FRANQAISE, PAR ~f. A. TIIIERS, TUML <)UATIUEME. PARlS, LECOINTE ET POUGIN,...
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FRANQAISE,


PAR ~f. A. TIIIERS,


TUML <)UATIUEME.


PARlS,
LECOINTE ET POUGIN, ÉDITEUHS,


QUAI nES AUGUSTINS, NO 49-
PAULI:-r, LIBI\All\F, PLACE DE LA JlOURSE.


3'1 DCCC XXXI!.






llIST()JRE
DE


LA REVOLIJTION
FRANCAISE.


"


CHAPITRE L


l'osition de, (lalti, apr,', la mOI't de Loui" XVI. - Chall-
gGIIIl'nts dan, le jllHlV"i,' exl'cl/tif. Rt'lraite de Holand;
Beurnonvilk eSI nOllim" ministre de la guerre, en relIl-
pheemellt de Pache. - Situalioll de la Franee a l";gard
des pllissanees etl'allgeres; rLlle de I'Allgleterrc; poli-
tique de l'itt. - État de nos arlllee, daus le Nord;
allarchie daus la Helgi')llC palO sllitc dll gouvemement
rvvolutionnaire. - DUlllouricz vieut eneore ;\ Paris ;
SOl! oppositiOl! aux jacobins. - Denxiellle eoalitioll
eontre la Fr:mee; plan" ,le défellse générale pl'Oposés
pal' DnlrJOlll'if'z. - Lev,;" d" trois cent mi!le hommes.
II/vasioll dI' la Ifollallde par Dnlllolll'icz; détails des
plans et de.s 0JwratioJls militaircs. - Padw csl nornnH;


n.




RÉVOLUT/ON FRAN~~AISL
maire de París. - Agitatioll des partís dalls la eapi tale;
leur physionomie, len!' langage et lellr5 ídi~es dalls la
communc, dans les Jacobills el dans les sectiolls. -
Trollbl(~s 1l París il I'oceasioll des :'lIh,i'itauec,; pillagc
des bOlltiqllPS des ':píciers. - CouliulIali"ll de la lutte
des girondins et des mOlltagnards; leul's Corees, lellrs
moyens. - Reyers de nos arn](:cs dans ¡.. NOrlL T)':'TI't,
r,;yollltionuaires pOUl· la défcnsc dn pays. - Éta
blisscm(~nt du tribunal criminel eicctIYlnrtlinairr:; ora-
geuses discnssions dans !'asscmblée 11 ce slijet; événe-
ments de la soirée dll 10 mars; le projet d'altaqll~
coutre la COIlvelltioll ~ChOllC.


l .. A mort de l'infoetllné Louis XV 1 avait causé
en France une tcrrellr ¡n-ofonde, el eH Europc
un mélange d'(,tonJ1Pment et d'indignation.
Comme l'avaicnt prévu les n'yolntioJ1naires lec>
plus c1airvoyants, la lulte se trollvait engagéc
sans retour, et toute retraitQ était il'révocahle-
mer,1t fermée. II fallait done combattre la. coa-
lition des tremes, et la vaincre Ol! périr SOIlS
ses coups. Allssi, dans I'assemblée, allX Jaco-
bins, partout, on disait qu'on dcvait s'occuper
uniquement de la défense extéJ-ieure, et des
cet instaut, les questiolls de gllerre eL de
finances furent constamment a l'ordre du jom·.


On a vu quelle cl'ainte s'inspiraicnt I'Ull it
l'autre les deux partis intérieurs. Les jacobill";
croyaient voir un dallgereux reste de l'O'yalisrne
rlans ectte r~sistallce oppospc a J:¡ condamlla-




CONVENTIOIV NATION.\LF (l;~):\
tíon de Louis XV], ct dans eette horrClIl'
qu'inspiraient a Lcaucoup de départelllents les
t'xces COllllnis dcpuis le 10 aoúl. Aussi dou-
te1'ent-ils de leur victoire jusqu'au dernier
moment; mais la facÍle exécution du 21 jall-
víer les avait enflll rassurés. Depuis lors ils
comment;aient a croi1'e que la cause de la 1'é-
volntíon pOllvait (hre sauvéc. ct ils préparaient
des adresses pour éclairer les départC'ments, el
achever lenr conyersían. Les girondius, a1l
cOlltrairp, dpja tonchés du 50rt de la victime,
et ala1'mp5 en out1'e de 1<1 victoíre de leurs ad-
vc1'saÍl'cs, ~ommen!,;aíent h décollvrír dalls l'p-
vénement du .). [ janvier le pn~lllde de longues
et sanglantes fureurs, et le pl'emier fait du
systeme inexorable qu'ils eombatlaienL 011
leur avait bien aceordé la poursuite des <111-
tellrs de septembl'e, mais c'était lit IIlle eOllccs-
SiOll sans 1'ésnltat. En aLandollnant Lou is XVI,
ils avaient voulll prouvcr qu'j Is 11' étaie lit pas
royalistes; en leur abanc!oflnant les septern-
briseurs, on voulait leur pl'OllVer qu'on tle
protégeait pas le críme; mais eette double
prcllve n'avait satisfait ni rassuré persolllI('. 011
voyait toujOUl'S en ellX de faibles réplIblicains
et presque des I'Oyalistcs, et ils voyaient tOIl-
jours dalls leurs adversaires des cllnemis altérés
de saug el de carnage. Holaud, complétemcnl


, .




découragé, non par le dallgCl', mais par rim-
po:~sibilité maltif(~ste d'étre utile, dOllna sa dé-
mission le :.d janvit:'l'. Les jaeobins s'en ap-
plaudirent, rnais s'écrierent anssitót C¡1I'il restait
encore aH ministel'e les traltres Claviére et
LebrulI, dont l'intrigant Hrissot ~;'était rf'mlll
maitre; que le mal Jl' él ai t pas ell tiercment dé-
truit; qu'illle fallait ras se raJentir, mais all
contraire l'ec!oubler de úle jusqll'a ce qU'OH
eút éearté du gouvernemellt les il/tl'igants, les
girOlld¡ús, les l'o/anditls, les bl'issotil/S, cte, ., ..
Sllr-Ie-champ les girondills demaud(\rcllt la ré··
organisatioll du millistcre de la guerre, que
Pache, par sa faiblcsse envers les jacobitls,
avait mis dans l'état le pllls d(~plorable. Ap¡'(~s
de violentes disetlssions, Paehe fut renvoyé
comme ineapablc. Ainsi les deux ehefs qui par-
tageaiellt le millist¿'rc, et dont les Iloms c'Uúcnt
devenlls les dClIx points opposés de ralliement,
fUf'ent t'xclns dn gOllveruement. La majorit(;
de la conventioll erut a\~oir fait par la quclqul'
chose pOl1!' la pai"" COlllme si, e/1 supprimant
lt's noms dont se sel'vaient les passions cnuc-
mies, ces passiolls elles-lIH~'ll1es n' Cllssellt pa"
dú sun'i\ re pOllr IrOllVPl' des llOll1S nouvcaux
et contiuuel' de se combat {l'(', BC!Il'iH)Dvilk,
l'ami d(~ Dlln1011l'iez, et surllUlI1 mé fAja,x ji'ull-
r;ais, fllt appelé i1 radmilliqratioll dI' la gtH'IT(',




.) ~
CONVENTJOl'. N il.TI{)~ UE i. I 7~) ) . ,)


11 n'était COllllli mlt~ore des partis que par sa
bravolll'e; mais SOIl attachcment a la discipline
allait bielltot le lllettre cn oppositioll avec le
génie dt"sordollllé des jacobills. Apres ces me-
surcs, un mil á l'ol'clre clu jour les qucstiolls
dc finances, qui étaient les plus importantes
dans ce monwllt suprcme oú la révolutioll
avait a Intter avec toute I'Europc. En menw
tcmps OH décida (ine dans quillzc jours au plus
tard le comité de C()!Istitution ferait son rap-
port, <'t qll'ill1Im~dialelllellt aprés OH s'occupe-
raít d., J'illstrllctioIl puhlique. lJlI gralld llOlIl-
bre d'hommes, qui tI(' (,oHlpl'ellaient pa~ la
cause des Irollble~ d'vollltiotlllaíres, se {igu-
raient que c'était le défaut de loi~ qui amenait
10115 les malheurs de l'état, el que la eonstitu-
tion remt:(lierait a tOIlS les désurdres. A IIssí (Hit'
grande partí e el(,S girondills et tOllS les mellllJl'('s
de la Plaillc 11(' ccssaiellt de dcmallder la ('OIIS'
titutioil, ct de SI' plaiudl'e des rctanls (lll'Utl y
apportait, en disant qlle lcuJ' mission ¡'-tait de
constituer. Ils le cl'oyaient en cffet; ils s'irna-
ginaient tous qu'ils Il'ayaieut ét(~ appelés qtle
pOlll' ce but, et que eette tache pOllvait ptre
lel'lflillpe en c¡uelques mois. lIs 1I'a\,:líellt pas
('IICOI'e compris qu'ils l,taient appcks, non á
('ollstitlier, tllais ;1 cOlllhattrc; <¡lit' Icur terrible
míssioll était de déft'IHIrT la n;yollltíO!l conllT




HFVOLl'T10.'i FH \i'iCAlSE.


I'Enrope et la VelHlée; que bientot, de cmll"
délibérallt (lU'ils élai('llt, its alIaient se challger
en une dictature sangtaote, quí tOllt a la fois
proscrirait les eIlnemis intérieurs, livrerait des
batailles a ¡'Europe et a ux provinces rpvoltées,
et se défendrait en tous sens par la violen ce ;
que leurs Jois, passageres comme une crise,
11e seraient considérées que comme des mou-
vements de coJere; et qUf! de leur ceuvre, la
seule chose qui devait subsister, e' était la
g]oire de la défense, uniqllc et terl'ihle mis-
sion qu'ils avaient rec;ue de la destinée, et
qu'ils ne jugeaient ]las ellX-m(~mes encore de-
voir etre la sellle.


Cependallt, soit J'accahlt~mellt cansé par une
IOllgue lotte, soil l'unauimité des a\'is sur les
(pLestions de gllerre, tout le monde étant d'ac-
conl pour se déferu]re, et nlt~mc pour provo-
quer l'ennemi, un pen de calme snccéua aux
terribles agitations prodnites par le procfos de
Louis xvr, et 011 applau(lit encore Rrissot
dans ses rappol'ts díp]omatiqllcs cuntre les
plllssances.


Telle était La situation intérieure de la Frallce
et l'état des partis qui la divisaient. Sa sittlatioll
a l'égard de l'J::urope 6tait effrayaIlte. C'était
une ruptllre g('n(;rale avec toates les pllissallces
lusqu'ici la Frauce n'avait ell cllcorp que troi~




CONVENTION ,íATION ,""LE (1 7!):))' 7
l'lluemis déclal'és, le Piémollt, I'Autriche el la
Prllsse. La róvolution, partout approllvée des
peuples SdOll le degré de leurs lumieres, par-
tout odiclIse aux gouvernemcllts seloll le de-
gré de lcurs craintes, venait cependant de
prodllire des scnsatiollS toutes nouvelles su r
l' opinion du moude , par les terribles événe-
ments dll ) o aaut, des 2 et 3 septemLre, et
da 21 janvier . .Moins dédaign(~e depuis qu'elle
s'était si énergiquement défcllduc, mais moins
l~stimée depllis qu'clle s'était souillée par des
crim('s, elle avait cessé d'intéresser aussi viv¡>-
HlCIl t les peuples, et d' etre considér('c avec
autant de mépris par les gOllvcmcments.


La guerre allait done devenir générale. Un
a va l'Antriche se laissant, par des liaisons de
famille, cllgager (lans une guerre pell utile ;'1
ses intóréls; OH a VIL la Pl'usse, dont l'illtéréL
Ilaturd était dn s'allier avec la Franc~ cOJlIl'e
le chef de relllpire, se pOl'talll, pal' les raisulls
les plus frivoles, au-dela du Hhin, et compro-
mettant ses al'mées ualls ['ArgoIllIl'; U!l a \u
Catheriue, alltl'efui.~ philosophe, désel'taul
comm~ tOtlS les g~ns de conr la cause qll'elle
avait d'abord embrassée par vallité, poursllivl'e
la révo!ntioll ;1 la fois pal' mude el pal' poli-
tique, excitc!' en/in GIlslaH', l'elllpeI'PIII' d'Au-
Iriche et le ¡'oi de Pnl~"c, (JO lit' les dislrall'"




I!F\'OLl:TION Fl\ANC.\ISF.


de la Pologne et les reje!cl' sur "Occidellt; 011
a vu le Piémont attaq na nt la Franee contl'C ses
intél'cts, mais par des raisons de parenté et ele
haine contre la révolution; les petites cours
d'ltalie, détestant notre nonvelle républiqllc,
mais n'osant l'attaquer, la reconnaiss·ant méme
a la vue de notrc pavíllon; la SlIisse gardant
HIle parfaitc neutralitp; la Hollande et la clipte
gerrnanique ne s'expliquant pas encore, mais
laissant apercevoir une Illah'eillance profonde;
I'Espagne observant une nelllralité prudente
sous l'influencp du "age cornte <1' Arallda; et
ell{¡nl'AllgleteITC laissant la Frallc(~ se d{~c[¡ircr
elle-IlH~rne, le continent s'épuiser, les colonies
se (}{~vaster, el aballdollllant aillsi I(~ süin de sa
vengeance allX désordres ilH\vitahles des r<~"u­
lutions,


La nouvelle illlpétll()sil{' révollltionnaire al-
¡ai t déconcerter tDutes ces nClll ralités calculées,
JusC¡ll'ici Pitt avail ra¡soflné sa conduite d'llne
maniere assez juste, nans sa patrie, une demi-
révolutioll qui n'avait l'ég<'IlÚé qu'a moitié
l'ptat social, avail laiss(', S!Ihsistel' une fonle
fl'institutions féodales, qll i devaient etre un
objet d'attachcment pou!' f'aristocratie t'l pour
la cour, et UIl objet de réclarnations pOli!' /'op-
position, Pítt avait un douhle hut: premiere-
I11C!lt, dt' ITIodérer la haine aristocl'atique, de




CUNVl':\TIO\ N ATIOSALE [793,. ~¡
contellir l' esprit de réforrne, et de cons¡>rver
ainsi son ministerc en dominallt les deux par-
tlS; scconc!cment, d'accabler la Franee satis
ses proprcs désastrC's et sous la 'haine de tous
les gOllverJlC'ments t·tlropéens; il voulait en un
mot rcndre sa patrie maltresse 011 monde, ('t
etre maitre de sa patrie; c'était la le double
objet qu'il ponrsuivait, avec J'égolsme et la
force o'esprit d'll11 grand homme d'état. La
nelltralité servair ~t nlf'l'veille ses Pl'ojcts. En
cmpéchant la gllf'lTe, il cOlltenait la hailH'
:!yeugle de sa ('Ollr pOlII' la liberté; eIl laissant
se développer saTIs obstacle tOllS les exces dp
la ['évolntioJ\ fraJ1(,'aise, il faisait tons les jours
dI" sanglantes n~pollses aux apologistes de eette
révolutioll, répl)llSeS qui ne prollvaient ríen,
mais quí prod II isaiel1t Ull effet cert aill, A n cé-
U~hre Fox, l'J¡omme le phls t'loqlleltt de ]'oppo-
sitioll el de I'AngletPl're, il répondait en citant
les crimes de la Franee réforrnée. BlIIle, dé-
c1amateul' véhpl1Ient, était chargé rJ'énllmérer
ces crimes, et s'acquittait de ce saín avec UIle
yiolence absurde; UIl jOllr meme íi alla jusqil'a
jeter de la tribuIle un poignaro qui, disait .. ¡l,
<'Iail fahriqllé par les propagandistes jacohins.
Tandis ([u'á París 011 accllsait Pitt de payer
<ks 11'Ollblcs, a Londres il accusait les révolu-
liollllaírcs f'r;¡w:ais de répandrc I'argcnt pour


,




JO


l'xciler des révolutiollS, d !lOS t'~migJ'és accrp-
ditaiellt encore ces bruits en les rép(~tant. Tan-
<lis que par ceHe logique machiavéliflue il dé-
senchantait les Anglais de la líber·té fi"aJl<;aise,
ii soulevait I'Europe contre nons, et ses en-
voyés disposaient toutes les puissances a la
guerreo En Sllisse, iI n'avait pas réussi; mais a
La Haye, le docile stathonder, éprollvé par
Hile premiere révolution, se défiant toujours
tIe son peuple, el ll'ay:mt cl'autre applli que les
tlottes anglaises, lui avai t dOllllé toute espece
de satisfaction, et t{~moignait, par une t'cwle
de démonstrations hostiles, sa malveillance
pour la Franee. e'est surtout en Espagne qne
Pitt employait le plus d'intriglles, pour déci-
del' eette pnissanee a la plus grande htllte
qu'elle ait jamais commise, celle de se réunir
it l' Angleterre contre la Frallce, sa senle alliée
maritime. Les Espagnols avaicnt été peu émus
par Hotre révollltion; et c'étaient moins des
raisolls de sllreté el de poli tique que des rai-
sons de parenté et des réplJgllallces cOlllmunes
it tans les gou"crnements, qui indisposaient le
cabinet de Madrid contre la répnLli({lIt' frall-
(:aise. Le sagc comte d'Aranda, rt-sistalll aux
intrigues des émigrés, it l'hu!1Il'llt' de I'aristo-
cratie espagllole, ct aux sllggcstiollS de Pitt,
,lvait en soin di; mt-lIagt'l' la slIsceptibilitl' d('




CO_'iVEl'iTlON l'i ;\TJON Al,J': (1 7~)3i. 1 [
llutre IlOll veau gOllverueJllent. Rell vcrs(~ néall-
moíns en dernier lieu, et remplacé par don
Manuel Godol, dqmis prince de la Paix, il
laissait Sé! mallwu reuse pa trie en proie allX
plus mauvais cOIlseils. Jusque-lil le cabinet de
¡Uadrid avait refusé de s'exp1icluer a 1'égard de
la France; aH moment du jugement définitif
de Louis XVI, il offrit la reconnaissance po-
litique de la républíque, et sa médialion allpres
de toutes les puissances, si 011 laissait a 11 mo-
narque détrólJé la vie sauve, Pou}' toute ré-
pome, Dallton avaít proposé la guerre, et 1'as-
semhléc adopta l'ordre du jour.Depuis ce telflps,
la disposítioll a la gucrre ne fut plns doulcuse.
La Catalogne se remplissait de troupes. Dans
tOllS les ports on armait avcc activité, et lllle
prochaille attaque était résolne. Pitt triomphait
dOllc, el sallS se déclaJ'(~r cncore, satis se com-
promettrf~ trop précipitamment, il se dOIlnait
le temps ¡\'élever sa marine i, un état redou-
tahle, il satisfaisait son aristocratie par ses
préparatif'3, il dépoplllarisait notre révolution
par les déclamatioIls qll'il payait; et tandis qu'il
se renfor<;ait ainsi en silencc, ilnous préparait
une liglle accablante qui, en occnpant !oules
nos {orces, !le nous ¡wrnwttrait lli de secourir
nos cololli('s, lli (\'ar]"(>tl'1' les SIICc(oS de la puis-
"atice anglaise dalls ,'111<11',




1 :i lLEVULUTION FRAN!,;AISE.


Jamais a 311CUne époqlle O" ne vil l'Europc ctre
saisie d'Ull pareil aveuglemeut, et cOmmettre
autant de fautes contre elle-nl(~me. Dans 1'Oc-
cident, en effet, Oll voyait l'Espagne, la Hol-
lande, toutes les puissances maritimes, égarées
par les passions aristoeraliques, s'armer avec
leul' ennemíe l'Angleterre, contrc la Franee
leur scule alliée. On voyait eneore la Prusse,
par une ineoneevable vanité, s'unir au chef
de l' empíre contre eette Frailee dont le grand
Fréd\~ric avait toujours reeollltrlaudé l'alliance.
Le petit roí de Sardaigne tombait dan s la Incme
bute par des motifs a la véríté plus nature1s,
cellx de la parent{'. Daus I'Oriellt et le NOl'd,
011 laissait Catherine commettre un erime cou-
tre la Po!oglle, un attentat coutre la sureté de
l'Allemagne, pOlIl' le frivole avantage d'acquérir
l{uelques provillees, et pOllr puuvoir eneore
déehirer la Franee sans distraetíon. 011 méeon-
naissait clone a la fois toutes les anciennes et
utiles amitiés, et on eédait aux perfides sug-
gestions des denx dOll1illaliolls les plus redou-
tables, ponr s'armer eontre notre malhenrense
patrie, ancienne proteetrice ou aliiée de eeux
qui l'attaquaient alljourd'hui. Tout le llJOllde y
contribnait, tout le mOIH!e se pretait aux vues
de Pitt et de Cathcrillc; d'illl prudcnts Franc:ais
parcouraient l'Enrope pOllr h~ter ce fllllcste




') L¡


rPllYCrSement de la politiquc et de la prudence,
d pour aUin'f' slIr leur pays le plus a ffrt> u x
des orag'('s, Et <{neis étaieut les motifs d'llne
<tussi étl'allgE' conduite? Un liv¡'ait la Pologne
il Catherine, paree qu'elle avait vonlu r<"gula-
riser son antiqul' libert(~; on livrait la Franee
ú Pitt, paree qn'ellc avait voulu se donner la
(il)prté qll'elle n'avait pas encore! Sans doute
la Frallce avait cot1ll1lis des exces; tllais ces
exd~s devaient s'acc]'oitl'(, cucore avec la "io-
lene(' (k la llllle, et (JI) allait, sans parvenir ú
irIIIlloJer cene liberté détestée, préparcr trente
alls dI' la guerl'é la plus mellrtriere, provoquer
de vastes invasiolls, faire naltre un COllqtl(~­
l'ant, ameIlcr (ks désordres immensps, et fini!'
par ['{-tablissernent des deux colosses qui do-
minent aujourd'hni rEurope sur les clCllX élé-
Jl1CIJtS, l'Allgletl~ITc et b Hllssie.


:\,ll mili!'" de ectte conjllration g('n('~rale, k
Dancmarck seul, cOlldn!t par tllJ ministre ha-
hile, et la Suóde, délivrée des ré\'l's prpsomp-
tneux de Gllst<lYC, gardaiPII t uup s;¡ge réserve,
que la Hollalldc ct I'Esp:lgne <lll1':úent dú imiter
PI! se réunissallt au systeme de la I1e~ltralité
arllJ~'('. Le g()liv(~rnement franr:ais av;¡it pal'fai-
telll<'llt j !Ig{' ces djsp()~itiollS géufralcs, et fimo
patiellcc <lui le> car;¡ctérisait dalls ce trIoment
lW Ini IWrrllf'Il;)it p:)S l]';lItendr<> ks d¿clar;¡ti()n~




H EVOLI iT [(1."\ FI\A :\-~:A ¡SE.


de gllerre, mais le portait au contraire a I('s
provoquer. Depuis le 10 aotIt i 1 n'avait cessé
de demander a etre 1'eCOIIIIII, mais il avait
ganlé encore q uelque llIeStI re i. l' égard de
L-\ngleterre, dont la llelltralité était préeieuse
a cause dcs ellllemis qn'oll avait déja a COI11-
hattrc. Mais apres le :.H jamier il avait mis
10l1tes les considératiolls de coté, et ii était
décidé·a une guerre nniversC'lle. Voyanl (1'1('
les hostilités cachées u'étaiellt pas moins dall-
gcreuses que les hostilités Ollvertes, il se l¡,ha
de faire déclarcr ses C'nnemis; allssi d(~s le .~ 2
janvipr, la eOllventioll lIatiollale passa en renIt'
tOllS les cabilwts, ordolllla des rappol'ts sur la
conduite de chacun d'eux a l't'gard de la Fraile!',
d se prépara a leur d(~c1ar{'r la guerrc s'ils tal'-
daient a s'expliquer d'unc llIaniére eatégoriqlle.


Dep"is le ro aoút l' Angleterrc a vait retiré son
ambassadeul' de Paris, et lÚIY;lit sontfert l'all1-
bassadenr ú'<lnc,ais a Londres,M. de Chauvelill,
(pIe comllle envoyé de la royauté rCllvcr-
sée. TOlltes ces subtilités diploll1atiqllcs ll'a-
vaíent d'autrc but qnc de satisfaire aux COllVC-
nallces a l'égard <lu roi enfermé alL Temple, <'t
en nlt~l1lc temps de différer les hostilitl's, qll'il
He convenait pas de commcncer encore. Ccpcn-
dant Pitt feignit de d{~mallder un ellYO~ é secrd
pOllr expliquel' ses griefs {,Ol\tl'e k goU\'el'lH'-




,
1,1


ment fran,ais. On envoya le citoyen Maret dalls
le mois de déccl1lbre. TI eut avec Pitt un ell-
tretiell particlllier, ;\Jmis de muluelles protes-
tatioIls, pour déclal'cr que l'elltrevue n'avail
rie]] d'oHiciel, qu'clle était tout amicale, el
({u'clle n'avait d'autre motif que le désir Lie]]·
veillallt de contribller a éclairer les deux lla-
tiOllS sur lcurs gricfs réciproques, Pitt se plai-
gnit de ee que la Franee menar;:ait les alliés de
l' Angleterre, attacjuait meme leurs intérets, pi
en preuve il eita la TIollande. Le grief princi-
palcmellt allégllé fut l'ouverture de I'Escallt,
mesure pcut-0trc imprudente, mais géuérellse,
que ks Fran\ais avaieut prise en entrallt dan,:
les Pays-Ras. II était absurde en cffet que, pOUl'
procurer allX Hollandais le monopole de la
llavigation, les Pays-nas, qne traverse l'Escallt,
lIe pllsselll pas [aire usage d(~ ce fJeu\'t'. L'Au-
triche n'avait pas osé aoolir eette servitllde_
mais DumOllriez le fit par ordre de son gouvcr-
ncment, et les haLitants el' Anvers vircnt a-vec
joie des mlvires remonter l'Escaut jllsque daos
leur viHe. La réponse était facile ; cal' la France,
en respect:mt les (1roits des voisins neutres,
n'avait pas promis de eonsacn'r des iniquités
politiquc's, paree qne des ne¡¡tres y seraicnt
intéressf>s. D'aillt'lJI's le gouvcruenwnt holian·
dais s'~t;út Illolltré assez malvpjilant pOUl' qU'OIl




di


!le llli dút pas de si gl'allds méllagPI1WlltS. Le
secolld gTief allégllé élait le décret du 1:; 1l0-
vembre, par leq uel la con \,(~lltioll Hatiollal t:'
prolllettait seCOtlrs Ú l(HL~ les peuples qui se-
coueraient le,joug de la tyranllie. Ce décret,
imprudent peut·etre, relldu dans un Illomcnt
d' entllOusiasllIe, He SiglliJl;¡i t pas, cornme le
prétendait Pi t t, qu' 011 ill v itait fous les peuples
a la révolte, mais (PW daus tous les pays en
gnerre avec la révullltiull, on prelerait secoU/'s
allX pellples cOlltre lc tll'S gOll vernemeIlts. Piu se
plaignait f'uGn des menaces et des déclamaliolls
cOlltillllelles qlli pat'taient des Jacollills COlltl't'
tous les gOllvt'rnclllcllts; et SOl;S ce rapport les
gouverlleIllents ll'aaicllt P;IS ('JI reste avec lt~s
jacobins, et Olllle se devait riell ell fait d'illjuI'es.


Cet entreliell n'amclla ricll, et laissa voír
selllellle/lt que l'Anglekrre chel'clIait des 1011-
glleurs pOli!' différcr la gucrre, qn'clle voulait
sans doute, lllais qll'il lIC luí cOllvcnait pas
('neore de dédal'er. CepeIHlanl le célebre pro-
ces du lUois de janvier precipita les évt\llc-
ments : le parleruellt allglais f¡¡t soudainernellt
réuni et avant le terllle ordillaíre. Lile loí
inCjuisitoriale fJlt rendue contre les Fral1\ais
qui voyageait:1lt en Angleterrc; la Tour de
Londres fu t armée; Oll onlollIla la ll'vée des
milice~; des préparatifs el des proclalllations




CONV1'NTION N ATJOl\AU: 1, I 79:1 :. [7
anllOllcerellt llt\(, gncrre imrnincnte. On excita
Lt poplllace de Londres, Oll réveilla cette aVf>U-
glc passioll (jlli, el1 AlIgleterre, fait regareler
une glll'rre ('olltre la Franee ('omm!::' IIn granel
senicc /I:ttiurlal; Oll arrcta enfiu.des vaisseaux
clJargés de grains qlli vPllaienl dans nos ports;
d a la llou\"elle du ~ 1 janvier, l'ambassadcllr
t'rall<:ais) gm..> jusque - la on avait refllsé en
Qlle1quc surte (h~ reconnaitre, re<{ut l'ordre
de surtir sous huit jOllrs dH royallme. La con-
vention natiorlale orc!ollna aussitüt un rappoI't
<.;lIr /;¡ condllite dll gOLlvernernent allglais en-
"<-'1's la FraIlee, sur ses illtelligences avec le
SLl t hOlldeI' des Provinct's-U lIies, el le premier
février, apr<~s avoir entendu BrissoL, qlli, pOllr
un moment, réllnit les applaudissemcnts des
deux partis, elle déclara solellllellernent la
gllerl'e ~I la Ifollancle et á !'Angleterre. La
glleiTe avec le g'lllverJlt'ment esp;¡gnol était
irlllnint'nte, et satis etre cllcore déclarée, OH
la regardait COlllH1P telle. La Fr;¡nce avait ainsi
rEu rope ton t entiére pOli)' en llcm ie; et la con-
damnation du 2 [ janvier fut l'acte par Jeqllel
elle avait rompu avec 101ls les trones, pt s'éLlit
engagl;e irrévocablemeut dalls la carriere de
la révolution.


II fallait sOlltcnir I'assaflt terrible de tant de
pnissances cOfljnrf'-cs, et quell{lIe riche que tút


1 \ . 1




18 H ~:\'OI.r'Tl0N FHANC;AISE.


la FraIlce en poplllation et en mat~ricl, iI t~tait
el ifilcile qu' elle pút résistcl' á l'eJlorl univcrscl
dirigé contre elle. Ccpendant, ses chefs n'en
étaient pas moins remplis de coufiance d d'an-
dace. Les sllcces inesp~rés de la J'(:pubiiql1c
dans l'ArgoDne et dans la Bclgiquc lcm avaicnt
persuadé que tout homme , SlIl'tOllt le Fl'all(;ais,
pOllvait devenir un sohlat en six mois. Le mOH-
vement qui agitait la FraIlee leur i~lisait cfoin~
en ontre que la poplllatjoll entiere pOllvait
etre tl'ansportée sur les challlPs de bataille, el
qu'ainsi il était possiblc de réunir jUS(ll¡'it troís
OH quatre milliens d'hommes, quí sCI';¡ient
bientót des suldats, et sUl'passer de la sorle
tout ce que pOllrraicnt faire tOllS les SOllYCl'ains
de l'Enrope ensemble.-V oyez, disaiellt-ils, tOllS
les royaumes; c'est une petite quantité d'hom-
mes recrutés avec effurt qui remplissent les
cad res des armées; la popldatioll elltiere y
est étrangere, et on voit une pelile poignée
d'individlls enrégimentés décider dI! sort des
empires les plus vastes. ?lIais supposez, au con-
traire, une nation tout cllticre arrachée a la
vie privée, et s'armant ponr ~a défcnsc, ne
doit - elle pas détruil'e tons les calcllls ordi-
naires? Qlt'y a-t-i1 d'impossible ft 'Vingt-cinq
rnillions d' fzommes qlÚ e,x:ecutell{? Qllant aux
oppenses, pllps lIe Je~ ilJ'lIllPtaient pas rl:l\'an-




el) 'i VFNTlü1-/ N ,\'1'10:'1 A L1' i, I 7~)3j. 19
tage. Lp capital des biells natiolJaux s':\IIgmen-
tait chaq1le jour par r('migration , et iI excédait
de heaucouj> la elette. Dalls le lllOlllPllt, ce
capital Il'ayait pas de valeur par le débnL d'a-
ellelellrS, mais les assiguats eH tenaient la place,
et 1CIII' valelll' fietivc suppl<.'>ait a la valeur fu-
ture eles biens qll'ils représentaicllt. An COlll'S,
ils élaient réduils ~l un tiers ele lenr valeuI'
Jlumillate; mais ce n'était qtÚIll ticrs iI ajontel'
:1 la circulatioll, et ce capital était si éllol'lne,
qn'il slIffisait :lll-deU¡ a l'excédaut qu'i! htllait
{'!IIdlre. Apres tout, ces hommes qU'Oll ailait
trallsporter sur le champ de bataí!le, vivaient
bicn ¡]alls kul'S foyers, be:weoll P llleme viv:lÍeJ} t
avec luxe, pourfllloi lIe vivraíellt - ils pas en
c:ullpagne? La terre et le vivre penvent - ils
manquer a des hommes, que!que part qu'jls
se troll\'cllt:) J)'ailJcurs J'oJ'tlre social.te! (IU'il
existait avait des richcsscs plus qll'il n'en fal-
hit pOUl' suftirc au bcsoin de tOIlS; íl n'yavait
qU\l CII faire une l11cíllellre distribution; ct
pOlll' cela OII se proposait d'imposer les l'i-
ches, et de \ellr f:lire Suppol'ter les frélis de
la gll!'tTC. Enfin, les états dans lesqllels on
allait p('llétrel', ayant allssi un anClen ()]'dre
social ;'t J'('llyerSer, des ablls á détruire, pOll1'-
l'aient r<"aliser d(~s profits immcnses sur !('
clcrg(;,!a nnh!f'~s(" l:l roy;t1lté,.d il<; d(,Y;¡i(~llt


, ,


J




20


payer a la France le secouI'S qu'oll leul' four-
nissait.


C'est ainsi que raisonnait J'ardcnte imagi-
nation de Cambon, ct ces idées envahissaient
toutes les tetes. L'ancienne politi(luC' dt's ca-
binets calculait <lutrefois sur cent el deux Cl'llt
mille soldats, payés avec quclque"i taxes on
quelques revenus de domaine; mailltenant c'est
tOllte une massc d'hol1lmes ([Ut se [evait ellc-
mcme, et se disait : .le cOlllposerai les al'mées;
qui regardait a la SOl1lOle générale des riches-
ses, el se disait encare: CeUe SOTn/lU' ('st .wjjl"-
sante, et, pal'ta{!,l~e efltre tous, elle slifl/l'a au
hesoin de tous. Sans doute ce n'était ras la
nation elltiere qui tCllait ce langage, mClis c'é-
talt la portion la plus cxaltée qui i(mnait ces
résol u tions, et quí allait par tous les moyens
les imposer a la masse de la nation.


A vallt de mOlltrer la distribution des res-
sources imagint'-es par les révolutionnaircs fran-
~ais, il faut se reporter sur nos frontiérps. et
y voir comment s'était achevée la del'niere
campagne. Son début avait été brillant, mais
UIl premier succes, mal soutenll, n'avait serví
qu'a ótendre notre ligne d'opérations, et a
provoquer de la part de l'ennemi un effort
plus grand el pltlS décisif. Ainsi lJotrc défellSC
i·t;:¡¡t devcnlle plus difficil(', parcf' qn'(>llf· plait




CO,VENTJON I'H.TIO.:\ A LE '. I 7~') ') I
plus étenuue; l'ennemi battu devait réagir a vec
(~lIergie, et son effort redoublé allait concouril'
avec ulle désorganisatioll presql1e générale de
1l0S armées. Ajoutez que le no,mbre des coa-
lisés était doublé, car les Anglais sur nos cotes,
les Espagnols sur les Pyrénées, les Hollalidais
vers le llord des Pavs-Bas. nous mellac.aient d(·


.' ,
Ilouvelles attaques.


Dllmouriez s'était arre té sur les bords de la
ÑIeuse, et ll'avait pu pousser jllsqu'au Bhill,
par des raisolls qui n'olJt pas été assez ap-
préciées, paree qll'Oll n'a pu s'expliquer les.
lenteurs qui avaiellt suivi la rapidité de ses
pl'emieres opératiolls.A.rrivé a Liége, la désor-
gallisatioll de son armée était complete. Les
soldats étaicnt presque nus; [aute de .chaus-
sure, ils s'envcloppaient les pieds avec du foin~
ils n'avaient, avee c¡uelqlle abonclanee, qlle la
,¡allcle et le rain, gd.ce a un marché que Du-
mouriez avait mailltellU c!'antorité. J\1ais l'ar-
gcnt manq llait pOli\' lenr fonrnir le pn~t, et ils
pilla~ent les paysans, Oll se battaieIlt avec eux
}lour lenr faire recevoir des assigllats. Les eh c-
v:wx mouraient de faim bute de fourrages, et
cellx de ['artillerie avaient péri rrCSC¡lle tous.
Les privations, le ralentisscment de la guerre,
ayant dég()lhó les soldats, tous les volontaires
ilartaieut ell haueles, s'appuyallt sar 1I1l décret




UÉVOLliTlON }'lIA!'f(>\ISE.


qui déclarait que la patrie avail cessé d'étr('
en danger. Il fallnt un alltre décret de la con-
vention pour emp('cher la désert ion, et quelqlw
sévere qu'il fút, la gendarlllerie placée sur le~.
routes suftisait a peille a arreter les fúy:lJ'(!s.
L'armtie était rédllite d'llll ticrs. Ces canses
réunies empécher'e'Jt de pOlll'snivre les Autri-
chiens ayer tOIl te la "ivaci té nécessai re. Cler-
fayt avait en le teJ1lps de se l'etrancheI' 'illI' les
boras de r Erft, Bea !llie!! el ti cóté el e Lllxem-
bourg; el il était impassible ;'1 Dnmomiez,
avec une armée rédllite á treIlte OIJ (lllarallte
mille hommes, de chasser elevant lui un en-
Ilemi I'etrauché dan s des montagnes ét des
10is, et appuyé sur Luxembourg, t'une des
plus fortes places (lu monde. Si, carome OH le
rt'pétait sans cesse, Custine, au liell de hüre
des courses en Allemagne, se Hit rabatl n sur
Coblentz, s'jl s'était jOillt a Bellrnonville pom
prendre Trevt's, et que lous del1x etlssent ell-
suite descendu le Rhin, Dllmouriez s'y serait
porté de son coté, par Colagne; tous trois se
donnant ainsi la main, Luxerobourg se serait
trollvó investí, et serait tombé par t!é[;lIIt de
communications. l\Iais ríen de tOllt cela n'a-
vait en Jietl; ClIstine, vouJant attil'f~r la gllerre
ele son coté, ne. fit fIlie provoq tIer inn tilemell t
ulle cléclaration de la dit'te im pl'r¡ale, c¡ u'il'l'i ter




CU:'iVE::'lTlU~ lUl'lUiULL \17\),)" :d,
la vanít~ du roí de Prllsse, et l'engager da van-
tage dans la coalition; Beurnollville, réclllit it
ses propres forces, n'avait pu f~lire tomber
TréVi~s: pt I'ennemi s'étaít maintenu á la ['oís
dalJs l'¡ilectorat de Trcves et dalls le duché dI'
Lllxembourg. En cet état de choses, Dumoll-
riez, en s'avaIH;'allt vers le Rhin, anrait décoll-
vert son Halle droit et ses df'ITieres, et n'aurail
pll d'aillen1's, dans la sitllatioIl oú se trollvaíl
son arm(~e, envahir le pays il1lmellSe qlli s'é-
kIHl de /;¡ Mellse jusqll'au I1hin et jusqu'aux
il'outiel'es de la fIollande, pays difflcile, sans
llloyens de t1'anspOl'ts, cf)llpé de boís, ele mOll-
tagues, et occllpé par un ellnemi encore res-
pectable. Certes DUlIlollriez, s'il en avait en
les moyens, allrait bien rnieux aimé faire des
conqw::tes sur le Rhin, que venir solliciter a
Paris pOllr LOllis xv r. Le últ' PO!!I' la royauté,
qu'il s'est attrilJllé a Londres pour se fairp
valoi!', et que h~s jaeobins !tú Ollt imputé it
París pour le perdre, n'était pas assez granel
pour le flire renoncer a des victoires, et venir
se cOlllprornettre an milieu des factions de la
capitale. Il ne quitta le champ de bataille (¡lIl'
paree qu'il n'y pouvait plus ríen f~tirc, et parce
qll'il voulait, par sa présellce allpl'es du gOll-
VCl'IlerncIIt, tennillf'I' les diHieultés (lll'on lui
:\\'ail sllscil('('s ('11 fklgique.




!\EVOLld'ION nL\N\;,\lSf ..


On a déj:'t Vll au milieu de quels embal'ra,.;
allait le placer sa conqucte. Le pays conquis
désirait une révolu!Íoll, mais He la Hmlait
pas cntierc et raclicale comme la l'évolllt ion de
Frailee. Dnmouriez, par gout, par politi(llle,
par raison de prudence militairc, devait se pI'O-
nOllcer naturdlement ponr les penchants mo-
dérés des {la)'s qu'il occllpait. Déji., OH 1'a vu en
¡ulte pOllr (;pargtler aux Belges les inCOllvé-
niellls de la guerre, pOllr lf~s faire participer
au profit des approvisiol!Ilf'IlIf'llts, ('Ilfin pOllr
leur illsiuuer pllltót que lellr illtpo:,el' !PS assi-
gnats. JI n'était payé de tanUle soins (¡!le par les
invcctives des jacobins. Cam bOll a vai t prépal";
une autrc contrariété ú Dllt110uriez en faisant
remIre le décret du 15 décernbre. "ll faut, avait
" dit Call1bol1 au milieu des plus vifs applau-
« dissements, JlOlIS dl'c];¡rer pmlVoil'l'el'ol¡¡üolt-
« naire dalls les pays (lit IlOIlS elllI'OIlS. rl est
« inljtilc de 110US cacher; les des potes savellt
« ce que llOI1S vOlllons; il but done le pI'oc!a-
({ mer hautelllellt pnisc¡u'oll l(~ dcyille, el que
({ d'aillelll's la justice en pellt (~tre avouée. 11
I( Lwt que, pal'tout OIl 1105 généraux entrl'I'out,
({ ils pC'Oclarnellt la sOllvel'ailleté <In pcuple, f'a-
/{ Duli!ion de la féod<tli!t~, de la dime, de tOllS
l( les ablls; !fIle !/Hllps les ;IIICi('lIlIC'; autorité5
" SOlPllt dissouks, que de [Jollyellcs adllliuisll'a-




CO;';\'ENTlU,"Ij 'i A_TlUJ'iALE "'793.. ·).~í
«( tiOllS locales soieut provisoil'ement forlllées ,
(( SOIlS la djreetion de nos général1x; que ces
(( auministr;¡tio/ls gOllvernent le pays et avisent
" anx l1Iuyens de fOrIlIer d(~s conventions natio-
(( nales qui déeiderollt de SOIl sort; <lue snr-Ic-
« champ les biens de nos ennemis, c'est-a-dire
(( les biells des nobles, des pretres, des eOlU-
( mtlllantés, hiques ou religieuses, des églises,
« ctc.,suient séquestrés el mis sons la sauvegarde
(( de la nation fl'aJl(,:aise, pour qn'il eu soit tentl
«( eomptc anx admillistrations locales, ct pou!'
« ti lI'j ls senetlt de gage a \LX frais de la gllcrre,
( dout les pays ddivn'~s dcvrout stlpportcr ulle
re partie, puisC[ue cette guerre a pOtlr but de les
.( affranehir. 11 but q\L'apres la eampagne OH
«( eutre en eompte. Si la répllbliqlle a rt'<;:n ell
l( [onrllitures plus qu'illlc faut pOllr la portion
(( de frais <] 11'011 11/ i devl';¡, elle pa iel'a le stll'pltls ,
" sinoll U!I le lui paÍel'a á elle. 11 faut qlle IlOS
([ assignats, foudés sur la llo11velle distributioll
« de la pro priélé, soient l'e(:lIs dans les pays COIl-
« q uis, el ([lIe leuI' eha mp s 'étemk a vce les prin-
" cipes qui les out pl'odtlits; qu'enfln le pOllvoir
l( exéclItif envoie des eOlTIllli·ssaires pOllt' s'en-
" tClIdre :tYeC ces admillistratiolls pn)\ isoires,
« pOli!' fralet'tliser avec elles, U'oir les eomptes
" de la république, et exéetlter le séqllestre
,( dl'Cl't:t¡',. Point de dellli -r('voluliol1, ajolltait




HE\()LU'flU~, F!l.\.:\CAISE.


« C~llnboll. TOllt peuple qUÍ He voudra pas ce
« que nous proposollS ici sera Hotre ennemi, el
« méritcra el'ttre ll'aité eormllc te!. Paix et fra-
« terllité :'t tOllS les amis de la liberté, guerre
« aux lacllt's partisans <lu despoti511W; gllf'l'f'(~
( aux chdteo[{x, l/({ix al/X c!ulllmieres.' ))


l


Ces dispositiotls avaient été sur - le- challlP
consacl'ées pal' Ull décret, el mises;1 exécutÍOll
dal1s ¡otiles les provillces conquises. Aussitót
IIlle lluée d'agents, choisis par le pouvolr exé-
cutif dalls les jacobius, s'étaicJlt répandus dalls
la Bclgique. Les administraí:iolh'i pI'O\'ísoin's
avaien t été {(H'mées sous leur influence, et i ls
les pOlissaient á la plus excessiv{> dérnagogit'. Le
bas pcuple, excité par eux COIltrt' les classes
moyclIlles, cornmettait les plus grauds déso\'-
tires. C'était J'allarchie de 93, (lui, alllen(~e pro-
gressivemellt chez IlOUS par quat1'e ;IlIIH'·CS de
troubles, se produisait la tOIl t-il-C( lI( p, ct sans
auculle transition de l'ancien au I10uvd ordre
de choses. Ces procollsuls, revetus de pou voi1'5
pl'esque absolus, faisaiellt emprisollner, séques-
(rer hommcs et biens; en faisant enlever tOllte
l'argellterie des églises, ils avaient fort illdis-
posé les lllalhellreux Relges, tres-attachés ú kuI'
eulte, et sllrtout donné liel! a Jwallcoup de mal-
versations. lis avaiellt formé des cspóces de
convclItiollS pOIIl' décidt'I' du su!'t de chaque




2'1 ,


cOlltl'ée, d, SOIlS !cur despolique infllLence, la r<"-
lluÍon it la Franee fut votée a Liége, a RI'LlxelJes,
a Mons, cte ... C'étaicnt lit des malheurs inévi-
talJles, et d'3lltant plus granels, que la violence
J'évo/utiolluairC' se joignait, pOllr les proeluin',
;t la brlltalitl~ militairc. Des divisions d'Ull autrc
genre éclalaient encore dans ce malheureLlx
pays. Les ageTlts dn pOllvoir exécutií' préten-
daient asservir ~lleul's ol'dres lt~s généraux (luí se
trouvaient dans l'étendue de leurcorllmissariat;
et, si ces gPll él';\LIx 11' étaien t pas jacobins, comme
il anivait sOllvellt, c'ét::üt une nOllvclle OCC;l-
sjon de querelles et de luttes, qui eOlllr;buaiellt
;t allglllclller le désordre général. DlIlllollfiez
indigné de voir ses conquétes com[Jromises, et
par la désorganisation de son armée, et par la
haine qu'on inspirait aux Belges, avait dpjit
traiu'· dorclllcnt quelqlleS-iltlS de ces prucoll-
suls, et (·tait VL'HU Ú París exprimer son indi-
glJation, avec la viva cité d(~ SOIl caractere, et la
hauleur d'llll général victorieux, (pJi se cm) ait.
nécessaire it la r<"publique.


Telle était llotre situatioll SUI'ce principal tlJel-
11'e de la guerreo Custine, rejeté dans MaY('nce,
y déclamait COtltre la lllaniere dont lleul'IlolI-
v¡¡le avait ex(~cllté sa tt'ntative sur Trt-ves. Kel-
lel'manIl se lIlaintenait aux Alpes, a Chambél'y
et ;'l "NieL'. Servall s'dforc:ait c·n vain dc compo-




ser ulle armée aux Pyrén(;cs; et Mon~e, aussi
faible pour les jacobins que l'htit Pacht',avait
Jaissé déeomposer l'administratioll de la ma-
rine. Il fallait done porter tOllte r;\ltl~lltioll pu-
blique sur la défense des frontieres. ])lltllOllripz
avait passé la fin de déeemhre et le UlOÍS de
janvier a París, 011 i 1 s' était eOTlIprOlnis par quel-
ques 1110tS en favellr de Louis X VI, par son
aosence des Jacob i IlS, oú Otl l' anrlOlH,'ai t salls
cessc et 01\ il ne paraissait jamais, enfin par
ses liaisons an'c 5011 aneien ami Ccnsonllé. 11
a vaÍt 1'éel igé quatre méllloires, 1'11 ¡¡ sur le dé-
cre! dt! ,5 décembre, l'antre sur I'organisatioll
de I'arm{~e, le lroÍsÍpme sur les fotlrlliturcs, et
le dernier sur le plan de campagnc pOllr l'an-
Ilée qlli s'ollvt'ait. Al! has de chacull de ses rné-
lllClircs se trollvait sa démÍssion, si on refusait
d'adlllcttre ce (IlI'il proposait.


L'assemblée avait, outre son c{)lllitt'~ diplo-
matique el son comité militaire, établi un troi-
sieme cümit{· eXlraordinaÍre, dit de dl/é'flse
ghzéralp, clwrgé dt, s'occlI/wr lI11ivcrseilemcllt
de tout ee qlli llltél'essai! la défense de la
Fr:lIlce. 11 élait fo1't llombrcux, d tous Ics
Iil<'mbr('s ele I'assemhlée pOllvaient It1l~mC, s'ji
lelll' plaisait, assÍster ~l ses séatlccs.L'objet
<¡lI'Oll avait eu ,en 1(' fOrlnan! ('[ait de cOllcilier
!"S metllbl'cs des pal'l is OpPOS(',S, t'I dI' les 1';['y'




LOXVENTION r<iATIUK_\LE ',[ 793 j. 'J.~)
"lIrer Sil!' ICllrs illt(~ntiOllS en les Eli.~allt Il'a-
vailler ensemble au ~all1t commllll. Hohcs-
pierl'e, il'ri~é d'y voir les girondills, y parais-
5ait pell; cCllx-ci étaicnt au cOllll'dirc forl
assidlls. Dlliilouriez y comparlll avec ses pl:llIs,
ne flit ras tOlljoUI'S compris, déplllt souvelll
par sa hautcllr, et aballU0I111a SPS Illémoil'es;\
lenr sort. II S(~ retira donc it qlle1crle distallce
de P;¡ris, pell disposé a s(~ délTll'ttrc de son
généralat, qnoiqu'il eu eút menact' la COIlH'Il-
tion, et attplH.lallt le monwnt d'cmvrir la cam-
pagnc.


Il (>tai! entiél'ement dépopularisé aux Jaco-
bins, f't calomnié tons les jo"rs dalls les fenilks
de ::VIarat, pour avoir sOlltenu la dcmi- révolu-
tiOIl en Belgiquc, et y avoir áffiché HIle grande
sévérité contre les uémagogues. 011 l'accllsait
d'avoir volontaircment laíss(~ 6cl13pper les Au-
tric!tieus de la Ilelgiqllc; ct, remontallt mClllc
plus halLt, on assurait publiqucmcnt qu'il avait
ouvert les portes de l'Argonne á Frédéric-
Guillaume, qu'il amait plI détruire. Ce¡Wll-
dant les membres UIl conseil et des comÍtt'S,
c¡ui cérlaient moins aveuglément aux passio[Js
dérrwgogiqlles, sentaient son ntilité, ct le 111<"-
nageaíent Cllcorc. J{olwspíl'l'J'C 1ll(~mC le c1éfc~;­
dait, en rejetant tous ces torls sur ses pr('-
tl'ndns :lmis les giromlins. On S(' mit ain;;i




30
d'accord pour Ini donner toutes les salisfactions
pos~¡blcs, sans elpl'ogl'r ce¡wlldaTlt aux décrpts
rClldus et aux prillcipe" rigollrcllx de la révo-
lutÍoll. On luí relldíl ses delix coltlmissaires
ordoBnatclIrs l\Iallls el. Pdil-Jean, (l!l luí ac-
corda de llomoreux rellforls, Ull !lli promit
des approvisionnements sllffi"ants, OH adopta
ses idées pOli/' le plan général de carnpaglle;
mais on Ilf' iil allCUlle cOllcession guatl! an
décrf't du 15 décembl'e, et ~l la Ilouvelle adrni-
lIistration de l'al'mée. La llUlIlinatioll de Beur-
1IOll\'ille, son alfli, au Illluisiel't' de la gllcrre,
fUl un lIoavel avalltage pOllr lui, el iI put es-
pérer de la part de I'administl'alioll, le plus
granel zClc a le pO 11 l'yoÍl' de tont Cl' dont il
aurait bcsoin.


11 erut un moment que l'Anglctcrrc lc prcn-
drait pour llH;diatellr 1~lltl'e elle ct la Frailee,
et il étaitparti pour Allvers avec cette cspérallee·
flatteuse. l\1ais la convcution, Ülliguéc des per-
fidies de Pitt, avait, commc OH l'a VII, d{'claré
la guerrc a la TTollande ct it l' \nglet("ITc. Cette
cléclaration le lrouva dOlle a Anvcrs, et voici
ce qllí fut résoln, en partie d'aprcs ses plalls,
ponr la défense du terriloire. On eOllvinl de
porter les armées it einf} CClIt denx mille llOrn-
mes, et OH trollver;t (pie c't'·taít pell, si OH
songe' it rieléf' qti'on ~'('¡ait faite de 1:: pl1;~,~;ance




CO'iVENTJllN \.\/'IONAIY '-17~)JL
(k la Ff'aJlc(~, 1'1 comparativcmellt a la {<Jrce ;',
Jaqllelle OH les tÓleva plus tardo On de"ail. gar-
del' la défellsiH' a n:st el aH }lidi; clemellrer
en obscn';¡tiOll le IOl1g des Pyrén('t's et des
cótes, et d6ployer tOllte l'atulace de l'offcnsivc
d;¡Jls le 01 nrd. oú. commc l'avait d it DumOll-
riez, "~11 11(> pouvait se déf(~lIdrc que par des
(( batailles. )l Ponr exécllter ce plan, ccnt cin-
guantc rnillc hommcs devilieul occllper la Bel-
giquc et couvrir la frontit'>rc de DUlIkerql1c ;t
la .Meuse; cinquantc mille devaient gardpl'
l'csp.1cC compris entre la J\Teuse et la Sane;
ccnt cillf/lIante millc s'étendrc le long dl1 Hhin
pt des Yosges, de Mayellce a Hesanc;oIl et ;'t
Gex. Enfill une réserve était préparée it Ch;t-
lons, avec le matél'iellléccssaire ponr se ren-
dre partont ou le besoin l'exigerait. On faisait
garder la Savoie el "Nice par dcnx armées eJe
soixallte·dix mille homtnes c!¡;¡Cllne; les Pyrp-
nées par un,: de qual'ante mille; on plac:ait
sur les cotes de' l'Océan et de la Hrctagne
qual'ante-six mille hommes, dont partie scrvi-
rait a l'embarclllemcIIt, s'il t~tait nécessaire.
Sllr ces cinq ccnt df'l1x mille ho 111 111 es , ji Y (']]
;¡ vai I cinguante de cavalcric ct vingt d'arti!-
krie, Tel]C (~tail la force proj('v:·('; ni;W, la force
d'fcctivf' (>raít biell I1wilHlre, et se réduisait ;'l
dpllx cpnt soix;iIlte- dix milI!" J¡ommps, dO,lt




H ÉVOl. 1.rTION FH i\ N~A [SE.


CCIlt miJle dalls les divcl'ses parties de la Bel-
giqlli', vingt-cinrI mille sur la ]\foselle, qua-
rante-cinq millc á Mayence, son s l(~s o['(lres de
Custine, trente mille slIr le I1aut-nhill, glla-
rante mille en Savoie el. ~t Nice, pt tI"C'llle mille
au pllls dans l'itltéri~ul'. i\fais pOllr al'river al[
complet, l'asscmblée décréta qlle le rccrnte-
ment se ferait dans les gardes na! iOllales; que
tout membre de c(~tte garde, non Illarié, Oll
rnarié salls cnf'ants, on vellf sall" ellfallts, élait
a la disposilion <Iu pouvoir expcutif, depuis
dix-huit alls jUS{Pl'it quarantc-cíJl(!. Elle a.iollta
<lile troi5 cent mille hommes étaient ellcon'
nécessaires ponr résister a la coalitíoJl, et que
le recrlltement ne s'arrélerait que lorsq\le ce
nombre serait atteint". En nH~llle temps on 01'-
donlla l'éll1ission de huit cent millions d'assi-
gnats, et la cOl1pe des boís de la Corse pou!"
les constructions de la marille.


En attenc1ant I'accomplissement de ces pro-
jets, on entra en campagne avec dellX C!:'llt
soixante-dix mille hommes. Dllrnouriez en avait
trente mille sur I'Escaut, et environ soixallte-
dix mille sur la ]\1eus('. Envahir rapiclemelllla
Hollaudc était uu projet audacieux <pd fer-
mentai l dalls toutes les tetes, et allq ud J)u-




CONvf.:NTION ~ \'J'IO;'i A U :, r 7~)j . 33
¡¡}ollriez était forcémellt entraillé par l'opinion
générale. Plusiellrs plan s furent p1'opusés. L'un,
imaginé par les réfugiés bata ves so1'ti5 de leur
patrie apres la révolution de 1787, eOIlsistait
a envahil' la Zélande avee quelques mille hom-
mes, et a s'emparer du gouvernement, qui
voulait s'y retirer. DUlTIOllriez avait feint de se
preter a ce plan, mais i 1 le trollvait stérile J
paree que c'était se l'édllir<~ á l'occupation
d'une partie peu cOllsidéral¡le el c/'ailleurs pell
importante de la Hoifamle. Le second lui ap-
partemlit; il cOllsistait a descendre la nIeuse
par Venloo jIlS(¡U'it Grave, il se l'abattre de
Grave sur Nimógue, el it fondrc ensuite sur
A.mstenlam. Ce projet eúL élé le plus súr, si
011 avait pu p1'évoir l'avellir. Mais, plaeé a An-
vers, Dumouriez en eOrH,~ut llU troisierne, plus
bardi, plus }J"OTllpt, plus COllVClIablp a rima·
gillatioll 1'évoluliollIJaire, et plus fécond en ré-
sultats décisl[S, s'il eúL l'éussi. Taudis que ses
lieuten311ls, Miranda, Valellce, Dampierre p[
autres, deseel1draielll la Meuse, en occupant
'.laestricht, dont OH Il'avait pas voulu s'empa-
rel' 1'311née préeédellte, et Venlao, qui ne de-
\ait pas l'~sister IOllg-temps, Dumollriez avait
te projet de prtmdre avec lui vingt-cillg mille
hummes, el d(· SI' por ter furtivement entre
Herg - op - ZOOIll ct Breda, d'arri ver amSl au


IV ~




,) /
,l,l


J',1oerdyk, de Iraverst'l' la petite mer dn Biel-
hus, el: de courir par les embollchures des
flCllVCS jusqu'a Leyde et Amstcrdam. Ce plan
;tU(bcieux n'¡,>tait pas moins fomJ(· que lw:\n-
conp d'autres qui Ollt rÓllssi, et, s';! (;!ait ba-
sardrux, il offrait ('('pendant de hien plf/s
grands avantages qne ceJlli d'attafl"er directe-
mcnl par Ve,doo et Nimeglle. Ell pr(~nant ce
dernif'I' parti, DUJI10nriez attaflllait de frolll
1('5 HoIJanc!ais, (llli avajent dt"jit ["il tous lellrs
préparatifs entre Grave et Cor].;nm, et il leur
donnait mcme le tcmps de se n.'ilforc(·]' d'An-
glais et de Prussiclls. Au contraire, ell passallt
par l' cm bouchure eles He!l ves, i 1 pé·llt·trait par
l'intéricnr dc la Hollande, qui n'¡"rait pas d('-
fpndn, et s'il surmontait l'Obst:lclc (ks e:Jnx,
la Holl:lll<!e ('tait a lui. En revenant d'Amstel'-
dam, ii prellait les dé[f'))s(,s il rev('rs) ct faisait
tont tamber entre lui el. ses lictltenallts, qui
devaient le joindre par Nilflt>gup et Utl'echt.


TI était naturcl qu'il prlt le cOlUlllandemellt
de l'armée d'expédition, paree que c'était la
qu'il fallait le plus de promptitude, d'alldace
et d'habileté. Ce projet avait le danger de tom
les plans d'offensivp, c'~tait de s'exposer soi-
meme it l'illvasiml PH se décotlvr:llIt. Aillsi la
Meuse restait OtlV(~rtc aux Alllrichi('lls; mais,
dans le (';15 ¡J'lll ¡(' ofkllsiyf' !'(~('i proq 11 e, I'a-




, )
C():-'VENTIO~ \\TlO~\Lr: '17~)),1.


Yalltage reste a celui qui résiste le mieux au
danger, ('t eé(h~ lp rnoins vite ú la terreur d~
t'invasiofl .


Dll!llouriez euvo)'a sur la Meuse Thollvpnot,
dans le(L'wl j[ avaít toute confiance; il fit con-
naltre it ses liell tenallts, Valence et Miranda, les
projets qll'il Ieur avait cachés jllsque -la; il
Aem ettjoignit de hflter les siéges de Maestricht
pt de Venloo, et, en cas de retanl, de se suc-
cé(ler devant ces places, de maniere á faire
toujonrs d(~" progres vers Nimegue. TI [pur
1'PCOllHnallda encure de tixer des points de
rallicment autour de Liége et d' Aix - la - Cha-
pelle, afin de réunir les rluartiel's dispersés, et
de pOllvoir résister a I'eunemi, s'jl venait en
forees troubler les siéges qu'un devait exécutcr
-;11r la lV[cusc.


DllIlIouri l'Z partit allssitot el';\ nvers avec dix-
huit rnille hommes rénnis a la hateo Il divisa
.,,<1 petite armée en pIusienrs corps, qUÍ avaient
ordre de faire eles sommations aux diverses
pIaces fortes, sans cepend::l.ll t s'arrcter á COlTI-
meneer des siéges. Son avant-garde devait se
hater d'enlever les bateaux et les movens de


"
;rallsport; tanrlis que lui, avec un gros de
1 roupe.'i, se tiendrait á portée de dotlner se-
cours it Ct'I/X de ses lieutcnants qlli en al/raient
besoi I!. Le ¡ 7 f'c"vrier T 793 , íl pénétra sllr 11'


')




tel'ritoire hollandais PI) p"bliant une procla~
matioIl, oú il promettait amitié aux Bataves,
P-t guerre seulement au stathollder et 11 I'in-
fll1ence anglaise. 011 s'avafl(;a en laissant le gé-
néral T ,eclerc devant Berg-op-Zoom. en portant
le général Berneron <levant KIllnclert et \ViI-
lemstadt, et en donnant a l'exceJlent iflgéniellr
d' Ar<:,on la mission de feindre une attaqne sur
I'importante place de Breda. Dllmouricz était
avec l'arriere-garde a Sev(~nbergbe. Le 25, le
général Berneron s'empara du fort de K.lun-
dert, et se porta ctevantWillem.Gtadt. Le gé-
Iléral d'Ar<;,oll lan<;a quelques DOnlhes snr
Breoa. Cette place était réputéC' trés-forte; la
garnison était suffisante, mais mal cOll1malldól',
et, apres qllclques heures , elle se rendit a tille
armée d'assiégeants qui n'était guerp plus fortp
qu'elle - méme. Les Fran\'ais elltJ'erellt dalls
Breda le 27. el s'empar'erent d'ull rnatériel
considérahle, consistant f'n deux ct'llt cin-
quallte bOliches ;1 fen, trois cents millier.~ de
pondre. pt cinq mille fusils. Apres avoir laissé
garllison dans Breda, le général d'Arc;on se
rendit le ter mars devant Gertrllydcnberg,
piace trps - forte allssi, et s'empara le meme
jou)' de tOllS les travaux avancés. Dl1rnouriez
s'¡~lait remlll au }I()erd~'k, et rt~pal'ait les re-
tards de son a"vant-garde. Cette snite de SIll'-




COIWENTJüN N ATlO;,! \LE . 1 7!)~)':· :)7
prisl's si heul'euses, ~,lIr ues piaces capable!O
d'une longue résistance, jetail Leauconp d'é-
dat sur le déLut de eette telltative; mais des
retards imprévlls contrariaiellt le passage du
bras de mer, opération la plus difticile oe ce
pro.ict. DUrlIoul'iez avait d'abol'd espéré que
SOIJ avant-garde, agissant plus prumptement,
s'emparerait de quelques bateaux, tl'aversel'ait
promptement le Bielbos, occuperait l'ile dt~
l)orl, gardée tuut au plus par quelqlles cellts
llOmmes, et s'emparant d'une llombrellse tlol-
tille, la ramcllerait sur l'alltre Lord, pour
trallsporter l'armée. Des délais inévitables elll-
pecherent l'exécutioll de ceUe partie du plall.
Dumouriez tacha d'y sllppléer, en s'emparallt
de tons les bateaux qu'il put trouver, et el!
réunissallt des charpclltiers pOllr se compOst~r
une Oottille. Cependallt il avait bcsoill de se
hater, cal' l'armée bollalHlaise se réuIlissail ;1
Gorkull1, au Stry et a I'ile de Dort; quelque~,
chalollPps ennelJlÍes, el une fl'(~gate anglaise,
mena<{aienl50n embarquement, et canOllllaieut
son camp, appelé par nos soldals le camp des
castors. lIs avaient en effet COllstruit des hul-
tes de paille, et, encouragés par la préscllce df'
Iellr général, ils bravaieIlt le froid, les priya-
tiOIlS, l(~s dangers, rav(~lIir d'llll(' eutrepl'is('
allssi alldacieuse, el ils allelldal('1l1 ;IV(~C 1tI1pa




tieIlCt-' le !Iloment de passel'sur la rive opposét:
Le 3 mars, le général De{1ers arriva avec une
Ilouvelle division; le [~, Gertruydellberg ouvrit
ses portes, et tOllt fut prépan; pOllr opér'er
le passage du Bielbos.


Pelldant ce temps, la lutte continuait entre
les deux partis de l'illtérieur. La mort de Le-
pelletier avait déja dOIlllé occasion aux meHlta-
gnards de se dirc meuacés dans leurs p(~rSOnlles,
el OIl n'ayait pu leur retuscr de renollveler
dans l'assemblée le comité de survcillance. Ce
comité avait été compüs(~ de mOlltagllards quí,
pour prC'mier acte, firellt arrétcr (;or5as, dé-
puté et jourllaliste attaclté allX intérets de la
Gironde. Les jacobins avaiellt (:ncore obtellll
un autre avantage, c'était la suspellsion des
pUlIl'suítes clécl'étt'-t's, le 20 janvier, contre les
auteurs de septembre. A peille ces pOllrsuites
avaient-elles dé COTllllH'I1cét's, q II 'OIJ d(~C()llVri t
des prt'L1ves accablantes contre les principaux
révolutiollnaires, el cOlltn: J)antou Ilti-lIlpme.
Alors les jaeohins s'étaient soulevés, avaiellt
soutenu que tOllt te lllullde était cOllpable dans
ces jourllées, paree que tout le monde It's
avait crues nécessaires, et les avait souffertt's:
¡Is ost'l'elil rl!~me dire fllIl' k seul 1()J't de ces
journécs t"lait ¡j'erl'{, resté es incol1Jpletes; et
íls demandeJ't'nt la sw,pcnsion des procédure~'




CON V]';l'iTlUN N ATlON A LE ' 17!JT: 3!)
dont 011 se servait pour attaquer les plus purs
l'évolutioIluaires. Conformément a leurs de-
mandes, le5 pl'océdu res furent suspcllducs,
c'est-a-díre abolies, et IIne dépntatioll de ja-
cobins s'était aussitOt rendue aupres du mi-
/Jistre d·e la justice, pour qu'il dépechat des
conrricrs extraordinaires, a l'effet d'arreter les
poursuites déja commencées coutre lesfrere.l'
de /j,leaux.


On a déja vu que Pache avait été obligé de
quitter le rninisterc, el que RolanJ avait dOIlllé
vololltairemellt sa démission. Cette concessÍoll
réciproqup /le calma point les haines. Les ja-
cobins peu satisf~lits JemandaieIlt qu'oIl ius-
truisit le proces de Boland. IIs disaiellt qu'il
avait ravi a l'élat des sommes énormes, et
plucé a Londres plus de douzp milliolls; que
ces richesses {~laieJJt cmployécs a pervertir
I'opinioll par des C:Cl'l t5, et ;1 cxcÍter des sédi-
tiOIlS, en accaparaut les gr-ains; ilél voulalcnt
qu'oll illstl'lIislt dllssi contre Claviel'e, Lebnlll
et Beurllollvillc, tOllS traltres, snivant eux,
et complices des illtrigues des girondins. En
menw temps, ils pn;paraient un dédolllllla-
gClllcnt bien autremelll précieux á leur COIII-
plaisant destitué. Chamboll, le Sliccesscur de
Pétioll da/ls la mairie dt.: París, ~Hait abdiqué
des fonctiolls, trop ,HHlcssus de ~;1 faiblesse.




H 1<:\ UI.lITlUN FI1 4. ~<;AISE.


Les pcobins sOllgel'ent aussitót aPache, au-
que! íls trouvcrent le caractere sage et impas-
sible d'nn magistrat. lIs s'applaudirent de ceUe
idée, la communiqlH~r('nt a la commllIle, aux
sections, a tOI1S les clubs, et les Parisiens en-
trainés par ellx vengerent Pache de sa disgr;lce
en le nommant ¡eur maire. Pourvu que Pache
fút aussi docile a la mairic qn'au ministere de
la gllcrre, la dominatioll des jacobins étaÍt
assllrée dans París, et dans ee ehoix ils avaient
consulté autant leur utilité que lf'urs passions.


La diffieulté des snbslstancps et les embar-
ras du commerce étaient t1Jujours des slljets
continuels de désordre el de plaintes, et de
décembre en février, le mal s'était considéra-
blement aeerl!. La erainte des troubles et du
pillage, la 1'épngnanee des cultivateurs a 1'f'-
cevoir du papie1', la eherté des prjx provenant
de la grande ahondallce dll Illlméraire fi~tif,
étaient, eO!11me nOlls l'avons dit, les causes qui
empechaient le facile commerce des grain'i, et
produisaient la disettf'. Cependant lf's effo1'ts
administratifs des communes sllppléaient, jlls-
qu'á un certain point, a l'activité du cornmcrce,
et les denrées ne manqwüent pas dans les war-
chés, malS elles y "tajen! d'IlTl prix exorbítant.
La valen1' des assignats rlimjnuant chaque jou1'
en raison df' leu/' massí', jI en laJ/ait toU.iOllf:'-




CoN VENTION ~ ATlUN\U: ~ 1793)- I~ I
davalltage pour acquérir la meme somme d'ob-
jets, et e'est ainsi que les prix devenaient ex-
cessifs. Le pellple, ue recevant que la meme
valeur n U 111 ¡nale pOli!' "ion Ira vail, ne pouvai t
plus atteilldre aux objets ele ses besoins, et se
l'Ppandait en plaintes et en Illcnaces. Le pain
JJ'était pas la seule chose dont le prix fút exces-
sivement augmenté : le sucre, le café, la chan-
delle, le saVOJl, avaicnt doublé de valeur. Les
blanchisseuscs étaiellt venues se plaínclre a la
convelltioll de paye!' treute sous le saVOI1,
qu'elIes /le payaieut autrefois que quatorze.
En vain 011 disait au peuplc d'allgmelltcr le
prix de son travail, ponr rétahlir la proportioll
eutre ses salaires et sa consommation : ji ne
pouvait se cOllcerter ponr y parvenir, et jI criait
contre les riches, contre les aecapareurs, COI1-
tre l'aristocralie llIarcbande; il demandait enfiH
le mOjen le plus simple, la taxe forcée et le
ma:n·rnurn. Les jac()bjl1~" les membres de la
(;OmmIlIle, quí étaienl peuple par rapport a
l'assemblée, mais ql1i, par rapport au peuple
luí - meme, étaient des assernblées presque
l~c1airées, sentaiellt les inconvénjents de la taxe.
Quoique plus portés que la COllvelltioll a l'acl-
mettre, ils résistaiellt cf'pendallt, (~t 011 ellten-
dait aux Jacobins, Dubois ele Crancé, les dellx
Hobespierre, ThilI'iot el autres mOlltagnanls.




s'élever tOllS les jOllrs coutre le pl'ojet du lIIuxi-
mum. Chaumette et Tf ébel't faisaient de rrlt~llle
a la commune, mais les triblJnes nlllrmuraient,
et leur répondaient quelqllefois par des huées.
Souvent des députatiolls des sections vCllaien!
reprocher a la commune sa Illoclération et sa
connivence avec les accapareurs. C'était dalls
ces assemblées de sectioJls que se l'éUllissaicllt
les dernieres classes des agitateurs, el OH y
voyaít régner Ull fanatisme révolutiollIlaire
encore plus ignorallt et plus emporte qu'a la
commune et aux Jacobins. CoaJisées avec les
Cordeliers, ou se rcnr!aient tous les hornmes
el' exécution, les sections produisaicnt tous les
troubles de la capitale. Lpur illferioritt~ et [eur
ouscnrité, en les exp05ant a plus d'agitations,
les exposaicnt aussi a des Illenées en seus
contraires; et c'était lit que [es rcsles de l'al'is-
tocratie osaient se montrer, l't b ¡re q llelq Ul'~
essais de résistallce. I,es <llleiclllles eréatures
de la noulesse, les aneien", dOluestiqltes des
émigrés, tous les oisifs lnrbulellts qui, entre
les deux causes opposées, avaicnt préféré la
cause aristocratíque, sc rendaienl daus c¡uel-
qlles sectiolls ou tille bOllrgeoisie hOllllete per-
sévérait en faycn!' dcs girondills, t't se ca-
chaient derrierc cette oppositioll raisouoable
d sage pOli!' eo'nlbattrc ks lllolllagllanls, el




CUNV.ENTlOj\ NATWN,\LE (,17~)3)- 43
tl'ayailier en fayenr de l'étranger et de rancien
régime. Dalls ces luttes, la bourgeoisie honllete
se retirait: le plus souvent; les deux classes ex-
tremes d'<lgitateuJ's restaicnt alors en préscnce,
et se comhattaient dans cette régioll inférieure
avec une violen ce effrayallte. Tous les jours
(['horribles scenes avaient liell pOU!' des péti-
tions a ülire a la commune, aux Jacobins ou
21 l'asscmblée. Suivant le résultat de la lutte, il
sortait de ces orages des adresst:s contre septem-
hre et le maX'ifllUIll, ou des adresses contre les
appel:m ts , les aJ'istocrates et les accaparcurs.


La conmllllj(' repollssait les pétitiollS incen-
diaires des sections, ct les engageait á se défiel'
des agitateurs secrets qui voulaient y intro-
duire le désordre. Elle rcmplissait, par rapport
aux sections, le role que la cOllyention rem-
plissait a SOlI égard. Les jacobins u'ayant pas
COlllrne la COlnrnUlle des f01Jctions détermillécf>
a exercer, s'occupant en revallche a raiS0I111Cr
,;ur t01lS les sujets, avaÍent de gl'allut's prétcl1-
lÍOllS philo,;ophiqnes, et aspiraient a mieux
cumprcudre 1'(~COll()mic socialc que les sec-
¡iOWi el le club des cordelit~rs. Ils affectaieut
dOlle ell beaueoup de choses de ne pas parta-
g-t'l' I(~s p;lssiollS vulgaires de ces asscmblées
subalterlles, d ils cOIJ<Íanlllaieut la taxe cumme
dangereusc pOllr la libl'rté dll COlllllleree




44 ILÉVOU! TION t'n AN(;A ISE.
Mais, ponr substituer un autre moyen a ce!lJi
qu'ils repollssaient, ils proposaient de fai\"(:
prenc!r'e les assignats an pair, et de punir de
mort quicollque refuserait de les J'('cevoir seloll
la valeur portée sur leurtitre, COllune si ce u'etrt;
pas été la ulle autre maniere d'attaquer la li-
berté du commerce. Ils voulaient encore qu'oll
s'engageat réciproquement 11 ne plus pl'cl\(lrt'
ni Sllcre, l1i café, pour en faire baissel' forcé-
lllcnt la valellr; enfin, ils avaient imaginé d'ar-
relcr la créatioI1 des assignats, eL d'y suppléer
par des emprllnts sur les l'ic[¡es, clIIprull!s fOf"-
cés, et répartis d'apres le nombre des dOlllcsli-
ques, des chevaux, etc". TOlltes ces propositions
ll'empechaiellt pas le mal de s'accroitre et de
rendre une erise inévitable. En attendant qu' elle
éclatat, 011 se reprochait réciproquement les
malhellrs publics. On accllsait les girondins de
s'entendre avee les riches et les accaparellrs,
pOllr allamer le peuple, pour le porter á deti
émeutes, el pourell prendre occasioll de porter
de nOllvelles lois martiales; on les act:usait mellle
de vouloir amener l' étranger par des désordres,
reproche absurde , mais qui devillt mortd. Les
giroudius répondaient par les mCllles accusa-
tiOIlS. Ils reprochaicnt a leurs adversaires de
causer la disette et les trouiJles par les craintes
qu'ils illspiraierit au COmllH'l'Cl', d de vouloil'




m"VRNTION NATlOl'{ALF (179~i;. 1¡5
arrivf'r par les trollbles a l'anarchie, par l'a-
lIarchip an pouvoir, et peuH~tre a la domina-
tíon étrall~ere.


Déji, la fin de fpvr'ier approchait, et la dif-
ficulté de se procurel' les dellrées avait pousst-
/'il'l'italiC'l1 du pellple an dernier terme. Les
I'ernmes, app;¡remment plus touchées de ce
genrc de sonffrance, étaient dans une extreme
agítation. Elles se pl'ésenterent allX Jacobins 11'
'.>.2, ponr demander (111'on lenr prctat la saile .
oú elles vOltlaiclIt dPlib('rer sur la cherté des
slll¡sis!;¡nccs, et préparC'r une pétition a la COIl-
vClltioll na.tio!1;¡le. On savait crup le hut de eette
¡¡étilion serait de proposer le maximum, et la
demande fllt refusée. Les trihnnes traiterent
alors les jacobins comme elles traitaient crllel-
qllefois l'assemblée; á bas les accapaTeUI'S, (1
has /es l/ches, [ut le cri général. Le président
fut ohligé de se cOllvrir pour apaisPl' le tu-
militE', et on expliqua ce manqlle de respect en
disant c¡u'il y avait des aristocrates rlég-uisés dans
la salle des séaTlces. Robespierre, Dubois de
Crancé, s'élevercnt de nOllveall contre le pro-
jet ele la laxe, recommaudúent all peuple dI'
SI' iellir tranquille, pour ne pas dOllller pré-
texte :\ ses adversaires de lf' caloll1nier, et ne
pas Ipllr fOllrllir ]'occasiOll de rendl'e deslois
mellrtric\l'es.




Marat, qni avait la prótention d'ímaginer
tOlljours les moyens les plus ~ímples et les plll~
prom pts, écrivit dans sa fcni!le, le '):¡ :Hl matin,
que jamais I'accaparemcllt !le cesserait, si OIl
n'employaít des moyens plus súrs que tous cc,ux
qu'on avait pI'OpOsósjusqlle-I:'t. S'ólevalltcontre
les mOllopoleul's, les marclzands de hlire, le,l
suppóts de la clzicane , les robills, les e.X'-lIobles ,
que les itlf¡deles mandataircs du peuple encoll-
rageaieI11 au crime par l'impuDít<", il ajoutait:
« Dan s tout pays Ol! ks droits dll ]wuple ne
" seraient pas de vains ti tres , consignés 1:1S-
({ tuellsement dans une simple d(c!aration, le
7( pillage de quelqnes magasins, a la porte de~;­
« qnels Oll petHlrait les accapareurs, meltrait
« bientot fin a ces malversatiolls, qui rédllisent
« cinc] rnillions d'hommes au désespoi.r, el quí
« en font pt'Tir des mi!liers oe misere'o Les dé-
« putés <In peuple ne sauront-ils done jatnais
« qt18 bavarder sur ses maux sans en proposer
« le remede ~ ? »


C'était le 25 au matin (11l8 ce fon orglleilleux
écrivait ces paroles. Soit qu'elles enssent réelle··
nH'nt agi. sur le peuple, soit que l'irritation
porté!:' á son comble ne pút dt'>jil plus se COTl-
tt"nir, UIle multitllde dp fernmes s'assemblt">rcnt


• Journal d" la Ri¡Jllbtiq((('. lllllJII"["O dll 7,1\ f(~\Tif'r 179">',




CON\'FNTIOl\' NATlOlVALF fJ7~ll). (¡7
PIl tllmnlte devant les bOlltiqnes des épiciers.
/)'abord Oll se plaignit dn prix des denrées, et
un en demanda tllrnllllllellsement la rédllctioJl.
La cornnlllll (' u'a vai t [las étp prévenue; le com-
mandalll Sanlerl'e ¡'-tait alié a Versailles pOUl'
organiser UIl ('orps de cava!erie, et allCllJ1 ordre
n'{·tait dOIlIl{' pou!' mettre la force publique en
1l1011Verrlf'lIl. AlIssi les pertllrbateurs ne trou-
\'(~rent aucull obstacle, et pllrcnt passer' des
Illenaces aux viokllces et <tll pi 11 age. Le rassem-
hlement COllltrlCIJCa dalls les riles de la Vieille-
~'Iúllllai(', des Cinc¡-Diall1aJl ts et des Lombards.
()11 exigea cJ'abord que tOIlS l('s objcts fllSsent
r{·¡juits ;'¡ moiti(~ prix; le saVOll a SclZI' SOlIS, le
slIcre il vingt-cinq, la cassonade a quinze, la
chande!le a treízc. Dne grande quantité de
denrées fllrent forcément arrach¡'-es !l ce taux,
pt le prix en fllt compté par les achetcurs aux
épiciers. ¡}fais bieutot 011 ne vOlJlut pll1s payer,
et OH enleva les marchandises sal1S dOllller en
échange aucunc partie de ¡eur valeur. La force
armée accourue sur un point fut reponssée, et
on cría de tOllS cotés a bas les baiónnetles!
L'assemblée, la commune, les jacobins étaient
en s<'ance. L'assemblée écoutait. UlI rapport sllr
ce slljet; le Illinistre de rintérie!lr lui démon-
trait que les denrées a!Jondaiellt dans Paris,
Illais que le mal provPlIait de 1:1 disp)'oportioJ)




I¡H HEVOUITION FHA"~:AISr.
entre la valeur du IlUllléraire et eelle de~ den-
rées elles-rnernes. Aussitot I'assemblée, voulant
parer aux diffieultés du 1Il0fllCllt, alloua de non-
veaux fonds a la eornrllllllC, pou\' faire délivrer
des subsistan ces a meilleur prix. DallS le lI1{;rn('
instan t, la comnlllne, parlageant ses seutilllcllts
et son úle , se faisait rapporter les événernents,
pt ordonnait des mc&ures de poliee. Achaque
nOllveau fait gn'on venait luí dénollcer, les tri-
bUlles criaiellt tant miela! A cllague moyen
pro posé, elles criaient á bas! Chaumette et He-
bert étaient hués pour avoir proposc> de battre
1:-1 généralc ctde requérir la force armée. Cepcu-
dant il fut arreté qne dellx forles patrouilles,
précédées (le deux officiers mllIJicipallx, se-
raíent envoyées pour rétablir l'ordl'e, et q u('
villgt - S(~pt alltres offieiers municipaux iraien!
húre des proclamatiolls cbus le~ sectíolls.


Le désorclre s'était propagt~; O!l pillait dalls
différentes rtles, et on proposait llleme de pas-
ser des épicicrs chez les marchands. Pendant
ce tl~mps, des gens de tous les partís saisissaient
l'occasion de se reprocher ce désordre, et les
rna llX qui en étaient lacall5e.-Quand vous aviez
UIl roi, disaierlt dans les rlles les partisaus du
réginw abolí, vous n\~líez pas réduits á payer
les choses anssi che!", ni exposés a des pillages.
_. V oilit, disaíent I('s partisans de~ girondins,




CON VJLYl'I Ul' NATWNH,": 17~)3" /'9
ou IlUUS COmlllil':t le sysleme de la ÚOIPIlCC, et
l'impunité des exccs révullltionnaires.


Les montaguanls en étaicnt désolés, et soute-
naient que c'étaient des aristocrates déguisés,
des faye!! istes, des rolall{lins, des brissotills
ijl,i, dans les groupes, cxcitaient le peuple ;1
ces pillages. lis assuraient avoir tl'ouvé daus la
foule, des [eml1les de hallt rang, des gens ~I
pOlldre, des domestiques de grands seigneurs,
<lui distl'ibuaient des assignats pour entrainel'
le peuple dans les boutiques. Eufin, apres plu-
sieurs heures, la force al'mée se trouva rl't:-
Ilie; Santel'l'e revint el e V ersailles, les ordl'es
nécessaires fu rell t uonnés; le bataillon des Bl'es-
tois, préscllt a Paris, déploya beaucoup de úle
et d'assurance, et on parvint a dissiper les
pillards.


Le soir, il y eut Hne vive discllssion aux Ja-
cobim. On déplora ces désordres, malgré les
cris des tribunes et malgré leurs démentis.
Collot-d'Herbois, Tllllrjot, Robespiel'l'e, furent
unanimes pour cOllseiller la tranq uillité, et re-
jeter les ex ces sur les aristocrates et les gi-
rOlldins. Robespiel're fit sur ce sujet un long
díscours oú il sOlltint que le peuple était im-
peccaUe, qu'il ne pOllvait jamais avoir tort, et
(lile, si OH lIe l'égarait pas, il ne commettrait
pllJaIS aucune fante. Tl sOlltint qlle clans ces


,\' ,




gl'Ollpes de pillards 011 plaignail le roi tllorl
qu'on J disait du bien do C'llte droit de I'as-
semblée, qu'íl l'avait entendll lui-lIleme, et qlH'
par eonséqllent íl lle pOlJvail pas j' avoir de
doute sur les véritahles instigaleurs qui avaif'nt
égaré le pellple. Marat lui-Ultime vint cOl1sciller
le bOll ordre, eondamller les pillagcs qu'íl avai!
lwechés le matin dans sa feuille, et les impu-
ter aux giroIldins el anx royalistes.


Le lenrkmain, les plaintl's accolltumées et
toujours i nllliles relen! ircut dans l'assem b l(~('.
Barn\re s'éleva avec force conlr(' les crimes de
la veiUc. Il tit remarqllC'r les retards appOlt(';S
par les autorités dans la répression du désordre.
Les pillages en effet avaient eommencó il dix
heures du matin, et a cinq henres <In soir In
f()ree arm('c n'élait pas eneore réllnie. Barrerp
demanda que le l1Iaire et le eommandant gé-
lléral fussent mandés pOUI' expligller le.~ llIoti/s
de ce retardo UIIe d('plllalion de la section de
Hon - Conseil appuyait ectte demande. Salles
prcnd alors la parole; il propose Ull acle d'ac-
cllsation contre l'instigateur des piJlages, con! re
::Vlarat, et lit l'artie/e insél'é la vcille (laus sa
fellille. SOllvent on avail demandé uIIe acclIsa-
tion con tre les pro"ocateurs au Ilésonll'c, eL
particlllieremcIlt cOlltr'e MaJ'al; l'occasioJl ue
pou vait etre plus f:¡ vora b le pOUl' les ponrsuivre,




CONVENTIO~ ~TAT[n,\[ALE (.1793). 51
GIl' jamais le désordre n'avait suivi de plus prps
la provoeation . .Marat, sans se déconeerter,
.... outient it la tribune fju'il est tput natul'cJ qlll:
le peuple .,>c f;lSSC jllstice des aceapareufs, lmis-
(JlIt' les ¡oís sont insuffisantes, et gu'il faut ell-
(Joyel' aux Petiles-1J1aisons ceu.X: qui prOpOSell[
de l' aecuser. Bllzot demande I'ordre. <1u JOUf
sur la proposition d'aecllser mOflsiellr Marat.
f( La loi est précise, dít-il , lIlais 1l20nsleUl' Marat
« incidentera sU!' se5 expressions, le jury sera
« embarrassé, el il ue faet pas préparer un
« triolllpltf' it mOllsieuf' ~Vlarat, en présence de la
« justice elle-meme.)) Un rnembre demande que
la conventio[l déclarf' it la république qu'hicr
matin Marat a cO!1seillé le pillage, el qu'hif'1'
soir 011 a pillé. Une foule de propositions se
slleeedent:f'nfinOll s'arretei¡ ecHe de renvoyer
san!' distinction tOI1S lf'S auteurs des trouhles aux
tribllna!IX ordinail'ps. -- « Eh hien, s'écrie aloI's
« .Mal'at, relldez UII acte d'aeclIsation contl'f'
« moi-meme, afin que la convention prollve
« qu'elle a perdu toute !mdeur. ~~ A ces m01s,
un granel tumulte s'éleve; sllr -le - champ la
cOIlvention renvoie devant les tribunallx Mara!:
el tOllS les autellrs de!', déJits commis dans la
.iourné(~ elll ?5. La [ll'0l'0sitiofl de Barrere est
arloptée. Santel're et Pache sont mandés ~t la
harTe. De nOllvellPs disposiliolls sont prise"


!,.




1\I::VOLliTION FIlAN(:'\ISF..


cOlltre les ;¡gents SllppOS<'~s de ]'('tranger I't d('
l'émigration. Dans le mOI1lf'nt, eette opinioll
d'une influenceétr;¡ngerc s'accrprlittil detoutes
parts. La veille, on avait ordonné de nOllvellcs
visites domiciliaires rlans toute h France, pOll!'
;:¡rreter les émigrés et les voy;¡geurs sllspects;
ce meme jour, nn renollvela ]'obligation drs
passc-ports, 011 cnjoignit á tous les :111 bergi~tlc's
OH logeurs de déclarer les étrangers logés chez
E'IIX ; on ordOllJla enfin 1111 llOllVe;¡n recens('-
mcnt de tOllS les cito\"ens des section~.


l\Iarat devait elre entill accusé, et le 1f'lldelllaill
il écrivit dans sa fcnille les lignes sllivantes:


«( T ndigné de voÍr les ennemis de la chose
« publique machiner éternellement cmltre le
« peuple; révolté de voir les accaparellrs en
« tOllt genre se coaliser ponr le réd lIire an dé-
(( sespoir par la détn~sse et la faim; désolé de
(( voir que les mesures prises par la conven-
(( tion pour arreter ces conjuratioIls n'atteÍ-
«( gnaient pas le 1mt; excédé des gémissements
« des infortllnés qui vierment chaqoe matin
(( me demanuer du pain, en accusant la con-
« vention de les laisser périr de misere, je
( prends la plume pour ventiler les meilleu}'s
«( moyens de mettre enfin un terme ;mx COllS-
(( pirations des ennemis pl1blics, et aox souf ..
" t'rau('(''i do pC'lIplf'. Les idé('s les pllls simplf's




~ "' J.)


" SOl1t ecHes q ui se présentent les pretnieres a
«( un esprit hien [ait, <luí ne veut que le hOll-
\( heUl' général sans aueull retom' sur lui-meme :
" je me demande tIone pourquoi HOUS llC fe-
« riolls pas tonrner eontl'e des brigands pllblics
« les ll10yeus qn'ils emploient ponr ruiner le
« peuplc et Jétruil'e la liberté, En cOllséqllence,
« j'observe que dalls UIl pays Ol! les droits du
« pcuple ne scraient pas de vains titres, COIl-
« signés fastuellscmellt dalls Ulle simple Jéela-
« ration, le pillage de qllelqucs magasins a la
( porte desquels on pendrait les accapal'eurs,
« mcttrait hientót fin a leurs mal versatiolls ~
« Que font les mellcurs de la f:1.Clioll des
« hommes d'état;) ils saisissent avidement eeUe
« phrase, puis ils se hiltent d' envoyer des émis-
(( saires panni les femmes attroupées devant
« les boutiques des boulall¡;el's, pour les pous-
« ser a cnlever, a pl'ix coutant, du saVOll, des
C( chandellcs et <lu Sllcre, de la boutique des
(( épiciers d~taillistes, lanclis que ces émissaires
({ píllcnt eux-memes les houtiques des pauvres
(( épiciers patrioles : puis ces scélérats gardent
( le silence tout le jour, ils se concertent la
" lIuit dans un conciliabule noctllrne, teIlu
(( rue de Hohan, chez la catín du contre-révo-
« luliormaire Valazé, et ils viennent le lende-
l' lIIain me dénol1cer a la tribune cOlTlme pro-




« vocatem des ex.ces dout ils sont les premíer"
{( auteurs. »)


La (l'wrellf' devenait chatllle j01l1' plus achal'-
née. On se menac,:ait déja ollvertemeut; beau-
conp de déplltés ne marchaient qu'avec des
armes, et on cornmen~~ajt a dire, avec autallt
de liberté Llue daos les mois de juillet et (l'aout
de l'allnée précédente, qu'il {'allait se :;allvel'
par l'insllrrectioll, et supprimer la par ti e ga/l-
greflee de la représentation nationale. Les gi-
roodins se réunissaient le soÍI' en granel nombre
chez l'un d'eux, Valazé, et lá, ils l~taient for!
incertaÍns sur ce qll'ils avaieot a [aire. Les uns
croyaien t, les ;mtrcs !le croyaient pas a des
périls prochains. Certains d'entre eux, comme
Salles et Louvet, supposaicnt des conspiratirHls
il1lagÍnaires, et en appelant l'attention sur des
chimeres, la détournaient du danger vérita-
Lic. Errants de projeh ('11 projds, placés au
milieu de París, sans aucune force á letlr dis-
positiou, et ne comptant que sur I'opinion des
départemenls, immense il est vrai, mais inerte,
ils pouvaient tous les jours succomber sous un
('oup de main. Ils n'avaienl pas réussi a COlll-
posc!' IIne force départemelltale; les troupes
de fédérés spolllanément arrivées á París de-
puis la réunion de la convention, étaienl eu
partie gagnées, en partic rendlles allX al'mées .




t ,v
,),)


,'l ib 11(' pOUvaiClll guel'e compler (lile sur
lluatre ccnts Brestois, <lOllt la fel'lne conte-
llallce avait arrcl(~ Ics pillages. A défaul: de
ganlc (]¡"p;¡l'tcmclltalc, ils avaieút essay¡~ en vaill
de tr;Hlspol'lcr la directiol1 ele la force publi-
q[/e dt~ la commllllC au ministere de J'intériellr.
La .!\lolllagnc, furicuse, a\'ait intimidé la lllajo-
rit(" et l'avait el1lpécllt;~e de voter une pareille
nWSllre. Déjil mt'me Oll ne corllptait plus que
sur quatrc-vingts d¡"Plllés, il1accessiblt's a la
craintc et fcrmes dans les délibératiolls. IJaus
cet plal de c1lOses, il nc restait aux girondins
qll'un mOyCII, aussi impraticable que tous les
autres, celui de dissoudre la convcntioll. leí
cClcore les furenrs de la Montaguc les empé-
chai(~llt d'obtellir lIne majorité. Hans ces illcer-
titudes, qlli provenaic~lt n01l pas de faihlesse ,
mais d'impuissance, ils se reposaient sur la
colI::,IÍtlltÍon. Par le besoiu d'espél'er quelque
dlOse, ils se f1attaÍcnt que le joug des lois CII-
chalnerait les passions, el mettraiL fiu ;'¡ tOllS
les Ol'ages. L('s esprits spéculatifs aimaÍent SUl'-
tout ;'¡ se reposer sur cette idée. Condorcet
avait lu son rapport au Hom du comité de cons-
titutioll, el il avait excité un sonlevcment gé-
néral. COl!dol'eet, Pétion ~ Sieycs, furent char-
gés d'impn~cations aux Jacobills. Un ne vil.
daus ¡eur n"'publique (lu'tltlC arislocratie lOllte




56 H.ÉVOLUTIOX FHANCAlsE.
faite pour quelques talents orgueilleux et des-
potiques. Anssi les montagnards ne voulaicnt
plus qn'on s'en occup::lt, "1 beaucoup de mcm-
bres de la conventÍon, sentant déj:'t que lenr
ocenpation ne serait pas de eonstitller, mais
de défendre la révolution, disaient hardiment
qu'il fallait renvoyer la eonstitution a l'annec
sllivante, et ponr le moment ne songer qu'a
gouverner el se battre. Ainsi le long regne de
de cette orageuse assembléc eommen<{ait a
s'annoncer; elle cessait déjá de croire a la
brieveté de sa mission législative; d les giron-
dins voyaient s'évanouir lenr derniere espé-
ranee, eeHe d'euehaincr promptement les fac-
tions avec d:,s loiso


Leurs acIversaires n'étaient au reste pas moins
embarrassés. Ils avaient hien pour eux les pas-
SiOllS violentes; ils avaient les jacobius, la com-
mune, la majorité des sections; mais jls ne
possédaient pas les ministeres, ils redoutaient
les départements, Ol! les deux opinions s'agi-
taient avec une extreme fllreu!', et ou la leur
avait un désavantage éviclent; ils craignaient
en fin l'étranger, et quoique les lois ordillaires
des révolutions assurassent la victoire aux pas-
sions violentes, Cf'S Iois, a eux iIl~OnlJllCS, ne
pOllvaient les rassurer. Leurs projds étaient
aussi vagues que Cf'IlX (k lf'lIl's adversaires,




CON V EJSTION i\Xl'!OC\\ LE \ r 79:)'!· 'J7
Attaquer la représelltation nationale était un
aete d'audace difficile, et ils ne s'étaient pas
encore habitués a eette idée. Il y avait Lien
une trentainr d'agitateurs quiosaient et pro-
posajpnt tou~ dan s les sections, mais ces pro-
jets étaient désapprouvés par les jacobins, par
la eomm !lne , par les mOlltagnards, qui, tons
les jOllrs aeellsés de eonspirer, s'en jnstiGant
tous If>S jours, sentaient que des propositions
de eeUe espcee les eomprol1lcttaient anx yellx
de lellrs adversaires et des départements. Dan-
ton, qlli avait pris pen de part aux querelles
des partis, ne songeait (lU'a deux choses : a se
garantir de toutc poursuite ponr ses aetes ré-
vollltionnaires, et a empecher la révolution de
rétrograder et de succomber sous les coups de
l'ennemi. Marat lui-meme, sí léger et si atroee
quand il s'agissaít des moyells, Marat hésitait;
et HoI.H'spierre, malgré sa haine contre les gi-
rondins, contre Brissot, Roland, Guadet,
Vergniaud, n'osait songer a une attaque coutre
la représentation nationale; íl oe savait aquel
moyen s'arrctcr, il étaít découragé, il doutait
du salut (h~ la révolutiou, et disait a Garat
qu'il en était fatigué, malade, et qu'il croyait
qU'OIl tramait la perte de tons les défeuseurs
de la républiqlle ~.


* Yo)'cz la nute tÍ a la fin du volllme.




ltEVOLUTLUi\ FlL\NI,:.\ISL


Tandis qU";l Marseillc, a LYOll, a Bonleam.,
les dcux partis s'agitaient avec violene!', la
(lroposition de se Jéfaire des uppe/ullts , et de
les exdure de la convelltioll, partít des jaco-
bíns de Marseille ,luttant avec les partisans
des giroudíns, Cette propositíOIl, port{~e allX
.Iacobins de París, y fut discutée, Desfieux sou-
tint que eette demande était appuyée par assez
de socíétés affili{'es pou!" elre convertie en
pétitioll, et la préselltel' a la conventioll 11a-
tionale. Robespierre, qui craigllait qll'une de-
maIHle pareille n'entrain;'¡t toul le reIlollvelle-
lIlellt de l'assemblée, et que dalls la lulte des
électiolls la :i\Iontagne ne fUt battne, s'y opposa
fortement, et réussit a l'écarter par les l'aisOIlS
ordillairement dOl1l1ées contre t0115 les projets
de dissolutioll.


N os revers militaires vinrcnt précipitcr les
(~vénements. N ous avons laiss(~ l)umollricz
campant sur les bOl'(1s du Biclbos, ct préparallt
un débarquement hasardeux, mais possible,
en Hollande. Tandis (!u'il faisait les préparatifs
de 50n expédition, dellx cent soixante mille
combattants marchaient contrc la f'rauce, de-
pais le Haut - Rhin jl1sqn'ell Hollande. Ciu-
quante-six mille Prussiens, vingl-qllatre milie
Autriehiells, vingt-cillq miHe lIessois, Saxons,
Bavarois, menaljaient le Hhill deplIis Bale jus-




CONVE~TIU" 'I\TIO\ .\U: ,17\)3 . 5~)
'1u';1 J\Iaycnce et Coblelltz. De ce point jllsqu'it
la Meuse, trente mille hommes occupaiellt le
LuxclIIbourg. Soixante millc Autrichiells et
Jix milJe Prllssiens marchaient vers nos quar-
tiel's de Ji! l\leusc, pour interrompre les siéges
de Maestl'icht et de Venloo. Eufin quarante
mille Anglais, IIanovriens et Hollandais, de-
meurés encore en arriere, s'avan(faient du
fond ele la Hollande sur notre ligne d'opération.
Le projet de l'cunemi était de IlOUS rameller
de la Hollande sur l'Escaut, de 1l0US faire re-
passer la Mellse, et clIsllite de s'arreter sur
eette riviere en attendant que la place de
Mayence eut été reprise. Son plan était de
marcher ainsi peu a peu, de s'avancer égale-
ment sur tous les points a la fois, et de ne pé-
nétrer vivement sur aucun, afin de ne pas
exposer ses flanes. Ce plan timide et méthodi-
que aurait pu 1l0US permettre de pousser beau-
conp plus loin et pllls activcment l'entreprise
offensive de la Hollandc, si des fautes ou des
accideIlts malheurenx, 011 trop de précipita-
tion a s'alarmer, ne nons enssent ohligés cl'y
renoncer. Le prince de Cobourg, qui s'était
distingllé dans la derniere campagne con tre
les Tures, commandait les Autrichiens, qui se
dirigcaicllt sur la l\Icllse. Le désordre réguait
dalls nos quarliers ,dispersés entn' Maeslricht,




()\J


Aix-Ia-Chapelle, Liége et TOllgres. Daus lc~
premiers jOllrs de mars , le prince de Cobollrg
passa la Roer, et s'avall<,:a par Duren et Al(len-
lloven sur Aix-Ia-Chapelle. Nos troupes, atta-
quées subitement, se retirerent eH désordre
vers Aix-Ia-Chapelle, et en abandOllllt::rent
meme les portes a l'eunemi. Miacsinsky r&sista
(luelqllc temps; mais, apres un comhat assez
meurtrier dans les rues de la ville, il [ut obljg(~
de cérler, et de faire retraite vcrs Liége. Dans
ce moment, Stengel et N euilly , séparés par ce
lllollvement, étaient rejelés dalls le Limboul'g.
l\Iiranda, qui assiégeait J\'Iat;stricht, et qui
pOllvaít etre encore isolé du principal corps
d'armée retiré a Liége, abandolllla meme la
rive gauche, et se retira sur TOllgres. Les Im-
périaux cntrerent aussitot dans Maestricht, el
l'archidllc Charles, pOllssan t hardimcnt les
poursuites au-deLl de la Meuse, se porta jus-
qu'a Tongres, et y obtint un avantage. Alors
Valence, Dampierre et J\'Iiacsinsky, rél111is ;j
Liége, peusercnt qu'il fallait se húter de re-
joilldre Miranda, et marcherent sur Saint-
Tron, ou Miranda se rendait de son coté. La
retraitc fut si précipitée, qu'on perdit une pitr-
tie du matériel. Cepcndant, apres de grand~
dangcrs, 011 parvint a se I'ejoinnrc a Saiut-
Trull. Lamarliere et Champmorill, placés a




CONHNTIO;l; NATfO:HLE '1 7~¡~L Gl
Hurcmoudc, euren.!: le temps de se rendre pnr
Dietz an meme point. Stengel et Neuilly, tOllt-
á-fait spparés de I'arm(:e etrejetés vers le Lim-
bourg, furcnt recueillis a ~amtJr pnr la divi-
sion du gélJéral d'Harville_ Enfiu, ralliées a
Tirll"mont, nos trollpes reprirent un peu dp
calme et d'assurallce, et attendirellt l'arrivéC'
de Dumollriez, qu'on I'edemandait a grands
cns.


"\ peine avait - il appl'is celte pl'emiáe dé-
ro u te , qu'íl avnit ordonné a Miranda de rallier
tOllt son monde it ~1al~stricht, et ({'en conti-
Hller tl'allqllillcmcnt le si<'-ge avec soixante-dix
mille hommes. Il était persuadé que les Au-
trichiens ll'oSeraiellt pas livrel' bataille, et que
l'invasion de la Hollande rameuerait bientót
les coalis(-s en aI'l'iere. eette opinioll était jnste,
ct fondéc sur cctte idée vl'aie, que, dans le
cas d'lllle offensive réciproqnc, la victoirc reste
á cellli qui sait attendre davantage. Le plan si
timide des lmpél'iaux, qni ne voulaient percer
sur aUClln point, justifiait pleinement eeHe
maniere de voir; mais l'insollciance des géné-
raux, ql1i ne s'étaient pas concentrés assC'z
tot, 'pul' tronble apres l'attaque, l'impossibilité
Ol! il" étaiellt de se rallie!' en présence de l'en-
ncmi, et slIrtout l'absencp d'un homme sllpé-
rieul' en alltoril"é pt en int1l1ellce, l'erHlaiell1




RÉVOLCTION FllAN<;:AlSE.


impossiLlc l' exécu tion de l' ordre donné par
Dumouriez. On luí écrivit donc lettres sur
lettres pour le faire revenir de Hollande. La
terreur était devenue générale; plus de dix
mille déserteurs avaient déja aLandoIllH~ l'ar-
mée, et s'étaient répandus vcrs l'intérÍellr. Les
commissaires de la convention conrnrent a
París, et firent intimer a Dumouriez l' orare
de laisser a un autre l'expéclition tentéc sur la
JIollande, et de revenir au plus tot se mettre
a la tete de la grande armée de la .Meuse. Il
rec;ut cet ordre le 8 mar s , et partit le 9, avec
la dOllleur de voír tous ses projets renversés.
Il revint, plus disposé que jamais a tont criti·
quer dalls le systeme róvolutionnaire introdui.t
en Belgique, et a s'en prendre aux jacoLins
du mauvais succes de ses plans de campagne.
Il trouva en effet matiere a se plaindrc et á
bHimer. Les agellts du pOllvoir exéclltif en
Belgique exerc;aient Ulle alllorité despotiqLH~
et vexatoire. Ils avaieut partout soulcvé la po-
pulace, et souvent employé la violeuce dans
les assemblées ou se décidait la réunion a la
Franee. Ils s'étaiellt ernparés de l'argenterie
des églises ~ ils avaient séquestré les re\'enus
du clergé, confisqué les hiens lIobles, et
;waiellt excité la plus vive indigllatioll chez
loutes les classcs de la na! iolt beIge. néjit une




CO'NVF,NTfON NATrONAT.E (1 79:)\ G:~
i nSlIrt'cctioll contre les FraIH;:ais commeIH,'ait
a éclatt'r dll cólé de Grammont.


Ll n' était pas Lesoi n de faits aussi graves
ponr disposl'J' J)ul1louriez a traiter séveremeIlt
les com missaires <lu gouverllement. Il com-
merH,:a par en faire arre ter cleux, et par les
Elire traduire SOIlS escorte ~t Paris. Il parla aux
:H1tres avec la plus grande hauteur, les fit ren-
trer dans lellrs fOI1ctioIlS, ¡eur défendit de s'irn·
miseel' lIans les dispositioI!s militaires des gé-
nérallx, et de dOllner des ordres aux troupes
(lui étaiellt dans l'étendue de leur commissariat.
II destitua It' gétléral l\Toreton, qui avait fait
cause commune avee t'ux. Il ferma les clubs, il
{it remire aux nelges une partje du mobilier
pris dans les églises, et joignit á ces mesures
une proclamation ponr désavouer, an IlOtll de
la franee, les vexations qll'on vellait de COll)-
metlre. I1 qualifia du 110m de brigallds ceux
qui en étaient les autcnrs , et déploya une dic-
tatUl'e qui, tout en lui rattachant la Belgique,
et rendant le séjour du pays plus sur ponr
l'arméc fran\aise, excita au plus hallt point la
col ere des jacoLins. II eut en effct avee Camlls
une cliscussioIl fort vive, s'expl'ima avcc J1l{~pris
sur le gOllvernemellt du jour; et, oUDliallt le
sort de Lafayette, comptant trop légercment
sur la puissallce militaire, il se cOllduisit en




lit¡ llJ:VOLllTlüX FllAN(,:.\JSE.
général, certain dc pOllvoir, s'jl le youlait ,
ramCllcr la révolutiun Cl) arrierc, et dispos{~
I1 le vonloir , si 011 le pOllssait it bout. Le menw
esprit s'était commlmiqlH~ a son état-major :
OH y parla avec dédain de ectte populace qui
gouvernait Paris, des imbéciles convenlionnels
qui se laissaient opprimer par elle; OH maltrai-
tait, OH éloignait tons ccux qui (~taicnt soup-
~onnés de jaeobinisme; et les soldats, joyeux
de ¡,('voir leur général au milieu d'eux , affcc-
taient, en présenee des cornmissaires de la
convention, d'arréter son clJeval, et de baisf>r
ses bottes, en l'appelant leur pere.


Ces llouvelles exciterent :1 Paris le plus gr~lIld
tllmulte, provoquerellt de I101lVeanxcriscontre
les tra1tres et les cOlltre-révolutionnaires. Snr-
Je-champ le député Choudieu en profita pOUI'
réclamer, cornme on I'avait fait souvent, le
renvoi des fédérés séjournant a Paris. Achaque
nou velle facheuse des armées, on reuem:llIdait
la meme chose. Barbaroux voulut prendre la
paroJe sur ce slIjel, mais sa préselJce excita Ull
soulevement encore illconnll. Euzot voulut en
vain faire valoir la fermeté des Brestois pendant
l~s pillages; Boyer Fonfrede obtillt seul, par
une especc d'accornmodement, que les fédérés
des départements lllaritinH's ¡raienl eompléter
l'année f'ncme frop raíble des c¡'¡tes de l'Odan.




CO;\VF1'\TTON N ATIONALF. (T 793\ G5
Les autres conserverent la faculté de rester a
IJaris.


Le lendemain 8 mars, la convention ordonna
a tons les officiers de rejoindre leurs corps
sllr-Ie-elJamp. Danton propasa de fournir en-
care aux Parisiens l'occasion de sauver la
.Franee. r( Demandez-lellr trente mille hommes,
«( dit-il, envoyez-lcs a Dllmouriez, et la Bel-
( giquc nOlls est assur(~e, la IIollande est con-
(( quise, )) Trente mille hommes en effet n'é-
taient ras difficilcs a trollvcr a París, ils étaient
d'un granel sccours á l'armée du N orel, et don-
naicnt une nouvellc importance a la capitale.
Danton proposa en outre d'cnvoyer des com-
missaires de la eonvention dans les départc-
ments et les seetians , pour accélérer le reeru-
temeut par tons les moyens possiLles. TOlltes
ces propositions fl1l'ellt adoptées. Les sections
eurellt ordre de se réunir dalls la soirée; des
comrnissaires fur('nt Ilommés pour s'y remire;
on ferma les spectacles pour empceher taute
distraetion, et le drapeau noir fut arboré a
l'Hotel-de-VilIe ell signe de détresse.


ce


Le soir en effet la réunion eut lieu; les corn-
missaires furent parfaitement rec;us dans les
sections. Les imaginations étaient ébranlées, et
la proposition de se rendre sllr-le-champ aux
armées fut partollt lIien accllf'illie. Mais il ar-


IT. ~




l'Iva lel ce qui était arrivé déja aux 2 et 3 sep'
ternhre, OH demanda avallt de partir que les
traitres fusscnt punis. On a vait adopté, depllis
cettc époque, une phrase toute faih~ : (( 011 ne
vonlait pas, disait-on, laisser derrierc soi des
cOIlspirateurs prets a égorger les fami/les de.';
absents.)) Il fallait done, si I'on voulait éviter
de nouvelles exéclltions populaires, organiser
des exécutioos légales et terribles, qui attci-
goissent sans lenteur, sans appel, les eontl'c-
révollltionnaires, les conspil'ateul's eachés, -qni
mena~aient an-dedalls la révollltion déja me-
naeée au-dehors. 11 fallait suspcndre le glaive
sur la tete des généraux, des ministres, des
députés inftdeles, quicompromcttaient le salut
publico Il n'était pas juste en outre que les ri-
ches égoistes qui ll'aimaicnt ras le régime de
J'égalité, a qui pen importait d'appartenir ir. la
conventioll 011 a Brunswick, et qui par cOllsé-
quent He se présentaient pas ()Our relllplir les
cadres de l'arméc, illl'était pas juste qu'ils res-
tassent étrangers a la chose publique, et ne
tissent rien pOlI!' elle. En conséquence, tous
eenx qui avaient au -dessus de quinze cents
livres de rente, dcvaient payer une taxe pro-
portionnée it leurs moyens, et suffisanLe pon!'
dédommager ceux qui se dévoucraicnt, de
tOIlS les frais de la campagne. Ce dOIl hk VCCll




tl'un nOllveau triLunal éI'igó COlltl'C le parti
€Illleml, et d'une cont¡'ibution des riches en
faveur des pauvI'es qui allaient se battl'e, fut
pI'esquc ghléral dans les sections. Plusieul's
d'entrc elles vinrent I'expI'imeI' a la commune:
les jacobins l'émiI'ent de leuI' coté, et le lcn-
demaill la cOllvention se tI'ouva en pI'ésencc
d'uIIe opiníon universelle et irI'ésistible.


Le jour suivant en effet (le 9 maI's ), tous
les députés montagnal'ds étaient présents á la
séance. Les jacohins remplissaieIlt les tribulles.
lIs en avaient chassé toutes les [emmes, puree
qu'ilfol/ait, disaient-ils ,faire une expédition.
Plusieur's d'entre eux pOl'taient des pistolets.
Le député Gamon vOlllut s'en plaindI'e, mais
lIe fut pas écollté. La Montagne et les triLulles,
fortement I'ésolues, iIltimidaient la majoritt~,
et pal'aissaient décidées ir. He sOll[frir allcuue
n~sist:mce. Le maire se présente avec le cOllseiJ
de la commune, confirme le rapport des com-
missaires de la convelltion sur le dévouemenl
des sectioIls, mais répete leur vceu d'Ull tri-
bunal extraordinaire et d'une taxe sur les "i-
ches. Une foule de sections succedent a la com
mune, et demandent encore le tribunal ct la
taxe. Quelqucs-unes y aJontent la demande
d'llne loi contre les accapareurs, d\m mllx'i-
lfIum <fans k prix des denI'ées, et de 1'abro-




!:I~\'OLl;T1D' FH·\NC.\lcF. , .
gatioll du décret qui qualjfiait marchandise la
monnaic metallique, et pcrmettait qu'elle cir-
culat a un prix différent du papier. A.pres
toutes ces pétitions, on insiste pour la mise aux
voix des mesurcs proposécs. On V('lIt d'abord
votcr snr-le-champ le principe de l'étahlisse-
ment d'un tribunal extraordinaire. Qllelql1es
députés s'y opposent. Lanjuillais prencl la pa-
raJe, et demande an moins que, si rOll veut
absoJllment eOllsaerer l'iniquité d'Ull tribnnal
sans appe!, OH borne eette calamité au seuL
départemcllt de Varis. Guadet, Valazé, font de
vains efforts ponr appuyer Lanjuinais : ils sont
brutalemcnt interromplls par la l\Iontagne.
Quelques députés demandent meme que ce tri-
bunal porte le 110m ele révollllionnaire. Mais
la cOllvention, sans souffrir une plus longue
disCllSsioI!, « décrete l'établissement d'IlIl tri-
"bunal criminel e,x¡raordillai,.e, pOllr juger
«( salls appel, et sans recours au tribunal d0
« cassation, les cOllspirateurs et les contre-r(~~
(t volutionnaÍres, et chaJ'ge SOIl comilé de lé-
« gislation de lui présetlter demaiu un projet
« d'organisation. »


Immédiatemcnt apres ce décret, 011 en renu
un second, quí frappe les riches d'llHC taxe
extraordinaire de guerre; un troisÍellle qui or-
ganise qnaraute-nUe commissioIlS , de delLx dt~-




CONV I'NTlON N AT I O '\ .\ LE (1 7~)j. ()~)
putés chacune, chargées de se rendre dans les
Jépartemcnts, pour y accélérer le recl'utemeut
par tous les llloyells possibles, ponr y désal'mer
ceux qni !le partent pas, pour faire <!rreter les
sllspecf s, pour s' em parer des cheva ux de luxe,
pOllr y exercer enfin la dictatllre la plus ab-
solue. A ces mesures on en ajoute d'autres en-
care. Les Lourses des colléges n'appartiendront
a l'avellir qu'aux fils de ceux qui serant partis
pour les armécs; tous les céliLataircs travail-
but dalls les Lureaux seront remplacés par des
peres de famillc; la contl'ainte par corps sera
abolic. Le droit de test(~r l'avait été quelques
jours auparavant. Toutcs ces mesures fUl'ent
prises sur la propositioIl de Danton, qui COIl-
naissait parfaiternent l'art de rattacher les in-
térets a la cause de la révolution.


Les jacoLills, satisf;lifs de ceUe jonruée,
courUl'ellt s'applaudir chez eux du úle qu'ils
avaient montré, ele la maniere dont ils avaicllt
composé les tribunes, et de I'imposante ré-
uniOIl qut' présentaient les rangs serré s de la
Montagne. lis se I'ecommanderent de cnnti-
rlller, et d'etre tous présents a la séance du
lendemain ou devait s'organiser le tribuIlal ex-
traordinaire. Robespierre , se disaieIlt-ils, nous
1'a Lien recornmandé. Cepeudant ils ll'étaif'llt
ras satisfaits encore de ce qll'ils avaiellt oh-




lLÉVOLt:TION .FnAN~.<USE.
teJlll; I'UH d'eux proposa de rédiger unept,titioll
oú ils demanderaient le renouvellement des
comités et du ministere, l'arrestation de tons
¡es fonctionnaires a l'instant nlt~me de leur des-
titution, et ceHe de tous les administrateurs
des postes, et des journalistes contre-révolll-
tionnaires. Sur-Ie-champ OH veut faire la pé-
tition; cependant le président objecte que la
société ne peut pas faire d'acte collectif, et on
convient d'alter chercher un alltre local, pour
s'y réunir en qualité de simples pétitionnaires.
On se répand alors dans París. Le tumulte y
régnait. Une centaine d'individus, promoteurs
ordinaires de tous les désordres, conduits par
Lasouski, s'étaient rendus chez le jOllrnaliste
Gorsas, armés de pistolets et de sabres, et
avaient brisé ses presses. Corsas s' était enfui,
et n'était parvenu a se sauver qu'en se dPren-
dant avec beallcoup de courage et de présellce
d'esprit. Ils avaient fait de merne chez l'édi-
tenr de la Chronique, <1ont ils avaient aussi
ravagé l'imprimerie.


La journée du lendemain 10 menat:;ait d'etrc
encore plus orageuse. C'était un dimanchc.
Un repas était préparé a la section de la Hallc-
aux-nlés, pOllr y feter les eurólés flui dcvaicnt
partir pour l'arrnée; I'oisiveté dll pellple, jointe
a l'agitation d'tin festín, ponvait condllire aux




CONVENTION NATIO,'iALE (1 79:-\'!' ;1
plus mauvais projets. La salle de la convelltiol!
fut aussi remplie que la veiUc. Dans les tl'i-


. bunes, a la Montagne, les rangs étaicnt aussi
selTés et aussi mena<;ants. Ladiscussion s'ouvre
sur plllsieurs objets de détail. On s'occupe d'unc
lettre de Dnmouriez. Robespierre appuie les
propositiofls du général, et demande la mise
en acclIsation de Lanoue et Stengel , tous deux
commaudant a l'avant-garde, lors de la der-
uiere déroute, L'acclIsation est aussitot portée.
11 s'agit ensuite de faire partir les députés com-
missaircs pour le recrutement. Cepelldant lem'
vote élallt nécessaire pour assurer' ¡'établisse-
ment du tribunal extraordinaire, OIl décide de
!'OI'ganiser dans la journée, et de dépecher
les commissaires le lendemain. Cambacéres
,lerllande aussitot et l'organisation du tribunal
t~xtraordinaire, et ceHc du rninistere. Ruzot
s'élance alors a la tribune, et il est interrompu
par des murmures violents. - ( Ces murmu-
« res, s'écrie-t-il, m'apprennent ce que je savais
(l déja, qu'il y a dn courage a s'opposer au
l( despotisme qu'on nous prépare, )) - Nou-
velle rumeur. II continue: - « Je vous aban-
" dOlllle ma vie, mais je veux sauver rna mé-
« IlIoire du déshonneur, en m'opposant au
" despotisHlt' de la COllvt'lIliOll Ilatiollale, (hl
" veut <lllt' vous cOllfondiez dalls vos lll<HIIS




J\ÉVOLl.JTWN t'lL\J'H,~AISli,
« tOllS les pOllvoirs. l) - Il faut agir et I1UII
« havarder, s'écrie une voix. - « Vous avcz
« raison, reprend Buzot; les publicistes de la
« monarchie ont dit aussi qu'i! ftllait agil', et
« que par conséquellt le gouvernement des po-
« tique d'Ull seul était le mcilleur ....... )) - Un
nouveau bruit s'éleve, la confusion regne dalls
l'assemblée; ellfin 011 convient d'ajourner 1'01'-
ganisation du mil1istere, et de ne s'occuper
actuellernent q lle du tribunal extraordillaire.
OI} demande le rapport du comité. Ce rapport
ll'est pas fait, mais a défaut OH demande le
projet nont on est convenll. Robert Lilldet en
Ütit la lecture en déplorant sa sévérité. Voici
ce qll'i! propose du ton de la douleur la plus
vive: le tribunal sera composé de neuf jugcs,
nommés par la conventioll, illdépcndants de
toutc forme, acquérallt la conviction par tous
les llloycns, divisés en dellx sectioIlS tou-
jours permanentes, pOllrsuiv<lllt á la requele
de la eonvention ou directement ceux qui, par
leu!' conclllite, ou la manifestation de leurs
opinions, auraient tenté d'égarer le peuple,
ceux qui, par les places qu'ils occupaient SUllS
l'ancien régime, rappellent des prérogatives
usurpées par les despotes.


A la lecture de ce proj et épou valltable, des
applaudissemcllts éc1atellt a gauchc, Ulle vio-




COi\'VENTlON NATIü."l'ALJ<: (1793). 73
ICllte agitation se mallifeste a <lroite. - Plutot
lllourir, s'éerie Vergniauu, qne de consentir a
l' etablissement de eette inquisitioll vénitiellne !
-Il faut au peuple, rppondAmar, Oll cette
meSllI'(~ de salut, ou l'insurrection. - « l\IOll
« goút pOllr le pouvoir révolutionnaire, dit
«( Carnbon, est asscz connn; mais si le peuple
( s'est trompé uans les élections, nous pour-
,( rions nOllS tromper dans le choix de ces llellf
({ juges, et ce sCl'aient ¡¡lor's d'illsupportables
« tyrans que IlOUS nous scrions imposés a nOllS-
" memes : J)-Ce tribunal, s'écrie Duhelll, esL en-
core trop 10n ponr eles scélérats et des contre-
révolutionnaires! - Le tnmnlte se prolonge , et
le temps se consnme en mcnaees, en outrages,
en cris de tOllte espeee. Nous le voulons, s'é-
críent les uns; lJOUS ne le vOlllollS pas, répon-
dent les autres. Barrcre demande des jurés, et
en sOlltiellt la lléecssité avec force. Turreau
demande qu'ils soient pris a París; Royer-Foll-
frede, dalls toute la républic¡ue, parce que le
nouveau tribunal aura a j uger des crimes
commis dans les départemellts, les armées, et
partout. La joumée s'écoule ~ et déja la nuÍl
s'approehe. Le président Gensonné résume les
diverses propositions, et se dispose á les met-
tl'e aux voix. L'asscmblée accablée de fatigue,
:iemble PI'ete á e<'dcr ú talll de violellc(~. Lc~




.' , .~


'74 RÉVOLUTlON ~'RAN(,;AISF.
membres de la Plaine commencent a se retinT,
et la Montagne , ponr achevcr de les intimider,
demande qu'on vote a haute voix. - (( ()uí,
« s'écrie Féraud indigné, oui, votons a haute
«( voix, pour faire connaitre au monde les
(( hommes qui venlent assassiner l'innoccnce,
« a l'ombre de la loi! )) - Cette véhémente
apostrophe ranime le coté droit et le eeIltre,
et, contre toute apparenee, la majorité dé-
ciare, 1° qu'il y aura des jurés; 2° (lue ces
j urés seront pris en Hombre égal dans les tlé-
partements; 3° qu'ils seront nommés par la
convention.


A pres l'admission de ces trois propositiolls,
Gensonné croit devoir accoreler une heure de
répit a l'asselllblée, qui était aceabléc de Ül.-
tigue. Les députés se levent ponr se retirer.
-Je somme, s'éerie Danton, les bons citoyells
de n>ster a leurs places! - Chaclll1 se rassied
aux éclats de cette voix terrible. (( Quoí! re-
« prend Dallton, e' est a l'instant ou Miranda
« pent etre battu, et Dumouriez, pris par dcr-
« riere, ohligé de mettre bas les al'mes, que
« vous songeriez a délaisser votre poste"! Il
" faut teI'lniner l'établissernent de ces lois ex-


* Dalls ce 1l101llt'llt 0(1 !le savait pas cncorc que j)UillOU~
riez ;l\'~iL (l"iLLI~ tI HlJlIalllk jlOIl!' l"I~velli/' ,ut' la lUcu,e




CONV ENTION N ATlO}i ~ LE (1793:. 75
« traordinaires destinées a ópouvanler vos en-
« llemis illtérieurs. 11 les faut arbitraircs, parce
« qu'il est impossible de les relldre précises;
« paree que, si terribles qu'elles soient, elles
« seroll t préférables encore aux exécutions
(( pOlmlaires, qui, élujourd'hui comme en sep-
« tembre, seraient la suite des lenteurs de la
« justice. Apres ce tribunal, il faut organiser
« un pouvoir exéeutif énergiquc, qui soit en
« contact immédiat avec vous, et qui puisse
« mettre en mouvement tous vos moyens en
« hommes et en argent. Aujourd'hui donc le
« tribunal extraordillairc, demain le pouvoir
«( exécutif, et apres·demain le départ ele vos
« commissaires pOllr les départements. Qu'on
« me calomnie, si ron vent, mais que ma mé-
« moire périsse, et que la république soit
« sauvée!)


1\Ialgré cette violente exhortation, la sus-
pension el'une helll'e est accordée, et les dé-
putés vont prendre un repQs indispensable. 11
était environ sept heures du süir. L'oisiveté du
dimanche, les repas elonnés dans la jonrnée,
la question qni s'agitait dan s l'assemblée, tout
contribuait a augmenter l'agitation popnlaire.
Sans qu'il y elIt de complot formé d'avance,
comme le crurent les girondins, on était amené
par la seuJe dispositiütl des esprits ;\ tille sce!1P


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,. -.I.,..:1~ \ ... '; .. i.f!·,,~


.,- ;,
.~ " c·.··,,)




· . , .
. ! t t,


éclatante. On était assemhlé anx Jacobins;
BClltabole était accollru pOllr y faire le rapport
sur la séallce de la convenlion, et se plaindre
des patl'iotes, qui n'avaient ]las été aussi éncr-
giques ce jour-lit que la veille. Le conseil gé-
lléral de la commune siégeait pareillelllent.
Les sections, abandounées par les citoyens
paisihles, étaiellt livrées á quelques furi Cll X ,
qui prcnaient des arretés incendiaires. DallS
ceHe des Quatre - Natiolls, dix-huit forcellés
avaient décidé que le département de la Seille
devait en ce moment exercer la souveraineté,
et que le corps électoraL de Paris devait s'as-
sembler sur-le-cham p pour retrancher de la
convention nationale les députés infidóles,
qui conspiraient avec les eonemis de la révo-
lution. Ce meme arn~té fut pris par le club
d('s cordcliers, et une députation de la sec-
tion et du club se rendait en ce mOlllcnt <1 la
cOlllmune pOllr lui en donne!' commllnÍcatioll.
Des pel'turbateurs, suivant l'usage ol'dinaire
dans tous les Illouvements, couraiellt pour
faire fermer les barrieres.


Dans ce meme instant, les cris d'une popu-
lace furieLlse retentissaient dalls les rucs; les
ellfólés qui avaient diné a la JIalle-aux-Blés,
remplis de fureul' et de vin, mUllís de pistolt'ts
et de sabres, s'avall<;aicIlt vel's la s~dll' des Ja-




U)~VENTlllj'( "HTIONALE (179')/, 77
cobillS, en faisant entcndre des chants épou-
valltables. lis y arrivaiellt a l'instant meme oú
BelltahoJe aehevait son l'apport sur la séanee
de la jOllrnée. Parvellus a la porte, ils deman-
den t a défiler dans la salle. lis la travcrsen t au
mílicu des applaudi:;;sements. L'un d'eux prencl
la paroJe et dit: « Citoyens, au moment du dan-
(( gel' de la patrie, les vainqueul's du 10 aoút se
I( levent ponr exterminer les ellncmis de l'exté-
« rieur et (le l'intéricur. - Oui, leur l'épolld le
« prt~sideIlt ColJot-d'Iferhois, maJgré les intri-
« gants, 1I011S sauverons avee vous la libert¡".»-
Desfie(]x prend alol's la paroJe, dit que Miranda
est la créalure ele Pétioll, et qll'il trahit; que
13rissot a fait déclarel' la guel're a l' Angleterre
pOllr pCl'dre la Franee. Il n'y a qU'lll1 moyen,
ajonte-t-il, ele se sallver, e'est de se débarrasser
de tOllS ees traltres , de mellre tOIlS les appc-
Zallts en état d'arrestatioll chez eux , et de faire
nommer d'alltres députés par le peLlple. - Un
homme velU d'llll habit militaire, et sorti de
la foule qui vellait de défiler, soutiellt que ce
n" est pas assez que l'arrestatioll, et q u'il faut
d(~s vengeallces. - Qu'est-ce que l'inviolabi-
lité? dit-il. Je la mets sous les pieds ..... -A ees
rnots, Dubois de Crancé arrive et vcut s'op-
pose!' a ces propositions. Sa résistance cause
IJIl t1llnultc af'f'rp(\x. On propose de se diviser




HEYOLIITIOi'i FIlAN<>' [SE.


en dcux colOUlles, dont l'tlllc ira cherchcr Ics
frcl'cs cOl'deliers, et l'autre se rcnclra á la COI1-
"ention pour défiler dans la salle, et lui faire
entendre tout ce qu'on exig·e ¡]'cllc. On hésite
a décider le départ, mais les tribmws euvahis-
sent la salle, Oll éteint les lumieres, les agita-
tenrs l'emportent, et on se divise en deux corps
ponr se renclre a la convention et aux Cordeliers.


Dans ce momen t, l' éponse de Louvet, logée
avec lui dans la rue Saint-Honoré, pres des
Jacobins, avait entendu les vocifératioIls par-
tant de cette salle, et s'y était rendue ponr
s'illstruire de ce qui s'y passait. Elle assiste a
ectte scene ~ elle accourt en <lverti l' Lou vet,
qui, avec beaucoup d'autres membres da coté
tlroit, avait quitté la séance de la convention,
ou rOIl disait qll'ils devaient etre assassinés.
Louvet, armé comme OIl l'était ordinairement,
r)rofite de l' obscurité de la nnit, court de porte
en porte avertir ses amis, et lenr assigne UIl
rendez-vous dans un lien caché oú ils ponr-
ront se sOllstl'aire aux COl! ps des assassins. 11
les trouve chez Pétion, délibérant 'paislble-
ment sur des décrets a rendre. Il s'eflorce de
leul' cornmuniqucr ses alarmes, et ne rt'ussit
pas á troubler I'impassihle Pétion ~ qui, I'egilr-
dant k cicl et voyant tomber la pluie, dit froi-
dement: JI n:r aura rinl cette TlIrit. Cependant




f:tlNVFNTI()\ ,~,\'I'I()i,A U':,, I 7(.)~~' 79
un rendez-yo LIS est fixé, et l'Ull d'eux, llOlUmé
K.ervéh~gall , se remI en toute hate ,'¡ la ca-
serne du hataillon de Brest, ponr le [aire met-
tre sons les arllles. Pendant ce temps, les mi-
nistres réuuis chez Lcbrnn, n'ayant aucune
force a leur disposition, ne savaient quel
moyen pr'endl'e pour défendre la conveulion
et enx-memes, cal' ils étaient al1ssi menaeés.
L'asscmbl(~e, plongée dans l'effroi, attendait
un dénoument terrible; et, achaque bruit,
achaque cri, se croyait au moment d'etre eu-
valúe par des assassins. Quarante membres
seulement étaient restés au coté droit, et s'at-
tendaient a voir !eUl' vie attaquée; ils avaieut
des armes, et tenaient leurs pistolets préparés.
lis étaient convenllS entre eux de se précipiter
sur la Montagne au premier mouvement, et
d'en égorger le plus de membres qu'ils pOUl'-
raieut. Les tribuncs et la Montagnc étaient dan s
la me me attitude, et des dCl1x cotés 011 s'at-
tcndait a une scene sanglantc et terrible.


Mais iI ll'y avait pas encore assez d'audace
ponr qU'Ull 10 aout contre la convention fú!
cxécuté : ce n'était ici qu'une SCelle prélimi-
naire, ce n'était qu'un 20 juin. La comnlllne
n'osa pas favorisel' un mouvement auquel les
I'sprits lI'étaient pas assez pr¿'parés, elie s'en
indigna mém(~ tr(~S-sillcPn·lIIellt. 1,(:, Illaire, a




80 rt!ivoLlTTlON FftA i\"LATSE.
l'instant ou les deux députatiOlls des Cordcliers
et des Qllatre-Natiolls se pd'scntprent, les re-
pOllssa sallS vouloir les entelldre. Complaisant
des jaeobins, il n'aimait pas les girondins sans
dOllte, pcut-etre merne 11 désirait leul" chute,
mais il pouvait eroire un mOllVClI1Cnt dange-
reux; il ¿tait d'aillenrs, comme Pétion au 20
juin et au JO aoút, arreté par l'illégalité, et
voulait qll'on lui fit violen ce pour céder. Il
rcpoussa done les deux déplltations. Hébert
et Chaumette, procurenrs de la commmw, le
sontinrent. Oll envoya des ordres pOllr tellil'
les barrieres ouvertes, on rédigea une adresse
aux seetions, une autre ;lllX Jaeobins, ponr les
ramener a ¡'ordre. Santel're fit le discours le
plus énergique a la eommune, et s'éleva eontre
ceux qui oemandaient une I10uvelle insnrree-
tioll. II dit que, le tyran etant renversé, eette
seeonde insurreetion lIe pouvait se diriger que
eontre le penple, qui aetUf~llement régnait
seul; que 1 s'il y avait de manvais députés, íI
fallait les soufIrir, comme OH avait souffert
Maury et Cazales; que París ll'était pas toute
la Franee, et devait accepter les députés des
départements; que, quant au ministre de la
guerre, s'il avait fait des destitutions, il en
avait le droit, pUiSgll'iI était responsable pour
SPS agents.... Qli'a Paris, glH'lqlles hornmes




C():', Vl::NTI t) ¡\ :UT IÚ1\\LE •. I 7:)J . ¡) [
Uleples et égarés croyaicnt pOllvoir· gumerncl',
et désurgalliseraictlt tout; qll'Cllfill il aJiait
Illdll'e la flll'CC sur picd, et ramCllel' les illal-
veiUallts ;1 l'ordrc .....


1)e SOIl d)tl~ Bcurnonville, dont t'bóte! était
ceI'llé, frauchit les m urailles de 50B j arJ in,
rt~llllil le pllLs de monde qll'il put, se mit a la
tete el II batailloll de Hn'st, et impasa aux agi-
lalclIl's. La. scctiOIl des Quatre-Nations, les C01'-
ddiers, les jacobins, reutrerent chez ellx. A.illSi
la I'ésistance de la commune, la cOtJdt1it(~ de
S:lnleIT(', le cOlll'age de Beurnollviilc et des
IlrcsloÍs, pCllH:~tre aussi la pJllíe qui tombait
;tvCC abondallcc, eml)(\cherellt les progrcs de
!'illsurrectioll. J)'ailleurs la passioIl n'était pas
encore assez forte contre ce (In'il y avait de
plus noble, de ¡¡llls généreux dalls la répu-
hliqlle uaissallle. Pdioll, CUllc!OI'Cct, Yel'-
glliand, aJlaiellt mOlltrcr (Plclque temps encare
dans la con VCtltiull lenr courage, lCllrs talen ls.
et lenr culminante t':lot[ucllce. Tout se calma.
Le mairp" <J P pelt~ a la bal'l'e de la con Yellt~on,
la l'a~S\lra, el dans cctte Huit B1l\me un acheva
pai:.;ihlcment le décret qui ol'ganisait le tribll-
Ha] d·volLltiollllaire. Ce tribunal était COfIl-
posé tI'U!! j ur) , de cillC¡ j llges, ,rull accusateur
publie el dc lleUX adjoillts, tOllS llolllmés par
la COIlVPlItioll. Les juré,;; tÍevaient (\trc choisis


1\ G




nÉVOUlT!üN FllANCAISE.


avant le mois de mai, el provisoiremcnt ils
pouvaient etre pris dans le départcmcnt de
Paris et les quatrc départC'ments voisins. Les
jnrés dcvaient opiner a haute voix.


La eonséquence de l'événemcnt dn JO rnars
fnt de réveiller l'indignatioll des membres dll
coté droit, et de causer de l' embarras a cel1X
du coté gauche, compromis par CeS démons-
trations prématurées. De toutes parts OH désa-
vouait ce mouvement eomllle illégal, comme
attentatoil'e a la représentatioIl natiollale.Ceux
meme qui ne désapprouvaient pas l'itlée d'une
nouvelle insurrectioll, condamnaient celle-ci
comme mal cOlldllite, et recornmalldaient de se
garder des désorganisateurs payés par l'émigra-
tÍon et l'Angleterre pour provoquer des désor-
dres. Les deux cotés de l'assemblée semblail'llt
conspirer pOli!' étahJir ecHe opinion; tous deux
sllpposaien tune inflllence secréte, et s'accll-
saient réciproCl'lement d'en etre complices. Une
scene étrange confirma encore cette opinion
générale. La sectioll Poissonllit~l'e, en présen-
tant des volontaires, demanda un acte d'accu-
sation contre Dumolll'iez, le général sur qui
reposait dans le momcnt tOllte l'espérauce de
l'armé<:: frau(:aise. A eeHe pétitioIl, llle par le
président de la sectioll, !lll cri gél1éral d'in-
dignation s'éléve.---C'f'SI '"1 arislocrate, s'pcri('-




CO:XYENTlON XATIOi'iALE \,I79'))' K¡
t-Oll, payé par les Allglais. --- A u mcme iustant
011 regarde le drapean que portait la section, <:>t
on s'aper(;oit aYI'C étonnement qne la crayate
en est Lbnclle, et qu'íl est surmonté par des
flenrs de lis. Des cris de fureur éclatent a eette
Ylle, on déehire les fleurs de lis et la cravate.
et 011 les remplace parun ruban trieolore qu'une
femme jette des tribunes. Isnard prend allssitot
la parole pOllr demander un aete d'accusatioll
contre le prt~sidellt de cette sectiolJ. Plus de
cent yoÍx appuieut eette lllotioll, et dans le
nombre, celle qllí fixe le plus l'attentioll, est
celle de Marat. « Cette pétition, dit-il, est un
« COlIl plot, il faut la lire tout entiere : on verra
« qu'on y demande la tete de Vergniaud, Guadet,
l( Gensonné ..... et autres; vous sen tez , ajoute-
« t-il, quel triomphe ce scrait ponr nos enne-
«( mis c¡u'un te! tnassacre ! ce serait la désolatioll
«( de la eonvcntiOll ..... )) lci des applaudisse-
ments univ(~rsels illterrompellt :NIarat; iI re-
prend, dónol}(,(, lui-meme 1'1IIl des principaux
agitateurs, nommé Fournier, et demande son
arrestatiOIl. SUI'-le-ehamp elle cst ordonnée;
toute l'afbire est renvovée au comité de súreté


o)


géllérale; et l'assernblée ordonnl' cru'íI soit Cll-
voyó i:t Dumoul'it'z copie du proccs-ve,'bal, pOllr
lui prouver (In' elle m' partage pa\ it son égard
les torts des calomniatellrs.




8/, Ii EVUJ.l'TíO;Y FR.\ N(,:A 1SE.
Le jeune Varlet, ami ct cOlllpagnoll de FOIll'--


nicl',accourt aux Jacobins pUIIT' delllaTlfler jus-
tice de son arrcstatioll, el pro!>oser d'all{'f' le
d(-QivI'f.cr. (( Foul'llicr, <lit-il, n'esl pas 1(, se111 me-
(( llacé; Lasouski, Desfieux, tllOi-ll)(;lllC Clltíll,
(( le sommcs cncore.Le tribunal l'f-volulioJlllairc
(( qu'on vient el' établir va ton1'ncr contrt' les pa-
(( triotcs commc celui du 10 aoút, et les fn\rcs
(( qui m'cnleudcllt IlP sont plus jacohins s'ilsne
«( me suiveut.») II vpul. ellsuite acclIser Dumou-
rÍez, ct iei 11ll ti'ouble extrao!'(lillai!'(~ éclate dans
la société; le pr(~sid(,t1t se COllVl'(,. et di!. fJu'on
veut perdre les jacobins, Billand- VaI'CllIH'S lui-
memc monte a la t1'iblll1C, se plaillt de ces
propositions ineemliair'es, justifie DUl11ouriez,
qn'il n'ainw pas, dit-il, mais t[lIi fait rnainte-
llant SOI1 devoil', et (lui a pl'o\1vé qn'il vOlllait
se battre vigolll'eusf'l11cnt. Jl se plaint ¡¡'11fl
p1'ojct tendallt a désol'gallisel' la COJlvclltion
nationale par des attelltats, il déclare comme
tres - suspectsVarld, FOll1'nier, Desfi('IlX, et
appuie le projet ¡J'Ull sCl'lltin éplIratoire pour
délivrer la société de tOllS les ennemis S(:Cl'ets
qlli veulent la compl'ornettrt'. La VOIX dI' Hd-
lalHl-Varelllles est écolltée; des nOllvelles salis-
faisantes, telles CI"e le ralliel11cllt de I'année
par Dumouriez, (~t la recOllllai.~sallC(, de la ré-
publique par la Porte, aCht'Vf'lll de 1'amcner




C()NVJ,,'iTL01~ Ci,U'j()[\,\l.F ; 1 7~)~);' 85
lc calmc. Ainsi Maral, Billaurl-YarcnIlcs et Ro-
hespicrrc, qui parla <1l1ssi dalls le mellle sens,
se pronoll(;aicllt IOllS contre les agitateurs, el:
semblaient s'acconlel' á croire qu'ils étaielll
payés p:ll' 1't~I1lwllli, C'est la une incontestable
prellvl' c¡u'il u'cxislait pas, comme le crurent
les girondills, UII complot secretement form(\,
Si c(~ coltlplol eút exÍsté, assurément Billaud-
Varcnues, ~Tara!. et Robespicrre en anraient
plus Oll moills fait partie; ils auraÍclIt été ubli-
~~(~sde:-e taire, CO/l1mc le coté gallcbe de l'asst'lil-
hl¡'~e l(\gisl;¡ti\"(~ aprt~s le :WjUill, et ccrtainemellt
iJs u'auraicnt pas pl1 demancler l'arrestatioll de
l'Ull de ICllrs complices, Mais ici le mOllvemcnt
ll'était que l'effct d'ul1c cffcrvesccllce pupu-
laire, et 011 pOllvait lc désavoucl' s'íl ótait trop
pl'écoce Oll trop ma 1 combiné. D'ailleurs Mara!,
Hobcspicl'rc, Billaud-VarC'IlIH'S, quojc¡uc (1<"si-
rallt la chlIte des gil'Ol1dins, craignaicnt sin-
céremen t lcs intrigues de l'éll'anger, rcdoutaicn t
une (1<'~sorgallisation en préscllce de l' cnncmi
victorieux, appréhcndaicnt l'opinion des dé-
parlernents, étaient embarrassés des aCCllsa-
tiolls allxquelles ces mouvernent5 les expo-
:<licllt, el: probablement !le songt~aiellt enco!'C'
q Il'Ú s 'C'mparer de tOllS [es mill isteres, de tOll5
leS COlllités, et a chasser les girondius du gou-
Yel'llellwut, sallS les cxclw'c "iolemmcllt de la




86
iégislatllre. Uu seul homme, Danton, aurait
IHl elre soup<;onné, qlloiyn'il mt le moins
acharné des ennernis des girondins.Il avait toute
influence sur les corc1eliers, auteurs du rnou-
vcment; il n'en YOlliait pas aux I1Jcmurcs du
coté droit, mais a leur systeme de modt'-ration ,
qui, a son gré, ralentissait l'action du gouver-
nement; iI exigeait a tout prix un tribunal ex-
traorrlinaire, et UB comité suprbnc investi
d'une dictature irr('sistihle, parce qn'il voulait
par-dessus tout le succes de la révolutioll; et
iI est possible qn'il eút concluít secretement
les agitateurs du 10 li1ars, ponr intimider les
girondins et vaincre lenr résistance. Il est cer-
v


tain du moins qu'il ue s'cmpressa pas de llés-
avouer les auteurs da troublc, et qu'on le vit
au contrairc I'l'llOUvcler ses instan ces pon!'


, ., 1 l' qu on orgamsat c gonvcrncrocnt ( une ma-
niere prompte ct terrible.


Quoi qu'il en soit, il fut COllVCllU qne les
aristocratcs étaient les provocateurs secrets de
ces mouvements; tout le monde le crut 011
feignit de le croire. Vergniaud, dans un dis-
COlll'S d'une entralnante éloquencc, oú il d8-
nou<;a toute la conspiratioll, le SlIppOS:\ ainsi:
il fut blamé á la Y8rité par Vmvet, qui alll'ait
voulu qU'OIl attaqn;h plus dil't'clelllent l"s ja-
cobins; ruais i! lihiillt (ple le prelUie]' soin dll




CONVENTION N ,U 10 X iI LE 1793). 8'7 )
trdlllllal extraordinaire serait de poursuivrc les
<luteurs <In ro marso Le ministre de la jllstice,
chargé de faire un rapport sur les événemcnts,
déclara ([¡¡'jI lI'avaÍt trollvé Ilulle part le cornit<'·
révolutiotlllairc auqucl on les attribuait, qu'il
ll'avait apcr(,:u qlle des emporlemcnts de clubs,
et des propositions faítes dans un mouvemcnt
d'cllthousiasmc. Tout cc qu'il avait découvert
de plus précis était une rpunÍon , au café eor-
razza, de quelques membres des corueliers. Ces
membres des cordelicrs étaicnt Lasouski,
Fournier, Gnsrnan, Desfieux, Varlet, agita-
teurs ordinaires des sections. Ils se réllnissaient
apres les séallces pour s'entretenir de slljets
poli tiques. Personl1e n'attacha d'importancc a
ccttc révél"tion; et, comme on supposait des
trames bien plus profondes, la réunion au café
Corrazza, de qlldq ues individ liS aussi subal-
tt)rues, ne parut que ridicnle.






ClfAPITRE 11.


Suite de !lOS rewrs mi!iUlIl'cs; dNaitl~ de ]'\crwiwll', -
Prclll;ércs Ill:gociatiolls de Dlll11ollrjr;z ayce l'CllllClIli:,
ses projeh de contrc-revolulioll; d traite ayec I'enllcllli,
-- r.;Y3cnation de la Belgi'lue, - Premiers trollbles de
rOUCS!; 1ll011\'emcnts inslIrrectionnels dans la Vendé'c.
- Décrcts ri~vollltiollnaircs, Désarmcmcnt des siOfH'cts,
-Entrcticn de DUIl101lril')\ avec lles élllissain's dl'S jaco
hin" TI fait arJ't"tt:r el lil!'e allx Alltrichil'¡¡" les COll¡llli,
,aircs de la COllvClltioll, -Ikerl't contrc les HOlIl'l)(lllS_
Mise I'n nrrcstatioll .In dtlc d'Or!t-:llls et de sa faluillc.
- DnlTIollriez, aIJaudollné de son :lrm[.c apr(~s sa trahi-
son, se r{,fugie dans le camp des 1I1lpiTiaux, Opinion
sur Cf' général. - Changements dan,; les commande-
mcnls des armées dll Nonl et du H.hin, BOllchottc est
nOn1mé ministre lle la gUf'rrf' ;¡ la place de BeurIloll\'ilk
dcstitlll·.


()1\ a VII, dalls le pl'éddcnt chapitrl', dalls que!
dat d'exasp(~ratioll se trollvaiellt les partis dt,
l'intéricuJ', et lf's nwsures ('xlraordinaires cpU'




gu R:ÉVOLUTWY FRANCAISE.
le gouvernement révollltiounairl' avait prises
pom n;sister a la coalition élrangere et aux
flctions fin dcdans. C'est au milien de ces cir-
COllstances, de plus en plus imll1illentes, que
numouriez, revellU de Hollande, rejüignit son
armée a Louvain. Nous l'avons vu dépIoyaut
son autorité contre les commissaires du pou-
voir exécl1tif, et repollssant de toutes ses forces
le jacobinismc qui tachait de s'introduil'e el!
Belgique. A toutcs ces démardws il en ajouta
UlH' pllls hardie encore, t't qui devait le COll-
duirc a la meme fin que Lafayettc. TI ¡"crivit,
le 1 2 mars, une lettre a la cOllvenlioll, dalls
laquelle, revenant sur la tlésorganisatiotl des
armées opérée par Pache et les jacobins, sur
le décret du 15 décembre, sur les vexations
cxercées contre les Belges, iI imputait lous les
maux présents á I'esprit désorganisateur qui
se répallclait de Paris sur la Frallcc, et de la
Franee dans les pays affranchis par nos al'mées.
Cette leure, pleine d'expressiolls audacicllses,
ct surtout de remolltranees, qu'illl'appartenaít
pas a un général de faire, arriva au comité dl'
súreté gónél'alc, au moment meme oLI de si


G


nombreuses accusations s'élevaient cüntl'(~ Du-
mouriez, et ou ron faisai t de continuels efforts
pon!' lui COllserver la hlVCUt' pop,daire, et l'al
t:!cher llli-m(;nH~ á la répuhliqnE'. Cptte Idlr!:




CO:NVENTlO.:i NATION.\f.E (f7~)3:. 91
ful tenue secrete, et sllr-Ie-champ OH lui elJ-
voya Dantoll ponr l'engager a la rétracter.


numouriez rallia son armée cn avant de Lou-
vain, ramena ses colonues dispersées, jeta un
corps vers sa droitc pour garder la Campine,
eL pom lier ses opérations avec les derrieres de
l'arrnée hasardée en Ilollande. Aussit6t apres, il
se décida a reprendre l'offensive ponr rendre la
COllfiance a ses soldats. Le prince de CObOllI'g,
apres s'etre emparé tlU conI'S de la ]\Jellse de-
puis Liége jus(IIl'a M;¡éstricht, et s'etre porté
au-de];', jllsclu';\ Saint-TroIl, avait faÍt occllper
Tirlemont p;lr llIl corps avancé. DumourÍez fit
repreIlllrc cette ville; et, voyant que l'enncmi
n'avait pas songé 11 garder la position impor-
tante de Goidsenhoven, laquellp domine tout
le terrain cntre les dellx Gellcs, jI .Y dirigea
qudqurs bataillolJs, qlli s'y établirent san s
difficnlté. Le lendemain, 16 mars, l'enncmi
vOlllut reCOllvrcr eette position perdue, et I'at-
taqua avec Ulle grande vigueur. Dumouriez,
qui s'y attendait, la fi t soutcnir, et s' altacha ú
ranimer ses troupes par ce combat. Les 1m-
péria\lx repoussés, apn~s avoir pt'I'(J¡ 1 sept ;1
huit cents hommes, repasserellt la petite Gette,
et ::J.!len'lIt se poster cutre les villages de Neer-
!anden, J ,andell, N cerwilldcn, Ovcnvindcll el
Hacour. T.es Frafl(~'ais, CHcollragps par cet ;lYa!l'




ILEVüLUTION ntANCAISF.


tage, se placerent de leur cúté ell avant d(~
Tirlcmont et dans plusieurs villages sitllés a Lt
gallehe de la petite Gclte, clcvelltle la ligue ele
séparation des dcux: :ll'lllées.


Dumouriez résolul d(\s lors d(~ dOlIIl(~r tille
grande hataillp, d cette pcnsée était allssi sagc
que hardie. La guet're méthodique l)(~ COn\'C-
nait pas á ses troupes peu disciplinóes encorc.
Il fallait redolJller de l'éclat ir llOS arllles, ras··
suncI' la COllH>lltioll, s"attac/¡cr les Hciges, ra-
mellcr rcullerni au-deI:t de la j\Iellse, le fixcI'
lit pour un temps, ensuite voler de 1l0l!Veall ell
HüIlaude, pénétrer clans UI}(' capitale de la CO;(-
libon, et y porter la révo!lItioll. A ces projets,
Dlllllouriez ajontai.t cneme, <lit-il, le I'établis-
semcnt de la COllstitlltion cl(~ 179 [, et le ren-
vcrscmcllt des dé1l1agoglles, avec le secours des
Hollandais et de SUll :trllH"e. T\Iais cc1le addi-
tiOll était une folie, ici COl1Jllle au LlI01lll'llt oú
il était sur le MocI'dik : ce qll'il y ayail de sage,
de possible et de vrai dans S01l plan, c'('~tait de
rccouvreI' SOIl int1uence, de rétablir BUS armes,
el d'etre I'elldu a ses projets lI1i1itaires par Ulle
bataille gagnée. L'anleur renaissallle de son
:lnn(~e, sa position m ilitaire, I (¡U t i (li dOllllail
tille cspéraIlce fOlldée dl~ SI¡CCl~S; d';¡illcurs il fal-
lait beancollp l!;i:-,;mlcr d;;lIs sa sil¡¡ario/l, et il
!w devait pas ltésilcr.




CO!\'VE'íTION iIi\TIO.\'ALF "7~)3:, 9;)
Notre armée s'étendait su\' tlll front de deux


iicu('s, et bOl'(lait la ¡wtite (~eLLe, de Ne(>r-Hey-
lissern ;\ Lc;¡\\. J)'lll1011riez ft'solut d'oJl~:rer Ull
IllOllvemcllt de cOllvcrsioll, qui rallli~llcrait I'cn-
uemi elltre r ,caw et Saint-Troll. Sa gaucllE' étan t
app"yée it Lea\\' COl1lme sur un pivot, sa droite
devait tOllrner par Neer-Heylissem, Racour ct
Lalldell, et obliger les AutriclJjens i\ reculer
rlevallt elle jllsC[u'il S:lill!-Troll. POllr cel;1, jl
fallait travcrser la perite Cette, frallcl lir ses riY{~s
CSGlrp('eS, pl't'lIdrc I ,c:!w, Ol'smad, :\eel'win-
den, OVenyilldcll ('l Hacou!', Ces tl'uis dCl'lljel'S
vi/lages, ftisant faec il l10trc drolte, qlli dcvait
les parcolll'il' dan s SOTl llIou\'cmctlt de cOI1\'er-
siol1, formaicnt le principal point d'attaque.
Dnl1louriez, divisant sa (lroite en trois colonl1cs
allx o\'(lres de Valpllcc, leur eujoigtlit de passer
la Gette au pOllt de Xccr-IIC'yJiss(,tll : l'tllle de-
v:lit d,"lJOrdcr I'cIlllPmi, l';tutre prplldrp vi\'e-
ment la IOlllbc ~I('v¡;e de Jliddplwilldl'll, fOll-
droyer de celtc ltalltcur le vilhge cl'Ovenyillden
et 5'ell f'rnpart'r; la troisicmc attaflue,' le vil-
lagc de Neerwinclen par sa clroite, Le centre,
cOllfi(; a1l r1ne de Chartres, el cornposé de dl'uX
colol1l1<.'s, avait ordre ele passer au pont d'Ese-
mai;l, de tr;\\(Tst:r Laer, et c!'attaquC'l' de frolll
NeC'rwindcn, d(;já menacé sur son prf'mif'I' Han e
par la troisit~n1P eolol111e, Enfin, la gauclw, anx




H.ÉVOLC('[ON FI\ANC.USE.


orclres de Miranda, devail se diviser en Jeux
et trois coloIlues, occuper Leaw et Orsmad, et
s'y maíntenir, tandis que le centre et la droite,
marchant en avant aprés la victoire, opére-
raíent le mouvement de cOllyersíon, qui était
le Lut de la bataille.


Ces dispositiOllS furent 3rr{~tées le J 7 mars
au soir. Le lendemain 18, des lleuf heures du
matin, tOllte l'al'lnée s'ébrallb avec ordrc et
ardeur. La Gette fut traversée sur tous les
poilltS. Miranda fit occuper Lea,\' par Champ-
moriu, il s'empara lui-nH~me d'Ol'smad, et en-
gagea une cauonnade avec l'enucI1li, qlli s'é-
taít retiré sur les hauteurs de Halle, et s'y était
fortement retranché. Le but se trouvait at-
tejn t sur ce point. Au centre et a la <1rolte,
le 1110uvement s'opéra a la meme heure; les
deux parties de\'armée traversérellt Elissem,
Esemae\, X eel'-U ey lisselll, et, llJalgré U11 fell
llleurtrier, franchirent avec beaucollp de cou-
rage les bauteurs escarpées qlli Lorc1aicnt la
Gette. La colOlme de l'extreme dl'oite traversa
Hacour, déborda dans la plaine, et au licu de
s'y {:tell(ll'e, comme elle en avait l'onlrc, com-
mit la faute de se replier sur Oven\ jndcu pour
cherchcr l'ellllcllli, La seconde cololllle de la
droite, apl'es a voir t'~té retarclée dans sa marche,
se lan.,;a avec une impétuoslté héroiqlle sur la




CONVENTlON NATIONALE (1793 l·' 95
tombe élevée de l\'liddehvillden, et en cl13ssa les
lmpt~riaux; mais an liel! de s'y établir forte-
ment, elle ne fit que la traverser, et s'empara
d'Ovenvindell. La troisi(~me coloúne entra dans
Neerwindcn ~ et commit une autre fante par
rdfet e1'un ma1entendu, ecHe de s'étcndre trop
tot hors el tI village, et de s' exposer par Li a en
etl'c expulsée par un retollr des Impériaux.
L'arméc fran<;.aisc lOllchait cependant a son
but; mais le prince de Cobout'g ayant d'abord
commls la faute de ne pas attaquel' nos troupes
a ¡'instant Ol! elles traversaient la Gf'tte, et gra-
vissaient ses bonls escarpés, la l'éparait en don-
nant uu ordre général de rep¡,cIldre les pOSitiOllS
ahandollIl(·es. Des rorces Sllpérieures étaient
portées sur notre gauche contre Miranda. Cler-
fayt, profitant de ce qUt~ la premiere cololluc
Il'avait pas persisté ;¡ le rlt',jlOrder, de ce que la
secoJl(le ne s'l~lait pas établie snr la tombe tle
Middelwindeu, de ce <¡ue la troisitlUe et les
dcnx compos:lnt le centre s'étaient accumu-
lées cOtlfusément dans Neel'wilHlcn, traversait
la pla.ine de LalHlen, reprenait Bacour, la tomoe
de Middelwinden, OverwilHlen et Neerwiwlell.
Dans ce moment, les FralH;ais étaient daos lIne
positioll dt'sastreuse. Chassés de t01l5 les points
qll'ils avaient occupós, rejetés sur le ]wnchant
des hauteul's, débordés par leur droite, fon-




HEVOLUTIO", FHANC\l.~E.


drovés sur teul' fron t par une artillerie su pe-
riel/re, menacés par detlx COl'pS de cavalerie,
el ayant une riviere it dos, ils ponvaiellt l~tl'e
détruits, et l'auraiellt été certaiuClllcllt, si l'ell-
nemi, an lieu de porter la pllls gl'a llele parti\'
de ses {"orces sur lenr gauche, eút poussé plus
vivement le nI' centre el letlr droite. Dumuu-
riez, aCcoul'ant alol's sur ce pOlllt lllellacé.
rallie ses COlOllllCS, bit reprcnc1re la tumbe dl~
Midddwillc1en, et marche lui- meme sur Neer-
willden, dr'>já »ris dellx fois par l<~s Fran<;,ais, et
I'epris dCllX foÍs aussi par les Imp<'>riaux. Dll-
1110miez y rentre pour la troisieme fois, apl't~s
un horrible carnage. Ce malhcurcux village
l~tait encombré d'hornmes el de cbeyal/x, et
dallS la confusioll de l'attaqlle, nos tl'OllpeS s'y
étaicllt acculllulées et déballdées. Dumollriez,
sentatlt le danger, a]J<lmloune ce champ em-
barrassé de débris hllllla¡¡¡S, et rccompose ses
cololllles á qUelqllt: clistance dll vi!bge. 1.;1, il
s'elltoure d'artillerie, et t.ie di:;pose á se maiu-
tenir sur ce champ de bataille. DallS ce mo-
mf'llt, deux colouues de cavalerie fOIlllelll sur
lui, l'une de Neerwimlen, l'autr'e d'Overwill-
dell. Valence pl'évient la premiere á la tete <11;
la cavalerie fralH:aise, la chal'ge illlpi~llleusp­
lllent, la repollsse, el, eOil vel't de glorieuses
blessures, est obligé de céder son cOUlmaIHlc-




COXVENTION NATrONALE (I79:1:. 97
ment au duc de Chartres. Le général Thouvenot
r('00it la seconde avec calme, la laisse s' enga-
gf'r al! sein de notre illfanterie, dont il ütit
onvrir les rangs, !mis il ordourie tout-a-coup
une dOllble d('charge de mitraille et de mous-
(jueterie, qUÍ, faite a bout portant, accable la
cavalerie im périale et la détruit presque elltie-
remeut. Dumouriez reste ainsi maitre du champ
d!~ Lataille, et s'y établit pour achever le 1en-
demain son mOllvement de conversion.


La journée avait été sanglante , mais le plus
(liftieile semblaít cxécuté. La gauche, étaLlie
df>s le matin a Leaw ct Orsmad, devait n'avoir
plus ríell a fairc, et le fen ayant cessé a denx
heures aprcs rnidi, DumOllriez croyait qu'elle
avait cOllservé son lerrain.ll se regardait comme
victorieux, pnisqu'il occllpait tout le champ
ele bataillc. Cependant la Huit approchait, la
<Imite et le celltre allumaiellt leurs feux, et
aucull oHieier ll'était venu apprendre a Du-
mouriez, de la part de Miranda, ce qui se pas-
sait sur son Halle gaucl,e. Alors il con~oit des
doutes, el biPlltot des illquiétudes. Il part a
dH'val avec dellx officiers etdeux domestiques,
et trollve le village de Laer ahandonné par
Dalllpicrrf', qui commanclait sous le due de
Chartres f'une des lÍcux colol1ues du centre.
!)Ilmouriez appl'cncl la qll!" la gauche, enlie-


1\.




t: É\'OLliTJO¡\ FJ\ A !VeA ,,,J<.
renH'llt <kbandée, a vait l't'pass¡'~ la Gette, el
avait fui jusqll'a Tirlemollt; et qllP Dampierre,
se voyant alors décotlvert, s'était reporté en
arriere, au poste (Jll'il occupait le matin avant
la halaille. 11 p;¡rt alls'iitot ventre :'-1 tcrrf>, ac-
comp;¡gné de ses deux domestiques et de ses
dellx officiers, manque d'etrc pris p;¡r les hll-
lans alltrichiens, arrive veI'S rninuit a Tirlf'-
mont, pt tI'Otl\'e Mir;¡nda qui s'était rcpli<'~ :1
dellx liplIes di, champ de bataille, et que Va-
lence, transporté la p:u' sllite de ses blessllres,
eng;¡geait vairwment a se I'eporte!' en avallt.
Miranda, elltré a Orsrna¡;¡ des le matin, :lv;iit
~té attaqllé an rnorncllt oú les Jmpériallx reprp·
najent toutes leurs positiollS. La plus grande
partie des for'ces de i'enllerni ava;t porté sur
son aile, qui, fOI'll1pe en partie des vololltair('~
llatiollaux, s'était débélUdéf' et avait fui jusC¡ll'a
Tirlemolll. Mir;¡[lfla, (>ntrallJé, 11 'a\'ait ell lli 1e
temps lli la force de r;:¡llicr se~ sold;lb, (jllOi-
(pIe Miacsinsky fút Y(,llll a son secours avec un
COl'pS de troll pes fr:ltches; il llP songea me me
pas a en faire préveJlil' le géIlc'>ral en chef.
Quallt á Champmorin, placé á Leaw :lvec la
dernierc COIOllllP, il s'y étai! mainlenll jlls-
qll'all soir. et n'avait sOIlFl> Ú l'elltTt'l' i, Bi!l¡.!ell.
SUI1 poillt de d("p;¡rt, qllE' VI'I'S la fin de la
1011 1'11 ('(',




CONVF:NTION N,\TIO'iAIE ('79:{:. 99
L'armée fraI)(;:aise se trouva ainsi détachée,


partie en arrié re de la Gette, partie en avant;
et si l'ennemi, moins intimidé var une action
aussi opilliiitrc, cút voulu pousser ses avan-
tages, il flouvait couper lIotre ligue, auéanlir
llotre droitc campée a Neerwinden, et mettre
en fuite la gauche déjit repliée. Dumouriez,
satis s' épollvanter, se rlécide froidement a la
re traite , et des le Iendemain matin il se pré-
pare a l'exécuter. Pour cela, il s'cmpare de
,'aile (le Miranda, tache de lui rcndre quelque
cOllrage, et veut la reportcr en avant pou!'
:,rrcter l'eunemi sur la gauchc de la ligne,
tandis que le centre et la droite, faisant leul'
retraite, essaieront de repasser la Gette. Mais
eette portion de l'armée, ahattue par 5a défaite
de la veille, n'avance qu'avec peine. Heureu-
spment Dampicrre, qui avait repassé la Gette
le jour me/lle avec une colonne C!U centre,
appllie le lllouvement de Dumouriez, et se
conduit <lWC <lutant d'intelligence que dt' cou-
rage. ])unJourÍez, toujonrs au milieu de ses
hataillons, les souticut, et veut les concluire
sur la hauteur de ,,y ommerscm, qu'ils avaicnt
occtlpéc la veiJle avant le commellcement d(>
Ja bataiJle. Les Autrichicns'y avaienf pIad' des
hatteries, et faisaiellt de cc point un fen mCllr-
irter. l)rllllollriez se met :\ la tple de ces sol-




¡ OU P.E\ ULUTION FIIAl\(;AJSJ,:.


dats abattlls, lenr Ülit sentir qu'il vant miellX
ten/el' l'attaque que de recevoir un feu continu,
qu'ils en seI'ont quittes pOUI' Ulle charge, bien
1ll0illS meurtriere ponr eux que ectte froide
irnmobilíté en présence d'ulle artilleric fou-
droyallte. Deux foís il les {~branle, ('t dellx
foís, comme découragés par le sOllvcuir de la
vei lit', 1Is s'arreleJlt; et tandis qu'ils sllpportent
avee une COllslance héro'ique le feu des hau-
teurs de "\Vomrnersem, ils n'ont pas le eourage
be:tllcoup pllls facile de charger il la b:üol1-
netle. Daus cet iustant un bOllld emporte le
clleval de DUl1lOuriez; il est rellver"é et COllvcrt
de terreo Ses sol[lats épollvantós sont prets a
fuir a eette vue; mais il se releve avec une
extl'eme promptitude, remonte á c!teval, et
contillue á les mail1tenir sur le champ de ba-
taille.


Pendallt ce temps, le duc de Cbartres op{'l'ait
la !'E'traite de la droite el de la lIIoilié du Cl'l1-
treo CondlJisallt ses quatre colonnes avec autant
d'intrépidité que d'iutelligellce, il se retire froi-
dement en présence d'un ennemi formidable,
et traverse les trois ponts de la Gette san s avoir
été entamé. Dumouriez replie alors son aile
gauche, aillsi qlle la colonne de Darnpicl'rc, et
l'entre datls les posiliolls de la- "eiJle, ell pré-
';ence d'Ull clillerni saisi d'adllíiralioll pour sa




CONVFNTIO}¡ N,\T10C'iALE !.17~ic»). lO)
helleretraite.Le (9, I'arméesetrollvail, comml'
le 17, cutre Hackemloven et Goidsenhovcll,
mais avec une perte de quatr·.c mil!p. morts,
avec une dt\sertioll de plus de dix mille fuyards,
(lui couraient déja vers I'intérieur, et avcc le
décollragemellt J'nne bataílle perdue.


DurnollI'iez, dévoré de ehagrins, agité dp
seutirnents contraires, songeait tantOt a se battl"f~
a outrance contre les A utrichiens, tantót a
détruire la factioll des jacobins, <lllxquels il at-
I"ibuait la désorganisation el les revers de SOIl
arrnée. IJalls les acces de sa violente hurnellJ',
iJ par/ait tOllt l!alll cOIltre la tyrallllie de Paris,
et ses pro}los, répÚés par son état-majol", cir-
cu taíeut dans toute l'arlllée. N éanmoills, q noi-
que livré a uu síngulier désordre J'esprit, il
\le Iwrdit pas le sang-froid lIécessail"(~ dans ulle
relraite ,et iI 6t les meillelll"f's dispositioLlS pOllr
occLll'er jong-tellljls la Belgiqtlc par les places
fortes, s'íl était ohligé d(~ l'évacuf:'l' avec ses
armées. En cOllséqnence íl ordolwa all gélléral
d'Harvill(~ de jet(~r tille forte garnisun dans le
chateau ele N:WlllI" , et de s'y múntenir avf'C ulle
division. Il envoya le général Hualllt a Anvcrs
pOllr recllt'illir les vingt mille bomtllcs de I'ex-
péditioll de Hollalldc, et gacder rE-;c:1llt, tandis
que de bOlllles garnisolls occuperaicllt Bt,t'da
t't Gertl'uydcnh(,l'g. SOl! bul ét~\lt ¡k fÓI'IUCI




«.... JLEVOLV1'lON :FRANt,:,-USL
aÍnsi uu demi-cercle de piaces fortes, passalll
par Namur, Mons, TOllrnay, Courtray, Anvers,
Breda et Gertruydenberg; de se placer au cen-
tre de ce demi-cercle, el d'y attendre les reJl-
forts nécessaires pour agir plus énergiquemellL
Le 22, iI livra devant Louvaill 1m cOlnbat de
position aux Impériaux, qui fut aussÍ grave que
celui de Goidsenhoven, et leur coúta autant de
monde. Le so ir , iI eu tune entrcvlle avec le
colonel Mack , officier cnncmi qUÍ exerc;ait un('
grande influcnce sur les opt'rations des coali-
sés, par la réputation dont jI jOllissait en AI-
lemagne. lis cOllvÍul'ent de He plus livrer de
combats décisifs, de se suívre lelltement et en
bon ordre, pour éparguel' le sang des soldats
et ménager les pays quí étaient le théfttre de
la guerreo eette espece d'armistice, toute f~lvo­
rabIe aux Fl'an<:ais, qUÍ se seraiellt déband(·s
s'ils avaient été attaqués vivement, couvellaít
aussÍ parf:!itelllent au Limide sJSteme de la coa-
lition, qui, apres avoir recouvré la l\Ieuse, ne
voulait plus rien tenter de décÍsif avant la pris!'
de Mayence. Telle fut la premiere négociatioJl
de Dumolll'iez avcc I'ennemi. La politesse dll
colonel Jlack, ses manieres en.gageanlt'~, pu-
rent dis'poser l'esprit si agité Ju géllt~ral a re~
courir a clt,s St'COUI'S élrallgers. 11 commenc;ait
a nc plus apel'Cf'voir d'avenir dalls la carriére




Ull il se tl'omait cugagl' : si quelijLles nwis au-
paravaul il prf~v()yait slIcces, gloil'c, influencc,
en cOUllllandallt les armées fran<;aises, el sicctte
espéram:c le relldait plus indulgellt pour les
viulcllccs revoln tioll naires, aujolll'd'hui battu,
depopularisé, attribualft la désorganisatiou de
son armee a ces memes violences, il voyait avec
horrcur des désordres qu'il avait IJU autrefois
ue considérer qu'avcc indifférence, Elevé dalls
les COllI'S, avant: Vll de ses \. CllX cllIclte machinc


o/ •


fortellJent orgallisée il faJlait pour assurer la
dllri~e <1' 1111 état, jI lie pouvait concevoir que
des bOlll'geois soulevés pussent suffire á lliW
opération aussi compliquée que celle d1L gou-
vel'nemeut. üaIls une teUe situatioll, si UIl gé-
Iléral, admillistratcur et guel'rier a la fois, tient
la force dans ses mains, il cst difficílc q Ht' I'i(ke
/le llli viellne }las de I'cmployer, pour te/mine/'
des désol'dres qui épOltValltent sa pensée et lll('-
uaccllt memc sa persollue, l)llrnolll'iez (;Iait
assez hanli pUlir cot\cevoir une pal'eille idée;
et, ne voyant plus (['avenir en servant la "évo-
1" tion par des victoires , i 1 sOllgea a s' en forme!'
l/U autre, en l'arnenant eeHe révolutivll a la
constitutiol1 de 1791 , et ell la récollciliant á
ce prix ;tVe e toute f.EuJ'upe, Dalls ce plan, il
fallait 1111 roí, el les hUlllllles illlpo/'taient ,tssez
¡WU a DIllllollriez fltHU' qll'il ne s'iIllIlIiét;tt pilt.




104 lÜ:VOLU'l'ION t'llAN~Alst:.
beaucoup Ju¡-choix. On lui reprocha alors de
vouloir placer sur le treme la maison d'Orlpans.
Ce quí porta a le eroire, e'est son affection
pom le dur, de Chartres, allqucl il 3vait mé-
nagé a I'armée le role le plus brillant. l\Tais ('('He
preuve était fort insignifiante, cal' le jClluc dile
avait mérité tout ce qll'il avait obtenu, etd'ail-
leurs rien ne prouvait dans sa eonduite un
concert avec Dumouriez. Une autre considéra-
tion persuada tous les esprits: e' est que, dans
le moment, il n'y avait pas d'autre ehoix pos-
sible, si 011 voulait eréer une dynastie nOllvelle.
Le fils du roi mort était trop jcune, et d'aíl!eUl';'
le régicidc n'admettait pas une réconciliation
aussi prompte avec la dynastie. Les oncles
étaient en état d'hostilité ; et il ne restait que
la branche d'Orléans, aussi compromise dalls la
révolution que lesjacobins eux-memes, et seul(·
capable d'écarter toutes les craintes dl"s révo-
lutionnaiJ'cs. Si I'esprit agité de Dumouriez s'ar-
reta a un choix, il ne put en former d'autre
alors, et ce fut eette néeessité qui le tit accuser
de songer a mettre la famille d'Orléaus sur le
tronco Il le nia (bus J'émigration; mais ceité
dénégation intéressée nc prouvc rien; el il Ile
faut pas plus le eroire sur ce poillt gue sur la
date antérieure qu'il a prétcudu donncr a ses
tlesseins_ Il a voulu dire en cffet que son pro-




CONV:ENTIUN N A.T10l'- ALE (L 79j~:· 105
jet de résistance eontrc les jacobins était plus
aucien, maís ce fait est faux. Ce ll'est qll'alors,
c'est-a-dire lorsque la carriere ues SlleCeS luí fut
ferml'c, qu'il songca a s'en ouvrir une autre.
Dans ce projct , iI entrait du resselltiment per-
sunnel, du chagrin de ses revers, enfin une
indignation sincere, mais tanlive, contre les
désorures sallS issue qu'il prévuyait maintenant
sallS aUCUlle illusÍon.


Le 22, iI tTollva a LOllvaiu Danton et Lacroix
qui venaient lui demander raisull de la lettre
écrite le 12 mal's a la convention, et tenue
secrete par le comité ue súreté générale. Dan-
ton, avec lequel il sym[Jdthisait, espérait le
ramcllcr a des selltiments plus calmes, et le
rattacher a la cause COHlll1lllle. Mais Dumou-
riez traita les dellx commissaires, et Dalltoll
lui-mcnle, avec Leallcollp d'humellr, et leul'
laissa di'couvrir les plus sinistres dispositiolls.
11 se répandit en llotlvelles plaill tes contre la
convcntiou el les jacobins , et ue voulut pas
rétracter sa ¡ettre. Seulement il conseIltit a
écrire deux mots, pour dire qn'il en donnerait
plus tard l'explicalioll. Danton et Lacl'Oix par-
tÍrcllt sans avoir rien pu obtenir, et le laissallt
dans la pi us violeute agitarÍon,


Le :l3, aprt~s Il/H' résistance assez v ¡ve pell-
llant tUl/le lajou1'lIée, pllJsieurs corps abandoll-




106 KEVOLLTJüN FIlAN~;AISE.
nerent leurs postes, et il ftlt ohl igé de lllliLlCI'
Louvaill en désordre. Hcureusement l'ellucmi
Il 'aper<;ll t ríen ele ce llIoa ve me II t , et Il' en profita
pas pour achever de jeter la COllfllSiotl dans
notre armée. en la poursuivant. Dllmollripz
sépara alors la tronpe de ligne des voloutain's.
la réllnit a l'artillerie, et en cornposa llll corps
d'élíte de quillze millc hommes, ave e kqlld
il se pla<;a llli-llH~nle h l'arriere-gardc. La, se
montrant aLl milieu de ses soldats. escannOll-
chant tDUS les jotlrs avec CIIX, il parvillt á do¡¡-
Her i1 sa re traite une attittlde plus fcrlllc. Ll tit
évaCller Bruxcllcs avec bcaucollp d'ordrc., tra-
versa cette "iUe le 25, et le 27 "iut camper a
Ath. La, il cut de nOLlvelles cOllf(~re IlCt~S a vcc le
cololld ::\Iack, (~ll fllt traité avec beaucoup de
délicatcsse et d'égal'll~; et cette entl'evne, quí
Il'avait pOlir ohjel qlw de régl(~l' les détails (]('
l'armistice, se challgea bielltót en UBe 1J("go-
ciation plus importante. Dumouriez confia tous
ses resseutiments au colollcl étraIlgcr, el lui
décollvrit ses projets de rcnverser la COllvell-
tíon natiollale. leí, abusé par le resscntilllcnt,
s'exaltant sur l'idée d'ulle désorganisation gé-
Iléraie, le sauvcur de la France dalls l'\rgÜIlIlt'
obscurcit sa gloire en traitallt avec 1I11 cllllerni
dOIlL l'ambitioll devaít rcndrc Ulules ¡('S jllten·,
l iOllS sllspectcs. d dOIl t la pllls,~a lllT éLall alol'~,




C01HEl'<TION Nn'fONAU: l J 79:j )· 1°7
la plus dangerellse pOllr nOlls. Il n'y a, comme
Hons l'avoIls déja dit, gll'llll choix pOllr l'homme
de génie dans ces situatiolls d~fficiles: ou se
retirer el abdiqucr toute influCIlce, ponr ne
pas etre le eompliec cl'un systeme gu'il désap-
proüve; OH s'isoler du mal gu'il ne peut em-
pécher, et faire UIle chose, une seule chose ,
tOlljours morale, toujours gloriellsc, travailler
a la défense de son papo


Dllmüuriez convint avec le colonel Mack
qu'íl y aurait !lile sllspenSioll d'anlles entre les
deux anm;cs; que les Impériaux n'avancc-
raient pas sur París, pCI:dant qu'il y marche-
raít lui-memc, et que l'évacnatioll de la Bel-
gill'Ie serait le prix de c(~tte condescendance;
iL fut allssi stipulé que la place (le Condt'~ serait
temporairement dUllnée en garantie, el que,
dans le cas Orl DUlllollriez aurait beso in eles
A lltrichif'llS, ils s(~I'aiellt a ses ordres. Les pla-
ees fortes devaicJlt recevoir des garnisolls com-
posé es d'ulle rnoitié d'Impériaux et d'une moi-
tié de Fran(,~ais, mais sous le commandement
de chefs fran(¿ais, et a la paix toutes les places
seraient rendues. Telles furent les eoupablescon-
ventiolls faites par Dllmouriez avec le pl'ince de
Cubolll'g, par l'íntermédiaire du cololJel :\'Iack.


011 He cOllllaissait encore il París que la dé-
Lúte de Neerwillden et l'évacllatioll sllccessívl'




lOS ILEVOLUTJON f'ltAXC,USF,


de la lklgiqne. La perte (l'ulle grande bataillc,
une retraite précipitée, concourant avec les
IJouvelJes qu'on avait rC<;llCS de I'Ollest, y cau-
serent la plus grande agitatioll, LII complot
avait élé découvf'rt a Rerlllt's , et il paraissait
tramé par les Anglais, les st'ignellrs hretoIls el
les pretres non assel'men\és. Déjit des mOLlve-
ments avaient éclaté dans l'Ollest, a l'CJccasion
de la cherté d(~s subsistallces el de la mellace
de ue plus payel' le c!llte; mailltenallt c'['tail
dans le but avollé de défcndre la cause de la
Illollarchie élbsoluf'. Des rassemblemt'llts de
paysans, dcma!l(lant le rétablisscmcllt <lll cleJ'gé
et des Bourhons, s'étaiellt montrl>s aux l'lIvi·
rOllS de Rennes et de Nantes. Orll~aIls l>tait ('ti
pleille insurrcctioll, et le représentant Bour-
don avait manqué d'y etre assassillé. Les révol-
tes s'élevaient déja a plllsieurs rnillicrs (.l'hum-
mes. II ne í'allait riel! llloins que des an\ll>es
et des gélléraux pour les réduire. Les gralHles
villes dépechaient leurs ganles natiunales; le gé-
l1(~ral Labourdonnaie avalH;:ait avcc son corps,
et tout annonc;ait une guerre civile des plus
sallgLmtes. Ainsi, d'une part, nos armées se
retiraient elevaIlt la coalitioll, de l'autre la Ven-
dée se levait, t't jarnais la ferrnentatioll ordi-
naire (Jroduite par le dauger ll'avait dú etrf'
plus grande




CONVFNTIO'i N\TIOXAU: (r7~)T,. 109
.'\ p0l1 pres it c(~tte époquc, d 1\ la suite <In


¡ ü mars, OIl avait imaginé de réunir les chefs
des dellx opiniolls atl comité de súreté géné-
rale, pOllt' ({u'ils pllsscnt s'y expliquer sur les
moli[s de icurs divisions. e'est Danton qui
;I\ait provoqué l'('ntrevue. Les querelles de
tollS les jours ne satisfaisaient point des haines
flu'jl n'avait pas, l'exposaicnt a une discussion
di' cOllduite qll'il redoutait, et arretaient l'reu-
vre de la révü!ulion (lui luí étaít si chere. Il
en désirait dOlle la {in. Il ayait J/lontré une
grande uOllue foi dans les clifférents elltre-
tiens, et s'jl prenait l'initiatíve, s'jl accusait
les girolldills, c,<'~lail }lotlr écarter les reproches
donl il aurait pll etre I'objet. Les girondins,
tels que Buzot, Guadet, Vergniawl, Gensonné,
avec leur délicatesse accotltumée, se justi-
fiaicnt comrne si l'accusatioll ('lIt été .'it'riellse,
el precbaiclIt un converti en argmnentallt
avec Dantotl. JI n'eIl était pas de m{;me avec
Houespíerrc : 011 l'irritait ell youlant le COII-
vaillcre, el 011 cherchait a lui démontrer ses
torts, cornme si cette dénlOnstration avait dú
l'apaiser. Ponr ¡\'Tarat, qui s'était cru néces-
~aíl'e ;\ Cf'S conféI'f~lIces, personne n'avait dai-
g!l(" luí dOI\lH'l' ulle explication, et ses amís
[mimes, ponr n'avoir pas;\ se jllstifier de ee!t('
;¡]Iiancf', 11(' Illi adressaient jamais la pal'o]f>.




1 10 11I:VOI,UTIOj'ó FRANC;AISE.


De pareilles confércnces devaiellt aigrir ph'tót
que radoncir les chefs opposés : fnssent-ils
parvenus a se prouver réciproqnement lcurs
torts, une telle démonstratioll ne les cut cer-
tainement ras réconciliés. Les chosf's en étaif'nt
a ce point, lorsque les événernents de la Belgi-
que furent connus a Paris.


Sur-Ie-champ on s'accusa de part et d'al1trf~;
OH se reprocha ele contribller aux désastres
publics, les !lns en désorganisant le gOllverne-
ment, (es autres en voulan t ralelltir son action.
On demanda des explicatiol1s sur la conduite
de Dumollriez" On lut la lettre du J? llIars,
qui avait été tenue secrete, et a cette lectur'f'
on s'écria que Dumouriez trahissait, que bien
évidemment il tenait la conduite de l.Jafayette,
et, qu'a son exemple, il commenc,ait sa trahi-
son par des Jettres insolentes a l'assemblée.
Une secoml(~ lettre, écrite le 27 mars, et pllls
harclie que cellp du J2, excila encore davall-
tage les soup¡¡ons. De tOllS cotés o!t pressa
Danton d'~xpliquel' ce qu'i[ savai! de DIlITIOU-
riez. Personne n'ignorait que ces deux hom-
mes avaient du gout ['un pour l'atltre, qUf'
Dalltotl avalt insisté pou!' teni!' spcrete la lettre'
du 12 maJ's, et qu'il ~tait partí pour alle!' en
obtenir la rétl'actatiolL 011 disait ¡w:JlIC qu'íls
:naiellt rnalvf'l's(' ellSemhle dalls la riche Bel-




OlNVFNTIO;\ I\-\.T!OYAU: (T7~)3\. 111
glqlle. A nx .!:leoDins. dans le comité de dé-
fense généra le, dalls l'assemhlt"e, OJJ somnl!l
Dantoll de s'expliqller. Celui· ci, emDarrassp
des soupc:ons des gironclins et des doules des
montagllards eux - memes , éprouva pour la
premicre fois qllelque peine a répondre. Il dit
que les grands talents de Dutnollriez avaient
paru móriter des ménagements; qu'on avait
cra cOllvcllable de le voir, avant de le cléllon-
cer, afill de lui Úlíre sentir ses torts, et le ra-
mener, s'il était possible, a de meilleurs senti-
mellts; que jusrPl'ici les commissaires n'avaient
VII dans sa conduite qllP l'effet de mauvaises
'iuggestioIls, eL surtout le chagrín de ses der-
lIieJ's n~ve['s; mais qu'ils avaient cru, et qu'ils
croyaieut encore, pouvoir conserver ses talents
a la république.


Rolwspicrre dit que s'jl en élait ;¡iIlSi, il ne
faJlait }las le 1I1éllager, pt qu'il (;Iail inlltile de
gal'der lallt de rneSlll'e avec luj. Il renollvela
ell oll1re la motioll <1ue Lou\'et avait faite COIl-
t1'e ks BOllrboIls rcstés en Fr(lrJce, c'cst-a.dire
contrc les membres de la famille d'Orléans; et
iI Jl~nll rtl'allge qll(~R()bespierl'e, qlli, en jan-
,i('l, les avait si fortement défendus contre les
:,:iIOlldills. 1(':-, ;¡tt;lqll~t maintcn::ml avec 1:1111
d,' {'llreur, !\laj~ ~()Il fmw SOllp<.,"0I111eIlSe ;¡"ail
:nlll dr: slIit<, slIppllsé de :-,illistres complots, 1I




I T ~ H l:YOT,lTTJON FR A N<;:A TSl':.


s'était dit : Un alleien prince du sang lle pent
se résigner it son novuel ('tat, et bien qll'il
s'appelle Égalité, son sacrifiee ne peut etre
sincere; il couspil't' dOIlC, et ell cffet tous nos
gónéraux lui appartienneut: Biron, qlli eOll1-
mande aux A 1 pes, est son j ntillle; Varence,
général de I'année des Ardelllles, est gendrc
de son eontldellt SilJery; ses dcux fiJs occu-
pent I(~ premier rang dans l'année de la Eel-
gique; Dllll10nriez en fin leur <'st ouverternent
dévoué, et illes éleve avec un soin particulier:
les gironclins ont attaqllé en j:mvier la fa-
mille d'Orléans, mais e'est 1I11e feillt(~ de ]eul'
p<lrt qui n';lVait d'alltre but qlle ¡J'écarter tout
soupl.;on de concivence : Hrissol, ami de Sillery,
est I'interrnédiaire de la conspil'ation : voila lf'
complot découvert : le tróne est relevó et la
France penlue, si 011 !le s'empresse de pros-
crire les conjurés. - Tf'IIf's t'~taicllt )('s conjec.
tUl'es de Hobespierre; et, ce qu'il)' a de plus
effrayant oans ceUe manióre de raisorlllcr, (,'est
que Robespierre, inspiré par la haine, eroyait
a ces calomnies. La MOIltagne étonnéf' repoussa
sa proposition.~DoIlnez done des preuves, lui
disaielll ceux C¡lli ptaient assis a ses ccJtés.·~
Des prellves, r~pondait-il, oes preuvcs! ¡e n\'n
ai pas, ma is j'ai la COTll'icfiO/l morale.'


Sllr-le-ehamp on ~ongea, comnH' 011 k fai-




C(l~HXTION N,\TION.\LF. (J 793). 113
sait toujours dans les lllomenls de d~mgeJ', ~l
accélérf'r l'actioll du pouvoil' ex("clltif', et ccitt'
des tl'ibunaux, pOllr se garalltir a la fois de
ce qU'OIl appclail I'ellllcmi extéricur et inlé-
neur.


On fit dOllc partir a l'instant mellle tes COITI-
missaircs 1l0mnH"S poul' le recrutement, et 011
examina la qllcstion de savoir si la cOl1Ventioll
ne devait pas prclldre une plus grande pal't ti
l'exécution des ¡ais. La maniere <lOl1t le POIl-
voir exéclltif (:tait org:lI1isé pal'aissait insuffi-
sallte. Des ministres placés hors de rasscmblée,
agissant de leur chef et sous sa sllrveillanC(~
trcs-éloiglll~c, un comité cbargé de faire des
l'apports sur toutcs les mesures de súreté gé-
nórale, toutes ces autorités se controlant les
unes les autres, dólibérallt éternellenwllt san s
agir, paraissaient trés-all-dessow; de l'immPIIse
t:klte qll'ellcs avaielll ;'t relllplir. D'aillenrs ce
millislerc, ces cornil!~s, ("laielll composés de
m('mbI'(~s slIspects paree qll'ils étaiellt modé-
rés; et d:ws ce tcmps ou la pl'olllptitude, la
force, étaieu t des condi tions ind ispensables de
sllcces, tonte lenteul', tOllte Uloc1ération éta i t
~llsfJecle de cOllspiralioIl. Oll sOllgea dOllc ,:¡
établir 1111 comité qui r{~lI11irait ~l ja fois les
fouctiollS d!l comité dipJOlllatiqllc, dll comité
militairc, du ('orllit(', de sú,ett; géllérale, fJui


IV.




11/1 H ¡,VOl.llTIO;\, FilA 1IC.\lSlc.


pOllITait :lll besoin OrdOllllCr et agir Je SOl!
chef, el arrpler 011 suppl{'C'1' l'action millisté-
rielJe" Divers projets d'organisatiol1 furent pré-
sentés POlll' rClllplir cet ohjd, N confirs á lllH'
commissiotl chargl'c de les disclIler. llllmé-
diatemcut apres, 011 s'occllpa des moyells
d'aUeindl'c l'ennemi intéricnl', c'est-a-dil"c les
aristocrates, les [raitres, dont OH se disait ell-
tuuré. La FraIlee, s'écriait-on, est pleine <1"
pn\tres réfractaires, de Ilobles, tle leurs an-
ciellllCS créaLnres, de lf'llrs allciells domestiq\les,
et celte cliente le , encol'e cOllsidérable, nous
entoure, nous trahit, et nous menace anssi
dangereusemenl que les Laionnettcs ennemies.
Il faut les découvrir, les signaler et les cntou-
rer d'UllC lumiere qui les cmpeche d'agir. Les
jacobins avaient done propasé, et la convcution
avait décrété que, d'apres une cOlltun1f' em-
pruntée a la Cl!ine, le nom de toutes les per-
sonnes habitant une maison scrait inscrit sur
lenrs portes *. On avait cnsuitc ordonné le dé-
sarmement de tous les citoyens suspects, et 011
avait qualifié tels, les pretl'es non assermentés,
}('s nobles, les ci-devant seigneurs, les fone-
tiounaires destitués, etc. Le désarnwment de-
nit s'opérer par la yoje des visites domici!iaires;




CO:'lVENTION NATIOiVALE '\1 793i. 115
et le seul adollcissement apporté a eette mc-
Su\,p, fut que les visites ne pouvaient avoir lieu
la nuit. Apres s'titre aillsi assuré le moyen de
poursuivre el d'aUf'iwlre tons eeux qui dOll-
llaicut le moindre ombrage, on avait enfin
ajou!t" celui de les frapper de la maniere la
plus promple, en installant le tribunal révolu-
tiollllail't'. Cest sur la. proposition de Dantoll
que ce terrible instrumeut de la défiance révo-
lutionnaire fut mis en ext'rcice. Cet homme
redoutablc en avait cOlllpl'is l'ablls, mais avait
tou I sacrifié a u 1)(1 t. Tl savait que frapper vite,
c'('st cxamiucr moins attenlÍvement; qll'exa-
miner moillS attentivement, e'es! s'exposer a
se tromper, sllrtout en temps de parti; et que
se tromper, e'est commettre une atroee injus-
tiee. Mais, ;) ses yellx, la révollltioLl était la
soeiétó aec(~lérallt son aetion eH toutes choses.
eH lllatiére d(· ,ÍlIstice, d'administratiou et dC'
guerre.-En temps calme, la soeiété aime mieu);.,
disait - il, laissp.l' échapper le coupaLle que
frapper l'inllocent, paree que le eoupable est
peu dangereux; mais a mesun' qu'ille devient
davantage, elle tend davantage aussi a le sal-
sil'; (·t lorsqu'il deviellt si dangereux qu'il pOllr-
rait la faire périr, OH du moins quand elle
le croit aími, die frappe tout ce qlli excite
<;ps SOllP(;OIlS, et pr¿.fere alol's attcillflre un


H.




1 1 () IlI;VOLVTlO:V FH i\ m>HSF.


inn()(,(,llt quc laisscr (~eh;¡ppcr UIl cOllpahle.
Telle est la dictatllre, c'est-it-dire l'action viu-
lente dans les sociétés rnC'lladcs; elle eSI rapidc,
arbitraire, fautive, mais irré.sistihlc.


Ainsi la concentration dc" pOll\'oirs dalls la
(,ollvention, l'installation du 1ribllllal révo)ll-
I.iollnaire, le commenccmcnt de l'inquisitil)1I
(,olltre les suspects, 1111 redollblcllwnl de haillc
contrc ks dépntés q\li résistaient a c('s llloyllS
extraordinaires, fllrent le résultat de la bataille
de ~cnvilldc, de la retraite de la Iklgiqlll', des
lI1enaccs de Dnmouriez, et des 1Il0llVelllC'nts fI!-
la Vendée.


L'humcnr de DnmOllri('z s'dait accrnc avee
ses I'evers. II venait d'apprmulre que I'arlllé(~
de Hollande se r('tírait en !l{'sorclre, aban-
t1011llait :\11ve1'S ('t l'Escallt, en laissant dalls
Bl'erla et CCl'truyclenherg les deux garllisolls
frall(:aís('s; que cJ'lIarville n'av;I;' 1m gardl'r le
dlateall de Namnr, C'l se repliait sur Civct el
Maubellgc; (Iue NeuilIy en61l, loin C]¡. pO'lvoil'
se mailltenír il MOIIS, s't":lait VlI obligé dt~ se
retirer sur COlld{~ et Valencielllles, paree quP
sa division, all liell de prelld1'e posítioll Sllr les
halltcurs de Nimj', av;lit píll(~ lfs magasins e!
pris la fllite. ,\ ¡mi, par Sllil{~ des d¡"~()l'dl't's de
cette arlllée, 11 \'oyail S'éV:tIH)liíl' le projet de
forme!' en Helgí(l"C' 1111 dellli-cl'1'cle de places




(",ONH:J\TION :'<I,\T101V\U, l 1 7~)'»)' 1 1']
iurtes, qlli alll"ait pass(~ de NalllUI' ell Flallllt'e
ct ell lIollande, el au centre dUtlud il se serait
pIad' pOllr agir avec pllls d'avanLage. 11 Il'avait
bien!¡')! plus ricll ;'t offl'ir eH ééhange allx Im-
[J¡'rial/x, et il totl1bait SOllS leur dépendallcl'
CIl s'aftaihlissaut. Sa colere augtrll'utait en ap-
prOcltallt de la Frallce, en voyanl les llésordres
de plus prt~s, el en enteuLlallt les C1'is qui s'é-
levaieut cOlltrc lui. Déjá il 'le se cachait plus;
el ses pal'oles, pl'Oférécs ell préseuce de son
I~lat- majo!', ('[ répl~tl"es L1ans l'arméc, all tlOIl-
,:,aielll I('s pl"Oj'~lS <pli fCl'mcntaicllt dalls sa tete.
La sO'Uf" ¡(II tille d'Urléan<; cl 1\1'"'' lk Sillcl') ,
fllyallt les [ll'oSel'ipLiollS Ll'Ú les 1I1Cna~;;¡i<~llt,
s'étaielll relldues 1..'11 Hclgitl'le pom' clten:her
ulle protel'tioll aupres tIc lelll"S fn~rcs. Elles
était'ut ;1 ALh, d ce fut UlI IlOUVel :dilllClll
dOllllé au x SOlII lCOIlS. i :,


Trüis ('lIvoyés jacooiJls, UllllUtlllllt~ Dubui~,·
suu, rdllgié de Bl'lIxclles, Prol} , tiIs llaturd
de Kauuitz, el Pel'c)'l'a,.iuifpol"tugais, se 1'ctl-
direut ~l AIl1, süus le prétcALc faux OH vrai
tI'une lllissioll (le Leon!ll. Ils se trallsport{:l'eut
:lllprt-s du général en espions llu gOllVCI'IlC-
lIIelJI, el ll'eUI'ClIt aUClIlle peille ;'¡ déc01lvrir
de:.; projcls (ilLe l>lIlllolll'iez lIe cachai\. plus. lis
le tr()!lVl'l'('lIt elt!{Jllrl' du g('II/~r;t! Y:d¡>lIc(~ f~t
d("~ lils d'( )r! éa 11:-' , CurclIl ro!'! lila! l\'("'L1S, et CH·




1 J H m::VOLUTION f'RAN(¡AI5E.
telldirent les paroles les moins tlatteuses pou!'
les jacobins et la convention. Cependant le len-
demain ils revinrent t't obtinrent un entl'etiell
secreto Cette fois Dumomiez st' décela entiere-
ment : il commeIH;a par leur dire qll'il était
assez fort pour se battre devant et derriere;
que la cOllvention etait composéC' de dcux
cents Lrigauds et de six cents imbéciles, et
qu'il se moquait de ses rlécrets, qui bientot
n'aul'aient plus de valenr que dans la banlieue
de Paris.-é( Quant au tribunal révolutionnaire,
ajouta - t - il ave e une iJ](ligua tion croÍssante,
je saurai l'empecher, et tallt que j'anrai troi5
pouces de fer a lIles cutés, cette hOI'reuI' n' exis-
tera jamais.cc-Ensuite il s'emporta contre les vo-
lontaires, qu'it appelait des laches; ii dit qu'il
ne voulait plus que des troupes de lignc, et
qu'avec elles il irait mettre fin a tous les dé-
sordres de París. - « Vous ne vOll[ez donc pas
« de constitution? luí Jel1landcnt alol's les trois
( interlocuteurs.-La nouveUe cOllstitlltion ima-
(( ginée par Comlorcet est trop sotte.-Et que
({ mettrez-vousa la place?-L'anciennede 1791,
(( toute mauvaise qu'elle est.-l\Iais i1 vous !;w-
"elra 1m roí, et le 110m de Louis fait hOJ'l'eur.
(( - Qu'i! s'appel!c Loni$ OH Jacqlll'S, peu ¡m-
( porte.-Ou Philippe ,rcprcnd l'Ufl des ellvoy{~S.
« ::\'Iais comment"l'f'mpbcerez-volls l'assemblée




CUl'iVEI'iTION _~ .\'1103" \1.1- e 17~)3). 1 l~)


«( actuelle ?-Dnmouriez chel'che 1m moment,


«( puis ajunte: n y a des adrninistrations locales,
«( toutes choisies par la confiance de la natioll ;


({ et les cinC} cents p¡'ésidents de district serunt
«( les cíllq cents représentants.-Mais avant leul'


C( réulliull, qui anra l'initiativc de cette révulu-
( tíon ?-LesMamcluks, c'est·a·dire mon armée.
(( Elle émettra ce yecu, les présidents de dislriCl
« le ferout conflrmer, et je ferai la paix ayec la
«( coalitiulI, qui, si je He m'y oppuse, est a París
« dans qUÍnze jours.»


Les trois ellvujés, soit, comme l'a cru DlI-
lIIoul'iez, qll'ils yillssent le sonder dan s I'inténh


des jacoLins, soit <lu'iIs voulussent l'engager a
se dévoiler davantage, lui suggercnt a10rs une


idée. Pourquoi, lui disellt -iIs, ne mettrait - íl


pas les jacoLÍns, qlli sont uu corps délihérant
tont préparé, a la place de la conventioll ?LJlle
illdignalion melée de mépris écléJte a ces mots
sur le visage dll général, et ils retirellt leu!'
propositioll, ll5 lui parlent alo!'s (ln dangcr
anquel son projet exposerait les Bourbons qui
sont détenus au Temple, et auxquels il parait
s'intéresser, DU010uriez réplique aussitót que,


périraiellt-ils tous jusqu'all dernier, a París et
a CoLlentz, la France trollverait Ull chef et sc-
rait sallv(~<'; qu'an l'este, si Paris COllllIlettait de
I\(mvelles barbar'les SlIL' les iufol'tllllés pt'i~oll'




I2lJ ln:VOLlITlON FRANCAISf..


lIiers dlt Temple, il ) serait snr-Ie-champ, et
qu'avec dOllze mille hommcs il en serait le
mallTe. TI ll'imitcrait pas l'imhécile ele Broglie,
glli, avec trente mille hOllJllles, avait laissé
prendre la ~astille; mais a Vfe dell,( postes, it
Nogent et it Pont-Saint-Maxence, íl ferait 1ll011-
rir les Pal'isieIlS de faim.-eeAu reste, ajoute-t-il,
vos jacohins peuvent expier toos leurs crimes;
qu'ils sallvent les infortunés prisonniers, et
ehassellt les sept cellt (lUilrallle-cinq tyrans de
la convenlioll, et ils sont panloIlllés.))


Ses interloclltellrs [ui parlellt alors de ses
dangers.-dl me reste toujours, dit-il, UIl temps
Je galop vers les AlItriehiells. 0_- V üUS voulez
dOIle partager le sort de Lafayctte;l __ o Je pas-
serai it r ennem i autrement que lui; et d'ail-
le[l1's, les puissanccs ont lIue autre Opillioll de
mes talcnts, et !le' m(~ rqwochent pas les 5 et
6 octob1'e.)J


Dumouriez avait l"aisiJll de /w pas redouter
le sort de Lafayettc; on estimait trop ses ta-
lents, et OH n'estilllait pas assez la fermeté de
ses príncipes, pour l'enfermer a Olmutz. Ses
!!'Ois f'nvoyés le quittérent eJl lni disant qu'ils
allaietlt sonder París et les jacobins sllr ce
snjd.


!Jo mouriez, tou t elJ croyan 1 ses jJl terlocu-
lelll"S de purs jaeobills, !le s'ell était pas t'x-




CO;'íVJ:NTIUN NATlO.'U.LE (179:l;. 12I
primé ave e 1l10illS tl'audaec. DallS ce moment
en effet ses projets devenaiellt évidellts. Les
troupes ele ligne et les voloIltaires s'observaif'llt
avec défiance, et tour allllOlH:ait qn'íl allait
lever le drapean dc la révoltc.


Le pOlI voir ex¿cntif avait re(;u des rapports
alarmants, et le comité de su reté générale avait
pl'oposé el [ait remIre un clécrct par lequcl Du-
mouriez était mandé á la barre. QJlatl'C C0111-
missaires, accompagué:; dll miuistre de la
gl1erre, étaiellt chargés ele s(~ transporter á
l'armt"(' ponr notifier le décl'et et anwner le
gt~nér;¡l h Paris. Ces qllatre eommissaires étaient
Ballca], Quinf'ttc , Camus et Lamarque. Jknr-
nonville s'était joint a cux, et son role était
difficile a cause de l'amitié quí l'nnissait a Du-
mOllrJez.


eette eommissiOll partit le Jo lllars. Le meme
jour DllnlOuriez se porta au champ de Bruille,
d'oú ji mClla<:ait it la {oís les trois places impor-
tantes de Lille, Condé et Valellclellllcs. 11 était
fort illcertain sur le parti qu'il devait prendre,
car son armée était pal'tagée. L'artillerie, la
troupe de ligue, la cavalel'ie, tOllS les corps
Ol'gallis{~s lui paraissaient dévoués; mais les vo-
Jontaircs nation:wx cOlllmelJ(,'aicllt it murmurer
ct á se s>"parer eles autres. Dans Cé~itc situation,
JI \le Illí restait qu'ulle J'eSSOliI'Ce, c'étaít tic




1 '12 Rl:VOLUTION J:'H,u'CAISE.


désarmer les volontaires. Mais iI s'exposait a
un combat, et l'épreuve était diffleile, paree
que les troupes de lig[]f~ pOtlV:ÜCllt avoll' de la
répugnanee a égorger de.'i compagnons d'al'-
mes. D'ailleurs, parmi ces volontaires il y en
avait qui s'étaient fort bien battns, et qui pa-
raissaient luí etre attachés. Hésitant sur ccHe
mesure de rigueur, il songea a s'emparel' des
trols places al! centre desquelles iI s'était portP.
Par lenr moyen ii se proeurait des vivres , et
iI avait un poillt d'appui contre l'ennemi dont
iI se défiait toujOUl's. 1\1ais l'opÍnioll ótait di-
visée dans ces trois plaees. Les sociéu;s popu-
laires , aidées des volon laires, s'y étaient SOll-
levées eontre lni , et menac,:aient la troupe de
ligne. A Valeneiennes et a Lille , les eommis-
saires de la conventioll exeitaient le zele des
républiectins, et ckms Condé seulement 1'in-
fluenee de la division Neuilly dOllllail: ravan-
tage el ses partisélns. Parmi les gélléraux de
division, Dampierre se cond!lisait a son égard,
comme lui-meme avait fait ~l l'égard de La-
f:'lyette apres le 10 aoút; et plusieurs autres,
saus se ctéclarer encore, étaient prets ú l'ahau-
donl1e!' .


Le 3 r , six vololltaires , pOl'tant snr lellr eha-
peau ces mots écrits an'c ds la eraie : Ifépu-
blique ou la Ilu~rt, I'ctbordércnt dalls son




CONVENTION N\T10'iALll (179:);' 123
camp, ct firent mine de vOllloir s' cm pare!' de
sa personne. Aidé de son fidele Baptiste, illes
reponssa et les livra a ses hussards. Cet événe-
ment cansa une grande rllmeur dans I'armée;
les divers corps luí firent c1alls la jouruée des
adresscs qui ralJllmerent sa confiance. n ]pva
aussltót l'{~tendard, et détaeha Miacsinsky avec
qllclqlles mili e hommes pour marcher sllr
Lille. Miaesinski s'avan<;a sur ectte place, et
contla an mlll~ttre Saint-Georges, qui eomman-
dait nu régim.ent de la garllison, le secret de
son en trcprise. Celni - ei engagea Miaesinski á
se pr6senter dans la place :l\'t'C une légel'e
escorte. Le malhcul'ellx général se laissa eu-
trailler, et une fois entré chns Li11e , il fut en-
touré et livré aux alltorit{,s. Les portes furent
fermées, et la division erra sallS g{~néral sur
les glacis de Lille. Dumouriez envoya aussitút
lIIl aide-dc-camp pOli!' la rallier. Mais l'aidc-de-
camp fut pris aussi, et la division, dispersée,
fut perdue ponr lui. Apres ectte tentative rnal-
heureuse, il en cssaya une pareille sur Valen-
cienncs, oll cornrnandait le général Ferrand,
qu'il croyait tres - bien disposé en sa favenr.
J\Iais l'oHicicr chargé de snrpl'cnc1re la place
tl'alút ses projets, s'ullit;i FerralH! et aux COlll-
Illissaires de la cOIlventioll , d iI pcrdit Clleore
Valelleiclttl(,s. Ii ne lui rest<ut t!OUl: plus que




l:tl¡ nEVOLLTlON FHA;'if,:,\ISL


Condé. Placé entre la France et l'("tl'allgcl', ji
ll'av:¡it que ce dernier poitlt d'appui. S'il le
perdait, i\ fallait flu'il se sOllllllt al/X llllpél'iaux,
({lr'il se remlt entier'emellt dalls leul's lllaills)
et qu'il s'exposat a indigner son armée, ell les
ülÍsaut marcher avec elle.


Le ,er avril, il transporta son quarlier'géuó
l'al aux bOlles de Saillt-¡\mand, pour Úrc plus
1'approché de Conclé. 11 flt arreter le !lIs de
Lecoilltre, dépllté de \'crsailles, et l'cflvoya
COJ1l1I1e otage á TOlll'llay, ('11 prÍaut l':\utrichien
Clerfayt de le faíre gardcr eH dép()t dalls la
citadelle. Le ? al! soi!', les f]llall'e d(~pl!lés de
la convcnLioll, précé(lés de lleurllollville , a1'-
riverent chez Dumouriez. Les lmss<ll'lls de Ber-
chilly étaieut en bataille devant sa porte, et
tout SOIl état-majo1' était rangé al/tour de lui.
Durnouriez cmhrassa d'abord SOl! ami Beut'-
11011vi1le " et dcmauda aux dópntl~s l'oh}et de
leUl' missiOIl. lis rd'uSl'I'CIlI de s'explil!lI(,[, de-
vant ecttc fOlllc tl'officit'l's dOllt les dispositiolls
lcut' paraissaicnt pCLl rassurautcs, et ils voulu-
rcnt passer dalls un appal't8mcnt voisill. Du-
JIlonriez y cOllsentit, mais lcs officiel's l'Xjgl~­
rCllt <lile la porle en I'csUlt onvcrtc. Call1lls lllt
lllt alors le décret, ell.llli clljoigl!ant de s'y
SOllllH'ttrc. J)lllll0uri('z \'(''PlIl~lit que 1'(lal de
SUB arlllée ex igeai l sa préseIlC(', el ti ue iol's-




CONVFNT[ON NATIO"ALE <17~):1;1. I~t)
tju'elle sCl'ail r{orgaJlis{>(~, il \errait ce qll'il
:Lllr:tit it faire. Camns insista ayec force; mais
DllmOllriez n"p()!I(lit qu'il ne serait pas assez
dupe pour se relldr;~ a París, t~t se livrer au
triollllal d'\'()llttionn~ire; (iue des tigres deman·
daiclll sa t(~te, mais qu'il ne youlait pas la lcm'
dotlller. Les C¡l1atrc cormnissaires l'assnrcrcnt
('ti vain fln'on n'en vOl1lait pas ;t sa pcrsolluc,
<¡u'ils réponclaicnt (k lui, qlle ectte d¿'marchc
satisí'Cl'ait la cOllventiol1, et <¡u'il serait biclltót
rellllll it son an1H':e. Illle voulllt ríen elltrlldre,
il les pria de lIC [las le pOllsscr a l'extrérnit¡'"
et kIlI' dit qll'iis frraicllt rnicux de prendre llIl
;lfj·étl, mod{>ré, par le(plel íls déclareraieIlt que
dans le momenl le g¿'nt-ral DlImouriez leur
avait parll trop nécessaire pour l'arracher ;t
son arméc. 11 sortit en achcvant ces ll)ots, el
!cul' clljoignit de se cl(~cider, Il repassa alol's
:\\('c BClIrt1011Vi!lc dan s la salle oil sc trollvait
J'!'tat-lllajol', et atl('ndit au milieu dc ses of-
ficicrs l'arl'(;t(~ des cOllllllissaires. Cf'l!x-ci , avec
Illle noble fcrmeté, sortirpI11 1I11 instant apres, et
I ti i réitérércllt leur sOlllmatioll.-(( V ou lez-volls
ubéir á la con velltioll~) [Ili (lit Camus. - ~Oll,
n:pliq!la le gélléral. -- Ell bien! repri t Camlls,
V¡)(lS ('tc;, slls¡wndu de vos fOllctipllS; nJS pa-
pif'l's vO/lf ¡'tTe ;:aisis t'! voln' pt'I'SOtl!W al'rt'-
h;c - e'esl Il'0l' fill'!, s'('cria Dll11l0Ill,i('z; i;




126 H ¡::VOLt!TION f'HAN<;:,\ISF.


moí, lwssards ~ -- Les hussards accoururent.
Arn\tcz ces gens-la, leur dit-il en allemand;
mais qll'Oll ne Jeur fa~se 3nClln mal. - Dcur-
Jlollville le pria de lui faire partager km sort.
- On], hll répondit-il, et jc erais YOIlS rendre
11ll vérilable service; jc vous arrache au tri-
bunal révolutionnaire.»


Dumouricz leur fit donner a lllanger, et les
cnvoya ensuite a Tournay, pour étre gardés
en otage par les Autriehicns. Des le lendemain
matin, il monta a chcval, fit une proclama-
tion a l'armée et á la France, et trouva dan s
ses soldats, surtout eeux de ];¡ ligIH', ks dis-
positions en apparencc les plus bvorables.


1'outes ces Ilouvelles étaient sllccessivement
arrivées a Paris. 011 y avait cOlluul'enlrevue de
Dlllnouriez avec Prol}, Dubuisson et Pereyra,
ses telltativcs sur Lille pt Yalellcieuues, el enfin
l'arrcstation des fIwltre commissaÍrcs. Sur-lc-
champ la cOllventioIl, les asscl1lblées nmlíici-
palcs, les sociétés populaircs, s' étaieu t Jécla-
rées permanentes, la téte de Dumollriez avait
t~t(~ mise a prix, tOllS les parents des officiers
de son armée avaient été mis en arrestatíon
ponr servir d'olages. On orclonna dalls Paris et
les villcs yoisines la levée d'Ull corps de qlla-
rantc mille llOlllllles pOltI' comrir la capitale,
d Dampiert'c l'e(,~l¡l lí' CnlllJll;l)Hlemellt général




CONV}:NTlON N ATIONALE 11793). 127
de l'artlj(~e de la Belgiquc. A ces mesures d'ur-
g'(,Hce se joignirent, comme loujours, des ca-
Iomnies. Partollt OH rangeait ensemble Du-
mOlll'icz, (1'( ),.Iéalls, les girondins, et 011 les
déclarait cornplices. DUI110uriez était, disait-on,
IIn de ces arislocra\es militairf's , un memore
de ces allciens états-majors, dont on ne cessait
de (i(~voiler les mauvais principes; d'Orléans
était le premier de ces grands qui élyaiellt feiut
ponr la liberté Ull faux attachement, et qui se
démasqnait apres UIle hypocrisie de quelques
anuées; les girolldiJl5 pulin n'étaient que des
(]('putés develllls infideles comme tOU5 les
mcmhres de tous les cotés droits, et qui abu-
saiellt de leurs maudats ponr perdre la liberté_
DUUlonriez ne faisait, un peu plus tarel, que ce
que llouillé et Lafayette avaient faít plus tot;
d'Orléalls tenait la mcme cOIlduite que les au-
tres m('rnbl'C~s de la familIe des BOlll'bons, ct
il avait seulement persisté tlalls la révolntion
uu pcu plus long-temps que le comte de Pro-
vence; les girondills, comI11e .i\1aury et Cazales
dans la constituallte, com Ille Vaublanc, Pastoret
dans la l(~gíslative, trahissaient leur patrj('
aussi visiblement, mais seulement a des ("PO-
ques différelltes. Ainsi, ] )llmouriez, d'Orléalls ,
Bl'issot, Vergnialld,Guadet, Gensonné, etc., tous
complices, Naient les traitn's dI' cettf' année.




r :úl HlcVOU;T[()I, t'HAcV(;AISr:,
Les girolHEllS répondaient en disant qu'ils


avaip1Jt toujOUI'S poursuivi d'Orll'alls, et glH'
c'étaient les montagllards qui I'avaient dé-
fcndll; qll'ils étaiellt brollillés avec DUll10uríez
et sans relation ayec lui, et qu'all contraire
ceux qui avaicnt eté envoyés allpres de lui dans
la Belgiquc, cellX (lllí l'avaicnt suivi dans ton-
tes ses exp('ditions, ceux qui s'étaient toujours
mOlltres ses amis, et qlli avaíent nH~llle pallil'
sa cOlHl uitc, étaient eles ll1ontagnards, J .asource,
poussant la hanliesse pl'ls loiIl , eut l'impru-
dellce de désigner Lacroix et Danton, et de
les aCCllSCl' d'avoir arreté le úle de la cotlven-
tion, en déguisant la conduite de DUl11ollriez.
Ce reproche de LaSOlll'ce réveillait les SOUP(~OlIS
(~Ievés déja SllI' la co[}(luile de Lacroix et de
Danton clans la Belgiquc. On disalt en dfel
qu'ils avaient éehaug-é l'iJl(llllgence avec Du-
mouriez, q u 'il a vait s upporté lp,urs 1'a pilles, et
qu'ils avaient excusé sa défectioll. Dantoll,
qlli He clemandait aux biromlins que le sileuce,
fut rempli de fllreur, s'dan<::a i:t la tribune,
leul' jura une guerre a mort.--( Plus ele paix ni
« de tréve , s'écria-t-il, entre VOllS et nous! ))
Agitant son visagc effrayatlt, Illt~lla\ant du
poillg le colé c1l'oit de l'assembkc, ( Je me
«( slIis retl'auché, dit-il, dalls la citadelle de la
« raisuJI ; feu sortlrai a vec le canon de la vé-




CO'iVENTION NATIO:'iALE (1793). 129
« rité, et je pulvériserai les scélérats qlli out
« vouln m'accllser. })


Le résultat de ces accusatious récíproqlles
fut: 10 la nominatían d'unc commission chargée
d'examiner la conduite des commissaires en-
voyés dans la Belgique; 2 0 l'adoption d'un
décret qui devait avoir des conséquences fn-
nestes, et qui portait que, sans avoir égard a
l'invio\abilité des repI'éSentaIlts, ils seraient
mis en aecnsatíon des qu'ils seraient fortement
présumés de complicité avec les ennemis de
l'état; 30 ellfin, la mise en arrestatíon et la
translation dans les prisons de Marseille, de
Plylippe d'Orléans et de toute sa famílle *.
Ainsi, la destinée de ee prinee, jouet de tous
lcs partis, tour-a-tour suspect aux jacobins et
aux gil'ondins, et accllsé de conspirc!' avec
tout le monde parce qll'il ne conspírait avec
personne, était la preuve qu'aucllne grandel1t'
passée IlC pOllvait subsister au milien de la ré·
vollltioll actuelle, et que le plus profond et le
plus volontaire abaissemen t ne pourrai t ni
calmer les défiallces, ni cOllj Ilrer l' échafaud.


Dumouriez ne crut pas devoir perdre un
momento Vayant Dampierre et plusieurs géné-
raux de divisioll \'abandollner, d'alltres n'at-


, JJéerel JI! G aVl'il.
IV. ~I




1')1) r: ¡::vorllT!() '" 1'1{ \ ,\(;,\lSI-.


tendJ'e (llJe le lIlom('lI! I'avol'al)¡(" et lllle fOl/k
d'ómissail'es tl'availlel' ~ps tl'OlIpeS, il pelJs;¡
(Jlt'il fallait ks meUre ('Il mOllv<'rnent, POlll'
entralner ses ofílciers ct ses soldats , et les
sOllstrairc a toute autrl:' IllflU('llce que la sienne.
D'aillcurs, le temps 1JI'f'5sait, iI falhit agir. En
conséqnence il fit fixer un rendez-vous av(:'c 1(,
prince de CObOlll'g, pOlll' le /¡ avril au matill,
:,fin de r~'gler définitivelllent avec lui et Jp
colonell\Iack les opératiolls qu'il m{~ditait. Le
rendez-volls devait avoir lieu prcs de Condé.
Sou projf't était d'('¡;trcr Cllsllitp dans la place,
de purger la ganl¡~Oll, el se pOI'tant avec touk
son armée sur Orchies, de menacrr Lille, el
de tacher (le la réduire en déployant touh~s
51'S forces.


Le 4 aa matiu, il partit pon!' se l'endre au
¡ien dl1 rendez-vous, et de la a Condé. Iln'avait
commallc}é> qu'ulle c;,corte de CillqU:ll1tC clw-
vaux, et COITlIl1C die tarclait <!'arriver, il se
mit en ronte, ordonnant qu'oll I'envoyat a 5a
snite. Thouvenol, les fils d'Orléans , quelques
officicrs el un certain nombre de domesti-
CInes l'accompagnaient. A peine arrivó sur le
ellcmin de Con(!é, iI rencon tre deux bataillons
de volúntaires, qu'il est fOl't étonné el'y trou-
\ el'. 'N"'ayant pas ordollné lenr déplacemcnt,
il yent tllettl'(' pi(,J. aterre :lIIpÚS d'II11C mai-




,UD, pUla' ccnn' ¡'()i'dl'~: 1>' les LiTe l'dUlll'lieJ',
!ursqn'il cntcw[ pOllS~t'1' des cris et tirer des
coups de fusil. Ces h'ttail!oll:'; ('TI effet se divi-
sent, d les ,:'h L' FOlll'S,¡i\'elli en cri~H1t ar-
l'¿ite::. " /tos aatres "eulellt ¡ui couper la ftlite
Wl'S !lll fossé. 11 s'(;]ance alol's ayec CClIX qlll
!"accompagn,li{,llt, et devallce les vololltaires
,:Ol!l'ant a sa pOlirsuite. Arrivé sur le Lord du
fosst:, et son clleval :,C l'efu,sant a le franchir,
il se jette dcd;lflS, arTi\c ;'1 Lwtre !Jurel, ;m
milieu d'lIne gl'ék de CO!lpS de fusil, et , accep-
tallt le clwval d'llll domestique, s'ellfuil ;1 toule
bl'ide VCl'S Bllry. A prt~S ayoir COIIt'U IOllte la
jnuruée, iI .Y al'l'iVl: le soir, el: est rejoint par
!e cotone! J\1ack, averti dc ce qui s'était passé.
H emploie toute la Huit a écril'c , et a convenir
avec le colon el Mack et le prillce de Cobourg
de tal/tes les conditinl1s de lellr a!liauce, et iI
les étol1ne par le projct de relÜUl'lltT an mi-
lien de son annt'c aprcsce (pIi vellait d'arrivcr.


Des le matin en efeet, il relIlollta a cheval ,
et, accompagné par' des cavaliers impél'lalJx,
il rentra par Maulde au milieu de son armc'c.
QllcIqul's tronpes de iiglle l'elitolll'Cl'ent el h:i
donuCrl'llt encore des déllJOllstT;ltiolls <!';d!a-
chement; cependalit lJeau('lJllp de \,I.'-;:!';'"
étaient momes. La llouve!le de sa futte ;¡ Bu!')',
;u¡ miIieu des <lnnées ennemies, el la yue des




I :'h nt:\"(}U:TI()!V FHA ;,\(.\lSE.
dragolls itllpt~riallx, a\'ail'llt produit HilC Jlíl~
prt'ssion fllneSle p01l1' lui, honorable pOli!'
!lOS soldals, el ]:ellT't'll';C pOUI' la fortune de
la 'Frailee. (ln ¡lIi :lpprit en e[[PI (Iue l'artil-
lerie, SlII' la llouvelle qu'il avait passó al1x Au-
trichiens, yeuait de ql1itter le camp, et que
la retraite de cette portian de L'armée si in-
fluente avait d{~couragé le reste. Des divisiolls
('nti:"res se renebient a Valt'l1ciennes , et se
1'alhlient a Dampicrre. 11 se vit alors obligé de
r¡uitter dMinitivcment son armée, et de 1'e-
passe1' allx lmpériaux. 11 y fllt suivi par un
nombreux état-major, dalls lequf'l se trou"aient
les dcux jelllles d'Orléalls, et Thollvenot, et
par les hussards de BerchillY, dont le régimellt
lout enlier voulut l'accompagncr.


Le prince de Cobourg et le colonel ;Vrack.
don! il hait dc"enu I'ami, le traitcl'ellt a"ec
lH:'aUCOllp d'{'gards. et 011 voulllt l't'll!)IlVelcr
avec lui les projets de la veille, en le Ii¡isant le
chef d'une nOllve!le émigration qlli serait autre
que celle de Coblentz. Mais, apres dellx jonrs,
il <lit au prim~e autl'ichien que c'était avpc les
soldats de la France, et en accept:mt les Im-
périaux seulenlPot comme anxiliaires, c¡u'iJ
avait el'U CX('cuter ses projets contrc Paris;
mais que sa qualité de Fran\,ai~ [le lui per-
mf'ttait pas de marcher' ú la U'le des étrangers.




COi'lVENTlON l'IATIOJ'iAU: (1793). J33
11 dcmallda des passe-pOl'1 s ponr se retirer en
Suisse. Ou les lui accorda sur-Ie-champ. Le
granel cas qll'on bísait de ses talents, el le
peu de cas qu'ull faisait de ses pl'illcipes poli-
tiques, luí valurent des égards que lI'avaít
)las obtCllllS Lafayette, q uÍ, dalls ce lllomClll,
expiait dalls les cachots d'oll1llllz 5a COllstance
héroú¡uc. Aillsi tillit la carriáe de cet hornme
supérieur, qui avait llloutré tous les talclIts.
ceux du diplomale, de l'admillistratcllr, dI!
capitaine; tous les cOIIJ'ages, cellli de I'homrne
civil guí résisle allX orages de la triullne,
cellli du soldat qlli In'ave le bOldet eUllcllli,
cellli du gélléral qui affronte et les situatious
()¡'~sespérées, et les hasal'ds des entrepl'ises les
pllls audaciellst's; mais qlli, sans pri~lcipes,
salls l'ascendall t moral qu'ils procll ren t, salls
aulre ÍllfIllellce <¡11e celle dll g{~nie. bient¡)l
usée dalls cette rapide SIJCCeSSlOll de cllOses el
d'hommes, essaya {'ortemt'lIl de 1 [J !ter él vec la
révollltioll, et prulIva pal' Ull éclala!ll exerll-
pie, qU'Ull individu IH~ pl'év<lut cuntre une
passioll natioIla le qlle 10l'sq u 'die est épuisée.
En passant a l'ellnemi, Dumollriez u'eut ]>0111'
excuse ni I'clltetcmentaristocratique de Buuiilé.
ni la délicatcssl' de principes dt~ Laf;,y('/!.(', el!'
il avait toléré l()ll~ les (k':.(}!'dr('~;, jlls'1u'au
momellt oú ii:; avaipll! contrarié t,('~ projcls.




Par S:I dd'Fctioll, ji pllt s'allribncr d'avo¡¡' ,1('-
C(;¡t'i'é la chute dcs girondins et la grande crise
révoJiltionnairc, C('pendant il HC fallt pas 011-
hlier qne cet hOlllme, salls attar:]¡em(:nt pOllr
aUCllllt' cause, avait pOllt' la li!)('rt{· IllH~ p['(;ft:~­
rcnce de raisot!; ii ne faut P;15 oubli('(' C}u'il
chél'issait la Fl'allCe; que, lorsqlle ptTSOIllIC
!le cl'oyait il la possibilité de résisler á l'étrall-
ger, jI I'essaya, et Cl'llt en nOllS plus que lIOUS-
nH:'rnes; qu'a Saintc-:Menchollld, il nOllS ap-
pl'it a cnvisager l'ennemi d(~ sang-froid; qu'it
Jemmapes, ii nOllS cnnamma, et IlOllS rcpla\'a
all rang des premit~I'f's ]luissallces ; il lle f:!lIt
pas oubiier enfill que, s'd llOUS ahalldonlla, il
nons avait sauvés. f)'ailleurs il a tristement
vieilli Join de sa patrie, et OH ne peut se dé-
fendre d'un profond regrd, á la vue d'Ull
homme dont cinquante annócs se passercnt
dans les intrigues de cour, trente dans l'exil,
ct dont trois sel.llemettt furcnt employées sur
un théatre digne de son g-énie,


Dampicrre re(,~ut le comtnauclement eH chef
de l'armée du Nord, et retrancha ses ¡['()lipes
au camp de Famars, de maniérc a secolirir
ceHes de nos pinces qui scraient Dll'llacc'.cs. La
force de cette position et le pLm de C:lf1lpagne
mcme des coalisés, d';'p!'t~S leqnd ils!le devaient
pas 1)(~lIt·trer plus <lyallt jllsqu'il cc qlw Mayenef'




CONVENTION NATlOCiALE (1793,. 13.)
lút reprise, retarclajent uécessairement de ce
cutó les événements de la guerreo CuslÍnc, qui,
pour excuse!' ses falltes, Il'ayait pas cessé d'ac-
ellser ses eollegues et les millist~es, fut écouti:
ayee favell!' en parlant eontre Reurnonville,
que rOIl rcgardait comme eomplice de DllmOlI-
rit'z, quoique livré par lui aux AlItrichiens; el
il obtint tOllt le eommandement du Rhin, de-
pui.s les Vosges et la Moselle jusflU'it JTuningue.
COll1me la défection de Dllmouriez avait com-
meneé par des négociatiolls, 011 décréta la
pei.ne de mort contre le général qui écouterait
des propositions de I'ennemi, sans que préa-
lablement la sOllveraineté du peuple et la ré-
publique eussent été reconnues. On nomma
eIlsulle Bouehotte ministre de la guerre, et


e


Monge, qnoique tres-agl'éable allx jacobins par
sa complaisance, fut remplacé cotllme ne POll-
varit sll[fire it tOllS les cldails de SOIl imlllense
minislere. II fut décidé encore que Ir'oís com-
missaires de la convelltioll résideraiellt cons-
tammellt aupres des anlH"cs, et qlle chaque
mOls il y en anrait un de reIlollvelÉ'.






r:ONVENTION NATJONALJo: (17~)3).


ClfAPITRE 111.
\


__ 18_


t~taLlissemcllt du comité de salut pub/ie. --- L'irritatíou
des p;¡rtis augrnente á Pal·is. Réunioll démagogifluc tic
I'¡;~veché j projets de pétilions illccndiaircs. - Rcno\l-
vcllcrnent de la lutte entre les deux cutés de l'assem-
bke. - Discours et accusaLion de Uobespierre contre
les complices de Dllmollriez et les girondills.-Réponsc
de Vergniaud. - Marat est décrété d'accllsation et en-
voyé devant le tribunal révolutionnaire. - Pétition des
sections de Paris demantlallt l'expulsiolJ de 22 membres
de la conventioll. - R(:sistallcc tic la commllne á l'all-
torité de l'asselllblée. Accroissement de scs pouvoirs.
- Marat est acquitté et porté en triomphe. - ttal
des opiniolls et marche de la révolution dans les pl'O-
vinces. Dispositions des principales villes, Lyon, Mar-
seille, Bordeaux, Rouen. - PosIlion particuliere de la
Bretagne et de la Vendée. Description de ces pays;
causes qui amenerent el entretinrent la guerre eivile.
Premiers sueces des Vendéens j lcurs principallx ehe[s.


LA défection de Dumouriez, le HtCheux état
de nos armées, et les dangers imminents oú se




138 n EVOI,UTJON nu ',/(.,:,\] s 10:.
trouvaicllt expusés et la révolutioll el le tl'rrl-
toire, nécessitCrcnt tUl/tes les mesures violente:--
dont IlOUS ve!lons de parler, et obligereut la
convention a s'occuper enflu <lit projct si sou-
vcnt rellouvclé de dOlll1er plus de force á raction
dlL gouverncmellt, en la concentrallt daus l'as-
semblée. Aprés divers plans, on s'arn;ta Ú cc1ui
¡{'un comiLé dit de salut public, et composé de
IIcuf llIernLres. Ce comit{> devait délibérer en
spcreL JI était chargé d(~ surveiller et d'acd~­
lércr l'actíon du pOllvoir exéclltif, il pOllvait
mernc suspcndrc ses arretés quaIld il les croi-
rail cOlltraires a l'intél'l:t général, sauf a en
illstruire la convention. Il était autoJ'isé á
prendre, dans les circonstances urgentes, des
mesures de défense intérienre et extérieure, et
les ar['(~tés sígnés de la majoritt'> de ses mem-
hres devaient etre exécutés snr-le-champ par l(~
pOllvoiJ' exécutif. 11 n'était illstitué que pOli!'
un mois, et He pouvait délivI'cI' de mandat
¡J'amener que contr'e les agents d'exécution~_


Les I1Icmbrcs désignf>s pour en [aire parÜc
étaiellt, llarn.\l'c, Dehtlas, Bréant, C~llllboll,
.lean Debry, Dauton, GuitllOn-:0Iorveallx,Treil-
han!, Lacroix d'Eure-et .. Loíl' H. Ce comité,


, Le comite tic ,,,lüt puhlic fuI d<-créll' dalls la s,"allce
dll (j avúl.


., Il rlit. adjoilll ;1' ,,<,s Illl'lllhn'.' 1,·,.i,,'¡t[>l'l'><lllto, B.(I··
l"'I'l-J.illd"t, hilar.! (~I Call1¡';ICt,¡t,.'-. ,




~VE.NTlü~ "ATlOili .\LI' ., ( L 7~).") 1.
q lIoiq U'ilIH' I'f!Un ¡ t pas cncore tuus les pOLl\üirs,
<lyait cepelHlaut \lile illtluenec immellsc : l! COI'-
respoIHlait avec les COllllllissaires ele la convcn-
lian, Icut" dOlluait leurs instructions, ponvait
suLstittH'1' allx mesllres des ministres toute~.
l'ellcs qll'lll11i plaisait d'imagiller. Par CamLoll it
avait les finanees, et avce Danton ji devait ac-
quérir l'audace et l'itlflncnee de ce puissant
chef de parti. Ainsi, par refret croissant du
dangcr, 011 marehait vers la dietature.


HeveIlllS de la tPITellr crlllsép par la déser-
tion de DumollT'iez , les partis songeaicnt maill-
tenant it s'ell imputer la complicité, et le plus
fOl't devait néeessairement aecabler le plus fai-
ble. Les seetions, les sociétés populaires , par
lesquelles tout eommelJ~:ail ordinairement, pre-
naient l'initiative el dénoB<,:aícnt les girondins
par eles pétitions el eles adresses.


TI s' étai 1. f()I']lIé, d'apr(~s 11 ne doctrine de Mal'at,
lIne llOtlyelle réUllÍon pllls violente encore que
toutes les autres. ~Iarat avait dit que jnsqn'a ce
jour 011 n'avait fait que úavarder sur la souve-
raincté du peuple; que d'aprcs cette doctrine
bien entendue chaque sectioll étaít sOllveraine
d3m SOIl étcnduc, el po!lvait a ehacFlc Ínstallt
l'évoC¡lIcr les pouvoirs <lu'elle avait dOllllés. Les
pllls forcclIés agitateurs, s·cm¡xJr<mt de ce
príncipe, s'étaient cn cífct prétcnc!lIs dépllt(;~




1.'40 HJ:VOJ.[(IlOJ\ FJlA¡\CA 1 S J ...


p,u'les sectioIls, pOli!' vérifier l'usage qll'Oll fa 1-
sait de leurs pouvoirs, et aviser au salut de la
cllOse publique. Ils s'étaient I'pllllis a I'Évéché,
et se disaient autorisps a cOI'l'espofl(lre avee
toutes les municipalités de la répllbliqur>, Allssi
se llommaiellt-ils Comité central de salul public,
e'est de la que partaient les propositiolls les
plus incendiaires. On y avait l'ésolll ¡j'aller CIl
corps a la conventioll, lui demalldel' si elle avait
des moyens <1(' sauver la patrie. Cetle réllllioll,
ql1i avait fixé les regards de l'assembJ(~e, attira
aussi ceux de la commulle et des jacobins. Ro-
hespierre, qui sans doute désirait le résllltat
de J'insurrection , mais qui redoutait l'ernplüi
de ce moyen, et qui avait eu peur a la veille
de chaque mouvement, s' éleva contre les r{~so­
lutioIlS violentes disclltées dans ces I'éuniolls
jnférieures, et persista dalls sa politiquc favu-
rite, quí consistait a diffamcr les déplltés pré-
telldlls infideIes, et a les perdrc dans l'opinioll,
avant d'employer contre eux alleUlle autre me-
sure. Aimant l'accusation, il redüutait l'usage
de la force, el préférait aux illsurrectiolls les
luttes des tribulIes, qui étaient sans dangeI',
et dont il avait tOllt l'honlleur. l\Iarat, quí
avait parfois la vanité de la modératioll, comme
toutes les autres, déuoll<,:a la réunioll de n~­
veché, quOíqll'il eút fourni les principes J'a-




CO,,¡VENTIOCi NATION.\LE (179:)\' 1 [1 1
pn~s lesqllcls 011 I'avait form(·e. ()11 ellYoya dt's
commissaircs pour s'assllrer si les membres (lui
la composaient étaient des hommes d'un úle
outré, ou bieIl des agitatenrs payés. Apres s' etre
convainclle que ce n'étaient que des patrio tes
trap ardcllts, la société desjacobins, ne voulant
pas It:'s exclure de son sein, COTnme on l'avait
proposé, tit dresser une liste de leul's IlOn1S
ponr pouvoir les surveiller, et elle proposa
une désapprobation publique de Icm conduite,
parce que, sllivant elle, il ne dcvait pas y avoir
d'alltrc ccntre de salllt pnblic qu'elle-meme.
Aillsi s'était préparée, et avait été critÍqllée d'a-
vanee, l'insurrectioll dn 10 aoút. 'fons ceux qlli
ll'Ollt pas l'aullace d'agir, tous ceux qui sont
fáehés de se voil' devancés, désapprouvent les
premiercs tentatives, tout en désirant leur ré-
sllltat. Danton seul gardait sur ces mouvemellls
IlII profond ~ileIlce, et ne clésavouait ni l1e dé-
sapprollvait les agitateurs subalternes. Ti n'ai-
mait point a triümpher ú la tribune par (lf~
longues accllsatiolls, et il préférait les moyens
d'action qui, dans ses mains, étaient immcnses,
car il avait a sa dispositioll tout ce que París
renfermait de plus ÍlIl(l1oral et de plus turbu-
lento On Ile sait cependant s'il agissait secn~­
trrnent, mais il gardait un sileIlee mella-
canto




Plllo;íem',; scctiolls C'.liJ(]anHH'l'('!11 la n'~lIl1i()fI
de n~vecj¡é; ct celle du J\]ail tit, á ce sujet,
Ilne pétition éncrgique á la cO!1velllioIl. Celle
de Bonne-Nollvel!e vill!", al! conlraire, Jire une
atlresse dans laquelle clk déIIO)H;;li¡, comme
amis et complices (le DUl1lo!lriez, Hri,s,;of, Ver-
guiaud, Gliadet, Gensotlllé, etc., et dClnandait
qll'Otl les frappat dn glaivc des lois.Apr¡·s de
"i"es agitatiol1s, ('11 sells cOlltraires, les péti-
tiollllaires re(:nrcllt les !w!Jtlt'llrs d(~ la spallcc;
mais il flltdécJ;¡r('~ qll';\ ¡'aYCllÍr I'asselllblée Il'en-
tClldrait plus c!'accnsation cOIlln~ ses mernDr<;s,
!'t ({ue t()(!te déllollcial iUH de ce ~em'e s('l'ait
déposée an comité de salllt public.


La section de la Halle-au-Blé, qui (~tait l'urw
des plus violentes, fit ulIe nouvelie pétition,
sous la présidence de Marat, et r euvo)'a aux
Jacobins, aux sectiollS et a la cornmllne, pour
qu'elle rec,ut leur approbatioll , et qlH~, sanc-
tionnéc aillsi par toutcs les 311torih\s de la ca-
pitale, elle fút solellnellement préscntée par le
maire Pache a la convention. Dans cette péti-
tian, col portée de lieux en lieux, et uni vel'sel-
lemcnt connlle, 011 disait qu'uuc p1rtie de la
COllycntion était COrI'ompue, qu'ellc conspirait
avec les accaparellrs, qll'elle était complice Jy
Onmouriez, et qn'il t:1l1ait la remplacer par les
suppléauts. Le 'J o avriJ, I;mdis qUl' edle pé-




,'d\\'E:\TI\)\ ~\Tl;)N'd,r f~()'; !~'-',
¡ilioll cil'clllait de s('c!.:on l'll sedi,'!), j','lioJl .
IIldigné, dew:\l,)de la p;¡rolc pOllr tille lrlotiO!l
d'ordn', ¡¡ s'{>lt~Y(" ;¡Yec HIlC' véhémence fluí ]1('
lui (~tait P;¡S ordinain', cnnlre 'les calol11nies
don! 11;)(' p:il't i(' de la COllYt'lltioIl est l'objet,
e!' il delllallde dI,,, llleSlll'eS de répression. Dan-
Ion, au contraire, récbme une meutioll ho-
llorable PIl favellr de la p(~titioIl qui se pn'~pare,
Pétion, révolté, velll qll'on envoic "es :llItf'llrs
:\11 tribullal l'é\'olllliol1llaire. Dalltoll l't~pond
qll(~ de yrais Y¡'P"('SI'Il!;IIIIS, {orts de leur COIlS-
ciellcc, He doivCllt [las craindrn 1:1 calomnie,
qu'ejj(, es! illé\'itable dans lIne république, et
qllP d'aillellrs (m n'a e!lcore lli repo\lssé lec;
Autrichiells, ni fait une constitutioll, et <pie
par canséquent il est douteux que la conven-
lion ait méritt', des éloges. Il insiste cnsuite pOUl'
qU'OIl cesse de s'occul)('r de querelles particu-
liércs, et ponr que ceux qui se croient c;¡lomniés
s'adressent aux triuunaux. On écarte donc la
question; mais FOllfrede la ra melle, et 011 l' é-
carte encare. Robespierre, passionllé pour les
querelles persounelles, la reproduit de nOl1-
yealt, et demande a déchirer le voilc. On lni
accorde la parole, et ii commellce contre les
girolldjns la pllls anH~re, la plus atrocc diHa-
matioll <¡IJ'il se fl'lt ellcore permis\'o r! J:.wt s'al'-
1';'t('r ;'¡ ce discOII1'S. <¡t,i IrtOIlIT~ COlllment h




1/,,~ RÉVOT.VTION FR ANCA ISF.
COllduitc de ses eUlIemis se pcignait dans sa
sombre intelligence *.


Suivant luí, il existait au - dessous de la
grande aristocratie, dépossédée en 1789, une
aristocratie bourgeoise, aussi vanitellse et allssi
despotique que la précédente, et dont les tra-
hisons avaient suceédé a eeUes de la nobiesse.
La franche révolution ne lui cOllvellait ras, et
illui fallait 1111 roi avee la constitution de 179 r ,
pOUl' assurel' sa dominatiolJ. Les girolHlins en
étaicnt les ehefs. Sous la lpgislative, ils s'étaielll
emparés des ministt'~l'es par RolaIld, Claviere et
Servan; apres les avoir perdus, ilsav<lientvoulu
se veuger par le 20 j 1I iu; et a la veilJe du JO
aoút, ils traitaieut avec la cour, et otIr<licnt la
paix a cOlldition qu'on lcur rendrait le pon-
voir. Le 10 aout meme, ils se contentaicnt de
suspelldre le roi, n'<t.bolissaient pas la royauté,
et llommaient un gouverueur au princc royal.
Apres le 10 aout, ils s'empal'aÍcllt CllCOI'C des
ministeres, et calomniaiellt la COlnmUlle pour
ruiner son influence et s'assurer u!le domina-
tion exclusive. La convelltion formée, ils ell-
vahissaient les comités, coutinuaíent de ca-
lomnier Paris, de préscnter cette "itle comme


• Voyez la uot(· 4 it la fiu du VOIUIIH', :'t l;ulL1ellc 1I0tlS
avous l'envoyt, (kjá uue foi5, et 'lui Jlcint le caraderc dt"
noIH:~spicIT(, ·




CONn:NTIO.s N A TJON ALE (1793). T q S
le foyer de tons les crimes, pervertissaient
l' opinion publiqtie par le moyen de ICllrs
journanx, et des SOTDmes immenses (lne Ro-
lancl consacra;t a la distrihution des écrits le,·
plus perfilles. EH jallvier, en6n, iIs s'oppo-
saicIlt á la mort du tyrau, non par intéret
pour S3 personne, rnaís par intéret pour la
royauté. - « Cette faction, continllait Robes-
pierrc; est seule cause de la gllcrre désastrcuse
que !lons sontellons rnaintenant. Elle I'a voull1c
pour nOLlS pxposcr a l'invasion ele r A 1ltriche, qu i
promettait un cougl'és avec la constitution Loul'
geoise de 179 r. Elle l'a clirigée ave e pcrfidie,
el apres s'etre servie du traitre Lafayette, ellt'
s'est scrvie depuis dn traltre Dumoul'iez, pour
arriver au hut qu'ellc poursuit clepuis si Iong-
temps. J)'ahord, elle a feint (l'étre hrouillée
avec Dumouriez, mais la brouillerie n'était pas
s¡"rieuse, cal' autrefois elle J'a porté au minis-
tel'(~ pR.r GCllSOl1lH~ son ami, et elle luí a rail
alloner síx millions de dppenses secretes. DlI-
mouriez, s' entendant avec la faction, a sauvé
les Prussíens dan s l' ArgOIme, tandis qu'il au-
raít pu les anéantir. En Delgique, a la vérité,
il a rem porlé une grande victoire , mais illlli fal-
bit uu grand succes pour obtenir la confiancc
publique, et des qu'il a en cette confiance, il
('n a abusé de tOlltes les manieres. TI n'a pas


n. 1"




146 nÉVOLUTION FHAN«:;AISJ'.
envahi la Hollande, qu'il aurait pu occuper des
la premiere campagnc; il a empcché la réunion
a la France des pays conquis, et le comité di-
plomatique, d'accord avec luí, n'a .·ien négligé
pour écarter les députés belges qui deman-
daient la réunion. Ces envoyés du pouvoir exé-
cutif, que Dumouriez avait si mal traités parce
qu'ils vexaient les Belges, ont tons été choisis
par les girondins, et ils étaient convenl1S d'en-
voyer des désorganisatel1l's contre lesq \lels on
sévirait publiquement, pour déshollorel'\a cause
républicaine. Dumouriez, apres avoir tardive-
ment atta qué la Hollande, revjent ell Belgique,
perd la bataille de Nerwinde, et e'est Miranda,
l'ami de Pétion et sa créatnre, qui, par sa re-
traite, décide la perte oe cette bataille. Du-
mouriez se replie alors, et leve l' étendard de
la révolte, au moment mf.lne ou la faction
exeitait les sonlevements du royalisme dans
l'Ouest.Tout était dOIlcpréparé pour ce momento
Un ministre perfide avait étó placé á la gnerre
ponr ceUe circoustance importante; le comité
de súreté générale, composé de tous les giron-
dins, excepté sept Ull huit députés fiddes qui
n'y allaient pas, ce comit(~ llC faísait ríen pOUl'
prévenir les dangers pubJics. AillSi rien ll'avait
été négligé pom' le sucás de la conspiration,
[\ fallait UTl roi, lIlais les géllérallx apparte-




CONVFNTION NATIONAI.E (179'3;· r47
naient tous a Égalité. La famille Egalilé était
rangée autour de Dumouriez; ses fils, sa fille,
et jusqu'a l'illtrigante Sillery, se trouvaient au-
pres de lui. DUl1Iouriez comme.nce par des ma-
nifestes, et que dit-il? tout ce que les oratellrs
et les écrivains de la faetion disaient a la tri-
hune et dans les journaux : que la convention
était composée de seélérats, a part une petite
portion saine; que Paris était le foyer de tous
les crimes; que les jacobins étaiellt des désor-
ganisateurs qni répandaient le trollble et la
guerre eivile, dc. »


'reIle est la malliere dont Robespierre expli-
que et la défection de Dl1mouriez, et l'oppo-
sitio n des girondins. Apres avoir longuemcnt
développé cet artificieux tissu de calonmies) iI
propose d' envoyer au tribunal révollltionnairf'
les complices de Dumollricz, tOllS les d'Orléans
et leurs alllis. « Ql1ant aux députés Guadet,
( Gensonné, Vergniaud, etc., ce serait, dit-il
« avec une méchante ironie , un sacrilége que
« d'accuser d'allssi honnetes gens, et sentant
« mon impnissance a leur égard, je m'en re-
« mcts a la sagesse de l'assemblée. »)


Les tribllnes et la Montagne applaudirellt
leur vertueux orateur. Les girondins étaient
indignés de cet infame systeme, auquel une
haine perlide avait autant de part qn'une dp-


10.




11j8 nÉYOU1TJON FllAKYAISt:.
fiance naturellc de caractere ,cal' il y avait dalls
ce discours un art singulier a rapprocllPr les
faits, a prévcnir les objectioJls, et Robespierre
avait montré dans cette Llche accusation plus
de véritable talent que dans toutes ses décla-
mations ordinaires. Vergniand s'élancc a la tI'i-
hune, le camI' oppI'essé, et demande la paroJe
avec tant de vivacité, d'instance, ue résoln-
tion, qu'on la lui accorde, et que les tribunes
et la :.\Iontagne finissent par la lui Iaisser sallS
trouhle. Il oppose au discours médité de Ho-
hespierrc uu discollI's improvis(~ avec la cha-
leur du plus é!oquent ('1 <In plus innor,cnt des
hommes.


(e Il osera, dit-il, répondre it monsieur Robes-
{( pierre, et il n'emploiera ni tcmps ni art ponr
« répondre, cal' iln'a besoin que de son ame.
ee Il ne parlera pas pour lui, ear il sait que
(( dans les temps de révolution la li(~ des na-
(( tions s'agite, et domine un instant les hom-
te mes de bien, mais pour édaireI' la France.
« Sa voix, qui plus d'un e fois a porté la ter-
I( relll' dan s ce palais, d' oú elle a concouru it
« précipiter la tyrannie, la portera aussi dans
(1 l'ame des scélérats qui voudraient substitucr
( leur propre tyrannie a ceBe de la royallté. »


Alors il répoud, achaque inculpation dE"
Kohespierrc, ce que chaclln ji IWlft répolldl'('




CO~VF.NTION l'IATION ALE (J 793). 149
d'apres la simpltT conl1aiSSallce des faits. Il a
provoqué la déehéance par son discours de
juillet. Un peu avant le 10 aout, doulallt du
sueces de l'insuI'!'ection, He sachant me me pas
si elle ;[urait lien, il a indiqué a un envoyé de
la eour ce qu'elle devait faire pour se réeon-
eiIier avee la nation et sauver la patrie. Le 10
aOltt, il a siégé au bruit du canon, tandis que
monsif'ur Robespierre était dans une cave. Il
n'a pas faít prononcer la déchéance, paree que
le combat étail. dOlltellx, et iI a proposé de
llommer UlI gouverneur HU c1auphin, paree
que, daIls le cas Otl. la royallté eltt été main-
tenue, uIIe bonne édueation donnée au jellne
prince assurait l'avenir de la Franee. Luí et ses
amis Ollt fait déclarer la gllcrre, parce qu'elle
l'était Mjil de hit, et qn'il valait mieux la dé-
clarc!' ollvertemcnt, et se défcndre, que la
soufí'rir sans la [aire. Lu i et ses amís ont été
pOl'tés au ministere d dans les comités, par
la voix pnhliqnc. Dans la cornmissioIl des
villgt-un de l'assf'mblée législative, ils se sont
opposés a ce qU'OIl quiu:\t París, et ils out pr~­
paré les moyens que la FraIlce a déployés dans
l'ArgolllJe. Dalls le comité de stlreté générale
de la conv(,lltioll, ils out t:"availlé eOllstam-
hlCllt, (;t á la faec de leurs colicgucs qui POll-
vaicJlt a,>siqn ;'1 kurs tr~nanx. Lui, Robes-




1 :)0 R ÉVOLVTION .FltAN<',:AISE.


pierre, a déserté le comité et n'y a jamais pam.
fls n'ont pas calomnié Paris, mais combattu
les assassins qui nsurpaient le nom de Pari-
siens, et déshonoraicnt París et la république.
Lis 11' Ollt pas pervertí l' opin ion publique, cal'
pour sa part illl'a pas écrit une seule Icttre,
et ce que Roland a répandu est connn de tout
le monde. Lui et ses amis ont demandé 1'ap-
pel au peuple dans le proccs de 1,ouis XVI,
parce qu'ils ne croyaient pas que dans une
qllcstion aussi importante, OH put se passer de
l'adhésion nationale. Pour Ini personncllement,
ji connalt a peine DUlUouriez, et ne l'a vn que
deux fois; la premiere á son retonr de l'Al'-
gonne, la seconde a son retour de la Belgique;
Illais Danton, Santerre, le voyaient, le félici-
taient, le convraient de caresses, et le faisaient
dlner tons les jours avec eux. Quant a Égalité,
il ne le connalt pas davantagc. Les monta-
gna1'ds seuls 1'ont connu et fréquellté; et, 101's-
que les girondins l'attaquaient, les monta-
gnards l'ont constamment défendu. Ainsi, que
peut-on reprocher a tui et a ses ami s ? .. D'etre
des meneurs, des in trigants ? Mais ils ne cou-
rent ras les sections pour les agitcr; ils ne
remplissent pas les tribnnes poul' arracher des
déc1'ets par la terreur; ils n'ont jamais voulu
laisser prendrl'les llIillistrcs dalls les assel1l-




CONVW'l"TIOl\'" NATJONALE (1793). .!JI
IMes dont ils étaient llli:!mbrcs. Des mo(lérés ;1 ..
Mais ils ne l'étaient pas au 10 :lOtlt, lorsquc
Robespierre et Marat se c:lchaient; il:; l'étaient
en septembre, lorsqu'on assassillait les prison-
niers et qu'oll pilJait le Garde~}Ieuble.


« Vous savcz, dit en finissallt Vel'gniaud, si
« j'ai dévoré en sileuce les amertumes dont on
« m'abreuve depuis six mois, si j'ai su sacri-
« fier a ma patrie les plus justes ressentiments;
(l vous savez si, sous peine de lacheté, sous
(e peine de m'avouer coupable, sons peine de
« compromettre le peu de bien qll'il m'est en-
« core permis de faire, j'éJ.Í pu me dispenser de
( mettre dans tout leur jour les impostures et
( la méchanccté de Robespierre. Puisse ectte
( journée etre la dcrnicre que IlOUS perclioIls
« en débats scandalenx l )) Vergniaud demande
ensuite qu'on mande la scction de la Halle-
au -n1é, et qu'on se fasse apporter ses re-
gistres.


Le talent de Vergniaud avait captivé jusqu'a
ses ennemis. Sa bonne foi, sa touchantc élo-
qnence, avaient intéressé et entralné la grande
majorité de l'assemblée, et OIl lui prodiguait de
tOlltes parts les plus vifs témoignages. Glladet
demande la paroJe; mais a sa vue la Montagne
silencieuse s'ébranle, et pOllsse des cris affreux.
La séanee fut suspencl ue, et ce ne fnt que 1 ..


"-lO




152 RÉVOI_UTIOl'< FRAH;AISF.


12 que Guadet obtint a son tour la faculté de
répondre a Robespierre, el il le fit de maniere
a exciter les passiol1s bien plus vivement que
Vergniaud. Personne, selon luí, n'avait cons-
piré; mais les apparellces, s'il y en avait,
étaientbien plus eoulre les monlagnards et
les jacobins qlli avaient eu des relatiolls avec
Dumouriez et Égalité, que contre les giron-
diIlS qui étaient brouillés avec tous deux. «( Qui
( était, s'écrie Guadet, qui était avec DlllIlOU-
« rjez, aux Jacobins, aux spectacles? Votre
«( Danton. )) - « Ah ~ tu m'accllses, s'écrie Dan-
e( ton; tu ne cOllllais pas ma force! »


La fin du discours de Guadet est remise au
lendemain. Il continue a rejctcr tOllte cOIlspi-
ration, s'il y en a une, sur les montagnards.
lllit, en finissant, une adres se qui, comme
ceHe de la Halle-au-Blé, était signée par Marat.
Elle était des jacobins, et Marat l'avait signée
cornme pr('siden t de la soeiété. Elle renfermait
ces paroles que GlladEt lit a l'asscmbIée: e/-
toyel¿s, armonS-llOUS ! La conlJ'e-révolutio/l est
dan.>' le gouvernement, elle est dans le sein de
la ca/U)entioll. Citoyens, marchon$-y, mal'-
chans!


( Oui, s' éerie :\Iarat de sa place, olli, mal'-
e< chons! » A ce mot, l'assemblée se souleve, et
demallde le décret d'accusatiolJ cOlltre Maral.




COl\VENTlON NATlONAU: (1793). 153
l)allton s'y oppose, en disant que des deux cotés
de l'assemblée on paraissait d'aecord pour aecu-
ser la famille d'Orléans, qu'il falIait donc l'ell-
voyer devant les tribunaux, mais qu'on ne pon-
vait aCCllser Marat pour un crÍ jeté au milieu
d'une discllssion orageuse. On répond a Dan-
tOl! que les d'Orléans ne doivent plus etre jugés
a París, mais a Marseille. Il veut parler encore;
mais, sans l'écouter, OIl donne la priorité au
décret d'accusation coutre 1'lal'at, et Lacroix
demande qu'il soit mis sur-le-champ en arres-
tation. - « Puísque mes ennemis, s' écrie Marat,
« out perdll toute pudeur, je demande uue
« cllOse: le décret est fait pour exciter un
( mOllvement; faites-moi done accompagnel'
« par deux gendarmes aux Jacobins, pour que
({ j'aille leur recommander la paix. » - Sans
écollter ces ridicules boutades, ii est mis eH
arrestation, et 011 ordonne la rédaetioIl de
l'acte d'accl1satioll pour le lendemain a midi.


Robespicrrc courut aux Jacobius exprimer
son indignation, célébrer l' énenúe de Dantoll,


L D
la modération de Marat, et leur recommander
d'etre calmes, afin qu'on ne pút pas dire que
París s'était insurgé pour délivrer un jacobino


Le lenclemain, l'acte d'accusation fut lu el
app/'ouvé par l'assemblée, et I'accllsatioll, tal11
de füís proposée cOlltl'cJlal'al, fut sérieusement




1 !i4 IlliVOLl'TION FR ANI/AlSE.
pOlll'SUiVíc dcvant le tribunal révolutionnaíl'l'.


C'était le projet d'lllle pétitíon contre les
girondins qui avait amené ces violentes expli-
cations entre les deux cotés de l'assemblée;
mais iI ne fut rien statué á cet égarcl, et OH ne
pouvait rien statller en effet, pUiSqllC l'assem-
blée n'avait pas la force d'arreter les mOllVC-
ments qui produisaient les pétitions, On suivit
avec activité le pl'ojet d'une adresse générale
de toutes les sections, et on convint d'unc ré-
dactioll uniforme; sur qllarante-trois sections,
trentc-cinq y avaient adhéré; le conseiI géné-
ral de la commune l'approllva, et le J 5 avril \C:S
commissaires des trente - cinq sections, ayan!
le maire Pache a lcur tete, s'étaicnt présentés
a la barre, C'était en quelqne sorte le malli-
feste par lequd la commune de Paris décla-
rait ses intentions, et mena~ait de I'insurrec-
tíon en cas ele refus. A insi elle a vait fait avallt
le JO aolrt, ainsi elle hisail a la veille du 31
mai. L'orateur ele la dépntatioll, Housselin, el!
fit la lecture. A pres avoir l'ctracé la conduite
criminelle d'un ccrtain nombre ele deputés, la
pétition demandait leur expulsion (le la con-
vention, et les énumérait l'un apres l'aulrl'.
lis étaient vingt-deux: Brissot, Cuadct, Vpr-
guiaud, Gensonné, Grange - Neuve, Bnzot,
Barbal'Ollx. Salles, Birotf'au, Ponl('coulant,




CONVENTION NATJO~AL}: (i793). 155
Pétion, Lanjuinais, Valazé, Hardy, Louvet,
Lehardy, Gorsas, Fauchet, Lanthénas, La-
source, Va lady , ChamboIl.


Les triLUI~es applaudissent a la lectllre de ces
lJoms. Le président avertit les pétitionnaires
q rre la loi les oblige a signer leut' pétition. Ils
s' empresseIlt de le faire. Pache seul, essayant
de pl'olonger sa neutralité, demeure en ar-
riere. On lui demande sa siguaturc; il répond
qu'il n' est pas du nombre des pétitionnaires,
et qu'il a seulcment été chargé par le con-
seil général de les accompagner. l\1ais voyallt
qu'il ne peut pas recule!', il s'avance et signe la
pétition. Les tribunes I'en récompcnsellt par
de bruyants applaudissements.


Boycr-Fonfrede se présente aussitOt a la tri-
hune, et dit que si la modestie n'était pas un
devoir, il demanderaít a etre ajollté a la glo-
ríeuse liste des vingl-deux députés. La majo-
rité de l'assemblée, saisie d'UIl mouvemellt
généreux, s' écrie: (eQn' OH nons inscrive tous ,
tous ~)) Aussit6t on accourt aupres des vingt-
deux députés, on lenr donne les témoignages
les plus expressifs d'intéret, on les embrasse,
et la discussion, intcrrompuc par eette scene,
cst renvojée aux jours suivants.


La di"cussion s'engage ú l'époque ílxée.Les
,'eproches el les jllstifications rccommencent




156 m::VOLUTION FllA~yA1SE.
entre les deux coté s de l'assemblée. Des dépulés
du centre, profitant de quelques lettres écrites
sur l'état des armées, proposent de s'oecuper
des intérets gónérallx de la république, et de
négliger les querelles partieuliéres. On y con-
sent, mais le 18 une nouvelle p("tition cOlltre
le coté droit ramene a eelle des trente-cillq
sections. 011 dénonee en meme temps divers
actes de la commune ; par l'un, elle se déclare
en état continuel ele révolution; et par un
autre, elle établit dans son sein un comité de
correspondance avec toutes les Illunicipalités
dn royaume. Depuis long-temps elle cherchait
en effet a donner a son antorjtt~ tOllte locale
un caraetere de généralité, qui lui permit de
parler au Hom de la Franee, et de rivaliser
d'autol'ité avee la eonvention. Le comité de
l'1~:véché, dissolls de l'avis des jacobins, avait
aussi en paur objet de Ilwltre París (~Il com-
lIlUlácation avec les autl'es ,,¡lles; et rnaillte-
nant la commune y voulait suppléer, en orga-
uisant eette corresponclance chlJs son propre
seín. Vergniaucl prend la parole, et attaquanl
;:t la foís la pétition des trcllte-cillq sectioll~,
les actes qn'oll impute a la commune, et les
projets que sa conduite d(~Cl'lc, demande que
la pétition soit déclan"c c,¡/ol1111iclISe, et que la
JllUIlicipalit0 S()lt U'I1I/(' d'app0l'lc:' ses re glS-




CONVENTION XATION ALE (1793). 157
tres a l'assemblée ponr faire cOllnaitl'e les ar-
retés qu'elle a pris. Ces propositions sont ad-
mises, malg"é les trihnnes et le coté ganchf'.
Dans ce moment, le coté droit,. soutenu par la
Plaine, commeII(.;ait a emporter ton tes les dé-
cisioIlS. Il avait fait Ilommer ponl' pl'ésident
Lasource, l'un de ses membres les plus chauds;
et il avait encore la majorité, c'est-a-dire la lé-
galité, faible l'essource contre la force, et qui
sert tout au plus a l'irl'itcr davantage.


Les officiel's l1Hlllicipaux , mandés a la harre,
viennell t hardirnent soumettre leurs registres
des délibéraliüns, et sem blent attcndre l'appl'o-
batioll de lelll's al'retés. Ces registres portaient,
ID que le conseil génél'al se déclarait en état de
révolution, tant que les subsistancesne seraien1
ras assurées; 2° que le comité de correspon-
dance aycc lcs qllarante-quatre mille mnnici-
palités serait composé de l1cuf membrcs, et
mis incessammcnt en activité; 3° que douzc
mille exemplaires de la pétition contre h~s vingt-
denx seraient imprimés et distribués pal' le
comité de correspondance; 40 en fin , qlH~ le
conseil général se regarclel'ait comme frappé
IOl'squ'un de ses membres, ou bien un prési-
dent, UII secrétairc de section OH de club, se-
raientpourSlli'lis pour leurs opinions. Ce derniel'
;lrf(~t(' avait été pris pOllr garantir lVIarat, qui




j 5H RbVOLUTION FRAN<;:AJSL
{~tait accusé ponr avoir signé, en qualité de
président de section, une adresse séditicllse.


La commune, comme on le voit, résistait
pied a pied a l'assemblée, et sur chaqlle point
débattu prenait une décision contraire a la
sienne. S'agissait-il des subsistances, elle se
cOllstituait en révolution, si les moycns vio-
lents étaient rcfusés. S'agissait-il de Marat, clIp
le couvrait de son égide. S'agissait-il des vingt-
deux, elle en appelait aux quarante - guatre
mille municipalités, et se mettait en corres pon-
dance avec elles, pOlll' lenr demander en quel-
que sorte des pon voirs généraux contre la COI1-
vention. L'opposition était complete sur tous
les points, et de plus aceompagnée de prépa-
ratifs d'insurreetion.


A peine la leetnre des registres est-clle ache·-
vée, que Hobespierre jeune demande aussitot
les honneurs de la séallcc pOlIr les officiers mu-
nieipaux. Le coté droit s'y oppose; la Plaine
hésite, et dit gu'il serait peut-etre dangercnx
de déconsidérer les magistrats aux yeux du
peuple, en leur refusant un honneur banal
qu'on ne refusait pas meme aux plus simples
pétitionnaires. Au milieu de ces débats tumul-
tueux, la séanec se prolonge jllsqu 'a onze lIeures
du soir; le coté droit, la Plaine, se retirent, el
cent quarallte-trois membres res1.ent seuls a




CONVENTION N áTION áLE (1793). T 59
la Montagne pour admettre aux honneurs de
la séance la municipalité parisienne. Dans le
meme jour, déclarée calomniatrice , repoussée
par la majorité, et admise seulement aux hon-
neurs de la séance par la Montagne et les tri-
bunes, elle devait ctre profondémellt irritée ,
et devenir le point de ralliement de tons ceux
qui vOlllaient briser l'antorité de la convention.


Marat avait été ellfln déféré an tribunal ré-
volutionnaire, et ce fut l'énergie da coté droit,
qui, en entralnant la Plaine, décida son accu-
sation. Tout mOllvement d'énergie honore un
par ti qui. lutte contrc un mouvement supé-
rieur, mais háte sa chute. Les girondius, en
poursuivant couragcusement Marat, n'avaient
fait que lui préparer un triomphe. L'acte por-
tait en substancc, que Marat ayant clans ses
feuilles provoqué le meurtrc, le carnage, l' avío
lissement et la dissolution de la convention
nationale, et l'établissement d'un pouvoir des-
tructcur de la liberté, il était décrété d'accu-
sation, et déféré au tribunal révollltionnaire.
Les j acobins , les cordeliers, tous les agi tateurs
de París, s'étaient mis en mouvement pour ce
philosophe austáe, formé, disaient-ils, par
le mal/leal' el la médüatioll, joigllant á une
allle de feu une grande saga cité , une pl'ofondc
l'Ollllaúsance da CeRU!' 1zumain, et sachanl pé-




160 ltlóVOLUTION FnAN«;:AJSF~.
nétrer les tl'aitres sur leur chal' de triomphe ,
dans le moment OU le stapide vulgairc les t'1l-
censait encore! - Les traüres, s'écri;¡ient-ils.
les tmitres passeront, el la ,.éjJUtatioll de Mara!
commence!


Quoique le tribunal révoll1tiolluaire ne fút
pas composé alors comme ille fut plus taro.
néanmoills Marat n'y pouvait etre cOlldamné.
La discussion dura a peine quelques instants.
L'accusé fllt absous a l'ullanimité , aux applau-
dissements el'une fonle nombreusc accourtH'
ponr assister a son j ugcmellt. C' était le 2{t avri!.
Il est aussítot entouré par un cort{~gc llombrcux
compasé de femmes, de sans-cnlottes a piques,
et de détachements des sections armées. On se
saisit de lui, et on se rend a la convention
pour le replacer sur son siége de député. DeuA
officiers munici pallx Ollvrent la marche. Marat.
élevé sur les bras de quelqucs sapeurs , le frollt
ceint (l'une couronllC de chcnc, est porté en
triomphe au milieu de la salle. Un sapeur s(~
détache du cortégc, se préscnte a la barre et
dit: (( Citoyen président, nous vous amenons
(( le brave Marat. Marat a toujours été ['ami dll
« peuple, et le peuple sera tonjours l'ami de
( Marat! S'il fallt que la tete de l\1:ar'at tombe,
«( la tete du sapeur tombera avaut la sienne. )
En disant ces mots, ]'horrihle pétitionnairl'




CONVENTJO:V NATlONAU: 1,179:):' I()!
;'tgitait sa hacbe, et l(~s trilmnes applaudissaiellt
avec un affreux tumulte. Il demande, pour le
cortége, ];¡ pcrmissioll de défiler dans la salle.


-(e Je vais cOllsul ter l'ass(,l1lbl{~e, répond le pr(~­
sidcnt Lasource , consterné decctte scene hi-
deuse.)) Mais on lW veut pas attendrc qu'il ait
consuh(>, l'assemblée, et de toutes parts la fonje
se précipite dans la salle. Des fernmes, des
hommes, se répandellt dans l'enceintc, occu-
pent les places vacan Les par le clépart des dé-
putés, révoltés de ce spectacle. Marat arrivf'
ennll, translllis dp mains en mains et con vcrt
d'applaudissernents. Des bras des pétitionnai-
res i] passc dalls ceux de ses collegnes de la
l\Iontaglle, el OH l'emhrasse ayec les plus gran-
<les démonstl'ations de joie. Il s'arrache enfin
du milieu de ses collegllcs, court á la tribulle,
f~t déclare allx législateurs <lu'il vient Ieur
offl'ir 1lI1 COellr pllr, un HOll! justifié, et qu'il
est pret á lIIourir pour d8fendre la liberté pt
les droits dll pellplc,


De nOllVeal1X llofllleurs l'atteudaicnt. aux Ja-
cobills. Les fcmmes avaicnt préparé une grande
<jllalltit<; de COllromws. Le président luí en offre
1I11e. Un enfallt de quatre ans, rnonté sllr le bll·
l'c:tu, 'lIi (~ll place IJlle alltre sur la U"te. ~Iarat
{'carIe le,~ C()llrOIlUes avf'C 1111 dédain illsoleHt.
.( Citoyells , s'écrip-t-il, illdigll(~ clf' VOlr une


!Y. JI




¡()'1. rn:VOLUTION FRANC,uSF,


( factioll Sct·lél'ate trabir la rópuhlitIUE', j';1I
(( \'oldll la llt'~rnasquer, et ¡lIi melfl'e la co/'{/e
j( au cou. Elle m'a r~sislé 1'11 me fl'appant d'tlll
( décret d'accllsatioIl, Je slli<; sorti "ictorieux,
l( La faetion est llumiliée, mai,.., n'est ras ócra-
(( sée. Ne vous occupez point de déccl'ner des
(( triomphes, défendf'z-VOllS (l'enthollsiasllle,
«( Je dépose sllr le ollreall les deux eouronnes
" que 1'011 viellt de m'offrir, et j'invite mrs
(( eOllcitoyetls it altendl'e la {¡ti de ma earriel'c
« ponr se déeider, ))
D(~ llombrellx applandissements acellcillellt


cdte impudente modcstic. Hohespierre {:tait
présent a ce triomphe, dOllt il dédaignai[ s:ms
doute le caraetere tl'Op poplllaire et trop baso
(>pendant iI allait subir comme tont alltl'C
la vanit<', dLl triomphateuI'. Les réjouissallces
achevées, 011 se bflte de reven ir ;1 la disCllssiol1
ordinairC', c'est-a-dirc allX mo)'ens de l)(lrg(~l'
le gonvcl'nemeIlt, I't ¡J'CIl chasser les traltres,
les rolandins, les brissoti IlS, etc." On pl'opose
pour cela uc composer une liste des ernployés
de toutes les administratiolls , et de désignel'
ceux qui out méI'it¡~ leuI' renvoi, « Adressez-
(( moí cette liste, <lit Mal'at, je férai le c\wix
e( de ccux qu'il fallt l'eil\'oyel' Oll conservpr, el
« je le signifierai aux ministres, )) Roh('spi(~rre
fait une ob"el'Yation; iI dit qlle les ministres




':ONVENT/ON N "-TIO:\' ALt (I7~):i l' 16:i
,;ont presquc tOllS complic('s des coupables,
qu'ils n'écoulerol1t pas la société, qu'il vaut
miellX s'adl'(;';s('J' ;w comit{· de salut ¡JUhlie,
placé par ~(:s fOllctiollS au-dessus dll cOllseil
ex{;culif, el qlle d'aillenrs la société ne peut
saIlS se compromettrc communigucr avec des
ministres préval'icatellrs. « Ces raisons sont
« frivolcs, répliqnc Marat avcc dédaín; un pa-
« triote aussi pUl' que moi pourrait communi-
« que!' avec le rliable,. je lI1'adresserai aux mi-
«( llistres, ct je les sOlllrnerai de nOllS satisfaire
« all norn de ia socidé. ))


Une considération respectueuse entourait
toujours le vertueux, l'éloquent Robespierre ;
mais l'alldace, le cynisme insolent de Marat,
étOImaient ct saisissaient toutes les tetes a1'-
dentes. Sa hideuse familiarité lni attachait quel-
qucs forts des halles, qui étaient flattés de cette
inl;Ímité avcc l'am¿ du pelple, et qui étaient
lout disposés a preter ú sa chéti ve personne le
secou1's de leurs bras et de !eur inílnence dans
les places publiques.


La coIere de la Montagne provenait des
ubstacles qu' elle rencontrait, mais ces obsta-
eles ~taient bien plus granos encore dans les
provillces qu'a Paris, et les contrariétés qu'al-
laient éproltvf'I' SUI' leur route ses commissaires
tnvoyés pOllr presser le recrutement, devaient


11.




'/;(1 J~ (VOLCTlON FilA XCA I~L
bj~nt;)tp()lISSCrSon initatioll au derllier tentlt'
'foutes les provinces étaient parfaitcmellt dis-
posées pour la révolutioll, lJIais tout,'s lle I'a-
vaient pas embrasséc avec antall t c!'anleur , ct
ne s'étaient pas signalées par all!allt d'exees
(pIe la ville de Paris. Ce sont les ambi¡ioIlS oisi- t
ves, les esprils ;¡nlents, les talents slIp(\ricurs,
qni les premit~rs ~:eflgagelll dans les l'(:~volll­
tions : une capitale en rellferme tOlljours beall-
COl! JI P IlIs q \lC les provÍllcPS , p~lrce qu 'elle cst 1,·
relldez-vuus de tO\lS les hommes qni, par i1H1,"-
pcndallce OH ambition , abandollllcllt le sol, la
professioIl et les traclitiolls de leurs pi~rcs. París
devait done prodllire les plus graIl(ls J'(~volll­
tiollnaires. Placée en outrc a pell de dislallCt~
<11'S frontien>s, lmt de tous les COllpS 11e I'ell-
!lelilí, eette "ille avait COllrn phls de dangp,'
qu'allcnne cité de la Fr:tJlct' : si("ge des alllo-
rités, elle avaít. Vtl s'agitcr dans SOIl s(·ill !OIll<'S
les grandes questiolls. Aillsi /(' dallgl'r, la dis-
pute, 10ut s'était r{~llI1i pour prOllllire chez
die l'ernportcment d les excps. Les provinccs,
qlli n'étaicnt pas soumises aux rncnws GIIISes
d'agitation, ;t\'aÍcnt vu ces exC(~s a\'cc effroi,
el partage:uenl les sClltimcllt" du clJIL' ¡(roit l't
de /a Plaine. J\I(~C()lltelltI'S Sl1rtollt des ITait(~­
mentsessuy('s par ICllrs (kplll¡"S, clle~ croyaícut
voir dans la capilale, outre J'exag(']'ation 1'6vo-




CONV~:N'flOX N ,\TJO~Ar.E "'7~)3).
i ti tiollllaire, I'allloi tion de dOlllillcr la France ,
comme Honre dOl1lÍnait les pl'ovinces couquises.
Tellt's ("taÍellt les dispositioIlS de la masse calme,
.i.ndustriellsc, modért>c, á l'égard des révolu-
tÍonllair('s de París. Cepcmlant ces disposÍtions
étaieut plus ou ll10ins prononcées suivallt les
circollstatlCes locales. ClJaque province, cbaque
cil(~ avai! <1us,,,i ses révulutjollllaires empur-
tés, paree qll'en tous li('ux se trollvent des
psprits avelltllrellx, des caracteres ardeJlls.
Presquc tOllS les IltllllllleS de cene es pece s'¡'~­
taient eluparés des Illllllicipalités, t't ils avaienl
profité pour ceja du reuollvellelllt'Ilt géutTal
des autorítés, on]onné par la législative arres
le 10 aoút. La masse inactive et ll10dérée cede
toujours le pas aux plus emprcssés, et il était
naturcl que les individus les plus violcuts S'CIlJ-
parasscnt df's fonclÍolls nmllicipales, les plus
dif{jci/es 11(: [oll[es, el (lui t'xigpaieut le plus
dt~' zde et ¡j'activité. Lt's citoyens paisibles,
qui forment le grand Ilolllbre, s'étaient retirés
tlalls les sectlolls, Olt ils allaicnt dOJlnel' qllel-
qucfois lelll's votes, el exercer len rs droits ei "i-
queso Les fonctions départemelltales a vaÍell t ét¡;
cOllfért'cs aux not<tbles les plus riches et les plus
consid('n;s, et par cela merne les moillS actifs
el les 11IOillS éllcl'giqltes des hOlTlmes. Ainsi
!t1!lS le:1 dJ~Uld~, réyulntiollllaires t'>laiellt retran-




166 lLEVOLUTION FIIAN\:AISJ.
cbés daus les municipalités, talluis que la maSSi'
moyellne et riche occupait les sections et les
fonclioJls départementales.


La COI III n mH~ de París, scntall t ectte positioll,
avait voulu se mettre ell (,ol'reSpollJance avec
toutes [es municipalités. Mais, cornrne on l'a
Vil, elle ell avait été empechée par la COH V~~J1-
tion. La société-mere des jacobins y avait sup-
pIé? par sa propre correspollllaIlce, el la re-
lation (lui ll'avait pas pu s'établir encore ele
municipalité a mUllicipalité, cxistait de club a
club, ce qui revellait a peu pr(~s au meruc, cal'
[es memes homrnes qlli délib{~raicnt dans les
clubs jaeohins allaient agir (~llSilitc dalls le:>
conseils généraux des communes. Ainsi tont le
partí jacobin de la Frallce , réuui dans les rnu-
nicipalités et dans les clubs, correspoIHlaut
d'llI1 bouL du territoilit' a l'autre, se trouvait
en pl'ésence de la lIlasse moyellne, masse im-
mense, rnais divisée dalls une Illllltitude Je
sections, u' exer<;ant pas de fOIlctiollS actives,
He correspolldant \las de ville en ville, formant
(;a et la quelques clubs mooérés, et se réunis-
sallt quclquefois dans les sections ou dans les
conseils de département pOllr donner un vote
incertain et timide.


C'est cette JifJérel1ce de positioll qlli pou-
vait fa1re espéreraux révolutionllairps de <1(1-




¡Go;
I


Hlillvr la Illasse (}(" la popnlatiOll. ecUe masse
admettait la rppllbljq\1(~, mais la vOllbit pUl'e
d'f~xct\s, el da!ls le momclIl die avait encore
t'avalltage dalls toutes les provillces. Depuis
que l('s lIIuuicipalítés, al'llIées d'une police ter-
rible, ayant la faculté de [aire des visites do-
miciliaires, de rechercher les étr:lngers, de
d6¡anner les sllspects, pOllvaiellt VeXt~r il1lpll-
H('mellt les citoyens paisibles, les sections
:1vaient essayé de réagir, t't elles s 'étaicllt ré·
lIuies pUlir en impuser a\lx ltlunicipalités. Dans
presquc toutes les villes de Frailee, elles
J.\ aicll! pl'i~ un pel! de courage, elles étaienl
en armes, résistaient aux Hlunicipalités, s'éle-
vaieut l"lmlre leur police- inquisitoriale, SOll-
¡cnaient le cuté droit, et réclamaient avee lui
l' ordrc, la paix, le respcct des prrsol1 Iles el
des propl'iél{'s. Les Illullicipalitt,s et les clubs
jacobins d(~IlI;¡lldaieJll, al! cOlltraire, de 110U-
velles meSlll'l~S de police, et rillstitlltion de
tribullallx !'evulLLLiollllaires dall~ les départe-
ments. Dan:; Cel'tailles villc~ ou était prt\t a eH
venir aux mains pOUl' ces ({uestions. Cepell-
dau' les sectiolls étaient si fortes par le 1J0m-
bre, r¡n'elles dOlllinaient I'énergic de" 1l11lllici-
palitt~s. Les députés Illontagual'ds, 1~II\OJ(;S
pOli!' presser le recl'lll('Il}('llt el ralliuler le zelp
nJvoiutlulluaire, s'cffl'ayail'lIt de t'dtc l'P:-,is··




I ti';J " R¡'~VOI.U'flOl'\ FRAN(,:<\ISl'"
.


tance, d remplissaient París de leul's alarmes.
Telle (~tait la situation de presque tonte la


France, et la maniere dont die <"tait partagt'e,
La lutte se montrai t plus OH llloÍns vive, et les
partís pllls ou moius menal.;ants, se/on la po~
sitio n et les dallgers de ehaql1e "iUe, L~l ou
les dangers de la révolution paraissaient plus
grands, les jacobills étaient plus portés a ern-
ployer des UJoyens violents, et par conséquent
la masse modért'e plus disposée a ¡enr résister,
l\Iais ce qui exaspl'rait SUl'tout les passioIls ré-
volutionnaires, c'étaÍt le d:mger des trahisolls
il1térÍcures, plus cncore que le d;lllger de la
guerre étrangere. AillSi, sur la frontiere d!¡
Nord, menaeée par les armées ennemies, et
peu travaillée par l'intrigue, OH était assez
d'aecord; les esprits se r('~lmissaient dans le
V~ll de la défells~ commune, et les eommis-
saires ellvoy('S depuís Lille jusq1'l'a Lyoll,
avaient fait a la convention des rapports assez
satisfaisants. Mais a Lyon) ou des menées sc-
cn~tes concouraient avec la position géogra-
phique et militair!' de eette viHe pour y rendre
le p{'ril plus granel, on avait vn s'élevf'r des
orages aussi terribles qlle cellX de París. Par sa
positioIl a I'Est, et par son voisinagc du Pit"/llOut,
LyOll avait toujOUI'S fjxé les regareis dI' la COIl-
tre-révolution,La prellli{~J'e éHl igl'a t iOIl de TIII'¡ 11.




voulllt y opércr un mOllvement eJl 1790, et y
cllvoyer mémc u 11 prince frarH;ais. Mirabeau en
¡¡yait aussí lH'ojeté un a sa maniere. Depuis
que la gr:lI1de únigratioll s'ét:üt transportée a
Cohlelllz, 1111 agent a»aít été laissé en Suisse
pOilI:-correspondre avec Lyon, et par Lyon ayec
le calflp de Jallós et les fallatiques du ~1idi. Ces
lIlellées provoquCrcnt une réaction de jacobi-
Ilisme, et les royalistes firent llaltre a LYOll
des mOlltagnards. CClIx-ci occupaiellt un club
app(~lé club celltral, et composé des el1voyés
d(~ 10us les clubs de qnartier. A lenl' tete se
tl'Ollvait un }Jiémontais qU'UIlC illquÍl~tude na-
turelle avait entralné de pays en pays, et fixé
enfill :\ Lyon, ou il avalt dú a son arJeur ré-
volutiollnaire J'etre nommé sllccessivemenl
officier mnnicipal, et président du tribulIal
civil. Son 110m était Clzulier. II tenaíl dans le
duh cel/tl'al III1 langage qui, cltez 1 PS jacobills
de París, l'aurait bit accuser par Marat de
telldl'e au bouleversemeut, et d'étre paJé par
l'étranger. Outre ce club, les montagnards
lyoIluais avaient toute la municipalité, exccpté
1(, maire Niviere, ami et disciple de RoJalld,
d chef a Lyoll dll partí girolldill. Fatigué de
tant cl'or~lFes, Niviére avait commc Pétioll
dOl1llé sa déInissioll, l'l COllllllC I\',tioll il avait
(':té a lIssi n"éJ!l par les scctiollS, plus pu issallte:-




'70 J:F\'Ol.nTIO:Y FR,\'\'CHSL
H plus éncl'giqlles a Lyon que dalls tOIl! ie
n'st(~ de la Fnlllce. Sur OllZC mille vutants,
IICUí' lUille avaient obligé Nivit'I"C ;'1 n'prcIHlre
la mairie; lllais il s'('tait délllis de llollvcall, el
ectte foís la mUlIicipalité mOIlt;lgllal'dc avait
i'eussi a se complétcr en IlOllllllall! 1111 llIairc
dc son ehoix. A ecHe oecasion on eu (~lait VCIHI
;mx mains; la jeunesse di's sectiolls ;¡vait chass('·
Chalier du club ccntral, et (h'~vast(~ la salle oú
il exhalait son fallatisme. Le départcment ef-
frayé avait appelé des commissain~s de la COll-
venti011, quí, en se prollOll<;,allt d'aboJ'd con-
fre les secliolls, puis COlltl'(~ les ('\.('t~S d(~ la
commUlle, déplurenl a tous les p:utis, se {¡rcu!
dénoncer par les jacohins et rappclcr par la
cOllventioll. Leur tache s'était bOl'llée a récol1l-
pellSt~r le club central, a l'affilier aux jacobins,
t't., en lui conscrvant S011 <'~nergi(', a le d<"li-
vrer de quelqu('s lIlcmLrcs trop impm's. AII
mois de ¡¡lai, j'irritatioll ('tait arriVt'c al! pllls
haut degré. D'un cúté, la COlllll1l1fW, composée
entiercmellt de jacohills, ct le club central
présid<,~ par Chalier, tlcmandait'nt pOllr T ,yOIl
un tribunal révolutiollnaire 1 et prolllcnaient
sur les piares publiques UIlt: gllillotinc envo,vée
de París, d qll'Utl exposait ~H1X reganls pu-
blics pOli!' cffl'aycl' les l!'a/[res d !es ari:;locl'a-
tes, etc,: de l'all'f re cúU", les scc! IOHS ('lJ annec,




r:ONV ENTlOi'i N .\'1'10 \' \ LE (1 7~)3L 17 r
daicnt pretes a rpprimer la J1lullicipalit{·, el;{
empl;cher l'ótablisscmcllt dn :-allglallt tribunal
que les girondins n'avaiellt pu éparguer il la
capitaJe. Dans cet état de dIOses, les agcllts
secrets du J'(J)alísm(~, répalldlls a Lyon, attell-
daiellt le momellt favorable pon!' profiter de
l'jlJ(ligllaLioll des Lyonnais, prete a éclater.


Dalls tout le reste <lll Midi jUSqU'il Marseille,
l'esprit républicain J1lodéré régnait d'une ma-
niere plus égale, et les gi rOllclins possédaiellt
l'attachement général de la contréc. Marseilk
jalollsait la suprématie de París, (~tait irritéc
des outrages [;úts a son députt~ chéri, Barha-
rOl1X, et preLc ;'¡ se soulever contre la conven-
tíon, si on attaquait la représentation nalio-
nale. Quoique riche, elle ])' était pas sitllée
d'une maniere favorable pour les contre-n'·vo-
llltionnail'es du dehors, cal' elle ne tOllchait
qu'á l'Italic, oú rien ne se tramait, et son port
ll'intéressait pas les Anglais comme celui de
TOlllon. Les menées secretes n"y avaient done
pas autant effarouché les esprits qu'a Lyou et
París, et la lllUnicipalíté, faible, et menacée,
etait pres d'etre destituée par les sectiolls
ton tes- pnissantes. Le dépllté MOlse-Bayle, as-
scz mal ref:ll, avait trouvé la bcanconp d'ar-
deur po u!' le recrutement, IlJaIS un r!{'YOlH:-
rncut abso!u ponr la Giroude




t72 HEYOLUTlON FItA~(.:AISL


A partir du Hhune, et de rEst a l'Oue&t JUS·
ql¡'aux bords de rOcéall, cÍuquante OH soixaute
départements manifcstaieut les tllemes clispo-
sitiollS. A Bonleaux cnfill, r IIl1aIlilll i té était
complete. La, les sections, la 1Ill1l1icipalité, le
club principal, tout le moude était d'accord
pour combattre la violcllce montagllarJe ct
liOur sOllteuir cette glorieusc dé¡Hltatioll de la
Cirollde, a laqlLelle ou était si fiel' d'avoir
donllé le jour. Le partí contraire n'avait trouvé
d'asile (lue dans une seule sectioll, el pal'tout
aillellrs il se trollvait impuíssallt el cOlldarnllé
au silence. Hordeaux !le delIlandait lli taxe, ni
denrées, ni tribullal J'é\'olutiollllaire, et pré-
parait a la foís des pétitions contrc la COffi-
mune ele Paris, ct des bataillolls pour le scrvicC'
de la républi(l'lC.


l\Iais le IOllg des cotes de l'Od'all, en tirallt
de la Gírondc ;t la LoÍl'e, et de la L()Íre aux
bOllches de la Sl'Íne, se pn:sentaieut des opi-
Jlions bien différentcs et des dallgers bien plus
grands. Lit, l'implacable Montagnc Be renCUll-
trait pas seulemellt paur obstac1e le républi-
canisrnc cLément C't génércllx def, girondills,
mais le royalisme constitutiollIlel oe K!), <l'lÍ
repollssait la répllblique comme illégalp, el le
fallalismc ¡]ps femps !i'ochux, Cjlli éfaÍt arnH~
cOlltrc la révululioll de 93, couLre la révoluLi()lI




tONVENTION N,\TlO.Y,1.LE (179:~)' ri)
dI' S~), \'t qui lW rcconnaissait l[lI<~ J'antGri!{~
lernporelle d('s ch,\tcallx, el l'alltorit( "piri-
tucHe des {~glis('s,


Dans la Normanclic, et particu Jierement a
HOl/CIl, c¡ui ell étai! la principalc ville, 0I1 avait
YOll{' tllI gl'and al tachement a Louis XVI, et la
constitution de 1790 avait rélllli tOllS les vccux
fln'on formai! ponr la libert{~ et pOl1r le In'me.
lkpllis l'abolitiolt de la royal/té (~l de la COllS-
titlltion dt~ J 790, c'est-;l-dil'c ¡/epllis le 10 aoút ,
ill'{~gllait en Norlllalldie Ull silf'llce improba-
teur et mell:i(,'allt. La Bl'etaglle offl'ait des dis-
positiolls cflcore plus hostiles, et le pcnplc y
était dominé par I'influcnce des prctres et des
seignellrs. Plus prt~s des rives de la Loire, cet
attachClTll'llt allait jl1squ'a l'insurrectioll , el
cufin sur la rivc gauche de ce fleuve, dalls le
Bocagc, le Lorollx, la Yendt'e, l'illsurl'cct iOIl
{¡ait cOlllpli,te, et de grandes :lJ'Ill¡"es de dix
et villgt mille hOllllncs teIlaient la campagne.


C'est ici le lieu de faire contlaitre ce pays
sillgulier, couvert d'Ulll~ populatioll si obsli-
lIée, si héro'ique, si malheureuse , et si fatale a
la l"l':lllce, qu'dk lllalHlua perdre par 1IJH~ fll-
IIt'stc div('I'sioll, el {JoIIL dIe aggrava It's IIlallX
('11 inilanl all dCl'lli('1' poill1. la dictatllrf' d'vo-
llltiollllail'i'.


Sur les rll'lI~ l'ivl'~ ,1t' la Luin', le pellpk :t\'aít




'7!1 H ,:;VOLUTION FltANqAlSE.
conscrH:~ UI1 granel attachenlf'nt pOLlr SOIl an-
cieulle manicre tI' etre, et particnlierement pour
ses pretl'es et ponr son cnlte. Lorsquc, par
feffet de la constitution civilc, les membres dlt
clergé se trouvcrent partagés, Iln váitable
schisme s' établit. Les curés qui rdilsa ien t el e
se soumcttre á la nouvelle circonscripl ion
des églíscs, et de preter sermcnt, furent pré-
férés par le pcuple; el lorsque, déposséllés de
leurs cures, i ls fllrí'nt obligés de se retirer, les
paysans les suivirent dans les bois, et se regar-
dcrent comme perséclltés eux nt leur culle.
lis se réunirent par petites bandes, poursuivi-
rent les curés constitutionnels comme intrlls,
et commirent les plus graves exces a leur égard.
Dans la Bretagnc, al1X cllvirous de Reunes, il
Y eut des révo!tes plus gb1éralcs et plus im-
posantes, qui avaíent pour c~lIlse la cherté des
subsistances, et la mcuacc de détrllire le culte,
contcnue dans ces p:lroles de Cambon : Ceux
qili VOUdf'Ollt la messe la paieront. Cepcndant
le gouvernement était parvenu a réprimer ces
mouvcments p:lrtiels de la rive droite de la
Loire, et il n'avait a redouter que Icul' COlll-
munication avec la riye g"allche, oú s'était for-


e


mée la grande illsurrectioIl.
Gest p:l/'ticllliercll1cnt sur cctle rive gallche,


d:ms l'Anjoll, leilas el le hall! ]JOitOlI, <Ju'avait




Ul'\VE;',T!ON NHIONATE (1793). 175
t'·da h'· la CmwlIs(' gl1('rl'(~ de la V(,lId{~('. C'était
la pal'tie de la Frailee {J!'I le telllps avait le Illoins
láil selliil' SOll illílw'llee, d le lllOillS altÓ'é les
ancienll(,~; IlIWllrs. Le réginw féodal s'y était
cmprcillt d'lI11 caractére tout patriarcal, <'t la
n;vol11tioll, ioiu dp produire une réforme lltile
dans n' pays, y :lYait hlessé les plus doU('es
habitlldes, et Y fut re~ue comUle Ulle perst'CU-
tiOll. Le l~()cage et le Mal'ais composcllt UIl
pays singulíel', qu'i! fallt dt"crire pOllr {~lÍrt'
compl'élldre les IlHClll'S et r('sJlt"ce de soci(,t{~
(lui s'y {'Iaicnt (JI'Il]('~CS, J-:n pat'ta/lt de Xantes
ct SaulIlllr, et ('/1 s'étclH!ant dellUis la Loire
.illsqll'aux Sables d'Olorme, LlH;on, FOlltenay
et Niort, OH trouve UIl sol iuégal, ondul:mt,
coupó de ravins, et traversé el'ulIe multitnde dI'
hajes, qui serveut de cll)lure achaque champ,
('t c¡ui Ollt fait appeler cette cOlltróe le Boca{j'e.
EIl se rappl'ochallt de la mer, le t('rrain s'abaisse,
se tcrrnille en marai:; salallts ,et se tn)[l ve cou p{'
partout d'lIlle lmdtitudp de petits canallX, qui
en rendent l'acces presque il1lpossible. Cesl ce
qn'on a appclé le Marais. Les seuls produits
abondallts dans ce pays sont les patllrages, et
par cOllséquCllt les bestiaux. Les paysaus y
clIltivaiellt selllcmcnt la qllalltité de blé raé-
('(~ssail'(:, i, 1('01' consollunat ion, et se s(~rvaiellt
d1l pl'oduil de lel1J'~ tl'Oupeallx C0U1111f' moyen




176 ja:voLl:TlO.\' t'ltANyálSF.
d\';chang(~. On sait qne rien n'est plus simple
qtW les populatiolls vivant de ce genre d'ill-
dllstrie. Peu de grandes viHes s'étaieul formées
<falls ces contrées; 011 n'y trouvait que de gros
bOllrgs de deux a trois mille ames. Elltre les
deux grandes routes qui conduiscllf l'tllle de'
TOllrs á POÍtiers, el l'autre de Nantes á la Ho-
chelle, s' étend un espace de trente lieues de lar-
genr, Ol! il n'y avait alors que des chemins de
traverse, abolltissant a des vil!ages el a des ha-
meaux. Les IpITes t'taiellt divisées en UIle lllul-
titude de peLiles mélairies de ciu({ ú six cents
francs de revcnu, confiées chacune a une sClIlc
famille, quí partageait avec le maitre de la terre
le prodllit des Lesliaux. Par eette divisioll dn
ferrnage, les seigneurs avaient a traiter avec
cllaque famille, et entl'etcnaient avcc toutcs
des rapports continucls \'t facilcs. J~a vie la plus
simple régllait clans les clltücaux: OH s'y livrait
á la chassc a causc de l'abondancc dll gibicr;
les seigllcurs et les paysans la bisaient en C0111-
ll1UIl) et tons étaielll célebres par leur adresse
et leur viglleuf. Les pretres, d'llne grande Pll-
reté de mo:;urs, y exer<;,aieJlt UIl llliJlistere tout
patcrnel. La l'iclwsse n'avait lli corrompll ¡cut'
caractere, ni jH'o\'()(llH'~ la critirJlle sur Icut'
compte. 011 slIbissait l',lIlloI'ité dll s .. igrH~llr, Oll
croyait les parolcs dlt curl~, parce qu'iI J1'~ avall




, I 1\ V ,. \ l' I (¡ 'i :'i \ T f (J Y '\ L.E 1 '7~):) . . I 7 7
"i oppn:ssioll, ni scal\(lale .. \V:llll que l'hllma-
Hité se jettc dalls la route de lrt eivilisatioll, iL
ya pour elle Ulle (~poque de simplicité, d'igllO-
ranee el d e pun~té, au miliea de laquelle on
voudrait rart'{\ter, si son SOl't n'était pas de
marcher a tl':lvers h~ mal vel'S tous les genrps
de perft~ctiollnemellt.


Lorsque la révollltion, si bienfaisante ail-
leurs, atteigllit ce pays avec son nivcau de fer,
eHe y causa un trouble profond. II aurait faH'l
CJu'elle s'y modifiat, mais e'était impossíble.
Ceux qui l'ont accusée de IlC pas s'adapter aux
local ¡tés, de ne pas varier a,"ec elles, n'ont pas
compás rimpossibilité des exceptions et la né-
cessité d'une regle uniforme et absolue dans
les gralllles réfonnes sociales. 011 ne savait
done, an milieu de ces cam pagnes, presque
ríen de la révolntion; on savait seulement ce
que l(' m6coutentemcnt des seigneurs et des
curés en avait appris au pClIple. Quoique les
droits féodaux fussent abolís, on nI' cessa pas
de les payer. Jl fallut se réunir, llommer des
maires; on le fit, et on pria les seigneul's de
l'etl"e. Mais lorsque la destitution des prt'tres
flon assermentés priva les paysans des cmés
qui jOllissaicllt de leur connancc , ils flll'f'tlt fOl't
il'l'ités, et, com me dans la Bretagne, ils COll-
1'1Irent dalls les hois, et allérrut ;1 de grandes


[\, l~




178 H ~'Y<)[.i T[()~ l' H ,\ N e .\l!>I' ,
distances assister allx ct>rt>llwnies du l'nltl:' ,
SPlJl véritable a lE'urs yenx. j)ps ce 1lI01lH'lIl ulJe
bain8 violente s 'aU u ma daus les anws, et les
prelres n'oublicreut ríen pOllr l'excitr'r davan-
tage. Lp 10 aout rejNa dans leurs t('I'I'<:'S quel-
qlles nobles poitevins; lE'?, J jallvÍer lE''i révolta _
et its commllni({'H~l'ell t tenl' jlHlignatioll a Ij-
tour d'eux. Cep('ndallt ils ne cOllspirerent pas,
eomme 011 I'a cru; mais les clispositiollS COIl-
uues du pays illspil'prent a des ]¡ommcs qw
lui étaient étrangcl's, des projets de conspira-
tíon. Il s'cn était tramé HU ('11 Bretaglle, mais
aueun dans le Bocage; il u'y availlaaucllll plan
arre té ; on s'y laissait pousser a bout. Enfin la
levée des trois cent mille hommes excita aH
moi!; de mars une insurrectioIl générale. Al!
fond, pea importait aux paysans dll Ras-Poiton
ce qui se faÍsait en Frallce; mais la dispersioll
rle ¡PUl' cli'rgé, pt slIrtoll! l'oI¡ligatio/l de Sf'
remire aux annéc:s, les f'xaspéra. DallS rancie),
régime, le COlltingent <lu pays n'était fourIll
que par ceux que leur inquiétude naturellp
portait a quitter la tene natale; mais aujour-
rl'hui la loi les frappait ton s , qm'ls que fussenl
leurs goúts personnels. Obligés de prendrC' lf'S
armes, ils préférérent se baltre contre la l'é-
publique que pOllr e¡]('. Pl't'squt' P!I mérne
temps, e-psl-a-díre au COJl1l11f'nCCIlH'llt dI' marso




CO\"VENTIO:\" 'HTfO'\LF1~93). '71J
/(' tirage fllt l'occasion tI'lIne révolte dans le-
haut Bocage et dans le Marais. Le T o mars, JI'
tirage devait avoir lif'u il Saint- Florent , pres
(l'Anccnis en A njoll: l{~s jcunes gens s'y rf'fu-
"érf'nt. La garde WHllut les y ohliger: le com-
mandant militaire fit poínter une pÍóce et tirer
~ur les mntins. lIs s'élancérent aJors avec leul's
hatons, s'emparercnt de la piece, désaJ'mereut
la gardc, et furf'nt ceDendant assez étol1nés de
,~ ,


leur tém{~rité. Ln voiturier. nOlllmé Catheli-
lJean, homme trés - cOllsidéré dans les campa-
~nes, trés·hraye. 1I'Ps'jwJ'suasif, quitta sa fermt'
a ('tte nOllyelle, accollrul au milieu d'eux. les
rallia, leur rendit le cOllrage, et donna quelque
consistance ~ll'insurrection en sachant la main-
tenir. Le jour meme il voulnt attaquer un po~t('
r{~publicain, composp ele quatl'c-villgts homnws
Les paysans le sllivirellt aye(' Jeurs bAtolls el
lelll's fusils. Apres (j!le pn:m ¡ere décharge, don t
chaque coup pol'tait paree qu'ils /'taiellt grande;
til'eurs, ils s't'lallcerellt sur 1(, postr~, le dt"sar-
merent, et se rendirent maitJ'ps de la position.
T ,e lendemain, Cathelineau se porta sur Cllf~llIi l-
lé, ('t l'enleva encare. malgré deux Cí'nt.o, répl!-
hlícains et trois pieces df' callOll. Un garde-eln;;se
du ehúteau de 1Iau)evri¡'r, nonll1)l; Stnftlet, pi
unicune paYs:lI\ du yillage d(~ Ch:-mzeall. :1Y:1icnl
réulIi ,1,' Iell!' ,'<')1(' 1I1ll' trolljH' de paYSalls. iI.~


I .)




IHo ;;I::n)J.ITIO:\, FH\i\~.AISI·
Vinl'enl se joindre ~t CaLla'linean. q\li osa COl]·
c('\oir le projet d'altaquer Chollct, la ville 1:t
pLls cOllsiclérable du pays, chef-·lien de district,
d gardée pal' cinC{ CCllts républicains, Len!' ma
niere de cOlllbattre fut la mt'mc. Profit:mt des
haies, des inégalités du terraiu, i [s en fOUl't>-
rent le bataillon enncmi, et se mirent ~t tirailler
a eouvert et ~ coup súr, A prés avolr é!mlll k
les répllblicains par ce fell terrible, ils protl-
tácnt <lu premier moment d'hésitation <plÍ SP
manifesta pal'mi eux , 5' élanccrcnt en pOllssanl
de gran:ls cris, renversercllt ICllrs rangs, le!'
désarmel'ent, et les assommercllt ayec lelll's
ha.tons. Telle fut depuis toute leur tactique
militaire; la nature la leur avait indiquée, el
c'était la mieux adaptt>e au pays, Les troupes
qn'ils attaquaient, rangt~Cs en ligne et a décot1-
vert, recevaient UJI fpu auquel iI len!' ,"tait
impossible de répondrc, parec (Ju'elles lll'
ponvaiellt ni faire usage de leur artilleri(', lli
marcher á la baionllette cOlltre des enncmis
dispersés, Dans cette situatioll, si elles n'étaient
pas vieillies a la guerre, elles deyaient etre
bientot ébranlées par un feu si continu, et si
.iuste, que jamais les fenx réguliers des tl'Ollpf'S
de ligue 1) 'out pll l' égalf'l'. Lorsqu' elles yoyaient
Sl1rtout fontlre sur elles ces furicllx, pOllssant
df' grallds Cl'i5, il lem était difficil!' dI:' IH:' pa,>




I:ONVENTlOi\ N.\TIU'IAU, 117y3L IRI
<Iutimidel' el ele lIe ras se laiss('r ['ompl'l'. Alol's
elles étaieut perdues, cal' la fuite, si bcile aux
gens llll pays, étai t il)Jpraticable pour la tl'OUpl'
de ligne. 11 aurait. dOlle fallu lcs soldats les plus
illtrépides puur lutter coutre tallt de désavaJl-
tagtjs, el ceux qui dans le premier 1l10mellt
furellt opposés aux rebelles, étaient des gardes
lIatioll:lUX de nouvelle levée, qll'on prellait
<Ians les uonrgs, pl'csquc tous tres· I'épllbli-
caíns, et que leur zeh~ cOllduisait pOlll' la Prt'·
miere fois au combato


La trulJpe YÍctorÍcusc de Cathclilll'au elltra
dOllc dalls Chollet, s'empara de toutcs les armes
t{ll'cllc y trollva, et fit des cartouches avcc les
gargollsses des callons. Cest toujours ainsi que
les Vendéens sc sont procuré des munitíolls.
Leurs défaitcs HC donnaient rien a l'cullemi,
paree qll'ils n'avaient rien qu'ull fusil OH UIl
l¡;ttO/l qu'ils eJllportaicllt a Lravers les challlps,
et chaqlle victoirc 1cuI' va1aiL toujours 1I11 ma-
tériel de guerre cOIlsidérable. Les insurgés,
victorieux, célébrerent lellr sucees avec rargellt
qu'ils trouverenl, el eusuite brúlerenl tOIlS les
papiers des administrations, dans lesquelles
ils voyaient un instrllment de lyratlllie.lls n'u·
Lrt~l'cllt ensuÍte dans 1eurs villages et dalls 1eurs
fennes, qu'ils I1e vOlllai~1t1 jatnais Cjuiltcl' pOLI t'
IOllg-temps.




,8:1 1\I::\ULLJIU\ ¡'l\\."L\ISl
¡~IlL: autre ré\'oltc bien pllls gt'lJ¡"ntle eL\ al!


éclau'> dans le l\farais et le départemellt de la
\ clHléc. A ?lbcbccuut et ;, ChalLllls, ¡l' n:l'l'U-
tement fu t !'occasiOll ti' UIlSOU ióycmellt Hui-
VCl·SCl. Un llUlmnt" GaSl(¡ll, ¡')('l'l'(¡I!¡¡j,'l'. tua HU


. ,


ofJJciel', prit sou IIlIiforme, St: nat a 1:1 ("'le át.:o.
m{~colltenb, el s'cmpara oc Ctlallans, pUl .... dI:
~,lachec()111, 'Jil sa lT:JUlw bl'fd<l toas les papiers
des administratlulls, el CUlllllllt d(~s lll:1SSaCres
dOlít 1(' Hocag(~ ;¡'avait pas dom¡{: l'cxemplE~.
T¡'(lis ccnU; ré[JIIl;lic,ilis {llfcut fÚ:itilés par
haHdes de \iugl d trclite. ¡ ,é!;; ins'll'gés 1(;,; fai-
s:livnt confesser d'abord, el !es couduisaicllt
ensuite an bord d' une fosse, ;1 coté de laq uelle
ils les fusillaient pour lJ'avoil' pas la peine de
les ensevelir. N antes envoya sur-le-champ quel-
ques cents bommes a Saillt-Philibert; rnais, ap-
prCllant qu'iI y avait ou mOllvemcut ;{ Savenay.
",!le rappela ses IToupes, et les illStlrgés de :\la-
checoul reslprent mahl'es dll P;¡ys cOllqllis.


Dans le départeruell t de la Ven dée, e' est-á-
dire vers le micli eh théatre de cette guerre,
J'insurrectioll prit encore plus de consí" tan ce.


Les gardes nationales de FOlltenay, sorties
pour maJ'cber sur Chantonnay, fllrent n']loll:-i-
sées et battucs. Chantonnay fui pillr". Le gér¡{Tal
Verteuil, <fui comrnandai t la Ollzi(~me di\'i~ion
militairc, en ap¡ncnaut eette défai!e, ellvoya le




(1),\ V E 1'1 TlUi" :\ ATlO\ U,l:. ,,179:)' dj)
gl'uú'al IVlan:é avec dOllze Cc!lIts IWllllllt~S, pal'-
lie de Il'uupes de JjgllC, partie de garetes llatio-
lIale~. J .es rcb('llt~s, rencontrés a Saint-VincE'ut,
furt'I1L re]>oLlssés. Le générall\Iai'cé cut le temps
d'ajollkr ('!lcore a sa petite armée douze cents
/¡OIlJIIICS <'l Ilell f pieces de cauoII. En rnarchallt
.,tU' Salllt-Fulgent, il rem:ulllt'a de nouveau les
VCIHICt'IlS dallS un fond, el s'arTt~ta pOlIr réta-
blir 1111 pont ti u'ils a vaieul detl'uit. V é'I'S les
quatre l1(:1Il'es d'aprt's midi. le ,8 mars. les
\ e!HIpens. jlI'l'nJ.lll l'illitiative, viurent l'atta-
quer. Pruiitaut ellClJi'e des J.Yalltages du sol,
lis COUlllH'IlCel'L'llt a tiraillel' avec teur supério-
"ité ordillail'e, cl'l'1Il>l'ent pen Ú peu I'année
l'épublicaille, !"loIlllée de ce feu si rnenrtriE'l',
d l'éduiln ~l l'impuissauce (l'atteiIldre Ull eH-
nellli, cacll(~, dispet'sé dalls lous les replis du
ICI'l'ailt. Enflll ils I'assaillireul, l'épaudíreut le
désoJ'dre dalls ses rallgs, et o.;'<:'mpart-rent de
i'arlille¡·je, des TlllllliliollS et des armes que les
'-joldals jetaiellt en se retirallt, pOIll' t:tre plus
légers dans lellr fuite.


Ces :mn.:es, plus pl'onoltccs dans le dépar-
I e rIlP 11 I de la Vendée proprement dil:, valurent
dUX illsllrgés If' ltom de Yelldéells, qu'ils COll-
sel'V(~rellt depuis, qnoique la glle/'re hit bIen
plus active hurs ti\' la \ !'Illlt;t'. '.t',o.; hl'igandage:o
~'omllJl~ d;tll" k ~Ln'"i~ It'llI' lil'ell! dnrtlll'l' 1('




Hom de brigands, quoique le plus gralld Hom-
bre ne méritat pas ce titre. L'insllrrection s'é-
tendait dans le Marais, dcpuis les envÍrons de
~alltes jl1squ'aux Sables, et dans l'Anjou et le
Poitou, jusqu'allx environs de Vihiers et de
Parthenay. La cause des succés des Yendéens
était dans le pays, dans sa configuratíon, dans
leur adresse et leur couragc a profiter de ces
avantages naturels, enfin dans l'inexpérience et
l'imprudente ardeur des troupes républícaines,
(lui, levéf's a la bate, vCllaient les attaquer
précipitamment, et leur procurer ainsi des vic-
toires, et tout ce qui en est la suite, c'est-a-
díre des munitions, de la conflance el du COLl-
rage.


La paque avait ramené tOllS les insurgés
dans leurs demeures, d'ou ils ne consentaient
jamaís a s'éloigner long-tell1ps. La gllelTe était
pour eux une espece de chasse- de quelques
jours; ils y portaient <In pain pOllr k telllps
néeessaire, et revenaient ensuite enflarnmer
leurs voisins par leurs récits. Il y ent des ren-
dez-vous donnés ponr le mois d'avril. L'insur-
rection fut alors générale, et s'étendit Sil!'
toute la surface du pays. On ponrrait COIIJ-
prendre ce théatre de la guerre dans une lignc
qui, en partant de!\antes, passeraít par POI'-
nie, l'ik de NoióllOlIliers, les SahJes, LlII,'OIl,




CONVFNTJO:\ ;:{¡\.1'lOS.\.L1C, 17~)3 j. 1 ~:I
FOlltcnay, Niort, Parthenay, el reviendrait par
Airvalllt, Thouars, Doué et Saíllt-Florent jlls-
qu'a la Loirr. L'illsurrection, cOlDlllellcée par
Jes hommcs qllí n'étaicnt supérieurs au:x
paysans qu'ils commandaient que par leurs
qllalités naturelles, fut continuée bientot par
des hommes J'un rang sllpéricur. Les paysans
aIlerent clans les ehateaux, et forcerent les
nobles a se meltre a leur tete. Tout le JVlarais
vOlllut etre eommandé par Charette. II ¿tait
d'une famille d'armateurs de Nalltes; iI avait
serví daus la marine, Olt il était devenu lieute-
nant de vaisseau, et a la paíx iI s'était retiré
dans un chatea u appartenant a un oncle, oú
il passait sa vie a chasser. D'une complexion
faible et délicate, il semblait peu prop1'e aux
fatigucs de la glle1're; mais, vivallt c1ans les
hois, ou il passait des mois cntie1's, couchallt
il ter1'e avec les chasseurs, il s'était renfo1'cé,
avait acquis une parfaite habituele du pays, et
s'était fait connaitrc de tous les paysans par
son aclresse et son cotlrage. 11 hésita J'abord
a accepter le commandement, en faisant sentir
anx insurgés les dangcrs ele l'entrcprise. Ce-
pendant i 1 se renclit a leu1's instan ces , et en
lcur laissant commcttre tous les exces, iI les
compromít et les cllgagea i1'révocablement a
SOIl se1'vice. Habile, 1'1ISÓ, d'UIl caracterc dur




I Se} n EVOLUTJOj,< lo'H\.N\:,USI'.
el d'tllle opiníatreté indumptable, il devlut k
plus terrible des chefs vCllcléells. Tout le Marais
lui obéissait, et avec qnillze et c¡uelquefois
vingt mille hornrnes, il mella~'ait les Sables et
Nantes. A peine hmt son 1l101lllc flll-il rélllli,
llu'il s'cmpara de l'ile de Noirllloutiers, ¡le im-
portante dOllt ii pouvait faire sa place de guerre,
et son point de COIIullllItÍcation avec les :\11-
glais.


nalls le Bocage, les paysans s 'adressprent i.t
'MM. de BOllchamps, d'Elbée, de Lal'Ochcjac-
l{uelein, et les arrachereut de lellrs clli1teaux
pour les mettrc a lcur tetc. 1\1. de BOllcbamps
avait autrefois servi SOtlS M. de SuflreJl, étai l
devenu ún oHicier habite, et réunissait a uue
grande intrépidité un caractere noble el élev('.
11 commanclait tous les révoltés de I'Alljou el
des bords de la Loire. ~I. d'Elbéc avait serví
aussi, et joignait a une dévotiull exccssive
un cal'actcl'e obstiIlé, et \lIle grande intdligence
de ce genre de guerreo C'étút dans le moment
le chef le plus accl'édité de ectte partie du Bo-
cage. 11 cornmaudait les paroisses aulour de
Chollet el de Beaupréau. Cathelilleau t:t Stofflet
gaI'd(~rellt lenr cot11mandement dú a la COII-
fiallce qu.'ils avaient inspirét~, et se réunirent
a 1\11\1, de BOllchal1lps el d'Elbt'T, p01l1' mar-
cher sur Bre:istlÍl't~, 01', se lrouvail. le g<.;néral




(O~ VLNTWJ\ ~;\1 i U.'I .tL I 1 ~~l¡ 18'7
QUt~tilleau. CehIi-ci avait faít eulever du cha-
icau de Clissoll la Üuuille oe Lesclll'c epl'il
SOllp\~OIlIlait de cOllspiratioll, et la détenait á
13re5sui1'e. Hemi de Larochejacquelein, jeune
gelltilholllll1e au!refüis enrolé dans la garde
!In roi, et mainteuaut retiré dans le Bocage,
se trouvait á Clisson chez son cousin de Les-
cure. JI s'évada, sauleva les Auhiers, aú il
était né, et tautes les paroisses autanr de Clá-
tillon. IL se joiguit ensuitc aux autres chefs,
et ayec eux forca le géuéral Quétineall á s'é-
loigner de Brcssuire. }J. de Lescul'e fllt alors
délivn; avec sa famille. C'était un jeulle homme
de L1ge de He"ri Lal'ochejacquelein. Il était
calme, pruclellt, d'une b1'avoure fl'Oide mais
inébranlable, et jaignait a ces qualités un rare
esprit de justice. Ilenri, san cOl/sin, avait une
1>1'a\'o111'e hél'olque et souvent emportée; il
('tait bouillant et généreux. j\1. de Lescure se
mit alors a la tete de ses paysaIls, quí vinrent
se réuuir a lui, ct tous ensemble se rasscm-
blerent a Bressuire pour marcher sur Thouars.
Les femmes de tous les chefs distribuaient des
cocareles et eles drapeaux; 011 s'exaltait par des
challts, on marchait comme a une croisacle.
I;arlllée lIC tl'alnait point avec elle de bagages;
les pay:,alls, flui He voulaiellt jamais rester long.
-t.'mps absellis, portaiellt avec eux le pain né-




I óS I:L\UL!:T!o;I/ I-n \ \C,\ISI.


cessail'c a la dllrée de ehaque expédiliolJ, el ..
dalls lcs ea~ cxtraordinaires, les paroisses avcl'-
tíes préparaíent des vivres ponr cenx quí el!
manquaient. ·eette arméc se composait d'en-
viron trente mille hommcs, el fllt appclée la
grande armée royale et catholiquc. Elle faisait
faee a AlIgers, Saumur, Doué , Thouars et Par-o
thcuay. Entre cctte armée et ecHe dll Marais,
commandée par Charette, se trouvaient divcrs
rassemblcments intermédiaires, dont le princi-
pal, sous les ordres de M. de Royrand, pouvaít
s'élever a dix on donze mille hommcs.


Le granel rasscmblcment cOllllllanrlé par
MM. de Bonchamps, ¡J'Elbée, dc LcscUl'c, de
I~aroehejaequelein, Cathelineau, Stofflct, arriva
dC'v<lnt Thouars le 3 maí, et se prépara a 1'at-
taquer des le 4 all matin. II fal!ait trav('l'ser le
Thollé, qui entoure la víllc de Thouars presqut'
de toutes parts. Le général Qllétineau flt dé-
fendrc les passages. Les Vendéeus CallOJlllel'ellt
quclqne temps avce l'artillerie qu'ils avaienl
prísc aux républicaillS, et tiraillerenl: sur la
rive avec leur SllCC(~S accoutumé. ~L de Lescul'('
voulallt alol's déci(ler le passage, s'avauee all
wilíeu des baIles, clont son habit t'st criblé,
cl Ile peut enlraiIlf'1' qll'UIl seul paysall.Mais
Lal'ocltejac(luelein accourt, ses gells le SlliV('IlI:
UlI passe )e pOllt, el: les républicaius sont 1'('-




(~t)'iVnT[()\ ;v ATIO'i\LE < I 7~):)!. [S~)
f()ulés dans la place. 11 {'allait pr:lliqucr ulle
brl~che, mais on l1lanquait des mOjens néces-
saires. HeIlI'i de Larochcjacqllclein se fait élevcr
sur les épallles de ses soldats, 'et cammence a
atteindl'c les I'cmparts. M. d'Elhée attaque vi-
goureusement de son coté, et Qllét"ineau, ne
pOllvant I'ésister, cansent a se rendre ponr évi-
ter des malheurs a la ville. Les Vendéens, gr.ke
a leurs chefs, se conduisirent avec modél'ation;
aucull exces ne fut commis envers les habi-
tanls, et Oll se cOlltenta de brúler l'al'bre de
la lihertó et les papiers des aclministratiolls.
Le génércllx Lescure rendit a Quétineau les
égards qu'il en avait re<;llS pendant sa déten-
tion a Bres:mire, et vOlllut l'engager a res ter
dans l'armée vendéenne, pour le soustraireanx
sévérités du gonvernement, qui, ne lui tellant
ras compte de l'impossibilité de la résistallce,
le pUIIirait pCllt-etre de s'etrc rendll. Quétineau
l'cfusa générmlsement, et voulllt l'elourner aux
ré¡mblicains ponr demande!' des juges.


-0::;--






(:H A prTR E rv


Lcvp(' d'l\Iw al'ml;'! pal'isit'nlle de 12 millc hOJl1mcs; cm
prllllt force; nOllvell('s nlC'SlIres l'l;\'ollltionnaires conln'
les SlI'ipcctS. - Effervesccnce croissantt' de!> ja('(lbill~ ;',
la slIite des trOllbles des départcllwlltS. - ClIstint' C'.
llomlllé ~('lJéral Cll chef de l'a1'111 ';c' dll Xord. - ''lcell
'iations et m('1J.1C("; des jacollills; "iolente llltte des d('Il.',
('(>ti's d,' la COllYf'ntio!l. - Formation d'une commi,,-
,ion de douzc mel1lbres , destinée i1 examiner les actes
de la comnHIIlC. -- Asscmhll'c insunectiollncllc it la
mairic. lHotions et complots contre la majol'iti! de la
convclltion et ('outr", la "ie des dépUlés girondins;
mémcs projets dans le club des Cort\eliers. - La con
H'Iltion prCll(! dcs lllesures pour sa súret,·,. - Arrcsta-
tioH dllé]wrl. Sl1hstitllt ti" pl'OCllrclII' de la COlllllll1l11'.
- P..titiolls illljwricw;cs d.! b (,()II11111IllC. TUl111llte et
,celle,; de d,'scJl'drc, dalls tUlIles les sel'lÍons. -- }:"éuC'
ments principaus des 2R, ::>9 et 30 mili 1793. Dernien'
lutte des montagllards el des girondins. - JOUl'llt'f'S dH
31 mai et du 2 juin. Détails et circonstanees de l'in-
'mrrectioll dite du 3I mai. - Vingt-ueuf repréSl'nt<lnh
girondins sout mis en arrestatiou, - Caractl'rc el ,,'-
,nltai,; politi(ll1e, {k, eelte jourJJóe. Cou!, d'wil Sl1l' l.,
marche el" la rC\-nllltioll. J u¡,;cl1H'nt SlIr le, siromlill'




I<)''! J:LV(\l.II'IO:' FHA,C\ISr,


eonrant avcc ceUes venues <llI Nord, fflll :tIl-
11011\,aiellt les rcvers de Dampicrre, avec cell('s
vcnnes du l\1idi, qui portaient ({ll(~ les Espagnols
devenaicnt mena<;~mts sur les Pyrénées, avee
tons les renscignemellts arrivallt de plusieuJ's
provinces, ou se manifestaíenl les dispositions
les lIIoins favorables, ces nouvelles répandi-
rent la plus grande fermentation. Plusieurs
départements voisins de la Venrlée, en appre-
Bant le s!1cces des il1surgés , se erureut auto-
risés a envoycr des troupcs pour les eombattre.
Le clépartcmcnt de I'~Tóralllt leva six lIlillions
et six mille hommes, et ellvoya 1Il1e adresse aa
peuple de París, ponr l'engagcr a en faire au-
tant, J ... a convention , encourageant cet ellthou-
siasme, approllva la concluite du département
de I'Hérault, et autorisa par la toutes les com-
munes de Franee a faire des actes de sOllvcrai-
neté, en levant des homm(~s et de l'argent.


La commllnc de París ne resta point en ar-
riere, Elle prétendait que c'était au pellple
parisien a sauver la Franee, el elle se hata de
pronver SOl! úle, et de déployel' son autorité
en orgallisant une al'mée. Elle arreta qlle, d'a-
pres l' approbation solellnelle dOllnee par la
COl/fJentiolZ á la conduite dll départernent de
/'Hémult, il serait levé dal\s l'enccinte de París
Hne' armée d(' t!ot!z(' millp ]¡OJllIlH'S, p()ur mar-




CONVENTION N ATlON ALE (" I ¡q3:. t Q. :\
,~ .


cher contl'c la Vendée. A l'exemple de la con-
vention, la commune choisit dans le cOllseiL
généraL des commissaires pour accompagnel'
eette armée. Ces dOllze mille hommes devaient
etre pris datls les compagnies des sections ar-
m~es, et sur chaquc compagnie de cent vingt-
six i[ devait en partir quatorze. Suivant la cou-
turne révolutionnaire, une espece de pouvoir
dictatorial était laissé au cmnité réyolutionnaire
de chaque section, pour désigner les hommes
dont le rlépart était sujet a moÍns d'inconvé-
nients.-« En cOllséquellce, disait l'arreté de la
commllne, tous les commis non mariés de tous
les bureaux existant a Paris, excepté les chefs
et sous-chefs, les clercs de notaires et d'avoués;
les commis de banquiers et de négociants,
les gar<,{ons marchands, les gar<:;ons de bu-
reallX, etc .... pourront etre requis d'apres les
proportions ci·apri's: surdellx, il ell partira uu;
sur trois, r!eux; sur quatre, deux; sur cinq,
trois; sur six, trois; sur sept, qllatre; sur
huit, quatre; et ainsi (!c suite. Ceux des comlllis
des hureaux qlli partiront conserveront leurs
plaees, et le tiers de leurs appointements. NlIl
lIe pourra rcfuser de partir. Les citoyens req uis
fcront COllllaltre :tll comitt"> de lenr section ce
quí manqne á lenr éCJlIÍpement, ct iI Y sera
pourvll sUI·-le-champ. Ils se réuniront imrué-


lY. 13




19'í nn'UIlTI(),\ Fll\X(,:AISF.
diatemellt apres pOllr 110mmcr leurs oHicÍC'/'s,
,'t se rendront tout de snitl:' a leu /'5 ordres,))


Mais ce n'était pas tont que de lever une a1'-
mée, et (le la former aussi vjolemment, jI fal-
¡ait poul'voir aux dépenses de son entrelicn;
et pour cela, il fut convellU de s"adresser aux
riehes. Les riehe!> , disait-on, ne youlaiclIt ríen
faire pour la défense du pays et de la ré\'o-
¡ ution; ils Yivaiellt dalls une heureuse oisiveté,
et laissaient au peuple le soin de versel' son
sang pour la patrie; il fallait les obliger a con-
tríbuer au moins de ICllrs richcsses au salut
commun. Pour cela, on imagilla un emprulJt
forcé, fourni par les citoycus de París, SIlÍ vanl
la quotité de leurs revenus. Depuis le revenu
de mille francs jusqu'it celui (le einquante
mille, ils dcyaient fournir une somme propor-
tionnelle qni s' élcvait depuis tnmte franes j llS-
qu'a vingt mille. 'fous ceux dont le revenll
dépassait cinquantc millf' franes deyaient s'en
réserver trente miHe, et abandollner tout le
reste. Les meubles et immeubles de cellX qui
n'auraient point satisfait a eette patriotique
contribution, devaient etre saisis et vendns a
la réquisition des comités révolutionnaires, el
leurs personnes regardées comme sllspectes.


De tcIles mesures, qui atteignaienl toutes
¡P.~ elasses, soit en s'adressallt allx pel'sonnes




COX\'FI'íTIO'V "iUfOYALF i 1793:. 19 j
pour les obligel' a pl'endre les armes, soit en
s'adressant allx fortuncs pour les faire contri-
buer, devaient ~prouver une forte résistance
claus les seetions. On a déjit vü qu'il existait
entre elles des divísíons, et qu'elles étaiellt
plus 011 ll10ins agitées suivant la proportioll
dans laquelle s'y trouvait le bas peuple. Daus
quelqlles-unes, et notamment eelles des Quinze-
Villgts, des Gravillier::, de la Halle-all-nIé, on
eléclal'a qu' on ne partirait pas tant qu'il reste-
raít a París des fédérés et des troupes soldées,
lesqllelles servaient, disait-on, de gardes-du-
COl'pS á la eonvention. Celles-ei résistaient par
esprit ele jacoLinisme, mais beaucoup d'autres
résístaient pour une cause eontraire. La popu-
latíon des clcrcs, eles commis, des garl(ons de
boutique, reparut dans les sections, et montra
une forte opposition aux deux arrctés de la
commune. Les ancieJls servíteurs de I'aristo-
cratíe en fuite , qui contribuaient beaucoup a
agiter París, se réUllirent a eux; on se rassem-
bla clans les rues et sur les place s publiques,
on cría ti bas les jacobins! ti bas la i11ontagne!
et les memes obstacles que le systeme révolll-
tionnaíre rencontrait dans les provinees, ¡11es
rencontra cette [ois ,{ París"


Ce fut alors un crí général eontre l'aristocra-
tie des seetions. :Marat dit que MM. les épiciers,


13.




19G ra:VOLUTlON ¡"RA '>CA 1sr.
les procureurs, les eommis, conspirai(~lIl aveC'
'1M. dll coté droit, et avec MM, les riches,
pOlll' combattre la révolutioll; qu'il fa11ait lt>:;
arreter tous comme Sllspects, et les réduire i-I
la classe des sans·culottes, en nc pos lfUI' lais-
sallt de quoi se COllvril' le derrie,'e,


Chaumette, procureur de la com11l1l11C, {il
un long discours oú ii déplora les malheurs de
la patrie, provenant, disait-il, de la pel'fidiC'
eles gouverllants, de l'égo'isme des riches, de


o e


rignoranee du peuple, de la fatigue et du dé-
goút de beaueou[J de cÍtoyells pour la chose
publique. 11 pro posa done pt tit alT(~ter fln'on
demanderait a la convention des lllOyens d'ins-
truction publique, des moyens de "ainere l'é··
gOlsme des riches, et de venir au secoul'S des
pauvres; qu'on formerait lIne assemblée COITI·
po~ée des présidents des cümités révolution-
naires des sections, et des d{>¡JUtés de tous les
corps adlllillistratifs; que celte asscmblée se
réuuirait les dimandlf's ct jeudis a la communc,
ponr aviser aux dangers de la chose publique;
qu'enfin OIl inviterait tous les bons citoyens a
se remIre dans les assemblées de sectioll, pour
y faire prévaloir le patriotisme.


Danton, toujours prompt il trOl!ver des res-
sources dalls les mOHlellls difficiles, imagina
de composer deux al'lIlées de ~alls-culottes,




ULWFNTIOi'< NATlO'íALE i,1793\ 1 !)~
dout l'une marcherait sur la Vemlée, tandis
que l'autre resterait dans Paris pour coutcnir
I'arlstocl'atie; de les solder toutes deux aux
dépens des riches; et enfin, pour s'assllrcr la
lIIajorité dan s les sections, il propasa de payel'
les citOYCllS qui perdraient ]ellr temps pour
assister a leurs séances. Robespierre, emprun-
tallt les idées de Danton, les développa aux
Jacobins, et propasa en outre de former de
lIouvelles classes de suspects, de nc plus les
borner aux ci-clcvaut nobles, OH pretres OH fi-
nancÍcrs, mais il tOl/S les citoyeus qui avaieut
de quelque llI<tllitTe fait preuve d'incivisme;
de les enfermer j usqu' a la paix; d' accélérer eu-
core l'action du tribunal révolutionnaire, et
de contre-balancer par de nouveallx moyells
dc comml1nication reffet des mal/vais joumaux.
Avec toutes ces ressources, on pouvait, disait-
¡J, sallS mO}ell il1égal, sans violation des loÍs,
résister an coté droit ct a ses machinations.


Toutes les idées se dirigeaient donc vers UlI
hut, qni était d'armer le pellple, d'en placer
lIne partie au dedans, d'en porter une antrc
an deftol's; de l'équiper aux frais des riches,
de le faire 111t~me assister a leurs dépens ;',
tOlltcs les asst'mblées déJibéralltes; d' ellft'rmel'
lo(\s les ellllemis dc la révolutioIl sous le HUIll
d!' swpl'cIJ, bien plus largement détini qu\1




198 UÚOLUTJüN ~FRAN~:.\ISL
ne l'avait été jusqu'ici ; d'établir entre la COI1l-
mune et les sections un moyen de correspon-
dallce, et pour cela de créer une nOllvelle as-
semblée révolutionnaire quí prit des moyens
nouveaux de salut, c'est-a-dire l'insurrectioll.
L'assemblée de l'Éveché, précédemmellt dís-
soute, et maintenant renouvelée, sur la pro-
position de Chaumette, et avec un caractere
bien plus imposant, était évidemmcnt desti-
néc a ce but.


Du 8 an 10 maí, des nouvelIes alarmantes
se succedcnt. Dampierre a été tué a l'arméc
du Nord. Dans I'intérieur, les provÍnces COIl-
tinuent de se révolter. La Normandie tOllt en-
tiere semble prete a se joindre a la Bretagnc.
Les insurgés de la Vendée se sont avancés de
Thouars vers Loudllll et l\1ontrellíl, ont pris
ces denx villes, et ont ainsí presque atteint
les bords de la Loire. Les Anglais déuarquallt
sur les cotes de la Bretagne \'ont, dit-OII, se
joíndre a eux et attaquer la république an
creur. Des citoyens de Bordeaux, indignés des
accl1sations portées contre leurs députés, et
montrant l'attitude la plus mena<{ante, out
désarmé une sect10n ou s'étaient retirés les
jacobins. A Marseille, les sectioIls sonten plcinc
insurrectioIl. Révoltées des exces commis sous
11' prétexte du désal'mcment des SlIspects, elles




c\nVE:\T10:' l'iATILHOLL ',l,;gr'. I~n
se sont réunies, out Jestitué la commUlle,
transporté ses pouvoirs a un comité, dit co-
mité central des seetions, et institué un tri·
bunal populaire, pour reehercher les autellrs
des IlH'Urtrcs et des pilIages. A pres s'etre uinsi
conduites dans leur cité, elles ont envayé des
députés aux sectians de la ville d' Aix, et s' ef-
forcent de propager lenr exemple clans tout
le département. Ne respectant lllcmc pas les
commissaires de la conventíon, elles out saisi
leurs papiers et les ont sommés de se retire!'.
A Lyon, le désordre est aussi grave. Les COl'pS
administrutifs unis aux jaeobins ayant ordonné,
.1 fimitation de París, une levée de six millions
el de six mille hommes, ayant en outre vonltl
exécuter le désarmement des suspecls, et il1s-
titucr un tribunal révolutionnaire, les sections
se sont révoltées, et sont pretes a en venir aux
mains avee la eOlOmune. Ainsi, tandis que l'ell-
uemi a vanee vel'S le Nonl, l'insurl'ecLioll partallt
de la Bretagne et de la Vendée, et soutenue par
les Anglais, peut faire le tour de la Frallce par
Bordeaux, llonen, Nantes, JYlarseille et Lyon.
Ces nouvelles arrivant l'une apres l'alltre clans
fes pace tle deux OH trois jours? dtl I? au 15
ll1ai, {Ollt naitl'e les plus sinistres présages dalls
l'eSj)ril des montagnards et des iacobins. Le~


'- "


prupositiüns déja f~litt'S se rellüllVcllellt cllcorc




2UO Ri':VOf.lJTION .FIUNt;,:,\lSL


avec plus de fureur; 011 vent que tous les gar-
t;OIlS des cafés et d€s traiteurs, que tous le~
domestiques partent sur-le-champ; que les so-
ciétés populaires marchent tout entieres; que
des commissaires de l'assemblée se rendent
<lu5sit6t dans les sectÍons pour les décidcr a
fournir leur contingcnt ; que trente mille hOll1-
mes partent en poste dans les voitures de luxe;
que les riches contribuent sans délai et don-
nent le dixicme de lcur fortune; que les sus-
pects soient cnferm{~s et gardés en otage; que
la conduite des ministres soit (~xamillée; que
le comité de salut pllLlic soit charg(~ d(~ d·di-·
gel' une instruction pour les citoycns dOllt 1'0-
piníon est égarée; que toute affai.re civile cesse,
que l'activité des tribunaux civils soit sllspen-
dlle, que les spectacles sOlent fermés, que le
tocsín SOllue, et que le canon d'alal'me soit
tiré.


Danton, pour apporter que1que aSSllranCl:
au milieu de ce trouble gónéral, fait deux re-
marques: la premiere, e' est que la crainte de
dégarnir París des bons citoyens qui sont né-
cessaires a sa súreté, ne doit ras empecher le
recrutement, cal' iI restera toujollrs a París
cent cínquante mille hommes, prets ,1 se lever,
et a exterrn i ne 1" les aristocrates qui oseraient
.,;'y O1Olltl"l'r; la seconde, c'est que l'agitatioll




CONVE"NTIO:\ NHlO.NALE \1793). 201
des guerres civiles, loin d'etre un sujet d'es-
poír, doit etre au contrairc un sujet de ter-
reur po nI' les ennemis extér.ieurs. « ::\Iontes-
« quieu, dit-il, I'a déja remarqué en parlant
« des JI omaills; un peuple dont tous les bras
« sont armés et exercés, dont toutes les ames
« sont aguerries, dont tous les e'sprits sont
« exaltés, dont ton tes les passions sont chan-
« gées en fnreur de combattrc, Ull td pcuple
« n'a rien a craindrp du courage froid et mer-
« cenairp des soldats (·trallgers. J~c plus faible
(( des dcux partís que la guerrc civil e mcttrait
« anx prises, scrait toujours assez fort pOlIl"
« détruire des automates a qní la chscipline ne
« tíent pas licll de vie et de fen. ))


11 est ordonné anssitót que quatre - viugt-
seize commissaires se rendront dans les sec-
tiolJS pOLlr ohtenir lenr cOlltingellt, et que le
comité de sallll pul)lic continuera ses fonctions
penclant uu mois de plus. Custille est nommé
général de l' armée du N 01'<1, TIouchard de eeUe
du Rhin. On faíl la distriblllion des armées
autour des frontieres. Cambon présente un
projet d'emprullt forcé d'un milliard, qui sera
rcmpli par les riches et hy pothéqué SI Ir les
bíCIlS des émigrés.- « C'est un mOJcll, dit-íl, d'o-
bliger les riches á prendrl' part á la r{'volutioll,
'~n les réduisallt a acqu{~rir uue partie de~




202 HÉV{)Ll.iTlO~ l'RANCAISE.


biens natlOllaux, s'ils venlent se payer de !elll'
créallce sur le gage llli-meme.ll


La commune, de son coté, arrctc qu'une sc-
conde armée de sans-culottes sera formpe dans
Paris pOUI' contenir l' aristocratie, tandis qllc
la premiere marchera contre les rehelles; (lll'il
sera fait un emprisonnement général de tous
les suspects, et que l'assemblée ccntrale des
sectiolls, composée des autorités administra-
tives, des présidents des sections, des mem-
bres des comitps révolutionnaires, se réunira
au plus tot pour faire la répartition de l'em-
prunt forcé, et pour reeliger les listes des sus-
pects, etc ..


Le trouble était au comble. D'une part, OH
disait que les aristocrates du dehors et ceux du
dedans étaient d'accore!; que les conspirateurs
ele Marseil1e, de la Vendée, de la Norlllandie,
se concertaiellt entre enx:; que les membres dll
coté droit dirigeaiellt cette vaste conjllratioIl,
et que le tumulte des sections n'était que le
résultat de leurs intrigues (hus Paris : tl'autre
part, on attribuait a la Montagne tous les ex ces
commis sur tous les points, et OIl lui imputait
le projet Je boulevet'ser la Frallce, et d'assas-
siner vingt-deux députés. Des Jeux cotés, Oll
se demalldait comment on sortirait de ce péril,
et ce qu'on fórait pOUl' sauver la république.




COXVJiNTIO_'i NATfON\LE 1,1793'. :w3
Les lllcmbI'es du coté dI'oit s'excitaient au cou-
l'age, et se conseillaiellt quelq ue acte d'une
grande éllel'gie. Certaines sections, telles que
ceHes du 1\1ail, de la Butte-des-::\ioulins, et
plusieurs autI'es, les appuyaient foI'tement, et
I'efusaient el'envoyer des commíssaiI'es a 1'as-
semblée centrale formée a la mairie. Elles refu-
saíent anssi de souscI'ire a l' emprunt forcé, di-
sant qu' elles pouI'voiraient a l'elltI'etien de leurs
voloutaires, et s'opposaient a de l10uvelles listes
de suspects, disant encare que lcuI' comité I'é-
vollltionnaire suffisait pour faire la police dans
leur ressort. Les fIlontagnards, an contraire, les
jacobills, les cordelieI's, les mcmbres de la com-
mune, criaicnt a la trahison, I'épétaient en tous
lieux qu'il f;lllait en finir, qu'on devai t se I'é-
unir, s'entendre, et sauveI' la I'épllbJique de la
conspiration des vingt-dcnx. Aux Cor'deliers,
on disait ollvertemcnt qu'il LlIait les enlever
et les égorger_ Dans une assemb!t',c Ol! se ré-
unissaient des femmes furieuses, on proj]0sait
de saisir l'occasion dn premier tumulte a la
convention, et de les poignar·der. Ces forcenées
portaient des poignards, faisaient tons les jours
grand bruí t dans les trilmnes, el disaient qn' elles
sauver'aient dles-memes la r<'-publique. On par-
lait partout du nombre de ces poignards, dont
un seul annurier du faubollrg Saiut-Alltoinc




204 REVOLIJTION f'JlAN(,:AISL.


avait fabriqué pJusieurs centaines. De part d
d"autre, OH marchait en armes, et avec tous les
nwyens el'attaquer et de se défcndre. JI n'y
avait encore aucun complot arreté, mais les
passions en étaient a ce point d'exaltation, oú
le moindre événement suffit pour amcnel' une
explosiono Aux Jacobins, on proposait des
moyens de toute espece. On prétendait qlh'
les actes d'accusation dirigés par la commune
contre les vingt-deux ne les empechaient pas
de siéger encare, et que, par canséquent, iL
t'allait un acte d'óncrgie papuL1ire; que les ci-
toyens destinés a la V cndée He dcvaicllt p:1S
partir avant cl'avoir salivé la pat['i(~; que lc
pcuplc pOllvait la sauver, mais qu'il était llé-
cessaire de lui en indiqllcr les moyens, et que
pour cela il faIlait Ilomrner un comité de cinq
membres, auqllella société permettrait d'avoit'
des secrets pOlfl' f'!le. D'autres répolldaiellt
qu'on pouvait tout dil'c clans la société, ([u"jl
était inutile de vonloir ríen cachcr, et qu'il était
temps d'agir a découvert. Robespierre, qui lroll-
vait ces déclarations imprudentes, s'opposait ú
ces moycns illéganx; il c1emandait si 011 avait
épuisé tous les moyens utiles et plus surs qu'il
avait proposés. ( A vez-vous organisl', lellr d i-
« saít-il, votre armé'c révolntioIlnaire.> ,\ vez-
,( VOllS faít ce qu'íl bllait pOUl' paylT [es saWi-




CO"'V~:NTION N ATlO~ .\LF ': J 79T . 205
" enlaltes appdés aux armes on sit'gcaIlt dalls
(( les sections? AyeZ-VOllS alTeté les snspects?
f( Avcz-vous couyprt vos places puhliques de
« forges et d'aleliers J Vous n'asez donc em-
" ployé allCllIH' des mcsures sages el natllrellcs
« CJui He compromettraient pas les patriotes,
" et VOI1S sOldTrez qne des hommes, qui n'ell-
« tClldcnt ríen a la chose publique, vous pro-
" posent des mesures qui sont la cause de toutes
I( les calolllllies rt>pandues contre vous! Ce Il'est
« l{u'apres avoir éplIisé tous les ll10yens légaux,
« f)u'il faut recollrir aux moyells violents, et
(( clIcorc ]le {aut-il pas les pl'oposer dans l/tlf'
" sociél!~ qui dOlt etre sage el poliliqlle. Je sais,
« ajoutaitRobespierre, qU'OIl m'accusera de
« modérantisme, mais je suis assez connu pour
« ne pas craindre de telles imputatioIls. ))


lcí, cOlllmc avant le 10 <loót, 011 sentait le
jwsoiJl d(~ prelldl'c un partí, on errait de pro-
jets en pr'ujets, on parlait d'un líen de réunion
pour panellir á s'elltendJ'e. L'assembJéc de la
mairie avait été formée; mais le départernent
n'y était pas présenl; un seul de ses membres,
le jacohin Dllfourny, s'y était rendll; plusiclIrs
sl'ctions y manquaicnt; le maire n') avaít }las
encore pdru, et on s'était ajourné au dirnanche
19 mai, pour s'y occuper de l'objet de la ré-
ullion .. :Ualgré le but, en appal'em:e asscz cir-




20G nÉ\OUJTW, FIL\N(;\ lSE.


eOllscrit, que l'al'reté de la commune fixait a
eette assemblée, OH y avait tellu les propos qui
sc tcnaient partoul, et on y avait dit, comme
ailleurs, qLL'il fallait un liouve:1ll 10 aout. Ce-
penclant OH s'était bomé a de m:lllvais propos,
a des exagérations de club; iI s'y était trouvé
des femmes melées aux hommes, et ce tllllllll-
tueux rasseml)lernent n'ayait of[crt que le méll1c
clésordre d' esprit et de langage que présentaient
tOllS les liellX publies.


Le 15, le J (j et le J 7 mai se passent en agi-
tations, et tout devicnt ulle occasion de que-
relle et de tumulte dans l'asseJll Llée. Les 1301'-
delais envoient une atlresse, dans Jaquclle ils
annoncent qu'ils vout se lever 130m soutcnir
leurs déplltés; ils déclarent qn'llne partie d'en-
tre enx marehera sur la V cndée, pour com-
battre les rchelles, tandis que l'autrc marchera
Sllr París, pOllr exterminer les anarchistes qui
oseraient atteoter a la représcntation llatio-
nale. Une lettre de Marseille annonce que les
seetions de eette ville persistent dans leur ré-
sistance. Une pétition de Lyon réclame du
secours pour quinzc eents détenns, enfermés
sous le nom de suspeets, et menacés du tribu-
nal révolntionnaire par Chalier et les jacobius.
Ces pétitions excitent un tumulte époLIvan-
table. Dans l'asscmblée, dans les tribunes, OH




COSYE:\TION X ATIO'\.\T.F {r 7~l3'. ').07
sClllble pl'et ;1 en venir allX maius. Cependant
le cuté droit, s'allimant par le dangE'I', com-
lllllUiquc son courage á b Plaine, et Oll dé-
cn~>te a une grande majoritt'> que la pétitiull des
Dordelais esl UII llIodde de patriotislllP; 011
casse tOllt triounal révolutiolluaÍre érigé par
des antorités locales, et 011 autorise les citoyeJls
flll'on voudrait y traduire, a repousser la force
par la force. Ces décisions exalteut ~l la foís
l'indignatio11 de la ~Iolltagne et le courage du
coté droit. Le 1 S, l'irritation est porté e :m
comble. La )TontaglJe, pl'ivée d'un grano nom-
bre de ses lIlembfl~S, ellvoyés comme commis-
"aires dalls les départements el les armées, crie
;t I'oppression. Guadet demande aussitot la pa-
role, pou!' une applicatioll historique aux cir-
C011stances présentes, et il semble prophétiser
d'une maniere effrayante la destinée des partís.
« Lorsqu'enAngletcrre, dit-il, ulle majorité gé-
c( néreusc voulllt résister aux fureurs d'une mi-
« llorité f:tcticllse, eette minorité cría a l'op-
« pl'ession, et parvint avec ce cri a rncttre en
« oppression la majorité elle-meme. Elle ap-
« pela a elle les patriotes par excellcnce. C'est
(. ainsí que se qualífiait une multitud e égarée,
« á laqncllc OH promettait le pillagc et le par-
« tage Jes terrps. Cet appcl continuel aux pa-
« triotes par e.xcellellce, eontre l' oppression de




208 lU~\'oLnTlON Fl\A1'H;AISr:.
« la l1lajorité, aUlPua l'attentat connu sous lt'
« nom de purgation dll parlement, attentat
« dont Pl'ide, qui de boucher était devenu co-
( louel, fut l'auteur et le chef. Ceut cinqu:mte
« membres furent chassés dn parlcmeIlt, et la
( minorité, composée de cinquantc 011 soixante
c( membres, resta maitresse de l' état.


« Qu'en arriva-1·il? Ces palrioles par excel-
«( lence, instrlllllents de Cromwell, C't anxquels
« il fit faire folies sur folies, fnrent chassés a
« lenr tour. Leurs propres crimes servirent de
« prétexte a 1'1lslIJ'pateur. )) lci Cuarlet, mon-
trant le bOlIche!' Legendre, Danloll, Laeroix,
et tous les alltres députés accllsés de mauvaises
mceurs et de dilapidations, ajoute : c( Cromwell
« entra un jour an parlement, el s'adressant
« a ces mf.mes membres, 'luí seuls, a les en-
« tendre, étaient capables de sanver la patrie,
« i I les en chassa en disan t ;\ l' UIl : toi, tu es
« un voleur; a l'autre : toi, tu es uu ¡Yragne;
« a celui-cÍ : toi, tu es gorg('~ eles deniers ru-
( blics; a celni-la : toi, tu es un coureur de
([ filles et de mauvais lieux. Fuyez done, dit-
« il a tous , céclez la place :l des hommes de
({ hien. lls la céc1erent , et Cromwell la prít. ))


ectte allusion grande et lerrible tOllche
prOfOlldf>ment l'assembJée, qui drmcllrc si-
lencieusl'. Gllad .. 1 l'olltillue, ('t, pUlIr pl'évenir




CONVENTlON N A Tllli'U LE ~ r 793). ')'09
cette pu/'gation pridiell/le, propose di\'crs
Illoyens de police que l'assemhlée adopte au
milieu des murmures .. Mais, talldis qu'iL rega ..
gne sa place, IIne scene scandaleuse éclatc dalls
les tribunes. Une femme veut en enlever un
lwmme ponr Le mettre hors de la salle; OIl la
seconde de toutes parts, et le malheureux qui
résiste est pres d'étrc accablé par tonte la po-
pulatioIl des tribuues. La garde [ai t de vains
efforls ponr rétablir le calme. Marat s'écl'ie que
cet homme qU'OH vellt chasser est UlI aristo-
erate .... L'asscmblée s'iudigne contreMarat de
ce (llúl augmclllc le dangcr de ce malheureux,
expos() a étre assassiné. II répond q u' Oll ne sera
tranquille que lorsqu'on sera délivré des aris-
tOCl'ates, des complices de Dumouriez , des
hommes d'élat .... c'est ainsi qu'il nommait les
membres clll coté droit, a cause de leur répu-
tatioll de talento


Aussit()t le président ISllard se décollvre, et
demande a [aire une déclaration importante. 11
est écouté avec le 1'1 us granel silence, et, ti II ton
de la ptus profonde dOllleur, il dit : ,( On m'a
« révélé un projet de l' Angleterre que je dois
« faire connaitre. Le hut de Pitt est d'arlller
([ une partie du peuple contre l'autre, en le
« pOllssant a l'insurrection. ectte insurrection
"doitcommellcerpar lesfemmes; onsepol'tera




21 n RÉ\'OLLITION FR A.NCAlSE.


I( contre plusieurs dépntés, 011 le~ égorgera,
« on dissolldra la conventioIl nationale, et ce
({ moment sera choisi pOUI' faire Ilne descente
« sur nos cotes.


« VoiHl, dit ISllal'd , la déclaration que je
(e devais a mon pays. ))


La majorité applauclit Isnard. On ordolllle
l'impression de sa déclaration; on décrete de
plus que les députés ne se sépareront point, et
que tous les dangers leur seront communs. Oa
s'expliqlle ensuite sur le tllmulte des tribulles.
On dit que ces fernmes qui les troublent appar-
tiennent a une société dite de la .Fratemité,
qu'elles viennent occuper la salle, en exclurc
les étrangers, les fédérés des départements,
et y trollbler les délibérations par leurs huées.
11 est question alors des sociétés populaires,
et les murmures éclatent allssitot. 1\Iarat, qni
n'a cessé (le parcourir les corridors et de passer
d'un banc de la salle a l'autre, parlant tOll-
jours des hommes d'état, désigne l'un des
membres du coté droit, en lui disant : Tu en
es un, toi, mais le peuple fera justice de toi
el des mitres. Glladet s'élance alors a la tri-
bUlle, pour provoquer au milieu de ce danger
une détermination courageuse. Il rappelle tons
les troubles dont París est le théitre, les pro-
pos tenus dans les asscmblées populaires, les




(:()NVE~{TION NATI()N~U: (J 79:):. :>.11
affrellx discours pl'Oférés aux J acobius , les
projets exprimés dans l'asscmblée réunie a la
mairie ; il (lit (Ine le tumnlte dont on est témoin
n'a pour but que d'amener une scene de con-
fusion , au milieu de laquelle on exécutera les
assassinats qu'on mécEte. Achaque instant in-
terrompu, il parvicnt néanmoins a se [aire en-
tendre jusqu'au bont, et propose deux mesures
d'une énergie hérolquc mais impossible.


« Le mal, dit-il, est dans les autorités anaI'-
« chiques de Paris; je vous propose donc de
« les casser, et de les remplacer par tOllS les
« présidellts de section.


(( La convention n'étant plus libre, il faut
« réunir ailleurs une autre assemblée, et dé-
« créter que tous les sllppléants se réuniront a
« Bourges, et seront prcts as'y constituel' en
(( convpution , an premier signal que vous leul'
« donuerez , 011 au premier avis qu'ils rece-
(( vront: de la dissolutiou de la cOllvention. )


A eette double proposition, un désordrc
épouvantahle éclatc dalls l'assemblée. Tous les
membres du coté droit se leveJlt en criant que
c'est la le seul moyen de 5alut, et semLlent
J"f'rnercier l'audacieux géuie de Guadet, qlli a
SIl ¡f~ découvrir. Le cúté gauchc se leve de son
("óté, lTIell<lCe ses adversaires, erie a SOIJ tour
C[lle la cO!1spir;¡tion est enfin décollverte, (lue


1(1·




') I .~ H 1~\'nL()TION FH ~ "i(.:¡\ ISF.


Ip,s conj ur(~S se dévoi lent, ('t qlW lems proj('t~
COJltre l'unité de la républiquc son t aVOl\(\S.
Danton veut se précípiter a la t1'ibulle, mais
on j'arrete, et on laisse Barrére I'occupcr au
nom du comité de salut publico


Barrere, avec sa finesse insinuante et son
ton conciliateur, dit que si on l'avait laissé
parler, il aurait depuis plusieurs jours rév(~lé
beancoup de faits sur l'état de la France. Il
rapporte alol's, que partont OH parle el'un pl'O-
jet de dissOlHlre la convention, que lp prési-
dent de sa section a recneilli de la houche dn
procureur Chaumette des propos qui alllJOIJ-
ceraient ceHe intention; qu'a l'Éveché, et dalls
une autre asscmblée de la mairíe, il a été ques-
tíon du merne objet; que pour arríver a ce
1mt, OIl a projeté d'cxciter un tumuIte, de se
servir des fernmes ponr le faire nalt1'e, et <1' en-
lever vingt-deux tetes á la faveur dn désorrlrf'.
Barrere ajoute que le ministre des affaires
étrangeres et le ministre de l'in térieur doivent
s'etre procuré á cet égard eles renseignements,
et ql1'il faut les entendre. Passant ellsuite aux
mesures proposées, il est, ajollte-t-it, ele l'avis
de Guadet sur les autorités de Paris; il trouve
un département faible, des sections agissant
en souveraines , une cornmune excitée a tous
les dpbordements par son procurcnr Chall-




íONVENTlOl'i l'iATI¡¡:\AI.E \J7YJ :A1:1
Illette, anejen l1loi 11 e , et suspccl COIllIIlC tous
les cí-devallt pretres et nobles; mais il croit
que la dissolution de cesautorités callserait tUI
tumulte anarchiquc. Quant a la réunion des
suppléants, a l\ourges, elle ne sauverait pas la
convention, et nc pourrait pas la suppléer. JI
ya, suívant lui, un moyen de parer a tous lf's
dallgel's réels dont on est entollré, san s se
jeter dalls dc trop grallds inconvéníents: c'est
denommcr Ulle commission composéc de dOllZC
mcmbres, (plÍ sera chargée de vérifier les ac-
tes de la commUlle dqmis mi mois, de recher-
cher les complots tranH;S dans l'intéricur de
la répllbli(lue, et les projets formés cOlltre la
I'epl'ésentation llatiollale; de prendre aupres de
lous les comités, de tOIlS les ministres, de toutes
les autorit(~s, les rellseigllemellls dont elle aUI·a
hesoill, et autorisée eufin a dispOSL'I' de tOll5
lb IlJoyells lll'cessaires pOUf s'assLll'er de la
persollllC des conspirateufs.


Le premier dan d' enthousiasmc et de courag,:
passé, la majorité est trop hellreuse d'adoptcr
le projet conciliateur de Barrere. Rien n'était
plus ordínaire que de nommer des commis-
sions ; :l. chaq ue événemellt ,'a chaque dangcr,
pour cbaque beso in , on créait UJl comité chargé
d'y pourvoir, et des que des individllS étaienl.
Ilommés pOtll' l'Xl'cllter tllIC cliO~l', I'assembléf'




'..1. 14 H EVOLU'l'ION l!'l\ANCA ISE.
sernLlait croire que la cllOse sprait exécutée,
d que des comlt('s apraient ponr elle OH du
cOllrage, 0\1 des lumieres , ou des forces. Ce-
lui-ci devait ne pas manqlle!' d'énergic, et il
était composé de déplltt~s appartenant presque
tOHS <tu coté droit. On y comptait entre au-
tres Boyer - Fonfrede, Rahant Saint-t:tiennc,
Kervelegan, Henri Larivicre, tons membres
de la Gironde. Mais l'énergie nH;m(~ de ce
comité alhit lui l~tre fllneste. Institl\(~ p0111'
mettr.: la conveutiolJ á COllvert des mouvc-
mCllts des jacobins, il allait les exciter davan-
tage, et augmenter le danger merne qu'il (~tait
destiné á écarter. Les jacobins avaient mellac<~
les girondins par lems cris de chaque jou!'; les
¡:;irondins rendaient la menace, en instituant
une cOll1missioIl, el :'t C(ji.te menaee les jaco-
bins allaient répondrc eufill, par UH COllp fatal,
<'JI faisallt le 3 r mai et le ? juin.


A peine celt(~ c()mrni~;si()n fllt-dle jnstitul'C,
{Iue les sociétés poplllaires et les sections cri¿~­
rent, cOIllme d'usage, il I'illquisition ct i1 la
loí martiale. L'assembléc de la mairíe, ajour-
[¡{~p au dimanche 19, se rt;unit ('n effet, et fuf
pllls nombl'ellS(~ que dans les spances préd-
dClltes. Cf'\wndalll le maire n'y dait pas, f't
1m administrateu!' de poliee présidait. Qud-
'Illes seclions manquaient au ,'endez-yous, d




CON V };NTIO~'i N ATtO;; A l."; (179:3). ':Al :l
d Il'y eIl avait guere que trcule-cillq qui eus-
sent envoyé leurs commissaires. L'assemblée se
qualifiai.t de comité central ré!Jolutionnaire. On
y canviellt d'abon] de ne rien écrire, de ne
tenir allcun registre, et d'empecher quiconque
voudra se retirer de sortir avant la fin de la
séallcc. Un songe ensuite a fixer les objets
dont il f~mt s'occuper. L'objet réel et allnoncé
était l'empnmt et la liste des suspeets; néan-
moios, des les premieres paro les on eom-
meoee a dire que les patriotes de la eOllVelJ-
lÍan sont impuíssants ponr sauver la ehose
publique, qu'il est néeessaire de suppléer a
leur impuiss;lIlce, et qu'il faut pour cela re-
chereher les hommes suspects, soit dans les
administrations, soit dans les sections, soít
dans la cOHyention elle-meme, et s'emparer
d'CllX pour les mettre dans l'impossibilité de
f1uir·e. Un mcmbre, parlant froidement et len-
tement, !lit qll'il ne connart de suspects que
daJls la conventioll, el que c'est lit qu'il fau!
frapper. Il propase done un moyea fort simple:
c'est d'enlever vingt-deux députés, de les trans-
portcr dans 11 ne llIaison des fallbourgs, de les
¡"gorger, et de sllpposer des lettres, puur úlÍre
accl'Oire qn'ils ont émigré. ( NOlls ne ferons
« pas cela I1011S-nH~mes, ajante eet h0l111Ile,
" ¡llil1S, ell payant, il nous sera facilc de tl'Oll-




216 HÉVOLLJTIUN FRAN\:AIS~ ..
«( ver des exécuteurs.» Un autre membre ré·
ponel aussitót que cette mesure est inexé-
cutable, et qu'il faut attenelre que Marat et
Robespierre aient proposó aux jacobins leurs
moyens d'insurrection, qui sans doute vau-
dront mieux.-Silence ~ s'écrientplusienrs voix,
on ne doit nommer personne. - Un troisierne
membre, d{>puté de la section de 92, rcpré.
sente qu'il ne convient pas d'assassiner, et
qu'il y a des tribunaux pour juger les enne-
mis de la ré·volution. A cette observation, un
grallll tUHlulte s'éleve; on se récrie contre la
doctriue de celui qui vient de parler; 011 dit
qu'il ne fallt souffrir que des llOmmes qlli
SOlent a la hauteur des cÍrcoostances, et qne
chacun doit dénol1cer son voisin s'il en sus-
pecte l'énergie. Snr-le-champ cclui (IllÍ a vouln
parler eles loi5 et des triLunaux est chassé de
l'a5semblée. 00 s'aper<,;oit en móme temps
qu'un membre de la section de ]a Fratemité,
section assez mal disposée pour les jacobins,
prenait des notes, et il est expulsé cornme le
précédent. On continue sur le meme ton á
s'oeeuper de la proseription des députés, dll
Iieu a choisir pour cette s('ptembrisatiolZ, et
pour l' eJ1lprisonnement des autres slIspects,
soit de la commune, soit des sectioIls. Lll
membre veut qlle l'exéclItiolJ :;e fassc ectte




<:01\ V ENTIO.'i N ATION A LE '\ I 703). :A I ~
mút meme; on luí répond que ce n'est pas
p05sible; il réplique qll'Oll a des hommes tout
prets, et il ajoute qu'a milluit Colign) était
a la cour, et c¡u'a une heure íl était 1Il0rt.


Cependallt le temps s' écoule; OH reuyoie au
lendellJain I'examen de ces divers objets, et Oll
cOllvient de s'occnper (le tl'ois eh oses : J o de
l'enlevement des députés; 2" de la liste des
suspects; 3° de l'épurement de tons les bu-
rcaux et comités. OIl s'ajourllc an lendcmain
six heures du süir.


Le lendemain lundi 20, l'asscmblée se réunit
de l1ouveau. Cette foís Pache était présent;
OH lui présente plusieurs listes portallt des
110ms de toute espece. Il observe qH'on ne doíi
pas les nomrner autrement que listes de sus-
pects, ce qui était légal, Pllisque les listes
étaient ordonnées. Quelqnes membres obser-
yeut qu'il ne i;llIt pas que l'écritnrc d'aucun
membre soit contlue, et qu'il fallt faire recopier
les lístes. D'autres disent que des républicains
ne doivcnt ríen craíndre. Pachc ajoute que
peu lni importe qU'Oll le sache muní de ces
listes, cal' elles concernent la políce de Paris,
dont ii est chargé. Le caractere fin et résené
de Pache ne se d?mentait pas, et il vOlllait
faire entrer tout ce qU'OIl exigeait de lui dalls
la li rnite d(·s lois el de ses fOl\ctiollS.




2 [8 HIoVOLOTH-'-''O I"RAN\-AbL
Un lllelllbre, voyant: l:CS précautiolIs, lui


dit a101's que sans doute il ll' est pas instruít
de ce qui s'est passé dans la séance de la veille,
CIlI'il ne connait pas l'onlre des questíons,
qu'il faut le luí faire connaltre, et que la pre-
miere a pour objet l'enlevement de vingt-deux
députés. Pache faít observer alors que la 1'('1'-
sonne de tous les députés est confiée a la villc
de París; que porter atteinte a lem súreté se-
raít compromettre la capitale avec les dépar-
temcnts, et provoquer la guerre civile. OIl lui
demande alors COlIlmellt JI se faít qu'i\ ait si-
gué la pétitior;l préselltée le 15 avril au 110m
des quarante-huít sectiollS de París, cOlltre les
vingt-deux. Pache répond qu'alors il fit son
devoir en signant une pétition qu'on l'avait
chargé de présenter, mais qu' aujonrd'hui la
qnestioll proposée sort des attributíollS de
I'assemblée, réunie pour s'occuper de l'(~mprllnt
et des suspects, et qu'il sera obligé de lever la
séance, si on persiste a s'occuper de pareilles
discussions. Sur de tclles observations, il s'éleve
une grande rumenr; et eomme on ne pellt ríen
faire en présenee de Pache, et qu'ollll'a auculI
gout a 5' occllper de simples lis tes oe sllspects,
on se sépare sans ajollrnemcnt fixe.


Le mardi 21, il ne se trouva qll'ulle dOll-
zaÍne de mClIlbn:s p1't.':senls a l'assel11blée. LE:':'




CO:'lVENTIOI'i N.\TlO.vALE (17~)31. ~I~j
UllS ne voulaient plus se renclre dans une ré-
1Illion anssi tllmlllttlcuse et aussi violente; les
autres trollvaiellt qtl'il n'était pas possiblc d'y
délibérer a,·ec assez d'énergie:


Ce [ut ;¡IlX Cordeliers qll"alla se décharger,
le lcnclemain 2:\, toute la furenr des conjllrés.
licmmes et hommes ponsserent el'horribles vo-
ciférations. C'était une prompte insnrrectioll
qu'il fa1lait, et il ne suf[¡sait pllls dll sacrifice
de vingt-deux deputés; on en dcmanclait main-
tenant. trois cellts. Dile femme, parhmt avec
l'cmportemenl: dI' sou sexe, proposa c1'assem-
hlcr lOUS les cito}el1s sur la placede laRéllnion;
d'allcr porte!' en corps une pétition a la CO!l-
vention, et de ne pas désemparer qu' OH ue J ni
eut arraché les décrets indispensables au salut
publico Le jellne VarJet, qlli se montrait de-
¡mis si long-temps dans tOlltes les émeutes,
pr(~senta en quelques articles un projet d'ill-
surl'ection. Il proposait de se rcndre a la COIl-
ycntion, en portant les droits de l'homme voilés
d'nn crepe, d'enlever tous les députés ayallt
appartenu aux assemblées législative et cons-
tituallte, de supprimer ton s les ministres, de
détruil'e tout ce qui restait de la fami Ile des
Kourbolls, etc. Legendre sc hfüe de le rempla-
cer a la tribune pour s'opposcr a ces propo-
sitiolls. TOlltc la furce de sa voix put a peine




'l!20 HE\'OI~UTlON FHA]\;(:¡\ISE.


couvrir les cris et les huées qui s'élevaient eOll"
tre lui, et il parvint ayec la pllls grande peine
a combattre les motions incendiaircs du jeuue
Varlet. Cependant on vonlait assigner un termc
tixe a l'insurrection, et p1'clIflre jOUI" pon1' al·
ler exiger de la convention cc (Pl'OIl c1ésirait
d'eHe; mais la nuit étant déja avancée, chacllll
finit par sc retirer sans anClllle décision prisc,


Tout París était déjit illstruit de cc qui s'était
dit, soit dans les deux réunioIls de la mai1'ie,
le 19 et le "20, soit dans la séance des Cm'de-
liers du 22, Lile fO!lle de rnembres <In COllútt:
central révolutionllaire avaieut (~ux-lnémes dl'-
Iloncé les propos qui s'y étaient teLlus, les pro-
positions qu'on y avait faites, et le bruit d'lIn
complot contre un grand nombre de citoyens
et de députés était universelJement répandll.
j ,a com missioll des douze en était informée avcc
le plus grand détail, et se préparait á agir cOlltrc
les autcurs désignés des propositions les plus
violentes.


La sectíon de la F1'aternité les dénolH;a for-
mellement le 24 par une adresse a la conveu-
tian; elle rapparta taut ce qui s'était dit etiai!
dans l'assemblée de la mairie, et aCCllsa bau-
tement le maire d'v avoir assisté. Le cúté dmit


01


con vrit d'applalHl issements cette courageuse dé·
HOlIciation, el demallda que Vache lih appeli-




CO'lVENTION NATJO,~ALE \[7~):)1. 221
h la barre. Marat répOllllit que les membres dn
coté <lroit ('taient eux-memes les seuls COIlS-
pirateurs, que Valazé, chez lequel ils se réu-
nissaient tOIlS les jours, leur avait donné avis
de s'armer, et qu'ils s'étaient rendus a la eonven-
tíOIl avee eles pistolets.-Oui, réplique Valaú,
j'ai donné cet avis, parce qu'íl devenaít néces-
saire de défendre notre vie, et ccrtainement
nOllS l'aurions défendue. -- Oui, ouí, s'écriellt
énergiquement tous les memLres dll coté droit.
-- Lasource ajoutc un fait eles plus graves, c'est
cllle les conjurés, croyallt apparemment que
l'exécutiun était fixée pour la nuít derniere,
s'étaient rendus chez lui pour l'enlever.


Dans ce moment, on apprend que la commis-
sion des douze est munie de tous les renseigne-
ments nécessalres ponr décollvrir le complot,
et en poursuivre les auteurs, et on annonce llll
rapport de S3 part ponr le lendemain. La con-
ventíon déclare eH attendant que la section de
la Fralernitó a bien mérité de la patrie.


Le soir du meme jour, granel tumulte ~t la
mllnicipalité contre la secLÍon de la Fraternité,
<pJi a, dit - on, calomnié le maire et les pa-
triotes, en sllpposant qu'ils veulent égorger la
représentation nationale. De ce que le projet
n'avait été qu'une proposition, combatlue d'ail·
I('llrs par 1(' maire, Chaumettc E't la commlllH'




2'>.'>' REVOU''l'IOlV FKAN~:AJSI',


induisaient qlH' c'était une ealomnie que de
supposer lIne conspiratioll réelle. San s doute
ce n'cIl était pas HlJe dans le vrai sens clu mot,
ce n'était pas une de ces cOllspirations profon-
démeot et secretement ourdies comme 00 les
fait duns les palais, mais c'était une de ces
conspirations telles que la multitude d'une
gramle ville en peut former; c'était le commen-
cement de ces mouvelllents populaires, tumul-
tueusement proposés, et tUffiultueusemellt exé-
cutés par la fou!e entralnée, comme au 14
juillet et au 10 aout. En ce sen s , il s'agíssait
d'une véritable conspiration. Mais eelles-la, íl
est inutile de vouloir les arl'(~ter, cal' elles ne
surprennent pas l'autorité ignorante el endor-
mie, mais elles emportent ouvertement et a la
faee du ciel l'autorité avertie et éveillée.


Le lenclemain 24, denx autrcs seetions, ecHes
(les Tuileries et de la nutte-des-_~Ioulíns, se joi-
gnirent a eelle de la Fraternité ]Jour dénoncer
les memes faits. «( Si la raison ne peut l'cmpor-
t( ter, disait la Butte-des-Moulins, faites un appel
{( aux bons citoycns deParis, et d'avance nons
« pOllvons vous assurer que llütre seetion ¡le
«( contribuera pas peu ~I faire rentrer dans la
t( poussiere ees royalistes déguisés qui pl'ellllcnt
«( insolemmellt le titre de sans-clIlottcs. J) Lf'
memejollr, le mai¡'!' ('.erivit ;'1 ]';¡<:!>('mhlp(' pOllr




C,ONVEríTlON I\"ATIOXALE (,1793). 22;)
expliqller ce quí s'était passé a la mairic. « Ce
« ll'était pas, disait-il, un complot, e' était ulle
« simple délibération sur la eomposition de la
" liste des suspecls. Quelqlles 'mauCJaises t¿tes
« avaient bien interrompu la délibératiou par
« (l'Jelques propositions déraisounables, mais
« lui, Pache, avait rappelé a l'ordre ceux qui
« g'en écartaieut, et ces mouvements d'imagi-
«( nation u' avaient eu aucune suite. JJ Ou tint peu
de compte de la lettre de Paehe, el on écouta
la eommission des douze qui se présenta pour
proposer un décret de súreté généraIe. Ce dé-
Cl'et mettait la représentation nationale, et les
dépóts renfermant le trésor pubIie, sous la
sauvegarde des bons eítoyeus. 'fons devaieut,
a l'appel un tambonr, se rendre an lien du ras-
semblemeut de la eompagnie du quartier, et
mareher an premier sigual qui leur serait
douné. Ancnu ne pouvait manquer an rendez-
vous; et, en attendant la Ilomination d'un
eommandaut - général, en remplacement de
Santerre, purti pour la Venclée , le pi us ancien
chef de légion devait avoir le commandement
supérieur. Les assemblées de seetion devaient
etre fermées a dix heures du 5011'; les prési-
dents étaicnt rendlls responsahles de l'cxécu-
tion de cet artic1e. Le projet de décret fut
adopté en totalité, malgre quclqnes débats, el




'>'24 nItvOLl1TION FnANCAISI:.


Illalgré Danton, qlli <lit qU'¡~1l mettant amSl
l'assemblée et les établissements pllblics SOllS
la sauvegarde des citoyens de Paris, 011 décré-
tait la peur.


Immédiatement aprcs avoir pro pose ce dé-
cret, la eommission des douzc fit ;:¡rr¡\tcr ú /;¡
fois les Ilummes Marino et Michcl, adminis-
trateurs de police, accuses d'avoir fait a 1'a5-
semblée de la mairie les propositions gui cau-
saient tant de rllmeur. Elle flt arréter en outre
le substitut d[l procureu\' de la eommune, Be-
bert, lequel ee!'ivait, SOtlS le nom du pere
Duchéne, une feuille ('ncure pllls ordllriere
que eclle de Marat, et mise, par un !angage
hideux et dégoutant, a la portee de la plus
basse populaee. Hébert, dans ceUe feuille, im-
primait ouvertement tont ce que les nommés
Marino et Michel étaient aceusés d'avoir Ycr-
balemcnt proposé á la mairie. La commissioll
el'ut done devoir poursuivre á la fois et cellx
qui preehaicnt, et ccux qui voulaient ex{~cll­
ter une nOllvclle insul'reetion. A peille 1'or<11'e
d'arrestation était-illancé contl'e lJébert, qu'il
se rendit en toute ha te a la commune pOllr
annoncer ee qui luí arrivait, el ll10ntrer au
conseil génél'al le manoat d'arret dont il était
frappé. On l'arraehait, disait-il, a ses fone-
lions, mais iI al1ait obéir. La comrmnH' 1Ie ej¡>-




\ait pas ollblie!' le scrmcllt qn'clle avait {ait de
se l'egarder COllltlle fl'appl~e lorsqu'lIl1 de ses
memhres leserait.ll n'illvoquait pas ce sermellt
ponr lui, cal' iI ¿-tail pret ~l porte!" sa tete sur
róehablld, mais pour ses concitoyens menaeés
¡¡'un llonvel esclavage. De nombreux applau-
dissemeuts al:cl1eillent Hébert. Ch:mmette, le
procurenr en chef, l'embrasse; le président lui
donne l' éll:l:olade au 110m de tout le l:OJlseil. La
séancc estdéclarée permanente j lIsqu'a ce qu'oll
:lit des uOllvellps d'lIéIJCrt. Les 1I1f'rnbres du
conseil SOllt illvités il porte!' des consoJatiol1s
el des seeollI's aux femmes et aux enÜlllts de
tous ceux qui SO[lt ou seront dételllls.


La séance fllt permanente, et d'heurc en heure
un envoyait a la commission des dOllze pour
avoir des 1I0U velles d Il magistral arraehé, disait-
OH, a ses fOlleliol1s. A deux helll'eS et demie
de la uuit, OH al'pril qll'i! subÍssait un iuter-
rogatoire, el (Iue Varlet avait été arreté aussi.
:\ quatre hew'es, 011 annOl1<;:a q lI'H ébert avait
été mis en état d'arrestalion a l'Abbaye. A cinq
heures, Chaumetle se relldit dal1s sa prisoll
pom'le voir, mais il ne plll etre introduit. Le
matin, le cOlIseil gélléral rédigea Ulle pétitioll
a la cOllveutioll, et la {it pOl'te!' par des cava-
liprs dalls les sectiolls, afÍll d'a\oir lellr adhé-
,ioll. Presc¡rle d:tlls lOlltl':; les sectillllS (JI! :-;c


IV. l~




2'16 n.ÉVOLüTION FRANCAISE.
battait; 011 voulait changel' a chaqne instant
les bureallx et les présidents, empecher ou
faire des arrestalions, adhércr OH s'opposer au
systcme ele la commune, signer OH rcjeter la
pétition qu'elle propos<1it. Enfin cette pétition,
approuvée par un grand nombre de scctions ,
fut présentée dans la journée du 25 a la conVCI1-
tion. La députation de la cOl1lmune se plaignait
des calomllies répandlles contre les magistrats
du pellple; elle demandait que la pétition de
la sectiotl de la Fraternité fút remise a faccllsa-
teur public, pOllr que les coupables, 5'il en
existait, OH les calomniatellrs, fussent punis.
Elle demandait enfin justicc de la commissioll
des douze, qui avait commis un attentat sur la
personne d'ull magistrat du peuple, en le fai-
sant enlever a ses fonctioIls, et enfermer a
l'Abbaye. ISll<lrd présiclait CIl ce momcnt, et
devait répondrcú la députation. « lVIagistl'ats du
I( peuple, dit-il d'ulI ton grave et sé\'(:~re , il est
I( urgenl que vous entcndiez des vérités impor-
« tantes. La Francc a confié ses représentants
« a la villc de Paris, et elle veut qu'ils y soient
( en surclé. Si la représentatioll lIationale était
« violéc par une de ces conspiratiolls don t 1I0llS
( aVOtlS été eJltourés deplIis le 10 mar5, et dont
( les magistrats Ollt élé les derniers a IlOIlS
« avcrtir,jc lt?déclare au 110m de la répllbliqlle,




C:01\VENTlON NA'l'[()1\ALF 1,1 793'i. 227
« Paris ÓpI'o'lverait la vellgeallce de la Franc(',
(( et serait rayé de la liste des cités.)) CeUe ré-
pouse solcIIllelle et grande prodnisit sur 1'as-
sernl)lé{~ tlllC írnpJ'cssion pl'O[onde. Une fonle
de voix ('11 c!('w:wdait rimpression. Dantoll SOIl-
t.int qu'elle úait f;¡ite pOIl!' augmenter la dí visiou
qui commen(;ait a éclater entre París et les dé-
partemellts, et qn'il ne fallait rien faire qui pú t
accroitre ce lIlalhenr. La cOllvelltioll , croyant
que c'{,t<lit assez de l'énergie de la répollse, el
de l'énergíe de la commissjol1 des douze, passa
;t l'ordre du jour, sallS ordollller fimpression
proposée.


Les députés de la cOlllmune furent donc
congéJíés sallS avoir ríen obtenu. Tout le reste
de la journée dll 25, et loute la journée dn
lenuemain 26, se passerent en scenes tumnl-
tuenses daIls les sectiolls. On se battctit de
toutes parts, el les deux opinions avaient al-
ternatlvemellt le clCSSllS, suivant l'bcure <In
jour, et suivant le nombre variable des mem-
bres de chaque parti. La commUl1e continuait
d'envoyer des députés pour s'enquérir ele l'état
d'Hébert. Une fois OH l'avait tronvé reposant;
une autre fois ít avait prié la commune d'etl'e
tranquille sur son comptc. On se pl!lignait (IU'il
iút sur un rnisérable grabat. Des sectioIls le
prenaient SOIlS le!tI' protection; ¡\'alltres se pré-


l ti.




223 H l~vorlITfOl'{ FRAN(:AISF.
paraient ;'¡ demander de nOllveau son élargis-
sement, et avec plus d'énergie que ne l'avait
fait la municípalité; enfin des femmes, COllrallt
les carrefours avec un drapeall, vordaielll en-
trainer le pellple a l'ALbaye pUlir délivrer son
tnagistrat chéri.


Le 27 le tllmulte fllt pOllssé a son comble.
On se portait d'llne srction it l'alltre pour y
décider LlVantage en s'y batta nt a con ps de
chaise. Enfin vers le soír, it pell prcs vingt-
huit sections avaient COllCOUl'U a pmettre le
vGen de l'élargissemcnt (Dlébert, et I1 rédiger
une pétition impérative ;\ la cOllvelltioll. La
commission des douze, voyant qnel désordre
se préparait, avait signifié au comrnandant de
sen'ice de requérir la force 31'lnée de trois
sections, et elle avait eu soin de dpsígllcr les
sectíuns de la ntltte.des·~Toulills, de Lepelletier
et du Mail, quí étaient les plns dévou¿es au
coté droit, et prctes nH~me a se battre pour
lui. Ces trois sectiolls s'cmpresserent d'acconril',
et se placerent vers les si x heures el Ll soir,
27 mai, dans les conrs dll Palais-National, dn
coté cIu Carrollsel, avec lelll's armes, í:'t Iptll'S
callons, meches alIumées. Elles ('omposaiellt
ainsi Hile force imposallte, et capable de pro-
téger la représentation nationale, J\Tais la foul>-
qui se pressait autour de leurs rangs et allx




CONVENTION lHTIONALE \ [793 J. 22~
divcrses portes du pa!ais, le tumlllte qui ré-
gnait, la difficulté qu'on avait ~t pénélrer dans
la salle, donnaicnt ú cetle scene les apparcnces
d'un sif.gc. QUclqllCS députés avaient en de la
peine it entrer, 3\'aient nH~me essuyé quelques
insultes au milieu de cetle populace, et ils
étaieut venus répandre le trouble daus l'as-
sembke, ell disant qu'elle était assiégée. II n'en
était rien pourtant, et si les portes étaiellt obs-
trul~es, elles ll'étaient pom'lant pas interdites.
Cependallt les apparences snffisaient aux ima-
ginatiolls il'l'iu:es, et le désorclre réguait dans
l'assell1Llée. lsnanl présiclait. La section de la
Cité se pl'(~Sell te, et demamle la liberté de son
présidcrlt, llommé DobsCII, arre té par ordre
de la corn mission des douzc, pour avai1' refusé
de comtlllll1iquer l(~s registres de sa sectioll.
Elle demande en outre la liberté des autres
dételllls, la sllpp1'essioll de la commission des
dOllze, et la mise ell accusatioll des memb1'es
<luí la composent.-(d~a cOIlvention, réponel 1s-
«( Danl, pardollne a vot1'c jeunesse; elle ne se
" laissel'a jamais int1uencer par aucune portio n
({ du pcuple. )) La convention approuve la ré-
ponse. Hobespicrre veut au cOllt1'aire la bU-
mer. Le cóté droit s'v OUI)058, une llltte des


,; 1


plus vives s'engagc, et le hrllil dll dedans,
celui du dehors, conC01ln'lll " prodllíl'c 1111




:l30 H F\ UU,'l'ION l'HANCA rSE.


tlll1mlte épouvantable. Dans ce Illoment, lt'
maire et le ministre de l'inlh·jellr arrivent ~I
la barre, croyant, comme on ~e disait dans Pa-
ris, que la convention étaÍt assiégée. A la vue
du ministre de l'intérieuJ', un cri gélléral s'é··
leve de t011S cotés, pour luí demandcr compte
de l'état de París et eles envirolls de la salle.
La sítuation de Garat était emhalTassante, cal'
iI faIlait se prononcer entre les deux partis, cp
qui ne convellait pas plus ;, la douc(~lIr de SOll
caractere (lU'a son scepticisme politiqueo Ce-
pendant ce scepticisme provellant el'ulle véri-
table impartialité d'esprit, il eút été heureux
qu'on put, d:l1ls le mOtIlell!, J'écolller el le
comprendre. Il prentl la parole, et remonte :t
la cause des troubles. La prcmiere cause, se-
Ion lui, est le hruit qui s'est répanclll el'un
cOIlciliabule formé a la mail'ie pOllr complote!'
contre la représentatioll lIatioIlal('. Garal ré-
pete a10rs, tl'apres Pac1le, que Cl: cOllciliahulc
n'¡~tait poínt une réllIlioll dA cOl1spiraleurs,
mais une réunioll Jégale, ayant un but cOImu;
que si, elll'absence <IlI maü'e, quelqlles esprits
ardcnts avaient fait des propositions cOllpa-
bIes, ces proposi liollS, repoussécs avec illdi-
gnation lorsquc le mairc était préscnt, u'avaicnt
eu auclluc slIite, et qu'Ol1 ne pouvait voir lit
un véritable complot; cIlIC I'inst itlltion de la




CONVt:NTlOlY N ATION A LE (/793). :13 I
commission des uouz,e pour la pOllrsuite de
ce prétendll complot, el les arrestatiolls qu'elle
avait bites, étaient devenues la cause du trou-
ble actuel; qll'il lle cOl1uaissait pas lIébcrt;
qu'il n'avait n'\~u aucun renseignement défavo-
rabie sur son cornpte; qu'il savait seulcmcnt
qu'Hé]wrt était l'auteur d'lln genre d'écrit mé-
prisable sans doule, lllais regarclé a tort comme
dangereux; que la constituallte et l'assemblée
législative Jédaignerellt toujours les écrits dé-
goútants répandus contre elles, et que la ri-
gueur exercée contre Hébert avait dú paraitre
110uvelle et peut-etre intempestive; que la
commissiol1 des douz,e, composée d'hommes
de bien et d'excellents patriotes, était dalls de
singnliere3 préventions, et q u' elle paraissait
trop dominée du désir de montrer une grande
éncrgic. - Ces paroles sont fort applaudies
par le cóté gauchc et la J\Iontagne. Gal'at, a1'-
rivant clIsuite ;'.¡ la situatioll présente, assu1'e
que la convention n'est point en clanger, que
les citoycns qui l'cntourent sout pleins ele res-
pect ponr elle.- A ces mots, un dépnté l'inter-
rompt, en disant qll'il a été insnlté. - « Soit ,
« reprend Garat, je ne réponds pas de ce qui
« pcut arriver ;t lJl1 individll, ai! milien d"tllle
({ tóule rellfermant des hOlllmes de toute es-
¡( pece; milis que la cOllventioll tout plltiere se




~1'1. HE\·OLLTION FJ\\NC.\ISJ.:.
" montre a la porte, et je réponds pOllr {,Ile
« que tont le peuple s'ouvrira dey;\nl elle avc('
« respect, qu'il saluera sa présPllcc et obéira


. . {( a ~a YOIX. ))
Garat termine en présentant cIllC'lr¡nes yues


conciliatoires, et en indiguant, :W('C le plus
d'adressc possible, que c'est en votllant répri-
mer les violences eles jacobins qu'on s'exposai!
a les exciter davantagf'. Carat aY;1Ít raisol!,
satIS dOBte; e'est en youlaIlt sr' IIldtre en dé-
fense contre 1111 parlí qu'on l'irrite davantage,
et fln'OH précipile la cat;¡stroplw; rnais quancl
la lutte est inévitab!e, faut-iI succolllber saIlS
résistance? '" Telle (~tait la situatioTl des gimll-
dins; leur institution de la commission des
<louze était Ulle imprlldence, rnais une impru-
dcnce inévitable et générense.


Garat, aprt's avoir achevé, se place noble-
ment au coté droit, qui était l'éputé en danger,
et la conventíon vote J'impressioll ct la distri-
LutÍoll de sonrapport. Pacheestf'ntelldu apres
Garat. Il pn'sente !ps choscs il pell prc5 sous le
meme jonrí il rapporLc que l'assemhlée (~tait
gardée par trois seclions d8vonées, et convo-
(luées par la C'omrnission des douze clle-meme;
il illdirpJe allssi qu'en cela la C'olllmission des
rlouze ayait trallsgresst'· ses pOllvoirs, cal' clip
lI'avait pas I(~ droit de rec¡uér'ir (;¡ force arntt'<';




CO;-'Vf:NTION N.Uro:V.\LE (1793). ~33
il ajoutc qU'llll fort dótachemeIlt avait mis les
prisons de rAbbaye a l'abrj de toute iufraction
des lois, que tout dallgel' était dissipé, et fIlie
l'assernhlée pOIlY;lit se ]'('gar(ler comme elltie-
remel1t ell st!l't~L«(. II demande en finissant que
la COllvelltioll veuil1e bien elltendl'e (les c¡-
toyeus qui demal.Hlellt l'élargissement des dé-
tellus.


A ces 1I10ts, iI s' {~leYe uIIe gramk l'llrnellr
dans l' assel1lblée.~Jl est (lix heures, s' écrie-t -OH
a droite; pn'~sident, lcvez la s{·ancp. -- Non,
lIOIl, répCJlldcllt des voix. de gallclllé', {'coutez
I(~s pétitiolJuaircs. - Henri Larivi(~]'e s'obstillc
;'1 oecuper la tri[mne. ~ Si vous voulez, <lit-il,
I'nteudre qUclqU'UIl, il faut écouter votre com-
mission des douze, quc vous acclIscz de ty-
rannie, el qui cloit vous faire connaltre ses actes
ponr vons mettre a mcmc de les apprécier.--
De gralllls J1lurUllIres COllvrcllt sa voix. ISIJard,
lle pouvallt plll~ tellir;'¡ ce désordrt', (Jllitte le
fauteuil, et il est remplact'~ par Héralllt-Sé-
cheHes, qui est acclIcilli par les applalldisse-
ments des tribulles_ Il consulte l'asscmblée, qui,
enlralnée par les menaces et le bruit, vote, au
ll1iJieu de ceHe confusion, que la séanc(~ sera
contillllée.


On illtror!lIit les orateurs a la barre; ¡ls 50111
';(liyis tI'ulle J\ll{~e ele pétitiollllaires. lb (km;lIl'




234 RÉVOLt1TION FRANf,~AISJc.
dent iusolemment la suppl'ession ¡J'une commis.
sion orlieuse et tyranniqlle, l'élal'gissement des
détenlls et le triomphe de 1({,7)('l'{u. -Citoyens,
lem répond JIérault-S(>cll elles, la jorce de la
raison el la force du peuple SO!l{ la Tlu1me cllOse.
- De broyants applalldissemcllts é1ccueillcnt
cette doglD:1liqlle absurdité. -Vous tlemalldez
jllstice, ajoute-t.-il, l<l jnstice est nutre premíer
devoir, elle vmls sera reucloc.


D'alltl'es pétitiollnaires snccedent aux précé-
denls, Divers oratcurs prellnent ellsllite la pa-
role, et 011 rérlige 1111 pl'ojet de décret, par Je-
quel les citoyens incarcérés par la cOrlll1lissioIl
des dOllze sont élargis, la cornmission des dOllze
est dissoute, et sa condllite 1 ivrée a ,'examen du
comité de su reté générale. La nuít était avancée;
les pétitionnaires s'(>taiellt introduits en foule
et obstruaient la salle. La lIuit, les cris, le tu-
multe, la faule, tout contribuait á augmcnter
la cCJIlfusion. Le décret est mis aux voix, et il
est rendu sans qu'on puisse savoir s'il a été voté.
Les uns disent que le président n'a pas été en-
tendu, d'antres, qlle les votes lI'ont pas été en
Hombre suffisant, c['autres enfill, que les póti-
tionnaires out pris la place eles députés abseuts,
ct que le d('cret est nul. NéallmoillS iI ('st pro·
clamé, et les tribllnes et les pétitionnaircs s'é-
chappent, et v()nt alllloncer :1 la C()!IIITlune,




CONVE~TJON N ilcT10NA LE \ (793). 235
aux secliolls, allx Jacobins, aux Cordeliers,
que les prisonniers sont élargis et que la com-
mission cst cassée.


Cette nouvel!e répandit une grande joie po-
pulaire et !lB 111Omenl. de calme dans Paris. Le
visage mcme du maire scmbla respirer un con-
tentement sincere de voir les troubles apaisés!
Cepcndant les giro[]{lins, décidés 3. cornhattre
en désespérés, et á He pas céder la victoire a
leurs adversaíres, se réll11issent le lellllemain
avec la plus hrúlante indignation. Lanjuinais
surtout, quí n'avaít pris aneune part aux haines
d'orgueil (1l1Í divisaieut les deux eotés de la
cOIlveJJtioll, et ~l qui on pardOllllait son opi-
Iliiltreté, paree qu'aucun ressentiment person-
Bel nesemblait l'animer, Lanjuinais arrive plein
de ehaleur et de résolutioH ponr faire llOnte a
l'assemhJée de sa failJJesse de la veille. A peine
Osselin a-t-il dem:1l1(l{, la lecture dn décret et
sa rédaclion définitive, ponr qu'on puisse élar-
gir sur-le-champ les délerws, que Lanjuinais
s' élance a la trilmne, et demande la parole pomo
sontenir qne le décret est l1ul et u' a pas été
rcndu. Des murmures violents l'interrompeIlL
I( Accordez-moi du silence, dit-il á la gauche,
« car je sllis décidé a rester ieí, jllsrpl';'¡ ce que
«( vous Ill'ayez entendlL )) On ne vent entendrc
Lalljuillais qlle 5111' la I'édactioll du décret; ce-




'136 lu~voLuno~ FHANc.USI':.
pemlant, apres des épreuves douteuses, il est
décidé que, dans le dOllte, ii sera entelldu. TI
s'explique alors, et souliellt qlJe la cluestion
qui s'agite est l'une eles p[I1S importantes ponr
la sureté générale. « Plus de cill(luante mille
« citoyens, dit-il, ont été enfermés dan s totIte
« la France par vos commissaires; on a bit plus
l( d'arrestatiolls arbitraires en un ll10is que sons
« l'ancien régime clans un siócle, et vous vous
« plaignez de ce qu'on ait elliprmé dellx OH
« trois hommes qlli prechent le menrtre et I'a-
« lIarchie a deux SOllS la fellille! "Vos commis-
« saires sont des procollsllls qui agissellt loill
« de vos yeux, et que vous laisscz agir, et votre
« commission, placéc a coté de vons, SOIlS votre
l( survcillance imméJiate, vons vous en ddiez,
{( vous la sllpprimez! Dimanche Jernier, 011 a
" proposé dans la Jacohilli(~re de faire IlIl mas-
« sacre dans París, OH )'eCOl1lmcnce ce so ir la
« méme délibération a l'É\'cch(~, Oll vous en
« f'ournit les preu ves, OH vous les offre, et vous
« les repollssez ! Vous protégez des hommes de
« sang! )) -~, Le trouble éclate a ces paroles et
cOllvrc la voíx de Lanjuínais. On ne peut plus
délihérer, s'écrie Chambon, íI n'y a plus qu'a
1101lS retirer dans nos départcments. -00 as-
siége vos portes, reprell(l Lanjuillais. - C'esl
fanx, cric la gau('l!e, -- lIier, ajollt(~ Lanjnínais




CONVl,NTros NATION\LE ',1 79')'i. ·.d7
fle tontes ses [orces, vous n 'étiez pas libres,
vous étiez maitrisés par les prédicateurs dll
menrtrf'. - Lcgendre, de sa place, élevant
ators la yoix, dit: On yeut llousfaire perdre la
séance;je dt'dare fIlie si Lanjllinais cOlltillue a
mf'lltir, je vais le jeter a bas de la tribune. -
A cette scalldaleuse menace, l'assernblée se SOll-
leve, et les tribunes applaudissellt. Aussitót
Guadct demande que les paroles de LegenJre
soient conservées dans le proc(\s - verbal, el
corlllues de 10llte la France, pour qu'elle sache
comment sont traités ses député,. L:mjuillais
cOlltin!l:mt, süutiCllt que le décrct de la veille
n'a ras étó 1'enclll, cal' les pétitionnaires ont
voté avec les déplItés, 011 que s'il a été rencIu,
il doit etre 1'apporté, paree que l'asscmblée
n'était pas libre.-Quand vous etes libres, ajollle
Lalljuiuais, vous He votez ras l'ill1pllllité du
crí me. - A gauchc, OH affirmc que Lanj ni nais
altere ji;S bits; (lue les pétitiolllwiJ'es lI'ont pas
volé, I}u'ils se sont retir(~s dalls les cOlljoirs. A
droite, OH assure le con traire; et, S3ns s' etre
entendu a cet égal'd, on met aux yoix le 1'ap-
porl du décret. A. UllC rnajorité de cinquantc-
une voix, le (kcret est rapporté. « Vous avcz
« filÍt, <lit alors Datlloll, UIl graud acte de jus-
« tice, et j'espere (ltl'íl scra repl'Odllit avant la
f( fill de la sé:lllce; Illais si la cotntnission que




':.d8 Id:,"OLUTION F'IL\.!'iCA.lS}".
( vous venez de réintégrer, conserve ses pou-
r( voirs tyranniques, si les rnagistl'ats du pt'uple
t( lIe sont pas rew!us á la libert{~ et il lelll's
« fonctions, a10rs j e vous (h>clare q u'apres avoir
« prouvé que non s passolls 1JOS eDJlemis en
r( pruclence et en sagesse, nous pro{wcl'o/l,r que
« nous les passons en audace el en vigueur 1'(;-
« ~'olut¡ollllaire.» On met alors aux voix l' é-
Iargissemen t provisoire des détenus, et il est
prononcó á l'unanimité. Habant St -I~tienne
veut etre entcndu au nom de la commission
des uouze, invoque l'attention an nom du salut
public, et ne peut se fain~ écollter; eIlfin íl
donne sa démíssion.


Le décret avait été aínsi rapporté, et la ma-
jorité, revenue au coté droit, semblait pronver
que les décrcts n'appartienclraiellt au cóté gau-
che que dan s quelgues momcnts de faiblesse.
Quoique les magistrats r{~c1arnés cussent ét<~
élargis, qlloiquc Hébert fút rcndu a la COIf]-
mnne, ouil reccvait des couronlles, lléanmoins
le rapport dll décret avait soulevé toutes les
passions, et l' orage, qui semblait s' etrc dissipé
un moment, allait enfin éclater d'une mani(~re
plus t('rrible.


Le jour móme, l'assembl{~c qui s'était tenue
it la mairie, et qui !le s'y réunissait plus de-
puis que lc maire avait interdit les pl'Oposi-




CO:\'HcNTION '1ATIONALE i I793). '1.39
tions tIites de salul pub/le, fut rCllollvelée a
l'Évcché, dans le club électoral, oú se rendaient
parfois quclqlles électeurs. EllE' fut composée
de commissaircs des scCtiollS, choisis dans les
comités de stlrveiJIance, de comrnissaircs de la
commune, dll département et des divers clllbs.
Les femmcs meme y étaient représputées, et sur
cinq cents persolllles OH comptait ceut femmes,
a la tete desquelles s'en trouvait une, fa-
meuse par ses emportements politiques et son
éloquence populaire. Le premier jaur, iI ne
parut a ceUe réuIIiofl que les cllvoyés de trt'nte-
six sectjons; jI en restait dOllze (lui n'avaient
pas dé¡Hlté de commissaires, et on leur adrcs5a
une uouvelle convocation. On s'occupa ensuite
de nommer une commission de six membres,
chargée d'imaginer et de présenter le lende-
main les moyclls de 53111t publico 011 se sé para
apres ceHe mesure préliminaire, et on s'ajollrna
pOll!' le lcudemain 29,


Le meme soir, granel tumnlte dallE; les sec-
tions. l\Ialgré le décret de la cOHvention qlli
les ferme a dix heures, elles se prolongent
bien apres, se cOllstituent it cette heure en so-
ciéü:s patriofiqlles, et, sons ce IlOllveau litre,
continllellt ¡eur st'ance f()rt avant dans la Huit.
Dall~ les unes, 011 pn~pare de nouvelles adrcsses
contre la commission des douze; dans les 311-




~4o ¡¡}::\()LLTIO'X FH,\l\(,:AISI,


tres, O!l hit des pl~titjOIlS a I'asscmbl{>e, POU!
lui dem;¡nder l'explicatioll de ces paroles (l'J5-
nal'el : Paris sera l'tlJé de la liste des cités.


A la commune, IOllg discollrs de Chaumette
sur la cOllspiration évíc!(,lltc <pú se trame
coutre la liberté, sur les ministres, sur le coté
droit, ctc. Ilébert arrive, raconte sa détclltLon,
l'et;oit une courOlllle qu'il elépose sur le buste
de J,-J. ROllsseau, ct rdourlle ellsuite a sa
section , accompagné par eles cOll1missaires de
la COllllllune, qui 1'31l1ellent en trjomphe le
magistrat délivré de ses fers.


Le lendemain 2~), la cOllventioll cst amigée
de deux nOL! velles fachellses venaJj I des dell x
poínts militaires les plus importanls, le Nord
et la Venrlée. L'armée clu N ord a ét(~ repoussóe
entre BOllchain et Cambray; Valcncienllcs et
Cambray sont privées de toute comnnlllicatiOll.
\.. FOlltellay, les troupes républicaines 01lt été
complételllcnt llaUlles par J\l. de Lescll/'c, (Luí
s'est emparé de Fontena) memc. Ces lloll\'elle,<.;
répandcllt la plus grande consternation, et
rendent plus dallgereuse la situatioll du parti
llludéré. Lt's sectiol1s se succedeut, a vec des
banniert's portallt ces IIlOtS: Jiésistct/u;e ?t l'op-
pression. L('s unes demandent, COtlllllC elles
I'avaiellt annollcé la \'(~illc, l'cxplicatioll des
paroles d'bllard; les ;tlltres dt:c1arelll qu'i1 Il y




COi'¡\'FXT!ON "'.\TJO"dIE í 170')\ 2'11
a plus {\'autl'e inviola!Jilité qllt' eell(' dtl peuple,
que par cOllséquellt les députés qui OIlt cher-
ch<, a arnlE'!' les (!t"partements contre Paris,
{loivcnt .::trc mis ell accusation, que la com-
missio/l des dOllze doit etre cassée, qu'tmc ar-
méc révoJutiollllaire doit etre organisée, etc.


Aux JaLobins, la séance n'était pas moins
significative. De t01ltes parts, OH disait que le
moment était arl'i\'é, qu'il rdlait enon sauver
le peuple; el dés qU'Ull lllcmLre se présentait
pOIll' détailJcr les moycns a cmployel', OH le
renvoyait ;'¡ la COllll1lissíOll des six, nommée au
chlb celltral. Cclle-!a, disait-on, est chal'gée de
pOlln'oir á tout, et de rcchcrchcr les moyens
de salut publico Legendre, voulant parler sur
les dangcrs du jou!', et sur la néccssité d'épuiser
les moyens ¡¿'gaux, avallt de recourir aux
moyens extremes, fllt traité d't!lldormeur. Ro-
hespierre, IW s'expliquant pas, dit qlle c'était
a la COmml1l1C á. s'urúr illtimcmenl rlU peuple;
que, ponr lui, il t~tait il1capablc de prescrire
les moyens de salut; que cela n'était pas donné
a un seul homme, et moins encore a lui qu'á
tOllt autl'e, épuisé qu'il était par ql1alre ans
de révolution, et consumé d'une fiévre lente
et mortclle.


Ces paroJes <lu tribun urclIt UIl grnlld effet,
provocluerent de vífs applaudissements. ElJes


IV, 16




indiquaient assez qu'il s'en remettait, comme
tont le monde, a ce que f{~I'aient les autorités
municipales a l'Éveché. CeUe assemblée de
l'J:<~veché s'était encore réunie, et, comme la
veille, elle avait été melée de })callcoup de
femmes. On s'occnpa d'abord de rassurer les
propriétaires, en jurant respect aux propriétés.
L'on a respecté, s'écria-t-on, les propriétés
au JO aoUt et au 14 juillet ; et sur-le-champ
on preta le serment de les respecter au 31 mai
r 793. Apres quoi, Dufourny, membre de la
commission des six, dit que, sans un com-
mandant général de la garde parisienne, il
était impossible de rópondre d'aucuJl résultat,
et qu'il faUait demander a la commune d'en
nommer un sur-le-champ. Une fernme, la cé-
lebre Lacombe, prenant la parole, insista sur
la proposition de Dufourny, et déclara que,
sans des mesures promptes et vigourellscs, il
était impossible de se salive/'. A Ilssitót on fit
partir des commíssaires pour la comrnune, et
eelle-ci l'épondit, a la maniere de Paehe, que
le mode ponr la nominatlon d'un commandant
général étaIlt fixé par les décrets de la con-
vention, et que ce mode lui interdisant de le
nommer elle-meme, il ne lui restait que des
vreux a former a ee sujeto C'était inviter le
club a rangel' cette Ilomination an nombre




CONVENTIOS N\TlO1\ALE P793). 2[13
des mesures cxtraorditlaires de sal ut public,
dont il devait se charger. L'assemblée résolut
cnsllite d'inviter tons les cantons du départe-
ment a s'unir á elle, et envoya des députés a
Versailles. Une confiance aveugle fut deman-
dée au Hom des six, et on exigea la promesse
d'exécllter sans examen tout ce qu'ils propo-
seraient. Le silence fut prescrit sur tont ce
qui. regardait la grande question des moyens,
et on s'ajourna au lenclemain matin neuf heu-
res, ponr comlllencer une séance pennanente,
qni devait etre décisive.


La commission des douze avait été instruite
de tOllí dalls la soirée meme; le comité de salut
public l'avait été allssi, et il soup<;onna en
úutre, d'apres un placard imprimé daus la
jonrnée, qll'il Y avait a CharentoIl des conci-
liabllles oú se trouvaient Danton, Marat et
Robespi(~rre. Le cornitt~ de sallJt publie, profi-
tallt el'un moment Otl Danton était absent de
son sein, Ol'dOJllla ;tU ministre de l'intérieur
{le faire les perquisitioIls les plus actives pour
(lécouvl'ir ce conciliabule secn~t. Rien ne fut
découvert, et tOllt prouve que le hruit ptait
faux. Il paralt que tont se faisait dans l'assem-
blée de la cornmune. Rohespierre dpsirait vi-
vement une révolutioll manifestement dirigée
cOIltl'P se" antagonistps, les girondins, mais il


di.




'>.4(, n ji\()!.! ¡TíO 'í F;\,H,C\ ISI':.
n'avait pas besoin de se compromettre pOlll' la
prodllire; ¡llui suffisait de nc plus s'y opposer,
comme ill'avait fait plllsieurs fois, pendant le
mois de maj, En pffpt, son dis('ours :mx Jaco-
bins, oú il avait dit (!ue la commUlle devait
s'llnir au pcuple et trollver les llloycns qu e
lui ne pOllvait pas décollvrir, était un véritablc
conscntcment a l'insurrection~, Cette approba-
tion était suffisante, el il y :¡yait asscz d'ardeur
au club central, sallS qll'il s'en mélat. Pour
l\Iarat, il Cl"vorisait le IllOll"cment par ses
fenilles, par ses ,~(,[\Il(:S de tOllS les jOllrs it la
conventiulI, mais jI n'é¡ait pas lllembrc de la
commission des ::;ix, véritablemelll. chargée de
l'insurrection. Le seul homme qu'on pourrait
croire l'auteur caché de ce mouvement, e'est
Dantoll; mais il était incertain; il désil'ait J'abo-
lition de la cOllltllission des dOl1ze, et cepen-
dant il n'ullrait pas \olllli qU'OIl t01lchAr f'IlCOl'e
a la représentatioll nationaie. M('ilball, le ren-
cOlltrant (btls la jOllruée au comité de salut
public, l'aborda, l'entretillt amiealement, lni
fit sentir ql1ellc différt'llce les girondills met-
taient entre llli et Hubcspierre, qllelle consi-
dération ils avaicnt pOli!' ses grands llloyens,
et fil1it par luí dirp qu'i! pollr/'ait Juuer 1111




CONV.ENTION NATIONUE (1793). 2,~5
grand róle en usant de sa pllissance au profit
du Lien , et pOli!' le soutien des honnctes gens.
:nanton, qlle ces paroles touchaient, releva
brusquement 5a téte, et dit a Meilhan : -Vos
girondius u'ont puillt de confiance en moi.--
.'\IciJhan voulut insister de nouveau; -ils n'ont
poillt de confiance, répéta DantoIl, et il s'éloi-
gna sans vouloi!' prolonger l'elltretien. Ces
paroles peignent pal'faitement les dispositions
de cel homme. Il méprisait cette populaee
municipale, il n'avait anClI1l goút ponr Hobes-
pierre ui pOll!' Marat, et il eút bien mieux
aimé se metlre a la the des girolldíns , mais
i1s n'av,licnt point de confiance en luí. Une
conduite et des príncipes différents les sépa-
raiellt ellticrement. D'aillenrs, Dalltoll ne trou-
vait, ni dalls ¡cur earactere, Ili dans lenr opi-
Ilion, l'éllergie llécess;lirc ponr sauvcr la
réyolutioll, granel 1mt (lll'il chérissait par-
dcssus toutes choscs. Dalltoll, ilHlifi'él'ent pOli!'
les persolllles, llC cherchait y n'á distinguer
cellli des deux partis qlli devait assurer a
la révolutioll les prog\'(~s les pllls súrs et les
plus rapides. Ñlaitre des cordeliers ('t de la
cornmissioll des six, il est pl'ésurnahle<[u'il avait
uue grande part al! IIIOllvernellt qlli ~e prépa-
rait, et il para;t <¡ll ti \olllait (¡'aoorel rCllverscl'
la COlllllJissíOll des dOIlZC, s,wf ;:1 \ Oil' ('llSlliíc




2.46 RÉVOLUTIOIS FRAIH,:AISE.
ce qu'il hwclrait faire a l'égard des girondins.


Enfin le projet d'insurrection fut arret{~
dan s la tete des conjurés du club central ré-
volutionnaire. lIs ne voulaient pas, snivant
leur expression, faire une imll ITecl ion p/¡y-
síque, mais loute morale, respecter les per-
sonnes, les propriétés, violer (mfin avcc le
plus granel ordre les lois, et la liberté de la
conventioIl. Lenr but était de constituer la
commune en insurrection, de conYoquer en
son nom toute la force al'lll(~e, qn'elle avait le
droit de requérir, d'ell entourer la cOllveution,
el de lui présenter une adressc qui, en appa-
rence, ne serait qu'llne pétition, et (F,i ell
réalité serait un OI'dre véritable. 115 voulaient
en un mot prier le fer a la maín.


Le jeudi 30, en effet, les commissaíres des
sectioIls s'assemhlent a l'Éveché, et ils forrnent
ce qll'ils appellcnt l'union républicaine. Revétus
eles pleins pouvoirs de toutes les secliolls, ils se
déc1arent en insurrection ponr sauve!' la chose
publique, menacée par la faction aristocratiq uc
eloppressive de la liberté. Le maire, persistant
dans ses ménagements ordinaircs, fait gud-
ques représentatiolls sur le caractére de cette
mesure, s'y oppose dOllcement, et 6nit par
obéir aux insllrgés, qui lui ordol1nenl de se
rendre a la commune ponr annollcer cc' ({u'ils




CONVENTION lUTlO?\ALE (1793). 247
viennent de décider. Il est cnsuitc résolu que
les quarante-huit sections seront réunies pour
élllcttre, dans la journée meme, leur V~ll sllr
l'insurrectÍon, et gu'immédiatement apres, le
tocsin SOIlClera, les barrieres seront fermées ,
et la géllérale battra dans toutes les rues. Les
sections se réunissent en cffet, et la journée
se passe a reeueillir tumultucuscment le v~u de
l'insurrectioll. Le comité de salut public, la
commission des douze, mandent les autorités
pour obtenir des renseignements. Le maire fail:
connaitre, ave e un regret du moins apparent,
le plan arrihé a l'Éveché. L'Huilier, proeureur
syndic du département, déclare ouve1'tement,
et avec une assuranee tranquille, le projet d'une
illsurreetioll taute mOl-ale, et iI se retire rai-
siblement aupres de ses collegucs.


La journée s'aeheve ainsi, et des le COI11-
ltlcncement ele la nuit le tocsin 1'etentit, la
générale se bat dans toutes les rlles, les bar-
rieres sont fermées, et les citoyens étounés se
demandent si de nOllveaux massacres vont eu-
sanglanter la capitale. Tous les députés de la
Gironde, les ministres meJlacés, passent la l1 !lit
ho1's de leur derneure. Itolalld va se cacher chez
un ami; Buzot, Louvet, Barbaroux, Guadet ,
Hcrg-oÍllg, Hahant- Saint- Étienne, se I'ptran-
chellt dalls fIll(' chambrv {'cal'lée '. lI1ullis dI'




248 REVOLUTION FRANyAlSE.
bonnes armes, et prets, en cas d'attaque, a se
défendre jusqll'a la derniere goutte de leur
sango A Cillq heures du matin, ils en sortent
pour se remIre a la cOllvelltioll, oú, a la faveur
<lu jour uaissant, se rélluissaieot déjil q"l'lg'les
mernbrc5, appelés par le tocsin. Leurs armes,
qui étaÍent apparentes, les font respccter de
quelqlles grollpes qu'ils traversent, et ils arri-
vent á la convention, oú se trouvaient déja
qllelques montagnards, et oú Danton s'entre-
tenait avec Garat.-Vois, dit Louvet á Gu~~det,
quel horrible espoir brille sur ces visagcs ~ --
Oui , répond Guadet, C'l'st alljollrrl'hlli que
Clodius exile Cicéron. - De son cúté, Garat,
étonné de voil· Danton rendu si matin a l'as-
semblée, l'observait avec attentioIl. Pourquoi
tout ce bruit, lui di t Garat, et que veut - on?
- Ce ne sera ríen, répond froidement nanton.
11 faut leur laisser briser quelques pJ'f~sses, et
les renvoyel' avec cela. - Vingt-hlli¡ dt;plItés
étaient présents. Fermont occupe momentané-
ment le fauteuil; Guadet sit>ge couragellsement
commesecrétaire. Le nombre des déplltpS 311g-
mente, ct on attend le moment d'olLvrir la
séance.


Dan s cet ínstant, l'illsurrection se COllSOlll-
mait a la commune. Les envoyés du comité
central révollltionnaire, ayant a knr tete le




CONVENTION NATIOXALE (1793). 249
présidcllt Dobsen , se présellteut a l'II('¡tel-de-
Ville,Il111nisde pJeins pOlI yoirs révolutio!lnaires.
Dobsen prend la paroJe , et déclare au conseiJ-
général que le peupl(' de Paris, bJessé dans
ses droits, vieut annuler toules les autorités
(,()!1slitllées. Le vice -président du conseil de-
mande a connaitre les pouvoirs du comité. II
les vérifie, et y trollvant exprimé le v~n de
trente-trois sections de Paris, il déclare que la
majorité des sectiolls allllule les autorités cons-
tituées. En cO!lS('c¡nencc, le conseil-g¿'n{'ral, le
bureau, se retirent. Dobsen, avec les commis-
saircs, prclH! la place vacan te aux cris de ?!ipe
la l'épl!ó/ique! Il consulte ensuite la nouvelle
assemblée, el lui propuse de réilltégrer la mu-
nicipalité et le cunseil-g{~Iléral daos leurs fOllc-
tions, vu que I'UIl et I'autre Il'ont jalllais man-
qué ;'l leurs devoirs envers le peuple. A lIssirót
en eHet OH réillregre l'ancienne rnullicipalité
avec rancien cOllscil -gt;néral, alt miliplI des
plus vifs applaudisscmellts. Ces formalités ap-
parentes u'av<lÍellt d'alltre but que de renou-
veler les pOllvoil's mUllicipaux, et de les reIldre
i!linlÍ lés et suffisants pom l'insurrection.1 m mé-
diatellleut apres, on désigllc un IlOU'ieall C()fll-
lI1anclallt-géu(Ta[ pro\'isoirc: c'cst le nOlllll1é
Hellriot, hOlnme grossi(~r, dévoué ~l la com-
mune, et cUlnmalldalli <li[ halaillon des S<lllS-




250 ItÉVOLUTION FRANl:AlSh.


culottcs. Pour s'assurer ensllite le secours du
pcup[e, et le rnaintenir sous les armes pendant
ces moments d'agitation, on arrete qll'il sera
clonné quarante 50115 par jour a lous les ci-
toyens peu aisés qui seront de sel'vice, el que
ces quarante sous seront pris immédiatement
sur le produit de l'emprullt forcé, sur les riebes.
C'était un moyen assllré d'appeler au secours
de la cornmllne, et contre la bourgeoisie des
sections, tous les ouvriers qlli aimaient mieux
gagner quarante sons en prenant part a des
rnouvemellts révolutionnaires, que el'en gagncr
trente en se livrallt a lellrs I.ravaux accolltu-
rnés.


Pendant qu'on prenait toutes ces détermina-
tions a la commune, les citoyens de la capitale
se réunissaient au bruit du tocsin, et se reu-
daient en armes autour du drapean, plac.é a la
porte de chaque capilaine de section. Uu grand
nombre étaien t incertains de ce qu'il Edlait
penser de ces mouvemcnts; Dcaucoup d'entrc
eux rneme se demandaient pourquoi on les
réunissait, et ignoraient les mesures prises
la nuit dan s les secl ions et a la cornmllne. Dans
eette dispositioll, ils étaiellt iucapables d'agir
et de résister a ce qui se ferait contre leur
opinion, et ils devaien t, tout en rléS;1 ppl'on-
vant l'insurrectioll, la secollder de [Cllr pré~




CONVENTION NATIONAI.E (1793). 25J
sellce. Plus de quatre-vingt mille homrnes en
armes parcouraient París avec la plus grande
tranquillité, et se laissaiellt conduire avec do-
cilité par l':mtorilé audacieuse qui avait pris le
commalldemelJ t. Les sellles sections ele la BuUe-
des-Monlins, flu Mail, et des Champs-Élysées,
prononcées depuis long-tell1ps contre la COll1-
mune et la Montagne , et un peu encouragées
par l'appui des girondÍlls dont elles partageaient
les daugers, étaient pretes a résister. Elles s'é-
taÍent réunies en armes, et altcJI(laiellt l'{'v{~­
nement, dans l'attitude de g.ens ll1enacés <,t
prets a se défendre_ ,I~es jacobins, les sans-
cnlottes, efIrayés de ces disposÍtions, et se les
exagérant, conraient dans le faubourg Saint-
Antoine, disant que ces sections révolt&es al-
laíent arborer la cocarde et le drapean Llanc,
et qn'il fallait cOllrir aH centre de París pour
arreter une explosioll des royalistes. Pour ex-
citer uu mOllvpment pllls général, 011 vouJait
f::lÍre tirer le canon <1'ala1'n1{'. 11 était placé au
Pont-Neuf, et il y avait peine de mort contre
celui qui le tirerait sans un décret de la con-
vention. Henriot avait ordonné de tirer, maÍs
le commalldant du poste avait résisté a cet or-
dre, et demandait un décret. Les cnvoyés
d'Henriot étaient revenus en force, avaient
vaincu la 1'ésistance du poste, el dans le lIla-"




252 RÉVOLUTlON ],'RAN~:AISJé.
ment, le brllit <In canon el'alarme se joignait á
celui dll tocsin et de la générale.


La convention, réunie des le matin, comme
OH l'a vu, avait mandé sur-Iechamp tOlltes les
antorités, pOli!' savoir quelle était la situalion
de Paris. Garat, présent dans la salle _ l't LlCClIpé
a observer Danton, parait le premier it la tri-
bune, et l'apporle ce que tout le monde c:H1I1att,
c'est qu'llIle assemblée a été tenue a I'Eveché,
qlt'elle demande une réparation des injures
hites á Paris, et I'abolitioll de la commission
des dOllze. A peine Carat a-t·il ;¡clwvé de parler,
que les llouveallX commiss:líJ'(~S, se qllalifiant
administration rlu rlépartement de la S('ille, se
présentent a la barre, et rléclarent qu'i! !le s'a-
git qne d'llne insurrection toale morale, ayant
pour but la réparation des olltrages faits a la


·ville de Paris. Ils ajolltent (11lC le pllls gralld
o1'<1re est obsf'rvé, c¡ne chaql1c ciloyf'I1 a jllrf~
de respecte!' les pcrsollIll~s et les propriétés,
que les sections armées parcollrcnt la ville avec
calme, et que toutcs lcs autoritt~S róunles vicn-
drOllt dans la jouruée faire ú b con"cntioll
lenI' profession de foi et leurs demandes.


Le président Mallarmé fait itnllJédiatcll1Cllt
connaltre uu billet flu cOllllnalldant de poste au
Pout-Neuf, rapportant la cOlltestatiu!J (lui s'est
élevée a l'occa,;ion du canO!l d'a;;ll'illc. Dufrichl'-




CO:\HNTIO~ i\ ,\TIO:\ HE (J 7:)3 '1, 25:)
Valazé demande :lllssitot qu'on s'etlqlli(~I'(~ des
autellrs de ce 11l0UVemellt , gll'on rcchcrche les
coupables qui ont sOllné le tocsín, et qu'on ar-
rl'te le cOlllmandan t-gú¡éral , assez audaciellx
pour flire tirel' le callo n d'alarme sans décret
de la COIJ v('!Jtioll. A ecUe demamle, les tribunes
pt le eóté gauchc poussent les cris al1xquels il
était nature! de s'aUcndre. Valazé nc se dé-
cou1'age pas; il <lit ql1'on 11e le fera pas 1'el1OI1-
cel' it son caraeterc, qn'il est le représelll:mt
de vingt-cinq milliolls d'}¡ommes, ei qu'il f('ra
son devoir jl1sqn'au bout; il demande enfin
c¡ u' OH enl ende sur-le-ehamp ce! te commissioll
des dOllze si calomniée, et qll'on écoute son
ra pport, cal' ce q ui arrive est la prellve des
complots qll'elle n'a cessé ele dénoncer. Thuríot
vent 1'épondre ;1 Valaz{~, la lllttc s'cngage et le
t 11l1ml te commeucp, l\Iathieu e t Camboll t~'¡ehelll
de se pOl'ler pOli!' médiateu!'s; ils !'éelament le
siiellce dt>s irill!llles, la modératioll des ora-
leurs de la !Imite, d s'e[[oreent de faire sentir
que dans le mument aetne! un combat dan s la
capitalc serait mortel pOli!' la cause de la ré-
volntioll, que le calme est le senl moyen ele
maintf'nir la di~llité de la cOllvention, et qtH'
la dignité ('st pOli!' (~lle le selll moyen de St~
fain~ respecter par les malveillants. VCl'glliallfj,
,Iispos/' COllllll(' ]\fathiell pt C<lrnbon ;1 employer




').,JI¡ RI'YOLTlTION FIt.\ NL\lSE.
les moyens cOllciliatoires, dit Cju'il reganle aussi
comme lllortel a la liberté et á la révolution
le combat pn~t a s'engager; il se borne done
á reprocher modérément á Tlmriot d'avoir ag-
gravé les dangers de la commission des douze,
en la peignant comme le fléau de la France ,
dans un moment ou tons les mouvements po-
pulaires sont dirigés eontre elle. Il pense qu'il
faut la dissoudre si elle a cornmis des actes
arbitraires, mais l'entendre anparavant; et,
eomme son rapport serait inévitablcment de
natnrc a exciter les passións, ii demande qu'on
en renvoie l'audition et la disCllssioll a un jonr
plus calme. C'est, se10n lui, h' seul moyeu de
maintenir la dignité de l'assemblée et de prou-
ver sa liberté. Ponr le moment, il importe
avant tont de savoir qui a dormé dans Paris
l'ordre de sonner le tocsin et de tirer le canon
el'alarme; 011 ne pellt dOlle se dispenser de
mander a la barre le commandallt-général pro-
visoire. (( Je vous répete, s' éeria Vergniaud eH
« finissant, que quelle que fut l'issue du eorn-
« bat qui s'engagerait :H1jonrd'hui, il amene-
«( rait la perte de la liberté; jurons done de
«( rester fcrmes a notre dcvoir, et de mourir
( tOIlS a notre poste plutót que d'abandonller
(l la ehosc publiclIle. » On se leve aussitot avec
,les acclamatioIls, et OH pretp le sf'rment pro-




CONVENTION NATIONALE (! 793). 255
posé par Verglliawl. 011 dispute cllsnik su\" la
proposition de man<ler le commandant-géné-
ral a la barre. Dantan, sur lequel tous les re-
gards étaiellt lixés dans cet instant, et a qlli
les girondins et les montaguards semblaient
demande!' s'il était l'auten!' des mouvements de
la jOllrnée, se présente a la tribune, et obtient
aussítot une profonde attention. « Ce qu'il faut
« avant tout, <lit-il, c'est de sllpprimer la com-
{( missioIl des douze. Ceci est bien autrement
({ important que de mander a la barre le com-
« mandant-général. C'est allX hommes doués
« de (luelques vues politiques que je m'adresse.
« Mander Henriot ne fera ríen a l'état des cho-
« ses, cal' il ne faut pas s'adresser a l'ínstru-
« ment, mais a la canse des troubles. 01' la
« cause est ceUe commissiol1 des dOllze. Je ne
« prétenas pas juger sa conduite et ses actes;
« ce n'est pas comme ayant commis des arresta-
« tiOIlS arbitraires que je l'attaque, e'est comme
« impolitique que jc vous demande de la sup-
« primer. - Impolitiquc! s'écrie-t-on a droite,
({ nous ne comprenons pas cela! - Vous ne le
« comprencz pas, reprend Danton; il faut done
(( "Vous l'expliquer. Cctte eommission n'a été
« institllée que pour réprimer l'énergie pOpll-
« laire; elle ll'a (~té cow;:ue que dans cet esprit
« dI' modr:rrmtisme qui ¡wrdra la révolutioll eL




'2!)G fU':VOLTiTION Fit,\:\CAIS~:.
({ la Frallce. Elle s'est attad¡{'e ;( pOllrsnivl"e des
« magistr-ats énergiques <lont tont le tort était
« de réveiller l'anlf'llr du I){'uple. Je lI'examine
« pas encare si elle a dalls ses poursuites obéi
« ;\ des ressentiments persOllllefs, mais elle a
« montré d('s dispositions qu'alljollrd'lwi IlOllS
« devolls condamner. Vous-mcmes, sllr le rap-
(( part de vatre ministre de I'intérieur, dont le
« caractere est si d OllX, dOllt l'espri test si im par-
« ti al , si éelairé, VOllS ayez ('Iar~i les hommes
« que la commissioll des dOllze avait reofel'mt-s.
l( Qlle faites-vous dOlle de la cOllltrlissinI1 e1le-
« meme, puisc¡ue vous allllulez ses ae/es) ... Le
« canon a tonué, le pcuple s'est sOlllev(~, m;¡is
« iI faut remercier le pellple de son éIlergie,
« dans I'intén~t de la cause mcme que nous
« défcndons; et, si vous (~tcs des kgislutcurs pa-
re ¿¡tiques, vous applallclirez vous-nH~mcs il son
( ardenr, vous réformerez vos propres crrcurs,
« et VOllS abolirf'z volre comlllissioll. Je !H'
( m'adresse, l'épete ellcore Dallton, qu'a ces
« hommesqui ont qllelque intelligcnce de notre
r( si tnatiol1 ,et nOIl a ces etres stupides q ui , daos
(f ces grands mOll\'ernen ts, lle sa vent écoute1'
« que lCllrs passions. N'hésitez done pas a sa-
« tisfair(' ce peupJe ... )) - Quel peuple? ~'écri('­
({ t-O]1 a d roi te. - « Ce peu pIe, rt~p()lld 1)anton,
« ('(' pPlIplc imlll(,ll~e IJlli ('sI noln' sPlltinelll'




í~ONv};NTlON 1'iATIONALE \ 1 793).
( avallcée, qui hait forlemellt la tyrannie et le
« Llche modérantisme qui doit la ramener.
« Hatez-Volls de le satisfai re, sauvez-Ie des aris-
« tocrates, sallvcz·lc de sa propi'e colere; el sí,
« lorsqu'il sera satisfait, des hommes pel'vers,
« Il'Ímporte á quel parti ils appartiennent, VOll-
« !aient prolonger un mOllvement devenu inu-
« ti le , París lui - meme les ferait rentrer dans
« le néant. »


Rabaut-Saint-l;:ticllue veut jllstifier la com-
missíOll des dOllze sous le rapport politique ,
et s'atlache a pronver que rien n'était plus
polítiCJue (pJe de créer ulle commission pOllr
découvrir les complots de Pitt el de l'Autriche,
qui paient tous les clésordres de la Franee. -
Abas! s'éerie-t-on; otez la parole a Rabant. -
¡'t\on, s'écrie Bazire, laissez-la-Iui, e'est un
mellteur; .ie pronverai que sa commission a
ol'ganisé dans París la gllcrre civile. '- Rabaut
veut contillller; :Marat demande qll'on intro-
dllise une déplltatioll de la commune.-Laissez-
moi done aehever, dit Rabaut. -La commUlle!
-- La commune! la eommune! s'écrie - t - OH
llans les tribunes et a la Montaglle. -Je dé-
clarerai , reprend Rabaut, que, lot'sque j'ai
vOlllll dirc la yprité, \OUS m'avez iuterromplI.
-, Eh hien ! condllez, luí dit-on. Raballl. finit
par demalH!er que la commission SOlt sup-


IY. 17




258 ¡n,:voLuTION FIl A N¡;;AISE.
primée, SI 1'011 veut, mais que le comité de
salut public soit immédiatement chargé de
poursuivre toutes les J'cchcrchcs qu'clle avait
commencées.


La déplltation de la commune illsurrectioll-
nelle est introduite. « Un granel complot a ét(;
« formé, dit - elle, mais iI est découvert. Le
« peuple qui s'est soulevé an 14 juillet et au
« ro aOllt ponr renverser la tyrannie, se leve
« de nOllveau ponr arreter la contl'(~-révolll­
« tion. Le conseil - général IlOllS envoie pOllr
« vous f:lire COllllélllre les mesures qu'il a prises.
« La premiere a été de metlre les propriétés
« sous la sauvegarde des répuulicains; la
« seconcle de donner quarante sous par jOllr
« aux républicains qui resteront en armes; la
« troisieme de former une commissioll qui cor-
a responde avec la convention, dans ce mo-
a ment d'agitation. Le cOIlseil - général vous
« demande de fixel' a cette commission une
« salle voisíne de la votre, oú elle pllisse siéger
« et se conccrte·r avec vous. »


A peine la députation a-t·eHe cessé de parler,
que Guadet se présente pour répondre a ses
demandes. Ce n'était pas celui des girondins
dont la vue était le plus propre a calmcr les
passions. " La commmw, <lit-il, en pl'étendant
« qn'elle a décollvert UII complot, ne s'est




CONVENTlON NATlOiVALF (1793). 259
« trompée que d'ull mol, e'est qu'elle I'a exé-
« cuté. )) Les cris des ¡ribunes l'intcrl'umpent.
Vergniaud el e\1!aml(~ (jll 'elles soient évaeuées.
Un horrible tUlJlulte s'él('>ve, et pendant long-
temps Ofl n'clItend que des cris confuso Le
présidcnt l\fallarmé répete en vain que, si la
convcntion n'est pas respectée, il usera de
l'autorité que la loí lui darme. Guadet occupe
toujours la tribune, et parvient a peine él faire
cntendre une phrase, puis une autre, dans les
intervalles de ce granel désordre. Enfin il de-
mande que la convention interrompe ses déli-
bérations jusqu'a ce que sa liberté soit assurée,
et qlle la commission des douze soit chal'gée
de poursuivre sur-Ie-champ ceuxqui ont sonné
le toesin et tiré le canon d'alarme. Une telle
proposition n'était ras faite ponr apaiser le
tumnl te. Vergnialld veut reparaltre él la tribune
púur l'amener un pen de calme, mais lIne
núuvelle di-pntatioll de la municipalité vient
reproduirc les ri-clamations déjél faites. La COll-
vention pressée de nouveau ne peut plus l'é-
sister, et décrete que les ouvriel's requis poul'
veiller au respect de l'ol'dre public et des pro-
priétés, recevl'ont quarante sous par jour, et
qu'llne salle sera donnée aux commissail'es
des autorités de Paris, pOllr se concerter avec
le comitt' de salllt publico


17·




2(jO Hl;\'OLl:TION J'HAKCAISE.


Apres ce décret, Cout}¡on veu l répondre a
Guadet, et la journée dt'>já fort a\ancée se
consume en disClIssioIlS sans résu I tato Tüu te la
popLllation de Paris, réunie SOllS les armes,
continue de parcourir la \ill~ avec le plus grand
ordre, et dans la meme incertilllde. La com-
mUlle s'occupe a rédiger de nouvelles adresses
relatives a la eommissiün des douze , et l'assem-
hlée lH' cesse pas de s'agiter pour ou contre
eette cornmission. Verglliand, gui "enait de
sortir un rnOlllent de la salle, et qlli a"ait eré
tt'>moin du sillgulier spectaclc de tünte ulle
population ne sachant quel partí pl'endre el
obéissant aveuglément a la premiere autorité
qui s'en cmparait, pense qu'il faut profiter de
ces dispositions, et iI fait une motían qui a pour
hut d'établirune distinctioll entre les agitateurs
et le peuple parisien, et de s'attacher celui-ci
par un témoignage de confiance. « Je suis
«( IOÍn, <lit-il ~I j'assemblée, d'acclIser la majo-
« rité ni la minorité des habitallts de París; ce
« jour servira it faire voir combien París aime
(( la liberté. Il sufflt de parcourir les rues, de
( voir l'ordre qui y regne, les nombreuses pa-
( trouil1es qui y circulent; iI sllffit de voir ce
«( bean spcctacle 130ur décréter que París a bien
( mérité de la patrie! )) - A ces rnots, toute l' as-
"pmblée se leve, et d~clare par acclamations




CONVEl'iTJO;'iI SATJONALE (J7~):»). 2Gl
que París a hien mérité de la patrie. La l\Ionta-
gne et les tribulles applaudissent, smprises de
voir une telle proposition sortir de la bOllche
de Vergniaud. Cette motíon était fort adroite
san s dO!lte, mais ce n'était pas avec un témoi-
gllage flatteur qu'on pouvait réveiller le zéle
dt's seclÍons, rallier ce Hes qui désapprouvaient
la commune, et leur dOllner le courage et l'en-
semble nécessaires pom résister a l'insurrection.


Dans ce moment, la section da faubourg
Saint-Antoine, cxcitée par les émissaires q!Ji
étaiellt vellus luí dirc q!le la Blltte-des-.Moulins
avait arboré la cocarde blanche, descend dans
I'intéricur de Paris avec ses canons, et s'arrete
a quelques pas du Palais-Royal, ou la sectioll
de la Bntte- des - ::\Ioulins s'était retranch{·e.
eeHe-ci s'était mise en bataille dans le jardín,
avait fermé tOlltes les grilles, et se tenait prcte,
avec ses canons, i¡ soutcnjr un siége en cas
d'attaque. Au dellOrs un continuait a répandre
le bruit qu'elle avaít la cocarde et le drapeau
blancs, et on excitait la sectioll du faubourg
Saint-Antoine a l'attaqner. Cependant quelq[Jcs
officiers de cette derniere représeutent qu'a-
vant cJ'en venir a des extrémités , iI faut s'as-
surer des faits et tacher de s'cntendre. lis se
présentent aux grilles et lJc.manuent a parler
aux oHiciel's de la Butte-des-MouIius. On les




26:.& lttlVOLIJTION l<'J{AN~AISL
rec;oit, d ils He trouvent partout quP les cou-
]curs nationales. Alors 011 s'explique, OH s'em-
hrasse de part et d'autre. T.es officiers retour-
nent a lellrs bataillons, et bielltót les deux
sections réunies se confondcnt et parcourent
eusemble les I"Ues de Paris.


Ainsi la soumission devenait de plus en plus
générale , et OIl laissait la nouvellc commune
poursuivre ses débats avec la convention. Dans
ce moment, Rarrere, toujours pret a fournir les
pl'Ojets moyens, proposait au llOll du comité
de salut public d'abolir la commissiol1 des
clouze, mais en meme temps de mettre la force
armée a la disposition de la con vention.--
Tandis qll'il Jéveloppe son projet, Ulle nou-
vellc députation vient pour la troisieme fois
exprimer ses uernieres i IItent ion s ~I l'assemblée,
aa llom clu département, de la commune, et
des commissaires des sectiollS extraordiuaire-
ment réunis A I'Éveché.


Le procureur-syndic du départemcllt, l'Hllil-
lier, a la parole. « Législateurs, dit-il, depnis
« long-temps la ville et le département de París
«( sont calomniés aux yeux de l'univers. Lrs
{( memes hommes qui ont voulu pcrdre París
« dal15 I'opinion publique SOllt les fauteurs des
« massacres de la V cndée; ce sout el/X qni flat-
" tent et soutíenllrnt les espérallces de nos en-




CONVEN'fION NATIONALE (1793). 263
« llemis; ce sont eux qui avilissent les autoritó
« coustitut>es, qui cherchellt a égarer le peuple
« pOLIr avoir le droit de s'eu plaindre; ce sont
« ellX quí vous dénOLlcent des complots irnagi-
« naires pOllr en créer de réels; ce sont eux qui
« vous Ollt demandé le cumité des dOllze pOlll'
« oppl'imer la hbert~ du peuple; cc sont eux
« enfin q lIi, par lIne ft'rrneIltalioll criminelle,
« par des adresses cOlltrouvées, par leurcorrCii-
(e pondance, entreticnnellt les haines et les di-
« visions dans votre seill, et privcnt la patrie du
« plus granel des bicllf;tÍts, el'ulle bonllc cOllsti·
« tUtiOll qu'eIle a achet(~e par tant de sacrifices.ll


Apres cette véhémente apostrophe, 1'1Iuillier
dénonce des projets de fédéralisme, déelare
que la ville de París vellt périr pour le main-
tien de l'uníté républicaine, et demande j us-
tice des paroles f;lmeuses d'lsnard, Pa,.is sera
rc~ré de la [úte des cité.\'.


« Législatems, s'écríe-t-il, le projet de dé-
« truire Paris serait-il bien formé! voudriez-
(( vous dissoudre ce dépot sacré des arts et des
(( cOllnaissances humailles ! » A pres ces lamell-
talions affectées, i1 demande vengeance contrc
fsnard, contre les douze, et contre beaucollp
d'autre.r coupllbles, te1s que Brissot, Guadet,
Vergllialld , Gcnsollné, BlIzot, Harbarollx.
Holalld, Lcbl'UlI, Clavierc, etc.




:&04 RJiVOLUTIUN ER ANf;A ISE.
Le coté droit garde le silence. Le coté gau-


che et les tribunes applaudissent. Le président
Grégoire répond a l'IIl1illier par des éloges
emphatiques de Paris, et invitp la députation
aux honnellrs de la séaIlce. Les pétitiol111aires
qui la composaient étaient melés a une foule
de gens da peuple. Trop nombreux pour res-
ter tOllS a la barre, ils vont se placer du coté
de la l\1oIltagne, qui les accueille avec empres-
sement et leuI" ouvre ses rangs. Alors une mul-
titude inconnue se répand dans la salle, et se
confond avec l'assembIéc. Les triblllws, 11 ce
spectacle de ji'aternité, entre les représentants
et le peuplc, retentissent d'applalldisselllents.
Osselin demande aussit6t que la p('tition soit
impriméc, et qu'on ddibere sur son contenu,
rédigé en projet par Barrere.-Président,s'écrie
Vergniaud, consultez l'assemblée pour savoir
si elle vent délibérer dans l'état Otl elle se
trouve 1- Aux voix le projet de Barrere ! s'6-
crie-t-o.n agauche. -Nous protestons, s'é-
crie-t-on a droite, contre toute délibération,
- La conven tion n' est pas libre, dit Doulcet.
- Eh bien! reprcnd Levasseur, que les mem-
bres du coté gauche se portent vers la droite,
et alors la convention sera distinctc des péti-
tionnaires, et pourra délibérer. A eette propo-
sition, la Montágne s'empresse de passer a




CO]WE;-ITION N ATlmi .\LE (1793). 265
droite. Ponr un momcnt lcs Jeux cotés se COll-
fumient, et les hancs dc la ~lontaglle SOIJ t en-
tiérement abanclonnés aux pétitionnail'es. 011
met aux voix l'imprcssion de l'adresse, et elle
est décrétée.-Aux voix, répéte-t-on ensuite, le
projet de Barrerc 1 - Nous ne sommes ras
libres, répondent plusíeurs membres oe l'as-
spmblée. - Je demande, s'écrie Vergniaud,
que la cOIlventioIl aille se réunir a la force
armée qui l'entoure, pour y chercher protec-
tioll contre la violen ce qll'elle suhit. En ache-
vant ces mots, iI 50rt slIivi d'ull grano llomlH'c
de ses coUegues. La l\Iontagne el les tribunes
applaudissent avec iI'onie au départ du coté
droit; la Plainc reste indécise et effrayée. {{ Je
({ demande, dit allssitót Chabot, qu'on fasse
{( l'appelnominal pOllr signaleI' les absents qui
{( désertent leuI' poste.)) Dans ce momen t,
Vergnialld et CPllX qui I'avaiellt suivi rentrent
avec un air de douleur el cornme tOllt-il-fait
accablés, cal' cette dé marche , qui pou vait etl'e
grande, si elle eut été secondée , devcnait pe-
tite et ridicule en ne l' étallt paso Vergniaud
essaic de parler, mais Robespierre ne veut pas
luí céder la tribune qll'il occupait. Il y reste,
et réclame des mesures promptes et énergi-
ques pou!" satisfaire le pCllple; il demande
qu'a la suppression de la commission des douze




2ti6 RE\'OLUTlO"l FR~N~.:AISI:.
011 joigue des mesures séveres eOlltl'P ses mem-
Lrcs; íl s'étend ensuite 10llfjucmcnt sur la r(~·
daction du projet de Barrere, et s'opposc a
l'article qui attribuait la dispositioll de la force
armée a la convcntion. --«Collc!uez done, lui
" dit Vel'gnjaud impatient. - Ouí, ¡>cprclld
« Robespierre, je vais eonclure et cOlltre vous'
« Contrc vous, qui, apres la révolntlüll dn 1 ü
« aout, avez voulu conduire a l'échafautl cel1X
« qui l'ont faite ~ eontre vous, qui n'avez cess{~
« de provoquer la clestruction de Paris! eontrc
« vous, qui avez VOUlll sauver le tyran! contre
( vous, qui avez conspiré avce DUlllouriez! ...
« Ma conclusioll, e'est le décret d'accusatiol!
« contre tous les complices de Dumouricz, el
« contre ceux désignés par les pétitionnaires. ))


Apres de longs et nombrcl1x applaudisse-
mellts, un décret est rédigé, mi.s aux voix, et
adopté au milieu d\m tumulte quí lwrmet á
peine de distinguer s'il a rélHli UII llülllbre
suffisant de suffrages. Il porte: que la CüIII-
mission des douze est supprimée; que ses pa-
piers seront saisis pour cn etre faít le l'apport
SOIlS trois jours; que la force arm<-e cst en r('-
qllisition permanente; que les autorités cons-
títuées rendront compte a la convelltioll des
moyens pris pour assurer la tranqnilliu; plIhli-
(Iue; que les complots dénollcés SCJ'ülll pour-·




CU""VENTION NATIONALE (1703). 2G7
suivis, ct qll'une pr'oclarnatioI\ Sf'r'il. f:tite }lour
donner á la France Ulle juste idée de cette
journée, que les lllalveiJlallts chercheront sans
doute a défigurer.


Il était dix hemes du soir, et déjá les jaco-
bins, la commune, se plaignaicnt de ce que la
journée s'écoulait sans produil'e de résultat. Ce
décret rendu, quoiqu'il!le décide eucore rien
qnant a la personne des girondins, est un pre-
miel' succes dont on se réjouit, et dont on force
la conventíon oppríméc a se réjouir aussi. La
commune ordollne aussit6t d'íllllminer la vilIe
enticre; 011 fait une promenadc civique aux
flambeaux; les sections marchent confondues,
ceHe du faubonrg Saint-Antoine avec eeHes de la
Butte-des-Moulins et du Mail. Des députés de
la Montagne et le pl'ésidellt sont obligés d'as-
sister a ce cortége, et les vainql1eurs forcent
les vaincus eux·rnemes ú célébrer IcUl' victoire.


Le caractere de la journée était assez évident.
Les insurgés avaient prétendu faire toutes cho-
ses avec des formes. Ils ne voulaient pOillt
dissoudre la cOllvention, mais en obtenil' ce
<¡u 'ils exigeaient, en paraissant luí conservcl'
Ieur respecto Les faibles membres de la Plaine
"e pretaient vololltiers a ce mensoilge, qlli
tendait a les faire regardcr encore comme li-
ures, quoi(lue en fait ¡ils obéisscnt. On avait




268 nÉvoLLTlO1'i FRAl\'(,:AISL.
eu effet aholí la commission des douze, et rClI-
voyé l'examen d(~ sa conduite a trois jOllrs,
afin de ne pas avoir l'air de cédcr. On n'avait
pas attribué ~t la convention la dispositioll de
la force armée, mais on avait décidé qu'il
lui serait rendu compte des mesures prises,
pour lui conserver ainsi les apparences de la
souveraincté. On ordonnait enfin une procla-
mation, pOlIr répétcl' officiellement que la
conventi.on n'a'\ai.t p·,\5 peu\', ct qn'd\e ~\:a\t
parfaitement libre.


Le lendemain, Harrerc fut chargé de rédiger
la proclamatíon , et il travestit les éY(~llements
du 31 mai avec cette rare dcxt(~rité (IllÍ le ftí-
sait toujours rcchercher quand il s'agissait de
fournir aux faibles un prétexte honnete de
céder aux forts. Des mesures trop rigonreuses
avaient excité, disait-i1, dll m(~contenteIllellt;
le peuple s'était levé avec éllcrgic, mais avec
calme, s'était montré totIte la journée COllvert
de ses armes, avait proclamé le respect des
propriétés, avait respecté la liberté de la con-
vcntion, la vie de chactll1 de ses membres, et
demandé Ulle justice ql1'on s'était C'mpressé de
lui remIre. C'estainsiquc Barreres'exprimait a
l'égard de l'abolition de cette commissioll des
douze, dOllt il était Illi-nlt~me l';¡llteur.


Le I~l' juiu, la trallquillité était loill d'etre




CONVE1I'TlON NATlONALF \1793). 269
n"tablie; la réuniou a l'f~vé('hé C'ouúnllait ses
délibérations; le département, la commane,
tOl1jours convoqués f'xtraordinuirement, étuient
en séance; l(~ hrllit n'unit pas cessé cluus les
sections; et de toutes parts OH disait qu'ou
n'avait obleulI qne la moitié de ce qu'on désj~
rait, Pllisque les vingt-deux siégeaient encore
dans la convention. Le lrouble l'égnait done
tOlljonrs dans Paris, et 011 s'attcudait a de
nouvclles scenes pOllr le lendemaill dimanche,
2 Jml\.


TOllte la force positi\'c et matérielle se troll-
vait dalls la réunioll inslltTt'ctionnelle de l'Éve-
clIé, et la force légale dans le comité de salut
public, revetu de tous les pOllvoirs extraor-
dinaires de la cOllvention. Une salle avait été
assignée dan s la jouI'Ilée du 3, , pour ({lI(:' les
alltorités cOllstitllées y vinssent correspondl'e
avec le comité de salut publico Pcndallt toute
la jouruée el u 1 el' j uin, le comité de salul pu-
blic ue cessa demallderlesmembresdel.as-
semblée insurrcctionuelle, pou!' savoir ce que
voulait encorc cette cornrnune révoltée. Ce
qu'elle voulait était trop évident : c'était OH
l'arrestatioll on la destitution des députés qui
lui avaiellt si courageusement résisté. 'Ious les
membres dn comité de salut public étaient
profondélllent affectés de ce projet. nelmas ~




~~70 HJ:VOU;TION f'RAN<;:A.ISl:.
Treillal'd, Bréard, s'ell affligeaient sincercmellt.
Carn hOIl, grand partisan, comme ii le disai t
toujours, da pouvoil' revolutioTlllail'e, mais
sCl'llpuleusement attaché a la légalité, s'indi-
guait de l'audace de la commune, et disait a
Bouchotte, successeur de Beurllonvillc, et,
eomme Pache, complaisant des jaeobins : f( Mi-
(( nistrc de la guerre, nous ne sommes pas
I( aveugles; je vois tres-bien que des employés
(e de vos bureaux sont pal'mi les ehefs et les
e( mcneurs de tout cecí.)) narrere, malgré ses
ménagcments accoutumés, eommerl(~ait aussi
~l s'indigner, et a le dire. «( TI faudra voir, répé-
c( tait-il daos ectte triste joul'née, si e'est la
c( eommune de París qui repl'ésente la ré¡m-
« blíque franc;aise, OH si e'est la eonvention.))
Le jaeobin Lacroix, ami et lieutenant de Dan-
ton, paraissait embarrassé aux yeux de ses col-
legues de l'attentat qui se préparait eontre les
loÍs et la rcprésentatioll naliolJale. Danton, qlli
s' était borné a approuver et a désirer forte-
ment l'aboiition de la eornmíssion des douze,
parce qu'il ne voulait ríen de ce qui arretait
l'éllergie populaire, Danton aurait souhaité
qu'on respectat la représentation nationale;
1l1ais ii prévoyait de la part des girondins de
1l0llVeanx édats pt IIlle Ilouvelle résistallce a
la marche de la révolutioIl, et eút désiré trou-




(;ONVFNTION N,\TIONALE (I7~)3). 271
ver Ull moyen de les {'[oigner S311S les pros-
crin~. Garat lui en ofJrit un, qu'il saisit avec
empressement. 1'0115 les ministres étaient pl'é-
sents all comit{,; (;arat s'y tronvait avec ses
collegllt's. Pro{(lJIdél1len t affligé de la sitllatioll
01" 'iC troll vai(~1I t, les uns a l' égard des autres,
¡es cltefs de la révollltion, il Cor](,~llt ulle idéc
généreuse qui a urai t 1lll rameller la concorde,
« Souvent'z-vollS, dit-il aux ruembres du co-
« mité, et particlllicI'f'ment ú Danton, des que-
« relles de Thémistocle et d'Aristide, de l'obs-
«( tiIlation de I'un á refl/ser ce glli était propos{~
( par j':wtre, et des dangel's qu'ils fircnt cou-
«( rir a leur patrie. Souvenez-vous de la géné-
« rositó d'Aristide, qui, profondémellt péné-
{( tré des maux qu'ils causaient tous deux a
re leur pays, eut la magllanimité de s'écrier :
{( () A t héniens, vous ne pOllrrez etre tl'an-
« quilles et hellrclIx, que IOl'sque vous nons a [l-
«( I'ez .iett>s, Thémistocle et lUoi, daus le Rara-
« thl'e! Eh bien! ajoute Garat, que les chefs des
( deux coll>s de l'assemblée se répetf'nt les
I( paroles d' Aristide, et qu'ils s'exilent volon-
« tairerneIlt, et en nombre égal, de l'assem-
( blée. Des ce jour les discordes se calmeront;
« il restera dans l'assemblée assez de talents
(( pOll\' s:tuver la chose ¡Hlhli(PlC, et la patrie
« béllira, dans leur magIlifi(l'le ostracisme,




27'2 BÉVOLLTlüN I'RA.N~AISE.
« ces hommes qui se serollt annulés pour la
« pacifier. » A cette idée génércllse, tous les
membres du comité sont émus. Delmas, Bar-
l'ere, le chaud Cambon, sont enchantés de ce
projet. Danton, qui était ici le premier sacri-
fié, Danton se léve, les larmes allX ycux. et
dit a Garat : « Vous avez raison, jc vais á la
« convention proposer cette idée, el je m'of-
(e frirai a me rClldre le premier en otage i.
« Bordcaux. » On se sépare tout plcins de ce
noble projet, ponr allcr le communiquer aux
chefs des dellx partís. On s'adresse particulie-
rement a Robespierre, :l quí une telle abné-
gation ne pouvait convenir, et qui répond q!il~
ce n'est la qu'un piége tendu a la :\Iontagne
ponl' écarter ses plus courageux défenseurs.
De ce pl'ojet il ne reste plus alors qu'une senle
partie exéctltable, c'cst l'exil volontaire des
girondins, les montagnards refllsant de s'y
soumettre ellx-memes. Cest Barrere qui est
chargé, au nom dll comité de salllt pllLlic, de
proposer anx uns un sacrifice que les autres
n'avaient Fas la générosité d'acceptcr. Barrere
rédige donc un projet pOlll' proposer aux vingt-
deux et aux membres de la commissioll des
douze, de se démettre voloutairement de Jeurs
fOllctions.


Dans ce 1l10lllent, le projet ddinitif de la se-




CUi'lVENTIUN ,,< ATIOJ'dU I í~)~\, :.>.íJ
conde illsurrectioll s'arretait a l'assemblée df'
r~~veché. On se plaiguait la, ainsi qu'allx Ja-
cobins, de ce que l"énergie de Danton s'était
ralentie depuis l'abolitían de la commissioll
des dotlze. Marat pl'oposait d'aller exiger de la
convention la mise en accusation des vingt-
deux, et conseillait de l' exiger par force. On
rédigeait meme ulle pétitiün COl/rte et éIH~r­
gigue pour cet objet. On arrétait le plan de
l"insurl'ection, non dans l'assemblée, mais dans
le comité d'exécution, chargé de ce qu'oll ap-
pelait les moycns de salut pu/;lic, et compos('
des' arlet" des DobsCll, des Gusman, et de
tOllS ces honnnes qui s'étaient constamment
agités depuis le 21 jallvier. Ce comité décida
de faire entourer' la convention par la force
armée, et de consigner ses lllembres dans la
"alle, jllSf{lI';1 ce fJll'elle eut rendu le dhrcl
I'xi?é. POllr cda, nll dcvail faire reutrer d:llh
Paris les batallJons destilll'S pOllr la Ycnd('(',
qu'on ay,tit el! sotn de l'etel1it" S01lS diver~
prétextes, dans les casernes de Courhevoit'.
Un croyait pouvoir obtcni r de ces bataillolls.
et de quelqllcs autres dont un disposait, ('('
qU'OIl n'allt'uit p.~nt·etre pas obtenu de la gal'de
des sections. En entourallt le Palais-Natiolla 1
de ces hommes dévoués, el ell maillteuanL.
eomme au 3, mai, le reste de la force arIllée


IY.




27[' rdHlI,LTION ¡;H-\I'H~AISF.
dan~ la docilit{~ eL l'ignorance, 011 dcvait fan
lement venir a hont de la résistance de la COIl-
vention. e'est Henriot qui fut encore chargp
de commander les troupes autollr du Palais-
National.


C'était la ce qu'on s'était pl'omis pour In
lendemain dimallche 2 juin; mais dallS la soi-
rée dn samedi 011 voulait voir si une derniere
démarche 11e suffirait pas, et essayer qnelques
nouvelles sommations. Dans cctte soírée. en
effet, OH fait hattre la géllérale et SOll11cr 11>
tocsin, et le comité de salut puLlic s'empresse
de convoquer la conventiou, pour siéger ao
mílieu de eette nouvelle tempete.


Dans ce moment, les girondins, réunis UlH'
demiere fois, dinaient ensemble, pour se con-
sulter sur ce qui lem restait a f~lire. Il était
pvident a lcurs yeux que l'insurrection ac-
tllelle ue pouvait plrlS avoir pour olJjet, ni
des pl'esses el brisel', comme avait r1it Danton,
ni une commission a supprimer, et qu'il s'a-
gissait déflOitivement de leurs personnes. Les
uns conseillaient de rester fermes a leur poste,
et de monrir sur la ehaise eurule, eH défen-
clant jusqu'au baut le caractere dont ils étaient
r¡;vetus. Pétion, Buzot, Gensonné, penchaient
pOllr ectte grave et magnanime I'ésalution.
Rarharollx, SéÚIS calcull'r les résultats, ne sui-




CONVENTION N,\TW;YAI,E \ 1793). 275
vant quP les inspirations de son ame hérolque.
voulait aller braver ses ennemis par sa pré-
sence et son eourage. D'autres enfin, et LOll vet
était le plus ardent a soutenir eette dernierp
opinion, proposaient d'abandonner sur-le-
ehamp la convention, oú ils n'avaient plus rien
a faire {rutile, oú la Plaine n'avait plus assez
de courage ponr leur donner ses suffrages, et
oú la Montagne et les tribulles étaicnt réso-
lues a eüuvrir leurs voix par des lmées. Ils
voulaient se retirer dans Ieurs départements.
fomenter l'insurrection déjú pl'esque déclarée,
et revenir ea force a París venger les lois el
la représentatiotl nationale. Chacun soutenalt
son avis, et on ne savait anquel s'arreter. Le
bruit dLl tocsin et de la générale ühligc les in-
fortunés convives a quitter la table, et a eher-
eher un asile avant d'avoir pris une résolution.
lis se rendent alors chez l'UIl d'eux, moills
compromis que les :ultres, et non inserit sur
la famellse liste des vingt -deux, chez Mcilhan,
qui les avai.t déja re<{llS, et qui habitait, rue
rll'S Monlins, un logement vaste, ou ils pou-
vaient se réunir en armes. lIs s'y rendent en
h:ltc, a part quelqnes-ulls qui avaient d'alltres
mOyt'ns de se mettre ;\ eouvert.


La convention s'était réllnie ;m bruit du
loesin. Trps-peu de membres étaient présents_


18.




') 71) n E\'OU:TI ON I'Il ,\ '\IC'\ 1St'.
el tOllS cenx ell¡ c("té droit maW[ll:lif'1I1. L;Jl\
juillais seul, empressé de !Jraver 101lS les dan·
gers, s'y était rendu pour déllf)J]cer 1(, com-
plot, dont la révélation n'apprenait. ríell ~l
persnnne. Apres une séance asscz ora~ellse el
assez courte, la eonvention répondi tal/X pP-
titionnaires de I'Évec)¡é, que, vu le d('cret qlll
f'lljoignait an comité de salut public de lui
faire un rapport sur les vingt.deux, elle n'avait
pas a statuer SUJ' la nOllvelle demande de lil
commlllle. On se sépara en désordre, ('t le,~
conjurés renvoyerent au lenclemain matin I'exe-
cntion définitive de leur proJeL.


La générale et le tocsín SI' firen! entendl't'
ton/e la nuit du samedi au dimanche matin,
'), juin r 793. Le canon (ralarme gronda, el loute
la populatioll de París tut en armes des la
poin/e dll jonf. Pr('s de qllatre-vingt mille
hornrnes étaient rallg<"s alltour (k la COI!\'ell
tíOIl, mais plu,-; de soixante-quillz/' mille
ne prenaient aucunc pal't a J'évéuement, et
se contentaiellt d'y assister l'arme au bras
(Juelc¡ues hataillol1s dévOllÉ'S de canouniers
étaient rangés sous le commandement de fTeJl-
ríot, autour dtl Palaís- \ational. Jls avaielll
cent soíxante-tl'ois bOLIches a ft'll , des caissolls,
des grils i1 l'OlIgir les bonlds, d(~s ml~ches allll-
mpes, et tout J'appal'cil lIlilitaiJ't' carable d'im-




" .U~VEj" !'lO:'. :'i ,\ t'IOi'< \ LL Ij(,P, 277
jlust'!' aux il1lagil1at¡oll~, Des le matitl un ayalt
Lut rentrer dal1~ Paris II:s bataillolls dOlll le
.léparl POLI)' la VeIlllée a \<tí t l'tt~ retardé; UH l('s
avait irrltt's ell leur persuadant qu'on vellait .It'
décolI\'l'ír des complots dont les chefs étaienl
daCJs la cOllvenlioll, et c¡u'il fallait les ell aITa·
cher. On assurc gu'a ces raisons on ajollta de~
assigllats de ceut SOl/S. Ces bataillons, étlllSI
cntraiués, marchércnt drs Champs-Elysées ú
la Madelainc, de la Madelaillc an honlevart, el
dubolllevart au Carl'ouscl,pnits ~I exécuÍt'r toul
ce que ¡es cOlljUl't':S voudraient leul' pl'cSCI'il't',


AillSi la con velllioll, sPlTée a peine par q uet-
<{ !les Illille f()I'cellés, semblait assiégée par
quatI'e-vingt mille bommcs. Mais glloiqu'elle
ue 1'út récllemellt pas assiégée, elle n' eu cuurait
¡¡as Jl)oills d(~ dauger, cal' les quclqH(~s Illillt,
IlUlllllles qlli I'elltouraicut étaiclIt disposés;1 SI'
¡¡Her cuntrc die allx (kl'llil'l's c.\.cés,


Les députés de tUlIS les cútÉ's se trollvaiclil
:\ la séance. La Montaglle, la PlaÍue, le cott">
droit, occupaient leurs banes. Les dépu tés
pI'Oscrits, réunis en grande partic chez Meil-
hall, ou ils avaient passé la Huit, voulaicnt se
['endre aussi a kilI' poste. Buzot faisait des el
forts pUllI' se détacher de ceux qui le rete·
lIaienl, <'1 alle!' expirer au sein de la COIIVl'll
I¡Oll, C('pclIllant UIl était parvellu ;\ !'ell (;'111




pechero Bal'baroux seul, réllssissant a s'échap-
per, vint a la eouvention poul' déploycr dallS
ectte joul'née un sublime courage. On enga-
gea les autres a res ter l'éunis dans leur asile en
attendant l'issue de cette séance telTible.


La séance de la conventÍon eommence, et
Lanjuinais, résolu aux derniers ef[o1'ts ponr
faire respecter la représelltation nationale,
Lanjuinais, que ni les tribunes, ni la Monta-
gne, ni l'imminence du oallgel', ne peuvent
intimider, est le premier a demander 1:1 pa-
role. A sa demande, les murmures les plus
violellts retentissellt. (( Je viens, dit-il, vous
«( occuper des moyells d'al'reter les nouveaux
c( mouvements qui vous menacent 1 JJ - «( A has ~
«( abas! s' écrie-t-on , iI vent amenel' la guerre
c( civile. )) - (( Tant qu'il sera permis, reprend
« Lanjuinais, ele faire entendre lci Sil voix, je
,( ne laisserai pns avi)il' dans ma pcrsonne le
«( caractere de représentant da peuple! J us-
ce qu'ici, vous n'avez rien fait, vous avez tont
«( souffel't; vous avez sanctionné tont ce qn' OH
« a exigé de vous. Une assembIée ínsurl'ec-
« tionnelle se réunit, elle nomme un comité
« chargé ele préparer la révoIte, un comman-
f( elant provisoire chargé de commander les ré-
« voltés; el cette assernblée, Cp comité, ce ('0111-
" mandant, vous soulfrez tout ceJa! )) Des ni:.




('UNVliNTION NAI'IU1'U1E 1,.17~)T). 279
~pouvalltahles interrompelll ú chaque iustanl
tes paroles de Laujuinais; enfin la colere qu'il
Illspire devient telle, que plusieurs députl~S de
la Montagne, Drouet, Bohespierre jeuuc, .J lI'
lien, LegeJldre, se levent de leurs bancs, COIl-
rCllt <1 la tribuue, et velllent l'en arracher,
Lanjuinais résiste et s'y attache de toutes ses
rarees. Le désordre est dans tOlltes les parties
de l'assemblée, et les hurlemellLs des tribunes
achevent de rendre ceHe sctme la plus ef-
frayante qu'on eut cncore vue. Le présidclll
se eouvre et parviellt a fúre elltcndre sa voix,
" La scene qui vient d'avoir lieu, dit-il, es!
,( des plus afiligeantes. La liberté périra si
« vous continucz a vous condllire de meme;
« je vous rappelle a l' ordre, vous qlli vous etes
« aiIlsi portés a eette tribune! » Un pen de
calme se rétablit, et Lalljl1inais, qui ue crai-
gnait pas les propositions chimériqucs, qualld
elles étaÍent conrageuses, demande qu'on cassc
les autorités révolutiolluaires de París, c'cst-
;t-dire que ceux qui sont désarmés sévisseul
conl"re ceux qui sont en armes. A peine a-t-il
achevé, que les pétitionnail'es de la communG
-;e préseutent de llouveau. Lenr langagc est
plrls j)l'ef et plus éllergique que jamais. Les
á1o.ycIls de Pan'.I' n'ollt fJOint qlútte les armes
dC/Jlús 7llllff'l' jou/'<\'. DelJllis quatre jOlt!'.\', ilJ




2bo H LVULLTJO\ 1:'H \l\L\J~I'.
rec/amt:nt (lupl'es de leul's JllUtldatail'es ICll!'J
droits z"ndignement violés, el depuis quutre


JOUl'S lelLrS mandataires se rient de leul' calme
et de leur inaction .... J! .tala 1}{(Oh mette les
cOllspil'ateurs en etal el' al'f'Cst,UIOn proYiso!!'I:',
ilfaut qU'Oll sauve le peuple sUl'-le-c/wmp, 0([
il va se sauver lui-m¡Jllle! - A peine les pétí-
tíonnaires ont-ils achevé dp parler, que Hí!-
laud- Varennes et Tallien dcma!l(!pnt le rapport
sur cette pétition. st:ancc tenante et sans dé-
semparer.-D'autres en granel nornbrc deman-
dent l'ordre cIu joul' . .Ellfill, an mí!if'u du tll-
multe, l'assemblée, animée p;Jr le dangl'l', St'
leve, et vote l'ordre du jour, sur le lJlotif
tfu'un rapport a été ordonné au comité de
salut public sous trois jours. A cette llécision,
les pétitionnaires sOl'tent en poussant des cris.
("Il faisant des menaces, et en laissallt aperce-
voir des armes caehées. Tous les hOllllllCS qUI
étaíent dans les trilnlllcs se retirellt cornme
pour aller exécuter un projet, et i1 n'y reste
que les fcmmes. Un granel bruit se fait au
dehors, et on entend crier aux armes! aux ar-
mes! Dans ce moment plusieurs députés veu-
lent représcIIter a l'asscmbléc que la détcrmi-
llation qu'elle a prise est imprudente, qu'i/
but terminer une erise dangerellse, ell aceor·
dant ce qui C5t demandé, el en rncltanl el!.




CONVENTIOr. [~AT/()J'iAU. iI7~J:).' 2RI
arrestatíon provisoire les vingt - deux députés
accusés. « N OtlS irons tous, tous en prison)) '.
s'écrie Lal'éveillérc-Lépeaux. Cambo[l anllonce
alors que, d:ms UIle dcmi-heure, le comit(~ de
salut IHl]J!ic fera son rapport. Le rapport était
ordonné SOllS trois jours, mais le danger, tou-
jOllrs plus pressant, a vait engagé le comité a s~
húter, Barrere se présente en cffet a la tri-
bune, et propose l'iMe de Garat, qui la veille
avait ému tous les membres dn comité, que
Dan ton avait cmbrasséc avec chalenr, que Ro·
bespierre avait repoussée, et qui consista!! ('11
I/n exil volontaire et réciproqlle des chefs des
deux partís. Barrere, ne pouvant ras la pro-
poser aux montaguards, la propose anx vingt-
deux.«Le comité, tlit-il, n'a eu le telllps d'é-
ce claircir aucun fai t, d'elltendre allClJn témoill;
t( mais, Vll l'état politique et moral de la COIl-
" vention, il croit que la suspcllsion volontairl:'
,( des députés désignés produirait le plus beu·
« reux effet, et sauverait la répuLlique d\me
« crise funeste, dont l'issue est effrayante a
lC pl't'voir.))


A peine a-t-il achevé de parler, qu'Isllarc1 se
rend le premier a la tribune, et <lit que des
qll'on mettra en balance UIl llOrnme et la patrie,
il Il'hésitcra jamais, el qlle non sculement il
rellOl1c(' a ses fOlJctiollS, lllais;l la vie, s'il Iv




? fh H EVOLljTION j<'RAN\~AISE.
faut. Lantheuas imite l'exemple d'lsnard, ('1
ahdique ses fonctions. F'auchet offre sa Mm ¡s-
sion et sa vie a la république. Lanjuinais, (l"i
\le pensait pas qn'il falIút céder, se présente a
la tribune, et dit: « le crois que .iusqu'~t el'
({ momeut j'ai montré assez d'énergíc pOfll' que
« vous n'attendiez de moi ni suspension, ni
l( démission ... » A ces mots, des cris éclatenl.
dan s l'assemblée. Il promene uu regard assuré
sur ceux qui J'interrompent. « Le sacrificateur,
« s'écrie-t-il, qui trainait jadis une victime a
« l'autel, la cOllvrait de fleurs et de bandelettes,
« et ne l'insuItait pas ... Gn veut le saerifiee de
« nos pouvoirs, mais les sacrifices doivcnt
« etre libres, et nous ne le sommes pas! On
,( ne peut ni 50rtir d'ici, ni se mettre aux fe-
l( nEhres; les callons sont braqués, OH ne peul
" émettre aucun vceu, et je me tais. » Barba-
roux succcde a Lanjuinais, et refuse avec
autant de courage la démission qu'on lui de-
mande. ( Si la cOIlvention, dit-il, ordolluc lila
« démission, je me soumettrai; mais commelll
« puis-je me démettre de mes pouvoirs, 101's-
" qu'nne foule de départements rn'écrivellt ct
" m'asslJrent que j' en ai bien usé, ('t m' enga-
l( gent a en user encore? J'aí juré de lIlouril' Ú
« mon poste, el. jc tielldrrti mOll serlllellL)) 01/-
~i~lIdx. offre sa délllissjOll. " (¿uoi ~ S'ÚTÚ' Mara!.




CONVENTION NATIONAL1<: (179:1). 2iB
« doit-on dOllller a des eoupables l'honneur
« du dévouement? 11 faut etre pur pOllr ofIrir
« des saerifiees a la patrie; e'est a moi, vrai
i( mart)r, a me dévouer; j'offre done ma sus-
ce pensioll du moment que vous aurez orclonné
« la mise en arrestation des députés accuses,
(( Mais, ajoute Marat, la liste est mal faite; au
« lieu dn vieux radoteur Dusaulx, du pauvre
,( d'esprit Lanthcnas, et de Ducos, eoupable
« selllement de quelques opinions erronées, iI
« faut y placer Fermont et Valazé, qui méri-
« tent d'y etre et qui n'y sont paso »


Dans le momcnt, un grand bruit se fai t en-
tendre aux portes de la salle. Laeroix entre
tout agité, et poussant des eris; il dit lui-meme
qu'on n'est plus libre, qu'il a voulu sortir de
la salle, et qu'il ne I'a pas pu. Quoique mOll-
tagnard et partisall de l'arreslation des vingl-
drux, Lacroix était indigné de l'attentat de la
éomUlIIIIC, qui faisait consigner les députés
dans le Palais-National.


Depuis le refus de statuer sur la pétition de
la commune, la consigne avait été donnee, a
10utes les portes, de ne plus laisser sortir un
::.eul député. Plusieurs avaient vainement es-
sayé de s'évader; Gorsas seul était paneIlu a
:,,'échapper, el il était alié ellgagCI" les giroll-
¡Jins, restés chez Meilhan, a sc cacher oú ib




'l8,~ lit" VOLUTION FI\.\ i'I (,:\1 SI,.
poul'l'aiellt, et a Be pas se !'(,lIcin~ ;1 l'asst'lllblc,'
Tous cellx (lui eSSCl)el'eut de surLir furelll fOl"'
c<'mellt retenus. Boissy-d' A u glas se préscll te it
une porte, re<;oit les plus mamais traiteuH'lIts,
et rentre en lllontrant ses vetemcllts cléchil'l·~s.
\ eette vue, toute l'assemblée s'indiglle, et la
:\iontaglle elle-meme s'étonne. On maude JI'"
autenl'S de ectte consigne, et OIl reIHl un dé-
cret illnsoire qui appelle a la barre le commaIl-
dant de la force armée.


13ar1'cre prenant alo1's la paroJe, et s' expn·
In~mt avcc ulle énergie qui lle lui était pas (1)'-
dinail'c, dit que J'assclllblée !t'est pas Jib!'\' ,
qu'elle délibere sous l'empirede tyraus caches.
que darrs le comité insurrectíonnel se t1'ouvelll
,les hommcs dont Oll ne peut pas répollllre.
des étrallgers suspccts, tels que l'Espagllui
(;usman et autres; qu';:' la porte dl' la salle
,jll distribue des assigIl:tts de cinq Ji\Tes all\
bataillol1s destin('s pOllr ia \l'lldée, !'t llll'd
t:mt s'assurer si la eOIlV('lI tiOH est rcspedé(·
encore OH ne l'est plus. En cOlls6quence, il
propase al'assemblée de se relldre tout entiere
au milien de la force armée, ponr s' asslIl'cr
(Pl'elle n'a ríen a craindre, ct (Iue SOIl <luLOl'itt'·
cst encore recaIlIlue. Cette projlositi()lI, lkjil
t~lite par Garat le '1.5 Illai, J·en()lIvel(~(· 1"11' Vn
L;lliand le :11, esl ilussi\('¡t aduplt"l" lIel'aultS("




dlt'llC's, donl 011 se scnait dans tnutes I('~
occ\."iolls cliHlciles, est mis a la tete de r;:¡!'-
sPlllbl{'e CmIHlle ¡>l'ésident, et tout le coté clroit
et la Plaine se 1<'\,(,11t ponr le suivre. La MOIl-
lagll" selde reste ú sa place. Alol's lf's dernieré-
dépUlés de la droitc reviennent, et luí repro-
dlcnt de ue ras partager le clanger commUll
I.es trilHllles :ltl contrairc cngagcnt avee dC's
sigiles les mOlltagnardsde rester sur lellrs hanes,
cOl1lme si 1111 granel péril les mcn~)(;ait al! de-
J¡ors. Cepewlallt les montagnards cedeut par
Illl sClltiment d(' pllc!I'Ur. et tOllte la comell·
r ion, a.'all t ;\ ;;:1 téte H (\rault-Séehelles, se prc-
';¡'lIte (Ltns les cours du Palais-Natiollal, et du
cotl; dn CarrouseL Les sentinelles s'éeartenl
et laissent passer l'assemhlée. Elle arri,-e en
présenee des c;lII01l1licrs, :t la tete clesquels SI'
trollvait ifcmiot. Le président lui signifie d'on-
vrir passagc á ra~~l'mblél'. - VOllS ne sortirez
p3S, lenr dit H('nriot, qlle vous n'3ycz Ji"rl'
les vingt.dcllX. - Saisissez ce rehellc, dit le
president aux 501<1ats. - Alors Henriot faisanl
reculer son cheval, el s'adressClllt a ses canon-
lIiers, lpur dil: CauOllllÍers, it vos pieccs: --
Qlldqu\m aussit'Jt saisit fOI'tement Hél'ault-
:)échelles par le bras, ('1: jI' l'amenE' d'ull alltre
cót~. Un se rend dans le pnlin pOli!' rellOll-
\ ekr la nll\lIH' e~péri('nce. (Jul'lq ues groul)\'''




J.H6 m¡VOLUTION FRA'ICAISE.
cnalent vive la nation! d'autl'es 'vive la COfl-
ventioll! vive jJf arat! a bas le ('(Ité droit!-
Hors dll jardín, des batai1l0lls, alltl'ement dis-
posés que ceux qui entouraienL le Carrousel,
f:1.isaient signe aux députés de venir les join-
dre. La convention, pour s'y rendre, s'avance
vers le Pont-TOllrnant, mais la elle trouve uu
HOllveau bataillon qui lui ferme la sortíe dn jar-
din. Dans ce moment, Marat, entollré de quel-
quesenfants qlli criaicntvive Marat! s'approche
du président, et lni dit : Je somme les députés
qui ont abandonné lenr poste d'y retourner.


L'assemblée en cffet, dont ces épreuves I't~­
pétées ue faisaient que prolonger l'humiliatíon,
rentre clans la salle de ses séances, et ehaeun
reprend sa place. Couthon monte alors a la
tribulle. « Vous voyez bien, dít-il avec un/!
« assurance qni confond l'assemblée, que vous
c( ctes respectés, obéis par le peuple; vous
« voyez que vous etes libres, ('t que vous pou-
« vez voter sur la qllestion qui vous est sou-
(( mise; hatez-vons done de satisfaire aux vreux
« du peuple. )) Legenrlre propose de l'etran-
cher de la liste des vingt-rleux ceux qui out
offert lenr démission, et d' exccpter de la listf'
(les dOllze, Royer-Fonfrede et Saint-Martill,
qui se sont opposés aux al'n~stati()ns al'hitrai-
1'('s; il propase de les remplac(~r par Lebrull




COI\'VENTION NATlfLVAI,E !, 1793). ~~-
t'l Clavierl'. 1\larat insiste pOIll' qu'oll raie d(~
la listf' Lalltheuas, Ducos et Dusalllx, et qu 'OH
y ajoute Fermont et Valazé. Ces propositiom
sont adoptées, et on est pret a passer aux voix.
La Plaine illtill1idée commeu<;aít a dire, qu'apres
tout, les députés mis en arrestatíon chez eux
ne seraient pas tant a plaindre, et qll'il fallait
mettre fin a cette scene terrible. Le coté droil
demande l'appel nomiual pour faire honte aux
membres du ventre de leor faiblesse; mais l'un
,l'cux fournit a ses collegues un moyen hOl1
l](ite pour sortil' de ceHe situation difficiJe. 11
!le vote pas, dit-il, paree qu'il n'est pas librE'
-\ son exemple, les autres refusent de voter_
Alors la Montagne seule, et quelqnes mItres
membres, décretent la mise en arrestation dcs
déplltés dénoncés par la commune.


Tel fut le célebre événcment du 2 jllin, plus
connll sous le nom dn 31 mai. Ce fut contre la
l'epreseIltation nationale uu vrai ro aoút; cal',
les députés une [ois en arrestatioll chez eux,
11 ne restait plus qu'a les faire monter sur
['échafaud, et c'était peu difficile. leí finit une
(~re principale de la révolution, qui a servi df'
préparation a la plus terrible et a la plus
grande de toutes, el dont il f~Hlt se rappeler
l'enscmble pour la bien apprécier.


A II 10 ao{,t, la révolution, ne contenant plus




?R8 ni:VOLlITION FR Ai\¡,>\lSF,
ses défianccs, attaq ue le palais d u monarqw',
pour se ddivrcr de craintes devcllues inslIp-
portables. La premiere idée c¡u'on a, c'est de
sllspendre Louis X VI, et d'ajoUTncr son sort
;\ la reunion de la prochaine COllventioll na-
tionale. Le monarque suspemlu, et le pouvoir
restant anx mains des différentes autorih"s
po¡mlaires, Ilalt la q uestioll de savoir comment
on usera de ce pouvoir. Alors les clivisions
qui s'étaient déjil prollollcées entre les parti-
~ans de la morlération el cellx d'lme érH:'rgif~
í:H:'xorablc, éclatent salls ménagemenl : la
commune, composée de tOllS le:-; ]¡olflnH's ar-
dellts, atta que la législative et l'Ínslllte en la
mena<;ant du tocsin. Dans ce moment, la coa-
lition, ranimée par le 10 aout, se presse <1'a-
vancer; le danger augmente, provoque de
plus en plus la violencc, décrie la modération,
d pOllsse les passions aux plus grallds exct'S,
Longwy, \ erclllu, tomLent au pOllyoir de ren-
llemÍ. En voyant approcher BrUllswick, OH
devanee les crllautés qu'il annonee dans ses
manifestes, et on frappe de terreur ses parti-
s;ms cachés, par les époliyantables journées
de septembre. BientOt, sallvée par le Leall
-;ang-fl'Oid de Dumotl!'icz, la FrallCC a le temps
dt' s'agiter cllcore pOli!' cctte grallde (JlH'stioll
;jp I'usage I1lndt'.¡-(' Ol! lmplloyahk du pOllvoir




CO~'TNTlO'i NATIO:\',\U ,,1793). 289
Scptembre devient un pénible snjet de repro-
ches: les modérés s'indignent; les violents
velllent qu'on se taise sur des maux qu'ils
elisent inévitaLles et irréparables. De cruelles
personnalités ajoutent les haines individuelles
aux haillcs d'opinion; la discorde est excitée
an plus hallt point. Alors arrive le moment
de statuer sur le sort de Louis XVI. On fait
sur sa personne l'application des dcux sys-
temes; celui de la mouération est vaincu , celui
de la violence 1'emportc; et, en imnwlant le
rOl, la révolutioll rompt définitivernent avcc
la royauté et avec tous les Irones.


La coalition, ranimée encore par le 2 I jan-
vier, comme elle l'avait été déja par le 10 aoút,
réagit de nouveau et nous fait essuyel' des re-
verso Dumouriez, arreté dans ses progres par
des circonstances contraires et par le désordre
de toutes les administrations, s'irrite contre
les jacobins allxquels il impute ses revers, sort
alors de son indifférence poli tique , se pro-
nonce tout-a-coup pour la modél'ation, la
compromet en employant pour elle son épée
et l'étl'anger, el échoue enfin contre la I'évo-
lution, apres avoir mis la république dans le
plus grand péril. Daos ce memc moment la
Vendée se leve; les départements, tous mo-
dérés, devíennent menac;-ants ; jamais le danger


IV. 19




)~lO HI:VOLl!TION FRANC,:AISF,


nE' fut plus granel pour la révolution. Des re-
'.'ers, des trahisons, fournissent anx jacobins
1m prétextc ponr calomnier les républicains
modérés, et un motif pour demander la dic-
tature judiciaire et exéclltive. lIs proposent un
essai de tribunal révolntionnairc ct dn comité
de salut publico Vive dispute a ce sujct. Lps
deux. partís en viennent, sur ces questions,
aux dcrnieres extrémités; ils ne peuvent plus
demeurer en présence. An 10 mars, les jaco-
bins tentent ele frappcr les chefs des girondills,
mais lenr tentative, trop prématurée, échoue.
Alürs ils se préparent mieux; ils provoquent
des pétitions, soulevent les sections et s'insur-
gent légalemcnt. I.es girondins résistent en
instituant une commission chargée de ponr-
suivre les complots de leurs adversaires; cette
commission agit contre les jacobins, les sou-
l~ve, et est emportée dans: un orage. Replacée
le lelHlemain, elle est emportéc de lIouveau
dalls l'horrible tempete du 31 mai. Enfin, le
'2 juin, ses membres et les députés qu'ellC'
devait défendre, sont enlcvés du sein de la re-
orésentation nationale, ct, comme Lüuis XVI.
I
la décision de lem sort est ajournéc a une
époque Ol! la violence sera suffisante pour le.'.
conduire ú J'échafaud.


Tel est llolle I'espace qut' nous a\'ons par-




CONVRNTION NATION ALE (1793). 291
courn nepuis le 10 aout jusqu'au 31 mai. e'est
une longue lutte entre les deux systemes sur
l'emploi des moyens. Le dan gel' toujours crois-
sant a renda la dispute toujóurs plus vive.
plus envenimée : et la généreuse députation
de la Giroude, épuisée pour avoir voulu ven-
gel' septembre, pour avoir VOUlll empecher
le 2. 1 janvier, le tribunal révollltionnaire et
le comité de salut public, expire lorsque le
dunger plus grand a rendu la violen ce plus
urgente et la modération moins admissiblc.
Maintcnant, toute légalité étant vaincue,
toute réclamation étouffée avec la suspensíon
des girondins, et le péril devenant plus ef-
frayant que jamais par l'insurrection meme
qui s'efforcera de venger la Gironde, la vio-
lcnce va se déployer sans obstacle et sans me-
sure, et la terrible dictature du tribunal révo-
Iutionnairc et du comité de salllt public, va se
compléter. lcí commencent des scenes plus
grandes et plus horribles cent foís que toutes
celles qui ont indigné les girondills. Ponr eux
leur histoire est fmíe; íl ne reste plus a y
ajouter que le récit de lcur mort hél'olquc.
Leur oppositioll a été dangereuse, leur illlli-
gnation impolitíque; ils Ollt compromis la ré-
"olurion, la liberté et la Franee; ils ont
compromis meme la modération en la défen-


J 9.




:>.92 HEVOLUTION t'ltANyA.ISE.


dant avec aigreur, et en mourant ils Ollt en-
trainé dans leur chute tout ce qu'il y avait de
plus généreux et de plus éclairé en France.
Ccpendallt, qui ne voudrait avoir rempli leur
role? qui ne voudrait avoir commis leurs
fautes? Est-il possible, en effct, de Iaisser
C'ouler le sang sans résistance et sallS iudí-
gnation?


FIN DU TOME QUATRIf.:ME.




N01'ES.


J'ai cru devoir ajouter, a la fin de ce
quatrieme volume, des notes qui se rap-
portent a la fois au troisierne et au qua-
trieme, et qui me semblent utiles, sojt
comme écJaircissements de f;úts peu con-
llUS et mal appréciés, soit comme monu-
mellt d'un style et d'un langage aujourd'hui
tout-a-fait oubliés, et cependant tres-ca-
l'actéristiques. Ces morceaux sont emprun-
tés pour la plupart a des sources entiere-
ment négligées, et surtout aux discussions
des jacobjns, monument politique tres.rare
et tres-curieux.






ET


PIECES JUSTIFICA TIVES


DES TOMES TROISIEJ\'IE ET QUATRIEME.


=c


NOTE 1, I'AGE 212 DI.: TOlllE 111'".


Diseours de Collot - d'Hcrbois a Dumouriez, aprés la
campagne de I'Argonne, extmit du Journal des Jaco-
bins. ( Séance du dimanche 14 octobrc, l'an ler de la
répuMi'lIlC. )
" Je voulais parler de nos armées, el je me félicitais


d'en parler en présence du soldat que vous venez d'entendre.
Je voulais hUmer la réponse du présídent; déja j'ai dít
plusieurs foís que le président ne doit jamais répondre aux
memhres de la sociélé : mais il a répondu a lous les soIdals
de l'armée. Cette réponse donne a lous un témoignage écla-
tant de votre satisfaction : Dumouriez la parlagera avec 10us
ses freres d'al'mes, car il sait que sans eux sa gloire ne se-
rait rien. Il faut nOU5 accoutumcr a ce ¡allgage. Dumouriel




NOTRS


a fait son devoir; c'est la sa plus belle récompense .... Ce
n'est pas paree qu'iJ est général que je le loue, mais paree
qu'il est soldat fran<;ais.


« N'est-il pas \Tai, génél'al, qu'il est beau de eommander
une armée républicaille? que tu as trouvé une grande diffé-
l'ence entre cette armée el eeHes du despotisme? 115 n'ont pas
seulement de la bravoure , les Fran<¡ais; ils ne se contenteut
pas de mépriser la mort; car, 'lui est-ee qui crainl la lliOrt?
:Mais ces habitants de Lille et de Thionville, qui altcndent
de sang-froid les boulets rouges, c¡ui reslent immohiles au
milieu des éclals eles bombes el de la dcstruction de leul'!i
maisons, n'est-ce pas la le développemcnt de toutes les ver-
tus? Ah! oui, ces vertns sont au-dessns de tOUg les triom-
phes .... Une nouveIle maniere de faire la guerre anjollrd'hui
est inventée, et nos ennemis ne la trou"cront ras: les ty-
rans ne pourront rien tant qu'jl y ama des hommes libres
f}ni voudront se défendre.


" Un grand nombre de confreres sont morls pour la dé-
fense de la liberté; ils sont morts, mais leur mémoirc nOllS
est che re , rnais ils ont laissé drs exelllples qui vivent dans
nos CCEurs; Illais ,iveut-ils ceux qui nous ont attu'lués? Non:
ils ont succombé, et leurs cohortes ne son! pllls que des
monceaux de cadavres c¡ui pourrissent Ol. ils out combattu;
elles ne sont plus qu'un fumier iufeet que le soleil de la li-
berté ne purifiera qu'avec peine .... Celte nuée de squclctlcs
ambulants ressemble bien au squc\clle de la tyrannie; el,
comme lui, i]S ne tarderont pus a suc('ornher ..... Que sout
devenns ces aneiens gélléraux a graude rcnommée? LClll"
OlllUl'e s'évuuouit elevant le génic tout-puissant de la liberté;
ils fuient, et n'ont plus que des cachots pour I'etl'aitc; cal' le,




ET 1'1ECES JUSl'IFICATIYES.


cachots ne scront plus bientot que les palais des des potes :
ils fuient, paree que les peuplcs se levent.


" Ce n'est pas un ro; qui 1'a 110mmé, Dumoul'iez, ce sont
tes concitoyens : soU\'iens-toi qu'un général de la république
ne doit jamais transiger avec les tyrans; souviens-toi que les
généraux comme toi ne doivent jamais servir que la liberté.
Tu as entendu parler de Thémistocle; il venait de sauver les
Grecs par la bataille de Salamine; il fut calomnié (tu as des
ennemis, Dumouricz, tu seras calomnié; e'est pourquoi je te
parle) ; Thémistocle fut calomnié; il fut puni inj ustement
par ses concitoyens; il tl'oU\'a un asile cbez les tyrans, mais
il fnt toujonrs Thémistocle. On lni proposa de pOI·ter les
armes contre sa patrie: 11:1on epée ne seJ'I'ira jamais les ty-
rans, (lit-i1, et il se I'enfon<;a dan s le ('rel\l'. Je te rappellerai
allSsi Scipion. Antiochus tenta de seduirc ce grand homme en
olTrant de lui renrlre un otage précienx, son propre fils.
Seipion répondit: "Tu n'as pas assez de riehesses pour
,< achetcr ma conscience , et la nature n'a rien au-dessus de
" I'amour de la patrie. "


"Des pCllples gémissent esclaves; bientót tu les délivreras.
QlIelle gloricusc mission! Le sncces n'pst ras elouteux : les
citoycns 'lui t'altcIIf!cnt t'esperent; el ceux qui sont ici te
ponssent.. .. Il faut cependant te reprocher quclque exePs de
génerosité cnvcrs tes ennemis; tu as reconduit le roi ele Prnsse
un peu trap 11 la maniere fran~aise, 11 I'ancienlle maniere
franc;aise s'cntcnd ( applau,rli). ::\iais, nous l'espérons, I'Au-
t)'iche paiera doublc; elle esl en fondo; ne la ménage pas; tu
llC pcux trop lui faire ]layer les outrages que 5a race a faits
au genre IJlllnain.


"TI! "as ,~ Bwxelles, ])ulllollricl.,: "I'plaluit'\; tu vas pai'-




:\OTES


ser a Courtrai. Lit le lJom frafil;ais a ~té profané: un ¡.(énéral
a abnsé l'espoir des peuples; le traitre Jarry a incendié les
maisons. Je n'ai jusqu'ici parlé qn'a ton courage, je parle it
ton erenr. Souviens-toi de ces malhcurenx habitants de Cour-
trai; ne trompe pas leur cspoir cctte fois.ci; promets-leur la
justice de la nation, la nation ne te démeulil'n paso


"Quand tu seras a Bruxelles, ... je n'ai rien it te (lirc sur la
condnite que tu as a tenir ; ... si tu y trouves une femme exé-
nahle qui. sous les murs de Lillc, est venue repaitre sa fé-
rocité du speetacle des houlets rouges ..... Mais eeUe femme
ne t'atlend pas .... Si tu la trouvais, elle serait ta prisonuierc :
uous en avous d'autres aussi (¡ui sont oe sa famille ; ..... tu
l'envcrrais iei ; ... fais-Ia raser au moins de maniere flu'elle /le
puisse jamais porter pennque.


« A Bruxelles, la liberté va renalrre sons tes allspices. VII
pellple entier va se livrer a l'allégresse; tn rendras les enfants
a lenrs peres, les épouses a leurs époux; le spectaclc de lenr
houheur te délasscra de tes travaux. Enfants, citoyeus, filies,
lernmes, tous se presseront autonr de toi; tons t'cmbrasse-
rout eomme lenr pcre .... De ¡¡uelle félicité tu vas jonir,
Dumouriez !. .... lVIa femme , ..... elle est de Bruxcllcs; elle
t'embrassera aussi. "


Ce discollrs a été sonvcnt intcrrompu par de vifs applau·
uissements.




ET l'lEeES JUSTIFICATlVES.


NOTE 2, PAGE 217 Dl: TO)IE lile


Red! de la visite que 111arat fit a DU(flouná che" ll111de-
moiselle Candeille, e.xtraÍl da Journal de la Républi'lue
fran<iaise, el ecrit par ¡liarat lui -mémc dans son nu-
mero du mercred¿ 17 octobre 1792.


Declaration de l'Ami dll Peuple.


« lUoins étonné qu'indigné de voir d'anciens valets de la
"our, placés par suite des événements a la tete de nos armées,
et depuis le 10 aout maintenus en place par )'influence,
l'intrigue et la sottise, pousser I'audace jusqu'it dégrader et
traiter en criminels dcux bataillons patriotes, sous le pré-
tcxte ridicule, et tres-probablement faux, que quelques in-
dividus avaient massacré quatrc déserteurs prussiens, je me
présentai a la tribunc des jacobins pour dévoiler eette trame
odieusc, et demander deux commissaires distingués par leu!"
clvlsme pour m'aecompagner chez Dumouriez, et erre té-
moins de ses réponses a mes interpellations. Je me rendis
chez lui avee les citoyens Bentabole et Monteau, deux de
mes collegucs a la convention. On nous répondit qu'il était
an spectacle et qu'il soupait en ville.


" Nous le saviolls de retour des Variétés; nous allames le
('hereher au club du D. Cypher, ou l'on nOllS dit <)u'il denit
se rcmlrc : peiné penlue. Enfin HOUS al'prillles ({u'il lleya\¡




,)UO :o¡ ()'1'E S


50upel' me Cbantel'eine, dans la pelite maison de Talma,
Ulle file de voitures et de brillantes illuminations 1l0US illJi-
querent le temple ou le lils de Tbalie fétait U11 enfanl d"
~\Iars, Nous sommes surpris de trouver gal'de nationale pari-
sienne en dedans et en dehors. Apl'es avoir traverSI~ unc all-
lichambre pleine de domestiques melés á des hciduques, uous
arrivames dans un salon rempli d'une nombreuse ,ociété.


" A la polte était Santerre, général de I'armée parisienne-,
faisant les fonctions de laquais ou d'introduclcur. II m'an-
nonce tout haut des I'jnstant qu'il m'apcn,;oit, indiscrétion
qui me d;'plllt tres-fort, en ce qu'elle pouvait fairc éclipser
quelques masques intércssants it conna'trr. Cependant j'en
vis assez pour tenir le Jil des intrigues. Je ne parIerai pas
d'une dizaine de fées destinées a parer la fetc, Probable-
ment la politique n'était pas l'ohjet de lcur réunioll. le ne
dirai rien non plus des ofticiers nationaux quj faisajent Icur
eour au grand genéral, ni des anciens valels de la cour qlli
fOl'maient son cortége, SOIlS l'babit d'aide-de·camp, Enfin je
ne dirai rien Ju ma,tre d,) logis, qui étail au milieu d'cux
en costumc J'hislriulI. Mais je ne puis me dispenser de dé-
dal'cr, pour l'intelligence eles opél'ations de la conventioll el
la connaissance des escamoteurs de décrets, que dan s I'au-
guste compagnie étaicntKersaint, le grand faiseur de Lehrun,
el Ruland, Lasource 'oo. Chénier, tous suppots de la faction
de la répuhlique fédérative; Dnlaure et Gorsas, lems galo-
pius libcllistes. Cumme il y avait cohue , je n'ai distingué que
ces conjurés; peut.elre étaient,ils en plus grand nombre; el
comme il hait de honne heme encorc , il est probable qu'ils
n'étaicnt }las tous rendus; cal' les Vergniaud, les Buzo!, les
Call1us, les Rabaut '" les Lacl'ois, les Guade!, les Barbarou.~




t't autres meneurs, étaient san5 dOlllC de la [etc, puis'lU 'ils
sont du eonciliahnle.


" A~ant de remire compte de notre entretien avec Dumou-
riez, jc m'arrete ici un instant pour faire ,.avee le leeteur ju-
diciellx, 'luelqlles observations ql,li ne seront pas déplaeécs.
COllsoit-Oll que ce généralissime de la républiqlle, qui a
laissé échapper le roi de l'russe a Verdun, et qui a capitulé
U\'ec I'ennemi, qn'il pouvait forcer dans ses camps et I'éduire
a mettre bas les armes, au lieu de favoriser sa retraitc, ait
choisi un moment aussi critique pour abandonner les at·-
lllécs sons ses ordres, courir les spectacles , s'y faire applan-
dir, el se livrer a des orgies chez un acteur avec des llYm-
pIJe;; de I'Opéra ~


, Dumouriez a couyert les motifs seCl'ets qui I'appellcnt
a Paris du prélexte de concerter avec les ministres le plan
des opérations de la campagne. Quoi! ave~ un Roland, frere
eoupe-ehoux et petit intrigant qui ne connait que les basses
menées du mensonge et de l'astuce! avec un Lt'page, dignE'
"colyte de Roland son protectcur! avec un Claviere, <¡ui ne
cOlluait que les rubriques de I'agiotage! avec un Garat, qui
ne conna!t que les phrases précieuses et le mancge d'un fb-
gOnlcur academiquc ! ./e ne dirai ríen de Monge; on le croil
patrio te ; mais íI est aussi ignorant des opéralions militaires
que ses collegues, qui n'y entendent rien. Dumouriez est
ycnu se concel·ter avec les meneurs de la clique qui cabale
pour établir la république fédérative; voiJ¡\ I'objet de son
"'1 ui pée.


" En entrant dall5 le salon ou le festin etait préparé, je
m'aper\'us tres-bien que ma présence lroublail la gaielé; ce
qu'on n'a pas de I'eillc ¡, ~oncevoir 'luand 011 considere que




02 NOTES


j e suis r épounntail des ennemis de la patrie. DumoUl'iez
surton! paraissait déconeertp ; je le priai de passcr ayec !lOUS
dans une au!re pieee, pour l'entretenir quelfllles momenls en
panicnlier. Je portai la paro le , el yoiei not"e entretien mot
ponr mot: « Nous sommes memlll'es de la eonyention natio-


nale, el nOlls venons , monsieur, vous prier de nous don-
" !let' des éelaircissements sur le foml de l'afraire des dcux


hatailJons, le ~lallcDnseil el le Républicain, acclIsés par
" vous "'avoir ass3ssiné de s3ng-froid quatl'e déserleurs prlls-
" siens. NOlls ayons parcourn les bureaux du comité mili-
" taire el cenx du départemenl de la guC'rre; nous n'y ayons
" pas trouvé la moindre preuve du déti!, et personne ne
, pen! I/lieux nous illslruire de loules ces cireonstances que


vous. -Messieurs, j'ai f'n\'oyé loules le, pic'ces au minislre.
_ ~ous \'QUS assurons, lllonsieur, que nous avous CfJtre


" les mains un mémoire faít dans ses bureaux et en son nom,
pOrlan! qu'it manque absolument de faits pour prononeer
sur ce prétendu délil, el qu'il fant s'adresser a vous pour


" en avoir. -lHais, mcssieurs, j'ai informé la eOllventÍon, et
je me réfere ;\ elle. - Permettez-nOlls, monsiellr, de yous


" obs('l'\'Pl' que tes informalÍons dOllnées lle suflisent pas,
" ¡lllis'l"" I~s comités <le ta COll\'entioll , atn(jllels cette at'-
" faire a été renvoyée, ont déctaré dan s leur l'apport qu'ils
'l étaient dans l'impossibitité de protloncer, faute de rensei-


gnements el de preu\'es du délil dénoncl'. Nous YOUS prion,
de nons dire si vous eles instruit du fond de l'affaire.-


" Certainf'ment, par moi-meme. - Et ce n'esl pas par une
" dénoncialion de confiance faite par vous sur la ¡oi de
" '\l. Dltchaseau? -Mais, messi"nrs, qnalHl je di, 'luc!<¡lle


rhose, jI" croís dcn,ir (~Ire <TU. - ::Uo!ls;enr, si IJOUS pen-




ET PIÉCES JUSTIFICATI' 1:';,


óiOllS Iil-dcssus comme VOUS, nou:; lle ferions pas la d~mar­
ehe qui nous amene. Nous aYOllS de grandes raisom de
douter; plusiellrs lllcmbres du comité militaire nOllS all-


" noneent (Iue ces prétendus Prussiens sont quatre Fran~aÍ"
émi¡;rés. - Eh bien, JI1cssieurs, quand cela serait .... -
l\IollsÍellr , cela changerait ahsolumcnt l' état de la chose,
el salls approuver d'avance la conduite des hataillons, peut-
ttrc sont-ils absolumcnt innocents; ce sont les circons-


" lances qui ont provoqu~ le massacre qu'il importe de con-
" naitre; or, des ¡ettres vcnues de rarmée annoncent que


ces emigrés on! été \'econnus pour espions envoyés par
" l'ennemi, el qu'ils se son! JI1l~me révoltés con!re les gardes


nationaux. _ Comment, monsicur, vous approUI'ez done
l'iusuhordination des solda!s:- Non, momieur, je n'ap-
1'I'01II'C point l"illsllbonliilalion des soldat3, mais je déteste


, la tyrannie des chefs : j'ai tmp lieu de croire que c'est ici
" une machination de Duchaseau contl'e les bataillons patrio-


les, et la maniere dont vous les avcz traité, est nholtante .. -
l\fonsieur }'Iaral, vous etcs trop vil'; je ne puis m 'expliquer
avec vous." lei Dumouricz, se senlant trop yjlTment pressé,


,,'es! tiré ,I'embarras en nOllS 'juilla"t : mes cleux eolll'gues
ron! sui, i, d dans l'entretien 'In'j]s ont ell a'ee Ini, ji s'est
humé ,. dirc 'Iu'il aya;t envoyé les pieees au ministre, Pen-
dant \cm cntrctien , .ie me suis vu entomé par tous les aides-
de-eamp de Dumouriez el par les oftieiers de la garde pari-
,Íennc. Santcrrc ehcrchait a m'apaiser; il me ·parlait de la
lJ~cessité de la subordin¡¡tioll dans les troupes. ".Te 5ai, Cl'la


COlIllJIC vous, lui répondis-je; mais jc suis ré\"olt{o dp la
" ma"i,':rv dont on traite lel! soldat, de la patrie: j ai encore
" ,mI' le cceur les lIlaSsacrb dc N al1cy el du ClJamp-de-l\1ars, >;




i\OTES


leí quelques aides-de-camp de Dumouriez se mirent a décla-
mer cOlltre les agitateurs. " Ccssez ees ridicules déclamations,
" m'écriai-je; il n'y a point c!'agitateurs dans nos armées que
• les infames officíers, leurs mouchards el leurs perfides
" courtisans, que nous a\Ons eu la sottise de laisser a la tete
« de nos troupes.)) Je parlais a lVIorcton Chabrillant el a
Bourdoin, dont l'un est un ancien valet de la COUt·, et I'aulrt'
un mouchard de Lafayette .


.l'élais indigné de tout ce que j'avais entemlu, de tont ce
que je pressentais d'atroce dans I'odieuse conduite de nos
généraux. Ne pouvant plus y tenir, je quittai la partic, et je
vis avec étonnemcnt dans la piece voi3ine, dont les portes
étaienl béantes, plusieurs heiduques de Dumouriez le sabre nu
a I'épaule . .T'ignore quel pouvait etre le Lut de cette farce
ridieule: si elle avait été imaginée pour m'intimider, il tau!
convenir que les valets de Dumouriez ont de grandes idees
de liberté. Prenez patience, messieurs, nous vous appren-
drons a la connaltre. En attendant, croyez que votre maitre
redoute bien plus le bout de ma plume que je n'ai peur des
saL res de ses chenapans. "




NOTE :~; P.\GE 1 H2 De 1'O.l\IF. lile.


Voici le tableau que le ministre Caral, l'hollllne qui a le
micux observé les personnages de la rúolution, a tracé des
deux cu!és ele In convention.


" e'est dans le ct.té droit de la convention qu'étaient pres-
que tOI1S les hommcs dont je viens de parler; jc ne pouva;,
y voir un autre g(~nie (Inc celu; que jc lenr ava;s connu. Lá,
je voyais done el ce n"pnblicallislIl" de seutiment qui l1e cou-
sent ií oLéir i, Ull hOllll1le que lorsquc ce! homme parle au
nom de la nation et comme la loi , et ce répuhlicanisme bien
plus rare de la pensée qui a décomposé el recomposé tous
les ressorts de l'organisation d'ulle société d'hol1lmes sem-
Llables en droits eoml1le "n nature; qui a délllelé par que!
hcureux et profonrl artifice on peut associe,' rlans une gralH(¡'
ri-publi<¡uc ce '1',i par"il i"associ"ble, l'(:galité el la soumis-
sion "ux ma;;;,;!ra!" l'agitation léconrle des !'sprits el dl's
;tmes, el un onlr<' eon,la,,!, illlIlluablc; UJI gOll\ernement
dont la ¡missance soit loujours absolue SUf les índividus ('1
sur la Illultitude, et tonjours sOllmise i, I~ nation; nn pomoir
I'xécutíf clont l'appareil et les formes, d'une splcndcur uli'" ,
n',cillenl tOlljour, les idées de la splendeur de la républi-
'lile. et jamais les id(~('s ,le la grant!(,ur d'ulIe pcrsoDlle.
lJall~ ce JnenH> c.or(~, .le \"O~ ai6 s'ass~oil' les Jlomnlr.s qui


i'0ssédaif-llt 1" lI1icux cc" doctrines dc l','cnnolllie politiqllc
J\ . .),)




,1o(j :"iOTE~
¡¡ni enseigncnt il oUVl'ir el a élargil' tous les canallX des ri-
('hesses partieulieres el de la richesse naliollale; a cOllll'0scr
le lrésol' public avee sCl'upulc des porlions que lui doil la
fortulle de cha'llle citoyen; il crécl' de Ilouvelles sourccs el de
nouveaux fleuves aux fortunes particulicn's par un bon usage
de ce qll'elles ont versé dans les cai>ses de la l":publi(jue; a
protéger, a laisser sans limites tous les gelll'cs d'industrie,
sallS en favoriser alleune; a regarder les grandes propl'iét(;s
non comme ces laes stériles '1ui absorbent el gart\cnt !oules
Ips eaux que les montar;nes versent dans leur se in , mais
cornmc des réscl'voil's uécessaires pour multiplicr et pOlll'
aceroltre les germes de la fécondité universelle, pour les
épancher de proche en proche sur tous les lieux 'luí seraicnt
restés dans le desséchcmcnt et dans la stél'ilité: doctrines ad-
mirables qui onl porté la libertl! dans les al'ls et dans je
commerce avant qu'elle fut dans les gouvernclllen!s, mais
particulierement propres par leur essence al' essence des ré-
publiques; seu les capables de donner un fondement solide a
{,égalité, non daus une frugalité générale toujours violée, el
'luí cnehalne bien moins les désirs que I'industrie, mais dan s
une aisanee universeJle, mais dans ces travaux dont la varié!.'
ingéniense et la renaissance conlinuelle peuv'clIt seules ;¡h-
sorber, heureusement pOUl' la liberté, cette activi¡'" lllrhulculC
dl's démocratics qui, apres les avoir long-lemps tourmentées,
a fait disparaitl'e les républiques anciennes au mílicu des
orages et des tempeles dont leul' atmosphere était toujours
cnveloppée.


"Dans le coté droit étaient cinq ir six hommes doul ".
génie pom'Oli! cOllccvoir ces grandes théories de I'ordre so-
cial et de ronll'e ,:(,ol1ollliclue, et Illl "ralld n(lllll,f'(' d'hollllllf'S




El' 1'1 i':CF~ JUSTlI'/L\ !'IV E~,


doat l'intelligencc pomait le,; comprendrc et le, répandr(' :
e'est lit eneorc <¡1I'étaient allés se ranger un eertain nombre
,l'eslll'its nag,,;'re tres-impétueux, tres-violents, mais quí,
arres avoil' parcouru el ':puisé le cercle entier de leurs cm-
portements démagogi'lues, n'aspiraient qn'a désavoue1' et a
comhattre les folies 'lu'iI5 avaient propagées; e'est la enlin
que s'asseyaient , comme les hommes pieux s'agenouillent au
pied des autels, ces hommes que des passiolls dOl1ces, une
fortnne hOntH~te pt une éducation <¡ui u'avait pas élé né;;ligée,
dispnsaient a honore!' de tonles les vertllS privées la républi-
que, qui les laisserait .ioni!' de leur 1'epos, de leur hienveil-
lance facile <'t de Ieur honheur.


" En détournant mes regal'tls de ce cot,; droit sur le colé
ganche, en les portant sur la Nlontagne, que! contrasle me
fi'al'pait! VI, je voyais s'agiter avee Ic plus de tnmu1te un
hommc it Cjl1i la face converte d'uu jaune euivré dounait l'ail'
de sortil' des eavernes sanglantes des anthropophages , ou du
seuil cmhrasé des cnfcrs; qu'a sa marche convulsive, hrusque,
cou pée, on I'econnaissait pour un de ces assassins échappés
aux bourreaux, mais non aux furies, et qui semhlent vouloir
anéantil' le ;;pnrc hnrnain pou\' se dérober a l'pffroi que la Vlle
de c!Jaque homJlJe lcur inspire, Sous le despotisme, qll'il n'avait
pas couvcrt de sang comme la liberté, cet homme avait en
j'amhition de faire une révolution dans les sciences; et on I'a-
vait vu atlaquer, par des systemcs audacieux et plats, les plus
grandes décou\'crtes des temps modernes et de l'esprit hu-
melin, Ses yeux, errant sur I'histoire des siecles, s'Jtaicnt
arrt,({:s sur la "ic de qu~trc 011 cinc¡ f(1'3nds exlel'lJIinateurs
'11Ú ont ('hang-'> 1<'5 cités en désel'ts, pou!' I'cpellpler en;,nile
les clpserls el'unf> race fOl'lTIP(, il ICUl' ÍllJagc "'1 a ecllc dc'


? n,




tigres; c:'est lit lout ce ([u'il a,a;t relcuu ,les anuales de,; peu-
pies. tout ce l[u'il CII savait ~t qu'il ,oulait imitcr. }'al IlI1
instinct semblable a cclui des betes féroces, piulo! que par
une ,ue profonde de la penersil", il a,ait apcn;u a combien
(k folies el de forfaib ji est [lo,,,ild,, d'clltrainer un peuplc
;mmense dont on "ient de hriser les cJ¡¡¡llles I'el i gieuscs el leo
chaines politiqucs : c'cst I'idée qui a didé toutesscs feuil1!'s.
loules ses paroles, loules ses actions. El il n'cst tOlllbé '1/lO'
sons le poignard d'une felllllle! et plus de einqllante mille de
SI'S images ont élé érjgées sur le seill de la répuhli<Jue!


'. A ses cotés se pla<;ajellt des homllws ¡¡U; n'aura;enl P,b
COlH,U eux - rncml's de pareilles aLrocif¡:s, mais (lU;, jeté"
aveco lui, par un acte d' une extrtllle audace, dans ,IPs événe-
ments donl la hauLeur les éLourdissail, eL dOtlL les dangPl's
les faisaient frémir, en désHouanL [es lIla"ill"'s du tnonslre,
les avaient peut-etre déja suivies, el n'éLaienl pas f;lcltés <IU'(lll
eraignl1 qu'ils pllssent les 511ivre encore. lis avaienl horren!"
de NIarat, mais ils n'avaient I'as horreu!" de s'en servir. lis
le pla\'aienl an milieu d'eux, ils le mcLtaient en avant, ji, 1"
portaient en quelqlle sorte sur IClIl' poitrine COUllIle llue t,\1e
de Médllse. Comme I'e[fro; que l'épandaiL Uf] pareil h01l11l1l'
était pal'tout, on croyait le ,uir partont lui-nl(~lue, 011 cl'oyai:
~n ql1c1que sorte qu'il élait loute la lHolllagnc, ou que tout"
la Monlagne était comme lui. Panlli les chefs, ('11 e [fel , iI ~.
en avait plllsieurs qui ne reprochaient aux forfoils de Marat
que d'elre un peu trop ~ans yoile.


" ]Hais parmi les chefs Illcmes (el e'est ici que la ,érité ti JI'
sépare de I'opinion ti" bpaucollp ¡j'honlli,tes gens', p"/'I"i
les "he[¡ IHl'mt'S pl"ient 1111 ~rand lIomhn, d'holTllllCS <¡lli.
liéc; aux autn'''' p;-ll' 11':-' (' .. \(,:!H'nlPIJ1s 11t-'aucoup pll1'-; fJllf' Pi\!




,)
,)°9


IVIIt's .sCl1tinll~·lIts, tOl1rnaient des regards eL des rcgl'cls vers la
",;;"'", eL l'llllmallilé; 'ltÚ ;wrail'nl eLl beaucollp de ~erl", el
dUl'uif:lH rcndll JH'aucoup de sel'\'ice:-;, it i'instant Ol! CHl aurait
",,,,,meneó 'l les NI eroi!'c cJpabl"3, Sur la }Ionluti"c se r~ll­
daieut, CO)1UllC ~¡ des }lOS(tIS militail'cs, c.eux gui a\'aient beau-
con!, la I'""ioll de la liberté eL pell la théoric; cenx gui


.... .,.I"j('lIt I'é;;alilé IIlcnacée OH meme rompue par la grandeur
tics idees el par l'él{'p;ance du langagc; ceux quí, élllS dans les
I,ameaux cLdans les ateliers, ne pouvaíenl reconnaltre un ré-


puhlicain que SOllS le ('n5lmlle qll'ils pnrtaif'llt f'ux-memes; ceu,
'Iui, elltrant pou)' la premiere rois daus la carrierc de la re-
\Ollllion, avaielll" si~naler celte impétuosité pI celte I'iolence
par laquellc ,,,ait COIlIllIt"I('¡: la filoirt' de pri'SflllC tou, le,


~t'atlds révolu1iolllJail'l's; ccux qlli, jeunes encare et plu'l
L,ils pour seni .. la réplIblillue dans les arlnées que dans


le sanctllaire cIPo lois, ayant VII naItre la répuhlique au bruil
dc la fOlldre, croyaient 'lue c'étaiL toujours au bruit de la
fotltlre 'lu'il fallait la conserver el promulgue!' ses décrrts, A


ce eúté ¡;auehc allaient encore ehereher un asile plut,it qlt'tm,'
pl<lce I'lusieurs de ces dépulés qui, ayaLlt été élc\'és dans les


c¡¡sl,'S l'roscl'iks de la lIoblesse et du saccrdoce, lILloi'lU<
lonjolll's llltr, , Úaicu1. loujolll's eXI'0ses [HIX 50nl";ons, el
fu),liellt <lU haut de la Mouta¡,;nc raeeu,atioll de 111' pas al-
tcilldre a la hautellr des prineipes : la, allaien! se IlOlllTir de
leurs sonp~ons, et vivre au lnilieu des fantornes, c.:es carae-
teres graves et rndancoliqllcs qni, ayant "per,;" trop SOllvent


la ¡illlsselé IIlIie " la politcsse, ne croient ¡lla vertu que lors-


'[u'elle esl sombre, (,t " la liherté 'IUC lorsqu'elle ",t ¡in'ouche:
El sil:f:éaient. '11ll'I'lueo esprits f1lli ¡¡,aien! pl'i, da liS les sci,'nces


nades de 1" l'"id,"ul' ell IIIl'llIe I<'.nl" '1u,' d,' la l'('cliludl',




\ ()TF.~


quí, fiers de possédel' des lumieres irnmédiatelllcIlt applipa-
IJles aux arts mécaniqnes, étaien! bien aises de se séparet' pa r
leut' place, comrne par leur déJain, de ces hOlllmes de lel-
tres, ,le ces philosopbes donl les lumierc.' ne sonl pas si
promplemcIIllltilcs allx tis.'erands el aux forgcrons, el n'ar-
rivent aux individus qu'apres avoir {,clairé la société tout
entiet'e: lit en fin devaient airner a voter, quels 'lile fllssenl
d'ailleut's leur esprit el leurs talenls, tous ceux qui, par le.'
ressorts trop tcndus de leur caracthe, étaient disposés a alle ..
au-deV¡ plulót qu';\ resler cn.ele~a de la borne qu'il fallai! mar·
quer a I'énergie el a I'dan révolutiollnaire.


" Telle élait I'idée que je me formais des elemt:nts des denA
et',tés de la cOIl\'ention Italionale.


" A juger chaque coté par la majorite de ses élérnents, tou,
les deux, dan, des genres et dans des degrés dilTúcnts, de
vaient me paraltre capables de remire de granels scrvices il la
république: le coté droi! ponr 0"i:;uniser l'intérieur avec sagess"
el avec grandeur; le colé gallche pour faire passer, de Icu!',
ames dan s I'ame de tous les Fran~ais, ces pass ion s ""Imbli.
caines el poplllaires si nécessaires a une nation assaillie rI"
toutes parts par la mcutc des rois el par la soldatesque de
l'Europe. "




In' PIECIiS .IliSl'H'¡C.\TlV LS,


~OTE 4, P"G1~S 37 In' 144 DIT TO~m n,e,


Voici un exh'ait des l\1émoires ue Garat, non moins
curieux que le précédent, et qui est la peinture la plus justp
qu'on ait faite de Robespiprre, et des soup~ons qui le tour-
mentaient. C'est un entrctien :


" A peine Robcspicrre cut compris que j'allais lui parlel'
des querelles de la cOllH'ntion,- tous ces députés de la Gi-
ronde, me dil-iJ, ce Bl'issot, ce Louvet, ce Ral'baroux, ce
sont des contre-ré\'Olutionnaires, des conspiratelll's.-Je ne
pus m'empec!Jer tle rire, et le rire qui m'échappa luí tlol1n<l
tout de suíte de I'aigreul'. - Vous avez toujours été comme
cela. Dans l'asscmblée constituante, vous étie? disposé a
croire que les aristocrates aimaient la révoJution, -.Te n'ai
pas élé tout-á-fait comme cela. J'ai pu (;roire tout au plus
que quelques nohles n'étaient pas aristocrate.s, .Te l'ai pensé
de plusielll's, et vOlls-mcmc vous le pensez ellcore dc quel-
ques-uns. J'ai pu croire €llcore que llOUS aurions fait quel--
fJues conversions pal'mi les aristocrates meme, si des deux
llloycns qn; étaicnt a notre disposit ion, la raison et la force,
nOLlS avions employé plus sOllvent la raison, quí éLait pom
nous seuls, et moins souvent la force, ¡¡ni peut "tre pOlll
jps tyrans. Croyez-lIIo;, oll'hlions ces dang!"rs 'fue 1I011S aVOlb
vaillcus, el (Iui ll'ont rien de coml1lun avcc ceux qUl IlUlIS
IIIClla('cn! "lljullrd'bui. La ¡;llerr~ Sp faisait alors entre lr'-




amis et les enneilllS de la liberté; elle se lilit aujounflllll
entre les amis et les ennemis de la républiqlle, Si l'oecasion
s'en présentait, je dirai, a Louvet qu'il est par trop for! qll'il
VOl\5 eroie un royaliste; mais a vous, je erois devoir vous dire
que LO\Jvet n'est pas plus royalistc que YOllS, VOllS rcssemblez
dans vos querelles aux molinistcs et aux jalls«nistes, dont
toute la dispute roulait SlI\' b maniere dont la gdcc divine
opere dans nos ames, et qui s'accLlsaient réciproquement. de
ue pas eroi,'c en Uieu,-S'ils ne sont pas roya listes , pourquoi


done ont-ils tant travaillé a sallver la vic d'uT! roi? Je parie
que vous étie7. aussí, vous, pOllr la gl'ace, pon\' la démence,


Eh! !tu'importe quel principe r"ndait la TIlort du tyran juste
eL nécessaire? VOs girondins, yotrc llrissot et YOS appehllts
au peuple ne la voulaient paso lis voulaient dOlJe Iaisscr a la ty-
rannie lous les moyens de se relever ?-J'ignore si l'intention
des appclants {lll peuplc étail d'épargner la peine (le morl
a Cnpet: l' appel au l'rl/ple m'a tOlljours paru imprudent et
dangel'eux; mais je COTi<:ois comment ceu\: flui I'ont voté ont
pu croire que la vie de Capet prisüunier pourrait elre, au
milieu des é, énel1lents) plus \ltile que su mort; je cOllcois
comment ils out pu peIls,,!' 'In e l'apl'<'I a1l penplc Jtait un


gl'al1(l Illoyen (\'bonor<,\' \lue nation répllblicainc aux yeux
di¡ monde entier, en lui dOllnant l'occasioIl d'exerr:er clle-


Ulen1e un grand acte de génél'03ité par UIl acte de souyerai-
\Jeté, - Cest. assllréTIlent p ... ~tPr de helles intcntions a des
lIIesures f¡Ue vous n'approuvel'cz pas, et a des hommes qUi
conspirent llc toutes parts, - Et Ol\ don" conspil'ent-ils? __


Partoul. Dans París, dalls toute la Frailee, dans ¡ollte J'Eu-
rope, A Paris, Gpmol\J1é con:ipirc dans le láll¡'ollrg Saint-




}:'j' l'lECES JLYJ'IFtC,\1'IV1\S,


-\ntoine, en allant de LOlltique en houtique, persuader au..:
IlIarchands que nous autrf'S patriotes nous voulotJs piller leurs
lI1agasins; la Giromlc a formé depuis lon¡;-temps le projet de
oe séparer de la Yr'ance pour se réunir a: I'AnglctclTe; et les
chef, tle sa d':jlUfafion sont cux-rucmes les autenrs de ce plan,
c¡u'ils ""lIJent cxécutcr it tout prix : Gensonné ne le cache
pas ; il dit :t qui ,'cut l'enlcndre qu'ils ue sont pas ici des
représelllants de la nation, mais les plénipotentiaires de la
Gironde, Brissot conspire dans son journal, qui est un toesill
de guene civile; 011 sait qu'il es! alié en ÁngletelTe, et on
sait aussi pourquoi il y est alié; nous n'iguorons pas ses
liaisons intimes ave" le ministre de~ affaires étrangéres, avee
ce Lebrlln , 'Iui esl un Li,:¡;eois et une créalure de la maison
,]'Antriche; le ll)Cillenr ami dc Brissot e'est Claviere, et
r:laYi(''I'c a conspin: parlout ou il a respiré: Rabaut, lrajlr"
comllW un protestan! et eomme un philosophe qn'il est, n'a


pas élé assez habile ¡lOUr nOl!S cacher sa corrcspondance
ave e le conrtisiln et le Iraltre l\Ionlesquiou : il ~' a six mois
¡¡u'il; travailknt ensemble it OHvr;r la Savoie el lah'anc"
allx Piémon/ais; Servan n'a été nommé général de I'armée
des T'yn(n,:es qne ponr I ¡Her les clels de la Franee aux 1::s-
pa¡;nols; en/in, yoil'" ])Illllouriez, qui n" lll€naCe plus b
Hollande, lllais Paris; et quand ce eharlatan d'hérolslllc es\
venu lel, Otl jr: 1!()lllais le faire arréter, ce n' est pas avec
ia Mon/ague qn'il a <lillé tous les jours, mais bien avee les
ministres et aver. les girondins. - Trois ou l]llatrc fois chez
moi, par cxemple .. -.Te suis bien Las de la ¡i,'ollll;of/, je
suis maladc: jamais la patrie lIe fut dans de I'llIs ¡;ranr],;
dan;;'ers, et je doute ,¡u'elle s'"n tire, Eh hien I a\('Z-VOll,i
('!lCOJ'(' ell\ie de ril'(' el de croil'c que ce sout lit d'hollllelcs




NOTES


gCIlS, de bons I'épublicains? _ NOIJ , je ne suis plus tenté de
rirc, mais j'ai peine a retenir les lal'mes qu'il taut verser sur
la patrie, lorsqu'on yrJiI ses législateurs en proie a des soup-
~ons si affreux sur des fondemeuls si misérables, J e suís sur
<¡ue ríen de ce que vous soupsonnez n'e,t récl; maí,; je suí,
plus SÚl' encore que vos soup~ons sonl un dangcl' tres-réel
et tres-grand. Tous ces bommes a pen pres son!. vos cl1lwmis,
muis :lUcun, excepté Oumoul'íez, n'est l'ennemi de la répll-
blique; el, si de toutes purts vous pouviez étollffer vos
haines, la républifjue ne counait plus aucun danger, -N'al-
lez-v"ouS pas me proposer dc re/aire la motion de l'éV(~que
Lamourelte ?_Non; j'ai assez profité des le\ions au moim que
vous m'avez données; et les trois assemblées nationales ont
pl'i,; la peine de lll'apprcndrc que les mf"illeurs patriotes
haissent encore plus leurs ennemis qn'il, n'ailIlcnl leUl'
patrie. Maís j'aí une question a vous faire, et jc vous prie
de vous rccueiJIir avant de me répondre : N'avcz-vous aucull
doule sur tout ce que vous venez de me dire? _ Ancun.-
Je le quittai et me retirai dau. un long étolJnemclJt, el dans
uue grande épouvante de ce qne je venais d'entendre.


" Quelques jou!'s al'res, jc sortais du conseil expcutif; je
rencontre Salles, qui sortait de la com'cntion nationale, l_e5
circonstanccs devenaicnt de plus en plus mena<;antes, Touo
ce1lx qni avaient quelque estime les uns pOllr les :mtres !le
pouvaicnt se voir san s se senlir pressés <lu bt'soin de s'entre-
tenir de la chosc puhlique,


.. Eh bicn! dis-je a Salles en I'abordan!, n'y a-t-il aUClllI
lllO)'en de terminer ces borribles ,¡uerelles? - Oh! olli,
,ie I'"sp,~rc; .1'esp<'l"c '\UC hielltot je leyera; 101ls les ,oiles qui
"(lUHellt ellcore ces ;Iffreux scélérals et leurs alTreuses cons-




pirations. Maís vous, je sais que ,ous avpz tOlljonrs une con-
l,ance avellgle; jc sais que \'otre manie est de ne ríen croire.
- Vous vous trompez : je erois comme un autre, nJals sur
des présomptiol1s, d Ilon sur des sou-p,;ons; sur des fails
atteslés, non pas sllr de, fails imaginés. Pourquoi me sup-
POSCZ-YüllS done si incrédulé? Est-<:e paree qu'en 1789 je
llC vo¡¡lus pas \OU5 eroire, lors¡¡ue vous m'assuriez que
J"ecker pillait le Irésor, et qu'on avail vu les mules ehargées
el'or et d'argent sur lesqnelles il faisait passer des millions a
Gen(~,e? Cette incréelulité , jc I'avouc, a été en moi bien in-
corrigible; cal' aujourd'hui encore je sui, persuadé que Necker
a laissé iei plus de millions it lui , qu'il n'a emporté ele mil-
/ions de nous i¡ Gcnl,ve. - Nccker était un coquin ; mais Cte
n'était ríen aupri·s des scélérals dont nous sommes entolll'és;
et e'est de cellx-ci que je vel1X vous parler si vous voukz
m'entendre. Je vel1X tont vous di"e, cal' je sais tout; j'ai
deviné toutes leurs trames. Tous les complots, tous les crime,
de la Montagne ont commencé avec la ré\'olution : c'est
d'Orléans ¡¡ui esl le chef de celle banelc de brigands; et <,'est
fauteur dn roman infernal des Liaisons dangereuses glli a
dressé le plan dc tOllS les lorfaits gu 'ils commettent elepl1i,
cÍrI(! ans. Le traitre Lafayette était leur complice, et c'es!
lui ql1i , en [aisanl scmblant de déjouer le complot des son
origine, em'oya d'Orléans en Angleterre pour tout arrangPl"
avee Piu, le prince de Galles et le ('abinel de Saint-James.
Mirabeal1 était allssi la-dedalls : il rcccvait de I'argent eln roi
ponr cacher ses liaisons avec d'Orléans , mais il en ... ,ccvait
plus enco)"e (le d'Orl¡\ans p011r le servir. La grande affaire pOllr
le I'arri ,h' r1'Orli'au" ("était de lilÍre enl¡"cl" les jacobins daos
,es desseills. lb n' 0111 ¡'aS osé I'cJltrl'l'rcudrc directement; c'l'sl




ti 'abord aux cOl'deliers qu'ils se sont adressés. Dans les COI'-
deliers, it l'instant tout leur a été vemlu el ué\'oué. Ohscrv~z
hien que les corueliers ont tonjonrs été moins nombren,,-
,¡ue les jaeobins, out t"ujonrs fail moin, de hrllit : e'es!
'1n'ils veulent bicn 'lile tout le 11101"1,, soit IClIr instrlllllcnt,
mais qu'ils ue venlent pas que tont le 11100ul" soit dans leur
secreto Les cordeliers onl tOlljollrs été la péllÍni"'I'e de,;
conspiratcurs: e'est I~ que le plns dangerenx de lons, llanto",
les forme et les él"v" " I'audaee el an mensollge, lamlis que
ararat les fasolllle an mellrtre el allX massacres: e'esl lit
'1u'ils s'exereent au role ,¡u'ils doivent jouer eusllile dan s
Ics j~eobillS; el les jacobins, qlli ont I'air de mener la
Fl'ance, sonl 1l1en{'s e lIx-rut:1lll'S ,sans s'en uot1ter ~ par leoS
('orrleliers, Les cordeliers, ,¡ni out l'ai,' ,l',~lre cad,,'s dans un
Irou de Paris, négoeicnt a"ce l'Enrope, et ont des ('11\'0\ ¿
dans toutes les con,'s, r¡ni ont juré la ruine de notre liberté:
le faíl esl cpt'tain; j'en ai la preuv('. Enfin ce sont les corde-
licrs lflli onl cngloulí un Ir,)ne dans des flots de satlg pour
I'n faíre sortir Iltl notneau tre)/le. lIs 5avent hien que le d,tt:
e/roit, oi] sont tontes les "ertns, pst anssi le coté Ol! sont tOllS
leg \'rais rél'lIblicains; el. s'ils nons acellsent d" ro~'alisll"',
e'cM paree 'Iu'il Icut' but ce l't'Úcxte po!!r décltaillcr "'"
!lOUS les fureurs de la lIlultitudc; c',es! paree 'lue des poi
gnards sont plus faciles a !rouver contre nous que de:; raisons.
Dans une scnle cunjuralion, il Y etl a trois ou qual"p. !Jnalld
le coté droil tout enlier sera "goq"é, le dile e/'York arri\'cra
pOllr s'asseoir sU'<' le tn)nc, el ,]'Orléans, qni le Ini a promi"
I'assassinera; t!'Orléans sera assassiné Illi-n,,'mc par M"ra',
Datltol1 el RobespielTe, 'Iui lui out fai! la 1I"\ute prolllt',,,,, '"
It's tl'iulllvirs se' partagl'ront la Frallce , ('ou\'crtp de l'l'lldn· ...




1''1 I'IECES H Sl'IFIC\TIVl\,' .


• '1 (j,. sang, jusqn'il ce ([He [e plus hahiic de tous, el ee ,pra
])al1lon , assassine les deux aH!res el regne seu[, d'ahord
sous [e titre de dic!a!eur, ensuile, san, dégnisem"nt , SflllS
""Iui de roi. Yoilil leur p[an, 1I'en doutez pas: ;, force ti'y
rever, jc rai lroLlvé; lout le pl'ouve el le rend évidcllt:
vo)'ez cflJllllle ton les les "irconstanccs se líen! et se tiennent :
ji n'y a pas un fait dans la révolution quí ne ,;oil Un<'
partie e! une preuve de ces horriLles complots, Vous etes
élonué, je le \ois : serez-vous encor" incrédule? _ Je sui,
étonllé, en effel : maís diles-moi, y en a-t-íl beauconp parmi
vous, ("est-a-dire de votre coté, qui pensent comme \OUS
sur tout cela? - '1'0115, ou presqllc tons. Condol'cet m'a fail
une fois qllclqucs objecliolls; Sic)'cs COIllUluni'lue peu aYce
HOllS; Rabaur, lUÍ, a uu autl'C plall, qui quclqllefois sp
rapprochc, et (Iuclquefois s'éloigue dn mien : mais lous J¡,s
autres n'out pas plus de doute que moi sur cc que je viells de
vous dire; tous senlent la nécessité d'agir promptement, di'
metÚ'e promptement les fers aufctt , pour prévenir taut d.,
('rimes el de malheUt's, pour ne pas perdre tout le fruit d\lIw
révolutioll (Iui nous a taut coúlé. Dan s le colé droit, il ya
des membres qui n'ont pas assc/ tic coufial1ce en vous; mai,
trIoi, <fui ai été ,ot.re cülli'guc, (pli \"0115 cOl1nais pOli!' UII
honmlle hOlllme, pour uu ami de la liberté, 5e Icur assnl'('
que \ou. scrcz pour nons, que VOIIS non. aiclercz de tons


les moyens que volre place lllet '1 \otre disposition, Est-r/'
qu'jl peut vous reste1' la plus légere illccrlitucle sur tout cc
<¡ue je vous ai dit de ces sc;éléra!s? _ Je serais trop indion,'
de I'estime qne vous me hémoisnez , si je "ous bissais I'en,,','
'lile ,i(' crois ;\ la ",,'ité tI(' tont ce plan, que 10US cl'o~'ez ptl<'
,'~llli (1<- 1'0, (,!lllell';', I'll1s IO!lS \' llle!l('1 de fa;ts. de dIOS!'>




NOTES


t'l d'hommes, plus il \ OU5 paralt \Taisclllblable a vous, el
1Il0ins il me le para!t il moi. La plupart des fails dont vous
l'omposez le lissu de ce plan ont en IIn bnt r¡1l'on n'a pas
besoin de leul" preler, r¡ui se présente de lui-m(>lIlc; et vous
Icul' donnez un but qui ne se présellte pas de lui.memc, !'l
!Ju'il faut leur pretero Ol" , il faut des preuvcs d'aborrl ponr
éearter une explieation nalurelle, el il faut ¡['aulrcs prclIvcs
ensuile pour faire adoplel' une explication qui ne se prvsente
pas naturellement. Par exemple, tout le monde noit que
Laf&yette et el'Orléans élaient ennemis, et r¡ue c'élait pOUl"
délivrer Paris, la Franee et J'assemblée nationale. de beau-
l'OUp d'lnqlliéWdcs. que d'Ol'léans fut engagé Oll obligé par
Lafayette a s'éloignel' <juclquc tcmps de la France; il faut
établir, non par assertion • mais par I'rcuve, LO qu'ils n'é-
taient pas cnnemis; '}.o qu'ils étaicllt complices; :1" que le
voyage de d'Orléans en Angleterre eut pour objet l'exéculion
de leurs eomplots . .Te 5ais r¡u'avec une maniere de raisonuer
si rigourcuse, on s'cxpose 11 laisser courir les crimes el les
malheurs devanl soi sans les atleindre, et sans les arrclel'
par la prévoyance: mais je sais anssi qu'en se livrant a
son imaginalion, on rait des systemes sur les évéllements
passés et sur les événcmellls fllllll'S; un perd 100b les moyen"
de bien discerner et apprécier les événcmcnls aetuels; el en
revan.t des milliers de forfait. que personne ne trame, on
,'ote la faculté de voir avec certitucle ccnx. qui nous mena-
cent; on force des ennemis qni ont pen de scrupule a la
teutalion d'en commetlre, auxquels ils n'auraieut jal/Jais
pensé. Je ne eloute pas c¡u'il n'y ait autoUl' de nous beau-
coup de scélérats : le déchalncmcut de toutes les passiolJs les
(;tit naitre, et 1'01' de I'drall~er les sOlHI'lie. ::\iais. noyez-




ET I'Ú:CES JUSTIFICATln:.s. .) 19
moi, si leurs projets sont affreux, ils ne sont ni si vas tes ,
lli si grands, ni si compliqués , ni con~us et menés de si loin.
Il y a dans tout cela beaucollp plus de voleurs et d'assa"ins
'lne de profonds conspiratenrs. Les "éritables conspiratcurs
cnnlre la répllbli'lue, ce >onl les roís de l'Enrope el If'S
passions des républicains. Pou\' repousser les rois de l'En-
rape el leu!'s régiments, nos armées suffisent, H de reste:
pou!' empecher lIOS passiol15 de lIOUS dévorer, il Y a un
moyen, mais il est unique ; halez-vous d'organiser un gou-
vernement qlli ait de la force el qui méritc de la conflance.
Dans I'étal ou "OS querelles laissent le gouvernement, tlne
démocralie mcme de ,;ngt-cinq lIlilliolls d'anges serail bien-
tul en proie a toutes les fureurs et a toules les dissetlsiotls
dc I'orgueil; coml1lc a dit Jean-Jac'lues, iI faud"ail vingt-
.. in'l milliolls de diel1X, el personne ne s'esl avisé d'en ima-
giner tanL JVlon cher Salles, les hommes el les grandes assem-
blées ne sont pas fails de maniere que d'un culé il n'y nit qlle
des dieux , el de I'antrc que des diables. Parloul ou il y a des
homlllcs en conflit d'inlérets el d'opinions, les hons 1}1(\me
ont des passions méchantcs, et les mall\'ais meme, si 011
f'herche ,', pénl'lr('1' dalls leurs <lIBes awc doucelll' el patience,
son! Slbc('ptiIJles d'imprcssíons droites et hOt1lles. Je lrou\'('
au fond dc mon allle la prcuve éviden!e el imincible de la
moitié au moin5 d" ecUe vérité : je suis bOI1 , moi , el anssi
hou, '1 COllp sur, '1l1'aucun el'entre "OU5; mais quanel, an
I ieu ,le réfllter mes opinions avec de la logiLlue el de la hicl1-
veillance, on les repollsse avec SOllP'i0n et injure, je snis
Im't a lais:;er 1,1 le raisonllcmelll, el i, reganlcr si mes pislole!s
sout hi"ll charg'\s. Vous m'a\ez rait deu" fois minis!!'I', ,.!
deux fois ,'(JUS In'a\'('z I'{'ndll 11n Iri'r.¡-mall\"ais seryjc(' : ce




.120 "i()Tl',~
sont les dangcrs qui vous envil'OnnCnl , el qui m'em ironnen!.
qui pcuvent seuls me faire rester au poste ou je sni,. (J 11
bl'a\'e homme ne demande pas son congé la veille des batailles
La oataille , je le vois, n'est pas loin ; en prévuyant que d~s
deux cotés vous tirerez sur moi, je suis rpsolu a I'cster. J,-
,'ous dirai achaque instant ce que Je croirai \Tai dans ma
raison el dans ma conscience; mais soyez bi"n aver!; que jp
prendrai pour guides ma conscience et ma raison, et non
celles d'aucun homme sur la terre, J e n'aurai pas travaillé
trente ans de ma vie a me faire une lanterne, pour laisser
ensnil.e éclairer mon chemin pal' la lanterne des autres,


" Salles el moi nous nous séparames en nous selTant la
main, en nous elnbrJssitnt COln1De si nous avions été encore
collcgllcs de I'assemblée cOJ)stitu;¡nte, »




1:'1' Pj~:f:ES JUSTjl'ICATn'}:~


Parmi les esprits les plus [roids ct les plus illlpartiaux de
la I'évolution, ii faut citer Pétion. Pcrsonne n'a jugé d'une
maniere plus sens{,e I~s den\: partis 'Iui divisaient la comen-
lion. Son ég~li!é était ;i COllnue, que des deux cotés 011 eOI1-
,entait a 5'en I'cmetll'e i, son jllbement. Les accusations qui
f'uren! lieu eles l'onverture de l'assembléc, provoquerent de
grandes disputes aux Jacobins . .Fab,'e d'Églantine proposa de
s'en référer a Pétion dn jugement a rendre. Voici la maniere
dont il s'exprima :


Séance du 29 octobrc 1792.


" 11 est un autre moyen que je crois utile et qui produira
un plus grand eCfet: prl's'lue !OUjOUl'S, lorsqu'une vaste in-
trigne a voulu se IlOuer, elle a en hesoio de puissaoee; elle a
elú faire de grands efforts pour s'atla{;her Ull grand erédit per·
sonne!. S'i\ existait un hOlIlme l}ui aurait tout "U, lout ap-
préeié dans l'un el l'autre parti, vous ne pourriez douter que
cet homme, ami de la vérité, ne mt tres-propre a la faire
connaitre: eh bien! je propose que VOU5 inviliez eet homme,
membre de volre société, a prononcer sllr les crimes qu'on
impute allx palriotes; forcez sa verlu a dire tout ce qu'il a
"u: cet homme, e'es! Pétion, Quelque eondescendance que
l'homme puiss,. avoi .. POlll' ses ami" j'ose dire qlle les intri-


n, 21




¡\ants .tl'Otlt point. <:(H'l'OlllI'U Pt-tion; il ('st tO\1jour~ pUl', il ",¡
sincere; je le dis ici, je vais lui parler soU\·cnt, a la C011\'('n-
lion, dans les moments d'explosiOl1, el s'il ne me dil pas lou-


joul's f¡u'il gémit, je yoi, qu'il ~él!lit intél'iclll'ement: ce rnatin,
il voulait mooter a la tribune. lllw ]'''lll pas ,·ous refu,er d'é-
<Ti ... " ce qu'il peuse, el nous VClTOlIS si, malg!'é que j'té\'entP
ce moyeo-la, les iotl'i?;ants peuvent le llélourl1cr. OIJS('rlTZ,
citoyens, que ccltc délllarche seule prouvcra que ,·OllS ll('


\oulez que la \érité; (,'est un homllla,;e que vous rendez ,\ la
,crlu d'uu bon patriote, avec d'uutan! pll!s de IlJOtifs, que les
menleurs ~e SOIlt ClllCJOppés de sa YI'rtU pour (\tre {luel'lue
dJOse. JI' demande 'lue la mOlion soil mise aux voix. " (AI'-
('¡audi . . ,


Legef/{!re. " Le coup étail monté, iI {'lait e1air : la distn-
¡'ution clu Ji.cou!",; de Brissot, le l'appOr! d" Illillistn, dp ri".
térieur, le "iscours de Louvet dans la poehe, tout cela prouve


que la p~rtie étail faite. Le cli~cours de Brissot sur la radia-
tion contient tout ce !ju'a e1it LOl\vet : le rapporl de Holand
étail. pour fournir a Louvel une occasiOll de parler. .T'approllvc
la mol ion de Fabre : la COllvention va prononeer, Rohespi(,IT~
a la parole poUJ· iundi : je dem.lnrIe 'lue 1.1 sociét'· s\Jspende
,a ¡]pcisioll; il ,'sI impossih/e 1/"" dalls UlI ¡laYo libre la V('I'I"
~Il('combe SOll:, le ("rime. !)


Apres celte citation, je erois de'·oir placer le morcean que
Pétioo écrivit relativement '1 la dispnt(' l'n¡.o;a¡;ép en!r(' Louv<'t
el Rohespiefl"c; e'esl, avee les lllorc(',PlX exlrails de Garal,
celui qui reuferme les renseigneme!lts les plus préciellx Sllr la
conduite d le caractere des bommes de ee lCllIpS, et ce sonl
('enx que l'lrisloire doit cOllsener COlllme k, plm ("apables (jp
)":f'"ndre de' id,:ps .jllste;; Sllr ~f'tlp ':poqllr.




El 1'1H:ES .IU~T1Flf:A'I·nL,


\f Citoyens, je lu'j:lais promis de Fardel' 1(' sil,~Ij("t' k plui
ahsolu sur les én'n"lflenls '1ui se SOllt passés de¡mis le I () aout
.les motif, de délicates5c el de hiclI publi" me déterilllllilicn!


a user de cette rése,·\"(' .
. Mais il esl itllpossiLlc de lile taire plus i<lllg-lcmps : fi· ..


l'ullP et de 1'~Il¡r" part, Oll invoque mOll témoignage; chaeull
me presse de dire mon opinion ; jc ,ais dire a,ee l'rtlllchis('
,'e 'lile je ,ais sur 'll1elQUI" homlllt's. c(' que :ie pense sur les
(·hoset;.


(, J'ai Yll de pl'(~.'i les ,-:'( ¡'lJ('S de ~a n" olutioll; /aj \'ll les ca-
bales, les intrigues, les Illttes oragellscs ('ntre la Inannie el
13 lilwl'té, entre le ,ice et la ,,('rtu.


({ (!uand le jell eles passiol1s humaÍlH's paralt a découvel't,
<{u3ml on apeCf:oit les l'I'",orls seel'els qui out dirigé les opé-
ratians les plus illlportantes, <{uancl on rapproche les événe-
men!s de leurs causes, 'luancl on c(¡nnalt tOllS les périls que la
liberté a COUl'US , f¡Uaurl on pénetre dans J'ablme de currup-
tion c¡ui mena,;ait il cba'lne ltJstant de nous engloutir, on se
,Iemande avec étonncmcnt par 'Iuclle suite de pI'odiges HOU'
sommes arrivés au point al! 1I0US nous trollVOUS alljollrcl'hui'
"I~es révolntions vculent ,~tre vues de loin: ce prestige 11'111'


,'sI hien né"cssairc; les ,iceles efiaeeut les taches qui les 01,,-


cnrcisscntj la \losté .. ité n'apen;oil fine les réslIltats. Nos 111'-
yellX nOlls eroironl grands; rendons-Ies meilleurs que nous.


"Je laisse en aniere les faits anlériellrs it eclte journée a ja-
mais mémorable, flui a élevé la liberté sur lres ruine5 de la !~'­
rannie, el <{ui a changé la monarchie en l'épublique.


" Les hommes <{ui se son! ~ttrihué la gloire de celte joumé('
snnl les ItOtlHUeS a fJui elle apparlient le moins : elle est dile il
.. ,'ux <{ui l'ont préparéc; elle es! duc '1 la nalnre impériellsP


:ll.




:"ItHES


des choscs; elle est tlue ala braH's kd"rés d;1 I"ul' dil'!'<:toiIC
secrel., 'lui <:onccl'lait deplI ís long-lcml's le plall de l'i[JsulT~c
tion; elle es!. dne au peuple, elle es! due cnfin au génie tuté-
lail'e 'lui préside constamment aux uesrills de la Fl'ance depuis
la premiere asspmhlée de ses repl'éscllt:tnIS!


"Il faulle dire, un moment le succcs fut ilJeel'lain; e! cenx
rluÍ SOllt vraimcnt instruits des tlélails de celle journée, saYeut
quels furent les intrépides tléfenspul's de la patrie 'luÍ empe-
cherent les Suisses el lous les satellites du despotisme de de-
meurel' maltre, du champ de bataiilc, queh fUl'eut ceux quí
rallicrcnt nos pIJalauges citoyennes, un instant ébraulées.


" Cette journée a\'ait éga!elllellt lieu sans le concour, .-les
commissaires de plllsieurs sections réuuis a la maisou COIll-
mune: les membres d(' I'allciculle municipalité, gui n'avaient
pas désemparé pendant la nuit, élaieul cucorc en séance ;\ nl"uf
heures et demie du malin.


« Ces comlllissaircs cou<¡urent néaumoins uue grande idél",
cl prirenl une mesure bardie eu s'emparant (le tou, les pou-
"oil's municipaux, el en se mellanl ,¡ la place d'un cOllseil gé-
néral donl ils redoutaienlla faiblesse el la corl'uption; ils ex-
poserellt cOllragellsement leur vie dans le cas Ol! le sueces He
justifierait p3S I'clltrcpl'isc.


« Si ces commissaires eussent eu la sagesse de savoir dépo-
ser a temps lenr aulorité, de rentrer au rang de simples ci-
toyens apres la beUe aelion gu'ils avaicnt faitt', ils se scraient
couvel'ts de gloire; mais ils ne surcu! pas résistcr it l'attrait du
pouvoir, el I'envie de domine .. s'empara d'eux.


" Dans les premiers moments d'ivresse de la eouquctc de la
liberté, el. apres une commotion aussi violente, il était impos-
oible que tout rentnit a ¡'instan! dans le calme pI dans I'orrln'




KI PlECES .rU~;·iFICATlVES.


accoulumé; il cút été injnste de l'exiger: on ti~alor~ au non-
,cau conseil de la commune des reproches qui n'étaicnt pas
fondes; ce n'étaít cnnnaitre ni sa positíon ni les circonslances;
mais ees eommissairrs l'ommcncerent a lés mériter lorsqu'ils
prolongerent eux-memes le mOllvement révollltionnaire au-


dela du lerme.
C( L'assemblé .. nationale s'était prononcéc; elle avait pris un


3rand earaetere, elle avait rellllu des décrets qui sallvaient
l'empire, elle avaít snspelldn le roi, elle avait cffacé la ligne de
dél1larcatioll qui séparait les eitoyens en deux classes, elle avait
;.ppelé la eouvcntion! Le parti royalisle était ahattu : il fallait
des 101'5 se rallier a elle, la fortifier de l'opinion, l'emironncr
de la confianee : le devoir et l~ saine polifique 1" vOlllaieuf
;HISS1.


" La comll1l1l1e Irouva plus grand de rivaliser a,ee l'assell1-
hlée; die étahlit !lne lutte qlli n'él"it propre qu'a jeter de 1<1
défavelll' sur tout ce qui s'était passé, qu'a faire c,'oire que
I'assemblée était SOIlS le joug irrésistible des cil'constances;
elle obéissait 011 résistait aux décrets, sllivant qu'ils favOl'i-
,aíen! Ol! conlruriaient s~s VlH"S; elle prenait dans ses repré-
'Cllla¡iúllS an ('orps légisJatif des formes impérieusf;s el irri-
tantes; clip affectait la pl.liSSallCc, et nf' s3\'ait ni jOllil' de ses
tl'iomphes, ni se les faire pa:'donl1cr.


" On était panellu a persuader aux uns que tant que l'état
révolntionnaire dnrait, le pouyoir était remonté a sa source ,
que l'assemhlée Ilationale était sans earactóre, que son cxís-
lenee ([tait prí,caire, ~l 'l"(; les assemblées des eOmmUlles étai"nt
les seu les alllol'ité5 l([gales el. pnissantes.


" Oll av"it insin"é aux lIutres que les che!;; eI'opillion dans
)'"sse m hlp" naliolla'" ',,'air';1 rlrs projl'h pFl'fid~", Youl~irn,t




\ Ul1:S


rPllver,el' la liherlé eL livrer la répnbliql1€ aux étra1lgcrs,
'( De sorle qu'lIll grand nom!n'c de lllcmbres du conseil


croyaient user d'un droit lé¡;itillle lorsqll'ils llsurpaient l'au-


torité, croyaient résister;\ I'oppression lorsqll'ils s'opposaient
it la loi, cl'oyaient [aire un acte de civisme 10l'squ' ils man-
quaient a leurs devoirs de ciloyen : néallllloills, au milieu de
eette anarchie, la COlllmune prenait de tcm!" en lcmps des
anetés salulaires,


" J'3vais été con sen é dans ma place; mais elle n'élait plus
'lu'uU "ain titre; j'en cherchais inutilement les fonctions;
elles étaient éparses entre toutes les ll1ains, et ebaclIn les


~·xerSltit.
" ,Te me rendis I"s premie,',; jours an conseil; je Ius elfraye


du désordr'c qui régnait dans ectte asscmhlél', ct s"rton! de
¡'esprit qui b dominait : ce n'était plus un corps administrat;l
délibéranl sur les afTaires communales; c'était une assembléc
l'0litique se ero) anl il1\c,lie de pleim pOllvoirs, discutant les
grand, intéréts de I'état, e,aminant les lois faites et en pro-
:llulgualll de lIouvelles; O[J u'y parlait 'lLlI' de coruplols contre
la liberté publique; on y rléno\l{;ait des eitoyens; on les appc-
lait ,'t la barn'; on le:; elltelJ{lai! pnblirjlH'l1lellt; 011 I~s,jngeait,
on les rellvo~. (lir ahsolls OH on les rcicllait; les regles on[jnaires
,;vaicnl ,lisparu; I'cfferves,'cnc(' des esprits úlait telle, qu'il
,:tait impossihlf' ele !'c,teni .. ce torn,nt; ton tes les délibérations


,'emportaient ave" I'impétllosité de I'enthonsiasme; dks se
succédaientavec une rapirlité cffrayante; le jour, la nuit, san s
anCUlle intcrrnpl.iOll, le cOllseil était tOlljours en séance,


" .fe ne voullls pas que mon nOlll fút altadré ¿'¡ une mul-
¡itude d'actes allssi irréguliers, au"i COlltraires au\ prill-
,'ipes,




• .fe ,,,,,tis égalemcnt combicn il .;,rail sage et utile oe ne
pas approuver', de ne ras [ortiGer par ma présence tout ce
qui se passait. Ceux qui dans le conseil eraignaient de m'y
,'oir, cellX que mon aspect gcoait, désira'ient fortement que
le peuple, do"t je conservais la confiance, crút I¡ue je prési-
.!ais il ses upérations, et que rien ne se faisait que de concer!.
,n'ce moi : ma réserve a cel égard accmt lcut' inimitié; mais
il" Il'oserenl pas la Inanifesler trap ouvertemenl, crain!c
oe déplaire a ce peuple dont ils bl'iguaient la faveur.


" .le parus rarcment; cl la conduite que je tins daos celle
positiou trc.-tlclicate entre l'ancienlle muuicipalité, qui ré-
damail contre sa destitution, et la nouvelle, qui se prétendait
légalement insliluée, !le fut pa, inntile ú la t1'311c¡uillité pu-
bliquc; ca!', si alo!'s je IllC fusse prolloncé fortement pour ou
"o"ll'c, j'occasiollnais Lln déchirement qui aurait pu av'oir
des suites fUllesles : eu lont il est un point de matul'ité qu'il
faut 5,,\oir saisir.


"L'adlllinisll'alioll fui négligée, le maire ne fut plus un
centre t!'ullil{,; lous!es ¡ils furent coupés cntre mes mains; Ip
p'JlI.vuil' fllt dispersé; !'aclioll de sUl'veillancc fut saus force,
l'actioJl n:pri'llan11' I~ fur pr;'nl('mPllt.


no!Jbl'icl'l'c I'l'it dOIl[, I'asccndant dalls le conseil. et .1
<ita,! difliciie que ('el a ue fllt pas ainsi daos les cil'conslallc~s
ou nons nous It'ouvions, et avec la tremp" de son esprit. Je lui
entendi, prononcer un diseollI's qui me conlrista l'ame ; il s'a-
gissait. du d,!crct qui ollvrait les ],alTieres, et n ce sujet, il se
Jina a des déclallJilliolls extl'emelllellt unimées, aux écarts
tI'une illlagination somhre; il apel'«¡ut des précipices sous ses
pas, des complots libcrlicidcs; il signala les pl'élendus cous-
pil'al"'II,': il ,'i\,h·sc.;¡ :111 I'clIplc, ':Ch:lIlITa les esprils, el oc




casionna, pal'lIli ccux qui I'cntendaienl, la plus vive fe .. m .. 1I-
tatioll.


" Je répondis a ce eliscollrs pOlln'élablir le calme, pour dis-
siper ces noires illusions, et ramcner la disclIssion au seul
point qui dtit oecl1pel' I'assembléc.


" Robespierre et ses parlisans entrainaicnt aitlsi la com-
mune dans eles démarchcs in('onsidérées, dan, les parlís ex-
tremes.


"Je ne suspectais pas pou .. cela les intentions de Robes-
piene; j'accusais sa tete plus que son cceur; muÍs les suites
de ces noires "isions ne m'en cuusaicnt pas moins d'alannes,


" Chaque jou!' les tribunes dll conseil retentissaient de dia-
tribes violentes; les memh!'es He pOllvaient pas se persnader
llu'ils étaient des magistt'ats chal'g';s de ,ejllcl' i, l'exécntjon
des lois el au maintien de l'ordre; ils s'cmisa;;caicnt tOUjOUl'i
comme formant une association révolutionnaire,


• Les seclions assemh!ées rcce\;¡ient cettc influencc, la <:om-
1l111niquajent 1,Icnr tour, de SOl le 'Iu'ell Im\llIe lemps tOHt Paris
fut en I'erlllentation.


" Le comité de sllrveilla'H'e tle la cornmnne rempli"ait les
prisons; on ne peut pas sp dissimnlel' que si plusieul's de ('(',
arrestatiolJs fUl'ent justes el nt'cf'ssaires, d'allll'cs fnrl'ut Itig:1
lement ha,sardées, II fant moins en "ccnser les <:hefs que le Uf S
agents : la police était mal entoul'ée; un homme entre :tutres,
dont le nom seul est develJll nne injure, dont le 110m sellljette
I'épouvante dans I'áme de tons les citoyens paisiblcs, seon-
blait s'etre emparé de Sil directioll et de ses lllOUyements; a,-
sidu a loul!'s les confél'ences, il s'jmmist'ait rlans tOllks le,
"flaires; il parlait, il ordonnait ('" maitre; j .. H,'en I'laigni,
1.:'lItpment a la ~Oll1lUlllle, etje lerlllinai mOl! opillí(JII pal' ce,




El 1'1ECES JUSTlFICATl\TS.


,"ol, ; 11la1'at est ou le plus inscllsé Oll le pius seetél'at do
hO!l2mcs. Depuis je n'ai jamais parlé de lui.


" La justice était lente i. pl'OllOIlCer sur le sort des déteuus,
~l ilB s'elltassaient de plus eu plus dans les prisons. Uuc sec-
lion vinl en députation au conseil de la cornrnune le 23 aout,
et déclara forlllcllclIlcnt que les ciloyen>, faligués, indignú
des retards que \' on apportait dans les j ugctllcnts, forceraient
les portes de ces asiles, el immolcraicnt a lenr vengeance les
coupables qui y étaicnt renfermés ..... Cette petition, cOlHiue
t1ans les tenucs les plus déliranls, n'éprouva aucune censure;
elle rc(:ut tlIeme des apl'laudis:>elllents!


" Le 25, rnille ,. douze ('ent, citoyens armés sortirenl (h;
Paris pour cnlcver les pl'isunnicl's d'étal délellus it Odéalls, el
les transférer ail/enrs.


"Hes nouvclles fúchcuscs vínrclItclIcorc augmcnter I'agila-
lion des esprits : on annon<;a la lrahison de Longwy, el , qllel-
l¡UeS jours apres, le ,iégc de Verdun.


" Le 27. I'assernbl<',e nalionale invita le d¡'.partement de
Paris el ceux cnviroIlnants it fournir trente mille hOI1lJIles ar··
més pour voler aux [rontieres : ce déerct imprima un nou-
vcau monvement '1ni se combina avee ceux qui existaient déjil.


" Le 31, I'absollllioll dc lHolllrnorin soulna le peuple; le
bmit se répandit Ciu'il avaitété sauvé par la perfidie el'un COI11-
rnissaire du roi, qui avaiL incluit les jurés en crreu\'.


« Dans le meme moment, on puhlia la révélation el'un com-
plol, faite par un coudatllllé, complot tenelanl a ¡¿tire évarlcr
lous les prisonniers, qui devaient ensuite se répandre dans la
vi!le, s'y li\Ter a tous les exci" H enle\'er le roi .


.. L'ellervescelllOe élait i. son enrnble. La COnllIlUlJC, pour
px!'Ít<'1' l'''tltllOllsias'lIe des ciloycns, pUlir les l'0:'!n eH f",,1e




l'\'OTl'.S


aux ellrolenH.'ULS ci,iques, avait aITf~t(~ de les réunil' avec app,a-
reil an Cllamp-de-:\1ars au brllit du canon .


. ( Le 2. septcl1Ibre 3rl'ivc : le canon d'alanne tire; le toc,;ill
sOllne ..... Ojollr de deuil! A ce son Ingllbre el alarmanl, on
se rasscmble, on se précip~te daus les pl'isOIlS, on é¡;orge, on
assassinc! Manuel, plusicllrs déplItés de I'asselll "I,',c nalionale,
se reneJent daus ces licllx de carnage: leurs errorts son! inu-
tiles; (ln imlllol" les "ictimesjllsCjlle dans Jeurs bras! Eh hien!
.i'élais dans une fansse sécnrilé; j'if;norais ces crll"ulés, depuis
'luelqne telllps on ne lile parlait de rien . .TI' le" apprends
(lnlin, et eomment: d'une rnaniere \'agu p , innireere, dciligu-
rée: 011 1lI',ljollte en m(,me temps qll!' tout esl fini. Les détails
!es plus déchiranls me pHl'\icllfll'1l1 clIsuite; mais j'étais dHns
la (;oll\'icl.ion la plns intim" r¡1If' 1" jOllr 'Iui :lV:I;t éclairé ces
scenes affreuses ne reparaitrait plns. Ccpcndall! el/es con ti-
nuent : j'écris an cOl1lmandant général, je le relluiers de por-
tel' des focces anx prisons; il ne me répond pas d'ahord:
j'écl'is de 1I0UYl',tlL II lIle dit fln'il a dOllilé des "rdl'<" : riell
n'annonce qlle CPC; orelres s'"xécutcnl. Cq"'t:dant elles ('onli-
IIllent eneore: je \,lis au conscil de la COllJllllllle; jl' me rcnd,
,le la a I'Hotel de la Force aH'C plllSiclll'S dI' mes ,·olli'f;llCS.
Des citoyens assez paisihles obslruaient In rue ql!i conclui! á
cette prison; une tres-faible ganle était a la porle : j'enlre ...
""on, jamais ce spectac1e ne s'~fraeera de IDon erenr! .Te \'015
dcnx officiers mnnieipaux re\'etlls de leur échal'pP.; Je VOl.
t!'Ois hOlIlmes tranquillerncnt assis llevant I1ne table, les re-


gisll'es d'écrous ou\'erts et sous leurs yeux, faisan! l'appel des
prisonniel'5; rl'alllrcs homl1les les interl'o"caut; d'autres hom-
lIles faisant fOllctions oe jllr .... s el de ju¡;es; tlne dOllzaine <1,.
hllurreaux ~ les hl',:s 1~l!!S, COII\lTts de sallt;. le~ 1111S a\'t\· dt,:--.




ET 1'1~:CES JlJSTIFILtTnL, ..


llIassues, les autl'es avec des sabres et des coutelas 'Iui en dé-
;;ontlaient, exécutant "1 l'instant les ,In¡;ements; des citoyen,;
attendant au dcho!'s ces jUgCIllCllts a~ec i1npatience, garcl:tnt
le plus monje silc[Jee allx anets de lIJOr!., jctant des cris ele joi"
aux arret,; d'absolution.


" Et les hOllunes qni jugeaient, et les hommes qni exécn-
taient avajent la meme sécurité qne si la loi les eút appelés a
rcmpli!' ces fonetion,; il, me valltaicnt leur j lIsticc, leur ato
tenlion a distillgUC!' les illllocenls des coupables, les scrviccs
'In'ils a,'aient r(,lIdns; ils dcrnandaient, pourrait-on le croire!
il, delnandaient il "tre payé, du temps qu'ils avaient passé! ...
.I'étais reellement <:on[ondu de les cntendre!


" Je leu\" parlai le langage austi'l'c de la loi; je leur parlai
avec le "cllliment de l'j"djpwliulI profontlc dontj'étais péné-
tré : jc les lis sortir tous devant moi. J'étais a peine sorti moi-
mell1e qu'ils y rentrercnt ; je fus de nouveau sur les lieux
pOli" les en chasserj la !luit ils acheverent lem borrible hOll-
cherie.


" Ces <lEsassinats fnrent-ils COmlll<lllélJs, furen!·i!s dirigés
par f]llelques hommes? rai en ,les listes sous les ycux, j'ai
l'e~u des rapl'0rls, j'ai recllPilli Ql1elt1ues fait,; si j'avais tt
pronollcf'r comme jn¡;·c, je ne JlllulTais pas dire : Voilit le cou-
pahlc.


" Je p<,nse que ces crimes n'eussent pa~ eu un aussi libre
cours, qu'ils ellssent été.arrptés, si tous cellx qni avaient en
main le pOllvoir et la force, les eussent VllS avee horreur; mais,


je dois le dire, paree que eela est vrai ; plllsieurs de ce,
Ítommes publics, de ces défenscurs de la patrie, noyaient que
,:c,; j1111 I"nées désaslI'f'u5CS et déshonorantrs ét:l;ClJt néccssaires,
-,u"elles pllq~eai~tll I'f'lllpin' ,1'holllJ)}<.':-- tlallgerellx, qu'cllc:--




;liOTE~


portaicllt l'epOll.allte dans Lime des cOlIspirateurs; el <¡lIe l'e"
l'l'imes, odieux en morale, <'taient utiles eu politi'luc.


" Oui, voila ce <lui a ralen!i le zele de ceux il 'lui la loi 'I\ail
confié le mainlien de l'ordre, de C('lIX a c¡ui clle avait remis la
tléfense des personnes el. des propl'iétés,


• On voit comment 011 pent lier les jOlll'nécs des 2, 3, !, e!
[, septembre it l'immortelle jonrnée du III aoút; comtllent 011
peut en faire \lne suitc du mouvement révolntionnairc im-
primé dans ce jour, le premiel' des anllales de la république;
mais jI, 11e puis me l'ésoudl'e a confondre la gloirc avec I'infa-
mie, et a souiller le 10 aoút des exc,,, d11 2 scptemhre,


" Le comité de surveillancc lan~a ell effl'l un mandat d'ar·
re! conlre le milli"tre Holanrl; ,,'élait le tI. el les Illassaere"
uumicnt enCOl'e, llanto11 en fut instL'llit; íl v int it la lIla;,.;" :
il était avee Robespierre; il s\:llIporla avec ,,[¡aleur cou!re cel
acte al'bitt'aire el de délllence; il aurait pcrdn non pa,; Ro·
laud, maís ceux '1ui I'¡¡vaient décel'né : Dantou en Pl'ovo'lua
la révocatíon; il fut enseveli dan" l'oubli,


" J'ells une explication avec RollPspier/'e; elle fUI trés.vi,e;
Je lui ai tOlljours fait en lace des rCl'l'Och,', flue ['a.uit ié a
tempéds en son ahsence; je lui di, : llohespierr", \ous h.iles
bien <lu mal! Vos déllonciations, vos alarnHes , vos [¡ailles ,
vos soupc,0ns, agitent le penple, Mais enfin, explílluez.vous;
3V'ez-vous el",s faits, avez-vous des preuves? Je comhals ave e
vous; je n'aime que la vérité; je ne ,'cux '111" la liberté,


" - Vous vous laissez entonr!'r, VOIIS vous laissez pré-
venit', me répondit-il, on vous indisposc con tI''' moi ; vous
voyez tous les jon!'s lIIes ennemis; vous voy,'z Rrissot et son
par!í,


" - Vuus ,,)lb troll1po , !l"h~'I"PtTe; pcr,UlJlIP plllS '1'12




ET P[ECE~ .10STIFICAl'IVES. 333
HH)) u'est (.~n gal'dc ('onLre les prévcntiollS, et 1)(-> Jl1ge avec
plus tle sang-froid les hommes et les choscs.


" y ous avez raison , je vois Brissot ; néanmoins raremenl ;
mais vous ne le ~onlJaissez pas, et moi je le connaís des son
enfance; je l'ai \u dans ces ll,ol11cnls ou ram e se montre tont
enli{~re, oil ]'0[1 s'aLantlonne sans réserve it l'amilié, a la
('()Il/lance : je conna'is son tlésintércssemenl, je connais ses
príncipes, je vous proteste flu'ils sont purs. Ccux qui en
fOlll Un chef de partí n'ont )las la plus légere idée tle SOIl
earaelé.,,,; il a des 11Imiercs et des ("ollnaissanees, mais il n'a
ni la l'{'serve, ni la dissimulatioll, ni ces formes entralnantes.
ni cet esprit de slIite, qui constitllenl un chef de parti, et
ce qui vous surprendra, ,,'est qlH', loin de mener les autres,
il esl Ires-faeile " ahusel"


" TI ohespierr€ insista, l1Ia.s en se rcnfermant dans des
généralités. De graee, lui dis-je, expliquons-nous: di tes-
moí franchement ce que vous avez su,' le ca!ur, ce que vous
savez?


« - Eh bien, me I'épondit-il, .le erois que Brissot est a
Brunswick!


,,- Que\\e errem' !'csl la ,,(¡tI'e ~ m'écl'iai-je; c'esl veritahle-
lnent une folie; ,,·oilc't COIlHl1(' \'otre iUlaginatjou \OUS égarc :
Brunswick nc serail-il pas le premier 11 lui coure\' la tete?
Brissot n'est pas ass!'z fou pOUl' en douler. Quí dc nous sé-
rieusement peut capitule!'? qui de nons ne risque S3 vie~
Bannissons d'injustes défiances,


" Je reviens 3UX événemcnts, dont je vous ai tracé une
faihle esquisse. Ces événemcnls, el quelques-uus de ceux quí
out précédé la célebre joumée du 10 aOlit, le rapproche-
ment .les fait;; 1'1. d'lI'lI' fonle de ('i,'constan"es, ont portf, a




'Toire que des illlri6illJIs ity;úelJl, \Oulu ,'elliparer dll pcul'le,
pour, ayee le peuple, s'emparcr de I'antorité; on a o{'sigtlt'
hanlclI1cnt RobespielTe: on a examiw; ses liaisons; on ;¡
analysé sa eont!uitc; on a recucilli les pUl'Olcs 'Iui , dit-on ,
out éehappé a un de ses alllis, t'l un a conclll que Huhes-
pien'e ¡¡"ait eu I'amhition insensée de devCllit, le diclatenl' d"
,on pays.


" Le cara('lere de Rohespierre explique l'C qu'jl a 1",1.
Itohespierrc e"t extremcmenl o'llbragcux et défiallt; il aper-
\(oit partont des cOlllplots, des trahisons, oc, pn:cipices'
son tempéramcnt bilieux, son imaginution ¡¡trabilaire, lni pn:,
seutent tous les objets sous de sombres couleurs; impél'icu'.
<ians son avis, Il'écoutant que Illi, ue sllppor1ant pas la C011-
lrariété, ne panloIlnant jamais a c..Illi qlli a pn blesser sfln
amour-propre, t't ne reconnaissan1 jamai, s('s torls, délJUl]-
c;ant avec légereté , s'irritant du plus léger soup,;on; croy3nt
toujours qu'Ol] s'occupe de lni, el pOllr le persécuter; vantant
ses sen ices , et parlant de ¡ui avec lleu de réserve ; ne .. on-
naissan1 point les convenauccs, et lluisun1 par cela llICJl!('
aux causes 'Iu'il défcnd ; ,"oulant pUl' dcssus tou1 les [aveur,
rlu pen}'I", lui faisant sans ces se la cour , el cherchant al'e,'
"ffcda1iol1 ses applaudisselllcnls : ,,'es! li" <:'cst surtou! eetlp
(Iemiere f"ibles"!' qui, pel'l;ant dans les acles de sa \,ie puhli.
que, a pu faire eroire qne Rohespierre aspirait (\ de l!autes
destinécs, et '1u'il voulait usurper Ic pOll\oir dictatorial.


« Quallt a moi, je llC ¡lUis me persuader flue cetlc chionerf'
ait S(;rieuscment occupé ses pcnsées, 'Iu'dle ait ,;té l'ohjcl
de ses désirs el le but de son amhition.


" II est un homn", cependanl '1ui ,'es1 cuiué ,le c""e id;,,,
t'antaslic¡ne, rlni n'a ,"('SS(' ,j'appeler la dictalun' Sil/' la F/'aIlCl'




:\35
comnle un bienlait, comme la seu le domination 'lui put nOlls
sauvel' ,le l'anal'chie qll'il rl'echait, qui pul nOllS conduire a
la lihcrté et au bunheur! Il sollicitait ce pouvoil' IJl'anni'Jl


'
e,


pOli!' q ui? Vous tle \'ondrez jamais le eL'oire; vous nf' "on-
naissez pas ass('z tout le delire de 5a vanile; jI le su\!icilait
pour lui ! olli, pOUI' lui IHara!! Si 5a folie n"elait ras fé-
tOce, il 11\ aUl'ait rien d'aussi ridiclllc '[lle cet etl'c, que la
flatUl'e selnble a,'oir ularqué {uut l'~lH'':''s du H'C¡:U de Sil
l'éprobation, "




NOTE 6, PAGE :358 De TOl\1E 111",


Parmi les opinions Irs plus curieuses expriméc5 sur liTara!
d Rouespierre, il ne faut pas omettre cclic qui fut ellll,('
par la socidé ues pcobins daus la seaucc du dimanehe 23
tléeemLre 1 í92. Je ne connais ríen qní peisne miclIx respriL
I'l les dispositions du moment quc la discu"ion '1ui s'élpva
sur le caracLere de ces deux persolluages. Eu \'oiei un ex trait :


" Dcsfieox dOllllC Icclnre de la correspondancc. t,-IW leltre
d'llIlC societ':, dont le nOI11 nous a éciJapl'é, donne lien a une
grande discussion propre 1t faire nait,." des rl'llcxiom LiclI
importantes. Cette soeiété annonce a la société-mere qu'elle
est invariaLlement attachée allX principes des jacoLins; elle
observe qu'elle ne s'est point laissé avcugh,,, pal'l", calomnies
répandues avee pro[usion contre l\1arat et Robespicrre, et
qu'elle cunse",,!' toute son estime el tout!' 5a venération pOlll'
ces dellx incorruptibles amis dll peuple.


" l.elte leltre a été viveme"t appliludic, lIlais el/e a été
sui"ie d'ulle discussion que Brissot el Gorsas, qui sont aussi
surement des prophetcs , avaient annoncée la veille.


Robert: « Il est hien étollnant que l'on confonde toujlJur,
les noms de Marat et de Rohespierre. Combien l'esprit PlI-
hlic est-iI corrompll dans les d(:partcmellls, puisque I'on n'y
met auclIne différence entre ces dplIX défensclIrs du peuplc I
115 ont lous dellx des verius, il es! vrai; Marat est patriote,
il a des qualit¿ eSlimables, j'en "oll\'iens; lIlais (¡u'¡1 ('st




El' PIECES Jl:STIFICATIVE~.


différent de Robespierr!' ! Ce'lui -ci Col sage, modéré oans ses
moyens, au lien que Marat esl cxagéré, n'a pas eelte sages,c
qui earaclérisc Robesl'ierre. II 11<' suffit l'as d',,!re patriolP;
il faut, pOUl' ,,,rvi .. ¡., Iwuple IItilenwnt, ('Ire réservé dan s
les moyens d'cxécution, N. Hohespierre l'emportf' i\ coup "ir
sur lHaral dans les moyen> d'excelltion.


C< 11 est lemps , eitoyens, de déchirer le voile qlli ('aebe
la vérité allx yeux des dÍ'partcmellls; il esl lemps qu'il,
sachen! que nOllS ,amlls distinguer Robespierre de Marat.


f:crivolls aux soci~tés affiliées ce que nous pensons de ces
dcux citoycns; eat', je vous i'avolle, je suis un grand partisan
de Marat. (j~fll,.rnll,.es dans les tribU/1cs et dans une partie
de la salle.) "


Bota''¡on : " II Y a 10ng-tell1ps que nous aurions dti mani-
res ter aux sociétés affiliées ce que nOllS pensons de Marat.
Comment ont-elles jamais pu cOllfondre Mamt et RohespielTé~
RolJespierre est un homme vraimeut \ertneux a!lquel, depl1is
la révolnlioll, nons n';nons allcnn repr'lrilc :l faire; Robcs-
pien'c est mo,léré dans ses moyens, an ¡ieu que :Vlaral cst un
écrivain fougucux qui nnit hcanconp anx jacobius (mllrmurps\
et d'ailleurs il est hon ,l'obserwr que Marat 1I0US J~1it lJl'all-
COllp de tort :'t la eomelltioll llationale.


" Les déplltés ,'imaginent 'Iue nous sOlllmes partisans de
Marat; on nous appelle des lIlaratisles ; si on s'aper<;oit qm'
1I0U5 savons appréeicr lVlarnl, alor, vous velTez les députés
se ral'prochet' tic la l\lonta;;ue oú nOllS siébeons, ,·ous les


verrrz v~nir rlans le sein de eclte société, vous venez les
socidés "ffili(!es reyenir dc lenl' égarement et se r~lljer d"
lIOIlYCim ;'11 herrean (le la lilwrtl'. Si lIIarat esl pall'iole, il "oil.
acer:der it la IIlotion ']11('.ir yais faire. Maral doil s(' sacrifiel


IV.




,138 ~ ()TE~
;\ la cause de la liberté. Je d"uHlIlde qu'il soi! ra~'é du lal,leau
des memllt'C3 de la société, "


" Cetle motion excite quelqllcs applaudi,sements, de vio-
lenls murmures dan s une partic de la salle, et une violente
agitation dans les tribunes.


« On se rappelle que huit jOlll's avant cetle scene d'un
nouveau gen re , Marat. avait été .:ouvert d'appbllcli"cments
dans la soeiété; le peuple des tribnnes, qui a de la méllloi!'t',
se le rappelait fo!'t bien; il ne pouvait pas eroire qu'il se
ftlt opéré nn si prompt cbangement dátli; ]"s esprits; (~t,
,'omme l'instinct moral du penple est toujollr, juste, il a
viveme111 été indigné de la proposition de Eourdon; le peuple
a défcndu son ?Jel'lIlr:ux ami; il n'a pas CI'U 'lile dans hui!
jOllrs il ait pu démél'iter de la soci{,té, cal', qnoiqu'on ait dil
que I'in¡;ratitude citait une vel'tu des ('épubli'jues, 0(1 aura
beaucoup de peine a familiariser le peuple fl'anc;ais avce ces
sorles de ,·erlus.


« La jonction des noms de l\larat el de Robespiel'l'c n'a
ras révolté le peuple; les ol'eilles élaicnt accoutumées d/'-
puis 10l1g-leml's it les "oir l'éul1is dans lit corl'cspondalwe;
et apres avoir \u plusieul's fois la socié:é indi¡;née, lors(¡ue
les dubs des autres départemeuts demandaie"t la radiatio"
,le Marat, il n'a pas cru de\'()il' aujourd'hlli appuyer la moliem
de Bourdon.


"Un ciloyen d'unE' sociélé affiliée a fail ohservel' a la
société combien il était daugerellx en effel de joindre en-
semble les noms de Marat el de Ho/¡cspierrc. " Van, les d('-
pal'tements, dit-il, on I,tit une gl'aude ditTérence de Marat
el de Hobespicrre; mais 011 est surpris de \'oir la soc;(:I" se
taire sur les difrér.cl!!'e,; 'lui existent cntre ces rleux patrioles.




.re propose a la société, apres avoir Ill'ononcé sur le sort (lA
:Uarat , de ne plus parler d'affiliMion (ee mot ne noit pas etre
prononcé dans une république), mal' de se sen';,' du tcmu'
defratcrnisalion, "


Dllfollrny : " .le m'oppose a la molíon de ra)'er Marat d"
la société, (Apptalldissernellts treS·VI/",! Je tle disconviendrai
J)as de la diflerence qui existe entre ¡Uarat et Robespicrre. Cí'S
deu" écrivains, qui "em'ent se resscmhle,' par le patriotisme ,
ont des différcnccs hien rem3l'Cluabies; ils out tons deux servi
la canse dll l"'tlple, mais pat· des moyen, bien diffél'ent~.
Ho!.espiel're a défcndu les vrais prineipcs avee méthode, avee
fermelé, et avee toute la sagelise 'lni convient; Marat all con-
trai ... , a soavent ontrc-passé les borncs de la saine raison el
de la prudenee. C<'f'endant, en revenant de la différence qlli
existe entre Mara! el Rohespierre, je ne suis pas d'avis de la
radialion : on pent ptre juste sans el,,? ingrat envers Marat.
Marat nous a élé ulile , il a servi la l'évolution avl'c courag('.
(Applalldissements trh-l1i/s de la soclété el de. tribu1/e,r,l
JI y anrait de l'ingratitude a le rayer. (Glli, Dui! s'écrie-l-ol1
de toules parts,) lHarat a été un homme nécessaire; il falll
dans les l'évollllions ,le ces l"tes fortes, eapahles de réunir
les etats, el ¡Haral est rln nombre de ces hommes rares qui
sont nécessaircs ponr renverser le dcspotismc. (Applaudi-.l


« .le eonclus a ce que la motion de Bourdon 50it rejetée, el
flue I'on se contente d'écrire allx sociétés affiliées pOlIr leul'
apprendrc la différence que nOl,15 meltous cntre Marat et Ro-
hespierrc. " (Applandi. )


" La sociélé arréte c¡u'clle ne se servira plus dll lPrtlle d'af-
filiatioll, le regardant COllllm' injuricllx a I'égalit,: I'épubli
ra;IH'; (,IJ(, y '!lhstit.", le Inn! d" fral"l'llisatioll, La so"iét<:


:,l.',.!.




NOTES


afl,,~tc clIsuite que Marat ne sera roint rayé d\l tablean de
ses membres, ll1ais 'lu'i1 sera fail une eirculairc '1 10uII'S le.,
sociérés (Iui but le lIroit de fraternisalion, nlle circulaire "all';
la (jucHe on détaillera les rapports, resscmblances, dissem-
blances, conformitésetdifformítés qui pcuvent se trouver C\l-
It'!' Maral el Robespíerre, afin que tous ceux qui J¡'atemís!'lIt
avec les jacobins puissent prononee!' avec connaissance de
cause sur ces deux défeuseurs du peuple ,etqll'ils apprenn,'nl
en fin i. séparer deux 1Iom5 qu',l lorl jls ('míenl lIevo;¡- '\I"c
!'lerncllcllIcnt unis. "




!\()TE 7, P.U;E Si> In: TOJIE IU",


Voi"i <Juclqllcs details pl'ec;cu" "'" les Joul'nées de 5ep-
kmhre, 'lui fon! cO!llJaitrc SO"" leul' vérilable aSl'ect Les
sd~ues "lrreuses, C'l'sl allX Jacouins que furen! faites les révé-
laliu[]; les plll,; il1lportantes, par suite clesdisputes qui s'étaiellt
,:I,,,,(e5 dans la COIlH'ntion,


CIlf/{l(Jt: "Ce m<ltiu , Lou\'et a annoncé un fait qu'il esl c,,-
scnliel de releve!'. 11 nons a dit (IUC ce n'¡!lail pas les homllles
uu 10 aoút qui avaient t:lit la joul'l"'e du 2 septelllhre, el
1ll0i, COllll1le téll10in ol'ulaire, Je vous dirai que ce sont ¡es
llH'I1lCS homllles, Il nous a dil 'Iu'il n'y avait pas dCllx ceuts
I'crsollnes "oi,sallles, el moi jc vous dirai que j'ai passé ,ous
IlI,e IOllte ,¡'acie!' de di" mille sabres; j'en appclle '1 Hazire,
Colou el alltres (h'putJs (Ini étaient avee moi : depuis la cour
des Moines JUsrlll',,¡ la prison de l'A!Jba)c, ou était ohl;g" de
se serre,' lmur nous faire pas8~ge, J'ai reconnu ponr mon
l'Olllpl!' cput I'inquante fédérés, Il esl irnpossible que Louvet
el ses adhércllts ,,'aienl Jlas élé a ces exécutions popu!aires.
Ccpendant, IOrS,¡ll'Oll a protloneé avee sang-froid un diseours
t<'l que edui de LOllvet, (J1l u'a pas heancoup d'hulllanité; je
sais bien '1"", depuis son ,liscour" je Jle voudrais Jlas eou-
dll?l' i¡ f'(ilú de IlIi, dall:; la crainle d't~tr(' assassiné. Je Sorllll)('




CiOTES


Pétion de déd,o el' s' il est vrai qu'il n'y av~it I'as plus de deux
cents hommes it eelte exécution; mais iI est juste que les
intt'igants se raccrochent a cette journée, sur laqueJle toute la
Franee n'est pas éclairéc ... lis venlent détrllire en détailles
patl'iotes; ils vont décréter d'aecusatioll Robcspicrre, Marat,
Danton, Sanlerre. Bientot i1s accolel'ont Razit'e, Merlin,
Chahot, Montaut, meme Grangeneuve, s'il n'était pas 1'ac-
croché a eux ; ils pl'oposeront ensuite le déeret contre tout le
fauhourg Saint-Antoine, contre les (Iuarante-huit sections,
et nous sel'ons huit cent mille hommcs décrétés d'accusation :
i! faut cependant <¡u'ils se défient un peu de leurs forces,
Pllisqu'ils demandent l'ostracisme. "


( ¿Mance da ¡ul/di :; nOI'f'lfl{,re. I


" Fabre-d'Églantine fait des observations SlIt' la JUll/'flée ti"
~ septembre; iI assUl'e que ce sont les hommes du 10 aoút
qui ont enfoncé les prisons de l' Ahbaye, ecHes t\'Orléans, et
""II"s de Versailles. Il elit 'lue, (Ians ces moments de erise,
iI a vu les memes hommes venit, chez Danton, et exprimer
leuf contentemcnt en se froltant les mains; que l'nn d'entre
ellx meme désirait bien que Morantle fut immolé: il ajollte
,¡u'il a vu, dans le jardin du ministre des affaires étrangeres,
le ministre Roland, pa.!e, abaltll, la tete appllyée contre un
arbre, et demandant la translation de la convention a Tours
ou a Elois. L'opinant ajonte que Danton seul montra la plus
grande énergie de caraeterc dan> cetl!> jOllmée; que Dantoll
/lC désespéra pas du salut de la patrie; 'Iu'en frarpant la terre
.in pied il en lit sortir des milliers dc défenseurs; et qu'i1
<'lit assez de modération pour ne pas abuser de l' espece de
.tictaturc nont I'assf'mhlee rlHtionall' l'avai! !'('van, en décré-




1',1' PIEf:ES Jl'~TiFIL~TlrES. 343
lant que eeux qui conlrari~raienl les opéralions ministérielles
,e¡'aient punis de mm!. Fabre déclare ensuite 'Iu'jl a ¡'esu une
leltre de madamc Roland, dans laquelle l'épouse du ministre
de I'illlericur le prie de donn!'¡' les mains a une tactique ima-
ginée pour emporter quclques llécrets de la conventioll.
L'opinant demande que la sociélé arrete la rédaction '¡'UlIC
adress" 'luí contiendrait tous les délails historiques des évé-
lIlents depuis I'<,poque de l'ahsoluliulI de Lafayette jusqu'a
ce jour.


Chabat: 1< Voi,,; de,; fails qu'il importe de connaitre. Le
10 ¡¡oút, le pellple en insurrcction voulait immoler les Suisse.;
a ceHe époquc , les Lrissolins ne se eroyaient pas les hommes
dll 10, cal' ils vcnaient nons conjurer d'avoir pitié d'eux:
c',haient les pxpressions de Lasource. Je fus un Dieu dans
,"eHe jOllrnée; je sauvai cent cinquallte Suisses; j'arnltaí moi
seul a la porte des Fcuillants le peuple 'luí voulait pénétrer
claus la salle pour sacrilier a sa vcn~eance ces malheureux
Sllisses; les brissotins craignaient alors 'Iue le massacre ne
s'élenditjnsqu'á el1x. D'apres ce que j'avais fait a la journée
du JO aout, je m'allemlais que le 2 scptembre on me dépu-
lerait pres dn peuple: eh hien! la commission extraordí-
naire, présidée a 101'5 par le snpreme Brissot, ne me choisit
pas : qui cboísit-on ! ÚlIsalllx, auqllel, a la veríté , on adjoí-
{;nit Bazire. On n'ignorait pas cependant. quels hommes
étaiellt pt'oprcs a inflllencer le pCllple el a arreter l'efrusion
"n sanp;. Je me Ironvai 3nr le passage de la déplltation; Bazire
Ill'engagea á me joindre a lui, il m'emmena .... ' Dusaulx
iLvait-i1 des inslructions parliculiercs? Je l'ignore: mais, ce
'Itle .1" ,,,i, , c'('sl que Dusaulx 1]0' voulut cédel' la parole a
\H'l'SOllnc. Atl rniliell ,j'un rasselllhlelllí'lll de dix millp




344
hOlllllles, l',"'llli le",!",·!, étaient ("'nl cinqu'ltlte J\1arseil!ais ~
Dusaul" IllOnta sur une ('haise; il fut tres-maladroit : il amit
il p~rlcr a des hOlmnes armés de I'0i:,;uanls. COlllme il ohte-
tlai! enfin dll silenee ,je lui adrf'ssai I'rumptement ces paroJes:
" Si vous etes adruit, vous arn~tercz I'dlu,iou du sang; dites
" aux Parisiens qu'il est de Jenr intúe! 'llIe les lIlassacres
« cessent, afin que les départements nc eOfH;oivent pas des


alarllles relativelllent a la súreté de la convcntion nationale,
" 'lui va s'assemblel' a Paris. , .. v Dusaulx m'entendit: soi!
wauv',úse foi, soit ol'gueil de la vieillesse, il ne fi! flas eC que
jc lui avais dil; et e'es! ce lH. Dusaulx ,¡ue l'oll proclame
COIllIllC le seul homme digue dans la députation de Paris ... !
Un sccond fai! non moin, éSS€lltiel, c'est que Ic massacl'c des
prisolluicrs d'Orléans n'a pas été lilÍt par les Parisicll5. Ce
massacre lIevait paraitre hien plus odienx , I'uist¡u'i/ était plus
éloigné du 10 aout, et qu'i\ a été commis par un moindrc
nombre d'hommes. Cepcndallt les intrigants n'cn ont pas
parlé; ils n'ont pas dit IIn mol: c'est (¡u'il y a p,(,'i un en-
nemi de Brissot, le millislre des affaires etrangl'l'CS, (¡ui ¡,,"ait
chassé son protég'; N al'honne, .. Si Illoi seul , it la porte dés
FClIillants, j'ai anúé le "cuple ,¡ui voulait immole¡- les
Suis,c" i, plu" Ji)!'te raiso" j'assclllhl,'e I¡"gis/atile "út p" em-
pecher I'dlusioll c/u sango Si done il .Y a un erime, c','st a
l'assemblée légisJativc qu'il faut l'impnter, ou plulot '1 Bl'issot
'1ui la menait alol's. "




llT I'IEC.ES JUSTIFICATrVES.


NOTE 8, PAGE 244 DU TO:'IE IVe ,


Les véritabfes dispositions de Robespierre, a l'égard du
3 I mal, sont manifestes par les discours qu'il :: tenu; aux
Jacobins,ou on parlait beaucoup plus librement qu'a I'as-
semblée, et oi< I'on conspirait hautement. Des extraits de ce
qu'il a dit aux diverses époqucs importantes pr(luveront la
marche de ses idees a l'égard de la grande eatastrophe des
31 mai el 2 juin. Son premie¡- discollrs I'rolJoncé sur les pil-
lages du mois de fé'rÍer, donne une premiere iudication.


Robespierre : "Comme j'ai tonjonrs aimé l'humanite ('[
que je n'ai jamais cherché a flatter perSOllne, je vais dire la
vérité. Ceei est une trame ounlie contrc les palriotes eux-
memes. Ce son! les intrigants qui vculcnt penlrc les pa-
trjotes; il Y a dans le e(pur <lu peuple UIl sentiment jU3te
d'indi¡;nation. J'ai sOlltenu, au milieu des perséeUliotls et sans
appui, que le penple n'a jamais 10rt; j'ai osé pl"Oclamer eette
"érité dan; un lemps ou. elle n'était pas encore reconnue;
le eours de la révolution l'a déveJoppée.


" Le pcupte a entendu tant de fois invof\uPI' la Joi par
,;eux 'l'ü voula¡enl le metlre sous son joug, 'lu'il se JlléJie
de ce Jangage.


,< Lf' pClll'lc sounre; illl'a pas encore recueiili le {ruit de
"'s Il'avaux; il esl ellcure perséeutp par leo riches, el 1",1';-




~hes sout Encore ce ql1'ils t'ul'C'nt toujours, (;'est-a·Llire dllni
el impitoyables, ( App{audi, ) L" !,euple voit I'illsolence de
('eux <¡ui ront trabi, il voit la fortune aceulllulée dans leurs
mains, il ne sent pas la nécessité de prelldre les moyens d'ar-
ri,el' au but; el, lorsqu'on lui parle le langagc ti" la raison,
il u'éeoute que son indignatiotl coutre les I'iches, el il se
lai,se enlrainel' dans de fauss!'s illesures par cellx '¡Ut ,'em-
pareut de sa confiance pOllr le pel'Llre,


« Il y a deux causes: la premiere, une disposition natu-
relle dans le peuple a cbereber les lIJoyens de ,oulager sa
misere, dispositiou naturelle el légilime eu ellc-mcme; le
pellple eroit qu'au défaut de lois protectrices, il a le droit
de veiller IlIi-ll)(lme a ses )ll'Opres bcsoins,


" Il Y a une autre cause, Cctte calls" , ce sont les dcssciu;,
perfides des ennemis de la liberté, des ""tlcmis rlu peuplc,
<¡ui SOllt bien convaincus que le seul moyen de nous livrer
aux puissanccs étrangeres, e'esl d'alarmel' le pellple sur ses
subsistane!'s, el de le rendl'e victime des exees <¡ui en résul-
teut. J'ai été temoin moi-nH~me des mouvements. A coté des
,eitoyens honnetes, nons avons vn tles étl'angers el, des hOln-
lIles opalcnts, rcvetus de l'habit respectable d,' sans-clIlotres.
Nous a\on, eutemlu lIire : Oll ]l01l5 prolllcuail l'aLondauce
apres la mort du roi, et nous sommes plus malhellreux de-
puis que ce pauvl'e roi n'existe plus, Nous en aVOIb entendll
déclamer llon pas contre la portion intrigante el contrc-
revolutionnaire de la conveutiou, (Iui siége oú siégeaient les
aristocrales de l'asselllblée constitnanlt', mais conll'c la Mon-
tagne, mais contl'8 la députatioll de I'al'is et contre les jaco-
biliS, (llI'ils r('présentaienl comllle accapal'eurs,


" Je ne vous dis pas que le ¡¡cuple soit coupable; je Jle




vous dis pas que ses mouvemenls soient un attenlat; mais
'luand le peuple se leve, ne doit-il pas avoir un but digne
de lui? Mai, de chétives marchandiscs doivent-cllcs l'oecu-
per? [] n'en a pas profité, cal' les pains de sucre ont été re-
(;ueillis par les Olains des valets de l'arislocratie; et en suppo-
sant qu'il en ait profité, en échange de ce ilIodiquc avantage,
'luds sout les ineonvénients 'lui peuvent en l'ésulter? ~os
adversaires venlent effrayer tout ee qui a 'luelque propriété;
ils veulent pcrsuader que notre systcme de liber!é et d'égalité
est subversif ,le tout O/'dre, de toute surelé.


" Le peuple doit se lever, non pour recueillir du sucre,
mais pou\' terrasser les hriganrls. ( Applaur!i. ) Faut-il vous
relracer vos dangers passés? VOI1S avez pensé etre la proie
des Prussiens el rles Autrichiens; il Y avait nne transaction;
et ccux qlli avaicnt alors trafiqué de ~ot.re liberté, sont ceux
qui ont excité les troubles aetnels. J'articnle a la faee des
amis de la liberté el de l'égalité, 11 la face de la nation,
qu'an muis de septembre, apres l'affaire dn 10 auur, il
etait décidé a Paris que les Prussiens arriveraient sans obs-
tacle a Paris. "


, Sdallce du meren:d; 8 mal 1793.)


R()be.lpierre. "Nous a\ons a combattre la guerre exté-
ri,"ure et intérienre. La guerre civile est enlretenue par les
ennemis de l'intérieur. L'armée de la Vendee, l'arOlee de la
Hretagne el l'armée de Coblentz, sont dirigées contre Paris,
cetlc cita,lelle de la liberté. Peuple de Paris, les Iyraus ,'ar-
men! contre vous, paree que vous etes la portioll la plus esti-
mable de 1'11IlllJallité; les grandes puissances de l'Eul'Ope se




:-'OTES


I,\ven! cOlllre \OHS; tout ce 'I1I'il ) a eu Fralle" d'hoIllIIlCO'
eorrompllS secondent lcurs erforts,


" Apres avoil' con~u ce vas'" plan de vos cllllcmis, VOllo
dcvez deviner aisément le movell de VOl1:i déreudrc, .le !le
,ous dis point mon seereL; je l'ai manifesté au sein de la
nlllvenLion.


" Je vais vous révélcr ce secret, et, s'il était pnssihl" 'lile
ce uevoir d'lI11 repl'ésenlallt d'nn peuple libre púL (\lre (;(lll-
sidélé eOlllllle un crime, je ,aurai braver tous les danger,
pOlll' confondre les tyrans et sauver la liberté,


" J'ai dit ce matin a la cOl\ventiol1 que les parti,;ans de Pa-
ris iraient au-devant des scélérats lle la Veudéc, flu"ils CII·
Iralneraientsllr leul'route tous leurs freres des départemeots,
t.'l <}u'ils cxtcrll1incraicnt (OUS, o"i, /.ouo les rchellesa la {(,is,


" J'aí <lit <}u'il fallait que tous les l'atl'iolr's dI! derlans ,e
levasscnl, et ({u'ils réduisissent a I'impuissance dc nuirc et
les al'istocrales d," la Vcudée el les arístocrates déguisés SOUS
le masque el" patriolisllle.


" .raí dit (lile les révoltl's d~ la Vcodée avaiellt \lile amléc
il París; j"ai dit 'Iue lc pClll'lc ¡;élléreu\. l'l sublime, 'lui de-
pllis cinc¡ ans sll!,!,nr!" le poi,h d" la O'(~\·olutioll, tkvail
prelHlO'c l,'s pn:c<\uliolls lléccss;¡iO'cs pOLIO' 'lile 1l0S 1':IIIlIles el
HOS cnJilllts ne fuosent pas livrés au coutcau cOlllt'e-révolu-
tiolluaire des CIlllcmis 'lile Paris rellfenlle dans SO" sein.
Pel'sonnc lJ'a os{~ conteste!" ce ]lrjllcipe. Ct>s rtlCsllres SOll(
d'lInc Il,'c('ssité presoantc, im[lériells". Patriotcs! ,olez il la
rencolltre des hrigands de la YClHh:c.


" lis IH' sont redolltabl"s '1ue Inree ,¡u'on avait pris la
I'réealltioll de désal'mer le l)('u"le, 11 raut 'llIt' Pal'is "lI\'oie
des l¿oions rél'llb!;caillC&; mais '111alld Ilons feml" tl'emblt'!'




ET lTi.:CES JlfS'nFJCATIVES.


nos cnncmis inlúieurs, il ne fan! pas que !lOS remIDes el nos
l'n(;HlIs SOiCLlI cxpns,'" ,\ la furellr de l'arislocratie . .I'ai (11'0-
posé dt'1(X ll1CSnrf'S : }:1. }JL'cmj~'rp" quC' ParJS cnvoic denx '(~­
y;inns suff¡s<lnles pOllr ('\I"l'min('1' 10lh les ,cé'¡'~rals [[tÚ Oll! o,,'·
le,pi' 1','lcn,]¡.nl dc la' ('(',olle .. rai demandé que ton, tes al·j5·
!ona!,',. '1'''' 1011' ,,"s I"nillall!s, que lons les moder,;s fllS-
'"nI "allllis des s('clions '1u'ils Ollt empoisonnées de lpul'
souffle ímpIP" .T'ai demandé 'Jl\(' lons les citoycns sllspects
t'llsscnt mis en éta! d'arreslation.


« rai demandé que la 'Tualité de eitoycn snspccL !le ¡'út
pas délerminée palo 1,1 fjllalité de ei-llevant nobles, de procu-
rCllrs, ,le financie)"s, de marchanrls. J'ai delllalld" 'Iue tons
les citoycns !Ini {lut fait prcllve d'írtci,isllle fllssent incarCl"
I'és, jus'Iu'i. ce 'llIe la ¡;nCl're soit lermin{'e, el que nOlls ayon,
unf' altitud" imposantc devant nos cnncmis. J'ai dit qu'il
J:1llait procurer au peuple les moyens de se renelre dans les
,ections san s nuire 1. ses moycus d'cxislcnce, el <¡ne, pOllr
eel effet, la comention rlécrétát que tout artisan "ivant de
son travail fUt soldé, pendant tout le temps <¡u'il serail ohli,;"
de se teuir sous les armes ponr protéger la lranqllillité ,Ir:
Paris . .raí demand,: fjll'il fM destiné des millions nrcessaires
jlOIlI' (;¡bri'luel' d"s armes N d~s pi,¡nes, pOllr armer tous les
'<tns-culot!es de París.


e, J'ai deman,lé que des fabriques el des forges fussenl
,:¡e\ées dans les place. publillues, "fin '(ue lon5 les citoyen,
fussent témoins de la fidélité el (le l'activité des IravallX. rai
tlema[lt¡':' que 10m les í')l]('(ionnaircs ¡Juhlies fusscnl ¡]esli-
In,~s par le lwnple.


" .rai !I('nland,~ '1'1'011 ('ess"r d'('l1lra\"('1' la Illllniei!">I;!I',, ~!
1" d';pnrl(,IlH'1J1 ,k P"rí" 'I"i " 1" ",,"fian,·,· d" p'·"l'i,'.




NOTE~


« J'ai demandé que les factieux qui sont dans la conven-
tion cessassellt de calomnier le penple de Paris, et que les
jOllrnalistes 'lui pcrvertisscnt l'opinion publique fussenl ré-
Juits au silence. Toutes ces mesures sont né~essaires, et en
me résumant, voici l'acquit ,le la dette que j'ai cOlltraclée
envers le peuple.


« J'ai demandé que le peuple fasse un effort pOllt' exfer-
miner les aristocrates qui existent parlout. (App/audi,)


« J'ai demandé qu'il existat au sein de París une armée,
une armée non pas comme celle de Dumouriez, lIIaís une
armée popnlaire qui soit continuellement sous les armes pOllr
imposer aux fcnlllants el aux modérés, ecHe armée doil etre
composée des sans-cllloltes payés; je demande qu'il SOil, as,;-
gné des millions suffisants pour armel' les artisans, tous les
b0115 patrio/es; je demande qu'ils soient a tous les postes, ef
que leut' majcsté imposaute fasse pálir tous les arislocrates.


« Je demande que des demaio les forges s'élevent sur toutes
les places publiques, oiL I'on [abri,\uera des arllles pour ar-
mer le peuple. Je demande que le conseil exécutif soit chargé
d'exécuter ces mesures sous sa responsabilité. S'il en est qui
résistent, s'jl en est quí favoriscnt les ennemis d" la liberté,
il faut qu'i1s soient ehass':, di" dcmaill.


« Je demande que les autorités consliluées soient chargées
de surveillet' l'exéention de ces mesures, el qu'ils n'oublíent
pas qu'ils sont les mandataires d'une ville qui est le houle-
vart de la libert,'" el. dont I'pxislenee rend la contrc-révolu-
tion impossible,


« Dans ce mOlllent de nise, le de,'oir impose a tous les pa-
triotes ele sam'er la pMrie pal' ¡ps moyens les plus rigollrellx :
... j HHlS souffi'('z ~fl1'()lI i'~org{' ['11 dpfail 1ps pa,riofes, loul ('P




qu'i1 ya de vertlH'UX sur la terre sera alJéanti; c'est ú vous de
,oir ,i \(lU~ \oulez sauver le geure J,umain.


\ Tous les mcmbres se Icvellt par un élan simultané, et
crient, en agitant leurs chapeaux: oui, oui, 'IOUS levoulons 1)


" TOlls les scélérats <lu monde ont dressé leur, plans, el
lous les déreJlseurs de la liberté sont Msignés pour victimes.


" e'est paree qu'il est qnestion de ,otre gloil'e, de votre
bonheur; ce n'csl que pal' ce Hlotif que jI" vous conjure de
willer au salut de la patrie. Vous croyez peut-p.tre !Ju'il fant
,'OIlS révoltel', CjIl'i1 lilllt vous dOIllH?I' un ail' d'insurrectioll :
point dll tout, l·'est la lui a la main Cju'il faut exterminer tom
nos ennemis.


" Cest avee une impndence insi!.>;lJe [Iue les mandataircs ¡!l'
fidelcs out \'oulu st:l'arcr 1" pcuple de París d"s dépal·tctnl'nts,
,¡u'ils ont vouln séparcr le peuple des tribunes du peuple de
París, com\llC si c' était nolrc faute a nous, qui avo!ls fait tous
les sacrif,ces possibles pou!' étendre nos tribunes pOllr tout 1('
pellple de Paris. le dis <¡ué.ie parle a tout le peuplc de Paris,
et ,'il était assemblé dans cette enreinte, sil m'entendait plai-
del' sa' cause contl'e Buzot f't Rarbaroux, il est indulJitahlp
qu'il se rangerait de mon cóté.


" Citoyens, on gros,it les (Iunger" on oppose les al'mées
élrangeres r<,unirs aux l'évoltés ue l'intériellrj que pellvenl
leurs efforls cont!'e des miltions d'intl'épides sans-culottes? El,
si vous snive7. ,:elle proposition, qU'llll homme lihre vau! clent
esclaves, vous ,h,vez calcllle!' que votre force est au-dessus ele'
toutes les puissances réunif's.


" Yous avez dalls I"s lois tout C(' <¡u'il faut pOllr exterminer
légalemellt nos ""nemis. Vons "vez des al'isto('r~l<'s dan, les
sf'ctions : "hasS/'z·lcs. Vous aH'Z la lillPl't<; :1 "HIH'J' : l'l'ocla-




="OT.hS


me? lcs tlroi!s de la liber\<:, el cmploycz toute votre éner"ie.
Vous avcz un pcuplc i mmense de sans-cnlottes, bien l'llrs,


hien vi;:::oureux; ils ne pellvcnt p~s qllittct' lent's traY<lUX : fai-
tes-les payer par les riches. YOL!S '" ez une eot1vention natio-
nalc; il est tres-possible que les mcmbres de ecttc convention
lIe soien! pas également amis de la liherté el de l'é¡';'11ité, mais
le plus grand nombre est décidé a sonlenir le5 tlroits <lu pcnple
et sauver la rétmbliqlle. La portion gangrénée de la convcu-
lion n'empeebcra pas le pcuple de combattre les aristocrates.


Croycz-vous dOlle que la .lV1ontagne de la cOtwenlioll n'aura
pas assez de force pour contenir tous les partisans de Dumoll-
r¡ez, de d'Orléans, de Cohourg? En vérité, vous ne pouvez
pas le penser .


• Si la liberté SUCCOI1lt.(', ce sera moins la fante des l11anda-
taires que du souverain. Peuple, n'oubli!'z [las <¡ue ;(Jtre dcs-
t.inée est dans vos mains; vous devez sauv('r Paris et ['II11l11a-
nité : si vous ne le faites pas, vous etes coupables.


"La lUontagne a IJPsoin <lu pellple; le IlPuple esl appuyé
sur b JHontagne. On cherc],e it vous effrayer de tontrs l"s ma-
lIiet'es; on vent 110US raire Cl'oirc que les déparLefllents 111('ri-
dionaux sont les pllllemis des jacobins. Je vous déclarc que
::Ua¡-:>eille est l'alllie élernelle de la Monta;lIe; ,¡u,;" Lyoll Irs


patrio tes ont remporté une victoire cOl11pl'':lc.
« .Te me résume él.ie demande, 10 que les scctions [event


une arlIlée sllffisante pour former le Hoyau d'UllC année ¡-úo-


lutionnaire qui cntraluc tOllS les salls-culottcs des dépa!'tc-
ments pon!' extenniuer les rehenes; 2" 'l1l'01l te\<' i, Paris une
an1l(,e de sal1s-eulolles ponr coutell ir l'ari,toITatie; 3" 'lile les
intrigants (bngéreux, que t0115 k~ al'istoen:t('~ snient Illj~ ('ll
~"laJ (L~l'l'l'~latjnn ~ q!lP !{'~~ ~alls-(,lJlou('s soj~'nt payl:'-; aux dl"-




ET PIÚCES JUSTI F le ATIVES.


pens du t('ésor puLlic, qui sera alimenté par les I"Íches, et que
ectte mesure s'étend~ dans tonte la république.


• Je demande qu'il soit élaLli des forges sur toutes les places
publi(lues .


• Je demande que la commune de París alimente rle tout
son pomoir le z(,le nholutionnaire du peuple de París.


"fe dprnandp- que le tribunal révolutionnaire fasse son de-
vo;r, qu'il punisse ceux qui, dans les dcrniers jours, ont bla5-
phémé contre h rép"blique.


• Je dcman<le que ce tribunal ne tarde pas a faire suhir UBe
l'UlJilion excrnplaire :.. cerlains généraux prís en flagrant délit,
et qui dcnail'nt are jllgés.


"Je delIlande que ks scclions de París se réunissent ~ la
communc de París, el. qn'elles halanceut par leut' influenceles
écrirs pc"¡¡des des joul'Ilalístes alimentés par les puissances
elraugeres.


• En prcnant tout~5 ces mesures, san 5 fOllrnir auclIu pré-
texte de dire que vous ayez ,iolé le, 10;5, VOI1S donnerez I'im-
pl1lsion aux d['parll'lI1cllts, qui s'l1nil'ont ,¡ vous ponr sau"pr
la liberté. '


Robespiern:: "fe Jj'aijallla;, pu concevoir commen!, dans
des momen!s critiques, il se trml\'ait lant d'hommes pour faire
des propositions qui compromelleut les amis tIc la liberté, tan-
dis l[ ue personne n'appnie celk, qni lendellt i, salner la répll-
hlique. Jusqu'á ce qu'ou In'ail prouH~ lIu'il u'est pas néces-
:;aire r!'armer les sans-clllo!tes, qu'il n'est pas hall de les payer
pout' monter la garde el assnrer la tranquillilé de Paris, jlls-
')U'it ce qU'OIl m'ait proll\'é fju'il n'es! pas bOÍl de changer no,


IV.




j.)


plac!', en atelíe!'s ponr fabriquer des armes, JI' eroirai él J~
"irai 'lile CCIlX qui, metrant ces mesurl'sa l'peal·t.ne \"ous pro·
posen! que des mesures partil'lIf's, quelque violentes ([u'ell",
>ojent, jI' dirai que ces hornml's n'cntl'ndcnt I·ien au moyen
de sauver la patrie; cal' ce n'est ([u'a!' ... '_ a"oir '(puis": iontes
les mf'sures qni ne compromettent pas la socid,~, 'fu'on doit
avoir recours aux moyens extremes, encore Cl'S 1/l0,Yens nI'
doivent-i1s pas etre proposes au sein d'une société qui doi!
etrc sage el poli tique. Ce n'es! pas un moment d'efferveseencc
pass,,¡;ere qui doit sauver la patrie. Nous avons pour ennemi,
les bommes les plus fins, les plus souples, 'lní 001,. leu\' dis-
position lous les trésors de la république.


, Les mesure, que I'on a proposées n'ont el ne pOllrront
avoir aucun résultat; elles n'ont sen; qn'!! alimenter la cafom-
nie, elles n'ont servi qn'a fournir des pl'Plextes aux .ioul'lIa-
listes de nous représenter sous lescoulem's les plus odieuses .


• Lorslju'on néglige les premiers moyens que la rai50n in-
dique, et sans lesquels le salut publi.:: ne pent "tre opéré,
il <,st évident qu'on n'est point dans la ronte, Je n'en dirai
pa.' davantage; mitis je d6dare que je proteste eontre tou~
I~, moyens qui ne tendenl qn'a comprometlre la société Sét.n'
con!rillller an salul public. \'oili. rIJa pro/í'ssioll de I(¡i : 1('
penple sera touJours en dat de terra.,ser I'aristocratie; il suffit
que la société ne fa5se aucune fau!e grossiérc.


_ Quancl je vois qu'on ehnche á faire inutiJement ries ell·
nemis a la société, á eucouragcl' les scélérats qui veulent 1<\
détruire, jr suis tcnt~ de croire qu'ot! es! aveugle ou mal in-
tentjonnp .


• Je prop0sP a la soeiété de s'arreter aux mesures que faí
proposét·s, et je 1 q,arde COlJllI,C tres-c0tll'üblcs les b"fIltlles 'l"i




'" "
,1,-),)


ne les fonl pas exécutel'. COllllllCUl peUI~Otl Sl' l'C/Ü.'\l't' a ce_
mesures? commellt n'en sent-on ras la nécessité? eL, SI on ia
sent, }lourquoi balance-t-on a les appuyer el a les fairc adop.
ter? le proposcrai a la soci,;té '¡'entendre úlle discussiotl ,;ur
les príncipes de cnnslltlltion '1u'on prépare a la Franee; cal' il
faul bien emhrasscr tous les plans de nos ellnemís. Si la ,;o~
,·jélé peut délllontrer le machiavélisllle de nos ennemis, cHc
n aura pas perdu son temps. Je demande donc que, écal'taulles
1'1'op05ilions déplacées, la sociélé me permettc de luí lire mUII
travail sur la constitntion. "


R.obespierrc: «Je vous disai, que le pcuple doir se rcpo'''1
snl' 5a force; mai" IlIland le pcuple est 0p!H'illlé, qnand il lit·
lui reste plus que lui-memc, cclui·jit serait un luchc qui ne luí
dirait pas de se lever. C'est quand Ion tes les lois sonl \'iolécs.
c'est quand le despotisme esl a son cornble, ,,' est f!uaml 011
foule aux pieds la bonne foi et la pudeUl', filie le peuple doir
s' insurgcr. Ce moment est arriyé : nos cllllelllis opprirncllt ou-
vertement les patriotes; ils veulent, au nom de la loi, 1'1'1'1011-
gel' le pClIple dans la miscre et <Ians l'esclav"oc. JI' ne serai ja·
mais]'ami dI' ce.o; homrnes COITOIllI'US, quclqlles tn's(l!'s 'Iu"jl,
m'offrent. J'aime mieux monri!' avec les répnblicains, que (!f,
triompher avec ces scélérats. (Applrzudi.)


" le nI' cnnnais pour un peuple que deux manieres d'exi,-
ter: ou bien flu'il se gouvel'lle 11Ii-meme, On bien ([u'il coufi"
('f' soin 11 des mandataires. Nous, députés républicains, nons
voulons établir le gOllvcrnemellt du peuplc, par ses mallda-
taires, <1vec la respunsabilité; c'est a ces principes 'Iue n01l,
lapportOlls IJOS opinions, mais le plus ;;onvent on lIe veut (la,




:536 NOTES
ilOUS elll~t.dre. LIl signal rapide, donné par le president, HOUS
dépouille du tlroil de sllffrage. Je erois que la souverainclé du
peuple est v;olée, lors,\ue ses mandataircs donnent a leurs
créalures lcs placcs qui appartiennent au peuplc. D'aprcs ces
principes, je suis doulourcuscment affecré ..... "


H L'orateur est intcrrompu par l'annonce c!'llne députatíon
(tumulte'. " Je vais, s'écrie Rohespiene, continucr de par·
ler, non pas pour cellX flui m'illterrompent, mais pour les ré-
publicains.


H J'exhorte ('ha'Iue citoyen ;. consencr le scuLiment de ses
droits; jc l'inyite a compter Slll' sa force et sur celle de tOllte
la nalioll;j'il1lile le pCllple ¡, se mettrc, dans laconvention na-
tionale, en inSlllTcction C'ontre tons les députés cOlTompus.
( Applaudi. ) Je dédarc qu'ayant. ,.<',,[( du pcuple le tlroit de
défendre ses dro;ts, je l'egal'de comme mon oppresseul' celni
c¡ui m'intcl'l'ompt, ou qui me refuse la parole, el je décJ.Qre
f[ne, nlO; seul, je me me!s en ingulTection c'ontl'C le prési-
dent, el contre t01l5 les mcmbres fluí sié"ent dans la con ven-
tion. ( App{a udi. ) Lorsqu'on affeclera un mépris conpable
ponr les sans-culottes, je déclare que je me mcts en insur-
rection conlre les député:; COITO rn puo. J'invite tous les dépll'
tés mont;;gnards i, se ralliel' el i, comhattre l'at'istocratie, el je
dis qu'i1 n'y a pour eux qu'une altcl'llative : ou de résister de
toutes leurs forces, de tout ¡eur pouvoir, aux efrorts de ¡'in-
trigue, ou de donner leul' démission.


"Il faut en rncme temps que le peuple fran~ais connaisse
ses droits; cal' les déplltés fideles ne pellvent t'¡en san, la
parole.


o< Si la t",,]'i")1I appelk les ennelllís clranger, dans le ,cm
,,¡~ !~ Franee, ,1, !orSC[llC nos cauolllliers tiCtlIlf'll( da!!> Icl.1l




ET PIECES J LSTIFICATlVI(S.


main la foudre (Iui doit extenl1iner les tyl'ans el leur~ satel-
lites, nous voyons l'ennerni approchcr de nos murs, alors .ie
déclare que jc punirai m01-meme les traitres, el je pl'om€ts de
regarder tout conspiratcur cornme mon ennerni, et de le trai-
te!' comme te\. » ( Apl'laudi. )


FIN DES i\OlhS UE~ lO\tFS Tn¡)¡~I.¡mE ET QUATRI};~m.






DES CHAPITRES


CO'VTENUS DANS LE TOl\lE QUA TRIt:ME,


CHAPITRI~ l.
Po,ition des partis apr('s la mort de Louis XVI. - Chan-


¡;emellts daus le pOllvoir exécntif. Retraite de Roland ;
Belll'llonvitle est Ilommé ministre de la guerre, en rem-
placement de Pache. -'- Sitllatioll de la France á l'égard
des pllissauces élrallgeres; r{¡le de l'Angleterrc; ])oli-
tú¡ue de Pitt. -État de nos artllécs dans le Nord;
anarchie dau, la llel"i'1uc par suite du gOllvernement
révolutionnaire. - Dumouriez "ient cncore ¡\ Pal'is ;
~Otl opjlosítioll ¡lln jacobills. - Tleuxi(\mc coalition
contre la F¡';ilIcc; pIallS di! d(!fcllse g{'ul!ral(, proposés
par J)umonri,,;¡;. -- Levée de trois cent mille hommes.
Iuvasion de la Hollande par Dumo\lríez; détatls dcs
plans :;t des op~ratiolls militaires. - Pache est llommp
maire de París, - Agitatioll des partís daus la capitaJe:
leur physionomie, leur laugage el. lellrs idées ¡];¡¡!s la
.-:ommtme, dans les Jacobins et dan s les sectiolls. -
Troubles á París a l'occasioIl des subsistauees ; pillag-e
des bOH!ifJIIC' des (;píciers. - Continuatiorl tic la lulte




TARLE DES CHAPITRES.


ues girondim el des montagnards; Icurs forces, leurs
moyens. - Revers de nos arrlH'PS dans 1(: Nord. Décrets
révollltionnaires ponr la <ll·fense du pay". - Éta·
bli_sement du trifJllfUll ('r¿minel e.rtmord/naire; ora-
gPlIses discussions Jans l'a'isell1hlée it ce sujet; événe-
ments de la soir<~e dll 10 mars; le projct u'attaque
contrc la con vcntion échoLle .•................


CHAPITR E H.
Suite dE' nos rever> rní1itaires; défaite de Nerwinde. -


l'remiercs négocialiolls de Dumolll'iez avce I'ennemi;
St·S projets de cOlltre-l'évolution; il traite aycc l'el1ncmi.
-- Évacuation de 1;\ Belgi(Iue. - Premiers [roubles de
rOues!.; 1ll01l\{·IllClJ:.S illslIlT('cliounds dan:i la Vendéc.
- Décrcts l'óvolutionIlaircs. J.),:sarrnelllclIt des sllspect.l'.
-Entrctien de Dumolll'il'z avce dc~ élllissajJ'('s dt'~ jaco.
bins. 1I fait ardter cllivre allX i\.utrichiens les COlIllUis-
sairf':i de la (;or!""lllioll_ - l)("Cl'et coutre les llonrbons.
Mise ell ane,tatioll tlu tille t!'Orléalls et de sa famille.
- DlImouriez, aLalldol1né de SOl! anil(,C aprés sa trahi-
son, se rHugie daIls le caml> des Illl!Wrianx. Opinioll
sur Cl~ géoéral. - Changements daos les commande-
ments des armécs dll Nonl et du Rhill. Houehott" eSI
nomlllé ministre de la guerre it la place de Ilellrnomille
destitué, •...•..... - ................ _ .. '" 89


CHAl)ITR}~ 111 •


. Üablissement du comité de salul publico - L'irrítation
des partís augmente a París. R.eunion démagogir¡lle de
I'F~veché; projets de pétitiolls illccndiaires. - Renun-
vellement de la lulte ('nlre les dCllX cutes de /'assem-
!)ll~e. - Dísc(Jurs et accusalÍon de Robespicrre contre




~~":~ (·;'Illplh'f':. dí' 1)~d~1(H~t'11:::,tl(,s~:1¡-{)'/Idql": --n(~pOn:'í~
_h' Vilrt~iii;1lid. - TH;¡r;lI. e;;' d(":T{'1(~ dJ;!r(,l1~at¡{)J] rt cn-
un', ¡JI:I'alltle tribllIlal j'{,\,O!;¡twlllJali'C, - I'étitli)l] de:"


,,,('tiOH'i de Pal'i~ t1clllallrlant !'(';'l"dsioll dc 22 memhrcs
,1;, III con\~l'1l11on. --- R(·'.,-:i..,r:l1J('(' de la COlnnHlfiC ~t l'all-
tOl'¡U: de I':L"c;"i,kc .. \ct'roissement tic ses pou\"oi1'., .
. - 1\1:11';1/ ('sI !]c(jl1itt(; (·t portó cn triomphe, - Étal
des oJJl¡Jions el marche (l~: la ]'('\"olulioll Jalls les pro-
.Inecs. Djspo'iil iOll'; dec; prilH'ipalcs "illes, LyClll,
[Vlarscille, !:"l,d,,;t;¡ \ .. 1;();¡(,ll. - Pcsi:¡oll particlllil're
de la BI'e\:lnile ("/ de la Y(,lId~e, lkscriplioll de ce,
j;a\",; (",)("C5 (llli alllcni:l"Clll el cntrctinrcnt la gnClTc
."j, ¡le. P,'emicrs Sllcees des Vendéclls; Icurs Jll'illcipallx
,~hefs,.,." .. " .. , ....... ,... l'.l-;


Lc\ ('C d'UllC armó'~ parisicllllC de 12. mille hommcs; em-
prtlllt forcé; nOllvplles mesures révolutior(naires contre
les 'illSpCct", - EffervcS('Cllce croissante des j~c()bins ;\
le. s,,¡le des lrollblcs des (l':~)artcnwllts. _ Custinc cst
llúllllné gt'-nér¡¡1 eH dH{ rlc.\';l}lléc du Nonl. - ACCll-
';ati()llS el. 11](:[1;1(;(', des jacohin's'; violente llltl(, des dc!!"


- FOnlJ;tlioll d'UI1C COIl!lnIS-


.. ~it)n dc' (~\¡I!;~~ n¡~ d;hrí'~, tlcstiuée :l cX~1I1jilJ('r ]cs actc:>
de la COm\lnlllC. -- AS'icmhlóc illsUl'rectiollllclle it la
nl~in{'. :"'¡jolifIl1S ct cUlnpl()l'5 cOllll'c Id l1JajOl'iH:' de L~
1·on\'l;u!.ioll ('t conli'~ la vic t.le:-; d(~plt¡(~S ~jr(Jl1dill:-=;:;
:ll¡"ilH'., pi'i},Jt:l" d(in~ le ch¡!J dl'~~ Cqrdelicl.':i. - I~a con-
o cliti(lfí pn~ild í.Í(','1 t1H'Slll'(, . ., jl(Hi.L' ~,;¡ s()ret:',. ---- Jlrrcqii.-
¡¡:J!l d U l'·Lí'i"'C , 1..::1!).'-di¡,:11 dll plOC;tn 'H' {~C In cn¡n!~)~l~II'.
- }', titií)t!'.; t!lql¡"IICl:"~ - \L' 1 ;',r,d;;~¡1.:LC. '!'t¡nnl!l() ci




TAllLE DIlS CHAPITltES.


ments principaux des 28, 29 et 30 mai 1793. Dertlii~l'('
lutte des montagnards et des girontlins. - JOllrtlÚ'S rlu
31 maí et du 2 jUill. D(~tails et eirconstances de ]'in·-
snrrection dite du :1 1 mai. - Vingt-ncuf repr¡~sen­
tauts girondins sont mis en arrestatíon. - Caractel'c
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