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HIST()IHE


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EN EUBOPE






111 S T () 1 II E
111. L \


EN EUROPE
IIEPlilS SO:'í OHI(;INE "rsQr.\ :\os .I01H~


'I.FRA 1\CIS tA(:O~lBE.


TOME TIH)JSnnlE


P.\BI~: .UIYOT, HUE DE LA P,\I.\




AV J~.
L'auteul' et l'¿.ditellr dt \ eet oU\'1'age se l'éSel'Vl'lIt le drolt de le 1¡'aduil't'


HU de le faire traduire en tOlltcs iangues. Toulcs conll'ef~l('ons Ol! tr:¡-
dllctioIlo. faites al! mépris de lcul'':;; droit:, , sm'ont poursuivif's ell V('l't'i dp.:-
¡ois, décI'cts d traité~ intvl'[]a'ionall\




HISTOIRE
OE L\


MONARCHI~'.
., ,.


EN EUROPE. . .


rnA PTTnE XIX.


OT'T'TI ESSTON DES PEnLES PATI LES Twrs,


Sommaire.


La \[onarchie calholi(J1H.' universelle a disparn; mnis la '[onar-
chie politique llniverselle cssaie de se proeluire. - Les e1i1ws
f.:tals, mcnacés dans Jcur proprc existrncc, !le pemenl se sauwr
quP par le lléveJoppCIl10nt el'une ~r[\ndc forre coaclive et collec-
1 ivp. - 1'l'elllil're formation du (lroit inlrrnnlional. - La Frane,'
I"'I'IHI pi!'d ,'11 [laJir, )10111' se llIrlll'ü !t In t0te des l'uissilncrs el/l}-
tinctllales. - Charles "!l1 \"pul rcconstitner l'Empirt' II'Ol'ienl.
- Les cxpéditions el'ftalie son! d'alJ,m1 t'lltl'eprises dans ce but
plus que t<'mc'raire. -CollC!uülr ele :\aplps. - PremÍi'.rr coaJilion
Ik I'Enropc eOlllre la Frauce, qui esl rel'oulp(' elans ses anci"llnes
limite,. - nNol'lnrs grnrralrs op,'rrrs dans ce Hoyallllll' [nI'
Louis Xlf.-:\ son lilre ele Hoi dr, Franrr, il .. joule c('ux ti!' tille de
'Iilan, tic Boi (1es llpux-Sirilrs el de .Jérnsalt'lIl. - Conqlll\le de
\Iilan. - Trail¡' de Crl'lladl' par leque! Lonis X! 1 el Ven1-
nand-IIL Catllolir¡llc comirunenl (1e COlllpl¡"rir ellsemble el c10 ,r,
parla¡.:cr le l\oyalllllP de: \apI1'5. - Loyauté de Louis el trahisOll
dI' ¡.'.'relinancl. -- (;urrl'e l'nlrc la Franre el l'Espagne. - Avé-
lWIIH'1l1 de .lnlrs Ir. - l'oJ'll'ait ele re Pontife hrlliqueux. - Ses
('mjels. - Ligue de Cambrai. - HOlllC, la Francp, l'Espa;.;np,
1'\ 1]"lll.1,2:II(' nI plmirnrs principo.utrs il ¡iliclltlf's se rO:llisf'nt
rontl'e la HC")1llhlir¡nf: de "c!lisi' .. _- ,>twrí's rJes F!'ant;'ais RIl II/ilil'.
_ \'l·nisr (]1<']lOC(' I('s artlll'S el uI"gude. - L,' Pajle I:'aile aH'e e[le
el lout'tlC tous les cíforts ele la ligUE contre la France.-Louis XII


1II. (3t, 1




-2-
propose b. 1\laximilicn d'assembler un coneile pour juger Jnles II
et le déposer. - L'Elllj]('reur Yeut se [airc Pape. - Cuncilc de
Pi5e. - .Tules JI forme Ul1r: wil1te 1¡(JIf(} cOlllr0 la Franee. -
Gaslon de Foix l"11 llalit>. - ~l'S \ictllircs. - Balaille de l\a\CIJIlC
oü il meurt. - Sa mort rrtablil le.s aJrair!'" d,~ la ligue. - f.rs
Fran9ais, expulsés de l'ftalic, sont atlaqu('s dans lcm propre
tcrritoire par Fcnlinallcl, par f lel1ri \' II! d par les Sllisgrs.-
LOllis:\rr, n'05al1t plus luller contrc sa mallvai,;p 1'Ol'lnl1r, drmanc!e
la paix. - Caracl('rc ele ce 'lonarqnc, Sll1'1l01ll111r 1'1I1II.i, 1I
/Jien(aitcllr el le }/iTI' d1l l'clipll'. - A\{'llelllPllt dI' Franrnis 1"'.
- Gllene du :\Iilancz. - Le, Papl'. I'Llllppn·lll'. le J:ni dTspll;::¡I"
el la Sllissc c(¡ali,;", rOlltre la Franee. - t~alaiJle tIe ~Ia!'i~t}an. -
Cl'llc yicloirc c:l:crccJ'a UIJ/'. ilJf!llpnc:,! lkcisi\'/' sur tons ¡"s ('\'{'-
nrlllcnts tIu regne dI'. I'réitll:oi" in. - 'lorl de h~l'cl¡llal\(l-le-ca­
tholiqnc, - L',\rcllirlur C!J;¡rlr, ¡¡0rile (k ses \asles J.:taL'. -
Trait6 de :\o)'on. - Fin ¡les gllcrres Sllsei!0es pal' la li¿¡Ji' 11('
Camhrai. - ,\iort (le !'Enl[lel'elll' ~laxilllili"lI 1". -- Fl'illl\'ois 1"
el Charles-Quin! snllkitenl la cournnlll\ illlp,;rialc. -, i:lr'ctiOll
de ce ¡lemicr. - Lull¡cr. - La Il("I'Ol'IllC en plcin COlllillClll. -,
Consicl{~rations grnél'ales sur le Protestanlismc. - L',\lIenwglJl'
au XVI' et an XIX' si¿"de;;.


La Monarehie eatholique univcrselle n'existe
plus. Embleme de l'unité morale el positive dll
monde auque! elle imprima une dircetion sallltairc
durant tout le moyen - age, en rédlisant la théo-
eratie des États, e'est-tt-dire leur dépclldance
absolue de la législation divine, eette institution
eolossale a été dé trui te par le grand scltisme
({'Oecidenl, quí livra la Catholicité aux divisions les
plus sinbtres. Car les pra~~llllltiques - sül1clions,
üd.opt(~es par In France ('1 par l' Allcll111gne, don-
llcnl pUlir base reliJicuse. ú ces dcux vastes eorps




-3-


politiqnes, les principes révolutionnaires qui ont
prévalu dans les conciles de Constance el de Bille,
oú I'Église assemblée s'attribua une autorité su-
périeure a celle dn Pape, que l'on avait eonsidéré
jllsqu'alors comme l'unique dépositaire de la puis-
sanee spirituelle el temporelle ; comme étant spé-
cialement ehargé d'établir le regne de Dieu sur
la terre!


Puisque les maximes dn Gouvernement reli-
gi(mx viennenl de reeevoir une détermination nou-
,die, par suite de la grande scission qlli s'est
j¡ianifestée dans l'Église, les maximes du Gouver-
nement politique recevront, a leur tour. une dé-
termination analogue, des que la moindre divi-
sion se manifestera dans les États. Déjá leurs
diO'érends extérieurs marchent de front avec leurs
agitations intérieures. L'autorité qlli persuade les
hommes, tombe ; l'autol'ilé qlli contient les socié-
tés, va s'élever. CeUe erise falale, secollanL le
lí10nde au moment ou il se trollve privé de 10ute
direction providentielle, doit lui fJire subir pussi-
vernent toutes les formes du despotisme, avant
qu'i! puisse poursuivrc activcment toute5 les ré-
formes de la liberté. Aussi lu MOlll.lrchie politique lIIli-
verselle I'ssaierll-t-el!e dese créer,au mUieu des lut-




-4-


tes les plus mCllrtrieres, pour remplncer la Monar-
chie catholiqlle universelle, sous prétexte d'effacer
tout vestige de dualisme et de reconstituer l'unité
supreme dans la civilisation, par l'amalgame des
f~tats, ou mieux par leur dépendance absolue de la
loi du plus fort.


En eITet, certaios Poteotats, n'ayant d'nutre
mobile qu'lln principe de violence, d'oppression,
d'cnvahissement el de conquete, voudront s'attri-
buer une autorité supérieure a celle de tous les
autres Souverains, et devenir positivement les
maares du monde civilisé, en fondant leur exal-
tation personnelle sur la chute morale de I'espece
humaine. Mais l'ambition de ces Princes viendra
se briser contre la résistance des peuples. I\ ne
sera donné ú personne de conquérir un semblable
Pouvoir, qui exprimerait la destruction totale des
divers huts de !'humanité. Cal' l'unité ainsi COlU-
prise, c'est-adire rnatérielle et illl11l0rale, au lieu
d'étre un symbole de vie et de progres, n'est et ne
saurait étre autre chose que l'uniformité: syrnbole
de décadence et de mort ! La Providence ne pOllvait
pas remettre,· entre les mains de la Monarchie
universelle, ce fatal niveau que les démagoglles
donnent aujourd'hui pom embleme ú la Répu-




-5-
bliquc universelle! Et cependunt voilil trois si(~cles
que le monde politique lutte contre la merne
pensée, qni prend mille formes différentes! voila
trois siecles que les Souverains, tu teurs de socié-
tés distinctes, ont dú en garantir l'existence, par
le développcment d'une grande force, couctive et
colleclive, ayant pour objet, soit de contenir toute
al1lbition effrénée, soit de [aire échouer telles en-
treprises individuelles dont l'effet immédiat serait
I'inévitable anéantissement de la civilisation euro-
péenne. Presque tOlltes les coalitions des Puis-
sances continentales Curent créées sur ce príncipe
el clans ce but. Les États, sans cesse tenus en ha-
leine, tant par leurs débats intérieurs que par leurs
débats extérieurs, agirent et réagirent ainsi, les
UI1S sur les autres, de maniere a déterminer entre
eux diverses regles de justice en vertu desquel-
les chaque Nation, étant considérée vis-a-vis de
toutes les autres COlllme une personnc morale,
obtint des droits analogues u ceux dont l'individu
jouit lui-meme duns la sociéte á laquelle il
ü ppurLien t.


Ces droits, reconnus peu a peu, se trouvent liés
au systeme politi(!ue de l' Europe. On peut les di-
viser en de U! catégories, cal' ils sont absolus ou




-6-


inconditionncls, conditiotlllels ou reial.ifs. Les pr\:-
miers résultelll de la nalure meme des Étuts el de
leur propre exislence; les secollds résulteul d~ cir-
constances variables et de convcntions füiles entre
les divers Cabinets; leur ensemble cOIlslitue le
Droit international , dont la formation gl'"dwllc
exprime positivclllcnt la création progressive du
monde poli tique moderne.


Maís ce Droit, toujours vivant, n'eut été qu'une
leure morte, si I'on n'avait eu soin de le garantir
par la force publique et générale, qui devuiL sculc
rassurer les États faibles ou petits eontre l'übw
que les grands États aurüient pu rairc de leur pul;.;-
sanee particuliere. Déja. la France, l' Autriche,
l' Espagne et l' Angleterre se surveillaien t avee
autant de crainte que de jalousie, parce qu'clles
avaient acquis une consistance inlérieure si con--
sidérable, qu'elles formaient autant de centrcCJ
d'action extérieure en quelque sorte effrayantc
lJour toute l'Europe. La premiere de ces quatrc
Puissallces \Oulait prcndre pied en ltalie, afiu
d'etre a. la tete du lllouvement contincutaL Ses
brillantes cxpéditions au-dclü des Alpes tourneretlt
a. son proprc désavantage. Charles VLll, cxlrellle-
llleut jcune, aime la guerrc : passion toute fran-






',aise; mais il 1'éle un(~ conquete imrossible. i~:...­
pulser les Turcs (le l' Europe chrétienne, en lcs
refoubnt vers l' Asie, et relever l' Empire d'Orient
pom mieux dominer l'Occident : tel est le projet
du Roi de France. Plus ses moyens cl'exécution
se tronvent born(~s, pllls iI s'nltache á la pOUfStlite
de SOll entrcprise gigantesque. Les États-Géué-
J'JIU, convoqués a Tours, ayant réduitles revenus
de la Comonne au chifTre ele c¡uinze cont
mille livres, d cléclaré les tailles, qui par cy de-
I'a/lt Oilt en COlll'S, du [out toUlles et abolies, Charles
s'cxag(>¡'e ses propres ressources. Ne prévoyant
aucune défaite, il se livre, par avance, a toutes les
joies de la victoíre. Les Muses de la Gr¿~ce, aujour-
d'hui exilées et fugitives, chanteront elemüin ses
exploits en revoyant leur patrie!


Afin de rassurcr lcs Monarques de l'Europe sur
les crüintes que son ambition devait leur inspi-
rer, le Roi de France a sacrifié le certain pour
l'incertain, les provinces déja conquises pour
l'Empire qu'il se pro pose de conquérir. 1\on con-
tcnt de restituer la Franche-Comté et l' Artois a
Maximilicn le>, et de paycr des sommes considéra-
bIes a lIenri VII, qui pellt faire cause commune
avec l'Empcrcur, il renel le Houssillon et la Cer-




-8-


uagne a Ferdinand.le-Catholique: uonnant ainsi ú
l' Espagne les passages des Pyrénées, c'esUl-dire
les clefs de la France méridionale, que Louis :\ J
acheta au prix de tl'ois cents écus d'or. Apres avoir
dilllinué la puissance nationale el accrú volontai-
rement celle des autres États , Charles VIU récla-
mil onverlClllcnt ses droils au tróne de Naples,
que 1.ouis Xi avait rec;us de Charles dll ~laine, del'-
11iel' hó-itier d0 la ~laison <1' Anjou, (Mpossédée par
la Maison d' Arügon. A ppelé en Halie par Louis-lc-
~lo1'e, il f1'anchit les Alpes avec peu de troupes,
ellleva Florence el ¡mis Rome, contraigtlit le Pape
Alexandre VI a capitule1', et marcha t1'iompha-
¡ement ve1's ~aples. Charles entra dans celte capi-
tale, revetu dn manteau impérial et un globe d'or
it la main. C' éUd t révéler, fort im pruclemmen l, ¡¡ 11
monde politique, ses projets sur Constantinople
qll'il uurait dü lui cacher. Sa rapide fortune eút
inspiré quelque défiance a tout autre Souverain;
elle Iui inspira, au contraire une enticre sécurité,
quoiqu'il fUt entouré d'ennemis puissants, actifs,
intéressés a sa ruine. Pendant qu'iI donnail des
fétes et des tournois, au milieu du peuple conquis,
le I)ape, l'Empereur d' Allemagne, le Hoi d' Espa-
gne, le Roi d' Angletcrre et Louís-le-Morc, cédant




-9-
JUX instances de Venise, formerent, contrc Char-
les VIll, la prcmicrc alliancc qui ait eu pour hut
de traverscr les vues d'un conquérant eL de garan-
tir l'indépendance des États. Aussi est-clle regar-
dée comme l'origine du systeme poli tique de
l'Europe.


En présenee de ectte coalition , dont il est, a
vrai clire, l'¡¡uteur, cal' il n'a pas craint d'alarmer
toutes les Puissanees par la révélation de ses pro-
jets, Charles peut encore l'éluder. Ayant rassemhlé
llllil mílle hommes , il reprend, avec cette petite
troupc, le chemin de la rrance a grandes journées.
L'armée des alliés, cinq fois plus nombreuse
que la sicnne, lui barre passé!ge a rornolle. Le
Monarque reut négocier; mais les confédérés pré-
tendent lui imposer des conditions humiliantes.
Alors, ne prenant cOIlseil que de son courage et
de son honneur, Charles se précipite glorieuse-
mcnt cluns I'action. Arec une poignée de braves,
il renverse,au premier choc, les mnsses compactes
qu'on lui oppose, et s'aSSllre ainsi une retraite
héroi'que. TeIle devait etre l'issue de l'expédition.
« Toutes choses, dit Commines, manqucrent a
~ cette armée; cal' le Roy ne faisoit que saillir du
»nid, faible personue, plein de son vouloir, peuac-




- 10-


~ compagné de sages gens ui de bons chefs, el B¡U~
j) voit nul argent comptunt ... Ainsi faut conclure
» que ce voyage fut conduít de Diell, tant a aUer
»qu'au retourner; car le sens des conducteurs n'y
,servit de gueres. »


La France est refoulée dans ses propres limi-
tes, pur une coalition des gruudes Puissanccs de
l' Europe, qui se sont déclarées les protectrices
des petits États. Le Droit public ou international,
exprimant un principe fixe, base du systeme po-
¡itique général , commence donc ü se manlícster
dans le chaos des événements. L'Italie en a éLé le
prétexte, el le Roí de Frunce en a été le promoleur
indirect, parce qu'il avait besoin de détruire le:;
PrIncipautés italiennes, établies sur ses fron tieres,
pour créer la sécurité dan::; son proprc Hoyaume.


Louis XII succede a Charles VIII. Rien de plus
admirable que le début de son regne. Il crée des
institutions nouvelles, et supprillle, au llloyeu
d'une heur.:mse réforllle administrative, ce que les
anciennes ont de défectueux. Illicencie les troupC's
étrangeres, pour former des 1roupes nationales. JI
discipline si bien l'armée, alors pleine de soldats
pillards, que pas un d' Cll,L' n' aurait pris uu OJu{ á, 1lI¿
paysan sans le payer. II organise les cours de jus-




-11-


tice, de maniere ú ce que les tribunaux speclaux
n'aient plus u statuer sur quelque cause ou délit
que ce soit. Les magistrats, qui exécutaient na-
guere des ordonnances contraires aux lois, ne
pr)urront plus se cOll1promettre par ignorance;
car, avant d'drc juges, Louis veut qu'ils fassent
preuve de savoir. La capacité l'emportera désor-
muis sur la naissance. Aussi la noblesse, préférant
l'exercice des armes a celui de son intelligence,
d(~serte les tribunaux et ya remplir les camps.
L'épée devient ainsi l'antagoniste de la toge. Mais
toutes les deux serviront égalcment l'État : l'une
en le protégeant et l'autre en le civilisant.


Lorsque Louis XII eut régénéré l'administra-
Lion intériellre du Royaume, il puL se livrer entic-
rement aux travaux de la politique extérieure.
DlIrant la paix, ce Prince méditait la guerre.
Pour faire revivre ses droits légitimes sur le Mila-
nais, héritage de son aleule, Valentine Visconti ,
en supposant qu'ils eussent été anéantis par l'al-
Bance de Louis Xl et de Charles VIII avec la famille
uSllrpatrice des Sforza, Louis Xll voulait d'abord
détróncr Ludovic-Ie-More, quí en était le chef, et
puis recouvrer le royalllne de l\aples. Ce dessein
n'était un mystere pour personne; car le Parle-


.'




- 12-


ment de París avait reconnu ses droils d'une
maniere authentique; et, dans la cérélllonie de
son couronnement, au titre de Roi de France, jI
avait ajouté ccux de duc de Milan, de Hoi des Deux-
Siciles et de Jérusalem. Avant de commencer les
hostilités, il renouvela tous les traités qui assuraien L
it la France la neu trali té de l' AlIelllügne, de l' Es-
pagne et de l' Angleterre; il étoufla la convoitise
d'Alexündre VI sous les libéralités qu'i! lit ú César
B orgia, et finit par gagner Venise, en lui promet-
tant Crémone et la Ghiera d' Adda.


La conquete du Milanais s'accomplit en vingt
jours. Ludovic-le-More, caractere violent et dcs-
potique, sortít de ses États, etLoui8 Xli entra dans
Milan, accueilli, dit un historien national, com11le
un messager de paix el de liberte. Ce Priuce magna-
lIime se monLra digne du succes; mais Trivulzio,
qu'il nomma son lielltenant en !talie, suscita une
opposition générale uutour de son gouvernement.
Sforza prit aussitót le chemin de la Suisse, «ma-
gasin C01llll1Un et inépllisahle, ou chaqlle par ti
s'approvisionnait de hallehardes. En ayant recueilli
hon nombre, il repassa les Alpes pour chasser les
Fran~ais , tOlljours désirés de loin et détestés de
prcs comUle maitres. Et Ludovic-le-More relltra,




-f3-
applaudi, en février, uans eette Lombardie dont il
s'éloignait exécré en novembre (1) (1499-1500), ~
pour en ressortir deux mois apres, vaincu et pri-
sonnier, san S avoir pu li vrer une seule bataille.


Le l\1ilanais était reconquis; le Royaume de Na-
pies restait a conquérir. Frédél'ic d' Aragon, oncle
et successeur de Ferdinanu, y régnait alors. La pru-
dence lui conseillant de ne pas se défendre contre
nn auversüire aussi puissant que le Roi de Franee,
il voulait I'accepter pour son suzerain, lui payer
un tribut et lui livrer ses principales places fortes.
Louis XII refusa, non qu'i1 reconnut les droits
que Ferdinand - le - Catholique prétendait avoir
sur le Royüume de Naples, en alléguant qu' AI-
phonse lo' ne pouvait pas disposer du sceptre en
faveur de Ferclinand, son fils naturel; mais paree
qu'il redoutait une guerre ave e l'Espagne, qui pOIl-
vait attaquer la France par les Pyrénées, et la
Sicile par la Méditerranée. Sous prétexte de ter-
miner les 10llgues querelles de la Maison d'An-
jou et de celle d' Aragon, Ferdinand pro pose
a Louis de se parta gel' entre eux les dépOllil-
les d'un Prince de son propre sang; et le Roi de
France accepte ce projet uu Roi d'Espagne, saos


(1) \l. César Cantu, llisl. univ. Tom .. \1 V, pago 125 ..




-14-
se douter que, s'il lui offre la moitié d'un État qui
ne lui appartient pas, e'est qu'il veut le prendre
tout entier. Par un traité signé a Grenade (no-
vembre 1500) , il fut eonvenu que les deux Monar-
ques feraient ensemble la conquéte du Royaume
de Naples; que Ferdinanu aurait la Pouille et
la Calabre, a vec le titre de Due; (Iue Louis X fl
aurait la ville de Naples, la terre de Labour et les
Abruzzes, avec le titre de Roi de Naples el de Jéru-
salcm; qu'ils jouiraient en commun des revenus
de la Capitanate, anCÍeune Apulic, el qll'ils re-
cevraicnt du Pape l'investiture (1 J. PCll de temps
apres, le Roi de Nuples voyait urriver, dans ses
États, une armée espagnole, conduite par Gon-
zalve de Cordoue , général qui se disait envoyé
pur son maitre pour le prüll~ger eontl'C les Fran-
<¡ais; mais a peine d' Aubigny eut - il par u avec
ses troupes, qu'il tint un' lout nutre languge.
Frédérie d' Aragon n'eut plus qu'a se retirer; el ses
domaines pussérent entre les mains des deux Rois
alliés 1


Ce partuge du Royaume de Naples indigna tous
les grands États de l' Europe, efTraya tous les petits.
Le Uroit publle, dans son expression la plu'i géné-


(1) U;onard, llec/leil des Tmités de paiJ:. Tom. J, pago 443.




- 15-


rale, n'existait plus, apres eet abus de la force dont
les conséquences alIraient été désastreuses pour
tout le monde politique, si les ueux Puissances co-
partageantes n'eussent, par leurs propres divi-
sions, expié l'acte d'iniquité qu'elles venaient de
commettre. On les vit se disputer, en eITet, les
C)istricts de la Capilanatc, dont, aux termes du
lraité de Grenac1e, elles devaient jouir en eOill-
mlln, et que l'Espagne voulait s'approprier au dé-
lriment de la France. Philippe-Ie-Beau, fils de
'.laximilien et gendre de Ferdinand-le-Catholique
eL cl'lsabelle, ayant signé a. Lyon, sur l'autorisation
de son beau-pere, une paix qui donnait le Royaume
de Naples a son propre fils, Charles d' Autriche
(11)03), Louis XII transmit aussitót á touis d'Ar-
mugnac, duc de ;'\emours, l'ordre de cesser les
hostilités; mais Fcrdinand donna, au contraire, a
Conzulve de Cordoue, l'ordre de eontinuer la
guerre, et refusa de ratifier le traité. Ce Prince ne
désirait que désarmer son ennemi, avant de lui
porter un coup décisif.


Philippe-Ie-Beau, aveugle instrument de eette
trahboll, craint que Louis Xli ne le 1'et1enne
comme otage. MlIis celui-ci le rassure : J'ailne
mieu.:x: perdre, dit-il, s'it le laut, une Couronne que




- 16-


je ¡mis recollvrer, que I'lwnneur dont la perle est
irréparable. II fallait punir la mauvilise foi de Fer-
dinand, ven gel' les défaites de la france vaincllc it
Seminara et a Cérignoles, et reconquérir le
Royaume de Naples que l'Esprlgne avait subjugué.
Trois armées sont levées; la premiél'e marche vers
Fontarabie, la seconde vers le Roussillon, la der-
niere vers l'Italie, tandis que deux escadres croi-
sent dans la Méditerranée pour appl1yer les mou-
vements des troupes de terreo Malheureuselrent,
les flottes, battues par la tempéte, furent obligées
de rentrer dans le port d'ou clles étaient sorties.
Les deux premiers corps d'armée n'obtinrent au-
cun succes; <¡uant an tl'oisiemc, le cardinal d'Am-
hoise, ministre coupable, qui sacrifia vainement
les intéréts de son pays flUX intérets de su propre
ílmbition, osa le retenir pres de ROIlle, ponr tl(~­
terminer le sacré collége á lui donner la tiare :
aussi arriva-t-il trop tard sur le terrain des batail·
les. Gonzalve, ayant eu le temps de recel'oir des
renforts considérables, accomplit définitivement
l'reuvre de la conquéte espagnole.


En ce moment, Jules Il montait sur le trone
pontifical. On n dit de lui « fJu'il ayait jeté dans le
Tibre les ciefs de saínt Pierre, pour ne conserver




- 17 -


(1118 l'{~pée ele saint Pan!. )) Comme la puissance
s¡;iritnelle des Papes s'üD'aiblissílit alors de tou-
les parts, .Tules con~ut le projct de lcur attrihuer
la suprl~matic poli tique de I'Halie. Ce plan étílit
itnssi hardi que téméraire. JI ncpouvait réussir
qu'uu moycn d'l1l1 mouvcment Jibéruteur ayant
¡)Our hut d'c:qmlscr les Franr,ais, les Espllgnols ~-~~~! I .:
I't le'; A\lcmands de ecHe P(~lli]]stlle qu'ils domi- '
n:licnt ú tour de rOle; el, qu'all moyen d'llnc ré...;
'iistance ayant pom but de [¡XCI'. apn~s tant d'c" ..
iq'anlcments, !'lntór0l natinnalllans !'!lnit{~ sacerdo~
Lile. Mais, avant que la Papallté songeát c\ se eréer
un pareil cmpire, elle devait fOllrnir aux trois
~randes Puissanccs l'oecasion de s'entre-détruirc.


Yrnise faisait obstacle a I'ambition de .Jules.
Pour micux rabaare, le Snint-Siége se ligue contre
~ette R(~publiqtle ave e les plns [ortes Monnrchies.
C('rtcs, ni la Frnncc, ni l' Antrichc, ni l'Espagnc,
divisécs de buts ct de COllVcnnnces politiqucs, nf~
sont iIllércssées au rcnvcrscmcnt de VE'nisc . .Tules
persuade néanmoins ü Louis .xli qu'clle I'empl~~
rhc de gouverner en mnitre In Lombül'die; it
Fcrdinal1<l-lc-Cntholique, (fU' elle l'emp(~che (l'as-
servir tontc la nnssc-ltalie; ú1!¡¡ximlllcn ~ qll'cllí'
l'empechc de passcr les Alpes qualld bon lui 5e111·


111. (3) 2


"




-18 -
ble. Puis, afin de donner un nouvel nliment n leurs
haines réciproql1cs et de renouveler entre eux les
anciennes guerres qui ont tant afl'aihll la France
et I'Espagne, apres le partage du Royaume de Na-
pIes, le Pape inspire allx trois 1\Jonarqucs la pen-
sée de se partager entre enx le territoire de la
RépubJique.


Le traité de coalition est signé a Cambrüi no dó·
cembre 1508). Qnatre Souverains sont ligllés eon-
tre un seul l,~tat. L'Ellrope entiere s'en étonne, et
Vcnise elle-me me rcfuse el'y croim : tant un pa-
reil acte se trouve peu conforme aux principes les
plus simples el'une bOl1ne poli tique. Le Pape lance
l'intcreliL cont1'e eette Hépublique; et le Roí de
France, lui ayant d(Sclaré la gllerre, vient COI11-
hattre en personne sous les mllrS d'Agnadel. Que
C(,Il,V quí onl }'('Uf se meUclIf derrih"e moi, s'(~erie­
t-il,et La Trémouille se háte d'iJjonter :/','u(ants, le
Roí vous voit. Ces 1110tS, (lui électrisent loutc l'ar-
mée, lui assurent la victoire (14 mal 10509). Ca-
ravaggio, Brescia, Bcrgame, Crellla, Crémone, Piz-
zighitone, Peschiera ouvrentleurs portes. Plllsicurs
Princes italiens se rangcnt immécliatement SOtlS
les driJpeaux de Louis XII. ,"'armée pontificalc,
ecHe de Ferdinand et eclle (]e Müxil1lilien ne vien-




-19 -


nent que pour recueillir les fruits de ses conqué-
tes; et Venise, présentement abattue, ne saurait
avoir confiance dans l'avenir.


Cepenc1ant le Sénat prend une clétermination
d'autant plus sage et plus courageuse, qu'elle pa1'ait
ll\che et insens{~e. Il délie ses sujels dn serment de
fidélité; iI rappelIe Lous les gouvernenrs des villes
de 1er1'e ferme qui n'en sauvcraient aucune; il
couvre les lagllnes; enfin, il négocie, paree que
toute résistünce est ill1possible.


o Cette mesure, dit Ancillon, devalt attacher au
Gouvernement vénitien un pClIple qu'il ne parais-


sait abandonner que pour lui épa1'gner les horreurs
de la guerre, paralyser les efIorts des Franyais qlli
n'étaient plus prOvO(Iné~ par une résistance sé-
I'ÍCl1se, et, plar;ant tont-ú-coup les alliés uu terille
de leurs VCBl1X, hater la divisioll que le parLage
des conquetcs dcvait nécessairemcnL amoner (t).»


On ne pouvait attaquer Venise que p:1l' ulIe
flotte. :\lais, de tous les alliés, Fcrdilli)ml-Ie-Ca-
lholique seul avait des vaisseaux; eL, satisfait d'a-


voir recouvré toutes les villes de la cote nüpoli-
taine, ce Prince négligeait les intérets de la ligue


(1) TO/¡{Cilll (/1'.1 1'/'/'OllltiUIIS dI{ .I1¡SU'IIlC )loli/illllc dc 1'I,'lll'u/)('.
TOlO. 1, ¡¡(lg. 310




- 20 --


dont il semblait disposé ti se détacher; LOllis XII,
ayant pris lui aussi posscssion du territoire auquel
11 avait droit, par suite des conventions de Cambrai,
l~tait sorti d'Ttalie pour rentrer en France, arres
avoir licencié une grande partie de ses troupes; et
.Tules II, maitre de la Romagne, ayant atteint,
par conséquent, le but qu'il avait en appclant les
Mrangers dans la Péninsllle, n'aspirait plus qu' ú
les cn chasser. La Républiquc de Venise, assez
forte pOllr guerroycr avantagcuscmcnt contre le
faíble MaximiJien, ne tit la paix qu'avec la ~1o­
narchie pontificale, et en obtint l'absoluLion au
mépris des traltés. Autant Jules avait intóf(~t au-
trefois a former la ligue, autant il a maintenant
intéret a la disssourlre. ~lais ne vOlllant pas que
les 1\-]onarques ()lIh~s déposent lcurs armes, il dé-
montre a MaximilicI1 et a FerdinaI1(1 l'opportu-
nité d'une coalition contre Louis XII. Le Roi de
France 11 déployé tant de grandeur, en Italie,oil
l'Emperenr, le Roi d'Espagne et le Pape lui-meme
veulent dominer chacun en particulier, qu'ils doi-
vent le considérer comme leur adversaire commuo .


.Tules II prend bientot l'initiative des hostilités.
Non content de donner ü Fcrdinand I'imestiturc
du Royaume de Naples, snns tenir compte des




- 21 -


prétcntions légitimes de Louis XII, il provoque u
Genes un soulevement conlre les Franltais, et iI fait
envahir la Lombardie par les Suisses. Louis n'ose
pas déclarcr la guerre au Souverain-Pontife, sans
l'aveu de I'Église; mais le clergé de son Royaume
r'autorise, pOLlr l'llonneul' de l'État, á repousser
par la force les attaques du chef de la religion, el
.il en appelle de ses propres interdils a un concile
générul.


C'est alors que le Roi de France propose ill'Em-
pereur, protecteur-né de I'Église, d'assembler un
concilc pour jugel' le Pontife, pour le déposer el
pour opérer la réformation religieusc, vainel1lent
réclamée depuis le concile de Constancc. « Maxi-
mili en , amoureux ue tous les projets cxtraol'di-
naires el haruis, suisit avec empresscmenl cette
idée; son imagination lui montre déja le lrónc de
Home vacant, il s'y place par la peosée, réunil la
qualilé de chef de l'Église u ceHe de chef de l'Em-
pire, et, réalisant cette chimere favorite qu'il
nonrril depuis longtempl', il se pro pose de [aire
dans l' Église des innovations aussi lltiles qu'inat-
tenducs (1). ~ Au synode, qui doít jugcr le Pape


(1) F. AnciiloIl, '1'(lú/. des /'ev. da susl. ¡Julit. de I'Ea/'()pe.
Tom 1, pago 325.




- 22-


et quí se réullit u Pise, Jules II oppose un eon-
cHc. Ensuite, H négocie aupres des SoU\'craills,
eL forrilC contre Louis XII une sainlc ligue ou se
gl'üU pent Ferdinand-le-Ca tholique et lIenri V nI,
les Vénitiens et les Suisses. L'(lrmée des confé~rl(~­
rés es! célnduite par naymond de Cordona, vlcc-
roi de I\aples; l'armée fl'anc;aise, par Gaston de
Foix, tille de Nemours, neveu de Louis Xl ¡,
el le pllls beau des genlilshol1lLl1es, le plus bnne
des cllCvaliers, le plus intrépide des soldats, 1('
plus habile des généraux. e'est presqne un enfanl
pour l'age; mais pOUf la tacti(lue, pou!' la rapí-
dit(~ du coup d'a~il, pour l'activité de 1'espril el
du hras, enrin pour tout ce qui constitue le gé-
nie sur un champ de bataille, c'est un granel
homme.


Le jeune héros, u peine arrivé en Halie, rejeLLe
les Suisses de l'autre coté de leurs lnontagne~,
délivre Bologne assiégée par l'armée des confé-
dérés, détruit le corps eles Vénitiens, emllortc
Brescia par escalade et traverse l' ltalie ave e la ra-
pidité de l'éclair. Bientót aprcs, il mourut u Ha-
vcnne, comme il uvait vécu, entre les bras de la
vicloire (11 avril151'2). La saiulc ligue eL Julos 11
n'cxistaienl plus; Havellue ouvriL ses portes, ella




ilomagne enti(21'C :)C sournit dc\'ant le cerclIcil de
Gaslon. Muis le f{mdre de (1 htlie était éteint et
l'espoir se ranimail dan s le cceur des confédérés.
Louis XII avait hien raison de répondre a ceux
qui le félicitüicnt apr(~s la baiuille de Rüvenne :
SOIl/wJtez de pllJ'eitles viclo/)'es el uos I'mu:mis. Cal'
tOéb les résultats obtcnus en deux ans par Gas-
ton, rurent entierclllcnt P(CTt1US le lendemain de
sa ll1ort; el la Franee, rejetée 1101'S de l' Halie,
était menacée cllc-llleme dans sa propre existence.
Déjil, le Pape, ayani dormé la couronnc de Saint-
Louis au Hoi d' Angletcrl'e, avcc le titre de :\Ionar-
que tl'es-chrétiell, 011'rai t les Éta ts de Louis XII
ú qui voudrait s'cn empal'er. Aussi Ilenri VIII
cmahit l'Artois; FenliniltHl, la Navarre; et les
Suisses, la Dourgognc. C'en 6tait [ait de la 1\1ona1'-
chie franr¡aise : les Mliés, v1ctorieux, auraient pu
surprendre París si [' Empereur l\Iaximilien, qui
servait COlllmc soldat-volontnire dans l'armée de
Hcnri VIU, He luí cut cOllscillé de prendre Tour-
nili; el si Lu Tréllloille n'eút cllgagé les Suisses
ú :;ji; reí ¡rer, apres la signuture d'un traité quí
lcur assuruit (Iuatre ccnt mili e livres, mais que
Louís XII ne deYlllt point 1'a tifier.


Ce bon Monarque ll'OSC plus lulter contre sa




- 24-


mauvaise fortune. Jules n, son implacable advcl"
saire, esL ('nfin remplacé par Léon X, son alli(~
déclllré. Ilenrl YIlI l'cstitue Boulogue eL Toumai,
re<;oit un million ct donne sa secur en mariage Ú
Louis XI l. Fcrdinancl dépose les armes, parce
(lU'On lui ubllndonne la i\'avarre; ct les Suiss(':)
I1' exigent pas le paiement des SOll1ll1eS prom ¡ses,
parce qll'O!1 lCllr cede p]usieurs bailliages dans
le canton dl! Tl~sin. Tout cela étüit fort désavullLu-
gellx, sans aucun doutc; mais, apl'l~S tüllLde désas-
tres, le Hoi de Fruncc cut du moins le suprelllc
bonheur d'assurel' la paix á son Hoyallllle, dans
l'inLéret duque! il avait entrepris les guerres
d'ltalie.


(( En efret, diL un historien miluuilis, s'i! cut l"iss(;
tlubsister les petitcs Puissances d'Italic, elles au-
raient fini par l'accabler. S'il ne se fUt pas alli(~
ayee Alexandre VI, ces Pllissanccs se seraient unies
al! Pontifc, eL l'auraicnt écrasé de concert; s'i!
n'arait pas réclamé le concoUl'S ele Fcrdinand, ii
n'aurait pu conquéril' Naples, el auruit succoUlbé
sous l'e1Tort clu Pápe; s'il se fUt décidé il hahile!'
Nl\ples, il eut perdll ce Hoynume et la Frill1Ce (1). D


Quelque graneles que fUSSSCll t les calümi té:)
(1) :\1. Cé:ié!r Call1u, /lisl. ¡ill/l'. 'fOIlI. _\1\, pao;. lG~




- 25-


(lui pesaient sur notre pays, vers la fin du regne de
Louis Xll, le plus petit lahoureur ne s'écriait pas
moins avec bonheur: a Il y a trois CClltS ans qu'il 11e
courut en France si bon temps qu'il faict a présent.
Nostre Roy est si saige; il maintient justice, et nous
faiet vivre en pnix, et él osté la pillerie des gens d'ar-
lrlcs,cLgollvcrncmicux qucjamais Ptoi nelit. PriOtlS
Dieu qu'illui doint bonnc vic et longue. » Aussi,
(Iuand on apprlt sa mort, tout le poupte de France
no se JJltl-it saoulel' de la ¡)(arer el rogrctter.


Jalllais Roi ne fut mieux aimé par son peuple,
jamais pCllplc ne fut mieux aimé par son lloi. On
connalt ces maximes de Louis XlI : Un ban pas-
tcur ne Salll'ait trop ell(jl'aisser san troupealt. -
a J'aíll1c micux voír les courtisans rire de mon


») avarice, que de voir llIon peuple pleurer de mcs
) dépcnses. " - Roí de France u une époque ou
tous les Princes de l'Europc se complaisaient dans
un clespotisme illimité, Louis XII mil lui-meme
des llomes u son pOllvoir, cn se conformant aux
ordonnances et coutumcs anciennes, ainsi qu'au
uroit rcprésentutif : expression des besoins nou-
venux. a Si le Roi commct un acle tyrannique,
disait Claude de Scyssel,tout prélat quelconquc ou
üultre homme religicux, bien vivant et estimé,




- 26-


peut le rabrouer publiquemellt a Sil barbe, eL
le Roy n'oseroit lui causer dommuge, pour ne pas
provoquer l'indignation t1u peuple (1). »Plein de
sollicitude pour le maintien des lois, Louis vou-
lait qu'elles fussent « toujOllfS suivies, malgré
¡¡ les ordres contraires, que l'importuniLé pourroit
» arracher au M onarque; » et i 1 d~fendait ex Pl'cs:sC;-
mcnt « qu'on ne le fuvori:)ül lui-memc en quelque
»cause qu'il eust en aUCUIl de ses parl2mcns.
») La justice lle fust oncques tenue en si grunde d-
I gucur que SOllS son regne.» Cha(Ille voyage q u' il lit
~l truvers le Royaume de France,apres ses v ictoircs
en ltalie ou apres ses défulles, furent aututlt de
triomphes. « On volait en foule au-devant de lui ;
on jonchait son chemin de feuillage el de flcurs;
on l'cntourait, on le pressait, on pleuralt de joie
en le voyan t; on le saluait du nom d'ami, de blcll-
faiteur, de pere du peuplc (2). »


Louis XII fut appelé Boi des roturieJ's par les
nobles, et Fran<;ois 1 cr, noi des g1'allds seignellJ's par
les bourgcois. Quoiqu'i! eút mauifesté une pru-
den ce et une sagesse au-dessus de son [¡ge, 101'5


(1) La grunde !lIo/Wi'cltie de Frallce. - PClrÍs,l jI\!.
(~) .\I. F. lla!;(lll, :lÚr('y(' de Cllist. yelle'/,. des {ClIljJS 1IIOdci'l/cs.


Tom. l, pago :111, ciul[uilmw éJil.




- 27-


de la double invasion des Anglais et des Suísses,
Louis avait souvent dit, en parlant de lui : Nous
avons beau {aire, ce gros garr;on (Jíllel'a toUt. Ces
paro les du Roí défunt resterent vivantes duns la
mémoire da peuple. Au cornrnencement de son
regne, Fran90is 1" étublit la vénulité des charges :
llr:tc impoliti(IUC, mais dcvcnu pourtant un prin-
cipe fonchmental. A dater de ce jour, l'adminis-
lralíon (le la justice publique, tl'ansforméc eu une
t1roprióté particuliere, trünslllissible, indépen-
danle du Souverain, resta fcrmée El l'esprit de
réforme, d'abnegation ou de désintéressemenl,
et ouvcrtc u l'esprit de résistance, d'injustice ou
tl'illógalité, qlli devait suggérer aux cours judi-
ciaircs des prétentions excessives : Ilotamrnent
celle d' 0tre les Étals-Gduéraux ¡¡erpélUeis de ta
;1J onare!tie.


La vénalité des charges fut introduite pour sub-
venir aux früis d'une nouvelle expédition en Hu-
lie, ou plutót dans le l\1iIanais, dout on voulait ex-
pulser Maximilien Sforza, (lue les Suisses avaicnt re·
mis en possession de ce duché. Lors de son couron-
nement, Franc;ois Icr prit le titre de duc de Mi-
lan; puis il húLa les prépuraLifs de eette guerre,
tout en négociunt la puix üvec l'Archiduc d'Au-




- 28-


trichc,lc Roi d'Angleterre et le Doge oc Veoise, qui
devint son allié. Maximilien Sforza se ligua de son
coté avec le Pape, l'Empereur, le Hoi d'Espagne
et les Suisses. Ne pouvant rien faire pour la
cause commune, l' Empereur, selon sa coutume,
laissa tout faire aux autres cOllfédérés. L'ar-
mée espügnole envahit rapidemeut le Brescinn,
le Vice n tin el le Veronezc; mais elle sera COIl-
tenue par l'armée vénitienne el par les mili-
ces génoises jusqu'a ce que Fraw;ois 1'" fran-
chisse les Alpes avec la plus belle armé e que la
France ait encore j etée en !talie. Ce Prince tra-
verse la Savoie, prend Novare saos coup férir,
et vieot camper a Marignan, sous les yeux des
Suisses, qui, frappés de la rapidité de sa mar-
che, lui offreot la paix moyennant une pcnsiou
de soixante mille ducüts pOU!' ~laximilien Sforzn,
et une somme considérüble pour eux-memes.
Ces propositions, quoique onérellses, ne sont pas
refusées. Une treve est conclue. Les Sllisses
allaient évacuer le Milannis, quand le cardinal oc
Sion, implacable ennemi de la France, Ieur in-
spira l'odieux projet de recueillir le prix de lapaix,
et de contiIluer la guerreo


L'ennemi aura la honte d'avoir rompu tous se::




- 29-


engagements d'honneur, sans recueillir le fruit
de sa trahison. Marchant a rangs serrés et dans
un farouche silence, iI s'imagine surprendre 1'ar-
rnée franc;aise qui, avertie a temps, est déjil. ran-
gé~ en bataille. Aussitót l'action s'engage, longue,
obstinée, terrible, incompnrable. Commencée
arant ]e jour, elle ne finit pas meme durant la
nuit; seulement, elle est interrompue. Chacun
garde son poste de péril et de gloire. Le Roí de
France dort tranquillement sur l'affut d'nn ca-
non, a cinquante pas du plus gros bataillon des
Suisses. Par une espece de convention tacite,
les corps se reforment, de part et d'autre, an
premier rayon de soleil,ponr se porter les derniers
eOllps. Apres qllatre heures de lutte sanglante, les
Suisses, ql1'on appelait a eette époque: les Domp-
tcurs des 1Jrinces, domptés et défaits eux-memes,
se retirerent du ehamp de bataille OU i1s lais-
saient vingt mille cadavres et le surnom d'in-
vinciblcs. Triv111zio, qui avait assisté ü je ne sais
combien de batailles, prétendit qll'elles étaient
des jeux d'enfants aupres de ce combat de gé-
ants (13 et 14 septembre 1515). Fran<;ois Ter
voulut etre armé chevalier de la main de Bayard,
sur le thédtre de ses exploits. Le cltevalier sans


t' •. -




- 30-


pcnr et sans 1'eprocltc lui donna l'aceoJade; u et puis
"apres, par maniere de jeu, cria haultement, l'é-
» pée en la main dextre: - « Tu es heureuse
d'avoir aujourd'hui ü un si vertuenx et si ¡mis-
sant Roi donné l'ordre de la chevalerie. Certes,
ma bonne épée, vous serez llloult bien commc
reliques gardée et sur ioutl:s nutres honorée; et
ne vous porterni jamais, si ce n'est eonlre Tures,
Sarrasins ou Mores. »


La batnille de Marignan fit écllller les qualités
militaires de la nation franr;aise el la vnleur M-
roi'que de Franyois ler. « eette victoire, dit Ancil-
Ion, a eu une influence décisivc sur tous les (~vé­
nements de son regne. Des succes aussi brlllants
lui donnerent une confiance excessive, fortiüerelll
en lui le goút de la guerre et des cOllfllIC;tes, el,
mettant cluns tout lem jour sa pllisSdnce et ses res-
sources, inspirerent aux autres ];:tats (les crnintes
el desjalollsies naturelles ('1).») Mnximilien ~forz:l
céda le Milanais ll10yennant une pcnslon de
trente millc éCllS; et Franr¡ois ler ayanL cunclu un
traité de paix pcrpétllclle avec les Sllisses, tit son
cnlrée dans l\lilan, Ol! il se proposait de régler di-


(1) 'fal!/cill( dcsde. dlt sust. ¡lO lit. de I'ElIro)Jc. TOlll T,
pago 047.




- 31-


vers intérets, soit avec les Principautés italiennes,
sl)it ave e le Sain t-Siége.


Un des premiers objets de la politique romainc
rJevait etre l'anéantissement de la Pra,r¡malir¡uc-
Sanctioll-, qui maintenait, au sein de l'Église, les
principes révolntionnaires du concile de Bale.
Tour-ú-tour uholle, suivie eL négligée par Louis XI,
selon qu'i1 était content ou mécontent des Papes,
elle fut consLmnmcnt ohservée sous Charles VIII
eL SOllS Louis XII, paree qu'ils eurent san s cesse á
lutter contre les Souverains-Pontifes, soit en ltu-
He, soit clans lcur propre Royaume. Pour s'assu-
rer l'amitié de Léon X, Frarll;ois ler supprima ce
reglement odieux au Saint-Siége, et luí substilua
un COl/cordat, le meme que l'on observe encore
11I1jourd'hui, sauf le paiement des annates. Les
intérets de la Conr (le Rome el de la Cour de
France y [ment ménagés de telle sorte que,
]lilr un échange bizarre, le temporel ecclésiasti-
que devint le partage du Pontife, Prince spiri-
fuel, et le spiritllel ecclésiustique devint le par-
tage clu Roí, Prince tempore!. Le Pape et le Roi,
c1isnit-on alors, venaient de se d01l7ler clwcun ce qui
I/C tellr {{J7J)(lrtcnoil paso


Les succes militaircs de Franyois I,-r alarmaient




- 32-


les autres Souverains de ¡'Europe. Craignant pour
le Royaurnc de Narles, le Roi d'Espagne, Ferdi-
nand-Ie-Catholique, stimula l'indolence de 1\'1axi-
milien , pour qu'il attaquat la France en Italie,
et irrita la jalousie d'Henri VIII, pour qu'il atta~
quat la France dans son propre territoirc. Ccuo
guerre ne servit les intérets d'al1CllnC Pllissancc.
¡'~tant mort sur ces entrefaites, l'Archiduc Charles,
son petit-fils, put recl1eillir le fmil de ses ruses,
de ses trahisons et de ses perfidies. Maitrc de la
plus grande partie des Pays-Eas et de la Frilnchc-
Comté, des Royaumes de Castille, de Léon et de
Grenade, en héritant de Marie de Bourgogne, son
[tleule et de Jeanne-la-Folle, sa mere, il prit aussi
possession des Roya 11ll1es d' Arngon, de Valen ce ,
de Naples, de Sicile et de Sardaignc, ainsi que
c111 comté de Enreelone et du Roussillon, en at-
t.endant la sueeession de Maximilicn, qui devnit lui
eonférer les droits de la Maison d' Alltriche sur la
Boheme, la Ilongrie et le Milanais. Outre les terres
qne le génie de Colomb lui avait décollvertes en
Amérique, et qne l'audace de ses successeurs al-
lait multiplier au-delit des mers, Ch,ulcs dcvnit
donc posséclcr de "astes f~tats dans ton tes les con-
trécs de I'Enrope,




- 33-


Le nO!lveall fioi d'Espagne rechercha I'a!liance
du Roí de Frunce, arce lequel il conclut un traité
dont les conditions furent arrretées á Noyon. Cette
pacification particulie.re, étant devenue généruIe
par l'adhésion de Maximilien et de Henri VllI,
mil fin aux guerres dircetement ou indirectement
sllscitrSes par la ligue ck Cambrai. L'Europe jonit
ainsi d'un rnoment de calme, avant de subir pIu-
sieurs sieeles d'agitations. La mort de l\Iaximi-
lirn Il'r (15 jnnvier ·t5t9), donna nnissance aux
premiórcs crises. Charles sollicita le seeptre im-
périal , Fran<;ois lrr et Henri VIII le lui dispute-
rento Le Roi d' Angleterre c1ut y renoneer; tandis
que le Hoi de Franee essaya d'acheter le suf-
fr;lgc des Princes - électeurs qu'i1 sllppliait « de
ne pas perpétuer dans la Maison d' Autriche une
rouronne électivc. )) Ses ambassac1eurs ajou-
laicn1: « Cellli-L't serait bien illscnsé, qlli, a l'ap-
proche c1'lI11C grande tcmpetc, hésitcrait a con-
fiel' au plus vaillLlnt le gomernail dll bútiment.»
Charles intrigua et dépensü tout autant que Fran-
\,ois; mais la diete, assemblée a Francfort, ne se
pronon~a d'abord, ni pour !'nn, ni pour l'autre.
Elle craignait la puissünce des den:\: compétiteurs,
qui pouvuient apportcr, clans l' Allemagne fonsti-


IlI. (3) .3




- 34 --


tlltionnclle. tOl1tes les traditions des Gouverne-
ments ahsollls, pllisque celui des dem: fll1'elle se
donnerait ponr ll1l\llre, deviendrait, par le sen1
fait, l'arhitre su preme de l'Europe. Cependanl ,
il était encore plns clang'ereux de slIivre les vipl!\
crrements du moyen-age, f~t de choisir l' Empe-
rcur dans un rang arislocríltique tout-ú-fait suba!-
tcrne, alors (IU'il s'aghsnit de la conservütioll
m{~llle de l'Empire, menüe{~ d'une dcstrlletion to-
tale par les Turcs. Aussi, Frédéric, électeur de
Süxe, ruérita le surnonJ de Sage pour avoir rc-
fusé la dignité impérialc qlle ses collegues lui
offraient. Ce Princc fit écarter le Hoi de France ,
paree qu'il était étranger; et le Roi cl'Espügne,
Souverain allemalld, qui, par la position ele ses
États héréditaires, {~tait le protcc!ellr nalurel de
I'Empirc, fut dn Ilwlgré l'ol1posilion <111 Pape. Cal'
une constitlltion dc Clément IV ddendnit illlX
Uectellrs ele réunir les dellx couronnes d' Alle-
ruagne et de Nüples sur une sculc 16te.


tes ambassadeurs de Franee ne furent pas re-
<;us El Francfort; mais cellX cl'Espagne y r'¡rent
appelés pOllr accepler, an 110m de leul' SouV(~rain,
telles et telles conditioé!; prO;1'('5 ¿l garantir les
ljberté~, d(~ l' Allemagllt: d f:.iliplIlées (};¡ns une c(/-




- 35-


pituLation impériale, qui servit de modele aux
élections suivantes. Le nOllvel Empereur prit
ainsi I'cngagemcut de protéger la Clm';lienté ,
le siége de Home, le Pape et l'Église dont ji était
ravoycr; de rb;ider lwhituellemeilt en Allema-
[-::!le; de n~tahlir ou maitltcilir la paix publique
IIl'rp0tueIlc, Id ImUí: d'or, les droih el franchises
de c}w<lue ELüt; de ne conficr lc~ chllrges puhli-
ques il i.lucun étrangcr; lle ne lever aUCUl1C troupe
]ji (lU uehors, ni au dedalls; de n'entreprendrc ¡¡u-
cune gllcrrc d'Elllpire; de ne eonclure aucuue
a¡liance i¡¡téricul'e 011 ex.térieurc saos le eonsellte-
ll1ent des éleeteurs, et de ne faire mage que de
la lallgue latine ou de la langue aHemande.


Alllicu de I'alltoril<~posilive deClwrlemagne, e'é-
laH done la vaine dignité de Mnxilllilien I"1 que le
1\oi d'E,pagnc venait d'oLtenir, En réalité, le titre
d'ElllperClll' ne lui attribllait aueun accroissement
de pouyoir; mais, grüce aux circonstanccs, il
lui donnait dalls l'opiIiion un 1'elief d'autnnl plus
considérablc, qu'H l'avait emporlé sur le héros
de ~larjgnall, c'est-u-c1ire sur le Monarquc le plus
célebre de torlle l'Europe. Gn pareil triomphe
devait accroit!'c la (kvorante ambifion de Char-
lcs-(Juint, el hlllllilicr l'orgucil pl'é0omptueux de




- 36-


Fran90is Irr. Car, pour le punir d'une gloire trop
précoce et trop éclatnnte, on lui préférait un jenne
Prince dont le nom était a peine connu et que ron
récompensnit, en qnelque sorte, de son obscurité.
L'amour-propre blessé engendra la baine entre les
deux Rois; et ceLte haine, ¡\ son tour, fit naitre
l'antagonisme le plus acharné, le plus falal cl le
plus personnel,qui ait divisé les pCllplcs du Conli-
nent. La réformc religieuse, prechée alors par
Lnther, rendait cette situation politiquc tellement
sinistre, que I'humanilé, perdant la foi, sans avoir
cncore trouvé la raison, éprollva une inccrtitudc
inexprimable, relativement a ses propres desti-
nées. Tontefois, l'aHention de I'bistoire, qui s'é-
parpillait nagnere sur une foule de pctits t~tílts,
resta pendant longtemps concentrée uniquement
sur Charles-Quint el. sur Fran\,ois I"r, on mieux
sur les deux plus grandes Monarchies.


L'importance, l'étendue ct la position de ses
nombreux Royaumes lui donnant les moyens de
réaliser le but constant ele la Maison d' Autriche,
par la formation el'une Monarchie universelle,
Charles-Quint voulait subslituer, HllX divers Élats
de l'Europe, un seu! État: le sien propre, qui au-
raít absorbé toutes les Nationalités distinctes au




- 37-


scin de sa dissolvante unité. Pour SUllver,non-seu-
lement la France, mais encore le monde civilisé,
de la servitude et de la destruction, Fran<;ois le"
son antagoniste naturel, devait done se mettre
[ütalement [1 la tete de toutes les divisions qui exis-
taient en Europe. Ces divisions, qu'il n'avait poinL
créées el (IU'il ne pOllvait pas détruire, il sut néan-
llloins les diriger vers un but éminemment su-
lutaire, puisque, entre ses mains, elles servirent
de garantie á l'existence des États dont il dé[en-
dait I'indépendanee et la Souveraineté.


C'est ainsi que la France et l' Autriehe réuni-
rent, dans leurs deux camps ennemis, les [orces de
tOlltes les autres Pllissanees continentales. «Ces
deux masses opposées se groupaient, l'llne autour
uu parti protestant, l'uutre uutour du purti eatho-
lique en AlIemagne. On sentait généralement que
l'éqllilibrc dans l'Empire déciderait de l'équilibre
duns le reste de l'Europe, et que si Charles-Quint
triomphait des Princes protestants, su puissanee
deviendrait irrésistible (1). »


Partollt l'intérét politique et l'intéret puremcnt
religiellx se mélérent et se combattirent á outrance,


,1) Charles de Yillers, Essai su!' I'cs]!I'it Cl {,influcnGe de la oJfu/'-
JJwliun de Lutha. Pago 1Gí, 5" étlit. 1851.




en vertu des príncipes les píus contrildictoires, au
profit des ambítions les plus di verses , pOUl' df~­
truirc la conslitution morale et pllysique du mOlld '.
Cherehons maintenant la signifieation ralíonllelle
de eette haute crise, oú les tcmps intermó-
diai]'(~s finissent et 00 commence le tranlil de la
clvilisallon l1loderne. Dile sellle chose doit nOl1s
frapper d'übord; e'est la c!ouble manifeslatioil d~
l'e~prit ele critiqlle en mat!ere poli tique Ol! tempu-
relle, et de l'esprit de réforme en matierc n'Ji--
gicuse ou splrituelle, paree qu'elle déternJÍllei\\
bientóL la lutte providentielle, quoique si low~­
temps fatale, de l'alltoritéet dulibre examen, d¿lliS
l'Égllse ainsi que dans l'Étut. Car, fiere de triolll-
pIler au détriment de la foi, quoique chacun de ses
succes se traduise encore par une nouvellc défai le
morale ele l'humanité, la raison appelle a SOIl tri-
bunal souvcrain tout ce quí fut jusqu'alors I'Obji:l
de son culte ou de son respect, et rejctte,avec till
illsolent dédain, tout ce que ses facultés, ü pciue
[ormócs, ne sauraient comprendre qu'apres avoir
[ltteint leur cntier dévcloppement.


Dans un pareil étaL de choses, les révolutiollS
rcligictlses dcvüient sr. procluire avant les réyo-
lulions pülitiques. On le sait : lüuLes les ~lollür-




C.tllC~ S'dillCnt cou::;llLucctJ ~)ous tu lílUteet10n lÍe la
l\lonarchic pontiílcille. Aussi l'l~gljse catholique se
regardait-elle et avait-ellc le droit de se regarder
comme la tu trice dc chllque Étal. Ti en résultait
(lue l'honune, dans túutcs srs cünclitions morales
et politiquc:3, depuis le plw'. grand Souverain jus-
qll'au plus has de ses SlljC!~, (~tait ¡'lmmhle vassa!
dI! Pape. Celte siLuation, lon~'temps nécessaire,
cal' il sagissait, durant tont le moyen-úge, d'ac-
cOlllplil' la réparlition univel'selle eles devoirs dans,
j' hU1l1ünité, par le dL~velorremen l de la foi , con-
~lflérée comrne une révéliltion absolue de Dieu,
llC pou\ait plus se proIonger, au commence-
¡nent du XVI" siecle, cal' iI s'agissait alors d'ac-
;:omplir la répartitiotl universcile des droits
Juns l'humanité, par le développement de la
caison, consiclérée comme la l'éalité propre de
.' humille, dont l'intclligence relative, al'mée du
:~avoir teLlIporel, se propose la conquete de l'éter-
¡¡el et de l'absolu, c'est-it-dire de Dieu!


Pulsque l'uuivel's changcait de hul, il devaít
I:ilanger de direction. Les Hois grandissaient, en
illilorité morule, en pUiSSil!lCe eJlective, en consi-
deraLÍ011 polilique de tOlll g-eure, Lmc1is (lile les
Papes se rapcLis::,aicnt, au cuntraire, progressi-




-l¡O -


vement duns l'opinion : unique base de l'autorité
spiritudle. Depuis longtemps la luLte des ueux
POllvolrs, toujours active, soit uu milieu des hos-
tilités réciproqlles, soit üu milieu des transactiollS
plus Ol! rnoins pacitiques, réalisait l' émaIlci pa lían
progressive de l'un vis-ü-vis de l'autre. Déjit le
savolr hUllwin, constituant la pulssance de la
vérllé clle-m0me, était passé du monde ecclé-
siastiqlle au monde lalque. Les monasteres, qui
ayaicflt autrefois régénéré la société générale par
la science, par les arts, par la vertu, par le pro-
gres, dépérissaient désorlllais dans l'ignorance,
cluns la torpeur, dans le scandale, dans la déca-
denee la plus complete. Le clergé séculier, appelé
soment dans les conciles, soíl général1x, ou natia-
llllUX, comprenait seulla néeessité d'llue réfonua·
lion religieusc; CHr il ne eonfondait pas le gou-
vernement de l'Égllse avec l' Église elle-llH~lJle,
e'est-u-dire le moyen avec le but. Aussí poursl1l-
vait-H, d'une muniere active, eette réforlllc de l' E-
glise dans son chef et duns ses membres, ou
lllieux dans ce qu'elle a d'essentiellemcnt Lransi-
toire et bumuin, süns porter (l t teínte ti u dogLlle,
essentiellemcnt iLllllluable et divino
~lab les di\'islons se Dlultipliel'ellt, pcndant




- 41-
qu'on travaillait au rétablissement de !'unité catho-
Jique. Les Peres de l'Églbe auraient sacrifié la Mo-
uarchie pontifical e a leurs rwbJes vues, si ron ne
leur cút prouvé qu'en agissant de la sorte, i1s li-
vraient eux-memes la société chréticnnc au
schbme el aux hérésies. On a donc en raison
d'atnrmer, SOllS ce rapport, que les conciles de
Constance el de Eúle furent, a la Réforme pro-
testante, ce que l'Assembléc constituante fut it
la Hévolu tion fran<;:aise (1). En eITet, ton tes les
tenlalives de régénération, opérées par l'Églisc el
uans l' Églisc, ayan t échoué l' une a pres l'a utre,
des ce moment iI devint manifeste qu'elles se
reproduiraient, totou larel, hors de l'Églbe etcon-
tl'e l' I;:glisc. Le cardinal .J ulien (.1 aLiano Ccsarini) ~
qlli présidait le concile de EúJe, dnfünt ses déme-
tés avec Ellgcnc IV, put adresser, a ce Pontife,
les paro les suivantes que l' histoire conserve, parce
qu' elles sont une prophélie : • Les esprits 8e111-
blent devoir cnfanter bicnlot q llelque ehose de tra-
gi(lue .. le vois que la cognée est il la racine; l'ar-
bre penehe, et, an líeu de le soutenir pendant
qn'on le pourrait encore, nons le pl'écipitons par
terreo Les eol'ps périront avec les ames. J Ainsi, le


(1) :\1. <.;ésal' <';antu, llíst. wtiv. Tom. XV, pago 3.




l'etablisscment de l' ordl'e était üupüssible? au lln~
lieu d'une semblable anarchie; et les hommcs les
plus clévoués a la réforme religieuse, dans l'int(~rüt
de l'orthodoxie elle-lll(~lllC, déclaruient qu'il n'exís-
tait plus, dans la vie pratique, aucun moyen l'é-
remptoire de prévenir les révollltions.


Cette sitllation désespéranLe éLaiL le rr~sllllat ucs
doctrines alors en vigueur. Car on cOllsic1üai t
l'homme COlllIlle un étrc absolument passif et,
par conséquent, dépOllfVU de toute ,irtuallté créa·
trice, qucl (Ille fUt d'ailleurs son propre savoir:
expression d'une activité intellectuellc plus Oll
moins considérable. Sous l'empire de la philo-
sophie scholastique, exprimant ulle étrange con-
fusion de la foi et de la raison, 011 celle- ci
était sacrifiée a celle-lil par les i\ ominalistes ,
eelle-Ia a. eelle-ci par les Réalistes, deux partís q u1
se tenaient réciproquement en échec, l'esprit
humain s'immobilisait, au lieu de marcher ú lit
découverte d' une doctrine su périeure, princi pe
d'ordre et de pro gres.


Hien ne pouvait donc favoriser le dévcloppe-
ment des lutllieres. Aussi l'llUmanit6 resta plolJgée
dans les t6nebres, jus(jll'á ce ([UC lcs pal'tisans de
l' obéissancc pa!:isi ve de l' hOl1l111C, relaLivcment ü




iOUL ce quí i'eievnit de Dieu ct COliUllC l'unÍqué
elTel de su grúce, ne purent plus unnihiler leurs
antllgonistes, qui voulülcnL sortir de cet état de
passivité r6voltant, pour entrer dUI1s un état d'uc-
tivíté propre a consücrer la réalité du mérite hu-
main. Luther pürut en ces ci1'constances critiques.
¡¡ prit pour base de ses controverses la prédomi-
nance dll su voir, e'est-u-dire le falt de la raison
üumain8, el détenllinü, des ce jour, un p1'iucipe
llouveau~ uctif, opposé llU principe de ¡'eLre passif,
qui avait pr6valu deplüs des siecles.


En eeci, rien de contingento U y avait, au con-
t1'aire, un travail indispensuble auquel bien des
pltilosophes aVüiellL déjú mis leur mail1 pieusc, mais
S<lns sueees. Par la foi, Dleu avalt donné a l'hommc
le selltiment de ses hautes destinées; et l'homme
répondait á ecUe voeation sublime, voulant attein-
ure le hut uc son existence par l'exercice légitimc
de sa raison , et pressentant qu'il pourrait un jour
déeou vrir la v61'it6 par lui-meme, ou s' élever á
Dieu, son eréateur, pour opérer sa création propre
sur ia terre et acquérir l'immortalité dans le ciel.
Luther triompha OÜ d'aulres avaient éehoué, paree
(lue, de sun telllps, iu cert1tuue du savoir était




-44-
ücquise il l'humanité. Mais,ce moine superhe fuL
moins réformüteur que révolutioDnaire.


IIomme d'instinct et ele passion, encore plus quc
de raison et de science proprement dites, il nia
l'üutorité dans le gouvernement de l'Église, dan s
l'Église elle-meme, et s'aiTranchitainsi de 10ute dé-
pendünce quelconque, pour mieu:\: aHirmcr la réa-
lité de son propre mérite, quelque relative el tem-
porelle qu'elle fUt, sous prétexte de l'ériger en
hut supreme de !'espece humaine eL de consacrer
son indépcndance absolue! Malgré l'iulllloraliLé
d'unc pareille opposition aux vues générales de l'Í~­
glise, dont la conséquence était la destruclion
meme des desseins de Dieu sur l'humanité, la doc-
trine de Luther prévalut et devait prévaloir. La rai-
son iodividuelle deviot ainsi l'arbitre de la foi uni-
verselle. Au lieu d'assurer le triompbe de la vérité,
on assura done le triomphe de l'erreur. Muis l'es-
prit humain, livré u l'activité, puL du moins SOll-
der tous les problell1es que 1'00 croyaít impénetra-
bIes, et que l'holl1me doit résoudre au prix de son
salut ou de sa chute. Il en résulta que le Pro tes-
Lantisme eut, des son origine, deux fllls bien dif-
férentes: un but sacré el un but salaniquc. Le premier
exprime, dit HOCHé WroIlski, G la découverte par




- 45-


l'homme du principe supérieur qui est en lui-me-
me » ; et le second exprime, au contraire, « la pro-
duction par l'homme, des actes odieux qui ont
houleversé toutes les conditions morales des so-
ciétés .•


Puisque I'hornme étnit désormais appelé a faire
IlIi-IlH~me sa destinée, aucun but ne devait plus
(~tre fixé pnr la Providence: aussi la lutte du Pro-
tcstantisme, eontre le Catholicisll1e, fut-elle eou-
ronnée par la fatalité. Le désordre que Luther
flpporta dans l'action civilisatrice de l'f:glise, fit
gémir les penseurs et les hommes d'État : ceux-ci
préoccupés de l'ordre maté riel ; cellx-la, de 1'0r-
clre moral (1). Érasme, qui consentait a se ran-
ger du cóté de la Réforme, pourvu qu'elle ne
proeéd,lt point a COllpS de révolutions, s'écriait
avee douleur: • Qlland méme tout ce que Luther
dit serait vrai, une liberté acquise par la sédition
ne m'en déplairait pas moins. J'aimerais mieux vi-
vre dans \'errcnr sur quelques points, que de bou-
leverser le monde comme champion de la vérité. »


Le moine ele Wittell1berg ne pouvait pas agil'


(1) \1. Augustc \ir.olas a parfailemenl compris la porté e négntivc
des principes Illtlirri"lls. "oir son ouvragc ])Il 1'l'Utestllnlisllle ff
de toutes les II/:n:.lic.\ ¡fans {el//, Nt}/IIOl't ave!' {e SocialislII/'.
Pago 130. Paris, 1852.




- 46-


avec eette modération philosophique, pllisqu'i1
était fatalement destiné a rompre l'unité reli-
gieuse, en accomplissant la plus grande scission
qui se soit produi te an sein du Christianisme. eette
scission en gtlldra une lo!! ~'LIe sél'ic de catastrophcs:
conséqllence inévltable de l'opposition brutalc
c¡u'il fit ü l'ohédience reconnue jusqu'altlrs, el de
la division indéfinie du Protestantislllc, qu'il érigea
con Lre 1'unit6 indivisihle de l'Églisc. A qukonque lui
reprochait les guerres sanglantcs qui s'(qev('~l'ent ¡¡!l-
tour de su doctrine, Luthcr r('pclll(bit : .le uc suis
l'as vellU apportcr la paia:~ 17Iais /(' fJl({ivr~ -11011 veld
17Iiltere pacern~ sed gladiutll. A quiconqllf' le priilit
de cheJ'chcr un moyen de conciliation, entre les
deux principes dont l'antagonisme sinistre [lar-
tageait le monde, pour rétablir l'llllit(~ salutaire qu'il
avait délruite, le sectaire ne cruignait pas de dire :
Si c'esl une allWl'e hWJlaiJ/e~ elle se dissil'era d'clle-
miJ/fle; si elle vieJ/t de Dieu, Tlr!Jt 'l/C ¡JOllrra ['((1'-
1'áteT dans son cours.


La Réforme envahit sllcccssivemcnt une moitió
de l'Empire d' Allemagne; plllS de la moili(~ rl(~ la
Suisse; le Dünemark, la Snecle, la JIollanc1e ct
l' Angleterre, en y créant plllSicllf'S ]~gliscs natio-
nales Ol! particlllierr~s nvcc ¡'c~puir d'unbllllir I'f:-




- 47-


g-lise universelle. Bien des sectes se formerent au
milicu de ce vas te ll10uvell1ent d'hol1lmes et d'opi~
nions; mais quelles que fussent et soient cncore
leurs divisions, leurs subdivisions infinies, avant
lllC;lUC qu'ellcs parvlnsscnt au tenne de tant de lnt-
les di\'erscs, 011 puL I(~llr assigner un but unique.
De surre (lile la socll,té gétl(~rale se trollva divisée
ell dCllx call1ps cllllcmis: celui dn Catholicisll1e
et celui du Protestantisme, toujours en présencc
depuis plu:-i de trois siécles. L'un exprima le
parti de la !¡raCe divilte, résultat du príncipe de
retre; et l'autre, le partí du mérile ltullUliu, résul-
tal du principe du savoir. Bien des guerres écla-
v!rent entre ces deux principes, ou mieux entre
ces deux partis, qui ont triomphé el SllCCOllllJÓ
tour-ú-tour, sans pOUloir jillua is se détruirc.
Lcur co"existence permanente nous prouve qu'lls
'-ont encore appelés ú concourir, maigré leur an-
tagouislllc et par leur antagonisme lui-müne, an
progres des sociétés.


En enet, ces deux partis religieux, ayant atteint
ildjourd'hui leurs extremes conséquences, par
!:luite de la slIccession des temps et du dévelop-
pcmenl géllénd des lumieres, constítuent deux
t~)éments ess(~ntielsJ.e la vérilé: l'un, cdui de la




-l18 -


grdce divine, en tant qu'il est un don de Dif'll,
qui a lui-meme posé les prohlemes de la religion
chrétienne dans les Saintes-Écritures; l'autre, ce-
lui du merite Immain" en tant qu'il est un etfort
de l'homme pour obtenir la solution ele ces pro-
blemes. Jusqu'ú présent, les detlx partis sont res~
tés dans un état stationnaire: celui-ei, en n'inlro-
duisant pas, malgré les nobles tentatives des Jé-
sllites, a leur origine, les eonsidérations rationncl-
les du mérite dans le pm dOIlHline de la foi, qu'i!
elevait se réserver exclusi vemen t; eelui-lil, en n 'in-
troduisant pas, malgré les tentatives de la philoso-
phie allemande, vers la fin elu xvmC siec1e, le mé-
rite spirituel dans le domaine du mérite tempo-
rel, qu'i! s'est exclusivement réservé.


Mais, le Protestantisme n'a jamais pu embrasser
que les conditions temporelles et purement physi-
ques de la morale; tandis que le Catholicisme em-
brusse ou peut embrasser i1 la fois, sans ébranler
aucun ele ses dogmes, ou rnieux en les consoli-
dant, si l'on osait ainsi parler, toutes les conditions
{~ternelles et teniporelles, physiques et métaphysi-
qnes de la moralc. CeUe incontestable sllpériorité
du monde catholique sur le monde protestant, a
été reconnue pur les hommes les plus c1istingués de




- [¡9-


l'Allemngne, quí, ayuot accompIi le systeme phi-
losophique daus ses rllpporls ave e le syslcll1e reli-
gieux, oot dO. renoncer a u:\: vues purement tempo~
relles dll Protestantisme, et sont revenus d'ellx-
memes au polnt de vue transcendant de l'Église, té.
moignan t ainsí, par leur propre philosophie, OU ils
s'élcventa la hüuteur de la vraie théoIogie, eL, sou-
vent, par leur propre conversion, acte de foi qui
exprime une raison progressive, que In vérilablc
rcligion chnSticnne est dans le Catholicismc!


Apres avoir donné, an \ \T siec!e, le signal de la
réformation protestante, l' Allemagne donne done,
BU XIX" siecIe, le signal d'une régénération catholi-
que. Apres avoir longtemps privé I'humanité de
tOllte direction spiritl1elle, générale, universelle,
pOllr lui imprimer une direction puremcnt tem-
porelle , purticuliere, distincte, elle détermine une
tendnnce diamétralemcnt opposée; elle proclame
enfin la nécessit<~ d'un principc absolu: f(:~gle in-
conditionne\le dll progrcs rcligicux quí manque
depuis trois siécles, et qui est nécessuire pon!' mel-
11'e d'uccord les di verses antinomies du monde
CÍvilisé, en y recotlstituant l'unité supreme. Ainsi
reviendront uu giron de l'Église lous ccux qui s'en
sont éloignés, a afin qlie~ suivant la parole divin~,


1lI. (3) 4




- 50-


les uns et tes al/tres travaillcnt á la per{ection dps
saillts, all,;C {OIlCliolls de le/Ir 111 in islh'c , (( la {orma-
rioJ/ da corJls de .7 éS1/s- ('!tris!, jl/sr¡ll' á ce (jI/e 1I0l/S
JlmTellions tOI!S ti I'IIJ/if¡; d'/IIIC mhne fiJI, d'ul/e l7Iéme
COII naissallce dI! Fi{s d(! J)i/' iI , á 1'/;,(/ r {{'1m /101111/1 e !)([T'-
fait, á la mes1Ire de l' rige ('t de la ¡ilrllilllrü: , Se/Oll
¡((r¡lIdle Jéslls-ChJ'isf doir Cfre {ol'mr eJl 1101lS ': I .


Maintenant qnc nOllS nvnns dé'fini la misshll dn
Profesfantisnw, dóviation de la foi, 011 voit qwl!c a
été sa raisoii d'&tre, ¡llal;.;r~' son écart fllneste Sans
ceUe évolntion philosophilPW, loir! d'iI\'oir '-:(:1'l"i im
vaste dévelnpPCnlent des IUl1lii~res qlli a eu licu
depnis trois siecles, l'intclligence blllnaine SCPlit
sans dOlltC 1'est("0, dans les t(~n¿:bres. Auclln des
grands problemcs relig-ieux n'eftt été ah:Jf:é ('0-
core d'lIne l11nniere scientific¡ne: notamme:Jt ce-
llli du Verhe crén!Pllr dilns ]'homme, idl:nticJ1le
cm Verhe (le Diell, cOllslÍtllilnt Sil re~s('mhlrltlr(l n\'l~c
n¡cll,-0l'0rlet vos nasci dril/Ir) -, et !ni ra i:-;¡¡ n I opé-
rer sn propre cré,,¡ion cl'f In lerre, el! memc temps
qu'jJ ncquiert l'immoriilIilé r1ans le eje], e'('<;t-h--


In ~ainl P;l1l10ll,T "',,""siens, TY, l~ PI 1:1.- '1'1)111 ('0 (r:i rr¡"cl'd.:
nOll~ a (~t(Í in~pin~ par 1;1 [f'C'tl1rp (](' r (:¡'U;'(: fllt.!' SO,'!l'fiJ'{/lns-[lOtJ(i-
r .~. (Ti! rill!lS'l'(' \\ J'();;:·J.i:l ;',11 1;' (1,~¡;" ~.':l u//so/Ni' di!
.v:l'o¡( /;¡Illl(,;¡: t~'Jl:. ; '\ rt (Ir] I 'p;'(l(~ujl II\~ prll'lleS es~\'n-


,
:11, J




- 51 -


dirc l'existclIce par sol-meme. Et notls !le possé-
d(!rlons penL-óln~ aUCllt1(~ de ces grandes soluLions
que le g6nie laúIIH~ ofTr~~ au géllie c¡:cl6siustique,
apres avoir rait de la ruison le plus mcrveillcllx
sOllticn ue la foi. Lcssciences Lourneraicnt, C0I11111C
au moycn-úge, dans le cerele des faits empiriques,
simpJesohsen'ations prfparatoires, SllllS avoir pour
base ddlnitive un prillcipe de ccrlitude : loi gpué-
ratríce de tous les systemcs et de tOl1tes les crr':a-
tions. Düns les sociétés enfin, J'homme toUjOUfS
soumís a l'alltori ¡é, sans avoir memc la consciellce
de celle SOllllJission volontairc, sourcc de tOllte
dígnité personnl'lle et sociale, n'anrait acquis ni
l'aplitude, ni le droit de créer pratiquement el spé-
culativcment la législation politiqnc de son pays.


Tels sont les résllltats généraux obtenus par la
Réformc, qlli provoqua malbcureusemcnt trop de
révolutions! Mais, l'(~g-lise et l'Etat se trollvaient
tellclllcnt confondus, HU XVI' sieclc , (Fl'On nc pou-
\'aitébranler ['Uile san" troubler l'autre (J). A vrai
dit'e, Lulbcr ne houlevcrsa que 1'0rc1re religicux;
Cnlvin bouleversa, au contruire, sil1lultall~ll¡erlt et
l' ordre religieux el l' orJre [Kili tique. Ces deLlx hom-


I C]jarll', ti\' rill,'l", I,'ssrli" Sltl' {'esll!'it ('( 1'· ... 1l/1w/!('(' dI' 1(1
),(;¡'u/'II/alio/I de L/llh(;/'. I'ai:'. /JO.




- 52-


mes, d'uncaractere opposé, parurent, celui-ci á Ge-
neve, celui-Iá á Wittemberg: cités régies par deux
constitutions différentes, l'une monarchique, l'au-
tre républicaine. Aussi leurs systemes religieux dif-
féraient-ils absolument, sous le rapport politiqueo
a Cette diversité dans l'organisation, bien plutOt
que dans la eroyanee, dit Sehoell, explique eeHe
des effets que la réfol'mation produisit dans les di-
vers États européens ou elle fut portée, selon que
le Gouvernement de ce pays était Il10narchique 011
républicain, selon qu'elle y arriva de l'Allemagne
ou de la Suisse (1). ))


Des ce moment, deux grands principes religieux
et poli tiques se trouverent done en présenee. Nous
avons examiné déjá la valeur positive de l'argument
rcligieux; nOl1s examinerons plus tard celle de
\'argument politique. 11 nous suffira de dire ici
qu'en meme temps que \'homme voulait obtenir
l'existenee par soi-meme dans le Christianisme et
en vertu du Christianisme, les so cié tés politiques,
marchant vers un but semblable, voulurent ac-
quérir aussi l'existence par soi-meme daos le
Gouvernement et au moyen du Gouvernement.


Avant celte époque, le príncipe de la Souverai-


(1) CO/lrs (['¡list. des di/), États curap. Torn. XIU, pago 13-14.




- 53 -


neté dans les États, émaoait exclusivement de
Dieu: tel était du moins le sentiment général en
un temps OÜ I'on ne tenait aucun compte de la
raison individuelle; et, depuis lors, le principe
de la Sonvcraineté dans les États éinana exclusive-
llleut du pellple : te1le fut du moins la doctrine
prétendue rationnellc de qllelqllCS csprits, qlli Ol1t
essayé, presque partout, de la faire prévaloirdans
l'opinion générale. Ainsi, I'humanité fut partagée
en dcux vilstes partis : d'uo coté, le droit diviJl~
avec ses conséquenccs théocratiqucs et monarchi-
ques; de l'autre coté, le droit Itwnain, avec ses con-
séquences démocratiques et républicaines.


Cet antagonisme a provoqué, en Europe, des con-
t1its de tOllte natllre etcle tout genre; tantot contre
l'influence rcligicuse de la foi, tantót contrc ¡'in-
fluence philosophique de la raison; aujourcl'hui
contre la Souveraineté de droit, demain contrc
la Souveraineté de fait; ici, contre les légitimités,
lil, contre les quasi-Iégitimités; plus loin, contre
le despotisme; ailleurs, contre les chartes : exprcs-
sion de la liberté constitutionnelle. De sorte qu'i1
résume, dan s son enticr développement, les pha-
ses dbtinctes et contradictoircs de la civilisation
lUoderne, depuis l' origine de eette scission j usqu' il.




l'epoque actllcllc, quí sembie en détcrmitwi' la Ílu.
C'est qu'on recOllnait l11aintenalll l'in~UmtinllCe


l'cdproque des dcux princ.ipes isolés, et la néces-
silé ubsol uc de leul' douhle concours, ou mieux
oe leur propre identiíication en vertu tl'uu «utre
pl'incipl~, sup6rieui' Ú cCLlx-b, pour ussurer, d'une
l1WilÍl~l'(; po:,ili\'e, uOll-seulewellL la pücificütiull
des partb en guerre ouyerte depuís t1'01s slecles,
mais cucore le salut supreme des sociétés.




C\L\.PITlm ::xx.


Sornmairc.


'11'11'10-'; (}llin 1 PI Fr;¡ tJ~-:(d,..: 1 er .-LI'lll'~~ 1: ';jlJdl ('!;C'~: ;:!¡ )r;j'~ ~l(, re, ill'i rl r 1.


i : ~
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el' \!(I:l:¡l'¡:!]í' ¡]I".;til ]',i:-:!('~' t~',' i: t'~':--· ,;; liX jll'¡n(~r . :.
:,)" (;I'\I',liJ , ,¡, i¡;!ií' ,tI' t·::I:!' di < : ~ • tI!',':¡1 L' L.-
:11' d" efl:' i ~ , ..:. - '.'llil: t. T I'¡ 'l! ~ 1 , 1'< I'J1 .'·pd_il\, - j,i ¡j;'


ti,' {,,;;¡r¡)lill/:,,'¡lr!('s. -- ¡·'j,'I:l'.:{I::~ ¡('I ,-,dl;-.!: CI'~ 1, (\('~';::-:~llIl


,,1 1\ (t ":1' 1'1 .",j .,)' ('1]111 l" '.,.].";",
"' ,/¡: "', - ~;;l:'~'I'd "',lil\'l~ 1;) '!:'t', 11 'ir"


\,:1;1],1, ,-1,:¡¡inl. - !\i'\'pr."; dl~ !:r';lIl"qi~ i tr ILLl.":, ¡i' \:iL(:j:li,~.-­
II'al¡: ,11 dn C(Jllil('!;l~'I\' \:1' l\IHII :1{)11. ~ \!all\al:-; ~\l '1, ,'S d~_j ;--i¡(l


I \¡\c',iitli)!l (iil PI'(I\I\:¡ "1' --- r;¡I¡I:iIL., ~ [1' !¡1}\1I'~:¡il t:íJ lt;t!i('.
;:,t1;11 !~', de Payi,. - Ci!pii\il'; dI' i ¡'i)tllo'I))::'; !fl. - ¡d'~t·tleC' dl~
j,I'Uj,l' di' >;t\·(}il'. - ¡','I"!!II:,¡i:--. in :--':,:...:tll' [(, LJ',t¡ (, di' \ladrid. - 11
;[,"e'1) , ;" tout ce f[lW C!¡;¡rtes-l}llilll l'\i~c, a,I'!" rinlcutiol1 de 111',
ri,"1I 1; ¡liI'. - l:'¡:-:S('tllJ¡lt"(~ d('s 1l\llaiJlr':-; Ikl'l¡;!(\ ce trait,·,. -
Coalll:";l 1"0n(l'(, n:1111"'I'Cllr. - f.r dile dI' !\ourlHlll (]"I'ant HOIJlP.
- ,-'d" ,,,' I'elle capitat,' ,tlJ JIlIJ'LlI' ('1i1·,"lil'll. - Cliar!t'';-l,luilltl'l
cl¡"I!!l'nt r!i. - L~I"~llip(\rl'\l1' rt 11' ¡¡(,i dI' l'r~llH'(l 1'!1('()lllJllrll(\~ljl
d ':'~"il.'. - TI:titl" di' Call1hrai. - ."itilil:itJll 1'1~li;.(kll'l· de 1"1':11-
J',,"'. - (:iat, nltLllir¡u,"; 1,1 (la!, ¡JI'(lI"",I:¡,,[.;. - ,tti;I'Ii"I' il,'
Vr;l:Il:tii~ ¡U ('~ dp ¡¡pllt'i \ 111. - ¡'!,(l~l'(';-, !lil jJl'ldl,~i;Jllii,",11H} ('ti


:,'(11)1'. -- <Jlíu'll,,,-i,)llit¡[ ;1 LI I":l' Ijt':-, 1¡11¡";":IIII'll~ 1',¡:IJ(¡l¡,:¡!I".,.---
F; : .'oi:-i ¡cr h [;1 I~\ll' t!P" plli ... :--;Il)I'~:,...: !H'q[,'·l:llll¡':-i. -( P \'j)ilill'ql~E'
:~', 1,': (·',;::llrl.llli'ld ;I\~'~' Ji¡ 1)11]'It'"()t:II!II:\l:I', :--,1' It: ld('j¡rl';1 !;;t.d,jl'PI'
li h , )'('1',';' di' LI \lai.';'ll:1 ir \Ulri('II(l,---\01iY(';IIl\ n'Y")'..: 1'11 ~1:1'i,'.
l.: ¡p¡-.: :-:itJ"Jj~jH' de \oil' la J-'¡:llll'í' ,'11.'\ lj"lll]:' ij,~¡lí'il. ;1"1 " : ,:
T.l - ';')1'\'(1 ¡]1' \ir"'. - ¡":',' 111 ii:" 1II (:.. "" ~ l
dI..' ¡·j.ttH,'oi..; JI". - L'j':1111lt'l'l'lll' t)rt\!'!"~I' la I':'¡;jl'(' jlIHJI' ;¡ikr c'í!;t-
ti,'r l,·:) )'11\I,ltl''': dj) {;;llld. -- 1f ¡;¡';'í;¡;·t:l i'ldlJ':'li~; jll r¡l!\,':)liill!\~
dli \Lilanais, avec l"iul':llllllll ¡j" 'le ¡::ts Lu:eordl'r. - \~SaSSinéll




- 56-
dr drnx illllhassadenrs. - (inCITe 1100\c110. - Les l'ro\e,lanbi
refw;cul de c(lllIbdllre il cólé des Tllrcs. - I1s sOlllllluul Fl'an-
~ois 1" dc ¡'OIlJpI'C :'Of! alliance aree cux. - :\oble n'po!lse llu I:ui
de Frallcc. - Balaille de Cl'risoles. - F¡an~oi:; 1" elui!;uu J\é'J'ÍJ('-
J'ousse el résislc seul ü [uule l'l~uru[lC cualísée rontre lui. -
Chades-()uilll allx purles llc Paris. - llalJileli' rliplornatiqUl' üe
Frau(.'ois 1" 'luí le cotllrainl:\ acr"jller la ¡¡aix. - T¡étill' dl~ Gresl1\'.
- l:l'all~:ois In :;auvrur üPo naliolléllilé; l'lIi'opéeUlli'S. - IlclIri il
('lJauge le Cl'IlII'C de l'intllll'I,('e fl'all~ai,(!. -·11 ,'¡dlie arpe .\ial!-
riccrt" :-iil\C. - COlHjlldrs (Ir ¡I('mi JI sur les fJ'OulÍt'res dI' l' \lii'-
J;);¡:r¡!t'. - ¡'aix ue !¡¡bSaU, (pli lel'1nine ll)s glH¡l'l'eS !'f:l¡~iells(l~ d('
CiJarks-0uilll dalloS sun EJllpir('.~J\e\'('rs de l'ElJJi'('I'l'lIJ' daw; ses
blleJTe~ CO],[I'\' la j'l'ilnre. - Son a],dicalio!J.·- ¡lcll¡i 11 el 1'11:-
lippe 11. - LT'I'il::;,e rnyallil la 1'"¡:Ince. ~ Tr;til," de Ctll("ll1-
CililtlJi ('"is. -- La lliurt üe J tenri 11 li\Tl' la Fl'illlCe el I"EIlI'O¡,,, ü
l'iiiflul'llce [alal:: de l'Ílilippe 11. - Ubahelll el (;uillamnc de
\as:-',H1 rélalJlio;l'n1 l'é(juili!.Jrc.-L'a\énell]enl dh HOUI'J,lIns d(,it
:,au \ el' la Franee et l'Elll'OpC, en detcnninalllla clllllc progrr'tísi le
dc l'Espagne.


La constitution morale du monde chréticn a été
détruite par la parole d'un seul hOl1une; la consti-
tulion politique de l'Europe va etre détruite par
les victoires et les défaites réciproques de cleux
grands Monarques, pcrsonnifiant, a vrai clire, tou-
tes les passions bonnes et mauvaises, tons les ins-
tincts de l'humanlté. 11 n'y él plus d'autre regle
(lIle le calcnl de l'ambition; il n'y a plus d'autre
1110rale que l'intéret bien on mal cutendu; il n'y
él plus d'autre poli tique générale que le succes,
dilt-on l'obtcnir par la ruine des divers États. Les




-57 -


drames sanglunts ou s'agite la destinée de tünt de
peuples, envahissent le théiltre de la civilisation
que Franc;ois 1" et Charles-Quint vont remplir.


Avec ces deux Souvcrains, commeneent les lon-
gues fivalités de la iHaison de Franes el de la Mai-
son d' Autriche, pour ne finir que deux siecles
apreso L'dJroi qui se répandit parmi les Nations.
des qu'eIles virent un l)rlnce autrichien occuper
tant de trónes en Europe et convoiter hautement
tous les autres, fit eonsidércr le Roi de France,
comme un véritable libérateur; cal' le résultat
définilif de eette formidable InUc, était, pour lui
et pour tout le monde poli tique, une question de
"ie ou de mort. Franc;ois 1" el Charles-Quint bril-
lerent autant par leurs défauts que par leurs qua-
Iit{~s; l'un, guerrier hubile et vaillant cbevalier,
~uivuit presque toujours l'impulsion de son ereur ;
tandís que I'autre, soldat d'oceasion, sOllmettait
tout au calcul et n'abandonnait jamais rien au
:oiCntilllcnt. Le premier, accordant trop d'empire a
ses maitresses, laissait Iimiter son autorité absollle
par l'amour ou par le eapriee ; le seeond, maUre
de lui-meme, eommc dcs autres, ne eonnaissait
pus meme la mere de ses batards; la difrérenee
de leur curactere explique le divel'sité de leur for-




tune. L'histOlre admire les froides conceptlons de
Cllllrles; elle est pleine d'indulg-ence pour les
passions anlentes de Franr;ois.


Tels sont les deux Prince:j rivalix rpli \'ont lutter
qllatre fois l'un contre l'autre, pendant trente Utl:;;,
et devenir les vériLaLles arbitres de l'Europe. Le
Roi d'Angleterre anrait dO intervenir' ayec f(~­
solutioll entre la Fri111Ce d l'E::,pa~nn, dans !'í,ll(:-
ret de la paix et :~e h ¡ibert(~ g~~llénlt:s; m;¡i~
Henri ViII, lnnf6t sl\luit plr Chad~'s-()tliJlt, tafl-
tót SULjllgué pilt' ~,O;J ministre \\'ois:'y <¡¡Ji !ui [,\[-
su1t changer d'ulliance, llloins dan s rill téi'et di: SI
patrie que clans s(~s propres intérets, scmbl;lÍt pn>n-
dre plaisir a fllulLiplier les gucrreS,(luoiqu'dic,scus-
sent un résultat funestc: celul d'opérer le renver-
sement de I'équilibre, qu'il aurait dú mainteuir.
"Peu s'en fallut qu'i! ne fút perdu pour toujours.
dit Ancillon, et que l'Espagne n'établit un systellw
de dOll1ination qui, ne laissnnt aux ilulres .Él¡¡[ ~
qu'une indépenclance apjlarcllte OLl précaire, n'eui.
bicnlÓt ofl'ert en Europe <JU'llll Illui[l'c el des eSc!il-
ves. Ce genre de \Jonarcbit: ullivcJ'sc¡¡c, le S"ltI
que l' Europe aiL eu ú redouler dans les Lcmps mo-
dernes, consisterüit JLms la prépoudél'llllCe déci·
sive d'une seule puissance, telle (IU'elle ne penuít




- 5'<1-


"tiX ¿¡U tres de sllbsistcr que de nom; qu\eHe Íl:::
as:servít par le raíl; (llle, sans tcur uonner le titre
de province,;;, ell(~ les ;,:;oíl\eruc1t p;u' la force ue sa
Y;)¡ollt(~ el l(~:; ilSSlIjpttlt Ú tOl1:'\ ses capriccs, par la
cralllle de la guerreo Le seul refuge de l'Ellfope eL
¡'unitlUe moyen (k slllut, seralt la coalition des
::¡iilb, 011 la c¡'(~illiotl de (11J;~'lrIlIe puissance qul
;¡¡ l cOlllrcbaldl1ccr ::ion actiun (1).» C'es!' la, en
eüet, ce qui a ('U liel! lOlltcs les fois que le fan-
lome d'une l\lonarclllC univC:l'seile est vellU me-
tElcer I'existence des ~lon;¡rchies particlllieres.


Plusieurs contestations, préliminaires d'une
guerre prochaine, avaient d6já éclaté enLre Fran-
90i5 ler et Charles-Quint, au sujet meme du traité
de paix conelu a Noyon. Quoiqu'i! eút promis de
remIre le trone de Navarre aJean d' Albret, le Roi
d' EspagLlc rcfusüit uéün moins de restaurer, sur sa
propre frontiere, un État et un Prince qui étaient
les ailiés nütllrels du Hoi de France; par consé-
quent, ses ennclllis. El! outre, Franyois réclamait
la couronne de Naples, dont Ferdinand-le-Catholi-
que aVült tlépouillé Louis XII, par une mauvaisefoi
sans excuse. D'lln nutre coté, non-seulement Char-
les pouvait réclalller le duché de Wlan, fief de


(1) Tableau des 1'1. c. du slJs/. IIIJI/[, Tom. 1, pa2,. 358,




- 60-


l'Empire, dont Franl(ois s'était emparé et qu'H re-
tenuit sans lui en demander l'investiture, mais en-
core le duché de Bourgogne, qu' il considérait
comme un patrimoine de sa famille, spoliée par
Louis XI. Aussi considérait-il, comme uutant d'a-
gressioos, toutes les clémonstrations d'amitié que le
Roi de France prodiguait uu dnc de Gueldres, eu-
nemi héréditaire de l'archiuuc d' Autriche.


a Avec tant de sujets de di vision et de guerres,
dit Robertson, la paix n'eut pu durer longtemps
entre deux Princes sans rivalité et sans umbitioo.
Mais comme la premiere rupture entre deux ad-
versaires si puissants ne ponvait manquer d'etre
fatale et sans espoir de conciliation, tous deux
montrerent la plus grande inquiétude sur les
suites importantes et dangereuses qu'elle devait
ent1'alner, et prirent tout le ternps qui leur était
nécessaire, tant ponr réuni1' leurs forces respec-
tives et en faire U loisir la comparaison et ¡'exa-
men, que pou1' s'ussure1' l'umitié et les secours des
autres puissances de l'Europe (l). »


Le premier soin des deux Monarques fut d'atti-
rer, chacun daos son propre parti, le Roi d' Aogle-


(1) Hist. de C/wrics-Quint. Liv. lT, pago 165, Mit. dll ['anl/LlJan
littéra.ire.




- 61-


terrc, qui, possédant la ville de Calais, pouvait en-
,ahír, selon son gré, la France ou les Pays-Bas,
en restant lui-meme, par la position de ses pro-
pres États, a l'abri de toute invasion étrangere.
Henri VIII, lors uu mariage qui eut líeu entre le
Dauphin et la princesse Marie, sa fille, ávait con-
senti él une entrevue avec Franyois ler• Le temps,
le líeu et le cérémonial en étaient déjil fixés, lors-
que Charles-Quint débarqna inopinément ü Dou-
vres, mit Wolsey clans ses intérets en lui comp-
tant force ducats, et ohtinl de Henri la promesse
d'une visite a Gravelines, apres son entrevue avec
le Roi de Frunce. On le sait: la magnificence
déployée, u cette dcrniere occasion, par les dellx
Monarqucs et par leur eour, dans I() plaine qui
s'élend d'Ardres vers Guines, ou plusieurs por-
tel'ent leul's monlills~ leurs {orets el leurs prés sur
leurs épaules (1), lui fit donner le nom de Cltamp
dn drap d'ol'. Fran((ois entra un matin dans la
tente de Henri. «Frere, lui dit ce dernier, ré-
veillé en sursaut, vous me raÍles le meilleur trail qui
soit possible. A partir d'au}ourd' hui }e suis votre


(1) Cardinal Du BeIlay, Oqdoadcs (hnitaines), publiécs par fl'ag-
lllents dan s les Jlémoil'es lIe '/artit! Du Bellay, fr(>re dn précéllcnt.
l'aris, 1569, in-roL




- 6'2-
pl'isonnit'l' • • 11 parait néanmoins que les manieres
aimables de Fnnyois ],r /le firent I'oint une longue
impl'essioll Sllr l'esprit de Henri YIII, cal' elle
était déjü effacéc lors de sa prcllli¿~re t'nlrevue avec
CllUrles-Quill L L'arti fi cien:\. Eill pereur promit au
Roí d'Angleterre de SOlltncLLre, ú son seul juge-
ment, toules les contestatiolls ¡le lil \íaison de
France et de la Milisoll d'Autriche; et Henri, flalté
d'etre choisí pour médiateur, renonya aussil6t Ü
l'impartialité qui convient au caraciÓl'c d'arLi-
tre (1).


Franc;ois I"r et Charles-Quin! lecll('l'cil(~re¡¡t. ¡'¡¡-
mitié C\U Pape, comme ils ílvaknt recherché
cclle du Roi d' Angleterre. Léon X trai ta el'abonl
avec le prender, pour négocicl' cmlIiLI~ plus aVilllta-
geusement avec le second. D'lllJ CiJU\ il arretait la
conquete et le partage UII HOyillllllC ue ]\\aples en-
tre le Saint-Siége et la courOllllC de France; de
l'autre, il arreialt !'expu!sioll de~. Frullc¡¡is de ?!li-
lan et sanc!Í!);;niiÍt, HU mépris de ses pr<lprcs int~~­
rets, en s'alliant avec Clmrles-Quint, la r~union
du Royaume d('~aple:" ú [' Empire, eOlltri~ !liql!cli,~
tous ses au;.;usks préck'ccsseurs uvaicnt si pui, ..




- 63-


S'Imment pr01esté (1). Franr;ois Jer, n~dl1it n des
,dliancps falls~es, mohiles 011 rrécaires. ne potlvflit
])111'; compter ([Ile Sl!f SPS propres forcps; mais le~,
trouhlPs politiqiles et reli~ieux qui s'élc,.crent en
\ lktllllgnc rt en Espag-nc, lui fournirent l'occllsio\1
d'üttaquer SOI1 ad"prs¡¡ire quand il éprollva un 1110-
lllent de fajhlf'sse.


Clwrles-Qllint, Prince autrichien, ilvait mécon-
tentt'~ le ppuplc espagnol, (les son arrivée dans la
N:nlnsule, en retiran t J' ad ministratiíln pu hlique
el'entre les mains dll cardinal Xilllencs, que la na-
tion enti(>re consirlérait comme un saillt~ el a qlli
elle aUribuait le don de faire des miracles (2). Cet
110m me d'État célebre maurut quelques heures
aprcs sa uisg-ra(~e; et Charles-Quint lui donna
pour rctnpl1l9ant Adrien dTtrecht, son anden
]);(~C(:ptcllr, (I!Joique le choix d'nn étranger fut
llliO \'iolalion f1ai~T(ll1te des priviléil'(~s dll püys,
aussi hiel! que le titre de Hoi de Castille et d'A-


(1) I'rnnrt':,co (;nir'cinnlini, Sto!'ill itlll. Lih. XIV, Jlng. iRi, Flo-
1"""'(', 177,\-,G, -- [';((d() (;im i{l. I!i.\IOrill slIi II:Jl/l1i el Villl Lconis.
Lil,. l\'. ¡¡;Ji:'. :->9. 1':lIi", lj."i;;. -- ][':I1Wil'(,5 tlp 'dartin 011 Bellní',
1',1: .• 2'1. - ,l. l)¡lIll'JI\I. C()¡'/lS Jllli¡:crsel di¡¡IOllllllir¡llc. TUIlI. 1\,
.'/tl'!>" fJ;l;f. qn.
~) .];\("1:1"" ·,:;II"ulli,'I'. l/i.\I. rI/I tlll'll, .\;111 ('1} ('S. I'ai'is, Hi'l~. -


Fl:· 'llip!'. ;',/.r l/t. -- ,). \I:I!':>')'. ,'f .• rl:l~. nnl-()();';. -- nolJerlso:),
11;.'./. rI(J L'II,II'¡r",-:)i1¡'I/. "- !)t'U~k¡IC{I, I~\ :--',alldcl\¿t • ¡·h,;il .. Tonl. ,~
lr.le. ;1,0, \ aliaduiül. l()O:I.




- 64-
ragon qu'il avait pris lui-meme ou "ivant ele Sil
mere. L'amour-propre des Espagnols fut tellement
blessé, que Charles ne put en obtenir le serment
de fidélité, qu'apres avoir juré d'observer la con-
stitution et de se conformer aux uSüges natio-
naux.


Cepenoant le Comte Palatin, suivi d'une députa.
tion de la noblesse allemande, venait oífrir á
Charles-Quint la succes.;ion de Maximilien ler.Or,
l'Espagne se rappelait qu'Alphonse X, Roi de Cas-
tille, élu jadis Empcreul', ilvait cédé aux Cortes,
qui !'empeeherent de sortir dll Royaume, en le
mena9ant d'une déchéanee immédiate. Aussi eli-
sait-elle ave e orgueil : A lp/wnse a préféré la COll-
ronne de Castille all g/obe d'or de t'Empire d'Occi-
denl (1). Charles, redoutant le vote des Cortes,
n'osa point les consulter au sujet de son éleetion;
mais il osa mettre le globe d'or de l'Empire sur les
comonnes royales ele Castille et d' Aragon; s'ar-
roger le titre de !Uajesté~ quoique les autres
Monarques de l'Europe ne prissent encore que ee-
lni de Grace Oll d' A ltesse; exiger qne ses peuples
le lui donnassent, et lem annoncer enfin son pro-


(1) J. Zurita, Anales de Al'ragon.




- 65-


chain (lépart ponr Aix-la-Chapelle, oü son con·
ronnement devait avoil' liell.


Les principales villcs d' Espagne lni ayant aclrcssó
des remontrances, Charles-Quint ne daigna pas
meme donner audience a Icul'S députés. Seulement,
comme il désirait paraitre en Allemagnc, an mi-
lieu des Princes-f]ecteurs, avec tonte la splen-
denr impérialc, il convoqua les Cortes, non pas
á Valladolid, ville ccntrate et leur siége ordinaire,
mais n Compostellc, ville-frontiere, sous prétexte
¡le lui restituer IIn ancien droit politique; en réa-
lité, pour se faire accorder l'argent dont iI avait
besoin, sans que son gouvernement eút a crain-
clre les murmures de I'opposition. « Au bont de
rE~pagne, clisaient les ministres flamilllds, nous
verrons bien si nous ne pouvons soumettrc ces
Cortes turhlllentes, et si les députés ne 5eront pas
moins récalcitrants, quand ils se trollveront aínsi
¡solés et privés de l'appui de Icms provinces (1). »
Des paroles anssi imprmlentcs (kvaient provoqucr
un soulevement général. TolE.~dc, Salamanque,
'\lurcje, Toro, Madrid et Cordoue tirent de la ré-
sistance légale; mais Valladolid courut aux ar-
mes, ct tOl1S les Flamands eussent été massacrés,


(1) Pruuence de Sum!uvuJ, llist. de Carlos V. Pago 84.;
11l. (3) 5




- 66-


si Charles ne s'était enfui avec cux, a la faveur
d'une tempete dont la violence calma, pour un in-
stant, les fureurs de I'lnsurrectlon.


A l'heure Ol! Charles-Quint obtenait la couronne
de Charlernagne, an miliel1 de la pompe souveraine
que les Allernands déployaient allLrefois dans ces
solennités (1), iI s'en filllut de bien peu qu'i] ne pcr-
ditcelle d' Alphonscole-Grand, an milicll cl'unejunLe
des cornmunes révoltécs qlle les Espagnols appe!e-
rent Saillte-Ligue (2). Les viIJes conféllél'ées défcn-
dirent, a main armée, lems I ibertés et pririléges
contre le conseil oe régence, ton jOllfs agrcssif,
paree qu'il ne voulut jamais instituer que la ty-
rannie. Jean de Padilla, jellne seigneur plein de
hardiesse et de courage, somma, 'Ju nom de la
junte, Adrien, l'('~gent du Uoyaume, d'ilh(lirJllCr ses
pouvoirs et de les remeLLn~ ü Jcanne-la·Folle, mere
de Charles, qu'on youlait asseoir sllr le tróne. Les
communes ré,·oltées soutinrent, pendant deux ans,
le choe de la noblesse, que la bourgcoisie avait
blessée dans son orgueil, en proc:amant trop tUt
le principe de l'égalité polltiqllC; nwis elles fini-
1'ent par suceombr1'. Jean de Padilla, km chef,


(lJ Ilal'tmélnn IfllllrllS, ¡¡{'{atio (,OI'ONiI{. CilJ". T', il¡l1Iri Golda,t.
¡)Viii. ¡/l/pi/'l,d. I)a~. ~(j'¡. FralJ<'J'III'I, ¡Ir·ful. LUir"


(:2 i c\lcoccr. J1 isl. de ¡,iS CÚlIlIIlIlI!illadcs.




- 67-


mourut dan s les suppliees,pour avoir hérolque-
llleot défcnuu les libert(~s natioIllllcs cúntre le des-
¡:ütisme royal, exprimíS par des minislrc, élrang-ers •


• Tel fut , dit un historien, le délloúmcnt de
ectte fümeuse levée de boucliers, si Illal eoltlpríse
de nos jours. Des n()v¡ltl~urs tUl'bnlcnts u'ont VOUlll
voir dans le soulc\ elllCnl des rOlJlllllUlerOS qu'une
ils,':>ociation puremclit dl:lllOcratiq!lc, tlonl les ten-
délllees s'accürdaient il':ec lcurs lltilpies modernes;
el des cOllseillcrs de la CüLH'ollnl~ l'ont représen-
tt~e comme un mouvelllellt révoJutionnélire, tandís
que c'était plutüt le Pouvoir royal qui s'é1.ait 80U-
lPvé contre les institutions du pays. Aussi est-ce
un grand tort, nous dirons plus, une faute des
Gouvcrn;~ll1ents qui se sont suceédé clans la Pénin-
sult:, el 'a voir cherehé a jeter de l' o¡] ieux sur la con-
duite du noble seigneur de Padilla. Des peines
~raves furéllt portées eontre tout écrivain qui l'é-
traccrait illlparLialpI1H:I1L la vie du hérus de la nCl-
Lioní11it{~ cspag-lIo:c. Oa rcdoutait jllsqu'aux sjm-
pathies que de pareil .... sOllvenirs pourraient réveil-
ler; OIl rasa sa llwison, et, apres avoir semé du
se! ,sur J'clllplaCCIllCl1l qu'cllt: occllpait, on y dr"ssa
un potcau alce lltlC inscriptiun infamante. On 'lU-
rait dú, ¡ll! cOlitrllire, y élever Ull lllOTlUment en




- 6R-·


I'honnellf de celui qui dNendit jmqu'á la mort
les droits des ore'res et du trorJe memp, de celui
fllli, lllieux que dans les monts Pyrénéens, playait
les boulcvards de la nationalité espagnole dans ces


dClIx ll1ots: Libertad! Flleros! et qui regardait
comme le plus súr sontien de la Rovauté dans les
temps orageux, le partí dont la devise étalt Liber-
tad I Fueros (1) ! Ji


Pendant que cette insurrection men,l(¡üit l' Es-
pagne d'un bouleversemellt général, FrüD<:ois 1",
j llgeant l' occasion favorable, fi t cnvahir la N a varre
afln d'y rétablir Henri el' Albret, conforrm~meIlt au
traité de Noyon. Les habitants d'Estella écri-
vaient au Prince délrooé : « Sire, paraissez sellle-
J) meot, et tont jusqn'anx pierres, anx montagnes
)) et aux arhres s'arllwra /,our "vtre scrvice. " Les-
parre, arres la réduction de Pampelunc, pouvait
assurer l'indépemlance de la J\avarre, <luí cOllvrait
les frootieres de la France, en conservaot ses posi-
tions; mais il pénétr;¡ c1l1ns la Castille élU moment
ou les partis, fati~.lIés de se cOlllhattre sans résul·
t(lt, cherchaient un prétcxte honorable de s'enten-


(1) ,1. JI' cOlllle \ictor !lu!JamcJ, llist. COl/st. dI: /(1 Jloll. 1'1/ Es-
pillín!'. TI'Ill. L pa~. :\::>2. - (:('11c Ik'yi,l' fut, dI' t()\lt li'nIJl',
celle du n'ritalJle par!i Jlloll[tr('liir¡llc dilflS 11" ~lllil'll', CUI'II-
pécnnes.




- 69-


dre. Nobles el hourgeois lournerent. élussil6t leurs
Jrrl1CS eontre l'étratlger. L'arml~e de Lesparre fllt
dduite; la Kavarre reeonquise; etl'Espagnc, ü peu
prés trunquille, malgré les cxécntions sanglantes
qui attristaient tous les nobles CfCurs, apprit avee
joic le retour de Charles-(.)uint, paree qll'il v('nait
inallgurcr une politique de clémenee.


L'Empereur avalt hate ele tirer I'épée contre
le noi de Franee, <[u'il considéfQit comrne son
agresseur; mais, celui-ci rejetait sur lJenri d'.U-
brct l'in[ruclllellse invasion de la ~a\'ar¡'e, C!l
mt~ll1e temps qll'jl fuisait défier son rival par Ro-
be!'t de La :üurk, seigileur de BOllillon. Charles-
Quint résolut aussitút d'attaquer Fran~ois le, dans
son propre Hoyallme. Toute la Franee est dehont.
Le due d'Alen~on commande les troupes en Cham-
pagne,et le duc de Vendóme en Picarclie. L'amiral
DOIlllivet, s'avan<;ant vers la Bidassoa, va prendre
l'imprcnublc Fonlarabie; tundís que Bnyard, avce
une poignl~c d'bommes, sauve Mézieres, en rc-
poussant une aJ'lllée considérablc. "Il n'ya pas de
places faibles,dit-il,011 il ya des gens de cmur pour
les défendrc. » En cITcl, les lmpériuux leverent le
si¡"ge de cette \'i![¡; • el Bayard , qui les poursuivit
dans les PaY5-Dat>, s'emparil de plusieurs [orterc5-




- 70 --


ses Hl1-dela ele l'Escaut. Lor:'.qu'il rcviut de ecHe
glol'icuse c<lm¡wgne, le clleV<llicl' Sil!h IH'l1!' el sans
reproche lrouva ~ur son lnssage une dl'~putation
dll Parknwllt de Paris, verlUe pour le salller,
COlllme étant le jibératcuf de la patrie!


Cependéint le I10i el' An~lct('rre ofTre sa ll1¡'~dia­
ÜOll, (¡ui ést refusée, paree qu'il ne lien! p~:s lit
balallce égale entre Clwrles-Qllilll et Fnln<;Il¡" ]"'.
Henri nn se déclare alors contre la Franee (1).
Terminées, ou mieux, sus¡,endues sur' les rin's Uf
l'Escaut et de la BL:üssoü, les hostilit<~s reCOll¡[1j('I)-
cent en Halle, ou le Pape, les Espagnols, les )110-
rentins el le marquis de Müntoue se coalisent r'l,!1'
rétablir FraIlr;ois Sforza clans le duché de ~liI¡¡li, (~t
pour en expulser les Fran<;ais. Lautrcc, ne p(lll\'i!lit
souteuir le choe de cette eoalition, bat en relruite,
Milan tombe au pouvoir des lmpériaux: ce (lui fait
éprouver a Léon X une joie si vive qu'il en lllturt.
Quoique Charles-Quint ait pro mis le trone pOlltifi-
C<ll au ministre de HelJri VIll, e'est AclrÍf'n (l'l-
trecht qui l'oLtient. ~lais le regne de ce virill¡¡rd
ne saurait etre q \1' éphémere ; él ussi, loin d(~ Sf.~


(1) IIcl'lJerl tIc Clll'I'lJlIl'y , lIistol'u or Jl('II/'f} VllI. - TlJOll~,l;
Hyllll'l' F(rr/c/'a, CUIlCCl/liOIlCS, liul.'l'tI? ct Cuj/lSClI1I/ljll!' [le/1I'1 i,.
acta IJ1lúlica ¡nte!' rcgcs Al/gUa: el al;o.l imperalol'c.l, n:lJc8, ('Ir
1'0111 Xlll.




hJ'Ollillcl' avec l'Elllpereur, WoIsey Ini donne el en
re~oit de nouvelles preuves d'amitié.


Le Roi d' Angleterre, ayant déelaré la guerre au
Roi de France. agil contre lui de concert avec
l'Empereur. lIs l1e furent pas plus heureux, dan s
une seconde tentatíve d'iuyasion en France, qu'ils
ne l'nvaient ét<~ dans la pl'elJli~re. Lautrec, seco u-
ru par Bayard, reprit l'oíl'('nsh'e en Italie. On lui
enroya beaucoun de solclats, maL-; p'IS un SOll. Fuute
d'argent, il perdit en un seul combat, tout ce qu'il
avait regagné par une suite d'habiles manceuvres.
1'armée des confédérés occLlpe le chatea u de la
Bicoque: position inexpugnable, et Lautrec ne veut
pus les attaqner. Mais les Suisses, mutinés, lui
crient : m'genl, couge mt bataille! 11 leur accorde ce
qu'il peut, non ce qu'il doit. L'action s'engage :
les Suisses, écrasés, quitlcnt le champ du combat
et relournent á leurs montagnes ; tandís que Lau-
trec évacue la Lomburdie et revient lui-meme en
France, n'ayant d'üulre satisfaction que celle d'a-
voir noblement rempli son devoir (1). Frun~ois ler
reproche néanmoins au héros la perte du Milanais ;


(1) Hlaise dl~ :\lonlluc, (;onullclllain;s. royo la Collection des
Mémoircs rclútifs a l'llisl. de Frunce.




- 72-


],nutrec, saos se d{~cünccrlej', lui répond que la
gClldarmerie a servi sans solde pendant dix - huit
mois; que les Suisses n'ont pas été pny(~s, et que
le Couverncment du Roi doit s'imputer leur défec-
lion, c'est-il-dire tous les malhcurs de la campa-
gne. Fran~ols 1'" qui avait donné au surintcndant
des finances l'ordre d'cmoycr (Iuatre cent Illille
écus en ltaiie, le tit arreter. Semblan~ais cut bcüu
déclarer au Hui el á ses juges que la Reine-mórc
s'(:tait clllparéc de l'argent, ce suríntcndunt u'cn
fuL pas moius déelaré coupable; el Louisc elc Savoic
le laissa pendre a Montfaucon, bieu c¡n'elle eúl pris
les quatre cent milJe écus, pour enlever l'hollueur
de la victoire a Lautrcc, qui affectait de ne point
lui fuirc sa cour.


Le connétable duc de Bourbon, qlli ilVüil dédai-
gné son amou!', fut égalcment pris en haine par la
Reine-mere. Exen;ant un empire absolu sU!' l'csprit
de son fils, elle ne luissait échapper aUCllllC OCCil-
sion d'humilier le duc, dont la fierté, naturelle
et légitime, frémissait achaque afTront. Lorsque
la duchesse de Bourbon fut morte, Louise de
Savoie, ágée de quarante-six ans, YOUlllt épollser
le connétilblc, ú peine ligé de trenl(>(llwll'é; lllais
celui-ci repoussu un pUl'éil muriügc uyec déri-




-73-


SiOil et mépris (1). Pour sr, venger de ce reflls,
Louise résolllt ele lui enlever tons les clomaines guí
appartenaient a la .Maíson de Bourbon. Cet acte
de spoliation s'accomplit sons le couvertde la jus-
lice. L'ingrntituue odieuse de la famille royal e fit
oublier au connétabk ce qu'il uevait a sa patrie.
L'Empereur el le Roi d'Angleterre lui ayant pro-
mis la restitution ele ses domaines, accrus de la
Provence et dll DauphiLlé, la main d'Éléonore,
yeuve (lu Uoí de Portugal et le litre de Roí, Bour-
hon prit cnveI's cux l'cngagement df~ leuI' faciliter
la conquüte du lloyaume de france. L'exécutioll
ue cet ilImmc complot devait avoir Iiell, des que
Franyois 1", a la tete des trollpcs, aurait franchi
la frontiere de ses États pour envahir l'ltalie (2).


Le Boí de 1"rance arrivüit aux pieds des Al-
pes (3), lorsqu'il apprit la trahison elll connétable.
Aussitót, iI se dirigea vers MOlllins , oú Boul'bon
fcignait d'etre maladc, afin ele ne point suivre
I'armée. Lenr entrevue ne changea rien a la situa-
tion des choscs; cal' Bourbon protesLa de son inno-


:,1) l\oJ lerlooll, nisl. de G/lU/'tes-Qllint. Liv. JII, pago 217.
(2,' T]¡UllI¿¡, llYllH'I', F(t'(/e/,({, cUllcen/iones, elc. TOlll xrrr,


¡,ag. ¡UI¡.
::l) \)c T]¡OII, /lis!. Lil. J, chapo X. - lJeulcr, ¡¡erulI!. auslr.


Tom. ViU, cap. XYlll, pago 207,




- 7h-


cellce et de sa fldélité en termes si clwleurem: que
Franyois ne pu t le croire criminel (i). Quand le
connétable eut passé a l'ennemi, le Rol s'écria dOll~
IOlll'ellSement : a Ah! ma franchisc et ma bonté
)) allraient dO. lui crever le cceur; je lui ai parlé nvec
) la tendresse d'un frere : que le perfide périss(~,
» puisqu'il veut périr!)) Néau1llo1ns, ji le fil cxhorter
a rentrer dans son devoir, avant de lui recleman-
der l'épée de la France, qui ne p:mvalt rester
entre les maíns u'un traitre. «Cette ép(~e, r(~pon­
»dit-il, le Roí me l'()la au passage de l'Escaut,
)) lorsqu'il donna la condllite de l'avunt-gal'de a
~ M. d' Alen<;on. » Rourbon obtint un CO\1l11Hlnrle-
ment dans l'armée impériale qlli occupait le :\lila-
nais, mals il perdit tous ses titres en Frunce. Un
arret du Parlement le «retrnncha de la raee
» des Bourbons, COll1ll1e ayant notoirement dégé-
" néré des ll1CBUrS et fidélité des antécesseur~ de
JJ ladite Maison de Rourbon. »


Quoiqu'il fúi retenu dans ses États par le dé~it·
de connaitre toutes les ramifications du complot,
Franc;ois ler n'abündonna aUClln de ses projeté,.
Laulrec partit pour la Gllyenne, et Donnivet pou!'


(1) Ilal'tin fJu flellay, ]{(Iilloircs. Pago 64. - Élienne PasquicI,
Becherches sur lu Pl'wu.;e. Pago l¡8L




- 75-


l'ltalie. Ce dernier d'aboí ¡j l'ernporta quelques sue-
ces; pUÍs il se l"i~s(l devaneer par l'ennemi: au:;si
fut - il hientOt obligé de battre en relraiLe, sans
avoir pu frappcr un seul coup décisif. La Tré-
¡Hoille, plus hellreux, chassa de la Franee, avec une
poignée d'holllllles, une armée considérable que le
duc ele Sulfolk avait eonduite jusque sous les lllurs
de Paris (j). Aclrien VI 1ll011rut sur ces entrefaites;
et le carJinal Jules ele ~lédicis fut élevé au Pontifi-
cat sous le nOll1 de Clément VII. Trompé dellX [ois
pUl' I'Empereur, Wolsey applaudit ouvertement HU
choix du Pape; lllais il chercha en secret les
llloyens de se ven gel'.


Durant la campagne sllivante, la France est rc-
foulée daos ses ancieones limiles. VainClle sur le
ter1'i toire étranger , elle redevient invincible daris
son propre tcr/'itoire. llourboIl, débarqué en Pro-
vence, attaqua l\1arseille. « Trois coups de canon,
) disait-il, ülueoeront u nos picds ces bourgeois
») pellreux, les clefs en main et la corde au cou. n
1l changeu bient6t de langage; car les bourgeois et
les fCIllmes, les enfants et les vieillards, lui oppo-
:;erellt une résistüllce hérolque: exprimant ainsi
toule l'horreur que sa trdhison inspirait a leur


(1) l\obertson, Hi~t. de Cltarles-Qllinl. Liv. IlI, pago 221.




- 7fi-


patriotismc. Les Imp(\rirlllx fuicnt pr{~cipítnll1mcnt
vers l'ltalie, paree que Fran\ois J'" s'avnnce, avec
quarante mille hommes pour punir (' la rodoll1oJ1-
»lade espagnole que Rourbon est venu faire sur les
»terres ele Franee. ») "luis, s'attac1lll.nt h Icur pour-
suite, le Roi divise fatalement son ü1'móc, franehit
les Alpes, s'ar1'ete devant les placc:., fortes, au lieu
de poursuivre l'ennemi, el lui J¡¡issc le tel1lps de
se reeonnaitre, de se multipiíer, de reprendre l'of-
fensive avee une armée sup(rieurc ú la ;·;iellilc. tes
llllpériaux, sous les murs de Pavíe, lui ofTrcnL la
batailIe, que La Tr(~JlIOilIc, TrivuIce, tUllís d'Ars,
Lous les génénmx, eOllsultés, refusent; mais que
Fran<;ois 1" aecepte. Dans un temps oú I'ar( Illili-
taire n'est plus qu'une tactillue, ce ~lonarque
s'obstine aux prouesses de l'anciennc chcv,¡/eric.
Les plus illustres capitaines llleurent Ú cúté dI!
Roi; et lui-meme, blessé au front, est eOlltl'rtÍnt de
rendre son épée a Lannoi, vice-roi d(~ Nüph~s. Tonl
esl lJe1'dlt, saull' /lOlIueur ~ écrit - il il la duchessc
d'Angol1lcme, quoi(lU'il ait cOllfiance dans la gé-
nérosité de l' Empereur. Apres l'üvoir fait renfer-
mer cluns le chateau de Pizzighetone, CÍlarles-
Qnint exige, pour sa flll1<;on, d'abord la ceSSlOIl
de la Bourgogne, de l\lilan, d'Asti, de Genes el de




-77-


:\' il pIes; ensllite la restitution des biens confisC[ués
au cluc ele BOll1'bon, afin de lui constituer, avec le
lhuphiné ella rrovencl~, un Royaume C[ui sera le
prix de sa trahison, u PIutót mourir en prison, que
,d'entamer le patrimoine de mon fils! » tel est le
noble cri (le Frall~ois Irr. On le conduit en Espagne
:lII¡)rt~s de SOIl (rh'c Cliarles. Il espere négocier
arec ltii plus avantagell'icment qu'uvec ses minis-
tres; muis l'Empereur-roi ne veut pas voir le Roí
de Franee, et il défend meme a la noblesse espa-
gnolc, qui l'honorait dans sa prison, de lui rcndre
le moindre hommuge. Ces procédés, indignes el'un
\Ionarque, ont été flétris par l'histoire :« Au COlll-
hle elu :'lIlcces, (lit-elle, Clwrles parait au-elcssous
dr S;l fortllue, tanclis que Fran<;ois, ealme et fier,
pili'¿¡ll SUpl:i'i.:Il' il h sienne (1). ,)


Loui:ic <le; Savoie, n\gente Ju Hoyaume pendant
l'ilbsence el la captivité du Roi, fit oublier ses
torls personnels, en r6parant tous les désastres de
la France. Aprb, avoir lllontré les passiolls et les
faihlc'ises d'ulIe femme, elle 1l10ntre enGn le sang-
¡roid et l'(~nergie d'ul1 grand homme. Les anciells
(Iébris de l'armée d' ltalie forment un !lomean


(l) Fréd. ,\nrillol1, ']'1l!I!CltI/ des }'(;,;ollltio/1s da 8¡/sUnw)l0-
Iili'lue de I'Euf'up,', TOlll 1, puc' 374.




- 78-


corps d'armée ; la ran<;on des prisonniers est payée;
les arrérages de leur solde sont aequittés; des
troupes levées; les frontieres garnies et défendues.
L'Europe s'émeut autant des viCloires de Charles,
que des défaites de fran<;ois. lIenri VIII, cédant
aux raneunes de Wolsoy contre l'Empercur, se dé-
cIare pour le Roi de France qu'il a toujours com-
battu; el Clément VII, fidéle a la poli!ique de la
Cour de Rome, souleve les États italiens au nom
de l'indépendanee nationale. Toules ces réae-
tions frappent Charles - Quint, sans l'ébranler. 11
écoute les propositions que Louise de Savoie lui
adresse; rnuis il exige la cession de la Bourgogne
et prolonge la captivité de Fran<;ois l<r. Pour dé-
jouer les avides calculs de l' Empcrcur, Fran<;ois
rernet a sa S(Bur, la duchesse d'AlcllI;:on, qui est
venue lui apporter les cOllsolations de l'urnitié
dans les États de son ellllcmi, un acle par le(!uel
il abdique la Couronne de France en favenrde son
fils. Le sort (le son peuple ne sera done plos lié a
celui de sa personne ; au lieu d' un Roi, Charles-
Quint n'aura plus désormuis qu'un homme captif.


Malheureuselllent ponr sa gloire, Franyois 1"
oe persévéra poillt dal,s cctte résolulion magna-
nime. Charles-Quint agissait emers lui avec tant




- 79 -
de dure té, avec si peu de noblesse, qu'il erut pou-
'0ir le tromper san s honlc. A cette fin, il protesta
secretement par devant notaire contre la violence
qu'il subissait, et il consentit publiquement a eéder
la Bourgogne, la l"landre et l' Artois; a payer
deux millions d'écus; ü épouscl' tléonore, qu'on
devait autrefois lIlarier avec le dIJe de BOllrbon;
Ú restituer enfin u ce dernier tous ses anciens do-
maines. Content rI'avoir humilié l'orgueil de son
rival, Clwrles-Quint le fit rewncluire jusqu'aux
frontieres de la France; et Franyois 1'" aceourut a
Paris, heureux de s'écrier : .le suis encore Roi! Je
.mis encore Roi!


(¡ Cclte paix de Madrid, dit Ancillon, devait ame-
ner une nouvelle guerreo Les traités nc sont du-
rables qu'ülltant que la mouéralion en él dicté les
urticles, et que toutes les puissances contraetantes


truuveut [eur avantage ü les maintenir. Les trai-
tés son t toujours éphéméres quand le vainqueur,
abu.-;ant de sa victoire, impose aux autres États
des conditions onéreuscs ou infamantes. Charles
cut tort de former des prétentions exeessives,
h'Cltl<;ois cut plus tort encore de tout acccptcr, en
se ré~(,l'\ant de lle ricn tcnir. A la vérité, son agré-
meot était forcé; mais le eonsentcment du vaincn




- 80-


¡'¡ un traité désavantageux n'est jamais cnti(~rement
volontaire; les clrconstances lui font toujours la
loi. En vain Franc;ois allt~gue l'intéret de la France
pour rompre tes engagements : OH iI n'avait pus
le droit de les former, ou c'étllit pOlir lui un de~
voir sacré de les remplir. On ne compose pilS avee
les principes, milis on peut composer uvec ses COI!-
venances (1). u


A vant de déclarer la gllcrre, Fra[}(;ois ler con-
sulta ses sujets sur la validité du traité de puix
conelu avec I'ennemi. Les États de Bourgogne et
l'assemblee des l\otables convoqués a Cognac, dé-
clarerent unanimement que le Roi « était dispensé
» d'exécuter un traité odienx et extorqué. » Franc;ois
leur fit lire l'acte d'abdication qu'i! avait signé pen-
dant sa captidté. "Sire, lui fllt-i1 répondu, f)OUS ap-
partenez a vos sujets, vous nc pouvcz ni aliéncr un
pays, ni vous reconstituer prisünnier ... • Le Pape
délie allssi le Roi de son serment et de ses promcs.
ses a I'Emperenr (2). FrUIH¡ois el Charles s'accu-
sent mutuellement de félonie; mais le premier
peut braver le second, car il marche il la tétc
d'une ligue ou se réunissent le Pape, le Roi d' An-


(1) Ta!Jlfau des n'v. da sysl. ]Jolir. Tum. I, pago il7ü-í7.
(2) Goluast, Po!it. impdriul. Pago iQV2.




.- 81-


g-Ietcrrc, les Suisses, les Vénitiens, les Florenlins,
et me me Franyois Sforzcl, au({uel l'Empel'eur veut
prcndre le Milanais pour le dOllnCI' Ú Bourbon.


Ce derniel' s'eB empare lui-meme an début de
la campugne. FraByois Sforza, fatigué de montel'
Sllr le trone et d'en descendre tour ti tour, lui
cede un I~tilt qu'il ne snurail plus conserver. Bour-
hon chcrchc en vilin ¡'¡ s'établir dans nn pnys CO!1-
stamment livn'; al! pil!age par i'cnncmi. Ne pouvunt
den donner ü ses soldats qui vont l'abanrJonncr,
ji ¡cur promet tous les trésors de In C()[Ir ponLifi~
cale, et les conduit sons les ll1urs de Rome. A peine
Bourbon a-t-il ordonné I'assuut de la capitale dll
monde chrétien, qu'il est f¡'uppé lllortellement. ta
chute du g('~néral n'arrete pao; son arll1(~e; HOll:e
es 1 cm porléc d' assa II t par ecHe horde sa L1 vage.
Les abominables furcurs des temps barbares et
d' Alaric, Roi des Wisig;Olhs, se rcprolluisent au
centre de la civilisation chrélielllle et au nom de
Charles-(Juint, chef <In Saint-Empire romain. 'fO\! te
la Catholicité apprend avec stupeul' la défaite du
Pape, qlli restera prisonnier <1'une soldutesque en
délire jusqu'au paiement complet de quatre cent
mille ducüts. El l' Empercllr, qui accueille ceUe
nouvelle avec unc joie profonde, affecte une hypo-


lIL (3) fi




- R2-


crite donlcur.L'oppression uc l'Église uevait amt~­
ner, en erret, l'oppression de tous les ÉtaLs,
cÚllformément au but poursuivi par l'Empereur,
á l'encontre des nutres Souverains. ~laximilicn
ílvait dit, en parlant de Lllther : « JI pourra un
»jour élre bon ú quelf[ne chose. » Done ce jour
semblait venu, PLlisquc Charles-Quint, « recon-
» naissant que le Pape é\vait grande crainte de la
»doctrine de Luthcr, voulait s'en faire un frein
» pour le ten ir (1). » Feig-nant toutefois de désa-
vouer un SIICCCS que l' Enrope inclig-née regardait
comme un attentat sacril(~ge, il s'en excusa uupres
de toutes les Cours, fit prendre le d('uil h la
sienne, le porta lui·meme, et poussa l'hypocrisic
jusqu'a orclonner des prieres publiques pou;- 1 . ,1/,_
livrance de Clément,qlloiqll'il J'eut mh hor~ d <'::wl
de payer sa ral1(;on; quolqu'i! VOlllút positivement
l'attirer en Espagne, el qu'il prolollgcat sa capti-


>'ité : montrant ltinsi aux autres 'lonarqucs, de
quelle maniere il traiterait Celui el' ell Lre eux <¡ui
oserait [aire cause COllllllune avec le Hol de France.


" L'opinion eles plus sages, dit un bistorien de
Florence, pensionnaire des \I(~dicis, étnit qu'il


(1) !'clrUi; Y¡:'IOl'iIlS (P. Yelln:i;, T'f1ri¡II·//I/¿ h:tiOnllll! li·-
/ni \:\.\ ~-l]L florenr,c. 1582. In-fuI.




- 83 --


voulait rarnener la Papauté a la simplicité et a
la pauvreté anciennes, oü les Pontifcs, sans se
m~ler des choses lemporclles, s'occup~lipnt uni-
quemcnt des spirituelles. Cette résolution, par
suite des abus infinis et des déportements affrcll\
des Pontifes passós, éLait grandement lonée et dé-
sirée de heauconp. DéJil m(~mc, des g-c'ns dn peuple
disaient que le pastoral et l'épée n'allant püs
bien ensemhle, le Pape devait rctourner a Saint-
Jcan-cle-Latran et y chanter la messe (1). »


L' Empereur tira parti du Protestantisme en
l'pouvantant les Pontifes,toutes les foisqn'ils se pro-
poserent d'affranchir l'Italie du jOIlg' des étran-
gers, et, par conséquent, du sien propre ; 011 bien
([u'ils refuserent de servir les intéreis de la Mai-
son d'Alltriche et ele sacrifler ceux de la Jlaison de
Francc. Aussi I'hmniliation personnelle de Clt'~­
ment VIl ne sumsait plus iI Charles-Quint; jJ (lési-
rait encore I'hlJllIilialion dl~ la Paprmté. Clément
ovait publié Ilne lettrc duns lailuelle, déplorant
toulcs les divisiolls de l'Europe chréticnne, il di-
sait, entre autrcs ciloses, qu'il irait trouver tOI1S les
Princes pour les metlre c1'c;ccord: et qne, la pnh::
étilllt faite entre If~~ dh'crs 1;:t<1ts, il (l~¡;():nhlcl'ait nll


1) UCllOI\ \al'clii. SI,iJ'ili. LiI". y, trarl.par!leqniel', 'liil~.




- 84-


concile, afin ele rétablir églllement la paix au sein
de l'Église universelle. Charles-Qllint s'indigna de
cette lettre, ou feignit d'en etre indigné. I e'est le
»Pape llli-meme, s'ócria-t-il, qui est un artisan de
» discorde. »C'est uniql1ement pour lui complaire
qne l'Empereur n'a point convoqué a Worms un
concile naliona1 que les AlIemands ont demandé.
Le Pape mellt llli-méme en promettant de rassembler
un concHe général, et, s'jl tarde it le faire, l'Empe-
rellr clwrgera les cardinaux de procéder u sa con-
vocation immédiate (1). Ainsi, touie rupturc, soit
religieuse, soit politiql1e, fOllrnissait a CharIes-
Quint l'occasion d'intervenir clans les afTaires de
I'Église et de la Péninsule, Ül1 se c1ébattaient alors
les destinées du Continent. C'en était fait de l'Eu-
rope. Elle aUl'ait prrdu son inJépcndilnce politi-
que, si les Pl'inces de l'Empire n'cussent cherché,
dans les innovations religieuses, un moyen de
résister au vieux despotisme impérial. Les divi-
sions qui en résullt'rent au sein ele l'Allcmagne,
détruisirent, il es! uai, L'unit(S du monde chréticn;
mnis elles empechérent que Charles-Quint ne créilt,
it lui seul, l'unitt~ du monde politiqne SOIlS la forme
(]' une :\Ionarchie universelle. L' E 111 pereur n' osa


(1) Golclast, Pulit.i1lt7J1!r!ul. Png. 9~ l.




- 8:'í-


point embrasser les doctrines de Luther, car, en
le faisant, il se serait aliéné l'Espagne, Uoyaume
esselltiellement catholique , et il aurait ainsi
contraint le Pape a devenir l'aBié perl'étucl dn Roi
de Franee ('l). Charles favorisa iléóll1moins les
progres clu Lulhérianisme pendant ses dém(~lés
avcc CI6ll1ent Vll, en convoquant une diete á
Spire, pOllr pcrmetLre á chacun de suivre les
croyances qu'il avait adoptées, quoiqu'il empe-
chat 10u1e esp(~ce de propagande; mais pi u-
sieurs ¡n'Olestrreut contre eette deroiére décision :
d'oll lcur vint le nOlll de Protestants, qu'ils ont
conservé depuis. Et les Princes de l'Empire ne se
crurent pas obligés de trüiter clésormais l'autorité
religieuse des Papes, avec plus de respect que
l' Empereur l ui-meme ue le faisui t.


Cependant, la conduite violente de Charles-Quint
Ü l'égard du Souverain-Pontife, quí représentc Jé-
sus-Chrisl sur la terre, indigne toute la Chrétienlé.
Le Roi de Franee et le Roi d' Anffleterrc s'arment


'J


en faveur dll Pape eaptif qu'i1s veulent rendre li-
bre. Charles-Quint aCCllse Fraw;ois Icr d'avoÍt' man-
qué asa pürole d'honneul', ce qu'i! soutiendra, s'il
le [aut, d'homme ü hOlllllle. Franc;ois lui répond,


)) :\1. César Gantu, [fiM. univ. TOIll .\ V, pago 52.




par un ecrit Sj!:\'!H~ de sa main, l/il'¡'1 cn a 7JtCIlli par
la iJor,rJc, et qu'il acceple le cO;llbat. Cee; défis, in-
dignes <le la lUujcsl(~ l'oy;tle, sont éludés: ies deux
Monarques lalssent ,,¡der la (luCl'clle it kllrs Na-
Hons. Lautree, nommé généralissime de la Li~iU(',
entre (bus ROllle, et se remlmaitre de Cenes, aH'r,
l'appul d'Amlré Doria. ;\lais il perrl du tCl1lp:S HU
sjége d(~ ~Hplcs; el Charles-Quint en proflle pOUl'
rC'ndrc, llloyennrlut tr01s cent c1nquanLc millr~ (11:-
cats, la liherté Q elément, qui fait tourner le'i
chances de la gucrre, pur cela seld flu'il s'elllploic
pom la paix. Doria, calomnié aupres de Fral1-
S'ois le" lui devient suspect et en re(,:oit des a1'-
fronts, au Iícu des secours et de l'argent qu'iI luí
dolt, üux lr,rmes d'lln traité. Délié de tout enga¡;e-
mcnt, le général génois quitte le parti de la
France, prend celui de l'Empire et dirige sa fioUe
vers Naples. Lautrec n'en poursuit pas moins le
siége, quoique la défection de Doria l'obligeat i\
modUier tous ses plans. La pestc eL la famine COll,-
battent contre luí avec plus de fllreur que 1'('11-
nemi. Le généralet presqlle tOllte l'arméc fran-
~aise tombent sous les coups de ce doublc flédU.
Doria [ait ,oile "c1's GC~nes, la délivrc saIls combal
du joug de la France, et ohtient dans l'llistoirc Ieb




- 87 --


ti tres de P¿re de sa patrie, de Testauratem' de su
liberte. e'est un érénernent fatal pour la :Vlonarehie
franyaise que l'affranehissemcnt de eette R&pu-
blique, surnornmée la superbe; « car, dit Brau-
JJ tOme, qui n'est seigncur de Genes et maistre de
• la me]', ne peut gueres bien dominer en Italie. »


Franyois le, envoya une seeonde armée dans le
'liJanais; mais elle ne fuL pas plus hcurcuse que
ia premiere. Les hostilités se LerminercllL upre~ le
désastrc ele Lundriano: eL les négociations com-
mcnet:reut entre les Puissanees, beaueoup trop
nJhüblics par la guerre pour ne pas désirer la paix.
01ar~ucrite de Savoie, tante de l' Empereur, et
¡ 1;,_)\ ele Savoie, mere du Roi de Franee, ouvri-
rent des eO!lfércnces Ú Cambrai, dans le but de
régler, entre elles deux, toutes les atraires généra-
ies de r Europe. Quelque diligencc qu'elles fissent,
Clémcn t y 11 eut I'adresse de les prévenir. II con-
dUl U Barcclone un traité dont les eonditions
étaient assez avantügeuses; tandis que la France
n'oLtint que des cOllditiOIlS défavorables. La Bour-
gogne cepcndant lui resta; mais Charles se réserva
des droi.Ls sur cette provinee, et Franyois rcnoI](;a
¡\ toule prétclltion sur l'Artois eL sur la Flandre.
Ainsi, le traité de Madrid ::>ervait de base a eette




- 88-


pacification (1); la Franee restait humiliée , eL
l' Espagne jouissuit avcc orgucil d'une préponrlé-
ranee incontestable. Franyois ler feignit cl'ouhlier
tant de revers dans les tournois et dans les splen-
deurs de su Cour; Charles-Quint, au contraire,
put, sans irriter Clément VII qui luí remit la
couronne de fer, aillsi que le glabe el'or, dilllS la
cathédrille (h Bologne, rappcler ú l'llulie subju-
gllée le nombre et la portée de ses victoires. 11 fu1
le dernler Empereur d' Allcmagnc couronné par un
Pape. Cela elevait étre. ( Dn moment oú la dominil-
líon (~Lait elonnée á I'épée, quelle signiücatlon POll-
vait avoir encore un couronnement [ait par le re-
présentant de l'ltalie'.l. .. Le Pape, eifrayé des pro-
gres de la Uéformc, tencliL la main ü cet Empire,
que ses précléccsseurs avaiellt falt trclllbler tUllL
de 1'ois; et tandis que 1'0pposiLion réguliere de
la Papaulé ayait faíl sa gloire et Sil graneleur elans
le passé, elle changeü su devise et se rangea du
coté des Gibelills, qui eléciclerent elésormaís de
l'avenir de l'Halie (2). »


En sortant de· Bologne, Charles-(lLlint, désor-
,1) 'Ilal'tin n\1 nellay, lh:/IIOII'CS. l'ui"e 1~2. - lralJ('c,co (;UiCCill'-


dinl, S/o/'la il!ll. Liv. :- rlli, [),I,(. :>22. - 1'. 1:t'lItl'II", j¡"i'1/1Ii
au,r. Lib. ,\. l'::p. IIJ, ::1.". 2:j;]·;;/I. - ~·;¡llllll\;ll. TOIII 11, [la;:;. 28.


\2) .\1. César CUlltu, Ji ist. ullh'. Tom . .\1 \, paco 18j· 1:>6.




- 89 -


mais arbitre de I'Europe, rentre en AlIemagne, oü
iI se proposc de fixer l'unité religieuse daos l'u-
nité poli tique , et de substituer, El la coostitulion
élective de l'Empíre, une constitution héréditaire
qui asservira I'État an jOllg de sa propre fa mille o
:\]ais, élpJ'('~S aroir triompM de tant de ligues, il
alJilit (~chOller daos ce double projet. Poursui-
\ilnt le r6"e d'lIllC 1\Jonarc11ie universelle, Charles
était réellelllcnt obligé dc sacrilier, El ses vues
persoIllleJles et chimériques, les droits positifs des
Princes allemands, C0Il1111e ji avait déjll sacrifié
ceux des Hépubliqnes italienneso L'intéret reli-
gicux scmblait justifier son but politiqueo Les
Princes catholiques de I'E!1lpil'c, cfTrayés des pro-
or~s dn LII thérianislllc, a vaien t formé une ligue
pour le cüntenir; eL les Prillccs protestants efIrayés
Ú leur tour des tendances réactionnaires du Ca-
tholicisme, avaient fürm(! UBe nlltre ligue pour le
cüntenir également. Charles-Quint dcvait reIll-
plir,entre ces deux cümlllunions ennemies, le role
de médiateur; car, en devenant l'Emperellr d'un
parti, quel qu'il [lit d'aillellrs, il aurait cessé d'e-
tre le chef de tOllte la société germanirrue.


lIlais, süus préLexte que les atl'aires politirlues de
l' Europe l'empeclwieut de travailler avee atlentioll




- 90-


aux affaires religieuses de l' Allemagne, il résolut
de mettre, ¡\ la tete du parti catholj(IUC, SOtl frere
Ferdinand, ad versaire déclaré du parti protestan lo
Ce prince, Roi de Hongrie eL de Bohéme depuis
la mort de Louis 1 er, pal' l'dleclion grataite el vo-
lonlail'e de ces ueux Étals, dont la :\laison d' Al!-
trjche devait s'assurer la possessjon hén\iitail'e,
fut désigné COlllllle Hoi des l\0ll1ains. lJ!lC diete
électorale, convoquée á Colognc, uut satisfail'c
aux VlrUX de ¡' Empereur; cal' ses ~,olliciLations
étaienL des ordrcs. En conséllucncc, Fcrdinaml
fut proclamé Hoi des Homains, Illalgr,~ l' OppO-
sition de l'électeur de Saxe (,\). Les Protestants
ayant appris, a la suite de cette élection, que la
chambre impériale préparait certaines procédurcs
contre eux, adoptérent l'opinion de l'électelll' de
Saxe, déclarerent que la diete avait violé les lois
et priviléges de l' Empire, consacrés par la bulle
d'or, et formerent, á Smalkalde, une ligue faible
d'abord, mais qui devinl bientot puissante. COlllllle
la 1\1aison d'Autriche posséduit une incontestable
supériorité de pouvoir en Allemügne, dcpuis
(lU'cllc gouvernait souverainement la lIongric et


(1) P. Heuterus, lIenun austro Lib X, cap. \' 1, pag. 240.




--- \)1 -


la !~oh(~me (1), les confédérés de Sll1ulkalde
s'assurerent, ouLre l'appui c.le la Suede , la dou-
ble protection de la France et ele l'Anglcterre
(i 5:H) (~), également intéressées b. ll1uintenir 1'6-
quilibre entre les protestants et ·les catholiques
de l' Em pire, seule base de l' équilibre entre les di-
rers Élats de l'Europe.


QlIoiqlle Frall\~(}is la et ITenri VIIi s'alliassenL,
d'un COllllllun acconl poiitique, avec les princes
pl'otesLanls d' AlIellla~'ne, une grande divergencc
d'opinions religieuses sépill'aít ces deux Monar-
queso Le premier s'était montré d'aborc.l favorable
aux réformateurs de l'Église; mais ensuite il les
persécuta sans miséricorde, parce que leurs doctri-
IJes bouleversaient l'Élat. te second, au conlraire,
plus versé dan s la scolastique et dans la théologie
qu' il ne COllV ient ;t un Prillce, réruta Luther, des
le premier jour, et ohtlnt le titre de dé{enseur de
la {oi. 11 ne voulait alors que le bien, plus tard il
nc voulut que le lllal. Fran90is 1" devait réagir
contre le Calvinlsl1le, doctrine républicaine que
¡'aristocrutie factieuse elllbrassait avec ardeur,


(1) SthrplwllllS Ill'ollrl'irk, l'rol'illlcdlarii Hangar. ciadcs in
"'(IIIIJlO Jlolul~, (/)/1111 Scanli/llll. 'l'Olll. 11, png. 218.


(:2) Seckcndorlf, Com¡JewLiullt hi.\to1'ice ecclesiast. Liv. 1lI,
PilO. 14. Leipsick, 1G66.




- 92-


malgré ses tendances démocratiqucs, afin de créer,
s'il était possible, une oligarchie triompbante sur
les débris du Pouvoir royal anéanti. Aussi le Roi
avait-il raison de di1'e : (1 Que eette Ilouveautó tcn-
» dait du tout au renversement de la Monarchie di-
)¡ vine et humaine. ,¡ IIcnri VIII réngit aussi contrc
l'Anabaptisme. C'était au nom du (;hri5t et de l'É-
glise, de la tiare el du diademe, de l'bermine du-
cale et de la mitre des éve(lUeS, de tOl! t ce (ltlÍ
regne dans le ciel et sur la terre, qu'il youlait
poursuivre Luther, ses disciples et leurs CCllvres,
jusqu'au sang ou jusqu'a la ilamme. Une affaire
d'amour-propre d'homme et de l\oi ¡'avait mis
a la tete des défenswrs de l'Église; une affaire d'a-
lllour-propre de Roi et d'homme le mit plus larrl ü la
tete de ses plus acharnés persécuteurs. Préscnlant
son divorce avcc Catherine el' Arag-on comme une
es pece de eas de conscience, afin qu'on n'en nper-
Itút pas l'iniquité, il employa dix ans de ruses
et de terreurs a transformer ses inconstantes
amours avec Arme de Boleyn, en une haine impla-
cable cont1'e le Saint-Siége. Le Roí d' Angleterre se
sépara de la communion romaine; mais s'il sortit
du Catholicisme, ce ne fut pilS pOlJr cntrer dans
le Luthérianisme. Il entendit, au contrairc, former




- 93-


nne institution rcligieuse tenant de ,'un et de
l'antre. Aussi conserva-t-ill'organisation sacerdo-
tale telle qll'elle existe dans l' Église proprement
{lite. Sel1lement, chaqlle évequc dut échanger son
tit.re qu'il avait re<;l1 du Pape, contre une cé-
dule 01'1 le Roi, en sa qllalité de chef de I']~glise
anglicane, daignait lui conférer la mitre ou le
pallium. Ilenrí VIII ne secoua I'autorité relígieuse
et ne fit lomber les vénérables tetes de Fisher, de
Thomas MonIS el ele tan1 d'antres qui protesterent
contre son despolisme, que ponr suivre en toute
liberté le conrs de ses débauches, de ses emporte-
ments, de ses passions brutales (1).


Des l'origine, Fran<;ois ler favorisa la résistance
de TTenri VIII contre le Pape, alors allié de Char-
les-Quint; et le Boí (1' Angleterre espérü long-
temps ({ne le Hoi ele France imiterait son exemple,
en se (J¡\clarant le chef ele l'Église gallicane. Les
sollicitations du Néron anglais aupres du ~lonar­
({ne chevalier [urent nombreuses et pressantes El cet
('garcl. Un parti considérable, formé autour de la
duchesse (1' Alen<;on, qui avait embrassé le Protes-
tantisme, l'obsédait aussi pour qu'il abjurat le
Catholicisl1le, eL Fran<;ois 1" en llIena<;a lui·meme


(1) i\Ullin, lJisl. de ¡¡e/tri VIfI et rllI sr/d.mw d'flnglelN/'c,




- 94-


la Cour pontifical e dans un moment de colere;
mais le nonce lui répondit : « Sire, vous en sericz
»marri le premier; une nouvelIe rcligion parmi
;, un peuple ne demande apres que le changement
»du Prince. D


Franyois aurait pu répliquer a son tour, dit-on,
que ni Henri VIII, ni Gustave \Vasa, ni auelln
des Princes saxons n'avait été délróné par ses
sujets, a prcs avoir embrassé la Réforme (1). 50it;
mais ces diverses révolutions, toutes accomplies se-
Ion la doctrine de l.uther, étaienl essentiellcment
monarchiques; tandis qu'en Frallce unc révolu-
lion analogue n'aurait pu s'accomplir que SClOll la
doctrine de Calvin, essentiellement républicaine.
le Gouvernement de Franyois 1" aurait done
l~choué, lil ot'J celui de ITenri VIII n'avait Jlll réllssir
qu'avec une difficulté extreme. Ce det'llier Monar-
que se seraIt perdo lui-lllcme d,U1S la fOllJe des no-
vateurs insemés, qui déja inonclaient l' Europe de
leurs utopics dogmatiques, si le clergé d' Angleterre
luche et avicie, n'eul oMi, par ambition et par
peur, aux ordres d'nn Prince qui abattait des Wtes
humaines pou!' ériger des évechés ; qui s'emparaiL


(1) Cllarles Y¡!lers, Essais sur {'I'.I¡Ji'i{ ('( I'iI1~u(,11r'e tlp ((/ 1'1:((1)'"
rila/ion de Llll hC/' , I'ng. H7. ;iotr.




- 95-


violemment de toutes les richesses cléricales pour
les distrihuer, suivant son hon pIaisir, a ses créa-
tures on a ses complices; qui tenait les clés du ta-
bcrnacle de la meme main dont il signait les sen-
trnces de mort d' Anne de Boleyn et de Catherine
Uoward. et qui aurait vonln traiter, sinon l'État,
du moins l'f:glise, comme il traitait ses propres
femmes, en la Iivrant an bourreau !


Si la réforme religiense conserva son camctere
monarchique dans les Royanmes seandinaves, e'est
ql1'elle [ut u introdllite par les Princes en partie
)1 eontre le gré des peuples (,1 ) ; D e'est que Chris-
tian 11, ~r onarque éleetif, beau-frere de Charles-
Quint, e1 surnommé le LV éron du LV ord, venait d'étre
ehassé de ses États. La Norwége prit partí pour ce
despote con tre le Danemark; mais elle perdit son
indépendanee, car elle fut vaineue et devint pro-
vi!lee danoisc. En Suede, l'arehevcque d'UpsaI,
partisan du Roi déehu," se eouvrit du manteau de
» la religion pour abattre le parti national (2),»
el Melara les rebelles hérétlques, an nom du chef
de l' l~g¡¡sc, qu'il rcndit uinsi odieux. Gustave


1) \T;¡xilllil,·SnlJ1'Oil-]"rc'cl¡;ric i'ichoell, Cours (/'Jlist. des hal.l
(IIroJl"'/l.'. TOIII. \.111, lil'. \'1, ]1<1g.1'.L


!2, \1, (";,<11' Ciltllll, IU"I. 1IIliv. TOlll. ,\V, pago 339.




- 96-


\Vasa, eonfondant ecUe haine uu peuple snédois
eontre le Pape avec la haine qu'ii portait lui-meme


au peuple danois et il Christian n, fit du Protes-
tantisme le symbole rcligieux ue l'affranchissement
politique uu peuple suédois. Comme Charles-Quint
favorisait ouvertement Christian, ennemi de e ns-
tave, dont il avait fait assassincr le pere, rran.
<;ois IPC protégea ouverternent le l\Iollarque libéra-
teur et conqllérant qui élevait son petit Hoyaume ü
une hauteur et a une puissance que la Maison
d' Autriche avait raisan de redouter. A vcc ce grand
honuue, la Suede pesait déja dans la balance gé-
nérale de I'Europe.


On s'étonnera, peut-étre, de voir le Roí de
France, resté catholique, devenir le constant allié
des Rois protestants de Dunemark et de Sucde.
Muis l'intérel temporel cl matéricl l'empartait
généralement sur l'intér6t spirituel et moral.
N'oublions pas, d'ailleurs, que Charles-QlIint vou-
hit réaliser a tout prix son re ve de Monarchie uni·
verselle; et que le devoir de F1'an<;ois 1"', eomrne
chef d'une grande Natioll poli tique et militai1'c,
était de poursuivre a tout prix l'ahaisscment gra-
dnel de sa puissnnce, pom préscl'ycr lcs dlvcrs
États d'une pareille servitude, Ol! mieux d'une




- 97-


rlestruction iilmH~diatr-, et pour rétüblir I'équili-
bre des POllvoirs en Europe. Ii rntrait, efTective-
meot, duns la dcstin(~e de cet homme, d'etre le
sauveur des N ational i tés don t il défenclai t l' exis.
tenee et nndépendance nécessaires.


Ce résultat hérolque, le Roi de france ne I'ob.
iint gn'en se liguant ayer les protestants, effroi
de Rome, et ü\'cc le chef de l'fslnmism r\ effroi
du monde chrétien. Néanmoins, il en fut blclmé
par ses conLemporains, fluí, le voyant engilgé dans
ccltc ql1estion de guerrc it mort oü iOllé, ¡(;~ pen,
pIes pouvaient périr sur un seul champ de hataille,
souleverent contre ce Prince une question de vie
morule, ponr flétrir l'union de la Monarchie tres-
chrélienne avec l'Empil'e ottomnn. Et cependan!.
I:ran(,~ois ler, en contractant ceUe ülliance, venait
de prendre sous sa protection allgllste, nOI1-seu-
lement tOllS les ~jujets Cllfop{;ens Ílx6s dans JI" Le-
vunt, mais encore les PlIissClnces maritimes elles-
memes. Cal', c'est en vertu de scs ca/li(ulatioIlS
arcc la Sublime-Porte que la Grullde-Bretagne,
la Hollunde et l'Espagne ont pu, duranl plusicurs
sU;cles, navigucf sur les lllers Ol1 stationner dans
les ports dl~ j¡l TUff{llie, pourvu ({u'elles ne mOI1-
traS::ient pa~ leur puvlllon el qu'elles se présentas-


lU. (3) 7




- 98-


sent aux Tnres sons les auspices el .~om la ban-
nü}re de la France! attendu que l'Orient ne rc-
cC'l'naissait qu'une seule Nation en Europe: la
Nntion franyaise!


Mulhcureusement, les I'rlations de Fran~ois Jer
uvec Soliman ] 1 se formercnt trop tard et ne flJrcnt
jamaisbien intimes (1). Le Roi de Frunce eraignili r.
d'irríter le Pape dont il recherchait I'amitié el,
({n'il voulait brouiller avec l'Empereur. Mais déjh,
fort de toutes les allianees qu'il a combinées en
Europe et des puissants moyens d'action qu'il
tronve dan s son propre Royuullle, rran¡;ois veut
rompre!G paix de Madrid, imposée par Chnrles-
Quint, el donneI' le signal d'une gl1erre g(~nérale.
PonI' plaire a l' EmpereuI', Franyois Sforz::I fait dé.
eapiter I'umbassadeur du Roi de Francc, S()llS pr¡')-
texte d'nn meurtre commis par ses domestiques.
eette violation du droit des geus sera veng-éc~. Pro-
fitant de l'absence de Charles-(¿uint, alnrs occllpé
a son expédition contre Tunis, Franyois entre en
Italieet s'empare des terres de Charle::, due de Sa-
voie, qui lui dispute le passage. Sur ces entrefai-
tes, Franyois Sforzél meurt subitement et de peur.


(1) Fréderk \n(~il1()Ll, Ta l¡/, 111/ (k",.,.. dlt Sllsl. l'olit. '1'1)111 1.
pago ~lH8.




- 09 -


La guerre est désormais inutile, sinon en fait, da
1110ins en principe; cal' les dl'OitS de Sforza sur le
el [Jché de Milan reviennen tan Hoi de Franc!', ¡mis-
qn'il ne laisse point de postérité. Franc;ois ler veut
obten ir le Milanais par voie diplomatir¡l1e, alors
qu'il peut le prendre parforce. L'Emperellr, qui est
revenu victorieux et triomphant, se met d'abord
en possession du duché comme d'l1n fief de l'Em-
pire devenu vac;ant; puis il arrecte (le reconnalt.re
h~s droits rlll noi de Francc; mais il np trouve au-
eun moyen de lui laisser prenrlre le Milanais, sans
troubler la tranquillité de l'Europe et sans c1{~­
trllire l'équilibre des Puissances italiennes, u que
)) les politic¡ues de ce si?~c1e étaient si jalollx de
» maintenir (1)."


En agissant ainsi, Charles-Quint trompa tous les
Princes. Comme il avait soutennl'honneur (lU nom
chrétien en Afriquc, dllrant sa dernierc guerre, il
paraissait llloins songer h ses intérets particuliers
fj¡¡'á ceux de l'Europe, qni consi\léruit la paix
comme le premier d(~ ses besoins. Frauc;ois ler tOI11-
;I;¡ i,li-;;ll'me dans le pié~e, en faisunt a 80n rival
des om:es trós-avantageuses ponr lever tous les
obstacles. Désirant gagner un temps que le floi


t) l\olleJ'lson, lJist. di' Glwl'lcs-Qllint. Lir. YI, pago 207.




- 100-


de France devait perdre, l'Empereur déclara qu'a-
vant de prendre une résolution définltive, il avait
hesoin de conférer avec le Pape sur un sujet quí
intéressait toute l'Italie. En conséquence, il se
rendil aRome et fit convoquer les cardillélux et les
ambassadeurs fran<;ais clans un consistoire. Lá,
s'ac1ressant HU Souvel'ain Poutife, il proféra conlre
le Roi de France un dbcours pleitl d'emportemen t
et de ll1auvais gotit. Apres l'avoir défié en com-
hat singulier, bravac1e qui convenait lllicux a un
paladin qu'üu premie!' Monarl{ue de la Chr6tienté,
Charles - Quint ajouta: (1 Si Franyois refuse de
terminer pur cette voie tous nos difIérends, s'íl
rend la guerre inévitable, rien alo1's ne pour1'a
m'empcche1' de la pousser jusqu'ú ce que I'un
de nous deux soit réc1uit á n'ctl'e que le plus pau-
vre gentilholl1ll1c de ses propres Étals; el je ne
erois pus que ce solt el moi que ce malhcur ürrive.
J'entre en lice avcc les plus belles eSpéfill1CeS de
succcs; lajuslice ele Illil cause, l'union de mes su-
jets, le nombre el la va!cu1' de mes troupes, l'ex-
pórience et la fidélité de mes généra ux, tou t se
réunit pour m'assurcl' la victoirc. Le Roi ue Ft'ance
n'a aucun de ces avantagcs; et si mes ressourccs
n'étaient pas plus solides et mes espérances de




.- 101 -


vainere plus fonch~es que les siennes, j'irais dans
¡'instant, l(~s brüs liés, la corde au cou, me jeter
ti ses pieds et implorer sa pitié (1). »


Ces provocations indécentes stupéfierent l'au-
guste asscmbléc. Le Pape oITrit en vain sa média-
tion entre les deux Monarques. Charles, qui étuit
pn~t pour la guerre, envoya sur-le-cbamp an Roi
des Romains et ú sa srrur, Régente des Pays-Bas,
j'ordre d'envahir la France, da coté de la Picardie
et du coté de la Champagne, pendant qa'il s'avan-
cerait lui-rneme vers la Provence par le Piémont
el la Savoic. Sa marche fut rapide, gráce ti la
trahison du marql1is de Seduces, général franr;ais.
Des astrologucs italiens lui avaient fait croire que
les dcstinées de la Francc allaicnt s'accomplir avce
celle de Franyois I,'r; que l' Empereur allait fon-
der, sur leur double chute, I'établissement d'unc
~Ionarehie univel'selle; et qu'il ne saurait mériter
aueun hlámc id-bas, en abandonnant une cause
que le del meme avait condamnée (2).


Déjh maUre du Milanais, du Piélllont et de la
Savoic, Charles-Quint entre sur le territoire fran-


i) :lIarlin ]lu J~¡!liay, JJClIIoi¡'('s. Pa~. 190. -l'ruclcncc de San-
uu\,d, 1I ¡si. lid ¡mIJer. TIIIll Il, ]laS. 2:!G. \ allilllulid, 160'1. ln-fol.


:2) \lartin Ou Dellay, MtJlwire~> pago 2~2-S1~.




- 102 -


<;ais, distl'ibllant aux Flamünds, aux Espagnüb el
aux Italiens toutes les seígneul'ies du lloyaume
qu'il sc promet de conquérir cette [oís, et disant
Ü l'historien Paul Jove : • Tu n'as qu'ti lailler ta
)) plUlllC d'of, cal' je vais te donnel' beaucoup de
)) Lesogne (1). n Le César ca tllOlique n'avuil pas en-
core (, appris ü cognoistre ce quec'cstoit (lu,:(i .,,«¡j'
l) affaire aux Fran<;ois en lcllr pays (2). » i\ son "i!-
pruche, Marseill(~, Aries et Avignon organisercllt
lIue ddcnse héroi'que: tandis que les alltre~ "litC':;
furenl abanuounécs, les Célln pugnes désertes el ra Vil-
gées. L'anuée impériale, sans cesse harcelée pur k~;
paysalls pl'oven<;aux, perdit vingt-ciuq llllllc llOlll-
mes, sans avoir nulle purt rencontré l'arlllée J'rau-
~:llisc; mals rencontrant partout l'eullcmi, c'esl-ú-
Jire l'inévitable absent. Et Charles-Quint dut
renoneer ti su vaiue tenlative eontre un pays oú il
élait entré en mangeant des faisans , pour en sorlir
en mallgeant des racines (3).


Les llOStilités reco1Umcncerent l'année slli-
vante (15ó7), entraillunt autanL de sueees que de
revers, pOllf Franyois lé' el pour Charles-(Juint;


(:) Pétolo Giovio, lns(. Lib. X}"XY, putj. 17;3.
('2) ~\larlitl l)u 13ellay, III!i .'111 mi.
:0) LalllLert, l1i~tvi/'e de l'ltili/I!J(: 11. LlV. IV.




ll1élis elles finircnt peu de temps aprcs, en vertl!
d'une suspension d'armes. La Porte-Ottomane
combattait avec la France, a la grande stupéfac-
lion du monde chrétien. C'était l'époque ou les
flottes espagnoles et les fIottes turques se dispu·
taient I'empire des mers, de ll1ell1e que les armées
de France et d'Espagne se disputaicl1ll'empire du
Conliucnt. Aussi, quelle diversion puissallte l'i!-
iuslre vaincu de Pavie n'opéra-t-il pas en Euro-
pe, contre son Yaillqueur, par le seul fait de son
ulliance avee le Grllud-Seigneur! Charles-Quint,
a tlaqué en 1 talie par la flotle innoll1bruble de
Ba1'berousse el par les soldats de Soliman-Ie-Ma-
b'uifique, jusque SOU5 les mU1'5 de Vicnne, s'adrcsse
ü tous les Etats ch1'étiens, leur représenlant, com-
me une impiété monstrucuse, ec~~e alliance du
Sliceesseur de Saint-Louis el du Sultan; quoique
l'Empercur-roi t1'c:>-catholicluc se promette bien
de s'allier á son tour avec le Sultau contre le Roi
trh,-chrétlen; lllab alors, 1I dira que lü diflérence
de 1'eligion ne saurait cxclure l'identiLé des in1é-
rets. QUüi qu'il en soit, les Puissances du second
ordre, cntrainées hol's de leur propre sphere d'ne-
tivité par les l'uisSilllCCS du premie1' ordre, el 1"uti-
guées de s'épuiser tJour se donner Ul1 nwltl'c, iJU-




- 10
'
j -


plorent la paix aupres de Frílll<;ois 1''', dans rinlt',·
ret de Charles·Quint, mcna<;ant de sp tOUl'l1cr con·
tre celui des c1eux qui con ti nuera la g'uerre. Eníiu
le Pape intervient et leur fait signer une simple
treve d'abord; pllis une pacification déüllitivc (i).


Ces dem, implacables adversaires paraissaienl
lonl-ú-fllit récollciliés. Fran<;ois 1. 1 refusa les Pays-
Has révoltés quí s'olTraient á lui; el Cllarles.Quinl
traversa la Frallce, allimt chátier celle insurrcc-
Lion, aprcs s'etre engagé, ellvers son anden anla-
goniste, a lui donner l'invcstiture dlll\lilanais (2).
~Iais lorsqne le Uoi de France réclama I'exécu-


tion de ecite promesse, l'Empereur, graud lroln-
peur et rnanf/uell7' de (oi, osta le masf/ui' de dissilllll-
[({{ion (3), en déclarant qu'il n'unit rien pronJis .


• Tustement indigné de eelte IlOllvelle perfidi,~,
Franyois le" quí ne eherchait plus a troub¡(~r la
paix, reprit ses anciens projets de guerreo Dcux


(.!) nihll'J. Le/lll'e.\ el J[¡'moires d'l~({/I. Tom. 11, pago G2. -
llUlllont. GO)'/J,) di/llo/JI. ['"rlo 11, ]lag. 177.
(~) Tribuulet, }¡OUlrUll dn Boi, insniyait SUl' se,: tGl,]e\!cs le n01l1


ele tOllo 11':5 fOlls qn'il rencontrait. En cons(:(¡l1cncc. il clllIsi¡:llél cl'lm
de Charles-1]uint, Frall~"is 1" lui en demanda le moti": (>.11, 1('-
por¡dil-il, 1lm'ce Ijl/'U .1'(11)('111/11'1' ([ Il'ilI:erSi/' /11 F¡'(!I((I'. -JI,II,\
,\i je Le {{{isse ¡I(lIS!:/' SfillS Iili (lIi/'e (!llni!¡ (ui'!'! - A/OI'S, PUlI]'-
sllil'i grayrment Ir bou¡rotl, fu/racu1'Ili sun //1'111.< /'01/1' !J sIlIJ,I{i-
ti/U le liclI.


(0) .\lartill Un lldiay, JldlllUil'u, !Jéli:j. :365,




- 105 -'


ambassadcnrs, Rincon et César Frégosse, parli-
rcnt, celui-ci pour Vcnise, celui-Iú pour Constan-
tinople, afin de persuader ú ces deux alliés de la
France, qu'un grand intéret politique exigeait que
les bostilités cussenl lleu, non plus en Italie, 111ai5
dan::; les Flandres. Le WYirvcrncur du Milanais rc-
~!It 1'ol'd1'c de faire assassiner Frégosse el Rincon,
afln dc s'cmpal'er de leur:; pnpíers. Ce meurtrc s'ac-
cumpLit. Fl'a\1\:ois lel en demanda réparatlon á lu
dide de Hatishonnc. Ensulte, prenant ú témoin les
divcrses Pubsances de l'Europe, ¡llcut' démontra
I'imli:i[lcnsablc néccssiLé Olt jJ se trouvait de ven-
gel' ses nmbassadeurs lúchement assassinés, sa
couronl1e olltragée, sa nalion insultée, le droit des
¡;e n s fuull~ am.: picds, pa r un P dnce qui voulait dic-
ter des lois ú tons les peuples ele la Chrétienté (J).
~lalgré la justice de Sll caU:iC, le 110i de france


n'cut pOUl' alIiés, dans ce He guerre, que le Hoi de
Danclllürk, le l10i de Suede et le Grancl-Selgneur;
far le Pape, le Hoi d' Angleterrc, l' Allemügne et
Vcnisc rcsterent ncutrcs. Ayül1t levé cinq armées,
Fran<,'ois ler atta(luLl les ttats de Chürles-Quint du
cOté uu Houssillon, du coté du Luxcmbourg, du cOté


(1) \Iartin llu L:i'liay, Jh/llOiICS, ¡!ag. :lG7,- J 'élOJO (;io\io, 11 1st.
Lil). ;>.L, 1'<13. :W8.




- 106 -


de l'Artois et (lu colé rlu :,;ont[errat. Soliman pé-
nétra dans la Hongrie, s'empara de presque tout
ce Royaume et menac;a Vienne pour la seconde fois,
tandís que Barberousse, á la tete de la marine
franco-turque, bloquait Nice avec une fioUe plus
nombreuse, a. elle seule, que loutes les fioUes chré-
tiennes réunies. A voir ce vaste déploiemeut de
forces militaires, on eut dit que les destinées de
l' Europe allaiellt se rt~partir eutre le Hoi de France eL
le Sultan. Il n'en fallait pas davantagc pO 111' déter-
llliner contre eux une vaste coulition. Le Hoi d' An-
gleterre et eelui de Danemark abanuonnerent ral-
llanee franc;aise et embrasserent J'alliance autri-
ehienne (1). Les peupJeslibres,enprésence de deu.\
ennemis communs, Charles-Quint et Solilllan-le-
jIagnifique, préférerent se rapproeher de l' Elllpe-
reur, Roi trés-catholique, et repousser le chef de
r Islanisme. Quant aux Prinees protestaIlts d' ,\ lle-
magne, ils sommerent le Hoi tres-chrétien de: rom~
pre avec le Padischah, s'i! voulait consen'sr lem
appui. Mais Franc;ois lel leul' réponuit : (( Je n'aí
point a vous obéir, ni vous il me commnnder.
L' Empereur a mis mes ambassadeurs en pieees, et
quí serüit celui (lui Be m'estiuHl.t pusillauimc el


(1) DUllloul, CVI'¡JS /l/Iic. dip/vm<lt. 'l'OilJ. 1\, ¡úll't. il, ¡!ele;. :27 Ü.




- 107 -


de peu de ccenr si je ne m'en ressentais? 01', j'en
ferai ce que Dieu, mes bons a111is et serviteurs me
conseilleront. »


Le Rol de Früncc ne renon<;a aux secours effec-
tifs uu Sultun, son puissant aliié, "qu'apres la ba-
laille de CérÍsoles, dont l'erret moral fut tres-consi-
dérablc. '::;etle victoire ll1i donna l'énergle néces-
saire pOUI' soutenir seul, au risquc de slH.:comb¡;r
dans une ill1lllortelle déraite, le choc de toule l' Eu-
rope coalisée, qn'il pouvait püsilivement anéantlr,
en la livrant aux dévastations des jani:ssaires con-
uuits par Soliman, et aux rapines des cürsaires
cünduits par Barberousse. Tant de magnani-
mité peut paraitre qnelquefois Ímpolitique :
mais, it COll jl sur, elle sera tOlljollrs honorable.
Fra1l90is Icr cédait momentanément á. l'opinion
de.:; protestüllts d'Allemagne, et u I'opinion
des catholiqucs de France. Plus tard, sa politi-
que el sa diplomalie triompherent de Lous leurs
préjllgés, purce qlle les uns comprirent que les
agressions de Soliman, uans la Hongrie, enle-
vaient it I'Empcreur électif les moyens de se
rendre héréditairc; les autres, que les agressions
Je Burbel'ollsse CIl llalie cnlcvaient au Rol d'E~­
pagne les lUoyell~ J'éLübiir sa LHonarchie uuiver-




- 108-


seile. C'est ainsi que Charles-Quint se viL suc-
cessivemel1t cOl1traint de renore le traité de
Cambral moins humiliant pour la France que ne
I'était celui de Madrid; la trcve de Nice plus avan-
tageuse que ne l'était le traité de Call1brai; le
traité de Crespy en Lorrnine, bien préférable ú
la treve de Nice (1).


Frnnc;ois 1'" qui avait afJ¡'onté la mori sur tant
de champs de bataille, sllccomba clans son lit,
au clJúleau de Rambouillet, á l'heure meme Ol!
ses projets diploma tiques, chefs-d'relluc de sa vie,
allaient réussir de toutes parts. Aceite nouyelle,
Charles-Quint s'écria : Quel gralld Prince la Franee
vienl de perdre! Grand, en eITet, par ses défauts
autant que par ses qualités, Fran<;ols 1,'r oeeupe
une place remarqllable clans la galerie ele nos Rois.
Presque tons les hOllll1leS el' État de l' Europe out
céléb1'é su gloire; les histo1'ien5 de la Franee, i1U
contraire, ont cherché á le déshonorer, parce
qu'il s'est vanté cl'avoir créé le despoi.isme royal,
en détruisant les libertés nationules. Sous ce rap-
port, il fut eoupablc,sans aueun doute. Cal' il eon-
sacra le malheur de ses sujets, en leur ótant la


(1) L(onarrl, lIcC/i(i! des {rillló. TIIIIí. Yíf, Pilc' :t!7. - Belius,
Ve causis ¡lacis crepiac. in a[lis erudito Leipo. 17G3.




- 109-


faculté du bien; müis, il fut assez heureux, du
moins, pour balancer constamment la puissance
de son rival et pour sauver ainsi l'indépendance
générale des peuples (1).


Son fils, lIenri 11, hérite de son tróne et de son
génie cliplomatique. Tou tefois, il inaugure un
110llVean sys1l~me politique, puisqu'il abandonne
les anciennes prdclltions tIe la Franee en ltalie;
pUiSqll'il veut étre le «vengeur ele la liberté
)) germanique et des Princes captifs : - !/indc;l'
»tibcl'latis Gcnnallica' el Pl'incipum capfivol'um. »
Déplac;ant l'actiOll de l'influence franc;aise (lui
avuit dominé si longtemps dans le Midi, 1Ienri
voulait dOllC ,la transplan ter dans le Nord, centre
du Hlouvcment europécn, oü la puissance de la
1Juison el 'Au triche ne rcncon trait pI us ti' obstaclcs.
EIl'ectivemcn t, l'Ell1Jlereur el le Roí des Romains,
chcfs tIe la ligue catholique, venaient d'anéantir,
sur le champ ele bataillc de Muhlberg, la ligue pro-
testante de SIllülkalele; et ses chefs, Philippe-Ie-
'Magnifique, le landgrave de Hessc et .Jean-Fré-
dt~ric, électeur ele Saxe, avaknt été faits prison-


(1) Yoy. ,!artin Iln Br,llay, Jlhnoil'l's. -Sleidun, ConwlC1//uil'i.'s
su!' CIUlrlCS-Qllillt. -1 dlir.dHlrllin, fI ¡,\/oi,'(' !l' lflllic. - h ,)dl. FIl-
úlcall ¡{es n;c. de I'LIII'OpC. TOJII. 11. pa::;. tOL¡.




- HO-
niers. Les ministres de imItes les Puissances, la
plupart des Rois, des Princes et des Reines, se
prosternaient en vain aux picds du vninqueur pom
sauver la tete ues vaincus, ou seulement pour
obten ir leur liberté. Ne respectant plus désormais
ni amis, ni ennemis, ni constitutions impériales,
ni lois proprement dites, Charles-Quint osa tra-
duire I'Électeur uevant un conseil de guerre, com-
posé d' ofIlciers espagnols et italiens, el présidé
par le duc d' Albe. Quoiqu'il fút conclmnné á mort,
Frédéric ne perdit pas la vie; mais il perdit la di-
gnité électorale, que Mauricc, cadet de Saxe et
protestant, avait gagnée par une trahison aussi fa-
tale a sa patrie qu'a sa propre famille.


Les confédérés de Smalkalde ne comhattaient
pus seulement pour la liberté religicllse de lems
États respectifs; ils comhattaienl encore pour la
liberté politiql1e de toute l' Allemague. Des que
l'Empereur cut vnincllle parti protestant avec le
parti catholique, il voulllt s'élever en maltre all-
dessus de l'un et de l'autre, en les raisant plier
ú la fois sons Ic joug u'une servitude COl1lll1l1Ile.
« L'équilibre entre l'Empereur el les l~tats ele
I'Empire était rompu, dit Ancillon; quclqucs
moi:'> avaient sum pour détruirc un ouvrage que




-111 -


les circonstances avnient fait naítre, que la poli-
tique des Papes avait perfectionné nvec autant de
persévéranc~~ que d'art, et que les siecles avuient
consolidé. Le pouvoir diplomatique d'un seuI
homme avalt remplacé ce systeme sagement
combiné. La liberté de toute l'Europe courait
le plus grand danger, Charles-Quint devenait,
de simple chef titulaire, véritable Souverain de
l'Empire germanique, et joignant ces nouveaux
moyens de domination il toutes ses nutres ressour-
ces, acquerait une puissance supérieure a celle de
tous les autres Étnts, menayait leur indépendance
el, pouvant d'un momenL ü l'autre les attaquer avec
avantage, ne leur laissait qu'une existence pré-
caire. L' Al!emagne était abaUue, l'Europe atten-
U"e et inquiNe; elles paraissaient perdues; elles
furent sauvées pur ce mellle Maurice, qui avait
c0ntrihul~ aux malheurs ele su patrie et ü la ruine
du culte qu'il professait (1). n


Cel homme, dans les diverses phases de sa vie,
n'cut qll'un seul but: la puissance. 11 l'obtint
¡['une maniere déplorable, en combattant pour le
dcspotisllle de l' Empereur ; mais il la conserva


(1) 1'ul,lcill/ des 1'(;IJo{utiol/s dll S!Jst(;IIIC politi,/I/!' de /'/c,'u}'O/iP.
rom. 11, rIJap •. \ Vi, llé!o' (J5-\J(i.




- 112-


d'une maniere héroi'que, en combattant pour la
liberté ele l' Allcmagne. Sous prdcxte de concilier
le parti catholique et le pal't1 protestant, Chur-
les-Quint avait fait adopler, ü la dide d' Augs-
bourg (i5h8), un formuluire de foi connn SOllS le
nOlll d'IJ/tcrim. Ce formulaire, devcllll ohligatoiJ'f',
devait consacrer la ruine c1n Protestantisme; cal'
iI fo]'~~ait ú rcntrcr, duns le giron de !'l~glise, les
Princes qui en étaient sorlis (1). Or, la chute de
la liberté religieuse en Altemagne, entrainait, par
une conséquence directe, ía eh nlc de son indé-
pendance politiqueo L'Empereur allait y devenir
¡'arbitre absolu de la destinée de chaque Prince
et de la destinée eles divers États. :\Iaurice, voyant
ce danger, s'efforc;a de le conjurer. A cct effet,
il négocia d' abore! a vec Id France, alliéc na tu-
relle eles protestants (2); puis, il publia contr\~
Charles-Quint un lllanifesle, véritable déclaration
de gucrre, oú il l'accusait, elevant l'Europc, de
troublcr la paix de l' Allemllgne en voulant y éta-
blir une servitudc intolérable, bl'l1tale, hérédi-
tnirc, pareille enfin á celle qu'il faisnlt peser sur
l'Espllgne. Ayant aussitót ouvert les hostilités, sa


(\) huch, Tu(,lcu/l des I'I'/'. dI: 1'1'111'0/)('. '1'0111, JI, ¡lag. 12!¡.
(2) LeullanL llccucil tln {l'(lil¡J~. TOlll. 11, pago 484,




- 113 -


llwrche fut si rapicle qu'il faillit surpl'endre l'Em-
percur U 1 nspl'uck. Au meme instant, Ilcnri JI
s'emparait de Metz, Toul et Verdun, franchissait
le Rhin et pénétrait en Allemagne, dont il s'était
déclaré le protecteur; Albert, margeave de Bran-
ddJourg-Culmbach, ranyonnait la Franconie, et
lí~S Tures envabissaient la Transylvanie, ré-
Ci~mmcnt acquise par le Roi des Romains. Tont le
mOllde s'attendait u ce que le vieil Empcrcur COll1-
battrait Ú outrance l'armée du jeune Maurice;
mais il préféra traiter ave e lui, OH micux a vee
les protestants, et paeifier l' Allemagne, afin de
!ourner ses armes eontrc I1enril l. On con vin Ul Paf,·
san d'un traité provisoire (155-2), en vert!! duql1cl
IllJe diete générale serait comoquée pour déter-
llIiner, d' une maniere définitive, les ra pporLs des
catholiqucs eL des protestants au sein de l'Empirp.
Cette diete se tint it Augsbourg, en 1555; elle
termina le premier acte du drame formidable qui
se jounit sur le théatre de la croyance relig'icusc
et des intérets poli tiques.


La paix de Passau était le préliminaire indispen-
sable d'une guerre contre la France. Charles-
Q!1illt es~uya de reprendre Melz avec cinquilllle
mille hommes; et le génie d'un seul bomme,


llL (~ K




- 114-
Fran~ois de Guise, rendit cette ville imprenable.
Découragé par ce revers, l'Empereur s'écria : ,( .Te
vois bien que la Fortune est une femme qui
ressemble a toutes les autres~ Elle accordc ses fa-
veurs aux jeunes gens et tourne le dos II cel1X qui
sont viel1x (1553). ») Ce Monarque n'osa plus cou-
rir les chances d'une bataille décisive qu'a Renty,
ou l' Angleterre lui avait promis la victoire, paree
qu'elle s'était enrólée sous ses drapeaux: ce qui ne
l'empecha point d'essuyer une nOllvclle défaite.
C'estalors qu'il résoll1t d'abcliqller la couronne im-
périale en faveur de Pllilippe, son fils, et au préju-
dice de Ferdinand, Roí des Romains, qui défenclit ses
droits d'héritier présomptif. "Sans lui. dit Ancillon,
lu liberté était perdue, h religion protestante oppri.
mée et l'équilibre ele l'Eul'opc entierementdétruit.
Ferdinand était aimédes Princes de l' Allt:magne, et
méritait de l'étre pour les soins éclainis qll'il avuit
pris pour la pacifier. Il conserva les l~tats h(Tédi-
tnires de la Maison d'Autriche et les droits de
eette J\laison sur la 130beme eL la l1ongri(), el. for-
ma une nouvelle masse de puissanee. La sépara-
tion des deux branches (le la fillllille ele lJabho¡¡rg
prc'serva l'Europe du c1anger ele la \ronarchie nni-
ye¡,selle. Les líells du s(lng ct la conformité des




- 115-


¡ntérets les ont quelqucfois rapprochées mais


plus souvent des intérets opposés les Ollí éloignées


l'unc de 1'emtre et leur ont dlcté des mesures qlli
ont serví la cause générale des États (1). ))


L'abdication de Charles-Quint étonnn le monde,
ql1C sa puissance avait tant de fois bOlllevcrsé.
~Jort déso1'mais, pour I'histoire et pour son temps,
il se retira tlans le couvenl de Saint Just, et y vé-
cut deux ans, pour l'éternité. "\l'ayant plus d'Em-
pires it eré('r ou it détrire, Charles cmploynit son
temps aux travaux de l'horticlllture et de la m{~­
caníque industrielle. Tl essaya, un jOllr, de met-
tre deux horloges d'aecord; mais nc pouvant y par-
venir:« Fou que j'l~tais, s'éeria-t-il, fai pOllrtant
» prétendu réduire it l'uniformité tant de peuples
• dilférents de langage et de elimats!)) Cha1'les-
Quint fut un grand Prinee, meme en présenee de
Léon X, de Frün~ois le l , de Solimun-le-Magnitique,
\Jonürques iIlustres ¡'¡ divers titres , el que
Diel1 tit paraftre, san:-; dou te, a la meme épo-
que, üfiu que uul d'entre el1X ne pút acquérir une
sllpérjorité (le Pouvoir assez eonsidérable pom
devenir [atale á l'existence des États ct au hon-
heur Ull[;Cnre humaitl.


11) Til(¡fCIl11 !les 1'1'1)01. dll -'!J't. ¡JOIit. Tom. ff, pafio 180.




- 116-


Le Roí de Franee, qui avaít [ait éehouer les
plans gigantesqlws de Charles-Quint, pouvait aussi
empeeher la réussite des projcLs de Philippe 11,
quoiql1c ce dernier disposilt des ressonrces pres-
que inturlssubles de l'EspagI1f~, de l' ;\llemagne, des
llays-Bas, des Deux-Sieiles, du J1ilanais et de l' A-
müique, par lui-meme; et, par Sil. felllme, ~llaric
Tndor, des ressourees de l'Angletenc. Mais, aban-
u()llllant le Nord, oil il avait ét(~ plusieurs fois vic-
toricux, IIenri II venait de passer en Italie, OÜ la
Franee fut souvent défaite; le due de Guise,
chargé de eonquérir le royaume de Naples, ne sa-
vait que faire de son g('~Ilie impélueux, annulé
par le génie temporiseur du dile d' Albc.


Rappelé dan s sa patrie, que l'Espagne el l' An-
gleterrc vClIlent an(\antir daos un cITort supreme,
le Prinee de Lorraine apprend , chemin faisant, le
Oésilstre de Saint-Quentin, la prise de Ram, de
Noyon et du Catelet. La Monarehie franr;:aise ne
eourut jamais un plus grm](l danger. Henri JI
donne a Fran¡;ois de Guise le titre de ¡ieutenant-
gÚl(~ral du Hoyaume, et bientot apres la Franee
est sé\UV('.e. Guise, en neuf jours, se ],(~Jld mnltre de
Calais, que l'Anglclerre possr"dait dcpuis dellx sU,·
eles. POLl r cet exploit, C[l1i releve nolre amour-




- 117 -


propre nationul , si hunülié naguerc, il est SUI'-
nommé le /uJros de son I){t!}s. Les victoires qu'il
remporte partout et conp sur coup, font oubller
la défuite que le ll1aréc11n! de Thermes vicnt d'es-
suyer it GravellllCS. Enfin la guerre est suspenduc
par un ürmistice; la F;'illlce, l'Espagne,I'Empirc,
l'Angleterre ct la Savoic conviendront pe\lt-(~lre
de la paix dan s l'abbaye de Cercamp, ~lais Phi-
Jippe ll, qui sc tro!lVC Ü l'apow':e de sa pUiSSiltlCe
el quí domine en Europe, exige que Hemi II se
déshonore h!i-nCtilC, ell rellOll(,~ant Ll ses propres
eonquütes ainsi qu'ü ecHes de son pere.


Aussitót les nl~goclatiolls sont rompues. 1'al-
llanee anglo-espagnole est ellc-meme brisée par la
mor! de ;'larie, avant qu'on puisse les renouer.
ElísaLeth, qlli lui sllccede au lronc d' :\.Ilgleterrc,
COIlllHe filie de lIemi VIII, diminue ses préteu-
Llo"s personnelles el [ait signer le traité de Catcau-
Cambrésis, Ul! la France est moios humiliée; oú
l'Espugne est rnoins triomphante. i'hilippe doit
renure u Henri Saint-Qucntin el. (llif~lques autres
"illes conquises en Picardie; Henri doit l'endrc it
PiJilippe uu á ~es alli("::1 , cent quatre-vingt-cinq
place::; üuvertes üu forWiécs, Pl'c::;(llle LOllLes en Ha-
lie; muis il gürdCl'll Tou!, illetz et Verdllll; üvant-




- 118 -


postes de la france du cOté ue 1\\ Ilelllügne (l).
Cette pacification relllplit ele jole tout le peuple;
mili:-; elle attrisla toute l'arlllée, paree que le Hoi
vellíüt de se fermer le Piólllont : lbéútre tii IOllg ..
tcmps Ollvert Ü la valcur de nos illleelres. « (] llll-
)) sérablc France, lllurmuraille lllaréchal de 13ri:s-
» SflC, ú (lUelle perle et ü queHe ruyue 1'es-tu iait'sl:
»ainsy r,~duire, toi ({ni triomphois par SllS tOllí(:::,
» les natiolls oe l'Emope ! »


ti ne si tua tion allssi h umilian le pour l' orgueil
de la FraflC(~, \le pouvait etre (IUC pastiagere La
1'\ation se serait relevée bien vite de cctte Me;l-
deBee fortuite, si la mort du Roi, qui seul éldi L
appelé á la sauver des embuches de l'étranger et
des [actiolls de l'intérieur, nI' ¡'cut précipitéc,
eotnmc la l)!upart eles autres États de l'Eurojl[',
dans un déelin inexprimable. Philippe JI se ré-
jouira bientOi de voir la Monarehie fral}{;aise per-
Úe CJon inílucnce polltirIllC et contlllentale daDs
les guerrcs moitil~ civiles, llloitlé religicuses, qu'll
sell1e lui-meme ['our y récolter des ruines. C:lr,
une fois que la Franee, ou il se croit pres de ré-
gncr par la ligue, lui sera définitivemcIlt asservk,
toule:::. les élutres PlIÍ::isances le seronl ú leu!' tour.


(1) Léonard, liccw;il de" Imiles de j'ai,l. Tom. 11, pug. '2'27.




- 119-


t¡lnis Dieu ne perl1lettrn pus que le monde elltier
se combe devant l' Espagne , ou mieux, devunt cet
hOll1l1le qu'on surnornme le Démon du Midi, pour
térnoigner dans 1'histoirc qu'il n'a rien de COtn-
Illun avcc 1'hul1lunité.


En eiTet, l'Anh'letcrre, dont Churles-Quint vnu-
iut (¿tire, commc des PaY:j-Bas, une province de
la _\lollilrcllie espagnole, en mUfiant son tils avec
la filie de lleiji'i VJU et de Catherine d'Aragon,
\ienl d'échapper ú Philippe 11. Son ancienne al-
lil'e seru désormais son ennemie implacable en po-
litique et en rcligion. Cest l'heme des grandes
chutes dans les régions désolées; e'est aussi
1'11eu1'e des grandes rl~SUITcctions, puisque les
PUyS-DélS, in.illl'gés, crécill un Etat contre celui
qui se prOp03C de les détruire tous. L'avénement
des Uourboils ciót enfin ecHe période [utale, en
ouvraot des voies providentielles i.t la civilisation hu-
maine. Le salut de la France garantit celui de l'Eu-
rope; el l' Espagne , ll1ulgré son opulence, vouée i.t
une ruine incommensurable, en expiütion des cri-
mes, des fureurs et des vengeüllces de Philippe 11 ,
n' estdéjú plus que le spectre d' elle-meme, ullourdis-
sünlle sOUlll1eil de tous les despotisdles, üpI'l~S u voir
élé le génie qui tenuit en éveil loules les libertés!






CHAPlTUE XXI.


:-;ALLI DE U FIL~'\CE PAn LES BOLHBO:\S.


Sommaire .


. \lJlagonisUlc dll .\Iidi el du\ord de l'Europe. - La :\Iaisoll cL\.u-
lfiehe jlrésillc <tu mouycmclll du \Iidi; la .\Iaisoll dc Franee a cc-
lui du :'lord. - La tllll:])(: ell' llenri Jl scrt de ben~cau it toulc
>lorte de faelions. - Le,; e; ubes, c]¡l'fs llu parli cal]¡ulique'Duu \ C1'-
nculla Fl'ance avce l'appui tle n:spagnc. --Ojl]JÜÚliUll des 13üUL'-
hOlhi, l'rillces tlu sans el chef, du parli proleslan! , soutrnns
par L\nDlelenc. - .\lull de Y! élll\;üis 11 el ay('llelllcnt di' Cllar-
les L\. - IkgclIcc üe Cal!Jerine t!l' ~jédici~. - l\apPI'Oc]H'ill"II:
fiIJli!ir¡uc des J)our1JU11S d des (~LIbes. - \¡iellel üe l'Jlo:;l'ilal1lux
Llat:; de J)luis. - I'n~llIii']'e organisaliun de la Suillle Ligue. -
(;llCITCS cililes.- Calherillc de .\kdicis, l1e pOlllalll plus ICllí!'
la Lalallce enlre les ueux petrlis, sacrifie ies llL'üleslanls aux Cil-
Ulüliques. - J\cyolulion des Pays-l\as. - (;uillmullc el'Ul'ilnge llit
¡.. Tilcilllme. - Üahli:;selllclll de la l\éjJIllJlique des l'royinccs-
Inies. -1'IJiliplw II el Ui,abeliJ. -Le lloi cl'Espagne s'empare
dll I'orlll"al. - Clwle de ce derníer lloyaullIe- j':lisaiJelll el
.\lalie :'lllarl.·--· Ui"ahelll joue en f:cosse, le IIll\mc l'lllc (l\le !'hi-
lippe ! 1 jouc en France. - SU]Ipliee de \Iarie Sluarl. - La l\oyau-
[1' ]Ier,l, awr, elle, SOD illliolabilil0 slljlr0Jl1e. - (;ucrrcs civilmi
Cll l"rallce. - Ilcllri üe c;uise, chef elcs catltoliques, el le jeullc
prilJcc de :'Iéiy,llTe, che!' (les prüleslallls. -l'aix de sain[-Cerlllain.
- 1." Sililll-lJw'lhdclI/y. - :'ubliltlc ré,ponsc de l[UClqllPS i!0u-
yernc u l':i lle proyince, qui ref'uselll tl'ob('ir allX orc1re:; die ClJar-
les L\. -- .\1 I'JI'.'IIí('lI I de [[('mi 111. - Le) cal)¡oliquf's el Je, jJ['o-
tl'Sli\llls t¡'al·ailll'lll. it rClllcr,;('1' la ,\lol1<trcllie fralJ~',ti:;e; ceux-ci
J10ll1' fonde]' lIII(' g';jJlllJJilllll' fl"oda!,', cCllx-lü pour illlrC,¡¡iscr unc
dYllaslie lIouvelle. - Tiel's-parti ou pal'ti lle~ mt)(;onteuls (lui nc




rrclJerc]¡cn( que leu)' int('ret [Jl'r,;ol1nel. - I'IJnlan~c lrlIOllllll€S
sU]l':l'ie\ll's dOlllles opiniullS doiwnl sa\l\r')' la l'l'Clllce. - Coalilion
tlr, j!l'okSlnnls el eles lllécolltcnts. - Or:';;Lllbaltl)n !:I'!lI;FLlI' de la
SlIinle Lig/le. -lJelll'i III ¡'n lkYicnl le clJr'r. --.\'01'1 tlL! tille
c\'\njoll. -Ilcnricle .\aYilr]'l', IJrClllier Prilll'l' ¡lusan!=" --!.e I'(¡p\',
le Boi ü'Espagne elle cluc de ¡;uisc dt'c!urcnl ([u'il c,[ ded\l1 di'
,es dl'oih ü la CUUl'llJlIlC, crJlllll," lll:l'diljlll'. - ('.I'U" C\C!U,iOll d,_',
llullr!Jons üoil PI'O\urIUCl', soit \tllC llSUll'aliull al.l 1'l'IIli t de la
'Ini,!)]] de LO]'J';1ÍlIC, wil l'éUIl'o;LllIL;,Cilrl,1l1 rI" h loi ,;alir[lll', ,in
p['u!it ele la\laisOIl d' \llll'iclw, - FaclilJll de,.; Sr'i:l, O'tiPl'l1tli l 'r;
par les Cllises et pélr 1'llilipP12 11. - .IUllJ'llI'C de,; haITiciI¡[",. --
l::tat~-(:{~n~-·l'au.\. - lrl1llri de ,;nL,,(' \- a~:i¡ (" 1);11'/1' en ill<lÍinl,--
lic]]rí I1I le faíl a""¡,,ill(':'. - ;-;111¡)I:::rCd,._ 1.r Li::Ii:_', - fA> !,(Ii ue
"ail IJlJillt pl'otilcl' de :'1.111 I'l'illi",· 1.:,''; Li~-Il\'III", n'lr'nl!', de I¡'m'
slup(o!actiull, Iont [lrUChUllcr Sil lkcll('élncc. - ¡It'nri 11I dllplrlí d,~
\alalTe a"il'c-i'tll Paris. - ASsélssinal lln I\(li. - Ll':; Li¿llCIlI'S
jlroclall1Cnl, SOllS le 1I0111 de eh:lrle, :-., Ir; I jt.'li\ ('di diual di' IJli-
l'aine, prisonllicl' dn \a\arrai:::. - ¡¡('uri jI, l'I-l)clilJJ(I\ 1"11' 1'.11'-
mée roya[e, - Balailles ¡l' irrjlli,g ('[ d-I\TY, - \ld¿llalJillli!(: ¡le
lJellri 1V peilllant ([lI'il ils,i,'~c l'aris. - Hab-l;('llI'r<tu\ ClIll\(:-
Cj116s pOlll' élirc un Iloi, alJri's la morl ¡le CItarles :\, Hui de //¡LiI-
tl'e. -l'hilippe II fail proposer ['election üe ['Infante Isal,,;I"", el
arh,\le le Yute des Mputés. - Le I'arkmcnl sr j>roLlollcl' en faYI'lIl'
de la loi salique. - AlJjUJ'éltiO¡¡ d'llenri Ir. - Chute (h~ la Ligue,
- TriOll1pllc des iclérs 1lI011éU'cl¡jc¡uC's. - I:nll'(\(: tic Ileul'i I\' á
Paris, - ,"'lJLllllis"iull dn lloyanllll:, - Le J:oi de c1L'oil, jJunenu
ll;gilillle, esl alor,; J\oi ele útil. - Le 1¡l'cIllicl' des HlJlll'llllllo fonLle
son gomernclIlcnt politique sur la libel'lé, parcl~ (ju'iI "eut ClIllO-
hlil' le jla) s el no]] le elégrallcl'. - AsseIlllJlée d,', notable" ü
ltouen. - llenri r\', libéraleul' ele la France el arbitre de l'Eu-
rape.


Depuis que le Protestantisme avait détruit l'u-
nité de la société chrétienne, millc sccLes s'étaiC'llt
créées dans chü.que Éta t particulier, et en dchors
de l' Église universellc, exprimée par le Catholi-
cismc. Ces sectes, ou mieux ces partis, llont l'ori-
gine étuit a. pcu prcs iuentique, bien qu'ils n'eus.




sen t poin t la meme fin, se trouvaicnt ex posés a ele
lrop granel::; dangcrs dans toute l'Europe, la sur-
lout oú ils étaienl en plus petit Hombre, ponr ne
pus forme1' entre cux une association générale
duns le hu L de garantir lcur propre sureté, et de
faire lrjÓ)l~ I p]¡(>r Ir' princi pe de la solidal'lt6 pro tes-
Ullte, en regard el en opposilion du príncipe de la
iloljduri[(~ caLIlUli(liH'. Dl~S ce lllOf1leut, la civili<l-
tion llloc1erne suiylt deux direcliolls coutra(llclüi-
rcs : l'une daus le Wdi, ¡'nutre dans le Norel; el
el'! lllltagonisme (1) se tracluisit par eles actions el
des réactions d'autant plus barbares que chaque
parti, que chaque secte, voulait exprimer, a lui
seul, exclusivement ü tous les autres, l'uuité mo-
rale et polilique du monde civilisé.


Comnw ce s:Julevcmeut extraordinuire du Nord
COlJtre le Mieli , de l'analyse contre la synthese, du
progres con tre la tradition, de la liberté con trc
l'aulorité, de la raison humaine contre la [oí di-
,ine, de la société lal(IUe contre la société ecclé-
síastique, ue l'inléret particulier contre l'intérét
gl~lH~ra¡, quí COI11mence au XVI" siecle et qui n'est
pas encore fini ú cette heure, avait pour but d'a-
néan tir l'l::glise UD i \'{crsdlc ; Clwries-Quint, eUJ-


(1) VO):::Z LOm. 1". cllilp. Yll, pai3'. ::00.




- 124-


brassant le Nord et le Midi dans le vaste réseau oe
sa puissance personnelle, se crut destiné ü créer
un État universel. Si le reve de l'Empereur se fút
réalisé, malgré l'hl~rol(llle opposition uu Hoi tres-
chrétien, e' en était fait de la ci vilisa lion euro-
péenne; puisque le sort de chaqnc Nation el (le
chQque partí aurait dépeuuu alors de la volonté
d'un seul homme. l)our prévenir cet immcnse d(~­
sastre, Fran<;ois ¡er, quoique catholirluc, devint
son alltagoniste et se mit it la tete des liglles pro-
testantes. En agissant ainsi, la Hoyauté fran<¡abe
üccomplissait le salut politique de l'Europe, au dé-
lriment de la morale, il est vrai ; 111i1is elle ohélssait
au sentiment inné (IlÜ porte ¡'etre humain á veiller
¡'¡ sa propre conservation, car la l\1aisond'Alllricllc
conspirait positivement sa perle.


L'Empereur n'élvait pas d'autres yues, lorsqu'il
transigeait ü Passau avec Maurice, chef Ul! parlí
protestant de l'Emplre (1), et qll'il se ligwlit avec
l' Angleterre, na tion protestan te. S' II rcnonc;ai t
spontanément it I'espoir de rcndre l'autol'itl~ im-
périale héréditaire dans su Maison ::t:, ce n'était


(1) DUlllOllt, COJ'ps dipIOil/a!. '1'0111. 1\, pa;;. i¡:!.
(:2) Kuc]¡, A.iJrc!}é de tJlist. des tmitó tic IlIlix. Tom. l"'¡Jilf!',;


:JI.




- 125-


pas dans un but de libertr~ qu'il ne pouvait pour-
suivre; c'étüit afln que le Roi de France cessat
(1'elre comme le protecteur naturel de l'indépen-
dance des I~tats. Apres avoir ainsi détruit ses al-
lianccs en Europe, il espérait détruire son propre
HOyl!\llllC par une invasion. I\lais la puissance ill-
L~rietlre de la France n'élail pas morte en mÜlllC
telllps que Sil pl1issance extériel1re, puisqll'elle sur-
récut jllSqU'Ú la paix de Cateau-Cambrésis, ou
mieu\ jusqu'¡\ la fin prématurée de Henri II, qui
fut le commcncement de toules nos faiblesses na-
tionales. N'ayant pu la subjuguer par sés armes,
Philippe lIla snbjugue m:lÍntenant par ses idées,
en altendant que les Guises, qui repousserenl ja-
dis son invasion arlllée, tendent leurs proprcs
mnills it son imasion politiquc. Ainsi livrée aux
jactions catholiques et protestantes, en müme
t8111pS qu'ú l'étranger, la France ne joue pas le
moilHlre r6le sur le grand théíltre de l' Europe.
Cepcudant, tont le monde se la dispute, depllis
rru'elle De s'apparticnt plus elle-lIH~lUe. D'ul1 coté,
ies GlIises, le Pape, Philippe I1 et Catherine de \Ié-
dicis, "culcllt en faire lel1\' proie; de l'autre, Éli-
silbeth, le princc de Cllllrlé, Coligny, et ellfin le Sil-
rarrais, Hlljourd'hui simple chef d'Ull pani. dcmüin




- 126-


chef de société. Daos les deux camps, la religion
n'est qu'un prétcxte et le fanatisme n'cst qu'un
moyen d'action ; le pomoir est le véritahle but; et
malheureusement cet état d'anarchie produit ici,
Ll, partont, des hommes politiques !lu premier or-
dre! Entre eux, il s'agit de savoir si la France de-
viendra catholique ou protestante, provincc de
l'Espagne OH de l' Angleterre. e'est pon!" cela que
les /wguenots et les r01nanistes, exprimelllt les
catés extremes de la vie publique, chercheront a
s'exterminer. Apres l'assassinat de Hcnri lII, Roi
catholique, la couronnc appnrLielldra de elroit aux
Bourbons, représentés par Henri IV, Prince pro-
testant. Or, ceux qui combattent avec les Guises
pour l'Espagne, lui elllpruntcront e,eS doublons, ses
ugents et ses armes, afin de trancher cette grande
question de la succession an trane, que Diell ne
leur laissera point résolldre. Les vrais principes
de la Monarchie et la cause des lois triompheront
des actes el des irJiquilt':s de tous les partis; In 80-
ciété nationale sera satisfaite et l'Europe sera
vengée, parce que le bon génie de la Fríl!1Ce, ([ui
voulait a8surer le sceptre ü l'h(;ritier l(~gitime,
aura l\litó pendant quatorze ans contre le Ilwuvais
géllie de ceux qui dell1ílTlUllient un changement de




- 127-


dynastie, dans l'intérct d'une Nation OU d'une
'Iaison étrangére.


La tombe de Henri II sert de berceau u toutefl
les factions religieuses el politiques. Franc;ois lJ,
enfünt de seize ans, monte sur le trane avec Ma-
ríe Sluart, reine d'Í~cosse. lis n'agissent, l'un et
l'üutre, que sous l'inspiration des Guises, oncles
de la Reine de frallee, mais soudoyés par l'Espu-
gne. Les Princes du sang, ayant pris cl'abord pour
chef Antoine de Bourbon, puis son frere, Louis,
prÍnee de Condé, s'indignent de voir la direction
de l'État eonfiée a des Princes étrangers, et se
font soudoyer par l' Angleterre. Aupr(~s de ces dellx
factions qui vont envahir brutalement la seene po-
litique, s'élcyc une femme, Catherine de \lr'dicis,
cnnemie des Princcs protestauts antanL que des
i'rinces t:atholiques, ne servant d'autre intéret
que le sien propre, n'ayant foí qu'en elle-meme,
ne travaillant qll'ú maintenir OH eonquérir l'auto-
riló polilique el sur qui retomhera toute la lwine
des Fl'a11\:üis, paree qu'elle est ltalicllne (1).


L'esprit de eruauté syslómulique envers les pro-


(1) ,""ir 'liclipl dr C,hlf'lnall, JTr'moircs ele 1.'í3'l it J310. I';¡l'is
tG~I, ill·h" ·(;'lilla"llll· di' :'alllx-Ta\':lIll'S. J/':!lioin',\ /fi,,!o('ii/W'S,
d,' 1:;1)0 {I 1.',%, ¡';u'b, ¡(¡~.-,. - Calf:rillo '!la\j!:¡, /lis/vio; ¡[r"
'-/UUI','U" d¡;ilr:."




- 128-


testants devait se manifester en me me temps el ü
la Cour d'Espagne et il la Cour de France: rleux
centres de la meme politiqueo Philippe II avait dit
ú Fran<;ois ll, ou mieux aux Guises: Mieu,'C vaut
perdre ses sujets que de régner slIr des luIrélir/Hes; e t
cette pensée allti-chrt~tiennc étuil prisc au picd (le
la lettre. 11 en résulta qu'en France et dans
les Pays - Bas, le fanatisme dll gOl1vernemeut
engendra le fanatismc de l'opposition. Gaspard
de Coligny, parent et allié de Guillaume d'O-
range, ne craignit point de dire il Fran<;ois II :
" 5ire, [aites la guerre au Roi d'Espagne ou nous
»vous la [eron5.)) C'était á la fois un conseil et une
menace. On rejeta l'un, on brava ['autre. tes pro-
tcstélDls, groupés autonr du prince de Conclé,
prétenclent servir la cause du Roí en conspil'ant
contre les dépositaires de son autorité, sous pré-
texte que la majesté du lrone est compromise par
les étrangers, c'est-u-dire par Cathcrinc de Médl-
cls el par les Princcs lorrains. llsveulent obtenirla
liberté du cultc; si Fraw:;ois 11 refuse, alors ils
s'empareront des Guises, les poursuivront ellx-me-
mesjuridiquement etcontraindront le Monarque ú
livrer au prince de Condé les destinées générales
du Royaume.




- 129-


Les Guiscs , avertis du complot, transférent la
clíur ¡\ Amboise el Illillldellt UUpI'C',::; du Roi le
prince de Condé, qu'i1s font surveiller de prés,
quoiqu'ils aient éloign(~ le péril. Les conjurés (lr-
rivent néanmoins; ils tombent d'embuscade en
embuscadc. 'fous les prisonniers, condamnés a
ll1ort, sont exécutés. Le Parlemcnt de Paris éerit
Hll'I: Pill'!cmcnls de pro\'inee : COllrez sus al{')~ ItfJré~
¡iques; el le sallg" eoulc du tontes parts. Fran90is
Olivlel" chancelicr dl1 floyaume, úme tendre et
juste, meurt de cllilg'rirL paree qu'il ne peut em-
pt~eber ectte iniquité. Le prince de Condé, qu'on
avait arrNé, mais qU'OIl lItlmit it se justifier dans
une assemhlée solen nelle, prit la parole en ces
termes: • S'il est ici un homme assez audaeieux
rour m'aeeuser d'nvoir conjuré eontre le Roi, je
cJ¡;elare que, renonr;Hnt nu privilége de mon rnng')
je suis p]'('\t a le démentir par un combat singu-
lier. - Et moi, reprit le dnc de Guise, auquel iI
semblait s'adresser par cette apostrophc, et qlli
nvait blamé eette pouI'sllil.e, faute de preuves suffi~
;')antes, et ll10i , je ne so u fTrirai pas qu'un aussi
granel Prince soit noirci d'un pareil crime, et je le
pric de me prcndre pour second (1). » Condé se


(l) De Thou. Jló/toins di' ((,¡¡de. Tom. VI.
IlI. (3) 9




- 130-


retire libre et absolls; mais ses partisGl1s tnllrchent
clll snpplice, (lui scrt de speetacle ü toutc la cour.
A 11 ne el' Este l el uchcsse de e lIise et peti te-fi!le de
tCJuis XII ,s'8n óloigne aY8C efTroi, aprcs avoir dit it
la mere de Charles 1"\ : « r-ue telle HlC tlóchire l' úme.
camhien de Yenge~lDces se prl~]la1'cnt! cOlllbif~n de
sl1ng HJ couler enCOfe 1 Ah' :ílndanH~, que Dieu
saure YOS fils ct les miens! ,;


l\Iichel de l'Hospital, homme de paix, de justice
et de haute 1'aison, aecepte les sccaux de l'Étnt cn
ees tcmps de pilssínns furiellscs, ele crimes picm
et de gLlerres ciriles. DC::j¡'l lec (;lIi~('s osent deIltan-
der l'établisselllenl de l'inrjuisition; maís le chan-
celier fait rejete!' ce moyen de terreur que les Rois
de Frunce ne doivent pas cmprunter ü la politique
fUl'ouche des Roís (l'Espnglle. Les notables s'assclll-
hIent Ú Fontaincblcall. L'¡¡llliral ele Coligny, qui se
déclarc le chef des calvinL-ites, "ient, en Icm nom,
présenter au Roi lI1W SlIPllli(!llC pOIlI' ohlenir la
liberté <Iu culle el la fil! des c\écnlions. Fran-
<;ois de Guisc fai t observer que cctte pótition ne
purte allClj[H~ signature: (( Ddns un momcnt, dit
l'Alllir~d, elle scra COlFcrtc rk rJeu\ mil!enoms.))
.- " Eh bien, 1'1';'1'en<1 le Dllc, j'en prr'~se1l1ertli
»une c(Ju¡ruirc, el ccut lllillc pCj'wnllc~ la ::;1gnc-




- 131 -


l ront d(~ leur sango )l 1,f~s ¡"veql1es intervinrent
cntre Cll\: el fircllt sllspenc1re les supplices; 111ais
les ilrrestations rCCOll1rnencerent. Tous les Bour-
hon5, appelés h la cour, furent ineareérés, et, sans
la mort (le Fran¡;ois ] 1, i 15 ensscn t été assassinés,
(le mellle qtle tons les ealdnist¡,s, par ordre des
(;llises, qui YOl¡]aicllt (Mlruirc l'opp~)sition avant
j'ouvertllrc d(~s {:lal:3-C(~n(~rallX, que le Gouverne-
lllcut iI"ait CODVO(IlI(~s.


Charles L\ fl'glle Ü dix ans; Catherinc de Médi-
eis goureme arce le Litrr~ de R(!g'ctlte. Elle vent
inaugurer une politique tlollvclle dans la société,
en réconciliant les anciens partis. en rapproche-
ment s'op(~re entre les Ronrbons et les Guises. Le
conn(!Lahle de Montmorency, ardcnt eatbolique,
rcvicnt ú la cour en Illl:111C temps que )'amiral de
Coligny, zélé protestant. Les États-Généraux S'Oll-
vrent Ü Orléans. Michcl de l'Hospital s'écrie dans
la 6éanee royale : « Otons ces noms flll1estcs, 110m3
D de partis et de s61itinus; LuLhüiens, Hugucnots,
l Papistes; ne ehallgcons lBS ce bcau nOlll de
. CJIJlI'TIE~! )) L'llsselllblée tout entiere üpplaudit
al! diseours dn ehanedier, qui veut rétahlir 1'0r-
drc j('g'al cn Francc; milis les Cu¡c'cs, qui veulent
pcrpétllcr Ic: llésonlre , urgallisen t, Ü I'instiga t ion




- 132-


de Philippe JI , la Saiutc b:quc, symbole ({'union
dans l'tglise et de division dans I'(~lat. Cillhcrin:~
espere uéanmoins concilier les intér(;ts des catho·
liques et ceux des protestants, pOUn'L1 qu'i!s S~
ruettent d'accord sur leurs principes. Le carc1in:'¡


de Lorraine et Théouorc de Bezo ont lino conf,;-
rencc h Poissy; et ce colloql1e cdebre, 10ill d'(;-
tahlir la paix entre les partis, n';Piwd eles Hppr("
hensions de guer1'e dans tou te la société. U nc le i,
qui accorde aux calvinistes la liberté de lelll'
culte (1), met les catholiques en fu1'enr. Les ser-o
gents du duc de Guise, ayant insulté les rcligion-
naires a Vassy, provoquent une collision. e'est !t:
signal d'nllc guerre qui [era sllbir ú la france plu:-,
de malhellrs que n'en sllhil'ont tous les antros
f:tats de l'Europe.


Ne pOUvilnt plus toni1' la balance cntre les C(l-
tboliques et les protcslants, Catberine de ~¡úlkb
emmene le Hoi-mineur u Fontainebleau; mais le
duc de Guise les ramene tous deux ú Pnris; tnndis
que le prince de Condé s'empare cl'Orléans pOllr
en faire su place d'armes. Les deux partis pnhlienl
des mnnifcstes avant de tirer l'épée. Si l'E~!;ilgnp


(1) Fontaníln, ÉdilS (1 (lI"(IOI'IIUlI((,\ 1/", f1uL dI. ! i '/!("".
Tom. IV! pn[2:. 207,




-- 133 -


;'11\01C des SCCOUl'S au duc de Gubc, l'Angleterre
n'en laisse pas manque!' au prince de Condé. Sui-
vünt l.ons les deux la meme politique, Élisabeth et
rhilippe alimentent les trol1bles et empcchcnt
qU'Uil parti qnelconque ne les· termine a son
"van:,: ,;r~, en acquérant sur l'autre une supériorilé
déc¡:,:\I'. L;¡ lutte s'engage. Antoine de Navarre
1I1CI" : ~;O1l3 les murs de BOllen; Condé est fait pri-
:3ontii(~r Ú la bataillc de Dreux. Resté seul de tOllS
les chef:; du lw·ti catholique, le duc de Guise
parle e t agi L e11 Hoi. Ca Lhcrine a pprend a vee bon-
h~ur son assassinal; mais l'ambition de Condé,
qui n'a plus de contre-poids, lui inspire u'autrc5
inquiéLudcs. En cOllséílllcnce, elle saerifiera le
pdfLi protcstuJlt aU parti caLholiquc ; l' [talienne se
fCJ':l Espagnole et se dirigera vers Bayonne pou!'
:ú:litenüre, sur les ll10ycns d' cxtermincr les reli-
glúIlnaires, av ce le due d' Albe, qui va lui-mell1e
d,lI1s les Pays-llas, 011 il se propose de relever l'au-
luriLé de son ll1aitre en abattant des teles.


La plupart ues provinces connues SOllS le nom
Jc Pays-llas, apparlenaient Lll'ancien Royaume de
Lurraine,forlllé, apres l'abdicatioll de Lothaire (l),
peil' le démembrcment de l' Empire d'Occident.


(1) Voir ci-deS5US, lOlll. 1", paD, ~3(j-;;7.




'.'- 1 Jil _.


maniqueo Le:; dlles d(~ HOllrgognc: de la Maison de
France en ayant aC(Illis les plus illlportantcs, no-
tamment la Flandrc c1, le Brubllnt: principal cntrc-
pot du commcrcc emopi:c.~ll, jI;; p¡¡rent marC]¡í'i'
l · 1 . , 1" 1'''' te pmr avec es prr~illlC],CS .. lIi"SilnCes Le ! J'.l;-
rope (1) et entrer melllc Cll rhalit(~ arcc les noi~ de
France,jllsclu'au tel1ll's de Louis \[, dontla poli(1-
que arlificiensc procura ces riche) domaille~:, (2) ü la
~laison el' Ao trichc. ¡ ls se com po~aicn t <les d lH:I}(~S (h~
BOurgOgIlC, ele nr~¡J)ant, de Lilllholli";~ c:l de Ltl\::ill-
bourg; de la Francbc-Comté; du comtó Palutin; dc~;
comtés de Flnndre, IIainaut, ;'\amul', Artois, Ho1-
¡ande el Zélnnde ; du manlui';at d' Anvers et de la
seigneurie de Malincs. Alires y aroir ajouté la
Frise, la seigilclll'lc de Croningllc et le duché de
Guelclre, Charles-Quint rél111it ces dix-scpl pro-
vinccs en un seul r:lllt, sous le 110m de Pays-Bas
et déclarant ({u'eHes ne pourntllml jamais Urc
désnnics (~)). L' Allemagne les prlt sous sa prolcc-
tion, ¡\ la sel1le charge par elles d' ohicncr in pilÍ x
publique ct d,; payer, dans les contrihulions de


(1', ¡,och, 'l'aui(",'1 des ¡'( ((Ji/II.,/I' /'i~'I/I'l!i)', '!'(,)):. ii, ¡las, M!.
(:2,' \ uir í-'i-dr:::'::";i.j::~ lnlJl. II"~ 1,a~!. ~tNO.
(:3) \ \ ifluefurl, iJ ;sloir,; ({r's l'i'Gl'il/I'(s-L ',0'1.:" TU!íI. j"', prc'uw"


pag.040.




- 135-


l'Elllllirc, le ll{j\l;)k~ el': ,í Ct,¡¡¡¡ilgr:lIl élccLol'ill (1).
;)u ¡es conioiJélaiL COillllW üutant de ~jOUiti'¡¡jue-
tés libres, disLinctcs, iudépendanLes, quoiqu'elles
lüssent incorpol'ées ú l'Empire, Ol! elles formaient
le cetcle de JJOIii'!}O[JI/C, et que les prillces des
Pays-Bas, en leut' (IUalíté de che1's de ce cercle,
(;!lssent vois et séancc ú la Di0te. Ainsi, clwcl1uC
tIc::; dix-sept provlncc;s gardait su cOllstituLlull pé<r-
I iculicre au Selll de ectte eonstitution ~J:nél'a¡e
"t provisoire, proclillllée en vue cl'unc or;illlisa-
non déliniLive ayant pour hui oc enSer l'u.:itl; du
corps politiqueo Churles-(2uint n'avüit rien hrus-
(lué, atiendant tout des événcments; et le penpic,
hien que fortemwt altaché a ses lUceurs, il :s
coutullles, ir ses libertés, supporl:JlL paLicmmenL
ces innovations despoLiques, paree que l'Empc-
I'CUl', n(~ en Flaudrc, (~tait la gloricuse personnifi-
cation du pays, ¡\'avolls-llOllS pas éprouvé ll01l8-
llH~mes, au commencement du siéclc, sons l'ere
impériale et napoléonienlle, combien la gloire
militaire fait enuurer cl'oppressions?
~Iais, lorsque les Pays-Das, détachés de l'Em-


pire germaniqnc, curent élé réunis ü la ~Ionar­
chie espagnole, e'est-ú-Jire apres l'übclication de


(t) DUlllonl, CorJiS di,!lOi/i(t{. Tom. lV, llar l. lI', ¡Kló. 3!¡O.




- 136,,-


Charles-Qllint, le peuplc ~;c md]a de Philíppe ll~
<{ni n'était pas n(~ chel, lid el flui voulalt détruirc
ses institutions, paree <fu'elles opposaipllt ües li-
mites COIlstitutionn(Jles ü son aulorit(:; Ilarce
qu'elles favorisaient, en oulre, les rrogrl~~ ll;gilm:
dll Protestantisme, et (Ille lous les moyens luí
paraissaient bons, meme les pllls exéerablcs, !)(;j t
pom ramener ses sujets au Catllolicisnw, ~:oit
pour les fat;onner au jOllg de sa propre tyrannie.
EtTectiH,ment, il introduisit, dans les Pays-Bas,
l'inquisitioIl, qu'i1 al/rail elú exclure de l' Espagne.
Les Étuls lui adresserent des remontrances á ce
sujd; mais Philippe, qui consiclérait lü 1)lainte la
pli:5 légitirne COnlll1e un acle de rehellion et la
1l10illdre opposition cümme un crillle de lóse-
miljesté, ne répondit (lu'cn ordOllnant des pour-
~;uites, ou mieux des suppliccs ('l).


1'1'ois hommcs, égalemeilt Céll~hr(;s, nais ú ti-
tres divcl's , cherchent üus~itút les moyens de ré-


(1) Voir Pider no]', :Ycdcrlill~!schc (}Ui'!"!i"II. - J-:1¡lillal1ut'l \',m
:\lelt'lrn, IJi8/oirr' des /l111/,le,) rtc,) })n/s~i;",', 'I:;:!. ';JP<, ill-feL-
lIubo (;l'oliclS, AIU/'Iles di) l'elllIS /;¡.!'I;,i,:, í(;:, '1, - ¡':YI'j'anl Ir'l'
Heid, Allt/¡f((s JJcl[}!'('i.-t(.lli:-: CaLre') dI' C()r¡)IJ\(I, lfi,\í. (':r! ;'; ,J/
dutl /'hiliJlIIU JI, liadr;d, l71\I,- ¡il];,',l \\ :¡I'UiI,!'!U ¡¡i,-/un! n(
l!te {,¡JIU ¡'¡¡jI;";,,, Ti, Loudl'l", 1í77, -, ¡:III1. >I,ada. lle ilIrio
j)ci(jicv {/('('¡I(lf)"" dilO., :2 \Id, ¡l,-f(l!" ;;I:¡I:(_), in:j::-'¡7, 1)':1(1. rJat' ¡)11-
ncr. -fiuy l1"lJli\'rl~I;I). ]),llri rf'iI',','(/ ,1; 1'1"1/(1,'(1, CI)II'i-'lle, l():j:é~
:,;8, l¡ud. par l'aJ)be LOY5Cé1ll, Paris, li(jl!. - l'ilynal, lli.st. da Sla-




sl~tel' nm: sombres dlCl'ets clu tyrun. On a nOll1mé
d'Etsmollt, gomcrncur de la Fléllldre et de l'Artois;
dl~ Horn, amiral d~ Flandre, el Guillanme, gou-
verncur de HolIamlc, tIe Zélünde et d' Utrecht ,
prlnec d'Ornnge, de l'íllustre :lIaison ele l\'assau,
(lui él dl"jh dOllllé un Empereur ú l' Allemagnc et
(Il!i doruwra bicnl6t un nOllvel État ú l'Europe.
Tr)utc la noblcsse ilamamlc, voyant en em ses
chef:; naturcb, forme ú BJ'(~cla une confécléra1ion
COIlllue sons le nom de cOllijJromis~ et y rédíge ulle
requNe aclressée á Marguerite el' Autriche, íllle na-
tllrelle de l' Empercur Charles-Quint et gouver-
nante des Pays - Bas élll nom dll Hoi d'Espagne.
ectte rC(Iude fut rClI1Lie par qualrc cents gcntils-
hOlllmcs , catholiqucs et proleslRllts, [ort Silll-
plcillcnl vNus, le fi avril 1 ;)G(j; date mémorable,
puisqll'elle marque le eommencement des trou-
bies dOlll 011 lle saurait prévoir la fin (1).


l'ar l(~ cümprolllis de Dréda l la noblesse fla-
mande !'c proposait de rclevcr la constitution de
l'J.:lal, symbole de la liberté nationale, et de rCll-


///0/1,'/1 )'0/ ~ 17./r0. - ~chilkr, II ¡si. dll SOl/U 1'('nl'{'lif des ¡>(¡¡!S-lJf{S~
lr'c,d:'i! 1':'; Ci,a!I'I\u:'.il'tllI, .~ C;no-Erllin, j"(lII\T:,~f' di' \\ al! del' \i r-
¡!"t"Lt. ji liiii>: T//lI/!;/I'.'1 d.-,\ fu'.'/.\-JJcrs, I'Jdi¡'i'('tll(lnt ()rrit :-:lJl' k~
(;(.'\'\'l:lllj,!; fL>!;~·Jli..; I)'J]' ji';, ;:!;I:i\f'~ ck I'lalldl"~, el dn:1L rúlitiul1
!le 1:11 ti ¡'I'~ 11'10" o¡\


(1) \\al! del' \\ yuüC:]d, 'J'l'ullulcs ¡/to l)uus-lJ'¡,I. l'ag. 1':'[,.




- 13~ -


L'li écririL ú Fhilippe, eL, sans altcllllre aucnn
O1'([1'e, sl1speuctit provLoirc:úcilt les édib les }JIu::;
iwpopul¡¡ires, mulgré le cuuseii du Culll k de Bar-
]aimont, qui lui dit : Es{-cc (jiu.: fOilS all}'ic~ jJé'ili' tÚ:


de celLe p:"uje iU::iultalllc, prjrclll pOLi' litre le
¡.UUl de [jIiCiI,{', eL, pour ::iigllc dislinclif, UdC
illédaille d'ul' pCl'lalíL d'Ull cóté l'¡muge lk llili-
lippe, de l'aulí'c Uii(: bC::i;tce ¿¡\,'C ce::i mols : Fitkle
¡'lit ¡¡vi jliS!j/l' á la bcsacc (~). ":\lais, peudan t lille les
gClltibholl1mes se c,)uduisaient avee cclLc dignité
moralc, tout le peuplc s'insurgcait dans les villes,
~,c l'llélit sur les égii:-ies eL les 1ll00HlSl(~reS, intro-
duisait cnfin par force l' c:\:ercice dll Clllte prolc,~­
tant en hainc uu cutte call1Olirluc, exprilllanl ú ses
yeux la tlomination J'lln tyran et non pas les h011-
ncurs qll'on c10it un Cn'~atclll'. Ces {'ureurs :::;acrilé-
ges dcvinrcnt fatales ü III Confédération, qui fut
aussitót (b30l11c.: que fonnéc. Les chefs de l'oppo-
SitiClll, ll'Ojant pas reste!' dans km pütrie Ol! Phi-
lippe (;nvoyait le due d'Albe, partirent pour I'cxiJ.
D'EgIl1011L ,"uutll! Cll "ilin rctcllir (;¡¡illallillc <1'0-


(t) \\ al! dl'l' \\ ~llecJ,l, l'I'Ui/!I!ls di" ¡'{(lIS-litl'. ¡'d!,';. I\.lS.




- 139


('uldLqués ; el (;uilíamnc d'Oniil¡,',e vouluL en ,,,in
l:lt lrainer d' E¡;nlOll L en 1 ui disau t liu'il y a liait de
con C"\i:c.tCilCC. Les dcm: nmis se séparcrent, en
écclL\ ngcün 1. c(: l(:i'I'ih le ~,allJ t : A diell, ¡JJ'ince SflilS
terJ'e. - A diclI, COII'[C S(;1I8 [de.
jn:~; 1 i laa, pour


Braban-
¡',)LS l[ :II""'¡,' 'oo" ("'1'''''''' tli¡'c ""'(' 'ti COI1"'ll'll-( ¡ \ ". .' '. 1 . ' ,.. .. ' ... ~, ). j. .! ul..jL.~i \...:\..... '-o _~ 11~L.l ~ ,v(~ . ,~l
;¡alt it ¡¡:orl. la naissancc, la riC'hc:,se, le talcnL, la
\crtu, le patriotisll1e, tont ce qlli honore l'existence
d'un homme ou d'lln peuplc. Phillppc 1I tressllll-
lit de joie a11 fond de l'Escurial, en apprenant que
d'Albe parcourait les Pays-Bas avec ses hourreaux,
et dépcuplait des pi'O\illces entieres Les échafauds
s'éleverelll de tOlllC5 part:,;; eL les manufücllll'cs
tomLerent dans une décadcilce complete (2). Cent
millc Flamands l:ll1 igreren l, cm portan t Il'tIl'S 1'1-
chesses mohiliel'cs, leur comml'l'Cl', leur industrie',
en France, en Anglcterrc et en Allemagnc. On ~e
laissa Lue!' ¡ongLcmps <:l\CC Ulle ré,,ignatiotl 3élU:i


)) \\ au (k!' \\ y¡w(-hi, :/"/'(1:/',,;.".)' r/(,. (¡¡;,J:,··nr f ,;'. ll~¡C' LIO.
(2) ldcttl, 'l'rúll!¡Lcs (/I;s j'({!IS-n,I:., 1 '¡'~" 20 L.




exclllple; mais le jour oú le cIuc c)'.\lhc o,su por ter
sa main sur la tele de c1eux hOlmJleS illuslres :
d'Egmont et de Ilorn, tout le peuple ~()uruL a m.:
armes. e' était le signal u'u ne résurrection n¡¡ t io-
nale.


Déjá la Gueuserie, trop vite dissoute, se recoBS-'
titue sur Lerre el sur mcr, sous l'üuplllsioll de la
haute Iloblesse. Guilluull10 d'ürange ot son [rere,
Louis de l\assau , jeunes, ardcnls, magnallimcs,
vicnnent ofIril' la batallle aux vicilies balllles e~­
pagnoles. Louís, vailHlueur ü Gl'oniuguc, esL Yélin-
cu á Jemmingen; Cuillaumc, deux foi::; baltu,
est rejeté en AlIcmagne (15ü8). La libcrt(~ morule
et poliLiflue des rays - Bas reste {~c]'asóe SOII~ la
statue de bronze du tIue d' Albe. Parto u! les gibcls,
les buchers et les écarldclllcnts attcstcílt ,;Oll
triol11 phc pcrsonnel a II il1 i [leH d(~s catastrophes
publiques. Mais ses exploits sanguillalI'es lC/uchen t
a leur terme ; puisqu(~ le prince u'Orauge reparait,
sinon plus habile , UU Uloins plus hcureux, et qne
le comte de tu Marck, slIl'l1omIllé le Saug/icr des
Ardclllics, s'empare de BrieJ, daIlS l'ile de \\oorn,
nu COIllmenecment el'ulle campagne l1(l;¡qJlc (lui
doU fixeI' les dCStlllécs de la COllllllUue paLrlc.


(l La surprise du port de Drlel cuusa une révo-




-1/¡1 -


fution d,ms la Zélunde. Toutes les villes de cette
l'rovincc, á !'exception de ~liddelbourg, ouvri-
rent lcurs portes aux (jlte1l,E, et Ieur exempIe fut
suivi par plusieurs villcs de la Hollandc (1). ~
enl: asscmbléc d'}::tals cut líeu á Dordrecht. Le
princc d'Ornngc y fut déclaré Stüthouder ou gou-
VCí'nCllf de; prnl'inccs de Hollande, Zélande, Frise
et r trcebt, all nom du Roi. On convint de ne tran-
sige!' avcc Pbilippc que d'll!1 commun nccord ponr
n'avoil' allCllll i'i1pport ni politic¡ue, ni religieux
DH:C l'Espngllf', et ele sllirrc le cl1lte de Grneve (2),
1'0:11' que [elll' cause partiC!lli(~rc se trollvdt liée
GUX intb'(\l.s génóraux ele l'Ellrope (16í2).


flientót les provincrs du ~li(H signent, avee les
provinccs du NOI'(l, une lHlr/ficalion ,r¡rlnérale par
laquelle les unes et les nutres s'cngagent réci-
prnqucmcnl il c;hasscr n:~pagnol,á Be plus permet-
trc ([u'il rentre clans les l)ays-llas (3). Don Juan
(1' A utriche, l'IH~roj'que bútnrd de Charles-Quin L,
se préscnte néanmoins nu nom de son fils légi-
time. 11 n'est rc~u qn'ilI)f(\s avoir renvoyé les
/I'OilJlCS r'lnlll,(j!!res et confirmé le trailé provisoire


(1' ,:"r!l, TI/I;I"'I/I 11".1 1'1'1" di' 1'F:.'II"i'¡J!', TOlílo ir, )l,1g, 1:1'1,
(2) f'i,'¡('l' 1:1\:', \r'If,¡,/,/II(srlli: OO!'!O(jI'ii. n'd" \! IiL .'il'),
(3 1 DUlllont, CO/'l),í diploma!. Tom, Y, purt, t", pago 2í8.




- 14'2 -


de Gand [1[1r ¡'!di, J)('}pétl/l!{ (1570). Enfant chéri
dll Pape et de l'j~gIise, mais secretement détestó
clu Hoí d'Espagne, ce Prince divise le parli catholi-
que et le parti protestant, nfin úe les détrllire l'un
par l'nutre , et de crécr :oa propre fortune sur la
ruine des intérets g('llf\raux. San s ccsse en ql1Ue
d'llne COllrOnrle, il ll'a pn la trouvcr ni it Tunis, ni
en Angletcrre; jI va la chcl'chcr lllili;;lcnant dilllS
les Pays-Bas. Son étendarcl porte une crolx an mi-
lien de celle devise: in lior: Si!Jll0 tici Turcos, in !ter'
Ú!JllO rincmit !ul'relicos. - Par ce s(r¡lIC .faZ mil/cl(
les Turcs, par ce si!Jlle je vaillcrai les Itdrdtif/lles. La
prcmiere moitié de la devi se est j Ilsti fiée; la scc()nd(~
sera démentie.


Don Juan d' Autriche était trop familiarisé avec
les expéd i tions rapides, ponr s'hahi t Iler él!IX len tes
manreuvres dl1 prince d'Orange. Le Uoi de France
(Hcnri nT), ayant intercepté une letlre qu'j[ adres-
s,lit á~léldrid, et dans laquelle iI prcssait Philippc
d'¡¡rloptcr des mesures pleines ele rigueur, la tit
passer il Guillaume. Celui-ci la transmit aux l::taL;
et dun Juan ti' Autrich,; fut tlépos(~. Pendant (lU'il
~'dror<;,aiL ele reconquérir son titre par la force, le
húl<ml de Clwrles-Q¡¡int. j1(';¡,it de 1110rL l1lllurcllc




- 143 -


ou de mort violente. L'Espilgue, n'dnite nux seules
provinces de LlIv:lllhour::.o , <ln Lilllhourg et ele Na-
mur, alli1it penlre tous les Pays-nas, si Ale:\:i1!1clre
Farnese, prinee de Parme, petit-fils de Charles-
Quint, grand homme de guerre et poliLiflue ha-
bile, n'cC!L rcle\'(~ le parti de la ~Tonarchie dalls les
provillC'cS naJllilllcle~; fonmlllt la Jkl!,iqlle iíetueIlc;
l11aÍs 11 elu!. se résigncr Ú lél sci~i~;lon op(;réc pUl'
l'étah!issement de la Hópublique des Provinces-
Unics.


Ce grand acte, qui crée une Pl1issance nourelle
dans le COlltincnt, s'accompllt S('\011 la pellS(~e dl1
prince d'Orange et d'apres le vceu national. L'u-
nio!:. générale :se trollvalt. dissoutc, Pllisque les
provinces dn ~Iidi, 01'1 dominait le Catholicisme,
venaicnt de contractcJ' Ulle alliancc étroite ayec le
prillce de Parme, e'est-ú-clire avcc l'Espa~ine:
ilUS:ii Cuillaumr, s'empressa-t-il de lcur 0ppOScI' les
sept prOYillcr:s !l11 i\,)}'(l, c1(\jü H('·cs par les mt~n1(~s
intá¿'ls mari times el pill' les Illt~nws principes rcli~
giCllX, pni,que le C:t!Vi¡;i:,Llf' y do:,linait. Lcurs d{>··
¡mt(':s s'asscmhlent ;\ l'lrccilt ; le Prillcl~ d'Orange
\1;::; lwrilngue ponr ieur filire s¡!~ner le trailé~ d'n-


o '11"" 1 1 'O( o , ~-, Lli'll¡:cr¡dIIC r: ei ¡'r:l':.()!'i,1 l' (o)Fí'!\l('1"¡,)¡D);
el. lE1C HépuLlitlUC S'd,:Vl; , ti',! (' ce d,~brls de la




- 141~ -


grande ~lonarchic de Philippe Il , (Iui couvre la
moitié du monde (1).


L'histoire politique ne saurait se méprendre sur
la portée morale d'une parcillc révolution. « En
jugeant cette révolution, 011 IW doit ]lilS 0l1b1icr,
oit AncilIon, qu'elle ne mórile ce nnlll ([n'1m-
propremcnt, si l'on cntene! pUl' ce mot un hOlllf'-
versement suLit et total de la cOllstilntioll, des
10Is el de la sllualion politiquc, Ulle disso[ution
complete de la Sonventinetó h;gilillw pOlI!' lit plít-
cer sur cl'autres Wtes OH I'asscoir sur d'autrcs ba-
ses ... Ce ne fut ni l'alllour Yague des ¡llllorations,
ui la mauie de réaliser des théories ahstraites et
de faire eles expériences hasarMcs el ~.anglante:),
qui amenerent la fondation de la Pd~¡)Uhliql1e. Le
comhle de la tyrannie inspira aux victimes de I'op--
pression le courage du d~sespoir. Ce furcnt des
sent1ments, bien plus que des i(lécs, (!lÜ clictercnl
les premicres résollltions. Les Flamanus, clans 1'0-
rigine, ne voulaient pas changer de constitlltion.
Lem seul désir était de la COllserver dans son in-
tégrlté; et les démnrches que Phllippe se pcrlllit
conLrc Irurs lois politiques, fllrellt l'uniquü oJ)jet


(1) l)\lII¡nnt, (;Ol)lS r/:]i{O!II"t. T¡,1l1. Y, ¡'ill'lit: 1", png.
Wiquefúl'L lfiiit. des l'uil'iwc.\-L'"ics. I'rCli\CS, pago 2/1.




- 145 .-


de lems plaintes ~et le motif de lenr insurrec-
lían.


D Dans ces provinces, la Souveraineté était pnr-
tagée entre le Prince et les f.tats. Leur concours
était absolumellt nécessaire pour créer de vérita-
bIes lois. Du momellt ou le Prince essayait de
Sl1b~litucr Ú ce concours salutaire, qui seul devait
(\[re ¡'O" 'Ulle de la volonté générale, sa volonté
jlílrticuliere, c'étaiL lui proprcment, et lui seul
qui en !reprenait une révolution. Di~s ce ll1oment,
1(:8 tlab n'uvaicnt pIu!:; l'obllgation de lui obéir, et
pouvaient lui résister légitimement, pUiSqll'il n'a-
vait pas le droit de violer les formes constitution-
nelles dll pays. Purlout Ol! la SOllveraineté est
COl11rOS(~C de divers éléments et de plusieurs Pou-
mirs, cellli d'entre eux qui tache le premier de
paralyser et d'ancantir les autres, dépasse le pre-
mier la lignc (ln droit. Franchissant les limites
qui seules rendent su puissance légule, il donne
aux autres le droit de le refouler dans sa spht'~re
(~L d'assurcr le maintien de Icurs droits politi-
c¡ues, en s'opposant ü son usurpation. Ainsi, dans
les Pays-llas, non-seulement les États pouvaient,
muis ils devaient me me résiste!' a Philippe. En
exéculant et en appu) ¡¡Ilt leurs meSUfPS, le


lll. (3) 11)




- 1/¡6-


peuple obélssait 11 une autorité légitime P).»
l)(~S que les l~tats dTtrccht se furent séparés


formelle!llent de l'Espagne, Philippe, déclarant
GuillnlllllC ho1's la loi, mit sa tete ir prix. Les Pro-
villces-tnies répondirent it cet éditde prosc1'iption,
en 11risant (2) pom tOlljOUT'S les liens de (1(:pen-
dance qui les attachllicnt encore á sa personne
(158\). Le princc d'Orang-e est assa~sillé; Dwis Sil
mort semble donner une vie nonvelle a ce reu pIe
de pecheurs et de ])tltres. Autant il s'est montré
habile et comageux pour obtenir son indépendan-
ce, autant il se montrera persévérant et opiniátre
pour la conserver. Dans ce d lIel incolll parable en-
tre un petit peuple et un granel Boi, moins les
chances paraissent égales, plus le dónoúment
étollne. En efld, J'existence po1iLirllle de la H('-
publique est ellCO[,(~ un p]"Jhl(~tI1e; et si elle triom-
plle des périls de la gllcrre, elle pCllt it c!la(llw in-
~;lant 6L1'e englüllti(~ par ulle irmption de l'Océan,
tamlis quc la -'lollarchie espagllole (Espose, (~n
(ltiClqne sorte, de la ucsLin(~e de Lous les }::tals.
):ais, non contentl1e se défencll'e en Europe, le IIo!-
landais aLLaque dan s les deux lndcs J'uni!jue base


(1) 'l'/lI,!r'{I/! drs /'1'1'. rllI SI/Si. ¡Jolit. '!'OIl1 TI. pa~. :V¡1-!J:1.
'2i iltllll()l)l. r,o"/l$ di/liUI/I,il J'I !lJ! , \, jJilS. ;'jI:)




de la puissnnee oe l'Espagne. Penilant qn'il détruit
les armées de l'hilippe, il se erée :\ 1l1i-meme des
villes populeuses et des flottes redoutables. Paisant
marcher de front les conquetes de la guerre et eelles
de la pnix, il développe tellement ses rnceurs in-
tlustrie!lcs sur Ull sol déroh6 nnx flots et lt peine
S¡¡11isullt pOllr ih::illrer sa propre sll]¡sitanee, ql1'il
devlcnlle pOUn'OyClll' gr;néral dll COlltinent; qu'il
change lous les rapjlorls de la politique et du com-
mercc dans le vitu'\. moude, et ({u'il réduit enfill
son euuemi, le possesseur meme des mines du
Nouveau-l\lonue, li faire banquero u te.


Non-seulemeut Pbillppe II perdít sou argent,
son lemps et ses forces, lllais eucore il commen<;u
la d(~cadenee de r Espagne, en von lant détruire
la Hépubli!IUC des Provinces-Lnies pour y rétablir
son autorité; la .\Ionnrchie fran9aise pour enlever
le trane UllX Bourbons; et la Monarchie anglaise
pour détrúuer 1~1 isabcth. CcUe Princesse,qlli valait
deux Hois, cxer<;ant une inOuencc décisive sur les
destinées de l'Europe, sut, au contraire, mettre
h profit les [orces, le temps et l'argent qu'elle don-
uaít, soit au). Bourhons, soit aux Flamands, et
COnlnlf::n<,'iI aillsi la granc1cllr de l' Ang\eterre. II
appartp'IHlit h cetle Heine protestante d'hnmilier




- 1/¡8 -


la puissance du Roi catboliquc. Aussi prodigues l'un
que l'autrc des biens et de la vie de leurs slljets,
ils firent un usage égalell1cnL abominable GU bour-
reau: celui-ci, pour obtenir le triomphe des an-
den S principcs; celle-la, pour ohlcnir le triomphe
des faits nOllveaux. II y avait, c1l('Z 1.0115 les rleux, le
meme despotisme, la lllémc (lissinllIlation, la meme
pcrfidíe, la llleme crual1té; milis leur but était
ab:,olument contradictoire. Philippc ne silvill1 r¡IlC
comprimer les masses au moyen de la terreur;
Élisabeth savait les comprendre et chercher Sil
propre force jnsque dans lcurs faiblesses. Le fils
de Charles-Quint se {it dcspote et sanguinaire
malgré le pcuple et contrc le pPl1[llc; tandis que
que la filie de Hemi VII r ne se fit dcspote et san-
guinaire que dans le sens velldll par le peuplc, et
selon le désir du peuple. Favorisant la tcndance
générale de l'esprit anglais vc1's le négoce, elle
fonda le comme1'ce britannique, avec le concours
de tous les protestants de France eL des Pays-Bas,
qui vinrent donner ü son Hoyaume nn genrc de
grandeur encare inconnu; le seul dont il fúí sus-
ceptible. Ainsi, pendünt que I'Espagne llevenait
misérable au sein ele Sil prúprc opllle!:ce, l' Anglc-
terre s'enrichissll.it elle-rneme des miseres d'au-




trui. Ces dcux Etats, partageant la hainc que se
portaiellt lcurs Souverains, devaient t6t ou tard
eutrer en lutle. Malgré su précipitution ordinüire,
Philippe attendit, ponr aLLüqner l'Angleterre, qu'il
se lúl cJ:lparé un Portugal, dont les richesses con-
si(krables, la lllarille puissanle el la liberté aUaient
(~tre COllsac/'(~cs Ú payel' les déballches de son am-
tillon et de son despotisme.


Le jCllllC roí Sébaslien, petit-fils et successeur
de .rean 111, étanlmorl salls postérité sur le champ
de bataille d'Alcazar (lL aoúl '157¡')), la couronne
ue Portugal ne lit qUt~ passer entre les lwlÍns de
lIenri - le - Caruinal ,SOB grand - oncle pater-
11el, d(~jú tl'l:s-\'ieux. Ce l\lonan[lle assembla les
États ú Lisbolllle, pUl1r ql1'ils désignassent eux-
lllemes son Sllccesscur; cal' Antonio, prieur de
erato, la duchesse de Bragance el Philippe Il
daient parents d'Ellll1lllnuel-Ié-Grand au meme
degré. Cne comrnissioll fut chargéc d'examiner les
droits de chaque pl'étcntlant; mais Uenri mourut
sur ces entrefaites, et Philippc envahit immédia-
1emcuL le Hoyaumc. Quand la force eut été substi-
tuée au droit (1), le Portugal, lOll1bé (lans la ser-


(1) \oil' Jé('lJillU (;<JII,-',;[;I;':(', nisl, de la I,,'/lllioll rlll nOl!(/UT/lf! de
]'01'1/1:1"1 {/I'I ('(Jl/mlll(l' rl"f:'S/J(/!!IIC. - Jo:!. Cill'ilIllUC'¡ LoLkolrilz,
P!(ili/J!wS ¡I/'I/r!' liS, r,lIsi/,mr"¡I, ,ll!j({!'i,i,l', lndiil:, Bmsilia', /cyiti-




vitude, perdit en un juur ía consítlératiou dOllt il
jouissait, dans le monde eUl'op(;en, depuis pres
d'un slecle. T\e formant plus une personnallté
distincte entre les di verses Kalions, il fuL absorbé
par l'Esp¡¡~nc, jusllu'ú ce qn'nn glorieux aO'ran-
chissemellt pút le renclre, sinOil a la politique g(~­
nerale, du moins a su propre existence ('l) (G dé-
cembre lGLLO).


Lorsqllc Philippe, an cOll1bl(~ de ses prosp{~ri­
tés, se vit maltre des deux f10ttes les plus for-
midables de l'Europe, il résolut d'opérer une dcs-
cente en Anglelerre. Par son ordre, cent cin-
quante grands vaissenux ayanl ~l hord deux mille
six cents gros canons et trente luille hommes. pren-
nent la mer et s'intilulent fi(~rement l' ¡/lv/uciMe
Annada. Élisabelb ne peut lem 0ppOSCI' que treizc
vaisseaux de gnerre et soixante-deux autres vais-
seaux de commerce; mais elle pent cOlllpter sur le
dévonelllent et le patriotblile ele tout un peuple.
l\lédina-Sidonia,l'amiral de la f10tle espagnole, ur-
rivc jUS(lU'á DUlIkerque. Ho\\ard, J'amiral de Ja
tllllS Rc.r ilclIlOl/.lll'I!l/ls. ~ hj¡hay, POl'lI/!lul i/lllsf/'llrlul. - Pu/'-
I{lU,,1 I'i'UC//I.'I"/I/U.
,~l) \ (Jil' .\l1lnllilE' :id ~··:1J~a de ~\iacrl!l(), J,{¡,~;I.f't '" l¡r'('I,tl[rt. -


-- Cajetalli I':\"al (·¡!ji, n!'/hlll Lusilllllil'lll!/. - (;io\'dlli li,tlti,;!o
¡:irago, hloria I!//I,; '::','!Ne'!I!.' Úellil'!}lIo di !'u"{U!lu/{u el del/a
Corona di C;l:;/;~l/:{f.




jiOLW ang'iaísc, au lieu de livrer lJélldlíle, en¡;age
des escurmouehes. ~es vaisscaux iégers milIHCll-
rrent si bien iluprés des lourds Yüisseaux de l'eu-
llcmi. C{u'i1s les COdvrent de matiéres combusti-
bles. Une lcmpele e1froyable s'0~eve. La t10lte an-
;.:lui5e rentre dans les ports; tundis <!lle la flotte
e::ipdgrwle, De sacllaJJt ou !rouycr un l'efllge, esl
dispersée par les vcuLs, dislofIuée par les vagues
furicuses el brhée eOlltrc les écueils (2 ¡ juílleL
¡::JSfi). Le due de Médina víul appremlre ti son Hoi
'lll'il avall perdu trente vaisscaux et dix ruille hOlll-
mmes, el que le reste de l'Armada ue peut plus
lenií la lller. Philíppe, quí éerivait une lcUre, se
retourna froidemcllt vers lui, en libant : « Due, F
• vous avais enroyé eombattre les hOll1llles, non les
) élémeuts. Que la vo!outé de Díeu soit faite! ))
Puís, íl aeheva d'éerire sa ¡ettre avec le mcme
calme el le meme sang-froid, quoiqu'il comprit
toute la portée d'un pareil échec: premier symp-
tome de décadellcc pour la I\lonarchic espuguole.


l)llilippe 11, implacable ennemi des prutes-
tUHls, avaiL déclaré la guerrc ü Élisabeth, impla-
cable eUllcmie des calholiqucs, sous l)l'(~texte de
lenger la lllort de Marie Stuart : sombre lrag(;die
qui s'ouvre sur deux troucs et qui se fCl'!tlC sur UlJ




- 15:2 -


échafaud! Nous désirerions hien vivement briser
le réseau des prrfidies officielles et des trames oc-
culles dont Élisabeth cntollra la vie de 1\Iarie
Stuart, paree qll'clles enlacent eucore ~a 11l:"-
llloire. l\lais, qlland l'hisloire impartialc vel! L
sonder les nombrellx mysteres ue cette destin¡'~(',
cmpreinte ele la fatldité antiqlle el la plus tr;l!~i(Ille
des temps mouernes, il lui e:-,l impossilJlc de re-
monter aux SOllrces ele la vérité, car elle ne sau-
rait trouver ele dOCllllletlts que dans les archives
du lllensongc (1)!


l\]arie Stuart, filIe de Jücqlles V el de Murie de
Lorraine, arriere-pctitc-fille de Hcnri VI 1, Hui
d' AlIglctcrre, fut sacrée Reine d'Écosse qllelqlles
jours ilprcs sa naissance, dcvint, ill'age de seize


(1) De llOUYCaUX cIlJrulllcnl, (III! ,"1" JllIJ¡Jj,·S 1l:JC'll"le sur la yi,'
ue :\Iarir Slunrt, notaillfllelll, les /'1/1';1'1'.1 (1'/'1(/( de {,undl'(" e'(((le
]!U)lCI'S' O!lice.) -Le., .11 alluse ¡,,:!s I i ¡'Ó rll,' l,il,1 i(JI/U'I/II ... ' (J¡ F)'((ncc,
puhlié, par 'OB l\aulllcr. - Le,; [)ul'I(}/lCIII" ¡,{'/ali/:; Ú l'/lislui¡'l'
dc Pllilipl'C 11 (.'\¡llIIllill/l/l'II{O,', ek, .. , jJ\lldié, jléll Conzale,;. -
Les [,('{Ues im'dil!'s ¡I(' .l/i/I'ie Sf/lllll, puhli,'l's par le Jlt'inGl, :\lexan-
dre de Labanoll'. - _\1. I'llilar¡"le Cita:ilcs a i'I:,;tiltt¡" tou" ~e, dor\l-
lIIents dans un trf\\:til 1'I'!llarqllilhle, ¡,¡t,lIr, lill\l\;lIlll'rlir,'t!f>r 1',\1' Iir'-
71I0/lS//"ulioll, ii p]'ocrc!e par iwiudioll, a\'oUéltll 1]11" t01l11" C(',
qllc,tions Ilbtoriqllcs SI "oHI 0()'1'I0'(Í1',' i, I/!I'S/II'I' '1/11 ¡/, )111/1-
1/l'i/./I.l.' ¡'cn:U/lill.1 le.1 0111 1/"lIil""s. (\ 1111 eCII 11,1' dOi'll!//I'lIls ,11/)' JI,II'le
Slll(//"!, ncl'IIC des })(>I(,('-1101llIc,', jall\i,'r l~)ll. _. f(/IIi!,\ ,,/11'
J[(/ri" SIIIU¡'!, rle ... I'a:-:-. {¡, \ol. in-i:l, 1':lrlS I~,-'i" - III r!f>
!lO'; illustres acaul'nticil'II:i, :\1. I\ligllrl, a fail IJélr;tillf> [lInl l'.·'-
CI'JJlI1l0I1t l'llislui1'{' di' .\Ji/rif' S!II(lJ'f, la plus cotl\¡dele, 1:1 pltl;
consciellcieuse et la plus éloquenle.




- 1.53 --


¡¡fjS, Reine de Prunce, par son mariage ave e Fran-
~ois n, et revelldiqua le titre de Reine d' Angle-
terre et d'lrlande sur Élisabelh qui venait de le
prpndre. Pour ce crime, la filIe de Tlenri V 111
traita su bonne SalW' encore plus atrocement que
son pere n'¡¡vait traité ses propres femmes. Quoi-
(llle le Protestan tisme eút fait quelques progrcs
en Angletcrre, sous le rcgne d'Éuouard VJ, :\Iarie
Tudor üvuit ¡¡U y rétablir le CCltholicisme avec
d'aulant plus de facilité, qll'lll1e grande partie de
la Nation était demcuréc papistc. l\Iais, certaines
mesures lllnladroites et violentes alarmerent hien-
tút les inl<~rets matériels auxquels la RNorme avait
donné naissunce. Tous les ¡¡re tres, qui s'étaient
mariés , [urent expulsés ele leurs cures el vin-
rent grossir les rangs du parti n~formatcur. L'ceu-
He religieuse uc lHade Tudor se trouvait tellemcnt
cOlllpromise, qu'avanl sa morl elle exigea d' Í~lisa­
bclh lltlC profession de foi calholiqlle, apostolique
et rornuine. eeHe-el Ile derait pas en tenir comp-
te. Lc~ Pape ayanl l)(~sité á la reconnu¡tre comme
filie légitime de Henri Vlll, et ~larie Stuart, tléju
Reille d' '::cosse et de France, lui nyant disputé le
t1'6ne d',\l1glctcrrc iivec I'ilpplli des calbolirrllCS,
lesq uels, eu vertu tIe leurs principes, nc püu v aieu t




üClll1ettre ía !eg'llirlllLe de ba lldÚ,bi.lilCe, el, COl1se"
(1 uernment, de :ion pomoir, Elislibeth se déclara
protestante, s'arrogea l'üutoritl! d'un Souveraiu-
Pontife, prit enun le titre de GOIll'el'j/(wlc SlIjJl'CJlW
de I'E[Jhse pUlir le spil'iluel ct le ¡ClllllOrd. - Su-
pl'emc Cu¿'allOll/, olllte Clwrclt, úol/¿ in sjJirillWI,
alld {empura l.


Cepeudant In Beine de Frailee el d' l~cosse pi'C-
llait elle ausslle tiLrc de Heine d' Anf.jleterrc. Et,
non contente de braver les fureurs d' ElisabetlJ, elle
blessait cruellement l'alllOUI'-prOprc de CaLllC-
rine de i\lédicis, Sfl jll.:lle-mere, en lui disant :
« Vous Hvez heaa faire, l\Iadame, vous ne serez
njamais que la filIe d'un marchando » Héduite par
::ion veuvagc au seul t1'one (l'J::cossc, Maric Sluart
se trollva dOlle en préscnce de t!eux enllclllies
t!'autant plus redoutables qu'elles dirigeaiellt
l'Europe : l'une avee le parti ealholique, l'aul1'e
avee le le parti protcstant, et qu'clles dbposaicllt
ainsi la destinée géllérale des sociétó.,. En q!lit-
taut la Frallce, oll Catllerine regne au 110m de
Charles 1\, ~larie se dirige vers l' Ecosse, Ol! Elisa-
1cth exerce déji\ uIIe action souveraiue par la parole
de KllOX, l'ludolllptable tribuil, el par les trames
de touLe la noblesse féodale. II s'ügil pom elle d,,,;




él'cer <üverses iactÍOll!:l et ve proVU(luel' une gucrrc
cidle dan s ce lloyaume qu'elle vent réunír á
~es propres États, ou anéantir eutre les maius de
-li rivale. Ayant conscience de celte situation
sinistre, tOllle faible femrne qu'elle soit, Maric
.~tllurL csph'c concilier les pnrtis: r61e u(lmira-
h1e, mais allqucl ne sll1lirait pas la virilité d'Ull
t;Tund homme. On la voit s'ac1resser successive-
llient Ú Kuox, ({ni rejette ses royales avunces
(l \CC une grossiet'elé~ slluvage; a rüurray, son frere
nnlurcl, qu'elle enrichit an risque de s'appauvrir,
LL Ll la Beine d'Angleterre, qui cache sa haine
profoncle sous les dchors de l'amitié. Désirallt le
lriomphe du Catltolicisme, religion de tous les
l~lats dn Midi, Marie confíe ses plans a Murray, le-
(jllel en instrllit Élisaueth, dont I'intelligente poli-
tique él cOll1pris <¡lIe le Protcstantislllc doit etre
c1ésormais la rcligioll de l' Ecosse, de l' Angleterre
eL de tous les États du 1\o1'd. A dater de ce jour,
l' une et l'autre Hcinc ccs~erent d'etre feml1les,
1 :our devenir des symbotes; car elles représc'n-
Ll~rell L les deux grands mhersaires qui se dispu-
laienl l'e!llpir(' de la Chn~tienlé.
~Jaric Stllar!. resta jUS(lll'all !Jr¡ul la di~!le Lilllte


des Guises; ~:lisabeth resta égalelllCnt la digne




filIe de Ilenri VIII. Les scenes de rlvallté ou de co-
quetterie qui se passeront entre elles, ne [eronl
que mieux éclüter les intérets engagés dans ce
drame.


Lorsque l\Iarie uceuse Élisabeth de ne vouloir
pus se marier, pour acoil' son playsil' lOlljOlli'S avc(
nOllVeal/:L' amOIll'Cll,¿', l~Iisabeth voudrai 1 bien (1' le
Marie pense contracler un second müriage. La
Reine d' Angleterre envoie done, a Ilolyrood,
lIenri Stuart Darnley ; et la Heine d' Éco:;se, qui !le
se doute point que ce prince eSI, en que](llle sortl',
un don de sa rivale furiellse, I'(limera bientot
comll1e une conque te. Alltanl Darnley se lllonlre
noble et séduisant avallt d'avoir l'pousé ~larie,
alltant i1 se montre vil et brutal,apres son lllCll'iage.
tu Heine, éIoignant ceL hOlllllle de son conseil, se
rapproche de Hizzio, Halien, el, par cOllséquenl,
étranger aux passions poli tiques de l'Écosse. Mais
il exprime la réaction catholiclue par ses relations
avec Rome, Paris, Madrid el tous les grands cen-
tres de la politique méridiouale. Aussi Oarnley se
ligue-t-il avec Knox, qui exprime la réaction pro-
testan le européenne, par ses relations í1vee Lon-
dres, Geneve, :\ugsbouJ'r5 eL tous les g-rilIlds Len tres
tie la polltique ::icplClllrionalc. On forulC le projet




- 157 -


tlc tucr Rizzio en plein palais : l'argent et les
complots d'Élisabeth sont nu fond de ce crime (1)
(ju'on accomplit sous les yeux de Marie Stuart; et la
])1ain de son époux n'y est pas étrangere! Seu le ,
rl(~~'.í)rma¡s, elle cherche an tour 0.' elle, non pas un
"cngcur, mais un défenseur. Cal' c~tte noblesse
f('~odille, qlle la soif des ricilesses ecc!(~siastíques a
rendllc protestante, pe!!t hien aLtenter nux jours
d'ul1c Reine catholiqw~, flpres que le Roí lui a mis
la dagtlc Hll p:ling. C'est alors que la Providence
ofl'l'i t Botln\cll aux ycux de Marie Stllart, eomme
ponr mieux la Illettre aux pl'ises avec la fatalité!


Le eomte de Bothwell étuit un homme vaillant
et de fiere trcmpe; mais, dans son caraetere, il
cntrait plus de vices que de vertus, plus de barba-
rie que d'humaniL(~. Marie ~tllart ne vit en lui
fln'uue force et qu'un dévouement; elle devait
5'C11 servir, paree qu'elle était Reine et paree
(lu'elle était mere. II n'en fallalt pas davantage
pour susciter contre ce nouveau favori toutes les
haincs de la noblesse, quí se turent néanmoins de-
Yant son audace. La Reine, tranquille sur les des-
tinécs de l' Etat, songe u celles de sa [amille et se
réconcilie politiquement avee Darnley. ecHe ró-


(1) JI. l'hilarete cliasles, Étlldes sur ;l/m'ie Stu,,!'t. Pag. 42-43.




- 158-


conciliation fait naitre la pensée d'nn meurtre :
Darnley est assassiné. tes agents secrets d'I~lisa­
bclh accuscnt Marie Stuart; l'opinion publique
n'accuse que son ministre. Pour faire tomber la
médisance 011 la calomnic, Mürie, confiante dans
su propre illllocclIce, (pousa Bollm dl el le fit
monter sur les marches du lrúne. En cOlivrarlt de
son amour, l'holllllle que la nalion poursllivait de
Sil hain(~, clle précipita I'Í~cossc dans une gllcrrc
civile que l' Angleterrc dirigeait.


Abanclonnée par son propl'C parti, ~Jarie SllIarl
fut obligée de se rcndre allX seigneul's confé-
dérés, et d'abdiquer en faveur de son fils. Le
eornte dc ~lurray, devenu régcnt dll ROy<imne, usa
de son Jl0tlvo!r avec tant de dureté, que l'(';eosse
n~greLta la 11eine, nlors prisollnicre a .Locblcren.
Le parti de ~larie se reconsti lila lWll il pet!o 00 la
vit bientot combattre clle-m(~me ave e désespoir ú
Langsyde; trnverscr le golfe de Solway, en fugi-
Uve, Si1l' une barQne de p(~chel1r et se réf'ugicl'
avec confiance dans les bras tI' j~lisahclh, qui s' ou-
vraient u clle pour l'étoufl'er (1;iín8).


1\Iarie Stuart était deseendnc librcmcnt sur le
littoral anglais ; (~lisabeth 1\ retint prisonniere.
1\OIlS ne sllivrons pus la royalc c:aptiv(~ de chiltedl1-




- 159-


fort f)n chateau-fort, par ces voies désolantes qui
menent de la prison á l'échafaud : vie de martyre
dont la mort fut l'apolhéose! tlisabeth, ayant ré-
~olu depnis IODgtemps la perte de ?\Iarie, voulut
(1'(lbord la livrer anx anglienns d'Éeo'3se, paree
(lU'ils se cllCirgcaient de la ttler; puís r,lIe prMéra
l'assassillC'l' (~lll' mt'me en SCCi'ct; finillement clIc~
préféra ::;8 servir dll bourl'eau. ] ¡ fallait une
raisoll d'J~tat pour ilccotnpli!' ce fratricide; ses
cOlJ:;eillcJ's sc ehargerent de h trouver. 'Ious les
amis de '1larie Stllart furenl transform(~s en COQ-
spirateurs; l'augnste capliveelle-méme fut entou-
rée d'espions et d'agents provocnteurs, de piéges
d de calomnies. On altéra ses correspondanccs el
ses papir,rs de far;on u dénaturer l' histoire; en-
sllite Oll I'accusa ct'avoil' tramé un complot contre
les jour~ de la Reine d'Angleterre afin d'usurper
su COUI'OllIlC el de r(~lablir l'Églisc cathülifllle sur
les ruines de I'É¡:dis(~ i1nglicane.


Au moment SUpl'CIIW, le caractere de Marie
Slnarl tlnient sublime ~ Elle proteste jusqu'ü troi~
10h contre 10ule jUl'idictiün anglaise, paree qu'elle
est flcine d'I~~cosse el non pas sujette de l' Anglc-
krrc. Elle S'f~tOt1tle qu'on lni orrlonDe de com-
p:1r¡¡itrp, ('/1 ju:-;!iC(', " J'¡lj iIPpri-;. ¡lit-elle, Ú nr




- 160-


»rien faire ql1i soit indigne de moi et de mon
)1 fils ... Je n'accepte que comme chrétienne. Ma


)) place est la, poursuit-el1e en montrunt le fauteuil
u du dais; je 11e sllis pas selllement Reine ainsi
)) qtW d'autres; je sllis Rein(~ (1<"5 le berceall, et le
)) premier jour qlli m'a vue fernmc,m'a rile Hrine! ~
Conoamnée ü mort sur la ter re , l\1arie Sluart 11e
sangeR plus qu'a obtcnir l'immortalité dans le
del. Elle marcha au sllpplice comme un eonqué-
rant a la victoire. Elle 11e recula pas devanl Ir
bourreau, paree qu'e!le se rapprocllait de Dien !
(8 février 1587.) Toutes les Couronnes de l'Europe
tremblerent du coup de hache qlli fit tomber ce1le
d'Écosse. La Royauté venait de perdre son invio-
labilité sllpreme; car l'échafaud de Marie Stuart,
éternellement dressé dans la mémoire des pell-
pIes, devait servir ü Charles lcr et á LOliis .x. vr
pOllr l'époLlvante des Rois!


Saisi d'horreur en apprenant le meurtre de su
mere, Jaeques VT prit le deuil et ne prit pas les
armes, quoique le comte d'Argile s'r':cri¡lt: « Cesl
le seul deuit I/ui soit de saison. p Mais la raison d' É-
tat l'emporta sur le plus juste ressentiment. Phi-
lippe 11 éql1ipa contre Élisabeth, l'i/l/:incible Ar-
mada aussitót uispersée que réunie; et Cathcrinc




- 161 -


de :\Iédicis, qni régnait s()ns le nom de Henri III,
apres avoir régné SOllS cellli de Churles IX, au lieu
de venger Maric Sluarl, se contentrt d'apaiser les
(~motions populaires que la nouvelle de sa mort
fit édater dans Paris. D'ailleurs, la Monarchie de
Yalois, atti1qll(~e par les catholiqucs et par les pro-
tcstants, se trollVilit hors el'dat ele défendre la Mo-
n~lrchi(' des Stuarts. Depllis le jour Ol't Catherine
!ll'omit ilU duc (l'AIIJe el'exterminer les calvinistes
(18 Fral1cc, elle n'üvail cependant que trop bien
tC'nu ~;i\ parol(~!


Apres la bütaille ele Saint-Denis, ou ils furent
yaincus, l'astllcie\lse ltalicnne les désarma par des
propositiollS assez avantageuses (:2 mar;;; ~ 568).
~Iais cdtr~ paix tlC fllt <¡u'un ajournement de guerre
ciri!c. Partoul 011 les protestants se trouvaient en
petit llOlllbre, on les fit massacrer par les masses
populain's. Condé et Coligny, fuyant les embuches
de Ca tllel'inp, se rUugieren t á la Rochelle, cen tre
¡lu Proteslantisme, et s'emparerent de la Sain-
tonge, de l' Aunois, dll Poitou, de l' Angoumois. A
Jamac, ils fUl'cnt hattus par le maréchal de Ta-
Yannc. C()nd(~ lmnha mort dans la melée. Coligny
"w,lit relevé le morill de son nl'll1éf', si les capi-
tuines, dont l'orgucil sou/Trait de ne plus obéir iJ.


lIJ. (3) 11




- 162 -


un Prince du sang royal, eussent ,"oulu sl1ivre son
commandemellt. Par bonhclIr, Jeallne d'Albret,
Reine de Navarre, se présenle ¡¡vce son fi!s le
prillce de Béarn (1), eL ltyec le jellne prince de
Condé. " :Ucs umis, dit-clle al/X soldats, voilú delE
"nouveaux chefs que Dieu vous donne, et deux
» orphelins que je vous confie. » Le Béarnais, pro~
clamé généraJissime, s'écrie it son tour: '< Je jure
»de défendre la rcli 6ioB et de persév(~rcr dans la
»cause COllllllune jUS(IU'Ú la mort, ou jusqu'ü ce
)) que !lons ayons ohtenu la liberté désiréc. » Coli-
gny reprend aussitót l'offensive, évite les siéges
qui sont, dit-il, Les Cillu:tiercs des anuCcs, répare
les anciennes défaites et remporte de nouvelles
"ictoires. Catherine, renon\~ant ú détruire les pro-
testants par la g-uerre, leur ofIre une JHli,(' 11UllI-
vaise el 1llas(juee : vmi cOllpe-gorge. Le traÍté de
Saint-Germain accorde aux calvinistes une amnis-
tic générale, le libre exerciec de lcur culte, le
droit de parrenir ú toutes les chnrges de I'Ü3t,
celui de récuser SÍ\ juges dans leurs proecs av(~c
les cutholiques et qlwtre plaees de sürctt~ : Mon-
tauban, la Char:té, Cn;~nac eL la Hochdlc (K aoút


(1) OUili(l!!C son pi'>!'I' n'ni,,:',l pll)', il,'mi ¡JI' lJOlll'l)()fi nc~ ¡,lit
le li[fe' (le 'hui Lit: ;>'\\YdlTe (lll'J¡)t~~ 1J, lllUl'l ue ~él mere.




- 163-


1570). En ouLre, le Béarnais épousera Margllerite
de Valois, sceur de Charles IX; et ce mariage d'un
Prince protestant avec une Princesse catholique
semblera le gage d'une réconciliation générale.


eette union allait avoir tieu, qmind la Reine de
~aval're mourut subitcment (10 juin 1572). On
croit qll'cllc a (~té cmpohon!lée. tes capitaines
calvinistes, imitl~s llU mariage, clltourent Coligny.
" Si les noces (lu prillce de Béarn se font ü Paris,
~ lui dit l'un d'entre eux, les llvrées en seront
~ vermeilles. - .Te m'en vais, lui dit un autre,
II pour la. bonne cbere qu'on nous fait id, afin de
» n'etre pas pris au filet eomme les mal-avisés. -
» Je pars, ajollte un troisieme; le Roi HOUS est trop
,bon (1). »Le vicil amiral reste dan s la capitale
eL iJ. la COllf : eelle-ci pleine de projets sinistres;
eeHe-lil, pleine d'assassins. Les victimes sont dé-
signées; le dlle de Guise aposte, sur le passage de
Coligny, un bravo qlli manque son coup. Le Roi
accourt chez I'amiral : " Mon perr, s'éerie-t-il,
D la blessure est pour vous, et la douleur pour


• moi. J Le crime n'est pas encore entré dans la
peHsBe du jcune Monarque; milis, en sortant de


(1) Slllly, Memaircs deo sagcs el royalc.\ ('conamies d·Estat.
Clwjl. III el l\'.




- 164-


chel I'amiral, il voit Calherine et Henri de Guise,
qui lui parlent d'une conspiration protestante
dirigée contre luí et contre; Loute la famillc royale,
et qui lui persuadent qu'en faisant tuer une partie
de ses sujets, il sera le Siwvellr de la Monarchíe cl
de la société.


L'ordre exécraLle est signé; son exécution aura


Jieu pendant la nllit du 24 aoút. AII moment fatal,
le Roí tremble , hésite, ef demélnrle un njollrne-
ment; iI n'est plus temps. La Reine-mere a hit
hAter le signal d'une heure, el Henri de Gllise, le
mettcur en scene de ce drnme horrible, marche ¡'¡
la tete des assnssins. Une [ois commcncé, le car-
nnge semblait ne devoir plus finir; « cal' les mCllr-
tres, pilleries, saccngements et séditions 8 durf~rent
sept jours entiers. Un certai 11 nomhre de gOUVf'r-
neurs de province refllsérent d'obéir <lnx ordres
de la cour. Le vicomte d'Orthez, gouverncnr de
Hayonne, écrivit an Roi eette lcttre sublillle :
« Sire, j'ai comU1uniqné le commandement de


Votre Majesté n ses habitants et gens de gllerrc de
la garnison; je n'ai trouvé que de Lons citoycns ei
de fermes soldats, mais pas UIt bOIlr'reau. C'est
pourquoi, cux et moi, supplions tf(\s-hnmble!~1Pnt
VoLre ~lajesté de vOllloir eltlplny0}, en chosc ("OS-




- 1(j:; -
sible, quelque hasardeuse qu'elle soit, nos bras et
nos vies.» Saint-Héran, gouverneur de l'Auvergne,
r0jJunuit également : (( J'ai re9u un ordre avee le
sce<lU de Votre ~lajesté, m'engageant de faire
müurir lous les protestants. Le respeet que j'ai
pom VúLre l\lujesté veuL que je le eroie faux; car,
s'il estoit vrai, le respeet me commanderoit de ne
pas luy obeyr." Jean Hennuyer, éveque de Ly-
sieux, sauva tous les protestants de son diocese ,
en les recuelllant dans son palais. Enfin, le bour-
reau ue Lyon rcfllsa de prendre part aux massa-
eres, en disant : " J e ne tue que les eou pables et
»n'eXl~eute que des jugements légitimes. »


Tout le Milli catholique de l'Europe, nons le
constatons avee uouleur, tressaillit d'allégresse en
apprenant la bOl/chaie de París, et [élieiLa Char-
les IX pour celle (jl'úce de Dien (1). Tous les États
protestants uu Nord frémirent au récit de la Saint-
Barthélemy. On eroyait que la Conr de France ne
labserait pas vivre un seul hugllenot dans le
l:oyaume. Elle n'en voulait plus aux individus,
mais a leurs places de súreté. Le dne d' Anjou
dl1ait s'en emparer, quand il apprit que I'or de sa
mere lui avait acqllis le lrane de Pologne; aussi ne


:1) Ce sont lcs termcs de la féiírítation officiellc de Veníse.




songCtH-ildés ]un)(lu'ú s'en uJier prenJre possession
de :oU Couronne électi ve. Tu ue resteras !)({s üm.r¡temps
jJaJ'llli tes étral1[Jel's, lui dit Calherine au moment
de son départ. En efTet, l'e\istence de Charles IX,
naguere si énergiillle, n'était plus qu'une longue
agonie. Ce Prinee, né ponr 1'"ire le bien el avee
les moyens d'y parrenir, lllOurut d'lllle SUCIIl' de
sang, en expiation de celui qtl'ii il"ait Jai5S{~ rél'un-
tIre, el n'ayaul su J'aire que le mal. Jmpatient de
régner sur sa patrie, le Roi de Pologllc abatl(lonna
aussilot son Royalllllc, qu' iI comidérait comme un
lieu d'exil. l\lrti sans preudre congé dll peuple
qui l'avait aceepté ponr Souverüin, Henri III se
]l1ltait d'arriver en Frane¡;, oü, Ioin de pacifier une
société livrée aux gucrres civiles, il devait etre le
jouet de tous lcs partis qui s'altacjltaient directe-
ment u la Monarchie.


Les catholiques el les protestants, dont le buL
était contraclictoirc dan s l' (~glise et clans l'Étal,
selllhlaient n(;ünmolns etre d'accord pOLlr renver-
('('1' la con5tituliotl, ÍC's lois el la Souveraineté lé-
gitimc. Ceux-ei v.ünlaient abiltLrc Ulle Hoyallté po-
pulnire, qui, sous prétexte de prol{~¡:;c\' la "ie pu-
b1iclue, üvait dOUljí; k signal de ¡Ctll' propre cxter-
mination : ¡¡el:! llél \aillaicnt-ih ¿tU démcmbrement




lit; id Frailee, i:l1m ue Íürmd' UBe républuluu ¡'é()~
dale et fédérativc avec les d(~brís de l'unité l\lonar-
düque, Ceux-la, au conLruire, voulaieilt fOlldcl'
Line quaLricllw dynastie en l'honneur des C;L1ises,
¡jui, ayullL ¡¡feché la Salat-Barthélelll}', éLalcnt
rCfS'arués COll1l1W les sauveurs de la religioll catho-
jj(lue et COJlllllC appclés ú sauver la Frunce, eH
lllailltenant I'uuilé nationale au ll10yen d'UilC
no~auté llOIlYcl!c.


Entre ces dellx parLi:.; extremes, toujours prets il
)8 faire la gucrre, jamais il traite!' de la pulx, iI
iduL placer un nutre parti : cclui des politü/Ilcs ou
des ml:conlents, mi-catholiques eL ml-huguenots,
inditIérenls pour la vérité comme pour l'erreu]', et
chcrchan t lem in térCt ou. les autres cherchaien t
l/U principe. Garuons-naus de les confondre ayec
ecite phalallg(~ d'hollllllCS de savoir et de transac-
Hon, dont Michel de I'Hospital fut le chef, et d'ou
sorlit ceUe génó'ation de granels magistrats, que
ron vit se perpétuer pendllnt plus d'nn siecle
commc une sauve-gurde publique, au milieu eles
[actians, des coups el' État et ele la guerre el v ile (1).
:Uais raction gouvernementale de ces esprits su-
périeurs avait élé brisl~e par le poignard eles mas-


1, L) \1. YillClllélin, J¡¿/¡IIl:;CS /l.is[urir/Ilc:; el liUI'mires. T01l1. 1lI.




- 168 -


sacreurs; et la scene poli tique appartcnait aux
pa.rtis vioknts. ene coalitinn llWTlac;allte s'était
forméc entre le duc d' Alenc;on, frcre dll l\nÍ el
chef des jJolitiql!cs~ eL nl~i1rí de J'\¡narre, chef des
prOlestants. Hcdoutant I'inlluence que la g'llerre
civile donnerait infailliLlcment aH due (le f;lIise,
le Uoi chargea Catherine de négocier la prdx avcc
les Princes, Ü (ltlClq ue prix q!le ce m l. Elle se
rendit Ü I'abbaye de Beaulieu pour y accepter des
conditions également contraires au:í. lutérelS du
trone el ü ceux de la religion catllOliquc. En eiTet,
les politiques obtenaient la convocation des États-
Générullx; le prlnce de Condé obtenait le gouver-
llClllenl de Picanlic, ú tilre dc possessioll; enfin
les calvinistes oblcnaienL, non-scu\cment six nou-
velles plaees de ~ú!'eté, mals encere le partage égal
des cbürges et emplois avce les eallwJiqncs, et le
libre exerciee de la religion protestante dan::; tout
le Royaurne ('1).


Ce traité de paix indigna la F!'(lncc call1Olique
et sllsci ta, con tre les pollliqlles d les pro Lestall ts,
dix-huit années de guerres qui se firent au 1l0LU
de la Saiute-Liglle : association générale dans la-


(1) FonlanUil, J:;(/iiS(CUII!O/liIU!I("('S ri(~ nUi,ilic fnll/n.TuJlI.i\,
paGo ;:;Oí.




- 169 -


rlueHe IIenri de Guise engloba toutes les associa-
iions locales cr(;\';cs au temps de Charles IX. Pres-
que tous les déput¡"s des Élats, apparlCllllnt ü la
Litiue, ne s'apparten;¡ient pas eux - lUemes. Sous
prétexte de limiter la Souvernineté royale, ils vou-
laienl lISllrpCr la SOllvcrailleté Ilatiünale, en for-
illanl un comité Iwrmanent, qui aurait enlevé au
Hoi, non-seulemen t l' ud lllillÍstrution, mais encore
la direction supréme du gourcrnement. (( eette
mesure, dit Aucillon, aurait été aussi fllllestr~ il In
liberté nationale qu'ú l'autorilé dn Prince; sans
guérir les mam: du IllOlllcnt, elle aurait afTaibli
pour toujours le POllYoir royal, qui devait un jou!'
r6g611ércr la Frauce, suhstitllé ú un Roi faible plu-
sieul's tyrans et faít dc ia \Ionarchie une aristocra-
tie luroulenlc (1). » Heuri 111, ayant SUSI)(~ndll les
séances des Étilts, les députés se réunissent mal-
¡':'l'~' ses ol'clrcs. J can Bodin, célebre par son pa-
triotislllC autant que pur ses écrits, déclare
ü ses eollegncs " qu'ils n'ont plus de puissance;
que e'est un crírne capital de s'asscmbler sans
líHtudeUlcnt clu Hoi et de traiter de la paix Oll de
la gucrre : cas réseJ'\é~i G la SOUh'félineté. " JI,Jis
l' A~s('u;bll:c, aH ¡¡el! de s'incliner devant la raison


(1) '{aIJir.:au des /,('i'. (/u j!/jl. I;ulil. TOlll, l/, l'élc' 27\)-~80.




d'un granel 1l0lJllüC ~ (ÚCle lolleuwHt lo/s ¡tU
l'ouvoir mOllurchiqllc. llenrlli l, llloralemcnt dé-
posé, puisquc les Etats-Généraux se déclarenl su-
lH~rieurs Ü la Royan l(~, le sera pOSt 11 remen t, des
(lU'il s'agi1'a de dOilneI' un chef il ía Li~~uc; cal' le
dile de Guise est dl~~,igné par avance al] cÍloix (L~i
Cé:tholiquc.~. C'ell étnit done fait de la :1JOlllll'chic
llí'Oprement dite, si l'Asselllbl(\(; )ioiiti(j!le, illstfil-
íllent de division entre tes unjos des partis, !le se
fút dissoute sans rien cOJlclurc; et si ITenri Ill,
d'apres les conseils de Calberlne de ;\h~tlicis,
n'eut fait jurel' la Ligue aux dépuLés de la natí()ll
el aux bourgeois de París, apres l'avoir jurée IllÍ-
meme, pour en devenir le chef. Ce COllp c1'EtaL
rendait au Roi, il est vrai, la plénilllde illllllédiate
de ses pouvoirs; mais il le hrollillait ayec les
protestants, sans le l'éconcilier avec les catilo-
liques.


Le duc el' Anjou (1), 1're1'c unique du noi , étanl
Illort sur ces pntrefaites, l'alllbition de ITenri
de Guise prit des 10rs une direction lIllssi nOllvellc
!}u'imprévue. lIenri 111 n'ayant pas d'eufants,


(1) Le tlllC c!'.\len00n ptit ce titll~ a[ll,'S le l1aill·. de Hv¡¡;¡!il'll,
glli Cluglllcnlil "Ul! apilllilcC de ll'oi& jll'o\iIlCh : le j:"rry, 1:1 T(.u-
raine et fAnjou.




.- 17 j c'


HenrÍ de Navul're , comlliC hérétique, ü d'abord
¡:erdu ses droits au trúne elc France, q111 passeront
ú son héritier direct, le chef de la Maison de Lor-
ruine; ensuile, pour délruíre l'ascendant moral
ctu'il Y a toujours dan s la Royanté , lllelllC quallJ
le l\!ollarr!lle est indigne du sceptrc, Oil représen-
lera le Hol aux yeux <lu pcuplc sous lcs lraits


les plus igllobles. Tel est le plan des Guises. Lc
Pape s'engage it prononcer la eléchéallce de la
'Iaison ele Valois, en lc condamnünt comme coupa-
lJle ele lesc-majesté divine et humaiuc, pour avole
illtroduit en Frunce les libertés gallicanes, et pour
y avoir fuvorisé les progre s du Prolestantisll1c.
Le Roi d'Espagne, qui convoite aussi la Couronne
de France, s'engagc it fOllrnir ues troupcs cl a
yerser cinquante mille écus par mois elans les


cofTres de la Ligue. Ce n'est pas tout: I1cnri de
Guise trouve des généalogistes , (luí cherchent a
dahUr quc les Capétiens, ou micux la Maison dc
Valois regne par le fait d'lIne uSllI'pation; el que
la Maison de Lorraine, descendant en ligne directe


de Charlcmagne, doit régncr cn \ertu du príncipe


de l'hérédité lllonürchique.


Henri de Guise ct Pbilil'Pe sont d'üccord pour


écarter le::. Bourbons du tróuc de France; müis ú




- 17~ -
In condition que ni l'un ni l'mItre n'aíllchera des
prétentions personnelles : a ussi c]¡crchen L- i1s que 1-
(JIl'un dont le nom puisse couvrir leur ambition.
En conséquence, on sti pula : • Que le 110i r(~gnall t
venant it mourir sans enfant mal e , le cardinal ele
Bourbon lui succédera, comme premier Prince
dll sang, tout Prince hérétique OH fallteur d'hér0-
sic devant etre á jaIllüis exclu clll trone (1) .• e'est
alors que súr de ses alliances élrallgereS, Guise
organisa dans Paris un comité secret dont tous les
membres lui éLaient vendus, (IU'il payait ave e l'a[,-
gent de l'Espagne, et qu'il distribua dans les seize
quartiers de la vilk : d'ou le nOlll de Sci:e (IU'ils
porterent plus tare!. Suivallt le mol d'ordrc qll'll
recevait, soit du duc lui-meme, soit de ses agents,
ce comité fomentait des troubles, mllltipliait les
complols, correspondait avee les provinces, el
donnait ainsi l'impulsion anarehiquc ú tOllLe la
société. Henri 111 fut obligé de faire la paix avec
les ligueurs, pour éviter qu'ils ne lui fissent la
guerreo II dUl interdire, sous peine de mort, toulc
autre religion que la religion catholiq uc; übüu-
donner üux ligueurs huit plaees de súreté et reue-
mander aux htlguenols cellcs (lU'ils a\aiellt obte~


(1) Léouard, lkcueil des traiUs de 1Jili.r. Tom. ll, pag 636.




- 173-


nnes par les traités précédents. Le Roi signa cet
édit avec une tristessc profonde: « J'ai bien peul',


1) s'(?cria-t-il, qu'en voulant perdre le presche, nous
)l ne hasarc1ions fort la messe (l). »


Quoique Sixte-Quint reconnaisse que I la Ligue
.cst pernicicuse an Roi, a l'État et a la reli-
b gioll, )) il cxcollllllnnic cercndant le Roí de Na-
vnrrc et le prince de COlld(~, comme hél'étiques,
les rléclare déchus de ICllrs droits á la couronnc,
et proclame le yiCl1X cardinal de Bourbon, premier
Prince tlll Sllllg. Le :'\iavarfilis en appelle a un
cOllcile libre, de cette décision du Souverain-Pon-
lift; ct rait afficher sa Pl'otcstation sur les lllurs dn
Vatican : démarche harclie qui for~a le chef su-
preme ele l'I~glise catholique ú admirer le chef du
parti protestallt. 'dais il oe s'agit pas seulement,
pour ce dernier, de tcnir tete 11 la cour de Rome;
il faut Cllcorc qu'il tienne Wte a la Ligue. Dési-
rant éviter des catastrophcs publiques, il offl'e an
dnc de Guise de videl' lem querelle en combat


!3ingulier. Celui-ci refuse. Au ¡ieu d'un duel entre


dcux Princes, il Y aura une guerre implacable
entre deux par lis et dCl1x religions, qui se reo-


(1) r.-Virl.-Pallllil Cilyct, Clmmolooie novenlll1il'e. Yoir \L p(;-
tilol, Col/eel. do .Ih'/I/. ¡·cl. /1 tliist. de Pmu('('. Tom. :XX\ Ylfr.




- 17b-


contrent dan s la plaine de Coutras. Henri de Bour-
bon s'écrie : " Périssent les auteurs de cette guerre,
) et que le sang qui va cOlller retombe sur leurs
» tetes! n Puis, se tournant ver s ses cousins, le
prince de Condé el le comte dc 50issons : Q Pour
)) rous, lcu1' dit-il, je ne vous dis autre chose, sinon
»que vous étes du sang des Bourbons, el vive
1) Dieu ! je vous ferai voir que.ie suis \'01re ainé.-
)) El nOllS, répondent les Prioces, que nous som-
• mes de hons cadets. " L'action s'engage ct le noi
de K ava rre affronte l' cnlíellli. P ¡u"icur:; W~lléJ'llllX
se placent devant lui pOlil' le préserver du danger:
« Ne vous offusquez pas, leur dit-il, je veux parai-


D treo » Une heure apr¿~s, 1'armée protestante cdé-
brait la premicl'e victoire qu'elle eut rClllportée
sur l'armée catholiqlle,en bataille rangée.


Cependant les 5eize organisent un sOlllevement
révollltionnaire, afin de détróner Henri lB; et la
50rbonne arrCLe «( qu'on peut enlever le gouverne-
lllent ¡'¡ !ln Roi incapable, comllle on oLe l'admi-
nistration au tuteur qu'on a pour sllspect. .... »
Averti de tous ces complots, doot le dnc de Guise
est l'instigateur, IIenri j II lui défend de venir u
Paris; mais le dile foule aux pieds les ordres du
nni. Cell1i-ci, ne sonp:eant d'ahord qu'ú S;1 propre




- 175-


sÚl'eté, réunit des troupes et délibere ensuitc s'il
ne fera point Illouril' le duc; pendant que la du-
dlessc de Montpcnsicl', 'iceur de Guise, montre des
ciseaux d'ol' qu'clle porte suspenuus it son coté,
pOllr lonslli'er Henri 111, quand· il sera confiné
dans UI1 cloitre.


L'inactioll du Hoi et de ses troupes favorise le
mO¡¡Vemcllt des Jigueurs et eles clilsses populaires.
Les chaines sont tendtlcs dans les divers quarticrs
de Paris; des harJ'iciH1c'; s'élr';\cnt de toutes parts,
et les prdrcs, marchant á le! tete de l'insurrec-
tlon, disent aux bourgeois : « Allons prendre frere
~J Uenri de Valois cluns SOIl Louvre. D La captivité
du Hoi auruit Bccoml'li dans l'l;~tnt une v(Sritable
]',"\oll1tiol1; ellr le dile de Guise uurait pris aussitót
pos~ession du trone. 'Inis Catherine parvint á
déJivrcr son fils : dc sorte que rlen n'était finj, et
que tO\lt éluil ü rccommencer (1). lIenri de Cuise
confia le gO:lvernement de P1I1'is aux Sei:e, Ol!
mieux u sa propre filCtil)[j, el il n'osa pas s'elll-
pan'!' lui-~nel1le dll gOllvernement de la Frunce.
Le tille fut obligó ck compler encore avee le Roí,
el k Roi uvec le duc. Celui-ci, nyant obtcnu le


(1 \{,jr dC1IX lH'tlux Ol!Vl'i.t':"I'.-; df~ -'.1, J" Yilf_lt: Les l1u!'J'¡('urlcs el
Jlis¡"ir,: ¡/,. la U,/!/!




- 17ó-


lilre de généralissime des armées du HOyill1mC, flt
reconllaltre le cardinül de Uourhull pour hériLier
de h Couroone, mais il demanJa la convocalion
imm~di(\te des I~luts-Géiléraux qui devaicnt réfor-·
me!' l'(~tat, dans son e/ter eL dalls SCS Jl/c1IIúres.


Henri 111 n'eut ilUCUIl pOllvoir sur cctW Assem-
blée, all sein de laquclle Gube parl::i t el ngis~i:jt
en nl<lltrc. Lcduc ullait atLeindrc son hllt : ]'llslir-
pation de l'autoril.é ll1onarchiqu<', si le ftoi nc ¡'('lit
fait assnssiner. Ce crime pouvait sauver la Hoyan-
té; cal' les États-Généranx tremlJlaic'nt et París
étuit frappé de stupeur. On craignait qlle JIenri
De VOlllut agir contre tout le monde; ll1ais il n'agil
con lre personne. L'um bassadeur el' f.spngne, les
Seize et tous les préclicntellrs de Paris se rasSllrent
et fon t déclarer que 1I el/ti de Va{ois Il 'es! }Jllls
1'ien ¡JOIll' les Fl'flIu;ais. !\Jayenoe, frere dll dile dc
Guise, prend la direction de la Ligue, en ntten-
dant qu'on lui donne le titre de lieutenant-gelléral
de L'Élat royal et couronne de FraJ/ce; les J~:tats
nomment un comité de quarnnte personnes, qui
adl1linistreront toutes les afTaíres du Royuume: et
1(>, Pape excommunie Ilenri lIT, pnrce qu'il a raíl.
tuer un prillce de l' l~glise (le car<1in'~ 1 dI' LOITiline);
mais le Purlement reCuse de donner ir sa dé-




-177 -


chéaoce un curactere de légalité. On trouve néan-
moios des juges pour condamner te cí-devant Roí
de France, COlllme on trouve des prédicateurs
pour precher le régicide. Toutes les villes se pro-
noncent conLrc Henri tI 1, qui se réfugie dans le
cump dll Béurnais. Quoique ces deux Monarques
Cllssent réuni leuts partisans, ils ne marcherent
sur París, qu'apres avoir soulllis la moitié du
lloyaume. C'en était rait de la Ligue, si Jacques
C!ément n'eút prolongé l'existence de eette fae-
tion par le meurtre du Roi : crime nouveau dans
l'histoire, maL; dermis longtemps professé en pleine
Sorbonn;2 el pUI'lni lt:s ol'dl'es religieux. Pour eux,
la doctrine du tyrannicide était plus qu'une théorie
et n'{~tuit pas moios qu'un dogme.


Avant de mourir, Henri lB désigna son succes-
seur: Ifenri de Navarre, descendant de Robert.
comte de Clermont et fils puiné de Saint-Louis.
1.e chef de la l\Iaison de Bonrbon était son pa-
rent uu vingt-unieme <legré de tlroit civil (1).
J:armée le ptoclama sous le nom de Hen,i IV,
h Saint-Cloud; tandis qn'ü Paris, Mayenne, recoll-
nüissünt un Monarque fictif ponr s'assnrer la réa-
lité du Pouvoir, faisait proclamer le cardinal de


!1) l\och, TtJ.bleau deJ revot. de I'Europe. Tom. n. p. 168.
llt (3) 12




- 1iR-


Bourbon, prisonnier du Béarnais, sous le nom de
Charles X. Comme la plupart des caLholjqur.s n'o-
scnt se déclarer en faveur de IJenri IV, paree
(lll'il est protestant el exeommunié, ce Monarque,
orc1inairenwnt si résolu, doute llli-meme de su
dcstinée. On lui eonseille de se rendre en Angle-
terre ou jI uttemlra des jours mcilleurs. Mais Biron
dpmande au BéClrnais « s'il n'a pas d'autres moyr.ns
• de sauver son Royaume que de le quitter? II est
»('n FnlDee, iI doil s'y enlerrer, ou pll1t6t. il doit
)1 combnttre el v(jinere. » Le baron de Givry ¡¡joute:
(1 5ir8, vous Nes le Roi des Lraves, et vous ne
»<;erez abandonné que des pcltrolls .• Ces diseollrs
provoquent une' déterminations hérorque; la Pro-
vidence veiIl(jjt sur noire patrie. " Henri IV ne
serait probablement jillnais monté sur le trane, dit
Ancillon, s'il avait sll:vi les conseils de ceux qui
voulair.nt qn'i1 cherchilt hors du Royaume un asile
el des seconrs. TI uut son triomphc t\1rdif, mais
('c1atant, ¡'¡ son c011l'age et ú su constance, qui
l'empechel'ent de rl(~sesp()'('r de sa propre cause.
En rrstant dnns le P¡íYS et en exposant sa vie tous
les jon!'s. comnH' 10 moindre soIdat. il provoqua
les sacrifices; son exemple fOl'tifia les hommes
énergiqlles. etlcouragea les timides. (kcida les in-




- 179 -


certains; et le Devoir, personnifié SOI1S ses traits,
donna flUX geus de bien le courage de la vertu (1)."


Au premier abord, la 11Ilte paruissait impossi-
ble; car le Roi de Navarre, ayant a peine six mille
hommes, se trouvait investí pres d' Arques, par
une armée cinq fois plus nombreuse. Mayenne
écrit aux ligucllfs qnc le Béarnais " ne peut lui
)) échappcr, Ú Illoins de se jeter ir la mer; "et le
voilú, au contraire, sur le chemin de Paris! Avant
de combattre, Henri implorait le Dieu des ar-
mées : « Seigneur, <¡ui pénétrez le fond de mon
creur, s'écriai-t-il cluns les plüines d'lvry, s'll est
avantageux i.t 1110n peuple que je porte la couronne,
favorisez ma cause el protégez mes armes; sinon,
faites du moins que j e llleure a la vue de mes bra-
ves guerriers, qui s'exposent pour mon service. ~
Puis, s'adressant a l'armée royale : a Mes compa-
gnons, vous etes Fran<;ais, je suis votre Roi, voila
l' ennemi. Nous courons aujourd'hui meme for-
tunco Enfants, si les cornettes vous manquent,
ralliez-vous a mon pana che blanc; vous le venez
taujollrs dans le chemin de l'bonneur et du de-
vair .• llientót apres, le héros de la Monarchie de-
venait cclui de tonte l'humanité, en éparg-nant les


(1 TtlblC(/1I ¡/e,~ recol. da sy51. 1JOlil. '1'0111" 11, page 295<




- 180 -


vaincus, el en disant a ses troupes victori(;usrs :
• Compagnons, suuvez les F!'un~ais! »


Ce cri de victoire, profél'é par Ilenri IV, les
Bourbons l'udopH'rent pOli!' devise un seill mellH:
dc Icms défaites. Depuis lors, bien des gllerrcs
civiles ont meurlri le scin de no tre patrie; muis
chaque vainqueur s'est écrié : ( Malheur ül!:"
»vaincus! D


L'armée royale assiége Paris; et la Ligue ré-
siste, malgré la mort de Charles X,« vray Roy de
» théAtre et en peinture (t); » malgré lu fumine (ju i
accable l'existence de tous les habitants. Commc le:
peuple ose demander c1u« pain nula paix,» lesSeize
menacent ele la peine capitule qtlicOtlCIUC pl'opose-
ra un accommodeIllellt avec le B'\lJ'llllis. Trente
lllille persoIlIles out c1éjit SllCCOlllbé al/X tortures
de la faim; les autres n'ont ponr vivre qll'llll ar-
freux mélange de foin, de paille, (I'ardoise et
d'ossements humains plllvérisés. On fuit sortir de
la ville toutes les bOliches iJluliles; IIenri IV les
rcencille clans son camp : • J'aimerois quasi mieux
)i n'avoir point dc Paris, disait-i1, que de I'avoil'


(t) JOII/'lwl.de n~st(lile.




- to1--


• núne par la ll10rt de tant de personnes (1). J)
Ces paroles étaient justifiées par des actes; ear les
soldats de !'armée rOyüle donnaient des vivres
allX bourgeois de la Ligue.


La politi(II1C dI] fait brutal et du slleees Ü tout
pl'ix, h sCllle que l'on pratique de nos jours, poli-
tique sans enlrailles expérill1cntant sur le eadavre
de l'itldiviclll Oll des nations, paree qu'elle n'a
rien de eomrnUll 'lvec les principes (lui eonsti-
Luent la vie monde des peuples, blamera, san::;
doute, ees élans sublimes et eeUe généreuse irn-
prudenee du Béarnai~. Ce Prince eut tort envers
lui-rneme, iI est vrai, puisqu'il ajourna son propre
triomphl~ ell llléna~eant ses ennemis; mais il aura
dernelkwent raison vis-u-vis de l'hulllanité. Sixte-
I)uint, u regret hostil e au Roí de i\avarre dont il cs-
pérai t la con version, cut pour successeur Gré-
(,;'oire XIV, qui était cnticrement dévoué au Hoi
d'Espanne. Non cantent de [aire passer aux Iiglleurs
des armes et de l'argent, ce Pape exeollllllllnia qlli-
ml1(!uc embrasserait le parti du Béarnais; et les
:)cize, vendus a Philippe JI, servircnt son ambí-
tion, en assassinant dans les mes de París. e'est


(1) Tous les pl'élendanls <jui out paru en Flanre, u'out ras traite
¡,., l'arisiells aver ('ell~ 1tIIIlI'!Ili¡".




- 182-


par le chcmin du crimc ql1'on arrive toujours Ú
1'¡isurpaLíon. Mais, comme chaCLln "isait ¡JOU}, soy
á ce gralld Úlll de la Royauté (1), la Ligne laissa
convoquer les Étnts-Gl\néraux, afill qll'ils élllssent
un Boí de Frunce (1.).


L'ambnssndeur d'Espagn8 pro pose á cetle as-
semblée, l'abolition de la loi snlique, l'élection d(~
de l' Illfan Le Isabclle-Clairc-Eugénic, ¡¡eNte-tille
de H enrí 11 el la J)[¡/s proclte héritiere de 11 ellri 1 JI,
et son mariage avee le cine de Guise, qui régnera
conjointement avec elle. Cette proposition, faite le 2
avri11593, est si mal aeelleillie, que I'Espagnol se
voit obligé (['aeheter le vote de chaqlle dépllté, a
la Vlle de tout le monde o Mais le Parlemcnt, gardien
Ull droit national, qlloique captif et estropié, ren-
dit, le 28 jllin sniYant, un arret célebre par le-
quel il déclarait « tous trait(~s faits ou Ú {aire pour
l'établissement de Prinees étrangers, lIuls et de
nul elTet et valellr, eomme contraires u la loi sali-
<¡ue el aux autres lois fondamcntalcs du Royau-
me (3). ))


(1) Jomonal de IE'(uilc.
(1! '\1. .\uguste llel'llanl él pulJJié, daue; I,t CIi!ir:ClÍUIl dl's ¡[OCll-


111''111.1 il/!'r/i!s de r;¡¡.'I. de 1"(011("(., tüllS lt's pru(,l':;-\~rl)caux drs
¡,[,lis de la Li"UI'o jSI¡~.


,1) ~l. Auguste llernard, cide slI!II"a, pago 5!¡(j et Append. VIII,
pago 136.




-- 18:1 --


Le lm~sidcnt ,Jcan Lemallre, aCCOlllp({gl1~ ({'mi
nombre su/llsant de cOl/seU/ers, aceournt aupr('s (le
}luyenne, dont la helion espagnole ¡¡y;lit frllstré
les espérances persnnnelles, et le somma cl'elll-
ployer la force pour assurcr l'cxl;cutioll de c~t aí'-
rN. On apprit hientot que TIenri IV abjurait le
Protcslantisme entre les mains de 1'L1fcheq~que de
Bourges, dans l'églisc de Snint-Denis, et Pl1 pró-
sence des bourgf'ois de ParLo. (( Q¡¡i (~tcs-WJlls? que
dE'mandez-vous? )) lui dit-on - (( Je suis le Iloi ; jc
,demande ú étre rec;u duns le scin de l'Égllse culho-
dique, »répond-il. - « Le sou haitez-vous sinccl'c-
"ment.)) - ceJe le souhaite de tout mon ereur.» (25
juillet.) - Cette ahjuration solennrlle du Roi, ayant
le peuplc pour témoin, porta un eoup mortel ,} la Li-
gue, paree que le prétcxte des rebellions n'existait
plus. Aprcs ayoir empcch(\ le démembrement du
Hoyaume entre les gouverneurs des provinecs qni
cherchaient á se creer des Souverainetés indépen-
¡Jantes, cette fuctíon c1evaít c1ísparilitre au.;sitot que
IIenri IV deviendrait le symbole ele l'unité politi-
que et lIationaJe. Vuinement redoubla-t-cJle de fll-
renr, afio dc llJiCllX cachrr sa fuibJesse: ne pOllvallt
plus elrc dungercuse, elle dcyint ridicule (i).


{O Voir les pamphlets réli'lJr8s dr ('~tte rpoqll0, lJOlailllllen!,




184 -


Enfin Paris ouvre ses portes ü lIeori IV, qUI
se préscnte avec l'oubli des e1'relll'S el le SOIl-
venir des servíces. Son entrée dans la ca pi tn le est
le pi us bea~ triolll phe don t un :Ylona['(l ue ait jamais
eu les honneurs (1). Le peuplc o!JlJrilllé, ruiné,
démoralisé par les secles et les partis, saluait
en lui son propre sauvcur (:22 mars 15%). Tou,
les bourgeois de Paris :,e trouvcrent su!' son
passagc; et COlllll1e les solda ts, qui lui faisaiell t
cortégc, voulaient qu'i1s se tinssent il elistance,
Henri s'écria d'une voix bienveillante : a Laissez-
n les s'approcher; ils sont affamés ele voir un Roi. »


Cependant, i 1 élait entouré ele plus el' ennemis
que el'amis. Le désintéressemcllt de ceux-ci lui
permit de satisfaire l'avidité de ceux-Iú. Jaloux ele
dissiper les crailltes et de SUrjlilSSer les espéran-
ces qu'il inspirait au pap, Jlcllri IV fit, par un
instinct du creur, ce que d'aulres eussenl [ait par
poliLique (2). Les prospéri tés el u présent efface-
rent peu a peu les calamités dll passé. Le travail
créateur de la ¡¡aix répara l'(cune de c1eslrllction
ceux qui ont pour titre: SU/Y/'C lIlenip/II:(' de 1,1 vedll Vil Cal/w-
licon d'Es7Hlgne, el JIard(esle de la Fral/ce Ill/.C I'lIl'isicllS el U
tvut le ¡¡eupie frWl(ais.


(1) M. César Canlu, lJisf. Imiv. Tom. XV, pago 2;17.
(2) F. Ancilloll, Tal¡leal( des dl'Ol/lt. 1111 "¡pi. ¡)Olil. Tome! 1,


¡¡¡le' 296.




- 1R5-


accomplie par les guerres civiles. Toutes les iusti-
tntions étaienttombées; le COnlmerce, l'agriculture
et l'industrie n'existaient plus; et yoila que lu ri-
chesse natíonule renait; que d'autres institutions
se levent ponr le bonheur d'un grand peuple,
pour la gloire d'un granel miilistre (Sully:, ponr
la satisfaction el'un grand Prince.


lIenri ] \ mérite bien la popularité dont iI jouit;
car, suivanL un historiell étranger, on oublie de
l'admirer, entrainé qu'on est u l'aimer (1); eL
suivant notre granel historien, u ce Roi de droit
qui, pour devenir Hoi de fait, eut autant de peine
u prendre que le plus laborieux usurpateur, ce
parvenu légitime a, le premier en France, posé
les hases d'une politique nationale et d'ul1 gon-
vernement public, c\:st-ú-dire d'lll1 gOllvernement
préoccupé, arant tont, dll pays llli-me:ne eL du
pays tout entier (2). En effet, Henri 1 V recher-
cllU l'intéret nutional, el non l'inldrét de personne,
de classe Oll de l'arti. Assis lloblemen 1 sur le treme
qu'il avait conquis ave e son ép~e, 11 ne voulut gou-
vemer que par l'intelligence. un ambnssadeur s'é-


(J):\1. César Canlu. llist. 1/11;1'. Tom. XV, pago 237.
(2\ ,1. Gllizol, la Fmw'c t'/ /11 liaison des BuuriJol1s (Wliul


1 í89. (¡¡al/e GO/ltclII/)(}railtl;, 10 aHíl 18&:3.)




- 185-


tonne de ne pus Ir voir entouré de gardrs : 07'l 1'{:-
gne la jllstice~ répond Henri, la {orce est inlltile.
Quelqu'un lui conseille un acte arbitraire, et il
s'écrie : Deu,x; rnaÍlrfs me fe défcJldeut: Dicll el fa
loi 1- La p7'emiere [oi d'un SOllvemin est dc les ob-
server toules.


S'inspirant de ces nobles maximcs, dans I'exer-
cice de son commnndemellt et de son ¡lI¡!oril(;,
Henri IV sut respecter In dignité moral e de
!'homme, e'est-u-dire tout ce ([ui rel(~vp le carac-
«~re d'un peupIe duns sa SOlllllission et dans son
ohéissancc. 11 aurait pu se faire tyran, sous prr~­
texte de rétablir l'ordre apres tant d'anarchie;
mais il se contenta d'étre l\Jonarque, afin d'enno-
blir son Hoyaume et S0n propre rcgne, (¡u'il au-
rait ninsi dégradés l'un par l'autre. 11 anrait pu
gouverner seuI, rellluer toutes ehoses en ver tu
d'un simple caprice; lllais il préféra consolider
l'État, s'entendre avec les notables ¡Jour aviser au,v
meillcllrs el plus puissants moyens q1l'il faudroit
tellir pOli]' guerro!Jer el mater t'Espagllol. Il llurait
pu enfin convoquer lelles ou telles asscmblécs
d'une maniére dérisoire , el ne se servir de ectte
forme de liberté qu'au seul efl'et de faciliter I'éla-
blissement d'un despotisme übsurde j mais il como




- 187-


l'i'enaít lrap bien les devoil's de la Royauté, pour
::lp¡wimer les franchises populaires, et nous po u-
vons citer le díscours célebre qu'il tiot dcvant les
notables de Bouen, comme une confirmatioo so-
lcnncHe du vieux droít de la Nation :


« Si je faisois gloire de passer pour un excellent
orateur, j'ullI'ois apporté id plus de beBes paroles
rfue de bonnc volonté; mais mon 11mbition tend
¡'¡ quelque chose de plus haut que de bien pnrler;
au titrc gloriellx de libérateur el de restauratcur
de la France. Déja, par la faveur du ciel, par les
('onseils de mes fideles serviteurs, jc l'aí tirée
de la servitude et de la ruine. Je désire maintenant
la remettre en sa premiere force et en son an-
cienne splendeur. Participez, mes Sujets, a cette
seconde gloire, comme vous avez participé u la
premiere. Je ne vous ai point ici appelés, comme
faisoient mes prédécesseurs, pour vous obligcr
c1'approuver aveuglémcnt mes volontés; je vous ai
fait assembler pour recevoir vos conseils, pOllr
les croire, pour les suivre; en un mot, pour me
mettre en tutelle entre vos mains. e'est une envie
ql1í ne preno g'llcrc aux Hoís, aux barbes grises et
aux victorlellx comme moi; mais l'amour quc jc
porte a mes Sujets, el l'extreme désir que j'ai de




conserver mon État, me font trouver tout racHe
et tout bonorable. »


Telle fut la politique personnclle de H enri 1 V.
Non-seulement il reeonstilua le Gouverncment
royal, en des conditíons qui scmbJuicnt n'0trc quc
tnHlsitoires, et cC'!WOt}ant avec des róglcs de
j ustiee, conformes allX lois permanentes de
la société; mais encore il rendit la sureté ütl
Hoyaume, trop souvent envahi par ses ennemis.
ene arméc espagnole s'emparc d'Arniens et fait
trembler Paris. A llons, dit ITenrl IV , e'est ({SS!!:::
laire le Roí de France, it esl temps de {aire le Roí de
Navarre, La journéc de Fontaillc-Fran((aisc dé-
truit l'esJloir ehimérique de !'Espagne et erée la
pllissanee réelle de la Franec. Cal' la :\Jonarebíc
eatllOliflue des BOlll'bons, dcvenue rcdoutable par'
le développcmcnt de ses forees intérieures et per
ses allianees avec les États protestants, pcut assu-
rer déja l'indépendanee de l'Europe, en aLtaquant
les deux branehes de la 1\1nison d' A utriebe: eeHe
d' Allemagne et eelle d' Espagne, qUÍ veulent i111-
poser leur propre despotisme il tout le monde CÍ-
vilisé.


Pour atteindre ce but fatal, Philippe 1 r ne cessa
Je fomente!', coutl'e Ilcnri IV, des conspirations




- 189-


011 eles révoltes; et ele répanelre, parmi les anciens
dl~Il1agogues de la Ligue, mille abominables écrits
quí se résument en ces termes: « Faut-íl donner
le 110m de Roi de France a un Sardanapale, u un
0iérol1, a un renard du Béarn? - L'acte de Jac-
qucs-Clément est hérolcrLle. - Si on peut [aire la
guC']'C'e au Béarnais, il faut gueJ't'oyer; sinon
qu'on l'assassiue. - " Le couteuu ele Ruvaillac n'ex-
pri me-t-il poin t dans l' histoire, cette pcnsée atroce
de Philippe'?


(luoi qu'll el! soit :" le meurtre de Henri IV fut,
sclon les belles expressions de \i. Laurenlie, un
t1c ces coups de fanatisme qui ne manquent jamais
aux grandes époques de tran,;actiOll. On dirait
qu'i! y a des umes fatales cllargét~s UC! marquer de
~allg les grandes pucifications ele l'humunité (1) ! •


Protestant de la veille el. catholique du lende-
main, lIenri IV voulut elonner u la Royauté un
cllracLerc llouveau, en lui faisant ex primer l'unioll
absolue de l'autorité divine eL de la liberté h\l-
maine, au seul effet de rétablir l'harmonie entr~
lesdeux grandes croyances religieuses et sociales
qui divisaient le monde. Ce but était tellelllent su-
périeur a son si(~cle, qu'il n'a pu etre réalisé jlhqU'Ú


\1) }Joliri(/Il(' roya/e o/ Fnmcl:.I'Jp• ;J.'¡.




- 190-


ce jour, malgré le concile de Trente, malgré la
guerre de trente aos et ceBe de sept nns; rna\gré
la paix deWestphalie et ceHe de Paris; eofin, mal-
gré nos restaurations et nos révolutions: emblé-
mes de l'aotagooisme iocessant des sectes et des
partis dans les sociélés modernes. L'éternelle gloirc
de Henri IV sera de l'avoir posé le prcmier,
comme un probleme que les peuples doivent ré-
soudre, au prix de leur salu L ou de lcur ruine.




CHAPITRE XXII.


tt:TTE DE LA FHAl'ICE r.OXTRE LA MAISO~
D' AUTlUCHE.


Sommaire.


"ituation de ID f¡'ance vi,;-it-\is des aulres Uats de rEurope. son s
Ir rí'~lIe de llenri Ir, - Ce Prinen auvre l'i're dijJlomatique mo-
tlerne. - Syslcme des médiations. - Tl'ouLles flui précédcreul
la gucrre de trenle an8. - Succession de .Juliers. - Les catholi-
liues el les protcslanls se la disputcnt. - La \raison d'" utrirJ¡c
ycut s'en empare!'. -Dcvenue própondérrrnle en Allemagne. :-tlors
elle pourra tlétruirc I'équilibre de l'El1rOpP. - IJenri IV est assa;:-
siné au moment ou il allait intenenir it main armée, pour assurel'
ri~ldéJlf'1ll1anc(' génér:-tle des Cou\'ernenwnts. - ."a morl ami'nr
IIlJr pnix illllll('rliate; mais s'il eút vécu, la gucrre de trente ,1llS
n';lllrait sallS doule ras en ¡¡''u. - Originf' de eette guerre, -
Son Jlisloire Si) divise en qUiltl'l' prrior]r,s: l;¡ Palaline., la ])ancrisp,
la .>;lll''¡uisf' (·t la Fml1(';¡jsf'.- Ll's 1,lals ,le l'ra"uc d¡'[losenl l'EllI-
pcrclll' F'~idinanll [r.el l'rconnaissenl n~lecteur palalin COJIIllJe
I\oi dI' 1\,dl,'oIIlC, snus ll' lllllulle Fl'I'dl'ric V. - Les pl'otcslanls S(~
¡],"dill'<',1! JlOll!' rp dorniel', - J\etlilelll Cabor pI les Holll'lIliens
assiégcnt l'Elllpcrcur dans son propre palais. - lIél'O'i5mc dI'
FCl'din:mtl. - li l'l'COll\TC ses f:tals ltél'l'ditairC3, - Yrngcrtl1ces
illlplacables el maladroitcs,-Oppression de I'Allemagnc.-Chris-
tiern IV, [\ni de Ilill1cJII'Il'k, s'en drdal'e lE' défenseur; mais il
I'C]IIHW dans SOIl ('nlrepl'isr. - Paix de LlllJek. - L'Empel'eur,
\;ü[J(lIíl'ur dUl'ro!l'slilllliollll', ,'eras!' tUllte l'Allemélgne. -11 rcul
",':l!·jr,' ¡i'S 1;:]l'r'IClIl's-~()Il\'('rains it r('tal elrs grrtncls d'Espagrlf'.
di,':; "\"':111", il la 'I'nlil,', tle cli<lpr.lains de la CO\ll' iIll¡Jpri,de.
- pj,'I",li"ll ¡J",irl!w I'''J, ,rs p!'ojrts, en Ini ,uscitan! nn rnl]('llli
J'cduulalJle. - (;usta\,.-.\,!olpIJe. j¡(iI'OS de la \lonal'chil' sur't!oise.
- Le C.:lbirwl de rit'.lll]!; "Illlsid"l'" ,:,. !'fitl"e (['un 1l.~i1 pll'in '["
mé.pris. - Llestrueliolt de \Ia:,;dl'.hllllru:. --- \ idoirrs Ih' (,usta,"!'-




- 192-
.\t1olpbr. - Lp l\oi de ",ned!' rait tl'l'llliJlel' n:lllperelll' (1':\lIellla-
gnc.-Tacliqnc nouvelle. - \ rn.ldslein, gén"l'alü"illle (h~ la \Iabon
d'.\ utriehe, de I'Empire et de I'Espagnc. - :'\Iort de Custa\'c-
\dolpliC. - La gUClTC eontillue. - Hichclieu ('\ rl'UIi\-!ll'I\s. --


La Franec prend part a la gurrre, rlui cmaliit pi'csr¡ne luule
l'Europe. - Expluils ele \\eitllar, (lc llanl1cr, dc Pkcolotllini, de
Torstensol1, de TlIt'ellne et (le Cond,'·. - Halaillos et lrail,'s.
- Di"solutiol1 générale de ¡'Empire. -- Utl\'('rlurC (rUn (:ongr(tS
;1 .\lullsler et ü Usnabruck. - Toute¡¡ les Jltlb,allt:('S de l'I·.l1I'Op' y
son! rcprésentées, san! 1'.\lIgleterrr, la 1'¡)lognc ('t la !\ussi'l. ~
Jamais négucialions n(' fllt'l'lIt plus longncs, [JIu,; dit1kiles. ¡,t!],:
COlllpliqllécs. - II1Ilf'llIllit.', arC()l'IHiC:; it la Franee, ;1 1:[ ~lli,¡j .. ('~
aux ¡,lats de n:Jllpire. -- naf!IJorl~ tIe religitl[] d de jlo!ilil[llC Ik-
flnilivelucnt Mabli, enlre les catlJOliqlll's ('l ks !!l'I'[l'"lilllt,;. --- Le
traité lle \Ycstplialie, num colJeclifdl's de\!\ pactcssignés a :\lllIlS-
ler el Ü O:;nabl'llck, fut pOIU' J'Europe une cOll\'entioll L1,' pai\:
pI, pOUl' l'Empire, une cOllslitlllion. - Les Princes d' _\ lleltlagn,·
devienncn! n\ritables SlJuveraills, ayanl l'Empr'rcllr pOl1l' suj .. t.
- La ?lIaison d' AutriclJC proleste contre l,~ lraill\. - Le [',I[Ji'
proteste lui allssi,parce que la religioll y ('st sar'l'ifiél) ~l la po i-
tique. - Cette paix ne clelait Nre Iju'une Irhe. - POUJ'(luoi ('11"
s'esl perpduée. - Par ce [raité, .leVl'lIu rUni(jIH' hase <In drllje
publie europeell, les ~omerilins il\'oui,I't'II¡ iUltllelltiqucllll'"[
(ju'ils se trouvaient ¡Jan, 1"i1l1]lOssibilitl' a]¡,;olll(' d., riljlprorJl"l'
el, par conSl'rjucn!, ur concilier les par lis ntli:::il'll\ el sociaux.--
Un parcil ¡¡VC'll se faisait t1milnt l'Europe tllonarcl¡j([lw, au 11111-
ll1rnt oú l' \n[':letpl'I'B I'ssayail de den;nir rl!puLlkaill(,.


Sous le regne de Henri IV, tous les peuples dr
l'Europe attribuaient a la France une sor te de
magistrature supreme, générale et nécessaire pou!'
garantir leurs destinées particulieres. Aussi, quel-
ques historiens oot·ils prétendu que l(~ fondatell!'
de la Monnrchie bourbonnicnne, jalou\: de substi-
tuer pllrtout le droit it la force en assurant l'indé~




- 193 -


pendüncc eL 11 sécurité des divers États, avait
formé le projet de les grouper lui-mcme au sein
u'une association univcrselle, qui aurait pris le
nom de RépubHque cftrrjtienne. Les membres de
cette associa tion, cliseLlt-ils, égaux entre eux,
malgré la dim~rcnce de leur propre constitlltion,
(levuient instituer II n tribunal slIpréme, ou toutes
les qUerelles particulieres auraient été jugées d'a-
pn>s le droit puhlic, eL dont les arrets, au besoin,
ensseut été imposés par 1:=J. force. ~Iais ce projet
absurde et chimérlque, pllisqll'il étendait a toutes
les Pubsances de l'Europe la forme incohérente
des Prillcipaulf~s d'Allemagnc, ne pouvait réelle-
ment occuper la pcnsée IOlljours si positive de
lIenri IV (1).


Faisant consisler le but supreme de l'État dans
l'amélioration morale et matérielle du peuple, ce


(1) ta plupal'l des h01l11l1es ll'l~lat el des diploma tes ptrangers,
YlolllIlIemenl Fn"uél'ic AlICilloll, dans son Tublel/u des revolutiom'
¡fu "yslhne !)()!itit/IIC dI' l'Iilll'O¡IC (tom. U, pago 438- '¡!,2), ne
,O¡!liguent pa:; d'aflirnwl' la ri'alill\ de ce projet, malgré les dénéga-
lilllls de Vittorio Siri, qni érrilit ,es .llémoircs secrets el son His-
ti;!),' contemporainp (il ,lJe¡-(,ul'io, 15 vol. in-[¡o, 16


'


,l¡- 82), SOllS
¡Oi¡,'piration de Hicllplieu el de 'lazarino Voici I'opinion de ,1. Glli-
i.iI¡ : " JI n'~ reste qne des noliolls un ]leu vagones, dit-it, sur lps
'rl/'I¡jels de Ilrnri Ir al! lIIOlllio'nl dt, Sé! ml,!'t, el j'inrline il rl'oirr
"111°on lui 11 pi'rtr. de.; reyes auxr¡uels il n'avail jamai;; St:riellselllrnt
» pelloé. » (La /<'1'11110.' el la }!lIiSOIl dI' llo!irllOlI Ilvanf1789.-Rel'ue
CO¡¿lemporuine, 15 avril185:J.)


1Il, (3) 13




- 194 -


Prince cnvisageait le gouvernement fran9uis, des-
tillé a réparer tal! t de uésorclres, comme le grand
moyen de l'ordre social et de la félicité publique.
eette maniere supérieure de comprendre et d'ex-
primer le POllvoir politique, lui donnait un carac-
tere éminemment religiellx, non pas senJement
clans son action intérieure, mais aussi drll1S son
action extérieure. En llleme temps qll'il régf~n("ruil
la France par les pro·:1iges d'une udmini!"tl'ation il
Jaqnelle Sully attacha la gloire de son nüm,
Henri IV cl'éait, sinoB les premieres formes, du
1l1uins les premiers (~léments (1e la diplomatie; cal'
jI voyait bien que l'Ellrope arait au:-si besoin d'(~­
¡re régélH;r{~e. ~lailllenaIl t que les peuples Ull Nord
ont, en eHet. un gouvernemeot spiritucl analogue
a lenr gouyernement tC!IIporel, ne relevnnt que de
lui-m{~llle, in(lépcnrlal1t dLl Souveraiu-Pontife; et
qu'ils ont chucuo une législation rnorale dHfé-
f(-'nte, ¿¡l'enconlrc (1cs pCllples du Mi(li, qni oo!
10m; une législation moral e OH rdigieuse identi-
que. le monde civilisé !lO suivniÍl pllls aucune
directiCll1 généralc et lmiverselle, si le Hoi de
Franee 11'{~lClbli,;,,¡¡jt entrp ('11:\ ecrlains prillcipcs
comlllun:" llOll pas de foi, cbose impossible, mais
d'illlért~ts.




- 195 -


Commc lcs ambassades étaient devenucs per-
ll1noenles, on régla le cérémonial des cours, le pro-
tocote ministeriel d les pl'ésdances: on inventa le
chiITre pour (]ssur<~r le secret de la correspondance;
et, pour diriger les agents diplomatiques, on orga-
nisa dans chaque ~~tilt une administration spéciale
qui prit le nOI11 ele serrh(flrrrie des a/j'aJres dlrang(t
res. Les transactiolls politi(I1l0S, bien réfléchícs,
micux discutées, fLlr('l1l conduites aree un soin
tOllt particulier, de maniere ti prércnir les fallsses
interprétuliollS, si fré(!upntes Ilüguere, et a donner
plus de force allx garanties. Avant la Réforme, ces
garanties, purement morales, se bornaient aux
,~ermenls religieux, a la soumission et allx censures
de l'I~'glise, quí c.\prilllait alors, en [ait et 1,11 prín-
cipe, l'union absolue de tous les ~:tats. Apres la
R(~forme, eelte ullioo n'existant plus, il faUnt créer
des garaoties purement matt~rielles. Aussi employa-
t-on le scelté des grands vassaux, des seigneurs et
Jes principales villes, institués COllservatellrs de la
foi des traiLós et s'engageant il !l8 plus reconnaftre
lt~ur propre SOllverain, ou mCLllC a preodre le:; ar-
mes contre luí, s'¡¡ refusait de les exécuter (1).


(1) \1. le cOIllle de t:ardcll, fli;t. gt;Il,'r. ,1",\ traites tle puix.
·fom. le'. intl'()(i. pa;,;. XX[[J.




- 196 -


Tant que le Pape réunit en sa persoune le
pouvoir spirituel et le pouvoir tpmporel, la Imis-
sanee qui conseille et la puissance fpIi contraint,
l'influence positive et l'influence morale, iI dut
rester arbitre et garant des trai¡(\s internationüux;
paree qu'il exprimait, au sein ,le la politiqlle
généralc, une aulorité sllpéricllrr, incontestable,
propre enfin á déterminel' les dl'oits et les devoirs
de chaqlle État, en réprimalll les "!oIences et les
iniquités de chaque Prince. D'aillell, . la s0I1111i5-
sion des Monarques au Souverain-Pontife c1taít ab-
solllment obligatoire , d'apr(~s le droit public Cil-
tholique. N'ayant pas assez de force mlltérielle
pour garantir l'existencc de lenrs Rnyaumes ¡(lr-
ticuliel's, il fallait de ImIte 1I1"('('ssitó qlle les nois
s'inclinassent elevant le seul Pdn('(~ qlli C(lt assrz
de force moralc el posilive ponr sauv8g-nreler efIl-
cacement les destinées universellcs nll monde
civilisé. Mais, des que la distillction décisive du
pOllvoir spirituel et du pouvoir temporel, (pli
devait provoquer, t6t ou tard, la séparation COlll-
plete de la politique et de la religion, cut (~/(~
positivcment établie, tous les )JollilrClues t'(\~is!(\­
rent all Pape. lis ne considér;¡je¡:t plus dé~ornliti~),
qne CO!1lme IIn signe de dMérence pour Sil dignitt~




-I\l"i -


supn~llle, ce qu'ils consicléraient naguere comme
le prcmicr de leur" uevoirs. S'ils lui communi-
quaient leurs propres traités, ce n'était qu'apres


a'oir slIbstitué allx garauties pontificales celles


des Inú¡ues, sous pretexte de faire prévaloir les
dl'oits de la ComonDe. Les schismes et les hérésies
qui déchir(~rellt l'l~glise, favoriserent l'uffranchis-
selllellt des Etuls il l'égard de llome. Ayant perdll,
¡tI¡ milicll de ces scandales, toute l'autorité posi-


tire qu'ellc avnit exercée jusqu'alors en Europe, la
Pnpaulé De conserva désormais que son antorité
morale, toujours imposünte par l'ascendaut de la
vertn. Les vieux priucipes n'existaient done plus,
et U~re des grandes ll¡'~guciatiolls pontificales était
fermée, IOl'sqnc llenri 1 V ouvrit retc diplomatique
l1loderne, en eréant des formes llouve!les; en
relllplu<;anl les moytlls dc violen ce et d'antago-


lJisme par les moyelb d'entente cordiale et de
conciliatiou; eu illvelltauL le systeme de::; lIuJdia-
lions, qui clétermine rllllenention bienveilhlllte
d'un Üul neutre, cutre plu:oieurs Élats cnnemis,
pour prevenir la guerre ou l'étabJir la paix. C'cst


aillsi que le chef de lu Maison de Bourbon avait
acquis des titres ¡llIlllortels il. la reconnaissünce de
l'IJlllllUllilé, dOLlt ji \oulait üssurer le bonheur,




lorsque Raraillac, en l'assassinunt, dOllTwle signal
des plus terribles catastrophcs.


Au 1l10mellt dr. sa mort, Jlcnri IV allait aceolU-
plir la plus grandc entrf'pris,-, de ~1I víe; caT' il :-,e
proposnit d'attacpwl' la 'laison el' Antriche, dont
les deux ]m!Dches, celie d' Aliemug[]c et cclle
d'Espagne, s'étaient l'llpproclll~(,s pOllr étoullcJ' la
liberté jJolitique el reJigicllse des dirers Elals eu-
ropécils cluns les replis de leur propre dcspotisllW.
Les forces cOlllbint':es par ¡'incapacité de Hodol-
phe 11 et par la faiblesse de Philippe IJ i, étuient
redolltables, sans doule; mais, confiallte dan!'; le
dévcloppement extraorclillnire de ses reSSOllfces
intérieures et dUBS la ~olidité de ses alliélnces extc-
ricures, dUBS le géllie de son Roi et dan s In bra-
voure de son peuple, la Francp poU\ait prétendre
a d'immenses triomphes. La succession litigieuse
des États de Guillallme IV, derrlÍer due (~e eleves,
de .J llliers el de Berg,comtc de La Marck et de Ha-
vensberg, et <;eigllcur de HaVcBstein, qlli étnit
mort sans Iai~:~;('r d'enfants múlcs el qui !aissait,
selon l'cxpre~siün de Hcnri IV, tOlft le lIwudc son
ItdriticJ', servait (le pl'étexte aux ¡U'I!l(,il!CIll'i QlIoi-
que, d'aprl':; le dl'(,'! f(;ndi' l. 1,·:" ::O'IIl'S de Gllil-
InullIe OH i" ¡¡]'::; dt::cceudulllS, dlJsseut lui succéder,




LouS les nombreux compétiteurs s'efrac(~rent de-
vunt deux Prioces : Jeün Sigismond, gendre de la
sceur lltnée de Guilluume, électeur de Brandehollr~
et proLcstant; el Pbilippc-Louis, époux de sa SfBur
cudette, palaLin de Ncubollrg el cátholiqllC. En sa
qualité de seigoellr direct, l'Empereur, qui vou-
luit s'empllrer de cettc rlche sllcccssion , déclara
qu'il scruil trop dllngcrellx d'('tablir un Prince
protestant dans un fief contigu aux Provinces-
TInies, et prétendit avoir le droit de le séquestrcr,
jllsqu'a ce que les ti tres des dellx compétiteurs
eussent été disClltés. Ce début élllut l' Allemagne
et les principales Cours de l'Europe. En effl't,
pour les Princes de l'Empire, il s'ugissait, non pil~
seulement de mettre tel ou tel Prince en pos-
sessioll des Üats de Guillaurne, mais encore de
décider leqllel dn partí catholiquc ou dll partí
protestant allaH s'uccroltrc d'une pllissallce aus:-;i
considérable. Pour l'Europe, il s'agissait oe sa\'oir
si lu Maison d'Autriche, tOlljOurS envuhissante, dé-
truirait l'équilibl'e de l'Allelllagne, et, pUl' consó-
Iluent, celui Ju monde, UL! moyen d'une gralhíe
usurpatíon.


La :\-Iaison d'Aulriche, ayant échollf~ dalls Cl'lte
enlreprise, Jevinl füvurablc au j1ulaliu de :\eu-




- 201)-


bourg, Wolfgand-Guillaume, fiis de Philippe-
Louis, paree qu'll avall embrassé le Catholicisme.
Les Princes luthériens d' Allelllllgne el la Hépuhli-
que des Provinces-UlIics se décIiln\rent illlssitót en
faveur de Sigislllond, parce que le~ Elais de eleves,
situés entre la Hollande el l'AlJemagne, pOlmlipill
devenir le boulevard du Protestantistlle (!), La
France, qui sacrifiait ses principes religieux aux il1-
térets politiques de l' Europe, emLrassa égalemelil
la cause de Sigislllond (2). ({ Une agitatioll sourde
régnait dans tous les pays; l'inquiétude tourmen-
tait toutes les Cours ; les peuples étaient suspendus
entre l'espéranee et la crainte: tout allllon<;ait un
graud lllouvemcnl; mais on ne counaissait ni sa
mesure, ni s¡¡ direction, ni s,~s eflels, cl l'Eul'0pc
trelllblait (3). ))


Dé,ii!. les Princes calholi(IUCS de l'Empil'e, ligué:;
a Wurlzbourg, avaient pris pour chef Maximilien,
duc de Buvicre; et les Princcs protestants, ayaut
réuni leurs troupes a ceHes de,) L/vllandais, avaient
repris la ville de Julien; SIII' It..'~ AutrichiellS et sur


(1) flumont, Cl)l'p.l die/I)III. '1'0111, Y, part, 11, jI;l;;, lJ;J.-Leo-
nard, llccucil des !i'ilil('s de ¡mi.!', Tom. 111, parl, I,e, fiJe:, J.


(2) ,lhllll)i/'cs de SIIII!I,puhli,·ti par l'"blJé de 1'II'lu"l', Li\', XX.\,
]lag.2:l1··22Zl.-17!¡J,


(3) Jil'éd, ¡\Ilcilloll, '/',¡/¡{W!l !I"s I'('(I){, ti" s!JS!, ¡¡(JI!!, dI, (EII'
r(}p~, 'l'1J1lI. U, paCí. 444.




- 201 -


les Espagnols (1). La baine des deux partís, fa·
llIeutée par les ]Juissunces étrangeres, menac;ait
l'Allemagllc d'Ull buuleverscment général, quand
le meurtre de Heuri IV et la mort de l'Électeur
palatin, enlevant aux protestants Ieur chef el leur
plus pllissant allié, motivercllt un traité de paix
avec les catholiques, bien que rien ne fUt décidé
relütivement (lU sujeL de la guerrc (2). Les causes
d'hostilité subsistant toujOUl'S, la tranquillité nc
devait jamais etre ni durable, ni profonde. La
Muison d'Aulriche était sauvée, il est vrai; mais
l' Allemagne pouvail, d'un moment a l'autre, elre
perdue, puisque les calholiques el les protestants
s'observaicnt d'un u;il rneuu<;unl. « Les traités
memes et les traus¡¡cLions, dil Schiller, <lui se [aí-
salent entre les Prillces, ¡oín de l'alelltil' I'auiruu-
siré des partís, semblerent n'uvoír pOli!' buL que
Ll\'ntretenir la discorde (3). ))Elle fillit par t1'iom-
pher, llon-seulement dans l'État, mais encore dan s
la :\lai::ion d' AuL1'iche : ce qui donna longtemps au


1) hcOcJI, A/m,;IJI: de /'lIi"I. des (railes de J)llix, Tom. 1", pago
J3-3!I,


:)) Carilfa, (J1'1'1I11111;'! SI/I'I',/ I eS!llIIl'alil. Pato', J5,
I~;) /li"lo;!'!.' di' /1/ '111f'l'I'(' di' 1I'I'IlI!' 'W". TOIll. 1". Lcipsick, 18ü~,


Irü',luil pur Ghüw¡Jleu, L'aris, HlOJ.




- 201-


parti protesiant une grande supériorité sur le
pürti catholique.


Ma thias, frere de l' Em pereur el son héritier
présomptif, ayant accepté des Pays-Büs la SOllve-
railleté qu'lls lui avaient 011erte apres leur souli;ve-
meut (1580), n'avalt pas cralnt de montrcr un Ar-
chi-duc autrichicn a la tete d'un peupl~ révolté
contre la ~laison d'Aut1'ichc. Houolphe ¡'en puni!.
l\lalg1'é son abdication presquc immédiate, il 1'em-
pecha de monter sur le trone de Polngne, apres
la mort d'Étienne Bathori (1587). 1\1üis, plus tard,
il lui confia le gouvernement de l' Aut1'iche et le
commandement de l'arrnée en Hong1'ie (1593),
ou Mathias fut aussi heureux qu'habile. Comme la
'laison d' Autriche paraissait menacée d'une ruine
totale, 011 put croire qu'il était destiné ú rétablir
sa fortune. C'est alo1'8 que ses freres et cousins dc
Slyrie se réunirent cntre eux, lui remirent leurs
droits et l'engagerent ¡\ satisfaire son ambition
personnellc, dalls l'inLéret COllllllUl1 de Icur famillc
(HWG). Iuformé de ce pacle, l'Elllpereur voulut
abattre un frere qui s'éLüit fait son rival; mais cc-
lui-ci, ayant enlevé la IIongrie l l' AutriclJe et la
Moravie, marchaiL victorieilSf~ll1ellt vers la Boh(>me
u la tete d' une armée. Ilodolphc assembla aussi tut




¡es 1::tat5 de ce Hoyaume, et aeheta son appui nu
prix de certaincs lcttres-patenles, dites (eUrcs de
Jiajest8, en vertu dpsquelles les Évangéliques
eurent " le libre exercice de leur religion, par{ou(
et sans aucuue distillctiolí de liellx; ave e le droit de
raire conslruirc des temples ou ils le jugeraient a
propos, sans que personne pul y trouver a re-
dire(l) .• L'Empereur pcrmit qu'un certain nOIll-
bre d'olliciers, ehoisis pur la diete, el désignés
~ous le nom de dd(enseurs de la {oi, veillassent a
l'exéeution de cet édit : subordonnant ainsi Illi-
meme son ponvoir a la volonté nationale. A viIi
aux yellx des catholiques el tremblant devant les
protestanls, Rodol phe devait etre éerasé , au pre-
miel' ehoe, entre ees deux partis qu'il De pouvait
plus dominer.


La slleeession de eleves s'ollvrit sur ces entre-
faites. L'intervention de Henri IY üllrait été déci-
sive; car ce Prince eut déterminé la paix en
Al!emagne el UüIlS l'Europe entiere, eommc ill'a-
vait déja fait en France, upres avoir établi les
rüpports des catholitlucs et des protestants sur des
principes fixcs et moraux, bases éternelles de


,1, LUllig, Jleic/¡sl'I'I'/lic, Purt. sil!'!'. as/e ,lb/heiluI/Y. l)a;;. 55,
.. ¡té par Koch, AIJI'éflé de IB¿'¡t. des 7'nú¡ó de paix. Tome 1"',
pago 35.




- 20~ -


tOllV~ société. "Vnc guerre courte, rapícle, active,
dit Ancillon, cut prévenu la plui longue el la pltb
désastreuse de toutes; celle de trente uns n'eúl
probablement pas en lieu. Les causes qui la tirent
naitre et qui l'alilllenterenl eussent élé étouílées
dans leur príncipe. A l'époque oú elle cOll1Il1en<;a,
l'Europe aurait été en possession des avautages
qu'elle acquit par la paix de WestphaJie, peul-étre
meme dans une position poli tique plus sUl'e el
lllieux affermie. En assassinant I1enri 1 V, Ravaillae
porta un coup lllortel a l'humanité, el retarda ses
progres d'un demi-síecle (1). "


La question de eleves n'élait pas I'ésoluc; maís
la querelle de Rodolphe et de I\-Iathias étail vidée.
Celui-ci obtint la dignité impériale du consente-
lllent unanime des éJecleurs, aprl~s la mort de
celui-la, c'est-a.-dire au moment ou iI allait ¡'usur-
per (1612). En tie SOlllllettant a ce Prince, les
Élats de l' Em pire désiraient etre récompensés de
l'uppui qu'ils avaient prété a ses rebellions ; et les
peuples allaient bientot s'armer de son propre
exemple, pour le combattre. Par une fausse ínter-
prétation des tettres de Majeslé.. les Évangéliques


(t) Fréd. Ancillon, 1'lIlJlcuu dc.\ ,.¿cul. (/u 5!JSt. polit. Tom. 1I,
pago 445-46.




de Boheme voulurent construire des temples sur
les domaines ele l'archeveque de Prague et de


l'abhé de Braunau. Ces prélats devaient s'y opp~­
ser. L'Ell1pereur, en eITet, avait pu octroyer aux


seigneurs le droit de fondel' des églises; mais iI
n'avait pu donner Ú 1ems sujets cellli el'en fonder
';ans leur avclI. 'YIathias iutcrpréta ainsi l'éelit de


Rodolphe. ~Ialgn~ sa déf,~nse, les Réformés con-
struisircnt leurs églises el, convoquerent tous les


]~tats d(~ Boheme qui part¡¡gcaient lellr commu-
nion, pour d(\libérer sur la prétendLle violation
des [ellres de il1ajeslé. Cclte assemblée, convoquée
ú Pl'aguc, lit demander au c'JL1seil impérial le 1'8-
dresselllcnt dcs griefs. Ses Jéplltés, furienx d'etre
mal acclIeillis, jeterent par la fenetre Guillalllllc
de Slawata et Jaroslaf de Mal'tinitz, Illinistres de


\Iattlias, sdon un ancien usage connu sous le nom
de défeneslJ'ation.


Cet acte de violence fuI, le signal el'une révolu-
lion. Les États, proclamant la dissolution de la
~Ollverainté monarchiquc, nommerent trente di-
reclcurs pom gouverner le Rüyaume au lien et
place de Mathias, fOrllH';rent une arm(~e, et se
Iiglj(\l'('nt, 11011· sculcmclIt a\'f~C les pi,tlples ele la
Sil("sie, (le la 'Jürarie et de la Lusac('; mais eflCOt'(~




- 206-


avec les Princes protestants de l'Empire. Ce débllt
parLiculier provoqna une guerre qui dura trente
nns. Sans sortir de la Boheme, elle entra d:ll1s le
Palatinat et finít par envahir l'Empíre. Presque
Loute l' Europe dut y prelldre part; el l' Allemagne
devint ainsi, au X"ll" sicc!c, ce qu'était l'Italie nu
\VI" : c'est-a-dire le centre de la PoliUrlue gé[J(~rale.


L'histoire ele eette gllcrre se divise nll (}uatrc
grandes périocles : la prcmiere est cdle de la Ro-
hiJme ou la palatinc, lle¡wis "() 18 jllsqll'enl G;>'5; "-
la seconclc est la dalloise, dermis H>:25 jusqu'cll
1630 ;-la troisiemc es! lo SllM()ise~ "depuis 16i\O j ti::;-
qu'en 16:35;- lu (luatricnw est la franfaisc, de-
¡mis 1635jusqll'en lG ft8 (l). On le voil: les Puis-
sances du ~ord, qui formaient encore un monde
politique a part, sortírent alo1's de ]'iso!emenl el
entrerent en relations avec les Puis'ianccs dll Midi,
soit poul' les combattl'e, soit pour agir de cOllccrt.
L' AllenlClgne servit de champ-clos a toutes les hai-
Hes, Ü loutes les ambitions, a [ous les iutérets de
l' Europe. « L' Em pereur voulait établir son droit su-
prC~llle a I'ombre de la double couronne politi(1l1e
et rcligieuse ; les électeurs lutbéricns itlvoquuient


("1) F\o('J¡. Alm:(I¡' (/" I'lfis!o;l'f" ¡I,,-, {,',!i!¡;.>, TOJlW le" pag, Ji;.




- 207 -


l'indépendanee de l'Empirc et de la foi; les élec-
tcurs catholiques se rattachaient a l'unité de la re-
l¡glon en meme temps qll'ils s'en elétachaient pour
le clroit politique; les États assujettis par l'Au-
triehe c~sp(~raient seeouer le joug; eeux qui s'y
('laÍent soustraits, eonsolider leur liberté; toutc
l'EllI'OPC, s'anranchir de la sllprémaLic qll'elle mc-
[]a~üít d'ac([l1érir (;). )) En un un mot, la re ligio n
servait de prétexte H ele banniere; mais la SUpl~­
rioritó poliLi(1l1C el la conquNe lcrritorinle étaient
le vérltablc bul. C'cst ninsi que la Franee et la Mai-
son el' Autriehe, ficldes défcllseurs de la [oi eatllo-
lique, se liguerent l'une eontre ¡'autre avee les
proLcstants, - la Franee avee ceux d' Allemngne,
la \laisoll d' Autriche arce eeux de France,- pour
arriver Ú I'envallissenwnt réciproque de quclques
produces Oll de quelques villes, sans penser que
celle indi!fércnce couplble en matiére de vérité
devait tUt ou tanl pnsscr des n;gions gOl1verne-
mentales aux regions sociales, et comprolllcttrc
kur propre salut, en propngeant, dans le monde
eiYiJisé, le rnensong-c eL I'erreur: symboles d'UllC
chute monde indr'finisslible.


Le ¡[,'but de la 8'!WITC cOlncida presque nH~C la
(ti '1, Cé:;ar CanLu, !lisl. linio. '1'0111. \\", p:I~. 2%,




- 208-


fin <lu r(~gne de Mathias. Cet Empereur monrnt a
temps, ear ses freres youlaient le tralLer COllune il
avait lui-meme traité Rodolphe. L'Électeur pala-
tin et celui de Saxe, tous ueux protestants, admi-
nistrerent \' Empire en qualité de vicuires, el, de
coneert avec l'union éva:lgélique, t(¡eh(';rcnt d'cllle-
ver le tróne a la Muison d'Autriche. Apres un assl'Z
long interrcgnc, durant Iequel OIl ofTl'it le trónc ú
tout le monde, et tou t le monde le refusa aux
eonditions qu'on y mettait, le eollége éleclo-
raI nomma Ferdinand, de Styrie, déjü Roi ue Bo-
heme el de Hongrie, quí allait inaugurer, au mi-
lieu des circoIlstances les plus funesles pour l'Em-
pire, une ere brillante el glorieuse paur son au-
guste famílle.


Ferdinünd espérait obtenir la soumission d(~
la Bohéme, en lui promettant une amuislic gélll~­
rale et la eonfirmation de ses priviléges; mais le
parti protestant entraina ce pays dans la r6volte,
en disant qu'ill'arrivée de l'Empereur en Boheme,
beaucoup de tetes tomberaient el bien ucs pro-
priétés ehangeraient de medns. Les passions pOpll-
laires, surexcitées pür ces calomnics, :-;clllblaicllt
favoriser l'étüblis"cment u'ulIe H(~PldJJiql!C, apres
la chute de In 'Ionarrhif'. C'étüit le vreu seCf(:t




- 200-


des chefs de l'insurrectioll c¡ui flvaient dé posé Ferdi-
lland 11, en sa qualité de Roí de Bohéme, pour
lIlieux élever leurs prétcntiolls personnelles. Tou-
tefois, la nócessité d'uvoil' un chef el des altiés en
Europe, dans leur lutte contre la Maison d' Autri-
che, leur fit couronner t' Électeur palatín, sous le
nom de Frécléric V (1).


Toute la Bollf!me, la Silésie, la Moravie, la
Lusace el la Haute-Autriche se déclarent d'a-
Dord pour cet usurpateur, que le Danemark,
la ~uede, la Hollanclc, Venise et plusieurs États
d' Allclll a ,,;ne reconnaissen 1 comme Roi légiti-
llle. Les Hongrois, égalcment révoltés contre la
\lai:sotl el' Alltrichc cL Obl~issant a Bethlem Gabor,
]ll'illee de Transylvanie, soutieunent sa cause, ar-
rivellt sous les IllUI'S ele Vienne avce les Bohémes
el le:i ~loraves, et bOlllbarucllt le chúteau 00. se
trouve l'Empcreur. Seize Princes autrichiens, dé·
putf~S par \es rebelles, yiennellt tui prodiguer l'in-
'iulte jUSqllC dans son propre appurLernent, tandis
qu'au uehors une populaLion furieusc demande
su réclusion dans un monastere et la mort de ses
lIlinbtres. Ou lui conseille de céder ou de fuir.


(l) S¡JanlIcill!, Jlr:moil'c.I de [,ollisc-Julillni'. Pago V¡2.-:\\lIJlI')",
Jlti/loil'cS di' Halla/u/r. Pago ;;22.


lIl. (3) 14




- '210 --


Mnis Fcrdinllnd. seul impnssible en rnce de tOllS,
s'(lgenouille devant une croix, et se montre d'au-
tant plus ~ranrl qn'il l'(;sistc i'l la [ois, et uux en-
llClllis qui le frappeIlt, et al1X llmis qui I'obs(~dcnt.
Vn ~10n<lrqlle tel qne lui tOf!lhc dll trúne quelqne-
tois, jamais il n'en descend. Le hruit de trompet-
tes retcntit ilU loill et se rapproche. e'est un corp~
de cuirassL'rs q:ti a Jli'!i!:'t!'~ dilOS Vi(>nne nOtlr d(~­
li vrer l' Elllp~:rellr o Lr's 130hérniens I(~\ el! t le siége
de eClte capitale et vont défendre leuJ's propres
foyers. Gahor se dirige lui-rnt~me vers la Hongric.
Des ce moment tont réllssit a Ferdinanc1; plus
rien ne réussit aux Princes révolt(·s.


Arres s' étre assuré les sccours dfectifs, soit en
homnws, soit en arg-ent, dll Pape (1), du Roi d'Es-·
pagne, du Hoí de Pologne, de ['électeur de Saxe
et de Maximilien, dllc dr~ Bavir'~re, chef de la Ligue
catholique, [' Empereur pouvait écraser ses enne-
mis: il préf\:Ta traiter avec la TIongrie et avec le~
Princes pn,l f :stal1ts d' All(:!Ila~lle. La cour de
Franee, 011 dcminait le connétablp de Luynes, pre-
mier ministl"~, .quí ílyait ¡"li- g"ilg"lJé par la eonr (!t:
\iaurici ('2), ')OlH' lni faire IWJ'dJ'f' les 1rilditions po-


\~l) ',itto¡-L, Sil';,1!f·mO;,.es ScaNso '1 'JlIl. AXXVl, pago 51.
("1 Au!¡ery, .\1, ,no:!"!'.·. de lIol/(//ull', i3Cjo ;l~O.




- 211 -


Jitiques de Henri IV contre la ~laison d' Autriche,
intervint en sa faveur. Une ambussade, ayant h sa
tete le duc d' Angoll16me, fils naturel de Charles IX,
viot successivemcIlt en I10ngTÍe el en Allemagne,
faire conclure une treve entre Ferdinand el Ga-
hor P); une paix entre la Liglle calholique et
l'unÍon évang(~li(lllr. Lt:s PrillC'es unis uballdon-
nerent, par ce ~.raíté signó ú (J!m (5juillet '16(0),
la canse d(~ l' Electeuf palatin, en tant qu'elle dait
(~lroilellleot liée ú la llonvelle Royallté, se rés::r-
vallt seuIemenl le droil de reprcndre les armes
pour sa défense, au cas OLI il seruit attarlué d,\l1s
ses États héréditaires. " L'Empereur, dit Koch, res-
tait ainsi le maitre d'employer les forces de la Li-
gue conlre l'Électeur daos la Boheme, sans opposi-
tion de In part des Princes unís; el, quant al] Pa-
latinat, rien De l'em{lt:c1wit de le faire emallir par
les Espagnols, qui étaient étrangers it ülm (2). »


C'est ce qlli cut lieu, en efreL Un seul comba!,
Iivré devant Prague, ren(lit h Fcrclinand tOtlte la
Bohüme. Frédéric, qui u'osllit paraltl'c sur üUClln
cballlP de hataille, ulla se cacher en Uollande, li-
Hélnt láchemenl ses partisanc; \'ainclIs et suns


(l) 1 'UlllO!lt. Ca 1') 1,5 di¡JÜJlII. Tom. V, Jlilrt. 1 i, pJ¡c. 358.
(2) AiJdr¡,; de ["[listo des Ir,,!:II" dI' ¡){(¡.ro '1"'111. [". pago




- 212-


défense aux justes ressentiments du vainqueur. La
Moravie et la Silésie [urent aussi reeonquises;
Jean-George, prinee cadet de Hrandcbourg et an-
cien éveque de Strasbourg, qui tenait en apanage
des Principilutés de Sil Maison dans ectte dernicl'e
province, la défendit contre les Polonais, alliés de
Ferdinand. Vaineu dans la lutte, ii perdit tou-
tcs scs terres que 1'0n f(~lInit aH domaine de l'Em-
pereur, malgré les réclamations de la i\laison
éleetorale de Brandebourg. L'lllégalité ele ecHe
confiscation inspira au Roi de Prusse, en 17l¡O,
des prétentions plus ou 1110ins h::gitimes su!' une
partie de la Silésie.


Ferdinand 1I avait rceouvré ses );:tats hérédi-
taires: la justice triompllllit avee lui. L' Europe
crut qu'il userait de la vieloire avcc mOUl:ra-
tion (1); mais il ne promit d'etrc clémcnt cmcl'S
les révoltés, que pour lllieux les atteinelre. Trois
mois apres, leur arrestatioll eut lieu parlout, le
meme jour et ti la meme heure. Sur quarante-
huit chefs de la rebellion que l'on traduisit ele-
vant une commission militaire, vingl-sept fll-


(1) Le Pi're GuiilauT1lc-Jlyar. HO\lgranL ffist. !le.' UI/I:J')'C> ft
el/:,\ m'uoC'ialions I/lli /ilr'n'di'l'c/t( le Indl(; dI' !J'i'sl/'/wlie, 17'1'1-
fi1.




- 213 -


rent mis u mort; seize nutres subirent l'exil ou la
prisoll. Ceux qui avalent cherché leur salut dans
la fllite, n'y trouverent qu'un arret de proscrlption.
Ordre fut donné, SOLlS ,les peines rigoureuses, de
:;lgnaler tOIlS les propriétaires qui avalent pris
pllrt á la révolte. (f PI us de sept cents barons et
chevaliers el presque tous les propriétaires ayant
(;[é (h;sig-tH~s, dit un historien ami de la Maison
t!'AlItriche, on lem [jt gráce de la vie; lllais tous
leurs biellS flll'ent confisqués. Alors Ferdinand abo~
lit les leUres de Majes/é, supprimn touteliberté <Iu
culte, exclut les non-catholiques des villes royales,
dans lesqnelles il restl'rignit la faculté d'exercer
le commcrce el les dilT(\rents métiers; il décida que
les dlssiden ts n' auraien 1 ni l' entrée des hópiLaux, ni
1<1 sépultlll'e eccl(~siasti(l1lC, (luoiqu'i1s dussent elrc
tenus de payer eles droits allX parolsses; que leurs
muriages et lellr~ tcstamcnts seraient nuls; enfin,
les soldats fllrellt répartis dans les maisons pour y
vivrc il discrétion, el les Croa les convertís a COUp8
de sabre. Ferdinand aglssait ainsi par politique
d non par zele religieux, puisqu'il uccorda lui-
meme des priYiI<'~g-es allX Juifs. Puis, au milieu de
la terreur générale, il fil proclamer Roi son pro-
¡¡re fils en cnlevaut mn Etats leut' droit d'élection.




De ce nlnmulÍ, la Bo¡¡¿~me tomba clUllS l'état misé~
rabie dont elle nc raíl ;\ peille que de se rclrvrr.
BeHucollp de dissidents (~mi~rerent; d'autres se
cach(~rent dans les mont<;gnes; el: lorsque .Jo-
seph 1I publia en 1781 l'éllit de tolérance, il se
troma que plusicUl':-i villnges üvaient conserv(~ jus-
que-lit l(~urs rítes (1). "


Cettc politiquc inexorable et inlmmilinc, Ferdi-
nand pou vHit la lllothf'r ,He, ycux des a litres SOll vr-
rains. D'ailleurs, ils n'avaient pas le droit de s'im-
miscer dans le gouvernemellt de ses ttats héré-
di taires, ni clan s ceIn i de ses r~ta ls électifs,
pounu qll'aucune mesure intolórantc ne renversat
la constitution de l'Empire qui était étroitrll1cnt
liée au syst(~llle g(~nérill de l'Europe. Trop tiCl'
(le ses succcs, I'Empercur mit plusicurs Princes
au ban de l'Empire, envahit le PHlatj¡;;l1, (it nllü-
quer Bcthlclll Cabol' p<\r Albert de Waldstcin (:2).
: 'ro nonlja la clissol u tion de l' e nion l~Y;ll1¡:réliq uc )
reprit nl1X protcstants les !,lclls ccclr'~si3stiql¡'s
"¡unt ils s'étaicnt ('mpnrés dC:¡lllis In J1ilix de I'i'li-
gion, en vertu, des scntcncC's dlI conscil allJi-


(1 \:, (:",;!)I' cant\!, !Ji,!. /lUiC, TI! III , \1. : "c. 2'iS-U!l.1X'IS.
(:2; Ce[ ilOllllli' di' ;:llI']'i'!, ('sl 1,ll1s ","I,'I'li' S()I!, ji' lj(JII! d" \\ al-


Hn,tcll, lilais c','si ,,: si~llail lui-1ll01111' I'l fin!' si;<lltul cu-
rore ses r!(~sr('Il(l,,:_i:.




'¡lle (1), et donna itU dIJe de Bllvi('rc, cllei de lB
Ligue cutholiquc,non-seulemcnt le Huut-Palatinat
pour lui rembollrscr les dépen:ses (~a'il récLmwit,
mais cncorc ! 'é1e('! flfill pOllr le róCOmpCll:3Cr des
secours qu'i! lui mait prclés. Lcs catholiqucs t~U·
ren t des lors q uutre votes Jaus le collége (Slecto-
ral, et les protcs!anh o'en eurellt que d-':lIx. La
jlondéralion des ¡"()[Tt~S, en Allenugne, :,il1' la-
(IUclle reposait la s(~curité des deo! is el de:, iu té-
r~ts dans toule l' Europe, était anéantie pal' le fait.
Les Souveraills éLl'iltlgel's s'en p!aignirent; lUlas
il ne fut pas difllclle a Ferdinand de les gagner Oll
de les trompero Car la Franee, livrée aux petitcs
illtrigues italieunes de Marie de Médicb, avait
ahandonné la grandc politiqllc nationale, base
de I'équilibre ellropéen.


En effet, l"esprit de la Ligue revivait sur
le tombeuu de IJenri IV; el, é\VCC lui, tOllles
les factions que ce ~loné1rque eSi'~raii avoir
anéanties pou!' jamais. L'arlstocratie cuLholi-
que, hostile ¡\ la cenLralisütion du POllVoil',
ou mieux, ¡\ la l\1onarchic, s'dl'on;ait de la dé-
tl'uirc, a vcc le concours des pl'i Llces. COllcini,


(1) K.Ot;]¡, A/mJf}f: de Cl1i.!tuir~' d!;s tr<'-ile;" 1\)111, 1". jlil". 5:!,




- 216 -


étranger devenu Marér.hal sans avolr porté les
armes el ministre sans COtlJw¡'ll'C les lois du
Royaume, empecha le triomphe LI(: la baute no-
blesse qui, rcbroussant le conrs eles sióclf:'s, YOU-
lait recommencer, sous la troisieme race, I'ceUYrC
llccomplie sous la seconde, eL substituer l'héréclité
du régime féodal á l'hé:rédiLé du gouvcrnClllent
royal. Apres l'assassillül de Concini, Albert de
Luynes, jeune page aragonais, entra dans le:')
conseils de la Couronne de France pUUl' y
représeuter, non pas l'intérel national, mais les in-
térets de !'Empirc et de l'Espagnc. Le Parlemelll
de Paris protesta au nom du patriotismc, elles cul-
vinistes, üu nom de la liberté. L'édit de Nunte~;
en üvait [ait une société l)(\rtlculiere, uyant sa
cODstitlltion, ses asscmLlécs, son arml:e, ses [o1'tc-
resses et ses villes distincte:'i, ú colé des villes,
des forteresscs, de l'armée, des asscmblées et de la
constitutiotl ele la société g{:nérale. En un mol,
c'était, au milieu ele la Monarchie, \lIle Hépllhli-
que rcligieuse tendant á dcvr:nir tll1r: n{~publiqlle
politique. Le ulle ele llohl\l1, g-cndre ele SlIJly, OLl
le duc de Bouilloll pouvaicllt y j ll l1cr, le cas
(~chéant, un rúle identique ¡', celui (lile le prtIlC(~
<.l'ürang~ uvuil jou6eu lIollUllde, pubque, pUl'




-- :Ji? --


eux, la confédératlon huguenote se mélait aux
fllctions de la Cour, pour mieux cli"iser le pays.


A peinc l'alliancc urce la l\laison d'Autrichc
cut-elle été contractéc, que l'opinion publique
s'en émut et que les protestants prirent les nr-
mcs cOlltrc de Ll1yncs, qlli /le savait pas ce que
li('sait Ulle e/)(ie, quoiqu'il portal le titre de con-
né/able. La HépubJique ilurait triolllphé, si Hi-
chelieu ne rLit vcnu en alde ú la :\Ionarchie. tui
seul pouvait empecher, iL l'encontl'C des protes-
tants, quc le Hoyaumc ne fUt morcelé en une foulc
d'oligarchies, et, á l'cllcontre des catholiques ul-
tramontains, qu'il ne passat définitivcment S01:lS
le joug autrichien-espagnol. On sait combicn de
révoltcs succcssi ves écla t(';ren t, en ce tcm ps,
parmi les seignelll's de l'une el de l'autre croyancc
religieuse. Gaston d'Orl{~ans, l\Iarie ele ~lédicis el
Cjllq-~\lars étaicnt catholiques; mais le plus grand
nombre des rebelles, notamment les princes de
Condé, le comte de Soissons, les ducs de BOllil-
Ion, les Rohan et les Soubise étaicnt protcstants :
el tom s'allicrcn t n0anmoins avec l'Espagne con-
trc la Frailee, prOllYant aillsi qu'ils ne tcnaient
pas plus ú Icm nuLiOllalité, que n'y a"aient ten u lcs
ligueurs, allié~ coutre la Frunce avec l'Espaglle.




~-, 211:i ~


Comme l'espritde parti étouilait en ellx le sentimcllt
du patriotisme, il appartenait ¡\ Hiehelieu de le
relever, d'unc maniere éncq\"iquc et terrible, en
[aisant tomber les plus hautes lt!tcs de l'arist0era-
tie et du Calvinisme, al! Hom de la rliison d'Üat,
c'est-1t-dire, pOllr en fiuir avee le pass{~ f(~oda[,
pom ajournel' ¡'avenir n~publicüitl, et pou!' COI1-
sommer la transformation de la 50ci(-t6 contelllJlo-
ruine qui récltlll1ait relltiel' rélaúlisscmelll de la Jlo-
uarcldc el), ou mieux, qui vOlllait tou 1 ramener a
la Royaut6 qu'elle considerait comme la supréme
cxpression de l' unité l1utionale.


Pendant que Richelieu jetait les fondements de
cette Souverainetc dictatoriale et absolue, en cera-
sant les factions dans l'intériellr du Royaume, la
Maisoll cl'Autriehe, ayant elle-meme sllbjllgu6 les
rcvoltes des vassan.\:, reprcnail Ú l'extcricur ses
anciens projets qu'elle pouvait appuyer sur une
force nouvelle. Déjil la Cour de ViCIlDC et la Cour
de MadrId conspircut l'opprcssion de la Ilollandc,
dOIlt la liberté est d6sornwis nécpssaire il l'i[l(l(~­
pcndance de l'Ellropc. l\Iullc PuisSélllce !le s'op-
pose encore á lems V!lCS; muis Fcrdinawl tI, 01'-


(1) ,1¡;i,\ (¡ Jle,lsicurs ti", !'l1s,iC/n&lcc. - PI'~('CS Sl' ¡a¡¡porlaIl! él
nüstoire ue:; États de lGl!¡.




-- 219 -


dínail'emen l si Ílnhile, ayant nwnisfcstó impru··
,[CIllUlClll I'intention d'envoycr une flotte dans la
Unifique, inspire des erulntes fondécs ü Chris-
tiern IV, Rol de Düllcmark et dne ele IIolstein,
parent de Frédl~rie V, éleeteur palatin qlli a été
mis an ban dc l'Empire. Si la eonslítution germa-
nique est atteinte, ce i\lollarql1e doit eraindre pour
:;es ÉtaLs, pom l'archev(~chó ele Breme, pour les
l~vechés de T\lenden et Verelen que ses fils posse-
dent Ol] (lnivent possécler un jour, eL que l'Empe-
l'cur dósire leur enlever paree qu'ils sont évan-
:jéliqnes (1). Christiern se met sur-Ie-champ ü la
tete du parti anti-autrichien (2). L' Angleterre, la
IIollande et la Suedc lui promettent des subsieles
et le concours de lems flottes; la Franee lui pro-
met de l'argent (3) , et le Roi de Dancmark de-
vicnt, un instant, l' Agamemnon de l'armée pro-
testante. C'est le premier essor que la Monarehic
(lanoise ait pris, ver s le Sud, dans les affaires gé-
nérales de l'Europe (~).


Ferdlnand 6edt aussit6t á Christiern, se propo-


(1) 1l11l1Hlllt, Cor¡IS diJlfülII. Tum. V, parto IJ, pago [¡82.
(~, I\och, ,\iJn'(jI' de caist. des (¡'l/ill'S de paLco Tum. 1", ¡i3ge
~:!.


(:l) \illfil'io Sil'i, Jll'lIlOircs scn-els. Parl. XLVIII, pago 1U;).
:I¡) CItad,,;; de Viílers, l~·ssw·.\ Sil}' {esprit el I'influence rÜ' la 1'1'-


formu.tion de Lutlter. l'ag. 1:28.




~ 220 -


sant de le rassurcr u'abord et ¡mis dc l'efIrayer.
Celui-ci ne répond ni a ses caresses ni ú ~cs
remontrances. Ayant Ülit convoquer les Üats
du cercle de la Basse-Saxe, dont il est IllCUl-
bre, en sa qualité de duc de Uolstcin, il con-
clut a"cc eux une liglW cléfensive contrc l'ElllpC-
rcur (1), accepte le titre de Capitaine-G(~néral de
la conféclération, réulJit ses proprcs troupcs al:\
tl'oupes saxonnes et ounc les J¡ostilit(~s le long du
Weser, quc TiIly se propose de lui fcrmer. La
guerre, qui ne produisit ancun événélllcnt impor-
tant durant la prenlÍere annéc, fut pI cinc (l'ac-
tions décisives durant la sccondc. AH lieu de COlll-
battre, comme autrefois, ayec dcs forces militaires
appartenant aux Princes étrangers, l'Empel'cur
combat pour la premiere fois avec des troupes qui
lui appartienllent. L'armée impériale, commandée
par Tilly, lieutenanl da duc de Bavierc, avait, sans
doute, vaillamment dMendu sa cause; mais les 01'-
dres ({u'elle recevait, en ces 8Taves circomtances,
émanaient plutót de la Conr de Munich que de la
eour de Vienne. Aussi toule la conduite desaíI¿¡ires
étüit·elle forcérnent subordonnée üux intér6ts de
la Ligue, et non aux intérets de la Müison d'Au-


(1) Londorp, .lela publica. Tom. lll, pago 805.




- 221 -


triche. Pour s'afl'ranchir de cette dépendance a l'é·
gard des Princes catholiques et diriger sa poli ti-
(lile personnelle en toute liberté, Ferdinand ac-
cepte l'oiTre de WaldsLein, qui lui propose, au mo-
ment meme ou les finan ces de. l' Autriche sont
épI¡ü:Aes Lotalement, de lever une armée formi-
dable, ele l'équiper, de l'entretenir llleme, a con-
dition qu'i1 en aura le commandemel1t absolu et
qu'il en nOlllmcru les oalciers.


CeL hOlllt1W extraordinaire, déji\ cInc de Friecl.
land et eOlllV~ de l'Empiee, mélant dans su pensée
\lne rare connubsance des scienees positives aux
burlesques reveries de l'astrologie judiciaire, s'i-
magine que les astres dirigent la destinée hu-
maine des haulelll'S dll cid, et qu'ils lui prornet-
lent une grantleur supérieure a toutes eeHes de la
terreo Chef d'une armée llo111breuse, dévouée, re-
doutée et ne relevant que de lui,Waldstein marche
ver l' Elbe ('lG56), quoique l'Empereur lui ait
donné l'o1'<1re d'occuper les 1'ives du \Veser. en
triolllphe l'attend sur le pont de Dessau (1) ; beau-
eoup d'uutres plus loin. Ferdinand contemple
uvec joie les victoircs ele ses générüllx, In mort 01]


(1) Aubcrv, M¿illoires de lIollande. Pago 234-260.




- 222 -


la ruine de ses ennemis les plus acharnés (1).
Christiern, UI1 contraire, nhnndonné ou mal SOI1-
tenu de ses alliés (~), contemple avec douleur ses
propres défaites (3). Car il ne pCllt empecher Ti!ly
de pénétrer dans le Holsteio, l(~ Sehleswig et le
.Tutland; ni Walclstein (\~ prendrc possessioIl du
Brandebourg, du MecklcllIbourg, de la POllléra-
lli(~ etdclout le rivagc clelaHaltifluejusqu'úStral-
sllud, la si:deme des vilIes IlilllS(;¡¡liq:Jes, ou il se
propose d'équiper une Jlulte pOli\' COillClli¡' h
Suecle, ell llH~ll1e tCll1pS (111'11 ;lCz:Olll[l!íl'¡¡ la COfl-
quete du Danemark (lG2t.).


L'Empereur, ayant mis HU ban de l'Empire les
dnes de .\Ieeklembourg, qui s'étail~llt nlliés uve e
Christiern, uonna leurs dllehés el le litre de
Prince á Waldsteio, eil place de solde, et le nommll
"granel-aruiral dn Saint-Empire daos la lller Dalli-
»que et eluns l'Oeéan septentrional. IJ Celui-ci as-
sil~gea Strulsund, dont il voulait [aire la cílpitalc
de :ies nOlll'caux l~tats, .iurant de l\~mpol'tej' d'as-
Silllt, (, [(¡t-elle attachée au eiel avec des chaincs, et
n l'curer l'eüt-il enlouréc el'un cercle de diamant. ')


(1' Clrafa. G!'rmania san-lll'CS{Il11I'U{U. 1 'as. ~:lG.
(:2,1 1\.01'11. ,III/'(UI; (/1' I'llisl. ¡fI,1 II'''¡I<., di /'(/1,1'. I'it;:, {¡'l.
(:)) Cal';lrfl~ (icrnUOÚ(l S(U'I'([ /'( s/rU{t'I/{u. fiag. ~:j~,




- 223 -


Mais, soutenue par les autres villes hansbtiques
et par les forees eombinées du Oanernark et de la
Su(;(le, Straisund triompha de ses atta(Iues. Wald-
stein r(~solut nlol's de gagner l'amitié du Boi de
Danemark, en lui accordant la paix, au nom de
l'Elll]lCrcuf, el cn luí restituant tous les nombreux
dom¡¡ii¡eS (l!l'j[ Llvait perc1us, SOllS la seule condi-
tion de nt~ s'ingl:rer dan s les affaires de l'Ailema-
gne qu'uuLallt que hl (ltli\]ité dl~ tillC de Holstein
pOlil'l'ait l'exiger (Lubeck 21 maí 1629) (1).


All tlllJ l Waldstcin se monlra racHe envers la \10-
narchie danoise, uutant iI se montru difficile CIl-
vers ses ulliés de Dasse-Saxe. Il accorda tont a
Christiern en ce qui concernait les posses::iions
territoriales; muls ilIle lui accorda ríen en ce quí
concernail la SÚrl'll~ de la Daltiqne. Les dlles de
\leckletllLullrg, (kpoIJilll's par l' Emperem au pro-
tit de Waldstein, ne pOllvaient espércr que le vain-
queur se d("pouillútllli-melllC: en fa,cur eles Prin-
ces vaincus. TOLlS les historicns púlitiqlle~ l'obser-
vent a\ce unanimit(~. Si jamais le systbllC germn-
llique il été llIenad~ d'lIn renvcrsement total, ce
fut sans contrcdit b cette époqlle (:2). En cffet,


1) illltJIOIlI, (;01'}1" (¡¡ji l , TO:I1. \', l'art. íl, pag·. 5:<'(.
~) h,lIclI, JI1n:iJ/; rI,' Ufi.\I. rI,',I,'"it,;s dI' 1¡'lí.!'. TOlll. l",




- 224 -


l'Électeur palatin et ses ndhércnts onl été d(~rouil­
lés de leurs I~tats ; et le Roi de Dancmark, oblig(\
de sl1spendre la gucrre, suhit une paix honteuse.
Les lllthériens dol ven t se SOllmettre allX riglleurs
de l'édit de restitution, en vertu dml'lell'Empereur
décidera, de son alltol'ité priv(~e, tOIlS les difl'é-
rends qlli surgirollt, entre eux et les catholiqucs,
sur l'interpn'~tation de la paix de relig-lon, rcstreinte
aux seuls adhérents de la eonfession d' Augsbourg
non variée, pour en exclure les calvinÍ'ites (1); eha-
que protestant est eontraint de se dcssaisir des
biens, tant médiats qtl'imm('~(1ials, dont JI a pu
,'emparer depllis eette paix (1533) ; et la liber1('
de conscienee, accordée allX sujcts de l' Elllpe-
reur, ne s' ételld nullemen t aux sllj cts des Prin·
ces catholiques. Dans leurs Étals, ceux-ci pCllVellt
procéder selon qu'ils le jugeront convenahle, ,';
l'anéantissement de l'Église réformée.


« Cet édit renverse toutes les 10is, déplace tou~
tes les propriété'l, attaquc et bouleverse l'exis-
tence de la llloitié des Etats de l'Allcmagnc, ct


p:lg. 47.- Jlr(~cléric Ancillon, Tal¡leall des niml. dI! SI!,II. ¡¡otit.
rI" {'Eurol'!'. Tom. fll, ¡la;. lH. -\1. 1" ~Olll¡" cj¡, I::;,',J"I" tli.lr.
0('/1(:)'1/11.' des Inúró de /la;:r. Tom. ¡"', 1':1;, :;C;.
~ (1) Londorp, AClllll11llli(u. '1'0111. 111. par;. '10/¡K.-Dumont, COI 1'.1
diplo1l1. '1'010. V, part. n. p<lg. 2G


'
l.




- 225 -


anllOI1Ce aux nutres un sort pareil. TilIy et Wald~
slein doivent assurer l'exécutioD du décret par
lcurs armes victorieuses. L' Empire sans défen-
seur, lCi; Étüts salls union et sans point de rallie-
ment, paraissent perdlls sane:; ressoUrces ..... l'an-
ti(1I18 eonstitution germanique nc scra bicntót plus
(Ju'un funtóme; la liberté génél'ale de l'Europe est
lllCnaC('>e. ~Iais des événements imprévlls vont
c)¡unger la face des afTaircs el süllver l'éqllilihre.
La Suede possede un héros, la France UD minis-
trc, dont le gétlie est au niveau eles circonstan-
ers ('1). »


Pour maintenir la snpériorité de la Maison
(l'Autrichc, FCl'dillillHl II n'avait qu'u surveillcr les
tlals du l\ord et h rassllrer les États du Mic1i en
prolongeant la gllcrr~ que le Roí d(~ Su(~rle sOllte-
nait alors contre le Hoi ue Pologne. 01', l'Empe-
rellr ne tit rien (le tOllt cela, paree qu'il méprisait
la fuiblesse ucs uns el qn'iI v0111ait détruire les
furees des mItres. Ayant pris parti pour l'Espagne
contre la Francc, au slljet de la succession du
dnché de Mantoue, il espéra un moment rétablir
la Souverllineté imp(~riale au-delll des Alpes. tes
Allcmands disaient, en marchant vers la Pénin-


(1) 1'1'('<1 •. \ncilloll. Vide SII}JI,<l. TlJlll. III, pago 11[¡-11;).
1lI. (:J) 15




- 226-


suIe: « AlIons montrer aux ltaliens qu'il ya encore
» un Empereur. Rome n'a pas encore été saccagée
)) depuis cent ans, elle sera plus riche aujourd'hui
n qu'elle ne I'était alors. )) Mais les Frangais déja
se reprochaient I'ügnmdissement d'une Puissance
rivule qu'ils avaicnt contribué a relever uu moment
de sa chute, et dont l'humiliution était nécessaire
pour le salut de toute I'Europe (1). L'intérét pu-
rement relígieux aurait exigé une entente cordiale
entre les grandes Monarchies catholiques; et l'in-
téret purement territorial semait entre elles de
nouvelles discordes. Apres avoir combattu le Roi
de Danemark, ehef ues protestants, dans un but de
domination des po tique , l' Em pereur tirait l' épée
eontre le Pape et eontre le Roi de France : tant la
rdigion avait une faihle part unns une guerre faite
pourtant, en son nom, á la liberté de la pensée (2) !


La Maison de France et la Maison d' Autriche se
reneontrcrent sur le terrain des influenees poli ti-
ques, aussi sou ven t que sur les ehamps de bataille.
Hichelieu avait envoyé b. la Cour de Vienne Bru-
lart-de-Léon, chttrgé de terminer la guerre de
Mantoue; mais cet ambassadeur était accompagné


(1, T\:och, .1/m'ge de rHist.dcs traites de paix. Tom. I",page [¡S.
l:l) .\1. C:"sal' Canlu, 11 ¡SI. Cnic. Tom. X Y, pago 301.




- 227-


Ju pere Joseph (1), chargé de commencer un au-
tre genre de luUe. Sous une apparence de sain-
teté, Joseph cachait une dissimulation si profonde,
que Richelieu lui révélait tous les secrets de son
gouvernement. a Je ne connais aucun ministre
en Europe, disait le cardinal, qlli soit en état
de faire la barbe a ce capucin, quoiqu'il y ait
bonne prise. ,) L'Empereur venlit de convoquer la
di(~te a Ratisbonne pour faire élire l'archiduc
Ferdinand, son fils, Roi des Romains; et le pere
Joseph devait, non-selllement empecher cette
élection, mais encore obtenir la réclllction de
l'armée impériale et le renvoi de Waldstein. JI
agit si bien aupres des catholiques et aupres des
protestants, que sur les représentations unanimes
de la dicte, Ferdinalld licencia dix-hl1it milIe
hommes, dont le plus grand nombre passa du ser-
vice de l' Autriche it celui de la Suede.


Apres avoir obtenu ceHe réduction de l'armée,
on demanda le renvoi de Walclstein, sous prétexte
qn'il méritait l'exécration du genre kumain. Ferdi-
nand hésita d'abord a renvoyer le plus ferme ap-
pui de son tronc; puis il céda, parce qu'il


'1) Son Yéritablc 110m étail Fmllcois Lectac de {a Tl'wllúlllye.




- 228-


voulait a tont prix l'élecLion de son fils. Mais la
diéte se sépara sans l'avoir nommé Roi des Ro-
mains, quoique ce fUt l'unique but de $a con-
vocation. La Maison d' Autriche subissait done un
échec humiliant ; et la France triomphait. Léon-
de-Brulart et Joseph avaient aidé les electeurs a
}ouer "Empereur, pour faciliter ainsi l' e,xécution
des pl'ojets du Roí de SuMe (1). Leur mission oc-
culte était remplie, sinon leur mission officielle.
Ferdinand conclut avec eux un traité par leqllel la
France el l' Autriche promettaient de ne pas assis-
ter leurs ennemis alors déclarés ou qui se déclare-
raient par la suite. Richeliell, ne voulant pas rati-
fier ce traité, désa voua ses ambassadeurs, sous pré-
texte qu'ils avaient excédé leurs pouvoirs (2). El
r Empereur de s'écrier : « Ln pauvre capucin a dé-
concerté mes plans; le perfide a su faire entrer daus
son étroit capuce six bonnets d'électeurs! » Le
capucin avait fait bien autre chose. Au moment
meme ou nul État du Midi n'osait plus prendre en
main la défense du corps germanique (.)) , et OU


(J) ~lichel J,e Vassor, Hist. génér. de I'Europe sous le regne
ele tOllis XIlI. Tom. X, pago 425-[¡[¡1. Amsterdam, 1700-1711.


(2) Dumont, COl'pS dip/oII!. Tom. VI, part. 1, pago 9. - Léonard,
Rt'cudl des traités de 7wi.1'. Tom. IV, pag, 60-78.


(3) h.och,Abrégt! de l'IJisloire des (mittis de 7Juix. Tom,tO', pago
51.




- 229-


lous les États du Nord tremblaient, pour leur pro-
pre liberté, en voyant l'ambition de I'Empereur,
Joseph venait de lui susciter un ennemi destiné á
déli vrer l' Empire el l' Europe du despotisme de
la Mnison d' Autriche. La ruse d'un simple agent
de Richelieu a déja cornmencé le renversement de
sa pllissance; les armes de Gustave-Adolphe, Roi
de Suede, vont l'achever.


Ce Princc, monté sur le trone a l'é1ge de dix-
sept ans ('16H), fit écla ter, meme dan s son en-
fance, toutes les qualités d'un grand Roi. Son pere,
Charles IX, lui avait trunsmis trois guerres : l'une
contre le Danemark, l'autre contre la Russie, et
la derniere contrc la Pologne; Gustave-Adolphe
sut les diriger avec uutant de gloire que de suc-
ces. Par le traité de Knarreu, il rend a la Suede
toutcs les provinces dont les Danois se sont em-
parés (Hit:)); et par le traité de Stolbova, il lui
ucquiert les citadeIles de Kexholm, de Note-
borg, de Jania, de Koporie et d'Ivanogorod: clefs
de la Finlande, avec lesquelles il ferme aux Russes
les rives de la Baltiqlle et tous les chemins de
l'Europe, que Pierre-Ie-Grand devra leur rouvrír
(1617). Les hostilítés,en tre la SlIéde el la Pologne,
heurcuscs pour GlIslave - Adolphe, sont désas-




- 2;~u -


treuses pour Sigismond In, qui lui dispute la
couronne. Une treve de six ans est accordée par
l'intervention de la France 11) ; et le B.oi hérol-
que, n'ayant plus rien á (aire contre ses ennemis,
peut eniin tout entreprendre contre leur constant
allié, c'est-a-dire contre l'Empereur.


Outl'e ce grief, Gustave-Adollihe avait des inju-
res person nelles a ven gel'. L' orgueiliellx Wald-
stein, en refusant d'admettre ses ambü:)satleurs au
con gres de Lubeck, s'étaít écrié : «Ce petit éco-
lier n'a qu'a venir, on le chasscra a coups de
fouet. 1) Nul d'entre les Monarques ne 1'cdoutait
le Roi de Suede ; et la eou1' de Yienne pCllsait que:
u Sa Majeste de I/eige ¡ondl'ait aux rayotls da soleil
i1npériat. n lUchelieu seul, ayant compris que le
génie de ce Prince pouva.it élcver accidentellement
la Suéde, le plus faible de tous les États, au rang
des plus fortes Puissances, affermit Gustave-Adol-
phe dans le dessein qu'il avait de porter 6CS armes
en Allemagne pour ilssurer l'indépendance de son
propre RoyaulIlC el la sécurité de l'Europe.


Le Roi de Sliéde confie l'administration de
son pays il cinq sénateurs, convoque les États,


(1) Léollard, RccllcU des {)'aite" (Iu 1)(/ix. Tom. V. - Dumont,
Corps clip/olI!. Tom. n, parto l, pago 1.




- 231-


leur présente sa fille Christíne, agée de qua-
tre ans, qui doit lui succéder en cas de mort,
et publie un manifeste (i) plein de modération,
OU, sans trop mécontellter les Princes dévoués
au Catholicisme et hostiles aux vues despotiquu,
de Ferdinand, il déclare que le Protestantisme
attend un libéralcur. Arrivé dans l'ile de Hugen,
il ofTre son aHiance aux Électeurs de Brandeboul'g
et de Saxe. Ceux-ci, flui voudruÍenL bien la refu-
ser, l'acceptent pourtant, mais avec une extreme
répugnanee (2).


Les États protestants réunis a Leipsick, au líeu
de former une Ligue et de faire cause COlll-
mune avec Gustave-Adolphe, restent neutres au
milieu de eette guerre, ú l'insLigutioIl de l'Élec-
Leur de Saxe qui espere die ter les conditions de
la paix entre les pal'ties LeUigérantes. Les ÉtüLs
catholiques, assemblés a Dinkelspulh, se hatent,
au contraire, de formel' une Ligue et de faire
cause eommune avec l'Empereur, poul' s'oppo-
ser, soit aux entl'eprises du Roi de Suede, soit
aux vues de I'Électeur de Saxe, lequel, ayant
voulu s'élever trop haut, tombera vietime de sa


(1) Londorp, Acta 1Jublira. Tom. IV, pago 73.
(2) Koch, Abrégr[ de ClIistoire des traités de pui.r. Tom. l.


pago 52.




- 232 -


proprc amhiLion CI). Gnstave-Adolphe n'engage
aucune aetion décisive, paree qu'il atlend l'issllc
de ces négociations diverses. Pour avoir l'oceasion
de lui li vrer bataille, ou pour le forcer a se rc-
tirer, Tilly lllit le siége devant Magdebourg qu'il
cmporta d'assaut et qu'il anéantit (LO mai 1631).
De quatre milIe maisons renferm(;es dans celle
ville, il ne resta que la eathédrale et quclqlles ca-
hunes de pecheurs (2). Plus de quarante mille prr-
SOllnes furent passées GU [11 de l'épée. Les Croa les,
en s'enivrant sur leurs cadavres, prétendaicill cdüf-
brcr les 1lOces de MagdebollJ"g. On sllpplia Til1y de
faire cesscr lcurs atrocilés; mais il répondil : " Lais
sez-Ies félire encore une heure, puis re venez m'ell
parler; il faut bien que le soldat obtienne sa r6-
compense (3). 1) Et, Iorsque fut accomplie cettc
~uvre de destruction satanique, le général fiL
entonner le chant sacré du Te Dewn (b), cornme
pour étoufTer le cri de l'hurnanité qui s' élevait
contre eette barbarie.


(1) Jliehel Le Vassor, 11 istoil'e géllérale de 1'f<.'/lI·O¡IC ,1011,\
Louis .tIlI. Tom. ~. pago 60.5.


(2) Jean-Guillanme :\rchenholz, JUst. de (JllslaVe-¡l(lvlpize. Pago
322, 'J'uhingue, 1801.


(31 ~1. Cé,;ar cantn, /list. unio. TOIll. -' \ " pago :J03.
(~: \1. Ir cOllll(' (;ardell, 11 ¡o/vire y(/(c'}"a{e des lmili}:> de lJai,(


Tom. 1") pago 44, nole.




- 233 -


S'il n'a pu sauver 'lng(1ebourg, Gustave-Adol-
phe pourra du molos la venger. Sou\'crain cl. gé-
néral, ne relevall L par conséquent que de lui-memc,
iI llloditie ses plans ou en poursui t l' exécu-
lIon, 5elon son gré; change l'anden systeme de
guerrc; en fait une science nouvellc; n'abnndonnc
rü~n au hasard, occupe les forlcrcsses cOIlslruites
sur les bOl'ds des flcuves qui doivent protéger ses
progrcs ou su retraite; elll(~re, ,'un apres l'autrc,
Lous ses alliés ill'Alltriche; la cerne avanl de 1'eu-
vahir, et déconcerte les géoéraux, obligés de se
conforme!' allX ordre~: de leurs Souverains ou aux
intentions politillues des CabineLs. Le Hoi ele Sueclc
eL TilIy se rellcontrent enfin, dans les plaines de
Breitellfeld (7 septembre 16;.)[) : licu d' cxpia tíon
pour l'armée impériale, et de triomphe pour Gus-
tü\c-Adolphe (1). Toute l'Europe admira le géIlie
uc ce Prilli'e. (2uanel il eut abattu la ligue caLho-
l¡que en la démoralisant, il reconstitua la liglH~
protestante, en lui rcndant toute son éncrgie mo-
raleo 11 occupa le littoral qui s'étend depuis la
BalLi(llle jllsqu'!t la Baviere, et depuis le Rhiu


(1) CI1Ul'IililillS, /listo di' /,( 1j1l!:1'i'(' dc SI/á/!'. Pago :l00. -Pllf-
fendorf, Oc I'f:/!/I.\ !/('.I/iS Cllm!i-(iI/SfIlCi ,""I/('('i((: n,'gis. I'iasrcillo,
pago !¡:lO. - .1.-(; .. \ITIIClilllllz, 11 i.lf, dI' (;IlSIIl¡;c-~ld(}IIJI/·. 1\11" 31 i.
- Thcatrwn curopculII. TotU. 11, [lag. 432.




- 234-


jusqu'it la Boherne, entl'ainant, dans la rapidíté de
ses mouvemenls stratégiques, amis el ennemis;
cal' il ne pouvuit plus y avoir de neutres, depuis
qu'il se faisait considérer comme le vengeur de
I'Empire contre l'Empereur.


Vers la fin de l'automne, Ferdinand lui demall-
da une suspension el'armes pour hiverner; lllUÍS
Gustave-Aelolphc répondit : Les Suédois ne cOllltais-
sent pas d'!tiver. La guerre continua done; et, sui-
vant un historien, les dIoses en vinrenl au point
« de [aire redouter une nouvelle invasÍon des Goth::,
en ltalie et en Espagne. » En e1Tet, si Gustave-Adol-
phe se fUt avancé duns la Bohéme et daus les États
nutrichiens, dégarnis de troupes el mécontents, il
aurait pu dicter lu paix á l' Empereur dans sa capi-
tule, et [onder, comme il se le )J!'oposait, un Em-
pire évangéliq ue en opposition al' Empire catholi-
que. Mais illui fallul divise!' la guerre el ses ulliés,
et, d'un autre coté, ses généraux étaient loin de
l'égalel' en ardeur et en loyauté (1). »


C'est alors que, poul' échapper aux pél'ils qui
l'asslégent,Fel'dinand rappelü, d' nne vOÍx sllppliün-
te, l' ol'glleilleux \V üldstein, dont le renvoi parals-
sait etre la ca use unhIue de tous les désastres


(1) l\1. Cesar Call1u, IIist. uniu. Tom. X V. pago 405-306.




'- 235 -


eprouves par la Monarehie. Ce general ne revillt
qu'il la condilion u'avoir, dans l'armée, une puis-
sanee t~gale ü ceBe de l'EmpereuI', dans l'État.
Ferdinanu l'autorisa done a nomiller tous les ofll-
ciers, a leveI' des contributions, a récompenseI', á
punir, et á disposer, selon son gré, de tout ce qui
serait pris ou confisqué en AlIemagne. Il lui pro-
liJit, en outre, de JlC faire ni pnix ni treve, sa[js Sil
particípation; d ponI' prix de scs scrvices, de lui
COl1sLituer une Souveraincté, soit cluns les États
hérl'uitaires d' Autriehe, soit dans les pays conquis.
L' Emperellr désirait que I'archidue FeI'dinand, Roi
de Hougrie, :,:,c rcndit ¡\ ['armée pour apprendre
l'art de la guerreo ,la1llais, lui répondit Waldstein,
jamais,. je lle sou!!rirai pas qll'un second partage
Jltall COJJ/lJUllldelllellf, jiU-ce Diell lui-utéme!


A peine le .r;élléralissillw de toafe la Jiaisoll d'Au-
t1'iche, de t'J~rnl'ire el de l' Espagne eut-il planté sa
bamüere d'enrólclIlcnt, q 11'i! vit venir a lui plus de
(llJarante rnille hommes, d'autant moios soucieux
de gloire qu'ils étnient aJl'amés de pillage. Wald-
stCÍO ne marcha eontre Gustave-Adolphe, qu'apres
avoir expulsé les Saxo!ls de la Bohemc. Le Hoi
de Suóde, nyanL pris positioll en Baviere, pres-
que sons les murs de J\urclllberg, refusa con-




- 236-


stammellt la bataille, parce qu'il ne voulait tentcr
une action décisive que dans les États el' Autriche.
Waldstein se dirigea du coté de la Saxe; et l'É-
leeteur, cfTrayé, tit 1m appel a la lllagnanimité de
Gustave - Adolphe, qui accourut. L'armée autrl-
ehienne, surprise, accepta le combat dans les plai-
nes de Lulzen. te Roi de Suede tomba au eOlllmcn-
eement de l'aetion; mals le due Bernard de Saxe-
W cimar sut venger sa fin glorieuse. De sorte que
la mort du héros, 101n d'entrainer la défaite ele
son armée, lui fit remporter au contraire deux vico
toires eonsécutives sur le meme terrain et dans la
meme journée.


Le coup qui avait tué Gustave-Adolphe, auraít
aussi [rappé mortellement la ligue des protes-
tants del'Empire,si Hichelieu n'cút conservé GU Ca-
binet de Stockholm la direetion des alfaires d' Alle-
magne. Les généraux, formés a l'éeole de Guslave-
Adolphe, soutínrent el accrurent la pnissance de
leur patrie, en occllpant tout le Bas-Palatinat,
presque toute l' AIsace,les cercles de Westphalie et
de Basse-Saxe, la plus grande partie de la Silésie;
el. en mCllac;an t l' Autriche eL la Bobeme d'une in-
"asion nouvelle, Waldstein aurait pll eontenir
Jeurs progres, en déployant plus d'acüvité; mais




- 237-


il négociait en mcme temps qu'il combaltait.
C'est ce qui fit croire sans doute qu'i1 songeait
plutót a s'emparer du trone de Bohéme, qu'it
défendre les intércts de l'Empereur. «Ses lettrcs
qui ont été imprimées, et la procédure qu'on
a laissée sortir derniercment des archives de
Vicnne, dit M. César Cüntu~ ne fOllrnissent UIl-
cune preuve de trame, mais tout y atteste le dé-
sir d'en faire une. L'Empereur, qui ne pouvait
plus souffrir d'avoir en lui un maUre, le poursui-
vit meme sans l'entendre, bien que Prince so uve-
rain, bien qu'entré a son serviee aux termes d'une
convcnlion libre, et avee des troupes levées par
¡ ui-meme. JI promit une récompense il quieonqlle
le tuerait; et trois ofliciers de \Valdstein ['é-
gorgerent, en faisant subir le mcme sort a eeux
qui lui étaient le plus attachés. Ferdinand pressa
la main ú H.utler, principal auteul' de l'assassi-
nat, donna des clefs de ehambellan et des colliers
aux autres, eommanda trois mille messcs pour
ie repos de l'fune dll général, et tit publier un
han pour annoncer qll'il avait ecssé de vivre,
en déclarant que dans le cas de baute trahi-
son, il n'y avait pas besoin de proces \ '1 i. "


:i) llisl. univ. Tom, XV, pago 308-309.




- 238-


Apres la mort de Waldstein, les Saxons obtien-
nent des succes rapides en Silésie; toutefois l'ar-
chiduc Ferdinand, Roi de lIongrie et de Boheme,
répare bien t6t les revers de I'armée impériale. En
devenant son généralissime, ee Prinee ehange l'as-
peet politique de la guerre; ear la l\Jaison d' Autri-
ehe, qui la dirige désormais, reste maltresse de ses
propres destinécs. Chassé de la Bavierc , le duc
Bernard rencontre I'archiduc sous les murs de
Nordlingue. Une bataille s'engage; et la SuMe,
vaincue, abandonne l' Allemagne. L'Électeur de
Saxe a signé, malgré les représentations et les me-
naces de la France, une paix honteuse avec
l'Empereur, auquel il sacrifie les intéréts du eorps
germanique avec ceux de sa propre religion (t),
et envers Jequel iI s'engage m(~me a porter les ar-
mes eontre la SuMe, qui a deux fois sauvé ses
États d'une perte eertainc. Quoiqu'une parcille
puix soit dénuée de garantie, les membres de la
ligue protestante y accedent. La SllMe, ne pou-
vant plus exercer aUCllne int1uence en Allcma-
gne, par suite de cette défection, aurait traité


(1) Koch, Abrég(} de Cfli"f. dr:s TFllill's de ]JII¡.r. Tom. J, page
6¡). - I'Pllr¡uii,,'es, lA!lIrc8 el //('!JOCirlfiolls en AllcIIIlU/IIC. TOlll. IH,
pagc 3[)O. Pal'is, 1 í;¡:).




- 239-


avec la Cour de Vienne, si elle eut pu en obtenir
des conditions plus ou moios honorables. Mais
l' Empereur voulut abuser des victoires de l'ar-
chieluc, saos penser qu'il se préparait d'irrépa-
rabIes défaites. e'est alors que Richelieu, per-
sonoification absolue de la France, interviot daos
les afTaires d' AJlemagne, faisant ainsi ressortir,
aux yeux du monde politique, l'universalité des
intérets qui s'y trouvaicnt engagés.


Avant de se déclarer contre l'Autriche, le cardi-
nal de Richelieu, ministre de 1.Ol1is XIII, se dé-
clara contre l'Espagne, ou mieux, contre le
comte-duc el'Olivares, ministre de Philippe iV et
atlversaire obstiné de la France, dont il protégeait
lous les mécontents. La rivülité de ces deux hom-
Illes d'État exprimait le but contradictoire de leurs
Gonvernements respectifs. Ministres-Souverains, si
l'on peut ainsi parler, ils régnerent en qllelque
sorte l'un el l'autre, du consentement des Monar-
ques eux-memes, qui ne semblaient vivre sur le
tróne qu'u la condition de leur obéir. L'identité de
cette situation exceptionnelle devail rendre plus
éclatante la diversiLé des talents et du caractere de
ces deux personnages. Le géníe de Richelieu em-
brasse tous les príncipes supéricurs de la poli ti-




- 2[10 -
que; l'espriL d'Olivnres !l'en emhrnsse que les prin-
cipes vulgaires. L'un se retrolIve toujours dans le
grand et dans le praticable; mais l'nutre se perd
quelquefois dans l'impraticable et plus SOlIvent dans
le gigantesque. Celui-ci, en abusant ele la ~(onnrchie
absolue, sacrifie les intércts présents et futnrs de
l' Espagne a son propre despotbme, qui MOlIfTe
jusqu'au souvenir de la liberté civile, base des 50-
ciétés poli tiques ; celu¡-lit, au contraire, en [on-
dant la Monarchie absolue, sauvegarde les intérets
présents de la France par son propre despolisrne,
qui respecte les libertés locales, en vue d'un pro-
gf(~S général, ou mieux, d'une régénération [ll-
ture. Si Hichelieu habituait les peuples á la SOll-
mission, d'Olivares les poussait it la révolte. Il en
r(~slllta que l'Espagne pertlit le Portugal, faillit per-
dre Naples et la Catalogne, et s'afTaissn sur eUe-
meme, tandis que la Frunce gagnü des provinces,
• arreta en Europe la puissance de la Maison
~ d' Autriche et luí opposa la graneleur croissante
• de la Maison de Bourbon (1). D


En ce moment, la Sueue, Hesse-Cassel, Parme,
Victor Amédée de Savoie, Mantoue et la I10llande
se liguent avec la Frunce contre l' A ntriche. Quatre


(1) i\1. Gllizol, ¡,a Fl'a1/cc el la .lIaison de EOIl/'uon avant 1789.




- 2111 -


nrmées difTércntes sont en marche. Les hostilités
commencent avec éclat dans les Pays-Bas, oú les
maréchaux de Chatillon et de Brézé, vainqueurs des
lmpériaux pres d'Avein, se réunissent au Princc
d'Orange, non loin de Ma¡';stricht; et dans la Val-
teline, dont le duc de Roban acheve la conquete en
quatre combats. te maréchal de Cf(~qui et le com tr
(ir' Soi.~sons ne sont pas heurellx, ['un en Picardir,
l'au1re en ltaJie. Apres avoir barré le passage di]
mlanez uu premier, les Espagnols envahisscnt la
Frunce malgré le second, pendant que les lmp6-
r¡flUx, multres de la Bonrgogne, poussent leurs d{~­
tachemenls .iusC[ne sons lc!'; mnrs dr, Paris. n He IpY('f'
de conscrits fran<;ais a suffi pOllr expulser les "ieil-
les baneles castillanes. Louis XIII et Richelirn,
ayant elélivf(~ le sol national, promenent leurs dra-
peanx sur le territoire autrichien. Et les Suédois,
qlli ont été refoll!(Ss jusqu'en Poméranie, reparais-
sent en Allemagne, oü de nombreux sucees cfIa-
ceront quelques reverso


La France et la Su6de reprennent donc l'ofIen-
si ve; mais l' Espagne et l' Autriche ne se ticnnen t
plus que sur la défensive. Ferdinand TII succede n
l'empereur Ferdinand JI. Ce monarque sollicite
Ulle paix qu'il ne peut pbtenir; el la guerre conti-


1Il. (3) 16




- 242 -,


nue de l'un a l'autre bout de l'Europe sous la di-
reclion de Weimar, de Banner et de Torstenson :
gr¿¡nds hommes du Nonl üllxquels viennent se
joindre Turenne et Condé, magnanimes enfants
dn Midi. Les armées et les fiottes de la Muison
li','\lltriche sont écrasées pur les fioUes et les ar-
m(~('s de la 1\1aison de France. La Catalogne se ré-
\OaC contre Philippc IV pour se sournettre a
Louis XIII (HiltO) , et le Portugal, pour ne relever
qUf' de lui-mcme. Apres ces di verses révolutions,
l'Espagne, qui, depuis Charles-Quint, brillait au
premier rang parmi toutes les Monurchies, recon-
mlssant la supériorité (k la Frunce en ElIrope, ne
-·:';'a plus qu'une ¡:uissance du sccond ordre.


Cependaut les bütailles et les protocoles se suc-
ce!ellt alternativemeut. ;\ncun monarque ne dési-
¡,ait la paix; muis tous faisaient semblant de la vou-
l::ir, pour ne pus trop mécontenter les peuplesqui
IHyaient la guerre de leur sang et de leur ar-
;'ent. Les Princes vainclls espéraient effacer leurs
:.mcienncs défuites par de nouvelles victoires; les
Princes vainqueurs espéraient accroitre leur pro-
prc fortnne en raison des revers qu'ils multiplie-
raient chez leurs ennemis. 11 fallut. done attendre
que la gl'üvité mClIle du péril couru pUl' tels et




- 243-


tels États, menacés d'une destruction immédiate,
les décid&t a mettre fin aux hostilités commen-
cées dans le but d'assurer I'existence de l'Église
protestante en opposition de l' Église catholique. Le
triompbe de l'une ou de 1'autre Église était l'objet
de cette lutte ou toutes les nations de l'Europe se
trouvaient cngagées. 01', d'uo coté, le Catholi-
cisme ne pouvait plus l'emporter désormais sur le
Protestantisme, cal' les branches de la Maison
d' Autriche, si longtemps unies, venaient de se
diviser; el l'autorité du Pape n'était point respec-
tée par les Étals catholiques ellx-memes, puisque la
France, méprisünt les exhortatioos d'Urbain VIlJ,
favorisait la ligue évangélique. De I'autre COté, le
Protestüntisme ne pouvait pas non plus I'emporter
sur le Catholicisme, cal' il se [ractionnait en une
foule de partis également hostiles á l'unité catho-
lique, il est vrai; mais ayant chacun une détermi-
nation politiqlle difTérente, qu'on exprima par la
I\épublique en Hollandc; el en Suéde, par la Mo-
narcbie. L' Allemagne, seule contrée ou l'unité
protestante allrait pu se constituer, malgré le dua-
lisme des événcments et par ce dualisme lui-meme,
l' Allcmagnen'ayant pas un chef qui Iui flit propre,
cherchait un organisateur ou un instituteur par mi




- 21/4 -


les Souverains étrangers. Gustave-Adolphe eut la
Iwnsée de fonder un Empire évangélique en regard
el en opposition de l'Empire eatholique; mais,
apres sa mort, aueun homme de guerre ne fit revi-
vre ce projet grundiose, qui aurait rétabli la paix
dan s l'humanité.


Ainsi, privée d'une direction générale, daos l'un
comme dans l'autrc camp, l'Allemilg-np suivait plu-
sicurs tcndilnccs contradictoirQs et particuliercs.
Toutcfois, les catholiques se groupaid1t uutour de
la 1\laison d'Aur.riehe pour repousscl' l'étranger,
tandis que les protestants se liguuicnt avee l'¡~­
trangcr pour détrllire la j!llissanee de la Maison
!l'Alltriche. Néanmoins, les armes catholiques de
lil Francc ne fUl'Ult l)(IS aussi funestcs ¡\ eette dcr-
nUTc, que le falllCUX Oll\'l'ilge de Chcmnitz (1), dont
les maximes servireut de texte a tous écrits des
publicistes protestants. Apres avoir démontré,
dans ce livrc, que les Princes d' Allemagne for-
mulent une République aristocratique , et non un
Empire, puisque la Souveraineté loin d'apparte-
nir iJ.l'Empereur, appartenait üUX États, Chemnitz


(1) rhilippr 11t' Cltemnitz, nr en POlll(;I':tllir, était al! servire
de la :-ini'dr. :-ion ¡i\T1' intitulé: lk /'illio/ll' ,,/i/II/:> ill i/ll¡lI'/'iu 110-
?/lIlIIO-I!cI'II/IIuico, fllljJlllJlil' en H;IIO. in_'/O.




- :245 -


les invitait a former une ligue générale contre la
~Iaison régnantc, dont l'autorité despotir]ue élait
un fléau ponr la liberté. Aussitót les États et les
Princes de l'Empire, jaloux de rentrer en posses-
sion de leurs droits, regardérent· comme un de-
voir de désobéir aux décrets de l'Empereur, quel-
que justes qu'i1s fussent. a En efIet, les Prinees,
voyant une usurpation dJlls ehaque ordrc émanl~
du Trone, ne s'accoruérent plus avee l'Emperellr,
au détriment de l'ennemi. Prétendant faire la
guerre et la püix eux-ll1emes, ils voulurent en-
voyer leurs députés a un congre:3 auquella Frunce
les appeluit, pour consolider la liberté civile el
religieuse contre les envahissements de l' Au tri-
che (1). ~ Nulle Ilé~ociation particulicre n'était
possiblc au milieu de eette défiance générule :
aussi les hostilités eontinuerent. Turenne et
Condé, rivalisant de géuie, de bonheur et de
gloirc, triomphent a Rocroi, a Fribourg , á Nord-
lingue, il Augsbourg et il Lens; tandis que les
Suédois s'emparent de la Nouvelle-Prague. Tou-
tes ces défaites successivcs mcttent l'Emperelll'
dans In eruelle nécessité de terminer la gllerre et
d'implorer la paix, qlloiqu'iI puissc craindre, el le


(1) )1. CC&ilr Caulll, 11 ist. GniL'. TOIIl •• \ v, pag :312-:31:3.




démembrement de l'Empire en faveur de la France
et de la Suede, el la destruction de sa propre auto~
rité; car le parti vainqueur en Allemagne désire
anéantir la Monarcbie irupériale pour créer une
sor1e de TIépubJiqlle 1


.Tamais négociations diplomatiql1cs ne fUJ'cnt ni
plus longues, ni plus compliquécs, lli plus ditn-
ciles que celles qui précédcJ'ent le traité de West-
phalie (1). Quoi(ILIe les préliminaircs eusscnt été
déjú signés u Hambourg, en 16lJl, l'ouvertnre du
congres, a Munstel' et a Osnabruck, n'eut lieu
qu'en 16M .• La France présidait aux confércnces
de Munster; la Suéde a eelles d'Osnabruck. 1I s'a-
gissait, id et la, de fixer les destinées de l'AHcrna-
gne pour sauyegarder celles de l'Europe. Ce dou-
ble con gres dura quatre ans. La plupart des int6-
rets furent sarsfaits, mais peu de différends furent
vidés. On le sait : la Suede était en guerre ayec
l' Autriche, la Baviere el la Saxe ; l' Autriche avec
la Suéde et les Étals protestallts; la France ayec
l'Autriche et l'Espagne; I'Espagne avec la Frailee,
le Portugal et les Pays-Bas. Et la plupart des Sou-
verains auraient voulu [aire, de leur proprc
égolsme, une question d'humanité. D'ailleurs,


(1) Koc!J, '1'al>(,(/1/ dC$ rcrol. de I'Huro¡lc. Tom. n, pago :126.




-- 247 -


, c'dait pour la premíere fois (!UC les ELtts de
l'Europc puraissaient [ormer une Hépublique des
Puissances, et qu'ils sentaient la nécessité d'¡¡s-
surcr l'intéret général, en consultant lons les
intérets particullcrs; et de combiner toutes ¡os
forces, de maniere que, par leur action et !cm
réactioll réciprO(lilcs, allCLllH~ ne flit écrasée, ;m-
cune ne devint tyrauniquc (i J. 1) te Ilwndc p,;]i-
tique n'üvait jamais o1l'e1't un speclaclc aussi llJí(-
jestueux. Excepté l' Allgleterre, la Pologne el la
Hussie, loutes les Puissunces, faibles Oll [orles, y
envoyerent des ministres plénipotcntiaires. H n'é-
tait réservé qu'au X\\' sÍecle de 1110ntrer une as-
semblée encore plus impasallte (~).


Quelque nombrcu3cs et cOillIJlicIUécs qu'eilcs
[usseut, les négociations llC pouraicnt HVO¡¡
pour objet que deux eh oses parfaitement disLinc-
tes et précises: 10 la répurtitioll des COll1penSG-
tions ou indemniLés entre la France, la Sucde el
les États de l'Empire ; 2° et la détermination des
rapports de poliLique et de religion en AIlC'lllagnc,
garantis par toute l'Europe.


Les indemnités furent réparties de la maniere


(1) Fl'éd. Aueil!ol!. Vid. SU/l. Tom. Ul. page 225.
(2) :\1. le CClllllc de (;arrlen, lli81. {](:/l(;I'. !les {mil/;s de ¡¡,Ii.!.


Tom. 1, pago 87.




- 24H-


sllÍnUlte : La France obtint, outre l'Alsace, les
yillc1i dc ~Ietz, de Toul et de Vcrdun, oú elle n'avait
exercé jusqu'alors qu'un simple protectorat, et
aussi la place de Pignerol, en PiénlOnt. La Sll\~de
ohtiot la Poméranie occidentale, une partie de la
Basse-Poméranie; l'ile de Uugen, la ville de Wis-
lllar, l'archeveché de Bréme, l'évéché de V crden,
trois voix dans la diete de l' Empire, et cínq mil-
lions d'écus pOllr le paiement des troupes qu'cllc
devait licencier. Enfin lc Roi de Suelle devinL
membre du corps germanique, pour les distI icLs
qu'il acquérait au nord de l' Allemagne, conww
le Roí de Danemark pour le Holsteiu, el COlllllle
ceJui d' AllgleteITe pour le Hanovre.


QUllnt HUX indcmnités qu'on cherchaiL ü ré-
Jlurtir clltrc les Étals de l' Empirc, Oil les trouva
dans la séculurbution des bieIls ecclésiastiqUl;S.
La Maison de Brandebourg obtint la Poméranie
orientale, l'archeveché de Magdebourg, ainsi que
les é\'echés de Halberstadt, Cmllio et l\Ienden:
pl'emiers fondemeuLs de la l\Ionarchie prus-
sienne. La ~laison de ~lecklell1bourg obtint les
évcchés de Schwerin eL de Ratzebourg ; la Maison
de Hesse-Cassel oblilit l'ahbaye princiere de Hirs-
chll1d d blx ceut aJille ~cu:, ; la Mubüll de BrUllS-




- 249.-


"jI, -Lunéhourg cut l'alternalivc de l'éveché d'Os-
niJ;,:~uck. Un huitieme électorat fut érigé en faveur
uu comte Palatin, dont l'Empereur avait transféré
la dignité au duc de Baviere (1). Mais la question
relative a la succession de Juliers resta pendante
jusqll'au trailé de Cleves (1666). La guerre conti-
Ilua, d'une part, entre la France el l'Espagne, et de
/'autre, entre !'Espagne et le Portugal,jusqu'au trai-
té des Pyrénées (1659), et jusqu'au traitédeLis-
bonne (iGl:i8) ; cal' ces puissances rejetcrent toutes
les propositions de paix. Mais l'indépendance des
Provinces-Unies fut reconnue par l' E~pagne, et eeHe
tle la ConfédératloIl helvétique par l' Aulriche. Tou-
les les Royautés de l' Ellrope virent s'éJevet' ces
dClIx Répllbliqllcs ilvce plaisir, paree qll'ellcs COIl-
tribllaient á J'abaissement de la Maison de I1aps-
hOllrg.


Les rapporLs de poli tique el de religion étaienl
bien plus diflicilcs a déterminer que les rapports
de nationalité. Appelé n rell1plir le beall role de
ll1édiatcur entre les catholiques et les protestants,
suivant le v~u des Rois, ou ll1icux des Monarchies
particulü~res, qni formaient ensemble la constitu-


(1) I)l1l1l01ll, G01pS di¡I[V1Il, Tom. VI, parlo 1, pab• l¡50-!¡69. -
Léonal'll,llcClU'il d('.\ f/'ili/l,\ de lwi,E. Tom. U1.-Koch, Tablcull
(/(:s /'evo/. de {Europe. Tom. 11, pago 128.




- 250-


Hon physique de l' Europe en 1m illlprimall t plu-
sieurs directions spéciales et distinctes, le Pape
conservait encore l'espoir de ramener le monde it
la Monarchie pontificale, symbolc de l'unité su-
preme, pour réaliser de nouveau la constitutiou
fédél'ative et lllorale des peuples chrétiells, en lellr
imprimant une direclion gé[H~rale et universelle.
Aussi ohservnit-il ({ une parfaite neutrali té en tre
les partis, afin d'éviter tout ce qui pouvait donner
le moindre soup~on de partialité (1). ~ Mais la
guerre ayant en pour hut d'assurer l'inc1épendance
des protestan ts vis-B.-vis des catholiques, la ~¡;jx
devait avoir aussi pour but, contrauictoirement
aux vues supérieures du chef de l'Église, non de
réconcilier ces deux grands adversaires, mais de
les faire acccptcr l'un ell'autre comme parties Í'l-
tégrantes de I'État. En conséqllence, les conven-
tions d' Augsbourg furent confirmées; la chambre
impériale fit asseoir vingt-quatre protestants ú cóté
de vingt-six catholiques; le conseil aulique 5'OU-
vrit a dix réformés, el la diete renferma un nOIll-
bre égal de catholiques et de protestants, pour
montrer qne la difTérence de religíon n'exclnaiL


(1) ;\1. le comte de Garclen, Bist. (]cnér. des traitc's ele ¡mü;:
1'001. 1, pago 90.




plus l' identi té des droits et des id lérds lJoliLiqucs.
Les reglemcnts relaLifs it la constitution de l'Em-


pire transforlllcrclll les Prince8 d' Allemagne en
véritables Souveruins, ayant l' Empereur pOllr su-
jet. Aueune résollltion législative, aucune décla-
ratiOIl de guerre, aueun [raité de paix, aueune al-
lianee, aucune lcvée d'holllmes Oll d'argent ne put
s:~ tidrc qu'uvcc Icm libre eonscntcll1<:nLCes droits,
(Iue nul EmpcrcllJ' n'avait jamais reeOIlnus ni aus
Prinees, ni aux EUlls de J'Eillpil'c, scrvircnt désor-
mnis de base a la eonslilulion gcrmanique. Et tan-
dis que la Couronne impóriale perdait, en quelque
wrtc, le caractere meme de la Souveruineté,
non-seulement les États cOlls('rvnicnt lcurs au-
tiques privil(~ges et la supériorité territoriale, s'é-
lendant UtIX eh oses spirituclies eomllle aux ehoses
temporelles ; lIldis eneore il s obtcnaien t la faculté
de eontraeter, soit entre eux, soit avec les PUíE-
sanees étrangeres, n'importe quelle allianee,
pourvu qu'elle ne fUt dirigée ni contre l'Empcrcur
el l'Empire, ni eontre la paix publique et le traité
de Westphalie. Pour cmpeeher que la dignité ¡m-
périale ne devlnt hüéditaire dans la Mai800 d'Au-
triche, les plénipotentiaírcs eussent voulu que le
Roi desRomains fut élu par la diete, et non par les




- 252 --


Princes-Electeurs. On se boma pourtant áfixer les
termes d'une capitulation perpétuellc qui dut etre
jurée par chaque Empereur. ~lais l'Empire o'était
déja plus qu'uoe vaste confédération d'États, pres-
que indépendants et souverains, dont la puis-
sanee garan tissait , par l' asservisscmell t eJe la Mal-
son d' Autriche, la liberté généraJe du Continent.


Le traité de Westphalie donna une paix ú l'Eu-
rope, et u l'Empire une cODstitution. Ferdinand,
auqnel on De laissait que le vain titre d'Em-
pereur, et le Roi d'Espagne, auquel on enlevaiL
l'Alsace, protestérent contre tout ce qui s'était
fait. Le Pape lui-meme ne pouvait accepter un
pareil droit public, attenuu que, sacrifiant l'ioté-
ret religieux u l'intéret poli tique , il détcl'minait
l'étahlissement légal du Protestantisme en opposi-
tion du Catholicisme, sanctionnaiL toutes les ré-
voltes el faiGait monter chaque i~lit u la hauleur
d'un principe, SOllS prétexte de consacrer défini-
tivement la séparation du Pouvoir temporel el du
Pouvoir spirituel. Agir au trement, n'était-ce pas
imputer a Dicu ledésordre el les erreurs que la
civilisation avait inlrodllits dans l'humanité? N'é-
tüit- ce pas déclarer posilivement qll'il n'exis-
Lait plus pour l'hoffimc, ni en rcligion, ni en poli-




- 253-


tique, aueune vérité fondamcntale, ineondition-
nelle, propre enfin a servir de hase au eomplet
rétablissement de l'ordre? N'était-ce pas enftn Dier
ses destinées imlllortelles et accomplir son propre
suicide? La paix de Westphalie impliquait, en ef-
fet, l'aveu formel de l'impossihilité ahsolue ou se
trouvaicnt les Monarqucs, d'opérer un rapproche-
ment quelconque entre les deux partis, dont l'an',
tagonisme sinistre compromettait le salut des so-
ciétés. i\éanllloins, on ne tínt pas plus eompte de
la protestatioD du Saint-Siége, que de eeHe de la
Maison d'Aulriche. Et l'Europe, se eonstituant
elle-mrme sur des principes diplomatiques exclu-
sivement matériels, ou mieux anti-religieux, rem-
pléll;;a la politique rcJigicusc du moyen-age, c'est-
a-dire uDivcrselIement et moralement ohligatoire,
par un systcme de cODtre-force, ayant pour but de
prévenir l'abus de la force au moyen de la force,
et destiné conséquemment a la faire triompher
mellle du droit; puisqu'on rejetait, d'une ma-
niere systématique, toute légalité morale dans les
relations d'Btat a État, de Souverain a Souverain.


La paix de Westphalie De uevait etre, et ne fut
qu'une treve. Les grands efforts qne 1'on fit pour
la perpéluer durant prés de ueux siécles, en la re-




- 254-


nouvelant dans chaque traité subséquent, bien
qu'elle n'ofTrit aucnne garantie salutaire, devin-
rent funestes a l' Europe. Car, loin ue rétablir 1'u-
nité nécessaire au développement ultérieur de la
civilisation, elle détermina un dualisme fatal entre
la liberté et l'autorité, dan s l'Église et dans l'É-
tato Des ce moment, il n'y eut plus de société pro-
'prcment dite; puisque ¡'existence d'une société
implique un but commun a tout un peuple et a
tous les peuples; mais il y eut des partis essen-
tiellement opposés dan s leurs principes et dans
leurs fins, puisqu'ils étaient en contradiction, et
par la maniere dont ils envisageaicnt leurs intérets
terrestres ou droits sociaux, et par la maniere dont
i1s envisageaient leurs intérets célestes ou devoirs
religieux.


La premiere manifestation historique de ces di-
vers partis, et de leurs tendances respeclives, s'o-
péra bientOL chez les Anglais, en faveur de la Ré-
publique et contre la Royauté, qni devait périr par
cela seul qu'elIe avait déclaré, a ~Iunster et a Osna-
bruek, qu'il n'existait plus aucun principe de su-
lut, aueune regle de sureté pour le monde euro-
péen. Les Rois ignorüicn t clolle les conditions mo-
rales et pratiques de l'aulol'ité; les peuples igno-




- 255-


raient aussi les conditions morales et pratiques
de la liberté. Charles ¡er mourut victime de cette
si tuation encore sans exemple dans l'histoire des
tlüls civilisés Le peuple anglais immola son Roi:
expression de la Souveraineté divine parmi les
hornmes, afin de vivre par soi-meme en vertu d'un
nouveml droit : expression de la Souvcraineté hu-
maine. Et ecUe abominable cJcstruction d'une Sou-
veraineté par I'autre, cl'li, lorsqu'eIle s'accomplit ,
n'en fait que micux éclatcr lcur indcstructibilité
réciproque, se rcnomellcra néanmoins, dans I'his-
toire, jnsqu'ü ce qu'nn principe supérieur vienne
eITcctuer kur providentielle idcntification, en sub-
stitllunt, au hut illdividuel des partis, le but uni-
versel des sociétés.


. .\';'






CHAPITRE XXIII.


ABOLTTIO:'l DE L\ nOY\(lTI; EN \:\"(;UTERRR.


Sommaire,


"ituation génél'ale des Iloyaulps en Europe. - Sitllation partÍculii>re
de la 1\0yallV\ pn .'\nglelel're. - Origine des partis au sein ¡Jp la
,()délt~ angiaisl;. - Leurs transformalíoils sllccessiws. - Jac-
qllrs T". - ;\ nla¡:onisme de l'alltorité el tle la Iibr.rlé. - .\vrnp-
í1le-nl de r.harlrs f". - Conyocations el dissolulions sl1ccessiyes
I\U Parlement - Toules les lcnlalivcs faites pOl1r élllblir la \10-
narchie conslilutionneJle, ayorlcnt l'une apres l'aulre. - Betouf
11 la \Ionarchie absolue. - Répulsion génél'ale du peuple anglais
conlre le despotisme. - Éllligl'aliolls. - Les episcopaux el les
presbylériens. - Charles 1" veut constituer l'ullité du culle en
1::c05se.- Inquisilion an¡:lie~ne.-lllsurn'ction écossaise. -Char-
It,S j" COlJvoque un 1I01lVl'ilU l'arlellJenl.-Les COIllIIlUnpg lllanifes-
¡"nI des illtcutinns !"('¡l1IiJ!icainl's. - nissnlntion du Comt-I'arle-
mcnt. - Les lll¡'Contents anglais font canse commune avec les
(:cossais reiJelles.-T.'anr,¡"c {n~Cosse en AnglctelTc -CoIl\ocalioll
<iu Long-Parlelllcnt.-Silnn.tion respective de In. Cour, de la !latíon
el des partis. - Ln. sOllvi'raineté du droit divin el la Sou-
veraineté du droit hnmain sont en présence. - Condam-
natíon el ;mpplir,e elr, Stl'afforel. - Lsurpations continuelles du
Parlement. - Concrssio!ls de Charles T". - Son voyage en Écosse.
-- \lassacre eles Anglais en lrlande. - Remonlrance elu Pal'le-
men!. -]\ohle réponse du P,oi. - Cavaliers el Tetes-nondes. -
Le parti monarehiqlle el le parli presbylérien. - Ilne s'agit plus
J'lllle réfofme monarchique, muis d'lIne révolulion poplllaire. -
Charles 1" essaie de faire un coup d'Élat el n'y réussil point. -
Premiere guerre civile. - Le Parlement traite avee les Écossais
qui lui fournisscnt un corp~ d'armée. - Le Iloi np, prut plus sou-
tenir qu'unr ln!!I'. illrgal(~. -- Plnn r!'llll IJOllVCal! gOllvernPI!J('n!
ecclésiaslique destiné il cimente! l',lllioll poli tique de ]'¡\1l2',-klTi'


JU. (3) 17




- 258-
el de l'f:cossE'. contl'C le lIoi. - Les presby¡¡;riens el les intléprn-
dants. - OiilÍer Cromwell. - BiIl GU rClIollccmcnt!t SOi~ln('lIlr.
- La force-armée passe (lans les maills des inuepenuants, C'('st-ü-
dire de Grolllwel!. - Défaitt's ele l'anl\ée royal!'. - VictoÍl'e,; des
illdl~pellrlallts .. - Citarles ¡e' se rUllgie panni les ÉCossais, flui le
linent al! Parlelllcnt. - L'éll'l1lt:P s'clllparc de la pcrsonne uu I\oi.
- Crom\vell rait allolitcr une ordollllilnre par laquclle ton, h's
I'ouvoil's !UlIlUdll da:ls la lllain du l'arlelllcnt. - Ce \olp no-
pnbliraiu faíl "elati·1 1:lie ji;actic.¡¡ ll!lJual'chir¡uc dans luntc' r \n··
gll'lelTc, - Secoutle gllerre ci\ih'. - Triollll,he de Crolllwell. -
Le ParleUlt')]! H'ul restaUi\'r b ¡;oyault': n,ti, l'annee, SOIlS ]C, 01'-
III'PS de CnJlll\\id¡, \,('ul fOllrln ulle l:é¡Juhliífue. - Le l'al'll'IIIf'1l1
1'.,1 tlél'illll; par rarllll"C. _. F,'l'IJI:llilll: (l'UtW Ilallte-cOllr pour ju-
(1:1'1' le Hoi.- Crmrlamnali'lil 1'1 supplice de Cll(Il]PS 1". --.'li¡,li-
liun de la 110) aull',


L' Angleterre n'avait pris part ni a la gucrrc (le
trente ans, ni u la paix de \Ve:)lphalic, qnoiqu'ellcs
cussent pour but de fonder l'existence lég:l!e du
Protestantisme en opposition du CülllOiicisme, et
de n~partir [es dcstinées générales de l'hl1maniV~
entre ces deux rcligiolls, au moyen d'un nouveau
systeme l?olitique destiné a leur garantir une par-
faite égulité de droits. l\lais le peuple insulaire, qui
poursuivait naguerc de sa haine protestante la
plupart des Ilations catboliques du Contínent, de-
vcnll indifférent aux diverses révolutions qui s'ac-
complissaicnt en Europe, ne se passionnait alors
que pou1' sa p1'oprc révolution, entreprise dan s le
hut ele [onder I'existence légale du droit humain




- 2;'50-


en opposition du droit divin, et de répartir les
destinées générales uu pays entre le Monarque et
le Parlement, uu moyen d'un nouveau systeme po-
liLique destiné a lenr garantir une parfaite égalité
d'influence et d'action dans la Souveraineté.


Ainsi, pendant que les Rois de l'Europe em-
ployaient la violencc eL quelquefois I'iniquíté pour
assllrer I'indépendance de leurs propres États, qui
pouvait etre délruile par la Maison d'Autriche,
el pour oLtenir la faculté de crécl', mol'alement et
positivement, la législation politique du monde ci-
vilisé, la nation Ll'itannique employait aussi la vio-
len ce et l'iniquité poul' reconquérir sa propl'e in-
dépendancc, qui avait été détl'uite par la Maison
de Tudor, et pOUl' ohtenir le droit de créer, spé-
culalivelllent et pratiquement, sa proprc législa-
tion polithIue.


Non-sculement en Angleterre, mais aussi dans
toutcs les Monarchies, soH catholiques, soit protes-
tantes, con&idérécs comme corps poli tiques , un
grand travail révolutionnaire s'était accompli sous
l'empire des nouvelles doctrines religieuses. L'au-
tol'ilé de l'Église no servait plus nulle part a
corroborer l'aulorlt{~ de l'Üat, puisqne l'Etat fai-
<iait partol1t la loi it l'J~gJise. Aussi 1'{~(ILlilibre n'é-




- 260-


tait plus possible, dans le cceur de 1'11omme
ni dans celui des sociétés, entre le sentiment du
droit et le sentiment du devoir. La raison indi-
viduelle, ne rcconnaissant aucun principe supé-
rieur a elle-meme en matiere de foi, alIait, par une
conséquence directe, ne plus rcconnattre bient6t
aucun príncipe en matíere de gouvernement. Cet
ablls de la liberté entrninait une anarchie presque
générale; de sorte que les Souverains ne pou-
vuient maintenir, sinon l'ordre moral, du moins
l'ordre matériel, qu'au moyen du despotisme,
c'est-a-dire par l'abus de l'autorité. Suivant qu'ils
étaient eux-memes protestunts ou catholiquts, les
Hois se transformercnt donc en chefs de révolution
CLl en chefs de réaction , ici pour contenir les ad-
versaires de l'Église romaine; Jú ponr contenir les
adversaires de l'Églisc róformée: ceux-ci et cellX-
la étant également considérés commc ennemis de
l'État. Il en résulta qu'une lulte aussi étrange (lue
fatale s'établit entre la force et l'opinion : l'une
représentant un élément de création morale qu'il
est impossible d'anéantir parmi les Peuples; l'au··
tre, un instrument physique de dcstruction qui
devait se briser t6t ou tard entre les mains des
Princes. La force prévalut néanmoins sur l'opi-




.- 261 -


nion. C'esL aiosi que la poli tique royale perJít
loute sa moralité.


Quand les Monarques eurent constitué ieur
Ponvoir sons la forme J'llne Jictature, fait maté-
riel, ils cesserent d'exprimer le principe uu droil
divin, et n'exprimcrent désormais que la négation
du droit hunHlin. Car,outre que les lois politiques,
émanant du caprice de leur personnalité, n'é-
taient l1ullcmcnt conformes aux loís morales créées
par Dicu; elles ne pouvaient pas davantage etre
conformes aux maximcs pratiques admises par les
groupcs sociallx et pll1s ou moins rationnelles,
suivant le clegré du développement intellectuel de
l'humanité. Mais, puisque les Prínces avaient clé-
truit, eux-m0mes. le seul principe qui réalisut la
stabilité des États chrétiens saos porter atteinte
aux prog!'(~s de la civilisation, il fallait s'attenclre
ú ce que les Peuples ne rcsteraient pas longtemps
soumis aux décreLs u'une autorité qui ne lcm
oiTrait rien de ll10ralement obligatoire ; et qu' ils
consacreraient tous leurs eiTortsa créer eux-memes
un autre príncipe de gouvernement,au milieu des
révolutions les plus profondes , surtont dans un
tcmps ou la tyrannie des hommes ct des sectes se
développüil sous le 110lIl de liberlé de la pcnsée!




Chaque natwll, eH ellct, nc; "ivllnl plll'i ulül'ale-
lllent par son Boi, mais "ouJant "i"re positivc-
ment par elle-meme, tra"ailla dl~S Iors ü la forma-
tion politique d'une Souverninelé Ijui lui fút propre
et pOUl'sulvit, de fait, en vcrtu des principes
du droit hl1main, comme unhutpresquereligiellx
OH divin, la destruction ¡le crlle des Bois, qui
n'était plus une Souveraineté de droiL, dans Icsens
absolu du moL


.Les Monarques de I'Europc s'imaginerent qu'ils
auraient la faculté de prévenir une révolutioll
aussi formidable, en rcdOllblant de despotis-
me et en effa<;ant le moindre vestige de liberté,
c'est-á-dire en laissant susbister, dans l'opinion de
leurs sujels, ses vérilablcs causes; el l'ca;~t p;'o-
duit par leurs propres déterminations, fut tIc rCll-
dl'e cette erise plus ou moins prochaine, plus OH
1110ins éloignée, mais inévitnble. Ficrs d'avoir inau-
guré, par le trnité de Westplinlic, Ull systeme poli-
lirlue n 'ayan t (l'illllrc hase généralc que l'in Lér(~ t
particlllier, iIs se proclmnérent seigneurs ct mní-
tres de leurs Hoyaumes, sans rCCOllIlnflre aUCUli
suzcrain, pas mL'me le Pape, dont I:t suprématk
spiritucll() llC fuL plus, sow, le rapport temporeJ,




h qu'un therne a débattre entre docteurs (1). 1) On
dalllit ti ¡mi la il'~t~itimi i~ : doc:tríne sOcialc 11 yan t
pour but de constiLuer le d1'oit ¡m-c1eSf,us du fait,
en meme tCllIpS qu'on étahlissait l'équilib1'e : théo-
ríe diplomatique ayanl pour hut de constitucr le
[ait all-dcssus du droit. Au moyen de ces milximcs
contradictoires, il élait faciJe de Iégitimer les ini-
quités les plus l1lonstmcuses; puisque uul Souve-
rain, daus ses rapports avec les untres Souverains
011 dans ses rapports avec ses prop1'es sujets, ne
se référait a aucun príncipe ahsolu : regle illl-
muable du droit et du devoir sur la terreo Et l'hu-
manité, se laissanL cnlratncr 1101'S des voies de la
vérité religieuse, morale eL politiquc : symbolc de
conservation ou d'ol'clrc, de progres ou de créa-
tiOll, marcha déso1'mais ve1's un abilllc d'cl'reurs,
de désordre et de destructioll.


CcUe ten dance [atale se manifesta d'abord en
Angleterrc: seuIe contrée de l'Europe oil. l'arislo-
cratie, gardienne des libertés publiques, eúL faíl,
durant tout le moyen-age, ulle constante opposi-
tion an despotisme de la Royallté, pOllr s'assurer
la posscssion légale du gouverncmcnt. En ef-
fet , le texle llleme de la Grande-Charle élcvait,


(1) ;11. Cesar Ganlu, lJisl. uniD. Tom. XVI, paco 1.




autour du Pouvoir mOllurchique, un mur de cir··
convallulion souvent franehi sans doute, souven L
attaqué ou ébranlé par les guerres civiles ou par
l'ambition individuelle; mais respccté du peuplc
et redouté des Souverains. Aussi la nation anglaise
avait-elle conservé son indépendance vis-a-vis de Sil
propre Royauté, alors meme que partout ailleurs
les Rois, organes de la législation romainc restau-
rée par l'intelIigence étroite des juristes, s'attrí-
buaient exclusivement le droit divin ponr mettrc
Jeur uutorité supreme a l'abrí de tout examen,
c'est-a-dire pour dénier aux peuples l'exercice du
droit humain, en essayant de les cmprisonner dans
le cerclc d'une obéissance absollle, et en donnallt
aux Monarchies nouvelles, symboles d'une liberté
normale et nécessaire, la forme que les anciens
Césurs avaient donnée jadis a l'Empire: symboh:
d'une tyrannie monstrueuse.


Tant que le gouvernement anglais ne coneOll-
rut point a eette funeste déviation, qui s'accom-
plissait dans tous les autres gouvernements de
l'Europe, il réalisa la théorie des trois pouvoirs
par Roí, Lords et Communes. Le droit divin et le
droit humain participerent ainsi, dans leurs voies
respcctives, au développement praLique de l'État.




~- 265 -


Mais, aprcs les guerres civiles de la Maison d'Yorck
et de la l\laison de Lüllcüstre, le peuple, fatigué
des malheurs engendrés par l'abus de sa propre
liberté, remit absolument au roi Henri VII le
soin de son repos el de son bien.étre ; et cette
80rle d'nbc1ication nationale provoqua, SOU5
Henri VIll, d'autrcs désastres ellgendrés par l'abus
de j'autorité monarchique. Secondée par l'esprit
oc rebellion universelle qui régnait alors contre
l' Église, la Hoyauté aITacha violemmcnt le pays
du sein de la cOl11munauté catholique, sans pen-
ser qu'en agissant de la sorte elle encourageait les
pellples a se révolter un jOl1r contre l'État. Des
ql1'i! eut accompli cene séparution futule par un
acte de son goureruement, JIenri VIII se vit en
présence de deux partís consídérubles constituant
a son égard une véritable opposition : le parti
radicalement catholique el le partí purítain ou rü-
dicalement protestant. Chef d'État el chef d'É-
glise tout ensemble, depuis sa rupture avec le
Pape, le Roi s'empressa de livrer uu bourreau,
comme coupable du crime de lése-divinité, qui-
conque refllsnít d'obéir a ses propres décrets, quí
le rendaient lui-meme coupable du crime de lese-
humanité. Mais le Puritanisme n'en fit pas moins




~ 266-


des progres si rapides? que ce Tyrail CapfJCleUX
favorisa une réaction du Catholicisme. Son despo-
tisme ne rencontra cependant aucun obstacle sé-
rieux, puisque la nation se laissu dépoui11er Lran-
quillement de toutes ses libertés. L' identification
de l'intéret politique et de l'intéret religieux C111-
pechait d'ailleurs l'antagonisme des principes, et,
conséquemment, celui des partís, qui nc pou-
vaient agir, d'une maniere directe eL positive, sur
la société, qu'apres avoir atteint un cerLuin degré
de développement.


Un historien spécial a parfaitement caructérisé
leurs di verses transformations.


«( Le parti du Pouvoir, dit-iJ, s'attachc par
principe au Papisme; muis, cluns la pratique,
il dévie fréquemment de sa route primitirc.
Le parti des libertés, allié au principe de ¡'exa-
men et protestant uans son essence, se rapproche
du Catholicisme, des qu'il voit le Catholicismc
persécuté. Le jeu bizarre de ces difTérents princi-
pes, leurs combinaisons variées, leurs luttes diver-
ses et imprévues ont fait de l'Angleterre, pendant
deux cent cinquante années, le théatre des événe-
menLs les plus étranges. On a vu tour ü tour le
Protestantisme s'armer de tyrannie, le Catholi-




-- 267 -


cismc récla tU e!' la liberte, l' es! ¡se anglícane com-
promettre ou saliver l'indépendance nationale, et
le Pouvoir absolu appeler a son aide, dans ses dé-
[aiLes ou dans ses victoires, ou la critique et l'exa-
men, ou le príncipe protestant, ou le principe ca-
tholj(lue. Ce sont ces évolutions des partis, ces
changements de front tantót serviles, tantót eifré-
nés,qui uonnent üuxannales anglaises une physio-
nomie si difficile a süisir,etquien rendent l'appré-
ciation si pénible. Souvent le mouvement des pas-
sions y contrarie le développement des opinions;
plus souvent encore, le mobile des intérets vient
détruire l'édifice que les opinions et les passions
essaicnt d'élcver. Chaos inextricable,au milieu du-
quel on découvre la puisssance éternelle de la civili-
satíon el le progrcs incessant de l'humanité (1.). ,


(Juilnd la i\IGiSOll de Tudor eut constitué PEtat
au-dessus de l' Église anglicane, c'est-a-dire entre
le Catholicisme abattu el le Calvinisme décapité,
on pOllvait prévoir que les partís, viclimes d'une
oppression aussi terrible, réagiraícnt bientót au
nom de l'indépendancc nationale. En cffet, la
Royallt(~ absoJuc, sYll1bolc de la Souveraineté rcli-


(1) ['oliticaL lleoiclL', niotoil'e des partís en Angletcne. \uíl
la Raue J3ritúnniquc ll'aHU 18;)7.




- 26S-


gicuse et de la Souveraineté politique, identifiées
dans la personne royale, enlevait au peuple, par
une fausse application des principes du droit di-
vin, le libre examen de ses aCles, ne craignant
pas d'étre ainsi en contradiction avec la doctrine
de l'Église et avec les traditions de l'État. Mais,
l'un des partís, qui tous étaient nés du développe-
ment historique de la société aussi bien que du
Protestantisme lui-meme, ne considérant pas une
raison ou une volonté générale eomme supérieure
a la raison ou a. la volonté individuelle, youlait,
par une fausse application des príncipes uu droit
humain, enlever au Roi sa uoublc souveraineté
pour la donner au peuple, sans crainte de dissou-
dre a la fois l'État et l'Église. Car il prétenc1üit ql1e
l'institution des corps politiques, n'ayant aueune
base inconditionnelle ou absoluc, repose entiére-
ment sur un contrat primitif, sur une loi foncla-
mentale semblable a la Grande-Charte; et que les
pouyoirs socianx, établis de fait, n'ont qu'une
existen ce conditionnelle ou relative. Pour ce parti,
dont l'aclion sera bientot irrésistible, tont le
gouvernement se réduisait au texle u'une Consti-
tu tion écrite, llbrement interprété; comme toute
la religion, au texte de la Bible : ce qui faisait de




- 269-


chaque homme un Pontife et un Roi dans la 50-
ciété! ! !


Done, les controverses religieuses étaient aussi
des controverses poli tiques. Les débats sur I'au-
torité papale s'étnient convertis en débats sur l'au-
torité royale. Quoiqu'il fút sorti du Catholicisme
pour entrer dans le Protestantisme, le Roi d'An-
gleterre n'avait fail que se substituer au Pape, et
subordonner l'f~glise a l'État, de sorte que la hió-
rarchie épiscopale oU mieux sacerdotale de l' Église
romaine, ses dogmes et ses rites étaient conservés
daos l'Église anglicane, au grand mécontentement
des Sainls, Puritains ou Indépendants. La révolu-
lion religieuse, telle qu'elle s'était accomplie sous
le rapport de la forme et sous le rapport des idées,
n'était, a Ieurs yeux, dit M. Guizot, "qu'une réforme
incomplete, inconséquente, incessamment compro-
mise par le péril du retour vers l'Église catholique
dont elle restait trop pres; et ils méditaient pour
l'Église ehrétienne de leur pays une refonte nou-
vclle et une autre Constitution (1). D


L'avénement de la ~\laison de Stuart, apres l'ex-


(1) Hisloirc de la n'volutioll d'Augleterre. - (Discours SlIT
Chist. dI: la niv. d'Angl.). Tom. 1", pago v.




- 270-


tinction de la Maison de Tudor, répondait aux
espérances de deux grands purtis. Mais, en s'ap-
puyant sur les anglicans , Jacques Icr trompa 1'at-
ten te des puritains, persuadés qu'il fr,rait prendre
a l'Église d' Angleterre la forme de I'Église d'Éeosse;
et l'attente des catholiques, persuadés que le fils de
Marie Stuart révoquerait les lois terribles porlées
contre eux par Élisabeth. Sa conduite inspira aux
uns de la haine, aux autres du mépris. Pendant que
le Roi, par ses hésitations législatives, par ses actes
arbitraires, par ses príncipes sur la nature et la
prépondérance du Pouvoir monarchique, affai-
blissait sa propre autorité, le sentiment de la
liberté se ranimait an ereur de la nation, prCte a
revendiquer ses anciens droits, en imposant de
nouveaux devoirs a la Hoyaulé. Jaegues céda
quelquefois aux exigenees de l'opinjon publique;
mais le partí de la Cour (court-party) accucillit
ees eoncessions eomme si elles enssent été sponta-
nément et librement oetroyées par le !\:]onarque ;
tandis que le parti des Indépcndall LSCOltntry-party: ,
les accueillit, au contraíre , eomme une conquNe
insuffisante de la légitimité nationale sur l'usur-
pa Lion royale. Si J aeques l,r régllél paisiblement,
nu milien de tous ees élémcnts de guerrc civilc et




- 271 -


de révolution , e'est qu'il ne convoqua pas un seul
Parlement.


Lorsque Charles 1" fut proclamé Roi (27 mars
1(25), le Puritanisme, devenu gigantesque, ou-
vrait déjil. ses bras pour étouffer la Royauté. l' An-
gletcrre, <]uoique cal viniste et républicaine, se fit
r\'ahord ilIusion sllr ses propres tendances poli ti-
queso IIeurcusc de yoi!' sur le trane un jeune
hOll1me gra\'e et ausU~re, humain et juste, elle se
promit d'acquérir sa propre liberté sans porter la
moindre atteinte a l'autorité royale. Un Parlemcnt
ay¡mt été convoqué, les députés des Communes
s'écricrcnL avcc bonhcur : I Nous pouvons tout es-
p(~rer du Prillce quí nous gouvernc pour le bonheur
eL les Iibcrté~s de notre pays (1). D Cependant, la
Chambre, n'attcndant pas du Roí seulle redresse-
menL des gríefs, voulut examiner toutcs eboses.
Quand ses actes en faisaient une assemblée de su-
jets bien hllmblcs en ver s Charles ler, ses discours
hardis en faúaient presr¡ue un Sénat de Rois • • Ni le
Princc, ni le peuple, cellli-ci surtout, n'avaient
encore dé melé le príncipe et mesuré la portée de
leurs prétentions: ils se rapprochaient avec le


(1) Col1bell, Parliam. Hist. Tom. JI, col. 5, London, f8oa,




- 272-


uessein et !'espoir sincere de s'unir ; mais Ieur dé-
sunion était déjil consommée, cur l'un el l'autre
pensaient en Souverain (1) .•


L'orateur le plus modéré s'exprimait en ces
termes : (r Nous ne demandons pas au Roí d'éloi-
gner de mauvais conseillers, comme le tit le Par-
lement sous ses prédécesseurs Henri IV et Hen-
I'i VI. Nous ne voulons point intervenir dans les
choix, comme cela s'est vu sous '::douard II et
Richard 11, lIenri IV et I1enri VI; ni que ceux
que le Roi aura choisis soient tenus de preter
serment devant le Parlement, comme iI est arrivé
sous Édouard ler, Édouard 11 et Richard JI; ni que
le Parlement leur prescrive d'avance la conduite
qu'ils auront a tenir, comme il crut le devoir sous
Henri III et Henri IV; ni meme qlle Su Majesté
prornette, comme Henri lIt, qu'elle [era toutes
eh oses avec I'assentimcnt du grand conseil du pays,
et rien sans son aveu. Nous exprimons seulement,
et en sujets fidéles, nos modestes désirs. Puisque
le Roí s'est entouré de conseillers sages, pieux et
honorables, nous souhaítons que, de concert ayec
eux, il porte reméde aux lllHUX de l' }~t~t, et ne se


(1.) :'>1. Guizot, llist. de la ¡'él'. (/'ilrtg{el.'l'Om. J", li\, l", pago 9.




- 273-


laisse guider par un seul homme, ni par de .icunes
conseillers ( ~ ). n


Rappeler au Roi ce que le Parlement avait faH
dans le passé, n'était-ce point lui montrer ce qu'il
pouvait faire dans l'avenir? Charles }"r, qui dé si-
rait ohtenir des subsides afin de poursllivre la
g'1If'rre contre l'Espagne, toléra ces discollrs dange-
r('!lx. Milis, les Communes ayant refusé de luí ac-
('order une somme suffisante, iI s'indigna de voir
Hne autorité rival e se dresser devant la sienne; et
le Parlement fut dissol1s (12 aout 1G2~)). Chaqllc
député porta dan s sa province la gloire d'une ré-
sistance qui mcttait le Monarqlle dan s la néces-
sit(~ de rccourir a des emprlluts forcés. lis furenl
consacrés a l'équipement d'llne ílolte dont Bl1c-
kingham obtint le cOlllmandement. Cet homme
el'un talent plus que médiocre, mais d'une ambition
excessive, plaisait ü la COl1r et déplaisait ü la Nn-
tion. L'expédition qu'il dirigen contre Cadix ayant
échoué, Charles fut obligé de rappeler le Par-
lement, qui demanda la mise en accllsation du fa-
vori, bien qu'on ne put lui reprocher aUClln crime.


Le Hoi intervint en faveur de son ministre. « Je
d()is vous [aire connaitre, dit-il al1X Communes,


(1) Cohhpll. Pil!'iil/1I!crtal'y TTistol'Y. TOIll 11, col. 1(1-17.~
lll. (:i) 18




- 274-


que je 11e souffrirai pus que vous poursuiviez aUm
ClIO demes serviteurs, encore moins ceux qUÍ sont
placés tres-haut et prés de moi. .Tadis on deman-
düit que fera-t-ou pour {'/tOmme que le Roí honore?
Maintenant il y a des gens qui se fatiguent a eher-
cher ce qu'on fera contre l'homme que le Roi juge
ü propos d'honorer. Je désire que vous pressiez
¡'affaire de mes subsides, sinon ce sera tant pis
pour vous-mcmcs; ct s'iJ en arrive quclque mal,j(~
pense queje serai le dernier it m'en ressentir(t) .•


Loin de se laisser effruyer par le langage tIu
Roi, la Chambre des Communes y répond avec
fermeté; müis en associaut, duus ~es relllontrallces,
le respect du Souveruin a l'amour des lois con:sli-
tutionnelles (2). Charles, 5' imagilJan l, au contraire,
qll'on porte atteil1te a ses droits, De veut plus subir
une situation qu'il cou:sidere comme humiIiüntc
pour la Majesté royale. Au lieu de sacrifier un mi-
nistre que la natiOll désire punir, il punit le Par-
Jement, c'esl-ú-dire la nation qu'il saerifie a l'a-
lllour-proprc du ministre. Le Parlcment ayant été
dissous une secollde [ois, le due de Buckingbam


(1' CoJ¡hetl, 1',lr!iU/iII'lltm'/j Jlistol'!!. Tom. ]f, rol. lt9-50.
,! FreLl. _\UCilJOll, 1'a(¡{(!WI des niv. (/11 syst. 7!oliliquc de ,'Eu-


1'0)Je. TU!J1. 11L pago :lij,




- 275 -


devient chancelier de l' U niversité de Cambridge,
el Charles est heureux de pouvoir braver l'opinion
publique, paree qu'il se sent Roi (1). Le triom-
phe de Buekingham préparc de nouveaux désastres
a la nation. Désirant se venger de Riehelieu, qui
lui a interdit l'entrée du Royaume de France,
pOllr qu'il ne poursuive pas de téméraires Sllcces
auprés d' Anne d' Autriche, le ministre de Char-
les Irr lui eonseille une guerre contre Louis XIII.
Le Roi d'Angleterre, instrllment de eette ven-
geanee partieulicrc, confie une autre flotte a Bue-
kingham, qui vint se faire battre en vue de La
Rochelle. Ce fut un eoup terrible porté, non pas a
la fortune du Duc, mais a l'nrgueil de l' Angle.
terreo


Les ressources étant épuisées, il fallllt convo-
quer llll troisieme Parlement. Charles ouvrit la
session (17 mnrs H}28), en disant: ti l\1essieurs,
que chaclln ngisse selon su conscience. S' il arri-
vait (ce que Dipll veuille prévenir!) que, négli-
geant de me fournir ce quc réclnmcut üujourd'hui
les besoius de l'État, vous ne fissiez pas votre de-
voil', le mien m'ordounerait d'user alors des autres
llloyens que Dieu a mis en Dles mains pour sauver


(11 \1. Uuizot, lfist, de la rt5v. d'Angl. TOIll 1, ¡¡v. ter pago 32.




- 276-


cr. que eompromettrait la folie de quelql1es hom-
mes. Ne prenez point ced pour une menace; je
dédaigne de menacer tout autre que mes égaux;
c'est un avertissement que donne celui a qui la
nature et son devoir ont confié le soin de votre
prospérité et de votre salut. Il espere que mainte-
nant votre conduite le portera a trouver bons vos
précédents conseils, et que je vais contracter, par
reeonnaissanee, des obligations qui m'engageront
el vous appelcr souvent pres moi (t). ,


Le garde du seeau ajouta: « Su Majesté pOllr
lever des subsides a eru devoil' s'arlrcsser au Par-
lernent, non eomme au se111 moyen, mais comme
au plus eonvenable; non qu'elIe n'en ait point d'au-
tres, mais paree que celui-li¡ s'aecorrle mieux ave e
ses gracieuses intentions et le désir de ses sujets.
Que s'il tardait el réussir, la nécessité et l'épée de
l'ennemi nous forceraient d'entrer dans d'au-
tres voies. N'oubliez pas l'avertissement de Sa Ma-
jesté; je vous le répete, ne l'oubliez pas (~) .•


lV1algré ce langage agressif, les premieres rcla-
lions du Monarque et du Parlement furent bicn-
veillantes (3). La Charnbrc des Communes vota


(1) Cohbplt, parlimnenrary flistory. Tom. 11, col. 218.
(2) Cohhett, Parlo /listo TOllJ. 11, col. :.121.
(3) ~I. (;uizot, llist. dI: /a rév. d'Anglct. Tom. 1 ", Jiv. 1", p. {d.




- 277:-


provisoirement cinq subsides; et Charles en mani-
[esta une joie extreme: "Quand je suis monté sur
le trone, dit-il a ses ministres, j'aimais les Par-
lements; depuis, je ne sais comment, je les
avais pris en dégout; maintenant je me retrouve
comme j'étais d'abord; je les aime et je me ré-
jouirai de me réunir souvent a mon peuple: ee
jour me vaut , dans la Chrétienté , plus de crédit
que sij'avais gagné bien des batailles (1). »


Cependant, la Chambre basse entre en eonfé-
renee avee la Chambre haute, pour déterminer,
d'un commun aeeord, les droits du peuplc anglais
el., par eonséquent, les devoirs du Roi d' Angle-
terreo Les Pairs engagent les députés a deman-
del' seulemcnt une déclaration portant que toutes
les vieillcs libcrtés nationales restent en pleine
vigueur. Charles réunit aussitót les deux Chambres,
pour leur dire qu'il regarde la Grande-Charte
eomme intaete, les anciens statuts comme inviola-
bles, et pour lcur assurer qu'elles peuvent eompter
sur sa paro le royale, oz/, leurs droits trouvaronl plus
de sCcurité qu'aucune 1m' nOltvelle n'en saurait don-
nar. Cette harangue fut respeetueusement éeoutée.
Mais le Roi n'ayant pris aueune sorte d'initiative


(1) CoiJiJell, Parliauu:ntary llistory. Tom. U, col. 274.




~ :t7S .--


relativehlCnt aux déteI'lllinations indispensables du
droit humain afin d'opérer lui-mcme, en vertu du
droit divin, la transition nécessaire des vieilles 10is,
produites sous Henri VIII ou Élisabeth, aux loisnou-
velles qui élaient a produire, les Communes réJi-
gel'en t le fameux bill connu sous le nOlll de pétition
des droíts. Suivant ce décrct : 1° Nul homme
libre ne pouv<1it etre arreLé d'une mUlliere arbi-
truire, meme par ordre du Roí; 2° On ne pouvait
exiger de personnQ aucun don gratuit, pret ou
subside, sans le consentement des deux Chambres;
3° On devait épargner uu peuple les logements trop
ll1ultipliés des troupes de te1're et de mer; ÚO La loi
rnartialc était abolir,et nul ne pouvaitctrejugé que
selon les formes ordinaires et les 10is du Royaume.


Les príncipes exprimés dans la pétilion des droits
étaient généralement justes; mais l'a1'ticle qui en-
levait uu Roi le pouvoir de faire arréter un citoyen
pour quelqlle cause que ce fUt, était inique; puis-
qu'il le dépouillait du droit de coercition légaJe ,
qui contraint a la soumission, et, pur conséquent,
l'exposait sans défense á toute tentativc de rebel-
lion. Ainsi, les Communcs s'opposuient it la réali-
satíon pleíne el entier~ c1udroit divin, paree que le
Roí s'opposRit lui-méme a la réalisation progressive




- 279-


<lll (h'oit hUll1ain. La Chambre haute auraít vonlu
modifier cet article; la Chambrc bassf-; ;'en empé-
chao Et Charles dut sanctionner le blil dans les
termes usités: soit droit raít eomme il est dési1'é.
Quand les subsides eurent été votés, le Roi se crllt
au terme de ses épreuves el); mais elles devaient
recomll1encer. Deux remontrnnees aynnt été fai-
tes, I'une contrc le due ele Duekingham, l'au-
tre eontre les droits de douane per~us depuis le
commencement de son regnc, Charles se renclit El. la
Chambre des Pairs, fit appeler les Communes, et
prorogea le Parlement (26 juin ,t628).


Quelquc temps apres, Buckingham tombnit a
Portslllouth SOllS le poignard de Felton. La mort
tragique de ce favori n'empecha poillt les Commn-
nes, réunies au tenue de la prorogation, de pour-
suivre, avee une violence toute nouvelle, le redres-
sement des aneiens griefs. Leur hostilité contre la
prérogative royale devint systématique. Charles,
agissant dans un but de conciliation, demanda
une loi qui l'autorisat a percevoir les droits de
douane. On lui promit tout, avec l'intention de ne
luí rien accorder. Cur les Communes déclarerent
ennemi publie quiconque exigerait eette taxe, el


(1) :\1. liuizot, llist. de la rev. el'Angl. Tom.l", liy. 1", pago 62.




- 280-


lraítre a la patrie quiconque la paicrait. C'est alor5
que fut arretée la dissolution du Parlemenl : me-
sure extreme, légale, mais violente .. dont l'autorité
avait abusé, et qui devait exaspércr l'opinion pu-
blique, en invoquant le despotisme pour empécher
les abus de la liberté.


Le Roi se rendit a la Chambre des Pairs (16
mars 1629) et dit: « Jamais je ne suis venu id
dan s une occasion plus déplaisante; je viens dis-
soudre le Parlement. La conduite séditieuse de la
Chambre basse en est la seule cause; je I1c~ l'im-
pute pas a tous; je sais qu'il y a dans cette Cham-
bre beaucoup d'honnetes et loyaux sujets; qllclque,~
viperes les ont trompé s ou opprimés. Que les
malveillants s'attendent a ce qui leur est duo Pour
vous, milord s de la Chambre haute, comptez sur
ma protection et la faveur qu'un bon Roi doit a su
fidele noblesse. » Ensuite, non content de je-
ter en prison et de poursuivre en justice les prin-
cipaux membres de la Chambre des Communes,
Charles fit publier la déclaration suivante : ({ On
répand, duns de mauvais desseins, qu'un Parle-
ment sera bientót réuni. Sa Majesté a bien prouvé
qu'elle n'avait pour les Parlements aucune aver-
5ion i mais leurs deruiers exces I'ont décidéc,




- 281 -


rnalgré elle, a changer de conduite; elle tiendra
désormais pour une illSolenee tout discours, toute
démarche qui tendruit a. lui prescrire une époque
quelconque pour la convocation de Parlements
nouveaux (-1) ••


Jusqu'il préscnt, toutes les tentatives [aites dans
le but de restaurer la Monarchie constitutionnellc,
c'est-a-dire la distinction décisivc du droit divill
el du droit humain dans le Gouvernement, ont
avorté. Charles régnera seul, pendant onzc ans; il
fera la paix avec la France et avec l'Espagne ; il ou-
vrira son conseil aux hommes les plus sages, les
plus intelligents, les plus habiles, nolamment a Tho-
mas Wentworth, comte de Strafford : principal ré-
daeteur de la pétilion des droits, que les exces du
parti populaire ont ramené au parti royal; en UI1
mot, iI rendra prospere son Royaume. Et ce-
pendant, le peuple, heureux dans ses intéréts ma-
tériels protégés par le despotisme, souffre dans
ses intérets moraux; car la liberté lui manque. Les
impóts sont équitablement répartis sans aueun
doute; et le gouvernemcnt du Roi en [ait le meil-
leur usage; mais Charles ne rend compte ni de ses
principes ni de ses actes. !)our toute l' Angleterre,


(1) Cobbett, Pariiamr.:ntury llislory. Tom. 11, col. ~92-525.




= 282 ~


ce n'est plus un Monarque, c'est un Tyrall (t). La
haine qU'OIl porte au despotisme est si [orte qu'elle
tue l'amour de la patrie. Un grand nombre de
saints et de puritains, abandonnant le sol ele ,'An-
gleterre, vont vivre en Amérique. A l'heure du dé-
part, le ministre de la congrégation preche un
sermon d'adieu. On ne se sépare qu'avee l'espoir
de se réunir (2), un jour ou l'autre. Bienlol, le:;
émigrations devinrent si considérables, qu'on [ut
obligé de les interdire (l er mai iG37). Iluit vais-
seaux en parLanee durent rester dans les caux de
la Tamise; et le destin de Charles I"voulut que sur
l'un d'eux se trouvassent Pym, Haslerig, Hampden
et Cromwell (3) : personnages déja plus ou moins
célebres, mais dont le nom sera un jour populaire,
paree qu'il exprimera je ne sais combien de révo-
lutions.


Cependant la liber'té politique était eomprise par
un trop petit nombre de personnes, pour détermi-
ner eneore une grande erise. Le pays ne frémissait


(1' Ed. Clarendon, The lTistory o{ tlu: rcúellion and dvil w([r:;
in Enyland. Tom. 1", Elle a élé traduite par ~l. Guizol, dan s SR
Cofl{'cliviI des JI¡:lIivirr's ,'clatir, (¡ la nJvululion r/'AnIJ1elcrl'e.


(2) Neal, I!istory of the PUl'itani. Tom. II, pago 110-112.
(:Ji ;-¡eal, IIistory of the Purilllni. Tom. !J, pn¡;. 2S7, - "'al-


pole, Catalogue of royal and noble authors. Tom. L, pag, 206.




-, :!b3-


qu'üu ¡10m de in liberlé religicuse; et 1'on voyait
surgir mille congrégations diverses, qui se déta-
chaient de l'Église anglicane, afin de poursuivre la
destruction de tout gouvernement ecclésiasti-
que (1) ; en attendant que les partis sociaul se dé-
tachassent de l'État, afin de poursuivre la des-
truction de tout gouvernement monarchique, el,
par conséqucnt, des attributions universelles de la
~ouveraineté de droil divin, base absolue des so-
ciétés humaincs. Si l'on voulait prévcnir des catas-
trophes, il importait de rétablir, an-dessus de tant
de sectes particulieres, l'unité du culte, symbole
d' une direction spirituelle généralc. A vant de l' éta-
blir en Anglelerrc, Charles 1" essaya de l'imposer
a l'Écosse. Délns ce pélyS, la Réforme avait pris
naiSSélllce parmi le peuple et non a la Cour; elle s'é-
taitélevée jUSqU'llU trone, bien loio d'en descendre:
de sorte que l'intervention royale, en matiere de
religion, devait etre impopulaire. Tout presbytérien
fut scandalisé de la pompe des cérém(lnies conser-
vées dans l'Église anglicane et considérées comme
une ido/dtrie propre il. l'Église catholique, laquelle,
disail-on, allait reprendre son empíreo Edimbourg
devint le centre d'un vüste soulevement. Mais,


(1; \1. Guizot, Hisl. de la rtv. ({,¡1I/yl. TOIl1. 1, li •. n, pago 111.




- 284-


loin de céder a la répugnancc invinclble du
peuple pour eette innovation religieuse, Charles 1"
voulut en triompher. Une inquisition anglicanc
fut établie, COlllme au temps de I1enri Vln et d'E-
lisabeth. Les non-conformistes, persécutés d'une
atroce maniere, souífrirent avec un fanatisme hé-
roique. Apres leur avoir coupé les oreilles , on les
exposait au pilori pour intimider la foule; et les
suppliciés lui inspiraient, au contraire, des senti-
ments de vengeance. e Chrétiens, s'écriait l'un
d'entre eux, si nous avions fait cas de notre propre
liberté, nons ne serions pas id; e'est pour votre li~
berté a tous que nous avons compromis la nótre :
gardez-Ia bien, je vous en conj ure, tenez ferme ,
soyez fideles a la cause de Dieu et du pays; autre-
ment vous tomberez, vous et vos enfants, dans une
éternelle servitude (~) ••


11 Y eut tant de supplices, que la résistance a.
l'oppression devint bientot une affaire nalionale.
Quatre Tables (comités), une de lords, une de no-
bles inférieurs, une de ministres de I'Évangile, une
de députés d'Édimbourg, s'organisent dans ectte
ville pour diriger l'insurrection, et ponr faire si-


(1) State-Trials. Tom. 1Il, (~ol. 7{¡8, r,ité par ~I. Guizot, Ilist. de
la rélJolution rl'AltljletCl'l'c, Tom. 1, liv. 11, pago 117.




- 285-


gner a toute l'f:cosse un pacte célebre sous le nom
de Covenant (alliance). Charles négocie avec la re-
bellion, quoiqu'il puisse l'étouffer. Peu lui importe
de supprimer la liturgie, pourvu qu'il conserve
l' épiscopat. Mais un synode, réuni a Glascow, abo lit
toutes les lois concernant la doctrine, la disci-
pline et la hiérarchie sacerdotale, qui ont été por-
tées depuis I'avénement de Jacques ler au trane
d' Angleterre et prononce l'excoll1ll1unication con-
tre quiconque n'adhérerü pas au Covenant. On
De pouvait plus traiter avec les révoltés, sans com-
promettre l'autorité monarchique. Néanmoins,
comme toute mesure vigoureuse lui répugnait,
Charles eut la faiblesse d'accepter des propositions
fallacieuscs, ayant pour bu t de lui [aire licencier
ses propres troupes, et de donner aux CovenantnÍ-
res le temps de recevoir les secours qu'ils soIlici-
taient du Roi de France, ennemi du Roí d' Angle-
terreo


Charles, voulant dénoncer leur conduite coupa-
ble a la nation anglaise , convoque un Parlement
( 13 avril 1 MO). 11 s'efforce personnellement de
ranimer l'ancienne rivalité qui cxistait entre I'An-
gleterre et l'Écosse; mais les CommUI1CS s'dYor-
cent, au contraire, de constater l'idenlilé acluelle




- 286-


de leurs intérets. Sous prétexte de revendiquer les
libertés populaires, elles conspirent la ruine de
l'autorité royale. Si elles parlent d'une réforme
nécessaire, elles n'agissent que dans le sens d'une
révolution. Ce n'est pas au Roi, c'est au peuple
qu'elles demandent, par l'organe des journaux
poli tiques, la suppression de tOllS les abus qu'il
n'est plus possible de tolérer, car elles aspircllt ou-
vertement a la Souveraineté. Les membres de la
Chambre haute veulent s'opposer aux empiéte-
ments de la Chambre basse; mais celle-ci lui ré-
pond : « Ql¿'a de commun votre nation avec la
nótre(l)? )) Et le Roi, persuadé qu'il sauvera le
gouvernement monarchique, en raisant taire une
opposition quí manifeste hautemcnt des inten-
tions républicaines, se hate de díssolldre le
Parlement au risque de soulever toute la société
(3 mai 1640.)


Apres avolr convoqué une assemblée générale
des Pairs du Royaullle, pour légitimer sa contluite
aux yeux de la nation, Charles arma de nouveau
contre les Écossais, (ILIe le nombreux par ti des mé-
contents appelait en Angleterre. Lorsqu'i!s se


(1) Ed. Clarendun, llislory of tite reúellion and civilwars ii¡
Englu.nd. Tom. J, pago 232-~38.




- 287-


rurent emparés de Durhum et de Neweastle, les
Covenantuires, toujours respectueux en paroles,
mais toujours rebelles en aetions, demanderent la
pabi; et Charles consentit a négoeicr mülgré l'avis
de Strafford, ministre et général de l'armée royu-
Jiste, qui continuu lu guerre ayee sueces. a 11 en
)) fut blúmé cornme ayant compromis le ~lonarque,
• et re~ut l'ordre de se rénfermer dans ses quar-


') liers (1). J Lne slIspcilsion d'armes laissa aux
Ecossais la posscssion tJrovisoire de leurs conque-
tes; en attendant un tJ'i1Ílé défi'dtif qui devait se
conclure it Londres. tes commic;c;aires arriverent
dans eelte capitale, en meme temps que les mem-
bres du Parlcmcnt C[u'on venait de convoquer.


On uvait conseillé au Boi de réunir cetle asselll-
bléc, si fatalclllen t célebre sous le nOlll de Long-
Pal'tement,·- la précéden te fu t Jésignée sous ce-
lui de Court-Parlement, ~ a Yorek, et non a Lon-
dres, pOOl' que les che[s de l'opposition ne pussent
exciter nne population nOlllbrcusc contre le Gou-
rerLlcmellt. Cet avis sülutair~ Cut rejeté. Unc grande
activili~ régna dans les comtés et dan s les viHes
uu temps des élccLions; les sainls de l'État et de


(1) Ell. Clal'enLloll, II ¡stor!! o( lite ¡'rúellioll, etc. TOIlL TU, page
27:3. - Lingal'd. l/isto!'lj o( Elt(!/IlIld. TuJll. 1., [lag. 95, noL 95.




- 288-


l' Église assurerent le triomphe de leurs candidats;
mais la Cour, n'ayant aucun moyen d'influence,
faute d'argent, ne réussit meme pas a faire élire
sir Thomas Gardiner, que le Roi désirait avoir
pour orateur (\).


a Depuis la convocation du Parlement, dit An-
ci1lon, jusCJu'au commencement de la guerre ci-
vile, Charles ne se ressembla plus a lui-meme. Li)
n<'cessité cruelle qui I'avait forcé de nouveau iJ. se
mettre dans la dépendance, partlt lui avoir úté
tont moyen et meme tont désir de résister. 11 sen-
tit qll'il serait impossible de casser cette assemblée
comme il avait cassé les autres; et cette ldée para-
Iysant son activité et son courage, Ini fit croire
qu'il ne lui restait plus d'autre parti que de désar-
mer ses ennemis ú force de complaisance et de Sil-
crifices. II se préscnta á I'ouverture du Parlement
sans avoir prévu le genre et la direction des atta-
qnes dont il était menacé, et sans avoir formé de
plan de défense. Il n'en était pas de meme de ses
adversaires; l'expérience du passé leur donnait le
be50in de se préparer an combat; l'identité de


(1) :\!. (;ui7.0l, llist. de la )"(IV. d'Anq/. Tom /", ¡iv. n, p,1g. 1:í8.
157--158. - Ed. ClarrndolJ, llist. of j'('f¡"II. '1'0111. 1/, ]Ja". :.1.-
\\ lJitelorkl', II(;/J/o!'i(/!.\ o/ lile l~'lIy/ish II/liti!'s, ('le., ¡lag. :,[,.




- 289-


leurs intérets et des correspondan ces actives, leur
fournissaient les moyeos de combiner d'avance leur
jeu; les UDS concertercnt ensemble leur marche,
les autres se trouvereot naturellement d'accord
avec eux (~). »


e'est que rleux principes opposés étaient en
Jlrésence : le principe du droit divin voulant fon-
der su propre Souveraineté d'une maniere exclu-
sive; et le principe du droit bumain qui voulait
maintenir sa propre Souveraineté d'unc maniere
également exclusive. 11 allait s'engager entre eux
une de ces luttes formidables qui bouleversent
les États , qui renversent les Trones, qui font pé~­
fir les Rois, et qui anéantiraicnt les peuples CLIX-
memes, si Dicll n'intervcnait, avec sa Toute-Puis-
sance, pour De pas luisser compromettre le sort
de l'bomme sur la terre, par cette contradiction
univcrselle de tous les intérets de l'humanité.


« Depuis onze ans, dit M. Guizot, le Roi el l' É-
glise avaient proclamé leur Souveraineté absolue,
indépendante, de droit divin; ils avaient tout
tenté pour la faire accepter ou subir a la Dation.
lIors d'état d'y réussir et pourtant professant tou-


(1) '/'II/i/('(II/ {I(,s 1'I'l'ollllions ,11/ SI¡Sli'lII!' )lOlill(//I(, rll' l'f¡li'o)1(.
TOlll, 111, pago 3~5.


liL (~ 19




- 290 -


jours les memes maximes, ils venaient, dans leur
impuissance, demander secours a une assemblée
qui, sans l'ériger en príncipe, sans l'étaler fas-
lueusernent, croyait aussi a sa Souveraineté, et
se sentait capable de l'exercer (1). »


Quelques députés, amis de I'autorité, mais ad-
"crsaires du de::-potisme, se trompant sur les ten-
dances respectives des partis, voulaient opérer une
fusion impossiblc entre la prérogative royale et
l'initiative parlemcnlüire ou nationale, c'est-it-dire
entre le droit humaio et le droit divin qu'ils
croyaient pouvoir concilier sous une forme consti-
tntionnelle quelconque; et leur::; efforts, honora-
hles sans don te , quoiqu'infructueux, oe fireut
qn'irriter le grand nombre des déplltés, amis de la
liberl/~, qui voulaient détruire le droit divin par le
(lroit humain, SüllS prétexte qu'i1s ne croyaient
pas pouvoir les concilier dans l'État. Aussi cheI'-
chaient-ils ú fixeI' le Gouvernement au sein de la
Chambre des Communes , pour lui faire expriruer
la Souveraineté fictive du Hoi, suboruonnée a la
Someraineté positive du peuple. John Pym, chef
de ce parti, désirant frapper un coup décisif, con-
spira la p(Tte de Strüfford, te grand apostat de la


;1) ElisL de la rév. d'Angl. Tom. r".liv. III, pago 160.




- 291-


cause populaire. D'accord avec les puritains des
trois Royaumes,il dénonce a la Chambre des Lords,
comme coupable de haute trahison, le ministre qui
n'est coupable que d'avoir trop bien servi son
Prince. La noble contenance de Strafford devant ses
llccusatcurs et devant ses juges l'aurait sauvé , si
les Communes, qui poursuivaient lellr but satani-
que avec un pieux achuroement, n'eU5sent renou-
velé une des in{amies de llenri VIlI, en adoptant
le bill d'attainder pour autoriser le Parlement a
prononcer, par mesure de haute police , une con-
damnat1·on, sans l' étayer des preu/.'es ordinaires (l).


Charles avait dit a StraITord : Comme}e suis noi,
ils no toucheront pas un clteveu de votre tete. Mais,
ayant appris que la populace, excitée par les COlll-
mUlles, ussiégeuit le palais et dcmandait su tete,
StrafTord écrivit u Charles: a J'ai pris la seule ré-
solution qui me convicnne ... Mon consentement,
Sire, vous acquiltera plus elevant Dieu que tout ce
que pourruient faire les hommes (2). » Le Roi eut
la faiblesse d'acccpter l'holocauste qui s'offrait
pour le salnt de la Monarchie. En ratifiant l'arret
de mort rendu contre son ministre, Charles pré-


(1)"\1. C('sQr Can tu, TTisl. 1Illiv. Tom. xvr, pago 301-
(:¿) SIL/te-Tria/s. TOlll, JI], col. 151G-l517.




- 292-


para le sien propre. Strafford marcha au supplice
avec le courage d'un héros, avec la sainte résigna-
tion d'UH martyr .• • Te souhaite, disait-U, a ce
Royal/me toutes les prosperités de la terre; mais je
n'augul'e rien de bon d'une réformation qw' {ait son
premier pas dans le sang (1). »


L'assassinat juridique de Strafford avait, dans
la pensée du parti révolutionnaire ,un triple but :
celui de désarmer le Roi, de stupéficr le par ti
conservateur et d'étourdir la société, dont il von-
lait se rendre maitre. Apres s'étre adressé aux
passions et an mauvais instinct de la populace, il
s'adressa u la raison et a la conscience des bons
citoyens. Quelques lois j LIstes feront peut-etre ou-
blier ses actes les plus iniques. A eeHe fin, on
détruit la haute commission et la Chambre étoiJée;
on crée un pouvoir judiciaire indépendant de la
Couronne par rinamovibilité des magistrats; on
supprime toutes les taxes illégales, el ron déter-
mine une époqne fixée pour la convocation du Par-
lernent. Au défant du Roi, eette convocation sera
faite malgré ¡ui, tous les trois ans, par douze Pairs
assemblés a Westminster, ou par les shérifs et les
officiers municipaux, ou par les citoyens eux-me-


('1) Wilt'lorke, Jl!hnol'ia/s, etc., pa~. [¡(i,




- 293 -


mes, qlli pourront se réunir et procéder a l'élec-
tion de leurs députés (1.). On n'en prononcera la
dissolution, ni la prorogation, sans l'aveu des deux
Chambres. Cette loi seu le anéantit la Souveraineté
du droit divin dans la personne du Roi, et consti-
tue la Souveraineté du droit humain dans les Com-
munes.


La réformc religieusc aurait dú s'accompl1r en
meme temps que la révolution politique; mais le
partí qui osait détruire la Royauté dans le gouver-
nement de l'État, n'osa pas détruire l'Épiscopat
dans le gouvernement de l' Église. Charles opposait,
aux continuelles usurputions du Purlement, un
abundon continuel des dr01ts qu'il tenait de la con-
stitution, mais qu'il ne ponvait plus retenir. Un
voyage en Écosse, Ol! l'exécution du traité de paix
rnotivait sa présence, lui parut avanlageux: il par-
tito Les Communes, sous prétexte de ne pas 1ntel'-
rompre les affuires publiques, nommerent des com-
missaires chargés d'accompagner le Roi, ou mieux
de le surveiller. En Écosse, Churles se dépouilla
lui-meme de sa prérogative dont il revetit le Par-
lement, comme pour encourager le parti de la ré·
volution en Anglcterre. On pcut dirc que la des-


)) Thomas :\lay, Inst. duLvng-l'al'lemc1!t. Tom. 1", pago 157.




- ~94 -


tt'uctíon morule de la Jlonarchie était accomplíe
dans ces deux Royaumes, lorsqu'ull événement
terrible, ayant éclaté dans le troisieme,précipita sa
destruction matérielle.


L' lrlancle était restée ca tholiquc, á cóté de l' An-
gletcrre et de l'Écosse protestantes. I\i les armes,
ni les hourreaux de Ilenri VIl] et d'Élisabeth, n'a-
vaient pu dompter la foi d'un pcuple, chez qui la
RéfoI'me était devenue le symbole religieux de sa
propre sCI'vitude poli tique. Les confiscations ter-
ritoriales, opérées sur une immense échelle,
avaient pefll1is d'établir dans ce pays des colonies
d' Anglais auxquels on imposait l'obligation de ne
pas soufTrir dan s lcurs uomaines un seul Irlandais.
La population expropriée quitta les villes et les
comtés, centres de civilisation, pOllr se réfugicr
dans les Coréts, ou elle vécut b. la maniere des sau-
vages, en attendant l'heure de reconquérir ses
foyers, sa patrie et sa liberté. Les troubles d'All-
gleterre et d'Écosse lui ofIraient une occasion fa-
\ orable. Espéran l venger en un jour plusienrs
siccles d'outrages et de malheurs ('1), les lrlan-
dais tirerent l'épée; mais devenus féroces dan s


,1: O'connel, Jlulloin,' 0111' {'Ir/awlc, VDS!!/'. au (!¿a/!. IIl, Lon·
don, 1843.




- 295-


l'ardeur de la lutle, ils illu::>sHcrercn t, dit-on, prés
de quaran te mille Anglais (1).


Un cri d'indignation et de terreur s'élevc dans
toute l' Angleterre. Charles écrit aux Chambres,
[eur annonce quelques mesures qu'il a déjü prises
pour réprimer la révolte, et remet {alite t' afFaire {l/IX
soins du Partemcnt (2). tes révolutionnaires de
l'Assemblée trouvant uüns cet événemcllt les
moyens de perdre le Hüi dans l'esprit du peuple,
ne le présentent pas moins comme j'auteur üu
COlInne le complice du rnassacre. Cette odie use
calomnie s'accrédite, paree que les Chambres Ollt
rédigé une remantmnce gt~nérale üÜ l'opposiliün
récapilule tous les lort::; vrais et fal1x UU l\lonarque,
exagere les mallX de la nution et ::;'engnge u réali-
ser son büuheur supn~ll1c, si ses proprcs ell'ür1s 11e
viennent pas échouer contre la mauvaise volonté
UU gouvernement (3). Quoique eette remüntrancc
ne soit qu'une sorte d'appel au peuple, le Parle-
ment a le triste courage de la pl'ésenier au Roí
(1" décembre 1641). Charles y répond avee 1l0-


(1) ."Ir. iruizot, nist. lÍe la niv. d',tll.(jl. Tom. 1, liv. llJ. pago :Hí.
(2) Thomas :\fay, !listo da LOII(j-Pur{('1Ilr:nt. Tom. L pago 236-


250. - Ed. Clarendon, Hist. dr: al' I'cbdlion. Tum. 11, pago 2n, -
Lingard, Elist. d'¡tl/g/etern'. TIIIIl. X, no1. A, pago 'lü3-69.


(3) Ed. Clarendon, Ilist. af I'c!iclliall. Tom. 11, peto' :2:.w.




- 296-


hlesse et dignité. Plus ses reproches sont justes,
plus les COlllmunes, ii'ritl~cs, mulliplient leurs
itljustes accusations. A les entendre, la Cour, de
COllnl vence avec les catholiques et les épiscopaux ,
cOllspire conlre les députés et la constitution. Les
ollvriers de Londres s'arment aussit6t pour défen-
lire le Parleillent, ou mieux la Chambre basse
que rien ne rnenace; les gentilshornmes, pour dé-
fendre la Chambre haute et la personne du Roi,
qui est désormais en péril. Les premiers prennent
le nOIll de Tétes-rondes (round heads); les se-
conds celui de Cavaliers. On en vient aux mains ;
et le sang coule devant la porte des Chambres,
dan s les rues de Londres, sur toute la surface du
pays.


e Quand les choses [urent a ce point, dit
M. Guizot, un grand déchirement s'opéru parmi
les réformateurs. Les uns, plus prévoyants ou plus
timides, embrasserent la défense de l'ordre légal
et de la Monarchie menacée; les autres,plus hardis
ou moins scrupuleux,cntrerent dans les voies d'une
révolution (i). , Leur lutte fut d'autant plus vive
qu'elle ne devait pas eLre longue. Le partí mo-
narchique ou CODservateur essaya de gouverner


(1) 11 ist. ele la n'v. d'/lllolet. - Disc. Tom. l", pago :12-1;;.




- 297-


par le Roi ou au nom uu Roi; et le parti révolu-
lÍ:¡nnaire ou républicain, qui voulaiL gouverner
al! nom du peuple, rnultiplia ses efIorts pour
:;'cmparer lui-mcme du Pouvoir absolu.


En ne réagissanl pas contre une· situation pa-
reille, Charles aurait moralement abdiqué. Sur
son ordre, le procureur-général de la Couronne se
rend a la Chambre des Lords, OU il dénonce la
haute trahíson des principaux chefs du partí répu-
blicain, accusés: 10 De uétruire les loís fonda-
mentales du Royaullle et de ravir au Roi son Pou-
voir royal; 2° u'aliéner le peuple du Roi par d'o-
dieuses cillomnies; 3° de soulever l'armée contre
le Hoi; {¡o d'engager une puissance étrangere,I'É-
cosse, á envahir le Royaume; 5° d'anéantir les
droits et l'existence meme des Parlelllents; 6° d'ex-
citer contre le Roi el le Parlelllent, des réunions
:;éditieuses, afin de réussir, par la violeuce, dans
lems criminels desseins; 7° enfin de provoquer lil
guerre contre le Roi (1). Charles vient lui-mcllle,
le lendemain (l~ janvier 1642), demander á la
Chambre des Conununes l'arrestation imlllédiale
ues accusés. Mais l'assemblée, profitant de ceHe


(1) I\ushwol'lli. Tom. 1, parlo 1If, pag. !¡73-7ú, cite par :\1. cui-
lol, llisl. de la reD. d'/1nglet. Tom. 1, [iv. 111, pago 242.




- 298-
volontail'e dégradation de la Majesté royalc, s'a-
journe d'abord, exige ensuite un désistement for-
mel de toute poursuite, déclare que le Roi a violé
ses priviléges, déerete d'accusatiou le pl'ocureur-
général de la Couronne, et appelle aux armes le
bas peuple, sous prétexte d'empecher une aulre
tentative de coup d'État. Hontcux de su cléfailc (lui
assurait la victoire au parti de la révolution, Char-
les sonit de son palais de Wite-Hall, OU il nc devait
plus rentrer que pour montel' sur l' éehafauu (1).


Ce départ, ou mieux eette fuite, pel'mit au:\:
chefs du parti populaire d' aceomplir la révolutioll,
en mettant la force publique sous les ordres des
Communes, en s'emparant des places d'ül'mes, en
désignant un commandant de la fIotte, mülgré
l'opposition des lords et la défense du Roi qu'ils
dépouillaient de su derniere prérogutive. Autuni
valait-ille détróner, puisqu'on lui enlevait toutcs
les attributions de la Souveraineté. Pidele üUX tris-
tes devoirs qu'il aVüit á rcmplir désormüis, Char-
les tira üussit6t le glüive pour rétablir ses droits
supremes qui formaient la base juridique de l' É-
tato


(1) Ed. Clarendon, Bis/. of ti/(' I'cbc/lioll. Tom. III, pago 1:).-
Joumals of Ihe hOllS or COlI!lIWIlS, U janvier 18:12.




COlllme le Parlcll1ent ne voulait pas avoir l'ait'
d'elre le véritable agresseur dans eette guerre, il
présenla sept propositions de paix que le Roí
ne pouvait accepter, sans avilir la Royauté en sa
propre personne, ou mieux sans opérer lui-meme
la destruction de la l\]onarchie qu'il avait mission
d'ennoblir et de régénérer. En conséquence, il pré-
{Ó'a eombattre la révolution, pIutót que de céder
ir ses prétentions exclusives. Ayant planté la ban-
niere royale sur une tour du ehateau de Nottin-
gham, Charles appelle á luí tous les amis du Tróne
et de la Constitution, tandís que le Parlement ap-
pelle autour de lui tous leur::; cnnemis. Celui-ci
rallia les prcsbytériens et les puritains; celui-lA
ne rallia qne les angl1eans, paree qn'il avait persé-
cuté les CJtholiqucs. En sa qualité de chef d'État
et de chef d'Église, le Roi s'6tait vu obligé de réa-
gir, par son gou"ernement, contre une double
opposition: celle de la liberté religieuse et celle
de la liberté politiqueo 01', ces deux partis se leve-
rent a la fois contre la Royan té qui devaít tomber.
Vun et l'autre, en efret, s'éta1ent rangés sous la
bannj¡~re de la révolution, prisc pour hut par le
parti politiquc, prise pour moyen par le partí reli-
gieux. Rien ne pouvait résister a cette ligue [ormi-




- 300-


dable, qui considérait Charles I"r comme l'auver-
~;aire COlluuun, et le Parlement comme un allíé
naturel, parce qu'il se proposait de fonder l'État
sur le principe de la Souveraineté du peuple a l'ex-
elusion de la Souveraineté du Roi, ou mieux de
remplacer le Gouvernell1ent d'un seul par le Gou-
vernement des assemblées : base de l'Église pres-
bytérienne. Ces deux factions, résumant ainsi tous
les fanatismes de la société, formerent le parti du
pays, a l'encontre du partí de la Cour.


" L'un et l'autre parti, dit ~I. Guizot, avait un
sentiment profond de la justice et de la grandeur
de sa cause (1). D Et cela devait etre. Car l'auto-
rité et la liberté, c'cst-a-dire la direction souve-
raine et l'impulsion nationale, étant privées d' un
principe supérieur qui aurait exprímé lem har-
monie dans l'État, pouvaient et devaient se [aire
antagonisme , par cela seul qu'elles n'étaienl
plus d'accord sur la forme du Gouvernement;
mais elles ne devaíent ni ne pouvaient cesser,
poor cela, de constituer, l'une vis-B.-vis de l'autre,
et, malheureusement, l'une contre l'autre, le droit
humain et le droit divin, servant de drapeau a
deux partís également nécessaires aux progres des


(1) IliSl. de la rev. d'Anylct. Disc. Tom. ¡", paso 21.




- 301-


sociétés. Dans les deux camps, il Y avait un Pou-
,oir établi par la Constitution; et l'on croyait
ohéir a la loi, soit en se déclarant eontre le Roi,
soit en se déclarant pour le Parlement (1). En
fuit, celui-ci avait usurpé son autbrité, puisqu'il
était sorti de ses attributions légales et qu'il avait
renvcrsé toutes les barrieres eonstitutionnelles,
que celui-lil uevait relever, pour rentre1' dans
I'exercice de son autorité légitime. En principe,
chaun des dcux partis, fondé sur une négation
réciproque, et constituant une inhérente antino-
mie il la raison meme de l'homme, puisqu'il ex-
primait une vérité relative, s'imaginait etre seul
destinó a faire triompher la vérité absolue, pre-
mier et dernier mobile des actions humuines.
Ainsi, les républicains, fiers de promulguer la loi
g'éllérale dll progres rcligieux, social el politiql1C,
pensaient que la liberté démocratique était souve-
rainement nécessaire pour consacrer la légalité
juridique eles acLions humaines, ou mieux pour ga-
rantir les droits de l'homme, eonsidérés comme
étant le principal but et le devoir supreme de l'hu-
manité sur la terreo El les royallstes, heureux
de formuler la loi générale de la stabilitl'~ rcli-


(1) Fréd. Ancillon. Vid. SIIlJ, Tom. 111, pag, 359.




- 302-


gieuse, soeiale et politique, paree qu'ils pressen-
taient un autre butfinal et,conséquemment,un nutre
lIevoir supreme de l'humallité, ¡¡ensaient, au con-
traire, que l'autorité monarchique était souvcrai-
nement néeessaire et que les droits ele l'homme de-
vaient lui etre sllbordonnés, dans les circonstanees
présentes, attendu qu'elle pouvait eonduire u
la garantie fnture de ces droits, base légítimc
de la liberté. L'opinion des royalistes, fondée
sur ce qui devait etre et non sur ce qui était
en réalité, se trouvait éminemment légale, paree


qu'elle était conforme a la tendanee invincible de
l'espece humaine. Et réciproquemellt, l'opinion
des répnblicains ne se trouvait pas illégale, paree
qu'elle avait pour principe ce qui était réel-
lement, et non ce qlli devait etre, Ol] mieux un
simple pressentiment qui, n'dant pilS (~ncore un
objet du savoir de l'homme délllS la société, ne pou-
vait etre déduit soit logiquement, soit juridique-
ment, et, par conséquent, etrc érigé en loi posi-
tive.


Toutes les diverses phases de la révolution all-
glaise, préludont iI l'(~tablisselllent de cette anti-
nomie sociale clans le monde chilisé, r('sultercnt
de l'antagonisme de ces priucipes, manilestés par




- 303-


le partí du droit divin et par le parti du droit
humain, qui avaient pris les armes pour s'entre-
détruire. Dans le camp du Roi, on voyait la no-
hlesse, divisé e d'opinions et n'ayant, au líeu d'une
détermination positive, qu'une détermination né-
gativc; car elle craígnait de servir le despolisme
'royal, tout en combattant le despotisme populaire (1).
Dans le camp du Parlemen t, on voyait des nobles,
des bourgeois, des négoeiants, des artisans et des
labollrcurs, ayant tous le memc fanatisme re-
ligiellx ou poli tique. Les commencements de
la guerre furent favorables aux I'oyalistes, parce
que les républicains ne connaissaient pas l'exer-
cice militaire. Le Roi désirait concentrer ses for-
ces, engagcr une bataille décisive et marclJer sur
Londres, siége du Parlement et foyer de la révolu-
lion. ~Iuis le Parlcment, qui voulait aguerrir ses
troupes, lit trafner les opérations en longueur, al-
taqua sur plusieurs points, éloigna le péril, et, mal-
gré tous \es rcvers qll'il cssuya durant la prem¡ere
eampagne (~642), n'ofTrit pas au parti royaliste
Ilne seule oceasion de sueces. La situation chan-
gea, quand le Parlel1lent eut proposé aux Écossüis
de r(~unir Ieurs deux Í~tats el leurs deux Églises,


(t) Fréd. Ancilloll. Viele suprú. Tom. Ill. pago 360.




- 304-


pour former, par l'étroile union de I'Angleterre et
de l' Écosse, une seule Église et un seul État : sym-
bole de l'identité de leurs intérets respectifs, de
leur commune existen ce. Un traité fut conelu, sous
le nom de ligue et COL'enanl solenncl (1), entre la
Chambre des Communes et plusieurs commlssai-
res écossais qui, s'engageant u fournir une arIlll'('
de vingt mille combattants, assurercnt le triompbe
du par ti républicain sur le parti royaliste (sep.
tembre 16á3).


La Révolution politique allait done finir; mais
la Révolution religieuse était a peine commencéc.
Les théologiens avaient re<;u l'ordre de préparer
un plan de gouvernement spirituel (2), qul, 50115
prétexte de ramener les cultes de l'Angleterre el
de l'f:cosse u l'unité, aurait livré le gouvernemcnt
temporel aux presbytériens. Ce parti poursuivail
deux huts contradictoires : la destruction de la
hiérarchie ecelésiastique pour créer la République
dans l'Église, et la conservation de la Royautl~
pour empecher I'établissement de la Répuhliquc
dans l'État. « 11 fallait, clit M, Cuizot, que, chan-


(1) Rllrnet, M¿moirs of /111' TTlI1llillOlIlS. png. 2,'lH. - 'If~~' TTisl.
of 1111: PII/';!. TOIll. 111. pa",. SG.


('2) :\I'al, llist. 0(111(' ['1/1'11. TOlll. I!J. pago 1'23.




- 305-


gennt sans cesse de position et de langage, il invo-
(lIlút tour ú tour les princi pes el les passions dé-
mocratiques cünLre les (~veqllcs, les müximcs et les
innuences lllonal'clJiqucs ou uristücratlques contre
les républicains nüissants. C'était un spectacle
étrange de voir les memes hommes clémolir d' une
muin el soutenir de l'ül1tre, tantÓl prccher les in-
novations, tantót l1lüudire les novatelll's, alterna-
tivcmcnt, rebelles et despütes lila fois, persécutant
les Épiscopaux au 110m des droils de la liberté, les
Indépendants <lU 110111 des droits du Pouvoir; s'ar-
rogean t enfin le pri vilége de l'insurrection et de la
tyrannie en déclamant tous les jours contre la ty-
rannie et l'insurrection (1). D


J:animosité des divers partis était cl'autant
plus grande qu'ils énlünaient les uns des autres;
cal' les Épiscopüux avaient faH naitre les Pres-
bytériens, et ceux-ci les Indépendants, qui fi-
rent naitre les Niveleurs. Déja un débat sérieux
s'engageait entre les Presbytériens et les Indé-
pendants : ces derniers ne voulünt pas accep-
ter en matlere de politiquc des príncipes que les
premiers f(~jetaient eux-memes en müW~re de reli-
gion. Ni la réforme politique, ni la réforme reli-


(1) Ililt. ,/1, 1(( 1'1'/" ((¡lm/I,I, ni,;!'. TOIl1. JO<, pago 97-78.
JI!. e,; 20




gicuse ne dcvait sa!is[airc CP. Iroisi(~me parti, qlli
t>ollicitait égnlemcnt une réformc soclnlc, afin
de généraliser la Révolution. En efTet, si les Épis-
copaux reniaient le Pape uu nom de l'indépen-
dance nationale, et si les Presbytéricns rcniaient
les éveques au nom de l'inclt~pendance eccl(~­
sinstique, tout Puritain reniait les pretres üu 00111
de l'indépenuance hu maine. l' f:glise devait exis-
ter, selon lui, süns pretrcs, sans symbole, sans
discipline, saos cérémonie, san S r(~g-lc; el le culie
se rétluirc u la seule cOIllmurücülioll UU .saillt-E~;­
prit c¡ue lout le monde pouvuit oblcnir par la
pricre. Selon lui encore, l'Élat devait exister sans
Hoj, sans hiórarchie politiqne, SilTlS (listinction li(~
classes sociales, pour mienx til'fr le l'ellJ){e d(' :a
sel'vitnde dTlJ,1Jptc (\j, c'cst-i\-dirc )'Oli;' détruii'(~
la Monarchie, ótabiir I'(>g(llit(~ ilhsolue el en\'f
une Républi(lue, au sein de lU(Iuellc lout le monde
se cooformcrait en toutes diOses it la vulonté
de Dieu, ou miellX it la Dible, interprélt'>e par k
scntiment de chacnn. Ce par ti informe [enferma: t
autant d'alllbitiellx que de \'i~ioIlna¡J'(";, lmds plu'~
d'hommc:i pervers qlle d'hommes de ~)()!lIW roi.
NéarmlOins i1 n'eflrayait pcrsollne, paree (lU'íl était




- 307 -


pell nomhreux. On ne crnynit ras qn'une minoritó
violente put faire la. loi aux grandes majorités.
Cepcndant, pOUI' prévoir le t1'iompbe des Iudé-
pendants, il suftisait de trouvcI' purllli eux Olivier
Cromwell (1).


Cet !lomme, le Hohespierre et le Napoléon de la
Grande-Bretag-ne, fut le type du rév()lutionnain~
avant d'6t1'e celui de l'usurpateur. N('~ arist()Crilh~
et noble, il devint égalitaí1'c et (Mmocratc. Possé-
dant toutes les qualités, toutes les passions, taus
les vices, tous les srntiments, lclUtes les act.ivités
comme toutes les pussiviü;s du corps ct. de l'ame,
il se montra tour á tour brave et lache, humain et
(TUPl, sincere et mentenr, poli et grossier, f il !1ati-
que et sensé, noble ct vil, rnystiquc et pratiquC'. 1l
ji avait dll ~¡i1homet dan s Crorrmell. Tons ses pnr-
lisans furent des béídes. ídole de l'armée, les üfT!-
ciers eL les soldats, en cxécutant ses ordres et en
se pla(~ant toujours au-dessus des loís de l'huma·
n ilé, !le manquaicnt jümais de se dire tes instru-
ments clwisis des volontcs et des justices de Dieu (2).
(:romwell n'appartint pas allX Jndépenc1ants, mais


(1) ~l. Villcmain il sup,"rieuri'llIrllt dl"crit ccll<:' silu"lion r<"í"O-
Illlilltillélire dan,; son lli,¡lOirc de Crol/m.'ell, ((((}iris les/iul/lO!)', s
,fu lUl/lIS el les re/llcil.\ lli/i'(,lI/l'lil,IÍI(,;. :¿. \01. LoHI.
(~) .\1. nuizot, lIi.lt. {/0' tu du, ¡/'¡¡I/Ulct" JJisc. TOll], 1", p.30.




- 30R -


les Indépendants apparlinrent i1 Crornwell : c'é-
tait la condition de leur existence politique. En
lui le parti se fit hornme (1). Inférieur a tous
les tribuns dans le Parlement, il était supérieur
ú tous les généraux sur un champ de hataille.
ITabile a comhiner les éléments de sa forLune per-
50nnclle au milicll des catastrophes publiques, il
commcn\-(l par se donner des chefs qui devaient
rester ses propres agents, et finit par se poser lui-


meme en maitre supreme, apres avoir [ait exé-
cuter, exiler ou empri50nne1' le Roi d' Angleterre
el les meneurs des Puritains; en un mot, qui-
cOlHlue le dépassait ou pouvait le dépasser mora-
lement el posilivement dans I'État.


Olivier Cromwell n'engagea sa lutte contre les
P¡,esLytél'iens qu'apres avolr remporté la victoil'f'


de Marston-Moor (2 juillel 164'1). Le vainqllclI!'
du Boi Ile craignait plus d'elre vaincu par le


Parlement. 11 s'agissait de retirer le commü.nde-·
mcn t de l'année au parti modér(~, et de le don-
ner au pnrti radical, afin d'nssurer son triom-
phe. Cromwell etles autres chefs des Tndépcn·.


(1) \l. de Pongerville, Considel'lllioll5 SUI' :l/ilton, son épOlllf(· {!
se.' VIlI'I'Il(jCS, préfare de sa beIle tradurtion rln !'(//'(ulis l}ITdll,
DOUV. ,:'dit., l'al'is 11$:):).




- 309-


dallls proposerent an Parlcment d'exclllfc tous ses
llleruhrcs tanl des emploits militaires que des
chürges civiles (t). Cette proposition fut sanction
née par le fümeux hill de renoneement a soi-
meme. Les Preshytériens durent se démcttre de
leurs fonetlons (g décemhrcl64ú 1; mais Fair-
faix, chargé de réorganiscr I'armée. n'en conser-
va pas IIloins poul' lielltf:llant Croll1well, son bcau-
fn~re, dont il n'était que I'instl'mnellt, et qui lui
fit dislribller ton tes les positions militaires au
parti des Indépcndants.


H fallait justifier cettc confiancc par des ex-
ploits; on tit marcher la nouvelle armée du Par-
lement eontre celle du Roí, qu'elle rencontra prés
de Naseby (15 juinl 6ú5). L'action fut longtemps
douteusc; enfin le sombre g-énic de Cromwell I'<cm<
porta sur la hravoure chevaleresqlle de Charles Ier.
Tout fut perdu pour le Monarque apres ce rlé-
Hlstre. Les Preshytériens essayérent néanmoins
tic lüul sauver, afin tle se samer eux-memes. Cal'
la victoirc lles ] nc1épendants entrainait lellr (h'~­
faite en tant que parti, le triomphe de la Répn-
bUque, la ruine défillitive de la MonarclJie, P[ll'


(1i 'l'/u' ¡'({rl. Ilist. '1'0111. liJ. col. :t.!6. -Jvurnals vI' lite ¡/Oí/Sé
n( Commons.




- 310-


conséquent, celle de la soei(~té. Le Parlement
se mit done ú négoeier auprcs du lloi, lni pro-
pasant l'excrcicc d'llnc: autorité n(~gativc et se ré-
servant l'exrrciee de l'al1toriL(~ pasitive. Charles I,r
l'épondit aux co!nmi~Sfüres des dcux ChJmbres: «Si
jc con'~cntllis .\ vos demandes, 011 vicndrait encore
él moi lu tete découverte, OH me baiscrait encare la
main ct I'on m'npj'cllel'ilit vlajesté. La formule de
\OS commandements scrait cncn!'c : la votollfé du,
Hui sig1lifica par les dellx C/UllJlbres; jc pourrais
encere [aire pr)l'ter !levant mOL lil rnasse et l'épée,
el me complairc i'l posséder un sceptre et un rlia-
dbilC, stérilcs ramr¡H1X qni bientót se flétriraicnt
<'pres la Blort du tronco Mais ([uant au Pouvoil' vé-
ritlble et l".~d, je ne seruis plus qu'une imuge, une
l'l1'iciglle,11:) f;'n:/ll)(C de Rol. »
Lf~ Monarque n'ay:lllL ln:) vrmIu se 5ubordonncr


,tU Parlement, ou il1ieux tlétruire sa p1'op1'c Sou-
veruineté pour créer ceile dn peuple, le Parlemel! l
ordonnü l'urrestc:tion du lI1onal'qúc. Cllllrlcs se r(~­
fu¡.;ia dnns le cump(lrs f:cossais ([,mili J(i4G); mni:s
ceux-cL nOllveünx ,Tu(ln:-;, le livr(~rcnt, Inoycnnüllt
UllC som me de qua! re cellt millc Ji Hl~S stc:rlillgs, prh
d'UDC dcue linciclIlle. La cuptivjL(~ de Charles f,r,
(lui,en tant que ltoi,étuit k príncipe de toute justice,




- ,111-


puis qu'il représentuit le droit divin, exprima po-
sitivement la destruction des lois morales et des lois
politiques, et conslitua le crime de lese-divinité,en
ycrtu duquel le Parlement d' Angletcrre anéantis-
sait les uesseins de Dicu sur l'humanité. Le peu-
ple, ioin d'el.rc son complicc, devint son accusü-
teur, el manifesla une vénération profonde pour
l'augustc prisonníer. En gardant la personne da
Hui, le partí prcsbytericn croyuit pouvolr luí im-
~,oscr telles cünditiolls qu'illui plairait et régéné-
"el' ainsi la M.onarchie que le partí puritrrin vou-
Lüt détl'ulre. Maís tes Cornmunes ¡;yunt résolu
(!'envoyer une portion des troupes en Irlande el
de licencier l'autre portion, toute l'armée se mu-
Lina. Cromwell, chürgé de rétabtir la discipline,
fomenta ouvcr!cment la rebellíon afin d'engager
Ulle lulle supremc entre le Parlement et l'ürmée,
entre le Prcsbytérianislllc et le Puritanisme. Un
tribunal des agillltcurs ('1) fut institué sous la
forme (}'un purlcmcnt milituire. Les ofllciers su-
jiérleur5 formcrent la Cllllmbre haute; dcux sous-
oH1cirl's e1 deux soldats par compagnie forme-
rcnl la Chumbrc büssc. Répllblique ambulanle
l:t viclot'l(,w;c, l'arnh':c alll:il 50 :mbstiLllel' Ü la ~\Io-




- 3l:L -


nardJie captive el défaite, s'emparer de la pcrsol1ne
<1u Roi (3 juin i6á7), dicter des lois au Parlemcnt
el fonder sa propre tyrannie au nom merne de la
liberté.


Comme le parti presbytérien pouvait tenter un
autre coup de main pour reprendrc la personnc
royale, Cromwell fit dire a Charles ler que, sa tete
étant menacée, il devait quitter au plus vite le pa-
lais de Ilapton-Courl et se retirer clans rile de
Wight. L'infortuné Monarque suit ce conseil per-
fide; et Cromwell s'écrie avec joie: « l\'laintenant
• que j'ai le Roi entre les maios, je tíens le Parle-
J) ment dan s ma poche. » S'étant rendu ú la Cham-
bre des Communes, il y prend la parolc en ces
termes: « L'heure est venue pon!' le Parlement
" de gouycrner et de sauver seul le Hoyallmc (1)."
La Chambre, incapable de résister ú cet llOIl1me,
vote qu'il n'aura plus aueune relation avec Char-
les ler.


Mais le pays tout entier protes te con tre ce hill
qui conclut de la destructioll lllorale de la ~lonar­
chie ú su dcstruction positivc. Les députés, COIl-
traints de rétracter Icms actes révolutionnaires


(1) 'j'hc PI/1'l. Ilist. 1'11111. II f, cul. tiJO, - \\ alhl', /llsl. o{lndlJ-
]/('ndanc!J. Pago 6\).




- 313 -


et de revenir aux príncipes de la Constitution, dé-
clarent u qu'ils n'altéreront pas le gouvernement
Ji fondamental dll Royaume par un Roi, des Lords
»el des Communes ('1). »Cette déclaration d'un
Parlement semi-républicuin ne sumt plus a la na-
tion monarchique. Dieu et te Roí Charles! s'éerie
tout un pcuple qui veut rentrel' lég'alement dan s
le domüine des lois morales dont on l'a fait sortir
i1Iégalement. une seeonde gllerre eivile, plus for-
midable que la premit~re, éclatc. L' Éeosse, q ti i
repürait en Angleterre pour délivrer le Hoi, es-
pere effaeer, par cette gloire, I'opprobre dont
elle s'est couverte en le li vran t a ses ennemis. La
Monarchie anglaise eut été sauvée; la révolution,
détournée de son cours al! profit d'jntérüts indi-
viduels, eút été rallJel}(ic a son hut primitif et ,6-
ritüblement national, si Cromwell avait laissé aux
Anglais et aux Écossais le temps de réunir leurs
forces ou de coneerter leurs plans de ba taille.
Mais, ayant terrllssé l'opinioD royaliste a Preston,
a Wigan, a Warington et en f~cosse, le chef du
partí des I ndépelldants se trouva le maitre des trois
Royaurncs SUbjllgllés par son épée républicaine.


En l'übscllcc de l'ül'l11éc (Ille la gucrrc civile
',1) nw 1'<11'1. I1 ist, TUIJI. 1Il, cul. bb:!,




- 31.1I -


éloignait de Londres, le Parlcll1cnt ayunt rcpris
la liberté de ses votes, déelare que le Hoi fiJit assez
de concessions pour qn'on puisse rétablir la paíx.
Cromwell donne aussitóta ses troupes l'ordre J'en-
lever le Monarque et de marchersur Londres. Puis,
se [onllant sur le principe de la SouveruineLé uu
pcuple, en vertu duquel toute société peut accocder
l'autorité politique ct la retire!' quand Don lui
semble, ce fougueux rl~vollltioUn¡¡irc ü,it déctufcr
par l'a1'méc que Charles SLuu!'L, incapable de ré-
gner désormais, doit etre traduit devnnt la justice
nationale, commc coupable de tous ¡es malhcurs
du Royaume. Le Parlement essaie d'oPP0:.ier le
peuple de Londres aux soldats de Cromwell. Tcn-
tative inutile! tous les droits du pays 80nt foulés
aux pied8 d'une soldatesque féroce (lllÍ exelut OH u1'-
rete cent fluarante-un représentants. QUelqUC3 gé-
néraux se font dire par un prédicateur, devanL les
débris des deux Chambres : u eeHe armée extir-
pera la Monarchie, non-seulement id, mais en
France et dans les autres Hoyaumes qui Hons cu-
tourent (1). » Les Nivclcurs, soulevés par Crom-
well, dcmundcnl la mort de Charles ler, et présen-
tent cet odieux attcnlat COllllllC l'c.\]lression de la


(1) vValkel', lJist. uf 1I11¡';p~/(ltll1C:!J. l'ar!. Il', pat;. 5(1.




- 315-


jusLicc de Dieuo La Chambrc haute se refuse au
crime; la Chambre basse, quoique mutilée, suflira
¡JOur l'accomplir. Sur sa propre déclaration, « tout
ce qllí est jugé loi par elle, a force de loi, sans le
» consentement dn Roi et des Pairs. D Une haute
cour est instituée. Cromwell, quí en désigne les
memhres, siége lui-meme a cet infame tribunal.
Charles I''" déclinc sa compétence. Un Roí ne sau-
rait accepter, ni pour accusateurs, ni pour jugcs,
des sujets qui méritcnt d'etre uccusés et jugés. On
l'interrog-e, mais il refuse de répondre. Condamné
ü morl par contumace, Charles monta sur l'écha-
fnncl en pardonnant aux hommes quí le tuaient
pour ¡ni ravir ~a Couronne terrestre, et en dc-
mamlant n Dicu In Couronne céleste, symbolc de
sa propre immortalitl.3 (20 janvier 1.6á9).


Le n:,gicide (~tant consollullé, les Communes
firent publier une oruonnance déclarc.nt coupable
de trahison (( quiconque proclamerait u la place
») de Churles 1" el COlllme son successeur, Charles
,,-Stnart, son fils, COmmLH1(~ment appelé le Princc
)) de Calles, ou toute nutre pcrsolllle, á quelque
" titre que ce soit (1) .• L n ([litre bill fu t adüp~é
en ces termes (7 févricr) :" Il a été prouvé par


(1) '{ite i'<u l. i1 iSl. 'J'UIlI. iJl. eol 1:l81.




- 316-


expériellCe, et cette Chumbrc déelare (!ue l'omee
de Roi est, duns lf~ pays, illutilc, on6rclIx et dan-
gereux pour la liberté, la surelé el le bien du
peuple; en conséquence, il est des ee jour abo-
ti (1). » Mais personne encore ll'osait prononeer le
nom de République, paree qu'elle 6tait mor te
aux yeux de tOllt le monde,avant Iw~me que de na1-
tre, sur l'échu[aud qui avalt servj ú la décapitation
de la Monarchie.


Le rneurtre de Charles 1"1 daut l'reuvre dc qllel-
(llleS hOlllllles, ne saurait 6tre imputé a la natioll
anglaise. On osa n6anmoinsemprunter ú la justice
tcmporellc ses formes et au pcuplc son llom, mul-
tiple expressioIl du droit humaill, pour détruire
les principes de la jllslice étcrnelle, en immolant
LE HOI, c'cst-it-dire I'expression physiqlle des lois
morales et, par conséquent,lcs lois morales elles-
J.l1emCS qlli constiLuent le clroit (üvin,qu; assurent
enfin la réalisation plelne el entiere des desseins
de Dicu sur l'bumanité. Cet aclc exécrable devait
falalemellt s'aecomplir, pUiSqll'OD avait llléeonl1u
le principe de l'inviolaLilité lllonarchirl'lC: droit
primordial, droit sacré, uroit indispensable et ab-
solu de la SomerainClé des H01S, (fui reste ou dolt


;)) Plirl. lJu,t. TOJll. llJ, 1'(1121),).




rester fixée au-dcsslls de toutc responsabilité cn-
vcrs les hommes, et ({ni ne s'cxcrcc 011 ne doit
s'exercer que sons une effrayante responsnbilité
envers le Créatellr, par cela seul qll'elle représente
ici-bas la cré~a tion di vi ne des lois morales, bases
inconditionnellcs des ]::UlIs.


La nalian chez laquelle on établissait un pureil
dó;ord re e tune pErcllle i niquité, quoique insu-
Iaire , deyenait en plein continent, ou mieux en
rIcino civilisation, un foyer d'anarchie, d'immora-
lité, d'inslübilité politique et de barbüric, c'cst-ú-
dirc le symbole du Mal dans toutes ses conséqucn-
ces [ütalos ponr elle-meme et pour les autres so-
ci6t(~:3, symboles du Bien, puisque la justice était
encore leur but supreme. Si la fiépubliqlle d' An-
¡:;Icterre ne troubla point immédiatemcnt l'onlrc
matéricl clans chaque Münarchie, c'est que les re-
lations de peuple u peuple n'étaient pas alors ce
qu' elles sont devenues depll is; mais elle troubla l' or-
dre moral en influant positiVf;ment et d'une ma-
niere incessante sur les l1estinées du monde. Au-
CWI SOllverain de l'Elll'Üpe ne prit les armes ronr
pr(~venil' la mort de Charles le" ni pour la venger,
bien qu'ils fw,sen L tous l1lenaCl's duns Jeur proprc
existence et dans cel!e de Ir'urs l::tats !'c~p('('li:",




- 318-


Ce fut une immensc faute; car la stabilité des
Gouvernements ayant cessé d'exister, le mouve-
ment politique engendra l'antagonisme des peu-
pIes et des Rois. L'anéantissell1cnt ues 10is mora-
les, et, par suite, la négation Jl1emc de lu Di-
vinité, fut considéré comme une condition viLale
des progre s intellectuels de l'hulllünité. Aussi les
Monarques durenl-ils frémir d'épouvantc, 101'5-
qu'ils entendirent la Pbilosophle cncydop(~diste
s'écrier, un siécle plus tard, avec Diderot:« Que
» le peuple ne vole jamais conler le sang royal
»ponr quelque cause que ce soit. Le supplice pn-
B blic d'un Roi change l'esprit d'une nation pour
»jamais (1.) » Paroles terribles l paroles aCCllsa-
trices! véritable coup de foudre éclatant sur la
téte des Royautés, qlli, loin u'imprüner aux 50-
ciétés bUll1aines une direction monde el salutaire,
en vertu du droit divin,leur avuient laissé prendrc
une direction tellement [uLale et tellement immo-
rule qu'il n'était plus possihle de prévcnir les ré-
volutions.


(1) Intarprétation da la Natura. '1'0111. TI. -l'olitir¡u(' lÍes Sou-
¡:,Tllins, § CXLVr, pago 227, "'dilo de Jtí~l.




CllAPITRE XXIV.


ÉTABLISSEMRNT DE LA MONARCHIE ADSOLUE DANS LR
NOnD ET LE MInI DE L'EUROPE.


Sommaire.


Les m~xjmes révolutionnaircs de l' Angleterre se propagent en
I'r;liICP. - A el Illini"lralion dp 1\lazarin. - TroulJles de b Fronde.
-Opposilion des Cours souycraines.-I1éaction contre ia Hoyan-
té ;¡hsolue. - Le ParlelllcnL de París s'al'roge le droit dr limiter
I'anlorité du ¡;oi. - Arrestation de Broussel et de quelques au-
¡res conseille.rs. - !'ouliwemcnt de Paris. - Aune d'Autriclte
"l.\1;¡lhipll \Tolé. - (~largisscrnrnt des prisonniers. - f'uite de
la Cour ü Sainl-(;r:rll1aín. - Explosion des idées républicaiues.-
¡>,tÍ\ dI' I\lwil. - La Fronde 1)(1 [ait (Ine rlian!2('l' de dircction. -
Jjes I'rincl's et les grands scigneul's conlinuent la gnerre ('.iyíle.
-- ~¡assar.r(;s. - U's i'nrisil'ns SUI,plícnt le Roi de rentrer dans
,.~ r,ilpif;¡¡(:, - ,\!az:ll'in esl proc!:1in(. Ir, restaurateur ele la paix
iiUlJliq¡li'. - La ¡C¡nnrlc el la re\·olutio:l d'.\ngleterre. -Le PPI!-
pie fl'¡¡Il,:a:s :lpphudit au triomphe ¡le la \lofl(lrc\¡ie alJsolue,-
l\,·úslallce p:issi\c tlll peuple allglais conll'e la HépulJlique.-
] -¡·:co'sc el l"1!Í:il1¡Je se dl'clarenl pOU!' le ltoi Charles n. -
Crom\\'clJ SOlllllCL ces deux l\oyalllllcs. - Couflit entre l'arm,'e
lk Cl'olllwcll el le Jlarknlcnl tle LOllllres. - CG [¡1lI11.¡Jl'lll'{íll-
'¡¡rll! esl ciJass') par Cromwcli. - FOí Illation d'Ull conseii mili-
f:tire,-C;\)!!l\\cll est nOlDmé l','oti:C[cUI'.-Tous les Iloís de l'Eu-
nl!ll s'!:uillil;'~1I1 <levant ce chef d'llne Hépuhlique. - Alliance (le
L()ili:; ),! r ('[ di: Cmmwcll, - Lo Proleclcur veut se [aire J\oi.-
.j ,· .. li'I'I(, diHiS cl'itc Icntali\"c. - La mOlt ele Crolllwcil same la
i'f,illre el relli-!~tl'() l'Ellrope. - Idchard Cl'Oltl\reil. - L'Angle-
íi'l:·e it li¡lí:"¡;:1 1:(' I,Illsil:ms :::(;nérallx. - ,ronk, -L'AngletHre
se 1'!'(I:lUllC(' conll',; la r;(\pnlJliqlle 11l pour lél 'lonarehie. - Res-
t:ll;ralill:1 (1", :..:I:la¡'ls. - CI"u·1\:s [f monle sur le trulle avec un
pomu:!' "h,'J!Il, ~ C';llr f"¡·llle de Mouareliie adoptée eluns le




- 320-


midi de l'Europe ost sollieitl'c tlans tous les (.:tats du i'ioru. -
Lrs gucrl'cs dc Charles ,\, Hoi de SIIC.llc, fon! naitre el) 1ll1l\lVC-
mCllt (i'ul'inion. - Plan gigantesql1e, mais ehilll('rir¡nc de el' l'rin-
cr.-Jciln-Cn:iilllir ,,'asa, on miclIx le I\oi Jeélll Ir yent rNol'lllcr
la constitution de la Pologne. - ni,cours propllétir¡m: de ce '10-
narql1c sur les dcstinl"l'S ulltil'irnrc.s rlu l\oyaUlll(O, - La féOllalitti
triomphc de la Hoyaulé en l'olognc. - ~lollarcllie Danoise el No]'-
wégienne. - Hévolution de CopeulJague. - Les ¡::la!s, apl'l)s S'l~­
tre conccrU's avec Fn'rJriric 111, se proDOllcenl en favem de la
Hoyaulé absolut:'o - Charles xr accompEt une r(:vollltion s('m-
hlable dans la 'Ionarchie suédoisC', - Le triompllí: (\r la l\oya¡M
absolue exprime la ruinr. définitivr; de la r(lndaIUé.


Quoique la cireulation des idées 1Ie fút, an nlle
sieele, ni aussi rapide, ni aussi g(~n6rale qu'elle
l'est clevenue, ú partir du XVIIIC siécle; et que, par
sa position géographique, l' Angleterre ue soit en
eontaet immédiüt avee aueune des différcntes na-
tions de l'Europe, elle n'en eomnlUniqua pas moillS
ses muximes ré\olutiounaires au pellplc de Franee,
qlli, par sa situaLion intellectuellc, se trotlv¡ú dre
le moniteur de tous les autres peuples, CODlllle ses
propres Monarques avaient été,danslel\1oyeu-Age,
les moniteurs de ious les ullLrcs SOllvcrains (1).
Cette haute magistrature mOl'ulc, nos Rois cupé-
tiens l'avaient positivclllcnt cxerc('c afin de res-
taurer, sur des droits nouveaux, I'auiorité précé-
demment réalisée par les anciens Dynil5lcs, en llli


(1) Vide sUP/'ú. Tom. JI, jI;I!!, 175.




- 321 -


donnant pOllf base la justicc, l'ordre et la liberté:
principes du Bien parmi les sociétés. Mais n'é-
tait-il pas á craind¡'c qnc le peuple frün<;ais, par
suite de la pCl'vcrsiotl dcs idécs morales, positi-
vcment accomplie chez le IJCllplcanglnis, n'exer-
cút la haute magislrature qui lui était dévoluc,
dc la maniere j;¡ plllS illlnlOrale, 011 miellx h la
~ltile fif) de rcstilllrl'l', :,UJ' des (¡¡,oiLs 11011VCat¡X c;l
-;(¡IIS les forllles d'(II1I~ H('publiquc, lit ¡¡)Jcrté pl'l~­
cédemuwnL réalis(~e ¡)(Jr les anrienlles noyaulé~.;.
1~1l lui donnant pour base le despotisme, l'anarchic
el, I'iniquité : principes du Mal parmi les gént';ra-
lions hUlllaiucs?


Ce probl6[lJI~ rcdoutable fut posé dcvant l' Eu--
rope monarchiq!iC au comlllcnccmcut du n~gne de
Louis XIV et peudan! les troub!es qu'oll vit éclt\-
ter dans Pdfis, sons la régence d' A one d' c\utri-
che. Riel! de plus rnen:l<;anL qlle ces trouble::;, sou-
¡(~\'ement (1'I11l gralld pClll'le cOlltre lél Royauté
:lbsolue; bien que, cl'un jeu d'enfant, ils aient
re~~u le nOlll oc Fronde. Cal' tout sembltlit, ú IpUl'
origille, [aire pr(~sager in dissollltion complete de
l'État. • 011 ne parloit, !lit le cardinal de Uetz, ¡¡Ile
de Répllbli((lIP el dí' lib'l'!/'; (JI] all¡"g'lloit I'í'\'~ll¡­
pl(~ de i'AngletciT('; Oil ,¡hoit (pie la Monarcftie


JlI. (:3) 21




- :122·-


dlOít trop oieitlc el qu'it étoit temps q/t'ette /i1I'ÍI. "
Si ce dénoument fatal avait eu lieu, la France au-
rait suivi la direction révolu tionnaire que Crom-
well venait d'imprimer iJ. l' A llgletel're; el loin d'etre
purement transitoire, comme elle le fut dans ce
dernier pays, elle serait devenue permanente peut.
etre dans le monde politique, attcndu que la nation
fran¡;aise était assez puissante pour I'établir d'nnp
maniere définitive.


On le sait, Louis XIll avait désigné, dans son
testamenl, les membres d'un conseil de Rt~gencc
que devait présidcr le prince de Condé, pen-
dant la minorité de Louis XIV. ~la¡s la premierc
démarche d'Anne d'Autriche, lk¡¡¡e-~l(~re, fut de
faire annuler les dCrIJi'~rcs volontés dll ~IolHlI'(Inc
défunl pm' le Parlement de }\wi",. ;';etle compil-
gnic, a qui Ricltcli(~lI avail dili¡PH'~ !¡¡isser j,!
liberté d'adresser al! Roi de tI'(~s·hlllnbles remon-
trances, cassa le testament d0 touis XIU commc
celui d'ull simple pllrticuller, dOIlll~' la H'~;gellcr;
absoll1e u la Heinc, sUl'prima le con'eil qui dc-
vüit limite!' son pomoir, et s'inlitlila llllc!~r (/¡¡,jC'lIIf
Roí: témoigllant llillSi des priucipcs lloure:lUX
qu'il \oulait inLrodllir(' di!Wi I'¡":ta! i,ar ~;(:i nelc
rl'aulorité. Le mümc esprit d'cmpiótcllh;nt se 1llll-




- 323 -


njfesta ógalcnwnt dans le corps de la noblesse. Na-
gl}(~re pcrs(~cut{~C par !Hchelieu, maintenant eares~
sée par Anlle d'AIIlriche, elle se croyait enfin ap-
pclée u changer les formes poli tiques et les eon-
llitions morales de la société. Pour opposer une
résistance légale uux divers mouvements révolu-
tiolllluires que l'aristoeratie Oll la rnagistratllre,
profi tant des faiblesscs inhérentes aux époqucs tIc
régcnccs, cssaierait de produire dans eeHe si-
luation, il fallait un ministre habile, et surtollt
plus jalOllX de se faire estimer que de se faire
craindre; mais la Hégente uvait confié les dcstinée:;
(lp la Franee á un étranger, égalelllcnt ineapablc
de se faire eraindre et de se faire estimer.


Mazarin, négoeiatelll' dll premier ortIre, fllt
1111 tres - TTHlllvais administrateur. CJ(~ve de Hi-
cltcJieu, il continua gloriell::iement le systclllc
di' S011 mallre tlans la politique Mrangere; mais
i~llorant les mages, les lJcsoins el les ressour-
ces de la Franee, il Be ::iul, daus la poli tique in-
II;rieure, que fceouri!' anx plus déplorables ex-
p/'dients. SOllS pr(~lextc de relever les finanees de
¡' di¡ t,il [jt iomber, sur la propridé mohiliere et la
propri(~tó jmmohilil~re, ulle séric !I'onlonnanccs
qlli sllspelldaiellt l(~ paicment des rentes, qní ilng--




- 324-


mentaient les droits d'entrée, qui mnltipliaient
les UlXes, qui détruisaient les maisons non toisécs,
qui créaient certains offices de judicature et <lui
supprimaient enfin, pour qualrc aus, une partie


des gages de la magistrature. L'hol1neur et l'in-
téret particulier du Parlement étaient mis en jcu,
quoiqu'il dút enregistrer ces édits que lil COll-
science publique repoussait. Or, l'ellfegistrement,
pure forma lité dans l'origine,avait fini par devenir
un controle législalif; el le Pllrlement, autrefois
simple tribunal, prétendait se substituer ;mx
États-Généraux. La nation était heureuse de voir
se former une üutorité protectrice dans l'opposi-
tion, paree que le gOllYerneu¡r,nt d(Sgén(~rait en
un despotisme ruincllx et vexatoire. Aussi les
Cours souveraines, plllidant leur propn~ causc cn
en m(~me temps que ceHe du peuple, protesleJ'(~nt
eontre les nouveaux édits.


La résistance des Il1ügistrats avait ordinaire-
ment eessé, toutes les fois que les ministres
s'étaient d{,cidés ú faire intervenir la ROYlllll(!
d'l1ne maniere direete, en employant la grilnd(~
ressource des lit:; de juslice. On nnnol1/;a dUlle
une sóancc noyale. \lais, I'avocal-g(~n(~ral, ()pwr
T¡)lon, qui fut sllrnOmlll(~ « le plllS bCilll sens COI11·




- ;,25 -


)) /llllU de son lcmps» el don L le devoir était de
cOllclllre U i'enrcg-isln~lllellt, parla au Roi-mincur
en ces termes:


« Sire, n'est-ce pas une illusion dans la morale,
ulle contradiction dans la politique , de croire que
des t':di ls flui , par les lois du Royaume , ne sont
pas susceptibles d'exécutio!l jUS(lU'¡'¡ ce (¡u'ils aíent
dé rapport~s et délibérés dalls les Conrs souverai-
nes, passent pour vériíit~s , lorsrlue Votre Majesté
en a fait Jire eL Pllblicr le litre en sa présencc',l Un
tel GOllvernement desputique et souvcrain serait
bien parllli les Scythes et les barbares septen-
trionaux qui n'ont (lue le visage d'homme. ~lais
en Franee) Sire, le pays le plus policé du monJe,
les ¡¡cuples Ollt toujours [ait état d'(~lrc llés Fran-
<;ais (1). »


Le lendemain, tOlltes les Chambres assem"lées
déclarerent qlle, « I'enrcgistrement en présellce
»du Roí n'¡"tant pas libre, il devait etre considéré
"comme une formalité sans valeur. )) Cette décisi-
on rétroactive émancipait complétcment la lllll~
gistrature visit-vis de la. Royauté. Anne d'Autri-
che, pom' la n~lllf~ttJ'(~ en tuteJle, somlllil les


(1) Y. Olller TalolJ, MC1/wiI'CI. - ~1. le ¡;ullIle de Saillk\ulaírc,
{fiMuil'c de la Frvnric. :! vol. itiL¡l.




- 3:lG-


conscillers de répondre par arrCi u l'interpellation
suivante : « Le Parlemcnt se croit-il le droit de li-
»miter l'antorité fioyale? » - Et les Cours SOll-
veraines répondirent., san S Msiter, avec le prési-
dent le Coigneux : « II ne s'agit pas d'examiner ce
» qui se faisuit á des époqucs qui ne sont plus el1
)) rapport avec les temps présellts. » On chereha
dans les traditions de l'uncicunc l\lonarchie, f/Ill'l-
<lues temp(~ralllents p1'oprcs ¡\ réconcilier l'esprit
public avec la forme do ta ~lonarchie t!ollvello. Mais,
COlll1l10 l'aslucieux Mazarin s'dIo}'(;ait de divisor
les Chambres, elles rendiront entre elles UIl cé-
leIJl'c al'r{Jl d'union auquol se rallierent Princcs,
llobles et bourgeois, de sorte quo tüuto la sociét(~
réagit contre le ministre.


Cette cüalilion, qlli provollull lant de désordre
el c!'auarehie (!ultnd ~lle fut délollfllée de S011 vé-
ritable hut, cxprilllait done le lloble dall d'uue
partie de la France vers l'o1'<11'e lligal el la libertó
polillque (1). ~ ous trouvons, dan::; le::; M clIlo[res
du cardinal de Hctz, une page <Iu'on ¡¡cut eOll!Jidé-
rer COll1mc le lllanífesl~ de la U1'oudc.


« Il Y él plus de donze ccnts ans ifU0 la FriJ/lf'c;
ü des Hob; miú:) ce~ Hui::; ll'utll 1"') LUlljours \~lz'




- 3~7 -


dlJsolllS uu poltlt oIL ils le sont aujourd'hui (1).
Leu!' autorilé n'u jUll1uis élé réglée, coml11e celle
des B.Oi5 ti' Angleterre et d' Aragon, par des lois
Cerites; elle ü seulement été tempérée par des cou-
tumes rcc;ues et comme mises en dépót, UU COlll-
lilcuccmcnt dalls les ll1UillS des Élnts-Générccux,
el dcpuis duns eelles des Parlemen ls. tes enregis-
lrCmenis des LI'llllÓS ütil:; ci1lI'C les COllI'OnneS ct
ks véri;iclcliom; des é,jlis, pon!' les levées d'argcut,
sJnt des ima¡;es effacces de ce suge milieu que nos
p0[es uvuicnt trouvé entre la lieenee des Hois et
k lihcrtinage des peuples. Ce milieu él élé consi-
tl~r¡~ par les suges et les bOlls Princes COllllHe un
aS:iaisOIlncment de lenr pouvoir, trós-utile l1lClllC
liour les útire goúler uux sujets : il u été reganlé
re1!' 1l:~) l;ltd-lwbilcs ct les mal-illtcntionnés COlllme
un ohsl:íclc ir lenes d(~rt~glemcnts et it ¡eurs ca-·
pl'ices. Le l'envcrSCll1en1. des anciennes loís, \'a-
néuntisscment tic ce milieu qu'elles ont posé entre
l~s llois et les peuples, I'établissement de I'autorité
¡~urcment et uhsollllllent despotique, sont ceux qui
ont jeté orip;inairement la Franee tIans ces COI1-
vut';ions dUllS lesquelles nos peres I'ont Vlle (2). ))


.1) !:clz '~rmdll '1)1.:j )1' I"\c;nc lle Luuís .\ 1\'
(:l) Liv. !l, pat;. 1:l1 el tiuiv.




En em~t, on pUlISSlI les c!toses ú j'exLrelllc. 'fuu-
te's les Cours j lldiciai res forméren t, par déléga t iOI1,
llue assemblée COtlstitllanle qui se réunit dans la
chambre de Slliul-Lollis [Jour f!~digcr une ordon-
llanee destillée ü refurmer l'État et ú rendre la
n:agi:;trnturc illdépeudnnte de la Royallt(~, en sub-
UrclODltilnt le noi an l)arlemcnt. La Régcllte He
¡le pOl!\llÍt adlll<'ltre une conslitnliun scmblllhlc,
S,U!::; unéantir dle-meuw l'il!ltoriLé mouarcliique.
eile secunde séance ro~ a\c lüt résolne. Aune d'All-
lriche adopta quclques afticies de la Chi1mbre de
Saillt-Louis,ell rejela le plus gralltl lJulllbl'l~ eL "O U-
lut contl'aindre cette asscmbiél; it suspcndre ses
ddibérulions. Mais le premier pI'(~CJidcllt, :\Jathieu
~Io!ét l'épond¡t sur-Ie-champ: " Sirc, ce su-
pl~rbe appareil qlli marche ~l votre suite, el ceLtc
pOlllpe arcc la(lllellc Votre :\LljcsLélie'1I1 ieí, l1'iIlS-
pirelll pas taIll de respecl de voLrc [luis~allc\~ rople
au C~UJ' des peuples, que les lois et lec. regle-
IlWuts. )) Olller Tüion ajoulü : ~ L\ coulradiclion
des :lufl'ragcs, le résistance respeclueuse tlont nOllS
usons dans les ufl'aires puhli(!ucs nc duit pas Ure
iille)'próll~e CCUHlie une dé"obóis:,;allce, lllais
l'OllllllC llll dlct néecsc,.: 'I';~ ,:(~ Id hlieliull de lIOS
chal'gc~ ct dc l' aCCOlll plíS:illHCI1 L de !lOS devuirti.




El, ~an~ doutc, ce ll'esL ]las dilllinucr l'ilulorité
royale quc de l'astrcindre ü suivre les ortlO!lnan-
ces, et de lui faire, COll1Ille dit l'Écriture, un
Hoyaume de la loi. »


Lorsflue le chancelier , sdon l'usage, filie tour
de la salle pour J'ccllcillir Irs suffrages, plusieurs
cOllsciI!crs des enquetes s'éerierent : • Nous vous
)j diruns notre avis dcmaill, qU&ll1d le Roi n'y sera
• pi LIS et que nous pourrons dé LLércr a ree libcr-
o té., Les assemLlécs recommencercllt,malgré la dé-
fellsed' Anne d'Autriche. Unc commission fut chal'-
gée d'exuminer la déc1aration royale, et de délihé-
re!' « sans désempurer snr les articles ele la Challlbre
D dc Sainl-Lollis, jusqu'il l'cntler acllevement du
)j travail cntrepris pOllr la rélórmalion de l'Etal. "


Ccpendallt, on n'osuit prendre contl'e le Parlc-
mcntauclllle détcrminalion vigourellse, paree (lll("
son opposilion étant fondée SIlI' le principc de la
liberté poliLique, chaque conseillcr paraissait au
peuple un unge descendu dll ciel pOllr le délivrer
de la lyrannic et des violences du canlinül Maza-
ria (l). La victoire de Lens, que le grand Con-
dé venait de rcmporler :;ur les Espagnols, inspira


,1., .\ladatlle d,~\Jolte\illc, JJ¡moirc,1 ¡Jaur sCl'rir Ü tlzislail'c
tl'Annc d"/lu/ric/u;, 17~3"




- 330 --


nénnmoins quelque hrm1iessc ú la llégcntc. Jme
ordollllu l'arrcstation immédlate de c1eux prési-
dents et de quatre conselllers, an nombre (lc~J­
quels figure Broussel que les bourgeois de Paris
surnoffimüient ¡n'otecleur, pere el tl'ibun du 1'CII/)[C.
L'enlevement de ee rnügistrat Cut regardl~ commc
une eulumité publique. Des millicrs d'attroupe-
ments se formcrent aussilÜt; on criait parlout
Broussct el liberté! Parls vil s,(~lere]' dcux cents
Larricades en moins de deux heures (¡). Le Par-
IClllent se rendiL au Pulais-Uoyal ayce l'cspoir
d'obtenir i'élargissement des prisonniers. Les
bourgcois s'écrierent i.t l'approchc dc~ JlWgistl'ilts :


({ Vous pouvcz ordonner avec confinucc t0l11 c(;
quc vous jus'erez expédient ponr le bien de l'État;
il se trom'Cl'a assez de bras pom exéctltcr ce qnc
VOlb aurez résolu. »


Anne d' Autriehe re<;ut les Cours souvernines
uvee uu ton de fureur plutót que de colere.--
« C'est UL! Parlement, dit-elle , ú calmcr 1'6-
motion qu'il a eausée. )) - Le premier présidcnt
tui répondit en ces lcrmes : ( Vous etes sans c1011lc
mal illrnrml~c de !'dal r11~ Paris, Tootes lr;s f()rce~;
du HOÍ, unies (1 ccHes da Parlcmclll, sel'lIi<;rll iUl




- 331 -


puissuntcs pour calmer la séditíOD. Jc conjure
Votrc Majesté de se luisser fléchir el de rendre les
prisonniers. La jl1stice le veut; votl'C bontó vous
y convie, et cent lllille hommes appuient cette de-
mande les armes el la main. »- a Je suis bien qu'il
y a un bru!t daos la ville, reprit Anne d' Autrlche;
milis vous m'etl répondrez, meSSielll'S du Parle.
ment, vous, vos femmes et vos enfants. "


Les nwg'istrals, sorlis du Palais-Uoyal, etl-
trcnt dans les l'U(;S. «Hronsscl est-il libre ~ ») dc-
ll1unda le peullle, Sur ti n~llonse négative, un
homme s'approche de ]\latlü:~u Molé, appuie Id
bOllche d'un [Ji~lolet sur son 1'1'ont et s'c\crie :
; Tourne, traitre; si tu m: veux etrc massacré
toi-llH';mc, j'alll(~!le-llOUS Droussel, ou 'Iazarin el
le clwncdiel' en úlage. i) Le ¡:arleillcnt rcvieul
au Plllnis-Hoyal, el. le premie!' pr6sidcut ose <1i1'e
Ü la l~e¡nc-HlL:rc : dI u\:st pi lIS tCillpS de riea dissi-
mulcr: H s'agit de ia conservatlon de la Couronne,
dc ln súrcté de i';~ la L, Je la vic meme de Yoire
Majeslé et de ecHe üu lloi, votre fils. ,)


Ann(~ d'll;tricJ¡r: ohtir:nt la ;,n,spernion des ~:;­
scmLlécc;; uwic; die Gccord:: ia lih(';'h~ des prisün-
nie!';,). Ceux-ci n'llll'\;¡¡[ ddmi le i'a]'!í~tllCllt, llllH]b




- 332 -


que in Conr sort deParis, d!Hlt elle veut faire le
siége. Toutcfois, ne pOllVllut cOlllbattre, la Hégente
est obligée de négocier. La déraile du gouverne-
ment royal est complete; et les bourgeois cé[¿~­
brent la victoire de l'opposition parlelllelllaire en
s'écriant : (( Vivent les restüuratclll's des libel'tés
»publiques et les peres de la patrie! )) Cette ptlix
ne devait etre qu'une treve. Les Princes du Silllg,
n'y t1'ol1vant aucun a\"éllllaw~ persoíllld, se ligu(:-
1'cn t avec le Pa1'lement con tre la Hégell te, (llli,
1'ent1'ée Ü Paris vel'S la fill d'octobre, se vil COll-
traintc d'en ressortir au COUlluencement de jan-
vier (16M)).


Condé avait noblement 1'efw;(~ de prcmlre pLlrti
conLre la Cour el pou/' le Parlemeut : ,lllssi put.-iI
cOllduirc l'amH\c dLl Hoi deVilnL la capitule; mais
les Princes el les magistraLs pl'¡reul une at.tituclc
tellemcllt menü<;Hnte, (rU'an liel] de comhattre,
Aune d'Autl'iche prdéra traiLer. Le Parlemcnt et
la bourgeoisie tout cntie1'e rlésirent la paix, dont
Matltieu Molé pose les préliminaires aux con-
fé1'cncl's de Uueil; les Prillcc5 ct le llwnu peu-
pIe désirent la ~l1crn~, d()nl I!~ dllr d· ]1nllil!on
COl1lIllenCe les opéra !ion'i ayec J' a ¡¡pui de l' Espa-
gne. tes rehelles de l'il1tél'ieul' el les enncmis de




- 333 -


I'cxL(Tieur se trollvent d'accord pOllr renverser la
~lonarchie de France, et pour élever je ne sais
quelle forme de Hépl1blique plus ou 1110ins se111-
blable il celle d' Angleterre. Sur ces entrefaites,
on apprend il Paris l'assassinat juridique du Roí
Charles l"r , commis á Londres par un Parlement
régiei(le. Malhieu }folé, llOnteux de présider un
Par]elllclll r(~voIté, s:lCri f!(~ illlssitót les préten-
tiol1S de son parti au sulllt de la sociét{~. Conclllant
la paix, sans ríen statllC'r sur tout ce qui fai-
sait le sujet de la g'uerre, iI néglige les réfonncs
paree qu'il craint les révolntions. La magistralllre
el. la hO!lrgeoisie en sont consternées; le menu
pellp1c cric ü la trahison. Un attroupement se
forme <lcvant les portes du ¡¡aluis; qnelqlles indi-
vidllS, ¡'¡ mille r(~rocc, demallden t ([ll'Oll leur li\TC
'lathieu Mol(~. Tons les conseillers fl'órnissellt;
le premie!' pl'ésidcnt, seu1 impassible, affronte
¡'émeute; et son couragc sublime imrose allX
meurtricrs. l.e spectre de la Répnhlique et de 1'(1-
nnrcllie vcnant de s(~ lnontl'er, les honnetes gens
virrnt hien qlle le complet rétahlissement de 1'01'-
dl't~ n'dait pas possiblr, sans le triolllphe absolu
de la Royallt(~.


la fronde a ét(~ j Ilsq 11' il. lm~st;nt, SOl15 la direc-




- 331, --


tion des IDngístrats, une tC111ative sincere, intelli·
gente, natiünulc, ayant pour 1mL de f011(ler un n~­
gime libre, par l'application d'idées ju~tes en
matiere de gouvernement. Elle sera désormnis,
sous la direction des Princes, une com\~die,
aussi ridicule que burlcsque , Oll le:, gl'allds sei-
gneurs fcront la gucrrc au Hoi pour faL'e la raíx
avec leurs maitresses, et qui finira P(11' LO:!r1lcr illl
drame. Arres les propos d'amour el. de c()f¡~re des
salons ou des ruelles, on uniendrn l:t ,-oix air;rc,
terrible, sanglante de l'émcute dallS la rIle;
apres les fcux croisés de couplets eL d'{~pigramll1es,
les feux bien nourris de mous(luetons; aJ)f(\s le~,
parades mllSfluées eles petils-rnaitres, les horrihlc~
voies de hit de la populace, criant : t Mor! (1/1,,(:
M azal'ins, UJ/iou atee les Priucr:s! " La terreur e!
!'assassinaL l'f~gn(,l'o!lt t'llíiil dan" Pilrj~; Ol! Conr!('
hri-melllc fera oublier, en '\ti 52 , pm' des <lcle~,
nbolllinübles, ces nobles liül'olcs qu'il pronoll~<lit
en i6lt8 : " .re m'ap;;dlcLouis d(~ I\onrholl, et
~ j c ne veux pas ébralllcl' j'!:: 1 ¡¡ l. "


Accomplissant la ruine eles p,)l]voirs pnblics, nrln
de constituer Sil domjnuLiol' personne!lc. M. le
Prillcc espól'c dicler de:,; :'l!:; ?llu ¡:rance, en pacli-




- 33fl ~


t;ouvcrnemcnl populaire, OH micl1x emblemc de
la République , e~t institué sous ses orclres; mais
I.ouis XIV, déclaré majeur pour le salut de la
Mooarchie, casse tout ce qui s'est fail daos Paris,
transfére le Parlement a Pontoise, renvoie Ma-
zarin , qui sert de pl'étexte iJ. toutes les révoltcs
particllliercs ct Pllhlie une amnistíe générale.
AussH6t les Pt1risiem~ ront supplier le Roi de reve-
nir clans Sil capilaleo Cédant it leurs vreux,
Louis A IV Y rentre; et Candé sort du Royallmc,
allant se joindre aux Espngnols. ta guerre civilc
une [oh terlllinée, on prie le Roí de rappeler son
ministre. Aujourd'hlli Mazarin est proclamé le res-
taurateur de la ¡lüix publique par ceux-lil mell1e
flui l'acclIsai('nt l1uu'cfois rI'en Nre le pcrturba-
temo Les CllnCm!c; de SOll pOl1\'oir ¡u¡ devaient
ce! ¡lV\;{/ de lell!' proprc illlpuissancc. lis s'6-
t¡ticnt propos6 de rcnvcrser un homme, dussent-
ile, pUll!' attdndl'e Icnr but, rCllverser tOl1tes les
ilhLilutiOll:-i; mais j'hommc conscrvait sa [lositioo
onicidie mi de",slI'; de la ~;()ciél6; milis les insti-
¡¡¡!in!!" cllcs-melllcs s'daicnL d'autant rnieux COIl-
so! ¡dé¡'fj (ju'O!! k~; ¡;vait plus 101lgtC!llpS ébranlécs.
j\';¡ya¡¡! ri(;;~ prcl¡;ilil (¡I~ éli\!lItail'f', la Fronde Cllg-en-
dra quciquc cl10sc de funcdc, pl1isl!u'ellc nppl'il á




- 3:16-


rire de tout. La foi politique el sociak, n<lglli~rr. si
nrdc!lte, fit place au sceplicisme. La haute aris-
tocl'aLic el la ll1a:;istr'Jtllr'C, qlli avaient cs<;ayé
d'arreter les progres de l'iLltorit(~ monarchique,
étaient tombées sirnultan{~ment ou ¡'tlnc apres
l'autre; et le Trone, resté seul debout, n'en partIt
que plus grand et plus élcré. Char:nll ayant bcsoin
de réparer ses pertes Ol! ses faules, ¡'esprit d'ind(~­
pendance était mort parmi Ic pcuJlIc; I'esprit de
uespotisme naissait daos la tC~te dlJ Boi.


Tant de résistances illégalcs avaient éclat(~ con·
tre la \lonarchie, sous les yellx de ton is XIV, qll' i 1
confon<lit la liberté ave e la licence, ne toléran 1
jamais la moindre résistancc légalc, quoirJll'(,lle
soit toujours IH~ccssaire pour prévcnir les ¡¡hus tl(~
l'autorit{~. Apprcnant Illl jon!' (lue Ic ParlcllIent
délibérait sur p¡u~icllrs édits blll'SilllX dont j! \'011-
lait refuser I'cllregistrenw/lt, ce \IOJ1ilrque cntn!
dans la graod'chambre en hahit de chassc, le fouet
n la main , el dil aux llH1gÍilrats : - 4 On sai! les
malheurs qu'ont proc111ils vos üssembl(~es; j'Ol'-
donne qu'on cpsse cdlcs qui sont commcncées sur
mes (~dilS. MonsiPIIr Ip p:'cilljer pr{sident, j(~ HHlS
d¡"fcnds de l(~s ~O!;friir; el '-(lOS, IIW~ic:j,,¡¡I'S de.; Cil-
quUes, .il~ vous (klc"d~ de les d(~maild('r. ,) Lr~




- 337-


Parlement. se tnt : Louis X IV avait parlé (1653).
Nul conflit n'était plus possihle entre le ParlClllclIt
de Paris et la Royanté fran<;aisc, qui triolllphait Ol!
la Royauté anglaise venait d'écholler. En etTet, les
gncrres civiles el' Angleterre, entreprises au nom
de la liberté, s'étaient fatalement terminées par le
meurtre du Roi, par la destruclion de la Monar-
chie et par la clissolntion ahsolllc de l'Etat; les
fi'[Jerres civiles de Francc, égalcmcllt dirigées COI1-
tre la M onarchie, se termitwien t an con traire par
le triomphe complet Ju Hoi, <llú reconstitua !'État
au gré ele son despotisme. Ce contraste exprimn
la ditTércnce essen tielle des hommes et des partis
engagés duns la lutte Ol! se débattnient les des ti-
nées ultérieures de l'une el de I'alltrc; soci(~t¡'\ La
révolution s'accc'lllplit, en Angleterre, par le choc
de deux partis en ticremen t opposés dans loutes
leurs vues politiques, sociales et religieuses, h la
fois inconciliables et indestructibles, mais se sub-
jllguant a tour de role pour s'entrc-détruire:
guerre inexorable r¡lli dévora plusieurs généra-
tions,qui anéantit sur le-chump les institutions du
puys, etqui devait plus tanl ébrdnler toutes ceHes
du Contiuent, apres avoil' üx.é dan:,; la raison hu-
maine ccHe antirlfllllie rorlllidilhl(~ f't pl'obl6ma-


Ji 1. (3)




- 33H-


tique dont In solntion impliqne 11: salut OH la chute
du monde civilisé. En Frunce, la révolution ne pul
s'accomplir, paree que le dualisme des opinions ne
s'y était pas encore développé,de S01'te que les par-
tis, manquant de puissance, faute d'une base ra-
tionnelle, toute la société se rallia autour du Roi,
symbole de l'unité politiqueo


La l\Jonarchie absolue de Louis XIV trouva par-
tout une adhésion active; mais la Hépublique de
Crolllwell trouva partout une résistance passive.
Le Parlement, ayant ordonné qu'elle fUt procla-
mée dans la Cité de Londres, le 10rd-maire s'y
refusa. La proclamation n'eut líeu que trois mOls
apreso Quand J'ordre fut donné, dans toute l' An-
gleterre, de détruire, sur les édifices ct monu-
ments pub!ics, les insignes de la Hoyallté, l111l!e
part on ne l'exécuta. cr Jmnais, di! ]\l. Gll¡zoL
peuple vaincu par une faction révollltionnaire De
refusa plus clairement a ses vainqu(~urs son adhé-
sion el son concours (,1). D


Si la rósistul1c(C' de la :'ociété nW!li1l'chique rnl
joute mOff¡le. (·pI1e ¡l'lIP" cr>c;'c radic;l!rmcn! (J(-
mocratÍque fnt toute posilive. '.es d~pllhlirilins se
chargeaientcux-mémes ele lh~clarcJ' la ¡';'u~;rrc au




- 339-


gouverncment de la Iléjlublique. C'est ainsi qnc
les partis succombcnt toujours par ¡'abus du prin-
cipe, en vertu duquel ils ont triomphé. L'élément
qui fait leur exisleuce, devient t6t ou tard l'élé-
ment qui cause lcur mort. te principe de la
liberté politique et religieuse, exprimant la créa-
tion du Droit humain, n'nvait plus de cOlltrc-
poids dans l'í:tat, dermis la mort de Charles lor,
exprimant la deslruction du Deoil divino JI en
résulta, par une conséquenc(\ immédiatc et iné-
vitahle, l'ülléantissemenl ab::\olu de l'ol'llrc llU-
blic, c'est-a-dire l'anarchie des idées ctdes fails,
illcompatible avec toute forme qllelconque de gon-
vernement et de société. Yainement la Chambrc
hasse, réduite de cinq ccnl trcizc députés Ú jlrl:;;
de quatre-vingts, avail-cllc uholi In Clnmbre haute,
';nus pr(;tcxte de fonder 1'Í<:tl\1. sU!' le ¡:rincip'-: dl~
l'r'~galit(~. En s'arrogeant tons les pouvoirs au nOIl!
du p(;llple souverain, elle semblait n'avoir tué le
noi (lue pour se créer une Royauté ll1ultiple.
C;ommc elle se vantait d'avoir fait tomber les pre-
:niel'€s chaines de l' Angleterrc, en détruisant la
~}onarchie; UIl p:lrti redoutahle, celui des Nive-
[ellrs, s'élcva tout<l-COUP arce l'intention de faire
U:i11her « les srcondcs chaincs en I'é~énérant la




- 340 ~


République.» Diverses insurrections de soldats
éclaterent dans ce but unique. Mais Cromwell, ({ui
ne voulait pas laisser compromettre ainsi le 80rt
d'une révolution qu'il dirigeait, en ayant l'ail' de
la sllivre dans ses écarts formidables, écrasa les
faclions et rassura la société, bien plus épouvantée
par l'explosion dll COl1lll1unisme, que par l'assas-
sinat juridique des prineipaux chefs du parti roya-
liste, dont la tombe fut le bereeau de la terrenr.


Pendant que l' Angleterre, de voie de fait en
voie de fait, se laissait imposer la République;
l'Écosse et l'Irlande rejetaient eette forme d(~
gouvernement, proclamaient Charles-Stuart, lé-
gitime héritier du Trcme, et prenaient les armes
ponr rétablir les principes de la 1\10narchie. Ce so u-
'i'~vement de deux naLions, l'une catholiqllc,
,'autre protestante, ne dcyait servir que les vues
pcrsonnelles de Cromwell. Avant de suhjllguer
l' Angleterre, cet homme él besoin, non pas de
combattre l' Irlande, mais d'exterminer tont un
peuple, par cela seul qu'í! appartient b. une race
et á une religion enncmies. Des qu'il est nornmé
lorll-lieutenant de l'lrlancle, il part avec ses Saints
qui 8e conduiront commc des brigilnds. CeliX
d'entre les Irlandais que le glaive n'atteindra pns




- 31¡1 -


Slil' le challlp de bataille, SCJ'Ol1L atteints par les
i¡ iTl'ls ele la eOIl1' des rnassaeres, (s{auhgter-J¿oi/sc) ,
dont chaque jugc est un bourreau. Apres l'exter-
mination en g-rand, la déportation en masse. On
vend des U~tes humaines par milliers; mais 00
dorme troi5 mille neuf CCllt millions d'arpents de
te1're irlandaise ilUX né¡.;ociants anglais (pli ont
i'aH des avances pécuniélircs ú la Hépubliquc. Cctte
destrlH.:tion immcnse d'bommes et de propriétós
él créé, entre l'AngletPl'rc el l'Irlanc1e, une lHlille
"i arucnte, que les progrés de la cidlisation n'ollt
pu !'étcindre. A son relour ,(IUoic[u'i! eút préparé d(~
grancls (l(~sastrcs pour Sil lntrie, Cromwell n'en fnt
pas moins salué comn](~ le saurellr de l'État.


Sur ces entrefaites, Ch;lrles tI, ayant débarqué
en Éeossp, acccplilit le rovenant el se résignait á
subir toute sorle cl'lllll11jJjations pour ohtenir la di-
gnitéroyale. Un minisLre presbytérien lui déclara,
10r8 de son cOllronnement, qu'il n'était Roi qu'en
vcrtn d'une convcntion avec le peuple; et que,
s'il III violait, ~ en imitant l'apostasie de SOll
apere, )) le meme son ¡ni serail rl~serV!~. Char-
les! I I"issait done imlllo!er en llli·m(~me, pnr cC't
act<:, le príncipe tlu (h'oil divin f{n'il sllbordonn,lit
i1U principe C\U dl'oit. hutnllitl, ú l'heure meme Ol! il




- 342-


auraít dil faire admettre sinon sa supériorité, du
moins son égalité nécessaire, et I ui donner une exis-
tcnce nouvellc. Sous ce rapport, il étaitmoralemcnt
vaincu par les Écossais, avant de I'etre maté-
riellement plli' les Anglais, Charles abandonna
l'Écosse u CrOlll\H:ll et rén6tra en Angleterre
pour t811ter, au ctenr de ecHe R(:IHlbli(lllC, la fUI'-
Lune de la I\iouarchie. Les dCllX grallds uc1vcr::;ui-
lCS, les syr:tbolcs de O::cu.\. chiiisalÍolb conlrauic-
loires, ne :-iC í'l:Ilcontl'l:l'Cllt (j1J'il W()rcC~;l(;I' (;) sep-
tClllere ; 65l). Charles se battil \'uHlümment COIt-
tr<; í..~romwcil; mais ses troupes, nouvellement re-
el'utées, ne pureut pas résistcr aux vétérans ues
ijU 'nes civiles. Ayaut erré d'asile cn asile, de
déguisemeut ell dé(4uisemcnt, u'avcntures eil
aventures, pcudant (¡uarnnlc et un jour::i, apres
tia défaitc, le chd de: la i\laison de 5tuar1: sor¡]t
cnfin d' Angleterre :.ur Ulle bill\lUe de p0eheur;
tundis (lu'apró,; sa victoil'e, le général de la llépu-
bllque entra tluas Londres au milieu des ovatiol1s
populaires.En le Yoyant passer entouré des mem-
brcs du Purmcllt, uu conseil d'Élat, et uu comeD
comml1I1 de la Cité, quclqu'un s'éeria: (1 Cro!llwcll
»sera notre Roi (1) J ))


(1) l1ugh. l'etel'S, préclIcaleul el sl:claire.




- 3l¡3-


Certes, l'aulorité 1l10rale de cet homme étai t
grande au sein de la République, par cela seul
qu'il venait de la sauver en lui soumettunt deux
Hoyaumes; toutefois le Parlement, ql1i avait l'au-
torité posilive, étaiL peu disposé ü l'abdiquer.
~\lais,la con[usion générnle des idées f"isllit prévoir
d'illévitablcs conflits en tre le Parlement et l'ar-


la Chmnbrc, e~ se pCI'(1 en qw:]rlUC sor'r; parmi la
foulc, avant de se retrollvcr ü la tete des républi-
cnil1s, (llli, trünquilles liU cledans, portent leurs
vues <111 dehors " Jls étaicnt, dit M. Guizot, en
préscncc de troi5 puissan ts États, la Franee, l' Es~
pagne et la Holbndn : les dcux premiers, catho-
liques et moonrehiqllcs, adversaires naturels, plus
ou moins eontenus ou déguisés, de la nouvelle
République; le dernicr, protestant et républi-
cain, attiré vers l' Angleterre par toutes les
sympathies de la foi et de la liberté. Une idée
s'éleva et bouillonna rapidcment dan s ces csprits
hunlis et agités. Pourqnol l' Angleterre el la IIol-
lande De s'uuiraient-cllcs pas en une sculc et
graUlI(~ llépllbli(Il\i~ ¡lui fcruiL biellt6t uOluiucr




- 3lt4-


en EllI'Ope leuI' politir!llC et leut' 1'oí eOmll1Ulle?
Ily avait lit de qlloi chanuer les pll1s pieux, de
qnoí oecuper les plus ambitieux. Quclk recon-
naissallce ne porterait pas le peuple anglais aux
h0ll1m8S qlli alll'aient ([ouné cet accroissement
ú su gralldeur, eette satisfaClion ü sa conscience
et a son orgueil? A ce prix, la Monarchic éLait
oLlbliée, la République était fonclée, le Parlement
républicain devenait une as:,emhléc de Rois (1) .•


On pomait ten ter cclte singuliere négociation,
mais elle ne devait pas réussir. Fiere de son
origine et certaine de sa destinée, la Hépubliquc
dc Hollande ne vouIut pas etre absorbée par la
Répllblique d'Angleterre, dont l'origine étüit mé-
prisahle, donl la destinée restait inccrLaine. C'est
ulors que Crolllwell proposa le fameLlx « acte de
navigatioJl D pour interdire aux Nations curo-
pécnnes l'importation en Angleterre des mal'-
chandiscs non prodllites par IcUt' sol OH par leur
industrie. Ce hill, qui est consitléré ('OlllIl1C la
grande charte mnritime du pcuple éll1g1ais, dé-
truisnit la prospérité des IIollandais, enrichis
pnr le sf'ul commrrce rÍP Inlnspnrt, rt crénit In


ll) llislvu'u de la ¡'t!v. lLlílgid., lJIJI', TUllJ. 1"'¡Jdg. (¡:J-J0,




- S/¡5-


prospérité de la Grande-Bretagne, en isolant ses
intérets de ceux du Continent, en fondant la for-
tune de !'industrie nationale sur la ruine perma-
nente de loutes les industries étrangeres, en tiant,
d'une maniere inclissolublc, les destinées du com-
merce il celui de l'État, obligé d'acquérir désor-
mais non-seulement des contrées nouvelles et de
nouveüux entrepóts, mais encore l'ernpire su-
preme des mers.


Une guerre maritime devait éclater, aprés l'a-
doption de ce bill, entre la Républiqlle d' Angle-
terre et la République de Hollanclc. C'était 1'af-
faire des amiraux. Quant á Cromwell, s'aban-
donnant a son ambition personnelle , il enga-
gea la lutte contre le Parlelllent. L'armée de
tC1're, menacée d'un licenciement, aclressa ,
d'apres les conseils de son général,. une pétition
a l'assemblée pour réclamer l'arriéré de sa solde
et pour l'inviter a se dissoudre, nfin qu'une
rcprésentation réelle et complete, emLleme de
la liberté, vint remplacer une représentation
décimée et fictive, emblcme du despotisme. Le
Parlement décIara qu'i! ne se clissoudrait point;
mais CromweIl (~nLra dans la Chambre des Com-
munes avec t1'oi5 cellts mou¡;quetaires, chassa les




- 346-


députés en leur disant : A llons, al/ol/s, vous n'¡}les
plus du Partemenl; le Scigncur vous a rcy'ctés,
mil les clefs de la salle dans sa poche '; el fit
inscrire au-dessus de la porte: u Maison á louer. »
Le Long-Parlement, ayant vécu par I'illégalité.
devait périr par l'illégulité. II lomba, d'unc
maniere honteuse et riclicule, ::iOUS les coups
de la force qu'il avait employée pour s'élevcl'.
Cromwcll, plus puissant r¡n'~1íl Hui, étalt )(; lllai--
trc absoJu ue l'Allgleterl'e. II se ü! dOllller, piir
un conseil formé de douze milltaircs, <i uom-
)) brc des ap6tres, le gouvernement il vie de la Plé-
~ publique, comme b. leul' Protecteur. J) E!l pl'cnunt
la c1ictatl1l'e, cet hommc prétendít obéir ú ia néces-
sité, {oi de Die//. Tous les partis applaudirent b. la
chnte du Parlement et b. ¡'ólé"O¡ltion de Cromwell.
Les Royalistes croyaient que eette l\lonarchie Sélns
dynastie ramenerait tót ou tard la Monarchie h6-
réditaire. Les Indépendants se consolaient, avec
le mot de République, de la ruine de leur principe
et du triomphe de la Roynuté. Les Preshyté-
riens étaient charmés de voir n la tete du gou-
vernement un bOl1une, qui fondail Sil propre
autorité sur le don d'inspiration et de prophé-
tic, foulüit uux pieds tonte5 les lilJertés publi-




- 347-


ques, déelarait enfin q¡¡C su vocation venait de
Dieu, sa nomimttion du peuple, et que Dieu seul
et le peuple pourraient le renverse!'. Quieonque
n'était d'aueun parti, - e'est toujours le plus
grand nombre daus les sociétés -:- devait accepter
le despotismc, paree qu'il rétablissalt l'ordre pu-
blic apres taot c]'unarchic. " Mais, obscrve profon-
d{~IlWlll :\1. Guizot, nul ne eroynit ni HU droit, ni
:1 la durée de ce POIl VClll'. CroIll'Yell no régnait pas
dan::; les cspr¡ts comll1C Souycrain rCCOl1nu et dé-
iimtif. l.1J 1'(l1te de su grandeur, il n'était, dans la
pCllséc publique, qU'Uil maitre irrésistible mais
prodsoire; suns rival mais sans avenir (t). »


POI/;, mlCllX lranquilliscr l' Angleterre,Crolllwell
avait bcsoíll d'agiter l'Eurolw. 1I [¡¡Uait occupel'
au dehors cett~ arm(;e rén)! utionnaire a laqllelle
i! devait Sil fOl'tllne ct qni pouvalt, uu deuans,
sinon accomplir sa ruine, du moins dicter des lois
Ú l'holllille qui lui avait appris a n'en respecter au-
cune. Mais il ne trouvait aUCllO prétexte de guerreo
l,es Souvcrains de droit divin, sacrifiant l'avenir
au préscnt et oubliant 1eurs devoirs en tant que
chefs de Monnrchie, s'{~talC'nt emprcssés de le re-


(1) JIist. de la 1'1;1'. IL'/lUllid., J)loC. TOlll. 1", pago SO.




- 348 ~


connaitre; bien que, Souverain de droit humuin,
en tunt que chef d'une Républiquc, il rcprl'sentút,
dans un Pouvoir de faít, l'exclusion systéll1atíquc
du principe monarchique. Le ,¡eune Roi Louis X IV
se découvrait devant les envoyés ele cet nsurpateur
souillé du sang de son oncle, Charles ler; )e Boí
el'Espugne lui conseillait de se fairc couronncr; le
Roi de Portugull'appelait mOIl {J'ác; el Chl'istiuc,
Reine de Suec1e, lui témoignait la plus gramil!
admiration pour avoir chussé le Parlement. Tous
les Monarques, en un mot, rivnllsaient de zek,
d'humilité, de bassesse, allprcs du Tyran, quoi-
qu'il leur fit sentir le poids de son orgucil, de sa
puissance et de sa grandeur.


A eette époqlle, la lutte de la Maison ele Bour-
bon et de la Maison d' Autrichc sc poursuivait cu-
core entre I'Espagne, qui déelinait dans su tor-
peur, et la Franee qui grandissait, malgré ses
agitalions intéricures. Ces dcux Monarchies fai-
saicnl de tristes e[o1'ts pour nUircl' la Répubiique
d' Angleterre dans leur allianee. Les négoeiations
ac1roites, mais honteu:,;C's , de ~lazarin, l'empor-
terent aupres tleCrol1lwcll. JI silcritia les vrais in-
térets de l'Allglf'terrc, paree (lu'on lui sacrifiait




- 349-


l')¡onncur de la Royauté. On sllpprima, dans le
trai té si gn<'~ au nOll1 de Louis Xl V, tous les titres
nutres que celui dc Roi de Francc; et les Stuarts
durent s'éloigncr du territoire fran~ais. Pendant
que la Gralllle-llretagne enlevuit a l' Espagne ses
galions, brúlait scs flottes et lui prenait la Ja-
maLqlw, s'assurant ainsi une large base d'opéra-
tiOIlS poliliqlles et commerciales dans le Nouveau-
.'\lollde, la Frunce, rompanL I'équilibre qui existait
entre die el l'Aulriche, faisait, i1 est vrai, prévaloir
sa propre supériorité daus le vieux Continent. Mais,
plus elle elle s'éleyuit lllatériellement, plus elle
tombai! moralcmcnt. LOllis Xl V,allié de Cromwell,
Proleclcur de la République anglaise, assiégea la
ville dc DUIlkerqllc pour déLruire la puissance de
la J\lonarchie espagnole. On vit alors, de part. et
d'autre, des Anglais qui se Lattaient contre des An-
glais, des Fran~ais qui se battaient contre des
Franyais. La République protestante d' Angleterre
faisait flotter son drapea u ü cóté de ceux de la 1\10-
narchie eatholique de France; et la République ea-
tJ\OlilplC el protestante de la Franee , Oil mieux de
la Fronde, fuisait flotter le sien il coté de ceux
de la Monurchie tres-catholique de toutes les Es-
pagnes. Ce~ dl'apeaux serven l J'emblcllles a l'au-




- 3~O-


torité et h la liberló qUl dója se partagent lp.
monde.


Louis XI V fit son entrée solennellc h Dunker-
que, le 14 juin 1658; et le lcndemain il témoi-
gna, par un acte mémorable, qu'il se préoccu-
pait assez peu du príncipe monarchique et du
principe républicain, puisqu'il remit lui-l1leme les
clefs de la ville a l'ambassadenr de Cromwcll,
Heureusement pour la France el pom I'Europe,
ce farouche Protecteur mourut le 3 septembre
suivant; car le soin et la rapidité qu'il mit ¡\ [or-
tifier Dunkerque prouvent qu'il la considérait
comme la clef de l'Europe. Quoí qll'il en soit,
loiD de borner sa domination a l'cmpire des mers,
le grand confiscateur de la liberté anglaise aur¡¡¡t
voulu étendre son autorité dans Loul le ContillC!::
Aussi cherchait-il ú susciter un vuste conflit entre
les Rois catholiques et les Rois protestants, entre
le Midi plus ou moins asservi et le Nonl plus OH
moins libre. Cronmell fut toujonrs rec10uté par les
Souvcrains; mais il redoutilit lui-memc ses ami.,
et ses ennemis qu'il ne pnt i,l~lWi, tnmsformcr en
sujets. Vainement organisa-t-i lun systr'~Ble ¡j' espioD-
nage encore inconllu en Anglctcrre et que les
Tyrans, apres lui, (k~\'ilicn t ré\d(~r ¡\ l' Europc,




- 351 -


Cromwcll avalt peur oe tout le monde, dit un
g-ranu historien.


n Menacé par de continuels complots, effrayé
de vivre au milicu des haines innombrables qu'il
avait soulevées contre lui, Cromwell portait sous
ses velemcnts une cuirasse, des pistolets, des
poignards, n'habitait pas deux journées de suite
J¡¡ meIlle chamhre, craignait ses propres gardes,
s'alarmait de la solituc1e, sortait rarement, par
de brusqucs apparitions, ao milicu d'une es-
corte nombreuse, changeait et mélait sa raute, et,
dans la précipitation de ses voyages, portait quel-
que chose d'inquiet, d'irréglllier, d'inattendu,
cornmc s'i1 avait toujonrs eu a déconccrter un plan
de conspil'atiolJ, ou iJ détourner le bras d'un assas-
sin (1). Q Tous ces tourments de l'dme [urent l'ex-
pi;:! ir) n (¡es deux grands criml's par lesquels il s'6-
tait t~lcvé Gil rnng supreme : le régicide et l'oppres-
sion militaire. Le bien qll'i! fit a l'Angletcrre
dont il crr~a la puissance, ne put (1(~truire en lui-
mt~me le scntimont vcngcnr du mal qu'il avait
commis Si la compllcité pcrsévérante de I'armée
fut. acquisc ú Crot11wcll, simple général, quand
i! vou]nt opprilllrr sa patrie et tuer son Roí,


(1) \1. Yil\l'llIaill, llist. de' Crolllll'cll. Tom. If, pag. 313-31ú.




- 352-


elle ne fut pas acqllise Ú Cromwell, devenu Pro-
tecteur, quand iI voulut se faire Roi Illi-m(~mc.
Aussi n'osa-t-il pas prendre ce titre majestllcllX,
quoique le Parlement I'y autorisat. Il fut oblig6 de
rester Tyran, paree qu'il lui était impossible de
se transformer en Monarqllc, Le meurtrier de
Charles ¡er ne pouvait pas opérer l'éclatante r(~con­
ciliation du droit hUll1ain avec le droit divin;
mais il devait anéantir ces dcux principcs I'un
a la suite de l'autre, en décapltiwl morulement la
nation apres avoir décapité physiqllcmcnt la
Royauté, Au moment oil il croyuit tout pouvoir
par lui-meme, rien qu'en verlu de sa diclalure,
Cromwell rencontra done Ulle force infiniment
supérieure a la sienne, Sa mission resta n<':ga-
tive. Tel sera toujol1rs le sort de ces hommcs-
fléaux que Dieu ne laisse HlillH!Uer jalllals allx épo-
ques de révolution, pour que les pellplf's, appclés
a résoudre le formidable probleme d'etre on de
oe pas etre, qnand chaqlle jour i1s sont u la veille
de leur mort, puissent enfin sorlir de cet état
fatal d'aoarchie, revenir au bien par l'exces uu
mal et rentrer daos l'Ol'<lrr. pl'ovidentiel avee le
sentiment de leur propre iml1lortalilé.


Tant que Cromwell véCllt, ílllcun partí ne tlonníl




- 353 -


signe de vie; rnnis ¡\ peine fut-il mort, que tou!'
recommenccrent une nouvelle phase d'existence.
Richard Cromwell avait été salué Protecteur,
au milieu des cérémonics publiques alors en
usuge pour couronner les Princes, héritiers des
Rois. C'était l'ombre de la Monarchie qui se
projt:tait déjiL sur le solcil de la Républiqur.
Cdlc-ci n'üvait pn se muintenir que par l'arm(~e :
c(~!lc-Iú ne pOllvait etre restaurée que par le pars.
Tandis que les par'lis civils chcrchaicnt á se re-
constituer, le parti militaire s'empara de la si-
tuation. Quelques démarches du Protecteur ayanL
mecontenté I'armt~e, il fut cassé COll1me on casse
un simple oflicier; et les débris uu Long-Parle-
ment chassé par Cromwell furent rappelés, afin
de cache!' la réalité du gouvernement militaire S011S
les apparences u'une administration civilc. Quoique
destiné ü la servitude, l(~ Parlement osa reprendre
son titre de COllsel'valeul' de la liberte: rnontranl
ainsi qu'il voulait eLre un pouvoir el cOllunander,
a!] lieu d'obéir. L'armée n'avait pas détruit l'auto-
rilé tI'un seul hom01e, pour laisser créer celle d'unc
Assemblée. Aussi lui substitua-t-elle un Comité de
súrCle gdJU'ralc~ qui livra hientót l' Angleterre b
ton los les an~oisses de ]'anarehie; cal' chnque gén(~.


¡[lo




- 3S!, -


ral, depuis le plus petit juSqu'ull plus grund, vou-
lut se poser en dictateur.


Je me trompe: il y avait alors, dans l'arméc an-
glaise, un général, qui, étranger ¡\ toute amhition
personnelle comme á tOllS les partis, gémissait de
leurs ini(lllités réciproques, détestait l'anarchie el
poursuivait seulle but meme de la société, c'est-Lt-
flire le rétahlisscment de l'orclre et de In justice.
Loin d'imiter ses freres d'armcs qui s'cntre-tuaient
pom devenir les chefs de la Répuhlique sur le tOI11-
heau de leur patrie, Monk se retourna contre eux
avec l'espoir (le restaurer la Monarchic, symhole dc
la résurrection nationale. « En hOll1ll1e de gllerre el.
agissant par son arméc, clit M. Guizot, dans un de
ses livres les plus renU\rrlUnhles, il fut fermement
ct constamment résolu h ne pajnt reconm1C'ncer les
coups violents et la guerre ciyile. 11 comprít que,
pour etre solidement rt~tablie, la Monnrchie devail
l'Nre pacifiquement, naturcllclllcnt, commc une
nécessité nationale et le c1crnier rcfuge du pays.
En dépit de ton tes les impatiences et de tontes les
méfiances, il cODtint, dissimula, turda. attrndit,
jnsqu'h ce que I'événement s'accomp\it pn quel-
'1He sorte de lui-meme. Et l'événemcnt accompli,
i\!ollk vOlllul que, dans I<-s ¡(,[Lres-patentes qui




- 355-


consacraient su forlnne et sa gloire, on insérat
ces rnots : Victor sine sanguine (vainqneur sans
eífusion de sang); tanL su prudence avait été ré-
fléchie et volontairc (l). J¡


Ven n a Londres pour imposer silence aux partis,
Monk ne laissa parler et agir que la société. Elle
se prononc;a, par l'organe de ses mandataires, con-
tre la République eL en favcur ele la Monurchie,
dans la Chambre des Communes ainsi que dans
la Chambre des Lords, qui rendirent la Cou-
ronne au légitime hériticr des Rois el' Angletcrre.
Charles II ayant pris I'engagement de gouvcrncr
snivant les lois de l'État et (l'(~trc fidele b. l' Í~glise
anglicane, rentru dans Londres porté, en quelque
sorte, sur le trone par les soldats qui uvaient a~­
compagné son pere ¡'¡ l'échafaud. «( Oll sont mes
ennemis? s'écria-t-il. e'est ccrtuinemcnt ma fante
si je ne suis pas revenu plus tot, car je n'ai vu au-
jourd'hui personne qni ne protestat qu'il avait tou-
jours souhaité ilion retonr." La restauration des
Stuarts fut nn événement tout-h-fait naUona!. rr .Ta-
mais, dit M. Guizot, jamais gouvernement, anclen
ou nouvean, rclev{~ ilpres etre tombé, ne s'est


(1) Monl .. , - Chut!' de [(1 R(;l'uIJlir¡1/( et 1'I'tal¡!isscment de la
·1TmWl'chic en AuUlclc/'l'(!. -1'rH. flGg. \L. 1851.




- 356-


trouvé dan s de meillcllrcs conditions de force et
de durée .•. L' Angleterre mettait au service de la
I\.oyauté une fidélité éprouvée et une autorité
grandie par le malheur ... Deux ennemis redouta-
bIes, I'esprit de révoll1tÍon et ¡'esprit de réaction,
pouvaient seuls renc1re vaines tant de circon-
stances propiccs, et compromettre de nouveal1 la
l\lonarchie (l). ))


Pour prévenir ces mou vemcnts de progf(~ssion
ou de régression politifJl1c également funcstes, il
eút fallu détcrminer avec précision, sous une
forme légale qnelconql1e, les droils dll Princc eL
les droiLs de la Nation, ou miellx le droit divin et
le droit humain, considérés comme éléments in-
dispensables el'une SOllveraineté qui devait réali-
ser, apres tant de crimes eL de folles tentatives,
le regne de la justice et ele la raison. l\Tais le pcu-
pie anglais, sachant par expérience qu'une Mo-
narchie héréditaire est toujours moins violente
qu'nne dictature militaire Oll qu'une HépubliqllC,
ne fit jurel' aucune capitulation au Roi. Tous les
anciens partisans de la liherté se réfugiaient dans
l'autorité, préférant le despotismc ¡\ I'anarchk Ce
renoncemcnt ú soi-meme, qtW les Ilal.ions s'illl-


(1) [hIt. de /1/ 1'1'1'. ,(Aliljlct" Dise. Tom. 1'" pago !J!j-99.




- 3S7 -


¡JoseUl <luelquefois, u'est jamaís durable. Aussi,
quoi<lue le droit humain eut abdiqué en faveur du
oroit divin, au lieu de combatLre ¡'influence poli-
tique toujours croissante des Chambres dans le Gou-
vcrnement du pays, Charles aurait dú en favoriser,
au contraire, l'élüblissement ¡égül, pour el1lpe-
cher que la révolution, rnellle vaincue, 11e rCVCl1-
di<IuJt tut ou tard celtc importante conquelc, el
lI'r.:\iguH, Ú son tour, l'abdicatíon du droit cliviu
eu favcur du droit humain.


Pendant que les peuples d' Angleterre el de
Frunce, qui avaient été emportés dans lcl ou tel
seu::; par le llux de leurs opinions,sc laissaicllt CUl-
porlcr duns un sens contraire par le rcnux de
ces ll1ell1es OpilliollS, les Roís de l' Europe, cnga-
gcant une lutle sUjJrelllc cOlltre les ínstitutiolJs
de la féodalité, fixaient lems propres destinécs.
Partout la Hoyauté absolue se sllbstiluait ou cher-
chuÍl á se substituer á la H.oyauté relative , pOllr
opérer finalcmenl la transformation des sociélés
féodales cn sociétés mOllarchiques. Cette forme po-
liti<!uc n'éLant pas nécessairement l'expressioíl du
uespotismc, elle pouvait 0tre admise COl1une l'cx-
prc::isiol1 dc la liberté. C'csl ce qui cut lieu dan:)
les Elals Ju Nord, doul le GOUVCl'llClllcut, foudé




- 358-


sur d'autres príncipes que cclui des Etats du :\1idi,
conservait encore les formes d'une Hépubliqlle
féodale. Charles-Gusta ve, ou miellx Charles X~
Roi de Sueu.e, voyünt la faiblesse de leur constitu~
tion politique, se Cl'llt de force ú les suhjllguer ou
á les anéantir. Mais les penples slaves et scandi-
naves s'assurercI1l, par la ~\lollarclüe proprcment
dite, un saln t que l' oligarchie féodalc !le pouvüi L
pas leur garanllr. En dIel, lIs al1raient péri dans
les divisiollS intestines eL dalls la guerre étl'au-
gere, s'ils 11e s'étaicnt régénérés dan s la paix el
dans l'unité.


Monté sur le trlme apres l'abdication de Chr!s-
tine, sa cousine germaine, Charles X, prince gw;r-
der, mcna<;ait ü la 1'01s et les pellples du Norel et
les peuples du Midi. Le génie militaire de (;u:,;-
Lllve-Adolphe el le génie aclmini.stratif d'Oxells-
tiern avaient développé tant de forces en SuMe,
(l11'il con<;llt l'espoir de conquérir le Danemark et
la Pologne pour former un vaste Hoyumne, ql1i
engloberait tOlltes les ca tes de la 13altique; et de
descendre en 1 talie, centre du CatlJOlicisme, pour
y élever, cn lilvcur du Protestnlltisme, une jIOU-
vclle 1\1onurchie des <3ot11s, (¡¡'insta!' de Théodo-
rie, ou lllieux de boulcvcl'scl' toute la constitution




- 359-


morale el politique de [' Europe. Une partic de ce
plan gigantesque, mais chimérique, se trouvait
déjil réalisée, puisque Charles X, maitre des cOles
de ia Baltique, oe la Livonie, grenier du Nord, et
de la Pologne, donl il avait expulsé le Roí .Jenn-
Casimir, assiégeait, par te1're el par mer, Frédé-
ric IU, Roi de Danema1'k, uans sa propre capi-
tule. C'cn éta1t fait dc la Monarchie danoise, mal-
g1'é le noble dévouemenL de ce Princc qui 11C vou-
lait pus surviv1'e u la destruction de son Uoyallme,
si la Hépubliquc lJollauouise, intcl'Vcnant cluns un
iutéret purement commercial, n'eüt sauvé Co-
pcnhague apres une bataille navale des plus
vives el des plus mellrtrieres. Enfin les gral1l1es
l'uissünces de l'Europe s'cfTraycrcnt de voir un
peLiL peuplc secondel' avec autant d'(~nergic l'am-
!Jitioll du Uoí Charles X, fonler aux pieos l'in-
dépclldancc de deux nations relativement con si dé-
rabies, Ll1cnacer de la servitude toutes les races
slaves el scanLlinaves, el jouer, dermis plus d'un
uemi-siecle, le principal rOle, dans la gucrre
commo dans lü pnix, sur le thé;1ln~ de la civilisa-
liOD. T1'ois Élüts, la France, l'Ans-leterre el la Hol-
LlllcJC, se coalis(:rcllt pOll1' emp(~cher que la Suede,
prellilu L lIiJ ilccl'üissenlClI L rot'lilidllblc a vcc les tlé-




- 360 -


lJouilles de la Pologue et du Danell1ark, ne ehange<ll
la distrlhution des forces politiques, teIles qu'elIes
se trouvaient réparties dans la balance européenne
(traités de La lIaye en iG5D). Quoique mcnacé dans
sa propre existence, Charles X lutta eontre l'Eu-
rope jllsqu'u sa lllort prématurée (février 1(60).
Deux traités fllrcllt eonclus presque aussitot:
edui de Copellhilgue d'ulle part (1), et, de I'autre,
celui d'Oliva, qui fut pour le 1\'ord ce que le
traité de \Vestphalie était pour le l\lidi. En habile


médiütrlce, la France avait ménagé les intérCts de
la Suede, son ancienne alliée, sans lui sacrificr
néamnoins ceux des autres États.


La l\1übOll de BralHlebourg, représentéc alors
pUl' Fl'l;t1éric-Guillaume qui sut profiter égale-
lement elé la guerre et de la paix, venalt d'obtcnir
la Souveraineté de la Prusse au délriment de la Po-
logne. lne Pllissance nOllvelle se créait dOllC en
opposition ü'une vieille Puissanee qu'elle devail
détruire. Vainemcnt, par la paix d'Ollva,rendit-on
ü eeHe clerniere son existenee politi(!uc; on ne put
lui rcndre son csi:;¡U;l1cC monde (lll'clle üvait pcr-
cll1C par ::iil propre faute el par In gUC!Tl' de .suetle.


\ 1) 1'1l1l"'11lIoJ'i', l)e re,,,/> (;al'uli (; liS {(/ L'i, ur/})I'IUI., pUt!. ;;0. - Llu-
IIlUlJl, C()jps di/)I()lIwl. Tom. \'[, parlo 11. IJat!. :;I!J.-I~orJ¡ •
.1ún:ue de I/hll. ¡fes 'rl",lllL's de II/Ú.L. TOlll. JIJ, ¡la;;. 10U.




- 361 -


En e1Tet, c'esl tIe cette gucrre que la tIécadence de
la Pologne fut rendue visible a tous les yeux.
Au lien de suivre le progres des mCBurs et des
idées qui avaient prévalu dans la dvilisation, en
adoptant la forme d'une Monarchie héréditaire,
clle préféra s'inllnobiJiser dans les idées eL les
mceurs féodales, en conservant la Monarchie élec-
tive, ou míeux, suivant son propre langage , la Ré-
puúlique rO?Jate. Ce fut le signal de sa chute. L'cre
hérolqne des Jagdlons avait élevé la Pologne au
premier rang de tous les États du Nord; l'ere fa-
tale des Wasa la fit tomber au dernier rango Jean-
Casimir (Jcan 11) aurait bien vonlu attucher son
110m il la régénération du Royaume, avant que la
guerre de Suede éclatdt; mais plusicurs palatins
reconnurent Charles X pour leur Hoi, et les Lithua-
niens l'accepterent pou!' leur Duc, apres Sil con-
({uNe, sans pcnser qu'en agissant de la sorte, ils
consacraicnt cllx-memes la dcstruction de leur
patrie. ~'ayant pas une DynasLie propre, base i111-
muable eles l~:tals europécns, la Pologne était satIs
cesse ébranlée par la convoitise de toutes les Races
royales et par la vénalité de ses nobles !'épubli-
ca1ns. A clW(l'IC élcction du !loi, la Couronlle, mise
Ü l'cnchcre, se vCiltlail uu plus offraut. COIl1mc




- 362-


toutes les résolutíons de la Diete, pouvoir sllpreme,
devaient etre prises a l'llnanimité des sufrragcs, -
nemine conlradicente - un seul nonce pouvait rcn-
verser l'reuvre de l'assemblée, en disant:sislo acli-
vitatem. Pour obvier aux vices de ecHe loi étrangc,
désignée sous le nom de liberw/t veto et {'aisant
dépendre positivement les destinées de la ltépu-
blique du simple caprice d'Ull individu, il se
formait des confédératiolls souvenl Lres-nombreu-
ses, toujours tres-hostiles; cal' elles se disputalent
la prépondéranee dan s la Diete a main arm6e.
Aiosi, le remede était pire que le mal. II en résulta
que chaque nouveau régne produisit une guerrc
civile, etchaqueinterregne lIne révolution (1).


La Pologne ne reconnaissaít aucun príncipe
de stabilité politique ; mais elle voulait 1'aire triOlll-
piler dan s le Nord les principes de stabilité reJi-
gieuse, en déclarant la gucrre i.t la Hussíe grecllue
Uésunie, et a tous les dissidents. e'est cequi
motiva la défection des Cosaques et ce qui facilita
l'invasion de la Suede, protcctrice naturelle !-Joit
des luthérieos, soit des non-catholi(lues, dont elle
défendit les intérets all con gres d'Oliva. L'itlto-
lérance religieuse et l'iuconstullce polili(IUe furent


(1) VOll U',ngnicll el CJ¡walkowskl,Ju, 1!li111iCI/lIt lU;yli! Polo/!lct.




- 363-


done également funestes ú la Po[ogne. Déja son
déll1cll1brement avait élé résolu entre Charles X et
Georges Hakotzy; muis l'Empereur Léopold et ¡'É-
lcelcur de Brandebourg, aleuls des Souverains qui
devaient anéanlir eette malheureuse Hépublique,
cmpeehérent alors qu'elle ne fUt détruite par le
Hoi de Suede el par le Prinec de Transylvanie. Un
autre pro.iN de partage entre la Suede, ['Empereur
ti' AlIemagne et le Margrave de Brandebourg al-
1aít s'aceomplir; muis Louis Al V étendit sa main
sur la Pologne, el la Polognc fut sauvéc. Jcan-Ca-
simir \Vasa, qui venait de reprendre sa Couronne,
laissa échapper ces paroles devant la Diete (1 ü6i) :


« 11 tut un Lemps Ol! régnaient la simplicité, la
ealldeur, l'amoo!' de la justiee, et nos péres, méme
au llliJieu des [acUons, étaient exempts d'influen-
ces étrangeres; ils n'avaient pas detroupes soldées,
ne con naissaien t ras les partis nés dans les call1ps
el dans les confédérations militaires. Jamais on
n'avait vu la forcc donnc!' un maUre ¡\ la Pologne.
On ne prévoyail point le jour oú les États voisins
se partageraient la Po\ogue déchirée par la dis-
corde, eL Otila !\(:publi([I.w devicndrilit la proie des
nalions. I>uissé-jc ue pus prophéti[;er juste! Muis
il me scrublc déjü vuir le lllOnleut Ol! le l\loseovite




- 364-


et le Russe convoqueront lOus ecux ue leur
langue, et s'attribueronl le Grand-Duehé de Li-
thuanie; la grande Pologne sera ouverte a l'ambi-
tion de la Maison de Brandebourg; et (lui sait si
elle ne ucmandera pas ü main armée la propri6té
de l'une et l'autre Prusse? L'Autriche, qui d6jil
eonvoite Craeovie~ ne voudra pas rester les mains
vides (1). D


Pour empeeher le démembrclIlcnt de la Polo-
gne, il fallait lui eonstitller un eorps de nuüoll. En
conséquence, Jcan-Casimir SOlllllit á la DiCte un
projet de loi, portant que le Roi rutur serait désor-
mais élu avant la mort du Roi aetuel. Cette dlspo-
sition législative aurait prévenll les interregncs,
supprimé les faetions, espoir ele !'étl'anger, el fail
triompher l'unité monarchique, sans humilier 1'0-
ligarchie féodale. Mais la noblesse, qui porLait hé-
rOlquement l'épéc elu ChrisLianisme, considém
eette réforme eommc une atteinte a ses propres
drúlts, et déclaigna Loutes les mCllaces de destrllc-
tion, parce que la conscrvation de la l\ationalilé
polonaise était ellcore néeessüire ill'Europeqll'elle
préservai t des El Llaquc5 de l' Islumisme. .\iU5i la


(1) Lllllliijii, O},Il/iuncs I'}'uce! um Eu!"ulht. Parlo 1/, [lag. ~ÚJ.
Lei Jlskk, 171J.




- 365 -


Pologne, n'ayant pas vouln se régénérer dans l'or-
drc légal, dépérit dans l'anarchie légale. Aucune
forme de gouvernement ne lui paraissant plus pos-
sible, en présence de l'opposition féodale, Jean-
Casimir abdiqua. La Diéte déclara aussitót que le
Roi de Pologne ne pourrait j amais abdiquer ni
pro po ser son successeur; et Michel Koributh Wis-
niowecki prit ú regret la couronne de Jean Il,
r¡ui passa, bientot apres, sur le front de Jean lIl,
on mienx de Sobieski. Le héros de Choczim et de
Vienne releva l'honneur des Polonais, il est vrai ;
mais il prépara leur chute définitive en abattant
les Turcs. Effectivement, la Turquie, devenue in-
capable de vivre par elle-méme, continua d'exister
par la grace des États qu'elle avait voulu détruire;
tandis que la Pologne, ayant perdu sa destinée pu-
bliqlle ou universelle, fut condamnée a périr en tant
que nation particuliere ou distincte, par les; États
qui lui devaient leur propre existen ce.


Le Danemark, mieux inspiré que la Pologne, sut
cherchcr en lui-méme un salut qu'il n'aurait
trauvé nulle autre part. Monarchie élective par sa
forme, au ronel elle n'était qu'une République féo-
dale. TOllS les TIois étaient choisis dans la m(~me
Maison, et l(~ fils ainé succéelait ordinairement an




- 366-


pere; mais, pour régner de droit, il lui [aUait le
consentement du Sénat. La prérogative royale
se réduisait a la présidence de ce corps, pouvoir
multiple el supreme, au commandement des trou-
pes et a la convocation des États du noyaume, OU
la noblesse dominait la bourgeoisie et le clergé.
Frédéric lU, apres avoir fait la paix avec la SuMe,
réunit les députés du Danemark, el leur soumit un
projet de loi qui créait un imput gétl(>ral sur les
consommations, pour réparer les forces de l'Élat
que la guerre avait épuisé. La bourgcoisie et le
clergé approuverent ce projet; mais la noblesse,
alléguant ses immunités el priviléges, le rejeta.
Quelques membres du Sénat, ayant qualifié de vils
esclaves tous les députés des villes, Nansen, bour-
guemestre ele Copenhague et président des com-
munes, s'écria : « Je jure que le peuple n'cst pas
Desclave, et qu'il en donnera bienLót la preuvc aux
» dépens memes de la noblesse. » II tint parole. S' é-
tant concerté avec Jean Svane, évequc de Séeland
et présielent du clergé, ~ansen résolut de dé-
truire une aristocratie, qui considérait le Dnnc-
mark comllle son propre dOUlnine, el de crécr
un gouvernement légal, expression du droit 1'0111-
mun. Ce projet ful approllvé par les dellx ordrfls




- 367 -


inférieurs. ta hourgeoisie (9 oetobre 1660), vint
en eorps signjfier lt la noblesse qu'elIe voulait
donner un pouvoir absolu au Roi, et le rendre
IH~réditaire dans su famille. N'osant pas rejeter
ectte proposition, quelque inattendue qu'elle fUt,
les nobles répondirent qu'i! fallait voir, avant tout,
si les États-Généraux actuellement assemblés
n.vaicnt le elroit de prenc1re une d6termination
,~ussi grave. Nansen lcur r6pondit aussitót : (( Nous
D ne sommcs pas venus pOUf examiner, maís pOLlr
,cxécuter; et aueune eonsidération ne saurait
Jl nous retenir. » En effet, le clergé se réunit aux
communes; pub ces dcux ordres firent une dé-
marche collective aupres du Roi; et Frédéric dé-
cIara «( qu'il accepterait les concessions qu'on vou-
"fnit hien lui [aire, dans le cas oú un consenle-
') ment gén(~ral confirmerait leur volonté particu-
') liere. »


Les nobles, n'ayant plus aucun autre moyen de
rósistance, cIlic de provoquer la dlssolulion des
¡::laLs, voulurcnt sOl'tir ele Copcnhague. ~,lais on eut
soin d'cn feLuer les portes; el la noblesse fut obli·
g{~c de se résigner. Frédéric, délié du serment qu'i!
¡nait pJ'Nl~ en montant sur le tróne, octroya lui-
me'me la llOlI\'011e charte eonstitutionnellc, ¡'¡ la-




- 3G8-


quellc toute la nation pretil. serment (18 octobre
tGGO et 10 janvier 16Gl). Ainsi fut accomplie cette
révolution, qui transformait la Monarchie élective
et limitée des Royaumes de Danemark et de
Norwége, en une Monarchie hél'éditail'e el nhso-
lue. La tol royale, rédigéc par Fl'édéric IJI, le
th novembre 1665, fut promulguée par Chris-
tiern V. Le Roi, devenu supéricnr a toute législa-
tion politique, en tant que chef de l'État, resla
néanmoins inférieur a la législation religieuse,
quoique chef de l'Église. Car, iI ne pouvait chan-
ger l'ordre de succession linéale, n'admettant les
femmes qu'b. défaut de males; ni changcr de
culte, la confession el'Augsbourg elevant etre le
symbole spirituel du pays. Cette constitution pl'O-
cura au Danclllilrk, dont nous avons naguel'e COTl-
staté la faiblesse, une vigllellr d'autant plus remar-
qllable, qu'il oblint une incontestable supérioritó
sur la SuMe, penelant la gllerre commencéc en
1.675 et terminée en lG7~), apres la sanglantc ba-
tnille de Lunden, quí alllena la paix.


La Suec1e envahissait autrefois le J)¡¡nel11ilrL
par ses armes; le Danemark en\"ahit m~dllkllilnl
la Sw\de par ses idóes. Charles X 1, en se maria n l




- 3ól)-


avec lJlriquc- í~léonore de Danemark, opéra un
rapprochclllcnt politique entre ces deux Natic-
nalités, qui devalent réagir l'uue sur l'alltre, apres
avoir longlemps agi l'une contre l"lUtre. En eITet,
l'oligarchie féodale, devenue mnltresse de l'l~tnt
pendant la minorité du J\Ionarqne, llictait des lois
ú la Hoyauté suédoisc. Le Sénat. institué ponr di-
rige/' le conseil de régence et non Je Hoi, ~N~laiL
(~l1lparó de toulo la SOllvcr,lÍnctó, en se j)0":lnl
comme illtenuédiaire nnturel entre le Uoi rt jp
pCllple, commc gan1icn supremc de la consli lu-
tiun. Mais, Charles, ayant convoqué les l~taLs
(iGRO), leur posa les questions suivélntes : ÉLalL-il
ohligé de maintenir, apr¿~s sa mnjorité, la forme de
gOllvernemen l (~labl i(~ pcn(b n t sa llI¡norilé '! q uellcs
aUrilmLiuns la 10i constitutivo odroyait-dle au
Sénat? comnwnl ce corps étail-il in lerlll¡"d iairr
entre le 1\oi eL les quatl'c orllre~ du UOyiIlHlW.í La
Di0te réponrlit que « l(~ Uoí, l.cnllllt la C()l!r()n!)(~
Jl tle Dicll, étail fe"ponsélble ¡', lt:i ;;eu! de ses il.c!.ps;
"que le S(~nal.ll't':LaiL [las IIIl pOllyoir ¡nlcnn(~(li(lir(',
l' et que, nOll-Selll(~IlH~llt Charles Al ,,\::I.all pas
,obljgl'~ de mnintenir l':mcicnne forme de gOl1ver-
"nellleot; mais qu'il é:ait prié d'en étahlir llne
"I'ornw !Iollv(:lle, P:I)'('(' qlj(~ l'illlloriU~ ii':gislatívp


Jlt. [:J) -:J




- 370 -


" npparl,enai I r't Ini '1(1111 ('1)." E t le Séna t cMposa
tous ses p011voirs entre les mains de Charles XI,
qui devint Roi absolu par la volontf~ du peuple.
Ainsi, la féodalité, soit catholique, soit protes-
tante, ne triomphaiL plus f!u'en Allemagne et
qu'en Pologne; car elle était vaincue IlGrtout
ailleurs. Les innombrables divisions qu'elle avaH
crN~es dans le micli et dans le nord ele l'Ellrope,
vcnnient d'(:xpirer, l'une npr(~s I'nutre, mJ sein dI'
¡'imité monarchiquc.


C'dait pour les peuples lln besoin que les Rois
fllsscnt maftres (2). Un spul homme commnnrlait ,
el 101ltc la société oMissait, il est vrai; mais le [ait
des in(~galités sociales était erracé; mnis le principe'
(le 1'(~gi1!ité humailw cOllml(,n(;~ait it se prorluirp,
Chaqllc 1\lonnrr[lll' ponvail 110nt1('1' Ú son got1verne-
lllent I.elle forme qll'il jlH·:rail !l('cess¡¡ire, pOll!'
op(:n:1' la régén(~ratioll de l'alllorit(~ politi([ne, en
su])qitvnnt la force do droit an droit de la [orcr,
parce: qne c!1'lqlJí' pruplr ne romprcnait pas 1'01'-
f!ce (le: 1;1 Hoyal! !¡'. nhsohw an tremen I que LOllis Xl \'
]¡¡i-rn{oJ11r, "Qu'on ne rli:'E' pas qll'lln nO! n'(~st pilS


(1) \\ il,lii. (Ji,\I, )U"/!f1l!(11. '\111'1 ill', I'a)<. 111, ~ 11.
(o)) -..~, ; ·111!'I,~¡lijl. r\o¡¡¡¡r!lI( ¡'(JI/U!f'. p:I!_", 1.")1,




- 371 -


que la p1'oposition contraire est une vérité du
droil des gens, que la flatterie a quelquefois atta-
quée, mai5 que les bons Princes ont toujours défen-
due, comme une di vinité tutélaire de leurs États.
Combien est-il plus légitime de di1'e, avec le sage
lllaton, que la parfaite félicité d'un Royaume est
qu'un Prince soit ob(':i de ses sujets, que le Prince
obéisse Ú la loi, et que la loi soit droite et toujol1rs
dirig(~e au bien puhlie (1). " L'absolllLisll1e avnit
done, non-sculemenL sa raison t1'ütre et sa mora-
lité, mai5 encore sa regle positive. Bossuet s'cn fil
l'interpréte duns sa Potilique sacrée, á laquelle 011
opposa hientOt la poli tique toute profane des lé-
gis Les : (, Qui veut le Hoi, si veut la 10i. 1) Cell.r.
maximc de Palais devint alors une maxime c.1:,
Cour. L'olI1nipotcnce d'n!) granel Monarquc n'ex-
prima plus que l'avilissement nniverscl des Mo-
narchies. ~ O Hoi, disait-on u Louis XIV, tn
donncs des lois a la mer et au Continent; tu ra-
haisscs l'orgueil des peuples, et tu contrains ú ton
gré leurs Souverains de reconnüLlre á genoux la
puissance de ton sceptre el d'implo1'er ta miséri-
c()!'(lc ! ... j) Pour se relever aux yeux de ses propres
s!ijels, il n'y eut poinL de petit Prince qui ne vou-


(1'> DI'(u/lsC des dl'oi/s!le /11 [11'il/l' llil}'il'-Tlu'l'i'sr.1f3Q7




- 372 _.


lut etre un Louis XIV. TOllt (~lünt ainsi rumcné aux
Rois, plus rien ne devait üller aux peuples. Les
qnestions d'égolsme roynl remplacerent partol1t
les qucstions c!'humanilé. Loin d'imprimer aux
divers Étals une dlrection conforme un but su-
préme de la civilisatioD, les Souveraills se prircnt
eux-memes pour but supréme des sociétés dont lis
n'étaient que le moycn. ecHe déviation des 10is pri-
mitivcs de la l\lonarchic fut d'autant plus [¡¡tale
qn'elle pouvait compromettre ses dcstinécs u'lIne
maniere définitivc. Aussi, l'ere des révollllions
monarchiques était-elle a peine finie en Europe,
qn'on vil cOllnnenccr en France l'ére des n~volll­
lions popnlairf's Oll répuLlicüines.




ClJ,\PlTHE XX v,


LA FI\.\;\CE ET L'EClWPE SOCS LOllS xn,


Somlnaire.


';oUVClnClllrlll de Louis XIV.-En disant : CÉtal, e'est Jiwi, il in-
dividliillise le l'ouvoil' que Sl'S anc()trrs ont toujours génóralis('.
- La I,'rauee ti(,lille sceptl'() du ~énie en Im'n]() tenlps (Iue ,:elui
de la pllissallee. - Elle ycul déplacel' rancien 1mt (lr,s ttats ¡JüUl'
lni substilncr un lmt nou\'cau. - Adllliuislralioll dc Co]],,'r!. -
l'roblellle ¡]u tra\nil dans laulo soeiété. -L'af!:l'iculture, l'indus-
trie et le cOlllmercc forrncllt les trois lcrmes de ce probI011lC'.-
En sarrifiant le premier termo aux deux nutres, Colhert ]'(\alisc
inslalltan(ollll'llt nlle illllllcnsc rklIcssc dalls le pays; Illais il Ini
pi"'pal'e ponr ¡'¡¡venir de grandes erises qui cngemll'cront le pau-
,,(rbllll'. - n(;fol'llW jlldiciaire.- Uahlisscmrnl clr la police. -
.\lIta',(ollismr, de Colhcrt rt diO LOllyois dans le CouveJ'nem()J}l,-
L(luis xlr l'I;clalllc les Pays-Has par rlroil de rl!'l'o!lIlioll.-(;uCl'I'e
l'lllre la FJ'allce rl l'Esp!lé'tlt'.- La IIol!ande suscite une Ill'f'Jtd¡'°I'()
"'lalilion contrc la I-'ra:,c,'. ,- I,:\ix ti' \;x-la-Chapellc. - ()ri'llloil
,¡,os Ilollandais. - Louis \ IY Icm Melare la guerrc, S0\1S prl'lexle
de wng(,J' dÍlersrs illjlll'CS. - IllYa¡;ioll de la lIollallllc. -]'1'0-
posílions de I,;¡i~ que l.o\1yois faH rejeler. - Le princc d'Or:\ngc
Col IlOl\llllé :-;talllOudrl'. - Ilruxieme coalilion contre la FraIlee.
- 'lariage dll prÍlll:c ll'Orange avec la princrsse 'Iarie cL\nglc-
lerno. -l'aix de .\ünioglle. -La France est ill'apogéc de sa gloi-
re. - Lonis .\IV I'rend le litre de G)'(/]ul. - Challll>res de r(ou-
nion. - Injl1stices tle Louis "\ I V envers l'Europe. - Apri)s avoil'
Süun:is 1()1I~ lío3 Elals, il \cut sOlll1lellre l'J.:glise. - .\sscmlliée
du dl'l'gé. -- I l(·clal'aliol\ rilO I GS'!. - Eik cOllslilue un prolrstnn-
lismf' (kguisL'. -- nClloUlellclllcllt des lllttes dll :-;acNdncc et de
la I:<íyanl(o.- 1.(' partí dll dl'oil divin pl'/\tCllrl cxclu\'(o s~'stl\il:ali­
(]lI(Ollj(~1I1 le parti dll droil lilllllilill. - Le ]¡ul SUI))-¡\¡lII~ des Uals
,;e IlonVillll eUlIlpl'OIUis ¡J"SIII'llIilí:;, ¡J lI'y a [lllillt de SIIITI(° ]llllrli-
'Ine. - H,'vocalioll de 1'¡'°dH tle "¿¡lile". - Le (<tronche Luuvuü;




- 37l¡ -


ol'ganise les 1)1'lIljOllllllc,\ h l'illSU de I.unis .\ IV, - f:migl'alion
des pro[('slallts, quí rxciteront l'Elll'O]lr rOlllre I~ Frallce, - Le;
(!rince Ll'Orang': forme le [lrojel de délr(lner Ir' \:oi d'\nglelcl'l'C,
- Charles 11 ('[ Jacqm's 1 r. - Ces rleux \Ionarqlll's 1'('~~oi\'f'llt
l'aumune des mains de Louis .\ IV. - Clmlt: des :;lllClrls. - Le
jll'ínce d'Ol'angc esl {!I'OelClIllI\ Hoi d'Angletcl'm slIm l() nOlll di~
Guillaume JI!. - 1'ous les :;ouyel'ains, ü I'cxcrption du Hoi de
Franee, le rccnnnnissenl.-Troisii·me roalition c(\nlre LII11i5 .\1\.
- Triomphc des al'l)](;0S fran\'ai"es. - 1'ai, ¡le ¡: yswick, -- :;i-
lualioll rcsjlcclilc (le la Franee ('[ III~ L\ngl¡'lerr,', - ~lIcreSSilJil
cl'Espague, - Tcslall1enl de Charles 11, ]'(,j ¡J'Espagm', ('11 fawm
tI'un Fils de l'raul'c. -~ Louis \IV <t('ce!;le le leslamcnt. - I'lti-
lijlpe V esl re('liUIíII ¡J:tr tOllS les ~,I)II\'eraills, f':(rcpt l ' p,l!' I'EII1-
pereUl' d'j\lIemaglle, - L'i':mOpC craint l'aJ¡sr1rptiOIl dll rEslla-
gue par la Franee, - ()ualril;nll' coalilion 1'0111111 J,ouÍs XIV.-
llé>iaslres de nos armél'S, -(;randcur ('1 di;eatlcnce dn I'l'gne de
Louis Al V. - Paix tic \illlegue, donl l' Angldl.'l'I'l' ¡tic tI: Ics 1'1111-
dilions. - Le lll'oit llUmain fail clone pn\\aloil' oC! sup\~l'i()l'i[(\ SllI' le
,[loil diviu. -t:n\ation de la Iloyaulé 1211 I'lus"e el en :;al'llaigll",
- Fin du re"ue de Louis XIV. - Illilucncc tle ce grand ,\[ollar-
que SUr les deslinées ultérieures de la lloyallte,


A l'époque la plus éclatante de tiUll regue,
tUllís XIV dÍ~uÍt: I'b'tal, e'esl l/Iui, salls pCJlsct'
lIu'en s'allirmunl lui-mGmc société ou llation, [1
niail la personnalilé politique de la Franee el dé-
LruisaiL morulement le Pouvoir, par cela seul qu'il
l'individualisaít, tundís que scsancelres l'avnienlgl':-
néralisé pour le créer. Toos les acles du !\Ionarquc
ne furent que le développment de eette parole. Cal'
il vit la Monarehie dans la noyautl~, el la TIoyaulé
düns la persollne royale, uu llcu dc les voie simul-
tanément daus le Hoi el daw:l le::; inslitutions du




pllyS. Eloj~nanl des aH'<lÍres publiques les prince~;
du sang el les granus seigueul's, symboles de la
léodalilé vaincLle, il supprima la charge de pre-
miel' ministrc, ilfin quc, tout lui étant rapporté, les
cOllscillers de la Cout'unnc administrasscnt leurs
d(~partcmcnls divel's ill! m¡~llle l.itre: symboJe de
l'(~galité lr10lll phan Le (t). (luoique son au torilé
ftH san:; lJOflles, Louis XIV l'exer9u lOllglemps
t1ans les lilllites de la justice eL de la raisoll. II
fallt aLLribuer ü se::; VllCS personnclles, en partic
du lUoills, SiUUll en tOlalité, l'illliliense développe-
lllCllt que prit la Frallce au comlDcncernent dc
son regne. Il disposait d'autant mieux de Loulcs
les furces du Royaume, qu'illl'avait cOllllllis en-
core aucun acLe de tüiblesse. Jamals Prince ne
S'(~lalt mOlltf('~ plus 111h'He Llu POllvoir supreme.
Enlomé d'hommes supér1eurs que Dieu semblait
Hiulliplicr autour de son trónc pour placer la
Fl'allCe CH oeho1's et au-dcssus des di ver s Etats,
Louls s'appropriait toutc leur gloire saos leur en
rlen d(~rober; de meme qu'il s'appropriait, d'une
maniere absoltw, toutcs les reSSOllrces matérielles
el morales de la IléltiOll, salls lui faire p(~rdrc ce
noble ellthou~iasllle (lU'insp1re toujours aux PCLl-




- J7h -


pIes libres l'alllour :;acré de la patrie. Elle tCllaíL
d'dilleul's le sceptrc du gé~nie el le sceptre de la
p!Jissance.


Et ces deux genrcs d(~ noyalllt'~, rl~agissant ¡'llne
sur I'nutre, se consoJidaicnt l'une par l'autre ü la
vuíx (k Lou ¡s X 1 V, (lui SClll bia i L pcrsonnellelllent
clwl'gé de résumcr, HU llom du pays, toutcs les su-
hlimes insplratiolls de l'htlIWll1iL(~, en d{'~plil\,allt
I'ancit'n hut des J;:La1s puur lui snLsLituer un but
nOLlVeau. Cetle vocation était providentielle, pllis-
qu'elle exprimait un savoir supérieur et la facult(~
ll'accompijr un progres conformc lt la dcslination
ultérieul'c des sociétés; mais elle pouvait devenir
talaJe, si, pUl' une profonde ignorance du príncipe
uu oc la portée de ecHe ré1'or111e, on lui 1"aisait
COlJ:p¡,omeLtrc ¡'avenir moral et politirfile du mon-
de. A ussi In Fra l1CC inspirai t-elll~ ú chaq lle ¡¡Cl] pIe
auLant el'admiration que de entinte.


CelLc liaison intime qui existe entre la science
pl'Oprement dite el les destinécs des Ilütions, c'esl-
ú-Jire entre la cause el son ciTet, ne i'ut jalllais plus
c:viclcnte que somí le Illi!lisll:re de Colbcrt. A celte
l"'jlOW1e, la Frunce He parüissaiL tlans les mar-
ché~j eu¡,uJlérns que ponr achcllT, paree qu'dlc
Il!: suvail. prcst!ue rien prodlllJ'c; bicllLút, elle




- 377-


ll'y puruL que pour vendre, Colbert lui ayant ap-
pris ü toul protlllire. Ce ministre ahorda la cIL1es-
1ion du truvllU d'une muniére aflirmutive; mais il
la résolnt d'uno maniere négatire. En effet, l'ügri-
culture, l'indl1strie el. le COllllllCrCe forment les
tl'01s tenues de ce vaste problelllC; ebaeun d'eux
eoncol11't, ou doit concourir, pUl' le développemcnt
de ~a pUiSSilt1Ce relatirc. HU dévc[opPClllent de la
puissnTlce ahsoJue des pCllples. 01', Colbort sacrifia
l'i1griculture, c'est-á-dire la production des matie-
res premiéres, a I'industrie el 1m eommerce qui
lllu\tipliollt leur valeur en les lransformunt on en
Ics transportanL. Bien dos plaintes, nssurément fort
légil1mcs, s'élcverent de tous cútés ; cal' les vi!les
éLaient protc;gées iltI détriment des campagucs, el
In Francc, Dation ilgricolc pUl' exceJlcncc, allaít de-
venir iout-u-fait industl'iclle. Mnlgré le bit~n-etre
illllllcllse qu'il réalisa illsLantanémenl dans lepays,
ColLert lui fil done, - c'étuit l'opinion de Ylluban,
- un nwl énormc, qui se réalbu plus tardo Eu
subordomwIlt la p]'upr¡ét{~ territorialc au cupitul
industriel eL financier, I(~s valcurs irnmohil ieres
aux valeurs mobilierl's, il multiplia le signe de
la rlcbcssc plu tóL (Jw' la richcssc elle -lllelllC ,
ct suscita L¡ gucrrc clvílc des illlél'els cutre les




- 378-


grandes villes mUllufactul'ieres el les populaLions
ug-ricoles. Au liel! de cOlllbattrc un sJístcme plus
favorable á l'anarchie qu'ú l'orul'e, Cltll(l'W gOllvcr-
nement s'est fait un mérite de le protégcr. 11 eH c;.,l
résulté que l'agriculture n été nJ](~untie par l'iu-
dustrie, dont les erises prescplC périodiqucs CIl-
gendrent pal'llJi 1l0US ce puupérislllc elfrayanL quí
frappe les nations, lorS(lu'dles ollL ahundollilé
leurs richesses réelles pOli!' cOllJ'ir follcmcnL aprés
des rlchesses faclices.


<¿uoi qu'il en 80it, par ce 8ysleme pl'ofonde-
lllcnt révolulionnaire, Colbert préparaiL la chulL'
de la noblesse féodule C{ l'av(~nemenL politi(lUC
tlcs classcs illoyenncs. Sous ce rapport, le mi·
nistre habile étllil d'accord ¡¡VCC le H.oi dout, au
dire de Saint-Simon, Ic gOll\'cl'tlcLllcnL fut uu
IOl/g T(;gne de vile bOlI1'gcoisic (.1). ! .('8 réfonncs
économiques s'accomplirent en lllemc lcmps
que les réformcs judiciaircs. Deux ll~gblalioLls
con tradictoires: le drolt coutumier, va1'i:lblc (1' ti ue
province ü l'autre, eL le droit romain, iuvariablc
dans son texte, fUl'ent rCll1plac6es par des 01'-
donnanccs g6nérultls, cxprC'ssion de ¡'unité. Au-
pres de la justlcc ucstínée ü puu!r lcs déliLs el:




- 37v-


les crimcs, Louis XIV él.ablit la police destinée u
lcs prévcnil'. L'action des lois assurait ainsi l'ordre
public et la liberté civilc, il défaut de la liberLé
politiquc; mais le peuple favorisait les progrés ex-
cessifs dc l'llutorilé du Roi, !illrCe qu'il en faisait
le meillcur IIsage. Tant ([u'on admira l'hol11me,
on cut une enti(~re confiallce dans le Prince. Néun-
JIloins, son pOllvoil' ilh~()lll alnrJ1wit déjá certains
csprits (llli prévoyaien ¡ des abus probables dans
l'avel1ir. Aussi ll'app!amllssaient-ils pas a toutes
les mcsures un F;Ol! vel'llemen L, par cela seul (IU' il
pr6veIlllit OH liu'il r('primaiL Icm nohle oPPOSitiOll,
ayallt ponr objet d'elllp0cher la soumission pure el
simple uu urcliL humaill uu uroit divin, uu Imt nOII-
vean de I'Üai, prc~j:,e)jti par le vulgairc, mais qui
devai U~tre fix¡" par le" in LelJ i gences el' élite, ú l'anclen
but n'cxprlmauL piu:.; que des principes évanouis.


L'appl'éhellSlon d~ ces (luclques h0mmes i:iupé-
rieurs rut pürlag6c par lous les l~tüts de l' Europe,
craignant pom lcur proprc iudépcndunce. L'um-
bassadcur d' Espagnc ayant voulu prendre le pus
sur l'utllbassmleur d(~ Franee eH Angleterre,
Louis .xIV 1i1elJél\~a (>hiiippc IV, el l'Espagne ef-
fruyéc rCCOllllut [ol'lllellelllcllt la préélllinence de
b Ffi.lllC~·. L'ulllhll::Jsadcur fl'ulJ<;ais ,'t Home ayunt




- 380 -


éLé insulté par les garde::; du Pape, LouÍs or-
donna üu nonce de sottir de son Royaume, et fil
entrer scs troupes dans k comtat d' Ayjgnon.
Alexandre VII, obligé de s'hL1mili(~I', dut élever
une pyramide qui étemisu l'inslllte cn mcme
tempsque sa réparation. Ces mesul'(~,; vigourcuscs,
prouvant une estime ue soi-meme pCllt-étrc cxagé-
réc, n'alllcnerent allcun changclllcnt important
dans les l'clalion5 de la FraIlce ¡¡"ce 1(:5 1I11trcs
J~lats. D'aillcurs, loill de mcnaec:r Icm pl'oprc
cxislcIlce, elle ne sClllbluit vinc elle-l)l1~L11e que
pour la ddense du clroil international el pOli!' la
comcrvation de I'équilihre européen. ~lai~; il y
avail, (lans les conseils de touis XIV, dellx 1101l1-
mes, Colbert et LoU\ois, qui de\akllt illlprimer
it son l'f!gnc une dirccLioll proddcnlielle ou fatale,
SclOIl que I'influcnce de 1'1I1l on de j'aull'c ,·icn-
dJ'<lit a prévaloir. Le prcmicr,mi!Jisln: (lc la paix,
disait en toule sincé1'ité:" Puissé-jc remIre ce
» pnys heurcllx! et 101n du Hoi, saos ap])ni , salls
',crédit, voir 1'hc1'be croitrc dans ll1a cour! J) Le
seconJ, ministre. (k la gllPrr0, aUl'ait d11 sans
uOl1te : , Puissé'-je cOllserver mOll cn':clit ill1pJ'CS
)) t1u noi, cL voir ¡'llcrbc croitrc t!¡IIIS el; p:tyS.


L'11J1lucncc de Colberl pn~\allll d'édlünl; el




- 3R1 -


Lonis s'occupn CXc\l1SiVelllf'nt dn hien de H:tat.
:\Iüis Louvoi5 ¡nrvint ensuite ¡\ lni persnadcr
que le Roi tres-ehréticll clevait Nrc le dieu ~lars
ele son siécle el); et Louis affronta des guerres
sans nomhre, ponr le malheur du Royaume. Dne
conrte paix avait développé en France tant de puis-
sanee lllorale ct tal1t (le puissance effective, qu'il
rll L lf(~S- [acile iI Louvois de [üire adopter par son
HlilfLre cettc Illaxime funesto: (( S'ügranclir est
¡) la plus digne el la plus ügréable occllpalion
» d'ul1 SOllvrrain. n Les Pays-Bas, si bien sitll(>S ¡'¡
sa eonvena¡tC0, devaient le tenter, parce qu'il avait
épOllSé l'lnfc1l1te d'Espagne. Apres la mort de Phi-
lippe IV, Louis XIV les revendiqua malgré la
renonciation formelle ele Marie-Thérése, exprimée
dRns son contrat de mariage et confirmée par le
trnité des P'yrl~né('s. Mais cette renonciation, di-
sait-il, subordonnée d'ailleurs au paiement de sa
dot qui n'avait pas en lien, ne pouvait s'éLendn'
ílUX provinces de l'Espügne j'("gics par la coutumc
du Brnbant. Selon eette coutume, sí un veut' 011
une vcuve se remLlriaiL, la propriété de ses hiell~
iUlIlleubles dait dévolllc aux cnfünLs du prcmi(~r
lit, h l'c\c1u:-;ion des cnfanls du sccond lil. Or.




- 3H2 -


Charles Il étGn! ll(~ dI! ficconcl mariagc de Phi-
lippe 1 V, el ~,:nri('--Th(~rl'sc du premier, Louis XIV
réclamnit les Pays-Büs par dJ'oil de ddvobtlion,
transforman! ainfii une eoutumc clvilc, relati"c


aux héritages des parliculicrs, ell une loi politi-
que applicahlc aux sucCCSSiOllS des Empircs. Ces
prétenlions fUl'cnl cxpos(~es dans un ¡¡He inti-
tulé : '[mili des droits de la llrili(, I j'(:s-eltl'rJliellll('
sllr divcrs i~t({IS de la ¡fonarc!úe CSjHl,f/IIO!I'. Char-
les]], ayant répondu qu'il ne pOll\ait dérog(~r allx
loís fondamelltalcs de l'Espagne (1'li (tablissaienl
\'indivisibilité de sa ~lonarchie particulicl'C, nI.
réfuter le livre publié par la COIlI' de Francc daus
plnsieurs ollvrages, dont ['un cut pour titn':
!lollelicr d' ltla' Cl de jllstice CO¡;{J'(' le dessefn UUliÚ-
ji>slemellf ddco/lL'crl di' la '¡¡OI!({l'clÚf' /wil'cl'sclle (1).
,Ials, pendant que celLl' qU¿:,;liu!) litigiellse (~lnil
mise il fa por/de de tOlll te IIwude par lit jll1blicatio]1
d'un Dialo(jlle sur les dJ'oils de la neil/c I j'{:s-cltré-
¡ieune, enlre {rois avocals {rrmr({is, {!({¡¡/(illd ('{ ((1-
IC17land (2), le noi de Fraflcc la trandwi¡ ave'e; son
óp(~e en une seulc Call1pafinr..


(1) Ct~ ¡¡\Te fuI ¡\rrit PQr le k,r(l!! d,. l.ilJ"l:i. ;!,'nlilIIOlllllle frnnr-
f'om!ois.


(2) ',1. 1(' rOllitr' ¡JI'. r;;.lrd"ll. ¡¡¡llo;,', 1I,'n/ro/I' rlu T,,({/'/,'s!lr
1Iéli.r. TUlIl. 11. pa::. 72,




~ 383-


Arres deux nutres exp(~ditions ou Turenne et
Condé firent des prodiges (lüf17-Hi68), Lonis XIV
r(~solut de pnrtager la Monarchie espagnole avec
l'Empereur Léopold, qlli,'prenant l'Espagne, lui au-
rait laissé prendre les Pays- Bas, la Franche-Comté,
le duché de 1\Iilan, les Royaumes de Naples et de
Sicile, les porLs de Toscane et la Navarrc. Mais
l' Anglctcrrc, la H olIandc el la Sucdc, pour main-
1enir l'inU;gl'ité de ceUe d(~l'flj('re MOl1archie,
formcrent ü La Haye une triple alJiance, et S'lTig(~­
ren t en médiatrices entre la France et l' Espagne (1).
Elles ahandonnaient ti Louis XIV toutes les COJ1(ll1t~­
tes (k Tnrennc, ponrvll qu'll acceptat un ¡¡rmis-
tice; en CilS de refus, elles c1evaient lui faire la
guerrc par Lerre et p(lr mer, jl1sr¡n'ú ce qne IOll1es
cIloses fllssPllt l'('~!ilhlies é;ur le pied de la paix des
Pyr(:I1(;CS (:~). L'<1rceptation de ¡'armisticc (lJll"líil
le tr<lill: (k ~,l¡iiLG(:rrtlain U» ('15 avril 16(8). Les
nmlJassndcurs de plm;icllrs l~:tats, réunis en congrt~S
Ú Aix-Ja.-Chapcllr, y rt'~digel'cnt un Hntre trüil(~, ql1i
fuI "i¡';ll( SOllS la llH;diiltiol} clu Pape ('2 mai


1) Cps ¡I'OÍS IJ1Ii,si\nre~ prolrsl:1ll1cs, di! ~I. CésQ]' Canln, SP rOI1-
Í,'·,i,'¡,ti"nt 1')) fa\cUI' de n:Spili:(liC catlwliljue, par la JlIl"IlIC J'aison
(lllÍ ¡dil ;lIlJiJllld'IJl¡j Sllllteuil' ja Tl1['(jllie. (Jii"t. univ. TULn. ,\\ 1,
p,'l¿o 7:L)


(:2. ]\uclJ, /!/II'I'U,;!Ie: Chist. des 'Cmi/é'.I. Tom. l", paó' 1al.
i::; llulllllllL (:Oi'/}S di/llo!ll. Tom. VII, parl. 1", pago 88.




- 38t¡-


166R). JI ne fut cluestion, dans auenn arlicle, ni des
prétenlions de la Reine de Franee sur les Pays-
Bas, ni de la renoneiation de eette prineessc ú la
Monarchie espagnole (1).


eette paix fonrnit a Louis XIV J'oceasion de
rompre la triple allianee, d'en former une lui-
11ll~n.e <lVCC l'Angletcrre, la Suede et plusit'nrs Ünts
d'Empire, eL dI; djri~er ses armes contre la Hol-
lande nhandollnce a elle-me me, C[uoiquc I'Espa~pl(~
et la ~1 <lison de Brandebourg prctendissent etre ses
alliées. Le granel Monarque ne pOllVait oublicr les
mcnaees ( d'un peuple éleve, pom lIinsi el i re
• dés le bereeau, cumme ü l'ombl'e et sous la pro-
l) teetíon de la Franee, soutenu en tanL de ren-
II cont!'(~s par les deux Rois ses prédéeesseurs, pt
• tOllt réecrnment par lllí-meme clans la g'ncrrc
J) (]' A ngletcrre (2). II Aussi rcsolut-il d'anéan til' eeW~
Ré¡mblique arrogante, ([ui I'avait arrC:té clans le
cours de ses eonquetes et quí osait bmver, ¡'¡
la faee des nutres Souw~ruins, le chef de la pll1s
puissante Monarchie, en frappallt des médaillcs :\
l'oceasion des derniers traités. L'une de ces Ulf~-


(1) \l. le comt8 de narclell, l1i.\t. (Jc'i/('r. dcs Traith tic lwix.
Torn. 11, ]la):. 7'J.
(~) 1','l¡S,O'l, /listo!!'!' de I,lfiu'.\ \/1", di (¡¡II/u1'! de J/Il::UI'/'lIÚ


(,1 !)([i,1' dI' 1\i'llli'I//l1: 11 r.:)~)-Ifj7i'\). ;3 vol, ~1I-1~. '17l¡!!.




- 385-


dailles représentait, d'ull coté, les Provinces-Unies
SOU8 In figure d'nne femme portant un sceptre sur
le front et fOl1lan 1 aux pieds la Discorde; el de l'üu-
lre, le Liou de Belgique, tenant entre ses griffes un
canon nvec ceLtc légcnde : Sic fines noslros tulamur
el mulas, et nvec eeLte inseription: « Les lois üffer-
u mies, la religion perfectionnée, les alliés pro té-
1) g(~S, les Uoís pacitiés, la libertr~ désormais assu-


J J't~c, Ulle paix glorie use acquíse par la sllpóriorit(~
"de la valeur et des ,lrmes, la tranqllillité de l'Ell-
u ro pe soli(lement (~lllblie, ont dderminé les l<:lat8
• de Ilollandc ~t [aire frappcr eette médaille (1). ))


Trois eorps d'arlll(~e sortent de France et entrent
dans les Provinccs-Unics: l'un est commaIld(~
par Tnrcnne, I'antre par Condé, le dernier par
Louis XII' llli-m¿~n1C, qui passe le Hhin prcs du fort
de ~chenck. A son llpproche, toutes les villes ca-
pitulent, eL .Jean de \Vitt, gouverneur de la Ilol-
lande en qua ti té de [j1'(l1Id ¡JeJlsionnaire delmis
l'abolition du Stathoud(~l'at (1 G:iO', demande la
paix en offrant dix millions el tOLItes les villes
de la Généralitó ponr les frais de la gUerreo Lou-
YOis üyant [:¡it ¡,('jetel' ('f~S propositiol1'3, touis XIV
exige vingt lllillioJ1s uu li~u de dix. un certain


(1, Van L()(\l1. lJi.it. JII,:/(¡{ii(//(c ,{(,'; ]'ilUS-]Jw. Tom. lll, pilg. 22.
m (;1) 25




nOlllhre do pInces [orle, <1~s provinces entieres
el l'é;lablisscll1enL universcl dll Catllolicismc dnns
la Hollande, qui, apres aroi!' ainsi aCfllliescé a su
propre servitude, [era pré~.cnter, tOIlS les ans, au
Roi de France, par des awha~;Sllclcurs spécianx,
IIne médaille el'or portan!. 'elle inscription oú elle
déclarera formellelllent lui dcvoir la conservatiotl
de ;-ji! Jjherl<~ (1) .. Lcs HolLmdais se retirC')'out dans
les lndes, plutOL que (1c rester en Europe sons
le coup d'n!lc parcillc llllmiliation ; mais l'amour
de la patrie lem inspire le courage du déses-
poir. L'l!dit perpéluet est aboli sur le cadavre
de Jean de \Via, el le StathoUlh;l'at rétahli par
les États asscmblés ql;l le déf¡~rent ü Gu¡llaulllc
d'Orange; Landis que l'Em::cl',-:Ul", rEllipilC, I'Es-
pagne, la [lInison de Br:Hldcbollrg, le Danenwi'k,
eJlfin pres(l'Ie toules ks ,.lotl¡H·cllies illterviC!lJWlll
pour eeHe Hépublique et conLrc l.ouis XIV, Junt
la puissance illiu1il(:f' Sl~:,le i'dl'roi parmi les Ilü-
!ion::; (2).
Cctt,~ grande llGue, fonn(~c pac tant (~e peu-


pIes, n' é¡)()IWélll te' F s le noi 'ie Fr'ili ¡Cl'. !'a (h'/sc


(1; ¡'i\m~;::c, ni:;:oire (/'.1 l'rlwiiiC/?s-I'"ir·s. Tmn. If, ¡Hg. :,JItO.
(':2) UlIlllont. COF1IS (¡'¡'pi. rUJ)¡, yl1. l\nrl.¡r(, ~2,)~)-26~).




- 387 -


{flite ¡JOur Volre nI afcsté: SEL'L CONTRE TOUS. Les
Provinc:es-lSllies sont évacllées; mais Con dé rentrc
dans la Fnmche-CQllltó rl'oú le drapeau fran<;ais
ne uoit plus sortir. Turenne cnvahit le Palatinat et
meurt, apres l'avoir horriblement dévasté (27 juU-
let 1(73). L'Europc assiste néanmoins aux fu-
nérailIes de ce granel cllpitaine que la France dé-
pose, ú coté de Dcrtranc1 DngllcscIin, dans la
sépulture de ses Bois. Cnndé rp.mplace Turenne,
sans le faire oublier. L'amiríll Dnquesne se mesure
avec~n uytcr et fai t su bir, b la marine des Provinces-
1 ínies, ses premieres eléfailes qui sont nos premie-
fes vietoires maritimes. Louis XIV, proclamé Hoi
de Sicile 11 Messine, triomphc sur terrc et sur mero
La prise de Valencienlles el de Cambrai (1677) pré-
cede eelle de Gand et d'Ypré's (1678), Maintenan t, le
mariage de Guillaume d'Orange ave e la prineesse
Marie, filie du due d'Yorek et niece de Charles 1I,
r:mpecbe que le Roj d'Angleterre n'applaudisse aux
~,ucees du Roi de France. Et Louis a besoin d'une
;níx imméc1iate, pour se préparer flUX guerres fUtll-
"es dont cet événcmcnt sera le principe; car le ma-
~'in~;e du prlllce d'Orangc doit enfantcl' bien des ré.
volutious. Ayant r6::,01u d'isoler la Hollande en si-
}'!iHlt avec elle ntl Irailé )1ilrticlllier, ([ui s(~parera




- 388-


ses intérets de ceux de l' Europe et de ceux du prince
d'Orange lui-meme, iI brusque les négociations
languissantes du con gres de Nimégue, OU la di-
plomatie fran<;aise accomplit un cfte{-d'a:uvre d'tl-
dresse et d' ftabilete (1). La coali tion est dissoute par
le fait. Arbitre de tous les nutres Souverains,
Louis XIV peut nlors contraindre l'Empereur de
lui abandonner Fribourg, clef de l'Allemagne; obli~
gel' le roi de Danemark et l' Électcur de Brande-
bourg a renoncer aux pays qu'ils ont conquis sur
le Roi de SuMe, el faire payer au Boi d'Espagne
les frais de la guerre avec une partie des Pays-Bas
et toute la Franche -Comté.


« On doit regarder le moment de la paix de Ni-
megue, dit Ancillon, comme l'époque la plus bril-
lante du regnc de Louis XIV et comme l'apogée de
la gloire de la France. ectte Puissance dominait
dans l'El1rope; elle était l'objet de tOl1tes les crain-
tes et de toutes les espérances, le centre de la po-
litique. Ses guerres lui avaient coúté beaucoup
d'argent; mais, pendant que cl'un coté on détruisait
et dépensait la richessc nationale, on produisait el


(1) Ce sont les exprcssions tle Guillaume dc Tcmple, négoeiatenr
anglais, qui dirigeait les ll'il":.LlIX du cOlJgl'es de i\irlll'oue tlaJls un
sens luul-á-fail ojljlos('.




- 38fJ --


I'on mnassuit de l'autre. Le génie et l'activilé de
Colhert prévenaient ou réparaient le mal. Tous les
P,¡ys étaient tributaires de l'industrie franc:;aise;
les inventions, les modes et les gouts de la nation
se répandaiellt de plus en plus avec su languc. ectte
langue marchait a grand pas a l'universalité. C'é-
tait en franc:;ais que LOllis XIV avait dicté des lois
n Nímcguc. BientOt le franc:;nis fut prcsqlle généra-
IemeIlt substitué au latín dans les transactions po-
litiqnes, malgré la répugnance de quelques États,
qui reclmuerent encore á Nill1¿~gue en faveur de
l'idiome des anciens maUres dll monde. Les nou-
veaux maltres l'emporterent, et leur langue passa
des Cabinets dan s la société (t). o Fiere de s'admi-
rer elle-mcme dans la gloirc de Louis Xl V, la
France lui décerna le titre de Crand~ par l'organe
de l'H6tel-de- VilIe de París (1680).


Les traités de Westphalic, d'Aix-Ia-Chapelle et
de ~ill1egue donnent a lü France une foule de vil-
les et de districts avce leurs dépendances : expres-
sions tcxtuelles, mais vagues, dont il faut préciser
le sens. Au lieu d'en appeler au tribunal de l'Eu-
rope, d'ou reS50rtent les diverses questions du droit


(11 '[a/Jlcua. des rév. da syst. palito de l'Ew'ope, Tom, IV, pago
:201 et 202.




- 390-


public, le Uoi de Frunce en él ppelle i.t ses Parle-
men ts; et les G/tamúres diles de reunion déclüI'en 1
que tout territoire ayunt anciennement appurtenu
au domaine de la Couronne, doH y etre incorporé
de nouveau. Il en résullc fILIe LOllis XIV fait, du-
rant la puix, des conquetes mllle fois plus précicu-
ses qu'en temps de guerreo L' Europe doit protes-
ter. La SuCde et In Hollamle se liguen t ü La IIaye;
l'Ernpereur, l'Empire et l'Espagne se liguellt a Ra-
tisbonne. Gil signe clans cetle dcrniere ville une
treve de vingt ans (i5 aout i G8ll) , paree qu'on
n'ose prendre aucune resolulioit vigOUl'CllSC contrc la
Freluce, dOllt ta sllpdriorile cl tes sllcds rC/Hludent
la lel'J'eur (,1). Louis XIVavait soumis tous ks
États; il ne lui restait plus ü soumettre que l'l~giis('.
Depuis longlcmps [es jurisles altiíquaicnt l'aulo-
rité du Pape, sous prétexte de faire triomplIer les
libertés gallicanes, eOIlstituant l'in(l(pendance de
la Monarehie fran<;aise vis-á-vis du Saint-Siégc;
mais il ne s'agissait, en réalité, que de réduire l'É-
glise a une branche d' admini::ítration de l'L~tut ayant
le Boi pour chef et pour juges les Assemblées lltl-
tionales ou les Parlemellts. Au risque de renüu-


(1) h .. ocll, A.!j/(;j. dI: I'Ilist chs l'Jilit,j, Tum. 1", pitg. 223.




- ;391 -


veler l'aucieune lulle du Sacerdoce et de l' Em-
pire, la Cour de Versailles s'arrogea les droits que
tu Cour de Bome exen;alt dans les dioceses clu
Hoyaumc. illnoccnt Xl, mcnacé ¡lar les armes de
Louis XIV, défcndit noblemcnt Sd sainl<~ préro-
gdtive avec les armes de Die,!. l'encüwt que ie Boi
frappe les prt~tres qlli ~;e décIürcnt parlisans da
Pape, le t>tlpC fl'nppcl(:s prí.~tres qui se déclnrent
!lilriisitns du Boi. Tout le ciergé se réwlÍt cLus une
~ortc de Concite, pour :i~~c¡' les npports tOlljours


.' . ,_., ¡. " ,,,..
ilCCCSStllreS ele 1 Lg l~-;e ilé.l!lOLédc alce 1 f,gllse UlU-
\ erselle (\ fit)2). Mais la déclaratioll de eeUe Assem-
blée, ceuvrc de Bossuct, exr¡rima les principcs ré-
volutionnaires de la pragmatlclue ndmbe par
Louis XI, an lieu d 'exprime!' les pr¡ncipes conser-
\'¿¡lCLB'!! qui s('rvircnl de bu;,,; ¡'¡ la prügmütique de
.';dllt-Lollis.


f)'¡lpreS ce sysl(~nle, on fouJuil une Eglise par-
ttcll!it;rc en o: ';)f);itioll de \' Églbe univcrsclle, ou
:uicux COilti'e L; Pil]ll', el rOl! pouvait fonder au-
nnt d'j~glic.(;s U:l¡licdil~re~: qu'i! plnil'ait aux Uoís


Ü't;iJ ¡;Iah!il·; on C{L:jt:!UillL une H(;PlIblique épis-
copai:: (>el co¡lil':ldiC'iU!l "vce la :.lullarcllic nposlo-
¡¡([\lC; 011 jliiti~ l"¡.JÍ,I¡¡:¡¡¡ililé (:u SOtlvcTnin-Pontife,
¡¡¡¡lis Oll (¡lUí dii!ii (¡uLtjJljlJiliLé tk: l'Église; ün




- 3Y2 -


érigeait uan::; l'État, et sur des principes enLierc-
ment opposés á ceux de l'État quí cxprimaient la
Souveraineté aosolue du Roí, une l~glise (lui ex-
primait la Souveraineté absolue du peuple: en un
mot, suivant le caprice d'un 1\Jonarque despoLc, ici
1'0n subordonnait le droit divin au droit hUl11ain,
eL lá, on subordonnait le droit humain au droil
divino Innocent XI ct Alrxandre VI iI cass0rent
itérativement tont ce (lui s'dait [uit dan s l'as-
sClllblée uu clergé. Quoiqlle Louis XIV cut
décrété quc les ¡¡rtides de la déclaration sc-
mienl obsel'vés comme lois du BoyauJilc (1 GS;)). it
cunsentit uéanmoins a l/e J)(lS {aire observa les e/LOses
conteuucsdalls cel Mil (16~)3). Mais le faiL n'cn exista
pas Illoins, Iivré aux cOlltroverses des partis; puis-
quc ni les principes con iCHOS dans la ddclal'a¿ion, ni
la déclaration elle-meme, ne fllrent jamais rétmc-
tés. Les Jüllsénistes, youlant alors détruire, par la
foi divine, la spontanéité créatricc de la raison
humainc, opposerent au Va tican, centre (le l'acliYité
ciltholiquc, la doctrIne passive et mystique de Pas-
cal, qui, au licu de rccO!H1:l1Lrc uallS la propell3ion
qu'ü tout homme de préférer les maxilllcs UU mal
aux ma~imes du bien, une prcuvc irrécusable de
Su dépravation morale originelIc, et de la possibi-




~ 3V3 _.


Ji té, disons miellx, de la néccssité Ol! j[ se trollVC
d'opércr Sil complete régénéralion morale, pré-
tendait qne ~ l'llommc, dans son état de péché
origine!, est incapahle de concevoir, hors de la
révélation, ilucune vérité, et que cette incapacité
absoluc constitue, dans ce monde, son expiation du
pr':ché origine!. u Les .Jé,jllítes, clwlllpions de la foi
diville etdnlibrc ar!)itrerlc l'hommc, essayercnt de
Il¡i consen'el' la lilC~dtl~ supreme de la raison, sans
laquclle iI ne serait plus qu'une 50ri8 d'automatc,
uu licl! d'etre le Fils deDieu, semblable U son Pere.
1\lai5 Louis XIV fil prévaloir l'urgument des Jan-
séniste:">, parce fju'il présentait l'obéissancc passive
COllllllC un dügme rcligicllX. Le partí dn c1roit divin
se lrOllva dt~S lors fOlldé sur lit né:;(1lion du Verbc
créiltcur (Jans J'hommc, c'esl,·ú-uire de Sel rcssem·
blililce avec Dicu, el, par suite, sur l'exclu-
sion dll parti du droit humain. L'esprit d'exa··
men, poursuivi dans ses manifestations les plus
sncrées, fnt assj;¡¡j:ó an génie de la révoltc,
somee de toutc impidé. A uater de ce jour, le Ca-
tllOlieislllc,loin d'dre supérieur aux accidents pas-
sagcrs de la politiqne, et d'cxprimer, d'llne ma-
niere inmnmblc, l'affrauchissement moral (le
l'humallité, 1.18 ful plus, en Franco, pour Ui! grand




- 394


Roi, el scloD les vues d'UD grand parli, que la 1'c-
ligion du despotisme.


Puisquc l' Oil em peclwit l' homme de conqu6rir la
vie étcrnelle par un acle de ::;a propre spontan6ité,
conformémenl ü son vérílable hnt sur la tcrr'c,
on pouvait done ei) í!buser d,1I1 i su y[e Lempo-
relle, de lu maniere iü plus 1!ldigne ('l), et CDlll-
promettre abso!uHwnt les dcstinl':cs ~,upr0mes de
l'lllimanité. Cesl ce (lni ell. i>u, (,Jl dret. A;H'CS
avoil' fait luire en Enrope le lJl'cmier écluir de la
raison absolue (lui jaUlit du vaste eervcau de Des-
cartes, la Frunce pllrut voulo:r biclltúl él'3indre
joutes les lumieres, p!1ilosophiques, religil'uses,
sociales et polit¡qU8S. LOll¡s XIV, (lttaché since-
rcmellt Ü l'Égllse catilO!i:¡w', malgl'é SOl! déeret
rdallf ü la eonsLitlllion de I'Églisc ¡(a[lieullc, 1'01'-
lIlllllt un Proteslli~lt¡~nw d6guisé, crut (lue la gluirc
de son regue sernit ineffnyé\ble, s'jl pllrYenüit it réu-
nir les divcrscs sccles religienscs, quí cQllstiLuaicnt
en Franee et en Europe le Prolestf,lJ LislllC oHicicJ,
ponr lcsramencrau seitl dll C¡¡lllOlici,ue, sywhúic
de l'unité du monde chr6tic:1. C(:d¡¡¡lL <tux Vo;¡¡X
de son confcsscur, le pe re Lachíli::;~, c.:t de tía lllill-


(1) lJoené \\ fonS];1, llistorioso]J!út un Sciu/(c de Ulistuire.
Tom. 1", pug. 5G.




- 395 -


tresse, madame de ~I(\intenon, il cnvoya des 111i8-
sionnaires dans les provinces huguenotes; mais
ie farouche Louvois y envoya des dragons. Les
sermons ne réussircnt pas plus que les violences.
On fit croire néanmoins ü Louis XIV que toute la
France dait ]'cuevenuc catholique, pour qu'il signút
la révocation de l'(}dit de iYanles : qui 6tait I'une
des bases fonclilnlCnt,,!cs dL1 droit publico Louvois
1 ni assuraÍt qu' u ¡¡ ¡¡<lreil acle l1[J col'ttel'ait ]Jas une
seu/e gOlltle de S{l//[j, lanclis qu'il écrivait ú ses
agent3 : Le ¡¡vi red (j1l'OJl e,¿'crcc les plus grandes
rifJlIeut's (;oull'C cell,J: 1/lIi /le voudront pas se {aire de
su rc{¡iJio/t. (( Les lllils suivirenl les paroles; ell'on
vit COll1mencer des llcrsécnlions, qui, bien qu'on
le:~ ait exag6r6es, c\cilcut ti 'autant plus d'horreur
que, di:ns ceUc :-;uci\~té si palie, le CatbCJlicisme
se rédui:idit prcs:Iuc ) une misérable livr6c fln'on
cndosslllL ü!! gré du minL,tre GU ele la l1wlLresse (1).»
Les dra[}Olladcs él l.ou lt:s ¡e~) atroei l(~s Ol'dOIlnées
par Louyois, :j'uccomplirroi: done a l'insu de
Louis XIV, qlli les J)ilidl tlllssitdl qll'i{ les eut appri-
"cs (~). !¡lais il d,lit trop tardo Les protcslilnts,
fu¿allt une Jlillrie qu'ils ¡:o ponvüiont plus aime!',


(í) ~f. C"S<l1' Cctll(li, Jlisl> ,mil', Tom. XVI, pago 175-t76.
(:2) J!f'lilflil'c da !Juruít di) Brc!l:ui/ ú Louis X VI sur la situa-


IWH des Calcl/I/.\tc,\.




- 3ll6-


pllis(lu'e!le les truitait en ennclllis; et un gouvcr-
nemcnt qu'ils devaient hair, pllisllu'¡l avaiL vjolé~
tous leurs droits, allerent exciter l'Europe conlre
la Franee. Leur émigration pcupla un faubollrg de
Londres, des villcs entieres d' Allcmagne, sans
comptcr Gcneve et Amstcrdam. GuillaUllle d'O-
range s'attacha les principaux oIliciers fran(:ais
avec lesql1els il c1evait conquérir le Tr6nc d'Allglc-
terr'e pour délruire la puissancc de Louis XIV; et
la Maison de Branclebourg s'attacha les principaux
savants fran~ais avec lesquels elle devait créer la
Royauté prussienne, protectrice armée du Protes-
1antisllle, en opposition au Catholicisme, ne pen-
sant pas qu'ils donneraicllt un jour le signul d'unc
1'ég\')uérution catholique au sein de la réformatiou
protestante (1.).


Quoique la peine de morL fút proIloncée contre
quiconque sor1irait du Royaume, ciIllI cent millc
calvinistes s'exilerent; bcaucoup d'autrcs reste-
1'ent dans les Cévennes, ponr y organiser une
guerre de purtisüns, pendant que la Ligue ti' Aug-
sbourg dirigeait une "U erre O'én6ralc contrc o tJ
Louis XIV. OIl le sait : Guillaul11e d'Orange fut
l' instigateur de ceHe Ligue, par l¡¡(jlleUe il se


(1) Voir plus haut, chapo l", pat;. [¡ti.




- 397-


maintint sur un trane usurpé, ave e l'appui de tous
les Souverains légitimes de l'Europe. touís XIV ne
[lut point le remerser, bien qu'il dictat des lois a
la société anglaisc, ayant acheté les divers pa1'tis
qui la dominaient. Tombée, de révolutions en 1'é-
\'olutions, clans un lihertinage sans frein et dan s
un profond énervement, I'Allgleter1'e ne se releva
que pour réagir contre le Pllritanisme.· Elle se
lassa hicnLót des 11lGLlVaises mceurs, comme elle
s'étuit Iussée des fureurs bihliques. Mais iI n'y avait
de finuncl's nulle part, et la vénalité se trouvait
partollt. Charles II fut obligé d'accepter l'aumane
de Louis XIV, heureux de pouvoir exploiter la
nullité poli tique et mOJ'ale d'une grande nation. te
Parlement convoqué aprés la restauration des
Stuurts avait été entiercment favorable au Pou-
voir; louLcfois, une opposition redoutable 11e
tarda pas ü se former sous l'influence du trop
célebre Shaftesbury, (lui dénon<;a au pays le Hni
Charles, le dnc d'York, son frere, et tous les mi-
nistres de l'État, comme s'étant engagés envers
Louis XIV it renverser l' Église anglicane, et á ré-
tahlir ntglise cathollqlle. La cruintc du Papisme
provoqua LIue réaclion du Puritanisme. L'argeuL de
J~ouis Xl V, habilcmell t distribué entre le parti de la




- 398-


Cour et ceJui du Pnrlement, donna nux dcux fac-
tiOllS les memcs moyens u'exis~t~r et (le s'cntre-dé-
truire. a La lllajorité de l'1 rlande était ca Lholiql1c,
l'Écosse cntiere professait le C;:lvillbme. Clwque
parti choisit parmi ses a]}tagollis[(~s la classe
d'holllmes la plus misél'uble ct l¡~ pll1s mépris(;c,
pour en faire le nom génériquc (111 parti ndvers'~.
tes plus infúmes des callJO!iqucs irl(llldilb {:i:dent
ces troupes de brigands et de sal, ~agc:i <lId
infestaiellt les grandes routes et les bois, el quc
l' on nOIllll1ait Torics. Les derniers dI';'; cal vil! is-
tes élaient les lVltigg/wmor.s écossaL, Lomiers
aussi féroces que les Tories el' Irlande. Les parl[-
sans du Pouvoir appelerent lem3 cnnemis \Vhi¡,:s.
Les IJlIi't.i:-,ans ele la liberté (!onnel'cnL ü !cure; ;::1-
vcrsaires le nom de '1'o1'18s : soJ¡i'iqucf: r;¡,Jllls.·!;S
dans la boue, qui dc\lnrcnL Wl lloli;:eur pour
ceux: qui les portercllt. Désoi'\lwis les (~'~!1X [;I'<ln-
des fuctions anglaises ne rcyu ren L pas ú' eH! tre d(~­
signation (1). IJ


tes deux granels partis religicux cédcTef1t dOlle
la pluce aux deux grandes arnl(~CS poliliflllCS de la


(1) Polilicu/ II e rica: , [Jis!. des )1.'11'/;.\ ell iu/U/aNte, Tnlllile
ele faire observer que I'alll('ur, w(,test~n! ,1;l·,J:¡is. r'~ s;¡l1I':lit ¡\[rr,
illlparti;¡] €ll V\lh!i! tI"s rn[llOliqm's ir/",,,',,:.,.




- 399-


liherté et ele !'autorité, se recrutant l'one (lans
hmll'e, change~~nt souvent de tactique, passant al-
ternativcment de !'ofI'ensive a la défensive, ne sus-
pendant jamais leurs hostilités. te parti libéral en-
gagea la lu tle pour [aire cxclure du Treme le due
d'Yorck, parce (lIJ'il était catholique: ce fut sa pre-
Illil:re cldaite; mais le parti conservateur allüit
Lir;ll[('¡1.1:JÍ c(~dcr Id viejoir/: (1(j~O). Déjú les l1lC-
Dt~CS secr(;L('s du princc d'O;'ílllge contrebalanc;ail'llt
ies mClít;c:-) SCCf(~L(,(i de Loui" XIV. l.'un flatlait le
penchant du noi pnnr le despotisme; I'üutre nat-
ial t le penchan t c111 pe!lpl:~ Vllll' l' indépcndance.
N'ayant pu obteni\' rexcll!~iull du prince catho-
1 i(lUC, l' üpposi tion demanda l' établissemen l el' une
Bégcnce, qlli lalssernit au duc d'Yorck le vain ti[re
de; floi.::ws le goureJ'ilement, et qui donu('rait
i'aniul'ill'; rl'l'ilc HU pl'illCe d'Orange. JI fallut dis-
sOiHlrc edte As~r!¡:blée oa le Whiggisme et le Pu-
rilil!1isme s'l~t;¡iCilL ¡'('uuis el l.n3 un meme but rl~­
\ulntionnairc. Q¡IO:qllC entomé de eonspiréltio;;s
·;,,::,,!,t lG:'~(:S iUl renve¡'sement de sa Dynastie,
Ch;ll'lr~s JI t],(lli~mil le Tronc aH due c1'Yorck,
qui fllt pi'oclamé sous le nom de Jacqu8s II
(lG85). L'AnglctC'rre ilpplaudit [l son uvénement ,
¡);rc~' qa¡¡~ ['1iUil ](1 d{'c1:WCltinn suirante:. ,le snis




- hOO-


bien que I'on m'a accnsé J'aimer le Pouvoir
arbitraire, el ce n'est pas la sell!e fallsseté qu'on
ait dite sur mon compte : je sul" résolu n main-
tenir le gouvernell1cnt étahli dan s l'Égllsc el dan s
l'État; jc connais le loyal clévoucment de l'É-
glise nnglicane, el j'aural toujours Ú c<rur de la
sontcnir el de la défendre; je sais aussi que les
10is du Hoyaume, telles qu' elles son t, llle s llflb e 11 t
pou!' elre un aussi granel Roi que je puis le dé:;;i-
rer; je n'aballdonnerai aucun de llles droits, m:.ds
je respectcrai ceux des autres; ral dóju ris(IUé lila
vie pOUI' la défense de mon pays, je la ris(IUe-
rai encore pOlll' sOlltcnir ses justes libcrlC:~s (l). ))


Le Parlcmcllt reprit ses travaux législatil's ilpr(~S
quatre années d'in terruption. Les révoltes d' A r-
gy ie el ele I\lOlllllouth, [rere natllrcl de j acqllcs Il,
ll'eurent allcun retenlissemcnt dans cette Assem-


b(é~e. l/uli, le !lOl', {¡el' dJa VOlr (n'ompÍlé de (Ynsur-
rcction, s'imagina qu'il pourrait égillcment lriOlll-
plwr du pays. l)(~jú prCS(lUC tous les courLisllllS pen-
chaient vcrs l'ahjuration tlLl Prolcslantisl1lc, parce
que, selon eux, lüi\lonarchie purc ne pouvait t,uh-


(1) ~1. Macalllay, llist. ({¡inglclerre dl')J/Iis JÜC!JIICS JI, tlall.
par \l. ,l. de ['eYl'onnel. I\ul!o fl'l'lIllS r¡uC']l[neS l'llljll'l1JJI:i il cd OU\j;¡;'('
J'l'IlJ<ll'qualJll.'.




- 401-


sister sans le principe de l'autorité pure contenu
dans le Catholicisme. Innoeent XI engageait.Jac·
ques 11 ú ne' pas employer la violence el l'illégalité
pour ramener l'État anglican au giron de l'É.
glise catbolique: ce qui persuaderait au peuple
que le Protestantisllle était inséparable de l'indé-
pendanee et le Papisme de la servitude. Mais les
conseils du Pape [lIrcnt moins agréablcs au Roi
d'Angletcl'I'e que ceux du Boi de France, qui I'en-
gageait a élablil' la religion catholiquc el le rlcs-
potismc,en meme tempsqu'i! engngeait les chefs ue
l'opposition a lléfendre lcurs libcrtés el la rcligion
protetitante, sans l'ü:n craindrc de la Frallce. Les
torys et les wbigs, eoalisés contre un Prinee ca-
tholiquc, agisscnt ollvertpment pour GuilIaullle
d'Orallge, Prillce prote;;;tilllt. Celui-ci ue pouvait
nll~ditl'r encore HUCllll acle J'usurpation, puisque,
Jacques II n'ayant point de fils, la Couronne d'An-
gleterre passait de son beulI-pere a sa propre
fernme. en vertu du principI' de la légitimilé. !Vlais
In naissance du Prince dp Galles (10 juin 1688)
fIlina tOl1trs les esp"rancps que (;nillaurne fondait
sur la mort de Jacc¡ues. 'le devant plus lui succé-
del', l'astuciellx politiquc résolul de le détróner.
Louis XIV t intéressé au maintien de la :Vlaison de


llL (3) 26




- 402-


Stuart afin que la Maison d'ürange ne diriget1t point
contre sa propre puissance toutes les forces de la
Monarchie anglaise combinécs avec ce!les de la Ré-
publique hollandaise, devina ce projct, en informa
Jacques II et lui ollrit des sccours eflicaces qui
ne furent pas acceptés. Al! lieu de porter ses
armes en Hollande OÜ il pouvait détl'uite la hautp
fortune de Guillaume, LOllis XIV les porta d'nhurd
en Allemagne, acc(dérant ainsi le triomphe de son
ennemi dans une révolution qu'i! avait lui-mcnw
rendue inéyitable et qui devint l'origine de tOllS


les désastres que la France éprollva conp sur eoup
;\ la fin de son rcgne.


(;uíllallme d'Orange, proLeeteur de la religioll
protestante et de la liberté anglaise, inscrivit sur su
hanniere eette devise remarquable : ~ Je maintien-
drai. » Plusieurs jours s'éeoulercnt néarHllOills,
apres son débarquement a Torbay, san s qu'aucull
personnage considérable luí etit apporté son ndh(!-
sion et son concolll's : aussi parlait-il d'lIll rem-
}Jarquement immédia t, sougeant ú sortil' d' Angll'-
1erre pOUl' rentrer en Hol1alldc. '\lab, CornhLJr~~
s'étant Melaré cOlltre Jacque:i ave e une partie ti!>
ses tro!lpes, Guillaume persév(!l'ü dalls son dessein;
(~llollt le lllllllde s'a il'p.ssa bientot ú lui comme ílll




- 40:\ --
libérateur uu pays. Les meilleurs umis du Hoi et
sa propre fUlllille firenl cause cornmune avec l'U-
surpateur. La princesse Anne et le prince Georges,
ou mieux la filie el le gcndre ele Jacques, ainsi que
lord Churchill, son fuvori, devenu célebre depuis
sous le nom de Malborough, donnerent le signal de
cette trahison générale. Et .Jacques s'écria : • Que
ceux qui veuleot passerdu coté de l'l-surpateur se
déclarent, je leur fournirai des pa8seports afin de
leur épargner l'infamie de trahir leur Souverain lé-
gitime .• Apres la dispersion de son armée I Jacques
réunit a Londres le peu de lords spiriluels et tem-
porels qui s'y trouvaient encore pour défaire tout
ce qu'i! uvail fail, pour accorder tout ce qu'i! avait
refusé. MaL; rien ne devait plus arre ter le prince
d'Oraoge qui, déja maitre de la situation, traitait
le Roi, cOlllme s'il eút été son propre sujeto Jacques
accepta ce rule subalteme avant oc prendre la
fui le , « prouvant par un grand exemple qu'on Ut'
perd les Couronnes que par faihlesse, et que cellx
a qui 1'on en leve le POllvoir supreme méritent
presqu' toujours leur 80rt, par la facilité mal-
heureuse a vec laquelle ils abandonnent le scep-
tre (1). "


T fréd. Aoc¡IJoD, Tom, J \', pago 379




- [¡Olt -


Le prince d'Orangc se J'PjouisslIit de eette fuite,
lorsqu'il apprlt, non sans inquiélllde, que .Jacqlles,
reCOllllll dans le duché de Kent, était reconduit a
Londres au milieu des acclamations populaires.
Sachant tres-bien qll'il dominait la situatíon révo-
luliollIlaire par sa seuJe présence, et qu'il serait
tOlljours Roi I(\gitime pour le peuple Bllglais t,mt
qll'il n'aurait pas quitté le pays. Guillallllle em-
ploya tOlJte la vigueur de sa politiqlJe il pousser
hors de t'Angleterre ce faíble Souveraín qui avait
hAte de s'exiler llli-meme, qlloiqu'un partí consi-
dérable, revenu ou resté aupn\s de son Tr6ne, In i
prouvilt, par ses conseils et par ses actes, qu'i1 n'a-
vait rien perdu ou qu'i1 pouvait tout reconquérir.
pourvu seulement que, ne sortant pas dll lerri-
¡oire, iI promH de gOllverner I'État selon les prin-
cipes de la constitlltiou. Apres la [uite illégale de
Jacgues (18 décembre 1688 ). il fut considéré
cumme ayant abdiqué: de sorte que ¡'ordre légal
ll't)xista plus. Gn Parlement, COnvOqll(~ par GuiJ-
laume (22 jamier 1689), se erut autorisé a décla-
rer que le Tróne était vacant, et que, l'expériencf'
démontrant qu'un Royaume protestant ne saurai t
étre gOllverné par un Roí püpiste, les Princes cü-
tboliques étaient ¡j jamais f'xclus du Trünr. d' AIl-




gleterre. Joute la quesliou révolutionnaire se re-
smnait des lors en ces termes: Le prillce d'Orange
sera-t-jl Roi ou Régent? Guillaume ayantdit q qu'il
)) \le Lcnuit jlus :1 se meler des affaires de ¡'Angle-
»terre, mais (l'H~ s'il consentait il y jouer un róle,"
ce [le pouvait drc hÚl}i)l'ablement qu'á titre de Roí,
les amis du POllvoil' hdrditólire et meme ses en-
ncmis, qui esp(;]'aient dirige\' ú Icm gré le gouver-
llelllent el'un ~Ionarque élu par un acte d(~ 1cm
propre SouvCraiI1CL{~, l'acc!alll(Tcnt aussilr'll. LI
revollltioll fut aillsi COlJSOU}[ll(~e. Les Slllarls furell
répudi¡\'s dans leur hrilllche prillcipale; muis IlOH
COllllllC Dynustie. Cal' pOllr rendre, autant que pos
sible, ces (teles révolutionnaires couformes élUX
prillci pes cOllservatcurs, Gu illau :11e ne fllon la sur
le Trúne (IU'en Sil qualité d\~pOllX de b filIe de
Jacques 11, el conjointement uyec elle. En brisanL
l'arbre dynastiqnc, on ne tOllcltait pas, dit :'\1. :'\la-
caulay, it un seul fleuron de la COlll'O/IJtC~ lJ1/isqu'oll
n'accorda all peuple aUCUlI droit JIOIWeaU, mülgrl~
" la célebre tléc\aration d,~s Oroits, o (lui éllon<;ait
d'une maniere plus précisc les rapports du Mo-
nurque avec la nation, ou miel1x avec le Parle-
lllent, et qlli devint la loi fondamentale de l'An-
glclcrre, parce qu'elle semblait concilier les deu!




pürtis inconciliables du droit huma in et du droit
divino


Quoi qu'i1 en soit, par eeHe élection de Guil-
latune, l'Augleterre venait de I'CllVerScr l'hérédité
ll10narchique : base des États européens. La sta-
bilité r;énérille des Trónes ccssait ll'exister par
suite de cette ]'t:Vollltion Pilrticuliere ; et le Prince
d'Orauge, Souverüi[J dt~ fail, devait elre cOllsicléré,
par tuu:; les Souverains de droit, cornmc un Usur-
pateur. !JOlll' que son autorité devint légilime, il
rallait, en enet, que la fondation de cette Dynastie
nouvelle,dollt les druits n'élaicnt pas ellcore créés,
s'ollénH sur la ruine de l'ancienue Dynastie, dont
les droits daien t i llde,;tructibles; pour que la
possessioll du TrODe d' ADgleterre par Guillaume
obtint une validité monde, incontestable et néccs-
saire, il fallait Clu:,si que tous les Rois, formant
ensemble le corp8 poli lique de I'Europe, ne refu-
sassent pa::i leur propre adhe:iioll aux actes révolu-
tionnain's de la nation Anglaise, el, par con sé-
q Ilcn 1, SllllC ti olluusselll eux -m(\Ill8S le fl!IlVerSemell t
des principc:,; quí serven! de fOlldement UllX Monar-
chies hén\.dilaires, Oll ~!dell\ it l'onlre physique
uo monde civilisé. Ulle lelle reconnaissüm:e pa-
raissait impossible; elle s'eflectlla lléanmoins ¡j',cc




~ 407-


la plus grande facilité. Guillaume avait el devait
avoir coutre lui toutes les considérntiot1:::. morales
des Puissances; mais il eut presque aussitót pour
lui toutes leurs considérations politiques. LePrince
d'ürange triompha de la répugnance de l' Europe,
qui le reconnut cornme Roi légitime d' Angleterre
sous le nom de Guillaurne III, paree qu'i! sul
dissiper les alarmes positives que la révoJution
d' Angleterre semait parmi les Rois, et leur in-
spirer des craintes chimériques relativement a
touis XIV, protccteur armé de Jacques ll, en
disant que la Müison de Bourholl pensait moills
a relever la Maison des Stuarts, qu'il renver-
ser toutes les Maisons royales. Ainsi, la révo-
lution de 1688 fut sanctionnée, paree qu'elle
enlevait la Couronne d'Angleterre a l'arni le plus
dévoué de Louis XIV, pour la donner a son plus
implacable ennemi. Tous les Monarques, mar-
chant á la suite de l'Usurpateur, formerent UlW
grande Ligue contre le Roi de France qui ddell-
dait ¡cur propre cause, en défendant celle Ju Priuce
légitime; el l'intéret poli tique, c'est-á-dire tran-
sitoire, !'emporla sur l'intéret tllornl, c'est-iHlire
permanent de l'homme et des sociétés.


L' Empereur Léopold, les Princes de l'Empire,




- (IIIM-


le Roi d' Espagne, le Hoi de Danemark et Victor-
Amédée ll, Due de Piémont et de Savoie, lequel
pl'enait pnrti dans les divisiollS tOlljours ardentes
de la Maison d' Autriche et de la lilaison de France
afiu (1'acqi!("rir le titre de Boi qui lui permettraitde
cOllstituel' peut ·elre l'unité de l'llalie (1), se grou-
pereut autoul' de Cuillallll1e llI. Pour soumettre
tous les 11oi5 dll ContiucllL LU!lis XIV Il'avalt (rU'a
réduire le peupie ilJsulaire. C'élaÜropilJion de Sei-
gnelay, 11ls ue ColiJel'l; mais l'op1l1ion de Louvois,
loujours faLak, prévalut. Au lieu d'appuyel', par des
Hottes considérables dil'igées re1's la Tamise, les
prises d'armc:-i de l'Écosse el de l'Irlandc en faveur
des Stuarts, on n' f'llvoya qu' unr: fa i ble escaure; el
Jacques lJ,reutré dans :,es allcicI1S ¡;:tals, fut COll-
traint d'en 1'essortlr. Louis XIV donne l'ordrc Ú
l'amiral Tourville u'aLliltluer 1'(~llJlcmi ¡Ol't 0/1 ¡iti-
ble !JaJ'/Ollt oil iL lc l'CllcolltrcJ'{l, (1lIoi '1" 'ji lJ/{isse ({J'-
tiva, c'cst-il-dil'e ttyanl ou npres qu'il aura fallié
IIlle flotte qne d'Estrées [ui am(~n('. i)llill'i.lflle-trois


(1) \ oir le h¡'''lI ,/ it\i/t! I'll!l!i¡' Jú¡¡ \1. ¡" \,OJlII" F, c-r,)()I'i:" 111~ill­
¡"'c de l'lnstitllt di' Frillirl', ;¡III'icll JuÍldsln, JI' ;;. \1. II~ Hui IJ;,
Sal'daiglH'. rU11 di':; pt'elllici', uraleul's du ;;éual et des ,luris('lIl1-
sllltes les plus émincnb de Turin. II él pll111' titre : ¡¡die /"I'III:;(loi
Twlitic/¡e ¡ I'I{ /a J)i,Wilill di SIl[ (lid ti/ i/ (¡(JI'tnw llritall¡¡icI,'
(!2/¡O-18]~:. nieNcíll' .Ilo";I'/¡," ,Ii 1-",,/, I .jl ,-;,'ll)jlio--('UII 11!J!fi¡¡¡lliI
di dOClIl/tcllti inedlti, Turiuu 18;):;,




- Il09-


vaisseaux frall~:ais engagent le combat de la llogue
contre quatre-vingt-dix-neuf vaisseaux anglais.
L'infériorité du nombre n'est point contreba-
lancée par la sup(;riorlté du courage. Ce désas-
lrcllx combat éUléilntit la puissunce maritimc de
la France, el crée ceHe de l' Angleterre. La défaitc
de Tourville !le saurnil etre l'éparée ni par la
dévastll líon d 11 Pala tina t, ccllvre de Louvois, mort
en cxpialiün d(~ cet acle barbare qui résume
toute sa vie; ni pdJ' les slIcces de Yendóme en Espa-
bne, ni par les tl'ioJllphes de Catinat dans la Haute~
1 tidie, ni par les victoires de Luxembourg dans les
Pays-Bas. Eu/in, pré\'oyant In morl prochainc de
Charles ji, Bol d'EspilgIlC, de i\aples et de Sicile,
Souverain de la Flalldre, de l\aples, de Sicile, de
Milal1 et de plllsieul's fles dalls l'Océan et dans la
Médíterrallée, Empereur du Jlexique et du Pé-
rou, qui ne laissel'tl pas d'h,;riticrs, 1/)[l1S X 1 V dé-
sire la paix, afin de renouve!er le::; forces de son
Royaume; car, il dispulera, s'il le fant, il tOlh le::;
peuples, la successiol1 de ce Prillce, qui deviendra
I'ohjet d'une autr~ guerreo Le grand Roi n'a be-
süin que d'en détachel' un senl Souvcrain, quclque
petit qu'il sOlt, pour dissoudre la grande allíatl\'e.
Par le trailé particulier qu'il sigue avec la Maisün




- 410-


de Savoie, ji détel'luiuc une paix f..{élléralc qui CSL
signée au chateau de Ryswick, sur les bases des
traités de Munster et de Nimegue (1) et sous la mé-
diation de Charles Xl, Boi de SueJe (novem-
bre 1697). La ll1od(''l'a tiOll illaccoulumée de
touís XIV dissipu les craintcs de l'Europe. Gllil-
laume 111, noi de faít, :-iC contenta (l'etre J'econtlu
COll1me Boí légitiulC dl~ la (;rilllcle-Bretagne. eeHe
rn:onlli.lÍsSalJCe emita úcaucol/¡I ti ¡,ollis _\1 V. Ajlres
ulle Pélreille sünclioll, quí l(~gitimait toule;:; les re-
volutions populaires , présenl(~S H futures, il n'y
avait plus, en etret, d'lllviolabilité pum alleUlle
!lace royale ; el la destructioll IllUrale de la noyauté
se trou vait défllliti remen t accolll p ¡¡e,


Le traité de RYiiWick procurait la paix a l'Eu-
rope, sans resoudre 1111 seul des prohlellles qlli fai-
saient craindre plusieurs autres g'u('I'res .. \Íuis l' AIl ..
gleterre, soustraite ~l l'in tlucnce de la ~laison de
Bourbon par la chllte de la 1\1aison des Stuarts el
par l'élevatioll du Príllce d'Onlllge, rival de
tUllís XlV, observa d'U!1 o~il illquieL on jalouA.


(1,' Voy. ,4clc~ d lUC/IWi/'é-\ ¡I, 1,( Itcljuóal!oli de lIysIT,'ick. __ o
PfrfTcL Diss. ele limile (;,¡{Iill'. - /lUTllOlll. ¡'ir/. ,III}J. '1'0111, \'11,
¡JIU L. Il, pago 'lO:) l'l ';lIi\'. -- "1'¡llI1ano:;. C,,¡jr"l" juris yen/li/III,
pllf!. 1100 et sl1iv.- Koch. Aún './,: Ile rllill. rlf'.\ 1'I'lúlo; dI! ¡¡,Ú.r.
Tom. le', pago 236-249.




- 411-
chaque mouvement de la France, pour lui faire
contre-poids dan s la balance européenne •• Ce
fut. depuis cette époque, dit Ancillon, que les rela-
l10ns continentales de l' Angleterre devinrent per-
manentes. Regardant la France comme son enne-
mie natllrelle. elle tacha de former, avec ceHes
des Pllissanc('~ continentales qui craignaient la
France et qlli désiraient son abaissement, des
liens étroits et durables, afin que, nans le cas oi! la
guerre viendrai t ú éclatcr, elles opérassent en sa
faveur d'utiles diversio!ls. Une des maximes fonda-
mentales de la poli tique hritannique, fut d'occu-
per la France sur terre, pOl1r l' em pecher de d iri-
ger foutes ses forces et toute son attention sur la
mero I)'un autre coté, les Puissances du Continent,
toutes les fois qu'elJes redouterent une rupture
avec la Frallce, ou qu'dles sentirent le besoin <1'é-
tre appuyées et soutenues dans leurs démélés avec
cel Empire. se confiant dans I'identité de leurs
¡ntérets el de ceux (le l' A lIgleterre, lui c1emande-
renl dll secours et travaillerent a I'engager dans
leurs querelles. Oe ce moment, les gllerres mari-
limes aIIllll}('~rent presr¡U!~ toujours les feux de la
guerre sur le Continent, et les gnerres continenta-
les a llleneren t des guerres llIuritimes. On se battit




- !d2-


en méme telllp~ ::;ur les deux lt\olldes : suites illé··
"itables des progres de la culture, et de la multi-
tude des points de contact et des rapports qui lient
toutes les natíons, el qui font qu'elles se comtnu-
niquen t le ma I comme le bien, el (lllC, solidai res
les unes pour les autres, elles son1 illséparabks
dans leur bonne et lem mau ntisc 1'Ol'lU11e (1). ,


tes contestations de la ~]ilíson d'Autriche el de
la lIaison de Frunce, relalivPInent ú la succession
d' Espagne, objct d<~ la plus haute illlporlanee pour
lous tes États de l'Europe, el la guerre (lui en ful
le sujet, rlevaient hátel' ectte marche déeisive de
la politique 1Il0derlle. Dans Iu pluparl des Mo-
nal'chies, fondées sur le príllcipe ratiollllel de l'hé-
rédité, qui implique le sentiment de l'illllllorta-
lité hunlüine, on ne sait pas encare, fau1e d'I1!!C
101 positive, aquel Prince le Tralle duit a¡¡parte-
nir, HU cas Ol! la :\laison n:gnünte viendl'ait á S't~~
teindre. De sorte que edLe questioLl, d'OII (h~pen­
den1 le repos, la stabilité, 1 ílldépClldilllCC el le
saluL des Elllpires, e:ót fa iale 1lJf'Il1 alHllldonn(~e illl
hasard de tel 011 Lel é\'(~nl'nh:IJ l. Si les Cortes eus-
scnt conservé Icm:; droils en Espagne, Ol! ils re-
présen1aicnt auLrefois la llutic'n, Charles II Ícur


(1) Tablcau des rév. du sysl. polit. TUIlI. IV, pago 1145-46.




- /¡13-


laisserait !1laintenant résoudre ce probleme re·
doutable. Mais, en tant que Roi absolu, il ré-
sume personnellement loute la Souveraineté na-
tionale. Charles doit done choisir son propre
successeur, ou parmi les descendants de sa sreur
ainée, c'est-il-dire dans la Maison de France, con-
formément a I'ordre de la succession CastilIane
établi en Espagne, mülgré les renonciations for-
j)Jellcs de l\Jnrie-Thérese, cal' elles ne peuvent
tluil'e aux droits de ses enfants qui les tiennent,
non pus de lenr mere, maís de la loi fondamentale
dn Royallme; Oll bien il doit le choisir parmi les
desccndll!lts de sa scenr cadette, Marie-Antoi-
IIctte, c'cst-ü-dire dans la branche collatérale de la
Maison d' Autriche, et le Princc-Électeur de Baviel'0,
devient alors son héritier. 01', I'Empereur Léopold
s'esL fait promettre le Trone espagnol pour son
fils cadet, par Charles 11, auquel il a rappelé que
~larie.Anne, su propre mere, filie de Philippe III ,
fut déclarée son h{~ritiere it \'exclusion des eo-
fants de France, par contrat d(· lllariage et par di-
rers testaments des Ruís d'Esrnglle. Ce nouveall
pacte de famille dt.~vatlt reprodllire I'ancien anta-
gonisme de la ~Iaison de \;rallce et de la Mabou
d'Aulriche! iI s'ag-i~s¡¡it de le fJr(~venir. (;'esl duos




- 414-


ce but qu'apres la mort du l'rince de Baviérr
Louis XIV et Guil!aume III signerelll a Lo[]{lres,
le 13 mars 1700, ú la Hayp, le ~5, un traité de
partage évenluel qlli dOl1J1ail au due de Lorraim'
la Mo[]ürchie espagnole prOpletllCnt ditc ; üu Dall-
phin de France, la Lorrainc, Napl(~~, la Sicilf~ i'l
Guipuscoa (1). L'Empe1'cll1' rc/úsa dc souscrire ú
ce traité. Enfin le Roi d' Es pagne. nyant COIlSlll tr:'
l(~ Pape, les théolog'iens et les juriscollsultes afill
d'empecher le démembr('ment de la Monarchir
caLholique, léguu su Couronuc ú Philippe d' AIl·
jou, fils puiné dll Dauphin, p0ur rassurer ses pell-
pies; stipula dans son lestamcllt la séparütion P('1'-
pl!Lnelle de la Frallce el <le i 'Espague, pOLll' rü:-i-
surer l' Europe; eL lUOUl'Ut avt'C la douce ¡ole el'a-
voir garanli l'inlógritó de sesl~tats.


Quels que fusseul les truités proposés ou ac-
cep tés par LOllís Xl V, il ue pOLI vai t re1USCI' le lec'-
tament de Charles Ji sans se deshonorer. A\lJ'h
ulte assez longue hésitatioll, ilUlUIH}a le duc tI':\ !!-
jou et lui dit: • MOllsieur, le Hoi d'Espagne VOlh


(1) DUlllont, COl'pS cLiplol/l. Tom. VII, parL 11' pago ú42-ú7.-
Lamberty, JI"lIlO!I'!"I. TUIll. le., pago 97. - hoch, .1brégé des
Traites de Ilai.c. TOBl. 1", pago '2ó:)-;)7. - Un doit consultr~1
::,urtout lE' lJeau lrayail de :\1. 'Iignet, intitulé: ,Y('goriatio/ls rda-
lives u lasuccc.ssi(J1I ti'Espuynt: S""J LQuis ,\H',ú vol. Paris, 1835,




- 415-


a fait Roi, les grands vous uemandent, les pel1ples
vous souhaitent, et moi j'y consenso Songez seu le-
lllent que vous etes Princc de France. n Puis, s'a-
dressaut 11 la Cour : « Messieurs, ajouta-t-il, voila
le Uoi d'Espaglle; i11l'y él plus de Pyrénées .• Jlhi.
lippe Y, que la lIation espagno!e ~'ient d'accueillir
aY(~c alJégresse, est reconnu par tous les Souve-
raios, excepté ¡)(Jr J'Empereur qui, aynlltú réprimpr
IlllP illsurrectioll en Hongrie, ne pe!]t agir contrr
l/Ji. AL! sllrplus, l'Espagne est aujollrd'hlli ce
q\l'elle était hier, c'est-a-dire un État distinct el
libre; cela sllflit a l'Europe. Malheurellsement,
Louis XIV fait revendiqucr par Philippe Y son droi t.
a la COllronne de France, au cas Ol! le duc de BOllt'-
gogne el sa descendance ruéite viendront a mou-
rir : ce q!li détrlllt le testament de Charles 11:
et puis, il se fait attribuer á lui-meme le droít <Ir
transmettre ses proj)l'cs ordres HllX gOllvcrncul'S
des provinces pour se cl'(~er, en Espaglle, un POll-
voir semblable u celui de Philippe V. En cons(~­
quence, il SOlllllm l'Elcctellr de Baviere, gouver-
neur des Pays-Bas, de reccvoir des trollpes fran-
\:aisl's el (h~ reuvoycr les troupes hollandaises qui
lenaient garnis\HI rl,lIb IlU certain nombre de pIa-
res forlb.




- 1¡l6 -


Cédant aux instigations de Guillaume IlI, la
Hollande fit éc1ater ses plaintes daos tOlltes les
Cours de l'Europe et devint le centre d'une eOQ-
lition nouvelle contre la France. Nh.nmoins, l' An-
gleterre n'y aurait pas accédé, si, apres la mort de
Jacques JI, Louis XIV, déchirant le tmité de
Ryswick, n'eút aeeordé a son fils le litre de Jac-
ques lB et les honncurs dllS Gil Uoi de la Grande-
Bretagne. Le Pal'lefllCnl, (Iui \oulait garder la neu-
lralité pOUl' devenir I'arbitre de la paix, fut aussi-
tót le promoteur de la guerreo Qlloique la morl
de Guillaume 111 puisse changer toute5 les dispo-
sitions de l'Eu1'ope, elle n'en l1IorJifie aUCUBC.
Comme il ne laisse pas d'enfants, le Parlement
pou1'voit lui-meme Ú la succession au T1'one, pro-
clame la princesc Anne, filIe de Jacqlles 11, impo~('
de nouvelles restrictions ala pf(~'I'()gati\'e royale el
consacre, d'unc lll<'lilit'~re définitive, 1,1 supériorill:
du POll\'oir k:gi:ól¡Jljf sur le Pouvoi1' exéeutif: base
de la Conslilution hritallIlique. liIle bonne femtllc
regne; íllais dcux grands hommes, le due de ~lHI­
borough et Godolphi lit!, gOllvefllcnt l' A nglelerl'e,
en soulevant la ll10itié de l' Europe con tre la Müi-
son de Bourbon.


Ayant perdu les meilleurs appuis de son Tr(mE'.




- 417 -


Louis XIV ne conserve plus que le prestige de son
nom et la valeur de ses armées; Condé, Turenne,
Luxembourg sont tombés; le duc de Malborougll
et le prince Eugene se levent! Le génie militaire
de la France passe a l'ennemi. Le Duc de Savoie
déserte l'alliance franltüise poul' obtenir le titre
de Roi, au risque de le faire perdre a son propre
gentlrc, Philippc V. On se bat dans les Pays-Bas,
ell ltulie, en Allemagne el en Espagoe. L'Europe
oe gagne rien encore; mais la France peut tout
perdre. Les prospérités les plus glorieuses déjil.
,.;ont effacées par les plus tristes reverso Vendóme
el Villars, instruits par nos défaites, sauront bien,
un jour ou l'autre, forccr la main á la victoil'e,
Muis la famine et la peste dévol'ent notre 1\Ionar-
cIlÍe, en meme temps ljUe la guerre civile et la
guerre étrangere, sous l'<.eil attristé de Louis XIV.
Les miseres du grund peuple De sonL comparables
qu'aux infortunes du grand Roi. Ului était réservé
!Ir faire parcourir a la Frunce, durant su longue
vie~ le cercle entier des révolutions que les Elllpi-
res parcourent durant plusieul's áges de leur
l'xistence. Louis XIV ne survivait pas seulement 11
~on si(~cle, 1I se survivait ullli-·nH~llle. "ll aVLlit tout
dUlilpl(~, dit M. üuizot, et tout dépérissait :lU-


UL, (3} 2'1




- 418 -


tour de luí, les hommes comme les cllOses, le~
caracteres et les esprits aussi bien que ses armées
et son trésor. 11 n'uvuit point admis de libertés
pour l'avertir, point d'institutions pour le conte-
nir; il n'en trouvü point dans les mauvais jours,
pOUI' souteoir et retremper son gouvernement. Les
fautes et les injustices qu'il avait cOlllmises et ou-
bliées pewlant su gloire, ['eviment, comme uutant
de spectres, le tourmenter dans son déclin. Le
POllvoir He se sutfit pas longtemps a lui-meme : il
s'énerve et se dessechc bicntOt si l'intervention ac-
ti ve de la société dans ses afl'aires ne vient le
IlOllfl'ir el le rcnouveler. e'est la, entre autres ,
un des mérHes des institutiollS libres. Louis X I V
eq, de tous les grands Souverains avanl 1789, ee-
lui qlJi a fait la plus eoncluante éprenve des vices
el des vunités du Pouvoir absolu (i).»


Dcvenu, pUl' le fait de la coalilion européennc,
l'uniquc représcutant de l'exclusive Souvcraineté
du uroit divin, le Roi de Franee, apres avoir dicté
des loís a tous les M onarqucs de l' Europe, est obJigé
de subir les loís qui lui sont (1iclées pUl' J'uniquf'
repré:,entant de ¡'exclusive SüUVCl'Uilleté du droit
humnin. On lui ret"use la pnix á Anvers, ¡'¡ Moer-


• _ (i) [,u Frawc ('/ la Maiso;! de Bourhon (lvunt 089.




- 41Y-


dicket it Gerlruy-Dembcrg; on veul que Louis XIV
fasse la guerre pour renverser lui-meme le tro11e
de son petit-fils qu'il a élevé. L' Europe se désho-
nore en lui imposant des conditions infamantes;
et la France indignée s'ennoblit en les rejetant.
Villars cherche la victoire ü ~Ialplaqllet, ou il ne
trouve ql1'une défaite gloriellse. Vendóme, plus
heureux en Espagne, fl~génerc la Royuuté fran<;aise
de Philippe V, et ddrllit la Royauté autrichienne
de l' Archiduc. Ce Prince quitte le nom de Char-
les III et prend celui de Charles VI; car iI ne des-
cend du Treme royal que pour monter sur le Trone
impérial, apres la mort de Léopold. ~lais cet évé-
nemenl change tou1es les idées politiques de
I'Angletcrrc. Elle ne pent vouloir, en efI'ct, que la
Maison d'Autriche se s(lbstilllC purement el sim-
plement il la Maison d(~ Frunce. II suffil'ü d'une
petite SCl~nc consti tu tiollllelle, jJassée en pIe; n
Parlement, pour préparer le dénoúmenl dll grand
drame qui se joue entre les Royaut{:'i elll'op(~enne:i.
'lais l'opposition de b vl~i:ie sera le gOllveruemcnl
du lendemain. Les \\hir;s, vaillcus par l'opiniol1
publique, déposerotlt ICllrs portcfeuilles, et lAS
Tories vietorieux, ayanl la dircctioll des afI'aires ,
pOllrrnnt n(J'ril' la ¡taix.'! I ,nllis XI \'. pOllr'l! 'llt'il




- 420-


reconnuisse l'ol'Clre de sllcccssion i~tabli dans la
ligne protestante; qu'il sépüre a jamüis lu Monar-
chie espagnole de la Monarchie franc;aise; qu'i!
donne des avantages 11 tous les Princes engugés
duns la guerre; et qu'il accorde enfin des places
de barriere ti la Ilollande el a I'Empil'c (1).


IJbilippe V u déjá renoncé, pour lui et pOllr ses
descendanLs, au Trone ele Frunce; les Princcs frau-
~ais Ollt égalcment renoncé an Tl'oUC el'Espagllc ;
mais les négociations pacifiques iangllissent á
t"trecht, Oll 1'on sait que le prince Eugene, pour-
suivant les hostilités en Champagnc jusqu'aux
portes de Reims, veut arl'iver a P ersaitles, la for-
cite á la 1llain. Pendant qu'on le rnenace d'incendier
son Royaume, le Roi de FraIlee voit su Maisoll
p1'0s de s'éteindre. Le Dauphin, son seul fils légi-
time, est déja mort; et son petit-fils, le due de
llourgogne, va mourir. Ces perles domestiques ne
fOlll pus oublier a Louis XIV qu'il uoit aecomplir
le sulut de son pays. « Je n'exige pas que vous
huttiez I'ennemi, dit-il a Villars; mais je veux que
vous l'attaquiez. Si la bataille est peruuc, écrivez-
le-nwi en particulier. Je monterai it ehevaJ, je
trnverscrui Püris ceHe ¡eure a la müin : jc vous


:,1 ¡JUÜlV1Jt, {'Uf'l's ,U¡¡{UIII. T(¡lll. \liJ, pal!. 1" pago 2~S.




cOIlJuirüi lleux cent mdle homllles, et je lll'cllse-
velirai avec eux sons les ruincs de la Monarchie. ))
Villars triomphe it Denain, et la Frunce est sauvée.
La paix dTtrccht sanetionne toutes les proposi-
Lions de l'Angleterre. Le duc de Savoie gagne le
titre de Roi de Sicile et deviendrü Roi d'Espagne,
si Philippe V perd ses propres héritiers (1). La
)Jüison t!'Alltriche, qlli a continué la guerre pom
traiter il part, signe la paix dc Hastadt, ou elle
oblicnt les Puys-Bas, le Hoyaume de Naples, le
duché de MUan et I'ile de Sardaigne dérobés á la
Monarchie de Charles 11; muis elle voit passer
.\eufchútel et Valen gen entre les mains du Hoi de
Prllsse, et la i\Jaison de Brandebourg, qlli porte ce
titre, va lui faire cOlltre - poids en Allenlélgne. La
Frailee ne conserva Dunkerque, ville-muitresse dt.!
la mer, q lI' Ú dl~S cOlldilions h umiliantes. TOl! tefoi8,
elle ne perdit rien de sa dignité lllorale, pui8qu'elle
assurait le Trone d'Espagnc a I'un de ses Princes,
et que la plupart des eonquétes de Louis XIV res-
taient annexées a son territoire. Elle n'était plus,
il est vrni, le centre de la poli tique générale; muis
elle restait encore le eentre de la civilisation.


:1) \1. FI'I''¡''I'i~,) .,,;,'!opi,.:, Ddle ]le!a.'ioll! /wlitic/¡c In/, lu r/i-
¡wslú¡ (ti Samia crl ill)ulxrno Bl'iCallnico ,pago 3i-38.




L' A Ilg!eLerre se fj l céder, ell Amériquc, des pos-
:::.essions tellement vastes, qu'elle domina d,ms les
deux mondes, apres avoir imposé des 101s a l'Eu-
rope, COITlm€ pOlll' mieux fllire éclllter le lrjomphc
décisif du droit hllmain sur le uroit divino Sous
ce rapporl. la Pilix d'Utl'echt, qui termine le long
dllel de la ~laif,~Jl) cl'Aulriclw et de la Maison de
Frailee, COIlJl1lenCC 1'('I'c róvollllionnnire propre-
lllel1 t dile.


Louis XIV le comprit ~i bien, que, loi1l de se
féliciter d'avoir rélahli la paix clalls le monde, il
en devint triste et mélaneoli(l'le. Les événemcnls
quí s'(;taient déroulés SOIlS ses yeux, dCPllis un
siecle, IndiquaiellL Ú sa i'em;{~e la nnturc des événc-
111ents prochnins, La ROYilUté absollle semblail ne
devoir pas lui slln'ivre. Loroqu'on cut dit h Ver-
sailles : Le noi esl mort! loutes les CouJ's de l'Ell-
rope répéterent ces paroles fllnebres, comme si leJ
Monarchie elle-meme avait eessé (l'exister.


Quoiclue Louis XIV ait sOlllevé bien des haÍlles,
il a cl'pendant provoqué bicn des ellthollsiasme~
parmi les peuplps. L'histoire impartialc n'acccptera
quc cet allstóre jugcment d' Ancillon : (( 11 Y a eu
de plus grands Uois, il Y en a Cl! de meilleurs;
mais la Fnmcc n'a jamais élé plus grande (Ille




~uus son 1'¡'~gIW; elh~ vit C!lC'¡J'C de ;:a gloirt el elle
en vivra lüngtclllps (i). Jl l\leme l'1I faisant le mal,
Louis Xl V cro~ail fuire le bien. TOUjOlll"S donliné
1iÜr ses ministres et par ses lIlultresses, il ne pul
jaUlais s'élever il la hauteur de sapropn~ vocution.
'l(~ avce des qualités brillant\'s et solides, on se
plllt ;'¡ ks óloufI'er en lui-memc, des son enfance,
<In 11eu de les déve1opper, de iuaniere á ce tFIe,
dcvetlll hOllllue ct grallel hOlllllle, il b'OU\Cl'iHlt le
peuple de France avec la plénitllJ(~ lllOraJe du
Pouvoir, c'est-ü-dire avce un savoir supéricll1' ú
cellli des Prillccs qui gouvcrnaient tous les nutres
l~ la ts ei v ilisés.


Louis Xl V cut conscienee de :-,011 insllfIisallee
peJ'sollnelle, des qu'il \oulut diriger les dcstin(~es
ele la natiolJ. \Otl CUIlLe'llL <1'(\\,oi1' des minÍsln's
clIjJübles, il s'cffon;a d'ucquérir par lui-mclllc iC~i
connaissances murales el positivcs qui sont indh-
pensables pour remplir dignetllent le devoir d'Ull
Roi sur la terreo .\]ais son ame resLa plus grande
que son illtelligencc. Aussi n'eut-il qu'ull vague
prcssentiment de I'esprit organisateul' qui travail-
lait le monde, et ({I11 formüiL déjú la vocatioll spé-
ciale de la France! 1'\e sachant pas lui ill1prillH~r


(1) Tablcaa dr,l re/), du .\ljSI. ¡JOlil. TOBl. IV, pago 5t7.




une direction salutairc, iI devait lui imprimer une
direction funeste. La RoyauLé demandait pour se
fixer des principes nouveaux, il se contenta de lui
donner une nouvelle forme. L'Angleterre avait
proclamé la Souveraineté exclusive du peuple,
COlUme exprcssion du droit humain; LOllis Xl \'
luí opposa la Souveraineté exclusive du Princc,
comme expression du droit divin, SllllS penser
qu'il trallsportaiL en France le uuel redoutablc
qui renversa la DynasLie des Stuarts, aprós avoir
tué Charles 1"" Loill de faire accomplir a la
Royauté sa création propre, au moyeo du principe
générateur eL réparateur qui esl en elle-méme,illlli
tit aecomplir, par le seul rait, sa desLructioLl pro-
pre; el le sorl de lous le!) Üa ls se trouvn des lor5
compromiso




ClB.PlTRE xxn,


r,REA.T10N IIL :'IOIW !lE L'ITH()I'I': El j)E~TltLCnO:'i
!lE U POLO(:\E.


SOlnnlaire.


Li' Idlls ;I'.1Jl1II' I'p(l(¡llr di' I"I,i,loin' du '(idi (',llinie: la plus grande
¡'Plll¡tll' dI' rÍlI.,llJill' ¡JII 'I(l,d 1'0111111,'111'1', ,- La 1\1Issi,' rll'puis
1'.I;lIlllljlls'IIl'¡¡ I"lxlilt<'li'llld¡, Ii! 1)~lla,li,'d,' Illllirk,·- L;ll'lllu-
gil!' el la SIIÍ'lI .. 1I11'1I;l('l'nl 1',',isl,'III'I' dI' In !\w;si,', - L',m'J1e-
1I1i'1l1 dI''; IlolJliI)]o\\' 1',1 11111' 11',IIII'I'('liOII lI;diona]¡', - COJlstilu-
li,m l'lhSl', - l'i"1T1' 1", dil le Graml, - l1 Ir;lIlSfol'lllp J;¡ f\nssir,
()UC!I'~ asialiqll<', 1'11 llIl EIJlpire "IIl'OP':"'lJ, ,- l'ie\Te 1" el Char-
les XII, - Ligul' ronln' Ii! SlIi'ik. - "'ieloil'l" prcsqur mil'acn-
IeUSI'S de Cltar]¡os Al/. - :ion jll\i!siUII CH P"lllgne. - 11 faíl dé-
I)("el' 1" /lui AU¡jm,I,' Ud plol'!alll('l' Slalli,];" LI'czin,ki. - Dj,,-
sulnlion de la Li¡jlll'. - eharl!'s \ 1 r mal'clte rollll'P Pi!'I'I'I' 1" a\'(~c
I'ialenlion de 11' 111\ll'Ill1l'l',-' H;I[;lilk dI' l'ul/;l\\iI. - La {l1'('pUllUC-
l'ilIICC daus le \unl I'sL ¡I('qlli;;¡, ;'1 la I:Il;;Sü,. - GIIl'rrr ('nll'l' l;t
Ilussie el la TUIlfuj". - l'if'll'l' 1',,/ ol¡Jig,', dl' ~1¡iJjl' \lile pOli;,: hll-
IlliIÍall[r. - Lil Li,,:!I¡' dll ,'\ol'd ,e 1'('1011111', ,- Le ]loj (1',\llgIl'Il'lI'l'
1'[ le Itoi de J'I'II,,,e ~' Hcr('deul. _. :'I(;gocÍ;tliou,; paciJillllcs ('1111'1'
ell;I]'les \11 f'l1'i1'1'I'1' re'. -'101'1 dll /",i di' ~ui'd", ,- I\,'\olulillll'
'(alls 1" CUllI('l'liI'JlII'1I1 <le ¡'(' l'a~'",-Tl'aik di' \\ 'lilül,-I'irl'n' 1"
rNol'lualclll', --I'I"'lllÍ'\1'1' loi fOlldillll"llIalP de l'Elllpi!'e I'IIS';I', 1,'011
,'('manl, la su('crssioll all Tl'ünr, - ~ill¡alioll di' la l'O!O!2:I)f' \'i,-;"
\is dc. la \'.\18"i .. el (1" la I'I'1IS,C, - OrigillP dI' edll'. dCliIicrl' 'lo"
wl]'cltir. --FI'I\d('l'ie .. ( ;\1illalllllr 1". - FI""i]¡il'i" I/. - CliI'ITf' dI' 1;1
,Uf'C('SSiOIl d'A\lII'idll'. - ¡;ralllil' lifIlle IOrtlH'e par lii FI'<lI]('I',
1'llIlI!'I' ":¡rjl.'-TIt"'l'l'SI.', - tll,,'/io)) dc 1'ElIl[J<'I"'ur Cltar/,'s \11. -
.\Inril'-T/Il'rhr el 1",.; n¡;¡gllilL>, di' l!ollfIl'il'. - \l;¡rie-TIII"ri>f' f;¡i(
1;, pai:-, ,111.'(', le !\oi 111' 1'1''''';,1' ¡o[ 11' /toi ti" Sal'llaiglll'. - T;,\Ili:!II~­
[1'1'1'1' inLrJ'rjl'nl CIl f,lvr'lIl' de la \Taison 1l";\\1/rirllP. 1'1 ¡¡I'dar/' h
;;llerre ;'¡ n:sllil,ml'. - Perail,'" di' 111" ;¡ 1'1111'1" [>11',,1'1"" pal' d',',
t'latanlrs vicloil'(,,'. - Fréd¡'ric 1I l'!'p:lI,til stlr 11' tla'úll'l' di' 1;,
¡;uerre, - Tonl¡,',; le, Pl1i~s;\II(',"s ¡fu .\0]'(1 el dI.! ,\lüli l'l'('lllll.'ul




parl aUx !liIslihkb. - \Iilrl:k rEIIII"'II'111 cJlilIII" \ 11. - EII'I-
lioll rle Vl'illll,'ui, i". - !\,II,lilll' Ik FIJIIII'IlIIÍ, - lól'illh\i,;;Pllli'lll
t1u ~lallHltldl'J'Ltl'lI llnllalllll'. ,- ])('sll'llclil1ll I'lItlll'\I'll' de la 1lI11-
rine frall~abc ]lar la 1lI111'illl' illl"/'ti,l'. -, 'j'rlllll


'
IL\L'\-III-CIIII)II'II I'.


-Illli'rprdaiion di' n' lraik jI,tl' L\II"ldl'ITI' '1 1'1'"111'1111;,1,, VIIIIII'I',
'-I1o,üilitrs ¡k L\ngkl('ITI' ,;¡lIle' d,'('JIII'lililill di' tl'\II'lTI' PI'(oIt!:¡)il l '.-
La Frilllc,l: \0ut Illta(\UI'l' r .\112'II'II'1'1't' Üllll" tI' I tllllll\TI',-La I'nh;;(:
I'l (lllCl'flll':' jlru\illcl" d' \11"1111:;."111' !"llll 1'1111", 1'llllllIllI\ll' 11\'1'
l'All"ktl'l'l'e, -, i\l1ÜUIi'I,', di' 1;, \"li,-1I1l dI' FI'UJiI'I' 1'1 Ilr- (" \!I'¡,,,ll
¿r \llll'i..}l{j~ t'lIlWHjj¡,:--, ;o.,l"('l¡J;lil'i':--. - Clidli¡iqll di' ¡'Elil'('jl" ,'(ll¡[;l:
h I'ru,;sl', .- (;('ui" IIlililail'l' dll 1,I,III:l 1,':'I"dl'li,'. . :"',; \Jet";,,
)''':'. ,- [';Idl' Il" Ltlllil]" "lIiJl'¡lIl~JlII'l' J", di\I'I'''':' hl:III<'II,'- ti .. Lt
'¡"i,,,')I} th~ J~(H!rL(lJl..- 1.: 1 i~l1,~:--i{} 1)';:I[t l d\('(' 1;1 P],¡I~~I\. --- .\\·('IJ"-
tlJlélJl di' Cillll!'l'illl'·!;,-lil'alld".-I'lIj\ dI' I',u'j, 1'1 di' lJ¡¡ili',,¡;H)l!rc'
'- Fr(lllílril' \I'ltI. d01lui!'t' la 1',,111,"111' 1"'1/1' (')'1'1'1' r1I"iillili\I·tlll'liI L"
I'J'U:'SP. ,- c\til:If'llJlisJIlt' tlt'S P'llli, 1\'lioil'II:\ el JI,,]iliqllc, 1'11 ['01,,-
¡OUI'. _. CUlICi'1 t dildolllilli'I::I' SlIt' I"s all'aill.'s dI' I'.,loclll', pl'Opll,"
par le Cabinel UI' S:linl-Péll'I"J¡UIIJ'r 1111 Cabilll'l (\1' \ 1'['''llille, f¡ui le
rejelle. -];ll'eliull tle. Slani'¡ll",\lIf'lIsli.' 1"'lli'llli\\"ki. - COllfét]c-
l'aliull c:rtltolir[ll" 111' 1\a1'. ,-Cflllil'I'-I'lilll'l'dl"rlilin:: di' \ ill'SII\it' 1'1.11-
tllée SOllS les :tllSI'ÍI'l'S di' la illl"if'. 1'1'1)l<'r:lI'il'l' tI,·S ui"idl'lll,. -
La Tll)'(juie d¡iCl:tII' la SIti'ITI' iI 1'/ I\lI"iil', -- 1II'I';¡c!"III'l' rifo n:II:-
pin' Olluman. - TrioJllpil" dI', :tnlll'cs 1'11,"1':'. '--- CntJ1'I'n'!I"I' 110:
I'n;lkrÍ!' 11 l'l llc JIISf'pl! li. rdaliu:lIli'I:1 :'lI jI,:II,I,=," ¡J" [;II'n!"::II"
-L',\ulricj¡c ollfJJlhnl¡' la [<Ianee :1 \ ;¡r'fI\'il'.-I;I~lIqll']'('lI' IfAl-
lelllil::lH' el k I\:,i tlf' Pl'lIs:,e llIella"l'lIl CallwrÍlll' ¡['UIlI~ gUf'ITP, SI
elle: ,'ujlJlU,P ;111 (1I'IIII'1I¡j:rl'II"~lli. - TI'"ill' tll' 1'111'111"" f'i;'-:JlIi;~
:>'linl-l'éll'l'sLII)\1r!,!. - Tldit¡" di.' h;¡iIJilnljl. --Coll"iJeJ'dlilm, ::¡'ow-
I',des su]' les lrojo dl'¡II('llJJJI'ClllCtJ!S de I:t I 'olng-IlI',


La plus grande épo:lue de l'histoirc du Midi fi-
nit avec ti ulllaulllc 1 Ll ct Louis-le-Grallcl; la plus
grande époque de ['histoírn du l\ord commencc
avec Charles Xli eL Pierre-Ie-(;rand. L'antago-
nisme des deux prclnicrs exprime l'opposition de
¡'exclusive SOllveJ'aineté du droít divin eL de l'cx-




-- 4'27 ~


clusive Souvcraineló du droit hl1main; car, ne pou-
v(\nt pas s'entelldre sur la maniere de constituer
l'l~glise et l'État, 1.Oll1s XIV et Guillaume nI agis-
suient moins en chefs de deux nations ennemies,
gu'en chcfs de dellx partis déjll préts d s'enlre-dé-
truirc d,1I1S I(~ 11idi, par cela seul qu'ils envisa·,
geaient, d'llllC t'nson conlradictoire, lcurs intérets
terrestres 011 dmits sociaux et lellrs intérets célcs-
tes on dcvoirs religieux. 1\lais, l'anlagonisllle des
clellx derniers exprime le cLoc de deux PUiss,lIlces
<{ui se disputent la pl'épondérallce daos Ir) ~orcl;
aU5si Pierre-le-Grand et Charles XlI agissaient-ils
molos en cbefs de partis, ~. les partís n'existaien t
pas encore d:1I15 lellrs socidés, - qu'en chefs de
nations. SOllR ce rilpporL, les Vlles particulieres
du Itoi de Sll(~de et dl¡ Czar étaient sllhordonllées
a uo bul général, tandis que les flois de FraIlce et
d'Anglelcrrc suLordonnaient le bul géoéral de
l'humanité a leurs vues particllliel'cs. II en résulta
que, [unte d'une direction sllpérieure, l'Europe oc-
cidentale devint le 1héa1re d'une lutte qui, déter-
minant l'anarchie permanente des faits et des
idées,et, par conséquent,l'impossibilité rl'Utl ordre
qllelconquc, devai t abo u tir aUlle effroyable des-
tructiotl; el (lile J'EurO¡ie orielllale, mainlenl1e




en dehor::; de ce lllouvcment révolutionnüirc par
une direction supérieure, devint le théatre d'une
lutte qui lui fit accomplir su propre création.


On le sait : Jwan III uyait n~rél(~ au monde cío
vilisé l'existence d'un État assez barbare pour
s'ignorer lui-meme (1). C'étüit l'époquc aü la Mai-
son d'Autriche, voulant absorber la JTolIgric, la
Boheme et la Pologne, afin dc réaliscl' positive-
ment son r(\Yc de Monarchie universeIJe, dOl1ouit
i\l1X Princes tlu ~;ortl une importance qll'ils n'a~
vaient pas encore dans l'opinion des peuples du
Micli. L'Empereur Maximilien el d'nutres Monür-
que d'Occident rechercherent l'alliüllcc du Gralld-
Duc de Moscovie, qui venait de pincel' daos ses ar-
mes l'aigle a deux tetes desPaléologucs, Empercurs
d'Orient, avee le Saint-Georges de la Russie.
Muis 1 wan adopta un sysleme de paix el de guerrc
au moyen dllquel il pút s'isoler de tous ou s'unir


... a quelques-uns, pom rester multre de Illi-meme,
se 1"aire respecter de Viennc iI CopenlHlgue, de
Home a Consléltllillople, el marcher de pair arce
les Empereurs et les Sllllans. Albert, marquis de
Baden, IlIí ayant demandé sa filIe en mariage,
l' Autocrute la luí rcfusll, paree qll'il considér"il ce


\1) Vid. supo Tom. 1I, pago l¡86 et suiv.




- 4'29 -


Prince, neveu de Maximilien, ({ comme au-uessolls
»d'un fré1'e des Empereurs d'Orient, quí avaíent
»daigné céder Rorne aux Papes, en s'établissant
» a Constantinople (1). )) La Maison d' Autriche re-
gretla bientút d'avoir favorisé le développerncnt dI'
cette Monarchie, puisque Charles-Quint disait, en
1 M8, al! grand-rnai'tre de l'01'd1'e Teutonique:
o JI n'est pas bon que la Hussie devienne si puis-
"sante; el iI est nécessaire que la Pologne se con·
o serve enLiére, pOll!' l'équilibre de l'Europe. I


Tant que la Dynastie de PtUl'ick~ symbole de l'u-
nité nationale, conserva l'Empire, ses guerres suc-
cessives COlllre la Pologne, les chevaliers teutoni-
ques et la Suéde éleverent la Ptussie a un haut de-
gré de puissance; mais, apres l'usurpation du
tartare Boris Goduno\\ (1 fiD8 ), le pays divis~
tomba dans un tel état de faiblesse, que la Su¿de et
la Pologne con<;urent l'espoir de le détruire, avallt
qu'il fUt né pour la civilisation. L'esprit de nn-
tionalité mourut parmi le peuple avec la Race
n'~g'nante : de sorte qu'un parti, vendll a l'étranger,
put donner le Litre de Czar a Vladislas, fils de Si··
gismond llI, Roí ue Pologne, el provoquer ¡¡jusi
l'envnhissement de l' lng¡ic par les Suédois, qlli,




- 430-


s'jls ne pouvaient dicte!' des lois ¡'¡ 10ulr, la Rllssie,
en lui donnant un autre Czar ..le kui' l'l'opre lllllin,
désiraieot au moios se parlag-cr son tcrritoire avec
les Polonais, déj á maitres des em 1rons de Moscou.
La guerre civil e , provoquée, soit par les fllllX
Démétri us, soit par les ha i Iles de famille encore
plus fatales que les haines de nalion, activait Ir
progre s de celte guerre étrangere. La nussie all-
rail ét(~ anéantie, si qllelques botarels n'eusscnl
pl'océdé il. l'élection de Michel Fédérowitch, ehef
de l'illustre ~laisonde Romnnow (161?)), qui foncla
la Dynaslie actucHe ,et rétabl1tla paíx générale, en
se playant au-dessus des partís pour régénérer la
:-iociété. L'avénemClll des RomallOW fut done une
n'~surrection nationale. TOllles les allciennes insti~
¡utions avaíent été détruites par \'atlilrchie; 1'01'-
tIre en eréa de noureile:-. "Iiebe! 111, Alcxis l,r
el Fédor lll, premiers Somerai[]s de la dCl1xieme
Dynastie, remirent le Russe a la tetc des raees
slaves. lis se coutenterent du simple titre de C;ar
ou eelui de Czar Malle; llW1'S Pierrc ]", ayallt [.;10-
rieusernent terminé Sil gucrrc coutrc.' Charles .\Il,
par la paix de Nysladt (1721), le Sénat ¡IJi déi/:ril
[e¡JÍlltae de GraJld, de Páe de la J)(urie er d' ¡impe··
rrllf' de {Ollfes /PS 1I11ssif's.




- (¡3t -


Le héros 1l10Sco\'itr tiC l'(:(,~IJL point la COllronne
impériale d(~s mains dll Sénat : ce qui aurait im-
pliqué une autorisation positive de son pellple, el,
cOllséquelIlrnenl, la lH'gation du droit divin par le
droit humain; il se la mit lui :-m(~me sur la
tete (1) : ce qui impliquait l'autOrlsalion tacite de
Diell el l'atTIrmaLiol1 dlj droit humaill par le droit
divino DOüe d'lln gt'>¡¡ie inclllte, muis sublime,
Pi(:rre n'avait pas seulemenL transformé le Gran,l-
Ü¡iC en Empereur, il avai! tr;ll1sformé son Duc!J(~
;l'iiíltiqlle en Illl EllIpire européen. Cel homme ex-
iraortlinuire, enfallt de la barbarie, \oulut etre (>t
devint le pere d'llne civilisation. Apres avoir par·
COllrtl les divers États de I'Europe, non en Souve-
redn, mais en simple ollvrier, Pierre-Ie-Gran(l
rentra dans s()n Empire encore pallHe, ignorant,
sans artIJ(~e, ,;itllS ilJuustrie et suns COlllnwrce,
a\ ee des artisalls, des nHll'chand~, des oíliciers et


.


des savanls, C'cs!-u-dil'c iI\(~e le gt~nie qll¡ crée, la
rore .. ' qui fonde et l(~ slIvoír qlli perpétuc. " [\ou-
\blll ]kliCidioli, d'!JJl(' llloin.' sylll boliqlle espl>('e,
dit .\1. ll~ eomw de Ficr¡II,;!;UOl1t, il sc:níl partollL
PI) ¡:!((rclwlI! ¡]illlS son Eillpíre, des villes, des arls,
des sciellc(~~, des '3old,!lS, de,; lHlll1mes d(~ glle!TC




- 1.:S2-


po~r les cornmander, des académies pour les in-
struire, des colléges de toute so1'tc; il c1'éa des
ports, des flottes et des llluri ns pOlll' les con-
duire (1). »Sa premiere conquete mariLime futceHe
d' Azow, dont il s'emparu dalls une guerre di1'igée
contre le Sultan, comme aIllé du Roi de Pologne,
et qu'i! sut conserver apres la paix de Constanti-
nople (tí00). S'élant ouven la mer J\oire (2), il
ne pomait permettre qu'on la lui referrn:.H; cal'
elledevaiteLrele point de déparl de la préémillenCt·
I'usse tlans le Nürd. :rlais, tlepuis Gusta ve-Adol plle,
ccttc prépontlérance appartenaiL á la Suede; aussi
Charles XU, qui nc soupr;onnai L pas que la Hussie
rlit préte pour de nouvelles dcstinées,dcvillt-ill'en-
IlcIlli llalurel de Pici're-Ie-Gl'and. Ces dellx SOIl-
verains engagerent da;)s I'Europe orientale 11m'
lutle pareille Ú C(~It(· (lile LOllis "\1 V (~t Guillal!-'
me 111 avai(~nt pOllrsuivie, ou micllx p:lul'suivaienl
encore dans l' Europe occidentale. PiC'ITe-lc-(~rand,
au débul de cctte guerre, ll'aYilit orgllnisé ni ses
fIottes, ni ses ül'luées ; tandis que Cllarles \.11 avail
des [orces cOllsidMables sur tern~ el Sil!' mer. A la


(1) LI' u111; religil'll.rdrla 1l/lI'Slioll (/'0n',·)(I. I';¡¡i"i, rrrars.1H5ú.
1) Baekmeistel', 1l1'!Jt/'Ugc ::/11' Ucsclril"l/Il' 1'/"II'/'" do U)-US;~II.


\Jaunwl !le Piern;-/c-(irwuli. TOlla. /", )J<I:,_ 17. ¡;iga. i77fl,




- 4~1~ -


fin de la guerre, les malheureuses témél'ités de
celui-ci favol'iserent les heureuses combinaisons
de cellli-lit. Charles perdit la Suede malgré les ba~
tailles qu'il gagna d'une maniere presque miracu-
leuse: Picrre, atl cOlltraire, tit éclater la grandeur
de la Hussie, meme dans ses dMuites, qu'il sut ré-
parer pHI' des victoires.


tes di verses Puissances du Nord étaient égale-
Olent intéressées á détruire la supériorité politi-
que de la Suóde, pour rcconqu(~rir d'ünciennes pro~
vinces que Gustüve-Adolphe et Charles X. Icul'
avaient prises, ou miclIx pour se relever ele leur'
propre abaissement. Dile alliance ofteusive et
secrete fut conclue entre le Danemark, la Po-
logne et la Russie (HH)9). Charles XII, qui pré-
voyait de leur part une attaque prochaine, I'éclama
I'appui de l' Angleterre et de la Hollanele, en décla-
ranl (1 qu'i! ne prendrait jamais les armes que Sllr
une provocatioll; mais qu'ulle [ois prises, il ne les
d(~poseraiL qu'aprt's avoír nbatlu celui (llli se serait
levé le premier contre lui. » Cette déclaration vi-
goureuse précipila les événements, au lieu de les
IJrévenir. Frédéric Vellvahit le Scbleswig; Au-
guste 11 la Livonie, et Pier1'8 le, la Finlande. te
roi de Suétle opéra (}'abord une deseen te impré~


111. (3) 28




VIl8 dnns 1'11(' de S('e)u!\(l , remonta rnpidement
jusqu'h la vjlle (Ir> CupcuhaglH' eL cOlltl'uignit Ir
Hpj de Danemark Ú ,;1g]](']' In paix de Travell-
thal (i) (18 aoút l~()O). EiiSl1iLe, i! mili'dw contre
cllwtrc-vingL ¡~lille Hl!sSt~~ qn'il !~lit ('ll dérou!c
avcc cinq millc hOtllllH>; d trob mille c!¡¡;vaux ~ell­
lrmcnt, pn~s de "'\'ana UH) novemb¡,(' 1 íOO) (:!). ~l'
r('[ournant e¡¡fill cOlllre Auguste, il le ddit <;11,'_
('('S''; ¡ycment ú rUga (17',,1), ú K Iissow C' í 02): Ú P¡d-
[l1-;k (170o), el dnns la Di(~le qlli le <léposl. U1:\[' ..
l(',~ \11 pouvHit prendre la couronne de Polo.
!211"; mais il préf(~ra la donne)' ü Stanisl(l~ l,.".,k,
zin::;ki, Palnlin el,: Posnanie. Abuudonné par ::on
propre pellpk, Al1guste 11 se jetle dans les bras de
PiC'IT(' ler, voisin terrible, qui entreliendra la
r~llelTe clvi[e en Pologlle, sous prétexte d'y rélllblir
la pnix. A peine Charles est-i! sorti de Varsovie ~
q,1' Auguste y rentre en maitre. Son trioll1phe ne
ful pas long; cul' le Roi de Suedecut bient6tchüssé
:b Saxons et les i1usses de la PologDc, cnvahi la
~~:l:;~ (t pj'j~~ ~J~ipsick. C'esl ators qll'il contraignil
!(' gOl :\ ¡¡gliste, t¡ou-seulement ú signer la pab:


.1) Illllllonl, LOI'}I" lIi/,I"III. 1,,111. \ 11. \!;i]'I, il. 11"2. '1/'.l-SO,
':2.' ¡iall,'],\\':rll. l.idllili:l;.iI)1I JI/II/luil'hu, TOIII. 11/, par!. 11,


IJao. ~);~L




d'Alt-llamstadt (24. septcmbre 1706), mais encore
i¡ reconnaitre « Stanislas comme vrai et légitime Roí
de Pologne (~), » et me me á lui écrire une lettre
de félicitation sur son avénement au trone.


Enivré de gloire autant que de vengeance,
Charles XII croyait n'avoir plus rien á faire dans
le Nord et méc1itait une expédition dans le Midi,
quand iI apprit que Pierre Icr avait battu ses gén(~~
raux dans I'Ingrie el dans /a Livonie. Pelldant (IlIe
le Boi d(~ Suedc s'obstinait á rcnverser Auguste 1I,
Roi de Pologne, le Czar, impatient de réparer le
désastre de Narva, changc,¡jt la forme, la tactique
et la discipline de ses arrn(~es (2), leur enseignait
ú vaincre les vainqueurs, et s'établissait lui-
meme en triomphateur sur le golfe de Finlande
pour y élcver Saint-Pétershourg, reine de la Bal-
tique. Appelé en P%glle, Pierre détróna Stanislüs
et fit publier un i!lterregne afin que la République
procédat a I'élection d'un nouveau Rol. ~lais Char-
les Xit accourut aussitót, et Pierre ler se retira
vers les [rontieres de la Russie, qui furcnt bientOt
trallchies par son adversélire. Déjú le Roi de Su(~de
se trollvait SOllS les murs de Smolensko, annol1-


:1\ Dumonl. COl'pS diplorn. Tom. "lff. part. T", pn". ,!Oll.
'2) Xeslexur[1I11'¡ . . 11,;moir{'·, de I'ié'!'I'r'-!e-Gnmd. Tom. JI. p. 319,




- ~36 --


t;ant l'intention d'arri"er U l\IOSCOll pOli!' y dMró-
ner Pierre 1,r, comme il avalt détróné Auguste lJ,
lorsqu'il changca de dessein et entra fort impru-
demment dans !'Ukraine, el'O.1 son arméc ne devait
plus sortir. \lazeppa, hetman des Cosaques Zapo-
rogues, révolté contre la Rllssie, avait promÍs de
l'y joindre a\'ec des forces considérables, il est Vl'¿,¡i ;
mais Charles s'éloignait oe Lowenhallpt, qui lui
nmenait un pulssallt rcufort de la Livonie. 1I en
résulta que ce général, attaqué pUf le Czar, fut
complétemcnt battu pres de Liesna (9 octobre
1708). « CeLte victoire, dit Pierre-le-Grand, peut
etre regardée cornme la premiere des nótres;
Cal' on n'en avait jamais remporté de pareilles
sur des troupes réglées, el cela ayee un nom-
bre d'hol11mes inférieur ;'1 celui de,; cnncmis.
Véritablement, elle fulla cause de tous les heureux
succes qu'ont eus depuis les armes de Russie,parce
que ce fut la prerniere épl'euve du soldat, qui I'en-
hardit et le remplit d'llne confiance qui fut le prin-
cipe du gain de la bataille de Pultawa, et pour
ainsi dire la mere de eette seconde bataille, qui en
naquit au bout de nenf mois. D La défaite des Sué-
dois u Pultawa fut aussi complete que la défaite
des Husses a Narva; mais ses conséqucnces fu-




l'cnl plus plus importantes, puisqu'cll(: détCI'lllina
l'infériorité de la Suede et la supériorité de la Rus-
sic dans le Nord. Charles XII, ayant pris la
fuite avee ?\lazeppa, gagna la frontiere de la
Turquie, upres uroir perdu su propre gloire (1) ;
ct ]>jerrc J" victoricl1x, ayant fixé les hautes des-
tinées de son Emjij]'C', pul, s'écrirl' :!( Maintemm(,
"llVCC l'aidc de Dieu, In pierre fondamentale de
,Sainl-Péiershourg est parfaiíement posée (2). "


Cependant, le Roi de Suede, retiré a Bender, mel
tout en ccuvre pour que le Sllltélll déelare la gllerrc
,lU Czar. Les hostililés, u peine commencées, vonl
linir d'lll1e maniere fatalc it la Hussie. Témérairc-
ment engugé dans la Moldavie, entre le Pruth et
le Dallube, Pien'e est assailli par une al'mée cinc¡
fois sLlp(~rieul'c á la sienne el (lilÍ peut l'anéantir.
Au lieu de combattrc un négor:ie (3) (21 juillet
lí~H). La fortcressc d'Azo\Y, son lerrlluirc el ton-
tes ses dépendances revicnflcnl ú la Tnrr¡llie. Ce
'lll'il perd du coté de la mer Nuire, le Czar espere


(1) \'ollairc, /Ji,'I. de [>/r;/'/'c-/c'-(ir,lItd, Tom. ili. "üap, },,\ 11:'
.-- Adlerfe!d, JIi,II, milil. di.' ¡;"([I'I",' XII. TOll]. JJI, pago 285. ~
\ordeberg, llisl. de Cf¡lll'les XTL Tom. H, pago 310. -Cordon,
Geiich. ['('{I'I'S des (;!'OSSI'II. Tom. 1", lil. \'Irl.


(2) ::ilaehlill. II/I'rrlulf's o/'ir!iIl.U("s ,WI' ricl'l'c-le-Gl'und. ?lUlll, Gü
el1J5.


(:J) IlUlllOlll, (;01'(1.1 di/llolII, TOlll. \ J[[, parlo 1"', pago :li5.




le l'egaguer du coté de la Rtltique. EIl ellet, la ligue
du Norcl s'est l'eformée contre la Suéde. Voici que
les Danois s'emparent de la Scanie; que les Russe~
prennent l'Illgrie, la Livonie ella Carólic; que les
Polonais brisellt le ¡rone de Slanislas pt restau-
rcnt cellli el' A uguste. Ces désastres, e¡wdes XII
d urait [lu les répilrer, g'il ét~1Í t rentré dalls son
Royaume avant q ¡le ses alJil i res fU:iSC nt cO:!l pl(:-
tement ruil1(~es. Les efforb (In'il lit pour renOll-
veler la guerre en Pologne el. pouI' reprendre ses
possessions d'Empire, lui susciterent l'inimitié du
ROl de Prusse et do Roi d' Allgleterre: en sorte
que cinq Puissances agissaient contre une seu le.
Charles XlI résolut aloI's de traiter avee Pierre lor,
son plus terrible arlversnire, qui pouvait devenir
son meilleul' allié. Le Hoi d'Espagne av,lÍt opéré
une secrete réconciliation entre le Roi de Suéde
et le Czar, auqllcl on abandonnait toutes ses con-
quetes, c'csl-ü-dil'e I'Ingrie, la Carelie, la Livouie
et l'Estonie el qui prenait l'elJgagement de faire
rendre it la Su¿~de ses pü:;sps ion s d' EIll pire et de
luifaire conqub'il' la Non~(':~e,¡or::;que Charles Xll
fut assasslné devant Fréíjérícs-Hall (11 décem-
bre 11718). Sil ;Ho1't pl'évint une révolution daD~
les rapporls poiítiqueti drb Etats du Nonl; mai:,




ell~ ell 11l'OVOllud une dilllS le gouv(~rllClrH:'uL de
Suede.


TOIIs les llJalheurs (k ce Hoy Hume provenan t de
la pllissancc absolue ({Illdppartenai tan ~ouvcrajn,la
\ation lIe voulnt plus ¡ui attribuer qu'lllle puissancc
relal! ve. En effet, la liberté tlu pen pIe fut don née pom
base Ú I'autorité du Hoi. lne Constitution nOlH'clic
déféra Ja S()uverllincU~ pl'OprClllcnt dile aux [roh Oi'-
dl'es de l'tlat, convoques iOUS les trois é\lh. Duranl.
Icm proro::\'tllion, un Sénat, formé de scize Hlcm-
ilres, dul partager, avcc le MOnal'L{llc, la dil'cclioll
del; aO'aires, on hir,n les dirige!' ~;ans lui clll1ülgn;
Illi; mais, durant leut' session, les t1'oi6 ordl'e" )lUs-
~:l'del'en t exclu:-:i vemenl le pouvoir législa ti f, k
pouvoír executif el le pOllvoir judiciaire. De sorte
que l0Ulc:i !( ~ jll'él'OgilLÍ\Ct> ou Séuul el liu Hoi
élaiellL susp~lldue::; jJdl' h~ faí l. ecHe etrang(~ COll-
stitutioll, 'lui d(:\'Clit consacret' le ri'gne de la so-
ciété, He consacra que cclui (le::, hclioiíS, déve:-
lU]Jpée~ al! sein d'une arisioCl'lllir" véllak el ~;()Il'
doyées par l'ét\,(llJg,~r. 11 y Cl1l une factiiJD iÚIll-
(,'aise ou llllti-l'lItisc, cUllllue sons le 110m de l)(lrti
des ('/Uliic(l/l,r, (1. !lile úlclioll russe OH anti-fi'iln-
¡;ait.c, C(l11I1UC S:JIlS cclui de iW/'li des !JOItltCls. L;¡
;-;uedc, lUJid)(:T ([illlS j'aLJurcllil: dpré" Cl'ltc l'I':\ ü¡u-




tl01l prétendue populairc (1 J, aurait peri COJUlllC la
PuJogne, si UI1C r6\'0lutiol1 1Il0narchiqlle, aeCOLll-
plie par Gustavc IlI, n'et'lt régeneró la nation,
en la relevant dans l'ordre (aoút 1772).


Gustaveétait lefils d'Adolphe-Frédéric,qlli COtn-
rnen9a la Dynastie des Holstein-Gottorp, lorsqllc
la Suede eut fini son role de Pllissance ¡m;pondé-
rante dans le Nord (1751). eette nation voyait, en
effet, se dresser devant elle, el contre elle par con-
séquent : d'un coté, le petit Í~lectorat de Brande-
bourg, qui, réalisant la haute pensée de Gustave-
Adolphe, conslituait, au sein de la fédération
allemande, un Ell1pirc protestant vis-a-vis de l' Elll-
pire catholique; de l'autre coté, l' Empire de RllS-
sie, État barbare auquel Pierrc l" \oulait [aire
ohtenlr le premie!' rélng parmi les États civilisés,
afin de se placer lui-rneme au premier fallg parmi
les Monarques. On saít a"cc <luelle illlplacablc
énergíe ce Pril1(,8 poursuirit son but, ríen que pour
« habiller en hommes un troupeau de betes [auves"
comme ille disait lui-melllC. Aprl~s aroir Lran~­
porté Sil résidente impériale de Mascou it Sainl-
Pétersbourg, il divisu le pellple libre en quntorze
classes, ayant chacune ses pririléges propres e.l




- ~ld -
correspondütlt a des grades militaires. Aussi eta-
blit-il daus la l:iociété un mouvement ascendant et
descendant propre a satisfaire l'ambition de tou 1
le monde par la seule volonté de l'Empereur. Non
contenl de fixer l'égulité de souniission dan s I'Étal,
en assujettissanl les boyards, Pierre la fixa dan s
l'Église, en supprimant le patriarchat, pour don-
ner plus de mouvclllcnL iJ. la civilisation. Quelciucs
personnes a~allt blúmé l'Empercur, il lem ré-
pondiL : " Je sub vot1'e patriarcbe! »Celte ronclion
individuelle fut attribuée an lres-sainl syllode, cOnJ-
posé de douze lllelllbres, ecclésiastiques ou lai'qucs,
dwrgés de surveiller le dogme, le eulte, l'instruc-
Lion publique, sous la survcillance d'un procura-
te\1r, qui représente spécialement le Czar, cl le
synode remplit dan s l'Église un r61e scmblable a
celui que le Sénat remplit daus l'État.


Ces transformations radica Icssusciterell tde nOlll-
breux mécontentelllents, sous prélexte qll'clle::;
rcnuaient méconnaissable il saínt Nicolas le pcupk
fIll'il protégeail. Pierre-le-Grand eut mcme la dou-
leur de voir son fils, Czaréwltsch Alexis, rutu!' hé-
ritier de l' Empire, cabaler avec les opposants. Dé.
cIaré d'abord lncapable de succécler au Trólle, puis
tradllit en justicc, il fut cOlldamné a mort comme




atteint du erime de parrícide eL de lese-Innjesté (1).
~ Pierre Cut pllls Boi que pere, en eette occasion,
dit Voltaire; il sacrifia son propre fils aux intérds
d'un fondateur el d'un législateur, et a ceux de sa
nation qui retomhait dalls l'état dontill'avait tirée
sans eeHe sévérité malheurellse. )) Apres la lIl()rL
d' Alexis, íl promulgua la premiere loi fondamentale
de l'Empíre, qui ütlribuait au Prince régllant Ji':
droit de designer SOll suCCeSSellf', et d,~ le changer
meme toutes les foís qu'ille jugerait nécessaire (2).
eette dispo¡;ltion aurait pn clre salutait'f', puis·
qll'elle avait ponr hut d'établir entre les Prine(~'J
héréditaires, prétendant auchoix du Souverain, une
sorte de concurrenee propre ti lem fail'e acq lléJ'ir,
outre la bienveillanee générale, une aptitude loute
particuliere an gou vernementde l' Eta t ; maís elle dc-
vint funesLe á la Hussie. L'absence d'lltl ordre sta-
ble et permanent, dans la lrtlllsmission du Pou-
voir supreme, fit éclater d'autant plus de troubles
et des révolutions, que la loi ne prévoyait point
le cas Ol! le Prince régnant négligerait de pOlll'-
voir a la suecession durant sa vÍí', colllmc il (ld·


)) _\c~leXlli'ailOi, Jl¡:/Ii. tic Pi,)"¡ e-i, -1;¡III/lI. '1'11111. 1\, '._- 1\1.b-
i"/üllg. M(/U(/~i!l. TOlll. lit. [lag. ~)Oll.


(:2) \Yeher, VI "},(/lldcrtlC's R/lsslmuJ. TOIll. 11. pag •. 'JI). -_.- .-I::llliilU"J
CodC.l'jl/l'lS (jcntium. TOm. JI. pag, 2t48-




vint a Pierre-lc-Gl'lllld lui-llleme, qui momut
Silns avoir c1ésigné son succcsscur ('1725). Pour
metlre fin a toutes ces erises, l'Empereur Paul 1",
fils de Catherine-Ia-Grande, établit, au com-
rnencemen t de son regne (t 6 avril 1797), une
slIccession a la COUI'onne plus conforme aux prin-
cipes de:" Monarehies hérérlitaircs, en appuyant le
droit cognaLiquc Sllr Ir droit de prilllogéniture, el
en n'admettant les fellltllCS qn'a défaut d'héritiers
múlcs. Bien des révolutions Ol1t ébranlé tour a
tour le ¡ roue de Picrre-le-Grand sous les pieds des
Romanow; mais 1'(cLlvre colossale de ce Monarque
n'en est pas moins dcboul tcllc qu'on la vit sortír
de sa tete. Et eetle 02U\Tt', c'est I'Empire russe
lui-mellle, dont la jluissance, presque incommen-
::'lirable,s'(~LCI1d sans cessepn raison dirccte desfai-
blesses de toute l'Ellrope qu'clle épouvante. QlHllltl
ce nouvel Empirc (l'Orient fut l'cndu a son proprc
destin,on semblait croire déjit que le vieil Occident
(\yait accümpli su de~tinéc. En efTet,laPologne,dont
}Jicrre ler el CharJ\'s \I1 s'(~la¡eilt disputé la So uvc-
rilinetí~ mondí' ou positivo, puur ne lui laisser
qu'une SOllycraineU; négatiil', tOJrlbait au dcrníer
J'il ng des Ftn [5 dll í\ ord, il j )j'j,> it I'oí)' longtemps oceu-
pé lcprcmier. Ce Il'élait pcLJ il!iSeZ qne la Suedc el la




- ~44 --
Turquie se fussent agrandics mee les débl'ís de
son propre territoire: il fhllait encore que la Rus-
sic et la Prusse, naguere ses vassales ou ses su-
jettes, fissent acte de suzeraineté, en se déclaraut
les protectrices armées, I'une de In religion greco
que, ¡'autre de la religion réform(e al! sein de
eeHe République; et que les Puissances protes-
tantes elIes-memes, entraloées par leur esprit COll·
stant d'opposition it l'Église catholiql1e, l'recljJilaS-
sent la destruclion d'lln IÚat qll'il allTail élé de [eul'
intél'ét de conserver (1).


Lorsque Frédéric llt , Électcllr tle Bründebourg,
déjA Souverain c1u duché de Pl'usse, vOl1lut prenclrc
le litre de Roi, il dul y f}lre autorisé, non-seule-
ment par l'Empereur Léopold, aU<luel il promit de
donner toujours son rote pour l'Empire it l'ü¡n(~
des Archiducs; muís eucore par \a l\épllblique (k
l'olognc, Ü laquelle il promit en son 110m el all 1WIIl
de ses /ujriliers el suaesselll'S (8 jl1in -1700), que
jllll1aís la Royauté de 11russe De Dllirait ni á se:;
droits, ni á SOIl étal acluel (:2). Quoiquc cettc der-


(1) \1. le comte d.e Ficr¡uellllOlll, 1"0/'11 l'alllll,-)'.I!()}1, {,Ji/viclel'l'"
e( le Contincnt. Tom. 11, p~g, 145,


(2) Dogiel, Code,?; di)llolJl. Polol/ia', TOill. fr, [lng, 5:2:]-:24, -
h.oeb, flúrégc' de {'/I;sl. (/1'.1 'l'mil!',1 de )/((;,1'. '1'0111,111, pn:::, 15;)-
156, - ¡bid, TaUiwll des rev. de L't'w'o/!c' Tom. pag, 260-61.




- 416-


niere déclaration eút été renouvelée ti Kcenisberg
le jour OU ce Prince, transformant son nom de
Frédéric III en cclui de Frédéric 1", mit lui-meme
la Couronne sur sa tete (21. février 1701), au lieu
de prcntlre le titre de Hoi de Prusse, il prit celui de
Roi en Jlr/lsse: tant il uyait u creur de rassurer la
Pologne. Quelques vieilles Monarchies de l'Europe,
([ni voyaient en lui un allié plus ou moins utile,
reconnurent ce nouveau MOllarque; tandis que la
Frunce et l'Espagne, qui voyaient en lui un en~
ncmi, refuserent de le reconnaitre, ainsi que l'Or-
ore Teutonique et la Cour de Rome, qui voyaienl
en I \Ji un hérétique et un us urpateur des fiefs ec-
c1ésiastiques sllccessivement sécularisés depuis la
Réfórme. Sulvunt son propre Sllccesseur : a Frédé-
ríe n'élaiL j]atL(:~ que par les dehors de la Royauté,
par le faste de la représentation et par un cerlain
lravers de l'amour-propre,qui se plait u faire sen-
tir aux autres leur infériorité. Ce quí fut, dan s
son origine, l'ouvrage de la vanité, se trouva dans
la suite etre un chef-d'ceuvre de la politique. La
Hoyalltó tira la Maison de Brandebourg de ce joug
de servitwJc ou la Maison d'Autriche tenait alors
tous les Princes el' AlIemagne : c'était une amorce
que Fn:'dt~l'ic jeta i t ¡\ tou te sa postérité, et par la~




- !146 -


quelle il semblait lui dire : (' .le vous ai acquis un
»titre, rendez-vous-en dignes; fa! jet0 les fonde-
»ments de votre grandeur, c'est ¡\ vous d'¡¡chever
D l'ouvrage (1). D frédéric-Guillaulllc 1" eL surtout
Frédéric II ou le Grand, prirClll, en effct, á tAche
de l'accol1lplir. Appelés a goU\'cJ'tlcr des peuples
épars sur la l3altiqlle, sur le Véser, su!' l'Oder,
sur !'Ehre, sur le HIlin, el n'ayant entre eux aucun
Iien, quoique membrc5 d 'lI[j ll}(~IllC corps poli!ique,
¡Is clurent constitller d'abonl leur proprc Souve-
raineté sous la forme d'UlíC Autoernlie pure, ideo-
tificalion de l'Église et de l"État dans une selde
personne; et puis tt'JnsforllJer la Prusse en Hne
Monarchie militairc: syll1bok du Royallnw '-llli De
pouvait etre formé qne pHI' la gUl'rre ,'1 par la po-
litique.


Celle-ei deva i 1 précl'der celle-lit; car, da[]s UIl
État aussi fnible, la politique pomait seulc dt~ve-·
lopper ie'J forces eflectives qlli relldenL la guerre
possible. Aussi la Maison de Brandchourg s'incli-
ua-t-elle devant la supériorité de la ~Iaison d'AIl-
trichc, en attendallt j'ocrasion 011, ll'a;illlt phi';
le sentimcnt ele su propre inf('l'iol'it,', elle pourrai!


(1) FrédPrie-le-(;rand, Mfll/. dI' /" .ll"i'oll di' n",'l/ilc/IIlIlI'i/.
l'ail. JI, pago ~O:l. Herlin. 17,:'!.




- 447 -


luí faire an tagonisme. Or, Charles VI, dernier
male de la descendanee de I-Iapsbourg, était mort
pO octobre 1. 740) , apres avoi .. employé toute sa
vie d'Empereur á faire aumettre, par tous les Sou-
verains de l'Europe, une Pragmalique -Sancliol/
¡¡yanL pour but d'assllrer a sa fi\le ainée la SllC-
cession de ses Etats héréditaires (1); et il ne lais-
"ait ni armée, ni trésor, (lU1 eussent garantí les
droits de Marie-Ihérésc, mieux qu'aueun traité.
Cette Princesse avait pris possession d'une foule
de Couronncs royales, ne donnant a son mari que
le litre de Co-Bégent, aíin de le désigner aux suf-
frnges des Prinees élccteurs, el de lui assurer
ainsi la Couronne lmpérinle. Mni:) on ofIl'il Ú
Charles-Albert, tleclcur ele Bavierc, le Hom de
Chnrles vn, le litre el'Empereur et quelques frac-
tions de la JlonaI'chie autrichienue, dont le partnge
lleva il s' effeeluel' en lre la Frillleé, l' Espagn~, la
}lrusse, la Pologne, la SnrdilÍgne, I'tJectcur de
Saxe, l' l~íecLeur de Colognc el l' ~:leclellr Palatiu ,
cOllforméillent all lIouvcnu trail,; d'alliünce qu'oll


(1) ¡¡I.:n~ ,le I'Empil"" 'lO!!], JV. pago :187-93. - DUlllOnL
CUIPS diploill. ')(1111. \'111. par!. If, pago 131-39. - J. Rousset de
\Iis,y, n"I'/leil /lisl. 11'1I(1r:8,rle lII;gociatiol/,;, mimoires el (raítl;,'
de )'11;,1' drI'/lis 11l]1ilÜ' d'Clrr'l'hl jllsqll'all deuxihne COllqris di
Cmnlmú, 'JOlJl. VII, pago IlG:l. La lJaye, 17:18-52.




- 448-


venait de signer a Vers!:.Iilles, sous prétexte de [aire
triompher d'anciens droits (1.8 nwi 1711).


Quoique le Cabinet de Berlin eut déja fait enva-
hir la Silésie, dont la Maison d' Autriche avait dé-
pOllillé la Maison de Brandebourg, 1I offrit néan-
1110ins une paix particuliere au Cabinet de Vienne;
mais celui-ci préféra courir les chances d'une
gllerre générale. Pendant la premipre campagne,
les troupcs franc;aises occlIpéent la Haute-Aulri-
che; l' Élccteur de Saxe fut courollné Roí tle Bo-
heme, et l'Électeur de Baviere fut élu Empereur.
ta ruine de Marie-Thérese paraissait inévitable.
Promenant sa grossesse parmi ses peuples, la Reine
se plaignait de Jl'avoil' pas une vi/le oh accoucher,
Apres ses relevailles j elle ne redouta plus aucune
chute: la femme s'était transformée en héros.
e'est ainsi qu'elIe se présenta devant la dide tle
Hongrie, ayant son fils entre ses bras, lu couronnc
angéliqlle sur sa tete el l'épée an cOté. Les magnats,
dectrisés par sa parole, par Sil beüllté, par Sil nuBe
attitude, jetérenl ce cri célebre: Moriamur pro
Rege noslro Jlaria~Tltel'esa. - Jlourolts ¡Jour Itofre
Roí ¡}larie-Thérese.


En sacrifiant la Silésie, conqllise par le roí de
I)russe et quelqlles distriets Italiens, conquis par le




- MI] -
Roí de Sardaigne, la Reine de Ilongrie conserva
!'intégrité de la grande Monarchie autrichíenne


qu'on voulait décollper en qllatre pe tites Souve-
rainetés (i). Lorsqlle le Roí de Prusse, le Roi de
Pologne, l' Électem de Saxe et le Roí de Sardaigne
emellt désurmé, ·Ie Roí d' Angleterre arma contre
le Roi d'Esp(lgnc. Ces dCIl'í. (lerniers Monarques
en vil1l'ent aux rnains dan s les deux hérnispheres.
Louis X V, comrne LOllis X IV pendant une autre
gllcrre de slicccssion, défendit la France d'une
main,et,de I'autre, soutint l'Espagne. Quelquesdé-
failes en Allemagne sont effacées par II ne longue sé-
rie de victoires. Le triomphe du Roi de Frallce dans
les Pays-Bas alltrichiens est aussi completqlle ce1lli
du Roí de Prusse cluns la Rohüme. Cal' Fn~déric Ir
a reparu sur le tlJéatre de la g"uerre, en violatioll
de la paix de Berlin, sous prélexte que, \larie-Th{·~
rese voutant dépouiller I'Empereur Charles Vil de
son Trcme t'lectH el de ses (~t;ltS lléréditaires, il est
obligé de le défendre comllle son seigneur S\lZ('-
rain el de soutenir son propre vote cOlllme tlpc-
teur. Les l~laLs d'EllIpire se liguenL ü Francfort


(1) Voir les Irait!~s dI' Hreslall, de nerJiu el ([r 'l'llI'in di1l1g J. l~ol1s­
sel de ~1issy. Tom. XrIll, pago '27, 33l't 102. - Wenckii. Cor!,'(
juris genlium renllli8.1illli. 'I'om. 1", png. 719.7'22,7:)9.


111. (3) 2Y




- "!J50 -


avec la France et la Prusse; mais la Reine de Hon-
grie leur oppose la Grande- Bretagne, la Pologne,
la Saxe el la Hussie. Chaque Monarque semble
prendre plaisir h perpéluer des hostilités que toute
l' Europe déplore.


L' Angleterre, ne spéculant plus désormais que
sur les fléaux, fait passer une llrllu}e-¡J1'agmatiqllf'
{'n Allemaglle par le Hnnovre; et, selon les expres-
sions de Frédéric, son lIU1rteflll d'or OIflTC les ¡JOrfes
de la Sa,re. Bientót la Hollande suit l' Angletl'ITE',
comme la clta/oupe Suil uu vaisseau de ligue. Qlland
la France, lllaltresse de Munich, a rétabli la for-
tune de l'Empereur Charles Vl1, a qui Louis XV
donnait de quoi ne pas mourir de {aim, ce malheu-
rcux Prince ne peut plU5 vivre. 00 s'imagine que
la Heine de Hongrie rf~cherchera la paix, cOlllme
HU moyen sur de placer enfin son mari, le Grand-
DIJC de Toscane, sur le Tróne impéria\; et Marie-
Tltél'ese recherche ce Treme et la guerreo D'nne
part, elle contient le Roi de Prusse, en Silésic, mal-
gré ses propres défaites; d'au tre part, elle refoule
au-deh du Hhin les troupes du Roi de France,
malgré leurs victoires. L'armée autl'ichienne vient
se masser autour de Francfort, et le Grand-DlIc es!.
proclamé EmpE'reUL SOl!S le llom dE' Franc¡oi'i 1"




- 1.,)1-


(13 septembre 17h5). Lf~ Treme ímpérial, qu'on
avait enlevé a la Maison d' Autriche, lui esl enfin
rendu. La guerre n'ayant plus de but, Frédéric of-
fre la paix a Marie-Thérese qlli la rejette avec dé-
dain, parce qll'elle espere, sinon démembrer le
Royaume de Prusse, réincorporer RU moins la Si-
lésie daos le Boyaume d' Autriche, Mais, ayant ap-
pris que le Hoi de Prusse avait occupé l'I~lectoraL
de Saxe, la Beille de lIongrie adhéra sur-le-champ
a la convelltion de Hanovre, et signa le traité de
Dresde, pour sauver les t~tats du Boi de Pologne,
son allié.


tJuoique r Allemagne ftit pacifiée, les autres
f~tats guerroyerent encore dan s les Pays-Bas, en
Italic et dans les deux l!ldes. Nos colonies d'Asie el.
d'Amérique étaient ravélgées par les Allglais; I'Ita-
líe tremblait devant les brillantes, ma15 stériles ex-
pédilions des Espagnols et des Franyais; les Pays-
Bas autrichiens et hollandais étaient subjugués ti
Fontenoi et a Rocoux. Le pellple batave, craignant
la destruction de su nationalité, demunde la créa-
tion immódiate du StathoudéraL qui avait été
abolí apres la morl de Guillaume 111 el qui devient
héréditaire en faveur de Guillaume 1 V el de ses
oescendan ts müles OH fmuelles. A i nsi, la H(~pll-




blique des Provinces-Pnips se transforme en une.
v{~ritnhle Monarchie, et la Maison d'Orange en une
DYllllstie nationale. eette révolution n'aurait pas
cmpeché la ruiue de 1'1 Hollande, si l'apparition
<I'uDe arm(~e russe, nu centre de l' Allemagne, n'eút
effrayé tonte I'Enrope, mis fln aux hostilités parti.
culieres et haté la conclusion d'une paix générale.
C'était le vceu de la France, qui, par la victoire de
Lanfeld, la prise de Berg-op-Zoom eL le siége de
Maestricht, rendit l"Angleterre plus traitable. Un
con gres, tenu a Aix-la-Chapelle, y rédigea le der-
nicr traité de l'ancienne politiqlle (18 octobre
17 ú8), Ü laquelle devait se subslituer, en 1756, une
politique t0l11r nouvelle (1). On reconnut la prag-
maliq/le-saUCfi()n en fdveur de la Maison d' Autriche,
pt la s\1ccession au Trone (I'Angleterre en raVE'lll' de
la ~laison de Hanovre, malgré la protestation de
la Maison de Stuart; on accorda, en favcur de la
France, }'établissement d'une branche de la Maison
de Bourbon dUlls le Duché de Parrne; et la Pruse
garda le duché de Silésie uvec le comté de Glatz.
L'unité germanique n'existant plus, cette Puis-
Sanee devint la rivale de l'Aulriche. 11 en résulta


(t) ~1. le ('nl\lte (le Carden, HistiJire q¡ir!¡;/,(/!e des Tl'lIilés d{
pili.t'. Torn, !!I, 1':12. :\9:1.




- 453-


(IlIe, n'ayant [las d'unciennes alliances, elle dut en
former denotlvellesql1iamenerentdes changements
eonsidérables dans lontcs les relalions' des lttats.


La paix d' Aix-Ia-Chapelle avait détrllit les pré-
tentions d'une foule de Princes a l'héritage de MíI-
rie-Thérese; mais elle n'av(lit ras détruit la riva-
lité de la France et de \' Angleterre. Tandís que les
Francais eonservaicnt sur terrc une incontestable
sllpériorité, les Anglais étaient menacés de perdre
leur supériorité sur mero Cal' le Cabinet de Yer-
sailles déployait une activité extraordinaire pour
se créer une marine de premier ordre. Bientót un
pelit diílérend,relatif a leurs possessions respectives
en Amérique, remit la discorde entre ces grandes
natiolls. La France désirait terminer ce différend
par des llégociations honorables; DHlis l' An gleterre,
sans déclaration préalable (8 jl1in 1755), com-
menr;a les hostilités par des actes de piraterie dont
elle s'est rendue souvent coupable, et qui auraielll
dú la mettre au ban du monde civilisé. La guerre
s'allumait en Amérique, afiu de mieux embraser
I'Europe. Au lieu de se borner á des opération~
navales, quil'auraicnt circonscrite, le Cabinet dt'
Versailles voulnt se Jivrer ú des opérations conti-
nentales ayant pour but la conquCte du Hano-




- 4Sl¡ -


vre. En sorte que, toutes ses forces étant absorbées
par cette expédítion aventureuse, la France ne put
protéger sllflisamment ses colonies, qui devinrent
la proie de l' An gleterre. George Il a vait demandé
El Marie-Tbél'cse les troupes auxiliaircs qu'il était
en droit d'exiger, pour cmpccher l'invasion du Ha-
novre; mais l' I mpératrice-Beine lui avait refusé
tout secours, sous prétcxtc qu'el!e craignail elle-
mellle une invasion de la !I(ll'l du ROl de Pruss('.
Changeant aussitót de politique, le Roi d' Angle-
terre mit son Électorat de IIanovre sous la protec-
tion de Frédéric. auquel il attribunit, par le seu!
fait, une suprématie morale et positive dans ¡'Em-
pire. Marie-Tbérese avait jeté l' Angleterre entre
les bras du Boi de Prlls~c, paree qu'elle tendait
clle-lllclllc la majn ti la Fl'ance. 1'0111' opérer ce
rapprochement de la i\1aison de llollrbon et de
Hapsbourg, préparé de longue main par Kaunitz,
principal ministre de l\Jaric-Thérese, l'lmpéru-
trice-Heine écrivit á madame ele Pompadollr, mai·
tresse de LOl1is XV. Lorsque le Cahinet de Ver-
saills apprit l'alliancc dll Boi d' Angleterre avec le
Hoi de Prusse, il se figura que la Maison de France
devait oublier son antagonisme sécnlaire avec la
Maison d' AuLriche, et eléclurer que leurs intérets




- 455 - .


étaicu t solidaires. « Ce traité, signé a Versailles le
1"' mai 056, fut véritablement le ehef-d'reuvre de
la politique autrichienne, et le dernier tenue de
l'aveuglement frar)(;ais (1). D


touis XV hésitait eneore a envahir l' Électorat
de Hanovre, que Frédéric Il avait envahi la Saxe,
malgré sa neutralité. Marie-Thérese fit déclarer
la guerre, par le corps gennanique,a ce Prince qui
fut signalé comme le perturbateur de la paix publi-
que; et la France, l' Autriche, l' Empire, la Russie,
la Saxe, la SuMe, réunis dans une méme uI-
lianee, conspirerent la destruction imrnédiate de
la Prusse. Jamais ligue plus redoutable ne se forma
contre un Monm'que, ni contre une Natioll. Les
hostilités ollvcrles en Alllérique,ne pOLlvaient done
plus se fermer (IU'CIl Europe. lci, l'on se disputait
qllelques lots de la Prusse; plus loin, on se dispu-
tait l'entiere possession du Cunada. Plusieurs pla-
ces de ce pays, nommémenL le fort d'e Minorque,
le Port-Mahon et I'imprenable Saint-Philippe,
a vaienl été prises par les Fran<;ais, que leurs ad-
mirables eoups de maill pla<;aient encore a la
téte des pcuplcs guerriers. Mais Fl'édéric 11, qui
allait marquer une nouvelle époque de !'histoire


(i) 'l. César Canlu, Ilist. univ. Tom. XVII, pago 67.




'- ~56 -


ll1i1ilairc aux yeux des Monarchies stupefaites,
slIppléa au nombre de ses soldats pUl' la mulLipli-
cité savante de ses manreuvres, el rétablit l'équi-
libre entre la faiblesse de sa nation eL la pllissance
infiniment supérieure de ses eJlnemis.


Le due de Riehelieu entre dans le llallovre el
Frédéric dan s la Bohéme, Les év6nemen t5 vont se
pl'écipiter. l..e Roí de Prusse gagne la célebre vic-
laire de P)'ugue (ü mai ,j 757), oi'! il ped dix-hllit
ntille hommes, qui en ont tué vingt-quatre mille.
Déjit la j<laison d'Autriche serait anéantie, si Daun
n'était lá pour la sauver. Ce maréchal écrase l'ar-
mée prllssienue á h.relin. Frédéric s'en console
d'abord avec des épignuumes qu'il fail contre 5011
vaiuquellI'; ensuite, il se laisse obséder par la pen-
see d'Ull suicide. Mais, au Jieu de se détrllire lui-
meme, il préfera délruire l'ennemi a nosbach el á
l..euthen .


• .Jamais peut-etre,uans les annales du monde,
une seulc armée, dit-H, n'oH'rit, sur un tbéatre aussi
étl'oit, tant d'évenements si surprenants, de faits
g!oricux, de catastrophes inattenducs el presque
llliraculeuses. Le Roí de Prl1sse triomphe d'abord;
[(' lltes le~ forces de l' A u triche SOIl 1 vaincues, ses
eSl'érdllCes détruiles, En un llIomcut [out chunge;




-- 457 -


"üfluée uulrichienne a réparé ses perles; elle est
v ictorieuse. Le roi, défait, abatlu, abandonné par
ses alliés, en tomé d'enriemis, se trol~ve sur le bord
du précipice. Aussitót il se releve, el l'armf!e com-
binée de I'Autriche, de la France et de l'Empire,
est repoussée. Sur un autre point, quarante mille
Hanovriens sont soumis a un nombre double de
Frao¡;ais, sans pOllvoir stiplller aütre cltose que de
nc pas etl'e prisolluiers de g'L1crl'e; et les Fran<;uis
restent maitres de tOLlt le pays entre le Véser el
l' Ebre. Mais lout-á-eoup, les Hanovriens repren-
nent les armes, délivrent leur patrie, et en peu de
temps les Fran~ais ne se croient pas en sureté sur
la I'ive droite du Rhill. Duran1 eeHe CUl1lpagllc,
quatre cent mille hommes eombattaient. Six ba-
lailles rangées furent livrées; lroi:; armées rurenl
détruiles. Les FraoyHis, rédllits a la derniere mi-
sere, sont défaits sans eombattre, les Russes son1
vainqueurs, et s'enfu¡ent comme s'ils étaient vain-
cus. Cinq PUissullces, apl'cs s' etre liguées pour ré-
duire un Etat proportionnellement pctit, employe-
rent toutes leurs forces contre lui, el furent vain-
eues (1). ~


1) Yoir l'll ¡si. de lit {jl/erl'e de Sept Alls dau:i les OEllvrcs
l10stltwllGS du ¡¡oi de prussc.




-' 1¡58 -


Aulanl les campagnes de i 757 et de '1758 fu-
rent heureuses pour la Prusse, autant celles de
1759 et de 1. 760 fureul désastreuses pour Frédéric.
Complétement battu a Kunnersdorff, il se fit porter
loin du champ de bataille sur les épaules d'llll ca-
pitaine, apres avoir en deux chevaux tués sous Iui.
C'est alors qu'i1 écrivit ú son ministre: " Tont est
" perdu! sauvez la famiJle royale el les archives.
D Adieu ponr tOlljonrs. " Les Autrichiens et les
Hn5ses entrerent a Berlín; mais Frédéric, qui dc-
puis longtemps n'osait point sortir de la Saxe, re-
parut aussilót en Silésie, fixa la vietoirc a Liegnitz
et a Torgau, el put continuer la guerre ave e impé-
tuosité, paree que l'Angleterre lui fournissait en-
eore des subsides. Presque tOlltes les eolonies fran-
<;aises étaient tombées au pouvoir de ceLte derniere
Puissance. Louis .\ V avait laiL oe vastes prépara.
tifs pour l'envahir; mais les floUes qn'il équipa
successivement furent détruites ou eapturées par
les escadres anglaises. Le duc de Choiseul, prin-
cipal ministre, espéra lutter avec uvantugc eOll-
tre I'Angleterre, en rapprochullt les diverses
branehes de la Maison de Bourbon. Le Pacte de
fa tn itle , par lequel OH garantissait ú la müriuc
franc:;aise le concours de la marine espagllole, en-




- 4:)9-
core tres-imposante, fut signé ü Paris (1.5 aou1
1761) ; el le lloi de France dirigea des lors la po-
litique de toute l'Europe méridionale. Ce traité,
quoiqu'il fút teoll seeret, oe tarda pas Aétre connu
de l' Angleterre, qui souleva le Portugal el se rua
sur l'Espagne. La guerre d~vint enco·re plus géné-
rale qu'elle ne l'élait. Chacun s'altendait a des évé-
nements formidables; lorsque la mort d'Élisabeth,
lmpératrice de Russie, vint déjouer lous les cal--
culs des Souverains et dissiper tautes les terreurs
de lenrs sujets (5 janvier 1762).


Pierre IIl, son successeur, était l'ami personnel
du Roi de Prusse, avee lequel il se proposait de
partager la Pologne. Aussi fit-il cesser les hostili-
tés des Husses contre les Prllssiens et négocia-t-il
une al/jance avee le Cabinet de Berlin. Mais!
violemmcllt délróné á Saint-Péterbourg (9 juil-
lel 1762), Pierre lJ I fut remplacé par Cathe-
ri ne ll, su femme, qui déploya sur la sctme
palilique laule la virilité d'un granel homme. La
Czarine rompit l'alliance avec le Roi de Pru85e,
tOl1t en confirmant la paix; et le Roi de Suéde y
adhéra. Frédéric n'cut plus a combattre que l' Au-
triche, la France, l'Empire et la Saxe, dont les
hastililés furClll lllallcment cooduites; aussi PUL-U




- 460 -


tenil' h~le ú toul le monde, bien qu'il fúl seul el
saos alliés. Car il avait rompu les liens formés avec
l' Angleterre, a cause de la mauvaise foi qui prési-
dait aux délibérations du Cabinel de Londres.
WHliam Pitt, chef de ce Cabinet, prétendait fonclel'
la su prémat¡{~ britannique, moins sur le Conti nen l
que sur les mers. Peu lui imporlait l'intéret mo-
ral ou politique de la Prusse, pourvu qu'iI elllevüt
Ú l'Espagne Cuba, la Havalle, Mallille et les Philip-
pines; qu'il prit a la France le Cunada et la Loui-
siane, et qu'il créat la fortune oe son pays, en dé-
lruisan t nos comptoirs duns l' lnde. Le Pacte de
famille, destiné a relever la France de son infério-
rité maritime, n'avait fail que mieux éclatel' la
supériorité mari time de l' Angleterre. Louis X V,
éprouvé par tant de revers dans celte guerre, avait
hale de rétablir la paix; IlHlis il dut attenol'c
le consentement de Jlarie-· Thérese. Enfin, la
France, l' Espagne, l' Angleterre el le Portugal se
réconcíliereut á Paris (,1) (10 février 1.763); la
Prusse el la Russie a Iluberlsbourg('2) (1:2 février).
Quoique la Monarchie prussienne fUt menacée


(1) -'larlens, Recueil des principau:t' trailr.,. TOJ1l. "", paso ;;;;.
(2; Helzberg, Recueil des rifeluClions, //I(lI/t(CS/i'S, dl,claralioll.l,


traites, ele. Tom. l", pago 2~2.




- /¡6i -


({'un démembrement total par les eonjurations de
l' Europe , elle ne perdít pas un seul pouee de ter-
rain; et la France, quoique forte par elle-me me
eL par ses alliances nombrellses, perdit tout le
continent de l' Amérique. Cependant, ú 00 pourrait
(lire prpsque, avec un diplomate, qn'en amcnant
les revers de l' Aulriche el les victoires de Frédéric,
nos défaites militaires furent des sucees politi-
ques (1). Il Effectivement, la nécessité d'uo équili-
bre entre les dlvers États pamt d'autant plus
indispensable, que la France, tombée daos un
{~taL de faiblesse relaLi\'c, avait besoin de se relever
elle-meme dans sa puissance absolue, pour garan-
tir, d'une manH~re (:mcac(~, l'indépendance, la
conservatioll (~t If~ salut des nationalités, clont on
méditüit la ruine.


Ca,., pendant que 10115 les Souvemius de l'Eu-
rope s'elllpressaienL de réparer, u l'envi ¡'un de
l'autre, par des conquetes morales obteoues du-
rant la paix, les nOlllbreuses pertes matérielles que
leurs sujets avaiént éprouvées durant IIne f{uerre
si désastreuse, le Roí de Prusse oe songeait ql1'il
des conqlH!te5 matérielles pOllr SOIl Royaunw,
quoiqu'i1 dul en résl1ltp-r potlr Sil personne une


(1) A. d(' S;¡jnl-I'rirs!, f;t/ld"s dilllol/l. Tom. ¡", png. :Ilífl.


; :~
J. ', ... '.'




-1l62 -


perte morate irréparable. Frédéric, oubliant qu~,
selon la belle expression de M. le comte de Thun :
e les nations distinctes sont autant de créatures


J de Dieu, 1) voulait opérer la destruction définitive
. de la Pologne, afin d'opérer, au moyen de cet
odieux attentat, la création définitive de la Prllsse.
En effet, la Prusse avait besoin de se compléter
sous le rapport territorial; son Hoi lui-meme aVilit
besoin de se compléter SOIlS le rapport monarchi-
qne. Vis-u-vis des autres Maisons régnantes, la
Maison de Brandebourg n'étüit qu'une parvenue;
et Frédéric II n'était, aux yeux des autres Monar-
ques de I'Europe, " qu'un brave et hellreux capi-
taine d'aventure, qllelque chose comme un condo{-
It'ere, conune un'Visconti OH nn Sforza septentrio-
nal (1). D Souverain d'un Royaullle formé de
territoires épars, sallS homogénéité, Silns 1'ron-
tiéres naturelles, il ne pouvait aller d'une province
a une autre qu'avec la permission de ses voisins.
La Prusse ne s'appartenait pas, en quelque sorte
elle-méme, puisque la POll1éranic, cOll1ll1unément
appelée Prusse-Royale, appartenait a la Pologne,
ancienne suzeraine de la Prusse ducale. Frédéric
vOlllut que les mots exprimassent les cIlOses; et If'


1) A, dI' Saint-Priesl. É'tudfS rliplorn. Tom. 1". pago :WO.




tombeau de la République polonaise devint le her-
ceau de la Monarchie prussienne. Toutefois, Ca-
therioe 1I rejeta le projet de partage que Pierre 111
avait accepté. Dominant, par sa poli tique et par
ses troupes, toute la Pologne, qUl, privée de forte-
res ses et d'armée réguliere, était incapable cOl1sé-
quelllment de se suillre a elle-meme, n'avait pas
d'existence pl'opre et ne vivait qu'au moyen (le la
Russie, dans que! bllt Catherine al1rait-elle par-
tag{~ eette nation avec Frédél'ic? Sans doute, iI Y
avait, entre la Prusse et la Pologne, nn antago-
nisme de voisinage, de sang ou de race et me me
de religion : l'une étant protestante, l'atltre catho-
ligue; mais, quoiql1e la Pologne et la Russiefussent
unies par le sang, toules les deux appartenant a la
race slave, elles n'en étaient pus moins divisées
par un antagonisme de \'oisinage et de religion :
l'une étunt grecque, l'autre étalll romaine. Au
surplus, les grccs orl/wdoxes, base de I'inflncnce
ruStie, étaient plus nombrcux que les protestants,
ba .. e de l'influence prussiculle; el cela suillsait
ponr faire prévaloir les intérüts de Catberine sur
ceux de Frédéric.


En Pologne, comme dans le reste de l'Europe,
les partis religieux a vaient engendré des partis




- 46', -
poli tiques. S'i1 était difficlle tle saisir sur-le-champ
une idée générale, dan s le turnulle des faits pro-
duits par mille factions locales el individuelles.
on pouvait néanmoins y distinguer deux opinions,
ou mieux deux partis, forlement trJnchés, qui
étaient analogues aux wighs el aux tories de l' An-
gleterre. L'un s'appelait partí palriotiq/le , el
l'autre parti ré{ormateur ou {ran!:ais, qlloiqu'iI
ne fút pas le parti de la Frailee. Les Potoeki,
fal1lille illustre. eonduisaient le premier avee l'es-
poir de conserver l'anarehie légale sous la forme
d'ulle Royallté éleetive, symbole de la Hépubli-
que; les Czartoriski, famille encore plus iIl11stre,
conduisaient le second avec I'espoil' de cn'~er 1111
ordre légal sous la forme O' une Royauté hérédi taire,
symbole de la ~Ionarchie. Ces deux partis, recrultjs
an sein de la nohlesse, en venaient aux rnains dans
les dietes, véritahles champs de bataillc; el le peu-
pie, qui n'existait point pour l'Etat, puisqu'il vivait
dans le servageJéodal, les regardait faire avee une
profonde indifférencc. La faetion vainelle avait (]ou('
besoin d'irnplorer I'appui de l'étranger·, qlland
pllp voulait éernser, ¡i son tour, In faetion victo-
rieuse. Catherine, dont les nrrnées ne 'iortirf'nt
jamais de Pologne, 011 furent tOlljollrs prt>tf's a y




- (¡65-
rentrer au premier appel, voyaít, dans ces divi-
sions républicailles, IlB iofaillible moyeo d'atteio-
dl'e son hut d'absol'ption monarchique; et Frédé-
ric, dont le despotisme fut si intelligent, y voyait
également le moyen d'uttcindl'e son hut de par-
tage, "en faisan! dispal'ilitre UII f~tat qui, selon les
belles expressions ¡l'un mag¡strat mora liste , sans
avoll' une liberté orgao.b(~e, cxposait néanmoins ses
voisios a en entendre pc.rfois les accents ('1). D


Durant l'lnterrcgne qui su1vit la mort d'Au-
guste llI, les Czarloriski, maitres de la situa-
tion intérieure par l'appui des Russes, VOUlll~
reot donner simultanément a la Pologne un Peu~
pIe et une Monarchie; mais Catherioe, au con-
traire, ne préteodait lui donner qu'un Roí de sa
fa(foll. Stanislas POIlialowski, de la maison des Czar-
toriski,figurait au llomhredes candidats. La Czurine
Ip choisit entre tous, paree qu'elleavait la certitude
que lui seu\ ne chaogerait jamais son sceptre en
épée. u Si Pooiatowski posséduit Ú quelq Iles égards
ce qu'il faut pour arriver au TrOne, il manquait de
tout ee qui fait qu'on sait s'y maintenir et s'y dé"


(1) M. f10rlensius de Saiul-Albin, J. Sullwwsld, iUilllOil'es
historiques, poli/il/l/U el ud/itllil'PS su!' {es duo/utiun.' (1 ... ¡Jolo,
(Jlle. etc. Liv. le', pago :¡il. f'ario, 18:';2.


UI, (:» :11)




- 466-


fendre. Personne u'était plus propre a étre élu,
gouverné, et, s'il le fallait, détróné (1). » Ces qua
lités négatives devaicnt égalemcnt pI aire a Frédé-
rico Toutefois, il neconsentit au choix de Catberine
qlle pour la faire consentir elle-me me au partilge
de la Polog'ne. Une alliance fut sigl¡(~C a Séliut-
Pétcrsbourg entre les deux Souverains, qui se ga-
ranlirent mutuellelllcni leurs possessions el! Eu-
rupe; qui ne perrllírent Ú aucuo ¡;:tat !Ji de dé-
pouiller la République polonaise de son droit de
libr'e étection, ni de la transformer en une Monm'-
chie héréditaire; qui se promirent de protéger les
dissideuts contre l'oppression de l' l~gIise domi-
nante, el qui s'eugagerent á {aire en sorte que té-
lec/ion lombat sur un Piast (H avril 176ú). eepen-
daut, les deux alliés étaient loin de s'enteudre sur
toutes choses, puisque l'lmpératricc de Russie pro-
posa, au H.oi de France, un concert dip[omaliqlle s/w
les aff'aíresdePologne,et que)e Roide Prusse pro posa
11TH: enten le corJiale a l' hllpératric€~Reine, son im-
placable cr¡¡¡clllil'. 01', le Cahinet de Versailles re-
fusa l' offre d u Cabinet de Saiu t-Pétesbourg; mllis
le CuLinet de Viennc acce¡Jta ceBe du Cabinet de
Berlín. La France. ne croyünt pas A ia po~~ibili!e


;1, .\. d" S¡,ilJl-¡>ne~t. Úudes diplU1n. TOIll. J", pago 69-70.




--- 11 (j i ---


d'un pl'ochaill parLlge de la Pologne, se contentai!
de surveiHer le mouvement du Miell, saos faire at-
tention au mouvement du l\ord. L'Autriche,
croyanL a la possibilité de ce démembrement eL dé-
sirant y preudre part, s'estima· tres-heureuse de
suppléluter son ü¡¡denne rlvale pour en exploiter
J'impuissHoce el l'aveuglemen lo D'ailleurs, l'électioo
de j' ArchiJuc en qualilé de Roí des Romaios el son
éJévatiull Ú l'Empire sous le nOlll de Joseph !l.
I'aisüit pré\'oir, eutre Veniulllet> et Vienne. Ulle rup-
tllre d'autant plm¡ prochaine, que ce Prince pel'-
sonnifiait la double haine de la Maison d' Alltriche
el dl~ la Maison de Lorraine COlltrt' la \taison de
France.


Le Cabinet de Versailles avait repoussé les pl'O-
jJositions du Cabinet de Saint-PéLersbourg, }Jill'CI'
qu'il agis:iail Olll'ertelJH'ut contre Puniatowski, ('1
en faveur de la DYllilstie saxonne, héritiere d' AIl-
guste til. Mélis Louis XV, comprenalll la si lua Lion
Illieux que 'k'S lllitlbtres, disait Uses agents secrets:
A UC/luPrince etrau[/cr Uf I'éllssira celle ¡'oís; it faut se
'l'ejeLcr sur un Piast. Ai IIsi, le Roi e t le gOIl vernernen I
sui\'aient \lne direction contradic!oire. Si ICl volonlp
l'oyale eút triomphé d(~ la volonté minislériellf',
Sumistas 011 lilU! :lllln' [lolonai" all!'idt dú le scep-




- '168-
tre, non a Catherine, mais it I'Europe qui pouvait
:dors [aire ses conditions. La France, loin de suiVfe
I'exemple de la Gl'ullde-Bretagne et de l'efuser po-
sitivement lout secours it la Polog-ne, lui tit une
vaglle promesse d'appui. En sorte que le parti soi-
disant patriotique, déjit confédéré, se promit Sil]'·
le-champ d'exclure a. son tour le parti prétendu
frünltais. Avant l'ouverture de la dide, Catherine
avait [ait la déclaration suivante : « Je ne generai
pas les sllffrages des Polonais. En leur conseil-
Inut un Piast, je suis dans mon droit. Toujours
les Puissances étrangeres ont reeommandé leurs
amis uu choix de la Polognc. Mais s'il arrive quel-
que dis/ocatioJ/ (e' est-a-dire une guerre civile) 1
alors, COllnne voisine, j'ai le droit d'intervenir .•
Elle intervint, en ctlet, sur la demande formelle des
Czartoriski, pour prévenir une sanglunte réaction
des }Jotocki, soutenus alors par une horde confuse
de Cosaql1es, de Hciduques, de Hongrois etde Tal'·
tares stipendiés. On s'était battu déja dan s les dié-
tines; OH aUait se buttre dans la diete, quand les
denx partis s'apostropherent, an lieu d'en venir
anx mains.


Avant que la diete fút ouverte, un nonce la
Melara l!légdlp, rOlllj)Up el Ii:>rmée ~ <lU 110m uu N-




_ '¡(jY-


br/'lllli velo, droil quí <exerc~~:til lOlljour~ dans lc~
dietes d'élection el qui ne s'exerc;ait jamais dan s
les dietes de convocatioo. Le nonce aurait été mas-
sacré, si les Czarloriski ue l' eusscn l point sau vé.
'lais, commc le partí de l'anarchie légale s'était
retiré avcc luí, le partí de l'ordre légal , resté seul
maitre du terraio, dcmanda d'autres troupes a Ca-
tberinc el se confédéril dans la diete, pour la rnel-
tre a l'abrí d'unc dissollllion violente. L'éleclion
de Poniatowski fut des lors assurée. (Juand l'am-
bllssadellr de Russie I'eut recornlllandé, les séna-
teurs présents répondirent d'une voix unaoime:
JVIlS le I'on/olls.' Poniatowski dednl Stanislas-All-
guste, el tous les :\lonarques de l'Europe salue-
ren l le oou veau Hoi de Pologuc.


f,'avéoement de Slallislas 11 C'\lH'ima l'itvéne-
meol des Czarlorish..i. Pendant que le Hoi s'cfTol'-
Itait de concilier, aupre:i de I'Impératrice de Hus~
sic, la dépendance d'Ull vassal a l'égard de SOll
suzerain, avec l'indépenuance d'un Souxerain tiC
relevant que de lui-memc, le pürti de l'ordre le-
gal s'e1Jorc;ait d'efracer les derniers vestiges de 1'(1-
narch ie légale. en snpprjman t le liberwn velo.
Les Coun; de SaüJt-Pétersbourg el de Berlin to-
I0rercllt loutes les réfonllecs sociales fIue les Czar-




- hiO --


toriski voulurent accolllplir dans UlJ bui d'emanci-
palion poli tique ou Ilationale; mais, quand ils eu-
rent légalement consacré l'oppression politique des
dissidenls, elles exigerent une réparation immédiate
et complete f'11 leur faveur. Les POlof'ki, profitant
de la disgnlce de leurs ad\'ersaires, se c()nf(~clére­
l'ent 80llS la direction du prince Radziwill, eL de-
llJandcrenl, il 11:111' tour, I'appui de la Hussie, qui
les tit rentrer dans Varsovie apres les en avoir
chassés. Des ce moment, la diete n'est plus qu'llne
arene, oú les faclions viennent s'entre-·dé-
truirc. LOl'squc les deux partis politiques ont ~lIC­
combé, les partís religieux se relevent. Tous les
dissidents réclaIllent le droit commun qn'on leu!'
I'efube. Stanislas 11, aprt-s avoir mis sa couronne
illlX picds de touLes les ~ecles, ne monte sur son
Lrolle, dans Ulle s(~allce :-'OIClIIlCltc, qlw pour s'y
evallouir. nientót les dissidents en appellent a
Sainl-Pétersbolll'g; wuis le elcrgf': catholique en
appelle aRome et a la nution elle-lIIemc. (Jllel-
ques gelJ lilshollJIlleS 6t; r,' un isscnt á Bar, peti le
ville de Podoiic ('29 f(\nit-t' 176D), qui dcvient le
centre el 'une COD fédéra [iou gónér;¡ le, rOl'tlléc par
l'allirlllC¡; de milte cOlifédérations p'l!'ticuli('res. S,I
devise e~l Jésl/s el Marie í SOIl embléme,« lecrllciiix




l!illl.~ la poitrílle d'un "igll'. tenallt des deux Cflt,;S
lIile {~pce avcc cetle légende: D A al vincere allt mori.
-- Pro 'f'ellf/iolle el liberta/e, - Vail/cre Oll mOIl l' iJ' ,
- Pour la I'eligion ella liberte, Une contre-confé-
dél'ation se forme a Varsovie sous les auspkes de
l'ul11bassadeur de Russie, qui arme tous les dissi-
dents. La guerre civilc est une guerre de religioll ;
les prelrcs marchent contre les pretres, la croix la-
tine caotre la croix grccque; el les Polonais dOIl-
nent au sii:cle de Voltaire Ull spectacle digne du
,.iede de saint Bernard.


Les dissidcnb étalen t prolégí~s par la H ussie;
mals les catllOliqu8s n'étab¡t protégés par auculle
P,lissance. L'éveque de Kamillick se rendit en lell!'
nom ú rcrsaillcs, pou!' jete/' 1ft Pologne dalts tes
{¡¡'as df' lrt F nti/f'(!. (~t }'j'I)ludlre, llol1-seulemen L Id
dechcauce de Slillli:,l:h-.\uguste <[lli a\<lit eté réso-
lue par les conf('dérés, quoiqu'il cut noblelllcul
refusé de marcher cOlllre eux , mais encare (r l'ac-
"c"ptation d'Ull Hoi donn(~ iJilr la h'dllCC, r!Ollt la
> Dynastie seraiL it ['U¡lélllimilé proclamé.: héródi-
t¡¡irl',» S'imilK'inanl qlW les inVTets (k la Polog-iH:
s"l'diclll [\dcu\ sllllvegurdés par le Sultan 'Iue par
1: Hoi de Fralll:c, Cbobcu[ arma h Porte coulre la
HlIs:,;Íe. ~lais l'Elllpin: ollollJatl [luLl\uit-il se lllC-




- ú7'2-


:surer avec l'Empil'c mosco"ite! Le lraité de Bel-
gTdJC (U, septembre 17W), üi! il müntru quelquc
force, l1'avait pas eolicrcll1E:nt ell'aeé le traité de
Passarowitz, oú il parut si faihle, que la Franee,
l' Angleterre, la Hollande ct la n ussie el1e-melllc
(2l juil1et 1718) , durenl intervellir eomme mé-
diatriees, pom empecher son anéallti-semcut total
el puur assurer sa propre existcuee (lu'on déclurail
ctre néeessair(~ Ü l'éfl'tilibl'c des ELals en Europe.
YolLaire, qui eonnaissait micux que Choiseul l'é-
ta t réel des hOLlllnes et des ehoses,eonseillait a Ca-
therine de prcndre toute la Grece et Constantl-
llople. L' lmpératrice répondit all viei! el'JIlile de
Femey: "Pom ce qui est de la prise de Constan-
tinople, je nc la erüis pas si prochainc; cepcuclaut,
il 11C fau r, dil-on, désespérer de rien (18 sepleIll-
bre 1770) .•


En ce lllül1lellt, trente mílle Ptusses vt'nuiCllt
d'écrilser CClIt eillquante lllillc Tures; la tlotte ol"
lOIlWlle ü\'él1t été détruite par la Dotlc moscovilc
(3 juil1et 1770), elle,; généraux lÍe Calhcrinc, mui-
tres de la \lúlda\ie et de la Valachie, se préparaienl
ú i'rullchir le Danubc. 01', l' A.utriche, plus ilité-
re~:,éc quc toute ilutre Puissallcc au mainlieu de
l'é(luilibl'e en Orient, IlC PÜli\llil pcrmetlre {IlIC,




- 1t.i3-


:)<lns conee!'1 p)'(~alable, la Hussic fít des conquCle~
ill! dela du Danube, ni qu'ellc conservót cn-dec;a
deux Principautés qu'elle se proposait de revendi-
qll~r elle-meme, un jour 011 l'autre, cornme étanl
une tlépclldance de I'ancienne Couronne de Hon-
grie. A ussitó: Berlin se rapprochil de Vienne, dont
Versaillcs s'étail éloigné. Desentrevues secreteseu"
rent licu elltre Frédéric el .Joseph, quí, ayantexclu
l.ollis XV de toutcs leurs résolutions ultérieures,
deciderenL que la méclialion de la Prusse et de l'Au-
triche serait ofl'crte, et, s'il le fallaít, imposée a
Cathcrille. Pendant que ces conférences avaíent
Jir~11 á l\custadt, un séraskier lllTÍVCl ele Constanti-
nople ¡¡our récIamer, au Hom du Sultan, la mé-
dialion du Roi de Prusse, qUÍ devenait ¡'arbitre de
l'Europe et ele l'Asie. Frédéric, nyant voulu parta-
ger avec Joseph les honneurs de cette médiation,
les deux Mon~rques n'ofTrircnt a la Russic, en COl1l~
pensation des provinces danubiennes qu'elle vient
de conquérir, qll'une parlie de la Pologne égale
dllX porlions qlle I'Aulriche et la Prllsse allllexe-
J'dient elles-memes it lcm propre lerritoire. Cathc-
rine rejeta ce traité de paix el continua la guerreo
~Iais le Roí de Prusse envoya le Prince Henri, son
frere, u Saint-Pétersbourg, el lit envahir le Zips,




~ 1¡7&-c


can Ion polonais enclavé dans la Hongrie, par l'Em-
pereur d' A lIemagne, afin que 1'1 mpératrice de
Russie, placée entre une négociation diplomati(IUe
el un acte d' hostili té, se déterminilt pou r le par-
tage. Catherine, sachant que celle exécution répu-·
gnait au lloble CCBur de Marie-Thérése, l'admit ell
príncipe et demanda I'adjonction de In France á
i'illSll de la Prllsse, qlli avait obteuu son e.\dll-
sion. K.aulIitz en informü le dnc d' Aiguilloll, suc-
ccsscur de Choiseul, :mns en informer le Cabillel
de Berlin; mais le duc trabit le chancelier aupres
de Frédéric, avec lequel il s'imaginalt ronder unc
politique franco-prus:.,ienne. A I"inslant,le Cabinet
de Vienne tourna le dos <tu C,!l)illCl de Versailks;
la Pologne, qui n'avait pus d'exislcnce proprc,


pel'dit ::iOll unique protecteur, el Ie~ trois '10-
Barques n'curenL plus qu'a signeT ,'ion arrN dc
111Or1 (1).


(1) La plllpal't des histol'iens II'oHI "011'11116 '1111' 1<', ;lIllllJ'itl" cUt·
\;),Illl'b : l\ulliiÍ.'rB (lIisl. ,It! (ilt/f{)'rlúc dI' I'ololjw!, '1 \'01. IIW7-
t ¡)O'¡':. - '''' COIl,lr' 1;(I'1'lz (11';lIIoil'l:,' I:t 1/('/(" ,wllll'/I/irl(/I'S ,'('[,,-
1 i f's (l/U' l!I!ljocialivlIs 'flli })¡(.:rr'(((·,'l'lIi 1" ¡J;iI'{'[(!" de III I'((fui/I/C,
1;1":8 till )IOrl"ji'liill" ({ilJl, I;lIl'i('1I milli"I¡-(' tllI .\ VIIJ' "i"/k,
\\ cinwl', J flJ O". - Vrl'l'éll!'¡ (!list, ¡{es II'oi5 !I¡'lIle/ll II!'(:lIIf'II/,'
!le la l'oIO(]I!(" l'aris,lS:20) .. - :';cllo!'ll (Lo!!}'" (nli"l. des 1':1111"
"tl/'ni/á'Jls. TOIll, \X\\ 111. png. 1;")/ rl ,ni\".). --~ l\:lIll,!' 'lr/¡iI:li¡'f"
,¡II' /"/Usl. dr: l'oíOljl/C ((})¡'f'.' la ¡¡¡J¡,I' (i"UIíJ.'/I). ~ili1S 1/1":.:11,,('1' ¡ClIIS
!,l'I',:i"u:;e,; indicaliuns, IIOU, illons pnrticlllil'renli!nt "ui\ i r:ei14>' tk
:l. de ~ainH)l'jeBI, dlmt le ¡ravail. inlitlll,': I'ar(oyc ,Ir h~




-- 117:' -


La couvention de pnrluge resla secrete; maís,
f{llOlclue les Puissauces co-pllrtageautes n'osnssent
pas la rendre publique (1), elles n'aUendaient
(lu'lIue occusion pOUI' l'exécuter. Durant la nuit du
;) septel1lbre '1771, Stunislus-Auguste faillit périr
,,¡ctime d'un odieux attentut. Frédéric en pl'otlta
':lllr-Ie-champ. v IJ ti'), él pas, s'écria-t-il, de tete cou-
• I'ollnée quí n'en soit solidaire. Avallt tout, il [aut
,~ongcr il pUIlír les régicides .• EHectivement,les ac-
tes Slli\'irent les paroles. Prussiens, AutrÍchiells el
Hll:,~es en Lrerent en Pologne. Le truité de partage,
signt'~ il Saín t-Pétersbourg (2;) j uillet (5 aout) 1772),
fut sigllifié au Roí et ü la H.épllblique, le ':?,ü sep-
tcmbre suivant, a aa 110m de la tró-Saínte-l'ríllite. J
'\Oll contents d'ínvo(}lIcr les príncipes de la jus-
I ice tellJ po relle, en revendiquant certains uroits
idus OH 1l1Oins kgilimcs, pOllr accomplir un acte
(luí détruisait les príncipes de la justice éternelle,


1'0/0(//11: el! \ 7í'J., a ,"1/; I'I;digé, ';\11' d(~, dUCUlIWLlts oHiciels, appal'le-
IJiiul"oil á ,;a jJl'Opl'C f'alllillr,'oil aux \n:hives dUlUilJistere des atrai-
¡ '~JS {Ill·ungí:~re;.:;.


(l, « LlljOlll', illa /',I!JIi';I~III~, dan, UIll' de ce, GúLl\'ersatiol1s fill/li-
Ill're" (ji! \1. di: Ti\lk~Talld se jlJuail aw(; tant d'éelat, on liut á par-
her de la l'o!ognr. « ,la;il;lÍ" dit-il, Ir parlage l1e se sel'ait rail de nos
jours. -- El (llJi l'aurilil ,'IlIJ)(\\'hl:? Ilii dl'manda qllelqll'Ul1. - La li-
herIl; de la pre",', n",pondit le ¡¡dnr'l', - ,\, de saint-l'riest, ¡{'ludes
diplom. Tom. 1"', pago 10. ))


La liberlé dI' I;t pressl'. qui a rail [:lIJI dt' mal. peu! don,; ¡am'
beaucoup de hien.




lroj¡, ~lollarqllcs tuaienlllll pcuple, "afln de IlIi (ll'U-
• cure!', disaiellt-ils, une exisLencc politique plus
) conforme aux intérétsdespuysvoisins. ') Par unar-
lide dérisoire, ils renonc;aie n t á toule ¡Wdlen fion ullc-
rieltre sur le territoire qu'ils voulaicnt bien laisscr
ú la I)ologne, et lui en garantissnient me me la p(li·
sible propriété, apres ¡'avoir spoliée d'une maniere
odiellsc. SluIlislas-Auguste se résigllil au parlage,
el! s'écrianl dans sa lllOnOlll(lnie de Royallté : o .le
"resterai,dút lllOIl UOYilUllle n'Ure pas pllls grand
'que mOD chapeau. )) Mais la Pologne jeta du
moins un long cri de douleur, d'imprécaliolJ el
c!'héroislIle, Catherine fit signifier á la Dicte, que
les trois Souvel'ains avaient convoquée pour dé-
terminer les nom'elles limites de la Rdl'uútif/Ile, ce U e
d(~claration fOl'Il111lée illl nom de la triple al-
liance: «Afín que nulle illusioll tle vienne diltll-
nucr aux yeux de la nation POIOllllise le poius de)
fait~ accomplis, llll terme tui est fixé pOUl' s'y l'ési-
gner. Ce délai fixé, Ieurs Majestés se déclarcnt dé-
gagées de loule renonciatioll, el décidées a CUl-
ployer les moyens qu'ellcs jugeront les plus
prompls et les pluscouvenübles ¡IOIlJ' se faire ¡Iteine
jllslice.)) On refusa de soullIrttre it I'<lrhitrdgc
des Puissances neutrcs, lei, pJ'!~lCllliofl:; aliéguées




- 477-


par les Pllissances spoliatrices; el le parlage de la
Pologne fut consommé.


Cet I~tat chevalercsque, dont la vocation fut de
préserver la Chrétienté des atlaques de I'lsla~
lllicmc el qui res la constamment fidele el eette deg-
tillil t ion sublimc, succombe sous les eoups de la
force, unique mesure du droit. Et personne, 11
l'exception du Roi d' Espagne qui doit accepter les
excuses de la Maison d' Autriche, personne Il'in-
tervient entre les bourreaux eL leur victime, quoi~
que cet immense attentat compromette ü jamüis
la sureté de tou 1 le monde. En effet, la Franee
gilrde un silellee réprobateur, l' Angleterre un si-
It~nce complke, les (~tals du Midi et meme l'AlIe-
milgnc tUlIt elltir'~re, un silence inquatiüable. La
Tlll'quie sel/le, cOllSl.utons-le it la honte des nations
chréticl1nes, la TUl'quie ümuit sauvegardé l'exi-
stence de la Pologne, si, unéantie elle-me me par
une guerre désastrcuse, elle n'eÍlL été obligée,
pour avoir la paix. d'accorder 11 la Rllssie la mer
Noire, l'Arcbipel et llll drojtde proteclion sur les
sujets de I'Empire ottoman professant la religioll
grecque, uu mieux de rucheler sa vle au prix de sa
propre Souverailleté (trHité de KUlndardji,21 juil-
let 177ú).




- 478 -


Certes, depuis la ligue de Cambrai jusqu'aux
arrangements pacifiques de Paris el de Huberls-
bourg, les Puissances de l'Europe n'avaient füiL
en quelque sorte, aucune transaclioll, qui ne fut, u
vrai dire. un traité ou un projet de partage. Mab,
ni l' Autriche, ni la Prusse, ni la Hussie ll'oserent
alléguer ces tristes précédent::;, pour justilier le par-
tage de la Pologne qui fut désapprouvé par elles-
mémes .• Ce fut une actíon sí odicusc, dit l' historien
• de la ~] aison d' Autriche, que chacune des troi:;.
~ Puissances s'eft'or¡;a d'en rejeter la honte sur leií
• deux autres. »La Reine de Hongrie disait au mi-
nistre de Slléde : « J'ui été séduite, entrainée : IlJil
situation est cruelle, le chagrín me tue. » Le Hoi df'
Prllsse, qui avaiL tout fait, prétcl1duit n'ínolr rien il
se reprocher. Mais Cat]¡criue, (J.lI'un a SlIl'DOllllllt'e la
Sémirümis du N ord, COlllllle si SOH !,!"gne résumait
toules les chutes de Babel, Catileríne eut dll
moins le triste cuurage de braver la désappro-
bation publique, en disaut ti ses complices : JI!
pl'ends le bláme sur moi! Joseph 11, Frédéric
et Catherlne elle-meme, cl'iligUdieut mOill:i lt~
jugement de leurs contempol'i110S que celui de lLl
postérité (,1 ¡. Car les encyclopédistes dirigeaienl




- {~79 -
alor:; ¡'opinion publique, et Voltail'e, chantant« les
;,8.018 qui partagent le gatean, se félicita d'avoir
;¡ vecu a8sez longtemp8 pour volr le grand événe-
.ment (1) .• L'Europe ne s'en émut qu'apres le
ueuxieme et le troisieme parlages (17\)3-1.795) :
eonséquences iuévi tables du premier. Stanislas-Au-
guste, Monarque saos Royaume, survécut u ce tri-
ple meurtrc u'un meme peuple qu'il avait es-
,ayé de régénérer. Une constitu tion nationale, ré-
digée par lui-meme, supprimüit le libel'utn veto, ela.
blis~üit une division de pouvoirs entre la Diete et
le Sénat, et fonduit l' unité gouvernementale sur
¡'illViolubilité du Roi et l'lJéréLlité du trone, double
expressioll de t'ordre légal triomphünt de l'anarchie
légüle. C' étüit réagir contre les trols Pllissances
co-pürlageanLes, <¡ui, non contentes d'envahir le
lerrilüire de Id Pologuc, avaienl envahi sa pro-


dans lrs trois ol1\"ragrs suivallts : - E,t'Ww' de Ir! rondllitc de fu
COUI' impériule de n/l.\,\ie vis-el-vis de {,¡ ;;":I'¡;IILI5I:tI!i: Ré)Jublique
de I'%gl/l'. (Ivrt la rI('rlllClioll des [[{¡'es Sil/' l"squcls elle (orule
iú }Ji'i.,;u de l)¡).,;sessioll, saiut-l'elersIJOllIg, 177'J.-1\:1po,\(; des droits
,/1' s. ¡í. 1" noi ¡fr' l'!'I(sse Sil!' /" (Iocln' dI' l'ollll;I',lmie f'l plusiell/'.\
cmlres di';il'ic{s dlllloyaU1l1e ¡fe 1'ologll(', Bt>rlill, 1772. - J/lri-
1111/ JlIlIP/<I!'Ía; in 1lllssiuJ/I 1¡!iliUJ'{!m el Podoliam, BOJ¡cmi(l!qut'
il/ I)S17,in'/lsClII pi Za[o!'Íells( lit duca/us /¡recia eX}Jlitatio.ricllne,
t77:3. ( II gelllilllO:rllllC [luloiJais rMula ces ullvrages dans une bl'o-
I'hure. ayalll 110\ll' litre: Les Droits des trois Pllissarlces alliet:"
SUI' p/llsil'lIl'S provinees de la RI!/J1/ulique de P%gne. Voir Russi
I.éonant <JI(ll!zko. 1/ istoire de l'%ynr:.


1) Ll'tlres I'IJldiées par lord Brongualll en '1845.




- 480-


pre législatioD, afin de lui interdire le droit
d'opérer aueune réforme sans leur autorisa-
lion préalable. Aussi I'lm péra trice de Russie
adressa-t-elle a son ambassadeur une nole COD-
<;ue en ees termes: • Rappelez al] Hoi que j'ai
pro posé tous les moyens d'éviter le démembrement
de la Pologne; a eette heure, on !le ces se de m'en-
gager a un nouveau partage. Diles-Iui que je m'y
suis opposée el que je lll'y opposerai tant que je
De verrai pas le Roi et la nation me devenir con~
traires; ttutremenl a depend de moi de myer la Po-
logne de la cal'te de l' Europe (1791). D
I~a Pologne aima mieux se faire tuer les armes a


la main, en revendiquant ses droits de nation indé-
pendante, que de se tuer elle-rnéme en y renon-
(jant. Kosciusko, le béros des derniers jours, par-
viDt a lui rendre la magnanimité de ses premiers
siecles. Enfin, l'Impératrice de Russie, le Rol de
Prusse et l'Empereur d'Autriehe envoyerent, par
leurs propres arlllées, un ordre d'abdicatlon au
Roi Stanislas-Au!?uste, destiné a conduire éter-
nellement dansl'histoire les fUllérailles d'une
glorieuse République! La création définitive du
Nord parut accomplie,apres cette destruction de la
Pologne o qui parut illissj défiuitive, ,\lais pu/je




- (¡Si-
puissance humaine, quelle qu'elle soit d'uilleurs,
ne saurait se prévaloir exclusivement da droit de
créer et de détruire; cal' l'un et l'nutre nécessitent
un {itit de la puissance divine. Quoique la Pologne
ait été détruite politiquement, elle n'en existe
pas moins moralement; et, sons ce rapport, elle
est absolument indestructible. Toute nation peut
se retrouver sans donte, memc apres avoir été long~
temps perdue. Mais, quels que soient les desseins
de Dien sur la Pologne, il n'appartient pas a I'hom-
me de les son der. L'histoire doiL le consta ter néun-
moins : chaque Nationalité se sentit moralement
fruppée uucoup mortel qu'on venuit de porter a la
Nationulit{! polonuise, et chuque Monurque se sen-
tit positivement responsable de l'attentat que trois
Bois venaient de comrnettre contre un Penple.
eette formidable solidarité des uns envers les uu-
tres, se manifesta bientot avec tant d'énergie, que
la chute de la Polognc parut etre le signal des ca-
tastrophes universelles. Vainement essuya - t -on
d'échapper u cette situation [atule, exprimant
l'nntagonisme des uroits et des uevoirs duus l'hu-
manité, au moyen de nOllvelles ponuérations po-
litiques : si l'on pouvuit reconstitucr momentané-
ment l'équilibre mécaniql1e des États, i1 était


m. (3) 31




- /¡8~-


momentanément impossihle de reconstiLuer Icur
équilihre moral, exprimant l'harmonie préétahlie
des droits et des devoirs dans l'hllll1anité! Ce ne
fut plus des 101'5 une lutte de Monarqlle a Monar-
que ou de Peuple a Peuple; llluis une luLle de S11-
jet il Souverain. EL la Hévolution franc;¡¡ise écluta
sur la UHe des Hois, en [aisanL tomber eeHe de
Louis XVI, qlli devinL nne ho.stie!




CHAPITRE xxvn.


DESTRrCTION DE L\ ~lONARCIIIE FRAN~.USE.


Sommaire.


Déc~rh'Jlcc prc,grrs"ive de I~ 'I[onardlif' \'11 Europe. - Louis :\ V ne
sllngt~ á tail'!.' >i\'l',' la :\lonal'r'llil' fl'illlrahe qll'ilussi IUllgir'llIpS
f[U'j[ "¡Ha llli-llIellll'. - Pltilippr: V f01'1II1' h· jJrlljd d(' la j'(~!l'\'i'l'
pen;rJlllll'lII'J1H'nt, élU riSl/lll' rl'r'll'(, ('('rasó p<lI' tOllt le lllolllle. -
AiI¡¡'·I'OIli. - La Frilllce el l'.\Jlgll'lr'rre ell lulle aY!'r~ l'EslJagJll'.
-flrl'llicII's lf'lllali\'l's dl~s ;;Iuur(:; I'll \ngll'lr'l'J'e. - Triomp]¡r' de
la \laison di' IlaIIIlVJ'('. - (;IJU\('!lll'lll('¡1I dr' Luuis :':V. - Les Jan-
s('lli,lf's el I,'s .J¡":i11 ill's. - Le' ]Ial'li elu rlroilll\llllain se ronsliluc
(l(~ 1ll;1l1ii,]'I' il IJllllloir I'xclllr!' 1 .. p;ll'li r111 (lroil di\'in. - Trilvail
r¡"\'ollllilJnnain' aC(,()JlIpli 1';11' lr's sl'eles ¡'¡lilo,;opliiq:les pI 111;111\·
I'ialislr's <tU o'I'ill dr' la slJ('i(·lr', .. - Lf'S 1~('r)J\()¡J1isll's I'l ll's Encyrlli-
l"'~d¡slr',;. - Lr'lll' dllllldl' l'lllljlll'alioll 11'a <¡U'llIl :'f'llllml : r'I'!Jli ,[r,
r[r"ll'llil'l' la J'1'ligion, ha," III0J';llr' dI' [rr:" Ir'ó Udl:;. - !!' n'en ,onl
jJib 1I1uins )!1'U1¡"!;,',\; jJar le,; ¡¡ois, - \]J¡t1ition dr: l'oJ'(Ii'\' dI" .}¡'sui-
11'" - ¡'Ollllillioll dI,' ,,,('j('(I',,; "I·('('él['·;. - 0PI¡(),ilio!l des paril'·
Il1l'llls SO\l"; LOlli, X Y. -\\,I'I1I'IIII'I1l dI' Louis \ YI. - JI (',llrrcl](~
l'arluul dI''; l'MoJ'llla! l' 11 1::; l'OU\' ('n fairc dr's mirlbll'Ps; maj;; il 11(~
IroU\l: que rll'srf'volu(ionnniJ'eo:. - \linisl(\)'f' dI' Turgol. - TOI!,
ks goi" lit: l'EurolW se cfll1ll11j,;ent ('1\ l'I:lolnliollllain's, l'l Ir" 111'\1-
plrs en consl'l'l'ateul's. - I:ralHlr' n\lctiol1 !lJ'()r!nitr: par la ellll!I'
de In !'olngllf' ;111 s¡'in tll: dH\ljlH' Kalionalil(', - Fn:'¡{(:ric tI, I!¡"rns
rI,' \1;11'111,1\'1'1. I't'nl dl,\'enil' 1111 IJ(\ros di' 1'1;1(;lrquf'. - (;\\('!Tr\
enln' la I'IUSSC' 1'[ l"\lllrirllf'. a\1 slljet ¡JI' la s\1e,cc,sion rk lla"ir';I'I'.
- La Franee n"tablilla pai, dilns k Continrnl. - Trail,\ dI' Trs-
cln'l1. -I:III'I'I'r' ('nll'l' 1';\ngl1'!r'!'I'p p[ la Fraile!', r[lIi, in(('J'I'I'lliIll[
,'1\ 1',1\,('\11' dí: 1'"\rll¡'~l'irlll(" {¡"gitillll' l'ill'lJl'l'I'clioll di;), IJeujlles l'olllru
Ir's ]\oil<. - Explosioll ¡JI'S ir/(:,',; illltdnisl', rt aJllr"l'i,'<lilll'S dall,; la
,"r;i¡)lr\ IÚIJl~'¡¡i,,'. - 0PI¡o,itioll dn l'al'I"1I1f'1I1 flui publie \!IJ(' ¡[,"-
f'Lrr:llioll 11r',; fOl'llI('': coll,:lilnliy"" di' la 1:1':IIH"'. - T.olli, \ \ I "liíl"
101/\11' 11'': f:l;lls-(;¡"III;lilll\.-···I'I"llld"s di' 1;, 1:,"v"IIl!iOII. - I'I'il\1




- h8!¡-


ri]lCS aHl\1és dans Ics rahiers d('s '['ruis ünlrcs. - Pl'ineipcs rrstés
a J't;lal tic problcIIIC>i. - Séal¡('l~ ]'uyale. - S('rIlIPI\[ llu Jpn tle
l'aUJllc. - Coalílion tlu Tiers-J~tat ('l tilO la Loul'gt'oi,ie (le I'¡tris.-
Le l'oll\'oir omeicl anéanti par un Pouvoir oc'culll'. - !ps 'l'rob
Orrlres se réunissl'nl pom former une ,'\sselllbh\p nalionale con-
~litllantc. - Louis XVI a l'llUlel-cle-Ville tle Paris. - La Peur. -
1\11il du {¡ ilOLI1.-])¿cla1'atioll tlcsdroilsael'lwmmc.-Joul'lwes
cl'oclohre. - Louis XVI et I'Assemhlée cOJlsliluanlp se uxpnt ti
I'ari:;. - Conslilllliol\ ,11' 17Dl. - ],'éllligl'atilJll. - Lo's lIoi8 1],:
n:urollC' wulent ]'I'It'\el' la ~lol1arehi(' frall('aisl', Pll f¡¡isanl slIr ('II~
tll'S ('oJlljueles. - ],ouis XVI \/'ul la 1'1'11,\1'1' s('u!. - Yoyage clo'
\ a/l'nlu's. - :\lTl'slalion (luHoi. -I'n'mii'¡'(' liJlle di) p:lrti 1'I"J!u-


I,lil':¡j¡¡ 1'(lnt!'p JI' parlí ]'oy:¡Ji,ll'. - Lllllis :\ n a('("'pll' la COlls!i-
lulioll. - ilc.'lnH'lioll IllliJ':dl' dI' la \lollar,'/Ji,' I!ar ]¡, Hoi. - ,\,-
"('jjll.1I0(' 1I"gbl,¡1 iw q IJi \ i"llt ('()Ii,a"¡'I~1' 1" I rilllllj./¡" ¡],',Illlitif ,11' ja
SO\lwrainc!f'o dI! 1'e11ple d la l'11illl' tll"flniti\'t' ¡JI' la SOI!\'('railwl,',
di! Hoi. - :\línÍotere (;iroudil\. - lm;u¡'t't'ctinn tlu 30 juin. _
\lauift'sle dn duc de Bnlllswick. - JOlll'll(;I: <In 10 anúl. - Tlt',-
chéance (lu I\oi. - Dc·sll'llction makrklle de la 'Ilonarc]¡ie. _
Il¡',f'ailps llc nos nrm('e". - .}O¡J1'IH'"S di' '(·pll'lIJ1J1I'. -La '\'1·IT,'nr.
COIl\Cnlion llalionall'. - I'rol'!aJ¡¡alioll de la !\,"puJ¡licJue. - La
Francp r('J1l!lllicaille S,l11\'('I, par la Yrancp royalisle. -- I'roces 1'1
lllo]'l de Luuis xn. - L'EtJl'o!JI' I'l la l\évuJulion.


La destruction de la Nationalité po!onaise mar-
che presque de front, dans 1'histoire, avec la ues-
truction de la Royüuté fran<;aise. Pendant que les
Monarql1es du ]\Jord accomplissaient ou croyaient
accomplir, el'une maniere définitive, l'anéantisse-
mcnt de ce nOl1veau peuple de Dieu, pour consli-
tuer, sur des bases plus largos, leurs I~tats respec-
tirs, symboles des trois Églises qui se disputent
la domination du monde chrétien, un peuple du
Midi accomplissait ou croyuit accomplir, d'une




- /¡b5-


maniere définitive, l'anéantissement de la Monar-
chie, pOlIr opérer la dissolution universelle de
l' Église et de l' État. L'heure des grandes repré-
sailles avait sonné. Tout annon~().it un bouleverse-
ment d'autant plus formidable que, sous prétexte
de sauvegarder les droits de l'homme sur la terre,
OH conspirait, it la face du ciel, la ruine morale et
physique de toute l'humanité. C'était le résultat
des doctrines qll'on araiL fait prévaloir dans la ci-
vilisation, au risque de provoquer un soudain re-
tour vers la barbarie. Trois sit'~c!es venaient de
s'écoulcr <tu milieu de l'iniquité générale; et l'En-
rope,livréc aux actes les plus funestes, semblait
s'etre donné pour mission d'exc!ure les principes
de la justice, but supreme des sociétés. Puisque
les Souvcrains, ahusant de leul' propre nutorité,
refusaient de se soumettre aux lois morales et aux
traditions, il devait arrivcr que les sujcts, abusant
de leur propre liberté, se révolteraient, 16t OII
tard, et contre les traditions, et contre les lois
morales elles-memes. Enfin , puisque les Rois, au
licu de protéger l'exüstence universelle des États,
osaient signer l'arr(~t de mort de tel ou tel peuple,
il devait arriver également que les Peuples, au líeu
de proLéger l'cxistence ullivcrselle de la Monarchie,




oscI'aient signer, a Icur lour, 1'arr0t dc mo1't de
tel ou tcl Roi.


« La destruction d'une nalion, dit Iloené
\Vronski, est un assassinal pubiic pour lequel la
jllstice éteruelle prescrit la peine du talion (1) .•
Louis XIV n'en cut consciencc (lll'¡'¡ la fin de son
regllc, quOiql1'llll premier régicide eútété COllllllis,
ell quelque sorte sous ses yeux, au (lébl1t dc su car-
riere monarchiqllC'. N'ayüHt pas agi de manierc a
prévenir le retour d'une pareille cataslrophc, il
avait raison de dire a l'héritier de sa couronnc :
q Faites ce que j'ai eu le malheur de ne poinl


» [aire. »Deux voies c1ífTérentes pouvaienl0tre suí-
vies par le Roi de France: I'une salutaire qu'il
[aIlaít ouvrir ; l'aulre sinistre qu'il [allaít [ermer.
Louis X V, ayec ectte admirahle clairvoyance que
Dieu lui donna inulilement, s'apcr<;ut bien que la
nation fraD(;aise elltrait dans la voie fatale; mais,
indifTérent pour le bien comllle pour le mal, et
d'aillcurs, uniquement préoccupé de ses plaisirs,
il ne voulut point prenurc la peine de I'en [aire
sortir, lorsqu'il pouvait encore la rnmener dans la
voie providentielle. A vrai dire, Louis XV n'était
pas Roi dans la monde acceplion uu mot, puisque,


(1) lli~tol'ioso}Jhic Oll science de l'ltistoirc, pal'!. U". p~. 280.




no scntant pas hruler en lui-meme ce feL! sacré
qui consumait tout le passé de la Monarchie. pour
mieux épurcr son avenir, iI osa l1ier les destinées
futures de la ROY¡lUté, quaod tous les pellples l'af-
firnFlient. Aussi, loin de la régénérer, en lui ins-
piral1t le sentiment de sa propre immortnlité, ne
songea-t-il gLlr'~re qu'ú la faire vivre sa vie durant;
cal' jI s'inquiétait fort pen de ce qui en adriendl'ait
apres Sil mort.


Sous ce rapport COllllllC sous beaucollp d'autres,
le regne déplofable de Louis XV ne fut que la con-
tinuation de la Régence. Philippe c!'Orléans, héri-
ticr présomptif du Trone, semblait heureux de le
renverscr, quoique d'UIl moment ú l'autre il pul
y montcr. Le Roi-lllincur était si faible et si ma-
ladif, qu'on prévoyait le cas Ol! le Uégent lui suc-
cédcrait. 01', t!'apres l'opin1011 COllllllune, la brall-
che cndette des Bourbons, qui devait rcmpluccr
la branche ainée, allait sllhstituo1' un régime ¡\ Utl
¡¡utre régime, el inaugurer en France l'ere révolu~,
tionuairc que les trailés de Rys,riek.et d'Utreeht
üvait déja inaugurée en Europe. Conformément nu
dernicr tmité, Philippc V avait du renoneer a la
Couronne de France, pour eonserver la Couronne
d'Espagllte; lllitÍS il lJ'en r('portaiL pas moiIl:'; SteS




-·481:\ -


rcgards allrbtés sur le bcrceau de Louis XV, aulour
duque! se débattaient les dcslinées ultérieures des
Gouverncments monarchiqllcS. Philippe, comprc-
nant mieux que perSOl1nc les devoirs dc la Royan lé
daus sa voea lÍon providcntiellc, forma le projet de
faire triompher ses véritables droits, au risque d'e-
tre éerasé par tout le monde. Pour obtcnir la sépa-
ration perpétuellc des Royaumes de Franee el d'Es-
pague, les Rois avnient monlré aux peuples qu'ils
pouvaient a volonté changer l'ordre de succession
dans les Monarchies. Et le sacrifice de ce principe
conservateur venait de provoquer en Europc bien
des acles révolutiollnnires, exprimant l'anarchiequi
régnait dans ks rclations juridiques de MOllarqnc
U ~lonarqlle et de Souvcraín ú sujeto En eITet, d'un
coté, Charles VI, chef de la Maison d'Alltrie!Je,
prétcndait que Philippe Y luí avait ravi son royal
héritage : allssi ne le rcconnnissnlt-il pus commc
Roí légitime; et Philippe V, obligé de ratifier le
démembrement de la Monarchie espagnole, ne se
cOIl~;idérnit pas lui-melllc comme Souvcrain légi-
time, paree que ce démembrement invülidait les
dispositions positivcs et supremes de Charles ll,
ayant ponr but de conserver I'int(~grjté de l'Es-
pagnc. D'ul1 nutre coté, le pellplc anglüis se




- 4H!J -


divisait en deux partis, les whigs et les tories;
cellX-ci appuyant le manifeste du Prétendant exilé,
fHs de Jacques 1I, qui dénonc;ait a l'Europe la vio-
lation du droit héréditaire, en vertu de laquelle
on appelaÍt au Tróne Georges 1,'r, Prince étranger,
pour créer une Dynastie protestante ave e la Mai-
son de Hanovre; ceux-lit soutenant une révolution
flui proscrivnit les PrillCCS naLionaux, pour détruire
une DynnsLie catholique avec la Maison de Stuart.
Tout cela résullait de la paix d'Utrecht on,
comme dans les précédents traités et dans les
traités sllbséquents, la Monarchie européenne,
loin de concilier les différends des peuples et des
Rois, ne fit que témoigner de son propre dépéris-
sement, puisqll'ellc s'avouait impuissante a garan-
tir l'existencc des uns et des autres, et, par suite,
Ú garantir les uestinées universelles. Philippe V,
aspirant u la gloirc d'etre le restaurateur, ou
mieux le régénéraLeur de la Royauté, entreprit
de lui rendre son ancienne puissance morale et
positive au moyen d' une guerre nouvelle, ayant
pour but d'abolir tous les traités de paix, qui dé-
membraient les États ou les Dynasties, et d'en éta-
blir d'auires qui consacreraien t l' intégrilé des Dy-
nastíes et des Étals.




-- 11\/1) --


Ce dessein élait Ü'allliltlt plus digne du petit-fils
de Louis-Ic-Grunrl; cür, interrogé sur le rang
qu'un Roi doit oeeuper dans les champs de ba-
taillc, il répondait: Le premier, la comme parto/a.
Mnis, les moyens d'cx(~cution, (IU'il fullait emprun-
ter a l' Espagnc et aux autres Ilationalités, soil du
Nord, soit du Midi, pOllvaient-ils eorresponc1re á
eeHe conceplion qui lui étnit propr8, ou (luí uppar-
tenait an ministre AlbéroIliíl Grave qucstíon. 1>hi-
lippe V espérait tirer un grand parti des Castilluns,
dont les sentimcnts religicnx el poli tiques, 6tant
jnaltérés, paraissaient inaltérables; dont le couragc
militaire s'élait retn;mpé d,ms les vicissÍtndes pllS-
sées, et dont l'orgueil national devait 6tre excité,
dans les luttes fntures, par l'cspoir de se poser de
nouveau en dominateurs, comll1e ilU temps de
Charles-Quint. Touterois, pon!' enlcver la HégN1CC,
et meme, le eas échéant, la Couronne de franee a
Philippe d'Orléans, pour remerser la própondé-
ranee de l' Autriche en Italie, et pom y fixer In [Iré-
pondérance de l'Espagne, il dut sollici ter le dOllble
coneours de Charles X 11 et de PieJ're 1 "r, réeoneiliés,
avee lesqucls il se proposai t aussi de rétablir Sta-
uislas sur le Tróne de Pu\ogne, el, sllr le Trune
d' Anglctcrrc, la Maisoll de Stullrl, Ú I'cxclusion de




-- II~I -


la Müison de lIanovrc. L'Espagne n'avait hiel' ni
trésor, ni armée, ni marine, ni allianees puissan-
les; mHis All)(~roni agit si bien, a l'intérieur et a
l'extéricur, qu'lI11jourd'hui elle eompte des soldats,
eles illliés, des YillSSCilllX, de l'argent. La France et
l'Angleterrc, <':puisées par les memes guerres, sui-
yent avee méfiance le progres d'une aetivité allssi
f(~conde, essilyil n t (Je reprcndre égalcmen t qllelqllcs
forces duranl la paix. Un homme dont 011 raconte
des merveillcs financieros, Law, promet au Régent
ll'éteindre toutes les dettes de l'Etat avec les
seules ressourccs (lIIe le crédit peut donner. Le
systeme est execllcnL; mais son organisation est
mall\aise. N'y voyanl qn'un moyen magique de
battre motlllaie avec rlu pllpier, (jlHll1d le Tr6sor
n'a pllJ~) d'especes métallirlues, Philippe d'Or-
léans abuse de ceUe institution , COlllll1e ele ses
propres facultés. Au !ien ele fonder, par la Ban-
que royale et par la Cümpagnie des Indes, la
ric]¡csse ¡lllbliqne sur le crédit, 00 accomplit la
r¡¡ine univcrsclle par la banqneroute (1). L' Angle-
terre, avcc le sysleme de Blunt, n'est pas plus
hCllreuse qlle la France, nvec le systeme de Law.


(1) Oll 11'Ull\"'I'i! ll,~ lOll;;S dl'lrüb WI' 1(, ';YSli'llll' ll(' La\\' dall" llulre
II isto!re de la l!oll/'fj!!oisic de J>al'is. Tottl. 1 IJ , clw]!. 1".




- 4!J:2-


EL le Parlement, qui croyait posilivemcnt faire
Iiquider la dettc nationale par la Banque royale et
par la Compagnie ue lamer du Suu, voit s'évanouir
toutes ces chimeres de l'aglotage ainsi que des
bulles de savon.


La France el l'Angleterre se ruinaient, penuant
que l'Espagne s'enrichissait. Une meme impul-
sion étant donnée aux produits manufacturiers et
aux prouuits uu sol, Albéroni maintenait en har-
monie les divers éléments de la forLune publique.
C'est ainsi qu'il mit a la disposition de Philippe V
assez de forces offensives pOllr entreprenure, en
Europe, soit les guerres ouverLes, soit les trames
occultes, au moyen desquelles il espérait accolU-
pi ir ses vastes projets. Muis, une conspiration,
tramée dans París contre le Hégent, fut découverte
au moment d'éclater; mais la mort imprévuc de
Charles XII fit également échouer les desseins de
Philippe sur l' Angleterre el sur la Pologne; mais
son agression contrc l' Autriche, en ltalic, heurcuse
d'abord, finit par etre désastreuse. La Frunce,
l' Autriche et l' Angleterre, si longtemps divisées de
buts, de principes eL d' lntéréts, confonuirent aus-
sit6t leurs haines distinctes, ne craignunt pas
d'avoir recours allX moyens les plus bus et les plus




- /¡03-


hontcux, a la seule fin de renverser, sinon le Roi
d'Espagne, du moins son ministre, ou mieux le
seul homme qui put épouvanter trois grands États.
Albéroni fut disgracié pour avoir tenu le monde en
suspens entre les Gouvernements conservateurs
et les Gouvernements révolutionnairesj mais il put
dire avec orgueil : « l' Espagne était un cadavre, jc
l'ai funimée; lors de Illon départ, elle s'est re~
couchée dans son cercueil. »


Si la destitution d' Albéroni rétablit la paix en-
tre les divers Cabinets de l'Europe, elle ne la ré-
tublit poinl cntre les partis qui déjá faisaient une
gucrre terrible HUX sociétés. Depuis que les whigs,
ministres de la Maison de Hanovre, dictaient des
lois u l' Angletcrre, les tories, exclus du Gouverne-
ment et jctés, par cooséqllent, daos l'opposition,
vouluient restaurer la Maisc.n de Stuart, pour
devenir ses ministres. Toutefois, en haine dll Ca-
tholicisme, ils ne désiraient embrasser la cause
du Prétendant qu'autant qu'il emhrasserait lui-
meme le Protestantisme. Cette peur d'un Prince
}Japisle~ habilement cxploiléc par Rohert Walpole,
• fut le véritable appui des deux premiers Rois de
la Maison de Hanovre, quí, autrement, seraient
tombés an milicu des bUl'cs, comme Richard




- 1194 -


Cromwell , a qui ils n'étaient en rien supé-
rieurs (1). Il La faiblesse des Monarques engendra
la puissance des ministres. Walpole, premier lord
de la trésorerie et chancelicr de l'échiquier,
voyant que la plupart des membres du l)ar-
lement ne soutenaient une Dynastie étrangére,
l11ais prétendue nationale, que par intérét person-
nel, voulut fonder son propre GoU\'ernClllcnt
sur la cOl'ruption unin:l'selle. Shippcrs, chef des
.Tacobites, put résul11cr la situalion générale, en ccs
termes: ti Robert et moi, nous S0l11illC':i d'hounetes
gens, lui pour le 110i George, moi pOlll' le Roi
Jacques; mais 10us ceux-Ib. ne veulent (lue des
emplois, soit de George, soit de Jacques .•


Comme les Stuarts ue ccssaient point d'enlrete-
nir des intelligenccs actives ell Angleterre , \\,(¡/,-
pole avait un grand intéret ú mainteniJ' j'iul1ucllce
toujours croissante de la Cour sur le Farlemcllt. 11
lui sutlisait de prononcer ces mols caúalisliqucs :
a Machinations de gens ll1al-intelltiollnés, COll1jJlul
»du Prétenc!anl papiste, inlérets des protestante;,
)) balance du pouvoir, liberté et s(¡rett~ dl¡ lloyall-
» me," pour fascinerle pays (:2). ~Iilis il Cll abusa


(1) César Canlu, /list. l/Hit'. TOlll. \VII, ]>a". 310.
,:l) Tubit· SUlUlIelt, lJi.ll. d'¡\Ii(Jlrl., II:trl. jldl' 'j'al'~I',




tellement, qu'ils n'eurent plus aucun prestige
uaos la bouche de ses successeurs. George 1I ré-
gnait alors; et la trop grande aITection qu'il témoi-
gnait ü ses États d' Allemagne, lui tit témoigner
une grande haine par l'Angleterre. Le surnom de
IIanovrien était si odieux au peuple anglais,
qu'il n'avait plus qu'un seul cri : Point de Roi
de lIanovre! Les Jacobites, espáant briser enfin
le sceptre de l'J~'lecteur, appeJerent le Prétendant,
qui vint tente1' la fortune de la Mena1'chie. Une
restauration se fUt certainement accomplie, si
Charles-Édouard eút montré, a la nation anglaise,
un Prince protestant dans le Prince légitime.
L' Angleterrc, ayant ü soutenir une gue1'1'e géné1'ale
sur le Continent, ne pouvait dispose1' que d'un
[aible co1'ps d'a1'mée pou1' la gue1're civile. Allssi
la victoirc se déclara-t-elle d'abord contre la Mai-
son de Ilano.vre et pour la Maison de Stuart. Les
high\anders écossais étaient électrisés par la valeur
chevaleresqued'un «Princequi dormait sur ladure,
"qui dinait en quatre minutes et battait l'ennerni
»en cio(! (1). B On porta force toasts publics au
Prétendant; mnis tres-pcu de troupes se range·-
rent sous ses clrapeallx, tandis que ceux de Georg'c


(1) \1. Alll('dél' l'icllOt, lJisl, de Gliarles-Édo/lanl,




- 496-


attirerent des ren[orts clwquejour plus considéra.
bIes. Charles n'en poursuivit pas moins sa carriere
de succes jusqu'a Derby, affrontant la mort per-
sonnellement, mais évitant des rencontres qui au-
raient pu détruire son armée. L'effroi de l.ondres
fut aussi grand que celui de la Maison de IIanovre.
Déja le peuple fenlle ses boutiques; et Ceorge
fait disposer des yachts, dllns la Tamise, pour fuir
en Hüllunde. La bataille de Falkirk rcdouble les
anxiétés de l' Angleterre protestante; elles cessent
apres b bataille de Culloden (t7 avril i7h6), Ol! le
Prince catholique a 6t6 eomplétement défait. Le
duc de Cumberlano déploya tunt de férocité contre
les vaincus, blessés ou fuyards, qu'il fut slJrnommé
le bouclter de l'Écosse. Charles-Édouard, traqué
dans les montagnes, pendant cinq mols, par une
foule d'assassins, apres avoir perdu son armée, put
du 11101ns regagner la France, refuge mal assuré.
Car, en signant la paix d'Aix-la-Chapelle, pour
terminer la guerre de la succession d' Autriche ,
Louis X V prit l'engllgement de l'expulser. Charles-
Édouard ayant refusé d'obtempérer a ses orores,
il fut arreté, garrotté et honteusement conduit
1101'S de eeUe France dégradée qni ne s'honora plus
d'etre l'asile des llois matlteureua.:.




- 497 -


Cet acte de brutulité, commis par un Bourbon
contre un Stllart,déplllta. la nation; maisLouisXV,
ajolltaut les scandalesde la vie privée aux scandales
de la vie publique, ne désirait plaire qu'a madame
de POl1lpadour. « Le désordre des Tllreurs estde tous
les temps, dit M, Guizot; et depuis Fran<;ois ler, il
avait pris a t1.l Cour de France Ulle étendlle et une
puUjeilé déplorables. Les maitresses el les balareis
des Hnis étaient devenlls une sorte d'institutíon
reCOIlIlue et acceptée alltonr d'eux par les plus
honnetes gens. Louis \ 1 V fit plus qlle con linller
les scandales de ses prt~décessellrs ; il eut ta pré-
teutiol! de tes faire presque respecter et consacrer,
pilrce que c'étaicnt des scandales royaux; ils [u-
rent llon-seulemcnt publics, mais officiels el soleD-
llci~ comme la R()yallL(~ elle--meme, et bielllot les
hOIlIleurs íju'ils recevaienl a la Cour devinrent des
dJ'oits dans I'ÉLat (1), D Louis X V renchérit encore
sur Lonis Xl V. Ne craig-nant pas d'anéantir les blses
morales de la Monarchie pllr su propre ÍInmo-
rulité. le Roí tres-chrétien vécut dans un harem,
COlilllle le Sultan. Une courtisane, titrée ou sans
nom, menait il la bagllette un gouvcrnement qui
u'avait pllls aucun titre, sinon úla soumission, dI!


11) La i"¡'a,/re I( la !/(lisOIl (Ir- ROI(rilon a~-a/ll .¡ i~9_
¡!l,




~- 498 -


moins uu respect des homInes (le eecur. Esclüve
de ses passions et de ses caprices, Louis se rava-
luiL au-dessous de la hrute, el se ('royait pourtant
un etre moralelllt'nt supéricur, 1l0n-SL:lllclllent üllX
)'eux ue ¡'humani té, milis encore aux yCl!X lllt'l1H'
de Dicll. Car, un jour~ uyanL 1lll!lHlCl' Clloisf'ul dp
¡'enrer, Hue craignlt puillt d'ajouter : " Pour moi,
ú c'est nutre clIOSC; jc :iuis ruinl du ~';ejglleur! JI


La dissolut;on de:,; Jjl(J;IIl'S, lUllgt¡'lIljl3 parlicu-
liere ú la four, devint hi('ntút générale dans la 50-
ciété. Quolque le retour des nnciennes querelles
rcligieuses parút i!l!possible ell ce temps d'illcré-
ulllité systénwti(lll(~: elles n~COl1lmCllcl~rent Iléall-
moins, e otre les .J ¡¡ns(~nislcs et les J éSIl ites, a vee
de nouveuu\ scandules, autolll' de la hulle hdl/eni·
IlIs. L'archcre(l1Jc de Pill'is in!crdi(;:lit I';¡c!minjslra-
lion des ~acrc]llenls ú quiCOl](JlH; s,rail sllspec( dn
Jans(~nisme OL! ne justificl'dil pas d'ull hilleL de
confessiolJ. Le Parlcmc!1.t, henrem: de pouvoir
Ll'ouLler l' f::;lise, (\lo1's (Itl'i! Ilf~ puuvait point
troubler l'l~tnt, lllit en caUSf~ le préli1t, alin de se
prollolleer légalcmen t pOI! l' les J anSl'l1 ¡ s tes ef.
contre les .T ésui tes, e' es l<\ di re, CUll tre l(~ v('~rllable
clergé. ectte lulle du spiriluC'l (!t clu kmporel,
pW'rile dnns ses iucidenls , fnt lerrihie uans ses




conséquences. w On voyait ehaque jour le hour-
reau hrÍller des mündements d'évcques qui con-
testaien t au Parlemellt sa j uridiction; les recors
de la justice faisaient communier les malades la
hai:orlllctte uu bout du fusil (i).n Le rire satani-
que de Voltaire dominalt eette grave situation :
"il ne serait pilS milI, llisait-il, qU'OH envoyat
» chaque J~~sllite au fonu de la mer avcc un
o JUlJSéIlÍste all cou. )) Plaisanterie atroce qlli mar-
que l'urigine u'une démorallsalÍoll systématique
dont on ne saurail prévoir la fin. Au reste, la coa-
lition dll Par\cment et des Jansénistes contre les
Jésuistes exprillwit UIlf' sorte d'armistice entre
deux partís el1l1ellli,j, rdlli dll droit divin et eelui
du llroit hlllllain, suspendant leurs hostilités réci-
pr01jllCS pour H,pollsscr 1Il1!' iuterrentiou supé-
¡,icure, (fui i1Ul'ult pu sans doute pacifiel' la so-
ciété. Pa::;cal avait prétenllu, an nom de la religion,


<Iu'il n'existait de vérité pour !'holDme que celle
qu'il recevait par une eommllnieation surrliltu-
relle, ou mieux par une révélütion de Dieu (2);
el Voltaire prétendaiL, au IlOlll de la philosophie ,
ljll'il n'existe de vérité pour !'!Jomme que celle


(1) Vnltail'!', "ií'lle de LOlfis XV.
(:1) Yoir pllls 11:\111, pago :\9;),




-- 500 -


qu'il pellt prouuire par lui-meme. Le premier
avait fait dégénérer le parti du droit divin • en un
• véritable anti-philosophisme religieux, afin de
r. conclure a l'exclusion du partí Ull droit hllmuin; o
le second voulait faire dégénérer le parti du droit
humuin en «une véritable anti-Teligiosité phi/oso-
D phique (1), afin de conclure ú l'excIllsion dll parti
~ tlll droil divino )l De sor te que, l'un se croyallt
destint" a fOl'ltluler sOllvcrainellJcnl, uafls J'hUUlil-
nilé, le pri Ilcipe de la stabilité religieuse, sociulp
et politique, en excluant la raison hunlüine; el
l'autre se croyant destiné a forllluler souveruine-
ment, dans l'humanité, le principe du progres
religieux, social eL politique, en excluunt la fol
(li vine, ces deux partis devilll't'll L absol Ulllen t. In-
conciliables. En vain les .J(~sllites, valelll'ellx cllUm-
piOIlS de la foi eL de la r;tisoll, combattirellt -lis
lenrs tendallces contradictoires, parce qu'ellcs
étuient également funestes, el qu'ils voulaient
sauver le monde en le rmnenallt Ú l'llnité. Profi-
tunt de la propension qu'a I'bomme ici-bus de
préférer la maxime du mal a la lllaxime du bien,
les partis, coalisés contre eux, propagerenl le fuux
el détruisirent le vrai dans les sociétés, pour len!'


(i) lI(lené Wl'onski, voir tous ses grands ouvrages.




- 501 -"


ollvrir l'ere des divisiolls et des révolutiolls (tui
n'est pas encore fermée.


Comme les secte~ mystiques el religieuses ré-
duisaient l'homme a l'état d'automale, les sectes
philosophiques el matérialistes entreprirent de le
réduire elles-memes a I'état d'animal ou de brute.
00 déoaturait le buL supn~me de l'humanité sur la
terre, afin de mieux dénaturer le but supréme des
Elats. Or, les prétendus traités de morale ou de
poli tique étaient insuffisants il cet égaru, puisqu'ils
ne pouvaient renfermer qll'lln certaiIl nombre de
cOllnaissances, et qu'j! s'agissait d'embrasser toutes
les couoaissances hllll1aioes, pour eo exclure les
¡ois morales qui (~Xprilllellt l'action de Djeu sur
!'lIl1ivers. 00 COIlt;ut alors le plan d'un grand
ouvrage, devenu j)üj)ulaire sous le nom d'Ency-
c(opddie. Lue maiH sacrilége y accumula toutes
les négatiolls, pour prouver la non - existence
d'un ordre surnaturel, et toutes les affirmations,
l'0ur nier l'existellce d'un ordoonaleur suprerne.
A cólé des Ellcyclopédistes, el , cODcurremlllent
il\'ec eux , s'éleverent les Écooomistes qui ont
précipilé la civilisation humainc daos je ne sais
combien de catastropbes, SOtlS prétexte de fonder le
bonheur übsolu de l'homme sur la terreo en susci-




Lant l'auLagonislllc sanglant de l'individu contre la
soeiélé. Les Encyclopédistes battaient en breche la
cOllstitution lllorale du monde ehl'éLicll; el les
Économistes, sa constitution physique. eeUe secte
individualiste p]'(~Lendait eréer la 1'ortunc partieu-
liere eu détruisant la fortllne générale, par I'ap-
plieation oc ce principe tristelllenl célebre : I~((is­
se: {aire, laissez l'asser: (~x!lrcssion de la lihcrl(~
illilllitée, que I'on proclallwit sous les auspiees de
la tyranuie. Mais elle fut contrcdite presque sur-
lc-champ par la secte cOlllmuniste~ fluí voulait dé-
truire les proprlétés partieulieres en créant !ltle
propriété collective: dernier t81'me du probleme
révolutionnaire déjá universeJlelllcnt posé et mo-
ralemcnt accepté par lous les Bois de l'Europe. Cal'
Louis XV, l'Empcreur .Io,\(~p!J, Frédéric-Ie-Gründ.
Gustave 111 de Sublc, l' llllp(rdl'ice Catbcl'ine,
Stanislas de Pologne, cheb des sociétés olticielles,
protl~gcnt ecHe conjuralioll o!ll'die par les chefs
des sociétés secretes, dans 1'\lIlÍque bul d'anéantir
la scicncc positivc el li:! religion, le saeenloce et la
Uoyauté, l'Église et l'État, e' est-ú-dire ious les dc:-,-
seins de Dieu sur sa propre créution.


«{)u'eslcc fJílC le Roi/ s'écl'ie Uidcl'ol; si le prClrc




1.I~ail l'e:oudl'l', il dirail: ("csl IllOllliclelll' (I)!))
El ses disciplcs ;'épétf'nl e!l cho~!ll': l?crasolls l'i/l-
((tIIIC; 011 mieux, (~cra~()ns ¡out ce qui exprime b
Divitlit('~ dam! J'l.lUlllanHé, ()lloi'l'l'cn déno.llt;'ut, en
ce::; termes silll\'ilges el ú la gründe stllpdnetion
des [icuples civilisés, les rnpports !llOran:\. qui exis-
[cut entre le Trane cll'alltel ; bien plus, quoirPI'ol1
se pl'opO~Ül de lec; d(~tr:¡jre ¡'un pUl' l'alltre, les Roi.;
cilt)¡l)ljllues ne se ligllellt pas moíi;::; arce ks fall-
teurs d'anarchie, pOLlr anéantir, l;'Utl COllllll!1!1
d(cord, I'QJ'(lre de,; JéSlli!es. CdIJ~ puhsante ilSSO-
ciatiolll'cnfel'luc, dejmis !,!wicnl's si(;c1es, les hom-
llle~; sllpériellrs dr' 10.11'S les pay~. S'i!s dirigent en-
eore l'cnseignenwnL de la jeunesse, lis ont dirigé
les desLirH:~es des lllltions, aussi ¡ougtemps que les
Hois otlLcompris Ji! /I(;cr'ssitt: de fOlldcl' levéritublr~
Po tI voir sur le v(Ti lüble ~avoi r, En eHet, les.J ésuitcs,
alors maltres ele la seiellcP, étai(~lll parvenus ü ]'(;-
primcr l'exlellsion dll Pl'otestt:ntisme, S<lllS arn~tC'r
k develoPPcll1clll de In l':dSO!l humaine, donL ib
d(,Jendaiclll lcs deoils sacrés, soit. contre les seetes
reJigicmcs, soit con1re lps sectcs prétenducs philo-
SOplJitl'lC'i. (( 'Iais, loill d'entendre le progres ü lu


(1, l}/III'¡II'I'I,¡fillll ¡I. {'I ¡¡uf iIi ",', ,- Polili'!llC (11'.1 souu'¡'(/iI¡""
("\1, \ 1:, P;¡:;, :271'0,




- :,I)'¡--
llIéluicrc du siec!c, C'CSl-~i-d¡re COlllllle 1111 divorce
ayee le passé et l'I~glise, les .Jésuites restuicut
élroilement atLaehés it Rome. Le Pontifc c1ésap-
prouvait-il eertaines de leurs toléraoces'! ils Il'hé-
situient pas á obéir, dúl-il leur en eouter les C011-
qlH:~tes achetées par deux sieclcs ele nJilrlyres, el
l'espérance de convertir le plus grand Elllpirc du
monde (1). » Pendant que les Jésuites pOllJ'sui-
vaient ce triompbc sallltairc, Icurs adversaircs
conspiraient fatalement leur ruine. ~lais ils ne
réussirent a perdre cet ordre illustre, qu'en y
introduisant de faux freres qui, par I'inven Lion de
la casuistique el par d'autres rdilchemeuls mo-
rallx, y développerent ce tissu de méfaits, si injus-
tement attribués ü l'illstitUtiOtl ml~llIe elc l'onlrc
des Jésuitcs (~) .• Lorsqlle cel événement :-;'aCi'OIlI-
plit, les Encyclopédistcs avaienl déjü sllpplanté I(~:;
Jésuites dalls le conseil des Hoi5. l\Oil-SeulemeTlt
les SOlnernills catho!irlUt:<;> gram!s et pelits, pros-
crhircnt les Jésuites de Icurs I~tals respectifs, mab
lis formerenL le ¡¡rojet de bloquer HuiiH' pOli)' '50U-
lever le peuple contre le Souverain·Pontifc : ulli-


,1) ~l. Ct'Sal Cilulu, Ili,\/oire de Lent allS, Tom. 1", pag, 1.48,
1I'ad. par '\1. Amédée Héné, I'aris 1852.


(2) !lü('llé n l'ollshi, :ll¡j((i/lulitilfUC, pa;;. 5!.1.




que tlloycn dc pOUSSCI' la Papauté a déLruire elle-
müme cel ordrc, SOll5 prétexte qu'il fomentait I'a-
nal'chie dans l'Église. Clément XIV, Pape timoré,
désirait sauver eeHe institution en la transfor-
maulo C'est alors ({IIC Hied, général des Jésuite'.
tint ce langage magnanill1c : Sint ut Sltnt, aul non
:-silu; -- qu'ils soient ce qu'i1s sont, Ol! qu'ils ne
soient pllls. Le Bref de suppression (21 juillet
t i/3) fut élccueilli, par les vieilles sectes anti-reli-
gieuses, avec d'üulallt plus de joie, qu'il devail
ébranler le monde catholíque jusque dans ses pro-
fondeurs, jusque dans la sphere Ol! se forment les
g-énératiolls nouvelles (J), et qu'elles allaient enfin
les diriger dalls la \'oie révol u Lionnai rc. A llssi,
loin d'imiter les Ruis catboliques, Frédéric-!(~­
(~rand et la Gründe Catherine, non cOlltents de
pro tes ter coutre cet acle du Saillt-Siége, conser-
vCl'c:nt-ils les Jésllites, ú cóté de leurs Églises di5-
~iclelltes, mais dans leurs propres i;tals, en décla·
rllllt qu'ils " ne connaissüieul pns de meHlenrs
n pretres ni de meilleurs inslitllteurs. D


A peine celte société officielle, qui avait tou-
jours eu ponr but de régénérer l'Église et quel-
quefois meme l' État, fu L-elle délrui Le, comme


(1) Léopold I\auke, ll;stoire de la ¡'alllwle. Tom. IV, pago bOO.




cOlIgrégation religicllse, par les (;ollvernrrncnh,
qu'on vit se créer cOlltre les Couvefllements \lile
foule de sociétés secretes, COlllme congrég-ations
politiques, ayant ponf but de constitner un anll-
l?tat et une anti-Église (l), ou JIljeux de sllbsti-
tuer des Pouvoirs occulles nux Pouvoirs publics.
~]yslériellsemen t ligués dans ce dessei n révol u Lion-
naire, les l'OSeS-cl'otl', les {l'(lIlcs-ma(oll.\', les illllll/i-
nés, etje ne sais comhien (['autre,; sC'clcs, illliuIIIC-
rent Ollvertclllent le despotisme eles Hois, en dé-
fendant la liberté des PCllplcs. Le::; divers or(lrc5
de l'État n'exprimerent plus des lors que l'anarclJie
universelle. D'un ct'lt(~, les amlir~s ,1llX sociéu'~
5ecretes chel'chuicnt !'expression de leurs droits
clans le COlltrat sociaL, oü HOllsscau protestait COI1-
tre toutes les institutions ~ociales, en llaine (L~ la
Monarchic et pal' amoll[' jlOI!l' b Hé[l¡iI!Jiq!J(~: de
l'autre cóté, les Parlements trollvaienll'expressiol1
de leurs devoirs d,ms l'EsJwil (/rs [ois, Ol! MOlltes-
quien opposait la Hoyauté constitnLionnellc d' An-
gleterre ú la Hoyanté absolue de Frullce, La pl'e-
miere opposition, transformant It! Boi en Tyran,
avait armé Damiens d'un poignard régiclde; la
seconde opposition armait la Magistralllre d'nn




lype de g-ollvt'rnellwnl ![u'cllc voulut réaliscr,
t\'une mallil~re légale , en S'illtitulanl : Classes
da Parlcmelll (lit lIoyrllllne, et en prétendant
" représenter l'Etat eutier, divisó en différentes
» COIiJ pagn ¡es, q II i tOIl tes repré,;entaiell t les États-
• Généraux pcrp(~tuels de la ~]onarchie ('l). •
Louis X V !lC pouvait admettre les prétentions de
la '\lagistrature satis délmire iui-meme la Royaulé.
C'est en cetlc occasion (lile la IJuharry se procunl
le tableau oll Van Dyck nous montre Charles Irr
ruyanl devaut l'armée de Cromwell, et qu'elle dit
a u R oi : « La France( elle donnai L ce nom a LOllÍS X V),
"mire-toi dUllS cellc pcinLurc. Si tu laisses faire le
• Parlement, iI te f('ra couper la téte, comme celui
',' cl'Angldcl'rc ü Charles 1". D Non, Dicu ne devait
done pih réSl'ner le son de Charles 1" á Louis XV.
Apres avoi!' long'lemps défiguré la MOl1urchíe sU!'
le Trcme, ce Prince n'aurail jalllHis pB la transfi-
gurer sur l'échafaud. Le plus vicieux des Bour-
hOl1s réussit oú le plus vel'Lueux des Stuarts avait
!"choué. Les coups ¡['Etat de LOllis XV triomphe-
relltmalgré l'inllllo)'alité de ses desseins el de sa
vie ; mais les nobles tentati res ele LOllis XVI avor-
lerent, malgré la moralité de ses vues, de ses prin-


J) \ültail'l'. sildr de Louis XV, ('hap, \'l.




-- ,d)8 -


cipes eL de ses actes, parce que le lIlCUI'Lre d'un
Roi juste, victime des iniquités temporeHes, était
sans doute nécessaire, sous le rapport de la justice
éternelle, pour accomplir la Rédemption de toutes
les Royautés.


Quoi qu'il en soit, le regne du Monarque ulur-
tyr, exprime, dan s l'histoire de l'Europe, l'époquL'
la plus surhumaine et la plus inhumaine. L'exis-
lence de la MOllarchie ('tait deventlc problémati-
que avant la mort de Louis XV; eL touís X VI, pres·
sentant la nécessité d'un ordre meilleur en monde
el en politique, ou micllx d'ull ¡¡Ollveau hui qu'i1
rallaít c10nncr ¿l, rElal, si I'on voulait répl'imer
l'anarchie qui régnait dans les esprits, entreprit dG
vastes réformes, arec l'espoir de prévenlr les réro-
lutions. La honté, le savoil' et la 8"énérosilé du Hoi
plaisaieut HU peuple, illtéressé ú la r¡':génération
sociale; mais son irrésolutioll plaisait seule a l'é-
gOlsmc des sectes, intéressées uux "iem. abuso Vol-
laire s' écria : • Si LOllis X \ 1 con ti ti ue, il ne sera
)) plus question du reglle de Louis Xl V. Jc l'estime
J trop pour croil'e qu'i! puisse fuire tous les chan··
, gements don t on nous menace. » Le POllvoir
occulte dirigeait ouvertcment cc Monarquc daos
le choix de ses propres ministres. LUlIis cherchüit




- 509-


des réformaLeurs, on lui lrouva des révolutionnai·
res. Quand Turgot fut entré au ministere, l'esprit
de destruetion espéra n'en plus sortir. Voltaire se
hata d'éerire au Roi de Prusse el a. d' Alembert :
« Si rous avez plusieurs sages de eette espeee dan s
votre seete, disail-i1 ti ee dernier, ¡'infame estéera-
sée. h " Les pretres, disail-il au premier, sont dé-
'3espérés : e'est le príncipe d'une gt'ande révolu-
lion. " En eflet, Turgot était allx Économistes ce
que Voltairc était aux Encyclopédistes. Pour sup-
primer les abus, e'est-a-dire le mal qui régnait
dans la société, au lieu d'opérer les réformes,
c'est-i'-dire le bien, iI supprima positivement la
société. l\on content de mettre l'anarehie dans
l' État en orgunisullt le libre-échunge, iI mit I'a-
narchie dans l' A telier en détruísant les maitrises
el les jurandes, tlU'iI aurait dÍl régéoérer. Le Par-
lement, nyallt refusé d'enregistrer ee dernier édit,
Tnrgot eut reeours a un lit de j uSlice, argument
du despotisme, pour conclurc en faveur de la li-
bertl! illimitée. L'opposition parlementaire ne fit
si lencc autour du Gouvernement, qu'aprés uvoir
prédit un Rol, par l'orgüne du premier président,
l'en~iel'e dissolulion de la Monarchie. A peine Tul'-
gol avnit-ii Irioll1phé du Parlp.medt, lju'il fllt vitioru




- 510 -


par l'opinion publique; el Louis XVI dut l'aban-
donner. Les corporations se releverent apres la
chute du Ministre; mais si la constitntion physique
de la société restait intacte, sa cOllstilulion morale
ptait complétement défaite.


eeHe manie de tout détruire pour ne rien crépr,
longtemps parliculiere ú la FraIlce , dcvínt prcs-
que générale en Europe. A yo nt. YOlllu régén¡\rcl'
son peuple malgré luí-llJeme, le Roí d' Espüglle
faiHit etre massacré (176G). Durant ces journées
insurrectionnelles, Charles III dut son salut aux
.lésuiles qu'il proscrivlt l'anJlée d'apres, Le Portu-
gol! aurail béni le n'Ji Joseph, s'il u'eút maudí 1
son ministre Pombal, qui sapaít les ínslitulions
nationaleset les croyüllces rcligicuses, 110m établil'
quelques 10is poli tiques en rcnversanl Loult's les
lois mora les. Frédéríc se llloquait des pj'(~lres e I des
philosophes: aussi ne prenail-il al! séricux que tes
éCllS el les bataillons. L' Angleterre, sorlie de ses
ancienncs crises, apres avoir remersé la Dynastic
Ull urolt divin, pour élever la Dynustie du droit hu-
main, entrall dans une ere Ilouvelle avec de
granos oruteurs et de granos ministres: vériLu-
bIes Souverains ayant le Roí pour sujet. üu ne re-
cherclwil l[ue (lt~S idt'·(·s pral iqllC's Juns le Parle-




- 511 -


lllenl angluis, tanclis que dans la plupart des Cours
on ne rcchcrdwit que des idées chimériques sur
tOL1 te ma tiere. L' Elll pereur .1 oseph, malheureu.J'
dalls toutes ses enlreprises el daus foutes ses Té·
/'orlllcs. subil les remontrances c1u consell de
¡:Iandre, quí luí reprocha d'avoir fait plus d'onlol1-
llanees, en quelques anuces, que Charles-Quiut
ll' ell a \ai t renclu en cill(l uan te ans. Ainsi, les Rois
':tai':ill dercl1us n'volu lionnair~~i; el les peuples, all
cUlIlraire, élaieuL reslés conservalcurs.
~iais, ceite situation élrange allait bientOt chal!-


gel'. i)l'jÚ le parlage d.:: la Pologne avait jett~, en
ElIl'Opl', IIll grand Hombre oe Po!otlilis uont les
plaintes reLenlbsaIlL au CleU1' de chaque peuple,
incligllÜicllllcs lwtionalités opprimées conlre les
llois 0upr('sscurs. Ainsi, l'ablls de la force réveilluit
¡>ilrtoul le scnlillleut Ull o1'oit. L'autorilé lllonar-
cIli1lm: avalt elé longtcmps une Providence tuté-
!aire OCvHllt laquellc lout le monde s'étalt incliné;
lllli:í, puijriu'c11e devenail une Fu~uliLó désespé-
rallle, üll pouvait prévolr le momcnt ou tout le
monde se lr~verait <JU nom de la liberté révolution-
nalft:. Ce revil'cment d'opinion n'écllüppa point ú
['(eil observuteul' de Frédéric, sur qui ocvait rc-
lomlwr I'prrrJyalltf' rr'sjJonsabilit(~ drs (·\'(':nemrnls.




- 512-


Et le héros de Machiavel, se transformant aussitót
en un héros de Plutarque, voulut eréer l'unité mo-
rale de l' Allemagne, upres avoir inventé le ¡Jai'lage de
la Potogne (1). Les ent1'eprises de l'Empereur Jo-
seph 1I eontre la Baviere lui donnerent l'oceasioll
Uf' rompre avec la poli tique de l'égoi'sme, et d'agil'
enfin pour le bien ue l'humanité. La ~laison Pala-
tille, héritiere du uuc Maximilicn-Joseph, COll-
sentait ú échanger contre les Pays-Bas, érigés en
Royaume de Bourgogne, une partie de la Baviere
que la Maison d' Autriche voulait absorber. L'équi-
libre du Pouvoir Il'existait plus dés 101's en Alle-
magtle; et la France \uyait uisp¡,l'ailre une bar-
riere qu'elle avait fOl'ln(~e avec uutant de sang que
u'argent. La vér1tab\e gloire de Frédé1'ic-Ie-Grunu
sera d'avoir elllpeehé eette destructioll de la Ba-
viere pour l'aehcter la dest1'uction ue la J!ologne.
Enlin, le Con gres de Tesehen se réunit saus les
iluspices de la Russie et surtout de la Franee
('1779), qui fit prévaloir son ancien droit de fixcl'
la pondératiun des Pouvoil's en Europe. e'est la
que Fródéric organisa une ligue des Princes alle-
mands ayant pour but de défendre les drJlls de
chilcun et de tous contre la force, de maintenir




- ,.,[;, .. -


en vigueur les vieux priviléges consncrés par la
Bulle L'Or, et de pl'oJuire un nomeau privilége,
l'ésultal d'une itlée llollvelle, en pla<;allt l'unit('
p/'l'lIlanique sous le patrollagr~ dI! Roí d(~ Prussl~.


Lit Frnnc(~ avail bttte de rótillJli¡' Id Pilix sur le
COlltill{'nl ele I'Ellrope, afin de lJl¡\~IIX Itiltel' CU;ltrf'
l' Allgleterre sur les mers d' AllH~ri(llJe, Olt elle se
dU!lIJait la trisle gloin~ de S()lltt~llir !IIW d(~m(lcra-
Iji' iJiii,'.,-;¡Ul[e cOlltrc tI¡Jed:l('i(:,IIl(~ uris!ocratie, (>sp('-
)'élllL dl'dccr aiilsi lit hOJíte el Ic,~ r.:vc/'s dI: la glit'ITi'
dt, :-;epL Ans. 11 CH l'l':~llllil (111" l'All~\';(;L'r¡'(, ¡Wl'dit
Il'pize Ilrillc¡plIutt',,;, (kv¡:llues libl"~é; f:l :ioll\'l'raille,;
"¡¡IIS le !I\)11l dI: Ité¡)/I{¡fü/lli? (les ¡;(llIs-Ui/1's d'_lméri·
l/ue; (~L que iLl Frallce regagna (ludqllCS pO:iSCSSiUIIS
dans !'lude 011 ailleurs ([raité de Yerd¡lilles, 'líR;;).
\Iois ces béllt~lices matt~ri(~ls IlC uev¡¡iellt point
('I!Ulpenser les perLes morales qu'elle venaiL (/'é-
prouver,aux yeux dn monde civili::-.é, en légiliu\éllll,
par ses propres acles, le príncipe de l'inslIl'redion
des peuples contl'e les Hoís. Cette poli:iéluC réro-
lutionnaire avait été imposée par ¡'upinioll it qui
Louis XVI obéissait, faule de savoir lui comman-
der. LI guel're fournit it Nr'cker ['occasion de Plt-
blíer son fameux C'omple-Reltdu, pUl' lequ'é'l ce mi-
¡¡jSlj'·.', s'llu!'ihllill¡l ¡dil' ,\ ¡lli-¡¡\(~nli' (~I il';¡C,'ordant


111, (3.1 ~~




- 514-


rien au Roi, transformait la Monarehie absolue en
une Monarchie eOllstitutionnelle ; et la paix, rame-
nant en Franee une génération milltüire, qui avait
entendu proclame!' les clroits de l'hollllllC rmr le
Congrés de Pbilarlelphie, au 110m ele I'ég-alit l \ hn-
maine, fit éclore des idées répnblicaines dans la
soelété lllonarchique oi! l'on OppOS1\ la Sonverai·
l1elé du peuple ú la S(lll\crailw!(~ (111 Hoí, solt pom
suhordonucr eeHe-cl it cdle -lit, eOlllllle el! An-
gleterre, soit pour [aire détruire la seconde par
la prenliere, comme en Amél'iquc. L'antagonisme
absolu de ces deux Souverainetós, ou mieux du
droit divin et du dl'oit hUll1aln eherchant a s'eu-
tre-détruire tour-a-tour, devait commeneer dün~
le Parlelllellt et finir dan s la rue. Quolque le déficit
du trésor eut ét{ í'aci]emellt COlllhlé ell d'ulltres
cil'constances, il devint un abiuw sans fond 011
toute une grallde société vint s'anéantir. La ma-
gistraturc, la Iloblesse, le clergé lui-meme, toutes
les cIüsses privilégiées se liguerent contre l'üuto-
rité royale qui youlait fher le droit curnllllln en
matiere de finances. Au resle, la faihlesse ll1alp.-
rielle du gouvCrnen1Pllt, prétextc de l'oppositioD,
n'était qU'llne conséquence de su falblesse morale.
Cür, en parJünt de son propre ministre, Brienlle,




- 515-


areheveque de Toulouse, Louís XVI disait avee in-
dignütion : Cel/wmrne /le croü pas ell Dieu! Puis-
qu' on étnit sorti des voies de la Providenee, on
devait entrer dans lcs voies de la Fütalité.


Le Roí espérü vainere le Parlement au moyen
d'un coup d'État; mais le Pürlement trloll1pha du
Hoi en proclnmant ulle u,claration des príncipes
const1lu tif:; d ti Lloya u me. « Lt Franee, disait-i1, est
une 'lonarchie gouvern(·c par le !loi conformément
aux lois qui établisscnt : 1" Le droit au Tróne de
la Maboll \'(;~oante, tle mate en male, par ordre de
primogénilure; 2" le droit de la "alion de consen-
tir librcment lec; subsides, par I'orgaue des États-
Cénl~raU\; 3" les eoutu'lies et lcc; eapitulations (les
provinces; liu l'inamovibilité dl:s magistrat:-i; G" le
droiL des Cours dI.' ,,(',rilie!'. dalls clwque province,
les vulout(;s dll Boi eL c;'en ordunner l'enrcgi::itrc-
ment, seulement en tuut qu'elles sonl con-
formes aux lois constitutives de la provlnce et aux
lois fondumentulcs de rEtal; (j" le droit de tout ci-
toyen d(~ u'dre lradnit llll(~ deYlmt ses jl1ges mtu-
reh; 7" eldin le droit, ([ni esl la garantir' des all-
tres, de ll't~tre arrell~ que pour etre relllis imlll(~­
dia1ement aux jllgcs COllJpélenls. )) eeUc déclar;¡-
¡ioll de prjnciJ(·''; 1'¡1:li: ti' Pilr1CtlH'1l1 JloPlllüire,




- S~\) -


par cela seul qu'il réagissait, nu nom de la liberté
légale, contre tous les actes arbitraires de l'uuto-
rité. "tille clubs se formerent aussitót daos Paris
Ol! les hOlllIlles. qui voulaicnl tout détruire, oc
pilrlaient plus que de tout ré[Ol'lller. Louis X, 1.
ayant « tres-peu d'ambitioll pcrsünndle uam le
Pou\oil' (1), ); prolllit de con\ ofluer les Etllh-{~(~­
lJéraux (K íiO¡)t líOb). ¡;t invita Ch¡H{!W ol'dre, ou
mieux clw(!ue illdividll, iI IIJi il.dn~t'r sull alis sur
le llleillenr nlOy(~1l de COlll¡ ,osel' cette l'('pr(~senta­
Hün natiünale. Au lieu dl' rósoudre lui-meme le
problcme du pl'{~sellt, il mcLtail aux yoix le pro-
hlemc de I'üycuir. II dúclül'iliL ü la socitM~ ofli-
deBe (IU8 la France {;LlliL sallS lois fixes, sans con-
stitution proprc, et semblüit dÜllller raisoll aux
soci(~tés secretes, qll i prüendaicll t fa ¡re table ras(-'.
On a ttaqua sur-le-cham pies abwo d u gOll vel'lle-
mellt, et puis les bases memes de toul gouverne-
ment. On réclama la liherté individuelle pour
conc\ure ü la su ppression des leUres de cachet, üll
mieux a la liberté ulliverselle. On proclallla l'(~gü­
lité hmnaine , sous prétexle de rébén(~rer un ftal
constitué sur l'inégalité des c1nsses, ayant ChaCIIIl('
",'s privill'g('S, ses iUHll!lIlités, ses al'fections el


(1 \'. uní/u!, /.'l 1"1'(/11(;' ('/ lIS /lOI/I'I¡OJlS '1/1/111 17t>9,




- J"


)I~S n:~plllsiollS qlll fOlllCnLaieilt l'allta¡.;onisUlc de
l'f"~pée et de la robe, du nohle et du rotuder,
dll Dourgeois el dll prolétaire. Tout le monde
cOlllpríL aJors fJll'il se préparait en France un
nOllvel ordre social et une nouvcllc forme de
gouvernement, c'est-a-dire une révolution c10nt
['issue devait etre salutaire on fatale, sllivant que
ses principes :-;eraienl conformes ú la destination
positive ele l'homme sur la tene, Oll que ses actes
seraient altentaloires aux glorieuses destinées de
I'humanité.


Le Purlement I'efuse d'el1J'eg-istrer la COI1VO-
calioll des États-Généraux, a lllOins (lile chaque
or"c1re n'nit le droit de délibérer séparément et
el' opposer son /'Cio particul ier a ux résol u tions des
delJx ¡¡litres (mires, COllllllC cela s'est pratiq!lé
(~Il 1 (j IIJ. Ccttc n\:iislance a pOll!' hut d'arreter
le U1ouvenH'nl de la Bourgeoisie, qui prétencl fon-
del' su dOluinalioll exclusive, et flont I'ahbé Siéyes
résume tou,~ les scntillW!lh (lans sa brochure cé~
k:bre: ()/l"CSI-('C 1/111' /r 'l'iel's - Htat? Cédr\!lt aux
suggestions de [\(~ckel', Louis \.Vl convoque une
asscmhlée de notables (8 novembre iíR8) , ou 1'on
croH concilier les intéreLs de l'aristocratie et les in~
térets de la (kmocratie, en accordant au 'fíen;·




Étal UII nombre de déplllés égal ú cellli des dCIl:\
mItres Ordres réunis; mais on tiC fait que micux
éclatcr la contradietion universellc de tOI1S le~,
intérels de la sociélé. Cal' la [toyautr', rntraln(;¡;
hors de sa voie par le:;: partís, 11C S'ilpp;¡l'tí!~lll plus,
el devient. un instrument eontl'c ellc-Jltl~11le. Rotls-
scau a dit : (( Je ne erois pas que les grandes
» ~lnnarehies subsistent encore longlemps. " \1";11-
tenant on prévoit le SIlCC(,"; d(~ la Hé¡Hlbli(l'IC, c'csl-
a-di re l' exclusion du droi t di vin par le tlroi t h ll-
main, puisqu'nu parti considérahle vellt substitucr
le dogme de la Souverailleté du Peuple , l1(':~alioll
de toute légalité anlériellre el sup(~riellre, an
dogme de la Souverailleté du Roi, qui en est I'¡¡[-
firmation néccssairc.


Cependant, les États-C;(;tl(~t'aux vjelHl2nl de S'Oli-
vrir (5 mai ~í89), ct Loui::, X VI leUI' parle en ces
termes: " 'foul ce qU'OlJ pcut c1enlanclcr Ú un SOIl-
verain, le premier ami de se'i ¡¡euples, vous puu-
ve]" vous devez l'csp6rcr de mes scntiments.
Puisse, messieurs, un hcurclIx deeonl régncr dalh
eeUe Asscmbl6e, el ectte époquc dcvenir a jamais
ll1émorable ponr le bonheur et la prospáiLé du
Hoyaumc. 1) Les sentiments de la nalion soul




- ,¡ ¡ ',1 ----


cOllíol'mes ,\ cel!\ di¡ :\lunarque. ?\lilis ecllli - ci
él convoqué les f~tats pour rétablir les finances, eL
eelle-ci envoic ses députés pom renouvelcr la con-
stitulion du pays. Lcurs caÍliCl'S déclarent , il cst
\Tai : 10 que le (~ouvernelllent frallyais est un
(~ouvernell1ent monarchique; ';20 que la pcrsonnc
du Hoi est inviolable et sacrée; 5° que la Couronnc
est ltéréditaire de mélle en m~Ue; {¡" que le Roi est
déjJosilaire du POlHoir exécutif; 5" que les agcnts
de I'nutorité sont responsables; 6° ¡¡lle la sanction
royale est nécessaire pou!' la proIBulgatiotl des
¡ois; 7° que la Nation fait la loi avee la sanclion
rOyüle; 8° que le consenlcmcllt nütionül est né-
cessaire Ú l'clllpruIlL et Ü l'impot; 9" que l'impót
ne peut elre aeeol'llé que d'une tenue d'États-
tiénérüllx ú une autre;1 O" que la propriété sera
sacrée; 11" que la liberté individllelle sera sacrée.
Sur ces bases incontestables et encore conlesLées,
il parait facile de meLlre d'accord l'autorité lUO-
narchique et la liberté nationule, le droit diviu et
le droit llullIélin : cOBsidérés COlllme éléments es-
sentlels de toute bouveraineté. lUaís, ú colé de ces
princi pes géllél'ldclllen t a voués, les cahiers renfer-
ment d'autres principes restés ü l'éLat de pro-
bh~llles. On se demande, par cxemple, si le Hoi




llltioilllCllc:, d[[ Huyaullw;1 Si le Hoi ama le droíL
dc r,lrc cle:i ¡oi.~ provísoires de police et rl'admi-
llistration dans l'illtervédJe des tenues des Etats-
Générnll\ , et :íi ces ¡ois :icront sOllllliscs Ú ]'cllre-
gistrell1Pl1t rl0S Coms sO¡ln~railles? Si le noi pOUrl'il
convOI(ller, prorogrr et dissoudre les 1;:tílts-(;r'~Jll;­
fHUS , 011 bien si [es ttats-Générallx nc pOlllTiJllt
étrc di"~;uus que par ('ux-t1lcmes :) Si les Etats-Gé-
néi'i1ux serollt perlll:lIlCllts ou périodiques? Si tes
trois Onlres seront reuuis dans une seule et meme
chaJllhn~ ? Si 1'011 formenl un quatrierne Ordre :
celui dl-'s pays(ln~;:) ;';'il y aura dcs incompiltibilit¡ss?
Cotnhien il frl!¡dra de '"ois pOllr qu'i! y ait une ré-
30lntioll forlJiclle? Si la liberté dt, la prf'ss~~ ~(~f';l
limitél' 01\ illi!l!ítér:l ."Ii ks I('tlres de cnc11"! ~I'rfln'
!1ldinle!IlH:~:; j El Id st)lutio!! de ces pl'ohl(\llIr~, di':,
battus sur le i"j")'aill ní\'IIW dl~ la ~oll\"l;rélinel(~. litl


¡"i r~ trollveC' ['''1' lleí Jégi~.!ntC'llJ'S qui cherclJclJ l .
(:'1111 c(Vr, la \lr'llilrchie al:so111e. POil pilS avce
Lo:lis XVI, lJWiSilHC la Cour, Ol! la ~joi!aj'(;hie re-
!é\livp avec ',;~q1lf'~q[¡jell : de J'autre cúl{~, la n(~pU­
bliquc d(;mncratiql!(~ üV('C HOllSSE'ilU, ou fu R(TII-
bliquc al'Ístocrali(pl<' mee Lilt'ilycllc, SOllS prétext,,:




~ .. " ,
-,).:> -


de découvrir le nouveall but du Gomernelllenl el
ele la société.


Cet antagonislllc des idées aussi bien que des
intércts éc!;¡ta IOIS de la vérification des pouvoirs.
Le Tiz'l's-Étal désirait la faire en commun, tandis
(¡Ile le clergé et la noblesse youlaient y procéder en
plrticulier. COllstituer une scule Chambre oú l'Oil
volel'ait par tete et non par Ordre, c'étüit touLe la
ré\'olution pour la Bourgeoisie, qui se considérait
comme représcnlallt toule la nation; constilucl'
deux Chümbres, á I'in:-.tar de l' Angletcrre, l'ulie
de la haute aristocratie, l'autre des communes,
c'étaiL, au conlraire, toute la révolution pour la
lloblesse, qui se considórait cornrne formant unc
ruce positiv(~ll1ent supérieure, C0ll111Je l'xen;ant
11I1e foncliol1 sociale et poI i tir¡ ue en ti(~remen t dis-
¡¡!lete. Nulle eoncilíatiOI1 ll'ayant pu s'opércr entre
la nobl~ssc et la })()ul'geoisie, les COIIlI111I11eS .··C
constitnerent elles - me mes SOllS le 110m d'As-
sClIlblde l/aliollate : de sor te que Icur premier vote
fllt un acte de Souvcruineté (1). Louis XVI au-
rait moralement ll!Jüiqué, s'i1 n'était pas illter-
renu. La s;dle des États est fermée pour les prépa-
ratifs d'unc s(~atlcc royale. \lais les députés des


¡ 1) ,1. ~ligll('l. llisl. de la revolat. (i'illU¡. chapo 1", p~g. [¡'J.




Communes , au lieu de :mspcndrc leurs séanccs
J'évolutionnilircs, se réullisscut uans un jeu de
paume, déchirent leur mandnt impératif et jurcllt
« de ne se st~[larcr que la constltution du Roynlllllc
et In régénération publique ne soíent établics et
affermies. » ,\ la séance roynlc, le Hoi hlúllW les
acles hostiles a l'autorité 1l10narchique, sans por-
ter aUeinte aux véritables principes de Iibert~'.
Aussi le Tiers-État va-t-il évacucr la sallc ponr
obéir á Louis XVi, lorsquc ~lirabeau s'écrie
el'une yoix puissante : a J'avollc que ce que
vous venez d'entendre pourrait etre le salut dc
la patrie, si les présents t1u dcspotismc n'étaient
pas lOlljours dungcl'eux. » Pllis, se rctoul'nanl
vcrs le grand-mnitre des cérémonics: « Allez
dire ú volre maitre. pOllrsuit - il, <I!I(~ nOllS
sornmes ici par la pllissance clll pcuplc ct (file nOllS
Il'en sortirons que par la plIissance des baion-
ncttes. Et nOllS, assurons notre ouvrage en déda-
rant inviolable In personne des d<'~ptllés allx Étllts-
Géuérul1x. " Ql1oiqlJ'il se soit décl(ll'é illdividllclic-
ment et collectivement Souveruin, le Tiel's-l~tat ose
demander au Roí le renvoi de ses propres troupes
et ce l'établissement de gardes bourgeoises dan~ Pa-
ris et Versailles, pou!' se créer une arlllt.'~e <fui




détruira au bcsoin celle ele la HOYilute. Louis X \ (
!loit réagil' cOlllre une Assemblée factieuse eL dé-
remire ses droils supremes : base juridique de
l' Etnl, EIl COllS(\quCof:e, il fait avancer ses troupes,
;1/1 jicu de les éloigncr. ~jais les drI¡wtés fratcr~
niscnt aussitÓl avec les dectcurs de Paris, quí,
l'éllllis pOllr nOl1llller leu!'s représentanLs, n'ont
pus cncare 811 le temps de se s(\parer. 00
leur cOllseiJla de s'emparer du gOllvernernent de
la capitale , ú l'instar dll Tiers-État qui s'est Ctlt<;'
pé\r(~ du gOllvemclllent de In Francc. eette coali:'
tion du bourgeois representallt et clll bourgeois
J'l'présentr'~, entralile la défection des gardes-fran-
vaises et la forma ¡ ion de la garde nationale sous
les InUi'S croulants de la Rastille; inaugure le re-
gnc dps violen ces ; an(:antit le POllvoir légal el
fonde le POllvoir révolutiollllaire, aynnt les jom-
uaux, les clubs, l' Assembl(~e pour organes; ayanl
pour ministres lout un peuple illsurgé! ("esl
/lllt ul'o/Ie.' f"(~('ria LOIds XVI, en apprenaut ce~
¡¡l/Uvc!!;:; : iVOII, Sirc, luí répondil ie duc de Lian-
court, c'esl 1IIIe dvolulioJl ;


Les l~vélltIllents suivaicnt une marche si ra-
pide eL si régllW~rE', au milieu de ce désordre ,
(lll' on ti nt sou p~onner re~isLencc el' un vaste COtl1-


.. ,




plot tramé COlllrc Louis "\ Yl et conl!'\: la :\IOi¡ill'-
chie. Ce complot, le parti royalisle I'altribuait élll
duc d'Ürlóans, ú cause de I'antngouisme des deu\
branches de la )laison de Bourbon qui allall
etre exploité, non-sclllcment par l' Angleterrc
1110ntrant á ce Prince la possibilit(~ d'ullc r(~,,­
lutíon dynastique, ilU moyen de laquelle II pourraiL
~)'élevcr al! Tronc, arres en avoir [ait desc(~nclre
loute une race de Rois, mais encore par le parti
démocratiqlle, c'est-á-dire par les socidés secretes
po nI' qui ce Prince devenait un instrnment de ré-
volte populaire, dont le hut ne pouvait étrc quc
la République. (llloiqu'i! en soit, le lloi et l'Asscm-
bléc elle-meme se trouvaient ú la merei d'lIilC
IUsurrectíoll triomphante, que dirigeaicnl des chef:-i
\lly::.léríeux, s~ I1lhoJes clu POllyoir occllltc, pon!"
délollrner la n:~\'ollltion de :.;(~:; lins 1l1l~'llstes el.
pl'oYidcntielles, en clétrnisi.lnt tous les Pouyoir:"i
pllh1ics, qut'ls qn'ils fuss,'n1 d'uill¡'urc;, e'cst-ú-c1ire
J'ordre social SOWi toutcs les lnl'llH:s jl()s~iblcs, el
en eréant I'ilnal'chil~ c1illlS slln I'Xj1l'cssion 1;1 plus
sauYage. ell rnpprcclH:ment s'op(;ra \'ntre le Boi
el les d!~I)llV~S, éga\cmcnt intércssés ú yaincre el;
farouchc ad\'ersairc, présent pélrtouL lllilis p:lrtout
invisible. Louis X. VI, ne connaissant pas la pcur ,




- 525-


lorsque le danger ne menace que sa personne, en-
tre uans l' Assemblée, sans gardes ni cortége. « Eh
» bíen! e' est moí q u i me fie a vous, dit-il. ~ Sa parole
est comerte d'applaudissements. Une députation
de l' Asscmblée porte il París la nouvelle ele sa ré-
conciliatiol1 ave e le Roí, et en rapporte un pré-
tenelu vu~u des habitants. On désire que Louí:; XVI
vienne sanelionllcr I'(~l(~etion d(~ BailIy, préside:l!.
de l' ASSelllbléc, (lui il été nommé mairc de Paris,
et celle de Lafaydle, nommé cOl1unandant de la
garde honrgeoise, ou lllieux qu'il víenne reeonllui-
L/'l' ]'existi:llce légale d'un POIl\'oir constituant, qui
'i'e~11 COtlstitu{: <le lui-meme. Baiily se rend au de-
vanL de Louh \ VI, ú la tete des magistrats civils
el des garetes naLiouaux. " Síre, dit-il, j'apporte il
Votre Majcslé les c1cfs de sa bonne viHe de Paris:
ce SOll L les llH:~llleS qui ont été présentées h
ti enri IV. 11 avait reconql1is son peu pIe; ici le
peuple a reconquis son RoL » Ces paroles résl1-
mcnL toule la situatíon; ear la Souveraíneté du
droil divin s'efTacc devant la SOllveruineté du droil
humaln. Louís XVI est rCifl1 a I'Hotel-de-Ville,
sf'lon les riles ma<;oniques, SOtiS la voúle d'acici'.
OIJ IlIi fait prendrc la cocar de trieolore, symbole
dI! nu!l\('illl r{>~i¡)¡(', qtliLter la coearde bh111cl¡e~




- 526-


symbole de l'ancien, et approuver les deux é1ec-
tions, pour lui faire abdiquer á la foís el le pou-
voir législatif el le commauuement de la force
publique. En agissant ainsi, le Hoi ne cFoyait
sacrifier que son autolit(~ personnclle au Lien du
pe Ll pIe, tandís q u'il sélcriflait l' tllllorité di vine elle-
meme, el lIu'il accolllplissnit, pUl' cOllséqllCtlt, 1(,
malheur de son peupk dont il suhoruolllwit le,;
intérets (~ternels aux Írllér(·ts purcmc/lt l.eIllporai-
res ou provisoircs.


Au lllOllleo t OLt LOllis X VI en trait dalls l' JI olel-de
Vjlle de París, pom ue laire t¡/I'Ult avec {(I /talioll,
la \foblesse et le Clerg(~ se réullissaient au Tj(:r5-
I~tnt pom Be forme!' (l'l'ulle seule Challlj)l'e. La
Monarchie des trois Orrlres cessail d' exi~ l(~r, a van l
que la Monarchie de I'universalité des citoyens lie
put naitre. En eiTet, l'antagonisme des c!nsses fi-
ni~sait il peine au 5ein de l' Asscmblée cOllsLl-
luunte, qu'il COmlllell~lüt il be produirc unIls LuuLe
la France, Ol! les sociétés secretes avaient orgunisl:'
In gllerre des clwllmieres eoulre les chó.tcaux, el
eelle du prolétarial t:olllllluniste t:onll'e la pl'opriél¡;
particuli(re, Désirau t contcllir ce tllOil rement 111-
lra-démocratiqlle, Siéyes el >lirabcüu_ ellef::; du
parti bomgeoi:;; 011 dí! IllOun':llkil! ré\ol¡¡tiolluuir,;




- 527 -


et conservatellr tout ensemble, opposerent une
propagande occulte iI la propagande occulte du
parti de la destruction , et provoquerent le cou-
fil¡¿;e des c1asses moyennes en .leur inspirant la
penr des classes extremes. ChUqlw cité, chaqut'
commune, chaque plll'oisse forma sa garde ci-
vique ayec les honnetes g'ens appelés ¡'¡ combattrp
des Im:r¡auds illl1lg-innires : en sortc qu'un million
de bourgcob armés pou vaien t défenclre uu besoiu
l' Assemblée souveraine , soit contre les réactions
aristocratiques, wil contre les envuhissemcnts
d(~magogi(llles. La l\' obJesse rassura la Bourgeoisie
en renollyalll it tons ses priviléges (nuitdll h aout);
í~t le Clergé, qui suivit son exemple, donna sa
pr()prit~t(S morale en attendunt qu'on lui prH sa
propriétt'~ matériclle. Ces actes mugnanimes sem-
blaknt (~tre le cOll1plément d'une révolution qui se
faisait au nom de l'égalité hu maine. Aussi, pou!'
lliontrer toute la pureté de ses intentions révolu-
tionnaircs, l' Assemblée, tiere d'avoir aboli tous les
ti! res, (h\cerna- t-elle ti u Boi celui de Restallratem'
de la lil¡erlé {ranrais{}, qui lui rappela, sans doute,
qu'i1 n'uvait pltls c!'autorité.


L'nncicn n:~gillle étant détruit, il fallélit. créer l~
}'¡"gilllC UIJIIVeilU. Lne dectara(ioll des dl'oil:;; dr




t'lwmme el da ciloyen, considérés COll1l1lC le bllt
supreme de l'humanilé sur la tcrre et formant ulle
sortc de constitutioll nniverselle, servit de préam-
bule a la constitulion nationalc. Apres aVOlr mis
l'illdividu abstrait au lien eL place de la 5ocléV'
positive, Oll fixa le pOllvoir legislatif dalls une
seule Clwmbre : sy!llbule d'Ull despotisme cotlecLif
sllbstitllé au despotisme Jilol1llrclJiqu('. On déelara
la COUI'OllIle indivisible, hérédilaiJ'c eL le Hui in-
violable; llwis Oll lui retira l'initiative des lois, 1\
dissolution C\U corps délib(irant, le droil de paix el
de guene , le velo absotu qui fut remplacé par le
1'('10 SlIspí'lIsi( lin:::,', iI rl(~lI\ l¡"gi:-;Iatlll'cs, tous
le~ atLriLuts de In Souveraind(~, qui passercut des
mains dll ~Ionarque á ceHes de la nation. Quoilfll'il
eut déjú consentí ú la destfuction morale de la
MOllarchie, Louis \ V1 voulut cllljlecher Si:I des-
trllction positive et ten ter un coup d'énergie apres
tanl (l'actes de faiblessc. En cOllséquence, iI forllla
le projet de se retirer a Metz, tI'Oll il espérait écra-
ser la l'évLllutiolJ; uwis le parti ultra-révolution-
naire avait résolu de ramener le Roí lui-memc a
Pllris, ou ii esprrait all{~antir la Hoyaulé. Gne
Iroupe de brigands el de fcmmes avinées Cut
dirigi:(~ :'111" Versailles. emabitle pulais, f'll crialll:




- G~0 --


Le Roi á Paris et mel/re la neille! pilla, 6gol'gea, et
reparut le jou!' suivanl, portant en triomphe les
tetes des gardes-du-corps qu'elle avait massaCl'(~S
pendant la nuit, escorlant jusqu'a l'IIólel-de-Ville
Louis \Yl, fluí caehc sa douleur SOllS ces nobles
paroles: ({ Jc reviens nvec confiance an milicn de
"mon pellple de Paris (5 et () octobre). ))


L' Assemblrc constitllHllte suit le Uoi et s'efTorce
de réorganiser l'État, qu'eIle a complétcment dé-
sorgaTli,i~. L'ancicilTlC divisiol1 de la Franee en
provinces, ayant (les priviléges di'itincts el des cou-
tumes di(f(~rcntes, est remplacéc par une division
tOllte nouvellc, en départements, districts, eantons
f~t comllluncs : membres d'un nH~llle corps destiné
á rccevoir l'implúion ele Paris, tete du Royaume.
L' llniformitéad mi nistra livc facilitera l'u nité légi:,la-
Live. La vénalité des charges disparalt, et les tribu-
lHlUX remplacent les Parlemenls. 'roules les magis-
tl'atures civiles et jucliciaires émancllt de l'élection
populajre : cOllséqllcllce i II 1': v i table de la Son ve-
rainclé tlll droit hl1llwin qui suppl'Ímc la Souverai-
neté du rlroit divill. Aprcs avoir détruit l'f:tüt, 011
détl'l1irü l'É~lise. Lcs monasteres seront aI}(~alllis
en meme temps que les müftl'iscs el les jUl'andes :
pHI' sllile, )(' 1 ravail matériel en menw temps qlll'


llL ." 0'1




- 530-


le lravail moral. Les propriétés immobilieres du
Clergé seront llvrécs ü la mobilbution publi(ple, par
vole de spoliatioll. Clw(!lw Jll'l~l]'e, sOlt!llis it un
lraitemenL fhe, jurera (l'étre fidele ú la 1Ultiall, á
la lai, au ¡¡ai, C0!l1111e un simple ('ollctiollllaire (h~
l'État, ql1i llC reconmlll plus aUClIllC reli¡;ion el
(luí prétend COllllailrc lH~aumoills de toutes choses
relaLives II l'urgauisation de l' Eglisc. Pum que les
hulles dll Pilpe soieut \'illides , elles dC\'l'Ollt etl'C
approLlyées pür l' Assemblée et saucLiollllées par le
Boi. Ql10ique le refus dll serment entraine la perte
des évechés el des ClIres, le Clergé ne vcut pas y
souscrire. Les prétl'e~ c10ivent défendre l'existence
de l'Église, et le~ 1\obl8s défendre I'existellce de
¡'Élat. Ceux-GÍ esperent sauver la Hoyauté en quil..
tant le Royaume; ceux-iú espercnt sallver la I'C-
jigion en restant dans leu!'s tlioce::ies. Pür le seuJ
fait de ce double Ulouveml~llt, l' Assemblée consti-
luallW se trouve menacée d'uDe guerre étrangere
el u'une guerre eivile. Con~ultanl alors les crainles
du lllomeuL plulüt qlle les j}(;cessiLés de l'aveilir,elle
confis(lllC les bieús (ks ilolJk; (~migrés el ccux des
prHres réfraclaircs ; elle pruclame en príncipe la
libert(~ du geure humuin; elle orgallbe de J'clit
l'i.lllul'chie I('~l.)',de dUllS le pay::;; elle COllsacre l'illl~-




- 531 -


gallté de su propre révolte, HU lieu ele consacrer la
légitirnité de la Hévolution par dcs inslitutions nu-
tionales ct salutalrcs; cnfin, an !len de fixer l'éga-
lité dan::; le droit el dans le llevoir, en créant la
.\lollllJ'cllÍe de tous upres avoij' (h'~tl'llilla ~,lol1archlc
de lltlelqucs-uus, dIe disposc la Con::iütution l1e
malliere a pOllí'oic ople!' entru la Hépubli(Ille (:t la
ROyl\utl~, pum (Iue la MonarciJk clie-m\::lllí: soit
conscrvl:c ou abolie, ::óelOll jes é véllemell ti (l).


Cepemlulll, l' EUl'ope considere ayec stupeur
eette Frallce réy ulu tiUilllUlí'c (i 'J 11 L lc:s agi la teUl':; ....
oíI1cids déclarclll iWllÍeillcnL ,le \ouloir troubler
personnc, et dUllt les agitiltcUl':j orculles chcrcLetlL
u boulevcrser Lout le ll](ltld(~, en ~,tlscilll[lL la ll/He
formidable el supreme des lleuple::i cUl1t1'C les Rols.
J~oin d'employer á s'allaqller mutuellllllent, COlll-
me 11s füisüient tlcpuis trois ~ieclcs, des forc;~s <1e::;-
tinées u un plus noble usage, les }lonurt!ues 11e
devront s'en servir désormais (lile pOllr se tléfelldre
CUlltrc leur CllllCllli C0l11111Ull : L; peupie de Frauce 1
.\lais iIs transi'ormelll edte qllcslioll d'iutéret mo-
ral el d(~ s:dul publie, en unc (1IIc:-;t10n d'ilikrGt
matériel et d'égoisme. Alors qu'i! s'agit, pOllr eux


(1) \'"il' Lit: ¡)¡Tf',nll/l(/Inre ,'(>¡Ti/e: 11·, ;1")'(,'(:'(1 '. l'('r"'i'l¡. p:'1'
l' ('0:11:1' Il J"I




- 532-
et pOUI' lcurs Étuts, d'élre ou de ne plus etre, cal'
la chute de la Monarchie fran\~uise entraltle celle de
toutes les MonaI'chies cllropéennes, ils se présen-
tent en conqllérants de la Franee, non en libéra-
teurs de Louis xvr, et préeipitenl uinsi l'aliP<ln-
tissell1ent de la HOYlllll(' qu'ils doi\"cnt S'lIlV8r.


Louis XVI 1'eponssa l'inLcncnLioll de~ Hois de
l' En rope, (1 aiman t mieux relever lit i\Ionarchie LOll t
seul (1),)) pOllr préveuir la chuLe de SOll pro¡JI'e
peuple. Dans ce bUl, il quilla furtivemcnt Paris el
se dirigea ye1'S la frontiere oú Bouillé, gélH\l'al lm-
bilc el dévoué, l' ¡¡tte I1da ¡ 1 a vce !lne année. A va n t
d'arriver au lcI'me de son voya¡;c, iI fut reconllll
par un maitrede poste, arreté par un simple oilicicr
l1lunicipnl et 1'ecoJHluit par trois commissaircs de
l'Assemblée constitllnnte, dont ¡Iresta prisonnier.
La captivité du Hoi exprilllail l'allOliliull lllorHI(~
l1e la Royallté : allssi demanda-t-on sur-le-clwlllp
son abolilion positivc et l'ótnhlisscmcllt U'llllC nt~­
publiquc. Cette proposition Í1t naitre IItW inslIr-
rection meurLricre dans la c'jpitalc et un grand
déchiremen t parmi les 1'óforma tell rs de l' ASSCIIl-·
blée, qui devinrent conservatenrs, apres ayoir
abattu l'aullace des l'évolutionnaires. ]1 n'y ellt


1) \1. \Ii"nrl. /1i.'I. di' 1" /'/r. (mI/mi.,,', '1',,111, r", ]la~, t')::,




plus des Ion; que deux pnrtis : celui ues 1Il00WI'-
c/dcns et celui des ré}Jubticains. Déslrant conserver
sn "ictoil'8 présenle, le premier corrige la Consti-
tution trop démocratlque el reno la liberté á
Louis XVI pOllr restaurer dc fait le principe mo-
narchique; mais le second, préparant déja sa vic-
t01re future, elllprisOlll1e moralement Louis XVI
uans le ccrcle étroit de :.ies propres maximes, eH
I/Ji faisani accepter la COllstiLutioll et en [aisant
décréler par I'Assemblée, (!LÚ va se dissoudl'c,
qu'aucull de ses mClllbres 11C pOUlTa (\ 1'ai1'e partie
• du Corps législatif, lli lllelllC etre port0 á al1Cllne
» place ú la nomiuatiüIl du Bol. ))


Louis ~ '11, ayunl aecepté la Constitution, dé-
clara aux aLllres Ho::; exprimant l'exclusivc Sou-
vcraineté du droiL divin, qu'il désirait la mainte-
ni)', <llloi<lu'ellc l'xprirwlt l'c);.clusivc Souveraineté
du (l1'oit humain. Cette c1éc1aration suspendil
l'efIcL des allianccs que l'Europe avaient formécs
contre lel France. :\lals, si le danger di5paraissail Ü
l'extérieur, il n'en éclatail que d'ulle maniere pius
violente a l'inlérieur OU l'anurchie légale aVilit
triomphé de I'ordre légal. Ca!', la dissolutlon posi-
live de la .\lonarchie se trouvüit accomplie par cela
scul que le Souverain venait d'acceptcrde ses sujets




e,
,)",!


une prt~tcndue COl1stilnlhn. En e/let, la nOIlVf\llc
ASSe111bl('e législatirc, symbole de la SOl1vcl'nineté
OU pellple, nc [lollvnit agir qn'cn vertu de cc prin-
cipe dnns la voie des falts et par des voics-r18-fait,
au 110Jl] de crottr lf,gnlité poliliquc, elevcllllC ['uni-
qllcrl';jlc de condnile en ¡'ahC ('l1c(: d(~ tou!c lé!..\nlitl~
monde. C'étrtit k cr;DsórjtlCncc implncahle de l'cx-
clusion dI! dí'OÍt dÍliH par lc rll'oit hUíllilill, fjllÍ
cntrllúlC el do:L tolljOIll'S cUlminer la minc de
I'humanité, pnisqne son salnt n'est jamais possible
(llwnd elle renie la Divinitó! Quancl les 1l0llVeaux
législateurs ré¡mblicnino; Ctlrcnt pris sOllvernine-
ment posscssiol1 dll rOl/voir politiqlle rlalls l' ASSClll-
blée ,011 vil lcs ancicns légi~ln lcms républicnins pren-
drc sO!lw'rai!lf:ll1cnt po~,sc:;sinn rlu Pouvnir moral ,Oll
micux immor;¡l, ~;alls les seetiU!1S el, dalls l(~s clllbs,
La (lestruction eles j mandes e t dc:) !l1~1 ¡trises a vai t
motivé la cn'~illion des assemblées de sans~culottes.
VHótcl-de- Y¡!le imlit ét(~, rlalls tons les tClllpS ré-
¡;l!licrs, le directenr el le 1ll0Mra [eílr des corpora-
tiuns indu,triellcs; il rct'\ !:' dil'cCI';uJ', mais ji
dcvint l'excitnlel!r dc~, j 'lrdndes n~vol!lli()ntJairl's.


Vcrgniunc1" BrisC()t ct L;li~juil~dh, clwfs des
GircJii(lills, ,¡enncllt de rr~lterni~ic!' ílvee Dun-
ton, l\lal'ilt el Ptobcspierl'L:, clll'í:-i des Jaeobillc.




.• ;lJ


CCllx-ei, maUres de I'Hótcl-dc-Ville, orgallisent
une arm6e in:snrrcetionl1elle pon!' üppuyer la
minorité de l' Assemblée législative qui dietera des
Iois it la majorité. Par un premier déeret, on dé-
ciare que les 6migrós nobles ou non nobles seronL
punissahles (le morl, et f[ue les prctres clissidcnts
Beront poursuivis comme des révoltés. LOllis XVI
oppose éncrgiqllement son v{'(o slls}JclIsi{a cet acle.
paree ql!'il viole tous les principei de In Constitll-
tion. Mais la Girondc, qui, vonlant remcrser la
Constitlltion et la Monarchie, ne saurait attein-
clre ce double but f[1l'au moyen de la guerre civile
et de la gllerre étrangere, invoque la liberté révo-
lutiollnnirc pour établir sa propre tyl'tlllnie: (t (Iue
tiigniflent ces capitulations? dit-elle par l'organe
du législateur Isnard. Pnrlons aux ministres, élll
Roj, it l'Europe cntiere arec la fcrmeté qni nOllti
eonvient; disons ú nos ministres que, par le mot
rcsponsabilité, nOU5 entenc10ns la lllort, et que
uésormais ils n'ont a choisir qn'entre In reconnnis-
sanee publique el la vengcance des lois; disol1s
au Uoi qu'il ne regne ql((~ par le peuple et pour le
peuple, que la Nation es!. son Sonvcraifl et qu'il
est sujet a la loi; disons it l' Europe que si des Cn-
binets cngügcr¡t les Hoís c1ans une gucrre COJltrc




- 5:Hí -


les pCllples, nOLls cngagcrolls les peuples dans UBC
guerre a mort con Lre les Rois. "


La violellce des aCles sllecede biellt6t ú la vio-
lellce des paroles. Car, le pé1rli royalit'ite donne
Sil démission avec les ministres de Louis X VI, qui
abandonnent le Pouvoir au parti girondin. Le
nouveflU Cahinet fait déclarer la gl1erre it Frall-
(;ois 11, roi de Doh0me et de Jlongrie, flltur Empe-
reur d'Allemagne, paree qll'il demande lc rélablís-
sement du POllvoir ll10Iwrchique tel qu'i1 existait
en 1789, et l'abolilion de la Conslilution jurée par
Hoi de France, quoiqu'elle soit incompatible avcc
I'ordre lllonarchiqllc et, par suite, avec la paix de
l'ElIrope. A pres uvoir imprimé l 'élan révolution-
naire ü tout le pays, en lui mont1'ant chaque PrillCC
intéressé dalls ses projets, et passionné duus ses
ressen limen Ls, les milli s tres j acohins su ppriment
la garde cOl1stitutionnelle du Roi pour désarmer la
l\lollarcllie, et forment une armée de vingt mille
hommes uans París pour arlller la République.
Louis sanctiotllw ces décrets dirigés contre son
autoritó pcrsonnelle, paree qu'il ne veut pas sanc-
tionner ceux qui sont dirigés conLre la libert(~ de
consciellcc, ou micux COlltl'C la mondité génél'ale
des ciloyens. !\luis le millislcl'C écrit au Hoi,




par la main de Rol/and, cctte leltre comminatoire:
Dans t'ellcl'vesceJlce aclllet/e des esprits ~ LES 'IÚ~O'\­
TE \1'E'1 E\T5 PEUYE\T 'IEi\ER A TOlT. 1I Jt' cst plus lemjJs
de reculer; il I/'y {{ pas mhne nlOyen de temporiseJ';
la dvolulioll eSi {aile dans tes esprits. ELLE S',U~IlE­
VER\. Al! l'RlX Dl St\(; ET SERA CDlll\TÚE l'AH LE SA\G.


Louis XVI ne répond iI ses ministres que pour
reprendre lelll's portcfcuilles; et ceux-ci jurent
aussit6t dc prcndre les Tuilcries. Danlon, JIGrat et
Robespierre, chefs UlI Pouvoir occulte, se chargellt
d'accomplir la destrllction du PoU\'oir oíficiel. ene
illsurreclion formidable surgit aux sinistres appels
du tocsiu. Trente mille bandits viennent défiler
elevan t l' Assemblée. ( 'a ira! V ivellt les sans-culotles.'
hurlent-ils; A bas le velo! En sorlant de l'encein le
législnlire, ccltc horde hideusc et sinistre cl1YHhil
les Tuileríes. On brilqlle un canon contre l'appar-
temcut uc Louis .x.Vl. "Ouuez la porte, » s'écrie
l'auguste Jlonarque avec l'llccent de l'hérOlsme ;
« le Roi de Franee ne craint pas les Pran<;ais. ))
Une foule de brigands se préeipite sur lui, en bran-
dissant des piques, des sabrcs, des poignnrds et
des pistolets, COl11ll1e pour l'assassiner. Qllelques
nobles bourgeois aCCOllrent au plus yite; le Roi,
la Reine, toule la famille roya te est sauvée. MuÍs




les handes succ0dent aux handes, eL chacune s'é-
cric : J~a sailction Olt la uLOrl! - " Pllllút renoncer
a la Couronue,» dit Louis XV:. - Un sé,ns-culotte
couvre sa tete de Hoi (\'un bOllllct pris sur la tele
d'Ull galérien; Ull nutre "cut qll'il boive a la santé
dc la ~atiotl. 1.oui5 acccpte. - ,( Ce verre est cm-
poisonné, Ini dit-OtL - Eh bien! je mOlllTüi uu
moins sal1S aI'oil' séllicliollllé. -- On Il'a "oulu
qu'effrayer Votre :\fajcsté, )) rcprelld un jClIne
homme. - " PlAce ta main sur mon C([,Uf, pOllr-
suit le Hoi, et dis U ce peuple si la crainte de la
mort en a précipité les battements (20 juin 17~)2.))


Par son courage sublime, LOllis XYl f;¡it avorler
les abominables proj€ts des conjurés. Tontc la so-
ciét(~ monarchiqllc S'C11 indignc et pro¡(~ste contre le
plIrti républicain. La Gironde frérnit d'ópollvante;
\In seul hOl1ll1le la raSSlll'e pourlant. (2uc uis-je un
homme? .. C'csl ~larat!!! " Donnez-rnoi, (lit-H,
n cleux cents Napolitains, avec la cape ct le poi-
)) gnan], et, pGrconrant él\'ec enx la Frunce, j0 me
D charge de faire la révolntion. » A défallt ele Napo-
litains, 011 lui dOllne e\(; prétcnc1l1s Marseillilis,
rassemblés pou!' la guel'rc étrang0rc, mllis relenus
pour la gucrrc civile. C~:lt(: horde fi~rocr~ jure de
n'alIer combattrc les cllilcmL, de l'cxtéricur, flU'il-




- :;30-


pres avoir {~gorg::~ les cllncmis de l'intéricur.
COl11me les Hoii de l'Eurore, groupés Rutonr de
1'l':mpereuJ' d'Allcmagnc, refnscnt d'appuycr les
démnl1strations des Pril1ces {~!lligrés, qui pOllvaient
éLollff¡'r la lntte ¡les pariis chns une gllClTe chile,
préférant traIlIer ellX-ll1t~mes, á leur suite, les no-
bl(~s {~migr{~s dont ils cmahisscnt la patrie, tous les
¡ll':sasfres de nos i¡rm¡"cs sont illlputés an part1 roya-
liste, (lI! Dni !lli-mell1c. et surtout u la Heine, par
cela seul qu'elle apP,¡rlienl ú in "\laison d'Áutriclle.


Lr: manifesti'; du cluc de Brunswick, général en
chef de l'armée austro-prusienne, accrédite les
calomnies révolulionnaires et ruine entierement
l'influence des opiniol1s cOllservatrices. "Qllicon-
que portera les armes conlrr les alliés, <lit-il, sera
tmité COlllme rebelle; ql1ant am hahitaots des
"illes et villages, leurs maisons scront hrÍll0es Oll
rasées. La ville de París est sOll1mée de se soumct-
[re sur-Ie-cllllmp au Hoi,et de lui renclre sa JiberL('.
En conséqucnce, tous les membres de l' Assembl6e
lllllionale, dn déparle!llent, des clistricts et de la
municipalité de cette ville, les garcles llationales,
les j II ges-de-paix, etc., sOlll rendlts responsables de
¡(JI/S lescvdne17lenls~ et seron L traítés selon les iob de
la guerre, salls Jlouvoil' espr!rrr lClIl' !){lrdon Que si




- ,¡(IV -


le chúleau des Tuileril's ~tail violé ou forcé, (IU'Oll
y commit le moindre exces, Oll que le Hoi Ol! sa fa-
mille fussent ofTensés, on eu slatllcrait une \'811-
geance exemplaire et ü jumais mémorable cnlivranl
la filIe de París á une e;-ceculion mililaire el á 1llle
f;ubversiolt lota/e (1). »


Vaincmcnt le Hoi cxprima-t-il it l' Asselllblé:(;
tout le mécontentelllent que lui illspirait eN inso-
lent manifeste, dont il sentail le dilll;;cr Jlour Sé!
perwnne, et ['outrage pOUl' le pays. Hien ne puL
contenir l'audaee du partí révoluLionnaire, (llJi,
profitünt de l'indigllutioll univcrscllc, déclara (IlIe
nos urlllées arüient élé vaincues, paree (lile le
l'yran lC1w défendait de willcrc, et (llúl fallnit el/a-
Mir f;ur-/e-cltal/ljJ lme CO/lt'enliolt ualioltate ¡Júllr ju-
[Jer Louis X V 1. La révollc est jlUbli(lllCíllcnt orga-
nisée dans ce buL süerilége. DantolJ, Hobespicrrc,
Collot-d'Herbois, llillaud-Varennes, cnfin tous le:)
eOllspirateurs du 20 juin, dirigent l'illsurl'ection du
10 aout. Louis XVI, fatigué d'dre InllotLé Sall~,
cessc entre le poignanl et l'échafauc1, se livre lui-
meme a l' Assemblée. « Je suis venll iei, dit-il,


(1) '1ous I't'S\1111011S iei les dét'laratiollS Ull ~i) jllilll'll'l dl127 juillcl
17\12. On sail que ce LlouJIh' IIlallii'.>,tl' fut rédi~.', par \1. d,> Lilljl>ll,
cliancr]iel' elu duc Il'Orh:'ans.ct (lll(']1' eluc !I,' Hrllll,\\il'i, !te le ,igll;t
qu'a regret.




»pour prévcnir un grand (Time. Je me crois en
"süreté au milieu des représelltants de la Nation,
"et j'y resterai jllsqu'ü ce que le calme soit réta-
)l bli. » L' Assemblée législative jure de « sOlltenir
» toutes les autorités cOllstituées; » nwis la Com-
mUlle insurrectionnelle exige leur abolition immé-
diate; eL la déchéance du Roi est proclulllée. Une
Convention naLionale déterminera les nOllvelles
destinées du Peuplc franr;ais. En altendant,
Louis xvr et la Farnillc Hoyale sont livrés a Dan-
ton, ú Marat, it Hobespierre : trilllTIvirat exécrahle
qui proscrit, pille, tue, "iele les maisons particu-
li¡'~rc,; el remplit les prisons publi(1Ues. Le Triolllphe
des .lacobins coincide avec la dérollte de nos ar-
nl(~cs. L' A 1Ilriche et la Prusse en lamen t déj a le
territoirc de la Franee. Longwi se rcutI; Verclun est
pris; S(~'clan résiste; París s'épou\,unle. Les homIlles
de la Tcrreul' tremblcnt pou!' cux-memes. Danlon
s'(~cric lH~allnlOins : ])e L'audace, cl/core de l'all-
da ce , lrmjours de (al/dace! "'lara t s' a ttribuc á lui
seul aujollrd'!lui !'admiuislratioll da sa[ul pubtic:
el Billaud-Varcnllc5 Jira clemain aux sans - cu-
lolles: (( Vous avez 5üUVt~ la patrie en exterllli-
n nant les l('nitres. Vingt-quatrc l¡vres á chacun de
11 YOllS ! •




-- 542 -


Les massacres de septcmbre engendrent la
Convention, symbole de la République établie par
le meurlre et pour le meurtre, upres l'abolition
de la ~IOIl;ll'chie (:25 septembre), cxpressioH de
!'cxisLcnce publique. Deux partis formidables
se dispulent ullssü0l la dil'eclioll (ks (~\l~llelllenls
révoluliolll1ilircs : cclui dl~ la (~¡],OIlt1\c (ILti "cut
fonder un ordl'e quekOllf[UC HU ::;dll de cc désoJ'-
<1re abollliuable ; l'I. Ccllli de la :¡loll!ag'nc (lui vcut
prendre la dicluture pOli!' la donDer ü Hobespierrc.
Maitres de I'Étal depuis le iO uoúl, leí ~'.íolltül:jnards
('tlvoicnt leurs émissaires dllilS toules iCj "ll1es, ¡¡fin
di~ gélléndiscl' la Terl'eul'. A l'approclH~ de ce:,
COílllllissuires farollchcs et siuistres, cll:\(llle 11011-
l1de ciloyen se rdugie dans les cauljl:3. Et la
Frunce l'¡"publicaine csl sauvée pur la Fr¡¡lJce 1110-
narchiqllc; lllüis Louis c\ Yl \ll C~ll'e illllllOllS par la
COllvention!


« Le l10i peut-il etre mis en aecusutiOll? )) Tdle
est lu preuJiere question qu'on y lllcl aux voix. L.
Plaine répond néga ti remeu t, paree tI 11' clle lIl\'oq llC
1 'in v lolabilité royale devant lJ ne Assembi{~c soi-cl i-
sant populuire; et la Girond(~ s'{:cJ'ic, ayee Lanjui-
nais : (( J e He suis pas son ji! g-c, pu isqu' II (~st
llHlll ill')lt'. Jí' ¡¡'o!llJlicl'¡lÍ ¡n' 'l;I'i! C;-;[ VCllU dilns




- 543-


cettl' enceinte ponf nous y demander asile. Il a a
mes yeux le premier des droils, celu! dc sup-
pliüllt. II Be faul pus (Mshonorer l'Assemblée cn
luí faisanl juger Louis .\. V[; personue n'en a lt~
r1l'OiL, el l'Ati::iClllbléc parliculieren18nt n'ü aUC!lll
li[re pum le üLÍre. )) [iluis la Mcntugnc demulHk,
:l\'lC Saint-Jll t," tille le Hui soit jugé el! enuemi. )\
H.obespicrre iljc;utc : « Louis Cut ROl; la Hépu··
Ljiq:'c c~,L rU1ll1(~e; la qucstÍon fameusc qui vous
occupe C::it d(~cUt!'e par ces seuls mots. Louis ne
peut 0trc jiq.;\~ : il cst déji\ jugé, il cst COndatllllé,
CJU la llépuLJillue u'cst pas absoutc. Je demande
que Louis .\. Vi, déclill'é tl'aH, e cuve!'s les Frau<;ais
el crilllilld emef:, 1'!llli1Wni té, soit cond(t/Illlé 81/1'-
!C-CiUWljJ ti 1It!)}'l ell verla de l'iuslll'l'ectioll. "


Le l',oi dl~ Fratlce comparait ú la barre de la
Con \"ClllÍoU, trllll~jormée e II une i il'deud ue cour
de justice. Les égorgeurs d'aoúl et de septembre
osent dire Ü lcnr allgllste victime : "Luuís, la na-
n lion fri\n<;ais(~ vous accuse! 1) Et LOllís .\ YI, in-
llocent pom la tel'rc el} sa qualité de SíJuvel'ain,
l(~\'e ses yCl1X yen, le cjel oú DiCll l'ubsout. A l'in-
stant ,;upreme, les orntcurs couragellx deviennen1:
des juges plIsillanill1es. La popuLtce boira le s'lll!l·
d'lln Ih)i. 011 ~t>pan~ Louis X \': de sa f;\lllÍllt~ eap-




- 5~4-
tive, pour lui arracher [e ereur avant de lui coupe!'
la tete. Au moment de Sil mort, l'illustre Murtyr
udresse a son fils un testament qui résume les sen-
timents de toute su vie et qui semble dicté par
l'unge gardien de la Royauté. Si Charles lt r fut hé-
fOlque en montant sur l'échafaucJ, Louis X VI fut
sublime. Le Roi d' Angleterre ne racheta que les
iniquilés J'une seuIe Monarchie; mais le Roi ele
France racheta celles de touLes les ~lonarchies.


La guillotine, dressée contre sa personne sucrl~c
par une Assemhlée maudite, devait rester en per-
manence contre la Race Royale et cOlllre la so-
ciété. Trois autres r(~gicides, plus horribles encore
que cellli du vingt el un janvier, expriment la ruine
absolue du Bien et le triomphe ah~olu du Mal,
de ven u désorlllais l' lluiqlle hu t de lu Hérol u tion
frau¡;aise. L'Europe considere a\ec c1I'roi ce motl-
stl'llellX rellversement des lois morales et des lois
politiques, paree (Iue la civilisation, ayant perdu
toutes ses bases fixes et immuables, elle ne sait
plus oi! trouver un refuge contre la harbarie.
D'ul1 coté, les pei1ples, qui ont applaudi uux théo-
ries chimériques des h~gislateurs de la Consti-
tuunte, protestent contre les crimes gigulltesques
dt's bourreanx de In Comentioll ; et,de I'autre, !f~s




Roís, qui ll'ont pU Sillmr !'ouis XVI, réagissent
contrc la Hévolntion elle meme avec l'espoir de
l' étoufTer. :Vlais c' csl LI H('voln tíon q lI1 Ó 101lm~ra
peut-etre les Hoís el les peuples. Pom terrüsser ce
lllonslre illdolllpté, sinon indOlilptable, on leve des
millions de hai'<lllllcLles, qlltllld il su{firail d'Ul)(~
seule idée! La n(~l'olllti(JIl, ell ellet, n'(~st pas ulle
queslion de forc(~ Illatl~l'icne ; c'(~sl Ull problcLI1c de
l'inlclJigel]cr. Tatlt c¡u'eIJe ne sera pas compris(~,
elle ne serH pas confIuis<" elle restera conqlléruntr.
Aussi, quoiqll'elle ait dévoré bien des générations,
pn dévorer:l-L-cllf' lH'aucoupd'alltrcs, ¡'¡ moins qu'il
se renC011trc hiellt6t un cer\'eau d'holllmc ti' État
qui la cowprenlle, une lllilill de Prince quí suclH'
la diriger. Mais ce foyer permanent d'immoralilé ,
d'anarchie, d'instabilité politj(Iue et de destruc-
I ion un iversel!e, ali lllel1 té par les sociétés secretes,
ne s'étcindra <111e 10l'sql1c la socíété fran¡;aise 01Il-
cielle aura su rallumer en elle-meme, par elle-
meme, un nouveau fOyf~r de stabilit{~ politique, de
moralité, <1' ordre social et de cn~a lion u ni verselle.
Cal' la Fnlllce, tonl' it tour soleil I't volean, !loíl
f"clairer I(~ monde OH l'incendier.


1110


PI'\" DI' TnOIS¡¡·:~IE YOf.TT\lE •
. )


,¡J,
• n'


, '.')






TABLE DES lVIATIERES.


rJL\PITHF \1\. - UPPHESSI()\ m::-, I'ErI'LES PAH
I¡'S H01S.


La \ronnrellii' e,tlllolilf11l' nni\'I,1"t'I!" n di"p,ll'll: mai" In ,rnnnl'-
ehil' ]JllliliqllP IIl1i\I'I':)"III' I,,'idl' di' ':1' [Jl'il,lllÍl'f'. - I.P; dilr'l's
U;¡!s, Illf'lllICI'" 11;1\IS 11'ul' !li'ili'l'I' ('\i,I('l1':0, nI' v'uH'ni sr Silll\'('l'
rf1l1' p«l' 11' dl'\eloppl'lll"lll d'lIlll' ill'!\llde fu 1'1',' "o,l('Ii\'r rl ('0110.1'-
li\t l • -- ¡)!'('tltil'!'!" f()rtH~¡[il'\n dn ¡J]'oil illkrnt1:ic,:¡aL ~_ .. Ln. t:r:lllCt-1
p!'I'nd pi!'\! "11 Ilalif'. jllIlll' ';1' 11:1'11\'1:;'1 );', II"!,' dr" l'nissnncrs COl1-
tin(ln!~tl(,~. - cf¡:ll'lr~ \ !!I \-, ll! l·(Ir.(It¡~t¡i\l!':' l'j':!lJ¡"lii'c d"orient.
- Les f'xjll"llilioIlS ,],[!;:!il' "1111 d'al"I',l tl:111S c.e bu!
!,lus qlH' 1"III"'l'ail"', ,-CUlIljIH"!r, di' \;1,,11'" .. _- ¡'r211lit,l'f' ('llidi!ioJj
d{' n:\Il'olw rnnll'i' 1:1 l'¡allCP, qni ('s1 1'01'0111"'1' d;'IlS s,.s nll~i('!1nrs
limil,'s. - Ih'I'OI'I1I(';; Fén,"I'nlps (11)/"1'1"1',;; (1:1n.; el' Iloyallllll' [i:1l'
Lliuis \If.-\ SOI1 lill'r¡](' 1:lli rll' F'«ili'i', ilninn!f' 1'1'\1'\ ¡[i' ¡IIlC (lP
\liJall. de noi di''; Ill'!n-c;irill's 1'1 di' ,il'I'UsnJrlll, - Cnllqn(o[e ile
\lil:III, -- TI'"i!l' dI' (;¡"II,III<' jI«1' ¡":'II'I L(lui" \:: ,o! ';l'l\li-
nilnd-II'-Calllllliipll' rnlll if.'lllli'nt ¡JI' c(lnq',l('ril' ('\1i;011Iblr 1'1 dI' SI'
pal'la~(,T le lioya1l1tl''- de \i1plrs. -- Í-i"yaut6 (L· Lnni·, (~! ;l'a¡li~nn
d,' Ff'l'ilinilnd, - (;IIi'I'l'll I'nlrl' la ''"I':;!([',' ,,1 I'r"p:I"1il', --- \y,"-
IJI'nll'lll il,' .Iul", 11 ... - !'ill'lrilil (1<- ('1' j'lIl',lifl' ]¡,']!iijill'II\. --,- :-;(',
1~f'(ljpt::;. -- I.i;.."llf' ,1" Catllhr;ti, -~- I~('J :(1. 1:1 l:rtllH"~'. ]"¡'::--p;I~llr,
l' \llelllil'l,llP 1'1 pltlsi"li¡'; 1!:'il'('ip:Illll',:, il;!licnw'" "e (o;:li'i'nl
c()nln' I~l 1~(~rll¡/diff\Hl dp rí~~·¡"'!\.· <"11 " ("(\:': !~!'; Fran~':I¡C~ ru !1'lli:\
-- \cnisr iJ¡"P"'I, Il's al'IIl"S l' 1 n¡',C!'(wi;', - [p ! "TH' traite aw'e rllr
l'll,illlrn,' 1011, t"s ,'lr;I'I, rll' l.' 1 ("'!iII'I" la ¡'¡:ll]I"'.--LIII,;, .\ 1I
prilpnsi' ;i \1;¡Xilllilil'l1 J',l,;sf'nd'¡pl' llll I'onrill: ]1l1nl' ,T:J,', ! 1
di" di'/,II.'I'I'. - L'I':IIIjI('I'PIII' \'l'nt Si' f'lil'!' Papl' ... - \.:ollcile di'
1'1,;('. -" ,11:11": !I !''1l'lnf! un!' s";!II!' liUl!(, el,nlre la Fr~:nr.i'.­
(~a~tqll rlj\ !'~\1\ ,'1' !~'d¡jl. -- ~p" \l~·t(li!'~·~. - l~i11'dlli di' :~:ty(lnn(~
11\1 il nWllll ':' , :,1,' i'! 1r'< ;l(1';lil~·"--: r!¡' In 1¡~~!11·. -- l,flS




- 5~8-
Fran~ais, explllsés de ¡'llalú', ~ont attaqués dans leur propre
jplTitoire ]lar Ferdinancl, p;11' Ilrllri '11[ f'l par It's Suiss~s.­
LOllis\/f, Il'osilnl ldm lulte!' cOIJtre Sil Illilmai.,e fOI'IIIfIl', llplllarllle
la paix. - Carartpj'(' de re ,\iollarqne, ';lIl'11úllllllt', ((I//ti, /,.
In'cll/úitclIl' el le lJi'}'c dll Pe/f}II". - A \'c'nClllcnt rle Franr.ois 1".
- Guerre llll 'Iilanez. - Le Pap'>, I'Etll]lrreul', le Boi cl'Esp;¡¡:II~,
et la Suisse coalisés eúntl'e la Franer'. - Bataillr de \Iarign!lll. -
Cette \'ietllire exerce!'il UII" illllUt'uCP d';,cbiVl' sur Ion, Ir, ,'\,,'.-
nell1euts dll ri>¡:ne de t:ran\'ois 1". - \I0l't ¡]p F"t'r1inalld-iel.é1
thulique. -I;¡\rcldclu(' Cllarl('s J¡é1'itp d,' SI'S \'a,l"s Elat,.
Traité de .\0)'011. - I:in des gIIPIT,''; sll:;eif¡'·{,s 1'711' la li"lli' di'
CallJllrai. - \Iol'! de n:lIlpel'eUI' \laxilllilil'lI 1"'. - !:mll\'ois 1"
et Cliarlcs-r)llinl solliritellt]Q COllronll', iIlIJlI;riale. -- 1>I,'ctil)ll
tle Ce dcrnier. - LutlH'r. - La 1\l'!'ornw en plrill COlilillt'lIl. -
COllsillrratiolls c:ém'ri¡]('S SIII' 1,. l'I'II1I'slilllli'IIII'. --- 1.'\III'III:'é'II1!
an xyI' pI au xj\~' si,lel,.,.


CHAPo Xx.. - LCTTE DE LA MAISO~ !)' AUTlUr:lIE COilTRE
LA 'lA I SOl\' DE FRAl'ICE.


Charlcs-()nint (>1 Frall90is I".-Lenrs M'marches auprt"sdr Ill'nri nI 1.
- Ce \Ionarr[ue dc\'ait restrr nru1n' en! 1'1' rl's df'm I'rinc">.
ponl' lll~\"rnir I'arbitrr dc I'Euro]íf'; mais il SI' d,"rlan' 1'11 fa-
\'CllI' dc CItarles - Quin\. - 'l'rollbles I'll Espagnr. - l.iglll·
ll~ las COllnnUJIic!ac!cs, - Frilll90is 1" saisit cett" orrasion
pum faire e!l\alJir la \aVillTC el 1)(llIr e'((,jl,,1' 1,· 1'01111(' tl"
La ,\Iark it s'> r,'vo!tcr ('ontl'" i'EIlIj)('rp;lr. - c,.JI!i-ci alta(jlll'
Ilézi(;res. - l\ay:1I'l1 SilU\1' 1:1 "I:I!'I'. ,- 1 il'lll'i \, /J !'e l ¡gIH' a\'('('
Charles-()ninl. - I',e\rl's tic ¡:I'an~'oj,; 1" dans 1" \Iilanais.-
'I'l'alJisoll Ilu cOllnr'tablc di' IiOlll']¡OIl. - 'Iamais sun:I'>, tlr' son
cxpr'elilion ('n J>I'O\'l'llrr. - jll'an~'ois 1" 1,' ponl'sni1 0n 11aJíp. -
Balaillí' tle I'Clvie. - C<lplilit(· ti!' Fl'all~'()is 1"'. - 1\"',""1'1'1' dI'
Louise ti" s:tluÍl'. - ¡:r:tll~'ois 1" si;::lw I,~ 1rail," di' \ladl'id. -- 11
:)(~rol'(le 101l! e" Ijne Char!e::i-()uinl pxi"e, a\'pc l'illlPII1iuII dl' 11f'
rien (pni!'. - L'asSl'lIllJI('e tll'S notabll's drcllil't, (,I' I r¡¡ill;. -
CoalilicJIl cOll1rr I'LIIlII('l'PUr. - !.l' Ilue d" nOIll'J)(JIl il,'v-anl I\IIII!I'.
- Sac de cclle capital;> eli] lllOllIll' e!tl'l'!il'tl. - CII:tr!C's-rJuin! p(
CkJllcnt VII. - L'EII1[lcreur el le Ilui de Franee !'I'('Olllllll'IIC1'llt
la guerreo - Trail,', ¡JI' Cilm!Jl'ai. - Silllatioll l'eligi"llSf' ¡j., 1'1':11--
1'OJ)I'. - 1::lats ca1!tolirjllrs l't '>lats jlro1e,;tants. -\JJi;"I('" ¡J"
FI'an\-ois 1'" et (Ir fll>lll'i Vfli. - I'rngri's tln I'roll'sLlllli,SIIIi' "11
Enrolil'. -- CII:tI'Je,-ollint :'t la V'lp ti!', I'lli"alll'p, ";tlIIOliqlll".--"




- [¡'I',)-


rj'illl~'()I,; 1" il la Id!' d,'s Puis,anccs protestantes. - Ce \1 011 ar,! llC
,'allie ""a/<'llIent aVI'I~ la l'orte-OltollléllJl', seule ]1ro]l1'l' a hal'lur.cr
lrs forcrs di' la \laislllJ d' \utricile.-\ollveaux re\er,; en Ilalie.-
L'Elll'llpC s'indignc de loir la France cj¡réticnne liguée avel' la
TllI'r[ui", - 'I'rélc de \il'c. - J\éconciliation {le Cilarles-Ouinl el
de Fran\~ois 1". - ¡;I':llIprri'1II' lraH~rse li1 France pOlll' alter cilá-
til:r les n~\'Oltrs de (;alJd, - 11 promeL ¡\ Fran('.ois ¡ec nnvrstitUl'e
di! \lilaBais, a\(~{: l'inll~nli()n dI'. ne ]las l'accorc!er. -\ssassinal
di' dí'llX alllJ¡assatlr~lIrs. - l;l1efre noun.¡j¡·. - T.,:s P1'otestants
r,.¡'usclJl dI' (,olll]¡alll'l~ ,\ c(,[,' (le:; 'I'nrcs. - Ils SOllll11Cnt Fran-
~.·Ilis 1" de I'fllllpl'l' ,Oll allianí'í' a\'l~l' ('ux. - \ohlc réponse Liu Hoi
d,. Frdnl'c. - Halaill,~ (1(' CI·'I'isolcs. - Fl'all~'()is 1" eloigne Harh.;-
rl!lI,;o(' d ('I"ojsle seul il 1111111' 1'I-:\IIOp'" cua!i:i"l' conlre lui.-
,',II,lr],':;-(}lilll allx [>111'1'" di' I'<tri,. - 11:lhile[(' di[llulllalirJlll' de
l'J'd 11,'(Ji, 1'" (llli 1 .. ('vIii 1'<1 illl il ;((','" 1'1/' l' la [,;tix. - 'I'rail(' de Crespy.
- ';r:lIl\:lIb 1" salllClIr ti,·" Ilillillllillil,':; ClIt'upC'CllIll·:;. - lJellri 11
dl:ulge le rellll'l~ de rilllllll'IICC I'rall\'aisl', -11 s'allie ayer \Iall-
ricc dI' :-;a\e, - ConqnNcs ([" Ilr'l1l i 11 sur lrs lhllltii'res de l' \lle-
lI¡iI,,,l1r. - I'"i, de I'assa\l, <¡ui lt'J'lIlil1l' les ¡:lICITCS religieu"es de
CII;trJ¡>:;-(}uilll t!;Uh :;01\ EllIl'il'l'.-III'\'I'rs dI.' l'ElIIjJcreur ',lalls ,es
bl((~J'!'l'S I'lilllí'!) la Vrance, - ,-;(111 ah,licalioll. ,- Ilemi JI d I'hi-
li]!]!c 11. - 1;¡':,pilglll' 1.'1II:¡[lil b Vlill1CC, - '['railó de CalcilU-
Candil (',is. - [,;1 11101'1 de Ilemi 1 [ liue la Vr(lllre el l'Enrope él
l'illlllll'nce l'al;t1c de I'hiliplW 11. - É1isaj¡elli eL (;uillaullIe (le
:\aSSiln I'élahlirolll I"'qllilihrl'. --L'il\énrll\cnL des BOlll'ltolls c1uil
s<tUlrr la Frailee el l'ElIrojle, 1'11 ddcrminant la chuLe progrcssive
de n::;pagnc.


CIL\P. :\.\.1. - SAIXT DE LA FRAileE PAR LES
BOURJlO:\'S • 121


. \Ilt.lgonisllle rlu .\Iidi el du \()rd di) I'LlliojJ('. - La'daisoll ,L\u-
Iriclir: [m'óitlc au llIO\l\pmenl dn \lidi; la \laislJlI de Fralll~C it cc-
lui dt¡ i\Olll. - La lo III bl; de Ilcl1ri 11 scrt de berr.cau il loute
,orle de t'aelions. -, I.es Cnisc;., chef, du parli calholiljUe,gollV'cr-
IIcnl la l'rall('1' <1\ ce I'applli di' n:s[lagnc. - opposition eles ]3on1'-
¡Ion:;, I'rille!', du 5an2: el elido f1u parli prolestanL, sO\llcnus
par 1'.\II:;II'ICl'l'r, -- \Iorl ,.le 1.'; <lll,;{)i, I1 el ;m'nelllenl dI' Char-
les 1\, - I\I'grilcr de Calilcriuf) de \il'dicis. - Ilapl,roclll'l11ClIt
plJlililpll' des l\lIml>ons el des (;lIisrs. - 'Jiebel ,le I'llospiUl1 aux
¡::tah de Hlois. - I'rcllIiérc ol'ganisalioll de la Suilllc Ligue. -




(:1\('lTI~S ,',i\ lil'.'. - Catlle! i 111' rlI' ,II,tI ¡"i,.'. lit' f'1I1I1:,\I1t plus tl'lm
ja )JalalWe clItre jes dl'IE [Iarti';. ~::\('J'ilil' jl's IJI'("te:slallts au" ea-
llwlir]!II''', - l\é\olI1Iipn dl's j'aY'-!\:ls, -1:llill:\IIIlW d'(Irilll[,(l', lh\
JI' Tileitlln/(!, -- ¡::iahlissrlllt'll! I,i(~ la I¡I"jlll]¡litj\l~ de, 1'1'0\'iIHor,-
l nip3. -l'l:ilippl' II l'l ,::lisa]¡cll:, -1.(; I:,,¡ d'EsPi\t(\1P ,;'l'liI!1<t!l'
tln ¡lortl:,,"!. - ch':!:' 111' ,'\: d"I';\il'r no,'n',,, - ::]i,I\1>e\l1 el
\¡arie :-;luí.lrl.-- ;Ji:·:ahpth j(qH~ ell ':.('j -:-:(\ 11' i;!í\I1:" ]'('11(' ({llfl 1111i-
¡i[lpe' ¡r j(I1!()~):l !,"!'{lIl('('.----:~lIl)J.¡i('!· '(\ \:i1l'jp '~,!!lfll't. --f.\l n!lyi~U­
tt' pu:l, <I\'!'!' 'O', '''11 ¡ll\i"I:¡l>ilil¡" "w 1'\11\1'. -(;111'1]'(" ci\'i]es
C~l i"ril.nc('. - ,:r'l:]'i .j(l í;lli~,-'. ""01' :k.~ l·{lfl)l)li:ll]!l~. pl ;.-, jl'\ll!!'
!Jrinc(~ de \:.t\al'l'l', C~l(\r \;{ls pj'\);(\~lnnt:-:. --P;lix d~' :~;tillt-j;(11'1l1;lin.
- 1.1. :";¡tiJll-n(¿j'/í¡: -- :~llhllllj(~ lí;PI)\I~~f' 111' qll(llqll -s !2()11-
\r!'1I011l" ,le !'!'(l\il1ce" r¡i~i 1'1'1'11";"111 tro]"ii,' (\I!, ¡Irtlrt', ti, Cl!ilr-
¡,." 1\. -, ,\\('¡I"Il~{,1l1 d:' ílelll'i I!I, -- l.": ,'(¡lllolirf!Ji" !'lie,..; pro-
!0sLlP!:. t¡,l\·aill·l:~ ;'] lrnl,-f')'~,l¡' t,;(I!;,'!I'r'/¡ie fl;tll~:;li ... :r: í'ru"\-ci
P(\\il' {(¡lJlll:!' ti"" lt,ipnhlir¡m' ftoc1a!". "I'lIX-J:1 jlOllr' irrirtllli,1'I' llnl'
Ilyllilstie IlC'lI\,']ie. -,- Ti('rs-parti 0U pa!'ti des jj\{ir,nnlpnh ¡¡ui lli'
rcr,!,crr,]¡ent fjUe !eu]' intt~n'l llr!";OllllCL - I']¡alall"e ,l'lioll1tl1p:;
sl1]w1'icnri' ¡]Oi1t les opiniulls tloil!'nl ,,111\'01' la F!'é1I1CI'. --- Coalitioll
!les jll'Ol0S1<lllts el I¡t,,; m¡im:¡[(llll". --- org,i!!isatinn :,:,il](:l'al,' de la
Sllinlf' UIjIlC. --III'\11'i li' leil dl'\:elll le elle!'. - \i01'1 rlu d\li'
(L\ IljOU, - Ilel,ri de \i1\':tlTl', [lII'lllie!' I'rinel' 1111 san~,- 1,1' l'al10,
le Hui Il'E..;pagnr' el le dlll: ,¡(~ (;liÍse 1¡':c1al'enl fln'i] e,l (\I\cll\1 (\\'
ses ¡ll'¡Iih il la CfJmlJll11C, 1'01111111' lJi'rélitjue, -Ci'tte exrlusion dI''';
I)Ulll'!Jons t!(\i[ pl'm-or]l1er, "~lit 1111C I1Sl1r[1I\1 ifln iln pl'o(i! r]p ];¡
\laisOll de LOl'l'aiUi', ,(lit 1'i1ll1 i 'llItis','II1l'nt di' la loi sa]iqlll', au
lllOlil lk la ':'li''.)11 d' \\lll'il'i1l', - ;"'\I.'lillll rlpe; .')r'i:(', SlijiPlld.i¡'"
{I[ll' le,~ í d¡b(~ !:t [)dl I :!,i!ir!{Jr L ! l. ,!¡¡tU':],'I' dl':"J hq'l ji'adt>:',
'::lat,-C¡'lll"rallx. - JIl'llli de (:I:i,l':- a~,~ (,1 11(11']" 1,'11 Jlldíll'l'.
¡temi !lIle f¿¡il a"as,;inl'1'. -';llijlt'\1l' ¡Jc ::¡ l.i:~III', - Le lifli lle
!'ail poinljl],(lli,,'l' de Hlll nitl:e. - 1.1''; Liglll'ur" !'n"IIl1S ¡Ji,' ]1'111'
slli{H"lacliut!, r()I~L proc¡illlH.'1' !;(~ d~'l:·~tr-·;l!l(·(i. - i~!·tll'i!:1 lit l!('lll'i dp
'Ia\aITC !'elri.,;, - ,\,.',"l."inal (In I\I,i. - 1.1':; l.i"III'11I'
prOC]¡UlH:nt, SI'U, k nUlll ¡JI' C]¡'Ir!C':; .\, It: \i('ll~ cill'llil¡;¡j di, Lul'-
¡,<tille, [Jl'i::;Ollllil'l' lln \a\arrai:;, - i:rllri Ir I',;t ill'I)I'l;lJll': ]tal' l'al'-
111é\1 l'o:,a!e. - ¡~i.lI;¡il¡('~ d"\liP!l'~' el tI·lyl'~·. - \la¿nanilllitl~
dl'¡¡euri IY ¡'('oH]:i]]1 q:,'ll :,,-i¡'~,~ ,'":i,,, -Uah-(:,"!lI"I'llnx (,O\l\'(J-
<jUl'S pOUl' (íJiJ'c un i\nj_~ (t¡.'ril~ ia llli,rt de C]¡nrles \, nu; de I//{-'//-
11'1'. -1'lJilil'lJi' íi Íiljl propu;;e!' I'l'ltoclioll ¡JI' l':lIfallLI' loaklk ~!
¡¡chde le \lIle de.,; I¡¡:P:I!",;. - l..,' l'~II'íl'IIICllt :'t' [I!'tIIIUIIl'1' 1'11 1'an' \11'
¡le ]a lui ~"Iiqlil', -- ,\\¡ji1I;llio :::'lIri 1\'.-- Chllte ¡J" 111 Li[,(Uf'.
- 'l'riullllJ1ie "e;, illées llllJuilr'c]lilj lIt'S. - ::lllllII' dt' Ilemi 1\ a
['aris. -- "UUlllis¡;iull ti\! l\oyaullle. - Le nui de druil, pDncllCI




-- 5;;1 -


II;~II¡I!IP, psi ;¡Jor, 1:01 ,[e f;¡iL - l." jll'ellde!' ¡le,; BOllrholls funde
S01l gIlIlY('I'IWIlII'1I1 polililjllC HU' la libedé, paree qu'i1 ycul enno-
hlil' k pays el Iltill 1" l]¡'gmder. - ,\soelllblée des nolables it
Houen. -. J/enri IV, lilJél'illeul' de la France el arbitre dc ¡'Eu-
rope.


UlAP. XXII. -, uJ'rn: DE LA ~{AlS0X DE FRAN'CE CONTRE
LA ~IAISON n' AUTRICHE. • 191


~illliltion ue la I:ranre vis-á-vis des ;\lIlres r:lals de l'Europe, SOlíS
le rt';gne de llrnl'i Ir. - Ce I'rinrc OllvrC l'i'I'r diplomati(jue 11I(I-
¡Jeme. - Sysli'J\lc ¡!;os médialiuns. - Trou]¡I,', qui pl'rcrrli'renl
la glll'ITC d" 11'1'1111' ¡¡ns, - slIrressioJ] de .J\llier,;, - LI'S ealllu-
liques el les prolcslanls se la disjllllellt. - La\laison el' \ulriclIe
\ pul s'cn I'lIIpal'rr. - nevenuc préponJrr;lIlle cn\llemagne,
;,]1)1'8 p!lp [l')lIITa Ilélrllil'e l'éqllilibrp de n:uropl'. -llemi Ir rol
d",IS,;illi~:tU mOlllcnl Ol! il allail illleneni!' il maiu arlllée,poll!' il,-
,11I'('!, l'inclépcll(lilnce grnérale des (;ouwrncllIcnls. - Sa mOl t
,lJllenC lIne paix illll1lédiale; mais S'ill'IH VéClI, la guc!'rc!le tl'('IlI/~
ans n'aurait sans doule pas en licn. - Origine (k relle guerrc.
- ~1Il IlÍsluire 81.1. dil'isc en qualre périorlcs : la l'alatine, la lla-
noisc, la ,"lIl"doisc el la Franraisf'. - Les 1::lats de [>l'a2118 tl('PO-
senl I'Elllpcrclll' Ferdinand 11, el rcconnaissent l'électelll' palalin;
rOlllIlle Boi de J\olll'llle, SOllS le ]J(llll de Frédéric Y. - Les pro-
trstanls sr déelarcnl pOllr c(> dorniel'. -llethlclll (;abor et les Ho-
h('J)liclIS assil'g,'nt n:tlll'el'cu!' dans son pl'Upr8 palais. - lIé-
]'0101110 de Ferclinancl. - 1I l'ecou\'\'P ses '::lnls hél'éelililil'es. -
\ellgeallces inlplacable,; el malaell'oilcs. - Op(il'l'ssion de r \ 11 e-
lIIaglle. - Christicm IY, noi ele Danelllark. s'en dédarc le défen-
;,cm; lllai, il t'choue dans son elllrrprise. - I'aix de Lnlwck. -
/.' I':lliprr('lir, \'ainqneur du I'rutestalllislllP. écrase IOlllr l' \.!lellla-
gnr.-Il \'l~1I1 r<'d\lin' les .Éleclelll'S-SOllVerains ill'état tlesgraneló
tl'Espagne,l'l It'S é\'e(lUes illél (jllalité ele cltapelains de la Conr ÍlII-
prl'iale. -- Hiclll'lieu déjoue luus ses projels, en lui slIscitanl \lB
enncltli redonlalJle. - (;usla\'c-,\clulplle, héros ele la \lonal'cltie
slIé¡[oisP,-Le Cabitlettle \ienne considere ce /'rince el'un mil plein
de tllépris. - Jleslruetiun de \la¡rdrlJourg. - \ictoires de (;lIslal'e-
:\dulpIH'. - Lr I\oi de SlIede fail lrrmhlcl' l'Ellljlerellr cl'Allema-
(.;tll'.-Taetiqlle nOll\elle,-\\ alclstcin, généralissimr elo la '\Iaisoll
11' :\utrÍl:he, de l'EllI)lirt' el ¡lc l'Espagne. - "iurt de Guslavo-
;\t!olphe. - La gllcrr(' cotllillUC, - Ilichelieu el rl'ülival'é~. -




La Frilwi! p1'01l11 parl il ];1 ;'IWITI', qllí "Illallit pre:!(juc tout"
¡'''ll!','pe. - Expluils de \\'eitllilr. de Jlallllf'l', de l'icculollJilli, M
Tor"lelhun, de TUI'CUI1C el di' ClJlll[¡o, .- Jialaillp, !'l lraile,;.
- líi,;w]nlioll !:,1'I)(lrak ¡J,! l'I':lIIl'iI'0 .. - UUII'I'IIlt'C d'lln con;:l'es
él "nl1sler pI :'t o,;nai!l'l:,'k. - Tuule'i 11" Pllis"lIl,>e, di' rl,:u¡'0fi" y
sonl rejll'l"scnlo"l'''. salll l' \111,'1('[('1'1'1', la 1'()1()~tIf, t'l la 1;11"ill. -
.I'lln;ús )](lgO('ÍilliollS ne furclll pllls IOIl¿lIl''i, l'ln'i diflicil,'s. plus
1'I)IIljlliqmil". - Illtll'll1uitl's ;lf~cul'!lées it la jin 11('1'. il la SlIet!" 111
anx Llats de n:mpire. -J\appul'ls de 11'ligi"11 \'1 ¡J(' Ji/lliliqlle dé-
finili\'(,tllelll ('lalJli" ('1111'(' It·, call1'dirInr,; 1'[ l('s pl'IIII',;lant,. - Le
traíl,; de \\c,;tpllalie, l1um collrl'iifllr,; cll'\I\ p:II:I<:ssif,:IlI"b it ,\ll11b-
tn el ;1 Cl,'llltlll'lH'k, fuI p!lUI' J"I':urope 1111l' "UI1',I'lllíllll di' pai\;
pt, [lum J"[-:lIlpil't" une com;liluliul1. - 1,,,, l'l'ill"i" (L\J¡eJlla~nl~
dCl'ir:IlI1l'lll \'('rit;IIJic, :-;ijlm'r~iJl';, aY,llll J"J>:J1ll'erPlIl' ]Jollr ,mj"l.
-' La 'lIaison t1'.\Ulliclll' [l1'011',le 1'lIllln' 11' Il'aiU1• - Le I'apc
]JI'oleslc lui ilUCiSi, paree 1l11C la ¡cligiulI y C::il. ::iacrili,'", 1) la poli-
lique. - edtc pai~ llC tlnait ('lre 'lu'une tri'\ e, - l'ourquoi elle
s't'sl perpNuée. - Par ce ll'aité, ¡lc\l'llU l'uuique base Llu droit
[Jublie eurojléen. les Somerains a\Oll"n'ul ilUlllClllilllleJOcnl
qu'il, SI' ll'OU\aiellt dans l"iI1l/lus"iJ¡ilitI1 aJ¡soluc de rapprocJ¡('r
el, par con,,'r[Uf'nt, d(' coneiJil'r les parlis religil'lI'\ et oOl'i"I1\.--
111 parriJ mrll i'C faisail dl'\anl l'ElllOpl' 1l1OIlal'C]¡irlllr, au 1lI0-
1111'111 oú L\llgll'lpJ'I'e l'ssayait de dP\l'lIil' rl'(JlllJli"llil]i:.


ClL\l' .. \Jll. - AI\()LlTlO~ I)E l.A HOYACTt E:'i
,L\C;LETEHHE. 257


Sltualioll génélale des I\OVllUlcs en Europe. -- silllation parliculien:
de la 1;0; 'lllll' 1:'11 ,\ lI::;J¡'ll'rI c. - Origine ell':; p;lrlis au scin de la
>,,):'it'lé 1I11glai:;c. - Leurs tranSfil1'll\alillll"; sllcce:;sives, - JiU',-
qu('s 1". - illla~ollisllIe de l"aulolitr I't de la liberle. -.\1(;[11'-
1I11.'nl de CIJa]'J"s 1". - Con\'oralions (,t dissc,]utions snrcc',¡"ilc,
dn I'arlelllcnl- Toul!.'s les lCJllati\'l's faitc:; 1"1111' fol'¡]Jlil' lit \lo·
nal'chit, cOll:;liluliollllclle, alol'lenl I'UII(' i1pri's ['¡lUtle. - Hetlllll
it la \lonal'l:llie alJsolllc.' - 1\('j1ul,iulI el'lll'rale lln pPllple i\ll,dais
olnlrl' le dcsjiOlislllI'. - l::llIiglaliulls. - 1,,;,,; 1"piSI'OpllllX cl 1,'"
pl'csh)Vrirlli'. - C!tnrles 1" H'ul co)]slitl,cr rUllitl" ¡ll[ ndll' 1'11
l\cossc.- 1 IHlllisitill1l all~lic'Llli'. --1 n s\lI'l'l'dioll é,'o,¡s;,i"e. -- Clllll-
les 1" cOIl\'oquc IIIlIiOll\'l'ilU I 'arlC[]](,il I ,--l.!', (:OIlIIJIIIIII.'S IlIlllJifes-
teullll',., inlcllliolb l,l/iui'¡¡CéliIICS. - Ili,,;olllliulI du ClIlIl'l-l'arle-
meol. - Le, mécolltellls lIJJgl;lis runl cau;;c (OllllllllllC avcc les




Ecossais l'eJlI~lIc,.-L';ll'lr,ee ll'l~co,se en .\.uglelerl'e ,-Com ocallOn
tlu LOlIg-I';¡ilclllcnt.-:-iluatillll respective de la Cou!', (le la nation
('[ des p;¡rti~. -, La :-ollVcl'aillel'" clu droil db in cl la :-011-
\'er¡IÍllct(; clll dl'oil 1i1lJllain sonl t'11 présence. - C.ondatll-
¡¡alioli pI suppliee de :-lraITord. -l'surpatiolls contillllellcs c1u
i 'arh'lIlent. - Concessío!Js de Charles le,. -Son voyagc en Écosse.
- \¡'I>sacre des ,\nglais ell Il'lande . ...:..· Bptllontrancc dll Pade-
ment. - ,\oble I'épollsr <tll I\ni. - CavaliC'l's el ,!,ples-I\onclcs. -
Le partí lllonarchique el le parti [Jresbytérien. - rllW s'agít plus
(rune r(Óforme Jl]ollarchitlue, mais ti'une rrvolntioll poplllaire. -
Charles 1" rssaie de faire un coup d'f~tat et n'y réussil point. -
I'rellliere gllCl'I'C ciyile. - Le l'arlemenl lraite ill'CC les )~cossais
quí lui fOl1l'llisscl1t UI1 Gorps r!'arnll;e. - Le f\oi ne peul plus 8011-
l('nit' (!ll'llllr Inllr in¡";.o:alc. - Plan tI'UI1 11011\ eau goul'crnemenl
ccclt;siaslique deslin(; it cÍlllenler I'union polilifJuP de I':\nglrlrrre
et de I'f.;cosse contre 1(' ¡¡oi, - Les prcslJylrl'iclls el Irs indépcn-
tlanls. - Olivier Crolll\\'ell. - Bill (Iu l'pnoncement i:t soi-Illeme.
- La furrr-aI'Jll('c passc claos les llIains des iodépcndanlo, c'esl-!t-
([ire de Crolll\\cll. -lh'l'ailcs de I'armée l'oyale. - Yicloires <les
indrprlltlanls .. - C]¡arlt:s le, se rrfllgic pal'llli les );;cossais, qui le
hITcnl au P:II']¡'lllenl. - L'armée s'emparc dI' la I'crsonne du Hoi.
- Crolll\l'ell fail adop(el' une (lnlon!lallcc par laquelle IUllS les
l'omoil's IOll¡]Wllt dalls la main du l'arlemcnt. - Ce yole l'é-
pubhcain faill'cJater une réacliun lIlollilrchique c1ans (oule L\n-
glell'l're. - ::;~r,oll(h' glll!l'I'e chile. - Triolllphe de Crollllyell. -
Le Parll'lIlf'nl vellll'eslalll'cl' la Hoyaulé; llIaÍs I'anllée, sons le, nl'-
¡[res de Cl'olll\\ell, \cut fO!lflrl' une HépuhlifJne. -- Lp Pal'lclIIcnl
p-st décillH; ]lar l'af'1l](;(,. - fo'orlJlalion d'une baule-cotll' pOllr ju-
;.':el' le I\oi.- COndaltlllalioll el supplice de Charles 1". -Aboli-
tiUIl de la l\oyaul(\'


CIIAI'. X\lV. -- f:TAnLISSE~IE.\T DE LA 'IO:\ARCHIE AllSOLCE
OA:'\5 LE NOI\D El' LE ~IIDI DE ,,'ECHOrE. 31 9


Les lllilXilllCS l'ól'olutiollllilircs tle r.\lI~lelrl'l'e sr, ]1rol¡:¡grnt en
"'rancc. - ,\rlllliniotralion d(~ ~Iaz"rill. - Trouliles de la Frondr.
-Oppooilioll tlrs COUl'~ sou\'CI'aincs. -lkaclion contl'e la Ilo) au-
té ¡¡I,sulul'. - Le I'arlelllenl de Pari" s'arJ'()~e le droil de limiter
I'aulol'ité clll Hoi. - Al'I eslalí(\ll dc Ill'oussel el de qll1'lr¡ul's nu-
tres com;rill .. 'r'. - :,olJlelPllIelll <le Paris. - \\1])1: d',\nlriche
el \lalhieu "olé. -- ¡;Ial'"isseillelll eles jlrisolulÍcl's. - Fuite de




la Cour a ,'-,ainl-(;el'llIain. - Expio"iull des id"eo I\'pubiieallles.-
J'ilix de iinei!. - La ¡,'ronde 11C filit que ('1I,lllg('1' ,ir dil'pc!iol1.-
Les )'l'Íuces el les [(rauds sei¿[]€nrs ¡;oulinlleul la t;:UI'I'I'C chill'.
- \Iassacres, - Les l'nrisiells slIl'plient le Hoi (le renlrcJ' dans
Sil capitale. - 'ilaliuin esl prucL:llIl; 1('. re"tallralcul' de la paix
[lulJliqlll'. - La Fronde el la ré\olutilJn d' .11lgleteJ'l'i'. - Ll' [ll'lI-
pie franpis app!allclil au lriullIplie de la \lonélrclJir; alJsolllc. __ o
J\'~'si:;lallce passi\'e llu peuplr an{!lab contre la n';publi,¡uc. -
L'J~l'usoC el I'Irlallde se d,"clarent pOli!' le I\oi Cl!atlps 11. --
(;rolll\wll SOlllllct crs dC1JX I;oyalllllrs. - (,(JIlllit entre J',tlIlH;C
de Cl'Olllwell et le Parlcmenl de Lundl'l's, -- Ce ¡¡1/1I/IJ I'arli¡¡ ..
1111'111 psI clwssr par CI'l)ll1lwll. - Forlllalioll tI'UIl c(li!,eil lIlili-
tail'e.-Cl'ülll\wlll'sl nOllllllé I'l'oic({c/lI'.-')'uus les nuis de l'Ell-
rope s'!nlJlIilicul Llelillil Cl' "lid (['IUIP I\l;puldiqui', - (\lIiance tic
!.ollis ,\1\ et di' (;1'0111\\('11. -1." i'Jolcc(l'\ir lellt SI' rail'" Boi,-
1I re,holle r1ans cctlc trnt~ti\e. -- La mor! de CrollJwf'll ,ame la
l'rancc el pcul-etrc n:urO[lC. - Hicltard Cnlll\l\l'11. _. L'Anglr-
terre a la lllcrd llr plusirnrs g('I1('.rallx. ,,- 'ionk. - L',\u;;lcl'-'Iw
~e pl'ollonce contl't" la l\épnhliljllC el pOllr la \i(JIl;¡r,'liil'. - ne,;-
lauratiun des Stuarb. - Chal'les 1I 1l1Onk SUI 1(, ll'(¡ll() i\\l'(' un
pO\l\oil' abooln. - Cetle r'Jl'me de .\Ional'clli ... ,ldu¡¡[¡"l' dan,; le
lllidi de n:urope csl ,;ullicitéc dalls lou,; ¡,,,, ¡':l:t[,; ¡JII "unl. -
l.es [!uerrcs de Charles X, Hoi de Slli'dc, kllt liailrr' ,',' IIWlI\,"-
lIlelll cj'opinion. -Plan gigantesque, mais cl!imél'ique de re Priu-
ce.-.lean-casimir \\ asa, Ol! mienx le I;"i ,rean 11 \(~lIt rrll'(mnrr
la consLitlllion de la Pologne. -, lli,collrs proplHiliqllc de ('C 'lO·
Jlal'qn8 i'lll' les destilll'l'S nltr"l'ieu!'es du 1; oy:l 1111 11.'. - l.a r('odalilé
Iriomplle dp la Iluyantl' en ¡'(lluglle. - ~loJl,,)'('I¡j(, !;,.!!"j,,,' ¡;[ .\OJ'-
\\-{~gienne. - HI"\"uluti()ll di,' Cop('idwg-ue. ---- /.(1:) ;"::"1:;" ;ql]'I'--; s\\-
tre eoncel'l,'s aw(' Fr,'M'ri,: 1:1, >!' pl'unollcenl en fa\elll' tic 1:(
J;oyallt'> absolui'. _. ClJ¿lrk, '. I :(C1ull1plil lIne 1'('\ ullltion Sl'ln·
I\iable llans la ¡iOlJilI'l']lic '\II\I"i" ... - 1.(' Irillllll'lJI) (Ic la !\o;·auk
a1.ouluc C\jlri((lc la I'uine ddi,lilile di; la j'¡'od;¡Jik.


CIUP "\.\. V. - LA FRA:'\CE ET L'ECROPE SOTiS wcr', Xl l. 3i~)


t;ouvernement de Louis XI\ .-En disant : I;I~I((I, ("c.l1 IIIOi, il i(l-
dividualise le l'ollvoir (¡\lC ses ,lIle"lre, (¡nt lUlIjouJ's géné!'alisr.
- La Frailee lienl le s,~epll'r du t;:,"lJie en 1I11~llIe lelllps (¡\lC ('elui
de la ]luisSailec, _. Elle lelll (U'Jll~;'cr 1';1I1cipII IJut d,', j~l:ll,; !l011l
lui substilller Ull but nUll\'cau. - \dnlinislratioll (le Colberl. -




1'l'oJ)I(:nw dll Il'a\ailll,lIl" louLr socif'l(\, --L'a~t'Ículllll'e, l'il1llus-
trie' el 1(' COIlIIlIl'I'(,(' forlllenl ]":i tl'ois ternws de ce probli'llw.-
En ,:i{'rili:ull le [l11'1l1icl' l"l'lIle aux (len\ ilulres, (;.:/J¡erl rr"alise
i!blillllélll"'tllrlll tI,]" illlIlICIlS(' I'irile"s(' ¡[;II1S 1" [lays; mais il IlIi
pr0pal'l', pOIll' I'alcnir, di' gléludescrÍSl'SlInÍ rl1¡r€ntll'crolll le pau-
]lél'i'llll'. -;-- li('J'OI'llI(' j\llliriilÍl'e.-I':lilhlissemrnl de 1<1 polier. -
,\nlaérllIIÍSIIIl' de ColJ,cl'l ('1 d(' LOll\ois dans Ir CO\l\'rnwll1cnt.-
LiJllis :,iY 1'I"!,!alll" I :i 1'<11'5 l\il5 par {¡!'oir r!C(/,:/,u!¡¡lioll.-Cnel'rc
('1,ln' la :"I'all,'!' el l' "::;Jla::;ne.- La Ilo!lalllle suscite une 111\:IIIÍi'I'C
!'!i:tiÍlinn ('ol1lr(' la i '1':lIIC<'. - l'aÍ\ Ir \i\-la-CJ¡apelle. - (lrglleÍl
ti,'s 1 i,¡[lill1dais. - Louis \ 1 l' lr\1l' (¡,'elare la g\lerre, SO\lS prdexlc
lÍf' \!',¡gl'l' di\l'r,es illjlll" ,s, - InYilsion de la Ifollallde. -1'1'0-
posilill ll ' ¡le paix '1'11' !.()!!\(\j; rai! rejrler. - Le ]1rince trorangc
1',[ 11111111111' ,"1;11111,[1,[,'1'. -, : ""u::i0Illc t:oalilion (,,'1',11'(' lél Fl':ll'cr.
-- ',lill'i:i¿" ,ItI Ill'illl'!' ¡j'OI'a,,::e i\\('(, la pl'ince",e \Iaric el' \11:!le-
lel'l'r, - :';,ix d,' ,"i!III';'Il¡', ,--l.a Fraile!' e,l ill'apogl'e dr S,1 fdoi-
re. -- L()l.ii.~ \1\ l!1'I:lJ;! 1(~ Lirl' dt ' (;j'u'ju!. ~- ClwJlJ!lI'I'S de ]'Óll-
ni')IJ. - rnju,lil'(" tll' Lonis \!\ r"n']', I"':mojir. - \pri's ilyoil'
:'"lllllis tOI1, j¡,,; ¡:lilLi, ii \('ul snlllllcltri' i'f:gli,r. - \::3l'mhJ¡le
dll ('j""L:t'. -lh(Lll'illinn di' IfiS'.'. - Ult' (,()Ilslil\ll' \lll jlroleslan-
tiSlIllI d('glli,,". ,-- ]'1'11"\1\ ('lkl1l8nl di's ¡Illtes rln ~a('I'I'(¡()('c eL ele
Ji( I:UYiillk,- Le [J'd'li ¡JII tlj'oÍI dil'Ín Pl'l'Il'II'l e:-;cJnl'l' s:,¡léf1l<lLi-
'lllClllcnl ie pal'li dll ¡lroil hlllllaill. - Le Jml supn'ltlc des Étals
,e trol1\',1111 cOllljlrolllis ¡jr";urnnis, ÍI n'y il point dr sl'lrrlr' pn]¡li-
<jllr'.-I:ó,ocalí,ill dr r':llil di' \anlrs. - Le faro:;chr Lou\'ois
(lrcilni,c ]¡'s IJ/'IIi/Olllllldcs ü ¡'in;;n dI' LOllí" \1" .. - tltligl'illion
dl'S plIll,·",I<lIlI,:. IjllÍ rxcil(,[,()lIt n:liI'ojJ(' con!rr Ja VrillJe". -- Le.
"rill"t' ¡['t,rall!:'<, fol'lJ 11 , Ir' jll'oj<'l tk détr<'llwr 1,' ¡:oi ¡J' \llf"lelt'lTe.
,,- Ulild"I) 11 I.'I,;;I"<[II('S 11. ,,-- Ci'S lle\lx "'o;:éin¡'l"s 1'(\'0 i \1; 11 1
J':llIIIIÚIl(' de; lllaii!S de Lüui,¡ \1\. -C]I1'[I' drs ~l!lilrls. -- Le
princc tI'Orall:::" r"i 1'1'(1('\,11111' ¡¡pi d',\nL-"d"IT<' son, Ir llOIl1 ([f\
Cnillal1ll1ü JI!. --- Tu"'; 1', :'oii\'CI'ains. il !'¡"c"pliol1 du ]\(li de.
!"r,llice', le\ J'('("lllilai:-sc¡¡t.~Troj~i(\ln(' COf1~itii.J;J cnntrr, Lonis Xl\.
-,- Tririlllpil(', d .. " ar'liI',{,;; fr:lI1S';¡j",'". - I'aix ,\¡, liyswick. - si-


:Ilalinll )'('SIJI'di\'!, dI' la [.'1;11 ! (",' pt de l'.\.llglel~rj'e. - SlICCCSSÍOll
¡[':-:'I':licliC. ,-Tpslilllll'lll de' eila:'Jl''; [1, mi tI'I':spaglle, 1'11 faYel11'
Il'UIl I:il., ¡le l-'1'Cl'iI't'. -- I'<lili, \Ir n('cl'ple 1,' testamento - I'IIÍ-
!ippe \ csl l'r"'I:"i,1 ¡,;Ir IOll,' Ir, ~(1J1Y(:l'aÍlls, l'\cepk par rEllI-
pÜl'cur r]',\llellla::;lIl:. --- 1.'::111(,:,,, Cl'aint ¡'a]¡sl1l'ptioíl de l'Esp<l-
guc P;:ll' Id FritlH',l\- ~ .. nlíll.i'¡I": . \ "" ,~¡j~f!)ll \'i¡llll'(, 1¡I,Juis \¡'~.­
n¡·'.saslre~ dI', nns f\lllll·'C'S. ---(;!':,l]<, lit' I:t dr('adrl~('~} dn l'(\;n/; de
LouÍs \1\. - i'aix rlt' \illll'¡':¡:',', i:lJlIl ",\ll;2:lpl¡'lTc dic!(; 1,:8 !'OI1-
ti iIÍi!IlS. - [J' tlroillllllllaill f;;¡¡ '[1)11(', iJl','\;!lui¡ "a 'llpr'rioJ'ilé sur le




- 556 -
rlroil dlYÍlI. -CréaliulI de la Hoyaule en 1'111';';" el en ~al'll;lIglll •
- Fill du régne ele Louis ,'"IV. - IntlUl'IH'C de re graIllI 'lonar-
que sur les rlc,linccs uItérieurcs de la l\O:élUlL',


ULU'. \'XVI. - CHÉAT[O~ DU .\01\0 DE L'ECHOI'E ET
nESTRlJCTlON DE LA POLO"'."E, •


La Idll' grillllll' 1"1',¡qlll' lit: I"lri,loil'I' du \Iidi 1.',1111111'; la [lltl"
(;pllfjUl' ([1' I"lli,lllirl' dll :\111'11 I'IIIIIIIII'IICI' .. _. La 1,11",il' dl'l'lIi,
l\\dllllIjlNjll'it I"nlilJ<'liulI di' Lt n! 11",lil' di' lillril"k. - L;: l'"lo-
glll' "l la Suétlc 1l1l'1l;i('I'nl I"l'xi,'II'III'1' dI'. la ¡¡11"il'. - L',I\"III'-
JlfI.'ul de,; HOJJl,III(l\\" (',lmH' /"«IIII'I','lioll Ililli"II,"", - (:1I11,:illl-
tioll ni,,",,'. - ['il'nl' 1", tlillc (;/'(/1/(1. - 1111',111'('111111' Ii! HII"I,'.
Illlt:lll' ;I,iiatiljlh', ,'11 1111 flllpill.' "111'01)1'1'11, - 1'11'11"1' 1" ('1 ("Jlill'-
le;; .\1[. - Liglll' clIllln' la ~lI('d,·. - \i("["irl" [11'1';';([111' miranl-
le uses de elIarll'S XI L - Son im a,illll ('11 l'OIIlf'IlI'. - 1I [all d,'-
po:,er le Hui Augusle lll'l [ll'lll'lilllll'l ~·I;III¡,I;¡, I)'uill,ki. - ni,-
sulutiull de la Ligue. - ellill]", :'\[1 IUdl'I'!I" ("!lIII'I' 1'10'11"1' 1'" ,1\"1'
nnteutiull de lt' tlt"ln·,III'l",····I\alailk: (!fo ['lillil\Y;I .. _- 1,;1 Pl"¡"'p,,"d l '-
1";111('1' d,llI' J¡, \ul"lI ¡',I ''''qlli,;e il j;¡ nll"i,'. ~- CII"II'" "1111'1' 1"
JlII,,,i,' ,.¡ ]i! 'I'\II'lllIil'. _. Pienl' ",t IIlllig", (¡,. 'Ilidl' 11111' Pilix 1111-
llIili;¡nlf'. - La Liglll' 1J¡1 \1I1'l1 H' 1"1'[01"111<'. - Le n"i d'\ 1l~11'I1'1'I1~
('[ ]I' noi U(' 1'1'11,,,, y ;\1"1"(',["111, -. \1"g'lI'iilli,,",; l"I"ill'lIIl" l'lllrl;
ellilr!", XII "l I'je I"j"t , 1". -\lo!'1 <111 lilli dI' ~lli'rI,' ... - 1,I'\IIllIlillll'
llan, 1" (;UII\l'l"lI"lIlf'llt llc 1'" pay,,--'I'r;lill' d,' .\~,I:tdl,,·-I'il·II"" tu
rl'j"ul'!llilleul". -l'n'Jllicn' IlIi fOIlc!illll"I¡[;¡k di' ¡'I':IIII,in' 1'11,,/', ,"111-
('('manila 'lICl'l',:,iOll au TrüJlI', - ,'iilllillillll d,' /;1 "ul"!'II1' \i"d-
ús ele la I\ussil.' el de la PrU';if'. - ürigilll' d,' I'elll' (\"l'Ilii'I" \11).
narcllic. -fn:'dl'rÍl'-(JlIillallllll' I". - :,'l"l'd';l"ic 1[. - CIII'I'!"l' d,' la
sll('('pssion lL\1I1riclll'. -, (;ralldl' li~lIl' [111'1\\1'" 1',11' la Ilr;¡I\('{;
conlre \lade-Tllérése. - Uerlillll de I"EIlIj)/'l"l'ul" ell,II'I,',; \JI. -
,\I;lrie-Tj¡él"l~se el ]¡O, l1Ii1gll"t;; di' IIl1l1gl"il', - \1;lli,'-TI\I'I';',,, f;¡it
1;1 paix mee le Hui dI' I'nl,,'/' ,'1 11' I,,,i d". ~"I'ILli311<'. - ],'.\I\gk-
1i'ITe illlcl"I'il'lll en ÜIY"llr d,' I;¡ \i;li"OIn 1I·.\IIII·il'llI', r'l d¡"'l'larl' la
glli'ITf' il l'Espaglll'. - IV'l"aitl', UI' IIlh ;11'111""''; (,¡fal'li "" par ll"r-
l'I;lIantr, yil"lllil·I',. - 1,'I'<'tll"l'il' 11 1""IIiIl',,11 SlII' 1" I!,,"dll"l' di' 1;1
gucj'j'l'. - '['(HIlé', k, l'UiS';lIICI', dll \,"'" 1,1 dll \Iidi 1'1"'IIIII'lli
Jlill'l anx ho,tilill'';, -¡[ol'lll,' I'EIIII"'II'III' (;!¡;IIII', \11. - 1:1,"'-
lioll de 1·'l"all\'oi, 1". - Ddlaill .. di' i"IJlIII'IIo'i. .. - 1I"lal,li,'I'JIII'lll
llu :-:>tal!lolld¡jl'all.'1l lIollilntl('. -- 111',II')wlir>11 "111111'1;'11' d,' Lt Illil-
rille fj'illl~,¡j"e par la Illill'i!ll' illlglai,c'. - Tl'ilil" ¡/'Aix-Ia-Clwl'elle.




-·557 -
-Inlerpr¡',[alinn lh~ el' Iraill' pnt' L\nglplerre lt l'égal'd de 101 Francr.
-lIosliliks de 1'.\111)11'11'1'1'1" ,;all:; Melaralion ¡JI' gnrrrr, pr(\alahlr,-
La FranC(' wlll allaq\ll'l' 1',\ngklf'1'1'1' diln,; le T1anmn',-Lil ['rus,!,
1'1 Ijlll'lqllP'; l,rorincl''; rI'"\llelllagnt' fonl Cilll"e COllllllUne arpe
L\II¡.;HI'I'J'(", - ,\lIiilll('i' ¡J" la \I,li,on de Frallce el de la l\!a¡',on
lL\lItl'idu" I'nlll'lllil':; ""I'lllail'l", - Cnalitioll de I'Elll'OPP ('01111'('
la l'nh,;I', - GI;nil' IlIilililil'l' (111 (;1';11](1 Fl'I;rl'\l'ic. - Ses lictoi·
1'1 's, ,-- Pacte lit; falllilll' ('ollrlll putn' ks ¡Jil-,'r,l's hranclLes de I;¡
,\Lli'Oll di' ]\illll'l!(ln, - La HlI,;si" ll',lite aYrI; la J'!'llSSI~, - \11'111"
lIlt'llt de (:;lllu'rilll'-I:I-(;I'anllP,-Paix (1(' P;¡ri,; I'l de lJuh('l'sthourg.
- Fr,',dl;ri,' rt'nl d,;ll'llil'l' I;¡ 1'0 1o!!: 111' p01ll' C!'f'('l' dl'lillilil('lllr'nt la
I'nl,"', - AIII;lgIIIIÍSI\J(' 11,'s pal'lis 1'I'ligiPllX I't [Jolilir¡ut's 1'11 Polo·
glll', -Colli'l'rl diplOlll;lIir[lll' SIlI' 11''; affaire,; d!' l'ologlll', PI'0IJlI';I"
]Iilr le' C;¡J,iud di' S;tÍliI-I'f'll'l'shollr¡.;' ;In (ahill!'1 e11' \er,;¡illl's ¡¡ui 1"
l'l'jl'ltl', ~ l::j,'I'lioll (J¡o Slilllisln;;-Angmlf' PonidIOly,;ki, - (:0111',;(\1'·
¡flli,,11 l'a[/lOlirjnl' di' 1i!II', -ConlrfL (,ollfl"t1I;l'illioll ele \ ilrsolil' 1'01'
1I11"!' ,O\lS 11'': !l1l>pil'¡', rI,' Ifl J\I1S,il', pr()ll~cll'¡"I; dc,; tlissidl'nls. -
[.;1 TlIlqnil' tlr"clar!' la gnrrn' ;1 1;1 JI I",.;il', - tlr;caclence dI' ['ElIl-
pire 01111111;111. ~ Trillm"IIP e1"s ill'IllI;('S rus,!,,;. - Conf¡;rI'IlCI' di'
F!'I;t\¡"I'i,' JI 1'1 di' ,1""'1'11 1 r. l'1'1.1til"'III!'lll an pnl'ta~1' dI' 1!ll'f'¡llgnl"
,~I.·.\nlt'Í<'11I' ,:nllplilllll' 1;1 FI'illIl'l' it Y;lrSOlil',-L'EIIlI"'I'I'llI' 11".-\1·
1"lilfléCIH' "11" noi d,' PI'lb,;" nll'I1,1i'1'1l1 CatllCl'ine ¡r\lnl~ g\ll'ITi', ,i
"11,, ,',11'''11", ;1\1 (J¡"IIII'lIdJ\'l'IIIi'111. - Tlililé (J¡, partagl' ,dgIlP,;1
Sailll-PI"ll'r,;bollrg, - Traill', t!,~ h.;¡lllilr¡Jji.,-Collsillt;rali,lll, géllt',. "
]'itll'': '111' 1", Ir(d" 11"'JIII'IllJlrl'IIIl'1I1s de 1;1 Polllgn!'.


C/UI', \.:XVII. - OESTRL"CTlO:'i DE LA ~IONARCHIE
FI\\l'ir:AISE, ú83


DI;ca¡JI'IWI' ]lt'ogrrS'ive 111' la \Ional'c]¡ il' I'll Enl'opr, - Lllni, \ r !W
SOI1!!:I' ;'¡ fail'!' \ inl' la \lonnl'cllil' J'I'illl('ai,;p i[ll'allS,.;i 1(lllgl,'1I1P:;
ifll"il ,illa IlIi-III1"IIII', - !lllili!'IJI' V J'II!'IIH' 1" projl't Ilf' la rdl'll' I
1'1'1"1I11111'1I1'1111'ltI. an li'ifl1P '¡'I~lrl' (;na,,', pa!' lonl 11' JlIlll1de, -
,\III1"I'llIli. - l.a Flnl1'f' ('1 1',\IIl!II'I"I'J'I' 1'11 11111,' all'l' n:spagne,
-I)el'¡¡ii'r,',; 11'lilalil!':; di', Sillar 1:; I'U \nglt'll'!'r','. - 'l'I'iIlJllpllr' d('
J;¡ \lai"ill dI', lIaIlIlVI'I', - (;0I1II'/'llI'l11('11 I (It; LIJ I IÍ,; _\ r, - LI''; Jan·
;;I'lli,II" d 1,,:; ,I,",.;¡ril(',.;, -- L(' p;II'li 1'111 ¡Jroil lillJllilill oC' I'oll;;litlli'
di' 11I;lllii'I'I' ;1 jlOlllllil' 1'\dlll'l' 1,' pal'li tlu ,Imil (Iivin. - Travail
n:\Oillli"IIIl:¡in' i\1'1'llllqdi pal' \1-,.; :;('('\¡'g pililo';"I,jlÍqn!';; I'L maté-
l'iali,II', an SI'ill ([1' la ;;I)('i,'o[,;, - 1,1''; 1:;c(l!wnti"I(" pL 1(,,; EIli'Yclo.
jJl"di,II". - LI'\lI' dllubl!' i'olljmalion lI'a qn'lIl1 ;'I'nl hut : 1'!'lni di'
di; 1/'lIi 1'1' 1;1 1'1'Ii!!illll. I,a,;f' 1I11l/';¡](' d,' lons I¡~,; I-:tal'. - lb n'"u ,r¡lIt




- 551\-
}"las moins protégl's par 1e's I\O!;;, - i\IJolilion dn I'Ol'(ll'p, des Jt"s\li·
tf~S, - Forlllalion d,~s SOriplf~S sIocrell':', - Oppo;;ilion des l'arlt',-
llH'nls sous Loni, Xy, - \ \'I'Ilf'Il!t'11l ti., LIl1lÍ, \ VI, - II rherd,,',
parlant ¡]ps ('(\foJ'lnalf'lll'S ]>um ('n faire dl's IllÍniSll'eS; mais il lH'
[mUlI> qUl' dl''1'¡'vollllilll1nail'l'i', - ~lillbli'l'i' dr' TlllgOI. - Túu,
II's )li,j" dI' 1"1-:11]'(11'" '1' I'lIlldni,l'lll f'll I'I"\"llIliol1nairl's, 1'1 Ii's IW\l~
1'11" en 1'1'111,1'1'\,,1"111',. --~ ¡;r;lI1d" j'í\;wlion 1,¡-(lellliIP }lar 1;1 rllllll'
,je la I'(¡I()~II., ;111 'I'ÍII d.~ ,']¡;ICjllf' \alioll;¡]il". - Vn\rl¡\ri,~ 11, 11¡"ln,
,1,' \l<lrlIÍdwl. \1'111 d,'\I'llil' Illl 111\1'0, di' 1'1111,1)'([\11'. --' 1;111'1'1'"
,'1111',' 1;1 I'nl'''' f'l r \IIII'j,'IIl'. ;111 sllil'l di' h slIr"(",Íon di' Ha\ii:I.',
- La I-'I'¡¡II('" l'I;!,!lllil la 1';li\ d¡¡IIS I,~ C(J!lli!ll'nL -- Ti"il.; ¡[" '1""-
('111'11, - (;111'1'1'1' 1'1111'1' l' \II::I,'!"I'I'I' 1'1 Lt ¡:I"lll<'i', qlll, iilll'I'H'II,'111
1'111',1\'1.'\11' ¡kl'.\JlH;I'Ír¡IH',II';:ililllf' I'illolll'j.'rlillll d,', 1'l'lIpll's ('(lnll'('
I(·~ Ji()i:-;. - l>~pl()~inn I1(H'; idl'l·..., ;lll~llli..:~\-.; p[ iltll('l'kaini's tI,(lh 1;\
;,,,rif"II', 1'I',1IlC',iSi', - ()I'i'0,iij:lll dn Pill'l"lill'lll t¡lli IlIlhli" 11l11' tl,,-
{'!:!I';lIioll ¡[p:,- I"U!'!ll('''; ~lllll .... ,j!llti\I):-. di' [<1 ¡,',,;UH'('. -- I.(Hji,,", \ \,1,'(1/1-
\()(Ple le:- (:t;tl~-!;¡·'ill'-I';llr\ .. - p¡('I(!ij(l'; dI' ii¡ !;¡'\·O!\llioll. - Pl'ln-
ciJl!''; ,IYI)Ili"" d:llh 1", (',tlli"I', d,',,,; 'l'l'ui, Ol'dl'",. - 1'1:lIlcilll'S l'l"ill",;
;'t I\·tal d!' p¡nld{ljllf\":. - ~~i';\II('(' !'il\;dí' •. _- ;--,I'I'¡:I('i!l !In .fP\l di'
1 '¡¡IIJ1l1'. - i:lJdl il iun dll Ti"l'o-(:1 di "I'¡J., la IlIlIll'!.'I,,'i,il' di' paI'Ís.-
Ll' P(luy(~il' nfficif'l ¡Hil"illl!i !~ill l!!l j\(lI:\(fjr O/·('II!II'. - Lp..; Tr()j·,
Ordl'f's ,1' I "lIlli,"'1l1 pOllr 1'111'1111'" 11111' \":"111111"'1' 1 ,:i!inll,!I" C'lli-
sli!llilll"', - LOlli, \ \ I Ü ;'II<',II'[-dl'-'i:lf' di' P"l'i" - I.'I!"'III'. -
\llil dn 4 '¡¡JI'Ii. - f)¡'(IIII'i1liOil ({¡" I//'(Jil" ,/,'(¡'OIlIiJ/('. -- .111111'11('0.";
d·odo],ll'. -- LlllIi, "\\1 pi j" \""111111"1' ('()ilslitll:Ili!I' ,f' fi\f'nl it
Pal'i,. - CO!1sli:lllillll di' 17DI. - I:I"llIi::Talllln, - 1,1', I\lIis 11<-
I'LIII'O!," Yl'11l1'11! 1,,.1,'11';- Ja \]nll'll'rllil' 1'I';llli'ai,l'. ('11 j';li,¡¡lll ,111' !'II~
di''; ('1)11IIU011'';. - Llllli, \ \el \1'111 I¡¡ ]'1'11'\1'1' 111111 "'111. - Y"I';:~,'dl'
\ an'lil"''', - \ITI',I'lli'lll dl1 glli. -I'I'f'lllil'I'I' Iti!ll' <111 pi!! I'i 1"'il[l-
IJlicain 1'111\11'(' 1,' pi\l':i 1'11~',lIi,II', - 1.11111,' \\ 1.1"\'1'1'11' Ii! f'rJlhli-
(1IIioll. - lle,truelilJll 111111':11" di' la ,[OII;¡!Tlli" p,n' l., n"i. - \:'~
. ,'iIl1'¡';" 1!'(!i,I;lli\1' 'lui Yil'111 l'on,;II:I'f:1' h' 1 rilllllf.Jll\ Ildillilil' 11" !;,
SntlYI'i'ailll'lf' 1111 1'1'111,j/, 1'1 la J'\1Í11I' dl;nnilil" di' la :-;1I1111']';\illl':"
dn ni,i. - \lillÍslerl' I,ilolldin. - IlhlllTI'i'lilll¡ dll :W jnil!. -
\lalli[psk di! dlW dI' ijnl!I~\\ ich. - .!011!'iH"(I d~: 10 ;¡(l['il. -- 1;1',_
cl!c'élnc/' dll I\lIi, - 1).',Il'tH'lion 1I1"II"li!'ll!' de I~ \IIIlIarcltir. -
j)('I'"il,'s 11" no, dl'lill'I'S, - .]11111'11("', di' -,"pl"III):¡"', --1.'1 '1"'1'1'1'111'.
COIlYI'nlioll n<llio:1,1I,'., '- 1'l',"'lalll,tlillll rI,' la 1'1'11I1l>!i r ;IlI', - T.,¡
!"('¡lIle!' nipuldj('(linf.' ~itll\I'¡I' ]';(1' la ¡:J'ilj\C~' 1't)~;¡II:--ip. __ il!'II('¡l:-: (,/
11101'1 ,!t' L(luis A \ 1. _. 1:1-:111'\1111' I'i L, ¡;,I.",ll!li,lil,


rn PI' ¡ \ -¡"mI' rll:" "\rJl:IlF. ... III Tr:nr"d"r \OU "'ITI,




ERRATA.


Page 32, li¡(n.> R, Étallt mort, tise. : Ferdinand étant mor!.
, , , ..... lignc, ij et '1 s, en attendan!, liser: et attendit.


&0, liglle 15, ou, ¡¡s('z : soita
-- .jO, IjglH~ 17, l'élUblissCllt, li,~('z .' l'établiront.
~- 57~ li¡!llt' lIt slll'l)j'inll~: le mol rOIll111f'IlCent.


, .• , ••.• liQnf' f) 1"I':IIICS., ¡¡se: : Frunce.
""" •• Iigllr' 7, '¡·Antl'ich.·, ]lour, U8r:.' d'Antl'iche rommCllcrnt,


pnlll'.
GS, liglH' G, ¡;prollvrl, lisr: : {prollvait.
ko, li~Il['·l G, le [!/'n¡"I'::tl, Use: " l'alllil'al.
~s, Jj~Il(' 20, d{·,·.r)1'mai~, I¡se-:- : di's 101'8.
f)!J, li.!..::It!' ~'7, COrrtllW il a,·[\it~ {i.'jl'; : .\yallt.
102, li~·tj(' 10, .<;;U¡;]I/'iIIICZ res 'tilO!:': " t:1ndis Qll(l,


••••.••. ]i~!](, '11, fHl}lrH'imr,: t'es l1wts : dl~"'crtcl:; N.
- ~ 11 ~ li~IlC !t, (liplO1natiqup, Use! .' rle.:;potiqlle.
- '110, li~,w H, 11', li.<r: .' et Oil le •
.. " ... liQn,.' 1:l, ~\Illlt¡Jr.., lis(": unnnlt'- qn'jl (tait.


'i 22 li~:ill' 2;\ ¡]p lI\'llri, lI,~I'Z . .. d'Henr1.
12,'), ligll(l 0, d'dl'(' cnmme, li,~c~ .' d'Nl'c consi(lé1'6 ennllllC.
127, ligtlü '19, qll';'t maintenil' Oll conr¡ll/'rir, ¡¡se;.' 41¡'a ganlcr


nI] :L prewhr.
"]3[" ligll(' iD, dr'clarnnt. Ii .• e. : d'·dara.
t~,~, ligll(', 20, pl'Ott:stunt, dr' Frunr.\ ti8ez.' protc~tants r'migl"'>\


de Fralle'I'.
15t, ligne 12, !lO pcut, lisc: .' no pouvait.


.. - i <)[1. ligne 20, aim-,i l., li,~(':. : all!si d(' la.
1,)(), jj[.!'IH:S 7 pt 8 1 (:lisalwttl \'ouurait bien que \Lnit" jWll;;;t\li,sc¡


1::li,,,h,,'I, ]l('II"(' 'lltr' 11,,";r' voudrait hi.·n.
171, liglll'~ ,1 f't 2, a ¡l'aho¡'el pl~l'du, /i."(': . p\~rdr'~ d·aj¡ord •


• ••• . • •• Jif,!:nr 10, coIl k .. ¡is,e: : Oll la.
-17,3, ]i~J)8 '13, uurait pris. li.'wz : dl'vait pnmdre.
1R:í,lig1lP H, notrp. grand. ti",!":: no!]'" proroll'!.
2()~, ligllo~, un ()¡rl'it lp tl'ollf', /;SI'; : 011 l'oll'rit,
210, :igne H, Lr~ DI'Idt (}(', fi~'c: : Lt' brllit d\:I~.
~?t(l, Ji~lln (l. I'lu"r("dil l \ Use,::,' l~dl"1..dbilit(\
2:20, I¡gll(' ,10. c..e propo':':.-c, Use;: entr(·prend.
2;):~, !lote. Ch\ll'miti\l;¡~ Use: : Cl1f,ltlldu:.
::UlI, li[1t]{~ .=!O, SUPI)ri11lC~ fr moi ('j.
~;)2. li~n(~ 1:;, lIe }lom""it ar"i'i'}l!el', lise:.' dr"',lÍt J'cjcV'¡".
2¡¡O. lig-lIl' /, pl'iIH'ip(~ t'tl, lisr':: : lll'inl'ipl' ... llpl~riellr en.
202, li~!I(J 20. 11\/',(\ lis,('z: ILXt',
001. li~llr' 10. r1Wllll ,[¡se:.. dUlClIll •


•.•••... li~llf' 1.1, 11ne i¡tI"··",,nt·,' <lnlinomie, lisez.' nll8 antinomir in-
I,,\]"']]!r.


- 33:\, li,,'Ii: 19, impnsc am, ljsc~ .' irnposc tlll r""prrt :¡tI,"
-- ~j!J.~. li0.t){' 9, Ips syml)olc~, Ii.~r:. : "ymboks .


. •. . ~ li~IJ(l 22, P:trrn(~nt, lisr! : Prtrlf'llt('lll~




- 560 -
Page 3/¡9, Iigne 22, de la Fl'anCf" {isr: : de France.


351, ligIles 1, 2 et 3, dit un grand historien. ",renac,'. pat' de
contilluels cumplots, lisez: " Menaré par de continu.·I, COlll-
1'101,;, dit un ~I'and historien •


. . • • . . •. ligne 22, rutnmis, {isez : fait.
- {¡09, ]igne 15, SU]'/JI'imez ces mols : de Naples, d" Sicilc.
- 430, ligne 21, ,"'p/H'imcz le mol celui.
- 439, liglle 2, Sni'de, lise: : la Sui'uP.
- !J/¡2, ligue 20, el des, lise: " et de.


11ll5, ligue 1., K02nislJ8rg~ (ise:.: Kccnigsbcrg.
/¡7:), ligne 1U, vient, lisez : venai!.
48'" Jigne 11, "cuJ, lise: : tont senl.
5U, li"lle 16, aussi, 1'"hus de la force r.'ve.illair, ti"eI : Ans,i !'a-


bus de la force r('veilla-t-il.
:J1 n, ligne J 8, contestées. lisez : iJlcontpst'··I'~.
525, ligne t6, slIPrJl'imez le mor: neo


'.":-..,


"'-;.~~<-~:.; •.


..