HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE I688, EN ANGLETERRE, PAR F. A. J. MAZURE, ...
}

HISTOIRE
DE


LA RÉVOLUTION
DE I688,


EN ANGLETERRE,
PAR F. A. J. MAZURE,


lNSPECTEUR - GÉNÉRAL DES ÉTUDES.


(( Mioui. jura f quotiens gliscat potesta~:
(~ nec utendum imperio, ubi legibus ul1
f{ pOiSiL)) (TAClT. Annal. Uf, 69.)


TOME THOISIEME.


PARIS,
LIBRAIRIE DE CHARLES GOSSELIN,


SF.VI, ÉDITEUR DE.S OEUVRES COM.FLETES DE .HR WAI.TElt seo


MDCCCXXV.






RÉVOLUTION-
DE 1688.


----- i#@1iÍiF


LIVRE VINGT-UNIEME.


1688. - (SurTE).




SOMMAIRE.


1688. - (SUITE J.


Préparatifs du PriDce d'Orange. -- 11 re(;oit une l'(~quete pour
venir en Aogleterre, el faire vérifier la légitimité du PI'iDee de
Galles.




_...-_---------.".--_ ...... _--~------ .. __ ... -


tIIST()IRE
DE


LA RÉVOLUTION
DE 1688,


EN ANGLETERRE.


LIVRE VJNGT-UNTEMR


CES évf.nemcnts se passerent précisément dans le
temps de l'affail'e des Éveques, et servíl'ent trcs-
naturellcment de prétexte au prince d'Orange et au
États-Généraux, pour se préparer a une guerrc quí
paroíssoit inévitablc, si la France tlevenoit mai-
tresse de l'Électorat de Cologne. Le Prince ll'eut pas
(le peine a persuade¡" aux États-Généraux que la
République se trouveroit exposée a la meme inva-
sion que celle de 1672.; mais, ce qui sembloit (lE>.
voir ttre bim plus difficiJe, c'étoit, luí princc ca!.


'-




RÉVOLUTION DE 1688,
viniste, d'engager le Pape a ses desseins particu-
lien;. Il est vrai qu'il lui montroit la Flandre, la
Belgique el les Électorats du Rhin ouverls sans dé-
feuse a la domination francaise. ,


Le Prince n'éparglloit rien de ce qui appal'tient
a la prudence et 11 l'activité d'un homme d'État, pour
l'exécution d'un grand dessein. Des le COll1ll1encc-
ment de juin, il avoit subj ugué l'Électeur de Saxe
au milieu des retes; et ce Prince, dans le feu de
I'lvresse, avoit promis dix rnille hommes. Revenu a
Jui-mcme, il reconnut la témérité de sa paroJe,
mais il négocia et fit un traité. Peu de ternps au-
paravant, le docteur Bumet avoit cherché a déta-
c!wr I'Élect.eur tl'Hanovre de son alliance avec
Louis XLV. Ce n'étoit pas a lui-memc qu'il s'@toit
adres~, mais á la princesse Sophíe, su fell1nlP, de
la maison palatinc, et petite-fille de Jac<lues ler. II
confia le secret a ceUe Princcsse, f't lui Gt elltcnure
gu'elle seroit naturellement appelée au trone d'An-
glL'terre, apres la mort des princesses d'Ürange el
de Danemark, si la succession hoit fixée dan s la
branche protestante, á I'exclusion des héritiers ca-
tholiques. Elle saisit avidcllIcnt cette proposition; et
si le due d'Hanovre n'entra ras alors dans la conju-
ration, it ne tarda pas a s'y joilHlre, et a traitel'
quand elle fut eonsommée.


Cependant on remal'qnoit tIes 1ll0UVCIllents <le
tronpes eontinuds, ordonnés par le prince d'Orange.




EN ANGT,ETlmIn:.


La garnison d'Utrt:'cht, la Brigade angloise, avoient
re<.;u rordre de partir au premier signa!. Les troupes
de Zélande marehoiel1t déja. Dans quel dessein?
Étoit-ce du coté de Liége ou de la mt>r? Le Princc
vouloit - il faire un camp pres de Nimegue, ainsi
qu'il l'avoit annoncé? La floUe étoit sortie d'Ams-
tcrdam, et se tenoit, pour ainsi dire, a la voile.
D'un autre coté, le maréchal de Schomberg, que la
révoeation de l'édit de N antes avoit éloigné du ser-
vice de Franee, étoit gouverneur de Berlin; et le
jeune ÉlecteUl' l'avoit chargé de couvril' les États
de Cologne. Ainsi les États-Généraux étoient tran-
quilles de ce coté-EL. Ce fut done par son eamp de
Nimegue que le prinee d'Orange couvrit touts ses
desseins ultérieurs.


Le marc{uis d'Albeville avoit promptement di-
vulgué la nouvelle des offres de Louis XIV a Jac-
ques II, pou!' une .escadre fran~oise. Une occasion
si plausible ne fut pas négligée par le prince d'O-
range, aupres des États-Généraux, pour les exciter
a de nouveaux armements. '"Jc


Ce fut au milieu de ces préparatifs que ron ap-
prit la naissance du prince de Galles. Cet événe,.
ment, auquel on ne s'attendoit qu'un mois plus
tard, parut déconcerter les mesures déja prises;
ct ni le Prinee ni la Princesse ne virent sans hu-
meur <lu'ils perdoil'I1t le Litre d'héritiers présomptifs
de la CouroIlne. Cl'pendant Dykvelt répolldit au




G ll.ÉVOLlJTION UE 1688.
marquif> d' Albevílle que la naÍssance du princ(>
de Galles alIoit réunir la familJe royale; et Van-
Citers, lorsqu'il complimenta le Roí, lui dit qu'il
en espéroit une plus étroite liaison entre lui et les
États-Généraux. De son coté, le Prince envoya le
comte de Zulestein pour complimenter le Roi et la
Reine; mais quelques-uns de leurs principaux affidés
firent observer au marquis d' Albeville que sans doute
les Protestants alloient se réunir plus fortement que
jamais, pnisque la naissance d'un héritier catho-
lique leur enlevoit toute espérance de mainlenir
¡eur Religion et leurs lois.


Jamais le prince d'Orange ne s'étoít donné plus
de mouvements que dans ce momento Les voyages
de son favorí Bentink et du général Spaeh, les con-
férences mystérieuses de Dykvelt, du Pensionnaire
Fagel et du Prince, entre eux, comme avec les prin-
cipaux membres des États et les Anglois qui arri-
voíent perpétuellement d' Angleterre; la réunion
anticipée des États.Généraux; le serment de secre-
tesse, imfihsé a cenx des États qui étoient admis dan s
ces Conseils secrets : tont 6t présumer au comte
Davaux qu'il s'agissoit d'une affaire grave, soit pour
les élections de Cologne el de Munster, sOlt pOUl'
l'Angleterre, soit peut-etre pom l'une el l'autre de
ces deux directions. Le motif ostensible de ces dé-
marches aupres des États étoit d'obtenir un· cm-
prullt, la levée de ncuf mille matelots, et une rccrue




EN ANGI,ETJ-~IUlE.


dI' srpt mille soldats. Le Prjnc~e eommen~a par lever
six mille matelots, en attendant la déeision, et tmita
secretement, pour avoir de nouvelles troupes, avec
les Cours de Hesse-Cassel, de Zell et de Wolfem-
hule!.


La n~uvelle de l'acquittement des Éveques étoit
arrivée a la Haie. Van ·Cíters avoit mandé toutcs
les circonstances de ceUe affaire, l'animosité du
penple contre le Roí et contre les Catholiques, en-
fin la résolution que Jacques II témoignoit de per-
sister clans le dessein de dompter l'Église AngIi-
cane; mais iI finissoit sa lettre en disant qu'il y avoit
aussi des chost's qu'il n'oseroit écrire, et qu'il étoit
cependant nécessaire de communiquer aux États. Il
re~ut l'ordre de se rendre iucessamment a la Baie.
La partie mystérieuse de eeUe lettre n'étoit pas
douteuse; elle regardoit le prince de Galles. Déja
la Cour d' Angleterre venoit de recevoir un affront
publie a la Haie. Le marquis d'Albeville avoit voulu
célébrer la naissance de ce Prince par un repas
magnifique. ce Il y avoit prié les États, » dit le comte
Davaux, (e et les pel'sonnes les plus qualifiées de la
« Raie. Personne n'y est venu. n n'y avoit que trois
« clames. Les Envoyés d'Espagne, de Brandehourg,
« de Zell et d'Hanovre !le s'y sont pas trouvés.»
Mais un affront plus dangereux ne tarda pas a etre
remarqué. Le prince d'Orange s'étoit repenti d'avoir
t'llvoyé le eOlnte de Zulestcin aupres de Jacques lI.




8 RÉVOLUTION DE 1688,
C'étoit reconnoltrc la légitimité du Prinee de Galles,
et il fit cesser les prieres qui se faisoient pour cet
enfant dans la chapelle de la Princesse.


Les bruits les plus extraordinaires se propa-
geoient en effet en Hollande comme en Angleterre.
« Le peuple de Londres, )) dit Barillon, ti. s'explique
« d'une fa«;;on étrange, et beaueoup de gens disent
« hardiment que la Reine d'Angleterre n'est point
f( accouchée; qu'elle n'a point été grosse; que tout
« ce qui est dit de la présence des principaux du
« Conseil et de la Reine douairiere a l'accouche-
« ment est faux; que la princesse de Danemark,
« qui auroit du y etre, n'y étoit pas, et que l'enf:lnt
« qu' on dit etre le prince de Galles est supposé. ))


Sous le dernier regne, l'esprit ~ssentiellement fac-
tieux du comte de Shaftsbury avoit si prodigiense-
ment réussi a fasciner les yeux de la nation entierc,
dans le prétendu Complot des Papistes, que l'on
pouvoit attendre la meme crédulité sur tout ce qui
flatteroit directement les passions actuelle~ du peuple;
et eomme la naissanee d'un prinee de Galles étoit
le vmu le plus vif des Catholiques et du Roí, elle
devenoit fort naturellement un sujet de chagrins
sur le présent, d'inquiétudes sur l'avenir, de som·
bres et universelles défiances contre le Gouverne-
mento Dans ces fatales dispositions, l'imposture la
plus grossiere prend facilement les couleurs de la
vérité. Malheureusement un concours singulicr de




EN ANGI,ETERRE.


circonstances fortuÍtes sur la grossesse comme SUl'
l'aeeouchement de la Reine donna lieu aux Con-
jurés d'en faire l'objet d'un Mémoire direct et for-
mel, adressé au prince d'Orange, pour l'inviter a
venir réclamer lui-meme l'intervention du Parlement,
et a faire constater si l'enfant, qui portoit le nom
de prince de Galles, étoit ou n'étoit pas réellement
né de la Reine,


A vant de L,ire eonnoltre la requete qui fut présentée
au pril1ee d'Orange, on doit continuer d'exposer ici les
divers témoignages de l'Ambassadeur de France.


« Quoique renfant paroisse bien formé et assez
« grand, ji Y a des gens qui soutiennent qu'il n'est
« pas venu a tenne. On m'a meme assuré qu'il n'a
« point crié depuis qu'il est venu au monde.)} (Lettre
du 21 juin.)


« On a été ici pendant un jour et une nuit en
« grande inquiétllde de la santé du prince de Galles.
« On le eroit présentement en tres-bon état. Je l'aí
(l vu touts les jours. Il parolt fort vígoureux el fort
« vif. Je l'aí entendu crier avec beaueoup de force.»
(Lettre du 24 jUill. )


« On dit ieí que le prince d'Orange levera ouver-
« tement le masque, et soutíendra que l'enfant est
« supposé. Il est certain qu'il y a ieí des gens qui lui
« écrivent que eette démarche est nécessaire, s'il veut
«soutenir son crédit parmi le peuple.» ( Lettre dll
12 aoút.)




,10 RÉVOLUTION IJE 1688,
t( Le prince de Galles a été a l'extrémité peudant


« deux jours; on désespéroit de sa vie. Enfin la r[.so-
(( lution a été prise de lui donner une nourrice, et
(( cela a si bien réussi, que depuis hiel' on le croit
{( hors de danger.), (Lettre du 16 aoul. ) Cette cir-
constan ce , annoncée par Barillon, se rapporte ¿I ce
que l'enfant ne recevoii ni le lait de sa mere ni celui
d'une nourrice. On le nourrissoit, depuis sa nais-
sance, avec de la farine bouillie dans du lait de
chev1'c. De la on p1'étendit que l'enfant qui auroit
(~té snpposé le 20 juin étoit mort, et qU'Oll luí en
avoit substitué un second, celui dont pade actudle-
ment I'Ambassadcu1' de Louis XIV. Dans quel état
désespéré est tombé un Gouvernement, 10l'sque (le
tdles allégations t1'ouvent m~me une ombl'e de
c1'éal1ce, et qu'un Roi lui-meme se croit forcé de les
discuter avec solennité!


e'est 11 cette disposition actuelle de l'Angleterrc
'lu'il faut mail1tenant s'a1'reter, pour découvrir d'un
seul point de vue le commel1('ement, les progres et
la fin de la conspiratiol1 du peuple, des grands et
du clergé contre son Roi; conspiration a laquelle se
joigl1i1'ent expressément de nombreux États, et que
favoriserent tacitement ou par des traités I'Empereur
et le Roi d'Espagne, sal1S parler du souverain Pon-
tife,'a qui le prince d'Orange sut pel'suader qu'il
s'agissoit uniquemcnt dc réprimel' les desscins (le
T,ouis XIV,




l:N ANGLETEIUtE. [ T


Lorsque les États-Généraux avoient envoyé, sur
la fin de 1687, Dykvelt aupres de Jacques Il, ils
avoient pour but de connoitre dans quelJes intentions
se formoit I'armement subít d'une flotte angloise.
Mais le prince d'Orange avoit particulierementchargé
cet envoyé extraordinaire d'une mission qui lui hoit
personnelle, comme héritier présomptif de la cou-
ronne : c'étoit d'abord de concilier les différends qui
existoient entre luí et le Roj son beau-pere. 11 con-
sentoíl a la tolérance des différents cultes ennemis
de l'Église anglicane, et par conséquent a la révo-
cation des lois pénales portées sous le regne d'Élisa-
beth; mais jI insistoit sur l'obligation des serments,
comme garantie nécessaire de l'Église nationale. Sí
le Roí s'y refusoit, Dykvelt devoit dissiper touts les
50up<;ons du partí anglican sur les intentions du
Prince, comme Presbytérien, par rapport a la Re-
ligion de I'État; il devoit aussi promettre aux Non-
Conformistes les memes avantages que leur offroit
le Roi, pour les empecher de s'unir aux Catholi-
queso En fin iI devoit agi¡' sur les Catholiques eux-
memes, par la crainte de l'avenir, s'ils se refusoient
a un accommodement, et par la promesse d'une
tolérance égale a celle qui existoit en Hollande, s'ils
empechoient le Roi d'en venir aux extrémités.


Dykvelt avoit échoué aupres de Jacques II; mais
d avoit réussi completcment aupres du partí angli-
can, des Non - Conformistes, excepté les Quakers,




J 2 RÉVOLUTION DE 1688,
et d'une grande partie des Catholiques. De ce mo-
ment, le prince d'Orange fut regardé en Anglcterre
comme le protecteur que la nature et les loís don-
noient aux libertés publiques et a la Religion pro-
testante. Lui-meme ne songea long-temps qu'a pro-
téger ses propres dl'Oits contrI' des desseins, qu'il
pouvoit justement suppose!' a ses ennemis, de I'ex-
dure tot OH tard de la Couronne. Les Catholiques
exaltés d' Angleten'e, le Pape et Louis XIV y 50n-
geoleut certainement; et puisque le prince d'Orange
avoit ouvertement protégé, sous Charles n, le parti
qui avoit deux fois porté le bill d'exclusion contre
le duc d'York, sous prétexte (Iue le due d'York étoit
Catholique, il ne devoit tl'Ouver ni impossible ni
extraordinaire que le parti eatholique, devenu tout-
puissant, ne cherchat a eOllsolider sa propre exis-
tence par I'exclusion d'un héritier protestant. La
guerre étoit done tacitement déclarée entre deux
partis qui ne pouvoient ni s'entendre ni se fiel' l'un
a l'autre. Sans doute si la raison étoit la regle des
jugements et des actions, les affaires civiles et poli-
tiques ne se dirigeroient pas sur de teIs principes;
mais il ne faul pas demander aux passions ce qu'elles
n'aceordent jamais. Ce n'est trop souvent qu'apres
la vietoire que le parti vaincu réclame la jllstice,
que vainqueur il eut oublié lui-meme.


Depuis le voyage de Dykvelt jusqu';¡ celui de Zu-
lestein, les personnages les plus distingués dan s toul~




t:N ANGLETEllll E.


les partís ennemís de la Cour s'étoient réunis aux
int~r~ts du prince d'Orange, comme a un Princeqlli,
déja éprouvé 'dans les grandes affaires du siecle,
avoit de plus un titre légitime a leurs hommages
natun~!s. Jacques II avoít commis la fAte, énorme
en politíque, de donner légalement raison a ses ad-
versaires. A vec les loís et la Religion qu'ils parois-
soient défendre, ils eurent les passions de la multi-
tude. Les loís d'un pays sont toujours émanées d'un
principe qui ne peut etre ni faussé ni pris a contre·
sens qu'avec d'extremes périls. Ainsi Jacques 11,
Catholique, se servant de la Suprématie religíeuse
contre l'Église anglicane, tandís que la suprématie
n'avoit été réunie a la Couronne que pour protéger
l'Église anglicane, violoit manifestement, aux yeux
meme de la grossicre multitlH.le, les lois les plus com-
munes de la justice légale et elu hon st'ns. Les peu-
pies ne peuvent etre trompés a ce point. lis par-
donnent a la force qui se montre généreusement,
de meme que l'on se résigne a la nécessité. Mais qui
peut respecter le sophisme?


Jacques II, qui voulllt sOllvent imiter Louis XIV,
désiroit par-dessus toutes choses l'unité de la Religion
dans ses États, mais avec cette différence: Louis XIV
vouloit le triornphe de la Rcligion Catholique, en
tan! que vraie el seule vraie; Jacqut's JI, non moins
persuadé de sa véritt~, la vouloit d'abord comme
moyen d'etre ahsolu. Il oublioit aillsi tout a la fois




1/, REVOLUTlON DE 1688,
t't l'institution des Parlcments, et Henri VIII, el
Charles Ier, et Cromwell et I'Église anglicane. C'étoit
bien mal comprendrc la Religion, et, de plus, c'étoit
la faire hair, que de déclarer incompatibles avec elle
des droits eIltles libertés dont la garantie remontoit
aux serments du Roi saint Édoua¡'d. Au lieu d'etre
Anglois sur le trone et Catholique dans la vie privée.
il se montra immédiatement l'ennemi secret et bien-
tot l'ennemi public de l'Épiscopat anglican : faute
irréparable qu'il commettoit comme Roí et comme
Catholique. De tout temps, et jusqu'au schismc
d'Henri. VIII, les Éveques ,d' Angleterre avoient ré-
sisté 11. l'autorité de Rome, comme les seigneurs tem-
porels avoient résisté a l'autorité royale. Les premie¡'s
avoient secoué le joug saus Henri VIII, sans aban-
donner la foi. Le schisme, il est vrai, entralua Lien-
tot l'hérésie sous Édouard VI; mai~ l'Épiscopat,
toujours conservé au milieu de la divisiou indéfinie
des sectes qui se multiplioient autour de lui, étoit
encore le seul moyen de rappeler un jour les peuples
a l'unité catholique. Sous le rapport de l' État, I'Épis-
copat anglican étoit I'aristocratie des Églises protese
tantes, comme les Seigneurs du Parlement étoiellt
l'adstocratie poli tique ; et depuis le progres des Sectes
comme depuis l'ascendant des Communes, ¡'une el
J'autre ari¡;tocraÜe formoient COlllllle une baniere
:mtour de la Royauté, sans pouvoir lllailltellant ui
J'auaqucl' ni pl'étl~lldn: a J'afl'óihlir, parce <IlIt' la




EN ANGLFl'Efi 1m.


Iloyautt'·, l'Épiscopat et la Pairie ne pouvoíent se
soutenil' qu'en se protégeant mutuellt'ment. C'est
ainsi que I'Épiscopat défelldit Charles ler, releva
Charles 1I, et retínt, a ravenement de Jacques Il,
la natíon ébranlée par les révoltes p"esbytériennt's
d'A"gyle el de Monmouth. Mais Jacques JI ne voyoit
clans I'Épiscopat d'Angleterre que des rebelles a
I'Église Romaine, et dans les Parlements que des
rehelles a l'autorité royale : de la son systeme fixc
pour avoir une armée permanente el pour établir
la Religion catholique. Il se jeta ail1si dans la double
nécessité ou de se créer de nouveaux droits par la
conqu~le militaire, ou de se jeter entre les hras des
sectes et des factions répuhlicaines. La conquete
n'étoil que le reve d'un malade; l'intervention des
sectaires et des républicains pour fonder la Religion
catholique el le pouvoir absolu n'étoit pas une con-
eeplion moins absurde. Ce fut la pourtant l'espérance
:1 laquelle Jacques 1I s'ahandonno.it encore.


Pendant que les sepl Éveques étoiellt prisolluiers
á la ToUl', ils lcrivirent, de concert avec plusieurs
Pairs, au Prince d'Orange, el lui dirent qu'ils le
consiMroient comme le protecteur naturel de la Re-
ligion et des libertés de l'Angleterre. Jusqu'a ce 1110-
ment le Priace avoit dirigé sa conduite extérieure
sur les avis qu'il ret:evoitdes Seiglleurs mécontellts,
et se bornoit a fortifierl'opposlLioncontreJac!¡ucs 1I~
~nais a la naissallcc du Pl'itH:e de Galles tout changca




RÉVOLUTION 1m 1688,
subitement de face, et le pl'Ojet d'une invasion ar-
mée fut concerté en Angleterre et conclu en Hol-
lande.


Ce n'est pas que des l'année 1686, le lord Mor-
daunt n'eut sollicité le Prince de son gel' a une ex-
pédition sérieuse. Rien ne paroissoit plus facile 11
son impétuosité naturelle. Mais cette impétuosité
meme, l'incohérence de ses idées, l'exaltation de
son cerveau et l'intempérance de ses paroles, vinrent
alors s'amortir devant le sérieux impassible du Prince,
qui ne répondit que par des paroles générales.


L'année suivante, le comte de Shrewsbury, jadis
élevé dans la Religion Catholique et depuis tomb¡;
dans le Pyrrhonisme, étoit venu exposer au Prince
la situation de l'Angleterre et lui demander ce qu'il
se proposoit de faire. AlItant le lord Mordaunt se
montroit agité, furieux meme, autant Shrewshury
avoit de douceur dans le creur et dans· les paroles.
Ces caracteres ne conviennent point sans doute pour
une entreprise vaste et hardie, qui exige tout a la
fois du sang-froid et une ame fermc. Le Prince d'O-
range re<,¡ut les ouvertures de Shrewsbllry sans les
rejeter ni les encollrager.


Mais il y avoit a La Haye un homme que le Princl'
avoit pris en affeetion des J 679, époque OU il étoit
ministre de Charles 1I : c'étoit Philippe Sidney, frere
d'AIgernoon et de Leiccster. Il s'étoit fixé en Hol-
lande apres la condamnation d' Algeruoon. Son nOI11




EN ANGLETERRE. 1" ¡


étoit c1lf'l' a touts les mécoutents, el son caractl>l'í'
séduisant lui ouvroit touts les c<:curs. Mais ami pas~
sionné du plaisir, son indolence naturelle sembloi l
le rendre bien peu capable du role qu'il accepta. Ce
fut a luí cependant que le Prince d'Orange ouvrit
)'ablme rle ses pensers ambitieux. L'histoire n'a pu
vérifier encare les soupc;:ons élevés contre le comte
de Sunderland. Mais si le premier ministre de Jac-
ques II, le confident <Iu P. Piter, le Pensiannairc
de Louis XIV, Sunderland enfin, devenu Catholique
au moment meme ou la naissance du Prince de
Gallcs étoit contestée, entra dans la conspiration, ce
fut Sidney qui fit cette singuliere conquete au Princ('
d'Orange.


L'amiral Herbert, frere du Chef de J ustice, étoit
venu aussi en Hollande, dans le temps ou le Roi fiti-
soit ce que l'on appeloit alors I'Inquisition du Ca-
binet, et pressoit touts les Gl'ands de sa Cour de se
déclarer pOUl' la révocation du Test. Herbert étoit
le meilIeur marin d' Angleterl'e. Prodigue, livré a la
déhauche, et n'ayant d'autres ressources que sa place,
il n'hésita poillt a la sacrificr. « Je ne puis, ,) dit-il
au Roi, « faire cctte prolllesse ni en honneur ni
(( en conscience. » (( Pour galant homme, )) répondi t
le Roi, ({ je vous ai toujours connu te!; mais si vous
« craignez Dieu, c'est Lien a mon insu. » c( Sire, »
dit l'Amiral, « j'ai mes foiblpsses cOlllme un autre,
(( maJs Je ne suis point cOlllme certaines' personncs


1I r.
'1




18 RÉVOLUTJON DE 1688,
« qui, malgré leurs fragilités, font tant de bruit de
« la conscience et de la Religion.» CeUe brusquc
frailchise d'un marin alticr, chagrín el insociable,
alloit droit au Roi par rapport a la comtesse de Dor-
chester. L'Amiral, jalollx d'ailleurs du lord Dar-
mouth, en qui Jacques JI avait mis sa cOllfiallce,
n'eut pas de peine a s'éloigner de la Cour t't a se
dévouer au Prince d'Orangc.


Apres la mort du malheureux et iIlustre lord
Russel, sons Charles 1I, l'amiral Russel, son eonsin"
germain, s'étoit retiré dt' la Cour : ( Marin des sa
( plus tendre jeunesse, héros pour le courage, «( dit
Hurnet, )¡ ct d'une fermeté a l'épreuvc. » En 1687'
il s'étoit anssí rendn a La Haye, et le Prince d'O-
range s'étoit ouvert a lui autant qu'a Sic]¡lt'y. Le
Prince, qui ne vouloit preJ1(lre aneun engagement
sans avoir des garanties de succbs, demandoit flu'il
lui fUt envoyé une invitatioll formelle par les pl'in-
cipaux St'igneurs d'Angleterre. L' Amiral objectojt
avec raison la difficulté du secreto « Il suffira, » dit
le .Prince, q: d'avoir le vam ele ceux que l'on peut
« justement regareler comme interpretes de la nation
(e entiere. »


De son coté, Sídney cherchoit a connoltrt' sans
trop s'expliquer les vues du marquis d'Halifax, eler-
nier Présielent du Conseil. Celui-ci, sans s'ouvrir
davantage, répondit vaguement clup toute entl'eprisC'
lui paroissoit impraticable, el se boma d'ahol'd iI ce




'9
qui pouvoít susciter une opposition formidable aux
desseins du Roí.


Enfin un comité s'étoit organisé sur ce plan, apres
le voyage de Dykvelt; mais lorsque le eomte de Zu.
lestein arriva pour félieiter le Roi et la Reine SUF
la naissanee de leur fils, le premier plan d'opposi-
tion s'agrandit et devint peu a peu une conspiration.
Le comte de Danby, jadis Lord Trésorier sous
Charles 11, Y entra vivell1ent, et l'Éveque de Londre!>
avec lui. Le eomte de Nottingham, homme disert
et profond juriseonsulte, membre du Conseil ou íl
ne parut jamaís depuis l'avenement de Jaeques II,
jouissant d'un immense erédit daus le partí de l'É-
glise, et se tenant a ¡'éeart de toutes les affaires, ae-
eueillit d'abord les propositions, et déclara bientot
apres que sa eonseienee ne lui permettoit pas de
s'engager. Cependant il promit le secrct : posítioll
également périlleuse pour luí et pour eeux dont iI
tenoít les desLÍnées. Mais telle étoit la eonfianee
donnée .3. son earaetere, que sa parole fut re<;:ue
eomme un gage eertain de sa 6délité au secreto
Shrewsbury offrit son épée et 40,000 livres sterling
au Prinee, et attíra l'avare Lumley, qui venoit d'aL~
j urer la foi eatholique. Le lord Dumblarnt', 61,; du
comte de Danby, étoit maltre d'un pctit vaisseau, fill
voilier, qui portoit mystérieusement a l' emLouchme
de la Meuse, dan s un village écarté, l'argcnt, les
lettres, les affidés et les conseils de son pcre. Dalls


2.




20 RÉVOLUTION DE J688,
un de ces voyages successifs, l'amiral Herbert fut
le premier qui proposa brusquernent au Prince d'at-
taque!' la légitimité du Prince de Galles. Le comtt'
de Devonshire rel,;ut avec ardeur tout ce qui lui fut
proposé. Mais ce qui devint plus dangereux pour la
fortune du Roí, ce fut d'avoir engagé a la conjura-
tion deux des principaux chefs de l'armée : Trelawni
qui séduisit son frere, l'Éveque de Bristol; et Kerke,
si connu par sa férocité, rnaintenant ahsou~ par
J'esprit de faction, pour une insolpllte répons(' qu'iJ
6t au Roí. Kerke, en effet, pn>ssé de se déclarer
Catholique, avoit répondu : « Que si jamais il chan-
« geoit de Religion, il avoit donné sa parole a l'Em-
« pereur de Maroc. ) Il faut SP souvenir que le gé-
néral Kerke avoit commandé les troupes angloises
a Tanger. En6n, Churchill, l'ingrat Churehill, en-
fant de la Cour et de la fortune, comblp des faveurs
de Charles II et de Jacques II, ne resta pas fidele.
Ce n'est pas qu'il conspirit alors contre son bienfai-
teur et son Roi, ni que jamais, apres sa déf('ction
mcme, il·trahit les secrets dont il fut long-temps
l'intime dépositaire. Modele parfait des courtisans;
tour-u-tour gracieux, caressant et noble dan s ses
manieres; tOlljours rnaltre de lui, joignant a un port
majestueux et doux le courage el le génie de la guerre;
un seul vice tel'llissoit toutes ces brillantes qualités
la passion des richesses. La nelteté de son jugement
lui 6t pressentir aisément quelle seroit la fortune




EN ttNGLETERHE. :!.l


des deux Princcsses et de leur pere. Il ne parloit
plus au Roi des affaÍl'cs publiques, paree qu'il n'en
voyoit que trop I'inutilité; cependant il lui conseil-
loit toujours les moyens doux et conciliatoires, quand
il en trouvoit l'occasion de plus en plus rare. Chur-
chill enfin avoit-il la conscience de son génie, et
croyoit-il que sous un tel regne il ne lui restoit
qu'une équivoque faveur a conserver sans nulle
gloíre a conquérir? Il COllnut la conspiration, il Y
appla,udit et ne s'en mela poiut.


Sans doute il est inutile d'ajoutcr que le docteur
Burnct se trouvoit l'un des plus intimes agents du
parti. Sa plume, son nom, son habikté a manier les
esprits les plus contraires, son talent pour la polé-
miqlle religieuse et politiqlle, cet art insidieux de
donner toutes les coulellrs de la raison aux sophismes,
el d'envelopper la certitude meme dans les nuages
les plus subtils, rien l1e manqlloit a cet apotre zélé
d'llne Religion qui pour lui n'étoit qu'une institution
de convenance politiqueo Il avoit dans une senle
conversarion déterminé la Princesse d'Orange a su-
bordonner ses droÍts a J'ambition de son mari. Dans
une autre occasion, il avoit montré de loin les splen-
deurs du trone a la Princesse Palatine, duchesse
d'Hanovre. n excitoit l'indoJence natun·lle de Phi-
lippe Sidney, réprimoit les hauteurs superbcs de
J'amiral lfel'bert, el souffloit toutes les ardeul's tle
la veugcallccdalls I'amc gt~n{!n'l\se de Rus,~el, en




22 HÉVOr.UTION nI': I G88,
lui montrant l'ombre ele son illustre parent et de la
patrie humilipe. Burnet ne se borna ni aux écrits
ni a tant de soins divers, il étendit a I'Écosse l'active
et infatigable souplesse de son esprit. Johnson, son
neveu, passoit et repassoit perpétuellement la mer,
ponr entrctenir les correspondan ces de ceUe ligue.
Le fils du comte d' Argyle disposoit sa puissante
tribu; Donglas, qni commandoit l'armée royale d'É-
~osse, la préparoit a la révolte ou du moins a l'in-
action; Drumlanring, son neveu, et fils de Queens-
bury, le lord Stair et Jean d'Alrymple, son fils,
n'épargnoient ni soins ni fatignes ponr unir les
Presbytériens de ce royaume au parti Épiscopal
d' Angleterre.


Dne conspiration aussi vaste, dont les ramifica-
tions souterraines embrassoient toute l'Europe,
depuis la bruyere des Clans a demi-sauvages de
l'Í~cosse jusqu'au Vaticall, ne pouvoit pas rester
circonscrite a une seule et meme vue politiqueo Les
Torys protestants furent lespremiers qui s'habi-
tUCrent a considérer le prince d'Orange comme le
protecteur naturel de l' Angleterre, et qui, par la suc-
cession des événements, I'engagerent 11 leur preter
l'autorité de son nom et le secours de ses armes.
D'un autre coté, le partí des Whigs, c'est-;¡-dire
ceux qui, sons le dernier regne, avoiellt poursuivi
~lvec tant de passion l'exclusioIl du tIuc d'York,
erurent aussi que le momcllt (·toit vmlU de faire




EN ANGLKn:lUtE.


¡mivaloil' leurs maxiJllcs d'illlMpendance et d'obéis-
sanee conditionnelle. En dl.'scendant plus bas, tont
ce ¡¡ui tenoit an fanlome de la République, tOl1ts
ceux que la défiance de la Cour avoit éloignés de
l' année, touts ceux qui étoient restés proscl'its par
la restauration ou par la trompeuse amnistíe d'É-
cosse; touts ceux enfin qui s'étoient réfugiés sur le
COlltíllent apres les complots de Rye-house, l'inva-
sion d'Argyle et la révolte de Monrnoulh, accou-
l'Ul'ent de toutes parts, offrant leurs bras et leurs
Imines au prince d'Orange. Les factions les plus
contraires endormoient ou ajournoient leurs ressen-
timents pom' concourir' au meme but. Ainsi, le
comtl' de Danby lioit les Torys an prince d'Orangc,
tandís que les Whigs, qui jadis a voient menacé Danby
ll'un bill d' alteillder, se ri~ullissojent maintenant
a lui par Cavendish, cornte de Devonshire, que
recolllmandoil'nt son nom, sa fortune, et surtout
sa tendl'e amitié pour l'infortuné Russel. Les Hamp-
den, Irs Powle, les Lestl'r, touts les chefs du pal'ti
populaire dc Londres, offroient, les UllS lcm' pcr-
sonne, les autres Ieurs tr{~sors et leul' popularité.
Fletcher de Salton, l'ami et le compagnon de MOll-
lIJouth, qui occupoít daus la guerre des Tures en
Hongl'ie I'activité dé son au1t' intl'épidc, accourut
aussi a la Cour Ju Princc. Quant an Pellple, 11
saít tuujoUI'S et dan s Louti'> les temps Ol! ::;~ trouve la
l~H'ce rédk, S<lIlS pom' cela ignorer ni se dissiulUler




nÉVOLUTION 1IE 1 6SH,
. ou est la j ustiee; mais avant tout, il devine Ol! cst
la force, el la toujours se portent ses vreux et ses
désirs inquiets. Des qu'il existe un homme capablt'
de vaincre, un homme qui réunisse une grande ha-
bileté a une immense ambition, les peuples disent ~
Le voila. Cest pour lui que tout se remue daos les
ames. Il attire naturellemeot tout ce qui est éner-
gique et violent dan s les sentiments, dans les haines,
dans les ambitions. Il conspire, et les peuples con-
spirent avec lui. On s'entend partout sans se parler,
OH mthne on se parle, paree que 1'0n se devine:
symptome infaillible d'une grande révolution. D'uo
coté, tout es1 vif, mpide , simultané; de l'autre, e' est
de l'inertie, de la défiance de soi et des autres. Ceux
({ui font leur devoir le font avec hésitation ou pru-
dence. Tont s'isole : nulIe aetion, nul eoncert, point
d'élan généreux. Tandis que le Gouvernement s'em-
harrasse perpétuellement, il y a un autre Gouver-
nement invisible qui a ses chefs et son peuple, sans
compter le peuple des indifférents, des ti mides eL
des laches, qui observent, qui ont des pressenLiments,
des notions détournées, qui attendent l'événement,
et (lni par cela meme, sans le croire ou sans le vou-
loir, conspirent pour les factieux.


Dans ce concours universel de toutes les factiol1s
;, ceHe du prince d'Orange, il falloit a ce Prinee une
ame allssi forte que la siennc pour domine!' taut de
passiom diverscs, les disciplincr, !t·s subonloTIIll~l




EN ANGLETERRE.


tout a-la-fois a l'intéret de sa grandeur personnelIc
el aux intérets essentiels de l'État lui-meme. Ce
ll'étoit pas Marius qui arme jusqu'aux esclaves pour
faire triompher une multitude arden te et grossiere,
mais Sylla qui enchalne a sa cause les Patriciens, le
Sénat et les Rois. Guillaume ne vouloit pas etre
l'instrument des factions, ni hasarder son existence
poli tique par une entreprise désespérée comme celles
d'Argyle et de Monmouth. Son vaste regard em-
Lrassoit l'Europe enliere: il voyoit toul a-Ia-fois le
treme de Jacques II et la grandeur importune de
Louis XIV. Puisqu'il vouloit régner, il ne lui con-
venoit ni de paro'ltre en conquérant, ni d'etre le
chef révocuble d'une faction, ni de renverser toutes
les colonnes de l'État, ni de laisser apres luí sa
premiere patrie en proie aux invasions. Il prit done
toutes les mesures capables d'assurer le territoire de
la Hollande pendant son absence, de s'assurer pour
lui-meme des forces imposantes, et de se montrer
aux pcuples d' Angleterre comme un 1 ibérateur qu' eux·
mcmcs avoíent appelé. C'est sous ce dernier point
de vue, et pour imposer silence a toutes les préten-
tions contraires de tant de factions réunies, qu'il se
fit présenter par les principaux seigneurs d'Angle-
terre, une requcte fOl'luelle OU , comme héritier pré-
sOlllptif de la Couronne, il étoit supplié de venir
l'etlresser les griefs de la N a tiOll, et vérífier la llais-
,,~tIlCe du prillce de Galles.




nÉVOLUTION DE 1688,
Cette requete en forme de mémoire, destiné a la


pub licité , peut j ustement passel' poul' un chef-d' ~uYrC
de raisonnement et d'al'tifice. Le docteur Burnet y
travailla, ainsi que le comte de Danby; celui -ei,
pour ce qui regal'de l' exposé des lois fondamen-
tales du Royaume, et la pal'tie systématique du Gou-
vernement; l'autre, poul' l'enchalnement d('s faits,
leul's déduetions, la subtilité de la dialeetique et
les mysteres de I'al't d'éel'ire. Jamais peut-etl'e l'esprit
humain n'avoit su assemblel' plus de nuages pomo en
faire sortir un fantome qui ressemblit 11 la vérité. On
ne parle iei que. de la naissartr;e du prinee de Galles.


S'il falloit en eroire les auteurs de eette requete,
le projet monstrueux de présenter a l'Angleterre un
faux héritier de la Couronne remont6it aux derniers
tempS' de la correspondance de Stewart avec le Grand
Pensionnaire de Hollande. Cette correspondance,
disoiellt- ils, en donne des indices qui ne peuvent
recevoir aucune explieation l'aisonnable, s'ils ne se
l'apportent pas uniquement a eette astueieuse et eri-
minelle eombinaison. Au mois de juillet et au lIIois
d'aout (1687), Stewart éerivoit ~I Fagel que le
prinee d'Orange n'avoit plus un moment a perdre
pour satisfail'e aux désirs du Roi, et pour assurer
les intérets des Protestal1ts, ses propres íntérets
meme, bien plus que le Prinee ne pouvoit l'imagi-
ner. Ces menaces mystérienses n'annollcent - elles
pas, di50it - Oll t'llcorr, que les fuurhes alloíenr




EN ANGLETERIU:.


mettre la main a l'reuvre? En cffet, le Prince est
irrévocablem~nt décidé contrc la révocation du Test,
et soudain on parle du riche ex voto envoyé a Lo-
rette, et du pélerinage a la Sainte Fontaine du pays
de Galles. Mais avant que la grossesse de la Reine
ne fUt déclarée, vers la mi-octobre, Stewart écrivoit
cncore et déploroit que le temps de la complaisance
eut été perdu par le prince et la princesse d'O-
range, et qu'ils eussent repoussé les maximes de la
prudence. Par de tels rapprochements on trace,
pour ainsi dire, les premiers linéaments de l'impos-
ture supposée. Mais avant le voyage de la Reine aux
bains, il étoit reconnu par elle-meme qu'elle n'étoit
pas enceillte. Lorsque le Roí eut quitté Bath, il fut
avoué encore dan s ce temps-Ia que la Reine avoit
touts les signes cantraires a une grossesse déja com-
mencée. Cependant, et quoique les merues signes se
soient renouvelés plusieurs fois depuis, ce fut au
16 octobre que la grossesse fut d' abord et généra-
¡pment fixée, le Roi et la Reine se complaisant l'un
et l'autre a pubIier que cet événement concouroit
avec les dons offerts a Notre - Dame de Lorette.
( AIors,» elisent les auteurs de la reqw?te, « iI étoit
« trop tOt pour eux d'avoir fait provision d'un en-
« fant supposé; ils pouvoient assigner ainsi quel
« temps ¡Ileur plairoit a sa conception, pt chercher
,( un cnfant qui s'y put accoml1loder. .Mais iI arriva
',e mulheureusement apres lju'ils ne purellt ajuste!'




RÉVOLUTIüN m: J 688,
« les temps de la eonception et de la délivranee sup-
« posées, avec lecours le plus ordinaire et le plus
« constant de la nature, qui est neuf mois. )Pour-
suivant le caurs de leurs observatians, ils affirmellt
que jamais la Reine ne 6t paraitre aucune des mar-
ques les plus naturelles qui annoneent et qlli sui-
vent le progres d'une grossesse. Jamais auculle de
ses Dames d'honlleur ne put s'apercevoir que la na-
ture préparoit la nourritllre de l'enfant ({tÚ devoit
naltre; jamais la prineesse de Dallemark ni aUCUlH::
Dame protestante ne fut admise a reconnoltre que
l'enfant remuoit effectivement daus le sein de sa
mere. Jamais enfin jusqu'au dernier moment il ne
parut d'autre signe de grossesse qu'un ventre tres-
élevé, sans que le reste du corps, vu de coté ou par
derriere, ettt la moindre proportion avec ccUe élé-
vatian toute artificielle. Dans les quatre Jerniers
mois, la Reine, contre son usage ordinaire, se re-
tiroit toujours de sa chambre dans son cabinet avec
deux ou trois Italiennes, lorsqu'elle changeoit de
linge, sans jamais permettre qu'aucul1e Dame de la
chambre en fUt témoin comme autrefois: sans doute
pour ne pas laisser apercevoir la forme naturelle et
véritable du eorps de Sa Majesté.


« La eontinuation de eette imposture jusqu'a la
« fin,)) dit la requete, « a été proportionnée aux
« commcnecmcnts. Dans les préparatifs f~lÍts pou!'
¡, les coucIw:.; supposPPs de la Bciue, 011 n'a el! <lllCUn




j.~N A;'iGLETEHHE.


«( égard aux regles de l\~quité naturelle , ou du droit,
( ou de la prudence; et l'on n'a gardé aucuue des
«( apparences de cette franchise et de ce procédé ou-
« vert, qui devroit avoir fait paroitre qu'ils ne crai-
«( gnoient point que la nation ou le monde sussent
«( la vérité de tout ce qui se passoit dans ce He af·
(( faire, dans laquelle. tout le Royaume et une si
« grande partie du monde étoient si intéressés. Si
«( l'on avoit consulté lcs coutumes et les lois d'Au-
(( gleterre, ou l'équité natnrelle., dans les cireon-
«( stances des préparatifs néeessaires pour l'aeeou-
«( ehement de la Reine, le premier eonseil qu'jls
« auroient díl prendre auroit été d'avertir de bonne
( heure Vos Altesses et les autres que la suec('ssion
« de la Couronne peut regarder un jour, dll temps
« que la Reine cspéroit accouc!wr d'un Prince, el
( du lieu ou elle feroit ses couches en ce ~emps-Ia;
« afin que les matrones de qualité et les autres dames
( se fussent préparées pour s'y trouver, pour lui
« rendre ses services et obvier a touts }('s soup~ons
« de fraude et d'impostUl'e.


« Mais on ne peut pas le nier: non - seulemenl
« on a manqué a en donncr avis a Son Altesse
« Royale (la princessc d'Orange) et a touts ses pa-
« rents; non· seulement on n'en a pas averti une
«( seule des nobles maÍsons d' Angleterre; mais on
«( s'est serví de touts les artífices imaginables pour
c( cachel' le tcmps pA; le lieu des couches prétcnducs :




30 RÉVOLUTION DE 1688,
( car le Roí et la Reine puhlioient le temps dp la
« conception supposée, de maniere que ni Son AI-
« tesse Royale, ni aueune personne de qualité nt>
( pouvoient prévoir le temps naturel auquella com~­
c( die qui s'est jOllée devoít eommencer.


ce Le líeu ou l'on vouloit que Sa ,Majesté aceou-
c( ehat étoit tenu dans une si, grande incertitude, et
({ souvent publié si diversemenl, tantot pour Riche-
(e mond, quelquefois a Wíndsor, tantot pour Hamp-
« toneourt, qu'aucune des amies ou paren tes de l'hé-
ce ritiere présomptive, ni aueuo des nobles Protes-
« tants ne pouvoient savoir comment ni quand il~
{( se devoient préparer a se trouver pres de S:t Ma-
« jesté, comme leur devoir envers Leurs Majestés,
« envers Son Altesse Royale et eovel'S le Royaump,
« les y obligeoit.


« De tneme, 1'on ehangeoit souvent le nom du
( líeu, eomme si l'oIl avoit apprélwudé que la place
«( ne fUt surprise. Aussi, a la fin, la Reine, un jonr
e( ou deux avant ses prétendues eouehes, prit P11 ap"'
ce parenee une si précipitee résolutio11 de les faire a
« Saint - James (quoique le tenne fUt alors indiqué
« a plus de trois semaines), et 1'011 donna ordre de
« préparer les chambres avec une h·lle promptitude.
(( que le vendredi, quand Sa Majesté anIlon<;;a qu'ellc
« accoucheroit le samedi, et qu'illui fut répondu que
({ les chambres ue pourroieut pas etre en état, elle
te dit qu'elle accoucheroit dans la place.




,~'


EN ANGLETERRE.


I( Touts les Protestants espéroient que la princesse
(( de Danemark y auroit l'mil de fort pres, pour son
(( propre intér~t, quand le temps des prétendues
(1 couches seroit venu; et l'on croyoit qu'il seroit im-
« possiblc d'éviter qu'elle ne fUt présente. Mais 011
(( avoit ordre que les médecins lui prescrivissent les
(( eaux de Bath, pour la tenir a quatre-viugts milles
(1 de Londres, jusqu'a ce que le prétendll Prince
1/ fUt né.


(( Quand nous apprlmes que Sa Majesté avoit dé-
« daré qu'elle vouloit aller coucher au palais de
« Saint-James, le samedi au soir, on ne s'imagina
« pas que c'étoit pour mettre au jour un Prince pré-
II tendu, le dimanche: OH n'en avoit pas dit le moindrc


t t 1, , tAl' d ( mo ,e on ne s aper~u pas meme (aUClln e ces
« signes qui ordinairement précedent un accouche-
« ment. Sa Majesté joua bien avant dans la nuit aux
« cartes, sans qu'on remarquat alors aueune indispo-
({ sition. Mais nous jugeames bien, par l'événement,
« dimanche au matin, que Sa Majesté avoit rpsolu
« d'alJer coucher au palais Saint- James le samedi
( au soir, pour mettre au monde un Prince, le di-
«( manche.


II L'ou )ugea que le temp'O, le p\u'O, pl'opre pmw exé-
(( euter ce dessein seroit entre les neuf et dix heures
« du matin, quand toutes les dames protestantes,
(( ou du moins la plupart, sont a I'Église; et ron
« I'ésolllt en meme temps que l'affaire .seroit faile




RÉVOLUTION DE 16B8,
« avant leul' retour, afin que la sage - femme, Ma-
« dame Labany, et Mademoiselle Touraine son amie
« intime, qui avoient ordre de mettre au monde ce
( Prince supposé, pussent mieux prendre leurs me-
« sures.


« On choisit une chambre, assez propre pour nous
« jouer ce tour, mais non pour prévenir les soup-
« c;ons. 11 y avoit une porte secrete au dedans de la
({ ruelle du lit de la Reine, sans qlle pas un de ceux
« qui étoient auprcs de la Reine, meme an picd de
« son lit(personne n'entrant dans la ruelle), put s'en
ce apercevoir; et par cette porte, la sage-fcmme, Ma~
(l dame Labany, et M ademoiselle Touraine, glisserent
« dans le lit de la Reine tout ce qu'elles voulurent,
(t. sans qu'on les put voir.


« Si I'on n'eut pas eu besoin de cette porte pour
« faire réussir le dessein, on aumit du la fermel' de
« maniere a nepas donner au peuple un nouveau
« sujet de soupc;on. Mais il pamt par l'événemellt
« que eette porte étoit nécessaire, pour faire réussir
({ le dessein qu' on avoit de nous tromper, comOle le
re savent assez les seigneurs du Conseil, qui. furent
( appelés, non pas pour voir ce qui s'étoit passé,
« mais pour etre vus dans la chambre de la Reine
« avec le Roi, et pour que le peuple les crut t¡;moins
« oculaires de la naissance du prétendu Prince.


« Lorsqu'une femme doit mcttre au monde un en-
({fanl posthume, qui pourroit exclure l'héritier pré-




'..1':> J.)


« somptif, la Loi civile a ordonné que la chambrc
(e ou cette femme doit accouchcr n'auroit qu'unc
« porte, et que, s'il y en a plusieurs, on les lienne
({ Lien fernH';es apres y avoir mis le sceHé des deux
('( parties. Elle Ol'donne aussi qu'on mette des gardes
({ a la porte qui est ouverte, et qu'on ne laisse en-
« trer aueune femme saus etre fouillée, de peur
ti qu'elle n'apportc un ellfant a la femme qui est
« en couches. Quoique nous n'ayons aucnne loi ex-
('( presse qui nous prescrive ce qui est a fitirc dalls
e( la circonstance actuelle, notre Loi commune n'en
« témoigne pas 1110ins une ho1'reur extreme pour
« toute sorte de fraude en matiere d'héritage. Elle
('( veut que douze des plus haLiles d'entre les voisins
« prennent connoissance de l'imposture, el en jugent
« meme sur des présomptions, pou!' rejeter I'hé1'itier
({ prétendu, quand ils trouvent quelque fondemellt
« pou1' cela. De plus, chacun, selon la loi, doit évi-
(e ter de faire soup,;;onner qu'il a formé le dessein de


ee tromper le monde par un héritier snpposé. »
Les autenrs du mémoire étoient déja entrés dans


une fort savante discussion sur les usages et sur les
f01'mal"ltés qui, c)lez touts 1es peuples, et particulie1'c-
ment en Anglete1're, servent a constater la naissanc(~
des Princes et a préserver ainsi les nations de touts
les dangers d'une succession douteuse on contestée.
lis continuent a présenter a leur maniere les eir-
constances qui out illlmédiatement préeédt" el sui \' i


" 111. ,)




34 llÉVOLUTION DE 1688,
l'accouchement de la Reine d' Angleterre. lis disent
comment aucune de ces précautions que 1'0n emploie,
meme pour les femmes d'une médiocre condition,
ne fut mise en usage. Les médecins meme ne furent
pas avertis. (( On jugea, par touts ces procédés,»
elisent - ils, ,( que la grossesse n'étoit qu'une feinte,
« et on en fut entierement convaincu par la suite.
cc Sa Majesté étant couchée, les rideaux tirés de touts
c( les cotés, et tont ce qu'il falloit pOlIr mettI'e an
(c monde un enfant supposé étant préparé dans I'autrf'
« chambre, Elle commenc;a a contrefaire une femme
(( en travail d'enfant. Aussitot .les sages-femmes, ma-
« dame Labany et mademois\'lle Touraine, appor-
a terent, par la porte qui étoit ouverte dans la mu-
e< raille pres du lit de la Reine, l'enfant et tout ce
« (lui étoit nécessaire dans une conjoncture de cetle
« nature. Ce fut alors que la sage-femme et ses con-
«( fidentes firent leur devoir, avec grand empresse-
(( ment en apparence ,a rentonr de la Reine, dans
« l' obscurité : de sorte que personne ne put voir ce
( qu'elles faisoient. Elles disposerent I'enfant le micux
« qu'elles purent a dormir pou!' empecher qu'il ne
« criat, devant qu'on l' eut glissé dans le lit; et de
« crainte qu'il ne fUt étouffé dan s un lit qui étoit si
« bien fermé de touts cotés, on mit au jour sans
« délai le prétendu Prince, plus tot qu'on n'auroit pu
« l'espérer par le secours de Notre Dame de Lorettc
« OH d'aucun autre saínt ....




EN ANGLETERRE. 35
« Tout ce qu'on devoit contrefaire sur le champ


« fut expédié dans le momento La sage-femme ayant
« donné l'enfant enveloppé dans des langes a ma-
« dame Labany, elles passerent ensemble par la porte
« secrete, de la ruelle du lit, en grande hate, a la
« chambre voisine, ce qui est une marque évidente
« de la feinte: autrement elles n'auroient jamais
« laissé Sa Majesté dans un moment si dangereux,
« et lorsqu'elle avoit le plus de besoin de leur se-
« cours.


« Au líeu de faire voir a tout le monde que la
« Reine étoit en effet aecouchée d'un fils, on fit
« toutes choses dans l'obscurité, les rideaux tirés, et
Cl sous la couverture du lit. Les confidentes seules
« ( et nul autre, soit homme, soit femme) furent
« les témoíns oculaires de ce qu'on emporta du lit
« de la Reine par la porte secrete de sa ruelle .


. « Tout le monde s'attendoit que l'enfant, par ses
« Iarmes, donneroit des signes, comme iI arrive
« d'ordinaire, qu'il étoit en vic; mais plusieurs sei-
« gneurs du Conseil, qui se trouverent dans la
« chambre, ont assuré qu' on n'y entendit aucunhruit,
« quoique la sage-femme ne vouhlt pas d'abord dé-
« cIarer que ce mt un prince.


« Nous n'avons rapporté icí aucune circollstance
« 11 Vos Altesses, qui ne soít de publique notoriété,
« qui ne puisse etre prouvée, dans toutes les Cours
« de justice Ol! 1'on veut agir san s partialité. Quant


3.




36 IlÉVOLUTION DE 1688,
« a ce qui s'est pa5sé autour de ce prétendu princf',
« dans cette chambre cl'ou on l'apporta, et dans Ia-
« quelle, avant de le montrer aux seigneurs du
« Conseil, ou d'anDoncer que la Reine étoit accou-
ee chée d'un fils, on le rapporta, il n'est pas néees-
« saire de vous dire nos conjectures. Mais nous sa~
({ vons certainement, par la déposition des personnes
« présentes, que, durant tout le temps de ce pré-
(e tendu travail d' cnfant, le Roi youlut que les sei-
« gneurs du Conseil fussent toujours au pied lIu lit
« cle la Reine, sans néanmoins qu'ils pussent ni cn-
« tendre ni voir quelque chose que ce soit, qui leur
« pul faire croire la naissance du prétendu prince :
« d'ou il faut conclure qu'on ue les peut regardcr
« comme des témoins légitimes, et qui soien t SelOIl
« les 10Ís cl'Angleterre. Néanmoins les actenrs dl'
« cette! farce eurent I'Ímpudence de publier, immé-
« dÍatement, et par orclre du Roi, que plusieurs
« seÍgneurs et clames cle qualité avoient assÍsté a
« l'aecouchement de la Reine: insínuant par cette
« équivoque de jésuites, que ces seigneurs pL ces
« clames avoient été en effet témoÍns oculaires, et
« en la maniere que nos lois l' ordonnent, de la nais-
« sanee cl'un prinee; et cepenclant on sait assurément
K que les seules personnes qui étoient illtéressées
« clans l'heureux sucd$ de cette imposture, savoient
« ce quí se passoit clans la ruelle clu lit, et que les
« autres (1111 étoiellt dans la chambre en étoient aussi




EN ANGLETEHHE.


« peu instruits que ceux qui étoient 11 dix milles de
« la. Le Roi enfin les quitta, et se retira dans l'an-
« tic hambre , ou il trouva mademoiselle Labany et
« ses confidentes avec l'enfant supposé. Peu de temps
« apres, on fit dire aux seigneurs qu'un prince étant
« né, ils pouvoient s'en aller, 11 quoi plusieurs obéi-
« rento Il est inutile de dire 11 Vos Altesses ce qui
« se passa ensuite , quand on fit voir l'enfant 11 ceux
el qui resterent.. .... »


Tels sont les faits et les conjectures sur lesquels
on établissoit la dénonciation du crime le plus
odieux qui puisse extitel' la juste col ere de Dieu
el des hommes. On demandoit enfin, d'une part,
que le Roi et la Reine fussent tenus de prouver lé-
galernent la l1aissance de lcur fils; en second lieu,
que le prince et la princcsse d'Orallge pretassent
efficacement ¡l la nation leur secours contre les
usurpations de Jacques I1, sur le libre gouverne-
ment d' Angleterre, établi par les anciens usages et
par les lois.


Les faits allégués dan!> la requete n'étoient pas
les seuls dont le public éloit préoccupé. La ruIllf'lIr
devint si universclle que, dan s l'intérieur des pro-
vinces, les royalistes les plus fermes, et les Catho-
liques eux-memes, ne savoient que penser ou que
répondre. Avant l'événement, les esprits vifs el ar-
dents s'étoient échappés en menal,?antes jactances.
Leur foi intime dans un miracle qu'ils sembloiellt




38 RÉVOLUTION DE 1688,
prophétiser, et cette malllere insensée d' associer
Dieu lui-meme a des projets de vengeanee et de
domination, n'avoient que trop autorisé des suspi-
cions qui hientot allerent jusqu'au fanatisme de la
erédulité. Divisée en cahales ombrageuses, la Cour
elle-meme s'atraehoit a seruter el tourmenter les
faits les plus simples qui, en d'aulres circonstances,
n'auroient pas meme excité l'attention : a peu pres
eomme dans les temps de grandes ealamités, le
vulgaíre attaehe des présages funestes a des phéno-
menes qui lui échappent quand il est heureux ou
tranquille. Ainsi, pendant la· grossesse de la Reine,
tout fut épié, ohservé, dénaturé. Aux fetes de
" Paques, la Reine croyoit avoir fait une fausse


couche, et Barillon l'annonce luí - meme dans sa
lettre du 2.5 avril. Le hasard voulut alors que la
comtesse de Clarendon, qui devoit s'ahsenter de
Londres, vint prendre inopinément congé de la
Reine. Elle entre sans se faire annoncer, en sa qua-
lité de dame d'honneur de la Reine douairiere. Elle
entend la Reine qui s'éerie de son lit: Je mis per-
due. A ee moment, la eomtesse de Powes entre et
congédie ineivilement la comtesse de Ciaren don ,
puis ensuite la 6t supplier de garder le seeret sur
ce qu'elle avoit vu enlever du lit de la Reine. De
la, on assura que la Reine avoit fait une fausse
eouche, et que l'enfant né le 20 juin étoit un en·
fant supposé. Mai... alors on conviellt done que la




EN ANGLETERRE. 3 9
Reine étoit devenue gros se a l'époque meme qui
est eontestée dans la requete au prince d'Orange.
Le docteur Burnet, qui a certainement travaillé a
la rédaction de eette requete, raeonte dan s ses mé-
moires des bruits et des faits auxquels il parolt
eroire, et qui eependant détruisent ceux memes
qu'il a concouru 11 établir comme indubitables. D'a-
bord on parla beaucoup de l'introduction de l'en-
fant, par une grande bassinoire d'argent, dans le
lit de la Reine; et comme le 2.0 juin étoit un des
jours les plus ehauds de l'année, on insista grave-
ment sur le mystere de eette bassinoire. Mais le soir
meme, di! - iI, on vint annonCel', d'un air tont ef-
faré, a un Papiste zélé, frere du vicomte de Mon-
tagu, que le prinee de GalIes étoit mort, eette
nouvel1e fut le lendemain rapportée aux Prélats pri-
sonniers a la Tour, par un apothieaire nommé Hé-
mings, qui avoit entendu, a travers un mur mi-
toyen, annoneer la mystérieuse el fatale nouvelle.
Peu d'instanls apres, la comtesse de Clarendon vint
Jire aux Prélats qu'on lui avoit refusé l'entrée dans
l'appartement du prince de Galles. Done l'eufant
introduit dans le lit de la Reine, par la bassinoire
d'argent, étoit mort, et celui qui parut le lende-
main, frais el vigoureux, étoit un nouvel enfant
de l'imposture. Quelque temps apres, ce second eu-
fant est envoyé a Riehemond Ol! l'air est plus 5a-
¡ubre qu'a Windsor. II y fut tres - mala de , et ce




40 RtVOLUTION DE 168M,
fut la que l'on se décida enfin a lui donner une
nourrice. Le Roi exprime d'une maniere fort tou-
chante, dans ses mémoires, la crainte qui l'agitoit
de ne pas retrouver son fils, et sa joie de le trou-
ver respirant encore. Mais voici la maniere dont
s'explique le docteur Burnet : « Le petit Prince eut
« des symptomes facheux qui firent penser a quatre
« médecins qu'il ne tarderoit pas a expirer. On fit
« savoir son état au Roí et a la Reine qui mon-
« terent d'abord en carrosse. Les médecins, qui
« étoient alié prendre leur repas, surpris qu'on les
« laissat dlner a l'aise, ne douterent pas que leur
« petit malade ne fUt mort. Mais quel fut leur éton-
« nement lorsqu'apres avoir fini, au lieu d'un petit
« corps pale et décharné, dont les yeux presque
« éteints semLloient dire adicn pour jamais a la
« lumiere, ils trouverent un enfant dont l'cril vif et
« le teint vermt:il marquoient une :;anté d'athlete!
« Quand on le leur montra, ils s'entre-regarderent :
« il n'eut pas fait Lon pour eux de s'exprimer au-
« trement que par quelques sourires et un profond
« silence. On voulut leur persuadcr que les principes
( de la vie s'étoient tout-a-coup ranimés. lis n'ajou-
« terent pas grande foi a cette espece de résurrec-
« tion prétendue. Quelques-uns d'entre eux dirent a
« Lloyd, Éveque de Saint- Asaph, ({u'il leur {-toit
« impossible de penser que ce dernier fl'tt le mcme
« que celui dont ils avoient, un mOUlcnt aupara-




EN ANGLETERRE.


« vant, prononcé l'arnh.» Ainsi done, et d'apres
la l'equete an prince d'Orange, et d'apres les réeits
du doeteur Burnet, le Roi et la Reine d' Angleterre
aur«;>ient 'supposé d'abord une grossesse qui n'exis-
toit point. Cependant la Reine auroit fait·une fausse
couche dans la semaine sainté, et de ce moment on
auroit encore annoncé que la grossesse continuoit
heureusement. Le 20 juin, jour de fe te solennelle,
pour profiter du moment ou la princesse de Dane-
mark étoit a Bath, ou les dames de la Conr étoient
a l'office, et le Primat du Royaume, témoin néces-
saire, étoit en prison, la Réine se seroit hatée d'ac-
coucher un mois avant le terme présumé. Un en-
fant tres-vigoureux auroit été supposé. Cet enfant
seroit mort dans la nuÍt meme, et un autre lui au-
roit été substitué. Quelque temps apres, ce second
enfant supposé seroit mort a Richemond, et un
troisíeme auroit été subitement substitué au défunt,
pendant que les quatre médecins de celui-ci di-
noient tranquillement a }'arrivée du Roi. Que de
miracles d'impostures il faut eroire quand on veut
etre l'esclave d'une faetion! Voila eependant ce que
le docteur Burnt't, depuis éveque de Salisbury, a
écrit; ce que les grands, ce que l'Église Anglicane,
ce que le príne d'Orange, ce que les deux filies du
Roí ont voulu croire, paree qu'il leur importoit
que le peuple fUt imbu de ces révoltantes absurdités.
11 faut dire cependant <¡úe le Roí, que la Reine,




REVOLUTION DE 1688,
que les seigneurs catholiques et les pretres qui lcs
conduisoient ont trop donné lieu a des soup~ons
naturels par leurs discours, leurs promesses mys-
tiques et Ieur fastueux mépris de tont ce qui auroit
pu convaincre I'incrédulité la plus obstinée pendant
et apres la grossesse de la Reine : tant il est vrai
que le respect et l'observance religieuse des formes
établies pal' le temps OH par les lois ne sont pas
moins la sauve-garde des Rois que des plus humbles
citoyens l.


I .11 ne faut pas s'étonner que Sa Majesté n'ait pas songé aux
« précautious qu'il auroit fallu prendre, pour déjouer dan s cette
" occasion la malice de ses ennemis. Cctte malice étoit trop pro-
« fondément cachée, pom qu'i! flit facile de la déconvrir. D'ail-
"leurs, comment auroit -elle prévu leur intention de nier la
" grossesse de la Reine? Un pareil crime devoit paroitre aussi
"étrange que le parricide aux alleiens llomains (il falloit dire
« Athéniens)o Mais les hommes inventent journelIement de non-
«veaux forfaits, qu'on n'avoit pas Cl'U possibles avant de les
« avoir YUSo Le Roi pressa beaucoup, a la vérité, la Prineesse de
" différer son voyage a Bath jusqu'apres les couches de la Reine;
" mais en cela i\ n'avoit d'autre hut que l'agtOément que son
• épouse devoit éprouver par les secoUl'S et les conscils d'une si
« proche pareute; et la Princesse, qui s'étoit préparée d'avance
" a éluder les domandes du Roi, prétendit que son médecin
" avoit déclaré que sa santé couroit du dallger, si elle difTéroit
" de prendre les eauxo Le Roi, qlli étoit le plus temhoe phe qu'il
" y eUt, mettoit beancoup plus d'intéret au bien de ses ellfants
" qu'a sa propre satisfactiono II lui dit en consé'lllcnce que, puis-




EN ANGLETERl\E. 43
La requete des mécontents au prince et 11 la prin-


cesse d'Orange contenoit Un reproche assez vive-
ment exprimé, d'avoil' en quelque sorte reconnu la
légitimité du prince de Galles, en autorisant des
prihes publiques pour cet enfant, dans la chapelle
de la prillcesse. Ce grief des mécontents fut écarté
avec empressement, et les prieres furent supprimées.
Aucune insulte ne pouvoit etre plus grave, et ne


« qu'¡¡ s'agissoit de sa santé, toute autre considération devoit eé-
« der a eeHe-Ia; et que d'ailleurs, la Reine n'étant pas bien sure
« de son caleul, il se pouvoit qu'elle n'aeeouehat qu'apres le re-
o tour de la Princesse. Ce fut aussi ce qui engagea le Roi a eéder
« plus facilement aux raisons de sa fille. De sorte que ce qu'elle
« avoit elle-meme combint!, joint a la tendre eondescendance
« de son pere, fut cause qu'on Jit eourir plus tard le bruit que
« soh absence avoit. été foreée, afin qu'elle ne" fUt pas présente
" a l'imposture. Cette abominable ealomnie ayant été aussi pu-
« bliée a l'égard de l'archeveque de Cantorhéry, donna líeu de
«soupr;onner que son absence apOlt été arrangée pour le
• méme motif, quoique, selon toule apparence, il n'y ait
"point concouru; car, bien que/oíble, c'éloit un homme d'un
« caraclere droit el sincere.» (Vie de Jacques 11, tome III,
page 232).


La phrase ci-dessus est la plus singuW:re apologie qui se puisse
imaginero Le Roi dit que l'absence de l'Areheveque a été con-
eerlée pour le meme motif que l'absence de la princesse Anne;
iJ ajoute que, selon toute apparence, l' Archeveque n'y a pas
concouru. Or, quclle étoit ceUe absence! Jacques 11 avoit fah
mettre l' Archeveque en prison le 18 juin, et la Reine accoucha
le 20.




fi4 RÉVOLUTION DE 1688,
dcvoit plus vivement éclairer le Roí sur ses dangers
comme sur la nécessité d'agir avec une sage fer-
melé. Mais, toujours séduit par cette idée fatale,
que le Prince n'étoit réellement en état de faire au-
cune entreprise sérieuse, il chargea d'Albeville de
déclarer a la Princesse qu'il ne se représenteroit ni
chez elle, ni chez le prince d'Orange, si l' on ne
reprenoit les prieres d'usage. Aux premieres récla-
mations du marquis, la princesse avoit dit que pro-
bablement c'étoit un oubli de l'aumonier de sa cha-
pelle; mais, aux nouvelles plaintes faite s par ordre
du Roí son pere, elle réplíqua froidement que,
n'étant point accoutumée aux affaires publiques,
elle ne savoit que répondre; iI falloit s'adresser a
son marÍ lui-meme.


D'Albeville, qui étoit sur le paint de revenir en
Angleterre, vaulut, dan s cette entrevue, j ustifier le
Roi de divers reproches avancés par Dykvelt et
Bentink, favori du Prince, et en particulier, sur ce
que Jacqucs II n'avoit jamais donné a sa filIe au-
cune marque effective de son amitié paternelle, de-
¡lUis son avtmement a la Couronne. Il étoit vrai,
en effet, que la Princesse ne recevoit de pension
ni de son pere, ni de l'État, quoique héritiere pré-
somptive. Elle répondit avec une sorte de ressen-
timent: « Je n'ai jamais demandé au Roi mon pere
« qu'une seule chose, c'étoit de s'employer aupres
« dn Roí de France, pour empechcr la saisie de la




EN ANGLETElUlE. 45
(r principauté d'Orange. Mais mon pere a mieux
ce aimé se liguer ave e le Roí de France contre mon
(e mari.» S'il est quelquefois permis d'assigner de
petites causes a de grands événements, il est certain
que le séquestre de la principa uté d'Orange, et
l'économie parcimonieuse de Jacquesll, qui s'étendit
jusqu'a sa fiUe ainée, n'ont pas peu contribué a la
révolution qui va s'accomplir. Le Prillce, déja hai-
neux contre Louis XIV, jura de venger l'outrage
qu'il avoit re\u quand les remparts d'Orange furent
d.émolis; et la Princesse ne recevant du Roí son
pere aueune de ees libéralités délicates ou géné-
reuses qui entretiennent l'affection par la reeon-
noissance, prit l'habitude insensible, mais douce
pour elle, de voir uniquement dalls son mari un
pere, un maltre, un Roi. Quant aux prieres pOlU'
le Prince de Galles, Guillaul1le répondit d'abore! a
d' Albeville qu'il ignoroit ce qu'on vouloít dire. A de
nouvelles. instances, il répondit encore qu'il ne se
meloit pas de ces choses-la. Cependant il ordonna
les prieres peu de jours apres, et la _Cour d' Angle-
te1'1'e en tira de l1lerveilleusps conclusions sur la
foiblesse du prince d'Orange. Elle envoya anssi le
lord Howard a la Cour de ROl1lc, ponr solliciter le
Saint-Pere, en faveur du cardinal de Furstemberg,
contre le prillce Clément de Daviere. C'étoit s'oc-
cuper d'étranges et inutíles soins : le Pape éloit
Mja décidé.




SOMMAIRE.


1688. - (SUITE).


Offres et conseils de Louis XIV a Jacques n. - Déclaration de
la France aux États-Généraux. - Le comte Davaux décou-
vre touts les secrets du Prince d'Orange. - Incrédulité de
Jacques 11. - Traité secret pour réunir une escadre Fran-
«;¡aise avec la floUe Angloise. - Le Roi désavoue toute alliance
ave e la France. - Sédition du régiment de Bel'wick. - Le
Roi persiste dans son i ncrédulité sur les projets de Guil-
laume. - Louis XIV fait auaquel' Philisbourg. - Proclama-
tion pour convoquer le Parlement. - Suite des préparatifs
du Prince d'Orange.




RÉVOL. DE 1688, F.N ANGLETERRE. 47


-_ .. _----_ ... ---_ .......... --------


LIVRE XXII.


iilIiiiII8iiiiii'


1688. - (SUITE).


LOUIS XIV ptoit bien informé de ce qui se passoit
en Hollande, et les habites conjectures du comte
Davaux lui faisoient apercevoir touts les mouve-
ments du prince d'Orange. II étoit prévenu et d'une
levée de neuf mille matelots, et d'une revue tres-
prochaine de sept miIle hommes pres de Nimegue,
el des Ievées conclues secretement avec le Landgrave
de Hesse, l'Électeur de Saxe et le Duc de Wurtem-
berg. Ne pouvant pas douter .que la guerre ne mt
sur le point de s'allumer contre lui en Europe, il
se hata d'envoyer le maréchaI d'Humieres en Flan-
dres, pour observer de pres les troupes des États-
Généraux. Mais en se disposant ainsi lui-meme a la
guerre, s'il ne pensoit pas encore que le prince d'O-
mnge tourmit ses armes directement contre l' Angle-
terre, iI prévoyoit avec raison que le Roí Jaeques II
auroit des révoItes a réprimer. A ussi fut-iI étrange-




48 RÉVOLUTION DE 1688,
ment surpris d'apprendre la singuliere inertie de ce
Prince, et particulierement l'espeee d'affeetation
qu'il mettoit a vouloir se faire un mérite aupres des
États-Généraux d'avoir refusé l'offre d'une eseadre
fran~aise. 11 chargea done Barillon d'pelairer Jac-
ques I1, et de l'exciter a mettre tres-promptement
ses magasins, ses vaisseaux et ses troupes en état de
repousser toute agression. Peu de jours apres ce con-
seil salutaire, le 29 aout, iI prévint encore son
Ambassadeur de I'aetivité de plus en plus mena\ante
que développoit le pl'ince d'Orange. Un nouvel ar-
mement de vingt-sept vaisseaux devoit se joindre aux
quarante-quatl'e déja en mel' ; on disposoit tout pour
embarquer des armes néeessaires a des corps d'in-
fanterie et de cavalerie. En un mot, Louis XIV ne
doutant plus alors qu'il ne s'agit enfin de l'Angle-
terre meme, chargea Barillon expressément el'exciter
Jacques II a faire venir promptement les troupes
catholiques d'lrlande, pour les placer dans les postes
ou le prince d'Orange pourroit clébarquer.


Jacques I1, a ces nouvelles, se répanelit en dé-
monstrations de reconnoissance pour les avis et les
conseils ele Louis XIV; mais il réponelit que, malgré
les mauvaises intentions du prince d'Orange, sur
lesquelles iI ne s'abusoit pas, une illvasion en Allgle-
terre étoit peu probable, et que d' ailleurs ce Prince
venoit de se décréditcr, aupres des factieux, en 01'-
dounant de pricr pour 1", princc de Galles apres




F:N ANGLIlTERRE. 49
ravoir défendu. Cependant trois jours É>toient a peine
écoulés, que le marquis el' AILeville alTiva de La Haye
lui-meme, et confirma toutes les nouvelles, toutes
les conjectures déja communiquées au Roí par I'Am-
bassadellr de .France. Alors Jacques Il, un peu plus
inquiet, sans prendre pour cela de résolution plus
active, pria Barillon de rappeler a Louis XIV l'offre
d'ulle escadre fran~oise. Il ne pouvoit pas dire pré-
cisément s'il en auroit besoin eeUe année; mais le
Roí de .France lui rendroit un tres-grand service, 11
tout événement, si les vaisseaux destinés a le seeourir
pouvoient se trouver a Brest tout préparés pour se
réullir a la flotte angloise. En donnant ces nouvelles,
Barillon ajoutoit que la Commission Ecdésiastique
alloít se réunir le jour meme, et délibérer sur la dé-
sobéissance des Éveques et des Curés qui avoient
refusé de lire dans leurs Églises la déclaration du
Roí sur la tolérallce.


Louis XIV ne pouvoit revenir de sa surprise; et
quoiqu'il eut mandé a Barillon que les vaisseaux
dont Jaeques II avoit éludé le seeours n'étoient
plus actuellement disponibles, il envoya cependant
Bonrepaus en Angleterre pour savoir enfin ce 'que
vouloit Jacques Il, et pour traiter, s'jJ le croyoit
convenable. En atteooant, i1 onlonna une levée de
quarante mille hommes d'jnfanterie et de dix-lmit
mille cbcvaux, pour imposer égalcment a ses en-
nemis et a ceux du Hoi d'Anglctf'ITe. TI fit plus: jI


Uf. . !.
, I




50 RRVOLUTION DE 1688,
donna l'ordre au comte Davaux de déclarer solen-
nellement aux États-Généraux qu'il ne pouvoit at-
trihuer qu'a un projet d'invasion contre l'Angleterre
les immenses préparatifs qui se falsoient en Hollande
avec une activité si remuquable; et que, dans ce
cas, ses liaison s d'amitié et d'alliance avec le Roí
de la Grande-Bretagne l'obligeroient, non-seulement
a le secourir, maÍs encore a considérer comme une
rupture avec la Couronne de Francf' les entreprises
que pourroient faire contre ce Roí leurs années de
terre et de mero


Cel ordre de Louis XIV fut provoqué par Skelton,
Ambassadeur d'Angleterre, mais a l'insu du Roj son
maitre, soit que ce ministre fUt frappé de l'aveu-
gIement et des périls de Jacques 1I, soit qu'il y fUt
cl~terminé tout a la fois par ce motif et par les con-
seils du Ministcre de Louis XIV. Une telle démarchc
d'un Ambassadeur est inoure clans les fastes de la di-
plomatie, cal' Louis XIV faisoit notifier une alliance
qui n'existoit pas; et si elleeut existé, jamais Jac-
que s II n'eut osé l'avouer lui-meme. Aussi le Roi
d' Angleterre en fut-il tres-irrité, plus par vanité que
par le.sentiment de sa grandeur offensée. Il est vrai
ele dire cependant que cette démarche hardie de
Skelton eut sauvé Jacques 1I, 'si lui-meme I'eut sou-
tenue avec vigueur, et si Louis XIV eut porté ses
armes dan s les Provinces-Unies, au líeu d'attaquer
Philisbourg, comme il le fit peu de temps apreso




EN A.NGLET.EItI\ F. 5r
A la rpception des ordres de LOllis XIV, Davaux


n'quiert et obtient Ulle audicnce solennelIe d('s
États-Généraux, le 9 septembre. La veilIe, le mar-
quis el' Albeville, qui étoit retourné précipitamrnent
a I~a Raye, venoit de présenter un Mérnoire pOUl'
demander le motif des arrnements des États, et pour
annoncer que le Roi d'Angleterre se voyoit par la
obligé d'augment"er ses forces de mero


En ce moment le prinee d'Orange étoit a Minden,
dans les États de Bl'andebourg. L'audienee du eomte
Davaux avoit réuni une affIuenee extraordinaire, et
l'onétoit généralement persuadé qu'il y venoit faire
des propositions d'aeeommodement sur le eommeree,
pour mettre de la mésintelligenee entre les amis de
la paix et la faction d'Orange. Son diseours et la
déclaration qui le tel'minoit agiterent diversement les
esprits; mais il se fut a peine retiré) que le Grand-
Pensionnaire, qui entra Ílnmédiatement apres lui,
proposa tres-vivement de réunir le Conseil des affaires
secretes, pour délibérer sur les moyens de ·lever de
nouvelles forees et d'augmenter le nomhre des vais-
seaux. Le Présidel1t prit des conclusions plus 1110-
dél'pes, et le Mémoire de I'Ambassadeur fut com-
muniqué aux États particuliers des Provinces, ponr
avoir leur avis. Le meme jour, le eomte Davaux en-
voya aux États-Généraux une seconde déclaration,
pour leur notifier que le Roi' de Franee soutiendroit
le Cardinal de li'urstemúerg et fe Chapitre de Co-


It




RÉVOI.U'l'ION DE I 6B8 ,
logne dans Icul's dl'oits el pl'iviléges, contrI' toub
ceux qui les y voudroient inquiéter. n étoit trap
tal'd: la ville de Cologne alloit recevoir les tronpes
eommandées par le maréchal de Schomberg.


Immédiatement apres eette audicnce, on envoya
un coul'rÍer au prince d'Orange, a Minden. La veille,
on avoit déja résolu de renvoyer Van-Citers a Lon-
dres, pour mieux· endormir le Roi d'Angleterre.
Cependant les États-Généraux n'avoienL point encol'C
donné leur assentiment aux desseins dn pl'ince d'O-
range, qui n'étoient connus que des principaux ¡)pr-
sonnages du Gouvernement.


Jusqu'a ce moment, ce Prince avoit continup ses
préparatifs avec une activité qui nI' pouvoit etre
surpassée que par la hardiesse, la prudence et le'
secret de ses "démarches. Vainement le comte Davaux
avoit employé toutes les ressollrces de son habileté
pOllr entourer le Prince de ses observateurs : il lui
fut impossible de cOI'rompre un seul domestique in-
time. Le frere du Pensionnaire. écrivoit de sa main
toul ce qui étoit relatif au service des États; Guil-
laume écrivoit aussi de sa propre main toutes les
lettres qu'il ne communiquoit point HU Gouverne-
ment; en un mot , tout restoit concentré entre lui,
le Grand-Pensionnaire et le favori Bentink. Le comte
Davaux ne pouvoit donc connoltre que ce qui étoit
confié aux États-Généraux; mais sur ce point il s'é-
toit ménagé les intelligenees I('s plus hendue", r,lrCL




EN Al'íl:LETHUn:. 53
qu'il Cx.i~loit tOlljours un parti qui redoutoit, dans
la puissaul't' et l'ambition du Prillce, un éeueil fu-
ueste pour la Hépublique.


C'étoit par ee moyen qu'il avoit appris la plupart
des mesures qui s'exécutoient secretement. Les Ré-
publicains lle voyoient pas sans ombrage fIue l'on
préparit des levées de soldats et de matelots, que
l'on armat incessamment de nouvelles escadres, qu'i!


t" d 1 " se It es emprunts, que (es troupC's etrangeres se
missent en mouvemellt, et que l'autorité des États-
Généraux fUt oubliée ou éludée dans ces grandes
mesures. Mais ce partí, qui n'étoít soutenu que par
la France, ll'avoit lui-meme aueune force depuis que,
par ses rcglements de commerce, la Franee avoit
aliéné les esprits du peuple et surtout de la villc
d' Amsterdam. D'ailleurs le peuple étoit depuis un au
tout entier alr prince d'Orange, excité merveílleu-
sement en cela par ses haines contre Louis XIV et
par les p¡·édicateurs. Tout le Corps Évangélique étoit
venu réeemment encore adresser de magnifiques I"t-'-
merciments au Prill(~e pour son úle a défend¡'e la
Religíon protestante; et le Prinee, qui avoit sans
doute préparé cette démonstration publique, n'avoit
pas manqué de luí répondl'e d'un ail' grave et solennd :
que la Pl'incesse et lui étoient fermement résolus de se
dévollel' a la cause de Dieu. «Mais,» ajauta-t-il, « je
«( dois vous en prévenir; jamais elle ne s'est vue ex-
« posée it de plus grands périls. Redoublez clone vos




54 l\1ÍVOLUTlüN Dh 1688,
(e prieres 11 I'Éteruel et vos remontrances aux fideles,
e( pour empecher son entiere destruction. »


A la faveur du fanatisme populaire, le Prinec
avoit pu impun~ment agir en souverain, et ne pré-
senter ses aetes de souveraineté a la ratifieation des
États-Généraux que dans le moment opportun. Il
avoit donné les ordres de faire un eamp de Villgt
milIe hommes, entre Grave et Nimegue. Cet ordre
avoit trompé tout a-Ia-fois et Louis XIV, et surtout
Jaeques 1I, paree qu'il sembloit annoncer unique-
ment des préparatifs pour le Continent. Mais le
comte Davaux, qui soup<;ionnoit d'autres desseins,
n'étoit pas resté dans une longue erreur. En appre-
nant que l'on devoit envoyer einquante pieees de
canon ~u camp nouvellement ordonné, iI pressentit
que le camp pouvoit bien avoir été imaginé unique-
ment pour avoir une occasion plausible de retirer
l'artillerie des arsenaux de la province de Hollande,
afin de la placer dans un lieu OU le Prince étoit le
maltre. Cette conjecture fut bientót fortifiée, quand
iI sut que 1'011 travailloit jour et nllit a augmenter la
fIotte, a préparer re biscuit nécessaire 11 des troupes
d'embarquement; que l'on fabriquoit a Utrecht des
mousquets, des pistolets, des selles, des brides et
autres objets nécessaires a la cavalerie. (e Tout cela,))
écrivoit-ilIe 21 aout a Louis XIV, le donne assez lien
« de croire que le prince d'Orange veul arme!' des
(e peuples qui ne le son! pOluto )




EN ANGLETERRE. 55
Bientot cncore il avoit appris que I'on tl"availloit


a IIn manifeste; que les Anglois avoient envoyé de
I'argent; que les vaisseaux d'Amsterdam aHoient se
réunir au Texel; que J'on devoit y mcttre des vÍvres
seulement pour un mois ou sÍx semaines, et que
les ouvriers de touts les arsenaux travailloient trois
hcures de plus par joU!' (Iu'a l'ordinaire. Ce fut donc
sur ces rcnseignements 5uccessifs que LouÍs XIV
envoya Bonrepaus a la Cour de Jacques 11, et
chargea le comte Davaux de faire aux États-Géné-
raux la déclaration dont on vient de parlero Muis
avant meme d'avoir ret;u ces ordres, l'Ambassadeur
apprit qu'a Delf, arsenal de la province de Hollande,
l'on travaiIloÍt a embarquer du canon, des mortiers,
des boulets, des bombes et du plomh a bailes; qu'une
quantité prodigieuse de munitions étoit transportée
a petit bruit par les différents canaux qui sillonncnt
le pays en tout sens; qu'au lieu d'envoyer réellemcnt
l'artillerie au camp de Nimegue, on en laissoit la
plus grande partie clans les barques, avec ordre aux.
bateliers de se tenir prets a remonter le Rhin. Mais la
découverte la plus importante, cclle enfin qui révéla
tout le plan du priIH~e d'Orange au cornte Davallx,
eut lieu dans le temps mthne ou cet habile ministre
alloit faire aux États-Gpnpraux la déclaration dont
Louis XIV venoít de le charger.


·Un ancien Bourguerneslre de Rotterdam, nOIllIlH~
Ugurze, s'hoil naturellemellt ,ittaché a la Frailee.




KÉVOLUTlON DE 1 (j~8,
par suite d'un acte de justice qu'il avoit obtellu jadís
¡t París, pOUI' une afliúre d'un int~ret majeur. Cette
circonstance, unie au chagrín que lui inspiroit l'as-
cendant du princt' d'Oran.ge sur le Gouvernement
ele la R~pubJ¡que, l'avoit porté a user de touts ses
moyens et de la confiance de ses ami s , pOUl' su 1'-
prendre les projets du Stathouder. Il apprit done et
découvrit sur-le-champ au comte Davaux que lt-
prince d'Orange devoit s'embarquer le 15 oetobre
pour l' A ngleterre.


Il Y a voit aussi une Mission dt relígieux Cannes
a La Raie pour les Catholiques. Le comte Davaux
se plaignoit de ce que leur crainte continuelle d'etre
chassés, réunie a leur peu d'intelligence el ti leur
dijaut de savoir faire, ne luí donnoit aucune oc-
casion d'apprendre ce qll'il désiroit savoir. Cepen-
dant, il fut plus heureux qu'il n'avoit osé l'cspérer.
I .. e valet de chambre du prince d'Orange étoit tout
a-Ia-fois zélé Catholique, Fran~ois et dévoué 11 son
maJ:tre. Jamais le comte Davaux n'avoit songé 11 le
séduire. Mais cet homme eut oceasion de voir des
lettres et. d'entelldl'e de secretes conférences. Il sut
par la et les intrigues du colonel Cornwall, qui
étoit ragent des Anglois aupres dll Stathouder, et,
ce qui étoit décisif, l'assurance donnée que la fIoUe
<lu Roí d'Aup"leterre non~seulement ne combattroit L> '
pas, mais encore se réuniroit a la fIotte du prince
d'Orange. Tourmentp de ces importants secrets, t'xcité




}:~ ANGT,J-:TEHHF..


par SOll úle pour la Religioll catholique , et indigné
eles trahisons méditées par les Anglois contre lem
Souverain, il ne put résister aux inquietudes de sa
conscience, et il révéla tout a son confesseur qui
étoit un des Carmes de la Missiou frauc;oise. Le
comte Davaux, sans di re alors par qui touts ces
mysteres lui étoient dévoilés, en prévint Louis XIV,
le jour meme qu'il 6t sa mena<;¡ante déelaratioIl aux
États-Généraux.


Ainsi la conjuration fut réellellJent découverte
a vant le 9 septembre J 688, dans son ensemble
comme dans ses détails et dans son hut; elle po u-
voit etre déjouée par sa seule publicité; elle pouvoit
l'etre surtout par la France, puisque les États-Gé-
néraux n'y avoient point encore donné leur assentÍ.-
ment; puisque enfin ni le Pape, ni l'Elllpereur, ni le
Roi d'Espagne, n'eussent osé, a la face de la chré-
tienté, concourir au renverselllent d'un Roi catho-
lique, pour élever sur son trone un Prince calviniste.
Mais par une mystérieuse fatalité, la conjuration
réussit précisélllent par les mesures memes qui avoient
pom but de la renverser. Or, voici ce qui arriva.


J __ ouís XIV étoít résolu de déclarer la guerre a
J'Empire; et malgré la déclaration qu'il 6t faire aux
États-Généraux par le comte Davaux, ce n'étoit
point sur les frontieres de la Hollande qu'il vouloit
porter ses armes, puisque peu apres il attaqua Phi-
lisbourg. Cependant, aussitot qu'il eut connu les




:'i8 nÉVOl.UTION DE 1688,
véritables dHsseins du Stathouder, il faHoit etre con-
séquent a la Mclaration déja faite, c'est-a-dire, postel'
réellement une armée d'observation sur les provinces-
Unies, et faire lIlouvoir toutes les forces navales de
la France. Le salut du Roí d'Angleterre n'étoit qu'a
ce prix: car jamais les États-Généraux n'eussent li-
vre leur floUe et leur armée au prince d'Orange,
s'ils eussent redouté l'invaslon de leur propre terri-
toire. Mais en attaquant Philisbourg, il attaqua
l'Empire meme, et ce fut ainsi que le Pape, l'Em-
pereur et le Roí d'Espagne furent entrainés 11 ne vOlr
encore dans le prinee d'Orange que le défenseur de
la paix de rEurope contre Louis XIV.


Quoi qu'il en soit, lorsque le comte Davaux. lut
sa délibération aux États-Généraux le 9 septembre,
l'assemblée se trouvoit présidée, ce jour-la, par un
député de la Frise, nommé Skeltinga. C'étoit ce dé-
puté qui l'avoit engagé a insérer dans cette décla-
ration le détail des diverses mesures qui avoient été
prises par le prínce d'Orange sans le consentement
des États-Généraux. Cette insinuation étoit de na-
ture a jeter une gl'ande division dans l'assemblée des
États, et a relevel' le courage affoibli dn parti de
la l-tépublique.


En effet, ni les villes, ni les provinces, ni les
États-Généraux n'avoient été consultés. SeuJement
le Stathonder s'étoit concerté avee six pCl'sOlmes des
plus cOllsidél'ables de la Rt-plIblique, A elles seull'!>.




E.N A.NGLET liHHE. 59
il avoit cOIl1\l1uniqué ses moyens de réussil' en An-
gleterre. IlleUl' avoit mantré que la étoient touts les
maux a crainclrc paur la Religian protestante. Il
lcur avoit persuaclé, aux uns l'illégitimité du prince
de Galles, aux autres I'illégitimité actuell~ du Roí
régnant, eomme Catholictue. La Princesse et lUl
avaient donc des droits aetuels a la Couronne d'An-
gleterre. Ses mesures d'ailleurs étoient si bien prises,
qu'il ne lui falloit que les vaisseauxde la République;
il poUl'voiroit aux dépellses nécessaires, et les États-
Généraux n'auroient besoin d'y eoncourir par aueune
dépense extraordinaire. Ayant ainsi gagné les uns,
intimidé les autres, il avoit obtenu leur consente-
ment tacite. Alors, com'me Amiral général, il a voit
donné des ordres aux amirautés et levé des matelots;
comme Prinee, il avoit traité avee d'autres Princes
pour avolr des soldats; et comme héritier présomptif
de la COUl'onne britannique, iI avoit traité avec les
Anglois. C'est de cette maniel'e qu'il avoit éludé le
concours. légal du Gouvernement a touts ses p;é-
paratifs.


Cependant, la déclaration du comte Davaux vint
tout-a-eoup porter la lumiere sur ses projets dan s
l'assemblée des États. La grande majorité des députés
eroyoit que l'ambassacleur de Franee alIoit proposer
des moyens d'accormnodement sur le eommeree des
deux puissanees. A. peine put-il comrnencé a parler
du Roí d' Angleterre, ainsi que eles mesures qui




(jo nÉvOLtITlON DE J 688,
avoient été pt'ises sans le conCOllrs des États, 1111
embarras visible se maniff'sta sur le visage des con-
fidents du Stathouder; et lorsqu'il se retira, l'asselll-
hlée fut livrée a une vive agitation. A !'instant mellle
parolt le Grand-Pensíonnaire; il saisit la dédaration,
la relit avec un extreme empressement. A eha(lue
phrase il s'éerie: « Voila qui est k'lUX!... observatiolJ
« insolente! Nous laisserons-nous menaeerde la sorte:l
I( Il faut lever de nouvelles reerues, augmenter nos
« escadres! )) 11 demande enfin que I'on délibere sur-
le-champ; lllais le Président répond qu'a lui selll
appartient le droit de proposer les sujets de délibé-
rations; et qu'il ne jugeoit pas a propos, clans une
affaire aussi grave, de prerfdre ainsi l'initiative sur
les provinees dont les députés n' étoient que les lllun-
dataires_ 11 fit done décider que le mémoire de I'Am-
bassadeur seroit eommuniqué aux provinces: on
attendroit leur avis.


Tandís que l'on envoyoit en grande hate chereher
le prinee d'Orange a Mínden, le Président des États,
qui étoit Député de la Frise, eonvínt avec le eomte
Davaux et le Député de Groningue que eelui-cí
porteroit lui-m~me ce mémoire aux deux provinées,
pour y expliquer verbalement les entreprises du
Stathouder, et pour montrer l'abime ou alIoit se jeter
la République. Ils parlerent aussi aux Députés de
Leyde, qui prirent l'engagcment de s'opposer aux
desseins du Princt'; mais en !neme tcmps ils SI' pro-




E"I A NGLFTEnH E. tj I
nOIlcerent pOUI' df'S mesures vigoureuses sur le COIll-
meree, c'est-a·dire pOUI' l'interdictioll de toutcs les
denrées de Fmnee. « TI nI' faut rien attendre, meme
« des mieux intelltionnés, )) ajoute le comte Davaux,
« a moins qu'ils n'aient satisfaction sur ce point; et
t( dans ce cas-Ia memf', le prince d'Orange ne se
« désistera pas de son entreprise. Il est ma'ltre de
« leUl' floue, et de leurs trou pes de terre; il a de
« l'argent suffisalllment; et les Lords d'Angleterre
« le menacent de prendre d'autres mesures, s'il IW
« se décide promptement. )


Avallt de connoitre d'une maniere aussi certaille
les véritables desseins du prince d'Orange, Louis XIV
avoit envoyé Bonrepaus en Angleterre. Il s'agissoit
encore des offres d'une escadre franc¿aise, que Jac-
({ues II avoit éludées quelques mois auparavant.
Des le 29 aout, le Ministre de France en avoit pré-
venu Barillon; et deux jours apres, le marquis de
Seigllelay écrivit aussi a Bonrepaus de la maniere
suivante :


I( 11 est bien certain que ce grand armement ne
" peut regarder que I'Allgleterre. Cependant Sa Ma-
« jesté Britannique ne demande aucun secours an
« Roi, et n'a pas encore fait signer le traité qui doit
« précéder la jonction des floUes. Il a l11cme dit a
« M. de Barillon qu'il ne savoit pas t'ncore s'il au-
« roit besoill (lu seconrs des vaisseaux du Roí cette
f( année. Enfin íl paroit dam une Iélhargic surpr('-




utVOLUTION DE 1688,
« nante. Le Roí a fait parlf'r sur cela a M. Skelton,
e( par M. de Croissy, Il paroit, par la réponse de Cf't
ce Envoyé, que le Roi d'Angleterre prétend etr'e sur
« de ceux qui commandent ses vaisseaux, mais qu'il
« n'a nulle sureté a l'égard des officiers et des troupes
ce de terre: et sur ce qu'on l'a pressé sur les dispo-
« sitÍons du Roí d' Angleterre, et sur le pen de mc-
« sures qn'il prend dans une conjonctul'e aussi ter-
« rible, ledit sienr Skelton a répondu nettement que
« cetfe grande sécurité lui faisoit craindre avec beau-
« coup de raison que son maitre ne fUt trahi; qll'il
« étoit informé des liaisons secretes que quelques-
(c uns de ses principaux Ministres avoient avec df's
« gens entierement dévoués au prince d'Orange, et
« il a meme en quelql1e maniere désigné mylord.
c( Sunderland.


{( Je ne vous dis toules ces choses que pour vous
«ouvrir l'esprit sur les éclaircÍssements que vous
« avez a prendre, pendant que vous serez en Angle-
« terre, et pour vous dire que chaque pas que nous
« faisons nous jette dans de llouvelles incertitudes
(e et de nouveaux embarras, Par exemple, qui pellt
« eomprendre que le Roi d' Angleterre, a la veille
« de voir l'armée de Hollande sur ses cotes, fasse
ee quitter Douvres a ses vaisseaux et donne ordre a
{( celui qui les commande de s'en aller a Portsmouth?
ee Qu'íl n'ait domH~ aUClln ordre pour fortifier les
el équipages qui sont de beaucoup trop foiblf's, pt




~EN ANGLF.TEUn:E. ( "j L)
c( qu'il ne paroisse faire d'autre disposition que de
(C les augnlt'nter de quinze hommes par vaisseau? Je
« vous avoue que le peu de soin de ce Prince me fail
« tout craindre en cette conjoncture. Il est bien
« important que vous m'éclaircissiez promptement
(e sur tou~s les points contenus dans votre instruction,
<: et que vous preniez avec diligence les lumieres
« qui doivent précéder votre retour en ce pays-ci,
C( que je erais tres-important de hatero ))


Si l'on se rappelle les conversations de Jacques II
avec Bonrepaus a POl'tsmouth, sur les fortifications
de ce port, on comprendra ce qui faisoit le juste
étonnement du marquis de Seignelay, sur l'ordre
donné 11 la tIoUe angloise. Si, des l'année précédellte,
le Roi prévoyoit une révolte et la nécessité pour lui
de se retirer a Portsmouth, que ne devoit - il pas
craindre ou prévoir dans sa position actuelle? On
voit dans eette lettl'e de Seignelay, que l'ambassa-
deur Skelton croyoit le Roi trahi par Sunderlalld;
mais comme le Roi, dans son expédition d'Irlande
en 1689, commettra les memes fautes, suivra le
meme systeme, doutera perpétuellement de sa for-
tune, el ne s'occupera secretemenl que de sa re-
traite, meme dans ses triomphes éphémeres, on peut
dire ici avec certitude que si, dans la révolution qui
va s'accomplir, Jaicques II fut trahi, ce fut par lui-
meme.


Qu.c>\. ~u.'\\ en. '5c>\\, <.\\\ momen\ o\.\ \e m<.\~qu'~ d~




RÉVOLUTION DI, 1688,
Seignelay écrivoit a Bonrepaus, Jaeques II ne croyoil
pas possiLle que le priuce d'Orange OS¡it ten ter une
invasion en AngletelTe, si les États-Généraux crai-
gnoient la guerre du coté de la Meuse et du Rhin.
Il n'osoit pas lui.meme songer a faire venir des
troupes irlandoises, pour ne pas i1'l'iter sa propre
armée, qui, depuis l'affaire des Éveques, lui étoit
enfin suspecte. Il osoit encore moins accepter le se-
cours d'une escadre fran<;aise, paree que le eheva-
líer Strikland, qui commandoit la sienne, ayant
voulu, eomme on l'a dit, faire célébrer le service
divin a Lord, suivant les rites catholiques, s'étoit
vu forcé de renonCel' a son projet, dans la crainte
d'une révolte générale. Cependant le Hoi commen<;a,
des les premiers jours de septembre, a prendre quel-
ques mesures. Il donua l'ordre d'armer huit vais-
seaux du troisieme rang, pour aller renforct'r l'es-
cadre qui étoit aux Dunes. Quant a ses troupes, il
en plaqa aux environs de Londres, d'autres vers
Chatam, et un plus grand nombre vers Portsmouth.
comme si déja il songeoit a se retirer. Mais il ex-
pliquoit ces dispositions, en disant qu'il étoit ¡mpos-
sible de garder les cotes d'Angleterre; qu'il ne falloit
pas meme prétendre empecher une deseente, et que
1'0n pouvoit seulement se mettre en mesure pomo
marcher tout d'abord contre les troupes qui débar-
queroient. D'ailleurs on avoit encore tout le temps
convenable. Certainement le princt· d'Orange, s'il




EN ANGLETERRE. 65
avoit les desseins qu'on lui suppose, ne débarqueroit
pas avant la fin de novembre. En attendant, le
marquis d'AlbevilIe, qui étoit revenu de Hollande a
la fin du mois d'aout, y fut renvoyé des le 3 sep-
tembre. « Ses ordres, » dit Barillon, « étoient d'agir
« en tout de eoneert avee M. Davaux; de ne rien
« omettre pour pénétrer le véritable dessein ( queHe
« obstination d'aveuglement volontaire !) de I'ar-
a mement qui se prépare, et de {aire connoitre a
t< cellx des États - Généraux qui ne sont pas entie-
« rement dévoués au prince d'Orange aquel point
« ce Prince les expose. )) Voila ce que Barillon man-
doit a Louis XIV: 00 yerra bientot les tristes négo-
ciations du marquis d' Albeville.


Jacques n prit aussi la résolution de convoquer le
Parlement pour la fin de novembre. Il I'avoit pro-
mis dans sa déclaration sur la liberté de conscieoce;
et, maIgI'é les immenses changements survenus de-
puis eeHe déclaration, il crut eette eonvoeation né-
(:essaire pour maiotenir les Non-Conformistes dans
les bonnes dispositions flu'il leur supposoit. «On
« croit aussi a la Cour, ») disoit BarilIon, « que eette
« proclamation d'un Parlement plait toujours a la
« nation, et plus odieu3es rendra les entrepl'ises que
« M. le prince d'Orange pourroit faire. D'ailleurs
« la proc1amation d'un Parlement n'engage pas a la
( tenir; et iI sera toujours au pouvoir du Roi d' An-
« gleterre, selon ce qu'il croit, de ne le pas assem-


rIJ. 5




66 RJíVOLUTlON DE 1688,
« hler, eL de remettr'e la séance aussi long-temps qu'il
« le jugera a propos, l) Ainsi le Roi étoit toujours
dominé par ce systeme dangereux autant qu'absurde
de promesses illusoires et de restrictions mentales_
Mais dan s les conjonctures présentes, l'assemblée
d'un Parlement qui cut été le fruit des élections,
teIles qu'il les avoit préparées, ne pouyoit (~tre que
funeste a sa cause personnelle eomme a la cause de
la Royauté: ear c'eut été le partí des Anabaptistes,
des Puritains et des Quakers qui eut seul dominé
dans la Chambre des Communes, Si, au contraire,
le partí angliean eut maitrisé les élections, le Roi
eut-il osé insister sur la révocation du Test? Mais le
Roi ne vouloit pas du ParIement; et dans la conjonc-
ture présente il avoit raison, puisqu'il ne youloit pas
encore, et que peut etre il ne le pouvoit plus, ras-
surer la nation par des électíons libres qui eussent
amené a la Chambre élective les défenseurs de la
Royauté parlementaire eL de la Religion du pays.


BariHon ayant renouvelé ses instan ces pour ap-
peler les troupes irlandoises, Sunderland, qui parut
d'abord partager cet avis, lui répondit que « le Roi
« ne croyoit cette mesure ni sage ni nécessaire pour
« le momento Les troupes d'lrlaode ne pourroient
« venir assez t6t pour servir a repo.usser les pre-
« miers efforts du prince cl'Orange, Leur passage
« causeroit de trop grandes alarmes, eL dooneroit
« aux officiers malintentioonés un pl't>t('xte pOl1!' se




EN ANGLETl.:RRE. 6..., /
l( décla~r. Cela meme nuiroit aux desseins du Roi
{{ quand le Parlement seroit assemblé. Enfin le prince
{( d'Orange peut avair des desscins sur !'lrlande
« meme; et, avant d'en retirer les troupes, il faut
({ savoir ce qu'il vcut entreprendre. »


Cepenoant les nouvelles se succédoient l'apide-
mcnt, et le Roi restoit toujOUI'S ferme dans ses
irrésolutiollS et dans son apparente incrédulité. 11
venoit d'apprendre la déclaration faite aux États-
Généraux par le comt.e Davaux. Tout en faisant re-
mercier LOl1is XIV de sa promptitude a faire ce que
l'ambassadeur Skelton avoit demandé, il s'étonria
jl1stement que ce ministre eút pris sur luí seul une
démarche si hilrdie, n' étant pas meme dans le se-
eret des liaisons de son Roi avec la Cour de :France.
Mais Bonrepaus arriva le 8 septembre, et cinq jours
apres, un traiLé fut condu et signé pour la jonc-
tion des vaisseaux de France avec ceux d'Angle-
terreo


En pressant la conclusion de ce traité, Bonrepaus
étoit bien plus convaincu de. son urgente nécessité
que le Roí d'Angleterre; cal' le nombre des vaisseaux
a fournir par les deux puissances, le temps et le
lieu de la ,1011ction furent laissés en blanc. Seule-
1l1eut l'article 6 portoit que le Roí de France feroit
venir son escadre a la rade de Bertheaume, qui est
á l'elltrée de Brest; el que de la cette escadre se
porteroit au rendez-vous, soit a Portsmouth, soit


5.




68 RÉVOLUTION HE 1688,
aux Dunes, selon qu'on en conviendroit ultérieure~
mento Les vaisseaux anglois et fran~ois, réunis, for-
meroient trois escadres, sous le commandement de
I'Amiral du Roi d'Angleterre.


Mais alors Jacques JI, qui étoit encore en cor-
respondance avec sa filIe, a La Raie, venoit d'etre
informé par elle que le prince d'Orange étoit alié a
Minden, ce qui étoit vrai, comme on 1'a dit plus
haut. Il pensa que ce voyage avoit pour but d'en-
gager l'Électeur d'Ranovre et les autres Princes pro-
testants a faire marcher leurs troupes du coté du
Rhin, ce qui étoit vrai encore. Mais il e~ tiroit
cette conséquence, qu'a raison des préparatifs mili-
taires de Louis XIV, le Stathouder s'occupoit beau-
coup plus de prémunir la RoHande contre toute
agression de la France, que d'un projet véritable SUl'
l'Angleterre. C'étoit la effectivement ce que le prince
d'Orange parvint a persuader au Pape, a l'Empereur
et a la Maison d' Autriche espagnole. Mais, apres
touts les renseignements que Jacques II recevoit in-
cessarnrnent et de La Haie et de Versailles, iI falloit
en lui une prodigieuse fascination pour caresser
volontairement et obstinément une erreur si gros-
siere. Cepemlant il fut convenu verbalernent, avec
Bom'epaus, qu'a tout événernent la Hotte angloise
seroit- portée a trente~deux vaisseaux de guerre et
dix. brulots, ce qui fait supposer que Jacques 1I ne
croyoít aVOlr hesoin que de seize vaisseaux fran<;ais,




EN ANGLETERltE.


pUlsque la fIoUe combinée devoit former trois es-
cadres.


Le lendemain de ce traité, le Roí re',iut du mar-
quis d'AlbevíHe une dépeche extraordinaire qui
annon~oit formeUement que touts les préparatifs de
Hollande étoient dirigés contre l' Angleterre. Le
meme jour, Barillon re~ut du comte Davaux les dé-
tails circonstanciés que celui-ci avoit déja transmis
a Louis XIV, le jour de son audience a l'assemblée
des États-Généraux. Malgré touts ces avis, le Roí
persista dans son opinion que touts ces préparatifs
ne mena~oient pas l' AngJeterre. « Le prince d'O-
(( range, » disoit-iJ, ( a trop a craindre sur les bords
1( du Rhin et de la Meuse, pour s'occuper des af-
« faires de la Tamise.» Il crut aussi devoir dissi-
muler avec BarilJon son mécontentement de la dé-
claration faite par le comte Davaux a l'assemblée
des États. Mais, avec ses confidents intimes, il de-
mandoit si le Roi de France croyoit pouvoir le trai-
ter cornrne le cardina~ de FUl'stemberg.


Il est vrai que les ministres de l' Autriche, sur-
pris de la subite arri vée de Bonrepaus, et de ses
conférences multipliées avec les deux Ministres d'É-
tat, mirent l'empressement le plus actif a découvrir
le sujet de ce voyage et de ces conférences. Don
Pedro de Roquillo, ministre d'Espagne, pressa
vivernent le cornte de Sunderland de s'expliquer.
« II s'agit ou non, » dit-il, (e d'une alliance avec la




Rt:VOLUTIOi"< hE 168~,
« :France, et par conséquent d'une ruptllre avec vos
« alliés. Si vous refusez de dire ce (lui en est, vous
« laissez aux parties intéressées le champ le plus
« vaste aux cdhjectures, et la liberté d'aviser a leur
« propre sureté. » Roquillo ne se Lorna pas a ces ré-
flexions. Il demanda une audience au Roí; et, dans
une conférence de deux heures, il s'attacha surtout
a lui persuader <lue les États-Généraux n'avoient
aucune intention hostil e contre l' Angleterre, et que,
dans ce mOlIlent ou le Parlement étoit convoqué,
une alliance avec Louis XIV produiroit sur la nation
les impressions les plus dangereuses. Jacques II pa-
rut adhérer pleinement a ces réflexions; il se plai-
gnit meme avec amertume de I'arrivée inattendue
de Bonrepaus; et, n~jetallt bien loin tout soupc;on
d'alliallce avec Louis XIV, jI témoigna enfin le plus
vif désir d'etre en bonlle intelligence avec les États-
Généraux.


De son coté, Van-Citers, que les États venoient
de renvoyer en Angleterre, étoit arrivé le 16 sep-
tembl'e. Il obtint immédiatement deux audiences
du Roi. Il y justifia les armements extl'aordínaires
des États-Généraux, par la erainte que la République
devoit naturellement éprouver d'une attaque simul-
tanée de la France et de l'Angleterre. II s'étendit en
plaintes fort vives sur la déclaration du eomte Da-
vaux, et sur l'al1iance formelle que eette déclaration
annon«;oit, puis(fue le mot s'y trouyoit textuellement.




~I
I


« CUIIlIIJellt Louis XIV s'ellgageroit-il si ouverte-
« melll,)) disoit-il, « s'il n'~Loit assun~ dll coneonrs
« de Votl'e Majesté clalls la guel'rc qu'il prépare?"
Jacques 11 ciésavoua tout cllgagement pal·ticulier
a vec LOllis XI V; LtUellll traité n' cxisloit au préjudice
des États-Géuéraux; et, si l' Ambassadel1r de Frallce
avoit parlé, ce ll'étoit ni par ses ordres, ni de sa
parto Enfill, pour dOlluer une preuve nOIl équivoque
du llIécontentement que lui faisoit éprol1ver la (lé-
claration du eomte Davaux, il don na Orlh'e a Skel-
ton, ql1i l'avoit provoquée aupres de Louis Xl V ,
de venir rel1dre compte de sa conduite. Skeltol1, a
son arriv(~e a Londres, fut envoyé a la Tour.


Pendant cel intervalle, c'est-a-dil'e dans le court
t'spaee de quelques jours, cal' maintenant les joUl'S
sont des auuées pour l'histoirc, le Lord Maire de
Londres, (Iui étoit Presbytérieu, vint a mourir, el
le Roi le remplac,:a immédiatemellt par un Allabap-
tiste de la Cité, dans l' espérance d'attacher les se c-
taires a sa fortune.


l\Iais l'opinioll du public et de l'armée se mani.
festa dans une eireonstance fartuile qui, eu teJJl[Js
ordinaire, eut été fOl't índifférente. Un colonel, qui
avoit levé un régiment pour l'Irland{', se trouvoil
avoir engagé quarante I..Jandoís de plus qu'il ne luí
en faUoit. Illes proposa au duc de Berwick qui vou-
lut en compl¡'ter les compagnies de son régiment a
POl'lsmouth. Son licutenant-colond et cinq capi-




RÉVOLUTION D": 16~~,
tailles refusent de les recevoir, sous le motif qu'il:.
ne peuvent admettre des étrangers. Le duc de Berwick
mit d'abord aux arrets les officiers opposants, et fit
les plus grands efforts pour que cette affaire fUt
arrangée sans éclat. Mais les officiers resterent iné-
branlables, et offrirent de remettre leurs commis-
sions.La Cour, déterminée a oe pas céder, ordonlla
que les officiers fussent amenés a Londres, désarmés
et prisonniers. Le 20 septembre, ils fureot dégradés
dallS un Conseil de gUE'rre. Cependant le duc de
Berwick étoit retourné immédiatement a Portsmouth,
pour incorporer les quarante Irlandois; mais les
lientenants et les enseignes des compagnies yacantes
imitent l'exemple de leurs capitaines, et sont cassés
comme eux. Alors la désertion commen~a parmi
les sergents et les soldats. Cependant les portraits
des officiers licenciés étoient exposés et distl'ibués
a Londres, comme dans l'affaire des Éveques; et ce
symptome d'agitation dans l'armée ne justifia que
trop la résistance du Roi ou de ses ministres a faire
venir les troupes írlandoises en AngletelTe.


Le Roi, qui n'avoit pas encore publié sa procIa-
mation pour l'assemblée du Parlement, prit la réso-
lution de créer un grand nombre de Lords, pour ob-
tenír dans la Chambre Haute, a la majorité des
voix, l'abolition des Lois pénales et du Test. Cette
résolution annonce qu'en ce moment jI croyoit eo-
core possible de suivre son précédent systeme, ou




EN ANGLETERRE.


qu'il eédoit encore aux conseils des Catholi"ques ex al-
tés, puisque peu de jours apres il y renon<;a solen-
nellement.


Il est vrai qu'il re(,iut bientot des avis nouveaux
qui ébranlerent un peu son incrédulité sur les projets
du prince d'Orange. Si l'on en croit Barillon, a la
date du 20 septembre, le Roi convenoit qu'il yavoit
des raisons de penser que le Prince pouvoit avoir le
desseÍn de venir en Angleterre. Mais un déharque-
ment ne réussiroit paso Les troupes feront leur de-
voir. Il en sera comme de l'expéditioll de Monmouth,
ou persoDne d'un peu qualifié n'osa risqupr sa for-
tune et sa vie. Telles étoipnt les illusions de ce Roi
malheureux t (( Ceux qui l'approchent de plus pres,»
disoit Rarillon, « le fIattent; et les moins attachés
1( a ses intérets paroissent les plus zélés. » Cependant
on prit quelques mesures pour la fIotte. On ne pensoit
pas qu'elle fUt capable de combattre celle de Hol-
lande, mais du moins, disoit-on, elle observera ses
mouvements, et meme elle pOllrra combattre les es-
cad res séparées. Quant a l'armée, on marchera au
premier signal vers le líeu du débarquement. Sept
mille hommes resteront aux environs de Londres
et du coté de Chatam. La cavalerie sera postée de
maniere a pouvoir se réunir en deux fois vingt-quatre
heures, et n'a ríen a craindre de celle du prince
d:Orange. Des régiments d'infanterie sont distribués
dans le nonl. Les troupes seront augmentées .de




slX mille homll1es, en ajoutaut vingt homllles 11 chaquc
compagnie rl'infanterie eL dix aux compagllies de ca-
valerie. Quant aux tl'oupes d'Irlande, rien ne semit
plus capable, disoit le Roi, d'ébralller la fidélité des
An"glois, si on les faisoit paroltre; mais s'il y a HIlP
guerre un peu longue, on les fera venir. Enfin, au
premier avis certain de l'arrivée du prinee d'Orange,
OIl arretera les prineipaux seigneurs d'Angleterre que
I'on souplJonne de son parti, tels que mylord Halif;lx,
Danby, Shrewslmry, Nottillgham, et touts CClIX que
I'on présumeroit eapables de se déclal'er a son arrivée.


Ce plan de défense ({ue Barillon exposoit a
Louis XIV, le 23 septembre, pal'Oit bien puéril,
si on le compare a la gral~deur du péril, au carac-
tere du prince d'Orange, a ¡'idée que Jacqllcs II
avoit tout a la fois de ce Priuce et de son parti,
enfin ame ressources mt'l!ne que le Roi pouvoit elIl-
ployer s'il avoit eu la volonté de s'en servir. Mais
pellt-on hasarder une conjeeture qui n'est pas sans
vraisemblance, quand on compare ce que Jaeques II
dit a Bonrepaus dans la rade de Portsmoutb avec
sa conduite présente, avec ceHe qu'il va tenir, et
surtout avec ecHe qu'i! tienara plus tard en Ir-
lande, et a Saínt - Germain? C'est· qu'il croyoit
réellemcnt a l'invasion projctéepar le prince d'O-
range; c'est qu'il voyoit l'impossibi!ité actucHe ou
~res - prochaine de soutenil' ses propres desseins,
q,iJ.i furent toujours de substitucr au Gonvel'nement




EN ANGLETERHt:.


parlementaire la prérogative ele la royauté absolue;
e'est qu'il songeoit des -lors meme a se retirer en
France, et que déja il se ménageoit pour cela une
retraite a PortsulOuth; c'est qu'en abandounant ainsi
I'Angleterre au désordre et a l'anarchic d'une inva-
sionarmée, il croyoit pouvoir relever sa fortune en
Irlande avec les forces de la France, et se rétablil'
en Angleterre avec l'armée d'Irlande et les secours
de Louis XIV. Cette cOlljeclure, qui peut seule ab-
soudre Jaccflles II du juste reproche de lftcheté que
l'histoire lui eloit imputer, si elle le juge par sa con-
duite extérieure au moment du péril, se concilie na.
turcllement avec sa bravoure llaturelle qui ne fut
jamais contestée, avec ses idées fixes sur la nature
du Gouvernement !'Oyal, avec le fiút de son arrivée
en Irlande au mois de mars sUÍvant, avec le sys-
teme qu'il y adopta, et, ce qui est plus décisif, avec
le sysltllne qu'il rapportoit cinq ans plus tard en An-
gleterre apres ses désastres d'Irlande et de la Hogue,
lorsque le maréchal de Bellefonds le devoit ramener
avec une armée francoise. Alors en efTetil avoit traité ,
avec les Torys el le parti anglican; il avoit promis
par des actes publics de protéger et défendre I'É-
glise Anglicane; avant de signer cette promesse, iJ
avoit consulté la Sorbonne, Bossuet et la Conr de




RÉVOLUTJON DE J 688,
pouvoir absolu, iI ue se proposoit rien autre chose
que de recommeneer le plan absurde qui déja l'avoit
perdu en Angleterre et en Irlande. Son plan de Gou-
vernement, lrouvé apr(~s sa mort dan s ses papiers,
en est la preuve irréfragable.


Quoi qu'il en soit de ces conjectures, il est cer-
tain qu'au moment ou Barillon rendoit compte a
Louis XIV du systeme défensif de Jacques 1I, c'est
a dire le 23 septembre, Portsmouth étoit secrete-
ment le point d'appui de toutes les opérations du
Roi. « On a mis quelques régiments dans Ports-
« mouth et aux environs,)) dit Barillon , «non pas que
« ton craigne la descenle de ce cóté-la.» e' étoit done
une retraite que l'on se ménageoit. Avec une telle
prévoyanee, Jacques II devoit succomber. Lorsquc
Guillaume le Conquérant descendit autrefois en An-
gleterre, il commenc¡a par briller ses vaisseaux.


Dans les quatre jours suivants, le Roi re'tut du
marquis d' Albeville deux courriers extraordinaires,
qui luí annoncerent successivement que le prince
alloit s'embarquer dans huit jours. Ces dépeches
causerenta la Cour une imprcssion profonde. « Mais
« cel avis, )1 dit Bal'illon, « on ne le tient pas en-
(( core sur; JJ et l' on imagina que si le prince d'Orange
s'embarquoit réellement, ce pouvoit etre pour l'É-
cosse. Et comme on apprit en meme temps la marche


,___ d'une armée fran~oise sur Philisbourg, le Roí se ras-
.' ,·~~ra en pensant que eette diversion fcroit faire aux


...


'.


.,



"




leN ANGLETRRRF:. 77
Etats-Généraux de sérieuses réflexions. Mais le comtc
de Sunderland n'y fut pas trompé. n comprit sur-le-
champ que ce n'étoit pas a Philisbourg, mais a Co-
logne ou dans les Provinces-U nies, que l' armée fran-
<;oise pouvoit affermir la couronne chancelante du
Roi d'Angleterre.


Louis XIV ne s'étoit pas contenté de faire faire
aux États-Généraux la déclaration mena cante dont ,
le comte Davaux avoit été l'organe, le 9 septemb¡'e,
a La Raie: il avoit donné ¡es memes ordres 11 son
ministre dans les Pays. Bas Espagnols. Mais, chaque
jour, étonné davantage de l'engourdissement OU res-
toit Jacques JI, offensé meme de son incrédulité,
commc de son indifférence aux conseils et aux offres
de secours qu'il lui prodiguoit, blessé enfln du rap-
pel de l'ambassadeur Skelton, et presque indigné de
ne pas apprendre, ce sont ses propres exprcssions,
que le Roi d'Angleterre cut pris la résolution de
marcher 11 la tete de ses troupes, il prit lui-meme
une résolution dans laquelle l'intéret de Jacques II
n'étoit plus que tres - secondaire; et, le 25 sep-
tembre, iI chargea Barillon d'annoncer que son ar-
mée assiégeoit Philisbourg. n luí envoya en meme
temps le manifeste qui devoit justifier cette irrup-
tion sur le territoire de I'Empire. « Je suis persuadé,)}
dit - il, « que le Roí d' Angleterre et touts ceux qui
(( aiment la tranquillité publique approuveront les
« offres que je fais potlr I'affermir, et n'imputeront




R1~VOL{)TJON DE .688,
« qll'a ceux qui les refllseront touts les malheurs que
« la guerre poul'ra causer. Si ron vous demande
« pourquoi je ne fais aucune mention dans mes offres
« de el' qui regarde l'Espagne et les États-Généraux
« des Provinces-Unies, vous répondrez qu'il n'y a
« rien jusqu'a présent qui m'oblige ti 'leur faire
« la guerre; et que s'ils veulent convertir le traité
« de treve avee I'Espagne en un traité de paix défi-
(( nitif, j'y consentirai de meme que pour l'Empereur
( ~t l'Empire : ayant d'ailleurs des traités de paix et
« de commerce avec les États - Généraux, qui sub-
« sistent et auxquels je ne prétends pas contrevenir,
(r tant qu'ils les suivront de leur parto "


Ce changement subit de polítique fait un con-
traste bien frappant avec la déclaration du comte
Davaux. Lorsque Louis XIV ordonna de la présen-
ter aux États-Généraux, il n'avoit encore que des
soup!,!ons contre le prince d'Orange. Mais lorsqu'il
écrit a Barillon quinze jours apres : « vous répondrez
« qu'il n'y a ríen jusqu'it présent qui m'oblige a leur
« faire la guerre,» il avoit la certitude (Iue le Sla-
thouder alloit s'embarqller incessamnwnt pour l'An-
gleterre. Le 10, lt' 14, le 16, le I 7 et le J 8 sep-
tembre, le comte Davaux lui avoit annoncé touts
les détails de l'invasion préparée. Pourqlloi done
Louis XIV, qui, des la fin du mois d'aout, avoit en-
voyé le maréchal d'Humiert's observer les Pays-Bas,
changea-t-il subitement rt résolut-il d'ataquer ~Ill' la




.Y.N ANGI,F,TEHRE. 79
rive droite du haut Rhil1 le boulevard de l'Empire ?
Il croyoit sans doute qn'il suffisoit de commeneer la
guerre sur le continent, pour foreer le prince d'O-
range de ne pas s'en éloigner. C'étoit ce Prince qui
avoit formé la ligue d' Augsbourg, sous le prétexte
spécieux de garantir la paix de Nimegue; c'étoit lui
qui en étoit le chef naturel, une foís la guerre allu-
mée; dans eette conjoneture, les États-Généraux et
lenr Stathouder iroipnt-ils compromettre l'existence
meme de la· République par une entreprise aventu-
reuse contre l' Angletel'l'e? Louis XIV nc pouvoit
pas le supposer ou feignit de ne le pas croire. Vaines
illusions de la prudenee humaine! Ce fut eette pru-
denee meme qui réunít Rome, I'Empire et l'Espagne
contre le Roí d'Augleterre, paree qu'elle n'étoit pas
dégagée de toute vue ambitieuse. Ainsi l'Enrope
meme Catholique voulnt enlever l'Angleterre a la
France, pOUl' I'attacher a la ligue d' Augsbourg coutre
la Franee; elle spconua de son silenee, et pen apres
de ses armes, le prinee d'Orange daos touts ses pro-
jets, paree que son ambition persounelle étoit en-
core un levier de plus contre le colossp de la Franee.


Voila done Jacques n resté seul pour lutter avec
un homrne dout le génie patient, trauquille et all-
dacieux tout ensemble, n'a plus á craindre peut-etrp
que les hasards de la fortune; et encore, s'ils sur-
vieunent, son a~ne intrépide saura S'PI1 prévaloir
('onll'(' SOIl malheurcux. ¡uhcrsairc. ./acques TI n'a




80 RÉVOLUTION DE J 688,
plus d'alliés, pas meme cette France dont il ambÍ-
tionnoit en rougíssant la protection, devenue fatale
pour lui, et dont il répudie les secoms, maintenant
qu'ils sont nécessaires. Est-ce pal' grandeul' d'ame?
Alors il trouvera encore des forces dont iI ne soup-
qonnoit pas I'étendue; car un Roí qní veut etre Roí
ne meul't pas détroné. Mais hélas! il marche au ha-
sard sur un terrain quí remue de toutes parts; íl
n' ose invoquer ni son peupIe, ni son armée, ni ses
enfants, ni lui-meme. Il a encore des flatteurs; cal'
il n'est pas encore tombé. Il entend aussi des adn-
latiolls pieuses : la Providence abandonneroit-elle un
Roi quí faÍt si généreusement le sacrifice de trois
Comonnes poul' la Religion? Hélas ~ il entend memc
les jactances d'une fermeté factice quí déguise vai-
nement sa frayeur, en disant qu'il est bon quelque-
fois de cédel' un peu a la tourmentedes flots popu-
laires. Ce fut par un tel argument que la convocation
du Parlement fut enfin publiée pour le mois de
décembre.


Le Roi fit expédier, en efret, sa proc1amation pou!'
les élections, et dans ce moment meme une terreur
panique avoit saisi l'Angleterre. Il se répandoit par-
toutqu'une armée franc,¡oise s'embarquoit a Boulogne,
et que, si les États-Gén€raux faisoient des préparatifs
de guerre, c'étoit uniquement ponr protéger l'An-
gleterl'e contre l'invasion imminente des FraIll¡ois.
I~a frayeur fut si vive, que plusieurs habita nts de




:t.N ANGLETERRE. 8r
Londres prirent la fuite; el comme on assuroit que
Portsmouth seroit certainement livré par le duc de
Berwick, le Roi dut penser que sa procJamation et
le mouvement donné a la nation par les élections
feroient une diversion salutaire.


Dix jours auparavant, il se ber¡;;oit encore dl.l. vain
espoir d'obtenir la révocation du Test, puisqu'il s'é-
toit résolu a nommer un grand nombre de Pairs
nouveaux, pour briser l' opposition de la Chambre
haute: mesure qui eut ébranlé jusque dans sa base
le principe essentiel de I'État, en affoiblissant l'aris-
tocratie angloise, et en fortifiant cet essor des Com-
munes qui, depuis cinquante ans, cherchoient 11 pré.
valoir contre la Couronlle. Quoi qu'il en soit, les
dix jours qui venoient de s'écouler avoient donné un
autre cours 11 ses réflexions et a sa politiqueo Puis-
qu'il avoit refusé les secours de la France, illui fal·
loit absolument ramener le parti de l'Église anglicane,
la seule forceréelle de la monarchje angloise, et par
conséquent revenir 11 ces propositions memes que le
prince d'Orange avoit faites avant la grossesse de la
Reine, et que les Catholiques modérés avoient tou-
jours inutilement soutenues .


. La proclamation étoit du 30 sE'ptembre. EIle con-
tenoít un passage d'une obscurité profonde, qui
donna ljeu aux controverses les plus animées. C'étoit
cependant un point essentiel, qui devoit etre le plus
clair el le moins équivoque. Les uns assuroiput qn'il


ur. G




"


RÉVOLUTION DE 1688,
contenoit une négation de trop, les autres qu'il en
falloit une de plus; et il est tres-vrai que ce fameux
passage nc peut etre compris que par voie d'inter-
prétation, en le prenant dans le sens le plus général
de la proclamation meme.


A part les obscurités du texte littéral, le Roi di-
soit d'abord que son royal dessein étoit de faire un
établissement légal en faveur de touts ses sujets pour
une liberté universelle de conscience, tout en main-
tenant inviolablement I'Église anglicane. Ces deux
propositions sembloient contradictoires, puisqu'il
parloit de maintenir I'Église par la confirmation des
acles d'uniformité, 'et par une confirmation telle,
qu'ils ne pussent jamais étre altérés que par la
voie de la révocation des clauses pénales.,


Mais le Roi enveloppoit sa pensée, en laissant en-
trevoir que ces clauses pénales seroient limitées aux
seuls sujets qui possédoient ou prétendroient 11 pos-
séder les dignités et bénéfices de I'Eglise : ce qui,
rMuit a sa plus simple expression, signifioit que,
pour etre Anglican, il falloit etre Anglican.


n ajoutoit que, pour donner une plus ferme
garantie a I'Église anglicane et a la Religion pro-
testante en général, il consentoit a ce que les Ca-
tholiques restassent incapables d'ctre élus a la Cham-
bre des Communes. «Par la,)) disoit - il, r< seront
« dissipées (outes les craintes que I'on a témoignées
ce de voir les Catholiques s'emparcr de rautol'lté lé-




EN ANGLETERRE. 83
(e gislative et la tourner contre les, Protestants. »


On voit ici l'espace immense que Jacques n ve-
noít d'abandonner. 11 ne parloit pas du pouvoir de
dispenser, mais il reconnoissoit que l'autorité légis-
lative devoit seule révoquer les lois pénales ou les
modifier. Il ne parIoit pas des Lords catholiques,
exclus de la Chambre haute par le fait de la loi du
Test; mais il reconnoissoit l'existence légale du Test,
comme nécessaire a la sureté de I'Église anglicane,
puisqu'il déclaroit que les Catholiques resfoient iD-
capables d't~tre élus a la Chambre des Communes.


Pour peindre dans son véritable aspect la situation
du Roí d'Angleterre, qui se trouve maintenant su-
bordonnée a la nouvelle politique de la France et a
ceBe de tout le continent, il faut pénétrer jusqu'au
foyer meme de touts les mouvements qui vont se dé-
velopper, c'est-a-díre au cabinet meml' du prince
d'Orange.


C'est le 8 septembre que le marquis d'Albeville
avoit demandé aux État$ quels étoient les motif s
des annements extraordinaires de la République; et
ce fut le lendemain que le comte Davaux lut et remit
en audience publique sa déclaration uu nom du Roí
de France.


Le 10 septembre, Davaux avoit intercepté une
lettre du maréchal de Schomberg a Sidney; il Y
trouva la preuve que le maréchal étoit dans les sc-
crets du prince d'Orange et des Anglois mécontents;


(j.




84 RÉVOLUTION DE 1688,
el, dans la juste prévoyance que ses propres leUres
pourroient se trouver aussi interceptées, il écrivit en
propres termes a Louis XIV qu'il falloit compter
sur une descente du prince d'Orange en Angleterre,
comme si on le savoit déja embarqué. .


Mais la question étoit encore de savoir si les États-
Généraux preteroient leur fIoUe et leur armée a leur
Stathouder; eette question alloit se décider sous peu
de jours. La déclaration du comte Davaux en avoit
provoqué la solution : il ne s'agissoit plus que de
eonnoltre la réponse des Provinces. L' Ambassadeur
de Franee ne eomptoit plus sur la résistanee du parti
républieain.


En attendant l'arrivée du prince d'Orange, auqud
on avoit écrit de revenir sur-Ie-champ de Mindell,
le eomte Davaux avoit appris successivement par ses
affidés qu'un nombre considérable de vaisseaux de
transport avoit été loué secretement dans la Nord-
Hollande, dont l'amiral Herbert venoít d' etre nommé
Amiral; que le maréchal de Schomberg s'embar-
quercJit avee le Prinee; que la fIoUe devoit etre de
soixante-dix vaisseaux de guelTe; que l'amiral Van-
El-Monde avoit re<,;u l'ordre de croiser sur les hau-
teurs de Calais et de Dunkerque, pour observer l'cs-
cadre franqoise; que quatorze vaisseaux suédois
amenoient sert mille hommes de troupes; que I'É-
lecteur de Rrandebourg ajoutoit six mille hommes
au'corps de six mille hommes qu'il avoit déja promis




EN ANGLETEltllE. 85
pal' un traité; que la Saxe fournissoit également six
mille hommes, Zell et Volfenbuttel quatre mille,
Hesse-Cassel trois mille, et que le prince administra·
teur de Wirtemberg levoit aussi des troupes dont le
nombre n'étoit pas connu.


Toutes ces nouvelIes firent justement croire a
Louis XIV que le prioce d'Orange ne feroit pas
une tentative désespérée commecelles de Monmouth
et d'Argyle; qu'il emmtmeroit avec luí des forces
capables"de le maintenir, mcme contre une sérieuse
résistance; et que si le prince d'Orange, une fois
descendu en Angleterre, pouvoit etre rappelé sur le
continent, ce devoit etre par une guerre continen-
tale. On doit croire aussi que la politique franí,(oise,
en menaí,(ant d'abord les États-Généraux, et en dé-
da~ant quinze jours apres qu'il n'y avoit aucune
raison de leur faire la guerre, comptoit sur l'appui
du parti républicain pour forcer le prince d'Orange
a revenir au secours de la patrie en péril : du moins
le changement subít de son langage autorise a le
peuser. Jacques II d'ailleurs dédaignoit ou craignoit
les secours de la France; jI falloit pour le moment
sans doute l'abandonner a ses propres conseils, et
sa fortune dépendroit ensuite des triomphes de la
France. Louis XIV envoya done le Dauphin au siége
de Philisbourg, et, dan s le meme temps, le maréchal
de Schombcrg entl'oit a Cologne avec les tl'oupes de
Bl'andebourg,




86 nÉVOLUTION DE 1688,
Le pY\nCe d'Or'C\nge aU\'fa \e \ G ~p\embre de


Minden a La Haye. Il donna sur.le.chatrip a trente
hataillons d'infanteríe l'ordre de se porter au eamp
de Nimegue. Cet ordre pouvoit annaneer qu'il n'étoit
nullement question de l'Angleterre, et c'étoitl'inten-
tion du Prince de le persuader : mais ees troupes,
que l'on mettoit sur des harques pour gagner la
Meuse et atteindre leur destination apparente, pou-
voient remonter cette riviere dans un jour ou deux ,
aller meme jusqu'a Nimegue, puis redescebdre tout
a coup a Rotterdam, pour s'embarquer ensuita a la
Brille sur la fiotte d'expédition. Telle étoit réellement
l'intenrion du prince d'Orange.


CepeIidant r Assemblée de la province de Hollande,
R qui le Grand-Pensionnaire proposoit d'ordonner
une' levée de soldats, voulut avoir des éclaircisse-
ments sur la cause et le hut de tant de préparatifs.
Le priooe d'Orang~ se hata d'arreter ce premier
mouvem~nt d'oppositiol'l. ;et, sans entrar dans le
Uloindre I'létail de tontes ses démarches, il parla fort
vivement de tout ce que ron avoit a craindre tant
oe la France que de l' Angleterre. Touts les députés
se repandirent en magnifiques remerclments. L'As-
semblée de ceUe Province consentit plus tard a la
recrue proposée, que toutes les autres Provinces
adopterent simultanément. Il n'y ellt meme de ré-
sistance que dans le Conseil de ville d' Amsterdam.
MaÍs cettc résistance auroit pu avoir de grands ré-




EN ANGLETERRE.


sultats, si elle avoit été soutenue ou mieux dirigée.
Il s'agissoit tout a-Ia-fois de [aire une levée extraor-


Jillaire, et de prendre des mesures vig~reuses
con\re la France, par rapport au commerce que les
prohibitions de Lluis XIV ruinoieut entierement.
On vouloit opposcr a ces prohibitions l'interdiction
absolue des produ<:tions et marchandises frant;;aises.
Le Conseil de vil~e d'Amsterdam délibéra.sur toutes
cesquestions; et Ma!"sevenes, }'Ull des Bourgue-
mestl'es, parla tres- vi veUlent contre la Régence ac-
tue.lIt; de la provinee, qui, disoit-il~ avoit mil> en
péril; l'existenee lneme de la République. Il proposa
clone de ne pas interdire. absoIument le commerce
de F I'<l]lee, de ne pas COI1selJ tir it la recrue proposée ,
et princip~lement de, demander la raison des prépa-
ratífs de guerreo Un autr,é Bourguemestre, nOIDmé
de Fl'is, ~data aussi avec beaucoup de véhémence,
et.interpella personnellement le BOluguemestre Wit-
sen, qlili pasSQit pour ~tfe 9!lllS laepnfidencc,intimc
du Stathouder. Maís le Premi~J: BOUJ:gu~tnestre a qui
Dykvelt avoit persuad~ qu'il s'agiil&oit \lniquement
de prendl'e une attitude imposante , et qlle le Prince
ue pouvoit attirer rien de f:1cheux sur la République,
fit pl'évaloir son avis qui étoit mitoyen, c'est-a-dire,
d'accordel' le recrutement" de s'opposer a l'interdic-
tion du commerce de France, et d~ l'equérir des
t'claircissements sur les armements actuels.




88 RÉVOLUTION DE 1688,
Le prince· d'Orange, qui comprenoit le dan-


ger pour lui d'une oppositión commencée dans la
ville d'Amsterdam, et qui s'aper<;ut de l'impression
que Marsevenes avoit produite dans la délibération,
6t réunir sur-Ie-champ les députés des dix princi-
pales villes de Hollande, pour les informer, disoit-il,
de ce que la ville d'Amsterdam vouloit apprendre.
CeUe réunion eut lieu le ] 8 septembre.


Marsevtmes étoit le beau-frere d'un gentilhomme
fort riche, nommé Tiniermente, qui n'avoit point
d'enfant et dont il espéroit la succession. Ce gentil-
homme, qui appartenoit au partl républicain, avoit
des liaisons assidues avec l' Ambassadeur de France,
qui le faisoit agir sur l'esprit de Marsevtmes; et
c'est par luí que Marsevenes s'étoit montré si vi-
vement au Conseil de ville.


Or, le prince d'Orange, qui vouloit effrayer ce
partí dans ses chefs, ne laissa pas échapper l' occasion ,
qui d'ailleurs étoít pressante. Aussitot que les dé-
putés des villes de Hollande sont réunis, Marsevtmes
étant pr~sent pour Amsterdam, le Prince, d'un ton I
irrité, se plaint amerement que les secrets de l'État
sont livrés aux plus dangereux ennemis de la Ré-
publique. « N'est-il pas honteux,ll dit-il, « que,
« dans les premiers magistrats des premieres villf's
« de l'Union, il se rencontre des hommes assez foibles
(( pour découvrir a leurs parents toutes les mesures,




EN A.NGLETERRE. 89
« touts les secrets du Gouvernement; el cela ,pour
« capter leur bienveillance et leur héritage? Ces pa-
'( reots ne soot que trop bien connus. On voit chez
« eux l' Ambassadeur de France délibérer au milieu
« des festins, avec les membres infideles de nos ré-
« gen ces , et fomenter les divisions de la République.~)
Pendant qu'il s'exhaloit en menaces, les autres dé-
putés avoient les yeux tournés sur Marsevenes, qui
enfin partit brusquement pour Amsterdam, et son
beau-frere se retira également dan s ses terres, ou
il se tint caché. Apres cette scene, Amsterdam
n'osa plus élever le moindre mot d'opposition. Le
Conseil s'engagea meme a payer la solde de treize
miUe hommes des troupes étrangeres appelées au
service des États. Quant aux assemblées des Pro-
vinces, a qui la déclaration du comte Davaux avoit
été envoyée, eIJes déférerent aux volontés du Prince.
Gueldre, Zélande, U treaht et Over-Issel, montrei'ent
un asseritiment unanime. CeHe de Hollande vota
par animosité contre Louis XlV, a cause du com~
merce. La Frise et Groningue opposerent seu tes
quelques difficultés.


Van-Citers venoit de mander aux États que le
Roí d'Angleterre dénioit formellement toute alliance
avec la France; que Bonrepaus étoit venu, de la part
de Louis XIV, proposer quatre millioris pour la
fioUe, et un traité de ligue offensive et défensive;




90 RÉVOLUTJO.N DE 1688,
maÍll qu'il étoit retourné en France irnmédiatement,
sans rien concJure. Il avait déja écrit aux. États que
le Roi lui avait témoigné un vif ressentiment des
démarches de la France~ et lui avait dit a lui-meme:
« le n'ai pas hesoin de protecteur, et je ne prétends
« pas etre traité a la maniere du. cardinal de Furs-
« temberg. »


Malgré eettB assurMlce, les États,. qui avoieut
différé de répondre au mémoire du marquis d' Al-
heville, présenté le 8 septembre, lui remirent enfin,
a la date du 2}, une réponse toute· dérisoire. Ils
demandoient communication des. tr:aités d'amitié et
d' alliance dont avait parlé l'ambassadeur de France,
afin~ disoient-ils, que, sur cette communication, il
fUt passible de donner au marquis d' Albeville teHe
réponse qui seroit jugée couvenable.


Par ces subterfuges, le princed'Orange vouloit
gagner .du.temps,trompel' le Roi d'Angleterreet les
Cours. aUiées des: États-Génétraux. ·It fit me me quel-
ques démarches publiquesauxquel~es Lauis XIV Itli-
mem.e fut.trompé. C'ast ainsi qu'a son arrivée de
Minden, il s'emporta violemment au sujet d'un li.
belle nouveUement publié par un ministre protes-
tant, réfugié de France en HoUande. Ce libelle tres-
violent avoit pour titre : La Couronne uSUlpée,
oa le Prince supposé. L'auteur, nommé Levoyer,
prit la fui te , et l'imprimeur fut mis en prison par




EN ANGU:TERRE.


ordre des États-Généraux. Il est vrai que ce libelle
tendoit a prouver que le Roi Jacques II possédoit
la CoW'onne malgré les lois, et que le prince d'O-
ranga y avoit·des droits légitimes, comme petit.fils
de Charles Ier, a l'exclusion meme de la Princesse,
filIe alnée de Jacques n. Guillaume pensoit avec
raison que de lelles insinuations ne feroient que le
rendre odieux. a l' Angleterre, et contrarier ses des-
seÍns actuels. Quoi qu'il en soit, touts ses partisans
s' effor«;oient de persuader au public et aux Envoyés
des di verses puissances que l' Ambassadeur de France
lui attribuoit des projets bien éloignés de la vérité.
Le Grand ·Pensionnaire, surtout, s'atlachoit a dé-
truire les justes SOUP¡;ons du Ministre de l'Empe-
reur, et a tenir le marquis d' Alheville dans une
perfide espérance, que le comte Davaux parvenoit
difficilement a dissiper.


L'Ambassadeur de Franca le voyoit effectivement
s'atw.chef avec une singuliere affectMion a répt<ter
sans cesse a Dykvelt, a Fagel'et aux principaux
membres des États, que, sons tres-peu: de jours, oa
aUoit acquérir la certitude que le ROl d'Angleterre
n'ayoit aucune allianee avee Louis XIV, malgré
la faOleuse déclaration du 9 septembre. Ce langage
déplaisoit fort au comte Davaux, qui suspendit un
moment la pension du marquis d' Albeville; mais il
re«;ut l'ordre de la continuer. 00 voit dans une




RÉVOLlJTION DE 1688,
{eUre du 30 septembre que Louis XIV partageoit.
alors les incertitudes de Jacques II. (( L'application
«( que .lonne le prince d'Orange,» dit-il, «( a faire
(( assembler les troupes des États-Généraux vers Ni-
(e megue, peut faire douter si son dessein a été de
c( passer en Angleterre, ou si la déclaratíon que vous
c( avez faite de ma part y apporte quelque change-
« mento )) Si Louis XIV, apres touts les renseigne-
ments que lui avoit procurés son Ambassadeur,
tenoít ce Iangage le 30 septembre, comment J ac-
ques II ne se seroit-il pas laíssé entralner aux dé-
ceptions du prínce d'Orange, et aux illusions de
son propre creur? Jacques II étoit pere, et il répu-
gnoit surtout a penser que la Príncesse sa fille fUt
réellement complice d'une conjuration directe contre
lui.


Cependant il arrivoit perpétuellement en Hol-
laude des Anglois de qualité, qui pressoient le prince
d'Orange de prendre enfin son partí. Parmi eux,
on dístinguoit le fils du eomte de Devooshire, le
fils du marquis de Wincester, et surtout le lord Lo-
velaee, qui avoit le seeret des Angloís et du Prinee.
Le moment parut décisif; et, eomme plusieurs villes
et provinees avoient donné a leurs députés, par
suite de la déclaratiou du eomte Davaux, les pou-
voirs néeessaires pour l'ésoudre avec le Stathoudel'
tout ce qui seroil jugé nécessaire, sans en rendre




EN ANGI,ETERRE. 93
compte ti leurs supérieurs, c'est 11 ce moment qu'il
faut rapporter le consentement tacite des États-
Généraux a une invasion formeHe, consentement
qui depuis fut notifié authentiquement a leurs Mi-
nistres établis aupres des diverses puissances, ex-
cepté la France et l' Angleterre.


En effet, des le 29 septembre, le Grand-Pension-
naire ne dissimuloit plus avec Campriccio, Envayé
de l'Empereur, homme tres-zélé pour la Religion
Catholique. Ce ministre lui dit qu'il venoit d'ap-
prendre une mission extraordinaire donnée récem-
ment a un Envoyé des États a Vienne. ( Mais cet
« Envoyé sera fort mal rec,;u de l'Empereur, » ajou-
ta-t-il, « si les États prétendent s'interposer entre
« Sa Majesté Impériale et le Grand-Seigneur. » -
« L'Empereur, vatre maitre,» dit Fagel, « recon-
« noitra, par le siége de Philisbourg, la nécessité
« pour lui de s'allier aux Princes de l'Empire contre
« la France. » - « Non, non, » répliqua vivement
Campriccio, « jamais I'Empereur ne fera d'alliance
« avec des gens quí veulent détroner un Roí légi-
« time. » JI insista si fortement sur cette idée, que
le Pensionnaire lui avoua enfin l'entreprise du prince
d'Orange, en y donnant toutefois une interprétation
favorable. « Son Altesse, » disoit-il, « ne songe nul-
( lernent a rien attentí'r contre Sa Majesté Britan-
« nique. Outre qUí' JacCJues JI est Roi, jI í'st oncle




94 REVOLUTION DE .688,
« et bt>..au-pere <Iu Prince. MaÍs les Anglois sont in-
(( quiets sur leur religion et sur leurs libertés; ils
« craignent que le Roí ne les détruise; ils appellent
( avee instanee le prince d'Orange, pour rétablir
( et affermir leur véritable Gouvernement; ils lui
« disent enfin que, s'il refuse de céder 11 leurs vo.mx,
«( ils prendront d'autres mesures, et proclameront
« une république. Le prince d'Orange ne va done
K en Angleterre que pour prévenir toute violenee
«( eontre le Roi son beau-pere, et empecher la disso-
« lution <Je l'État. »


Le Chef du Conseil du prince d'Orange, nommé
Petkum, ne gardoit pas plus de mesure avec cet
Envoyé. Il lui dit le meme jour : « Vous gatez toutes
« les affai1'es par vos déclamations. » - « Je parle
( en homme d'honneur,» repartít Campriecio, « et
« selon les véritables sentiments de l'Empereur mon
«( maitre. » - «( Mais, » disoit Petkum, «( ne seroit-
«( ce pas un immense avantage pour l'Empereur et
« poul' le Roí d'Espagne, qu'il y el1t un Roi d'An~
(( gleterre parfaitement d'aecord avee la maison
(( d' Autriehe eoot1'e la France? » - ( Oui, sans
(( doute; mais l'Empereur ne voudroit pas qu'un si
«( grand avantage fUt le prix d'une aetion aussi noire
« que ceBe d'un Prince qui veut détroner son oncle
« et son heau-pere. » - (( Eh! qu'importe eependant
« 11 l'Empereur que le Roí d' Angletet're se nomme




ENANGLETERIlE. 95
(( Jacques ou GuilIaume?» L'Envoyé de I'Empereur
f.úsoit connoltre ces conférences au comte Davaux,
par I'Envoyé de PoJogne, qui recevoit une petite
pension de la France.




SOMMAIRE.


1688. - (SUITE).


Louis XIV décidé a la guerre contre les États-Généraux.-ll
se désiste de sa résolution, par pitié pourJacques II.-rap-
prochement du Roi et de I'Église Anglicane.- Dernieres di s-
positions du Prince d'Orange.-I1 part pour l'Angleterre.-
Dispositions de Jacques 11. - Concessions équivoques.


----.. __ .. 11_----




RÉVOL. DE 1688, EN ANGLETERRE. 97


.. _--................ ---~--_ ........ _----_-..._--


LJVRE XXIII.


1688. - (SUITE).


T OUTS ces détails étoient parvenus a Louis XIV,
qui se décida un moment a déclarer immédiatemellt
1 '1 I a guerrf' aux Etats-GeneralJx. Cette 117esure c·z'zt
certainement sauvé le Roí d'Angleterre. On ne peut
faire que des conjectures sur les motifs qui tout a
coup firent abandonner eette résolution; mais voiei
la preuve qu' elle fut réellement prise.


Le eomte Davaux avoit donné, le I er oetobre,-a
IJouis Xl V de nouveaux détails sur les préparatifs
du prince d'Orange. Ce Prince étoit al'rivé a La
Raie, la veille a 9 heures du süir. Toute la journée
du I er , il s'étoit tenu renfermé avec' le Grand-Pen-
sionnaire et Dik velt. JI avoit ordonné l'augmentation
des équipages de la fiotte, paree qu'il venoít d'ap-
prehdre que Jacques 11 avoit augmentéle nombre
de ses vaisseaux. Ces nouveal1X préparatifs eausoient


JII. 7




98 ltÉVOLUTION DE 1688,
du retard dans les projets d'embarqueml'nt, et Da-
vaux ajoutoit avec raison que le Prince n'oseroit pas
ten ter son expédition, si le Roi d'Angleterre eut
accepté l'offre d'une escadre fran.;;oise. Enfin, il ter-
minoit. ainsi sa dépeche :


« Sire, depuis ma lettre écrite, je viens d'appren-
« dre, d'une personne bien informée de ce qui se
«( passe chez le prinee d'Orange et en qui je puis
«( prendre confiance, qu'il ne savoit pas encore lui-
« meme, ce matin, le jour de son embarquement, l't
« s'il ira au camp, o"s'il ira monter sur la floUe.
«( Cela dépend de quelque chose dont il attend in-
«( cessamment des nouvelles. »


Louis XIV n'avoit pas encore re.;;u eette lettre du
.1 er octobre, lorsqu'il écrivit lui-meme, le 7, ( que les


«( levées extraordinaires des États-Généraux ne lui
«( laissoient plus de doute sur leur dessein de lui faire
« la guerre.» Il chargeoit en conséquence le comte
Davaux de prendre ses mesures pour etre exact.ement
informé de tOl1t ce qui se passeroit de plus considé-
rabIe dans les Provinces-U nies, lorsqu'il sel'oit
obligé de le rappeler.


Louis XIV ne croyoit-il plus 11 l'expédition d'An-
gleterrc? Ce qui est certain, e' est que la minute de
ceUe lettre au comte Davaux contient un paragraphe
rayé tout entier, ou il lui annon¡;;oit qUl', (( résolu
«( de faire la guerre aux États,Généraux et de faire
t( saisir leurs vai~seaux et marchandises, il l'enga-




EN ANGLETERRE. 99
« geoit a prendre ses dispositions ponr la sureté de
(1 son retonr. »


ED,. marge de ce paragraphe, qui est rayé sur la
minute, on lit le mot changer écrit au erayon. Ce
changement, qui eut des suites si eonsidérables
pOUl' l'Angleterre, pour la France et pour toute
l'Europe, ue peut etre attribué qu'aux d~peches
I'ec,;ues de Londres, au moment meme ou Louis XIV
alloit signer cette ¡cttre a Davaux. Il rec,;ut auss'i
alors la dépeche de ce ministre, du J er octobre, et
il y répondit, en substituant au paragraphe rayé sur
la minute, ces simples mots : JI ny a plus qu'ti
attendre l'événement.


Le mcme jour 7 oclobre, Louis XIV répondit a
des dépeches de Barillon des 2. 7 et 30 octobre. H
lui disoit en général qu'il ne voyoit pas que le Roí
d'Angleterre prit les mesures convenables. Mais re-
cevant a l'instant meme deux lettres successives, que
Barillon avoit expédiées le 3 octobre par deux cour-
riers extraordinail'es, il 6t a sa lettre déja écrite une
addition qui exprime tout a-Ia-fois ce qu'il y avoit
de véritaLlement grand dans l'ame de Louis XIV,
et le motif qui sans doute l'empecha tout-a-coup
de suivre sa résolution de déclarer la guerre aux
États-Généraux. Ce fait historique, ineonnu a touts
les historiens, doit inspirer de la vénération ponr
Louis XIV, si I'on compare son langage et sa réso-
lution nouvelle aux tristes démarches de Jacques II,





JOO RÉVOLUTION DE 1688,
dont Barillon luí donnoÍt avis; et cependanl ( a quoi
tiennent les destinécs des Empires!) 'ce fut cette
magnanimité meme de Louís XIV quí compléla la
mine du Roí d'Angleterre.


Le Roi de France ajouta donc ce qui suit a sa
lettre déja écrite du 7 octobre: « NOll-seulemellt je
« nt' trouve pas mauvais que le Roi d' Anglete~re tache,
« par toutes sortes de moyens, de retarder l'exécution
tt des desseíns du prince d'Orange; mais au contraire
« je souhaiterois le pouvoir tirer entíerement de peine,
Cf et avoir, dans mes ports les plu~ voisins d' Angle-
« terre, to.ut le nombre de vaisseaux quí seroient
« nécessaires pour le secoul'ÍI' dan s ses plus pressants
« besoins, SMIS m'etre arreté au refus qu'il en a fait
IC lorsque je les ai offerts .... Je ne pense pas que la
« déclarationque d'Albeville a été chargé de faire
« a.rr~te leprince d'Orange .... C'est un desseÍn furmé
(~ ~epJ;li!jla. naj~sance du príllce de Galles .... Les né·
« g.qciª-üQns a,vec h:s Pt'Í~nces protestants d'Allemagne
« n'ont eu d'~~tre but que ce dessein .... Faites-moi
« s,~voir ce <tue le Roí d' Angleterre croira que je puis
1( faire ppm" l'¡).ssisteI' utilement.. .. »


Or,v(j)¡i,,;:i l'e~p1ication de cette lettre et du chan-
gCD;lent S4~i~ de Loui~. XIV. En publiant sa procla-
ma,tion p9ur le P~rlement, Jacqut's 1I s'étoit con-
ce¡;t~ avep L{ls principaux Catboliques. Touts.n'avóient
p~.$. été {Va vis de reUOllcer auss~ manifestement aux
projets qu'avoit d'abord encouragés la naissance du




EN ANGLETERRE. 1-01,


pl'ince deG.dles. Mais il falloit ramener le pal'ti an-
gliean qui étoit la natioo meme, et l' on espéroit
retenir lin grand nombre de seigneurs et de pro-
priétaires, qui, quoique fortement prévenus comre
les Catholiques, avoient un attaehement si~eere
pour l'État. Les ol'dres {utent donnés aux Lieute-
nants des Comtés de rétablir daIls les eorporati(}DS
et communautés, ainsi q:ue dans les bénéfices ecclé-
siastiques, eeux des anglicans qui montreroient de
bonnes inteutions. Quant aux éveques, on espéroit
qu'ils; adQpteroient la nouvelle déclaration, et ceux
d'entr~ eux qu:elle rameneroit au Roi devoient. re~
prendre leur place dans le eonseil.


Ces mesures, quoi<J!-lc tardives, pouvoient rassurer
la nation, et donner au Gouvernement les moyens.
de se garantir d'une complete révolution, s'il étoit
possible eneore de l'etenir les États-Généraux, et de
p,t'éveni.r ou <lu moins retarder leur assentiment for-
mel: auxprojets; duprince d'Ol'ange, quels qu'ils
fussent; Jaeques Ucroyoit eertainement ill'ambition
de son gendre, mais il doutoit que les États-Géné-
raux: eusscnt la témérité de eonfier a I.cur premier
citoyen leurs trésors, leur fIotte, en un mot, toutes
les destinées de leur République, pOUl' des dissen~
timents de famille qui ne les touchoient pas diree-
tcmcnt. Ce fut done eeUe espéranec qui préoccupa;
l'esprit du Roi autant que ses ministres. Ceux-ci
voyoient sans ¡Unsíon l'ptat et la disposition de touts




102 RÉVOLlJT!Ol'f m; 1688,
les ordres du Royaume en cas d'invasion; ils surent
effrayer la Reine. On lui fit eomprendre sans peine
que, la guerre civile une fois engagée, ou le Parle-
ment devenu violemment le maitre des affaires, on
lui demanderoit compte de l'ascendant qu'elle-meme,
le P. Piter et les Catholiques exaltés avoient pris
sur le Roí pour luí faire violer toutes les promesses
royales. La Reine fut done la premiere aprécipiter
le mouvement rétrograde qui déja se manifestoit par
la proclamation d'un prochain Parlement. Le parti
de la Cour accusa ensuite le eomte de Sunderland
d'avoir lui-meme entralné Jacques JI a refusel' les
secours de la France , et de l'avoir trahi. Cependant
Sunderland disoit avec raison qu'un foible secours
ne feroit qu'irriter la nation et ne la dompteroit
pas, tandis qu'une armée fran',;oise, capable de sou-
mettre toutes les volontés, ne feroit que soumettre
le Roí lui-meme a la dépendance humiliante d'un


. monarque dont la gralldeur et la fierté affectoÍent
la domination universelle. Jacques II, qui avoit peut-
etre plus de vanité que de fierté, n'étoit pas étranger
cependant aux véritables sentiments de sa dignité
personnelle. Sa jalousie sur la grandeur de Louis XIV
se manifestoit naturellement dans les occasions les
plus indifférentes; et d'ailleurs s'il vouloit usurper
les lihertés de la nation, ,ce n'étoit ni pour l'humi-
lier, ní pour exercer la tyrannie, mais pour s'éJever
lui-meme a la hauteur des grands Rois, et ren.re




EN ANGLETERRE. 103
son peuple puissant, a sa maniere. Il étoitdonc tres-
porté a désavouer la d~marche hardie de Skelton, et
la déclaration du comte Davaux, qui en avoit été
la suite. Le reste fut un effet de la nécessité qui l'en-
trainoit rapidement, et de l'incohérence de ses pro-
pres idées comme des conseils contradictoircs dont
iI étoit environné ou ohsédé.


La Cour de France devoit ~tre indignée que Je
comte de Sunderland son pellsionnaire s' opposat ainsi
a ses désirs, a ses desseins et a ses ordres: elle l' ac-
cusoit de trahir Jacques 11, quoique rien ne soit
moins prouvé. Sunderland d'ailleurs n'étoit pas le
seul ministre qui adoptat le systeme que suivit Jac-
ques II, en désavouant les démarches de la FraIlce.
Le comte de Middelton, Secrétaire d'État, écrivoit
dans le meme sens au marquis dAlbeville; cepen-
dant Middelton, qui avoit les affaires d'Écosse, étoit
dévoué au partí catholique. Le Roi et ses ministres
répétoient sans cesse que Louis XIV, en portant ses
forces contre Philisbourg plutot que sur Cologne,
avoit beaucoup plus songé a ses propres intérets
qu'aux intérets présents de Jacques II; et ce fut
dans cette disposition qu'iIs envoyerent au 1llarquis
d' Albeville des instructions et des ordres qui dé-
tournerent sur -le - champ Louis XIV de déclarer
la guerre aux États - Généraux. I"a connoissance
de ces instructions et de ces ordres lui fut don-
née par les deux dépeches suecessives de BarilJon ,




nÉVOLUT10N DE 1688,
du 3 oetobre. Voici la prelniere lettre de Barillon.


« Le,Roí d'Angleterre a envoyé un Expres en Rol-
« lande, avec des ordres positifs de déclarer aux États-
« Généraux que non-seulement il n'y a point de traité
« ni d'allianee av~c VotreMajesté a leurpréjudice, mais
C( qu'il leur offre meme d'entrer avec eux dan s une
« liaison étroite, et de se déclarer ouvertement contre
C( Votre Majesté, jusqu'a lui faire actuellement la
« guerreo Je suis averti que l'on me dira : Ceux qui
« se noient s'accrochent a tout ce qu'ils peuvent
« trouvel', etc.»


Quelques heures apres eette premiere lettre,
Barillon dépecha un autre courrier. Il prévenoit
Louis XIV que l'affaire n'étoit pas tout-a-fait
comme on la luí avoit dite le matin; que Sunder-
land, par ordre du Roi, lui avoit remis une copie
du mémoire dont le marquis d'Albeville étoit chargé
pour les États - Généraux. C( On a eu l'intention,»
eontinue Barillon, « d'empecher ou de retarder par
" la le départ de M. le prince d'Orange, et d'intro-
« duire une négociation qui ne finira pas sitot. Le
« mal'quis d' Albeville n'a ordre que d'entrer en con-
« férence sur les moyens de conserver la paix. On a
( évité de prendre ancun engagement formel par
C( les termes du mémoire. On espere ici que Votre
« Majesté ne trouvera point a rcdire que, dans une
« extrémité comme ceHe oü le Roi d'Angleterre est
1( réduit, il ait cherché un moyen de jeter quelque




.EN ANGLETERRE. 105
« division entre les États-Généraux et M. le prince
« d'Orange; ni que, s'agissant de sa ruine entiere,
« il ait faít présentel' un mémoire qui recellra dans
« la suite l'illterprétation qll 'ji lui voudra don-
« ner. Le marquis d'Albeville a ordre d'offrir que le
« Roí son maitre enverra quelqu'un en France pour
« y faire des propositions a Votre Majesté. qui ten-
« dent a la conservation de la paix. Si cet envoi a
(C líe u , ce sera le sieur Carel, Secrétaire de la Reine,
« qui en sera chargé.


« Mylord Sunderland m'a dit qu'il étoit obligé
« de me faire remarquer que ce qui se fait íci n'est
c( rien et ne peut avoir d'effet dans la suite, pourvu
t( que Votre Majesté veuille bien ne ríen faire dire de
« sa part qui puisse rendre suspecte la démarche du
« Roí son maltre, dont l'unique motif a été de con-
« jurel' l'orage dont jI est menacé; que ses .affaires
« sont réduites a une extrémité a laqllelle il est fo1't
« difficile de remédier; qll'il faut l' excuser s'il prend
u. les chemins les plus propres a le sauver; que le
« prince d'Orange sera dans quatre jours et peut ...
(c ctre plus tot en Angleterre; et que, s'i! est battu, le
« Roi ne sera pas pour cela en volonté ni en pouvoir
« de se déc\arer cOlltre Votre Ma)t'5té; clue ú, au
c( contraire, M. le prince d'Orange a un bon succes
c( en ce pays-ci, i! ne sera pas que'stion de ce qui a
« été proposé a La Raye. ))


A eette Idtre sr trouvoit une eopie chiffrée du mé~




106 RÉVOLUTfON DE 1688,
moire que devoit pr(.senter le marquis d'Alheville.
Ce mémoire étoit tel'mirié ainsi: ce Sa Majesté, afin
«( de montrer la grande considération qu'ElIe a pour
« l'amitié et les allianees qui sont entre elle et Vos
« Seigneuries, et son désir de les continuer, a or-
« donné andit Envoyé extraordinaire d'assurer en
« son llom Vos Seigneuries qu'il n'y a aucun traité,
«( entre Sa Majesté et le Roi Tres-Chrétien, que ceux
« qui sont publics et imprimés; et de plus, que comme
c( Sa Majesté souhaite fort la conservation de la
« paix et du repos de la Chrétienté, elle seroit bien
I( aise de prendre avec Vos Seigneuries les mesures
«( les plus COl1venables pour maintenir la paix de Ni-
« megue et la treve de vingt années concIue en
« 1684· »


C' étoit indirectement, mais formellement, proposer
de s'unidlla ligue d' Augshourg eontre Louis XIV,qui
venoit tout a la fois de rompre et la paix de Nimegue
et la treve de 1684, par le siege de Philisbourg.
Mais a la réception de' ces étranges nouvelles,
Louis XIV changea subitement ses résolutions ac-
tuelles de déclarer la guerre aux États - Généraux,
comme on l'a déja expliqué. Il fut moins indigné que
tonché; et sa réponse a Barillon, que l'on a déja fait
connoitre, est un noble témoignage de sa magnani-
mité naturelle.


Mais quelle imposante et terrible le<;¡on doit don-
ner le résultat de cette poli tique foíble et tortueuse,




EN ANGU:TEItItE.


de ces restrictions mentales développées dans la se-
conde dépeche de Darillon. Louis XIV, touché de
la déplorable position de Jacques 1I, s'arrete au mo-
ment meme Ol! il va déclarer la guerre aux États-
Généraux, et Jacques II est perdu tout 11 la fois
par ses combinaisons pusillanimes et par la pitié
de Louis XIV! Tant iI est vrai que, dans l'extrémité
me me de l'infortune, le seul, le véritable asyle se
trouve dans les nobles inspirations du courag~ et
de la vérité.


Hélas! ce n'est pas tout encore. Darillon, qui
avoit atténué ses premieres dé peches du matil) par
ceHes du soir, avoit été trompé par les Ministres
du Roí et palo le ROl lui-·meme, sur les ordres don-
nés a d'Albeville. Darillon s'en doutoit lui-meme,
ainsi que l'atteste sa dépeche du 4; cepelldant le
Roí lui dísoít ce jour-la : ce Quand l'orage sera passé,
« iI nous sera aÍsé d'agir de concert en tout, et
« de nous entendre comme nous avons fait. » De
son coté, Sunderland répoodoit aux reproches et
aux soup<;ons de l'ambassadeur de France, en lui
donoant pomo preuve de son dévouement a Louis XIV
("( qu'il ne se pouvoít sauver qu'avec le Roí son
e( maitrej que le prince d'Orange ne lui pardonne-
« roit jamais d'avoir eu d'étroites liaisons ave e la
« Cour de France, de s'etre déclaré Catholique
({ apres la naissance du prince de Galles, et d'avoir
« fait décider le rappel des troupes de HolJande,




108 RÉVOLUTION DE 1688,
(( premi.ere démarche qui a produit toutes les autres. »


A I'époque du 30 septembre, on comptoit géné-
ralement a l .. a Haye que l'embarquement eommen-
ceroit dano la premiere semaine d' octobre. Les troupc!;
aVOlent re-;¡u l'ordre de se tenlr pretes a monter SU!'
leurs vaisseaux le 6. Une immense quantité de eha-
loupes armées, de gaIiotes, de batiments de toute
espece avoit été louée a gránd prix, et payée d'a-
van~e. Quatre - vingt - dix galiotes étoient prépa-
rées pour la seule cavalerie. 'foutes les combinaisons
de précautions avoient été si bien calculées, que
chacune de ces galiotes pouvoit recevoir, au premier
signal, son chargement de cavalerie en trols heures
de temps. L'artillerie que I'on avoit tirée des arse-
naux de Dort, de Delf et de Schidam, et que l'on
avoit ostensiblement fail remonter sur le Lech, étoit
secretemellt retenue dans un canal détourné aupres
de DeHshaveu; et plus de trente-six barques char-
gées de rnunitions y furent découvertes par un des
agents que le eomte Davaux envoyolt sans c~sse a l~
découverte. Entlo, pourprotlter de toutes les circon-
stances favorables, le prince d'Orange avoit donné
d~s ordres, tels que toute cette immense embarca1Íon
devolt mettre a la voile et partir a la pleine lune qui
étoit le 7 octobre.


Ce fut dans la nuit du 4 au 5 que le marquis d'AI.
be,viUe re~ut les dé peches de Jacques n. Il s'empressa
de Ics communiquer auxÉtats-Généraux, et s'ex-




EN ANGLETERRR. 109


pliqtla tort précisément sur la résolution du Roí son
maltre, de s'unir a eux pour le maintien de la paix
de Nimegue et de la treve de 1684. Mais la viva~
cité de ses instances, de ses explications, de ses
promesses verbales, n'eut d'autre effet que de con-
stater les frayeurs du Roi et d'augmcnter la con-
fiance de ses ennemis. Il se répandit meme publi-
quement a La Haye, comme pieces authentiques,
une lettre sous le nom du Roi d'Angleterre a la date
du 1 er. oetobre, et un mémoire attribué au marquis
d'AlheviHe, dalls lesquels Jacques I1, pour preuve de
ses intentions actuelles, offroít aux États-Généraux
vingt mille hommes et quarante vaisseaux pour faire
la guprre a Louis XIV.


Ces deux pieccs sont évidcmment supposées, quant
a ce quj regarde Jacques Ir; mais elles sont parfai-
tement daus le style du marquis d'Albeville, et con-
formes a la légereté téméraire de son imagínation.
OH ne vnitpas dans quel but le prince d'Orange
les auroit faíl publier, puisque dans le faít Jacques II
dénioit tonte alliance avec le Roí de Fran€e el of-
froil en qut>]que sorte de prendre desengagements
contre luí. D'Albeville au l:ontraire pouvoít penser
qu'il convenoit aux intérets de son maltre de per-
sl/aJer /brlement IllI peup}e que la lMpubJique o~­
'\lO)\' p\u'& ~e'mo\':&, u'arme'f {',ou\n:. \e 1\(')1. U' PI,,:ul:)\v-
terreo Cétoit un bien foible moyen, puisque deja,
dam tout~s les Égli~es, \esPrédicants faisoient des




J 10


prierés pour l'heureux SllCct~S du prince d'Orange.
Mais d'Albevílle eut certainement le projet de con-
seiller a Jacques II ce qui étoit annoncé dans les
deux pieces qui circuloient dan s le publico Il en
parla aux Envoyés de l'Empereur et de l'Espagne;
jI en parla meme a quelques membres des États,
.qui lui dirent que rien au monde ne pouvoit em-
pecher l'expédition du prince d'Orange, a moins que
Jaeques II ne déclanlt la guerre a Louis XIV.
II consulta enfin le comte Davaux lui-meme, cal' il
avoit le désir d'imiter dans un sens contraire la dé-
marche de Skelton. « Si le Roi, » dit·il a Davaux
dans une note confidentielle, « ne se trouve pas en
« état de résister, s'il craint d'etre abandonné de
« son armée et de sa flotte, dont lé prince d'Orange
({ paro!t bien assuré, le Roi de Franee meme devroit
« souhaiter cette déclaration de guerre, avant que
« l'expédition ne mette a la voile. Par ce moyen on
« pOllrroit mettre de la jalollsie entre les États et le
« prince d'Orange; le Roi d'Angleterre seroit par
« la maitre des entreprises, des ordres, des nomina-
« tions d'officie1's, etc. Si au contrai1'e le prince d'O~
« range met pied aterre, et que le Roí se t1'ouve
« abandonné, comme cela est fo1't a c1'aindre, le
« p1'ince d'01'ange et le Parlement feront les ent1'e-
({ p1'ises, donncl'Ont les ordres, nomme1'ont les offi-
« cie1's et feront tout. Enfin ce pourra etré une
C( occasioll ./cflJorable au Roi pour se dé./eúre




EN ANGLIiTEIl.RE. 1 1 I


f( des factieux et de ses ennemls. Envoyez - moi ,
(e Monsieur, vos selltiments la -dessus, et s'il ne se-
« roit pas cOllvenable d'en donner ineontinent avis.
(e On se moque de la déclaration que le Marquis vif'nt
« de faire, et avee raison. »


Tres-surpris de eette proposition, le eomte Da-
vaux ne négligea rien pour dissuader le marquis
d'Albeville, et il sut par le Ministre danois que eette
idee avoit eté suggerée par le Seerétaire de Ji prin-
cesse d'Orange. Croyoit-elle que ce moyen arreteroit
son mari et sauveroit son pere? Il est douteux qu'en
ce moment le Prinee eut rétrograde. Toutes les dé-
marches de Jaeques n ne faisoient que démontrer
ses craintes, sa foiblesse et I'irrésolution de ses
conseils.


En effet, on venoit d'apprendre que Louis XIV,
par l' effet de sa résol ution premiere de faire la
guerre aux États, avoit fait saisir les vaisseaux des
l)rovinces - Unies, dans touts les ports de Franee.
Mais la nouvelle du siége de Philisbourg fit en meme
temps comprendre au prinee d'Orange et aux États,
non-seulement que le théatre de la guerre seroit éJoi-
gné de leur pays, mais encore que I'Empereur et
plusieurs Princes de l'empire s'engageroient neces-
sairement dans cette guerreo Aussi le Prince dit-il
auxMinistres espagnols ::(eGardez seulement Ostende,
« Mons et Namur. Je saurai bien reprendre les au-
({ tres places dont les Franc.;ais pourroient s'emparer.))




If2 R~VOLUTIUN VE 1688,
Cependant le vent devient favorable. et Herbert


s'embarque le 6 11 Helvoestluys; les vaisseaux de
guerre sortent du Texel pour se joindre a lUÍ, et son
intention est d'aller au-devant de la fIotte de Jac-
ques 11. Il dit au Prince en partant qu'a son aspect
la plus grande partie des vaisseaux anglois se réu-
nira certainement aux siens, et qu'il combattra le
reste . .Mais dans la nuit du 7 au 8, une tempeté vio-
lente" prolongée se Melare heureusement pour le
Roi d'Angleterre, et force l'amiral Herbert de rela-
cher au lieu meme d'ou il étoit parti.


Dans cet intervalle, le comte Davaux cherchoit a.
démontrer a LouisXIV la nécessité pour lui et pour
le Roi d'Angleterre de déclarer immédiatement la
guerre aux États - Généraux. 11 lui représentoit, et
l'évtmement l'a justifié, qu'une fois maltre de I'Angle-
terre, le prince d'Orange, devenu ROÍ, déclareroit
la guerre a la France. II n'hésita point a dire que, s'il
y avojt quelque moren de retenir les Etats-Généraux
qui lie s'étoient point encore déclárés publiquement,
il osoit en indiquer deux: « Ce seroÍt, ») disoit-il, « de
« leur donner satisfactÍon sur les affaÍres du com-
« merce; l'autre, de les contraindre par la force
« des armes a s'attacher a,l1X intérets de la France.»)
Louis XIV' ne s'offel'lsa point de ces remontrances;
il daigna meme convenir que l'attaque et la prise
des plus fortes villes de Flandres eut donné plus
d' '}' E' G" l' appl'e lenSlO1I aux ... tats - .. eneraux <]l'" attaque




EN ANGLF:TEIWE. Id
de Philisbourg et des mitres places du Rhin. « Mais
« la nécessité,)) ajoutoit-il, « de prévenir les mau-
« vais desseins de la Cour de Vienne, ne m'a pas
(r laissé d'autre parti a choisir que celui que fai pris
« el qui m'a pam le plus juste. Ainsi ceux que vous
« me proposez sont impraticables.» En écrivant
ainsi, Louis XIV n'étoit pas éloigné de croire aux
bruits qui se n:pandoient 11 Rome, comme 11 La Haye,
que Jacques II luí feroit la guerre, si les États-Gé-
néraux l' exigeoient.


Sur ces entrefaites, le prince d'Orange se livroit
a une prodigieuse activité, ne laissant ríen aja for-
tune de ce qu'il pouvoit luí ravir par la prévoyance,
le courage et l'habileté. Les immenses détails de son
immense entrt'príst', les npgociations avec les An-
glois, avec les États, avec toutes les puissances du
continent dans un moment si critique, ríen ne pa-
roissoit troubler cette ame dont I'expression exté-
rieure étoit toujours froicle et sévcre. Jamais homme
plus maltre de lui ne s'étoit montré dan s les temps
modernes, véritable moyen pour un Prince de mal-
triser les hommes et les évenements. Aussi, touts les
obstacles sembloient s'évanouir. Ce qui est préparé
par une sagesse magl1anime pom' le perdre con-
spire mcme au sueces de ses vreux. Louis XIV me-
nace de la guerre : alol's il sait persuade¡' que tout
ce qu'il a fait en silenee étoit nécessail'e pour préser-
ver la patrie. Louis XIV s'nrn1te par pitié pour


IJ!. 8




, RÉVOLUTrON DE 168H,
Jacques II et marche sur le Rhin : il sait persuadel'
a I'Empereul' que l'Angleterre répond pour Philis-
bourg, a Charles VI que l' Angleterre répond pour
Bruxelles, an Souverain Pontife que l' Angleterre
encore répond pour I'Italie menacéc comme pour
la Maison d'Antóche, et que, par ecHe illustre
Maison, les intérets de la Religioll Catholique sont
hors de péril.


Cependant les Étals - Généraux n'avoicllt point
répondn encore an premier mémoirc' elu marquis
<1' A lbevillt', (luí remontoit au 8 septembre. Ils atten-
airent an J 4 octobre, pour s'cxpliquer sur les ael'-
nieres démal'ches du Roi et de son Envoyé. En ce
moment, la fiotte de ¡'amiral Herbert, battue par
la tempete, v.enoit a peine de rentrer au Texel. Ce
fut dans l'intervalle du départ et de la rentrée des
vaisseaux, c'est-a-díre du 6 au 14, que le princ('
d'Orange manda aux Provinces d'envoyer a la Raie
des Dépntés de chacun des membres de I'État de
¡eur provincc. Ainsi, par exemple, la Zélande a sept
Députés, un ponr chacune des six villes tle la Zé-
lande, et un pou!' l'ordre de la noblcsse : c"est la
ce que ,'on nommoit "Asscll1blée de,; États-Géné-
raux, et les Drputés ordiuaires forment le Conseit
de la République. Le Prince demanda que ces Dé-
putés fussent obligés au serment du secret, et qu"ils
eussent les pouvoirs nécessaires ponl' statner sur des
affaires importantes qui exigeoicnt leut' eOllvocation<




EN ANGU:TERRF.. 1 1 ,J


Ces Députés réunis, ilne crut pas devoir les assem-
bIer en commun, et ne leur parla que spparémellL
11 leur dpelara done son dessein d'aller en AngIe-
terreo Cette expédition étoit devenue nécessaire pour
le maintien de Ieur Religion, et son absence ne
pouvoit en rien eompromettre la sureté du pays.
D'ailIeurs il avoit pourvu a touts les hasards de la
guerre par ses alliances, et par les troupes alle-
mandes qu'il avoit su acquérir au service des États,
11 se borna, en un mot, a des expIieatiolls géné-
raIes que ehacun des Députés re<;ut avee de grandes
démonstrations d'attachement et de reconnaissallce.
Quant aux Dp¡Hltés qui formcnt le Conseil d'État,
iI ajouta qu'il hoit sollieité d'alIer en Angleterre par
.les Éveques et la noblesse; que le prince de Daue-
mark, auquelles Anglois aurolellt pu reconrir, n'é-
toit pas capable de porter le poids des affaires ; que,
si lui-meme se refusoit a leurs instances, ils pren-
droient d'autres mesures, et se constitueroiellt en
RépubIíque, ce (lui ruint'roit entierement le COlll-
meree des Provinees-Unies. Ellfin, ne trouvant nulle
part de résistance, exeepté dan s la viIJc d' Amster-
dam, qui co~tinuoit toujours son opposition a l'in-
terdiction du commerce de Franee, iI dpcida les
États, qui répondirent alors aux dernieres proposi-
tions du Roí d'AngIeterre. « Puisque Sa Majesté brÍ-
{( tanniquc,)) disoient-ils dans leur résoIution du
14 octubre. ( dl'.~avo\l(, !'allia nel' annoncée par


;{.




116 nÉVOLUTJON DE 1688,
« M. Davaux au nom du Roí de France, Leurs
( Hautes Puissances déclarent n'avoir eu et n'avoir
« aueune intention d'entrer en guerre avee Sa Ma-
« jesté ou avec la nation angloise .... Elles ne sou-
« baitent rien tant que de voir détl'llits sineerement
« el entierement touts sujets de mécontentement
« entre le Roi el le peuple, maintenues et assurées
« la Religion réformée et la liberté de la nation,
« afin que Sa Majesté et la nation puissent rentrer
« en bonne intelligence, et avoir une confiance ré-
« ciproque. Leurs Hautes Puissances protestent sin-
{( cerement et en vérité n'avoir d'autre but que le
« repos désiré des royaumes de Sa Majesté .... ))


Ce langage, si équivoque dans les expressions,
ne laissoit rien a deviner sur la substance des choses;
et puisque l'on ne répondoit en rien aux offres pré-
cises du Roi sur les moyens a prendre en commun
pour garantir la paix de Nimegue et la trtwe de
1684 rompue en ce moment par Louis XIV, l'acte
des États-Généraux étoit une véritable dédaration
de guerre, non pas 11 l' Anglete!Te, mais a Jacques II.
Dans cet acte, la république des Pl'Ovinces-Unies
admettoit implicitement le dl'Oit d'une puissanee a
intervenir dans le gouvernement d'une autre puis-
sance : exemple dangereux que nul souverain ne
peut reeonnoltre, et surtout que les Gouvernements
plus ou moins populairf's doivent repousst'r avec
énergie, ,,'jls ont lf' moindrf' senlinlC'nt (le la dignité




l:N ANGLETEIUlF. J 17
el de la liberté des nations. L'íntervention tel'rible
de Philippe II dans les affaires de Franee, d'Éeosse
et d'Angletene, aux temps de Henri IlI, de Marie
Stuart et d'Élisabeth, n'étoit pas si éloignée encore
qu'íls dussent en avoir perdu le soüvenir.


La tempete duroit depuis plus de douze jours,
et la populace commenc;oit a dire que le vent étoit
Papiste, ce qui donna quelques inquiétudes au
prince d'Orange. Un édit publie défendít de pro-
noncer ee mot, sous peine d'amende. On ol'donna
aussi des prieres dan s toutes les Églises, et un jeune
universel. Avant le jour indiqué, le ministre d'Es-
pagne fit f.·lÍre des prieres dans sa chapelle, pOUl'
obtenir de la miséricorde divine un temps plus favo-
rabIe, les memes prieres sans doute qui, en 1588,
furent adressées au Cid, pour la grande armada
de Philippe II contre l' Angleterre; mais a)ors ce
n' étoit pas un Roí catholique a détroner, c' étoit la
Reine Élisabeth. Quelle dérision des lois divines et
humaines!


Le marquis d'Albeville rec,ut bientot du Roí son
maitre un ordre de répondre au dernier mémoire
des États; et son lallgage exprimoit une déplorable
foiblesse. Aux actes d'hostilité .commis sur quelques
vaisseaux anglois, il opposa le soin que Jacques II
avoit pris de faire re/¡1cher, avant toute réclamatíon ,
les vaisseaux de Hollandc {lui avoient été saisis. Il
disoit enGn que k Roi feroj! tOlas les pas néces-




118 Rt:VOLUTW.N DE 1688,
saires pour etre en bOllne intelligenee avec les
États, et il demalldoit des éclaircissemellts sur les
griefs qu'ils pouvoient eucore avoir. Dans le meme
temps, Jacgues II prioit le ministre d' Autriche d'é-
crire a l'Empereul' <¡u'il étoit pret a faire un traité
pOut' le maintien de la treve, et par conséquent
a faire la guerre a Louis XIV, s'il le faHoit.


Cependallt le prince d'Orange mettoit a profitla
tempete meme qui continuoit toujours avecviolence,
résolu de partir au premier retour du calme. Les
troupes cIu'il <levoit embarquer se composoient
d'Allt>mands el de Catholiques des Pays-Bas. Ceux-
ci disoient hauternent que si l'on faisoit la guerre
pour la Religion Protestante, ils passeroieut sous
les drapeaux du Roi d' Angleterre; mais on changea
promptement leurs dispositions, en leue faisanl
comprendre qu'il s'agissoit, par la eouquete de
j'Angleterre, de défendre les Pays-Bas espagnols et
I'Empereur. L'Envoyé d'Espagne, qui avoit ordonné
des prieres dans sa chapelle pour le prince d'O-
range, donna un diuer aux prineipaux membres des
États, et porta un toast en ces mots : « Au prince
« d'Orange! Puisse-t-il, Roi d'Angleterre, entrer
« dans un an a París, avec cent mille hommes. »


Le maréchal de Schomberg s'étoit attaché a la
fortune du Prince, et devoit commander sous luí.
L'armée se eomposoit de OIlze mille cent deux
humilles; la cavalerie, deux mille sept cent (luarantc-




EN .\NGLF.TERl~F.. 1 '9
cin(l; les dragons, mille trois cents, el une COIll-
pagnic de cent cadcts. Total, quinze n¡ille deux cent
({uarante-sept hOll1ll1es, parmi lesqucls il faut comp-
ter sept cent trente-six officiers franl,iais t't soixante
volontaires que la révocation de l'édit de Nantes
avoít éloigllés du ser vice de France. lis furent dis-
tl'ibués uans les corps de tontes armes. L'un d'eux
commandoit le géllie, Ull autre I'artillerie, et Scho\ll-
berg luí seul valoit une armée. li emportoit avec lui
les instructions particnJieres de la princesse d'O-
range, sU!' ce (IU'il devoit faire en son nom, si le
Prince venoit a mourir. Outre les lroupes d'cmbal'-
t¡Uemellt, iI y avoit des armes pour trente mille
1101ll1llt'S d'inhU1terie el sept mille hommes de ca va-
lerie. TOlltcs ces armes avoient été fabriquées aux dé-
peus drs méeolltents <lnglois.


Ceux-ci ('11 voyoient perpétuellement leurs aft¡dés
au prince (l'Orange, pour le pre~ser de mettre uu
tenue a leurs anxiétés pal' son arrivéc. Shrt'wsbmy
et Russcl étoient revenus a La Raie al! mois de sep~
tcmbrc; ils furent birntot suivis de Sidney et de
JOIlllstOll, (Juí apporterent un plan d'opéraliolls a
suivre, et un projet de manifeste que Danby avoit
rédi.gé. Tont récemment, le lord Lovelace, qui avoit
apporté les dernieres instructiolls, venoit de repartir
pour I'Angleterre, dellx jours avant l'emban¡uement
de l'amiral HerlwrL. Mais la tempete ayallt Útit relltrer
les vaisseaux, le (il:" du l1IarCJuis d'Halifax !'t le lord




120 l\:ÉVULUTlON DE r688,
Lorn, fils du comte d' Arg-yle, revinrent slIccessive-
ment d'Angle¡erre en IloIlande, pour presser de
nouveau l'expédition. Celui-ci, qui s'étoit déclaré
Catholique, avoit cependant quitté Jacques n a
White-hall, au moment me me 011 ce malheureux
Prince alloit se mettrea table; et s'embarqua en
plein jour a Greenwick : tant le secret des conjurés
étoit religieusement observé, OU, pour mieux dire,
tant le Roi prenoit peu de précautions, meme dans
un moment si cllitiC[ue.


Autour du prince d'Orange, il avoit faHu, dans
ces derniers instants, régler les affaires du Gouver-
nement, et arreter d'une maniere décisive le plan
de ce qui seroit fait en Angleterre. Le Prince avoit
seul son secret pour lui-meme; aussi le pensionnaire
Fage1 s'attachoit-il a répandre partout que Guil-
laume n'avoit aucun dessein hostile contre le Roi son
heau-pere, et qu'aussitot apres son arrivée iI feroit
trois seules demandes qui ne pouvoient déplaire a Sa
Majesté Britannique: le rétablissement des lois et la
sureté de I'Église anglicane, la convocation d'un
Parlement libre, et l'accomplissement des offres que
Sa J\Iajesté faisoit elle-meme de concourÍr au maÍn-
tíen de la paix de Nimegue et de la treve. Le mar-
quís d'Albeville s'empressa d'en avertír Jacques n,
comme d'un secret important qu'il avoit découvert.


Mais du coté des Anglois, la diversité des opi-
lIions et des partis se manifesta violemmcnt, fluand




EN ANGLJ<:TERRE. 1 :! J


i1 falIut examiner et décider (fuel role jouel'Oit le
Prince en Angleterre, quelle faction il favoriseroit,
et sur que! point il débarqueroit. Les seigneurs
anglois, suivant les lettres apportées par Sidney,
vouloíent que le Prince emmenat seulement six ou
sept mille hommes; ils vouloient de plus qu'il des-
cenelit lui-meme dans la province d'York avec la
moitié de ses troupes, et qu'il envoyat le reste dans
l'ouest avec le maréchal de Schomberg. Le comte
Danby étoit l'auteur de ce projet, et l'amiral Her-
bert l'appuyoit fOltement. Par ce moyen, les seigneurs
anglois qui désiroient une révolution n'avoient pas
a craindre de se voir opprimes par celui qu'ils nom-
moient leur libérateur. Le comte Danby exen;;oit
d'ailleul's une grande influence dan s ce pays; la no-
blesse y étoit ardente poul' un changement, et les
libertés publiques avoient peu a craindre d'une
petite armée de trois ou quatl'e mille hommes.
Quant au maréchal de Schomberg, c'étoit encore
les seigneurs qui avoient conseillé au Prince de le
demander a l'Électeur de Brandebourg et de l'em-
mener avec lui. En adoptant un guerl'ier d'une si
haute réputation, ils pouvoient e"spérer .. qu'une
fois en Angleterre, le Maréchal leur appal'tien-
droit autant qu'a Guillaume lui.meme, et qu'il ai-
meroit mieux leur devoir sa fortune et sa gloire,
si Guillaume pouvoit songer a établir la puissance
absoluc sur les ruines du trolle de Jaeques II. lis




122 niVOLUTION PE 16HH,
firent done adoptel' lcur idée au Priuce, mals paf
un autre motif. « Il vous faut,» lui disoient-ils, (( ce /'
« grand GénéraI autant pour vous secondér que pOli!'
« vous remp\aeer, en cas de perfidie ou dc reverso
« Le prince d'Orange, qui le premier fonda la li-
e( berté, ne périt-il pas so liS les coups d'un assassill?
« On songera moins a des pratiques ténébreuses,quand
« iI faudra s' oecuper a-la-fois de frapper deux tetes au
« lieu d'une. » Le Prince adopta eette idée, mais íl
repoussa eOllstamment le projet de diviser ses forces,
(>t doubla le nombre de soldats qui luí étoit demandl-,


Cpux au contraire qui désiroient moins unp ré-
forme qu'une révolution complete, insistoipnt pour
que le débarquement s'effectuilt dans les provinees
de l' ouest. La se trou voient les aneiens partisans
de Monmouth, plus enclins aux maximes républi-
caines el presbytériennes, qu'a ceHes de J'épiscopat
et de la monarchie. Mais l'amil'al Herbert et touts
les gens de mer soutínrent fortement le plan dll
comte Danby. I( La fioUe,» disoient-ils, « ne peut
(( long-temps sans péril cotoyer l' Allgleterre par un
« vent d' est un peu vif. La saison n'en tait pas espé-
«( rer d'autre. Il faut d'ailleurs intercepter les seeours
« que iacques II pourroit recevoil' de la France. »
Le prince étoit secretement de cet avis, et pour les
concilie¡' touts en apparence, il ordonna qu'apres
avoir df.harqué dan s l'Yorkshire, la flotte ¡mit croi-
ser dans b Manche.




EN ANGLETEIUU::.


L'affaire du manifeste ll'éprouva pas l1loins de
l:ontradiction. Cha(Iue parti vouloit dominer. Les
Anglois fugitifs ou proscrits étoient les plus violents.
lis s'étoient rcndus en foule au premier soup<;on de
son entreprise. Parmi eux se distinguoit Wildman,
ancien fanatique et prophete dans rarmée de Crom-
wel!. Pour jeter la division entre les partisans de
l'Église anglicane, il attaqua violemment la partie
du manifeste proposé, ou I'on reprochoit au Roí ses
prétentions au pouvoir de dispenser et le prod~s des
Éveques. Le point étoit d'autant plus délicat que
Wildman, fougueux sectaire, paroissoit défendre la
prérogative l'oyale. Plusieul's lords, entre autres
Mordaunt et Macclesfield, le soutenoient vivement.
D'un autre coté Sidney, Russel et Shrewsbury di-
soient. que le moinelre mot contre Jacques II ré-
volteroit la noblesse, la haute Église et l'armée.
Enfin, les Écossois vouloient un maniiCste au
morns presbytérien, s'il n'étoit puritain. Le Prince
eut l'art de tont concilier, grace a la souplesse du
docteur BUrIlet, dont la subtilc dialectiqne satisfit
ponr le moment et les Torys, et les Whigs, et les
Anglicans, et les Sectaires. « U 11 manifeste,» leur
répétoit-il sans cesse, « est inutile, dangereux meme ,
« s'il n'a pas pour but de réunir. Toutes les (Iuestions
« d'ailleurs seront décidées clans un Parlement libre. ))
Cest ainsi que se déclaroient déja , mernc avant le
combat, les premien; syl1lptO!11CS des tilctions qui




RiVOLUTJON DE 1688,
agiterent si fOl'tement Guillaume, quand il fut le
maitre, et q~i, apres lui, se perpétuerent durant cin-
quante années.


Apres ces arrangements, le Prince fit régler les
affaires de la République pour le temps de son ab-
sence. Il prétendoit con ser ver le droit de nommer
aux emplois militaires. Le prince de Nassau le lui
disputoit avec chaleur, et les députés de quelques
provinces appuyoient eetle opposition. Le princc de
Waldek, (lui restoit chargé du soin des affaires,
ne réclamoit pas cette prérogative. La question fut
partagée au profit de touts; el pour étouffer ce
germe naissant de discorde, il fut convenu que les
nominations se feroient par les princes de Nassau
et de Waldek, conjointement avec deux députés des
États. Enfin, ayant pourvu a la s11reté des frontieres,
et laissant a la solde des États soixante-dix mille
hommes qu'il s'étoit assurés par l'activité mystérieuse
de ses alliances, il ne lui restoit plus qu'a faire con-
firmer, par une résolutioll authcntique, le tacite
consentement des États-Généraux a son entreprise,
et il l' obtint. Cette importante résolution fut llOti-
fiée a touts les ministres étrangers, excepté ceux
de France et d'Angleterre. Le Prince écrivít lui-
meme au Roi d'Espagne le jour meme de son dé-
parto Il espéroit, disoit - il, que Sa Majesté Catho-
lique approuveroit son dessein. Il ue vouloit faire
aucun tOl't a Sa Majcstp Bl'itannil{lH>, ni a cellx




EN ANGLF.TERRF..


qui avoient droit de Ini succ~der; il vouloit enCOl'e
moins chasser les Catholiques romains; il emploie-
roit au contraire tOllt son crédit a leur procurer
la liberté de conseience el l'exercice de leur Reli-
gion, pourvu néanmoins qu'ils en fissent usage
avec lllodération et dans I'intérieur de leurs [;1-
milles. Enfin, son but unique étoit de rétablir
les lois du Royaume, el de remIre a I'Angleterre,
avec sa liberté, les moyens de concouril' a la pros-
périté commune des Natiolls et du Christianisme.


La déclaration des États-Généraux énoncoit les ,
memes illtelltions. Mais le manifeste particulier du
Prince contenoit expressément le griéf de la suppo-
sition d'un prince de Galles ce qui renfermoit né-
cessairement un dessein personnel contrI' le Roi. Du
reste, il annon~oit que tonts les griefs de la N ation
et les siens seroient soumis a un Parlement libre,
(,t qu'il ne descendoit en Angleterre qu'apres en
avoir été prié instamment par un grand nombre
de seigneurs, tant spirituels que temporf·ls, de nobles
et autres sujets de toute condition.


Indépendamment de ce mallifeste, qui étoit par-
ticuli~r au Prince, la pétition des Anglois fut im-
primée a quatre-vingt milIe exemplaires. Elle con te-
noit, comme on I'a déja vu, touts les griefs reprochés
a Jacques JI, ct l'assemblage le plus artificieusement
tissu de touts les faits et conjectures qui pOllvoient
por ter Ips pt'uples a I'incrpdlllité slIr la naissance




R ÉVOLtTTroN m: 1688,
veritable d\m prince de Galtes. Des leUres fnrent
envoyées a la fIottc angloise par l'amiral Herbert;
et, pour le sucd~s de eette universelle conspiration,
il ne falloit plus que le retour d'un vent favorable.


Dans la nuit dll samedi ~3, le vent, si ardemment
souhaité, se tourne contre l'Angleterre. Aussitót les
b<1timents de transport qui se trouvent au Texel et
dans le Zuyderzée vont rejoindre la fIotte, réunie
a Gorée sous le commandement de l'amiral Herbert.
Le maréchal de Schomberg se rend lui-meme le 26
a la flotte. Le meme .iour, le prince d'Orange, déja
présent a La Brille, se portl' a Helvoestluys. Le
rendez-vous général étoit a Puttf', pres de Schon-
nevelde. Tout ce qui étoit resté ;'¡ Rotterdam se di-
rigeoit vers ce point; et du hant de la tour de La Haye
on vit passer cent cinquante voiles qui aUoient du
Texel au point fixe pou!' le départ genél'al.


Pendant ce mouvement si actif, et dans cette es-
pece de transport et d'enivrement inseparable d'U11f'
entreprise grande et hasardeuse, l'imagination des
peuples étoit exaltee par les p~dications dans tOlltes
les Églises. Un jetll1e extraordinaire et des prierté's
solennelles avoient ete indiques pour le 27. Déja le
Prince étoit sur son vaisseau, et la Princesse, réuniC'
au peuple dans les Églises, invoquoit le Dieu des
armées contre son propre pere. J~es sermons durerent,
a trois reprises de peu d'intervalle, depnis dix lH'ures
ct demie du matin jusqu'i¡ sPpt heurcs et d('mie du




llN ,\NGLFTEflRF. 1 '" ': ,


,;oir. La Prineesse y assista sans interruption, et le
visage calme, si son ereur ne l'étoit paso Les Catho-
tiques en furent indignés; les Républicains gémis-
soient en silenee. Au milieu de ces démensh'ations
pieuses, on distingua surtout les vccux solennels qui
se firent pour les Etats et pour le prince d'Orange
clans la chapelle du Ministre de Sa Majesté Catho-
lique.


Avant de quitter La Haye, le Prince avoit pris
cOllgé des États et des personnages les plus considé-
}'ables de la République. Les adieux furent graves et
affeetulux. IlIes remereia du soin qu'ils avoient pris
de lui des sa plus tendre enfance, et de toutes les
prellves qu'ils lui avoient données de leur affeetion
et de leur confiance .. Ilne quittoit pas la République,
disoit-il, sans l'avoir mise en état de l1e rien eraindre
de ses ennemis. Il laissoit apres lui un grand capi-
taine; le prince de Waldek les défelldroit au-dehors.
l\Iais ils avoient un ennemi toujours de plus en plus
redoutable; c'étoit Louis XIV, qui cherehoit a les
diviser pour les détruire. Jamais cependant ils ne
suecomberont a ses efforts,s'ils se maintiennent fermes
contre les factions intestines. Pour ce qui le regardoit
en particulier, aucune ambition n'excitoit son creur ~
il n'avolt le dessein d'attenter aux droits légitimes
de personne; il prenoit Dieu a témoin qu'il ne SOIl-
geoit qu'a j'affprrnissement de la Religion et au salut
de sa chere patrie. S'il succomboit, s'iI venoít a




l\l~VOLlJTJON DE 1688,
mourir 1 jI recommandoit a Leurs Hautes Puissances
la princesse d'Orange; jI jmploroit pour elle cette
généreuse et paternelle protection qu'ils luí avoient
accordée a lui-meme des son berceau.


Le Grand-Pensionnaire Fagellui répondit au nom
des États. Son éloquence douce el facile émut san s
peine des creurs déja subjugués ou dévoués. Cet
homme d'état ne devoit pas voir l'accomplissement
d'une entreprise a laquelle son nom, son habjleté,
son immense crédit avoient contribué d'une maniere
constamment heureuse pour son héros. Si la force
de son ame avoit pu surmonter la violence c:t'es maux
qui assiégeoient incessamment sa frele existence, il
semble que sa destinée fut accomplie au moment
meme ou le Prince alloit s'abandonller a la sienne.
Il 11l0urut le 15 décembre.


Cependant, arrivé ~ son hord, Guillaume fait
déployer les pavi!Ions. Ses armes et celles de la pl'in-
cesse d'Orange sont au milieu, avec les supports
d'Allgleterre, et la courOllne presque fcrmée. Au-
dessus des armes, on lit, en caracteres grands de trois
pieJs, ces deux lignes : Pro Relligione protestante.
- Pro libero Parlamento. Au-dessolls des armes,
on lisolt encore ces paroJes magjques et sacramen-
telles pour l' Angleterre : Je maintiendrai. Au-dessus
du pavillon, flottoit la flamme d'Angleterre, la croix
rouge sur IIn carré hlal1c, et la pointe, oral1gé,
bIanc et bIell. Trois escadres ('ompospnt la notte.




F.N ANGLETERRE. 129
A ceHe d'avant-garde commande Herbert; l'arriere-
garde est confiée a Eversen, amiral de Zélande;
Guillaume a gardé le corps de batailIe. A trois heures
du matin, le 30 octobre, Herbert leve l'ancre avec
la premiere escadre. Guillaume, sur une frégate lé-
get'e, veut voir partir le dernier des vaisseaux, et
ne leve l'ancre lui-meme que le soir, a quatre heures.
Un vent de sud-ouest s'étoit levé a minuit, qui les
portoit sur le nord d' Angleterre par les cotes de Hol-
lande. Ainsi toute la flotte, compo!¡ée de cinquante
vaisseaux de guerre et de six cents vbiles, én y com-
prenant l(ls transports, défila sous les yeux memes
d'uní> irnmense population qui se press~it sur lí> ri-
vage. TeI partit jadis Alcibiade peur la Sicite, au
milieu des transports d'Athenes, eIlivrée d'ambition
et de gloire! Tel encore ce fameux Guillaume de
Normandie, qui alloit aussi conquérir I'Angleterre!
Auquel de ces deux. grands capitaines ressemblera,
pour sa fortune, Guillaume, prince d'Orange? A neuf
heures du soir la flotte voguoit en pleine mero Le
Dieu qui commande aux vents el a la mer de s'apaiser
ou de s'élever peul seul rnaintenant sauver le Roi
d' Angleterre, si son peuple l'abandonne, et surtout
s'il s'abandonne lui-meme.


Depuis que JaCf[UeS Il avoit donné an marquis
(1' Alheville ses ordres du 1 er octobre ponr désa~ouer
totlte relation intime ave e la France et pour offrit'
meme de s'unir aux puissancE's eonf¿~t1érées, i\ avolt


111. 9




130 R f:VOLUTION DE 1688,
pris quelques mpsures pour augmenter la flotte et
I'armée. Mais il apprit le 7, par une dPpeclw extraor-
dinaire, que les troupes llOlIandoises étoient déja
embarquées. A ces nouvelles, qui étoient exactes,
puisque l'amiral Herbert avoit levé l'ancre, Jacques 11
donna des marques sensibles d'un grand découra-
gement; toutes ses illusions étoie~t évanouies. Mais
bientot il parut prendre la résolution de marcher
lui-meme a la tete de ses troupes, quoiqu'on lui sug-
gér¡it sans cesse le conseil de ne pas ahandonner la
ville de Londres.


JI publia une proclamation, et allnonc¿a que le
Royaume é.lant menacé d'une invasion étrangere, il
ne pouvoit plus songer a l'assemblée du Parlement
pour I'époque précédemment indiquée; il engageoit
les peuples a se prémunir contre toutes vainps ru-
meurs, contre les calomnies par lesquelles 011 cher-
cheroit a ébranler leur fidélité; il ordonnoit, avec
le ton de la confiance et uu courage, a touts ses
sujets de se préparer généreusement a combattl'c
pOUI' le pays, et défendoit, sous peine de haute tra-
hison, toute es pece ue complicité, adhésion et cor""
respondance quelconque avec l'ennemí.


Dans les pl'emiers moments d'alarmes, Jacques n
avoit envoyé le lord Dannoult'prenrlre le comman-
clernent de la flotte, et avoit confié celuí ele l'arrnée
au lord Feversham. TI résolut aussi de elollnel' satis-
faction au peuple et a touts les onlrcs de rÉlat , sur




:EN ANGLETERRE. 13 r
différents griefs de la natíon. Il envoya le Lord
Chancelier Jefferyes a I'Hotel-de-Ville reporter la
Charte de ses anciens priviléges, qui luí avoit été
enle~ée dans les derniers temps de Charles n. Le
peuple, a cette nouvelle, témoigna sa joie bruyante
par des feux allumés sur les places publiques. Mais
le Lord Maire qui avoit été dépossédé, lorsque la
Charte fut enlevée, et deux Aldernwn refuserent de
rentrer dan s leurs fonctions : ils déclarerent que cette
Charte ayant été abolie par un jugement, ji falIoit
un second jugement pour la rétablir. Cependant le
Corps de Ville vint remercier le Roí et protester de
safidélité, tandis qu'une foule de mécontents disoient
hautement que ce n'étoit pas le Roi, mais le prill(-:e
d'Orange, qu'il falIoit remercier de la restitution des
Chartes.


Le pal'ti épiscopal faisoit paroitl'e de bonnes dis-
positions. L'archev~que de Cantorhery et les six Éve-
ques dont le proct~s avoit causé tant d'émotíon en-
trerent en conférence avec le Roi, qui leur promit sa-
tisfaction. Alors l'Évequf' de Londres envoya lui-meme
sa promesse de fidélité. Un grand nombre de Gen-
tilshommes des provinces firent connoltre leurs dis-
positions de rester dans l'obéissance. Le duc de New-
Castel se hata de répondre de toute la province; et
parmi les Seigneurs qui vinren! en granel nombre a
White-hall protester de leurdévonement, on remarqua
les lords Danby et Nottingham, qui baiserent aussi





RÉVOLUTJON DE .688,
la maill du Roi, en signe de fidélité. Le marquis
d'Halifax cut plus de pudeur; iI désiroit etre mandé
a la Cour, mais il disoit hantement qn'il n'avoit an-
cune part a l'entreprise du prince d'Orange. Il est
vrai que la tempete, qui contrarioit le premier dé-
part de la fIoUe hollandoise, devoit inspirer aux
cons.pirateurs des Mri-Ionstrations. de fidélité pour
leur souverain. Parmi les Seigneurs qui se présen-
terent, se trouvoit le lord Warton; et dans ce temps
memc son fils fut trouvé et arreté a Portsmouth,
dont iI examinoit trop curieusemcnt les fOl,tifications.


Cependant les Catholi(lues exaltés étoient alarmés
du mouvement rétrograde imprimé aux affaires.
Versuadés que le'parti anglican ne leur pardonneroit
jamais, ils ne pouvoient croire aux promesses que
leur faisoit le Roi de lIe consentir a aueune conees-
siolJ qui leur fUt essentiellemellt nuisible. Jaeques I1,
qui I('s avoit rassemblés le 14, n'avoit e(' jour-l:' re<;u
encore aueune nouvdle de Hollamle, depuis les dé-
peches d'Albeville du 5. II leur Melara done la né·
cpssité ou il se trouvoit de se rallier au parti angliean.
«Les Non-Conformistes n'étoient,») disoit-il, (C ni
({ assez puissants pour défendre en ce moment rau-
« torit~ royal e , ni assez dégagés de maximes répu-
« blicaines pour le vouloir sinecremrot et toüjours.
« Le seul Parti épiscopal avoit Píé le soutien de la
" royauté SOU5 Charles I er , ou dnmoin!'> il hOlt tombp
« avcc lui. C'est d'aillcurs un provcl'be ('n Angleterre,




EN ANG LETmUlE.
•• 1


1,) -,


« ajouta-t-il, poinl d'Évi!ques, poilll de Roi.») En
adoptant trop tard ces maximes, Jacques II prouvoit
<{U e le temps de I'advcrsité est ccluí des promesses.
Charles n, son frere, en montant d'une maniere
inespérée sur son trone renversé, avoit montré qu'il
en étoit ainsi dans les premiers jours <I'une pros-
périté inattendue. La vérítable grandeur d'ame d'un
Roí est de ne rien promettre qu'il ne puisse accom-
plir, et d'accomplir ce qu'il a promis. « Si la bonne
« foí, » disoit un descendallt de saint Louis, « étoit
(e bannie de la tene, elle dcvroit se retrouver dan s le
{( creur d'un Roí. »


Pour affermir les esprits chancelants, retenir I'é-
.. migration en Hollande, et tranquilliser les personnes


{lui auroient pu directement. ou indirectement se
trouver compromises dalls le parti du prince d'O-
rauge, un acte de pardon ou amnistie fut publié.
1l comprenoit « toute SOl'te de trahisons, félonies, at-
(1 teintes de trahison ou félonie, paroles séditieuses,
« ou libelles seditieux et illégals, assemblées ou con-
(, venticules, offenses pour lesquelles on pourroit
" ctre chargé de la peine ou danger de prcemuni/'e,
« émeutes, vacarmes, offenses, contumaces, transgres-
« sions, cOllduite criminelle, touts jugements et con-
« victions pour ne pas fréquenter I'Église, et toutes
{( les amen des et peines pOUl' cela, etc. »


La généralité de eette amnistie étoit enveloppée
d'tme foule d'exceptions quí la rcndoient presque




134 RÉVOLUTION DE 1688 ,
nulle, en sorte que l'on disoit asspz hauternenl qut',
la nation exceptée, le Roi pardonnoit a touts ses
ennemis. On y reconnnt l'ceuvre du ehancelier Jef-
feryes. Le Clergé anglican y aperqut quelques phras~s
douteuses; et comme alors le Roi s'attachoit a le
rattacher a la cause l'Oyale, il publia une seconde
déclaration ou les expressions qui avoient blessé le
Clergé disparurent.


La tempete duroit toujours et donnoit a la Cour
le temps de se fortifiPL Les recrues se faisoient avec
faeilité; de nouveaux régiments se formoient avec
úle, et le Roi accordoit des commissions 11 touts ceux
qui offroient de lever des eompagnies franches. La
garnison de Portsmouth venoit d'etre ehangée. Le ..
duc de Berwick y avoit placé entre autres un régi-
ment d'Irlandois nouvellement organisé; le Roí enfin,
résolu de marcher lui-meme a la tete de ses troupes,
avoit donné l'ordre de faire venir une partie des
armées d'Ecosse et d'Irlande. Il avoit quarante mille
hommes, et sa cavalerie étoit tres-supérieure a ceBe
que pouvoit emmener le prince d'Orange; en fin les
troupes de Guillaume étoient en grande partie com-
posées d'Allemands, et les Anglois avoimt naturel-
lement ces corps étrangers en aversion, dan s la crainte
du pillage. Le Roi pouvoit done, ave e de l'habileté,
avec de la résolution surtout, tenÍr au moins la for-
tune égale, pendant l'hiver qUÍ approchoit.


II avoit instamnwnt prié l'ambassadeur de I.'rance




EN ANGLETERRJ<:.


de lui obtenir promptement de Louis XIV des se-
Cours eu argent; mais Louis XIV; dan s ses dernieres
leures, avoit témoigné presque du mépris pour la
cOllduite de ee malheureux Priuee. (( Il faut , » disoit-
il, (( toute la force de l'amitié que j'ai pOtll' luí el
« du grand intérilt que je prends a sa eonservatíon,
« pour Il'etl'f~ pas rebuté des raisonnements que faíl
« la Cour ou vous etes sur les prétendus seeours
« que je lui aurois proeurés, si j'eusse employé
(( mes arrnées contre la ville de Cologne. » Rappe-
Jant ensuite le refus des vaisseaux offerts et toutes
les rléclarations de Jaeques n aux États-Généraux:
,( Je ne veux pas, cependant,» dit.il, « examiner les


«( justes caisons que j'ai de me plailldre, lorsque le
« Roi d'Anglctcrre demande mon assistanee; » et il
envoya 300,000 livres.


( Mais, » ajoute-t-il ( 17 octobre), « eomme iI se-
«( roit d'un grand préjudiee a mes intérets que eette
«( somme ne fUt employée a augmenter les troupes
«( du Roi d'Angleterre, que pour luí faciliter un ae-
« eommodement avec le prinee d'Orange, et réunir
( ensuite leurs forces contre ma Couronne, ainsi
« qu'on en a deja répandu lebruit I , mOD intention
( est que, si, a l'arrivée de ce eourrier, la révolte


, Il Y avoit dans la minute de la lettre de Louis XIV ces
mots qui ont été rayés : ainsi que ses ministres s'en sont deja
c.rpliqud.!·.




136 RÉVOLUTION DE 1688,
f( étoit SI généraIe, qu'iI n'y eut pas lieu d'espérer
« que le Roí se put maintenir, et d'empecher de faire
« ce que le prince d'Orange et les révoItés désirent
« de lUÍ, vous disiez seulement qu' on fait de ma
t( part toutes les diligences possihles pour trouver des
« leUres de change ... Mais si, au contraire 1, iI Y a
c( quelque apparence qu'avec quelque secours d'ar-
« gent la Cour ou vous etes pourra se maintenir,
( non-seuIement vous pourrez délivrer Iadite somme,
«'mais meme vous assurerez ce Prince que je con-
« tinuerai a lui donner des marques effectives de moo
« amitié, et que vous concerterez avec ses Ministres
« les mesures qu'il y aura a premlre poUl' luí don-
« ner, au printemps prochain, des forces de mer
« supérieures a ceHes de ses ennemis ... ))


En écrivant ainsi, Louis XIV nc doutoit pas que
Jacques 1I, pour éviter une invasion ou pour en
arreter les suites, n'acceptat, aux dépens de la France "
toutes les conditions qui lui seroient proposl-es ou
im posées. L' accession de l' An gIeterre a 1 a l i gu e d' A ugs-
hourg étoit certaine, si le prince d'Orange montoit
sur le treme; et la Cour de Versailles ne pouvoit se
faire illusion sur ceUe douhle hypothese. En appre-


• La minute portoit ces mots qui out été rayés : "Mais si au
contraire le Roi d' Angleterre se dispose a aller combattre le
Prince d'Orange.




EN ANGLETERRt:.


nant, par les dépeches de son Ambassadeur, les
nouvelles ¡..ropositions que le marquis d'Albeville
avoit été chargé de faire, Louis XIV avoitchangé
ou du moins suspendu subitement, le 7 octobre,
sa résolution de déclarer la guerre aux États·Géné-
raux : changement honorable dans s?n principe,
puisqu'il étoit inspiré par une pitié magnanime. Ce-
pendant les démarches du marquis d' Albeville n'ayant
pas arreté un seul moment le premier départ de la
fIoUe hollandoise, Louis XIV comprit que I'Angle-
terre alloit incessamment lui faire la guerre, soit
par la foiblesse de Jacques 11, soit par 1'usurpation
du prince d'Orange. Aussi revint-il promptement a
son premier avis, de déclarer lui-meme la guerre
aux États-Généraux. On en trouve la preuve dans
une lettre du marquis de Croíssy au comte Davaux,
du 28 octobre. Le Ministre prévenoit l'Ambassadeur
que le Roi ne tarderoit pas a le rappeler. C'étoit
bien tard, sans doute, pour affermir la fortune du
Roi d'Angleterre. Mais du moins, en finissant par
ou iI falloit commencer, Louis XIV pouvoit encore
espérer que Jacques 11 ne céderoit pas sans comhat
0\1 se retrancheroit dans une de ses places mari times
pendant l'hiver, en attendant des secours extérieurs.
Alors le prince d'Orange se verroit forcé de retour-
Her défemlre, sur le continent, sa république em'a-
hie ou meuacée; et l' A ngleterre, en proie aux factions,
ue seroit d'aucun poids dans la ligue d'Augsbourg,




138 RÉVOLUTWN DE 1688,
(luí alloit déployer ses forces contre Louis XIV.


Toujours défendu par la tempete ({ui repoussoit
la fIotte hollandoise, et ne voyant aucune sédition
sur aucun point de ses États; recevant au contraire
quelques démonstrations inattendues de soumíssion
et meme de fidélité, Jacques II prit une meilIeure
opinion de sa situation présente qu'il ne l'aul'Oit du;
et ceux a qui la pr'emiere frayeur d'une irruption
imminente avoit inspiré la prodigalité des conces-
sions comme un moyen de salut, commencerent a
luí faire elltendre que ces concessÍons étoient une
trahison de ses Ministres. De la une double marche
en sens contraire.


En effet, les Éveques témoignoient du úle, ou du
moins de la bonne volonté. Le Roí les consultoit~
ils avoient avec luí de fréquentes entrevues. L'ohjct
de ces conférences étoít grave en effet; et comme la
défiance étoit réciproque, les Éveques vouloient oh-
tenir actuellement ce que le Roí vouloit renvoyer a
un temps plus opportun, tout en engageant sa pa-
role. lis lui demanderent formellement par écrit :


l° De remettre toutes choses dans l'état ou Sa
Majesté les avoit trouvées a son avtmement a la cou-
I'Onne, c'est-a-dire de ne confier les affaires et les
cmplois du Gouvernement qu'a des p'ersonnes qui
possédoient les qualités requises par les loís;


2° D'annuler la Haute Cour ou Commission ee-
clésiastique;




139
3° De révoquer le& dispenses accordées aux Ca-


tllOliques;
4° De rétablir les universités dans leurs privi-


]i>ges, et de réparer les atteintes portées aux lois
dans l'affaire de Cambridge et d'Oxford;


5° De supprirner les écoles ouvertes par les Jé-
suites;


6° De défendre aux Vicaires apostoliques de
Rome l'exercice de la juridiction qu'ils s'attribuoient,
et qui n'appartenoit par les lois qu'aux Éveques de
I'Église Anglicane;


70 De rendre aux Corporations et Comrnunautés
lcurs anciennes chartes et leurs légitimes priviléges;


8° De nornmer, aux Évechés vacants d'Angle-
terre et d'lrlande, des personnes qualifiées selon les
lois;


9° De laisser au Parlement a décider la question
du pouvoir de dispenser des lois;


10° De convoquer un Parlernent libre pour re-
dresser les griefs, pour établir les affaires tant de I'É-
glise que de l'État sur une juste base, et pour ac-
corder une liberté légale de consc.ience;


11° Enfin, «de perrnettre a quelques-uns de ses
1( Éveques, )) disoient - ils, « de lui représenter des
« motif s et argurnents capables, sous la bénédiction
( de Dieu, de ramener Sa Majesté dans la Comrnu-
« nionde notre sainte Église Anglicane, dans la




140 RÉVOLUT ION m: 1688,
((fOi Catholique I de laquelle Elle avoit été ba ptist~e,
(( dan s ¡aquelle Elle avoit été élevée, et a la(!uelle
( leurs prieres les plus ardelltes et journalieres au
«( Tout - Puissallt étoient que Sa Majesté put clrc
( réunie. »


Le Roi n'hésita point sur l'abolition de la Cou!'
EccIésiastique. Il rétablit les colléges des UlIiversités
dalls leurs libertés et priviléges; il révoqua les pro-
fesseurs Catholiques installés de force a Oxford, il
rendit aux Corporations et Communautés les chartes
qu'eIles avoiellt perdues depuis 1679, et révoqua
toutes les commissions qu'il avoit données en con-
travention a ces anciennes chartes. Par la se trou-
voit rétablie de fait et de droit la liberté des élec-
tions pour la Chambre des Communes comme pour
les charges municipales. D'ailleurs les CatllOliques
prudents se retiroient d'eux - m/hnes. Ceux d'entre
eux qui étoient gouverneurs ou lieutenants des Pro-
vinces donnerent leur démissioll; et le Roí reconllut
qu'il falloit fermer a Londres les chapelles et les
écoles des Jésuites.


L'acte de restitutioll des charles fit d'abord une
sensation tres - vive. Mais ceUe restitutioll qui pa-


1 11 est sans doute inulile de dire iei que le mot Calholi'lue
est pris dans le sens gree d' universel, el non pas dan s le sens al ta-
ché aux mots Foz" de rt.'glise Cathol., Apostol. et Rom.




EN ANGLETlmRE.


roissoit pleine et eutiere De l'étoit paso Le Roí De
rf'ndoit que celles dont la soustraction n'avoit pas
cncore (.té enregistrée 11 la ChanceIlerie; Ulle excep-
tion nomina ti ve en comprenoít trente - huit, sous
le prétexte que l'annihilation étoit consommée par
l'enregistrement. Au nombre de ces trente-huit se
trouvoit la charte de Londres, qui cependant venoit
d'i~tre restituée. Pourquoi ne fit- il pas pour les au-
tres ce qu'il fit pour Londres? Cette maniere de
donner aux uns, de retenir aux autres, dans une
concession qui paroissoit générale et qui devoit l'etre,
excita peu de rec~mnoissance dans les corps el les
Communautés qui recevoient le bienfait de la resti-
Lution, beaucoup de mécontentement dans les au-
tres, et une défiance universelle dans le publico On
I'Ppétoit saus cesse el tout haut 11 Londres que ce
n'étoit pas oSa Majeslé, mais Son Altesse, a qui I'on
devoit des remerclments. Tel est reffet inévitable
des concessions faites par la crainte ou par la né-
cessité. La meme défiance fut propagée par rapport
aux professt'urs Catholiques ulstallés dans l'université
d'Oxford. On apprit bientot qu'ils avoienl re',iu des
autorisations particulieres pour attendre sous divel's
prétexles. Si les concessions publiques étoient ducs
au prince d'Orange, les restrictions secretes parois-
soient aussi s'accorder aux nouvelles que l'on rece-
voit des effets de la tempete.


On avoit fait circuler 11 Londres une liste des




RÉVOLUTION DE 1688,
proposltlOns que devoit faire le prince d'Orange.
Elles étoient eom,iues en ees termes insidieux :
~(Son Altesse n'a aueune prétention a la Cou-


(e ronne;
« Que ron fasse le prod~s a eeux qui ont faít mou-


« rir le feu Roi (Charles 11),
« Que l'imposteur soit rendu a ses pece et mere;
ce Que six" personnes soient nommées pour veiller


!< a la sureté de la sueeession, et que mylord Halifax
« en soit une;


« Que l'Église établie par les lois soit rnaintenue
« eomme elle est;


« Qu'il y ait liberté de eonscienee pour touL le
« monde, hors pour les Papistes;


« Qu'on assemble un Parlement libre;
« Qu'on fasse le proees a touts les coupables;
« ~ue le pouvoir de dispenser soit laissé au Par-


« lement. ))
Telle étoit la violenee des préventions justes et


injustes de l' Angleterre contre le Roi, qu'illui étoit
impossible de ramerier la nation autrement que par
le partí anglícan, qui seul hésitoit devant les pél'ils
u'une révolution. Aussi les concessions qu'il avoit
demandées au Roi et qu'il avoit obtenues, pour
apaiser des défianees devenues presque invincibles,
firent-elles sur le prinee d'Orange et sur son partí
une impression tres-forte. Bien informé de tont ce
qui se passoit a la eour de Londres, il comprit toutes




EN ANGLETERllE.


les conséquences d'une réconciliation entre le Roi et
l'Églisc Anglicane. Si Jacques 11 redressoit les griefs
Je la natíon; si le Clergé se portoit médiateur et
garant de ces réformes, si enfin ces réformes étoient
effectuées, que devcnoient les plaintes du prince
d'Orange? I1 vouloit, disoit-il, que l'Église fUt af-
fermie? elle rentroít dans ses priviléges : le renvoi
des Catholiques? le Roi l'avoit ordonné : un Par-
lement libre? le Parlement seroit élu sous Fautorité
des anciennes ch~rtes : la tolérance des cultes dissi-
dtmts? le Clergé demandoit lui - meme, comme le
Roi, qu'elle fUt accordée par acte du Parlement, sauf
les droits de I'Église Anglicane. L'invasion du"prínce
d'Orange ll'avoit done plus de motif spécieux, sur-
tout si le Roi se montroit ferme et sincere. Guil-
laume, quatre Jours apres la date de son premier
rnanifeste, qui-étoit du 20 octobre, signa une dé-
claration additionnelle, dont la violence montroit as-
sez la crainte qu'il concevoit des changements opé-
rés par le Roí d'apres le conseil des Éveques


« Apres avoir fail dresser et imprimer notre dé-
« c1aration, )) disoit - il, (c nous avons appris que les
« dcstructcurs de la Religion et les infracteurs des lois
{( de ces Royaumes, sur ce qu'ils ont oUI dire de nos
c( préparatifs pour secourir le peuple contre eux, ont
« rétracté une partic de leur despotisme, et annulé
« quelques-unes de leurs injustes décisions et décla-
" rations; que le sentimellt de leur crime et le peu




144 RÉVOLUTION DE 1688,
«de confiance qu'ils ont en leurs forces les ont
(( portés 11 présenter 11 la ville de J.,ondres une appa-
(( rence de soulagement, par la suspensiori de leurs
(( oppressions violentes: espérant par la mettre les
«( peuples en repos, et les détourner de la demande
«( d'un rétablissement assuré de leur Religion et de
« leurs lois par le secours de nos armes; qu'ils ont
« aussi répandu le bruit que nous nous proposions
( d'envahir l'Étatet de réduire la nation en servitude:
« sur quoi, nous avons jugé a propos, etc.)) Le Prince
protestoit d'abord que ron outrageoit son caractel'e
par de telles imputations. Il n'avoit, disoit-il, d'autre
desseiwque de rétablir les libertés publiques sur une
base a jamaís inébranlable; et il donnoit pour garant
de ses loyales intentions ce granel nombre de per-
sonnes de la premiere noblesse qui l'appeloient au
secours de la nation, ou qui déja se préparoit'nt 11
le suivre, toutes conllues par leur intégrité, leur fidé·
lité inébranlable 11 la Religion, au Gouvernpment
et 11 la Couronne d' Angleterre. Il attaquoit ensuite
la sincérité des nouveaux actes du Roi. Les promesses
passécs, disoit-il, doivent faire juger les promesses
récentes. « Aussi le prétendu redressement que ron
« offre aujourd'hui prouve manifestement toutps les
«( infractions que nous avons signalées. Mais ils n'ac-
«(cordent rien qu'ils ne puissent révoquer a leur bon
(( plaisir, puisqu'ils se réservent touts leurs prétextC's,
.( toutes Icul'S prPtentions, pOUl' les faire revivre au




EN ANGLETlmR1L


« moyen du pouvoir arbitraire, qui a été la so urce
« de toutes les oppr~ssions. 11 est aussi tres-certain
« que nulle satisfaction ne peut etre offerte que dans
« un Parlement, par une déclaration authelltique,
ce touchant les droits des sujets qLii ont été violés,
« et non par de prétendus actes de grace, a quoi ils se
« réduisent dans l'extremenécessité de leurs affaires.
« Nous avons dOllc cru nécessail'e de déclarer que nous
«voulons référer de toutes eh oses a une assembléc
« libre de la Nation dans un Parlement légitime. »
. Ce nouveau manifeste, que lc Prince alloit empol'-


ter avec lui comme le premier, prouvoit assez tout
ce qu'il redoutoit des challgements déja effectués.
On doit y l'cmal'quer surtout qu'ell invoquant le té-
moignage des Anglois qui l'accompagnoient ou des
hauts personnages qui sollicitoient son intervention,
le Prince ne parloit plus des seigneurs spiriLuels. JI
est difficile de conjecturer tout ce que pouvoit pro-
duire une marche droite et sincere dans le nouveau
systeme de Gouvernement; mais il ne fallt pas de-
mander a la nuture humaille el' qu'elle ne peut ¡tc-
cordel'. Si les évéllements ('hangent, les caracteres
ne changent point : ni les fleuves ne remontent a leur
so urce , ni les Prillces ne Lrisent volontairement la
coupe ou ils se sont cnivrés du pouvoir aLsolu, ni
les peuples 1W reviennent subitclllent a ecUe vive et
naturelle confiance (lui ne s'accol'de qu'a I'autoril{'
¡oyale, juste) el illvincible cluns ses justes droits.


IJI. JU




SOMMAIRE.


1688. -- (sulTn).


Bapteme dll Pl'ince de Galles. - Enquctc faite par le Roi SlJI' la
Ilaissance de son fils. - La· floUe du Prince d'Orangc, dis-
persée par la tempete. - Sccond départ pour l' AnglclCl're. -
Conduite de la COllr et du Roi, en apprenant les désaslres de
la floue ennemie. - Le comle de SUDderlaDd, disgracié.-
Nouveall minislere.-Nouvelles offres de Louis XIV.-Dé-
barqllement du Prince d'Orange. - Indécisions dll Roi .. -
Conduite de Louis XIV. - Sitllalion de Londres. - A"rmée
royale, et désertion dll Lord Cornhury. - Pétitions pOllr lIll
Padement libre. - Le Roi va prendre le commandclllent de
l'armée.


---.......... ,,--




RÉVOL. DE J 688-, EN ANGLETERRE. 147


LIVRE XXIV.


1688. - (SUITE).


LES nouvelles de la Hollande, arrivées le 2.2. oc-
tobre, annolll;oient que, dans la nuit du 15 au J 6,
la floUe, dont le premier départ s'étoit effectué


,le 6, avoit éprouvp rl'ímmenses dommages. La
Cour en con«;ut de grandes espérances; et touts
ceux quí ne pouvoient empecher le Roí de céder
aux conseils des Éveques, s'attacherent peu a peu
a le retenir dans cette voie rétrograde, et surtout
a lui rendre au mojns suspecte la conduite du eomte
de Sunderland. Le 18 octobre, BariJlon mandoit a,
Louis XIV que les Catholiques étoient violemment
irrités contre ce ministre. Cependant le Roi suivoit
encore ses conseils, el lui témoignoit toujours la
meme confiance. Mais lorsque les Éveques insís-
terent sur la nécessité <le faire sortír du Conseil le
P. Pi ter, pour ne pas ébranler le peu de confiance
que ramenoit uu Boí la restitution des charles, la


) (J,




RÉVOLUTION DE 1688,
Jisgrace de Sundedand fut :,;ccrelement résolul'.
Jacque:,; II dit le 25 octobre a Barillon que la con·
duite de ce ministre lui déplaisoit singulierement :
« Je ne peux pas, )) disoit-il, « le souplJonner de tra-
« hison; mais, depuis quelque temps, je lui tl"Ouve
fe un défaut de fermeté qui nuit a mes intérets, et
« quí Mcourage les bien intentionnés. Cependant
«( je suis forcé de dissimuler .... » Le Roi rejeta en-
suite sur Sunderland tout ce qui s'étoit fait a I'égard
de Skelton et du mémoire envoyé aux États-Céné-
raux. Il ajouta qu'il avoit été entralné malgré lui, el
demanda un secret inviolable a l'égard des princi.
paux Catholiques.


Sunderland, de son cOté, se plaignoit de ceux-ei
a l'AmbassaJeUl', el voyoit sa disgrace imminente.
{( J e ne Cl"Ois point qu'il I'évite, » disoit Barillon,
« el je ne sais meme s'il ne la Msire pas plus (p,'jl
«( ne la craint. Les principaux Catholiques parlent
({ contre luí ouvertement, et ilIe sait. Cela ne change
« rien a ses discours; mais ii s' est plaint a moi de
«( ce (lu'on lui impute a crirnc de voir les affaires
( comme {'lIes sont, et de ne pas flatter le Hoi son
(( maitre, dans un tern ps OU il est si dangerpux pO\1I'
( lui d'etre flaUp. Ji 11 étoit évidcnt qu'aux prell1lVI't'S
nouvellcs favorables le comte de Sunderland seroit
rl'lIvoyé.


Des prieres publi(/ucs avoi(~llt {·tí· indiípH~es par
les Évequf's, et l' on l"el1larqua -. dalls 11 oc des orai~(>ns




liN ANCLETEfifiE. 1!¡9
l/u'ils avoient preserites, un grand úle pour l'Églisc
Anglicane. Rarillon, (Iui parolt s'en étonrier, ajoute
que les Éveques Uf' sont pas de bonne foi dans leurs
nouvelles démonstrations de fidélité au Roi. Mais,
an momf'nt 011 il l~crivoit ainsi, le Roí, <{ui venoit
d'apprelldre les dommages éprouvés dans la nuit dll
15 an 16 octoore par la fIotte hollandoise, recevoit
aussi du lord Darmouth l'assurance que son armée
navale témoignoít beaucoup de zele et d'ardeur pour
combattre l'amiml Herbert et le prince d'ürange.
AU8si Jacques II se Illontra-t-il rempli de confiance.
11 choísit ce· moment pour fairf' bapti8er le prince
de Galles, qui fut nomméJacques-Fran<¡ois-Édouard.
La eérémonic se fit dans la chapelle de St.-James,
le 25 octobre. La Reine douairiere fut la marl'aine
du .Prinef', avec le Pape, rf'présentt'> par le N once.


Cette eé1'émonie fut bientot suivie d'un acte des
plus ext1'aordillaires qui se puisse imagine1' dans
I'histoi1'e des maisons royales. Jacques JI avoit dé-
daigné, aíosi que la Reine, touts les b1'uÍts outra-
g~ants (lui s'étoient répandus sur la grossesse de
ce He Princessc, et contrC' la l(~gitimité de l'enfill1t
qu'e1le avoit mis au jou!'. 11 n'imaginoit pas ct'pen-
dant que le prince d'Orange osat en faire un grief
public pour la natÍon, et un sujet de l'echerche pOLlr
luÍ-meme. Quel fiü done son étonnemcnt, lorsqu'il
rec;ut du marquls d' AlbeviHe, avec la nouvellc des
ll\)mm~bes rprouvl~s par la fioUe hollao(loisl' dam




150 RÉVOLUTION DE 1688,
la nuit dli 15 au 16 oetobce, un exemplaire, im-
primé a la Haie, de la Requete présentée au prinee
d'Orange, sous le nom des seignrurs spirituels et
temporels de l'Angleterre! On a déja faít connc;>ltre
ce qui étoit relatif a la naissance du prinee de
Galles. Mais le Roi, qui avoit pourvu aux autres
griefs, erut important de prévenir les eonséquences
de eelui-ei dans l'esprit des peuples, pour le mo-
ment ou le prinee d'Orange, une foís débarqué,
répandroit ses manifestes dans toute l' Angleterre.
Il réunit done a White-hall les Lords du Conseil,
les Lords temporels et spírituels d'Angleterre, qui


I
étoient présents a Londres, au nombre desquels se
trouvoient le Primat, Areheveque de Cantorbéry, les
Chcfs de justice et les Juges, le Lord Maire et les
Aldermen ou Échevins de Londres. Ce jour-Ia,
¡er novembre, on n'avoit re~u, depuis le 22 octobre,
aueune dép~che de Hollande, et la Cour en atten-
doit avee une impatienee extreme; ear, dans la
nuit du 30 au 31, une tempete violente avoit dli
faire éprouver a la fIoUe du prinee d'Orange, si
elle s'étoit remise en mer, le meme sort qu'avoit
subí eette fiotte in"incible de Philippe 11, destinée
aussí a renverser de son trone la Reine Élisabeth,
précisément un siecle auparavant.


Le Roi ouvrit cette assemb]pe solenneHe par le
diseours suivant :


« Je vous ai convoqués pour UIle affaire qui n'a




EN ANGLETERRE.


« point d'exemple. Mais aux maux extraot'dinaires
« il fa lit opposer des remedes extraordinaires.


(( La malice de mes ellnemis a teUement empoi-
« sonné I'esprit et les sentiments de quelques-uns de
« mes sujels, que, si j'en croE;' les rapports qui me
« parviennent de touts cotes, ils ne veulent pas
« croire que le Prince qui m'a été donné de Dieu
({ soit né de moi, et prétendent que e'est un enfant
« supposé. Mais je puis dire que, par une providenee
«( particuliere, la naissance d'aucun Prinee n'a eu
( autant de témoins que la sienne.


« Ce n'est pas sans raison que j'ai choisi ce mo-
" ment pour faire examiner cette affaire en votre
« présence. Je m'attends, en effet, qu'au premier
« vent d'est qui souffiera, le prillce d'Orange se
c( metJ.ra en mer pomo venir envahir ce Royaum~


« Si donc, avant de monler sur le tróne,j'ai SOll-
« vent hasardé ma vie pour la nation, aujourd'hui
« que je suis Roí, je m'y erois encore plus obligé.
( Ma résolution est de marcher en personne contre
«( le prince d'Orange. Mais, avant de m'exposer aux
« dangers qui peuvent m'atteindre, j'ai cru néces-
« saíre de détruire touts les soup<,!ons et de faire


A , h ' ,
« cette enquete, pour empec el' qu apres ma mort ce
r( Royallme ne soit livré au saog eHda confusion. C'est
tt "3.\\\':>\ ~"\.', \'a\ tO\l\o",,'i> dé'i>\ré le. re\l0'i> et \e bien-
« (.tre de mes sujets. Je l'ai prouvé en ·établissant
(e la lihl'lté de leurs consciences, et en leur assuranl




n~VOLUTWN DE J 688,
« la jouissance de lellrs priviléges ; e' est ce que fai
« résolu de fail'e toute ma vie,


« J'ai demandé 11 la Reine douairiere qu'illui plUt
« de venir ieí, pour déclarer ce qu'elle sait de la
« naissance de mon 61s. Quant aux ladys, aux lords
( et autres personnes qui étoient présentes, elles dé-
(f poseront aussi par serment ce qui leur est connu. »


A pres ce discours, les témoins furent appelés
successivement, et preterent serment. Ils étoient de
l'un et de l'autre sexe, de l'une et l'autre Religion.
La Reine douail'iere, le Chancelier, le comte de
Sunderland, Secrétaire d'État e~ Présidcnt du Con-
seil, le comte de Middleton, Secrétaire d'État, le
comte de Mulgrave, Lord Chambellan, le Garde des
Sceaux, lord Arundel, les comtes de Craven et de
Péterborough, les doeteurs Scarborough e~ "\-Ve-
therly, mylady Sunderland, toutes les dames d'hon-
neur de la Reine, ses femmes de chambre, en un
mot, touts les témoins appelés, au nombre de qua-
rante-deux personnes, donnerent des détails si posi-
tif;', si manifestes; que la crédulité la plus mali-
eíeuse et la plus obstinée devoit se rendre a l'évi-
dence de la vérité. La seule princessc Anne s'étoit
refusée 11 venir entendre les dépositions, et déposer
elle-meme. Elle prétendit que sa santé nc luí per-
mettoit pas de sortir : refus terrible, sans doute, si
la Princesse croyoit a une imposture réelle, mais bien
cl'iminelle, puisque sa conduite envers le prÍllce de




F.N ANGLETERRI>:.


Calles, quand elle eut succédé a la princesse d'O-
range, et ses dernieres paroles, a SOil dernier mo-
ment, prouverent qu'elle reconnoissoit un frere dan s
ce malheureux. Prince.


Apres l'enquete, le Roi, qui cut la bonté d'excu-
ser et de justifier sa filIe, dit a l'assemblée :


lt Je n'ai jamais douté, Mylords, que toutes les
«( personnes ici présentes ne fussent bien persuadées
« de la vérité; mais, par tout ce que chacune d'elles
« vient d'entendre, elles peuvent encore mieux qu'au-
« paravant la faire connoitrc au publico Ajouterai-je
« que, si Moi et la Reine nous avions pu concevoir
« une si coupable intention d'impo~er 11 la na-
» tion un enfant supposé, la chose meme eiIt été
« impossible? Pour ce qui m'est personnel, je }lou-
« vois encore moins etre trompé moi-meme, n'ayant
« jamais quitté la Reine, el pendant la grossesse,
« et pendant les douleurs de l'enfantement. le me
« llatte encore que parmi vous, qui m'avez vu tant
(( souffrir pour ne pas mentir a ma conscience, il n' est
« personne qui me croie ·capable d'une action aussi
« noire, au préjudice de mes propres enfants. 1'outs
« ceux qui me connoissent savent tres-bien, et j'en
i( rends graces a Dieu, que j'ai toujours eu pour prin-
« cipe de faire a autrui comme je voudrois que l' on me
« fit a moi-menie. C'est a1nsi que parlent la loi et les
« prophetes; et j'aimerois mieux mourir de mille morts
« que de faire le moindre tOl't a mes eufants.




RÉVOLUTlON])E r688,
(e Apres cela, Mylords, si vos Seigneuries J'ugent


ce nécessaire de faire venir la Reine, on l'envena
« chercher. »


L'assemblée ne permit pas que la Reine fUt abais-
sée a une si gmnde humiliation. Lorsque le Roí
parla ensuite de faire imprimer le proces-verbal,
mylord Halifax dit vivement que, si cette précaution
étoit nécessaire pour la populacé, les gens d'hon-
neur n'en avoient pas besoin. Cependánt le prod~s­
verbal fut enregistré'a la Chancellerie, ou les témoins
furent appelés de nouveau, pour y donner leurs
ll'oms et reconnoitre leurs dépositions. L'assemblée
cnvoya aussi une députation a la princesse Anne,
pour lui rendre compte de ce qui s'étoit passé. « II
c( ne falloit,» répondit-eHe, (e que la parole du Roí. »


La Princesse avoit mison sans doute; mais telle
étoit la singuliere et déplorable sítuation de ce Prince,
que toutes ses démarches, dans une telle affaire, ne
pouvoient que le déconsidérer. Le public s'occupa
beaucoup plus de ces bruits dangereux qu'il ne l'all-
roit fait dans le mouvement actuel des affaíres_ On
disoit que les témoins n'étoient que des Catholiques
ou des personnes attachées 11 la maison du Roi, ce
quí rendoit nul leur témoignage. On ajouta de nou-
velles particularités qui s'accréditerent d'autant plus,
qu'elles paroissoient plus extraordinaires. « A quoi
« bon,» disolt-on encore, « produire des témoins d
(e "des preuvcs, nevant des persolIlI('s fluí n' ont aUClln




EN ANGLETERRF..
« droit pour informer, aucune autorité pour juger? »
Les hommes les moins prévenus remarquoient avec
raison que cet acte donnoit a un ParlemeIit le droit
d'évoquer 11 lui cette affaire, d'examiner les preuves,
de les admettre ou de les rejeter. N'étoit-ce pas la
reconnoltre précisément ce que le Prince paroissoit
exiger? Louis XIV le jugea ainsi, quand il fut in-
formé de cette véri6cation : « La requete des Pro-
« testants, adressée au prince et a la princesse d'O-
« range, » dit-il a Barillon, « établit. en principe, que
«( c'est au Roi de prouver la légitimité du prince de
c( Galles; et le Roi d' Angleterre vient de con6rmer
« cette prétention! »


Le jour de cette mémorable assemblée, on igno-
roit encore si le prince d'Orange avoit pr06té des
vents favorables qui avoient succédé a la premiere
t A tM' 11 A' , • t '1 ' em pe e. alS une nou ve e tempete s etm e evee,
comme ou l'a déja vu, dans la uuit du 30 an 31
octobre, el la Cour d' Augleterre en tiroit les pré-
sages les plus heureux. Guillaume, en effet, apres
avoir vu passer devant son Lord les cinq cents vais-
seaux de sa fIolte jusqu'au dernier, depnis trois
heures du matin, avoit levé l'ancre 11 quatre heures
du soir; et cette immense armée, voguant a pleines
voiles, par un vent de sud-ouest, le long des cotes
Bataves sur le nord de l'Angleterre, se développoit
majestueusement sur deux imrnenses colonnes. L'une,
composée des vaisseaux de guerre, tenoÍt la gauehe




156 nÉVOLUTION DE 1688,
du coté de l' Angleterrc; l'autre, sous la protectioll
de la premiere, tenoÍt la dl'Oite, composée des b:'lti-
ments de transporto A dix heures du soir, touts ct's
vaisseaux étoient en haute mero Mais bient6t le
vent tOUl'lle pleinement a l' ouest et au nord-ouest;
uue horrible tempete s'éleve, qui dure toutc la nuit
et la joul'llée suivante. Le Prince, qui n'étoit pas
encore sorti des bancs, au moment ou elle com-
men<;a, n'avoit pas voulu commuui<luer ses ordre5


, , '1 1 ' generaux, et par consequent e secret lesa pensee
aux officiers de la fIoUe, avant que tout ne fUt en
pleine mero La fiotte se trouva donc inopinémcnt
surprise par la tempete, sallS que les chef:,; ni 11'&
officiers eussent encore des instructions sur ce qu'ils
avoient a faire. Le 31 au matin touts Il's vaisseallx
de transport étoient déja dispe,'sés. Mais It's bati-
ments de guerre tinrent long- temps, et le signal
fut enfin donné dt' regagner les ports de Hollande.
Qui pourroit peindre la constel'llation <pú saisit tont-
a-coup les Provinces-Unies! Déj'li l'on croyoit cette
fIotte, naguere si superbe, enscvelit' dans les ahllllcs
avec toutes les ressourccs de la "Républil¡ue. Mais les


. , , d' 1 er V8lsseaux rentrerent pcn-a-peu, el es e 1 no-
vembre deux cents navires se réfugierent a Hel-
voestluys ave e le prince d'Orange. Le lendemain,
une partie de la se conde et de la troisieme escadre
virlt se rallier a Schounvelde et :1 Gorée. Le" 3 au
soir seulemcnt, le mal'l~:hal de ScltomlJerg descfm-




EllI ANGtETERJlE.


dil a Helvot'stluys; mais le 4 il manquoit encort'
plus du tiers de la fioue, qui sc retrouva plus tard.,
Herbert, l'intrépide Herbert, avoit toujours luué
eontre la mer en c~urroux, et s'étoit porté jusques
sur I'Aoglt'terre, d'ou il oe revint a Helvoe'stluys que
le 9, oe sachant plus ce qu'étoicnt devt'ous et les
vaisseaux et le prince d'Oraoge. Enfin, chaque jour,
jusqll'a la fin du mois, ramenoit quelques navires
que l'on croyoit perdus saos retour. Les uns, qui
avoient été poussés jusque sur les cotes de Nor-
wege, revinreot a Gorée. Un de ceux-Ia portoit le
régimeot de Fagel. D'autres, dispersés eo sen s con-
traire, avoient été jetés sur me de Wighth, et ra-
menerent le régiment de Walstein, que ron n'espé-
roít plus revoir.


Daos les premiers lIloments, OIl dut cl'oire la
perle irÍlmense et irréparable. Mille chevaux furént
trouvés étouffés, parce qu'il avoit fallu tenir les
vaisseaux fermés contre les vagues. On crut aussi
(lue deux régiments avoient péri; mais ils avoient
été jetés, comme on víenL de le dire, l'un sur lcs
cotes de la N orwpge, et l'autre sur me de Wighth.
Le biltiment quí portoit les chevaux du Prince échoua,
pt celui qui p(wtoit une pat·tie des gardes fut sub·
mergé. Les soldats étoient découragés; et les pre-
miers auxqucls 011 permit de descenclre s'étant échap-
pes, 011 rctint les autres lt bordo Mais les vivre~
n'ayoieut étl~ pl'(:parés I¡ue pour le tcmps présUl1l("


.




158 RÉVOLUTION DE 1688,
néeessaire au passage; et eomme la tempete qui se
prolongeoit toujours agitoit violemment les vais-
seaux, toute l'armée tourmentée du mal de mer, mal
nourrie, serrée et comme étouffée dans ses embar-
cations, étoit en proie aux souffrances du présent et
aux inquiétudes de l'avenir. Bientot les murmures
s'éleverent, et Wildman qui le premier avoit jeté le
germe de la division dans les esprits au sujet du
manifeste, répandoit les alarmes les plus sinistres.
« Tout est perdu,» s'écrioit-il; et ses p~rtisans s'é-
crioient apres lui: (e Tout est perdu! )) Il nefallut rien
moins que la fermeté stoique el toujours impassible
du Prince, unie a l'autorité du nom de Schomberg,
pour empecher une sédition.


Guillaume, arrivé le ,er novembre a Helvoestluys,
ne quitta pas un seul moment la flotte, quoique Ii-
vré aux douIeurs d'un asthme qui le suffoquoit et
auxquelles il étoit sujet. Mais la force de son earac-
tere surmontoit toules les souffrances de I'esprit et
du, corps. A la premiere nouvelle de son arrivée, les
États-Généraux lui envoyerent des députés: tel au-
trefois le Sénat de Rome, alloít an devant du Consul
apres le désastre de Canne-s. GuilJaume, avant de
s'embarquer, leur avoit demandé sept vaisseaux pour
fortifier sa flotte; iI les demanda encore avec sept
frégates de plus; tout fut accordé. Une levée de
qualre mille chevaux est ordonnée, quatre régiments
hollandois sont ajo~tés aux troupes l'estées sur la




EN ANGLETERRE. 159
fIoue. Il falloit renouveler les fourrages et les pro-
visions de vivres, réparer les avaries, assurer les
frontieres et le territoire des Provinces-Unies: toutes
les mesures sont résolues avec dévouement, exécu-
tées ave e un zele rapide. C'esl vainement que Guil-
laume est rejeté deux fois par la tempete, Guillaume
veut vaincre la nature meme. Ses vaisseaux ne sont
pas encore touts ralliés, el il partira au premier
souffle des vents favorables. Huil jours apres son
retour, le vent se tourne enfin vers l' A ngleterre,
objet de sa passion indomptable. Tout n'est pas en-
core pret pour luí, mais déja tout est réglé pour
la sureté du pays et pour la guerre contre la France.
IJ De armée est en marche vers Duyshourg. Les troupes
de Brandebourg se portent vers le Rhin; le duc
d'Hanovre sollicite la déclaration de la guerre cOlltre
Louis XIV. N euf régiments hollandois et mille Sué-
dois sont en réservc si Guillaume a besoin de les
appeler. Le 12 novembre enfin, la fIoUe réunie a
Putte pres de Schounevelde, n'attcnd plus que le
signal de le ver I'ancre. Le signal est donné.


Le vent d'cst souffloit avec force, et dirigeoit la
Hotte droit en face de l'Angleterre. On s'cffor',(a
c\'abord de louvoyer vers le nord, suivant le plan
conYCllu de debarquer dans la province el'York,
soit a la baie de RlIdington, soit au-dessolls de
HuI!. Mais il fallut céder 11 la viguellr du vcnt dJest
(Iui poussoit a I'ouest. Le [3 novembrc la flotte passa




160 RÉVOLUTION DI: 1688,
done entre Douvres et Calais, et le soir elle étoit a
la hauteur de l'ile de Wíghth. Le lendemain , anni-
versaire de la naissance du Prince et de son mariage,
fut célébré avee transport, eomme un heureux pré-
sage. Ce jour-Ia étoit aussi la veille de l'anniversaire
de la conspiration des poudres. Ces sor tes de rap-
proehements, qui agissent avec tout l'empire de la
superstition sur l'imagination des peuples, sont
toujours préparés ou saisis avec hahileté par les
hommes qui ont de grands desseins et qui ont la
volonté de les exécuter. C'est alors qu'ils se mon-
trent eomme des ministres de la Providence a qui
rien ne peut résister. L'amiral Russel, au nom du
Prinee, donne au pilote l' ordre de eonduire la fioUe
de telle sorte, que le lendemain matÍn elle fUt 11 la
hauteur de Darmouth, ou quelques vaisseaux dépo-
seroiellt des troupes, tandís que le restt' iroít dé-
harquer a Torbay.


Le lendemain done, le pilote reeonnolt qu'il s'est
trompé: il a passé Darmouth. Le vent les pousse
toujours 11 l' ouest sU!' la langue étroite el stérile de
Cornouailles qui termine l'Anglcterrc. Il est im-
possible de rétrogradcr; une seule ressouree peut
cneore etre essayée, e'est de reliicher a Piymouth.
Mais y sera-t-on re\u? Et eomment soutenir la eam-
pagne dans Une eontrée douteuse et stérile? HlIssel
au déscspoir s' écrie : « Tout est fiuÍ ~ » <>t déja it
1l10ntoít sa duloupe, ¡lOUr aller communique¡> au




Prince l'erreur du pilote. Mais le vent s'apaise subi:-
tement, bientot il tourne de rest an midi, et poussP
doucemellt la flotte vers le but qu'elle ne pouvoit
plus espérer d'atteindre. En moins de quatre heures,
elle entre dans la haie d'Exeler et descend a Torbay.
A peine descendue, le vent retourne a rest et sus-
cite une nouvelle tempele qui eut certainement jeté
les vaisseaux dispersés dans l'océan Atlantique ou
les eut brisés sur l'lrlande. A quoi tiennent done
les destins des empires!


La Cour ne connoissoit poiut encore le Téembar-
quement du prince d'Orange, mais elle savoit le dé-
sastre de la fIotte ennemie. Le Roi, qui avoit fait ve-
nir enfin eles troupes d'ÉcQsse et d'Irlande, se voyoit
d'ailleurs en ([uelque sorte protégé par le Ciel mcme.
Une premiere tempete, au commencement d'octobrc,
avoit forcé son rival a des retards que tout autn'
peut-etre eut jugés irrémédiables. La nouvelle tem-
pete du 31 octobre au.S novembre augmenta la con-
fjance de Jacques 1I, qui en re~ut le premier avis
3. tableo « Faut-il s'en étonner, )) dit-il, « puisquc le
« Sacrement de J'autel se trouvoit exposé ces jours-
«( la! » Parole pieuse sans doute et qui exprime toute


I la foi de Jacques II; mais la foi san s les ceuvrcs IH'
suffit pas, et les miracles de la Toute-Puissaucl:' nI:'
s'accordent ni a l'imprudence, ni á la foiblesse, III
aux vceux de la vengeance ou de I'ambition pure-
lllent. bumaine. ectte parole lle Jacques Il, consi-


JJI. J ,




RÉVOLUTION DF. 1688,
dérée sous le point de vue politique, eonvenoit
mieux au due de Mayenne au milieu des Seize, qu'au
Roi d'Angleterrc au milieu d'un peuple protestant.
Qlloi qu'il en soit, il parloit ainsi, reeevant déja les
conseils de révoquer ses promesses réeentes. Mais les
troupes irlandoises qu'il avoit mandées se voyoicnt
I'objet de l'aversion du peuple. Chaque instant étoit
marqué -par des querelles entre les soldats et les An-
glois. On chantoit dans toutes les rues de Londres
une ehanson populaire, dont le refrain étoit préci-
sément le mot qui servit de signal, en 1641, au
massacre des Protestants en Irlande. Vainement il
fut défendu de la chanter, touts les édits ne servirent
qu'a la faire ehanter avec une affectatioll plus inso-
lente et plus séditieuse.


Deux courriers successifs du marquis d'AlbevilIe
avoient appris au Roi, le meme jour 5 novembre,
et l'embarquement eEfectué le 30 octobre, et la tem-
pete qui avoit dispersé la florte, et la rentrée d'une
partie des vaisseaux. D' A.lbeville avoit sans peine
exagéré les pertes du prince d'Orange; et cette exa-
gération n'avoit rien que de uaturel, en ue consul-
tant meme que le sentiment d'effroi qui avoit saisi la
Hollande. Cette nouvelle étoit trop inespét'ée pour
ne pas relever la confiance du Roi, mettre a l' épreuve
ses véritables seutiments sur les eoneessions qu'il ve-
noit de faire, et donneI' aux Catholiques une occasion
de reprendre l'ascendant qu'ils avoi~nt pC'rdu si l'a-




EN ANGLJ.:TERRE. J63
pidement. Le lendemain, le comte de Sunderland
fui disgracié. Il étoit chez la Reine quand on vint
l'avertir que le comte de Middleton I'attendoit chez
lui. C'étoit pour lui demander son portefeuille, au
nom du Roj.


Deux jours auparavant, deux personnages s'é.
toient présentés de la part du marquis d' AlbevilIe,
qui les signaloit COl11me bien pensants et cOl11me
devant déeouvrir de grandes trahisons. Il se trouva
que l'un d'eux, nOl11mé Gran-Houd, étoit Ul1,el11-
baucheur du pri~Jee d'Orange, autrefois repris de
justice, coml11e faux monnoyeur. Le second étoit
un moine apostat, nOll1mé Wiksload, qui avoit quitté
le froc et la haire, pour le 1110usquet et la cuirasse.
lntroduit an Conseil du Roi pour faire ses révéla-
tions, il affecta de lH' rien dire d'ahord; il déclara
cnsuite qu'il n'osoit parler, a cause d'un des premiers
Seigneurs de la Cour qui étoit présent; en6n, sol-
licité et sommé de s'expliquer, il désigna mylord
Sunderland, comme étant d'intelligence avec le prince
d'Orange. Le premier mot du Roi fut que cet homme
étoit un misérable et ne méritoit pas d'etre éeouté.
Mais Sunderland exigea qu'il fUt arreté pour don-
ner suite a ses révélations. Le Roí n'y consentít
qu'avec peine, et le remit a la garde d'un l11essager.
du Conseil, qui le laissa il11médiatement échapper.
Ce dernier incident, fort suspect, 6t croire a Sunder-
land que cel homme étoit manífestement sllscité


Ir.




nEVOLUTION DE 1688,
par. ses e~nemis; cependant il ne croyoit p~s encor8
a sa disgrace, qui l'attendoit le sudendemain . .En
50rtant de chez le comte de MiJdleton 1 11 eut unc
audience du Roí. « Ne me rendez pas, Sire,» lui
dil-il, « le plus 'malheureux Gentilhomme de l'AIt-
(( gleterre, en refusant de dédarer que vous n'avez
(( aUCUll soup<;;on d~ ma fidélité. » Le Roi lui promit
de faire ceUe déclaration, l' assura que ce n'éloi t
point pour un teI sujet qu'iI l'éloignoit de ses Con~
seiIs, el dit deux jours apres ;\ Barillon qu'il ne
pouvoit croire a I'infidélité de Sunderland. (cMais,»)
ajQl.I.ta-t-il, «( je l'aí trouvé \l¡ien changé depuis l'af-
«(faire des Éveque~; et Ie~ intimes liaiso05 de sa
« fem,me avec Sidney o,nl donné trop Je pJ;'ise eontre
( lui a ses ennemis.» Le comte de Middleton cut sa
pl~ce, et mylord Pr~ston monta a celle de Middlc-
ton~ Ainsi les deux SecI,étaires d'État d' Angletcrre
étRiel~~ Écossoi~. Le~remier n'étoit pas ~.¡t~lS éIQi-
gnem,ent pour la F!'afl~e; mai.s sa femme étoit tres-
proc4~ P.ar~nted¡u P. Piter, qui restoit toujours an
Conseil. L'éloign,elnent de Sunderland Iaissa le mi-
nistere bien au-dessoll,5 de ce qu'il clevoit Ctre dans
ce~l1o~t¡'nt critique. Pale et terne, se défiant de lui-
rneme conllue de la fortulle, et, suivant le 1I10t cléja
c~tr, de Bonrfpaus, croyant tOl,ljours voir le prince
d'Orange aux portes dGWhite-Hall, ¡lIle présentoit
plus que des hommes d'affaires qualld iI falloit de~
hommes d'État. Le lord Godolphin seul étnit l'un el




EN ,iNGLKfEIUlE. ,65
l'autrL'; mais, des le tl'lIlpS de Charles IJ, sa caute-
leuse prudence I'avertissoit (IU'Ull homme d'État ue
convenoit ni h un tel Princc, lIi au partí qni le sub-
juguoit. Le llIomeul pour Godolphin n'étoit pas ven n
d'etre un grand l\Ijlli~tI'e. I11'atteudoit av('c convic-
tion, Illais jI ne fit ríen eontre SOl! devoir, si c'est
rester fidele tIlle ele clollller nniquement 11 son Prince
l'exaditucle ponctuelle et Tllathématiqllc de son de-
voir. Godolphill se retrallchoit alors comme autrefois
dans ses fonctíons de la trésorerie, Ol! ji ne craignoit
ni rival ni acCllsateur. En un mot, il aucndoit.


Qllant au lord Sundcrland, il pria Barillon de
demander pour lui h Louis XIV un asyle en France,
clans le eas oh les succes du prince d'Orange ne lui
pCl'mettl'Oient pas de res ter en Angletprre, protes-
tant qu'il resterait fidelc an Roí. En attendant, il se
retira elalls une maison qn'i1 avoit i. Windsor, et <¡lÜ
avoit appartcnu jadís att prince Robert. Ses créán-
cíers ne tarderent pas a l'y poursuivre. II desceúdit
pauvl'e, ou plut6t ruiné, du falte des bOllneurs ét
du poste le plus somptllellx de l' AlIgleterrc. Magni-
f¡(Iue au jClI, a sa table, dm1s ses amenbletnentS,
dan,:; les cmlwllissements de sa maison, íl avoit erl-
glouti, malgré ses emplois brillants noíi moiÍ1S ({lIe
Iueratifs, le fonds de trois mille li vres sterling de rente;
ce qni expli(lue, sans l'exc'user, le salaire <¡u'il rece-
vOlt de la Franee. La surprise tlu public fut extreme,
el le moti!' de cet éluignelileilt subit ne fut pas connu




166 RÉVOLUTJON DE 1688.
alors. Pourquoi, dísoit-on, se contenter d'un simple
renvoi, s'il est coupable de trahisoll? Si l'on vent
satisfaire aux plaílltes de la natíon sur la marche
du Gonvernement, ce n'est pas a lui seul qu'il faut
s'arreter. Il est d'autresMinistres qui n'ont pasmoins
eneouru la haine publique. Si I'on veut céder au
fIot des eonjonctures présentes, est-ce la premiere foís
que Sunderland fut disgracié? Ou l' on craint de le
punir, s'il a trahi le Roí; ou les Papistes le font pu-
nir, paree qu'il ramcne J acques II a de plus sages
conseíls, apres l'avoir suivi jusque sur les bords de
l'abime.


Dans le meme temps, Louis XIV faisoit renou-
veler a J acques 11 les promesses de le soutenir, et 6t
d'abord mettre a sa disposition un secours de eent
cinquante mille livres a Calais. En prévenallt Barillon
de cet envoi, il le chargea d'exciter le Roi d'Angle-
terre a prendre un parti vigoureux, a déclarer sur-
le-champ la guerre au prince d'Orange et aux États-
Généraux, a déclarer coupables de haute trahison
touts ceux qui favoriseroient le Prinee, a prenore
toutes les mesures qui pourroient affermir dans son
parti les Anglicans et les Non-Conformis.tes, a quitter
enfin sa résídence de Londres, pour se mettre a la
tete de son armée. « Plus un Roí,» disoit-il, « marque
(( de grandeur d'ame dans le péril, plus il affermit la
{{ fidélité de ses sujets. Que le Roi d'Angleterre s'a-
«( bandonlle it l'intrepidih" Qui lui pst naturplle, el il




RN ,\ NGLETllRRE.


« se rendra redoutable a ses pnuemis, qu'il fera re-
,( pelltir de leur entreprise. ))


Louis XIV écrivoit ainsi le 1 er novembre; il ap-
prenoit a l'instant nH~me que, le 2:9 au soi1', Philis-
hourg demandoit a capituler, et que lVIallheim étoit
sur le point de succomber. 11 prévoyoít aussi que la
templhe qui duroit depuis la nuit du 30 octobre ne
permettroit pas au Prince de débarquer en cp mo-
mento D'autres accidents de mer peuvent encore,
dan s une saison avancée, contrarier ses desseins.
« Je vous répete,» ajoutoit-il, « que le seul parti de
« salut pour le Roí d'Angleterre est de déclarer sur-
( le-champ la guerre tant aux États-Généraux qu'au
« Prince, et de I'attaquer lui-meme au plus tot, pouro
« lui enlever le temps de séduire les penples et
«( l'armée. ))


Louis XIV donnoit ces conseils salutaires le jour
meme que Jacques II s'abaissoit jusqu'n vouJoir prou-
ver que ni lui ni la Reine n'étoient coupables d'avoir
imposé a la nation un faux prince de GalIes, et qu'il
n'avoit pu lui-meme, sur ce point, etre trompé par
sa femme, si elle eut osé concevoir un projet si dé-
testable. La grande ame de Louis XIV en fut indi-


gnée <lutan! quflwmífíée pour la majesté royaJe.
LOl'sque ses propositions arriverent a la COUl'


d'Angletprre, le cornte de Sunderland étoit déja dis-
gracié. C'étoit le 10 novembre, et l'on nc savoit
point encore si le prince d'Orange étoit remharc{ué.




168 ltEVOLllTIO!\ I)J·: r 681),
Mais le veot d'est, qui souflloit av('l' viguem depuis
le 8, avoit rempli les ministres d'effroi el le l)('uple
(J'audace. Daos les repas, 00 portoit publiquement
des toasts au veril d' est! L' ordre de fCrll1er les cha-
pelles des Jésuites, des Carmes et des Bénédíctins
n'étoit pas exécuté. La populace, des la journée du 8,
s'étoit portée en tumulte a la chapelle des Carmes
et l'avoit dévastée. Ce syrnptóme de l'agitation po-
pulail'e intimida le Hoi; et lorsque' l' A mbassadeur de
France lui parla de Melarer la guerre aux États-
Généraux, il éluda eeUe propositioll. Alors on venoit
d'apprendre cependant, p~r le eomte Davaux, que
le prince d'Orallge mettroit a la voile probablement
le JO ou le JI.


Ce jour-Ia, le Mallifeste du prince d'Orange fut
I,;onnu pour la premiere fois. 11 venoit d'etre appol'té
par un officier, dans un ballot de marehandises. Le
Roi fut frappé d'y voir que le prince d'Orange se
disoit appelé par les Seigneurs spirituels comme par
les Seigneurs d' Angleterre, et qu'il prétendoit faire
vérifier la naissance du prince de Galles. BarilJon
saisit eette o{'easion pour reproduire les eonseils de
Louis XIV. (( II seroit trop dangereux pour moi,»
répondit Jaeques 11, (( de paroitre l'agresseur. D'ail-
« leurs, tant que les vaisseaux hollandois ne pren-
(( dront pas les vaisseaux anglois, Ips revenus des
« douanes iront toujours! »


C'étoit done avec de telles peusées que Je Roi d'An-




EN ANGLETmU\l'.


gleterre s'imaginoit surmolltel' un Prillce {¡Ile les élé-
ments conjurés venoient u'éprouver inébralllable!
« Le Roi,)} continuoit Barillon, « se contenterá de
« l'épondre d'une maniere convenable au Manifeste
« du print~e d'Orange. Mylord Melfort ( secrétaire
« d'état pour I'Écosse) est prévenu des memes iuées.))
Le Roi, en effel, pom' ne pas donner lieu de faire
soup<,:oIiner qu'il eut la moinul'e intelligence avec
Louis XIV, n'osa pas envoyel' cherchel' les 150,000 fr.
qui étoient déposés pour lui a Calais. 11 demanda
des lettres ue change, quoique les banquiers lui
eussent déja fait l'afl'ront d'en refuser pour les
300,000 fr. que llarillon avoit remis précédemment
a sa disposition.


Cependant il venoit d'apprendre que la flotte 1101-
lalldoise avoit passé le 13 entre Douvres et Calais,
et qll' elle prenoit la route de Portsmouth et de l' ouest.
Il cmt Portsmouth menacé. On lui fit entendre qtie
le prince d'Orange vouloit certainement lui couper
toute retraite, ainsi qu'a la Reine et au prince de
Galles. Déja donc il songeoit a la retraite! lei encore
se retrouve l'explication du Illot quilui échappa
l'année précédente, a Portsmouth meme, devant
Bonrepaus. I( D'autres pensent avec raison, )) con-
tinue Barillon, « qúe le prince d'Orange ne peut
« songer a faire un siége, snrtout a vec des troupcs
" déja fatigHées par la tempete. ») Cependant le Roí
envoya sur-Ie-champ á Portsmoulh le cluc de Bcr·




170 RÉVOLUTION DE 1688,
wick avec des troupes nombreuses, quoiqu'il y l'ut
déja dans cette place une forte garnison d'Idandois
el de Catholiques dévoués.


II sut bientot apres le passage de la fIotte hoIlun-
doise devant l'ile de Wighth ; et les nouveIles de la
fIotte angloi¡¡e luí firent espérer que mylord Dar-
mouth atteíndroit I'ennemi avant que celui-ci put
effectuer son débarquement. Darmouth, en efret,
suivit le prince d'Orange; mais le vent, qui avoit
ramené d'une maniere inespérée la fIoue de ce
Prince dans la baie de Torbay, étoit par cela mcme
contraire a la fIoUe angloise, qu'il repoussa vers les
Dunes. Darmouth ne put pas aller plus loill que les
cotes de Sussex, ou peut-etre craignit-il que sa fIoUe
ne passat tout entiere a l'eunemi.


J .. es vaisseaux hoHandois avoient traversé le dé-
troit de Douvres et Calais au bruit des fanfares mi-
litaires, qui célébroient la naissance du Prince. La
population des deux rivages de France et d'Angle-
terre étoit accourue a ce granel spectaclc de six cents
vaisseaux courant a pleines voiles; tandís que le
peuple de Londres, qui calculoit touts les progres
possibles de la fIotte SUl' la direction du vent, pré-
ludoít a la révolte par de nouvelles agressions coutre
les Chapelles catholiques. eeHe des Récollets eut
été démolie sur la place de Lincoln, si la force
publique ne fUt intcrvenue. Le lendemaill étoit l'all-
niversail'"--c de la conspil'atíou des poudres.




EN ANGLETERRE.


Le Roi ne pouvoit plus douter de la marehe des
ennemis vers l'ouest. Cependant iI ne prit encore
aucune mesure, ni pour se mettre en mouvement,
ni pour faire marcher ses troupes. JI vouloit aupa-
ravant savoir précisément sur quel point de I'.i\ngle-
terre deseendroit le prince d'Orange; ou plutot il
avoit une arriere-pensée, qui étoit ou de transiger
avee le prince d'Orange par une déclaratioll de guerrc
a Louis XIV, ou de se retirer en France par Ports-
mouth, avee la Reine et son fils, en désespoir de
cause. Le P. Pi ter, saisi d'effroi, lui donnoit le fu-
neste conseil de ne pas quitter Londres; et la Reine,
non moins effrayée, tournoit déja ses regards vers
la Franee.


En attendant les nouvelles eertaines du débarque-
ment, il manda les Lords qui étoient aux environs
de Londres, tels que le marq uis d'Halifax, les com tes
de Clal'endon, Nottingham, Pemhrock, Burling-
ton, etc. JI les pressa de s'expliquer sur eette asser-
tion du prinee d'Orange, dans son Manifeste : qu'il
venoit en Angleterre, a la requete de plusieurs Lords
spirituels et temporels. Ceux-ci désavoucrent touh>
partieipation personnelle aux projets du Prinee, et
protesterent de lcur fidélité. Le Roi, qui ne crut pas
devoir exiger cette déclaration par éerit, n'agit pas
de meme avec l' Archeveque de Cantorbery, et quatre
ou einq autres Éveques, parmi lesquels étoient eeux
(le Londres et de Winchestcl'. II Ieur clemanda s'ils




HÉVOI,UTION Dt: I 6ti8,
a voiclll invité le prillce d'Urallge a venir el! A I1gje-
tt'ITe, comme ce Prillce l'annolH,:oit des ÉVl\(llIt'S,
sans les nOlllmer personnellellwnt. 11 cmt remarquel'
du trouble a ecUe question; ils répondil'ent ccpen-
dant que jamais ils ne reconnoltroicnt d'<iutre Roi
({lIe lui, tant que Sa Majesté vivroit. Alors il les
[ll'essa de publier un acte d'ablwl'renr:e contrI.' les
projets du prillce d'Orange, et ils éluderellt cclte
proposition, en donnant pour r:.tisoll qu'ils étoient
uhligés de· réunir les autres Éveques, afin de {¡til't~
Ulle déclaration générale et uniforme. Le Roi oublioit
que, dans les grands périls, on ne trouvc que de
I'hésitation quand le Prince hésite lui-meme, et que
les plus timides se montrent les plus fideles qnalld
le Prince est résolu de marcher droit a ses ennemis.


Le d, il avoit pubJié une Proclamation pour
défelldre de lire, distribuer, recevoir, garder Oll
cacher les dédarations du prince d'Orange, sous
peine d'ctre poursuivi dans toute la rigueur des ¡ois.
Trois jours apres, il publia une nouvellé Proclama-
tion en réponse au Manifcste. (( Les termes,)) dit
Barillon, (( en sont assez forts; mais iI H'y a point


lC de conclusion te11e qu'un pareil attentat le rcquiert.
l( Un en doÍt publit'r une autre quand ¡Ji. le p,.ince
ce cZ'Orange aura commencé d'agil' lwstilernellt.
{( Celle-ci est fondée seulernent sur son Manifeste. )
Le Roi, qUÍ attendoit que le Pl'Ínce cut cOlllmenct-
les hosti Iités, HC parloit des États-Généraux ni di.,·




EN ANGLF:TERRE.


reC!C'lllC'nt ni indirectement. Il s'élevoit avec hOI'l't'llr
('ont1'e UIW entreprise que rt'pollSsoient égalemcnt le
chl'istiallisme et la nature. Il s'attendrissoit sur les
calamités qu'alloit causer une armée d'étrangers et.
de n-belles. Le prince d'Orange n'aspiroit qu'a la
Roputé; il s'attribuoit (leja l'autorÍté /'Oyale, Pllis-
qu'il 050Ít reqllérir les PaÍrs dll ropume de l'assister
et de lni obéÍr. Pour preuve que son amLition déme-
suréc ne peut etre satisfaite que par la possession
immédiate de la Couronne, il met en question la
légitimité de l'héritier présomptif, le prince de Gallf's :
telles étoient les iMes principales qui précédoient la
déclaration des intentions dll Roi dans cette con-
jonetm'e.


« POU!' exécuter ses desseíns. ») continuoÍt le Roi,
« ce Prinee ambitiellx parolt d(~sirer de se SOLHncttl'(,
(di un Parlement libre, espérant par la se concilier
« nos peuples. Cependant ríen n'est plus ce.rtain qu'un
« Parlement ne sauroit etre libre, si une armée d'é-
(e trangers est dans le creur de uos royaumes. Il es!
( dOllc lui-meme un obstacle a un te! Parlement.
«( Nous l'avions cependant déja déclal'l.~ : nous S0111-
« mes absolument résolus, des que nous serons dp-
« livrés de Cette invasioll, par la bénédiction de Dieu,
« a convoquer un Parlement que I'on ne pourra en
c( auenne maniere soup<;i0nner de n'avoÍl' pas été li-
a hrement choisi, puisque 1l0US avons remis actud-
(( lernellt les Corporations et COllllllllllautés de C(,




RÉVOLUTION In: J688,
« Royaume dans leurs aneiens droits et priviléges,
« sur lesquels nOlls serons prets, non-seulement a
{( recevoÍr et t'edresser les justes plaintes el griefs de
« nos bons sujets, mais aussi a confirmer uos pro-
« messes et assurances de les maÍntenir dans leur
« religion, leurs liLertés, leurs propriétés, et touts
« autres justes droits et priviléges.


« Par ces cousidérations, et par les obligations
« de leuI' devoir et de leur allégeance naturelle , nous
l{ ne doutons point que touts nos fideles et aimés
« sujets ne veuillent concourir promptement et de
« bon cceur avec nous pour supprimer et chassel'
« totalement ces ennemis et sujets rebelles, qui
«ont si injurieusement et déloyalement envahi et
« troublé la paix et tranquillité de nos Royaumes.»


Cette Proclamation est du 16,!:'t ce fut ce jour-Iá
au matin que Jacques II apprit I'alTivée de la flotte
hollandoise clan s la baie de Torbay. Le soir, il sut
que le Prince avoÍt mis pied a tene avec deux mille
hommes, et que le reste des troupes devoit débar-
quer 11 Torbay mrme et a Darmouth. Le peuple des
!:'uvirons prenoií la fuite et se 1'etiroit clans les te1'res;
alleune disposition hostÍle contre le Roj ne se mon-
troit dans la noblesse; et le souvenir des malheurs
que l'invasion ~le Monmouth avoit appelés sur ceUe
cootrée sembloit trop vif, trop récent, pour oe pas
retenir tonts les creurs dans la crainte et dan s la
soumission. Cependant le comte de Bath, qui com-




F.N ANG1:ETERRF..


mandoit a Exeter pour le Roi, ne se crut pas en état
de résister au prince d'Orange, qui ne pouvoit pas
se dispenser de marcher sur cette place, ouverte de
toutes parts. Il se retira done a Plymouth, d'ou il
manda immédiatement que les mineurs du pays de
Cornouailles offroient de quitter leurs mines et de
défellllre le Roí, si 011 leur donnoit des armes.


Le Roi, qui a la premiere apparition de la flotte
hollandolse vers Dotlvres et l'ile de Wighth, s'étoit
haté d'envoyer des forces assez considérables a Ports-
month, leur donna I'ordre de se diriger a l'ouest,
vers Salisbury. Viógt escadrons de cavalerie et dix
de dragons furent mis en mOllvement. L'artiJlerie et
les chevaux d'équipage ne sortirent de Londres que
le 20 novembre. L'inf.1nterie consistoit en dix-huit
hatailloIls. La cavalerie et les dragons d'Écosse et
d'Irlande devoient rester en arriere; enfin on laissoit
a Londres six bataillons et six escadrons. L'armée
royale étoit beaucoup plus forte en cavalerie que
celle du prillce d'Orange, et touts les corps ~e l'al"lnée
devoient se porter a Salisbury, a Marlborollg et a
Warminster, resserrer' le Prince dans une étroite
pnceinte, et emptkher toute communication entre
lui et les Provinces. Mais la gmnde question étoit
toujours de savoi .. si le Roí iroit ou n'iroit pas a
l'armée.


Touts les plans de cau:.pagne subissoient des mo-
di[Jcations continuelles. Les ordrps et les contre-




176 nÉVOLlITTON DF. 1688,
ordres, les marches et les contre-marches se multi-
plioient. Lecommandementgénéral étoiten apparencp
donné au comte de Feversham , guerrier plus dévow',
qu'habile, mais qui avoit d~ja commandé l'armét'
royale dans le meme pays, pendant I'invasion de
Monmouth. Le comte de Roye 1 son beau-frere, of6-
cier-général fran~ois, a voit la eonfiance entiere ele
Jaeques 1I, qui avoit voulu lui confier le comman-
dement en chef. Ille refusa; mais il lui 6t entendre
qu'il pouvoit le servir comme volontaire et luí. donner
ses eonseils. C'en étoit assez pour exciter la fien'
jalousie des officiers allglois, qui supportoient impa-
tiemment ectte préférence. Le comte de Roye fut
copstamment d'avis que le Roi devoit se mettre a la
tete de l' année, 111ais sans tl'Op s' éloigner de Londres,
afin de contenir eette viIIe, et qu'il valoit mieux at-
tendre le prinee d'Ol'ange que de l'aller ehereher il
l'extrémité du Royaume. Cet avis retint le Roi jus-
qu'au 27 a Londres, tandisque le comte de Feversham
marchoit, avec l'armée sur Salísh\lry.


Pendant ces incertitudes, LOllis XIV faisoit t01l-
jours conseiller a Jacques Il les résolutions vigou-
reuses, et surtout une déclaration de guerre immé-
diate aux États-Généraux. Jacques JI avoit élwlp
cette propogition, en disant qu'il faHoit savoir S!
Louis XIV y étoit lui-meme déterminp. « Vous pou-
{( vez, » répondit le Roí de Franee, «( donner ma
'(pal'ole au Roi 11' A ngleterre r¡ue je 11(' rliffel'el'ai




EN lI.NGLETERRE.


t:< plus eette déclaration qu'autant de temps qu'il le
l( jugera convenable au bien de ses affa:ires, et que
(l je la ferois des a présent, si vous m'aviez mandé
« qu'il le désiroit.))


Louis XIV écrivit ainsi le 18, et Barillon lui ré-
pondit le 22 : que le Roí d'Angleterre ne pensoit
plus qu'une tellc démarche lui devint nuisíble dan s
I'esprit des Anglois; que jusqu'a présent iI n'avoit su
a qui se confier pour un traité d'alliance offensive et
défensive avec la France.; que 1'0n regardoit généra-
lcruenta la Cour le lord Godolphin comme un homme
qui désiroit vívement la possíbilité d'un arrangement
quelconque entre le Roí son maltre et le prince
d'Orange; enfin que Jacques II alloit charger mylord
Melford de se concerter avec lui, Barillon, sur It~
nomb,'e d'hommes et de vaisseaux auxiliaires qui
pourroient devenir nécessitires a Sa Majesté Britan-
mque.


A la réeeption de eeUe lettre, Louis XIV déclara
la guerre, le 26 novembre, aux États-Généraux,
qui, de leur coté, venoient eux-memes de la provo-
quer directement par une résolution du 20, contenant
I'ordre aux Amirautés d'expédier des cornrnissions
contre les vaisseaux fran<;ois. Mais cette résolution
n'ayant été connue du eomte Davaux que le 25, il
est évident que Louis XIV fut décidé principalement
pa',' les affaires d' Angleterre. Cependant, eornme la
réponse de Barillon marquoit toujours de l'hésitatioll


I! 1. J:.l




RÉVOLUTlON DF: J Gti8 ,
dans les couscils de Jacques JI, I'acte de dédaration
de guerre ne conteuoit rien qui fit allusion au prince
d'Orange et a Sa Majesté Britannique. Elle fut mo-
tivée uniquement sur ce que les États - Généraux
avoient envoyé une armée, sous le commandement
du prince de Waldek, a l' armée des Princes de
l'Empirtl, ligués contre les intérets du cal'dinal dc'
Furstemberg. Peu de jours apres, le comte Davaux
informa Louis XIV que le marquis d'Albeville comp-
toit sur une dernierc ressource, qui restoít toujours
au Roí d'Angleterre, disoit.il, en se réunissant au
prínce d'Orauge pour déclarer la guerre a la France.


Louis XIV envoya sur-Ie-champ ses instructions a
son ambassadeur Barillon, sur les moyens de faire
une ligue offensive et défensive avec Je Roi d'Angle-
terreo Il le chargea d'examiner a fond tout ce qui
pouvoit rendre son intervention salutaire a Jaeques H,
et prévenir les embarras qui se pouvoient rencontrer
tantsur lerre que sur mero «Cal' ,» ajoutoitLouis XIV,
« quoique la déclaration de guerre que je viens de
« faire aux États-Généraux et ceHe que fai faite ei-
« dcvant a l'Empereur et a ses adhérents m'obligent
« a des efforts extraordinaires pour forcer mes enne-
t( mis a désirer la paix, néanmoins la part que j e
« prends aux intérets du Roí d' Anglt'terre fera tou-
« jours un des principaux objets de mes soins; el,
« pourvu que mes secours lui soient utiles, je n'épar-
« gnerai paint la dépense qui absolument sera néces-




EN ANGLETERRE.


(1 saÍre. » D'apres ces principes, Louis XIV charge
son ministre de bien examiner : si le Roi (d' An-
glcterre) peut et veut entretenir sa flotte tout l'hiver;
s'il y peut prcndre une entiere confiance; comllH'nt
on y pourra joindre une escadre franc;;oise, sans que
la fIotte hollandoise le puisse empecher; le dangpr
de ten ter cette réunion , tant que la flotte hoIlandoise
sera mouilIée entre eeHe du Uoí d'Angleterre et I'es-
eadrc fran~aíse qui semit a Brest; quelles sont les
dispositions des officiers qui commal1dent, et meme
des subaltemes; 1usqu' OU les vaisseaux ang\ois iroient
a la rencontre de l'escadre; quelle navigation ils fe-
mient pour tromper la vigilanee des HolIandois ....
« Et comme je suis persuadé, » coutinuoit Lluis XIV,
({ qu'avant de songer a envoyer aueun secours de
« t~oupes franlioises, qui auroient peine a s'accol11-
« moder aux manieres dp la nation angloise, il faut
« ten ter premierement de battre la flotte hollandoise,
« vous devez vous appliquer, avec les ministres de
« la Cour ou vous etes, a chercher touts les moyens
« imaginables pour venir a bout ~e ee dessein .... En
(1 un mot, je veux bien faire tout ce qui sera raison-
oc nablement possible; mais je ne veux pas donner le
({ plaisir au prince d'Orange ni aux États-Générallx
« de pel'dre mes vaisseaux et mes tl'Oupes, sans que
« le Roi ti' Angleterre en puisse tirer aucun avantage.» .
Louis XIV I"egl"ettoit le retard que Jacques H me!-
loit 11 se mettrc a la tete de l'arlllPP; il lui flisoit


1.1.,




180 RÉVOLUTION DE 1688,
conseiller encore de s'abandonner a son couragc ua-
turel, et de repou~ser tOllts les conseils timides.
Enfin, sachant tres-bien que Jacques II n'avoit per-
sonne aupres de lui qui eut assez d'expériencc et
d'habileté pour lutter contre dcux grands capitaines
tels que Guillaume el le maréchal de Schomberg, il
chargeoit Barillon d' offrir au Roi , sous le titre d'En-
voyé extraordinaire, un Maréchal de France ou un
Lieutenant-général de ses armées.


Cette lcttre, qui est du 29 novembre, supposoit
deux choses bien essentielles : que Jacques II mt
capable de prendre un parti décisif; et, en cas (h~
revers, de se maintenir assez pour attcudre les suites
d'une véritable alliance ave e LOllis XIV. Mais tandis
que le magnauime roi de France ouvroit a Jacques 1I
l'unique et derniere porte de salut, le Roi et les
ministres britanlliques perdoiellt les moments les
plus précieux. en de stériles conféreuces, comme en
absurdes projets. « Les affaire s ,» disoit Barillon,
le 25 novembre, ({ out été traitées a fond avec le
(e Roi et mylord J\lelford. L'on reconnoit l'impossi-
ee bilité d'éviter une guerre ouverte et déclarée avec
C( les États - Généraux et le prince d'Orauge. On se
({ servira des déclarations les plus fortes a J'égard du
{( prince d'Orange et de ses adhérents, quiy seront
{( qualifiés de trai'tres el de rebelles. (Que! effOl't
(e de courage! ... ) l11ais on vOl/drait que les B'tats-
ee Générau.:c déclarassenL lt's p,.emiers la guerr("




}':N ANGLETERRF.. 1ST


« dans les formes, ou que leur fIotte nt quelques
« actes d'hostilité, en prenant des vaisseaux Anglois.
« Le Roi croit que cela lui seroit utile a l'égard de
« ce pays-ci ... Néanmoins il propose une liaison en-
« tiere avec la France, qui ait pour fondement de
C( repousser I'insolence que les États-Généraux et le
« pl'ince d'Orange font en Angleterre, et de se ven-
« gel' par la suite. Sa Majesté Britannique prendra
« pour ¿ela touts les engagements nécpssaires. Mais
« on ne vondroit pas de traité par écrit et dans les
« formes. On craint les inconvénients qui en résul-
« teroient, s'il étoit décou..vert. Le Roj veut se mé-
(e nager a l' égard de ses sujets, el pouvoir dire
« avee vérité, ti quelques-uns de ceua: qu'il eroit
« le plus ti luí, qlt'il n' a point de traité avec la
« Franee!»


L'embarras du style de Barillon représente assez
hien son propre embarras a dire que Jacques 11 vou-
loit pouvoir mentir en sureté de conscience par ses
restrictions mentales; mais la vérité daus cette dé-
plorable négociatíon, c'est que Jacques 11 vouloit de
¡'argento « Il ne feroit pas de difficulté,)} poursuit Ba-
rillon, « de recevoir des troupes fran~oises, et il ne
« seroit pas impossible de les faire passer de Calais a
(e Dunkerque. Le trajet seroit trop conrt pour que la
«( fIotte Hollandoise s'y opposat. Mais en ce moment
e( c'est surtont de l'argent ({ui est nécessaire. )) A ces
tristes délibérations des Conseils de Sa Majpsté Rri.




RÉVOI,(]TIO~ DE 1688,
taonique, le Roi de France vit clairement que Jac-
qu~s JI alloit se perdre sans ressources.


Déja, depuis dix jours le prince d'Orange étoit
sur le sol britannique, et Jacques JI restoít toujours
a Londres. 00 lui faisoit entendre qu'il ne devoit
pas quitter cetle capitale avant d'avoir vu passer la
journée du 27, qui étoit l'anniversaire de la nais-
sanee d'Élisabeth, journée que l'on redoutoit, paree
qu'il étoit d'usage dans le peuple de la eélébrer par
la eérémonie burlesque d'une procession de l'effigie
du Pape. Quatl>e anniversaires bien redoutables se
suecédoient dan s le seul intervalle de quatorze jours:
la naissance el le mariage du Pl>ince d'Orange, la
conspication des poudres el la naissance d'Élisabeth.
Réprimer le tu multe de ees fetes populaires n'étoit
pas moins dangert'ux que les tolérer. Déja le siége
de quelques chapelles avoit signalé les dispositions
du peuple. Le 21, les apprentis de Londres s'étoient
portés sur la chapelle des Bénédictins, et furent dis-
persés par les gardes; mais le soir, iis se rassem-
blerent autour de Newgate, et 1'on y parloit de dé-
livrer l'offieier qui avoit apporté le manifeste du
prince d'Orange. Ce rassemblement fut encore dis-
sipé. Le lendemain, nouveau tumulte. La chapelle
des Bénédictins fut démolie malgré les gardes,
et les meubles des religieux furent emportés et
brúlés, hors de la juridiction de LondI"cs. Le soir,
les apprentis s'étant réunis encore au mémp lieu fu-




EN ANGLETRRRIl. 183
reut chargés par la force armée, qui en tua et blessa
plusieurs. Il y eut aussi des gardes de tués. Le '13
et le 24, les rassemblements furent peu considérables.
Mais on avoit des craintes pour le 27, jour anni-
versaire d'Élisabeth. cc On présnme, » dit BarilIon,
c( que le peuple voudra renouveler la cérémonie de
« brulel' l'effigie du Pape, ce qui avoit été empeché
« ces dernieres années. Le Roi ne souffrira pas ces
cc rassemblements et tient df'stroupes pretes ponr
« les charger. Il n'a pas voulu partir pour Salisbury
« avant d'avoir vu ce qui se passera.» .


II eut mieux valll sans doute aIler attaquel' la po-
pulace de Londres dans le camp du prince d'Orange.
Mais le P. Piter ne vouloit pas que le Roi partlt de
Londres. ec Charles rr, votre pere,» lui disoit- il,
« perdit la couronne et la vie pour en etre sorti au
ce commencement des troubles. En votre absence,
e( ni la Reine, ni le prince de Galles n'y seron! en
" su reté. Le prince d'Orange ne peut-il pas d'ail-
ce leurs, si vous marchez sur Salisbury, quitter son
(! armée, venir avec peu de suite et se montrer 11
c( Londres? Le mal deviendroit sans remede. Il faut
ce avant tout mettre le prince de GaJles en sureté. Il
ce fant l'envoyer en ,France. Alors I'Angleterre yerra
ee qu'eIle s'engage dans une gnerre qui peut durer
« plusieurs générations, si elle ne se rattache pas 11
cc I'autorité légitime.») « Bien des gens, » dit Baril-
Ion, c( p('nsent comme le P. Piter, et peut-etre lui-




RÉVOUJTION m: 1688,
« meme craint - il d'etre exposé, si Sa Majesté Rri-
« tannique abandonne la ville de Londres. C'est
r¡. contre lui que l'on est p,'incipalement animé. Le
ce bruit meme s'est répandu qu'il s'étoit retiré. »


Depuis le ,6 novembre que Jacques 11 apprit
l'arrivée du prince d'Orange a Torbay, jusqu'au 25,
il ne recevoit que des nouvelles qui, absolument
parlant, étoient favorables a sa cause, puisque le
peuple des provinces restoit calme ou du moins in-
certain. A l'arrivée de la tIotte, toute la population
riveraine avoit pris la fuite. Le prince d'Orange n'é-
toit entré que le 18 a Exeter. Le Maire de eette
ville avoit refusé d'aller au devant de lui. L'Éveque
s'étoÍt retiré. Aucun personnage de la haute noblesse
ne s'étoit présenté. Le Prince, qui savoit apprécier
les acclamations de la basse multitude, s'étonnoit
de la solitude qui l'environnoit dans une province
qui s'étoit levée tout entiere pour le duc de Mon-
mouth. A la vérité, le lord Lovelace étoit partí de
ses terres avec une suite de soixante ou quatre-vingts
chevaux. Mais les milices du pays de Circenster
avoient pris les armes, avoÍent tué douze de ses gens
et l'avoient fait prisonnier lui-meme. I1 est vrai que
le chef des milices et son fils avoÍent donné un noble
exemple, en chargeant des premiers. lis furent tués
touts cleux; mais, dans une telle conjoncture, quelle
immense victoire c'étoit avoir remporté, que d'avoir
engagé les milices par une action sanglante, Oll menw




EN ANGLETERRE. 185
de leur avoir fait tirer un premier coup de feu! La
fortune du Roí et de Guillaume étoit la tout en-
tiere. Le Roí ne sut pas apprécier ce grand événe-
mento Il restoit a Londres, il Y vouloit rester encore
pour protéger des chapelles, qu'il avoit ordonné de
fermer, qu'illaissa imprudemment ouvertes, malgré
ses ordres publics, et que la crainte de l'anniver-
sairc de la naissance d'Élisabeth lui fit enfin pour
la derniere foís ordonner de fermer, mais seulement
le 25 novemhre.


En voyant le peu de progres du prince d'Orange
pendant ces neuf jours, on se demandoit pourquoi
les provinces restoient si calmes; et I'on se disoit
tout has que les chefs des mécontents, quí peut-etre
craignoient autant le Prince que Je Roi, trouvoient
un autre moyen que la force des armes pour obtenir
ce que la crainte seu le pouvoit arracher de Jac-
ques n. C'étoít ele faire venir des pétitiofts, de toutes
parts, pour un Parlement libre. Déja le comte de
Danby étoit partí, dan s ce dessein, pour la provínce
d'York. On se disoit également que l'armée al10it
etre sol1icítée d'émcttre son vceu pour que le Roi
transigent avec le prince d'Orange. Sur cela, Jac-
ques n dit tout haut, devant les amhassadeurs,
qu'il traiteroit comme coupable de haute trahison
quiconque lui parleroit d'accommodement. ·Un Jan-
gage si fiel' ne convenoit a sa dignité que s'il eut
(;té a la tete de son armée.




186 RÉVOLUTlON DE 1688,
Tout a coup, dan s la soirée ou 25 novembre, un


conseil de guerre. extraordinaire se tíent a White-
hall. Ou y décide que les troupes qui s'avan~oient
vers Salisbury rétrograderont vers Stanes sur la Ta-
mise, et Windsor.


Cette résolution étoit la suite de la terreur que
venoit. d'inspirer le retour subit de Ramsay, lieute·
naut - colon el du régiment du Roi, commandé par
le due de Berwick. Il arrivoit en grande hate de Sa-
lisbury. Trois des principaux régiments venoient,
disoit-il, de passer a I'ennemi. C'étoit mylord Corn-
bury, fils de mylord Clarendon, avee le chevalier
Compton, qui les y avoit eonduits lui - meme. A
soixante milles de Salisbury, ces régiments avoient
trouvé des troupes de Hollande qui les attendoient.
Cent soÍxante eavaliers seulement et cinq ou six of-
ficÍers étoient ,'evenus au eamp 10rsqu'iI.s s'aper~u­
rent de la tlllhison. Tout le reste avoit marché ave e
les étendards. Tel étoit le rapport de Ramsay, et sur
ce rapport, on avoit donné l'ordre de faire replier
l'armée sur la TamÍse, en avant de Londres.


Mais Ramsay, qui étoit parti au premier moment
de la frayeur inspid>e par eette défectÍon, n'avoit
pu savoir les détails nÍ les súÍtes de eette affaire.
Le lord Cornbury, sous le prétexte d'un ordre qu'i1
prétendoit avoir requ, avoit effectivement fait mon-
ter a eheval le régÍment du ROÍ, eelui de SaÍnt-
Alban et un régiment de dragons, pour se porter




t:N ANGLETERRE.


sur Exeter. lis avoient marché tout le jour, excepté
une halte d'une heure. Le soir, étant parvenu a 1'en-
trée d'un Mfilé, Cornbury avoit proposé d'aller se
réunir au prince d'Orange. Alors les offieiers du
régiment du Roi, qui marchoient les premiers, se
crurent livrés a une embuscade du prince d'Orange;
et soupqonnant que les dragons qui les suivoient
aHoíent les charger, ils se retirerent touts, entre
autres le chevalier Compton, et le lendemain ils
rentrerent a Salisbury avec les deux tiers dll régi-
mento Deux cents dragons revinrent aussi avec plu-
sieurs de leurs officiers; le seul régill1ent de Saínt-
Alban suivit Cornbury avec le reste des dragons.
Cependant, arrivés au quartier du Prince, un assez
grand nombre d'officiers et cavaliers de Saint-Alban
refuserent de servir, et furent renvoyés a l'armée
royale.


Ces nouveaux détails arriverent dan s la nuít du
~5, et le R~i donna sur-Ie-champ a l'armée un nou-
vel ordre de retourner a Salisbury. Il prit aussi la
résolution de s'y rendre enfin lui-meme, et de quitter
Londres le 27. Le comte de Roie étoit d'un avis
contraire, et croyoit plus sage d'attendre quelques
jours encore, pOUI' se régler sur les mouvemepts du
prince d'Orange. On vouloit d'ailleurs que Sa Ma-
jesté attendit au moins que la nuit du 27 au 28 fUt
passée; mais le Lord Maire et les Aldermen pro-
mirent formeHement que la bourgeoisie seroit mise




RÉVOLUTION DE 1688,
sous les armes pour maintenir la tranquilité publique.
Deux hataillons du régiment des' gardes, quatre
autres bataillons et six escadrons devoient aussi
rester a Londres. Quant a la fIotte, mylord Dar-
mouth rec;ut l'ordre de chereher celle du prince d'O-
range et de l'attaquer. En6n, il fut résolu d'envoyer'
le prince de Galles a Portsmouth, ou le Roi 6t
passer de nouvellcs troupes avt'c un régiment IrJan-
dais. Mylord Dower eut la garde du jeune Prince
et le commandement de cette place importante.


A yant ainsi réglé ses mesures, le Roi témoigna
hautement sa résolution d'écarter toute proposition
d'accommodement; et le comte de l\1elford disoit
aussi que le pl'emier pas vers une négociatíon quel-
conque mtmeroit a une ruine compl(~te.


Les Prélats que Jaeques II avoit sollicités de signer
un acte d'ahhorrence pour démentir cette partie du
manifeste, ou le prince d'Orange se disoit appelé
par plusieurs Lords spirituels et temporels, s'étoient
contentés de faire un désaveu personnel, mais ver-
hal. Cependant ils lui avoient dit, que Sa Majesté
pouvoit s' en servir et le faire conlloltre, en attendant
qu'ils eussent concerté avec les autres Éveques une
déclaration uniforme et authentique, au nom de
l'Église anglicane. Soit qu'il n'eut pas encore été
possible de faire en huit jours une réunion générale
des Éveques du royaume, soit que J' Archevcque de
Cantorhery et les Prélats auxquels s\~toit adrcssé k




EN ANGLETERRE. 189
Roi voulussent éviter la guerre eivile et la guerre·
étrangere par un accommodement, ils se réunirent a
trois autres Éveques et a douze Pairs du royaume, le
duc de Grafton, neveu du Roi, le duc d'Ormond, le
comte de Dorset, le comte CIare, tes comtes de Ro-
chester et de Clarendon, beaux-freres du Roi, les
comtes d' A nglesey et de Burlington, le Vicomte de
Newport, les lords Paget, Chandois et Osulston,
pour présenter une pétition a Sa Majesté. L'Arche-
veque d'Yol'k, l'un des signataires, étoit précisément
cet Éveque d'Exeter qui avoit abandonné sa villc
épiscopale, quand le prince d'Orange s'y présenta.
Le Roi, que I'on soupc;;onnoit d'avoir laissé vacant
pendant long· temps le siége d'York pour le donnel'
au P. Pitel', venoit tout récemment d'en récompenser
la fidélité de l'Éve(Jue d'Exeter. Sa surprise fut ex-
treme quand il vit arriver, la veille de son départ,
a dix heures du soir, l'Archeveque de Calltorhery,
Primat du royaume, le nouvel Archeveque d'York,
I'Éveque d'Éli et I'Éveque de Rochester qui lui pré-
senterent la requete suivante :


« Nous ne pouvons considérer les tristes effets de
( cette guerre qui est pres d'éclater dans le centre
« meme de ce royaume, le danger manifeste auquel
« est exposée Votre Majesté, ni les murmures du
«( peuple qui se juge opprimé, fans nous ('roire oblig?s




RÉVOLtlTION DE 1688,
« de . vous dire ouvertement qu'a nolre avis il ne
« reste plus d'autre moyen visible de salul pour ce
(e royaume qu'un Parlement régulier, dan5 toutr5
« les formes qui cn garantissent la libl'rté.


« Nous prions done tres-humblement Votre Ma-
« jesté de vouloir convoquer un tel Parlement ~ ct
{( nous ferons tous nos efforts pour assuser l'État
« et I'Église, et pour calmer les esprits des peu pies
.( irrités.


{( Nous supplions aussi Votre Majesté, Sire, de
« prendre les mesures que .vous j ugerez les plus 'con-
« vena bIes pour empeeher l'effusion du sang de vos
« sujets, et nous prierons pour votre prospérité. »


La présentation de eette adresse avoit été l'objet
d'une nombreuse assemblée; mais un grand nombre
deSeigneurs,entre autres le duc dc Norfolk, le cOlllte
d'Oxford, le lllarquis d'Halifax et le eOlllte de Not-
tingham, ne la jugerent pas assez forte et refusercnt
de la signer. lIs vouloient y faire insércr que les
Pairs d'Angleterre qui se trouvoient déja aupres du
prinee d'Orange dcvoil'nt pouvoir librement Vl'llIr
siéger a leur place dans la Chambre Haute.


Le Roí répondit avee agitation :
« Ce que vous exigez de moi, Mylords, Je le


« souhaite passionnément. Je vous promcts, foi de
« Roi, que j' assemblcrai un Parklllent, et td (¡U e
« vous le dcmandez, aussit6t que le prince d'Orallge
« aura <¡uilté ce royaulllc. Comment scroit-i1 possible




EN ANGLETERRE.


« qu'un Parlement fUt libre, quand un el1l1emi est
« dans le royaume et qu'il peut y envoyer pres de
« cent voix? »


L' Ambassadeur de France ne fut pas informé de
cette présentation, car le lendemain 27 il écrivoit
a Louis XIV: « Le Roi part dans une heure .... 11 y
« a une requete pour demander le Parlement. Elle
e( est signée par l' Archeveque de Cantorbery, I'Éveque
« de Londres (qui ne la signa point), les eorotes de
e( Clarendon et Rochester, le due d'Ormond et quel-
« ques autres. Ils ne l'ont point encore présentée.»


Avant de recevoir cette adresse, mais le jour
meme, le Roi fit assembler tous les Offieiers-géné-
raux qui n'avoient point encore quitté Londres et
qui devoient l'accompagner. Apres avoir protesté
qu'il donneroit satisfaction au peuple sur les libertés,
les priviléges et la Religion britanniques : « A vez-
« vous)} leur dit-il, (( quelqu e chose de plus a me
«( demander? S'il en étoit parmi vous, » ajouta-t-il,
« qui me servissent a regret, j'accepterai leur dé-
« mission , je leur donnerai toute liberté d'aller OU
,( ils voudront. Je vous regarde touts eomme gens
ce d'honneur; aucun de vous ne siJivra l'exemple du
(e lord Cornbury , ou du moins je veux leur épargner
« la honte de la désertion. » Émus a ce discours, ils
promirent de défendre leur Souverain jusqu'a la
derniere goutte de leur sango Grafton et Churchill
furcllt les premiers et les plus vifs clan s leurs pro-




RÉVOLUTION m, 1668,
testations. Kerk, Trelawny et plusieurs autres les
imiterent. Cependant Grafton avoit déja signé l'a-
dresse que les Éveques devoient présenter le soir
meme. « Je l'ai signée,» dit-il au Roi, {( paree que
«( je l'ai cru nécessaire a vos intérets et a eeux du
(( pays. D'ailleurs, je vais accompagner Votre Ma-
«( jesté. Je me battrai pour Elle partout et contre
«( touts. lVlais,), ajouta-t-il, ((si, eomme on l'assure,
« Votre Majesté fait venir iei des Fran<{ais, Dieu me
(e damne si personne voudra vous servir. » Le duc de
Grafton, quí avoit espéré de commander la fioue,
avoit été jaloux et mécontent de la nomination du
lord Darmouth; et, quoique calonel des Gardes,
il étoit alIé en qualité de volontaire a Portsmouth,
pour combattre sous les ordres de son rival. Toutes
les c.ourses de la fIotte angloise ayant été inutiles,
Grafton étoit revenu aupres du Roí, non pas sans
etre soup~onné d'avoir voulu ébranler la fidélité
de l'armée navale.


Enfin, Jacques 11 réunit le Lord Maíre de Londres
et les Aldermen, renouvelant sa parole royale de
dQI1ner, s'il était vainqueur, toutes les suretés pos-
sibles pour la Religion et les libertés du pays. !lIcul'
dit en meme temps qu'ils devroient s'adresser, en cas
d'événements extraordinaires, a son Conseil, qll'il
laissoit composé du lord Chancelier, du lord Pres-
ton, seerétaire d'État, des lord s Bellassis, Arundcl
et Godolphill.




EN ANGLETERRl:. 193
« Les deux premiers ',» dit le Roi (en parlant


de Bellassis et d'Al'undel), « étoient Catholiques,
( et n'étoient pas tres-agréables au peuple. Le der-
<.( nier (Godolphill), qui avoit la plus grande in-
« fluence, n'étoit pas tres-fidele au Roi. L'intention
( de Sa Majesté étoit aussi d'envoyer le duc d'Ha-
({ milton en Écosse, pour examiner l'état des affaires
( et ponr lui amener des renforts, s'il étoit nécf's-
« saire. Mais Elle réfléchit que ce choix pourroit bien
( ne pas etre meilleur que la plupart des autres
« qn'Elle avoit faits. )) Le Roí auroit pu ajouter que
si les lord s Bellassis et Arundel n'étoient pas agréa-
bIes a la nation, le lord Chancelier Jefferyes lui étoit
en horreur.


, Mém. de Jacques II, tomo III, p. 324.


nI.




-"'_ .. _--_...-_--------,,'------


SOMMAIRE.


1688. - (SUITE).


Résolution d'envoyer le Prince de Galles en Angleterre.- Si-
tuation du Prinee d'Orange.-Situation de l'armée royale
et du Roi. - Retraite du Roi el de l'armée. - Négociation
avee le Princc d'Orange. - La Reine et le Prince de Galles
sont envoyés en Franee. - Départ seeret. du Roí.




RÉVOL. DE 1688, EN ANGLETERllE. .195


LIVRE XXV.


1688. - (SUITE).


CEPENDANT on avoit résolu d'envoyer la Reine et
le prince de Galles i\. Portsmouth; mais, le 26 au
soif', il fut décidé que la Reine resteroit a Londres.
Le Prince fut seul conduit a Windsor, de la a Win-
cester el a Portsmouth. Quant a la Reine, le Con-
seil a qui le Roi laissoit le so in des affaires devoit
la consulter; et il suffisoit de trois de ses membres
pour délibérer. C'étoit par le fait donner le Gouver-
nement au P. Piter, qui maintenant se tenoit dans
I'ombre. 11 avoit constamment détourné le Roi de
quitter Londres. On peut justement croire qu'il ne
fut pas étranger a la résolution qui fut prise de sé-
pal'er la Reine et le Prince. Tant que la Reine serait
a I.ondres, on y laisseroit assez de troupes pour la
préserver, elle et par conséquent le P. Piter, de
touts les périls du momento D'ailleurs le Roi pou-
voit toujours y revenir avee une· partie de I'ar-


13.




J96 R¡:;VOLlJTION Dt: J68~,
mec. Cependant Jaeques 11 s'affoiblissoit de tout ce
tju'il laissoit a la garde de la Heine a Londl'es, el de
son fils a Portsmouth. C'étoient (railleurs les régiments
les plus surs, les plus fidelt's. QlIi dira tout ce
que lelll' eourage pOllvoit empecher dans les plaines
tle Salisbury, OH produire, si Jaeques Il cut combattn
a Icm tt1te? Mais la Reine épcrdue jetoit déja les
yeux sur la Franee, et ne vouloit pas se séparcl' du
Roi. Enfill Jacqnes IJ partit de Londres le '27, et
I'Ambassadem' de Franee l'accompaglla, pour traitn
avee luj au nOIl1 de Louis XIV.


Ainsi velloient de s'employcr par Jacques Il ces
Ollze jours si précieux, déja écoulés depuis I'an'¡"ée
du prince d'Orange 11. Torbay. Jacques II marche
elltin a son enllemi. Jadis il sig'lIala son eourage a
coté de Turenne, et depuis contre les Tromp et les
Ruyter, dont il se montra le digne émllle. Va - t - il
imiter l'exemple qui lui·fut donné, un sit.~cle aupa-
ravant, par une femme? En 1588, cette femme étoit
aussi sur le trane d' Angleterre, que PhiJippe II
vouloit usurper. Rome ren avoit déclarée indigne,
et l'avoit donné a ce Philippe n qui, a l'empire des
Espagnes et des Ineles, aux. royaumes de Sieile el
de Naples, aux Provinces Belgiques et aux deux
Bourgognes, vouloit joindre l'empire des anciennes
Gaules et des Iles Britanniques. L'Angletel'l'e recc-
vra-t-elle pour SOllverain cet húmme que Hulle do-
minatioll nI' peu! rJssasier, qui a slIscitt', les fllrcurs




EN AI\'CU:TlmnE. J~)¡


de la Ligue en Francl', conduit 11:' poignard du falla"
líSIIIC sur le sein de Henri IU, et le prépare déja
contre le noble creur de Henri IV? Toute I'Allgle-
terre se leve 11 la voix d'Élisabeth quí s'écrie: Liberté!
É:lisabeth, sur un cheval belliqueux, se montre 11 ses
peuples comme a ses guerriers. Elle inspire tout a-
la-fois el le courage qui l'anime et l'enthousiasrne
de la liberté. Aussi I'invincible Armada de Phi-
lippe se dissipe COffirnc une vaine fumée, et ne rapo
porte a Philippe que I'humiliation de ses fureurs
Irol1lpées. lIélas! Jac<{ues 1I, dont le trone est IllC-
nacé COllllbe celui d'Élisabeth, foera vainel1lent en-
tendre COffirne elle ce cri salutaire de liberté! 011
lW eroit plus a ses promesses, et les peuplcs lisent
(Ipja, sur les étl'lldards de Guillaume, ces redoutables
lllots : Parlement libre! le maziztielldrai! Fel'OiL-
jI elltendre le cri si pllissant de la Religion menacée?
Mais ce n'est pas lui, c'est 'Guillauml' encore qui a
écrit sur _ses drapeaux : Pour la Religion Pr()teJ'~
tante! Et cependant il marche, et il marche accolll-
pagllP du moine ambitieux qui ¡'a perdu, qui le suit
lllystérieusement et en fugitif, parce qu'il n'ose plus
rester ;\ Londres. Le P. Pi ter e11fl11 accompagne a
I'armée son malheureux disciple (cal' 011 ne peut
plus dire son ROl), el c'esl avec cel homm.e, (lont
I'Institut est proscrit par les lois subsistantes, que
le Roi va exciter I'Angleterre protestante 11 14 di.-
feme de son tróne (llli s'pel'Oule~




198 RÉVOLUTION DE 1688,
A peine débarqué a Torbay, le prinee d'Orangc


s'étoit porté sur Exeter. Il y entra, paree que la
ville étoit sans défense. Mais ni le corps de vill(', ni
le clergé, ni le pcuple meme, ne se déclara pour
lui. Tout ce qui étoit riche, et attaché a quelque


. fonction de I'État 011 de l'Église, s'étoit retiré. L'ami
du feu lord Russel, Guillaume Courtney, chez qui
logea le Prince, paree qu'il comptoit sur lui, n'osa
pas meme se déclarer. Burnet, qui precha dans I'É-
glise Cathédrale, ne put y réunir auc:un Ecclésias-
tique; et les Presbytériens meme refuserent les clés
du lieu ou ils tenoient leur assemblée, a Fergusson
qui vouloit y precher. « J e prendrai donc,)) dit ce
Prédicant, ce le royaume des Cieux par violenee;»
et il ouvrit lui-meme la porte. Les historiens du
parti prétendent que les camrs étoient encore glacés
par le souvenir des seenes sanglantes qui avoient
sllivi l'expédition de Monmollth. Mais soit terreur,
ou prudence, ou fidélité des habitants, le prinee d'O-
range ne se vit environné que de ses offieiers et des
mécontents quí l'avoient accompagné. Il resta pres
de dix jours a Exeter, sans que personne du pays ni
des provinces voisines vlnt le joindre: inquiet de eette
froideur, répétant sans cesse qu'il étoit venu en
Angleterre uniquement parce qu'on l'y avoit appelé,
disant meme publiquement qu'il alloit repartir et
laisser aux Anglois eux - memes le soin de démeler
leurs affaires [lVCC le Roí, Ellfin ii voit arriver le




lllajol' BalTington, el plllsieurs Gentilshommes des
comtés de Dévon et de Sommerset, entre autres
Édouard Seymour, qui appartenoit au parti des To-
rys. « Je erois,» lui dit le Prinee, ce que vous eles
e( de la familJe du dllc de"Sommerset.» ee Non, Mon-
ee sieur, J) répliqlla fierement Seymour, (e e'est le duc
( de Sommerset qui est de la mienne. II Le Prinee
put juger, par cette réponse, a quels caracteres il
auroit a faire. Bientot apres parut le lord Abington,
l'un des plus rjches Seigneurs d'Angleterre, et Ir
lord Colchester, Lieutenant des Gal'des. Colchester,
fils de mylord Rivers, Catholique, avoit abjuré la
Religion de son pere. Quatre soldats aux gardt:>s de
sa compagnie seulement l'aecompagnerent dans sa
désertion. Le frere dll feu lord Russel, le lord War-
ton et quelques autres Seigneurs d'un nOll1 distingué,
arriverent aussi de différentes povinees, et l'exemple
une foís donné, l' ébranlement devint général.


Ces défeetions partielles firf'nt peu "d'impreS!lion
SUl' le Roj. Cepeudant il est une vérité que l'histojre
démontre dans les grandes cris.es politiques. Lors-
qu'une révolutíon se trollve, pour ainsi dire, aceom-
plie dan s touts les esprits iI n'est qu'un moyen d'en
éviter la consommation, et peut.etre illl' est qu'un mo-
ment pourpréveuir une défeetjo.u généraJe: e'estd'em-
pecher une premjel'e défeetion. Mais pour ceja jI
faut vouloir vaincre et ne pas douter de sa vietojre.
Dans ces périlleux instanls, il se Lrouve, dan s le




~OO RtVOLUTION DE 1688,
creur de touts les hOl11l1les, un sentilllent vif eL juslt.
(luí montre la force et la foihlesse, ou elles sout et
telles qu'elles sout, car les peuples comprennent sur-
tout que e'est la force qui protége ou (luí opprime.
Que ceux done (lui ont pour eux le droit et la j ustice
arretent, répriment, par l'exemple d'Ull généreux
courage, eet instinct natllrel de foiblesse ou de lil-
c.heté qlli n'attend que le premier exemple de la dé-
fection. Mais trop long-temps irrésolu, Jacques 11
montra précisément qu'il se défioÍt de luí - menlP
comme de son peuple. Cependant un peuple, pas
plus qu'un roche!' dont la base est ébranlée ou dé-
placée, ne peut rester immuable. Le premier mou-
vement donné, il cede, il se précipite. Tel est l'efret
d'one premiere défection, encouragée par I'hésita-
tion de ceux qui doÍvent Jonner I'exemple de la ma-
gnanimité. Telle fut ici I'histoire de Jacques n. Son
ennemi étoit resté dix jours dans une solitude ab-
solue; mais lui-meme étoit resté a Londres pour
pl'Otéger des Chapelles. Cependant le lord Abingtoll
donna le signal aux provinces, et Colchestel' a l'ar-
mée: Oll sut alors que la force n'étoit plus autoUI' du
trone. Bientot la Iloblesse aecou!'t en foule. Chacun,
dit un historien, prend le courage de son voisin pour
le sien; et si Colchester eommence par une déser-
tion clandestíne avec quatre de ses Gardes, le ne~
ven meme du Hoi (le lord Cornbury) ose bient6t
vouloir entralner lmil> régiments.




201


Cest clan s ecUe situation des dIOses que Jac·
(1 Llt'S II étoít partí de Londres le '27, II arriva le 29
a SalisbUl'Y. Mais si la cléfectioll de Cornbury avoit
jeté le désordre et la défianee dans l'a~mée, la re-
lIuete préscntée au Roi, le 26, pour un Parlement
libre, avoit donné le signal a toutes les provinees.
Touts les ordres de I'État et celui du peuple eom-
prirent qu'ils avoient un moyen légal de ne pas
nH~me prononeer le nom du prim~e d'Orange, et ce-
pendant de se déelarer ouvertelllent eontre le Roi.
Ceux qui avoient eonseilIé ce moyen, qui fut ae-
cueilli partout avee enthousiasme, hoient dirigés
par une rolitique profonde. La erise de I'État étoit
imminellte. Si Jacques 11 étoit vainqueur, la victoire
l'eut dégagé de ses promesses, comme apres la dé-
faite de Monmoutb. S'il étoit vaincu, le prinee el'O-
range affeeteroit-illes elroits ele la eonquete, comme
jadis Richemond, arres avoir vaincu Richard UI?
Si la lutte se prolongeoit, la guerre civile alIoit donc
dévorer I'Angleterre, en attendant que les lroupps
de Fl'ancp vinssent affermir Jacques n sur le tr6ne,
et renverser les libertés du royaume. Toute l'Angle-
Lerre saisit avec rapidité ces réflexions, et s'émut
pour demander un Parlemenl libre.


En arrivant 11 Salisbury, lé Roi n'y trouva pas
encore l'éunies toutes les troupes de l'arll1ée: il ICUl'
falloit encore deux jours. e' étoit un e[[el des ordres
el eontre-onlres qu'il leur avoit dOlll1és h> 25, de se




202 UÉVOLllTlON DE 1688,
replier sur la Tamise, et le 26, de retourner sur
leurs pas. Ces mouvements contrail'cs avoiellt causé
une grande confusion. Churchíll, Grafton, Kerke
et les autres officiers supérieurs portoient sur leur
visage un alr chagrin qni ne pouvoit éehapper aux
soldats. « S'ils ne sont pas capa bIes d'une trahison, »
écrÍvoit Barillorr, des le lendemain de l'arrivée Ju
Roí, « on voit pourtant bien qu'ils ne eombattront
« pas de hon creur, et toute l'armée le salt: cela lllet
« les affaires du Roi dans un grand péril.»


Les marches et contre-marches quí vcnoient de se
multiplier, rendoient impossihle l'exéeution des pre-
miel's plans du Roi. Il espél'oit d'abord porter sa
cavalerie et ses dragons sur Axminster, Chal'J et
Lamport, afin d'empecher le prinee d'Orange de
s' étendre vers Eristol et la Savern. La diffieulté
des chemins, le tem ps qui s' étoit perdu, le pen de
eonfiance qu'il prit dans son armée, ue le per-
mlrent pas. D'ailleurs l'ennemi se portoít lui-meme
sur Axminster et sur Sherborne, d'oil il pouvoit
également s'avaneer sur Bristol ou sur Londres.
Daus eette perplexité, le Roí tiut un Conseil de
guerreo


Le lord Dumbarton, qni commandoit troi5 mille
Éeossois, se proposa ponr aller attaquel' avec eux
les enuemis. Graham, qui depuis se rendit immortel
en Écosse, sous le nom de vieolllle de Dundpc,
conseílla au Roí ou de iivr;.>l' bataille, ou d'allcr de




EN ANGLJ!:TElU\E. ~o3
sa personne tlemanuer au prillce cl'Orange ce qu'il
vcnoit faire en Angleterre. Churchill appuya vive-
ment l'avis génércux uu lord Dumbarton : soit qu'il
crut plus digne de son courage naturel de cléeider
sur le champ de bataille la grande question de I'An-
glcterre, que de donner ou de suivre l'exemple d'une
défection toujours honteuse, quel qu' en puisse ctre
le motif; soit qu'il voulut clissiper réellement les
ombrages du Hoi; soit l{u'enfin, d'apres cette ma-
xi me : Celui qui délibere est déja résolu, il devi-
nih les intentions clu Hoi pour la retraite, et qu'il
espérat justifier sa défeetion proehaine par ce refus
d'un parti vif et Meisif. Quoi qu'il en soit, le due de
Grafton fut du meme avis que mylord Churehill;
mais Feversham et le eomte de Roie firent prévaloir
l'avis de la relraíte.


Comme les historiens sont peu d'aeeord entre eux
sur la marche des évéllements qui vont maintenant
se succéder si rapidement, el que le:; mémuire:;
meme du Roí se ressententde la eonfllsÍon de ses·
sOllvenirs, on ne peut mieux faire ¡eí que de fixer
l'ordre des faits par l'ordre des dates authentiques.
Ainsi Barillon anllon~oit de Salisbury, le 3 dé-
cembre, a Louís XIV, que Jacques JI avoit pris la
résolutíon de se retirer et de rapproeher ses troupes
de Londres, comme il en al'oit eu l'intention d' a-
bordo Sa lettre se termine en ces termes: « Le Roí
« ro'a dit, ce matin, que je voyois quelle résolution




'.Hl!~ nÉVOI.l:TIOX DE 16Rf{,
" il se yoyoít oblig(. de prendrt'; (lile sa plus gnllldc
'( raison étoit de consel'ver ses tl'oupes, et de ma ín-
« tenil' Londres daos le devoir; qu'il esp(.roit faire
« ¡'un et l'autre eH se rapprochallt tle la vílle (le
"Londres. Ce Pl'ince s'attend toujours <¡Lit' Votre
f( Majesté lui donnera les secours qu'il attend. CCllX
« d'argent sont les plus utilcs présentement. II es-
"pen~ pourtant encore que les secours d'homll1es
" pourront etre envoyés, et croit <Iue Votrl' Majest{·
t( fera de gl'<lllds efforts pour ne pas laisscr M. le
{( IH'ince d'Omnge devenir maltl'e absolu de l' Angle-
« terreo »


Cette lettre annonce bien formellement, non pas
~clllement la retraite sur Loodl'es, mais encorc le
projet antérieur de eette retraite, avant qu'elle ne
fút décidée en COllseil de guerreo Cependant le Roí,
dans ses Mémoires, reproche amerement au Im'd
ChUl'chill de s't~tre opposé formellement « a l'avis (le
',concentrer l'arméc du coté d'Alldovel', ponr le-
(, quel, )) dit-i1, « mylonl Feversham, le eomte de
« Roye et mylord Dumbarton avoient opiné.»


Le lendemaín, 4 déccmbre, la retraite fut or<1oll-
lH~e précipitamment, et le Roi se rendit a Andover,
c\'Oll I'Ambassadeur de Franee écrivit le soil' a
Louis XIV. Mais la veillc, le Roi et Barillon igno-
roient encore ce qui venoit d'arriver. « La rctraite de
" l'armée,)} dit Barillon, « a été avaneée d'Ull jou!',
"d'üpl'es ce (luí s'est pass(' hiel' a Warminster.»




EN" .\ '\'CLETEHRE.


Le Boí tlit, dans ses l\'l{-ll1oires 1, que, dans la
llH~lIW uuit quí suí vil la dpcisioll clu Conseil de
guerl'e, ({ le duc (le Grafton el mylord Churchill,
« qui paroissoient fort troublps de la résolution prisc
« ( de se concentrer a Andover ), déserterent a11
« Prince. Il est probable, l) ajoute-t-il, « que ce lord,
« ayant échoné clans son projet de s'emparer de Lt
« pe¡'sonne du Roi, et voyant. que Sa Majesté ne
« vouloit pas rester dans un lien ou l'occasioll auroil
« pu s'en présenter de llouveau, profita de l'avan-
« tage que luí procuroit la proximité de l'cnnemi,
« et passa de son coté. »


La conjecture duRoi est plus que hasardée contre
ChurchiJl, qui abandonna effectivement l'armée avec
le tIue de Grafton, non pas dans la nuil qui sui-
vit la décision du Conscíl dé guerre, maís clans
la Huit qui précéda la retraite. Churchill laissa
une lettre pour Jacques 1I, non moins inquiétante
par la substallce des choses, que respectueuse dalls
les expressions. En cherchant a justifier sa défec-
tíon, iI prolllct tOlt avec chaleur de ne pas manquer-
a ce qu'il devoit au Roi. « Pourrois.je, )) disoit-il,
({ espél'er d'auclUl autre GOllvernement des faveurs
« aussi grandes que ceHes dont j'étois comblé par
(( Votre Majesté?)) En couvrallt ainsi l'ingratitllde
envel'S son Roi par les 1110tifs spécieux de ses dc-


I Tunl. 111, p. :)27.




voirs envers la patrie, Churehill parloit d'un autre
GOllvernement. Celui de JacquesIl alloit done finir?
Triste sujet de réflexions pour le malheureux Prinee !
Le duc de Grafton avoit déserté avee Churchill.


Le major-général Kerke avoit le eommandemcnt
des troupes qUÍ oecupoient WarmÍnster, poste le
plus avancé de l'armée royale. Ayant appris qu'une
partie de l'armée du Pl·inee d'Orange s'étoit portée
a Burton, il Y envoya un détachement qui battit et
poursuivit l'ennemi. En de tellcs eonjonetures, e'é-
toit une bataille gagnée que d'avoir fait le eoup de
feu. Mais l'adversité, qui poursuivoit Jaeques J[
jusque dans les moindtes détails de sa vie, se mani-
festa précisément dans ectte oeeasion. Il avoit résolu
de se porLer de sa personne a Warminster, et d'en-
eourager les troupes par sa présence. Un saigne-
ment de nez, qui devint une hémorragie continuelle,
emp~cha ce projet salutaire; et la résolution déja
prise, de Se retirer S\ll· Londres, acheva d' enlever
le peu de confiance et de uonne volonté qui pou-
voit encore animer le soldat. Quant aux officiers
suphieurs, ils prirent leur partí, si déja ils n'étoient
pas réellement décidés a se réunir au prince d'O-
range. Ceux qui, 11 l'arrívée du Roí, s'étoient le
plus fortement prononcés contre la désertion du
lord Cornbury, s'adresserent au comte de Fevers-
ham, commandant-gén~ral de l'armée. Jls lui (lírcnt
qu'en toute autre oceasioll que celle-la ils seroicnt




EN ANGLETlmRJ.:.


disposés a répandrc jusqu'a la del'lliere goutte de
leur sang pour le service de Sa Majesté; mais il
leur étoit impossible de tirer l'épée contre un Prince
qui ne demandoit qu'un Parlement libre, la sureté
de la Religion, et le maintien des libertés publiques.
Ainsi, dans la nuít du 3 décembre, on vint ap-
prenrlre au Roi que, clans le quartíer avancé de
Wartmínster, le colonel Barkley, premier écuyer de
la princesse Anne, avolt fait monter a cheval son
régiment de dragons, et lui avoit proposé de passer
au prince d'Orange; que la plupart des dragons
avoient refusé, mais que le colon el avoit emmené
ceux qui I'avoient voulu suivre. On ajoutoit que les
grenadiers a cheval de la compagnie des Gardes,
de Chm'chill, 6toient aussi montés a cheval dans le
meme dessein; que le major-général Kerke s'étoit,
il est vrai, mis a leur poursuite; dans la resolution
de les charger; enfin que Churchill etGrafton
avoient passé a }'ennemi.


CeUe terrible nouvelle porta le plus grand. trouble
dans l'ame du Roí. JI ne donta pas un moment que
le major-général Kerke, sous le prétexte de pour-
suivre les troupes illfideles, n' eut passé lui-meme
au prince d'Orange avec les régimentó que les autres
officiers n'avoient pas emmenés. 11 est certain ce-
pendant que les soldats restoient fideles; mais le
Roí s'imagina que le complot avoit été formé par
Churchill, Grafton, Kerke et Trelawny, de s'empa-




208 RJtVOLtTTION DE 1 t)88,
ret' de 5a propre pet'sonne, s'il eLIt visité le quarticr
d' Axminster. Il crut que, par une faveur spéciale
de la Providenee, il ne devoit su liberté qu'all sai-
gllement de nez qui l'avoit retenu a Sulisbury.


La frayeur augmenta naturellement la confusion
et les sinistres pressentiments. Le Roi nomma SU1'-
le-champ coIonel des Gardes le 101'd Leichfield j a
la place de Grafton, et le fit recevoir a la tete du
premier bataillon. Il harangua les officiers et les sol-
dats, qui le saluerent de leurs acclamations et jurerent
de res ter fideles. Il ordonna ensuite au lord Dum-
harton; qui commandoit les Ecossois, de poursuivre
et d'arreter le major-général Kerke. Enfin la retraitf'
sur Londres fut ordonnée pour le lendemain. 1"1"-
vel'sham devoit conduire l'armée sur la rive droitc
de la Tamise; par la 011 protégeoit tout a la fois
Londres et Portsmouth, Le Roi partit le 4 de Salis-
bury, coucha le soir a Andover., le lendemain a Al·
terot. et le 6 a Londres.


L'Ambassadf'ur de France écrivit le 4 d'Andover
a I .. ouis XIV: ce On ne sait point encore pl't'cisé-
«( menl ce qui s'est passé a fFarminslel'. Si Kerke
.( a emmf'né les troupes sous ses ordres, c"est ul1e
« défection irréparable. » Mais s'il ne les a pas em·
menées! la défection du Roí lui - memc, dans sa
propre cause, n' étoit-elle pas encore plus irréparable?
En effet, Jacques 1I apprit a Alterot, le 5 décembre,
que Barklay n'avoit 1m se fairf' ~Ilivre par aUCtlll de




·51'S dragons. Son lieutenant et deux autres officiers
avoient été les seuls compagnons de sa désertion. Le
bruit eourut encore, ce meme jour, que le Major-gé-
néral Kerke étoit alié trouver le prince d'Orange, et
queTrelawny, colonel du Régiment de la Reine, avoit
pris le meme parti; mais que pas un seul de leurs
soldats ne les avoit suivis. lis n'avoÍent emmené que
des officiers. Ce fut a cette occasion, et seulement
a Alterot, que le Roi dit au Ministre de FraIlce qu'il
eut infailliblement été arre té a Warminster, si son
saignement ne l'eut empeché a propos d'aller visiter
ce quartier. Cependant ces conjectu~es étoient fausses.
IJes ~gimeIlts étoient restés fideles; Kerke n'étoit
point passé a l'ennemi; et le lord Dumbarton eut
tout le loisir nécessaÍl'e pour l'arreter, suivant l'ordre
qu'il en avoit re~u. (( Kerke, » dit Barillon, « avoue
« qu'il est assez malheureux pour· a voir des amis qui
« ont manqué a leur devoir, mais qu'il est foit éloigné
« de faire une méchante action.))


Le 5, au moment de partir d'Andover, Jacques JI
apprit que le prince de Danemark el le duc d'Or-
mond (fils' du Vice-Roí) étoient partís secretement a
minuit pour aller se réunir au prince d'Orange. lis
avoíent l'un et l'~utre soupé avl:'c le ROÍ, qui nc
connut leur départ qu'a huit heures du matin. Le
prince de Danemark étoit un honinie presque nul
d'esprit et de caractere. Def1bis quelques jours, il se
laisoit remarquer par une exclamation presque ha-


ll!. 14




210 llÉVOLUTION DJ-: r 688,
bituelle : Est-il possible! s'éerioit-il, quand il appre-
noit que le Roí étoit abandonné de quelque per-
sonnage quí avoít re!;u des faveurs et des bienfaits
de Sa Majesté. A la nouvelle de son départ, Jaeques Il
se contenta de dire : Est·il possible est done part]
aussi ~ Outre le jeune duc d'Ormond, qui venoít
d'etre tOllt récemment décoré de l'ordre de la Jar-
retiere, le lord Drumlanring, fils alné du due de
Queensbury, et le chevalier Boyle, fils du comte de
Bourlington, un cornettc et vingt-trois cavaliers du
régiment de Fenik passerent 11 l'ennemi ce ,1our-la.


Maís une nouvelle plus triste pour le crenr du Roí
l'attendoit le lendemain. Sur le chemin de Staines a
Londres, iI apprit que sa filie, sa propre filIe, eelle
qu'il aimoit de prédilection et sur qui naguere eu-
core iI se complaisoit a por ter ses plus chel'es espé-
rances pour la Religion catholíque et pour l uí-meme,
venoít de quitter Londres, sans doute aussi pour
alIer rejoindre le prince d'Orange. « Mes enfants,
« mes propres enfant:;, » s'écria le malheureux pere,
« m' ont abandonné! Oh 1 si mes ennemis seuls, »)
dil- il encare comme jadis le Roí Prophete, «( m'a-
«voient maudit, j'aurais pu le supparter! »


Il arrive a Londres, aecablé de toutes les fatigues
elu corps el de l'esprit, que venoit el'aggraver ce der-
nier coup porté a sa tendresse. Mais ce n'étoít pas
tout encare. A son arritée a J~ondres, il trouva le
peuple dam- une grande émotion. « Quan:d OIl sut,»




EN ANGLETERRJ<:. 21 [


dit Bal'illou, « que la prmcesse de Danemal'k ne se
( trouvoit point dans son appartcl11cnt, on commen-
«( \oit a dire, dan s Londr('s, que la Reine l'avoit fait
« tuer; et il s'assernbla du pel1ple autour de son 10-
«( gemenL pour la Jemander. Mais la foree de la vériti>
«( prévalut. Cela t'st arrivé par la faute ou par la
«( négligence de mylord Preston; cal' les ordres de
«( mettre des gardes chez la Princesse étoient arrivés
( a tcmps ..... ») Les Mémoires du Roi 1 disent que la
nourrice de lit Princesse et mylady Clarendon cou-
roient dans les ru('s comme des femmes hors de sens,
et qu'elles ne cessoient de crier : « Les Papistes I'ont
«( assassinée! » Heureusement on . sut bicntot quelle
étoit sa retraite. En appl'enant la défection du prince
de Danemark, elle avoit dit qu'elle se jetteroit plutat
par la fenetre que de l'aller joindre. Mais la femme
de Churchill en prévint l'Éveque de Londres, qui se
tenoit caché. Alors ce Prélat et mylady Churchill
la déterminent, et l' entraluent par un escalier dérobé
chez la comtesse de Dorset. De la elle se rendit, non
pas 3Jlpres de son beau-frere, le prince d'Orange,
mais a N orthamptoll, ou plusieurs Seigneurs allerent
la joindre; et bientot il se forma uutour d'elle comme
une petite armée .de volontaires, dont l'Évcque de
Londres prit le commandement, marchant a cheval,
l'épée nue a la main, devant la Princesse.


, Tom. III, p. 331.




~12 RÉVOLUTION DE 1688,
L' Ambassadeur de France avoit suivi I~ Roi ; et,


dans ces dix jours, il fut peu question entre lui et
Sa Majesté des offres de la France. Tont se bOl'lloit,
de la part de ce Prince, a des pamles vagues sur les
secours qu'il espéroit trouver, en temps et lieu, clans
l'amitié de Louis XIV et dans les intérets hien cn-
tendus de la politique franc;:oise. Louis XIV avoit
renouvelé ses instructions et ses instances. Le 25
novembre il avoit envoyé pour 150,000 liv. de lettres
de change. Le 29, comme on l'a déja vu, il avoif
proposé d'envoyer un Maréchal de France en Angle-
terre, et indiqué les moyéns de faire un traité d'al-
liance offensive et défensive. Le 2 décembre il g'ex-
pliquoit en ces termes:


« le ne m'étonne pas que, dans l'état incertain OU
« sont a présent les affait'es de eette Coul'Onne, le
« Roi d' Angleterre ne veuille pas faire un traité par
« écrit avec ruoi, puisqu'il ne sait pas lui-meme s'il
« sera long-temps en état d'exécuter ce qu'il aura
« promis. Mais apres que vous m'aurez donné les
« éclaircissements que je vous ai demandés par ma
« derniere dépeche, je prendrai les mesures que je
« croirai les plus justes et les plus convenables pour
« le secourir utilement ..... Je ne différerai pas aussi
« de donner les ordres pour faire armer dix ou douze
« de mes vaisseaux, et les joindre aux siens, aussitOt
« qu'on aura fait voir une sureté pour cette jonction.
{( En un mot, pOlll'VU que les mesures soient hien




EN Ai'iGLETUI.lU:.


« prises, illlle lrouvera toujours disposé a lui donner
« toute l'assistance qu'il pourra raisollnablemellt dé-
« sirer ..... La conduite qu'ont tenue jusqu'a présent
«( les pays voisins d'Exeter, le peu de mouvement
« <lu'out faiL aussi toutes les autres provinces du
« Royaume en faveu!" du prin<~e d'Orauge, doit faire
« voir a la Cour Olt vous etes que, si ce Prince Ptlt
« été vivcment poussé par les troupes du Roí d'An-
« gleterre, il auroit bien pu etre réduit a la nécessité
"de se rembarquer ..... »


Eníin Louis XIV écrivoit encore, le ti décembl'e,
ces réflexions pleines de sagesse, mais déja inutiles:
« Le Roi d'Allglcterrc a d'autant plus de raison d'é-
(,loigner toute llégociation, qu'il n'yen a point qui
« lIe lui soit pernicieusc, apres la déclaration que le
« prince d'Orange a faite sur le sujet de la naissauce
« du prince de Galles; et d'ailleurs il ne doit pas
« compter sur la honne foi des propositions d'un
« Prince qui renverse toutes les lois divines et hn-
({ maines pour lui venir oter la Couronn.e. Je suis
« surpris d'appl'enelre que le Roi el' Angleterre laissc
«un si grand corps de troupes a Londres, dans le
(( temps qu'il marche contre le prinee d'Orange. Il
« pourroit en avoir un besoín plus pressant, contrc
(( un ennemí si dangereux, que daos une ville qu'il
« ne peut conserver que par la fidélité des habítants
« et pal" le bon sueces qu'il aura contre ledit Príncc.))


Barillon ue l"e<¿lIt les lettl'es de Louís XIV, qui




RÉVOLUTION DE 1688,
précedent ceBes du 6 décembre, que sur le "chemin
d'Alterot a Londl'es. Il représente les Ministres en
qui Jacques II aplacé sa confiance comme hors
d'état de traiter et de négocier dan s les regles ordi-
naires; « songeant bien plutot, )) dit-il, « a reculer
« leur perte qu'a l'empikher. lis prétendent pourtant,))
continue-t-il, « l'empecher en la reculant. Quoique
« j'aie toujours été aupres de la personne du Roí
(r d'Angleterrc, san s le quitter de vue, et que j'aie
« passé touts les jours et la plupart des miits avec
« ceux en qui il se fie, depuis qu'il est parti de Lon-
« dres, je n'ai pu encore rien savoir au vrai de I'état
<C de I'armée du prince d'Ürange et de ce qu'il fait.
« Je ne sais point encore ({ue personne ait été envoyé
« dans son camp. et soit venu en rendre compte.
« Cela paroltra incroyable it Votre Majesté, mais
el ríen n' est plus véritahle; et Votre Majesté jugera
( de la cambien il est difficile que le Roi d' Angleterre
« prenne les résolutions qui lui seroientutiles, n'ayant
« aucune connoissance de ce que fait son ennemi.
(e Nous n'en étions pas miéux informés a Salisbllry.
« Ce n'est pas manque de le dire au Roi d'Angleterre
« et a ses Ministres; mais ils ont peine a ríen faire
« promptement de ce (Iui lem est proposé. ») Apres
beaucoup d'autres détails sur les irn~s()lutíons per-
pétuelles du Roi, sur ses ordres et ses contre-ordres,
sur l'inexpérience absolue de tOllts ses officiers géné-
raux, sur sa propre an!ellr, qui le porte a SP COl1SU-




EN ANGUlTEIH\E.


lIler daus une intinité de détails inutiles ou qu'il
devroit laisser a des subalternes, il démolltre qu'il
ll'est pas possible de travailler régulierement a un
traité salutaire, sinon pour le préscnt, au moins
pour l'avenir. Toutps les eonférencC's de Barilloll,
avec le Roi ou ses Ministres de eonfiance, ne se ter-
minent qu'en disant: « Il fant que le Roí votre maitre
l( nous sauve, OH nous sommes perdus! Il a intéret
« d'empecher que le prinee d'Orange ne soit le maltre
« en Angleterrc. )) S'il leur parle des vaisseaux auxi-
¡iaires et des moyens nécessaires pour leur jonction
avec la fIotte angloise, la réponse, dit Barillon, est
ilu'il taut armer, et qu'on trouvera' bien le moyen
Ll'opérer la jonction. (J'ai proposé, » ajoute-t-il, (l un
l( traité de ligue offpnsive et défellsive; la réponse a
« été qn'ull traité de eette nature mettroit la PPt'-
{( sonne du Roi en péril, et qu'il n'est pas en état de
« signer un traité. ») Le Roi disoit aussi que l'envoi
d'un Maréchal de l,'rance lni feroit perdre le peu de
gens qui luí restoieut fideles. « Aussi,» concluoit
Harillon, « il taut que Votre Majesté le sauve, sans
l( liu'íl y conlribue lui~meme que par des prieres ver-
«( bales. )


Avant d'arriver a Londres, Jacques 1I avoit ap-
pris les nouvelles de ce qui se passoit clans l'inté-
I'ieur. Le Lord de la Mere avoit pris les armes clans
la province de Chester, et proclamé les déclarations
dll prince el'( )raJlge; de la il étoit entré clans le




ILÉVOLUTJOl\ DE .688,
eomté de Derby, OU le eomte de Devonshire, avee
plusieurs autres Lords, provoqnoient des pétitions
pour un Parlement libre. La noblesse de N ottingham
s'étoit réunie dans le merne desspin, et le eomte de
Danby avoit déja soulevé toute la province d'York,
ou primitivement le prince d'Orange devoit deseen-
dre. Cependant plnsieurs gentilshommes de eette
derniere provinee avoient pris les armes pour le
Roi; et dan s celle de Lancastre, le lord Molineux,
Catholique, avoit armé les Catholiques, pour faciliter
l'arrivée des secours qui ponvoient etre envoyés d'Ir-
lande. Quant a la flotte, le lord Darmouth, qui avoit
re~u l'ordre d'aller attaquer les vaisseaux du prince
d'Orange, s'étoit vu contrarié par les vents. Poussé
an-deJa de Torbay, il étoit retourné a Portsmouth,
0t n'avoit fait qu'une eourse inutile. On ne pent pas
savoir précisément si l'armée navale se seroit battue
contre les Hollandois. Cependant, Darmouth écrivit
qu'il auroit brillé la plus grande partie de lenr flotte,
si les vents ne lui enssent été contraires. A ceUe occa-
sion, le doctenr Burnet assure, dans ses Mémoires,
que les Anglois se seroient battus, et que le partí
du prince d'Orange s'étoit trompé sur It>urs díspo-
sitions véritables.


De plus en plus consterné, irrésolu et poussé in-
cessamment 11 des mesures timides, sans but comme
sans résultat, et ne voyant plus d'espérance pour sa
eonservation personnelle, que dans les moyens el' é-




J.:N ANGLJ:o:TERRE.


luder une action déeisive, Jacques II appelle autour
de lui eeux des Lords qui avoient le plu& d'attaehe-
ment a la Religion anglieane. Leur avis fut que Sa
Majesté assembl<1t les Lords spirituels et temporels
qui se tl'Ouvoient a Londres, et que, réunís au Con-
seíl privé, on délibériit sur la erise présente. Mais
dix jours auparavant, ces Lords et les Éveques avoient
demandé la eonvoeation du Parlement, que Jaeques II
avolt refusée. L'aceordera - t-il, maintenant que la
nécessité ne luí laisse plus de liberté, puísqu'íl n'ose
ou ne peut employer la seule force qui luí reste,
ceHe des armes?


Mais Jaeques II n'écoutoit alors que les eonseils
de ses affidé5, et ne songeoit plus qu'a mettre sa per-
sonne en sureté. Tout ce qu'il va faire n'aura plus
d'autre but que ce dessein. Les Lords, et les Éveques,
et le Conseil privé, sont d'avis de eonvoquer le Par-
lemt'nt; ils insistent sur le renvoi immédiat de touts
les Catholiques, avee un pardon général, pour
rendre le Parlement libre; la eonvocation du Par-
lement est pl'Oclamée pour le 2.5 janvier; l'am-
nistie est publiée pour touts eeux qui se 50nt réunis
au prinee d'Orange; Skelton, qui avoit été mis a la
Tour, pOUl' la fameuse déclaration du eomte Da-
vaux, est nommé Gouverneur de eette forteresse,
afin de rassurer le peuple a qui I'on faisoit cr~ire
que le Gouverneur aetuel, qui étoit Catholique, se
préparoit 1\ bombarcler la ville; enfin, il est résolu




ntvoLUTJON DE J688,
(Iue trois députés seront envoyés au prince d'Orange,
de la part des seigneurs qui ont conseillé et obtellu
la convocation du Parlement, et ils seront chargés
secretement par le Roi de déterminer le Prinee a
suspendre sa marche. c( Le Roi,» dit Barillon,
« me parla hier soir (8 décembre), et me dit qu'il
« ne voyoit plus de remede pour lui que de convo-
«( quer un Parlement; que cela pouvoit lui donner
« quelque temps, pour prendre ses mesures et se ga-
«( rantir d'une ruine entiere .... Ses plus affectionnés
( serviteurs lui conseillent de mettre sa personne en
I( sureté, paree que s'il differe, cela ne sera plus en
« son pouvoir ... Il m'a répété qu'il ne se laissel'a allpr
I( a rien qui soit contraire aux intérets de Votre
( l\fajt'sté. »


Cependant la flotte étoit rentréf' a Portsmouth.
Lorsque le duc de Berwick eut quitté ce port pOUl'
aIler a Salisbury, allX prem¡eres nouvelles de la dé-
tection de Cornbury, mylord Dower avoit été en-
voyé a sa place, avec de nouvclles troupes et des
lllstructions secretes sur la destination du prill(~e de
Galles. 1\lylord et myladi Powes avoient été chargés
avec lui du précieux dépot de ce royal f'ufant. Aussi-
lot que le Roí, dans sa retraite précipitée de Sa-
lisbnry, fut arrivé J le 4 décembre, a Antlover, son
premier soin fut d'envoyer a mylord Dower l'ordre
de tout préparer pour conduire le pl'ince de Calles
l~ll France, et d'attendre 1"5 derni(:rcs rósollltions.




J<:N ANGL:ETERHJ<:.


Le lord Darmouh mit en conséqucnce un valsseau
a sa disposition. Quatre jours apres son retour 11
Londres, Jacques II leur envoya l'ordre de partir
~ avec le prince de Galles, et s' occupa des moyens
de faire aussi partir la Reine qui étoit a Londres.
Aussi des le JI décembre, deux yachts étoient pré-
paré s sur la Tamise. « On presse également le Roi
« de se retirer,» disoit Barillon ce jour-Ia, « mais il a
« une grande répugnallce a sortir d'Angleterre avant
c( d'avoir tiré l'épée, quelque inégal que puisse etre
« le combato » Ces démonstratiol1s belliqueuses n'é-
toient que simulées, si l'on en juge par la leUre
meme ou elles sont exprimées. « Le ROÍ,») con-
tinue Barillon, « n'a consenti 11 envoyer des députés
(e que pour se donncr le temps de pourvoir a la
(¡ s ureté de sa femme et de son 6Is .... Quand ils se-
« ront en sureté, il prendra le partí de se retirer
« ou en Irlande, ou en Écosse; maiE' s'il ne> ,le peut
« faire sans ruiner davantage ses affaires, il deman-
« <lera une retraite en France.») D'autres petites
précautions, dont la suite des événements découvrit
le secret motif, prouvent encore que Jacques II
n'avoit plus qu'une seulc pensée, qui étoit sa re-
traite. Le P. Piter venoit de quitter Withehall pour
s'évader en France, et le. Roí donna son apparte-
ment au Chancrlier. e( Son intcntion en cela, » dit
Barillon ( [1 décembre), « est d'avoir aupres de
«( lui le Grand Sccau, pou!' l'el11porter au besoin,




aiVOLUTION DE J6HH,
« Par les loís d'Angleterre on He peut ríen faire sans
« le Grand Sceau; et avec le Granu Seeau, le Roí
" peut ernpeeher beaueoup de ehoses que ses enne-
e( mis voudroient faire. On eroit par ee moyen jeter
« du trouble et de la division dans le Gouvernernent
ti qu'il faudra établir. »


Quelque intéret qu'inspirent les infortunes au~
gustes, le ereur se resserre quand on découvre ces
raffinernents de pusillanirnité, dans des ames a qui
la Providence a imposé le devoir de protéger les
peuples par la justíce, ou de les sauver par le cou-
rage. Mais le secret des révolutions n'est pas autre
ehose que le seeret dc la foiblesse présom ptueuse ,
ou de l'injustíee inhabíle des Prinees. Le Roí, en
effet, ne s'oecupoit plus des affaires que dan s la
seu le intention de gagner dn temps, pour exécuter
ses projets personneIs, quí n'avoíent plus ríen de
comrnun avec les ¡ntérets de I'Angleterre .. Les dé-
putés étoient partis le 12.; c'étoient les lord s Halifax,
Nottingham et Godolphin. Celuí-ci avoít le secret des
propositions du Roí; mais Jaeques II ne pensoit pas
que le prinee d'Orange suspendit sa marche, ct nI'
s'oecupoit que uu prochaín départ de la Reine. Le
eomte de Lauzun, si connu en France par ses arnours
et par son mariage secret avec Mademoiselle, étoit
chargé de la conduire. Un offieier de la Marine fran-
(oise, le ehevalier de Pointis, devoit faciliter l'em-
barquemenl et procurer dEl6 JIlalelots fraJl(,'ois,




EN A NGLln'EHHl':. :>.? I


Maie. une réflexion, tres-grave :l la vérité, faisoit
encore suspendre l'ordre du départ, et tenoít le


'malheUl't'ux Roí dans une violente et interminable
perplexité: c'est que la retraite en France de la
Reine et du prince de .Galles, au moment meme ou
l'on cnvoyoit des négociateurs au prince d'Orange,
alloit rendre ou les négociations impossiblt's, ou les
condiLions plus dures. Consultant sans cesse, el
recvallt les avis les plus contraires, voulant tout a-
la-foís conserver quelque dignité extérieure et mé-
ditant lui-meme sa fuite prochaine, il consumoit
tont le temps, ce temps si rapide, en délihérations
toujours stériles, tonjours sans décision. c( Les avis
« de ceux qu'il consulte,) disoit Barillon ( 13 dé-
cembre), « sont partagés. Les uns croient qu'il doit
« demeurer. S'il se résout a contenter les Anglois sur
(( la su reté de leurs 10Ís et de la Religion protes-
«( tante , il en est beaucoup qui se déclareront pOUt'
«( lui, pt qui ne souffriront pas que l'on fasse vio-
«( lence a sa per~onne. Il faut que ce soit un Parle-
( lIlent qui regle les affaires d'Angleterre et qui donne
«( une forme au Gouvernement.» Tel étoit l'avis des
lords Bellassis ( Catholique modéré), Halifax, Go-
dolphin et des Secrétaires d:État, Preston et Mij-
deIton. Mais le lord Melford et les autres Catho-
liques soutenoient une opinion toute opposée. « En
«( seretirant,» disoient-ils, (de Roi conserve son droit
(( pt ses espérances. JI est quelqlwfois de la prudence




222 RÉVOLUTION DE 1688,
ee de céder al! temps. Plusieurs Rois d'Angleterre Sl)
(1 sont retirés, qui ensuite sont rentrés dans lellrs
« États et ont régné paisiblement. Les Anglois 1'1'-
I( viendront de lem em portement. 11 sera trop diffi-
(( cile au prince d'Orangc d'établi1' un Gouvernement
(( au gré de touts et de satisfaire a l'ambilion de ('eux
(( qui l'auront servi. Cependant, les Princes Catho-
( liques feront la paix, et le Roí de F1'ance assis-
(( tera puissamment alors un Prince chassé de son
(( royaume sous un faux prétexte de Religion. »


Soit que le comte de Melford connilt la secrete
inclination du Roi, soit qu'il désespérilt tle la for-
tune de son Princc, iI n'aUendit pas l'effet de ses
conseils; il se retira immédiatement en France, em-
portant avec lui un acte de pardon, mUlli du Grand
Sccau d'Angletel're. Ce fut lui qui peu de temps
apres se retrouva ministre a la Cour fugitive de
Saint-Germain.


Le départ de la Reine étoit fixé pour la nuit du
14 au 15 décembre. Toutcs les d,ispositions étoient
faítes. Un ordre de tout suspendre fut donné tout-
a-coup, meme pour le prince de Galles qui devoit
partir de Portsmouth. Cette nouvellc inattendue
sW'prit égalcment la Cour et l'ambassadeur de France,
a qui Jacques II en cacha d'abord les motifs, et auquel
ensuite il ne dit qu'une partie de la véríté. Cepcn-
dant on savoit que les provinces se déclaroient de
plus en plus ponr un Parlemcnt libre, c'est -a -dire




EN ANGLlnERHF..


poUt' le prince d'Orange, quoique ce Prince rest~1t,
pour ainsi dire, immobile a SaIisbury, comme ponr
attendre que le Roi se détronat lui-mihne, ou pour
observer les effets de ce mouvement imprimé a la
nation pour un Parlement. Le lord Shrewsbury s'é-
toit emparé de Eristol, Oll le dnc de lleaufort, Gou-
verneur de la province, ne pouvoit ni ne vouloit
l'empccher d'cntrer. A HuII, le peuple soulevé ve-
noit d'arreter le lord Langdon, Gouverneur, et de
désarmer les Catholiques du régiment du lord Mont-
gomméry. Le comtc de Bath, Gouverneur de Cor-
nouailles, celui-Ia meme qui, a l'arrivée du prince
d'Orange a Exeter, proposoit d'armer les mineurs,
venoit aussi de se déclarer a Plymouth pour la ré-
volution. 11 avoit désarmé les Catholiques et ret,¡n
dans le port la fIotte du Prince. Enfin, le lord Barkley,
Capitaine de v-aisseau, étoit ven u témoigner an Roi,
de la part du lord Darmouth, la joie et l'enthon~
siasme qu'avoit éprouvé la flotte royal e 11 Portsmouth,
en apprenant qu'il avoit pIu a Sa Majesté de con-
voquer un Parlement libre. (( Ce compliment,» di-
soit Barillon, ( signifie au fond que la fIotte n'a pas
« envie de se battre. » Ces nouvelles successives ren-
doient inexplicable pour cet Ambassadeur l'ordre
donné subitement de suspendre le départ de la
Reine et du prince de Galles. Aussi soupt,¡onnoit -il
que le Roi comptoit sur un accommodement, et que
Sa Majesté ne refuseroit pas de fonder cet accom-




224 nÉVOLUTlON DE 1688,
modement sur une alliance avec les ennemis de la
France.


Barillon proposoit done a Jaeques JI de s'oecuper
des affaires de 1'lrIande, d'y envoyer des armes et de
la poudre, de s'y ménager un asyle pour les dernieres
extrémités, et de préparer, en attendant, les moyens
surs de garder Po.rtsmouth et de s'y maintenir jus-
qu'au printemps. Jaeques II éludoit ces propositions,
par des promesses générales de pourvoir a tOllt, et
de se concerter en touteschoses avee lui. Mais ille
trompoit sur ses véritables intentions, puisqu'il lui
cachoit ce qui venoit d'empecher le départ de la
Reine et de son fils, puisque en fin iI paroissoit croirc
a des protestations de fidélité qui venoient récemment
d'arriver de la part de Grafton, Churchill et Abing-
ton. « J~e Roi, » dit Barillon, (e eroit que tout cela
« se 'fait par la permission du prince d'Orange, et
c( il en eon~oit quelque espérance de se pouvoir ga·
« rantir d'une ruine entiere. »


Le Roí eependant étoit décidé, non-seulement a
faire partir la Reine et le prince de Galles, mais en·'
eore a partir lui-meme. En effet, Barillon, qui n'en
doutoit plus, demandoit, le 15 décembre,a LouisXIV
quels eonseiIs il devoit donner; quelle conduite il
auroit, dans cette supposition, a ten ir. <1: Touts ceux
(e qui approchent le Roi, J¡ disoit-il, ( lui conseillellt
(e de ne pas combattre ... JI a délibéré touts ces der-
« niers jours, s'il se retireroit ou non. Le duc d'Ha-




EN ANGLETERRF..


« milton lui a proposé de se retirer en Écosse, el af.
« firme qu'il y sera en sureté assez de lemps pour
« recevoir des secours étrangers. Mais iI faudroit
« pour cela ne se poinl servir de Catholiques, el
(( quitter le parti du Chancelier et de myIord Melfoc.d.
« Le duc de Tyrconnel prétend qu'il se pourroit dé-
« fcndre en Irlande, si on y avoit des armes et de la
« poudre suffisamment ... Le Roí n'est pas entré sí
« avant avec moi que de consulter s'il se retirera
« 011 non ... Mais iI m'a plusieurs fois assuré que rien
« ne peut l'obliger a déclarer la guerre a Votre Ma-
« jesté, contre toutes les regles de la conscience et de
« l'honneur.» Tout en communiquant ces assurances
a Louis XIV, l' Ambassadeur croyoit apercevoir dans
Jacqucs 11 I'espoir d'un arrangement avec le prjnce
d'Orange. Mais le Roí ne songeoit qu'a la fui te.


Sur ces entrefaites, il donna l'ordre a deux ré-
giments catholiques de marcher sur Portsmouth,
avec un détachement de dragons anglois. Le public
pensa qu'il s'agissoit de fortifier la garnison de ce
port, et que le Uoi songeoit a s'y retirer: c'étoit
seulement pour protéger l'arrivée du jeune Prince
a Londres. Le lord Darmouth, a la cornmunication
des premiers ordres transmis d' Andover a ruyIord
Dower, n'y avoit d'abord trouvé aucune difficulté,
lllais bientot il fit d'autres réflexions. En effet, par
les lois d'Angleterre, le Prince héréditaire ne pou-
voil passer a l'étranger, sans une autorisation légale


ITI. 15




RÉVOLUTJON DE J688,
et authentique. Darmouth opposa done au lord Do-
wer la terrible responsabilité qui peseroit un jour
sur sa tete, si sa condescendance attiroit la guerre
étrangere sur son pays, si la vie ou la liberté du
jeune Prinee étoit livrée témérairement aux périls
de la mer et de la fIotte hollandoise. Il adressa enfin
au Roí les prieres les plus vi ves pour déterminer Sa
Majesté a éearter des projets si dangereux pour
elle-meme, pour sa Couronne et pour le Royaume.
Telles fm'ent les raisons, d'abord mystérieuses, qui
arreterent tout-it-coup le départ de la Reine, fixé
pour la nuit du 14 au 15. Mais sur de nouveaux
ordres du Roi, le Prince fut retiré secretement de
Portsmouth et arriva le 18 a Withe-Hall. « Le re-
«( tour du prince de Galles, » dit Barillon, « fait
« croire que le Roi n'a pas envie de se retirer. J)
Barillon étoit mal informé. Quoi qu'il en soit, le
Prillce, des la nuit du 19 au 20 Mcembre, fut em-
barqué secretement avec la Reine, sur la Tamise,
sous la conduite du comte de Lauzlln, qui les con-
duisit heureusement a Calais.


Cependant les Commissaires, qui étoient partis
le J 2 pour l'armée du prince d'Orange, avoient ob-
tenu pour le 15 une entrevlle a Ramsbury, poste
ou le Prince devoit etre ee jour-Ia. Sa marche sem-
bloit annoneer qu'il se dirigeoit sur Oxford; mais
quoique l'armée royal e occupat toujours Réading et
la rive oroite de la Tamise, on ne pensoit pas




EN ANGLETERRE.


que l'ennerni voulut abandonner réellernent tout le
coté de la rner, et laisser les cornrnunications tou-
jours libres entre Portsrnouth et Londres. On croyoit
done que le Roi irait se rnettre a la tete de l'arrnée,
si le Prince avall<:;oit vers Londres. ee Mais on lui fait
« entendre,» dit Barillon, « qu'il n'y a aucune su-
« reté pour lui. JJ


Sous divers prétextes, le prince d'Orange différa
de trois jours l'entrevue inrliquée aux Cornmissaires.
lIs furent aumis en fin le 18 a Hungerford, et luí
l'emirent la piece suivante:


« MONSlEUR,


« Le Roi non s commande de vous dire qil'il a re-
« marqué que tOllts les sujets de plaintes allégués par
~e V. A., sernhlellt devoir ctre référés 11 un Parle-
« ment libre.


cc S. M. étoit l'ésolue, avant ceci, d'en convoquer
« un, ainsi qu'Elle l'a déja déclaré. Mais Elle a jugé,
c( que dan s l' état présent des affaires, il étoit 11 pro-
« pos d'en différer la convocation, jusqu'it ce que les
« choses fussent plus tranquilles.


« Néanmoins, voyant que ses peuples continuent
(e toujours de la demander, Elle a fait publier sa
« proclamation et fait expédier ses mandements cir-
« culaires pour cette convocation: et afin de pré.
ce venir toutes les causes d'interruption qui poue-
ce roient survenir, Sa Majesté donnera les mains a
« toutes les choses qui pourront etee raisonnable-


15.




RÉVOLUTION DE 1688,
« ment demandées pou!' la sureté de touts ceux qui
« voudron! y assister.


«( En conséquence, Sa Majesté nous a envoyés
« vers V. A., afin de régler ce qui sera jugé néces-
«( saire, tant ponr la liberté des élcctions, que pour
( la sureté des rncmbres qui seront nonunés au Par-
( lement : Elle est prete a entrer immédiatement en
« négociation d'un traité pour y parvenir.


« En attendant, Sa Majesté propose que les armées
( respectives soient retenues en des limites et a uoe
« distance de Londres, suffisantes pour prévenir
« toute appréhension que le Parlement pourroit
I( avolr d'etre troublé en quelque maniere que ce
«( soit : Sa Majestf. désirant que l'assemblée n'en
c( pnisse pas etre Jifférée plus long-temps que ne
« l'exigent les formes accoutumées el nécessaires.»


Les commissaires avoient onlre d'exiger q~le l'ar-
mée du prillce d'Orange restat éloignée a ,trente OH
-quarante milles de Londres. Le Hoi leur avo;t dit
<iu'il regarderoit comme un refus dc traiter, le rejet
de cette proposition; el, duns ce cas, il leur avoit
l'ecommandé de lui faire connoitre la réponse du
Prinee, le plus t6t qu'il seroit possible, afin de ré-
glcr lui-meme sa conduite ultéricure.


Lorsque Jacques II avoit convoqué autour de lui
le~ Lords, les Éveques et le Conseil Privé, pour déli-
bérer 5'il convenoit de traiter avec le prince d'Orange,


.1(' comle de Clarcndoll s'étoit exprimé avec dureté




EN ANGLETEIlRK 229


contre le Roi, avee insolenee meme, suivant l'expres-
sion de Burnet, qui ne peut etre suspect dans eette
circonstance. Mais Bumet ajoute que ce lord avoit
eu pour but de jeter la discorde dans le parti qu'il
emurassoit. Quoi qu'il en soit, Clarendon alla deux
jours apres trouver le prill(~e d'ürallge, qui n'étoit
pas encore sorti de Salisbury. Les trois commissaires
le trouvcrent avec le Prince 11. Hungerford, et il fut
nomlIlé avec les comtes d'Oxford et de Shrewsuury,
pour discuter les propositions du Roi et pou!' y ré-
pondre au nom dc Guillaume.


Le Joeteur Bumet raconte un fait qui mérite de
trouver ici sa place, et qui prouve que le parti du
Prince comptoit particulicrement sur les fautes de
Jacques n. « A l'arrivée des commissaires,)) dit-il,
« le marquis d'Halifilx avoit desiré m'entretenir sans
«témoins; et, pour ne pas donner d'ombrage, le
« Prinee ne le permit pas. Ainsi le marquis lle pu t
c( me parler ({U' en prés('nce de témoins. Il prit ce-
« pendant le moment favorable, pour me demander
« tout bas si nous voulions avoil' le Roi entre nos
« mains? Je luí dis que non, et que I'on n'avoÍt au-
« cun dessein sur sa personne. Mais s'il s'enfuyoit,
«( reprit le marquis? - Ce seroit pour nous, lni dis-je,
« tont ce qu'il y a de meilIenr an monde. J'allai in-
« continent rapporter a Son Altcsse ces deux mots
« dits a l'oreille. 11 approuva la maniere dont j'a-
« vois parlé. »




RÉVOLIJTION DE 1688,
Apres plusieurs conférences, le Prince 6t re-


mettre sa réponse en ces termes, le meme jour,
18 décembre :


« N ous, de l'avis des seigneurs et gentilshommes
« assemblés, avons fait pour réponse les propositions
« qui suivent :


ee Que touts les Papistes et telles personnes qui
« n'ont pas les qualités requises par les lois, soicnt
« désarmés, licenciés et déposés de touts emplois,
« civils et militaire,,;


(e Que toutes proclamations <{ui font des réflexions
(e sur nous et sur ceux qui sont venus avec nous,
« ou se sont déclarés pour nous, soient révoquées;
fC et si quel<{ues personnes ont été mises en prison
*' pour nous avoir assisté, qu'elles soÍent mises in-
« continent en liberté;


« Que, pour la surcté et sauvegarde de la ville de
« Londres, la garde et le gouverllement de la Tour
« soient incontinent mis entre les mains de ladite
cc ville;


C( Que, si Sa Majesté juge a propos d'etre a Lon-
« dres, durant les séances du Parlement, nous puis-
« sions y etre aussi avec un nombre égal de nos
«gardes; que, s'il -pla'lt a Sa Majesté d'etre en tel
« líeu que ce soit hors de Londres, et a teUe dis-
C( tan ce qu'elle avisera, nous puissions aussi etre a
« la meme distan ce ; que les armées respectives se
lC tiennent a <{uarante milI es de l,onclres; que Sa




EN ANGLETERJ:U!.


ce Majesté ne fasse point venir el'aL/tres troupes daos
« le Royaume, et que, pour la sureté de la vilJe de
« Londres et de son eommeree, la forteresse de Til-
« béry soit mise entre les mains de ladite ville;


«( Qu'une partíe suffisante des revenus du Roí nous
« soit assignée pour la subsistanee et I'entretien de
« nos troupes, jusqu'aux séanees d'un Parlement;


« Que, pour empecher le débarquement de troupes
« fran«;;aises ou autres troupes étrangeres, la ville
« de Portsmouth puisse etre mise en telles mains
1( qu'il sera eonvenu entre Sa Majesté et nous. »


Telle étoit la réponse ostensible du Prinee. Il y
parloit déja en maltre. Les eommissaires l'envoyerent
sur le champ au Roí, et partirent le lendemain pour
Londres; mais ils manderent 11 Sa Majesté que le
prinee d'Orange étoít convenu de s'arreter 11 qua-
rante milles de Londres, et de ne pas s'en approcher
de plus pres jusqu'au vendredi 23; que, pendant
ce temps-la, on pourroit traiter des conditions pré-
liminaires d'un Parlement, et que, selon toutes les
apparences, les affaires pourroient se concilier. Les
députés, dit Eurnet, furent charmés de la réponse
qui leur fut faite, mais le Roi et la Reine éeoute-
rent jusqu'au bout les mauvais conseils des plus em-
portés des Catholiques. On avoit effrayé la Reine,
pour la déeider a partir avee le prince de Galles, et
elle 6t promettre au Roi de la suivre.


Ce fut le 18 au soir que le prince de Galles




RÉVOLUTION DE 1688,
étoit arrivé de Portsmouth; et c'étoit le meme jour
que se tenoient les conférences d'Hungelford. Dans
la nuit du 19 au 20, la Reine et le Prince mirent
11 la voiIe pour Calais, et l'ambassadeur de Francc
éerivoit immédiatement 11 Louis XIV en ces termes:
« Le Roi croit pouvoir maintenant prendre plus li-
( brement un parti. Je suis persuadé que ce sera
(( celui de se retirer, quoiqu' on di se tout hallt a
« WhitehaIl que son dessein est d'aller demain visi-
« ter ses troupes, et de combattre a la tete de eeHes
« qu'il trouvera bien disposées. ))


Earillon disoit, dans la meme leUre du 20 dé-
cembre, que ron n'avoit point eu ce jour.lit de nou-
velle des commissaires. (( JI paroit clairement, )1 ajou-
toit-il, « que la négoeiation n'arretera pas le prinee
({ d'Orange. On se flatte que, (Iuand il saura la re-
« traite du prinee de GaIles, iI sera plus traitable.
« Mais il est bien plus vraisemblable qu'il la eonsi.
«( dérera eomme une rupture de tout projet d'ae-
« eommodement, et qu'il s'en servira pour pousser
« les cllOses a l'extrémité. »


Il sembIe, d'apres eette lcttre, que le Roi n'avoit
pas encore rer;;u les dépeches des eommissaÍres né-
goeiateurs; cependant il avoit dit a Jlarillon que
s'il étoit enfin déterminé a faire partir la Reine
et son fils, e' est que le príncp d'Orange, au sujet
du paI'don oft(~rt pOUl' touts ceux qui avoient pris
son partí, s'étoit cxpl"itn~ ell C{'S termes: « TI n'es!:




~¡':N ANGI,ETER R E.


«( pas hesoin de ce pardon; ce seroit avoner que
« ron a eommis un crime, ce qui n'est pas.» Or,
les:commissaires n'avoient été admis aupres du Prince
que le l8, el ce fut dans la nuit du 19 au 20, a
deux heures du matin, que la Reine et le Prinee
traverserent la Tamise. Ou le Roi savoit alors la
négoeiation d'Hungerford, et illa caehoit a l'amhas-
sadeur de .France; ou il ne la sut que dans la nuit
du 20 au 21 , el alors ii étoit déja déeidé pour lui-
meme. Quoi qu'il en soit, Barillon Soup(2onnoit
toujours Jaeques II de ne songer qu'a gagner dn
ternps par les négoeiations, et a se retirer avee plus
de sureté. Il lui proposa done formellernent de
partir avee luí, tlueHe que fUt la retraite ehoisie par
Sa Majesté. « Il faut,» répondit Jaeques 11, « que
« vous partiez en arnhassadeur. POllr ce qui est de
« rnoi, je partirai eornme je pourrai, et quand je le
« pourrai faire surement. »


Le lendcmain 2 1 ,1' amhassadeur éerivit a Louis X IV:
1( Le Roi d'Angleterre est parti cette nuit. Les
(( eommissaires arriverent qllelques heures apreso Le
« Roí, » continue Barillon, « avoit re~u leur lettrc
« avant ([ue de partir, mais ectte lettre ne luí a pas
« fait ehanger de r('solution, ne se eroyant Cll suret¿'
« ni a Londrt's, ni a l'arrnée. »




SOMMAIRE.


1688. - (SUITE).


Le Roi fait licencier l'ann6e myale. _ Gouvernement prbvi-
soire, a I'Hotel de VilIe. - Calme et terreur panique a Lon-
dres.-Déelaration des Lords assemblés a l'Hotel de Ville.-
Le Roi est arreté a Feversham. - Le Conseil Privé lui en-
voie ses gardes et les officiers de sa maison.- Le Roi revient
a Londres.-Pitié du peuple, et acelamations.-Embarras
et conduitc habile rln Prince d'Orangc.- II force le Roi de
quitter White-haIl.-Le Roi se retire a Rochester.




RÉVOL. DE .688, EN ANGLETERRE. 235


_-.._--~--_...-_-----------


LIVRE XXVI.


1688. - (SUITE).


SI le Roi fut déterminé a prendre la fuite par la
réponse officielle du prince d'Orange a ses propo-
sition5, la dureté des conditions qui lui étoient ¡m-
posées devoit etre un motíf pour relever son ame
abattue. Certes iI ne pouvoit accepter, sans déshon-
neur, ni de licencier ses régimen ts fideles, ni de
recevoír a Londres son rival impérieux, ni d'aban-
donner la Tour de Londres et la place de Ports-
mouth. Mais, puisqu'il avoit encore des régiments
dévoués, il devoit en placer dans la Tour qui est
le Palladium de la Royauté angloise, et se retirer
a Portsmouth avec le reste. La, du moins, s'il lui
eut fallu capituler, ji n'eut capitulé que les armes a
la main. La suite des événements montrera que,
jusqu'au dernier moment, il a pu rester sur le
trone, malgré les (~nOl'mes fantes qn'il avoit com-




R~VOLUTION DE 1688,
mIses. Mais tel est le earactere de la foiblesse, et
le earactere des partis qui ont la eO;lseicnee de la
réprobation publique. Tout ce qui les cnvironne
leur est suspect; tout ee qui n' est pas ardent, vio-
lent, insensé, est infidele Oll ne songe qu'a le devenir.
Tant qu'ils ont l'autorité, ils la soutienllent par la
violence et la présomption. Mais lorsque les l'essorts
se reli'tchcnt ou se brisent entre leul's maills, ils
comprennent que la foi n'est plus elonnée a lelU'
parole; ils se trouvent seuls, paree qu'ils ont voulu
l'etre, et ils n'osent plus croire a eles sentiments gé-
néreux, paree qu'ils ue lps out jamais trouvés dans
lem' foible ereur. J'ai nommé Portsmouth, et l'on
a vu que, depuis lúng-temps, et clans l'orgueil meme
d'une puissanee que Jac(Iues II affectoit de eroire
insurmontable, il songeoit bien plus ú fortifier
Portsmouth du cóté de la terre que du eoté de
l'Océan. Mais eette ressouree qu'il se préparoit dans
le silence de sa raison défiante, il n'ose plus y pen-
ser. Darmouth est la, et sa tIotte a félieité le Roí
d'avoir proclamé un Parlement; DarlllQuth est done
un traitre, et la tIotte est l'ebelle; cependant Dar-
mouth étoit vertucux el fidele. Jacques JI le reeon.:.
nut trop tard, lorsque, sur le sol étl'anger, iI re<;ul
de Dal'mouth ces plaintes patriotiques et touchantes :
« J'avois t'spéré, ») écl'Ívoit-il au Roi, « que mes res-
«( pectueuses prieres, joitltes a vos propres réflexions,
« changeroient l'intention (fue "otre .Majcsté avoit




EN ANGLETlmRE.


" manifestée, de faire partíl' le prince de Galles; el
« je eroyois tout-it-fait impossible qu'il put entrer
« dans la pensée de quiconque se sentíroit le plus
« léger dévouell1ent pour Votre Majesté, de luí don-
« ner le conseil pernicieux de partir ElIe-meme. Ce-
« pendant, si Votre Majesté avoit été réduite a la
« .cruelle néet'ssité de s'absenter ( chose qui, selon
« moi, devoit ¡hre moralement impossible ), ou pou-
({ vicz~vúus, Sire, vous retirer avec plus d'honneur
« et de surC'té que dan s votre propre fIotte qui, j'ose
e( le dire, auroit toujours unanimement protégé et
« dPfendu votre personnc sacrée contre toute vio-


C( Ience que dés mains profanes auroient voulu exer-
« cer contre Elle? Mais votre décision semble avoir
( été dictée par une telle défiancc, qu'elle m'a brisé
« le c~ur ..... 1\1a confusion est extreme, et je ne
« puís que prier le Tout-Puissant de prendre Votre
« Majesté sous sa protection, et de la délivrer de
« loules ses peines_ Ce seroot la non-seulement les
«( prieres,· mais les cfforts ardeots d'un c~ur qui n'a
«( jamais rien désiré que votre service, et qui vous
« restera fidele jusqu'a la fin de sa malheureuse vie.))


On comprend san s peine que, fout préoccupé de
son projet, pour lui, sa femme et son fils, depuis
son départ de Salisbury, le Roi n'écoutoit ni les
conseils ni les propositions de l' All1ha.ssadeur de
Franee. Aussi, des le 15· décembre ,Louis XIV ju-
geoit Lres-Licn que Jacgues II ll'avoit plus de res-




RÉVOLUTION DE 1688,
sources dans le Royaume d'Angleterre, ou que, si
les députés envoyés au prince d'Orange parvenoient
a un arrangement quelconque, la premiere con di-
tion seroit de décIarer la guerre a la Franee. Il.
annonc;;a done formellement 11 Barillon, ce jour-la,
qu'il ne pouvoit envoyer ni troupes ni vaisseaux.
Barillon, cependant, lui avoit demandé quels con-
seils il devoit donner, et quelle conduite il auroif a
tenir, si Jacques Il quittoit l' Angleterre. Louis XIV
répondit, le 20 déeembre, que, dans l'incertitude
ou Jacques II étoit de savoir lui·meme s'il resteroit
a Londres, s'il courroit les hasards d'une négocia-
tion, ou s'il se retireroit en Écosse ou en Irlande,
ce seroit une imprudence périlleuse que de lui don-
Iler des conseils, auxqueIs on ne manquel'oit pas
d'attribuer les funestes événements qui alloient etre
la suite infaillible de sa situation présente. Louis XIV
se borna done a offrir un asile honorable au prince
de GaBes et a la Reine, si le Roi prenoit le partí
de les envoyer en France. Quant a Barillon, il de-
voit immédiatement quitter l' Angleterre, si Jac-
ques II l'abandonnoít lui-meme, a moins qu'il ne
lui permit de le suivre en Irlande ou en Écosse.
Toutefois BarilJon devoit s'assurer d'un homme
habile et bien intentionné pour Jaeques H, afin de
pouvoir entretenir par son moyen des intelligences
ave e les membres du futur Parlement, et sou-
tenir le partí qui restt'roit it la Camille royale, dans




FN ANGLETERRE. ~39
le nouveau Gouverncmellt qui sans doute alloit
s'établir.


La veille du départ de Jacques Il, son régiment des
Gardes a voit été commandé pour l' accompagner a Ux-
bridge, et eet ordre sembloit confirmer .I'intention
qu'il avoit manifestée, de hasarder un combato Mais
le lendemain on apprit avee étonnement que, dans
la nuít, il s'étoit mis dans une chaloupe, accom-
pagné seulement de trois hommes : c'étoient sir
Édouard Hales, le quartíer-maltre de celui-ci et un
guide. Il se dirigea sur Feversham, ou le vaisseau de
la douane avoit été loué par un ami de Hales, pour
la France.


La nouvelle de son départ fut bientot connue a
Londres; et, comme tout le peuple étoit calme
depuís que l'on sembloit négocier av~c le pI'ince
d'Orange, il n'y eut d'abord ni tumulte ni désordre.
Le. Lord Maire et les Aldermen se réunirent a
l'Hotel-de-ville, et firent mettre la milice bourgeoise
sons les armes, pour maintenir l'ordre public dans


. un moment aussi dangereux. Quant a la garnison
de Londres, les offieiers se réunirent pour envoytlr
une députation au eomte de Feversham qui étoit
a Uxbridge, et le prévenir qu'ils aHoient se mettre
sous les ordres du prince d'Orange. Les Catholiques
de leurs régiments furent immédiatement congédiés.


Le eomte de Feversham étoit a Uxbridge, ou se
trouvoient les colonels et officif.'I's généraux a qui




IlÉVOLUTIU.N DE 1688,
ron avoit annol1cé la prochaine arrivée du Roi,
lorsqu'il re<;;ut de la parl du cmnte de Roye, son
beau-frere, une lettre que Jacques 11 venoit d'écl'ire
avant son départ. C'étoit moins .une lcttre au Gé-
néral qu'une espece de proclamation a l'al'mée. Fe-
VCl'Shalll la communiqua aux colonels, dit qu'il
falloit se conformer aux intentions du Roi, les pro-
clamer, et licencier les régíments. Son avis l' emporta,
et la lettre du Roi fut publiée en ces termes :


(e Les choses étant venues a cette extrémité, de
c( m'ohliger a faire sortir du Hoyaume la Reine et
c( mon fils, le prince de Galles, pour empccher
c( qu'i1s ne tombassent entre les mains de mes enne"
« mÍs (ce qui seroit arrivé, s'ils étoient restés plus
C( long-temps), je me vois également forcé de prendre
( ce partí p.oUl' llloi-meme, et de me mettre en su-
« reté, s'il est possiLle, dans l'espérance qu'il plaim
« un jour a Dieu, par sa compassion infinie, de
« toucher cette misérable nation en rétablissant, dans
( le ereur des peuples, l'honneur et lafidélité.


« Si j'avois pu compter sur toutes mes troupes,
« je n'allrois pas été réduit a l'extrémité ou je me
« trouve, et j'aurois au moins tenté un combato
« Mais, si je suis persuadé qu"il y a parmi vous tm
« grand nombre de sujets fideles et courageux, tant
(e officiers que soldats, vous n'ignorez pas que vous-
(e memes et plusieurs officiers-généraux ou autres
« personnes de l'arlllPe, vous m'avez dit qu'il n'étoit




EN ANGLET.ERRE.


~ nullement a propos de me hasarder ni de me mettre
« a leur tete, ni d'entreprendre a me servir d'eux
(e pour combattre le prince d'Orange.


« Il ne me reste done qu'a vous remercier, comme
(e aussi touts lf's officiers et soldats qui se sont atta-
« chés a moi, et qui m'ont été fideles. J'espere que
« vous me conserverez toujours la meme fidélité.
« Comme je ne prétends pas que vous exp06iez vos
« personnes en résistant a une armée étrangere et
« ~ une nation empoisonnée, je me flatte cependant
« que vos principes sont trop bien enracinés pour
«que vous ne repoussiez pas tout acte d'associa:tion
« ou autres choses pareilles. Le temps presse et
«' m' empeche d' en dire da vantage.


( JACQUES, Roi.


« J'ai encore a dire que, si je vous ai toujours
« trouvés fideles, vous m'avez aussi trouvé bon maltre,
« et je serai toujours le meme pour vous. »


Il y a dans les infortum~s royales quelque chose
de vif et de touchant qui remue les creurs, meme
les plus endurcis. A la lecture de ces derniers adieux
d'un Roi qui annon.,;oit ainsi I'exil de sa femme,
de son fils au berceau, et son propre exil, un cri
de douleur s'éleva de touts les rangs de l'armée :
officiers et soldats protcstoient de leur fidélité. Lf'S
uns vouloient rester réunis et sous les armes. L'au-
torité du Général prévalut, et l'armée, ainsi licen-


JI!. IG




RÉVOLUTION DE J 688,
clee, se sépara, chacun errant a l'aven tu re , Ol! 1(,
hasard pouvoit le conduire. Dans le meme temps,
les lords spirituels el temporels, qui se trouvoient
a Londres, s'étoit'nt réunis a I'JI6tel-de-ville, pour
délihérer sur la crise cffrayante de I'État. Un de
leurs premiers soins fut d'écril'e au comte de Fe-
versham, pOUI' lui représeuter qu'il seroit égalf'ment
imprudent de lieencier les tl'oupes, et de s'exposer
a l'effusion du sang par une vaine résistanee a l'ar-
mée de Guillaume. Ils lui eonseilloient d'envoyl'r
recevorr les ordres du Prince.


Feversham rec;ut lem' lettre sur le ehemin d'Ux-
bridge a Londres, et de suite il se rendit a l'assemhlét'
des Lords, réunis a I'H6tel·de-Ville. (e Mylonls, »
leur ait-il, ( les Seigneul's et les Officiel's qlli SOIl-
«( tieunent la causf' <lu Roi ne c10i vent pas COlll menee!'
(e par reeevoir les ordres de cenx que sa Majestl~ a
« déclarés ses ennemis. el' qu'il importe le plus de
e( faire en ce moment, e'est de eonSl'rVe1' le han ordre
« dans cette grande ville, el de se eoncel'ter sur tOllt
« ce qui peut y contrihuer. J) Plusiellrs 1..01'(15 son-
tlnrent eet avis, et l'on résolut d'attendre jllsqu'au
lendemain pour délibérer sur les mesures ql1'il COll-
viendroit de prendre, par rapport an gOllvernement
de l'État.


Le calme cependant régnoit dans la ville; mais
il ne falloit qu'une étincelle pOllt' emhraser touts ces
éléments de combustion. Ce fut d'une main rest6c




EN ANGLETERRF..


long-temps inconnue qu'elle partit. D'abord une
proclamation 1 fut remise au Lord Maire, sous le nom
supposé du prince d'Orange; elle fut également ré-
pandue dans la viHe. On y faisoit dire au Prince :
«( Qu'il n'accorderoit point de quartier 11 ces hommes
« pxéerables qui ont tout remué pour renverSl'r la
« Religion protestante; qu'il traÍteroit comme voleurs
« et assassins touts les Papistes qui seroient trouvés
« avec des armes sur leurs personnes ou dans leurs
«( maisons; que touts ceux qui assistel'Oient Ips Pa-
« pistes, qui marcheroient sous leur commandement
« ou qui obéiroient a leurs ordres, seroiellt traités
« comme ennemis des lois et de la patrie. )) On ajüu-
toit a ces menaces l'avis qn'un rassemblementexLraor-
dinaire de Papistes armés s'étoit formé autour de
Londres et de Westminster, pour porter le fer et le
feu dan s ces deux villes, en attendant les troupcs
franc;oises, qui devoient commellcer sur l' Angleterre
le projet conc;u, depuis tant (I'années, d' extirper de
l'Europe entiere la Religion protestante. La con-
elusion de cette proelamation incendiaire étoit une
réquisition aux Magistrats d'arrcter et de désarmer
les Papistes. En d'autres termes, c'étoit un appe!
aux pass ion s les plus puissantes sur une multitud!'
grossiere, la peur et la haine, pour le 1l1assacre uni-
versel des Catholiques.


, Elle est attriLuee a Speke, auteur d'uue Hútot'l'l' .<'l'Cre:¡l·
de l'heureuse Ril'olutioTl.




RÉVOLtJTION DE 1688,
CeUe faussc proclamation, <Iui fut promptement


désavóuée, se trouvoit déja répandue dans les pro-
vinces : mais a Londres, le Lord Maire, qui l'avoit
re~ue d'une main inconnue, en présence de deux
témoins, eut beaucoup de peine a se débarrasser des
instances de quelques magistrats subalternes, qui re-
qnéroien.t son assistance ;pour la faire exécuter. Ce-
pendant, lorsqu'on cut appris a Londres que l'armée
royale venoit d'etre licenciée 11 Uxbridge par le comte
de Feversham, la terreur s'accrut insellsiblemellt,
et s'agrandit surtout au milieu des ténebres de la
Iluit. Tout a coup, et sur les deux heures du matin,
le peuplc se réveille a ces cris lugubres: Aux armes.'
les lrlandois! Tout se leve en tumulte; la ville esi
soudainement illuminée; les milices prenuent les
armes; dans chaque quartier I'on se mconte avee
horreur et tremblement que le quartif'r voisin est en
proie au massacre ei a ¡'incendie. Les memes bruits,
les memes scenes de frayeur se répetent dans toutes
les villes, dans touts les villages de l' Angleterre, et
meme dan s une partie de l'Écosse. Partout des armées
d'Irlandois, sorties du sein de la terre sans dcll1te,
couvrent le sol britannique de sang et de ruines.
Les malheureux Irlandois cependant, <Jui venoient
d'ctre liceneiés et abandonnés sur une terre ennemie,
erroient comme des ombres fugitives, craignant de
recevoir la mort en demandant un morcean de pain.


Lors<Jue la lumierc eut dissipé ces lugubres fan-




Jm ANGLETERRE.
tomes, la populace déchainée cut son tour, et se
précipita sur les Chapelles catholiques, sans respecter
meme ceHes des Ambassadeurs dont les Souverains
fav'orisoient le prince d'Orange. Ainsi, apres avoir
brtIlé, en feu de joie, les ornemenls, le mobilier et
la charpente de la chapelle et de la maison des Ré-
collets sur la place de Lincols-Inn-Fíelds, elle se
porta immédiatement a I'h6tel du Ministre d'Espagne.
La étoient accumulés, comme dans un as:y1e invio-
lable, touts les ornements de la Chapelle royale, avec
les effets les plus précieux des Catholiques : tout fut
livré au pillage, et ce que I'Ambassadeur y regretta
le plus, ce fut une bibliotheque enrichie de ml'es
manuscrits. Il en fut ainsi de l'h6tel de Florence. Le
Résident de Venise et I'Ambassadeur de France eu-
rent plus de bonheur ou de présence d'cspl'it; cal'
ils obtinrent sur-le-champ une garde. Les autl'es
Chapelles catholiques de Londres furent démolies
ou brulées. L'Église et les chambl'es des Religieux
Bénédictins qui Iogeoient au palais de Saint-James
furent également pillées, mais ce fut par les gardes,
et sans Lruit. Les memes scenes se répéterent dans
quelques provinces, et pal'ticuliercment dans le midí
de l' Angleterre. {( Mais il faut le dil'e a l'honneul' de
« la nation angloise, Jl dit le Roí; 1 « malgré son ca-
« ractere turbulent et facticux, elle u'est ras d'Ul1l'


1 Tom. UJ, p. 381.




RÉVOLUTION DE 1688,
« humeur sanguinaire; et 1'011 n'a pas pu citer un
« seul Catholíque, ni meme un seul Irlandois, qui
(e ait perdu la vie, par suite de cette invention mali-
(e cieuse et barbare.» Cette réflexion patriotique d'UI~
Roi si malheureux pénetre le camr, et montre bien
ce qu'íl eut été sur le trone, s'il eut cédé 11 d'autres
conseils. Un jour, il dira encore avec fierté : Ce sont
les Anglois! 10rs meme qu'ils détruiront la flotte qui
le ramenoit en Angleterre.


L'auteur secret de ce tumulte et de la proclama-
tion qui l'avoit préparé ne fut pas conou alors. Le
partí du prince d'Orange l'a constamment désavoué;
« et ce seroit une grande témérité,» continue le Roí
dans son Mémoire, « que de vouloir en accuser quí
« que ce soit.» Mais l'impulsion a l'anarchíe ~toit
donnée. L'exercice de la souveraineté ne se trouvoit
nuBe part; et s'íl restoít a I'H6tel·de-Ville comme
une sorte de foyer d'autorité publique, les. amis se-
crets ou avoués du Roi ~toient sans force pour dé-
fendre les droits d'un trone laissé vacant devant celni
quí bruloit d'y montel'. Les trois Commissail'es né·
gociateurs' étoient rentrés a Londres le jour meme
que le Roi s'étoit évadé.. IIs montrerent guelque
surprise d'un partí aussi désespéré, lis eroyoient ou
feignoient de croire a la possibilité d'Ull al'l'angement;
iIs l'avoient mandé all Roi; ils avoicnt enfin ohLenu
ce que le Roí leuravoít le plus vivem<'nt recommandé:
que le prillce d'Orangt' s'arri~l<'I'oíl i, (¡ual'ante millcs




EN ANGLETEUUE.


de Londres. Ils avoient obten u davantage : qu'il ne
passeroit pas eette limite avant le 2.3. Mais mainte-
nant que ni le Roí, ni la Reine, ni l'héritier pré-
somptíf ne sont en Allgleterre, a qui appartient,
meme légalement, la régence provisoire de l'État?
Celui qui seul a le droit de s'en investir en a aussi
la puíssance et la volonté. A ueune force humaine ne
pouvoit plus empecher de déférer au prince d'Orange
cequ'il cut sai"j lui-mcll1e. Aussi les Lords réunis a
}'Hotel-de-Ville publierent une déclaratiou en ces
termes:


« Le monde ne peut douter. que, dans les grandes et
« dangereuses conjonctures OU se trouve le Royaume,
I( nous nc llOUS pronoricions de tout: notre. creur et
« a vec úle ponr la Religion protestante, les lois du
« pays, les libertés et les pl'Opriétés des sujets .


. « Nous espérions avee justiec que, le Roi ayant fait
« expédicr sa proclamationet les ¡cttres circulaires
« pOul' un Parlement libre, nous auriOllS pu demeurer
el e11 assnranee clans l'attente de eette assembléc :
({ mais Sa Majesté s'étant aLsentée (comme llousJ'ap-
« pl'éhendons), avecle desseín dc.wrtir duRoyaume,
I( pal' les conseíls pel'llicicux de personnes malínten-
« tionnées poui' nolre natiou etnotre Religíon, nous
«. ne pouvons, san s manquer a notre dcvoir, demeurer
«dan.." le silellcc, SOllS ces calamités oule Conseil
«papistique, qui a prévaiu,si long-temps, a plongé
(1 ct':; Royaumes.




RÉVOLUTlON lJj.; 1688,
[(Cest pourquoi nous délibérons unanimement de


(, nous joindJ'e a Son Altesse le prince d'Orange, qui ~
«( par sa grande affection pour ces Royaumes, par
CI. une si considérahle dépense et par tant de périls
(e pour sa propre personne, a entrepris de procurer
(e un Padement libre, et de nous délivrer des dan-
(e gers imminents de la Papauté et de l'esclavage, avec
« le moins d'effusion de sang chrétien qu'il a été pos-
(e sible;


« Et nous déclarons, par ces pl'ésentes, que nous
« assisterons de tout notre pouvoir Son Altesse, pour
f( obten ir en toute diligence un tel Parlement, par
(( lequel nos loís, nos libertés et propriétés seront
« assurées, en particulier l'Église anglicane, avec une
«( liberté convenable aux Non-Conformistes protes-
«( tants; et pour qu'en généralla Religion protestante
« el ses intérets soient maintenus et avancés, a la
« gloire de Dleu, au bonheur du Gouvernement éta-
( hli dans ces Royaumes, el a I'avantage des Princes
(( et États de la chrétienté qui s'y trouvent ¡nté-
« ressés.


« Cependant nous tacherons de conserver, autant
t( qu'il nous sera possible, la paix et la tranquillité
« de ces deux grandes et populeuses villes de Londres
« et Westminster et lieux adjacents, en prenant soin
( de·désarmer touts les Papistes, et de s'assurer de
« touts les Jésuites et Pr~tres romains qui s'y trou-
( veront;




EN ANGLETERRE.


(( Et s'il se trouve encore quelque autre chose de
« nécessaire a l'avancement des généreuses inlentions
« de Son Altesse pour le bien public, nous serons
( prets a le faire, suivant les occasions qui s'en pré-
«( senteront. »


Cette piece a pour date le 2} décembre, jour ou
l'on apprit le départ du Roi. Ainsi elle contrarie,
par cette date précise, l'assertion de FAmbassadt'ur
de France, qui, dans sa leUre du 22 a Louis XIV,
dit positivement: c( Beaueoup de Mylords furent de
« 1'avis du eomte de Feversham, et résolurent d'at·
« tendre aujourd'hui pour délibérer ce qui se doit
(e faire, dans une occasion si extraordinaire et qui a
« si peu d'exemples.» Barillon d'ailleurs, a cette date
du 22, ne parle pas de cette déclaration, qui n'au-
mit pu lui etre inconnue; il dit, au contraire, que
le Maire de Londres prétend avoir toute I'autorité,
pendant l' absence du Roi, j usqu'a ce qu'il y ait un
Gouvernement établi.


En effet, la date véritable de cette déclaration
n'est pas sans importance. Le départ du Roi venoít
de déconcerter subitement les espérances des Torys
d'Église, qui, tres mécontents du gouvernement de
Jac.ques II, vouloient cependant moins encore le
précipiter du trone que relever les libertés de leur
patrie. Cet esprit se manifesta progressivement jus-
qu'a la fin, et I'on yerra bientot quels obstacles y
trouva le prince d'Orange, quoi(lue si prodigieuse-




UEVQI,UTlON DE 1 G88,
ment favorisé par l'absence ou plutot la désertion
du Roi. Les nuances de ce sentiment vont se mani-
fester peu a peu, et ce n'est pas sans dessein qu'on
s'attache ici a les faire remarquer. On y yerra quelles
ressources admirable&, inespérées, le Roi pouvoit
encore y trou.ver, s'il eut porté un creur aussi grand
(p~e ses infortunes. Mais l'adversité n'agrandit que


. les grandes ames.
Il est presque certain que ce fut seulement le


22 , et non pas le 21, que fut arretée la déclaration
des Lords réunis a I'Hote1-de-ville. Ce jour-Ia, 22,
l'anarchie leyoit sa tete effrayante a la lueur des in-
cendies. La nécessité devenoit la loi supreme ,~t le
mot d'.unanimité, qui se trouve dans la déclaration,
atteste que cette nécessité fut reconllUC meme des
lords fideles au Roí. Ce qui est dit ensuite des Pa-
pistes 11 désarmer, des Jésuites a saisir, et de l'ascen-
dant du Conseil papislique sur le ROL, montre éví-
demment que la délibération n'étoil pas de la veille.
L'ordre de l'imprimer el de la publier n'est que du
22, et ce fut encore le 22 que le comte de Pembroke,
le vicomte de Veymouth, l'Éveque d'Ely el le lord
Culpeper furenl députés pour la porter au Prince.
La date du 2 J pouvoit emptkher (lue Guillaume
ne répétat aux Lords de I'Hotel-de-ville ce qu'il
élvQit dit a la noblesse du pays d'Exetel'; 11 est bien
lard; mais les torches incemliaires du 22 l(~giti­
moient ce (lui eút été crimine! pom les uns et im-




EN ANGI,ETEIWE.


prudent pour les autres, le 2. J , quand on ignoroit
encore ou étoit le Roi, s'il étoit a Portsmouth, ou
s'jl se relldoit en Irlande.


On parloit cependant, malgré la députation au
prince d'Orange, d'envoyer aussi une députation au
Roi, pour le presser de revenir, lorsque, dans la
matinée du 23, on apprend que le malheureux
Prince est arreté 11 Feversham. Cette premiere nou~
velle, d'abord sans consistance, est bient6t confir-
mée par un courrier des magistrats de Cantorbéry.
Les Lords et le Conseil Privé se réunissent. Quoi-
qu'on attendit le prince d'Orange pour le lendemain
a Windsor, ils envoient sur-le-champ au Roi les
officiers de sa maison, le régiments des grenadiers
a cheval, et quarante homIlles de chaque compagnie
du régiment des gardes. L'ordre donné pour ces
troupes portoit: Le comte de Fellersham les com.
mandera el se rendra aupres du Roí.


L'embarras des Lords el du Conseil Privé s'ex-
prime natureIlemellt par les termes laconiques de
cet ordre. Les uns De vouloient ni violer la Majesté
Royale, ni attenter a la liberté personnelle du Roi;
les autres craignoient de déplaire au prince el'O-
l'ange, soit en le laissant échapper, soit en le lais-
sant revt>nir; touts se réunirent sur le texte forme!
de la loi qui déclare que e'est haute trahison d'ar-
rete!' le Roi et de lui faire la ll10indrc violence.
1:or<lr(' donnp au comle de .Feversham ne lui prcts-




RÉVOLUTION DE 1688,
crivoit donc rien de particulicr, si le Roi pcrsistoit
a partir, ou se décidoit a revenir.


Mais le comte de Feversham ne vouloit pas s'ex-
poser a n'etre que le chef apparent des gardes d'un
Roi captif. Il exigea des instructions plus précises,
et un nouvel ordre lui fut délivré de faire ce que
le Roi lui commanderoit, et de réprimer toute
violence on contrainte sur la personne de Sa Ma-
jesté. Cependant ce nouvel ordre ne portoit pas for-
mellement de Iaisser sortir le Roi du Royaume. LE'S
Lords et le Conseil ne crurent devoir ni le permettre
ni le défendre, craignant également que la con-
trainte sur ce point ne fUt crime de haute trahison
contre Sa Majesté, et que leur consentement ne fUt
imputé a crime de haute trahison contre le pays.
Triste et déplorable situation d'un peuple, Ol! une
telle distinction devient inévitable!


La vilIe de Londres se trouvoit toujours agitée.
Les apprentis commettoient de grands désordrE's; et,
pour comble de miseres, des bandes de soldats licen-
ciés se joignoient a la plus vile populace pour le
pillage des Catholiques, malgré la contenance ferme
des milices bourgeoises. DallS la nuit du 22 au 23,
l'hotel de l'ambassadeur de :France fut attaqué deux
fois, et deux fois les assiégeants furent rep01\ssés par
la force des armes. Ces désordres faisoient désirer
la prompte arrivée du prince d'Orange. Les homnws
sages cependant craignoicnt que ce Prince ne vou-




EN ANGLETERRE.


lut se servir de la multitud e pour appuyer ses pro-
pres Jesseins. Dans cette confllsion, le lord chauce-
líer Jefferyes, que l'on avoit cru embarqué avec le
Roi, fut trouvé déguisé en matelot dans Wapping,
quí est le quartier des marins. Il fut conduit, au
milieu des clameurs de la multitude, chez le Lord
Maire. A l'aspeet Je cet homme, naguere si reJou-
table el dont le llom seul inspiroit la terreur, le
lVIaire fut si frappé, soit de frayeur eneore, soit de
surprise de ces terribles vieissitudes, qu'il resta ¡m-
mobile et tomba comme foudroyé: 11 mourut peu de
.iours apreso Le Chaneelier fut envoyé a la Tour.
William Penn fut également arreté et condu.it au
Conseil Privé, qui le mit en liberté sous la caution
<lu lord Brandon.


Lorsque I'on goutoit ainsi les prémiees de l'anar-
chie, un sentiment presque universel de compassion
et de respeet se réveilla dans les ereurs sur les in-
fortunes du Roi. Le premier feu de la haíne, ou de
ee que ron eroit de.la haine, étant passé, de plus
nobles sentiments eommeneerent a prévaloir. On at-
tendoit le prince d'Orangc; mais eomme on le voyoit
déja vainqueur, e'étoit déja contre lui que se tour-
noit eeUe humeur ehagrine, eette opposition si na-
turelle aux Anglois contre la puissance, quel que
soit son nom: Déja on se demandoit eomment un
Parlement seroit légitime dan s l'absence du Roj.
Qual1d on apprit que Jaeques II c\toit reten u a Fe-


,




RÉVOLUTION DI<: 1688,
versham, on s'!'n réjouit, paree que le prince d'O-
range en seroit raché lui-meme, et 'que dan s touts
les cas il seroit forcé' de garder plus de modération.
Il est certain que les Anglois avoient adopté avec
enthousiasme la pétition d'un Parlement libre,
comme un double moyen de mettre un frein 11 I'am!
bition du Prince el de rétablir les libertés du pays;
mais pour cela, il falloit la présence du Roi, qni
seul pouvoit imposer le sceau de la loi aux actes
du Parlemcnt. Quant aux partisans <lu prince d'O-
range, ils ne cessoient de répéter : Que si Sa Ma-
jesté ne se fUt pas retirée, les affaires se seroit'll t
conciliées. Mais le Roi, par son éloigncment, di-
soient-ils, prouvoit a la natÍon ql,'il se dMioÍt d'elle
et qu'il ne vouloit aucun traité. Les Royalistes ré-
pondoient a ces récriminatÍons par I'exemple de
Charles rr.


Cependant toutes les personnes qui se rendoient
a Feversham, aupres du Roi, disoient hautemenl
qu'elles feroient touts leurs efforts pour l'empechel'
de partir une seeonde fois. Elles devoient lui repré-
senter le danger d'etre encore arreté, soit par les
vaisseaux de la fIotte, soit par (le peuple de la' cam-
pagne.D'autres, et en grand nombre, lui écrivirent
que sa personne seroit en sureté a Londres, et que
le peuple témoignoit tout a la fois d~ la douleur et
de la compassion.


« La malheureuse condition de ce Prince,» di!




EN ANGLJ.:TERRF:. 255
Barillon, el excite les larmes de heaucoup de gens.
(( 11 est certain que le peuple de Londres témoigne
({ le plaindre. Mais ceux qui lui donneront le conseil
« de revenir seront bien hardis. Mylord Godolphín
« ne l'a pas voulu faire. 11 a dit seulement a mylord
« Feversham qu'il croyoi.t que sa personnc sel'oit en
« sureté; que memc, a son avis, M. le princc d'O-
« range auroit exécuté les conditions apportées par
« les commissaires, si le Roi, au líeu de partir, les
(( avoit aceeptées. »


On dit 1 qu'apres le départ de la Reine, le mar~
quís d'Halifax avoit déterminé Jaeques II a partir
I ui-meme, en l'informant, par une dépeche secrete,
que le prince d'Ürange en vouloit a sa vie. Mais
cette assertion est contrariée par toutes les circons-
tances connues de cet ·événement. Jacques 11 n'en
parle pas dans ses Mémoires; et I'on a vu que des
sa retraite de Salisbury a Andover, il avoit donné
ses ordres particuliers a .. mylord Dower, pour que
le prince de Galles mt transporté de Portsntbuth
en France, tandis que les memes préparatifs se fai-
soient a Londr'es pour la Reine. L'opposition du
lord Darmouth ayant suspendu le départ du prinee
de Galles, J aeques 11 6t revenir son fils a Londres,
d'oo. cet enfant, arrivé a White-Hall dans la soirée
du 18 décembre, fut embarqué des la nuit du 19
~


t Mém. de d'Alrymple.




RÉVOLUTION DE 1688,
au 20. Enfin, le Roí disparut luí~meme.dans la nuit
du 20 all 21. Touts ces faits successifs prouvent que
le Roi étoit déterminé pour lui autant que pour sa
familIe. On l'entendoit souvent répéter cette parole
de son pere: qu'il n'y a pas loin de la prison d'un
Prince au tombeau. Cependant, quand il se fut bien
assuré du départ de la Reine et de son fils, il avoit
annoncé la resolution d'aller combattre, et donné
ses ordres pour l'assemblée du Conseil au lende-
main. Meme lorsqu'il se retira le soir dans son ap-
partement, il dit avec un air de satisfaction au lord
Mulgrave, Chambellan, que les Commissaires luí
avoient envoyé d'Hungerfold des nouvelles favo-
rabies; mais le lord Mulgrave, qui aperl,¡ut de l'af-
fectation, secoua la tete, s'inclina et se retira en
silence, d'un air consterné. Aussitot apres, Jacques JI
avertít le P. Piter et le comte de Melford de pour-
voir a leur sureté, oublíant ou dédaignant de don-
ner le meme conseil au lord Chancelier Jefferyes;
cep~dant il prit le Grand Seeau pour l'emporter
avec lui, brula les ordres donnés pour la convoca-
tion du Parlement, mit en sureté ses Mémoires,
qu'il rédigeoit exactement depuis sa plus tendre jeu-
nesse; et SUl' les trois heures du matin, sortit se-
cretement de Withehall, accompagné du chevalier
Édouard Hales et de deux domestiques. Un bateau
les attendoit avec deux rameurs. En traversant la
rivicre .1 y jeta le Grand Secau, il trouva de l'autrC'




FN ANGLETERR.E.


coté un carrosse de IOllage, et bientot apres des
chevaux préparés pour le conduire a une terre
du chevalier Hales, dans lf' pays de Kent, sur le
borJ de la mero De la il monta un petit biltiment
qui l'attendoit, mais le mauvais tf'mps ne lui per-
mit pas de mettre a la voile; et comme son vais-
seau manquoit de lest, il fut obligé de rester sur
la cote. Cepelldant, cornme I'inquiétude pOPlllaire
étoit universellc, plusieurs pikheurs, qui se tenoient
la pour emptkher l'évasion des pretres et des Catho-
liqucs, s' emparerent du chevalier Hales qu'ils re-
connurent allssit6t, et des personnes qui l'accompa-
gnoient. lis les menerent 11 Feversham, situé 11 deux
milles de la. Jacques 11 et Labadie, son valet de
chambre, se tenoient debont devant le chevalier, que
ron croyoit leur maltre. Mais dans ce concours nom-
breux des gens qui entroient dans I'hotellerie ou ils
furent déposés, un homme quí reconnut le Roi, se
mit a genollx devant Sa Majesté, en pleurant. « Puis-
{( que vous me connoissez ,» lui dit le Roí, en le rele-
vant les larmes aux yeux, r( faites pn sorte que l'on
({ lile traite eonvenablemenL » Tout ce <fui étoit 1;\
tombe, saisi d'étonncment et (h~ respcct, aux genoux
du malheur,~ux Prince. La foule se grossit et pro-
digue les memes démonstrations de fid¡'lité. Cepen-
dant on met des gardes a l'h6tellerie; des cour-
ricrs sont cnvoyés (1 Cantorbery, et la nouvelle de
l'arrestation du Roi parvicllt rapidemellt a Lon-


111.
'7




'158 RÉVOI,UTION HE 1688,
dres. Le prince d'Ürange en fut égalemeut infol'ml;
par un courrier que lui envoya sur-Ie-champ un
gentilhomme du pays.


Le comte de Feversham arriva allpres du Roi le
Silmedi matin 24 décembre. Il avoít laissp ses gardf>s
11 Sittinburn, ou le Roi se rendit avee lui, en se fai-
sant accompagner de deux compagnies de la milice
dt' Feversham. De Síttinbum, ou Jacques JI trouva
effectivement ses gardes, il congédia les deux com-
pagnies de milice, et dans le meme jour se rendít a
Rochester. De la il envoya le comte de Feversham an
prince d'Ürange, avec une lettre de créanct'. 11 man-
doit au Prince qu'il désiroit conférer avec lui, le
surlendemain, 11 Londres, et qu'il y feroit prépal'el'
le palais de Saint-James pour 1'y recevoir.


Le Roí s.ongeoit cependant á s'évadel' encore. JI
en 6t raveu a I'Ambassadeur de France; mais il
n'osa pas s'y hasarder. Il prit done la route de
Londres, Ol! iI arriva le 26.


ce On ne peut exprimer,» dit-il [ dans ses Mé-
moires, ce les acclamations générales et la joie que
« le peuple exprima au retour de Sa Majesté. ») Le
comte de Clarendon avoue lui-meme que sa marche
ressembloit a un triomphe. «Le peuple,» dit Ba-
rillon, « 6tbeaucoup d'acclamati01l5, et la foule étoit
« grande dans les rues et a White-hall. » Ce moment


T Tom. I1I, p. 386.




EN ANGLET¡¡RRt~.


de bonheur ne dura pas long-temps. Le Roi étoit
a peine entré a White-hall, que le comte de Roye
lui apprit l'arrestation du comte de Feversham
par le prince d'Orange : triste présage des événe-
ments qui vont se précipiter.


Lorsque ce prince eut d'abord appris le départ
de Jacques II, il sut contenir l'expression de sa joie
sous les dehors d'un calme fmíd et sévere. 1l ne hata
point la mal'che de son armée, cel'lain maintenant
([u'illui étoit inutile de paroitre usurper a force ou-
verte ce que la nécessité meme alloit lui offrir. En
effet, la déclaration des Lords réunis a l'Hotel
de Ville lui fut portée a Henley. 1l y re¡;ut également
une adresse du Lord Maire et des Aldermen, qui
le pl'ioient de venir a Londres et d'y protéger la
paix publique. D'un autre coté, les Officiers supé-
rieurs de l'armée lui écrivoient de White·halI qu'ils
se preteroient aux mesures nécessaires pour le réta-
blissement de l'ordre dans la ville de Londres. Sur-
le-champ il puLlia un édit qui ordonnoit aux diffé·
rellts Officiers d'assembler les régiments, de les
placer dalls des quartiers convenablps, et de lps main-
tellir sous les lois de la discipline militaire.


Arrivé a Windsor, il y apprit l'arrestation de Jac·
ques II a Feversham; et, quoique habitué des son
enfance 11 maitriser touts ses mouvements, il ne put
retenir l'cxpression amere. dp su surprisp 011 p)utót
de son m~contPntement, I'ontrc le zele indiscret de


r 7.




ntvoLUT/ON DE 1688,
ceux qui avoient retenu le Roi. Cependant, le comte
de Feversham lui apporte la lettr'e dont il étoit chargé:
Guillaume le fait arrtlter, donnant ponr prétexte
qu 'iI étoit venu sans passe-port, contre les loís de la
guerreo N éanmoins íI répond a la IcUre du Roi, et
lui envoie la sienne pal'le eomte de Zulestein. Il in-
vitoit S. M. par eette leure, a ne pas s'approchcr de
Londres plus pres que Rochester. C'étoit le luí 01'-
donner. Mais le Roí étoit déja partí de Rochester.
Zulesteín retourna prendre de nouveaux ordres a
Windsor.


Étol1/lé de l'aspect nouveau que sembloient pren-
dre les affaires, et de la résolution que les Lords
de l'H6tel de Ville a voient prise, sans le consultel',
pour le retour de Sa Majesté, le prince d'Orangc
rél1nit en Conseilles plus distingués des Anglois qui
se trouvuient aupres de lui, et demanda leur avis.
Il eonnoiss01t assez le cccur humain pour fltre bien
assuré que ceux qui l'avoient appelé, ou qui s'étoient
rendus a son armé-e, ne lui conseillcroient pas de
transaetion; et si la nécessíté des conjonctures pré-
sen tes imposoit 11 SOl! ambition un parti tout a-Ia-
fois dur et décisif, il n'étoit pas mehé d'Cll laisser
l'odieux sur les sujets infideles du Roí, et de s'at-
tribuer 11 Iui-meme la générosité sur les rigueurs inu-
tiles. De graves questions en effet s'agiterent. Il fut
convenu d'abord que le Prince ne pouvoit plus
traiter avt'c un Roi qlli, au milieu memc nes négo-




],N ANGLETERRE.


clatlOns ouvertes en son nom, avoit par sa fuite
exposé l'Angleterre a touts les désordres de l'anar-
chie. Ce point réglé sans eontestation, il fut égale-
ment reconnu que le Roi ne pouvoit etre a Withe-
11all si le Prince étoit a Saint-James. Deux Gal'des
el deux Cours opposées se trouveroient-elles, si pres
l'une de l'autre, sans péril ou sans tumulte? D'ail-
Jeurs, la voix secrete de la conscience disoit a touts
(lue la multitude, qui cede si facilement 11 la vivacité
des sentiments naturels, ne verroit pas sans émotion
un Roí, un pere, bravé, assiégé meme jusque dalls
ses foyers domestiques, par un Prince qui étoit
tout ;t-Ia-fois son gendre et son neveu. Mais que
t1irc dll Roí? « Plusíeurs,» dit le doeteur Burnet
(¡u'il faut en croire, « par/o¡ent d-'un mauíJais
« parti, de l' enferme/" all moins, en attendant
« que l'on mt assuré de l'lrlande el (¡ue le Gouver-
« llement fUt rétablí en Angleterre. ¡, Burnet dit aus-
si, «que le eomte de Clarendon appuya la pl"Oposi-
« tion de le reléguer a Rreda. II Mais Rurnet, tres-
prévcnu contre Clareudon. l'acellse injustement.
Le comte, rigoureux Protestant, ne pardonnoit pas
au Roi son heau-frere de s't~tre. rendu Catholique,
et d'avoir voulu livrer les libertés du pays aux Ca-
lholiques. Mai::; il ne vouloit ni que le Roi fUt ren-
versé, ni que l'Angleterre fUt opprimée. II prouva
dans la suite ses véritaLles sentiments, pendallt l'exil
de Jac(Iues 11, en lui offraut &on intcrvellLÍon aupres




R.ÉVOLUTIOI\' DE ¡('i8S,
des Anglicans pour son retour en Angleterre. AillSi,
bien loin de vouloir <-{ue Jaeques II fUt rclégué a
Breda, Clarendon insista contre le marquis d'Ha-
!ifax pour que Sa Majesté fút libre de se retire!' au
moins dans une de ses maisons royales, en pro'vince.
Halifax l'emporta el fit décider que le Roi seroit
prié de se l'etirer dans un chatea u appartenant a la
duchesse de Lauderdale. Halifa:x, qui venoit de fitire
prendre ceUe résolution, demandil (lu'elle fUt noti~
fiée a Jacques II par le comte de Solmes, qui com-
maI!,doit les Gardes hollandoises. « Avec votre per-
« míssion, ~ répliqlli.l vivement le prince d'Orangc,
« cette décision est de vous, elle sera portée au Roi
« par vous. » Et sans attendre de réponse, il chargea
de ce dur message les lords De la Mere, Shrewsbury
et Halifax.


Guillaume avoit assez d'élévation dans le cumr
ou dans le caractere, pour sentir l'indignité du role
que jouoit ici le marquis d'Halifax; Halifax, qui avoit
été Ministre du Roí, et qui naguere étoit venll né-
gocier la paix au llom du Roi. Ce fut le prince d'O~
range qui, daus cette délibération, écarta les con-
seils violel1ts. « Les lIlotifs qui m' out amené ici,»
disoit-il, «m'autorisel1t assez, sans doute, a faire une
« guerre ouverte au Roi, et je ne risqlle rien; mais je


I


(e suis certain que la princesse d'Orange ne souffrira
« jamais que ron attente a la liberté de son pere. D'ail-
« leurs un Parlement n'y trollvemit-il rien a dire?»




EN ANGL1:TEnnF.


C'cst dans eelte disposition des choses (lue le
comte de Zulestein arriva aupres de Jacques 11, a
'Vhite-hall, avec la leUre du prince d'Orange, qu'il
n'avoit pu lui .'emettre a Rochester. Zulestein fut long-
temps enfermé avec lui dan s S011 c01binet. Lui ayant dit
que le priU(~e J'Ol'ange ne pouvoit paroitre a Londres
qu'avec des tl'OlIpes asscz nombreuses pOllr garantir
sa personne: « 11 peut en amener,» répondit Jac-
ques II, « autallt qu'il voudra. Je u'aurai meme que
(( ceHes qu'il jugera a propos; ou plutot, n'étant pas
« assuré des miennes,j'aime autant n'cn point avoir.»)
Et de Imite il donna l'ordre au lord Crayen, qui
commandoit les Gardes, de mettl'e Saint-James a la
disposition du Pl'ince d'Orange, et de préparer le
logemcnt des troupes hollandoises. Tel est le rapport
de RariHon. Le Roí témoigna cependant fort vive-
ment au comte de Zulestein sa surprise de 1'011'-
restaLioll du lord Fevel'sham, arrestation qui vÍoloit
tout a-Ia-fois le droit des gens et les lois les plus
simples de la nature,


Apres eette pénible eonférence, le Roí tínt sa
Cour, eomme a l'ordiuaire, La foule y étoít consi-
dérable. Mais on n'y distinguoit aueUIl des Seigneul's
attachés au pal'ti d'Orange. Quelques Ministres étran-
gers s'y présenterent. Le Roi tint aussi un Conseil
et soupa en publico Le lendemaill il assista 3U sef-
vice divin, Olt se trouverent beaueoup de Catho~
IÍfrues.




R}<~VOLUTIüN DE 1688,
Cependant, apres le souper, il avoít eu avec l'am-


bassadeurdeFrance une conversationqui mérite d'etre
citée. « Toute l' Angleterre,» lui dit.il, « est en armes, et
« dans chaque bOllrg ou village on arrt~te toute per-
« sonne qui passe inconnue. A Douvres, un pecheur
« s'est emparé du ch¡lteau; il y commande comme fai-
« soit Maz-Aniello a Naples.» Parlant ensuite de I'état
des affaires, « Le prince d'Orange,» dit-il, « anroit
« mienx aimé que je fusse parti, et va se trouver
« fort embarrassé sur la forme de Gouvernement a
« établir. La séance d'un Parlement ne peut etre lé-
f( gitime sans les mandements scellés du Grand-Sceau,
« et il n'en a été expédié que ponr quinze Comté5.
« Les autres 50nt brulés; le Grand-Sceau!le se trouve
« plus. Le Chancelicr me I'avoit remis huit jours
« avant mon départ. On n'en peut fuire un autre
« sans moi. Tout cela tormera des difficultés et des
c( incidents qui me donneront líe u de prendre un
« parti convenable ... ») « Je' vois,» ajoute Barillon,
« qu'il est encore résolu de chercher les moyen:> de se
« sauver : il en avoit l'intention a Rochester. II ne
« se fie pas aux acclamations d'hier et a quelques
« feux de joie allumés daos la ville ... 11 m'a fait de
i( nouvelles protestations de ne se Iaisser engager
« a rien contr'e Votre Majesté. »


. Des le lendemain, les troupl:'s du prince d'Orange
étoient I:'n marche sur Londl'es, et ceHes du Roi se
retiroient dans df'S qual'tiel's séparc.s. Jacque~ n ap··




EN ANGLETEUHE.


prcnoít aussi quc la fIotte, sur la nouvelle de son
départ, avoit envoyé sa soumission a Guillaume, et
que le duc de Tyrconnel avoit été arrcté en Irlande.
eette derniere nouvelle étoit fausse. Tyrconnel, au
contraire, prenoít les mesures les plus énergiques
pour conserver l'Irlande au Roi, ou du moins pou¡-
la rendre absolument indépendante de I'Angletel"re,
si le Roi n'y vouloit pas chercher un asyle. Mais
une ressource honorable restoit encore. Le duc de
Berwik étoit alié, des le 21, a Portsmouth, dont il
étoit toujours le maltre; et apprenant le retour de
Jacques 11 a Londres, il lui envoya demander ses
ordres SII¡- le pa¡-ti qu'il devroit prendl'e. « Mais, »
ajoute Barillon, « l'on n'est pas en état ici de lui
« en donner d'autres que de recevoi¡- ceux de M. le
(( prince d'Orange.»


Guillaume étoit resté a Sion, qui se trouve a dix
milles de Londres; et selon ce qui avoit été con-
venu ootre le Roi et le comte de Zulestein, quatre
bataillons des Cardes hollandoises vinrent occuper
SaÍnt-James le 28, et relever les Gardes angloises
qui en sortirent sur les ncuf heures du soir. Mais,
ce que le Roi ignoroit encore, ces troupes avoient
d'autres ordres; et déja leur approche avoit jeté clans
la ville de Londres une terreur universelle. Cette ville
tient surtout a son privilége de ne jamais loger les
gens de guerre; et l'approche noctUrIW des troupes
étruIIgeres TW luí causa pus moins de frayeur que




nÉVOLlITION DE 1688,
la fausse alarme qu'elle venoit de subir au sujct des
lrlandois. l.e désordre qui en résulta détermina le
comte de Solmes a se rendre a Londres, pour pré-
venir le lord Craven et lui communiquer les Ol'dres
qu'il avoit d'occuper non-seulement Saint - James,
mais encore White-hall. D'un autre coté, les lords
Delamere, Shrewshury et Halifax, qui devoient no-
tifier au, Roi la résolution prise dans lc COllseil du
prínce d'Orallge, n'avoient pas encore paru. Mais
le lord Craven sentit son vieux sang houillonner
dans ses veines, en apprenant que des étrangers
se proposoícnt de forcer la Garde angloise d'un
Roí d' Angleterre. Craven, quí j adis avoit illustré son
eourage dans la peste de Londres, en restant in-
fatigable parmi le petit nombre de ceux qui s'étoient
dévoués au salut du peuple dans eette grande cala-
mité, répondit fierement au eomte de Solmes qu'il
défendroit le palais de son Roi. Alors trois des quatre
bataillons déja maitres de Saint- James s'avancent
dans le pare, en Ol'dre de bataille, el marchent sur
White-hall. Le Roi étoit sur le point de se mettre
au lit, quand il fut averti par mylord Cra\'en. D'a-
bord il n'en vouloít ríen croire, se persuadant qu'il
s'agissoit uniquement de Saint-James. Il mande le
comte de Solmes, qui lui montre les ordres du prince
d'Orange. Apres quelques tentatívcs inutiles aupres
du COlUte, le Roí f¡nit par donllcr l'ordre au lord
Craven de ne faire aucune l'&sistance. Craven obéit,




la mort dans le crelll'; IIJais il lui faUut répéter
11 ses Gardl:'s les ordres du Roi. Ce fut d'abord un
sourd murmure et bientót une explosion de cour-
roux. Au second commandement, ils se retirent len-
tement et retournent souvent la tete vers l'ennemi.


Le Roí s'étoit résigné a touts les outrages. 11 se
met an lit, malgré ¡es obsetvations de ses serviteurs.
« Vous n'avez plus, }) lui dísoient-ils, « que des Gardes
« hollandoíses.}) - « Qu'importe! )} répondit le Roí.
« Entre ces Gardes et les mieus, je semis peut-etre
,( embarrassé de cboisir [.» C'est ainsi qu'une fatale
défiance avoit perdu un Prince uaturellement cou-
rageux; quand il parloit ainsi, Craven el les Gardes
étoieut indignés de ne pas combattre.


Malgré eeUe violente sctme, le Roi venoit de s'en-
dormir profondémcnt, IOl'squ'a une heure de la nuit
se présenterent a son appartement les trois Com-
missaires du princl:' d'Orange, les lords Delamere,
Shrewsbury et Halifax. Le comte de Middleton, qui
couchoit dans la chambre du Roi, ne put obtenir
d'eux le moilldre délai. Ce f{u'ils avoient a commu·
niquel', dirent-ils, ne pouvoít permettre aucun re-
tardo Middleton, pour éveiller le Hoi, se met a ge-
noux et parle assez haut a l'oreille de Sa Majesté.
({ Qu'y a-t-il?» dit Jacques II, reveillé en sursaut .


• Mém. dI! Roí, lomo lll, p. 390'




R~VOLUTION DE .688,
Et prévenu sUl'-le-ehamp, il donne l'ordre d'intro-
duire les trois En voyés.


Ceux-ci lui remirent simplemellt la leUre du
prince d'Orange qui leur servoit de commission. Elle
étoit conque en ces termes:


«( Nous vous prions, mylord ma.quis d'Halifax,
« eomte de Shrewsbury et mylora Delamere, de
« díre au Roí que 1'on juge convenable, pour la
C( plus grande tranquillité de la ville, et pour la plus
« grande sureté de sa personne, qu'il se transporte
« a Ham, ou il sera aecompagné de ses Gardes, qui
« le défendront de toute insulte. Donné a vVindsor,
« le 17-27 décembre 1688.


W. PRlNCJ<: D'ORANGE.))
Dans eeHe pénible entrevue ou le Hoi reervoit


ainsi des orares si durs par l'organe de ses propres
sujets, le marquis d'Halifax cut Illoim d'égards pom
la majesté déchue que le lord Delamere, aquí Jac-
ques II avoit fait subil' des perséeutions assez vives,
surtout dan s l'affaire ou périrellt les trois hommcs
les plus illustres de l'Angleterre, Essex, Hussel el
Sidney. Mais cctte différence de procé(lés s'expli(lue
par la différence des caracteres. Halifax, plus am-
hitieux d'honneurs que jaloux de la liberté, se pré-
cipítoit au-devant de la fortune. DeJa mere éeoutoit
moins ses rcssentiments que les intérets de son
pays f{u'il n'entcndoit sacriGel' ni ¡I Jac(lues II J lli
au pl'ince Ll'Orallge. Ce fnl Llollc le lI1:lrIl'lis d'lfalifax.




TeN A.~r.LETEItRE.


qni insista surtout ponr que le Roí sortlt de Whitc-
hall avant dix heures du matin. Jacques 11 témoigna
vainement su répugnance pour le ch:lteau de Ham
qui n'étoit point meublé, qui d'ailleurs étoit un
séjour peu agréable en hiver. Halifax leva les ob-
jcctions; en disant que les officiers de sa maison au-
roient· bientot transporté les meubles nécessaircs.
Alors Jacques II répondit que, puisque son départ
étoit n';solu, íl vouloit 5'éloigner davantage, et re-
tourner a Rochester, OU d(~ja le prince d'Orange lui
avoit mandé de rester.


Cette propositíon agréée par les troi5 commís-
saires, ils retournerent snr-le-champ aupres de leur
nouveau maitre qui l'approuva, et revinrent ~l lleuf
heures. Mais le Prince a\'oit décidé que le Roi 5e1'oit
accompagné dan:> sa marche par les troupes hollan-
doises, et le comte de Solmes dOIlna les ordres néccs-
saires. La marchefut encore un objet de contestation
ou le marcluis d'Halifax contraria le Roí, tandís que
}p lord Shrewsbury accédoit a ses désirs; ce fut
Halif..'lx qui I'emporta. Le Roi, pour se rendre a
Gravesend, vouloit que son escode allilt l'y attendre,
en passant par le pont de Londres et la Cité. Le
vent étoit tres-fort; l'embarquement de tant de per-
sonnes et d'équipages seroit lent,· difficile et meme
dangercux; mais Halifax craignoit que le cortégc, a
travers la Cité, ne remuat la compassion du ppuple:
il insista pour l'embarquement au b¿tc de Lambcth.




'A7° HF.VOUlT[ON n .. : 1688,
Le Roi ohéit. 11 prit eongp des ministres étrangers,
sans pouvoir rien dire a l' Ambassadeur de France,
et des lords f't gentilshommes qui l'entouroient. Il
monta dans une barque avec les lords Alisbéry,
Lichtfield, d' Aran, Dumbarton et sir Graham, de-
puis vicomte de Dundee, qui alors étoit major du
régiment du comte de Bath; une seconde barque
étoit destinée a ses autres officiers. Son escorte le
précédoit et le suivoit sur un grand nombre d~
bateaux. Enfin, la marée étant contraire, il n'arriva
qu'a sept heurcs du soir a Gravesend oil jI coucha.
Le lendemain 29, il étoit a Rochester.


c( Les Anglois qui le virent partir, » dit Barillon,
cc étoient fort tristes; la plupart avoient les larmes.
« aux yeux. Il a pam meme de la eonsternatioIl dans
(e le peuple, quand 011 a su que le Roi partoit en-
t( vironné de gardes hollandoises, et qll'il étoit vé-
f( ritablement prisonnier .... Il est certain,» dit-il,
plus loin, dans la meme lettre, «qu'au retour de
« Sa Majesté Britannique le peuple de Londres a
« témoigné de la joie, et que son Jépart a causé de
c( la pitié et de la douleur. Cela pourroit devenir plus
c( f01't, s'il demeuroit en Angleter1'e; mais, s'il qllittc
ce une seconde fois, on soutiendra qu'il abandoune
(( son Royaume, et qu'il renonce a la Royauté. ,)


A Gravesend, le Roí l'ec;ut du pl'ince d'Orangc
un passe-port en Llanc qu'il avoit demandé, pour
envoyer qllelqu'un en Fralle(' anpn"s dt, la BrillC.




~71


La gardc, qui veilla autonr de sa maisou ¡H'udallt
la nuil, exen,¡a une surveillanee exacte et sévere;
mais, a Uoehester, eette exaetitude, quí n'étoit que
simulée, se ralentit. Les sentinelles ne fUl'ent posées
qu'¡¡ la porte de sa maison, qui donnoit sur la rue,
el l'on n'en mit point a la porte opposée qui don-
noit sur la riviere. Le Roí se persuada fort juste-
ment que le prinee d'Orange désiroit sa fUÍte, et il
ne le désiroit pas moins lui-meme. En politique,
cep~ndant, il est une regle surc : e'est de 11e pas
faire préeisément ee que souhaitent le plus vivemcnt
nos ennemis. « Mais, )) dit-il dans ses Mémoires 1,
« s'il trompoit l'attente du Prinee en ne quittant
« pas le Royaume, le Roi étoit per'suadé qne son
(, gendre ne manqueroit pas de moyens ponr le faire
« sortir non-seulement de I'Angleterre, mais encore
« du monde. ),


Jaeques II s'étoit embarqué pour GI'ave5end a
midi. Le prinee d'Orange arriva sUr It's deux heures
:\ Londres. 11 n'osa pas triompher de la pitié pu-
blique, réveillee en faveur du Roí. Ce futpar le
pare de Saint-James qu'il 6t son entrÉe qui fut
presque 50litaire. 11 est "raí que la pluie tomboit
par torrents. Le soir, il Y cut quelques feux de
joie; mais, en général, eette grande ville n'offroit
que l'aspeet de la trisfesse et de l'¡'tonnement. Deux


, Tom. lIT, r, 395,




R.ÉVOLUTION DE 1688,
soldals hollandois furent tués par des bomgeois, qui
ne vouloient pas souffrir leur insolence. L'Hotel-de-
Ville refusa de loger les troupes dans la Cité, en
alléguant la charte de ses priviléges; et Guillaume,
surpris de ce refus, ne jugea pas a propos d'in-
sister pour le moment.


Le docteur Burnet, qui attribuc a la modestie la
précaution que prit son héros, dc n'entrer, pour
ainsi dire, qu'a la dérobée dans la capitale, con-
vient cependant que les esprits l'urent choqués de
sa conduite. « Quel empressement,)J disoit-on, « et
« c'est BUl'llf't qui le répete, d'envahir le palais, la
« ehambre, le lit encore chaud du Roi! Quelle inhu-
« manité d'avoir troublé, jusque dans son sornmeil,
({ un Prince résigné a touts les sacrifices! L'inl'or-
« tuné cependant est livré aux gardes de son neven!
II Ce n'est donc pas uniquernent a la tyrannie que
({ l'on aspire! » Et le mot de Charles r~r, mot fatal
que répéto~t aussi le Roi son fils déja captif, re-
venoit a la mémoire. Les murmures publies se for-
tifioient encore des murmures de I'armée ll. qui l'on
avoit prél'él'é des troupes étrangeres pour garder le
Roi.


Des le surlendernain, ')0 llécemhre, le bruit se
répandit a Londres que Jacques II avoit déja qui.tté
secrctement Rochester, pour se réfugier en France.
La nouvelle étoit faus~e, mais elle exprirnoit le pres-
sentiment des uns, le vil' d6sir des autres. La pré-




EN ANCLETERRE.


sence du ROÍ, sur un point quelconque de l'Angle-
terre, étoit trop redoutable pour les ambitieux ou
les traltres, dans un pays oll l'ombre me me de l'illé-
galité agite simultanément touLs les esprits. Guil-
laume n'étoit pas assez fort pour dire commc Bren-
nus : l/ce victis, malheur aux vaincus! La nation
étoit trop fiere pour reconnoltre en lui le droit de
la conque te sans victoire et meme san s combato Si
GuiJlaume devoit monter sur le tronc, ce ne pou-
voit etre que sur le trone vacant par une loi ou par
un simulacre de loi.


Ce jour-Ilt, il fut harangué au nom du corps de
ville. Le Recorder (ou greffier), qui portoit la pa-
role, lui donna le nom de Champion de l'Étcrnel,
qui étoit vcnu délivrer le peuple de Dieu et son hé-
ritage. L'Ambassadeur d'Espague et le Résident de
Venise allerent aussi le féliciter. Cependant soixante-
dix pairs étoient réunis 11 Saint - James. Il entra
un moment dans leur assemblée, ponr leur dire
qu'il les prioit de délibérer sur les moyens d'asseme
hIel' un Parlemcnt libre, et d'arriver au but (¡ll'il
s'étoit proposé, suivant son mallifeste. Il le déposa
sur le hureau en se retirant.


Le Conseil privé avoit déja envoyé a la 'fOil!'
prendre les déclarations dll Chancelier sur les trois
questions suivantes : Ce (IU'il avoit [ait du granel
seeau? Ou se trouvoient les writs ou mandemenls
po nI' la convocatiol1 du Parlement, ct quels ¿toient


m. 18


.




RÉVOLUTlON DY. 1688,
ceux qui déja étoient expédiés? S'j 1 avoit en pel'-
mission du Roí de sortir du Royaume? Le IJonl
Chancelier répondit, a la premiere question, que
le Roi lui avoit demandé les sceaux, plus de dix
jours avant son départ; a la seconde, qu'il avoit
remis au Roi les writs qui n'étoient pas encore
expédiés, et que les officiers de la Chancellerie
étoient mieux que lui en état dI' savoir ceux qui
étoient envoyés; 11 la troisieme, que Sa Majesté lui
avoit permis de sortir du Royaume, et qu'il avoit
eu des passe-ports des ministres de France et d'Es-
pagne.


Cette réponse constatoit qu'il n'y avoit plus de
Gouvcrnement, puisque le Roi, <{ui d'ailleurs n'a-
voit plus qu'lln titre nomillal, avoit retiré le granel
sceau des maills du Lord Chancelier; puisque le
grand sceau avoit disparu, et ne pOllvoit etre ap-
posé aux mandements nécessaires pour la convoca-
tion légale clu Parlement; et que, si des mande-
ments avoient été envoyés dans quelques comtés,
il n'en existoit point de certitude légale; en fin que,
cluns touts les cas, les élections partielles qui en
résulteroient légalemcnt ne pouvoient produire
la représentation du Royaumc. TOlltes ces diffi-
cultés de forme étoient immenses dans un pays oll
tOllt e5t légal, ou tout se fait sllhstantiellement au
nom et par le Roi, meme ce qni ('sl contraire a la
volonté du Roí. JI falloít done que le Boí qllittúl




EN ANGLETERRE.


l' Angleterre, pour que le trane, ptant déclaré va-
cant, la magie de la légalité extérieure donnat a la
perfidie et a l'usurpation le earaetere imposant et
nécessaire de l'ordre et de la loi. L'esprit minutieux
de Jacques II avoit tres-bien eompris ces diffieultés;
mais il falloit anssi eomprendrc que Guillaume n'é-
toit venu en Angleterre ni pour s'effrayer de la
disparution du Grand Seean, ni ponr reculer de-
vant un trone abandonné.




--... ----------~-------_ ... -


S OMMAJRE.


1688. - (SUITE).


Assemblée des Lords a We&tmillslcr.-Secollde évasioll du Roi.
-Son manifeste.-Lc gouvernemellt provisoire est düféré
au Prince d'Orange. - Le Roi a Saint-Gennain. -Sa <:011-
duite politiqueo - Expéditioll d'Irlande.


----_4XNl1ii" ..... --




R¡'~VOL. D}~ 1688, EN ANGLETERltF:. 277


... ~ ... _-~----_ ... _-------------


LIVRE XXVII.


1 GS8. - (sUIn:).


TAN DIS que le Roí étoit a Rochester, les soixante-
dix Pairs, a qui le prince d'Orange venoit de re-
mettre son manifeste, au palais de Saint- James,
procédoient avec une lente circonspection, dans l'at-
ten te des événements. San s mission et sans titre, ils
voyoient tres-bien ce que leur demandoit la modéra-
tion affectée du PrincC'.lls commcncerent par se faire
uonner lecture du manifeste; apres quoi, ils réso-
lurent de remercier Son Allesse de son heureuse ar-
rivée en Angleterre. lls résolurent aussi, pour dé·
libérer sur la forme du gouverncment a établir, de
se réunir dans leur salle ordinaire de W estminstel';
c'étoit par le fait se constituer en Chambre Haute.
lis nommerent cin<¡ J urisconsultes, pour assister a




RÉVOUTTfON D.E I6H8,
leurs séances, et pour lcur expliquer, dans l'absellce
des juges, les lois du royaume. Enfin ils rédigerent
ce que ron nomme en Angleterre un acte d'asso-
ciatjon ; jI étoit le mi:~me dans les termes que celui
déja dressé, a l'arrivée du Prince, par la nobles::;e
d'Exetel' et de Devonshire. C'étoit un usage dans les
grandes divisions politiques. La Pologne en offre des
modeles dan s ses confédérations; et la France en
avoit subi toutcs Ics fatales conséquences dans le fa~
meux A ele d'union, ou la Sainte Ligue. Cette nou-
velle assoeiation angloise étoit con(~ue en ces termes:


« N ous soussignés, qui somulPS a présent réunis
« avec le prince d'Orange, pour la défense de la Ue-
« ligion Protestante, pour le maintien de I'aneien
« Gouvernement et des lois et libertés d' Anglcterre,
« d'Écosse et d'Irlallde, N ous promettons a Dieu et
« a Son Altesse le prillce d'Orange, et réciproque-
« ment l'un a ¡'autre, d'adhérer fortement a ceUe
\( cause, et l'un a l'autre, pour la dHendre; de ne
« jamais nous en dt-partir, jusqu'a ce que notre Ue-
« ligion, nos lois et nos libertés soient tellement as-
« surées, dans un libre Parlement, que nous ne
« soyons plus en danger de tom}wl' sous le Papisme
« et l' escla vage ;


l( EL d'autant que nous sommes engagés dans cette
(, cause, sous la protection du prince d'Orange, ce
«( qui pourroit mettre sapersonne en danger et l'ex-
t( poser aux attentats désesperés et maudits des Pa-




l'N ANGLETERRE.


(' pistes el aulres sanguinaircs, nous nous engageons
« de telle sorte, a 'Dieu et entre nous, que, si OH
« fait quelques atlünlats sur lui, Nous poursuivrons
« nOIl-seulenwnt ceux qui les auront faits, mais en-
« core touts leurs adhérents et touts ceux que nOlls
« trouverons en armes contre nous, avec les plus
« grandl's sevérités d'une juste vengeance, jusqu'il
« lellr entiere destruction; que l'exécution de tds
« aUelltats (ce que Diell vpuille empechel' par sa
,( miséricorde !) ne 1101lS cmp(1chera poillt de sou-
« lenir la cause dont nous prenolls actnellplllent la
« d(:tense, et nons engagera au eonLraire a la suivl'C
,,( et soutenir, avec la vigueur que méritera une ae-
\( tion si barbare.))


CeL aete d'association ne fut pás adopté san s quel-
(iue résistancc; ct d"aiIlelll's chaCllIl restoi t 1 i¡n'e de
le signer ou de ne le pas signer. Le lorel W harton
le discrédita meme sur le champ par ses sarcasmes,
Iwndant la dl(]ibératioll. Chacun signa cependant,
excepté le due de S01111l1crsct, le eomte de Pem-
broek, le conlte de N ottingham, le lord Whai:ton,
el lcs~~v(.(llles, 1Il0ins celui de Londres. Déjéi l'ar-
chcve({ue de Calltol'béry s'abstelloit absolllmellt de
toutc participation ~I ces réuuions (les Lords, soit :.
l'Hotel de Ville, soit a Saint-James, et depllis a Wesl.-
minst\'r.


Le comte de Danby, qui hoit dans la province
d'York, COlllJlWIH,;oit :1 dOllner des inquiétudes au




RivULUTIUN DE 1688,
parti dll prinee d'Orange. II avolt soulevé la pro·-
vinee? mais pOUl' demander un·Parlement. On luí
envoya eourriers sur eourriers pour l'ellgager a ve-
nir a Londres; et eomme íl scmbloit hésiter? S3 len-
teur étoit di versement intcrprétée. 11 vint ccpendant,
et Guillaume parut le bien recevoir. En gélléral?
toute la noblesse favorisoit les vues secretes du prínec
d'Orange. L'attitude nouvelle du Clergé inqlliétoit
les fauteurs de eelte révolution, et la situation du
Roí touchoit visiblement le peuple. Dans eette anxiété,
les affaires étoicnt en Sllspens, et I'on attendoit ce
qui arriveroit a Roehester.


Les Éveques et plusieurs seigneurs, attaehés égale-
ment a l'Église Anglicane et a la monarchie, faisoient
sollieitcr J aeques Il de se tenir tranquille, soit a Ro-
ehester, soit a la campagnc, et surtont de rester en
Angleterre. Le doctenr Brady, médecin en qui Sa
Majesté avoit de la confiance, lui fut envoyé avee un
mémoire, ou étoient développés touts les motifs qui
devóient lc détermincr a ne pas quitter le Royaume.
Brady, qui aimoit le Roj et son pays, joignit ses
propres instan ces a toutes celles dont jI étoit I'inter-
prete. Mais le Roi recevoit aussi des avis de Londres,
qui entretenoient son esprit dans son incertitudt' na-
turelle. Plusieurs officiers généraux, t'ntre autres
J. Fcnwick, Sackville, sir John Talbot, frere de Tyr-
connel, Vice - Roi d'Idande, les lords Newbourg,
Griffin, lhlcaras, Litchfield, (,t des gentilshoIl1mes




EN ANGLET:ERItE.


de qualité l'avoient suiví cn asscz grand nombre a
Rochester. Quant a sir Graham, major du régiment
de Bath, qui l'avoit également suivi, et qui depuis
fut si célebre sous le titrp de vicomte de Dundee, iI
se retira des le lendemain avec deux officiers et sous-
officiers de son régiment. Dundee étoit royaliste ar-
dento Il avoit soutenu vivement la proposition cou-
rageuse que le lord Dumbarton avoit faite, au camp
de Salisbul'Y, d'attaquer le prince d'Orange avec ses
Écossois. Incapable de donner ou de recevoir un
conseil timide, il étoit avec le Roí et le lord Bal-
carras, lorsqu'un lord Anglois vin t dire a J acques II :
« Dix mille soldats licenciés sont encore autour de
«( Londres. Ql1elql1es heures suffiroient pour les rél1-
«( nir. Lcs troupes du prince d'Orange sont disper-
«( sées dans leurs quartiers. Une attaque imprévue
« pcut changer la fortune;o et je suis chargé, par un
« grand nombre d'officiers, de vous offrir leurs bras
« et leurs épées. » - « Mylord, » lui répondit le Roí,
« vous avez de j'honneur, mais ceux qui vous en-
l< voient n'en ont pas.» La proposition étoit délicate,
peut - etre dangerel1se; et le Roi, qui avoit eu le
malheur de ne vouloir pas combattre quand l'armée
n'étoit pas encore dissipée, n'étoit pas de caractere
a tenter une entreprise aussi périlleuse. Cepenclant
il examina sérieusement avec le comte de Middleton
la grande question qui le tourmentoit constamment,
de partir ou de rester> Micldleton n 'osa encourir la




RÉVOLUTION DE 1688,
responsahilité d'un conseil décisif, mais il avoua net-
tement « qu'il se croyoit obligé de di/'e h Sa Majesté
« que, si elle quittoit le Royaume, la porte lui en
« seroit fermée sans retour.)l Graham, qui étolt
Écossois, ne douta pas un moment des int<>ntÍons
réelles du Roí et prit son congé avec quelqtH's offi-
ciers. Les deux tiers de son régiment déserterent
su/' le ehamp, ce qui confirma lp Roi dans sa pen-
see secrete de prendre la fuite. Cependant le meme
jour, le second régiment des gardes vint a Roches-
ter; touts les officiers firent connoitre au UoÍ lem
úle pour son se/'viee, et il n'y eut que le lIInjol'
Henson et son gendre qui lui demanderent lcnl'
congé. Le Roi, malgré la garde hollandoise, pou-
voit done se maintenir avec quelquc dignité a Ro·
chestcr, et meme ten ter la fortune; mais s'il cut étl~
capable d'un partí vigourellx dan s cette conjoneture
critique, ne l'eút - il pas été dans les circonstanees
:.tntérieures? C'est la ce que 11C considerent point
.Issez touts ceux ({ui sont appclés au dallgerellx of-
íice de donner des eonseils a des princes foibles et
irrésolus. D'aillellrs celui qui di-liberc dans ks con-
jonctures oll il faut du conrage d'esprit, est déja
résolu au parti le plus timide.


La Reine avoit écrit a J aeques II une ¡ettre Ol.
elle le conjuroit de tenir sa pamle de l'aller joinrln'
mcessamment. ectte leure, interceptéc, fut 1'l'lIvoy(:(,
au Roi par le princ(' <1'( ).rauge. EII nll~llll' 'ellllis 'l'




}~N ANGI,ETERRl:,


nombre des Gardes fut diminué insensiblement. Leur
commandant et la moitié de ses soldats étoient Ca-
tholiqucs. 11s assistoient a l'office divin avec le Roi,
qui remarquoit la négligence visihle et affectée de
ses surveillanls. Il fit done sans gene touts les pré-
paratifs nécessain's a son départ, qu'il avoit résolu,
OIl a déja dit que du coté de la riviere sa maison
n'étoit point gardée. 01', dans la nuÍt du Jer au 2
janvier, s'étant couché a son heme accoutumée, il
descendit dans le jardín, ou Macdonnald, officier
de marine, l'attendoit. Une hal'que étoit préparée
par un autre oftlcier, nommé Trévanion, qui devoit
conduire son illustre fugitif sur son vaisseau, le
Hal'wick, mouilJé dan s la Swale. Le Roi, Macdon-
uald, Trévanion, le dllC de Benvick et Biddulph,
valet de chamhre, montent cette harqne a minuit.
Le vent étoit conlraire ainsi que la marée. P!nsieurs
ineidents, plusieurs eontrariétés du temps furent
eOlllpensés par des hasards favm'ables; et apres une
navigation (lui n'étoit pas sans péril, le Harwick,
que le mallvaÍs temps avoit forcé de quitter sa sta-
tion, se présenta au Hloment ou le Roi, n'ayant
pas d'autre ressource, alloit monter a tout hasard
sur un autre vaisseau. Enfin les hautes ter1'es de
FraIlce paroissellt a la vue, et le Harwick entrf'
dans la l'ade d' Ambleteuse, a trois heures dll matill ,
le 5 janvier, qui étoit le troisieme jour de l'cmbar-
quement du Roi.




RÉVOLUTJON DE 1688,
Jacques JI avoit préparé sa seconde évasion avec


mystere, sans prévenir meme le lord Dumbarton,
qui couchoit dans sa chambre et qu'il laissa en-
dormi. Un peu apres soupé, iI avoit montré au
comte de Middleton un écrit de sa main pour
expliqller les motifs de son départ. Il le char-
gea de le faire imprimer a Londres. Mais en par-
tant, il le laissa, sous enveloppe, adreisé au lord
Dumbarton, pour que personne ne parut avoir eu
connaissance de son projet. eette derniere expres-
sion des sentiments du Roi doit etre recueillie par
l'histoir'e,


« Le monde,» disoit Jacques II dans ce manifeste,
« ne doit pas etre surpris si je me retire une seconde
C( fois. Je m'étois attendu a une conduite plus noble
« du prince d¡Orange, apres ce que je lui avois écrit
« par mylord Feversham, apres les instructions que
« j'avois données a ce Seigneur. Mais, au lieu d'une
« réponse 11 mes lettres, qllelle a été sa conduite en-
,( vers moi? II a emprisoIlné le comte de Feversham,
« contre le droit des gens; il a envoyé ses propres
« gardes pour occllper, a onze heures du soir, les
" postes de White-hall, sans m' en donner le moindre
« avis; il m'a fait parvenir, apres minuit, quand j'étois
« déja couché, une espeee d'ordre, par trois Lords,
t( de sortir de mon propre palais le matin meme
« avant midi. Apres tout cela, pourrois-je me croirc
« en sureté tant que jp semis al1 pouvoil' cl'Ull homnw




EN ANGLETERRE. 285
« qui, non-seulement s'est permis envers moi cette
« eonduite, apres avoir envahi mes Royaumes san s
« aueune provocation, mais encore a osé proférer
'( contre mOÍ, dans sa premiere déclaration, l'aeeu-
(e satíon la plus fausse que jamaís la maliee des
(e hommes ait pu inventer : je veux dire, en ce qui
({ regarde lIlon fils? J'en appelle a tOllts ceux qui me
« connoissent , j' en appelle a lui-meme: qu'ils disent ,
(e dans leur conscience, s'ils me croient capable de
« commettre un crime aussi affreux, ou de me laisser
(e tromper dans une chose de cette nature? Que de-
« vois-je done attendre d'un homme {{uí n'a épargné
«aueun artífice pour me noircir aux yeux de mon
« peuple et du monde entier? Chacun sait reffet de
« ses calomnies dans mes États, par la défection gé-
(e nérale qu'cllcs ont causée dans l'armée comme dans
{( toutes les classes du peuple.


« Je suis né libre, el je veux continuer de l'elre;
« et si plus d'une fois j'ai risqué ma vie pour le bien
« et pour I'honneur de mon pays; si j'espere, malgré
« mon age, la risquer encore pour le délivrer de
« l'esclavage OU il est réduit, je ne veux pas m'ex-
« poser a perdre cette liberté, qui m' est nécessaire.
t( C'est pourquoi je me retire: mais je n'irai pas si
« loin que je ne sois a portée de revenir, quand la
« nation ouvrira les yeux, quand elle yerra combien
« eHe a été trompée, sous les spécieux prétextes de
« religion et de propriét{·.




?86 RivOLUTION DH 1688,
" Je prie Dieu <púl daigne, en sa mispricorde in-


« finie, toucher les c~urs de mes sujets, leur fain'
t( sentir le malheur de la position ou ils se tl'ouvent,
« et call11er les esprits, au point qu'un Parlement legal
« puisse etre asst'mLlé. Alol's il sera désirable qn'ils
« accordent la liberté de conscience a tOlltS les dis-
« sidents protestants, et qu'i1s y fassent participer
(e ceux de ma Religion, en 50rte qu'ils pl1i~SCIlt vivre
« paisiblement ct tranquillement, comme iI convient
« ;1 des Anglois, a des Chrétiens, et ne soient pas
« forcés de s'expatrier : condition toujours pénible
« ponr des hommes ({ui aiment leur pays. JI' le de-
« mande a touts ceux qui réfléchissent et qui Ollt de
« l'expérience : est - il rien qui puisse rE'ndre notre
« nation plus grande, plus florissantt', que cctte li-
r< berté de conscience dont ql1e1ques-uIIs de ses voi-
( sins craignent de la voir jouil'? Je pourrois ajouter
« beanconp de choses, pour confirmer ce que jI' viens
« de di re ; mais le moment n'est pas convenabIe.»


Tont le caractere de Jacques II se découvre nal-
vement clans cet écrit singulier, qui est comme le
testament tle sa mort politiqueo D'abord on y clécouvre
cet esprit de vanité puérile qui s'attacbe a d€s griefs
seconclaires contrp le prinee <l'Orange, griefs bien
durs sans cloutt' , mais qui, n'étant que le résultat
nécessaire dp la position respective du Roi et clu
Prince, devoient faire place il des considérations plus
élevpes. Le Roí s'cxile parce que 11" Prince le fait ré-




E'! ANGLETERln:.


veiller ¡. minuit, et f(u'apres des procédés si incon-
venants il ne se croit plus en sureté 111 e 111 e pour sa
vic, ou du lIloius pour sa liberté! 11 étoit plus na-
turcl de penser que le prince d'Orange ne désiroit
qu'une seule chose, l'effrayer et le porter a s'éloigner
volontaire111ent lui-111(nne. Ensuite il parle de la li-
berté de conscience pour les Non-Confor111istes et
pou!' les Catholiques. Mais le silence qu'il garde sur
I'Église anglicane étoit trop affecté pour ne pas laisser
entrevoir son ressentÍ111ent eontre eette Église et
l'arriere-pensée, (lui lui fut reproehée toute sa vie, de
ne vouloir la liberté de conscience que pour élever
les Catholiques exaltés sur les ruines de l'Église pro-
Lestante.


Cependant Jaequcs n, en prenant la fuite pour
la secoude fois, combloit les vreux impatients de son
astucieux rival. Pas un vaisseau, pas une barque des
deux flottes, angloise et hollandoise, ne visita le
batiment qui emportoit furtivement ses destinées.
Les vents seuls s'opposoient i. sa fuite, et la Provi-
denee sembloit encore s'attaeher a le repousscr sur
le rivage de la patrie abandonnée. Les évt'me111ents
vont prouver combien il lui restoit encore de res-
~ourccs.


Le pl'incc d'Orange fut clans la nuit me111e informé
de l'évasion du Roí, et sur-Ie-ehamp il notifia l'ordre
de partir dans les vingt-quatre heul'cs a l'Ambassa-
t!C'ur de Frailee. La dCl'Ilicre lt:ttre de llarillon, :1 la




288 RÉVOLUTION m: 1 G88,
date du 2 janvíer, annonce a Louis XIV que lt-'
prince d'Orange exerce le commandement a Londres
comme dan s un camp; que ses troupes y font la garde
sur toutes les places; que les régiments anglois mur-
murent hautement de voir Londres, la Tour et les
pIaces fortes entre les mains des Hollandois, et que
les Lords qui siégent a Westminster ont eu des dís-
cussions fort agitées, ou la cause du Roi trouvoit des
dHenseurs.


Ce meme jour 2 janvier étoit un dimanche~ On
observa que presque touts les prédicateurs de Lon-
dres retrancherent, des prieres publiques pour le Roí
et la famille royal e , le nom du prince de Galles,
excepté a Westminster et a Lambeth, palaís de l' Ar-
cheveque de Cantorbery. Quant au princc d'Orange,
il entendít l'office anglican et un scrmon du docteur
Burnet dans la Chapelle protestante de Saint-James,
tandis que Mainard, Calviniste fran~aÍs et son cha-
pelain ordinaire, prechoit et suivoit la liturgie pres-
hytérienne dans la grande Chapelle du meme palais,
dite de la Reine ou des Bénédictins. Les Anglicans
murmurerent de voir ainsi l'exercicc puLlic d'un
culte réprouvé par les lois.


Des le lendemain, les Pairs furent assemLlés dans
la Chambre haute. Le Gouvernement étoit dissolls
par l'absence du Roí; il n'existoit ni Parlement, ni
moyen légal d'en avoir un légitime. Les renes de
l'État flottoient abandonllées, ou plntot livrécs a




EN ANGL"ETERRE.


l'homme qui bruloit de les saisir. Mais cet homme
sembloit dédaígner de les prendre comme de les re-
cevoir : dégnisant sa dictature, déja commencée,
sons la nécessité de maintenir l'ordre extérieur; sa-
chant tres-bien que l'exercice de la souveraineté ne
peut etre une abstraction métaphysique; et, dans
ceUe cil'constance unique et singuliere, imitant, si
1'on pcut f'mployer eeHe comparaison, le serpent qui,
par une force irrésistible de fascination et comme
d'ellchantement, attir-e invinciblement a lui, pom' en
faire sa proie, le reptile <{ui se tourlllente, se débat
vaÍnemellt, et vient enfin se jeter dan s sa gneule ar-
dente et affamée.


l,'asselllblée des Pail's dura huit heures. La dis-
eussion fut oragcuse et di verse ; cal' tonts les partís,
Torys el vVhigs, Anglicans eL Presbytériens, qui s'é-
toiellt réunis' pour se défendre, ponr renverser ou
pour humilier, reprirent soudainement leur instinct
llatul'i:~l et particulier, des qu'il fa!lut délibérer sU(' le
partage des fruits de la victoire. Les jurisconsnltes,
trop accoutumés alors u trouvcr un sen s légal, memc
pour l'injustice évidente, proposerent un moyen
sur mais vif de résoudre toutes les difficultés : Si un
Parlement ne peut ctre légitime sans la convocation
du Roi, que Guillaume prenne le titre de Roi! C'est
le droit de la conquete. Gllillaume de Normandie
en avoit-il un plus certaill? Ce conseil hrutal, donné
par les légistcs. de COUpCI' avec l'épée dcsn~uds


/[/. 1<)




RÉVOLUTION DE .688,
aussi eompliqués, ne eonvenoit ni an génie systé-
matique des, Anglois, ni a la froide et silencieuse
poli tique de Guillaume. D'ailleurs les Anglois avoient-
ils passé sous les Fourches Caudilles? Cette propo-
sibon, qui se produisoit de temps en temps, fut plus
tard qualifiée de haute trahison.


Quatre-vingt.sept Pairs formoient ceUe assemblée,
qui alloit décider de si graves questions : divisés eux-
memes, eomme la ville· de Londres, en trois partis
qui déja offroient les symptomes des factions que
I'Angleterre alloit subir incessamment. C'étoient les
Torys, les Whigs, et ceux qui n'étoient ni l'un ni
l'autre.


Et d'ahord, parmi les Torys, étoient ceux que l'on
nommoit Torys d'Église, pomo les distinguer des
Torys purs ou absolus. lis formoient le parti de la
haute Église. Attachés aux institlltions religieuses et
politiques, a l'épiscopat et a lamonarchie, aux lí-
Hertéspubliques sous l'autorité de la monarchie hé-
réditaire i s'ils vouloient conserver le Gouvernement·
dans la personnede Jacques 11 et dans la ligne di-
recte de la succession, ils vOllloient aussi (Iue I'au-
torité royale, réglée par les lois, et toujours puissante
pour assurer la dignité de la eouronne, restat tou-
jours impuissante eontre la Religion et les libértés
publiques. lIs avoient demandé un Parlement libre;
le prinee d'Orange avoit solennellement d~elaré qu'il
étoit venu pour cela seul C'11 Anglete'Tc: il fallolt




EN ANGLETERRE.


dono, disoient-ils, délibprer sur les moyens d'y par-
venit·, et par cOllséquent examiner la Déclaration,
1(' Manifeste du Prince qui se proclamoit le défenseur
du Gouvernement. Il falloit aussi connoltre l'écrit ou
le Roí, en partant de Rochester, avoit dpposé l'ex- '
pression de ses griefs et les motiL" de sa retraite.


CeUe maniere de reruonter des faíts actuels aux
príncipes memes du Gouvernernent alarma les
Whigs, qui v.ouloient seulem('nt partir des faíts ac-
tuels pour descendre a ses conséquences imrné-
diates, sans se jeter dans les discussions de droit.
Ainsi les Whigs, quí s'étoient uni$ aux Torys
contre les Catholiques et contre le systeme politique
de Jacqucs IT, vouloient des formes moins lentes,
plus décisives. Tls se tl'OUVerent naturelIement sé-
parés des- Torys Jeurs alIiés, des qu'ils fircnt en tend re
que le contrat social étoit l'Ompu entre Jacques IJ
et la nation. C'étoit la doctrine de la souverailleté
du peuple; elle conduisoit a I'usurpation. La. haute
église et la haute aristocratie la repoussel'ent sur-
le-champ.


Entre ces dcux partis, se trouvoient des hommcs
qui apcl'cevoient dans l'établissement d'une régence
provisoire un moyC'n tenne entre l'usurpation ou-
verte et l'exdusion persounelIe de Jacques 11. Par
ce moyen, ils ne se pronon<;:oient en apparence
contre personne. Ne falloit-iJ pas un GOllveruement
dans l'absence du Roi? C'étoit le besoin du IllOIlH.'nt.


19·




RÉVOLtJ'fION DE 1688,
Dans ce parti étoient également des Torys et des
Whigs mitigés. Or, I'indécision de leurs principes
ne pouvoit rester flottante au milieu de ceux qui
alloient énergiquement aux questions décisives; et,
par la seu le nature de tout príncipe equivoquf', leur
neut~alité tonte specieuse df>voit aIler s'y réunir et
les fartifier.


Mais, en dehors de ces trois partis, d'aborc1 dans
lf' prf'mier, puis souvent dans chacun d'eux, on
remarquoit ces Torys absolus q\li vont etre nommés
.lacobites. Le souwnir de leurs adversités dans la
guerrc civile et pendant la République, affermissoit
f'1I eux le sentiment de leur fidélité a la cause pcr-
sonnelle de Jacques II; et dans leur fidélité ils enten-
doicl1t le POUVOil' absolu, comme Jacflues Il l'f>n-
tencloit lui-meme. Une antipathie naturellc contre
la liberté les séparoit done secretement du parti
anglican. A la vérité, les Anglicans vouJoient la
monarehie légitime, mais ils vouloient aussi que les
libertés publiques eussent leurs sourees dans les lois,
eL non pas dans les eaprices d'une favorite ou d'un
confesseur, sons un Hoi voluptueux ou timon~. Les
Jacobih's, cepemlant, prenoient de chaque parti
l'opin¡on qui pouvoit le mieux seconder leurs espé-
rances. On les vena dOlle se réunir merne a l'usur-
pation. Courtisans éternels du pouvoir absolu, ils
penseront tour- a-tour que la dpl110cratÍe des Whigs,
poussée Ú l'exees, et l'usul'pation ([ui aura besoin




EN ANGLETERRE.


dll despotisrne pour contellÍr ses nombrellx eunemis,
50nt encore plus favorables au rétablissement d'un
Roí détroné, qu'une transaction qui affermiroit le
trone d'un grand peuple sur la base antique de ses
libertps.


1'outes ces idées, qui agitoient confusément la
lIation, se manifesterent dans la délibération des
Pairs. A la vérité, les quatre-vingt-sept lords ae-
tuellement l'éunis n'avoient ni le pouvoir ni la vo-
lonté de statuer sur la forme du Gouvernement. 11
s'agissoit seulement de savoir par quelle transition
l'Angleterre reviendroit an Roi fugitif, ou seroit
Jivrée an prince d'Orange. Dans cette confusioll de
pensées secretes, de craiutes, d'ambitiollS, d'espé-
rauees, ehacun tendoit a établir et a faire prévaloil'
la pl'oposition qui devoit conduire son pa¡·ti au SllC-
ces de ses vamx. Ceux qui avoiellt demandé que
l'écrít laissé par le Roí an comte de Middleton fUt
examiné, se désisterent, paree que le lord Godol-
phin assura que cet écrit ne contenoit ríen qui pttt
satisfail'{' aux vmux de la Chambre. Les Anglicans et
les Jacobites, eroyant (iue G-odolphin étoi) dans
leurs intérets, n'allerellt pas plus loin.


Le lord Paget avan~a que la retraite du Roi etoit
une abdication légale, et que la pl'incesse d'Orange ,
comme héritiere présornptive, étoit Reine de droit.
C'étoit écartel' le (ll'iuee de Galles, d déclarer sa
naissance ill[·gitillle. Si le!> Whigs considéroient




RÉVOLUTJON DF- 1688,
comme une abdieation expressc la retraitc du Roí,
ils n'osoient pas en reconnoltre fl'anehement les con-
séqtlPnees, paree que le prim~e d'Orange n'étoit pas
venu probablement pour etre le sujet de sa femme.
Ils repousserent rlone l'avis du lord Paget, sous ce
prétexte, qu'en préeipitant une déeision de eette
importanee, on ne prenoit aueune mesure pour
assurer la liberté. Mais le eomte de Clarendon, qui
tenoit aux p¡'ineipes de la haute église, s'empara
de la question du prince de Galles, et demanda
une en que te sU!' les faits qui avoient préeédé et
suivi sa naíssance. ({ Je suis surpris,» dit le lord
Wharton, « qu'il soit ieÍ question de cet enfant, ap-
« peléautrefoís le Prinee: de Galles. »


La confusion des sentiments s'exprimoit par la
multiplicité des propositions qui se suecédoient sans
aucune suite. Les uns vouloient, entre autres, que
les députés, qui auroient été nommés dans les eom-
tés, en exécution des mandements que le Roi n'a-
voit pu retirer, se réunissent en Chambre des Com-
munes, et fissent procéder aux autres élections. Cet
avis fut repoussé par les Jaeobites et par les Whigs.
Les premiers ne vouloient point de Parlement; les
autres ne vouloient point d'un Parlement qui, par le
fait, se seroit assemblé encore sous l'autorité du Roi.


Enfin, apres huit heures de discussions, la Mli-
bération se termina par une résolutioTl qui n'étoit
qu'uTI moyen tenne, ('t qui rl(.féroit le GOllvprne-




EN .\N GLETJmn.E.


ment pl'ovisoire au pl'ince d'Orallge. Cette résolu-
tion, en forme d'adresse, fut n'mise au Prince, dans
les termes suivants, par le marquis d'Halifax qui
présidoit l'assemblée.


« Nous, les Lords spirituels et temporels, assem-
«( blés dans cette conjoncture, supplions Votre AI-
«( tesse de se charger de l'aclministration, des affairt::s
~ . ,


« publiques, tant civiles que militaires; de prendre
«( la disposition des revenus publics, pour la conser-
ce vation' de notre Religion, des droits, lois, libertés
(( et propl'iétés, et de la paix de la nation; et de
(( vouloil' porter un soin particulier a l'état présent
(( de 1'I rlamle, pour prévenir promptement le dan-
«( gel' qui la ml'nace.


« Nous supplions aussi Votre Altesse de se charger
« de l'administration, jusqu'lt l'assemblée d'une Con-
( vention pour le 22 janvier (2 février, style grégo-
« rien ), dans laquelle nous ne doutons point que
« ron ne premle les mesures nécessaires a l'établis-
({ sement de toutes choses sur un fOlldemerrt sur
« et légitimc, afin d'empecher qu'elles soient jamais
« enfremtes a l'avenir.


« Donné dans la Cllambre des Lords a Westrnins-
{( ter, le 25 décembre 1688.)) ( 5 janvier 1689,
slyle grégorien. )


Le jour oil. cette adresse fut résolue étoit préci-
sélllent celui ou Jacques n aborda sur les lenes de
FrallCC. En Anglctc!'rC', c'éloit la mLe de Noel, et




ItÉVOLUTION lm 1688,
le prince d'Orange participa solennf'llement a la
Cene de I'Église Anglícane, quoiqu'íl fUt de la secte
des Non-Conformistes. Le lendemain, il re(¡ut l'a-
dresse des Lords, el répondit qu'ill'examineroit.
N'accepter le pouvoir que des mains de la haute
noblesse pouvoit nuire a sa popularité; iI falIoít
que cette offre luí [Ut portée aussi par un corps
qUÍ représentat en apparence l' ordre du peuplé.
D'ailleurs l'adresse des Pairs laÍssoit vil,tuellement
toutes les questions indécises, et les soumettoit a la
délibération d'un Parlement, sous le nom de Con-
vention. JI importoit a Gutllaume de préparer les
esprits.


Le Parlement se compose du Roi et des deux
Chambres; et sans le Roí il n'existe point de Parle-
ment, quelque nom qui soit donné á la réunion
des Lords el des Députés des Communes. Le titre
de Convention n'exprime que l'assemblée des deux
Chambres, sans le concours du Roi. C'est le mot
qui fut trouvé et donné a l'assemblée que réunit
le général Monk, lorsqu'il p,'éparoit la restamation.
A son arrivée a Londres, il n'existoit que les restes
d'un Parlement lllutilé par Cromwell. Il y adjoignit
touts ceux quí avoient été membres de que/ques
Parlem~nts précédents, et ce fut dans cette assemblée
que fut résolue la dissolution du Rump Parlement
et la convocation de la Conllentioll par qui CharlesII
fut rappelé an tI'Onf'.




EN ANGLETlmRI<:.


Armé n'un te! précédent qui suffisoit pour impo-
ser aux préjllgés des Anglois sur les formes légales,
GlIillamne assembla sur-Ie~champ autour de lui touts
les nobles et bourgeois, qui avoient été membres
des deux. derniers Parlements tenus sous le regne
de Chades 11. Il Y adjoignit aussi les aldermen et
les membres du Conseil eommun de la viHe de Lon-
dres.


Il leur dít : (( Messieurs, qui avez été membres
« des derniers Parlements, j'ai souhaité de vous as-
(( sembler iei, pour que vous eussiez 11 eonsidéret·
(( les meilleurs moyens d'obtenil' les fins que je me
(( suis proposées, telles que le porte ma déclaration,
«( en asscmblant un Parlement libre, pour la con-
« servation de la Religion Protestante, et pour le
(( rétablissement des Iihertés de ce Royaume, sur
( des fondem~nts si solides qu'elles. ne puissent pas
« etre de nouveau renversées. Et vous, les alder-
(( men et membres du commun Conseil de la ville
(( de Londres, je souhaite la meme chose de vous.
({ Mais, paree que vous etes en grand nombre, vous
« pouvez vous parLager et vous assembler en diffé-
(( rents lieux, si vous le jugez 11 propos. »


Guillaume agissoit 11 coup sur, puisqu'il en appe-
loit 11 la majorité seúlement des Communes qui,
sous le regne de Charles I1, avoient tl'Ois fois porté
le bill d'exclusion eontre le duc <l'York. Sa politique
étoit trop palpable pour ¡'clwpper 11 la pénétration




nÉVOLUTlON nE 1688,
des Anglois. 11 avoit dédaigné d'appeler les membres
du Parlement réuni sous J acques Il, comme si ce
Parlement et Jacqucs II lui-meme eussent été illégi-
times. Les Anglicans, qui avoient formé la majorité
de ce Parlement, en murmurerent, et leur ressenti-
ment fut partagé par les hautes classes de la nation.


Quoi qu'il en soit, la nombreuse asseniblée que
venoit de convoquer le prince ll'Orange aUa siéger
de suite a Westminster, dan s la Chambre des Com-
munes; elle nomma son Orateur, et délibéra.


Ou éleva d'abord cette questioll : Comment les
membres de cette assemblée avoient pu se convo-
quer eux-memes? L'objection fut levée en disant
que la réquisition faite par Son Altesse étoit sufii-
sante. Sir Soyer, qui avoit été Procureur-Général,
demanda aussi commcnt le prince d'Orangc pou-
voit prendre ou recevoir I'administration duRoyaume,
sans que ron exprimat le titre de cette nouvelle
autorité? Maynard, avocat et vieux Parlementaire,
6t tomber la question par l'ironie de sa réplique :
({ L'assemblée,» dit-il, « attendroit IOllg-temps, s'il
« falIoit que sir Soyer comprit de quelle maniere
( cela peuL se faire. » Maynard avoit quatre-vingt-
dix ans; c'est lui qui harangua le Prince an nom des
avocats, le jaur de son entrée a Londres. Guillaumc,
qui le vouloit flatter sur sa vigoureuse vieillessc,
lui avoit dit qu'il surviVl'Oit a touts les gens de loi
de son temps. « Princ(', )) a voit rt'pondu le vieux Ié-




:EN ANGLETFRRE.


giste, « j'allrois sllrvécu aux lois memes, SI Votrc
({ Altessc n'étoit veIlll les secollrir. »


CeUe Assemblée n'avoit pas, comme celle des
Lords, les memes causes de dissentiments. Apres
quelques discussions pcu importantes, elle arreta,
saIlS contradiction réelle, une adresse dont les ex-
pressions, plus animées que celle des Lords, conve-
Ilojent mieux sans doute au prince d'Orange. La
conclllsion étoit la mpme et dans les memes termes;
sculement, le préamhule contenoit des actions dI'
graccs pour Guillaume, sur les dangers auxquels il
avoit exposé sa personne, pour délivrer I'Angleterre
du papisme et de l'esclavage.


L'adresse lui fut présentée le 7 janvicr. Lp Prince
demanda j usqu'au lendemain, pour délibérer sur
ulle affaire si importante; et en effet les deux Cham-
bres aUerent en corps a Saint-James. ou Son Altesse
leul' fit sa réponse. L'indifférence de ses regards et la
froideul' de ses paroles, qui n'exprimoient ni empres-
sement ni reconnoissance, furent séverement inter-
prétées. Il sembloit faire une grace en accordant ulle
acceptation dédaigneuse.


(( M ylords et messit>l\l's,» dit-il, (c j' ai pris en con-
(( sidération vos avis; et, selon que j'en suis capable,
( je tacherai d'assurel' la paix de la nation, jusqu'a
(c l'assemblée de la Convention en janvirr prochain
ce (il pal'loit ainsi le 28 décembre, viellx style), pour
«( I'éleetion de laquelle .le ferai dPpecher les lettres-




300 RÉVOLUTION BE 1688,
(( circulaires, selon \'otre intention. Je premll'ai soin
« aussi d'employer les revcnus publics aux usages les
« plus convenables a la conjolletllre présente, et jC'
« feraí mes efforts pour mettre l'Irlandc dans un
f' état td que la Religion protestante et l'intérel de
« la nation angloíse puissent etre eonservés (lalls ce
« royal1me~la. Je vous assure de plus qu'étant venn
« ¡ei pour la eonservation de la Religion protestante,
« des loís et libertés de ces royaurnes, je seraí tou-
« jours pret a exposer ma vie pour leur défense. »


Le Roí étoít partí de Roehester, le 2 janvíer. Six
jours apres, le prince d'Orange se trouvoít investí
de la dietature supreme; et en attendant la réunion
de la Conventíon, il s'oceupa en homme d'État des
hesoins publies. Son habileté cut bientot établi l'ordn~
dans toutes les parties du Gouveruement, et la paix
la plus profonde régna en Angleterre. L'étonnement
d'une révolution si singuliere, qui ne paroissoit etre
qu'un jeu de machines théitrales, et I'attentc des
éVellements futurs captivoient touts les esprits dans
une soumissíon qui n'étoit cepcndant ni sans mur-
mures ni sans fierté. II n'entre pas dans le plan de
eette histoire de raconter ce que le Prince fit ,', l'é-
gard de l'Éeosse. Il suffit de dire ({u'il sut atlircr i¡
Londres les principaux Seigneurs df' ce royaume,
et se faire offrir l'aclministration pl'Ovisoire, de la
me me maniere (lue I'avoient fait les Lonls ti' Anglt',
terreo Cepclldallt iI v cut :, tdilllbourg llne scissioll




";1\' ANGLETElUlE. 30r


violente. Le uue de Gordon s'empara du chatea u
pour le Roi, et les Hoyalistes se jeterent dans les
bras de Graham, vicomte de Dundee, tandis que le
Parlemellt resta maitre du GOllvernement, dans les
iJllt>rets de GlIillaume. Quant a l'Irlande, Talbot, due
de Tyreol1nel, Vice-Roi, feígllit d'abord d'entrer cnné-
goeiation, lIIais il vouloit gagner du temps, et hientót
il se vit a la tete de la raee indígtme. Soixante mille
homllles prirent les annes sous son cornmandement.
Touts les habi,tanls de raee anglOlse et prolestants
erllrent, non pas san s quelque apparenee de raison,
que les massacres de .641 aHoient se renou veler.
lis n'eurellt que le temps de se jeter dans la plaee
de London-Déry, ou ils soutinrent un siége m0mo-
rabIe. Jacques 11, qui depuis descendit en Irlande,
négligea trop long-telllPs eette place, qui uonna au
maréchal de Schomberg les llloyens de venir en 11'-
lande, de la soumettre a l' Angleterre, et de forcer
le Roi de se retirer encore a la Cour de Louis XIV.


Tandis que les Communes et corporations d'An-
gleterre s'oecupoient de nomlller leurs Députés a
la Conventiol1, Guillaume, eonflant dans sa df'sti-
npe, paroissoit impassible au milieu du l1Iouvement
universel. II selllbloit dédaigner de dire ce qu'íl pen-
soit, ce qu'il vonloít; ne s'nuvrant a personne, té-
lfloignaut de l'estimc aux Royalistes fldeles, de la
modération aux Catholiques, ue l'indifférence qui
pO~lvoit passer pour du mépris aux Anglois dont le




RÉVOLUTION DE 1688,
úle pOUI' lui étoit le plus empressé. Il laissa la plus
graude liberté aux éleetions. A le voir, plus qu'a
I'entendre, cal' i1 affectoit un superbe silenee, on
eut dit qu'il n'étoit pour rien dans les affaires du
royaume. Il s'informoit quelquefois, mais comme un
voyageur étranger, de ce que l' OIl disoit, de ce qut'
I'on faisoit en Angleterre. Cependant il ne néglígeoit
pas la polítique extérieure, témoignant aux Ministres
d'Espagne et de l'Empire, sa volonté de tempérer
la ehaleur des esprits contre les Catholiques, et de
mettre l'Angleterre en état de concourir au suect~s
des efforts del'Eumpe contre l'enj:H'JIli eommun, qui
étoit la France.


L'univers sait avee quelle maguallill1íté Louis XIV
re<;ut a sa Cour les auguste3 fugitifs. Il ue se boroa
pas a une stérile compassion. La cause de Jaeques 11
étoit la cause de touts les Roís, et Louis XIV fut le
seul des souverains de I'Europe qui eomprit eeUe
vérité. Touts les autres firent sentir durement au
Roi malheureux leur mépris ou leur ressentiment.
L'Empereur ne lui donna que le titre d'Altesse, le
Pape ne l'assista que d'ulle aumone fastueuse. Le
duc de Savoie, <tui naguere avoit imité dans les
vallées du Piémont les dure tés de Louvois eontre les
Calvinistes, se précipíta dans une abjeete adulatioll
pOUl' la forlune heurcuse, adulation gui ful a pejll(~
surpassée dans le siecle ou nous SOllll11eS en de pa-
reilles con j oIlet nres.




EN A NC;[,ETERHE. 303
Jacques Il tenoit su COUl' a Saint-Germain. Il y


fut bientót environné d'une foule cl'Anglois, d'Écos-
sois et d'l r1andois, de toute qualité, les Ul1S par fidé-
lité, les autres par impossibilité de 1'ester dans lem
patrie. Mais le plus grand malheur des Princes qu'une
révolntion a jetés sllr une terre étrangel'e, est de
perdre tout - a - coup la' possibilité de connoltre la
situation réelle des États qu'ils ont abandonnés. lIs
n'entellllent plus que la voix des ressentiments, ou
l'exaltation des espérallces, ou l'éloge intéressé des
mesures et du systeme qui déja les ont perdus. Ainsi,
la Cour de Saint-Germain ne voyoit déja plus clans
eette grande révolution qu'une émeute facile a dis-
siper. En quittant le sol britannique, on se croyoit
dégagé de toute promesse comme on se dépouilloit
de toute prudence; et pour réaliser les droits de
l'autorité absolue, il ne manquoit plus qu'unearmée.


Le comte de, Melford, Secrétaire d'État, avoit
suivi le Roi. 11 conserva son titre et fut son pre-
miel' Ministre. Le Roi n'examina point si Melford,
Éeossois, har dans son pays et odieux a l' Angle-
terre, étoit en effet bien capable de le replacer sur
le trone. Melford étoit Catholique, et avoit succédé
au comte de Sunderland. Vainementson ministere
ne fut qu'une série de concessions plus rapidcs en-
eore que ceHes de Sundel'land : ce qui avoit perclu
celui-ci, dans l'esprit des Catholiques exaltés, aux
premien's nouvelles de la tempete qui dispersa la




304 RÉVOLUTION Dl, 1688,
f1o~te du prince d'Or;mge, fnt précisément ce qui
leur inspira de la connallce en Melford, des que le
prince d'Orange se montra invincible a la nature
meme. En effet, les concessions de Melford n'étoient
plus qu'un mo),en de gagner du temps, pour pré-
parer, couvril' et assurer la fuite du Roi en France.
Melford avoit suivi ce plan funeste que les terreurs
du P. Piter imposoient a la Reine, et que la Reine
imposoit a l'esprit du Roi.


On a. vu qu'immédiatement apres la nouvelle de
la seconde évasion de Jacques II, Godolphin, dans
la réllnion des Lords, avoit éludé la proposition
d'entendre la lecture de l'éCl'it laissé par le Roi.
Godolp~in étoit trop habile, quelle que fUt d'aillellrs
son intention réelle, pour ne pas sentir qu'un tel
écrit seroit plus nuisible au partí royal <{u'il ne lui
seroit utile. Outre l'inconvénient de ll'avoir aucun
caractere d'authenticité légale, dans un pays oil tout
se regle sur des formes légales, il avoit surtout celui
de laisser clans le vague les plus importantes qlles-
tions; cal' le Boi n'y parloit pas, meme indirecte-
ment, de I'Église Anglicace, oubli qui ne pouvoit
recevoir que de fatales inlerprétations.


Cependant, des que Jacques II fut arivé a Saint-
Gennain, íl fit passer aux membres du Conseil
Privé une copie de son éCl'it. Mais la IcUre d'envoi
n'étoit pas. plus explicite que l'écrit lui-meme; el
sachant hielllot que la résolution Í'toit prise tl'as-




t:N ANGLETERRE. 305
sembler une Convention, il sentit la nécessité de
parler aux Anglois d'un Parlement légitime. D'ail-
leurs Louis XIV l'avoit déja déterminé a passer en
Irlande. Le sueces d'une telle entreprise exigeoit done
une poli tique réguliere, et plus conforme aux vues
élevées de la Cour de Versailles qu'aux projets sou-
vent désespérés et presque toujOUl'S aventureux d'une
Cour fugitive.


Il envoya done un de ses plus affidés serviteurs
a Londres, avee une nouvelle lettre datée du 14 jan-
vier. Il s'adressoit aux Lords du Conseil Privé. Il
rappeloit son éerit de Rochester; et apres avoir
sommairement justifié sa retraite, en rappelant la
maxime du Roi son pere : qu'il n'y a pas loin
de la prison au tombeau d'un Prince, il terminoit
amSI :


«.C'est pourquoi, iI est de notre volonté et hon
« plaisir, que vous, les membres de notre Conseil
« Privé, fassiez connoitre, de la maniere la plus
«( sure, nos gracieuses intentions aux Lords spiri-
,( tueIs et temporels qui se trouvent dans les villes
'( de Londres et de Westminster, ou dans leurs en-
« virons, ainsi qu'au Lord Maire de la Cité de Lon-
« dres et a touts nos sujets en général. Vous les
« assurerez quellotre premier désir est de revenir, pour
te tenir un Parlement libre. C'est'la que nous aurons
oc la meilleure occasion de détromper notre peupIe
« et de montrer la sineérité de nos assurances, sou-


IrI. 20




306 R~VOLUTION me 1688,
« vent réitérées, de eonserver les libertés et pro-
(~ priétés de nos sujets, de protégel' ceux qui pl'O-
« fessent la Religion protestante, en particulier
« celle d' Angleterre établie par les lois; et d'aceor-
« der., a ceux qui en different, I'indulgence que nous
« avolÍS toujours regardée eomme un des devoirs que
({ devoient nous dieter la justice et le bien de notre
« peuple. En attendant, nous vous prions, vous
« membres de notre Conseil Privé, qui etes sur les
« lieux et qui pouvez niieux juger de ce qu'íl cou-
« vicut de fail"i~, de nous envoyer vos avis sur les
« moyens de l'etourner aupres de vous, et d'accom-
« plir nos bonnes intentions ... »


Dans cette piece, qu'avoit contresignée le lord
Melford, il Y avoit la. promesse de protégel'I'Église
d'Angleterre établie pal' les lois; mais il y avoit loin
de dette promesse vague et indéfinie aux termes
~raIhentels ,pourles Anglois, de maintenir et dé-
jendre, qui étoient dans le serment du sacre, et dans
ses premieresproclamations.


N'ayant re<,iu réponse ni des Lords du Conseíl,
-ni des Pairs, auxquels il avoit adressé des copiAs de
sa lettre, íl en envoya une nouvelle, datée du 3
février. Il s'y explíquoit avec moins de réserve. « N bus
« sommes prets,) disoit-il, « a revenir, aussitot que
« nous le pourrons en sureié, afin de redressel' les
( désordres de nos Royaumes, dans un Parlement
« libre, convoqué selon la loi et assemblé sans eon-




EN ANGLln'ERRE.


« trainte; lequel devra, en particuller, s'occuper d'as-
« surer I'Église d'Angleterre étaLlie par les Iois, et
(e de HOUS donner son avis sur le moyen d'accorder
ce aux dissidents une indulgence, telle que nos peu-
« pIes n'en puissent concevoir allcune inquiétude. »
On yerra bientot que! fut le sort de cette Iettre
nouvelle.


Ainsi le Roí qui s'étoit abandonné sí constam-
ment, depuis l'arrivée du prince d'Ürange, au projet
de se réfugier en France, le Roí qui n'avoit voulu
ni rester a Rochester, ni se retirer a Portsmouth
avec ses régiments Irlandois et le duc de Berwick,
ni passer en Irlande, proposoit tout-a-coup de re-
revenir en AngIeterre, de convoquer un Parlement
libre et d'y affermir I'Église Anglicane. Ce change-
ment soudain de politique étoit-il sincere? 11 est
permis d'en douter; quant aux Anglois, tout ce qui
venoít de la France leur étoit suspect.


La dernierc lettre du Roi étoit du 3 février; e'é-
toit le 2 que la Convention avoit dli s'ouvrir. lVIais
déja Louis XIV faisoit tout préparer pour transpor-
ter Jacques II e» Irlande; et des le Jer février, le
eomte Davaux avoit rec;¡u ses instruetions pour ac-
eompagner Sa Majesté Britannique, avec le titre
d' Ambassadeur extraordinaire.


Le tableau de cette expédition mémorahJe seroit
un épis0de illstruetif et curieux de cette histoire, si
nous avions le dessein d'alll~r, en ce moment, au~


20.




308 RÉVOI.(JTION DI': J688,
dela du célebre Bill des droits, qui consomrna l'u-
surpation du prince d'qrange, et qui devint son
titre a la Couronne britannique. Il nous suffit d'ill-
diquer ce qui appartient a notre sujeto


Des le ] 2. janvier, Jacques II avoit envoyé de
Saint-Gerrnain le eapitaine Rooth en Idande, pour
savoir du Vice-Roi ce que l'on pouvoit espérer dn
úle de ce Royaume. Dans les premiers moments qui
suivirent le départ du Roi, le duc de Tyrcollnel
avoit arnusé les Anglois et les Protestants de l'Ile,
en feignant de vouloir se soumettre. Seulement il
avoit fait entendre aux uns el aux autres, qu'avant
tont il faBolt persuader a Sa Majesté la nécessité
ou l' on se trouvoit de céder aux cireonstances; et
dans ce dessein pretendu, il députa aupres de la
Cour de Saint-Germain, le lord Montjoye, dont il se
défioit, et Rice, chef de justice, qui avoit -seul tout
le secret de ecUe mission. Des que Montjoye fut
parti, le Viee-Roi prit les mesures les plus vigou-
reuses. Désarmant tout-a-coup les Protestants de
Dublin, il fit un appel avx Irlandois indigenes, ré-
pandit la terreur dans l'ame des .dandois de race
étrangere, et -se mit en état de cecevoil' ou Jae-
ques 11, ou les Franc;ais.


Jacques 11, en effet, n'hésita point a prendre 1<>
seul parti qui eonvenoit a sa fortune présente.
Soixallte mille hommes l'attendoient les armes a la
main, awc l'espérance de seeouer enfin le joug de




F:N A.NGLETERRJ\. 3°9
l' Angleterre. Jacques II, opprimé comme eux pal'
les Anglois et comme eux Catholique, les délivreroit
sans doute, par cette alliance commune du malheur
et du courage. Ils recouvreroient e11fi11 , eux, l'ail-
tique indépendance de leur patrie, et lui, le trane
de ses peres.


A l'arrivée du lord Montjoye, le Roi d'Angleterre
demanda et o1>tint qu'il fUt mis 11. la Rastille. C'é-
toit violer sans doute le droit des gens; aussi les
Protestants de l'Ile, qui habitoicnt surtout les pro-
vinces du llord, ne mirent-ils d'espérance que dans
leu1' courage et s'empartmmt de London-D~ry, ou
íls attendirent les secours de l'Angleterre.


Cependant Louis XIV meUoit la plus gl'alldc acti-
víté dans l'expédition projetée. Il ne pOllvoit donner
alors fIlie des vaisseaux, des munitions, des armes,
de ¡'argent et <}llelques officiers. Mais c'~toit beau-
coup pour un pays ou toule la population, pauvre,
aguerrie, opprimée, irrit~e, ivre de fanatisme , étoit
toujours prpparée a l'insurrection. Ici c'étoit la cause
de la Religioll, de la patrie, du Roi et de la ven-
geance. L'insurreetion, aussi rapide que l'éclair et la
foudre, fut complete et universelle, en attendant
l'arl'ivée de Jacques Ir, qui ne se fit pas attendre.


Le caractt're de cf'lte expédition imposoit a Jac-
qUf'S II la nl'cessité d'une poliliquc [enDe, droite et
habile. Le royaull1c d'Irlande étoit sujel de la Cou-
mnlle d'Angleterre. Jac(lues II, Roi d'Anglf'lf"Tc,




3ro RivOLUTrON DE 1688,
favorisera-t-illes vreux de ce peuple ponr l'indépen-
dance? La France le rlésiroit secretement, etTyrconnel
n'avoit pas d'autre pensée. La position du Roi étoít
difficile. Ne pas favoriser entierement les vreux de
l'Irlande, c'étoit amortir c()tte premiere ardeur qui lui
étoit si nécessaire. Se prononcer ponr l'indépendance,
n'étoit pas moins dangereux, puisque I'Angleterrc
ne la pardonneroit jamais au Roí qui l'auroit pro-
clamée. Jacques I1, qui n'étoit ni assez habile, ni.
d'un caractere assez décisif, pour surmonter ces dif-
ilcultés, prit le parti de les éluder toutes: moyen
certain de ne satisfaire ni a l'Irlande, ni a I'Angle-
terre, ni 11 sa propre cause. Quoi qu'il en soit, le
Roi, que les vents contraÍres avoient long-temps
retenu dans la rade de Erest, s'embarqua ellfill et
descendit heureusement a Kingsale. Mais bientot sa
seule présence et sa déplorable irrésolution, la di-
vision de ceux qui l'accompagnoient, l'inimitié uni-
verselle qu'inspira le comte de Melford, et la jalousie
de ce ministre contre l' Ambassadeur de France, je-
terent toutes les affaires dans une effroyable confu-
sion. Tyrconnel, au désespoir de la présence du Roi,
ne voyoit plus, deux rnoís apres, d'autre salut que
dallS son départ, et dans la reddition de l'Ile au Roi
de France qui n'en voulut pas 1; et cependant I'Ile


• La postérité doit connoitl'c la réponse de ce !(rand Roi, an




EN ANGLETERltE. 311


clltiere étoit au pouvoil' des lrlandois, exceptp
London-Derry.


Un jour, si nous eontinuons eette histoire, eomme
nous en avons le desseín, au moins jus(lu'au regne
de Georgps rer , nous prouverons, par les doeuments
authentiques de eette expédition d'Irlande, pt par la
conduite insensée du Roi envers I'Ecosse, comment
il étoit moralement impossible que ce malheureux


eomte Davaux, sur ce projet désespéré. Elle est datée du
25 maí 1689:


«Comme je pl'étends envoyer au Roi d' Angletel'l'e un se-
"cours de troupes considérable vers la fin de cette campagne,
" el faire, de mon coté, tout ce qu'il doit attendre d'un bon
"IHni, pour son rétablissement : vous lui direz aussi que je me
"promets qu'il voudra bien ajouter cl'Ilance aux conseils que
• vous lui donnerez de ma part; d'autant plus, qu'étant aussi
«bien informé que je le suis de l'état présent dc toute l'Europe,
" et meme plus instruit que ses ministres de la disposition pl:é-
«sente del'Angleterre et de I'Écosse, vous ue recevrez point


1
"d'ordre de moi qui ne soit plu~ convenable a ses intérets que
" tout ce qu'on lui pourroit dire; n'ayant aucune autre vue, que
« de procurer son rétablissement dan s ses étilts.


" C'est aussi ce qui me fait beauconp estimer les sentiments
"du duc de Tyrconnel, 'lui me paroit tres-bien intentionné
" pour le Roi s()n maitre. Mais je suis bien aise de vous Jire,
" pour votre instruction particuliere, que je serois bien éloigné
« de vouloir accepter l'Irlande, quand elle me seroit offerte du
"consenlement dudit Roi. Ce n'esl que pour lui que je tra-
,,\aillc a la eonserver, eomme le seul moyen de le rétablir dans
"ses autres états, et dc rroCUl'H l'avantage de notre religion ...




3I2. RÉVOJ.UTJON DE 16S8,
Prince réusslt jamais dan s toutes ses entreprises ulté-
rieures. Pour le moment, des qu'il fut arri vé a Du-
hIin, lui et les royalistes qui l'avoienl suivi de Fl'ance
en Irlande, ne voyoient déja plus d'ohstades a leurs
désirs, toujours les memes, plus la vengeance. Un
mois devoit leur suffire pour ressaisir l'Écosse et
arriver a Londres. Leur pl'ésomption tumultueuse
égaloit celle des jeunes patriciens du camp de Po m-
pée, qui , la veille de la hataille de Pharsale, écri-
yoient aRome pour retenir an Forum des places
d'ou ils pourroient contempler le triomphe de leur
imprudent général; et pourtant Jacques JI n'étoit
pas le Grand Pompée.


Cependant Guillaume attendoit avec une indiffé-
rence affectée le jour ou la Convention alloit ouvrir
ses séances. Dédaignant la popularité, il se renfe1'-
moit a Saint-James et se montroit difficilement aux
Lords d'Angleterre, surpris de cette froideur singu-
Iiere. Le peupIe témoignoit son aversion aux troupes
Hollandoises et s' étonnoit de ne pas les voir embar-
quées pour l'Irlande menacée. Mais l'impénétrable
Guillaume feignoít d'etre tranquille sur l'Irlande,
parr,e qu'il n'osoit pas encore y envoyer de troupes
angloises, ni se séparer des troupcs étrangeres {fui
l'avoient suivi. Ce fut clans la suitc contre lui un
motif de hail1e popnlaire et meme d'accusation par-
lementaire, ({uane! 011 apprit l'arrivée de Jacques II
et ses prellliers progres dans eeUe He.




EN ANGLLTERRE. 313
En attendant l'ouvcrture de la Convention, un


éerit tres-circonstancié fut publié sur la mort du
eomte d'Essex, qui, le jour meme ou le lord Russel
fut condamné pour la conjuration de Rye-House,
fut trouvé, dans sa prison a la Tour, égorgé avec un
rasoir. Le but de cet écrit n'étoit pas douteux. On
y accusoit ouve¡'tement J acques 1I, alors duc d'YOr]i,
d'avoir faitassassiner le Comte, et ron rappeloit avec
une astueieuse affectation l'incendie de Londres et
la mort de sir Edmond Bury Godfrey. Enfin, c'étoient
le comte de Fevcrsham et le eomte de Sunderland
qui avoient dirigé les assassins du comte d'Essex.
Tout ce que l'imagination peut inventer de plus subtil
pour ébranler la conviction et donner un corps aux
fantomes de la ealomnie et de l'absurdité, se trouvoit
réuni dans ce criminel et dangereux libdle. En adhp-
rant a ces misérables manc:euvres, le prince d'Orange
découvroit, dans sa hideuse profondeur, l'abime d'i-
niquités ou l'ambition n'hésite presque jamais a se
jeter, pour atteindre une gloire que l'équitable posté-
rité accorde seulement a la grandeur d'ame.




-----------_ .. _...:....._--_ ... _----"''''''''''


SOMMAIRE.


1688 - 1689.


Convention. -Bill des Communes conlJ'e le Roi. -Opposition
de la Chambre Haute. -Le Prince d'Ol'ange dé ciare ses des-
seins. - Adhésion de la Chambre Haute au bill des Com-
munes. -Protestation de trente-six Pairs spirituels et tem-
porels. -Arrestation du comte de Sunderlaud, a Rottel'dam.
·-Bill des Droits. - Guillaume et Mal'ie, déclarés Roi el
Reine.




R.ÉVOI,. DE 1688, EN ANGLETERRE. 315


LIVRE XXVIII.


1688 - 1689.


ENFIN les deux Chambres se réunissent a West-
minster, le ~ février. La Chambre Haute choisit le
marquis d'Halifax pour la présider, en l'absence du
Lord Chancelier du Royaume. Le comte de Danby
lui disputa cette nomination. La Chambre basse
choisit pour son orateur le chevalier Powle; mais
ce ne fut pas sans avoir a luttcr contre le partí
d'Édouard Seymour, qui, un des premiers, étoit
allé se joindre au prince d'Orange a Exeter. Sey-
mour étonnoit les partisans du Prince par son ar-
deur pour la cause d'un Roi qu'il avoit abandonné :
iI vouloit que Jacques II fí'tt rappeIé, sous des con-
ditions qui assurassent les libertés publiques. I1 ne
put prévaloir contre le chevalier Powle, a qui ]a
présidence fut déférée.


Apres la nomination des deux présidents, les de~x
chambrcs cntendirent la IccLure d'u,ne lettre qui leur




RÉVOLUTJON Dt: 1688,
étoit adressée en commun par le prince d'Orange,
en ces termes:


« J'ai taché, autant qu'il m'a été possible, d'effec-
« tuer ce dont j'ai été chargé pour la paix et pour
« la sureté publique, depuis que l'administration des
« affaires m'a été commise. e'est maintenant 11. vous
« d'établir les fondements d'une sécurité inébran-
« lable pour la Religion, pour lE's lois et les libertés.


« Je ne doutc pas qu'une si parfaite el libre assem-
" blée, qui représente le corps de toute la nation,
« ue comprenne quel est mon but. Et puisqu'il a
« plu a Dieu de bénir mon dessein par un si heu-
(f rellX succes, j'espere qu'il accomplira son reuvre,
« et qu'il répandra en abondance au mílieu de vous
« un esprit de paix, de concorde et d'union, afin
« que nous en puissions obtenir la continllation,
« longuement, heureusement et sans interruption.


(( Le dangereux état ou se trouve présentement
( l'i ntéret protestant en Irlande exige un p1'ompt
«( et grand seCOU1'5.


« La conjoncture présente des affili1'es ho1's de ce
« Royaume m' oblíge aussi 11. vous l'ep1'ésenter que,
( si la désunion peut causer de gramls dangers, ríen
« 11e sauroit etre plus fatal qu'un long délai dans vos
« conseils.


({ Les États-Généraux, par c¡ui j'aí été muní des
« l1loyens de délivrer CeUe natioll , cn resseutil'Oient
« bientot les méluvais cffets, s'ils demeuroicllt long-




EN ANGLETERRE.


« temps prives et du serviee de leurs troupes qui
« sont iei, et de votre prompt secours conLre le puis-
« sant ennemi qui leut" a déclaré la guerreo


« Mais comme I'Angleterre est obligée, par les
({ traités d'aIliance , a les secourir en de telIes occa-
« sions, j'espere que cette obligation et ce qu'ils ont
« fait pour le Royaume, en s'exposant eux - memes
c( an péril, vous portera, par une juste reeonnois-
«sanee, a les assister autant que le besoin l'exigera.


« Cest la ce que j'attends de vous, eomme Pro-
I( testants et Anglois. »


Immédiatement apres eette lecture, I'Orateur des
Communes prit la paroJe, et dit qu'il avoit ordre' de
Son Altesse de repl'ésenter a la Chambre la triste
conditian des Pratestants en Irlande, le dan gel' dant
les Papistes y menal,{oient la Religion et l'Angleterre
meme. On devoit y craindre un massacre général et
la sfparation de ce royaume. I(J'ai aussi Ol'dre,»
captinua - t - il, « de vous mettre devant les yeux
ce l'agrandissement de la Franee et les desseins de
t( son turbulent monarque, ce persécuteur de la Re-
(e ligiou Protestante et I'enuemi juré de la Couronne
« d'Angleterre. 11 faut donc que nOllS nous mettions
« en état, non-seulement de nous défendre contre
« toutes ses forces, mais encore de faire une si puis-
I( sante diversion dans ses propres États, que nous
({ puissions reeouvrer nos premieres conquetes en
« France, et r(~\lnir :. la Couronne <l'Angleterre




nÉVOLUTION DE 1688,
« les pI'ovinces qui autI'efois lui appaI'tenoient. ))


Ces fieI's projets de conquete avoient pour but
sans doute de flatter l'orgueil de la multitude, mais
elles montroient aussi un dessein profond qui, en
jetant le peuple anglois dans la guerre du continent,
I'endoit l'usurpation inévitable et l'usuI'pateur néces-
saire. C' est le secret de touts les ambitieux qui ont
du génie. l,a paix intérieure ne seroit qu'une per-
pétuelle conspiration contre leuI' nouvelie puissance.
Mais les deuxChambres écarterent toute délibération
sur les demandes du prince d'OI'ange, et convinrent
de s'arreter simplement a une adresse de I'emerci-
ment. Si le Prince vouloit précipiter une décision,
les chefs des diveI's partis vouloient d'abord con-
noitre leurs forces respectives. Les deux Cllambres
présenterent done, le meme jouI', une ¡.¡dresse, pour
remeI'cier Son Altesse d'avoir bien voulu prendI'e
l'administration desaffa.ires publiques, pour le prier
de s'en chaI'ger encore, en attendant un réglement
ultérieur', et de veiller s.urtout a la conservation de
l'Irlande. L'adresse étoit sechement tetminée par
cette laconique réponse, sur la guerre étrangere:
c( Et pour ce qui regarde les autres affaiI'es qui nous
« sont recommandées dan s la lettre de Votre Altesse,
« nous ferons touts nos efforts ponr les expédier au
( plus t¿)t. »


Mécontent de cette réponse, Guillaume dit a la
députation qu'íl s'expliqueroit le lendt:'main.




EN ANGLETERRE.


Cepelldant l'anniversaire du marty~e de Charles ¡el'
approchoit. C'étoit le 30 janvier, vienx style (10 fé-
vrier). Commeut célébrer cette funebre solennité
pour le pere, qualld le fils alloit etre chassé du trone
par le petit-fiIs? On craignit de tristes rapproche~
ments, et le Prince fit ordonrrer dan s les deux
Chambres que, ce jour-la. dans Londres et West-
minster, le lendemain dans tout le Royaume, il
seroit rendu a Dieu des adÍons de graces publiques,
« pour avoir rcndu le prince d'Orange le glorieux
« instrumellt qui a délivré ces Royaumes du Papisme
« et du pouvoir arhitraire.)) Ainsi, dans touts les
temps, le fanatisme poli tique profane le saÍnt nom
Qe Dieu. ARome, on avoit chanté le Te Deum
poúl' la Saint - Barthelémi; a Paris, la Ligue 6t cé-
lébrer le martyre de J ean Chate!, assassin de Hen-
ri IlI;,a Londres, on sait unir aux prieresponr la
détestation du .régicide les prreres .pour:consacrer la
spoliation du phe par les ehfants. Mais ir falloit
~dou<,:ir, par de publiques démonstrations, .. n refus
de délibérer aussi "ite que l'amhitieux GuiHaume
l'auroit voulu. Telle fut la premiere séance de la
Convention. Les Lords nommerent aussi' ce jour-Ia
six habiles jurisconsultes, selon 1'llsage, pour assis-
teí' a leurs délibérations.


Le lendemain, Guillaume envaya sa réponse par
écrit. a l'adresse présentéeJa'veille :


,de suis bien aise, )) disoit -il, « que ce que j'ai




nlÍvoLuTION DE 1688,
(( fait vous soit agl'éable. Vous souhaitez que je COll-
«( tinue l'administration; je suis pref 11 le faire. Maí:;
«( il faut que je recommande 11 votre considération
« les affaires du dehors. Elles exigent de vous une
« grande célérité, non - seulement pour ce qui est
( de faire un étahnssement dans le pays sur des ton-
« dements solides, mais aussi pour ce qui est du sa-
« lut de toute l'Europe. »


Malgré eette lettre de jussion, les deux Chambres
déciderent qu'elles commenceroient a en délibérer
seulement le 28 janvier ( 8 février ). Mais la chambre
des Lords donna des ordres pour faire arreter trois
ou quatre personnes qui pourroient donner quel-
ques lumieres'sur la mort du eomte d'Essex. Par-la,
les partisans du prince d'Ürange entretenoient dan s
la multitude l'horrible et dangereuse imputation faite
a JaGjuesIl, alors duc d'York, d'avoir fait égorger
le malheureux Essex dans sa prison. '


Le bruit s' étoit répa~du qu'il étoit arrivé des
lettres 4e Jacques II pour les deux Chambres, mais
on ign:oroit par qui elles devoient ctre présentées.
D'un autre cOté, l'archevcque de Cantorbéry n'avoit
pas encore paru dans la Chambre Haute, et il ne
se trouvoit sur le bane des Lords spírituels que dix-
sept Éveques. Ceux - c.i étoient d'avis de négocier.
avec le Roí pour le prier de revenir en Angleterre.
La princesse de Danemark avoit aussi son parti,
qui défendoit ses droits successifs contre ccux qu




EN ANGLETIIRRE.


aspiroient a ce que le prince d'Orange fUt déclaré
Roi. Churchill el Nottingham en étoient les chefs,
et ils vouloient que, si la régence n'étoit pas insti-
tuée, ce fUt la Princesse d'Orange qui fUt reconnue
Reine. Seymour insistoit sur l'établissement d'une
Régence; mais il étoit manifeste que ce seroit la
Cllambre des Communes qui décideroit ces graves
questions.


Enfin le grand jour fixé arrÍva. Le lundi 8 février,
la Chambre des Communes agite la question: Si
Jacques II étoit déchu de ses droits? Il fut résolu
que la Chambre se formeroit en grand comité [.


Sir Dolbin parla le premier. Il étoit fils du der-
nier archeveque d'York, dont le si[.ge étoit long-
temps resté vacant, paree que·Jacques 1I avoit eu
le dessein d'y placer le P. Piter, si le Pape eut voulu
consentir a lui conférer le titre d'Éveque. Dolbin,
duns un grand discours, s'attacha vivement a dé.
montrer que le Roi Jacques II, par sa retraite vo-


---------


, JI est d'usage que pOllr un comité la Chambre llomme un
orateur OH président. Ce fut Hampden qui fin élu; et le che-
valier Powle, orateur de la Chambre, descendit de sa chaire.
C'est la ce qui étabJit la différence entre le comité et l'assem-
blée de la Chambre. Il arrive meme qn'une résolution prise en
comité soit rejetée en pleine Chambre, quoique ce soient les
memes députés qui rejettent ainsi en public ce qu'ils ont résoln
en particulier.


nr. 21




3).2 R~VOLUTJON DE J688,
lonJairc et par ses atteintes multipliées al1X lois du
H.oyaume, se tl'Ouvoit tout a la fois dans le ca~ dI'
J'aLdicatión et de la déchéallct'. Sur cette asserlioll,
le Il'óne est vacant, de vifs lUurmures s'éleverent.
« Si le treme n'est pas vacallt, ») s\(cria le clH'valier
Richard Temple, « que SOIllI1lt'S-llOllS ici, et pour-
e( quoi ceUe Convention?» II appuya le discours de
sir Dolbin par un autre discollrs {i)!'1 (·tudié, sou-
tenu d'arguments et de faits tirés de I'histoÍre meme
d' Anglt'terre. Les Whigs, (,'est - a -dire, les anciens
partisans elu Lill d'exclllsion, formoient la mujorité
de la ('hambre, et apres cinq heures de discussion,
ils emporterent ce vote mémorable :


« Résolu: que le Roi Jacques II, ayant fait ses
{( efforts pour renverser la constitution rlu Hoyaunw,
« en cassant le contrat originel qui esl entre le Boí
ce et le peuple; qu'ayant, par l'avis des Jésuites pt
« autres méchantes gens, violé les lois fOlldallH'n -
e( tales, et s'étant retiré lui-meme du Rovaume :


« Il a, par ce moyen, abdiqué le Gouverncmcnt,
( et qu'ainsi le tronc est dcveIlu vacant. J)


Il est remal'quable ici que, pa rmi les opposallts
a ce vote décisif, le lord CornLury , qui avoit donné
le premier sigl1al de la défection militaire a Salis-
hury, vouloit, aillsi qu'Édouard Seymour, le rappel
du Roj, sous des conditiollS favorahles a la liberté.


Les Whigs, en pronollf:ant que la retraite du Roj
étoit une abrlieutioIl rt c¡w:, le trinw f.!oit nleanl)




eomprenoient parfaitpment le vice essentiel de cette
d<'-c1aration; cal', clans une monarchie héréditaire,
le treme n'est jamais vacant. La retraite du Roi
nc pouvoit ctre une abdication, puisque Jacques Il
proposoit lui - meme de revenir en Angleterre et
de convoquer un Parlement légitime. Il falloit done
se jeter sur la doctrine du contrat. primitif, doc-
trine obscure et fallacieuse, qui soumet un Em-
pire au droit de la force: cal', entre le PrÍnce et le
Peuple, qui sera juge, si ce n'est la force? Le mot
abdication excita de vifs débats. On proposoit d'y
snbstituer le mot désel'lion ou aba71don; mais iI
n'existoit qu'un seul exemple de ce mot dans les
souvenirs parlementaires, et c'étoit sous Hichard III.
Le mot abdication avoit des précédents plus nom-
breux, et il fut adopté, quoiqu'il ne donnat qu'une
idée fausse de la s~tuation réelle du Roi.


Pemlant ceUe discussioll, les Pairs s'étoient réu-
nis; mais leur asspmblép ue dura qu'une heure, et ils
s'étoient séparés, lorsque le vote des COmmLlllt'S leur
fut envoyé. Cepelldant 011 y avoit proposé de rayer
eles prieres publiques le nom du Roi; pt sur l'obspr-
vatíon faite par les Lords spirituels Cjue cette affaire
les I'egardoit uniquement, il fut résolu que cette
(plestion seroit examinée par un Comité dunt les
[~vcques feroient partip. Les Orangistes n'oublioient
pas c¡ue la fe te de la naissance du Roi étoit proche :
¡Js pl'I'.pnroient aimi le pcuple ;'1 voir c[fil<:er jusqu'a
:~ I .




RÉVOLUTION DE 1688,
son nomo Le lendemain, la Chambre Haute délibél'a
sur la résolution des Communes.


Les questions qu'enveloppoient ce vote furent di-
visées et débattues séparément. D'abol'd, au lieu
d'admettre, avec les Communes, que le lróne étoit
vacant, on ne 6t de cette proposition qu'une hy-
pothese et comme une sorte de fiction, a laquelle
viendroient s'attaeher suceessivement et néeessaire-
ment toutes les questions qui résulteroient du vote
des Communes.


AinsÍ, et sans avoir égard pour le moment au
terme de ce vote, dan s son ensemble comme dans
ses détails, OIl délibéra: Si, le tróne étant supposé
'lJacant, il falloit nomme,. un Régent oa un Roi.


La Chambre se mit en grand Comité pour déli-
bérer, et nomma le eomte Danby pour présider le
Comité.


Cette nomination de Danby a la présidence sem-
bloit etre un présage favorable aux vreux du prillce
d'Orange; cal' Danby et Halifax étoient les c1H'fs du
pal'ti des' Whigs dans la Chambre Haute. Mais il
y avoit une distanee immense dan s leurs sentiments,
quoique d'aceord pour l'exclusion dn Roi. I1alifax
soutenoit que le trane étoit vacant, et proposoit le
prinee d'Orange; ce qui ,par le faít, rendoit la
Couronne éleetive. Danby, qui vouloit conserver les
droits éventuels de la princessp de Danemark, sou-
tenoit au contraire que, dans une monarchie héré-




KN AlIiGLETEJUlE.


ditaire, le tronene pouvant jamais thre vacant, la prin-
cesse d'Orange devoit succéder immédiatement a son
pere. Mais pour cela il arguoit en faít que le prince de
Galles u'étoit pas légitime, et en principe, que les
lois du royaume réprouvoient un Roi catholique.


Les Whigs des Communes avoient laissé indé-
cise, en apparence, la double question d'un Roí ou
d'un Régent; mais les principes qui appuyoient leur
vote, conduisoient directement a I10mmer un Roi.
Le lord N ottingham, quí étoit a la tete du partí de
la Régence parmi les Torys, étoít celuí qui avoit
décidé la Chambre a ne considérer la vacance du
trone que comme une hypothese. Il prévoyoit avec
raison que touts les Torys, moins d'accord que les
Whigs dan s ,Ieurs principes et dans leurs vues, se
déclareroient contre la nomination ou déclaration
d'un Roí, si la question premiere obligeoit de se
décider entre un Roí el un Régent. Aussi commenc;a-
t-il la discussion par 011 finíssoit le vote des Com-
munes; et il demanda, en supposant pal' fiction la
vacance actuelle du trone :


« Si une régem:e avec I'administration du pouvoir
« royal, sous le nom du Roí Jacques second durant
« sa vie, n'étoit pas le plus sur moyen de préserver
( la Religion protestante et les lois du royaume? ))


N ottingham avoit réuni, dans son dlscours, touts
les falts de l'histoíre d' Angleterre qui pouvoient ar-
puyer l'établissement dc la régence. 1I cita cn partí-




BEVOUiTIOi\ DE j GSH,
culier l'exemple récent du Portugal, oll don Pedn:
étoít régent pendant la vie du Roí son frere.


Les Éveques tenoient fortelllent au parti de la ré-
gence; et parmi les Torys, le comte de Ilochester,
aÍusi que son frere le emnte de Clal'enJon, se distiu-
guerent par la fermeté de leurs príncipes. N'admet-
tant pas la vacance du tl'()nt' dans une monarchie
hér~ditaire, ils ne vouloient ni la nomination eI'un
Roí, ni la désignation de la Princesse, a titre héré-
dítain'. lIs s'attacherent done a démontrer en prill-
cipes que, quand un Roí vivant se trouvoit frappl~
d'incapacité polití(lue et morale, l'étaLlissement d'une
régence étoit le st'ul moyen de conserver !'État et de
respecter les loís fonda mentales.


Les Whigs opposoient des objectioIls de fait, et
repoussoient les PI'ÍucÍIJes génél'aux, COlIlllle dange-
reux dan s l'applicatioll aux circonstances actuelles.
« Un Régent,» disoient-ils, « qui seroit investí de
« l'alltol'íté royale, sous le Hom d'un Hoi qui lit' se-
« roit que titulaire, ne préseute pas lllOins de clan-
« gers que la déposition meme du Roi et la nomina-
« tíon d'un successeur. En Angleterre, la loí ue
« ~épare poínt la prérogative de la persollne royale.
« Comment les jurés reconnoltront-ils le crirne de
« haute trahison clans les actes contraires au GOll-
e( vernement dp la régence, quand les accusés pro-
« duiront lt's commissions du Prince meme, sous le
f( nom duquel la régt'llct' sera exerc{~e? »




EN ANGLI·:TERRE.


Les clébats se prolongt'l'eut avec une extreme viva·
cít(~ de part d d'autre. Lorsque l'éveque d'Ely de-
manda que le Roi fUt mppelé: « le propose, » dit
le loro de la Mere, « que l'évequc d'E!y soit envoyé
(e aupn~s de Sa Majcsté, a condítion que ni l'nn Ili
« l'autre lIe reviennellt en Angleterre. » Les comtes
c!'Oxford et de Maclefields fircnt aux Éveques la
IIIClIace qU'UII jou!' peut-elre ils perdroient leur droit
de séauce dans la Chambre Haute. ,,:Ni ll10i ni les
« autres Prélats ne craigllülls ríen d'une telle mc-
« nacc, )) répli({ua I'évcquc de Peterbol'ough: « notre
,( conscience lIe nous reproche rien. »


11 est reman{uable que les principaux Seigneurs
qui avoient appelé le prilIee d'Orange, ou qui I'a-
voielIt joint a Salisbury, se pl'Ononcerent contl'e le
projet de J ui déférer la royauté. De ceuombre étoit
le tIue de Grafton.


Ellfin, les voix élant recueilltes, cinquante-unc SI."
trouverent pour la nominatíon d'uu Roí, el qua-
rante-nell1' pour la Régence. Ce triomphe du purti, si
péniblemellL obtt'uu, fut paltieulierellwllt I'renvl'e UU
mal'quis d'Halifux et uu eomte Danby. Celui - ci
combaltoit, non pour le prince, mais pom la priu-
cesse u'Orange.


Cependallt le partí de la régenee l'eút emporté,
sallS les scrupules de l'archeveq lIe de Cantorbcry, du
lord .Mulgrave, premie .. Chambellall de Jacques 11,
,[ du lord I1uutiugdon. Le prelIller lIC vonlOll pas




~h8 RÉVOLUTION DE 1688,
reconnoltre, par lt> faít de sa présence, la légalíté
de la Convention. Les deux autr-es furent moins re-
tenus par ce principe que par un sentiment d'hon-
neur qui leur faisoit craindre de passer pour in-
grats. Churchill feignoit le meme prétexte et ne
parut paso Mais il est certain que la présence du
Primat, son vote et celui des deux lords Mulgrave
et Huntingdon eussent donné une face toute diffé-
rente aux délibérations. Le lord Godolphin se pro-
non<;a pour la régence; quaut aux Éveques, iI n'y
eut que ceux de Londres et de Bristol qui voterent
pour la nomiRation d'un Roi.


Le meme jour, la Chambre des Communes adopta
un bill , ou résolution, portant f( que, pour prévenir
« touts les inconvénients auxquels seroit exposé le
« royaume, s'il se trouvoit gouverné par des Rois
« eatholiques, touts les héritiers qui feroient pro-
C( fession de la foi romaine seroient exclus pour
« jamais de la succession a la Couronne d' Angleterre.J)
Ce bill fut adopté par la Chambre Haute, ou l'on
proposa meme d'ajouter eette dause, que les Rois
ouReines d'AngIeterre ne pourroient se marier a des
Catholiques.


IJa Chambre des Lords venoit de décider, en
these généraIe, que si le trone étoit vacant, iI fal-
loit nommer un Roi. Maintenant iI s'agissoit d'exa-
miner et de décider si eette proposition généraIe
étoit aetuellement applicable au Royaume d'Angle-




EN ANGLETERRE.


ten'e. Des le lenoemaill, 10 février, anniversaire du
martyre de Charles ler, le vote des Communes fut
remis en délibération, non pas dans son ensemble,
mais d'une maniere partielle sur chacune des pro-
positions dont iI étoit la conclusion.


« ExistoÍl-il entre le Roi el le peuple un contrat
« originel?» Telle fut la premiere question. Jamais
question abstraite de cette nature ne s'étoit discutée
queparmi les sophistesdu Portiqut' ou de l'Académie.
Ce fut un spectacle, unique alors dans l'histoire, que
cette délibération solenneIle des Patriciens d'un grand
peuple, sur l'origine de la souveraineté. Cependant
cette grave assemblée délibere entre le souverain
fugitif et l'ambitieux qui, déja en armes, déja clans
le palais, affecte une sévere índifférence pour l'ohjet
de son ardente convoitise. Et ces fiers Patriciens,
qui ne sont ni souverains, ni sujets, s'arrogent ce-
pendant la souveraineté, puisqu'ils vont décider a
qui elle sera enlevée ou conférée.


Vordre de ces délibérations avoit une appa-
rellce de grandeur. Il imposeroit peut-etre a I'ima-
ginatioll, si le faste des príncipes tour-:'-tour invoqués
ne déceloit sans cesse et l'embarras des situations,
et la secrete pensée de touts les partís. Les Angli-
callS avoient jadis proclamé, comme un dogme de
leur Église, le príncipe de l' obéissance passíve; maís
alors, ils se croyoient favorisés par le Roi. Des qu'íls
se virent lIlenacés, clans leur suprématie et dans




J30 I1~VOL{JTION DE I G88,
leurs biens, tls dOlluerent le' signal de la rrsis-
tanee, ql1l, puur les peuples, ('st souveut eelui de
la révolte. A pres ulle contradiction si manifesll',
COl1lment redresser la regle qu'ils ont déja faussée J
lIs invoquent encore le droit divin en faveur des
Rois. Mais, qu'est-ce que lc droit Jivin, c'est-¿.-di n~
J'autorité absolue, de jure SitO, clans une lllonarchie
limitée par des lois positives? Que signifie le droit
divill proclamé par une Église qui ellc-mell1c a sc-
eoné le joug de l'autorité religieuse? Le droit divin,
<lui est un príncipe vrai ,bus La foi de ntglise 1'0-
maine, en ce sens que la résistance par la force au
pouvoir légitime est une tl'ahiSOIl, n'cst au tond
<¡u'un sophisme dans les Églises protestantes. h'c-
miere cause des tragiques i nfortunes de Charles 1 cr,
Anglican, il conSOlIlllla la ruine de Jacques n, Ca-
tholique. Te! est le dangel' de ces dogmes poli-
ti(Iues, pris témérairement dans un sens absolu, et
sans diseernement des lois, des moml'S et surtout
des professions de foi religieuse.


Plus tranchants dan s leurs doctrines, et plus d'ac-
cord dans leurs vues, les Whigs, sans chercher une
origine l1lystérieuse a la Sou veraineté, soutenoicut
l'existence d'un contrat, au moins tacite, cntre le
Roi et le peuple, par l'usage immémorial <lu sennent.
POUl'(luoi, au COllrounement, jurel' de respedcr le~
lois, s'iln'exisle aucuuc 10i que le Pnuce n'ait le droit
irréslstiLle de !1lt'IH'lser ou d'abol1r !lUpUnélllelIt ~




EN ANCLETEnHL


La questioll ¡['un contl'at origine!, el par ~onséquent
de l'obéissance conditionnelle, fut décidée, dalJ~ la
meme séallce, ¡¡ cinquante-troi:; voix ponr l'affirmative,
contre quarante-six. On voit que les 1'01')'5 perdoient
du tt'rrain. Trois d'entre eux au moins se joignirent
aux adversaires de ¡PUl' parti. En adhérant a l'appe!
ou a l'arrivée du prince d'Orange, ils avoient re-
connu le droit de résistance: ils ne voulurent pas se
eondamIler eUx-memcs.


Un examina cnsuite si le Rui Jlleques secolld
flVOit rompu le contrat? La discussion ne fut 'pas
longue, et la cau:;e du Roi fuL presque abandonnée
sur ce point.


Tamlis que la Chambre Haute s'occupoit de ces
grandes questions, la Chambre Bassc cntendoit un
sermon sur la tete du JOUl' anniversaire du supplice
de Charles ¡el'. Le Prédicateur ?toit le docteur Sharp,
curé de Saint-Gilles, précisement celui que Jacques 11
avoit voulu faire interdire,: et pour lcquel I'Éveque
de Londres avoit été slIspendu de ses fonctions épis-
copales par la Haute COlll' Ecclésiastiqllc: sujet de
tant de griefs contre le Roi. Le Prédicateul' fit la
priere accoutumée pour le Hoi et pour la famillc
royale, ce qui causa un grand scandale dans le parti
des Whigs et des Républicains. Cependant la Cham-
bre s'arreta dans l'expression de son resscntiment,
sur ce motif qu'iln'existoit poim encore de nouvelle
formule pou\' ces sortes de prieres. Apres J'office, on




J:h RÉVOLUTION DE 16B8,
proposa de déclarer (pIe le prince et la príneesse d'O-
range étoient Roí et Reine d'Angleterre.


Cette questíon, ainsí posée, n'eut pas dans les
Communes tout le sucd$ que pouvoit en espérer le
prince d'Orange. Les Indépendants ou Républicains
n'avoient ptlS tardé a reconnoltre la foiblesse réelle de
leur parti. Ces hommes qui d'abord ne parloient que
de mettre Jacques 11 en accusation, de le déposer ju-
ridiquement, et de délibérer sur la meilleure forme
de Gouvernement, se renfermerent bientot dan s la
maxime chérie de Sídney: que, s'il falloit ahsolument
subir la Royauté, un Roí ilIégitime devoit etre pré-
féré. lis se réunirent done au partí des Whigs, pourcon-
férer la Régence oulaRoyautéau princed'Orange. Mais
avant dese prononcer, ils exigerent que la chambre
des Communes s'occupat d'une df.claration des droits
puhlics; ce qui fut résolu. Ainsí la question proposée
fut ajournée. Cependant les plus sages d'entre les
Whigs, dirigés par sir Somers, amenerent les esprits
les plus ardents a plier leurs príncipes sur la liberté
aux anciennes loÍs du pays et aux maximes des Torys
sur la mona~hie. Telle fut I'origine du célebre bill
des droits.


La troisieme séance des Lords se tint immédiate-
ment le lendemain. lis avoient a déclarer : « Si le
« Roi Jacques second ayant rompu le contrat origi-
« nel entre lui et son peuple, et déserté le Gouver-
« llement, on pouvoit dire que le trone éloit vacant?Jl




EN ANGLETmtflE. 331
A vant de poser ainsi la question, les' Torys avoient


réclamé contre l' expression abdiqué (abdicated),
qui se trouvoit dan s le vote des Communes; soute-
Ilant avec raison que l'abdication supposoit une
renonciation volontaire. Ils eurent la majorité pour
substituer a ce mot celui d'abandonné ( deserted).
Ce changement dans les termes étoit tres-important
pour la qllestioll de vacance du trooe: car si le Roi
n'a pas abdiqué, le trone n'est pas vacant.


Cette victoire des Torys compensoit amplement
leur défaite sur la question du contrat originel; et
en effet, toutes les questions précédentes n'étoient
pour ainsi dire que préjudicielles. Rien n'étoit en-
core décidé qu'en théorie, sans application person-
neHe a Jacques II, excepté cependant la rllpture du
contrato Mais, dans les lois et da liS les mamrs angloises,
il étoit reconnu que le Roi ne pouvoit mal faire.
Ainsi, la rupture du contrat par le Roí, quoique
recormue par la précédente décision, n'emportoit
pas virtllellement la mort civile de Jacques 11. Tout
alloit donc se résoudre daos cette question : « Le
(e trone est-il vacant? )J La radiation du mot abdiqué
pour celui de déserté, ou abandonné, annon<,;oit ou
un rctour aux principes de la monarchie, ou des com-
binaisons nouvplles dans les divers partis de la
Chambre.


La Haute Église soutenoit, e~ droit et en faíl,
que le tróne d'Angleterre n'étoit pas vacant, mcnw




H ,iVOLUTION DE J 6RH,
t'n cas de mort llaturdle; rt qu'alors l'héritier 11'
plus proche suceédoit imll1édiaternrnt a la Couronnr.
sans aucun interregne.


Mais si le treme n'est pas~econnu vacant, malgré
la rupture du contrat ol'iginel entre le Roi et son
peuple, malgr? encore la désertiol2 du trane et du
royaume, par qui le treme est-il ou sera- t·il occupé?
Jacques II est-il encore Roí? S'il est frappé de mort
ei vile ou poli tique , esto ce le prince de Galles qui lui
succede?


Whigs et Torys, touts étoient a peu pres d'accord ,
les uns ouvertement, les autres tacitement, stir la
cause personnelle du Roi. La Haute Église combat··
toit vainement contre la force irrésistible des dIOses.
La véritable question n'étoit plus dans les principes;
elle se trouvoit uniquement dans le parti que pren-
droient ceux qui soutenoient les intéréts de la prin-
cesse d'Orange contre I'ambition personnelle de son
mari. Le comte de Danby rt ses amis avoÍent cu la
hardiesse de lui écrire pour connoltre ses intentions.
Elle sera reconnue Reine: Danby lui en donnoit sa
parole, pour peu qu'elle autorisat le zele de ses par~
tisans. Danby soutenoit done avec fermeté que le
trane n' étoit pas vacant, s'appuyant sur le principe
meme des Torys, paree qu'il vouloit que la princessp
d'Orange fUt dédarée immédiatcITI('''' Reine J',\ 11-
gleterre. Il supp~SOil que le pri tire de Galles étoit
illégiti me.




EN A N(~LKrEn In:.


Les Whigs dévoups an priucc (rOrange aVOit'lli
pn"vu (lile Danby les abandonneroit sur ce point
de la "acanee du trdne; et, pour prévenir lt's effets
de son aecession aux votes des Torys, ils amt'ndt'~­
r('nl la questioll, en y supprimant eelle de la vacance
clu trone. lis mirent done en délibération la question
réformée ou amendée en ccs termes:


« Si, Jacques II ayant rompu ie contrat origine!
« entre luí et son peuple, et déserté ( deserted) le
« Gouvernement, le Prince et la Princessp .~eroiellt
« déclarés Roí el Reine?»


Cet amendement fut écarté a la majorité de cin-
quante - cinq voÍx contre quarante - une; et sur la
question premiert', si le tróne étoit vacant, les Torys
l'cmporterent d'onze voÍx. Cctte victoire des Tol'ys
fut l'effet de l'aecession de Danby ,} leur parti, en
el' momento


Le lendemain de ce vote qui paroissoit déeisif, les
COJ1lll1unt's devoient entt'ndre l'Orateur d u comité,
précédemment chargé de dresser la déclaration des
droits publics du royaume. L'Orateur ne se relldit
pOÍnt a la séance. On agita vivement si la Chambrp
s'ajourneroit ou eontinueroit la séance. Apres une
longue et violt'nte conlestation, le parti de I'ajour-
nement prévalut, et la séance fut renvoyée au len-
Jemain 12. févrie'r.


Cette circonstance !wut paroitre fort minutipuse
pOli/' l'histoirl', a ceu" qlli ne' cOlllloissenl pas lf's




336 R.ÉVOLUTION DE 1688,
combinaisons parlementaires. Mais une poli tique
profonde est souvent cachée sous de tels incidents.
L'habileté consiste a les faire naltre, et le parti qui
n'est pas encore certain de toutes ses forces n'y
manque jamais. Le dernier vote de la chambre des
Lords étoit si important, et les Whigs en étoient sí
déconcertés, que l'ajournement leur étoit nécessaire,
soit pour se mettre d'aceord, soit pour donner au
prince d'O~ange l'occasion de rompre enfin un si-
len ce qui commeru;oit a paroltre méprisant et dan-
gereux. Dans cette disposition, la Cllambre se sé-
para jusqu'au lendemain, apres avoir voté des rc-
merclments: au docteur Burnet, pour le sermon qu'il
lui avoit preché la veille; au Clergé d' Angleterre,
pour sa résistance au Papisme, pour sa fermeté dans
l'affaire de l'édit sur la liberté de cOllscience, et pour
son opposition a la Haute Cour Ecclésiastique; enfin
a la flotte et a l'armée, ponr son attachement a la
cause de la Religion protestante.


De son cóté, la Chambre Haute envoyoit aux
Communes ses résolutions des trois joms précédents,
8, 9 et 10 février. Immédiatement apres ce message,
elle lem fit demander une conférence libre, ponr
s'expliquer sur la différence des résolutions respec-
ti ves. Mais les Communes s'étoient déja séparées.
Alors la Chambre Ha~te s'ajourna de meme au len-
demain; cependant, avant de quitter la séanee, qua-
rante Lords signerent une prott'statioll contre la




EN ANGDETEHHJ<:.


résolution de la veille, qui déclaroit que le treme
n'éto;'t pas vacant. Cette protestation étoit te syrnp-
tame évident ou d'une grande scission entre les deux
Cllambres, ou d'un challgement subit opéré dans
les consciences poli tiques , par quelque puissance
mystérieuse. Que les marquis d'Halifax et de Win-
chester, les lords Delamcre et Devonshire aient
signé cette protestation, ils étoient conséquents avee
leurs votes précédents e! leur conduite. Mais le eomte
Danby, protestant eontre son propre vote de la veille,
offre un spectacle eurienx sur eeUe sctme mobile et
singuliere de révolution. Le lord Mulgrave, premier
ChambeIlan du Roi, signa aussi la protestation. Il
s' étoit aLstenu de paroltre aux premieres délibérations
de la Chambre Haute, par scrúpule sur la légalité
de la Convention. Mais il parolt que ses scrupules
s'évanouirent promptement, car il vint protester
avee les Whigsque le trone étoit vacant. Pourquoi
ce vote extraordinaire dans le comte Danby et dans
le lord Mulgrave? On va l'expliquer pour le pre-
mier. Quant au second, iI s'appn;ut que la foible
majorité des Lords qui soutenoient la non-vaeanee
du trane alloit se trouver contrainte de reconnoltre
la princesse d'Orange pour J'hériticre immédiate,
puisque l'exclusion étoit déja prononcée contre tout
successem· catholique. Or, la ChamLre Haute, ,en
adhérant a cette résolution des Commulles, avoit
implicitement déshérité le prillce de Galles, qui étoit


IIJ • 22




338 R~:VOLllTJON DE J 688,
en France et qui avoit été baptisé dans I'Église Ca-
tholique. Ainsi les Torys, par cela seul qu'ils décla-
rOÍent, dan s la conjoncture présente, (lue le treme
n'étoit pas vacant, ne pouvoient plus se soustraire
a la néeessité de déclarer que la sueeession passoit
immédiatement a la prinecsse d'Orange par l'exclu-
sion des Catholiques, s'ils vouloient échapper 11 la
nécessité non moÍn's impéríeuse de déférer la Royauté
an prince d'Orange, par éleetion.


1)'l1n autre coté, si les amis seerets ou a voués de
Jacques II s'llnissoient aux \Vhigs pour déclal'er la
vaeanee du trone, qu'arriveroit-il? une altération
violente dan s la constitution angloise, e' cst-a-dire,
la monarehie héréditaire eonvertie en monarehie
éleetive. A la vérité, le prínee d'Orange seroit élu
infailliblement; mais l'illégitimité de SOIl titre seroit
évidente aux yeux des peuples, tandÍs que l'usurpa-
tíon de la princesse d'Orange paro'itroit appuyée au
moins sur un titre légal, celui d'héritiere présomp-
tive, par l'exclusion <Iu suecesseur catholique, le
prince de Galles. 01', ce changement dans la Con-
stitution, el eette eoncurrenee de deux princes, l'un
toujours armé de son droit légitime, et I'autre appuyé
seulement sur son titre d'élection, étoient plus que
suffisants pour tenir la nation divisée. Le souvenil' des
Deux Roses n'etoit pas effacé. La guerre civil e seroit
une protestation armée de la nation contre toute usur-
pation, et l'ameneroit tot ou lard les princes légitimcs.




FN ANGLETERRE. 339
Ce fuf dans eette pensée que les Torys jacohites


s'unirent aux Whigs, et que le lord Mulgrave vint
signe,' sa protestation avee cux eontre la déclaration
des Lords, que le lró'ne n' étoit pas vacant: SyS4
teme habile san s doute, s'il y a de l'habileté sans
droiture, mais a eoup sur périlleux et presque tou-
jours funeste. ectte allianee monstrueuse des amis
et des ennemis, pour une fin toute contraire, ébranle
au moins la eroyance et la fidélité des peuples, qui
ne comprennent pas et ne peuvent pas eomprendre
le seeret d'une teIle flexibilité. e' est ainsi que le
fameux Shaftsbury se vantoit a la restauration d'avoir
conseillé a eromwelI de se faire nommer Roí plutat
que Protecteur. II ajoutoit : c( Je voulois relever le
(e trane pour y (.1ire monter le Prinee légitime.»
Mais, en attendant la restauration, il n'en fut pas
moins le plus astucieux et le plus amhitieux cour-
tisan de eromwell. Lord Mulgrave eut peut-etre
imité Shaftsbury, si Jaeques 11 eut reussi en Irlande;
mais plus tard il accepta toutes les dignités que luí
conféra le prince d'Orange, el s'unit encore aux
Whigs pour la proseription au prinee de GaIles,
que la Reine sa sceur vouloit appeler sur le trane :
tant il est vrai que toute politique tortueuse, meme
pour le parti de la vérité, est au moins une errenr
funeste, quand elle n'est pas un sord.ide mensonge.


Quant au eomte Danby, son ehangement subít
sur la vacance du trone venoit de s'opérer par la


22.




340 RÉVOLlJTION BE I ()8~,
réponse qu'il avoit re(:ue de la princesse d'Orange.
11 lui avoit offert le trone a titre héréditaire, par
l'exclusion du prince de Galles. Mais la Princesse,
qui portoit comme épouse une déférence aveugle au
Prince son marí, luí envoya les lettres qu'elle a voit
reques, et la réponse qu'elle faisoit au comte Danby.
Elle témoignoit a celui-ci un vif chagrin de ce que
lui et ses amis s'efforqoient de séparcr ses intérets
deceux du Prinee. Alors le comte Danby aban-
donna ectte cause que la Princesse abandonnoit elle-
merne, et ne songea plus qu'aux intérets de la fac-
tion d'Orange.


Guillaume, cependant, malgré son indifférence
affectée, voulut terminer cette grande représentation
de théatre par une scene non moins drama tique. 11
manda aupres de lui Halifax, Danby, Shrewsbury
et quelques autres des plus influents personnages,
etleur parla enfin des conjo'nctures actuelles. « Il
«s'est tenu,» leur dit-il, (( dans une complete inac-
« tion, pour ne gener aucun avis. Il n'a flatté ni
« iptimidé personne. Ce que l'on vent, ce que l'on
« voudra, il n'y mettra aucun obstacle. On a parlé
« d'une Régence; il Y souscrit volontiel's. Ce projet
« peut etre fo1't sage; mais que l'on se garde bien
« de songer a lui, qui ne peut acceptel' aueune com-
« missíon, aucune dignité précaire et tout-a-fait su-
R bo1'donnée a la vie d'autrui. Quelques-llns paroissent
« vouloir couronner la Prineesse, qui sans doute ne




llN ANCLETElllIE.


« lui refuseroit pas une grande part dans les affaires.
(' N ul plus que luí n'appréeie, ne respecte les vertus
(e de sa fernrne, et il ne veut point contrarier ses
(( droits; rnais il est pent-etre a propos que I'on
« sache ee qu'il veut , ee <¡u'il pense d'un tel projet
ce en ce qui le regarde. Il n' est pas hoouue el prendre
ce les ordres d'une cotlfe, ni a tenir an trane seu-
,e lernent par les cOT·dons dun tablier. Il ne peut
(( done se meler de rieo, s'il n'est persoIlnellement
« chargé de tout et pour sa vie. Que' eeux qui ne
(( pensent pas eornme lui agissent connne ils ren-
( tendront; il n'a pas la prétention d'y rien trouver
(1 a Jire. Seulernent sa retraite est déja prete, a deux
( pas de Whitehall. l,c's affaires del'Europe le rap-
« pellel1t a La Haye. JI ne sera en6n d'aueun se-
lC cours aux Al1glois tlans leurs propres aff¿lires. Il
« n'e8t point de eeux que séduisent les illusions de
c( la Royauté. II saura bien vivre sans la foule des
« soueis qu'on voit frémir autour d'elle. Eneore une
« fois, je n'en veUx point ou je la veux pour tou-
C( jours. Mais je pense qu'apres moi les enfants de
" la Prineesse Arme devront succéder a la Couronne
(( avant ceux que je pourrois avoir moi-meme, si j'a-
(( vois le mulheur de perdre ma femme. » En tenant ce
langage, il gardoit un sang-froid imperturbable.
Ce discours, dit Burnet, fut jugé eomme l'expres-
sion d'une ambition tres-l'affinée.


Les Lords a qui cette déclaration étoit notifiée




RivOLUTION DE 1688,
surent en faire usage. De la, dans la Chambre Haute,
ce changement subit qui alors parut inexplicable.
On avoit des doutes cependant sur les vrais senti-
ments de la Princesse; et les Torys, ({ui vouloient
conserver le droit héréditaire, an moins par une
fiction de la loi qui excluoit lesCatholiques, tenoient
avec une certaine fermeté a leur principe sur la
non-vacance du trone. Burnet, pour lever les scru-
pules el fixer les in certitudes , racontoit de quelle
maniere iI avoit connu Iui-m~me en HoUande les
véritables sentiments de la Princesse. Les intrigues
secretes firent le reste.


Les Communes, a qui avoient été envoyées les
différentes résoIutions de la Chambre Haute, en
firent l'objet de leur délibération. Le 12, une assez


"


grande majorité se prononl{a pour écarter toute
modification quelconque au célebre vote du 8 pré-
cédpnt. La Chambre dpmanda une conférence avec
les Lo{'ds, pour expliquer son refus. Elle ontendít
également l'Orateur du comité qui avoit été chargé de
rédiger une déclaration des droits publics. Ce travail
comprenoit deux parties fort distinctes, l'une sous le
titre d' articles déclaratoires des anciens droits; I'au-
tre intitulée : Nouvelle loipour r/:forrner de vieux
abuso Les Communes avoient déja décrété que eet acte
précéderoit toute élection ou désignation d'un Roí.


Cette séance des Communes fut marquée par deux
événements tres-importants.




EN ,\NG LETEIUIE. 343
Le Lord Lovelace, impatient des ICllteurs appo\'-


tées a la conclusion de la grande et prineipale af-
faire <Iui occupoit touts les esprits, s'étoit dOllné
beaucoup de II10uvement a Londres pOUI' taire signe!'
une pétition. Une· adI'esse fut effectivement présen-
tée aux Communes, sous le nom des principaux
bourgeois de la Cité. Ceux qui l'appo!'terent disoiellt
assez haut ({ue, s'il n'yavoit encore que cinq eents
personnes qui l'eussent appl'ouvée, elle seroit ap-
portée le" surlendernain lundi pal' dix mille signa ...
taires; elle étoit ainsi con<,iue :


« Ayant un profond sentiment du danger que pré-
c( sentent les délais et les débats actuels sur l' établis-
« sement du Gouvernement, ce qui empeche, dans
« un temps comme celui-ei ,Ol! le trone est vacant,
« de pourvoir au Gouvernement comme il seroit
t( llécessaire;


cc NoU';· requérons tres-humblement que Son AI-
«( tesse, le tres-illustre prince d'Orange, avec sa
cc royale épouse, puisse §tre mis sur le trone, afin
« que, par sa conduite, son courage et sa réputation,
« eette natíon et la HeJigion Protestante soient enfin
c( défendues contre leurs ennemis extérieurs et inté~
c( rieurs; que I'lrlande, qui est a présent dans une
« sanglante et déplorable condition, puisse etre dé-
« livrée de ses calamit~s, el que ces royaumes sojent
r( étahlis sur des fondements étel'l1els de paix el (le
« liberté. ))




344 RÉVOLUTIO.N DE 1681),
Cette adresse n'étoit revetue d'aueune signature,


et les Communes, par ce motíf, la rejeterent sans
la vouloir lire. Le Prince 6t dire ensuite au lord
I .. ovelace de ne plus s'en meler, et au Lord Maire
d'empecher qu'elle ne fUt signée pour etre présentée
de nouveau. Cette conduite étoit conséquente a son
systeme d'impassibilité. Mais le signal n'en étoit pas
moins donné a touts ses partisans dans le royaume,
si les deux Chambres ne parvenoient pas a se con-
cilier.


Pendant eette séance des Communes, le lord Pres-
ton, Secrétaire d'État, transmit a la chambre des
Commulles, au llom du Roí, une leUre adressée par
Sa Majesté a I'Orateur. C'étoit la lettre de Jacques II,
en date du 14 janvier, qui étoit déja connue dans le
public ou elle avoit été répandue, imprimée a Paris,
80ns la signature du Roí et le contre-seing du lord
Melford. Ce nom seul de Melford avoit aliéné touts
ceux qUÍ conservoient encore quelques dispositions
favorables pour la personne du Roí, dans les deux
Chambres. Les Communes en refusercnt la lecture
et la rejeterent, sans daigner l'ouvrir.


Enfin les Communes porterent la résolution qu'a
l'avenir on ne feroit plus de prieres en actions de·
graces pour l'avtmement du Hoi Jacques II á la Cou-
ronne, le 16 février. Apres cette décision, elles s'a-
jourrterent au luudi 14. C'est ainsi que l'on dé-
truisoit successivement touts les caracteres de la




EN ANGLJ<:Tl-:RRE.


Souveraineté qui restoient encore attachés a la per-
sonne du Roi, el que l'on considéroit comme jugée


. san s retour une cause qui se plaidoit encore.
La Chambre Haute adopta sans difficulté cette


l'ésolution. lVlaís les avis furent plus divisés sur la
leUre du Roí. lVlylord Preston qui l'avoit aussi en-
voyée au marquis d'Halifax, Président, fut mandé
pour dire par quelle voie il l'avoit re¡;ue. Il déclara
qu'elle lui avoit été remise par un Écossois nommé
Jages; et la Chambrc luí ordonna de se présentel'
le surlendemaín lundi avec cet Écossois. On déci-
deroit alors si la lettre du Roí seroit ouverte.


Le lundi 14 février, la Chambre des Communes
envoya un de ses membres, myIord WhiItshire, a la
Chambre Haute pour lui expliquer les ll10tifs qui
la détt'rminoient a maintenil' son hill du 8 février,
contre les amendements et les améliorations que les
Lords prétt:ndoient y avoir faÍts. La Haute Chambre
demanda sur-le-champ une conférence libre, qui eut
lieu entre deux comités de l'une et de l'autre Cham-
bres. Apres cette conférence, la Chal1lbre Haute re-
mit en question, d'abord si l'on adopteroit le mot
abdiqué, au lieu du mot déserté. La premiere ré-
soIution des Lords, contre le mot abdiqué, fut l1lain-
tenue a la l1lajorité de quarante - cinq voix contre
quarante et une. On remit ensuite en délibération
si I'on adoptel'oit ef'S mots pl'écédel1lment l'ejetés:
Et que par ¡{l le {n)'ne hOll vacant. La prcmíere




346 RÉVOLUTION DE 1688,
décision fut encore maintenue, a la meme majorité
de quarante-cinq. Mais trois Lorcls étoient survenus
pour le parti contraire, et la minorité fut de quarante-
quatt'e. Une seule voix décida la question. Il devenoit
évident que si les Communes persistoient dans lellr
hill, la Chambre Haute alIoit céder. En attelldant,
elle statua que l'on rédigeroit par écrit les motifs
de sa persistance clans ses votes précédents, el qu'UI1C
conférencc llouvelle seroit demandée aux Communes.
Délibérer, c'étoit capituler.


Pendant cette séance.., le lord Preston.., et l'Écos-
sois qui étoit porteur de la lettre du Roi, se tenoieut
aupres de la Chambre, et ils ne furent point de-
mandés : présage sinistre pour la cause de Jae-
<llIes II.


Le lendemain mardi 15 février, les Communes
examinerent le Mémoire de la Chambre Haute. Les
débats furent vifs et long-temps prolongés, mais il
fut résolu, a la majorité de deux cent quatre-vingt-
trois voix contre cent cinquante-une, que la Chambre
resteroit invariable sur son bill du 8 février, el
qu'une conférence libre seroit demandée a la Chambre
Haute. Pendant eette discussion, les Pairs, qui ne
s'étoient réunis que ponr attendre la réponse des
Communes, se séparerent assez tard sans l'avoir
reC;;lle et s'ajournerent au lendemain.


En comparant les derniers votes de la Chambl'e
lIaute it celui qll'dle avoit émis le 9 févl'ier, sur la




.EN ANGLETERRE.


résolution prise le 8 par les Communes, on a ob~
servé san s omIte une différence fort remarquable
dan s le nombre effectif des Lords votants. Le 9 fé-
vrier, il s'en trouva cent; le 15, il ne s'en trouvoit
plus que quatre.vingt~neuf; et eepenc1ant il en étoit
survenu quelqlles-uns qui étoient absents le premier
jour. Cette ~lésertion, dans une cause si grave, ou
une seule voix décidoit, en apparenee il est vrai,
que la Couronne seroit ou ne seroit pas usurpée,
s'explique par toutes les passions di verses qui dé-
terminent secretement le cceur humain. L'homme est
ingénieux a justifier la foiblesse de son caractere
ou l'indécision de ses principes. La probité elle~
meme . a ses sophismes, plus dangel'eux peut-etre
que ceux de la mauvaise foi, précisément paree
qu'ils viennent de la probité. Enfin la cause person-
nelle de Jaeques II étoit réellement oésespél'ée. Les
uns ne vouloient plus autoriser de leur présence une
Con vcntion illégitime a leurs yeux; les autres vou-
loient peut-etre ne pas irriter, par une résistance
inutile, celui en qui secretement ils voyoient déja
un maltre.


Le Prince, tout en affectant son indifférence, ftoit
cependant Melaré, comme on vient de le dire, et
de sourdes pratiques s'exerc;oient pour précipiter la
erise. Le peuple, sollicité par des provocations a
une pétition aux Chambres, manifestoit une extreme
agitation, depuis le dernicr vote des Pajrs. Chaque




348 RÉVOL UTlON DE ] 688,
famille étoit livrée 11. la discorde dans ses foyers, de
meme que sur la place et dans les maisons puhliques.
Chaque parti en appeloit 11 l' opinion par ses dis-
cours dans les Cqffije-House et par ses pamphlets.
Les Torys inveetivoien tles Whigs, qu'ils aeeusoient
de vouloir établir la République en rendant la mo-
narehie éleetive; et les Whigs repoussoient l'accll-
sation, en reproehant 11 leurs arlvcrsaires de cons-
pirer pour le retour de I'ennemi des libertés publi-
ques. Le pellple cepend~nt assiégeoit les portes des
deux Chambres; et quand les Députés et les Pairs
traversoient cette foule tumultueuse, ils étoient cou-
verts ou d'acclamations 011 d'injurf's, suivant le parti
auquel on supposoit f{u'ils appartenoient. Le Prince
réprima, il est vrai, ce désordre, qui cessa sur-Ie-
champ. Mais la soudaine obéissance du peuple á sa pro-
damation indiquoit peut-ctre la main secrete qui éle-
voit et abaissoit a son gré les fIots de la multitude.


Au fond, quoique la Chambre Haute cut per-
sisté a soutenir qu'il n'y avoit ni abdication, ni va-
cance du trone, elle n'osoit plus songer a défendre
ni la cause du Roi, ni celle du princE' de Galles.
Elle disoit meme dans l'E'xposé de ses motifs aux
Communes: (( qu'elle étoit disposée a mettre la na-
«( tíon a l'abri du retour -du Roí Jac:ques.)) Et elle
prouvoit eette disposition en ajournant d'abord , et
en oubliant enfin d'appeler le lord Prf'ston chargé
de lettres de Sa Majestp_ Toute la (Juf>stion cansis-·




EN A.NGLETEIUlE.


toit maintenant a cmpecher, s'íl étoit possible, que
le prince d'Orange ne fUt nommé Hoi; cl par cou-
séquent, a conserver une ombre de principes, en
reconnoissant que l't;xdusíon des Catholiques assi-
guoit de plein droit le titre d'hérédité a la princesse
d'Orallge. Mais pour arl'Íver ,1 cette conclusion, il
falloit de nécessité reconnoltre que Jacques II avoit
abdiqué. C'étoit la que les Whigs de la Chambre
lIaute et les Communes atteudoient les Torys. Les
lords avoient déja déclaré que Jacques II avoit rom-
pu le contrat social; ainsi touts leurs actes subsé-
qut'nts étoient contradictoires avec les principes
qu'ils avoient convertís en résolution. Si Jacques II
a rompu le contrat social, el si son trane n'est pas
vacant, ou est le Roi? si la Royauté reste dans la
ligne héréditaire, détournt'e, par l' expulsion des Ca-


. tholiques, sur la princesse d'Orange, Jacques II est
done déposé? Ce sont done les Torys qui eonsacrent
ce príncipe? Le prince d'Orange eL les Républicains
n'en demandent pas davantage.


Le prince d'Orange avoit tenu sa femme éloígnée
d' Angleterre, pour empecher une concurrence elan-
gereuse a son ambition personnelle. Cependant les
amis de eette Princesse traversoient les desseins de
Guillaume, en alléguant avec· fermeté les droits
éventuels de la princesse ele Danemark. Nottingham
étoit le chef de ce parti, et Anne elle-meme témoi-
glloit de la séistance a I'élévation de son beau-




350 RÉVOLUTION DE J 688 ,
frere. Mais le Prince avoit déj~ prévu et prévenu les
objeetions, en disant: (( qu'il eroyoit juste de préférer
(( les enfants de la prineesse Arme a eeux qu'il pou-
({ voit avoir apre5 la mort de 5a propre (emme. )) JI
ne vouloit qu'une royauté viagere; et l'ascendallt
de lady Churehill obtint le désistement de la foible
Prineesse. Il est vraÍ qu'elle aceepta la pmmesse
d'une pension de 50,000 liv. sterling, et elle fit
entendre a ses amis que sa piété filiale ne lui per-
mettoit pas de concoul'ir a l'exclusion de son pere.


Cet obstacle éearté, le prince d'Orange fit agir
Bentink son favori, qui alloit déclarant partout
que Guillaume son maltre devoit etre seul déclaré
Roi, sans associatíon direete ni indíreete avec la
Pl'incesse sa femme. Le docteur Burnet se vante,
dans ses Mémoires, de s'etre prononeé tres-haut
eontre eette prétention, et d'avoÍr demandé a se
retirel' sur le Continent, déclal'ant qu'il étoit résolu
a soutenil' les dl'oits de la pl'incesse d'Orange. Ce
fait pcut etre vraÍ; mais Burnet se montroit bien
difficile dans eette conjoncture, lui quí avan<;a,
peu de temps apres, dans une Iettre pasíorale r, que
Guillaume avoit dmit a la Couronne par le droit
de eonquete. Il est plus vraisemblable que Burnet
cherchoit, en parlant si haut, a réparer le tort que


• Les dellx Chamhres firent brUler cetle lettre par les mains
du bourreau.




EN ANGLETERRE. 35I
le favori Bentinck fiúsoit a la cause du Prince par
ses négociations secretes. En effet, il Y avoit eu
dans l'appartement de l'amiral Herbert, qui étoit re-
tenu goutteux dans son lit, une réunion des parti-
sans du prince d'Orange; et lorsque Bentiuk voulut
faire entendre qu'il vaudl'Oit mieux déclarer Reine-
épouse que Reine, la princesse d'Orange, Herbert
se leva brusquement, et dit avec indignation : <da-
cc mais je n'aurois tiré l'épée en faveur du Prince, si
f( je J'avois pu soupc.;onner capable d'en agir ainsi
« avec sa femme. » Ce mouvcment inattendu étonna
telJement le favori, qu'il se retira sur-Ie-champ et
revínt, une demi - heure apres, déc1arant que le
Prince n'insisteroit pas sur ce point, et qu'il se con-
tenteroit d'une souveraineté partagée avec la Prin-
cesse, pourvu que l' adll1inistration fUt déférée a lui
seu!.


Les choses ainsi préparées, il ne restoit plus qu'a
résoudre ou a forcer la Chambre Haute a révoquer
ses votes précédents pour se conformer au bill des
Communes.


La conférence demandée par les deux Chambres
eut lieu le mercredi 16 février, jour anniversaire
de j'avénell1ent de Jacques II a la Couronne. L'une
et l'autre avoiellt choisi les ll1ell1bres ies plus habiles
dans la science des lois et dans l'art de la discÍlssioll.
Ccux des Communes ehercherent a prouver d'abord
({ue le mot abdiqué étoit d'usage dans la loi d'An-




RÉVOLUTION VE 1688,
gleterre, et ensuite que laquestion de succession n'é-
toít pas absolumellt lieé a celle de la vacanee du trone.
« Cette distinetion,» disoit Somers, « entre la va-
« cance du trone et le droit héréditaire, n'est pas une
« chose nouvelle. Quand le trone fut déclaré vacant,
I( dans la premiere année du regne de Henri IV, le
« duc de Lancastre fit ensuítc valoir ses droíts pCl'-
« sonnels. » CIaren don et Rochester défierent de citer
un autre exemple; et infirmerent sur-le champ ce-
luí-ci, en montrant que 1'011 avoit élu, dans ceUe
circonstance, un Prince qui lJ'étoit pas l'héritier
véritable, et qui, sous Édouard IV, fut déclaré usur-
pateur. Treby, orateur du Comité des Communes,
r¿pliqua aux CIaren don , par l'acte passé sous Hen-
rí VII, qui révoquoit cette déclaration. « Messieurs,»
dit avec raison le eomte de Pembroke, r( ce n'est
{( point par des exemples, choisis dans dcs change-
« ments violents, qu'il faut ehercheF des preuves
( pour ou contre le droit héréditaire. L'hérédíté de
«( la monarchie ne pent etre attaquée par des excep-
« tions, pnisqu'ií. peine on compte trois regnes suc-
«( cessifs dans notre histoire. Mais le droit se prouve
« par les loís qui sont invariables dans leur prin-
« cipe, et qui se confirme perpétuellement par le
({ serIllent ele fidélité an Prince et a ses snccessenrs
« en ligne di recte. II


Assurément ríen ne restoit a répondre apres cet
argnment, s'il eut été qnestion des principes et non




EN ANGLETJlRRE. 353
P;)S de la victoÍre d'un partí. Mais les principes sont
le dernier refuge des vaincus ou de ceux qui se sen-
tent défaillir. Telle étoit la situation des Torys, que
lps Whigs aceabloient tour-a-tour et par leurs so-
phismes et par leurs interpellations. Si les Torys
insistoient sur la non-vaeanee du trone : ( Montrez-
« HOnS,» lenr disoit-on, ({ le Roi qui l'occupe; et
« cependant vous avez, comme nous, déféré l'autorité
« publique au prince d'Orange. » « Le Roi,» disoient
les Torys, «est Jacques second; mais il a perdu l'exer-
t( ciee de la souveraineté, qui rasse immédiatement
« a l'heritier le plus proclH'.» « Eh bien,» répli-
quoit un vieux padementaire, le jurisconsulte May-
nard, « Nemo est lueres viventis; or, le Roi Jac-
,( ques secolld existe, donc la Succf'ssion n'est pas
« ouverte. Pourquoi parlez-vous d'héritier, et que!
« est cet héritier le plus pl'Oche dont vous nous par-
« lez?» « Nous savons, » disoit.sir Howard~ « que ron
« a parlé d'uo héritier male qui est sur ven u dans la
« famille royale, et qu'il y a sur lui des opinions assez
(( di verses. En attendant que I'on ait découvert la
«( vérÍté, resterons-nous sans Gouvernement?» Sir
Thomas Lée, joignant a ses raisonnements une iro-
nie amere, somma les Pairs de déclarer par qui le
trone étoit occupé, puisque, de leur aveu, Jacques II
ne possédoit plus l'exercice de la puissallce royalc,
et qu'ils nioient la vaeance du trone. (( C'pst vous,
«( MyIOl'ds,» ajouta-t-il, «( c¡ui assÍstf'Z allx cOUf~hes


111. 2.3




RÉVOtUTION DE 1688,
« de nos Reines; vous eles les tf.moins de la uais--
« sanee de nos Princes; dites-nous done par qui est
« occupé le traIle?»


Au milieu de ces débats, le Comité des Com-
munes, qui alloit toujours a son but, établissoit,
pour maintenir le billdu 8 février, que la possibi-
lité de la vacan ce du trone étoit prouvée par des
actes parlerrtentaires; que, dans'le cas actuel, abuser
de la rigueur des ter'mes et s'attacher rigureusement
a la ligne héréditaire, sous le prétexte que l'on rel1-
droit la Couronne élective,c'étoit agiravecune dure
ingratitude contre le prince d'Orange; que tout néan-
lUoins pouvoit se concilier, san s nuire aux droits
de la succession; qu'il suffisoit de nommer Roí le
prince d'Orange, pendant sa vie, conjointement avec
sa femme, c'est-a-dire, de les déclarer Roí et Rt'ine.
Sí en effet, disoient-ils, la princesse d'Orange est
seule Reine d' Angleterre, et si le Prince, comme
mari de la Reine, abanuonne les dignités qu'il pos-
sede dans la République des Provinces-Unies, paree
qu'elles seront san s doute jugées incompatibles avee
son état présent, est-il juste, est-il convenable que
celui qui est venu délivrer ce royaume soit exposé
a se trouvér un jour a la condition de simple par-
ticulier, dan s le cas ou la Reine mourroit avant lui?
Sans doute, en le nommant personIli'llement Roi, on
éloigne d'un degré la princesse Anne. Mais, par le
fait, loin de nuire a ses prétentions, elle se trouve pi us




355
pres du trcme, par I'exclusion nécessaire du prince
de GaHes, soit que ron veuille considérer cet enfant
comme illégitime, soit que l'on se borne a le frapper
d'incapacité comme Catholique.


Cette conférence dura plus de trois heures, et les
deux comités firent le rapport immédiatement a la
Chambre que chacun d'eux avoit représentée. Celle
des Lords mit, pour la troisieme fois, en délibération
si elle persisteroit a mailltenir le mot déserté qu'elle
avoit deux fois préféré a celui des Commune3, abdi-
qué,ou si elle adopteroit enfin celui que les Communes
étoient plus que jamais décidées 11. conservero


A cette mémorable s~ance, quelques Lords qui
n'avoient point encore paru se présenterent. Le plus
remarquable fut Crew, éveque de Durham. Crew
avoit été membre de la Haute Cour eeclésiastique.
On lui dit, quand il eut accepté eette illégale ma-
gistrature, qu'il se trouveroit un jour exposé 11. la
vengeance des lois .. « Tant mieux,» répliqua-t-il,
« mon nom en deviendra célebre dans l'histoire.))
Mais il soutínt mal le caractere que promettoit ecHe
réponse. Effrayé de la révolution, n'espérant de
gl'ace ni du pcuple ni du prince, iI avoit prís la
fuite ~ et, caché sur les bords de la mel', il épioit l' oc-
easion de se réfugier eu France. Il apprit cependant
de quelle importance pouvoit etre un suffrage in6-
dele; et, certain qu'un transfuge pcut toujours ex-
piel' le crime de la fidélité, en insultant a la puis-


2.3.




356 nÉVOLUTIOl'f DE 1688,
sanee qu'il adoroit et qui tombe, il revint a Londres
et a la Chambre des Lords, zélateur subit et ardent
de la liberté qu'il avoit foulée aux pieds. Godolphin
conserva plus de pudeur. Les ¡¡ffaires de la Tl'éso-
rerie l'occuperent ce jour-la tout cntier; il ne parut
pas a la Chambre Haute. Aíl1si l'arrivée des uns,
l'absence et la défection de quelques autres firent
prévaloir les Whigs de la Chambre Haute. A leur
tete se trouvoient Danby et Halifax. Le premier
prouva la nécessité de reconnoltre la vacanee du
tr6ne, avec autant d'habileté qu'il l'avoit niée d'a-
bord; le second vouloit faire oublier au Prince qu'il
s'étbit rendu un des derniers aurres de lui, et ne
mettoit aucune borne a son úle pour le parti d'O-
range. Enfin, malgré toute l'éloquence de Nottin-
gham, les votes précédents furent annulés ou révo-
qués, a la majorité de soixante-deux contre qua-
raute-sept.


La Chambre Haute s'étant ainsi prononcée comme
les Communes sur la rupture du coutrat originel,


, swr l'abdication et sur la vacance du tr6ne, le der-
nier pas a franchír pour etre cOllspquente avec elle-
meme, étoit d'élire uu .l).oi et de nomrner le prince
d'Orange. Mais les Whigs des deux Chambres,
meme les Républicains, furent plus modérés que les
Torys n'avoient été fermes. Les Républicains des
Communes avoient d'abord eu le projet, en s'unis-
sant aux Whigs pour la vacanrp du tr6ne, de filire




J<:N ANGLETEHHE. 357
dédal'er que, par la rupture dll contrat, par l'abcij-
cati011 et par la vacance du trone, la souveraineté
rentl"Oit pleinement dans la N ation. Mais ils défé-
rerent aux conseils des Whigs modérés : cellx-ci,
croyant que la défaite clu Roi étoit une assez grande
victoire, ne voulurent ni triompher de l'hllmiliation
des Torys, ni donner au prince d'Orange une au-
torité suspecte aux amis de la liberté. lIs adopterent
donc un systcme qlli pouvoit consoler les uns en
renouunt les anneaux brisés de la chaine héréditaire,
et rassurer les autres, en proclamant que les an-
cienncs libertés du Royaume devenoient la condition
absolue et la regle nécessaire du nouveau Gouvel'-
nement. L'histoire qui juge to"ut a-Ia-fois les hommes
et les choses, ne peut ni déguiser ni mécoIlnoltre
ce trait remarquable dans une révolution : un parti
vainqueur, modéré clans son triomphe.


Le marquis d'Halifax pro posa , le premier, de dé-
férer la Couronne au prince d'Orange. Il ne fut pas
meme éCOllté. Un Lord, dont le nom n'est pas
resté, osa seul l'appuyer; mais le comte Danby fit
tombel' la proposition, en demandant que Guil-
laume Henri et Marie, prince et princesse d'Orange,
fussent déclarés Roi et Reine. Au point ou les Lords
étoient descendus, ils étoient trop heurenx d'obtenir
une telle dédaration, et le bill suivant fut adopté,
¡'¡ la majorité de soixantc-scpt contre qnarante-
clIlq.




358 kEVOLUTION DE ltiK8,
.. (1 Résolu, par les Seiglleul's spil'ituels et temp0l'els


«( assemblés a Westminstel', que le prince et la pl'in-
«( cesse st'ronL déclal'és Roí et Reine d' Angleterre, et
«( de tOllts les domaines qui en dépendent, le 6 fé-
« vl'jer» (16 feVl'ier, style grégoríen).


A la séance dll lendemajn, la Chambre Haute
s' occupa de donnel' a son vote de la veille une
rédaction llloins concise et plus cxplicite, pour
le présent et pour l'aveIlir; ce qu'elle fit en ces
termes:


« Résolu, par les Seigneurs spirituels et tempo-
« rels assemblés a Westminster: que le prince et la
« princesse d'Orange seront déclarés Roj et Reine
« d'Angleterre, FraIlce et Irlande, et des domaines
« qui en dépendent; que la Couronne et la dignité
(( royale de ces royaumes et domaines serollt possédés
« par eux Prince et Princt'sse, et par celuí des deux
« qui sllrvivra, et pendant la vie de celui qlli vi-
(J. vra le plus long-temps; que l'administration du
« Gouvernement sera seulement en la personne du
«( prince d'Ürange, et exécutée par lui au nom
«( desdits Prince et Princesse pendant leur vie; qu'a-
«( pres leur mort la Couronne et dignité royale des-
« dits royaumes et domaines appartiendra aux hé-
«( ritiers issus de ladite Pl'incesse; a défaut de cette
«( lignée, a la princesse Anne de Danemark et aux
« héritiers issus d' elle; a défaut de cette lignée, aux
« héritiers du prince d'Ürange; a défaut de cettc




lC lignée, a t('lle personne el ell telle maniere qu'il
« sera limité et ordol1né pal' acte de Parlemenl; et
« a défaut de ceUe limitat:on et réglernent, aux
(( Iégitimes héritiers du prince d'Orange. »


Par cet acte des Pairs d'Allgleterre, tOllts les
héritiers légitimes, moins les Catholiques, hoicnt
déclarés et reconnus; on n'arrivoit a ceux du prince
d'Orange, qu'au défaut ou par l'extinction de la mee
des deux filies de Jacques JI. Mais on oublia ou
1'011 fcignit d'oublier la princesse Sophie, duchesse
d'Hanover, filie de Frédéric Électeur Palatin, et
petite-fillede Jacques rr, souche cornmune des Stuarls
en Angleterre. Le Parlement y revint plus tard, et
c'est par-la que la rnaison d'Hanover est rnollt('ü sur
le trane d' Angleterre. Pour le moment actud, une
sorte de consentement mutuel, mais tacite, prpsida,
comme par instinct, au reglement de touts les dl'oits
présents. Ceux meme que I'on excluoit par le silence
de la loi, meme le prince de Galles, étoient ménagés
indirectcl11ent; le Roi s('ul étoit sacrifil~. On parloit
des enfants de la princesse d'Orange, l11ais elle étoit
incupable d'en avoir; de eeux de Guillaull1e, et il
hoit valétudinaire; de ceux de la princesse de Da-
nemark, el ils 1110uraient touts avant de naitre, ou
en naissant. La c{uestion de légitimité du prince de
Galles se trollvoit éludée par le bill qui excluoit les
Catholiques; mais le bill d'exdusion ne lui étant
(las personnel, son titre lui restoit de fail et de droit.




360 RiVOLUT!O N UE J ()88 ,
Aussi les amis de la l~gitimité disoient qU'Ull titre
qui n'étoit ni reconnu ni contesté étoit reconllu
par le fait merne et par la loi commune : done un
jour il devoit se reproduire. L'acte enfin qui fixoit
actuellement la suecession, laissoit virtuellement aux.
deux Chambres le droit implicite d'appeler, apres les
titulaires ou prétendants désignés, ce Prince meme
dont le seu! crime étoit d'etre né, d'etre encore au
herceau, et dont on convenoit de ne point parler,
les uns par nécessité, les autres pal' égard, et touts
peut-etre par prévoyancc.


La Bésolution de la Haute Chambre fut envoyét>
a eelle des Communes; et sur-Ie-champ le comte de
N ottingham demanda par quels sermenls d'allégpance
et de suprématie les sujets seroient liés aux nouveaux
Princes. (( Je déclare, » dit-il , ( <Iue je ne me recon-
«( nois pas le droit de faire un Roi, mais que j' 0-
«( béirai a celui que l'on fera. ".La question n'étoit
pas sans difficultés. L'ancien serment d'allégeance
consistoit a jurpr ficlélité au Roi, en tant qu'il étoit
légalement et légitimemenl Hoi, el a ses successeurs
légitimes, en tant qu'ils étoient légalement et légití-
lllPrnent héritiers de la Couronne. leí, les tprInes du
serment ímplif{uoient une contradíetion évicleutc; car'
ils supposoíent dans la personne du Roí un titre
précédeut, et Guillaume n'en avoít pas d'autre que
l'élection. De plus, Guillaume n'avoit que des hé-
ritiers collat('l'aux, et J'aete qui déferoit le tl'clUC a




Y,:N ANGLF:TERHE. 361
GlIillaume et a la p1'inct'sse d'Orange fixoit la suc-
cession dans les hél'itiel's de cette Princesse, qui
étoient actuellf'ment la princesse de Danema1'k et
ses enfants. Les Whigs ne g'a1'1'eterent pas a ces difíi-
cultés fo1't secondai1'es poul' eux; et se fixant plus
sur les choses qUf' sur les mots, ils adopterent, sur
la propositioIl des Torys, et su,. la rédaction de
Clarendon, une formule de serment, qui consistoit
¿l promettre obéissance aux pel'sonnf's actuelIement
investies de la royauté, sans distingller si ces deux
pel'sonnes étoif'nt Roí et Heine par le seul fait de
la succession, ou par un droit légal et légitime.
C'est dans cette séallce, et particulierement 11 l'ucca-
sion de eette formule, que les amis dll nouveau GOll-
vernernent, et les Jacobites, se réunirent, en appa-
rence, par ceite dístinction spécieuse entre un Roí
defait et un Roi de drait. Les Jacobites adopterent
en principe, qu'ils pouvoient tout a·la-fois promettre
fidélité au Prince qui étoit actuellement le maitre,
et qu'ils étoienl obligés, malgré le serment, a dé-
fendre le droit du Prince expulsé 011 dépouillé. C'est
le jas ad rem et lejas in re des anciens publicistes.
Voici les deux se1'ments d'aIlégeance et de sup1'é-
matie:


« Je promets sincerement et je jure que je semi
« fidele, el obéi1'ai entierement 11 Leurs Majestés
« le Roi et la Reine Marie. Ainsi, Dieu me soit en.
« aidc.»




362 RÉVOLtlTlON DI,: \G88,
« Je promets et jure que j'abhorre el déteste de


« tout mon creur, et Melare hérétíque et impie eette
c( damnable doctrine qui enseigne <¡ue les Princes ex-
{( cómmuniés et dépouillés pal' le Pape, ou par au-
« cune autorité dépendante du siége de Rome, pell-
« vent etre déposés ou mis a mort par qui que ce
(( soit. Et je soutiens qu'aucun Prince étranger, per-
« sonne, Prélat, État OU Potentat n'a et ne doit
« avoir aucune jm'idiction, supériorité, préémiIH'nCe
« ou autorité ecclésiastique ni séculiere dans ces
« royallll1es. Ainsi, Dieu me soit en aide. ))


La Chambre Haute envoya ces deux formules a
celle des Communes; mais avant la levée de la séance,
onze Éveques et douze Lords protesterent cOlltre les
décisions de la veille et de ce jour.


Les Communes cependant, quand eH es re<,;urellt
la résolution de la Chambre Haute et les nouvelles
formules des serments d'allégeance et de supréma-
tie, délibérerent sur le bill des droits; et voulant
fixer les conditions et les bases du nouveau Gouvel'-
nement avant de s' occuper des personnes, elles ue
firent point de réponse aux deux messages des Lords.
lJe lendemain T 8, elles se contenterent d'envoyer
leur adhésion aux formules de serment, et continue-
rent leur délibération sur le bill des droits, 'lui fnt
achevé le J 9, et communiqué a la ChalRbre Haute
le 2. f •


Cejour-Ia, lundi 21, les Lords délibércl'cnt surcli-




EN ANGLETUULE. 363
vers articles du bill des droits el des griefs qui mo-
tivoient la rupture du contrat primitif, l'abdicatioll
et la vacance du trone. A la fin de la séance, qua-
torze Lords spirituels et temporels se joignirent a
la premiere protestation faite le 17, L'histoire doit
conserver le nom de ces hommes qui restoicnt fideles
et conséquents a leurs maximes. La protestation fut
signée dans l'ordre suivaut :


Duc de Sommerset, comte d'Exeter, comte Cla-
rendon, areheveque d'York, évcquc de Lineoln,
comte Ailesbury, éveque de Norwieh, eveque de
Chichester, éveque de Bath et Wells, éveque de
Saint-David, éveque de Peterborough, éveque de
Glocester, eomte de Nottingham, comtedeLitchfields,
comte de Rochester, comte de Feversham, baron
Barklay, éveque de Landaf, baron Darmouth, ba-
ron Griffin, éveque de Bristol, duc d'Ormond, duc
de Beaufort, baron Brook, baron J ermin, comte
Searsdale, baron Maynard, due de Northumberland,
baron Arundel, baron Chandois, baron Leigh, ba-
ron de la Ware, due de Grafton, eomte Abingtón,
comte Craven.


L'areheveque de Cantorbél'Y qui n'avoit assisté a
aueune dé libé ratio n , depuis l'ouvel'tul'e de la Con-
vention, envoya aussi sa pl'otestation.


Le mardi 22 février, les deux Chambres, qui, dans
leurs eonférences libres de la veille et du jour meme,
s'étoient mises d'accord sur quelques points contestés




3Gl~ ILÉVOLIJTION I)E J 688,
de part et el'autn' dans l'exposé des griefs et le bill
des llroits, adopterent l'adresse qui dl:'voit précéder
l' offre de la Couronne; et il fut convenu que le Prim'c
et la Princesse, en acceptant la Couronne, accep-
teroient également toutl'S les eonditions exprim?es
dans l'adresse. La cérémonie fut indiquée pour le
lendemain 23, dans la salle des festins a WhitehalI.


Ce jour-Ia, Jepson, que le Prince avoit Ilol1lmé
Secrétaire d'État pour les affaires étrangeres, vint
a la chambre des Communes annoncer que le comte
de Sunderlund avoit été ul'rcté a Rotterdam, déguisé
en habit de femme. Le Prince clonna orelre qu'il fUt
mis en liberté. Sunderland publia depuis son upo-
logie qui n'appartient plus:" cette histoire, et par-
viIlt dan s la suite it obtenir un grand crédit sotiS le
nou vea u Gou vernemell tI.


Enfin la princesse d'Orange, que son mari tenoit
presque reléguée en Hollande, tant qul:' les affaires
paroissoient indécises, étoit partie de la Brille le
20 février. Sa navigation fut si heureuse et si rapide
qu'elle entra dan s la Tamise et arriva le 22 it Lon-
dres. Elle descendit au palais de son pere it White-
hall, ou son mal'i alla également s'établir pom' la
premÍere fois. JI étoit resté j llsque-la au palais de
SaiIlt-James: conduite artificieuse peut-etre, qUÍ sem-


\ Voyez la note it la fin de (!C "o1 u 111('.




365
bloit détourner sur la filie du Hoi fugitif, l'odieux de
cetle premiere occupation du palais paterl1el.


« La singularité de sa situation,)) dit un historien 1,
ce attira les regards sur elle au moment de son entrée
ce au palais. Dans le trouble de ses esprits, elle montra
ce la )pgereté d'une femme. Les amis du nouveau et
e( du del'l1ier Roi partirent également de la, les uns
ce pour se justifier d'avoir' donné l'administration ex-
ce clusive a son mari, les autres ponr faire observer
c( combien Jacqnes JI hoit malheureux d'avoir une
ce filIe en qui paroissoit si pcu de naturel. Elle tmita
« durement ses deux oncles Clarendon et Rochester,
(e témoignant une rancune que leur nouveau maitre
ce n'avoit pas ou du moins qu'il n'écoutoit pas, et
e( pl'ouvant ainsi par toute sa conduite qn' elle ne sa-
{{ voit point allier ses devoirs de filie et de nicee avee
(( ses devoirs de femme.» Il faut hien que eeUe con-
duite eut frappé meme ses amis les plus dévoués,
cal' le docteur Burnet lui en fit des reproches. Elle
s' excusa, ou le docteur Burl1et veut l' excuser par cette
l'éponse 2.. ce Les airs épanouis que vous m'avez VllS,))
tIit-elle, « lIe partoient point, jc vous assure, d'une
(e insensihilité eriminelle. Vous saurez qu'on m'avoit
ce trcs-expressément onlonné de les prendre. Peut-etre


, D'Alrymple.


;'lél11. de BUl'nct, page Soli.




366 níVOLllTION OF. 1688,
« ai.je Olltré, par esprit d'ohéissance, un personnagc
« que je n'avois pas encore joué. ))


Le lendemain, mercredi 23 février, la révolution
fut consommée par l'acceptation du hill des droits
et de la Couronne. A onze heurf's du matin, le
Prince et la Princesse, placés l'un et I'autre sur un
trone dans la salle des festins de Whitehall, requrent
les deux. Chambres; et le Clerc de la Couronne lut
l'adresse de la Convention qui contenoit le Bill
des droits, l'offre de la Couronne, le serment d'al-
légeanee et eeluí de suprématie. Le Prince y répon-
dit en ces termes:


ce MYLORDS ET MESSIEURS,


« Vous ne pouvíez Nous donner une plus grande
« preuve de votre eonfiance. Nous en estimons da-
c( vantage ce que vous Nous offrez, et Nous I'aeceptons
« avec reconnOlssanee.


c( Comme en venant ici, Je n'avois pas d'autre in~
« tention quede conserver votre Religion, vos loÍs
« et vos libertés, vous pouvez etre assurés que Je
« m'efforcerai de les maintenir, et que Je feraí tout
« ce qui sera en mon pouvoír pour le bien et la gloire
« de cette nation.»


Pendant cette cérémonie, les hommes que n'avoient
pas endurcÍs les illusions de la prospérité ne pOllvoient
soustraire ni leurs yeux ni leur pellsée a ce grand
spectacle des inCoIlstance's de' la fortune. Sur Cf,S deux




teN A '\'GLETF.I\RE.


tl'(}nes, lqevés dans un palais qui la veille encore
t;toit solitaire, siégellt la filie et le gendre d'un Roi
i'ugitif elevant ses enfants. L'une porte ses regards
épallouis sur une pompe que l'autre effieure a peine
de ses regards séveres. Le sourire de eette femme ca-
choit, dit-on, le remonIs ou du moins le trouble de
son creur. Touts deux n'oublioiellt passans doute
qu'a deux pas de ee trane, qu'a la porte meme de
ce palais, tomba la tete royal e de Charles ler, leur
a'jeul commun. .


Tandis que uans la salle du lnlne ces l'éflexions
agitoient les esprits, le peuple au-dehol's el sur ceUe
meme place de Whitehall faisoit retentir ses cris pOUl'
le Roí et la Reine Marie; mais sa joie grossiere étoit
aussi melée de l'éflexions. Partout la superstition
est la raison de la multitude. lci elle cherchoit a
s'expliquer le triomphe de ses nouveaux maitres par
des indices, des présages, des signes de la voJonté di-
vine. On se rappeloit ce sceptre tombé de la statue
royale au milieu d'une fete publique. On remontoit
plus haut. Le jour du sacre, la Couronne ehanee-
Jante sur la tete du Roi étoit presque tombée sur l~
payé du temple. Une autre singularité : c'étoit le
16 février que Jaeques II étoit devenu Roí; c'étoit le
J 6 févriel' que les R«:>pl'ésentants de la nation avoient
déclaré le treme vacant. Enfin cette statue royale qu'ils
contemplent, ceux-Ia pour l'insulter, les autres par
un selltimeut de pitié sans doute, fOlle a 1«:> dos tourné




368 REVOL. DE 1638, EN ANGLETEHHE.
a II palais de Whiteball et la faec VCI'S la Tall1ise, eomme
un hOll1l11c qui veut prendre la fuitc. Ces réflexions,
suggérées peut-etre pour envirOllner les nouveaux
rnaitres d'une sorte de protection célcste, s'évanoui-
rent bicntot dans les orgics du soir. On y avoit pré-
paré un alirncnt aux brutales passions, en faisant
brille!' d'ignobles représentations du Pape, du P. Piter
et du prince de Galles·: spectacIe bien digne de la
rnultitude sans doute. Mais ici la politique meme ne
rlevoit pas laisser outrager la llature.


FIN.




----------"--_ ........... _-_ ... ---,,-,,


N () TES.


NOTE PREMIERE.


Déclaration de Bossuet.


( Voyez TOME le" LIVRE IV, page 17 1; et LIVRE VIII, page 389.)


Av A N T de faire connoitre eette déclaration, il est nécessaire
d'entrer dans quelques détails sur les événements qui la pré-


eéderent.


Des l'aunée 1692, le partí angliean, les lords les plus consi-
dérables du parlement, de la flotte et de l'armée, entrerent en


négociation avec le roí Jacques 11, pour le rappeler sur le trone,


a certaines eonditíons relatives au maintien et a la sureté de
I'Église protestante.


Le roi pubJia en conséquellce un manifeste le 20 avril. Il y


promettoit une amnistie, mais il y fit des exceptions nombreuses,
imprudentes mcme, ou peu dignes de la majesté royale. Jac-


lII. :24




N~TES.


ques 11 en convint lui-meme. Quant a I'}~glise anglicane, i\ s'ex-
primoit ainsi :


« Nous déclarons de plus el prometlons, par ces présentes,


que nous protégerons et maintiendrons l' Église anglieane,
selon qu'elle est maintenant établie par les lois, en tousses droits,


priviléges el possessions; et que, dans les eas de vacan ce dl's


éveehés et aulres dignités el béné/iecs a notre disposition, 011
aura soin de les n~mplir des plus dignes sujets de sa commu-
nion. »


A l'appui de ce manifeste, Louis XIV donna une floUe el


une armée eommandée par le maréehal de Belfond, qui de plus


eut le titre d'ambassadeur extraordinaire aupres du roi de la


Gl'ande-Bretagne.


Les illstruetions données par Louis XIV au Maréehal ambas-


sadeu\', sont dictées par une sagesse toute magnanime. L'anuée


fran«,¡aise devoit repasser en Franee, des que S. M. n. seroit ré-


tablie sur son trone, a des conditions honnétes el raisonnables,
eapable~' d'a.flermir son autorité et de la concilier avee /e.f
justes priviteges et libertés de la Grande-Bretagne.


QuanL"a la religlOn, Louis XIV s'exprimoit en ces termes:
" Ledit sieur Maréchal sait parfaitement que S. IU. n'a rien


de plus a cremo que le bien et l'avantage de la Religion catholi-
que,apostolique et romaine. ~lais, comme l'exel"cice ne s'en peut
rétablir en Angleterre, qu'en otant aux peuples l'appréhension


qu' ils ont quc le Roi Icur maitre nI' la veuille faire régner, et


donner a ceux qui cn fOllt profcssion les principales charges,
dignités et emplois du royaume, il doit détourner, alltallt qu'il




NOTES.


lui sera possible, ce prinee de rien faire ni dire qui puisse


autoriser et augmenter eette crainte : D'autant plus qu'il doit
su/jire au.'f: bons catholiques de pouvoir sen'ir Dieu en repos,
et de conserl'er les biens qu'ils posscldellt, en sati.ifaisant a
leurs devoirs, sans s'attacher aux charges, emplois et digni-
tés, qui ne sont pas nécessaires a leur salut. "


Pendant que cette expédition se préparoit avec une íncroyable


activité, les J acobites firent une entreprise, a Londres contre
la princesse d'Orange, et en Hollande contre la personne de


Guillaume. Les conjurés furent exécutés. Quant aux person-
nages qui traitoient directement avec le Roi, sans se commcttre


a des conspirations subalternes, les éveques de Rochester et de
Bath, Marlborough et sa femme, le lord Preston et quelques


autres furentarretés. Ce futsous l'empire de cesconjonctures que
la fIotte de France et Jacques JI mirent a la ",oile. L'amiral Rus-
sel étoit dans les intél'ets du Roi; et, tout en offrant de se tenÍl' a
l'écart avec la fioUe angloise, il avoit déclaré précédemment


que, s'i! rencontroit les Franc;ais, illes combattroit, le Roí Jac-


ques fUt-i1 au milieu d'eux. Russel en effet les I'encontl'a ou


en fut rencontré, et le combat de la Hogue sembla détruire pour


jamais les espérances du roí toujours malheureux de la Grande-
Bretagne.


Cependant les négociations recommencerent bientot avec le


parti anglican et Russellui-meme. Celui·ci répondit que ses in-


tentions pour le Roi étoient toujours les melles, et que si on luí
indiqlloit les moyens de servir S. M. , sans se déshonorer, 1\ en
saisil'oit l' occasion avcc empressement. Churchill, qui étoit sorti


24·




tic la Tour, SUl' les vives réelamatiolls de la lIaute Chambre,


tlonna les memes assurances: plusicurs évequcs se réunirent a
eux et traitcrellt avec le lord Middleton. Ellfin, des députés furent


cnvoyés a Saint - Gerrnain avec les huit propositions suivantes :
« 1


0 Que les chartes des villes seroient eonservées, cornme tlu
temps du Roi Charles;


« 2.0 Que le test subsisteroit jusqu'a ee que le Parlement en
eut disposé auf.rement;


« 3° Que l'Irlande seroit gOllvernée sur le merne pietl qu'elle
r étoit SOllS le Roí Charles;


« l. o Que le Roí eOllfirrneroít ce qui aUl'oit été faít eH Par-
lement, pendant son absenee, touchant les proces et affaires des


particuliers ;


« 5° Qu'il accorderoit un pardon général, a I'exception dI'
,~ellX qui s'opposeroient a son retour ;


« 6° Que Sa M. le Roi Tres-Chrétien promettroit de rappeler
les troupes fran~aises, irnrnédiatement apres le rétablissernellt de
S. M. B.;


« 70 Qu'Elle renverroit honorablement la Reine avec le prillce
de Galles;


« 8° Que le peupte ne seroit pas chargé de la dépense que
S. M. B. auroit faite en Franee. »


Les députés qui avoient apporté ees huit propositions firent


l'spérer a Jacques II que, s'iI les ratifioit, son rétahlissement
serait prornpt et facile. Le Roi, n' osant résister aux conscils de


Louis XIV et du Ministre, Colbe!'t de Croissy, qui l'engageoient
a signer sans hésitation et sans l'estriction, envoya en effet sa




NOTES.


nllification, des le 12 janvier (1693), au lord Middletoll, qui
étoit a Londres, el le 17 aVI"¡¡ suivanl il publia son manifeste.


Le Roi y proclamoit une amnistie entiere et salls réserve; il


promettoit de C"onvoquer le Parlemellt, de redresser avec son se-


COut'S touts les griefs, de dOllner son asselltiment royal a touts


les bilis jugés néee5saires pour assu!"e!' la fréquellte tenue des
Parlements, la liberté des élection5, I"équitable dépouillemenl


des seruLins, I'impartialité dans les jugements eriminels, el la
confirmation de l'acte de colonisation fait sous le I"egne dc


Charles 11 en Irlalllle, sauf une indemnité aux sujcts irlandoi,
lésés par ceUe confirmation. Ce qui I"egarde la Religion étoit cx-


primé en ces tel"mes; et c'est la ce qui, ayant agité la conscíencc


du Roi, luí fit demander aux Lhéologiens catholiques de Fraucc


d d'Angleterre des consultations séparées sur cet objet difficik
el délicat .


• Nous déclarons eucore, sur nolre paro le royale, ,¡ue /wus


pl'Otegerons et dijéndrons I'Église d'Anglcterre, telle qu'ellc
est éLablic par les luís, el que uous assnrel"Ons a ses mcmbre.


loutes les Églises, Ulliversités, Colléges el Écoles (IU'ils possc-
denl aujourd'hui, ainsi (lile leurs digllítés, dl'oil, el pl"Íviléges.


" Nous déclarolls allssi que nuus recolllmandel'ons sériellsc-


ment au Parlement l'élablissclllent c!'lIUC liberté de eOllscienn'


imparliale el telle., '/ll'elle cunviendra au bonheur de la natiolL


" NOlls déclarolls de plus 'Iue nous ne violerolls !las le Tt' .• t,
'llle \I0US He dispCllsprollS pas de son obscnalion, l'I que nOI!;


lalsserOlls au Par!pmcnt 1(' ,oiu d'cxpli'lue¡' ,,1 d .. limite¡" nutre
pOll\O;" tic dispellse el d'aulres malierl's. "




NOTES.


Le manifeste se terminoit ainsi :


• Nos ennemis ayant cherehé a effrayer nos slljets, par l'idée
des sommes énormes que nous aurions a payer a la Franee, nous


sommcs autorisés a les assurer que notre tres-eh el' frere, le Roi


Tres-Chrétien, n'atlend d'alltre récompense de ce qu'il a Cait


pour nous, que la gloire d'avoir secouru un Prince outragé.


"Nous n'ajouterons plus qu'une ehose : e'est que nous n'a-
vons d'autre but, en venant, que de soutenir nos droits, et d'as-


surer les libertés de notre peuple. »


Il faut bien remarquer iei la <\¡lle de ce manifeste qui est du


17 avril, et eeHe de la ratification des huit propositions, qui est


du 12 janvier préeédent.
01', voiei comment a ce sujet le Roi s'exprime dans ses Mé-


moires ':


" Le Roi n'ignoroit pas que plusieurs de ses amis le LJamoicnt


d'avoir conscnti a des propositions si dures (les huit proposi-
tions J. Maís il n'avoit pas d'autres ressourees ... Il falloit toute
la grandcUl' d'ame pcrsonnelle de Sa Majcsté Tres - Chrétienne
et l'amitíé qu'ElJe portoit au Roí, pour \'engager a le secourír


ClleOl'e; et, si le Roi avoit refusé ces propositíOllS, quelque
dures qu' elles fussent, il est probable que la llatíon fran\;aise se
seroit Iivrée"a des murmures si grands que S. M. T. C. n'yau-


roiL pu résíster. Alors, sclon loute apparence, le Roi auroit été


renvoyé de Franee, eomme un homme opiniatre, qui préféroit


I Tom. JV) p;:¡gr- 1B (,t suivanlt'!'.




NOTES.


quelques point5 de sa prérogative, qu'iL pouvoit recouvrer plus
tanl, a la paix et au repo5 de la Clu'élicnté.


" 11 craignoit aussi que S. ~I. T. C. ne s'offensat en fin d'un
nouveau refus, le Roi ayant fait déja des difficultés pOUl' écrire
311 Parlement auglois une leUre, dont Sadite Majesté lui avoit
montré le projet.. .... II étoit par conséqllent devenu néces5aire
que le Roi nt toutes les concessions qui ne sel"Oient pas en oppo-


sition directe avee 5a dignité et sa conscience, afio qu'on ne pul


pas lui repl"Ochcr d'avoir empeché lui.meme son rétablissement.


" Ce fnt par ces arguments que S. M. s'effor-;a de se justifier
11 ses pl"Oprcs yeux, et elle ne s'en reposa pas sur ses ¡umieres


seules. Elle consulta de savants théologiens franl5ais, qui, tout


e1l reconnoissant que sa eondc5eendance tendoit 11 I'avilir',
ne crurent pas qu'aucun motif de conscience dut l'empecher de


se soumettre a ce qu'on exigeoit de lui. 11 y eut d'autres a la
vérité qui sy entendoient micux el c¡uí ne furenl pas clll meme


On velTa plus loin quels éloient ces théologiens plus éclairé~
'Iue Bossuet. Le roi continllc :


" Et plus tara, la plupart des premias cux-mémes chan-
gerellt de sentiment, c¡uaut ils furent mieux instruits de la vé-


l'itaLle position de I'affaire .•


Jacques II explique ensuite ce quí l'engagea surlout a J'C


I f:omment l:oncilicl' edk n.pres"ioll ~nec les tr:l'm~s:.i dú;is¡Cs ue llossud: \1 h'v¡,


UUICnle!iJ 11' Ro; a 1m en COllSClellce faire Ict d~cll1"dtiaR dOla il J' agit • mai .. f!1It:OI'lJ il J' éloif




NOTES,


presser un peu tropo " Le eorote de Melfort, dit-il, étoit trés-


mal vu de la plupart des sujets de S. M. Les Éeossois, quoi-
que ses eompatriotes, s' étoient montrés fort mécontents de sa


eonduite; les Irlandois avoient obligé le Roi de le rcnvoyer; les


protestants anglois avoient autant de mépris pour ses talents que


d'avcrsion pour sa pcrsonne ... Mylord Melfort erut que eette OC-


easion seroit favorable pour regagner du cn\dit sur les pro tes-


tants anglois; cal' les efforts qu'i\ avoit faits jusqu'alors pour
y parvcnir n'avoient produit que des plaintes. On disoit que per-


sonne n'arrivoit en Angleterre de la part du Roi, sans avoir des


instructions particulieres en faveur de mylord Melfort, comme


si son établissement dans le ministere étoit une chose aussi im-


portante que le retour du Roi sur son trCme; tandis que S. M. ,


étant en Irlande, lem' avoit, disoient-ils, promis qu'elle n'em-


ploieroit plus ce lord ni le P. Piter ..... 11 paroit done que


ee lord, croy:mt eeHe oeeasion favorahle pour regagner I'es-


time du peuple, qui avoit toujours insisté sur sa rctraite, comme
'préliminaire de tout arrangement, crut devoir meUre dan s eette


affaire plus de précipitation et de mystere qu'i1 n'auroit fallu,


dans un objet d'une si haute importance .... n
« A la vérité, il avoit proposé a qllatre ecclésiastiques anglois


les cas de cOrlscience suivanls :
« ID Si.le Roi pouvoit dire : Nons dédarons et promctlOIlS de


protlger el de maintenir I'Église d'Angletcrrc, telle qu'elle est
établie par les lois; et, chaque fois qu'un éveché ou autre Léné-


ficc ecclésiastique a notre disposition vielldra a ~aquer, de lE'
confier a une personllC respectabJe de la meme cornmunioll.




NOTES.


" 2° Si le Roi pouvoit égalemcnl dire : Nous déclarons, sur


notre parole royale, que nous protégerons et difendrons l'É-
glise d'Angleterre, telle qu'elle est établ'ie par les lois; et que


noua garantirons a ses membres la possession des églises, ulli-
versités, colléges et é(~oles, ainsi que de leurs immunités, droits
et priviléges.


u 30 Si le Roi pouvoit promettl'e de consentir a toutes les lois
qu'on lui proposeroit, ponr la plus grande su reté de l'Église
d'Angleterre. »


" Les personnes a qlli ces questions furent faites, étoient le


P. Sanders, confessellr de la Reine; le doctenr Bétham, pré-


cepteur du prince; lU. Inness, aumonic¡' de la reine, et le doc-
teur Fenwic.k. »


Ces quatre théologiens donnerent a l'unanimité une réponse
négative, motivée sur ce que les questions étoient mal posées.


Le Roi, disoient-ils, ne peut promettre de protéger et dé-
fendre une religion qu'il croit erronée: il pouvoit promettre de
protéger et maintenir ses sujets de I'Église anglicane dans le
libre exerciee de leur religion, et dans la tranquille possession et


jouissance de leurs Évcchés, etc., parce qu' il existoit une grande
différence entre promettre de maintenir leur religion, en tant


que religion, ou de maintenir ceux ({ui la professent dalls la
possession de leurs établissemenls. lIs ajoutoient, sur la troisicmc
qllestion, qu'en promettant de consentir a toutes les lois qui
seroient proposées pour la sureté de I'Église allglicane, le Roí
s'engageoit a éleve¡' le prince de Galles dans cette Église, ou a
prononcer l'exclusioIl de tout Sll('cessenr Catholiquc, si I'on




~ o TES.


croyoit ces mesures nécessaires. Cette raison étoit réellement


péremptoire. Aussi le Roí Il'ell fit-iI pas mention dans son ma-


nifeste; mais illl'ell avoit pas été question dans les huit propo-


sitíous ellvoyées par Míddleton.


" Mécontent de cette décísíon (des Théologiens anglois), con·
tinue le Roi , le Ministre (Melfort) proposa les deu.x questiom
seu les a cinq Théologiens frant;ois, qui, n'ayant pas une idée
tres-juste de la chose, et ne connoissant pas bien les lois du
royaume, les approuverent avec trop de précipitation. Sur quoi,


la déclal'ation fut envoyée en Angleterre, ce qui reudit la fante


irréparablc : quoique, bientot apres, les Docteurs fran<{ois,
mieux instruits et ayant vu les déclarations memes et l' acte du


Test, rétracterent leul' premier jugement, et donnerent au
long leurs motifs par écrit.


" L'Éveq ue de Meaux, qui al'oit aussi eté consulté, regarda
la déclaration comme légale, la comparant a ce que le Roi Tres-
Chrétien avoit promis aux Huguenots, par l'Édit de Nantes; il
écrivit meme ses motits au cardinal Janson, aRome, qui ne lui


lit aucune répouse .... »
On yerra bientot pourquoi ce Cardinal ne répondit pas. Le


Roi continue ;


" Du reste, cet évéque (Bossucl), apres avoir persisté, un peu
plus long-temps que les autres, dans son opinion, finit par re·


eonnoitre aussi son erreur, qnoiqu'il ue jugeat pas nécessairc de
mettre sa rétractatíon par écrit : vu que eeUo¡ affaire étoit entíe·


renwnt terminée, et que les espél'ances Cfu'elle avoit ¡\onné@s se


fusscnt éval1ouies ..... "




NOT ES.


Avant de donner cette déclaralion de Bossuet, il est néc,es-
saire de résumcr les faits.


La négociation des députés envoyés a Saint-Germain ne dura
que quatre jours, et les huit propositions furent renvoyées sur-
le-champ au lord Míddleton, ratifiées par le Roí le 12 janvier
1693.


Le lord Middleton revint de Londres, en tres-peu de temps,


porter au Roi les déclarations du parti anglican.


Sur ces déclarations, le Roi publ:" son manifeste du 17 avril.


C' est done entre la ratificatíon du 12 janvier et le manifeste
du 17 avril que Jaeques II consulta d'abord les Théologiens


anglois, el ensuite les Théologiens fran<;;ois.


Ses serupules, ses regrets, et meme ses remords, ayant aug-


menté apres la signature du manifeste, il consulta l'éveque de


}Ieaux qui donna sa déclaration, non pas avant le manifeste,
mais trente-cinq jours apres le manifeste.


Cependant Jacques n dit formellement, comme on vient de
le yoir plus haut, que les Théologiens fran¡;;ois, bientot apres


l'envoi du manifeste, reconnurent leul' erreur et se rétractel'ent.


Qucls sont ces Théologiens ? Auroient-ils choisi le moment oll
Bossuet, consulté lui-meme, trente-cinq jours apres le manifeste,
déclaroit que Jacques 11 avoit dí! faire les promesses que ren-
fermc ce manifeste? Si ces Théologiens se rétracterent, sí Bossuet


lui-meme, sans se rélracter, reeonnut l'inutilité de sa déclaration,
c'es! que réellemenl alors Jacques 11 , par ses restríetions per-


pétuellcs, el par les folles entrepl'ises des iacobites, f{ui eon-
s"íroient "ontre la pel'sonne de Guillallme, m'oil aliéné ou tlé-




380 "N OTES.
couragé cenx qui le rappeloient en Angleterre. (Voyez sur ~c
fait la note sixieme.)


Jacqties II avoit terminé son manifeste par ceUe phrase:


« Puisse Dieu proportionner nos succes a notre sincérité ! "
Si cette derniere phrase étoit jugée séverement, quelles tristes


conclusions il en faudmit tirer contre le Roi qui l'a signée!
J acques 11, en effet, s' enveloppoit encore dans le meme et fata l


systeme de secretes restrictions, qui le dirigeoit ou le t'assumit,


lorsqu'il pronow;a jadis le serment du sacre, dont les paroles ,
disoit-il, étoient les memes que eelles du Roí saint Édouard. On
en yerra bientot la preuve. Quoi qu'il en soit, voici la consuIta-
lion, peu connue jusqu'iei, donnée par Bossuet, sa leure au
Cardinal de J anson, et la leUre du lord Melfort au meme Ca¡,dí-


lIal. Ces trois pieces ont été copiées sur les originaux memes.


On sait que le lord Melfort étoit Secrétaire d'État de Jaeques II.
C'est a ce titre qu'il éerivoit au Cardinal de Janson. Le Post
scriptum qui la termine est tout entier de sa main. C'est la que
se trouve le véritable secret du lioi son maitre, ou le sien, sur


le nouveau l1lanifeste el les nouvelles prolllesscs de Jacqucs 11.


La leure du lord Melfort est copiée lCt, telle qu'clle a éte


écritc en fraIH;ois, ave e sa ponetuation, son orthlJgraphe el ses


:mglicismes.




NOTES.


Lettre de Bossuet, all Cardinal de Janson.


2;(. mai 1693,


" MONSEIGNEUR ,


• Il a plu au Roi d' AngletelTe de me faire eommuniquer ce\'-


laincs explieations qu'on demandoit a 5. M. touchant la Reli-
gion, en faveur de ses sujets protestants, 10rsqu'i1s se rangeroient
i, leur devoir; et il me fit témoigner en meme temps qu'il vouloit


savoir de moi si je eroyois qu'elles pussent hlesser sa eonscience .
.Te crus qu'il les pouvoit accorder san s aucune diffficulté et je
lui décla\'ai mOIl selltiment tant de vive voix que par écrit •


.. Le meme Roi m'ordonne présentement. Mgr., de di.'e a
V. E. les raisons dont j'ai appuyé mon avis, afin qn'Elle puisse
rendre compte a 5. 5., a qui je soumets de tout mon cceur toutes
mes pensées et toutes mes vues. J'obéis, et V. E. verra en peu


,le mots dans l'écrit inclus, les raisons qui me déterminent a
approuver la déclaration de ce Prince.


" Le Roi notre maitrc a su la consultation et la réponse; il a
approuvé mes sentiments, qui se sont trouvés conformes a eelui
des prineipaux docteurs de la 50rbonne, sans que HOUS ayons


communiqué ensemble .


.. II s'agit a présent, Monseigneur, de faire entendre nos ral-
sons a un Pape dont la prudence et la piété éclatent par tonte


I'Églisc; etj'ose espérer de la honté dont vous m'avez toujours
honoré, quc vous voudrez bien vous servinlc cette occasion pour




NOT ES.


aSSUl'er ce Saint-Pontife de mes profondes soumissions, et de l'in-


violable respect que je ressens comme je le dois, non selllement
pOUi' sa plaee si auguste et si saillte, mais encore pour sa per-


sonne dont les vertus remplissent le monde d'édification et


de joie.
"Conservez-moi, J\Ionseigncur, I'honneur de votre amitié, et


croyez que je suis toujours avec le me me respect que vous con-
noissez,


« Monscigneur, De V. E.,


"Le tres humble et tres ohéissant serviteur


t J. BÉNIGNE E. de J\Ieaux.


Sur la déclaration du ROl: d'Angleterre.


" La déclaration qu'on a demandée au Roi d'Ángleterre en fa-
veul' de ses sujets protestants consiste prineipalement en deux
points.


" Le premier est que S. }1. promette de protéger el difendre
l' i:glise anglicarze comme elle esl présentement établte par
tes lois el qu'elle {usure aux membrcs d'icclle toules leurs
églises, universités, colléges et éeoles avee leurs immurútés,


droits el priviLPges.
" Le second qne sadite J\Iajcsté promette anssi qu' Elle ne vio-


lera point le Sl'l'ment du Test ni n'cn dispensera point.




NO T JoS. 383
" J'ai répondu et je réponds que S. 1\1; pcut aecorder sans dif-


liculté ces deux al'ticles.


« Et pomo eutendre la raison de eette réponse, il ne faut que


fixer le sen s véritable des deux articles en question.


" Le premier a deux parties; L'une dc pl'otéger et défendre


l'Église anglicane eomme elle est présentement établie par les
loix; ce qui n'emporte autl'e chose que de laissel' ees loix dans


leur vigucur, el eomme Roi les exéculcr selon leur forme et


teneur.


" La conseienee du Roi d'Angl'. n'esl point blessée par eette


partie de sa déclaratioIl , puisque la proteetion et la défense qu'il


y promct a l'Église anglieane protestante ne regarde que I'exté-
riem et n'oblige S. M. a autre ehose qu'a laisser eette prétendlle


Églisc dans l' état extérieur Oll il la trouve, sans troubler ni per-
mettre qu' on l'y tronhle .


• Et pour déeidel' celte question par principes ; il faut faire


grande diffét'ence entre la proteetion qu' on donneroit a une


église par adhérence aux mauvais sentiments qu'elle professe et


eeHe qu'on lui donne pour eonsel'vcr a l'extérieur la tranquilité


publique. Le premier genre de prolection est mauvais parecqu'il


a un mauvais principe qui est I'adhérence a la fausseté: mais le


seeond est tres.hon parcequ'il a pour prineipe l'amour de la paix


el pour objet une chose bonne et nécessaire qui est le re pos
publico


" Ceux qui traitent en cette occasion avec le Roi d'Ang<. ne


lni demandent pas I'approbation de la Rólligion anglicane, puis-


qu'au eOl1trairC" ils 1(' Bupposent Catholique et traltent avec lui




384 NOT ES.
eomme l'étant; lis n~ lui demandent done qu'une protection
royale, c'est-a-dire, une protection a I'extérieur, telle qu'elle
convient a un Roi qui ne peut ríen sur les consciences ; et tout
le monde demeure d'accord que cette protection est légitime el


lidte .


• Les Rois de Franee ont bien donné par I'édit de Nantes une


espece de proteetion aux prétendus l'éformés, en les assurant


contre les insultes de eeux qui les voudroient troublerdans leur


exereice, et leur aecordant des especes de privileges, ou ils 0)'-


donnent a leurs offieiers de les maintenir. On n'a pas cru que leur
conscienee fUt intéressée dans ces concessions, tant qu'elles ont


été jugées nécessaires pou!' le repos publie, parceque c'étoit ce
repos et non pas la Religion prétendue réformée qui en étoil le


motif. On peut dirc a proportiou la meme chose du Roi d'Ange.,
et s'i! aceorde de plus graIl(ls avantages a ses sujets protestants,
c'est que I'état oú ils sont dalls ses royaumes el le motif elu repos


public }'exige ainsi •
• Aussi ceux qui trouvent a reelirc a cet enelroit de l'article nc


mettent-ils la diffieulLé qu'en ce qn'ils prétendent qn'il enferme


une tae;te p¡'omesse d'exécutel' les lois pénales qui sont déeel'-


nées par les Parlements contre les Catholiques; pareeque, disent-


ils, les Protestants mettent dan s ces lois pénales une partie de la


proteetion qu'ils demandent pro l'Église anglieane protestante.
" }lais les paroles dont se sert le Roi n'cmportcnt rien de sem-


blable, et il importe de bien eomprendre comme parle eette dé-


claration ; Nous prolégcrons, dit-elle, el diferulron<. r Église
anglicillle commc elle e.l't présenlcment établie par les loix.




NOTES. 385
II ne s'agit donc que des principes coustitutifs de cette prétendllC


Église en elle-meme, et non pas des lois pénales par lesquelles elle
prétendroit pouvoir repousser les Religions qui lui sont opposées.


"Ces príncipes constj¡lItif~ de la R. A. seJon les loix du pajs
,ont: 10 les prétendu5 articJes de foy réglés 50U5 la Reine Élisa-
beth; 2.0 la liturgie approuvée par les Parlemcnts; 3° les homélies


ou instructions que les memes Parlements ont autorisées.


"On ne demande point au Roi qu'il se rende le promoteur de


ces trois choses, mais seulemcnt qu'a l' extéríeur illeur laisse un
libl'e .::ours pour le repos de ses sujets: ce qui suffit d'un cc\té
pour maintenir ce qui conslitlle it I'extérieur I'Églisc anglicane
protestante, et de I'autre ne blesse point la conscience du Roí.


" Voila donc it quoi il s'oblige par ecUe premiere partie du
premier article de sa déclaration. La deuxieme partie de.!'article


ou il promet d'assurer a I'Egliíe protestante et á ses membres
leurs églises, etc., a encore moins de difficulté, et meme elle


tempere la premiere en réduisant manifestementt la protection


et la défense de J'Église anglic·. protest"o aux choses extérieures
dont elle est en possesion, et dans lesquelles le Roi promet seu-


lement de ne sour!'rir point qu'on la [rouble.
" Le Roí est bien éloigné d'approuvel' par la l'usUI'pation des


Églíses et des bénéfiees : mais il promet seulement de ne point
permeltre que ceux qui les ont uSUI'pés soicnt troublés par des


\'oies de fait, paree que ('ela nI' se POLUToit faire sans ¡'uitler la
tranquillité de scs États.


" A I'égarcl du serment du Test qui fait le second arlicle de la


dédaratiotl du Roí: 11 n'oblige Sa M. ;\ autre clJose sinon y't eX"
111.




386 NOTES.
dure des charges publiques ceux qui refuseront de faire un ce\'-


tatn serment; en quoi il n'y a point de difficulté, puisqu'on peut


yivre et humainement et chétiennement sans avoir des charges.


" Que si cela paroit rude aux Catholiqlles i1s doivent con si-
dérer I'lttat ou i1s sont et la petite portion qu'ils composent du


royaume d'Angle., ce qui les oblige a n'exiger pas de leur Roi
des conditions impossibles, et au contraire a saerifier touts les
avantages dont i1s se pourroient flatter vainement au bien réel et


solide d'avoir un Roi de lem' Religion et d'am~rmir sur le thl'ónc
Ha famílle quoique Catholiql1e, ee ql1i leur peut faire raisonna-


blemt. espérer, sinon d'abord, du moins dans la suite, l'entier


rétabli~emt. de I'Église et de la foy.
" Que si on s'attaehe au conlTaire a vouloir fail'e la loi aux


Protestants qui sont les maitres, on perdra ayec I'oecasion de


rétablir le Roi, non seulement touts les avantages qui sont atta-


chés a ce I-élablissement, mais encore touts le:; autres quels
qu'ils soient, et on s'exposera a tOliles sortes de maux, étant
bien certain que si les rehelles vienncnt a bout selon leurs desirs
d'exclure tout a fait le Roi ils ne garderont aucune mesure envers
les Catholiques et ne songeront qu'it assouvir la haine qu'ils


lenr portento


o Pour ces raisons je conclus non seulement que le Roí a pu
en conscience faire la déclaration dont il s'agit, mais encore qu'il


y étoit obligé, paree qu'i1 doit faire tout ee qui est possible pour


l'avantagc de l'Église et de ses sujets ealholiqnes auxquels ríen
ne pent etre meilleur dans la conjoncture présente qul' son ré-
tablissenient.




N OTVS •


• On «oit meme déja regarder eomme un grand avantagc la
déclaration que fait S. M. de recornmander jorlement a Ion
Parlement une I:mpartiale liberté de com'cience, ce qui montre
le úle de ce Prince pOll!' le repos de ses sujets eatholiques, et
tout ensemble.une favorable disposition pour eux dan s ses sujeta
protestants qui aeeeptent sa déclaration.


«Je dirai done volontiers aux Catholiques, s'¡l y en a qui


n'approuvent pas la déelaratíon dont il s'agit: Noli esse justus
multum : neque plus sapias qumn necesse est> ne obstupescas.
Ecc. VII. 17.


" Je ne doule point que N. S. P.le Pape n'appuie le Roi d'Ange•


dans l'exéeution d'une déclaration qui étoit si nécessaire et ne


juge bien des inlentions d'un Prince qui a saerifié trois royaumes,
tonte sa famille el 5a propre vie a la Religion Catbolique. Je me
soumets néanmoins de tout mon ccem' 11 la supreme décision


de S. S.


"Fait 11 Meaux, ce 22 may 1693,


"t J. BiNIGNE, É. de Meaux.»


[)u Lord Melf'ort au Cardinal de Janson Forbin.


« A Sto Gennain en Laye, ce 2.5 may 1693.


" MONSEIGNEUR,


" La dédaration dont j'envoye ici la traduclion a V. E. par
ordrc du Roy mon Ml'e. es! eelle dont 5a Ma. est priée par une


'.&5.




388 N OT ES.
parrie tres eonsidérable de ses sujl'ls prOlestants en Angleterre
tle s~ servil' qualHl elle retounlera dans s('s royaumes, 1'0111111('
un Illoyen tres efficact' pour regagner It's ('a~Ill"S de son peu pIe eL
facililpr son rétablisselllenl. Des qm' la proposition a "té I~ile it
Sa :Hale'., Elle I'a cOlllmuniqué au Ro)' Tres X"u.; el par son
<'ol1sentement, plusieu!'s É,'eques de France I'l c10cteurs dc Sor-
bon11e ayant été consultés louchant les coneessiolls t1ans ('ptle


tléclal'ation qui regardent la Religioll. ils ont ron s c10nné lenrs


opinions quc Sa Maté. pouvoit accorder Il's dites concessions sall'


b'cssel' sa consdenec. Sur (IUoí Ic noi ilion Ml'v. aH'C /'appmha-
lioll de Sa Maté, TI'es Xne. a envoyé la dite déclaration en AlIg:I~­
ter!'e oú elle a déja eu un tres bon effel, 1'( plllsieurs Seig'"'. dll
l'Oyaume se sont joints au pm'ly du Roy, cl on y travaille actuel-
lelllent a son rétablissement avec beaucoup d'espérence de SIlC(,'~S.
les ami? de Sa Maté. devant publier la dile t!pc\aration I)lland ils
illll'ont achevé de ménager les espl'ils el qu'ils verront totUes le~
choscs disposées pour cela.


"Mais comme les choses les plus légitimes sont slljettcs 311X.
mésinterprétations, le Roy mon Mrc. qui prévoit que quelques


Catholiques scrupuleux ou malintenrionnés pourroient blamcr


cerlaines concessions quc Sa Maté, est ohligé de faire a ses sujets
protestants, Elle a pl'ié M. I'éveque dc Maux de mettre son sen-


timent par éerit et de le transl11cttre a V. E. pour en remire
compte a S. S., ne doutant nullement que S. S. ne I'approu\e.
V. Emec. trouvera les raisons du sentiment de cel :F:veque dans


sa lettre que j'ai I'honneur de vous envoycr cy jointe, pt .ie ,·ous
supplie iV¡on5ei¡?;neul' de prendr¡· [p 11'1111" ('1 les 11lPlho(\e, IJIW




NOTES,


'O\lS Ju"er~s les plus proprl'> pOllr le, n'présenter eh ,('erel :,
S, S., non pas de la parl du Hoy 111011 ~\Il"<'. (Iui luí eOllJllllllliquera
la ehose diredement de luy m,\mc aprcs (Iue V. E. l'au1'3 pré-
\('HU, mai, seulemellt de la part du dit l~veque qni ayant donné
son "pillion par ordre de Su 1\1lé . Tres XC""". a eru <Ievoir par


le moyen ,le V. E. en expliquer les 1'3isons a S. S. et soumetlre
Ip, tout a sa déeisioll. Le Roi mOIl :Urc. qui a heaueoup de eon-


/iance au úle 'ltIC V. E. a pour ses intérets, et a la sage prtl-
dp,llce aveela(luelle elle méllage toutes ehoses, etjugeant bien (¡!lC
lout dépend de bien représelltel' les choses d'abord pour forllle,'


les prelllieres imprcssions, elle a cru qu'íl u'y avoit pas de IJIcil-


Ieure voye que celle de V. E. pour donnel' la pl'cmiere conllois-


sauce de eette alTaire a N. S. Pere, dont elle ne doute pas par le
1Il0yen de V. E. d'obtenir l'approhation qu'Elle souhaitc el qlli


sel'a si importante dan s la suile pour fcrme .. la bouche a quel'l"cs
faux zélés qui poul'roient trouver a "edi!'c il la conduitc de Sa
.\1até., qlloi qu'il semble que ce qu'clle a déja faite et souITerle
pomo la Religion, devroit assez convaincre tout le monde qu'clle


esl incapable de jamais rien faire qui y puísse I'réjudicicr, fut-
ce ponr regagner touls les royaulIlcs de la terreo


aJe n'ai pas besoin de dire it V. E. l'importancc c¡u'il ya de
ménager cette affaire ci avec aulant de sen'el que de prudcm:t'.


La natnre de la ehose le demande. El sllrtout il 'est it pro pos (lile
le Roy mon l\JI'l'. ne paroisse point avoir donné commissioll a
V. E. ,,'en parler " S. S, Sa .MIé. réservant de faire cela I'~r une
<iutre voye et d'aulr" malliPrp 'lui sera plus p"olH'e i. Jllt:uag"" les


,'sl'rit, d,', Calholi'llles anglo;" .'1t1; ('sI !llll' dHbe a",'? dirl1('ilc




39° N O TES.
Ainsi je supplie V. E. de s\)avoir sculement comme tI'Elle meme
ce que S. S. dil'a sur l'opinion dudit Éveque le plustot qu'elle
pourra et de me faire la grace de me la mander, et de me eroire


eependant avec beaucoup de respeet,


«Monseigneur, de votre Éminenee,


«Le tres humhle et tres ohéissant serviteur,


"MEL~'OR'f. »


P. S. (De sa maill.)


• Ce qu'il y a affaire n'est que po u!' éviter les censu!'E'¡S de


Rome, non pas pou!' faire examinel'l'affaire, ce qu'i1 faut éviter


et principalement les congl'égations, ce que Sa Majesté souhaite
eslant de satisfaire Sa Sté, en particulier des nécessités soubs les


quelles Sa Majesté est tant a l'égard de son establissement que
pour avoir la liberté de faire élever le pI'. de Gallcs dans la Re-


ligion Calholique, ce qui est un plus grand bien a la dit l'eligion


que aucun autre que puisse al'l'iVel'. n est aussy a considérel'
que Sa Majté, a des aSSUl'ances des principaux avec lesquelles
elle a traité d'obtenir une liberté de conscienee pour les Calho-


liques d' Angleterre, pourveu que Sa i\Jajlé. ne le presse pas par
son authorité, mais qu'il le laisse au Parliament. En fin eelle ey


j'entends la déclaration n'est que pour rentrer, el l'on peul beau-
coup mieux disputer des affaires des Catholiques a Whythall


qu'a Sto Germaill . .Te demande pardo n a V. Eco. un grand mal de
gOl'ge m'empeche de faire en celle rencontre ce que je dois, el
I'heure de la poste quí presse empeche aussí qu'oll puis:;c re-


Illeltre celle lellre l'y au nett, "




NOTES.


Enjin, cette déclaration n'est que pour rentrer. Celle ex-
pression du lord Melfort, trenle-huit jours apres la signature du
manifeste, de ce manifeste oll le Roi disoit : Pllisse Dieu pro-


portionner nos succCs a notre slncérité! peint d'une maniere
bien vraie, mais bien triste, les déplorables conseils qui assié-


geoient la conscience et la raison du malheureux Princc. Par


queis sophismes lui-meme cherchoit a concilier ce qu'il nom-
moit l'!lOnneUl' et la conseience! I1 disoit, et il répete dans ses


Mémoires, que,s'i! avoit été trop loin dans sa déclaration, il se


lrouvcroit certainement un biais qni ne feroit tort ni a l'honneUl'
ni a la conscience; gu' en se tenant, non pas a la [ettre, mais
h ['esprit de la chose, il ne pourroit pas etre aecusé de manquer
a 5a paro le ; de meme qu'un écrivain • qui publie une seconde


édition de son ouvrage, quoique l'evue et corrigée, nc fait pas


pour cela un ouvrage nouveau ...


Enfin, poursuit cncore le foible Prinee, « le préambule de la


déclaration montroit bien évidemment qu'elle n'étoit que condi-


tionnelle, et que si I'on ne remplissoit pas les obligations pl'ises


envers 5. M" le Roi n'étoit ten n a rien de son coté. 01', mylord
Middleton avoit éerit que, si le Roi signoil les propositions, l'on


promettoit de le rétablir sur son trone sous trojs OH quatrc
mois; et eomme on n'avoit pas satisfait a cet engagement, 5a
Majesté se trouvoit par lil meme délivrée de touts eeux qu'Elle
a\'oit contractés. n


Avec des arguments et des restl'Íctions si déplorahles, est-i1
hi~n surprcnant que les Lords et Ip,R f:vcques, les chcfs de la
Hutte, dc I'annéc, de 1'I::¡;lisf' {'l tlu Par!('menl f]'ail'ut VII clan'




:-'OTl~S.


la déclaration du Roi que I'intention IIlClIle expl'imée par M;el-


1'ort al.l ca\'dinal de Jan,on? Le Roi ne se montroit-il pas a


Saint-Germain comme a Whitehall, toujours dominé par les
ruses lhéologiques de son conseil 5ecret? Aussi ce projet de
restauralion n'eut-il pou!' le moment aueunc suite. Cependant


Middleton ne se rebuta pas, el n~gociant touJours avec: le parti
anglican, une troisieme expédition fUlconcertée avec Louis XIV.


Jacques n, en ] 696, se rendit 11 Brest; il alloit encore s'embar-
quer avec une tIoue el une armée, lorsque 5a cause fut in'évo-


cahlement perdue par une elltreprise illsellsée des Jacobites sur la


p ersonne de Guillaume III.


Revenons 11 la déelaration de Bossuet. 11 es! avéré qu'elle ne
fllt pas retl'actée par ee Prélat. Mais qu'auroit dit Jacques 11,


s'il avoit soup~onné que ceHe déclaration ne fut point envoyée a
Rome? Il IIC se semit pas contenté de dire que le cardinal de


Jamon ne tit aueune réponse. Comme il eüI. triomphé de cettc


apparente rétractation de LO\lis XIV et de l'Éveque de Meaux !
Eh bien! la vérité de l'hisloire exige de nous cet aveu: ¡'original


de la leUre cl de la déclaratioll du Prélat, 1'00'iginal de la leUre


du lord J\Ielfort ne furent point envoyés a Rome. Les hommes
sages déeideront si LOllis XIV, rebuté des hésitations, des scru-


pules et des restrictions de Jacques n, ne voulut pas commettrc


son nom ave e la Cour de Rome dans une affaire qui ne pouvoit


plus réussir avec le pal,ti anglican, paree que, dan s le meme


lemps, Jaeques II autorisoit les Jaeobites, ou Torys puro, il
faire une aUaque personnelle contre Guillaume llI. (Voyez
note 6~.)




~ () T E S. 393


--........".--~-""_....--__ ... -----------


NOTE DEUXIEME.


Sur la Ré()ocation de l' Edil de Nantes.


(Voyel TOM. n, LrVRE XI, page 52.)


L'ÉDlT de révocation est du mois d'octobre r685. Des le mois
de décembre Louis XIV envoya M. de BOnrepa!IS, avec com-


mission de fail'c rentrer en Frauce le plus de Religionnaires fu-


gitifs qu'il lui seroit possible.


Ses instructions, a la date du 20 décembre, avoient un dOllble
objet: la conversían dcs hérétiques; et l'examen approfondi
de tout ce qui étoit relatif a la marine, au commerce et aux
linances d' Angleterrc.


M. de Bonrepaus étoit Conseiller d'État et Intendant général
de la Marine. n avoit de l'activité, du úlc, des eonlloissanees
étendues ct de I'habilelé. II s'aequitta de sa double mission avec


beaucoup de sucees. Pour ce qui regal'de la conversion des hé-


rétiques, il ue se montra pas difficile sur les conditions. II


g'aUaehoit surtout aux ouvriers des manufactures, il leur don-


noit de l'argent et payoit leur passage. I1 enleva meme par l'e


moyen un grand nombre d'ouvricrs anglois qui vinrent s'établil"


pn France, el y pOl'tl-rClIt SllI'tout le sccret de la fabrication du




NO T 1\ S.


papier. C'est a eette émigration que remonte l'étahlissement des
plus helles papeteries de Franee.


Mais touls ses efforts étoient suceessivement détruits par les


relations qni arrivoient de Franee et de Hollande en Anglcterrc.


11 écrivoit ainsi le 2. 1 janvier 1686 an marquis de- Seignelay :
« Diverses leures de Franee réeemment arrivées porlent que


les troupes tourmentent plns que jamais les gens de la R. P. R.
Il Y en a entr'autres une du doeteur Burnet a lIJadame de Rus-
sel, par laquelle il lui marque que ron exerce des tyranllics
en Franee eontre les Religionnaires, que les yeux ne peuvent


point voir, ni sa plume exprimer, sans en avoir de l'horreur:»


1\1. de Bonrepaus ne resta en Angleterre que jusqu'au mois
de maí. Le 5, a son retour a Calais, il envoya la liste des fugitifs
qu'il avoit fait repasser en Franee, au nombre de einq eent sept.


" Il me semblc, dit-il, que ee n'est gucres, vu le nombre de


quatre mille einq eents qu'i! y en a; mais je n'ai rien a me re-
proeher quant aux soins et a la diligenee. J'aurois pu faire
mieux, san s l'espérance que ces malheureux ont eue de tirer des


SOlllmes eonsidérables de la collecte (faite pour eux a Londres).
Les Ministres protestants en ont detourné plusieurs qni m'avoient


donné parole. lIs leur ont fait des avantages eonsidérables, et


ont élé fort attentifs a mes démarchcs, sm'tout depuis les fetes
de Paques, qu'ils ont reconnu, en faisant la cene, qu'i! leur


manquoit beaueoup de monde, entr'autres des marchands de


La Roebelle, doot le retomo les a extreJ'nemenl. mortifiés .....


" Ce qui me paroit le plus avantagcl1x dans le retour de ces


gens-li., est la destruclioll des mallllfaclUl'es des toile, Iloyallo




N () TES.


et des toiles blanches qu'ils avoient établies en Angleterre. Les


Anglois qui y étoient intéressés en ont fait grand bruit.. .... On


m'enverra une liste des noms de tOllts les fugitifs qui sont en


Angleterre, a laquelle on travaille actuellement pour fairc la
dÍstribution de la coiJecte .....


"Je crains avec raison de ne pouvoir pas faire grand'chose


en Hollande pour le re tour des fugitifs. On les gardera a vue,
étant ave¡'lis de Londres de ce que j'y ai fait. Mais j'aurai du
mojns la consolaljon de ne rien oublier de tOllt ce qui dépcndra
de mes spins. »


M. de Bonrepaus arriva le 11 mai a llotterdam, et son voyage
y fut presque nul, comme il I'avoit prévu.


Le marquis de Seignclay étoit un homme d'État. De meme
qu'il avoit envoyé en Angleterre et en HolIande M. de Eonre-


paus pour rappeler les fugitifs, jI avoit envoyé Fénélon en Poitou
et en Saintonge pour gagucr a la lleligion catholiquc ceux qui,
étant rentrés en France, portoient le nom de conllertis. Fénélon,
eomme on le sait, n'avoit pas voulu que les dragons fussent


les coIli~glles de sa mission; aussi fut-il dénoncé a la Cour, ct le
marquis de Seignelay lui en donna sUl'-le-champ avis. Ses ré-


pon ses sont bien conllues; mais on !le sauroit trop l'appeler ce


qu'il écrivoit a Eossuet: • Les Huguenots mal cOlwerti5' , dit-il a
ce Prélat, sont attachés a leur religion, jusqu'aux plus horribles
ex ces d' opiniatreté ; mais, des qulol la rigueur des peines parolt,


taute leur force lcs abandonne. Les restes de cette sede vont


lomber peu a peu dans une indifférence de /'eligion pou/' touu
les e;L'el'('ú:es ('xtáiellrs flui {loit ¡¿tire tremIJJl'r. Si ron vouJoit




39Ci ,,"OTES.
leur faire abjurel' le Chri"tianisme et ,uivre l'Alcoran, il u'y all-
mit qu'a leur montl'er des dragons ..... 11 n'y a lIu'it lll'icl' Dil'll
pou\' eux, et He se rebuter point de les illstruire, "


On parle beaucoup, de nos jours, de l'indiffén;llee en ma-
tiere de Religion; et tout ce que l'on a écrit n'est que tml' \é-


ritable. Mais eette indifférenee ne peut-elle pas remonter a
l'époque et aux exemples que eite .Fenélon? Ce semit lit, si la


remarque est juste, un des plus grands malheUl's de la Hévo-
cation. Cal' les pertes matérielles se répat'ent; mais les blcssurcs


raites it ce qu'il y a de plus noble et de plus sacré dan s l'hommc,


jamais.
Quoi lIu'íl en soít, il y avoit auprcs de Louis XIV dcux di-


rectious bien opposées. Louvois ue voyoit dan. la conversion


des Religionnaires qu'une affaire de Dragons; a sa suite se trou-
voient ces hommes fanatiquco et durs qui eroyoient sauve!' la


génération future en sacrifiaut la génératiou présente ; cal' po u-


voient-i1s se tromper sur ce qn'ils nommoient les conversions?


D'un autre coté se trouvoient ces hommes véritablement chré-


tiens, et pénétrés de la douceur de l'f.:vangile; ces hommes


comme Fénélou et Bossuet, qui vouJoient convertir par la (,.OIl-
victioll et non par la violence des armes.


Louis XIV qui se laissa entrainer d'abord par les premien.


ne connoissoit pas tous les ravages produits par lenr fatal sys-


teme. 11 crnt a ces conversions simulées. Commcnt n'eut-il p¡"
été dans l'erreur? De tontes parts, l'('ncclIs fumoit SlU' ses Hutel,
COlllllle devant les alllels d'UllP t1ivinité. 1\1. d,' llarilloll ell An-


gleterre étoit nn de n'u" !Iuí h' I'fo<li:-;IWil ;l\f" le pht, .1" PI<,




N O TES.


fllsíon , a l' occasion des fugitifs. Mais le comte· Davaux en
Hollande voyoit les choses de plus hant et ne dissiulUloit aucune


"áité au Roí. Sa cOl'l'espondance es! remplie de notes lt'es-in-


I~rcssantes sur' ce gran> ,uje!. Yoici entre antl'es ce qu'il écriyoit
l~ 9,3 octobre I68¡.


"Le nommé Cossard, un des plus riches marchands de Rouen,


est arriyé ici d'avanf-hie¡' avec touts ses effels. 11 passa, il Y a


15 jours, 40 personnes rte Rouen eu Angletene, et ceux la
al'oient été précédés de 200. 11 est venu encore quelques autres


marehands assez riches; et il scmule que ceux qui sont les plus


¡'iches, comllleneent a cette heur'e a sOl,tir du Royaume. J'ai


loul lieu de croire, par tout ce que j'apprends ele beaucoup
d'endroits, qu'i1 y en a quantité qui ne different a sortir qUé'
pour avoir lieu de vcndre leurs effets et d'en tirer I'argent, qu'ils


eHvoyenf par avance.


«En effet, Sire, il en vient une si furiense qnantité, que


messiem's d' Amsterdam commencent a trouver qu'il y en a trop,
:le pouvant plus place¡' le lem', plus haut qu'a 2 pour cent, Je


sais \11cmc qne l' on a fondu en Anglelerre neuf cent soixante et


tant de rniJIe louis d'or.


«le croirois, Sire, prévariqne¡' a Illon de\'oir et manquer a
la fidélité que je dois a V. M. si je ne lui rendois compte de ce
qui vient a ma connoissance et qui ¡'egarde le bien de son se¡'-
"ice. 11 est certain que la plupart de ceux qui sont s~lI'tis depuis
peu ne I'ont fait que sur diffél'ents emprisonnements qui onl


été faits en quelques provinces .... l' ose cncol'e pl'endl'e la lil.,,,,·t(~
<Ir> dil'C el \'. 1\-1., av"" 1" profond "f'Spcct quc .it' lui dois, 'llH'




NOTES.


si on traitoit les nouveaux coovertis, daos toute l'étendue do


Royaume, de la meme maniere qu'ils le sont a Paris, a Rouen,
et sous les yeux de V. M., il n'en seroit pas sorti la moitié de ce


qui s'en est allé .•


Voyez la réaction des choses humaines et la vanité des con-


seils de la poli tique. Le Prince d'Orange fit plusieurs régiments


eles fugitifs qui formerent a peu pres le quart de l'armée qu'il
coneluisit en Angleterre contre le Roi Ja(:ques II, son heau-pcre.
Lor,que celui-ci dcscendit en Irlanele an printemps de 1689,


ce fut encore ,les Religiollnaircs qu'il envoya eontre le Roi et les


Cathol iques.




N O TES.


NOTE TROISIEME.


Rclations du Cardinal de Riclwlieu aIJee les Irlandois.


(Voyez TOM. JI, LIVRE XII, page 107.)


LA Rochelle fut soumise en 1628. Et ce fut pendant le siégc
de ceUe ville que le cardinal de Richelieu accueillit (les envoyés
de I'Irlande qui lui proposoient de remettre a la France la pro-
vince d'Ultonie, et de séparer l'Irlande de l' Angleterre_


Le Cardinal s'occupa sérieusement de celte proposition. Alnrs


l' Angleterre favorisoit la révolte des Calvinistes en France.


On verra ci apres, par les plaintes officielles du Roi d~A.ngle­
terre, qn'en 1641 et en r6[,2 le Cardinallaissoit passer en
Irlande des hommes et des armes. JI y envoya aussi des


agents pour traiter avec les confédérés irlandois; el dans le


meme temps, Eugenio O'NeiU, qui deputs 40 ans étoit an ser-


vice d'Espagne, proposa de passer en France avec son Régi-


ment, d'en conduire les soldats en Irlande, et de déterminel'


les confédérés a se meUre sous la pro~ction de Louis XIII.
Le Cardinal exigea des confédérés ee qu'il avoit déja obtenll


des covenantaires d'Écossc: la liherté de fait-e des levées en
Irlande. lis I'épondirent d'ahol'd ffll'ils avoient besoin de t.Olltf'S




400 N aTES.


leul's f()l"ces, et (IU'ils ne pouvoient aecordel' a Louis XIII el'
qu'ils refusoient 11 Charles Iel' leur souverain, Cependant ils au-


tori,erent eette levée, et peu de temps apl'eS, ils envoyerent en


Frallce Eugenio O'Neill, Roger l\Iaguire, Philippe Rély, le


Pl'imat d'Irlande, et un Évcque, qui signerent la cession a la
Franee de la provinee d'Ultonie.


Le Cardinal étoit mort pendant les négoeiations, et ce fut le
"" cardinal Mazarin qui aeheva l'ouvrage de son prédéeesseur.


iHais les revers de Charles ler' eontre l'armée parlementaire, et


les sucees de Cromwell contl'e I'Idande, acheverent l'asserv isse-


ment de cette nation.


"Au Roy Tres-Chrestlen, et a Messieurs de son Conse/'!.


• Richard Browne, Gentilhomme de la ChamLre prívée, el


Secrétaire du Conseil privé de S. 1\1. de la Grallde-Bretagne, et


son Agent pres le Roy Tres-chrétien ;


«Par ordre et au nom de S. M. de la Gran de-Bretagn e.


«Faiet plainte, de ce que, depuis environ un an, 'on a faict


défenses de ne point laisser sortir de France aulcuu subject dll
Roy de la Grande.Bretagne, 8an5 passeport d'un des Seerétaires


d'Estat, soubs prétexte d'empeschCl' que les soldats qui sont au


service du Roy Tres-Chrestien, ne sortent du Royaulme, et par


ainsi qu'on a reudu les passeport5 des Ambassadeul's et Ministres


de S. M. de la Grande-Bretagne en France. ('utierem('nt il1utile,
~t de uul effect.


«Et néanllllOil1s, 'lile '!cpui, b ... :,,,111' d'Irlandc, 011 a 'Cj




N O T F S, 40T


¡i"eneié un Re¡;iment enti!'r irlandois el donné passeport aux


colonels Bclint;(' el. ColIolI, el plusieurs allItr('s, et. llUX officiers
du d, Régiment, pour se ,'etirer chez eux; el. permis a tons
cellx de la nation idandoise (qui le désirel"Oyellt) de s'en re-
tOUrtler en leur pays; '¡ue des ports ele Breta¡¡;ne el de la Ro-


C"helle, on a, par plusieurs fois, embarqué armes el mllnilions


(ce f('Ü est tres ,'igoureusement défendu par les loix funda-
mentales du Royaulmc, si ce n'est par permission exp,'esse du


Roy Tres CIll'estiell el de I'Admiral de Franee), pom' les trans-
porter en Irlande; que tout cela s'esl. [aiet seulemenl depuis
"Iue les Irlandois se ,nn!. actuellement révoltez, et que S, ]VI.
de la Grande-Brcta¡;lle ks a, par plusieurs aetes publics, dé-


clarez rehel\¡~s et criminels de leze-lVIajesté,
«Partant, prie 'lu'il soit ordonné par le Roy'Tres Ch1'eslien


que tOI1S les lrlallllois, <¡ni out chargp <lans les armées de Franee,


'i rcviennent tout incontinent, soubs les peines de perle de leurs


chaq;es, et que dorez-en-avant, jusques a ee que lesdits rebelles
d'Irlandc ayenl <'té cntiel'cmf'l1t. rangez a leur r\.cbvoi1', nul Ir-
landois ne puissc sort ir de FI'<lnce, ny pareillement aulcune


munition de ¡¡;uerre ou de bouche puisse etre davantage trans-


porté d'icy, pou1' assister ~ou secourir lesdits rebelles Irlandois
con!re leur souverailllégitime, Sa .l\1ajes!é de la Grand'Bretagne,
Frere, Amy el Allié r\.u Roy Tres Chrestien, »


1/1, ,},t;




N 01' t:s.


N O'T~ Q1J A 'Tl\TEM~J.


RdatiollS du Cardinal de Richelieu a.,ee les Éeossois
Covenantaires, et le Parlcment d' Angleter7'e.


(Voyez TOM. n, LrVRE XII, page 109.)


LES cnnemis du Cardinal, et a ICUl' tete, la Beine rui>re,


étoient retirés 9. Londres. lis favorisoient le par ti de la Maison
d' Alltriche contl'e la France. La Reine d' Angletcrre éloit dévonée


a ce par ti , et son ascendant sur le Roi son mari Charles Ier nc
contribua que trop a cngager ce malheureux Prince dans la
faction Espagnole,


La France vouloit enll'alner l' Angletcrre a s'unir a elle, pour
enlever a I'Autriche les états de l'Éleeleur Palatin dont eelte
Maison s'étoit emparéc. l\1ais Charles ler espéroit que son al-


liance ave e l'Espagne feroit rendre an Pl'inee Palatin son lleven


la s'uccession donl iI étoit dépouillé.


Le Prince Palatin pass a déguisé en France, pOUl' se rendre


en AlIemagne, vers la linde 1639' Le Cardinal de Richelieu le lit


arretel' el détenir a Vincennes, le soup~onnant d'allcr au-dela
du Rhin, punr séduire I'armé" du feu onc de Weymar qui étoit




N O TES. 403
o', la solde de Louis XIII, pou r s' en rencll'c le lIJal tre, cn prcn-


dre le commaudement, faire des levées en Allemague, et se réu-


nir en(in a l'Aulrichc coutre la France.
L'arrestation du Pl'Ínee fit gl'and bruit ¡, la Cour d'Augle-


terre, qui se plaiguit avec hauteu!'. Le Cardinal n'y mit pas


moins de fierté.


Ce fut sur ces enlrefaites que les, troubles d'Écosse pour la
¡'eligio\1 comme\1ecrenl, et que les perséeutions du nouvel Épis-
copat coutre les sectes Presbylél'icIllleS firent édater ccHe illsur-


rection générale e{)unue sous le nom de COfJenant,
Les seigneurs d'Écosse envoyerent un gelltilhommc au Cardi-


nal de Richelieu. M. de Ilelliiwre alloit partir pOllr I'Augleterre


commc ambassadcur. Le Cardinal lui donna des instructions.


"On n'altend, dit-il, qn'un prétexte .... II y a apparence d' en re-


cevoir un favomhle, en ce qne les Anglois, qui traitent conli-


nuellement sous main avec les Espagnols, viendl'ont pent-etre a
faire avec enx quelque traité ou vert, ou de mariage, ou sU!'


le sujet de la restitution du Palatinat.. .. Le gentilhornrne écos-
sois s'en retournera avec espérance de pouvoir avoir contente-


ment, lequel en fjfet on lui dormeroit, si le Roy rl'Angleterre
se déclaroit pour l'EJpagne .•


Alors l'ambassadeur d' Angletene réelamoit tres vÍvement la
mise en liherté du Prínce Palatin. M. de Bcllievre, quí n'étoit


pas encore partí, fut chargé de prcndl'c eeUe occasiou ponr


amener Charles I~r it quittel' la cause Espagnole, a s'uni!' a la
France, a la Suede et a la Hollande contre I'Autriche, a ne
permettre aux Espaguols atleune levée dans les f:tats Britan-


2().




N O TES.


\liques, d:\ ¡"!,\llt'!" ks veu1\. ,\IU' IE's h'vél's (IUl' la Fraile" y I'rn,jl
"lIe-mpme, '


C!'!te négoeiatioll pl',;¡iminail'l' avee Ll'yecstl'r, mnhassadenr


d'Anglet!'\Te, ]\'a~'ant amen,: auclIn \'ésllltat, le P\'iJl(,(, Palatín
\,('sla il Vinccnncs, ('t lVI. de Bellil'\'I'c par'i! pou\' I'Angl("('rrf'
;,n nlt)!>; dI' janyi('\'.


Alor, les Ecossois négocierent pOll\' IpHI' comple ('1 <1i\'C('I,'-
IlH'nt a\('(' les ministt'f'8 de F\'ance. Rien nI' pou\'oit ,~tl'(, pllls
fltm,st!' it la ,';Hlse de Charles ler, clans ('es premiers momenlS d"
la réH)ll1tion d'teossl', Les pi(\ct's suivantes l\1onlrel'ont aVl'"
'lue! ton d'aign,u\' les \'elalions diplomatiqul's dI' F\'aner ('1
d'Angleterre s'entrelenoient. 11 suffit tI'ajoute\' que, jusqu'it la
mo,'! du Roi, les ministres de Franee en f:eosse el en Angk-


lene ne s'attaehen,nt qu'iJ. traiter pOllr des levé,'s d'hollunes


a\ce les seigneurs les plus plIjssants de ces dellx Royal1lllPS. L ..
Covenant 011 Convention d'Écosse et le Parlement d'AngleteIT"
s'v preterent avec docilité. Les seignellrs des deux pays ~' troll
\ ojell! de gral1lls avantages pécuniaires, el le Cardinal se proCl'-
!'oit d'exeelteuls soldats eOIlO'e l' Auu·ichc .... lHais quand la R,:-


IOlulion tut arriyée á son extrellle el doulourellse conclusion,


il u'Hoil plus temps de .. "\clli,, sur ses p¡os; el c'est ainsi que la


politi'lue humaine tI'un gran" génic a contribué au plus lel'l'ibk


':vénemcnt qui ait pu glacer d'clTroi PI ,l'honeu\' les natio!1s


l'hi'etit'lIlws. Discite justitiam , moniti ...
U'H' derniere obsenatton. L(' munlllis ti" J\1on!l'osl', si¡:;na-


lai!<' de la I('ttl'(' écrite <tU Roi dI' FranC(', éloit 111' des ehefs d"
. ,0\ ,'''''1lI ,." Ecoss,,; Sir Tholllas 'A'('ntwo .. ,1o fu! It- chef ,k




!'J 0'1' FS. f¡o,)
r0l'l'0silioll du ParlPlIlell1 d'A";.;J..t'''Tt', ,'1 (ll'oposa la cél,~I"'t',
J>áiúoll d" Droit. Le prellller, ('.('IH'lIdallt, de\ illl le pllls ¡litre·
pide défellseur .11' la cause royale; le seco lid , fllt l., ('01111" d ..
SU'afford, don! la lIléllloin' ,ivl'a ótel'lwllC'Illl'III COlllllle cel/.· ,le


Charles le r


QlliInd de leb hOlllm,,, se lroll\'ent a la t(~tl' d'ulle opposítioll
,,'esl-ce pas un averti,seIllent don lié a !'autor;l'; Sllp),(~IIIl', '!'I(' ¡..
I'''P esl. Bwnacé tI'UIlC ,'é\'olutiol1 dont. 1"" causes réelles do;, ('nI


t~trl' sérieusel1Jeul c\.aulillées? l\lais alors BuekingllHHI (lloit 1111"


.. ¡,tt'!' absolu SOllS Charles Ter ....


Voiei, a différenlcs époques de la rc"olution, des [lICCe.; '1'"
IIIOlllreroul !'esprit des deux gouvt'l'nemellts, Fran~ais el I3ri-
tauBique. 11 ne faul pas olllllie)' que la Reine Mere, les s(.]
gllcurs exilés avceElle, la Reine d' Anglelerre ,mur deLollio; :\: 1 í,


el ses cOlllidellls intimes éloicnl dé,'oués au parti F:spa¡;i1ol, ""


Imine du Cardinal de Richelieu, qui vouloit aLattre la domina-


!ion Autrichienne, Ces notions jettent un grand jour sur la Ré~o­
lution <I'An,;!.,t,,]'!'!',


, DOllble de la '"effre des COfJenant(l/f'es en FCOHé' , (l{{
Roy Tres - Chrcstiel1,


" SIRF"


"Voslre lHajesté estant I'azile el sanctuaire des Pl'Íncps ,,1
Esta!s aflligez, nons avons troLlvé néeessaire t1'cnvoyer ce Gen-


IIlholllme, le sien)' tle Col vil, pOUl' rcprésentl'r a Vostre iVIajesté
la calltlcur '" Ilaifvcté tanl de IIOS acllOns el proeedures que de




N () TES.


nos inlcntions, Icsr¡uelles nous desirons estl'e gl'3vées ct cscriples


a tout l'univers, avec uue raye du solei\, aussi bien qu'a Vostre
Majesté. Nous vous supplions doneques tres humblclllent, Sil'e,
de luy adjousterfoy, et a tout ce qu'il dira de nostre par!,
touchant nous ct nos affaircs, tres asseurez, Sire, d'une assis-


tance esgalle a vostre c1élllence accoustulllée, cy devant et si
souvent Illonstrée a ceste nation, laquelle ne cédera la gloire a
autre quelconque d'cstre éternellemcnt,


• Sire,


«D. V. MIé.


« Les tres humbles, et tres obéissants


«et h'cs affectionnez serviteurs,


"LESLY, MAR, ROTRES, MONTROS~;, MONTGOMMÉRY,
"LOUDOUN, FORRESTER, Secretaire c/u Co¡'ena'!t. "


Au Roy.


« Traduction de l'[nstruction du Sr Colflil, enfloye par
les Seigneurs d' Écosse.


«L'ordre du sr. Colvil est de remonstrer en toute humilité au
Roy Tres Chl'étien et a monseignenr le Cardinal l'eslat pitoyahle
de celte nation, et en prélllier lien, les grandes oppressions


qu'elle a souffert, a raison de tres gramles et tres dangercuses
innovations survenues et introduittes non seulelllcnt en leur reli-


gion, mais anssy principalement en leurs libertéz et loix fonda-


mentales du I'oyaume, par \'ére"tion d'une Cour Souvnaine, ap-


pellée, dans JI' pays, Hallle Commissinn, lafluellc en ri¡;ucul' et




N" o TES.


cruaulé slII'passe l'Inquisition d'Espagne. Cal', en cette nouvelle


Cour, les Éveques seuls eommandoient a baguette, avec un pou-
voi1' absolu; de surte qu'en vertu d'une simple et privée commis-


sion, octl'Oyée a quelqups particuliers, il éLoit licite d'amendel',
bannit', imposer peines civiles et cxemplait'es, confisquer des hien,


de toute nature, et ce a l'encontre detoutes sor tes de personnes,
de quelque qualité el condition qu'ils fussent, a leur plaisir el.
volonté, san s aucunc forme de procez, et tout cela sans pouvoir


aueun du Parlement (Jequcl en tel cas est du tout nécessaire,
cOllformément aux loix fondamentales dll royaume), et voire
sans aUCUll exemple ni pralique quelconque, de temps immémo-


rial de cette nalion.


" Sur ce, les Estats d'Escosse ont, a diverses reprises, employé
leur possible a présenter leurs tres humbles I'emolltrances 11 nostre
Roy, lesl{uelles ont toujours esté négligées, et, pOlll' toute response,
n'ont obtenu qu'un édicl du 1 fehvrier 1639, donl t¡ peine
tl'OUlera on le semblable parmi les Turcs et les Barbares, puL lié


pal' tuutes les Églises parrochialcs d'Anglcterre, pal' Jequel on
nous déclare traitres, rebelles el desloyaux, p1'OVOl[llant et
incitanlles Angloís a nous eou1'il' sus, encourageant nos vassaux
et tenaneiers a se souslcvel' a nostre ruine el a eouper la gorge
il leu1's propres maislres, les amorceant d'une belle promesse:


assavoir, de leur donner nos hiens, terres el Estats, en l'écOlll-


pensc de lem' desloyanté, moyennant une pelite reennnoissanee;


et tout ce, san s llOUS avoir ouis, sans avoir rien démérité, et


sans avoir esté cOllvaincus avoir cnfl'aillt la muindrc de nos loix ,


comme nous a\OIlS offert, ponr lIutre justificatíon, de faire voir




1\" () TES.


á llostl'e Roy, 5'il 1l0US eusl voulu escouter et dOllner audience á


nos Deputez. Ensuite de cecy, on a imprimé uu livrd, intitulé


a faux le Manifeste du Roy, tout remply de calomnies, blasmant
á to1't nos tres justes et meilleures procédul'es entiéremen incon-
nües á S. M., si ce u'estoit par le moyen de la plume faussaire


de nos ennemis. On nI' laissa pas pOUl' tout cela d'en semer des


copies par toute l'Angletel'l'e el d'en envoyer d'autres en Fralll'e,


Hollande et aillieurs, pOUl' nous rendre odieux, alltRut qu'illeur


a esté possible, bien que nous ayons fait offre pal' la bonche de


nos Députez au camp devallL Berwich aS. M., et en la dernicI'e


assemblée nationale, enmme aussy au commencement du der-


nier Parlement, sur peine de nos vies, de faire voir plus de dcux


cents faussetez palpables au livret ey dessus mentionné. Enfin


pour nOU5 oster tout moien de nons j ustiffier et esclaircir les
Anglois sur les calornnie5 (Iu'on nous mettoi!. sus, le cours des
lettl'es a esté intenomllU, et conséqllemment la communication


par ieeHes intel'ditte, pOllr plus aisément les induire á se jetler
sur non, a yeux clos, el a nous traiUer comme criminels de Ihe
Majesté el contempteurs de ses loix : Recollnoissan!. qu'une véri-
table information les obligeroil a de51ibérer meurement avant
<{ue venir anx rnains avee leurs ami5 et voisins.


" S. l'II. s' est accheminée avee une puissante armée, tant a pied
<{U'a che val , ponr envahir nos frontieres, ayant envoyé une autre
par mer, sons la eonduite dn marquis I1amilton, pour bouchel'


nos por!s, empeseher nostre eommeree, et pour, aux oceasions,


faire desecule et desgast le long de nos costes. De sorte que nous


IIOU5 vismt's cOlllraillts aUlle nécess,aire deffence, et force !lOUS




i'i () T E~.


;¡ esté pOllr lIostre sau,eli, el l'c"fárt de ganlil' nos costes de gens


de guelTe, el lever pt mener ¡;rosse année ver, nos frontieres,


pomo leur en disputel' I'entréc. iVlais I'invasion de part et d'autl'e


s'eslant trouvée .difflcile, el les Anglois s' eslant mieux informez


de J'équité de nos demandes, poussenc'nt S. iH. a oUlr de nos


Députez les infonnations par.le passé si souvenl rejettées.
"Alol's certains arlieles furent arrestez entre S. M. et ses


sUJets d'Escossc, pal' lesquels S. NI. s'ohligea a lelU" aecorder une
",;semblée nationale el Padement libres, POut· remédier anx


troublcs, et affermir la paix du royaume, Nonobstant, S. M" a
\' instigation de nos ennt:,mis, a esté persuadée ou plnstost poussée


a nous reffuser l'accomplissemellt ct l'issuc souhaittée des sus-
dits artieles, si ce n'est en maniere qui butte a la ruine tolaJe


des priviléges du royaume et I'anéantissement de nos loix, dis-


gipant !'asscmblJe dc nos Estats appellée Pademcl1t qui a seul


un pouvoir nnique et absolu, non seulement salls le con sen te-


ment des Estats, ains au rebours de leurs sentiments; proeédure


entierement contraire aux priviléges, coustumes, el a la pra-
ticque de tout temps de ce royanme.


" S. M. Tres·Chl·étienne est t!'esllUmblemen t suppliée de ne point


prendre en mauvaise part, si nous avons tant tardé a lui faire voir
la candenr et I'équité de nos procédurcs. L'espérance qu'avions


de pouvoir satisfaire a nostre Souvcl'ain par nos supplications
réitérées, nous a rctenus jusques iey, Mais maintenant que nOlls
nous voions contraints par extreme néeessilé d'avoir reeours al-


licurs, nous avons la eonflance de représenter nettement a S. M. nos
:.;ramles calamitcz, SUI' l'cspérance que nos anciennt's et souvent




NOTES.


renouvellées alliances cnlre la Franee eL l'Eseosse, el les hon.';


services renuus par le passé a S. 1\1. et aux Rois ses prédécesseurs
d'henrense mémoire par eeLLe nation, ne serollt jamais mises en
ouLly: et partant qu'jl plaise a S. M. par son inlerccssÍon envers
noll'e Souverain nons mOlenner la donce jonissance de nos pri-
viléges, coustnmes el loix qui nous ont esté laissées de nos pb'es


el observées par tant de sieeles .


• IJ importe grandement a S. M. T. C. d'aller au devanl!t ce
grand dessein complotté par la faetion espagnolle en Angleterre,


laquelle se promet, si une fois elle avoit maisLrissé I'Escosse,


d'aisément veniI' a hout de toute l' Angleterre eL la remIre sinoll
sujette, au moins tellement alliée, amie et despendantp, que vo-
lontiers elle espouseroit les querelles et les intérets, au grandis·


sime préjlldice des royaumes et Eslats voisins qui ne doivent
sOllffri¡'I'aggrandissemenl monstrueux de la :!Haison d'Alls!l'iehe,"


Leltres du Cardinal de Richelieu.


j( De Réaumont. re ¿¡l' may 16~()


"J'envoye a monsieur de Chavigny une leUre t¡ue le Roy d' An-
gleterre a escrite au Roy, et que I'Ambassadeul' luya envoyée


a Chanlilly, bien qu'elle 50it eseritc dlI 1 er De.hre 1639. Le
stile en est faseheux, et. sembleroit par lil qll'il chercheroit noise,


si on ne eognoissoit le u!' insolente fac,:on d'agil'. J e llC s¡;a)' ce
que c'est que I'affaire dont il pade, vous St¿<lllreZ 5'il YOUS ¡¡Iaist


de M. de Bellievre, ce qn'il en sc,:ail, et de plus de MM. d'Ha-


ligre et tle Loines ,'¡b eH on!. ríen ven au Couseil Ile la marine




NOTE"


«Il se faut gouverncl' eH sorte en ees!e affaire que ces insolens


ne pensent pas qu'on pl'cnne aliarme de lcnr procédé. Je ero y


que vous pouvez envoyer quéril' -Auger pour luy dire que le


Roy vous a envoyé une lcttre, laquelle est de cinq mois de


datte; que vous ne s~avez ce que c'est de eeste affaire la, et que
s'il en fait eognoistre la justiee on en fera raison au partieulicr
qui y a intérest.


En lIIarge. -" J e vous em"oye la letlre toute rompue, paree-


flue je n'ay pu l'ouvrir autrement. »


Autre Lettrt:.


1( De Réaumont, ce 4e may .640.


']'envoyc a monsieur de Chavigny une IcUre qu'on a envoyée
d'Angleterre a De Chamhre, qu'on dit estre la copie de celle
que le lieutcnant d'Erskin a apportée a M. de Hellievre.


"Le Roy d'Angleterl'C a fait prendre le Sr. de Colvile qui estoit


pOl'tcut de l'original de ladiUe leUre, pareille a eelle qu'a
I'homme de M. de Bellievre. Le dit Roy en a fait lecture pu-


blique en son Conseil. Ensuite de fluoy il a dit qu'il eroioit


que le Roy n'en ssavoit ríen et qu'il se tcnoit assuré de son


amilié~
"Par l'événement, ]VI. de Bellievre cognoistl'a que nOU5 avons


été plus sages que luy .


• On sgait en Angleterre que le Gentilhomme qui l'est venu


trollvel' est iey. C'est a luya prendl'e garde qu'on ne le prenne
an relour, el a lIlonsieur de Chavigny a luy faire une respollse
si précaulionnée ¡¡Ul' si ell" vicnt á csfre descouverte, elle ne




.:l12 N OTI<:S.


I'uisse estre IHal IIllel'prétée, )!ousieut' de Chaviglly avis"l'a a,,'c
¡edit sicur de BdlieHe, s'il faudra rclellir ¡adile ICUn' Otl la
reIHO}er . .Te ero)" ([u'cul'estat ou sont les eh oses , il vaul lIli(~'1\
la I'envoyel' el dOlll1Cr u.ol1ues paro les , telles tOlllesl()is '1','"lks
ne puisseut estre mal expliquées ,Iu Hoy d'AllglelelTe, si ,·Hes
v'icuuent á estre descouvcrles . .,


" Delmis vous avoir ('5('1'it hiel' sur le suj('t (In sieur de Colville
arresté prisonniel' en Angleterre: l'espioll (iue vous s,:avez '1'1Í
uous donne de uons avis nous a confirmé le premier (]lle JlOllS


aVlOns eu,


"Si I'homme qui a parlé a M. de Bellievrc u'cst poilll eucore
party, comme jc ne le croy pas, il esl uesoin de Iqy faire sl,¡avoir
qu'on I'attend dans tous les porls pour le prendre, et (Iue son
compagnon, c'est-a-dire celuy qui avoit eu pareille cOlllmission


'Iue luy, nOlllmé Cohille est desja pris, Il lIe 1¡lUI pas que ecHe
tlouvellc ¡uy soit diLlc par M. de Bellievre, mais par quelqu'aulre,


afio que, si venaot a estl'e arreslé il dit la response qu'on la~
aura faite, 00 oe eroie pas qll'OIl la Iuy aura faile telle qu'il


I'aura re«,¡euc, paree qu'on ssavoit desja qu'il estoit descouver!.
" Quant a la response, il esl eertain que plus j'y¡ pense, plus


faut- il es!re soigneux de la remire telle que les Anglois n'y


puissent ll'ouver a redire. Je vous prie don" d'y bien penser,
instrUlre si bien ~I. ,le Bellít,vrc qll'jl lIe Illclle pas ell jeu Ulle




~()TFS.


(lI'OIIUClhlI ,1<- "1Il "slH"it, "" lil'u ,le ce '111(" la prudencc doit


«.Te \"IlII' ,'sni\'is al1s,i hi"l' de la lellrC' que I'Amhassadenr


II'Allgl/'lclT(, amit cnvoiél' an Roy. J'attl'ibup Ip styk 1, 1'<']<'-
gam',' ,jp ('eslr' natioll, PI non a a litre desscin, ledit espion 110115
fitÍsalll coguoislrc ql1'ils n'onl flas envie de se hrouill~r aw"
;IlH'lUH' des couronnes. »)


RAPPORT.


,,01/ demande pOUl'oir el aut!/Orité de prefldre GuillaulI/c
Colvil! ¡J;cosmis, et de ['cnvaye,. en Anglf'telre."


"Fallt respondl'c qu'on n'a alleune cognoissanee que Colvill


soit criminel au respcel tlll Roy d'Angleterre SOIl souycrain;
que s'il n'esl act:usé d'ano'e chose que <!'avoir négoeié avee les


ministres de Franee, Sa Majeslé le s<;ait illllocenl, p~l'f'f' qu'il
1Ir' I'a pas fail;


"Qu'au "csle, quand il seroit eoulpaLIe, le Hoy d'Anglcterf/'
dOlllle l' exemple dc ne le pas remire, en I'clenant le Due dI' la


Valeltp, le Coigneux '" La Vieville, 1I01l-seulemcnt accllsez d"


crimes, mais convainclls de crimes de leze-Majesté et cOl1<lamnez
pour iCCllx. "


(Apres le retollr de M. de Bellievre, M. de Monlereuil rpsta
"har¡:;é des affaires en Angletenc, jusqu'a I'arrivée de 1\1. de
Lafcrté-Imhault. Voici des pxtraits de sa eOlTcspondance, le/s
qu'ils étnielll mi,; S0l15 les yCllx <111 ,',wdina] de Hie/¡"liplI.)




/JI r, N O T F: S.


"Le Sieur ]llontereuil.
(f 3 j.mvier ¡h41.


,,11 a vu le comle de Holland (un des chefs parlementaires),
et I'a entretenu sur ce qu'on lui a commamlé de luy dire de la


part du Roy et de monseigneur le Cardinal. Le Comte luya


témoigné une pal"ticuliere affeclion ponr la France et un granel


dési¡" de la vouloir servir; qu'il étoit tres mal avec la Royne


d'Angleterre et qu'EIIe eut pu mieux traiter ulle personne qui


avoit cu la principalc part en la négociation de son mariage;


que cenx qui l'avoient esloignée de Iny vouloir du bien et qui


l'entrelenoient encore dans ces sentimenls n'estoicnt pas lIIiellX


intentionnez pour la FI"anee; que pour luy, il espéroit toutes


fois que ceHe Princesse ne les croiroit pas toujours et que les
choses estoient en estat de pouvoir t~hanger ....


«11 dit ensuite que la Roynl' portoit le Roy son mari a vou-
loir con ser ver le Lieutenant d'Irlande (e'esloit le eomte de
Strafford, dont on faisoit alors le proces); que lHontagu estoit
aulheur de ee conseil manvais pour la Royne, qui ilTitoil tOllt


le Parlement, el pour le Roy qui devoit donner librement les


mains a une affaire dont il Iny sproit clifficile d'empescher
l' exécution .... "


1( [7 janvicl' 1641.


,,11 faudroit faire partir promptement 1\1. de Laferté-Imbault,


si on désir'e faire quelque ehosc avec les Anglois; la coujonc-
tllre ne pOllvant estre meilleure ponr traiter avec eux (conlr('
I'Espaglle ).




NOT ES. 415
« II s'est cspandu un bruit dan s Londres que ledil sieur de


Lafcl'té va ponr s'opposer aux intentions du Parlement; ce que


cellx ffni conspilfent mailltellUul la Royne font courir, et elle


nwsme authorise : la tI.e Reync ayant dit an sieur de .l\Iayennc


fIU'il conroit un bruit par la ville, qu'Elle faisoit venir M. de


Laferlé, de quoy elle ne se fasehoit point du tout; al! contraire


flu'Elle en estoit fort aise; qu'Elle desiroit qu'on le ereut ainsy;


qu'Elle montroit par la le crédit qu'Elle a en France, pnis-


qn'Elle en faisoit partir un Ambassadenr; et qu'Elle vouloit


bien qu'on sceut qu'Elle pouvoit encore faire aller (oute la
France, s'il cstoit besoin, pour la vcngel·.


« Ces choses pOllvant remIre lH. de Lafel·té sllspect au Par-


lemcnt d' Angletert'e, le sielll' l\Iontereuil a essayé de remédier


a ce mal, en sorte que ce bruit ne fera allcune imprcssion ....


«Le eomte de Holfand ne diminue rien du úle qu'il a tes-


moigné avoir POut' la France. 11 a desí ... ' s<;avoir par le moyen


de M. de Chavigny si monseigneur le Cardinal auroit agréable


qu'il luy confil'mast par cscrit fes assurances de son tres humble,


service, et desire fort en avoir la pel'lnission. C'est ains)' qu'íl
en a parlé, )' adjoustant des termes pleins d'honneur et de
rcspect. •


({ 7 février rG4.I.


" Le comte de Holland a esté tres aise d'apprendre la bonnc


volonté quc le Ro)' et monseigneur le Cardinal avoíent pour
luy, et il a dit an sienr Monterenil qu'il cornmenc;oit estre un


pen micux avec la Royne d'Anglctcrrc qu'il n'avoit esté aupa-


,'a\'ant; que néanlmoins il Iny seroit facllf'lIx de sc remeltl'c hien




NOT FS.


aupres de ecUe Princesse pomo pa .. lagel· ses bonne3 p'aees av('('
MM. Germain el lHontagu. (l\l. Genllain éloit un lord eatho-
lique. M. de Montagu, récemment eatholiqllP!'t. pl'(~Lre, vouloit
se faire nonuner cardinal).


"La Roynp de la Grande-Bretagne a eomme résolu son ~oyage
en France. La consomption que eelte Prineess~ appréhende en
pst le sujeto On dit. mesmes que c'est en partie pour le méCOll-
lentement qu'ElIe a du Parlement d'An¡.;lete .... e, el la eraint"


flue les sieurs Germain et Montagu n'y soient. l1laltraitez ...


Lettre de la Reine d'Angleterre.


"lVIonsieur d~ Chavigny, ayant euvo)'e Fostcr a mon ('ousin
le cardinal de Richelieu pour luy faire pntendn' kMat presa n t


ou je suis et luy demander son assislancc : jay cru que mayalll
tesmyogne toujours heaucoup, dafection cOl1lme' vous aVl'S rair
en tout ee qui me conserne que maintenanl vous Illassiste .. ies


<ians une afaire OIJ il Y va de l1la .. uine entierre OH de mon


bien cal' comme les affaires vont maintenant ysy jc natans qn!'
lun quasy sans resollrce el lautre je lespere par lassistance du
Roy 111011 frere: je ne vous ay pas escrit quant Foster est aHe
cal' jay me suis misse entierremcnt a suivre les ordres que mon
dit cousin ordonneroit 'llloyque jusse ordonné Foster de desirer
de Iny que vous peussiez estre de selle atraire : vous ayant tOH-


jours recon¡?;nu sy prompt a rnobligl'r (Ille jay ('fU que dan s
"ctte affair" vous He me reflls!'rai, pas VI'(, assistam'(' ('t <pl<' \'ou,




NOT¡':S,


gill'deriez le seeret qui est tres neeessaire, Je vous prie done de


le faire et de eroyre que je 5uis sy recognoysante des soings
que vous lIlaves dcsja temoygnes de Vre afection que je eher-
oheray les moyens de YOUS faire paroistre que je suis


" Vre bien bonne amie,


"HENRJETT1': DE FRA.NCE,»


" Le Sieur M ontereuil.


" La Royne de la Grande-Bretagne continuc a parler de son
voyage en France comme d'une chose a laquelle elle est entie-
.'cment résoluc:> .... Elle a fait a\ec le Roy son mary la liste de


touts ceux qui la doivent suivre en ce voyage, dans laquellc


out re ses domestiques sout M,'" Gorin, Percy et Craft. Le eomte


de Holland a adverty ledil Muntereuil qu'Elle ü.it le dessein


d'envoyer bientost ce dc:>rnier en .France, pour sl,iavoir si le Roy


aura agréable qu'Elle y aille et de plus qu'Elle a íntention de


ramener madame de CheVl'ense avec Elle,


• 'l'ont le monde crainl que ce voyage ait de tres mauvaises


suites. Le Parlement ne l'approuve en aucune sor te. Il prétend


meme que ce dessein ne se peut exéeuter sans son eonsentement,


et parle eneore d' empecher le retour de ceUe Prineesse, s'il ne


peut aneter son voyage; dont il croit que le principal motif


est de porter la Franee a entreprendre eontre l' Angleterre; ce
que ladite Royne essaye par toutes sortes dc moyens de leu!'


1iti.'c appr{~hender, Les Catholiqllcs prévoyent aussi lenr dcr-
11 J. 27




NOT E".


lIíereruine palo son absence el commcncent a sc plaindre lJUl'
ccttc Princesse les veuille aínsy abandonner. Ses Prebstres


mesme qu'ElIe faít dessein d'emmener avee Elle jugent encore
que de grands obstacles se présenteront a IcUi' retom'.


«Ce sont des raisons que l'on pourroit employe¡' pOli!' dé-


tom'ne!' l'exéculion de ce voyagc, au eas qu'on ne l'enst pas


agréable; lesquelles penvent estre encore appuyées de l'assn-


rance que donne lH. de lHayenne qu'Elle n'avoít auellIlC indis-


position qui I'obligeast a respirer un autrc air que celuy e1'An-
¡(Ieten'e. Si loutesfois cc voyngc estoit agréahle, il scroit aisé
de diminuel' les jalousies que le Parlt..'Inent en a eonecues, ¡.al
les aSSUfanees qu'on luy donncroit que le séjnllr C\¡, eeHe Prin-
cesse en Francc 11C servÍl'a qu'a la ,'emettt'e dans les sentimellts
(lu'Elle doiht avoi,' pou\' le bien eommun des alTaires, it qllo~
le cOlnte de Holland pourroit Iwau('onp servir., ... H


t( :2: 1 fénh . :r 16!¡ l.


"Le eomte de Holland luya dit (a l\loulereuil) que la créau('('
qu'il commen<;oit d'avoir llue la nOylle d'Allgletefl'e passeroil


en France, I'avoit fait différel' d'escrire a mOllseigl1eUl' le Car-


dinal avant qu'il l'en euat advertie. J)ellx joufa apres. ledit
f:omte luy dil qu'il avoit jllgé plus a proras d'en dire un mol
al\ Roy de la G.-B., qui, au lieu d'a,oi,' désagréable qu'il es-
crivit, l'avoit meme exeité á le faire; qu'aussi Lien il avoi!


résolu de se déclarer pllLliquement sC'l'vitclll' de la France et de


Illonseigneur le Cardinal, et que eeHe lfualité estoit trop glo-


"ieuse POlll' ne voulo;!' pas 'Iu'elle fut cogncue; el lui tlonna




NOT ES.


une leUre pour son Éminenee. La créallcc qu'il a eue que la
Royne J' Angletert'e aIlant en Ft'anee ne deseouvrit quelque ehüse


de eette lettre, a eontribué a luy faire demander au Roy de la
C.-B. la permission de l'eserire ....


.. La Royne d'Angleterre dit publíquement qu'il ya une treve


arrestée pour trois ans entre la Franee et l'Espagne, el que ces


deux eouronnes vont unir leUl's forees pour la venger et pour


défendre les Catholiques.


« L' Ambassadeur ordinaire de Hollande luya dit (a Monte-
rcuil), qu'il cut desiré que M. de la Ferté cut esté en Angleterre
el qu'il estoit temps de eommeneer quclque bon traité entre la


Franee, l' Angleterrc et les Eslats .... "


(t 22 février 164I.


« f'ault dire a Forster et mander a lUontereuil que le Roy ne
reecvroit pas seulemenl la Rcyne sa srenr en Franee, au eas que


sa santé l' oblige~t a y faire voyage, mais qu'iI seroit bien fasehé
qu'elle n'y vinst paso


« Mais que eomme l'aftcetion que S. M. a pour la Reyne de


la G. B. luy donne ses sentiments, la part qu'ElIe prend a ses
intérests faít qu'Elle ne peut ne luy dire pas qu'il fant bien


qll'Elle se doulle garde de venir lllal 1l propos en Franee, dans
la con joncture des alTaíres présentes ;


« Qu'en telles occasions qui quitte la partie la .perd;
« Que sa sOl'tie d'Angleterre tirera indu~}itablement apres Elle


la ruine des Catholiques, et peut-estre la sienne propre pour


tOllsjours, et eeHe du Boy son mary et de ses enfants;
" Que <lam de si ¡¡;rauds chan¡¡;ements, eomme sont ceux qui




4~w NOTES.
sont en Angleterre, il faut eraindre qu'on passe aux dernieres
extrémitez, ineapables par apres de touts remedes;


« Que e' est a la Reyne de se donner un peu de patience, jus-
ques a ce que le mal qui la presse soit sur son retour, auquel
cas ce qui augmenteroit maintenant son mal seroit capable d'y


apporter une entiere guérison;


« En un mot que le Roi ( beaucoup de ratures précedent ce
qui suit) eognoist la pensé e d'un tel voyage si préjudieiable pour
la Reyne, qu'il eroil'oit estl'e responsable devant Dieu, s'íl ne


luy l'eprésentoit.)) - ( Cette note est probablement du CaT~
dinal. )


"Le Siellr Monterellil.
«( 7 mal's 164r.


" .... On croit que la Royne de la G. B. a receu lettres de


France par lesquel)¡~s on lui mande, qu'encore I[u'on dcsire for!
son voyage par dcla, on ne juge point que l'estat présent de ses
affaires lui doive permettre d'y aller, ny qu'i! soit a propos
qu'Elle abandonnc maintenant le Roy son mary. Elle paroist fort


peu satis faite depuis quelques jours, et le P. Phílippe a dil
a une personne de condition que le Parlement donnoit de grandes
traverses a eette princesse, maís que Monseigneur le Cardinal ne
luy donnoit pas de moindrcs déplaisirs. Elle parle de retarder


seulement son voyage, que l'on eroit toutesfois rompu. »


Alltre, du 14 mars 1641.
« II a fait savoir au comle de Holland les senliments que ron


a, par de<ta, du voyage de la Royne de la G. B., lesquels il a




NOTES.


lrouvez conformes aux desirs de louls ceux qui sont bien inten-


tionnez ponr l' Angleterre et qui soubaitenl de conserver.l'union


des deux Couronnes. Illes a aussi fait sc,¡avoir a quelques ~utres
du Parlement, d'autant plus volontiers que eette Pl'ineesse pu-


hlie maintenant tout le eontraire de ce qui en est,. et dit qu'on


I'a desiré extr.lmement en France, soit pour dissimuler seu-


lement l'excuse qu'EIIe a receue, soit pour faire que les An-


glois ne sachent pas l'obligation qu'ils ont a Monseigueur le
CardinaL ..... La Royne advoue qu'Elle eommenee a se miellx
porter de jolll' en joU!', et qu'Elle n'appréhende presque plus
ecHe consomptioll qui estoit ou la cause ou le prétexte de son


voyage. "
Autre, du 21 mars J 641.


« •••• La Royne de la Grande Bretagne ne cache plns a ses
domestiques le ressentimenl qu'Elle a de la responcc qu'Elle a


)'eceue de France, jusques a di re qu'EHe ne voudroit pas racheter
sa vie par un voyage en ses quartiers, si Elle I1'y aUoit pour


reprendre les prétentiolls que les Roys d' Angleterre eruient avoit·


SUI' eet Esta!. ... ,.


Lettre du meme.


" .... Ce 'lui se passa liier au Parlement vous fera connoistre


qu'on n'est pas icy sans jalousie du séjour de Montagu a la Cour
( de Franee) et san s erainte que la France veuille s' entremettre
des affaires de ce pays : a quoy, outre les discours du présidenl
La Laune qui le dit icy avec impuclencc , dcux choses ont clonné


licu, prillcipalcmctlt les ,ai,seaul( qui s'équippent aux ports d{>




NOTES.


Bretagne pour le secours de Portugal, et quelques bruits qut>


les domestiques de la Royne d' Angleterrc font courir sonrde-


ment, que Monseigneur le Cardinal qui a seeu establir avee tant


de gloirc l'autorité royalle dans la Franee, voudra empcscher


qu'elle se des.truise en ce pays. Je erois bien que ces hrllits ne


font impression que sur le peuple. Mais eomme il a la premiere
part au Gouvernement d' Angleterre, on a aussy un intérest par-


ticulier de le destromper, ce que j'cssaye de faire moy mesme,
et de faire faire eneore par eeulx que je eonnois avoir plus de
crédit dans le Parlement et plus d'affection pour le service de la


France. »


N OTA.-. Dans une lettre du me me jour, M. de Montereuil rend
compte de ce qui s'est passé a Londres et an Parlement, a l'oeca-
sion des monvements militaires et des efforts que lit le Roy pour


sauver le eomte de Strafford. A l'occasion de ces évenements,


({uelques personnes de la maison de la Reine prirent la fuite,
partieulierement le lord Germain. Le Parlement qui efut ave!'


raison que la Reine avoit dessein de les suivre, la lit prier de


rester a Londres ou Elle seroit plus en sureté qu'a Portsmonth.


La leUre suivante explique ce qui est relatif a la Reine. "


Du méme, 23 may 1641.


« Le bruit que la France armuit contre I'Angletcl'l'c .... ,'est


augmenlé de lelle sorte que le vendre(ly 17. may le Sr. Pi me lit
"({avoir a la Maisoll Haute, de la part de la Basse, '1u'al're, a\O;1
t!xawillé les dCilscins de;;culx (¡ui avoiCUl l'ris la fuite, ils avo¡,',1l
trouv,; flu'j¡, ilf' ,":;"Ienl pa,e,- "(lt,lt'ut,'z d,' ynul"ir "'"1'10\ o',




'rOTES.


I'année angloisc conln' I'Anglct('lT", ny <l., lever de Ilouvelles
fon'es dan s le pays, pOllr desll'uirc sa liherté, et. pour delivrcr


le lieulcnanl d'Irlande, (Strafford), mais qu'il y avoit de tres
puissantes preuves qu'i1s youloien! se senil' des armécs cstran-


geres, et. faire cntrer une armée fl'anlioise en cepays, JI demanda


ensuite qu'on dépntiit qnclques uns des deux Maisons dll Par-


lement ponr s'asseurer de Portsmnth ou ceUe at'mée debvoit


desccndre, el. qn'on donnat les ordres nl~cessaires, ponr tenir la
milice des provinces voisines en estat de marcher au prémier


commandement qu'elle cn recevroit, ce qui fut aussy tosl cxé-


cuté; et le vi~omle de Mandeville avec les chevaliers Clothworthy
el Stapleton y furent envoyez des le soir.


« Soit que cculx du Parlcment ayent voulu se servir de ce


bruit, auquel les domestiques de la Royne de la G, B. el les


Calholiques anglois n'ont donné que trop de fondement, ponr


avoir un prétexte ele faire armer la emnpagne afin de reduire le


Roy de la G. B. dan s la néccssité de confirmer la Billette dn
Parlement conh'e le Lieutenant d'Irlande, qui passa le suÍ!'
mesme dans la Maison Haute, et pour oster a ce Roy la volonlé
de le conserver, en ll1y en ostant la puissance; soit qu'en effet


ils ayent creu véritable ce qu'i1s n'ont pas jngé impossible, iI est
cet'tain que ce bruit s'est augmenté de plus en plus, et qn'il se


diet samedy malin publiqllemellt qu'on avoit recen la confit'ma-


tion des Soup(;ons qu'ou avoit eus les jours préeédents, que eelte
armée donl on avoit appréhendé la venue s'esloit emparé desja
des isles de Gerzay et Gl'pnezay. Je re~us trois ou quatre hiJIets
de mes amys sur Ips di" hellres, par lcs'fu('ls ils m'advertirellt




NOTES.


qu'on tenoit eeey pour assuré, et me priel'cnt ou de me sau-


ver si les ports estoient ouverls, 011 de me retirer quelque


part s'ils estoient fermez; que la Royne de la Grande Bretagne se


disposoit a prendre la fuite, Je jugeay ce conseil peu honneste;
et me confiant en la honté et en la sagesse du Roy et de Mon-


seigneur le Cardinal et en ma pl'Opre conscience, je courus a la
Cour ou je trouvay que l'allarme y esloit plus grande que I'on
ne me I'avoit expdmé, que touts les domestiques de la Royne


de la G. B. avoient pl'is avee eulx tout ce qu'ils avoient de plm


précieux, et que les earrosses de eette Princesse attendoient au


pied de I'escalier, en apparenee ponr la mener if Wimilthon ,
mais en cffet a Portsmouth, Je seeus qu'elle avoit pris eeHe réso·
lution, sur la peur qu'on lui avoit faiete qu'ensuittc des hrnib


'luÍ avoient COUl'U on desiroit g'asseurcr de sa personnc et de
celle du Roy son mal'y, s'il refusoit de conlinller le bil!ct eontrp


le Lieutenant t!'Irlande. J'allai tl'Ouvel' M. I'Evesque d' Angon-


lcsme (Uu Perron, Grand-Aumunier de la Reine), tI qui jc rerré-
sentay le tort que se faisoit la diue Dame Royne : que la fuitt~
esloit un moyen pou!' haste\' le mal qu'Elle appl'éh~ndoil, et pom
les por ter a l'exécution el'une entreprise dont iis n'oseroicnt ras


alol's avoil' eu la pensée, outre qu'il y avoit peu d'apparencl' lIy


que son elépart put estre secret, le [aisant en plein jou!' el le
eommuniquant a tant de personncs, ny qu'il fut assez p\'ompl
pour se sauver avee tant de personnes a sa suite eL emporlant
heaueoup de bardes ayee Elle; qu'il y ayoit eneorc eleux choses


a eousidél'cr, el le peu d'assurance qu'Elle ayoit que Porlsmllll,


tint pon!' Elle:, pI le rlan¡;cl a11i1Ul'l j<~I'" {'xp()~el'Oil "l' qlli "",




NOTES.


teroit de ses domestiques et t.outs les Catholiques qui vivent iey.


"lH. I'Evcsquc d'Angoulesme, qui a agi durant tout ce dé-


sonh'e ave e une extreme prudence, me tesmoigna qu'i1 estoit


dans les mesmes sentiments; maio qu'encore qn'ils fussent tl'es


justes, ils seroient difficilement escoutez de la Royne de la
G. B. 11 me dict flu'il trouvcroit moyen toutesfois de les rcpré-


senter, et jugea a propos que j'allasse chez le P. Philippes, et
quclques unes de ses femmes, pour les porter a faire le mesme,
affin d'essayer a oLtenir tous ensemble ee qu'ils ne pourroient
pas peut-estre gaigner séparément. .Te feis ce qu'il me ¡lrOpOSa, et


je dis de plus au P. Philippes que je le priois de s<¡avoü' de la
Royne de la G. H., si elle ne me commanderoit rien pour son


se¡yice durant ces déso¡'dres, et de la vouloir asseurer que le


Roy prenoit une part tres partieuliere en son affliction; que ponr


le dcssein qu'elle t:1isoit. présentement, estant celuy qui pouvoít


davantagc sur l' eapril de cette Prineesse, il estoit oLligé plus


r¡u'aueun autre de les porter a changer une résolution qui lui
esloit si ruilleusc, 'lile si je n'apprehendois po.int de donner de
nOlneaux sOU!J':OIlS á des personncs extremement jalonses, jC'
m'irois jettcr aux pie!!s de la dille dame Hoyne, ponr la sup-
plyc\' au n01l1 du Roy son {¡'ere de demeurer.


"Le P. Philippes me fit response '1u'il n'y avoit pas d'appa-


rencc qu'i1 luy put faire changer de dessein; que les personnes


de eondition (Iui luy avoient eonseillé de fuir, avoienl seClI saIlS
doute le dan¡;er 'Iu'dle eouroil en demeurant; qu'on le jugeroit
collpable dc loul k lllal 'fni luy alTivcl'Oit ¡. Londres, s'il la prioil


de loe poinl I'arlir. Ellfil1, iI 111 '('n dit asst'z 1'''"1" m" fitirc croin'




NOTES.


qu'il avoit autant de pan 'Iue personne ~ la résolulion 'fue cellc
Prineesse avo;t 1'ri5e.


«Je ne s<;ay si toutes ces ehoses eurent ql1elquc pom·oir Sil\"


l'es1'rit de eette Princesse, mais j'appris a midy qu'elle avoil
changé rle dessein, ce qui arriva tres heUl'eusement pon!' eUe,


pat'ee qu'elle apprit c1eux heures apres cIue le Colonel Gorin moil.


informé le Parlcment de tout ce qui se passoit, el (Iue cetle fuite
eust eneore esté de tres grand préjudice pour sa léputation ....
(On s'abstient iei de dire ce que rapporte M. de JHontereuil. )


"J'avois pensé des le jour précédent de quelle sorte je df'bvois
agir pour assoupir ce bruit qui s'estoit espandu du grand armc-


ment qui se faisoit en Franee pour porter la guerre en Augle-


terre; et, bien que d'abord j'eusse esté tout prest de demander
aurlianee aux deux Chambres du Parlemeut, pour représenter


eomme e'estoit une ehose· qui n'ayoit pas mesme apparenee de


vüité, j'avois toutefois jugé CJu'il estoit plus a pro pos de prendl"{'
une autre voye pour deux différentes raisons, l'une afliu c¡n'ils


l1e s'imaginassent que ce fut plus tost une apologie pour la Roync


de la G. n. et pour eeulx qu'ol1 aeeusoít t!'avoir "ouln faire ell-


trer eette armée en Angleterrc, qu'un esclairc.íssement pOlll' la


Franee, et l'autre pour ne lcur pas faire penser qu'on cust trop


penr de les faseher, ce que ces peuples s'imaginent fo1't aysé-


mento Je m'estois done contenté de parler seulement a ceulx de,
deu"" maisons du Parlement qui y ont plus de c1'édit et avee 'luí


j'ai d' avantage de familiaritl(, a 'luí j'avois rcprésenté le peu d'ap-
parcnee qu'il y avoit que des pcrsonl1cs ljui s,;eusscnl ]1'5 &1-
Llil·es présentes s'imaginas,clll 'fll<' le Hov voulut lai'5(,\' ('11 !la;'




N 0'(' ES.


la maison d' Autriche, clans un tcmps oú il Y a si grand suject
de croire qu'illa rangera a la raison, ponr s'aller faire de nou-
veal1x ennemys, et qu'il voulut 1'0mpl'C aVec le Parlement et


tout un Royaumc allié , pOUl' sal1ver le Líeutenallt d~lrlande, que
I'on s<;ayt avoír esté tres confident a l'Espagne et IJeu affectiollné


a la France; que je s<;avois que durant que le Hoy de la Grande-
Brelagne avoit encore un partí en Anglelene, et que les deux


ro)aumes étoient diviscz, le Hoy n'eust pas mesme voulu escou-
ter les propositions qui eussent pu tendre en quelque fm;on u
affoiblir i'union des deux Estats : ce que je me contentois de dí re
ainsi en général, sans en venir a de plus grandes explieations;
(¡u'íl y avoit peu d'apparence qu'il eust voulu entendre a un
dessein de (;ette nature, en un temps oú les affaíres du Roy de
la Gl'ande-Bretagne cstoíent el1tierement désespérées; qu'il y
avoit une armép- sur les frontieres de Flandre , et une flotte sur


la coste de Bretagne; mais que c'esloít IIne ehose cognue de


tout le monde, qu'on alloit défendre le POl'tugal avec celle-cy,


et attaquer la Flandrc avec ceHe-Ia,


"J'avois eommencé a insinller ces sentimcnts des vendl'edy 31.1


soir; ct n'ayant pu rencontrer ce jour la le eomte de Holland,
je l'allay trouver samedy, aussy tost que la résolution du parlc-
ment de la Royne de la G. 13. fut changée; et apres luy avoi ..


dicl les lIIesmes choses que j'avois représenté aux autres, fad-
jOllslay que je rn'adressois a luy comme a celuy quí avoÍt plus
dc coglloissan('e qll'auclln dll desir qu'avoient .eu le Roy et Mon-
""i¡.;ncul' le Canlínal d'enlrclcnir entre les deux Eslats une cstroite


",Iio" '" 11111' 1.111111» ¡"telli;;clil''', '" df'S offires qu'ils avoient fajc!'i




NOTFS •


. pour empescher qu'elle se put l'Ompre ou refroidir; qu'il s<¡avoit


que le voyage en France de laRoyne de la G. B. avoit esté rliverty


sur eette eonsidération; qu'un ambassadeur seroit iey dans peu de


jours, qui eonfirmeroit eneOl'e plus partieulii~rement ee que je luy
disois; que je le priois eependant de parler de eeey a ses ami s ,et de
le vouJoir représenter de ma paft a Messieurs du Parlement estanl
assembJez, pour leur faire s\;avoirque j'estois iey pom' répondre d"
tout le mal qui arriveroit, ce que je jugeay a propos de taire dire
publiquement, pour asseurer tout ce que nous avons iey de Fran-


\;ois. Aussicela eontentafort c"1I1x du Parlement, etservitheaucoup


pour empescher que ceulx de notre nation ne recenssent aucune


injure, ce faux brllit s'estant presqu'évanouy au mesme temps ...•


Ces documents suffisent sans doute ponf montrer sous quel point


de vu" politique le Cardinal de Richelieu considéroit les trouhles


de l'Angleterre. Il n'y voyoit pas la question de la Royauté en


péril, mais la question des inlérets de l' Autriehe, auxquels la


Reine mere et la Reine d' Angleterre étoient dévouées. Cependanl


lorsque M. dc Montereuil écrivoit cette derniere leUre, le Par-


lemcnt venoit de présenter au Roi la eondamnation du Comte


de Straffort, et un bill qui enlevoit a ce malhcureux Prince le
droit nécessaire et constitnlionnel de dis~oudrc les Chambres.


QlIelques mois apres sunint la révolte et le massacre d'Ir-
lande. Le Cardinal, qui vouloit enlever aux Espagnols leur in-


fillence naturelle sur l'insurreetion de eette He, s'empressa dclier


eles n{'!00ciations avec le gouvernement insllrrectionnel. Nous en
avons donné la preuve dans les notes TH'él'édentes.




NOTES.


Enfin, jusqu'a la mort du Ca¡'dinal, I'Ambassadeur de Franee
"ut des liaisons intimes avee les Seigneurs révoltés d'Écosse et
les chefs du Parlemcnt d'Angleten'e. Lorsqu'en 1642 Charles Ier,


escorté de cinq cents Gentilshommes dévoués a sa personne,


vint a la Chamhre des Communcs pour ureter Hollis et cinq


autres chefs du parti parlementaire, il ne les trouva point. J'a-


vais prél'enu mes amis, dit I'Amhassadeur, et ils s'étoicnt mis


en sli,'etti. lIs avoient fait plus. lis avoicnt armé le peuple, el de


ce lIIoment la Hévolulion fllt complete el insul'montable,




f,30 "'fOTJeS.


NOTE CINQUIEME.


Mémoire su,. l' Ir/mide. (An Marqnis de SEIG"U,,\ Y. ;


(Vo,el Tm!. n, LIVRE XII, pa!!" 1 I:I.


1689.


" ,\10KSIEUR,


"Je croyois ponvoir vous enlretenir, la derni"rc fois que j'al
en I'honncul' de vous voir, sur le sujel (Iu mémoirc ci-inclus.
lUais vous voyant for! ineoJllmod,; de la gautte, jc n'ai pas -
voulu vous en imporluner. Je vous en ai fait un petit mémoi1'e


pou1' le lire a loisir, vous assnrant que l'avis se trouvera tres


salutaire et tres néeessaire aux intérels dn Roi, s'il veut se


mettre a couvert ponr jamais de ton tes les insultes 'lu'il peut
craindre du coté de l' Angleterre. Si on attencl pour le metlre 11
exécution que le H.oi ti' Angleterre soít tont 11 fail rétabli en An-


gleterre, vous n'y réussirez jamais, paree que tons les Anglais
l' en détoul'l1el'ollt. Ergo dum tempus habemus, operemur bo-
numo Sal sapienti. II est inutile de demandC'r a un si gl'and ::\li-


nis!re le sceret. Je :,uis \o!re tres hnmble el tres obéissant 5er-


"iteUl' que vous eOllllOitl'cz bicn a la prcmi¿'re oc('asioll."




N, 01'}; s. 4,') ¡


"Avis tOllclwnt ¡'Irlande.


n 11 semhle 'lu'iI est de l'intéret du Roí de Franee, aussi bien


,,1I(~ de celui du R. d'AngC, de mcttre I'Irlande sur un bon pied
"11 tonte maniere qn'elle pnisse en tout temps faire tete 11 l'An-


g\¡'tel'l'e, soit qn'elle se l'évolte contl'e son Roí légitime comme


sonvcnt elle fait, soit qn' elle enLrCpl'enne sur la France en se


joignant it ses enllcmis ; ee qu'elle est tOlljom's prete I1 faire et
Il'attend que I'occasioll pour se déclarer et faire voir en effet la


haille illvétérée et implacable qll'elle pOI'te a la France, Un ré-
rablissem


'
parfait et cntiel' de I'lrlande, clalJs tous ses droits •


Ilhertés et pri,ilégcs dus a une natioll libre et fidele telle qu'est
l'e pays, "uériroit infailliblemeut, tant pour le présent que pour


ravenir dcux grands inconvénients, et retiendl'oit I'Angleterl'l'


si fOl,t en subjet'tion, qu'elle n'entreprendroít jamais ríen ni
contre son Roi ni contre la France, el ne seroit pas meme en


état de le faire.


n Si on desit'e savoir en quoi consiste ee rétablissement, on le


fera voir aisément, ct on trouvera que ron ne proposera rien


flue de tres juste et tres raisonnable, :Mais pour s'y prépal'er et
lJien réussir, iI est néeessaire que le Roi de France sache que


les Anglois, tant catholiques que pl'Otestants, ont une maxime


mviolable parmi eux a l'égard de l'Irlande, c'esl a savoir, qu'ils
aiment micllx que les protestants meme rebelles d' An¡;leterre


soient plnstot maitn's de /'Ir/ande que les natifs catholiqnes du


paya (ils appellent cela en leul'langue, engli.;·h ¡,lterest, c. a, d.
l'inu;/'(1( angloü). flui 111' vcut pas dire sl'ulement sllivant Il'ur




NOTES.


pensée, que les Irlandois soient sujeta lidt,Jes, loyaux et am~('­
tionnés du Roi el de la Couronne d'Angle, mais (]lJe leurs biens


et personnes soient toujours en proie a toute la líe du pellple
d'Angleterre, el qu'ils en puissent disposer cn tout temps comme


bon leur semble, soit pour pacilier el. concilier lcurs rebelles,


soit pour enrichir ¡eurs pauvres, en donnant aux uns el anx


autrcs le bien de ces catholiqlles d'lrlandc, sons qllelqne pré-


texle de Rcligion ou de faux complots ql1'nn Titus Oatcs on


antre jurera coutre ellX. Et (,'est ainsi que tonts ceux f(ui font
de la peine aujourd'hny an Roi en ce paya la y sont rétablis,
soil sous le regne d~ son graml pere Jacf(lles Ter, qui a établi
tOIlS les gueux d'F;eosse dans le rJOrel de I'Irlandc, dans les biena


uSllrpés sur la nobles se catholif(ue, soit sous I'usurpation de
Cromwel, qui a établi la eanuille rebelle .1' Angleterre partout
dans le bien des eatholiques, paree ,[n'il, JI(' youloicut pas
re nancer a I'obéissance el intéréts ·de Charles Stuart (ainsi ar-
pelo¡t-il le roi Charles II). Jamais aucun homme riche d' Angle-
terre ne va s'établir dan s ee pays. II n'y u 'Iue IcUl's gueux et


eanailles qu'ils y envoyent pour les y enrichir, et de misérahles


faire de grands Seigneurs aux dépends des Irlandois; el ponr


ceUe mison, ils trouvent que ce soit fort lem Íntér€t de tcnÍr
toujours ce pays lit, non dan s une sujettion honnele ct raison-
nahle, mais dans un esclavage si 1'01'1, '11\(' les natifs ne jouissent
ti' aueUlle liberté eonvenahle a des sujets ehréticns et libres, ni
ponr l'état ecclésiasti'1uc, ni pou\' JI' ciyil, ni lIlilitaire, ni mar-


(~hand, eommc 011 pent aisément lilirc "oir par détail, s'i\ éloit
nécessaire, tant les AlIglois catholiqlles comme protestants Ollt




NOTES. 433
a creur ceUe maxime d'intérét anglois en Idande, expliquée a
leur maniere comme cidessus. Et pour pl'euve de cela, il suffit


d',apporter une instanee pour tout.


« Le marquis d'Ormond (apres duc), dans la guerre de J 6 41,
étant Vice-Roí d'Irlande, et réduit a n'avoir plus de }llacc con-
sidérablc entre ses mains ni a sa disposition que la ville de Du-
hlin, et voulant se retirer hors du pays apres la mort tragique


de Chades Ier, et ve~¡r en France aupres de la Reine mere et
du Roi Charles 1I, ayant mis en délibération des Anglois tant


catholes que pl'Otest', auxquels il devoit remire plustot la place,


ou aux catholiques irlandois (qui faisoient actueJlemt la guerre
pour le Roi contre les ParlemcnteS d'Anglc ) ou aux Parlemen-
taires qui venoient de trancher la tete au Roi sur un échaffaud ,


iI fut conclu tont d'une voix, qu'il ne falloit pas hésiter de


la rendre plusto! aux Parlementaires, ce qui fut ainsi fait. On


ouvrit la porte a Cromwell pom entrer par la en Idande avec


une grosse armée, bien de l'argent et autres nécessaires pour


conquérir ce pays, qui ne voulut jamais, a quelque condition
que ce fUt, renoneer aux illtérets du Roi; et ainsi leur bien de-


vint la réeompense des soldats du vainqueur. Et il n'est pas a
douter que les Anglois aujourd'huy ne eonseillent la meme chose
en pareille occasion, et qu' on a grande raison de croire qu'i1s ont


toujrs marché sur ce pied et agi par ceUe maxime tacitemt , de-
puis que le Roi est en ce pays, ce qui a tant retardé le sueces


de ses affaires, lemporisant parlout el favorisanl les ennemis, de


peu\' qu'ils ne fussent lous chassés du pays et fJlIe les Irlandois


en devinsseut maitres absollls. Cesl la pensée de la plus grande
lIT. 28




434
et plus saine partie du moins qui connoit ce pays lit. Pour preuve


de l'instance ci dessus, il suffit d' alléguer ce qu' en dit milord
Castle-Haven, dans ses mémoires laissés au public sur les tran-


sactions de ce temps lil. Ce cte de Caslle-Haven étoit d'une an-
cienne, noble et catholique famille d'Anglcterre. Son litre néant-


moins, avec quelque hien, étoit en Irlande; et les catholiques


irlandois I'ont fait un de leurs Généraux pendt la guerre ol. il


s'est bien comporté. Cependt étant consulté par susd. lord d'Or-


mond sur le cas c.i-dessus rapporté, il fut d'avis comme les


autres, qu'illle faIloit point hésiter 11 mettre la ville de Dublin


plustot entre les mains des Parlementaires que des cathol"S d'lr-


lande, quoiqu'ils portassent les armes et fissent la guerre pour


le Roí eontre ces Parlementes. C'est lui memc qui nous a laissé


cette confession ingénue dana ses mémoires, qui nous instrui!


assez de l'illclination de tous les autres Anglois pour l'Irlande;


et M. d'Ormond disoit toujoul's qu'il avoit ordre du Roi meme
d'agir ainsi, prévenu sans doute de cette maxime par mauvais


conseil, ainsi que pourroit etre le Roi d'aujourd'huy si I'on n'y
prend pas garde. Je ne sais si les Anglois se persuadent par cette


maniere d'agir. que le Roi ou plust6t le peuple d'Angle trouvera


mieux son compte, maia je suis tres asauré qu'ils ne se mettent
pas en peine des intérets de la Franee, et qu'au contraire ila


veulent par cette maxime laisser toujourll le peuple u'Ange en
état de nuire a la France, et lui faire pel'dre cette oecasion du
rétabJissemt d'Irlande (qui ne se lrouvem possible [peut etre]
jamais) pour courber l' Angleterre et se mettre en sureté contre
toules les insultes, aussi bien que leur propre Roi, contre toutes




NOTES. 435
¡enrs révoltes. POUt· confirmation de tout cecy, il faut savoir


qu'on ait entendu dire a myl. Dower ( que tont le monde con-
noit), par maniere de plainte et d'appréhension, apres qne le Roi
d'A. fut parti ponr a\ler en Irlande, que s'il donnoit liberté de


commerce aux IrIandois , l' Angle seroit ruinée.
« Pour conclusion de tout ceci, on croit, sauf meilleur avis,


qu'il y va tout a fait des inlérets de la France de soutenir 1'11'-
lande conl1'c cette maxime pernicieuse et inique, et la rétablir


sur le meilleur et plus fort pied possible, dans tous les libe1'tés,


droits, immunités el privileges dus a une nation libre et fidcle a
son Roi, tant pr la sureté et repos de la F¡'ance, qne pour ceHe


de lenr propre Roi et le bien de la Religion; el, ponr ce faire,


qu'il faut que le Roi d' A. ne soit point conseillé ni gonverné ponr


les affaire s d'IrIande par d'aut1'es que par l' Ambassadeur de


Frallce et les gens du pays meme, et on verra que tout ira bien.


Si on disoit que le Roi d' A. perdroit beaucoup en Angleterre par


le commerce, s'il donnoit cette liberté de commerce en IrIande ,


on répond qu'il trouvera en Irlande ce qu'il perdroit en Angle·


terre, outre tous les autres avantages qui s'y rcncontl'ent pour la


sureté et repos de son rcgne.
«v. a-




1,36 NOTES.


------------------.. -------_ ..


NOTE SIXIEME.


Sur un e COl~iuration cont re la P ersonne de Guillaume lJ l.


Au commeneemellt de 1696, Jacques II avo;t persuadé 11
Louis XIV, qu'une grande insurreetion étoit préparée en Angl/'o
ten'c, et qn'elle éclateroit an mom/'nt ou i\ se présenteroit 5111'


les cotes de France avee des troupes de débarquement.


Les tl"Oupes demandées furent mises en mouvement et réunies


vers la fin de février entre Calais et Dunkerque. Elles devoient


s' emharquer avee le Hoi d' Angletcrre aussitot que l'ínsurrection


promisc au nom des Jacobites aumit éclaté. Louis XIV hata


lui-meme le dépar'[ de Jacqucs II, quí partit de Saint-Germain le
28 février. «J\bis,» dit-il dans ses Mémoires', «il partít plustOl


«qu'i1 n'en avoit eu l'intention, paree que la Cour de France le


« pressa de se mettre en voyage. Par ce moyen, l'alarme fut don-


"née avant qu'i! en fu~ temps; et les amis du Roi n'ayant pas
" pu agito en Angleterre eomme ils l'avoient projetté, tout ce des-
« sein se trouva par la rompu. »


11 est tres vrai que l' expédition éehoua eomplettement, et ce
nc fut pas la faute de Louis XIV, a qui Jaeques II n'avoit dit


que la moitié des ('hoses.


r Tom. IV, pagc 376.




NOTES.


En cffct, le due de llel'wick avoit ét.! emoyé récemment en An-


gletelTe ¡lOUl' exeit!'r les Jacobites a unc pl'ise d'al'mes. Ceux - ci
de leul' c,ité avoient dépUlé a la COUl' de Sailll-Gennain sil' Powel,
'1ui promettoit a Jacques II une illsurreetion générale, du TIlO-
IlIent ou ce Pl'ince auroit mis le pied sur le sol bl,itannique avec
ulle armée, Celte eondition du débarquement étoit absolu, .fine


qud TlOTl ; et malgré tout son enthousiaslIle, sir Poweln'avoit pas


dissimulé ce point capital. lUais Jaeques II n'osa point en averlil'


Louis XIV, dont la tlotte ell'al'lIlée ne devoient quiUer les 1'01'(,


de Franee 'iu'an 1II0lllent oú j'insurrcctioll auroit éclaté,
Ce fut dans ccUe disposilioll des choses que Jaequcs II pal'lÍl


de Saint-Germain le 28 févricr. A Saint-Denys il reucontl'a uu


coulTier de son tils le dile de Berwick, et le trouva lui mClllc a


Clennont. La iI apprit ce qui étoit alTivé en An,;leterl'e. 11 chargea
le Uue de poursuivre sa route pour Saint-Germain, u'osa pas


revcuÍ!' sur ses pas, et ar .. i va le 2 lIlars a Calais, accable des plus
t.ristes l't!llcxions.


"A peine, dit-il r, fut-il al'l'ivé a Calais, que la lIIauvaise 101'-
tune l[ui le poul'suimit le 1'01"(;'1 de l'e1l01H~CI' a toute "'pél'ance. 11
appl'it que plusieul's Gelllilsholllmes ayoient été ar ... !tés, a cause
d'un complot eontre la pel'sonne du prince d'ürange; ce qui


causa dans tout le royaume une si grande fel'mentation, qu'il


fa\lut aballllonuer jusqu'1t ['idée d'Ulle insulTcction des Jacobites,
el bien plus ellCO!'e celle t!'uue descente du Uoi, quand mClIle les


FralH;ais y anl'Oient consenti ... Le Boi épl'Ouva UII slIl'croit de


1 Tom. lV, lli.I~(~ 3HH.




438 NOTES.
rlouleur en voyant que son projet étoit rompu, ses espérances
détruites et ses amis perdus, parce qu'ils s'etoient opinitltrés


rl user de moyenr pour lesquel,r ils n'apoientjamais eu le con-
sentement et bien moins l' copprobation de S. M.; cal' on lui
en avoit plusieul's fois fait la proposition el ill'apoit toujours
rejetée. "


Eu eontinuant son récit, Jacques II déclare que ces projets
eontre la personne de Guillaume remontent a l'année 1693, et
qu'il s'y opposaj qu'une seconde proposition fut renouvelée
quelque temps apres et qu'elle fut également rejetéej que pour
la troisieme fois, elle fut reproduite au commencement de 1695


par un noromé Crosbie ou Clench, qui demanda des pleins-
pouvoirs signés de S. 1\1. Jacques 11 s'y refusa encore, et défen-


dit a Crosbie de rien entreprendre de semblable. Mais a peine
de retour a Londres, Crosbie annon~a qu'il recevroit des pleins-
pouvoirs.


"Il Y en eut a la vérité, continue Jacques ll, qui n'ajouterent
aueune foi a ses discours; mais d'autres plus c:rédules ou plus
zélés allerent jllsqu'a louer un vaisseall qui dcvoit servir a ren-
levement. En attendant, 1\'1:. Charnock ayant eu qllelques soup-


~ons, écrivit en France pour connoitre la véritéj et quand il ap-
prit que tout ce qll'On lui avoit dit étoit fallx, lui et touts ses


amis y renoncerent.


"Sir Georges Barkley se trouvoit pourtant en sccret a Lon-


dres. On a dit plus haut que des ordres lni avoient tité donnés


pour faire la guerre au prince d'Orange et pour se mettre a la
tete des insurgés. On lui proposa a eette occasion l'anden projet,




NOTES. 439
auqucl il accéda; et, en conséquence, on se pl'épara a attaquel'
le }ll'ince d'Orange avec quarante hommes a cheval, soit quand
il ¡roiL a Richmoncl, soit quaml íI en reviendroit. On sait que ses
pow!oirs ne r autorisoient a rien de semblable. "


CeUe entreprise fut manquée, Ceux quí la dirigeoient soup-


\:onnerent depuis que Crosbie avoit averti le prince d'Orange, el


que le courage ayant défailli a deux des 35 complices au mo-
ment de l'exéeution, ils Jirent prévenir le Prince du danger qui


fe mena<¡;oit, Guillaume en effet l'ebroussa chemin, el revinl a
Kensington, avec ses ehevaux hors d'haleine. Quelqlles-uns des
wnjurés furent pris; la terreur du supplice leur fil avouer le
seerel et les auteurs du complot,


L'ordre donné it Georges Barkley étoit ainsi con<;u' :


.. .JACQUES, Rol.


" Nous donnons pouvoü', enjoignons et commandons expres-
sément par les présentes it nos fideJes sujets, puisque telle est
notre volonté eL notre plaisir, qu'ils aient a prendre les armes
el a faire la guel'l'e an prince d'Orange, usurpateur de notre
trane, et a 10uts ses adhérents; a se saisir el a s'emparel' de lontes
les forteresses, villes et ch:i.teaux situés dans nos Étals d'Angle-
tCHe; et a exercer, sclon que l' oecasíon s' en présentera, touts
les aetes d'hostilíté envers ledit prinee d'Orange eL ses adhérents,


quí pourront etre jugés (l'accord avec notre intéret, afin de par-
venir par lit, de la maniere la plus convenable, la plus juste et la
plus sure, it notre reslaumtiol1 et a leur délivrance; et Voulons


1. Tom. IV, llage 393




NOTES.


que c~tte présente leur sen'e d'autorisation ponr tout ce qu'ils
feront en vertu de nos cOllllllandelllents royaux.


(( DOllw: en nutre Cour de ,snint ~ Gcrmain en La~ye,


(( te ').7 Décemul'c 1695. ))


Ce fut sur cct ordrf', que Sil' George Barklcy partit le meme


jour de Sainl-Gcrmain et s'oecupa de l'insunection qui devoit
préééder l'embarquement.du Roi el des troupes fran~aiscs. lHais
les chefs de l'cntreprise jl1gerenl plus expéditif de s'adresser
directemeut a la personne du Prinee d'Orange, et penserent


que le succes les absoudroit facilement aux yeux du Roi.


Quoi qu'il eu Boit, l'expédition p1'épa1'ée par Louis XIV pou1'
souteni¡' l'iusurrection promise u'eut. aucnue suite; et voiei


comment Jacques II s'expliquc 11 cctle occasion '. C'est la l'objct
principal de ceHe note.


" Outre le mauvais sucees de eeHe expédiLion, qui lui fut


comlllUIl avec les autt'es, elle cut eela de particulicr, (Iu'elle
donna lieu a rélJandre du louche sur la conduite du Roi, comrne
s'il avoit consenti ou donné son appmbation a un attentat


contre la personne du Prince d'Orange : attentat qui, a ce
qu'il paro/t, avoit été imaginé par eerlains Genti\shornmes, qui


croyoient par lit rendre un scrvicc signalé a Sa lHajesté. Leur
premier projet aVQit été de surprendre, de saisir le Prince d'O-
range et de l' ernmener en France; mais sentant que eette ('n-
t¡'eprise devenoit impraticaLle, s'i!s vouloient trop scrupnlen-


sement épargner sa vie, ils se laisscrenl peu a pcu entrainer


TOlll. IV. page 3:~




NOTES.


j usqu' a.déeider qu' ils l' attaqueroien t qualld iI reviendroit de Ham p-
ton-Court ou de la ehasse; et, s'ils ne trouvoient pas moyen de


I'emmentr en vie, alors, de ne pas faire diffieulté de le tuer.


" Ce n'est pas íci le líeu d'examiner aquel point un pareil


projet pouvoit etre d'accord avec les regles de I'honnenr et de
la conscience, ou de rcnouveler les arguments d'un certain


onvrage, publié du temps de Cromwell et intitulé; Tuer n'est


pas assasSlizer; cal' le Roi n'ayant eu aucune connoissance


de ce pro/el, n'ayant donné aux conspirateurs ni ordre ni ap-


probation,. tout ce que Sa Majesté eut de commun avec eeLte
affaire, ce fut de souffl'ir, sans l'avoir mérité, et dan s sa l'épu-


tation et dans ses intérets; cal' ees malheureux Gentilshommes,


el1 pal'tie par des malel1tendus, et en partie par exd~s de zCle,
perdirent presque touts la vie, foul'llirent aux ennemis du Roi


une occasion de renouveler les calomnies dont ils I'avoient


lIoirci, et attacherent le peuple et le Parlement, qui commen-


soient a balancer, plus fortement que jamais aux intérets du
Prince d'Omnge. Aussi beaucoup de personnes soupsonncrent-


elles que ce Prince (d'Orange) avoit été lui-meme le premier
auteur de ce projet; cal' iI est certain que ce fut lui qui en
retira le plus d'avantage. Il est plus que probable que Croshie,


qui fut un des plus ardents conspirateurs, avoit été employé,


par le Prinee d'Orange, a persuader au Roí d'y entrer; cal' cet


homme ayant été envoyé a Saint-Germain par les amis du Roi ,


fut a son retour en Angleterre jeté sur-Ie-champ en prison;
puis, ayant obtenu sa liberté sous caution, il revint en France,


ou il pressa le Roi d(' lui donne)' la commission ele s'empareF




44~ NOTES.
du prince d'Orange; et, quoiquc Sa Majesté la lui cut refusée
nettement, il nc laissa pas de réitérer sa demande dans une


Jettre qu'iJ écrivit d'Angleterre. Le Roí voulut qu'on se contentat


de lui répondre qu'il étoit fou, et que sa conduite ne dounoit


que trop lieu de soupc;¡onner sa fidélité, ou qu'il n'étoit pas


naturel qu'apres avoir subi un emprisonnement et un prod~s
criminel, n'étant encore en liberté que sons caution, il se per-


mit un voyage et une négociation si dangereuse, a moins qu'il
ne fut gagné pal' le prince d'Ol'ange. On pense bien en effet


que ce proces ne se seroit pas terminé d'une maniere si favo-


rable pour lui, s'il n'avoit pas promis de l'endrc quelques ser-


vices dignes d'une indulgence si extraordinail'e.»


00 vient d'exposel' iei l'apologie de Jacques II, telle qu'il l'a


faite lui-mcme sur un événement qui lui devint si funeste. Saos


examiner si le prince d'Orange gagna CrosLie ou non, il est


avéré qu'il y eut un complot eontre la pel'sonne et en définitive


contre la vie de Guillaume IlI; que ce complot fut dirigé par


ceux a qni Jacques 11 avoit donné ordre de lui faire la guerre;
que les uns adopterent cette maxime: Tuer n'est pas assas-


siner; el que les autres crurent a la paro le de Crosbie, qui se
vantoit d'avoir les pleins-pouvoit's du Roi. On pourroit ajouter
que J acques Il, daos son apologie, ne se montre pas tres-ferme


sur l'horrible maxime qui vient d'etre eitée. 01', ce fut pré-


cisément eette mollesse de principes qui engagea l'auteur de


cette histoire a faire des recherches sur ce point historique, afín
d'avoÍl' une idée plus juste, plus certaine, du vrai caraetere de
Jaeques 11 et de ses malheurcux Conseillers.




NOTES. 443
Voiei done ee qu'il a trouvé, parmi un grand nombre de


papiers relatifs aUK affaires de Jaeques n, a Saint-Germain:


" 1693. - (Écrit au crayon.)
"Comme le prinee d'Orange, eontre toutes les lois de Dieu,


les lois des nations, et eontre touts les devoirs et engagements


de l'affeetion naturelle, san s aueune provoeation préeédente,


sans aucuue prétention ou couleur de droit pour couvrÍl' son
ambition et ses mauvais desseins, a injustement envahi nos
royaumes, et, en usurpant un pouvoir tyraunique et arbitraire


sur les vi es et les biens de nos sujets, les a exposés aux plus
grandes miseres et qui ne peuvent s'exprimer; et qu'a moins


que nous ne prenions soin d'en prévcnir les suites, la ruine de


nos royaumes est inévitable, uous voulons contribuer, autant


qu'il dépcnd de nous, a lem soulagemcnt, et prévenir une plus
grande effusion de sang; nous vous autorisons par ces présentes,


nous vous requérons, et vous eles par ees présentes autorisé


el requis de vous saisir et llssurer de la personne du prince


d'Orange et de l'amener devant nous, prenant, pour vous as-


sister, tels aulres de nos fideles sujets en qui vous pourrez
avoir le plus de confiance; et nous commandons et ordonnons


a touts nos Sous-Lieutenants, Députés-Lieutenants, 1\laires,
Shérifs et autres officiers civils el militaires de vous assister en


la due exéeution du contenu de ceci; et pour ce faire, la pré-


sente vous servira de garand.»


En marge, el de la meme écrilure, est écrit ce qui suit: Prendre
l'ordre du Roi pour ecril'e au Gourcrncur de Boulognc, en
fal'eur <iu sieur C. La date 1693 est écrite au erayon; mais la




444 NOTES.
piece elle-me lile qui n'est qu'une minute, suit immédiatellnmt un


Mémoire remis le ler octobre 1693 au lord Mclfort, 3m un


projet d'invasion en AlIgleterre.
La questiun ici est de savoir si le sieur C. e,tlc Croshie donl


parle Jacques n. La piece suivantc paut lever les doules.


« De MOrtse~~neur, a lJf. l' Abbc Renaudot.
(( 2 nOl'cm]n'c 1693


«MONSIEUR,


«.Te dois réponse a vos Letlres des 28 et 31 octobre aussi biell
<[u'au Mémoire que vous m'avez envoyé sur les affaires d'Angle-
tCITe, dont j'ai fait ce malin leclUre au Roi.


" Mylord Midleton m'avoit donné part de I'cllvoi du sieul'


Crosby en Angleterre ,et comllle il y a fort long-temps que je
n'ai vu le mylord Melfort, je ne suis pas surpris qu'il ne m'ail
rien dit.


"S. M. n'approuve pas que je donne au sieur Crosby un lHé-
moire signé de moi; mais'~"il vous faitpart de ses instructioTls,
et du Mémoire anglois que vous me témoignez approuver, j'cn
rendrai compte a S. M ..... Je vous envoic cependant la Leltl'c (Iue
\OUS m'avez demandée pour le Comlllandant de Calais, aljll 'Iu'jl
11e donne aucun oLstacle a son passage.


« S. M. ne juge pas a propos que je contribne a laire venir
ici le ehevalier de Mcntgomllléry; et a vous dire le vrai, jI Y a si
peu d'apparence que son projct puisse réussir, qu'il vant mieux
laisser au Roi d' Angleterre le 50in ti' cntl'clcnir ectlc illtrigue, SI


elle lui est utilc, que de se rendre en qucl'luc fa~on garalll dll
succes .... :u




NOTES. 445
Que prouvent ces leures? La l'éponse parolt asscz facile.


JaCf{UeS II se défend d'avoir tlonné les mains au complot tenté
conll'c Guillaume IIl, au commencement de ] 796, par Crosbie
et llarkley; mais comme ce complot remontoit a l'année 1693,
il cst évident que Crosbie se Cl'ut autorisé a faire, enr 796, ce
qu'i1 avoit été re'luis de faire en 1693.


Terminons par une citation qui pOUl'ra faire juger l'état de la
Cour de Saint-Germain; c'est une IcUre du sieu!' de Melonierc,


offieicl' franc,;ois, el n~ligionnaire fug1tif, aUaché a Guillaume 111.
1Il'écrivoit, le 10 novembre 1693, a M. D;mtin, son frere, qui
aut devoi!' l'envoyel' a M. Amelot, Ambassadeur de France,
a ***


En marge. - Reell al'ee la déplehe de M. Amelot, du 6
déeembre.


" Je ne sais encore rien de positif sur ma destinée pOUl' le


Piémont ..... Le Parlement continue dan s les memes tlispositions


pour bien soutenir la guerre ; a quoi l'imprudence et la mauvaise
conduitc de quclqucs Mylords affectionnés au Roi Jacques a


heaucoup de parto Ainsi, dans leUl's manieres, ils vont a notre
hut, quoiqu'ils aient envie de faire hien du mal. •


(En marge de ce qui suit, M. Amelot avoit mis; "Rtjlexion du
sicur Dantin,qucje n'ai pas cru del'oir sllpprimer, quoiqu'elle
m' ait paru hardie:)


« Je prends·la liberté d'ajouter a cette leUre de mon frere une
réflexion essentielle au service du Roi; et je supplie M. l' Am-
b3ssadeur de la !'egarder comme I'effet d'un OOn úle, pour les


véritaLles inlérels de S. M. C'est I'éloi{!;nement «u Roi d'Angle-




NOTES.


terre de la Cour, el un ordre précis de sa part aux Ministres


attachés a son parti de delllcurer dans l'inaction. Cal' touts les


1II0uvements qu'ils se donnent sont impuissants et ne servent


qu'a faire don.nm· par le Parlement au prince d'Orange tout ce


qu'il veut avoir ..... Enfin, tout ce qui se fait en Angleterre par


les créatures du Roi d' Angleterre a tant de part aux profusions


du Parlement en faveur du Pl'ince d'Orange, qu'il seroit de la


Jel'Oiere conséquence d'en faire cesser la cause pour en faire


cesscr l' effet .•


Si I'on compare maintenant les faits que ron vient de rap-


porter, et la eommission donnée a Crosbie en novembre 1693


pour les J acobites, avec le manifeste publié pour les Anglicans


dan s la meme année (voyez note 6), on comprendra comment les
Anglicans refuserent de croire a la sincérité du Hoi, comment


les folles entreprises des Jacohites les rehutcrent, comment les


Théologiens de la Reine et <lu Roí furent el'un avis contraire a
celuí de Bossuet, et pourquoi enfin le lord Melford écrivoit au


Cardinal de Janson : Le manifeste n'est que pour rentrer.




NOTES • 447
... _ .... _-----_..-_-------,--_ ... _""'"


NOTE SEPTIEME.


Lettre ou apologie du Comte de Sunderland.


(Voyez TOM. III, LInK XXIII, page 364.)


LE comte de Sunderlal1d, trouvé déguisé a Rotterdam, fut


mis en liberté par ordre du prince d'Orange. La lettre suival1te


qu'il écrivit a un de ses amis fut répandue a Londres, dans le


mois de mars 1689 :


• MONSIEUR,


"Pour satisfaire a ce que vous souhaitez de moi, je vous en-
tretiendrai de quelques affaires, dont nous parlames ensl'mble


avant que je quittasse l'Angleterre. J'ili occupé un poste d'un
gral1d éclat, san s pouvoir et sans aval1tage pendant que j'y étois,
et pour ma ruine a présent que j'en suis dehors. Je sais que je
ne puis pas me justifier, en disant (quoique ce soit la vérité) que
j'ai cru avoir prévenu divers malheurs, et que quand j'ai trouvé
que je ne le pouvois pas, j'aurois dit quitter le service. Meme ce
ne doit pas ctre une excuse pour moi de dire quc jI' n'ai obtenu
aucune des choses qui d'ordinaire engagent les hommes dans les


affaires publiques. Ma qualité est la meme qn'elle a toujours été;
tnon bien est beaucollp diminllé et meme I'uiné, quoiqllej'eusse




NOTES.


succédé a un considéraLlc, et que j'ai honte d'avoit'dissipé: Ct'-
pendant je serois Leaucoup plus honteux, si je l'avois aug-
menté par des voies indirectes.


"Mais pour eontinuer ee a quoi vous vous attendez : la préten-
tion au pouvoir dispensatif étant, non seulement la premiel'e


chose qui a été la plus désappl'ouvée depuis la mort du feu Roi,


et étallt eependallt le fondement de tout le reste, il faut que je
commenee par une chose on j'ai eu si peu de parto


"Je n'en ai jamais oui parler, jusqu'a la rébellion de Mon-
mouth, que le Roi dit a c!uelques-uns du Conseil, dont j'étois,
qu'il étoit résolu d'employer les Catholiques Romains; étant con-


venaLle que toutes les personnes qui pouvoient scrvir utilemcnt


et sur lesquelles on pouvoit se fiel', pussent servir. Je crois que


chacun s'opposa a cet avis, mais inutilement, ainsi qu'on le vil


d'abord. Le parti catholique étoit si ravi de ce que le Roi avoit


fait, qu'i! lui persuada d'en faire mentían dans son discours a la


premie re assemblée du Parlement; ce qu'il fit apres plusieurs


disputes pour savoir s'il étoit convenable ou non, a quoi je
m'opposai toujours, ainsi que savent divel'ses personncs fort
considérahles, dont quelques-unes étoient d'un autre selltiment;


cal' je croyois que cela engageroit trop avant le Roí, el vrai-
meHt cela choqua en sorte le Parlement qu'il fut jugé 11 propos
de le proroger.


" Apres quoi le Roi s'appliqua d'ahord iI souten;r le pouvoir


dispensatif, qui est la chose la plus chiméric{ue qui ait ja-
majs été sur le tapis, ct le sera toujours, juslju'a ce que le GOII-
vernement d'Anp;leterrc sojt aussi despotique qu'eu Turquje, -




NOTES.


puisque tout pouvoir est inclus dans ce seul. C' est le sentiment


que j'en ai toujours eu; et quand j'ai entendu des gens de loi
le soutenir, je n'ai jamais changé d'avis ni de langage. Cepen-
dant le Roi continua son chemin, la plupart des juges étant en
sa faveur; et ce fut la principale affairc d'F.tat, jusqu'a ce qu'un
le regarda comme établí.


"Alors la COUl' Eeclésiastique fut érigée, dans laquelle yayant


lant de personnes eonsidérables de divers rangs, je n'ai pu qu'y
avoir la moindre part; et apres que des gens de loi eUl'ent dit au


H()i qu'elle étoit légale et tout autre chose que la Cour de haute
commission, jc puís assurel' de bonne foí, ainsi qu'íl peut etl'e
connu, que pendant un long-temps, j'ai défendu le collége de
la Magdeleinc, simplement par soins et adresses, J'ai cent fois


5upplié le Roi de n'accorder jamais des rnandats, ou de ne
changel' la moindre chose dans le cours ordinait'e des affaires


ecclésiastiques : ce que le Roi trouvoit souvent raisonnable, Mais


pal' de conlinuelles importunités, il ful gagné contre son propre


sentiment; ce qui est propremcnt le cas touchant le collége de la


Magdeleine, ainsi que de divers aull'es,


" Ces affaires que je tachois de remIre inutiÍes, quoique S3ns
sueees, m'attirerent la colere et la mauvaise volonté de plusieurs
de ceux qui approchoienl le Roi.


" La chose qu'on essaya ensuite fut d'aholir les lois pénales el


les Test; el I!lusieurs ayant pl'omis d'y conconrir, le Hoi la
<Tut favorable, lUais il aper,.ul bientot apres que cela n'aurqit


jamais été fait par le Parlement d'alors; ce qui fit que les Catltn-
liqlles souhailercnt I¡U'¡¡ fUI ('assé : a rluoi je fus ~i brl contrair ..


[l!




450 N OT ES.
qu'ils se pLaignirent de moi au Roí eorome d'un homme qui


ruinoit touts ses desseius, en m'opposant a la chose (lui seule
pouvoit les faire réllssir, la liberté de conscience étant le fonde-


ment sur leque! il devoit Les batir.


« Ceei fut mis sur le tapis en premier lieLl par le lord CLifford


qui en seroit ven u a bout, mcme du temps du feu Roi, n'avoit
été sa foiblesse el celle de ses Ministres. Cependant j'empechai
pendanl plusieurs semaines la cassation du Parlement, en di-


sant au Roi, qne le Parlement d'alors auroit fail tout CQ qu'il


pouvoit souhaiter, a l'exccption d'abolir les lois pénales et les
Test, OLl d'accorder son pouvoir dispensatif, et que tout autre


Parlement, quand meme on en auro;t un tel qu'on le proposoit,


n'auroit jamais probablement révoqué ees lois, et que s'ille fai-
soit, il n'auroit assurément fail la moindre chose pOLlr le soutien


du Gouvernement, quelque bcsoin qu'il en eút.


« En ce temps-Ia, Le Roi d'Espa¡;ne étoit malade. Sur quoi je
dis plusieurs fois au Roí, que s'il venoit a m01uir, iI am"oit été


impossible a Sa Majesté de maintenir la paix de la Chrétienté;
/ju'il falloit s'attcndre a une guerrc qui auroit intéressé princi-
palement l' Angleterre; que si le Parlement d'alors eontinuoit, il


pClLlvoit ctre siu'de tout le seconr, ct scrvicc qu'il pom-oit souhai-


ter; mais que s'il le eassoil, il falloit ahandonncr les affail'es


élrangeres, cal' aueun autl'C n'anroit voulu l'aidel' (¡ue sous des
eondilions qui l'uineroient la lTIonal'elJie; qu'ainsi, tant par le


dchor" que par le dedans du l'oyaume , il se vel'wit ruiné si le


Parlement venoit R eln' (,¡¡SS", <'1 (¡u-il pOlnoit arrivpr <ks ellOS/"
f¡ui all\'oienl re'luis nl(ccssnir("IICIII le S<,COllrs (1<- ,.O\} penpl,"




N OT.E:';. 1,51
«Je I'l'présentai ces choses el diverses autrcs au Boi a diverses


fois, eL en pal'ticulier et en enlendant les avis des aull·e5. Mais


le erédit d'autres personnes ayant prévalu aupres de lui, le Par-


lement fut eassé, et alors commencerent les enh'etiens du Ca-


binet Closelting 1, et il y devoir. avoir un antre parlement qui
devoiL eu'c gagué par eette voie. Mais aS5urément, ni moi ni au-


cun de mes amis n'en I'urent la canse, quoique plusieurs d'eux


sou/frent a présent et que j'aurois bien voulu sauver; el ji me
faut. eonfesser avee doulenr, qu'apres eeUe résolution du Roí, el


que je voyois qu'il n'y avoit plus de remede, je ne quittai point
mes emplois ainsi que je devois; mais je servis meme, p01l1'
faire assembler un autre Padement .


. «Dans le plus fo!'t des soins qu'on prenoit pour cela, et pen-


.tant qu'on régloit a eelte fin les corporatious, le Roí frouva a
propos d'()l'(lonner que sa déclaratiou ponr la liberté de conscience
fut lue dans toutes les Églises : dont. je ¡mis prote5tel' solennelle-
ment que je n'en avois jamais oui parler un mot, jusques a ce
f{Ue le Roi le proposa au Conseil, ce qui hilta la I'equete de mylord
Areheveque de Cantorburi et des alltres .Éveques et leu!' persécu-
ti'on, a laquelle j'étois ouve!'tcment eontl'aire. En sorte que dis-
cOUl'anl continll.ellement ponr en démonl!'e¡' I'injnstice el I'im-
pmdencc, je m'altirai la fnrie des Catholiqucs l'Omains a tI'l
point et si unanimcment, que je fus SIlI' le poinl de faire lIau-
frage, et jc souhailerois d'elre alo!'s péri. 'Hais, quoi~IU(, je r.~",


-------------------


T Ou Cabiu(:( d'intrjgul'~ :"I."crt'·!l'., C't.:~1 el" (f'I!' I'UII IlOUlIllil .Hh;;j. I'!JlqW:\'I(iOfl d"
(;ub"¡d.




NOTES.


sottement pour me maintenir, je continuai a el1'e toujours l'objet
de leu!' haine; el je résolus de servir le puhlie de mon mietlx. Je
suis sur qu'une honne partie des Protest.ants Ics plus eonsidé-


rabies qui étoient alors a la Cour, peuvent le témoigner, aussi
bien qu'unc personne fort éminente du pays, que j'avois enh'e-
pris de persuader d'entrer en affaire avec moi, ee qu'il auroit


pu faire, pour m'aider a résister a la violenee de eeux qui avoient
le pouvoir en main. Mais désespérant de pouvoir [aire quelquc
chose de bon, il ne voulut point s'y engager.


"Quelque temps apres on re¡¡ut les premieres nouvelles des
dcsseins du PI'ince, qu'on regal'doit alors de toute aull'e maniere


qu'elles n'ont été, persollne ne prévoyant les miracles qu'il a


fail, pal' sa merveilleuse prudence, par sa eonduite et par son


courage; cal' les plus grandes choses qui ont été entreprises depuis


mil ans et au del a n'ont pu ctre mises en effet sans des vcrlus
,\u'on ne sauroit imaginer qu'on ne les voye de preso


"Au premier discours de sa venne,je pris l'occasion de presser
le Roi de faire diverses choses que j'aurois "oulu qu'i] eut fait
plustót, dont la principale étoit de rétablir le eollége de la


Magdeleine et toute autre dignité eeclésiastique, qui avoit été


conférée autremenl que comme on devoit, de lever la suspension


de Mylord Eveque de Londres, de remeltre les comtez entre les


mains de ceux qui les avoicnt allparavant, d'annu!er la Cou\'


ecclésia~tiqlle, el de l'ét~hlir cntic\'cmcnt )PS cOl'porations d'An-


gleterl'e .


.. Ct's dIOs!', fUf'cnl effectivem<:nl faitcs par l'aide dI' quelque,


per';OIlIlt'S 'lui app0l'}¡ojcnl du I\oi, el 1'011 el'ul alo\'s que je




N ü TES.


m'élois perdu moi-memc en me monlrant contrairl.! a tout le


partí Catholique romain d'une maniere sí ouvcrte. IIs disper-


serent touts les jours des libelIes contre moi ; ils dirent au Roi
que je le trahissois et que je le ruinois, en luí persuadant de si
)lOnteuses condescendances, mais surtout en empcchant d'arrelel'
les chefs des Pairs et des gentilshommcs mécontents (ce qui
avoit été pro posé comme uu moyen sur pour rompre toutes les


mesures du Prince), et en lui conseillant d'assembler un Par-
lement libre, et de faire fonds sur lui plustot que sur un secours


étranger.


" II est vrai que je lui donnai ces conseils, qui furent regardés
comme pleins de foihlesse jusqu'au dernier moment qu'il me
souffrit a son service. Alors je fus aCéusé d'entretenÍt' correspon-
dance avec le PriI1ce; et ou ne parloit parmi eux, sinon qu'oll


ne pouvoit attendl'e autre ehose d'une personne si proche que


je l' étois aux familles de Bedfol't et de Leieester, et si alliée au
duc d'Hamilton et an marquis d'Halifax. Et apres, ces accusa-


lions de haute Il'ahison faites conlre moi, et lesquelIes, avee


quelques autres raisons, ('oncernent les affaires étrangel'es, at-
tirerent sur moi I'indignulion du Roi: ensorte que je fus privé
de tout emploí sans aueune COllsídération; em'ore me crus-je
quitte a hon marché, cal' je ne m'attendois a rien moills qu'it
perdre la tete, ainsi que peu! certifier mylord Midleton. Je


erois que personne de la Cour ne le croyoit autt'emellt; aussi la


dJOse auroit passé de la sorte, si ma disgrace avoit élé différée


d'un jour.
"TOllles dlOses étant alIl51 rlíspobées, j(' fus privé de mes




l'íOTES.


charges le 27 d'octobre, les CathoJiques romains ayant travaillé


pendant deux mois aupres du Roi pour cela et sans rel:iehe, outre


les différentes attaques r¡n'ils m'avoient donné auparavant, el


¡'assistanee inusitée qu'ils eurent pour faire ce qu'ils eroyoient si


nécessaire ponr obtenir lenrs fins, dont ils n'eurent jamais une
meilleure espérance qn'en ce temps-lil, ainsi que peuvent se sou-


venir ceux quí alors étoient a Londre.
«Maís vous desirez que je ,·ous dise quelque ehose de I'lr-


lande, ce que je [erai le plus Lriiwement possible mais dans Ulle
exacte vérité.


«MyIOl'd TirconllC[ y étoit si aL~o[u, que je n'ai jamais eu le
erédit de taire un enseignc ou d'yen maintenir un, non plus


que de garantir quelques amis, pOlll' lesquels je m'intéressois
ueaueoup, de la derniere oppression et injustiee, qUOiqllC j'y
fissc touts mes efforls. )Iais par mes soins et ma diligence, élant
a la Cour et lui en étant ah5e11t, je détounlai la couvecation d'un
Parlement en ce royaume la, qu'on a"oit dessein d'y convoque!'


afin cl'altérer les actes d'établissement. Le chef de justicc Nu-
gent et le baron Rice fur~nt envoyés en Anglelerre avec un projet
d'aete pour cela, et munis de toutes les raisons imaginables pour


por ter le Roi a y consentir. On m'offrit quarante mille liHes sler-
lings pour m'y taire concoul'.i." ce que je dis au Roi . .Je lui re-
présentai en meme temps l'injustice de ce qn'on lui proposoit et
le I)l'éjudice que cela feroit a ce royaumc-lit; et je le fis avec tant
de sucees qu' il résolut de n' en rien faire cette année la, et
meme peut etre jamais. J'étois soutCllU pour cela par quelques
ami" el rartietllii~ .. crnellt par my-Iol'tl Godolphin, qui sr;ait la




N OT ES. 455
vérité (le ce que je vous dis, aussi bien que les juges cidessus
nomméo et divers autres .


• Je ne veux point oublier de vous dire quelque {'hose 11 l'égard
de la France, Pllisqu'on a beaucoup parlé d'une ligue entre les


deux Rois. Je vous proteste que je n'ai jamais eu eonnoissallce
qu'il y en eut aucune; el s'íl y en a en une, elle avoit été faite
par quelques autres pel'sonncs, l' été précédent. 11 est \"fai q u' on


a\'oIt offert des navires fran~ois pour joindre a notre tloUe, majs
on avoit refusé de les accepter. Depuis le bruit des desscjus tlu
Prince, la France offrit daval1tage de navires; et on convint dc


la maniere dont ils seroient commandés, si on en avoit i, fain'.
Je m'opposai de toutes mes forces a ce qu'on les acceptar.'
aussi bien qu'" 1111 secOllrs de troupes; et je pui, di re en vérilé
que je fus le principal instrument po nI' empechcr ¡'un et I'autre,
par l'assistal1cc de quelques Lonls avec lesqueJs je COllSldtai
chaque jou}' et eux avec moi, pour pré\'enil' ce que nous croyolls
devoir etre de gralld préjudice et meme d'une ruine total e i, la
uatíon. Si le In'uit est V((ritable l¡u'il y a des troupes, des navil't's
et de l'argent qll'on envoye de Franee cn Angleterre, ji fant qu'oll
en soit convenll apres que j'ai été hors des affaires ou bans (Iue
j'en aye eu connoissancc; et si e'eut été alltrcment, je pense tIlle
pel'SOIlne ne peut croire que ma disgrace fut arrivée.


«lHon plus grand malheur a été d' etre cru le promoteur des


choses que je détestois et auxquelles je m'opposois, pendant que
(['autres queje poulTois Ilommer, Ollt étéles inventeurs et les au-
tcurs tlece qu'ils out eu I'aclresse de jeter sUI'!es autres; el j'ai été
souvenl assez fOl! tll- me laisser ('harger de ce que mOll maitre ¡noit




NO TES.


dessein de faire, quoique je iisse tóuts mes efforts pour le ('.on-
trariel' .


• J' ai beaucoup d' autres malhe~l's et d' afflictions fort CUisa¡l tes.
J'espere qu'eUes ont servi a me faire réfléehir a leur occasion SUI'
ma vie dissolue, négligcnte et indiscrete que j'ai menée jusqu'ici,
ayant toujours été éloigné d'aucune bonne pensée, par les plaisirs,
par la paresse, par la vanité de la Cour ou par les affaires. l' espere,


dis-je, que je surmonterai touts les désordres de ma vie passée,
et que j'employerai ce qui me reste a supplier le Tout-Puissant
qu'il lui plaise ou de mettre fin a mes souffrances ou de me don-
ner la force pour les supporter: ee qu'il accordera infailliblement a


ceux qui se confient en lui, ce que j'espere que je fais avec la
soumission convenablc a un bon Chrétien .


• Je m'étendrois davantage sur ce sujet, n'étoit que je erains
que vous n'en attribuiez la raison a toute autre ehose qu'au véri-
table repentir de mes fautes, ce qui m'oblige a m'imposer le si-
lence. Je erois que vous vous repentirez de m'avoir engagé de


vous faire ecHe relation; mais je ne pouvois faire autremeut en
satisfaisant a ee que vous souhaitiez de moi .•


Lorsque sur la fin de 1693, .Tacques 11 négocioit avec Ic parti
anglican, et que Louis XIV préparoit une expédition pour rame-


nel' ce Prince en Angletefl'e, le comte de Middleton, quí étoit


l'intermédiaire du partí anglican et de la Cour de Saint-Germain,


procura au cabinet de Versailles des reuseignements nombreux


sur l'état de l' Angleterre, el en particulier sU!' les hommes d'É:tat
fluí fOl'mo;pnt le ministerc elle C()ns~il ti" Guillaullle III. Voi!'i ('C






N OT ES.


que 1'0n y trouve sur quelques-uns des principaux personnages


qni ont déja figuré dans eette histoire.
«Président du Conseil. - Mylord Danby, duc de Léeds.


Homme de grand esprit; ca pable de gou verner; entreprenantet mé-


cnntcnt du prinee d'Orange; a un grand erédit dans l'Église angli.
cane et beaucoup d'autorité dans le Parlemellt; est for! a ménager,
si I'occasion s'en présente, et on en peut faire un grand usage.


« Mylord Goclolplún. - Homme fin et adroit, qui témoigne
quelque inclination pour le Roi son maitre, Fin et adroit, mais


auquel on ne peu! paso premlre une grande confianee.


a Mylord Devonshi.re ( CarJendish). - De la premiere qua-
lité d'Angleterre et qui a beancoup de crédit dans le Parlement.


Ennemi déclaré de Mylord Snnderland. Il a toujours été contraire
aux intél'ets du RoL Mais comme on dit qu'il a a pl'ésent d'assez
hons selltimen 15, il est a méllager.


« Mylord Lindsey. - Grand Chamhellan. On le croit dans les
intérets du Roi : il doit etre aussi ménagé.


«Le cluc de Beauforl, ei-devant marquis de Worcester.-
Gouverneur de Cornouailles; est bien íntentionné ponr le Roí


et 5011 fils.


• Mylord Notlillgham.
ltabile homme et a ménager .


Mécontent du prince d'Orange;


• Marquls de Carmarten. - Jeune homme hardi et en!re-
prenant; suivra le parti de son pere (Danby, duc de Léeds) .


• 1J:lylord Mulgrave. - Bien disposé pomo le Roi,
« Mylords Clarendon el Rochester. - Touts deux bien iu-


!cntionnés; ,l'lIn grarul .. ré,lit darf6 rÍ~glise anglicane.




45H .N o T .E S.
«Mylord Sunder/and. - A été d'une grande con{idclIce tle-


puis six mois; a conseillé la cassation du dernier Parlemenl; on


el'oil sa faveu!' fort diminuée; J'autres l'accusent de trahir le


prince d'Orange; on nc peut ell'e trop en ganle sur son


eompte. »


l'IN DES NOTES.




TABLE DES MATIERES


DU TOME TROISIEME.


p,\Gt:S.


Sommaire du LÍlwe XXI, 1688.-(Sllite). 2
Pni:PARA TUS duPrinee d'ürange. --11 rcsoit une requete


pomo venir en Angletcrre, et faire vériíier la légitimité du
Prinee de Galles.


Sommaire du Livre XXII, 1688.-(Sllite). 46
Offl"eS et eonseils de Loui5 XIV a Jaeques n. - Déclara-


tion de la France anx États-Généraux. - Le ~omte Da-
vaux découvre tout5 les secrets du Prince d'Orange. -
Incrédulité de Jacques n. - Traité secret pour réunir
Ulle escadre Fran<¡aise avec la floUe Angloise. - Le lloi
désavoue toute alliance avec la Franee. - Sédition dll
régiment de Berwick. -Le Roi persiste dans son incré-
dulité sur les projets de Guillaume. - Louis XIV fai!
allaquer Philishourg. - Proclamation pour convoquer le
Parlement. - Suite des pl"éparatifs du Prince d'Orange.


Sommaire du Livre XXIII, 1688.-(Suite). 96
Lnuis XIV déciM a la guerre contre les États-Généraux.


- 11 se désiste de sa résolution, par pitié pour Jacqlles n.
- l1approchement du Roi et de I'Église Anglicane. -
Dernieres dispositions du Prince d'Orange. - Il part
pour I'Angleterre. - Dispositions de Jacques n. - Con-
cessions éq nivoqups.


Sommaire da Livre XXIV, 1688.-(Suite). ¡{,ti
:lapt6ml' dll l'ril]('l' de Calles. - EIHIlH'tc faite par le Roí




460 TABLE DES J11ATlimES.


sur la naissance de son fils. - La floUe du Prince d'O-
l'ange, dispel'sée par la tempete. - Second départ pour
l' Angleterre. - Conduite de la Cour et du R oi, en ap-
prenant les désastres de la flotte cnncmie. - Le comte
de Sunderland, disgracié. - Nouvcau ministere.-
Nouvelles offres de Lonis XIV. - Débarqucmcnt du
Prince d'Orange. - Indécisions du Hoi. - Conduite d"
Louis XIV. - Situation de Londres. - Armée royalc,
et. désertion du Lord Cornhury. - Pétitions pOUl' UlI
Parlement libre. - Le Roi va prclIdrc le comlllanderncnl
de 1'armée.


Sommaire dll Liv/'e XXV, 1688. -(Su/te). Ig!¡
Résolution d'e!lvoyer le Prince de Galles en AngletelTe.


- Situation du Prince d'Orallge. - Situation de I'ar-
mée royale et du Roi. - Hetraite du Roi et de l'armée.
- Négociation avec le Prince d'OI'ange. - La Hcine ct
le Prince de GaIles sont envoyés en FrancE'.-DépaJ'l
secret du Roi.


Sommaire du Livre XXVI, 1688.-(Suite). 23!,
LE' Hoi fait licencier l'arméc royalc. _ Gouvernemenl


pmvisoire, a PRolel de Ville. - Calmc et tcrrclll' pa-
nique a Londres. - Déclaralion des Lonls assernblés a
I'Rotel de Ville. - Le Roi est an'elé a Fevcrshatll.-
Le Conseil Privé lui envoie ses gardes et les ofíiciers de
sa maison. - Le Hoi revient a Londres. - Pitié du peu-
pie, el acclamations.-Embarras el condllite habile c1u
Prillce d'Orange.- II force le Roi de qlliuer White-
Hall. -Le Roi se retire 11 Rochestel'.


Sommaire du Livrc XXVIl, 1688.-(Suite}. 'l7(i
Assemblé" des Lords ,t VVestminstcr. -- Sr'conlk '>,·,,,ioll




TABLE n.ES ~IATIERES.


~Iu Roi -Son manifcstc.-Le gouvernement provisoire
cs! déféré au Prince tI'Omngc. - Le Roi a Saint-Ge.·-
maill. -Sa conduitc politiquc.-Expédition d'Irlande.


P.-\GES.


Sommaire du Livre XXVIII, 1688- 1689. 3¡{,
Convention. -Rill des Communes cOlltre le Roí. -Oppo-


sition de la Chambre Haute. - Le Princc d'Orauge dé-
ciare ses desseins. - Adhésion d('! la Chambre Haute au
bill des Commllnes. - Protestation de trente-si x Pairs
spirituels et tempOl·els. -Arrestatioll du comle de Sun-
derland, a Rotterdam. ·-Bill des Droils. - Guillaurne
et Marie, déclarés Roi et Reine.


Note Premi'ére.
Déclaralion de Rossuet su r l'Église anglicane. - Sa leUre au


cardinal de Janson. - Lettre du'lord Melfort au rnemc
Cardinal.


Note Deuxi'eme.
SUl' la Révocation de I'édit de Nantes. - Lettres de Fénélon,


de Bonrepaus et du cornte Davaux.


Note Troisi'eme.
Relations du cardinal de Richelieu ave e les IrIandois in-


surgés. ..


Note Quatri'eme.
Relations du cardinal de Richelicu avec les Écossois Cove-


nantaires el le Parlemcnt d' AngleLerrc. - Adresse du Co·
I'f'nallt a Louis XIII. - Lettres du cardinal de Richelieu
et dc la légation fran<;aise d' Angleterre. - Lettre de la
Reine d' Anglcterre, etc.


Note Cinqlli"éme.
Mptllllir(' sur l' lrlandc , ell 1(31).


369


393


399


/1 02




Note Sixieme.
Sur un (,omplot contre la personnc du princc d'Orangc.


Note Septieme.
Apologie du cornte de Sunderland, en 1689-


FJN DE LA TARLE DU TllOJSIEmE


ET DERNIE R vOr.UMF. •


•• ; '.¡~'.




ERRATA.


TOME PREMIER.


PACE 17/', LWNE 10, accueillirent avccferveur, liseL avecfu-
rcul'.


203, LIGNES 23 el 24, les éleclions se fircnt au lIlilicu
ele lafcrl'cur, lisezjureur.


30!¡, LWNE 18, si long -temps consentie, li5ez contestée.
:111, 14, eoulre les ConJlentionnels, lisez Conr'en-


ticules.
/


TOME SECOND.
PAGE 138, LIGNE 25, au jour fixé 19 aJlril, ¡isez 19 aoul.


175, - 6, trouver un asyle ou cacher, lisez ou cachet'.
299, - 3 el 4, par cettc uníon favorable, ¡ísez for-


midable.
:'12 1, LIGNE 15, 50llS le regirnc préeédent, lisez regne.
331), 25, et hienlot ilprit, lisez reprit.
339, 8, d1/a IIne autre ligue, lisez depuis, une


autre ligue.


TOME TROISIEME.
PACE 1 t¡, LIGNE 27, sans pouvo¡r maintenant, lisez san s voului,. ...


60, - 6, avec un extreme empressement, ¡iscz em-
ponemcnt.


81, LIGNF. 27, un poial essentiel, lisez sur un point es-
sentie1.


99, LWNE 15, ell'S ').7 et 300ctobre, lisez d@8 27 et 30
scptembre.


18J, LIGNES 2/1 el 25, de Calais a Duukcrque, lisez el
Dunkel'fjUc.


3t19, LIGNE 2K, séistance, lisez I'esistance.
Vio, 12, qni alloil rü:rlarallt, lisez déclamant.