha ¡¡ la J'(~n(,Olltt'l' des alliés qui
tI\tlient violé la neutl'alité sllisse pom emahil' le~ [lI'OYÍIlCl'S de l'l'st. Il
partit de Paris, le 2;) janvicr, ¡¡ lmis lll'lll't'S (lu malin, apl'('s ¡¡\oir
bnilé ses papicl's les plus SCCl'cts, et D.YOit' cmlJrassé son ¡"l!O 11 se el son


' .... ,


... -(}' )
'_ á


lib", ¡lOUr la (temiere lois I \ 11 dabJil, k:W, son ¡lllal'lit'l'-g('l}(~I'al il




DE \'AP()LI~O\'. Gil
\'itt'y, et ulTiviI, le 27, ti Sllint-Dizicl', J'oú il clHlssa l'ennemi qui y
eomlllc[[ait ucpuis ¡]cux joul's luutrs sOl'trs d'exces. La pl'éSCIlCC de
l'emlwn~UI' combla (le joie les hahitants. Un yieux soldat, lc coloncl
Boulanrl, vint se jeter a ses picds et lui exprimcr la reconnaissance de
la poplllntion fluÍ se p,'cssait autour de son libératenr. Drllx jours apres,
~ap()léun enleyait la ville pt le chñteau de Brienne a Blüeher, et lui
faisait perdre quatre mil1e hOl1lmes. Un officier-général, du nom de
lhll'denherg el uewlI r1u chaucclier de Prllsse 1 fut pris au bas de I'es-
calie[' dll ehtJteau. BHieher, ({ui ne croyait pas que l' emperelll' se trou-
ni! Ü I'u/'lllée, d SlIrlOut sí pres de lui, fuillit subir le meme sort, au
mOlllent ou iI desccndail du chtlÍl'au , ü llÍed, ü la tete de son état-major.
POlll' protégcr lellr retraite, les Prllssiens mirent le f(,u a la ville.


Le 1 er févriel', Blücher el Schwartzenberg rélluis déhoucherent sur
la Rothlerc el Dienville, ou se trouvait l'arriere-gnrde de )'nl'lnéc fl'an-
(;aise. Fiel's de leul' sup¡'~l'iol'ité numériqllc, ¡ls comptaient sm' un facile
triomphe. Les généraux Dnhesme ct Gé,'m'(1 les rJl.ll'Omperent; DlI-
hcsme conserva la ltothiere, et Gél'al'd, ni(Ón\ ilIe. Le maréchal Victor,
poslé au Iwmel1u de la Giberie, s'y nwintint ('galement lwndant toute
la jOllrnée. :'luis) a la llUit, une uatterie de la garde, <¡ui 5' l'gara, tomba
dans une embllscude et resta au pouvoir de I'ennemi. Les eanonniers
se sauverent toutcfois, avec leurs attdag!'s) en se fonuunt en escadl'On
!'t en combattant Yigoul'eusemcnt des qu'i)s virent qu'ils n'avaienl plus
le temps de se mettre a leurs pieces.


Le combat de Bl'ienne el la défense de la Rothiere, de Dienville et
de la Giberie avaient ouvert gloriellsement la eampagne, lVIais müehe)'
et Schwarlzenuerg disposaient de forees si considél'ahles, que Napoléon
pOllVUit eruindre d'étre enveloppé ou el'clre coupé ele sa eapitale, s'il
persistait ü garder ses positions dans les ellVirons de B,'ienne. Des co-
louncs ennemies se dil'igeaient d'aillellrs sur Sens par Bar-sur-Aube et
par Aux~~rl'e, L'empereur devait accoU!'ir pour mcttre Paris 3 I'abri
d'lll1e smprise. 11 sr rctil'll done sur Troyes, oi! iJ entm le 5 février,
et ensuite sur' l\'of!pnt, /lit son qllartier-génél'al se tI'Ouvait le 7. Son but
était anssi de separer, par ses rapides et hahiles mancl'UVl'es, les denx
gl'audes armt-es prllssif'nne et aull'idlÍennc <}u'il ne pouvnit aUnque\'
avec avantag!.' tant que leul' jO!1ct.ion dllrerait, el f(l1'il se promeHait
him d(~ hatl,'e I'uue apres l'autre, s'il pnrvenait il1es isoler.


Son plan ('lit un COllllll(ÓnCenwnl ¡]'('X('CllíÍoll el un premi(Ór et {'rla-




1i/2 1I1STOIIlE


tant SIl('CeS, le 10 ft"vl'iel', ti Chmnpaulll'I'[; mais ~('s ('CHIpS [omben'lIt
eelte fois sllr les Russl's. Le génl'l'al en chef Ousouwiefr, ü la [lite dI!
do11Zc I'égiments, cssuya ulle eomplde dél'ollle. 11 fut pl'is an'(' six mill('
des siells, et laissa le reste noyé dan s un étang, ou morl sUI'1e ('hamp
de hntaille, Qllarante pii!cr's de ranOI\, tons les caissons ct les ha¡:;ages
denWlll'¿'l'Cnt au pouyoil' dll ,aint¡lll'lll'.


Lp lendemnin, ce fut le tOllr dr' nIür'her d'clre hattll. Napolúm 1'at-
tcignit ü l\lon[mil'ail, el, ('I\ deux !JPl\I'('S de comba!, lui nt t~pl'oun'r
de si grandps pertes, fIlle son corps d'année parllt ('\Itii~I'emcllt Mll'llit.
Le jou!' suinlllt, noU\enll succcs. UIle co1omw ennemil', flui dll'rcl!ait
it pl'Otl'gel' la retraite de Blücher, fut mlcyée ü CIHiteau-Thie!'l'y, oÍ!
les lrolll)f's fl'an~aises entJ'(\rent pcle-mele aYec It's Pl'lls~i('ns el les Hu:;-
ses. Cillll généraux de ces dCllX nalio\1s se h'ou\ ¿~l'eIll pal'mi nos pl'i-
sonniel's, L'empel'('IIl' coucha al1 Cbút('HU dp 1\ei'1(', LI's dl')wis dI! ]'('11-
nerni Ilr(~ripitaient )eur I'dt'ai[e, fluí ['('sscmblait ü une fuile ; d COIl1Il1C
('n marchant sur Paris, p)('ins d'cspoil' el de jadarll'1', I(,s soldals de
BJücher ct de Smlen HyaÍpnt commis beaucoup de Yexaüo\1s el d(!
('ru:l\It(~S, ils furent expos(~S, dalls 1puI' dt''l'OIJtC, aux jlillll'SlIites des
paysans champenois, quí les assnillil'ent dans ks hois d ('[J PI'Í\'('n[ \ill
grand nombre, qll'ils étaienl fieI's de conduil'c aux postes de l'arml'l'
fran~aise.


l\'1ais ces armées alliées, chaque jour anéanties, reparaissaient incl's-
samment, tOlljOUI'S disposées an combaL On ne saurait trop le I'cdire,
nons avions I'Europe entiere sur les l1l'as, ct elle rempla~ait inconti-
nent par des troupes fraiches ses troupes battlH's el dispcl'st'es. Blü-
cher, dont lp eorps (-tait détruit, lel2 , a Clultcall-Thierl'y, pll t 1'1'Il[r('\,
('\1 liee, le ~ -1, a Yallehamp, Ce vill:Jge, aUac¡ué par k due de Ragu~e,
fut pris el repris plusieurs fois, Pendant qu'on s'y haltait aYec achm'-
Bement, le général Crouehy tomba sur h's derricl'es ¡Jp 1'pnnemÍ don!
il sabra les canés. L'empercur saisit cc mOI11ent pO\11' faire charger
ses qU:l!t'e eseadrons de sel'Vicc , qui enfoncerent C'l lJl'irenl un eal'l'é di'
¡)eux mille homrnes. Toute la eavalerie de la garde YÍBt apl'es an grmlll
lt'ot; l'cnllemi dl-jü yaÍnell pres~a sa rdl'aitc dl'\ ant elle. Mnis il fllt
ment" l'l'péc dans lrs I'eins jusqu'a la nuit, et il ne trollnl meme pa~
1111 rrruge' dans l'obsenrité; ear les Yai\1f¡ucllrs continuercnt de le cul-
I)\\[rr e't de le ponrsllivre malgré la Imit, eIl fOI'~ant ses caITés, jon-
chant la !erre de ses 1l1()['ts, Ini raisant de nomlJl'ellX pl'isonnicl's l'l s'elll-




\l E :'>; ,\ P OLÉ O 'i . (ji:;


parunt de ses eanOllS. Son ul'l'iel'e-gurde, fOI'mée par la di\i~ioll rllsse
dll gt'l1t'l'al Olll'OlISso[f, ahordép a la halonnelte par le premiel' r('gi-
ment de marine, ne put sOlltenir le ('110('. -et se dispeI'~a, luissant nnln'
nos mains mille pl'isonnicl's parmi lesqllels le commHlldant l'Il chef Illi-
Illeme.


La journ(~e de Yauchml1p coúla aux alliés dix mille prisonniPI's, dix
drapcaux, dix pieces de canon, el heaucoup de lués el dc blessés.


Pour marche!' iJ la rencontre des corps qni opéraient sur la l\Iarne
et mcna~ai('nl Paris du coté de Heims et de Soissons, l'pmpercul' uvait
dü laisSl'l' il !lps li('llÍenants le soin de conten!r Sclnyartzenbe!'g sur
l'Aulw el la Seine. i\Iais k généralissime alltrichien, u'ayant elevant lui
que des forces trop inf(~rieur('s aux siennes) s'était porté en avant, apres
avoir été rctenu pcndnnt deux jours sous les murs (\p Nogent par le
gc"lléral Boul'Il}(mt. Lps maréchaux VictOl' et Oudinot n'a\'aient pas 01'11
prudmt de hasarder une bataille pOlIr arreter le feld-marerhal , et ne
pomant lui barrer le passage, ils s'étnient retires, le premier, ~U1'
Nangis, le ~econd, sur la rivicre d'Yeres, el Ondinot arait meme 01'-
dOIII¡Ó, cu p['cuant ce partí, de faÍl'e sauter les ponts de :\lontereuu el
de Jlcllln.


Des que l'empeI'eur app!'it les progres de Schwal'tzenbel'g, il laissa
Mm'mont el i\1ol'tier sur la Marne et aCCOlll'ut, a\'Ce la rapidité de 1\;-
dail', sur le point menacé par l'armee alltl'ichienne. LelG féVI'ie!', il
était arrive SllI' I'Yeres, ayant son quarticr-géllél'al a Guignes. Lel i,
il se porta sur Nangis, oú se trouvait le corps russe de Wittgenstein,
qui yeuait appuyer le mouwment des Austro-Rayarois. Une Butre co-
lorme I'llsse, sonS les ordl'es dn général Palhen, était 11 i\Iol'lnant. L' em-
w'reur fit attaquer ees deu" géllóraux, qui fUl'ent mis l'un el l'autre
(~n plcine dél'Oute. Le gc"ncl'al Gérard empc)J'ta le village de llOl'IlHlllt,
l)iJ le 52c entra au pas de charge. La cavalel'Íe, commandée par les
genéraux de Valmy et l\Iilhaud, el sontenue pat' l'artillerie du général
Drouot, rompít en un instant les carrés de l'infantt'rie russe qui, dans
sa défaite, fut prise pl'esque en entier, généraux, offieiel's et soldats,
au nombre de plus de six mille. Le géné!'al en chef Wittgenstein-eut ¡l
peine le temps de se saUH'r el de gagner ;\'ogent. n avait annoncé, en
passant a Provins, (lU'il sei'ait le 18 a Paris. Oblige de traverser, ell
fuyaJ'(l, eeUe 111e"me ville, iI uvoua franehement la déroute rOl11pletp
qll'il w'tlait d'essuyel', en {'ehange dll grarllI s\!cr(>s q\!'il s'pt"it pro!lli~. I .


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" .l'ili éll' hiell bntln, dit-il; dellx lle Illes diúsiolls out ¡',t(, pri~cs; dUlls
,1('llX hellrCS, vous venez les Fran<;ais. ),


Cetle fois) l' annonc(' du général rus~;e se vérifia, Le eomte de Valmy
p[ le mat'échnl Ol1dinot mnrcherent SIll' PrOYins et l'ocellperent, tandis
que le général Gérard se porta sur Villeneuve-h'-Comte, Otl il nttnqUil
el baUit les divisions b",nl'oiEeS, Saos la faule (\'un g¡"uél'ul, d'uilleUl's
nfíieier tres-distinglH', et qui négligea de ehnrger a In tete d'une diYi-
sion de dt'ngons placee sons son ('ommandcUlent, le eorps du général
de Wrcde était. enlicl'emt'nt délntil.


11 passn la nnit <lu 17 HU 18 nu rhútpau de J\nngis, ré~olu di' ,e [101'-
[l'r le Imdemain SUt' i\!onIPreall, (lit Ip mnrédwl \'idor lk\ilit ¡¡\Oir
devanee l'al'lllt'e ultlri('ltict1Ite e[ pris positioJ[ k 17 <lit soi!',


Cependnnt, It)J'sque le gén¡"['al Chulean se présenln le 18, 1, dix hl'lll'('S
du matin, elevant l\Iontereall, ce poste impol'lanl ¡"tait lléjú (} ('('u pt· (\('-
puis ulle heme par le géneral I3ianehi, dont les di"isions ¡¡\aienl (Iris
posilion SUl' les lwutems qui eouvraient les ponts et la villl', QlIoiqlll'
hien inférienr ('n nombre, le géneral Chúteall n'éeouta que son ('011-
rage el attaqua ,i\'ement l'L'unemi; mais les fOl'ces était'lIt lrop iJl¡"~ill('s :
privé de I'appui des divisiotls qui auraient dll arrivL'1' Ú ~lonl('t'('(I\l 1,1
reille au soir, le général ChtJteau fut d'abord repoussé; la \igut'lI!' alCí'
laquelJe il soutint son i1ttaqul:> donna néanmoins le t('IllPS h d';llItl't,~


COl'pS d'a1TI\'CI' 1'[ di' S(' rnetLrf' f'll lí¡nH' dI' hataill('. (;l~r;lJ'(I. \('IlU I'Utl




DE \APOLÉO'\


I!ps IH'('lI\íl'['~, ¡)\tüt l'étahJi une e~p¿'l'e d'équilihl'e dans les dWllC('S du
!'IJlllhat, IOI'SfllW 1'l'llIpel'l'ul' snl'vint au galop; sa Pl'(;~l'nl'e lit !'cdou-
hkl' l(Os tmulles d'al'lleu[' d dp !JI'UVOUl'(,; iI se porta au plus f()l't du
dangl'l', au milieu des houlets et des balll's; d COlllllle les soldats mlll'-
lllul'aienl de le 'Oil' s'expos('l' ainsi, illeul' dit: (( Allez) mes amis, ne
('['tlÍgnez den; le boulet <¡ni me (uera n'est pas encore fondu, 1) L'ell-
[u'mi mail dója plió SllI' le plateau de SUl'\'iUe quund le général Pajol ,
dóbollchallt lout il coup su!' ses dC!'l'il'l'cs, par la l'Oute de i\IdUlI, le
ton;cI de Sl~ jetl'l' dans la Sl'inl' d dans I'YOllllC, La gal'lle n'('ut pas be-
'Oill de s'ellgagt'l'; (,111' [U' pal'ut que pour voir fUÍl'l'ennemi d.ans toules
It'S llil'l'djons, d. assistel' all lwau tl'iOlllphl' des (,Ol'pS de Gél'anll't de
Pajol. Les hahitallls (le ~]()nt('l'l'aU s'ass()(:ii'['('llt iI ce triomphe e!l ti-
rant pa!' leul's felll'l['es SUl' I(,s Aulridlil'lIs el les Wurtembergeois.
L'al'lllee I'l'nll~[lis(' tit ulle 1)(,1'1.(~ qui affeda doulolll'('usenwut I'elll[le-
"('111' : le ¡.!(~llél'al Chúteau, pou!' pl'ix tle la ¡.!l'unde valeu!' qu'il uni!
d{~ploy<',l' en ('dIe jOlll'llée, fu! fl'nppé iI mOl't su!' le ponl de !\Ionll'l'eall.
Les g:al'llt's nalionales de la Brl'lagne pl'irent par'! il I'ac!ion el ~'elllpa­
I'oirent du fauhoul'!J: de !\lelllll: 1'l'll1pl'I'l'UI' leur urait di! I'n les pussall!
('n rente: ti ~]()Il!l'ez fle quoi sont cupables les hommes de I'oul'st; ils
I'lIl'ent dans tOUR I('s lemps Ie~ tidloll's dércnseul's de It'lll' pavs el les plus
rITmes uppuis de In IllOllill'('hil'. 11


.\ 1)['(\8 avoir distl'ihue des louunges et des récompenses all~ gént'l'au:'\
qui u\aienl couh'ibue uu guill de ceHe bataille l :\apoléon songea U ceux
qui avaienl mis de la lenleu\' daos Il'UI' marche ou de la negligencl'
dnlls teUl' commal1llenll'nt. 11 repl'oel!u au gónerul Guyot, en face d('s
t['oupes, dc s'étrc laissé ('nlever quclqu('s picccs d'artillel'ic au bivouac
de la nuil. dl>rniel'l', Le général Montbrun fut signalé dans le bulletin
l'omme ayant abnndonné la forét de Fonlainebleau aux Cosuques, san¡,
I'ésistallce; el le general Digeoll se vit l'envoyer devant un cons('i! dI'
¡.!;ucrre pout' y répondl'c du manque de munitiolls quc les cunonniers
avaient éprollve u l'atta1llle du platea u de Surville, L'empereur tI'OU-
rait dans la gl'avité des circonstanccs des ruisons de sevérité; il l'evo-
tlua toutefois la mesure prise a I'égard du général Digeon, sur la de-
mande lJ.ue lui ('[) lit le génél'al Sorbier, qui vint lui rappder les anciens
S(~I'Viel'S de son vieHX compagnon d'armes,
~Iais de tous les reproches qui sortirent de la hou('he de l\" apoléoll


d qui l'l't('nlin'nt daus tout(, I'Elll'Ope, crlui I{ui pl'Odllisit 1(' plus d'·im-




HISTOIBE


pression fut sans eontredit eelui ¡¡ni alteignit le maréchal Yietor, dO/l!
lo rapport offieiel disaiL: «( Le duc de BeHune devait ar','iH'r le n, a 11
soír, a }lontereau; il s'est arréte a Salins : e'est une faute grave. L'oc-
eupation des ponts de )Iontereau aurait fait gagner a l'emvcl'eUl" \111 jour.
et permis de prendrc l'armée autrichicIIne en ílagl'Uol délit. » L'elll)lC-
rem' ne s' en tint pas a ce blame solennel; il ellvoya au marechal la
permission de se rdircl' de l'arlllec, et il disposa de son commanrle-
Illent en fa\'(lur du général Gérard.


Victor, déjh si amigé par la mol't de son gendrc, I'intrépide Chú-
tea u , ne se laissa pas aeeabler en silenec; il vint trollver l'empl'l'('ur,
lui expli(lua ses retards par la fatigm' des trollpes, et ajollta que, s'il
anlÍt COllllllis une faute, le COllp qllÍ frappait sa famille la luí faisait ex-
piel' bit'll c!"udlement. L'image de ChUtcall expirant se présenta alol's
11 l\apoléon et l'attendl'it; le mart"ehal profita de cc momeot POU1' lui
dire uyee énlOtion: ( Je yais prendre un fusil; je n'ai pas oublié mOJI
anden metier; Yido!" se placcra dans les rallgs de la gal'de, 1) L'cmpe-
peul' fut vaincu par ce nohle langage. (1 Eh bipll! Vidor, restL'z, lui
dit-il en lui telldanlla main; je ne (luis vous rendre Yotre C'Orps d'ar-
me(~, puisque je l'ai donné [( Gérard, milis je vous donne deux did-
sinns de la gat'de; allez en prendre (~ C"omI1l1lndt'll1ellt, d qu'illll' soi!
plus fjllestion de rien entre nous, »


Les eomhats de ;Uormant el de !\Ionlereau eurent pour ScJmartzen-
herg le meme resultat que ceux de l\1ontmirail et de Yauclwmp, de
Clwmpaubert et de Chttteau-Tilicn)' avalent eu pour Blücher; les Au-
tr'ichiens, aussi malheurcux que les PrussicllS et lps Husses dans 1(~l\I'
marche sur Parls, furent contJ'aints de rétrogradcr 11 leur tour, a tra-
\"CI'S une populatüín aigrie par lcurs \iolell(,(,s et acllamee [( leul' pour-
1'uite, Napoléon ,'clll!'<1 dan s Troyes le 27. fpuier; la !wósf>nee d('
l'enncll1i y anJit encouragé df>s partisans (1('5 Rourhons 11 faire des
manifeslalions publiqucs de ]PUl' opinion : un émigl'é el un anclen garde
du corps avaient porté la déeoralion de Saiut-Louis; l'('mpPl'('ur les fit
traduil'e deyaut une f'onunission militail'l' qui les ('ondalllIla 11 11101'1;
I'<"migré seul fui exécuté, le garde du corps ayait pris la fuitc,


Baltus sur la Seine el sur la Mame ,. el \oyant leurs d(lUX grande~
anllees mises en dé 1'0 11 te , st' l'rtircl', découragées, dcvant les tl'Olll)e~
vidol'ieuses de NapoJ(~()n, les somel'uiIls alliés pensól'cnt une fois en-
('ore 11 ga¡nwl' dn temps pOli!' l'eI':üre le mOl'al dt> km' armé(' el pOli!'




DE i'lAl'üLÉO\ li"
fait'(~ arancel' leUI'S I'ésenes. Dans ce but, ils pl'opose¡'enl de I>el)(,l'ndr(~
I(,s n¡"gocintions stéI'iles ouvertes a Franeflll't duns le mois de 1I0\Clll-
hl'l' ]1l'écédent; el, pour inspirer plus de confiance iJ l\ apoléon el ne
luí laissel' aucun doute sU!' la sincérité des dispositíons pacifiques de lil
coalitioll, el' fut l'empcl'eul' d' Aulriclw, son beau-pere, que ron eha\'-
gpa des IJl'enü¿'Y'es pl'opositions.




CIIAPITIIE XLIX.


avuit ('oudu;, le 22 févl'Ítll', UlI
hallH'1l1l de Ch[¡{/'t'~, (Jil il oC('lIpait la ehau-


IÜ"I't' eI'llIl dWI'J'oll. 1I s'y tr'oll\ilit t'neon'
!e ~5 dnns la nwtint'l', sr> pl'éptll'anl 11 mal'-
dWI' SllI' Tr()~es, !o/'Squ'lIIl nide-tle-cmnp


,. 'de l'ewperellr c!'Aulridre, le !winec \\'(>nl-
zpl-Lichtenslcin, fut inl\'()duit allpri~s de
luí. Le ll1essage dll pl'ince avuit pom' huI ¡¡ppal'ent d'apporlcr la J'éponst' de l'empcJ'eul' FI'üIl<;ois ti une lcUre que son gendre lui avait éerite de Nungis. L'üid(~-de-calllp autl'ichiclI dé-butü par des parolps Ilatteuses. Son maltl'e el ses augusles allit,s avuient l'ceonnu le bl'as de Napoléon allx coups rcdoublés (Iui v('J}uient de les alteindrc; ce n'étuit plus qll'ill'l'grel ({U'1IS devai('J}t eonlinller lI!\(' gu('l'J'c aussi lel'rible, el donl \¡>~ r1H1nc('s lelll' dcwnaiml tous les .;<IIII'S JlIII~




IIISTOII\E DE ,Al'oLElJ\


InHestes. Ainsi pal'iuit le prinee, el i\apoléon de s'étOllIlCl' d'Ull lungap.l'
<¡ni eOlltrastait si eomplétement avec les lH'uits ({ui se répanduient de
loules parts son s la pI'otection d'une diplomatie indiscrete. C'était k
cas d'nne friluche explication, autant du moins que l'euvoyé autrichicll
pouvait la donner. l\'apoléoIl lui demanda s'il n'était pas vrai que la
coalition en voulÍlt u sa personne et a sa dynastie, et qu'elle eut dcs-
sein de rélabli\' I('s Rourhons sur le tróne de France, selon In yieilk
et constnnte pensée du eabillet anglais. Le prinee de Liehtenstein n'hé-
sila pas u déelan'\' qll'UIl pareil pl'Ojet n'eutl'ait point dalls les vues d('~
potentats du ('ontinellt, et que ron ne fuisait intervenir les Bourboll~
que comnlf' IIn moyen de gl\('\,\,p, prol)!'f) iJ suscite/' (Iudque diversioll
(IUllS l'inléricul' de la Fl'tll1l'C. Cette réponse était loin d'elre satisfai-
sante. Si les r:ourbons n'avaient élé l'eprésenlés, dalls le camp des al-
liés, que par des agents obs('urs, u pcine elit-on pu adnwlt\'e l'élrang('
l'óle que voulail leur faire jouer le prinee de Lichlcnslcin; rnais les
Bour!Jons arrivait'nt ('n personne u la suite de l'étrang(~l' : le eomte d'AI'-
tois élait eu Suisse, lo due d'AngouIeme aux Pyréné(>s, tous les priIlc(,~
de la famille sous les th'ape:1ux de la eoalition. Comment done cellc eOH-
lilion, dont l' Angl(>terre ('~t:1it toujours le lien l't la tete, ('[ qui pOli\'-
suivuil dcpuis vingt-cinq alls le triomphe du droit r1iyin su\' le princip('
populail'e, se sel'ail-eJle I1loquée si eruellement des augustes pel'son-
nages qui l'epl'ésentaient le mi(>ux pOllr die la légilimitó molltll'chique,
¡'illnstration el l'antiquité des mees royales de I'Europe '! Que les dcs-
('l:'n(lants de Lonis XIV eussent élé humiliés el proserits par la Frunce'
l'é\Olulionnuire, ü la bOllllC heUl'e! mais que la \'oyalllé l'Ul'opél'lllle eúl
pl'lISt~ á Il~s abandolllll'l' el u les liHC\' Ü la risée du monde, au monH'nl
dc do\'e \'idorieusement une lutte sanglante, ouverte el souteIlue pou]'
('UX pendant un fluad de si¿'e1e! cela n'est ni dans son intéret ni dan~
son d!'Oil; cela était tout a fait inuaisemblable, ou , pOUl' mieux dire .
1Il00'alement impossible; cal', s'il fllt al'l'iyé que les monal'ques alliés
n'Pllssent pas songó au résultat inévitable de leur triomphe, le prinl'ip('
poli tique rlont la coalition élail issllc aurait toujours trouy':> , dans 1(,
sein des eabinets, des hommes d'état plus cOIlséquents qui se seraient
laits ses Ol'ganes et qui auraieut soumis les rois eux-memes a la supr~­
llJalie do la logÍr¡ue.


11 n'y avait que la vietoire qui pút présel'ver la France de la restau-
"Mio\) des Boul'hons , au ¡lOill! (lU en l'taicnt les dioses. :\npol("o/l (;couta




6S0 fllSTOIBE


e('penuant ¡wec faH'Ul' les protestatioIls du prince de Lichtenstein d ses
ouV(~rt\lres pacifiques. Illui pl'omit d'emoyer des le lcnllemain un de
ses généraux aux avallt-postcs pour y llégoeier un armistice.


A peille I'oftieip¡, alltl'idIien élait-il sor ti ) (llIe J\I. de Saillt-Aignan) J(,
Ilt'gociateur de Franefort) se pl'éSeIlta a l'empereur. 11 yenait de Paris,
et tout Ct~ flu'il avait vu ('[ entendu lui faisait sentir la nécl'ssité de finiL'
la gnerre au plus vite, Cat' persolllle n'en voulait plus; c'était une es-
pece de paix il tout prix qlle réclamait I'allxiété publitlue et que ~l. de
Saillt-Aignan osait cOllseiller apl'i~s elle. " Sire) s'écl'ia-t-iI, la paix sera
assez bonne si elle esi aSH'Z ))I'omptl'. - Elle arri rera assez tM si pi le


est horltruse, " ¡,epartit YiVPI1Wllt l\apoléon , dont ¡'a'il sével'(' ¡¡eCO/ll·
pagna lU. de Saint-Aignan jusqu'illa porte dt> la chaumiere.


Nous avons di! que les aIJiés nl' désirait'nt qu'une simple suspensioll
L1'armes, pOllr ayoir le temps de se renforrer, et aussi afin de I'ompr('
le eours 1m)) rapide des slleees de Napoléon el d'affaiblil' la slIpériorill"
l1lol'ale et l'asccndant que lf'S événements militaires lui donnaimt plus
que jamais depuis huit jO\ll's. Le regard pel'<:ant de I'empereur sut d,;-
meler rette an'il'I'('-pensl'(' a travel'S les dédaralions rontI'ail'es ti""




---------


,


DE :\'APOLltO~.
p-arlcl1Jcutuil'es dr:lllgers. II exigea done que les bases tle la paix fif'seut
parlje des condilions de l'al'mislice, et il indiqua meme ces bases dans
Ics<[llcllcs il faisait cutre!' eu premicre ligue la eonservation d'Auvers el
des eMes de la Bdgique. Napoléou, qni prévoyait que les Auglais s'op-
posel'aieut de toutcs lcUl'S fOI'Ct'S a une prétention mena<;anle pOUl'leurs
intérets, icnait a ce qu'elle fúl débattue préliminairement dans les pour-
pariel's ouverts pou!' !'armistice, et non point an cougres de ChD.tillon,
qui allait cOlltiuuer I'ccllYre del'isoire de Fraocfort; c'était l(~ seul moycn
d'édL1l'per allx condilions el aux elltraves qu'il redoutait de la part de
In diploll1ntic heitnnlll¡rU8 . ;J


:U llis les sonH'I'clillS du cO!1lincnt éludel'cnt un(' proposition qni était
conl['nil'l' :1 lcnl's YlICS, el jls l'rfusci'eot de s'isolel' d'uo allié quí élait
leUl' m(,IWUl') el pl'esql1e leH!' 'maUre. IJs persislerent n rCJlvoyer ou
l'ongres toule n!"gocialion re!¡lli\c a la paix.


Napoléon dut se ['('soudrc alO1's u pOIlSSf'l' la guene ayee ,igueur,
[out cn lnissant pal'lcmcuter llolU' tlIl armistice u Lusigny, et négociel'
pOlll' In paix il Chillillon.


Cqll'!1dallt, ta(](lis que Ics Au(rid,iens, les dcrnicrs battus de la coa-
lilion, se 11l01ltl'l'lIt eoneilianls t'1I[' la Sdne ct sur l' Aube el ehcrehent
a y l'eLmil' Kapoléon par l'p~p()il' d'UOl~ cpssatio!1 proehaine des hosti-
lités, les Prussicns, donl les dMaites datent déjil de dix jours el flui se
sonl pressés de réparer lcul's pedes, redcviennent mcna<;ants sur la
;\lamc, el BhiehcI' profite de l'éloignement du gr:md eal)itaine pour
ten[('1' m:e nouvelle eourse sur París.


Napol!"on upprit, a T['oyes, dans la nuit du 2G on 27 féHier, le mou-
W'l1lC'nt de l'armee pl'llssienne. Sa résolution fut hientót prise. Il 0('-
eOllI'lIt de noU\ call au 51'CO\1l'S de sa eapitale, et viot, avee la p['odigieuse
eélt~l'ité (JII 'j 1 savnit si hil'\l donnc1' a sa marche et a ses manccuvres, se
jdc!' SlIl' les uel'l'iel'cs de Blüeher, flui avaít toujours en fuco les eol'ps
de l\1al'Illont d de ~l()l'ticr.


;\Iais il ne fallait pas que SdnY:"lrtzrnbcrg s'opersflt dn déport de
)'emp<'l'eul', el qll'il sút n'ovoÍI' plus llevant lui que les deux corps
Il'al'mée dl' Macdollald el d'Olldinot) que Napoléon ll\ait laissés sous
le commíllllkl1lenl en d,d du prm¡j('r de ccs maréchanx. A cel effet,
de gl'l1Udcs dPlllollstralioJls CUl'cnt ¡¡('u sur toule la ligne de l'al'mée
fl'an0aise, tel!cs qu'on arait l'lwbiluue d'en faire a l'apparition de l'l'm-
perellr an eamp.


R(i




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(j8:J HISTOIRE


L 'empereur étnjt pourtnnt d6ja loin de lü, Parti de Tl'oyes, le 27,
dnns In mntinée, iI arrivn le soir su!' les confins du dépal'ti'menl de
l' Aube et de la Mame, ct ¡¡assa la nuit ü Uerbisse, Olt jI s'installa e1,IllS
le preshytere, qui ne se composait que d'uue chnmbre et d'nn fOl1rnjl.


Le 28) tl Séznnne, il appl'it que l\Iortier ct i\Iarmont, apres avoiI'
opéré leur jonction, le 26, a La Fert6-sons-Jouarre, s'étaicnt tl'Omés
encore trop inférieurs en nombre tl Blüchcl', ct avalent reculé e1evant
lui dans la diredion de )feaux. II marcha allssitót de ce cMé ct I)orta
son quartier-général au cJultean d'Estrcnay, ou il passa la nnit du 28 fé-
vricr au ~ er mars.


Des officiers d'ordonnance, cnvoy('S par Macdonnld et Olldinot, ,in~
rent l'y rejoindre, lis annonr;aicnl que le jour meme que l'elllpercllr
avait ql1itté Troyes, les Aull'icltiens avaient ri'llris l'offellsive, et qll'ü
la suite d'un cngagemcnt meudricr sur les hautellrs de Bar-sllr-Allhc
ils s'étaicnt faciIcment aper~l1s qu'ils n'étaient plus en présrllce !lu gros
de 1':H'mée fl'anr;aise ni de son chef. ectte Mcomerle lcs avait cnhnnlis
jusqu'ú LMtacher le prince de Hesse-IJombourg el le général BinJlchi
sur Lyon, ponr y empecher le mal'échal Augereau de ten ter In moindre
divcrsion par le llUssin de la Saone, et pon!' lui cnlen'l' meme la po~
sition impol'Íante qll'il occupait dans ecHe seconde ville dll roynumc.
l\Ialgré un détaehement nussi considérable, Selmarlzenherg et Witgen-
stein s'étaient crus assez sllpél'icurs en Hombre pour revcnir sur Troyese
ou les dncs (le 'farente et de Reggio n'élaient pas eux-memes asscz fOl'ts
pour se mnintenir.


Entre les périls de la capitale de l'empire et ccux qni pOllvaient me-
nacer le chef-lien d'un départenwnt, iI n'y avnit pas iI balanccl', Na-
poléon songpa d'abol'd ¡¡ U1Tetcr l'ennemi, qui n'd<lit plus qu'ú qUcJqlH'S
mm'ches de París, et qu'il [('naif dl'jÜ, ponr ainsi dire, sous sa lllaill
redolltahle. TI espél'a enllnil' nssez Wt ayer Blüchor, pom' reloul'llcl' [1[1
pas de eon1'se sllr Sclmal'lzenbel'g, ct pour retomber ¡'¡ l'im¡)I'()\iste
sur les Autrichiens uvant qu'ils Cllssrnt faíl drs pI'ogres inC}llidants,
C'dait le meme génie qui :nail donné an monde l'admimhle s[ledacle
de « la campagnc' des einq jonrs, 1) en 1796; seuIement, iI I'Ppélail
eeUe fois pCIlLlant plusieurs mois, ce Cf.u'il n'avait fail alol's (lile pCIHlanl
quelques jonrs, se mllHipliant en quclque sode p01l1' sc LI'OUH'[' pal'-
tout oü le danger devenait pressant, pour hattre, tl de grandes dístnllt'ps
et presque en memc tcmps, les divers COl'PS de )'a['IllPl' ('Illlcmie.




DE :-iAPOLÉON.
])cs que Blüellet' llppl'it que l'empereul' uppl'ochait, il chereha ii luí


('ehappel' : la n131'('he de l'al'llléc pl'ussienne sur Paris n'avuit pas élé
nussi faeile el aussi l'apiuc que Napoléon avait pu le craindl'e. Morticr
el !\lal'lllont n'uvail>nl cédé le tel'rain que pied ti pied, et leul' relraile
avail me me été ll1arquée pm' fluelques avantages remportés dans les
cllvil'ons de T\ienux , aux eomuals de Gué-a-Tl'eme et de Lisy.


L'"ell111ercur ne connut le 1l10ll\"crnent l'étl'ogl'Ude de Blücher que
dans la joul'née du 4 er ll1ars) en arl'ivant SUI' les halltellrs lJui domi-
Ilent Ln Ferté. II s'étuilllatlé d'enfermer le génél'ulissime prussien entre
lui el les mal'l'cl!nux de Raguse el de Trévise, et ille vit s'éloigner
prél'i piLamllwnt tlans la dil'eetion de Soissons, apl'es s' étl'e fait un rem-
pad de In Mame eu coupant les punts.


L'ol'!ll'e fllt aussilot expédié ti Marmont el i.t ~Iortiet' de se mettre,
snns pel'llre un instant, illn poursuite des Prussiens) tandis que Bucle!'
rl' Allip el Rumigny aHaient nnnoJ)ccr la retmite des Prussiens) l'un a
Paris el 1'autl'e ü Chatillon. La rel'onstruction du pont do La Ferlé
eOlita un JOUl' a l'empereur; cufin son nl'll1ée put franchir la lUarlle)
dnns In Huit du 2 au 5 mat's et se portel' d'abol'll sur Chuteau-Thierry.
pou\' pl'endl'ü ensnite la route de Soissons, ou 1'empereur espérait ac-
cukr lllüdler sous le canon de la place) dont les fol'lifieations étaient
en hOIl dat) et flui avnit une garníson de fluatol'ze ccnts Polonnis pour
se dd'endn'.


Morliel' d Mm'll1ont exéeutel'ent mee autanl de eélél'ilé que d'inlel-
ligcnee les onh'es c¡ui leut' a\"aimt été transmis; et leur marche sur
Soíssons, lJarallcle Ü eclle de l' empereur, tint Blücher eonstamment
resserl'é en(r'c deux armées fran<;aises. Les Prussiens semblaient done
pcrdus snns rcssout'ces; leur fuite ne pOllvait les mener qu'a une eapi-
tlllatioll OH il une destruetion totule, sous les mul's de Soissons.


l\lais la Providence ne veut pas que les Prussiens soient anéantis!
elle a de tout auh'es desseins! .. , Au moment ou müeher va tomber
sous les coups des tl'oupes frangaises fluí le p,'cssent et l'enveloppent,
Soissons. qui dcvait le rejeler, lui ouvre ses portes; e'est quc Soissons
n'est plus gardé pal' la bravoure et la fidélité polonaises; les Russes de
Winlzingerode et les Prussiens de Bulow en sont aujourd'hui les mai-
h'es; un commandant fl'an<;ais en a disposé ainsi.


l\apoléon étuit ti l<'ismes lors<lu'il apIll'it ce qui se passait ti Soissonsj
son indignation fut égale a sa sUl'prise, Ponr rctenir les faíbles dans la




HISTOIIW


ligne (In deyoir et ('ontenir les malveillants, il i't'I1dit, 1(' 4 IIHlI'S, !I('UX
Mr!'!'!", dont 1'un ordonnait 11 tons les Fral10tÜs de rOl11'il' anx ar'll}(>s U
l'apJll'Oche de l'PIIncmi, et l'alltre pronoll\ailla peilw (I('s ll'aill'('s COllli'P
tout fouctionnail'e qui tentcrait de refroidir l'élllll des ciloycns.


La diplomatie éll'angel'e nc restait pas 1I0n plus inartire, Pa1' ulIll'ail<'~
dalé de Chamnollt le ~ er mat'S, les plénipotentiail'es nnglais tmüeul
faillwendl'e l'eugagel1wl1t fornwl i:t touÍl's les puissanc('s dn continellt
de ne dl'poscl' les armes flu'aprL's lwoir renf('rm(' la Frallce dalls ses
anricnnes limites. Napoléol1 apprit bientút par 31. de RlIlniglly ([U e re!te
pl'étention <'-lait dc\clllw ti. Chúlillon tl/iti/JUltlllll des nllil's, el il pl'évit
qll'on chereherait i:t relldre la paix impossiblc en lui f(lisanl d4'S eondi-
tions innc('C'ptables, lout en paraissant désÍl'er la fill de la gucl'l'e el se
l)¡'(!tel' anx llloyens de conciliulion.


L'armée fl'unr,aisp venait d'attcindl'c ti. C1'flOI11ll' (7 ma1's) et (\{> hattl'e
complélement Bliú'he)', flui, fln lieu Ile s'('nfC'I'I11I'I' tlans Soissons lmlll
continué sa 1'l'Íntitc sur l' Aisne, IOl's'lue les dépeehes du dile de y¡('(']lee
annollce1'ent ti. l'cl11pel'eur que la C'oalilion C'xigeait de lui non-scukl11l'llt
qu'il ahandonntlt tOlltcs les conquetC's dp la rl'plIhlique el ¡]P l'l'IlIJlil'c,
mais que ret ahan(lon fl]t posé COll1ll1C prl'liminait'C' des 11('go('ialiolls
par les plénipotentinires f1'anr,ais C'lIx-l11enws, 11 (llIi ]'on illl('l'disait
toute proposition contrnil'e aux résollltiollS il'rérorahlcs des hautes
pllissnnees, L'hllll1i1iation aumil été lt'op fOl'le, le snc'I'ilicL' [I'Op gr'nnd
pour Nnpoléon vaincu; que ne devnit-ee pas eh'l', flllnnrllcs (~Xig('l1r('S
de l'rnnemi lui 11a1'vellaient sur un ehall1p de bataille oú il H'uait (le 1'C'1ll-
porte1' une brillante vietoire? « S'i! fau! 1'eeemir les étl'i\ii'l'es, s'ó-
cria-t-il, ce n'rst pflS á moi de m'y pl'etel', el r'est hien I(~ llloius (IU'on
me fasse violence. ))


Les plenipotentiail'cs de la Yicille Eurupe anlÍeul prl~VU edle rt'-
ponse, qui enlrait tout 11 fait dans leu1's ,ues, lis s:lvail'nt bien que
l'homme qui s'était élcvé au-dessus de tontl's les gloil'es tlneicnnes el
modernes, COllUl1C le représentant dc la Fl'm1C'e 110\1\'I:lle, ne consen-
til'ait jamais a descendre de celte hauteul' pOllr allel' proposcl' hontell-
scment 11 des rois qui portaient tous eneore l'empreinte de ses pieds
sur lems fronts supel'bes, de se I'apetisser lui-memp el d'abaisscl' le
grand pellple ilIenr convenancc. Une pareille conression 11(' pOllvait etre
imposée qu'anx hommes de l'aneienne Franee, el ces hOl11l1lPS eux-
memes n'anraient pas vOIIIII en prendre I'initiativc. Deman(I('1' o Na-




DE :\"APOLI~O~.
poléon (\'offrir lui-l1ll'nw pOl1l' hase tl<, In pais une condition qui d<,yait
hI('s~el' plus tal'(lla susceptibilité patriotíflue (ot l(ls smlimenls nationau:\.
dl's lt'ansfuges memes de la n'~YOllltion d de I'empire, e'était une nouypllc
lIéelal'atioll de guel'l'c , une fa~()n d'oulrager, d'aigrir d de rendl'e irJ'é-
cOlwiliablc l't'IlIwmi aree leque! on affeetait de n('gocier inc<,ssamment.


1\1. de TIumigny ne porta done pas i! Chútillollla nourelle proposition
que les allil's avaient cxigé¡o. Peu de jours apl'es, les confé,'ences pOl!l'
l'al'mistice fUl'ent rompllcs d le congl'es tk Chtllillon ferm('. Napoll'oIl,
!'('\,enanl deplIis sur les prét(,lltions des alliés, S'l'st eXpl'illlé en ces
t('rmes:


( ,J' ni dll m 'y refuser, a-t-il dit, el je l'ai fait m tou te connaissance
de ('aU5e; aussi, mCllle sur mon roc, id, en cet. iustant) au sein de
[outps l11('S miscr<,s, je ne m'en repellS paso Peu me cOlllpl'endl'Ont, j('
1(' sais; mais pOllr le vulgaire meme , et malgl'é la [Ol1rnUl'e fatale dl's
l~VÓnl'ments, ne doil-il pas aujourd'hui demeurer Yisible que k d('\"Oir
el I'hollJll'ur m' me laissaient pas d'autre parti? Les alliés, UIle fois
qll 'ils m\'IISSellt enlamó, eJl serai('ul-ils de!1l('urés Ii!? L('ur paix (,t'rt-
elle dó de houne fOÍ, leu!' récondliation sincere '( C'ctit (,té hien )leu les
connaitno, I~'eút Ml~ vrai<, folie qu(' de le cl'oire el de s'y ahandonn<,l'.
N'enssl'ut-ils pas pl'ofité de l'anmtage imnH'nsc IltW Imr ll'ailt,]('ul' ('lit
cousaeré, pOUl' uel!e\'('r, par l'inlr'igll/.o, ce qu'ils araÍPnt comuwIlcé pa!'
l('s armes? Et que devenai('llt la súreté , l'indépmclance, l'av('nir de la
France'? Je pl'éfénli de COUl'il' jusqll'a extinetion les chances des eOlll-
hills, el d'ahdi(luer an h('soin. »


NapoU'oJl eourllt ('n dfcí la chance d('s combats. Yainqu('UI':\ Cl'aonnt',
le 7, il marcha sur Laon dant l'armée prussienne occupait les hauteul's.
A I'avanlage de la position, müehel', malgré ses défaitcs, joignait tou-
jOllrs el plus que jamais cclui du nombre. Dcpuis La F('l'lé, il n'avail
c('ssé de se renfOl'cel' , en ralliaut successiyement, dans sa retl'aite,
Wintzingerode, Bulmy, Sackell, Langeron, ele. Mais un dernier appui,
et le plus important, venait de lni alTiver, el il ponvait attendre Napo-
léon mee une armée de plus de cent mille hommes. BernadoUe, qui
semblait avoir hi"sité iJ passer le Rhin, et ql1i se trainait plus qu'il ne
marchait i! la suite des troupes de la eoalitioll; B('rnadotte, que les
espérHnCi'S données i! Abo par le czar ne pouvaicnt plus tromper, en
présence des Boul'bons assis sous la tente des alliés; EernadoUe for-
mait la réserve de Blüeh('r.




IlISTOIRE


L'cmpcrCllr résolllt néanmoillS d'altaq\lcl' les Pi'll~;sieIlS, d iJ S')' pn;-
[lul'uil) le 4 O) Ú íJll:ltt'(~ hClll'('S !lu matill, mdlalll 81'S "o [[1 'S d delll,lIl-
danl ses chenmx., lorsqu'oll luí lIlllella deH:\. ul'UgOJlS (lui UlTintieut ú


picd du cóté de Corhelly cl qui H11I1on~ail'nt que le eOl'ps du due de Ha-
guse H"ilit élé surpl'is d mis CH pll'itle d(;rollte, cl'll(~ l111it I1lt~nll', ,\ ('('He
I1ou"cllc, l' apoléon suspl'nui t l' 0['(11'c ti' ultaque qu'il a\ Hit tl'<lllsmis iJ ses
généraux; mais l'enl1C'llli, instruit pUl' SCS (,OUl'ClIl'S des événcJllCl1ls de
la lIuit, 11I'it lni-méllll' roffensire; el, apl'es une ¡ulle opiniUll'c, dHIlS
lar¡ndle la di"isioll Charpcntier soutintnüllamment l'hollIlelll' de \lOS
armes) l' emperelll' dut songer u se mettl'l~ en rdraite, Il partit de Clw-
vignon, le ,1,1 au matin , passa la jOUl'Ill'C rlnl2 a Soissons, ou illaissa




DE :'olAPOLÉON. 687
le dlle de Trévisc, pOli!' conÍl!nir d.~ ce c(¡lé l' armée de mueller, ef se
por'la sur )leims, (pIe le gt.'·nérul Saillt-Priest, Frall~ais au seryicc de
la H\lssü~, Yi'nail d'mle\er au géneral Corhineau. Celte ville fnt allssi-
tÚ[ reprise qn'allaqu('ci l'emperenr y enh'a dans la llllit dll ,13 au L~.
:.\Iarmont, aprcs ayoü' rallié ses troupes, etait vemt l'y rejoindre et
avail JlI'is part i:t l' alta que . 1'\ apoléon lui reprocha tI' ahord mnerement
de s'Ctre laissé sl1l'pl'endl'c el d'a\~oit' eompromis le slIcecs (le la jour~
Jl("c illl \O, devant Laon; mais il 1'C'JlI'il cnsuile le ton de hiellVeillance
el d'afl'cetion auqllel il ayaillwhitué le ma!'t.'·eltaJ.


Napoléon s'm'l'aa Imis jotl!'s ti Rcims, et iI y partagea son temps
enlt'n les eomhillnisOIlS militaires el les mesures administrativc~.


Les éyéncmcnts s;e pl'éeipitaiellt.
Tandís qll'uux fronW~res du nonl le general l\Iaison conscrvait les


positions conllées i:t sa garcle, (1118 CUl'l)ot fuisait éc}¡oner ton tes Ins tl'll-
latives des Anglais SUJ' AnH'['S, el que le genéral nizannet en f('rmail el
taillai!. en pieccs dans BCI'g-op-Zoom (lllllli'e mille hOlllll1CS de la meme
nalion, q\li s'.'·[nicllt ü:lroduils la l1uit dans ee[te place, et <¡ui avaicnt
esp(.I·.\ s'('n 1'f'!H!t'l' ma¡¡res Sln~ roup fprÍl', ú la faycm' dps inlclIigellees
crimill('lIes qll'ils y il'.:lÍCllt pratiliuérs, les dmncC's de la gucrre, l'CIl-
dtles plus abrInan[es par It~ IllnelJin,,!ioI1s politi'lllCs, tourIwient ront.re
l\'apo]('on SlIl' tOllS les autres poinls de l'c·mpirc. SouJt Hvait dé batlu
ti Orthez el se l'rlirait SlU' Turbes et SUI' Tonlollse. Al1gereau ne se SOIl-
lel1ail plus qu'avce peine u LyOIl el se prépal'ait i:t l'évaeuel' pou!' aIlcl'
prendrc posilion dClTi(.'re l'lsi~re. 130rdeaux avait ouYCrt ses portes allx
Anglais 1, el In dile d'Angouleme y dait ntlendu. Le ('omtc d'Artoís 1lI'-
r¡nlit ell Boul'gogne. EnHn Selmartzenberg, que lUaf'llonald el Oudinot
n'étaíenl pas ass('z fol'ls pOlI!' tll'reler, mena~ait ¡JI' nOUYCml Paris, ni!
le comité royaliste I'n!ollblnit d'ardeur el d'aetivite.


Hans cetle situalÍot1 C:xtl'hllC, don! il l1WSllI'C, en un din d'wil, la
gravilé ct. le pb'jl, ]' l'lllpCI'Clll' sellt fIn'il ne peut plus se snU\el' que par
un coup d'éclat , pUl' une artioH Mcisi\t', et iI n'hl·:,;ite pas 11 dirige!' ce
eoup sur Sehwartzcnbel'g, dont l'approehc jette dl~.ii:t l'alanlle dans
la eapilale. n lnissl' done une fois encore il liIarmonl el ti 3Iorlier le
soiu de eontenil' Blii('l!er et de pl'éserycl' París (lu eúté de l' Aisnc el de


• Le mail'r de: r!onlctlUx, Linch, qui Iivra ceLle ville aux Anglais ct aux llol1rhon~, ayait dit :\
:\'apol(loll, h'()is mnis mlpar;n,1I1t : (~ :\'ilpIJlt'ou a toul fait punf les Fr¡w~ais I les rl'an,=,ai~ fcrunt tout
[lonrJui.




(í8~; HISTOIRE


la :Uarne, et chms la eralllte qu'iIs no puisscnt rempUI' eoHe h'lche avee
succes, ct que que!flue corps ennrmi ne llanicnne i:t 10111' (\dmppl'I' el a
sUl'pl'elldl'O le siége du gouvernemcut, il l'('commande, il on]onne a
son fl'óre Joscph, (Iu'i! a nommé son )ic'utcnant-génlTal, dn ne pas at-
tendl'e quo le dangor soi! lrop itl1t11illent pOI1l' I'airo partil' ct meUI'e el!
súrcté l'illlpt"m[rico el le roi de HOl11c; puis il s'llchcll1ine H'J'S J.~[lel'llay
d va, paJ' Fel'e-Chnmpcnoiso ot lUél'y, prendru Ú dos les Alltl'idüens,
(IU'i) sUpjlosu 1lITiyés ill\ogent.


L'ompel'elll' ¡¡vait quitté Reims, le 1i, dans la matinr"e. Le ~!), iI
était aux porLes de Troyes, el baltait l'ani¿Tc-garde ennemÍe, Ü co
mcme hmnl'uu de Chatrc, ou il mnit l'O<;l1 le priIlcc de Liehll'lIstdn et
11. de Saint-Aignan. ,',Iais les Al1tl'i('hi(~ns ne marchaimt pas sur Paris,
comme OH le luí avait nIlnoncl~; Upl'l'S s"étre avaucés jllsqu '¡¡ Pl'mins,
ils n\n:ent sulJitcmf!llt rétrogrnM. L'cmpcl'ctIl· J:nLludl'(, , ell apprc~
nallt les sucecs de :\a[loléol1 ti Cl'aonne et h H(~ims, ¡¡¡<lit cl'ailll que
SehWal'tzel,herg I en se J'aplwodwnt seul de la capitale, ne se nt ('¡¡core
baHI'ü s(\parénlt'llt, ct fIue toutes ces défaih's joul'l1alil'l'es el isok'l's 11('
finissent par décourag('l' les lrolipí's de b eoalilioH, di'jú l'{,lllplb, d'ilP-
pri~hensions ct d'alanlles par l'nltitlllle de plus en plus J¡ostik que 1l['('-
Haient les pOJlulations de lit Challlpnglll', de la Lorrainc d de I'AIH"l('ü.
Le t'zm' a,aH dOllc insisté 1 dans un t'onscíl de gucl'I'c [('un ú Tl'oyes ,
pom que les deux grandes tlrm<,es alli(~es mancl'lI\T:Jssenl incnntinel1t
de mmli<~l'e Ú opérel' len1' jOllctiou dUllS les emirons de Chtl!o\ls, alin
de mm'chel' de la sur París et d'(;craser [out ce (lui s'OPpos('l'ail a leul'
passngl'. Ce! mis mnit prévnlu) d .\"oj1ol¡"o!1 I'CncOllll'a, le 20, en Hyunt
el' Al"eis , l'tlL'mée cnliére (h~ Sch,yal'lzcnlll'l'g (1I1Í se portait en lIlaSSU
sur ecHe ,me pOlll' y frulldlÍl' l' AlIbe et gagner rapi(kment les ¡¡laines
de la Champagne) oille rallielllcnt dcnit s'dTedn(~r. Ce !wus(f1w chan-
gCIllent de systellle clalls les op(\l'ations milituÍl'l'S des ulliés dt"l'ailgealt
tout a fait les plans de 1'eI111)(,1'8UI', quí s'apeJ'(;ut d'ailleul's hiclI yHe de
la posilion difikile et pél'iilellSe dan s I¡HIlH~IJe ]p plar:nit la l'l'IWOllt.l'e
d'llne armél' li'ois fois plus fode que la sil'llne , 111 OÚ il n'aynit CI"II lrou-
Yel' <¡u '\lile nrrién?-ganle. !l nl lJ011!1(' contenauce toutefois, et, eOIlIllll'
en tnn! d'aull'es üccas¡of]s, il demanda)l la "ah-uI' de slIppli'e¡' le nom-
hre, el1 jetant dans la III tle le poid;; de son }lI'o[lI'ü e"cmp\¡>, el 1'11 lIe
comptant pOlll' ril'f} ses dangl'J's per~onnds. « Enrdopp(': (Jans le tOlll"-
billon des chnJ'ges elo c~'1Valerie, dit le Mallllscrit del 814, il ne se dé-




DE \AI'OLEO\. (jWI


gnge (lll'cIIIll\'ltU\lt I'épee 11 la llHlin, A divct':,;cs l'cprisl's, il cOlllhal ¡lln
tete de son ('s('ol'le; el loill d'("\itl'l' lcs dangC'l's , il semble au c()llh'ait'e
1(':; hrrl\C'\'. {:n OhllS tumhC' u 51'S pieds; il attrnd le COllp el dispa\'ait


hiclltút dHlIS UII llllllge de poussicl'e el de [umée; ou le ct'oit pet'du; il
;;l' I'd;'H', se jette su!' un autt'e eheval) el ya dc nou"cau se plaeel'
~ous Ip feu des halteril's!." La mOl'! \lC \ eut pns de lui, »


31 algd~ les dforts prodigiellx de l'armée fl'tlW;aise el l'hél'olsme in-
a Itérable de son ('hd, le cOlllbal ti' Arl'Ís ne lml empechel' le pnssage de
l' Aulle par les "\utl'ichiens, L'l'Ill¡K'reur se retira en llon ordl'e, apt'cl:i
awit' raí! beaueollp de lllal ¡¡ l'en\ll'llli e! l'avoíl' t('IHI pendan! un jout'
en ('dIce; mais Sdm artzenhcrg Huit par se raÍl'c eédl'l' le chemin lIlIi
deyaílle mene\' au (\I'\ant de B1iidu'I', Le memc jout', Allgel'CaU abau-
dOlllHl Lyon iJ I3ianehi el iJ Bulma,


:\e poman! plus s'opposer iJ l'e"éellliof\ des plnns de l'enn81l1i el a la
l'edou(ablc jonction eonscillée par Akxandre, i\"apoléoll songe a dél'au-
gel', iJ ~on tour, les nouvdles cOllllliw.lÍsons des alliés, en dll'rchan( a
les cnlraincl', malg\'é eux, dans un nOU\l'au cCl'ele d'opél'ations, el en se


, ..
,"




690 HISTOIRE


jetant sur les limites de la Champagne et de la LOl'l'11ine, d'olJ il poul'I'a,
selon la marche des événements, rallier les nomhreuscs garnisons de
I'esl, organiser le soulevement dl's populnlions, tléll'lli['c les COl'[15 iso-
lés, mana>ll\Ter sur les del'rieres de SdmnrlzPlIbcl'g el de BlüdH' l' ,
coupel' leUl's eOllHllunieations avee la fl'onliel'e J ou se ['appl'Ochel'
d'eux si les dangers de Paris l'e;,.igent, pou!' les plaeer eutre son ;)1'-
mée infatigaLle el les tl'oupes 11011 moius iull'l'pides de )]UI'Illout l't de
Mortier,


Dans ce dessein, J'elllpereur se dirige SllI' Saint-Dizicl', oú il va ('(JU-
che\' le 25. Caulaineoul'l Yient I'y rejoindre, et lui annonl'C la I'Uptl1l'('
définitive des négoeÍations. Cctte nouvelle devai! etI'e prévue , puisfllll'
les pl'étentions des alliés n'é[aienl point UlI mystáe. Cepcudant , II'~
méconlents du t[uarlier-général ('11 prennent occasion de mUI'llIUl'er plllí'
haulement que jamais eont['e J'emIlereur, qu'ill'exemple de :,;()S plus
aeharnés ennemis i1s arrusent toujoHrs de la pl'olongation (le la gUl'l're.
" 11 Y a autoul' de J\'apolóon )ui-meme, dit un de ses secrétail"l's, 1rol'
de llel'SOIlIleS 'Iui s'~loign('\1t de Pa¡'is ilH'r I'l'grd. On s'inquietl' tout
hant, 011 ('ommeu('(' Ú se plaindl'e. Dans la salle <Iui [(luche ú edIl' oú
Napolóon !,l'est enfermé, OH t'ntend des dwfs de I'm'HH;e [('IIj¡' dI 's pl"O-
pos décourageants. Les jeunes oflieiers font groupe [1 11 to 11 l' d'eux. 011
veut secouer l'haLitude de la eonfiance. On eherehe n entre\ oir la pos-
siLilitó d'une I'é\olulion. Tout le monde parle, pt d'abOl'd on se dc-
mande: OU va-ton '( Que devenons-nous '? S'il tOlll])e , tomherOlls-nou~
uvee lui'( »


Le 24 , l'empl'l"eul' se porta sur Donlen'Ht, oú il passa tOllte la jOllr-
Hée du 25. Le lendemain, il revinl iI Sainl-J)jzit'¡', pOlll' soulenil' SOl!
al'ril're-garde altaquée p"r un (,Ol'pS enllemi IllI'i) el'oyait apIHlI'll'nir il
l'arlllée de Sdmartzenh(~l'g, et qui ótait UII ddllchelllellt de Blüel!cl',
cOlllmundó par WintzingeJ'odc. Sa préselwc saunl l' uniere - ganlt ;
Wintzingerode fut hattll el ponJ'snívi , dans sa fuile, SUl' lps deux l'Outes
de Y itry et de Bar-Ie-DuC'.


Muis el' faible avantuge He pounüt gw\['C compense!' la dé!'Oute com-
plete que les dIJes de Haguse el de Tn;visr aYaient essllyée la \'eille, il
Fére-Champenoise. lUaintenant, le du)mill de París est oll\"e!'!, SlIllS
oLslade, allx alliós; ils ne manquerollt pas dI.' le HlÍ\I'C el de pOllssel"
\igoul'eusement devanl eux les déhl'is de l'armt'e qu'ils rirnllt'llt r\'{>-
('raser.




DE NAPOLÉON. (i!1!
Oh; que !\n[loll'oll ('onnut la défuile de ses Iieuleuullts el le dunger


que cOllrait la eupitale, il n'J¡&sitn pns il rerenil' rn [oute húte sur Pa-
rir;. Parti df' Doulevent, Ir 29, au point du jOllr, il f'X pédia le génél'al
Orjran, son aide de camp, pÓ\II' annOIlr('I' aux Parisiens qu'il volait a
lelll' seeours; et le 50 all soil' il n'élait plus qu'iJ cinq licues de sa capi-
talf', relayallt iJ Fl'Omenteau, pour fl'auehil' la demiel'e distance qui le
séparait de 8a honne ville de Paris, quand on lui appl'it qu'il était trop
!arel, que cette gr:mdf' cité v('nait dr se rendre, et ([Uf' l'f'nnemi dC'vait
y mtrer le If'ndemain matin. A lTetó par erttc funeste nouvelle, il re-
vint iJ Fontaineble¡jll. Paris avait en cffet cupitulé. Les ducs de Ragusp
f't de Tró,isl' . apr¿'s JI' M'sastre dr F¿'rf'-Champenoise, ayai('nt fait de
\ ains dforts pour arrc!r" l'ennrmi. A son approche, Joseph, sc ron-
danl SUl' les ordres de NapoléoJ1, anlÍl exigé If' départ préeipité de Fim-
pératriee rt du roi de Rome, malgré I'avis presque unanime du conseil
df' régmrc; ('t eeth~ résoluiíOll avait fait dire a Talleyrand, an sortir
dll l'ons('il : « ~laint('llant sauve qui peut. )) On njoute que la reine 1101'-
tpnsf', dé~()léf' de voir la régentp f't son fiJs abandonner la rapitale aux
intrigaJlts f't illlX rOJlspirateurs, la pt'('ssa \'ivemf'nt de res ter , et lui di!
avec l'aerent (\'nne ('onvirtion qui était pl'OphétiC(ue : (1 Si vous C(uitter.
les Tuih>rif's, vous ne les ,'everrez plus. " Mais Joseph, que Camba-
céres ('t Clarke soutenaienl contrI' J'opinion des autres membres du
(~onseil, entraina l\larie- Louise. (, Une des dioses les plus étonnantes
du moment, dit l'historien de la bataille et de la rapitulation de París
(Pons de l'Hérault). est sans contredit l'opiniatrelé avee laC(uelIe lf'
roi de !tome refusa de partir. Cette opiniatreté fut tellement marquée ,
C(u'il fallut cmployer la violenee pour empol'tel' le jellne prinee. Les
f'ris de I'enfant-roi étaient déchirants. Il ¡'épéta maintes fois : « t'IIOJ1
pere m'a dit de ne pas m'en aJler ... 1I Tons les speetateurs ven;aif'nt
des larmes. Qll'OJ1 ne s'imagine point entendre le récit d'nne ehose in-
ventée pour plaire. CeHe srene de douleul' ent líen devant des témoins
inécnsables. n peut se faire qu'on eUt inspiré au jeunc prinee ce qu'il
devait di re ; mais la vérité est qn'il fut étoJ1nant par le choix de ses ex-
prcssions et par la maniere dont illes employa. ))


A pl'CS le départ de l\'Ial'ie-LOllise et de son fils, on fit dan s Paris des
préparatifs de dérense; mais le désordre régllait dans tOlltes les admi-
nistrations, et surtollt iJ ('elle de la guerI'e, dont le chef, le due de
Feltre, tint une eonduite si étrange, qu'elle fit peser sur sa tete les plus


.--------_. _._-_.-_._-_ ..... - ._---_._------_.




!lISTo";1


gl'a\"es SOUPt;0IlS. L('s an\l('s IlW1ltlllai('(lt, d'ulI CÚll", I('s 1I1l11lilio!ls, de
J'nutre, el parlollllll1e maiu ill\ isihlc sl'lllhlail parah-sl'r In ddclISl' d
fanwiscr l'inyasioll. Malg!'I" ks myst~riellscs (lllt'an's (lll'("PI'OllYilil
le patriotisnw, la gard<' nalionnlr, sous le COlllIlHlllt!I'IlH'1I1 dll bril\p
"0I1l'('~, flt des pl'odig('s <1(' \¡¡kul' dans la jtlllI'IH"(' du 50 lllnrS, L('s


di'\es d' AlfOl't, les PUlIi11es dl' la gal'Je illlpél'ialc, les ('Ie\"es dt' rÉcole
poI y tl'cllllit¡IlC , s'associát'lll gloriclISl'llll'llt aux garues natiouallx. el'
fut suI'loul it la barriere dc Cliehy qlW les nlliés f('IH'oIltrerclIt ulle \i\(.
t'ésistance, Le <10)<'(} des soldats (h' la Franec, I(~ Y('Ol'I'alJlc MUlle!',
(;lait Ii!, a,ee SOl! fils d. mn chef t!'l-tat-majo!', A\lell!; dt'S at'tislt,s ('1'··
kbt'es, de,; éeri\'ains distingn('s ¡'elltolll'ail'nt d pal'tageaient ses lIél'ils "


, P:I~'nli ¡¡.~ ht';¡\(,~ epI! ~h;¡lId(flll1e]"f'ltt lc¡¡¡~ tLl\.t\H II\u'¡tl'jll!''' 110 r (',-III'Il' (1 i:.¡ ddt'j~S(, dI' 11'111'
p.l\~, ~t. J!plIS de i'lkl IUlt ,·¡t~ l-~IUIli !'1~ ,,\1 , (h,.rlp!, ·\lltJl·rl. \l11t!..:.lI


'
tl d lJur,t(,t! "('1'11('1.


t;




\)1: :\AI'UIEU\


" :\OUS nWlls hien c0ll1melleé, It'lll' disait-íl, nOll~ dCHJIls hi('n finil',
Cest li! llotl'C denüer l'etnlllehement; faisolls-y un t!cl'IIiel' pffor!, L 'IJon-
11('111' el la patrie I\OllS ](' conunandent. »


Mais ]p con1'nge deyait succom]w1' ü In fin sous 1(, nombre; il de\'ait
slIccombe[' padollt, perdu , eOllllnc iII'était, au milieu de tant de Ja-
dlPtés <'l de t1'ahisoll5. Si ;)Ioneey rctromc, nux barric['es dt~ Pal'is,
l'élan patriolif(ue de la jcullcsse, d'autn's, qni out eonmleIlcé COIl1JlW
lui finil'Ollt moins bien. )lanllont s'cst laissé cm'elopvcr pnr les hnbilcs
('O\1l'elll'S dn cO\llit<'~ J'oyaliste; la tratlle du p1'inee de Béné\'ent, qui a
f('inl. dl' partir an~c ks ministres el ((ui lI'est pas sOl'ti d(' Paris, enlac('
de (oul('s paJ'ts le dile de Baguse. On Ini persuadc qlle la capitaJe 11('
prnt erre Slll1\'t'P que p:lI' unc capitlllntioll, el, pOlll' sau\'cr la cupitalt' ,
illivre l'elllpil'l', Le 51 mars 1814, l'étl'anger entre triomphalcmcnt
ú Paris, POl1l' y l"('IlH'I'Sl'1' le trúne dc l\apoléol1; el eCllx qui lui ('11
oU\Tcnl les pnrll'S sont les menws hommcs que !t·s statllts illl[lt'1'iallx
dll ;¡U mnrs 180n ayai(,llt dahlis leR souticns hérédítail'rs (\(> In nOI1-
\(·11(' ti \1w~1 i(' !




ClIAPlTlIE L


[Jí'i'l¡¡;¿tnl'P 1'1 ,1hdlt'iltlOlI ¡jI" :\apoléOI'. Hapllt'l dr!! I;OUli)(II¡~. Adir-lIx d,> FrH!ti1inf'hlt,;u¡
IIt'Jlarl POll!' ¡'ik d'EIJIí:.


o 11 E, Vienne, Berlin, Madrid, Naples,
.. Lisbonne, l\Ioscou, capitales de la vieille


. ~ EUl'ope, vous étes donc toutes vengées I
ce Paris subit ú son tour la domination inso-


. : lente de l'étranger; le LouHe el les Tlli-
:o' lel'it.'s sont au pouvoir du Russe et du Gt.'r-
- main; les eosaques eampt.'nt sur la plael' '.,j'~.~~ de la Révolution , et les Bourbons vont re-


venir! La barbarie se croit triomphante, la cOIlÍl'e-révolulioll irrévo-('¡¡blemen! aecomplie. La barbarie et la eontre-l'évolution se trompen!.
Elles n'ont pas vaineu la eivilisation et la d(~mocratie , paree qu'elles


en oC'C'upent la métropole. Si la coalition est maltresse de Paris, lt.'s
Fl'an<;ais sont toujours les maUres des alliés , cal' ils continuent pou!'




IlISTOIRE DE \APOLÉO\.
eux, SO LIS le poids de l'invasioll , l'éducation libérale qu'ils out 1'0111-
mcneé de leu!' donne!' par la conque te ; plus que jamais ils yont leul'
enseigner les al'ls, les scienccs, l'industrie, les mecurs, les lois) les
idées du pays oit l'esprit dt'moéralique el le génie C!U progl'cs out fixé ll'
siégc de 11'111' t'lllpire; plus que jamais le pellple initiateur remplil'a sa
mission de propagande, cxercera son slIprcmc palronage, et constatel'u
~a snpél'iorilé sur I('s autres peuplf's, en les renvoyant dans lenr:,;
foyers, plus liers ('t plus julollx de ce qu'ils Ulll'Ont uppris en Franee,
que des surc('s militair'('s (lll'ils ~' alll'Ont obtcI1uS ayec le triple apPlli
dll nOl11hre, du has¿ml et de la tl'ahison,


Uue l'anri('n rt'gime unssi modere su joie. S'il panien[ u ressaisir 11'
sceptrc) la nation fran~;aise ne le lui verru !'eprendre qu'aYee répu-
gnanrc, el pIJe ne fera que s'atlaeher davuntage aux pl'incipes nOIl-
yeaux, que l'edoublel' de solJieitude pOUI' les int(>rels cl'éés par la l'i'-
v!lllltion , que nwllre plus (le prix aux con(lucles sociales de 1(1 démo-
cl'Utie.


Ainsi, tOIlS les clTorts des !'Ois d!'(1iIis \Íngt-einq IIIlS n' aUl'ont IIhOll1 i
(¡U'iJ 1111 tl'iolllphe fjui doit tút Oll tarel Intll'Jler eontre ellx-nH~mes!
D'une part, le gl'and hOl1lmc, en Lomlwllt dll tl'óne, HC desecndl'a pas
d(~ la haute l'0sitioll qu'il occupe déja dans l'histoil'c; 5'il perd UIle COll-
['onne) il gardera toule sa gloire) tout son gÓllie, toute sa gl'undeur
ll1orale; d'un (lutre ctlt{~) le gl'and pcuple, S0l15 la dominatioll eOI11-
hinéc dP l'étl'angel' d de la contre-révolution) l'estera fel'l1wmeut l'é-
volutionnaire) conserver'a toute Sil puissilnee eivilisatl'ice, et cOlltillllel'H
de régner sllr le monde polieé. Ain5i pl'oce(le la Pl'midenee' L'éman-
eipatiun gl'adudle de l'hurmmité, l'élévation progressivc dll pléb(;ia-
lliSIlW, romme dit lU. llallanehe) l'affm[lebissellleut du tranlÍl , la eon-
sú:l'atioll exclusivc des droits du mérite, la fondalion de l'aristocratj('
des vertus, des talents et des seniel's, e'est-a-dire }'organisation défini-
tive de la ,éritable démoeratie : voilu les c!esscÍns que son immuable
pensée a eongus dans ]'étt'rnité, et dont elle pOllrsuil la réali~tllion sue-
cessive clans le temps! Et sa maill imisible, par des voies don! ellt'
eonnalt senle les d¡"tours el ks issues) fail meme coneouril' a ecHe
ceuvre ct mareher u re but les puissanrcs relwlJes qui lullent a\'l'C opi-
niUtrdé conÍl'c la ycnue inévitflhlc de l'aycnir, et qui sc f1attent aujour-
d'hui d'avoir assllré le r('tonr dn pussé!


La cflpitale de I'empire fnuH;ais pst done occup<"e pHI' les arml'ps




1)% IIISTOlln:


drungércs ¡ les ullié~ ne vCUlCllt plus de :\apoléoll ni dp Sil f¡lI11illp:
l'empel'eur d'Autridle, seul, pense au roi de Home d 11 la r('g('n(e.
Quant a Alexundl'e, il prend une attílude de rnodél'atioll d de g(;né-
rosité ; il dl'dm'e qu'il respectera la \olonté du pcuple franr,ais, el il
l'appclle ú se donDer le gOlI\el'l1l'lllcnt qui lui cOIl\ielltlt'a le mieux;
appel illusoire quí constitue une poigné(' d'ngen(s du comité l'Oyalis(c
les intl'rpretes <lu 'OJU national , el q ui renfl'l'lllC les comices souYC\'ains
(le la France dans le sllloll de Talleyrand! rne députalion , qui compte
parllli ses membrcs le falllcux cornIl' Fcrrand, se pr(>scnte dH'z I'em-
pel'cm' dI' Hussic : elle répond a l'appel du czar; e]]e ,ieut dire ce qllP
\eulla Franec! Et le comte de iXesselrode, qui ('ol1llailla penséc intillH' .
de son mailrc, n" de a la députatioH /[ue ce qu'elle désirc est an'eté dans
la pensl'c dc l'autocrate, Lors (lone qu' Alexalldr(' pl'Oclamait la libre
sou\'crainl'té de la Fl'ancc l't l'aisuit des objpdiolls iI Tal1(,~Tllnd su)'
la possibilité (111 I'etolll' det' ROIIl'hoIlS, ('c ll'é{ait qll'ullC cOllll'dic de Sil
pul'!, selou l'expl'essioIlI1lÚI,() de ['un dl's aetclil'S, :\I, de BOUlTi('i1I1P.
Alexandl'l' n·a\ai[ pas hcsoill des pl'CSSalites démollstl'atioils (\lI [ll'illl'('
de Bénévcnt pOli!' Si1YOil' !}1H' Louis XYlIl éluit un [l!'Íll<'ip(', el que
la coalilion muit l'olllbattu pou!' Cl' Pl'ille11lP; lIIais il tpllflit ü fain' ('011-
sidl-l'er la résolution a laquell!' il arait (hi s'al'l'ell'¡' depuis longtl'mps ,
('OIllIllC l'effl't des manifestations de l'opilliou pllhlifllle, et il voulut
eaeher ses propl'es exigences et cdles de ses alliés deITiCl'l' l'autOl'ité
de l'Ull des gl'aJHb l'orps de l'(otat que ron pút pl'('J1(ll'e pOlll' l'ol'gallt'
ofticiel de la natioll. Talle)Tand le mil u I'nisl' IOl's([u'apres lui ami!'
fait enlendre les hl'uyantes C'lall1curs dc ([I]('I(llleS gl'OUpl'S isoles ('ll I'n-
YeUl' des Boul'hons, il l'assul'U qll'il ferait déel'éter tout e(" qu'il YOl[-
drait, la déehénul'e me me (le ;\apoléon el le rappe! de Louis XVIII ,
par ee sénat qui llt\ rcl'usait rien naguere a l'elllpereJII', ('t que la
nation avnit eourel't (\¡> son mépris el ¡\'appó de sa ré'probatioll pOlll'
eeHe basse el infatigable l'omplaisunce. L'événel1wnt justifia la conl.iarH'c
de Tnlleyrand, Le 2 avril, le sénat (léclal'll l\apoléoll llonapal'tc el sa
famille déchus dll lroue de France ; puis il appl'la, pat' un autl'e adl',
le chef de la maisou de Bouehon a l'epl'endre la COUl'OIlUC de ses peres;
mais eomme les Illembrl's de rimpel'ce.ptible t1\inorilé (lui mait lwsardé
parfois quelque opposilion sous I'empil'e, el que l\apoléon trnitait dé-
daignpusement d'idéologues, maienl prété !cm' appui au parti I'o~·alisle,
dans I'espoil' d 'obtenir une rollstitution plus favmahle aux JibcJ'tés pu-




--------~~-~-~ ---- - ~ ~---~ ~-~- ~--~


[)I~ l\AI'OLÉO~ (i~í
hIiI(UCS, ils curent leur influeuee d'Ull jou!' dans l'assemblée oÍl leu\'
vote n'ayait jmnais eu allCl1II poids jllsfllle-lil , I:'t TalleY1'nnd leu1' laissa
élaborer un [H'ojet d'acte con~titlltionnel dont iI se réservait de faire
pllls taru bon marché 11 Louis X VIII.


Tandis que Talleyrand , comme président d'nn gouvernement pro-
visoÍl'c dans lequel il s'dait donné pOlll' colleglles BellrIlonville, .Jau-
eOlll't, d' Alberg et l' ahbé (le i\:Jontesquiou, régnait dans la capitale,
pOlll' le compte des étrange1's et des Bourbons, l\'apoléon était ti Fon-
tuinebIeau, HU milieu d'ulle garde fidde ([ui brúIait de venger la honte
dp la eupitlllatioIl de Paris, mais entouré d'ull état-major qui n'éprou-
vait pas la meme ardeUl' ni lu me.me impatience, Dans la !luit du 2 uu
5 aVl'il, le due de Yiceneo vient lui annoneer que les monarques qu'il
a épargnés tant de ('ois et dont il pouvait clore les royales destinées
apl't"s Austerlitz, IéIla et Wag1'am, refusent de tnüter av('c lui et do-
ll1andl'nt son abdication, CoUe p1'étmtion !'indigno el l'il'rite (l'ahol'll;
il voudrait tentel' encon~ le sor! des armes; Il1ais lout est morne, !'i-
lencipux autoLll' de lui; ses vieux compagnons d'al'Ines ue sont plus
que }('s gnll1ds dignitaires d 'une monarchie qlli tomhe, l't dont ils ne
sCI'Hient }las jaloux de pal'tagel' la chute. " Comblez un homme de bien-
faits, dit Montesqllieu, la premil')l'e idée que vous lui inspil'cz e'est dp
ehereher les moyens de les eonservCl'. " :\apoléon réprouve aUJou1'-
d'hni, el ('elle tl'iste expérienee le détermine a éer'ire de sa main les
ligues qui suivent :


« Les puissances alliées ayant proclamé que l'emperellr Napoléon
était le senl obstaele au rétablissement de la paix en EUl'Ope, I'empe-
reu\' Napoléon, fidele n son serment, déelare qu'il est pl'et ú descen-
dr(' du trólIe, ü !(uittel' la France el memo la vie pOUI' le bien de la
patrie, illsépm'able des dt'Oits de son tils, de ('eux de la régence de
l'impératl'Íce el du maintien des lois de l'empirc .


• Fail en n(Jlre palais de Fonlainebleau, le 4 avril18t 4.
» NAPOLÉON. "


CaulaincolIl'l fut ehargé de porter cet acte a Paris; 011 lui adjoigllit
Ney et 11acdonald. l\'Ialgré la eapitulation de Paris, Napoléon voulait
(lile Marmont fit pm'tie du message. Était-ce pou!' le l'etenü' sur la pente
de la défectioll, ct pOllr l'empecher d'aggravel' sa p\'emiÜt'e faute par
([uel(¡ue démm'che \Uoills excusable et plus el'ünineHe '1


Q.uoi qu'il en Boit, k's deux marécha\1x pl'il'cnt avee Ic ¡[tI(' de Yi-


HS




6!18 1I1STOIBE


cence le ehemin de la eapitnle, et l'empel'eUl', qui Hppl'it hielltól que
)Iarmont venait de paSSC1' aux allit',s, Jénow;a ecHe 1I'ahi~()1l Ü !'on HI'-
mée par un OJ'dre du jonr, oú il flétrit aussi la cOll!luite du s('lIat.


Les plénipotentiaíres de l\apoléon lIe réussil'eut Illls dans \ellr mcs-
sage, Le traité honlcllx que Marmonl wnait (le fain' ayee le Iwince dn
Schwartzenhf'I'g, ell'enUJVPIlwnt noc[urne dc son année pour la fail'e
passer an milien <In eamp ennemí, permettaíellt aux allíés de se mon-
trf'\' plus exigf'ants que jamais et de proclamer, avec Talleyrand, que
Louis XVl11 était un principe, dont la eoalilioll des l'oís a~ait pOlll'sui\i
la eonséeratíoll el <]u' elle n'abandonnel'ait llas au mOll1ent ti n 1l'ioll1 )lhe,
Le due de Yieenee ne l'apporta done ü Fonlainehlean qnp la demall(!p
(\'une nilllvelle ahdication, qui ((pvait excluJ'e du trúne II~ prin('e impé-
I'inl el la famille entióre de Kapoh'on,


ectte proposition, aussi dure <]u'humiliantt', fut rf'p()us~é(' avee in-
di¡mation par l'f'mperf'ur, 11 songea alors sérirllsement Ü cOlllinuer la
guerre, l't il se mil ü énumérer les l'eSSOUl'Ces (lni lui r('slaipnt au nonl,
dans le midi , aux Alpes ct ('11 ltalie, lHais ses ('a\culs, SI'S eSpl'l'anct's,
81'S résolutíOIlS, del1leuJ'cnl so]ilail'es; ('( si t/llel!]u'lln rompt le silmw('
pOUl' lui répondre, ce n'pst pas une parole d'adhésioIl, de sympathie
et d'entralnement qu'ou lui fail l'n Íl'nd re , LI's ohjl'ctions HI'I'ircllt en
foulc, el le tablea u de la glle1'l'C civile lit' luí est Ilas "'pargné, L'empe-
,'enr hésite, son ame est livrée a toutes les perplexités de I'iucertitllde :
eependant l'idée de la gncI'l'e cívile l'a pl'ofondément remué, el hil'ntót
il s'écrie: (( Eh bien! puisqll'il faut renoncer a déren(lrc 11111s long-
kmps la Franee, l' ltalie ne m'offl'e-t-elle pas encore U1W I'draite digne
de moi'! Y put-on m'r suíut' encore l1IW fois 't .. , Marchons vers les
Alpes! »


A ces mots, les h'onls mornes, les YÍsages soueieux de ses yieux ca-
mm'ades se remhrunissent encol'e davanlnge, Napoléon s'¡¡per~()ít que
I'état-mlljol' de Lodi et d' Arcole n'est plus la pOli!' le sui\Tc, el que ks
ciues herédilaires de la mOlHlI'chie impéJ'iulc, apres amir goüté des
doueeul'sue la COUl', se sont lassés c!rs aspérites dll mólier des armes,
" Ah! sí dans ce momenl, dit le baron Fain , K apoléon indigné fút passé
brllsqllemellt de son salon dans la sllUe des offleiers s('c(mdair('s, il Y
a\ll'ait ÍJ'ouvé une jeunesse empl'essée a luí l'épondl'c! quelques pas en-
core, et il aurait elé sulué au bas de ses escaliers par Irs ace!amlltions
de tous ses soldals! lem enlhousiasmc l1l1rait ranimé son {ime! Mais




DE N APOLÉO~. 6!19
Napoléon suceombe sous les habitudes de son l'i'gne : il cl'oit'ait déchoit'
en marchant désol'mais sans les gl'ands offieicl's que la eoUt'onne luí a
donnés. "


L'empereul' t'ocueille done le ft'Hit de la réaction monarchiqlle dans
laquellc il s'est égaré : il lni faudt'ait les intrépidos lieutenants qui lui
j unlÍent avec enthousiasIllc, il Toulon, de Il~ suivl'e en Égypte, el iI ne
les l'et!'OIlVC plus alljourd'hni a ses ('o tés , quoiqu'il soit entouré des
memos hommes. C'est (IUO la t'épubli/!uc, on !'élevant, lui avait donné
un (,(lt'tége de hél'Os, el que l'empire a fait de ces héros des gt'unds sei-
guouJ'S qui U'Ollt plus ni la yolonté ni la force de l'empecher de tom-
hel'. Ce contt'aste est son fk'uvre : Napoléon, sclon le mot si connu,
« a l'efail le lit des Bourbons; " il n'a plus qu'a se l'etit'et' a leur appro-
che, et il cédet' aux événements. C'est aussi ce qu'il va faire. L'empet'em'
pl'it alors la plumc, et an bou! de quelqnes mltJutes, i1 1'l'tl1it ti Caulain-
(,OUl't rade que les alliés lui faisaient demander; il était con~u en ce.s
termes:


" Les pnissaIwcs alliées ayallt pl'odnmc; que 1'('mpeI'puI' étnit le s('1I1


___ ~I




700 HISTOII\E


ohslacle au rétahlissement de la paix en Em'olw, I'('mpen'ul', fidcle ú
son serment, déelare qu'il renonce ponr lui f'l ses ('[lfants aux trtmes
de FI'ance el d'Italie, et qu'il n'est uuenn saerilice, meme celui (1<> la
vie, qu'il ne soit pret ti faire aux intérets de la Fr:mee,


(/ NAPOU:ON. ))
Que deviendra maintenant le dominnteUl' de I'EuJ'Ope, désarmé el


délr'(mé? Quel sort assigncr ti un hommc flui fut placé si haut, et don!
le bras pent il chaque instant remuer le monde? En quel liru Ir l'f)\¡\-
guer'?


Les sOllverains halancent entre Corfoll, la COI'se ou l'i1e d'EIIJ('.
CeHe derniere résidence esl enrin préfl'rér. Un traité va régler la de!'-
tinée de la familJe impériale tont enti(~re. Mais Napoléon s'en offense;
il ne vellt pas de ecHe maniere de procéder a son égard: i( A quoi hon
un traité, dit-il, puisqu'on ne vrut pas regler uvee moi ce qui concerne
les intl'réts de la Franee? " Puis il envoie des courrie)'s iJ Call1aincourt,
dans le hui dp retirer son alHlication. Mais ilest tl'Op tard; le sacrific('
est consommé.


Le t .. aitó, I'epoussé par Nap()Il~()n, fut signé, le ·1·1 avl'il, parle~
puissances alliées. Lp lendemain, le comle (\'Artois lit son ellh'l'f' dan~
Paris. 11 s'annon~a pUl' une proclamatioJl qui pl'OmeUail. l'nholitioll de
la eOllsel'iption et des clroits reunis. Les Bourhons saraient comhÍ<~n la
popularité de Napoleon avait été compromise par J'impút indirect el.
par la pl'Olougation de la guel'l'c. lis ne pouvaicnt ignorer que ¡;i des
manifestalions de eontentement et de joie apparaissaient dans le midi
de la Frallce, c'était le retol1l' de la paix, ainsi que l'espoir (1'1111 a1l(',-
gement dans les ehal'ges publiques. qui provoquaient ces démollstra-
tions, bien plus qll'un sOllvenir d'affection pOlll' J'ancienI1e dynastie.
Leur poli tique consista done d'abord ü protHer des fnulL's de l'empil'e;
die premier ém'ivain d(' I'époque ne eraignil ]las de se faire lillt'lliste,
pour d¡;velopper 0\1 rxagerrr les griefs qui avaient pu nuirc a I'empp-
I'em' dans l'espril du I'euple. All (,I'i : « Plus de conscription! plus dI'
droils réunis! )) Oll ajouta la p.'oll1esse d'jnstitutioI}S libéralps, d k
soleI1nl'i engagement dI' respectel' et dr I('nir pOli!' inviolables les int¡;-
rets matériels el morHllX de la Franee I1ouwlle. Jamais la révolutiol1
ne lTIontra mieux sa p'lissanC'('! au mOll1enl oú le génie sueeomlwit,
plHlI' avnit' cessé de s'appuyer abso)umenl slIr ellp, apl'cs ¡'avoil' I'('(ldu('
si longtemps ¡rlori()l1s(, rt 1'01't(' , sps rnn(>mis, f)1H' rOIl }ll'f'nilit mnl il




iOI


ItI'opos pOlll' ¡;eS vainqueurs, étaient obligt's de la rassurel', de la flaftcr.
de lui off/'il' d¡>s gal'allties el d(~ lui donner des espél'anees!


La nui! qui suivit l'al'l'ivée du eomte ¡}'Artois it Paris fut marquée
il Fontainehleau par queJque événement dont le temps n'a pas eneorc
dévoilé le m ySll"I'(' , Une agitation cxlraordinaÍl'e fut apel't;;ue dans le
palais; les sel'\'itenrs de l\'apoléon aeCOllrll/'ent dans sa {'hambre et pa-
I'lll'ent.en pl'oie aux plus vives alarl1lrs; les médcrins fUl'rnt mandés, on
l'évcilJa les mnis fiddes, Bel'tl'Hnd , CaulaincoUl't et lHal'et. L'empel'ellr,
qui rdnsait oh¡;tinément de signer le lraité dll ·11 avril, el dont la con-
versation faisait pl'ésager de sinistrcs desseins, sllrtoul depuis (!u'il an,it
appI'is (!lI'on ;nait I'cfllsé a sa fC'lllme el it son fils de venir le I'rjoindl'e;
J'emperelll' épl'O\I\ait drs dou!rlll's intrstinales si violentes que l'on erut
i¡ un ('mpoisOJlI1eml'llt. CeIlt'ndant I'applieation des remedes que l'on
s'empressiI de lui offt'ir amena un assoupissemenl dont l'illustre lI111ladl'
sorlil plci[]eHlent guél'i. Les écri"nills, qui }lenehent i, aumetlrc llIll'
1I'lIlative de suici(Je, prétendent qu'il di!. alors : " nieu ne le v0ul pas! "
!\luis des personnes du serviee de I'pmperellr, parmi celles <¡ui l'onl
sui \ i partollt, ont déelaré que les sOllffraJlces aigucs de J\apoléoll, PCIl-
(I,ml eeUe nuiL mystél'icuf'e, ne fm'cnt que 10 résu!tnt l1atllrel de la erisp
Illorale qu'il suhissait dcplIis plus dp dix jOllrs, el elles ont l'epoussé
I'idée r!'une tcn!nLi\l~ d'empoisOIlllclIIellt. Le dllc de Bassano a rendu,
dil-oll , un semblahle té[)]oigllage,


QlIoi lIl1'il pn soit, I'empel'ellr l1e laissa rien appm'aitl'c de el' qu'il
avnit sOllffert cluns la l1uit. SOIl lever se passa eOIIlme al'ordinaire; il
se mOlllra seulcnwnt pllls résigné (llIe la veme, cal' il demanda le l.t'ait{'
qll'il ¡¡vait n'jetó jllsquc-lit, el il Y apposa sa signalun\


MaI'ic-Lollise, qlli avait regu :', Hamhouillet la ,i::;ite des souyerains
de l'Aull'ic!Je el de In Hussie, el l' qui \'on avait inlerdit d'aller 1, Fon-
lainehleau, n'atlendait plus que d'apprenllre le départ de son époux,
pon!' se laisscr COlldllil'c tristement a Vienne, avec le jeune princc don!
l'empel'elll' Frant;;.ois, son augusle pe re , vel1ait de eontrilmer a hrisel'
la dc'stinée. Tout finissai! 11 la fois pOUl' l\'apoléon! les nolJles jOUiH-
sancrs dr la gral1d(~l1r politique et les donees eonsolations de la \lie pri-
Y(~'(', L'ile d'Elhe ne ponvait etl'e ponr lui qu'une étroite prison; il se
soumilnéanmoins a la néel'ssilé qui lui cn imposait la résiden{'(', En
"Hin le eolmwl !\1ontholol1 vint l'assurer du dévoucmen! des tmupes rt.
dl'S populatiolls dc l'es!, ponr I'encourager a [enter eneo!'e le sol'l des/1-~.:".,~


, y;'-' ,~v ...... - .. -
_ __ i! .. ~~


IJ ~f". f -~---~.
- " ' \-'",
~_::-,."




,U1 HISTOIIIE


m'mes : « Il est trop tard , répondit-il, ce ne senlit plus a [lrésent que
de la guerrc civile, d rien nc pomrait m 'y decider, » Lc'tlel'llier eOll p
de eanon avait été ti!'(; en erret, l(~ 10 a\Til, 1, la hataille de Toulouse,
par le marerhal Sonlt, qui lle connaissait pas les évenemcnts (1(' París
el (le Fontainehlean, d qni mit le scean dp la gloi!'c ala uCl'llicre page
de nos illllllortellPs call1pugnes.


Des commissai,'('s nommt"s pa\' les pllií'sances alliées devaicnt con-
dllÍre ~np()léon iJ l'lle d'Elhe, Le d¡"pnrt fut (hé all 20 aHi!. Dans la
Huit qui P,,(;ct'da ce di'p'll'l, le ,alct de chambre Constant die mame-
luck lloustan imitcrL'llt les gl'ands dignitai\'es de l'empil'e et abandoll-
nerent lcu!' ma!tl'e.


Le 20, a midi, l'emperellr descenclit dans la eour du Cheval-Blunc,
oú la garfle impél'iale fO\'lllait la lwie. 11 n'y avait plus ullpres (le lui
que qllelques fideJ('s , pUl'mi lPS(IUe!s flguraient en premicre ligne le due
de Bassano el le general Bellian!. A son appl'oche, le c<rur des soldats
tressaillit, et lem's yeux se remplil'ent de lal'Illl's. L'empereul' nnnon~a
pat' un gesle qu'il YOlllait parle!', el il se fit uussitót un silencc I'cligiclIx
pour que chacllIl pul l'n!l'I1(II't~ pt I't'clleillil' les dernicl'es pal'oll's dI!
gmnd homme a rélite des braYl's.


« Génél'aux, oftieícl's, sous-oftieiel's el soldats de ma vkille garde,
dít-il , je vous fais mes adiellx : depuis vingt ans, je suis content de
vous; jo vous ni tOlljOlll'S trouvés sur le chemin de la gloil'e.


» Les puissanees allirles ont armé toute l' Europe eonll'e moí; une
pal'tÍ<~ de l'al'll1ée a tI'ahi ses denlÍrs, et la Franco elle-memo a VOlllt.
d'aulres desliuées.


" A yec vous et les brH\es qui me sout restés fldeles, j' aUl'ais pu en-
trctenil' la guerre ciYile pendant tl'ois ans; mais la France eút eté mal-
heu\'euse, ce qui était contraire uu but que je me suis proposé.


)) Soyez ¡¡deles all nomeulI roí que la France s'est choisi; u'aban-
dOllllez jamais notre ehere patrie, tl'Op longtemps malheureuse! Ai-
llH'z-la toujours, aimez-la hien celte ehcre patrie.


» l\e plaignez pas mon sort; je serai toujonrs iJeureux, lorsque je
sat1l'lli que vous l' etcs.


)) J'aurais pll mouril'; rien no m'eút ete plus faeile; muísje suilTai
sans eesse le chemín de l'honneur. J'ui encore a éerire ce que nOllS
avous faíL


JI JI' He ¡lUis YOUS embl'asspl' tous; milis j'('mbrasserai yotrü gent'-




- -----------


DE [\;APOLÉOi\. ,O;)


I'al. .. VCII('Z, gt'nél'nl... ( n serre le general Prtit rlans ses hl'as.) Qu'on
m'appol'lc l'aigle ... (llla baise.) Chel'e aigle! que ces baisel's reten-


tissent dans le cceUI' de tous les bl'aH's! ... Adiell, mes enfanlf' ! ... Mes
vceux vous aeeompagneront tOlljours; COllsel'WZ mon SOUYf'llil'. ),


A ces mots, les sanglots des soldats t~clalrnl itOllt ce qui enlome
l'empe1'eUl' fOlld en larmes, el lui, non moins el1lU , s'ul'I'ache tI ceUe
seene dechirante, en se jetant rlans UIle voitu!e Olt le géneral Bel'tl'alld
était déja place. Le signal du départ fut immédiatement donllé. Napo-
léon s'éloigna de Fontainebleau , accompagné du gl'and marechal, dcs
genéraux Dl'Ouot et Cambrone, et de quelqucs aulrrs persoIlnes qui
voulul'ent s'associel' a la fidelité de ces braves guerriers. Parloul, sur
son passage, et jusqll'aux cOl1fius de la Provence, il entendit, autollt'
de sa voiture, les cris de Vive l'empereur! Cette constance du pcuple
l' attend1'it et le consola. II comprit eles 101'8 que, malgré In tendauee
impoplllai1'c de quelqlles acles qui avaient pu eonh'ibller lJ sa chute,


I




iOl fllSTOIBE DE NAPOLÉO:\.


les Bonrbons l1e parviendraient pas a abolir en Frullce le cull() de
son nomo


Entre Lyon et Yalence, l'empereul' rencontra le marédwl Auge-
reau, qui vcnait de lui rcprocher dUlls une proclamatioll « de Jl'avoil'
pas su mOllrÍl' en sol<1at. 1) N upo1éon, rrui ignorait encol'c l'ignoLle el
I'idicule insulte de son camaradc d' Arco!e, descelldit de voitm'e pOUl'
alle¡' l'embrnsse('. En J'ahol'dant, il mil le dwpeau ü la main, tandis
que le marécha1 afrecta de reste¡' eou\'el't et garda sa casquette de voyage
sur la téte tant que dul'a l'entre\llC el meme au lllOlllcul des adieux.
Une hpure apres, :\apoléoll trou va sU!' la ¡'ollte (llldllUes délaehcrnents
dll corps d' AugereulI qui lui rendirent les hOllneurs clu'il ('peüraillors-
<[u'il étuit SUI' le trone. Les soldats lui dirent hautement: (( Sire, le
ll1uréchal Allgereuu a vendu votre armée. ))


L'el1lpcrelll' fut obligé d'évite¡' Avignoll, ou les Jlwncul'S (Iui li¡'Pllt
assassinel' un an plus tanl le mar('chal Bl'Une avaient organi~é \In coup
de ll1ain et provoqué une ferll1entation dans les espl'ils, flui fajsail prl>-
sage¡' leuJ's sinistl'es des~eins.


Arrivé pres du Lue, le 26 HU soil', ji coucha ehez uu dt'pull~ au corps
Ipgislatif) ou il reneolltra la princessc Pauline. Le lelldcmain, il était
it Fl'éjus; et apees un spjour de villgt-quatre hellres dalls celle ville,
il s'embal'qlla a huit heul'es dll soj¡', pOU\' me d'EIIJ('.




I


CHAPITRE LJ.


Arrívéc á Porto-Ferrajo, Séjour d l'He d'Elbe, Retour en F,'ancr, n¡lbarqurment" Cannes
Marche ll'iomphalc sur París. 20 mar8 1815,


- t:EL l'approchcment entre les phases de
la vie du héros qui pcuvent le plus frap-
per par leut' contraste! Fl'éjus l' avait vu
débarquer, a son retour d'Égypte, lors-
que, escorté des Marmont) des Murat)
des Berthier, etc.) il venait conquérir le
pouvoir suprcmc sur les représentants de
la France, et jeter les fondemenls d'un
vastc el puissant empire : c'est tl Fréjus


fJu'il est revenll quinze ans plus tard, dépouillé de ce pouvoir par l'é-
trangel' dont il faisait l'admiration et l'effroi, et par les corps muels el
docHes qu'il avait donnés pour successeurs aux assemblées orageuses
de la république; c'est a Fréjus qu'il s'est embarqué non pas celte fois
pour aller prendre le timon d'un grand état et pOUl' essayer de relever
a son profit le premier tróne de l'univel's, mais déchu de ce tróne et
repoussé de ce gouvernail par ce meme sénat qui luí prodigua si long-


S9




i06 HISTOII1E


temps, jusqll'au dégoút, les plus basses adulations, el par ce m(\me
corps Iégíslatif qu'il chassait arec opprohre t!'Ois mois allpal'avant; maís
tmhi ou délaissé par ses vieux eamarades et par ses proches, tl'ahi pat'
Marmont et par Murat, délaíssé pat' Berthier el pat' tant d'autres! ...
Dieu I'a vouIu ainsi, et Dieu ne fait rien en vaio! Laissons faire sa toute-
puissaoce!


Napoléon mouilla daos la l'ade de Porto-Ferrajo, le 5 maí, le jour
meme de l'arrivée de Louis XVIII a Paris. Les autoritt·s de l'ile d'Elbe
s'empresserent d'aller complimenter leur souvel'ain, il bord de la fré-
gate anglaise qui l'avait amené. Le lendemain . l'empereur descendít a


tene et fut salué par cent un eoups ele canon. Tonte la populalion,
ayant en tete le corps muoicipal el le cJergé, se porta a sa rencontre.


« C'était pour l'empereur et pon!' sa suite, dit un témoin oculaire,
un spectacle curieux et touchant que I¡I joie naIve des jellnes Elboises
eL l' cnLhousiasme de ces simples pecheurs qui, depllís Iongtcmps, se
plaisaicnt a faire raconter a nos soldats [ant d'cxploits éelalunts el de
victoires mémorables oú le nom de ;Xapoléon était toujonl's associó.
Su renommée, ses revers imposaicnt ógalemcnt. Le calme, la gaieté
meme avec lesquds l'empel'cllr qucslionnnit les moindres citoycns con-
trihllaient á accroitre l'enthousiasmc. ))


Napoléon s'occupa de l'administl'atioo de l'ile d'E1bc) comme s'jl se




DE NAPOtÉOi\, 707
fl'rt pl'OpOSé d'y régner sérieusement et longtemps; comme si l'uctivité
de son génie n'cut pus dú se h'ouvel' bientót genée dnns les limitcs d'unc
souvernineté uussi éh'oite. II étudin les productions du sol et les res-
sources de l'industrie, pnrcóurut toules les pm'ties de l'ile, et prepara
pnrlout (l'importantes améliorations.


Le 26 mai, Cambrone arriva avec les braves de In vieille gnrde qui
avaient voulu partnger l'exil de l'empereur. Plus tard) la prineesse
Pauline et madnme Lcetitia se rendirent aupres de Napoléon, qu'e1ks
ne voulm'enl plus quitter.


Napoléon attendait impatiemment des nOllvelles de Franee, COll1ll1C
autrefois, lorsqu'il !l,lI'courait, aux bords du Nil, les jOllrIlaux d'ElI-


I'Ope avec avidité, pom' voir si le moment n'était pas venu de fl'anchir
la mer el (l'aller I'l'nverser le directoire, de meme il interroge alljol\1'-
(/'hui les fl'uilles plIbliqlH'S un consulte les cort'cspolldallces pl'iyées ,
pom' savoil' comment la natioll frall~aise supporte les étl'Ungers el les
Boul'bollS, d l'omment les Bourbons et les étrangers se conuuisenl eIl-
VC\'S In natioll fra1lsaise. Qnant aux injllres quotidienI1es d01lt il est I'ob-
jl'1 ([nlls toutes les gazettcs, il s'cn montI'e peu sOlleieux. « SlIis-je biel!
déebi,'ó! dil-il UI! joul' au g(~nóral Berlra\1(l, (lui Ini apportait les jOlll'-
lIallX frall<;ais, - l\oll, sil'e, répOlldit le gralld rnal'édllll, illl'est pas




----1
'íOS 1I1STOIHE


question aujourd'hui de votre majüsté. - Allons, rel1ril-il, ce sera
pour demain i e'est une fievre intermittente, ces acces passeront. 1\


Cependant le gouvel'nement que la coalition avait imposé a la Francc
se montrnit digne de son origine. Les promesses du comte fi'Artois
restaient sans erret; Louís X VIlI fondait sa charte sur le bon plaisir el
le droit divino La noblüsse l'edevenait insolente, et le clergé intolérant.
Tontes les faveurs dn pouvoir plenvaient sur l'émigration, ses haines
el ses dédains tombaient sur la vieille armée. On anoblissait Cadoudal,
on exaltait l\Ioreau, on réservait une statue a Pichegm , et les fidCles
guerriers de la Franee étaient ahreuvés de dégoúts el d'humiliations.
Tontes les grandes choses que le gt'and peuple avait faítes, sous la ré-
publiqne ct sons I'empire, étaient supprimées de son histoire, on n'y
paraissaient plus qu'entachées par l'usurpation el la l'évolte dont on les
faisait dédver; le prince qui vivait obscurément au milieu des ennemis
de la France, tandis que nos armes triomphaient a Fleurus., 11 Lodi, a
Marengo et a Austerlitz, prétendait a\'oir régné sur la Francc, mI temps
ti' Austerlitz el de Mm'engo, et datait ses actes de la dix-ncmiemü an-
née de son regne. La presse, qui aurait pu combatlre les fausses doc-
tdnes, résister aux funestes tendances el flétrit' les actes odiellx; la
presse, 11 peine proclamée libre, élait rigourüuscll1enl baillonnéc, ct la
censure s'établissait en dépit de la chade; grace 11 une synonyll1íe, ill1a-
ginée avec autant d'audace que d'a-propos, pour prouver a la France
que ré¡n'imer el prévenil' étaient deux mots identiques.


L'empereur, au moment me me de son abdication, avait prévu les
fautes des Bourbons et entrevn la possibilité de son retolll'. Le Mémol'ial
nous retrace les pensées qui traversercnt alors son esprit, el nous
donnc la vI·aie explication du dessein hal'dí qu'il va bientút exécut(~r.
C'esl Napoléon lui-meme qui parle, en se reportanl aux dernicrs jOUl'S
qu'il pass a a Foutaineblcau :


" Si les Bourhons, me suis-je dit, veulent commencer une cinquicme
dyllustie, je n'ai plus rien a faire ici, mon role est flní; mais s'ils s'ob-
~linent par hasard il vouloít' recontinuel' la troisÍ<'m1e, je ne tarde¡'ai
pas a l'cparaitre. On pourraít dire que les EouJ'l)ons curent alors nHl
mémoire et ma conduite a leur disposition : s'ils se fussent eontentés
<!'etre les magistrats d'une grande nation, s'ils l'ellssent voulu, je de-
meul'ais, pour le vulgaire, un ambilieux, un tyran, un brouillon, un
lléau. Que de saga cité , de sang-froid, il eút fallu pour m'appréciel' el




DE:\' A P O L1~ O :\ . iO!)
me rendre jllstiee! 3ltlis ils ont tenu a se retrouver enCOl'e les seignellrs
['¡"otlnux, ils ont p1'éféré n'ét1'e que les chefs odienx d'un par ti odiellx
il toule la nation! 1)


Si Napoléon fit dire de lni, en ~ 811¡ , qu'il avait l'efait le lit des Bour-
bons, les Bourbons, a leur tour, vonl done lui rouvrir le chemin du
trtme. Des que Napoléon connut bien la sitllalion de la Fl'ance et qll'il
fut averti du sort que lui I'éservait le con gres de Vienne, il n'eut pas a
balaDcer, et sa résolution fut bientót prise. On a beaucoup parlé de
ses inlelligences en France el en Italie, de ses émissaires, de ses cor-
I'f'spondants, de ses complices; cal' OH a voulu attl'ibuer sa sortie de
¡'ile d'Elbe a un complot. Il est certain aujou1'd'hui que sa eonspil'atioH
fut toute dans 5a tete. et qu'i1 ne consulta personne sur ses projets, que
tout le monde ignorait encore a POl'to-Ferrajo, la veille meme du dé-
parl, n l' exeeption de DrOllol el d(~ Rertrand.


Ce fut le 2G févrie1'1815, a une heure apres midi, que Napoléoll
<l\e1'lit sa ga1'de de se préparer al1 départ. Le plus vir cnthousiasme se ma-




710 1I1STOI RE


nifpsla aussitot parmi ces braves, dont la mere et la sceUI' de l'emper'eur,
placées aux fcnetres du palais, excitaient encol'e l'm'dcur et le dévoue-
ment. On n 'entendait plus de tous eótés que ce cri ; « Paris oula mort ! »)


Une proclamatioIl viut bientot annoncer ofHciellement aux habitants
rte l'ile d'Elbe que I'empen'lIr Napoléon se sépllrait d'eux, « Nolt'c au-
guste souverain, y disait le gouverneUl' (le général Lapi), rappelé par
la Providenee dan s la canicl'e de la gloil'c, a dú qlliLtel' votl'e 1Ie; il
mOen a confié le comlmmdement; iI a laissé l'admiuistration a une juutc
de six lwbitullls, ella défense de la fortercsse tl votre dévouemeut el a
votl'C branml'e, ))


« J C pars de rile d' Elhe, a-t-it dit , jI' slIis extremelllellt content de
la conduite des habitants ; jc len!' confie la defense de ce pays, anqud
j'atlache le plus gl'alld prix; je ue lmis leuI' donneI' une plus forte preme
de ma confiance qu'en laissant ma mere el ma SWUl' sous leUl' gunle;
les membl'es de la junte l't tous les habitallts de l'ile pement cOlllptel'
sur ma bienvcillance et Slll' ma prolediun purtieuliel'e, »


A quatre hcures du soü', les quatl'e eents hUlllllles de la YÍeille gal'de
étaicllt 11 bord du brick [' JllcoIIs{allf; cinl] alltJ'cs l'dils hiHiments J'('-
<;urent deux cents f'antassins, cent chevau-légl'rs polonais l't UIl hataillon
des flanquelll'S, A huit heuI'es du soi/', ]'empereUl', accolllpagné des
génél'uux Bertrand el Drouot, monla sur l'lncollglllnt. Un ('oup de ca-
non donna uussitót le signal du départ, pt la f10ttille mit ala voile.


Le vent, d'abol'll favorable, tlevint tout a coup ('ontnlÍl'e el r('jeta
l'embarcalioIl vers les eroisiCl'cs, OH parla de I't'Iltl'el' a POl'to-Fenajo,
mais I'empel'eul' sOy /'efusa. Pendant la tl'aH~l'sée, il s'o('cupa de rédi-
gel' des pl'OclamatioHs au peuple d al'armée, el ses soldats s'empres-
SÓl'<'llt de les copiel', Le I rr mars, a tl'ois Iwures, il entra daJls le golfe
Juan. Avant de déhar<¡uel" il quitta el lit qUittCl' Ü ses soldats In eocilrde
de I'He d'Elhe, el la ('oeante trieolore fut al'borée allX el'is de Vile
l'clllperellr! vive la Fl'anee! Le débarqllelllcnt s'dfedlla illcontincnt
SUI' la plage de Cannes. L'empen'lIl' descelldit a terre le dCl'lliel', T<ln-
dis 11ue SOIl état-majol' sOoccupait du cmllpemcnt de la petite tl'OlIpn d
faisait prt'plll'Cl' un lJi \Ouac au honl de la lller, il se llIit a se pl'Ollll'llel'
seul sur la rOllte et a qUl'stionncl' les paysans. Yel's unc heure dll mu-
tin, il fil ImL'I' le IJi\ouae el Iluu'cha, le 1'este de la nllit, a la tel<' di' sa
nohle phalallge, dalls la dil'cclion de GI'asse, COll1llle il faisait ulle parlit'
de la l'Oute u piL'¡\, il lui LlI'l'i\a ¡¡lllSielll's fois de tOllllJl'l'. UII de ~('S




OE i\APOLÉOI\. 711


soldals I'a~'anl vu se relevel' gaiement, clit a ses camarades: " A la
bOlllle heure! il ne fant pas que J can de l' épée ( e'était le nom famílier
pm' lequel ils désignaient entre eux l\apoleoIl) se donne lIIW entOl'se au-
jOlml'hui, il faut avant qu'il soit .lean de Pal'is. ))


L'clllpercul' arriva le 4 mars a Digne. C'est la qu'il fit imlH'imer les
hel\ps pmclamations qu'il avail rédigées ti hord de l' lnconslant) et flui
devaient exciter si vívement le patriotisme du penple et do l' armée.
Yoici ces deux pieces remarquahlC's, datées dll golfe Jnan, le ~ er mars,
dans lesqnelles Napoléon avait déployé tonte la force et la grandeur de
son style nwgique.


PROCLA~IATIOl'i Ae PHPLE FRAl'Ü;:AIS.


« l;'ran~ais, la dl-feclion du due de Castiglione liHa Lyon sans dé-
rense ü nos ennemis ; l'armée dont je luí avais confié le commantlemenl
étail, par le nombre de ses bataillolls , la )H'avoure elle pall'iotisme des
ll'oupes qlli la composaient, a me me· de combatll'e le corps d'armée
autridücn quí luí était opposé, el d'aniver sur les derriel'es du Ilanc
gnuche de l'armée ennemie qui mena9nit Pnris.


)) Les victoires de Champnubert, de Jlontmíl'ail , de Chateau-Thier-
I'y, de Yauchamp, de :\Iormnns, de iUonlel'eau , de CI'aOIle, dl' Rt'ims,
d'ATC'is-sur-Auhe el de Saint-Dizier; J'insul'rection des brnves paysans
de la Lorraine, de la Chmnpngne) de l' AIsaee, de In Franehe-Comté ('[
de In Bourgogne, el la position que j'nvnis pl'ise sur les derricl'es de
l'nrmée ennemie) en In séparnnt de ses magnsins, de ses parcs de n\·
serve, de ses convois et de tous ses équipnges, l'ayaient placée dnlls un(;
sHuation désespél'ée. Les Fran~ais ne furent jamais sur le point ti' dl'e
plus puissnnts, el I'élite de I'nrmée ennemíe étaiL perdue salls ressolll'ce;
die eút trollvé son tomheau dans ces vastes eontrées qu'eIle avnit si
impitoyablement saceagées, lorsque In trahison du due de Raguse livrn
In cnpitale et désorganisa l'armée. La conduite innltendue de ces deux
génél'aux) quí trahirenl a la (oís km patrie, kur prinee et leur hipnfni-
tenr, chnngen le destíu de la guerreo Ln situulion désaslreuse de l'enncmi
"'tnit telle) qu'ü In fin de I'uffail'c qui eut lieu devant Pal'is, iI étnit snns
mUllitíons par sa séparation d(~ ses pares de 1't's(,I'\·e.


» Dans ces nouvdles el grandes circonstances, mon C(('IIl' fut dé-
ehiré, mais mon ame resta inébl'anlable . .le ne consulfai que l'intél't,t
de In patrie; je nÚ'xilní sur un rocher an milien des mers. 1\Ia víe YOUS




712 IIISTOIRE


était el dcvait encol'C \OUS etre ntilf' . .le nI.' pf'nnís pas que le g,'¡md
nombre de citoyens qui vouluient m'accompagncr pul'tagcasscnt mon
sort, je crus lellr p}'(~spnce utile a la Franee, Pi je n'emmenai a\'cc moi
(IU'llne poignée de braves necessaires a ma garde.


» Élevé au trone pUl' votrc choix, tout ce qui a eté fait sans vous
est ilIégitime. Dcpuis \ingt-cinq ans la France a de nouveallx interets,
de nouvelles institutions, une nouwIle gloÍl'c, qui ne pcuvcnt etl'c ga-
,'antis quc pUl' un gOllvernemenl national et par une dynastie nee dans
cps nouvelles circonstances. t; n princc qui regnerait sur vous, qui se-
rait assis sur mon tronc par la force des memes armes qlli ont ravage
notre territoire, chercherait en vain a s'etayer des principes du droit
féodul; il nc pourrait assurcr l'honncllr el lcs droits que d'llll petit
nombre d'individns enncmis du peuple, qui, deImis Yingt-ciw¡ ans , les
a condamnés dans toutcs nos asscmblées nationales. V otre tranquillité
íntél'Íeure et voh'e consideration extéricnre seraient perdues a jamais.


» Fran~ais 1 duns mon exil j'ai enkndu vos plainks el vos \,(X'lIX;
vous l'eclamez ce gonvernen1f'nt de votre choix, qni scul est légitime.
Vous accnsiez mon long sommeil; vous mc reprochif'z de sac1'Ífier il
mon re pos les grands Ínlérets de la patrip.


1) J'ai traversé les mers an milieu des périls de toute es pece ; j'arrive
parmi vous reprendl'e mes droits qui sont les vútres. Tout ce que les
individus ont fait, écrit ou dit dermis la prise de París) je l'ignorerai
toujours; cela n'inlluera en rien SUI' le 80l1Yenir que je conserve des
servíces importants qu'i1s ont rendus ; cal' il est des evenements d'nne
teIle nature, qn'ils sont an-dessus de l'Ol'ganisation humaine.


» Fl'ansais! il n'est anCUDe nation, qnelque petite qu'elle soit, (lui
n'ait eu le droit dc sc soustrairc , et ne se soit souslraite an déshoDncur
d'obéir a un prinee imposé par un ennemi momentanrmpnt vidoríeux.
Lorsque Charles \'11 rentra 11 París et renversa le ti'Cllle éphémere de
Henri V, il rceOllnut tenir son tr(¡nc d(' la vaillance de ses bra\es, el
non d'un prince régent (1' Anglelerrp.


» e'est aussi a vous seuls el n\lx bra\'f's de \'armée que je fais d
fpl'ai toujoU\'s gloi,'e de tOllt de\'oil'. "


« Soldats! nous Il'avons pas éte vaincus. Deux hommes sortis de nos
r11ngs ont (¡'ahi nos lalll'i('rs, km' pays, !eu\' princc, leur bienfai[eUl'.




DE ~APOLÉO'l.
) Ceux que nous avons vus pendant vingt-cinq ans pal'colll'ir toute


l'Eut'Ope pour IlOUS suscite!' des ennemis, qui ont passé leu!' vie tI ('om-
batt,'e contre nous dans les rangs des armées étl'angel'es, en maudissant
notl'e beUe }<'I'ance , prétend,'aient-ils commandel' el enchainer nos ai-
gles, eux qlli n'ont jamais pu en soutenir les regards? SOllffl'irons-nous
qu'ils héritent du frllit de nos gloriellx travaux't qu'i1s s'emparellt de
nos hOnnellI'S, de nos biens, qu'ils caIomnient notre gloire't Si lem'
,'cgne durait, tout sf>rait perdll, meme le sOllvenh' de ces immoI'telles
joumé('s.


» A H~C quel acharnement ils les dénaturent, i1s cherchent a empoi-
sonne!' ce que le monde admire! Et s'il reste encore des défenscllrs de
notre gloil'e, e'est pa!'mi ces mcmes crmemis que no liS avons combattus
sur le champ de bataille.


)) Soldats! dans mon exil j'ai elltendu vot!'e voix; jI' suis arl'ivé a
t!'avers tous les obstades et tous les pél'ils.


)) Volre génél'al, appelé au tl'óne par le choix du peuple, et élevé
sur vos pavois, vous est ,'endu : Yf>nf>Z le joindre.


1- __ _


)) Arrachez ces cOlllcurs que la natllre él pro~cl'ites, d qui, pendant
vjngl-l'inq ans, senirent de rallirment tl tous les ennemis de la France;
al'borez ceUe c()('arde tricolore : vous la porliez dans nos grandes
jourlu"('s!


J) l\"ous devoIls oublier que nous avons été les maUres des nations;
mais nous ne devons pas souffriI' qu'aucun se mele de nos affaircs.
Qui en aUI'Uit le pouyoir? lteprenez ces aigles que vous aviez a Ulm,
a Allster'litz, a léna, a Eylau, il Friedland, a TudelIa, il Eckmülh, ti
Essling, tl Wagrarn, a Smo1ensk, a la l\1oscowa, a Lutzen, a Wurt-
chen, ü l\IoIltmirail. Pensez-vous que ccUe poignée de Fran~ais, au-
jourd'hui si arrogants, puissent en soutenir la vue? lis retourneront
d'oú ils viennent, el la, s'ils le veuIent, ils régneront comme ils pré-
te!ldent avoir régne depllis dix-ne uf ans.


J) VOS hicns, vos ral1gs, votre gloire, les bien s , les rangs et la gloire
de \,os ellfants, n'ont pas de plus grands ennernis que ces priuces que
les ('lrangcrs mus ont imposés; ils sont 1rs ennemis de notre gloire,
puisque le récit de t"nt d'aclions héI'olqurs, qui ont ilIustré le peuplr
franr,ais combatíant cont!'e eux pour se soustrai!'e a lenr joug , est leur
condarnnation.


J) Les vétérans de l'armée de Salllbre-et-'Tcuse, dll Rhio, d'lta1ic,


l'
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I í -7-1-1~~~~~~~~~H-I-S-T-O-l H E


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d'Égypte, de l'Ouest, de la grande armée, sont humiliés; leurs hono-
rables cicatrices sont flétries; leurs succes seraient dcs cl'imes, ces
bravos seraient des rebelles, si, comme le lH'étendent les enuemis u 11
peuple, des souverains légitimes étairnt au milieu drs llI'mórs étmn-
ge¡'es. Les honneurs, les récompenses) les affeetioIls sont pom' ceux
qui les ont servis eontre la patrie el nous,


,) Soldats! venez vous ranger sous les ul'apeaux de votre chef. SOl)
existence ne se compose llue de la v<itl'('; ses droits ne sont qnc ceux
du peuple et les vMres; son intéret, son honneur, sa gloire, nc sont
antres que votre illtéret, votre honneul' el votI'c gloi¡'e. La ,-ietoil'e
mm'ohera an pas de dlal'ge; l'aigle avec les coulenrs nationaks volera
de doche¡' en docher jusqu'aux tours de Notl'e-Dame : alors vous pour-
rez montI'el' arec hOIlllcur vos ócatrices; alOl's vous pOUl'l'ez vous
van ter de ce que vous aurez fait; vous sprez les libérateUI's de la pa-
trie.


» Dans HlÍ!'e Yicillcsse , entou!'és el considérés de vos eoncÍtoycns,
i1s vous entendront avee respect racont!'!' vos hauts fails; vous pour¡'cz
dire ayec orgueil: « Et moi aussi je faisais partie de eetle grande al'-
mée » qui est entrée deux fois clans les lllurs de Vil'lllle, tlans c('ux de
Rome, de Berlin, de 1Iadrid, de 1\IoscOI1, qui a délivré Paris de la
souillure que la trahison et la pl'ésence de l'cnnemi y out empreinte,
Honneur tI ces bl'3YCs soldats, la gloil'e de la patrie! el honte éternelle
aux Frangais criminels, dans quelque rang que la forlnne les ait fait
naitre, qui combaltil'enl yingt-cinq ans ayec l'élranger ponr déchil'er le
sein de la patrie! »)


Ce langage annon~ait a la nouvelle F¡'ance que son glorieux inter-
prete lui revcnait, el que la démoeratie avait rctrouvé son représentant
et son héros : allssi le pellple et l'armée se porterent-i1s awc cn-
thousiasme et dans un eoncert adlllirable a la reneontre de l'ilIustl'(\
exilé.


l\"apoléon arriva a Gap, le;; mars, II fut re~u dans ('ette ville ayer
les mcmes démonstratioIls d'allc"gl'esse qui avaient écIaté partout sur
son passage, Apres l('s tentatiyes de contl'c-révolution qui avaient mar-
qué le rctour, le regne ephémere de Lonis XVIII, les Dauphinois, si
profondément atlachés tI la révolution) saluaient ayec tl'ansport le géni('
libérateur qui yenait au secours de l'égalité, si longtemps défendue
pal' lui et maintmanl llwnac¡"e lltlr les Bourhons,




i---~·- -------------


DE NAPOLÉON. 7~5
Kapoléon qllitta le chef-lieu des Hautes-Alpes, sulvi des acclama-


Hons de la poplllation mUere. En passant a Saint-nonnct, les habi-
tants lui offrirent de sonnel' le tocsin et de se le\-er en masse, pour
renforcer son escorle, qu'ils· eroyaicnt lrop faible pour le conduire a
Parls, a trayers les llombreuses gal'llisons échelonnécs sur la J'oul<,.
« Non, leu!" répondit-il; YOS smtiments me font eonnaare que je ne
me suis pas trompé; jls sont pour mol un súr garant dcs sentiments
de mes soldals; ceux que je reneontrerai se rangeront de mon cóté i
plus lIs seront, plus ll10n sueees sera assurt' ; res tez done tl'anquilles
eltez vous. ))


L'épl'ellVe était faite sur le peuple; Napoléon n'avait pus trop pl'é-
sumé de l'aseendant de son nom d de son génie. Restait l'al'mée dont
jI se croyuit plus súr encore que du peuple, el avec laquelle jI n'anüt
pas eu de rencontl'c. 31ais on apllI'ochait de GrcIloble, et l'on devait
s'aUendre a quelque démonstration hostile de la part des autorités et
du commandant mililaire. Le générall\farehand avait en effel dlotaché
un halaillon (In !j" de ligne sur la route de Lumure, ave e ordre de
barrer le passage a Napoléon. L'avant-gardc de l'('mperelll' r('[1('on-
tra e(~ détachemrnt pl'CS d(' Lafrele, et elle ne put le déterminer a lui
ouvrir ses rangs et a se réunü' sous le drapeau de l'aneienne a1'-
mée. Un officier d'ol'donnance du général Marchand était la qui eon-
tenait les soldats par l'empiee de la disdpline. Des que i\apoléon fut
instl'Uit de ce contl'etemps, il accourut h l'avant-garde, mit pied aterre,
et vint se placer en faee du bataillon, qui mena~ait de donner un fu-
neste exemple au reste de l'armée. La gardc le suivait, l'arme bais-
sée, ponr indiquer l'intention de ne rien emporter par la force. « Eh
qnoi! mes amis, s'écria-t-il, vous ne me reeonnaiss('zpas; je suis
votre empereur; s'il est parmi YOUS un soldat quí veuille tuer son gé-
néral, son cmpereur, ille pent, me voila! )) En pronon¡;ant ces de1'-
Iliers mots, il découvrit sa poitrine. L'officíer d'ordonnanee voulut bien
saisir ce moment pour commander le feu; mais sa voix fut aussitót
étouffée par les cris de Vive l'empereur! cris d'enthousiasme mille fois
l'épétés, que les paysans qui garnissaient les hauteurs el bordllient la
route pOllsserenl simultanémenl avec les soldats. En un clin d' <J'il, le
bataillon du 5e, les sapeurs et les miI1curs se tl'Ouverent confondus avec
les braves de l'ile d'Elbe, qu'ils serrerent fraternellement dans lems
hras, el les lanciel's polonais poursuivirent jusqn'au dda de Yizille




-----¡


HI) IIISTOWE
l'offiríPl' J'onlonnance , quí ne dul son salul (IU'Ü I¡I vílpssp de son dll'-
val. L'empl'reur continua l'uslIitc sa marche vel's GrenoLh" HU mílieu
de la foulc qui allgnwntait Ü d¡¡¡(lll(~ instant. l\"apoléon s'esl rappdé ü
Saintp-II(\lene qne, dans une des yullél's du Danphint~, il mait "ti sor-
li!', du milieu de ('elte foule ímnwnsp <¡ui se prt'cípiluíl sur Sl'S )lus, un
soldal de baute statllre, pleuranl dl' joie d lcualll daus ses !Jl'as Ull
,'ieillanl de qnatre-Yillgt-dix ans. C'était un greuadiel' de I'ile d' Elhe,
donl la dispal'ilion :nuit ('uit slIslwdel' la firldité. 11 \1(: s'était séparé
t1Jomentanément de ses f¡'eres d'arnws que pour aller ehel'rlH'r son
pl'l'C qll'il voulail prt'sentel' ti I'pmpel'eLll'. ..


Al'I'ivé 11 Yizille, l\apolt\on y troun\ l'enthousiasuw des ]lopulntions
dau)lhinoises hmjoun,; croissant. « e'es! ¡ei <¡u'est née la l'é\'olulioll,


,', ,


. , '~


s'l'l'l'in-t-on de !oult's parls; e'p:,;[ ieí (lue nos P<"I'('S out l'éclauu;, J,'s .. -
pl'emil'l's, les pl'i\iléges des hommes libres; e'cst elll'Ol'C' j¡'j que I'es-




.1


--------~- ~~--------¡


IH: NAI'OLltO\'.


suscite la lilwl'té fr'angaise, et que la France reeoune son bOllIleur el
son indépendance. ))


L'empereur, qui, en passant devant le chUteau des Dallpbins, ou se
tinlla lH'emiere assemblée paÍt'iotique, en ~ 788, n'uyuit pu s'empecher
de s'assoeier aux réflexions de la foule, s'écria a son tOlll', ayec l'émo-
lion d'un homme en qui se faisait alors un rappl'ochement entre le gl'and
somenir inYoqllé par les Dauphinois et la position critique et solennelle
dans lat{llelle la dhnocratie se rctrollvait encore dans la personne de son
r'eprésl'ntanl; /( Oui , c'esl de la qu'est sortie la révolntion frangaise! ))


C'est la mrssi~ semblait-il dire a llli-mcme, que la révollltion fmn-
~aise va ohtenir' un nOllveau tl'iomplIe sur rancien ,'égime; cal' c'est la
(lile le sueees va eI,"e assllré a mon audacieuse entreprise.


En effel, tandis que l'empereur se liYI'e a ses p,'essentiments et que
son ame ,'este plongée dans la méditation, an milien de l'iVl'esse géné-
rale que sa présence produit pal"tont sur le peuple dauphinois, un offi-
del' du 7" de ligue fend la foule et annonce a N apoléon que son régiment,
le colonel en tete, avance a pas préeipités, POUl" saluer le hé,'os de la
Franee. Toujours calme, en apparence, eomme a toutes les époques
Illt'morahlrs de sa ~·ie, Napoléon laissc néanmoins apercevoir sur son
visage l'impression profonde qu'il ressent d'un événement qui doit le
conduire sans coup férir aux Tuileries. Su physionomie, dépollillée
sOlldain de lu teinte sombre que les fatigues du corps et les tOUl'ments
de l'esprit ont contribllé a lui donner jusque-la, devient rayonnantc
de joie et d'espémnce. Apres ayoir témoigné a l'offieier du 7C tout
ec qu'il élwouve pour ce régiment et pOUl' le chef qlli le commande ,
il pique son cheval et se lance en ayant comme s'il était déja en
me de l' arc de triomphe du Carrouscl. Bientút les cris du 7", melés
ü ceux de la multitude qui l'accompagne, se font entendre. Le colonel
marche le premier' a pas aceélérés; e'est UIl homme de haute taille el
(\'une belle figure. Son caractt~re bOllillant, son camr affeetueux ) ses
allures chevaleresques, l'ont rendu puissunt sur l'esprit du soldat et
de l'oflicier. JI est sorti de Grenoble a trois heures apres midi (le
7 mars) , et ir queI(lues celltaines de pus de la ,iIle il a ordonné aux
tumbours de cesser de haUre, u commandé la hulte et fuit crever
une caisse d'olr l'on a retiré une aigle, qu'il a allssitút montrée aux
solduts) en s'(~criant: (( Yoila le signe glorieux qui vous guidait dans
IIOS iml1lortelles journées! Cclui qui nous conduisait si souvent a la




~--


I I
I I


i
71S HISTOlllE


vietoire s'avance vers nous, pom' venger notre humiliation et nos
l'evel's; il est temps de yoler sous son dl'alleaU qui ne ecssa jamais
(l'ett'e le notre. Que eeux qlli m'aiment me sllivent! Yive l'empe-
reul'! )) Les soldats, qui ne contenaient qu'avec peine l'explosion de
leurs sentiments) tan1 que leur eolonel parlait, Ollt édaté ) au eri de
Vive l'empel'eul'! et ils ont répété ce cri de leur chef) daris les tmus-
ports ll\me joie délirante. Lne afíluence considérable d'indiridus de
tout age) de tout sexe et de toute eondition les a suivis) ct approehe
maintenant aree eux ponr saIner aussi de ses acclamations celui en


..


qui furent si longtemps incarnés le principe de l'egalité et la gloire
de la nation. L'impatience égale des deux parís a rapproehé les dis-
tances. Déja les acrlamatiolls se eonfondent. Les frer('s d'armes) que
les é"énements del SI ,~ ont sépal'és) sont réunis maintenant et s'em-
brassent aux cris de Yive la garde! vh"e le 7e ! vive l'emperem'! et les
ltabitants de Grenoble , qui se sont portés a la reneontre du plus illllstre
des eonquérants, melent leurs transpol'ts d'aMgl'esse a ceux de la
]lopulation des montagnes, dcsecnduc tIc ses roes escarpt's a la suite
du grand homme. Cependant le brillant et illtI'épide coIoncl du 7e, le
noble et yaleureux Lubédoycl'l' , panient iI se fail'(' jOllr a trarl'rs la
foule) et ya se jeter dans les bras de l'empereur. l\'apol¡\on le llI'esse
"ivement sur son eceur) et lui dit ayee effusion : 11 Colonel ) YOUS me
l'eplaeez sur le trone. )


L'empereur arriva, a la nuit, sous les murs de GrenolJ!e. Sa pl'é-
senee fut bientót signalée aux ltahitants et a la garnison, par l'emprcs-
sement bruyant et tumllltllellx dont iI étaít l'objet, et que l'obseurité
n'empechait pas de distinguer l1utOUl' de sa personne. Des eitoycns et
des soldats, trompant la pré,"oyauce du lieu1enant-général, qui avait
donné l'ordre de fermer les portes dont il s'était meme fait remettre
les clefs, deseendirent l1ussitót par les remparts et allerent grossil' le
eortégc du hé1'08. Tout a coup uu bruit d'a1'mes se fit enlendre dans
la plaee; on erut que les eanonniers allaient faire fen, et la foule s'ell1-
pressa de ehel'eher un abri eontre la mi traille derl'icl'e les maisons les
plus prochaines. Napoléon, inacccssible a la pem') resta iml110bile SUI'
le pont en faee des batteries; son atti1ude calme produisit une réaction
I'apide sur l'esprit de la lllultitudc. (1 L'cmpercm' prodigue sa vie, s'é-
('ria un eitoyen, et nous) nons chercherioIls it ménuger la nolI'e 1 )) el
en disant ees 1ll0tS) il s'élan~a a ('olé de l'immortel gllcl'rier qui avait




-¡-- ---------~---I


DE l'í APOLÉO~.
familiarisé tant de brayes avee la houehe dll canon. Cet exemplc" ra-
mrna la foule autour dll grand homme.


Napoléon voulut pourlant eonnaitre la nature dll mouvement qu'on
avait remarqué Sl\l' les remparts. Il 6t approeher Labédoyere et il lui
ordonna de haranguer les artilleurs. Le eolonel monta alors sur lJlI
tertre, el, d'une voix forle, il s'écria : « Soldats, nou~ vous ramenons
le héros que vous arel suivi dans tant de batailles, e'est a vous de le
recevoir et de répéter avee nous l'ane¡en eri de ralliement des vain-
quem's de l' Europe : Vive I'empereur! " Les eanonnicl's, que la disci-
pline seule arait retenus a leur poste, ne fil'ent pas attendre lenr ré-
ponse. « Vive I'empereur! » s'écri«~rent-ils d'une voix unanimc, el
tont ce qui les entonrail, militaires et citoyens, se joignit a eux l)om'
prolongel' le el'i \'ussurant qu'avait provoqué Labédoyere.


I lUais, au milieu de l'exaltation de tontes les te les an dedans et au
I dehors de la ville, Napoléon se lassait de ,"oit, les portrs fel'lnérs. 011
L ________________________ _


I .
I


------__ 1




,--


720 HISTOI H E


se donnait la main par les guiehets, selon l'expressiot\ dn Mémorial,
mais on n'ouvrait pas. La population ouvriere des faubOlll'gs, impa-
tiente d'introduirc I'C111perclII' dans les 111 Uf S de Grenoble, sunint alors
avec des poutres. La porte de Bonne tomba bientUt SO\lS les eOllps rc-
doublés de ces nouvelles machines de guerrc I improYisées par le dé-
vouement des classes laborieuses; et les assiégés POUss('I'ent des CI'ÍS de
victoire que purent il peine imiter les assiégl'ants.


« Il n'est ¡)as de bataille OÚ l'empereur ait (,OllI"U plus de dangers
qu'en entrant 11 Grenoble, di! Las-Cases; les soldats se 1'1Ii>I'cnt SlII' lui
avec tous les gpstes de la furellr el de larage; on frémit un instant, on
eut pu eroire qu'il allait etre mis en pieees; ce n'était que le délil'c de·
l'amour et de la joie; il fut enle,·é, lui et son chev:J1. »


Les proclamations dn goIre Juan furent réimprimées ;, Grenohle d
répanducs avec lwofllsion. L'empel'eUl' resla deux jOllI's dan s eeUe viHe.
Pendant son séjour, il passa en revue les troupes et la garde nationale,
et re~ut la visite des autorilés, des eorps aeaM111iqul's et dn clergé.


A la revue , l\"apoléon, eoiffé de son petit chapeau et revetll de la fa-
meuse capote grise, s'approeha des artilleurs du !Ie régiment et leur dit :


« e'est parmi vous que j'ui fait mes premiet'es armes; je vous aime
tous comme tI'anriens ramarades; je vous ai sllivis sur le ehamp de ba-
taille, et fai tOlljours été content de YOUS; mais j'espere que no liS
n'aurons pas besoin de vos canons. »)


Napoléon quitta Grenoble l(! 9 mars, et al'l'iva le lendemain il Lyon,
au moment meme oil le comte ti' Artois, apres d'inutiles erforts pom'
détenniner les soldats il défendre la cause des BOlll'llOns, vcnait de par-
tir dans un ahnndon romplet et sons la sallwgnrde d'un seul volon-
h,ire royal. L'empPI'¡>l1I' nl (lonner a ce loyal serviteur de ses ennemis
la croix de la Légion-d'Honneur pour prix de sa fidélilé.


Perslladé de plus cn plus que e'était illa démocralie, donl il procé-
dait, et a l'opinion universelle qlli le faisait considél'er eomme le Verbe
de la révolulion, qu'il devail altribuer l'aeeueil délirant f\11'i! reeevait
du peuple des villes et des rampagnes, l\"apoléoll, tout en se réservant
de modére¡' plus tarel ce grand mou\'ement démoeratique, se vit dan s
la néeessité de faire des eoneessions a l'opinion libél'ale, pensant bien
que re sel'ait elle, aprós toul, autant que l'entrainement fin soldat, flui
le conduit'ait tl'iomphalement 11 Paris. Il rendit done, le ~;) mars,
plusit'ul's décrets, pom' annuler tous les actes contre-révollltionnaires


1
i




!In gOllyel'fi('mrnl l'Oya!, el ¡lrcmil ell viglleUI' les lois de l'¡¡sspmblc('
('onslitunnlc portnnt n!1o!ition de I'nncienne noblesse d des ())'(Ires d ..
rhevalerú'. Un dernier clérret pronon0n ensuite la dissollllion de In
Chambl'c des pairs el de ]a Chamhre des députés, el convoqun extr<1or-
dinniremenl tous les colléges électol'nllx de l'empire, ü Paris, pOllr y
formel' une assemblée de Clwmp-de-Mai et s'y orrllper d(' In n'n'isioll
des constitlltions impériales.


L'empereur pril ]n route de In BOllrgogne, (lit l'allendail une popu-
lalioll non moins sympnthique et nllssi enthonsíaste que celle du Dau-
phiJl(;, Mais tandís qn'il traverse la France, porté jusqu'ü la capitale
!lnl' J'élan t!ps ritoyens ct nu milieu des acelnmalions llniverselles, seJon
~es propres ex pressions, les llollrbons essaient de metlre sn tNe a
j1rix , el le congl'cs de Vienne appelle de nOIlVPau toute l'ElII'Ope allx
armes pour lui COUt'il' sus. A l'appui de ces mCSlll'eS extremes, la presse
.1<1 Paris et de l'élrnnger exhale le dépit el la furem' d(' la vi('ill(' royautt'
(,t de l'aneÍenllc al'islocratie, el h'ail(' comme un misérable avcn{uriN,
qU'I1Jl ch:itiment prompt va attrindl'c aw'c :;a bande, le grand ]¡omm('
qm' fout 1111 peuple (lccueilk comme son libérateul', Ces folles illjul'es ,
,l('(,OI11pa~n('l's des plus grossiers mensongef', n'empcchcnt pas Napo-
léon, que les gnzettes soldées font fuir eontinuellemenL dcvanl)c's prine('s
de la famillc royale, de se I'approcher chaque jour de Paris. Le ~ 5
mal'S, jI rO\lche a Mucon, pendant 'lu'a Lons-Ie-Saulniel' le mnréchal
Ney se déelare pour lui) dans une prodamntion commen<;allt par ces
mots : « La cause des ,llombons est ü jamais perdue! » Le ~ 4, il se
rend u ChUlons, dont jI félicite les hahitants sur la belle résistance 'lu'ils
avaienl opposée a I'ennemi dalls la demiere guerre. 11 voudrait adres-
ser les memes éloges a ccux de Saint-Jean-dc-Losnc, 'lui ont monln;
le mcme patl'iotismc, mais eeHe ville n'est pas sllr 5a route, rt il se'
eonlenle d'envoyer In décoration de la Légion-d'Honncur a SOIl digne
l11nil'e, A cette occasion, il dit al1X paysans el aux ouvricrs qui formen!
la plus gl'ande Illlrtie de son illlmense eorlégp : ({ C'f'st p0l11' vous,
IlI'aves gens, que j'ai institué la Légion-d'Tlonneul', <'Í non pO\1l' Jc.~
(;migrés, }1msionnés pm' nos ennf'mis. ))


Le 1:" l\npoléon (·tnit ü Alltun, toujours l'1l\'il'OIllH" ()rs Jllt~nws ac-
damations. Ce joul'-lü , les deux Chambrrs, ins(itu¡"('s par In Chal'le ,
se rCllnirent it Paris, en vertll d'l1ne rOl1Yocation f'xtraonlinairf' qlH'
Ip d('har«(llrnlf'nt df' 1'('mIWl'elll' ¡¡y¡¡it proYOqnl'e, Lonis X YI11 el les


!l!




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722 1I1STOIHE


pl'inces de sa famiJIe, frappés de stupcur a l'approdw de l'illustre pro-
serit dont i1s avaient en "[lin drmandé la tete, dissimnlcrrnt momCI1-
tanément leurs disposiLions conh'e-n"\olutionnail'es , el \iul'cnt l'CIlOll-
veler leur serment a la CharLe. CcUc démonstration solennrlle ne lClll'
ramena pas la eoufianee des l'oyalistcs COllsiítutionnds que la tendance
J't'udionnaire du gouH'I'tl('mcnt ayait bien \ ¡le dósillllS¡OI1I1('S, el elle ne
fut considéróc que ("()lllllle un sympitJme el!' peur, pal' la Illasse de la
nation qui en fit un slljet de mOlluel'ie.


L'empel'eur continua done sa marche I'apide vcrs Pnl'Ís, ('n dópit
des mesures militaires, des hypocrisies offieirl\rs el des ol'dOnnallces
homicides) sur le concours desquelles 011 mait eompté pOIll' l'al'l'Cter
dans sa coursc triompbale. Le 17 mars, il fit son enll'ée a Allxerre,
ou le ·14" régiment de ligne étuit venu , d'Orléans) pOUl' se portcr a Sil
rencontre. Ce corps mnit combattll longtemps en Espagne et s'r était
distingué sans obtenir des l'écompenses Pl'()pol'lionn<'~es ti ses senices.
L'empel'eUl' distI'ibua des décoI'ntions aux oflicicrs et nllx soldnts qui se
t!'OH rnient designes COll1mc en dant les plus dignes.


I e'est a Auxcrl'e que le maréehal Ney rejoignit remperclIr. Le brave
I_=--=--=~=~==_=_~~~~-=-~~=~=~=-=-_=-== _____ =~= ---- --------l




DE NAPOLÉO:\. i25


des braves yenait conronner l'ceuvre de Labédoyere. Sa présence com-
bla les vmux et l'espoir de Napoléon.


Le gouyernement royal était aux abois. Il demandait aux Chambres
de le sauve{' par des lois de circonstance 1 et il for.-;ait l'orgueil des
gmnds il s'abaisser jusclu'il a1lcr caresser les soldats dans les casernes.
Inutiles démarches I vaines hurniliations! Les Chambres étaient sans
autorité sur la nation 1 et les prioces sans inOuence sur le soldat, qui
ne répondait u leurs supplications que par des refus soU\'ent mélés de
paroles ameres. Hien ne pouvait done arretel' Napoléon.


Le ~!) mars, il partít d' Auxerre et arriva a Fontaineblcau le 20, i.t
quatre heures du matin. Dans cette meme nuí!, Louis XVIII avait
abandonné la capitale pour gagner rapidement la frontiel'e beIge. Si
la marche de l'empereur, du golfe Juan a Paris, n'avait été qu'un
triomphe continuel, la retraite dn roi, de Paris u Gand, ne fut qu'une
fuUe. Les Bourbons s'étaient trompé s sur les causes et le caractere de
la chute de Napoléon. lis avaient CI'U et proclamé fluC relui qui dispose
des trimes el dl~S empit'cs avait IHm"lué (In secan dhin le l'enYl'rsement
de la domination impél'iale I lJOur faire cesser, en France, le r('gne de
ce qn'í1s appelail'l1t la révolte et l'impi{~té; ils disaiellt incessamment
que e'était l'esprit du sicele I la philosophie moderne, la rérolulion ,
que la Providence avait voulu utteindre ct qu'elle avait frappés dans
Napoléon. La Providence, dont le regard est détourné du passé et fixé
sur }' avenir, et qni suscite et mene toutes les révoluliol1s pour régé-
nbrer les peuples el non pour restaurer les rois; la Providence, qui
n'avait retiet, sa protection au grand homme qu'elle avait tant favorisé,
que pom' le punir de s'<~tre trop rapproché des idées el des hommes
de la soeiété ancienne; la Providcnce devait manifester ses intentions
ayee éclat et désabllser, par ql1elque gl'Und évéllement , les pl'inces qui
avaient pu se méprendl'e sur ses illlll1Uables desseins. Alors elle permit
IIue le monarque qu'dle avait laissé tomher se relevat tout a coup et
vint reprenclre le seeptee comll1e par ellehantement, non pom rétablil'
et consolider sa dYllastie, mais pou!' l'endl'e tómoigl1age an monde de la
supreme pUiSSl111Ce de la réro]u[ioll el de la faihlesse de rancien régime.


lUaintcnant ce téll1oigl1agc cst porté. Le droit diün, ,en u de 1'étl'al1-
gel', y retonrnc arce les lloul'bons dont il pal'Íage la fuite humiliante;
el la souveraineté du peuplc va renLrer tdomphalement aux Tuileries,
aycc NapoléoIl.




UI.\ JI IT BE 1.11.


- _
ONTAINEllLEAU,


dnns la joumée du 20 n
Vl'il


. 1811, twnit VlI l
'cmpel'l'ul' déchu,


nban-


) dOllllé de Sl'S Vi{'ll~ C
ilnH1rmll's, ~e sl'pm'el'


,. de sn ganl(' ponl' se bi
sSl'l' colll]uil'e pl'ison-


. niC'1' il l'ilt~ (1' Ellw ; le 20
maI'sI81::';, FO[j-


:' [ninl'bleHll re\it :\'apol
éoll, un milil'u de S


il


\
.: garJe, en[olll'é du ba


luillon s(leré 1, sniyi des


acdamntiolls du pc
nple et de l'al'lllt'<,) e


l


pret ti partir pOIl!' su
capitule Otl il allait


I'l'prendl'c la sO\lH'
rninc lmis-


sanee (¡ue lui déléguait u
ne seconde fois le Hl~
1I national.


L'empereul' arl'inl
aux portes de Pal'is


wrs la Hu du jOlIt',
Le dl'a-


peau tl'ieolore f10ttui
t anx Tuíleries depuí


s del1x heul'es <-le l'up
l'es-midi :


e'élait le brU\'ü Exce
lmans qui l'y a"Hit ur


boré,


; Ct~ hataiHon S't~tai
t forme el! routr (ks


ofHcicl's ('II dl'llli~so
ldl' OU (>H rdl'aite ¡¡u


i li!:ticn( \'!'llU~


a la n'1l2ontre de
l"empcl't'ur ll(Jur pal't.1


31'l' il's v(~ril.s lk SoB
¡·ntrqn"ise.


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II 1ST u i 11 i~ D E ~.\ i' ( I L É O;'l¡. -'j ... 1_-)


Le pClIple et l'armée se pl'essel'ent auloul' de NapoJeon, se l'Ul~l'ent
SUI' luí comme ti Grl'l1oble. C'était a (¡ui verl'ait le hél'Os de plus IJI·es.
~luaIlll il enlra aux Tllilerif's, vel's les neuf heures dll soir, iI Y fut I'('~u
par une [otile d'oHieiel's qui se jeterent SUI' lui avec tant d'empre8sr-
ment et d'enthousiasll1c, qu'il fut ohlígé de leu1' dire : (, i\j!'ssieurs,
\OUS m'dourrez. » ~I. de i\1olltalivet, quí l'mail 8e",i ayce hllbildé d
dévouetllent dans la pt'Ospél'ité, el q ui lui U\ait été fidele clans l'illfol'-
tune, vint ti sa ,'cneontl'e au has du grand ('8c(llicl' el le llril duns ses
bl'as. L'Clllpel'('lll' fut portl\ en quclque sorte duus ses appartt·ments.
(lit la ['cine Horteuse J'altcndaít) nH~C un grnnel nomh/'c d'ancicIls eli-
,C!.llitail'l's de l'¡·tlljlin·,


Le hatailloIl 5<1(01'(\ !Ji \'Ouaflua sur la plncp du Cal'l'ousel ) el fit le ser-


vicc du cluileau) conjointement avee la gal'de naliooale.
Lo lendcmain, l'cmpercur pas8a en !'ev\le [oules les troupes tlue




¡:lO IIISTOIBE


renfermait nlors la capitule. (1 Soldats, Ieur dit-il, je suis W'Illl ayer
neuf cents hommes en France) l)urce que je romptais sur l'mnoul' du
peuple et sur le souvcnir des vieux soldats. Je n'ai pas élé trompé dUlls
mon attente! Soldals! je vous en rellleI'rje. La gloi¡'e de ce qlln nOlls
venons de faire est toute uu peuple el u vous ~ La mienne se réduit u
vous ayoil' connus el appI'éciés.


" Soloats! le trolle des Bonrbons était illégitime) puisqu 'il avait é[I'~
relevé par des muins élrnngeres, puisqu'il ayuit élé proscrit par le vu:u
de la uation exprime par toutes nos as~embl(~es nationales; puisqup
enfin il \l'offrait de garantic (IU'aUx intérets d'un petit nombre O'hOmllH'S
arrogants dont les l)r(~lentions sont opposées h !lOS 01'Oit8. Soldats 1 le
truoe impérial peut seul garantir les droits du penple) et surtont k
premier des intél'éts) celui de notre gloil·c.


» Soldats! IiOllS al10Ils marclter ponr chasser du telTitoit'ü ces prim'cs
am..iliaires de l'étranger; la nalion non-seuIement IlOUS sccondera dI)
ses v~ux, mais suiyI'U nntre impnlsioll. Le ¡¡euple fran~ais et moi Hons
comptons sur vous. NOl1S \le voulons pas !lOUS méler des affaires des
nations étrangercs) mais lllalheul' a qui se mclerait des nótrcs ! »


Les soldats accueillirelll ce discours aw'c le méme clllhousiasme que
lenr avait toujours inspiré la parole de NnpoIéon, et l'aÍl' rl'lentissait
des cris de Yiye l'emperellr! IOl'sqlle pamt le batailloll de rile d'Elhe,
commandé par' Cnmbronne, et qui n'avait pu t1lTi"CI' U Paris aussitÚl
que l'empereur. A celle vue, Napoléon s'écria: « Voilh les officiel's dll
bataillon qlli m'a accompagné dans mon malheur. lis sont tons mes
ümis. lIs éLaient clwrs u 1110n cmur! toutes les fois que je les voyais,
ils me l'cpl'ésentaienlles différcnts régiments de l'urmc'c; car, daIlS rcs
six cents hraws) il Y a des hommrs de tons les régimen!s. TOlls me
rnppelnient ces grandes journées dont le sOllvmil' est si eher, cal' tOllS
sont COIl\erts d'llOl1orahles cicatrices l'e~lIes 11 ces halailles lllélllOl'n-
bIes! En les aimant, c'('st vous tous) soldats de l'armóe fran~aise,
que j'aimais. lls vous rapportent les aigles! Qu'elles vous servrnt de
puiot de ralliement! En les donnant 11 la garde, je ll's oonne u tuule
l'armée.


» La lrnhisoll el des eirconstaoces maIhcUI'cllses les ont comerles
d'ull volle fuuehrc! l'IIais, grúce an lwu<ple frmll.;ais el il YOUS, dks re·
paraissent resplcndissantes de toute leul' gloil'e. Jurez qu'elks se tI'OU-
yeront toujollrs partout ou l'intél'ét de la patrie les appellera! Que ks




DE i\Al'OLÉON.
traltres et ecux qui \"olldraient envahir notre terriloire rl'cn puissent
jamais soutcnir les regards! ))


Les soldats répondirent : « l\ous le jUI'ons! " Tundis qu'ils défilaient
devant l'empereur, la mllsique joue l'air de la l'évolution : Veil!()lIg
au sa/ut de l'empire.


Napoléon semhlait revenu au temps dn consulat : le malheur et les
Bourbons l'avaient réconcilié avec la démocratie, qui avait essuyé plus
u'une fois sa djsgrúce sous l'empire. Pour renure plus manifeste cette
récoIlcilíation, il donna le ministere de l'intérieur a Carnot, ct il appela
Benjamin Constant an consei! d'état. C'élait reeonnaitre la souvel'uiueté
de l'opinion puhlique et cédel' a l'implllsion libérale que représentaient,
sous des nuanees divel'ses, ces dcux illustres citoyens. L'empel'euf
s'expliqua frallchement a\"ee Benjamin Constant sur le carartere ue la
nouvelle politique qu'il se proposait de suivre. Sans se di re converti
flUX idées constitutionnelles et san s se montrer surtout disposé a encou·
rager vivcment les réminisccnces démocrutiques qui avaien! si pnis-
sammen! contl'ibué a lui rcnurc le tronc, jI décJal'a qu'il se soumcttmit
aux exigences du peupIe et mell1e a ses cap rices , et qu 'jI J11archerait
dans la yoie Ol! les esprils pal'aissaient desormais cntruinés. Voici ql1el-
ques-unes des mémorables paroles qu 'it prononr,a en eette drconstancé
et quc le célelH'e puhliciste a qui elles furent adl'cssées nous a conscr-
vées.


« La nnlion , dit-il, s'est repose e douze ans de toute agitation poli-
tique, et depuis une annee elle se repose de la guerre; ce double repos
lui a rendu un bcsoin d'activité. Elle yeut, ou eroit vouloir, une tri-
bune et des assemblees; elle ne les a pas toujours voulues. Elle s'est
jetée a mes pieds quand je suis arrivé au gouvernement; vous deyez
vous en souvenír, vous quí cssayutes de l'opposítion. Le gout des COfl-
stitlltions, des débats, des haranglles, paralt revenÍ!' ... Cependant ce
n' est que la minorittí qui le veut, ne vous y trompez paso Le peuple,
ou si vous l'aimez mieux, la multitude ne veut que moi. Ne l'avez-
vous pas vne cette muItitnde se pressant sur mes pas, se precipitant du
haut des montagnes, m'appelant, me cherchant, me saIuant? A ma
rentrée de Cannes id, je n'ai pas conquis, fai administré .. Je ne suis
pas seulement, comme on l'a dit, l'empereur des soldats, je suis aussi
celui des paysans, des plébéiens, de la France ... Aussi, malgré tont
le passé, vous voyez le peuple revenir a moi : iJ y a sympathie entre




í2s (¡ISTO¡nE


nílUS ... Je n'ai f[u'¡¡ rai\'(' un signe, OH plutót dl-touI'Ilcr ks yClIx, k~
nobles sel'ont massacrés dans toules les proYinces. lis ont si hien man-
(CUVJ'Ó dl'pui~ six mois! ... ~lais je ne yeux pas etre le roi d'une jac-
f[lIeric. S'il y a des moyells de gOllvemer par une conslitutÍon, ü la
bonne lteul'r ... ,J'ai \OUlll r('mpiJ'e dll monde; et, pOllr me l'assHl'eJ',
IIn pouyoir s:ms homes m'étnit nécessaiJ'e. POIl!' gOIlH'I'I\er la FI'anc('
sl'ule, il se peut tJu'une ('onslitulio\l yaillp miellx ... Yoyez donc ce qui
vous srmhle possihle. AppOl'tez-ll1oi YOS idées. Iks l'(('elions lihres'í
des discllssions pll hliques '( des ministres responsnhles? la liberté'? J(,
Vf'IlX tOllt ('da ... La libel'l(~ (h> la [1!'esse surtout, l'étoufrel' esl ahsul'de:
.in suis conraiuclI Sil!' ret m'lid(' ... Je sllis l'homme du ])('uplc; si k .
pCllple yeut rédlell1ent la lillerh") jc la lui dois; rai IW'OIlIlU sa sou--
,-erainelé, il faut que jI' pretc l'oreille ¡¡ ses yolonl{>s, J1ll'mr iJ s('s ra-
¡¡rires. Je lI'ai jalllllis YOulu J'opprimcl' pOlll' mon plaisil'; j'ayais el('
gl'ands dpsspins; 1(' sort en a déridl' , je ne suis plus un ('ouquél'anl; jI'
ne lmis plus l'etre. JI' snis el' qlli es! possihle et re f[ui ne l'est pas; j('
n'ai plus qu'ulle mission : I'pley!'r la Frnnee et lui dOllucr un goU\CI'-
nement qui lui comicnDe ... Jc lIe huis poinL la 1 i Ilf'r té ; jc l'ai érm'té\'
IOl'sf[u'ellc obstruait ma route; mais JI' In rompl'ellds; j'ai dé JI o lIITi
dans ses pensl'es... Aussi hi('n , J'ouuagc de quinze nnlll't's ('st ddl'ui(:
il nI' peut se l'l'COllll1l(,!1CPI'. [J fillldrait villgt ans d dl'IIX millions
d'hommes 11 sacl'Ífier ... D'aillclIl's, je désire la paix, et je ne l'oblien-
drai qu'il forre de vicloires . .Te ne VC\lX pas vous donner de fauss('s
espéranees; je laisse dire qu'il y a des négoC'Íations, il n'y en a point.
.Te prévois une ¡uite diffieile, une longue guerreo POllr la soutenir, il
fallt que la nation m'appuie; en récompense rile exigern de la liberté:
elle en aura ... La situation est ncuve. ,le ne delllande pns mieux ([1]('
d'etre érlairé . .Te Yicillis; l'on n'est plus ¡¡ qUtll'ante-cjllfl ans ce c(u'oI1
était it trente. Le re (los d'IlTl roi conslitlltionnl'l 1'(,\1t me ('onn'ni[' ... 11
eonviendm plus sÚl'eI1wnt f'\l('ore il mon tlls. ))


Les répol1ses de l'empcreur HllX diw'rses autorilés f]ui s'empl'f'Ssi'I'f'nl
de Ini offirÍl' knrs féliritalions, portl'rent tOlltes l'emprcinte <le l'esprit
Jibl'l'al dont il avouait In l'("suJ'J'f'dion et In lwédominnncc nduC'lle, f't
([u'il ronsentait 11 acrepter pOllI' uu),iliai\'e. )) 'I'Ol1t iI Ii! ¡¡nlioll d tout
pour In Franre! !lit-ji ü ses minish'('s, yoilil ma d('\ ¡S('. ' 11 J1(1 S'f'J)
tint pns meme aux pal'olrs; cm" pnr 1111 (kcl'l'l <fu 2~ mllrs, il Sllp-
prima In ('¡>nsn1"e d la direrlioJ) (1<'la lihi'llil·ie. el'!!(' nW~Il1'(' proWH]lI<1




DE NAPOLÉON. 72!l
autoll\' de lui t[ueltlUes ohjectiolls de la part des cOllrlisans. " l\1a foi,
messicllrs, leul' dit-il, cela vous regarde; pou!' moí, je n'ai rien ü
eraindre : .ie délle que ron en imprime plus sur mon eomple flu'on
n'eH a c1it dt'puis 1m an. »


Cepcndallt le due el la duehesse el' Angouleme maient essayé de sou-
lever le midi ('Il faVelll' de la cause roya1c, La duchesse d'Angouleme
avait Mployé, dans Bordcaux, assez d'acthilé, de eourage et de con-
stanco, pomo faire dire d'elle par l'empe1'eur qua c'était (t le seul
Itornma do la famílle. » Ses ef/ürls lIe purent rien toutefois contre la
force des é,éllelllcnts : le général Clausel sunint, et la contraignit sans
cOlllbattl'e it quillar Bordl'aux [lO\ll' se réfugier une seconde fois SUl' la
tCITe éll'nngel'e.


Le duc d' AngoulCmc étnit tomhé dans les mnins du général GiUy) ¡¡
Lnpalud, et il se trouvnit pl'isonnier, au Pont-Saint-Esp/'it, a la dis-
posilion de 1 'empereu/' , dont In dérision, a l'égard de ce prinee, éL¡lit
atLendue avee nnxiété pnl' les amis dcs Bourbons. Le souvenir réeent
de l'ordonnance qui avaiL mis Nall0léon 1/01's la (oi était bim fait pour
donner de I'illtlllil'tnde allx royalistes, qui pouvaicnt C"¡lilld,'e dp te1'-
rihl('s représailles. L'ell1pel'Clll' I1t connaltl'c sn résolulioll au général
Crouchy, commissail'c cxtraordinnire dans le midi, pal' une lettl'c qlli
ilccol'daiL nll pl'ince la faculté de se J'l'tirc[' sur In lene étrnngeT'e, d
qui lui pel'mettait ainsi d'allel' susciter la gllerre contre l\'apoléon el.
eontre la Yrance.


Cl'prndant un l'vénemenl de la plus haute importnnee se passait all
t1elü des Alpes. l\lurnt, menacé pnr le con gres de Yiclllle, tentait de
soulever !'Halie contre l' Autriche. n accusait les rois de manquel' de
\'l'connaissance a son égard, comme si leUl' ingratitude n'était pas le
chutirncnt providentiel de l'ingrnlitude plus noire dont il s'était rmdll
eoupnhle enve\'s Napoléon et envers la France. CcUc leyée de bO\l-
c1iel's fit c['oire aux souvcrains que l'empcreur n'étail sodi de !'ile
d'.Elbc I¡U'apres s'etre ['<'concilié avcc son benu-frere, et qu'ils avaient
arrcté l'nsemhle leu/' dOllble tentali\"e. n n'en fallait pas davantage pou\'
1'elldre le eabinct de Yienne sourd ü toutes les propositions pacillques
de !\apoléon : aussi les ministres autrichiens adhél'erenl-ils snJls hési-
tr'r et restel'ent.-ils nttnchés imariabkmcnt ü la clause du traité du
25 111ars ~ 8~ ;), par laquelle la coalition se reconstituail plus compact('
(Iue jamnis, el s'cngagl'ait ¡¡ ne (léposer les armes qu'apr('s ilyoil'


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7:>(1 IlISTOII1F
l'ellVl'rS(~ dc nOllveau le troIle que l'cmpcl'rul' W'lluít de relever d'U!lC'
maniól'c si mern·il1euse. Ce eontl'c-lemps a rait ¡\i1'e 11 :\"apoléon dans
ses mémoires: « Deux fois en pl'oie aux plus t·tranges W'rtíg!'!';, le roi
de 1\ apIes fut dcux fois la cause de nos malhelll's; en ~ 814) en Fe rI{>-
cIarant eontre In Franee, et cn I ~ I ¡}) en se déc1arant eontl'e l' AH-
tI'iehe. »


Quelque p¡.m d' espoÍl' qne pM eOllserver l' empcl'elll' d(' détaeh('1'
I'Autl'iehe de la eoalition, el d'amener les auh'es puissan('('s tI désar-
mer, i1 renouH~la les tt'nlatiH's offieiellcs qu'il avait raites si SOH"Clll,
soit eomme eonsul, soit eomme monarque, pOlll' détel'llliner ses en-
nemis tI la paix, el pOli\' leu!' laisser, dans tous les ras, la rt'sponsa-
hilité de la guerl'e, Il éerivit, a eet effet, uue Jett\'e 11 tOHS les souw'-
raius.


Les mOll[ll'ques alliés ne daignercnt pas répoutln' ú e<'lte OHH'!'Íln'e;
ils firent plus: les plénipoteutiaires f1'an~ais ne flll'cnt ]lus menle admis
Ú pl'ésenter Icul's lettres de créance. Alors l\apoléon vil qu'il rallait ~e
hatel' et se prépal'er séricuscment il la gUClTc.


L'impopulm'ité des Bourhons était profondément emueinée nu ereur
de la nation, et l'admiration ponr l\'apoléon était vive pt lIniversdle :
ecpendant, la paix était a\lssi I'ohjet de la solJieilude géllél'ale; et,
quoique le peuple fJ'an~ais se ll10ntrat résolll il de nOllvpaux sael'jfices
ponr sontellir son honneul', sa dignité et son indépendanee, il n'avait
uul désir de recommeneer la gne1'l'e, et il s'était flatté de voir la eoa-
!ilion se dissoudre par le rctour de l' Autriehe a notre allianee, quand
Napoléon avait annollcé bautement, dan s ses décrels, que l\larie-Louisc
pt le roi de Rome assisteraient il I'assemblée du Champ-dc-:\fai. La
tournure peu parifique que prirent nos I'elalions diplomati([ues aYec
toutes les eours de l'Europe, pt particulieremeut avee celle de Yieune,
trompa done l'espél'anee d'unc fou1e de patriotcs qni ne voyaicllt pas,
sans de tristes prE'ssentiments, la Frunee obligée de se rCll1ettre allx
prises avee toute I'Ellrope. On se serait estimé tl'Op helll'cux de gotiter
les doueeurs de la paix et les hienfaits de la liberté, SO\lS le regne d'uu
héros qui nous avait donné tant de gloire. 31ais la paix fut reconnue
impossible; <}u' advint-il de la liberté 't


Le 22 avril, Napoléon promulgua lm aete addilionnelllllx ronstitll-
tions de l'empil'e. Anlicu d'attendre l'O?llvre de la nOllvelle asscmblée
eonstitllante qu 'jI avait eonvoquée par son dl'cret <In ~;) mn!'s, il 5P




[) E :\ ,\ P OLÉ O l\ , 1,,1
c]¡ul'gea d'élahorel' tout seul la l'évbioll eonslitutiolllldle si su!elllll'l1e-
!Ilmt pl'olllise; el, pOlll' éYitel' une OiSClIssioll illcol1lmode a cet égal'd ,
il r('duisit les innombrables éleclcUt's qui devuient formel' le Champ-
dc-l\Jai, aux fOIlCtiolls de Stl'lItateurs, Le peuple fllt spulement COII-
sulll', eumme au lemps dll vote pellll' le conslllat a vie et p01l1' l'elll-
pire, sur l'acte suivaut (lui fut déposé dans toules les lllllnicipalités de
Franee :


(( Art. 1 el", Les (,ol1stitutions de l'empi('(', Ilolllmément l'uc!e addi-
tiOllUL'l du ;23 fl'Í1llail'e an \'111, les sénatus-colIsuItes dl's ,14 etl G thel'-
midO!' an x, d eellli du 28 Ilon',al an XII, sel'out llloditiés par les dis-
positio!ls Iluí suiVI·nt. Toutes les uutres disposiliolls sont confinuées et
muinÍt'ulles,


)J Arl. 2, Le POUVOil' Il'gislatif est el\erte par l'emperelll' d deux
chambl'cs,


" Art. 5, La pl'el1liel'c ('halllbre, lIommée chambre des pail's, cst
ltérédilaiJ'c,


» Art. lo, L'l'mpi'I'eur ('n lIoml11e les membl'es, qui sonl iITén)('(]-
bIes, ('UX el Ielll'S descendants males, d'aln(> en u¡nl~) en ligue direck.
Le nomllt'c des pail's est illimilé, ele" ete,) de, »


Il est inlltile <le l'l'pl'Oduir'e les autres dispo~itions de cel aete, POli!'
coul'onner l'élau sublime de la démocl'atie r¡ui l'a reporté mil'UCllleusc-
ment Slll' le trone, J\upoléoIl illlpose iJ la France la plus redoulablc des
al'istocr'uties, CIl créuut des législateul's hél'éditail'es, Les statuts impé-
riaux de 1806) qui blessaient t¡¡nt l'espl'it d'l'gulité dont l'empel'eul'
J'('connaissait que la France était ardemment jalouse, ne laissaient dll
moins ala disposition arellgle du hasurd de la naissancc que des titres
et des dignités sans attríbutions polili(IUes: l'acle additiounel ,'a beall-
coup plus loin, il abandoline a ce hasard la pl'emiere des fonetions pu-
bliques, le droitde pal'ticiper 11 In confeclioIl des lois, Si l\'apoléon eüt
créé des l>airs hl'réditaires 10l'sllu'il était encore sous le l'oids de ses
l'('ssentinwnls conlre les rópublicuius, el qll'il s'éYertllait, aVl'C lou[n
l'm'dcul' d'un fOIldateur de dyuastip, ¡¡ dunnel' de solides el bl'illants
étais il son édifice !l10narcllilllle, celte création, sans étrc ll10ins ('011-
ft'air'c il la I'uisou dll sieele, aUl'uit l~té plus conforllle ala logique) ('[
nul ne s'en fút étollué, Mais apn>s ses mallifestes du golfe JllUIl; apres
ce qlli¡¡ avnit "ti, entendu et proclamé, de Cannes a Paris; apres SOIl
dl'Cl'et de Lyon , dans leqllel il avait I'épété, au miliell des aeclamatiollf'




¡52 HISTOIHE


de la Frallce, ¡'unct de mort de la vieille arü;locl'alie, p\'O[lOH'I' une
pairie héréditaire ti la France! e'était démentir trop tM les espéran(~('s
que son langage lihéral el ses allllres poplIlaires avaient fait concevoiJ',
Carnot s'opposa, de tOlltes SPS forces, a la publication de l'acte qui
renfermait cette imprudente (lispositiOll, 11 plaida pour " la gloire ac-
quise, cnntre la gloire héritt\e, pmll' les grallds hO\lJwurs, contre les
deseendunts des grands hommes. » C'était en c(~s terllll'S llIemes que
les ot'nleurs du consulat, au nom de Napoll'on , avaien1 si¡maló alltrc-
fOÍs le caraetere démoeratiqlw de la Légion.d'IIonneur, el marqué la
distanee CJui séparait celle nouvelle institution des dislinc1ions aristocra-
tiques de l' anriPll n"gime.


lUnis les tendances et les traditions de I'empire I'emportent SlII' les
souvenirs du eonRlIlat. La pensée mOllarehiqul' cOlIsene dans Napoléon
toute son l'nergie, toute son intensitt',. L'(:1111wrel1l' e['oit [oujouJ's,
comme il I'a dit ti Benjamin Constant, que e'est la minol'ilé ¡¡ui de-
mande des eOllstitutions; el quel(lllC pI', eises d édatantes que puissent
etre lps illlli('atioJls populaires oe sa cleruiere ovutiOll, il persiste ti 1'('-
garelel' ('ommf' lln jOllg passag('[', eomnll' U!W afrail'(' (h· mode, la Ll-
\eul' dOllt jouit le systenw cOllstitutiol1Jwl.


l\apoléoJ\ (,olllpte sur l'antipathic perséyérante <fll peupk fl'arwais
1'Ilvers les hOJllmes de I'aneien I'égimt' pOUl' acclIeillil', pm' de nom-
bl'eux snffl'ages, son acte aclditionnel, dans lequel il a eu soin d'in-
sérer, 11 eúté de l'institution d'une pairie héréditaire et de heallcollp
d'aull'es disposilions peu lib6rales, un artiele qui reuoll\elle I'abolition
des dimes et des dJ'Oits féodallx, l'extinetion de l'aIWil'nJl(~ nohlesse et
la pt'oseription perpéluelle des BOlII'bons. Les rotes favorahles [le man-
qllereut pas en erfe! ti ce malelleoutl'eux sllpplénll~lIt aux cOIlstitlltiOJlS
de l'empil'e; mais l'opinion publique en re<;ut uue fUeheuse impressioll ;
et l'enthousiasme populaire, si IIniverscl et si ardent au mois de mars,
était déja bien rcfroidi allx upproches du Champ-de-l\lai,


Cependant il s'est fOl'lné dan s l'ell1pire des associations patl'iotirjlH'S
pour soutenir J'élan de la démoeratie et veiJlel' a la derense du leni-
10ire, Paris a ses fédl-I'és de la ville el des fauholll'gs. Cellx des fall-
bOllrgs Saint-:\lareran el Saint-Antoine sont YCIlUS offrir leUl's hl'as ti
l'empereur, Ini out demuudé des arnles et fait entendre dps aceents
auxquels ses oJ'eilles étaient autl'efois pell habituées. l\Iais depl1is le golfe
.luan, il Y a été prépare. Il fallt qn'il ('ontinlle a céder, ulltant que pos-




DE 'qPOLl~():\.


siblc, nux neressités de sa position : il répond done aux f("d(~I't~s, (lui
Sr' presentent d'nilleu"s en auxiliail'es:


" Soldals fódérés des fnnbourgs Saiut-Alltoine et Saint-Mm'eeau,
" ,le suis veull seul, paree que je eomptais sur le peuple des villes,


les habitants des campaglles ct les soldats de l"armée, donl je conuais-
sais l'attachement Ü I'honneur lIational. Vous avez tOlls justifié ma COII-
fianee. J 'aceepte votre offre. ,le vous dOllllerai des armes; je vous don-
nerai ponr vous guidel' des ofliciers couverts d'hotlorables blessnres
el accolllllll]('S 11 voi\' fuir I'ennemi devant ellX.


)) Soldals féJé,'és, s'il est des hommes dans les hautes c1asses de la
s!lciéte ((ni aient déshonore le nom frall¡;;ais, l'amour de la patrie et le
senliment d'holllleur nalional se sont consel'vés tout entiers dans le
peuple des villes, les habitants dps rampagnes et les soldats de l'arméc.
Je suis conlent de \ons yoir. J'ai ronfianee pn vous, Yiye la nntiOll! J)


Les eleetellJ's reunis 11 Paris) ayant dépouillé les votes Slll' l'aete ad-
ditionnel, unpJépulation eenh'ale en pd'senla le resulta! il I\'mpe-


rell\', dans I'assemblée du Champ-de-l\lai. Tl'eize eent milIe eitoyens
avaient aceepté cet acte; ((uatre mille l'avaienl repoussé, Napoléon re-
pondit all président de la déplltation par un disconrs ((ni fllt le seul
incident rernnl'l[unblc de eette gl'lmde journée nntionale, d'abord fas-
tueUSf'ment nnnoncée comme une llollvelle ere de régenél'alioIl, el I'é-


i __ ~ ___ _




1I1STOIBE


duite enslIite allx propOl'tiOllS lIlescluincs d'Ull :,;im pie dépouillcment de
scrulin.


« iUessieUl's, dil-il, empereul', conslIl, soldat, je lil'l1s lout du peuple.
Dans la prosp6rité , dan s l' ad vel'sité , S\Il' le champ de bilÍaille , an con-
seiJ, sur le trone, dans l'exil , la Franee a ete l'objet unique el constanl
de mes pensées et de mes aetions.


j) Yons allez retoumer dans yos d(·partements. Dites aux eitoyens
que Jes cil'constances sont grandes!! ! qu'avec dc l'unioll, de l'énergie
et de la pel'severaucc) !lOUS sortil'ons yictol'iclIX de ('ette lutte d'uu
grand peuple contl'C ses oppJ'essenrs ; qne les génél'utiolls a \'enir SCI'U-
teront séverement notre conduite; qu'une nation a tout [lerdu quand
elle a pel'du l'indépendance. Dites-!clIl' que les rois étl'angers que j'ai
élevés sur le trone, ou qui me doivent ltl consenalion de leul' couronne.
qui, tous, HU temps de ma prospérité, out bl'iguó ll10n alliauce el ia
pl'otection du peuple fl'an~;ais, dirigent aujoul'd'hui tous leun; eoups
eontre ma pel'sonne : si je ne voyais I11H' e'es! ala patrie qu'ils en veu-
lent, je I1wltrais a Jelll' lllerci eelle exislenee eontl'c la ludie ils se Jl1011-
tI'ent si achal'lles. )Iais dites Hussi allx eitoyens, que tan! Ilue les Fran-
~ais me conserveront les sentillleuts d'aJl1olll' dOllt ils me dOllnent tant
de preuves, ecHe rage de nos cnnemis senl irnplli~sante.


») Fran~ais! ma volonté est eelle du peuplt·; mes dl'Oits son! tous
sien s ; mon honneur) ma gloil'e, mon bonheur, ne pellvcnt etre autres
que l'hoIlneur, la gloit'e et le bonllf'ur de la Franee. »


Napoléon était bien for! quanrl il se plaC)ait ainsi au point de Vlle na-
tional. Son Inngage avait alol's In puissance d'une verilé pl'ofondemenl
sentie. On aimait 11 le VOil' se l'ceonnaitre hautement, plus qu'1I tout
autre, le droit d'idmtifiCl' son honIleur et su gloire avcc l'honnelll' et
la gloire de la Franee; e'était la pensee de tous qu'il CXpl imuit; la COI]-
science du gl'íJIld homme I'efiétuit et sa bouche divulguait l'opinion in-
time du gl'and pCllple. Mais la nationalité n'etait plus l'intel'Ct unique
sur lequel fut portée la solliciturle publiquc. La liberté était rentl'él'
dans le domaine de la discussion légale; l'al'ene conslitutionnelle St·
rouvl'ait, et cc n'élait pas pOUl' elle que Dieu avait forlllé .\apoléoll. H
s'effor~a néanll10ins d'impl'imer a sa parole, si bien faile pOllr l'cndl'l:
les orad es du pou\'oil' absolu , un eal'uCtel'c plus uppl'oprié allx eornc-
nances du régime parlemcntaire.


Le 4 jllin) il (jt lui-memo I'OllVCrlUI'Ü des Chamhrl's par un diseoul's




o E :\.\ l' OLÉ O :\.
dans leqllcl il kili' demanda leUl' concours, '1 pOUl' faire triompher,
disuit-il, la causc suintc du peuple. »


N apoléon n'avait rien a redou le¡' de la Chambre des pairs, qui ~tail
son ouvrage; mais cclle des représentallts, choisie au milieu de l' effel'-
,"escence démocralíque dont les pl'oclamations du golfe Juan avaient
uonné le signal, faisait eraindre la fOl'lnalion d' une opposillonlibél'ale,
qui pOllvait non-seulement contrariel' les tendances gouvernementales
de l'empereul', mais tmubler encore l'indispensable accord que récla-
Illait la défense du pays) entre les gnmds pouvoü's de l'étal. La FayeUe
el Lanjuinais In ail'nt reparu dans celte asscmblée, et l'intlllence qu'ils
y avaient exercée, des la pl'emiere séance, suffisait ponr en indiquer
la dil'ection et l'esprit. Lanjuinais avait été porté a la pl'é~idence; iI fut
chal'gé d'exprimer Ill'empereur les sentiments de la représentation na-
tiouate, el iI se rendit 3\lX Tuileries, a la tete d'une députation, pour
déposer au pied du trone une adresse quí renfermait les vmux de l'as-
semb!('e, el u laquellü Napoléon répondit en ces termes:


« La constitution est notre point de ralliement; elle doit etre Ilotre
ótoile polaire dans ces moments d'ol'age. Toute discnssion publique,
qui tendl'ait a diminuer directement ou indirectement la confiance qu'on
doit avoir dans süs dispositions, serait un malhellr pour l'état; nous
nons trouveriolls an milieu des éeueils , sans bOllssolü et sans direction.
La crise ou nous sommes engagés est forte. N'imitons pas l'exemple
du Bas-Empire, qlli, pressé de tous cólés par lüs Barbares, se rendít
la risée de la postérité, en s'occupant de diseussions abstraites, au mo-
ment ou le bélier brisait les porles de la ville, ))


L'empereur quitta la capitale le ~ 2 juin, el s'achemina YCI'S la f,'on-
W~re beige. A I'l'i vé a A vesnes, le 14, il Y pllblia b pl'odamatioll suivante :


" Soldals! e'est aujounl'hui l'anniversail'e de Marengo (·t de Fried-
land, qui déciderent deux fois du deslin de l'Europe. AJors, romme
ap¡'cs Austerlitz, eomme apres Wagl'um, nous ftimes trop génél'ellx ;
nOlls ('!'lImes allxproteslations et aux serments des prinees que nous
laisstllnes sur le trone. Aujoul'Cl'hui ('ependan t, eoalisés en Il'e eux, ils
en velllent a l'indépendance el aux droits les plus sacrés de la France.
lis out commencé la plus injusle des agressions; mardlGns a len\' ren-
contre: eux et nous ne sommes-nolls plns les memes hommcs! ))


» SolJats! nons avons des marches forcées u faire, des batailles u
livre,', c1rs périls 11 coul'ir; mais, ave e de la conshmce, la "ictoire sera




7.,6 HISTOIHE


ü nous ; les droits de l'homme et le bonheLll' de la pnlr'ie Sl'I'()ut 1'('('011-
quiso Pour tout Fran~ais qui a dn CCl'UI', le momen! est anirl! de \ain-
cre Oll de périr. »


Tandis qne Napoleon still1nlait ainsi le eourage de ses soldats, la tl'a-
hisoll penétrail de Ilouveau duns nos 1'<IlJgs : le général Bonrmont ('[
<¡lIelqnes autrC's officiel's sllp(~rie\ll's passaiC'nt a J'ennemi. LOl'sflue la IlOU-
relle de ecHe Mfeclion panint an quul'lier-genéral, l'empen'lIl' s'ap-
p!'ocha allssitút de Ney, et lui dit: ({ Eh bien, 1l10nSieuI'Ie maréchal ,
que dites-Yous de ,"otl'e protégé? - Sire, repondit le braye des IJI'aH'S,
j'allrais comple sur BOlll'lnollt cOl1lme SUI' moi-meme. - AlJez, Bllll'Ó-
ehal, reprit ¡\,¡¡poléon, les hlens sel'OlIt toujollrs bleus, d les blanes
toujOUl'S blanes, »


La cmnpagne s' OUVl'it, le1 J, pal' le comba! de Flell!'lls, Les Prus-
sicns furcnt dd'aits; ils pC'l'dirent cinq pieees de ('anon el deux mili!:'
hommes, Ce succi's d'arant-garde eOllta 11 l'armée fl'anf;aise l'un de ses
plus vaillants oflleiers : le général Lelort, aide de-camp de l' empel'eur,
re<;nt une blessnre ll10rtelle dan s le bas-venlre) en chargeant a la tete
des eseadrons d(' serviee.


Les armées ennemies que l\apoléoll mait en faee l~taiellt eOlllllHlIl-
dl'es par Wellingtoll el par Blüehel', Elles eomptai()nl plus dI' <!('IIX cenl
LI'ente mille hommes (hns lelll'S rangs, el l'anllée fl'allr,aise n'en avail
pas plus de cent vingt mille, Pou!' éehapper an danger <¡ui pouvait ré-
sultel' de eelte ll'Op gI'unde infériorité de nombI'e, ~npoléon c]¡ereha ,
des le début de la eampagne, il Sépal'el' les Anglais des Prussiens, el
nV\IlCl'UVra aetivement pOUI' se jeter entre eux. Son plan eut un sue-
(,(~f; édatant, le ~ ti, au eombat de Ligny; B1üchel', attaqué isolólllellt,
fut complételllent baltu el laissa vingt-('illq mille hommes SUI' le ehamp
de balaille. Mais eette perte énol'lnc lI'affaiblissait que Jll(\diocl'ement
un ennemi c¡u¡ avait en ligne des mass('s de soldats, el ul'l'l'iel'e lui, des
réserves plus nombreuses ene01'e, Hans la position ou se lrounlÍt l'em-
IK'l'elll', il lui fallait un avantage plus déeisit', une ,¡etoire qui an(\antH
l'al'lllée de Bliirlwr, et fluí lui permit de lomhcl' le l('lJdclllain sur Wel-
Iington, alin de l'éCl'aSel' a son tour. ecHe défaih~ SlJ('cl'ssinJ des Pl'US-
siens et dL'S Anf'lais mail hien élé pl'l'parl'e par lf's ol'dn's el les ill-
stl'udions ([u'il ¡mút €IlYO)(;S de tontes purls, lUais, nous Be sallriollS
tl'0P le répéter, sa d('slillée élait aceomplie; et de flluestes mnkntrndus
tI'Olnpl'l't'nt 1('s ('al('uls d(' son génie, Du reste, il [l1'('sselltaiL lui-lllellH)




DE NAPOLÉON 757
que qupl(llJe incident iml'révlI vielldJ'ait dérauger ses combirHlisons, el
qlle la fo]'tune lui l'ésPrYait de nouveaux coups. (1 1I esl SLlI' que dans
('es C'Íl'eonstanees l a-t-il dit dans la suite, je n'avnis plus en moi le sen-
timent dll sentiment définilif; ce lI'était IJlus ma eonfiance premiere. »
Ses pre~sentimellts se réaliserent bien vite. Arres deux journées ]wj!-
lantes, (lonl il élait s oJ'li vainqueUl'. il ,int assistel' }I IIne nOllwlle el
d('t'niere enln~troph(', nux chnmps de Waterloo.


C'était le 18 jl1in. La forlune sembla d'abord vouloil' ('ootiulIer Sil
faveur a nos armes. (1 Apn's huit heures de feu el de charges d'infatl-
[cric et de cavalel'ie, dit le rapport oflieiel, toule J'armée \Orait aH'('
satisraction la bataille gagnée et le dwmp de bataille en [}otre pOllvoir.


" Sur les huit heurüs et demie, les qllatre bataillolls de la llloyenlll'
[jlm]p, flui avaieut été envoyés sllr le plalpll11 au delil de l\Jotll-Sailll-
.lean P0Ut' soulenit' les cuirassiers, étan! gen¡"s par la mitl'aille, mat'-
('h¿,t'l'nt iI la halonnettt' (lOl1t' enl!'vE't' les hattel'iC's. Le jOllt' fitlissait:




HISTolHE


une chal'ge faite Slll' leul' flanc par plusíeul's rscadl'ons anglais ks mil
en déroute; les fuyards rcpassel'cnt le rm"in; les r~giments yoisins,
qui vil'ent quelques troupes apparlenanl ti la garue ti la délHlndadP,
cl'urent que c'était de la vieiJIe garde el s'ébranlcl'ent : les Cl'is « t01l1
est pel'du, la garde est repoussée, 1) se firenl ('Jltendl'e; ks soldats
prétendent meme que, sur qllelqlles points, des malveillants apostés
ont crié; « Same qui peut! » Quoi qu'íl en soit, une telTeUl' panique
se répandit tout a la fois Slll' le champ de balaille; on se pl'écipita,
dans le plus gmnd désordre, sur la ligne de eommuuieation : les sol-
dals, les eanonniers, les caissons se prcssaienl pOtlr y anivel' ; la vieillt>
gal'de, qui était en résene, en fut assaillie, rt fut elle-meme ent!'aitl(\('.


1) DalJs un illstant, l'al'mée ne fut plus qu'unc masse confnse; t()ut('~
les armes étaicnt mclécs, et il était impossible de refol'mer IIn corps"
L'ennemi, qui s'aper.,;ut de ceHe étonnante confusion, fit M'boueher
drs colonnes de cavalede; le désordre augmenta; la confusion de la
nuit empecha de rallier les troupes et de leul' montl'er leuI' erl'eul'.


» Ainsi, une bn taille termillée, une joul'née de fausses mesures rt--
pat'ée, de plus gl'ands sucees asslIl'és POll/' le lendemain, tout fut perfil!
par un moment de terreul' panique. Les escadrons mcmes de service,
rangés a eMé de I'empereur, furent culblltés et désoJ'ganisés pal' e('s
flots tllmu\tueux, et il n'y eut plus d'autl'e chose a faire que de sui\Tp
le torrent. Les pm'cs de résf>rve, les bagages qui n'avaieot poinl re-
passé la Sambre, el tout ce qui était sur le champ de bataille sont restés
au pouvoir de l'ennemL 11 n'y a eu mome aucun moyen d'attelldl'e les
h'oupes de notre droite; on sait ce que c'est que la plus bl'ave arIll{~(,
du monde, lorsqu'elle esl melée et que son organisation n'existe plus.


)) Telle a été I'issue de la balaille du lVlonl-Saint-Jean, glorieuse pon!"
les armées fran~aises, et pOUl'lant si funeste. ))


Une méprise du maréchaI Grouchy contribua a ce désastreux ré-
sultat. 11 avait été chargé de poursuivl'e et de tenir en échec les COI'pS
pl'llssiens de Blürher, el illes Inissa marchet' sur le canon de Waterloo ,
sans s'y pOl'ter lui-meme, comme le lui demandait instamment le gé-
néral Gérard, Grouehy se eroyait toujonrs en présence des Prussiens,
fluand il n'ayait plus devant lui qu'un détaehement de lem' armée. eeHe
el'reur, contre laquelle il a d'ailleurs énergiquement protesté, el que
lui att!'ibl1e néanmoins avec persévérance J'opinion comml1ne, fondée
su!' eelle de Napoléon el de tant d'al1tres généraux , témoins oculaires ;


I
I
-~~""-----_!




DE NAPOLEO\


('dte ('ITcm' changeu en moins d'une ltcure, non-sculement les ('hances
el' une gl'tlOde balaille, mais le sort meme de l' EUl'ope entii~re,


L'emperem' cOllIlaissait trop bien l'csprit qni régnait dans la Chambre
des représentunts pour ne pas prévoÍl' que la nom'elle de la dispel'sion
de son anuée souleverait contre lui les orages de la tribune, Il sentil
(IOIlC la néccssité de rentrer au plus tút daos la capitale, po m' y COII-
tt'Ilil', par' su préscllce, les cnnemis de l'illtéricul', et pOUl' cahner OH
[ll'évenil' la erise parlementaire, Il arriva a Paris le 20 juill , a neuf
heuJ'es du soil', accompagné du duc de Bassuno el des générallx Ber-
[rand, Drouot, Labédoyere et GOllrgaud. Il manda aussitót s('s deux
fl'crcs, Joseph et Lucien, ainsi quc l'arehiehancelier Cambacéres el les
minisll'cs a podefeuille, La situation était dif1ieile : ehaeun présenta ses
moyens de eonjm'er les dangers publies. Le eonseil d'état fut appelé a
son tour. L'empereur lui ex posa ses malhenrs , ses besoins el ses es-
péranees. COIllIH'enant eombien illui importait de ménagel' la Chmn-
lJl'e des relll'esentants, et de ne pas laisser trop apparaitre la déshul'-
!lIonie qlli pomait exisÍL'l' entre elle el lui, ji arrecia de Il'attl'ibuer qn'it
1111(' minol'jté malH'illunte les dispositiolls hostiles qui s'étaient mUlli-
j'('sf.é!'s dans ecHe asserublé'e.


l\Iais l\'apoléon, s"il se fút abusé \'eellcllwnt sU!' les dispositiolls de
la majo\'il.é des l'epréselltants de la France, allrait été bientM détl'Ompé
par leurs acles. L'assemblée ohéissait, plus qu'iln'avait paru le cmire,
ill'impulsio\1 de Lanjuinaisetde La Fayette. Sur la motion de ce dernier,
elle se constitua en permanenee, et Jéclam traltl'e a la patde qlliconque
tpnterait lIe la dissoudt'e. Cette rllpture, qlli allait fait'e pesCl' une grave
responsabilité SUl' la représentation nationale, porta le derniel' COl/JI
11 l'cxistellee polilique de Napoléon. Les Bourbons et I'étnlllger s'ell
applaudil'l'llt et pousserent des cris de joie. lls l)l'évil'ent qu'une I'Up-
ture aussi éclatallte entre l'empereur et les lllandataires du pays amó-
lIcl'ait inévitahlement ulle seconde abdicatioll ou un nouveau ~ 8 bru-
lIlail'C, ci que la France libérale sans Napoléon, ne pOllrrait, pas plus
'(lIe Napoléon sans la France libé rule , résister longtemps aux armées
c'oalisécs.


Lorsl(ue la I'ésolution des relH'ésentants fut connue a l'Élysée-Rolll'-
hon, elle jl'ta la cOlIstel'l1ation autour de l'empcI'eUl·. Ses plus zélés
sel'vileurs se laisserent gognel' pOI' le désespoir, et lui eonseillerent de
til' sOlllrtellre it l'illexorable destin flui l'éelamait de lni un nOllveau sa-


~-~~~---"~----




í H)


erifire. Regnault de Saint-Jean-d'Angl'ly fut un de ceux qui insisterrIlt
avec le plus de force pOUl' le déterminer 11 s'immolel' une fois encore
slII'l'autel de la patrie. Alors Kapoléon, qui venait d'apprendre d'ail-
Je\ll's que la Chall1bl'e eles pair's s'était empl'essée d'ill1iler celle des re-
prt"senlants, se sentil vaincn en meme temps pm' srs amis et srs enne-
mis, et se Melara résolu iJ abdiqller en faveur de son flIs. Un seul
hOll1me dnns le cons('il combattit ceUe résolution, romme de\-ant li-
vrer de nOllH'all In France aux étrangers , el ect homllle dait le menH'
qui nvait ('omhnltll seul aussi l'étahlissement <In gOllvernement imp(~l'ial.
Carnot, qnoiqup tOlljours dévollé a la cause de la liberté, ne pensait
pas que l'oIl dM eOl11promdlr'e I'indépendance nationale, par exces de
métiance t'IlVl'J's ['empereul', et il cJ'oyait que ce premieI' intéret des
nations serait mis en péril par l'éloignement du seul chef que I'al'lnée d
le peuple pussent OH nmlllssent suivre. Quand ['opinion contraire PI1\


,¡ ,


lll'évalu, il s'appuya slIr une table, la tete dans ses deux llluins, qll'i!




---------- - ---------------------- -----------,


mouilla de ses larmes. Napoléonllli dit alors : « Je vous ai connu trop
tardo )) L'empereur rédigea ensuite la déclaration suivantc :


" FI'an<;ais I en commengant la guerre pour soutenir l'indépendance
nalionale, je comptais S\II' la réunion de tous les efforts, de toutes les
volontés, et le conconrs de toules les autorités Ilationales. J'étais fondé
iI en espérer le succes, et j'avais bravé tOtItes les déclaralions des lmis-
sances contre moi. Les circ()nstances paraissent changées. Je m'offre
('[\ sacrifice it la IlIline des cnnemis de la France. Puissent-ils ob'e sin-
l'f~I'es dan s leur's décIarations, et n'en aYOir jamais vouln qu'a ma pel'-
sOlllle! Ma vie poli tique est terminée, et je proclame mon fils, sous le
titre de Napoléon 11, empel'cUI' des Fran<;ais. Les ministres actnels for-
ll1eront provisoiremf'nt le conseil de gOllvernement. L 'intér'ét qlle je
porte a IlIon fils m' engage a inviter les Chambres a organiser, sans dé-
lai, la régence par lIne loi. Cnissez-vous tons pour le salllt publie el
pour ('ester une nation illdépendante. ,)


Cette déelaration fnt allssitót portée aux denx Chambres. Les repré-
sentanls, fllIi l'avairnl provoquée, l'accllcillir'cnt avcc transport. lHais
ils ne pril'ent allcune détermination explicite a l'égar'd de Napoléon JI ,
dont la légitimité fl1t virement soutenlle paJ' quelques orateurs, entre
autres par 1\1. Bérengel', de la Drome. La diseussion qui s' établit sur ce
[loint amena a la tl'ibune un homme qui fit dire de lui, des ce début,
qu'il venait recueillir l'héritage de lUirabeau : e'était Manuel.


La Chambrc des rcprésentants crut devoir envoyer une députation
a Napoléon pOlIr le féliciter sur sa seconde abdication,


{( Je vous rcmereie, dit-il a ces députés, des sentiments que vous
m'expr'imp¡7,; je désire qlle mon abdieation puisse faire le bonhellr de
la :Fnlllce, mais je ne l'espere point; elle laisse I'état sans chef, san~
existence politique, Le temps perdu a renverser la monarchie aurait pu
etre employé 11 mettr'e la :Franee en état d'écraser I'ennemi. Je recolll-
mande a la Chambre de l'enfOl'cer pl'Omptement les armées; qui venl
la paix doit se préparer a la gller'l'e. Ne meltez pas eeHe grande nation
a la merci des étranger's. Craignez d'etre dé<;us dans vos espér'ances.
e'est la qu'est le danger. Dans quelque positioll que je me trouyc, jc
serai toujoul's bien si la Franee est heureuse. l)


Cependnnt lf's ennemis de la.Jynastie impériale triompbaient dans la
Chambre des représentants; ils avaient éearté la pl'oclamation de N a-
poléon H , et nommé une eommissiof] de ciIlq membres, pour fonner




HISTOIRE


un gouvernement provisoire, samir : Fouché, Carnot, Gl'eniel', Qui-
neHe et Caulaincourt. A eeUe nouvelle, Kapoléon s'ab:mdonna a son
iudignation :


(( Je n'ai point abdiqué en faveur d'un nouvl:'au dircctoil'e, s'écl'ia-
t-il, fai abdiqué en faveul' de mon fils, Si on ne le proclame point,
mOIl abdication est nulle et non avenue. Les Chambl'es sayent bien que
le peuple, l'armée, l'opiuion, le désil'ent, le veulent, mais l'étl'allgel'
le retient. Ce n'cst point en se pl'ésenlant de\ant les alliés l'oI'eille basse
el le genou en tene, qu'elles les forccl'ont a reconnaitl'e l'indépendanee
nationale. Si elles avaient en le sentiment de leur position, elles au-
mient proclamé spontanément N apoléon II. Les étrangers auraient Vll
alors que vous saviez avoil' une volonté, un lmt, un point de I'allie-
ment; ils uUl'aiellt vu que le 20 mars n'était point une affail'e de partí,
un eoup de factieux, mais le l'ésullat de I'attuchement des }'l'an9ais a
Illa persollue el a ma dynastie. L'unanimité naLionale aurait plus agi sur
\'ux que toutes nos basses el honteuses défél'ences. ))


Cependant Paris renfermait dans son sein un grantl noml)f'e de pa-
triotes qui pensaient, COil1me Carnot, ql1'il fallait se préoC'clIper avallt
tout de la dérensc du pays, el que ce He ddense n'était guere possible,
sans le bl'as, san s le génie, sans le nom de l'emperelll'. Les militaires
partageaient et proclamaient lwutement ectte opinion. On criait de
loutes pads: « Plus d'empereur, plus de soldats! )) La roule, qui aIlait
toujours croissant autour de l'Élysée-Boul'bon, oit Napoléon résidait,
tinit par donner de I'inquiétllrle aux Chambres et a FOllché) qui me-
llait le gouvernement pl'oYisoire et négoeiait avec l'étranger. On erai-
gnait que l'ahtlication ne par'ut un jeu allx puissanees alliées tant que
I'emperenr resterait a Puris. Camol fut chal'gé de lui faire part des
inquiétudes de ses collt'gues ct de l'engagel' a s'éloigner de la capitale.
II se rendit clans ce hut a 1'l~lysée, 011 il trouva Kapoléon au bain el
seu!. Quand il lui cut ex posé le sujet de sa visile, le potentat déchu
pamt supl'is des alarmes que sa présence excitait. ( .Je ne suis plus
qu'un simple particlllier, dit-il, je suis moins qll'llIl simple parliclllier.))


TOlltefois, il pl'omit de céder au vwu des Chambres et du gouver-
nement provisoil'e, el il se retira, le 2;j jllin, ala l\1almaison , ¡}'ou il
\,(1lI1ut enCOl'e adl'essrl' n l'arm{~e une pcoclamatioIl ainsi con~ue :


(( Soldats 1 quand je cede illa nécessité qui me force de m'éloigner
de la l)l'uve armée fl'angaise, j'empol'te avec moi I'heureusc certituuü




DE l\APOLÉOl\
(lll'eIle justitiera pat' les services éminen(s que la patrie atiend d'elle,
les éloges que nos ennemis eux-memes ne pell\ent pas lui refuser,


JI Soldats! je sl1ivrai vos pas, quoique absent. Je eonnais tOI1S les
., eol'ps, et aueun d'eux nI' rempol'lera un anmlage signalé sur l'ennemi,


Ilue je ne rende hommage au eOllrage qu'il aura déployé. Vous et mui
HOUS avons élé {'alomniés. Des hommes indignes d'apprécier vos tra-
vaux, ont vu , dans les marques d'altaehement que vous m'avez don-
nées, un zele dont j'étais le selll objet; que vos sueces futurs lem' ap-
prennenl que c'étailla patrie par-dessus t(mt que vous sel'Viez en m'o-
béissant; et que si j'ai quelque part a votre affedion, je la dois iJ mOJI
arden! amour pOUI' la France, notr'e mere eommnne.


l) Soldats, encore quelques efforts, et la coalilion est disson!e, l\'apo-
léon vous reeonnaitra aux coups que vous allez pOl'teI'.


)) Sauvez l'honneur, l'indépendance des FraIl(;ais; soyez jusqu'a la
Hn tels que je vous ai eonnus depuis vingt ans, et vous serez invincibles. JI


A la l\Ialmaison, l\'apoléon était ene ore trop "oisin de Paris pOUl'
ne pas donner' de l'ombrage ú ses ennemis, Fouehé appróhendait tou-
.iours quelqllf's nou\ellt's I'ÓSollltions de sa partí a1l8si le fil-i1 gal'der
,'éellement a VlIt' par le gén¡"ral Becker, sons pl'étexte de veiHer a sn
surctó, Le 27 juin , sur le bmit de l'apl1l'oche oes alliés, dont une man-
~uvre imprudente lui pal'aissait offl'il' d'ailleu!'s I'oerasion de ks ball!'e
('omplétement, il éerivit au gOllvel'llcment p!'ovisoire pou!' se meltre ú
sa disposition cornme soldat ;


« En abdiquant le pouvoir, dit-il, je n'ai pas renoneé an plus nobk
droit de citoyen, an dl'oit de défendre mon pays.


» L 'appl'oche des ennemis de la capitale ne laisse plus de doutes sur
leurs inlcntions, sur leur mauvaise foi,


» Dans ces graves circonstances, j'offl'c mes sel'viees rornme géné-
ral, me regardant comme le premier soldat de la pab'ie, ¡)


Ccux qui avaicnt exigé l'abdication de l'empereur ne pouvaient guel'l'
replacer a la tete de I'armée le gl'and capitaine qu'ils avaient rait oes-
cendre du tl'one, lIs savaient bien qu'un soldat tel que lui n'avait d'au-
lre rang que celui de généralissime) el que I'aceepter pour auxiliaire ,
c'était le reprendre pour maitre. lIs refuse!'ent done, et leur réponse
causa la plus vive irritation a l\'apoléon. 11 pada de se remettl'e a la tete
dcl'm'méc el de tente\' un coup d'état, une répétition du 18 brumaire.
Mais le dlle oe Bassano l'en dissuada , en lui faisant COI1lI11'end\'e quc


i


I


I
______ ~ ________ . ____ . ____ . ________ - . _______ . ____ ._------1




HISTOIRE DE NAPOLÉON.
les l'il'eonstnnces n'étnienl plus les memes qu'en l'an YlTI. Ohli~t\ de eé-
del', il quilla la Mallllaisoll , el pÍlrtit pOIll' Rochefort, dans l'int('f)lio!l
de pnssf'I' aux États- U nis d' AllIl'l'iqup.


-- - !~.,.: /




CIIAPITIIE L11l.


\ 1'I'¡'I'e dt' ~;lp()k()ll:t J1orhdorl. Leltrr ;tu ¡Iduce n;~pnt. 1l ~e l'rnd :-;\lI'I(' IJl'ltf"riJpJ/ oll, f'1
f;lit ,·oili~ ¡JOIU' r.\lIgktrITP. I.a ('on(luih~ I1n millíslcl'C all~lais a son (;gard. Contr.l!'le


an'C' 1,1 \i\'P SYlllll;¡llIil' qlle lui t~"Il1()ih'H' la natio!) hl'itanu:qllr. ~¡¡PI\J('()1l
pl'otf·~tl' con ti',· la rlcstination i.ille lni a~sigllc le rabinl't all~lai ~.


11 psI i'mh(il'l¡W: ~ln' {I' 1'lorlJ¡ /f m1Jf"'lnnd j't d~rlpi
~nr Saintt'·H(ll'IH' .


. ECKUl, 11 qui le gouvernement provisoil'('
:wait contil' la til<')¡p difl1cile de slIl'H'illcr son
i\lu~tre nwitrr, illa ;\ralmaisoIl, re~nll'ordr('
de l'accOInpagll('r jlls'lu'ü Ro('hdol'l, eL dI'


. IlP le ¡¡nitler 'lll'il hord clu vaissrHlI qui Ir
cOlldnirait HU dpla des mers. Ce bnn e géné-
I'al avait. dit iI I'cmprreur rn I'ahol'dant :
« .Ir suis clHlI'gé cl'lIne mission pénible, et je


r('l'ai tout ('(' ¡¡ui dépendl'fI de moi pOli l' m'cn acqlliLter;1 \'Otl'C satisfac-
lion. » \1 eut \p honheuI' de Lenir parole, rt de ne pas s'ouhlier Ull in-


stanl; jamais illle S"\Clll'tll de VI défél'enr(' el des ('gards qu'il devaiL il
1<1 g1'llJldt'1ll' déchue e( au genic malheul'l'lI:\.


'npoléoll. pal'li de In ~Iahnais()n \e 20 juin, IlrriVfl 11 Rochdorl k
;J .illil\ct Le \enl\el1lain. son fl'e!'e .Joseph Yint 1\ I'e.ioindl'e, Ppndnnl


111




fllSTOIHE


son séjOlll' dan s ecHe viHe, l'emperelll' entendít conslall1llleJlI :JlllOIII'
tle sa (lemeure de \ Í\es aedmuations; plllsieurs fois íl parllt au balcoll
de la préfectllre oú iI était I03é , el iI re~ut toujollrs (le nOllvcallX IÓl1loí-
¡;nages de l'affeelíoJl profolHle que lui gardait le peuple, II s'ernhaJ'(IUa ,
le 8 jllillet, mee rintpnlion tic se rendre aux Elals-llllis, el avec la
ret'me eonlJunec quc les sauf-collduils que le gomel'llement pl'OYisoil'e
lui avait promís pom' ce tt'ajet, lui sCl'ilicnt eX]llJdil'S salls ohslade el
salls relanl par les uIliés, ])eux jOlll'S u]lrl's, il cmoya Las Cazes 01
SaVllI'y ¡'¡ honl du /Je/léropl/UJ!, pour smoÍ!' dll cOll1t1lalllluLlI de la eI'oí-
siél'e anglaise s'il n'avait pas reC¡lI des minif'h'es de S, l\I. Bl'ilanniqmJ
ronll'e fOl'lllC'1 de ne pas s'oppose!' Ü son ]Il1ssage, NulJc inslrllelion
11 'était encol'e pnncllue au capilaine l\laitland , (lui comllHllHlaít Ir; Eel-
léropllOn, el flui secontenla de dédarer fln'il allait Clll'él'ét'Ct, iJ 1'<lIniral,
Le ~ 4, l\apoléon était loujours ú rile el'Aix, ü aUendrc UI;e réponsl'.
Ce silence prolongé lui causa qnelqne illlpatiellce, et il voulut sor/il'
enfin de l'inl'cl'titude oú ou le laissait dCPllis qllatl'C joUl'S, Las Cazes ,
accompagné de Lallemand, retournH allprl$ du capilaiuc 3Jailland, (Illi
persista dans ses déelnrations négati,es, et flui offl'il du reste d(~ rere-
"oír l"empet'elll' ü son Lord el de le eouduÍI'e en AngletelTe, oit il
trouvel'ait tO\lS les hOl1s tl'aitemellts el les óganls qll'illHJlIYait désil'cl',


LoI'S(lUe Las Cazes el Lallemaud curcnt l'c\l(lu ('omple du l'ésultnt
de leuI' míssioll, l\apoléon I'éuuit autour de lui s('s (,Ol1lpagllolls d'in-
fortuue, et les consulta su!' le padí qu'il avait iJ prendre. On ayaíl de-
vant soi une cl'oisicl'e qu'il ne [allaít pas CSpl'l'el' de [orc('l', el derriere,
une terre que l'imasion des élrangers el le r('[olll' d('s BOlll'bolls nllaiell t
rcnore inhospitaliel'e pOUl' tont ce qui portait le nom de l\apoléon, et
allssi ponr tout ce qui s'élait associó de tt'Op ¡¡rL's Ú sa ¡.:Ioil'(', Dan s une
situatioll aussi critique, rcmpereu!' pensa qll 'iI n'avnit ríen de miellx iI
fail'e que de s'mll'esset' ala gl'JJl'l'O~itl' du pellplc unglais, el de le ehoisit'
solennellement p01l1' son húte, JI prit alors In plume, pt !'Cl'ivit HU pl'inc('
l'égeut ces liglles mémol'nbles :


\( Allesse l'oya\e, ('11 bulle aux faeliolls qui dí\iseltt Illon pays , el il
l"inimitié des plus )!:l'Hndes ¡missances de n:ut'Ope , fai cOlIsommé mrl
earriere politi()lle, .1(' \iens, ('Ol1ll1le Tltémistocle, Ill'nsseoil' S\lI' le foyer
du peuple bl'ítnnnillllc; je me nwts SOllS la pt'otection de ses lois, (jlle
je réeinme de Yotre A1tesse royale , eomme eelle cln plus puissant, du
pllls eOllstnnt. du plus gl'nét'C'lIx dl' mes eI1llcmis. »




,'Ji


Las C,IZl'S ('[ GUlll';'!alld POl'tl'i'clll celtl~ lell['(~ au eapilninl' ;\Iaillallu .
a l¡lIi ils mlllOllel~l'ent que J\apoléon se I'eudl'ait le lelldelllaiu IIwlilJ iJ
~UII IJord. LH dl'ct, le Ir), aux pn'l1liel's rayons du jOlll', le IJI'id¡
ri'¡;en1icl' cOllduisil le gl'all¿1 IIOll1I1H: sur le BelléroJdlOlt. Au mOlllelll
Il'abonlcl'. l'ellll'('l'eul' s'é[allt ilpeJ'(;lI que le géul'l'a! B\'cl<.el' l'nppl'o-


elwit, SUIlS doute [,Olll' lui fuire S('S adiem .. , illui dit \Í'TllH'lll , «( Heli-
I'ez-vous, gÓIlÓI'ill; je !le ,'eux pas qu'oll pllisse ('roire qu'Ull Fl'llIHiais
esl \'(~nLl lile lin'cl' 11 mes ellllelllis. ), Mais en (lronol1C{anl ces pal'Oles,
il llli tendil la Illain el IW le lit éloigncl' (iU'ulm?S l'avoil' sel'l'é ulle del'·
nié,'c [ois dans ~es hms.


En m'I'j'anl sm'le Bel(éJ'0p/lOn) ~apoléon dit au capitfliiw : ú Je "iens
il vol!'e hord me metlre so LIS la pl'otcclion des lois de I'AlIgletel'l'e. ))
Ce[ ofllell'!' le eondllisit auss¡tót uans sa cham!)!'c oú il l'instaIla. Le 1('1]-




1I1ST01HE


l:emain, l'empe!'eul' se l'endil U honl du SIlIJCrbe, 11l0llte par l'muil'al
Hotham qui eommundait la station. Il revint, le nH~llIe joUl', stlr le
l1ellérop/lOlI, qui eillgla immédiatemrnt vcrs L\ngleh~l"'c, L'amil'al
I1otham, dalls la \ isite que lui fit Napoléoll, déploya, sclon le témoi-
¡,mage il'récllsable de Las Cazrs, « tOllte la gl'uce el totlte la I'echcl'elu'
qlli cal'aclél'isent l'holllllle (\'UIl l'allf.( et d'ulIe édlleatioJ1 distillgués. » DI1
reste, (1 1'f'11lperel1l', dit le meme autcul', ne fut pas au l1Iilieu de SPS
plus c!'ucls el1m'mis , de eeux que ron avnit COllstamllwllt 1I01llTis des
hl'uils lC's plus absul'des el les plus il'l'itallts , 5,1I1S c"crcel' sur l'UX toule
I'inllllenee de la gloil'e. Le capitaine, les ofiiciers, 1l~(luiJlag(', ('\11'('111
biento! adoptl~ les I1lWU1'S de su suite; ce Jurcnt les 1l1'\IlIC.'i é;wnls, lt:
llleme langage , le meme reslwct. S'il pal'aissuit sur le pOllt, chut'l1!l
a vait lc chapcall bas ... Elllill , :\apoléoll : U hord du Bcllúo/¡{w!t, y étuit
t'IllIH'l'PUI'. ))


A¡Ti\"é il To!'hay, le 2 ~ .illillet, le capitainc ~laitl<1ntl lit pn.'lldrl' lc~
()['dres de lord Keilh, SOIl allliral gt'w':'nd, qui IlIi l'Iljoi~lIil de se
I'('utlre u Ply mOllth, oú le Bc({él'O¡;/101l H)ollilla {'JI I'ffd k' 20.


Des (Iu'ou eut nppl'is , sur les c¡'¡les d'Au¡detc¡'I't'. (lile !l'IllPl'¡'('llI'
appl'ochait, la clll'iosité la plus VÍ\C s'y munifesla. Ln ¡'¡¡de de T(w]¡;1\
se couuit de bntcaux , el llIl cmpl'csscment, Il1C)¡\ ¡('¡¡t!lllil'atioll, éclnla
pa1'to\lt al1 nom de -,"apoléon, Cet aC('\lcil du pcuple cOlllraslail II'0p
a\ee le sort (Iue le gOll\Cl'I1enJent hl'itannique ('l-sl'l'\"ait U l'l'lllpel'l'lIl',
pOll1' que lcs ministres dll roi Gem'ges ne eherchussenl pas u J.lré\(~ilÍl·
et memc a elllpechl'J' les démollst!'utions qlli accllsaiellt si haulcrnellt
J'atl'Oce politiql1e dont il8 aIlaient se fuirl' les ilJsll'ull1cnls. A Plyllloulh,
le Belléroplton fui cutolll'é de canols at'llIl'S, <¡ui eUI'L'1I1 Ol'dl'e de faire
feu sur' les curicux pOllI' les lcader. l\Iulf.(ré ces ínslrlldions S,ltJ\ ¡¡~:t·s.
I"An"letetTe tout enlj¡"l'e scmhla eOlll'i,' it Plyll10uth dans I'('spoil' {;('
voir le héros de la Frailee, et la mer eontinua a se cOll\J'il' de vais-
seaux autoll!' de celui qui ¡,¡ervait de pl'isoll au grand ]¡oll1nw.


Au milicu des acelmnatiol1s dont il étnit l'objct, de la par! d'lI11e
I1ation qui ""nit élé si 101lgtcmps SOIl cllllemie, l\npoléon ("lait illlJla-
líent d'appl'endrc u quel parti Ic gOllvernCnH.'llt IH'Ílmlllilll1e s'tll'l'ctait
mUn U son (;gurd. Lord Keith étail bien YCllll u ))()t'(l du B¡:{(éJ'o¡;//01I ,
mais sn visite) pleinc (le [midC'!!!' el (!e réscne, ll'avait dlll'i~ qll'lIll
illstan!. 1I ('c\inl daus les del'lliers jOIl¡'S de j uiIle! , U\ cc le ehc\(diL'1'
BOll)):II'Y , I't ce fuI Jlour ICH"', d'lI11C l11anii'l'c el'll<'ll(', l"inc('I'litllt!(' d('




II E: N A PO L É O N
]'emlWI'CllI' : il etait porlell!' d'une note minislél'ielle qui assignait l'ile
de Sainte-lt('lenc pOlll' l',"sidenre au générat BonalJal'le. C'éLait un atTet
de dépol'lalion que le climat était ehargé de C0111111ue1' en sentence de
11101'1. Quand Kapoléon apprit, de la hOllche de l'ami1'al, cette réso-
11I!ion dn eabinet anglais, il laissa édater son indignation , et lll'otesta
,le tou tes ses forces contre une violation aussi manifeste du droit rles
gens. « .le sllis l'hMe (le l' Anglelene , dit-il, jc ne s11is point son pl'i-
SOllllil'l'; je slIis Wllll lihremcn! me placer S011S la protection de Sf'S
Jois; on "iolf' Slll' moi les dl'Oits saerés de 1'llOspitalilé ; je n'accédcrai
jalllais vololltairement ¡¡ l'olltl'age qll'on me faít; la víolenec SCltlP
pOllITa m'y l'ontmindl'f', »


Pou1' rcncl1'e ensuite plus cl'uelle la Mportation a laqllelle 011 le
(,olldmnnnit, on YOlllllt Iimitel' <l t!'Ois le nomhre des pel'sonnes qui
pOlll'l'aient le slIivre, et on Pllt méme soill rI'en exclul'l~ Savar)" d
Lallemand. Ces deux fideles senitelll's de Napoléon dUI'f'nt c!'Oil'e qu'iJs
allaient <!eH'ni¡' vidimes d'unn extt'aditioIl, et qu'oll les destinait 11
l't"chafalld que LOllis X Y 111 rcnait (le cll'cssel' par son ordonnance
du 21 juilld, dalls laquclle ils étaient compris l'un el l'aulrc.


Que se passai!-il pOllrtant dans I'tlllH' de i\apoléon, apri.'s la noti-
liealion de l'aJ'I'M homicide que lord Keith lui tlvait tl'tlIlsmis? La pl'ison
dans ]'exil , pOli!' arl'ivcr 11 IIne mort ]ellle el t1ouloureuse, quelll'
destinée pOUl' celuí dOllt la vasto et suhlime amhitiou se trouva plus
d'uue fois ¡¡ l'étI'oit daus l'exerl'ice de la suprématie europécune! pom'
le hél'OS qui voyait affluer les s011verains les plus orgueilleux dans ses
anlichambres! Va-t-il dOllller au mondo I'exemple d'lIne résignatioll
inoll'ie, 011 le spoetaclo d'un vulgaire désespoir? Il fait appelcl' Las
Cazes, ill'intel'l'oge sllr Sainte-Héleno , illui demande s'il sem possible
(I'y suppodrl' la vie; puis, s'interrompant tout ¡¡ C011p, il luí dit ;
(, .\Iais apres tout, est-il bien súr que j'y aille'? Un homme est-iI done
déprndant de son semhlahle, quand il veut cessel' do l'étre? l\IOll
cher, j'aí pal'fois l'envio de vous quitlel" et cela n'est pas bien diflicilo.»


Las Cazes eombat cette díspositioll d'osprit qui le I'emplit rl'alarmes ,
et pour récollcilier ]\"apoléon avee la vio dont il pal'ait fatigué, il fait l1as-
ser llevan! lui une lllellr d'ayenir. « Qui connait les SCCl'els du tcmps't))
dit-il. Puis eomme l'ernpcl'em' I'crient sllr l'ennllí qui l'attenu a Sail1te-
nék'me, Las Cnzes lni Iaisse entrevoir la possibilité de vivre du ¡)([ssé ,
et l'cmpel'clII' lui répoud : « Eh bien! IlOllS écril'ons nos Mémoires.




IlISTOIRE


Olli, il fuuJl'u tl'uvuillcl'; le h'u\:.ül aussi est la I'aux !lu [PlllpS. :\ pl'es
[out,on doit remplil' srs dcslinées ; c'est uussi ma gl'alllh· doctrine; eh
hieIl! que les mirnnes s'accomplissenl. )) Ainsi Nupoléon est reyt'llu :']
IlIi-meme! Si la méchanceté, la rléloynulé, l'ingl'lltitude des homnws
le poussent UI! illstant an déscspoir pm' le di'gollt, el semblent l'ayoir
enfin accablé, il se releve aussitót par' le senlimenl dc Sil gloil'e passét'
el de sa puissante llature.


Le Belléroi!/ton sortit, le ,~ aoüt, de la ralle de Plymoulh; mais il IW
sc dil'igea pas ve!'s le sud, el remonta an eonlr'airt' la )Jandw. l\apo-
léon aplwit alor5 (Iu'j[ allait passe[' SU!' un autl'e )¡,itilllent, le ¡YOJ'{/IIlIll-
beJ'land, destiné a le transporter a Sainle-Ilé¡¿'!1e. Les pal'olcs ('llcrgiques
(¡u'il avait adl'essées a lord Keith, lors de sa fuueste COllllllllIliealio!l,
pouvaient CL,'e perd ues pOllr l'lústoire; illes l'epl'oduisit duus \lile pro-
tcsta!ion formelle qui fut ellvoyée a l'ami,'al el qlli mél'ite d'etl'e cité('
textllellement .


(( Je proteste solennellement iei, a la faee du cid et des bomnws,
conh'e la violen ce qui m'est faite, conÍl'e la \Íolation de mes d['oits les
plus sa(,l'és, en disposant, pat' la force, dc ma personne el de mil li-
berté . .Te suis Yenu librement a bonl du Bcllér0/i/IOI!, je ne slIis pas
pl'isonuicl', je suis rhóte de l'Angleter'l'e. J'~" slIis ,enll Ü l'instigatioIl
meme du eapitaine, qui a dit Ilvoil' des oJ'dres du gouvcl'lleIllcIIt de mc
I'eeevoi,', el de me f'onduil'e en Anglelel'l'e avec ma suile, si cda m' é-
taH agl'éable. Je me suis pl'ést'llté de bonne foi, IJOUl' venir me melh'c
sous la pl'otectioll des lois d' Angletel're. Aussitót assis il bord du Bellé-
l'opllOn. je rus sur le foyer dll pCllple bri[armique. Si le gOllVel'llement,
en donnant des ord!'es an capitaine <lu Belléroplton dP me ('('('evoir' aillsi
que ma suite, n'& vouln que me tendre ulle embú('he, il a forfait ú
l'l!oIlncur et flétl'i son pavillon.


JI Si cet acte sc consoll1ll1ait, ce serait en ,'ain que les Anglais vou-
draienl padel' désonl1ais de Icur lopulé, de \etll'S lois et dc [Cll!' li-
bcl'té; la roi britannique se tl'ouvera perdlle dans l'hospilalitt~ lIu Bcl-
léropllOl!.


» J'e11 appelle a l'histoirc . elle dira qu'llll ennemi qui Dt vingt ans la
guerre L111 pellple anglais, vint libl'cment., dans son infortllne, chcl'ehet'
Ull asile sous ses lois. Qllellc plus éelatanlc pr'clIYC pouvait-illui Jonner
de son estime el de sa confiance '/ l\Iais COI11Il1f'nt répondit-on, ('n An-
~[eterre, ü une telll' magnnnimitél On feignit de tendl'e une muin hos-




DE i'íAPOLÉON. ¡;jI


pilaliel'e iI cel elllwll1i; el quanu il se fut livré ele bOlllle foi, on ]'ill1-
Illola, ))


L'eml)(,l'enl' qllitta le BelléJ"ophon le 7 aoút, et fut concluit sur le
Xorllutlllberland que COll1IllllIldait l'amiral Cockbul'll, On saisit ce mo-
ment pOUI' désal'l11er ton tes les personnes de sa snite : mais un reste de
pneleur lit respecter son épl;e. Ses effets furent visites par l'amil'al llli-


mel11e, uidó d\1Il offieier de dOllanes. On lui enleva quatre milI e napo-
léons, (·t onne lui en laissa (Iue quinze cenls ponr subvenir aux besoins
de son senir('. Lorsqn'il avait faUn se separer des Meles ami s a qui
l'on avait refusé la favcllI' ele partager sa prison pt son lointain exiI,
Savar)", tont en ¡MIII'S, s'é(ailjeté ü ses pieds et lui avaitbaise Ics mains.
(( L'empercUl', dit Las Cazes, ealme, impassible, l'embrassa, ct se
mit ('/1 route ponr gagner le Cllnot. Chemin faisant, il saluait gl'ueieuse-




1I1STOIHE DE \APOLÉO\


lIlent de la tete ceux qui étaícnt sur son passage. Tous eellX (ks nrifres,
que nous laissíons cn arricl'c , étaicnt en pleurs; je JI(' pus m'(lmpechrl'
de (lire a lord Keith, avec fJuí je causais en ('e moment : « y ous obs('I'-
\'PZ, mjIOl'(I, qll'jej ('eux (luí pll'lll'cnl soul cellX quí I'estcllt. "




CHAPlTllE Ll\.


avait été d'une extreme politcsse, mais
d'une gl'anfle réserve ) dans ses relations
les Fransais du Bellérnp/wn. Cockburn


fut pas moins poli, et montra plus d'in-
et de respeet pom'le grand homme dont


se trouvait passageremrnt l'ínvolontaire
¡el'.


Cependant les ministres anglais avaient été
rol'l mécoutcuts des égllrds (IUO l\apoléon avait obtonus dll rapitaino
l\Iaitlaml ('t de son 6qllipage. lls blamerent Slll'tout r<'l oftider d'avoir
rlonné a ~on pl'isollnier le titre qu'il portait sur le tl'one; et ils prirent
\<'s préeaulions les plus sév(ll'es, ponr que rien de semblable ne se
rcnouvelfll Slll' te Norl/wlllberlanrl. lis declarercnt, dans leurs inslruc-
tions, que la lIualification de général serait la seu le permise envers le
potentat tléchll. Lorsque l'\apoléon apprit toutes ces pf'titesses, imagi-
nées pour l'hllmilier, il s'écria. " Qu'ils m'appellent comme ils vou-


I
I
I
I
I


rlront, ¡Is no m'cmpecheront pas d'étre MOl! \) -~~~~~~--~-----______ I
05




754 HISTOIRE


Le ,11 aout, le Nortllllmberland sortil du canal tk la Manche. 1.01'8-
([u'il passa a la IHlUteur dll cap de la lIogue, l\apoléoll reconnut les eMes
de France. Bies salua aussilot, pn étendallt St'S mains vers le rivag(',


et s'éeria d'une voix émue : « Adieu , terre des bl'tlve~ \ adieu, chcre
Franee! quclques traitres de moins, et tn sel'ais encore la maitresse' du
monde' ) Tels furent les t1erniers adieux du grand homme a la noIlte
tene du grand peuple !


Pendant la traVf'I'SPO, l'e'mpereur ful un jOllr surpris sur le pont,
dans sa promenade ha bitllf'lIf' d¡~ l' tlpres-dim'[', par un violent orage. Il
ne voulut pas rentrer, et se contenta de se faire apporte1', pou1' lwnwl'
une pluie abondante, la fameuse redingole gl'ise. que les Anglais f'UX-
momes no eonsidéraient f(Il'avee admiration et respect.


Ln lecture des jOllrnaux servait de passe-temps a I'empel'e'ur. 11 était
rare qu'il n'y renconl,'ut d('s injurf's f't des mensonges dirigés conlrp
luí. Mais tout cela ne pouvait l'aHeindl'e, et il dit a Las-Cases a Ce' sujet:
« Le poison ne pOllvait plus rien sur 31ilhl'idate: eh bien, la calomnie,
tlepuis 1814 , np pourrait pas dnvantage contre moi. IJ


Lel5 octobre, le NOl'lfmmbCl'land mOlliJIa tlans la rade de Sainte-
Hél&ne; le 16, l'empereur tlescendit 11 terl'e avec l'amiral el le génél'al




o E N A \' O L E O 1\. i.,);)


Bel'tI'Ulld. Il s'étahlit d'ahord au Briars, chez un lIégociant de l'lIe,
nommé Uakombe.


Ce Il'était la qU'llne demeu¡'e provisoire : sa résidenee définitive était
fixée u Longwood, maison de campagne du gouvernem', qn'i1 avait
visitéc en arrivanl, el ((ni Il'était pas encore disposée ponr le recevoir.
II trouva toulefois ehez .\1. Balcombe tons les égards auxquels iI avait
droit, el qllelqlles ressoul'ces contre l'mnui. Cette digne famille ne
négligt>ail rien de ('e qui pouvait contribllel' iI adoucil' 1(';; désagréments
de sa situatioll.


Pendant son s"'jour au Briars, Napoléon ne sortit qu'une seule fois
pO!ll' alle!' visile\' le major dll régiment de Sainte-IJ(·lene. II s'oecupait
de ses mémoires , el faisait de longues dictées soit a Las-Cases, soit a
son flIs, soit iI l\'Iontholon, soit a Gourgaud el u Bel't!'and. Ses prome-
narles hahitllelles se passait'Ilt dans les alIées couvertcs el les taillis du
Rriars, (\'oú I'on n'apereevait que d'affreux précipices.


Le jardin de 1\1. Balcombe était cultivé par un vieux ncgre nommé
Tohie. C'étaít un Indien-l\'Ialais qU'lln équipage anglais avait enlevé
f"I!(I(lultmsement et vendu eomme esclave. L'empereur, dans ses pro-
menades, rellcontrait souvent ce malheureux, et lui témoignait beau-
coup d'illtpl'cL; il paraissait décidé a payer son aff¡'anchissenwnt, et ne
padai! jmnais de son enlevemenl qu'avec la plus vive indignation. en
jour qu'il s'élait al'reté devant lui, il ne put eontenir les pensées quí se
pressaicnt dans son ame, et iI se mit u dire : « Ce que e'est pourtanL
que eelte pauvre machine humaine! pas une enveloppe qui se ressemble;
pas Ull intérieur quí ne differe! ... Faites de Tobie un Brutus, iI se seraiL
donné la mor!; un Esope, il serait peut-etrc aujourd'huí le conseillel'
(Iu gouverneur; un chrétien ardent et zélé, il porterait ses ehaines en
v\le de Dieu, el les hénirait. Ponr le pauvre Tobie , il n'y regal'de pas
de si pres; iI se courbe et tl'UvailJe innocemment! )) Et, apres l'avoir
eonsidél'é quelques instants en silence, il dit en s'éloígnant: (1 1I est
Stll' qu'il y a loin du pauvre Tobie a un roi Richard I ... Et toutefois,
conl.inlla-t-il en marchant, le forfait n'en est pas moins atroce; cal' cet
homme, apres tout, avait sa famille, ses jouissances, sa pl'opre vie;
et I'on a commis un horrible fOJ'fait en venant le faire mourir ici sous
le poids de l'esclavage. » Et) s'arretant tont a coup, il dit a Las-Cases:
" lVIais je lis dans vos yellx ; vous pensez qu'il n'e5t pas le seul exemple
de la sOl'te iI Sainte-I1élene! lUon eher, il ne saul'ait y avoi,' ici le moill-




756 HISTOIHE


dre rappol'L; si l'aHentat est plus relevé, les vietimes llussi offl'cut
bien d'autt'es ressource:;. On !le vous a point soumis ¡¡ dcs souffrallces
corporeJles; el, ¡'eüt-on tenté, nous avons une ame a trompel' nos ty-
rans I .. 1\'otre situation peut meme avoir des aLtraiLs I .. ' Nous tlemel'-
1'ons les mal'tyl's d'une cause immorLeJle I . '. Des millions d'hororoes
nOlls plellrent, la patrie soupirf' , et la gloj¡'e esL en dcuil! .. Les roal-
heurs ont aussi len!' hérolsme eL leur gloir('! ... L'adversité manquait
¡¡ ma caI'rier(' '. . Si je fusse mort sur le tróne, dans !t's nuages de
roa toute-pllissance, je sel'ais demellré un probJeme pour bien dl's
gcn~;: aujmml'hui, ¡¡r¡'¡ce au malheur, on pOllrra me juger a nll


'
11


Napoléon quilla le BI'iars , le 18 dócelllhl'l' , pOUI' allcJ' hahilt'l' LOJlg--
"ood. Cette nouyelle demeure lui offrit plus de coml1lodith, mais il
n'y reneonh'a pas moins de gene et df' tracllsseries dp la pnl't dí' ~t's




7.'5;


geoliers. 011 pla(~a des scntinelles sous ses fenelres, el on l'cntoma dl'S
précautions les plus vexatoires el les plus humiliantes. lll~n fit l~crire 11
J'ullIil'al par iUontholon , ne youlant pas traiter directcment aucun dr
ces objcts avec lui, afin de ne point se commcttl'e, dit-il, u la discl'é-
tion de qurlqll'lln allqlld íI donncl'Uil le dmil de dil'c Ü faux : (( L'em-
[lCI'Cll[' m'a dil cela. Il


Dans une de ses promenades ti cheval , vel'S la fin de décemhre, iI
fut obligó dI' mettl'e pied ü tene , il cause du mauvais ólat des chemins"
el s'enfoIl4jil tellement des deux jambcs dans la boue, qu'il n'en sortit pas
sans de pénibles dfol'ts et qnelr¡llrS appréhensions. (( Voici, dit-il, 1lI!('
sale aventul'e. Il Et, lorsqu'il se fu! tiré d'embarrus, il ujouta: « Si
nous avions disparll iei , qu' eút-on dH en Europe? Les cafal'lls pl'ouve-
raienl SBns IllII doute (lile nous avons ótó englontis pour nos erimes. ))


Prcsqne tous les Anglais qui passaienl dans ccs parages faisaient une
station ü Saintr-I1élcne, pour y voir l'illllstre "irtime de leur gouver-
nemcnt. Napoléon les aecueillait toujonrs arcc Illltant de gI'ÚC0 que de
dignité; et, eomme ils le tl'ollvaient hien diITérl'nt du portrait qu 'on
lem en avait fait IH'Ildant vingt ans, ils s'excusaient d'nvoir pll el'Oin>
les atrocités publiées sur son comple. (( Eh hien 1 dit !\apol('>on ü I'Ull
ti' eux, en souriant, e"pst ti vos ministres pourtant que j'ai l'obligation ti!'
toules ces g(>ntillesses; ils ont inondó l' EU1'ope de pamphlets el de li-
beBes coutre moi. Peut-etre auraient-ils ü dire pOUl' exeuse qu'ils 11('
faisaient que répondI'e iJ ce qu'ils reeevaient de France l11eIlle ; et ici I ¡¡
faut eLre juste, cellx d'entl'e nous qll'on a vus danser sur les ruines ti.>
leuI' patrie, ne S'('Jl faisaient pus faute, et les tenaient alJOndumment
pourvus. ))


Ccpendant ramiral avait ü ('ceur de répondl'e aux plainles que 1\1011-
tholon lui avait trullsmises. JI "int s'en expliquer aYec l'emperelll', l'l
ib se séparúrcnt eontents l'un de l'autre. Le sous-gollycrneul', ('olonl'l
Skelton, trailait ógalelllent l\'apoléon a\'Ce heaueouJl M [lrl'\'eIlanc('~.
L'em\ll'rcur le retint SOllvrnt Ü diner avrc sa femnll'.


Le 1"" janvier ~ 816 I tous les eompagnons d'infol'lune du gnllllt
!Jomme se réunil'ent pOl!l' lni présenter lellrs hommages) ü l'occasioll
de la nouvelle annóe. NapoléoIl, ü qui cette so!enTlitó .1.!appelait les heanx
jours de sa tOllle-puissanc(>" ne laissa rien apercc\'Oir de l'inlimc com-
paraisoll (Ini se I'nisait en Ini, rntre la r{'ception familiel'e de Long,,"ood
1'[ l('s alldicnccs pomprnscs (ks Tuill'l'Írs. JI He('\leillit affectuenSL'IlH'lIt




7.\S IlISTOII\E


les eOllJ'tisans du malheur, et les lit tous déjeulll'r ('hez lui en falllilk.
« Yous ne eomposez plus qu'une poign<'e flU hout tlu monde, 1l'lIl' dil-il ,
d voh'e consolfltion doit ctre aUll10ins de mus y aimer. ))


Tous les jOl1l'S, on apereevait autollr de Longwood des mutdots qui
lH'flvaien t ll's sentinelles et les consignes pour s' flpprochel' de IfI llemeure
et voir la figlll'e du héros prisonnil"'. « Ce qlH' e'est pourtant (¡tle le po u-
voir' (le l'imaginntion! tli~ail l\npoléoll. TOllt el' lIu'dle pl'ut SIlI' lt'~


hOlllmes'! YoiliJ. des gens qlli ne me eOIlmlÍssaient point, flui nI' m'a"aienl
jamais "U , seulmnent ¡ls avaienl ententlu parler de ll1oi; el que ne
sentcnt-ils pas, que nI' feraient-ils pas en ma faveur 't Et la ll1cme bizar-
rerip se l'pnollyelle dans LOlls les pays, dans tous les ages, dans lous les
sexes! Voilille fanatisme! oui, J'imagination gouvel'l1c le monde! ))


L'espace dans Jeque! ~upoléoIl pouvait se proHlener iJ. eheval ne lui
perll1ettait pns une eourse de plus d 'une demi-heure; eneore fut-il hien-




DE ;\APOLÉO~.
tlit conduil il y I'enoncer. Tant6t c'était un offieier angluis qui s'offen-
sait d'etre obligé de restel' en afl'iere, et qui youlail se m6lcr a la
compagnie de l'emperelll" tant6l c'élait un soldat, ou un caporal, qui
entendait mal sa consigne et qui le mettait en jcme.


Le ('limat et la captivité ne lardérent pns a poder leul's fruits. La
:,mnté de l'emperelll' s'altéra d'une muniere sensible. II n'avait pas une
eonslitution aussi forte qll'on le sllpposait cOll1ll1unément. Selon l'ex-
pressioIl (h~ l'un de ses ('0111 pngnons d'infortune, " son corps était bien
loin d' ('lre de fer 1, e' était seulelllent son mOl'al. » Le dot'Íeur O' 3Iéara ,
ehil'llI'gien anglais, [ui donna ses soius el obtint dans la suite toute sa
eo nlhlll ce .


Les jOlll'Ilaux appol'te¡'ent successivement a Sainte-Héh'ne [a no u-
velle de In 1l10l't de Murat , du sou[evell1ent el du supplice de Podie¡',
dll procés el de l'exécution de Ney. LOl'sque Las-Cases lut, en pré-
senee de 1\~mpeI'cUI', le journal quí annon<¿ait la mort si tragique du
I'oí de Naples, Napoléon lui saisit ,i"ement la main et s'écria en meme
temps, sans ajouler un mot de plus: " Les Calabrais ont été plus hu-
muins, plus géné¡'cux quc eeux quí m'ont envoyé iei. »


II ne se montJ'a nullement sUJ'pris de la tentalive de Pol'liel', " A lllon
relolll' de l'ile d' Elbe, dit-il, cenx des Espagnols qui avaient été les
plus acharnés contre mon invasion, qni avaient acquis le plus de l'e-
nommée dans la I'ésistance, s'ad¡'esserent immédiatement il moi : ils
m'avaient cUl11baLLu, disaient-ils, commc leur tyran ; ils venaient m 'Ím-
p[m'el' comll1e un libératem'. lis ne me demandaient qu 'une légere
somme pour s'affranchil' eux-memes et pI'OduiJ'c, dans la Péninsule)
une révolution scmblable a la mienne. Si j'eusse vaincll il Waterloo,
j'allais les secouril'. Cette rirconstnnee m'expliqlle la tentative d'aujoul'-
d'hui. Nul doute qn'elle ne se renouvelle encore. Fm'dinand, dans HI
fllreur, a beall vouloir selTeJ' son sceptre avec rage I un de ces beaux
malins illuÍ glissl'l'a de la maifl comme une anguille,


II trollvait que J\"ey avait été aussi mal attaqué que mal défendll, et
il s'indignait d'lIne condamnation qui ,iolait une capituIation sacl'ée.
L'exécutioIl dll maréchal n'était pos qualifiée moins séverement par le
prisonniel' de Saintc-Héléne, lJll'elle ne l'a élé plus tard, dans l'en-


I JI est erprnoant !len ü'hnmmcs '1ní aíent supparté d'anssi grandes fatigurs r¡up Nal'oléan. On cite
panui ses coursrs rxtt'anrtlinalres cclle de Yalhll101hl a Eurgos (trcnte-cinq licues (j'EslJagne J' <[util
nt en cinl{ hCllrrs ('l dl'lllie;\ frane ttrier.




,liO IIISTOIHE


eeinte nH~llle de In Chnlllbre des pnirs, par un granel ('crivain et un i1-
lustre géneral.


Passant ensuite au !'erus de elélllence qu'avait essuye madame Lava-
lette et a l'évasion de son mn!'i, l'elllperelll' fnisllit ressol'lü' l'impl'U-
denee de la politiqlle illexorllble des Bourbons. « )Iais les salons de
París, dísaít-il, Illonlraient les mCllles passions que les clubs, la IlO-
blesse reeommengnit les jncohilis ... Xos Fran<;aises dll moins, njoutait-
i 1, illustraient leurs sentilllents : madame Labéeloycre avait faiUi ex pi-
I'el' de douleur; madamc Ne~' avait dOIlllé le spectaele du dóvouement
le plus eOUl'ugellx ; madulllc Lavalette allait dewllíl' l'ht'l'Olne de l' Eu-
rope. »


Napoléon ne s'en tenait pas a la polilique cOlltcmpol'aÍlH'. {.luand.
d'lIn eoup d'mil prolllpt el sú". il avaít l'apidemenL pllrcolll'U I'Em'op('
actuelle et !'ésume le pl'éscnt, ti g,'ands lI'aíts, il se plaisait 1, se J'ejetl'1'
dans le passé el a faire compal'altre devant lui les hommes el les évt~­
nemenls remm'quables de I'hístoÍl'e, dont il revisailles jllgements, du
lHlUt de sa puissante rníson et de son incomparable sagnciLt'-. Dnns un('
de ces excursions dnns le domnine de I'anti<luil<", ¡llui arriva de s'al'-
reter a In lnlte opiniatre des plébéiens el des patl'ieiens de I'ancÍenne
l{ome, et il signala les Pl'l'eul'S et les contradicliolls que la postérité avait
cOIlsncrees a I'égard des Gracques. « L'hisloire, dit-il , presente en r{'-
suItat les Gl'aéques conllne des séditieux, des révolutionnaires, des
scélerats; et, dans les détails , elle laisse éehapper qu'ils avaient des
vertus, qu'ils étaicnt doux , désintéresses, de bonnes mcen\'s, et puis,
ils étaient les fils de l'illl1strc Cornélie , ce qui, pour les gmnds eceurs,
doit el['e tout d'nbord une forte présomption en leu\' fnvelll'. D'ou POll-
,'ait done venir un teI'eontl'aste'? Le voici : c'est que les Gracqlles S't'-
taíent genérensement dévouós pour les droits!In pClIple Oppl'illlÓ, eonh'('
un senat oppresseul', et que lellrs grands talents, l<,ut' lwan camcte!'!' ,
mircut en póril une al'istocl'atie fl~l'o(,c qui triompha, It's t'gorgea el 11'5
Ilólrit. Les historíens dll partí les ont h'ansmis ave(' cet espl'Ít.


" Dnns cette lulte tel'I'íble de l'al'istoemtie el de la démoel'atio, (Iui
vienl de se renouveler dc nos jOlll'S, ajouta-t-il ; daos cette exasperation
eln vieux te!'raín eontre l'industric nQuvelle quí f<,rmente dans tonto
l'Enrope, nuI doute que, si I'arístocl'atie h'iomphail par la force, elll'
ne trouvUt pnrtout beaueoup de Graeques et ne les traitM u l'avenant
tout aussi hónignelllent que l'ont faít leurs de'HUeíeI'8. 1)




----------


7(;1


A (] 1l10ll1rIlt oú Napoléon proIloIl~ait ces parolcs, les furcm's de l'a-
l'istocratie conternpol'aine n'étaient plus une simple hypoth¿'sc, La ré-
adion de 18\;) désolait la France : le sang de Labédoyere , de Ney , de
Chartr'an et de Mouton-Dnvemet se melajt a celui de Brune et de Ra-
mel. Les exécuteul's des Iwules-ceuvres de I'étl'ange¡' et de la couronne
complétaient la tache des assassins qn'nvait vomis la popull.lee de quel-
(IUCS cités méridiollales.


El n'était-cc pas le plus i1Iuslf'e cl le plus ¡'etlouté (ks démocrates que
I'al'istocl'atie avait entendu enfel'mel' a Sain!p-Hélcme, ponI' l'y assassi-
ner lentcment? Que Napoléon, sur son rocher, rappclle a Las-Casf's
les services qu'il n rendlls aux rois, qu'il les aeeuse d'ingratitllde, et
qu'i! sc vantc « d'avoir rctcnu contl'e eux ce qu'ils ont déchalné contl'e
lui 1; 1) ce souyeni¡' potll'¡'a servir a expliqller sn chute el iljuslifier l'a-
bandon des peuples cornrne les riguellrs inattcndues de Ja ProvidPnce;
mais Irs rois n'en ont pas moins persisté il poursnivre en lui ee le premier
soldat, le grand représentaut, le messie)) des príncipes démocrnliques 2 ,
titI'e glorieux dont il 5\'st jnstemrnt paré el montré j:llonx allssi a Loug-
m)o(13) et qu'il aurnit dú tOlljours préférer 11 edui de sauvenr dl' la
royauté el de bienfaitcUl' de J'al'isloeralie.


Cependan1l'idél' funeste <lui ayail prépar(~ sa !léradenee lui revenait
parfois au fond de J'ahime. Le messie révolutionnaire se slll'prenait il
vouloil' cÍI'e ('¡1rOl'C le médiateur du passé et de ravenir, l'hol1lllJe des
!'Ois el des peuples. Cette ineompatibilité que nous aVOllS eherché tl
démonh'er s'effa<.;a surtout devant lui a I'oecasion de la dédaralion des
souverains, du 2 aoút ~ 8i:J. « Si l'on es1 sage en Europe, dit-i1) si
l'ordre s'établit partout) alors nons ne vandrons plus ni l'argent ni les
soins que nous coútons id, on se débarras~era de non s ; mais eela peut
se prolonger encore qnelques années) t['ois) quah'e OH cinq ans : au-
Íl'ement, et) a pal'lles événements fortuits qn'il n'est pas donné 11 l'in-
telligence humaine de prévoir) je ne vois guel'e que deux g['andes chanees
bien inc(wlaines pour sodi!' d'iei : le besoin que poul'raient HOi!' dl'
moi les rois eoutre les pcuplcs débordés; ou eclui que pOUlTaient avoil'
les peuples soulevés, anx prises arel' les rois; cal', dans eette immense


4 ¡l[t!mol'in!, tmn~ Ir.
2 Napoléon disripliJw la démocl'atie r; la ren(lit C'onqnéTanlr: mais il ne I'm"ganisa llíls. ('ommr


OH l'a pn"lendu a tOl'l) Jlui"\fuC ectte organb;ation est cncorc- a fait'f'. Qll<llld il vonlut iIJslitw'L', ("{'
fui le [la,," I/u'il eOIl,ulta. el il nc lit 'lile ele la monal'chiC' el de I'arisloeratie ht"rMiLlires,


1 M([rnoria[, (ollle Uf, pag:e ¡l..




HISTOIRE


lulle Ju présent contre le passé, je suis l'arbitre et le méJiatcm' naLu-
rel; j'avais aspiré a en étre le juge supreme; toute mon udminish'ation
an dedans, toute ma diplomatie au dehors, roulaient vers ce grand
but. L'issue eút été plus rucile et plus prompte; muis le destin en u 01'-
¡Jonné autrement. Enfin une drruiel'e chance, el ce pOllrt'ait étre la
plus probable, ce seruit le besoin qn'on anrait de moi contl'e les Rus-
ses, car, dan s l'étal uctuel des choses, avunt dix uns, toute l'Enrope
peut ctrc eosaque, ou toute en réplIbliqlle. V oila pourtunt les hommes
(l'état qui m'ont renversé ..... ))


L'empereur trouvuít ensuite que la déclarution Ju 2 aoút, a son
égard, était difficile a ex pli(lUer, par le euraríere pel'sOlmel drs sou-
verains .


« Frun~ois! disait-il, est religirux, et je suis son fils.
l) Alexandre! nous nous sommes aimés!
» Le rOl de Prusse! je lui ai fail heaucoup de mal san s doute, mais


je pouyais lui en faire duvantage; et puis n'y u-t-il done pas de la
gloire, une vérituble jouissanee a s'agrandir par le cO'u!'!


)) Pour l'Angleterre, e'esl n l'unimosité de ses ministres qlle je suis
redevable de tout; mais encore scrait-ce au prince régent it s'en aper-
ceyoir, a inlerférer, sous peine d't'lLre noté de fainéant ou de pl'Otéger
une vulgaire méchanceté.


) Ce qu'il y u de sÍlr, c'est que tous ces souverains se compromeltent,
se dégradent, se perdent en moi ..... »


GranJ homme, laissez done les souveraills se compromeUre, Re
dégrader, se perdre en vous! cela ren/re encore dans votre mission;
cal' vous n'aveíl pas été envoyé pour « affermir les I'ois ) ») bien qu'il
vous soit éehappé de le di re et que vous ayez agi quelquefoiR daos ce
sens, mais au contraire pour continuer la démolition de l'édifiee mo-
naI'chique et pour contribuer a la ruine de la royallté , par vos revers
autant que par vos tl'iomphes ! ., .


La déeision souveraine qui exdtait si vivement l'indignation de l'em-
pereur, et qui le conduisait a rappeler ce qu'il av aH fait ponr ses all-
gustes signa/aires, élait ainsi con~l¡e :


« i\'apoléon Bonaparte étant an pouvoir des sOIl\-erains allies, Lelll's
lUajestés le roi dll royallme-uni de la Grande-Bl'etagne et d'Irlaude,
I'emperellr d' Autl'iche, l'empereur de Russie el le roi de Prlls~e, out
agréé, en ycrlu des stipulations du tmité du 25 mars ~ 81~;, sllr les


_~_---I
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--~--~ - -- ---


DE IIIAI'OLltON.


mesures les plus pl'opres a rendre impossiblc toule elltreprise de sa part
contre le n'pos de l'Europe.


« AI't.\ er. Nnpoléon Bonnparte est eonsidél'é, par les puissances
qui out signé le h'nité du 20 'rom's dernier, comme leur prisonnicr.


» Art. 2. Sa gnl'lle esl spécinlement conHée au gouve\'Ill'ment hri-
lanniquc , etc., ctc. »


Le gouvernemellt nllglnis ayant ninsi consenti ti se faire l'inslrument
des hailll'S de la Yieille Europe, au mépris du droit des gens, il ne
mallqunit plus au royal geólicr de 'VindsOl' que de cbereher tl son tOut'
un instI'lllnent subulteme que la natllre eut formé a dessein pOUl' l'exé-
cution l'igollreuse de l'llI'1'et pl'Ononcé par les souVe¡'aÜIS ; ses ministres,
Castlel'eagh et Billhurst ) trouv(went lIlldson-Lowe.


~~~==>--------
.-"=ccc~- ~ -- .


,~ ____ ,~_ .. _- _ .. _~---,----~-_ .. _----- ---~ - .. --1




CIIA 1'1'1'11 E LV.


nl1lbon~Luw('. Lutte ji Ul'nali;',l'c de .:\'illloll'nn cUlIlre les prdl'ntiOlls et lrs IlI'oeédrs odiell\ du
gOIlVeL'lI(·Ul'. Souffraucf s t'l "ffais,emellt de l'cmpel'l'ur. Las Ca:-w;;


sllrrcillcr, de garder


furcé de se st'IJare,' ue ;\apoléun.


mSO:-i-LOWE! A ce nom , l'hOl'l'elll' ct le
dégout sonlhent toutes les fmles hOllne-
les, .. Keitlt el CoekhurrI, vous aviez laissé
aper('cyoil' un ,'()~t() d'admiration pom' la
gloire, qll(']([lIe I'cSlwct pOUI' le génie, de


'. In sympnthie l)()lll' la .gl'andeur de la re-
nomméc d de l'inrol'tune : que YOUS COIll-
pl'euiez lIlal ,otl'e llIissioIl! rons cl'lltes
honnemcIII que ron 'OllS aYai! chargés de


le M,'()s de la Frallcc, .. UOUl1cU\' il mtre ininlel-
ligl'lIee! r oici \mil' un gl'óliel' qui l'ntcndl'a mil'u\. les inteIltiolls de
scs angllstes mnit"ps; il vons UPIlI'('ndra , lui. ce qUl' la yengc[JJwe el




~lISTOlRE DE l\'APOLÉO'\. ,1;'")
la peul' I t'\igeaiC'nt de vous, et ce qu'elles IJellvent obtellir, en peu
d'allllées) d'lI11 dimat COIllIl1C cdui de Sainle-Hélene, aidé tI'un homme
eollllne Ilmlson-Lmn' !


Le nOllveau gouwrnelll' débarqua a Sainte-lIélcne IcU auil ~ 816.
A la premie're cllll'evue, l\'apoléon le trouyu I'epoussanl. « 11 ('st hilleux !
dil-il; e\'st une face paliblllaire. l\lais ne llons l1:1tons pas de prononcCl' :
le monJI, apres tout, pent l'accommoder ce (iue celle t1gure a de
sinistl'e i cda no sel'ait pas impossible. ))


La pl'cmicl'e mesure que pl'it I1ndson-Lowe fut d'exiger des COIll-
IHlgllOIIS d'exil de l'empcreur une dCclal'ation formelle, portant qu'ils
l'eslaiont volontuil'ement a Longwood, et c¡u'ils se soumettaient a toutes
les conditions que nécessiterait la captivité de Napoléon.


JIudson- Lowe se complut ensuite a faire passer officiellsement sous
les yeux de l'emperenr des écrits OU son regne et son curaetere étaient
représentés sous les plus faussos et les plus noires couleurs; l'un de ces
libelles sortait de la plnme de l'abbé de Pradt : c'était I'ambassado de
Yal'suvie. llIuis une maliee de ce gCllI'C n'était qu'une innocente espié-
glel'ie pOU!' un homme de la nature de sir I111dson. II YOUlllt faire
compuraitl'e devant lui tous les domestiques de l'empCrCllI', ufin de les
inte!'roger en particulier SlIl' la spontanéité de lem résolution de rester
a Sainte-Hél('ne, eornrne s'il eút suspecté la sincél'ité el lu liberté de
leur dédaration écrite. CeHe exigen ce blessa 1\apoléon , qlli Huit néan-
moins par so résigller 11 ce nOllvel outrage. Quand le gouverneur eut
terminé cet insolent interrogatoi!'e, il aborda Las Cases et l\fontholon ,
en 10m' disant qu'il était sutisrail, et (( qu'il allait mander a son gouver-
uement que tous avaient ~igné de l)l¡>in gré et de le nI' bonne volonté. »
Puis il se mil a vanteI' le site, et trouva que J'cmpereul' et ses gens
¡¡vaient tort de se plaindre; qll' apres tout, i1s n' étaient pas si mal.
Sur ce qll'on lui Jlt remarquer qu'il n'y avuit pus un sC'ul ¡¡rbre pour
se procurer un {leu d'ombrage SOllS un del au~si hl'lllant, il répon-
dit malicieusement : (1 On en plantera I » et a se retira suns plus rien
ajouler,


La santé de l'empel'0lll' s'alLérait de plus 0n plus, A la fin d'avril, il
se vil forcé de rcnoIlcer' an pell de liberté qu'on lui laissait pum ses


~ J'\nlll'a llIif'llX signalé et ('al'adérisé cette peur que M. de ChatcanhrialHJ, lorsqu'i1 pl'onon~a, a
la triblll1P, de la Chamhl'c (les pajrs, Cf'S parolrs 1'f'1ll3t'quahle, : n La l'edingotc grisc et le chapeau de
:';aIloll\on, placé..., al! bOl1t (l'un h<ltnn S11r la c(lte Lle Brest, fcraient couril' l'f.nrope aux armes. »




f------------


I I I I 76(; 1llSTOIHE
I '


promE'nadE's , et il se priva meme de sortir de sa chambre. Le gouvel'-
neur vinl l'y voir. L'iIlus[¡'e malade le re~ut, étendu SUl' un canapé et
non habilli'. Su prerrliere parole fllt pour annoncer a. sil' I1udson qu'il


allait pl'oteslel' contl'e la convention du 2 aoút. Apres avoir rappelé
qu'il ayait refusé de se retil'er soit en Russic, soit en Aull'iehe, et qu'il
n'avait pas \-oulu non plus se défendl'e en Franee jusqu'a la derniel'e
extrémité, ee qui aurait pu lui valoir des eondilions avantageuses, il
ajouta: « Vos aetes ne vous honOl'eront pas (lans l'histoire! Et, tou-
toutefois, il est une Providence vengeresse; tót ou tard, vous en pOl'-
terez la peine! Un long temps ne s 'écoulera pas que ,"oh'e pt'OspériLé,
vos lois, n'expient cl't aHentnt! ... Vos ministres, par leurs illstl'uetions,
ont assez prouvé qu'ils youlnient se tléfaire de moi! POUl'quoi les rois
qui m'ont proserit n'ont-ils pas osé ordonner OUYcrtelllent ma mor! '?
L'nn eút été aussi légal que l'autl'e. Une fin prompte ellí montl'é plus
d'éucl'gie de lel1\' parí qlle la mort lente a.laquelle on me eondamne. »




-- --------------------------------- ------1
-------------- ------------------ --------------1 I


I I
DE NAPOLÉül'i. 767


Le gouvel'llelll' nI' répondit qu'en se retranchant derricre ses instruc-
tions qui exigeaient ll1eme, disait-i1, qn'un offieiel' s'aUachut inces-
SllIllll1Cnt aux pas de l'empereuro « Si elles enssent été observées ainsi,
reprit Napoléon, jI' ne serais jamais sorti de ma chambn'. ) Sil' Hudson
annon9a aloI's l'arrivée prochaine d'un vaisseau, portant un palais de
bois , des mellbles et des comestibles, qui pourraient a(loncir la situa-
tion des habitants de Longwoodo lHnis l'empereur parut peu louché des
espéranees qu'on voulait lui donner, et il se plaignit amerement de ce
que le ministcl'e anglais le privait de toutes 80rt('s de consolations, de
livrcs et de joul'llaux , et , cc qui était bien plus cruel, de nouvelles de
son fils et de sa femme. « Uuant aux comestibles, aux meubles, au
logement) ajouta-t-iJ) vous et moi sommes soldats, monsieur; nous
appl'écions ces choses ce qu'elles valen!. Vous ave~ été dans ma vilIe
nalale, dans ma maison peut-etre; sans etre la del'lliere de l'i1e, sans
que j'aie a en rougir) vous avez vu toutefois le peu qu'elle t'tait. Eh
bien! pour avoir possédé un tróne et distribué des couronnes, je n'ai
point ouhlié ma condition premic're : mon canapé) mon lit de cam-
pagne que voilil , me suffiscnt. 1)


En sortant) le gOllvcrneur, qui avait proposé plusieurs fois son
mérIerin 11 l'empereuI', pendant la conversalion , renouvcla son offre,
qui fllt constamment refusée. Napoléon raconta immédiatement ce qui
s'élait passé enh'e lui et sÍl' Hudsono A la suÍle de son récit, et aprcs
un moment de silence, il se mit a dire: « Quelle ignoble et sinistre
figure que celle de ce gouverneur! Dans ma vie, je ne rencontrai jamais
rien de pareil!. o o e'est ti nc pas boire sa tasse de café, si on avait laissé
un tel homme un instant seul aupres !. .. On pourrait m'avoir envoyé
pis qll'un ge61ier ! ., o »


Et eomme si el.' n'était pas assez des infames traitements de ses
enllemis, POUI' tourmenter el pour détruire cette grande existenee,
des eontrariétés domestiques vinrent quelquefois rendre plus poignants
les traits qui déchiI'aient de toules parls l'iune de Napoléon. La dis-
sension parvint u se glisser parmi les héros de la fidélité. «( II se
tl'Ouvait parfois entre 110US, dit Las Cases, des piquasseries, des bou-
drri('s, qui genllient l'empereur et le rendaient malheureux. JI est
tombé SUI' ce sujet; « Vous devez tucher, disllit-il, de ne faire ici
qu'unc famille ; vous m'a"ez suivi pour adoucir mes peines; eomment
ce sentimcnt ne suffirail.-il pas pour fout maitl'isel'? » Dans une occasion


-----______ 1




76:-\ HISTOII\E


oú un dissenliment g\'aYe avait éclaté entre ¡]ellX des Sf'ni/ellI's qlli
s'l-tuient dévoués a sa mnuyaise fOl'Íune) l'empel'eur, pl'ofondément
uf/ligé d'entend,'e parl('r de P¡'oposilion de tluel , kilI' adressa eelte v¡ve
et lonclwnte admonitiol1 :


« Vous m'uyez suiri pom m'elre agn;abks, dites-Yolls? Soyl'z freres!
aulrenwnt HlUS )1(' m'etcs qu'importllIls 1. " Vous youlez me I'endl'e
heul'clIx? So)'ez frel'es! aulrement vous lle m'0(c8 qn'llIl supplicc!


)) Vous parlez de vous baUre, el eda SOllS IlIl'S yellx ! Ne suis-je done
plus tout pOUI' 'os soíns, et l'o'il de l'étranger n'est-il pas anOtó sur
HOUS? Je veux qu'iei chaeul1 soil animé M mon esprit. .. Jo yel1X que
e)¡¡¡cun soít heurel1x autoul' de moi ; qlle ehacim SUl'tOllt y pal'tngl) le
pcu de jouissanecs qui 1I011S sont laissées. 11 n'cst pns jusqu'au petit Em-
manud que \oilü, que je nI.' préknde en avoir su pnl't eompletc.,. ))


La santé de l'emperrur deveIlant chnque jO\lr l)lt,s manyaise et
exigeallt de plus grands soins ) il voulut 3yoil' \lile explication ayee le
docteur O'Meara, pom' sa\oir s' il lui pI'elait son minislere comme
médecin du gouvernement anglais attuché a une prison d'état, ou
comme médecin de su personne. Le dodenr répoJldit mee nutant de
noblesse que de fJ'ilnchise qu'il entendait étre le médccin de Napoléol1 ,
et des ce moment il fut honor(~ de la pleine eon(i:mce de son malade.


Le gouvrrncur, apres ayoir inutilement invité u diner le !}énéral
Bonapal'le, se rendit u Longwood, ver s le miliell du mois de mai,
pour apprendre a son prisonniet' que la maison de bois était arI'ivél'.
L'empe,'eur le ,'e\;ut fod mal; il lui déelara que, mnlgré cerlaines
eontrnl'iétés, l'mniral avait mérilé sa parfaite confianc(', et flll'il ne
parnissait pas que son Sllccesseur fllt jnloux de lui en inspirer une
semhlahle, Sil' Hudson, hlessé do ee ropl'OcllC , répondit qll'il n'était
pas venll pom' reeevoi¡' des le~()ns.


« Ce n'est poul'lunt pns fnute que vous en nyez besoin, "('prit ]'('m-
pel'ellr : vous uvez dit, monsieUl' , que vos instl'uetiolls étaient hil'Il plus
terribles que eelles de l'amira!. Sont-elles de me faire mOl\l'i,' par le fpr
ou par le poison? Je m 'attcnds a tout de la part de vos ministres; me
yoila , exéclItez votre \ictime! .1'ignol'e comment vous mus y prenc!t-ez


• pOU!' le poison; mais qUtlJlt il m'immoler par le rer, vous en awz déjil
trollyé le moycn. S'¡I vous al'riyc, aillsi que vous lIl'cn ayez faíL
mcnacer, de violer mon intérieur , je vous préviclls que le hraye 55"
n'y entrera que SUl' mon cudavre. )
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DE NAPOLÉOI\. 7li\1
[Jn prll d'amélioration s'élant fait sentir dans la santé de I.\"apoléotl ,


on Ir prr5sa d'l'll profiter pom' reprmdre ses pl'Omenades a che val. 11
s"y I'('ru~a d'auord, ne voulant pas accepter lcs limites étroites quí lui
étaient tl'aCéi'S, et « toul'Ilcr sur lui-memo comme dans un lIlanége.)) Il
¡¡nit toulefois par cédel', et passa, an retour de ~a course, Llevant le
camp anglais, dont les soldats qllitterent tout pom' forme l' la haie.


« Qud soldat européen , dit-i1 nlol's ) n'est pas ému a mOll apl)t'oche? 11
lludson - Lo"e semblait eraindre que l' emperelll' ne s'apergút pus


slIflisHlIllllent qu 'il était pI'isonniel' a Long\\ ood , el ji s'appliquait Chai[IW
jOUl' a le lui rappeler, par (luelqlle offense) quelque \exalion, i[udllUe
brutalité nouvdle. lll'elint d'abord des letlrt's d'Europe, quoi1lu'elles
fllssent arl'ivées ouvertes et par des \oics non suspecles, SOIlS prétexte
qn'dles n'avaient pas pnssé 80\15 les yeux d'lIn secl'étaire d\~lnt. JI fit
saisi¡' ensllite un billet de madame BcrÍl'and, pom' ayoir élé. éCl'it sans
son aulorisation , et il dNendit ofJ1eiellemellt a 1'('mpel'eUl' et aux pl'l'-
SOIltWS de sa nwiSOll [oute COllUHunication cerito Oll vl'l'bule, ayec les
lwbilanls de l'ite, (lui n'uunü[ pas re~ll préalablenwnt son appl'ObatioIl.


Cepenuant le ministere anglais avait fait cOllyertir en loi la décisioll i


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--1
!l7




iiO IIISTOIIH.


diplomalil¡ue du 2 aoúl t ) touchant la captivité de i\apol(~oIl. Le gOllvel'-
l1eur nyant l'e~1I I'llcte dn pllrlement a ce sujet) s'en fit une 1IolI\'ell\'
oecllsion de tOlll'lllenter son I)[·i~()nnie('. 11 joignil iI la pnhlicatioll dI!
hill d!'s réflt)\i()ll~ offen~allles sur les dl'penses de I'empereul', el qui
¡¡raíeut pOllr objet de fail'e cOlIsidérel' comme tmp llomhrellx Ins SI'I"-
viteul's fideJes f!U'On n'mait pu s(~par'er dn 11'\11' maltl'c.


Ainsi lrncassé) hal'celé) PIHlI'Suí,¡ il ('oups d'cpingk, lui qlli a\ail
passc sa vil' iI hl'aH'r lL, ('allon) I'l'mpel"l'llI' s'ahandolllla JlIII~ que jalllais
11 I'enllui, el se tinl ('enfermé llans sa dwmbl'c. 11 lit' sOl'lit plus <tUl'
pOlll' nllel' yoir l[ndqllefois madalllc dc ~l()nl]¡olon, rl'll'lIlll' d\(~z ell.'
pnl' dn l'pcpn!es rouelH's. Cplte damemail un ¡ils rll' sept 01\ hui!. [\I1S,
du 110m dI' Tl'islan. L'pmpcl'l'IIl' s'amnsa il lui fairc rceiÍl'r (\('5 fahles:
et comme I'enfanllui n,olla (IU'il ne [¡'maillail pas LOlls Ips jOlIl'S, (1 Nl'
manges-lu pas tous les jOllrs ? lui dit-í1. - Oui, sire, répolldille jellllP
í\1ollthololl. -- Eh bien! tll dois tl'lnailll'l' LOlls It's jO\lI'S, cal' 011 lll'
doit pas mnngl'(' sí ron ])(' tl'nvaille paso - Oh bien! ('1\ et' eas, je t,':\


I
I \l


vnillet'ni lOllS ll's jours. Yoilil bien l'inf1\1l'Ilee dll lwtit venll'l', dit
1 LOI'd Ifolland prott'sta Iwhlf'lll('llt conll'(' Cf' hill , a la ~;p.eonde lee!nre; Ip. dne d(~ Su..; .... !·x. fri'l'e


lIu prill('t~ l't'-:gent, s'hollora é~alellll'ut par nn(' pl'ott'statinn. lnrs (le la troisjl'tlIf' Ieetul'f',




---- --------


1) ~ NAI'OLEON,
-----1


iil I


Napoléou en riant et enlapant sur cellli de Tristauj e'est la failll, ("t'st
le ¡¡dít yentrc qui fait mOIlYOil' le monde. »


La famille Bakombe visitait souycnl NapoJéon, qlli lui témoignait
lOlljours bt'aucoup d'ínté¡'ot d d'eslime. Le grand maitre dans l'al't dcs
batailles) qlli n'avait pas CI'II , au Briars, quc It' génie et la gloire MI'O-
geassent en se molant 11 une pa!'tie (le Colin-Maitlard avec de je\llws
filies, ne cl'aignit [las non plus a Longwood de eompromettre le lustre
de son nom el la dignité: de son eal'aelel'(', en eontinuant reUe !louee d
inllo('ente fallliliarité, el en se chargeallt d'apprendl'e a jouel' al! billal'd
u 1'lIne des del1loiselles BaJeombc.


Les comlIlissaÍl'cs des pllissances clll'Opécnncs ycnaient d'al'l'iH'I' a
Sainle-Hélene, el ils Msiraient étl'e rC<{\ls par Napoléon. L'amir'al
Malcolm, dans une visite flu'il lit a Long\yood, en pm'la 11 l'empereut')
(I"i fut tl'cs-satisfait de ce hraYe marin, m3is quí lui exprima l'ilIlJlOS-
sibilité oú il se tl'Ouvait d'admeltre allpl'es de lui les commissaires des
alliés. « MOIlSiplIl', lui dit-il, vous el moi, nOllS sommes hommes; j'etl
appelle a vous. Se pellt-il que l't'mpel'elll' el' Autl'ielte, dont j'ai t'pousé
la filie, qlli a sollieité ce Illariage Ü gcnollx, alH[lIel j'aí rendll dellx fois
sa capitule, qui relirnt ma femme et mon fils, m'envoie son ('ornmis-
saire satis ulle 8t'lde ligne pom' moi, sans un petit bout de blllletin de la
santé de mon fils? Puis-je bien le ,'ecevoi,',? ilVOÍ!' fluelque ('hose a lui
dire? JI en esl de meme d' Alexandre, qlli a mis de la gloire a se dil'c
llIon ami, eontre lequel je n'ai eu ([lle des guel'l'es poliliques el non des
guel'l'es pcrsonnelIes. lis ont heau etre sourcrains) nous n'cn sommes
pas moins hommes; jI' ne r~clame pas d'alltl'e litre en ce moment!
Ne devrilient-ils pas tOllS avoÍl' un eccll\'? Cl'Oyez, 1ll0llsielll', que qllalld
je repugne au tíh'e de géllérnl, il ne peut m 'eff\'ayer .. Ie ne le décline
que parce que ee serait eOI1Yelli¡' que jI' n'ai pas été emperem'; et je dé-
[ClltlS iei plus I'(¡onnellr des autr'es 'Ille le mien. )l


L'mniml avait remis a I'emperellr des joumaux qlli annon<;aieut la
mort de l'impératI'Íee d' Autriche et le jugement de I'lllsielll's des généraux
('ompris dans l'm'donnance dll 24 juillet. Cambronne avaíl été [1l'qllitlé,
et Bertl'l1[l(1 rondamné 11 mort. L'emperelll' re<;llt aussi a eelle époque
des lelh'es de sa mel'e, de sa S(PUI' Panline et de son frel'e Lueieu.


La v(JiIle de la Snint-Nnpoléo[), I'empereul' cut la fantaisie de chassel'
la perdrix; mais il ue put nlle[' longtcmps a pied, el il fut ohligé de
monter a ('heva!. Le soir a diner, ayant entendu rappeler que ("("tait la






1----
I DE i'lAPOLÉOl\. 773


Se voyant aiusi un objel de lllépl'Ís el d'holTellr pOli!' l\'lIpoléon el
pOll!' [OllS les Frnn9ais de Longwood , I-ludson-Lowe s'effor9a cl'asso-
del' ks Anglnis de Sainte-Ilélene ti la position hoslile qu'il s'était faite
par ses mallvais pl'océdés'ú I'égat'd dc I'empel'cur et de ses gens. Il
l'épandit en f'onséquence que si l\'apoléon refl1sait de le l'cccvoi,', ce
n'dait qu'l'I1 haine de la lIation anglaise, ct que ceUe haine s'étendait
aux o/'ficiers du !J5e , qu'il ne voulait pas voir. !\Iais ce hl'uit parvint
aux Ol'cil\es de I'empereul', qui s'empl'eSSH de faire \enir 11' plus anden
ofiicier de f'e corps , le cilpitaine Poppleton , ti qui íl dOllnH l'asSUI'HUCe
qu'íl n'avaít jamais ríen dit ni pensé qui pút justifiel' le mensonge du
gouvel'lleUl'. (( Jc ne suis pas une vieille femme, lui dit-il; j'aime Ull
brm:e soldat qui a s;¡bi le bapteme du feH, ti quelql1e nalion qu'il
appadienne. »


Apl'ós s'elr'e fait COU\TÍl' de confusion par l\'apoléon, en ('hel'chant
il se justinel' auprós de luí, sir Hudson ne vit ríen de mieux pour
expli(IUPI' I'infamie de ses aclcs (Iue dc reeoul'il' il de gl'ossit'l'ps insultes.
TI flt appeler le doctell-r (nl(~at'a, SOllS prétexte (l'avoir des rensci-
gneUlcnts pl'(~cis SUI' la sallté tle son prisonnier, el dan s l'inl<mtion
réellc de I'écriminct' \Íolellllllcnt cOlltl'e lui, au sujel de lelll' der-
nie\'c entt'eYuc. (, Dites au ginél'al RonapaJ'te, s 'é('l'i:l - t- il pleill dc
col(~I'e, (IU'il dcvrait faire plus d'attelltion ti sa conduite , parce que,
s'il conlinue, je serai fOlTé de p\'cndre des mesu('cs pou\' augmentcr
les I'estl'ictions qui sont déja exrrc(\es. )) Il accnsa ensuite NapoléoJl
d'avoil' fail pét'ir plusielll's millions d'hommes, el il dit eJl tp\'millant
« qu'il reg:lrdait Ali- Paeha comme un scélérat heaucoup plus ('espee-
talile que Bouaparte, ))


L'empcl'cllI' se I'epl'o('hait, dI! restr , la viyacité avee ¡aquelIe iI avait
parlé au gOl!vel'lH'\lI'. (( 11 et'rt été plus digne de moi, disait-il, d'ex-
prinw\' tOlltes ces cllOses de sang-fl'oid; elles n'en eussent en d'ailleul's
(Iue plus de force. ») Le docll'ltI' O')Iéal':l vint l'assul'el' qu'Hudson-
Lowe avait IlI'omis de ne plus meUre les pieds 11 Long,yood.


Crpendanl les pl'Otestalions verbales, quelql1e énl'rgiques el élo-
quenles qu'clles fU5sm!, ne sllrfisaicnt pas ü l\'apo!r"on pOlll' tt'allsnwltrc
allx g(~nét'utions contempol'aines el a la postérité l'arrN infamant dont,
it son tOUI', il avuit fJ'app(~ ses juges, du haut de son roehel', el dUlls
l'exl'l'cice de ('elle supl'ématie morule que donnent la justice et le génie
el qu'ul1 Ilaufl'age politique lIe fait pus perdre. Il cllllrgea donc le romle


-' -----




774 HISTOIRE


de 3'Iontholon de notifier au gouverneur une l)icce oríkielle, dans la-
quelle ses gl'iers furent développés, et sa rél)ro\)a!ion expriméc a\ee
aulanl de foree que de logicIllC.


H lIdson-Lowe ne cessait de se I'éeriel' sur la M!wllse tle L()n~­
"ood. Chaqlle jour il élcvait de misél'ahles ehicHllcS sur la 110011'I'Ítllre,
sans craindre de compromettre son antorité dalls d'ígllohlcs ddnils,
p~lIl' quelqlles bouteilles de vin ou quelqlles lines de yimule. 11 pro-
posa loutefois J'augmcntel' la dépl'llse de l'em pel'f' lII' d dl' sa slIitl',
pOUl'VU que ec snrplus passút par st's mains; el il 111eI1¡H:a d'opÚ'er des
reh':mchements) si sa proposilíon était l'erUSl'e; ce qui fH Jire it Las-
Casrs, dans son journal : « 011 marchand(~ llotre f':\Ístelwf'. » L'('Ill-
perellr ne youlllt jamais se melel' a un déhat de ce !te natlll'e, el il ((('-
manda qn'otl ne luí nI auellne ('omm¡mication il e(' snjd.


Cepcndant ~it· I1UdsOIl I'('alisa ses merliH'eS : des I'l'duetlons rureIlt rai-
tes, le nécessaire manqlln bientút 11 Long"ood. Un jonr qlle l'nlllpnrPtll'
avait diué dans son intérieur, et qu'il était venll sUI'JlI'endl'e, il In grandE'
table, ses commensaux habituels, iI tJ'()\lya qu'ils avaü'nt ü lwilw dl~
!{uoi manget'. Des ce moment il ol'lloulla que l'on wndit, e!laqul' J11ois,
une partie de son nl'gelltl'l'ie, pOlll' suppléel' iJ ce (¡ue rl'll'anl'lwil odiclI-
sement le gOlIH'I'llellr.


HlIdson-Lowe, non eontent d'avoit· réduit \'PJ11ppreul' ¡¡ n'lIdl'C son
argenterie pOUt' vivre, vOlllut se faire e[1('OI'C de ceHe circonstanee UII
Ilouvcau moyen d'inquiétel' son pl'isonniel'. Cornmc iI y avait des adw-
teuI'S c¡ui se displItaicnt l'avantnge de possédcr 1I11dqlle ehose qui l'lit
appartpnu nu grand homme, et que c('[te ('on('[lI'1'ence avait rail offri['
jllsqn'1I cent gllinées d'uue senle a8siette, le gourernelll' imagiJla (\'exi-
gel' que l'al'gentel'ie ne lHIt étre rendue qu'ü la IWl'sol1ne <¡u'il désiglle-
rait lui-meme. Mais l'empereul' avait déjit songé, de son colé, ü raire
Cl'ssel' eeUe concurt'ence, et il avait OJ'donup qu'O!) ('ffa~M) d(~ l'al'gml-
tel'ie lwisée, toutes les mal'ques qui allrnicnt Illl indique!' (111'clle proye-
wnait de sa maison. 11 n'y cut de conscrvé que Je petils aigles massil's
qlli surmontaient tous les couvcrcles.


Ces dégOlJtS journaliers usaient I'npidenwnt la vie de l'elllpcl'clll'.
L'altération de ses lraits avait fait des pl'Ogr('s inquiétanls, el charlgé
teIlemcnt sa physiollomic, que sa rcsscmblancc a\'l~C son f['¡"rc aIné de-
venail lons les jours plus fruppantc. Ses souffranccs el son dépt')'i~~e­
menl ne l'empechaient poul'lant pas de continuet' les exercices ct l(ls




DE NAPOLÉOi\. 77;;
t,'¡¡vaux intl'llectllels IIU'íl avait enh'epris depuis son Ill'l'ivee dans l'ile.
n'une part, il conlinuait l' étude de l'anglais, que Las-Cases s'était char-
gl~ tll' luí apPI'endre; et il s'o('eupait toujours de ses belles didées, soit
ü SPS genél'allx , soil a Las-Casps et a SOIl Iils, SlI\' ses l'llmpagnes et Slll'


[otiles ks eirconslances m¡'~nHII'nbks de sa vie. Le jOlll' meme qu'Hud-
son-Lo\\e chereha ü le toul'lllt'nter pat' ses del'lliü'es exigences au sujet
de l'al'genterie, il dieta la bataille de Marengo au genéral Gourgaud, et
s 'occupa de relire, avec Las-Cases, la batnille el' Arcole qu'il lui avait
dietee préeédemment. (( Dans le principe, dille Mémoriat, l'emperelll'
faisait lire ses chnpitres le soir. !\lnis une de C(lS dmnes s'élant endol'-
mie, il n'y revint plus, et dí! 11 ce sujet: « Les en trailles d'autelll' se
retr-ouvenl tO\ljoJlI's. 1)


AIlI'l'S tant c\' oulrnges el de pCl'séeutions dont il s' étnit ¡'endll coupahle
enwl'S I'emperelll') et taní d'lmmiliations qu'il en avnit re~lles, Huc\-




77(i IIISTOIHE


son-LoWl1 t!t>manda encore a le yoir; mais l'empprpul' fut in{)l'xible,
et répondit obstinément qll'il ne le vemlÍt jamais. Alors le gouvel'llelll'
se déeidu ü lui envo)'eI', par l'enll'cmise ti'O' 1I1eul'tl, une leltre dnns la-
flllelle il dé(,lal'ait lI'avoil' jamais eu l'inlm1lion de blessf'l' Oll d'inslIlt('r
le yélléral BOllaparle; ce <¡ui lui donnait le dl'Oit, disail-il , d\'xiger de
lui des « excuses, ü cause du langage peu lllodéré donl il s'¡"lail servi
dans lem' (lemiere ent¡'evlIe. )) Illldson-Lo\\e YOlllait aussi des excllses
de la part dll général Bcrtrand, qui nc l'avait pas non plus ménagé dans
un réeent entl'ctien. « L'empcI'cul', dit O' Meara, soul'it aH'C dl'dain a
l'idée de fah'e ses ('xellses Ü sir I1udson-LO\yt), »


Deu" jOUl'S apres, le eolonel Readc vint a Long" ood) el demanda
a dl'C présenlé a l'empereur. Il élait pOI'lelll' (l'llne note dans laqudle
sil' 1IIldsoll ~igniliait dc nourelles exigences. Le coloncl, introduil au-
pl'eS de Napoléon , lui lit la lectul'c de eelle piecc, éerite en anglais) l't
la !'etint l'nsuite sans en laisser ni traduction, ni copie. IIudsou-LO\ve
arait aueté :


« Que Il'S Fran~ais qui désil'eraient rester avee le génél'al Bonaparte
deVl'aient signer la simple fOl'lllUle qui leur serait présentée, et consen-
lÍl' a se sOllmelh'o Ü toutes les rcstrictions que l'on !l0l!rrail imposel' al!
général Bonapa1'te, san s faire auculle observatioll particuliere a ce Sll-
jet. Ceux quí refuseraient sel'aienl directement l'l1voyés au cap de Bonnp-
Espél'ance, La maison serait réduite a quatre personnes : CCIlX flui 1'es-
leraient denaient se considérer cOl1lme assujettís aux loís , de meme qlH'
s'ils daient sujels de la Grande-Bretagne, sllrtOllt a I'égard do celles
(luí avaien! élé faites pour la sÚI'eté dn général Bonapal'te , el qui décla-
raient ('rime de f""onie toute complicité pOli!' l'aidcl' 11 s'énHlt'r. QlIi-
conque, parmi enx, Sl' permettrait des illjllres, des réflcxions, ou se
cOllduirait mal CIlvors le gouverneUl' ou le gouvl'ml'nwnt sous leilueI il
était, se/'ait sur-le-champ envoyé au cap de Bonne-Espérance, oit il ne
lui serait foul'Ili aueun moyen de l'elourncr en ElII'ope. J)


Le docteu\' ayanl C'ommuniq lié tI :\'apoléon ce décret sourerain de
son geóliel', l'emperelll', apres f)nelqul's obsenatiolls sur eeHe tyl'an-
nie, termina par dil'e: « J'aimerais micllx qu'ils fussl'nt lous pal'lis,
que d':1\'oir quatre on cinil personnf's autoul' de moi, trcmblantes sans
cessp, p[ !lwnacées a ('ha que instant de se yoir emharf)uel' de foree;
cal', d'apl'es cetll' cOIl1llluuicalion d'hiel', ils sonl pnlicl'enwnt ü sa dis-
crétion. Qll'il remoie tout le monde, flll'iJ place des sentinelles au"




f)E~APOLÉO:"l. 777
pOl'tes d allx f('fiell'CS, qu'il ne m'envoie que du pain el de l'eau, pcu
m'impOl'tl'. !'\Ion csprit est libre. Ce CliUl' esl aussi libl'c que 101'S(IU8 je
donnais des lois 11 l'EUl'ope. "


Nous n'avons pa5 encore dit pourtant toutes les I'estl'icliolls auxquellcs
lIudson-Lowe voulail soumettre l'empereur. Il déclaJ'ait, en vcrtu de
~on omnipotence dans toute rétendue de la prison cOllliée a 5a garde,
que Napoléon ne pourrait sortir de la gl'ande roule, ni entrer dans
alleune Illaison, ni parler a ancune pel'sollIlC qu'il reneontrerait dans
ses promenades iI cheval ou tl pied. 11 était enslIile expliqué que les
l'cslrietions imposées au général BUI/aparte s'appliquaient égalernenl aux
pel'sonnes de sa slIite.


011 cut d'abcml peine, a Long\Y(){)d, de croire ü une pareille aggra-
valioIl d'lIn systcrne déjü si rigoul'cux. Le doeteur fut chal'gé d'oblenir
du gou VCI'ncUI' une explication catégol'ique a ce sujet. Husdon-Lowe la
donna sans I[(~sítel' el Silns ehercher a en atténuer les dispositions révol-
tantes. Et romme il était fol'lpment [lrt-occupé de la pl'olcstatioll of(i-
cielle que lui avait adressl'e 1'11, de ~lontholon, il youlut savoir si cdle
dénoncialion élwrgiquc avait ótt- ellvoyée a Londres d duns le reste dto
I'ElIl'Ope, et s'jl eH exi~tait des eopies dalls l'ile. Sur la réponse ufíil'-
malive d'O'.\Ical'u, jI fut saisi de la plus vive íWllliétude.


l\apoléon s'aUPlldait tl tout de la part d'Illldson-Lo\YE', et ille IlIi
avait déelaré 11 lui-mcllle, des leu\'s pl'emieres entl'evues. Cependant la
(temiere mesure l'irl'ita eOlllme si die avait été all delü de ses prévi-
~ions, et il hésítait 11 c\'oire <Iu' allcnn ministre anglais l' etlt ordollllée ¡
(luoiql1e le gouverneul' lui cút fait dil'e par O'Meara qn'il ne faisail rien
que d'apres les ínstructions de SOI1 gouvel'l1emellt. (i Je suis súr, dit-il,
(tu'au(',ull allLr'e minish'e que lord BatIlllI'st ne vOlldl'ait dOllner son COIl-
spntenwnt a ce del'l1ier acle dc ty,'amüe. »


Dans I'expl'ession de ses pIuintes, NapoIéon avait dit (( qu'on abré-
geait sa \ie en l'il'rilant.» Son lotat empirait chaque jotll'; la Iic\Tel'a-
vait gagné, el il éprouvait un rnaIaisc général. Nul de ses comp:Jgnons
(l'infol'tulle ue voulllt l'ahandonllcl', quelque dlll'cs (lue pusscut etre
les ('()[]ditioIlS d'HL1dson-Lo\Y(~. lis I'ell\oyercnt donc an gOllVPl'Ill'lll'
lem' déclal'ation signée, telle qu'ill'avait demandée, en substilllunt tou-
td'oís ( I'elllpel'em' Napoléon ¡¡ Napoléon Bonapal'le. )) Hudsoll-Lowe
I'dllsa d'adhé,'er ¡¡ re changemenl, d iI remoya la dérlal'al.io!l HU g(;-
n(~I'al Jkl'lrand pOllr rétablil' sa prel11ii're n;daetion. i\apoléoll) illstl'lIit




77H HISTOIllE


de ce demolé, demanda qu'on y mil fin par UII I'efus de Siglll'I', el
(IU'on se IaissUt transporter au Cap,


Le gouverneul' vint en erret a Longwood p01ll' informer le gencral
Bedrand que, vu le I'efus des gl~néraux I de Las-Cases, des officiel's el
des domestiques de signer la dérIgration telle qu'il l'cxigcait, ilti al-
laicnt tous éb'e immédiatement envoyés au cap de Bonnc-Espérance,


Cctte résolulion, dont I'exécutíon étaíl imminente, produisill'cHet
que s'en daít san s doute promis le gouverneur, Les hOlllllles qui s'¡',-
taiellt resignes il un exil Iointain el il IIne reclllsioJl dl'oitl' pour {larln-
gel' le SOl't dn héros qu'i1s adrniraient el dH"rissaicnl par-d¡>ssus tOllt ,
durent se sOlllneth'e 11 I'al'bitrairc plutót flue de suhil' In sép:lI'lllioll
dont lludson-Lowe les mena¡;ail. A l'inslI de l'cmperenr, ils se rell-
dil'ent apl'cs minllit ehez le capilainc POpplelOll el y signerl'llt tous rack
dI'essé pm' le gouvernl'llJ', il rexception do Snntini, qui s'obstillu il J'('-
poussel' tout écrit ou son maltl'e ne serait pas qualifié du litre d'cmpt'-
['em' ,


Ce nouvcau temoignage dc dévouemenl donné ill\upoléon par ses
lidelcs seniteurs ne I'étonna point. « lis auraient signé liranno Bmw-
parle. dil-il, ou tout autre titre ignominil>llx, pou!' res ter ieí avcc 11Ioí ,
dans la misere, plutell flue de relourner en EUl'Ope, oi'! ils poUt'l'aienl
"ivl'c dans la spIendeul'. )) L'cmpereur eonvelluil, du reste, avec k
(Ioctelll' O' Meara, qu'il serait ridicule de sa part, si les ministrcs an-
glais ne I'y ohligeaient par lem affectation 11 lui rel'user ec titrü, de ¡;p
qualifier d'empel'eul'. dans la posilioll OÚ iI était, « JI' rcsscmhlcl'ais,
disait-il, a un de ces pauvres malheUl'eux de Bcdlam qui s'imaginpnl
dl'e I'ois au milicu dc Iellrs ehaines et dc ICIlI' paillc, )) l\lais e'étai[
le dl'oit du peuple fI'lln<;mis, biell plus ljll'Un intél'ét dc vanile, qui le
I'endait inflcxible sU!' ce point.


La hllinp du gompI'l1cur pom' l\apoléon s'etendait il tous Ics Fl'an-
~ais de Longwood, milis elle avait un caracterc pllI'liculier d'intensit(,
pt d'encrgie a I'égard de Las-Cases, dans lequeJ Hudson-Lowe voyuil
déja J'indiscrct révélateur dc ses busses vpugeances et de s(~s infamies
joul'l1lllieres. POU/' se débarrasser dc ce sllrvcillullt incomulOde, sil'
ll11dson imagina de lui enlever un jellne l11ulatre qui etait a son senice,
l'l qui repm'ut ensuite furtivcment a Longwood pou!' off['ÍI' a son aneien
maitre de se charger de [oules les lclll'es et missives qll'il voudrait fain'
pIlSSl'1' ell Europe. Las-Cases, qlli croyait ü In franf'hise f'l ti I'hOIIlH'lII'




DE N AI'OLÉON. iin
dll jellne homme, lui confia enb'c autrcs une leUre pour Lucicn Bona-
parte. lIudson-Lowe en fut immédiatement saisi. Las-Cases avait don nI"
dans le piégc; l'all'Oec geolicl' tI'iomphait, la loi de terl'eul' qu'il avail
imposée aux habitants de Longwood a llait etl'c appliquéc u cclui d'cntre
('IIX dont il avait le plus d'envie de se défaire. Las-Cases fut enlevé, 11
la fin de novembrel!H 6, el mis an secret a Sainte-HéUme. I1l1dson-
Low(' 1 apres la visite de ses papiers, lui fit subir un intel'rogatoil'e ,
et Hnit pm' ordonncr sa déportation au Cap l. La fidélité , victime d'une
tl'ahison, mél'itait d'ctl'e consolée. Napoléon y songca; il éCl'ivit ú
Las-Cases dans sa pl'ison, mais sa lcttrc fut rctenuc par le gouvcl'l1eul',
PI ('He lIe pal'vint ¡¡ son mh'cssc qu'ap,'es la mOl't dll gmnd homme,


, IA'dudenr O'U<'-al'" ayanl cssay" (fadOIll'Íl' 1I11l1son-towe, en faisant valoil' I'da! erili4ue dll
¡¡'IBU' I.a!'-Ca:-cs : ~( Eh! 1l10ngÍ()III', ¡ni 1'''>polHiille gouvernrul' avec implltlellCt' , tllle fait i.lprl·~ tlllJl
la fIlO1'1 ~rlln rnfallt;\ l<l politiqut'7))




L 11.\ l' lT H L L \! El "E H \ 1 EH.


Ol'IIG.\C1J, qlli H\aill'lI, aVL'(~ Las-Cast's, qucl-
(llH'S'l/IlS (](' ('('s 1ll01ll('n!s d'hlll1WUI' I'! rll'
hOIHlp,'i(' donl parle /e ¡}Jl'/lIo/'iul, 1Il' \oulllt
pas lilisspl' partir ('('[te vidim(' privilt"gi(',(,
d' 1I11t1 SOIl-Lo\\\', SilIlS lui [('llloigrwl' <[l((' k,
(,O'lIl' n'milit 1'1,', pOLlr .'ien dami Il'S ('Olltl'(l-
l'il'tl'S qtl 'il" avaiml (;Pl'OlIVr"('S entre l'l/X, 11
dL'lllHllda dOllc Ú [I(,(,o!11pagllel' Ikl'trand, qlli


avait o!Jlmll dt' voir La,,-Casps, d il" vinrl'lIt ('lJsell1hle raíl'(' ll'lIrs adi(~lIx
a ICIII' illforllllJé ('ollJpnglloJl, dOIl! I'('\íl \o!onlail'l' l-tait ('o!11 11 11 1(' ('n
ulle al'fl'PllSP déportatioll '.


I TI'(lfl~POI'I{~ tI'ailord ;m C:lp, 1,<1"-(;;1"1'''' ohlinl ('lI"'nill' di' P;I~~('r 1'11 l· I1l'fllW , 011 il¡'''''II\";ll'lH'ul'('
d(·s I r;w:ls<':j'rk.., ct Ui''''; pcr:;;t'Cllf ton..:.




IIISTOIRE DE i\AI'OLÉO~, ¡Si
Ap.'(·s 1(· depal'l de Las-Cases, les vexations eontinuórent tomnl("


illl/W"i1V;I/l{ h Long\\ood. Le doctem' O'Jlélll'a pretllit tOlljollrs son ClJ-
ll'cmise pou\' les communications pénibles que l'"apoléon arail ti I'ec('-
loí,' du gOllVCl'HeUI', rt il s'acqllittait de celle tüche difücile de manióre
i. m('l'ih'l' dwque jOl/!' davanlagc la con(iance de l'empe,'elll', et ú se
I'l'ndl'e de plus en plus sllspeet it HlIdson-LO\\t'. Cellli-ei semblait s'at-
laelll'l' opiniatl'émmt Ú justifier le mot de l'"apoh'~()n, « <JII'OIl lui Ill"ait
enyoyé pis qU'lIIl geoliel'.» La pel'sécution se renouvelllit lous les joul's
el sous tOlltes les formes. A l'occasion de l'ouYl'age de Pillet Slll' I'An-
gll'lcl're, que l'empeI'eUl' avait desiré pal'colll'Í1' d qu'il avait fait de-
mandc,' par O'Meara, si!' Illldson [JI'it dans sa bibliothóqlle un Jiv/'('
intitulé: Les Imposleu1's insignes, ou Ilisloire des 1/0111 111 es de néant de
100des llalioT/s , 'tlli Ollt usurpé lit f/ualifé d' empereul') de roi el de 1Il'illee.
« Vous ferez bien, dit-iI ensuilc au doeteUl' en lui .'elIleUant cel l'crit ,
<le portcl' llllssi ctlla au gélléral BOl/llpar/(', Pellt-etre y 1,'011\"('\'(1- t-il
(¡ .. eJlll/e ea"Hctel'e qui I'essemhle all sien. " Tel ét;lÍt I'homrne que le
/IIIIS g¿néJ'ell:C des l'llIwmis de Napoll'oll ,1\ ait ('h()i~i pou\' ('epl'éscn1e1'
dign('ment il Sainte-lIékne la pensée de hnine <'l ele n'n¡¡;enrH'P Ms l'Oi~
d fll'S al'istocl'atcs PIlI'OP(;t'IlS , il J'égnl'fl du hél'Os (1l1Í les mait tous tl'Op
l'pargnés!


l\apoléoll ¡¡yait done bien jllgé el eal'adél'ise sil' 1I1/(1~on , (llHlIld il
llli avuit jeté a la faee l'épithd(> de shil'e si('ilien : c'était u peine IlIcme
si cc mot pouvait rcndl'e tout ce qu'il y avait de bassesse et d'nhjeetioo,
d'llstuce et d'atrocHé dans l':ime de ce hidf'llX geoJier. Son langagc
dait lc pal'fait miroir de son flllle, les termes les plus grossiel's lui
sl','vaicnt habituellement ti l'xprilllP" lPs sentílllcllls les plus i¡mohll's.
Déblalt'wnnt un joul' ('onlr'e les fldólrs cOmpn¡!J101lS dt' l't'IlI¡Wl'elll', il CII
,int ú dire que « le gélléral Bonallar{c s'en Í!'oll\cl'ait heaUcollj1 miplI\
s'il n'étail "as l'ntOlll'é dI' meJllell/'s CO\llIIlP ;\}onlholol1, d el'ull SOIl of {f
/lildl j ('ornnw Rf'l'll'1lllf\, qlli aimaillolljolll's iI se plaillfll'(, , "


11 est cel'lain que l'entoul'age de l\apoléon genail l'l'xét'uteur des
hautes-wlIVI'es de la sainte-alJiaut'c, Hlldso!l-Lo\\(' aUl'ail ,-oulu que la
longllc tortUI'e el le suppliec lent du gl'and hOllllllc He fussellt point
aJoll('js par' les e0l1S0la[iolls d le dé\Ouel11c'lIl de I'mnitié; iI aurail dé-
sirio I'l'appt'1' sa Yiclilllc dan~ la solilude, sans er:linte du Ill'uil d des


I I( Cellí~ j·\IU'¡·S:-ÜUII. lIit (r"tp;H'.1. ll'c:-;t l1'í¡téf' l{1lC' panlli If'~ r::rlls de la Jlll1s1l;1~~e l"!assl' ('11 AIlt;le·
ICrl'(': (']k v,'ut dire (i/8 r!f' rf¡;rl/ilr .•




1I1STOIHE


l~eh()so Cest dans ce but qu'i! arait d'abord éloignc Las-Cases, d /fll'il
s'dfol'ca ensuite d'écartel' le dodeU!' O'Méal'ao ,


« Vous m'cles snspect, aVllit dit plnsienl'sofois 1I1Illson-LmH' au dOt,-
lem'; je me défie de vous; ,) et il avait l'cl'it en cons(\quence 1\ LOII-
dres) pOUl' le faÍl'c )'envoyer de Sainte-Tléleneo


Tandis qnc eette dénonciatiou ehtminait vers l'Enropc) ()' Meara,
bl'twuul les soupt;ons et les ressentiments (in gonverneur, ne cessa pas
de visitel' assidúment son iIlustro malado el de lui fou rnil' , Ilon-seull'-
ment les secours de son art, mais toutes les eonsolutions que les cir-
eonstances pouyaient pe I'l1Wltreo Comme iI n'était pas soumis aux ri-
goureuses consignes dont les habitants de Longwood étail'llll'ohjl'l .
il les fuisail profiter de la libel'té de ses l'elations au dehors) el l\apo-
léon ren réeompensait par la plus intime confianceo


Dans les rares moments de tl'unquillité llue lui luissait le goun'l'-
I1eur, Napo]('on, a\"Ons-nous <lit, se plnisait il passPl' en r"\11e les ¡lPl'-
sOllllages historiques, ou ti Irniter (\lIl'1(!ue point importanl de la poll-
1¡(lue contelllpOl'ain(' o
~Jais c'l>Iait surtoul la rc\OllIliofl, cOllsidt'l't,l' dans 5011 lH'incipt' t'I


dallS :-;Oll l'nH'lllhll' o ellu' l'empc'I'pur cllt'adel'isail Inrgt'llIt'llt. de la hall-
leUl' philosophiqul' el de la posilion impartiale oú I'aurel'silé I'arnil
porté ell mdlnnt {in pl'émutllrt'lllent il son existenee politiqueo « La I't:-
\olution fran~nise, disait-i1, n'a ras élé Pl'odllite par le eh oc lit, dt'lIx
familles se disputant le tr(¡ne, elle a été un mOllv('ment genéral ele la
masse de la nation contrI' les lll'ivilégii~s. o o G uidée essentiellement pat' 1('
llJ'incipe de l'égalité, elle détruisit lons les restes des temps feodaux et fH
une France nouvelle, ayant une division hOIllogcne de tel'l'itoire, mcme
o/'ganisntioll jlHlieiaire, I11t\me ol'ganisalion administrative, n](~mes lois
civiles, mClllt'S lois criminelles, mcme systeme d'impositionso o. La
Franco Ilouvelle présenta le spectacle de Yingt-ciw[ milliolls d'úmes lIe
fOl'lnant qu'ulle seu!e c1asse de citoyens, gou\'Cl'nl's pat' une meme [oi ,
un meme rt'glelllent, nn meme ordre o 1'0115 ces dWllgcmenls élaielll
l'onfol'mes uu hicfI de la nation, it ses droits, ti la marche de la civili-
sa tÍOll o "


Si la reYOlulion tire son origine du prillci(w de I'i'galité; si le gt"llil'
de la ei\ilisation lui sed ch, guide) e¡ue pell\ent dOIH" coult'(' dl(' ses im-
placables ('[ superbes ('[llIemis l lis ont henil ddl'ó!l('l', exilel', l'IlIpri-
~onl1t'r, torhllO('I" 1(' grnnd hOUllllc' fluí I'n reprt'Sentee il !ems YPlI\ ,




DE 'iAPOLEO'i.


("('sl i1 elle (111C l'aveuil' es1 [ll'Omis , 11 di!' que l'uH'llil' appurlil'lIl. 1~loi­
!!IH"(' dll gouvernenwnt , die se rérllgil'ra dUllS la SOCi(·tl~ .• \ IIrl's i\apo-
I('on, la [lresse lui senil'a d'c)l'gmw, la pn'sse IlIi rendl'u Ull jOllr 11'
gouvel'llement. Le lwisonnier de Saillte-lIéll~lIe, ú trayers ses fl'l't',
ape)'(.;oit, dans le lointui[l, ce nOll\eall 1l'iomphe de la cause ~ain1e pour
Iaql1elle ji souffre el il roelll't. (, ¡\yant Yin~;t ans, dit-i1, lor5(IUe je senti
lIIorl el .. enfermé dans la tombe, vous venez en Franee ulle 1I01l\elll'
n'nolulioTl. » (O' l\IE.\RA. )


Sa prédiction TIC s'aI'l'cte pas ü In FI'aTlce; h~ Iwincipe dl' l't'galill'
llIl'nace allssi l'al'Ístocratie anglaise. « \' ous avez VOlls-lllcnws un pTand
fOllds dI' mOl'glle aristocratiquc dans la teLe, dil-il au (\oeteur, el vous
pamissl'z I'cgal'der votl'e canaille eorome Hne race d'ctl'es inf('ricul's.
\" ous par!pz de \olre liberté! ¡¡ellt-il y mojI' qllc\que dlOse dc pllls hor-
rible que votre prcsse des mateloLs't ... El ccpendant vous avpz l'im-
I'IHlence de parlel' de la cOlIseriptioll en Frailee! CeJa Llesse \otl'C
ol'gueil, pm'ce qll'eJll~ ne faisait lIucune distinetion dt~ I'allg. Oh' '1 11 e 111'
IlIllllilialion (11lP le fils d'llll gentleman dllt Ctl'e obligé de ddl'lldl'l' SOIl
pays, ('omme s'il fajsait pal'lie de la canaille, el qn'il tlúl dJ'(~ ohligé
d'I'XpOSel' oa vil', ou de se mettrl' au niveall d'lI11e vil' plébéiell[le!
Pourtalll Diell a fait tOllS \es l!Oll1ll]('s égam,! \Jui l'olllpose la nalion'!
el' lIe sonl pas yoS lords, ni \Os gl'os pl't~lals el \OS hommes d'églisl',
ni \OS gentlemell, [Ji votre oligarehk. Oh! 1111 jour le pCll pie se ven-
p;era, el on veITa des scelll'S terrihles. p


Be l'histoit'c et de la [ll'Ophétie, NapoléoIl aimait sllrtout Ú ~e jell'r
(Ians I'examen apologétiqlll' de SOll regnl' 1'( dI' ~a vie, qu'i1 rl':';lIlllait
l'1I quelllucs lignes éloqllentes.


« Apres tout, disait-il, i1s aUl'OlIt beau l'etranehel', sllppl'Ímer, 11111-
lilet" illelll' sera bien djf(icile de me faire dispanl1tt'c tout a fait. L"II
histol'Íen ft'all~ais sera poul'lanl bien obligé d'abol'dcl'l'l'mpil'l') d, s'il
a du (,(PUl' , il falldl'H bien qll'il me l'cstilue qlleJljllC ehose, (IU 'il 1111'
rasse ma part, el sa túche sel'a bien aiséc, cm' les faits parlent, ib
hrillenl comme le soleil.


" J'ai rdenué k gOllffl'e allal'd.lÍl[lle l'l débl'ollillé le clwo:-:, ,rai dl'~
sOlliJlé la révollltiol1) ennobli ll's peuples el rarrel'mi les mis. ,,'ni ("(-
('ité toutes les élllnlalíons, 1'é!~OI1l[lellsé IOllS les mérites, et l'l'cllll~ ll'~
limites dl; la gloil'('! Tout cela e¡,:l biell (IUelqllC ('host'! El puis, ~1II'
'1"oi pOIlITnit-olllll'allaqw'l' '1"'Ull hist(lrÍl'1l !H' pllissC' 1111' (ll'[('!HII'(' '1 SI'




7S't H 1ST O II\E


l'aient-ce mes intcntions 't mais il est en fonds pOlll' m'absoudl'<', i\Ion dl's-
potisme 't mais il démontrera que la dictature était de toute néccssité,
Dira-t-oIl que fai gené la libel,té? mais il pl'Ouvera que la licellce, l'a-
narehie) les gl'amls désol'dl'es étaif'nt encon' nn senil (le la p(ll'te. J.\Il'ac-
ensera-t-on d'avoir trop t1imé la gucrl'(,? mais il montr'cra (Iue j'aí tOll-
jonrs été atta(Illé; d'avoil' voulll la monDl'chie univrrsdle? mais iI fera
\oir qu'elle !le fllt que I'fPuue f()f'tuite des ('ireon~ta[)ces) que ce furl'lIt
nos enuemis eux-meml's qui m'y condui,il'ent pas a pa's, Enlin sera-ce
Illon ambilion? ah! sans ¡Joule, iI m'en tl'Ollyera, el bcml{'oup; mais
la plus gt'ande el la plus hUilte qui ful p(,lll'l~h'(~ jamais ! ('elle d'{>tablil',
de cousacrel' enlin I'elllpil'l' de la l'aisOIl , l't Il' plein exereil'(', l'ent.icl'c
jOllissanee de loules les facllltés humaines? El iei I'historicII peut-ett'e
se trollvm'u rédllit a devoit' rcgretkl' qu'tllle telle amhitioll n'ait pas él(~
aceomplie, satisfaite ! ... En hil'n PPll dI' mots, "oila (lOll 1'1 n n t tOlllt' mOH
histoire l. " (!llémo/'ial.)


I1udsou-Lo\ve avait résolu d't'llle\l'I' O'c\Jéam a ~ap()léoll, ('omnlr'
illui avait arruché Lns-Cases. i\"'ayant pll ohtenir, a Londl'cs, le rl'lI\oi
du doell'IIl') il imagiua de le SOlllllcttre a SOI\ t.our iI lIne consigne teJJe-
ment odieuse l'l \e\atoil'e, qll'illl¡~ pút la SUPP0I'(t'!'l'l qu'il uli( dll'l'ehel'
il s'y soustrnil'e par uue pl'Olllpte déUJis~il)J1, Ce Jlloy('n Iui I'éussir.
(J')léal'<J, confiné dans I'enceinte de Longwood 1 privé de la soeidé des
:\nglais el I'éduil a n'uvoir de relation avee perso\lne, e\('pplé pOUI' ('('
llui se mppol'tnil [, son senicl' módical, essnyn de fain' rhoquer ceUp
s(\questl'ation en s'adressant a l'amiml Plal1lpill qui ("tnit au Brian;;
Illais l'alllil'al n'ayant pas \oulu le ri:'ee\oil', il pl'it le pal'ti dc se dé-
lllt'ttI'C, el il cn écri\jt ilUlll¡"diall'nlC'nt au gOU\('I'IH'lll'.


i\lais les ('oll1nlissaircs des puisslll\('e~ aUi("l'S, sachant (JlIe la sank
de l'empcreur l'\igeait des soins t:ontinus el l'l'aignant que le départ dll
docleul' O'MóarH, aHlllt qu'oIl lIC lui cú! dOllllt\ lIn su('('esselll' (lui fM
al't'ept{~ par ~apoléon) n'allll'lI<H des Í111'i(lcnls fúelwllx el eapables d'ng-
graver la l'l'spoIlsabilité de lelll's mlll'S l'l'spediH's, in~islerl'nt Impl'l'S
du gouH'I'IH'lIr pom' que Ic mélll'C'Í1l auglais l'cprit SOl I S('I'I j¡'c allJll'cs
du prisollnicl' de Long",ood. Hlldwll-L()\\e) apl'es tI\' IOllgucs et \in'~
t1isclIssions, nniL pal' ~I' \'t'n(II'!', mnis ('n se }'("sl'l'rant toutdois d(' ['('-


, \;tpoléOJl s<l\"aillJil'I1 'lIl'CIl íll"lJitdl' l;¡ ,oi\ dlllWllple, 'llÜ ('sl eelll' dt, Hit'u. ~a llu"JIluil'C I'('!I~
cOllh','r:lit d,'s d(;lradl'l1r~: -mlÍ" H ",'('11 in'I1tH"lai! 1 ('11 j'[ ~t' ('olllt'tilail <k ditT; " 11 ... IlIonll'(llt{ ~1Jt
dll gr:tllit. '




··_·_··-1
DE NAPOLEO;'¡


nouvder ses calomnies et ses instances, a Londres, comme ses machi·
nations ct ses lracasseries a Sainte-HéIene, pOOl' panenir' un peu plus
tard a son hul.


11 eommenc::n pat' e\cifer le commandant du 66" régiment, qui avait
remplaré le ti5", a exclure O' Méara de la tahle du ror[ls; el, tandís
qu'une cOl'rcspondance éfait suivie aetivemenl de pnrt et d'autre sur ('el
affront, le doctrlll' recut une leU¡'e du lieutennnt-rolonel, Édouard
Wynial'd, qui Ini annonc::ait, au nom d' lIudson-Lowe, que le comte
Bathurst, par ordre du ~ 6 mai1818, lui enjoignait de cesser touí SfH'-
vice aupres du gúné¡'al BOI1flpal'te, el de « s'interdi¡'e toutes entrerues
nltérirures arre les hahitants de Longwooll. )).


(1 L'humanitt', dit O' .\Iéara, les devoirs de ma profession et I'état
aciuel de la santé de Napoléon me défendaient d'obi'ir ti ces ordres in-
humains.,. :Ua résolution fut prise aussitót. Je me déterminai a dés-
obéir, quelles qu' en pussent etre les eonséquences. La san té de :\" apo-
léon exigeail que je lui prescrivisse un régime el que je lui préparasse
les médicaments nécessaires, en l'absellce d'un chirurgien. )) Le géné-
reux docteur rcvin! donc a LongwofHl el communiqua 1¡ I'emperenr
l'onkc rlu comte BathursL (1 Le crime se consommera l)lus vite, dit
Napoléon; j'ai vécu !mp longtemps pour eux. ))


O' ~l('ara s'empressa de donner il son maladl' les instrurtions médi-
cales qui devaient lui servil' de regle apres son départ. Comme iI finis-
snit de pader, Napoléon prit vivement la parole et lui dil :


« (!uand vous serez alTive en EUl'ope, vous i['ez vous-meme trourer
mon frere Joseph, Oll VOIIS envel'rez vers lui. Vous lui dil'ez que je
desire qu'il vous donn~ le paquet eontenant les leth'es particulieres el.
confidentielles qui m'ont été écl'ites par les emperpurs AIexandl'e et
Franc;ois, le roi de Prllsse, et les autres souverains de I'Eurol1E', que
je lui ni f'onfiées a Rochcfol't. Vous les publiel'ez pOllr eouvrir de }¡oute
ces souverains) et décollvrir au monde I'hommage vil que f'es vassaux
me l'endaient, lorsqu'ils sollicitaient des faveurs ou me suppliaient pour
leurs trónes. Lorsque j'étais fort, el qlie j'avais le pouvoir en mnin,
ils !JI'igne¡'ent ma pmtee!ion el l'honneur de mon allianec, et ils le-
eherent la poussiel'e de mes pieds. l\Jaintellant que je suis rienx, ils
m'oppriment luehemelll, pI me sl;parent de ma femme et de mon ell-
fllllt. Je vous lwie de faire ce que je YOllS recommande; rt si YOllS YOyf'Z
publiel' f'Olltre moi des ealomnies SUI' f'e quí s'est passé pcndant le


99


I




-~---I


IlISTOIll E


temps que vous avez été avec moi, et que vous pllissiez dire, j'ai ''U
de mes yeux que cela n'est pas vrai, contl'ediscz-les. )J


L'empereur dicta cnsuite au comte Bertrnnd une leltI'e, au bas de
laquelle il mil un post-scriptum de sa maio, pour recommander O' i\léara
a l\Iarie-Louise. n chargea le doeteUl' de s'informcl' de sa famille et de
(lire sa position a ses pl'Oches.


« Vous leur ex primerez les sentill1ents que je consene pOllr enx ,
ajouta-t-il; soyez l'interprete de mon affection nupres de ma bonne
Louise, de mon cxcellente mere et de Panline. Si vous voyez mon fils,
embrassez-le ponr moi, qu'il n'oublie janwis 1I1I'íl csl né prince fnlll-
<;ais! Témoignez a lady Holland le senliment que j'cntrctieIls de sa
bonté et l'esUme que je lui pode. Enfin, táchez dI' m'envoyel' dcs
I'enseignements authentiques sur la maniere dont mOll liIs est élevé. "
A ces lIlOts, I'cmpercUl'. pl'cnant la maill du dOetcllI', \(' se ITa dalls


ses hras, en lui disant ; (( Adicu, O'lléaru; nous ne nous reverrons
plus. Soyez h('\1l'c\1;(! "




DE I"\APOLÉUN. iS7
Toulcs les sóparatioIlS douloUl'cUSCS ll'daicllt pourtallt pas accom-


plies pour Nupo!t·on. A peine O'l\Iéal'a avait-il quitté Sainte-Hélene,
que GOllrgaud fllt obligé a son tour d'abandonner cette ile insalubre,
pour arreter les progres de la maladie qui le dévorait depuis longtemps.
QlIand le g(~I1éral arrha en Europe, il répandit parloul les alarmes
clonl il etnit plein llli-mórnc, sur la santé de l' empereur. La fmnille du
gl'and homme, déjiJ. si profondénwnt aftligée, en ressentit la plus vive
inqllil~l\ldl'. Sa merc surtout, en appl'enant que le fils qui R\ait fait
son bonheur, el qui fnisnit tOlljol!rs sa gloit'e, élnil altcint d'un mal ql!i
pouvait devenir mortd, sans avoir a c(¡té de lni un médecin pour lui
prodiguer les reSSOUl'ces et les soulagements de l'art; sa mere, tou-
jours si tendt'c ct si bonne pour lui, fut ,iolemment remuée dans ses
cntl'aillcs. Elle fit intenenir le cardinal Feseh, son fl'Cre, aupres de
lord Ralhurst; et le créJit de son éminence \alut iJ. madamc Lccliliu
['autorisation d'envoycr a Sainte-Hélene le docteur Antomarchi, avec
un numóni('r et dClIx ault't's personnes.


Antomat'elJi arri\'a a Suinte-IIélCne le ~8 septel11bre ~819. A son
grnlt(l étOllIletllCut, il ful aecucilli affeclueuSellll'tlt IJar Iludson-Lo,,"c,
(¡ni se plaignit, fin ['(jste , de la fierté, de la rnuesse et des protestations
dll ginira{ Bona¡JaI{(,. lUais cet accueilll'empecha pas les dignes agents
dll gouverneUl', Heude et Gorrequer, de rrmplÍl' le role odieux dont
ils étaient ehargés. Gorrequer s'exeusa sur ce qu'il était forcé de "isi-
ter les leUres, rnanuscrils et lllans qu'on voulait faire parvenir a Long-
wood, et Reade, sans présenter d'excusc, procéda u la visite miulI-
tieuse des effets d' Antomarchi et de ses compagnons, parmi lesquels
figul'uient dt·ux ceclésiastiqul's, les abbés BuonaYita el Vignali.


Anlomnrchi ne fnt pas aussi bien re~ll a Longwood qu'o. Plantntion-
HOl!se (liel! de t'ésidence du gouverncur). Comme l'empereur n'avait
été prévenu de l'nnivée de son nouveau médecin ni par le cnrdinnl
Fescll, ni par aucun nutl'e membre de sa famille, il hésita d'abord a
l'admetll'e. Tout ce qui lui venait d'Anglcterre, ou par l'entremise du
millisttTe anglais, lui inspirnit de la méfiance. Cepcndant Antol11nrchi
dissipa ses soup~ons, a la prerniere entrevue. Cornme il avait failli etre
renvoyé avant d'nvoir pu s'expliquer; « Vous eles Corse, lui Jit
l'emperellr; voila la seule considél'ntion qui rous a snuvé. )) La con-
fiance une fois établie, NapoléoD s'informa de sa mere, de sn fel11me,
de ses freres et de ses s(eurs, de Las Cases, d'O' ;¡¡éara, de lord et de


I
- --- .~._~-- .




HISTOII\E


lady Hollaml. Apn>s ces divel'ses (!llcslioIlS, le doctelll' fut coni!pdi(~;
mais, au bout de quclques heul'rs, on le 1'appela, et il duí pl'(wedrJ'
alol's a l'examen des syrnptómes que presentait l'étal du malade, al! se-
cours duquel il était. accourn du fond de l'Italie, el ir Irawl's Irs mrl'8.


(( Eh bielI ! doctellt', lui dit i\"apoleon, qU(~ vous <>11 semblf'? Dois-je
troubleJ' longlemps f'J1COJ'P la digestiol1 des rois? - Yous !eur su\'\'i~
\Tez, sire. - .Te le erois. lis ne lllettront pas ,w han dp I'Eu1'ope le
bruit de nos ,ie[oires ; iI trave1'sera les siedes, il proclamera les vain-
queurs et les ,~aineus; ceux qni fllrent g¡"uérellx, eeux (Iui ne le furent
paso La pos té rit¡'>" jugera; je !le rJ'ains pas ses dérisions. - Crtte yir
mus est acquise." , mais vous ne tOllchez pas an tenne; il vous reste
un long es pace a parconrir, - i\"on, doctem', l'u'uvre anglaise se
eOIlSOlllme; jr ne }luis ailer' loin sous cet affrellx climat. )) Cependant
il consentit a slliul' Irs Iweseriptions de la médecine, a laquelle il
s'élait tOlljOUI'S lllontl'é I'ebdle. « YOllS avri': lout quitt<~ pour m'appo1'trr
les seeouT'S de l' art, ajollta-t-il; il est juste que je fasse allssi quelque
ehose, je me résigrH', )) PlIis il l'aeouta an doeteur ce qll'il a\"ait eu il
soufrrit' drj111is le dépaI'l d'O' )Iém'a, « Dermis plus d'tll1 an, dit-il, ils
m'ont interclit ll's secollrs de la medecine . .Te slIis priré de rnú!e('ins
qui lIient ma eon!imwe. Le hCllllTeall trollvr n!/l1l agollin trop If'n(('; illa
htJte, illa presse; il nppelle ma mMt de tous srs WCIIX, II n'r a pas
jUS(IU'a l'aír que je respire qui ne blesse ceUe ame de bOlle. Cl'Oyez-
vous que ses tenlatives ont été prolongées, onvertes; (Iue ¡'ai failli
tomber sous le poignard angluis '? Le général Jlontholon était malade ;
il refusait de eommllniquer aYer Dertrand ; il yonlait ollYr'ir IIne co1'-
respolldance dit'eete ayee moi. lime détaehail ses salellilt·s (ku:\. fois
pm' jOllJ'. Heade, Wynim'!I, ses offieiers de eonfianee, nssü\genient ees
miserables eabanes, yonlaient pl~llétI'l'r jusqu'ü mon appar'kment. Jp
fis bart'iendel' mes portes; je chargrni mes pistolets , mes l'lIsils, qui 11'
sont eneore, et menasai de brúlel' la eenelle au premier (lui auraÍl
l'impl'udenee de violeI' mon a~ilp, lis se retil'el'cnt en criant ¡\ tne-h!k'
(¡u'ils youlaienl \Oir' ;\npoléon Bonaparte, que i\apoléon llonaparte cút
a sortir; qll'ils sam'ajent bien conlr'llindl'e llonnparte ti paraitl'e" Jr
croyais ces sc(>r1ps olltrageantes tenniUl'es; muis elles se I'cproduisaiellt
eha(llle jonr aver plus de úolence. C'étaicnt 11('S snrprises, des menaces,
des yociferalions, des leUn's remplies d'inJures. Ml's yalets de rhambrp
jf'taimt ces plnrHl'ds an f'en; lllais I'c\aspértltion dail nu ('Olnh]p : trnc




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[)E \AI'()LI~O\ i8fJ
calastl'Ol'he pouvait avoiL' lien d'uJI illstant 11 l'aut!'(>. Jmnais je n'anis
él(~ si l'xposé_ Nons étions aul6 aoút : ces saturnales duraient depuis
le ~I . Je fls pl'évenir le gO\lverneur que mon partí était pi'is , ma pa-
tience 11 bout; rllw le premiel' de ses sicaires quí franchirait le senil de
ma porte, serait abaltu d'un coup de pistolet. 11 se le tint pour dit ,
el cessa ses oulr'agcs ... J'ai abdiqué librement el volontai!'ement en
faYClI!' de mon fils et de la constitution. Je me suis plus libremeut en-
('ore acheminé sur l'Angletel'l'c. Je voulais y viHe dans la rctrailc et
sous la pl'Otection d(~ S(~s lois. Ses lois ! l'aristocratíe en a-t-elle ? y a-t-il
un attentat qui l'arrCle '! UIl droil qu'elle ne foule aux pieds? Tous ses
chefs ont (,té lll'ostcrnés derant mes aigles. D'une pad de mes conqnetes
j'ai fail des couronnes anx uns; j'ai I'eplaeé les autres sur des t["ones
que la vi('(oire avait bl"isés. J' ai été dément , magnanime envers tous.
TOlls m' ont abandonné, trahi, se sont hichement empressés de riyer
nws chnines . .J e sllis a la merei d'uo fiibustieI'. Il


Pendant dix-huit mois , Antomnrehi lutta, de tOllte sa seieoce et dc
lout son zde, coníre les progres d'un mal qui d'm'ance remplissait dc
rleuil la tristc )lt'ison de Loog\Yood. 11 s'aper~llt longtemps aVllnt le
joUl' fatal que ses soins seraient inutiles. Au miliell de mars ~ 821) il
érl'irit ü Home, aH ehevalier Colonna, chambellan de mnd<lll1e Lcditia,
une leUre f(ui faisait présager une catastrophe prochaine. « Les jour-
nUllx nnglais, lui disait-il, répetení san s cesse que la santé de l'empc-
reu\' esí bOllne, n'en cI'oyez rien; I'érénement vous prollvera si cellX
(Iui les inspirent sont sinet'~l'es ou bien informés. »


Ppu de jOllrs apres, Napoléon, qui ne se faisait point illusion Slll' son
dat, s'en expli(llla nettement ave e Antomarehi, a qlli nOllS deyons le
n'~eit de la cOJ1H'rsntion suivante :


iI .\'ous ysommes, doeteur, en dépit de vos pilllles; He le el'o)ez-
vous pas? - Moins que jamais. - Bon! moins que jamnis ! Encore
IIne déceptioIl médirale. llllcJ effet pensez-vollS que ma morí prodllisc
en Ellrope'? - AlleuIl, sire. - AuC'un? - Non) paree qu'elle n'ul'-
rivera paso - Si ellc al'l'ivait? - Alors, sire, nlol's ... - Eh bien'?
- Votre l\lajcsté es! l'idole des lm1Ves; ils seraienl dans la désolation.
--- Les pCllples? - A la mel'ci des mis, et la cuuse populairc 11 jamais
perdue. - Perdlle! docteur; et ll10n fils! SUPPoscl'iez -yous? _. --
l\on, sil'e, rien. l\1nis quellc dislan('e a fran('hir! -- Est-elle plus
Yaslc que ('ellc que j'ai pareOUI'IJ('? - Que d'obstacIes a surmontcl'!




7!)1I [1) STO!lI E


.... En ai-je eu moins a vainere? :\Ion point de M'parl était-il plus élevé ;J
Allez, doeteur, il porte mon nom ; je lui li~glle ma ¡rloíl'e el l'affeclíoIJ
de mes amis; il n'en faut pas tant pour r('eueillír mon bél'ítage' )) -
( C'était l'illusioIl d'un perc a J'agoníe, dít AnloIllllrehi; je n'insislai
pas : il cM été tmp cruel de la díssiprl'. ))


L'empereur était alité depuis le 17 marso L'ofllcier qui était clwrgé
d'attesler chaque j(lIll' sa pl'ésence a Long"ood, ne le Yoyallt plus ¡¡a-
raitre, en dOl1lla connaissance au gOllycrneul', quí se (,l'U t tl'ahi, el qui
"int r6der lui-meme autour de la demeure de son IH'isoIlllíel', pour
s'assurel' qu'íl rw s'était point éradé. Ses comses et ses rcch(~l'ches
ll'ayallt rien pu lui apprendre sU\' ee qu'i! était si désireux el si impa-
Lieut de sa\Oir, il déclara que, si son agent n'obtenait pas, dans viugt-
quah'e heul'cs, la faculté de voír le général Bona¡lllde, il an'írel'ait ell
personne ayer son état-majOl', et f()I'cel'ait l'entl'ée de la chamhre du
malade, sans erainle des suites fücheuses que son irruplion pOlll'raít
avoir. En rain le générallUonlholon s'efforc;a de le délolll'l1er de ce
dessein, en lui peignant l'afHigeante sitllalion de l'empereur. Sil' I1l1dson
répondit qu'il s'inquiétait fol'l peu que le géllérul BOlla/)(/l'lc V('ctlt Oll
qu'ilmollrút; que son devoir étaít de s'assurel' de sa 1"'l'sonnc, el lIU'il
le remplíraít. 11 était dans ces sauvages disposítiol1s, IOl'sqll 'i1rencontr'a
Antomarchi, quí luí reprocha avee amertmlle son laDgagc et ses pro-
cé(lés infames. Sil' Hudson n'en vonlut pas entendre dm'anluge; il se re-
tira) éeumaut de colere, et Antomarchi continua de f1étl'it'les bourreallX
du grand homme, en s'adressant a Heade : "(( Il fant moil' I'úme pétrie
dulimon de la Tamíse, lui dit-il , pOllr venir épier le dernier soupil' d'un
morilJond ! Son agoBie YOUS tarde, vous youlez la presser, en jOllil'! k
Cimbre chargé d'égorger lUal'ills recula deyant le forfaít. .. l\Juis ,ous! ..
Allez) sí I'opprobre se mesure a l'attentnt, nous sommes bien "cngés! IJ


Sir I1udson, aigri pal' les l'éponses d' Antomarchi ) et toujours iné-
hranlable dans sa brutale résolulion, se préparait a effectuCl' sa llle-
naee, lorsque l'empereur, sur les instanees de Bertrand et de :\lonLl1o-
Ion, consentít tl Ill'eudre un médcein consultant, le dodenr Arnolt,
¡¡ui fut chargé d'at!ester l'égulieren1f'ut a l'agent du gouverneur la pré-
sence du pl'isonnicr. :Uaís les soucis du geóliel' allaient bienlót cesser.
Le ~ 9 avril, i\apoléon annoIH;a lui-meme sa fin proehaine tl ses amis
qui le cl'oyaient mieux.


" Vous ne vous lrompez pas, I(~nr dit-il, ji' \aís mícux <Iujollnl'huí;




DE N APO LI~O.\. ¡'Ji
mnis je n 'en sens pas moins que ma fin approche. Qlland je srrni mort.
cllncun de vous aura la douce consolatioú de retonl'l1er en Ellrope.
Vous reverrez, les uns vos parents, les nutl'es vos amis, et moi je re-
(rouverni mes braves aux Champs-Élysées. Oui, contillna-t-il en hnns-
sant In voix, Kléber, Desaix) BessÍI'll'es) Duroc J Ney, 1IlIrat, Massl'-
na, Berthier, tous -riendront a ma rencontre; ils me parleront dI' re


que nous avous fail enscmblc, Je leul' conterai les demiel's érénements
d(' ma rie, En me yoyanl, ils rederiendl'Ont tons fous (l'enlhousiasnw
el de gloire! 1\'OU5 causerons de nos guerres avee les Scipion , les Anni-
hal, les César, les Frédéric! II Y aura plaisil' a cela! ... A moins, ajollta-
t-il en I'jant, qll'OIl n 'ait peur la-bas de -roir tant de gllerriers ensemble.),


Sur ces entrefaites, le dodenr Arnolt arriva. L'emperel1l' l'nccllcillit
tres-hien, lui parla de ses soufft'ances ) de tous les accidents douloll-
rcux qu'il éprouHlit, el luí dit Cllsuite , ('n s'interrompant brllsqllenwnt
1'[ SIII' lIll ton solellIwl :


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--.-~
f(:~'




HISTOIRE


(1 C' en est fait, doeteUl', le eoup est porte, jI' touche 11 mu fin, je
vuis rendre mon eadavre ~ la terreo Approchez, Berlrand; traduisez
11 monsieul' ee que vous allez entendl'e : e' est uIIe suite d 'olltl'uges dignes
de la maill qui me les pl'odigua; rendez tout, n'omeltez pas un mot.


« J'élais veuu m 'usseoir aux foyers dn peuple bl'itmmique; je de-
mandais une loyale hospitalité, el, eontrc tout ce C[lI'il y a de dl'Oits su\'
la terre, on me r('polldit IJar des fers. ,J' ellsse rrgu un autre aeeueil
d'Alexandre; l'empereur Fl'ungois m'eut traité ayee égard; le roi de
Prnsse meme eút étó plus généreux. l\JDis il appal'ÍenaiL 11 l' AngkLerre
de slIl'pl'endr'e, d'entI'aJncl' les \'Ois et de donnet' an monde le speclacle
inoul de quatre gnmd<'s plIissanees s'aeharnant su\' un seul hOIllIlle.
Cest votre ministere qui a ehoisi eet affrellx I'~)('her, oú se eonsomme
en moins de trois amll'es la vie des EUI'opéens, pour y aehever la
mienne pOI' un assassinal. Et eomment m'avez-\ous traite depuis q\W
je suis exile sur eet écueil? Il n'y a pas une indignitó, (las une horreu!'
dont vous oe vous so~'('z fait une joie de m'abreuver. Les plus simples
communieations de famille, celles memes <¡u'on n'n jamnis interJites
a personue, YOUS me les aYez refusées_ Vous n'llvrz laissé alTiycr jus-
(IU'a moi aucune IlOU\ die, aucuu papiel' d'Europe; nw feuune, 1110n
fils meme n'onl plus véeu pour moi; YOus m'aH'Z tenu six ans dDIlS la
tOl'ture du secrct. Dans ecHe ile inhospitaliel'e, HHlS m'arez donné pOli!'
demeure l'endroit le moins fait pour etre habité, celuí oú le climal
mf'mh'iel' rlu tropique se fait le plus sentir'. II m'a fallu me renfermer
entre quah'e cloisons, dans un aj¡' malsain, moi qui pareoul'uis 11 ehe-
val toute l' Europe ! Vous m'avez assassiné longuemenl, en délail, avee
próméditation, el l'infame Hudson a été I'exécntem' des hautes-CBuvres
de \Os ministres. Vous finirez comme la supcrbe républiqu() de VCHist',
el moi, mourant sur eet afft'eux rocher, prive des miens el manQuan!
de tout , je legue l'opprobre el l'horreul' de ma mort a la famil/e r¡'.-
gnante d' Angleterre, »


Cdte dietée epuisa les forces du mala de , qlli tomba peu d'instants
apres dans uIle espece d'évanouissell1cut. Le surIcndemain il se lt'OIlH\
IJéanmoins avoi\' repris assez ¡le viguem' pOlll' se lever au point du
jour el passer rncore t\'ois heures ~l did¡?!' ou ll¡\cri,'('. l\Jais Cl' n'üail
qu'uHe llJenr d'mnéliorntion qlli !le laisstiit alleune trace d'espoil'. La
íievre reparul hicnt6t, l'! le malade conlinua de ll111l'dlCr rapidl'mcnt n
la mor!. Dans c('(te memr jO\ll'nép (21 :I\Til), il lit appeI¡'1' l'abLt /-


--




DE \AI'()Ll~()\.


Yigllnli. 1\ SIl\'ez-\,ous , ahb(', lui dit-il, CI' que e'est flu'Ulle ehambre
a['dente? - 0ui, sil'c. - En Il\CZ-YOllS dcsspni? - Aueune. - Eh
lIien! \OUS dess('t'YÍI'cz la lllieuue. » Cela dit, il l'xplÍllua minutiellsn-
IlIcnt i1 l'aumolJil'1' ('C' IIU'il avoil i1 1'ail'c. " Sa flgul'e, dit Antoli1nrchi,
dait unimée , (,oll\'lIlsi\(~; .ie 5l1i"nis awe inr¡ui(\tudp Ips eontt'acliolls
qu'elle ("pI'OU\ ait, !o!'squ'il SlIl'pl'it sur la lllipIllle je ne sais quel 1ll0ll-
\I'l11enl (¡ui lui déplnt. « "OllS elps all-dl's~us de eetlp fuihkssc , dit-il ,
lIlais (IUl' \Olllcz-\Ous ? je lIe suis ni philosophe ni méde('in ; je el'ois i1
HieL:, jl' suis de la l'eligioIl de lllon pel'c; lI'est ¡laS athée qui H'lIt. ))
S'al]I'I'SSant ensuite ü I'allhé Vignllli, Napol¡\un eonlinua: « Je suis lié
d:lIIs la l'eligion catholifJlW, je \PllX rl'll1plil' les de\'oil's (¡U' elle impose
d rc('('\"Oir les Sl'('Ol1l'S ([n'dle administre. ))


L'allhi, Yignali s'élant retiré, l'empel'cUl' l'CYillt il Alltolllarchi, etllui
I'qH'oehant son incr('dlllité. (, Pourrz-rolls, lui t1it~il, la poussel' Ü el'
!,oint ? p<lun'z-YolI~ 111' pas el'oiJ'I' U Dieu'? C'al' clllin tout proeluml' SOIl
('XiS!<'IWP, el llllis 11':'; plus gl'ands l'sprits Pont el'U, ) .\.utomardli n:'pou-
dit qn'iln'avuit jamnis ré\'Oqné ('l1 donle cettl' exist(>I1ce , et (lue l'empc-
l'eul' s'dai! m¡"pris Slll' l'('xPI'('SSiOll de ses Irails. « YOllS etcs médcein,
dodellr, ') rl'pl'it ]\' apoll'o!l el! sumiant, 1'[ il njontn il yoix bassc: « epI'
¡j('IIS-Ji! 111' hl'ass('lIt que dr la malii'I'P, ils l1e el'oil'Out jamais I'ÍI'I1, ))


31algl'ó son affaihlissellwnt ('olllillllt'l, l'el1ljll'l'Clll' se trollva cueort'
,bSl'Z fort, dalls les rlel'llicl's joul's tI'a\ I'il, pOUl' se lcYl'1' d allcl' s'da-
hlil' dalls le ~aloll, sa ('hambrc, Illal "él'él', lui dant deveuue illsup-
pOl'tahlr. En vain Ie's pel'sonncs qui l'elltoul'aient lui offril'enl de !t,
transporter: ({ i\oll, (lit-il, quand jc sel'ai mort; pOUI' le lIIomeút il
suflit <plC vous me souteuiez. )J


Le ll'ndemaill, apres une mHu\aise nuit el malgl'é I'intellf'itl' crois-
sallte dc la tie\Tc , il lit appell'l' Antolllarchi el lui dOlllla , a\'l'e UII eJlnH'
PI une St\I,('~nilé inall¡\l'abl¡~s, les in~ll'll('tions sUÍnllltes :


" Apl'es ma mort, qui ne peut etl'C eIoiguée, jI' ,ellx qHe \OU" 1'as-
~il'Z ]'ol\\'crture de t1lon ('mlavre; jc YellX aussi, .i'exige que \'OllS nw
pl'Ollll'llicz i(ll'aucun In('dcein anglais ne portera la main Hit' moi, Si
pOllrtallt nms :lyipz indispcllsablement hesojn de qllt'l<ln'lIn ~ 11' dodpul'
.\.nlOlt est le seul (IU'il YOIIS soit pel't1lis d'l'lllploycr. Je souhaite (¡UC
\OIlS Ill'ClIil'Z IIlOtl CI!'Ul', (lile vous le llIctticz dan:,; de l'es[ll'it-dc-\in, el
¡lile \mlS 1(' pOl'licz tI Parmc ü tlW ehere )Iurie-Louise. YOllS lui dil'l'z
<¡lIe je rai [PIHh'elllPnt aimée, (pie je lI'ai jamais ('('ssé de !'ainwl'; mus


.. ~ - ~ -- -- - ----~--,--,_._,-----~-----------


100




í.l í 11 I ~,¡ () I : \ I
hli 1',1I'Ull[i'I'l'Z [out l'" que' \lnl,; ¡¡\('Z \ U, (oul ('{' <[ui se rapportl' it Illil
~itllati()n l't i1 nw morl. Je Y()II~ J'('('ommuwk slIrtouL (h: hien l'\ll1l11m'r
l!lOn estOl1lne , Ii'en fail'(' 1In rappo!'! prl-l'js , tll'lailh; , que VOllS I'('nw[-
l¡,pz Ú Il~()!l lBs", L('s nJllli",('nwllb <¡!ii ~e snele'd('nl [11'\'8([lIe snns i11-
li:t'I'llplii};] , liJ(' fou! PIII!'l'J' <¡ue J'cstollWl' esl ('e!ui de tIll'S ol'¡UlI1es qlli
('si k plus mdnd(', d JI' 11<' ';llis pos ("i{li~JH" de ('miJ'l' <¡u'il ('sl alll'itlt de la
10sioll qui ('()Wl11isil tllOll piT\' 1111 !omlH'<lu, j(' H'U\: dil'l' d'lItl s(¡lIit'l'e HlI
pyIOl'l'." ()1I<l1l([ j(' 11(' s(,l'ai plus, \ OIIS \OlIS ]'1,t1(II'('z il HOll\e; HlllS il'('z
II'OUH'I' lila llll'l'(, , ma falllill('; 'OUS klll' J'apJl0t'lel'ez tout ('(' que vous
<Hez oh,'('t'\"(', rl'lali\,('tlll'IIL it ma silualioll , il I1W malarlie el ilma Illod,
sur re lt'i8te d malllrHr('u\ roc!Jl'1' ; 'ous ICIII' (li I'('Z (111<'1(' ;.\t'alld .\ apoll"oll
('st ('''pir(', diltl~ ¡'('tat le [llll~ dl'plornille, manqnallt dc lout, ahandollJl('~
it )lIi-ml'll1l' d Ü ~a gloil't'; \OIlS le 11 l' dil'iz IIU't'll ('x)JÍrant illi'f\w' illoults
I('s familles n'.;lIIilnll's l')¡orr<'lll' d l'np[ll'Ohl'(, de ses del'Ilil'l's nHllllenls.1)


Cc'pl'llllallL ll~ dl'lil'l' \ il'ut se jllilllll'(' 11 la ¡¡eHC', Celtl' fol'le illll'lli-
geBCI:', ((lIi mait nppal'u au monde l'Oll1Il1C uue {'llwnation de I'illtelli-
gl'tH'e d;\inc, suhit la loi ('Olllll1UnC de I'hlltnallit(',. « Sleingel, Iksaix,
.'Ias~¡"na ~ s'("(,rie :\apoJ¡"()tl. Ah! la ,idoil'c se <!él'ide! .\Ilez! r()lIr('z~
PI'CSSPZ 1:1 C'hal'g{'! iis ~Ol1t Ü 1I0US ~ II }lllis ii sillIk it tl'l'l'e, H'lIt alle\'
dans le jardin el tmnhp ('n al'l'il"re, <lll 11l01llC'llt oú :\lllolllarC'hi ¡jC('OIl-
rait [)(I\1\' le J'el'c\oir dalls ses liras. Un l'empo\,[e dlJIls son lit, 1011-
jOllrs en Ill'oie BU dl"Jire, pI il [lI'l'sisle iI youloÍl' se pl'OJ1lCtlCl' au jal'llill.
Enfin, le pnronsnw ('P,S(', la fió\Tl' dill1inlle, Ic gl'and hOmlll(' se re-
Irouye d l'el'tll'nit (1\ee' SOl! call1ll' ol'dillairl', " l1appdez-volls, dit-il mi
doeteul', ('e (lile j(' YOllS ni l'ilill'g!', de f¡¡ire IOl'sqlle je !le sel'ai plns.
Faites aH'r soin !'('"amen tlllil!omiqlH' de mon corps, de ¡'estomae sur-
tout. Les lIlel\¡>('ills rll' :Uoillpplli('r H\nipnl nnnol1('é que le SqUilTl' llU
pylol'e semit hl'l'(~(lilajrl' dans mil ('ianille.,. QlIe jI' saUH' dtl moills
mon fils de e!'ll(> rl'lll'lIellwlalh'. Vous il' \et't't'z, doetfUI'; YOtlS Iui in-
dil)tlel'l>z re <¡u'il cO!l\il'nt de raire; vous lui (>plll'gnel'cz les utlgoiss('s
dOlltje stlis dél'hiré; (,'est Ilfllkmict' ~enicc quc j'attends de rons. ))
TI'ois heul'es apl'es (2 lll;¡i Ü midi) la tic'He arail re]lris, el !'illnstt'e
mnlaJe disail ú son merlceill, eH pouss:ml un profond soupil' : « JI' slIis
j,jp]] mal, ¡]OI'l('IlI'; je Ir' Sl'llS, jc "ais l1lolll'ir, » Et ('('s pnt'o1<'s ('(aienl
ú peine prOllOlH'(',(,S, fJu'il mai! pcrdll cOl1linissnilrp.


(1 Sa Hu appl'of'llllit, dil ,\ ntollwl'l'hi; !lO\lS allious le \lCrdl'e; ehaclIll
\,{'l\ou!JJ:¡il de ú'Il', d(' 1)J't"YCnnlll'('s, vouJait Iui dOlllll'1' Hile' derniel'(,




f) E \ ,\ l' () I.l~ () \ .


mal'1ll1C de ¡](:wlwnwnt. Ses offieic)'s, )larc1wnd , Saint-Dellis el muí,
nons 1I0llS étiOllS cxr!lIsi\enwnt d'~cnl' les "cillcs; mais l\(l[l(Moll 1]('
pOllvuit SUpportl'1' la llllllit'l'e: IloL!S étions obligés dt> le k\CI', de le
c1wllgel', de luí dOlllle¡' (OllS les soins !lu'cxigenil ~(lll t'!al 1111 ll1iliell
(l'tlIw profollde ohscllri[('. L'all\it"lé tmlit ~¡j()lIlé i¡ b faligllP; 1(' gnmd-
mUl'l'clllll étail ¡'¡ hOllt, le g/'lIt"ra! Monrholo!l n'('11 !l0IlY1:it ¡,lliS, .ic IH'
\HluÍs pas rníellx : !I01lS ('l:dúnws HUX 11l'¡'SSilllles solh'¡luliulIs dl's FrulI-
(;llis qui hubítuiclIt Long\\ ood , nOlls h·s ,iss(){'iúl11(,~; au.\ lrisks d,,\oirs
que 1l0\lS l'emplis:;iollS, Pie'[,()Jl, Coul'!o[, [o\Js, ('ll lllt mol, H'ilk'rpll!
eonjuintcment arel' IJllclqll'lIll de nOllS. Le Zl'le , la soliil"Í(ndc !fu'jb
1l100llruicllt louehel'ellt l'elllpcrelll'; ilh'8 I'PI'IllllllWllllnit i, ~l'S or¡¡ci('r~,
youJait (llI'ils fussenl aidl~s, sOlltCI1US, !Jn'o!1 lli' kii ouhliút paso I( El
mcs IHll1\TCS Chinois) njoutnit-il, qu'oil [le les lluhlip pa.; ¡IOn plus,
fllI'on IClIt' dOlll1C t¡uclqucs Yillgtainf's de Il:lp()!(;()n~ : il filnl hien <111(' je
leHI" I'nS5(' :llls,j mrs fldirll\'. 1I


"':


'... ¡' 'í fi l ~.~>
.;:--.-


. -"'"'"


L'abb(~ "igllali ll'nttl'nd¡liL r¡1I'1l11 mo! dI' 1".'lll[i('I'Clil'[HIUJ' ;1('11('\"1' de




iD(; 111 SI 011\ E


remplil' son ministere. Ce mot sortit Oc la boudw dll grano hOlllnw,
le 5 mai 11 dellx hcurps alm\s midi. La fiéHe étnit \11oins ,iolplI[p; t01l1.
le monue avait éte COllgl'dié, exceplé le digne pral"(' i l'Iapoléoll l'e~lIt
le ,iatique.


Une hellre apl'l'S, la nene a\ail allgme!l[t'·, mais In maladc con ser-
vait e[]COl'e l'usage de ~es Sl'ns. 1Icn pl'oula JlOur recomnwndel' ti ses
exeC'utellrs testan1t'nlaircs, Bertrand, j[otllholon el Marchilnd, de nn
permetlm 11 aUClI11 médeciu allglais, autre qlle le dodeu!' Arnolt, de
l'appl'<H'hcr des <¡u'il aUl'l1il pel'llu cOlluaissa!lC'e. Pllis ilklll' dit : « .Jp
nlÍs lllourÍl', \~OIlS allez J"('pil5St'I' en Europe, je YOllS ¡]ois quelques con-
scils slIr la rOllduíte r¡ue YOlIS aH'Z 11 lenir. YOllS avez pal"tage ilion exil,
vous serez HdCles ú rna méllloire, vous ne f('I'CZ ril'll qui puisse la hle~­
ser. J'ai sanrtiolllle tous les PI'illC'ipes; j(~ JI'5 ai infusés dans nws lois,
dalls mes actes; il n'y en a pas un seul que je JI'nie E'ollsarré. Malhell-
rcuscmeIll1es Cil'COIlSlances élaiont sér('res ; j'ai été obligé de sévir, (['11-
jOlll'ller; les l'evers sont y('uus; je u'ai pu dt'bandel' ran', ella Frallce
a de prin'c des institntiolls lihérules que je lui (k~[inai~. Ellc me jugo
aree indlllgence, elle me lient ('omp[e dE' nws intE'ntiolls, ello cherit
mon nom, mrs vir[oirrs; imitez-la, soyrz Iid¿,les atlX opinions CjIH'
nons avons defendncs , illa gloire que I101lS aron!' aC(llIise; il n'r a 1101'S
do lil que honta et ('onfusion. ))


La nuit suivante Jln violen! ol'age éelata SlII' Saintc-lIél¿·lll'. Tontes les
planlatioIls de Long" ood furent Mrnrint"es. Le sanIe chéri de I\'m-
pcrelll', t't dont l'ombrage lui senait d'abri contra l'urdeur un soleil
rlans ses proll1enades hahituelles, nI.' fut pas épargné.


Pendaut la jOlll'lH"e dll Jendemain ( !¡ mili) l'agoIJie conlinllfl. Le 5,
au level' (Iu jOlll', son cOJ'ps annollce que la yj(' I'abandonne ; il es[ dt"j:l
glacé. Cep!'lldant i\apoléoIl !'espire en('ore. 3Iais il es! daos le dl'lire d
il ne proIlollce plus ({l](' ces d('ux mots : « Tl\[(· ... Armé!'. » Lr 1ll0-
ment solennel appl'Oche; (( l'~u\Te anglaisc » est prcs d'ctre (,OIlSOIll-
mée; la Yieille Europe ,a tl'essaillir; le héros de la jl'une Frallre touclH'
au tenne de sa mil'aculellse cal'rierp; il rst su!' le point d'expil'er, el
IIlldsoll-Lowe cst lit qui guetle son derniel' soupir, impali(,llt d'annoll-
cer aux nl'istocrates, aux oligarques el au\; I'Oi8 dont il ('~t le manda-
lai¡'e, r¡Uf' Sll missioll est ndmil'il hlenwnt arromplit' el que la ridime esl
Hel!eyCe.


Cl'pelldallt lill spcdadl' ¡](·dlÍl'ant \Íellt ('11('0\,(' m:ln!uf'l' les ¡)P/'Ilirrs




DE :\AI'OLl~O:\. ¡¡J¡


Illotnrnb dll h{·ros. IHadmne Ecrtl'and, qui, malade elle-llll\nw, a ou-
blil~ ses SOUff,'¡llleC's pel'sonndles pOllr s'atlachcr au lit de i\apoléoll
1ll0Urullt, rait uppcler sa filie el ses tmis fils, aOn flu'ils puissl'ut COI1-
templer enro!'i' ulle fois les traits du gnmd homme. Ces cnfants at'ri-
vent aussitól, se précipilrnl H'I'S le lit du J'empereul' et saisis~C'Ilt ses
deux mains, (IU'ils eOll\Tent de lwisrrs et de Jarmes. Le jeune lXapo-
I¡"oll Eel't,'and, accahlr" par la douleur, !ombe é"anolli. Tous les assis-
lants sont el1 pJeUl'S; on 11 '('lItend qlle des ghnissemcllts el de,: sanglots ...
un gnmd é\énemellt se prépal'c p:llll' le 11l0!l(lr ... 1, si\: hl'lIr{'s Illoins
OJlze milllltcs, \npoll'on a l'l'SSÓ d'etre!


Le COl'pS de I'empereur, apl'es tlvoit, subi l'autopsie I tant I'eeom-
• Alltomarrhi trollVa I"'slomac IrI, a pru pl'¡-" 'Iu'jl I',,,"ait pl'fSIIlTIl', tel que le.' inrlíc.llio,,", ,111


maladr puulairnt Ir faire' snpvosr'l'.




7!lS 111 SI () 11\ 1:


mandú~ au ¡JodcLI!' Antomarrhi, fut ('\I)()H', fllr lIll lil de ('alllpil!2Ilt', 1'1
le mantcau hleu (flH' le hél'Os porlait iI ~rar('np:() s('\,\it lit' (,()\IY('I'llIl'('.
Tous les huhitants (le I'ill' iK'('Ollr\lI'l'¡l! el Sr' pl'(~~I":'1'1l1 leli:.;:i('IN'IIlCllt
pendant (leu"\ jOlll'S autolll' dI' ('(' p:lol'il'u\ (·:It:ll':dqu<,; d ¡¡!l:lIlllla (\(',-
pouille ll10rtdle du grund !lOl1lllie ('lit dI'· (ni,""'!', ()¡¡ H' di'llllla ('(' «(n'jl
availlouché Oll ce (lui lui a\ilil nppndl'I1\1, lli'!!!' ('11 r';¡'j'(' d,' pl'l"('il'\ISI'~
!'eliqlles.


LI'S flllll'l'ailles de :\apoJl.oll eun'lIt líeul,' S lll:!i. 11 !':It l'ldl';,\,l" :1 11tH'
li('IW de LOllg\\ooll. Su lombe d\'\ illt, lli,~ 11' PI'l'llli,'I' jC1I1' , l'oh¡l'i


ti 'une yéllél'alion et ti' un ernprl'ssemcnluui yersels. H lld~()ll-Lo" 1" dj!'oHI'
ol'gane des !taines qui dpvaipnt. puUrSUiHL' I'illllsll'l' ('llralll dl' la rt"\()-
llltioll franr,aise au dela du tl'('P,I';, S'll\ offn}Hl el pI<H::l :1ll101l\' du
tornbcau, pOllr en dMeIldn~ l',lppI'Oe!tc, \lile gal'dc <¡u'jI illlll()/l;:" d('\lIil'
étJ'c pCl'/lélllellf. :.\Ialgl'é ('etle pl'él'illIliol1, la (kmiiT(' dl'IIH'lIl't' du ","J'()~;
11 tOlljoUt's (;l!! frt"I¡Ill'mlllc'¡1l ú,ilt',l'. C'('"l llIl pi'IITilla;.;:" (~Ili IJ';¡ 1'[1'11
dont la p!tilosophic pLIiss(~ s'OrrllS(l"l'l', l'llisqll'jl:t >:;¡ l'ali~(, d:llls l'lll1l01l1'
de la ¡!:loil'l', el <[1I'il S('r! il !1('rp(tu('1' le ('\1111' dl'S gralllls l\l)m~, en




dOllWlIl! fin(' ~() .. t(' de C(Jll~l'(,l'uti()Il I'cligil'llSe il l'udlllirutioll el uu I'PS-
ped (Ille, ~mlS distinl'tioll dI' Ji('lIx l't. al? trl11ps, le g¡\nic inspit·c.
JI¡¡i~ :\apoll'oIl lH' ll('ut a\oir qll'UI1C sl'pllltUl'e proyisoil'p Ü Sainle-


Ildelle. Dall~ 1'1111 !I(' ~cs {'odicilks, l'll ante du 1 G auil 1821 , il a
ll1arqul~ IlIi-lllÓllH' la pla('(' de sa tOl11bc d("Jlnitiw. {{ ,TE ])l::SIIIE, a-t-il dit,
(2CE ~IES CE:'íJ)HES 1\El'OSE:'\T ~I:R LES BOllOS IlE L\ SU:\E, .U: MILlEl DE CE
PElI'LE 1'1\\:\(,: liS (llE .1' \1 T \:"Ir .\nll:;. "


POlll' que rp d(~I'IÜ()I' HX'1l rlll gl'und homnlP fút l'éalisé, il f¡¡I1aí! que
!t) lH'uple I'l'all(:ais Sl'l'ouut le jOllg des llollrbons, d que son gouYel'Ile-
ll\mt tút plpilll'1lH'1l1 afl'l'allchi t!ps illflllenees éll'llngel'Cs. La l'estumatioll
('st tOlllh("é; In proph{'li(' dt' :\a[loléol1 s'est ainsi uceolllplie dans Jt~ temps
<jll'il mait lixé; d son dt'sil' le plll:'; die", expriIlH', ti l'It()lIl'ü dCl'llii~re,
Il't'sl pourl:lIlll'as PIH'ore l'pmpli! 1.1' ppuple fl'unr,ais ultelld toujolll'S SOIl
lcgs, les r('~tps d(~ SOll Ill-rOS !


(Jllllnd le hl'tlit de cl'!lP 111000t ,1ITi\a ('11 ElIl'ope, le peuple refusa d'~
('I'oil't'. \,'idl'C d'illllllOrlalill' ¡"bit (ellt'lllt'1I1 atlaeh¡\e au 110m de :\upo-
[¡"ClIl) (llI'il s('mblnit n'amil' l'ipll en lui de péris,uble , ('[ flup l'on rrgal'-
d:lit sa ,i(' ('OlllllW im:(pHi'ilIJle de ~a gloil'l). Ct'ltc' illt['l'dlllité, que
Ill'l'aw!.(']' :l (,(':ld)f'(~(' dalls les Slilu'(')u'rs d" /,1'111111' l. ('sI 11111' "érilablp
:lpolh(',o~('; (,lit' dl'jfi" le ;':J'i1lld l!ullllllP, aul:lI11 que les gl'ands J¡omnws
1l('ll\Cnt d)'e dt'ilit"s daus llutre ~ii'('k,






TABLE DES ClIAP1TRES.


1, 111. n; C'IIO'. P.lge r;
CU\I'I'I'HE t r. 01 igillt' f'l clILmce tIc ~apoh\m. 1I
IL. Ik¡llIis l'tnl n\e dI' :\apoll'on au sel'\"ict~ jns·
qll';~1l ~i"'p;e de Touloll.


111. Si¡;gt' j" l'risl' de Toulon. CommCIlCrmellt
(le ... ca IIpa~\Ie~ ,l'Ualie I)t's:itlltio]l.


J\. Ilcst:tllliolL. Treizr n~rHléllliaill'. Jost'phi-


20


2fí


,le 101'01 )!nlg,'al'c, C01nmullication du se-
Ilat, 2f3


.\.1.:\, ~'\apolé()n proclame rni d'llali,', Ilt"pnrt
dr P~lI'iS srju!H' a Tllt'iu. l\hJIIIJIJH'lIl tic
Marengo. Entrt'l~ a Milan. Hcunion de
GÓIH~S a la l"ri-lllc('. \OIlYl',lU sacre Voya-
gc en Italie. Hetolll' eH Fl'alll.:c. 2nO


IH'. ~l.ll'ia¡:!;('. 5,1 xx. Drparl tle Napolt'on puur le t'alllp lle
'", Pn'llIiere call1paMlIc .l"rtalie. ,H lloulog;ne. HassemhlclIll'llt des Irullpcs
YI. VO\a~(' a IUqadl. H.dulll' a P.lris. Drp.1f"t f¡-¡1Il 'ahws f'1l1' les frontieres de L\utl'icllr.


(101'11' I'}:~ypte. , 101 Reto'nr de 1't'IIl¡Jcrcur a Pal'is. U,¡tahlisse·
'-[1. Conqllí'le dl' I'E;:!,"yptí'., t 1'4 Illcnt un l'alt'n ¡riel" ~rt'·¡:;oril'rJ. La g:ut'lTe
\"IIL J)1;~a."Ill'e d'Ahllllkil". lJabli!-.¡;rments et irulllinl'ntr, aYe'c l'Autri, he dt:nouc6' au


in .. t Itllliiln~ t1r Bonapartet'lll::gyptt·. Cam- St"llat, qui on!olllle une le\"(\c de I¡uatre·
pa.~llc de Syrit~. BClOIlL' t'Ill~gypll'. ] a· "ingt millc hOlJllllcs. L't'mpr'ITur p<Id
taille d'Ahonkir. 1kpar't pOBl' la Fran e. 1.31 pon!' l'arméc. CallJlia~J1e d'AlI:-li'rlilz. 297


IX, I'clo:!!" en FraIlee. IJi\. ll1lt!. hl'lIlllail'e. LJ) X\.I. Rt"sultat de la hataiUc tl'Allsterlilz. Tl"a-
.\. ¡::Ld,Jis";4'IIIC'ut du gOl1n~nl{>lIlellt COII~II' falgal'. Paix de PreslH:llL'g. Les ]~lJlll'hnns
lain~, t7:.! de :\"aplcs dd 6ul· .... 1.3 JJa\il~re t'rigt~e eo


.:\1. TraIlslatioll de la ré..,i.!encl' c' Illsulairc aux royalllnr. Ol'ape ux d' Au:·tcl'lilz en \'oyés
TwIel il's. ~,l\l\('lIe C,Hnpagne d'ltalie, a Pdris, Hrtour de 2\apulé'on ('11 Franee. :,)2'S
M<\rell'~I), Betonr a Paris. Ft-lr lutionale. 191 ..\~II, !'.apoléon rCCOltnll elll¡Jen'Ur (lar la


XlI. crg,u7¡ .. aliun dl1 ('unscil Ll't'·tat. Con gres porte ottnlllanr.. I,c Panllléon rCllda al)
tle Lunévlllc. Fele tIe l.i fondatioll ue 1.1. cuLle calholiqilC', llt'stauration de ~aillt-
rt'llIlhhqllt', COlllplol l'épllbl1t.~a iJl. CnllS a 1 )enis. OUYf'L'lure fin COl'pS h\gislatlf. '1'1'a-
tJil'atioll l'oyai.ÍsIC. Machme infernalc. 210 \<lll'l: l\uhllcs. Culle de ~lroe611l(,1' chile.
~'\Ill. Cl'l>'J.Lill11 df~S tnhunaux exceptioIlIIl'ls, 1 nircl'sité illlp(~riale. Hdll,!IW de }<'rance.


Trayaux pulJlics. T['Jité oc LunéyilJe, Es- Slaluts illlpf-riallx, Joseph Bonapat le, roi
sor tlunné aux scicncrs rt a. 1"lIl,lIlStL·if'. (k~aplcs.l\Jnl'at,'..:rand·dllcdeuerg.Lollis
Traité de paix a"ec l'Espagnc, L\"tlplcs et 1 Ollapal'tc , fui eJc Hollant!e. FOIllJatioll
Pal'lll('. t:OrlCUl'tlat. l'a:x d'Anlicns. Te de laconf,"tléraliun dll Uhin. GraTllI ~an-
J).~'l/m a :\olre-Dall1C'. 2i6 hrLl in r(un a Pal'is. Traité a\'cc la POI'te •


.\.1 \'. llepuis le t raité d' l\micns jusqu a la rup- L\lig,lciation pour la Vaix ullh erselle,
lurc ,lc la FlaIH.'C avee l'.\ngll'terL'c, 226 lUort de l'ox. 3~U


'iX, lI11l'lll['e de la Fl'allee avce L\ngll't"'Te, XXIII, Call1pagllc di' PrussC. Bataille ¡¡'((-na,
'·oyag.~ de BOllallarte en Helgiquc et ~lH' ~aJlOh!OlL a ]lustUilUI. 352
les elites, consplralioll de ]'idlegru et de XXIV. Entrée (le :'\'apoléon a Rcrlin Son S(~·
Gellrgl·s. Mort tiu duc Ll'[ughkn. l'in un jOUL' dans cl'ltr ca¡ntall1 , r.luclls cUlItinen·
cunsular. 2,')!J tal Suspf'n~ion d'anncs. I\lc:-.sa,~e ílU .!oé-


.\. '-l. Étah!i~:-;cH1Cnt du gOlIH'rnl~lIlt~nt illlpé- nat l.cvec df' tluatrr-,'ill,..:.t mille hIJUllIles,
rial. Adl'S de cli"rHl'Tll'r. Calllp de nHU- Prodamalion de PoseIl. ~lonllm('nt ue la
IOnnr, \" nyage ('11 r el~iqHc 2J:l ~IJdcleinc. 3iO


XViI. COll\\)eillit.1l (\n l'Ol'lIs lt;gislal;f, Yéd- I XXV. campag-ne de Polnguc, Paix de Tilsitt. 581
1iLation dc~ voll~s l'oplLlaiL"e~. A rrh él' dll XX ,"l. H.etlUlr ue l"apolpon ~ l'aris. sessiun
1 "pe I",e nL en t'ran",', t:oUl'Onnemellt ' dll corps lég'sl"tif. SIIPl"essioll ulIll'ibu-
tle l'emprrenr. 2if¡ i luL VC)ya~e de I't mpercnr en Halie. Ol'''


..\ ,'lil. Ses~ion fin ct>l'¡;S It-'gislalif. Inaugura· I ('upatioll (Iu Portugal. Hrtnnr de ~apo-
tion de la stalue ,le ~apokon, Lettre ue 1 léon, Tablean des progrés des sci~llces el
l'ellllll'l'I~lJl' aH l'oí ll'An¡;lrtc"l'e, lIr'punsc des a, ts dellllis 17~9, 403


,-




802 TAIlLE DES CIIAI'ITHES.


XXVII. Arraircs II'Espagoe, ,¡ '"
xx HII, lIetour de I'emllerrur a Saiot-Claud,


Commuoicalians dilllomatiqucs. Envoi de
troupes en Espagne, Entrevue d'Erful'lh,
Retour oPads, \'isile au JIustle. Session
du corps ¡t'gislalif. Déllart de I'empereur
pour Bayanne. :'íouvelle invasion tic I'Es-
pagoe. Prise de Madl·id. Abolition de !'in-
quisition, Sympl<imes d hostilités avec
I'Aull'iehe. ~apoléon '1uitte précipitam-
menl I'armée d'Espagne pour relouroer o
Pari. el se rendre en Allemagne, 430


XX IX. Catnpagne de I gog contre l' Autriche. H9
XXX. Démélés avre le pape, Réllnioo des


états rOlllains a rClIIl'irc fl'an~ais. ~i~
XXXI. llivorce de I'empcreur, Son mariage


avee nne archiduehesse d'Autriche, 4'0
XXXll. llernadnUe appelé a slIeel'der an roi


,le Suéde. lléuuion de la Ilollande il la
Frallce. 4!J9


XXXIII •. \Iesllrcs contre la presse. M. de cIJa-
teaubriand nommé á I"Inslltut pour rem-
I'lacel' chénier. Naissance el haptéme du
roi de lIome. Fétes p"IJli'lues dans la ca-
pitale el dans l"ernpire. Coneile oational.
Le pape ¡, Fontainebleall. .'l0g


XX X[ V. coup d'reil rétrospcetir ,ur la marche
des évéllements militaires en Espagnc el
eo Porlugal, de 1809 á 1812. 519


XXX\-, lIupture avee la [Iussie. 5:;1
XXX\ 1. Call1l'agne de Russie. (1812.) ¡;¡2
..\.XXlll AIt~xa()dl'e a Moscoll. I.e g<UlH.lr ..


neur Bos!opehiu. w'solulion extréme.
!'a'aille dc la Moseo",,_ 562


XXX \ HI. ~larehe sllr ~1()sr()lI. OcclIl'ation
tle eelle capilale par les I'rall~ais. 5H


XXXIX. Incenrlie de Moscon. Suitcs de ce
désas!re. :'íapoléon a!tI'lId vainement des
propositiulls de pai •. I\elraite des Fran·
rais, Le maréchal Mortier rai! sau!er le
KremHn. 579


XL. Suite de la retraite des Fran~ais. l'I"apo-
léon a Smolensk. cOllspiration tle Mallet. 591


XLI. Depart de Smolen.'\k. Afrreuse situation
de I"armée. Balaille ue la Ilérésllla. Betolll'
de I'emprreur a París. nOt


:\ r.1 J. B éllexiomi sur l'issue tlés;lstt'ruse ue l' ex.-
peditioll de I[USSI ... :'ial'lIléoll re~oit les


Mlicitaliolls des grands corp. de I"état.
Levée tle trois eent cio'llIante mille hOIll'
Illes. Ot'-feclion dll gt'llél'al prllssit'n
d'Yorck. Mural ahamlonne l'arm6~. Ou-
verture ti" eorps l,'¡(islatif. 6,2


XUII. Call1[lagne de ISll. nI
:\1.1\', Suitc de la calJlpagnc d .. l~l,'. G:H
XIX, Suitc de la eampaglle de 1815. I,:;¡
XL\"!. Balaille de \-acllau el de LI·ipsick. D,'-


fectiou des Saxons. lssue tlésastl'l'llsr (le
la carnpaglle. Betour de l'ellll'(,I't~l1r a jla-


. riso 648
XLYII. Le spnal coruplirnente l'elllllf'l'ellr. Lt~~


"'ce de trois ceut llIillc hOlllmes. ltéunioll
~t t1issolutiun elll corJls législatir. Gj9


XI.YIrr. Couunenccmcnl de la campagne de
ISI4. ¡;¡,¡


XLIX. Congres de Chátillon. Fin de la calll-
pagne de 1814. F.lltrée de, allié, • !'aris, 6¡~


L. Ill'cltéanceelahdication de "apolcon.llap·
pet des lIourbons. Adieux de FOlllainc·
hleau, e92


1.1. ~rrivée 11 Porto-Ferrajo. Sé;o\ll" 11 rile
t!·Elhp. lIetOlIl' en Francc, IIr'hanluc-
IIItnt á Cannes. Marche tnollll'hale sllr
Paris. 20 mars 1815. 70:,


LII. Les Cent-Jours. 721
LIII, Arrivée de Na[luléon a llochcfort, Let-


Ire au pdnee régent. JI se rcnrl sur le
Bellér0IJ/lOn et ¡ait voile pOUl' l'Angle-
terre, La cOIll)uile du ministe['~ anglais a
son égard. Contrtlslc avee la vive sym-
pathie ljue IUl témoiglle la llation hl'ilan-
nique. l'iapoléon prole,k eonlre la des·
tination que lui assigne le cabinct auglais.
II C!oit t'mLJarqu~ sur ir jYortliU mbet huui
et dirigé Slll' Sainte-lIélene. 7lJ


LlY. La traversée. Arrivée 11 Sainle-lll'leoe.
Séjour dans eetle Be JUSlII!"all départ de
Las-Cases. 7.3:;


L\". lIuJson-Lowe. Lulte journal,ere de Na-
poléon con1rc les préteutiulIs I'llt~~ pro
céUésudieux ctu gOllvel'neur. SOUrrra1lCl'8
et arra sscmen! de l"emperclII", Las Cases
forré de se séparcr tle l.\al'0h~on. 7tH


L '-le El' HUI' II-:H. ()Cl'niCl'eS ¡\III}(~('s de ~apo~
léun. Sil murl. ¡f.O


1'11'\ \lE LA TAlll.E nES CIIAI'ITIIES.


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