LA LOl DE LA PRESSE L'impression de ces discoun a été autorisée en vertu de ...
}

LA LOl DE LA PRESSE




L'impression de ces discoun a été autorisée en vertu de
l'art. 89 du Décret Imperial du 3 flivrier 186J, et avec la re-
serve consignée en ces termes au proces-verbal des séances des
26 juin 1852 et 28 mars 1862 :


« L'autorisation accordée a un orateur ue [aire imprimer le
« discours qu'iJ a pronollcé, n 'implique pas, de la part du Gürps
« Législatif, l'approbation <iu riiscours donó I'impression a été
« autorisée. »


LAG:SY. - LMPRIMER.IE DE A. VARIGA.t;L'f.




BIBLIOTHEQUE LIBÉRALE


LA LOI
DE


LA PRESSE
DISCOURS DE MM.


EUGENE PELLETAN
JULES SIMON


GARNIER-PAGES
GUEROULT


JULES FAVRE RIONDEL
ERNEST PICARD BERRYER


CARNOl


Avce le tcxle de la Lui votee le 9 mar. 1868, par le Corp. lélOi,latif,


.... ' -:


\,-~- "~ , \.
"" ,


1'"


PARIS
DEGORCE-CADOT. ÉDITEUR


37, RUE ~El\PE:<!'fE, 37


_ Tous droits de reproductiun el de traduction reservé. -






EXTHAITS De JIONlTEl'R UXIVERSEL


L01 SUR LA PRESSE


'\,r iH.


DISCUSSION Gl~XÚtA.LE
.. f~·, -


lHSCODRS j,:'f' .


El/GENE PELLETAN'


''l!. le l~rési<Jenl S("hn.,¡deu·. La ]l~ro~e osi. ü M. Pel·
letal! sur In disenssioll g('lIl-l'alc.


l\l. Eu¡.;~·",,, p.,lleta". Messiems, 1l01lS 8110118 dis'~utcr
enlin (,JloucciJ/(mts ¡[icas) Ir Ircnlil'mc Ol! quaranti~11l0 c8sai
de r('glL'Lllclltntion de In Jlres~(~ que In Fr:1!lee ait cn iJ cxpé-
r¡menter depuis S3 pl'erni~rl! l'{'voiutioll,


II y a en, saTIs donte, dnlls J'illterralle, hien des r('gimes
divers, Iiien des gO!iVCI'!ll'lllCnIS de ]'assngr; tons ont en la
1)J'("tcntion de rl"glementL'I' la liLlCrtt" de la l'l'essü, et ils ont
si hi(~n l'(:soIn In (lu('~lion qn'elle esl encOI'e aujounl'l1ui il
j'I":;()wlm. (Tn;s-MI'II' ln;,,-!Ji,'ll' SIl/' q/!cllj/lcS baJlc, de la
:i'!I!('1I~ de l'oratl'w'.)


Lt) projd nelnd JI1('l'iil'-I-i¡ plus llL: S\lCCl'S qU3 toulos les
\;Jis ant('['ieU!'es SIlt:cl'ssivclllent eunduHlllócS par l'exJlé-
i'lcnee? C'est la, mcssicnrs, ce que nons devons examiner,
!k part et d'autre, avec ectle franchise virilc qui cst In pre·


t




-2-


miere politesse (ju'on puisso faire ¡¡ un(~ asscllllJlée.p¡lj"li-
bation sur les memes bancs).


Oa nous a dit, - ~i. k mini,,!'re d'h.nt no!!, disait 0:-
nicrement encore, -- que la loi nouvclil~ ('tniL Il!l(~ lúi ('mi-
ncmrncnt lilJerale, L'esprit bicnyeillant de: Ii(ltrl~ 11l)liOl'a¡'I;~
rapporteur cherche á nous persuadcr I[Il'elll~ est lilJáa!i', e!l
eITet; et probaolemimt, et certainelllcnt, il a lini (l3!' se 12
persuader a lui-meme, car jc n!nlis lJomrnag() a sa ,i 11-
cerite .


.le voudrais pouvoir partagcr l'optirnismc dc M. le rarpor·
tcur; mais, avec la rneilleuro vülollt{~ du mondc, JO l)(~ suu·
raistrouver dans le projct I[ui llOUS est soull1is un aeU; ti'!
confianee dans la librrtó.


Ce projet ne sernble voir dans la prcsse qu'uno OCCélS¡uil
de délits, et illa traite d'Ull DuUt a l'autro en suspecle, pou;'
ne pas dire en accusée, et, pour miaux "üus en cüIlV~Jilll'¡'I',
le Gouvernement a pris la prl'cautioll dú l]OllS j'ell\,(J~cr sou,
l'escorte de trois proeureurs gen¡"raux, aujolH'd'lllli 1'0n:SI'¡:-
lers d'État.


Assuri'ment, je pOl'te infinimcnt de rcspecl, eL pon!' eau,p,
11 messieurs les proeurellrs ¡{(!nl-'raux ... (()¡¿ rit); llla:s ,i" J~,~
crois pas les calomuier en disaut que el) n'est pas pr,"ei'l'-
rnent au fond de lcur emur que ill'úll) ulle 111llJlflc bion DI' ~
dente pour la libertl' d'rerirc. (ni/'es ¡['assfntimd'ld 1I la [I([ró~
che de l'orateur,)


Aussi, quand je vois rondl'e tout a COUIl SU!' la p/'us'c liil
véritable ouragan de pl'OCCS, je ll'ai ]las !Jesoill d'üu n-i ['
I'Alm3nach impérial pour savoir qui tient en ce mOlIlent le
portefeuille de ¡'intérieur, et, je dois ¡¡jouter, le portelcllill"
de la justice, (Rumeurs sur les banes en (aee de l'orateul' ct
approbation á Sil gauche).


Pour bien saisir le caraetere tout particulicl' lie eclte lui,
il nous fauL remonte!' a son origine: elle osi lll~e de celle
journée de mystére qui semblait deyoir renouvdcr la lllar--
che du Gouvernement eL qui n 'a eu, jUSljU'Ü prúsent, (j'au te,'
conséquence que la réintrgration du comtc Walcwski n i1
Sénat et la restitution a lui·meme de son éloquent complicc
qu'on a cru pouvoir auirer un quart d'heure ct relégurr en·
suite sur un banc de patienee. (,'IJout'clncnts diuers el pl'olonf/és)




- :1-


Yous vous 1'3ppelrz IOU8 ce rapido épisod8 de notre poli-
tique intérieurt~. Vous vous rappelez aussi qu'il 1'0Ul'erllll'e
de la sessioll qui Bvail prl'c{'d,', le cou[J de vent lib{'ral du
t~ jal1vier, jI. In minislL'c (n~tat, avec un:' cOLlviction lIui
n'est pas sC'uklllent une etlllviclioll, 'lui est ~lIssi uno él 0-
r¡ucnce, ar,lil {'lIergir¡llemclIt \'l'pollssé toute espece de mo-
dilie,,¡.ion au I'(~gime admillistratif inlligé ti la presse par le
d¡'~cL'ct de ¡l'vrier. Il reg~rdait alol's ce décret comme le der-
nier mol de la kgisl:Jtioll, C0ll1111e le sine '/UÜ líO¡! ahsolu dI'
la s{'cmité de l'Elllpire. X'y totlchez pas, disait-il, il y va
de ,"olre salut!


Ille disait, il le c/'0:3it, et voiei qu'un jou!', apres s'éL:'ü
elldormi plcin do eonlinneo d:lIIs l'éternité du déeret do fé-
\Tier, il S(~ róveilJ.~ ClI sUI'saut, en plcine déroute de ce dl:-
erel. (Ilil'es Ú (II IJ!lUC/¡t' di' ('lImt!:!!I'.)


.l<: Ile sai~ plus lJlid t,;'!',lIld seig-neuI' de) In cour de
Louis .\1 \" avait l~PUUS('~ urw d(~moisdle d'hunlleUl', qui llli
JOIJl18it un hóritier :1J1l'('.:s tl'ois !Dois de: lllari¡¡gl'. "Je ¡Ji.'
\'Ou~ attelldais pas si tut,)) dit le lllDri r('sigué ó J'enfunt qlJi
Yen;¡it de lI;¡itre; (1 soyez lH':JlILllOlllS le lJieuvellH. »


11 ('lit dé par tl'Op cruel ,j'('xiger de M. le ll1iLlistre d'Üat
'1u'il aecepl:JL ¡¡vee aul:IIIL de pllilosophil' la [J~tcrllili-' d'ufl
enrunt dOllt i1u'¡"Lait pas le pe re en l'é31il,\ ou dunt iln't',tait
k jJl:l'C 'luC sous ¡l(:IIL'lice d"iuveIlLail'e. (fIil1t/'itú SIU' {es IHWCS
Ú la [/WU;!W tic l'l)/"({feul' el JJWl'iJWI'CS S/l1' les bancs á SI!,
¡{¡"Ji! eJ-


Hile le pouyail jiflS, illle le devait pa~, du lJIOlIlcnt qu'il
restait au pOllvuir, el je lui ell saL.; gl'e pUlI!' lui-ll1éme, pOUI'
sa digniLé, l::.JI' je sais respecter chcz UI! adwrsairc ce 'luí
fait en délinítive la gralld(,ur de l'IJOlIIrne, sa fidélité á S3
propre eonYÍdiuLl.


Celle situation dant dOllnée, que pOllvail elre 01 qu'a óté,
en eIJel, le projet de loi actuel 1 1I1l compromis entrc le
1 ti janvier 'lui jlL'olllct.lait la libertó de la pt'csse, et M_ lL
minisl('e ll'¡;:t8t I[uí d{'clarail r;clW libel'l{: incompatiblc n\"l~L'
la trallquillilé du pa~s.
AiLl~i, d'ulle part, dégagor la parole impériulo insérée GU


Jil)uitenl', d, d'une aulrr. part, sauvogarder l'opinion con-
traire deM. le ministre d'État, autl'ement dit, trouver un




tenne moyen qui, sans etre prl'cisémcnt le rlécl'et de l'évricr,
en füt autant que possible ['equivalellt : voilá le probléllle
que la loi nouvelle avail a résolldl'C, el qu'ellú a resollt,
j'ose l'affirmer a la satisfaction des deux parties.


1\1. Granier de C .. ".m¡;nac. Si vous ne voulez pas Utl
projet de loi aetuel, nous n'en voulons pas plus que vous et
nous pouvons nous entendre. (On rit).


M. Eugene Pelletan. Je prends acte de la parole que
vient de prononcer ~I. le ministre.


Un memúre. Ce n'est pas le mi[]islre qui vous a inter-
rompu.


1\1. Eugene Pelle tao. Alol's, jr, fais rrpal'tltion a ~L le
ministre. Il fuut otre juste, cependant; si celle ¡oi ne ([ouno
pas au pays la liberté lelle que je la comprends, telle (¡lIC
l'Europe tout entiére la pratique, iJ l'oxcrplion peat-Glre de
la Turqllie et de la Hussio, ello nwrqllo cepcndant UII 110-
table progres sur la législation origincllC' dll premier e11l-
pire, législation aujourd'hlli ahandonnóe, aujourd'imi
expirante,qui a 1m trouver cepend8nt in (',l'tremis un amoul'-
propre d'rlllteur asscz dévouó 11 son wuvre pour en reclamer
la prernj¡~re conception.


Le projet actuel ¡¡bolit donc ectle jlll'idiclion administl'a-
tive d'ull genre tout nouveau, qui ri.~meLtait 11 la parlie
offé'nsée le soin de venger elle-memo son ofIcnsc,


Ail1si, a partir d'aujourd'hui, autorisution préalable, qu'on
a oa tort de conserver jusqu'au derniel' lllOlIlellt, avertiss,o-
ment officiel, averlisscment omcieux, 5uspcnsion, supprcs-
sion, tout cel arbitraire Iégal, d'autuut plus d{~plorablc, il
mon avis, qu'i! etai! lúgal et qu'il couvl'ait du non sacre de
la loi ce qu'aucune loi lIe sauraiL cou\'rir, un pouyoir dis-
crétionnaire, un trIbunal occulte ¡¡ui juge dans sa cause et
frappe dans l'ombre: tout cela est mort, bwn mort el il
jamais onseveli, il faut l'espérer : que la terre luí soit l{-
gere! (Tris-úien! it la gauche de ('O i'a teu 1'.)


Voila un premier progr~s, n{'gatil', iI est nui, cal' si [lO;Ii'
un pl'isonnicr condatnnó ¡¡ la prison üroite, la sorlie sur le;
préau est une amélioration, ce n'esl pas cepelldunt tout ¡¡
fait encore la liberté.


Il y a un s~cond progres, plus méritoÍl'c 11 mon avis, jc




-5-


veux parler de l'abolitiún des breyets d'imprimeur et des
IJrewts de lilJraire, et, icí, je rencrJlltre la main qui a eu
l'honncur de si;.;ner la liberté du commerce. Par HI, M. le
ministre d'Etat m'aurait donné le droit de faire son éloge;
mais je me gat'derai bien d'en user, de peur de le compro-
Il1cttre aupd:s de la commission (Sourir~s), car la commis-
sion a trouvé la mesure trop révolutionnaire, et, craignant
de porter allssi loin que le Gouvel'l1ement la témérité du li-
héraJisme, elle a repoussé I'nrt. lB du projet.


Le Gouvcrnemcnt en réclame le maintien; et en con-
~dencl: ii ne pouvait agil' autrement; le ministre qui avait
nboli d'un trait de plume le monopole du courtagc, le mono-
pole de la boulangerie, le rnonopole de la boucherie. le mo-
nopole des thé'útres, ne pouvait décemment conserver, sur
les rJébris de tant de rnoIlopoles qu'il avait lui-mome dé-
tl'Uits, un dernier privil('ge cOlllme un objet de curiosité.


Enfin la cornrnission, et id elle prend sa revanche, en a
rédUlt le droit de timbre de 6 cenlimes á 5 centimes pour
Paris et pour les départements, hélas! qui subissent le
dangereux voisinage de Paris, et de 3 cenlimes a 2 c.entimes
pour les nutres départements : réduction timide, insigni-
nante, qui n'a d'alllre mérite (lue le mérite de la boune vo-
lonté, ¡¡ui pouna peut-ütrc appauvrir légeremel1t le lréso\'
sans enrichir scusiblcmenl I{~ journal. L'esprit de justice, el
jo dis plus, l'espril de la constitution exigeaient une mesure
inflniment plus radicale. Puurquoi aujourd'hui (~et impot dll
timbre? Autrerois OH pouvait le comprendre a la rigueur :
sous le régime du suffrage l'eslreint, le timbre faisait la sy-
métrie du cens (~lectoral; celui·lá seul pouvait lire un jour-
nal qlli avait lo droit ele vote!'; et en elTet, du moment
qu'on éeartait le pcuple du serutin comme indigne et
eomme incapable, ú quoi hon le maUre dans la confldenee
ele la politique? la prcsse ne pOllvait (lue lui donne!' des ten-
ta lions dangereusos.


JI fallait donc la tanir le plus loin possible de ses regards,
el pour attcndrc ce résultat, on ne lrouva rien rnieux que
d'¿'lcvcr tellcmcnt par l'impót da tilllbre le prix de l'abon-
nement, que le jonrnal ne fút plus qu'uu objet de luxe á la
portée seulemcnt de la portion aiséc de la !lulion. Mais au··




-6-
jourd'hui que le peuple est souverain, -au 1Il0ins en théo-
ríe, -que le sllITrage universel est nolre droil nati-onal, qll('
tout citoyen est ('g'Rlement électeur, ('g<lIDtlWllt appele :1
voter, {ogakment appelé 11 conllaill'é, pUl' .:ons¡'·quent, toul
ce 4ui doit .;claiJ'(~r son vote, par queb urg'lilll(~ljt" en Yel'tlj
de quels principes pouvez-\ ous enrore llwi ntenit' el!t impol
du timbre, qui n'est, a tout prend¡'c, ¡¡u'un dl'üit pl'uhibilif
sur la lecture?


1\1, Garnier-P:tge ... Tres-bien! ü'es-bien!
1\1. Ensene Pelle.on, J'ouvre l'expusó des motirs, je


consulte le rapport de la commbsion, el dnns l'un comme
dans l'autre, je ne trouve qu'une sl~ule raison pour justiíiel'
l'impót du timbre; Ilun ¡¡as une ,'ai,on poli tique, 011 l'écarte,
au contraire, avec soill, mais une raison de fisc~lilt', L'1
presse, nous dit-on, au puiu! d(~ vue (:conomiqlw de la vente
et de rachat, est une eutl'epl'islJ commcrL'ialp COlll'1l<~ une
autre, qui rapportc á ses a(~tionlJaircs des divideuc1es plus
uu moins é1oves, et, par COlIs{'r¡ufmt, (:110 doit conlrilJuür
aux charges de J'Etat, dans la proportion de ses 1)(':néflc8s.
Le timbre esl. un impót légitime, cs! un impfJ! equitablp.
JJOus disant a l'unisson etl'exposó des motit's et le rappol't de
la commission, Un impot It;gitime! \l1l impot équilalile! el
jJourt¡uoi dOlle? pa rce que la pl'es:;e ¡lsl 111)(: [;1l1.1',,\)I'isc, pro-
ductive, a enlendre Ilolre honorable rapf!0rlcU¡',


Etollnamment productive, en cITot, rt1essiL:urs, cal' sur 70
journ3ux poliliques autorisés a Pal'is, il y en a deux ou Irois,
it peine, qui prosperent; (¡uatre) ou einq quí \'ivent, mai,
qui viven! seulement, en ce sens que, a la Iln de l'aullóe,
ils p~rviennen! il óquilibrel'leu¡: budget; quallt aux 60 au-
tres, ils meuren!, a la lettre, e! ne prolongent leur ag'onie
qu'á ['aide des sacrilkes imposl:s 3U dévouument de leurs
amis. (A,sscntimeflt illa [llInche de ruratel/r.;


Et maintenant, Il1c~sieurs, voulez-vuus savoir combien
un journal qui tire de 40,000 á ¡¡¿¡,Oon ()xemplaires, ce qui
eslle llIaXimUIIl de) la prospl:l'ilé, a I'ext('ption du pelil .1[0-
niteul' exemptó de rimpot du timbre cont.nlÍrement a la loi,
voulez-vous, dis-je, sayoir combien ee joul'l1al paye al! íise:'
il paye une somme annuelle de 800,000 fr. a i million. El
S3vez-vous combien chal/ue année i: rapjlorte iJ ses ü("ion-




-7-


naires? il rappnrte une somme de 100,000 a 200,000 fr.,
;;;clon le prodllit des :JIlIlOllces.


Ainsi done. It) jouftwl politiljue paye cinc¡ fois ou dix fois
I a tot¡jlit(~ de ~!)n ["('venll. Lne ligllP de chemill de fel' qlli
l'appol'terait iJ ses aetionnaires UIle SOlllIlle de iD milliollS,
devrait payer, t:n suivant la IllelllC proportion, une somme
de iDO rnillions d'impóts au trt'sor, ou tout au 11l0illS cin-
quante millions.


Si vous appelcz cela un irnpót ér¡uitable, légitime, comrne
on le dit dans le rapporl, Je déclare qu'il y a un mot de
trop dans le dietionnairc. (Trés·bien! á la gauche de l'urateltr.)


1\1. Glui .. -Dlzoln. G'est monstrueux !
1\1. Erne ... t Plen,'d. e'est l'irnpót de la barbarie.
1\1. le I'ré"ident, I!>ii('hneldel'. Je vous prie, messieurs,


dc TIC pas iutCrI'Olllpl'e ['orateur, de le laisser développer
ses iJ~'(;s, CCl'tc~, il n'y manque pas, (On pit.)


1'1.1. I','ue .. t .-I"o,·d. NOlJS l'intcrrornpons pour l'ap-
pl:J!ldil'.


:1\1.1" P,'é .. ¡'¡cnt ~chneidc ... Je vous delIlandc de ne
pas souligncr elJaqlw lIIut qlle prononce l'orateul' par des
mOIlYcments inr.I)SS8nts, ue ne ras exngérer ou l1lodifler S3
pensl'c ]la [' des mols jetés dans la disüllssion.


1\1. Garniel'-I"""o; ... Nous n'exag('rOllS pas sa pensée,
nous la eompléto!ls, mOllsieur le Présidellt.


1\1. le PI·e .. idcnt !'!chncidcl'. VOUS u'avez pas la pa-
role; ¡w la prenez pas!


1\1 •• Iule .. 1·':1"""c. Nos impressions nous appartiennent!
1\1. lt, P.-é",ldenl I!>iiebneidel·. Gardez-les, qusnt 11 pré-


sent; vous aurez plus lard l'uccssiun de les produire 11 la
tribulle, (Tris-bien !)


1\1. EI'ne .. t, pl~, .... (I, Est-ec quc l'interdiction des comptes
rendus va p{'n0lrr¡" dans ectte enceinte? Nous alll'ons a
!lOUS expliquer sur eNte qupstion.


1\1. lc P.·,'"I<I(,l1t "',-hnei<ler. En atlendant, je vous prie
de garder le si knec el de laisscr I'orateur a sa diseussion.


:U. I·;u¡:;,~n(' .• • ... 11,,'.'11. J\Icssicurs, la taxe du timbre
t:st-clle bien, eOllllllC tn di! le rnpport, une mesure plll'ernent
[isenle·~ .le craills qU'clle ne soit surtont une I1lPSUl'e pré-
YCllli\'l~, ([u'e1le ne soit une sorte d'anv:nde antieipée impo-




-:.;-


séo au pouplo pour S3 trop gl'ande curiositó de la politir¡uo ..•
(Assentiment Ii la (J(!w:hc de l'orateu/'.) Sous cerappor l ,
votre Joi Irahit son secrot, cal' elle m:Jiulient la laxo clll
timure sur la brochure. Est-ee que la urodlUre, par 11:1-
sard, serait une entreprise productive? Elle la maintien!
encore sur l'affiche électoralo des candidats : est-ce qu'une
profession de foi serait aussi une entreprise de eommercc?


Vous vous dites une démocratio. Tout pour le peuplc!
voilil notre principe. C'est en verlu do ce principe que n0118
avons opéré la réforrne postale, pour dOIlller au peuple la
correspondance a bon marché; c'est en vertu de ce prill-
cipe que vous avez décról(~ la réformc douaniere )JOU!' don-
I1er au peuple la vie du corps a bon mnrché; et aujom-
d'hui vous pourriez lui refusor la vie de l'esprit ¡¡ bon
marehé, on maintenant sur la presse une taxe aussi exorbi-
tante, plus exorbitante que I'ancienne taxe de la gabellü!
Pourquoi vous mettre ainsi en contradiction avec vous-
memes, et soulever contre vous vos propres doctrines?


Eh quoi 1 l'aristocratiqne AngJeterre vient d'aIJolir l'impút
du timbre et la France démocl'atique refusel'ait de l'abolif·!
Quand nous jetons les regal'ds sur les peuples voisins, n'u-
vons-nous done des yeux que pour voir lo développeilJelll
de leurs armées, et jamais pour voir le développemell t de
leurs libertés? (Tres-bien! tres-bien! ü la gauclte de l'um-
teur.) Cependant, s'jl y a une ehosll qui peut nons délivrer
de cette peine de mort en masse qu'on appelle la guel'l'l~,
e' est a ssnrémen t la liberté.


Je passe maintenant a UII autre ordre d'idées.
Apres tout, le timbre n'esl pas un fait nouveau. Le


projet de loi actuel I'a trouvó établi, il le conserve dans
l'héritage du passé. La loi n'est pas la, elle esl. ailleUl's. C(~
qui la marque d'nn earaetére iJ part, ce qni constitue Vl'I'Í-
tablement son originalilé, c'est le nOllveau systeme d9 péna-
lités qn'elle a imaginé pOUl' snppléer, autant que possible,
au décret de février.


01', messieurs, quelle esl cetle pécwlité? La loi, au pre-
miel' abord, ne semble pas rigoureuse pOllr les journalistt'S;
elle parait touchée, au conlraire, pOllr eux d'lIl1 sentimcnt
de mansudude; elle veut bien l'econnailre qlle dalls I'CI1-




-!J-


tI'alnemen! de la polémique, dans le eoup de [eu de ¡'im-
provisation, il y a pour eux plus qu'une drconstance atté-
Imante, qu'il y a une excuse légale; et par cette raison,
elle les décharg'e de la peine de la prison; eux seuls a la
véritó, quant aux autems de livres, ils écrivent a tete
reposée, done pas d'indulgence pom eux en cas de délit, ils
iront en prison.


C'est bien, et la presse p6riodique ne peut que remercier
le Gouvernemcnt de sa grnérosité.


Mais jo tourne le fcuillet el a la page á coté, je trollve
flu'on abolit la peine de la prison paree qu'elle avait le tor!
de trop grandir i'écrivain et de le mettl'e sur un piédestal,
~ornme le dit M. le ministre de l'intérirur, Ce n'es! dOllC
plus une [aveur, une attrnuation de la peine, e'es! une aug-
rnentation di, la peine, pUiS'llW vous privez le rédacteur du
journal du bénNi.~e du piédestal. (EJJctarnations et rires su;'
WI !JI"IlIullwlllorf de (¡ancs.)


Le piédestal! Mais que voulez-vous dire pat' la? Youdriez-
vous donlJel' á entend['c, pal> mégarde, que düns tout proccs
de presse, il ya Jeux ,iugements : le,i ugement prollonc6 pnr le
tribunal de poliee correctionnelle el lejug-ement prononcé pal>
l"opinlOn? mais si la prison a le tort de grandir le rédacteur
d'un journal, á plus fortc raison va-t-elle grandir l'écrivain
d'un livl'e pour peu qu'jl ait de talent.


Et que [aites-vous done? iI qnoi sOllg-ez-vous"! Quoi! vous
inventez une peine pour déeourüger l'éerivnin d'un jOllfllal
de commettre un délit, et vous ne l'appliquez pas a l'écri-
vaíl! d'un livre, comme pour l'eneourager á eommettre ce
délit par la perspective d'une auréole de martyre!


Ainsi done, messieurs, plus de pnson, rien que I'amende;
voilá toute l'écollornie péllale duprojot. -'Iais queHe amende?


Le projet de loi u'en dit pas précisérnent le chitTl'e. Par je
ne sais quel cxecs de pudeur, ille dérobesous le voiled'une
circonlocution. L'amende sern dl! 11uinziéme du cautionne-
meniaunúni11!wn, et de la rnoitié du caulionnemenL HU uta,ri-
mwn; el par politesse pour notre science arithrnétique, il nous
Inisse ensuile le süin de cllCrchcr, la plumc a la main, la
sullJ lÍon dn problim11~.


JuStiU';l p['é~;(,llt., i\tHill l ! ID C(l(!r~ p'\nui édictnit une amc!y'.,
,1 /,'


, !




-10
de, il en déterminait le chifrre ouvertement. Pourquoi done,
aujourd'hui, vient-il la dissimuler sous le voile d'nne p{'l'i-
pbrase? Est·ce que le projet de loi amait quelque raison dl'
lllodestie? Je le cl'oirais volonliers,


Eh bien, savez·vous, messieurs, - c81'laillewcnt vous l"i-
gnorez, et je vais vous t'lonner en vous l'appreIlunt." (lii-
lr[rité sur plusif'll/'s bant's) , oui, Je yuis YUUS d0l11JeI'! -
Savez-vous, dis-je, aquel chilTre lllontera le llIininUlll de
l'amende a Paris pour le Hloillure uélil, pom la muindl'e
contravention, pour un simple ollbli dn signalul'e, pour
l'annonce, me me de uonne foi, d'une fnu8se 1l0U velle OH
d'une loterie étrangcre? 1I montera au chitTrc d(: 12,(JI)O tt',
au minimum. - Et savez-Yous aquel chilTre 1I10nt<)1'3 k
lIlaximum de l'amende'? Au ehitfre monstrul'UX de 80,0001'1'.
encore inconnu dans I'histoil'c de notre ll'gislalion.


1\1. Gre .... iel'. Vous oubliez l'appiie:llioll de l'arliele 103!
1\1. Eugelle P"llet .. n. ~e me par/ez jlas de l':ll'ticle


cí(,3, que Ips tribunaux pourl'Ollt a pplir¡uet' 011 !}() [las a !lplií/uer.
12,0001'1'. <111 l11illimum, 80,()()O fr, au mnxiillullI, el pOUl'


1111 delit que le Gouvel'lJement lui-lIH~llle a)Jpelle un délit
d'elllrainerneul : voilil I'ameude que les jomnaux auront
dét50rmais a payer.


s. Exc. M. I»inu.'d. miuistl'l' di' I'i,ltl;rieul'. Cest UlH!
erreur, une rrreur absolue, lJUisque le cautionnemellt m'
sera que de iíO,OOO fr.


1\1. Eugime Pelletan. e'est une errenr, dil M, le mi-
nistre de I'iltlerieul'.


]}I. G,'e" .. lel'. Oui, une erreur grosse COlllllle une mnison!
:1\:1. Eugene Pelletan. Je conllais assez l'arithmótique


]Jour savoir que c'est lui qui commet, au contraire, une
erreur de caleul.


Ah! oui salls doute, le quinzicme de iíO,OOO fr., puisc¡ue
e'est la le cautionnelTwnt exige pour le dópartelllent de la
Scine el les départements voisins, n'est P(lS de 12,000 ft'.;
il est de 3,333 fr. 33 cent.; je le recolI!wis; mais vous OU-
bliez une chose : c\'st que, dalls tout proces dc prcssC', i1 ~'
trois delilll/uanlS : I'lrnprirneur, le gét'ant, le sign:llairc Jo
l'anicle; il y a trois poursuitcs, i: y a truis eondallln~!!io:):3,
par conséqucnt trois amen des ,




-11-


Or, la somllW de 3,333 fr. 3:3 cen!. Illultipliée par trois
doulle 1.0,000 1'1'., plus \¡~ (ll'cime de guerre, plus le demi-
tll'cill1e de glH~lTe, Illus frais du procés; total 12,000 fr.
(Assenli/!/l'llt ú la !Jllucl¡e de l'omtelu·.1


i\l, G .. "ssier. I~t s'il y avait cinq ou six signataires, ce
serait lJien ¡Ilus ellcon~,


lU. EUgelle ."cllelan. Ah bien! olli, mais il ne pent pas
y (~11 avoir davanta¡re pOtlr un seul article.


Voilil l'amonde encore un coup, 1.2,000 fr. au minimum,
el 8/),000 ['l'. an maximum. Autant valait tout de suite pro-
Iloncer la connsealion.
~r. Glais·Dizoin. e'est bien la cOllflscation.
1\1 . • ~Ug(;IlÜ ("cllct,,"" Mais qu'imporle j'énormité de


l'll!llellde, a cóté de la violation d'ulI principe! La premiére
regle de toulü just.iee pénale, c'cst, u eoup sur, d'abord l'u-
lIit.é de peine, d ellsuite la projJortiolllwlité de la peine au
dé1it eom mis.


L'unitó di) peiuu! M31S Que devicllt-elle désormais? Le
eautionllC!l1enl varie L1'une ville a J'autre, d'une feuille a
1'8utre, selon le chitfre de la l'opulation, et selon le mode
de périodicit0, par eOIJsequent la peine devra varier nussi
d'une ville a l'autl'c, d'une feuille a l'autre; elle devra
monter, Laisser continuellcment, selon que le cautionne-
ment montera el baissera lui-meme de cinqllante mille a
sept milte fraIles, de lel ~l tel départcmcnt, de tel journal a
tel .iournal; le IIlerne dClit, identiquement le méme, sera
eOndaml1l: ¡ei a uIJe peine de quelques centaines de franes
iI peine, et ailleurs a uIle peine de 12,000 fr., toujours au
lIliuimu!l1.


La proportionnalité de la peine au délit! mais elle dépen·
dra uniquement du ehiffre du cautionnement; ce ne sera
plus le earaelére intnnséquc du délit flui entrainera une
peine plus ou moins sévére : ee scra uniquement une ques-
tioH de g'éographie, une question d'arithmétique; vous re-
eOllslituez ainsi U1W vérilallle áristoeratie de la peine, vous
l't'tl'OgTadez jusqll'il la loi saliqlle, et vous tarifez commc
('IJL~ la moralité d'une aelioa humaine au poids de l'argent.


AiJ! jo le sUis, lcs llolllmcs du pouvoir ont vóeu, ils ont
:.IIJpris }j r(~col(~ dll passé, el j'ose di re du présent, qu'i1n'y




-i2-


a aucune considération de dnnger pel'sonncl qui puisse al'-
reter un écrivain convaincu, lorsqu'il croit avoir su convic-
tion il défendre; iI a faH avec elle un contrat iJ la vié a la
mort, et si, par malheur, il venait á menlir á sa conscicnce,
il trouverait dan s sa conscienee meme, et a défaut de S3
conscience, dalls l'opinion publique, une justice lJien autre-
ment sévere que la poliee correcLionnelle; cal' ce ne sel'ait
pas une peine d'une minute qu'elle lui infiígerait, ce seralt
une peine de toule S3 vie; et s'il avait un nom, die rejail-
lirait jusque sur sa mémoire.


Vous le savez, messieul's, et pour contrebalancer la do-
minatiol1 irrésistible de la conviclion sur l'esprit de l'écri-
vain, que railes-vous? Vous opposez la propriété du journal
asa rédaction, et vous établissez entre I'une et 1'3utl'e une
guerre intestine : d'un cóté la pensée pcut-etre imprudente,
souvent génél'cmse ... (Rumeurs); d'un autre coté, J'égoi"slI1e
grossicr et J'insLinct peureux du capital. Et de que! coté
vous rangez-vous dans ce conflit? Du coté le lI10ius noble,
perrnettez-moi de vous le dire; vous vous rangez du cüt(~
de l'écu ; vous le prenez pour votre allié, et vous railes avec
lui un traité d'assurance.


Etait-il donc reservé á nolre époc¡ue d'inaugurcr dans l~
législation un pareiJ malerialisrne! Quoi! vous cherchez
rnaintenant a substituer iJ l'avertissement du Illinistre, l'a-
vertissernent du caissier! (ll'Iouvements en sens divas.)


Ah I censure pour censure, Puisllue vous pa raissez en
avoir besoin, de grace, lachez d'en lrouverunc au,re moills
humiliante pour la pensée, cal', si volre ealcul peut réussil',
savez-vous ce qui arriverait? e'est que la prAsse, au lieu
d'etre J'expression d'une idee, ne sorait plus qu'une succur-
sale de la Bourso et qu'une agence d'agiotage. Lorsque
messieurs les hornrnes d'argent veulent bien consncrer leur:;
millions improvises, Dieu sait par quels moyens abréviatirs,
a la fondaliol! ou 11 l'acquisition d'un journal, ce n'est }.las
assurérncnt pour la voluptl! platonique de cOlltribuer uu
triomphe d'uue ¡<ll'e.


Ainsi donc, en résumé, que vent votrc projet de loi? Ol!!
assurément, róprimer les délits de la pressc; muis jI veul
surtoul PQuvoir supprimcl' les ,jOUrtlüllx¡ el, en (>eh~n8"(', il




- 13-


eonsent a exempler les écrivaills de lu prison. Comme le
eapitaine de I'Alal!ama, il veut biet~ ménager l'óquipage a
la eondition de eouler le ¡¡avive. (Trés-bien 1 ¡¿la gauclte de
l' omteur 1)


Mais I'énormilé de ['amende ne suffit pas au projet de loi,
il eroit devoir y ajouler une peine de supplément: la dé-
ehéanee, ]:Iour l'éerivaitt eondamn¡\ de S1'S droils d'éleeteul'
el par eonséquent d'éligible.


1\1. GnrllieJ·-Pagc ... Cest épouvantahle, cela!
1\1. EU",ime Pelleta... Mais, pour perdre tempuraire-


meot sa qualité de citoyell, il raudra, je le reconnais, avoir
commis un délit d'un genre tout partieulic)r, eo ce seos qu'on
I'aura eommis sur un genre particlllier de papier, sur le
papier timbré; ear, si on l'a eommis sur la reuille immDcu-
lée du livre, le d('lil fút-il plus grave, l'auteur échappe a cet
excédant de p{malité.
~Iais permettez; tout Ü l'lwlll'e le projet de loi déclarait


lelivre plus coupnble que le jourual, parce que le livre COlll-
met le délit de dessein prf'mé:dilc', et maiotenant, oubliaol
ce que vous avez dit, el concluant en sens inverse, ,"ous ve-
nez déclarer le journal plus coupable que le livre, jlllisqllr
vous frappez l'un d'une peine accc8soire, et que vous en
exemptcz l'autrc pour le mcrne délit.


PourqtlOi eeHe dilIérence entre Ir livre et le journal?
Qu'a dOlle Ü raire le timbre dans une questiun de crimina-
lité? Je le eherclw de butlne fui, et .ie n'en vois pas la rai-
son: scrait-ce paree que la profession dD foi est sournise an
timbre lorsqu'clle prend la forme d'une artiche?


A la yauche de l'oratenr. e'est cela ~ (Humeurs divCI'ses.)
1\1. Eugene Pelle tan. Ah I permettez; si vous VOUiCl


cxempter la profession de roi du candidat de tout timbré,
je renonee a rnon argulIlent; rnais jllsl}ue.la Je regarde le
projet de loi cornme une atteinte au sutTrage llniversel.


Ala (j1!uche de l' oraleur. Tres-bien! tres- bien!
1\1. ¡':u¡,;clle Pelletall. Enfin, le projet de loi a eru de-


,"oir t:ornpléter le riche ussortimeut de délits de toute na-
ture qlli orne la législuliotl dc la presse jlar un délit de nou-
vcllc espece. (Plus hallt 1 plus haut!) Ce délit consiste il
puL>l¡,'l' qur,lque arliele t¡ue r-esoit, dans quelqucjQurJlalqw'




ce súit, signé du nom d'un homme alH!uel le terriloim
francais est illterdiL, pour employcr l'euphélp.i;ruc conS<1-
eré. (Plus ltaut! plus ftaut ! - 011 Il'entend jIUS!)


Je demande purdon a la Cllalllhl'e, mais j'essaye de parler
aussi haut que possible.


M. le PI'é"iden(; Scbnchltw. Parfois l'orateur laisse
tomber la voix a la lin de sa phrasc. Quelque iJonne volontó
qu'y mette la Chambre, il lui est 310rs dirtlcile d'entendre.


1\1. En;.;e .. c Pelle",". SOUS qUe! fJrétexte cherche-t-oll
a légitimcr cet anathéme jeté á I'exilé par-desslIs la [ron-
liere? Sous le pr{;texte qu'il ne peut pJS venir répondrc per-
sonnellement du dMit.


M:ais puisque vous avez supprilllú la peine ¡¡('r,oBlIcUe el
que VOUS I'avez remplacée par ulIe fJei:lc puremellt fJl::cu-
ni aire, que vous importe? Le c8utiollllerucnt n'est-il pas
toujours la pour p8yer la ranCion du dl'lit cOllllllis?


M:ais si vous pousscz jusqu'il su derniérc consl'~qllence la
logique du principe que vous iuvoquez en co Illornent, vous
dev!'iez iuterdire aux jourlwux la reprodllclíon des o:;uvres
ano!lyrnes ou des ceuvres posthumes, cal' pus plus les mQrts
que les incounus He sauraient comparai tl'O persollnellernent
en justice.


Quund on !lOUS parle ainsi, on puraiL onb.!ier que la
lógislation a prt'cisrment décréló la doulllc responsaL1ilitó
de ¡'óditeur et de l'ilIlprimour pour remédier ¡¡ I'ínconvé-
nient, au dangor de J'incognito ou de I'ab:lence.


Plus .i'oxamino eet ,ll'tielo ot moins je lo compl'cllds, Il me
semble qu'il manque de générosilé a l'(;gard de I'ínlurtune.
Cet article de la loí ne mo paraít pas digne d'en treL' dans la
ll;gislation rran~aise; il n'est pas de notre temps, il n'esl
d'aucun temps, et.ie peux en poder a mon aise, cal' je n'ai
aree aucun pl'ince de ce mondo, aucun lien, !Ji de regret
lli d'esp{;ranee; j'ignorn (lui a pn avoi!' l'iuitíalive d'une
pUl'eillr intcrdiction. J';¡ime a croil'o du moins (Iue co n'est
jJ:lS qllelqu'lIn qui a conllU I'exil.


Jc no sais si jo mi' trOllljJO, j'" désire me tl'OlIlfJCl', mai.s il
IIlO sem[)\o que cette partio de la loi trnhit \lne préoeeupation
'lui !le d,~vrnit jamais entre\' dans l'espl'it dll \(;gislateur.
POUI' YOUS cornme pOU!' IlOlIS, la loí t}oit toujOUl':> I;trl) UlW




-1;;-


ri)gl() génél'ale, impel'sot)[]clle, qui pIune sur la sociéLé tout
l'lltiel'e el I'enillrasse [OJt ulllie!'!', sans jamais lenil' cOlllpte
(I'auculle situation IJUrliculiére ni d'aucun individuo Si pal'
lIIallleur ('l1e \'ellUit Ü descelldre de sa hauteur pour tOlllbel'
daus la perSOt!lWliti\ elle pel'Llrail aussitót son autorilé 1ll0-
raje sur I'opiniotl.


Eh bien, IlH',sieurs; je vous le demande, en Iisant rart. i2
ec I'art. 9 du projel, ne pourrait-oll pas mettre un nom
pl'opre el devine[' une allusion sous chacun de ces articlns?
Ainsi le sulTrage univel'sel aura pris un jOllrnaliste au sortir
<le la pI'ison pour l'cnvoyer dans celtt; enceinlc, el aussilót,
T,our punir le su(Jragn ullivcrscl de cette éleetion, vous le
dcstituez uu droil d'élil'e désormais I'éerivain eondamné en
poliee cori'Cctiollllclle,


Ainsi encul'C, un exilé, ¡:'cst-a-dire un prinee, aura écrit
l:ile pa;;'~ qui HUI'a déplu HU pouvoir, et en souvonir de celle
l'age, sévereuJenl punie cependant, la loi fera défense á la
J,resse de <lonlle!' déwl'lllais rtlOspitalité a la correspon-
dance de ce pl'incc Jll'o~cl'il, lút-ce meme pour répondre á
Illle: calomnie !


J'ai mcilleUl'c opinioll, j(~ l'avuue, de la loi de UJon pays.
J,c) croirai toujOUl'S qu'!dlc doit avoir plus de gl'andeur <l'tune,
et puisque le j()1l de~ ('v':'llemenls a roulu qu'il y eút des
Fran~ais de trop sur le ;;01 de la Frunce, de gl'aee, n'aggn-
vous pas la peine: dl'jil tl'Op cmolle de I'exil par un seeond
cxit, rexil de: la pcnsl"e, (TI'('s,úic,¿J ü la gauche de t'orateur.)
On a jlU confisque:r autret'ois le patrimuin8 des exilés, on
Il'availjamais so,¡g(:~jUS.lll'il prósellt a cunUsquer leur parole,


1\1. (;lab-Dizoin, On ne 1'a jamais v[J, ni en 1830, ni ü
3 UCUlle épOfj ue !


:\1. Eugcne Pelle1can. lVlaintenant que fell ni fini aVl'C
k systeme lie la pénnlill:', il me reste il traiter la question
l'érilleuse de la jmidictioll.
~üus arUIl, delll~lldl' ]J~l' un mncndement la juridietion


dujury; la COBlIUis,iull a repou'sé nolre dellwllde, La presse
t;"ést [las till,) excqllioll, dille: l'apport, er il ajoute ficrcment:
, :'Ious vOlllous In dl'oil COlIllllUIl! 1)


"nus voulcz le droit cOllllllun! el depuis quaud done? eal'
dutls (~,~~"(~ tnómc ]oi, vous l'avez violé vin¡::;t fois pour UllC~:




- 10 -


violé d311S l'applicatiotl de la peine, violé pour la publica-
tion de l'audienee, vIOlé pour l'rxécutioll <lu jugeml'Ill, 110-
llobstant appel, violé pOU!' la contraventiotl que voús E;Il-
voyez devant la poliee eorreetionnelle, etc., etc.


El du hau! de eetle montagne de violations :wcut1lulées,
vous vous écriez tout a coup eOl11l11e au sortir d'un songe :
« Nous voulons 1'1 droít C0l11l111111 I »


Ah! vous voulez le droit coml11un! Que n'avez-vous
adopté alors l'amendel11ent de notre honorable collégne
M,I~rnile OIivier, qui n'est, d'un bout a l'autre, qu'un rap-
pel su droit cOl11mun; que le droit COI1lIflUn tout entíer, et
rien que le dl'oit commun.


Et cependant l'amendement de l'honorable }L l~mile 01-
liviel' n'a ét!'! qu'un Iwloeuuste de plus sur l'uute! de la
comt1lissiofl. Qunnt u moi, j:) l'avoue, je me rallierais iI I'u-
mendement de M. Émile Ollí I'ic[' si cel ,llIIclldement I'cnfcr-
mait le jury.; cal' je pense, avec le législal.ellr de lBU), I[u'il
n'y a pas de d0lits spé:eiullx de la presso; que la pI'ess~ n'esl
'1u'un inslrument, et qu'iI l'nide de col illstI'UmCtlt on n8
peut commcttre quc des dé:lits de droil comf!lun. Par oons(;-
qlicnt, la rpeilleure loi de la prpsse, pOUIo IIIOi, ce serait UIW
pagl) blanche: le eode pénal sul'fit. (Trh'/Iim l tres-bien! ú
In grwche de ['OI'(ltpni'. )


Mais, j'cn demande pardon ¡¡ notre honorable ruppol'leu[',
en matiére pénale, e'esr le jury qui 8st le uroit COlllmUIl :
c'est la poliee cOl'I'cetionnelle qui est l'cxccpliJll. (C'cst cela!
c'cst cela! ú la gauche de 1'0ratel1l'.)


Ce n'est pas moi s8Lllement qui le dis, c'cst encore nl-
lustre Rossi, un juriscoIlslllte uont pel'sonnc ieí ne peut ré-
cuser l'autOl'ité, il declare hautement que e'est le jury qui
eonstitue le droit comIl1un, et qw, si on 110 l'a pas 8ppliqw'o
en mutil~ro cOl'roctionnelle eomllle en maliérc eriminelle
dans le code de iBlO, e'est que le législateur obéissait u HIle
pens(ie de despotisme. Toutes les fois lfu'on augmente \es
attributions du jury, on rentre done véritablerncnt dans le
droit commUll. (Tres-bten! tres-bien! ü la gauclte de l' oratel/!'.)


Quclques u/CInlJl'es. Vllilá la Ijuestionl
lill. Eug.~"o Pelle'.:> n , Mil is, eH dehors de edte IlUCS-


¡ion d~ droit eQmmun, il Y en a nnc nutre ql1! !jil'I!Í!J': lí'~!t




-li-


le débat; eetto qll<?slion la voici : quollo csl. pou!' la presso
IR meilleuro jUl'idicliOl1, la plus juste, In plus éqnitablE', la
soute 'lui pllissc juger la presse avee inu('pen;Janee el. Ul't:C
impartialité? e'est en yerlu de ce principe que !lOS predI:"
eeSS8ms ont di! : Quet esL le meillenr jup-e pour le COlll-
merce? c'est le commeq;ant. Quel esL le meilleur juge pOU!'
la marine? e'pst le marino Quel est le meilleur juge pour
l'armée? c'ost le llIi1itnire,


Eh bien, a mon tour, reprenant la tradition Ju droit f'ran-
t;ais, je demnnde qUl~1 esl le meilleU!' juge pour la presse
eL le meme principe nous répond : C'est la nation. (Tt(;s·
iJien! ttés-bien! ti, lit grtnche de l'orateur.)


Cest ainsi que lons les nobles esprits, que tous les pro·
fOLlds publicistcs do la restauration COll1me du rrgime sui-
vant, ont tous conclu pour le ¡ury, tous, sans exeeption. Le
JUl'Y, en elfet, est tellement l'essenee des ehoses, 'lu'un ma-
gistrat luÍ·meme a déelaré que sans le jury la liberté de la
presse n'était qu'un mcnsonge.


Plusieuts VOIX a la ga1tche de (oratcul'. C'est vrai !-Trés·
bien!


1\V. F.ogene Pelletao. Ce magistrat, e'est M. Chass~lJ.
Ccrtrs, s'jJ y a jamais eu au monde une Illagistratme iu-


d6pendante, une magistrature integre, une magistratmE'
hOllorée du monde enticr, e'est a coup sur la magistraturc
nnglnise.


Plusicw's mClIlúl'l!s. Et la natre !
s. Exe. 1\1. Bar· .. d,,-,. garde des sceau.r. Et la t'ran¡;aiso!
1\1. En¡.;""e Pelletao. J'ai dit allglnise, et je maintiens


l'expression.
Eh bien, lord Mansfield, au sieele dernier, essaya de reti-


rer les proecs de prcsso au jury ponr les transl'érer a la ma-
gi3traturo par une intorprétatioll judaique de la loi. L'An-
gletel're tout enti(~re protesta contre eette prétention par la
bouche éloquontc de lord Erskille; el, quelr¡ue temps apres,
Fax présentait un hill :m parlelllent pour maintenir la juri-
dierion exclusivo du jury @ tllaliére de libelle. Et ([u'est-ce
qu'il disait alors? « Si vous envoyel la presse devant la
magistrature, vous la livrcz a une chambl'Q étoilée. D


Voilá ce que disait Fox au parlement. Que n'est·il en ce




iR -


moment á ceUe trillllue, et que n'etes-vous la Illajorilé dI!
parlmncnt anglais! (B/'uil,)
Q¡¡~nd !lOUS dUll1lm'¡ons, mes a!llis el moi, la jmidi,otion


011 .I11r~-, HOUS li: rt~e;(111101IS SU!IS doute d:liIs l'illu',l'ót de la
ljl)el'l(~; mais pernwll(~z-tlloi d(~ VOIIS dil't: qlW YOUS Bussi
vous devriez YOUS u!lil' iJ llotrl) uetnilnde dans I'intl"rl,t de
la magistraturc,


Voici pOUl'ljlloi : le jllry est un tribunal tClIlporail'c, puisé
au ]¡a"ard dnns la llation; c'est la nalion elle-me me el]
sllbstancc; sorti de la fouJe il y rentre aussilM; soit qu'il
eondamne, soiL qu'il acquitte, il emporto avec lui son
"crdict tout ellti,~l', S:lIlS que jamais ce vcrdicl ]Jllisse tire/'
á cOl1seauence; I'aclluiltement 11l' saura pas plus rejaillir
iOontre le pou\uir (IUl' la condamnatiol1 aLLentl'I' a la liberll',


La magistr8Lure, :m cOlltrail'e, esL un des trois ¡';T:lIlds
pOll\-oirs de l'I~luL QIlHnd vous lui donnez iJ jugcr un di"lit
cOllilnis conll'e le COllverllillll'!IL el pOUl'suil'i u la l'e:ju,;te
du GOUYCI'nell!ellt, \-OI1S en {'aites nécc'ssajreml.'nt un lri-
lJUnal politiquc :!Jipel(' il prononccl' entrc le 1'01i\'(;lr plai-
gnant cl le .!ournal acrlls{~, Si le tt'ibunal ae'luille, je lIe
dil':,i pas qu'il eOlldaltlliC le Goul'crn')mcuL, cat' .Je ne \-!)UX
rien cxagél'er, lllajs il condalllllc a u lllOius la IOUl'suil",
].'ncquittement prcnd la prn[lOl'tion ti'un contlit. Happclez-
vous, messielll's, le jou\' oú la mllgistratllre aequiLta le
CO!L8titution,wl wus la Hestaul'atiol1. Ce joul'-I~, I'Opillioll
publique vit dans l'arr(~t de la cour royale une le¡;oll donnée
u la royauté, el une partie de Paris, si je ne lile lmmpp, il-
lumina pOUI' céli:brel' cette victoire; el un historien a dil
depuis: Cc fut la premiet'e !ueur de la r{:l'olntion de Juillet.


Xous n'nvons pas nujourd'lwi a t:ruiudre le dangor d'Iln0
sembla])le illuminnlion ..... (flires su!' fjuel'{ues buncs ü
({(lUche de l'oratliw'_) .le suis bien russlIré ~ur les coullits
possibles entre In pOll\-oir CXl'iOutif el le pouvoir judiciaire;
je sais que tout nl'ticle pOlll'suivi senl un :JI'lide cOlldartln¡'~,
¡Jlilnnnres fI/ ró:irll!wfiul/s su!' dicel s banc,).)


l'iusie/U's rocr; ü la !/(/uche de I'Ol'lltCIII'. C'est \'t'ai I Trés-
biel]! trés-bien I


1\1. le Garde de .. "ceaux. C'est une cal{)mtlj¡~'
1\1. Eug'~Il" Pellelo". Dans k~ llornbreus1c> ]JOUI'SI1:: .,;




- Hl-


'lui ont eu licu, iI Il'y H pns un seul exemple d'acr¡uitll~­
mcnt.


:lIJ. le G,.,..le ,1,,, ..... ,,:o .. x· J~ YOUS demande pardlJl1; il
\' a el! des aC'IlliltCJlIr:llts,
,,~. le I" .. <,,.¡d .... t. "'elllleitlel', se tOiUIWllt vel's le c{¡lé


!lIWI'!IP, el:S /1'1:., bien! lile p:1l'uisscnt porter une atleinle il
In r:llOse la ¡¡IIIS l'espcclablc, U bl magistrature, Vire Clpp/'O-
íllltion SIII' 11/1 {j/'((¡¡rll!(JI/¡{J/'c de {mnes, - Reclamatiof!s (¡ la
qUIte/u: )


i\l. El'ne"t (·icm·d. ~ous la disculerons comme toutes
les antros inslilnLions.
~I. Gurllie ... X" .. ¡;:;c". ~ous a\'OI1S le droit de la cliscuter!


(Fil'llIt ,)
~I. le "re",ident '"'"hn .. ldel·. Yous n'avez ¡Jas le dl'oit


d<ó mall\llll'r aux COIl\cnnnecs el. :1n rt:spl:et de tout ec qui
JIll'['¡ tr: vos (';;al'ds, (Tn:s-him! I nis-biCl!!)


"'l'. 4;"'· .. i.·.· .• ·",..' ... C'cslle droit dlJ r¡¡sscmbl~e Ud dis-
1~I!LeI' ILs jll:,;ns CUX-lIlI':tlI'S.


$1. I'l'nest I"¡eal·,l. La llla;;"istratmc ]Ioliliqlle St~ Iivre
d'ellu'llll'llle Ú In diseussioll. 011 pellt lJicn diseuLer sesjllgc.
fllcnts ...
~1. le 1" .·e ... i"en1; !!il4"l1nei"er. Ce (jllC vous fait.es, ce


n'cst pas seulemenl rli,cllter les jugclllenls rendus, c'est
mettre 11 l'avance en suspieioll les jugements ú rcndre.
(Sow:elle apjm¡!mtiol1).


1\1. (;;.'anlel· de Cns""gn'H·. Laissez, laissez, mOnSiellr
le Président> le fond des jJensées se 1I1Ontrer au grand jour.
(/irllits diccrs.)


111. le X"re .. id"nt; ,",chllei<ler. J'invite la Chambre au
silence. MonsieUl' PelleLa ll, Yl:uiJlr'z eon Linuer.


lIl, EU;;Cl'" l"cHet,,,,. nI. le ministre de la juslice vÍl'nt
de dire que e'est une l'aIOlllllie ....


111. le Gat'de de .. ",· .. aux. Oui! pOllr la 1lI3gislrature!
~1. I'u¡.:,~ne .. ellet ..... CIIC ealOlJlllie pom la lIlagislra-


,ul'e, dit¡:s·yous? lllilis les ['ails YOIll vous \'t\londre :
Dc'puis srize uus, non s anms vu délilf'I' su\' It,s li:llIcs ue


i:1 po!i'~e correcliollllclle !!iCII ¡j(~S ]Irocés de prcsse in telltés
¡¡ qui done'! ü des avenluriers de la parole? ~Oll, rncssieurs,
;.\ des !wmmps considér .. tlJles, ¡Ilustres mÜll1c, académiciens, '. \ r




- 20-


anciens déput{'s, ancÍens pairs de France. En connaissez-
vous un seul ¡¡ni Git l'clJappe a 13 eondamnation?


I'U:. le Gll .. de de .... ecaux. Mais (~erl:1incaícnt!
;\1[. IEu.,ene ¡-ellelnn. Non, iln'y a [las el! un acc¡uitu-


ment.
Voix dil'crses. :Mais si! mai" si! - Cest lme errenr!
?U. I<~ngene PeUet" ... 1\on, pa:> un acquittcmcnt. (N 011-


ulles réclamations.)
A~ la gCluclw de t'O/'Cltl'llI". Cest vrai! e'est vrai!
rol!.I»ey .. u .... e. Cornment, c'est yrai! mais 11 Montpellil:r


011 vien! d'acr¡ui tter le S,;IIU/jJhore ...
C'est un outrag'e a la lIIagistratUl'e, et Ij()US protesto,},:


tons!
Vui:c lIombreuscs. Uui! oui !
Q/ldques JltelniJres ({ 11{ !/({/(clu'. Xon 1 non! pas tous!
1\1. Pey .. u ..... .,. La lllngisLl'nture rrall~aise es! hOllOrl'e


et respectée dans le pays; elle n'a ja\1lais manque iI se:> de-
voirs. (C'est Dmi! tris-bú'il. 1)


1\1. Eug(~ne Pelletan. Je répondrui a l'honorabll~
1\1. Peyrus~e : Je ll'ai pnrló que de la magistratnre de Paris, ..
(Vices exclaJnat!l}l!s, - n,'ud,)


lU. le i~ .. ésident. Sehneidcr. !\J, Pellctan, je \"OUS lÍe-
mande de ne poil:t deml~urer SUl' ce tcrt'ain, So:¡ez sur qla:
votre \bese, que votrc: cause n'a rien á y gagncr'. (Trfs-
bicl!! tres-bien!)


:U. Glnis.llizoin. Dal's l'opinioll publique, e'est difT(;renL.
lU. Ii:ugeme Pelle. an. Eh LÍl:lI, soit, je me trompe; je


veux bien me tromper pOUl' l'avenir; je !le demande pas
mieux que de voir des aCrjUitteúlCnts vClIir rompre l'impla-
c3ble monotonie des condamnations,


Mais encore fuudrait-il relldre a la prcsse, en cas de pro-
ces, la publicité Lles débats de I'andiencr,; cal' la publicitó, je
suppose, est nlle gUl'3ntie indispensable, aussi indispensable
pour crlni c¡ui juge que pour cclui qui est jugé.


Et, en efTct, messiell}'~, l'jwlllllle livl'é a son isolerrw!ll,
est faible au moral comme au pltysic¡ue, il a besoin, pUlir
bien penser, ponr hien agir, d'avoir ¡¡ cOté de lui une sc-
conde conscience, la conscience extérieure en quelqlle surte
de son sClllblable. C"est lu sa force et aussi ~a gTandeur.




-21 -
Le législ~t8Ul' n youiu ¡¡!w derri(!re le jllge rt 3nloUl' dll


juge, lo peuple lout cntic-r, i!l\"isilill~ mais présent, 8ssistat
comme un iUlIllense jul'y aux déoa ls de l'audictlcc, et
[[u'il jugcát ti son tour le jugenwllt.


Cette gar~lItie vous l';weordi'z Ü lous les condarnIl{~s sallS
exception, VOll.' l'neeordez au dernier eseroe, vous l'aceor-
dez a la derniól'r: prostituée, á toute l'éeume de la poliee
COl' eetionnelle, et YOIIS la refusez á [[ui't Aux éerivains,
e'est-a-dire á des hommcs qui únl pu laisser éehappor une
pnrole imprudente, mnis qui, mC:me au sortir d'une eOI1-
damllation, ont toujollrs le droil de pOl'lOr lo front levé!
(Ti'¡;s-bien! t I'I;"-[¡ ¿m ! 11 la yauche de l'o/'({tcul'.)


:M:essieurs, pourqlloi la.nl de rigueurs eontre la prc·s.3e'
Fn '!npmbre. Pnrce lju'elll) fait de; m3l.
?l1!. l';n¡.::t~"", .... lIct'm. Elle n fuit plus de bien que de


mal... Si elle lIe faisnit llile du Jllnl, il famlrait plutót la
suppl'imer. Mnis ess:lycz de la sU]lprimer, et vous verrez
que! antl'e mal nnilr3 de celle SUppl'l""sioll.


Qucll0 idóe vOllsfailes-volls done de la jll'esse? Il y a, ,ie
le sais, des hommcs que j'n ppellel'ai ¡es sourcls-mllets vo-
IO!l:ail'es de la politil]ue ... (Soilrires), qui trouvcnl que I'on
parle lOUjOlll'S beuucou]l 11'0]) en Fl'ance, el. que Ir meille1ll'
;:rouvernclTIenl serait le gouvernement du silence, POll!'
ceux-ill, aSSUl'l\mént, la ¡lI'l'SoC est ulIe industrie dangc-
reus(); e'est une puissance mall'aisante qU'OlJ ne saurait
¡J3n¡ucr trop droilement, comme l'on parr¡llait la rDeo jlllvc
au Dluycn <lge .


.le ne I'ais pas J'injlll'e ;1 ;\L le millistt'c de l'intl"l'ir:lIr de)
SUPPl)SCl' qu'il pnrlage COillplótl'tw:llt eelte opiniol1; mais
c¡uand je lis son exposó des motif:i, j'y trouve beaucoup
trop les ]Jl'éjuglis CJ'lÍ régnent dilUS les régions uu pouyoit,.
POllr lui, le droit d'{:cl'ire, Ir: droit u'exprimer, de COll1-
l1lunirlUer Sil pcn;~l'~(', ll\~t pus un droit nalurcl, un droit
inviolable que t.OllS ks SOllverllerncnts doivCllt )'r:s¡wcter.
C~: lÚ'SL, en ljueli/lw ~Ol'le, qu'un don graeicux, qu'une
cuBec"siun quo le pOll\'(Jil' l)l'ut at:l'I)l'Jer et retirer a volonté,
/fui a sa haussc el S3 lJaisse selol! les eil'eonslanc.es.


En un mol, M. le ministre de I'inlél'icur eroit que le Gon-
V8l'{WtlleJÜ possédc le domaine éminent de la pensée, eommo




- 22 -


Loui, XI\' l'üssódait ::mtrdois le donl'linn {~lllinei1t ¡lu ler.:i-
toire.


Je uCLllnnde pardon i\ 1\1. le rninistrn, mGis la prcsse est
nutl'c cllOse : elle est, ji.' nc dií':li p:iS un dl'oit, IjuoiqlW je le,
pense, parce quP JC parierais la languc d'Ull antre lellljJs que
ce tctllps-ci a trop ouuliét! ; Je ne dirai p:JS tJOIl pllls un qua-
trie me ponvoir: qu'est-ce IpÚlIl pouvoil' (¡tÚlIl !,eut l'ilYoyel'
tons les jou!'s en policl' correetionnl'lle, que ron e1wsse de
la me eomme un vagallOnd'! .Te dinlÍ Silllplclllcnt que la
prcssc est I'école tllntunlle de rO)Jinioll publique. 111l11'1'/:lp-
tioJl,,)


!\Ion honorabln intel'ruptem :lllr:1 i t-illa prdl'ulion UI' ClC,j¡'¡O
qn'il a plus eontrilJué 11 U'dncalion poliliquü dIO notre pa,ls
que Benj:nnin Constant ou AI'mand Cunel" H !J'ya ras (:11
clret dr' l'l,fonnr, sociale, {'l:ünomiquc, 'lui u'ajt ('¡(' ll'¡¡üol'Ll
élabor(~c par la presse, d'pnnduc pal'la prc"w dalls !'ol'jllio:J
puulirrue, et de l'opiuiou publique rCH'I',;¡"ü dall'; ['mllc du
scnttin. et du sl'l'utiu élc\'{'f) :IU Corps ll-gisl:tlif, oit elle ]l1'ClJÜ
la formo de loí, el de lui (J'¡lUUlllt filu~ uisi,ltwnt olJéie, d'au-
tant plus raeilemclIl rp~pCCI("I', qu'dlc> tl'ouvn une OpiUjOll pu-
blique cO:1vl;rtic d'avnncc, Aussi jü croirais rauais,(~I' 1'1
presoe si jo,' vellais nujoul'lnlUi la dd'enUI'ü; nllc> él de troj)
gloI'Íeux états de Sl'l'\'i<~()S pour ayoir uesoin d'apologíc. ~Oll
npologip, n'est son histoire; je ne la d(~rl,nds donc I'as, ju 1:1
gloritie jJmemellt et ,implement, et ell ddillilive ell l ) a as,;pz
soufferl dans ces dernicrs teml's pour avoi!' In d['oi[, de I'ur-
gueil, (Tn's-IJicn,' t¡',:s-IJiclI! ({ lu !J!lIl!:Iu: dr: rum/I'ar,)


Je termine, messieul's; Ilwis, :J\'ant de dcscclIdre de edle
trihune, un derniel' mot encore,


AssurÉ'ment jo ne me fais jJ:Js d'illusioll SUI' ce projet de
loi; iI ne proIllet pns de jours sel'f~ins 11 b r:r'('sse, il !le lui
en donnera paso Je ne veux Jl3S porter un ddj ill'avenir,
llwis les jJl'oces prósel1ts nous pl'ophl'tiscn 1 assez Jr,s proL'ós
futurs, ::\'ous ¡¡!lons cncore voir le~ jOlll'IWUX dr,scendl'c pel'
longues l11es dans l'al'une judieiaire el lullel' r,n vain coulr.:
le sol'l, et tomber les UIlS el Ilos atltres comIlle les gladiall'uI's
de la pensóe : Ave, Cr:esnl', inoritu/'i te salutal1t I (H,Ce/'l/lta-
tions et mouveml!nts dirers.j


1\1. BelolOotet, ~Iais il n8 1I18urent IJ8S du [out 1




:\1, Eu¡.:;i."H.' P .. lle~a ... J'Di Ú'Cll ;iÓ'l' d 'hOllll1lC, et jI' COll-
nais u,sez !'histoil'c dt, ilion temps I't l'llistoire des telllf.'s
p:iSS('S pOUI' s~\'uil' que I"s gouvl'rncm(~llts, dermis súixnnte
a:!s, Ullt luus plus ou lI!oins I('a~i ellflti't.' la liberté de 1:1
P¡'t'S~C, ct 'ju'¡l lelli''; ll"fU'CS u'irrilalioll, c'esL-:1-dire de fai,-
bless!!, ils oot t:l1I~I'dll' ti I'e.il'lcr sur elie Il~s méeomptes de
km pulili'llli', Uucl tJclléfke en out-ib retiró? Er¡ est-íl au-
cun lreUX qui ¡¡it prb UilllS la lersl~clllion un abOn[]eml~¡1 t a
la dUI'ée?


Le comilé de salut publie g'uillotinait k" jOUl'nalis!ps :
rpúst devenu le comité: de salut public 9


Le Directoire les d('portait á Cayelllle : qu'est devenu le
llirectoire?


Le premier Empil'e les l;xil~lit : qu"!,l de\'('l1u le premic;'
:~mpire?


La HeslaUl'alion Il's CCIlSlIl';Jit: qll'e~t d(JVl~lIlW la HesUlu-
I'ation?


La l,rf!"se a survl'cu :1 lous el's gOU\'Cl'llC'lllrnt.s; et, luu-
jours rrnppc'e et tOlljOlll'S delJout, ü travers les (;prcuvcs
comme ¡I trav(~rs les P';('só,!ulíons, elle a tOlljOurS llIarchó
d'un pas fatal comme le destill; car elle sait, cal' ello sell!
qu'clle porte en ,'!le UIl destill, le dC'slin dr: la l\l'\'olution
rran(;.aise, qui n'a ]las rait probablement le tOllr du lIlonde,
sons les ¡Ilis !in dl'npeall tl'ieolol'e, pour revenir expirer a
son point de d('I.Gel.


Voilá la gloire de la presse dan s le passé; ce sCl'a asa gloir'e
tlans l'avenir. (Vires 1IWl'ljW!" d'apprvúlltion S1/.I' les /ianes ú
la (fI},UCI!.,! di! l' Ol'llt,'1I i'.1




DISCUSSION GÉNÉRALE
(,rnr,)


DlSCOURS
DE


IvI. JULES SIMON
Dl!pull' de la Seine.


!U. \e ¡· .... ' .. hlent fi"c·hnehl"w. La pumle est a l'II. Jule,;
Simon.


JII. ,luJes Shuon. Messieurs, jc suis un ]larLisan absolu
de la libcrV~ absolne de la presse. (MOUl,'f/JWtt.).fe dirai frnn-
chemelll a la Chambre que jc ne l'ni jJas tonjours l~L{' ¡W
me'me poillt que je le süis; fai tOUjOlll'S VOUlll ct¡'e libl:'r~l,
el je erois l'avoir étl~ toute ma VilO; mais il y a des de[;I'I;",
eL l'on ['nil, ~ll[' le ehemill de la lihcrtú, des progl'és eOt11ll1C
sm l(JUS les nut¡'es. (Aos¡;nliment sur dice!'s úancs,)


La seule ehose que je doive ¡lU GOllvcrnemclll aetllcl, e\,,:
Ifav\lir micllx compris la n{cessité de In liberlé el l'i-tcndue
d() ses droits; ce n'esl pas pour en avoir [ail l'expél'icnc('~
sous le régime que !lons subissolls.


La loi de h presse qui pl'Oh;]bll~ll1ent va lomber par yotr('
yole ... (Ah! ah/) :'í~turetlell1('nt, mrt'sienrs, je !le parlo pas
de la loi qui est soumisC' il vos dl'lib(\rnliolls el qui ll'est (,n··
eore <¡u'un projcl de loi, je parle de la loi de la prcssc en
vigueur aujourd'hlli. Je J'C'prends : la loi qui va proba1Jle-
mClIt tomber pUl' votrc vote était tellcmcut rcstriclive, que




- 2ti-


jr ne m'étonne pas d'clltcndn, dil'c que volre projet de loi
constitue un progrcs dans le sens de la liberté.


Moí-meme jo me rallie a eette opinion : je reconnais que,
comparé au re'gime de la suppression, de l'autorisation
préalahle, des 8verlissemcnts, le proje! acluel peut paraitre
libéral á cer!ains csprils . .le me propose de montrer qu'il ne
resl pas, el comme vous le voyez, e'est la meme situation
qu'a prise dans le déhat mrm cher et éloquent ami, M. Pel-
letan. Nous sommas tous unsnimes, dans le parti de la li-
berté, pour prMérer la nouvelle loi a l'ancienne, et pour dé-
darer que la nouvelle loi ne vaut rien.


Nous avons meme fai! une démarche qui ne s'accorde pas
ayec la dl~claration par laquelle j'ai commencé ce discours,
quand nous avons présenté des 8mendements qui semblent
consentir á certaincs restriclions de la libe¡'!p, et dont le but
vL'ritable est d'suénuer les restriclions que le proje! de la
f'ommissiotl nous impose. COttlllW 1'8 dil, avec uue loyau/é
illarruelle je I'nuds hommage) lit le rapporteur de la eom-
mission, ce n'est pas de notre par! une eontradielion; e'est
que, poursuivont un id(,ol que nous n'cspórons pas atleindre
sous le rrgimc actuol, nous acceptons, on attendan! la li-
berté tOlalo, dos libertés restreintes, qui soron! ponr nous
un instrument, ot pour le p8YS, une ('colo pratiqllo de la li-
berte de pensor. (Approbation ü la gauche de l'orateul'.)


Th'lessieurs, J'ai hesoin de montror avant tout quo le projet
actuel Jl'es! pas un ¡¡roje! libóral; j'en ai bosoin pour l'en-
semble de notre politique, et aussi pour Justifier l'opposition
que nous faisol~s ou texte qu'on nous appor!e. Soyez eer-
tains que si nous avions devant nous une loi de liberlé,
nous serions les premiers a la voter, el meme á la dót'endre •.
J'ai, personnellcment, le droit de le dire, e8r il m'esl arrivé
de monter á eelto tribune pour d&t'endre des projets propo-
sós par le Gouvernement, el qui on! élé ensuile volés á ¡'u-
nanimité. (C' est vrai 1)


.Je dis que le projct de loi n'esl i1 aueun point do vue un
¡Ifojet ¡ibúral, si on cesse de le comparer au l't~gime de l'au-
lorisation préalablc.


On aftirmait tout a l'heure que le régime de l'autorisa-
hon préala ble était l'muvre d'lln personnage fort important


2




- 26-


sons le r{'gime actuel, qui, tout récelllllwnt. en a revendí-
qué, avce honne foi et eourage, la patendt{·, Cest une el"-
I'euI'; eett0 triste création est lúl"l :JlleierllIL': d pl1l1l" ne l'íle;'
que ee détail, tout nus~i!ót npr'('s la o'ci'ollde iIlVDSíOIl, ¡"
parti I'oyaliste, ne se se¡ll~llt pus Hssez r,):,t ¡¡out' tPllil' la
Franee, eut reeouI'S Ü cetto arme des g'ouveraC'llwllts (fui
n'ont. pRS l'opinion pour' ClIX ,: il dablit le l'l'gíIlW d¡~ LWlori-
sRtion préalable; mais, eomllJe 011 eOll1ptail alors avee la li-
berté, il n'établit que pour un tClllpS trés-couI't, pour quel-
ques mois seulement, ecUe SO de d'état ue si{:ge de la peosée,
Le terme arriva; le Gouyernement, qui doutait eneor'~ df~
lui -méme, demanda et obtint une prorogatilJn limilée ü la
dllrée d'une sessioll, Cette loi opprcssive a dure', quinze Illuís
sous la l\estauration el quil1Ze ans sous le se30nu Ernpirl~ .


.'l giluche de roraten/'. C'est cela! e'esL el~la 1
~I, dule .. ¡¡¡¡mono D¡'d)al'l'a~sée ue cettc: entrave, quelll:;


sont celle:s qui restent ü la IH'léSSe, IpIe pCl'sonne, pilS m~n¡L'
J'honorable M. Lafond d(, Saillt-~Iul', 11'; s'nvlsc:r3 de ¡Jéda-
rer désorrnais ulle prcsse libre UlillS 1I0trc pays '!


Les mesures (¡ue ron peut prendre eontrc la pl'csse sont,
eomme vous le S8vez, de dcux sorles : il y a les I!If'SUI'l~S
pr{,ventives et les mesures r{'pre:ssives; el les IIlCSllrl'S [m;-
\'entives pement clre elleS-tlll'IlICS distingul'cs cn d¡,ux e!ilS-
ses suivant qu'elles détruisen!, la libertl', ou qUI' silllj)Jellll'lIL
elles Jn l'estreignent.


Les mesures qui détruiscnt la liberte sont ¡J'alJoru J'aul'-
risation préalable, que vous dctruisez, el Cllsuill! la eensur!:,
de sinistre mérnoire.


La censure u'existe pas ü I'ltellI'l; qu'il rst, en Frullce, pOUl'
les jourll8ux et pour les lines illdigénl~s; elle existe s8uie-
ment pour les théátres, pour les gl'iJvllrc~ l'l pour les 031;-
vres littéraires, journaux ou liHes, proveu:lIlt de l' !:tran-
ger.


HemarquL'z ce point, IUcssiCllrs, e~r QSsul'l'll1cnt iJ ('si
grave: la I;cnsure est lIJailltenuu ~0US le régillH' aclud ¡'l
sous celui que la eommíssioll HOUS prépare, lJüur lcs puliJi-
ealions étrangéres.


Ainsi un journal étranger, en ~rrivalH en Frailee, peut
étre arrété par ordre du ministre de l'illtérieur ou d'un de




- 2i -


,:es ~llbordonn(',. ~?IIS qu'on sache pourquoi. On dit un
,1'11'1' : « Le Ti/l/I", ["111I{1'/II'II I III"I'I' {¡('lile n'ont pas été distl'i-
ij!l(,s a Pnris. " Le: f,UlJliC n'en sail p8S le motif; le journal
inlerdit, pas dav¡Jlltagc . .'iofl-sculellwllt on pcuL cmp('cher
ia disll'ilJlIliun du 1I1111¡¡"l'U, Illais 011 1)[~lIt frappcI' l(! ]ollrJJal
d'inlerdiclion telllporaire ou ul'lillithe, et toujours avec le
mcme lI1ulisme. Cest l'al'bilruil'e dans toute su gloíl'e. Il
peut e:1 r,"sultcr, uans des telllps de cl'ÍSlO, que l'histoire
contcmpurainc s'al'l'óte pou!' !lUUS ¡¡la fl'untiére.


eette loi si dure l/existe pas chez la plllpart des peuples
dlO I'ElIropc. En Allgkterl'e, persollnc nc songerait iI atteIl-
ter a la li!JerU~ d'un JOUl'nal él!'ullger. Dans les Pays-Bas,
pcrsollne. MeUJe cu Pt'usse, ¡J0u!' que le ministre de l'inté-
ricur puissc iulel'dÍl'e la circulH tioll d'un journal étrnnger,
il {aul que ce joul'tial nit I':l{~ condnllluó par les tribunnux a
une peinc eJlll'ol'lalit In ~IlPIJt'()·'si,jil d'utl numrro; cncore y
a-t-illltll~ lilllile ;j lu dllri'c de J'illlel'uietiotl; tant 011 a com-
Ilfls Ijue J'illtCi'uic:tilJl! di'S H\T(!s (,l des ,I0urnnux élr:mgers
duit (jlll'lqlle dlUSC (J'inllOspil3liL'l' et de el'ucl, I¡uelque
dlOse d'inconcillHiJle avec les dl'oils I(~s IJlus élémclltail'cs
de In lib(~rl.i" d nveC le prillcipe J1l(~llle dcs sociétés trlodcl'-
nes! (Apjl}'iI!lIlllli)¿ IÍ /a !/(IIU;!w de rumlenr.)


Ainsi, IIlCssiellrs, ljllUtld Je dis que llOUS n'ayons pas la
cenSlIre, cntenucz que llOltS IIC J'avulIs pas pour nos jOUl'-
;HlUX inuigi'lIcs, el que !lOllS l'avous sous 53 forme la plus
dure pour It,S ¡¡vI'es el les jOlll'naux ctrallgers. Persolllle u'a
parló de ce ltlince détail. 11 u'én esl pas qucstion dans l'ex-
pusé dl!S JIlolils qui a prl'~cédé la prósentation du projet ue
loi; Oll ll'en trouve pas un mot dalls le I'apporl de la COtJl-
lllissioll. Oll uira it quc ccla coule de source. Cela seul peint
n-tal des espt'ils; l',lr il y a la assi¡ri-ll1cnl un raít ¡¡ui daus
une autre siluutioll mOl'ale el socinle aclrail préoccupé tout
le monde. (!Y()llc('l/e Ilpji/'ul)({tion .I/l!' les lilelJ!es filmes.)


Maintenant, jn vais parc(,nrir rupidelUcnl les mcsures
prl,vcnti"cs qui, S;1I15 supprill1cl' la li!Jel,té, la l'estl'éÍ-
gnellt.


Je trouve d'a!Júrd une exigel1l'c cOlJlrc lu(!uelle ne s'éle-
\\;I'ont pus d,- grandes obJeclions, c'est la lIécessité d'une
dédaratiotl Pt'(·'.ula!Jle. Volrc loi met enlre la publicatiutl uu




- 28-


journal et la déclaration un intervalle de quinzc jours, Cf)
qui es! long el inutiJe.


Vient ensuite l'obligation de déposer un numéro au pur-
que! el ¡¡ la mairie. Je n'insiste pas sur ces menus ddalls.
e'es! ¡ci que le fisc apparait, d'abord sous la forme du eau-
tionncment, que vous maintenez par prétermission, c'est-
a-di re en ne le suppriman! pas, et ensuite sous la forml'
plus blessanle et plus oppressive, du timbre.


L'honorable M. Pelletan a discuté tout a l'heure avnc une
grande force de raisonncmcnt el une grandc élévation de
principes la qucstion du cau!ionnemcn! el erlle du timbre.
Je me borne ici a les indiquer el a (~n mon!rer le carac-
tére. Non, ce n'es! pas au fond U1W mesure ¡¡scale; nous
avons des impOts bien autrement productifs, et s'il ne s'a-
gissait que d'un revenu du Trésor publico nous n'irions pas,
pour ceUe unique raisOll d'ajou!"r ¡¡uelques millions de plus
a notre Trésor, frapper un ilIlpol sur la pellsre; c'esl une
mesure rClstrictive qui dimillue la liberté, ou pinto! qui la
transforme en privilége. En vertll de cct!e mesure, dans un
pays ou la créa tion d'un journal es! dejá extrémemcnl dim-
ciJe a eause des frais de rédaction, d'adminislralion, d'irn-
pression el du prix exeeptionnel du papier, on peut ¡Jire qu'un
journal n'est véritablement fondé et ne vi! vi,ritable-
ment que quand il es! arrivé a obtcnir le marché des an-
nonees, c'esl-a·dire quand jI a longtemps vécu de sacri-
fiees el quand il a eonquis, a force de peine, un nombre
eonsidérable d'abonnés. Jusque-lil, c'est un journal qui
essaye de vivre, qui coúte de l'argent a ses fondateurs.
En metlant tout au mieux, il ne devieut profitablc pour
les actionnaires et par conséquent viable qu'au bou! de
plusienrs années.


A ces difticultés naturelles vous ajoutez le caulionne-
menl el le timbre; done l'us~ge de la liherté de la pressc,
de eelte liberté fondamentale, enlendez·le bien, CJlli, il
mes yeux, es! la premiere de tOlltes paree qu'elle est le
controle de toutes les autres, n'nppartirnt, en FraIlce, qu'á
eeux CJui pcuvent disposer d'un capital eom.id¿;rable; je di,;,
au bas mot, d'un demi-million, (Trés-bien! tlú·úien! it la
gallclte de l'orateuf'.)




- 2G-


Voilil qui est démocralique, en vérité! voila qui est con-
forme a l'esprit de la révolulioll !


Ce n'esl pas lout. Il ne surnl pas d'avoir de l'argellt; il
faul ll'Ouver un imprimeur. On en trouvera un, si vous
vonlez. Vous lenez la liberté de la presse dans volre main
par' l'imprimeur, Je sais Lien que, dans le projet du Gonvel'-
nement, sino n dans crlui do la commission, los brevets
d'imprimour et de Iibrail'8 sont supprimés. M, Pelleta n vous
le rappclait tout a I'heure, el il yapplaudissait. J'yapplau-
dis comme lui. Mais derriére le brevet, auquel vous re-
noncez, il y a la responsabilité, a laquelle vous ne renoncez
pas, que je sache; et cetto respoIlsabilité, savez-vons, an
I'ond, ce que c'est? C'est la plus détestable larme de la
censure.


Jo sais bien qu'cn supprimant le brevet vous dirninuez la
gene llue fait peser su/' les écrivains la respollsabilité de
J'illlprimeur; jo suis le prernior á le reconnaitre. Vous la di-
minuez, mais vous ne l'btez pus.


01', IlIcssieurs, HOUS avo[Js en France, et nous aurons
encore apres la présente loi, si elle est volee, un numbre
infini de délits de presse. II n'y a pas d'arsellal rnicux fourni
que celuí qui conlient les armes destinees a entraver la
pcnsée. Tous les gouvernements s'ingénient a le remplir d'a-
bord, et ensuite a l'utiliser. Ouvrez les juurnaux judiciaircs :
les écrivains, depuis quelques mois surtoul, y tieulIent plus
de place que les voleurs. On peut <lire, S311S exagération, que
la vie de cerlains journalistes n'est qu'une bataillo constante
avec le ministere public. Mais le journalistc, l'écl'ivain,
qu'est-ce? C'esi ou ce doit ell'e un hornrne qui a une idee,
qui oppartieut a UIl parti, il liTIO cause, el qui, par consé-
quent, doit élre prét u la ¡ulte et, s'ille fHut, au dévoue·
mento On se di:voue, Oll doit se dévouer ]Jour lIlle idée; Oll
se dévouo, 011 doit se d(:vouer pour un parti. Il est done
jJarfaitement natmcl que l'(crivain ne pense qu'u sa pas-
sion et a sa propag'ande, qu'i! oublie l'amende et la priSOíl.


Cependant, dorriere cet apótre ou cc martyl', a qui sa
{JSlJSl:e cache le péril, il y a un industrie! ¡¡ui prete ses
pl'esses soil U un jomnal do l'opposition, soil a un journal
!~¡: íl(!':lre:n('11~0!1t; qunlqupt'<ds l' J'uu ct ~I l'~ntt'~l sinlu~t~ln¡'I<>


'J"




- :10-
ment, et dont lo nature est de ne pas ovoir, á Litre d'indus-
triel, lIne opinion philosophique, rcjigicusc ou politique,
Cclui-lá n'est obligé ni de penser, ni de se dóvoucl', Telle
page flni vous rapportera ele la popularilé, de la gloil'e, de
J'influence, ne représrnte pour lui qu'un pél'il, el un p{~ril
plus grand que le vótre, puislju'il y va, pour lui, ouLre la
sentenee des tribunaux, de la possibilité d'une confls-
cation.


Quoi d'étonnan. llU'á la ll10indre phrose suspcctc ou do u-
teuse, il réponde á j'écl'Ívain : « Je ne suis pas, comme
vous, le général; je ne suis qu'un soldat obscur, et je ne
veux pas vous servir de chair á canon? »


Aussi voyons-nous lous les jours, á ID suite des nombl'eux
proces de presse donl le rt;cit obsótle nolre pensée, des im-
primeurs qui refusent leurs prrsses; jo dis des illlj)['imeurs
honnétes, Qui peuvent etro trés-lilJéraux, qui pCUVéllt s'in-
surger, comme hommes, contre toutes vos lois restrit;tirés,
mais Qui, n'ayant pas d'opposition a faire dans lems ¡¡tcliers,
agissent en commen;ants et en peres de famille, et sOllgent
pll1t6t á lours intérels qu'iJ leurs opinions. Que disais-je
donc, tout á l'heure, qu'illl'ya plus de censure en France?
La censure, la voilá, plus inquieto et plus jalouse que I'au-
treo Le ministre de l'intérieur ne s'en Inr'lc pas, ni lui, ni
ses agents : ils laissent raire il rintérét prtvé. Ces! peut-
elre le comble de l'art.


Ainsi, quoÍt¡ue vous nOlls apportiez, el c'csl un progres,
la suppression du breve! d'imprimeur el du brevet de li-
braire, comme vous ne nous apporlez pas en mGme tcmps
la suppression de la respollsabiJité de l'imprimeur, j'ai le
droit de dire quo, sous vos apparencos dc faux liberalisme,
vous laissez subsister la censure.


Je ne vous ai parlé jusqu'ici que des difticullés qu'éprouve
le journal pour arriver á naitre. Je SllppOSO rnaintcnant
(ju'il a son imprimeur, son argent, son papier timbré, el
qu'il peut fail'o son 8ppariLion dans le mondo.


La commcnce pour luí une s{~rie dt: nouvelles dirlicultl;s.
lililí faut un gérant, Vous dél'entlez aux déput(~s, aux Sl'Il3-
tcurs d'cn exercer les fonctions : promiere restrictio!l, En
out re, depuis une ¡oí Qui date, si je,ne lile tromp¡;, tll~ J'as-




- :H -


Sl~illblée legisla ti ve, vous exigcz que toul écrivain appose
,a ,ignalure :lU·dt:ssous de SOIl al'ticle.


Cesl, je l'avolll', ulJe quesliotl dé1icate el sur laqueHe les
avis peuvGllt étre parlagl·~s. ])'UI1 c(¡[i' Otl peut dire : il faut
'liJe ch:Jcull re'ponde de SOIl opinion, De ¡'mil re, on peut dire
:lUssi : i1 vaut mieux I/u'un parti s'exprime collectivement
r¡ue de donner la lJ3role a un individu isoló, et de créer
Clinsi des importances factice~, des occusions de querelles,
lles diftlcultós inlérieures, des responsalJilités multipliées.
Il n'ell est pas moills vrai ([u'il ya la une rr,striction, el, en
merne temps une de ces formalités que je n'aime pas a voir
dans la loi, paree que de deux choses l'une : ou on les ülude,
ou elles sont I'occasioll d'une yéritable illr¡uisition, La pI u-
part du temps, on les idude, et 011 a meme erige en sys·
[eme eeHe illlloeellte fraude, jJuisqu'il y a maintcmenl dans
l:ilaque journ31 UIIC sorte de fonctiollllaire préposé a la si·
;nw lllrc dl's arliclL'6 allonymcs.


Sur relle prcllliure dimculLé, que jc trouve assez l{)gcre,
\"0 11 S ('11 avez f01'1 Iw [¡ilemen! g¡'ejJ"é ulle autre, qui ne l'est
paso J(, parle de l'artlel() 11 o 1l\"C a u p8l' lequel vous bunnissez
deS jOll1'l1UUX les signatures de deux sorlcs de perSOnllf'S,
que jI) m'donlle, ell y('rik, de voil' I'l~unics dalls le llIeme ur-
tidl! dc loi; je serais ]Jresquc tentL' d'en demander pardon,
<lU nom des k;;'jsla ll;urs, 11 la se¡;onde des deux catégories
que je lIIentiolllle.


D'un CÍlll'" ce sonl lous ceux qui ont été condamnés a la
jlerle de Iuurs droils poliliques et eivils; de l'aulre qui '1 Ce
sont les princes de la famiJle de 13ourbon el cellX de la fa-
millo d'Orll'alls. La loi ne les llOmme pas, elle a soin de dire :
(( leS pel'sonnes auxquelles le torritoire de la France est
interdit. » On Q appelé celll tout a l'heure un euphémismc.
:'íon pas moi; j'nirnel'ais mieux nommer les exilés par 18ur
nom, cal' vous rernucz eu moi, avcc votre formule, de trop
trbles pOnSl'l's. Apri's lout, les farnilles princieres qui ont
¡"~té; en dehors dl¡ droit CU:rJUllln par la posscssioll de la cou·
ronnr jlayeut la ro 11 (;0 n dl' ce l'assl' en sulJissant un~ infor-
lillle quo la I'3isou politique explique; Illais cornment ou-
IJlicrai-jc ... Je u'ai f]u'a llle tournor de ce coté (t'orateur
i,¡dúfUe les {miles I1 sa (jU¡¿C!tI') pour no pos üublicr qu'en UII




- 32-


.i our douloureux soixante-six représentants du pays ont été
chassés du terriloire, et que pal'mi eux ... Non, je ne veux
nommer ní les abscnts, ni les morts ..•


Aujourd'hui I'amnistíe a été prononcée; plusicurs des
proscrits sont rentrés, a la profonde satisfaclioIl de ceux qui
adorent la liberté et qui aiment le génie: en voilit jusque
dans nos rangs. Mais, au Dom de la liberté, par respect
pour nous·mémes, ne rappelons pas ces souvenirs dans le
texte de nos lois, et puisqu'il ne reste plus que des princes,
eh biee, appelons-Ies par leur nomo JI y aura la du moirts


• des précédcnts et une excuse. (Tres-bien! tn;s-bien! el lu
gauche de l'orateur,)


" Je ne puis m'elllpécher d'ajouter que cette prosel'iption de
la peDséo des proscrils sera partieuliére a votre loi el a
notre pays. En Russie, un exilé en Sibérie en voie un al'licle
a un journal avec sa signature; le journal I'insére, aUCU!l
ministre ne le trouve mauvais.'(Rumeurs diverses.)


Apres avoir gené et trié le.; rédadeurs, vous vous l"aitcs
rédacteurs vous-memes par le cofnllluniljlle. Hemarquez que
le r:oll/.munilfwJ se glisso dans nos loís a la suite du droit de
réponse, mais il n'est pas le droit de réponse_ Le droit de
réponse est limité dans son étendue, dans son origine; le
communique, lui, n'est limité d'aucune far;on. Je ne sais pas,
apres avoir étudié les lois actuelles sur la presse avec le plus
grand soin, quelles sont les autorités qui on! ou fjui n'ont
pas le droit du commnniqué. Je vois á sun Dalle l'honorable
M. Guéroult et je suis convaincu qu'il n'en sait pas plus que
moi 11 ee sujet. (On rit.) Peul-etre serait-i1 vrai de dire que
quiconque exerce une fonctioll quelconque peut user et abu-
ser des droits du cormnuniqué. (Approúation ti la gauclte di'
l'orateut.) Quant a l'étendul' des tirades omcielles, la loi w'
trace pas de limites. Et pourquoi ne supposerais-je pas que
le Gouvernement, dans un accés d'eloquence, adressera a
un journal mal pensant asscz de communiqués pour k
remplir?


Vous me direz que j'abuse de la logique; mais 011 peut
abuser de la logique conlre la loi; contre les f¡¡its, on ne le
peul pas, paree que, daus la nature des choses, I'cxtrc'me
logique crsse u'dl'e qe la lo~ic¡ue; mais on lo pcut (01,['"




- 33 -


la loi, paree que tout co qui n'est pas défendu est permis, et
que l'absence de l'cstriction au droit do c()/JI,Jnllniljur! rond
possible l'excés de l'indiserétion,


Je place iel une disposition dont le moindre vioe est d'étro
inintelligible dan s ses torlllos pour vous qui l'appliquez, 01
pour nous qui la subissolls; une disposition qui varie selon
le venl qui souflle ou le ministre qui regne; équivoque,
trompeusc, malfaisanle oomme l'arbitraire; dont nos 110[.10-
rabIes eollégucs M. Thiers et M, Picard vous ont un jour en-
tretenus, qui a eté l'objet d'une interpellation repoussée, el
qui vient lout présentement d'étre la matiere d'un jugement
du tribunal de pollee eorreetionnelle : je veux parler de l'in-
terdietion do rendre comptc de nos débats, c'est-a-dire de
l'inlel'diction pour J'ólectour du droit de nous juger .


.Mais en véritó, n13ssinurs, cela 8st-il possible? Cela cst-il
adrnissible? Pour moi, J 'en rougis, ("lpjJrol)(ltion ü la ,qanche
de l'oraten)'.)


:\1 •• hIle .. Fan'e. C'est un abaissement.
:\1, .Jule", "'hnoll. ren rougis, Nous sommes les élus du


sutl'rage univo['sol, et le Illoins que 1l0US puissiolls [aire,
c'est de repondre devant nos eommettants, jour par jour,
honre par heure, de toutos nos paroles. de lous nos aete"
("Youcdlc ap)Jl'olwti()n Ü la !Jauche ile l'oratew .. ) J'irai plus
loin; en nous jugeant, en IlOUS eritiqu3nt avcc nmcrtumc,
avec injusLice, si vous vOlilez, ils ne [ont qu'user d'un dl'Oit
qu'on ne peut lcur r¡¡vir. (Tris,bien! tres-bien! s/tr les memes
banes.) Maintenir eette prohibilioll, ee serait attenter a la
souveraineté populait'c sur laquelle nos institutions repo-
sent, qui en est la source unique, la seultl légitimité, la COI1-
úeration, (Tn's'úien ü la gauche de l'o/,atenr,)


JI ne sumt pas q lie le pcuple connaisse nos votes, il faul
l¡u'il entende l'explicution que nous en donnons; qu'il soit
le témoin et lo Jllge de I'activité quo nous apportons da ns
1 'exercice do 1101l'e manda t; que nous vivions sous sos yeux,
il eIJa(¡uo hemo; je le repete, eL je no saurais trop le repótor.
(NO/ti'elles marques !l'ajJjJ)obatiu¡¿ ü la ,qanche de roratenr.)


Maintenant, m€18sicms, il res le dans les lois preventivcs
un dernipr point de vue plus humble, si vous youlez, cal'
c'cst le point de Vlle mcrcanlile; uwis, s'il parait humble,




- :H -


e'est quand on oublie qUr! la pressc (~st csselltiellclIlellt 1"
publieité, el que ce ne sr,rait pas la pr,illc d'e faire un jour-
nal, s'jl manquait d'écoulement. La vente dll jüunwl e,t
done, au premiu!' chef, une question de libertó. 01', vous avcz,
uans vos dispositions kgisla tives, des moyens de dirrun1Wl"
des moyens de ralentir, des moyells Je suppritlJer rL'enule-
mE'nt du joul'l1al. II y en a trois prineipaux.


L'un, c'est la concurren ce de ccrtains jou 1']]3UX que vous
no soumettez pas aux memcs lois que les Hutres. Ainsi, par
exemple, si la loi du timbre n'est pas uniform('ll1ent appli-
quée, si vous l'illlposez a lous les journaux, a l'exception
d'un seul, vous orga lIisez, vous, ministres de la loi, une eOll-
currence déloyale. (Oui, ¡;'esl Dmi! c'cst I't'Ili! rI, la WlUdl(; d/'
l'orateur.)


La seconde source d'injusticl~, e',~st la fallwus2 loi des an·
Donces judieiaircs. (Ah! ah!) JI Y n li¡, dnlls eel't<lins Mpnr-
tements, un revellU princier CDjJdlJlc ü llli s()ul d'alillll'lIter
unjournal. Vous róunissez sans n\"ee~sill' loules ees [llllIOllCes;
YOllS décidez sans nóeessit6 flu'elles paraítrollt obliguloire-
menl. 'lu'elles parailront dans un seul jOUl'nal, et vous fniles
désiglJ\¡ ce jOUl'nHI par qui? Non pas m(~llle par l'aulorilp
judiciail'e, qui au moins serait eompélcnte, et ne parailr8it
pas exclusivement, néeessairemenl pülitique; yüus le [<Ji ["s
désigner par les prérels, De teHe sorte que dans les dl'pa¡'-
temcnts, oú les jOIll'llaux out pOUl' Illissioll pl'illcipale de COil-
troler l'administratioll du prHel, c'esl lui qui tient dalls S3
main leur destinée el qui dispüse de leur fortllue. Aill~i
poin! de liberté de COlJllllerl~e, el par ~orJsl'ljuent point de
iberté de prC'sse. (Vive upjJ1'OImtion á la 1!(/llfhe dI' (ut'{(,


teur, )
Beste un droit. que je considórc eOlIllllC exorbitaut el 'lui,


a mon avis, a étl~ traitl~ llien k'gl'~relllelJt, je lui en demuw.lc
pardon, par M. le rapporteur de la COllllUissioll: c'est le
droit de vente sur la place publi¡[ue. ()lJ llüUS dit, pour loule
raison, que la surveiliallce de l~ voic publique apparliellt i¡
la police. Alors interJisez ü lous ks journaux la vellte ,ur
la voie publique; je m'en I'laindrai, IIIDis.le !le llÚ'1I ¡dain-
drai pas comllle d'uue injustice; talldis que, si vous la per-
mettez aux uns en In déJendant aux autres, vous me dOlltlez




une I'ois de plus le dl'Oit de dire que vous [l'avez ni le gOÚt
lIi nntelligence de la lilwrt<;. Il y a certains journaux pour
(¡ui la v 'nte ~Ilr In VOle jJ uLlique e8t seule JlossiLle; pour
t!lUS, dans les gr'andes villes, eHe cst la plus fructueuse. Que
faites,vou:i' Au\: joarnnux (lue vous aimez, que vous favori-
sez, aux jO:.Huau\: ({ui vous soutiennellt ...


:\1. Gl,,¡,,·llizoin. Qui vous llaltcnt. ..
1\1 • .In le s ~irnon. VOUS atcol'dez la permISSWI1 d'ctre


partoul, au coin de la rrie, su!' la borne, daus les éehoppes,
am gar8s de ehemins de fel'; parlout 011 les reneontre de-
vant soi, malgré soi. QU3nd on veut avoir des nouvelles, ne
lrouvant pas le journal (/u'on pl'éfere, on aeMte celui qu'on


a sous la mai n. e'est une part de notre propre clíent81e
que vous donnez a vos journaux. (lIwneurs diverses.)


Pour les ¡mtres, au toutraire, vous les eXilez, vous les tra-
quez: vous les r,~I('guez dans une boutique de librairie; el
il i'au! al/el' les elwrelwr ehez te mal'ehand qui paye patente
(la daus j,) ¡)UrDau IllClIIe du journlll. C'est la une inj,ustice;
Oll, pour mieux Jire, un drni de justiee. Cest lá une raveur
['aite a la presse oflieieuse:¡u détriment de la presse indé-
jJ,mdante. ;)'jl ya all monde un pl'ivilége, le voila; et pour-
taut nOU8 SOlfltllcS une ~oeieté qui se glorilie de l1e plus
aJIl1::t.tr:" ¡" jJl·ivill·ge. ~ous ne le ga¡'dons clu'jei; et d,lliS
q Ilelle alfaífe'· Dans uue all'airl: quí intl,res~e au premie¡'
cid'la pcnst'c. 011 dirait que nous avons des principes pour
tOllt le rc:sl'J ct que nous ll'en avons pas pour le3 JoUl'naux.
Le pl'ivilége, ú eiell Nous le bannisSOl1s de toutes nos lois;
la couliscallon! nous dédarons dans toutes nos tonstitutions
qu'elle ne pourra jamais élrc rétablie. Pour la jJresse .. e'est
ditférent; la eonliseation existe, le privilége existe, el, paree
que e'est la presse, on trouve inlloeente, admirable, eelte
violation de [OUS les principes. Qu'esl-c.e done que ID presse,
sinollla pensée? Voila la Franee de 8!) telle que vous la faites!
(~ela n'est ni SI: 11 SI·" Ili .Inst.e, lIi honorable; cela est impot;-
oíble. (Tres-bien! ú la ijanclw de rom/eur.)


Ai-jc eill~ toules vos meSlll'es prl:yenlives? En lout eas,
eu voila assez. Je me demande COffiment eette presse, ainsi
ellehaí!1l'~e el garrottée, va devenir un danger pour le pou··
voír impél'ial. (Exclarnations.)




Cependan t vous maintencz loutes les díspositions les plus
dures de nos lois répressives. leí vous n'cssaicrez pas de
prétendre que vous aycz fait des progrós.


D'abord vous punisscz dans un jomnal non pas seulement
l'aetion, mais l'opinion, la théorie, la t1iseussion, a quelque
hauteur qu'elle se place. Vous avez un cerlain nombre de
doctrines pr-ivilégiées, qui sont simplernent les plus impor-
tantes; et, dI'! votre certaine scicnce et pleine puissance, et
aussi apparemment de votre autorité spirituelle, vous les
déclarez inviolables.


Vous faites durer la responsabilité des ddits de press8
pendant un espace de trois ans, c'est-a-dirc que ce qui
pouvait forl bien n'élre pas un délit le jour Ol! iI a étó écril,
se trom¡e etre, trois ans aprés, un délit formel. Telle opi-
Ilion esl frappé(" au norn de la loi, qui, trois ~ns aupal'a-
vant, de l'avis de tons et de 1'al'is du Gouvcl'l1cmr:¡¡t lui-
meme, était la ehose du monde la plus IHlrJ"aitement licile.


La Hcstaurntion, que j'ai (kja eilé'e, n'dait pas si dure
que vous ...


M. Glah.·Rizoln. Oh! non!
M • .Jule .. !!'iiInon • .... Cal', d'apres l'article 29 de la loi du


26 mai 1819, la ]Joursuite du ministere publie était pres-
crite par six mois. Aujourd'hui, elle l'est par trois on8;
voila la différence. M. le rappOl'teUl' nous dit a cela: C'es!
le droit comrnun! 011 répond a tout avee ce mol: le droil
cornrnun. 1\Iai8 le droit commun, e'est Ulle lIH.)me regle ap-
pliquée aux mCllles clloses on aux ehoses analogues. :\"on!
nonl rien n'est plus inique que d'appli<[uel' le dl'oit COlllrnUll
tel que vous l'entendez ú une lllatiére aussi dilfél'enle que
eelle-ci de lous les délits énumérés dans le code pénal. El
quand vous assimilez les délits de presse a uu délil commis
contre la morale étemelle, a un délit qualifié, préeis, déter-
miné, vous savez bien que vous fait.es une assilllilalion
inacceplable. Vous eOllserl'CZ entiére la loi sur la dilTarna-
tion. Cest un ]JOilll dé/ieat; el il n'y a pas longtemps 'Iu'un
personllage célébl'e que j'aí dl'.ia eu oceasioll de t:itel', dl;'
mandait de fondel' la liberté de la presse sur une lég'lslalion
de plus en plus sévére conlre la diffamation. JI voulait,
disait-il, prémunir la presse contre ses propres exces et di-




-;Ji -


Illinuc:r 18 nombre de ses ellnemi::; en diminuant celuí de ses
droits. C'est un genre nouveau et curieux de líbéralisme.
Ccttc application inaltendue du proverbe « Qui aime bien
chiltic bien, » n'a flas séduit, flue je sache, les partisans de
la libertó dc l~ prcssc,


Quant á moi, messic:urs, jc suis encore ¡ci, ce n'est pag
la prelllicre rois, complétement a l'opposé des doctrines du
perso:lnage auquel je fais allusion, cal', loin de demander
que la loi sur la dill'amalion soit aggravée, je voudrais per-
mettre partout la preuve des faits; partout, dis·je, dans tous
les cas, pour toutes les porsonnos, non-seulement pour ceux
f[Ue protége, a mon profond rogret, l'article 7ti, mais pour
les particuliers. Je n'admets pas uno loi qui croit protégcr
rnon honneur en punissant celui C[ui m'a attaqué, sans mc
permettre de faire la preuve que la difl'arnation est une ca-
lomnie. Cela rappelle trait pour tl'ait la jurisprudence du
duo/, cal', quund Oll m'a insulté et que je réponds par un
sourtlet et un coup d'épée, je prouve que je suis brave ....


1\1. Granier de Cassa;::nne. C'est M'Ja quelque chose.
M .• lules "'inlOn •. .. Mais non pas que jo suis honnete.


J'arretc la pnrole, au moins pour un temps; je n'agis pas
sur les convíctiolls, Le plus miséralJle coquin, apres trois á
([uatre duels, obtient le re pos, mais non le respect,


A votre jurisprudenec de la dilTamaLion quí défend la
preuve, jc préfere une.loi virile qui nous oblige tous a la
dérense el nous mette faee á faee aver, les aeeusateurs.


1\1. (it'onie .. de Cassagnac. Et I'intérieur des familles,
vous voulez l'ouvrir au public et aux dílfamateurs 1


1\1. Jute .. "'hnon. Vous conservez en outre une législa-
tion dangereuse, parce flu'elle est équivoque, sur le délit
d'olfense a la morale publique et religieuse, et sur le dé lit
de fausses nouvelles, quí, je crois, est de eréation récente.
n est vrai flue quand il s'est produit pour la premiel'e fois,
i! avait une aggraYalion d'une nature étrange: la fausse
nOllvelle émise de bonne roi n'cn élait pas llloins un crime,
quí pouvait amener la conliscation du jourllal. On a reculé
devant I'énormité do celte jurispruden(~e. Maís le délit de
faussc nouycllc subsiste, eL nous sommes exposés a yoir,
comme cela osI arrivé a l'un des plus éminents rédaeteurs


:1




- ;38-


de la Recae des Deu,T-Mondes, M. Forcadc, un article Hverti
le samedi pour une fausse nouvelle, qui se trouva !e lundi
une nouvelle vraie, et meme omcielle, publiée dans le
lIfaniteur par un ministre. (Tres-bien I u la ljaudUJ de ¡'o-
rateu!'.)


Je passe sur la publicité des proces, que vous nepermettcz
pas, quoique ce soit la garanlie uécessaire de toute bonne
justice. Mais ce que je ne puis pas laisser sans protcstation,
e'esl le maintien du droil de suspension el du droit de sup-
pression. Je le disais tout a I'heure, c'est la confiscation
meme.


De meme que l'écrivain eSlohligé de lutter, je ne dirai
pas contre I'imprimeur, mais eontre le brevet, la fortune el
la carriAre de l'imprimeur, pour obtcnir dans ecrtnins ras
I'usage des presses, de meme, dans un autre ordre de rela-
tions, il est obligé de débattre ses droits, el, pour ainsi dire,
sa consclencc, contre les propriélaires de SOI1 jOllrnat.


Combien de fois, quaud tlOllS gourmandons un journal de
sa mollesse, quand n\Jus lui reprochons de ne pas marcher
droit a l'cnnerni daus les questiol1s de principes, enlendons-
nous le rúdacteur llOUS répondre: • Mais je représente un
million, un miltion qui n'es! pas a moi. Je slIis doublement
tenu a la prudence. » Ce n'est pas lui qui repond aiusi, e'est
In peine de lo coufiscatioll, cOllservée d:ll1s vos lois, flui ré-
pOild par sa boU(~be.


Comment, la peine de la eonfiseation, bannie de toutes
nos loís, subsistera pour les journaux! Comment, voiei un
écrivoin qui, un jour, a écrit, peut-elre par mégarde ou
par maladresse, une phrase dont lui-meme n'apercevait pas
la portée, qui, pour cette phrase, a été IJlilmé le lelldelllain
par son rédacteur en chef, qui g'étonne luí-meme de bonne
roí de l'opinion qu'on lui attribue, et cet écrivain, pour eette


. phrase, est traduit en jugement, il es! condamné, et tout
aussilot le journal est suspendll ; il es! supprimé, sans qu'jl
y ait eu délit récl ni intention de nuil'e? Tous ceux qui ont
mis leur argent dan s le journal sont punis pour ceUe fuute
qui n'existe pas? La confiscation les frappe tous? Je le
demande, cela est-il dans nos lIlCBurs? cela peut-il res ter
dans nos lois ?




- 3~ -


J'en ai dit assez pour prouver que eelte loi nouH:llc, si
elle ne venail pas a la suite du décret du 17 fóvrir:r 1852,
serait eonsidlTc'e comme une loi dure et comme la n{ogalion
forrnelle de lu libertó en rnutierc de pressc. (Tris-bien! a la
gauclw de /'ort/Ü'ur.)


Elle R, d'uillcurs, un cUrnC!él'e singlllier pour no[re temps.
Nous no CCSSOtlS de dirr: do tous les cOlés de rette Cltambre
el de lous les eótés du puys que nous sommes ulle soeiété
fondl'e sur \'égali tó el lu volonté nfltionale; el ne voyez·vous
pas que c'($l le pays légal que vous reconstruisez dans le
monde de lu pensée? En faisan! que les journaux ne ¡lUis-
sent naitre qu'a la contlilion d'avoir un demi-million dans
lcur caisse, ne voyez-vous pas que vous rayez d'un trait de
plume, pour tout ce qui est prolétaire, la liberté de penser
et d'¡':crire ?


Je ne puis pas adrnt:ltre qu'ulI gouvernement declare n'e-
xister que p~r la YOlontó natiollnle, qu'il fosse appel, en
toutc oGCaSiOll, 3U nombre dc~ surTruges qui I'out crc(', qu'il
se van te de n'avoir pas une in~titution qui ne repose sur le
surl'1'8gs universel, et qu'i! introduise le pays légal dans le
rilontle de la ponsóe.


A,surómcnt vous avez fail un anachrouisme quund vous
a"cz acccpt¡'~ la doctrine du caulionuemenl el du timbre. Ils
etaient dans la logique de leur simalion ceux qui disaient,
i\ y a cinquolnte ans : 1\ous ne voulons pas contlel' les inté-"
réls de la soeiót\~ ¡¡ des IlOtnmes qui ue représentent rleu
qu'eux-memes, Cjui n'ont pas une surface, qui ne sont pas
propriétaircs dans le sol. Ils avaient le droit d'¡¡ppliquer
cetle doctrine a la pi'f",se, puisqu'ils l'appliquaient au droit
de suITragc.


Mais si on a fait une r¡":\'Olulion pOUl' abolir le pay,s JégRI
et instituer le suITra;;c universcl, COlfllllent se fail-U que la
lll(!tIlC révolulion n'ait pns bu luye! le timbrectIc cautionnCtIlClll?


.Tü con\'i(:ns que tout le mOlide nc voit pas illlml,¡jiatemcl1t
rimJíOl't~ncc du droit de !,cnsl:r el tl'(;cril'e, tandis que le
dCl'lli()r citoyen comprclld l'illlportDllce du dl'oit de sulIrage.
::;i la pl'CSSC n'est pos eneol'C uni versellelllent connue, uni-
versellemcnt aimée, e'est que pour voir en elle la plus vitale
de nos liberlós, il fHllt avoir ulle intelligence déja exercée




- 40-


aux lultes poliliques; il faut avoil' essuyé de se servir des
autres droits; avoir été gené dan, leur exercice, avoir ['ait
appel il ce droit de controle et n'avoir pu faire entenure se"
justes réclamations, e'est a celte dure école qu'on apprend
ce que e'est que le journal, et quelle place il tient dans la
liLerté d'un pays. J'admire qu'au lieu de faire pénétrer cette
vérité dans les masses, vous fassiez de la presse une insti-
tutionaristoeratique, quand l'aristocratie n'existe plus. Cest
lil une inju¡¡.tiee et une contradietion qui n'ollt que trop
duré, et Je regarde eomme un malheur public qu'une loi
faite en 1868 les maintienne et les glorifico (Marques d'ap-
probation ci la ganche de l'oratenr.)


Je pourrais, messieurs, dire ici qu'en accroissant ainsi
l'importance du capital dan s les <juestiolls de presse, vous
alleza des conséqueuces graves.


Je me bOrllerai a un seul mot sur ce ¡¡oint.
Est··ee que je me trompe? Est-ce qll'il n'est pus néces-


saire il la netleté des opérations comrnerciales qu'il existe
une pl'esse indépendante de la queslion d'argent? Assuré-
ment, rnessieurs, il y a en France un grand nombre de jom-
naux dont les actiomwires Wllt de petils et honnetes capi-
talistes ayant pris des actions de ¡¡OO 011 de 1,000 f'rancs, et
ne se rnelant pas le moins du monde des grandes aITaires
commerciales. Mais voici une puro hypothese, une ficlion,
que j'ai apparernment le droit de faire, puis(¡u'i! suf'tit pour
cela I¡u'elle ne soit pas invraisemblable.


Ne puis-,ie supposer pom un moment que quclque grand
financior fonde un journal en prenant a lui seul toutes les
actions? El, si cc grand financiel', si ce journal existent,
(jueHe sel'a la sitllatioL1 réciprolJue de l'homme d'aITaires et
du rédacteur en chef'? Pcut-etre Lien que l'hommc d'alTaires
dira au journal : « Je vous ni fondé pOU[' défendl'e le Gouvcr-
nerncnt. » Mais peut-elre aussi qu'illui dira : « Je vous si
fondó pour l'att81¡Uer, lJuoiquc moi je ne l'attaquc pas rnoi-
meme, et vous I'atlac¡uerez pal'ce que je veux me fairo lIne
clientele dans l'oppositioll. Je vous donne la liberté cOlltl'e
tout le monde, excepté contre moi et mes entreprises. »
Dites-mui, messieurs, est-ce que I:ette hypothóso est abso-
lument impossible~




- 41 -


Un rnernbl'e. Cela s'es! vu!
1\1 . .luJe .. Sim.on. Si cela s'est vu, ou seulemenl si cela


es! possible, et s'il peut y avoir ainsi des banquiers qui se
serven! de ce qu'il y a de plus noble au monde pour ¡'aire
les pires hesognes du monde, n'est-ce pas vous qui, par vos
lois, avcz comme á. plaisir créé cette immoralité, celte ill-
dignite?


Il Y a bien longtemps, messicurs, - c'était sous Louis XV,
el müme au commencement du regne de Louis XV, sous la
Régence, - vin! en France un homme, qui esl peul-élre
un escroc, el peut·etre un homme de génie. Il ronda une
entreprise souven! imitée depuis. Elle prit en un instanl des
proportions colossales; !'in ven teur se trouva le véritable
ministre de nos finances, avant d'en obtenÍl' le titre officiel;
il n'y avait personne, depuis le régent de France jusqu'au
dernier croquant, qui n'eút tout SOIl bien bypotbequé sur le
Mississipi. El puis, un jour, la dóbilcle arriva soudaine,
immense, irremédiable. Ces millions d'Amórique, don! Oll
s'ótait a/Tolé, disparurent comme ces bulles de saVOll que
chasse le soul'fle d'un enfant, el pendanl que tous les spécu-
latüul's gémissaient sur leurs desastres, savez-vous ce que
disait un historien plein d'originalitó, dont les vues sont
quelquel'ois aussi admirables que lo style? Il disait : « Est-
ce un homme de génie? Nous ne le pouvons pas savoir,
parce que nous n'avons pas de controle. En Anglelerre, 011
tout esl discuté, oú il Y a une presse libre, sa banque eut
pu étre un trai t de génie; mais ici, 011 nous avons la Ras-
tille, el pas de presse, il a ruiné nos finances. » (!lfouvp-
ment.) .


Oui, il y a une rela tion nécessaire ontre les atfaires et la
presse : relation d('plorable, si le monde des atfaires s'em-
pare de la presse pour en faire un instrument de mensonge;
relation excellente, ~i la presse se sert de son droit pour
controler el po u/' surveiller le monde des affaires. (Appro-
bati()n á la gauc1w de l'omteur.) Et plus nous allons, plus
la spéeulatioIl augmente, plus nous avons, hélas! beso in de
ce con trole.


Vous ne regardcz que le Gouvernement, parce que c'est
de ce coté que vous avez peur; mais ce n'est pas seul¿ment




- 42-
le Gouvernement que la presse controle, elle controle toules
les alfaires commereinles. No vous en plaiglloz pas,>et sul'-
tout ne l'attachez pas a son enncmi, en i'altnchant, en la
subol'donnant aux capitalistes, (Nouvelle approúation sur les
rnemes banr.:s.)


Voici ma derniel'e objcclioll, et c'ost la plus grave: o'est
que cotto ¡oi, si dUl'o poul' la liberté de la pl'esse, est en
meme temps, et néocssairer.1ent, opp\'ossive pou\' la libel'té
de la ponsée.


Nous parlons do la prosse; mais ost-ce seulemenl de la
presse qu'i1 s'agit? Il s'agit du livre, de toutes les manil't:s-
tatinns de l'intelligellce •


.Te le disais en commen¡;ant ce discours : plus jo vis, plus
j'ai peur de ces prescriptions au moyen desquelles on ¡;S-
saie de restroindre la lilJortí~> et c'est peu a peu, á l'aide de
J'expérience que donne la vio et de celle que donno l'his-
toire, que j'en suis VCIm a ne plus vouloir étre protógú con-
tl'O mni·mémü el ¡¡ demandel' pl1l'e et simple, cntii~rü, ab-
saIne, san s limites, la lilJerté de la pl'esse que .ie VClIX allssi
appelcr la liberté de la ,eil'nce. (lldhésiun á l(t gauclte de
l'ol'llteur,)


Soit quo je songe au controle poliliqlle, 011 au eontróle
des alTaires, ou au controle des iMes religieuses, si graves a
notre époque, ou a I'exercieo le plus llaturel de la pensl;e
appliquée a la connaissancc des fails et des causes, c'est-i{-
dire 3U développemcnt philosophique de 1'llOlIlllle, jI' ms
demande <oommellt il est possible, quand il es! si difficile,
hólas! de faire avancer les sciencos bumaincs, de dl;COU-
vrir au-delh des horizons connus des 11Orizolls plus vaslcs,
de donner ces plnines nouvellcs au reste do I'hulll:Jllité
eomme la plus lIuble, la plus néces;;aire lO! la plus sublime
des conqlletes; quand il y raut tant d'clTorts et de genie;
quand Desral'tes s'ecrie au moment oü il HIel la dernicre
main a son cheí',d'amvre: il me faudrait plusieurs vies
ajoutées les unes aux autres pOUl' aller jUSf¡U'aU hont de
Hla pensée ; qllanJ c'est la notre lourment, noll'e joie, nolre
avenir; qlland e'est pour cela, enfin, que nOllS sornmes des
hommes, .le me demande eomment il est possible que IJOIlS
¡lOllS or:CUpiOllS il inventer des lois restricli ves, á rendre




- 1.:1-


plus dWlcile celle l¡jche, 11 créer :lUtour de nous, 11 dórant
des inquisiteurs, flUi ne sont plus, des censeurs, des juges de
poli<:e corrcctiollnclle, un tribunal de l'esprit public, une
commission de colportage, un timbre, un cDutionnement,
des art'ótl's de pl'Cl'ets, des mOllt8gnes el ¡JUis des monta-
gncs de dimeullés el d·embuehcs.


N'osl-ce pas comme si l'on voulait empc)eher le monde de
marcher') Pour moi, je l'avoue, cela ressemble a un saeri-
¡¿'gr;. (Vire appro/Jation et applaudissements ir, la gauche ¡le
l'orateur.)


Je n'ai qu'une consolation, c'est de penser que tous c~s
obstacles accumulés vont bientOt, quoi que vous fassiez,
tomber fl1l poussiere. Toutes ces armes décriées et suran-
nées llont vous encombrez l'arsenal de vos ¡ois sur la
presse, elles sont finies, elles sont vermoulues; elles ne
sonl plus da ngereuses que pOllr vous; elles éclateront dans
vos IIwins. (Tn;s-óien! tl'l;s-bien! r't lrt ganche de l'omtenr.)
~ous irons plus difficilement, mais nous irons malgré


elles et mal;,jTé vous I Ah! si vos prédécesscurs dans la lutte
contri) la eOl1science et la pensée avaient él!) plus Ilabiles,
s'ils avnienl rÓllssi, nous sCl'iotls encore au troiziérne siecle.
(Assentimcnt it la gauche de l'orateul'.)


Je répete dOlle, messieurs, en linissant, ce que je disais
en cornmencant, et avoc uno conviction qui sera celle de
touto ma vie : il faut laisser la pen~éo a cllo-meme, il faut
la laissor dans In plénitude de sa liberté el do sa force; et
puisque nous avons dans les mains l'organe de la vórit!), ne
l'uilps pus a I'humanitl;, a la science, a la patrie, l'alTronl de
le dógl'uder et de le mutiler! (Marques de 11ive app1'Obr¡tion
sniDies d'applawl¡sSl'Illéllts, ti. lit {Jauclte de l'omteul'.)




DISCUSSION G}~Nf~RA1E
(SCITE)


DISCOLRS
DE


~f. JIJLES FAVRE
Député du Rhüne.


S}:ANCE DU 31 JAT\Vmn 18G8.


:\1. le p .... ; .. idcn~ SeJmeldel'. La paroJe est 11 M. Jlllcs
Favre.


:.\1 • .Iule .. Favre. Messieurs, ¡'honorable oratcur qui,
au nom du Gouvcrnemcnt, u répondu aux critilluGS de l'op-
position, et particulierernent au discoms q llC j'aÍ le regret
de ne pouvoir louer comme je le voudrais, étant trop inté-
ressé a l'admÍl'er ct 11 l'applaudir, je parle de celui de
lV1. 'l'IJiers; !'honorablE orateur du Gouvcrnernent, dis-je, a
declaré, des le début, qu'¡¡ n'enlendail pas répondre au cOté
poll tique de la (jueslion.


Je lui rends cette justice qu'íl a trés-exactement, trop
exacternent peut-elre, tenu pal'oJe; el commc le coté polili-
¡¡liIo étuit le point capital des observations quí avaient élt~
dírigées contre la loi, il en est resulté ([ue la harangue tres-
savante, trés-habile, I¡ue vous a\'rz entendue, cst demeul'ée
a coll' d(~ celle (¡u'cllc avait la prdcntion Ll'ébranler, commo
un monumcnt a peu prb exclusivcmcnt jlldiciail'c, révdant
piulo! rancicll procurclll' génl'l'u\ (Ille \e lllilli~II'C dI' l'illté-




- lV -


rieur. (2lfnrmures en {aec I?t it {r¡, droite de t'omtpui'. - Ad-
lt1jsion ü sa gaur:lte.)


1\'1, Ch .. dc.",l. Ce ll'e~1 pas uc tres·bon gout.
1\1 • • Jul~". f'"vre. Jo dcmancln il mon honorable COll-


tradicteur la permission de ne pas le suivre tout a fait dGns
la voie qu'¡¡ a choisie; et il mc semble lju'exposer, avcc la
méthode qu'il, a adoptée, l'écolloOlie el rordonnanee d'une
loi. démonlrer comOlent elle se rattaehe a la législatioll an-
téri~ure, essayer de justiller chacune de ses dispositions
comme efficaee et Juste, a eoup ~ur, e'est hl une CBlIvre ex-
cellente, mais flui peut,elre, devant vous, ne suffit paso


Vous avez besaio, et tous, sons e.\:eeptioll, nous partageons
ce sen~imenl, de vous rendre comple des nécessités poli ti-
que s aux<juelles le pI'ojet de loi correspondo 01', c'esl préci·
sément ce que AL le minislre de l'intérieur me parait avoir,
dalls le discours que j'ai (l'ailleurs admiré .;omme la Cham-
bre, peut-étre trop négligé.


En l'eotcndant, toul aussi bien qu'en lisanl I'exposé des
motifs do la loi (Iui est son ouvrage, je me demandais, el
vou.!; vous uelllundiez peut-etrc, quel étuit le principe qui
ovait animé le r(~daeteur et l'Ol'aleur, qudlc était la régle
génél'ale el supéricurc á iaquelle il obéissait. Il a [allu, au
moins pour rnoi, reffort de I'analyse pour la dégager des
développements au rnilicu desquels eHe dispal'aissait.
~l. le ministre de nntcl'ieur nous a dit que la presse est


une force ü la fois bienfoisante el nuisible, mais qui s'est
teHement acclimatéc pal'mi nous, qu'il n'cst plus possible
de nc pas compter avee elle.


Quclle pst vis·á-vis u'elle la rnission de rEtat? M.le mi-
nistre de l"intérieur l'a claircment tracée en vous disant qu'il
y a tl'ois cal'riéres dans lesquelle~ l'Etal pOllvait s'engagél'
pour la remplir : cclle de la censure, eelle de la réprcssion
administrative, cellc de la répression judieiaire,


C'esl dans cctte troisicme carriere que l'Etat s'esl cngagé
en vous présentant le pl'ojet de loi (jui vous est soumis. C'est
aussi I'économie de ce pl'0Jet de loi <¡Ile JI. le ministre a
€3sayé de justifier, el cela, (ju'il me soit permis de le dire,
avcc un calme el une aisance qui témoigncnt <1 u'il aurait
été aussi racile a ~1. le ministre de l'intérieur de démontrer


3.




- Mi-


(fue In lai étaiL s8ge el ((u'ollo devl'ait (:tre adoptée, si, au
liel! de la troisi8llle, l'Etal a v~it prc"Yérl' la premi{'ro, 8t pent·
NI'e la seconde des voies 'iU'il indiquait. De tollesorte
qu'en l'écout8IJt el en essay;mt de s:üsir quel pouvait ('Ire
le prineipe de :;on argumentation, j'ea étais bifm vile anivl',
á cette conviet.ion, triste pour moi, que la lh,'ol'ie de :U, lo
ministre se l'l',duit ir la slIprcmntie absolue de l"Elnt, I'll fa~e
de laquelle l'olJéissance systématique ot la soumissiol1 dis-
ciplinai¡'t) sont les pt'cmi6ros et les plus salulaires vertus.
(Tn's-úiell (¿ la gallche de t'omtcur.)


L'Elat, en elfot, resumo en lui-mcllle tOlltes les fore2s
sociales; il a la sagesse, iI a I'esprit do meSUl'e; et c'est lui
<tui, étant le dépositaire de tous les pOllvoirs, eanfére tous
Irs droits (¡u'il lui plait, IJuand il vent, quand il jllge OppOl'-
tun de les laissel' tamber sm' les cito\"ens nllxquols il los
octroio. (Approbation sur les úalles a la flauche de l'oJ'({-
teut,)


Ce!te th{'ol'io n'rst p~s nouv.!lle; mnis jl~ la lil'ns comme
la pllls filUS~P, la plus daug"ül'cuse, la plus fllIll'ste, I¡ui .ia-
mais ait élt\ enscign{'ü el [l1':llil[u(·,e.


Elle u'est pas de droit divin, bien que eependant elle en
proc6rl8. Le l!t'oit divin, HU ¡¡}lIiilS, rtuit augllste par son
origine, il se l'nttnchnit iJ la dignilé de l'hislolre; il étcn-
dnit sur les pOlJUlations le voile mystc'ricux de la roí. Le
dl'oit divin commandait a la ¡úis el la eonliallce et l'atrec-
tion. lei, mossieurs, e'esl ulle sOl'le d'illll'el'sl)n!lalit,~ fatale
qui, sortie du temps ou de I'ume électoI'all), n'cn domino
pas moins la nalion de toulo sa hnuteur, s'en sépare pour
de\"(~nir distincte d'elle, lui dicter ses lois el llli comrnandcr
!"obl;issance. (Nouceile appl'oliatiol! SIl/' les Illhnes (¡a¡¡r;s.)


n ne me pal'!lit pas IjU'UI10 senliJlullllJ doetl'ine puissc
tl'OU\'81' j81llais faveul' dans une nsscml.JI('o fr'arrl'.:¡i,o, el j'y
o['pose celle que je puise dans !TIa eonseionce el dans le~
le¡;ons de l'histoil'e.


A vrai dit'e, il n'est pas néecssail'c de long·tomps étudiel'
pou!' recounaÍlre et pour sentir que Dicu nOll::; a c!'éés libre,
('t intelligenls; qu'intelligellts et libres, nous avons le droit
de m311ifeslel' notre pensée et de la faire respecter en ce
monde; quo si nous !lOUS soutl1ettons au joug de la société,




-- ,'t7 -


c'esl il la condilioll que celle soció;.t~ favorise le dc;veloppe-
mcnt dn toutes les fncullés ql!e tlOUS tellons de Ilotl'e souve-
rain cl'óa le 11 1> ; nI, qu'il ne peut. y avoir de limites 11 ce dévc-
IOPlwmuut que ce '1ui pomrait blesser le droit d'autrui, '


Ii Y a done des droits qui sont supél'ielH's el nlJlérieul'ti il
toules les lois, et au nombre de ces droits, se place pl'écis0-
ment c,~llli de ponvoir manifester sa pensée; non pas de lu
laisscl' caplivc DU tond de S3 consciellce, ou nIle r"llconlt'[)-
rail ce privilége de l'inviolabilité que ~L le ministre de
l'intérieur claignait lui concéder, mais de la répandre au
dehors, aux quatre coins du monde, s'il le faul. Qnancl j e
erois avoir la vérité pour moi, ee n'est pas seulelllent un
droit mais un dovoir de la oonserver et d'elllployer lous les
llloyens qui sont en ma puissance pour la répandre pnrllli
mes scmlJlnbles.
Voil~ ce r¡u'est, a lIIon sens, la liberté de la presse, il quel


lJesoill mornl elle corres)lond, eL par quels droiLs impres-
c¡>iplilJ!es elln est cons8cróe. Je refuse au:\. pOllvoil's ¡¡ublics
le droit de lui concéder l'octroi de la naissancc; elll' est
nyunl ('IIX, elle leur est supórieure. Que dans les sociétl'~
Illllnaines on puisse rectHlel' ses abus, Cju'on puisse St' ¡!I>ó-
cilutionnei' contre les dangers de certoins acles (Iui sc-
raient do natul'e a pal'aitre coupables, je le veux; mais,
'luant au droit en lui-müme, il subsiste parce <púl eSI,
paree qu'il vient de l'homme, qui Jui·rnéme vicnt de Dieu;
el ee serait une impiété sacl'Mge que de vou!oir y portci'
atlcinte sans nécessité,


C'esl )JOU!' cela qU() toules les fois Cju'une loi est présentéc
aux pouvoÍl's pul¡lics, concomant la liberté d'ócrire, elle
C'xcite ulle lJi[~n naturolle et l(~gitime émotion, Chilcull sent,
COmlllQ le disait tres-bien l'illuslre ol'a~eur que vous avez
entendll hicI' U celle l['ibulle, qUl' ce dl'oit n'est pas sI!ule-
mcnt un droit pl'imo!dinl, mais qu'il est aVDn!. tout un dl'oit
de sülnt individucll't de salllt public; que l'abDisser, l'us-
servir, c'esl irnl'oser u I~ SOCil':Ó, comme al! ciloyeu, la ser-
vitude qui dégl'ade I'uu et l'uutre, El e'est pourquoi, mes-
sicurs, il est int6n~ssnnt de se demander non-seulement
([lICHe est la loi, quelles sont ses dispositions de détail, lIInis
cncore d'ou elle vient, 11 quel besoin moral elle corre~-




poñd, quelle peut &tre sa portee el qucIles pc\\\'ent eLl'e
ses ronsequellccs poliLiqucs.


Ce sont la, messieurs, les trois réflexiolls simples qui se
préscntl~l1t ¡¡ lllon esprit Dt que .ie vous demande la permis-
sion el'examincL' uriévemcnt avec vous.


Elles me paraisscnt d'autant plus indispcnsables que la loi,
tclle qu'elle cst llrl~sel1téc par le Gouverllemellt, me jeHe
elalls un embarras que je n'ai pas besoin de dl;guiser; jc
voudrais a la /'ois la voter et la rcpoussel'. (}y[oul'ements
divers.) Il est des dispoSlliol1s flue j'adopte, il en esl d'autres
que je considere comme /'0 Lales, Je vais plus loin, lJJes-
sieurs: elle rn'íllSpil'e un sentimellt ue tristesse N presque
el'humillation Cjllanel Je vois le chemin que nom aVOllS fait
en al'riére elepuis l'époque de rna jcunesse; C[uand je voís
ce qui á ce moment (,tait consieléré eommp un axiorne,
comme une vérité snlutnire, contesté, nió, bat'ouó par des
esprils qui cependant sont sérieux et dont la con!radictioll
mérite le respecl. Il faut ([ue u3ns notrl, société il y ait de
bien grantls malhenrs ou de bien gTands malentendlls pour
qu'ul1e pareille conl'uSWLl soit possible, et si ma raible parole
pOllvait la Llissiper ¡¡ quellJue degró que ce 1út, je ne eroirais
pas pel'Llu le temps que jü vous demande de vouloir bien
me sacrif1~I'.


Je dis que la loi contient des dispositions que nous accep-
tons el el'autres Cjue nous repoussollS. Di'jiL on s'en es! expli-
qué Llevant YOUS et 011 vous a dit eomment la loi IIe pouvait
pas (·tre repoussée par la [raetíon de la Chambre a laquelle
fai 1'I1011neur d'apparteniL'.


11 ya Jeux raisons dócisives et Ijue je lile borne á indi-
quer. La ¡¡¡'emiére, c'est ¡¡u'elle es! [a loi suceéelant a la
elietatUL'e, el eelle seulo conditioll suffiruil pOUL' que notre
votolui 1út aequis. La seconde, c'est qu'elle contient desdis-
positions qui amdiorenl, je le I'ecollnais, le l'égime sous
lequel la prcsse é'lai t placéc en verlu Llu décret dn 17 fé-
vrier 1802.


Ainsi l'uffl'unchissemcnt ele ¡'autol'isation, ninsi la L'éfOrllle
des lois sur l'ímprimcrie et sur la liurairie sont uos disjlu-
sitions auxr¡ue!lcs :;¡OUS donnons notL'e adhésion tout enliel'e.
Quant aux autros, est-il impossiule de les I'lofol'Lllel'? ~e




- M)-
peut-on los modili0r par un esprit libéral '1 N'y o-t-il pas,
pour nrrivor ¡¡ une srmblable détcl'minutioll, des raisotls
considcrables qui sont dignes de ¡¡XCI' notre attcntion et
auxquelles des esprit s sérieux, ues conscienccs delicatcs
éOmll1e les vulr .. s doivent ncccssairemer.t s'arretcr ?


C'rst lil ce que je veux examiner en parcourunt le cerde
qno je me suis t['ace, r¡ui me parait contonir a la fois les gr,-
nt"ralités et les uetails de la loi, qui nous permet d'interro-
gcl' son esprit et, chemin faisant, de rcpondro, s'il est pos-
sible, HUX objectiuns jUl'idiques que j'ai rencontr'ées dans
l'argumentation puissante de M. le ministro de I'intérieur.


Je dis d'abord qu'¡¡ est pour nous d'un intérot supérieur
do nous rendro complo de I'origine du projet do loi qui est
soumis á vos délilJérations; el ¡ci je n'ai plus d'efIorts a
essayer apres le discours si l'emarquable, apres la démons-
Ira tion, á Ja fois si brillante et si victorieuse, que nous
aVOIlS, les uns ot les autres, admirés dans la bouche de 1'110-
Durable M. Thiers.


Je ¡te sais si je m'abuso, mossieurs, mais il me semble,
- notrc honorable collégue n l'endu plus lumincuse que la
clarté un jour cette Vél'ité, - que le projet do loi ([ui Hons
est soumis n'est qu'un aveu de l'impuissanee et des funestas
effets du rógime ({ui I'a précédé.


L'l1onol'alJle l\LThiel's, en elfet, vous I'a dit, et jo no crois
pas qu'il soit possible de répondre a la question qu'i! a po-
sée: si le rógirne adminislratif élait le meilleur pour la
presse, poul'quoi le changez-vous? 11 est clair que vous
entendez accomplir un progres, et cependant iI est incontes-
table quo ce prugrús a eté nié par vous pendant de longues
années.


Pas plus que mon honornble colleguo M. Thiers.ie ne me
fais eette ilIusion, que vous puissiez, de quelque facon que
ce soit, etre seusibles aux plaintes de I'opposition; mais
iei, messieurs, les personnes no me sont rien, ce sont les
iU8es quo nous pronons la liberte d'exprimer qui peuvent
avoir quelque valour; 0[' il est impossible que nous ne nous
souvenions pas, et illl'y a aucune fausse modeslíe il évoquer
de selllblables faits, iI ost illlpossible, dis-je, que nous ne
HOUS souvcníons pas que nous UVOl1S été cinq dal1s cette




- ¡;O-


asseml!lée exposés non-sr,ulernent nuxeontradietions, m~is
ellcore aux raillerir,s de la majorit¡" ... (Murmures ct dellf(lo·
[ions sur un [lrand nombre de bmU''j), ne pOUV<IlJt pas 1101lS
lever dans eette r,neeinte ,'8118 rencolltl'CI' Hile mnlveillanrr
eontre laquelle, ¡¡ chaque instant, se bl'ÚiQ ieut !lOS pnroles ...
(Nouvmll.x murmures.) Messiems, h~ 3IuniteuI' S0]',lit liI
pom en témoigner, á supposel' que lIles souve!lil's fuss('nt
inexacts ... - Notm tlOil][JJ'e s'esl augíllelllé, et IDUS les prin-
cipes que nous Il'avions cessé de défemlre Ol1t fnit de tels jlro-
selytes que, quoiquc dc rort loill, il es! illljlossible de ne pas
reconnaitre leurs traces dalls le projet de loi quí vous es!
préscnté', (;Jfouvements ¡{iver.)),


Nous n'avions, en eIT()I, jalllais ¡¡ aueune époque, - nous
avons le droít de le rappeler - eessé de protester contre le
régime adminisLratif, non pas seule!l1ent parce que nous le
considérions cornme détestable pour le pays, mais paree
tIue !lOUS y VOyiOllS pour I'adrninistr:ltion, pour la grandeur,
pour la prospérité, pour la dignitó de 1101re pays, des dail-
gE'l'S cOlIsiuérables, }Ialhcureusement nou~ ne nous trolll-
pions pas, Et, lorsque 1l0US l'leviotls la vllix, ee n'é'lait pas
seulement contre I'autorilé de M. le ministl'e (fEtat qu'elle St)
brisait : j'aperyois a son baile I'bonorable garde des sceaux
qui, bien des loi:" en répondant a nos sollicitations, alors
que nous avions le droit, que 1l0US avons perdu, de faireeu-
tendre nos V03UX au cornmeneernent u() la se,:sioll, alors (IUé
nous demandions pour la presse le régirne J¡')gal, llOUS a dé-
ciaré que nos v(~)ux étaient térnéraires et qu'ils ne seraiellt
jamuis exaucl's. t;'élait pat' de selllblables paroles fine, s'at-
taelwnt au systcmc qu'il dde!ld~lit, il llOUS le prf'sentait
comme c]evant étl'e la c]ernlére raisoll (¡'elre politir¡ue du
Gouverncment ¡juijucl il cOllsncrait ses clTorts.


s, Ex.'. :'(,[. lR:u·oehc. [larde des saaux. Je n'ai jamais
di! cela.
:\~.,JlulesFa" .. e. Vous n'nvE'zjiJlIJaisditcela! ... le re-


cbercherai vos paroles dans le Jluniteur, mOllsieur le garde
des sCt'aux, et je vous pl'omets, ualls l,~ cours de la diseus-
sion, de vous donner salisfaction.


1\ •• le Gal'de de .. ",,,eanx. VOUS compr,~ncz que je!le
rúponds qu'á vos dernicres paroles par lesquelles vous pré-




- 'JI --


tendez que j'8111'ais dóclnró qnel)ollr moi, In ¡"'gislnlion qui
régissaiL alors Ja prr~s8 (;Iait In nrw plus ultra el ne serail
jamais modifiée,


:\-« • ..Jule,; r .. ",'('. Dans 10tH les cas." (,tlt! ah') dans
lous les cas, nous n'nvons pas perdu In mémoire des puroles
pli¡s f'écentcs qui daienl rappeli:'es dans la sranecd'bier par
l'llOtlorable M. Thiers, el que M. le ministre d'Etal ne eOll-
te;ll~l'a poinl; elles élaienl positives el nf~ttes.


M. le lllinisl['c d'Etat Hons disait, alors que quelques·-uns
d'el! Ire 1I0ns sollieitaient une modification sur les lois de 11
prrsse, que cette lllodific8lion ne serait pas obtenue, que le
l':gime de 1852 était nécessaire. Ces paroles avaient d'autant
plus de gravité qu'ell8s froissaient le sentiment d'nll nombre
respectable de nos honorables collégues, en meme tcmps
qu'elles élaiellt voisínes d'lIne slIrprise fort inattendue, peut·
elre pns ¡Jour M.le minístre (fEtal, qui pouvait, dés l'époque
OCI ¿'taient prollollcres des paroles contraires, etre dans la
cúnficlcllcc" mui, ¡IJU ltemlue pou!" nous qui ignorions com-
pldernulIt les dessdlls qui aUaient (,elore. Quoi qu'il en soít,
Les uesspillS, je lé demallue ellcorü Ulle fois, quelle peLlt &tr<:)
leur explicatíon politiquc, si ce n'esl eclle (luí a été donllée
par I'honora blo ~I. Thiel'S ¡¡ la séance d'hier?


Ah! TIlll IlC conleslera que, !ors de l'établissernent dn rt'-
gime actual, en 1851, la pl'esse a été réduite au plus hUlllble
v8ssclage. L'éLnt de siége a élé immédinlement déclaré a
Paris et, drll1s plusiours dóparlernents, des journ3ux ont été
suppl'imés, malgré et contre la loi. ..


:\1. Grunier de Cn ...... ¡;nae. Jo demande la parole.
~I. Jule ... ,'av.'c. Et quant a ceux qui sont restés debont,


il, ont obte:m d'adresscr au pouvoir leur approbation COI1-
lraint" et disciplin(;e.


Voilü, messieurs, ce I¡ue nOlls 3\'on8 Vll aprés l8:';!; je n'y
insiste pas davnllluge, pret a r('pundre, ccpcndant, si je
fl~IJContrais sur ce terrain une objeclion qui dilt etre
l'éf'i1lée.


Je n'ai pas le droit, messieurs, de suppléel' l'histoire; jo
n'en 3i ni la ¡orce, ni I'antorité, ni le pouvoir; mais je pllis,
d8tJS la discussion d'une loi qlli est consacrée a la liberté de
13 pressc, dire aquel degré de scrvitllde, un jour, elle a étp




- ti2-


condarnnée; cornmcnt, du soir au lendemain, de libre qu'ellc
était, elle est devenue captive, non pour les nécessités de la
Franee, mais pour les nécessilós du pouvoir qui s'étalJlis-
soit! (l'n's·bien! tres-bien! ü la gauche de l'orateur.)


Ces nécessités, que je ne conteste pas, elles s'ülTirme!1¡
bientót par les actes les moins équivoques. J'ai rappelé ceux
qui n'étaient que des faits violents et dictatoriaux; mais,
des la fin du mois de déeembre, on sentait le besoin d'inter-
vertir l'ordre des juridictions.


Permettez-moi de mettre sous vos yeux les termes d'ul1 dé-
cret qui porte la date du 31 déeembre et qui, contrairement
á tous les principes enseígnés par les docteurs et les juris-
consultes, conduit devant la juridiction quí est improvisée,
les auteurs des délits antérieurs á la ereation de cetle jUl'i-
diction meme :


« Considérant que parmi les délits prévus par les lois efl
vigueur sur la presse, ceux qui 80nt commis nu moyen de
la parole, tels que les délils d'o/fenses verbales ou de cris
sédilieux, se sont cOllsidérablement multipliés; cOllsidérsut
que l'attribution i! la cour d'nssises de la connaíssance de ees
délits rend la répression moins rapide et moins emenee;
considérant que les lois de proeédul'c et de compétcnce sont
ilIlmédiatemellt npplicables aux affnircs non encore jugées ;


« Décrete:
(( Art. 1 ero La connaissance de tous les llélits prévus par


les lois sur la presse et commis au moyea de la parole esl
déférée aux tribullnux de la poli ce corrcctionnelle. »


Voili! par queHe mesure s'affirmnit l'nlltorité.
1\'1. le baron de Benoh,t. Elle avait raison!
1\'1. Jule .. F .. v.'e. M. le ministre de l'inl6rieur a dit,


dans son exposé des motifs, qu'on avait passé 80US silenee
le droi! á la liberté de la presse, comme si, dans la penséc
de M. le lIlinistre de l'intérieur, ce silence, cette précautioll
avaient créé un droi! pour le pouvoir qui avait ensuitc la
possibilité de refuser ce dont il n'avait pas parlé.


n est vrai que 1\1. le ministre de l'intérieur, dans son cx-
posé des motifs, a raltacllé ce rait considérablc, je I'avone,
qu'il a qualifié de particulier, - il nous a dit que e'était une
particularité - a la constitution de 1852,




Non, c'était une nécessité, nécessité inflexible !levant la-
quelle il était impossible de fuir; il rallait nócessairement
nllénntir la pcnsée pour que le régime put se fonder.


On n lié celte constitution de i8iJ2 á celle du premier em-
pire: r,t dans quels termes? avec quel oubli de l'histoire !. ..
vous allez l'entendre: « Le premier besoin du pays,)) dit
l'exposé des motifs, a la page 5, en parlant de la législation
impérialc, « le premier besoin uu pays déchiré par la dis-
corde était l'apaisement des esprits; le calme était indis-
pensable pour fonder á l'intérieur des institulions durnbles,
I'accord de toutes les forces nationales ne l'était pas moins
pour nous donner, avec la victoire, la direction du monde
moderne. D'nutant plus libre qu'nucllne promesse constitu-
tionnelle ne le liait, l'empire,eomme le cOIlsulnt, impose au
journal et au livre un silence alors nécessaire .•


Eh birn, ce sont des parojes qu'il esl impossible d'necep-
ter dallE> un pays libre. Lp sílcnee n'est jamuis nécessniro, si
ce n'est á la tyrannie ... (/lec/l/mations sur un granel nom-
bre de &ancs) et la tyrannie ne IOlldo j<lmais l'Íen do solide.
Quand vous avez parlé de la victoire qui avait suivi nos
vaillantes armées, qlland vous avez parlé de la diroctiOIl du
monde qui nous avait été départie, vous avoz oublié les
jours de revers el la emello lec;on qu'ils ont infligéo á ce
capitaino victorieux enivré par le pouvoit' absolu sous lequel,
aprés I'avoir étondu snr lo monde entier, il a Hni par s'abj-
me!' llli-mémo !


La levon n étó rude, el la libertó de la prosse, qui avnit
été outrngée et méeonnue, a été vongée pnr la plus 8010n-
nelle des expiations, eilr elle n trouvé pour vengeurs les
hommes qui avaient ét(\ les courtisans el les flattours los
plus résolus de la puissunce de I'Empereur quand il étnit
debout, el qui, alol's qu'il avait été renversé par les armées
étrangéres, se sont souvenus de la liberté pour l'inscrire dans
lcut' acte l'¡':paratolll'.


Je lis, en etfel, messieurs, dans lo sénatlls-consulte ü la
suite duquel se trOllVe la déchéanco de I'Empereur:


« COllsidérant que la liberté de la presse, établie et con-
sacrée comme un des droits de la natíoll ... )) - Vous l'en-
tendez, monsiour lo ministre de l'intél'iour, c'ost le Sénüt




-54-
qui vous l'apprend ... (Jfurmures sw' un granel nomúre dI'
banes) la Constitution peut garder le silence, Irrdl'oit ne
périt pas, il subsiste, il esl rétllbli par la force des choses ;
c'est le Sénat qui le dit en prononc;ant le ch::timent contri?
le tyran 'lui l'avail oublió. ([I¡'ouveaux munnurrs.) - ,e Con-
sidérant que la iíberté de la pl'esse, établie et eonsacrée
comme ¡'un des d roits de la nalion, a ctó constamment
soumise a la censure arbitraire de S3 poli ce, et qu'en meme
temps il s'est toujours servi de la presse pour remplir la
France el l'Europe de faits controuvl'S, de maximes fausses,
de doctrines favorables au despotisme, el d'outrages contre
les gouvernements ótrangers. "


Eh bien, celui qui était si rudmnent alteint par ce cbati-
ment, ill'a accepte; cal', en :1.8:1.:>, lorSifn'il esl revenu en
France, il a dóclaró que la libprló de lu presse dr,vait ólre
¡'un des rondcmeuls les plus solides de son nouvcl empil'e.


En eITet, dans la sé~JIlce du 7 juin, il disait su Corps IL'-
gislatif: « La liberté de la j)l'csse esl inhér('nte u Iu consti-
tution actuelle, 011 n'y lJeut rica changer sans altérer tont
nolre systellle polilique. ))


Voili:t les le(;olls de l'histoirc, et, assurément, ne pourront
pas les récuser cenx qui les oat invoquócs dUlls les termes
que Je viens de l'appelel' de l'cxposó des lIlotifs du projet de
loi; voila COllllllent le rf'gime dn silenee, en perdant les
!lations, ¡¡<,ut perdre aussi ceux qui les gOl1verncnt; ,"ni!:)
commcnt illes infatue d'eux-DlI~rnes apres les ¡¡voir p¡¡)G~S
au ralle de la puissance, pt cornment illes en prL'cipite ave,'
plus d'éclat.


Et e'est r,epcndant a ee régimc que vous avez ratlaeh"
eelui de 18ií2, ear vous di tes, et c'esl encore votre exposé
des motifs que j'invoque: « Fidele aux traditions du COll-
sulat, la constitution de :1.8;;2 gat'dc le silence sur la IilJedé
de la presse. Pourquoi promdtre avanl de pouvoir réaliser?
Pourquoi ten ter deux ceuvres i:t la l'ois? Le premier bewill
des nations, c'est l'ordre, el l'ordre !le se concilie avec la
liberté que quand il est inalLaquable.


!OI. Exc. 1\1. Rouher. 1n1l1ist1'e d' Étllt. Tres-bien! tres-
bien!


1\1, Jules .'a~;.·c. Eh bien, je prends vos déclnration~ ~




-:-;¡;-


seulement je les compare avec les fails, el, malheureuse-
ment, messicuI's, la dirticulté n'est pas grande de les faire
sortil' de ces l]¡t'ories vagues, au milieu desquelles l'esprit.
se perd, sans l'ellcoutrer quoi que ce soit de saisissable qu'i!
puissc réfuter et eombaltre.


Vous dites qu'i! e,t nécessaire qu'unr, nation s'asseoie,
qu'elle s'apaise, qu'clle établisse autour d'elle-mcme l'ordre.


Qu'esl·ce que vous appelez l'ordrc? Pour moi, ce que j'ap-
pelle I'ordre, e'es! le respeet du droit el de la justice, c' est
l'exécution de la loi. (Trés-Ilien! sur dive¡'s lJancs.)


DI', est-ce qlle c'était l'ordre sous ce rappart, que le dé-
cret de février 18152? Assurémcnt, l'histoire ne démentira
pas le jugement qlli en a élé porté: le décrr,t du 17 février
1.852 est l'instrumont lo plus ingénioux, le plus savammcnt
organisé pour remettre toute la force de la pensL;e publique
enlre les lllDillS d'ull senl. (lIurneurs.) Comment, en eITet,
existera lo .iollrllal sous l'cmpiro de co décrrt? A la con di-
tion d'elro <lutorisé, c·ost·il-dirr que e'est le bon plaisir qui
lui donnera nuissance; jI \ivra á la cOlldition d'étre tolC:ré,
oar, achaque l110ment de son existence, il a a u-dessus de
lui l' épée de Dalllocles de la suspension ot de la suppres-
sion.


Et ce ne sont pas, messieurs, de vaines récriminaliolls que
jo j¡!Ís entendro a cette tribune; vous savez cambien do
joul'llaux ont été sacriliés a ce qui a été appclé le salut de
r~~tat, la nccessilé gouvcrnementale.


Tel était donc l'état de la presse, qu'elle appartenait en
réalité tout entiere au pouvoir exécutir; elle disait ce (jll'il
voulait qui fut dit; elle se taisait sur les lllatieres qu'il vou-
lnit écurter de la discllssion.


Ah! ~I. le ministre do I'illt{~rieur dit dans son ex posé des
motifs que ecpendant la presse, - et e'est, suivant lui, une
dos preuvcs do sa foreo, - n'a pas abdiqué sous un pareil
régime.


11 faut rendre hommage au couruge des écrivaills qui
n'ollt pas désespéré, qui ont conservé dans leurs mains
cOllvaincucs une plume vaillante, au risque de la voir
cltur¡ue jour brisée; mais bien persuadés qu'un jour arrive-
rait oú lcurs droits sel'aient en fin reconnus ct respectés.




- 156-


'Mais ce qu'j[ faut reconnaltre en meme temps, c'est qu'i!s
oot été daos l'impossibilité d'acc'tlmplir leur missi011, Leur
missioo, eoteodez-Ie bieo, elle est, comme l'enseignait avr,c
laot d'autoritó I'honorable M, Thicrs, a vant lout d'ell'e exact
dans les informatiolls, el c'est la, messieurs, une des con-
ditions les plus capitales, Hon pas seulement dans les affail'e~
privées, mais encore pour la bonne adminislration des af-
faires publiques; et ce n'esl pas sans raison que dans le
document que je l'elevais el meltais tout a ['heure sous vos
yeux, le Sénat, en dressant la sentence de condamnalion du
premier Empereur, disait que non-seulcment il avait faíl le
silence, mais encore qu'i\ avait faussé la vérit{~ au profit de
son despotisme.


e'esl la, en eITe!, messieurs, la pente irrésistible sur la-
quelle il est impossible de s'arl'etel'. Vous avez la loute-
puissanee dans [es mains, vous concentrez tout, vous tenez
lOus les m'ganes de la publicité captifs; uon-seulement vous
les arr6lez, mais encore vous leul' irnposez des avel'tisse-
menls officiels qui sont aeeompagnl's d'avertissements offi-
cieux, et les articles qui paraissent érnanl>s de la l'édaction
viennent en l'éalité des bUt'eallx de ['esprit public; c'est
bien pire que la censUt'e, cal' la censure, elle est lJ['utale,
elle est franehe. Au cuntl'ail'e, le décret du 1. 7 I'évrier 18,,2 a
caché la servitude sous la livrée de la liberté; iI scmble 'ille
le~ journaux existent encore, et bien des fois, - M. le garde
des sceaux ne me d{~mentira pas quand je rnppellerai ses
paroles, - SOllvent, dans celle eneeiote, il nous a dit: « De
quoi vous plaignez-vous? Est-ce que la libertó de la presse
u'existe pas? Est-ce que nOllS ne voyons pas les journaux
de couleurs les plus diverses se produire librement? Est-ce
qu'un étranger entrant dans notre pays ne dirait pas qu'a
coup sur la liberté de la pl'esse existe? ))


1\1. le garde des sceallX disait ces choses, et eependanl, il
sera de mOIl avis si, prenant comme je le fais l'exernple de
l'étranger qui a l'irnperlinence de demander a la poste frall-
Qaise son propre journal que la poste fraw;aise aura arr(1té,
paree qu'une figne qui se sera glissée dans le journal étrall-
gel' pal'altl'a factieuse, de nalure a renverser ce gouverne-
lllcnt si solide, et a exciter eontre lui toules les passions ....




-1í7 -


(indqtws voi:r. La poste aura bien (~1il!
1\1 . ..Jule .. Favl'e, •. Vous dites que ce! élrauger, quand


il est en Franee, croi! que la liberté de la pres~e rcgne sans
entraves? S'ille croit, c'es! parce qu'i! ue peut pas se ren-
dre eompte du servage secret que vous lui avez imposé ...
(Allons done!), parce qu'illui est impossible de savoir á
¡¡uelles scllieitations, 11 queHes mennces elle est dans la né-
cessité de dHérer; mais ce que j'aftirme, et je l'affirme sans
erainte d'étre sérieusement contredit, c'est que, pendant
cette période de i 852 á 1867, si la presse a couragcuse-
ment rempli la mission qui lui était possible, elle a été dnns
l'impossibilité de remplir eompletemen! celle qu'au nom de
la vérité lui commandait la conscience publique.


Je pourrais mettre sous les yeux de la Chambre un grand
nombre d'exemples qui justifiernicnt ma pensée. Je ne erois
ras que ce soit nécessaire; mais j] est bien certain que sous
le régillle des avertissements, des suspensions, le pouvoir ne
laissait passer que ce qui lui paraissait convenable, ce qu'II
¡ugeait devoir étre dít.


Eh bien, investí d'une pareille toute-puissance que rien
ne venait contrarier, quel a été le f'l'Uit qu'iI en a recueilli ?


Je disais, messieurs, qu'il a rté démontré, t¡ la séance
d'hiel', par l'honorable ~I. Thiers. que le projet de loi, c'e8t-
a-di re la leltre irnpédale du i~ janvier ii\67 élait Mé de la
convictiolI de l'irnpuissunce du régime administratif.l\L Thiers
u ajoulé avec bien de la raison: « el en meme temps, des
fautes qui avaient étó commiscs, el des malheurs de la pa-
trie, qu'il était impossible de contester. »


M, le baron de DCJ)oi!o,t. Ce n'est pas une faute (Jue le
rnalheur! Il n'y a pas eu de fautes commises.


1\1. I-nul DethulOnt, Il n'y aurait pas eu de malhcurs,
s'il n'y avait pas tU des fautes.


1\1. JuJe .. F .. ".·c, Je voudruis que l'honorable rncmbre
qui me fail l'honneur de m'interrompre, montát a cette tri-
bune pOUI' me dil'C si la fatule expédition du Méxíque n'a pas
(:té un malheur. (Exclmnations).


1\1. le bm'on de Uenoi .. t. Je demande la parole.
1\( • .Jule .. ('avre. Parlez, Illonsieul', je ne demande pas


mieux.




-:58 -


De dicers cutes. Parlez 1 parlez t
IU. le b ..... on de Denoist. Messieurs, il y a une grance


témérité il moi d'entrer dans ce déba t el de répondre 11 un
princc de l'éloquence; mais la voix u'un honnete homme,
dans une assemblée franr;aiso, aura tOlljours de l't:cho.
(T/'es·bien' tres· bien 1) •


Eh bien, pl)fjuelloz·moi dt~ jugor ecUe cxpédition uu
Mexique 81l point ue vue de 18 vúri ti" .. (lnterruptiulls dicerses.)


Je prie nos colleguos qui Sil'gOlll il gaucho, qui ont le 1II0-
nopole de l'éloc¡uence, (Oh' oh!) qui sont en que1que
sor te les rois de ce grand talent, de ne pas tomber dans cct
oxces qv'i1s reprochent souvent injuslcllIclll aux autres
royalltÉ's, c'est-a-dire, de ne savoir pas enlendre la v{'riU~
et de vouloir qu'il n'y ait que des flalteurs qlli s'adresscnl
a eux. Si j'apporle ici uIle cOlllradiction convni!lcue qui
bJesse leurs senlimenls, qu'ils me laissent la liberté de ['ex-
primer avec la l"aiblesse de ma parole.


Je viens dOlle, en peu de I!lols, vous dClllnnder, demandcr
a la cO!1¡;cience de la Frune,e tout cllticre si l'exrl~dition du
~Iexique a été un si grullu dés~strc qu'on se plait a le dire ,,,
avec des exagératiol1s dont l'hisloire s'étot1llPra. (Moui'e-
ments divers.)


l\l. Thiep ... Oui, oui, Ull désaslre immrnse,
1\1. Eugcne PelleLan. Demandez aux souscripteUt's de


l'emprunl. (N'interrmnpe::; pas.)
lU. le ."'.1'011 de Denoist. s'ad/'I?ssant aUI intc/'/'up-


tCU/'S. JI' VOUS en supp:ic, veuillez me lnisser expl'inwl' ma
pensée, ma profonde convict.ion. J(; ne sub p3S HU oratcul'
comme vous, el, perllletlez·moi de vous k dire, ce n'est pas
g~néreux ce que vous,faitos-lil ...


Plusienfs membres. A la questionl
1\1. le PI'i",ldent Sl .. hlleidel'. Monsicur de Belloist, per-


moltez-moi do vous dire qun .ie erois quo volre ¡Jellsée est
drjil comprise par ce que vous venez de dil'O.


1\1. le baron de ncrw¡",t. Pardon, monsieur ll~ prési-
dont.; jo demanue cinq minutes a la Challlbl'c.


Au commencernellt de ce siccle, il y a eu deux expóditiollS
lointaines : celle d'Egypte el celle de SHiut-DoI!lingue. Com-
parolls-les a cell(~ du Mcxique.




-t;9-


Voix nombreuses. Laissez continuer la discussion!
:\1. le bal'OIl ele Benot.,t. Voyons la port0e de ces ex-


péditions, mesurOIlS leurs cOIlséquences au point de vue de
la grandeur et de la force de la France, .. (lnterruption et
bmit.)


:\1[. le Pré .. idellt Schneide ... Il ne lile parsit pas né-
ces~aire de developper en ce lllotlleut ceLle pellsée, car elle
interromprait d'une maniere fácheuse une discussion que la
Chambre a besoill tl'entendre. En conséquence, je vous de,
mnnde de ne pas développer cette pensée davantage : la
rli~cussion n'aurait rien a y gagn!'.r, elle pourl'ait avoir bcau-
coup ¡¡ y perdre. (Tr/;s·bien!)


.le demande donc á I'honorabl3 M. de Benoist de laisser
continuer M. Jules Favre.


:u. Íe baron de Beno¡'"t . ./Ü m'incline devant I'autorité
de M. le pr¡;sidont; je lui demande seulement lH permission
de dévpJoppel' pendan! Cilll¡ minutes mon opinion. (Non!
/ion! - Assez! - ,t la lui.~


:1\1. le Pr·é,.hlent !Olehneidc ... Dans Ulle~[\utre cireon-
stance, vous aUl'CZ prol.mhleillcnt l'ucc:1sion de développer
l:elte penséc.


Qllant a présent, sllivons la qnoslion en dl~libératioll, 13
question de la prc~SS(~. (Ollí! oni! - Tres-bien 1)


J'invite I'holloraol\' lIL Jules Fnvre a continuer.
~[. le bUI'on de Romcuf. l\lais alors que M . .Iules Fa-
Vrl~ ne pade pas du Mexique I


Plnsieurs membres. C'est juste! Tl'es-bien!
:\1. Jule .. lFa".'c. Ce n'est pas moi qui ai fait la moinure


opposition ¡¡ ce (lile mon honorable collegue put moti ver
son interruptioll; je !le demande qu'á elre contredit. Muis
permettez, pllisque la Chumbre a jllgé a propos d'ajourner
eetle propositioll, que je n'insiste pas sur un point parei! .


.Jo erois d'aillelll's que tOllS les esprit:> oIlt, a cet égard, une
opinion bien arrdb.


El maintenullt, la lllienne je I'ai di te, et, sur ce point,
lJ10n lwnorable contraclicteur ne pourra pas eontester, cnr
j'dUl'ai POUt· r:aulion une parolc que son caractere officile
nmd aussi digne de lons nos respects, j'aurai pour caution,
dis-je, les discours de l'Empercur qui sont présents 11 vo~




- líO-


esprits el qui ont tl'es-loyalement reconnu 'luC des I'evers
{'taient venus amiger la patrie.


A En gauclte de l'orateur. C'est vrai I
:\il . • ]lu.le .. Favr(·. Ces revers, messieurs, indépcnd<lrn-


ment de cellX que j'indiquais lout á I'henre, csl-ce qu'ils
ne son! pas sul'llsamrnent c31'3ctérisl's daus cctte campa.
gne de 1866, qui a précédé de l[Uelqlles sernaines la reso-
lution qui est venue éclore au mois de janvieJ> 186¡ '!


Bien entendu, messieurs, je nc veux pas, ü propos de la
loi sur la prcsse, m'étendre longuemenl sur de semblables
sujets; j'ai eu I'oecasion de le faire, el je ne crois pas, mes-
sieurs, qu'il soit possible de contester qu'apres quinze ans
d'exercice d'un pouvoir qni n'a poin! été controlé par la
presse, nous en sornmes arrivós, en CI~ qui concerne nos
relations extórienres, a la rupture de toutes nos allianccs,
a un isolement complet au milieu de l'Europe, qui es! di;·
fiante, si ce n'est menaQante, envers nous. De telle sorte que
quand M. le ministre de l'intórieur disait dans son exposó
des motifs que la sécuritó avuit rendu la France grande,
glorieuse et prospere, quand il faisait l'éloge des deux
guerres de Crim¿e et d'Italie, il laissait dans I'ombre celle
dont notre honorable contradictcur, Al. de Benois!, voulait
entreprendre la difficile réhabilitation, et je comprends á
merveille la réserve de l'organe du Gouvernernent ljui, en
meme temps, ne faisait pas meme allusion aux événernents
si graves qui, dans le cours de I'année i866, sont venus
porter a l'inl1uence el au preslige de la Frunce Ulle nlleinte
si rcgrettable.
~ul d'entre nous ne peut doutcr de la force de notre pays,


de son expansion généreuse, de la facilité avec ¡aquelle il
traverserait une erise que les résistances de l'Europe pour-
raient lui imposor; mais je ne crois pus qu'il soit possilJle
de méconnaitre que, ¡migré ses brillantes et solides quali-
tés, la France, entre les mains de ceux qui la dirigent, u
joué, dans ces grands événemenls de i866, le role d"une
puissance de troisiéme ordre. (Rcclamations et murl/lures
sur un grand nombre de bancs.)


Plusieu/'s mc¡¡¡l!res. C(~ n'est pas fra1wais de parler ainsi I
1\1. Ju.le", I' .. vrc. El, si j'examine quel a {'f(~ 'iI I'intérieur




- (jI -
le résultat dc co syslemc, - s::ms cntrer, bitm cntendu,
dans ancune espóce de développements, mais me conten-
tant d'indicatiolls !Iui saisiront vos consciences, - je puis
dire qu'eu lí!66, le pays é,tait ¡ivre a une inquiélude qui
s'est traduite par le l'alentissement progressif du travaiL


Vous aYicz promis á la France une ere de prospérité sans
aucune espóce de nuages, vous aviez fail appel a tous les
app(;tits (lui voulaient se salisfaire, et vous leur aviez dit
r¡U'a l'ombre de la sócurité dont vous dotiez le pays, ils au-
raient I'oecasion de s'enriehir,


Quel;; ont eté les J'ésultats de ces pompeuses promesses?
Des entreprises que vous aviez élcvécs artiticiellemcnt, et
au secours desquelles vous aviez appelé tous les prestiges
de la spt:culatio!l, ont été frappéos comme le colosse aux
pieds d'argiJe, et e'es! por des ruines qu'elles ont appelé
I'attention et la doulcur des populations.


Et les promesses ('ni tes a eette tribune, et ces loteries
tant vantées, el ces paroJes a raide desquellcs vous vouJiez


• faire croirc it la puiss3nce des Elats qUÍ dcmandaicnt au
puLlic frnn<;ais ses épargnes qu'il n'a ras su leur refuscr
parce qu'i! avait connance en vous, (Iue sont-cllrs dcvcnues!
L'heuf'Ü est arrÍy{~e, la France, se l'eplial1t sur elle-meme,
sent a mcrveille que ce I'égime tant eélébré a créé puur
elle, au-dehors I'inquiétude el le danger, et au-dedal!s la
ddianee et l'appauvrissernent. (L1J1P/'oúatirm ri la gauche de
l'omtful\ - IIcctamf(liuns en (aee et á dl'oite,)


Cela cst-il vrai?
Voix ¡¡om{¡reuses, Non! non!
~I. UucntJen>l, La Franee es! dans une siLuaLioll éCUIlO-


miquc moills mauvaise que celle de tous les pays voisins,
j\!o le Pré .. idenL ~ehneide .. , Je uemallue ¡¡ ['orateur de


vouloir bien donner a son langage une forme, une mosure
'lui !le le fasscnt pas lombcr dans le dénigrement du pays,
(Tl'és-bien! tn:s-bicn!)
~1[ •• Hule .. l·'o.,re, Ce n'est pas mOl! pays que .ie dénigTe,
Vuü; nomúreuses. Si! si 1


;U, In bo.ron de Geigel', VOUS l'inquietez sans cesse par
vos paroles. e'eS! VOUS Ijui eles cause de tout le mal!
(Hl'uit,)




- 6! -


1\1 . .Yule" I'a'·['e. J'enregistre le8 acles de ccux qui le
gouverncnt, el je montre ... (Nouvelle et bruyantc'inte/'-
/'uption.)


Est-il vrai, oui OU 1l01l, que la dctte publique se soit aug-
mentée de moilié? Esl-il v['ai, oui ou !lot!, r¡u'on ait solen-
nellement promis de fermer le grand-li vre? Est-il vl'ni, oui
GU Ilon, que, drpuis celle promesse, Oll ait empruntc :JOlllllil-
lions? Est-il vrai, oni ou llon, qu'on vous demande un
nouvel emp,'unt de 440 millions, et ce ne sera pas le der-
nier? Est-il vrai, oui ou Ilon, que la ville de Paris plic sous
le poids des engagements qu'on lui a fait cOlltracter malgTl;
la loi el les avcl'!issemellts que vous lui aVl~Z donnés? (Jj'-
problltiun WI' j!lusieu/'s banes a la gauche de l'oratew'.)


Voilá votre pl'Ospérité ! Moi, je J'appelle un désastre, et jc
dis qn'il est dO. au drtestable régime de silellce que vous avcz
imposé au pays. (Souvelles rir:lalnations SUI' un iJlwtd nom-
bre d~ bailes.)
;~~. lIaenfJens. Qu'cst-ce que vous direz done de la


Prusse, ou l'égnent le typhus et la fnmine? Qu'est-ce que
vous direz de I'Italie et de I'Angleterre?


1\1 • ..luJe .. Fa,-re. Je ne parle pas de la famine; la faminc
n'a rien a faire avec les travauJ\. qui ont placé París de
530 millions au-dessous de ses engagementsj la [mninc n'a
rien á [aire avec ll's folles cntreprises qui nons conlraigncnt
a demander encore a l'éparglle utle somme de .HO millions.
Ce sont les fautes du GouVCl'l1ernellt qui ont produit ces
tristes résultats; et crs fall1t:s du Gouvernemcnt, elles se
rallac.l1cnt au systeme de silence dans leque! Oll maintil'lLt la
presse. (No/tlJctles illtc/'/'uptions I'nsens divers.)


JI!!. le <lue de ~la"lUiel'. Nous sommes arrivt's au quart
d'heure de Hnbelnis!


Un lIWillÓI'C, Toul cela est en dchors de la questioll !
N;I. le P,·.,,,itlenl !ii<chneidct' . .Te CI'ois <!u'efTec.ti Vl!lil8nt,


puisqu'on ¡:al'le de la queslioll, JI est grand tell1ps de l'ew-
nir ¡¡ l'objet de la discussiolJ. (:lIa/'ljues d'assentimpnt.)
:,,~. '-ule .. I,'av['e. e'est dc ce ~ysti~llle du silcnce que la


France a voulu sorlir, et la lellre du 19 j:mvier 1867 a ¡'Jc',
saus ce rapport, ¡'interprete de ses vreux les plus chers. Ce·
pendant je ne puis oublicr, cal' ce srrait de llla pl'oprc di-




- (j3-
gnité et de celle de cette assemblé'e que je ferais bon mar-
ché ..• (Runwurs sur plusicui"s f)frnes',)


irlessieul's, vous pouvez penser de \'ous-menws ce qlle
vous voulez, tnais Inissez·moi vous dire qu'en ce qui conceme
ffi3 propre dignité je n,~ rcleve que de moi-mémc ct de ma
conscience. (illanjues d"app/,u/¡atil)l! ti la !lanche de l'ara-
tl'U!'.)


Je disais, mcs,ieurs, qu'i1 rn'était impossible d'oublier que
ceUe lettre du 19 janvier f867 se lie au sacrifice de rune de
nos plus précieuses prérogatives. NOlls avion~, par le d¡'cret
du mois de novernbre ISli6, la facultó d'examiner la politique
générale du Gouvernement. (IntelTupti!Jn.)


Cette faculté a été remplncée par le droit d'interpellation,
quí est en rralité entre les mains de la majorité.


Voi}a, messieurs, lo souv()ni r qu'i\ m'était impossible de n()
pas I'uppeler. Et ([uant au fond me me de ce document du
f(1 janyier 1807 fjlli so rupproclw davantnge do la loi qui vous
('st soumiso, ,i'ai bicn 1\1 droit do vous dirr, que l'inspirntion
Cj¡ji I"a dicté c'est ln conviclion prorondo qu'j[ étnit w'ccssail'e
de donncl' il l'opinion publique uno plus largo üxp8nsion,
d'appdcr l'iuitiativc individuelle, de solliciter toutes 105
fueces vives de la nation, et iI no [leut pas y en ayoir de plus
puissante et do plus omcace qllr eello flui viont do la libertó
do la presso.
~n. G",·,,¡,w-Png"'" Tres-bien! ll'es-bien!
"'l. Jule .. J.,'""re. Si donc, rnessieurs, jc ne me suis pas


trompé quand j'ai indiqué d'ou a proeéd,~ la loi, je suis bien
cunvaillCU que jo suis dans la yérilé, - et sur ce point j'aí
du llluillS ra¡¡pui de jI. le rapporteur et Ilu'me celui do M. ll)
ministre di) I'illlórielll', - !juand j'affirtllü que le projet de
lui n'n ras d'alltre ruison (1'etro que la fomlution, au mo-
meut 01'1 nous pnrlons, d'un r¡"gime noul'oau pour la prrsso,
<¡ui favorise sa liberté en conlenant S8S écarts.


Voil¡¡ In prull1(,ss(~ !fui nons a {,té faile.
COlllment a-t-elle ól{' r<'nlisée?
Ah! cntes, les cOllseillcl's dn Gouvornomont avaient de-


vnnt ()UX une tácho bion s('duisante; ils pouvaient essayer
d'élever a la liherté do la pensée un monnment durable, de
le IJlcltre en harmonie avec les besoins nouveaux. ~Iais




- 6'~ -
quand j'ai entendu, a la séance d'hier, l'honorable ministre
de l'intérÍeur faire l'éloge de son projet en disant qu'il n'a-
vait rien innové dans les lois précédenles, il me scmble qu'il
nc pouvait, jusqu'a un ccrtain point, cn faiec HIlC plus amere
critique.


Est-ee que nous n'avons pas marché uepuis 181\), depuis
1827, depuis i830? Est-ce que les pas que la France et que
la société moderne ont faits uans le progres ne doivent pas
correspondre li des progres analogues dans la législation
qui régit la presse? Ah! malheurellsement, et M. le mi-
nistre de l'intérieur ne me démentira pas, si nous avons
fait des progre s, ce sont des progTes á reculons, cal' nous
sommes bien loin de la loi de 1.81 \J qUl~, malgré son imper-
["ection, nous accepteriolls aujouru'lllli comllle un bienfait.
Mais enfin la loi telle qu'clle existe, dit M. le ministre de
l'intérie~r, elle consacre pour la prcssc' cette liberté consi-
derable. pl'écieuse, de pouvoír exister sans I'autorisalioll UU
GOllvrrncment.


Je le reconnais, messieurs, e¡ a cet égard, je lni ai Mjli
renuu hommage; j'ai dit que c'(:tnit en clfet une innovation
co[]siu(~raLle. Seulcmcnt, pour que celte innovation soit d-
ficace, pour !lu'elle ne devicnne pas dans les mains memos
du Gouvernelllent un danget' el pOllr la France el [JOur lui;
- cal' iI esl impossible de separer lours uestilll':es; ce qui
blcsse !'uu nuít a !'autro; - il est bien ccrlain qll'illaut
que la loi soit empreinle et de courage et de lranchise; iI
ne suffit pas de uous promettre qu'elle sera loyalemcnt
exécutée, il ne faut pas qu'on rencontre dans se" dispositions
des pirges et des regles insiuieu~es it raide desquels il soit
]wssible d'atteindre la pensée ...


8. Exc. ~I. PillaJ'd, ministre de l'inth'ieul'. II n'y a pas
de piég'es, ni de rt)gles insidieuses da ns la loi.


M .• Jule .. FaVI·e. J'ai dit qu'i1 ne fallait pos (IU'il y en
cOI, monsicur le ministre de l'intérieur; - j'ai résel'vé ü ect
égard mon opinion;-et vous ne me contredil'ez [las quauu
je dis qu'il es! néccssaire que la [oi n'en renferme vas. Je
n'ai pas dit autre chose; et jo demande la permission de
poursuivre mon argumeuLation.


Eh Lien, allant immédiatelllent el u voLre démonstration




- HJ -


et il la mienne, .ir me l'appelle los d(~velopprl1lent.~ dans les-
quels vous entricz hiel' Ü la triIJll[w, el [lur L'sr[uels vous
nous ¡Jl'oll](~i.{i('z une exi'eutioll qui devait, (~tl'e rkgag¡;e de
toute rs[,,\e., ¡J,: 11t"l'il d'jnlcl'¡Jl'étation, et vous disiez ü cet
¡"gard : « Mnis quoi I d0Jinir les d('lits de la pCllséc c'cst ut](~
gl'ando dilliculLé; Inisser au jngo un ]louvoir discr0tiolllwiro
e'est Clre cel'luill d'avallc(~ 'lile sa dl'oilUre el sa conseienee
ne le trompcrollt ]las, el ([iI'il n'attl:indra jamais d'une dis-
position pénale <¡U'UIl al'ticlc, lju'une pensée, qU'Ull tivre,
qui seront dangereux pour la soeiété. ))


M, le minislre de l'intéricur faisait eette distinr:tion, que
jo rclcvais au comrnenecmcnt de ce diseours tl'Op long -
j'en dC1Jlanue pardon il la Chambre; - M. le ministre ue
I'inlél'ieur disail: Quand la pensée ne s'est pas produite
elle ne peut p~s étre ineriminée.


Je le erois bien, et, á moins d'Gtre l'inquisition, on n'a
juwais prl'lendu autre ehose. Mnis quand la pellsée se sera
]lrodllíte, t¡uilnd elle aura ulle forme matérielle, est-il vrai,
eomme le disaÍt M. le ministre de I'intérieur, que, d'apres
la loi, on ne j'l'appel'a jamais que eelle [fui sera eoupable et
dont la CUI]lillJilit¡', sera trós-elairement dérnontréú au juge?
.Te prenus un cxemplc que jc l'cncontrc dans le projet lui-
memo, car, sur ce point eornmc sur presque tous les autres,
il a conservó les kgislations qui l'ont rrécédée; et lorsque
la discussion des détails vienul'a, j'cssayel'ai ue démontrel' a
la ehatnbre que, sur ee point, c'est-a-dil'e sur la djstinetion
que la IGi conserve entre la presse politir¡ue . et eeHe flui ne
l'est pas, il y a un danger, il y a un germe d'iniquité, que
vGlre sagesse doit faire disparaill'e.


Jc ne veux pas entrer dans la discussion dc détail, vous
le compl'enel fort bien; rnais je prends cet exemple pOU!'
rrpondre a ce que 1\I. le ministre vous disait il la séancr
d'llier, alors r¡u'il aftil'mait que les délils Átaient pal'faite-
ment caraclt'l'isés.


La loi conserve cottl) dislinction qui, pour ma part, m'a
toujours sernlJk singulióre, d'Ull cautionnement qui pósc:
sur le journal politiquü et qui é[largue, Gil eontraire, eclui
qui n8 parle pas de poli tique. Muis r¡uel est le jour!lal qui !le
parle pas de poli tique, d'économie sociale, d'administratiún?


4.




- fil)-
Je lo demande á M. le ministre de I'illt¡"ripur lui-D1('nle,


et, malgré toutes les rossoUl'ces dI) SOIl (~Spl'it ingénieux,
pCUl-l:ti'C c'era-t-il cmlnrl'Hssé?
!~l ~i, d~r:s uno nudif'lIee de pollee cor!'(;,,¡ionnr,l!¡; oú Se


di·bil('llt de srmblablcs subtilitt'·s, jp VOUI:lis, npri's Illi, in-
trocluil'e ce juge anglnis si hiellveill;:nt p01ll' nll'; insLiIII-
!.iIJIIS, peut-etre, messir:uI'S, ne ¡,ourl'nit·il nrms 1'I"SL'I'YI'I' sn
hienveillnnce qu';', la ¡;Ilndition di' !le pa~ r.()lllprelldl'l~ un
mol de ce qui sf!l'ait dit pm' toutes les partÍ!;s.


Qnnnt Il moi, fai souvcnt ctlletldu drs proces de eette
nature, ct, j'avoue que je ne me suis j8tnais expliqué eom-
ment il élait possihle á I'esprit Ip plus fin ele tracer, el'une
main súre, la ligne idéale t¡ui sépare les objets ljui sont
ainsi eonfondus elans toutes leurs parties. Mais la puli-
tique, elle es! dans tout, messieurs; vous la pouvez l'aire
entrer d:ms un article sur les lhéütres, sur la moele; et par
eOllséquent, dire qu'un jourrwl poli tique payera un C:Ill-
lioIllJerncnt, et qu'ulI journal non poli tique n'lJll pa,\'j'ru pas,
traduire un écriraill l!onfll'te, co"seiclwicliX, hlJill'jl'ux, qui
a pli(; SllUS le poids des veIlle" devanl Illl LlilJllnal cOl'l'ec-
tiouncI, li~ frap¡lcr U'WIU peine flui ¡':Iait ~ulrel'uis lIne P(·iI18
corporelle el qUÍ, iJ rllcure Ull je parle, est une amcl1ele en-
tl'aiuan tia pl'isOIl.


Est-ee satisl'ail'e a la juslice; un lJon sens? Voilá ce que je
demande a l\i. le ministre do l'intt'deur: oü se t['Ouve-
e'est la mon intcrrogation - la clnrté, je no dirai pas dalls
la définition, puisque il1.1e ministre de l'inll-ricur prclld ses
:Iises avec la loi pénale :tu point de dirr que rien n'est plus
dangereux que de J'alourdir par une dl'tinilion, el qll'il est
plu,: commode de laissCl' le pOllvoir díscl'diunnairc au jug-n
suriollt ólll jllge cOl'1'eetionnel, paree qu'ulul's un est eerLaill
d'obtenir ulle I'('prcssion intcllig¡,nte; mais oú se: trollve la
(~l;:rt{! d:lllS la distilletioll? Pou/' moi, j'avoue que mon esprit
s'y I)()!'d, et j'ea ni l'enCOnlrl\ c!'3llll'eS valant miollx que !¡;
mien qui ne pouvaient pas arrivel' il des eOIlclusions plus
SD tisfa Isa n tes.


Voulez-volls un nutre exemple, messicurs? M, le ministre
de l'intérieur, hla tribune, n'a pas entendu les interpelJa-
tions que nous avons pris la liberté de lui adresser el dont




- (ji -


je me cOlll'esse llour !na par!, cal' eníin il serai t plus sage de
gardor le silel1ce, Nous rll'sirions cepenrlnnt unr: explica-
¡¡vil que lIotre c{Jlls('icI1Ci~ ['c'c.lalllail, et, je ne snis pourquoi
)[. le ministm !lons I'a rel'llsrp,


.Te par¡;¡is tOIl!:1 l'IJr:tll'O de la 1i;;'llr: id6nle qlli s(;parait les
lílulióres politiquf's ell'S 1¡¡¡IW~r('s d'l'(,O:JOllli(~ socinle, des
maliórr,; rt:!igieuscs Oll ndminislrntin's. QUl' ~I. lo ministre
'¡p l'intlT¡eur veuille hien monkr a Cf.'ttc tribune, lui qui
parle BU nOfll J'un gnuveruelllcnt qui a tant de droit, de
pouvoir, d'autorité et de sagesse, et qu'il nOlls dise In ligne
qlli sÉ'pare le comptc-rendu permis de celuí quí ¡le res! pas;
rar nous sommes iei dans uno position pl'ol'ondément hu mi-
liante .. , pou!' moi, messicurs, jo ne parle iei qUf~ pour moi,
et apres les interruptions que j'ai entenelues, je n'nurais pas
la solte prÉ't.ention de pade!' pour el'autres que pou!' moi-
meme,


¡Vol, I"aul DetJllnonL Vous parlez aussi pOllr nous; nous
sOlTIlTIes honoI'('s que VOll5 p8r'l¡ez pOli!' liOliS.


)'tR. Erne .. t Pit·: .. ,,), Oui, vous padez pour nous.
:<)3. _~Hle", ¡·'un'e. Je dis que, pOllr ma ])art, je suis ])1'0-


]'ollU';lTIent. l!llmilié ljuand je I'ellcontri: dans une lL'gisliJtioll
de mOIl pays eles disposiliolls 'lui autorisen! de se¡llblables
pour:;uites et des cont!amIlHtie!1s allssi j¡wompréhensibles,


La ConstiWlion a dit que le comptc-rE'ndu analyliqlle de-
vait etre pllblié, qu'llc,tait impossible aux journaux d'en [JU-
blier un aull'l'. Le rapport rait sur cctte question avait ce-
pendant réserve le droit de discussion, Cornment M, le mi-
llistre de I'intél'ieur a-t-il inauguré la pl'Íse de possessio!1
du pouvoil' qui lui a élr déf'0ré? En ordOnllal¡/une bt"ca-
tombe de jouI'n:lIlx dont la bonlle foi n éU\ rec','onuo, E.t qui,
a ]'hcul'e 011 ji: pnrle, ne peuvcut exé::uter la ¡oi qu'en nous
illtligeant le honteux ostl'acisllle Llu silence. en ne parlant
plus de nous. Kous sommes Iraitt;s COll1!11e des excommu-
lJirs de la pfCSSl" eom:!le d~s pestitcrl's. (K'ccfamatiolls.) On
ne peut plus toucllel' a nos dóh~ts sallS s'exposer ü df~s
:lIneudes et a la prison. (IntcI'fujítion et mouuemcnt en sens
diurs.)


:'1 . • lJule .. Simon, Cest une !Jonte pour un penpl!'
eivilisé!




- (iN-
:U . • Jule .. (i'avl'e. El encore, lllPssieurs, si ce n'étnit qUI'


In condmnnation; rnnis J 'aurais voulu vous voir assistcr a la
disr:ussion qui a ¡'~té longue el sDlr>nnC'![c; elle n'a pas dllri'.
llloins de six jOUl'S, Lcs homIlles les plus eOIlsid¿'raJJles dil
barreau onl étó entcndus. Un magistrat t'minent du minis-
t"'re publie a fail son róquisitoil'e; chel1lill raisant, il a dé
eonduit ¡¡ renoncer ¡¡ la ponrsuile [1 l'égard di) (juelq1l8s-uns
des journaux, sans qu'il soit possillle a re~pl'it le plus atten-
tir de comprendrc quclle a été la raison qui l'a dl:terminl~,
Cette raison, elle est certainement excellenle, elle est COIl-
forme aux inspirations de sa conscienee, je n'en doute pas
un seul instant; mais elltin vous voyez, messieurs, aquel
élal de confusioll el de servage en est róduÍle la presse, d
que si l'on ('onserve de pareilles dispositioIJs, on ne pOUl'ra
plus se livrer 11 aUCLlue discussion sans etre en dehors du
droit commun; libre ¡¡ I~OUS seulement de prelldre les uéLat:i
l6gislalifs dans les journaux de I{ussie, et r¡U811U IlOUS y
trouverons une apprécialion qui aurQ ¡'té f~itL~ ~vec la pel'-
mission du prince Gortl'clwkotr, alors IJOUS la publierons si
nous voulons, el encore M.le milJistl'c pOUl'l'a·L-il nOLlS faire
saisir, nous traduire en police correctionnelle el 1l0US faire
condamner ¡¡ des amendes el ¡¡ la prison. (JlIuw:ements divers.)


Voila, en 1.868, ce qui se passe, 3prés la lettre du!!J jan-
vier i867.


s. Exe, 1\1. Pinard, ministre de l'intdtieu/'. C'est le jug'e
qui établira la lignc de démarcation. Vous étes en appel,
attenuez ['arret de la cour! (Non! non! - Vives aeelama-
l loas sur les banes de In gauche.)


ln. le Pl·ésident !!!cllneider, s'adressitnt ü la gaucltl'
dp l'rtsstm{¡{ee. Veuillez túcher, ue ce coté, ue conserver un
pell plus de calme; la discussion sera plus digne.


""JI. le Ministre <le l'inlérieur. Je disais que puisqu'oll
était en appel, on devail attendrc J'arre! de la coUt'.


IU. LatOlU· du Moulin, Vous vous trompez, monsieur le
millistre; nous avons tous ici lo droit d'illtcrpróter la loi, (k
juger vos actes, et vous ne pouvez subordonuer nolre ojJi.
Ilion a la décision d'une cour d'appel.


!ió. Exc. M. B ... ·oche, gardedes scmux, ConrondrelepOll'
voir politique et le pouvoil' judiciaire, C'()~t ['auarchie.




- 6!1-


~I. Loton .. dn 1Ilonlin . .Ir, ne fais allcune conl"usion et
je n'ai jamnis preché l"anarchie.
~I . • Jnle," Favre. M. le ministre de l'intéricur me fait.


l'llOnneur do me dire q uo Hons sammos en appel ol que
nOllS devons alteodre I'arret de la eour. Je lui répondrai
rju'il se trompe et de liou et de langage ... (O¡Ú! auU -
Trés·bipiI! (t la !¡uuche de l'orate/u'. - E,1Jclamations sur
)!lusieurs bmu:s.)


Nous n'avons rien a entcndrc, nous ne sommes pas justi-
ciables de vos tribunaux, notre dignitt: leur est supérieure,
vous ~vez [ait la loi et.l'interprétation en esl impossible.
(Bruit et interl·uption).


Ce n'est pas nlE lribllnaux que j'cntends ülÍre ee proces,
c'ost a vous I (Vire IIppJ'Obatio/L- Applawlissements sur les
banes ü la gauche de l'omteur. - N01!veltes e,r:clmnations
sur d'({utl'es Ómu;s.)


e'est iJ vous, qui, toat en disant que vous nous apportioz
lllHJ loi de liberté, nous apparle?: une loi de servitt:de, hu-
miliallte pour le Corps législatiL (Nom/iI'c/(ses rrclamationil.
- TI'!'s-bien! lnl.;·úir'n! ü la illtuclle de t'oraleu)'.)


El il ne seruit jurnuis venu iJ mon esprit que IIOUS pus·
sions (~tre soumis a un pareil régime, qu'un dcspote seul
pourrnit imaginero (flrllits el mouvemcnts divers).


Toutcs les rois ([u'une assemblée s'est pl'oduite, elle a
trouvó u eolé d'ellc des jOUl'll3UX (Iui avaienl le droit de
rnanifester leur pcnsée; ils onL jugé celle assemblée, ils
ont jugé ses mernbres, leurs discours, el e'esl précisément
dll choc de toutes ces ollir.ions que SOllt nées les lumieres
dont celte trilJUllc a ¡')lé le rellet. VoiJa ce qui s'est passé;
voilá l'état de choses que vous ave?: dólruit; el, apres
l'avoir détruit, vous n'avez pns osé vous justiticr, et certes
nous vous 3\'011S assoz inlerpellés. (llntit. - Tl'c's-bien! it,
la !lWuche de (orateur.)


El vous IIOUS entendrez encore, car Je ne pense pas (IU'il
convienne a aucun de mes colleglles d'attendre, comme
vous le diles, I'arret de la cour impél'iale. Cel arrel n'a rien
a fairc ici, encore une liJis; votre loi seule doit etre juslifiée
ici au poinl de vue de la justice ...


M. le l\linish'e de l'lnté .. ienl·. Le p¡,ojet dr loi p,'




- 70-


parle pas du compte-rendu! (E:cclamatirms "ni' le,~ bancs dI'
la gauche.)
~I. le Pré .. id"ntc Schn"ider. le viens demander en-


core ulIe fois aux memurcs de ce cOté de la [hamure (M. le
President designe les óancs a Sr! gauc/w) de (~om;crvcr un
pru plus de modération el de tenue. (Exclalllations (/
uauche.) Vous rappeliez tout a l'heure la dignitó de l'as-
sembléc. Nous somtJles ici elevant la Chambrc, disiez-vous.
Eh bien, la dignité ele la Chambl'e exige plus de calme et
de modération. (Tres-bien! t!'l's-Men!)


11011. Erne .. tc Ple,u'd, e'est !lOUS qui dórcndons la dignitt;
de la Chambre, el vous ne pouvcz Il8S nous empechCI'."


¡u. le Pré"idelll Schneider. Je no puis vous em-
pecher de parler, mais, encore une fois, je vous prie de
vous nbstonir do pal'l'illos intelTllptions.


La parole est a 1\1. Julc:s Favre et non pas a vous. (l\¡ou-
l'elll?s mal'yues rl'rtJlproúation).


lilrr .• tules Iv',,·;·e. Je no dis ril!1l (¡'un slljet que M. le
ministro n'a p8S touché, el. qui est N;lutit' aux annonces ju-
diciuires el. a la vente des journaux sm la voie publi1lue. Ce
slljet a ete traité ayec trap d'::lUtOl'ité ot d'éloquence par
mon honorable collégue et ami ~I. Jules Simon; jc tiens sim-
plement ¡¡ constator qu'il n'a eté fuit aucuno rc'ponse a celle
obscrvation de droit et d'équilé; qu'en s'arrogennt eapri-
cieusomcnt la l'aeulté d'accordor allx Ilns ee qu'elle re[use
[lUX nutres, l'administrntion onrichit roux qui lui plaisent,
ceux f¡ui la souliennenl, el dépouillo ceux q¡¡i la cornhattent.


Et jc domande a M. lo ministre comment il IlIi sera pos-
sible d8 justiOer de pat'l.:ils errCllIonts en él¡uitú el on jus-
tice.
~D. le lUinistre de Pinté .. ieu.' . .JO m'explilJucrai a c('


sujet 10rs de la discussioll de I'amendornent.
¡u .• Uules Favre. ~I. le millÍslI'ü "cut-il bion permettre


que 1l0US ne procédions pas par dialogue?
Il Y a deux manieres d'obtcllir une réponse.
011 peut obtenir immódiatelllent une réponse : c'est le


lot de la eonv8rsntion. On pent obtenir uno d:ponso aprés
coup : e'est le partnge du discoul's; c'est nlors une discus-
sioll. Si M. le ministro vent mo faire l'hounenr de COll\'Oj'-




- 71 -


ser avec moi, jo suis [Jl'et; mais un pareil Llialogue sera peu
du gout do In Chambre.


;'1. le l\lini .. tre de .-ínterieu.". VOUS m'avez inter-
pellé trois I'ois; jo ne YOUS ai répoudu que deux fois.


:U . ..JuJes (,'.u.'re. Je no sacho pas qu'il soít possible do
poser des questions autrmneut que je ne le fais. Je dis que,
S\I[' ce puint, l'cxplicatiun de M. le ministre me parait él1
contradictioll avec les principt)s de juslieo qu'il a invoques;
et les raisons qui ont ¿~té soumiscs a la ehambre mo som-
blent subsister dans toUlo lenr force,


ren dirai autant, me~sieurs, d'un sujet beaucoup plus
grave, qui n'a été aussi qu'indiqué par ~I.le minisire, ct jo
no lui en fais pas un repl'oche; il élait dans les géuél'alités
de la 10i, et la pareour¡dt d'une maniere sOlIllllaire: c'est
cependant un point capital, le plus importallt de tous, celui
qui domine tous los autres, jo veux parler de la juridic-
tion.


La disposition qui s~isit los (.['iuunaux correctionnels des
délits de la presse est-elle une disposition de droit commun,
comme le disait M. le ministre? Et alors quo nous demau·
dons quo le jury, l:onformérnent aux lois antéricurcs de 1819
et de 1830, soit exclusivoment compétent pour connnítre de
ces délits, demundons-nous uno juridiction privi\{:giée?
~r. le millistre a afürmi' la promiere opjuion; maís M. le
ministre a oublié les iilustres dcvanciers qui, avant lui au
pouvoir, il cólé du pouvoir, ont proclamé, ont reconnu la
nécessité de la juridiction du jury. Ils ont, avec l'aulorité
(juí s'attache á leur talent, a leur parole, a leur pensée, a
leur vie tout entiere, soutenu que la liberté de la presse n'é-
tait (¡u'un nom dnns los pays Ol! le jury n'était pas le juge
des inl'l'actions qu'oJle pouvait comlllettre.


Je pourrais mettro sous vos yeux (juelques-unés de c€s au-
torités; jo les l~cartr·. La disCllssioll I'eviendra plus tardo
Seulement, il nú,st impossible de laissc'r passor, sans y
i'aire une l'éponse pL'diminaiL'e, l'objection la plus redout2ble
. ue j'aie entendUt~ dans I'argumentation de M. lo miuistre
ae i'inléricur, el 'lui consiste a di re que les trilmnaux cor-
rectiol1nels sont, par lcut' cnraclerc et lcm indépendance,
lllicux plocés que lJui \jue ce soit pour ¡¡pprúcier des délits




- 7~-


aussi délicats et aussi irritanls de Ieur naturc. ~ous ver-
I'?ns, rnessicurs, .ce qn'il. fa~t. pensf:l', dans le l?m~ oú nons
vlvons, de ce He mamovlbIlJte qu'on veut conslde~ comme
étant le signe infaillilJle de l'inMpcndance. rai éu l'occa-
sion plusicurs fois de m'expliquer sur cette question ave e
quelques-uns des honorables orateurs qui si('gent au bane
du Gouvernemcnt. J'ai critiqué, sous ce rnpport, I'organi-
sation de la justicc de rnon pays, et j'ai diL : Si vous YOU-
lez une inamovilJililé véritable, abolissez l'avancement;
(ju'a chaque degré de juridiction le trnitcrnent soít égal,
comme la justice doit l'etre. Alors vous n'aurez plus de pré.
texte a l'ambition, comme aussi vous n'aurez plus de raveurs
a promettre, et, par consé~qucnt, d'inlluence á cxercer. Nous


" connaissons tous ce qui se ]Jasse dans les burcanx de la
chancellerie; aussi, quand il faudra nous en expliquer, n'é-
prouverons-llous aucune espece d'embarras: nos paroles se
coneilieront a mel'veille avec le respect que lIUUS profcssons
pour la magistrature.


Maü; il a (;tó mnstamment l'eeonnu qu'attribuer aux ju-
ges ol'dinaÍl'es la connaissance des délits poli tiques, e'Ólait
les engager dans une voie périlleuse oil leur caraetere se
comprornet, ou leur autorité, sans cesse discntée par des
passions envenimées, peul recevoir les plus déplorables ¡¡l-
teinles.


Est·ce que nous n'avons pas, ponr nous I'apprendre,
l'histoire de la Restauration'! Est-ce que dl~ i822 ¡¡ 1830 la
lntte ne s'est pas engag('e préeisément sm ce terrain? Es!-
ti; que ce n'est pas la lIlagistratura Ijuí, la premiere, a dé-
noneé a I'oz-¡inion publique le gouvernernellt qui se perdail
par ses exccs et par ses violen ces ? El e'est lá, messieur~,
ce que vous voulez reeomrneneer. Vous voulez livrer celte
loi qni devrait etre uue ¡oi d'expansion, et qui, je le crains,
ne sera qu'ul1e loi de déflanee, une loi de luLte, une loi de
guerre, vous voulez la livrer a une puissance qui dcvrait
etre, autant que eda scr¡¡it possible, en dchors de tous les
orages publies.


En eITel, lorsquc j'examine, - et jc demande pardon á la
r:hamlJre de 1;:: longne\ll' de ces explicatioIls (11 la gauche
di? l'orateu)' .' 11(11'11';:; I ]lQ)'lcz !); je réponds ici il quelques-




-7:l-


unes des obscl'valiolls de M. le ministre de l'inLédeul', -
lorsClue j'ex3mine, dis·je, ¡¡ucUes sont les pénalités qui de-
vront etl'c 3Jl¡Jliquées pOl' les Jllges ordinaires, il m'est im-
possible de me dérenure d'un véritable sentimcnt d'e(Troi.


M. le ministro un l'int(~ricul' vous a dit qu'eUes avaient
été singuliérement adoucies parce que la prison avait élé
supprimée; ct quand je lis l'exposé des mOlifs, jo renconlre
de cdte suppression une raison véritablemeilt bien singu-
liere el que je ne puis accepter sans protcstation : 011 a
fermé la prison de peur qu'elle ne devint un piédestal.


Aux yeux de M. le ministre, lous ceux qui tiennent une
plume sont des ambilicux; ils l'event une fortunc précoce;
ils vaulent I'escalader u raide du sea n dale et du bruit.


Quelques t'oix. Olli! oui!
l\l • ..rule .. • 'a .... ·e. Quelle est done I'opinion que JiI. le


ministre a des penseurs et des éCl'ivains de son temps ?
E8l-ee qm' ce n'est pas par eelte honorable et digne \'oie


que lui-lIléme s'est a\':IIJCé vers la haute situalion que son
talent justilie? et poul'quoi ne veut-il pas que dans notre
pays de nobles ardeurs, de saintes aspirations animent les
c02urs? (Interl'uptiolL) l'oul'Cjlloi ne pas eonvier tous les
esprit s ¡¡ ['examen des alTaires publiques, précisément paree
que e'est dans ces luttes quotidiennes, dans ce travail,
dans ce labeur c¡un les esprits se forment et qu'un joU[' ceux
qui ont tena ainsi la plume deviennent capa bies de diriger
les destinées de leul' pays,


Est-ce que (:e n'est pas la I'histoire de tous les temps? Et
a quoi botl s'insul'ger contre elle? El quoi bon décréter ceLte
sorte de suspicion contl'c tons eeux qui se livrent á un scm-
blable lravail, et poul'quoi eraindl'C r¡ne paree que la per-
sécution viendrait á les frappel', la popularité les couronnüt?
Oh! que M. le minislre en soit SÚl', la flojJularitó ne \'El qu'il
cr~llX que la persécution a injustement mleinls. (Tres-bien!
SIl!' les banrs a la yaucllf de l'oJ'atcu/'.) Elle les vellg'e alo1's.
TOeltes le" roio au contt'nit'e quo la poursnite est lrgi liméc
p:li' la conscicnce [luuliquc, celui fjui :J eberehú dn[ls le
jmlit un vaill rellom f[u'il ne flIl'ritait pas, retombe dan,; In
poussi0re flui doit ütre son partage. (Assentimenl sur le.~
mr1mes bancs.)




IIInis cnfln vous aVi'Z ¡,i'il'_'jjdu ;:;iouei.l' leo fll'Dulitlc
Qu'arez-vous r,,¡l? Vuus ;¡WZ (;r«: dl's ;,¡nl;¡¡ues qni, (,j
vous ra dit, peuYellt iilTiver i¡ c!e8 j¡l'o:,c¡':io'", lel\";",,,,'
énormcs, ,u'elks v'uY(~nt ['tre eom;j¡krl~I"" C'JliH)j,~ umi :.:\;-
fiscation. (C'f8t cela 1)


Vous avez eonscr\li dans 'olrc [oi la ¡;lIpllr,:s,;ioll flé 1:: ,,'¡:'-
pensiono Et ljud1es sout ces jJl'Ílws? i:sL-cC i;lJL' Ll: son, él,"
peines qui [Jeuvent etre cxpliqul'es piE' le uro!:, Cl'[H¡in.'i:'
Est-cc 1n'elles n'en sont pas la violalioIl la plll~ ;u:;¡lift's[,' ?
Le dl'Oit erinlinel vcut qu'on alleigne l'agrmt coujJ~l¡nnd
son intenlion perverse et son Dcte reprodwUlc sonl o. i110iJ-
Irés, Mais C[ll'Oll aille au-deJa, qU'OH lo jl1ln:sse UllllS l'a\t.'-
nir; qu'on atteigue les pCllsées quí ne se font [las i'll~,Jr,
produítes, que paree ijU'Uil l~cri\nin ri failli 011 nt1e:{l'ni' b
joul'l18i, '¡ue pnrcequele fl'uit est mnu\'ai" 011 alJ~tle ¡-o,'lm,
ce sont tu des p0ndit6s sllllvnges f[::i Ullt kili' ori~¡l!l' dUlis
le Llroit l'l~galiell, c!ans celio jJ,,¡js,atl~;; UhVlll,,' 'JI::' ;:' p.:1:-
voil' S\'sl ilinint.enu8 sur ~::l pr¡~:-~St) pend:1I1L ~(lnL L; l'l'g¡¡JH' d'
18f):2. 11 :)'e;s~ trap ::;onVel1H de.,; p:i\lkg(ls ,plJil ;¡\'Di! ~: cctrc
époqn<\ :~t JI ;1 \~UitlU qile C.,'S p:·i\Ti~I,··~~'C;) Ú;i':"uul, ul'li;lt¡J::C.~,
pHe la lij l1L\~\-¡~il.¡~. f'::j dis nulfll:l dt~ In ml;::,p~:llc::,i(rilJ ('ni.~
ontin l'observatioll de :\1. i(c :i'¡;",'¡'(l 8tH ell ¡,O;ll mL' 1 :::'::l~
ne pas IIl¡'Titl'¡' lllW rd'ulntiü;¡ ';::Tit;ll'(~'


La suspension, dites-vO!ls, lI'l'S~ IjU':!lW PCil)' [(;tril"I:;;:\' ~
La suspellsion qui frnp¡w['l¡ lill .]oul'll:11 Iwudalll u(;UX m'Ji:,


qui rompra talls les licns ,~u :sa cliculdc, qui fr~pp8;'ii di.;
misere loules les famillL's qlli vil'cut d'uu,c ~el!lIJlaJ¡lrl illllus-
tde, enCUl'e unl; fois, e'o,;, 1:) lIlW p¿'iluli'(·.' q:iC ricl! !le .ill~­
litie, si Cl' n'est une déliance oxc,',:,;iI'c eOlllrc la pi'eS,!':. t',
l'intentiüIl de l'el(;tJÍ!' en ¡lleme l:.'lllpS :tu'o" dünll;~, dl~ ::..:
conserver d/'s arillOS teltl'i.ucllL n~l_'ll¡ll:,jel'Cs qu';'}!l ~;uur;.':-·
saU3 C0l)~.,C alt(:ittüru CCtL\ i!L_:\\íu'·ls un Ulil'a ~!e~~;_;rd!': L;l ~i'
berté el at~\'ilL\!S on la j>UUI'I"1 ~:i\'-¡~' ¡(HItes 1Lls ;:)1.',
né\_'C's~i¡ és glHl \'!.-:rllL'lnrlll(lle~ !" L';.¡ ~,¡,¡ (dll.


Eb Lit:!!¡ les ~;(Jl\8!;tl~' ,¡t\nli¿'.lt~:s ~~.!L¡¡",·~) (~¡1I1:3 k\-;\f:l' i
nous pOllYÜ(I~ (~tLldit.:r rhhtuii';"; lh;U:S fUII!'lii:'.::Jt_'!;.
d'exemplc8 pOlir que llOU, pllissiollS a i'llrllll';' edi.' lél'ii",
comme un axiome : que laus k~ gOllve¡'!lUllICnLS 'i[ti a'vat
pas pu vivre avee la liberté de la lm.;~se, SI: sonL lJrises, üLl




eontre l'invasioll l:tratlgl:l'e ou contre la l'évolulÍoll int,';-
rieure. El, Gomma ni les 1l11S l!i les ;1lllres, nous lie vonlolls
ue semlJlalJles ca'nsti'oplll!s. Uf¡! !Ih' ln>s-úicn!) il i'nlll qll:~
1l0US ¡¡Yous le cOlll'ag' ({etre 1¡¡1¡'(','; il faut que !lons ~l(>'ep­
lions le ¡'¡'gilllii Je la lilh~I'lé, SDIlS liOllS al'I'C:lnr ir CPS CfRintes
fl'Ívol~s, fll,,;sug'i:r~s, que pcuYel1t I'aire nadre les ,¡gilations
qui 3Dnt!cos cOllséquenccs illéYitables dú son établisse-
men!.


D'ailleurs, ost-ce que nous pouyons fermor les yeux a tout
ce qui ~e passe aulour de nous? Est-ce que ce n'est pas la
deslilll:e de rEurope? Est-ce que nOlls ne voyons pas eha ..
que nation venir s'asseoir successivemcnt ¡¡ ce banquet?
Est·ce Ilue nous ne voyons pas les rois absolus déposer, du
IIloins en ]lil¡'lie, leul's courOlllrc~., et les pmlJlles recollquérir
leurs droils? Soyez"cll slirs, les mrpris injustes, passiollnés
dont, ém-delú de [lOS ff'Uulieres, llOIlS SOllllTIeS qllelquefois les
vidirJllcs, ces Sal'CaSlllUS dirigós, ¡PIl' tIlle raee nssmélllcaL
Yil'il(~, rnais (jIW rlOIIS y¡¡lons (;('I'I,;lllemcnt ;) 10us ('gards,
conll'C la raee l:ilille, nc; SDllL cx)¡lie:il)jes que [J'll'C8 que, ;)11-
d,·J:¡ di' nos I'l'ont.it':I'I'S, 01) 110U;; ero!, rl"signl's iJ la servitud,'.
(Vi,.,,'" ;'eclllm.a! ions sl/r /In (fl'¡{lUZ iUJ¡¡¿ÚrU de úalics, - AJ!-
P;llI!l/'SSI:lIII'II,f,S SI//' Ijw:IIj/ll's {¡flnCS ,i lit !/W1L'ÍIC de t'urateur.)


,'i, JEI'n~,,,( p¡(''''''<I, i'luu:; He :;Olmnes pas résigllL'S.
:\íi. ¡e 1~I·i>;~j,¡Bcnt, ~<-~hn,"->;ideI". Jc dC1l1;:J11di~ crF:orc une


fois Ü l'oralcm de IW dónigl'er ni nolre él aL ili notre pays.
Ce mol de S2!'vilude (¡u'il a plusieul's rois dl'ja l'épété, l'Jl
llll:lme tcm]ls Cju'il csL J'uuc illjUStir,f) évidente, llO Jleut ¡P'I)
faire tOl't ¡¡ Sil llrese, eur \'exugól'alioll Cell toujuurs un m:m'
vais auxiliaire. (TI',;s-bien' tris-bien!)


:\1. Jule .. I"fin'c, J';)Jlpelle sel'vilnde In substilulion cíe
l'arbitraire a l'ar,tioll dc la loi.


1\1, EU¡;'~Ile Pellctfin. Tl'i's-bien!'"
¡u. ""les I',,~'rc. El e'esl ¡>l'¡"cisémcnt parce que la loí


qui vous ost proposl'c n'llt'erure tro~1 de souvcnirs el trop de
traces du (l(ocrpt de 18:;2, flui avait cotlsllné un pareil sys ..
tellle, queje vuus dellllllldü Je la I'ÓfOrmel' par des rnoditiea-
tiul1s libérall)s; et je VOIlS dis, ;)vec une conviction profonde,
que c'esl li! le seul conseil que nous donnent, non-seule-
mcnL la poli tique, l'intérét moral, mais encore la sécurité




- 76-


publique (Interruption,) , le soucí de la g'randeur du pays au
dedans et au dehors.


Nous ne pouvons pas souffrír longtemps qu'en Prusse et
en Autriehe on organise e.on installe des institutions cent
[ois plus lihérales que les notres (Moucrrnmts dners), el
quand nous sommes plae('s 11 la queue dr,s autres nations,
soyez sürs que, tOt ou tard, la Franee en ressentira un cha-
grín amero La Franee, on vous l'a dit, veut impérieusement
vivre et penser par elle-meme; elle veut elre elle-me me et
rien qu'elle-meme. C'est 11 celte condition qu'elle sera
grande au dedans et qu'elle sera aussi invincible au dehors,
si jamaís l'étrangér oSHít l'attaquer. (Vives marques d'appro-
bation a la gauche de l"orateur. - L'honorable mcmúre, en
se retournant ti sa place, est! felicite par ses amis .)




DISCUSSION GÉNÉRALE


DISCOURS
DE


~1. ERNEST PICARD
Députó de la Seiae.


Sl~ANCE DU 1('J" FÉVRIER 18G8.


l'Ol. le PI'é .. ldent I!olchnclder. La parole est á M. Er-
nest Picard,
~I. El'ne .. t Picardo lVIessieurs, je suis ohligó de recon-


naitre que si la loí n'inspire pas d'enthousiasme a une partie
de eelte assemblóe, elle n'inspire pas non plus une grande
passion aux llOllorablcs représentants du Gouvernement; et
je remereie d'autant plus l'honorahle ministre de la jusliee
d'etre monté a cene trilmne pour la dél'endre, en l'l'pOIlUHut
au discours que vous avez enlenuu hier.


En poli tique, les breuvages les plus amcI'S peuvent quel-
qllcfois Ctrc sallltaires, el la voix de la raison peut cO!lseil-
Jer ce qlli esl (~ontraire a nos désirs.


Quant a nous, si nOlls étions, comme on nous ['a reproché
lrop souvent, des ennernis systpmatíques, des ndveI'sair(~s
que ríen ne peut eonvaincre, nous aurions aujourd'hui une
occasion cxcellente: !lOUS nous joindrions a la partie ou




í8 .-


lrop limide, ou trop résistante de celle assemblée, el nous
lui laisserions remporler le sucei~s l'acilc <lll rcid dé l~ Joi.
Ils triolllpllcl'ail'nt le JULlt' dI! vole, llIais il nOllS ~,('rnir, bien
ni~,_; de !rio;nphcl' le Icndelll:lÍn. (Jlow">I1U?lIts r/ii'c}'S,)


Quelr¡nes cuL¡; ü la(Jauchl'de I'oratl'w', Trés-bicn! td's·bien !
¡u. F:rne"t P¡"'3rd. Car jamais on n'aurn.il proe\:nné plus


haut, contt'e les instil¡;lions dont nOllS dctnGlldons ilvec vous
le perfectíonncment, qu'elles sont condamn(es il \lne com-
pléte imtItobílíté. PJijJl'uúation á la !Jauche de l'ol',,tl'lIr.) El
quand j'rntcndaís l'honorable ministre de la .lIlSLic:e dóelarcr
tout a l'heure que, dans ce qn'il a appc!r:, l'ínterrl:g'ne ck la
loi, la presse avait., pal' la vivacilé de sa pol¡"miqne, par
l'ardeur de ses attllques, inspiró des I'egrets el des doutes
ti ceLlx mémes qlli pl'{~selllaient la loí et ([ui la dNcndc'nt,
j'élais tenté de l'interrOtItl)I'(~ pOUl' lui rsppeler qu'il s'agis-
sait de cette presse autoris('e, choisie, pOUl' la plus grande
partie, par le Gouvernement lui-tItr'me". (D¡i¡/!;f/atiolls Sil),
plusieun úalles) el qui a dll subir ~es illSpil'atiolls peildallt
si longtrrnps. (lVouve/les dfné(jatiolls.) .l'pxeeple, IIlI~SSieLlI'S,
les éCl'Ívains ljui exislaienl antt"l'il'ul'cment Pl Ijlli n'ont pos
eu besoin d'uulOl'isuliun, eeux dont le caL'~(~tl\L'() (,t l'auloritó
sont tels qll'i1 n'csl pas possible de l"!enser q\'C' M, le mi-
nistre fít aUusion a 18urs é'criU;.


Et j'ajonte que M. le ministre élail bien Sf'YL:re qUDnd il
se plaignait des ardeurs et de la vivacil(' de In ;)J'csse dans
ces dcrniers temps. (iil!! ah!) Elle a p:ll'k, lflcssieurs, en
présence d'événomcnts qui {~tUj¡!llt graves; elle n fait en-
tendre alol's ce qll'O!1 n rll raison d'appeler la v:¡ix de la na-
tian, .. (A.h! al!! .- Ri/'es i/'oliiqlles SIl/' divo'.) vunesl, cal' la
voix de la na tion, e'est r.e deoit indiyiduel, pour tout mem-
hre de 13 nation, pOUI' tout nwmhre de el'tte gr'ande cora-
mun3uté, de ]!ollvoir é-lc\'l'l' la v"ix, rníN~ cOllnoltrc so:: opi-
nion et l'clairer (JUClqlldoi~i ]" (~()u\'('rm'm(,lll, qui rcconn¡¡it
lni-mome ;11 1jOUl'd'hui qu'il n'!'sl, ;,ns iul'uillilJle. (Ap,'JI'u!¡u <
tion ü la !Jaacllc de l'orotelll'.)


Si !lOUS e:tiO!lS ces ndVl't'sail'es systC'matiques, 1I0\lS no,l,o
tlOrnc:'ions, lllessieurs, ¡¡ nssistcr á ce tournoi l;lItre deux
par:ics ú: In majorité el iJ ell remeillil' les l'l1seignemunls.
}Iais \lOUS nous somInes fait une autrc I'()g'lc de cOllduitc :




- 79 -


r¡;:nnd nous n'ntfcigno'iS ptlS l'¡,V;¡1 qllP nolt'p esprit eon0oif,
11:',:::; ,,']VOIIS llr¡!I:: :!",,;w,!rll' il('!I'IIII,Ii:!" anx Inl1,"liol';;tions r,uí
:' '1! pl'tIP(I-'<"~'~, ¡~~'~:-:.. ~]~. :·"r",~)~~~: innYl!s o'!ntl'cHluirl} d:!:I:)
~:l !r~¡ 1"'; ,í~l(\ 11'Hb (',!)ih¡:l/':'!)I"~ !'r)llLtlP Uq PP(;gCl~S, (I)/;/u)ga-
fiOt/" Sil!' }J/iUÚ¡IIUS hft/ll'';'.)


l'ÜII\'('Z·\'(U' hi(lll. 111'cssilllll'S, COl] tesler ee rait, qUlmd
tout a l'IW!il'(I, ¡J cI'Un tl'ilnlllr meme, J'honorahle ministrf)
nOllS f1iSllit '!d 110mWllr i mm('·r-ité do nou,> citer comme llll-
!oritf' h J'appui rlu PI'ojet d," loi, el nvaiL bion vonlu rdcver
les votes que Hons nVOl1S dOlltll'S a l'al1lellLlement de l'hOllO-
,';!!ll,! :JI. Marlel '} (,1 ¡¡¡¡ro{¡a! tun ,'1 lit !lilUC,'I,e de l'oJ'atenr.)


NOllS Il'avons ¡¡as sOllg(' le lIloins du monde 11 trmir C()tt()
ligne de eondllile, Nous nous sommes plae{'s en faee de la
qurstion si gravrl qui vous e,! soumise, et, fidélos a nos pré-
d'dents, fldi:lr:s il nos comietions ot á nos principes, nous
¡le pnllVOllS \l3', 'luond lo GouvernemonL propose de subs-
¡¡I¡w,' In loi aill'l'gill1() ndmi¡¡islnltir,hésitm' un seul instant.
:\Ol!~ vill~'i'on:; ¡limc, d !lOIIS vot,:I'OI1S imm('dintcll1()llt l'ar-
Ii,':': ler ,L' I:II,)L r! 1:11,; [,)11[, ()!11ir'!1'() p011e fait'o passcr rDr-
; ¡':!:) ,! lr. OTIJIII:I?II1I'ii.l!; rlil'I'í'S,)


Si n(}lI~ l!gis,ion~ Dlllt'l'nH!:!l, !]}C'SSi0U1'S, si la loi ne pas~
;:,lit pilS, v()lIilkz y I'UI('ehil' lUi ]l:"U, quellr serait laeondition
dil 1~ILVI'I'ilOII](;nt? QIIi'Il;' SI'l'"iL la condition de la presse?
,01lS I/unl r('gili¡C I'csLcl'sil-elle'! Quel ~eraiL son juge?


Co jugc eontill\,pJ'llit a deo :\1. le ministro de l'illlü1'ÍCI:l',
et il s,!r8i[ l'ol'l '~lfIlJn[Tass(;, eel'tGS, un rardeslI que vous lui
conservel'icz; <:.,11' 11, Joi (jlli vous (;sl prés::mt,ée, ne vous y
trompez p~IS, 01le VOllS osi l)l'(-so¡!tél~ eomme un bicni'ait
spontanó !,'il' le (;¡)jl ve!'lwm"nt; tnRis elle est aussi, el el!-
COfe plus pour IO\l;; "!'IlX ,¡ni Ollt slIivi les aff8ires pnbliquGs,
llno nÉ'crssil'" l¡llL,jl','ill j![',,'SSil li [C' (!lI'illl'P,S~ pas p()~~iblü cl;~
s'y sous\rilil','" (;r.JilG";!r"II., ,Iil'¡'/'.<,\


;jI. le miliistl'c (J¡, I'¡'!;."i'ii~l'i' 'L:!ll dllllS S(;5 tl1ajn~ h3bilt.:'l
]"s rC'lles d"la \,I'<"SI' I.I'S Lié'ni-iI hirm fCl'llle" Est-il súr,
h;~ qui düvien1 l·L':;pUHS¡!;'J.~, l¡al' ~~~ d("crl.\t du ti rt~vl'iel', de
In;:! líe lJui s'óel'il (It de 11)::1- C:~ 'lui ne s'écril pas, c5,-il SÚI'
<>'~,I'e a la blmlcur Üt' eclL,; [Jl'ucligieuse l'ü,;pollsalJilitéT Et
ie pouvoir que la ConslllulLOll luí dOllllC, c¡lIe les bornes lIé-
cessaires de la faiblesse humainc eoutierltlellt, esl-il Ull




- 80-


pouvoir l(Jl qu'i! puisse faire de lui le ródacleur souverain
de tous les journaux, le ga rdien supreme et le censeur de
celle force impondérable, immellse, qui ne pcut ótre eon-
tenue, qu'on appelle la presse. Celte force a un allié ({ui
('ehappe a toute aelion el qui la fait plus puissanto que
tous; jo veux dire le leeteur, qui partage certaines eonvie-
tions et ecrtaines idees, Aussi, lorsque vous ehoisissez avec
soin les élus auxque!s vous eonliez le soin de faire l'éduea-
lion poli tique du pays, eeux-ci, par l'attraction incvitable
qui los (JntrainE', aprE:s avoir vn rejeter par le publie les doc-
trines qn'ils étaient chargés de Ini olfrir, deviennent néces-
sairement des organes d'opposition,


Vous saviez bien que le décret du 17 février i852 est
brisó entre vos mains et vous n'avez mÜll1e pas pu atten-
dre, pour I'abandonnel', l'heure oú celte loi serai! \'otée;
vous I'avez laissé les premiers, "Vous avcz les prellliers l'e-
COlll'U aux trihunaux ordinaires, paree que vous saviez que
e'ótait lil seult:ment que vous pourriez lrouver le supplé-
llIent de foree qui, en ee momellt, vous sernble clre neces-
sait'c, (Assentimwt ü la !JCl1u:he de l'orateul'.)


Voila pouf(l'wi, messietll'~, je suÍs saus passion ¡¡ cette
tribune, .. (Rires ironiljues sU)' plusieurs bancs,) et pourr¡uoi,
tout en désirant le vote de la loi, je n'exprime et !le res-
sellS aucune inquiétude,


La majorité veut-elle reculer, donner au Gouverncmenl
un dómenti, et déclarer qu'un pouvoir qui existe depuis si
longtemps ne peut pas mcme déférer aux tribunaux ordi-
naires les délits de presse? Si la majorité veut cela, elle
comblera de joie les ennemis systématiques auxquels tout
¡t l'heure je faisais allusion; mais, nous, dans l'aecornplis-
soment de notre devoir de députés, nous p[(lI,;ons autrement
la questioll et nous I'examine['olls sous un autre aspeet.
(TI',"s-úieu! tl'll.~-úien! i! la !l((.l1c/!e de l'ol'l!teur.)


Eh bien! que dire du Pl'Ojct de loi qui vous est soumis ':1
Est-il une perfection? pouvait-il otre une pcrfeetion? Apres
un 311ssi long oullli des pl'incipes élémentaires, ótait il P08-
sibIe qu'il naquit, dans l'esprit meme le plus intelli:';'0Ilt des
membres de lel eommission, un de ces projets qui Jút de na-
tlll'e a faire face aux exigences et aux néccssites actuclles?




- NI -


Personne, messieurs, n'a pu le penser; el ecpendanl je
prends acte, bii'n volontiers, de eelle lléelaralion de bOllllC
volonte que faisnit enlcudrc túut a l'houre aceIte lribUI\()
l'honorable garde des sceaux : dans l'E:xamen des questiúns
spéeiales qui se púseront sur les amendements, nous diseu-
terons sans vivncité, nous ehel'cherons Cllst!lIlble la ve-
rité, et si nOlls pouvúns la faire pónétrer dnns vos esprits,
nous sorúns heureux do la yoir consacrl'o par vos suffragcs,


Nous discuterolls sans vivacite! ... Et cependant est-cc
qu'il serait digne d'un gouvernement scrieux de tenír ti un
grand pays publiquernent et dans une grande asscl1lbléc ce
langage: Prenez garde! Nous avons pensé - el cela n'a
pas dé une ]lens{~e irrefléchie, longtemps elle a séjourné
dans notre esprit, longtemps, avant de la produire dans
celte enceinlt', nous I'avons retenue, nous avons pensé qu'il
fallait donner ti la prosse, non pas la liberté, - ce n'est
pns unp, loi sur la libertó ue la presse ¡¡ui est faite, - rnais
une indépondance dont elll; ne jouissait pus.Et, maintenant,
parce que les membres do I'opposiliun é1évent un peu la
voix, parce (ju'en pl'éscuce de cerlaines (jueslions (jui les
passionuent, ils font onlend~e des plaintes aussi ameros que
légitimes, VOiUl le projet (¡lli va s'évanouir, voila la libel'té
de la presso qui n'est plus une nécessité pour le pays.


Messieurs, ced n'esl digne u'aucllll des metllbres de cette
asselllblee, (Tn's-úien I ir la {lanche de l'orateu/'.) La loi
n'est pas faite pOUl' plail'e a la lllajúritl~, olIo n'ost pas faito
pour plaire ¡¡ la minorité, - on s'en aper¡;oit bien, - ollo
n'est pas mcml' faito dans l'intéret des journalistes; elle est
faito dans J'intóret supórieur du pays. (Tres-bien! sur les
mflnes (¡anes,) 1\'ous devons en examiner I'ensemble el nOllS
devons cherchor si ello rondra, dans une certaine lllOSUrl),
les serviees qu'un en 8ttend. (ApPl'obation it la (j({w:!w rir
l'ol'ateut) .


Eh uien, ll1CSSiCilrs, je vOlldrais, suiv~nt l'horwra!Jlo mi-
nistre dans l'o:-..amcn de~, deux questions qu'll a porü"(':> ¡l
eeltc lri¡JUne, faire eUlllprellLlrc it la Chambre,-si elle vcut
bien jlJ'ócoutcr, - eOlIlllle!lt, lout en acceptant sur la presse
une législation qui ne touche Ilullement ti l'utopie, nou:> ne
pou VOllS pas ctre de son a vis en ce qui touche une des ques-


5,




:iot!s fnl1rlnil1l'n'ales lIu ~w:'jt, c'.'st-i¡·-dil'C la qucstion de
juridir:linlJ.


Ju Y'J,Hlrais aussi, lll(~ssiellrs, nborde!' en ,;ltcJ¡jUCS Illots
rrlte, ':lwslion aetucl1() qui i:ll{'resse nut:mi, ¡,r:i'11H,:lcz-moi
d" In dirn, la uignit{, UIl GonVl'l'IJü!lll'llt. IJlW (',,!ti; d,; ['(,Un
ass('mblre tout cntirl'e. l:dtr, question j¡iz;!!'¡,u (¡¡'8 cnl!íptcs
1'1'IlUUS, d'Oll sont sortts des proccs qui ont S()l'ri eomrne do
jll'i'llldo ¡, In dis,,;¡ssiol1 qui 110n8 o~CUP(' (,!] CÜ Illomrnt el
('ui, \'008 en eonvicndri'z, sont 1Ii()11 (:npa[¡!,js lIt; nous ins-
];11""1' une: I(.gilillll' cldiane(\ qll:Jllt a i\!spri.. ,¡ni a dú pré'si-
di)!' illa l<'dilel;:)" dl! pl'Ojet di! loi.


En ce C[ui '.'Ulll:Cl'lll' les tUI"P'CS rendu" :·s\-i1 vrai ? ..
1;.fUit.) Si la Chambl'ü llL' GI'oH ]HIS qU'lIil" f.'¡<"l\ssioll :ioil
n(.ce:ssail'e SUI' ec sUJot.,. (Si! Si 1 - 1'111'[(';:' : ¡Iurle:; 1)


Les poursuitcs (¡ui 0':1 ,:'ll! diri;c,l'l:' couLl'l: 1(!8 eOlllples
rcndus a la yeille de ce dd:ar 0111 <JllJCI¡(', dl! la part des
journaux les plus nllaché's aux lli,cu,:,iu!IS JilJlili'íUC;;, UII si-
!cnel' pllls absolu SUl' uos It'lJvaux Jl! ¡lIC lrui;,í"', d [(¡ut il
l'ilcure je fe:rai connaitr¡; l'e:xccpliún,


Tandis qu'i:I celte It'ibllljp l'llUuorable ministr¡; cl'l~taL
venait, avec la gravité de 5a lJal'ol:', d6dal'cl' 'lile: le Gourcl'-
nement n'enteudait llldl1'8 HlltUlIC (~lItl'ave Ü la diseussion,
C[Il'i[ youl,liL sculemüllt s'Oppu~l:r ~w cotllJlte rcudll parasitr,
et qu'ainsi la Chamlm.l ]luuyail, el! toute sl"eul'ilé, laisser
]lGS8r' la queslioll qui ('lal L sOilmise aux tt'iIJ!!Ilnux, les tl'i-
LilnUUX r¿'pondaienl P,lt' dix .Jugemcn:s ellll~us 1.:11 termes tel"
que nO:l-s8ulelllenl des l;nlt'nves t':tai8nt lJIi,;cs il la discus-
SiOll, lfl8is c¡ue, SOllS peilw (}'une forte amell':", lu!1t jOUrl,,¡<
liste pl'udetlt {'tnit obligó de se [ail',;.


e'esl la, messicnrs, un raiL incIJtlte6la]¡ll:' dúnt je pout'-
rHis \'OllS donllL:t' l,ix preuves en ce Il101IJelli, Lü fait de
reproJlli l'l~ un (}o vo" ~mcndellletlls el d'iltdi:jUC l' le sor~ C]u'il
f\ l'e¡,;u, le Coito U(~ dir:...' ritnprcs:-)ioll pl'oduitl; su:' rHsscnlJ)l{\~
p",' It' dlc;Lllurs 1"]0(I'"e:1t de l'i,ollUr,,[¡I,) :U. Seg¡;~; luus e,'s
l"ails on1. ;'~k, t:!.F,~;J.·i¡í·'~ CUnJJUl~ L:its (~olld;!tutiabl\.'s; ct 1!~
triiJulIJ1, ~¡j¡ntlt au 1.~¡:lü tIcl la 1l(~tlt·J~t~ qui aV:JiL !~'ll:' t:\IJl'i<Il~'J
ici par _\1. k lltillhll\; d'ELul, a dl't:!¡¡t'l; que de telks ,JíJjJl'\~­
eiations ne pO!1v:tient [1\'oil' lieu. C'est ce qui réslilt(j des ju-
gements dont je par!üis.




\ eelle lr'ihllili" iI¡>i"'S '.1. ::~ ]ll¡lli~i'c de l'intpl'iCllr, 1'110-
lj' H':ll~)L B:l·:,i'!l:~ ~:' .~~' ,Jj! : Ln CS~. (,ll G].\pel,


:1 el .,1. : • ¡'!'l; ~ ¡
I::):~l;n('.:' "1 jd' j(:n sI {':1 :li;P~;~ ,~t llO~!~ n!lrnr:j~o~-~S
l':llTt~t! )[;li." ¡WS 1(\ ,::,';1\,-; dp n~o¡1dc~ n1{\ssiC'ur,q: 18 !JuP~­
tiO;l, elle (',1 ir;i." (1'1';'8-[';1'/) ~ 1I !a f/lIlldW d,) r,J(((!I'W'.1
VüUS eles 1~~ ¡~'ihtrnal sUih1er(]i~! POUj' la r{lsoudrp, et, r~l
qnnll}'lcs 1110t~, jr Y¡1i~ \-UIlS tJI~l:1:1I1dc'l-' dl!S ::xplientions r,r:-
l{lg'ot'iqllcs sur ec pni~lL ~rai 0, C't~ <:e n¡on¡nnt, je lo erois,
UIlO r,ssez ;:\T:l11de i,m!()('! :l!~e',) pt 11:10 [l;;SCl grande gnl~
,ité,


J!' comprrnds Ir,\s-l¡i,,¡¡ !M dis:losilinns du s{~natus­
cnD~·;llltc et dp !p ':n~l~l¡t¡!iio¡': {'It co sens qU'OIl Dvait
Y(Ylln, p~l> une' I~' '¡ ·:',t~'dr: I_j S'-llJS 18. fOl'rne d'une
{:ol1lJ'~Y"lllinn, !:::,' ':,'''J';'¡i~liull ~¡dl'18 dI! lextr' de


l'
d(~ ;1 :;:~L:S~;¡Jl}. :¡ ;l;: ~! "'<~L<L ';;, lní~;~n~~ d" ~:;I!~i'J¡io:1, qui
pe¡r,-, nt ('xi:-;<'[' \':l i;'<;,l:', '" L;.:)t0-r(~t1\;¡1 ~ tr¡utcs le':! fois
(¡Ul' ;,' L¡'xL~ ~\.! 'je::', -:¡' tnt¡;es !r~ L;is r[ue Ir leclcul'
lJe p:_'uL jlRS ;-.:\-\ L:'(),::, .,' ": q'¡( ~ :¡':.':H r!~r'l~~le~ i! s8it qu'il
1:,' !¡¡ JIU~ 1:. ,i.!i~ ¡::, !:I~ ,_'!_~ Li}:1i:s 1'~~r:ieL\ :~'~,P1H¡l','in-
o,"~ dn (: ..... :' l,<


J .. ' !l
:l ,'In;!' ¡>~j!U!lL' l:~ .10nr, p~ ~a pr:1_
i';¡\·,-~¡¡ C.D¡ISíL~i\'·) q~i'jl 11(\ C111\T8-


p:-:'; ;~n. í;'):i'.:Tl' ~'Jl';.:, dI.:' C.:.Jlj~;: ~".!T!' C:_'lI1!~,e ~~ü;¡tr()il'e
;, ,~l ~¡¡j j'('."\c'!'cie,_~ ~r,~ll{' il;J;'¡"¡:le li;x:i'tt\ ,_~ ~)nl' tu point, jo
l' >'():HjL(1'\i1(~¡'ili '!.I:;,:(!¡'aL;\,~·, !):"':¡n~~s dll GOlivcrnelnent
L:! ~ -::U¡':' t~~_\~ ¡Ud;' :!;\L:': r;Il!,:_':'\~r,' k:-'¡ ::lllS SÓl'icux, COllHlle!e


: ¡ ',', ',(,I'I'{,!!L ' p'L.!,,' ces jOUl'Blmx ron!
f;lil'L';\ nnti'e lTIilP:('l!:',') x "n~\s) r~ Ü l'J,.',:sr·nll)li'c ~_1r.\'"8nl.l[¡­
qr.ldtc rili l'hUiltE';lr d(' p>~'!t':\ el. CO!n!n0n~ Oll jllg{~ lp SlH~CCS
ll~":snslt'~·~;): i[~.'~ h\ CU;¡\.T. :;)1';11,11::,!1 l'í;il1 .,.);,1,", ~l(~:¡s J'rnC'0inle
dll ir'dlllll::!' (,';';'{: 1, ,'Ji


Et ln:li:!~«ll~~ll:. ji'


\ ~ ( " ; {', '; !lu'


",1'


'!


,'j,f;,,'/u:di' !'o¡'(Jtf'nr!)
,I':id ':1i C"ll\'enH'n1Cnt ecci :
~d:·'¡']~~;nl! dil [:'ibul101 el la


I~'" 'PI' L':;, lt,,~: P~!~~i {'l{\nleltt(l~l'CS ne s'O~;j-,O-
;: ~~; ;~ í~l' {!nt~ Vn11S "~tl1c,'/" V.'!U~, h:~, ~·I?Jl'{::~entnnl~~. rrl!n




-IH -


grand pays, les organes uu GOl] vCrtWlllcnt, vous cacher li-
midcment derriére votre juge de police eorl'ectiollnclle pOUl'
lui demander d'interprder la loi, alors '¡lIC la loi rie doil
elre ([ ne peut elre interpl'('l(;C qu'ici.


A la !Jauche de l'oratwr. Trés-bien! tres-bien!
JU. E.'ne",t Picardo El j'abL'Ítu mcs parol,~s SOU8 um,


autorité qu'on cite toujonrs en porcille matiórc, eelle de
Hoyer-Collard : «( Les juges, dit·iI, ne peuvent qu'appliqucr
la loi; ce principe est d'une rigueur ahsolue dans tous les
gouvernements repróscntatifs. > - et je suppose que ~lS
voulez etre un gouvernement représenu] ti\"; - « s'ils I'in-
terpl'ótent, ils ne sont plus des jugos: ils uevicnncnt desj(~­
gislateurs opposés aux pouvoirs de la société; ils fonl au-
trement que ne 1'ont vouln ceux ([ui seuls ont le droit de
vouloil'; toute la Conslllution est rellversée. ))


Et, en elIet, á qui fl'rez·vous cl'oire que le tribunal, Sill'
ce point comme sur plusieurs autres que je vous indi'[ue-
rai, pOUl'ra vous imposer une opinion, et que [e jugcmelJL
sera autre chose qu'un prétexte á l'aiEle duqud Oll voilera,
pendant le temps qu'il "ous conviendra, l'appróciation, le
commentaire des séances de la Chambre, c'esL-á-dirc le
seul guide qui pui,;se permettre a Cf'UX ([ui n'ont pas l'ex-
póriollet; des assemblres de se relrOllver dans ces long" uis-
COur3, oú llolls-memes, malgré lous nos elIorls, nous pOll-
vons apporter quelc¡uefois un peu de eonrusion.


Aussi, messieul's, qU3nd je rechel'chais sur ce point
quelle peut étre la pensée intill]() un GO\l\"el'llBment., quallu je
me dernanuais si n0\15 n'avions pas éttí téméraires en l'ae-
cusant dans la derniére sóance de tombor dans l'arbit.raire,
je croyai5 que j'nttendrais les preuves pcndont huit jours
au llloins. Elles sont vcnnos le lendomain.


Vous avcz entendu, á votre avant-t1erniéro séanoe, le
discours pnr Jequel a dl'hntl> a eette tribune l'honorable
ministre de l'inlérieur. Eh bien, les jOllrnallx orticicux dll
GOllYCrnernent n·onL ]las su se lellÍr, el lantlis que cel'tainos
feuilles veilai(',ll J'ell'e COnu3llHlées pOlll' ilvoil' I'::lco'll,:] l\'-
motion prouuite p¡lr le UISCOU1'S Ll~ l'll,JilOr<Jllle :\l. ~kgris,
il leut' a été impossible de cachel' l'admil'atioll prufolltle
qu'a elle la Cbawbre pOUl' la pal'olc minisléricllc.




- Sil-


VOUS n'avez qu'a VOUS reporter a ces jourl1aux, que je ne
désigne pns alltI'Clllcnt. .Jo vicns do les Jire, el sur ce point
ks (~otlstHlalioIls smonL LiPII10t railes.


El maintenHllt k Gouverncment lui-meme, dans son pou-
voir colleclif, qu'a-t-il fail.? P¡'ennllt un cumple rCllLlu, une
appréciation délnchée de vos diSClIssions sur In loi mili-
taire, il en a aulorisó la distribution el le culportage daus
les rues de París; íl nous a donn¿~ cette bonnc fOl'tuno de
llUUS 8VIJorlel' u'abord la preuve de ee que nous avions
avunc¿~ iei; ensuíte il nous a t'ourni l'exemple fl'appanl de
ce que la CIJIlstitution et le sónatus-coIlsulle ont uéfcndu,
c'est ce que vous raites, et de ce qui est pcrmis, c'cst ce
que conualllne le tribunal.


En elfet, la COl1slitulion el le sénatus-consulte ont dó '
fendu que, sous un litre, sous une rubrique qui n'est pas
sincérc, on cachút Ul1e mUVl'e pel'sol1Ilelle. Eh bien, lorsque
je prends l'ecrÍt que voici, la loi sU! lCl'ecmtement de l'ar-
m¿e el SUJ' t'ol'[jonisatirm de lit g(tl'de nationale m()!Jilc, j'y
tmuve cecí : (( Apres une discussion approlondie, le Corps
législalif vient de voter la nouvelle loi sur l'armóe. Des
esprits mal\l.eillants ... - les esprits malveillants, c'est nons
(¡¡ires a la guuclte de l'ol'ateur) - des esprits ma!\'eillants
Ullt essaye d'en déllalurer le vl:ritable caractere; il nOlls
surrlr3, pour garantir les populntions, etc ... "Yoila ce que
vous raites; c'est-u-dire qu'avoo un cournge digne vrnimen t
de meilleul'es occasions (Tn;s-bien ! it la gauche de l'orateu!'),
vous prenez uaus la loi ce ([ui vous convient, vous lalssüz
ce quí vous est désagréable, et comllle si c'était une habi-
lude invétérée, songealll que la justice comme embl<Sme a
Ulle balance, vous pronez l'un des plateaux, vous vous y
placez tuut entier, et vous nous rotircz l'nutre. (Trús-bien!
tl'l>,s-bien \ (¡ la gauche de l'oi'ateur.)


Voilh, messioul's, l'hisloü'c du comple l'Cndll,
Jo ne sois pus el; ([\:0 la COUt' ¡\'appcl jJourra JUf;Gl'; mais


ce q!leje sais, c'est C[II't311 [Jl'('s()[l(;e de voles p:,reils, l'opinion
publi(jue, UII peu g(méc par 1'1Illerdiction des díscussion::; el
d,',; cornples rcmlus, finil'a cepenuant par retl'OU ver son
chemin. Elle lira nos discussions, elle les comprellllra, lant
la vórité a quelqucfois de clarté, el elle vous montrera qu'il




- Ro


n'est pas possible, quand on :J :1 ln f!lis I'IIOnJlel!l', le fardeRll
et les grands devoirs Ju GOllv(~r!ll'tlle'll, <le .i()W~I' 8\ls:::i Llf',,-
lomen! avec la Justice, dn pi'enul'l: son Si.'I,¡:tre el de Ú"j
servil' pour prott'gel' les sie[Js el ('cartel' les ::mt!'e~, ;\"Oll!
cela n'es! pas digne,


El, dans celte question dl's eOlllplcs l'elldus, lOUt vicnl
vous provoque!' á sorlÍl' de 1'C'ljuivol¡\ip, el ti donn"!' HIW SlJ-
lution équitable, juste el in~~¡I¡~''l:nle du la qU('StiOll ¡¡ui :1
été [José e devaul \OUS, (1'/,(>8- {ji"I!! I( 111 (jrmcllC dI! (o i'I:f¡:¡[! , )
Dans ces termes, la r.¡uustiull ¡Id 1\ 3':Jrdl~ ¡JI:S L: euul' e;'
París; elle reg:l\'(le la ChilnliJl\"


J'exnmíne lllnintenant, el. rai lJesoin, sous ce rflpport, ek
toute votre indulgence, la ques,ion si dUicate ue la jl!l
diction.


Je voudl'ais no'} pus lIl'(·X!·l¡I[:!I.'l' SUl' ]a ¡;OII!jI('!I'ner d,
ll'ibunaux qu'on ,1]Jpelle tl'ibu:wux ol'llill:lil'I":;, qUOilf!H! llH,"
hOlloruble cullúgulI e~ nmi, M. PI,IIL':nll, :ji: ln'~;-¡)i('d e:,·
montré (/lI'en llln!i('re de l'¡"p:'('ssiol! de' <dits de; 1"" s, ,
la vérit:llJle jllridiction np)inl'lÍl'i1IH' :Jil .illl'~·, u,lb c:tliin ,: '
voudrais vous monlrer le role 1'"lili'1i1e de CI'S IriLululU';
ql¡'on appello les tribunalL\ ol'(lillail'i's, .JI' Y(Judl'ais 011:.'
IWl'raleur et no pas Gire 3PI)réeialem eL YOUS i:I~i'Ulll¡:','
ane moi, - e2 que, gl'~r,c il voLl';: ilnull' ljl::ílitl', yrH;<
poul'rieZ obtcnir, - dans I'l'lll:l)i,ll.l) ('!il'Oill' 01'1 SI) piloS"~ ;:"
débal polilil¡ue en lllalie¡'e de ¡;ress~, Ll 011 vuu,; dit till':
d'::¡bord que ]'ulldiellCe esL pu]¡li'jllO.;':II:':lldoll,;-nou:i, ("':,[
eneol'o la uno pulJiieit( de iol,"r3ncc ,; C(:I' j" vl'¡'iL::I¡lll 1",-
blie, celui que ron a toujours rccol!uu tc:1, cclui qui tieíl, l':
plume, qui est 113 mandalairc dI' tous lt'.< abe!! is el (\ui
faille compte rendu du dc'bat, il esl soi~l1('lIsement exdu,
Vous enlrez dans la salle, elle e"t l-tl'Oilc (r,JÍlleUt'~: YOllS la
trouv,.~ remplie de places ¡ll[U'qUt'CS Ü l'a\'<1I:ee on d'I'ntl'l'I',;
conselllies; pltÍS des g(1i'(]¡.s !!OIIlIJit'UX, eU!lllli!; Si U'i '
social élait ü rcduuLel', :,01;, Jil f'l eIlCUlldJl',.1 :.1:' .;,,1


Comuien eil p'.;:¡('-<;',l :L tl,',,? L:! 1¡)' 111;' ,;;: j
pOUJT8iL en vl'iúplie l¡¡ ~:.::\', I;L h~ j!!'i_:'.:(\¡l:L ~ !J:.t"; ,~;t .:'
seul avee un publ:e, YOth en eQtlvil·tltll'(~Z, p:IlS il!1t::,iU¡Lli
pOilr lui qu'il l1e scrnit rassurant. ('l'I'/:s-bi.m! tÍ ¡!I, y<!w'¡w ,le
!,(1)'(!.fenl',) Il rC'trouve la se,; jugcs; j'2 lJ"¡" 1",) ;'1·!'C']rT Si",




jugos, ear illes conn8iL el illes I'Gi'onnfli'. -- mires uppr/J-
l;tdifs i¿ la !I({/(I;l!e rle /'Imltl'ur).


e'ost li¡ qll(~ p{'llélrcnL d'ahol'd nos hOl1ornhlcs collegllcs
qui ont (:tI" 2cells(~s rJ':lvoir fail [lartie d'une flsSllcia lion 00
plus de vin:;l et lIllO pcrsonncs dans le proecs des trei~c ; d
e'est la, dalls cdle enceinle - cette fois elle a ¿,~(, pulJlir¡uf',
je ne pal'ir, ¡¡as du procés de prcssc en ce mom\'!1t - c'est
1:1, dis-je, diltlS celle enccintc, que se jU;!;C la grnlld" ques-
:ion du droit d'association, que se jugi'ra dC'lllrlill In qUt'stion
dll uroi! dc rr'union. Qu!'ls sont crmx rrni lem sucroi'dcnt?
Ce sonl des écrivains de toule naturp : cellli-ei qul est pris
dans la pl'esse quotidienne, Ce111i-lb qui quitto 1~ s ('-[m ce de
I'Acadélllie pour venir r¡\pondrc il Ull dé'lit de I~ ponol:c.
Ton:>, Illessiems, se suceedcnt uans cl'ltc sall" ,; et ils yen-
trent avec UI! CCl'lnin elIroi, 1118is salls {motion, pal'ce qur
!el!!' sort est cOllnu u':lv:1ncr. (T((:s-úiell; tris-úien! tÍ- 111
rFil.II.II~ di' rOFI/II'''I!').


s, Ex .. , ":;L Unuher', iIIi!lidr'c d'E/llí. Si vous vonlez 1:1
loi, no la drshollorez pns.


"11, Ernc .. 1. Pka .. ", Non, pt il JI(~ Ill'ut pas cn étrc au-
trement, cal' le tribullal a sa jurisprudeucD; elle esl connUD
el 011 n pu l',',tlldi(~l' (Infls les ¡:réd'dcuts ju¡;'emenls rendils.


Eh hien, VO~'OIlS, est-er Ijue YOU:> eroyr'z (!1lf) tOHS l('s
drr.:its qui, pal' Ictlr cnsclll1Jio, eonslíluellt la lilJerté pcli-
tique dans un grflnd pays, ¡lCUVellt d(-'pondre de la jurispr'u-
denee d'ull triIJunal de ['('jlreSsiull dal::> el'" (~ond!tions?


Mais ce l]'esl pas moi qui ,"ous l'I"ponrlnli ; ce 80nt encare
les J¡OllllIlP~ qui onl ex 8 llliIl ¡': ces qucstions, Si jo m'adresso
a Monlcsquicu, il me rl'l,ond ceei :


(( La puiSSDl1e() de Juger I1C uoit pag etre donnée 11 llll sé-
nat pernwncnt, mais e:i,()['cl:e paI' d,'s pel'sonl1r:s ti[,{~cs du
corps du peupk dans (~:TlaiIlS lelllps ue ranl1(~e, dr la mn-
ni0re pl't:,cl'iti~ ]lar 1~1 loi, i,(jUI' fOl'lller Ull trihunal q¡¡i ne dure
'¡ll'autailt que ia n{'ccssil(: 1" I'(;I/ui,'rt.


«(. De cf'lte :';-:~?cn) [;¡ rlil¡~~::;lní)~'~ d!_\ j~t~~'e!', s,; k,rI>ible.l::lt'lai
:l(.~·~l~llCS~ :1 t'l;-,¡~! U~:"~'L ';' P! :1 n\l ~'Cl'~;lin ~·t;lL Di a Ude


e: 'l' :'¡lIC I'I':Ji'e,,;ioll, de\ idl I jI;;UI' D ¡[¡si di ,'e i l1yisiIJlc: c:L lIulle.
On iÚJ poillt eontinuel\cmcnt des Jugos devant les yeux et,
1' .. 11 craint lf1 rnagistratme el nf'n les !l)a¡:r,istrat.s, ))




- 88 -


Cola osI bion !lit ot o'osl tOllJOUI'S \Tai.
El apres lui, qualld il s'esl ngi de rédigw la loi el quand


ce sophisme que je retrouvo dans la discussion aclcll2lle el
dans le projet de loi s'est reproduit, quand, lllalgr{~ les úpi-
niolJs de Bonald lui-meme el de C\¡úteallbriund, il s'est en-
core repré¿enté, f]ll'esl-ce qu'a I'l~pondll, avee ,;a grando
voix 01 so gran do Rutorité, Hoyer-Collard ?« II no surrit pas
qu'i! y ait des jugos pour qu'il y ait un jugelllont, el I'al'-
bitraire ne ohan3'e pas de nature pour elre eouehé dans une
sen tence, ))


Voila ce qu'il a dit el voila [Jourquoi, d'accord sur ce
point, sur ce poinl seul, avee le membre de la majorilé <jui
vous disait que les délils de presse étnient illdl'tlnissub:es, je
dis: Oui, ils sont indélinissables, et eJest pourllllOi je veux
Itl JUl'y ; non pas pour I'indulgencl', mais pour <ju'j[ y ait UlI
jugernent, un jugülIlent qui sama t'll'e salulaÍt'c le jou!' oú
la soeiété sera en dauger, mois <Iui ne se pretera pas á de
mesquinos traeasseries, a dos vexations de poursuitcs á l'aide
deslJuelles, lorslJue la juridiction ne donnc, p~s de gnl'anli~s,
il n'y a plus de sécurité pour personnü. l.lpj!l'oIJafion su/'
plu sieul's bailes).


Je vous le demande, messieurs, cst-ce qu'il est possiblo
de penser f]ue le méeanisme savant de 13 Constitulion, que
tous nos e1forts, que toules nos études, que toutos lIOS rc-
ehcrehcs sur le progrés de la eivilisation el de la liberté
nhOllliraient a ee résultat d'alter demander, dans des ques-
tions doutPuscs, l'avis d'hommes qui sont expédmenlés
eomme magistrats, mais qui sont préeisélilcIlt ehoisis en
dehol's de ces études, de ces condiliolls, ct qui ne son! en
définitive que des juges dans vos lil~ins, comme on l'a dit,
qui l'épondent pour vous, rrwis qui, permlltez-moi de le
di re, n'onl ni la rnajesté ni I'alllorité suflisantes pOI1l' vous
eouvl'iJ'. Il n'esl p3S possible que le droit de reunion, le dl'oit
d'nssocialiol1, le di'oit ü'écrirc, la libre pensée, quo tout eela
dépeude de la jUl'idir,tion ol'dinairo, el c'est pourqlloi les nw-
giS(l'3 ts CIIX-Il1ÚnCS élére .t (a voix pour vous delllander u'etre
déehargés do ee fardeau véniulo, et [Jour vous jJrier de re-
venir aux anciennes eoutumes, c'est-a-dire de délerer au
jury le~ ctéhts poli tiques et les délits de la presse, qui sont




- 89 -
les plus poli tiques de lous les délils. (l'res-úim! tf¡;s-bien! ti
la gauche de l'omteu/').


Voila les deux questions qui OOL été lraitées par III. le
gardc des sceaux, et ici je cesse de me trouver en désac-
cord avec lui, cal' avec luí, comme lui, messieurs, je vais
vous demander de voter cette loi dans son al'tícle :ler , qui
nous [aít sortir de I'arbitraire en supprirnant l'autorisation
préalable.


011 a dit : Quand les passions seront apaisées !
Mais lorsqu'en 1.852, le décret du 1.7 févricr a été rendu,


vous aviez l'unanimité des suffrages pour vous, moins quel-
ques centaines de mille. Puis la vie poli tique est renlrée
peu a peu dans le pays, les élections out envoyé quelques
membres plus nombreux sur ces bancs. (L'oi'ateul' designe
[ps baltfS ü la gauche de la tl'ibune). En l.863, le chiffre des
élecleul's repr¡',scntés par les minorités approchait de deux
lIli!lion~. Je ne sais ce qu'il sera aux élections proclwin(:s.


Si vous appelcz cela les passions, permetlez-moi de dire
que ehaque JOur llOUS éloigne du challgement de systeme,
(111'01l peut ajourner jllSqU'Ü ce que les passions soient cal-
móes, ~t vous a vez encore: pronolleé contre I'empire une
tcreible sentenee.


Si, au cOlltrail'e, vous reconnaissez que e'es! Ji le jen de
la vie poli tique, le lllouvement qui I'evient, le sang qUi
rOlllrnence a eirculer dans le eorps si longtemps inerte,


LUJar/as '/UI/' se/'(( falllw 1'esl¡cxit ina/cm!
s'jl en es! ainsi, alors la loi Est une nécessité. Je veux bien,
pou!' ne pas contrarier l'honorable garde des sceaux dans
une illusion que je respecte, lui dire qu'il devanee l'esprit
public. Je ne le erois pas cepondant; je erois que la loi le
suit timidement, et que si vous vouliez adopter les divel's
amendements que nOllS avons empruntés aux législations si
modérées de l.81.9 et de Hi30, alors vou~ dOllll01'iez, vous
eommencrriez il. donL1er une satisl'aclion véritaLlc aux be-
Sl)illS dll pnys; vous feriez un pas <¡ni nous ramcnerait a
U:J8 époqnc Mja bien éloignl'é de nons, a 18ilO, OÍ! la Cjlles-
tion da jury était une question eonstitutionnelle; oú I'on
inscrivi1it, au lendemain de la révolution, dans l'article M




- 90-


de la Charte, qu'il fallait qnE' les Mlits politiqnes, !Iue !r;s
délils do presse l'ussent jugé;,; par 1l: ju¡,y, et aI0!'5 ll:1\lS ~1."
Sr:i'iOllS en r¡)t<!rd qur; do ll'i;ntr)·lliiil an,!


Voilá pOlll'iplOi, 1lI0SSiell1'S, jo VOI;~ dClllilllÜC d'::doptet' la
¡oi, et voilil pOllrquoi jo j¡¡ dé{end, (]1'l,'nllt VOI1S, ~n!l'; eI1Ll1011-
"Íilsrnc, mnis :iar~S hésitaliol1, (T¡',;s .. (¡il'lt! ll'h-iJic¡! ! IÍ Irl
[JflllChc de {'orateli},).




DU TIMBRE


DISCOUltS
DE


1\1. GARNIER-PAGES
D{;putó de la Seiue.


S~~ANCE DU ,j FÉYIUER 18G8.
«Art. 3. Le droit de limbre fixé par ['nrlide {l du décret


du 17 février lS:j2 est I'{!duit ú ¡¡ ceulimes dan s les départe-
ments de la Seine el de Scinc-et·Oise, et ¡¡ 2 centimes partout
ailleurs.


(( Les journ3ux el écrits périodiques uniquemf'nt conS3-
erés aux lottres, nux scionees, aux beaux-arls ot il l'agri-
culturc sont cxcmpts de timbro, ¡¡ moins qu'ils ne contien-
\lent des avis, reclnUlL's Ol! nnnonces, de q¡¡elque nalure
C/u'ils soient. Dans cn cas, ces joul'I1aux el tcrils périodiques
sont assujctlis i¡ des droiis do timbro dont la ([!lolil(:' est
fix{'c a 2 c"l1tinws dnns les drpnrtcmcnts de la Seille el do
,c,,:ino-et-Oise el ¡¡ 1 contiml' p3rlOllt ailIcurs.


i( ;';'cst pas cOllsid{'rL'o comrno avis, reclames ou a!1ll0ll-
ce~. IR puhlicatioll puro et simple:


« lODos mercuriales el Lulletius des foires et marchés.
« 2° Des cours orflciels dos valeurs cotées aux bourses


fr8w;aises .•




- 92 -


M, le Pré!i!ldent Schneidel', Sur cet artiele 3, il Y a un
grand nombre d'arnendcments,


C81ui qlli doit étre mis le premie!' en discussion, paree
qu'il s'éloigne le plus du projct, est signé, par M~I. Garnier-
Pages, Jules Favre, Glais-Bizoin et JlIles Simon. Il est 3illSi
con~u :


« Les journaux paraissant tous les jOllrs OH a époque dé-
terminée, politiqlles ou liltóraires,' avec annonces ou sans
annonces, et les brochures de toule dimension sont, a I'a-
venir, afTranchis du timbre, ))


Quelqu'un demande-t·illa parole pour soutenir ceL amctl-
dement?


:U. Garnier.1>age .. , Je demande la parole.
~I, le Pl'é .. itlellt ISdmcider, M. Garnier-Pagés a la


porole.
M, Garnier-page!i!, ~Iessicurs, il me sera difficile, je le


compl'ends, de eaptiver l'attenlion de la Ctwmbl'e en Pft'-
senee de l'émotion caus6e par le, vote qu'ellc vieut u'émelll'c.
Cependant, je cL'uis (¡ue la qUf)stion dn timbre ótant une des
questiulls les plus importantes de la loi qui vous est soumisc,
vous vouurez preter, sinon iL moi, du moius au suiel que
je vais traiter, une attention bienveillanto. (Parlez! parlez!)


Permeltez-moi d':Jboru do LIle placer sU!' le lerrain memo
qui H été u(\lermiLLó dovnnt vous par M. le ministre de l'ill-
térimr; fai. besoin pour cela de rcproduire l'opioion qu'i1 u
ómise sur eolte importante question. Voici sos propres pa·
roles:


« Un seul mot sur le timbre. Le timbre est un impOt ló-
gitime; il n'es! pas I'entrave dont on parle, e! il ne cOLlsti-
tue pBS une mesure prrvcntive, ))


Les déclal'ations dll GOUVt~rLlem"nt vicnnent de nous 1'1'011-
ver, en etret, que uaLls la loi aetuelle on aband.mnait les
mesures próvelltiTcs el qu'on se hornnit aux mesures ¡'l'-
p¡'cssives.


« Le journal, ajoute l\I, le minist¡'o de l'in!t"rieur, est Ilne
industrie privé e ; il doit sa part d'iLll[J6t ti la riebessr pu-
blique, .. (De¡¡é{]alions sur qu('/qlws bancs it la [fllUe/lf di'
l'orateur, - Vives marques d'adhesion su)' un urand ItUiI¡{ll'e
de banes en (ace et á droite,) Le géran! n'a pas óté soulIIis u




- 93 -


la patonte uans la loi qui y soumettait tan! de professions
libé~rales; on a dit : Les journaux payent urja I'impot sous
forme do timbre, ))


M. le ministre continuo el dit :
~ Voulez-vous l'asseoir sur I'annonce? Quoi de plus légi.


time alors; ce se;'a l'impol per<,;n sur le commen;allt fluquel
vous rendez le sel'vice de publicilt;.


« Voulez-vuus l'asseoir sur le lecleur? f.'est un impot de
consommation. (Tnterruption sur quelq1¿es úr/ncs a la (jau-
che de l'omteur. - A. droite : Tres-bien 1)


« Le timbre est done un impot lógitime; qu'on lui donoe
pour base je journal, lo commer<.;ant qui fait l'annonce ou le
lecteur. Mais je ne puis discuter ici la question de quolité,
je me borno a aflirmer le principe. 1,


Vous le voyez, messieurs, nous nvons quitté le ten'ah¡
poli tique pour aborder le point de vue óconomique el finan-
cier do la loi.


C'esl pour cela qu'i! me sera tacHe de faire appel íci aux
éeonomistes, a tous ceux qui parmi vous 011 sur le bane des
oraleurs du Gouvernement, ont déja défendu la libertó du
commerce. (Bruit.)
~I_ ..fules Favre. Henvoyons n demain si la Chambre


est émue.
~L Garnier.Pages. Si la Chambre vcut ajourne¡' a de-


main 1' ...
Quelqnes memures. Pourquoi cela?
1'1 . ..fule .. FavI'e. A demain!
Voix nombreuses. Non! non 1 - Parlez.


1\1. Garniel··Pa,,",.;. Je Je repele, messíeurs, celte queso
tion n'esl pas une de eolies oú les passions poli tiques sont
en jeu : je suis M. le ministre do l'intérieur sur le terrain 011
il s'est placé lui-meme, sur Je terrain tinaneier et écono-
mique; .ie vous prie done, malgré rémotíon que vous venez
d'éprouver, de vouloir bien me preter votre bienveillante at-
ten lioll. (Pade;:;! parle;:;!)


Vous do vez lous compr'end¡'e que e'esl iei la sOllt'ce meme
di'S imputs, l'accruissemollt des richesses du pays qu'i! Úl-
gil de détcndre d~ns une question d'apparenee modeste.


Quelle est en elfet la premiere base des contributions di-




- nl~, -


red(!" ou indirectos d'un p~ys 9 Evidcmmcnt e'es! la pro-
duction. 01', quel est l(~ prl'rnior rnoyen de facilitel' ¡aveatn
dl'S !,l'oJuits eL des mm'(~llalJdises? C'ost OIlC')I'C l vidclllment
la jlubliciló, Si done \'OU5 entralTZ la [lll/¡licitl", si \'OUS la
supprinwz, vous lluisoz pal' cela llH'me ¡¡ la pl'ollllCtÍOll, \'OUS
arrciez le dévelo]JpelllPnt dl!s riclwss(;s du pays, ('l VOllS 0],-
!";llez des rcsultats financicl's ell!C0110111Í(¡UÜS ¡out 11 rHit con-
traires a ccux que vous \oulez oblellil'. Am;si pl'cnolls la
pulJlicité dalls son acceplion 1'1 plus lllOdcste. Oúlü ellltiva-,
teur qui a besoin de IJUlJlicilé \':¡-t·¡¡ la (~herchr;r'! Aux
marehés voisins. Pour le cormneq;ant de la ville, les UJoyens
de publicilé son! bien simples: e'esl son magasin, son en-
seigne, ce sont ses prospeetus el souvent ses annonces dans
les [euilles des départemenls.


Quant an grand r'roducleur, celui ¡¡ui a !)(]soin d'un large
di-houchó pour ses marchandises, ses lIloyeus de puhlicité
son! les annOllces d:lllS les jOlll'naux, les ]ll'osprctus, les bul-
lelins COlIllllel'ci:l1iX, les corrl:spolld:JIl(~I:S, les agelJls, les
courtil'rs. AillSi, ti 1Il(~S¡¡l'e qlll; diln.., r(~eJ¡elle sociule 1:1 pl'O-
duciion acquier! de I'lmportaIlCt:, la pulJlicité s'illlpose de
plus ('n ¡,lus,


Ces \'érités :;on! banales. Si vous les admettez, et il ('st
j tnpossible de /le pus les admettl'e, vous aHez voir oiJ. la 10-
¿ique va nous conduil'e; el COlllrnellt elle me, [JPrIrH)ttm ele
rée!ulllel' de vous la slIl'pression de [,impo! eu timbre ljuí
rail l'objct de no!re all1 l;nde rncnt.


Di vers systémes s'olreent á vous: D'abord le systeme de
la loi ¡¡ctueHe, puis cclui quí lui esl substilué par le "rojet
en discussion.


Le premier, encore en viguelll', froppo, vous le savez, de
(' ccnlirnes de timbre les jouruallx de Poris, el de 3 centi-
111<'51('5 joul'naux dl;S départcmcnts.


La CUllllllissioll "iell t vous prrselltcr Ü cel L';;-ard ulle ;]m(,·
liot'alion, llIai" bicn minillle Elle cOllcédt~ aux jOllrn8ux 11110
l'l'ÜIIClioll d'un cr,nlime, suÍL un timbre de 1) cenlilUcs pUUl'
les jounwux de Paris, eL de ::2 celltimcs pUlir ¡,cux des d:'-
pal'temollts; mais elle n'nccol'de rien rclalivemen! aux bro-
dlUres et elle frappe les jOIll'llallx littéraires d'uu ilIlpo[ dl;
2 centimes s'ib publient des annoneos.




- Uü -


l'Ú1US allons (x<JmiIWI' lIlnint()nanL COllllllont ces impóts
yonl l~ll'e l'('parlis el SUI' ¡¡ui i:s von! peser,


OLltr" Il's e\i;\'I'IIC,,'; ¡:¡, pulJlici!(~ Hu~quell(~s o]¡{'i~seJjt le
C'ltHUli'l'Ce \;1 ritlí]lIsiric~, POU}' rf.pandr'(; el faiJ'ü connaitre
k¡r~ jJ['oduils, ii CI1 l'sl alis"i ijui s'impos(;nt á l'invent(,ur.


CUlIllllenl nJ"¡,'z-rol's, "lJ elIel, que rinventeur pliisse
',l'OllVO!' des capil,aux 1l0c.~s~;¡¡il'es, si vous lui enlev(,z, d'une
",Hllié¡'c; ü¡dil'l:de) le Jlwyon de vulgaJ'ÍsC[' la découvurte
fmil (1:; SO)] g,:'nie.


Il <J I}(~soill évidl:lIllJlPIl! de faire des annonces, de se faít'e
con!Ju!tre; si 'Vous arrélez l'inventeur au début, bien dos
i!lVenlions SI;l'Ollt CO!H.latl1I1ÚeS iJ rester lellre morte; el, par
wile, la prutlu¡;liun sucia le elle·mcme sera 3i'relée dans son
dan le plus sul,liuw,


Vuyez I'aulelll', ¡lile lui suflit pas J'(~CI'iN: un ¡ivro, il fau!
e!Jcorc 'iu'ji le 1':1 ,se :lllIlOtlCer, Ijil'il lui donne de la [Jubli-
eit¡',; si ¡:]it) luí EWllijue, son li\Te S'('ll'jnt dans l'oubli, et
D',',;(; lui le: g\"tl¡:'~ 'luí pcut-élre J';¡y~it inspiré.
r)¡:,l;ll~-k, 1:: loí ,'IH';J!'C en Yiglll:ill' jll'l'léve sur Chní¡Ue


IOUl'lWll!L: Parí:;, Uil i!)]iJol de ti cenlillle~, auquel il raut
ajou!el' les 'i (~()lllilllC" ue fl'ais d(: I:oste, ce: qui rail en lout
W eCllliltlCS ,Jiil:püt, aloi's I¡U!) Ir; jOll!'IlCli ue eOLlte pas
ml'IIle ¡¡ ('l'¡}: ¡lll':S : c'ese don(~ triple!' SOl! prix róel.


II (:st l,\'itlClll íjlW, pa!' k rail de cettc cllPl'ló, su ]ll'Oduit
1;,' ijU'Oll [J',int 81',,[l:[' In priyjlé'gc de la l¡i¡lJlicitó; privill'gc,
n]()~si,;Ul's, vl:uill~z le remar'que!', qlli est fatalement con,-
celltré ut eXIJloiti, pu le grallJ Illoilopole des 8unonccs.
Aussi uue ~Uei(~l,', s'est-dle crú(~o, soeide ,¡ui absorbo Ic~
plus grands Jon¡¡ilUX ¡JOUl' Ul! faire les instmmcnls de ce
llJonopolc. De! lo l'si, fl'sulL,,,, vous le so vez, une surdéva lion
[dIe (¡:.tu J'allllolíce esi tlC\'CttllC pl'e~que iuallordnble I'our
ks pclits cu,llllllCn;:llILi eL ¡,a plus l'll; pnl'llli"c qu'aux
~.T"lldes mUi"!)il:;.


Laissez-moi, nW:"¡¡;lIl'S, rous citet' !juülqlles chirrrcs, qui
¡'eul-éll'c vuus {'~unlll:i'Olll ; jI Y a li1 une dude intéres-
',llll[e, IUIlS allCL Cli avoil' la prcu\'e, La ligllc, dans un
¡oul'ilJI di: Pa!'i~, cOlde dClJui~ 1 fr. 20 e, jllsr¡u'Ü i fr. 50 c.
Si ceUe ligue ost daas ce qU'Oll appeHe la réclamc, elle
eolite do J fr. el l¡, fr. a l¡, fr. 50 c.; si ce sont des faits dits




- 96-


faits-Paris, le prix est de 6 fr. a \) fr. la ligne. Vous allez
voir la conséquence de prix aussi élevés.


Vous savez tous que la grande industrie tend a absorber
la petite; ceei est assurément eontraire a vos sentiments,
et vous faites des efforts pour arrctrr ou pour détrui re eeLte
funeste tendance. Eh bien, voila pourlant ce f1ui se passe :
Une grande maison de blane, par exemple, absorbe tonte
une grande page d'un journal, et savez-vous ce qu'illui
faut dépenser pour cela' Illui faut dépenser une somme qui
s'éléve de J,500 fr. a 2,500 fr. Il est dOlle bien évident que,
dalls des eonditions semblables, il est impossible, a une
pelite maison exer<;ant le meme comrneree, de se fail'e
eonnaítre, de se faire annOlleer, d'obtenir une elientt\le.
Aussi arrive-t-il que toutes les petites maisons a Paris dis-
paraissent; c'est la un danger que vous déplorez et que
vous voudriez éviter, j'en suis sur. 11 esl done évident que
la cause de ruine des petits commerces et des petites in-
dustries réside dans l'élévation du prix des UlJlJOllces que
peuvent seu les se permettre 10 ou :\0 grandes maisons.


C'est en elfet une somme de 10,000 francs a débourser
au moins pour couvrir de ses annollces la grande page des
dix grands journaux de Paris. Le resultat n'équivaut-il pas
a la sllppression du droit d'annollces pour les petits com-
mer<;ants, les petits inventeurs? il nous parait impossiiJlé
de le nier.


Cette publicité nécessaire pour les petites comme pour
les grandes en treprises, je la réclame aussi pour les
ouvriers. JI n'est pas un d'entre nous qui n'ait remarqué
dnns Paris, relégué dans un petit coin, des artiehes faites
ala main, qu'on ne lit pas sans émotion, car ce sont des
travailleurs qui demandent de l'ouvrage, ou de modcstes
fabrieants qui demanden! des ouvriers on des ouvriérc;:;.
Ces amclles sont faites a la main, parce l[Ue leurs auteUl',;
!le pourraient pas payer le timbre de l'alliche itllpl'imée,
paree qu'ils ne pourraient pas non plus recomir a la yoie
de la presse, ce qui s()l'sit tl'Op eller : vous en curnjJl'enez
déja la cause pnisCjue, je le rl;péte, le timbre el le droit de
poste imposellt le jOllrnnl de lO centirnes. Voila done encore
toute une nouvelle catégoric de producteurs dignes d'intérét




- 97-


quo vous privez du droit d'snnonce, non pas de parti pris,
mais simplemcut paree que vous n'avez pos sufflsamment
rdléchi a ccfte question.


Je m'adresse :L vos consciellces, messieurs, ot j'ni lo COI1-
victiol1 que nous devrolls obtenir la suppression de cet impot,
~i vous voulez me preter encore qllelques minutes d'atten-
.ion.


1\1. Jllles FavI'e et plusieurs membres placá pres de
lui : Tres-bien I tres-bien I - Parlez!


M. Garnier-.· .. ges. Messieurs, commo je l'ai dit en
COmmell\(ant, je me place absolument au point de vue éco-
nomiquc, et je vous ois : Pour dóve]opper la productiol1 ou
pour faciliter la publicUé de la production, vous créez a
gr'ands frais des expositions universelles, vous donnez des
lllédailles, des réeompenses, vous cherchez a exciter res-
prit industriel et comrnercial.


Comment done ne voyez-vous pas que vous ddruisez d'un
coté ce que vous cherchez a créer de l'autre? Comment ne
Yoycz-vous pas que, par cet impot du timbre, c'est préci-
sément cet esprit industriel et commercial que vous entra-
vez, que vous soumettez a une sórte de d!'oit de douanc,
vous ::¡ui prétendez en poursuivre l'abolilion Sllr nos fron-
liel'es!


PO[j['quoi rep¡'endre ainsi d'une main ce que vous semblez
vonloir donner de l'aulre? Ce n'est pas la de la bonne et
saine politiqueo Et, lI1essicurs, vous l'avez bien compris;
cal' déja dans votl'e loi de 1857, vous avez abrogé, quant
aux annonces du commerce, la loi du 6 prail'ial an VII. Et
voici ce que disait le rapporteur', l'honorable M, Alfrrd Le-
roux, en présentant le budget de 1858, a l'époque oú on a
supprimé le timbre des annonces commerciales: « Une di-
minution dans les recettes vous est proposóü far ¡'abroga-
tion de \'article l er de la loi du () pl'airial UD VII, qni as-
sujcttit au timbre spéda.l les avis imprill1ós (lui se crient el
se distrlbuent dans les rues et lieux publics, on que l'on rait
circuler de toute autre mUlliere_ Cette mesure ne peut man-
f¡IlC!' de rencontrer votre approlJnt.ion : Lp, comll1eree et
!'industrie la réclamaient depuis longtemps. Elle est con-
10r'lIle a l'espril de liberté et d'encouragement qui donne


ti




- v8 --


une si grande extensioll aux ¡lJl'(~()S pl',ldli('ii,'(',~ lll~ 1',,\:;,
Elle développe ]',~xpé'l'Í!'nc.e, f':u:i;i ir, 1: '" -: ';', ¡ '" l' ;~.: d,;
d,:cüUVUl'ks lIlil,)s, lfl I'DllCUl'f'('IJi',l: ,;"11, L:s !Jl~,,'''J.'' ,)I)il~ ,':-
tH:l(~es a protiter, et [(lit l'ent.r'(~l· un;¡::) l:} U}\)t,:.!1jl', lL'~ ~;1Ll'­
réls qui trop 80UYCl1t l'CCO'il',lÍl'iíL ii in l't',1:1d",)l


VoÍli¡, lIlcssieUl's, les príncipes ill VO': ll('S l 'J I i :<;8;'.';' ,;1):1 t J¡:~,
votresa Eh bien, soyez cOliséq:"t81l! s~: ve~ ViJiJS-~ IH~l r;~ '~_; ~ 11(; \"~);',:~
anctrz pasen c1l1'mill,pl pllisque vous alel, dI;:: slIp¡>l'in!l"
le timbre sur les anllOllCCS COlllllll'l'ciales, il'all,~z ¡¡a,; In ¡'("-
tablÍr d'nne maniet'e indil'cele, el n'allez poS s::riollL ajli¡li,
quer le timbre sur le JOUl'ual, quí est le moyen le pIllo r .ii,;,
sant de publicité.


Messieurs, ici, j'arrive aux ll'ois principes c¡ui ont l'te: ;'""
sés par M, le ministre de l'intl'l'Íem,


Le premier est eelui-ci : l'impot pereu sur le commül'-
~,ant est-il légilime?


Si c'cst sur ses pl'oduils, je cl'uis avoil' d('iIlonirú qu,.
vous tal'issl'z l'une des sources de la pruductiull,


l\'lais si vous l'appli'¡unz dÍl'ectulllUlli. C01JltlJe pfltlll!,',
I'omme deoit fixe, (lh! mrssielll's; ]lOi1-Sl'ulemeul Y'h;S
COlllllteltez une maladl'essc, milis cncore unu llljuc[ic'u
cri<lnlc.


Savez-vous quelle est la patente d'Uil j)Q;l'l~¡icr, r!'Ull ri-
che banqnicr flui opere pa!' millionsl La i,all'llle, llet,::,
1ixe, est de ¡ ,000 1'1',


Et sayez-vous, uans l'élat actuel, le chifL'c ,;uq1H~1 s'['ll;-
vCl'ait la patente d'un jnurna l? Pou!' cl'lui 'lui pulJliecaú
seulement 10,000 reuilles, ¡¡ t'aisoll de G cenlill1(;s pat' fl:uill,',
le calcul est bien simple, vous al'l'ivl:l'Íez Ü lui rain: payr,r
600 fr. par joUt', soit 2Hl,000 ¡'l', par aa; s'il óU¡i~ ti!'," u
20,000 feuilles, ee SCl'ait 1,2001'1', par jou!', d 11:J8,OO¡í p~\r
an; el s'j[ montait jUS'lU'u ",0,000 t;~uille~, ce scruiL 2,MI()
par J0U[' OU 8i6,000 fr. par ano El ecla i1 litre de patentl' eLt
de laxe qne ,'np¡Ji'llel'ai !J1',':\l:illi\'e, l\k:siems, cela l:Sl-ii
juste, c(:la peut-il dUl'l'l"? .'\O!!!


Dil tel r":sullal esL J¡()l'S Ce [vale jll'opul'lion; lU' !\J/s,
qu'ulle maison de lJallCl\w, i':¡isanl UG:i (l[J¡¡Í!'CS l,al' illilliun"
pal' milliards peut-él!'e, ne paye 'lu'ulle Silll pIe 1'u [el] [e ele
:l,000 fr., vous ne pouvuz pas exiger d'Ull jou!'llül Ulle




- 99-


sommp al' S!I~ (,nn rr, h titre de palrnle, (j¡lpmbr"lfion (1 lIt
o,pt('l,fl (Ir' /'Or'ofr'fff.)
" JI ;: ~:~ llll,"'ll it;':-;, Ull(~ ~H1LI>e lh6Ül'i~_~ l](r,1.\';11lc, pl>(~scnU:(-~
l;~l' :,,!. L' ,¡Ji!ji.'.!:'~' de i'illV'I'imlr, ,¡ui IGc: pnl'aiL encore plus
l.' :i':ll1,',I' el )'111:; innrcept;¡lJle pour ["s (·C0110mi,les. 1\i. le
ilJi:íistn; \; ,,:1 comparer l'imp6t du timbre, a qlloi? A un
i1npot t](~ CDIlS(li"iHilatjon.


CunlllWllí; un joul'u::d comparó ¡¡ \lij.; clws'J de consorn-
m2tion! Un itn!,ot de cOllsommation fl'~li'pf1nt sur la lecLul'8
d'un F'U mal!


Ainsi, c['Ul)['(\s ceLte Lhóorie nOllye\k el étl'ange, vous
Wl'l'kz le lcclGul' ittlposú et oblig(' de pa~('r (j ':enUmes cha-
(;\1': fois qu'il lirnil; un jollt'nal. Si ceUe li('orie esl; vraie,
pOUl'IJ1loi done nc ¡¡as impos'j]' les bii!liolll""¡;les? Pourquoi
1':: P': i!JlJl'J~:_':' 1'.'0 li\'i'e~? PU1lr:Juoi n': pas imposer SUC-
1',\,~i\'I'ill":J; "IIIS 1;,,; l;:druI'S? pssl'Iltiu,uut ú la iJ[fuclU? de
{O/", :"t-"I.';" , ¡
~.I;l:~~ !¡~~:l. ',-r;:l:., ne 10 vO:HJ!'iez p:lS! el jc~ pOllsse les eon-
S¡"<uf'n;~:,s (le ce l t': lh¡',ol'ic ju~:¡n'ü l'a~;sll:'d-' pCH:r fail'e sentir
\j ~ •• j! Il;;lli:~t",~~ IjlJU r('=~pt'l~s~~.inn dnp[- H :::"C'st. scrvi d8ns


i::.;;-¡;ir¡D ~-l'¿\:)L pni~ i"','::L;;i¡!r;J'u~ 1,"-' i"~'~:,ullat d'éludes
¡_'CL :Oti:l'; lr~ ':-;.
(,)II(r~(II(('_I.· 'll:'.'Jpd)(I)~; (~, lo uc!te (le l'oP"it,'NJ'. - Tl'f)s-b¿cn!


: f·:~s-I):('.'! 1
~ •• , "",;:,¡" ,· .... ,,;;,,~s, 011 ¡lO pene ].las nolts ~ppol'tcr en


F;a!lcl',. C~l[(' I'¡{'orie 'fui eonsistcrrril:, illlposer le lccteul', a
11'O\l\'(,[' ,i:1!S !~ b'wrc, c'est-a·C:ire dans l'aliment die la pe n-
sl'e. ¡~ sm::'rc: .. !'un JiOIlYi'¡ imp(ll de eonsommation, Cola
n'(\:~t 1'\8S ~lil:, \·ous no, le voulcz 1~í1:~, YOllS no son: ien-
d!'cz pe;' (:(:\1 e I Li'sr', (!VIi/(I'C/{C u)Jprnl!(({ i(JiI. il lil !VII:tllr ,11'
l' (i¡,rltrl/ r,j


'lon;; \"0115 lJcr!;('j'i:Z dÜl1C, tout simplcrncnt :\ dil'C : 11 s'a-
d'nnnone:ls, flt cnDl~nn (,'(1St. lit lUJe nffnire de C01!1rneCC8,


-¡:8 p:·('r¡nr:"3- tri ('í·!llii¡:)l'(~n!lt. pour rirnposc~r. Eh bien~ je
1;· ri'pd,', non, ';0\1,; ni] d,;w'z níÓtn'~ pas f;~irü rela,


;: ¡',',' '¡ue: \'0::0; tnriri,·z :d Il,i la ]1coduetinll a son ot'igilw,
l 'iq;h:',~ SEr \'nnnonc.r~ l'Sl. 1(1 chose la pl¡!~ t:ll~nv::1ise, In


J'::[. l· :¡n'(;n puissc j¡mgincl'; [out illll'flt, en d,jinitivo,
qui c::Lrare la ]JUblicité base merne de la production, est




- 100-


mauvais, est funeste, vous devez le rejeter, et j'espere \lue
la Chambre n'acccptera pas plus longternps cel impot du
timbre, qu'i! e~t urgent de supprimer, (AJ!p/'oúation ii la !J(W-
che de l'orateur.)


Je n'ai pas besoin de vous dirc quc préebúlllcnt en CC' mo-
ment, en Prusse, l'3ssemblée des reprL'sentants vient dI'
supprimer l'impbt du timbre sur tous les journaux, il partit'
de 1869, Eh bien! ce qU'OH fait en Prussc, cc qu'on fait en
Italie, ce qu'on est disposé a faire m;lÍntenant partont, como
ment I vous n'auriez pas le courage de le laire vous-nlémes,
alol's surtout qu'U s'agit de supprimel' une t'ecettc dont je
vais vous indiquer tout á l'heUt'e le peu d'importance ?


Vous avez fait á celte t['ibulle une d{'claratioil qui annonce
un progres; eh bien, persóvél'ez, allcz jusqu'au bout, fni~('s
un pas, sinon dans la questioll politique, au moins dans la
question éconotIlique; et vous qui, dnns cr srus, avez dPjil
présenté des loís que nous avonsvotérs, parce que nons He
faisons pas d'oppositioll systémaliqur, venez soutenil' de~
doctrines r¡ui doivent étre les vótt'es, el dont je no suis ici
quo l'interpréte,


Je parleraí tout á l'heure do la qucstion de finance qui
sans doute vous an'ele.


J'aborde muintollant, mcssiours, un sr¡jr.t quí cst, jo crais,
assez facile á traite!', el quo, sans doute, vous 3pprou-
veréz,


On s'es! beaucou(l eI8vé Gontre les u:uvrl'S liar'mires de:
l'époque, con tI' o les joul'naux qui publient des rotllans. Moti
Dieu! je l'avoue, je suis radical, je ue suis pus puritaill, el
je tmuve que si, dans cetto l'oule de t'OtlWlIS publiés a bOll
marché, i! nl1 cst qul blessetlt mes instincts, qui blessellt la
morale publique, le plus gt'aud tlotnbl'e, au conlraire, oll'rellt
de salutairc3 distractiutls. Le danger que ¡:JCllvent pl'éSenler
ces jOUt'Il3UX ¡¡ bOll murehl', ¡¡ ;¡ eetllitlle~, c'cst lOl'sl¡1l'lls
viennent dUlIs les Cam¡;ugllcs tt'ouver le cultivalenr UlI mi-
liw d8sdurs labours auxljuels il est assujelti, ponr le IiITu
a des illusions, á des r{~vns, il dcs chiméros; c'nst lllrsqllu
C0S chimercs poltsscnt les jc:uncs gens, vous le S:l ve/., ;'l
quilter leurs champs pour aller dans les villcs cl¡ercltl'l' la
I'ortune, chercher-on croit toujours que l[ui ce qui est Join




- 10J --


vauL mieux que ce (fui rsl [lres, - une conuilion meil!eure
et un allégement a leUt' triste siluntiúll.


Eh bien, lI1CSSiCllrs, voyez ce (IUO vous failes et jugez
qu"lIe est id VOll'O contrndiction.


Quel est volre uuL? c'e61, a coté du re ve, de montrcr la
réalitó, il coló ue [,illusion, la v("l'il<~; c'"st de ¡aire vivre
uans le monde des foils ; e'est d'enseigner I'óconolllie politi-
que, la connaissallce \Taie tles c1lOSCS; c'esL de montrel'
ceqllise passe tlans les villes, Ol! lu aussi la misere estgrande,
oú la allssi il ya des mirnges, des espóranccs dét;ues, OU
la aussi de pallvres gens meurent tlr f¡dm, hriS(,s d'épreuves,
accablés de chomage. 01', cn ~ont prt;cisément toutes ces
tristes véritc's Ijue vous supprim('7 el que vous empechez tle
pénetrer, tondis que VOl\:, 18issc" librc carriel'E~ DUX reves,
aux illusiollS ... (Tn;s-úien! trts-óie¡! I it la gane!!e de 1'0-
ratell/'.)


Vous, ócollOJfJisles, vous lultlfz eontre vos doctrines,. vous
lutlez cOlllre vOlls-m!.lrnes, contre les ceuvres tle loute votl'e
vie; VOIlS semblcz tlij'() : J'écris, je public, el j'ernpeche
qn'on me lise. e'est vous-meme ¡¡ui podez une main sacri-
l,"ge sur la seience qUB vous cultivez. (Tres-bien! tres-
bien 1)


1\1. Glai .. -nboin. C'est absurde!
1U. G .... nl.,r-p"¡.::' .." •. Au point de vu" d~ l'instruction,


vous nllez Yous-meme empecher la véritnhle seience tle
péllélrer dans les campagncs; lorsque vous dOllnez des
8ncouragements, - je vous en loue, - pour la multiplico-
tion des {fcoles, pour I'enseiguelllent des adultes, vous vous
arrctcz la, el vous elites: Oui, nous encouragcons le déve-
loppement intcllcelUt,1 de la jCllnesse 011 des adulles, mais
quant aux hOl11ll1CS foils, non, ils ne liront paso (Tres-úien I
a la gauche dI' l'omtcu/'.)


C'esl la, llleS~if:ll1"S, une eOlllradiction bien ótr~nge, et je
\"OllS le déclare : ¡;'eSllllle ["allte. J'ai rnll~ndu tout ¡¡ l'lieure
rlll)llor~iJle ~L }\oullL'r, rnini:;trc d'J~tat, vous dire Ijll'i!
avnit roi (;;¡llS i(!s hOlllllll'S eles campagnes, qu'il ne tloulail
pile; ce leurs sellLinwnls. E!l hien, empéclwl' ies jOlll'l1nux
¡jo jír'n{'trer dans les eampagncs, n'est-ce pas la un acl~
de d,')tlancn?




O!;',


(' -!:"1' " i':' ,1', '--'!


"


. : '\ ~':'


y: ':{',
'j ¡


L:


tI: ,L;' 1';,
1,' lU ~:: ('1':


,1, ¡ne) I {' , 1: \ \ 'i ~' ¡. ¡ _ " ',:-;'


~~'~ll:'::I'~¡¡:, I)Ú! (\~l ')
:, l'
,11"


¡ ~ I r


\"0 .- , \! . 1 j'\ : ! ~ \ " I J; ¡ ,


;' CU! :' 'U,I~~,;l;_' ;:~ L:~ 1> " !
(,t ,:.)\ ;',: ~l' :!lq;¡i~~~'~~, (llL\ ["
ric;O' "r~\:~cü '~L le L~L_'~':~: It." __
foj', "('Uf.)


~ I ~':"l i :.'


L,¡¡' ¡~: ;(-'~'¡I~


d~l tiltdJi\~, ~~;l\-('~:--\·,.;:~:<
Vo~:ez :':=' q!lf: y{);~:-; 1'c!jl¡ ~~. \"";:Ju '.;
ial';~':S p-,'il:' :';... :'!;~l~¡'\ <l('~.' l'
jCP1t':,' ,!:--~ :.'L~ Pi,
1-" -~' i l' t ¡ ',' ~ ,


LUJ' ,
ii ::


." !


. '. ~. I " ,u.!, '


1;;


~ , I ' !, '


, r'r
.;' f"


l' p,)a~~}c!'(~
'U( l/e dl)


clll}¡;U:: nlr.'.
: 1",,; di n'\'>J':ll~ i~,


L r: 111 i;~" t 's


e, ( " -a-
,-" l'i.) ~,' ,¡ \'~ ;;
V,)~¡:; ~\'l:' c";':_~/ ~)~)¡


r¡ :'--''1't( ;:i~¡Ll::;
'ti-..:.: ~t!J.ll'(·~. E


li l'




des d " ''1' "',~; ':'¡ .~. d~"¡ :)!I1S, ils ¡Jid, h h:.lJr,r, d'une
n¡:, CO!1tl'\' ¡" ;1:':1i: ~/()/I¡IIJiP' dn suir) i.~t, d'~l:.EI·,~ purt,


'\, .~\ [(',,; J'()'!,:ill:~ ,:.,;-:. .l':'~\!¡:\ \it:,("~8~re,-;.
F), d",'~ ¡J("j:;'l'IC'Iuetll'; \'iCIlI1('nl Y¡¡liS rL{'\i : ~-;OliS


"'! ;:t:;-,~:i: ll{il::) \'(H1:!¡'i:)1l~ r¡'\galit~\ J1:'ql1'~!~; 1'('grllit{,
,1 jUIlI'I!;1 'x ¡j" ]":l'is d, I!OUS, lIwis l\o;alil i ' yi,-ü·\'js


1, ':': .J,jL:"¡'L,I :;:~ li 1: :"'i'ni 1'· ','.,
_~'-. it'u.' to'¡¡', 1j'~l:J:nl.:.i /\~_~rl1nll\, (;f111~ U~li~ ~itllat¡on diO\;-
ti), '.';"ilncl\l ""')'0 ¡ji!'!, : Nous ~\'(iiíS la plJs,~ssion


1;, t;lL: Ilcns SOIlHn ',') de.) jUiJl'nnux ¡itt"l',;!¡"(>:: :jl'sju!Jrnaux
,', ,ci,n° O", d,~ hl';líl:;-nl'ls; "OIIS YOlllez nons relín::!' le:,
,~:I:'i.1I~.es sp!"e:~l(\~:, vou:'\ nlJHS rrapprz de: u:'ux cel1lilnCS a


"':\Tilll. VIlUS YOU:"Z IjllUS Im'I'; cal' eom:lwnl ojoulCI' il
'::"I'l' pl'ix de ('inlj c,'!i!iill(,~; le tirnl))',- des aI11l011ces? C'est
QU Iflni!l:': IjC);;S I>-'!i!'f~;' ::l:~l p;-a'\ir~ de lljJ;~'(' r(~Vtl1t¡j.


Q!II'IUI')d'l1 di' llI"jl;':> d'::r;:,:DI'<I lomes 1":;, l<'elulfwlions'l
r>~! {':' tr;-;jL~:'l'~'(L' Il()nr,jl!l'~; .!~l;\¡;:-; dil'f(~i'enlirll~~~-, d!~ !'I'CrHlr',~
~ d~¡!l:-; :U! ;;!id¡'oiL :~~ql d:lllS 11 I autrL', 1al1t ~';Oil~:; lino


¡-,!,"[, \ :nnt SO~¡S l!t¡(~ auU'(' l Sc)!!, it n'y n ({l;'::n l'~~tu¿~de:
1~'(':'1t l'::lJ{¡;itioll nbso;u(; du tinl¡d·(~.


_-,3." n..:n;.'J·"'~'1" ?>'~~~~'l~~;¡S:;:~, f't :'J(/flfqll.r,:.; (!li!!'!'S nu!m./¡:'cs. Tres ..
l: it ';' :' JOs-ld,: I ~ !
Jt~, ~'';;H·!;.Epr·.i~:~..-.:,(~'-'Í. II y n une (lll:re quesiio't1"
-'\~\)ll.' \"Ud:~'Z. j~~ 1(\ ('cui,~~. n";J!i~'Y,"r HIl pl'ngr(~:3. t;l hi,~"n . .le
\',l:~', lt~ ;r'!l¡~l\:;:', C¡}:l!jt:l'~;!, justifi¡;":",'I.-YOUS l'iUl~'{\t de cinc¡


L(\ ~¡\'i'e :1(' ~'~! ¡)~¡'~ iin~);):«'\ diV's-vous? 111flis sli1ll'n pns
die-: f:°o::!I' il ::::.\:'I'~ '!' ¡"'f'n: '}.;¡¡Cl'lltiull's. I},) trllc;;ortc
qUt' yon~~:¡¡ ~\'J.!:t ;"~,:~;,,,\~ :~ j:¡ t,--~l'tlu'C~ en tui di,·~;lnt : Al-
l.:n~~"~l¡)i. .:.;;::' lj l;l~ P¡,oeu:~t(\ tu n'(ls (r,j(~ (~in:T OH six.
f:':lliL"s, :i\ S-"d} (~ "·l·--t,-d Jp YC 11S le d4,':n;~ndt" ('sL<~e
1 ~ d,) h1 I~;',i:'~(;n, ~';-:¡.-~¡,:: (td !,~'·n ; ¡.,'~¡s? el, '¡;OUVL'Z-V01i8 (:UUll'-
'-;U;'!' :\ hll.'~).:'('l' 1,(\; ]:i' )~<ll1i':"~~':


¡', :~l'¡:¡~llt! :):j~' U;;" \}Li":-:~¡')Il spt:'ciale liVfl-'C iej ü ves
1:. :1, to.':::' L:~ :l'l~:' l'f';:,,,:':s. ~.:' ·"l¡j;'('~~,'.'fni(:n: u¡:: UO:ll1CT l(;nl'


"::' ,'I!~\: ji ::' \,;.:':' \{~l,·:~. l't ,,-(:;!~ n',~h~('\'p~·\t'iC'z pns lc~;r:.,
::,,:;,.!;;;! \uuo lelll'llil'il'z: :\011, YOUS ll'el,tI'C¡'()Z pas:


:; '::, ':n~,', 1',' j'''':';I~['('!. \las, ou bien pC1yr:Z (~illr¡ centirncs.
;:,;~,c, r"i'SS;;r'clfS, "CPfli,t dér:lisonnahlf), et jr suis cünv:'lincll




- lO.\.-


qu'il sumr~ de vous posel' eNte Cjllestion en quel'1ues mols
pOUt' que vous ayez le dósil' de supprimer eel impót. (Tt!:s-
bien! ti la ljanch? de t'omteur.)


Un mot eneOl'e, messieurs, Slll' la confusion des d¡"lil, qllC\
suscite la jUl'Íspl'Udence dont les amendes sont la eOI1:il:-
qucnce. COIIlIlle vous imposez divcl'sement el de toulcs ma-
nieres, ici un juge vous dit : Pl'elleZ gorde, vous allez t'ratl-
chir cette barriol'e; si \'UUS parlez d'éconolllie politiflué,
vous aurez u payer le tilllbre et l'all1ende, La ou vom rHiles
de la Iitt(~ratul'e, un autre vuus crie enco['c : Prene:é gnrde,
c'est de la politiqne, et vous n'avez pas payé l'imp0t! Vous
etes un jOlll'nal qui parlez de poli tique, vous serez cOlldarnné
a l'amcude et a la pl'iSOIl.


Messielll's, en (:dictant drs impots divers, la consPflur:nce
est de ¡ivrel' aux tribunaux dans des circonstanecs mulli-
pies, des homrnes <¡ui souvent ne commcttent flue des COI1-
traventions involontaires, cal' les journaux de seieflce~ el
de beaux-arts eux'llIcmes son! souveut obligés de ~c sou-
mettrr: au timbre a fin dl~ Jlarl(~r de bcaux-arts el de scienccs;
a ce Jloint de vul', encore vous devrÍez suppl'imer l'ill1püt du
timbre paree qu'il es! injuste, parce qu'il pose une burne 11
¡'esprit, paree qu'i! met un payé sm Ull germc pour remps-
chel' d'¡"elorc el de granllir, (TI'I's-úim! tres-bien! ü la flll1!c1u'
de l'orateur,)


Je vous dis dOlle, mr:ssieurs, que vous n'lll'siteriez pas u
adupter l'amendement si vous étiez libéraux .... (Ah I ah 1) ...
Oui, si vous étiez vraiment IibBraux, et vous I'etes, en ma-
joritó, ponr l'industl'le et pour le coml1lcrce: vous I'avez
j)l'ouvé par les lois sur la contraillto par eorps, sur la liberté
du commeJ'co, sur l'intrúduetion des blés. Et eependa·lt,
non-sclllomcnt vous avez encoro l'imp0t sur les journaux,
sur les brochures, mai::; vous en avez un sur les amclles,
e'est, di tes-vous, paree que cela produit, eh bien, non; cela
nuit a In produetion, VOIIS dites ¡¡ llit 1l01111H<' de 1:0 1':16 se
raÍl'e eOnnaiLl'1.l par eles <Jl'Iicllcs srll1S p;¡yer' d'<J!Ju!'J l'illljJ(',t,
cornrnent voulez-vous 3101's qu'j[ pllis:ir, Illttl'l' avee SlICCl:S
conll'e une pl'oduclion étraIlg'l're dispensé!' de e(~s Clltl'¡jH~S
et de ces e!wl'ges qui gl'évent en Franco la publicitC:.


Rvidcmment la pulJlicité est done pou!' le comm('r~3nt Hn




- {o1S-
moyen puissant, r:l souvent nécessaire; vous le lui rendrez
olll;reux en I'imposant, .\lais nOllS reviendrons sur celle
quesLion des afliehl'squand !lOUS discuterons le budget. Al01'8
je me chal'ge, moi, - je n'ai pas besoin pour cela de COLl-
sulter mcs amis de l'opposition et de leur demander leur ad-
hésion, - je me charge de réelamer la suppression de cet
impot. Aujourd'hui, jc me borne 11 reclamer avec eux I'abo-
]ilion du timbre sur les jonrnaux de toutes dimensions, et
sur les brochures quels que soient leur nombre de fcuilles
el le SU,í8t qn'il traitent.


J'arrive r:nfln il l'examen du point de vue financiero
M, le rapportcur nous donne le chiffre tres-minime de


cot impOt du timbre, il nous dit : Comment lo remplacerez-
vous? Remarque?' que o'ost le seul obstacle, ces MM. de la
eommission le declarent. Ainsi, messieurs, pour établir
I'égalité poli tique, pour all'ranchir la pensée, il ne s'agit
f¡lte de la sUPPl'cssion d'un impot! et d'un impot de 7 mil-
liolls 1. .. C'est le chilTl'e que nous dOllne le rapporteur.


El¡ bien, malg-ré le scutiment fiscal (pal'donnez-moi ce
mol), que les homulOs (Iui out passé par les finsnces peu-
vent flvoir, i,ls doivent reconnnilre ce prineipe, c'es! qu'il
faul savoir supprilller l'impot ¡¡uUlld il s'oppo~e uu dévelop-
pemen! de la rielwsse publique,


Si vous arrivez a ce résultat, qu'en supprimant ce! impot
de 7 millions, vous développez la richesse du pays, par les
3nnonees permises a tons, par une prodllction plus é!endue,
vous ret'uscrez-volls a eette réforme si indispensable a I'in-
dustrie el au commerce ? Ne relrouveriez-vous pas les sept
miiliolls el bien au dela dans 1'8ccroissement ele la fortune
dI! pays?


Cela est incontestablB, rnessiclIrs, je IW crains pns o'en-
gogcr sur ce point rna I'l;spnllsabilité pleine el enti¡~re el, le
¡¡el! de connaissanecs (Ille j'ai en fin,lllee" : Oui, lllle bonne
OPl'filtioll, une opl't'atiol1 cxeldlente, ce scrait de l'ctr8nellCl'
ccUc reccttc partiello ue sc:pt millions, car la rcccttc gónl'ralc
du pays vous rendrait bien an dela de cette soml11e, los scpt
mi!liullS sernicnt donbks, triplés. (C'est vrail á la gauche de
I'omteul'.)


En résumó, jo erois, messieurs, vous nvoir démontré, au




cornineDcrrfient ,ir ('(llt0 disc!1~~,i011. q¡~(~ 1"; pr",.,;:¡ji~rr, con:1:-
J'~ 1,,' 18 11l>odL~.·linn~ e't.'~.:~ ln ¡:~!!d;(': i¡i ,':' '.c, 1:1 iV ~l!~


!~l V('~~:,J qu;. t'cu,:"niL
r~li-:,.
~\!¡1i,,;:,. d~~-O;l, 1 ~s (l"lj'~.·U~("~ 11\\ P¡'¡'~~~,\\.~(I";í p: ~': ~ r 11"'_


¡io!J. C'e~·~· t)i(l~! ¡¡'i~t:"\ (·t d:1t1:.; l¡~ d¡~l;,U:ll¡'-; '1; \~ \-:Tll1re l.:
Ch¡pnJT¡)~\ !ij(~~. inlln~, 10 C~lCr dt~ l~r~lal nuus iL ¡':dl"
;.:.: .. ' !..~C:l-:;:l¡¡:c"; [:ü!llhit·~¡i~~)n;~ ~!lli ~1I\lEl';¡jCJlt ~:lt '~-:'\~'r riu,~'lrp1
{'ca le:; irnr-t~ts.
Lc~ n':; 1(: ¡ I'n1:1 1 ~Cj¡L r~¡:)! EL (plclic::; ~~,Oll~ Li~~
C('fH~~l~ 't;? ,L~ ':T:l~ lu d!~l¡}(lt1[l(1, f~llr :¡u,\111~:~' :'::tll~ qllf' n:ln~


si lc:')
h'r :1 d.':,


:!:J.) I!C;


1\":,'" ;l;}' ti:'!I!'


, S:1
: C,'í':;t r;:I,";
r¡ti\\ d';i;;~
, i ~ 1 "", 1 '( . t 1


[' ":t ',' l', d c~!':~ir ":.i;~:l, e~ q(:';
"_1 . ~); : ~: !., ,t l .. l' '1;; <;";, -' :-,i 1. :!;:,: ce ~ 1:
¡"~~~i' ! "; :~clk:', el) (~:"'~:\ ;) ';~I 1i ',~
"¡)!'u!.J'd:'!; :,/',"('1 .r,ir' (Ir! rorot: ttr.)
~~\ . .:; l~'jli~~ i li 1,:,', ';[1,\ si j'~" ::;::; .(l)::YL',


Ü 110dil{~i t' d\~ S!~¡;P~'¡!!It:'r, ;·;dn" CCllX-Ct : l!~ IJI"'¡;!¡'~¡' (k' !!)ll.:,
e':'"l c¡~l;'¡ q!ii t'riiIlpc' la p:>:~; 'l: el, ¡: ~) ~;u;L: j'i\:~lC:~S~: ,lr¡-
iinnt:l('~ J\: s':cuIld, c'esL (~::iU qi;~ r(;i~, !::;Y:'l' ~n !11'i'ii~;r'c
m,'.i:C de:.!":'r) l'j[l:pM de', P'·:;C., (:~ 1','1"'11'1'.,, .hu::, c'l:, ehl
rJ!1'


k


:U ~il; '1! \" ;US f: ",¡,,\tÜ
\-{, ,~;~;~; ;~\~X ih;t<: ,::; (lt :!u\
""::;,:'.1':'::; ,1


.,_\T i : 1::< ¡::lS d{\
; : [1 :; ~ ¡ I tI L ';)


~'): i t J ; '¡ , I :!- i'" l' ~,,..;: ~ ¡ : J: ~ _! ('. ¡ ,
l""";!,


"1,, .. "
·,:.¡d ':-"; e\ :~,~ '·\'IUi qlíi nLi:'iu:- ,in"', U';¡ I \ ~,t 1,,; Jil;'
]"j:,~jJ(it ün ,d. (";'l'is·6icl/! Ü {a !JiU¡C'/i' le' ;",,:,",.'1'.)




;,~¡Ilt-ei csi. ! ,1.'\)" ll; e;'d:
¡lcu:~ll",IU('/.-¡', :tll,~~j(_'Ht':-;, ." J':';,
:n¡_'~)l~, (ili'~ í';" "J:',q ,1 .' ~


::f)¡j("t¡', S' i.:'l:,'\ I llt ¡' (~',:¡ \'\' l' :S·
(,! }i j ,. ,'o '


.¡' ) . i ¡ 1 ¡,~" (jl ¡ , : 1 :-:';, ,,'1 ':~ '-., ' ;1;1
~\i, I .. ~:' L',: p¡\~¡H,:':' di! i ['"


¡"' '1
U d'liHHS i.)C


":,"; ;'f.!·:i:-~t' L: 1l1;C,C'Y"
'1 \¡f \,,;, tiil',::
~(; \'CU\: .. I¡¡¡t,riaH~C .:l·~} lt'u~S i.U¡ll·) !1;:11l~~¡:::':, Slll~ la
i',llllll!re, l'illli)(Ji Slll' ["':Ill dl~ la Ill')\" i'il el!" [D l'Ci1Si',("
POUlT;¡ ~p h1ol'ilic¡' d'a\'oil' l';lldu Ull :jT::"Ü ~(jl'vjec Ü son
¡l:lys úL a la civilisatioll. (Tn;s-úien ! tt'!:s-iúl!li! ú la gauche
,Jc ¡'(JI'atell!'.)





DU TIMBRE


DISCOURS
DE


1\1. JULES FA VRE
Député du Rhóne.


SJ<~ANCE DU G FÉVRIER 18G8.
M. le Pré .. ident Alfred le Roux. La discussion con-


tinue sur I'amendement qui a été vrésenté pür .MM. Hüvitl
et Guéroult a l'article 3.


Dans 1'0rdro des inscripLions, la parole serait a M. Havill,
mais ill'a cédée a M. Jules Favre.


1II. Jules Favre a la parole.
!'OlI . .IIute .. I"''''''·C. lIIessicurs, je pric la ClJUl1lbrc de vou~


loir biell écouter quclques breves obseJ'valions que j'aurais
préseutées a la fin de la séünce del'l1iére, si l'heure avancée
me l'eut permis, en essayant de répolldre au discours de
M. le président du conseil d'État.


Dnns ce discours, si remarl¡uable, íl est des propositiolls
que jo suis loin de combattre el quí, peut-Ctre, se prúsell-
tnient d'ellcs-ll1cmes avec un degré d'évidence qui ne pa-
raissait pas nécessiter l'aulorilé de l'or:"Jteur eonsid(;rüble
rruí les a prises sous son patronage. Jl en est d'nutres, :lU
contraÍl'c, qui, par leur utilil.é a la tbese que JlOllS défen-




- fO\l-


dons et par leur caractere inattendu, meritent d'etl'c rele-
nues dans la discussion, et je vous demanderoi la permis-
sion d'y insister dans un instant,


Les propositiolls ó"luxquelles je l"ais allusion, et qui me pa-
raissent indiscutables, sont, en premier lieu, eeHes qui
louchent á l'ancienneté de l'¡mpol sur lequel nous discu-
tons.


L'honorable président du eonseil d'État a pris la peine de
vous dire que cet impot remontait a l'an VI; qu'il avait été
accepté par le Consulat et par l'Empire; que la Restaura-
lion ne l'avait pas dédaigné; que le gouvernemenl de Juillet
se I'<'tait appropril', et qu'apl'es avoir eté Ull instant écarté
jlar le gouvernement I'épublicain, ji était venu se placer de
nouvenu, en :1850, daus nos inslilutions.


Tout ceci, messiellrs, est l'iguureuselllenl exact, et je n'y
róponds que d'un IlIOI.


M. le pr['sident du cunscil d'ltlat ne voudl'a rertainement
pas établir que le Direetoire, le Consulat et l'Empire aíent
été des modelcs de tcnurcssc pour la presse périodiquc. En
ce qui concerne le Dil'ectoire, il me sufíirait de rappeler
fl'uctidor, et, en ce qui con cerne le Consulat et l'Empil'e,
l'observation qllC me foul'nil l'cxposó des motifs de M, le
IIlÍnislre de l'iIIIL~ri('ur, qu'oll n'a pas rnéme daignú, dans lés
COllstitulions de ces l'égimes, 1I0lUmer la liIJerlé de la prcssc.
(juHnt ¡¡ la R{~stal!t'aliou, ellp u'est pas, que jI:' sache, sus-
pecte u'ulle l'nil¡lesse qu'on lJ'amail pas fencoIltree clDllS I{'s
Sl"slCllICS ant¡"l'icurs, Le gO\lYCrtlCmClll de juillet, il esl vrai,
aUl'ait ['u J1l¡¡relict' t1UIlS d'autrc:s voics; iI ne I'D pas fait.
LOl'squ'oll l~H; t1es principes t1i[T(:renls uut óló adojltl:s,
M. le ministre nous faisail celte eonccssion que le timbre
a\'ait uisparu. S'¡¡ n éló rd¡¡bli par la lui de 11'\;;0, il I1e me
purait pas que l'il. lo presiden! du conseil d'État en puisse
lircr un argumen! considórnble au pl'ufil de ~,a tltese;
cal', en 1850, nul ue le cOlJteslera, soul'llail dlja sur la
Franee, et pUl'ticuliéremcnt SUl' la kgislalurc, un ven! de
n'ncliull qui étai t tIl's-la yorallle ü la rr:surrcction des illSti·
lutions du passé !


M. le ministre pl'ésidant lo cOllseil d'¡;~lü t nOl'S a dit que,
uans la loi de 18;;0, le timbre nvait rrpnru suns quc Jlcr-


..





- HO-


sonne protestat conlre lui. Je lui demande la I)CrrnlSSlOil
de n'dtre pas tout á l'aH de SOIl avis, puisque la loí dc"18iiO,
a dó combaltuc par un tl't)s-gralld lIombrc d'orateurs de
l'opposílion qui ront rCp(\USSl~e pnr ICllrs votes. Seule-
ment, messieurs, 11 celte époqlle. jc le confcsse, les lois
étaient peul-etrl' trop discutées dans leur enseu¡[¡Je, et pns
asscz dans lellrs détails, découragé qu'on pouvaít l~tL'e ell
présence d'une majorité qu'on croyait systématir¡ucrnclil
acquise 11 des partis ¡¡riso C'était peut-etre un tort. Qlloi
qu'il en soit, celn se voyait en 1850; mais nous sommes
aujourd'hui corrigés de ces erreUl'S, convaincus que nons
sommes que si nous avioIls le bonheur d'étre dans nos
raisonnements les dMenseurs de la vl'rit(\ vous auriez la
sagesse et le patriotisrne d(~ ne les point repousser. (TI'/'s-
bien! (/ la (lime/le de Coraten!'.)


Il n'y a donc, 11 mOll sens, ilueune espBcü d'argument s,"'-
rieux ¡l tirer de l'origine non plus qur. de l'aneiellnelé de la
percL'ptiOI1 dll timbre: si les r(:'gles ([ui 110US gOllvernel1t de-
vaien! elre pl'éférées législativemrnt, en raisun méme de
leur cid te, il fumlrait retourner aux temps passés, allX llenrs
de lis et á la légitimité, ce que, a coup sür, M. le président
dll eonseil d'Etal ne veul pas plus que nous. (M01wements di-
vas" )


Eeartons done ces souveuirs qui me paraissent avoir la
valeur historique que leur a donnée 1\1. le pr6sident du con-
seil d'Etat, llIais qui !le s3uraient lier des conseiences indé-
pendantes COlllllle les nolres.


J'en dirai autanl, 11 un autre pOÍnt di) vue cependant, des
eonsidérations que nI. le ministre pr{~sidant leconseil d'Etat,
a fait valoir avec sa clarlé, sa préeision necoutumt)es, et
desquelles il a tiré cette eonelusioll, qlW si It:l perceptioll du
timbre est un impot, cet impot ne p(~se pas sur les jour-
nJllx; que les ,ioumaux, ou tout al! llluins CéUX qui les édi-
tent, peuvenl iJicn aVflllcer rillll,{¡l; - ce que M. le millisll'l)
a contesté néanmoins, - lllflis IjU'Cll lIdinitive, ce sont les
lecteurs qui le payellt.


Ce ll'a pas été, lItcssieurs, sans une lrés-grande satisfac-
tion que j'ai entendu eette !l()claration inattendue dA la
bouclw de M. le minisll"c pl'é'sidant le cOII:,('il (n~lal. Ceot




- 111 -


cm efIet, pour les membres de l'opposition, une rare bOllllC
fortunH dont ils pcuvent trrnoigner leur publie contente-
ment, que de se voir ainsi soutenus, que dis-Je, commeutés
par les org'anes du Gouvel'nement. Ainsi, Illon hOl1orahlf)
ami M. Ernest Pieard s'dait contenté d'amrnwl' que I'impot
du timbre (,tai t un illlpot ~ur la leclure; il n'avaiL pas pris la
peine de démontrer sa pensée; et voilil M. le milJistre pré-
sidant le conscil d'~~tal qui a bien voulu y suppléel', et avec
son al'gumentation si puissanLe établir qu'en elfeL c'était
ilien le lceteur qui suppoI'Lait cel imp6t; que cel irnpot pe-
sait sur la pcnsée, ~ur sa transmis::iion, sur son initiation
par la leeture. e'est lú ulIe concession précieuse, dont nous
allons voir tout a l'heure les résultats politiijues; el iln'était
pas hors de propos de constater que, nou-seulemeut elle
avait óló faite, nais e[](~ore qu'elle avait étó étnblle par les
plus solides raiSCJIIlH~lIwn Is.


Ce qui nous s('pnre cf'[wndant de l'honoraille Président du
consci! d'ELat, (~'e~t ¡'ojunion que nous devons nous faire de
la llélture inLrillsú/[ue, pardollucz-moi ectte cxpl'ession, de
la taxe dont il est qucs:ioll.


Il a éL{~ dit plllsiclIrs rois, á ceUe tribune, que le timbre
n'était pas un irup6t.
Messil~urs, si par imput on veut entendrc toute somme


prélevt:e par la I'uissancc publique sur ks ciloyens, il est
inconLestable que le timbre est un illlpót. Si, conformément
a la mél.hodc lJisloriquc que M. le l'rósidcnt du conscil d'E-
tal a apportée aceite tl'ibune, me rctournant vcrs le passé,
je me demande si toutes les perceptions di) la puissance
jJublique, a quelque úpoquc que ce soit, ont le efll'actcl'e d'im-
p6t, je suis bien sur que M. le Président du conseil d'Etat
lui-meme reconnaitra avec moi, la négativl'.


En elfet, meSSiéUI'S, la sciel1ce économique nous apprellu
que l'imp6t c'esL la perceplion qui s'opórc SIIl' la riehesse ac-
quise. e'est ainsi que la richesse vient au secours de la pros-
]Jt~ritó cOlllmulle; c' est aiusi que celui qui a pu la recueillir
paye ja premiere el la plus sacrée des obligations, ce.lle en
vertu de laquelle il peut devenir un citoyen dans ulle société
libre el bien adrninisll'ée.


Yoila ce qu'est l'imp6t.




- i1~ -
Jo COIlVlüllS, messieurs, que s'jl est tel en théorie, en pra-


ti(IUe il est souvent dil'licile de demeurer fidele a ces regles,
et, dans tous les cas, si !lOUS illterrogeons nos budgets, nous
y reneontrons, ce qui ne sera contesté par persollne, les élé-
ments les plus divers, souvent les plus hétórogénes, de per-
eejJtions qui ne peuvent se justilier a UUCUll prix, qui par
leur exagération, leur mauvaise assiette appellcllt evidem-
ment une réforme que tous les bommes de seiellee ont ue-
puislongtempssollicitée. (Tres-bien! üla (Jauchede l'uraleur.)


Si l'impót du timbre est dans eelto derniére eatégorie, il
est clait· que M. le ministl'e am'a parfaitement prouvó que
la perceplioIl est un illlpól JJUl' cela seul qu'ello so port,;oil
sur le ciloyell, qui est duns la ul'cessilé do la payer sous
peine de garnisaires; lllais que col illlJlUl soit juste, qu'i!
soit politiquo, qu'il soil sug'o ot surlout Iju'illle doive pas
elro ahaissó, e'c"t la, l1lessicUI's, Ulle cOllclusion qui !le lile
parail en aueUlle f<l~~OIl ju:;tiliée Ijar les fJrelllisses que jI.!
cllercllC á étauliL',


01', remarquez-le, - et je me pCl'mels de faire celle ob-
servation uniquemellt. lluur la clal'lé de la discussioll, -
1l0US n'en SOllllfleS plus aujoul'd'[¡ui iJ llOUS demander si
'impót du timure doit etre sUPPL'ime. CetLe t[¡ese a éte dé-
endue avec t31ent el convictiol1 par notre IlllIlorable ami et


collegue NI. Garl1ier·Pages; pOUL' ll1a pdrt, je m'y rallie com-
plétemenl; je erois que, me me au point de vue economi-
que, l' i~lat a plus it jJerdro qu'a gagner dalls la suppressioll
complete de l'impút du timbre, l\1ais j(~ reconrwis (lue la
Cllambre a décidé, etje ¡¡¡'indine respeclucusemeut devant
son yote, qui, bien entelldu, LL'exclut en [[ueune maLlÍl)rO
l'abaissemcnt de l'iLll[Jot du timlJro, el cela est si vrai, que
la comlllissioll, ¡¡ui éluit, en principe, lloslile a la supprcs-
sion, a cepelldalll, u'aceoru a voc le GOl! vemelllent, proposé
un abaissement.


e'est donc, messieurs, entre nous une question de plus
ou de llloins, qnestion qui, chacul1 le comprend, esll01l-
jours dominee paL' les cOllsidérations genérales, d'un haut
intéret poli tique, qui ont été invo,:!uécs a l'appui de la tbese
de la suppression, car il est evident que vouloir sUPPl'imer
l"impót du tiLLlure, e'est, iL IJlus rorte raisoll, déslL'CI' qu'il




- 113 -


soit abai~s(:~, C,.' n'est pos une volontó snns motif qUi) nous
apportons il cett() tribune; elle est le résultat de nos ré-
llexions, de nos opiníons, que nous avons le droit et le de-
I/oír d'émettre lihrement devant vous. e'est donc une these
analogue a celle qui a é[(~ développée devant vous, mais qui
en est dilférentc, paree qu'il ne s'agit pas d'un ~principc,
muis simplement de la modération d'un impat; et c'est
celle modération qui me parait la plus sage, la plus politi-
que, el, que ji) vous príe de vouloir bien adopter.


Eh bien, sur ce terrain, poursuivant la pensée émise por
le prrsident du conseil d'État, et revenant au point que je
tOllchais il y a un instant, je me demande, apres M. le pré-
sident du conseil d'État, sí, en effet, la perception du tim-
bre est un impt'lt, si cot impal est bien ussis, et s'íl convient
de le maintenir tel qu'il esto Or, messieurs, je ne crois pas
qu'on puisse arriver a contester cette opinion, que j'émets
avcc une certaine réserve, étant pon familier avec ces ma-
tiéres, et reconnaissant la supériorité de la compétence de
l\I. le président dI! conseil d'Etat; mais il me semhle qu'un
impót ne peut etre accepté qn'il Ci)tte double condition
qualld ce n'est pas un impót direct, c'est-a-díre un impfJt
sur le revenu, un impót qni pese sur la richesse acquisB;
quand c'est, comme l'imp{¡t dI! timbre, un impót indirect,
il ne peut Nre, dis-je, accepté qu'a In premiere condition
d'etre en proportíon exacte avec la valeur de la chose im-
posée... (Assentiment sur plusie1lJ's bancs it la gauche de
¿'aratenr); car, s'¡¡ est. trop lourd ponr la valeur de la chose
imposée, il peut compléternent l'écraser et faire disparaitre
la production. e'est la une regle économique qui ne peut
etre contesté e par personne. (Nouvelle approbati()}l sur les
nu!mes bancs,)


La seconde régle, qui est il la fois une régle économique
et une regle poli tique, n'est pas moins évidente : pour qu'un
impót soit sage et puisse étre accepté, il faut que cet impat
pese également sur toutesles industries identiques qu'il a
prétention de frappor,


Si nous ne rencontrons pas dans l' dpplication ce double
caractcre de I'irnpat du timbre, nous pourrons bien dire
encore qu'il est un impOt, si M. le président du conseil d'É-




- 11\-


tAL Y tieol; mais 1I0US mailltiendrons que e'(>st un mauvais
illlpót, s'j[ n'est pas proportionnel; que c'est Ull itrr[lol in-
juste el arbitl'ajre, s'il u'est pas gén¡"I'<JI.


En ce quieOllCerLW ce del'lli,'r point, il esr. clnil' que M, I~
ministre nous a fBi tune coneessioll consitlérable, el Sllt'
laqueHe je vais reyeuir dans uo moment.


La perception du [i¡libre ll'est pas un impot, préeisrment
paree que la loi s'e~t l'!;serv¡'~ de frapper qui bon lui semble,
paree que l'ad~inistt'a tion jouit a cel éga rd d'llnl' faculté
eornpl¡'tement diser('liotlllail'e, ce ¡¡ui tktrllit radicalement
la notión meme sur la'lueHe repose l'i mpüt, (A pprobation
sur ptusieul's bancs iÍ la !Jilllr;lw de l'oratu1lI'.)


Maintena nt eSl·il \';'ai, eümme l'a dit M. le président du
eonseil d'f~Lal, que cet ill1[lót soit nc,;cpl:lble, el 'Iu'il doive
etre mainlenu tel LJu'il est, en ce qui (ouche la premier()
des considératlolls que j'ai indiqu('es, je veux IJarler de sa
I'elation avcc la v~lellr de la chose iwpos(\" '1


Vous fIVeZ()ntrndu, il cett'gal'd, les plaillles extremernent
vives des repr¡"sclltnnts de la prcsse; elles ll'étaient pas
nouwllcs pour vous; vous les aviez mainles loi, rccueillics
el appl'{>ei{'es; quelle est la róponse qu'ils ont rellcontrée?
ils Ollt reucontré, dans la bouche de 1\1. le I'['ésidellt dn eon-
seil d'Etat, l'objectioll d'autl'es impóts qui sel'aient égale-
rnent lourds, el qui viendraient également frapper des in-
dustries aussi respeetables que eelle des journalisles.


Je n'é[ablis, messieurs, aueune espeee de pandl¡')le entre
les divers tl'avuux allxquels la soeiété humalllc pellt pren-
dre part, je les tiens tous pour également inlé¡essants, égA-
lcment dig'nes du respect, égalelllenl dignes dela prolection
du législateur ; seulement je ferai remarquer á M, le jll'ési-
dent du eonseil d' I~tat et aux oratelll'S qui ot}t présenlé une
réponse analogue, que, JOl'sque nous leur parlons d'un
impat éerasant, ct qui doit etre rnoditié, ils nOU3 répondclIt
en HOUS opposant un impót non moins éerasaIlt, el qui doit
elre non moins moditié.


Ainsi, ¡'un de nos honorables collegues, et jI) erois que
c'est J'hollorable l\f, André, vous a parlé dans ¡'une de nos
preeMentes séanees de l'impot de l'oetroi; rnai~ qui pcut
Jél'endl'e l'impót de l'oclroi au point de vue de la relatioll




- 115


dI) la pei'ception aw)c la vnleUl' de la chose imposéc, flusnd
il cst ccrlain que des "ins ¡¡ui dans le pays de production
sont payé's 10 fr., pa)'cllt trois fois ¡eur valeur pour passer
la barrii)re de Paris? Et f[1l8nd vous maintencz eet impót,
vous etes forcés de eonvrnir que vous nuisez et au produc-
leU!', que vous forcez á élever ses prix, el au eonsommateur
que vous exposez á de deplorables falsifications.


Il en est de meme paU!' !'irnpot sur le sucre. Il y a trois
nns, nous avons volé une loi á laquelle i\.I. le ministre pré-
sidant le cOllscil d'Etat raisait allusion, et j'ai vis-a-vis de
1llOi i'habile rappOl'lellr qui a rait triompher les disposilions
libél'ales d8 la COllllllission; je ne veux pas interroger sa
consciQncc droile el ddicale, muis je suis convaincu que,
si j'avais la Iilwrt¡" di! le fairl\ j'y renconlrerais un scntirnent
de regrel naissant dI) rl~ng('ralion de la perception dont
¡:e produit c,t ';I(:t: :I:U.


Et (IU~nd on (~s! d.:lls ln 11!"cessi:~) de reconnaítrc qll'i! est
fI'8i'p(: l1"un im¡J¡t q';i t'I;ii"":ie'nio le ticr8 de 88 vaJellr, il
fmt bien dil'" <jIU) ,·pt ¡miól est ('x3glTé el (¡u'il doit nl'-
ce~Si1Íl'enl\_~;-lf, llui:'(\ ü la pI': ¡¡1,:'1~1!'1.


Ce sont la ie~ 1"",lil"~ r¡li',,:~ l:[,ilS hit, el \'O:IS VOyfiZ en
quoi elles P':::':[HII'. Si t:1' 01' :, d,',; jin ¡;c queje recolJ-
nais, ce sont d,~¡.:; ¡in; :;:s q:~i ~: ";, ~¡;UI~ f~l'e tnoclitlés.
Peu~-r~!l'(~, 111(' -:::,"l,l'S, ct c'e::t lü en d~::.; t!wl:.eurs de no-


ire S:~u~~liun, ! ('ll: {O~lt~~-~ ~;,.~j,¡."~':, :}(\J') cc'n j:~lrnrs 3 subir
des luxes c'\;ni,:,iHi.', Ijtií 1'.: ,'::, lid:,::; il c!es d~'!;C1SeS qui
ne le son!. pa~ U:O::IS: Jll:1: " eil ¡;,I\.'l'j", pt surtuut en pré-
sence d'utl illlpÚl qui rnl,;oi'tL' '''f:t m:,::Cms, une SOl'l,~ de
gouttc d'cau dar:, ceL'e Il\I;1' r[lli (,)ul(~ ('nl, :,illunl ayer elle
ce flot di' deux Illilliurds el fllIl'[l¡U.;S ccntni::'s de milliol1s,
il est bien cerloi]] qu'oll Ile [le lit pas s(f'st'ni[' de cot cxe:m-
pie pour cmpóclw[' ítrle diseussion l'elative á la léó·itimité de
¡'impat du tirnure.


Je rcvicns done sur lOO sujl't, mais d'Ull mol seulement,
pour ne pas abuser de yolrc palien(:().


le vous pl'ie de relllorquer que: l\T. le lIlinistre présidant
In conscil d'Etat, qui connait ':! mcrvpille tout:'s ces malie-
¡,es, n'a nas contredit les chitTres ¡¡ui onl rlé cilés Íl eetle
lri¡!Une. Or, ck (',,,8 dlitll'es i11'f'Sll][C fr"r cd impat est un




-w\-
i mpo! sur la lecture; e'est la le nom qui luí a été donné par
mon honorable ami M. Pieord, et ce nom a eté justilie par
M. le ministre presidant le conscil d'Etat. Apres ces deux
autorités il est incontestable que le nom lui est acquis et
qu'j[ lui restera, - eh bien, cet impót sur la lecture impose
a ehaque lecteur d'un grand journal de París le sacrifice
d'une somme de 21 fr. 34 c. Et il n'est pas hors de propos
d'avertir publiquement que ce sacrifiee, je ne dirai pas ín-
volontaire. mais probablement ignoré, pese sur le publico
Chaque abonnement rapporte au tise 21 fr. 34 eentimes, (~()
qui nous paralt excessif, si nous eomparons eeUe somIlle ¡¡
celle que l'abonné laisse entre les mains de l'entrepreneul'
du journal.


Je ne puis ieí, messíeurs, entrer dans aucun détail
technique, qui, outre l'ineonvéuient de l'aridité, rencon-
treraitencore oelui de la banalité; ces choses sont su es á
merveille, il suffit de les indiquer, et de l'indícation nous
arrivons aceite proposilion, qui ne peut elre contestee, que
la somme payée par le lecteur auquel vous avez demandé
un impót annue! de 21 fr. 34 e., ne suffit pas au journalisle
pour payer ses frais gélléraux, son papier, sa composition,
sa rédaction, en un mot, pour livrer sur le marché la ehose
sur laquelle pese cependant cet impót complétement dispro-
portionné avec sa valeur réelle. El quelle en est la con se-
quence, messieurs? Non-seulement une injustice. mais en-
core un danger, el ce danger, le voici : c'est qu'en écrasant
ainsi par un impót exagéré la matiere imposable, néces-
sairement vous la dénaturez; si vous ne parvenez a l'a-
néantir complétement, vous la forcez de changer, dans uno
certaine mesure, de caractere.


Tout a I'heure, messieurs, nous allons vOir, eL jI suffira
encore ici d'une simple indication, qu'évidemmenl un impót
aussi excessif doit forcément ralentir la eonsommation, et
en ralentissant la consommation, il ralentit en me me temps
la production. Et vous apercevez id eomment, de proche
en proche, la valeur économique de cet impót qu'on eélebre
dans la discussion tourne précisément contre l'intérCt
meme du Trésor.


Mais ici j'examine quel est le 80rt qui est fait aux jour-




- 117 .-


nalistes par cet iIlljJüt, el jo di::; Ijue cclui qui est condamnló
11 produire Ullll matiére qui est dévorce par le fise et par ses
frais, la produit dans les conditions Ics plus detestables; et
que si celte maticre qui est ainsi crece peut etre altérée par
des éltÍments qui touchent iJ. la mora!ité publique, alors sans
le vouloir, sans aucun doute, le Gouvernement qui per«oit
l'impót dénature la chose qui est pl'oduite et l'expose a se
penétrer d'élémenls r¡ui peuvent devenir un véritable
danger publie. (Tr¡1s-bien! a la gauche de l'oratenr.)


Je m'explique : I'un des honorables membres de la eom-
mission a bien voulu me dire que dans le cours de ses dé-
libérations, elle avait appelé dans son sein et entendu dilfé-
rents journalistcs, el que les journalistes avaient ete
unanimcs pour rcconnnitre qu'il leur était impossible
d'exister sans des conditions exceptionnelles. Ainsi, un
grand journal ne peut s'établir a Paris sans avoir devant
lui un capital de tiOO,OOO francs environ, el une partie de
ce c<lpital est l'orCéll1cnt dcstinee a des sacrifices qui
peuycnt devenir cornplóternell t inutiles. Et (¡uand vous con-
sidcrez, messieurs, pour quelle ónol'me proportion le fisc
entre dans ces sacriAces, vous comprenez que le journaliste
esl placé sur ulle ponte l"atale, el r¡u'i1lui l"aut une grande
lmel'gie pour r{~si~ter ¡¡ toutes les chances do ruine qui 1'3t-
tendent.


Ce n'est poinl assez de la néeessité de réunir ce capit:J1
considél'ablc; il fnut encore, - et ce sont la des chiffres que
je pourrais jllstifier en entrant dans les détails;.le m'en garde
bien, je ne yeux pas fatiguer la Chambre, - il faut, dis-je,
pour que le jOlll'l18liste puisse vivm d'une maniere normale,
qu'il attrigne un chil'í're de H iI !ti mille abonnés. Eh bien,
cela est-iI [acile, je lle dirai pas possible? Et pour :mivl'r
n un pareil résull:Jt, fflleIles sont les elapes que doit par-
courir le journaliste? La premicre, celle qui l'a llend au
dt\but, c'est I'amorce de la publicitó, c'est-a-dire que pour
que le journal puissr vivre, il est nécess:Jire qu'¡¡ contracte
un bail (j'annonces qui soit fructueux. Sans ceHe condition
I'exisl.ence lui esl. interditc, et lui est interdite prédsément
parce qu'a son entrce dans la carriere iI rencontre les exi-
gcnccs di) tise quí l'écrasent, et qui, ajnsi que j'ai eu


'! . ,;'
!~
,~


•. "




- li8-


l'honneur de vous le dire, arrivent á complétoment déna-
turer la chose qui est ainsi imposée.


En -effet, messieurs, - et je suis convaincu que je nf:
rencontrerai ni une objection~ ni Ilne seule contradictio:1
parmi des collégues d'opinions eependant si diyorses quí
me I"ont l'honneur de m'entcndre, - il est certain que 10lls
nous désirons que la presse soit sind~re el loyale, qu'elle
d6fende dans la mesure de ses rorees l'opinion qu'elle se
llatte de représenter, qu'clle appcllc aulour d'clle les talents
les plus convainells, les rois les plus fel'llLes, les hommes
qui sont jeunes, vaillants et vigourcux, et (fui ont b(~soin,
dans la discllssion des all'air{'s de) leur ¡¡ays, de marque!' la
trace de leur (~sprit et de lcur raison, (Jpp/'obation ir Irt
gauche de l'omteuf )


Pour qu'un parcil progralllme pút ('tre rempli, il serait
absolument n6cessaire que le journalisme ¡Hit dispose¡' de
so mm es importantes, qlli réIllU¡H"rasscnt convnnalJlement
tous eeux qll'il appolle auto\ll' de lui. Ce'n'(:,l CP['tes pas, en
clfet, une pl'oposition túm"raire que celle qui COIl:iisIC il al:"
firmer que la rt:Jllunpralion est en proportio!J d~ la dignitó
humainr, 'et r¡ue IOrSljll'Ul1 homme veut se V('[WI' a ux lettrcs,
meme aux lettres poliliques, pour pcm (fu'il ait de valeur, il
est assez naturelljue, sans etre exigeant, il ne se contente
pas de 1'obole qui poul'rait lui ülre donnée par cclui qui
l'emploic.


Si tout ceci cst vrai, nous arrivons a erttr conséquence
que, pour avoir un journal bien rédigé, honoralJlr.rnent con-
duit, il est néeessaire que celui qui J'entreprend ait dans la
main des reSSOUI"ces importantes.


01', comme fai démontré que gráce au lise il ne lui en
reste aucune, que tout ce qui est abandonnr. par le lise passe
nécessairement aux I'¡'ais généraux, et aux frais généraux
dans lesquels, - encore une rois, je n'entre pas dans le dó-
tail, rnais je pourrais le justifier si cela ótait contesté, -
dans lesquels la rédaetion eompte pour des proportions qui
sont évidemrnent inférieures ¡¡ celles qu'on doit désirer,
voils le journaliste qui est dans la nécessité d'aller recher-
chef d'autrfls ~OUf!;e~ de produit~, 80Hvent a rOLte trihune,
,in ~Hj()I'P, O¡.¡~ªI ~lo (lf\(\íl OIW(jlqtl'. 1111 ~f\ p!nint f!VM l1fiO vi"




- 1lf)-
v8cilé légitime el que jt) comprcnds rort bien, de la vénalitr
de cerlaines fi'lIilks puj¡\jr¡lIes. On a mcme été jusqu'a jeter
dl'~ ~oup<:,ons Stll' la preSSl) ell g'énpf'al; et il semble que ce
soil une opinioll qui doive ('tre :!('créditée avec d'alltant plus
de faVl'Uf' fin'elle eontirnt plns de calümnie, qu'il n'y a pas
de journnliste quí \luisse r('sister a la lentation que la spé-
cuh:tion [l:Jt'ail diri;.tcr contrc: Cl1X. HelIrlmsemenl il n'en est
rirn. el, iI f:l!tt lp (jire il I'honneur dp la prcsse fl'ancaise,
qu'plles f[Il'nienl ('V~ les l'preuves quí lui ont óté imposées
jus,!u'ici, die rn est sot'lic victorieuse el, pureo pfouvements
en sells dirl'rs,) Mais psI-ce que c'est lit un rrgime qu'il
faille contin1ií'r? Esl,-ce qu'il esl. bon, est-ce qn'il est moral
de placer dnns d'aw"i mSllvaíses eonditions, je ne dirai pas
un sacerdoce I U!Jerl's rumeurs),.ie ne veux pas me servir
decetteex[lri'ssi"ll: je nI' tlitni pns une industrie, al1 moins
,'exercieede r1roils tüls fjue ceuxqui appa¡'¡iennent auxjour-
naliste~, et l'al'rolllpli~selllont d'olJligatiom; tellos qua ecHes
quí lui sont j'npils{·PS.
~i ep (ltle j'ai l'llnnnelll' de dil'e Ü la Chambre est l'expres-


sion exaclc de la v,\!'it,\ que nOlls l'pvilln la situation dans
laquelle les journaux sont placl"s vis-a-vis dI! tlsc, iI est )n-
contestable que, pOIl!' la mnraliti) de la presse, pour la se-
cUl'ite de ses relations, il importe d'abaisser le ehiffre du
timhre.


Mais je reneonlre a ce poiut de ma disclIssion la seconde
obser\'ation de M. le minisLl'e présidant le conseil tl'État, et
e'esL ici que je vous demande la permissioll d'insister eneore
en f[nelqt[()s mots, vous d('mandant pardon de ces observa-
tions qui se prolongent plus r¡ue je n'aurais pensé. (Parle;:; t
p(trlez !)


J'ai dit, et je ne erois ras qu'on le puisse contester, qu'un
impót no pOllt etre digne de ce nom qu'á la condition de
frapper également toutes les valeurs de mcme nature qui y
sont assujetties.


M. le ministre présidant le conseil d'/hal, a ccpendant
roeonnu qu'une exeeptiün avait été faite S8ns cependant la
justifier en aueune maniere; ce ne peut clre la une ques-
lion ¡lA O/!tl'!, Je me 61li~! explifluf' Sllr 1<\ vfllcnf ries argll.
lI¡flni~ Idstl)f'h¡1l11~, ¡.t ji' il'Y fl".if'ljflr¡\i ¡;lI~, ~íllllf¡nwl!l.




- no-


apres beaucoup d:autres excellents esprits, M. le ministre
présidant le conseil d'État a répété aceIte tribune que les
lettres, les arts, les sciences, méritaient une faveur privilé-
giée, qu'on pouvait faire pour eux une exception, et que,
par conséquent, ce qui avait élé établi par la loi de l'an VI
et maintenu jusque-la, devait etre conservé par vous. Ce-
pendant, et c'est la une réscrve qu'il est bon de rccueillir
dans les excellentes observations qu'¡¡ vous a presentées,
M. le ministre présidant le conseil d'Élat s'esl senti ébranlé,
il a éprouvé un mouvement d'hésitation, el il s'est dit :
Peut-etre les lettres ne sont-elles pas tou t a fait dignes de


,ceUe faveur; elles ont quelquet'ois méconnu leur mission,
elles ont presenté des tableaux licencieux, la OU, au COI1-
traire, elles ne devaient chercher que dans les ressourccs
honnetes de leur art, les moyens de charmer le publico
M. le ministre presidan! le conseil d'État s'est senti enlrainé
11 imaginer, pour ces mauvaises lettrf's, pour cette littera-
ture indigne, un timbre exceptionnel, qu'illui aurait appli-
qué avec plaisir.


e'est lá un mouvement d'honncteté auquel nous devions
nous attendre de la part de M. le ministre présidant le eon-
seil d'Etat. Mais voilá ou nous en sommes en matiere fis-
cale, en maliere d'ímpots: il y aurait des prix de verlu el il
y aurait des pensums : on donnerait des pensums aux let-
tres qui ne seraient pas sages (Rumeurs), on aurait des fa-
veurs pour celles qui le seraient; et radministration serait
chargée de faire cette reparlilion! Ou en sommes·nous '1
Evidemment au chaos el a la confusion. Et en voiei la
preuve.


Dans la discussion générale j'avais adressé au ministere
une question bien séríeuse a la solution de laquelle je te-
nais beaueoup, et a laquelle cependant il n'a pas été répondll;
j'avais demandé au Gouvernement quelle était la Iigne de
démarcation entre les lettres, les sCiences, les arts, d'un cOlé,
et la pOli tique de l'autre. J'avais bien le droit de m'enquérir
ainsi, ayant eu plus d'une fois, dans le cours de ma carriere,
a souffrir de semblables incertitudes, les ayant vu partagées
par les esprits les meilleurs et les consciencesles plus droites,
a~'ant rencontré de~ magistrat;, t01Ü a\lssi ll?norahlcs, toul




- 121.-


aussi sCfupuleux que M. le president du conseil d'Elat,
éprouver des embarras mortels; ayant vu quelquefois des
audiences entieres de tribunaux qui auraient pu etre mieux
employées, a mon sens, consacrées a ces discussions vaines
dignes du Ras·Empire ...


M. EllgenA Pelletan. Tres-bien! tres-bien I
1\1 . .Jllle .. Favre ... et a la suite desquelles cependant


survenaient des condamnations correctionnelles.
L'occasion est bonne, nous sommes ici a la source des


lumieres ; j'apergois au banc des ministres celui qui a l'hon-
neur de represen ter la justice en France, M. le garde des
sceaux, qui int.erprete les lois dans ses circulaires; j'aper-
I¡ois M. le ministre de l'intérieur, qui doit les appliquer;
l'honorable ministre presidant le conseil d'Etat, quí a toute
l'administration dan s la maín, el enfin M, le ministre d'Etat,
placé au faite de ceUe voute harrnonieuse et qui a le tres-
rare privilége de concentrer dans sa main tOllS les fils du
Gouvernement. Assurérnent, si nous devons attendre une
explication raisonnable et sage, elle sortira d'un tel aréo-
page .•.


H faudra donc nécessairement, pour le soulagement de
ma conscience au moins, et je suis sur que rnessieurs les
ministres n'auront pas la cruauté de la laisser ainsi en dé-
tresse, il faudra que messieurs les ministres montent il eette
tribune et nous disen t en qusi sont ditférentes les discus-
sions qui touchent aux lettres, aux sciences, aux arts et
celles qui touchent a la poli tique. Et si messieurs les mi-
nistres sont dans l'impossibilité d'établir la ligne de dérnar-
cation, il faudra que nous, au nom du bon sens, nous
ehangions la loi qui condamne d'honnetes citoyens pour
un erime purement imaginaire, puisque les princes du Gou-
vernement ne peuvent le justirJer. (Tres·bien! treg·bien I ü
la galwhe de l'orateur.)


Les lettres, rnais e'esl le dom3iue universel, c'esl le mi-
roir de la conscience publique, tout s'y réfléchit: les pas-
sions, les intrigues, les douleurs el les joies de ce monde;
elles comprennent tout, par conséquent elles peuvent tou-
cher 11 tout. Et vous eroyez que, reneontrant la politique
:ml' leur p¡¡sssge, la cótoy~nh comme cela leu!, est permis,




- 122-


elles ne succomberaient pas á rirrésistible lentatioll de l'('!l-
vahir? On vous ['a dit bien des rois, j[ n'y a rien de plus
simplo, de plus hal'll1oniellx, lllais (jllell]uerois de plus per-
lido que la langue franr;aise, Elle a des rotr'aites cachées
dalls lesquelles elle e1ls()\'(~lit sa pCllsre pom la fair'o jaillir
ellsuite a un momellt imprévll. Ik SOI'tl~ ¡¡u'il faudra que,
vpriUlble inC[llisiteur littl'rnirc, on soit a 1':'Ilfüt de chaqlle
Ilhrase, In grnmrrJ:líre Ü la lllnill, pour interrogcr les fai·
blesscs ou los hardil'ssos dl' I'¡"crivain, pOUI' savoir r[uand il
~ura p~rlé politique,


Ce que je dis dos 1"Ures, jo pourrais le dire d(;8 :JI'tS el i1
bien plus forte raiq)n.
Qll'e~t-ce quo J'art 9 La qllostioll est ltil'Il pllls {;l(~v¡"c. Il


ya l'art ¡Je biengollvel'lwr. (RiJ'l~s et intru'ru}lti(}/I,.)YiOus S3-
\'ons touscoIll]¡ien ~ellli-la e,l climcil{~. On en pcut beaucoup
raj,;o!ltll!'; le praliljllCl' esl plu, mulaisé: I'l qll!JqllCfois plllS
périllellx.


Pl1lsimtrs m fin fl} '!'''. O,:i ! oui I
1\1. Jul<'" 1"""., .•.. :ilnis ('Ilfin celn: qui SI' burllell! iJ ell


l'aiSl![lllel', eeux 'luí i'<lrll~lI! de ral't en [,;1'>1 1I"l'nI pellvunt fort
illllocemment lUlJdwr iJ (clni-liJ, el iL~s "oilu qui d[~vienneJlt
cÜllpables si a rH'ialll~e ils n'ont ]las fait apposer la marque
du timbre, la Il!unlue dll n"e SIH' 1el1t' t":uille.


Tout cela esl-il raiSOlllJ:lb;I~, e8t-11 scnsé el digne de ce
grand siecle dans l('qlJel nousviyons, des lumiéres donl
nous nous félieilolls tous, de ccHe fl'atcl'llité l~urOpl~erJtle qui
rapproehe tous les peupks, cont'ond loules les cOllsei<~llees
et toutes les opiniolls. el Ol! pnI' cOlJséquent s'esl rt~alisée
celte belle et noble pal'ole que tout a été li'iré il la dispute
de l'homme, que tout est uu domailw de l'intclligenel~, el
que prélendl'e limiter la pellsée, c'cst l'anéantir? (Tres-bien!
trés-b ten! ü la !)aw:he de ['orrtteur.)


Done les lettl'es, les arls, et el) qnc je dis des lettres el ccs
arls, je pourrais le dire dns sciences, mais j'abuserais ¡Jc
vot['C attentiol1; done les lcttres, les arts et les scienccs !le
peuvent, pnr auclmc lJonnc raisan, du moins jusqu'ici je
n'en ai aperf(u alleUlle !Jnnnc, aucune spécieuse meme, (\tl'e
plar,t)s d¡:¡n;; 11ne sitt13tion exeeptionnelle, gt Cflpen¡lllnt iI~
~!'l1t rtang Mil {\Ilf!rjl!¡nn~ fI'llilR ~lHi f!!fr¡\mOnl dlm~ (!1ó tl'l\




- {2,'l-


sociétc modprne ils touciJent il la poli tique par lous k:;
points, el. que les :lrretcr au mom(~nt of¡ ils VOllt I'atteindre
psI. une veritahle impiétú; c'est UI\ sacrill'ge, e'esl une mu-
tilation de la virilité hurnnine en ce qni concerne la pen-
see. (TrI\~-{¡iel!! (!'lIs-bien I a ln glludw dI' l'vl'ateu/',)


Ainsi don~, les leLLrcs, les sciellces et le:; arts sonl plac~s
oans une SiLlIllLion exceptionnelle sans (fu'on nons oit dit
pOllrquoi,


Ah! mcssieurs. si I'on ne nous l'a pas dit, on liGaS l'a laissé
d2\'iner; el il l'~t ccrtui!1 que si ce n'est pas par uu esprit
d'in{'gnliL{~ ou !.le len!.lt'esse cxog(;rre pour les lellres, les arts
rt les scienrcs, ce pournlit ('trp, ec dujt l'tre par Uf¡ esprit
contraire en Cf' qui cuncel'ne ce que .i'8pp("ller~i les lettres
politiques, (>¡ks,lil, j'en cenviel1s, elles ne peuvent pas
espél'cr tant cl',lrreelioll, vous óles vis-a-vis d'elles tout cou-
Si/S de déflanc(\ el, la loi !.lu timbre que vous avez cherché
á fanger ]13 i'!ll i les lui, jj,c,t!cs n'est en déllnitive qu'un
demi-báillon ,¡:;(~ vous llwLtez iJ la pensl'e .. , (TI'(;s,{¡ien su¡'
p!II . .;il'W'S ¡¡w/,,'s ,i fa glludll' ,/¡, (ul'llleu,', - Jiunnures sur
(['auld's.)


, .. L'l'"t \lile ,orle (11: \'[¡JliJe a raiJo ele laquellc vou~ lais-
fez l'<tssl,r qUt'lqlW cllüS() dt! Hul de la pl'n~l'e bumaine, et
YUllS urrelez le, restr., Vous ll'eH ¡n'el: [las le droit, YOIlS n'en
aH'Z [las le clroj¡ SUrlOill. en vuus pl:i(:ant dl'l'I'il:re le pr(;texte
d'une loi de !iil[!n!:¡,s, Oh! non! que ebncun soit sillcére,
et assurément lIui ll'~' ('sI. mil'u" dis[José que vous: votre
car3ctére nOllS en est UIW slll'lis3!lte caution; que chnclln de
vous raisolllle snns 8niúl'(,'pellsl',e, Les 7 millions! allons
done! il s'agit bieH !.le el'1a I Si vous voulez aITl'anchir du tim-
bre tout ce (¡ui se lJUhlie, au lieu de 7 lllillions, je vous en
promets H; vous en aurez 20 el vous dOllllerez un déve-
loppemcnt cOllsid0l'aJ.¡le flUX sources de In pl'oduction dans
tout ce qui se rul.lache a la puhlkalioll des joul'naux .


.I'ai entclldu M, le ministre, prósidant le conseil d'Etal,
,[uand il s'agissait de journaux liltr\raires, dire: Xous au-
rions pu les arróler, mais IlOUS avons étó saisi de cOffimisé-
ration; nous nvons pensé, d'ailleurs, que ces publications
dÍ'te~'aJ.¡¡ol', ~enlif'pt re.iell~ns par le bon senR et i& pudenr
t¡\!p;i(;;~.,




- Ui-


M. le président du conseil d'Ellll nvait raison; et, [Juant
a moi, tout hoslile que je suis a cette presse frivole qui
abaisse l'esprit, qui corrompt les mceurs, qui, a I"a discus-
sion des généralités, subslitue des personnalités révoltanles,
jo crois que contre cette presse le meilleur des réquisitoires,
c'est le mépris publie, en me me temps que le eontre-poi-
son, c'est la liberté, c'est-a-dire la publication loyale et
franche, raisant entrer dClns les habitations les plus humbles
la libre discussion des alfaires du pays, permettant a tous
les talents de se produire el d'aller parlout solliciter rallen-
tion, l'intéret et les passions qui s'attnchent aux ceuvrcs
véritablement dignes de vivre apres nous.


M. le ministre présidant le conseil d'État vous a dit que,
quand il a été en race de cette presse rri vole, il avait éprou \'é
un sentiment de commisération, non pas pour elle, mais
pour tous ceux qu'elle rait vivre; il nous a parl¿~ de sa piliú
pour les marehands de papicr, pour les porteurs, pour les
plieuses, etc.; messieurs, je recueillc ce scntiment avec Ull
grand bonheur; seulement je demande 11 M. le ministre
présidant le eonseiJ. d'État de ne pas le réserver seulcment
pour les méchants, mais d'en faire par! également á la
presse politJque a laquelle nB s'adressent pas les memes re-
proches, et a laquelle cependant s'adressent les memes ri-
gueurs toutes les fois qu'oo restreiot sa production; et je
supplie surtout M. le ministre présidant le conseil d'État de
se souvenir de res remarques si justes, si hurnaines, el que
nous avons tous raites certainement, et qui se produiront
qU3nd il s'agira de discuter ce qui esl relalif' á la SUppL'CS-
sion et a la suspension du journal. Alors, nous pourrons lui
rappeler que, en etrot, la peioe ne doit atteindro quc le cou-
pable et ne doit pas, eollatéralement, frapper les innoccnts.
(Assentiment a la gauche de l'orateur).


Mais je reviens a ce que je disais, el je n'ai plus qu'un
mol a ajouter. JI est bien certain que ce qui détermine le
Gouvernement I,;a n'est pas sa prédilection pour la presse
Jittéraire, scientitique ou artistique, c'est la pl'esse politiqueo
La presse poli tique apparait comme un dangor; il raut au-
tant que possible la restreindre, il faut dirninuer le nombro
dos lecteurs; cel3 est-il vrai, messieurs? Mais je n'en veux




- :12:;-


pour prcuve (JIlO cette ¡oi économique ¡¡l1i ne sournit etro
contestée par personne : que plus un produit ost cher,
moins il esl demandé; que si vous voulez frapper les soie-
ries, les vins, les feril de droits exceptionnels, a l'instant
meme vous verrez ce que vous répondront les producteurs,
el comment leur bilan et leurs bénéfices diminueront.


Et non-seulement, messieurs, la loi économique que
nous invoquons justifie celte observation : que frapper la
presse poli tique u'un impút exagéré, c'est dlminuer la pro-
duction, c'est-a-dire le nombre des lecteurs; mnis encare,
et le fait vous a élé signalé par M. le président du conseil
d'Élat lui-meme, mais encore la multiplicalion de la pro-
duction qu'on explique par la curiosité des lecteurs de la
presse littéraire, est-ce que vous croyez qu'elle !l'es! pas
expliquée également par l'absence de l'impót du timbre? Si
au lieu de 800 de ces journaux il y en a mainlenant t,600,
c'est précisément paree qu'ils sont libres, el iI cótt) de ces
journaux littéraires, voyez le peti! ~'[olliteUl', sur la situation
duquel on s'est déja expliqué: son chitrre d'abonnement
a Iteint 230,000.


Il esl possible que la variété et le charme de su rédaction
y soient pour quelque chose; (sourires sur plusieurs banes
ti la gauche de l'oratew~ je dis qu'il est possible, car je
confesse que, le recevant grace a la libéralité du ministre,
je le lis forl peu souvent; cc sont mes occupations qui en
sont cause, et ce n'est assurément pas le petit Afonitellr que
fen aecuse. Mais ennn iI est eertain que le petit l}Ioniteul'
n'esl pas dans des condilions difTérentes de eeUes des autres
jOll\'naux et qu'il a un chitrre d'abonnements qui peut se
comparer avec le leur.


Voulez-vous un autre exempk\ le Petit Journal'! Le Petit
Joltrnal ne paye pas de timbre; il a aujourd'hui, si je ne
me trompe, 300,000 abonnés.


e'est done la justification de cette loi si naturelle el si
simple que la liberté encourage la produclion, qu'elle mul-
tip!ie les etrorts du travailleur, qu'elle fait sortir de terre les
ohjels memes qu'il s'agit de livrer a la consommalion. S'il
en est aillsi, quel est volre bul en maintenant le timbre et
en le maintenant avee celte exagération pour les fcuilles




- 12ti-


p"litir!u()s? C'cst l'virlell1lI1elll, u'eLl uirnilluPI' le nombre. el!
hUI, messieurs, non-seulet1J8ut me IJar'aH cOlltraire a la
constitution actueHe, non-seulement il hlesse prui'oudément
ma conseience poli tique, mais encore, el jUS'lIl'ü HIl certain
poinl, yen aper<;ois les funestes eonséquenecs s'jl .\tait at-
leint. Dans tous les ea s, il est bien crl'tain qu'i! es! en com-
plete opposition avec les declal'ations que nous avoll~ en-
tellducs a celte tribuno, et avec l'esprit de la loi que vous
a!lez voter. Ah! rnessieurs, .ie le dis ici sons détours, lol's-
que la loi actuelle nous a ele IH'oposl'C, fai entenuu parler
de l'econnaissance. Quant a moi, e'est surlout dans les évé-
nelllellts qlli s'accomplissent, c!ans les idl~es qui lf:s gouver-
rle!lt, dans les prineipt)s 'lui Icm SOilt sup(~rieu'rs, que jo
chel'che lila raison de décider, il ne me paraít pas qu'il y
ait noblesse, convenance el dlgniLé pour les membres de
celte nssemblée ¡¡ attribuei' a un seul hOiTIllle le merite d'uiI
grand nele qui s'accomlJlit.


Mais aujourd'huí que je n'ai plus ríen a demander, ah!
mon emur esl soulagé, et je puis, en toule espece de libcrtr',
romerc¡er M. le ministro d'État dos lIoules paroles qll'i! a
prononcees u culte tribulIc; :,eulemenl, .ie pr6J)c!s la lilJcl'té
dI) lui dire qu'elles obligent, et qu'i! ne lui est pas permis,
aprcs cette déclaration de prineipe, d'y Nre ínfidele.


Vous l'avez entendu vous dire, messieurs: « j'appelle la
lutte! » II a eu raison, cal' la lulle c'est la vie; la lulle fé-
cunde dé\'eloppe, tandis qu'au eonlraire, le repos el la so u-
mission sont la mort des peuples, el ce (Iu'jl raut proclamer
bi(,n haut, c'est que I'avenir appartienl nOll jlas aux nalions
quí onl, le pllls grand nombre de soldats, mnis aux \latíons
qui ont le: plus gTalll1 nombre do citoyens. (Vive approúatiun
ú la !/uuche de l' ()rateur.)


S'il en est ainsi, lllcssieurs, n'cst-il pas évident que eetto
llltle a laquclle M. le millistre d'État nous convie si nolJle-
ment, nous l'a"ons aceeplée dans le meme sentiment : lutte
contre le mal, lutte contre l'ignol'ance, lutte contre la su-
pet'stition, lntte contre tontes ees déplorahlés orreurs qui
faussellt l'esprit et quí alllimcnt les doeilitl's trompellst's en
prós('nce desquelles les Gouvcrnellwnls S''-'lldOi'iI1é'lIt el ~.,
perden t.




- U7-
QIl'avnnS-110\lS it ¡-,¡il'e tous aujourd'hui? Nons :¡VOl1S ;1


¡WUS meltre résolument a l'amvre afin d'arriver a ces eon-
<¡uetes paciliques <¡ui sont bien nutrement pr¿'cil~uses que
tuutes cclles qui peuvent se prodllire llar la gloim des
armes, par des torrents de sang versé, arin d'arriver aux
c,onquetes I'l~alis('cs sur les tunes; non pas que je veuille
diviser la France en deux catégories, .ie VllllX 5eulement
rnpprler des p3l'Oles qui ont dé prononcres a cetle tribunr.,
que dan;; toules les socl,\lrs - e'est la loi de Dieu qui I'a
ninsi dóerÓlé', -- l'inégalit8 de I'intelligenc,e et de 13 lumit~re
forme comme une sllrle d'échclle mysl8rieuse ({ui unit
les uns el les nutres; e'esl la le líen de la solidarité qui
ronstitue dan s les soei(~lés In vertu ciYir¡lle. Cette vertu,
sous Ull gouvernemcnt libre, elle ne I'"ut se développer que
;:;Tilce au pl'Ogri)s des connaiss311ces dt"mentail'l's, el a cót{)
de ces COllllubsHnccs l'I{~IIl811t8il'es, de riniliatioll progres-
,íve de dwcul1 des f\lrnwnts de la natilllJ a l'lJistoire du
I,~r~, ~ la eOlllHJissance de ~f'S alfaires; el, songez-y, la
s;)uv.raint'lt' nationale, ü I'hnure oú je parln, elle esl épar-
¡:illée sur t()nh~ la surf'aee du sol, elle est reprÓSPlllée par
\lO dénll·nt dalls elw'1ue hornme qei lient un lmllelill a la
main; r,et hOlllme, ci.~ n'est pas seulemcnl la sOllycraÍlwté,
ii doiL ('tl'0 aussi un ':'¡r'li1cnt de la raison nalionale ; la rai-
son, e'est la llllUiére. (Tfi;s-bien! ü la g(lucf¡l' de l'ol'ateur.)


A quoi ]¡on des lor~ lui opposer quelque elltrave? A quoi
hon emp('t:l\et· qUl'. le CCl'lll' de la Franee puisse ballrelui-
mémp, cn I'I~l:::OIltl'ant l'élan généreux de tous ses ent'ants?
A quoi IJO/l (.le ver 0ntro CtlX la lJat'l'iéro de votre llscalité '1


Tenez, dnf/3 les pays qui \'on3 enlourent el oú 011 eOtD-
prond miellx la prnli'llle do la liberté, ün se eondllit d'8pres
des regles toutes dili'éronles; et pet'llwttez-moi, ell deseen-
dant de cette tribune, de mettre sous \'os yeux quelt¡ues
paroles qui sont empruntées, non á un reveUl', nOIl á un
nlopiste Oll a Ull faclieux, mais il un homme d'État, lorsqu'il
tbait dans uno rónuion politiquc, ell s'expl'imant sur la
ruissiün de la pt'esse :


« La pl'esse ést uno institulion mel'voillcuse qui, dnns SOl!
ar;!.ioll g{~nl'rale, est bien pres d'atteindre la pel't'ection .....
Elle fuut'nil aujliill'd'hu¡ aux l'ami\les les plus Immules tlrs




- B8-


renseíg'nements complets sur les alTaíres publiques; elle
affermit a chaque foyer les sentiments d'alfection pour la
Couronne et le respcct pour les institutions du pays, Nous
devons tous nous féliciter de ce que la presse d' Angleterrc
est délivrée de toute contrainte législativo et fiscrlle, de ce
qu'elle est devenue aussi libre que toute nutre partie de
nos institutions, et de ce qu'elle tient parmi elles une place
si digne et si distinguée. ))


Ainsi s'cxpliquait 1\1. Gladstono, et ces grandes vúrités,
elles SOl1t applicables a notre pays. n laut que dans In plus
humble ehaumiére, la pcnséc du pays aille reveiller le C(lJUl'
de celui qui l'habite,


Nous avons triomphé de bien des maux, nous rencon-
trons de bien détcstables habitudes; sonvcnt on a signalé
celles qui conduisent trop facilemcnt les travailleurs a do
regrettables exces, Au cabaret opposons la presse libre;
qu'elle retienne le citoyen il son foyer; que liJ, entouré de su
famille, il apprenne il connaltre, il aimor, il vénérer son
pays; et permettez-moi de dit'e en tenninant, au miliell de
toutes les agitations, de toutes les incertiludes qui accom-


. pagnent les grandes initíations polltiques, estoce qu'il n'est
pas arrivé maintes l'ois il des penseurs, iI des hornllles po-
¡itiques, d'éprouver je ne sais quelle anxiété c¡uand i1s je-
taient les yeux sur ce rnystére solennel qu'on appelle le sur-
f rage universel? Le suffrage universel, messieurs, quel est
son dernier mot? Dieu seul le sait; mais, soyez convaineus
que pour en arracher la f'oudre, si jamais elle pouvait y étre
contenue, ce n'est pas l'audace des idées qu'il nous ('OUl,
c'est la probité du bon sens et de la raison; ce qu'illlous
faut, c'cst de le pénétrer de lumi6re et de liberté, (Vive ap-
pl'obation á la gauche de l'orateW'.)




I.'iTERDICTIOi\' A LX EXILli,


ET A CEl:X (¿(ji ~O.'iT 1'llIVic" DE LEeH, DROITS CIVILS
In l'OLlTlQU", D'f:CHWg DA,," u:\" JO¡;¡t'(,\L


DISCOUHS
DIl


WI. JULES SI~iON
Dí'puté de la Seine.


Sl::Aé'\CE DI' 7 FláIUER 181i8.


;n. le Pl'é .. i<lenl AU'I'cd Le Uoux. La parole est ¡¡
M. Julrs Simon sur I'article \) :


« Art. 9. La publieation par un journal ou écdt póriodi-
flue d'un nrticle signé par une pCl'sonne privée de ses
droits civils ct poli tiques, ou á lal1uelle le lerritoire de
lirunce est illtcruit, esl pllnill d'un(! ameude de 1,000 (¡
tí,OOO franes, qui sera pronollcée contre les í~ditellrs Ol! gé-
rants duuit. jomnnl ou {'crit p()riouiqlle. »


1\1. Julcs Simon. Messieurs, je demande lo rcnvoi de
l'article (J ¡¡ la commission, etjo me bornerai, pour appuyer
ce renvoi, a une obsorvation trés-eourtc, mais sur laquellc
je prends la libertó u'appclcr J'attcntion de la Chambre.


L'interdiction dont il s'agit s'applique á deux sortes de
porsonnes : d'abord a des condamnés dont je n'ai, á aucun
point de vue, a m'occupcr en ce moment, el ensuile á des
citoycns qui sont exilés sans avoir été condamnés.


Tout le rr.ollde sait, mcssieurs, de quels citoyens il s'agil,
.le l'appellc s~ulcmcnt pour mémoirc qu'il y a quclqucs an-




- 1ao-
nées celtc proscriplioll se serait ;¡ppcSanlip sur un plus
grana nombre de perSOl1ll"S. En dfet, npn\s 1('8 journées dt)
DécelllJ¡rl', soixantr:-s[\ r:'prl':'('lllanls dn lWlIpll: ilvuiellt i<tó
expubés du lerriloi:'e, di\-llllit. :lutres 1)11 lIY;li':1It étó !I10~
menlalléllll'llt éiuigll('S; ces prost'i'ipLions t'llr(~1I1 aecompa-
gllée~ et suivies ue lJe3UCOllp u'::Jutres. }Inis le d{(:ret dn 11,
aoüt 18:;9 lIlcl les pl'Usc:rit.s de Ik~cemtH't) en dehors de 1'31'-
pllcatioll de l'art. 9, C[ui, par eonsér¡uel1t, ne I'I;garde p8S
mes llmis poliliques. J'ai la plcine conviction {[ue des dó-
erets onalogues a eeux que je l'appcllc nc vicndront plus
attristel' eüux ([ui pensenl !]u'ell aucun cas un citoyen 11(:
peut ctre t'rupp{', si (;c n'cst par I'applieniion ri'gulil'l'e de,;
lois de son pays. (TI'I;s-l!ilflt ! Ú lit gau('/ic de romleu/,,)


I1 reste done Ul,f) seull) eal{~gOl'ie (k pe!'~onlles auxquelles
1'3rt. 9 s'nppli![ue: ce sonl les pl'inees de la J'amille dc
Bourbon, Jc la ¡¡ranche oil1('() et di: la LranelJe eauette.


Quond je me ¡'eportr, i¡ l'nxposl': ues moti!'s UU pl'Ojct de
loi ¡¡ui 1l0US es! soullli" nt a 1n r{'[lonsc (liJe m'a raile u Ilwi-
mémc i\I. le ministre de I'intl'rieur Jalls 1c eoul'S de ü¡ dis-
eus8ion génér81e, je ne trouve d'nutw motir sl)('~eiellx que
eelui-ci : e'est que la loi sur les sig-natures nya!'t pour but
de lIlettl'e les pouvoirs publics a mcmc d'exereer luur vi1l-
dicte en cns de violation de la loi, el les citoyens Jont il
s'agit ne pouvant plus 6tre attcints dans Icur persolllJe, U
raison de lenr état d'exilés, les prescripliuns de la 10i ue-
meureraient vaines, el la justice impuissante.


On aurait pu njontel', messieul's, que ¡.oar ulle mesurc pos-
térieure a la loi de proscri¡.otion, on a saisi la fortune possédé¡;
en Frunce par los prinees exiles, (lui ne peuvent éll'e at-
teints dl'sormais ni dans leur3 pel'SOnIJes, ni dans lem:;
bien s, el jo m'ótonlle ([u'on n'ait pas insisté sur ce dorniel'
délail ponr avoir de plus en plus l'aisun eonlre nous.


Si .ie dunno ainsi a votre orgument, 3vec une exaotitutle
donl vous ne me saurcz pas gró, toute la valeur dont i1 est
susceptible, c'est ]lOUl' ajonter tout 3ussitúl ([u'il ne vaut
rien. En clfet, jo lui fais un premier reproehe : c'cst d'avuir
plus de portee qu'on ne le croit el qu'on ne le VOl;t. En
le poussant un peu, on verrait qu'il s'appliquo avcc la
memo rOre() IHJIl-Sculclllcnt aux exilés el aux princes, mais




- f::l --


aux (·trangers el lllrrrw ::1IX allseitls, Ull Anglais, llll ,\lle-
1lJ',lud, un B"I~I', :i:IIIS aloil' Il' lunlh"IlI' <!'dre prilJl'e, est
soustrait Ú 1:: jlhti¡',: rl':ln',:~~::l) lIll 1'!":¡::?lIí, qu'iln'haJJile
IWS le terl'Ílnil'(), ell "'I\:il 1111i) sllidilil:', que de lIire <¡u'jl
ya eettc dilJ'¡;]'l:n':11 el1il',) 1II [ll'il1l:e el ['I':o:[k', que l'exill'! seld
n,) [leut nll":'ni:'; 1~l!r cI'U,e rOl1diiion, ':ni lui donne l'i1l1[lU-
iJitl', le condam,!l: du !1Ic;llIe ('(¡UD Ü rimpllis~ance. Non-
sOlllcmcnl YOll'ü l'ai,OIl 111: \'nlll riell, pnrel) fjn'dle aurait
une f:teu(;:w 11 l::qlll:ll() YOI!S n'avez p'JS s()ng(~ el que vous
!le POllVf'z ¡¡dnWllre; mai;:, jI) YOllS pdo, n'y a-t-il qu'une
senle pprsonne ¡¡ui pot'l.l) la rFSl'0IlS:i1Jilit6 des ddits de
rrpsse? Ouvl'ez la loi qlll~ nOll~ diseu',ouo, Ollvrez les lois
prl"cl:dentes, t·t VOllS y lil'l~z que vous pouvcz POU¡'SUiHC
¡'¡¡uteur de ['ni'lid!), 11: g¡"t'<Jltt un jOlll'iíal el ['imprimeur;
done, vous t':l.rs d"ll); {uis g-ill'i¡¡¡lis cOlltre cette impuuile
'[ue YOUS alf<,elez ce C¡'lliI1UI'e.


Vous ne pOllvez pas mcrne !lOUS ob.lceter un arncndernen
dO!lt je suis I'rlllteur, ¡¡vce qUClqIWS-UIlS de mes alllis, e
p~ll' lee(ue! !lons dema!ldollsqu.oll ml:ttc fin il ccHe tripl(~
l'esponsabilité, Quoiqur plllSkurs d'i'ntl'e !lOUS dernandeut
l'impunitl! atJsolue de la pensée, - el quant iJ ll1oi, je la
rl'clarne de toute mon énpl'g-ie, - nous avons respectó h!
rrillcipe de vindicte publi(jue sur letIue! votro !oi f'st l'Oll-
dóe. Si ['auLenr a signé SOl! WllVl'e, iI en l'éponu; si le livl'e
ou l'article cst anonyrne, - et Je venx bien concéder,
comrne la loi pl'ussienue, que l'ceuvre d'Ull anleur irI'espoll-
sable ou ab~erlt psl allonyme, - si, le liHe ou l'article est
anonyme, l'l'diteur devien t I'esponsable, et l'imprillleur Ú
uél'aut dc l'édilcllr. Ainsi que cl'aignez-vons? Dans toutes
les hypotheses, vous avez devant vous un llOlIIme et une:
fortune.


Done la proscription nouvelle que vous nous proposez de:
voter est, songez-y biell, une proscription inulile, Si elle est
l!lutile, messieurs, il est de votre dcvoir, je dir~i meme de
volre honneur, de !le pas la pro:iOIlCel'. (1'lú-úien! tres-úien!
ú lit ya'l/che de l'Ol'atel~r.)


Il y a encore une antre raison que je trouve avec 8111'-
prisl' dallS l'pxposé des motifs, et nous n'avons ¡ei, ni les
uns ni les antl'e3, aucun motif de ne pas la mentiollllcr.




-l.:n-
Le rnpportcur du cOllscil d'Etat, qui n'es! autre, si je ne me


tl'ompe, que le ministre actuel de ['intérieuI', émetcette idee
étrange, quo la signature d'un prétendant souvent repro-
duite a la fin d'articles irnpo¡·tants, pourrait a la longue lui
créer une popularité ot ouvrir une chance a ses prétentiollS
royales.


Eh bien, je l'avoue, ce n'est pas a moi qu'il appaI'lient
d'examincr si le Gouvernement actuel est for!, ou ne I'esl
pas; mais .j'ni peine á croire qu'il soit assez raible pour avoir
a redoutor lo gome de popularité que peut conquérir un
l'crivain en signant ses articles. qu'il soit ou nOIl do raco
roya le. (Tris·bien: iL la gauclw de l'oratf-ur.) Jo dis cela avec
boaucoup de défércnee pour les perwnnes qui ont avancé
'opiuion que .le combats, et avec un peu de dédain pour


I'opinion elle-memo. (Assentime/lt SUI' les ¡nemes banes)
II me parait douloureux de pon ser qU8 l'organisation po-


litique d'ull pays puisse etro modiliée par un peu de I'enom·
ml~e littéraire. Nous n'en sommes plus au temps des fldélités
attachées á la pe1'sonne ou á la I'ace; s'il y a encore des
différences d'opinions sur la forme du gouvernement, e'esl
ala forme du Gourernelllont qu'ellos tiennellt et a nulle autre
chose. (Tr,;s-bien! li la gauche dI! l'oratfor.)


Pour moi, jo ![() sélis ahsolulllent rien du chef de la
branehe ainée de la famille dl'S BOllruolls; je ne sais pas
s'íl pourr8it elre un í~rriv,lin élllinent on memo un écril'uin
mediocre; mais je déclare, avec l'assentimenl de quiconque
u le sen s commun, que celto circonstallco no fait absolurnent
rien aux chances de la J{~gitirnité en Franee. On est légiti·
miste, si 011 croit que le; principo de la J¡'ogitimité est bon;
orléaniste, si on tient aux formes pat'ticulicres du gouver·
nement constitulionnel que la maison d'Ol'léans represente,
bonapartiste, si on airne ce qu'on a appc>1é les idees napo!eo-
nienltes; mais le ternps de la Ildélile a un homme ou Ü un
souvenir ll'existe plus. (RUlneurs úiverses.) ,


Il n'y a done la rien de sél'Íeux, rien de digne d'une
grande nution, et memo, pcrllleltez-moi de le dire, ríen do
digne d'un gouvernement qui se respecte.
J'~.iouterai, avec l'assenliment de tous les gens de cceur,


que, quelles que soienl les personnes, c'cst une des gTandos




- i33 -


douleurs que l'oll puisse éprouver de voir un homme {¡'appé
d'une peine san s avoir été légalcmcllt déclaré eoupable par
un tribunal. II pout arrive¡'qu'on soit obligé de reeourir a de
pareilles mcsures pour préserver le pays d'une guerre ci-
vile ;je n'ai rien a objecter eontre la nécessité, pourvu qu'elle
soit évidente, absolue. Mais iei, eomllle il n'y a ni néeessité
ni utilité, je vous prie, messieurs, je vous conjure de faire
disparaltre de la loi celte mesure qui ressemble a une pros-
cription ajoutée a la proseription. tTI'I's-bien! 11 la gauche
de l'orateuT.) Ayez souci des droits de 1'llUmanité et de
votre propre grnndeur.


11 m'est impossible de ne pas rappeler que quanu mes
amis poli tiques elaient encore exilés du tcrritoire, il y eut
un moment ou ollleul' lit l'honneur de les reuouter jusque
dans leur exil, et de demander aux gouvernements voisins
de les éloigner encore plus loill de notre frontiére. C'était,
pour le Gouvernement imperial, un eertain abaissement et,
en meme temps, je le déclare, une ofIense a la eonscience
pulJlique, qui ne yeut pas que ¡('s rigueul's ilIégales soient
multipliées et aggl'avées.


Je vous supplie dOllC, eneore une l'ois, d'eITaeer de la loi
ces quelques Illots; et pourquoi les laisseriez-vous subsister,
messieul's? On a souvent dit lI\1e les coruons sanitail'es ne
servaient a rien, et que la peste voyügeait dans les airs au-
dessus de vos lazareIs. Saehez qu'il y a aussi eomme une
contagion de la pensée, qui se rit de vos barrieres. Vous
voulcz exiler des idées et les empecher de pénétrer en
France: elles y pcnctl'eront si elles sont fortes, elles n\ pé-
nétreront pas si elles sont faíbles. Fiez-vous a la force de
votre principe, s'il est vrai que vous en ayez un. Effaeez
eette nouvelle proscl'iption qui pese sur ma eonseienee, et
qui, je le erois doit pesel' sur la vótrc. (Vive app/'olJation (¡la
gauclte de l' orateul'.)


1\1. Erne .. t. l'icard. Le r6daeteUl' du journal le Pas-de-
Calais ne doit pas maintenir un pareil arlicle dans la loi.
(lnterntjJtion et bn~it.)


8




PRESCRIPTlON DES CO?-lTRA VE\TIOt-;S ET Df:LITS,


DIscorRS
DE


~i. JIJLES SI~iON
Dépulé de la Seine.


1'1. le .I"I'ésident Sclmcidc.'. La délibération s'ouvn'
sur l'amenderneut de l\HL Jules Si;I1on, Lanjuinais, Mari(',
Eu~éne Pelletan, Glais·Bizoin, Pnul llethmo!lt, .Joseph Ma ..
gnin, Ernest Picard, HéllO!l, Carnol el Jules Favrc.


M, • .lule .. !ü\i rn.on , SU!' quel ilrticle?
1'.1. le Pré .. i.lcnt !oildulcidel'. SUL' l'article fO,
Je vnis du reste dO\lncr lecture Iln l'alllcndcment :
« Les poursuite~ pOIl!' cOJJlrnVellliolls on délits cornllli~


par la voie de la pl'csse !le pOUfI'Ollt s'CXerC8[' que dnns \lit
délai de trois mois, a partir du jOUl' oü aum licu le déjJúl
du journal ou du livre. ))


M . .lules ""imon. Je demandc la parole.
~I. le Pré"i<lent ~ehIleide.·. :\1, Jules Simon a la p:t-


role pour développer l'amcndelllcnt.
M • .lulc .. ShnOIl. l\1~ssieUl's, vous savez quc la pre.'.-


cription en matiére de délits de presse est, II l'hrllrc IJlúl
est, de trois ans, Nous avons presenté IlLI :Jmendemcnl pOli!'
la réduire a trois mois,




- i3i) -
1;11'l\lOrahlr, ,'nppul'lpur de la cülUmissiün nous n opposó


tr'oís oh¡ectilllls.
La premi¡',I'I" C'I'st que la ¡ll'atil)uu, ¡¡ dl',rant ue la loi, nO~ls


donne J,kinc s:lti,;[':¡elíUIl et Iju'il u'y a pus d'exell1ple de
pOllrsuite exel'l'i'C' ;ljl"i'~ UIl di'lai dú trois mois,


La s('CO\llle,c,'cst qu'il peol ;1!Tivel' <jU'U:1 auteur obliellue
par ses sollicilntiolls 1:) ravelir de \le pns dre poursuivi et,
dans le ddni des lrois 81l1l{'es suivantcs, se rende, par S8
conduitc, iudignc de l'indulgenec qu'on lui a provisoirement
aecol'rJ,"~'


Enlin la troisiéll1e Ohjd:lioll cst lirée du droit commun,
él ji' nc puis m'elllpédwl' de dire ql,e le dl'oit commun joue
un singlllicr rtlle dans l'~lle discussion, cal' les pal'tisans el
le~ advcrsair¡;s d(, la loi II,! (,us:'¡'lll de Sl, l'olljrctcr les UllS
aux aulrcs, [Wlil-,itl'U l¡are(! 'lUlO Ili I"s llllS ni les autres ¡le
s'en fOllt Ulle ilH'u IJÍen ex;;ete.


E11 lJien, messic;ul's, jc crois aroÍl' réponse ü chacune des
objeelions de ~r. le rappOl'tclIl'.


O'abol'd il se (rompe en disant qu'il n'ulTive jamnis qU'un
dijlil de jJl'esse soit ¡¡oul'slIivi au deta de lrois lllvis, Je pour·
l'uis lui eiler une ruule d'exelllplc;s. C!llivre de M, Proudhon
- el' n'est pas la un de ees llOIllS sur leS(IUels s'endormen t
lIlessieurs [es sUI'veillants de la pensée, - un !ivre de
1I. Pl'oudhon, qui a {:tó un évónemtmt, s'est étalé pendant
!,lusieurs mois dans les magasins de librairie; il s'est
vendu á un grand nombre d'exemplaires ; et e'est aprés un
délai rort long qu'il a dé déféré au parquet, poursuivi et
séYéremenl eondalllflé. Je eitel'ai eneore, dans un gel1l'e
tout dilIérenl, le Diel ionnaire wlicerse{ de M, Mauriee La-
chátl'e, lJoursuivi et eondamné en i8oS, dix-huit rnois apres
sa publicatiou. Et ce u'était pas un de c(~s petits livres qui
peuvent passr,r inaperQus ¡¡ cause de leur faible dimension,
cal' il s'agissait, au contraire, d'un énorme dietionnaire ¡m-
fJl'imú sur trois l:olonnes, el qui avait dli eoliter quelr¡ues
eentaines de mille franes.


Ainsi la premiere otljcction de M. le rapporteur n'est pas
"xa(~le en fait.


Je voudrais, jr. l'avoue, qu.'il n'eút pas rail la seeonde.
Qil'l'st-e0 (lue ce droit de poursuivre, délaissé d'abord par




- {31)-


indulgence, et conservé pourtant pendanl lrois ans, commo
une menace persistante, et un moyen de peser sur la con--
!'cience de J'écrivain ?


Vous dites que l'écrivain peut se montrer indigne de la
faveUl' qu'j[ a re~ue _ Mais, je vous en prie, comment s'en
rendra·t-i1 indigne? si c'est en commettant un nouveau délit,
vous n'avez pas besoin de cette longue durée de la prescrip-
tion, puisqu'il vous fournit lui-mcme une nouvelle occasion
de poursuites. Ce que vous voulez, c'est une sorte de torture
morale, qui annule l'indépendance de l'écrivain el lllesse du
meme coup sa dignité et la vOtre. Tou! ce que je puis faire
pour M.le rapporteur, c'est d'appliquer a cette malheureuse
phrase ma théorie sur les délits de presse, ct de déclare!'
qu'en l'écrivant, il n'en a pas saisi la portl~e.


Enfln, puisque je rencontre encore ici le droit commun,
permettez-moi de vous dire que c'est une tres-llelle chose
que le droit commun, si cela veu! di re l'égalité dCv3nt la
justice. Muis le droít commun ne peul pas signifier que,
par exemple, les délits de presse pourront etre appréciés de
la meme fa~on que les délits ordinaires, et dans les memes
conditions; ce ne serait plus l'égalité, ce serait bel et bien
l'inégalité et une inégalité flagrante. (Assentirnent a In gall-
cite de l' urateur).


Ainsi, ne nous laissons pas abuser par ce mOL de uroít
commun, auquel on raíl signifier tant de choses. Le droit
commun, en matiér(~ de presse, c'est-a-dire en matiere de
théorie et de scienee, ce serait l'impunité. (Nouvel assenti-
ment a la gauche de l'oTateur.)


Messieurs, moi qui pense qu'¡¡ n'existc pas de culpabilitó
en matiére de théorie, je suis bien placé pOUl' dire qu'il n'est
raeile a personne de déterminer cette eulpallilitó. Mais
vous-memes, (luí pensez qu'elle existe, vous ¡Hes eertaine~
ment de mon avis quand j'afflrme que la qualification en est
bien difficile, et demande une appréeiation bien délieate, non-
seulement de la phrase ineriminée, mais des eireonstanees
de toute nature au milieu desquelles elle 3 été écrite. Pour
soutenir eette tbese, je puis appeler a mon aide une
autorité qu'¡¡ ne m'est pas encore arrivé d'invoquer, mais
a laquelle il m'arrivera peul-elre de recourir plusieurs fois




- n7-
da ns I'avenir : e'est cclle de lVl. le ministre de l"inkrieul·.


Vous allez voir ([110 l\I.le millistl'e de l'intériour est a peu
pres de mon avis. Jo no erois pas lile tromper on disanL
qu'il est l'auteur de l'exposé des motifs qui prócede le projet
de loi. D'ailleurs l'opinion a laquelle je fais allusion, ill'a
reprise avant-hier et dóveloppée devant la Chambro avec
beaucoup d'énergie. Eh bien, dans le passage de l'exposé
des motif, dont je vous parle, il s'agit de démontrer quo
les juges di: la police correctionnelle sont seuls en éta t
de qualifior los délits de presse et que le jury en est inca-
pable. L'honorable M. Pinard, apres avoir rendu justice a
la loyauté et a l'impartialité du juré, s'exprime de la facon
suivanto : « Aura-t-ill'aptitude néccssaire, lui, lo juge d'un
jour, le juge d'une heure? Sorti de tous les milieux so-
ciaux, comprondra-t-il la perfidie de l'attaque? saura-t-il
écarter les voiles de convention qui la déguisent? distin-
guera.t-il )'óloge ironique qui raí! sourire le lecteur et le
trait cruel qui, 80118 un éloge menlfmr, fl'appera la victime?


Je pourrais dire que s'jJ est si dimcilo d'apercevoir lo trait
cruel qui frappe la victimo, le trait n'est pas si cruel et ne
frappe pas la victime si durement. J'ai le droit de m'éton-
ncl' de vous voir trembler pour la so cié té ou pour le Gou-
verncment, cc quí est la meme chose a vos yeux, flarcc
qll'il y aura dans un livre ou dans un articlc, une phrase
dont le venin ne peut etre découvert que par des magistrats
rompus au métic¡', et passés maitres dans l'art d'interpréter
les mots a double sens. Ces hornmes, choisis dans tous les
milieux sociaux, ces juges d'une heure, comme vous les ap-
pelez, c'est, apres tout, la société elle-meme, et je me de-
mande quel IIlal pourra produire ce délit si bien caché, que,
pour le décollvrir, il faut s'étre livré 11 des études approloD-
dies, et avoir acquis, par des exercices journaliers, l'habi-
tude de deviner des énigmes,


Je reconnais que vous avez dans vos tribunaux, el surtout
parmi leg membl'es de vos parquets, des magistrats d'une
admirable perspicacité, .Moi, qui ai passé ma vie 11 écrire,
lorsque je lis un réquisitoire je suis souvent émerveillé, et
s'il m'était permis de parler au seul point de vue de rart, J: dir¡lis que je suis 1'3vi de l'habil~té avec laquelle vo~


íI.




procureurs g~Il';J':1UX d,'couvrcnt de::; IJens("cs pel'fides ou
des conséquences redoutables, Ii! oÍ! un ecrivain de bOlllle
volonté, qui laisse aller sa plume la bt'ide sur le cou, ne
lrom'e au contraire qu'une pensée parfai lement i!ll1ocente
el contre laquelle il n'y aurait jumais Iíell d'invor¡uer les
roudres de la loi. Ils n'on! d'autres rivaux que les profes-
seurs de rhétorique. - J'espere que la comparaison no les
blessera paso - II Y a aussi entre les prOre~s(ml's de belles·
letlres comme une émulation de flnesse el de penétra tion
pour trouver au toxte des auleurs un sens innttendu, el plus
on va cbercher loin, plu;; on s'attrilJUe de ml'rite. Je crains
bien <¡u'il n'en aille ainsi dans UI1 !ien Ol! les déeouverles
sont moills innocentes, et que parmi Ieg membres du par-
quet, celui qui a l'esprit le plus niguisó et quí dl'coU\Te le
mieux ces imperceptibles üttaques, n'acquiere par cela seul
une r6putatioll exce¡¡tionncllc, comme il arrive toules les
fois qu'on cxcelle dan s SOII arto (Trés·úicII! trr;s,l¡im I r! 111
[Jauchr. de l"u/'ateur,)


Et ce qui lile! le cOIllule ;1 Ille~ a];¡rnll's, r',',:1 'f'l';1 run-','
de ehereher des arrieI'e-¡¡eusées, on poUl'f'üit cn vcnir á Ics
supposer, trés·involonlairement) lorsqu'ellcs n'ex¡s;ent pas,
et á tonner dans la suite du réquisitoirp contre un delit dont
.on serait soi·meme l'auteu!'. (Assentimcnt il la [J!tuchc de
t'orateur.) 11 m'est plus d'une fois arl'Ívó el moi-meme de
lire une phrase, de n'y rien lrouver de ]'(¡I!'I'hensible et de
commeneer á douter de mon jugement üpri's avoir lu, sous
le nom de réquisitoire, une IIler\'eillcusL~ I,agc de critique
littéraire. Le dirai-je? Cette huiJilel{, lll'jniuii,t,,; je craillS
qu'elle n'altóre la justice, et je slIis si Ivil1 dl\ pnrlager ropi-
nion de mes adversaires que Je youdrnis, il cause de celle
habilete Illeme, recuser ces jugos et ces procureurs. Q'icl-
ques juges d'une heure, pris dan s tous les rnilieux sot:iaux,
la lecture de I'article incriminé, voilil (~e qui me r8ssmerait
bien rnieux, je ne dis pas seuI8ITl!~nt llOur l'accusó, ¡mis
pour lajustice, qui n'a rien de commun avee vos suvtili!h,
et pour le puiJlic, ([ui n'a pas á redouter des rloetrinrs que
les initiés seuls peu vent devinpl' ou romprcndrc, (T¡'¡:,-!;il'¡¡1
11 la ya1¡.c!¡e de l'omtl'ul',)


,Jf' ;'f'ti(H~M HU nV)i;~ ~lfl ¡',AUn d¡~Í.I.¡¡¡;;:~;l'H q¡¡'U í') (!r!!q¡~




- 139 -


dil'fi.;ulte extreme d"appl't'ciel' les délits de pr.o,sse; el veuil
lez remarquer, messieurs, que, dans tout ce qui préeóde,
nous Suppo30ns, JI. le ministre de J'intériour et moi, que le
délit viellt d"(}tre commis; c'¡~st II! jour, ou lo mois, ou le
trimestre: l/wis si vous convoquez le tribunal, comme pour
M" Maurice Lachiltre, dix-huit mois apres la publication,
ou meme cOlllrne pour 1\1. Proud'llOn, au bou! de plusieurs
semnilles, alors les faits, les situatiolls, les sentiments me me
élnn! challgés, J'appréciation de la criminalité devient tout
simplcmcnt iwpossilJle.


Il arrive une de ces dcux eh oses : ou bien ce (lui aull'e-
fois etait criminel paraít innocent, naturel et meme IOlla-
blc, ou Lien ce qui dans l'origino ne blessait ni les person-
nes, ni les lois acquiert, par des éVt)llemenls postél'ieurs,
une signitication sinistre, appelle la vengeance, provoque
la eol{~re des partis. (Approbation SU/' q/Wlqlte$ bancs a la
!lauchc de l'orutelll'.)


Je prendrai un C'xemple dans un ol'dre de fait:; analogues,
quoique un peu di!II"~rents. La censure existe en France pour
toute une cat(;gorie d'a;llvres de l'esprit. Elle a toujours le
meme but: prol¡"grr'l'ordre pulilic; elle es! toujOUl'S animée
du meme esprit: prollver sa sollicitude au Gouvernement.
Juge-t,elle toujiJms de la m(~1Il8 fa<{on les mémes ceuvres?
Ne lui arrive,t,j[ flflS de se démetltir a un an, denx ans, trois
ans de dislallee ? Et s'il en es! aiusi, n'aurai-je pas le droíl
de dire que la culpallililc des Mlils de presse existe pour un
tomps eL n·existe pas pour un nutre? Cela me p3I'ait de
tonto hidellce.


VOic.í, T,at' exelllple, á I'hellI'e oú je parle, 1I1l dram8 quí a
fait, il y a trellte UIIS, son appnrilion dans le monde au mi-
heu de l'entl1(¡usiaSllle des espl'lts d'elile et des aeclama,
tions de la fOllle. ~on-s8ulemell 1 ii a l'lé joué en France sur
tous les th{~átres aVfC un irnmeuse cuI1COllrS de spectalr.urs,
mai8, grace au privilége du géuie, il a élé loué Ol! injurié
par tOU8 les org'snes de la presse, et discuté dans les chaircs
Olí ron ne juge que les chcfs-d'Leuvre de l'esprit huma in, Il
n'cst persolllle, par.mi ceux qui s'inLéressent á l'histoire lit-
t~r[lire. qlli ne Ip, (\Olmais".fl depui1l1il premier jllsqu'au der ..
nlN' Wl'~'l ft w\ pnjpt. fI\10, ~t fln ifl rr~pft\~tlflt!l!t ~\l¡(¡lm1'lmi!




- HO-


on ne pourrait pas impunément en supprimer un hémisti-
che. Le Gouvernement de Louis-Philippe, qui avaitcomme
vous une censure, a trouvé Ruy-Blas parfaitement inno-
cent; il a permis de le jouer et d'atteindre jusqu'a la cen-
tieme représentation. Eh bien, aujourd'hui ce lleGu drame,
connu de deux générations,que tant de personnes savent par
cceur, quí est dans toutes les hibliothéques, qu'on joue tous
les jours a l'étranger, est aevenu dangereux en France.


Je vous prie de me dire pourquoi. Je vous demande si la
censure s'est trompée autrefois, ou si c'est aujourd'hui qu'elle
se trompe. Je m'eITorce de penser qu'elle est et qu'elle a
toujours été digne de sa mission, qu'elle la remplit en con-
science, qu'elle entend parfaitement la hesogne dont elle a
bien voulu se charger ; et s'il en est ainsi, ne suis-je pas
dans mon droit en disant qu'une meme production de l'es-
prit est ¡nnocente un jour, et devient criminelle á quelques
annees de distance? 01', s'il en est ainsi, et si la cri-
minalité change avec les événements publics, ou meme
avec le mouvement des sensations publiques, comment se
peut·il faire que vous veniez rétrospec\ivement chercher ou
creer des délits dans une ceuvre qui a pris naissnnce au mi-
lieu d'émotions, d'événements, de circonstances abolies ou
ouhliées, et que vous fassiez subir 11 I'auteu!' les consrquen-


, ces de changements inattendus par lui, survenus apres la
création de son ceuvre? (Tres-bien I á la gauche de l'ora-
teur).


Non-seulement ce changement de circonslances, mais un
simple changement de pel'sonnes peut modificr le jugement,
et par consequent il est important pou!' l'auteur de savoil' par
¡¡ui il sera jugé, .Meme sous le Gouvernement actuel qui ne
reconnalt pas la responsabilité ministérielle, les ministres
ne sont pas éterncls, et qU3nd ils changent, ce n'e~t pas tou-
jours une modiflcntion de personnes, c'est quelquerois un
revirement de principes. Nous pouvons avoir un joU!' un
rnilJistre de J'incérieur proCestanc, ou méme, qui sait? un
ministre philosophe : iln'y a rien, ni dans la Constitutioll,
ni dans nos mceurs, qui s'y oppose; il peut au contr3irc
nons échoir un ministre fervent cntholique, ullralllontain
rn~me. L'antl'lur qui crllint les condarnnations, - cal' ji y a


¡ . ~ , • '. ", ,'Í • '1:




- 1'>1-


deux sortes d'mltclll's, ccm: qlli rechcrchent les condamna-
tions a cause du piédcstnl don! parln l'exposé des motifs, el
ccux qui les craigncnt, - l'auteur qui craint les condamna-
tions, el qui voudra, dans un ouvrage, parler de la question
romaine, s'il est sur que le ministre de l'intérieur es! parti-
san de ['unité italienne et de la séparation du pouvoir spiri-
tuelle et du pouvoir temporel, se permettra une certaine li-
berté d'esprit. Tout 11. coup il apprend pnr le illoniteur que
le ministre Iibéral est remplacé par un ministre clérical, et
son livre qui était innocent devient suspect. Il fau!' qu'il s'at-
lende a tout, aux poursuites, 11 la prison, et me me au I'équi.
sitoire.


Est-ce qu'une pareille situation, messieurs, ne vous parait
pas contraire a la tbéorie génórale de la pénalité? (Tn's·
¡¡ien ! a la gauche de t'orateuf.)


]\1. Ern .... t Picardo C' est cela.
M. JuJeO! ShnOll. Permctlez-rnoi de eiter une nnecdocte,


cal' en pareille matj¡~re les rails sont extremement probants.
II y a quelques :lllnées, a pnru un Iivre intitulé Dieu et
l'homme, non pns une brocbure, un tres-gros livre, cal' il
coutait en Iibrairie!) Oll 1.0 franes, ee qui suppose 6 011 700
poges d'impression. lei eneore, eomme pour la premiere
reuvre que je eitois, le nom de I'auteur étoit de ceux qlli ne
peuvent passer inaper0us; c'était un homme qui a joué un
tres-grand rúle dans le monde des idées, non pas tant par
la puissnnee de son esprit que par la rOl'Ce de sa situation;
car ce n'est pas toujours h la viglleur de la pensée ni a I'im-
portance des décOll\'ortcs qll'on doit le role qu'on .ioue dans
le monde intellectucl, mais h un eoncours heureux de eir-
eonstances qui portent un hornme 11 la tete de ses contem-
porains. Celui dont je parlo 3 été le chef d'une religion, et
on 1'3 vénéré eomme propbete: e' est le pere Enl'anLin. ( e lWI;hotlernents.)


Le pere Enl'untin, [1 la /in de su vie, ó(ait un de ces écri-
vains pour lesquels le murtyre n'est qn'un désagrément.
D~sirallt passionnrmenl que son livre ne fUt pas poursuivi,
ótant d'ailleurs tres-devoné 3U Gouvernement impérial, C't
ayunt, si je ne me trompe, des relations nvee le chef de
l'État, si on lui nynit dit: Volrc livre sera poursuivi, je suis




._- h2 --


e()~ly~;ij-;CU q!¡Ojj en (l¡:::~it :¡¡'¡'l~tj'~ j'jrnJ)l'l)~: :O~). Le 1i\'i't~¡)31':¡¡L
el l'éditeur, :\1. Yie'l:t' J]¡¡.'.'iOIl, \lllliolllllW p"t'l":li[prn"ll: [los(,
el d'une honOl'ahilill' j8l'i,'ite il Ion,; le~, JI()i::t~ tic \'111', esl
ajlJle!:' ;:¡u paque!, oi! 011 lui lient ~ I:l~:¡ jll'l~,; el' di,enl1fS :
« Vous venez ele pub'iel' UlI liVl'C quí est 1'(lllpli d'attn'juc:;
contl'e la mOl'ale fJI¡liljqUl~ et religit-lw;: ti) ¡ivn, va Nre
saisi, des IJoursuites yout 8\'oil' licu, YOIlS i¡'ez, aH,I: ~I. En-
[antill, a Snintc-Pf'lngir, et vous payel'('z UIIC':';'!'os:,P anwnue.ll


M, Viclor Mn SWll sr dlofullllit de son lllil'lIX, .:n a is qu'au-
raít-il fait COnll',) !dI pl,()(:U!'i'III' im¡ié'l'ia!, bti qui J\'("t pas
meme aVOC,1t:) l> n'est qu'ü bout de res:;ources, et au lHO-
nwnt de ~cl'iir, <lu'il sr' dóci'¡:I, IJiell lllalg!"', lui, á tirer de
son portel'cuille lino J(,tlr" 1[1li lJ¡'>eid:llu qu-(';;tion: c'¡"Lait llli,-'
lettre offieielle pSi' Inljil('lln .\r. Et:J':llllill ('U:it averti I¡lll'
l'Ernperoul' acceplait la dl',dic¡lce dl~ :'011 1¡\I'('. Courwult' 811
Palais de Juslico, innoc.cnt nu, Tuil I'in~, I[!:elln j1I'CllVl' plus
óclatante YOIllt:z-VOllS pOUL' (](,1l10ntrl'I' 'iu!: In I'lIlpnhilit,', o'un
{'nit chango ayec I,'s prl'sonrj(~s '1l1i le ,IUgí'lit 9 (Tn;s-IJil'1I 1
tris-M'.-! Ir la !j(lII('ÍU' de {'!!!'IItr'/u' ,)


I,es VI ,'iLs qlle j'1'XIJl'illlD Li n'odt, iI lIJes ~UIX, qu'un dé-
faut, ou un IlllllheW', si vous voulcz : e'esl (j'élre t¡;llement
évidentcs que quand 011 les démontrn, on a l'air d'enrolleN
une porte ouverle, 11ais e'est que la parle 11'I:st ):'38 ouvprle,
puisque 110U8 y avons frapp{., el que la COIllllli:;sioJl a refusi"
de l'entr'ouvrir, Il faut, puisqu'i1 pn est aiusi, (¡ue je vous
di se Ulle fois de plus que la Hnstnurnlion S'I~st montréL: Ol!
plus clémenle,ol! plus sllre d'clll~-Il11;llle !jIW le Gou vel'nn-
ment actnel.


Vous connoisS8z, en eO'et, les dcux lois, el'He uU :lG me!
~819, qui, d~lns son mI. 20, l'l;duit il six muis le délai d,'~
poursuitrs publiques pour les uólits de Dresse, et la ¡oi du
9 juin 1819 qui, dnns SOI1 articJe 13, le rédllit á troís mois,
Ce que nous vous demanuollS,c'est de n'étro pas plus efl'ray{'s
de votre situation qlle n'étnit de la sienne le gouvernerr:ent
de la Restauration qui venait u'arriver en France a la suite
des armées étrangéres, el dont le che[' habitnit le palnis des
Tuileries, d'ou l'Empereur venait a peille de sortil', el oú il
I'enc.ontrnit achaque pas le souvenir l)lJL:Oi'l) YÍ\'<Jnt de In
ConvenlioIl lIstionale.




I·\·:¡ " .. -


IlUOl! ce gUUV81'IlClJWlll l'<lllICIll: pal' lí's \"'lrallgel's et ks
l'llli;!;l'és, l'<lpporlanl cn Fr<lllcc iks ¡¡¡('es, des sentirneIlt"
qUl~ la Fl'flllCe n'"illlaiL plus el. ne comprenaiL plus, obligl:
de proposPl' al! ig c siéc!e de redevenir la porlion malhell-
rr,use et vaillcue du iSe siécle, ce gouveruemenL pensail
qu'il SUflísilit illa vindicle publiqw2, c'est-a-dire il sa propl'e
dr',['ense, d'avllir trois mois pour exercer les ponr,;uites; el
';ous viendricz aujourd'hlli nous dil'e que vous, dans la si-
tuation oú vous eles, vous avez besoin d'étre pcnd8nt trois
anuées ies maitres de la destinl>c d'un écrivaifl? Vous ne
voudrez V1S vous faire á Vous-lllcmes ceUe injure; vous ¡le
vous déclal'(~rez pas moins fort:; que ne I'était le gouvcl'lle-
rnent de la Restauration au momenl oú il commel1i;úit, je
He dirai pas ilmarc!wr, rnais il esp0rer de naitre, et surtout
vous ne vous mOlltrercz pas plus durs e!lvers les écrivains
que !le l'dait un ¡:;ouverne!lll:nt pour qui la libre pensée n'é-
U1it pa~ I 'olJjet lfullC prl'dilectioll pnl'tkllliel'e, (Approbation
(/ ía [¡({IIt/I!' di' t'o!'!ll(·/t/',)


Quand la lui quo je \'O,lS l'appelJc a (:tú porlóe:] In ClwIn-
bre des (k'plll\"~, yoiei eOll1l11ent la motivnit le r¡¡pporteur. 11
se scrv;lÍl d'utl trlol (Iue moi j'os8r3is il peine pOl'ter ¡¡ cette
tribune, cal' si .le le iH'(I11lill~.JjS, dalls un I1lQI11ent 011 vous
me lcdl'z la g'rúce ¡Je ill'L'cuulel', j'nurnis ¡¡ITaire il vous el á
votre 1'l',':,;id,:IIL. ~l:ii~, Vell;lllt (Iu ministr0 de la rustauratioll,
j'esjlel'i~ qtl'~ \"(lU, YUIII]¡'CZ lJiCI: j'i:nlcndre et elllenir eOlllple:


« Il est ualls In natlll'l~ des el'imL's et ddi!s eOlllmis avet:
)luulicilé', d qui 1l"'X:SL"lll qlW p:JI' eette Jlublieité méllle,
ü'dre lIus"ilút UV'l'i:!lS d j'ulll'slll\is par l'autoritó et ses
1I0t!lUI'CUX ,1::;'e:lIls, 11 I'sl \!illlS la ¡¡¡¡[ure: des eifds de ces
ni¡ncs ou üéJits ü'cLl'e 1'~rJlI'lH:hC's de l(~ul' cause. Elle S(~­
ralt tyrDlIui(¡uc la loi qui, ilpl'i)s UlI IOllg inlervalle, puni-
['ait UllC' pllJ¡lie;¡lÍJlI it raisol! de lous ses elI'els possibles
les plus óloigl¡()s. LUl's:lllc la dislYlsitilm tOULl) lIuuvelJe d,"s
csprits peut changer üu 10:lt au tou!. L's illlj)l'essions q~w
l'auteul' lui-meme SI) ~'!['3iL pruPO"l: de prorluirlJ dans I'ol'i-
gillC; 10I'squ'e:nfin le loug' ~iknce de J'nuluriLé l:léve une
présornption si forle COlMe la eriminalitl) de la puLliealion,
il a done paru convenable d'abréger de IJeaucoup le telllpS
\le la pl'üscl'iption dl: l'aetion Jlublique.»




- iH-


On I'a lellement abl'égée qu'on I'a rcmise d'abord, comrnc
Je le disais, a six rnois, et pcu de temps aprés 11 trois
mois.


Dans celte memo diseussion, un homme que 1'on cite ¡cí
tres-souvent, et qui est, avec !lIM. Royer-Collard et de
Serre, comme un des apotres de la liberté de la presse,
M. Benjamin Constant, s'exprimait aillsi :


« Si la prescription n'était pas Iimitée en matü'lre de
pressc, un imprimeur aurait a craindre de voir soudain in-
terpréter quelques-uns des ouvrages qu'il auruit publiés
n'importe quulld. Un magasin de Iibrairie serait un arsenal
d'armes terribles contre tout libl'aire ou tout imprimeur. »
(Tres-úien 1 ü ta gauclte de l'oratr'III').


En elIet, jo ne parle pas seulement pour les auteurs, dont,
pour di re la vérité, le3 illtércts me touchen! fort, mais je
parle en meme temps pour leurs alliés, Ieurs voisins, c'est-
a-dire pour les libraires et les imprimeurs.


Les libraires et les imprimeurs sont beaucoup plus expo-
sés que les auteurs par ceUe prolongalion vrairnent inqua-
lifiable du délai de la preseriplion légale.


En elret, un auteur publie un livre; :;'il est féeond, iI en
publie deux; s'il en publie un ¡tous les ¡¡ns, :c'est peul-él!'e
malheureux pour lui; t¡¡ndis qu'un éditeur publie tous les
jours un volume, et quelquefois deux ou trois volurnes p¡¡r
jour.


11 y a tel rnag¡¡sin de librairie qui eontient des sous-sols
di vises en rues, et des rues divisées par numéros eOJ1l1I1e
une ville souterraine. Dans eeux de M. Hachette, on a éló
obligé d'établir des railways pou!' transporter ues ballols
de livres. Le malbcureux éditeur qui dcmeure au-dessus
dort, je ne dirai pas slIr un volean, mais sur une quantité
de volcans. Il y a dans ses caves de quoi le faire condamner
a des amendes de plusieUl's rnillions et a un emprisonne-
ment perpétuel. (Assentiment d la lJauche de l'orateur) ,


Un pamphlet a paru lout recemment .... J'en parle peul-
étre un peu imprudernrnent; cal', s'il plait au Gouverne-
ment de le poursuivre, ilreste encore deux ¡¡ns et sept rnois
pOUl' s'y décider. IlIais le Gouvernement a de J'esprit iJ ses
heures, et il es! le premier it rire de d'ulle plaisalltcrie r¡ualld




- f45 .-


('lIe est bonne. Cela s'appelle Une Electiol! dalis le Grand-
])uche de Gerolslein.


L'auteur a pensé ¡¡u'on pouvait prendre toutes les libertés
jJossibles avee la ramillo grand-dueale de Gerolstein, et il
~'est mis ¡¡ l'aiso avee les maires d'oulre-Uhin, en leur
atlribuant des manceuvres éleotorales que jamais un maire
ne s'est permises et ne se permpttra en Franee; e'est moi,
membre de l'opposition, ¡¡ni le déelare.


M. Glai .. -Ulzoln. Oh ! oh I
1\1. Jule .. ",hlloo. Le Gouvernement a pensé eomme


moi, et il a trouvé qUfl les maires fran~ais seraient en vé-
rilé bien bons et le Gouvernement fran~ais bien faible, s'ils
prelluient fait et cause pour le grand-due ou la grande-du-
ehesse de Gerolslein et pour leurs fonetionnaires; il n'y a
done pas eu de poursuiles. J\lais, parmi vos 40,000 maires,
il s'en est trouvé un qui n'avait pas autan! d'esprit que le
Gou\"crnemcnt, eL qui, tout en lisant eeL arnusant réeit, a fait
un re tour fort inattendu sur lui-meme: « J\lais eOffiment I
\"oilá des parolcs que fai dites; eomrnent! moi j'ai mis aussi
mon écharpe; cornment! je suis allé en uniforme recom-
mander mon candidat; j'ai promis de donner ulle eloche ¡¡
J'tglise s'il était nomrné. Plus de doute : e'esl moi qu'on a
d¡;signé, e'es! mon honncur qui est en jeu. » (Rires it la
(Janche de l'o/'ateu/'.) Il a done poursuivi i'éditeur, 1\1. Dentu,
dans le ressOl't de Besanfioll, pour Une Election du Grand-
Duche de Gcrolstl'in. Espérons que M. Dentu n'en mourra
¡las. !I1ais voici maintenant (~e qui fait trembler M. Dentu
d ses arnis, e'est qll'i! y a 40,000 maires en Franco, et
qu'i! peut etre 40,000 rois eondamné. Quarante mille eon-
ualIlllations ¡¡ la prison et ¡¡ l'amende! M. Pelletan, ¡¡ui
i'uit si bien les eHlellls des pénalités aecurnulées, pour-
rait seul nous di re si M. Dcntu, qui n'est plus dans la I1cur
de sa premiere jeunesse, eonservcrait encore des ehances
de se revoir un jOlll' en lilJert~. (Rires upproúatifs it la gau-
elw de l'omteul').


Je eonclus de ces observatiollS (¡ue vous ferez grand bien
iJ votr!' loi et que vous vous [el'e;/, grand bien a VOus'IIH~rnes,
011 sllppl'Ímant une rigueur parfaitement inutile et évidem-
ment dnngereuse. S'il s'agit u'un article de journal, vous


9




- HG-
n'en avez cerLninement pas besoin; ear e'est le tort d'un
artielc de mourir avec lo jour oi! il a paru. S'¡¡ s'agit d'un
¡ivre, de dcux choses rune: OH le livl'o n'aura pas de
~UC~0S, et alors nc lui en railes pas un, laissez-Ie dUllS SOI1
obscurit6; ou il en aur", et alOl's vous Ic l'eLl'ol1vel'e.: ¡¡ sa
seconde 6dition,


Vous n'avez done aucun motif pour Illaintenir colle dis-
position, vous en avez un grand pour la sUPPl'imer: c'e~t
qu'en le faisant, vous I'pndl'ez voll'c loi plus jusle, 1I1oins s0-
vere, el que vous auglllenl!~rez elll':Ol'e [,élentiue de 1I0tre
ingl'atilude, puisque l!OIlS uvons I'csl)]'it. ass"z 11131 rail !lOllr
voler yotre loi sallS I'aimer, Hevcllez done á l'opinion
cxpriml~,~ dans son l'apport. au IlOIll du cOllocil el'Elat, ].wr
l'honorable M. Pillard, et. exprimie de nouvcau ki pal' lui-
meme, il y n tl'ois joU!'s, 4u~ nd il vous disa i t :


« Ou des ¡IOtmiuilcs illllll{'llin les Ol! l':Js 11" poul'suiles. "
C'esl lout ce <¡\le llOllS vous d,~lllallllolls. (Tr,;.-;-{¡il',1 ú la
!J!lIIr;/;e de l'umlea!',)


Je sllis !llt'me lIlIJili(; S(Tlljilllcll\ (jue ;']¡U:IlJ, ;1:,:') ~l. Pi-
nard. Je ll'exigé; pas que les pOUl'suitcs SOil'lll illlllll'diales;
.i(~ vous accorde de lJOrJlW gnlCc un ddai de lmis llIois, el
vous ne vous fcrez pas a Yuus-l11emes le [01'[ de le reruscr.
(Vice ujljJi'('úation ü /a (filIlC/U' de L'um/m!'.)




SlJIlPRESSION DE L'EXERCICE DER DIWITS f:LECTORAüX


DIscouns
DE


~I. JULES FAVRE
Député dl! lthóne.


SL\:'\CE DTT 11 FE\lUER 18es.


:iM. le PI'é"i.lenl "'ehneiti.>r. Jc donne lect.ure de 1'81'-
[¡ole l2.


< Mt. i2, Tout individu condamne ponr dé-lit de presse
commis par la yoie d'uil jomnal ou écrit périodique, ou par
un écrit non ¡'¡"l'iodiqIW soumis au timbre, peut ctre, par
Jo jugement de cOlldall1nation, slIspendu, pendant un tcmps
Ijui n'cxcédc['u pus cinrI rms, de l'exercice de ses droits
electoraux. »


Sur cel arlicle, il y a deux umcmdements dans les m{;mes
termes. L'un de MM. lIavin el Guéroult : l'auLrc d0 M le ba-
ron do Beall\'el'ger quí demandent la sllppression de far-
tiele.


;'!olI. le I'resident !'>ehneid.,.'. 1II. J ules Favre a la pa-
role .


. :U. ~iule .. """,·re. l\Iessieul's, .ie erois que .ie n'aurai pas
bcsoin dn reteIlir longtemps la Chambre pour luí démon-
trer, contl'air()mellt a l'opinion de l\I. le ministre de l'intó-
rieur, que la pénalilt' pl'Opos:'e par I'article 12 de In ¡oi cst




- H8-


une nouveauté, que cette nouveauté est considérable, et
qu'elle peut avoir pour portée, entre les Ill:lins d'un gou-
vernement qui voudra s'en servir, de COllstÍtuer la conns-
eation de la liberté de discussion. ( Approbatio¡¡g it la gau-
cite de l'orateur. - Denegations en tace I:'t a droite. )


e'est la, messieurs, ma prétention, et je vous demande la
permission de la justifier en quelquts mots. Hcmontons
tout d'abord aux prineipes qui ont été invoqués par M. le
ministre de l'intérieur, car la doit etre l'origine de toute
espéce d'argument ayant la prétention d'étre sérieux.


M. le ministre vous a dit que, sous le régime qui ne vi-
vait que par le suffrage universel, il fallait aV3nt tout pu-
riner le suffrage univel'sel. Nous sornmes, messieurs, par-
faitement d'aecord sur ce principe, et nous en trouvons
l'application dans 1 es incapacités ¡¡U' édictaient les lois de f S49
et de 1850.


Oui, le législateur s'cst inspiré de ceUe idée salulail'c, et
alar,; qu'il posait ce grand principe que tOllt ciluyen fran-
~~ais était électeur, cuncourait a la nornination de ses dé-
putés, et par conséquent indil'eGtement a la coufecLÍon des
lois, il fallait, avant tout, qu'i! apportat a la fouclion qu'il
allait relllplil' une eonscicnc8 irrí~prochaJ.¡le, ou tout au
llluins que son passé en flit uile ~umsantc garantie; et e'est
13. la raison des ineapacités qu'on i'enconll'c daus la loi de
1819 et dans la loi de 1850.


Je ne les veux pas (;numérer, messieurs, sculement ce
que j'af'lll'me, apres M. le ministre de I'intr'rieul', c'r~st que
le principe de ecs ineapaeites repose sur ulle présumplion
d'illdignité ou d'indéiícalcsse de la pad de celui qui s'en
lrouve fraplJc. Vous I,ollvez parcullrir toutcs ces incapn-
L:ités; je !le yellX pas en i¡¡¡poser la fatigue iI l'assdlllJlée,
assurcmenl; lIIuis elle jlOUl'l'U fnim e(, lravail; je l'ui rait
avant elle; clíe vrrra ljLlej~ sub ici dans l'uxade inlt:rpré-
tation de la penséc dll ll;g'isJalC'U1'. Dalls la lui ('Ieclorale
du 8 f()vrier 181,9, huil eDS (l'incapaeilú óleetorale (>tajen!
~lipLllés; ils Oilt dé deliJus par la loi du 31 Illars 18:50 (¡tÚ
a aumis six des C3S éJidL;S jJar la loi dc i~H), d qui en a
ajunté! douze, porlant üin8i a dix-huil le nOUllJl'e de ces
incapacités. Et parmi ces incapacit03 se rcncontraicnt




- U9-


eclles qui, tout il l'heme, élaient signalées par M. le mi-
nistre, á savoir les incapaeités qui ntteignrnt les personnes
r¡ui ont dé condamnées pour avoir tenu oes maisons de jen
ou ol'gnnis(' des loleries elandestines; et assurplIIent, M, Ir,
ministre conviend!'n nvec moi qne dans ces cas il n'y a ritn
de comnnn avec celui ([ni nOl18 occllpe.


J'affirmc done, - et encore une fois je ne crois pas qu'an-
cune contradiction pUi8Sr, se pl'oduire - j'affil'l1lf~ que ces
cns d'inc'lpacitl' rppo~ent ton8 3m la pr{'som~!tion \!'iudi-
gniti~, rlj'Pll dit nntant, bien entendu, de ce qui concerne lps
f'auSó'es nouvelles en matiére dectorale, In violence d In
l'rrllldr, dalls la llH~rne hypottlf~se, ]\Ol\S ¡,enconlt'ons ir~i en
cffet, non plIS, messicurs, ulle errenr dr, ['esprit, une exag{>-
rulion dans l'argull1entation, un vire d'opinion, s'j[ m'est
JlCrrniA de Il]() scrvir de edle ('xprrssion que je n'emploie
[Ju'á regrd; nwis r¡ui ren\! In pcns,;e que je vcux faire pas-
ser d:llIS l'l'sprit de la Clwl1lhrp, nons rcncontron8 iei, une
pCll:'t"e pcrverse, une mauvaise ¡¡clíon qui doit élre conLlam-
néü pnr lous les honn(~tcs gens pr(;cisérncntparce qu'elle est
cont¡'airc á l'honncltcté,


Ce sera la, mcssicurs le cl'itérillm que (oul d'abord, je
vous demHnderai la permission d'interrogor, alors qu'il S'3-
gira de délits exclusivement politiqur,s, puisque l'3rt. 12
&'applique iJ des délits de presse; et e'esí précisément la
raison qui a fnit admettre des incspacités pareilles dans la
loi spéciale dont parlait tout á l'henre M, le ministre do
J'intérieur, et dont l'origine remonte, en elfet, h la Bépu-
blique, qui, sur ce point:J aggravé par un sentiment excel-
lent, mais qui, suivant moi, n'était pas suffisamment éclairé,
la législalion antérieure. e'est, dis-je, a cette raison que
sont dues des incapacites pareilles vcnant frapper ceux <¡ui
se sont rendus coupables d'olfenses a la morale publique,
au principr, de la propriété ou de la filll1i!le,


Il [aut, messieurs, lenir compte de ['t'tat de l'opinion en
i84íl, au moment meme oú li! loi du mois d'aoút n ét(~ vo-
tóc; ii faut se rappeler l'élmmlement considérable que la
société venait de subir; et si, a eette époque, le législateur
n'a pas conservé un sang-froid sullisant, a coup súr, mes·
sieurs, il peut étre excusé.




- 150-


Ce que .i'afflrme, elles dl;bats lógislatits sont la pour con-
firmer ma pensée, e'est quecbael1n de ees législaleurs a eu en
vue de préserver avant tout le principe de 1'!IOIlIleteté pu-
blir¡ue, en reservant dans toule sa pléuiludo cclui de la li-
berté des discussioIlS politiqucs.


El. cependant, messieurs, jr dis qu'i! y avait la une exagt;-
ration de sentiment, que le lrgislaLeur s'es! trompé conLI'e
son gré; cal' les delits qui touehent a la morale publique,
aux prineipes de la propriét6 et de la famille, peuvent SOll-
vent, grace a la flexibilité de notro langue, grúco aussi a
la variabililé des interprélations juridiquos, se raLtaelle!' ti
de véritablos debats politiqlles, Il semble tout d'abord CLUB
la morate publique doil (otre rnergiqucrnclIt peoLégée contre
les lieenees des écrivains, et en elfet, rien n'es! plus loua-
ble qu'une pareille opinion. Cependant, qualld on entre
dans le détail et quand on veut se rendre eompte de ce qui.
d'opres la loi, et aux yeux des mngistra ls el des tribullaux,
peu! ctre considéré comme une oITense a la moral e pubh-
que, on ne tarde pas á reconnaitre qu'i! peuí y avoir la un
danger considérable, et que des iocapacitl's l{'gales comme
des rigueursjuridiques peuvent atteindre des 1I0mmes qui
ne sont coupables que d'avoir eu une fallsse opillion.


J'en citerai un exempte, etje le cite d'autant plus yolon-
tiers que celui auquel je fais allusion a donné ¡ieu a une
poursuite qui a été suivie d'acquittement.


J'ai eu rhonncur de me prrsenter d(~vant un tribunal de
la Soine, pour un jeuoe écrivain poursuivi paree que, dan s
un journal, il avai! conteslé la l'ralité do In descente de
MOlse du monl Sina"í. On considérait une scmblable opinion
eomme étant une offense a la morale publique el religieuse,
el, si ce mallleureux jeune llommc ll'eút pas été acquitté et
par le tribunal et par la cour, il aurai! couru le risque de
pordre son dat et, dans lous les cas, il out été frappé d'in-
capaciíé eIeclorale pendant cinq antlélls.


Vous voyez OU peuvent eonduire les exces de zele el com-
bien il est sage de s'en Mfendre quand on fuit des lois, el
d'apercevoir a l'avance quelles peuvent etre les conséquences
d'une disposition générale dont il esl si faeile de faire ahu:l,
Mais, elllln, reprenant ce que j'avais l'hollueur de vous dirc,




-" 1'51 ._.


je mainliclls que loules les incapacit(>s ólcdorales intro-
duites dans lel ¡oi ¡}(~ lS\() el, dans eeUe do IS,iO, touchent
l' honnótetó, qU() ce ,nat, ou dr~s dúlils de droit corumull quí
entúchent la cOllsickl'atioll el rliOlllWUI', ou des ddils du
presse ~olllmis dalls Uil DI'deo J'idl':r:s flui blesscnt pltB par-
tieuliérplllt:llt I:t C011SI;i(:nl:e uniH)rselle. lIIais, je le do-
mande iJ In loyantó de l'As,;ombl¡\o tout cntiG['e et memo do
mes lJOnoruiJl'~s contradietours, ost-ce qu'j[ en esL ainsi des
délits cle pt'c,c;e '1 e6t-ce que les délits poli tiques ne sont pas
plac()s claus uut: caLG~oriB essentidlement diffórcuLe? est-
ce que llOUS les l'cncontrons blessant la propridé, I'hon-
¡Hilete, la eOllscienee puuliqucs? cst-ce ([ue les dc'lits politi-
ques ne soat jlUS, en l'éalité, des llélits de contradietion?
esl-ce que ee Ue) sout pas, clu1ls les pays libres, les consé-
quences d'ulle pilrm:c 1(¡rcre, ll'uae cxpression trop vive,
d'une ill18ge lrop amuilieusc, qui pcut parnitl'(~, a la l'i-
gUf'lll', un ddit?


JlIessicul's, J[I loi que vous nHez voter veut conserver des
déJits CJU'ÜIl j'ecollllUiL ac pOll\'oir pas ótre définis el. guí,
suivaut nous, au gl'é du )Jnrquct, seront poursuivis toutes
les rois que la Jiscussioll aura dé trojl vi ve, surtoul (!uand
le pouvoir aura en un lort cOllsillérablo, quand il aura COlli-
promis les illtéj'(lt~ du JWys par ¡;!ll) folle cntreprise, par
des dl~pellses exagl~róns, par des tcnclüt1(;cs funestes; alors,
l'écrivain couragcux qui les signalcra sera consillél'é eomme
excitant á la llaine et au mépris du gouvel'nemellt de rEm-
pereur, et cepellllant il HUl'ait fait son devoir, ii ¡'aura fail
avec exag(\l'atioil peut-etl'e, il aura dé trop 10il1, mais en~
fin il aura expl'imú sa pcnsúc, et vous le traitel'cz en mal-
honnete hOllllllü, el vous lui fCl'cz expie!' cet acle de cou~
rage, que quel'lucs rnois aprcs les événements vienlll'ont
eomplétement justifier. (A'¡)Jiroblllion it la fj(lI/che de l'or/l-
teur. )


C'esl la un abus intolérabln, contrairc a la pensée, de
justice qu'invoquait tout iJ l'hn\ll'e ~I. le ministre de l'inté-
rieur, contraire a ¡'intén't poli tique u'un grand pays; cal',
nll('orc une fois, si vous contlez ee pouvoil' Grbitraire au
(iollverncml,nt, la liberté de cliscussion est dans sa main, et,
¡'ajoute : le sort de ses adversaires poli tiques. (Tres-bien




tr¡'.~-bien! á la gauche de t'omtenr. - Rd¡;{a111ations SIl/' 1/1!
grand nombre de úanc~, )


On a parlé dans I'exposé des motifs de la núcessitó dr, pu-
nir l'ambition d'un cito yen par une peine qui lo frappat
directement, J'ai Mja en l'honneur dl) dem~nder it M. le
ministre, et je répéte ma question: Est-ce que l'ambitioll
est un crime?


l\l!, le lUi .. i",h'e de l'inté .. ieul', Je n'ai .lam2is rien dit
de semblable.


1\1. Jule¡;; Favre. Est-ee qun, d~ns un pays qui ~ la pr{'-
tentiol1 de participer a la libl'e discussion do ses affaires, de
les conllDitrc, do IC8 g-ouverner lui-mcmc, il u'est pas tout
simple que eelui qui se sent la earlÜcit.(~ néeessaire pour je-
ter qUl!lque lumiéro sur un objet en (lisellssion touchant DUX
alfaires publiques, (jlJand iI ne rele\'() I[UO do lui, quo do sa
conseience, que du sentirnent qui l'ínspi¡'o, ('st-e,) '1u'il u'e,t
pas tout simplo qu'il prenne la pIUIllI) et écrive'l De quel
droit nl!r;z-vous lui faire un prOcl)S Lio lerlllance, et le rava-
Icr :m role de séditieux, de vil ambilieux? ello pUllit' ainsi
dans ce fjll'i! a de plus eher, de plus légitime? e'est atten-
ter a la liherté de la pensée humaine, au droi! de diseus-
sion quí existe en France, qui va exister d'aprés la loi que
vous allez voter', au moins e'est la votrc Mclarntion publi-
que, et e'est pourc¡uoi la pénalité qui est ajoutéc par l'article
12 aux pénalités que la loi eontient. déja, cst directemenl
contraire á I'eopl'it politique que vous aftlchez, elle en est le
démenti le plus Het et le plus éclatant, elle sera jugl'e aux
yeux du pays comme un désil' de conservor' enll'e vos mains
une arme arbitl'8iro, grace a laquelle vous rostercz mnltres
do tout. (Trés-bien'f ü la gaw;he de l'ora{elll'. - Vives recla-
mations su)' un granrl nombre de óalles,) Lorsqu'un écrivain
amn eritiqné les aetes de MM, les ministres, lorsqup eeHe
critique lui nura conljllis une certaine popularité, il voudra
profiter de la eonfiance que lui témoignent les é1ecteurs rt
se presenter a leurs su(frages, le pouvoil' I'aeret.cra, il lt;
lraduira en poliee eorreetionnelle pour lo fail'e frappel' o'in-
eapadté poli tique.


Jo commcnco il voir rl;lir; (Ah! alt 1); co qlli était ohscur
¡¡out' moi a la séanee d'lIil:!' m'est expliqué 3ujourd'hui. Jc




- H;3 --


comprcnds pourqtloi 011 n rotonu le d¡',lai de trois ans pour
la prescription do l'action publique. OIl a voulu loisser
sommeillcr dnns \'~l'senal déja si riehe du pouvoir une arme
avee laquelle on pút l'l'apper HU eoeur un eompétiteur redoulé.
(Ap¡Jrobatinn sur plusieurs (¡anes r't la gauchc de l'orcdeur.
- Reclamations ct murmures dans le.~ autres parties de la
salle.)


M. le h ... ·oo de Heauve .. ge .... Les ineonvénients do
l'arliele reSSOl'tent de la diseussion.


1\1 . .Jul ..... .I·· .. v .. e. Et si e'est possible, no dites pas que
cela no se ferH jamais, enr il faut avant tout, el e'est la le
llloins do sagesse que le législateul' puisse montrcr, ne pas
introduire dans des presoriptions pénalos des éléments qui •
permettent d'en fairo lln si eoupable abuso


Je vous ai Illoljtr{~ Oll pouvait eonduire l'applieation de
l'nrticle 12.


MaiJJleuunt, faut-il que rajoute que M. lo ministre de
l'intérieur s'est encore involontairement trompé quand ji a
di! que cet nrticle 12 trouvait sr¡ juslifioation dans des prl,-
cl'deuls l('gislatjls de la Uleme nature? C'est E'xactemont le
l'olltraire qui est vrai. (IJI¡ 1 oh!)


J'ai dit, lIlessieUl'~> en éJ1uml~!'aLllles incapaeités ó1ceto-
rales do In loi de 184g et de Ir¡ 10i de 18liO, I.juol etnit Icur
earactere, mais ce I.juo ~I. le ministro a probabloment oublié
q1l811l1 il a parlé de I'artiele fl6 et de l'oITonse envers I'Em-
pereur, o'ost que la 10i de 1849 avait introduit prccisément
pour les délits poliliquus une exception que VOUS n'avez pas
eITacée oncore. Ah! proba blemenl, vous y viendrez, ji sul'ilt
de vous l'indiljuel', jj suí'tit de vous dire qu'elle eontient un
principe de liberté pou!' C/u'a l'instant vous vous empressiez
de la faire disparaitre, gráce aje ne sais quelle combinai-
son, que IlOUS tl'ouverons daus un nouveau projet de loi.
(Nouveaux mouvcmclits sU}' plusieurs banes). ,Tusqu'ici elle
subsiste.


Cetto exceplion, Ir¡ voiei. Vous avez éerit dans la loi de
f849 que la condamnation pour erime, lorsqu'ello n'en-
tra lnait qu'une simple peine cOl'reetionnelle, créai t des inca-
jJ:lcit¡;s, el rien lú:tait plus légitirn8 qu'une semblable pré-
cautioll. Quand IlOUS prenolls pour point de départ ce




- iD&.-


critérium que j'indiquais tout a l'heurr" il savoir les prin-
cipes de l'honneteté, de la violalion du droit, dr, la loi uni-
verselle, non pas ces nécessités passageres et ces sagesses
contingentes qu'on appelle la poli tique, maís la regle qni
est dans la conscience de chocun, que nous avons rer;ue de
Dieu, nous eonnaissons 11 meryeille, qllnnd nous voulons
nOlls replier sur nous-lI1cmes el rnnéchil', ce que [IOUS avon~
a faire. Ce n'est pas la meme chose en politique, assuré-
mento Eh bien, comme en maticre de crime, la peine pou-
vait élre abaissée; la loi de 18í9, dans son n" 8, avait prévu
le eas et avait dédaré que, meme dans ces circonstanees,
l'incapacilé devait 61re conservrl', mais {él\r, avait rait une
exception, c'est la le pRragl'Rphe qui a {~chapp(~ a la saga-
cité de M. le ministre; ce don!.ie n'entends point lui
I'aire un reproche.


« Le pnrngl'aphe :1 un prf'sent arlicle n'pst applicable ni
aux condamnés en mnth'['c poli tique, ni aux condamnrs
pour coups et hlessures, si l'intel'didiol1 n'a pas été, dans le
cas oú la loi l'aulorise, prOIlOllC(;C par ['al'r('t de condam-
llallon. »


Ainsi vous le voyez, dans la loi de 1819 on fait une ex-
coption pour les crimes politir¡nos, et c'est la l'expression de
la conscience uníverselle, enr It~ erimo politiquo peul elre un
acte d'hérolsme, une crreur do l'osprit. ~Inis, mossieurs,
dire qu'un délit do prosso doit nécessnil'empnt entneher la
moralité, que celui qui aurn été poursuivi dOV311t un ti'ibu-
nal eorreetionnel, condamnó p:1r un tribunal cOI'l'eclionnel,
Sllbirn une sorto de peine capit~le pendant cinc¡ ans, sera
diminllé dons sa pOl'sonne !llora le, el tr~¡¡llcra sur la plaee
publique la preuve de la ilé:l'issul'c que les tribunaux lui
auront infligée, (Ru1nl'/u's et l'el'l(lll/llIiuns) quant 11 moi,,jo
ne conllnis pas de peine plus reuolllaLle et plus halssablo
que ecllo·lh. Si \"0118 !le le sen tez pas COIllInO nous, c'est la
preuvo que nOlls n'avolls ni le [{lI'HlIé enclll', lIi le m¡'me es-
prit. (J'Ioucements r[iurs,)


!'U. Eugene PelJelun el Ijll,.lljuts !l/ltres 1i1emlll'l's. Tr(}g.
hien! tres-bien!


M. Jule .. F:,vI'e, Ainsi la législation qui Boas a pl'éc(',
dé s, ::1 fait cetto distinction qui ressort de la eonscicnce do




tous les honneles gens, entre le délit poli tique et le délit de
dl'oit eommulJ; el si, eomme je le disais tout a l'heure, il y
a eu des exccptions en matiére de délit de presse, e'est paree
que res délits, dans la ponsée du législateur, so rattachaíent
a des violatiolls du ul'oit comlllun. Cotte dislinetion qui était
uans In conscicllce publique, le projet de ¡oi ¡'efface, ill'el:'"
faco paree (jUlO nous 80111mes en faee d'un gouvernement
qui veut nous retirer tout ce qu'íl parait nous donner, qui
entend eonserver les droits régaliens ... (Dillc{jations sur un
grand nombre de {¡(mes. - A¡;probation ú la !j!luche de ¡'ora-
tcur.)


1\1. le I~ré"i<lent ¡¡:;chlleid.".-. Je ne puís pas permettrc
que 1'000aLeur ¡asse ainsi eonstamment une sorte de pl'OCCS
de tendance al!X pensées du Gouvernement et de la Cham-
breo ('J'ris-bifil!)


1\1. Gluis-Hi7.oin. C'est notre droit.
:U. h, .... é"idcnt fii\('(IJI.-ider. C(~ n'est pas votre droit de


voíl' aulrn ehosn (Iue co quí ost, ot quand on vous présenln
un projet de ¡oi, i\ ne saurait elre loisible a un orateur de
di re : c'est /¡~ contrairr' de ce qu'on demande qu'on veut
avoir.


Disculüz In loi, mais ne commencez point par dénaturer la
pensée du Gouvernemcnt. (T/'cs-biea! tn)s-bien!)


n. Deo· .. ".e]". Il n'y a done plus du liberté d'appréciation!
(Jfouvemcnts diI'lTS.)


1\1 .• ful",. F, ..... ·.". Heurcusement que je ne suis pasencore
menacé el'une intC'rdictien éleclorale pelldnnt cinC( ans: la
dlOSO pouna Icnir. (11il'cs Ú la {j({ur!w de ¡'ol'Clteul'.)


Quand j'en s(~I'ais mnnncé, mon langage ne changerait
pas el j'avolle (lile, tout en respectant l'opinioll de nolrn 110-
nOl'able pr{,sidcnl., .ir, ne snurais la comprenelre. Est·co que
tOU8 les jours le GOllvcrnemellt n'all,li!Ue ¡Jas les intentions
de ¡'opposition, est-cc qu'il ne chel'cho pus a les intol'pr{~ter?
est-ce que ,~e n'cst pas son devoir'! est-cc (ju'i\ no ya pas
:m fond oc nos pUl'oles, ue lJOS opinions poli tiques pour sa-
,"oir (juelles en sonL il~s Yl'rit:lbles tendances? Eh bien, pour-
([uoi n'aurais-je pas le mrmc droit quand je me trouve cn
tace d'un projet dr, loi en tNo duquel je lis « liberté de la
1lI'CSSC, » et qur,> uans ses 31'tieles, je vois: nt-gation de la




- f56 -


liberté de la pl'esge! (Vives rec{amativlls SIll' un grand lt07n·
bre de bancs. - Appmbation su/' cenx de In gauche,)


Plusieurs memJwes (e In drvite de ['ol'ateu/'. Voloz contro,
alors I votez contre 1


M. Jule.. Fuvre, J\Iessieurs, je dis que la peine édicléc
p~r cet nrticle est une peine nouvelle, (IU'elle ost contl'aire
a la justieo, qu'elle est odieuse; qu'elle verme!, au Gouyer-
nement d'noattre tous les écrivains qui lui d{;plairont (NI)/l-
l'elles l'éclamations), qu'on aurait rait ainsi d{,el'Óler d'indi-
gnité Paul-Louis CourJ'ier, Chiltoaubl'ianu et Lamennais!
Oui, tous coux qui, par leur génie, aurollt en lo malheur de
vous deplaire, lous ccux qui foront conlre votrc Gouvel'lH!·
Jllent une opposition trop vive, et ¡¡ui pourl'ont en reeueillir
le prix par la conflallce do leul's concitoyens, vous les at-
teindrez avec cet art. 12 et vous les immolerez politiql1e-
ment ... (Tres-b!:en 1 á la ganclte de ¡·otateu/'. - Vive,~ /'éclll-
mations en (are et a d/'oite,)


Je ne dís plus qu'ull moL
;\1. le PI·é .. ldent !'i\chnelder. Permettez.
~I Jul .... F""l'e. TOllt ce que vous voudrez.
"'JI. le pré .. idcnt ,,"chneideI". Je ne pllis pas admettl'0


que I'on reporte ainsi direetement sur le Gouvernement 12,.;
consé'1uences des décisions et des jugemonts qui seront
l'endus par les tribunaux. (Ti'es'ú¡en~ tl'l\l-bien!) Oublier I'in-
termécjiaire de la juslice, ce n'est elre fidelc: certainement
ni a l'esprit de la loi, ni aux convennnces IHl'iementaires.
(Nonvelles ma/'ques d'app/'Ob((tion SI/.l' un tn)s-f/}'(lud n01nbtl~
de banco5. - Rwneu/'s du coté orlllchc.)


l\'(. Eugenc Pelleta". C'est I'expulsion de Manuel avant
I'heure!


M. Jule .. I?a'n'c, J,~ n'oublie ni I'intervention de la jus-
tice, ni I'histoire, ni les euseigncrnents que je mettais S011S
les yeux de la Chambre a une autre séallce, cn les ernpl'un-
tant aux paroles d'un magistrat 'luí disait cornment jugeaiellt
les tribunaux corrcctionnels. Jo n'ni plus qu'un mot iJ ajou-
ter: Sans doute lo Gouvemomellt (;roÍl ¡¡u'il lui est pcrmis
de prendre, contre la liberté de la [lensée, les garanties les
pllls rigoureuses. n !lOUS cite lour a tour les législations qui
se sont succéd6 et dans lesquels ¡llui est pel'lllis, Ü son grl\




- 1,,7 -


de choisir des m:emples. Eh bien, nous vieillissons vito, les
temps passent et Iaissent a ceux qui en recoivent les agita-
tiOllS et les seconsses, suffisamment de loisirs pour que,
deseendant en enx-rnómes, et intel'l'ogeanl i'histoil'C de leuL'
pays, i1s puissent [aire d'uliles réllexions.


Demandez a eeux qui, en 1849 et en 1850, out voté les
lois réactionnaires contre la république, si qucIquefois ils
ne se sont pas repentis des dispositions qui leur paraissaicnt
nécessaires el qui se sont retournées eonlre eux·memes. Ce
sont les minorilés que vous entendez aceabler! sflchez qu'un
jour vous pouvez devenir minorité a votre tour. Les mall-
vais gouvernemenls passant, les mauvaises lois restent;
e'est pourquoi il l'allt, quand on rédige une loi, y inscrire
avant tout les principes de justice et de verilé. (Vive a]JjJJ'o'
bation ti la [JIlItclw de l'oratelt/'. - Jlfnl'ntMl'cs Sltl' ut! grand
nombre de banes.)


, :'/1
'O .,-




SUPPRESSIO"N DU JOURNAL


DISCOURS
DE


lVI. ADOLPIIE
Dóputé de la Seine.


SÉA1'\CR DU 1'2 F~;VRIjm 1868.


1\1. le p)·é .. itlento Sclmeider. Je donl1e lecture de l'ar-
tiele 13.


« Art. i3. Une condamnation ponr crime commis par la
voie de la presse entrulne de plcin dl"OiL la suppression du
Journal dont le gérant a ét(~ eondamné.


< Pour le eas de ja récidive dan s les deux années a par-
tir de la premiere condamnation pour délits de presse autres
que ceux commis conlte les particuliers, les lribunaux peu-
vent, en reprimant U!l llouvcall dl'lit de meme naturc, pro-
noncer la suspensioll du journal OH écrit périodiquc pour
un temps qui ne sera pas moindre d(~ ¡¡uinzo jours ni supé-
rieur a deux mois.


< Une suspension de deux a six mois pou! elre prononcée
pour une troisiéme condamnation dans lB 1I1elnc déJai. EJle




- ti)!)-
peut l'etre également par un premier jugement ou arret de
conuamnation, si la eondamnntion est encourue pour pro-
vocatlon 11 I'un des crimes prévus par les articles 86, 87 el
9] du code peIlAI, ou pour délit prcvu par l'article 9 de la
loidu Ji mai JiJi!).


« Pendant toute la dur8e de la suspension, le cautionne-
ment demeurera dóposé an 1'résor el ne pourra recevoir
une autre destina Lion. »


Sur cet article 13 il Y a plusieurs amendements.
Le premier et le plus radical a été déposé par MM. Havjn


eL Guéroult: il consiste a supprimer l'article 13, sanf le pre-
mier paragraphe.


La paro\e est a M. Guéroult.
~I . . ","doll,he Guél"ouH. Messieurs, nons avons l'hon-


neur, mon honorable eoJlégue ~I. llavin et moi, de vous
¡¡roposer á l'article i3 un amendement ainsi con~n: « Le
premier paragTRJlhe COUlme an projet, les autres pal'agra-
¡:hes supprimés. ))


Le premier paragraphe dit: " Ulle condamnation pour
crime cornmis par la voie de la presse entraine de plein
tlroit la suppression du jOllrnal dont le g6rallt a étl) con-
damllé. »


J'ui déjá eu I'110nneur de; vous dire, en développanl les
arnendements qui pr{'cédent, que notre ill!ention n'avait
pos été, á mon honorable collcgue ni a moi, de nous placer
S\Il' le terrain des principes abstraits, mais de nous placer
sur le terrain méll1e de la ll)i et de chcrcher 11 l'all1~'ljorer
dan s la mesure du possible; par conséquent, lorsflue nous
voyons la suppressio!l dn journal prolloncéo á la s\lite d'une
condamnation pour crime, d la suspension déer6téc á tu
suite de délits, nous avons cru devoir raire la part du feu ;
nous avons pensó qu'il n'y avait poillt lieu, quan! á nous,
a réclamer contre la condamnation pour crime. Le erime,
Illcssieurs, es! quelque chose de considérable; il n'est pojnt
de l'illlóret de la IJ['csse d'accorder ou d'assUl'er á des cri-
In!'S allCUlle espece d'immunili'. PUl' conséquent, lorsque le
projet de; loi vienl nous propo~er la suppressioll apres une
I:ondamnation pOUl' crime, nOllS ne réclamons paso Mais il
!úm es! ¡laS de llll'll1e lorsqu'il s'agit de suspension d'nn




- 1.60-


journal pour délit, apré~ uno fl;eidive dans les deux
anuées.


Ceci, messieurs, est tl'ós-gl'ave : c'est transporter aux tri-
bunaux eette faeulté tout a [ait diserétionnairo que nous
avons toujours combattlle, eontre laquelle nous avons tou-
jours réclamé, qui, dans le régimo précedent, Jequel expire
en ce moment, a ttribuait au ministre de I'intérieur la facultó
de prononcer la suppression, lorsqu'un journal avait 011-
eouru doux avortissements dans le délai de deux années.


Cette: faeullé, nous l'avon~ toujoursjugée exorbitante
lorsqu'elle était exoreée par le pouvoir discrétionnaire de
M. le ministro de l'intérieur; nous In jugeons également
exorbitante, quand meme elle sprait exercee par le pouvoir
judieiaire, et voiei pourquoi: e'esl que si les erimes qui
peuvent etre cornmis par la voie de la presse, sont faei!es ~'
définir, et s'ils lo sonl el dans le eode pénal et dans la loi
de 1819, personne ne peut savoir et ne pout dire ee que
e'est qu'un délit de presse, Un dólit de presse, e'est
quclque ehose de lres-diffieile i¡ définil' el U. íjualitier. Pres-
que toujours un délil de presse consiste dalls l'apprócialion
d'un évenement, appréciation qui n'est pas l:onforme a
celle du Gouvel'llement. Si l:ette nppl'éclation cst exprirnee
avec qllelque vivacité, presqllc toujours aux yeux du Pou- '
voir, elle constitue un délit; el permellez-moi de vous
oire, avec une expérience malheureuseme,1t trop réelle,
que presque toujours les délits de presse résidcllt dans des
mots. De lous les rnots de la gramrnaire, il n'en es't pas a
cel égard de plus per/ide et dont il faille plus se détier, que
les adjectifs el les adverbes, (Trés-bien I a la gauche de
l'orateur.) Ils sont féconds en eondarnnations et en avertis-
semenls; el telle pensée, telle idée ql1i, exprirnée purement
et simplement sans adjectif, aurait passé inaper<;ue, lors-
que le malheureux adjectif se trouve joint au subslantif,
devient délit et le journal est atleint. (Trés-bien I ü la g[U¿-
che de l' orateur.)


M. Glais-Bizoin. Il est dans les mo[s el dans l'esprit
du jnge.


M. A.dolphe Guéroult. llme sernble que, dans celle
situation, accorder aux lribunaux le droít de susjleusion




- H;1 ~


u'un journal penunnt deux mois pour dólitde presse, est chose
grave, el ce(jlle.iedi~molltl'e ce qu'il y a de diffieile ¡¡ appréeier
dans eeUe ddlllilion du délit de presse, e'est un pouvoir elont
les !lla~istrals scraient aussi fatigués que l'ont dé les di-
vers rninistrrs ele l'illtérieur qui se sont sueeédé, lorsqu'il s'a-
gissait d'appliqucl' ee droit de suspeusion el de suppression.


Les f'acultús exorbitantes fatiguent singuliéremenllcs ou-
torités qui les exercent, si elles tombent dans eles rigueurs
qui leur SOllt pénibles ¡¡ eIlCS-I1H3rnes et qni les rondent
odieuses; si elles lle les appliquent pas, la loi lombe el!
déwétude et n' est plus olJservée.


Je vous disais, messieurs, que la ¡Ilupart dn ten,ps les
cldils de presse résulten! de l'expressioll vive d'une opinion
¡¡ui n'est pas celle du Gouvcl'nement. A eoup sür, le Gou-
vernement n'a pns de p¡'()lenlion a l'infaillibilité. Quelr¡ue
l'(~laiI'6s que ~oielJt les mrm!Jrl's du Gouvnrnement, ils n'ont
]las la prótelltion d'etl'e les direc:teUl's spirituels du peuple
i'l'cllJ¡;ais et les juges inl'aillíllles d'une sorte d'orlhodoxie
r'olitique,


Dans les pays Olt le pouvoir relig'ieux et le pouvoir poli-
tique sont réunis dans la meme ma;n, cette pl'ótention est
parfaitemont logiC[uo; je ne la erois pas hCUl'euse dans l'ap-
plication, mais elle est logiquc et cOllséquenle avee elle-
meme, Dans un pays comrne cclui-ci, OU pel'sonne n'e~t en
possession de la vérité el'une fa\,on ot'llciello, oil la vérité
est au conCOU['S, oil la vérilé est trés-souvent dans la bouche
des organes du Gouvernernent, oil quelquefois elle est dans
la bouche do leurs adversaires, el ou le publie est jugo du
débat, iI y a 'Iuelque chose d'exorbilant a aecorder á la
magistrature, sur la:poursuite du rninistere publie, le droit
de frapper un journal d'une suspension de deux mois
mossieurs, savez-vous ce que c'est les trois quarts du temps?
c'cst la mort, c'est la elestruction du journal condamné.
C;'est vrai! e'est vrai 1, ti, la gauche de l'orateuJ'.)


ün membre agauche, e'est évidentl
~l1, .'t.doJphe GuérouU, Vn abonné Lient ¡¡ recevoir son


jonrmtl. Quclque attaché r¡u'illui soit, lorsque pendant un
mois il en est privé, il prcnd d'autres habitudes, il convolc
a ele secondes noces, et quand le journal reparalt, \'alJonué




- 162 -


ne luí appartient plus. J'ai V'l, messieurs, j'ai vu de trés-
pres un journal qui a élé /'rappé d'une suspension de deux
mois, iI ya aujourd'hui dix ans; au moment Ol! iI élait
frappé, il avait trente-quatre mille ahonn{'s; ~ l'expirHlion
des deux mois, il n'en a vait plus que dix-sppt Illille. Avec
dix-sept mille abonnés, ce jomnal pouvait "ivre encore;
mais si vous diminuicíl ce chifTre de moitié ou des deu\.
tiers, ce ne serait plus vrai, et en voulanl illtliger une peitw
correctionnelle, vous auriez par le rait in!ligó une peine
capitale, ce qui n'est certainernent pas dans votre illtel1-
tion.


Une suspension de dcux a six mois peut etre pmnoncée,
dit l'articte, pou!' une troisierne condamnation, dans le
meme délai. Eh bien! ceUe disposi lion est encore exorbi-
tante. Je vous assure (ju'un ddit de presse, persüIlne u'est
súr de l'éviter, personne n'(!st sür, en prenant la plume, dI'
ne pas cornrnettre un délit, paree qu'i! y a dans la politi-
que des ehoses quí ne peu vent ni se régler ni se modéru!',
ni se définir.


Lorsqll'ul1e décision poli tique, que le pouvoir croit Donnc,
est prise, si celte dóeision est attar¡uée avec ónergie, a vec
vigllellr, avec persistance par la pressc opposante, le po u-
voir est porté a considérer ceUe attaquo comme un délit;
il sera tentó de la pourslIivre devant la magistrature commo
un délit, et cornme les événements sont ¡::endants, C:omme
les conséquonces ne seront connues que plus tard, eomme 011
ne peut encore juger la portée de l'article, pers'onne no sait
qui a lort ou qui a raison. Le magistrat, tres-Ioyalcrncnt, en
son ame et conscienee, peut croire que I'ócrivain n'a été ins-
piré que par la passion, et le [rapper d'une cOllllalllnatioIl
que l'événement dérnontrera avoir élé injusle.


Ainsi prenons un exemple, l'oxpédilion du Uexique. (Ru·
meurs.) Je ne veux pas toucher le /'ond de la question. Celt()
expédition, puisque le Gouvernement I'a efltrcprise, c'esl
que, á. coup sur, illa jugeait utilo allX intércts du pays; ell
bien, dans la presse opposante, íl y a eu, des l'origine, el
avant memo que nos troupes fllssent parties, une opposi-
tion extremernent vive conlre ceUe cxppdition. On a an-
noncé de point en point tout ce qui se passerait: le défant




de base pour lin f;úuverncrnent iJ lonocr au Mexique, l'im-
possi biliti'> de constitucr quelquc chose dans un pays ou il
n'y ¡j pas de clasct's moycnnes, 0\1 iI n'y a qU'Ul1 clergé tout-
puissanl el des masses profondément ignorantes et a demi
sauvages. On a annoncé les dil'::cultés qui en résulteraient
vis-a-vis des Etats-Uuis. l'ombrage qu'ils preudraient de
notre préscncc sm le sol dn Mexique. Tout cela a élé dit,
répété, el tout cela. rnHlbeureusement, a éte démontré vrai
par les événernents. Et cependanl, au moment Ol! la presse
s'exprimait ainsi, la pouvoir croyait, de tres-bonne loi, que
ces cri tiques ótaient inspirées par la malveillance, par une
apprl'ciation pa~sionnée ct inexacte des raits; el quelques-
UDS do ceux flui s'y Jivraient étaient quatines trés-courarn-
ment de lIlauvais eitoyens. Si cette opinion avail été parta-
géü par la lI1agistl'alure, les ecrivains qui ont fait les criti-
ques les plus .¡ustes de cette rrgrettalJle cxpédition au-
faicnt étú cOIHlnmll(\s. en lilli2, pour des d(~lits qui 80nt de-
venus des Y('I'jtr s, Ill(¡]hcureusemcnt trop certaines, en 1866.


C'est ce flui IllC rait dire que Jes ddits de la presse sont
Ijuelque chose d'innppréeiable, de difJ1cile a définir. Et si
j'avnis un conseil á donarr su Gouvernemenl, ce serail de
[[lire tres-peu de poursuites ponr ces délits, paree que e'est
ainsi f[Ue ron useraille pouvoir et l'autorité de la magistra-
ture il pOUl'suivrc des J:mlcs qui, en réalité, n'en sont pas,
ou qui, paraissanl des raules la veilie, deviennent des pré-
visions malheureusement trop vraies, le lendemain.


Le dcruier paragrapllO de l'arUcle que nous combattons
el dont 1I0US d\:fIlandoIlS également la suppression, c'es! le
pal'ngraphe 8, qui est ainsi con¡;n,


« Pendant toute la durée de la suspension, le cautiolll¡o-
fIlent dO!llcurera dé'posé al! 1'l'ésor el ne pourra reccyoir
une 8Ulre destinalion, ))


Ce parugrBphe est ulle prócrllltion contre la tentation que
pourraíent a voir l'éerivain Ol! les propridaires d'un jour-
Jlal, de pront,:r de la suppression de l'aulorisation, pour
raire repBraitrc irnn1é~diatemellt Ol! a bref délai un nouveau
jOlll'lW!. CeUe prl'caution file scmble excessive; je vous le
disais tout á l'heure, la suspclIsion pendant deux mois, c'esl,
par le rait, une Mlppression ou peu s'en faut; pour un cer-




- t6~ -
tain nombre de cas, e'est la supprcssioll. Eh bien, pourquoi
le journal supprimó ne pourl'ait-il pas rentrer da liS le droit
commun? Pourquoi ne pourr8it·il pas s'adresse!' sous \lile
alltre forme a la me'me classc {le leetcll!'s, ce iJ quoi il y a
toujours des grandes diflieultés, dc grandes clllr;¡\'('~. J(~ le
répete done, cclte próeaution me semblc excessive.


Vous voyez quelle est l'(~eonornie de Ilolre :Jrnenu'~mcllt:
nous ndrnettons les conuamnations pOli!' les crimes cOlL1l1lis
par la voie de In presse; Ilm13 IW jlO['tOIlS uux crimcó> nu-
cuno espcec d'inkret, HOUS les abundonnl'llS ¡¡ la juslicc.


111. 1l>1athicu, .Te demande la pnrole.
IU. 11.(101»1..- GlIél'ouH, JiIais, quant aux délits, F! de-


mando graec pour eux : pcr,;onnc n'est assur{, de n'cn pas
comrnettl'o; et si la parole élait tl'aitée avee la rnérnf' sóve-
!'ité que l'écl'iture, jo ne serais pas sur que l'aratenr du
GUllvernemellt, en me r{'pondanl, ne earnmc!traÍt pas un
délit. ( l}farqttes d' app¡'obatio¡¡ á la fJlwclw dI? I'om/eur. )




SUPPRESSIOK DU .JOU!LYAL


DISCOURS
DE


M. ADOLPHE GUÉROULT
Dépulé de la Seine.


1\1. le I"résidcllt !iOcllIleideI'. La parole est ¡¡ M. Gué-
roult.
~I. Adol"hc C~uéI·oult. Messieurs, comme je erains de


ne pas mériter les ¿'loges que M. le ministre de l'intérieur a
bien voulu, en cOlllmen<;ant, accorder a notre amendement,
je demande la pel'lIIission d'en expliquer en quelques lIIols
I'espril et la ¡JOI'lée.


Si nous avuns ndmis, messieurs, la supprcssion du jour-
nal, aprés condamnntion pour crirne, ee n'est pas que nous
soyolls parlisuns de la suppressioll, je vous ai dit sur quel
lerrain 1I0llS nOlls étions placés. Kos honoralll0s collcgues
el urnis de la gaucho se sonl c\¡a l'gés de vous développer
des alllondüments de principe auxquels nous nous rallioIls
e!ltii,rement. (Tn:,,-{¡icn ! trAs-úien! a la gauche de l'orateut) .


.Mais nous aviolls prévu ce qui est ¡¡rrivé, e'est-a-dire que
ccs ar!lcndmnonts no devaient pas trouver gráce auprés de




- 166-


VOUS, et alors nous avons cl![)rché iJ 6talJlir en de<{a du point
auquel ils avaient dll aller, une lignc i Ilterllj(~diaire sur la-
queJle vous puissiez vous arróter. ~OilS ;Ivons ch~rché par
la, non pas a élablir des llrincip:'~ aJ¡sl,~:ils, wais i¡ rl'alise!'
les améliorations relatives que nOllS ave>!l" C1':1 susecfl~ibles
d'0Lre adoptées par vous.


Ceci dit, je vous demande la pcrlllission d'expliquer en
tres-peu de mots, pourquoi In stl[Jprcssion, 011, ce (jlll
revient a peu pl'es au JIlem_', la susjlrll~ion (l'UIl jOllrllnl
pendant deuxmois, est utle peinc qui nollS pJralL excpssivn,
il1just(~, et pourquoi, ulors mellle que !IDUS alloll~, ne ]lOU-
vant mieux faire, jusqu'a l'ar(~f'pll'l' COllllIW Jlunitiol1 d'Ull
crime, 110U8 ne pOUVOllS p:¡S l'DdllldLI'l' pour uu (klit.


Le journal sup[Jl'imé lI'esl ¡:<Js eonfisl/ué; ~L le ministre
de I'intérieul' "ienL de vous ]'e~plilj¡¡er IiVl!(~ un!' gTnnde lu-
ciditó. Cep2udanl, qu'illlle pCl'lnl'li,e di) di!'() 1J1I'<Ipn's ayoil'
dMini I(;s drllx 1lI0des de eOcJ!iscatioll noni íl :l ji!!'!'''' c:'/lIi
qui dait Dlltrr¡l'ois ¡¡rilllh el clC/ui qui slIL"s!(! ilU,iUIIl'd'lwi,
illl'a rait, apri!s lout, q~¡e rOllS ddillil' uu [¡oi"ii'llle lIlodo do
confisenlion (lui ne prurite flas ~ I'Elal, il esl vrBi, tnnis quí
l1uit ueau(~()up <I[] partieulwl' ¡¡ui ()n est l'ubjoL (Asstlltimeltt
Ú 1([ Olllle/U: de l'omteur.)


Le lort de cotle peine, c'est de ne pus fl'3pper le eOllpable
que ron pOUl'suit, e'esl de rr<lpper ulle ou plllsicUl's ramilles,
des propriétail'cs, des eapitalistes ]l8rfaitemcnt innocenls
d'un délit de plume eommis pnl' un éerivain ¡¡Ili a éerit aYl'.e
Lrop de préeípitatioll ou de lég-érct(!; e'est, en un 1Il0l, dE
ft'apper ÍI cutó, ce que la jusliee doiL toujours éviter de
faire,


i\I3intenant, laisscz-moi \OUS le Jire, messieurs, je suis
péniblcment f'rappc de ectte !JI'(:'occupution qui porte le
Gouvel'l1ement il. ehereher des PÓI1:Jlitl'S extremes pour se
garantir eontre la presse. Le (;ollverncment a trop pell!' de
la presse; la presse n'est pas 8ussi redoulaulc que \'ous le
cl'oye7.: elle a ua r!~gulal()ur Il'és-puissl1nl, tout-¡miss::mt, eL
j'aJouterai Ir! sl'ul efrieaee, qui esl I'opillioll /lubl;llue, et
lorsque la presse dóp3sse la j Ilste mesure, quand elle va au
del a de ce que l'opinion comporte, elle perd son erédit, elle
perd son autorité, son inlluence, el elle es! alJandonnée par




- i07 -


10 public. (C· est vraí! - Tres-bien I á l(( (Janche de fora-
t/Jlu'.)


Cest ce que IlOUS uVtJtJs vu dans plusieurs circonstances;
Cilr c' I",,! un [ail bitm Illalhellrellx pou!' la presse, que JalllGis
011 n'a chcl'ché dans les temps calmes, dans les temps pai-
siules, au moment ou la raison peut cxcrcer son empire, il
i!li donncl' la liherté qu'elle pout comporter : ceLle liberte,
dIe lui es! toujours arrivée nu milicu des ouragans et des
uf8ges, el nlOl's elle a dl' trop loin; alors aussi I'opinion a
ri':aói; des hOlllllles parfaitement sinceres et eOllvaineus ont
dit: mais c'est un fléau que eelte liberté de la prcsse, nous
ue pouvons la supro1'tel', retourtlons en 3lTiére, il faut
qu'oo nous en d6livre.


A la gauc/¡,' de ('o/'ateuJ', Ces! cela! - Tres-bien I
1\1. j1l.dol¡,he Gllé.'onH. En 184~, un gouvernement


¡orlJlJe; le jlouvoÍl' se [l'Oll\'() v3cant, la soci6té est décon-
Gc!'té:!, [o:Jles lus loL, ~olll sm:]lolldllP-S; des jOUl'lliJIlX pa-
i'"i,sen! par centaincs en i[uelques semaines; combien en
l'('st~it-¡¡ a la /in de la !1lé'IllO 2Jinée oú ils out paru? C'est a
peine si, á ce moment, le nombre des journaux dóp,lssait
l:dui 01'8 années pr(;el:dcnles; pourquoi? Paree que les
cxees m(~me da langage de la presso avaient rait reculer
touto la partic raisonnablü de la populatiou, el que cette
presse qui n vai t cherche la populnri te dans la violen ce,
unlit trouv(~ par ce moyen l'impopularité.


11 en est 8nivé de la p!'esse comme il en était nrrivé des
dubs, qu'on a fCl'llJl>S ¡¡ la /in de i8'f8, alors quo personne
n'y allait plus. lls (,toiolll conuamnés par l'i ndifférelJ ce poli-
tique, le jour ou on les a ferm:'s.


Je voudrais done, quant a moi, que le Gouvernement fit,
nujouru'hlli que les cireollstanees son! propices, que l'opi-
nion publique es! calme, que les lois sont respeetóes, cette
grande cxpl'rienee, qu'il la tentar loyalclllen!, ct qu'appuyé
sur vous, mcssicurs., sur la magis!l'ature, sur les pouvoirs
1'llhlics, il ne se el'ut pas o1>ligé d'en!asser des sévérités
dl'acouienncs pour assurer ['exorcice régulier d'une liberté
qui serait beaucoup mieux gal'antie, a mon avis, par le bon
se IlS publico


On ne se fic pas asscz au hon sens public, on croit trop




-- iliS -


volontier:; que le pays a toujours besoin d'etre sauvé, que
si on ne le soutenait pas par-dessous les bras, il ne saurait
pas marcher tout seul, que c'est un mineur incapable, el
avec cette idee savez-vous ce qui arrive ? On prolonge celte
incapacite du mineur, on arrive par consequent á prolonger
une tuteUe dont on a tous les bénéficos el qu'on semble avoir
intércL a prolonger d'une racon artificielle.


A la gauche de l'o/'ateur. C'est cela I Tres-bien I trcs-
bien I
~I • .laya!. e'est un mineur qu'il faul emaneiper 1
M. le Illarqlli .. de Piré. A l'époque qu'il vous plalt de


rappeler, voyez les évéllements de juin. lis n'étaient ¡¡as
aussi doux que la Iittérature de celte époque. (Bruit.)
~I. AdolI.he Gué,·ouIt. Je ne rt'ponds pas á l'inlerrup-


tion, paree qu'il faudrait faire une digression beaueollp trop
longue, qui serait tout á fait un hors d'~llvre. Je continue
donc mon raisonnement ct jo dis qu'il ne peut m'entrer
dans la cervelle que ce pays de France, qui est si rcnomme
pour son bon sells; qui, de plus, n'est pas si avide de nou-
veautés qu'on le di!; qui serait plus facilement et plus jus-
tement taxé d'esprit routLniel'; qui n'abandonne pas volon-
lontiers les voies tl'acées, les sentiers battus; jc ne peux,
dis-je, admettre que ce pays do Franco, ¡¡ propos d'une
simple lIlodification législative, se lance a corps perdu dans
toutes les erreurs, dans toutes les violences, dans toutes
es exagérotions auxquelles rien ne le provoque et qlll ne


sont conformes ni á l'esprit public, ni á la nature tics évé-
nements qui oceupent la se(me.


Lo presse, messieurs, elle est justiciable de I'esprit public;
ct, croyez-le, toutes les fois qu'un joul'llal va trop loin, il a,
dans sa propro corl'espondancc, des avertissements bien
plus emcaces que ceux que ¡ui donnait, dans ces derniéres
ünnées, M. le minislre de l'int.éricur. (Apj!¡,obation SIlI'Ij!lfi-
ques bancs á la !/auche de ¡'arateu)".)


J'avoue (ju'il lI1anque quelque chose a la presse. (Ah I ah!
- Voyuns!) Ce quel'lue chose, messieurs, ni le Gouverne-
melll, ni vous, ne pouvez le lui donner. Quant á moi, je
désire, - fai dPjú émis cette opinion, el j'espére qu'ellc lera
son chemin et arl'ivera a entrer dans les esprits - je cksil'e




- {¡j\) -


¡lue, dans son intél'Ct, la prcsse arrive a se gouvernel' et a
se régler elle-m eme. (Mouvemfllts divers.)


L' honorable M. Malhieu nous parlait tout a l'heure, de la
pl'ofessioll d'uvocat, iI !lOUS montrait le barreau respecté,
constitué, ayaut uu réglemellt, une législatioll pl'oprc, des
autorités par lui constituées, qui sont les gardiennes de la
dignilé de la pl'Ofcssion. Messieu1's, j'envie beaucoup toutc~
ces gurantics !Jour la presse; les tribunaux sont pOU1' tout
le monde, les avocats y sont Isoumis el les journanx aussi;
maís ce que j'cnvie pour la presse, ce qu'elle n'a pas el ce
qu'ellc pourrait ovoir, c'est précisément une constitution
intérícurc, un réglement, un conseil de discipline ...


Fn 1/wmbl'c. Un jury d']¡onneur 1 (On rit.)
1\1. AdoJphe Gucroun ... qui veillerait a la dignité de


la discussiolJ, qui écarlerait de la pokmique toutes les vio-
lences, toutes les personllalités, toutes les indigllités qui,
ral'el1leul, je le I'cconnais, milis quelquefois la déshonorent.
(Tn's-bien! tl'is-úú~l¡ 1)


Pour ceci, messieurs, ni le Gouvernement, ni vous, ni
nous, n'y poU\-ons rien; mais en[in les idées justes font un
pen leur citemin elles-memes, et c'est pourquoi j'ai pris la
¡¡burté d'exprilller celle-ci a eeHe tribuno, espéraut qu'elle
lroll\"era de l'écito au du]¡ul's.


J\lais pour que colte conslilulíon, cette r{~glementalion inté-
ricure de ia lH'csse ]luisse S'eX(~i'eel', iI faut qu'elle jouisse
vis-a-\'is de la loi, vis-a-vis du Gouvernement, d'une grande
liberté. Tanl lju'elle sera considérée COlllllle suspecle, lalll
qu'elle suru ]loursuivie Ol! menacée par le pouvoir, elle
n'ama qU'UlW ~tule préoccupation, eelle de se défelldre :
dIe IW l'0ml'a pa~ 1':1l1lClIer su peusée sur el:e-lllcme, el
dWl'chcr dans sa 1!l'Ojll'e <1tl1élioratioll, les ('llllllcnts d'uncl
rOI'ce lI()uYelle. Voilu jJOlll''lllOi ¡IOIlS I'epollssons cette pi:na-
litó, exeessive quui qu'oll en oit dit. La sllppr,~ssion, la sus-
IJensioIl qlli équivaut a peu pré, a la suppressioll, früppe
Iluu-seulcment l'écl'ivain,cllc froppc la famillc de l'l'crivain,
l,¡le r1'3¡JjJC les IJl'oJll'iélnires dl! jOl!I'II~¡J, tllUS cc:ux qui ont
cllgagl' jcul'~ capilaux dalls Ulle grallde entl'ejJl'ise qui au-
JOlll'll"hui en dU;;;Ulldl) beaucoup, ,el qui sont parfaitemellt
iUllOccuts des vivncil(;s de celui qui Lient la plumeo


10




- i70-


Ces peines ne sont pas justes, elles frappent a cOté, elles
sont exeessives. Quant ¡¡ moi, je l'avoue, j'aimerais mieux
les peines eorporelles pour l'éerivain, paree que, si elles sont
dures, si elles nc sont pas en rapporl avcc les dólits pour-
suiris, du moins elles tombent sur le coupable, el non sur
l'illnoeent. Mais, quant á la suppression, a la suspension,
nous trouvons ces peines exagérées, violentes, et empl'ein-
tes d'un esprit de déliance dout toute ectte loi porte malheu-
rcusement partout la trace. C'est pourquoi je persévére 11
demander a la Chambre de vouloir bien repoussel' loute la
derniére partie de l'article, celle qui est relativo aux suspen-
sions pour délits.


Nous avons dit ce que c'est qu'un délit el cambien il est
difficile, en écrivant, de savoir si on le comrnet ou si on ne
le eommet pas, et par conséquent cambien il es! difficile
d'appliqu8r a celle nature d'inj'l'action des peines excessives
qui, en définilive, dans la plllpal't d(;s cas,{;lluiv3Ildraient a
la tIlor! elle-meme. pJ!J!l'uúaiú¡¡¡ a la !Jauclu: de l'uratml'.)




EXÉCUTION PROVISOIRE DE JUGE~IE~TS OU ARRETS


DISCOURS
DE


IV!. RIONDEL
Député de 1'lsérc.


SI~A:\CE DU 13 F}~VRmR 1868.


M. le Prcsident Sichneider. La délibération s'ouvre
sur l'articlc l.4, qui est ai nsi con({u :


« Art. H. L'cx(~cution provisoirc du jugement ou de 1'ar-
ret qui prononcc la suspcnsion ou la suppression d'un
journal ou écrit póriodiquc pourra, par une disposilion
spéciale, etre ordonnéc nonobstant opposition, appel ou
pourvoi en cassation, en ce qui touche la suspension ou la
suppression.


« 11 en sera de meme pour la consignation de l'amende,
sans préjudice des dispositions des al'ticles 29, 30 et 31 du
décret du 17 février 1852.


« Au cas d'exécution provisoirc prononcée par le tribunal
de poli ce eorrectionnelle, le condamné meme par défaut
peut immédiatement interjeter appel; il sera statllé pur la
cour dans le délai de troisjours. »




- t7~ -
Deux amcndcments (Int (,té déposés, qlli dcmandent la


suppression de cet article.
Le premier est signé par M~f. L. Martel, le baron de .Tanzé,


de TillancQurt, MauI'ice Ril:l!úd, Pllchon, Larnhrecht,
M:dézieux, le rnnrquis de Gl'arnmont, le vicornte de Rnlll-
bomgt, le 0,omte de Chnmbrun, Goerg;


Le second est signé par M~I. Havin el Adolphe Gu¡"-
roult.


M. Hiondel a demand{~ la pnrole pOI!r soutl'nir Ci'g rJellx
mrwndcrncnts port"nt le m(mw tr~xte, (~'est-¡l-dire delll:JIlt!;¡nt
purelllent et sirnplrmcnt In Sllpp[,f'~SiOIl de l'arUcie H.


'\!!. U;ondel. '\[unsÍl'lIl' 1(, l'l'{'gitlrnt, j'ai d()rnand(~ 1:1 1':1-
role pOllr i'Olltellir le prcmil'!', quoiqlln jn ne l'ai¡: JI;', sig¡¡(';
mais JI' lile joins ~'¡ ceux de mrs colli'g'ucs I[ui ]'ont 1'1'«
~enté,


1'1. le ~·l!~i>-~it!ent ~;;ehneid(",I~. '1'OUS aVf'Z l:1. pnl'ule.
l\l!, rUondel Messiüurs, la qlle~tion qui se pose dev81lt


vous nst plulót une qUf'stion de droit [HIl' qu'une quesiiun
poli tique ; elle n'en üst pas moins digne de tont votre intl'-
rct; son iruportnn(~e m'nulol'ise it ¡,('!?lamer la fayeur de
votre biel1vcillante ntteutioll. (Parle:::! ¡Jarle:::!)


L'::llnendement tend ti la suppression de l'nrtic\e '11, r¡ni
introduit dans notre législation pénale une innovatlOn gran,;
cet arlicle disposc que le jug'c pourra ordonner I'exécution
provisoire de la sen ten ce qui pl'ononcera la suspcnsion ou
la suppression du journal.


Que ce soH la une innovation, pcrsonne ne peut songer
¡i le con tes ter .


Si nous jetons les j'eux sur les arliclcs in, 203 et 37:l dn
code d'instruction criminelle, nous voyons qu'en maticre de
Jugements de simple poli ce, jugernents et arl'cts correction-
neIs, nrrcts de cours d'assises, la condamnation ne peut ctre
exécutée qu'autant qu'elle est irrévocable.


Cette regle ne re~oit-('lle aucune exception '?
Jo ne connais que deux cas 01\ il Y soit dérogé.
Le pi'emiel' de ces cas est celui dont s'oecupe l'art. 188 dn


code d'instruction criminelle; c'est un cas spécial, un cns
dans lequcll'intérct privé joue le role principal, á l'exclu-
sioll de l'intérct social. Un prévenu est traduit dovan! la




Juridiction criminelle pal' la partie civile; il ne se présento
pas: il est condamné par défaut. Puis il frappe d'opposition
le jugemont qui viant de l'alteindre. L'affaire revient a
l'audience; iI esl de nouvoau déraillant. Dans cc cas, le tri-
bunal qui déboute l'opposant de son opposition peut accor-
del' a la partie civile, a titl'e do provisioo, une somme quel-
conque de dommagcs-intérets, et ordooner que sa décision
sera exécutoire, nonobstant appe!.


Comme j'avais I'honneUl' de vous le dire, messieUl's, il est
manifoste que, dans ce cas, l'intéret privé est seu! en jeu.


L'autre oas est oclui qui est relaLir aux délits d'audieoce,
délits prévus par uno serie de dispositions du code de pro-
c(\dure civile et du code d'inslruction criminelle el par cer-
taines lois spéciales.


Il est inutile de vous soumettre les textes de ces lois; il
me sufft~a de vous dire que dans les cas qu'elles prévoient,
il cst ([uostion d'outrages commis ¡¡ l'audience, en présence
des magistrats et sur la personne meme de ces magistrats.
11 a plll'U nécessnire nulégislaleur que ces faits, constituant
uno atteinte a In juslico. uno atteinte consommée dan s le
saIlcluaire 1l1(;me de !a j ustiOl', fussent irnmédiatement ré-
primés: le jugelllcut qUI les constatera et les punira, pourra
etre exécutoirc par provi~ion.


C'ost la une dérogation a In regle génél'alo, dérogation
dont le m(\rite peut etre contcst{:, mais qui ost cependant
,jusli1ii:e par des considérations dont l'imp~~tance no peut
échapper a pcrsollllc. r


Mais les raisons d'(;tre de ces cxceptions peuvent-eIles
justilier I'art. i4 que j'attaque aujourd'hui ? Les motifs qui
les out fajl admotlre peuvent·ils encore etre invoqués? I:ox-
posé du Gouvernement, le rapporL de la commission don-
nent-ils des raisons suffisantes .pOUL' faire voter cet article
par la Chambre? Non, messieurs; jo vais essayer de l'é-
tablir. .


Et d'abord, messieurs, quel accueil a été fait a cel ar-
tiele pal' la commission ?


La commission dans son rapport, a la page 44, nous
apprend quelles ont été ses impressions. Elle I'a fail avec
franchise, je ren remercie. En présence de I'innovatio~l que


10,




- l.76, -


le projet de loi est destinó ú introduire dans notre législa-
tion, elle auraít hésité el, me me, un'l cerlaine division se
serait manifestée dans son süin, il y aurait eu des contra-
dictions; mais enOn, et malhcurcusement, une mnjorité se
serait formée en faveur de la disposition proposée par le
projet.


Quels sont les motifs sur lesqucls s'est fondée cette majo·
rité pour admettre l'arlicle 14?


Ces motifs sont ceux de I'exposé; la commission n'en pré-
sente pas d'autres; seulement elle les reproduit en termes
díITérents; je le repete, elle n'y ajoute rien.


Ma tfiche doit donc se horner á les parcourir successivc-
ment, en les discutant au fur el a mesure.


Le premier qui nous ~ppnra¡t, le plus grave peut-etre, est
oeluí-ci : En matíére civilc, nlors qu'il s'agit d'un inll\rct
privé, l'exéculion provisoire pent etre ordonnée dans cer-
tains cas, dans telles circonslanccs : pourquoi, alors qu'il
s'ngírait d'un intéret social, de l'inter6t de lous, pourquoi
rex&cution provisoire ne serait·elle pas, d,lllS des cns Irt\s-
graves, également ordonlll\e?


Au premier abord, cette objeclion séduit; elle a quelque
chose de frappant; cependant, j'en démontrerni, je erois, le
peu de consistuIIce en prouvant que les rnisotls qui ont fait
admettre l'exception, c'est-a-dirc l'execution provísoíre en
matiére eivile, alors qu'il s'agit de l'intl'rét privé, nc pcu-
vent elre sérieusement invoquées en maticre pénale, alors
qu'il s'agit de l'intéret social. (J}J]JI'oúation 1I la gauche de
l'oraleur,)


.Messieurs, en matiére civilc, l'appel est suspensif, comme
en maliere p¿,nale; c'est une díspositioll de l'arlicle q,¡,7 du
code de procédure civile qui pose ce principe; ilfljoute, il
est vrai, que l'appel n'cst suspensif qu'autallt que l'execution
provisoire n'a pas été ordonnée, dans les cas oi.! elle est per-
mise.


Quels sont ces eas? lis sont énoncés dans l'arlicle i35 du
eode de procédure civile. CeL article les divise en deux e:J-
tégorics.


Pour les cas de la premiére eatégorie, le juge peul or·
donner l'exécution provisoi!'e sans eautíoll; pULlr les cas de




- i7o-
la deuxieme catégorio, le juge pout ordonner l'exécution
provisoire avec ou sans ,~aution.


Voyons les cas do la pro miare catégorie : Chaque fois que
le créancier agira en vertu d'un litre authentique, d'une
promesse reconnue, d'un jugement dont il n'y a pas appel,
les dócisions qui seront rendues sur los difficultés que sou-
lévera la résistance du débiteur deviondront exécutoires par
provision, sans qu'il y ait bosoin do caution. Dans tous ces
cas, la présomption ost que la résislance du débiteur
n'est pas légitime, qu'elle es! inspirée par la mauvaiso
foi.


Quant aux cas de la deuxiéme catégorie, ils sont au nom-
bre de sep!: ce sont ceux de levée de sceIlés; do répara-
tions urgentes; d'expulsions de lieux, quand il n'y a pas de
bai!, ou quand le baH est expiré; de nomination de tuteur
ou de curateur; Je réceplion de caution, do nominalion de
gardiens ou de sequostres; de provisions ou pensions ali-
mentaires. D¡¡ns lous cos cas, l'oxéculion provisoire est jus-
tiíiée par leur oaractóre d'urgenco, c'ost parce qu'il y a
urgellce quo l'exécution provisoire es! autorisée moyennan!
caution, si le jugo lo trouvo opporlun. (Tres-bien a la ,qauche
r!(' l'omteur.)


Mais, mossiours, ponsez-vous que la partie contre laquello
elle est ordonnée n'ait aucune garantie, qu'elle soit livrco
complétemont a la merci du créancier? Non 1


Ainsi, alors que le juge a été trompé, que sa religion a
{;té surprise par le créancier, si le débiteur a quelques
chanccs d'arret,~r l'exóculion provisoire, il peut les [aire
valoir devant la cour d'~ppel; il peut demander, aux termes
de l'article Mí9, co qu'on appelle un arret de détense, un
sursis a l'exécution provisoire.


Voila ce qu'il peut. C'ost la une premiere garanlie qui lui
est accordéo.


l\Iais ce n'est pas tout : l'exécution provisoire n'a jamais
!ieu que sous la responsabilité de la parlie au profit de la-
quelle elle a i:té ordonnée. Que si, en définitive, devant la
juridiction superieure, la partie qui a obtenu l'exéculion
provisoire succombe, la partie contre laquelle la décision
des premiel's juges a étó exéculée, nonobstant appe! et avec




- 17G -


rigueur, peut réclamer des dommages-intt~rcts qui seront
tou.itlUrs accordés.


M. ÉlIlile Ollivler et quelques autrcs rnernb1'es. e'est
cela 1 tres-bien 1 tres-bien!


1\1. Riondel. le ne parle pas, messieurs, de l'article il
de la loi du 25 mai :1838 sur les justices de paix. Cel article
H réglemente, en matiere Ele justice de paix, l'exécution
provisoire d'apres des principes identiques a ceux qui ont
motivé l'article :135.


Je me résume, messieurs. Si je recherche quelle a été
la pensée dominante du législateur, alors qu'il réglemen-
tait l'exécution provisoire en matiére civile, je trouve ceci :
sa pensée a été que le retard peut 'luel'luerois compromettm
des intérets prives d'une cel'laine importance, en perrnet-
tant au débiteur de mauvaise foi de soustraire ses !Jiens
aux exécutions de ses créanciers, et qu'il y avait a parer
11 cet inconvénient en ménageant d'aillenrs lous les droits
an moyen de certaines garanties.
~Iais, messieUl's, en maliére penale, la situation est.elle


la meme? Les moli/s 'lui ont fai! ,lUtoriser I'exécution pro-
visoire en maliére civile pellvent-ils encore elre invoques?
Evidemment non.


Le journalisle qui a subi une condamnalion pourra-t-il
soustraire son eautionnement iJ l'exécution de la eondum-
nation quand elle sera définitive? Non, le caulionnemcnt
reste dans les caisses de I'État; e'est une garantie de 1'0f-
ficacité de la condamnation; cela n'cst pas dOllteux. ('1'1'(;8-
bien! ü la gauche de l'omteu1'.)


Lejournaliste qui a dé frappG par Ulle peine afflictive, la
peine de l'emprisonnement, pourra-t-il sou8traire su per-
sonne a l'exécuHon du jugement? Non; vous suvez bien
qu'il ne le peut qu'en s'expatriant; c'est la un parti déses-
péré.


Done, messieurs, il y a entre la législatioll civile el la
législatioIl pénale une différence capitale et qui ne peut pus
vous échapper. Done, l6s motirs qui ront admettre l'exécu-
tion provisoire en matiére civile ne sauraicnt etre sérieu-
sement invoqués, comme j'nvnis l'honneur de vous le dire,
alors qu'i! s'agit de l'exécution provisoire des arl'éts crirni-




- li7 -


neIs ou des jugements eorrectionncls. (Tn;s-úien! tl'l!s-bien 1
sur plusimtl's banes.)


Mais, reprend la comrnission, n'a-t-on pas a eraindJ'e,
alol's que la justice se tr'onve en pr(~senr,e d'un journaliste
incorrigiL1lc, - ce IllOt n'pst pas de moí, il est dalls le rap-
port, - 'fue ce journ:Jliste ne pl'olite des débnts do l'appel,
eles Icnteurs de l'illstanco d'appel pour continuer ses atta-
([1Ies I'iolcnles, disso¡"'anles contre rordl'e social?


Cdto crainte est él'idernrnent chirn{·rirlue. Le jour1181iste
(lui e,;t pl'l;venu, (Iui devient I'ohjet d'une eondarnnalion, ce
jOIlI'l!aliste a cédó le plus SOllvent DliX entraineJllcnls de lrt
l'Il(¡"miquf', BUX excitations de la lulte; mais, quaml ji a
{·té l'objet d'nne instrllction, «(une condamn8tion, IIt'ces-
sairement il reviellt al! enlme, al! sBng-feoid. El d'ailleurs
il n'cst pus isoll', ce journalistE', il doit B\'oir des amis, des
conseils qui lui feront cnteodri' la vOlx de In raison, s'j[
pnl'uiss~jt, vouloir y res ter SOLll'd, (/ui lui irnposerünt en
f[uelquo SOftO une a ttitudo convoflable, 011 rappo¡'t avee sa
silu!llion.


El ¡'cmurr/ucz ceci, messirurs, commcnt arlmettre que ce
journaliste ¡¡ui appellc, devanl uue juridiction Supc'¡'icure,
¡¡'une condamnntioll qui I'a atteint el qu'il trouve injusto
ou cxcessive, pllisse commettre l'imprudence, pour indis-
poser ses jugos du second degr{~, de continller ses alta-
ques ..... (Vive appr()bation a La gauche de l'úrateu/'.)


:\1. Élllile Ollh·lcr. Tres-·bienl tres-bien!
Al. Rtondel ... de continuer ses attaques, de suivre la


voie fácheuso dans laquelle il s'est engagé. Cela n'est évi-
demment pos admissible.


Mais la comIlli~sion rait une autre objection : L'ex()cutioIl
provisoire n'est ordoonée, ne pOllt ctre ordonnée que dans
des cas tres-graves. Cela est vrai, messicurs, dans des cas
tres-graves; mais remarquez bien quc, pour ces oas tres-
graves, la loi ódicte une pénalité trés-sévere. Eh bien,
pomquoi l'aggraver encore? pourquoi t"aiee au journaliste
une situation privilégiée daos la rt'pression, alors que le
seélérat le plus vulgaire jouit d'UllC immunité relative?
Cela choque J:¡ rnison. (Tres-bien! tres-bien! á la gauche
de l'()rateur.)




- 178 -


1\1. Erne",t PlcArd. C'est toujours :m nom du droit
commun?


M. Rtondel. La commission dit encore dans son rap-
port : L'exécution provi30ire ne saurait avoir de graves in-
convénients, puisqu'aprcs I'appel qui pont elre instantané,
la cour devra sta tuer dans le dflai de trois jours.


C'es! "fai, je reconnais la gravit(~ de l'objeetion. Lors-
qu'il s'agit d'un jugement eorrectionnrl frappé d'appel, il
est cerlain qu'une suspension de trois ou quatre jours ne
peut altcindre un journal de te,lIo fnc:,on qu'i1 en meure;
ll1ais 011 n'a pas pris garde que, lors¡u'il s'agit du pourvoi
en eassation, les dispositions finales de l'art. !f¡ ne peuvent
plus ctre imOf!lIées: ce n'est pas dans le délai de trois
jours que la cour de cassation statupra. (Tres· bien ! tr¿s-
bien! a la (¡nuelw de l'oratrmr. - C'I!,t ¡i¡Jident 1)


JI s;éeoulera sOllvenL plusifmrs mois - je n'exagere pas,-
il pourra s'ceoulor plusieurs mois.


Ainsi l'artiele 42a du eode d'instruetion eriminelle dis-
pose que 10rsqu'i1 y a pOllrvoi, los picers de l'affaire doi-
vent etre renvoyées dans les dix jours au ministre de la jus-
tice, au garde des sceaux; le garde des sceaux a vingt-
quatre heures pour saisir la cour supreme: la cour suprcme,
aux termes de l'article l¡2tl, doit statuer dan s le mois. Cda
fait déjiJ. une quarantaine de jours, en supposant que la cour
rasse toute diligenee. ~Iais supposez que la cour admette le
pourvoi, qu'elle casse la premiére déeision, elle renverra
devant lIne autre juridiction, et de la de llouveaux délais,
de nouvelles lenteurs. J'avais done raison de dire que l'in-
certitude de la eondamnation pcut se prolonger pendant
trois ou quatre mois. Eh bien, quello sera la sÍtuation du
journnliste condamné? Assurémont, s'il obtient une réfor-
mntion, et je ne suis pas de ceux qui croient la ehose im-
possible, j'admets que le journaliste pourra obtenir une ré-
formation, s'il l'obtient, il ne sera plus atteint légalement
par la suppression ou la suspension.


Cela est vrai; mais, en rait, est-ee que sa propriété n'aurn
pas péri, est·ce que son ,iourna! n'aura pas disparu ?


El si je concede que quelques jours de suspension ne peu-
vent ntteindre mortellement une teuille quotidienlle, vous




- i7!) -
ndmettrel': que r¡llatré mois de suspension c'est l'anéanlis-
selllent du journal. VoiliJ done une propriété pnrdue.


En matiere eh'ile, le poun'oi en cassation n'est pas su,spen-
sir, je le reconnais. J\Iais vous savaz aussi, ,Ía le disais tout
ü l'heure ct jc le repéle, que la partie qui triomphe eil d{~n­
nitivc, peut obtenir contrc le créancicr qui l'a mal a projlOS
exécutée des dommag'es-illlél'ets, la est sa garantic.


Mais, en matiél'c pt':llalc, !lll)súeurs, il n'en est pas ainsi :
quand dans un intérüt SUfJl'rieur el d'úrut'e social vous dó-
tenez préventivement un individu, si ce dl:tenu obtienl une
ordonnance de non-lieu ou son acquittemellt, vous lui ren-
dez la liberté, mais la propi'ióté peut-elle se rendre? Vous
le voyez, par ces consiu,~rati()ns, vous des fatalemenl con-
duits a inscrire dans voll'e projct de loi lIne disposition qui
proclarnerait le principe d'ul1e r¿~paratiol1 par ['.Etat, d'uue
nelion en dommnges et inlérds contre l'Etat. Aull'ement vous
cortJmellt'i(:z une souvel'aine injllstice, vous discl'édilel'iez
la loi en blcssant la eOlls.:icnce pllblique, VOilS dépú~ericz
dans la [oi un germe funestr, UlI gerllle de morl.


ene del'l1iól'C con~idóratioll: le j)l'Ojet de loi metaux m<:ins
des magistl'ats, en dcllors de I'exécution provisoire, des
armes redoutalJles, e'ost assez: cl'aignez, par une facheuso
exagél'ation, de nuire a la gralldem eL a l'efficaciLé de lem
rnission.


J'ni fini, messieurs; l1DUVeaU venu icí, sans autol'ité au-
pres devlJus; je l1'ai pas abordé celte tribune pour faire acte
d'opposition ti'3cassiere cnvcl'S un projet de loi que j'accepte
pour ma part comtlle un progr'es, que je votel'ai; j'ai voulu
seulement, au nom de la juslice dernelle, protester cOIltre
une disposition exorbitante qui froissü mes convictions de
jurista, les eOllvictions de toute ma vie; el je l'ai fait, mes-
sieurs, avec uno [)lcine eonflance dans les sentilllellts de
l'assemblée, ( Yives approúations sur un cerlain nombre de
úanes. )
~'U. Eu;.;"ne l"e11etan, Tl'óS I!it'll 1 Voila un début qui


pi'ometl




REsrONSAHILITÉ DE L'Il\fPRDmUR


DISCOURS
DE


IVI. JULES SI~fON
Dl~puté de la Saine.


SÉANCE DU 15 F~;VRI1m 18US.
J\I . .IuIes ISimon. Il y a trois amcu(]ements SUl' le meme


sujet : l'un de MM. llavin el Guél'oult, l'nutre de M. de
Janzé; le troisiéme est signé par moi. Ccs trois amemle.
mc¡¡ts ont le meme bul el sont con¡;us dans les memcs ter-
mes. Comme la pensee ,¡ui les a inspirl~;; e5t trés-justc el
t¡'és-simpk, il n'est pas surpl'snanl l/LI'elle su suit produite
de dill'l'rcllls catés.


Messieurs, pour urriver Ü (:xjJlilj UCI' 1:1 ]>ol'[i'c de mOll Ullil,n"
dt~¡¡¡cnt, j'ai Lesoin de mi; dem:mtlel' tl':ilJOJ"[l (jud t'sl le lml
d"s pOUl'suites en llHltiÓl'e de pre~se.


S;¡ns doule, 011 peul sOlltenil' que dans la pOUl'Sllile (l('S
d{'lilS de presse Oll su propose le 1l11'll1C but ql,e dalis toules
le3 autrcs poufsuilcs judieiaires, c'csl-a <lire (lU'Ol! veut ;;t-
teindre et punir 11:1 eouJlill!le. Vuus savcz tjue, SUI' ee jJoint,
je fais les réserves les plus expl'eoses et que, SUiVdllt moi,
la diseussiOl1 purement seicllliii(!uc f!t plll'Clllelll t]¡('oril[ue
ne constitue jamais aucun délil et n'el1tl':linc !lBI' <.:onsl"'ljllcllt
aUCUlle eulpabilitt'~.


Vous pcnsez le 1',Onll'all·c. Vous <':I"OJ(;~ 'ill'j] y ;¡ dl"s ddits




- iSI -


de presse el que la socióté a le droit de les punir. Mais vous
me permeltrez au lI10ins dc supposer que, dans toutes vos
lois sur 1;] matiére, vous vous préoccupez bien lI10ins de
punir des coupnbles que d'asslII'er, par des pénalilés,
I'obéissance duo a la loi. Cest en ce sens qu'on disait ici
l'autre JOUI', avec beaucoup d'autorité, qu'i1 y a des eireon-
stances oú la prison ne fiétrit paso


Or, s'-il s'agit principalement d'assul'er l'obéissance due á
la loi, il faut et il suffit que vous ayez, pour chaque viola-
tion de la loi, une personne qui en assume la responsabilité
et qui (;omparaisse réellement devant la justice.


M. le ministre de l'intérieur discutait iI y a deux jours a
cette tribune une questioll différente et pourtant onalogue,
paree (¡u'elle repose sur des faits de me me nature et dépend
des memes principes. II s'agissait de savoir si l'on peut
appli([uer une peine, non pas seulemenl il l'éerivain, mais
au jOllrnal; el. d'autres termes, si la suspcnsion ou la sup-
pression d'un journal ost une peine légale ou une voie do fail.


M, le ministre de I'intérieur, en diseutant eelte qllestion,
vous expliqnait la situation des di verses personnes qui eon-
courent il la confection d'un journa!. Il nous disait que l'au-
teur d'un nrtiele n'en est parfois que le signat8lre; que si la
signature est vraie, il peut eependant arriver que l'auteur
n'ait fnit que preter su plume a la pensée d'un autre, e;t soit
moins un collaborateur qu'un seerctaire; qu'enfin, dnns
benucoup de eirconstanees, le rédacteur en chef arretant le
soir la composition du journal, utilisait les articles déposcs
sur son bureau, en les 1II0difianl suivant son opinion per-
sOl1l1elle ou les COllvetlances dll journal, et rendait ainsi les
éerivains responsables, aux yeux du publie et de l'autorité,
de doctrines el de jugemellts qu'ils n'avaient pas exprimés.
S'il en est ainsi, disait M. le ministre de l'intérieur, si daos
presque lous les actes d'un journal il y a une eoofusion
telle qu'il soit dil'ficile a la justice de déterminar exactement
ii qui revient la responsabilitó, iI en résulte puur elle le droit
de frapper la collectivité, et, par cOllsé(!uent, de faire peser
la pénalilé en meme temps sur !'auteur, sur le gél'allt et
sur le directeur du Journal. La logique de SOIl I'ai~OlllWlllellt
l'ernportait meme si loin, (¡u'il ne reculait pus devant la


H




- 1R2 -


néeessité de [rappor los ,3ctionnaires dan s lcur propriété,
paree qu'on elTet, s'ils no sont pDS agents dil'ccts du délit,
ils son! du meme parti que les cou¡l3bles, el leur Ollt fourni
les rnoyens de prévariquer,


Je n'adrnots pas celte extonsion indé.fillio des pl'üci)s ue
tendance. Je no veux pas qu'Cln étendo la l'esponsabilité,
dans un cas, a la propriélé du journal, el dans l'a1ltl'0 II l'in-
dus't'i'iel qui, en donnan! ses prcsses, a rait UII ('ete do oom-
merce et non un acte de politiqueo Je liells quo, s'il y a un
coupable Ol! matic~l'e de ¡¡l'('sse, ("pst cclui Ijui donllo son
nom, qui s'offre a la loi : oclui·la dis·je, et cclui-Ia seu!.


Unmemure á la gauclw de {'ora/mI'. Cest ('vident:
1\11. Juleo. Simon. Tont d'nbOl'~, j'écarto l\Jiu d(~ moi la


pellsée, que, pai' l'intl'oduction d'¡ln sl'eono eOl1pable, on
améliore la sitllntion de l'aceusl: prillcipal, en lui foul'lli~~:llJt
la p<'nible et humiliante ressoul'uo des circollstances atté-
nuantes,


Je tiens, au contrail'e, que si 1I01lS <Ivons sol1ci do In di-
gnité des leures, - eL il lIle sera 1J:(~n pormis, ¡¡!lró" lous
L:s elients don! on a parló ü cette trilJullü, tUlllo! la liberlC
de la pl'esse, qlli, suivnn! M Bilroc[¡¡:, est In clienle popu-
I:lire des mombres de l'opPooition, lanttJt II~ GOUVCl'neml'nt,
rrni est lo dient de M. Bill'oclw, d'tm illtl"Ouuire un nouveau,
ljui Jl'es! autre que la dignil(~ d¡,s II~ltt·I'S.


N>'I. le Ganle des "L'ca ... x. Jo u'ai lJas dit « le Gouver ..
mont; )) fai dil "la soeiólé. »
,,~ .• Julc .. t';hHOll. Il n'y nucunc altar¡u:' contre vous dalls


ce que je dis lá.
;;'E. le Gardc deo; .. cea",,-. Sans doule, rnais JI) reeliíie


!()s paroles que vous me prrtez. Ce n'cst pas le Gouv(,l'lle·
mont f[Ue je prcllais ponr client, G'eslla socié'!e I


:U .• Tule", Simon. TI n'y avait UOW) pas liCll iJ redilic3'
tion; cal' je suis perslladL~ quo CPS ll~ux inl('rcls S(~ COll!Otl-
dent, monsieUl', dans \"011'0 ponsé·e.


Je vous pl'ésente ¡¡ II10n 10m lo plus noble des clienls, f't
e'es! la dignilé des lcUros. (T/'cs·úien! !/,/:,g-úien ~ ü lafjlfu-
clw de l'omteur.


Lorsqu'i! a t:té qllestion de la peine de l'ell1)Jl'isonI12mcnt,
vous avez entcndu :\ cctle tribuno un homm'~ qui a plus




qu'aucun autrr, Ir, dL'Oit de parle!' au nOlll d'ls écrivnins, de-
llla nder qu'on nous fit l'!Jonneur de cllercher conlre nous des
p¡)nalités pcrsonnelles, de ne pns frnpper le capital, quand
nous sornmes les sculs coupahles, de ne pas donner, contre
notre ind¡'prndallce, a cel 3uxiliail'e importun, une force nou-
velle, en auglllentflllt sa responsalJilité aux dópens de la natre.
« Mon droit esL entier, disaiL M, Pelletan, si.ie n'expose qne
moi-m(~llle, .Te ne veux pas qu'un nutre pnisse me di re que
c'est lui que je compromcts en exprimant lila pensée, et que
c'cst S8 lJourse qui pf¡tirn de mes hnnliesses, » J'Ri quelquü
peine iJ rn'associrr rtUX conclusions de mon ami, et a de-
lll~ndcl' le maintien des ]lrinrs rorporellcs; mais .ie rn'as-
:;ocie do tout mon elrur, de joule mon ame, a ses principes,
d jl~ dcmande avec toute l'ónergie dont.ie suis capalJle, que
la ),(~s]lolls,illÍliLé ne soit ]las ]Jal'tngl;e; que l'écrivain aiL
¡out le jl,"ril COlIlllle il a tout l'llolllleur, qu'il soit seul devant
1;, loi de SOIl pays, cOlllllle iI sera seul deyant l'avenir,


En adOjltllllt cettl) doctrille, conforme du reste iJ lous les
l'rincijJl's Sut' la llwtil:re, \'ous ferez ccsser jus!ju'a In trnee
dí: celle (:Olli'llsion dOllt YOUS parlaiL, U I'UIlU ue vos dernié-
l"'S Sl'n:lcl'S, jI. le ministre U(' l'illtcl'ieur, Je suis persuad(\
r;u'illk,il'() l:llllltlle moi, el tonL aulanL que moi, que r¡uulld
ii y n UIW ,igllDLme au has u'uu ;]rliclc, eeHe ~i6'lluture soit
~iileére; que qllHnd il ya Ull homllle (jtJÍ, de\'311t SOll pays,
viene dir'c : " e'cst moi qni ni écrit cclte phrase, e'rsl Illoi
r¡ui ai soulClm Cí':I.' dlcti'ine, )l il soit bien entclic!ll que
c'esl en dIel un llOlIlll1e qui e"t rcpr{'scntó par celte SigllD-
tme, et llon pas ccLle Il'i~Le eL IUlmiliante ellose qUl', dans
un langagc Yulg'ail'c, m~is juslr, OIl nppclle un hommc de
¡JaiJle! Qu'il y nit di;., ilomllWS de p8i~, c't'st UIlO llonte
pour les lellres; el nous pOllvons, en spócifiant la p0ualité,
cnl'ul'l'etant sur UllO s(~llle tete, ell rendant l'ócrivllin res-
pOllSllblr~, écart81' ces I'alllútncs qui \'iennent ainsi se placer
(~¡;tre In iuslicr et la pens,':e exprim{~e, et avoir en fuce de
nOllS, COtnlllC j[) le disllis tout ¡¡ ¡'lw\l\'o, dalls toute la torre
du tel'lnc, u\'('e la signatul'c, un homme, (Trés·bien! ú la
il'wt1w de l'oi'atl'nl'.l


QU3!ld.ie sovais ce qui se passait dans les journaux - il Y
a Villgt ans de ccla, - il at'l'ivait trop souvont c¡u'uu 1ll0-




-,. l.Si -


ment de mcttl'e sous presse, en l'nbsencc de l'auteur, la di-
reetion modiflait le sens d'un arlicle. Celu uoit üIlcore se
passer ainsi, puisque la loi Il'a pas changé. e'est une sitlla-
tion grave, Pllisqu'elle blcsse la sincé!"itr, el qu'clle oblige
deux hornrncs ¡¡ exorcer et a subir une sorte de IYI'annie. La
faule n'en est pas aux éerivains, elle est á la loi. Cest elle
qui, par celle rcsponsabilité divisée, attente á la dignité des
lettres, abaisse les Can]clél'es, tl'ouble les notions du bien el
du mal, et (juilnd elle ucvrait etrc l'école de la dignilé el de
l'honneur, tlovielltla cOllseillére el la maitresse dcs plus hon-
te uses transactions.


M. le ministre de l'illt{'l'il'Ur HOUS parlail dll dallgel' de
mesures inquisitoria les nécessaires pOllr déeouvrir, entre
plusü'ul's aceusé,.;, le vnli coupnlde. f\Otl'C sys!élllc les sup-
jJrime, en n'aunwtlant qu'un senl :Jceusé el en ehoisissant
cdui qui se llomme. Si j'ose le dire, 1\1. I() tllillÍstl'c de l'in-
t(;rielll' discute troj) tOlllü cette affaire en Illilg'isIJ'ül, eL en se
pI8º,ant il ce p,)int de vuc que, flUDlld iI y a uu cuupable, il
taut le saisir et le pU!li¡·.


Ce lJ'est pus la le príncipe sur lequel 011 doiL s'appuyer;
la vraie raison des dispositiollS pénales enllJaliérc de presse,
c'est la nécessité réelle ou prétendue d'empeeher la vio-
lation des lois, S'j] en est ainsi, qu'avez-vous bcsoin ¡j'in-
quisition, de police, de compliccs? La signatul'e répond a
tont. Ce systéme est simple: il sallvegarde la tlignité des
lettl'es; il Sllf"fit a la vindiete publique.


Vous llvez devant vous un bomlIlll: s'i! s'agit de l'empri-
sonnement, c'est lúi qni le subira; s'il s'agit de l'amende,
e'est lui qui la payera, u'importe dan s quelle bourse il la
pJ'enne,


Vous di tes: Nous a vons plus de súeul'ité avoc le j ournal pou!'
le payement de l'umendc, parce que le journal a une caissé,
et que l'écJ'ivain n'en a paso Je J'éponds: Bst-ce un article
de jou rnal ? Vous savez bien que vous screz payé, Est-ee Ull
livre? Si I'auteur est insolvable, vous avez la confiseation.
No n, je me trompe; 1\1. le ministre de I'intórieur nous a ap-
pris que la conliscation n'existe plus; rnüis vous avez la
saisie qui lui r05semble de lres-prés, de si prés, que je dé-
scsperc de découvrir jamais la cliffércnce qui les sépare.




- 1R,) -
Ainsi qunnd VOIlS [1\',;1, d'¡¡;¡ c(¡lé, 18 faculté d'empri-


sonner la personno, de l'nlltI'C, la facullé d'imposer une
amende el, il d{{uut du pHyerncnt de ['amende, ou plulót cu-
mulativement DVP.C elle, la snisíe du livre, vous nvrz toutes
les garantíes désÍI'ables pour que vos lois soienl observées.
Par conséquent si, au lieu du vraí coupable, du seul cou'
pable, de cclui qui se nomme et se dénonce, vous cherchez
des complices dont la culpnbilité, <lomme je vais vous le
montrer tout a l'heure, est plus que douteuse, vous le railes
sans aucune utilité pour la vindicte publique. e'est pour
cela principalemE:TIt que nous voulons elTacer de la loi fran-
caise, celte triste, celte honteuse mesure. ( Tres·bien! a la
gauche de l' omteul', )


Ces hommes que vous frappez sont de faux complices, de
faux coupables dont la culpabililé est une pure ¡¡ction.


Je ne veux pas en taire la démonstration successivement
pour I'éditeur et pour I'ímprímellr. Je parlerni de l'impri-
meur seulement, apres vous avoir averlis que presque tou-
tes les raisons queje donnerai pour celui-ci s'appliqueraient
également a celui-Ia; cela m'éviter3 de repéter la meme
discussíon et épargnerales moments de l'assemblée; et vous
suppléerez, s'il vous plait, aux lacunes que je laisserai sub-
sister par égsrd pour la Chambrc elle-memo.


Je dis que I'imprimellr est un complico factice,!tn complice
créé pa!' la loi, que ce n'ost pas un complice réel. Et íl est
évident que co n'esl pas un complico réel; vous n'avez,
pour vous en convaincre, qu'a considérer la situation dans
laquello se trouvent les imprimeurs, Si 011 donne suite a la
propositioIl de la cornmission el que I'usage prévaille d'a-
voir un imprimeur pour chaque journal, - un seul impl'i-
meur pour un seul journal, - \'ous pourrez, a la rigueUl',
imaginer que l'imprimoUl' lira lous les jours, apr¡)s le rédac-
teur en chef, le jOllrnal qll'il doít ímprimer; - celte suppo-
sition fora sourire quíconque snit ce que c'est qll'un jOUl'-
nal, el ce que peut y etre la siluation d'utl imprimeur, d'un
simple propriétHíre de car8~teres el des presses d'imprime-
ríe; - rnais ennn, il n'y aura pas impossibilite physique,
dalls ce cas, a ce que l'imprimeur lise le journal el se rende
compte des articles qu'il contient.




- 1116 -


Dans la véritó des ehoscs, tout se passe bien différemll1ent.
Daos Ja rue Coq-I1éron existo lH}() illlprirnerie, qui est, je
crois, celle du M. Dubuisson, dans laquelle on imprime jo
ne s8is pas au juste combien de journaux.


1\1, _"-dolphe GuéronU. Dix ou douze.
l\l, .JI ulcs "" .. non, Dix Ou douze. Le pl'opriétaire de eette


imprimerie doil fairo composer ces dix Ol! uouze jomnaux
dans le meme !Iloment de la ,iournee; de sorto que plusieur:;
cent8ines d'ouvl'iers sont oceupé ssimllltancmollt ¡¡ COlll¡JOser
un nombre inflni de feuillets, Exisle-t-il, je vuus lo demande,
une intplligence humai ne qui puisse se ddlrCHJillcr au miliell
de cette quantité d'idées? une hol'loge ¡¡ui perluette a un
meme hommc, dUllS I'~space ue cill'l ou six heures, de Jire
ces dix a douze journaux, depllis la premiére ligne jlls4u'u
la del'niére ?


A lIloins de realiser de tels miracles, iI t'aut convenir que)
ce eompliee, imaginé el crl'é par vous, non-scuhwwnt n'est
pas un complieo, rnuis ne pounait l'dre qWlIId iI lo vou-
drnit.. Sait-il seulemenl d'une maniere g611l',rale ce qúe ces
douzo journaux conlienneut? Est-cc que e'esl son méliel'?
SOll melier est-il d'c;tre un homme instruit, sachant la poli-
tique, connaissanl jusqu'aux matiéres rciigiouses, (Iui sont
bicn autrement délieates et épineuses que les lllalicl'es poli~
tiques? Vous savez liion que non. Son méticr est de saYoü'
ce que c'est que des cal'acléros d'imprim('rie, qu'uno ma-
chi[]e a imprimer, de bien diriger ses ouvr;en.¡, de les payer
eonvenablement, ¡j'6tablir une bOlme poliee dalls ses ate-
liers et de faire fairo dt's correc!ions exactos.


Ainsi, il n'a ni le tcmps, ni la cOlllpútence, ni In possibilitó
d'élre complice; uone il !le l'est pas, Ol! il ne l'est que par
une fiction lrgnle, ce (lui est 116plorable, Songez-y; pesez la
valeul' de ces delJx mots : un coup able do par la loi, qui es t
part'aitement ot nC,cessaircment innocent!


Je pourrais njoutol', messieurs, en ee qui conceme les
journaux, et sans sortir de In ['ue Coq-Héron, queje ne sais
guere co que pourrait exiger d'un réuaetcllt' en chef cN im-
]lrirneur (¡ui pl'ele ses presses il douzo jo urnaux, Quand 011
vient lui proposet' uaas la meme journée d'imprirncr l'[Jui-
vcrs, la Quotidicnnc, ¡'Aveni/' Natiunal - ,je cite uu husard,




- 1íl7 -


cal' je n'ai jamais mis les pieds dans la msison, el je ne sais
pas ce qui s'y pnssc, - j'admels qu'á la rigueul' il s'en-
quiere de la I1U31lCe dll jouI'llal; mais peut-on exiger qu'il
entre dans les détnils de la I'édaclion, et qu'il soit un juge
t:ompetent? Ce serait une absurdité_ Cela saute á tous les
yeux.


De meme quo, pour la validité des actes notaries, Oll
exige la présenco du notairo ot do son collpgue, faisant
aiosi le collcguo responsable do ce qu'il ne peut connaitre,
et coupable d'une raule qu'il n'a pas faite; de meme ici
vous poursuivez et vous ruinoz un homme néeossairement
et illvineiblemellt innoecnt. Il y a me me cette différence:
c'cst qu'á la riglleul' si le collegue voulait Jire, il le pour-
rail, tandis que I'imprimeur, je l'en déHo_ Aussi ne sait-il
pmais qu'il est poursuivi, et d'avance condamné, lIuO
f[U3nd il regoit l'assignation du procureul' impél'ial. (Asse¡¿-
tillU!/It ü lit gauthe de l'oratenr.)


Introduiro dans une lui lIue liction semblablc, l'y intro-
duir'c sans nécpssill" e'pst,.Je le l'épete, intliger á la loi uno
sor te de déshonncur; et il est I1on-seulement de I'éqllité,
mais de l'habileté du Corps législatif, de !'aire disparaitre
une anomalie aussi gl'ossiére_


Cependant, messiolll's, cette pena lité qu'on appliqué
saus justice et sans uéeessité a UIl innocent, croyez-vous
qu'elle soit douce? Vous savez quelle est la pénalité que
vous avez établie dans la loi que nous diseutons en ce mo-
mento Elle peut étre de 2:1,000 franes d' amende pour un
délit.


Prenez gardo quo 1\1. J)ubuisson peut avolr un dólit dans
chacun des douZG jOUI'naux qu'i1 imprimera ce soir. Et ce
n'est pas une hypothese toute gratuite_ Il se l'encontre
quelqueluis quc dix ou douze journaux comrnettent en
meme temps un délit, quoiqu'ils no soien! pas de la rneme
opinion_ Recernment, nous avons vu, réllnis devant les tri-
bunaux, des .l0Ul'Il8UX <¡ui o['dinairernent ne font pas cause
cUll1ll1une. C'est vous qui les nviez réunis ainsi dans cette
singuliéro solidarité_ S'ils avaient r-t,é imprimes chez 1\1. Du-
buisson, et si au ¡ieu de 1,000 franes d'amcllde, un leur
avait applique le maximum de la peine, vous voyez u quelle




- !8S -


somme I'imprimeur 3urait été condamnó en vertll de volre
loi.


1\1. /'.dolllhe Guéroult. A 300,000 1"1'.
1\1. Jule .. Shnoll. Encore je suppose que daos un memo


numéro il n'y a qu'un délit. 1\Iais, il pourrail y avoir un dé-
lit dans chac¡ue article. Je fais celte supposilion paree que,
comme la loí n'est €O elle·meme qu'un vaste amas d'absur-
dités, il n'est pas étonnant que je puisse y attacher loules
les absurdités possibles.


Messieurs, non-seulement il ya des amendes de 25,000l .,
pouvant aller a 300,000 fr., ¡¡ 600,000 fr., maís vous avrz
rélabli l' emprisonnemen L, a ggra va lion pour l' irn primeUl'.
Vous avez voté aussi la privation des droils politiques. El,
a ce propos, je reviens au proces des cornptes rendus, qui
naturellernent h:mte notre rnémoire ¡¡ tous tanL que nous
sommes. Je ne puís oublier que parmi les journHux flui ont
été eondamnés a 1,000 fr. d'amende, il y en avait un, l'Ave-
mr ?wtional, eontre lequelle jugernent ne releve que le dé-
lit d'avoir introduit dans Sft premiére colollne ulle p!tras!!
d'un diseours prononeé a ceLle trilJUne par un Mputé de la
Seine, qui s'appelle 1\1. Jules Simon. Cette phrase n'est en
rien eriminelle, elle n'a excité aucune I'umeur sur les banes
de la Chambre et n'a pas éveille l'altention toujours pré-
sen te de notre honorable President. J'ai done le droit de
di re qu'elle ne recélait aueun venin ; et pourtant, rour I'a-
voir imprimée, M. Peyrat a été eondamné a i,OOO fr. d'a-
mende. On pouvait condamner aussi l'imprimeur. Pourquoi
non? Ce n'esl pas tout: eomme dans votre article sur la
privotion des droits éleetoraux, tandis que vous introduisicz,
avec pleine raison, la danse de la réeidive, vous avez re-
fusó de distinguel' entre les délits, il aurait pu plaire au tri-
bunal, ainsi investi d'une sorte de toute puissanee, de priver
de leurs droits éleetoraux pour une duree de einq ans, non-
seulcment l'homme éminent qui dirige l'Arenil' ¡¿((tial/rll,
mais l'imprimeur de son journal. -Je me demande en véritú
pourquoi volre loi épargne les composiLeurs d'imprimerie.


Je ne veux pas relever cette circollstance grave que l'im-
primeu!', dans la situation que je viens de déerire, es! pu-
nissable d'unc peine enorme quí ne peut pas elre appli(IU~:f)




-lil!l-


iJ l'auteur de l'article ni au rédacteUl' en chef: c'est la peine
de la priva tion de son breve!.


Quand vous :Jurez supprimé les brevets, - et, pour le
dire en passant, c'était avec la suppression de l'autorisation
préalable tout ce qu'il y avait de bon dan s votre projet de
loi, - quand YOUS amez supprimó les tm;vets, celte pónalité
dont je pnrle ne sera plus possible, mais elle l'est encore
aujourd'hui, de sorte qu'on peut condamner I'auteur qui est
le vrai coupable, si tant est qu'il y ni! un coupable, 11 mille
francs, le r(·daeteul' ¡¡ mille franes, - d l'ímprimeur a mille
franes d'i1hord, plus a la suppression de son brevet, e'cst-
a-dire a sa ruine totaJe.


M. Delalain, présic\ent de la ehambre syndicale desimpri-
meurs de Paris, a publié deux relev6s de toutes les pénali-
trs auxquelles les imprimeurs sont soumis, d'apres les 101s
cxistontes, et de toutes celles auxquelles i1s auraient óté
cxposrs d'apres le projet de loi tel qu'i1 avait été présenté
a\'e(~ I'exposó des 1l10til's de M. Pinard,


Vous avez tous, messieurs, ces rclevrs entre les mains,
el je me bornerai a V01lS en rRppcler le résumé.


Dans l'aneienne loi, eeUe qui existe encore á l'henre qu'il
est: 76 cas d'nmende de iú et 20 fr. a i2,000 et 50,000 fr.;
f,O cas d'emprisonnernent de trois jours a cinq ans; 6 cas
de privation des droits électoroux, et (j eas de privation des
droits civir¡ues. civils et de ramille.


VOWl l'auuable législation a laquelle son t aujourd'h ui
soumis les imprimeurs, donl l'industrie, si j'en crois ce qui
me rcvient de lous ceMs, n'est pas extremement rémuné-
ratricc. Dnns le projet de I'honorable M. Pinard, il y avait
(juelques aggravations, aucune diminution. Les aggravations
étaient celles-ci : 4 cas de plus pom l'amende, 4 cas de plus
pour I'emprisonnement, 30 cas de plus pour les droits élee·
toraux. On ne nous donnait pas sans rangon ce que les ora-
teurs el les journalistes du Gouvernement veulent bien
appeler la liberté de la presse .


.Te dis que si on ex{~cutait la loi il sernit presque impossi-
ble Iju'un imprimcur pút elre élu député. J'en demande par-
don á I'honorable M. Paul Dupont, que je rcgrettcrais de ne
pns voir á son banc; mais je crains bien qu'il ne soit la que
~L




-{(JO-


par la tolérance de messieurs les membres du parquet. Vo-
tre grande innovation de la récidivc ne le sauverait meme
pas: que! est l'imprimeu!' qui ne soit forcément récidiviste?
Les impl'imcurs de journaux ne comptent plus leurs eon-
damnations. On me dit'o peut-etre qU'OIl les l'p3rg-ne? J'y
consens, vous n'osez pas appliquer rigonl'eusement ulle telle
loi. Raison de plus pOUJ' In rrjeLer.
~IaiIltenallt, je sais la réponse ([u'on pent fairc, il y en n


une, mais il n'y en a ([v'une : c'(,st I'art. 2 r~ de la loi dn 17
maí 1S1!). II n'est pas sans intrrr,t de dire que la !oi de l8!!)
ne contellait pas d'abord cet article. II se trouva parmi II's
membrcs de I'opposition des homrnl's quí furent indignrs él!'
eette pénalité sans motifs et sans mesure, r,t qui, appnrtc:-
nant :n;x lettl'os J'l'an¡;aises et les bOIlOl'ant par lcms 6erits,
se crurent obligrs de lutter :l\'ec une l'ncrgie intlomptable
pour arruchcr ¡¡ la CllUmbre de 181() uno utll'lIu3tion aceIte
loi déplol'able. e'cst a RI~njal1lin Constant qu'en r~\'iellt SUl'-
lout l'hollneur; toutcf()js, on IH: C¡'~Ij¡1 pas complétell1cnt iJ
ses objurgatiolls. L'article 2~ fut tout cc qu'on accorda iJ 51'S
raisons, a son doqllcnce. J'CII n'lis les tCl'rncs :


« Les imprimcllrs d'l'crits dont lrs nutcurs scront mis (oH
jugemcllt en ycrtu de la IlrI;Scllte loi, et fjui aUfonL rell1Jlli
les obligatiOIlS prr:scritcs par le litre II de la loi tlu 21 octo-
bre 1814, » - c'est la d('~dafa tion et le d{)pot préala hle, -
({ ne pourront 61re l'L'cherehés pour le f"it d'impre:ssion do
ces écrits, a moills qu'i!s n'aien! ngi scicmr:wnt, ninsi fju'íl
est di! u l'article (j(j du code l,6nnl, qui dé:init la eompli-
cité. ))


tOl'sque la Belgique lit su COllSlitutioll, apl'és la révolulion
de 1830, on remit en délibt:ralion les lois sur la presso,
puree que loutes les ¡ois qu'un peuplc [nit une révo!uliol1,
parrrli les tlroils les plus sacrés que los vainqueurs inseri.
ven!. Sil!' la premi6re feuille de pu¡:icr qui lcur tombo SOus
la main en d~posant le 1ll0lfsr¡uct, ils ne manquent pas d()
mcttre les dl'oils de la peus0c, c'csl-it-dil'c les dl'oits de !n
presse. Les dats géllér8ux de Helt\iquc exarninel'cnt la l"i
fran(;aise, el lenr premier dósir comrne leu!' IJl'cmic¡' demiJ'
fut de l'abroger complétemcnt. Ql and ¡Is en villrenl b la
I;nestion dunl je parle, ccm. (lui \uului(;¡¡t ~oIJ~el'\'cr la res-




- UH-


ponsabilité des imprimours no manqucrent pas d'invo-
quer cet a1'ticle 2~, c'ost-a-dire lo mol sciemment qui s'y
[rouve.


Mais alors presque toute~ les voix s'éleverent pour dire
que c'étnilla une égide insurtisante; que le mot sciernment,
dOllnant lien a des interprctations raites trop souvent pal'
esprit de parti, n'était pas une protection pour l'instrumelll
de la pensée, el que si on voulait la pensée libre, il l"aUait lui
donncr un instrument indifTérent, que c'était la conditiol1
indispensable de la liberté.


Par une con~é(luenCe logique, l'arlicle fut rejelé et rem-
placl\ par une disposition nette, [orruelle, [)f(>cise, que voici :
« Jamais l'imprimenr n'est responsable de ce qu'i1 im-
prime. » (Marques ¡('(Ipjli'obati(jn ri, la gaurhe de l'oratcul'.)


Il surJit, [10111' bien se relldre compte de la loi de i810, de
1'elire l'arlicle 60 uu code penal, qu'elle invor¡ue el qui regle
la respoIlsabilitó dans la loí fl'an<;aise.


011 voit a l'i11slaut quelles clllDúcbes, quels piéges de toute
nature un pareil artide pent caeher. Qu'on Iise Slll'tout le
paragraphe 2 dI) l'nrticle. II est ainsi COIl\(U :


l( Cenx (Ini auron! proeUi'é ues armes, ues ins!rnmellts,
ou tout alltrl~ llloyen qui ama servi ill'aclion, sacllanl r¡n'ib
dc\'aÍfmt y sl:r\'i 1'. ))


Il!l'y a 1;, ni prl'císioll, lli clarté, ni protection; par COll-
,óquent l:ml que cet aflicte subsiste, ¡lu'y a pas de séell-
ritA pOllr l'inlprillHmr el pas ue liberté pour la presse.


l\lessir)!ll'S, la senil) utilité possible de votre loí sur la res-
ponsalJilitc des imprime:urs, mnis ce u'est pas uue utilitó
ayouahle:, e'est 'l1l'¡:lle: transforme: les imprimeurs en cen-
seurs,
~]. I';u¡;.'ne Pcllet:tn. Trh;-bien! lrés-Iiicn 1
~I • • Jule,.; "'imon. l'crsolllle !le veut de la censure,


exceptl1 pou!' Ii!S ]li(\e¡~f; de tltNI\rc, les gravures, lt)S ¡ivres
illustrés ((J,! l'it); i¡ parl ces exceptions, personne ne ven!
de la CI:I1SmC en Franee, ('t !Oi¡S eCllX d'entre vous 'luí
\"ÍCllTwnt iI ce He trilmne, si l(~ mot Cl'nSllre est pronol[C.,'"
I~ommencent par declarer qu'ils en ont tont aut.ant d'hor'l'I)IH'
!¡ue nOUS-11I8mes. Cepenuant, je vous prie, messieurs, si
YOIlS n'mIez l'impl'imeur responsable de ce '[u'il imprimc,




- f92 -


ne créez-vous pas un censeur privé a la place de la censure
publique~ .le défie qui que ce soit de répondre une chose
sensée iI cet argumento Je ne sais pas ce qu'on pourra ré-
pondre, mais je dís et je répete a I'avance qu'on ne répondra
rien de senRé.


n est ímpossible que tout le monde nc comprenne pns
qu'un imprimeur, qui est menacé de ces soixante-seize cas
d'amende, de ces quarante cas d'emprísonnement, de ces six
cas de privatíon des droits poli tiques, de cette pl'ivation de
brevet, r¡ui voit la ruine suspenduc sur sa tete, se tramo
forme en vél'itable censeur pour l'écrivain quí va lui ofTrír
sa copie. Et ce censeur est a la foís moins capable el moins
libéral Que le censeur politique que vous avez au ministere
de l'íntérieur.


Quand vous formez votre bureau de censure vous choí-
síssez d'abord des gens intelligents, qui savent ce que c'est
qu'écrire, el vous les voulez sans doute anirués d'inlenlions
droites, ennemis des taquineries, des vexations inu!iles. lis
ront une besogne, en sornrne, tellernent triste, que vous re-
poussez l'idée de censure avec une indign3tion qui n'a de
supérícure que la notre; rnsís entin ils n'oo! (/'aulre próoc-
cupation en la raisant que ce qu'ils appollent, ainsí que
vous, les nócessités de l'ordre. L'imprimetir a un autre ob-
jeclíf, son intérct, et une autre capacité, la capacité d'Ul1
industriel. Quelle est sa situation, a lui? Esl-ce qu'il est
obligé de savoir la théologie ? Est-ce qu'i! est obligé de sa-
voir quand la discussion d'un dogme est faite gravement
et avec des raison graves, ou légeremcnt avec des raisons
légéres? quand elle est une attaque au lieu d'une discus-
sion? quand elle offense un des cultes salariés par I'État?
Si dans cette Chambre, qui est le centre 011 toute la
politique vient aboutir, nous avons besoin de toutes nos
études, de toute notre expérience pour comprendre les fluc-
tuatiol1s et les revircments dont 011 nous donne l'aftligeant
spectacle, pouvons-nous penser qu'un imprimeur a la tete
de son industrie, absorbé par la direclion de ses alTaires et
de son persoJlnel, va se tenir au courant de lous ces mOll-
vements et agír en connaissance de cause? Ainsi il est in-
compétent, et par conséquent dur ot dótestable censeur. Ve




- 193 -


plus, il n'a pas d'illtél'et, ou iI a un intéret contraire a ceIu
de l'auteur. Que] avantage a-t-il a se risquer? e'est ici
qu'óclate la dilfércnce : cal', enfin, si un homme découvre
une idée nouvelle, con(:oit une grande pensée, son premier
besoin comme son premier devoir est de la manifester.
e'est le propre d'une pensée puissante d'agir sur l'esprit qui
la cOll(;oit avcc une forc3 telle qu'il devienl impossible de la
conlenir et de la comprimer en soi-meme. Il faut qu'ellr.
éclflte, qu'clle agisse au dehors, qu'elle entre dans le monde
de l'action el de la lulte. La force expansive de la pensée
est son plus noule caractere, son altriuut le plus nécessairc.
Plus on soulTre péuiulement de la privation de la liberté de
la pr8sse et de la liberté de la parole, plus on doit (~tre animó
de grands sentimenls el de grandes pensées, et c'esl pres-
que une gloire pour un homme de ne pas pouvoir se resi-
gner a loules ces limilations el a toutes ces entraves dont on
veut salls cesse e: a toules les époques chargrr et opprimer
la pcnsée humaine. (Tn)s-bien! a la [Jal1che de l'orateur.)


Mais cette force de propngation qui nous anime et qui
nous pousse ¡¡ parler et h écrire, elle a sa compensation
dans le sentiment de la vériló répandue, de la science
agrandie, de la mornle proprlgée, du pays quc\quet'ois
salivé, de I'hulllanité rétablie dans ses droits et rehaussée il
ses propres yeux, et s'ü fau! tout dire, elle pent r1voir aussi
pour compensation la gloire! Voilá la part de I'auteur. Et,
a ce prix, je comprends qu'on puisse aITronter la ruine, af-
fronter l'emprisonnement; je comprends qu'on puisse aller
a Sainte-Pélagie chet'clJer ce fallleux piédestal que promet
aux autcms M. le ministre de l'intérieur.
~lais l'imprimeul', qui voit d'un coté la ruine et de l'autre


ce qu'il appelle ses étoffes, c·est-a·dire le petit bénéfico in-
dustriel qu'il retire de la publioation d'un li vre, que fait-i1?
II refuse d'imprimer, en disanl:« je slIis de votre avis et de
votre partí; s'il y 3yait une necessité de donner sa vie, je la
donnerais comlll~ vous; mais ici,je ne suis qu'un commer-
cant, peut-etl'e le gérant d'une compagnie. J'ai mon brevet
á sauver, la raillite a éviter; el j'agis en bon négociant et
en bon pere de famille en vous refusant mes presses, »


Combien de fois voit-on un livre porté a un, a deux, a




-Hlei,-


rOis, a quatre imprimeurs ou éditeurs, avant d'elre im-
primé el répandu: triste rnétier pour l'auteur, néccssitó
hUlIIiliaute. Le livre parait; iI n'esl pas poursuivi! La cen-
sure de la peur a élé plus sévcre ljue eelle du GOllverne-
ment. L'i!ltéret privé, que ne stimulait pas I'appút d'un
grand bénéfiec, s'est montré timide. Que voulez-vous? n es!
exeusablc. e'esl vous, législatcurs, qui !le retes pas! (Trl:s-
bien! tres-bien! IÍ la [Jau che de l'orateur.)


Et vous me donnez le droit de dire, COIllUlD eOlwlusion de
ma diseussion, que yotre loi est une iniquité, qu'rlle est un
allen[at contre la conscience humaine el contre les lettres.
(Tn)s-lJien! lila !Jlluche df t'1IJ'iltpllr.)


Quand on a discutó la loi, en 1Si\!, dans une ChamlwG
frant;aise, eroyez-vous qu'on ait dissirnulé ces conséquences 9
Au contraire, Ol! s'en est vuutr:; e'ótait le temps OLI on se
glorifiait - V:Jllitl) étrange - de ne pas etre libl;ral. Un
homlne que je ne vr,ux pas Ilommer, parer qu'¡J est mOl't
convrrti a la liberté, s'éeria : « Imprimeurs, si \'OUS eruiglle/
les amendeset les conflscations,si vous nevouif'z pa, etre¡~lll­
prisonnés et ruinés, éeigrz-vous en eenseurs des écrivaills!»
Et l\I. Hua disait a son tour: « OÚ scruit le mal, quand lA'
irnprimeurs s'¡~rigrl'<lj¡'nt en censcurs? .. ) En eITet, 011
aUl'ait en dt'ux ecnsul'es, une pitoyable, et une impitoyalJle:
eelle du Gou verncment et eelle des imprimclIrs; abondauee
de rópl'ession, abondal1ce de bien.


13enjamin Constant s'exprimait ainsi pendant cctte dis-
clIssioll : « en irnprimeur ()st UI! horl1lnc qui concourt avec
un écrivain ü la Imhlication d'un ouvl'ago, I'écrivain y con-
court palo sa pcnsóe, l'imprirnellf par sa presse, run est
I'aulenr de I'l'ct'it, a lui en revienncnt, si I'écrit est bon, le
proflt dmable et toute la gloire. L'alltrc est l'inslrument d('
la puhlieati011. I1rúl de profit (¡lIU le salairn d'une i[ldn~tri¡'
matér·ie!le. »
~It~ssieurs, il cette meme ~pOq1I8, dans le pro(~(\s ClJevalier


qui est delllemé et'~lébr8, l'illl~ulp(~ porta le m(;moire de ses
défensems a un imprimeur, qui rc!'usa; un secolld, un troi·
sieul() refusérent, el savcz-\'ous eombien il "~IJUisa aillsi
d'im primeurs avant de publier sa d0fense ? villgl-deux. El
le l:letum n'était pus poursuivable, et itlle fut pus IJoursuiYi.




- 19;) -
En finissant, messieurs, je voudrais vous montrer que


nous ne sornmes pas ¡¡ la Wte de la civilisation pour ce dé-
tnil de nos lois,
~I, GI,,¡,,·nizoln, Oh non!
1\1, .1Iules !oíl ... o .. , Que nous sommes plulót en arrirre


du resle de I'Eurupe. EII Autt'iche ... , je ne prononee pas h~
110m de I'Aull'iclw uans ulle qUCSti011 de dólit de presse,
sallS me rappcler Ult livre, ou un pamphlet, ou une bro-
chllre, uonnuz-Iui Ir, llom fjue vous voudrez, qui ne conte-
nait pAS une idée qui ne lút juste, et jamais idées justes ne
furont o.\prift1(~s ayee une dOfjucnce plus saisissante; l'au-
teur, quí n'est pas loil! de HOUS, y demandait la liherld
cornll!e en Autriche, Il fltt condamné, comme il l'aUait s'y
altendre, et et il expia sa l'nutc a Sainte·Pélagie, avant
d'obtcnir des ólccteurs pnrisiens le droit de veuir ¡¡ eelto
tribuno défendre ¡"s lllellll's pl'incipes.


Si nous IlOUS I't'pol'lons iJ la legislalion :1Utrichicnnc, nous
h lrouverotls, en iJeaucuup de poinl;;, Illeilleure que eelle de
1,1 Fnl!1ce, tlOtollllIlPllt (;11 eoei : L'pditeUl' et i'ilIlprimeUl'
~Ollt I'CSPOIlS,l!Jlcs aYL~e l'uutellr, mois Si'Ulelllont pour omis-
~iott des fortlJ:llil!"s J¡-';';'i1I's, (Juand i!s ont omís les fonna-
lill-s I('gales, i1s sottl ]lourslli\-is, (:'est tout simple, Il y a
c8pefldulll une cx¡;oplio!1, llIais uIIe cxeeption trcs·restreinte,
¡;'est qur" quand ]'i1ut(~llr u'un éerit ('st condamné a uno
peine s{:VÓI'(), l'imprimr,ur encourt une légere amende,


Il en cst de memQ en Prllsse oú la eondamnation de ['im-
primeur, qU~IlU il s'ag-it d'un dólit, ne peul pas dépasser
100 thalol's, et Ijlland il s'ag'it d'lln crime, 200 thalers.


En Bnssio, i'l'ditcur ol l'imprimeur no sont responsables
que dan s lo cas Ol't j'autour est inconnu ou absent, Ils pe n-
vent étre ¡;ondumnés eolftlllC complices, mais qllsnd ils le
sont réellerncut, et Il'l:lttd on pcut prouvet' dil'eclernent
qll'ils ont voulu ¡:OlIll11üttrc le ddit, qu'ils y Otlt cOlltritJUó
sl:Íernmetlt: celte dérmJtlstraliott ainsi elltplldue est presllEt:
illlpossilJle, et túst jamais t'nite,


[<:n Bplgique, en Danelll:1t'k., el memo en Espagnc, iln'y
;1 de respotlsouilitl; que [JOUl' ¡'autüur ; la l'hgk cst celle·ci :


Si l'auteul' se rait connaitre et s'ii est dans le ressort de la
',:UUl' I¡ui doit jugcr, ii cst seul rllsponsalJle. Si l'autcUl' ne




-{\lI\ -
peut elre saisi par la justiee'du pays, ou ne se fait pas eon-
naitre, l'ouvrage est réputé anonyme, et alol's e'est l'édi-
teur qui en répond. S'il n'y a ni auleur ni editeur, alors
cnfin l'imprimeur es! responsable.


Conséquenee : lous les droits de la vindiete publique sont
réservés; les lois ont leur sanetion necessail'e et n'ont que
leur sanetion néeessaire, La dignilé des lettres es! saU\'c-
gardée, et en méme lCmps la dignilé de la juslice; ear
n'oubliez pas que quand vous er{'cz des cOllpables sachant
qu'ils ne peuvent pas l'ctre, ce n'est pas selllernent la pen-
sée que vous blessez, e'est l'étel'l1eJle juslice; e'es! á \'olre
code, e'esl a vos loís que vous impI'imcz une sor le UC f1dris-
sure ... (Tres·bien ! á la (¡auche de l'ol'llteur.) non-seulement
paree que vous créez descoupabJes Ji] 011 il n'y en a pas, mais
paree qll'tm sllpprimant la liberté uc la pcnsL'e, VOIlS \'0118
rangez volontairement parmi les peuples r¡uí, au lieu de
eonduíre le monde, s'occupent a l'empecher d'avancc·r. Ce
n'est pas seulcmcnt une faute, une errelll', c'est prcsflue un
erime. (Tres-hien! á la ganche de l"oratwr.)


Je vous conjure done, en l'abs'ollec d'utilil<:-' en l'absenee
de nécessité, r¡uand vous !lol!\'ez f~lcilcmcnt vous passer de
cette ¡¡ction cruelle, i¡¡juste, abusi\'!',je \'ous r.onjure d'imitcr
les peuples oú la liberté de ¡¡enser el la liberté de la preS2C
no sont ni une illllsion ni un rnrnsonge, et <le MtlarcI' r¡ue
celuí-la seul qni a eornmis ID Mlit en est l'c;;:ponsal¡Je. (ViclJ
approúation a la ganche de l'omtClu·. \




DU ROULEl\lENT DES MAGISTRATS


DISCOURS
DE


~I. BERR'YER
Député des Bouches-du·Rhonc,


SÉANCE DU 14 FÉVRIEIt 1868.


M. le Pré,.ident Schneider. La discussion viendrait
mainlenant sur l'artlcle 17; mais je proposo a la Chambre
de meltro prénlablement en délibération diverses disposi-
tions additionnelles qui pourraient, si elles étaient adoptées,
modifier l' article 1. 7.


La premiére de ces dispositions, présentée par M. Ber-
ryer, con cerne le rouloment pour la eomposition dos
chambres des cours el tribunaux. Elle est ainsi conl,(ue :


« Chaque année, au jour de la rentrée des cours et tri-
bunaux, le roulement pour la composition des diverses
chambres se fera en audienco publique, par la voie du ti-
rago au sort des noms des présidonls, conseillors, vice-pré.
sidents, juges et juges suppléants.


« Les magistrats nommés dans le cours de l'année judi-
ciaire entreront dans la chambre oú siégeait leur prédéces-
seur .•


La parole esl ~ M. Berryer.
M. Dm·rym'. Jo viens prier l'assemblée do prendre en




- HlR-


considérntion et de renvoy"r U la cOIllmission la disposition
additionnclle donL M. le Président vient du donnDl' lcc-
turo.


A ce moment oil nous approehons du te["[no de celto trf~s,
longue délibératiotl, la proposition qui vous esl faite en-
gago ulIe quostion que Je emis dre la plus importante de
cclles qui ont été diseutées dans co debat. Elle mél'ite, a mon
avis, de prondre place dans vos plus graves méditations.ll
s'agit, on elIet, de dOllner dans la loi, par la loi clle-meme,
une garantie imposanle et respectée do l'exécution loyale
dos concessions faites dan s lo projet <10 loi, ulle garanlie de
1'0quitable applicatiol1 dos restl'ietions et des peines qui sOlll
écriLes dans cette loi.


La législation actuellemont existantc ron['ermo des dispo-
sitions séveres, des peines s(~I'ieuses contre les ablls de la
presse. (~es disposilio1l8 ú'prossives,.iD les tiells pour né-
cessnires, pOU!' indispens:Jbles; elles sont, Ü lIlon Llvis, pré-
servatl'Ícos de la jJaix publique el conscrvall'ice~ de la li-
berté olle-méme. (Tris-bien! tres-bien!)


A ces peiIles éerites déja dans nos ¡ois, le projct nouveau
¡¡jouto de nouvelles pénalitl's.
- Ce n'est pas tout: vous 8joutez a l'arbitrage du juge 3U-


quel il faut souvent recourir, surtout en matiere d'apprécia-
tions telles que celles qui doivent étre faites quand il s'agit
de délits commÍ:., par la presse, vous ajoutez, dis·je, a l'ar-
bitrage du juge des pouvoirs faculta ti[s qui sont considéra-
bIes : vous donnez au juge facultativell1ent le pouvoir de
priver des droits politilJues et de l'excl'cice des droits élec-
toraux; vous lui donncz facultalivemont le droit de suspen-
sion el de su¡;pression des jourunux; et enfill, messicurs,
vous autorisez le juge a ordollner, dans le cas ou il le jugera
nécossail'e, ]'exó(~ution provisoire des jugements qu'ii sera
appelé a rendre. Co sonL la, messieurs, des dispositiolls
bien considérablos.


Vous souIllPttez non point, ainsi qu'on 1'a demandé, au
jury, mais á la juridiction des tribunaux de police correc-
tionnclle toules les questions I¡ui poul'ronl Üll'A soulcvées par
ces disposilions di verses, si nornbreuses, des lois sur la li-
berté de la presse.




- I!l!)-
Tout dan! ainsi attribuó ¡¡ la juridiction des lribunaux de


polico corrcctionllcllo, mus comprenez, mcssieurs, de quelle
importanco il es! pOUl' tous lrs Clcurs droits, pou!' tous les
esprils honneles, de se rendre lJien compte, de bie!! exami-
ne!' COllllllcnt ces tl'iIJllnallx cOlTeclionnels sont 8ujourd'hui
cOllstilues, comment et par quelle aulmitó l(~s juges, me m-
Lres d'ull triLLl\1al ou mellllires d'une cour d'appel, sont
appclés ¡¡ compose!' la ehamlJre de premie re instance ou la
chamlJl'e dl's 8ppels de polke correctionncllc.


Je le ¡,('pdo, quulld vous terll1incz une loi rópressive des
abus de la lJI'esse, il nc peut [las etro de question plus
sél'icuse, plus grave, plus digne de vos méditalions, que
cellG do ~avoir comment et par quelle autorité les chamlJres
ele pollee correetionnelle sont constiluées en pl'emiere
instanee et en a ppel. (J!afl¡ucs d'assenlimellt Slt)" plusieurs
baMs).


Je ne vcux pas entrer dans de grands développements,
¡mis vous l'eeollllnilrcz, je crois, pi1\' les explications tres-
nettos et lrús,solllmaires que j'espúre vous presenter, que
l'daL ¡¡etuel des cl]t)scs, que le J'eglelllent en vigueur pour
la form8lion des c1HlJulJrcs de poliee corrcctionnelle cst vél'i-
talJlernent intolérablc; qu'il est eonlraire :m pritlcipe 1'otl-
damental de la séparaLion des pouvoirs; qu'i1 est contraire
¡¡ tout esprit de respcet pour I'autoritl~ judieiaire elle-me me,
pour les llHlgistr¡¡ts, dont la dignitú no doit jamais etre com-
promise. Je ne parle pas iei sous les impressions des
hurnmes ([ui viveH t cluns les agitations des tribunaux, je
parle sclon la l'ollviclion des lJOmmcs rélléchis qui. dans le
mond(', examinent la marche des choses : il est impossible
de ne pas rcconnaill'e que ¡¡nant a prl'sent je reglernenl de
celle matiere eSl, je le rl~péte, il n'y a pas d'autl'e lIlOt., cou-
traire a lout droit (~t vl:rilablelllcllt intolí:rable. (1'rh·úien!
lres-úien I sur Ijuelljllcs úancs á (et gaucha de l'omteur.)


Cest done POlll' arriver a la réfo1'luation de l'état présent
des ehoses, des rl~glCUlclllS aCluels, que j'ai voulu sou-
llwttre á la ChalIlbrc la Ill'ojJosition que je vieas discuter
(:1I ee l/lOmen l.


Ma discussion m'olJligora a enlrer dans des détails indis-
pCllsaliles, paree que ces matieres ne sonl pas familieres a




- 200-


vous lous, messieurs, el qu'il faut nécessaircmont préciser
léga[ement les termes des ordonnances, de:; lois et des dé-
crets, preciser ce qui se passe actuellernent pour la forma-
tion des tribunaux de police correctionnelle.


M. le rapporteur, d'aprcs l'avis de la commission, me pa-
rait n'avoir pas accordé 11 l'examen de celte grave qupstion
toute l'attention qu'elle méritait. Il en dit deux mots assez
légérement auxquels je voudrais répondre en termes aussi
brefs que les explications et les réflcxiollS qui sont présen-
tées dans le rapport.


A la page 37, M. le rapporteur reproduit ma proposilioll
et di! : « M. Berryer veut substitller 11 ce systeme la voie du
tirage au sort. Il y a la un sentiment de défiance contre la
magistrature qui ne nous parait pas justific'o Nous aimons
mieux laisser aux chefs de la cour, SOllS le controle do la
compagnie entiere, la réparlition des magistrats dans les
diverses chambres; nous eroyons qu'en faisant celte répar-
tition ils obéissent aux véritables nécessités dll service.»


Yoila toutes les observations que votre rapportcur vous a
soumises pour vous déterminer iJ. rejeter l'amendernellt qui
vous est présenté. Je me permettrai d'abord de l'uire remar-
quer iJ. la commission et á M. le rapporteur que ee mot de
d8fianee contre la magistrature est bien mal a propos pro-
duit. (Trés-bien! sur- quelques b,mcs.)


Quel est done, je vous prie, dans l'ordre social, quelle est
done la garantie légale contre les ahus du pouvoir, eontre
des aetes contraires a la loi, contre des moyens d'óludcr la
loi, quelle est done la garantie sociale donnée par toutes
nos lois sur toutes les questions dans lesquelles le droi t et la
vérité du droít doivent etre prol(;gc's, quollo est done la dis-
position qui n'est pas un :Jete de dófianco?


:\1. j<:DliJe Ollivier'. Tres-bien!
M. Derryer'. e'est évidomrnent pour s'en préservel'


qU'Oll demande des garantics. (ApJil'obation ü la !Jau che de
l'orateur.)


Laissons done de coté, á ce premicr point de vuc, le mol
défiance contre la magistl'atUl'e. Contre la magistra ture !
Pardonnez-moi, messieurs, de repousser avee une cortaine
ohaleur, paree que eeci va au fond de moi-m(~nIC, cctte




- 201 -


suspicion, que mon intention, en raisant l'amendomon!, au-
fuit été de porter atleinte a la dignité et au respee! qui son!
dus a la consoience du juge; j'ajonte oncoro qui sont dus a
la magistrature de France, quand elle est libre dalls son ao-
tiOll. (Tres.bien 1)


Je proteste, mossieurs, - laissez-moi le dire, je n'aime
pas a me mottro en scene, mais enfln je proteste au nom de
tour mOll passé_ Oui, j'obds a co sontiment-liJ, j'y obéis :
vous pe!'lnettrez a mon age d'avoir cette faiblesse ... fai-
bIes se orgueilleuse peut-etre ...


Voi:r diverses. Non! non!
~I. Der.'yer. Pcrmettez- moi de me prévaloir des actes


do ma vie tout entiere.
Laissez-moi vous dire que ma vio a [,té double, elle s'est


composóe de deux cxistences. Yoi!i.t un sieole entier toul a
I'lwU!'c quo mOll pere et moi, iliOn pere, dOll! je me suis ef-
forcé de suivre les conseils et les !!xernples, lIlon púr!!, qui
élait avocat HU parlement en f776, voilil bieutót un siécle
que mOIl pere el ltIoi, vellU ¡¡ sa suite, tnchan! de marcher
sU!' ses traces, SOfllmes restl:s constalllment, fideJelllellt, et
par le cmur COllllllC pnr la pellsée, attnchés a l'onlrejudiciaire
dans l'e,xcl'cice uu barreau, nous associan! aux a:uvres de
la justice COlllUlO des auxiliaires indépelldunts, mais res-
pectueux. Et c'est, messieurs, ce sentiment el ce respcct
qui Ill'ont fait proposer ['amendement dont il s'agit, el que
je crois, dalls lllOn üme et cOllsciellce, proleolcur de la di-
gllitó de la magislrature. (Tl'ésbienl tres-bien! a la gauche
de l' orate/u'.)


Je le répele, il me faut entrer ici dans quelques détails,
c'est-¡¡-dirc dans des citations de lois, de décrets, de regle-
menls dont j'aurai le SO in de meUre le texte exact sous vos
yeux.


Pour appréciul' l'da! des ciJoses et la marche des esprits
suivant les tendances des gouvefllements qui se sont suc-
cédé, il fant remonter a I'époque oú l'ordre juuieiaÍi'e, l'ordre
d:tllS la magistraturc, I'ordre duns les grandes institutions
dll pays, a óté rétabli, aux premicres allnces du premier
EUlpire.


El! J /l08, un déerot contenant lo reglement pOut' la poliee




- 20:l -


eL la disr,ipline des cours et tribunaux a étú pU]Jlió; jr, lis
dans son article 1) :


« Il sera fait chaque annl'c 11n roulr~lIlnT]t rles jllg'es d'une
chambre il l'autro, u j'pxceptioll du dOYiOlI, 'lui en sera dis-
pensé et qui reslera nltac!l(\ ú la ehmnbi'r: pré~sid,';e habi-
tuellcment par le premier pt'ésirlr:nt.


«Ce roulp111cnt 3U1'3 licu de manirre fIU'iI sortr: de chaque
chambre la mnjori té des Hlr:mbrrs qui scront rt'partis d8ns
lt'~ nutres clJalllbres le plus {'gnlell1ent po~silJle, et eDCOn! de
1113nicl'e a (;0 rjl:n lr's jl.!g\'s passent succCSS\YCillCIl~ d:ltls
tOlltes les chambr('s. »


L'article 8 de ce memo décret porte:
« ~'out jugc, lors de sa pl'oIlJOliuil, rülllplncpra sur la li,te


de set'vice le jug'e dont la dl~mbsi()n on 11) d('ct)s mil';)
donnó lieu a sa nominH tion. "


Vous voy,"z, messieul's, que ¡j:ln~ ce pI'emir'. ¡i(.crci, r~
point dA d6parL ue l'o!'g~nisC¡lion de I't'l'cJ¡c juuil'i:;il'i' ei]
France, ¡In'y ~ p~" 1'1 Il1oindl'c inICl'I",'nliuIJ de /"[/I!:o:'it,',
adnúnistrative; c'rs:, ,l~ws It~ s"¡n d(~~ COllr" e: d"s IrilJlin;!1Ix
que s'¡'pé'l'ait ce ¡J8ssag'() d'lIl1c eh8IllIJl't? a I'olltl'e des mCITl-
Ll'cS qui composuient ce:, cours et ('1;8 lrilJull[/Il\. TOUlefois,
le 1110ue de /'nirc pas~er U()S magif't¡'<lts d'ulle (']18,rnllrc dsns
une aulre et de cl'mpOSel' SI)(\:inlcmcnl ]PS r:hallllll'cs 1'("]>1'(';;;-
"ives, ce moue-li! fl'útait Jloint inclir¡l1I;; il Y :1 {'lL~ pOlll'vn
¡Ilus lard pur un d{'cr\~t da 6 juillet iSiO, r¡ui conticnt le
l'églement sllr I'organisntion 0\1 le sel'vicc des cours imp,',-
riales et des COIlI'S d'assiscs. JI rnu! en metilo lcs dispo~i.
tiolls suus "us ,\'é:UX :


« Al't, {(j. Chaque nnnre, I,~ liel" des membres d'une
cl18m]¡re pnsscrn dDIlS une fllltre ellmn!Jl'c, d:ll1s l'ordl'c qlli
sera r('glr par un Mere! par1iculiel'. Le premier roulemellt
s'drr~eluera le 1 er IloremIJr.: iSla.: les cOllscillcrs c¡ui dcvront
¡¡nitter lrmr charn!Jre s!'ront, puur I~ pl'()míérc fois, d{'signt"s
par le sort. Dans la suite, j¡·s plll:; aneicns d'nnn chamlJrr.
sorUrant pour entrrr da!1s l'autt'c. »


Vni!u, mcssicurs, Ul! ordre régulier, oÍ! YOU:3 !lC voycz
encore intervenir en aucune 1'8\{011, par la cúnl'usion des
pouvoirs, l'autorité administrative.


Cetto idée de composer les chambrcs "¡";l!'e;s¡¡,cS ¡¡<I,' suilc




- 20;:) -
¡j'un tirage 3U 801't a étonné quclc¡ucs esprit'), J'3i recu a
~et ('gard beaucoup d'obs81'vat.ions; 011 n dH que co tirage
au sor!. n'éloit pas convcnable, que c'était une inconvenaflce
cnvers la IllagistratuI'c, Permettez-moi de YOUS dire que
lorsc¡ue le d{~cr('t de .iuillet 181.0 a été rendu, et lorsque le
mouvcmcnt dus magistrats pour les faÍl'e passcl' ]lar tiers
d'unc chaml,rc d:l1ls I:ni) nutre avait pOUl' poinL de départ le
tiragc au sort, onne cl'Oyait pas assurément, ü cctte éPOCJLlC,
commettrc ]1:11' 1;, tirage au sorL une inconvcnanee enwrs la
magistralUl'P; rnppclr,z-YOIlS lJ\le!~ crTorls on faisait al!
contrnire pO\ll' envÍl'o:lner l()s iustilutions eL particuliere-
ment les institutions judir,inirl's d'un gralld :lPi;al'at, d'une
¡,aute dignitó, el e'est alors qU'Oll s'esL dLl'lié el qu'on a
r,"ussi :l rairc~ cnlrCl' dalls les eOllrs d() jllsliee C(~ qui rt'stait
¡'lleore dc ces noms si ¡'otcrnr!lp!lwnt llOllOl'a]J!es des mClll-
bres de nos atlc.icns parlcments.


i'fuliclt/'s mc¡¡¡!,rcs. C'cst Vl'ai ! c'cst naí I
!1!, Ue.',-!'",', Voil::, messicUl's, cc quí s'est passó en fR10.


JI y u\'ail dOI1(~ 21(lrs un uni oouci de ne rien raire quí piJ.i,
!,n:isor Jlour intOIl\'('II:Jllt ü l'é';;:lrd de la magislratut'l) rt ]¡)
l<JUICitlüilt pOtl\' le: s()l'\'ku UlltlUe! des magiSll'ats proc{,dail
,:',111 pr¡illt de Ll,"'partqui 1I\'lait pas nutre qlle le lirugc au sort.


','oila la prcmiórc obsen:;¡tioll (Iue j'avnis a faire sur le
(¡,"ere! de 1810,


Je He COllllll'l'lH]S ]las par (IUclle eSPQCI2 d'allomalie on s'cst
d r\l111é, etrl'uyé presljue de celle idée d'J tirer au sort les
nOlllS des nwmlJl'ns rj'lllll~ eollt' Oll d'Ull trilJllllnl qui devl'ont
c.omposer tell:: ou trile ellnmbl'e, ~,Iais songez·y dOIlC, me8-
sieurs, pour les sitllples ddits 'lue vous rCl1v()~-CZ, en yertu,
dites-vous, des régles du droit commun, devnut le lt'ibunal
COtTectionnel, -vous tl'ouvel'iez (fue le tirngc BU sort dl;S IlW-
gistrats scrait une inconvcllance rnvers la magislraLllt'e, u'~
périi pcut.(~tl'e pour la bOlillO ndminisll'::liioll de la Jllslice; et
]JOUl' [es crimes, pour \C:S allcnlats, ¡¡OUt' les compl,)ts, pour
lout ce qui ellraye le plus la socidé, pou!' lout ce (Iui la
j)!csse le plus pl'ol'ond\~mCIII, pom trou \"e[' des j uges q ui
¡,rol1onccllL ~ur la fortuuc, sur la vie, sur nlOlIlleur, sur la
JibeI'ló oes citoyens, le tirage 3U SOl't VOllS parait un moycn
e:,':C'!!ClJ i! (Tn;s·úi¡;il (¡ la (jlwci,c dI! l'omlt'u!',)




- 201,,-


On présente une liste dresséc par un préfel de trente
ou quaranre individus, pris dans les parties plus 0\1 moillS
é'clairées de la société; on en tire douze au sort, et la vie,
la fortune, l'honneur des eitoyens sont reglé s palO eux; il en
est disposé par ces douze hommes sortis au SOI't. Commenl!
le tirage al! sort vous répugne profondément? El ou el dan::;
quel but? Quoi I au lieu d'une liste de 30 simples citoyens
nrbitrairement dressée par un prél'et sur ¡aquelle sont tirés
au sort douze jurés qui statuel'ont sur d'immenses intércls,
ce serait dans un gl'and eorps Judiciaire, dans un jury de
soixante-quinzc a quatre-vingts membres, par exemple, a la
eour de Paris, ou au tribunal de premiere instance de París,
c'est dans ce Jury-la que seraient tirés au sort les noms des
magislrals <¡ui auront a statuer sur de simples délits! cela
nO\ls parait inconvellant, cela nous parait aLtentatoire a la
digníté de la magistrature, cela peut etre inconséquellt selon
quelques esprits, alors que vous respectel. le tirage au sort
des douze hommes ignorés, plus ou moins éClaires, plus ou
moins capa bies ou incnpabJes, qui vont sortil' de la liste faite
par le PI'eJet pour décider des plus graves intérets, juger les
plus grands crimes!


Ptusieul's membl'es. Tres-bien! tres-bien 1
M. Berryer. Je le répete, il ya la un dél'aut d'ensemble


et d'accord dans les idées. Ce qu'il y a de plus important
dans un État, c'est qu'il y ait harmonie daos les lois, e'est
que les dilférentes institutions soient coordonnées, c'est qu'il
n'y ait pas disparate, eontradiction entre les ínstitutions du
pays. Il ya donc un l'approl:ltement tout naturel a faire entre
la tirage au sort du jury pour les cours d'assises et le tirage
un sort de cet autre jury si respectable qui es! le eorps judi-
ciaire tout entier, au süin duquel vous aUez prendre les cinq
(JU six magistrats qui vont statuer sur des atl'aires de police
correetionnelle.


Quelles sont les objections qU'Oll peut faire, objec-
Lions qui, je le dis tout d'abord, me paraissent inadmis-
si!Jles?


On dit : Mais les magistrats qui vont ctrc tirés au sort
n'amont peut-etre pas l'aptitude nécessail'e; ces magistrats
n'uuront pCLlt-clre pas la capacité l'equise pour les attl'i!Ju-




- 201} -
tiOIl" qui vonl leur l~ti'C dévolues par la désignalion du sor!
(11 les appelan! a telle ou telle challlbre?


Oh! pour ce qui l'úgardeles présidents soit du tribunal de
pl'emiere instauce, soit de la eour SlII'lout, jc ne erois pas
c¡ue cette présomption d'inaptitude puisse elre é~outée un
moment; pour la eour, messieUI's, OÚ lous les magistrals qlli
la eomposclIl sont gens qui ont pal'l~ourll la carrierc judi-
ciaire dermis le premier degré jllsqu'au faite des ~ours sou-
veraines auquel ils sont parvenus, "cut-Oll supposcr, peut-on
admetlre cette présomption d'incapacité" d'inaptitudc? NOI1,
ce sont la, messieurs, des raisons in:Jdlllissiblrs_


l)'ailleurs les prósidents et les jllgCS d{'sigll{~s par le sor!,
!le garderont-ils pa3 tout autan! de libertl~, tout autan! de
dignité, tout 3utant d'aulorité qu'ils peuvent en reeevoir pal'
dans le ehoix qui es, fail aux termes des réglements actuels ':i


L'objection qu'on voudrait tirer di) In prétendue incapa-
cill\ de la pl'dellllue inaptitude des rnagistl'ats que le sort
dl"signcr;út me ]Jaralt tout á fait puérile el évidcmmellt mal
rOlldl'~ll. La présomption d'inaptitude ou d'incapacité serait-
I~lle moins blessante pour la magislrature que le aoule sur
l'imp~¡l'tiuliLé du juge cllllisi par l'accusateur?


e'est surtout, messieurs, le reglemeul aetuel pour la I'or-
mntion des chambres qu'il s'agit de réformer. Si vous ren-
\'oyez l'atrlelldement ¡¡ la eommission, cet mnendement sera
llppclé nécessairemcnt a recevoir les modilications qu'on
voudra. Ainsi ne voudra-t-on ce tirage HU sort que pom
les chambres répn~ssi ves et correctionnelles en Ill'elIli0re
instance et en appel? Je n'y vois aueune eS]H')Ce d'incouyó-,
nients. Je erais me me que dans la lég'islatioll postérieme ti
i8[0, que je vais vous faire eonnaltre, qui a eu ulle grande
et longuc autorité en Frunce, la commission ]Jourra trouver
des dispositians qu'il serait Don peut.étrc de joindre á celle
de mon amelldement et (Iue l'on pourra coordonner avec le
tirage au sort; parce que le tirage al! sort peut a\'oir ullléger
ineonvéniellt pour satisfaire á une des sages pres~l'iplions
de la loi. La loi jusqu'á ce jour a \'oulll qU'ull magistral nu
res[:'l[ jJas trop 101lgtemps dans une mame chambre, que
SUl'lout iln'oeeupút pas pendant un trop grand nombre d'an-
!le'e) le si{'g'(~ dr: la police cOl'rectiollllclle. Cela est 8age.


:12




- 20r;-


L'homme, en effet, qui reste n!lnchl' pCl'pC:tucllement aUlle
IJC~oglle de me me nature, est par la memo oXJlosldl ce rpw
celto ]¡psogllc lui dovienne rastidiense; il eéJllll':wte des
haLitudes, des pl'óvontions, dalls In lllaniére de dót:idef sur
des faits qui se pI'ésentent chaque jour ayee les m(\mes ca-
racteres. Le jllgC concctlOnnel qui s'orait inamovible daus
les fonctions dout il serait royelll, devicndrait peuH~trc trop
indiffl!rellt, trop insoucicux du sod des hommes dont,il va
disposel', quant ¡¡ leu:' nlwrté et (jlmnt a leur rorlune, 311
moins SOllS le rapport des amelldes, Jlllisque nOlls lle pal'-
lon8 que di) Jl'iils eorrcctiolllle!s. Il sel'a done, je l'esjlúe,
possible 11 la eoullnissiofl do tronver 03n8 la ll'gislation don!
je vais vous padel' un hC\Il'clIX eOlllJllément aux di,;posiliilll:i
de In-proposilioll que fai 1'I101ll1enr d~ vous soum(~Llr('.


Toulef..'¡s, me~sil:urs, j8 rnainLi,m,; e,'ei, e'esl que e'rst un
sentimenl eOilse;ie:lci.,ux, !wnnC:k\ sin(:¡')re, ([!Ji 1';] insl,i!'lle;
(:'esl ¡¡U' elle tend ;1 porte!' remeuu ü un mal, U llllllJO! ("0:1si-
dé'ra])I'J, el qu'elh a pO\ll' olJjd de r,lÍro (:!~SSlcl" un étnt <le
choses qui esl une: aUcinle ('VidCIl'(,) j la dignité dcs ma-
gislrats el h la s,':e¡irilé d8S ,insti"i;¡IMs; el, el; ljui n'es! Jlas
llloíns iJnportant Ü ll18S yeax, e'es:. qlJ(~ I'dal de cllOses ac·
lud poete attcint8 ¡¡ eL: ([u'il csl ~i nl'ccssaire de mainlenir
dans un Él:Jt : In rL'i'pceL el I':llltoriti: llloralc de la c!WSi:
jugée. (Tn;s-úiCIL! lÍ In IJGllche de l"oi'atcw',)


Voyons si un n'a ras almndonnl: a 1000t, [iOUI' arriver ¡¡
ee (Iui s'est [ail d81lS el:S dUl'uicl's tcn:jls, co qui ~'~tait
rait alJlé>ricurelllont.


Antc\t'ieurcmolll, ji' lL: l'épl'L.;, les e01!r,; jililiciail'os no ,:! '
biss8ient ni l'illl1uelll'ü, ni l'action dirr:ele de 1'8uloritó al-
¡¡¡inIsll'stive; ellos dispos;¡icllL curnmo ellc:s l'enlenuaiont ti,~
l'ínll'l'ieur de leur sC:l'vieo el du classcmcnt, de la distcibu-
tion des magislrats dans les diCí"ét-cntos o!¡ilm]¡res.


En 1820 a dé l'cnduc ,'l1C ordOllnan()C ¡Iour eOlllplétel' le
déercl de 18lO, qui lai883it eneal'l) uno cerLnine lac:mc, cal'
ce d6eret, en disalll : « Le pl'emiül' [i8rs se!"a tü'(', illl surt, le
secolld tj¡:rs sera lH'is parmi les memlJl'cs les pl!ls úgés Ik
la cour, el sllceessivement; )) ce décret, cli~-je, dL'tet'millait
bien eomment on sortait des clJamlJrcs, llIais il no dis8it
pas comment 011 entrerait é't un s';nJit distrilJUé cluns les




- 207-


atltres chambres de la cour ou du tribunal. C'ótait donc en-
emo une Incuno ti ¡aquello il f\ fa!Iu pouryoir.


Il y f\ ótó pOUl"VU pul' l'ol'donnanoe du roi en dato du
11 octobro f8~O sur lo modo do roulement des magistrats.
CP!to ordonnanee portait :


« Vu l'article1.', du rcglemcnt du 6 juillci 1810, l'article ¡¡O
dn róglement <In 30 mars 1808, Irs rl'glements adoptós par
:lOS coms rovales sur le mode de roulelllclIt et leurs observa-
tlons sur le ~)ro.iet de reglemen t qui leuL' a óté communiquf>;


« Sur le rapport de notro gnrdc des scoaux, etc. »
lei je rais une observ:Jtiol1 : c'est qu'ayallt a staluer sur


des dispositions quí lienl1ent éminemlllent a la ¡¡arfaile
!ilJcl'té des magistratg, a lem cntióre iudl:pendancc, a la
iJ'.)llne <listribution, d,llls le soin d'une cour, des !nembres
(¡ui la composent, ü cet l'g,lrd on a soumis lo projet de regle-
ment ¡¡ l'approbal~oLl des dilIereIltes COLlL'S royales.


L'ordolllJa!lce trés-lilJérule que je vais vous lire, f\ étó
j:l¡]¡lit'e sous le lIlinisti~re de l'honOl'able Ji. de Sene ...


!o\.I·;xc_ ]11. ita,'o('lw. g!lrdc des sceaux, minisll'edela jus-
ticl) et des cnltl:s. Xest-(~u pas sous le ll1inistcre de?\I. Portalis?


]11. lJet'"y"". Non; la circlllaire es! signée par M. Por-
tulis, maj:; elle a sujvi l'ordonnance, et e'esl M, de Serre qui
en a étó l'inspil'ateur.


1\1. lc (':nI'de dc,. " .. cnnx. C'ótait une simple question
que jo vous adrcssais.


1\1. Bc .... pw. :M. de Serre, que le ministre de l'intérieur
a loué avec raisolJ, duit un !tomIlle d'un CCBur droit, d'un
esprit élevé, ULl ]¡OIIlLfW vraill1ellt librral. II n' est pas le seul
qui ait reuni ces ünillellté'S el précieuses qualité;; pendant
I('s deux pltasos de la rnonarcbie des llourbons; je pourrais
eiter, a coté de ~I. de Sene, si je ne craignais de faire une
trop longue listr, les !lOll1Il1C,S quí étaient appclés alors iJ la
direction des aITaires, qui ont góré les inlérets généraux du
pays avec ind{'pendance, avee honneur, avec désintéresse-
men!, et qui n'on! jamais Iivró leurs príllcipes au vent des
{-y¡"llemcnts pulilir¡ues. (Tn\~-{¡il'n! trl:s·1!im¡! rí lrl ganche de
¡"-rufell1·.) Jo pourrais citer encare un grand nombre de oes
hO!llmes, jÍlsqu'au chef du dernicr ministere du gouver-
nement de juillet : je n'hésite pas a le dire, quoique je I'aie




- 208 -


combattu, je ne puis, sans un prof,)J1d respcr,t, sans lllW
admiration sincere, sans une sorte de CIlIte pour I'honnelel.~
de sa vie publique, rcgardcr ce vieillard qui a dé prl~si~Cllt
du conseil pendant sept ou huit anne'es et qui, dans s:¡
vieillesse, 'Ost encore condamné aux labcurs de SO:1 ;?,'imie
pour soulenir son existence et celle de sa famillc, (T"Js-
bien!) Voila ceux que j'admire. Ce sOlll ces hommes ¡¡ui,
non contents de nejamais livrer lellrs principes au vent des
événements poli tiques, n'ont jamais oITerl l'exempln Ju
scandnle de l'cnflure excessive de leur fortune publique,
(Vive approbation a la gauche de l'orateur,)


Eh bien donc! e'est n des hommesaussi parfaitement hono-
rables qu'il faut attribuer l'ordonnancD que jo vais vous lire:


DES couns nOYALES
« Art. ter, Dans la derniere quinzaine qui préeecte les va-


cances, une commission composée du premier prl'sidenl,
des présidenls de chambrc et du plus :mcien conseiller de
chacuue des chmnbres, d'apres l'ordre du t8blenn, tlxera le
roulemcnt des conseillers dans les chambres dont la cour
est composee. Notre procurenr general sera appelé a otre
entendu en ses ob3ervations. »


Remarquez la limite, messieurs, je vous prie, le procureur
général est seulement entendll en ses observntions!


• Art. 3. Aucun président OU conseillcr ne pourra etl'O
forcé de rester pendant plus d'un an dans chacune des
chambres criminelles, etc, »


Jo ne lis que ce qui est important.
« Art. 6. Le tableau de la répartilion des conseillers ......


sera soumis, chaque année, n l'approbatioll des ehambres
assemblées. Si la commission et I'assemblée Ul!S chambres
ne pellvent s'accorder, notre garde des sceaux prononcera, ))


Voila, messieurs, dans quels cas l'homme de l'aclioIl ad-
ministrative intervient 10l'squ'il s'agit ue régler la composi-
tion des tribunaux, et spécialement la composition des tri-
bunaux de répression.


M. le Garde des sceaux, Tous les tribunallx : ilu'y a
rien de spécial.


1\1. Berrl'el', Vous l'entendez, messieurs, celte commis·




--- ::20'J -


sion esl une commission qUÍ, a París, f:tait composé,~ d'un
¡)['emÍer président, de sep! présidents de chambre, de sept
conseillers doyens, e'est-a-dÍre les plus anciens de ehaeune
des chambres, c'est-a-dire que quinze pel'sonnes de la cour
forment une cornmission qui va statuer sur le roulement,
c'est-u-dÍre sur le classemellt des jugos.


En premiere instance, je ne vous futiguerai pas de lee-
lmes, les dispositions sont les memes.


Ainsi, messieurs, avec une haute sagesse, avee un grand
esprit de rcspcet pour l'indépelldanee et la dignité de la
tnagislrnturc, c'Nait dans son sein que se faisait le travail
du roulrment. C'était par une commission présentant la
I'rUniúll importante de 15 ou 16 membres de la cour d'appel,
de Hi O\l 17 membres du tribunal de premiére instance, :¡
Paris, e' était par une commission aussi importante que le
roulement était. réglé. Ce roulement était encore soumis a
I'nssemblóe générale, el quand le procureur général inter-
venait·t-il? Vous aUez comparer le role qu'il jouait el celui
qu'il ,joue désol'lmis, depuÍs une époque récente, au nom du
¡¡ouvoir.


AutreJois, il n'intervenait que dalls des eas OU I'assemblée
gónérale el la commission dont je vÍens de vous faire eon-
nalll'e la composition ne pouvaient ]las s'accorder. Rien
n'était plus óquitable, plus respectueux pour la sécurité du
justiciable et pour la dignité des IIIsgistrats qu'unf1 disposi-
tion pareiJle.


Ce n'est, pas tout. Je vous ferai remarquer que eette 01'-
donnance de J 820 a été en vigueur pendant quarante aus,
elle a eu qual'ante annóes d'exóculion constante, 11 est bien
arrivé quel'luefois que des cours ont vOlllu prendre cerLaines
dispositions qlli Il'étaient pas parfaitement conformes au
texte de l'ordollnance de 1820; mais la eour de cassation
est intervenue, et elle a brisé plusieurs arrets dans lesc¡uels
on ne s'ótait pas conforme exactemenl, dan s telle ou telle
eour, aux dispositions de I'ordonnance de 1820, qui, je'le
répete, a eu une constante autoriLé pendant quarante
années, de 1820 a 1859. Je dois ajouter <¡ue ectte ordon-
nance a étó olJservée non pas seulement quant aux formes
qu'elle avait étalJIÍes, mais encore, el SUl'tout quant a l'es-
l~.




- 210-


prit quí l'avait inspirée, esprit de respect pour la dignitó el
pour la ¡¡arraite liberté de la magistrature.


Je dois eucore fai re remnr'luer que cette ordonnance,
mnintenue et respectée jusqu'en 1859, a r('<;u une confirma-
tion d'nutorité en 1804. Ainsi, en 185-\', un décret a étendu
I'application de l'ordonnance de 1820. L'ordonnance ne par-
luit, dans son article n, 11 propos des tribunaux de prerniere
instance, que des trilmnaux composés de plus de deux
ehambl'es; eh bien, en 18;)-\', il fut I'endu, sous la dale du
28 oetobro, un décrct uinsi contu : « Sur le mpport de notre
g'arde des sceaux, etc .


• Art. 1"'. - Les urticles 7, g et 10 de l'ordonnance du
11 odobre 1820, sur le mode de roulument des mag'istrats
dans les coms el tribunaux, sont applicalJles :mx tribnnaux
de premiere instanee composés de d(~llX chambl'es. »


Ainsi, sons l'empire nOLlveau, !'ordonnance a consen'e son
antorité, elle a meme été élenJue pour un cas qu'cIle n'a-
VQÍl pas prevu.


Pourr¡uoi, messicurs, dans quel esprit, <lons qupl but, pour
quelle amrlioration a-t-oll r{:vollué cette OI'dollllance? Est.
~e par respcct pour la securilé des justiciables et la dignité
des ll18gistrats? Pour ;¡ pprr,cicr le changelllent inlroduit, il
fuut vous lire, messienrs, le dceret de mars 181i(). Ce dccret
est ainsi eonGu :


« Articlc 1 tr. Dans la premiere quillzaine du moL, qui pr{:-
cede les VaC3I1CeS, le tableau du roukmcnt des prcsidents et
des eonscillers dans les ehambres dont les COUI'S imperiales
sont composces, est dl'esse pal' le pj'ésidl~nt el le procureur
g'énéral, et pl'ésenté anx Challlbl'es Qss,'llIbll:es pour recevolr
leurs observalions; il est s(rtn¡¡is ti t'approbation de noU'c
gurde des sceaux, ministre dc la ,Iustice.»


L'artide2 ell'al'lide:1 sont dcs arlides indilTérents; I'ar o.
ticle 5 applique aux tribunaux de premiére instance les dis-
pooiliom; ¡¡ni viennent d'ctre prises pour les cours illlpl"-
riales. " Dalls les tl'i!Junaux de premiére inslance eompOi';{'o~
de plusieUl's ehambres, et ¡¡ l'l:jJoque fixée par !'al'tid() ter,
le tableau de ronlemcnt des vice-présideuls et des .iugc~,
e~t dressé par le président el le procureur ilIl¡t(o'rial el pr0-·
seuté aux chambres a~selilblée¡¡ pour recevoÜ' !t;urci oÜSt;!'-,




- 2t1 -


vations; il est somnis a I'approbation de notre garde des
sceaux, ministre de la justice.»


Duns le s~'sterne de I'ordonnance de 1.820, une grande
commission dnns les eours, une grande eommission dans le
tribunal de prerniore instanee, a Paris, - ear e'est surtont a
Paris (jU'i! importe de fixer son attention sur eette question,
paree que e'est la qu'on intente le plus gl'and nombre des
,Ietions pour ddits en matiél'e de presse; e'est ee qui nous
oc cupe particuliérement, - une grande commission flxait
le roulorncnt. Quel eltangement vienl-on apporter? On sup-
prime cettc commission iud('pendanle et si nombrcuse de la
cour et du tdbllIlGl dE' premiére inslance ; oa la supprime
ülltiérernent, et on appelle le président seul a quoi ? a sta-
";¡,r? nOI1, lllais a dI'cssel' avec le procUl'cur génóral, le ta-
lJ!L'au du I'ou\('l1lcnt e~ [luis a le sournettre a l'approbation de
:.1. le garde des sccanx .


.Te u'ois, lllessieuI's, que je puis vous inviter a consulter,
s'j!., Vi'u!ell[ IJOI!S llOLlol'er de leur réponse, les pr8sidents de
co::r, les pr{'sidrnls des tribunaux de premiére instance, a
l'~ris pnrticnlii'rclllelll; del11ündcz-leur ce qu'ils pensent du
l'ól\~ iJu'on leur rail jouer? Voilá un président iJlli esl en face
du prucureur gl'Il('ral, ele 1'I10111IlW :.le ¡'::lCtioll publique; le
';oilti ::;oullli, ti l'a¡IIU'obalion de M, le gordo des sccaux qui,
sourent, prescritlui-mellw la poursuile HU procnreurgénéral.


II est done en raeD de deux pe['sonne~ '1ui ont I'action dons
1es mains, (/;¡i ollll';mlorité dans les mains, et la raison po-
litique dont il doit, lui pr(~oidcllt, s'abstenír, la raison poli-
tique devient sa I'L·;.;lc.


Voila la situatiutl du prt'sident de COUl', voil~ la situ3tioll
'.lu président de tribunal de premiere installce. (1'n;s-bien!
(i'/;s-óien! al(/. !/II/lcfte !le rom/eur.)


Je n'hésite pas iJ dire que cette situDlion est désolante,
'p'elle est meme lJlessanle pour les prÉ'sitll'nlS, el je désire
:¡u!.' M. le gal'de des scoaux veuiile bien nous préscnter
; ¡!.:I'/lles cOllsidéi'alion~ a c(,t {'gal'd, cal' la posilioll ne me
'['11>13110 pas tenaÍJie .


.le sais bien que ce meme dflcret maintient la disposition
,"'l' ]::(!ilelll; íl eSIl'l!IHlu compte aux chambres assemhlées.


'bis, Hic;¡sieurs, ~oyolls de bonne foi : voilú les chambrc'o




- 212 -


assemblées; le président a fait le roulement, ill'a fait sous
l'approbation du ministre de la justice ...


Al. le Ga .. de des sceaux. Non! non!
M. De .... ye ... Il l'a fait, sauf l'approbation nu llloins du


ministre de la justice, et sur la réquisition et eonjointement
avec M. le procureur général : cela est incontestable. Quand
le roulement est ainsi réglé, que vont dire les chambres as·
semblérs ? .. Quand il y avait une commissioll de quinze
membres a la cour et de seize membres au tribunal de pre-
micre instance, il y avail une grande liberté pour lous les
membres de la cour' et pour lous les membres du tribunal
de présenter leurs observations, leurs réclamatiolls, de se
faire entendre. Mais que voulez-vous que disent [es cham-
bres assemblées de la cour, que voulez-vous que disent les
chambres assemblées du tribunal de premiere instance,
quand on leur présentera un travail qui aura été approuvé par
M.le garde des sceaux .•. (Reclamations snr plusicurs ban('s.)


Al. le Garde des scea\lx. Le travail est approuvé pur
le gurde des sceaux seulement apres qu'il a été présenté
aux chambres assemblées,


Al. DeI'I'yer. Soit. .. qui doit etre soumis a I'approbation
de M. le ga¡'de des sceaux; mais on est bien connincu que
M. le procureur général n'a pas agi sans avoir consulté
M. le garde des sceoux,


Al. le Ga.·tlc de .. "cenux. Je VOUS demande pardOI!, il
ne consulte jamais préalablemcnt 10 gardo des sceaux.


M. Be .... yer. Eh bien, il a tort, car il en recevr3it peut-
etre de meiUeures inspirations que ceUos (juí semblent le
diriger.


La maniere dont se passent aujourd'hui les choses, je
n'hésite pas a le di re, me parait monstrucuse. M. le garde
des sceaux di! qu'il n'intervient jamais, qu'on n'a jamais
demandé préalablement ses instructions : M. le procureur
général fait donc admirablement les rhoses. (Rires appro-
batifs a la gauche de /'orate/u·.)


Eh lluoi! c'est le procureur général <lui est chargé de la
poursuite, et e'est lni qui ehoisit le juge!,..


Quelques membrcs [¡ la gauche de l'orateur. Tres-bien! -
e'est la la question 1




- 21;; --


p;¡:. Ul','¡':;,e,·. C'cst lui qui clloisit lo jugo!. .. et non:;
sommcs en Franco, dans co pnys d'ordL'e légal, dans ce pays
de rois-juslicicrs, dans co pays oiL Il;s instit.utions de justic,o
ont toujollr~ éló si fortes, si respectóos! C'ost dans ce pays-
la qu'on ndrnet cellc situation de .Iu~es choisis par cclui-Ia
momo qui doít solliciter la conilamnation 1 (Trés-bienl tres-
bien! sur divas bancs,)


Le procurellr général est la partie publique, et c'ost la
partic publique <lui choisit son jugo 1 Il est, á vrai dire, juge
et partiel J[) dis que c'est li un élat de choses intolérable!


y n-t-il quelque excuse a un systéme pareil, a co sys-
temo don! je demande la rMormalion, en vous suppliant de
prendre ma proposilion en considération ? Y a-t-il quelque
atténuation an principe, ou plulot a l'état de choses que je
critique?


Oui, il y on a; il yen a dans le sentimenl do tous, dans
co sontimcnt qui a été eelui de ma vie tout enticre : le res-
pect do la magistrature. Voilil soixante uns biento! quo fai
1'!Jonneur do plaidcr il Paris; J'ai toujours eu un profond
sentiment de rospoet et de confianee á l'égard de la magis-
trature, de son grand caraclére. l\Iais est.ee que vous ne
sentaz pus que ce caractere si respectable est alteré par lo
choix meme dont, dans une pensée évidemment politique,
le magistrat est robjet?


Assuréll1ent, - el je suis bien loin de le méconnaHrc, -
aprcs lo choix dont il aura eté l'objet, le magistrat sera
libre dan s S8 cop-science.


Oui, il devra interrogor sa conscience, cotto magnifique,
celle divine lumiéro des intolligencos; mais cnfin; mes-
sieurs, nous wmmes tous des hommes ici : s'j] ost souvcnt
téméraire, s'il n'est meme jamais permis, s'il OSL surtout
tres-dimcile de pénétrer dans les choses de la conscionco,
pouvons-llous méconnailre que tout le monde a sa con-
scienco, que tout le monde penl se faire une couscíeulle "!
(Jlouvements divers).


Comment se forme la conscience? COll1ment se nour~it­
ello? Quels élémonts fout sa forco, son énergíe, détermiqlent
sa volont"', allumcut le flambeau de ses lumicres pour
éclaircr l'esprit humain ?




Je ne veux pas parler des passions dont tous les hommes
sont agité's; je ne veux parler que des di verses inl1úences
dOllt ils sont environnés. Eh, mon Dieu! la conscienee y
obéit inévitablernent dans les dilTércutes situations do la vi0.
La conscience, elle est pure /encare en obéissant a certains
instinets inseparables de J'IlUrnallilé, a certaills sr:ntimr:nts
innés dans l'hornIlle; elle ost pure encore toutes les f'ois
qu'plle He cede pas a des considéralions de ({uelque intércl
persoIluel ou matériel. Oui! le juge sera libre encore dans
sa cO!lsciencr. Mais, rnpssieurs, !lOUS ViVOllS elans un temps
Ol! le pays a traverse de bien grandr:s é¡:l'euves. Pendant une
vie d'homme, elepuis que nous sommes nu mondo, nous tous
iei, qui comlJosons eeUe assembl¡\), que de r(~volulions n'a-
vons-nous pas vues elans ce pays I Eh bien, chaeun de
nous, tout' ¡¡ tour, a pens(~ que l'illtér01 du pays dait nltaché
al1x condilions géuérales elu Gouverncmellt sous lequel il se
trollvait; chncull de !lOUS a cru que les libcrll's dont ce pnys
a une soif qui le domine depuis la Hn du siéclc dC:l'niel', de-
¡mis {789, chacun ele nous ti pu penser que les intf:réts, les
dl'oits de ce pays étaient protégés par les eonditions du gou-
vel'l1ement sous Icquel il vivait; chacun de nous sest dé-
voué a des principes cOlltemporains do co gouvernement,
cOllvr,incu qu'¡¡ élait que le bien public dépendait da
triompho ele ces principes. D'autres gOllvernements sont
venus qui ont reelouté les conséquences du point de départ
politique de leurs dovnnciers; des pensées dilIérentes ont
pl'évnlu sous difIl'rellh r{'gillles. Les gens ele bien - et je ne
]Jorle Ilue eles gens do bien, puisqlle jr: lll'aelresso a mes col-
légllC's, - les gens do hien, tour il tour, daus eles situations
diversfs, ont agi dans leuI' conscicncc, suiv3nt ce qu'ils ont
crll le mieux dans l'intén)t el la sauYegal'ele de l'État, el ils
ont placé les garanties de l'avenir daus telle ou telle idée,
dans telle ou lelle personne, 011 meme duns telles Oil telles
questions d'hérédité, cal' l'hé!\ílit~ promct la prolongalion
des perSOlllH'S.


Eh bien, rnessieurs, ces hornmes·lb, apl'l\s toutes ces
épreuves, on les connait, on sait quelles sont leurs disposi-
tions, 011 sait de quelles préoeeupations ils sont animés; on
les ehoisit en conséquenee ...




- 21:; -


Je les honore! :;;'ils SOllt sincl'rcs. Cc n'cst pas parcc qu'on
mc mct au rang des hommcs dcs ancicns partís qu'on selllLle
u0uai¡:!;l1cr, ce n'csl pas pour cela que je dNonds la IOY8uté
des hOllliI10S qui ont travcrsé dos t'égiu18S diYc'rs et s~ sont
luissé illlpressiollL1el' pnr les opiniolls el les príncipes des
gonvemornenls sous Jcsf]uds ils out yécu. Toulerois ce que
jo domande, ce que je r¡"clnme, c'cst un profond respcct, un
rcspeel pa trioti'juc pour co (jU'OIl ap[wllc déduignell3clllCnt les
llommes deo allciells partís. (Tn;s'bipl!! 8ur IjllelljllPS (¡r¡i!cs.)


Ces hommes, que sont-ils? Dos hommr:s, jo lo rópclo, quí
ont a!la~hé Icms convietions, Irllr 81I1our dll p:1YS, dI) la
lilJ(:rté, de:s institlltlons constilulion;vlles, aux eO;Hlilions
constitutives de lel Ol! tel gouvl'rnr)(1wnl el r¡n'ils onl [lll in-
voquer ponr [aire Jjl'évaloil' lours immu'ah":s pl'indpl's. Oui,
d11lS des pllases dilIl'l'c'ntes, sous des gouv¡:l'rwmcnls divcl's,
ces Iwmmos 011, voulu les mcmos ehose3, atteindro ID3
1!l¡~m8S DUts, Imis sous dos eondilions 8llssi diffl~rentcs (Iue
les priueijlcs (leS dii'l',;renls gouyerncments. Et puis, OH so
l'etcouv(! plus tanl, sous un l'úgimc nouvoau, a pr0s avoit·
io~'alem(;nl s.:l'\'i sun Inys, sous des néeessitl's dilfl'í'l::ntes,
llwis ayanl vOlllu el'lwllr!¡¡nt!es lI1emes choscs d:111S l'intérN
du pays. El qunlld ces llOilImes, qu'on appdle les hOl1lmcs
de, aneÍ(,l\s pal'tis, se retl'Ollvcnt ensel1llJle,on dit: Ces gcns
re¡)['l'srmtl'nl des opiniolls qui h!tl'icnt do se rO~'1conll'er t
(illolll'!!/Ju'l!ts ¡f ¡rc)'".)


Oh! nOll, lIl1'ssieurs, elles ne :1urlent pas; elles se glori-
flent de pers,:vércr, sous [:!s conLiilions r.etaelles, il pom-
suivre tou.l0llI'S kul' IDc;m(! lmt, le but POlili'lUl', le Imt n8-
tional, qu'elles s'daient p:'oposé ual1s d'autres tcmps, el
aUlluel elles tellllaient en subissant les uiIIé['entes nl'ces,ités
fllle la natllre purtieuliere des gOllvel'l1cnwnls pl',et:dcnts
pOllVuiQl1t Icur impos~r. (Vive apjJ/'o{mtion SU/' dívers (H{iU'S.)


Ce quí est un hurlemcnt d¿:tc:.,taiJI:" U~ sont les contra,-
clictions, les contrariétés, les di,'(·r.'ités d'ul,inions, Si) rell-
contrant Lians un meme hOJUme. e'est rllers, en elIet, que
la conscience doit etre blessée; er. si le l'espect est dú a
loutes les opinions, co respcct, qUimd cHes se heurtent tantes
I::llsemble clans un llH~rnc cmur, est singuli0l'ement diminul:.
(.1s!il!iltilllCilt sur divel's ua¡lcs).




- ~!G-


Je n'ajoute plus qu'un mol.
L'honneur des magistrats, la liberté de lcUt' rOllocicneu,


dit-on, ont pour garantie l'inamovibilité.
L'inamovibilité est un grand principe, mais il ne fUlldrait


pas que l'OIl s'eITorl;át d'introduire a coté de l'inamovibilité
une exeessive mobilité.


Je ne veux pas parler d'une loi que je erois rnalheureuse,
parce que fen ai vu les tristes suites, de la loi wr la limite
d'áge. Je sais que mon ojJÍnion n'est pas partagée par tuul
le monde, mais enlin je puis dire que j'ai vu, et je l'ai vu
avec regret, sortir des cours devant lesl[uellcs j'ai passé ma
vie, des mngistrats agés, ayant attein! In limite d'áge, qui
ótaient plus éclnirés, plus expérirnentés, plus capaliles 'jtle
lieaucoup d'autres plus jeunes (ju'eux. Je les ai vus, a eausc
de cct fige qui les faisait reputer incapablcs, renvoy('s, dimi·
nués en autorité au sein de leur propre ralllille; jo les ai vus
presque humiliés de In situ.ation mosquine qui knr était faite,
en raison de leur age scul, tandis que leur :l11li', kur emUl',
lcur intclligence, leur savoir, étaient encoI'c trés·vivants; et
j'cn ai vu, - je pourrais vous en citer, - qui sont morts de
chagrin dans les quelques mois qui OHt suivi lcur ren\'oi des
cours dejustice. (j}[auvements divers.)


Je trouve désastl"Ouse cette loi qui n'a GU d'autre r(\sultat,
sous un Gouvernement Ilouveau, que d'ouvrir carriere a
lJeaucoup de promDtiolls nouvclles. (Tres-bien 1, ti la yauche
de l'atafear.)


L'inamoyjlJilitó, avec la mobililé et la facilité des proll1o-
liolls, n'csL dune pas uno:: garantie suf'fisante; elle nQ r¡"pal'e
pas le vice fondarncntal de J'état de cllOses que j'ai signalt',.
(Juand le p¡'oel\l'cul' gén6t'al, partic publique, vient choi,.il'
son jugc, on est en droit, meJlle apres ce que j'ai dit des
eonsciences les plus honnetes, on est en droit de pensel' q\:i:
e'est de tel ou tel sentimenL personnel mais connu de tous,
qu'a d0petldu le CllOix qu'oll a fail de tel ou tel magistrat
pour le l'aire siC'ger au tri !llmal de poliL~u corrcetionnclle.


La qucstion tl'inarnovilJililé, eneOL'e une l'uis, ne vient pas
¡ustifier le moLle de procéder que.ic critique en ce moment;
el je Jirni, pa['ce que c'ost ItlOll scntimenl intime, que le
magistral dont la cOllscieLlce aum (;té fuussl'e par les événc-




- ~17 -


lJlellls qu'il a t!'aversús, par los inquiéludos qu'il a rosdenties
[Jour l'avenit' de SOI1 pays, que ce magistt'at-Ia, s'il pronoIlce
avec peu d'équité, il n'es! pas coupable, Non! ce n'es! pas
lui qui es! coupable! Le coupable c'est celui qui I'a ehoisi
pour lui demander dos eondamnalions. (Tres-bien! ü la
uauc{¡e de l' urateul'.)


Messieurs, de tou! cela il résulte pour moi la nécessité de
cbanger I'ordre (lctue! des choses. Je demando done le re n-
\'oi de ma proposition a la commission; je le demande,
ninsi que je I'ai di! en comItlencant, pour maintenir dans
llotre pays ce qu'il y a de plus précieux dans tout État,
l'indépendance, la dignité des corps judiciaires, qui est le
fllndemenL solide do la conservation au soin dos soeiétés ei-
vilisées. Je demande que les choses se fassent de maniere
'lu'aueune atteinte no soit portée dans la pcnsée publique ¡¡
ce respeet f'ondamental, il ee respect social, a ce respeet
llécessaire do l'autorité moralo de la chose jugée. Ne
l'ébranlcz pas, messieul's, ce respect; et soyez eonYaincu~
'lue les amis exclusits de l'ordre peuveut Lien se tromper;
cal' l'ordro, san s la liberté et la jusLice, c'est l'esclnvage,
c'est la tyrnnnie I (Vive approí'ation ú la uauclte ele l'O/ateur.
- Hwneurs elans les autres pal'ties de la salle.)


l\lessieurs, ce n'est pas moi qui le dis, je ne fais que citer
une parole de Fénelon, au temps de Loui:l XIV.


L'ordrc, il est dan s la sineérité des jugements et l'indé-
pcndance des magistrats. La plus révoltante injustice, celIe
Ilui blesse le plus le L~ceur des homilles honne!es, des cÍ-
toyens intelligents, c'est l'injustice qui se prépa¡>e par une
loi et qui se commet sous les formes apparentes de la jus-
liceo C'cst ce qu'il faut le plus redouter au monde; C'08t ce
Ilue je erois combattrc par ma propositiotl, á laquelle je
supplie la Chambre de youJoir bien s'associer. (Vive ap]Jro-
úation el ({]!plaudisseJJwnts ú la !fa/te/le de l'omtéllr.)


13




I?\TRODUCTION DE JOURNAUX ÉTRAJXGERi'


DISCO[RS
DE


M. GARNIER-PAGES
Député de la Seine.


SEANCE DU 18 FEVRl.ER lK(íK.


lH. le Présidenl; Sehneidel". La discussion porte sur
un arnendernent rclatif aux journaux étrangers introduib
en France.


Cet arnendernent, préscllté par M. Garnier-Pag'és el pI u-
sieurs de ses collegues, tend ¡1 l'abrogation de l'article 2 du
décret du 17 février' i 8t52.


La parole est ¡¡ 111. Garnier-Pagés.
lH. Garnier.Pages. Messieurs, je n'oceuperai pas long-


temps la tribune, car ce qur j'ai ~ di re ¡¡ la Chambre me
paraít tellement logique que I'Assemblé6 et le Gouvernement
ne feront, je l'espere, aucune es pece de résistance ¡¡ l'ad-
mission de l'amendement quc j'ai l'honneur de vous so u-
rnettre d'aecord avec rnes honorables collegues de l'opposi-
tion.


Mes honorables amis et rnoi nou,; dernandolls I'abrogatioll
de l'article 2 du décret du 17 févrit)!' 1802.


Cet article 2 es t ainsi concu :
« Les journaux politiques ou d'économie soeíale puJ.¡liés a




- 2l.9-


l'étranger ne pourrollt eirGull'r 1'11 Frnnee qu'en ver tu d'une
8utorisation du Gauvernement.


« Les introdueteUl's ou distributeurs d'un journal étranger
dont la cireulation n'aura pas été autorisée, sel'ont punis
d'un emp¡'isannement d'ulI mois ·iJ un an et d'une amende
de eent a cinq mille francs. )


MessIeul's, cet artiele était le cornplément nature! de
l'article J.'. qUl, vous le savez, exigeait pour les journaux
voulant paraltre en France, une autorisation préalable. Cel
:nticle l.er prescrivait P!l outre, lorsqu'il y avait un change-
ment dans la rédactioll, dans la gerance, et meme dans les
associés ou actionnaires du joul'Ilal, une 3utorisation préa-
lable.


J'avais donc raison de diL'(, que I'article 2 était la suite 10-
gique de l'article 1"; il en était la eOllséquenee fatale.


Lorsque M. lé) garde des seeaux vint dans cette enccinte,
a la suite d'un eonseil des ministres, vous déelarer qu'illais-
sait le vote de J'al'ticle l. er a la libre disposition de ¡'Assem-
blée, il fit suivre cctte déclaration de paroles rigoureuses,
trap rigoureuscs sans doute pour la presse étrnngére; mais
lorS(IUe, peu de juurs aprés, M. le ministre d'J~tat vint a SOI1
tour vous eOlllllluniqurr 1I1le nOllvelle l'ésolulÍon du pouvoir,
il tinl un langagc plus digne du payo;, paree qu'il Uait plus
élevé, parce q u'il parlait de ['une des libertés les plus es-
::;entiellcs.


Envisageanl la question ü r{'SOUdL'C, il vous disait : « Est-
ce que devant ce probléme uous dcvons reeuler? Est-ce
<¡ue S3 solution !LOUS etfraye? Quoi! nous ne I'attaquerions
¡¡as, nous nous attardet'ions dans une timidité que nous
Il'avions pas il ya un an? Nous tiendrions comple des diffi-
eulLÍ's passagéres destinees ¡¡ s'évallouir et a s'étcindre,
plulot que de les regarder faee a faee, plUlÓl que de dire :
AlIons! que la liberté soit eompléte, que la presse soit libre!
(Approbation sur un ,l/rand nombre de banco.) Nous ne re-
doutons pas ::;cs dangers. S'ils cxi~taient, nous eroyons avoir
la force, la volonté, le COUl'llge I1peessaires pour les sur-
tllOllter. (Nonucltfs 1IIaojues dajJjJ/'obation rnelees d'applau-
d¡sSernent8.) ))


Je fais appel, messieurs, a vos cOLlsciences : seraít-il pos-




-- :l2() ,-


~ilJle que dans cello élssornlJlée on pul ll1uiulonir uujourd'hui
l'aI'ticle 2, prescl'ivant l'aulorisution pI'éalalJle pOlll' la presSl!
drangcre, tandis qu'on l'a abolie pOU!' la presse fI'an<.;aise?
Non, iI n'y aurait pas dc log'ique, pas de lIeUelé dans votrc
loi, si, je le rópcte, ¡lprCS avoir aboli l'autoI'jsatioll ]JI'éalable
pou!' les journaux de la France, vous vouliez la ruaiulenir
pour les journaux de l'étranger. Ce serait vous donnel' a
vous-meme un ótrange dómenti, il faut espél'eI' que vous ne
vous l'intligerez paso (As:;entimwt ti, la gal(cltc de l'u}'(t-
tea!'.)


Celle questiol1, messieurs, appelle el lIlérite vos rN1exiolls.
Toute la pl'esse étrangére atlend, et, suivanL votl'e dóeisioll,
elle jugera du véritalile eSllrit tle la loi flui nons est SOll-
mise,


Dans UlI sujel aussi grave, pel'moltez·moi d'aborder de
ll'cs-courtes considérations gónérales, d'un ordre élevé, La
~ociété ~;ubit, c"h ce moment, un marasme, tles inquiólude~,
des mrfiances, 'luí naissent de la lulLe désespel'ée du pnssé
avee tous ses pr6jugés et toules ses injusliccs contre le
puissant elTort du progrés dont les lumié;'es éclaircnt deja
¡'avenir.


En présence de cette lutlr, flu'allez-vous fairr? Commcnt
cntendez- vous cODjurer les soulfrunces qu'elle engendre?


Vous le savez, il se manifesle ell Europe Ulle espece de
renesie pour les armelllenLs militaircs, une sorte ¡J'órnula-


tion a Ilui tlépenscl'a le plus pom ol'ganiser uno furce arlllée
supéricure; e'est la ce (¡ue Dons appelons l'épidérnie du mi-
litarisme.


Vous savez aussi los tristes conséqucllces de ceL enll'ai-
ncment général : les alfaires sont suspondues, le travail
ancté; la crise s'étcnd pal'tont, les dépenses on vuo dl~
gucrres évcntnclles eOllsornment les reSSOUl'ces c¡ui soula-
geraient, - et jc parle pour toute l'Europe, - les misércs
'luí désolent la Pl'usse, l'Irlande, l'Aulriche, I'Algéric, la
Franee et bien d'autres puys.


Ce systéme du miliLaJ'islllc esL basé sur la mélianl'e, iI c~t
hasé sur des haines que ron c]¡erc]¡e ¡¡ faire re\'ivl'l~, il est
basé sUl'lcs surexcitatiolls de l'amour-pro)Jl'e national. Cesl
ltl llll SystClllC aussi ['aux (¡Ile funeste; aussi I'Hul-il llOUS el:"




-- 221 -


fo!'cer de sollstl'ni/'c I'ElIl'ope á [outes lOes doulelll's el ;1
toules ces misL:res pour entrer dans l1ue situation pllls n()r·,
nlHlü el. plus pacifi(f1w.


Eh I mcssieurs, est-ce que vous croyez que nOlls n'nfi-
plaudissons ]las iJ vos etforls, lorsque, 80118 la direclion d'utl
membre disLinguó du conseil d'Etat, vous cherchez il cr('er
I'unité monétaire ? lorsque vous faites des conférenccs pour
ópargner á l'Europe les horreurs de la peste et du choléra 9
]orsque vous vous concertez avec les autres puissances pOll!'
,/u'en temps de guerre les Llessés soiellt parfaitement soi-
gnés, meme sous le feu de l'ennemi ? Dui, nous applaudis-
sons quand vous railes des trait(s de commence, qllnnd
vous vOlllez pourvoir allx Lesoins économiql1f's d[¡ pays.
Vous le savez.


l\Iais aussi 1l011S vous criliquons, nous vous hl;'¡mons
quand vous faite3 des dépcnses inuliles, en exagérant 1'01'-
ganisation miliL8ire, - el vous l'exagérez sans cesse; -
(Juana vous gl'ossissez le chifTre de vos budgets, ce qui pl'O-
duit ce résultat fatal: qu'il n'y a plus de bOIllles flnanccs
possibles. Aussi les hudgets sont-ils toujours en déficit,
non-seulement en France, mais dons l'Europe entiere.
Partou! ron c~t obligó de rer:ourir á des emprllnts, de
surcharger tous les pellples d'imp6ts. Telle est la C~llse de
ces miseres dont j'ai parlé tout a l'henre. (Tres-bien / il la
(jouclte de 1'0ratclI1'.)


1\1. Juhin .. l. Comment vOlllez - vous I'airc? nOns ne
sommes pas les seuls.


1\1. G .... niel··I·"ge... Eh hien, messieurs, lorsqu'j[
s'agira de choisir entre ces deux systemes, le systemc mili-
taire el le systeme pacifique, ne serez-vous pas heureux
d'avoir dans les journ:Hlx étrang'ers, non des adversaires,
mais des n!liós? Et vous demander á cette tribune, ave(~
mes collegues de la gauche, de permettre la libre introduc-
tion de ces journaux, n'est-ce pas vous dire de vous faire
des amis en ollvrant largement la porte á toutes les idées
ijui viennent du dehors?


Messieurs, dans un discolll's de la couronne, vous avez
VII la cOllstalation de ce fait remarquablc : que deux agglo-
l1l';ra lioJls ronsid{'ra]¡le~ d'homIIle~ daient en vie dp




- 222-


formation, J'agglomération russe-slavp, el. I'agglomération
des Elats-Unis. Ce discours de la couronne nous fail entre·
voir (ju'avant un certain nomht'e d'annl~es il y aura 100 mi!·
lions d'hornmos unis en faisceau des oeux cOt(~s. Cela eSl
vrai, seulement avec eelle oiffórpnce qu'en Hussie c'est par
le despotisme que le fait s'accornplira, tandis qu'au con-
traire aux Etats-Unis d'Amérique ce sera par la liberté.


En face de ces agglomérations puissantes n'est-¡I pas
indispensable qu'il y ait dans le centre de I'Europe un fais-
cean de sentiments eommuns, de forces matérielles reunies,
eoncentróes dans une meme volontó, la volonté libre des
penples '!


Eh bien, messieurs, si cela esl. \'rai, je vous dis encorn
que e'est la preSSt) ótrangere qui vous aidera ü faire naHr!)
l'entente et l'affection. (l'n;s-bien r/. la gauche de l'ora-
teur. )


Qu'il me soit per'mis maintenant de le demander : oil est
le danger de la libre introductioll des journaux drangers ?
II Y eut un lemps ou YOUS a viez elttrnpris dcs expéditiolls
lointaines. A cetle épofjue,-liJ la p/'csse frnncaisc tle pouvait
pas dire tout ce qu'cllc voulait; elle ne disuit rien de con-
traire a ce qu'elle pensait, mais certainement. elle ne pouvail.
pas dirc tout ce fju'elle pensait, et comme a ce moment la
vérité aurait pu pénétrer par des joumaux étrangcrs, vous
aviez intéret a ce que les journaux étrangers ne pussent pas
parvenir cn France. Mais aujourd'hui ces rnalheureuses
expéditions ont cessé; vous n'avez donc plus ce danger :1
craindre, eL si votre poli tique esl loyale et f/'anche vis-a-vis
des autres peuples, vous ll'avez rien a redouter, vous pon vez
¡ai8scr cntrer lota ce que disent les journaux étrangers.


Vous le pouvez d'autant mieux que, dans un pays fjuel-
conque les attaques contrc le Gouvernement, lorsqu'elles
viennent de I'étranger, nc produisent aucuo résultat nui-
sib\f~, le sentimeill de la dignitr. nationale est alors plus fol't
que les autres. On vent bicn attaquer chez soi son propl'c
gouvernemcnl.; mais il y a toujours une certaine répugnancc
á accepter la critique, lorsqu'elle vient du dehors.


Passons maintenant fl\1X attaques possilJles contrr. le pays
lui-meme.




- 223 -


Auriez'voll~ iI craindre. eommc Ir disnit l'honornblr garde
des sceaux, que ces attaques contre la France viennent y
jeter le troublp et l'agitation? IIfais des attaques contri) la
Frailee vcnant de I'étranger' prodlliraient relfet contrnirc.
Vous pOli vez dOlle sans périllaisser entrer des journaux qui
parleraient mal de notre pays, ear notre pays se soulcverait
d'indignntion, et eonsldérerait ces attaques comme une in-
jure h la nation,


Et pllisqlle vous n'avcz pas ces dangers a redouter, ne
vous réduisez pas a eette rxtrpmité fatale d'avoir a mettre
il l'indcx tous les grands journaux et toute la presse du
monde entier; non, vous ne le ferez point, cela n'est pas
possible. (Tris-bien! illm gauche de l'orateur 1)


Vous voulez faire, dites-vous, de Paris la capitale du
monde et vous voulez y appeler les drangers? Vous voulez
que de tous les ci'lt<'s on vienne admirer ici les splendeurs
de notre Paris. Vous désirrz qu'il en soit de meme pour la
France: vous voulrz que dans toutes les contrées favorisées
par la nature, soit rn Touraine, soit á Niee, soit á Cannes,
soit il Pau, les étrangers vjennent el artluent; et c'est une
excellente chose, enr ils y fonl des dépenses productives
pour vous el ils y apporlcnl leurs scntiments de rraternit(~.


Lorsque vous appelez ainsi chez nous les étrangers, en
leur ofTI'8nt une cordiale hospitalité, comment contillueriez-
vous b leur (Jire: Laissez a la frontiere les journaux aux-
quels vous Nes aecoutumés, vous n'aurez plus les nouvelles
de votre pays! eomment maintiendriez-vous ces prohibi-
tions arbitraires qui font qu'un cito yen étranger abonné ¡¡
un journal de Vienne, par exemple, au lieu de le recevoir
réglllieremf~nt, ne le rf'«oit que par hasard, comme il plait a
eertains ccnseurs, c'e~t-a-djre cínquante foís sur cent, et
quelqucfois, comme cela arrive dnns certains moments cri-
tiques, vingt-cinq fois seulement sur une année entiére?


Messieurs, ces rigueurs inutiles ne peu vent durer; vous
ne le voudrez paso


Que faites-vous, d'ailleurs, en elfet? Vous convoquez a
grands frais, dans une exposition universelle, l'industrie, le
commer'ce, les beaux-arts de tous les pays, et lorsque vous
les avez appej{·s ainsi, vous pouvez songer encore a con-




- 22.1.-


signcr a vos portes la prcsse, I'intclligence, la pr,IlSór., r,t
vous leur diriez : Halle-la r on ne passe pas! 11 n'y a que la
marchandise qui entre. (1'n;s-bú!,d (n;,,-flim 1 il la ganeh e
de l'orateur.)


Cela n'est ni jusle ni digne d'une grande nation, et ne
saurait etre plus longtemps toleré par vous. EfTacez done
de notre législation cet article 2 dont tout a l'heure je vous
donnais lecture.


Mossieurs, songoz-y, ce Que vous cousignez a vos portes,
ce sont les journaux étraugers, et je parle de ccux qui sont
rédigés par les hommes les plus illustres, les plus élevés,
les plus distingués. Ces journaux expriment la pens(!e dp
tout le monde, pensée écritc, (:tudiée, et, je lo d(~clare, e'est
un honneur pour un pays quand ils y aftluont de [OBS les
cotés. (Tris-bien! trtls-bien!)


Mais· vous-memes, messieurs, ,"ous tous qui prencz la
parole, quand les discours que vous avez prononcés a cette
tribune sont insórós, ne devenez-vous pas en (fuelque sorle
les collaborateurs de ces Journaux qui les rcproduisent 9
N'iltes-vous pas hcnreux qu'ils puissent por ter au dehor,;
votre penséo, la diseussion, la polémir¡ue 11 laquello vous
avez pris part.?


Eh bien, si vous ermez la porte ¡¡ la presse étrangóre,
c'est a tous les autres orateurs étrang-ers que vous fermez
la porte . .Est-ce généreux, est-ee juste '?


l\fessieurs, une derniere considération, tirée d'un fail
nouveau et digne d'étre remarquó : jo viens, au norn de
300 hommos de lettres, jonrnulistes, éorivains distingues,
éminents, de la ville de Vienne, vous soumettre des obser-
vations, vous adresser des réelamations ... (Rwneurs tli-
verses.)


Ji la gauche de l'orateur. Parlez! Parlez!
1\1. Garniel>.page ... J'ai vu, dans le [ait que je ,"cm


vous citer, deux choses : un hommage rendu a la tribuno
fran()aise et un symptome do fraternilé des peuples. (Nou-
velles Tumeurs et bruit.)


J'entends quelques murmures ... (Non 1 Non 1) Aimel'iez-
vous done mioux la guel"rl: que la fraterniU;? Vous ditrs
non; vou~ avez raison.




- 22:) -
.Te le r('púte, je viens nI! llom d'une saciét,'~, la C()I/rorrlia,


¡Jan t je elOis que l'honorable M. de lleust est le prL'sidcnt
honor:lire, formuler ici des réclnmations légitimes ...


lU. de HenllcbnIllI>. VOUS n'etes pas député de Vienne.
~I. E,·ne .. t Picardo e'est un intéret frangais et M. Gal'-
nier-Pag(~s est un des représentants de la France!


1\1. Ellg¡'ne Pelletan. Ce n'est pas un intéret de clo-
cher qu'on défend en ce moment, c'est un intéret europé~en.
(E-rtlamatirJns diverses.)


1\1. G .... nim·.Pa~e ... La question est digne d'etre PX¡¡-
minée d'une maniere sériellse. Je n'ni pas vu dans le rait
que je vitms d'énoncer une crilique, je le dis simplement et
comme je le pense, j'y ai Vll avee grand plaisir un hom-
mage; j'y ni vu la preuve que, dans les pays qui 1l0US en-
tourent, et avec leS(IUels nous cherc]¡ons peut-etre en ce
momen! a nOller dvs nllianees, les hommes intelligents
eherchcnt de lcur cóté a se rapprocher de 1l0US en nous sou-
meltant des observations légitimes sU!' une mesure qui les
atteint directement, puisqu'elle cornprornet la libre intro-
duetion des journaux de leur pays.


La meme plainte se produi t de la par! de tous les pays
(lui nons environncnl, de I'Allemague entii)re, de I'Angle-
terre, de I'Italie, etc. Tous les rédacteurs de jOllrnaux sont
prets a vous témoigner le meme étonllement, en vous disunt
qu'i1s ne cOlllprennent pas comment, les jOUI'naux f¡'angais
('tant rel;us librement dans leur pays, nous ne pouvons pas,
IlOUS, recevoir lilJl'emetlt les leurs. (Arlhesion a la [jrlUclte de
rorateur.)


lls ont droit cepr:ndnnt á une réeiprocil(' de notre pnrt, el
en venant 1l0US la demander, 10il1 d'abaisser la queslion, jr:
l'éleve, il me semble, il la hauteur d'une question de loyautó
et de bonne foi.


Je sais, messi<:ms, que dal1s un sujet comme celui-ei iI
faut eviter l'emphase el parler simplemenl. Cependant, me
reportant vers le passC~, je ne puis m'empecher de vous
ciíre eeci : depuis deux siecles, e'est la France qui répand
toules ses idees au dehors. Ce sont lous nos grands genies,
COl'lleille, Raeine, l\Iolit)re, Montesquieu, Rousseau, Vol-
t~lirf': Cl! son! nos grands oratems de la Révolutian, nos


13.




- 226 -


grands orateurs de la Restauration, nos grands orateurs du
gouvernement de Juillet et de la République, qui oót r(~­
pandu au dehors la liberté, lalumiére, les idées de progreso
Eh bien, lorsque ces idéés reviennent chez nous agrandies,
éclairées, appliquées, ne leur défendez pas votrc porte, cnr
ces idées font retour au foyer d'ou elles ont jailli : vous de-
vez les reconnaitrc comme votrcs; les consigncr a votre
frontiére, c·est vouloir empecher de luire et de se répandre
une lumiére qui ne brille pas, mais qui éclaire t


En descendant de la tribune, je vous le Melare done en
facü de l'Europe, vous ue pou vez [las maintenir pour les
journaux étrangers l'autorisation préalable que vous avez
abolie pour les journaux francais.


Vous ne commettrez pas celte inconséquence. Vous oe
dOIlnerez pas ce pénible spectacle de gens qui scmblcnt
craindre jusqu'á l'écho de leurs propres idées. (Tn.:s - bir,n!
t/"Ps-I!il'll! Ir 111 (lanche rlP l'()mtl'ur.)




VE~TE DES JOURNACX SUR LA VOTE PUBLIQl'E


DISCOURS
DE


M. RIONDEL
Député de l'Isere


Sk-\NCE DTT 1R FÉVRIER lR6S.


:'\1. 1e .-ré",ldent l!i\chneidm'_ L'amendement qui se
présenterait ensuite est ('elatif aux outragcs a la morale pu-
blique et rcligieuse.


L:1 parole scrait a M. Jules Simon,
M. Malézieux, IJ y a d'autr(~8 amendemcnts,
M. I<;roe .. t Picard. 11 Y a auparavant notre amendement


relatif a la vente des joumaux sur la voie publique, que
M, Riondel eRt prét á soutenir,
~I. le Pré .. idenL Schneider, Il y a en effet un amen-


dement relatif a la ventc des journaux sur la voie publique,
Cet amendemellt, signé par MM Ernest Picard, Jules


Favre, Guéroult, Garnicl'-Pagés, lUondel, etc., est ainsi
concu :


« La venlr. et la distributioll sur la voie publique de
journaux et écrits pl;riodiques ne peuvent étre interdites
par voie administrative. »


La pal'O[e est a M. Riondel pour développer cet amende-
mento




- :22H-


:'tI. niondel. Nolrr, :lmendcment, qui constitue une dis-
posítion additionnclle a la loi, a dé rendu nécessaü'c. par
J'Dr~animHiDn 011 rB~iml) flOI1YBíll1 BDlJ8 ¡BrIlle) la prc5,se e.:it
a ppelée a vivrc. (Plus Iwut! - On n'entcnd pas!) Cet
amendement doit eomlJler une laeunc, t'óparer une omis-
sion.


La commission ne le pense pas ainsi. Ayant a se pronon-
cer sur eet amendement, elle l'a [ait d'une far;oIl tr(~s-laeo­
nique; eependant ce laconisme ne nuit pas a I'évidenee dI)
ses intentions qui sont cxprimées avec autant de nettelü
que de briéveté. Que dit cn elfet la commission?


Le voici : « Il faut bien convenir cependant que l'autoritr
a la police des rues et qu'elle peut empéeher l'npparition, le
stationnement, la vente sur la voie publique de ee I/u'ellc
juge nuisible.


« Nous laissons, eontinue-t-elle, iJ l'autorité et sous S3
responsabilitü, la poliee entiere de la voie publique.))


La eommission, messieurs, n'est done pns favorable a
l'amendement; elle le repousse, mais elle le rcpoussc pour
un motir unique, la nécessité de laisser a l'autoritó la police
de la voie publique. Elle se dispense d'examiner sous ses
aspects divers la grosse (juestion que cet amendement fait
ttaitre.


Cette question, messicurs, vous me permettrez de la po-
ser, puis j'essoierai de vous en indiquer la solution, ceHe
du moins qui me paralt la seule satisraisante.


Enlin je discuterai les motifs du rejet, prononcé par la
commission, de l'amendement qui lui avait été proposé.


Le projet de loí qui vous est soumis, en accordant, par
son article l.er, la dispense de I'autorisation préalable, a
evídcmtnent voulu donner la liberté de la presse; eela n'est
pas douteux. 11 a voulu organiser la liberté de la pressc,
soustraire la presse au regillle discrétionnaü'e.


Cette pensée nous est révélóc par des documents impor-
tants que vous connaissez, dont vous n'avcz pas perdu le
souvenir, notarnment par la lettre impériale du 19 jan-
vier l.8ü7. Que disait le c'her de l'Etat a eeUe époque? Per-
mettez-moi de vous soumettl'e quelques lignes de celle letlre,
memora 1)18.




- 22~1 -


n tlisait : Une loi sero Pl'oposée por altribller exclusive-
ment aux trihunaux correctionnels l'appréciation des délit~
d/~ presse et supprimer ilinsi le pouvoir discrétionnaire du
gouv8mement.»


Je continue, j'invoque un autre document qui n'a pas
moins d'importance; je me trompe, qui en a un peu moins
peut-ctre, mais cepentlant qui est capital: c'est I'exposé des
lllotif's du gouvernement, qui est l'ceuvre du ministre de
l'illléricUl'. Qu'est-ce que je lis dans cel exposé des motifs?


« Faire disparaitre pour la presse le controle administra-
lir qui la contenait jusqu'alors, c'est réaliser pour elle le
programme dont nous avons signalé le caractére el le prin-
~pe. Le controle une fois disparu, l'écrivain ne releve que
de lui-memo et de la loi.»


Un peu plus loin l'exposé s'exprime ainsi :
« Les lois de circonstance sont des lois provisoires, c'est


i'arme dl¡ comhat plutot que l'arme pacifique du droit
toules aboulissent invariahlement et sous des formes di-
verses á la censure: c'est un retour á l'idée de l'ancien ré-
~inlc.})


Plus loin, je vois encore : « La loi actuelle écarte le con-
trüle de l'a utoritó administrativo.»


L'exposé finit ainsi :
« Le projet rait cesser pour la presse la tutelle administra-


tive et ne lui donne d'autres juges que la loi et les magis-
trats : la loi qui tixe le droit, les magistrats, qui en IJunis-
sent la violation_ » .


Voilá hien, messieurs, la pens('e de la réforme que nous
sommcs appelés á réaliser nelternent accusée; c'est la suo-
stitution du régime de la lógalité au n;gime discrétionnaire,
nu régime de l'arhitrail'e; mais, pOUl' que ce régirne nou-
ven u soit viahle, il faut qu'il soit complet et qu'il soit fran-
chement légal; si I'arbitraire doit cesser, il faut qu'i! cesse
d'une maniére complete.


Le régime nouveau ne saurait ütre un monstrueux hy-
iJl'ide llé de l'accouplement facheux de l'arhitraire et de la
I,·'galilé. ( Tres-bien! tl'l's-bienl ü la gauche de l'orateu1'.
gcclarnations diverses SU/' W~ !l/'llnrl ·¡wrnlire de banes ).


Xous lW lJOUVOllS pas avoil' la lJl'denlion, I'llmbilion, de




- 230-


fonder des ffiuvres impérissables, non; mais, comme légis-
lateurs, nous devons tenir a honneur d'assurer a nos ffiU-
vres quelque durée, et nous ne pouvons arriver a ce résul-
tat qu'en évitant les contradictions, qu'en faisant preuve de
ogique.


Ce point convenu, ne comprenez-vous pas, messieurs,
que maintenir entre les malns de l'autoríté la faculté discl'é·
tionnaire d'interdir la vente des journaux sur la voie pu-
blique, c'est arriver a la négation a/)solue de la liberté qu'or-
ganise l'article 1·' du projet de loi?


En eITet, voyez, messieurs, un journal se fonde; il rempli I
les conditions exigées par la loi que nous élaborons en ce
moment ,; il dépose un cautionnement, il se soumet au
timbre; il fail paraitre son premier numéro; ses tendances
ne sont pas encore conllues ; elles peuvent étre indiquées
peut-étre par les noms, par la Ilotoriété de ses rédacteUl's.
mais enfin ces lendauces Ilouvelles, la ligne qu'i! doit suivre,
ne sont pas encore bien connues. Le jour meme Ol! le pl'e-
mier numéro de ce Journal parait, I'autorite intervient, ellE'
en interdit la vente sur la voie publique. e'est la mort, I'a-
néantissement du journal, cela est incontestable.


Remarquez, en eITet, que pour un journal qui se fonde, lE'
moyen d'arrIver á se procure!' une clientr,le, d'arriver á
l'abonnement trimestriel, semestriel, annuel; ce moyrn,
vous le pressentez, je n'en connais qu'un : il consiste d'a-
bord, icí, a Paris, a exposer ses numéros sur la voie publi-
que, dans ces petits établissernellts qu'on appelle des kios-
ques, a les exposer encore allX étalages des distributeurs
placés aux coins de certaines rues .. VoiJa pour le journal qui
naH, qui se fonde, le seul nJOyen de se mcttre en contact
avcc lo pub lic.


Un journal qui n'a pas encore été publil\ qui n'a aucune
célébrité, ne peut pas de plain-pied se procurer l'abonne-
ment; je le répéte, il faut, pour se raire conn¡¡itrr, qu'¡¡ se
melle en contact avec le public au moyen de la distribu-
tion et de la vonte sur la voie publique; ce n 'est pas dou-
teux. Alors, si lo journal esl. bien rédigé, et si les opinions
qu'il défend sont dans les courant de l'opinion du jouJ', si
en un mot, ce journal plait au public, iI acquerra de la COIl·




- 23! -


sistance, il assurera son existcnce. Mais, si vous l'ernpe-
ctlez de se rnanifestcr, je Je repele, vous le tuez, vous l'anéan-
tissez.


D_ E"ne"" Plcard. Ce n'esl pas la peine de le laisser
naitre.


D_ RlondeI. Quand un journal est déja connu, quand
il a vecu, sa siluation est un peu différente. Le journal qui
a vecu a de la rélJUtalion, de la notoriété, il a ses abonnés,
une clientele fixe. Admettuns qu'il ail été distribué et vendu
pendaut longtemps sur la voie publique. Tout a coup l'auto-
rilé inlervienl el le frappe d'inlel'dic!ion. Assurémellt ce
journal ne périra pas d'une maniere absolue; il continuera
de servir ses numéros a ses abonnés. S'ilu'est plus vendu
sur la voie publique, il poul'ra se vendre chez les libraires.
Pourquoi? Paree qu'en somme, il a une certaine notoriété,
el que si l'acheteur habituel de ce journal ne le trouve pas
daus les kiosCjues, ni chez les dislributeurs au coin de rues,
ji s'en ira Ji: ehercher chez Jes ltbraires.


n n'en esl pas moins vrai que eetle interdiction est une
attcinte a la vie illllustrielle du juurnal, a sa prospérilé
eommereiale; on ne pent sérieusement le contester.


Et encore, si eetle interdiction répondait a un grand
besoin politique, si elle n'avait pas un caractere tracassiel',
elle pourrait étre admise, mais de la l'a¡;on dont elle se pra-
tique, elle se présente malheureusemellt corlllne une vexa-
tion.


En eITet, comment procede-t-on? L'autorité est en face
d'utl journal qui n'a pas commis de délit, d'un journal qui
n'a rien rait pour elre traduit devanl un tribunal, devant
une juridiction de répression, non; seulement ce journal
n'est pas un journal complétement agréable_ Il a quelque-
fois de l'acrimonie; il peut etre injuste de temps a autre.
Quelle réflexion faH l'autorité? elle se dit: Voici un jour-
na~ qui est insupportable, je vais lui infliger l'étranglement
admillistratif.


Je ne le tuerai pas, mais je lui ferai bien quelque mal. Je
le frapperai sournoisement ; je ferai une breche a sa caisse.
Ainsi pade l'administration,


Eh bien, estoce que par ce,ttc mesure de restriction, vous




- 232-


portcfez un pr['judice h !'idee'! JI ~'en i':llIt : l'id['e fera son
chemin. JI reste á ce journ~l que l'autoritó n'a pas pU" faire
condamner, il lUÍ reste, ponr se rl;pandm, se propager, la
,"oie de l'abonnement, la vente chez lp,s libraires, dont je
parlais tout a l']¡eure, vente qui ne fera jamnis dé(aut iJ un
journal connu eL persécuté.


C'est La de l'histoire, vous le voyez, la llIesure de I'inter-
diction n'est done qu'une demi-mesul'e, - c'e~~ do l'arbi-
traire mesquin : l'al'bitraire, qui ne porte pas I'empreinte
d'une certaine gl'andellr, ne tarde pas a devenir odieux.


:\'Iais, uous dit la commission, vous /w pouvez pas eepen-
dant priver l'autorit{~ du droit d'interdire sur la voie pu-
blique la vente des choses nuisibles, la dill'usion des cllOses
nuisibles : e'est li! une question de poliee de rue.


La commission aurait raison, fen eonviens, si le systclllc
de répressioll que nous avolls organis{\ en votan! difTérents
articles du projet de loi, n'étaIl pas ce qu'il est. Comment
pouvez-vous sérieusement soutenir r¡ue I'uutol'ité es! dés:lf-
mee, alors qu'all moindre délit elle pent faire poursnivre le
jomnal? Et vous me eoncéderez hien que, lorsqu'nn journal
devient assez dangereux pour étre considéré eomme chose
nuisible, don! la vente no samai! etre tolérée sur la voie pu-
blique, e'est que dans son numéro de chaque jour, l'admi-
nistl'ation pourl'a tl'Ollver un deJit; elle pourra donc le tra-
duire devant les tribunaux, et cela sans r¡;tard, a un jour
frane, eomme le porte J'article 10 du projel. Elle ohtiendra
une premiére cOlldamnation. - Si le journal persiste dans
SI'S violenees, elle le poursllivra de nOllveall et obtiendra
une secande eondamnation. Le dangcr étant alors manifeste,
le tribunal prolloncera la suppression. JIais au moin~ la
suppression sera judiciaire : elle sera légale, elle ne I'rois-
sera pas le sentimcnt pllblie, paree que la justice aura
prononcé et qll'illl'apparaitra aucull vestige d·arbitraire.


Voila ma réponse á I'objection de la commission. Voilá
comment le Gouvornement jJourra facilement parer au"-
inconvéniel1Ls qui semblent préoccllper la cornrnission. D'ail-
leurs, ne peut-il pas, dans un moment supreme, dans uu
\l1omemt de grand p(·t'il, supprimer en masse ton tes les au-
tOl'isalions de distri [mtion 1'1. de vente dans la rue! Que si




- 23:1 -


nous demandons que l'intCl'dicLion ne puisse pas f['npper le
journal d'une maniere spéciale~ nous n'entendons p8S déro-
gel' aux réglements sur la proression de crieur et de distri-
buteu!". Du moinsje ne rentends pns ninsi.


Une autre objectioll que la commission n'a pas faite,
rnais qui peut se produire est celle-ci : Cette interdiction de
la vente sur la voie publique que vous attaquez, dont vous
demandcz la suppression, l'anéantissement, elle a longtemps
existé. C'est une arme qu'a plusieurs reprises la législation
;J plaero entro les mains de l'administration.


Cela est vrai, et c'est la une objection qui no manque pas
d'une certaine gravité, c'est l'objection historique. Copen-
dant., si elle n uno force apparente, il n'est pas irnpossible
de la détrnire.


Ponr cela, messieurs, vous me permettrcz de faire une
J'evue rétrospecti"e. Je eomprends qn'au point Ol! en est
nrri"ée la discussion, je ne doive pns ctre trop long'. Les
diseours trop étendus ne sont pns de mise en ce moment,
j'abrégerai done autant que je pourrai. (Parle:::! parte::; !)


C'est en 1830, le 20 déeembre, pour la premiére fois que,
par une loi votée ce jour-JiI, la profession de distributeur, de
crieur, d'afficheur a été réglementée. Cependant, dans cette
loi du 20 décembre l.830, vous ne voyez pas de dispositioll
de la nature de celle que nous attaquolls 3ujourd'hni. La
profession de crieur eL d'at'tieheur est seulement soumise a
certaincs garanties; mais, je le répéte, pas d'interdiction,
aucune interdiclion au pl'éjudiee des journaux.


Quelques années aprés survinrent des faits d'une gravitú
incontestable; le pays est troublé, l'émeute est dans la rue,
- on était en 1834, - apres de grandes commotions poli-
tiques, le rninistere d'nlors saisit la Chsmbre des députés
d'un projet de loi destiné ¡¡ réglementer l'aftichage et la
distribution dans In rue.


n faut vous dire qu'a eette époque cette profession de di s-
tributeur et d'affichcur avait atteint des proportions extra·
ordinaires, et du rest.e elle ne s'exercait pas dans les memes
I:onditions qu'au.iourd'hui. Sur la voie publique circnlait une
lluéú de distributeurs qui ne se bornaient pas a otJrir le
journnl dont ils daicmt porteurs, mais (lui l'imposaient., en ,


'::.




- 234 -


quelquf' sortf', et p~r lours cris, leurs dtómollstrntions, leurs
excitntions, for<;aient Jes passants a en fnire l'emplette.
Celtr situntion. apres les grands ('v(~ncmcllts dont je VOUs
p8rlais tout h ¡-houre, etait de nsturr il ('mouvoir I'alltorité.
C'est dans ces conditions que le projet fllt prósonté a In
Chambre des députés. A eette époque, une diseussion s'en-
gagea sur le droit des journaux. Deux arnendements en tout
semblables il celuí que je défends devant vous furent pro-
posés a la Chambre des députés. Le premier étai t sign(~ par
MM. Ang'lade et Auguis, il fut abandonné. L'autre étail
présenté par M. Leyraud; il était rnoíns étendu, rnoins gé-
néral que le précédent, mais il eut les honneurs d'une dis-
cussion; il fut longuement discutl~ et finalement re.ieté. El
savez-vous, messieurs, par quel moyen lié ministre de !'in-
térieur d'alors obtint ce rejet? Ill'obtint en venant dire a la
Chambre ce que vous me permettrez de vous lire :


« Il nE' faut pas vous ¡aire illusion; il ya des journaux qlli
veulent lo renversement du tróne eonstitutionnel el J'éUJ-
blissement de la rrpublique. »


« Je tiens á la main le programme de l'un de ces jour-
naux : e'es!. le PapuZaire ..• »


« Eh bien, continuait le ministre, si vous permettez de
erier dsns les rues ce journal détestable, anarchique, qui
attaque tous les jours le roi et nos institutions, e'est comme
si vous n'aviez rien rait. »


Ce temps ressemble-t-il au notre 9 n'en ditTére-t-il pa;;
d'une manil~re essentirlle1' l'ordre n'était-il pas troublé au-
tlmt qu'jJ le fut jamais1' le Gouvernement n'était-i1 pas livri'
presque sans défense aux attaques des partis1' A cetteépoque,
remarquez-Ie bien, le ministre (Iui venait de tenir á la
Chambre le langag'e que je viens de vous faire entendre, ce
mil1lstre n'avait entre les mains aucun moyen de répression;
1i n'avait pas méme les lois de septembre, qui ne datenl que
de 1835, il n'avait pas la suppression, la suspension; il était
complótement désarmó, el eependant la socióló était réelle-
ment en péril. Ce n'est pas une illusion, le péril était Jlagrant.


Et pourtallt, si l'on aeeordaít ¡¡ l'autorité ce pouvoir dis-
crétionnaire, de combien de far;ons n'¡')lait-il pas tempéré 9
Le ministre qui demandait la faculté d'user de ce ~JOu\'oir




- 235-


discrétionnaire Nait responsable; iI n'en pouvait user que
SOtiS sa respoosabiíité et, d'autre part, la Chambre avait le
droit absolu d'illterpellation : un droit non rrgtementé.
Qu'un abus viot a se reproduire dans l'exercice de la facult('
discretionlloire, a !'instant mcme une interpettation pouvait
elre portée á la tribune et provoquer un éclaircissement
immédiat sur le fait signalc, Et d'ailleurs, en réalité, ce
droit que la loi de i834 metlait aux mains du Gouvel'ne-
ment, comment en a-t-il usé ') A vec une extreme modéra-
tion . .Les journaux les plus opposauts ont pu continuer a se
produire.


Kous arrivons á une nutre époque; nous sommes en f.8!;8.
La monarehie de ill38 a péri : la loi de t83fl, n'est pas abro-
gée formellement par une disposition explicite, elle est
abrogée en tait; la liberté de distribution est illimitée, elle
est nbsolue.


Et ce qui pourrait autoriser a croire qu'a cette époque la
loi de 18.14 r'tait considér{'e comme abrogee, c'est qu'en
iHr, 9, la loi du 21 aVl'il qui impose aux joumaux l'obligation
dI! caulioflnement, dans son article 3, reglemente la vente
sur la voie publique, it y est dit que tout dlstributeur
sera tenu, a"ant de distrilmer son journal, d'en remettre
un numero ¡¡ l'autorité municipale.


Quelques mois apres, un fait considérable se produit :
e'est une tentntive d'insurrection connue dans l'histoire
sous le nom d'attentat du Conservatoire des Arts-et-.Métiers.
Immédiatement le ministre de la justiee, .M. Odilon Barrot,
présente ¡¡ t'Asscmblée législative un projet destiné a régle-
menter, quoi ? pensez·you» que lOe soit la vente et la dislri-
bulion des journaux sur la voie publique? Kon, mais bien
le colpol'tage des pelils écrits dans les campagnes. e'étsit
la ce qui préoccupait le ministére d'alors. Il parait qu'i! se
faisait une propagande formidable dans les (~a mpagnes; de
nombreux colporteurs Jetaient sur tous les points de la
Frailee de petits écrits impregnés de doctrines considérees
eomme dallgereuses. e'est pour pare]' a cet inconvénient
que le Gouvernement presenta le projet qui devint plus tard
la loi du 27 juittet 1849.


Prcllez l'exposé des moWs de.M. Odilon Barrot, examinc'z,




- 230 -


le avec 3tlenlion, et VOllR velTez '{HC M. Ouilon llarrol,
tout en voulant reglementer le colportage, ne songeáit en
aucune fa\:.on a réglementer la distriblltion du journal sur
la voie publique; il fait une réserve formcl!f', BU contraire,
pour la question des journaux en disant que plus tartl,
qu'incessamment meme, le ministére présentcrait ulle loi
organique sur la réglementation de la presse. Mais, ajou--
tait-il, en rétat, un mal se manifeste, s'aceuse, il a une gra-
vité exeeptionnelle; il raut y parer et, pou!' l'empócber de
devenir plus intenso, nous vous apportons un projet qui re-
glemente la publication et le eolportage des petits écrits,
des brochures, des reuilles détachées. Ce ¡¡rojet ne touche
point aux dispositions constitutivos des jOllrn~ux.


Un rapporleur est nommé, e'élait M. Combarel de Ley-
val. M. Combarcl de Leyval éludie la question et il se main·
lient dans les memes idées que M. le ministre de la justicc;
il modifie, il est vrai, d'accord avec la commission, certains
arUcles sllr lo enlporlage.


M. le ministre de la JlIslice avnit songé D assimiler les
colporteurs allx libraires et a leur imposor la núc86siló d'Ull
brevel. La commission crut flu'il ótait mal a propos de faire
celte assimilat.ion eL elle se borna a exiger que los colpor-
teurs, les distribulcurs fussellt astreints a demander une
autorisation toujours révocable.


Permettez-moi, messieurs, pour vous faire bien counaHro
l'esprit de la "églementalion d'aloes, do V(\US ~iter qllelqucs
ligues du rapport présenté h I'Assemblée lé'gislativo par
M. Comharel de Leyval. Voici cc qu'il disait :


« Le Gouvernement, laissiln t a la loi ol'gunique la mis-
sion de réglcr d'une manierc complete et définilive l'exer-
oice du dmit de manifester sa pensée par la voio de la
presse, S'OC(~UPc spécialemellt, dans la loi qui vous est so u-
mise, de rAparer les breches raites aux remparts dont la
soeiété el les pouvoirs de J'État ne doivent jalIlais cesser
d'etre enyironnés. Le projet se divise en tl'ois chapitres : le
premier qui ~ornprend deux ordres d'idées, conticnt la défl-
nition de délits nouveaux, la pénalité qui s'y applir¡ue, et des
mesures de police relatives D la publication, al! roll'OI'tage
rt :J la disll'iiJlltioll dp~ prtilS ['i'.l'it,. Il




II avait SOill, YuUS 11) voycz, rnessieurs, d\:xclure les jour-
naux ue la r()gletllenlation proposóe P¡¡¡' le projct de loi.


Dans ulle aulre partie ue SOIl l'apport, M. Combarel ue
Leyval avait encore soin de déclm'el' que cette réglementatioll
ne devait en ric:n affectm' la vente des journaux a domicile.


Enfin il disait ceci :
« Quant a la possibilité de !'abus, - el e'esl sur ces pa-


roles que j'appelle votre attenlion - (Juant a la possilJilitl'
ele l'attribution nouvello conllée aux p¡Hets, elle est peu a
reelouter dan:> un gouveruement qui s'exerce sous la sur-
veillance d'une immense Imblicité el sous l'autol'ité immé-
diate de l' Assemblée uationale. ))


La loi osi votée. C'est dans son article (j que je lrollve
spécialement la réglemontation du colpol'tage; tous les uis-
tributeurs de li\Tes et d'écrits, tous les eolporlenrs sonl as-
treinls á se pourvoir d'une autorisatioll qui leur sera dé-
Jivl'ée, pour le dépal'ternont ele la Seine, par le pr(,f'et de
poliee, et, POUl' les autres dépal'lemenls, pUl' le préfet; ces
aulorisations pourront Ctrc retiréc~ par les autorités qlli les
auront aceordées.


Celte loi, messieul's, uont le but dait elail'ement défini
par I'exposé des motifs et le rapport de la comrnission, mais
donl les termes péchaient pUl' celte générnlité qlli prote aux
interprdations, ceUe loi, (lui était uppelée il réglementer
seulement le eolporlage, elle ¡'c<;oit lJielltót les applicalions
les plus diverses; les plus contraires il son esprit: on J'ap-
p\ique a la vente ues journaux il domicile, a la distribution
des journaux SUI' la voie publique.


Ainsi des marchands de vins vendaient des jourl1aux
dans \eurs boutiques: 011 le leut' défend; ainsi les cl'ielll's et
distribllteurs sont empochés de vendre dans la rue telou tel
journal.


Ces prohibitions, ces interdictions se rondent sur une
círeulaire de M. le ministre de l'intérieur, sur une serie de
déeisions judiciaires qui interprétent la loi comme celte cir-
culaire le raisait c\le·mJme.


Ces pratiques causent une certaine ('motion : un memhl'e
de l'Assembke lógíslalive s'ell rait l'organe. Le 2lJ avril18Gü
~l. Pascal DU!lrnt d('pose sur k IJlIl'eau de J'Asscmbk'e une




- 2;~8 -


proposilion de~tinée á rameller cette loi de 18MI a ses termes
véritables, c'est-a-dire a empécher qu'elte ne soit appliquee
a d'autres éCl'its qu'aux potits ecrits, a empécher qu'ellc
n'atteigne la distribution et la vente des journaux sur la
voie publique.


Cette proposition est renvoyée ¡¡ une commissiotl. M. d'Ha-
vrincourt, chargé par ellE' de presenter un rapport a I'As-
semblée législative, depose ce rapport a la séance du !8 IlIai
1850 : Dans les conclusions qui le terminent, on lit ceci :


« La commission est d'avis de conserver il l'autorité une
certaine latitude d'appreciation dans les autorisations qu'elle
donne ou qu'elle l'efuse sous S8 responsabilité personnelle. ))


Plus loin, on lit encore : «La publicité est si grande, si
facile en France; les recours contre les abus d'autoriLé, et
le jugement par le pay:-. qui se gouvel'llc si absolument par
ses delegués sonL si assurés, que !'abus serait promptemenl
rep ri me. »


Une disCllSsiotl s'engage plus tard; la proposition Duprat
cst repoussée.


Le pouvoil' discrétionnaire de l'adrninistration esl re-
connu, et si la loi du 27 juillet !~4\J nvnit pu paraitre
obscure, si la réglementation des journaux par celle ¡oi
était contestabie, a purtil' de ce moment elle cessait de
l't~tro : le doute se tl'ouvait dissipé pal' une interprélation
lógislative.


Si, messieurs, jo resume la pensé,) qui domine les di-
verSJS lois slIccessivement édictói:s, les divors documeuts
que je viens de vous soumettI'e, cetto ponsée est celle-ci :
quand le pays se gouverue par lui-meme, par ses delégués,
il peut Gtre utile, quelquefois nécessaire, de laisser ¡¡ l'au-
torilé dans une certaine mesure et dan::; certains cas, le
pouvoir discrétionnaire, paree qu'alors elll~ exerce ce pou-
voir sous sa responsabilitó et que I'abus peut etre facilement
réprimé.


Eh bien, est-ce que la situation acluellc cst semblable a
la situation dans laquelle ces lois sont intervenues? Non,
mcssieurs, il est certain qu'aujourd'hui lo Corps législatif
ost un pouvoir subordonné; cela est incontestable. (Ru-
meur. et reclamat'ions sU/r 'un {jrand nomúre de Úa'{ICS.)




~I. Granler' de Ca,.,m .. na.,.. Subordonné á la eonstitu-
lioll,
~i. RioDdel. J'l;mets eeUe opinion el JI; la erois indis-


cutable. JI' persiste á dire que le Corps législatif esl un
jJOuvoir exécutiL (A8sent¿ment a la gauche de l'ol'atcnr.)
Dans ce cas, la loi uoit tout réglr el l'arbitraire doit dispa-
raitre. (Nouvei assefttiment sur tes m¡m~es banco.)


La loi, mcssieurs. peut élre dure, mais e' est la loi; elle
peut frappel' séverement, elle pent frapper eruellement,
mais enfin elle commande tou.l0urs le respeet. L'arbilraire,
au conlraire, provoque le plus souvent ou la révolte ou le
mépris. C'es! pour eela que je vous adjure, que j"adjure
cctte assemblóe, llue j'adjure le Gouvernement d'établir un
re gime eomplétement atrranchi ue toute trace d'arbitraire,
le régime de la légalité pureo Il ne suftit pas, messieurs, de
proelamer l'avénement de ce ['ógime et de continuer, sur
eertains points. á v!vre dan" l'at'bilraire. Vous seriez alors
en pleille eOtltradiction, et la contradiction, messieurs, ce
n'est pas un I'l~gime, c'est un tléau ... (Tres-bien! a la
!}llItche dIf? t'orateur.¡ C'est un fléau.


J'emprunte pour le l1éLrir Ir) lallg'age méme de "\1. le mi-
ni,tr,: de l'intérieUl', !;Ingab'e dont la vérité et rélévation
m'ont frappé. Dans utle eir0ulail'e publiée par divers jour-
mlUX le 2;J j~lJvier dernier, il di~ait: " Bien n'aJarme cowme
la contradiclion, riclJ ne rassure et ne fortifle comme l'unité
du langage el de la direction. ))


e'est pour cela, rnessieurs, (¡tle je vou::; demande insta m-
ment de preudre !lotre ametlrll!ment en considération.
(Vives rna/'qw',~ ¡l'apjJl'oúatiu/t ú la !j1l1u:he ¡fe l'onlteur.)




AD¡Wli,ITJUS Jll~ ¡¡.\ilI¡CiE o JJE LJ LOI DC Ií MAl lob


DIscorRS
DE


~I. JULES SIlVION
Député de la Seine.


mlf. le President ..Jlerüme n,n'ld. La discussion ya
por ter sur l'amendemcllt de l\DL ~Iarie, Jules SitnOll el
plusieurs de leul's collegues, c¡ui demandcnll'uul'ogation tk
l'article 8 de la loi du 17 mai 'ISH),


Pour faciliter la discussion, je yais dOflilCI' ala Chamure
lectul'e de cel arlielc.


«Art. 8. Tuut outrage a la morale publique el reli-
gieuse, ou :lIlX lJOuues mu:Ul's, p,l[' l'un des moyens énon-
eós enartiele l er, sera puni el'un cJIlprisonnement d'un moi,
u un an, et d'une nmende de fG fr. a liOO fr ."


M. Jules Simon a la parok,
~I, le "w"qui" d'i~ndelal·l·e. Quel est ccl 3['tide?


l'I.l. Jule .. ~imGn. Puisqu'on demande que! esl l'nrlick
dont IlOUS proposons J'abrog'ation, fen rappcllc les termes,
oien 11U'il ell ait élé dOlltlé lccltlre pal' M. le I'résidetlt.
11 s'agit de l'article ti de la loi du 17 llwi i8HI HillSi
COIl\{ll :


[( Tout outrage u la morale publique el religicllsu ull ¡¡il:~




.- :.:41 -


bonncs rno;UI'S por run des moyells énoncés éll rarticlo 1 cr
sora puni d'un ornprisonnemonL de un mois á un an ot d'une
amonde de i ti franes il tíOO franes. »


Quand cet article fut présenté ...
Quelljues voix. Plus haut, on ll'entclld pos!
1101 • .rules ""imon. Je dis que, quand cet arlicle fut pl'é-


senté par ~I. de Sorre, il n'était pas tel que nous le VOyOllS
aujourd'hui. Le Gouvernoment se bornait il punir l'outrago
il la morale publique et aux bonnes mo:mrs; e'est dans lo
cours de la discussion que l'article fut modifié; deux amen-
dements principaux avaient été présentés : l'un par Benjamin
Constant, qui demandait de supprimer les mots: «a la mo['ale
publique, » ot de ne laisser subsister que ceux-ei : « Tout
outrage aux bonnes mmurs ... » Je n'ai pas besoin de dire
(¡ la Chambro que c'est notre amendement lui-meme; l'autre,
par M. Chabron de Solilhac, qui proposaIt de dire : « Tout
outrage á la mOl'ale publique, á la religioll de l'Etnt et aux
autres l'eligiollS.,. » C'est surtout sur ce! al1lendel1lent que
la discussion s'établit. Le IiLéralisl1le de la Cllamure consista
it ne pas distinguer, me me en apparence, l'outrage a la l'e-
ligion de I'État de l'outrage aux autres religions, et lo mot
de moralo religieuse, improvisé dan s le cours des dólHlts,
[init pal' passer dans le texte de l'articlo. C'est aillsi que
fUl'cnt inaugurées pour la IJl'ell1iere fois la rnorale publique
ot la l1lorale religieuse. J usqu'á celto heUl'euse découvertc,
la morale s'était appelée tout sirnplemont la morale.


Je ne parlerai d'abord que de la moralo religieuse.
1\1a prel1licrc o[¡servation, qui est toute de forme, sera


pour di re que, lIH~rne au poin! de vue de eeux quí veulen!
protéger la religioll ou los religions par un artiúle de loi, col
article 8 de lu loi du 17 mai HH 9 est parraitement ínutile et
n'est dans l'ensemble de nos ¡ois qu'une pUI'e superí'étatioll,


En elfet, messiours, vous avoz tout un systcme d'articles
destinés 11 proteger la religion ou les l'eligions dans leurs
dugmes, dans lcur culte, et dans les ministres de leur culto;
je lIle contcnterai de les indiquer parce t]ue tout le mondo
le:> connal!. L'al'ticle 260 du eode penal prollonce des péua-
jites contre quiconque aurait contl'aint ou empeché un ci-
loyen de se livrcl' aux ]Jratiqucs d'un euIte, Cet artícle a :Ill




- 242 -


moins le merIte de proclamer le principe de la liberté de
conscience. L'article 261 ¡Junit ceux (fui Il'oublent les cérc>-
monies religieuses. L'al'liele 262 protrge les ohjets du culte
dans les lieux oú ils sont exposés a la vrllération des fidéles,
et le~ ministres du culte dau8 l'exercice de leurs t()l1etion~
sacerdotales. L'article 263 va jusqu'á prévoir les s{:vices
personnels exercés contre les prelres. Outre ces quatre ar-
ti eles du code pénal vous avez l'artiele le r et l'article 6 de la
loi du 25 mal'S 1822. •


L'artiele ler punit quicollque aura outragé ou tourné en
dérision une des religions reconnues. Il est bien évident
que ¡'amendement par le1juel nous voudrions supprimcr
I'article 8 de la loi de 1819 ¡úlUrait pas de sens si nous
n'entendions pas que l'artide ler de la loi de 1822 devra
tomber en meme temps.


L'8rtiele 2 punit l'outr8g(! rail publiqllement d'une mH-
niere quelconque iI raison de leurs fonctions ou de leur Ijua-
lité ~ nn des ministl'es d'uno roligion reconnuc par n~tnt.
En 181.8. le décl'et du 11 aollt, dans son Clrlicle 5, visa cet.
article de la loi de 1822 ou plutOt le ré¡Júta, en modifiant
seulement ces mots : « religiolls rcconnues par l'État ~ el
en lnur substituant coux - d qui ]Jaruront alor:; plus clail's
" religions salaril~es par J'Ét.at. »


Jo conclus de celte énum0l'ation un pou fastidicllse, m~lÍ;';
qui était ponrtant nécessaire, que si nous demé¡ ndions seule-
ment de snpprimer d8ns ['article 8 de k loi de 18i9 les
mots « morale religieuse, » nous no ferions qne simplifior
le codo, sans modifier le caractére de nos lois. Mais i\ doit
étl'e bien ontendu, d'une pal't, que notro amendement, s'il
était adopté, ontraínm'ait l'abrogation tout au moins de l'ar-
tiele ler de la loi de '/822, et de l"mtro, que ce n'est pas
seuloment pour l'outrage á la moralo roligieuse que nous
demandolls l'ilIlnullit{\ mais elll;OI'e el au meme titre pOli!'
l'outrage á la morale publiquc.


Le premier reproche que je rais ¡¡ I'arlic\e 8 dans SOll e/J-
sembln, c'est un reproehe tres-grave en maliérc de législa-
tion : je lui reproche d'Eltre vague.


M. Garnier.Page .. · C'cst eela I
1\1. Jule .. "'hnon. Quand on prolloncc ulle prúhilJition,




- 243 -


Atqu'a cette prohibition 011 attache une pénalit(" c'es! un de-
vúiI' rigoureux dI' s'exprimer a vec une tplle clarlé que l'e~prit,
du juge, s'i: peu! l'tl'e emIJ3rr3sse sur le fRit, ne puisse pas
relre, aumoins, par la t'sutedult'g-islateur, sur l'appróciation
du raíl. 01', quand on definit un détit en disant qu'i! consiste
dan s un outragc á la mOl'ale publique el a la morale reli-
gieuse, il semble qu'on rasse exprés de ehoisir des mots
obscurs, de fuir la clarte et la précision, En doutez-vous?
J'ai mes témoins, si cela es! nécessaire, el je vais les ehercher
daIls la discu5sion meme de la loi, non pas parmi ccux qui
l'a!taquent, mais parmi ceux memes qui la défendent. Ce
n'est pas lit pour moi, el sans doute aussi pour vous, un
mince sujet d'étonnemenl.


Ainsi, M. le duc de Broglíe, quí était rapporteur de' In
loi devant la Chambre des pairs, et qui, par conséc¡uent, la
ddendait, a reCOlllJU tout le premier que les expressions
¡je morale publillue étaient particuliérement vagues. Voici
ses pa roles :


« Le mol dit-jl, - 1(' mot de morale publique, - était
nouveau; il pOllvait ótre critiqué; mais ... »


Écoutez ces paroles qui m'l'tonnent un peu dans la bouche
dc }!. de Broglie, un des esprits lps plus lucides et les pllls
libéraux de la génération qui /lOUS a pri~cédés ;


« ... rnais iI avait l'av8ntage de ne rien exclure et de ¡le
rien désigner ... »


C'est cornme s'il disait : il avait l'avantagc de ne pas
ctre clair !


Et voici comment, ap['(!s avoir constaté le mal, il essaie
de s' en eonsoler :


« ... Il avait l'avantage de ne rien exclure et de ne rien
désigner, de remettre seulement entre les mains de la so-
ciété, représentée par plusieurs jurys successifs, une arme
pour se défendre, précisément su!' le point ou elle se sen ti-
nlÍt blessée. ))


e'psl done la pensée qu'en définitive, quand OH jugerait
lllJ Rccusé pOUl' délit d'outI'age a la moral e publique, ce se-
J'ait le jury, ou meme, suivant son expression, plusieurs
JUl'yS sucressifs qui établiraient une sorte de jurisprudence
en rappoI't avec les Íntéréts sociaux; c'est cette pensf'e flui




.-- 2ít -


Irnnr¡uillisr ~r. (k Jlroglic, 01 lui foit :Jccrptel' ce texte dan-
gereux iJ force d'etre équivor¡llr.


M. de Serre, on apporlant la loi a In Chambre des dé~
pUlés, avait exprimé une opinion tout a rait analogue. Voici
COll1ment iI justifiait l'article 8 de la loi; je cito ses proprcs
paroles :


" Qnand le besoin de rótablir les principes moraux sur
lems fondements est universellement ~enti et pl"Oclamé, c'est
un devoir du législateur de preter son appui a une nr-
ccssité des temps.)) - Remarquez le mol nérl?ssite des
temps. - « Et lorsquo, on imposant le respect ponr la mo-
rale publique, il confie aux ciloyens eux-mémcs, remplis-
san! les fonctions de jurés, le soin do décider si ceUe injonc-
tion a été violéo, certes il ne s:lIIrait étre taxé ni d'slTecLer
une sévérilé oxcessive, ni de rccherchcr un pouvoir arbi-
trnire.»


Vous le voyez, M. de Serre, comrne nI. de Broglie, in-
voque, pour excuser la IOi, ce [ait important que le jury
sera seul chargé de I'nppliquer. Sans ee grand rait, dont
I'importance capitale saute a lous les yeux, iI no saurait como
ment défendre la loi contre le reproche d'obscurité, et le
Gouvernement contre l'imputation de rcchercher un pouvoir
arbitraire; et remarquez que, quand il parle ainsi en expo-
sant les rnotifs de la loi, c'est de son propre articlc qu'il
parle, et par conséquent de la morale publique, il laquelle
on n'avait pas encore accolé la morale religieuse; mais plus
tard, lorsque celte morale nouvelll' sortit tout á C01Jp des
délibérations de la Ch8mbre, savez-vous commenl le mi-
nistre I'accueillit? Et laissez-moi d'abord rappeler qU'i! ne
s'agit pas iei d'une intelligencc ordinaire, ni d'un de ces
esprits enclins a la critique par situation et par caractcre;
il s'agit d'un hommo d'État, d'un ministre, el d'un des hom-
mos les plus éloquents et les plus sensés, a coup sur, qui
nient honoré la tribune franl(aise.


Voici ce qu'i! dil en parlant de la morale religicuse: • Je
suis encore a chereher quel sens on y attache. ,


M. de Serre cherchait le sens de la rnorale religieuse, el
voilil cinquante ans que ce mol esl dans la loi rt que le
sens en osL chel'chó, non pas, romme le pensail. M. tle nJ'o-




- :11.:;-


glii', p:n uCo jUI'Ys ~Ilr,cessir~, m:li~, gr:'lcc ;1 wn nouvellr,s
lois, par les mngistl'DIS qui eúmpúscnt la sixi{\ml~ ChamDr{~
du tribunal de police cOl'l'eclionnelle de la Seine. ( Tris-bien!
Ü la gauche de i'orateul'. )


Et, en eITet, M. dll Serl'e avait rnison de tl'Ouver (Iue ce
mot de morale religieuse est obscur; il avait raison de pré-
férer la pl'Oposition de M. de Solilhac, quí disait: < outrage
a la religion de l'I~tat, outrage a la religion reconnue
par I'État. » On snit parl'aitement ce que c'est que 1:1
I'eligion de l'État, quand iI y en a une, et ce que c'es!
qu'une religion reeOllllue par I'État, telle que le protestan-
tisme ou le judai'sme.


Ces religions ont leurs dogmes, leur morale, leurs pré-
ceptes, leur c1ergé, leurs eérémonies. Quand I'outrage s'a-
dresse a elles, ont sait au moins d'une fa~on pt'écise quelle
est la eh ose altaquée, el l'on ne peut hésiter que sur la
natuf'C, ou l'importaneo, ou le earactóre de l'attaque; laudis
rlue la morale religieuse, comme on en ti! alors l'observa-
tion, n'es! pas la morale d'une religion déterminée, mais la
rnorale du sentiment religieux. 01', c¡u'est-cc que le sen ti-
ment religieux ? Existc-il en dohors d'une religion positive?
Suppose-I-il seulernent la croyance ¡¡ I'existenco d'un Dieu
personnel? Peut-il exister dans une ame, en I'absenee do
cOllviclions raisorlllées, comme une mélodio que la mémoire
retrouve apres avoir perdu les paroles qui l'ont inspirée?
Si los osprits les plus pénétrants, les plus versés dans la
philosophie el dans les plus épineuses questions théologi-
ques, hésitent sur la délinilion de ce mot, comment espérer
que les magistrats, apres une vie passée dans l'étude passa-
blement absorbante de nos codes, puissent lo définir avec
exaclitude, el par conséquent appliquer la loi avee séeurité ~
(Approbation ü in gauche de l'oratenr.)


Non-seulement, lllessieurs, elle es! vague dans ees mots :
« oulrage a la morale publique; oütrage a la Hlorale reli-
gieuse, » maís j'ajoute que le mot ouLrage est lui·meme un
mol tres-vague, quand il s'agit d'opínion et de doctrine .


.Je sais bien que e'est la prineipale dPl'ense de eeux qui
veulent le mainlíen de I'artiele. lis nous disent : La libertú
pllilosopltirlue n'esl pas íei en jeu : il ne s'agit pas de dis-


H.




- 246 -


cussiOl1, il ,'agit d'outrage. II y il m('me une ~phrase de
Royer-Collard que tout le monde a répété(), et que jo de-
monde a repé!er il mon tour, paree qu'elle prl'cise la qucs-
tion, el que j'ai quelques objeclious a lui faire, dont vous
apprécierez la valeur.


La voici :
« Il est reconnu de toutes parts que les opinions ne sont


l'objet de la loi ni comme vraies ni comme fausses, ui
comme salutaires ou nuisibles; aussi ue s'agit-il pas de
simples opinions sur la morale publique, de quelque nature
qu'elles soient; l'al'ticle qui vous est proposé ne punit que
I'outl'age. »


Voilá ce que disait M. Royer-Collard ()n 18t 9, et .ie me
demande si on le dil'ait encore oujourd'hui, tant nous a vons
rait de progres en cinquante ans ! Xous en :lommes ¡¡ invo-
quer M. Royer-Collard, M. Lainp., M. de Serre, el á nous
élonnel' de leul's hal'diosses, nous, membres de l'opposi-
tion, que vous lraitiez, hiel' ()ncor(), d() facti('ux. Comrnent
ser&is-je certain de voir a(~cepter uujourd'hlli la distÍnction
de Royer-Collard entre la discl1s~io[] el I'olltrage, quand je
me rappe!lu que, des 1826, les tribun:wx aV8iellt fr8[)chi la
limite qui sépare ces deux expressiolls, e~ confondaient un
dissentiment avee 'lOe insulte?


Un écl'ivain avait exposl>, dans un traité philosophique,
la doctrine du piétisme; e'est, avec quelques dilIl'rences, la
doctrine de la religion na!urelle. JI souLenait qu'on peut
adorer Dieu, sans recourir a l'intervention des pretres. Cela
parut, au elergé probahlernent, une impietl'. On déféra aux
trihunaux ce blasphélllateur, <¡uí ne voulait perrnettre ti
personne de se placer entre lui et son Dieu. Les tribunal1x
jugérent qu'en (!rnettallt cette doctrine, il avaIt cOllJmis le
délit d'outrage prévu par l'arliele 8 de la loi de 1819, par'
I'artiele 1 er de la loi de 1822. II fallut a!ler jusCfu'á la Cour de
cassation, qui décida ql1'on pouvait ('tre pidiste el le dil'e,
san s outrager aueulle des religions reeonoues. L'arret esl
du 3 aollt 1826. On avait raít, a reeulons, bien du chemin
dans l'espaee de sept ans; et j'affirme qu'il I'hellre qu'i1 esl,
beaucoup de nos juges et de nos hornrnes d'f:tat son! de
¡'avis des tribunallx de 1826, bien pell de I'avis de Boyrr-




- 247-


/:ollard. La n{~gation ¡¡ure el simple leur paralt un outrage;
la discussion, un outrage ,; la critique un outrage. Quoi!
ne peut·on, avec sécurité, ómettre l'avis qu'i! es! pcrmis
d'elre philosophe? Cela n'était pas trop prudent en 1826;
et j'ose lIire qll'i! plus forte raison il peut encore arrivcJ'
uujourd'hui que la simple affirmation des droits de la pen-
~ée soit considrrée par certains juges comme constituant
un outrage ;1 la morale religieuse.


Maintenant j'irai bien plus ¡oin, et je demanderai, sans
ambages, lc droit d'outrager une religion. Je sais bien
l[u'on peut affecler de prendre le change sur une prétention
pareille. Mais id, comme dans tout ce qui précede, je me
mets á l'abri uprriére un homme dont assurément je n'ó-
pouserais pas toutes les doctrines, mais que je trouve de-
vant moi dans le chernin de la liberté, et dont il est naturel
el utile que je me fasse une égide : c'est encore )1. de
::-:el'l'e, M. de Ser re ne voulut pas admettre cette distinc-
lion entre l'outrage et la discussion pure et simple: il lui
S81I1ola avcc rnison que, quand la conviction était entiére
SUI' les questions religieuses et philosophiques, elle était
IIt'cessairelllent accolIlpagn¡~e d'un peu de passiun; et lais-
sez-moi dire '1u'en parlant d'un peu de passion, je ne 'vais
pas jusl[u'au bout de ma peusoe.


KUll, non, quand sur do pardlles matiores on a une do
ces cOllvictions inébranlables qui font partío de la vie d'un
homme, une J'ois qu'elles ont pénetré dans son esprit, ce
n'('8t pas un peu de passion qu'on y apporte, e'est une pas-
sion véhémente; et quand on entreprend d'apporter sa
doctrine au lllilieu des autres hommes et de la faire pal'ta-
gel' par eux, ce n'est pas avec douceur qu'on la preche, ee
n'est pas en I'espectant les erreul's de ses adversaires; e'est
en les heurtant de I'ront, en les accablant, en les outra-
geant; c'est. en mettant dans ses paroles, dans ses argu-
mcnts, et jusque dans ses maximcs, ceUe vigueur, eelte
;lpretl', celte verve d'ironie et de sareasme qui disparais-
~ellt sans doute quand la raíson a repris tout son empire,
wais qui donnent a la discussion, il fout bien le dire, cette
fUl'ce el cet éclat sans lesquels la vérité toute nue serait
trop SOllvent irnpuissallte. (Tres-bien! ida gauchedel'orateur.)




- 248-


La cl'Oyance, SDns la pl'l~dicntioll, ce n'est rien; la prédi-
eation oú ne perce pas, par lntervalles, une haine vigou~
reuse, ce n'est ríen. Écoutez ce que disait M. de Sel'l'e :
« Votre amendement, s'il était adopté, - c'est de la morale
religieuse qu'il pal'le, - aurait pour eITet d'entraver, de
menacer toute prédicalion, et plus particuliérement la pré-
dication de la religion de J'État. )) Notez ces mots; .ie m'y
arrete au passage.


Ce n'est pas moi, c'est M. de Serro qui signale cette ar-
deur particuliére que le clergé catholique appot'te dans les
controverses. Nous en avon::\ [uus les jours des exemples,
soit qu'i1 lonne contre l'hérésie du haul de la chaire, soit
que, dans des éct'Íts souvent admirables, il poursuive de ses
épigrammes ou de ses anath8mes les hérétiques, les philo-
sophes el méme les ministres; je !le suis pas de ceux qui
le lui reprochent; au contraire, plus il est véhément dans
ses critiques, plus je dis qu'il faíl preuve de sa foi. Je de-
mande pour lui cette liberté que je veux pour tout le monde,
je n'ai peur ni de la critique, DI meme de l'outrage, je veux
flu'on puisse tout attaqu€l', 11 condition qu'on puisse tout
défendl'e ...


lU . • J"le .. Fan'e et quelques mttres membres. Tres-bien!
lI'es-bicn!


M. Jule .. Solirnon ... Et c'est nussi co que M. de Serro
pensait : « Votre amendement, s'il était accepté, dit-il,
aurah pour eifet d'entraver, de menacer toute prédication
et plus particulicrement la prédication de la religion dr.
I'État, parce que les dogmes de celle-ci sont ¡plus abso-
lus, ses principes plus fixes, ses doctrines plus inflexibles,
le zCle de ses enfants plus vif N plus invincible. »


Et plus loin, dans le m6me discours, parlant des prédica-
teul'S catholiquos : • Les ompecherez-vous, s'écriait-il, d'ap-
pelel' les cultos étrangers des cultes adulteres, de les traite!'
d'impies, de sacriléges, d'attaquer les dogmes et les rites
étrangers, de les qualifier d'abominables erreurs ou d'infa-
mes profanations?


« Voilá. le langage que les ministres d'un culte, que les
si mples fiddes, ont le droit de tenir. J)


Co droit, vous l'entendez, et je le r(~pete npres lui, oui,




- 210 -


e'es! un Lll'Oil, le Ul'Ojt de qualiliOl' une doctrine sans hypo-
crisie et sans fausse réserve, a la seule condition que la
réponse obtiendra la müme liberté; oui, c'es! un droit el
quel droit? e'est le droit meme de la libre disúlIssion, c'est
le droit sur lequel repose la liberté de la presse, c'es! le
droit sur lequel repose la doctrine du progres, e'esL le droit
sur lequel repose la société moderne, c'est le droit sur 113-
quel repose la philosophie : non, c'es! la philosophie 1 non
encore,c'est le Droit! (Tris-bien! tres-bien! ¡¡ la gauche de
l'oratenr,)


Permettez-moi de montrer la connexité de la doctrino
que je soutiens en ce moment, avec une autre doctrine don!
j'ai parlé ici a l'origino de ces débats, el qui a eu le mal-
heur de déplaire a deux organes du gouvernement.


L'un d'eux, nI. le ministre de 1'intérieur, 1'a qualifiée de
barbare; l'autre, nI. le ministre r!'État, plus cruel encore
pour moi, a déclaré que mes collégues de la gauche étaient
venus modérer mon enthousiasme. J'ai répondu sur-Ie-
champ que ce n'était pas de I'enthousiasme, mais une
conviction raisonnée, a la fois simple et inébranlable. Je
peux bien ajouter que, quand meme elle ne serait pas par-
tagée par mes eoJlégues, qui sont en meme temps mes
amis personnels el mes amis politiques, cela ne changerait
rien ama conviction.


M. Jules "'avl·e. Tres-bien 1 tres· bien !
M. Jules Shnon... Je ne suis pas súr qu'ils soient


aussi disposés qu'on le prétend a tempérer sur ce point ce
qu'on appelle mon enthousiasme. (Assentiment a la gauchp
de l'orateur.)


Mais puisque .]13 suis en train de vous citer M. de Serre,
je me donnerai jusqu'au bout la triste satisfaction d'invo-
quer contre vous l'autorité d'un homme qui était ministre
il y a cinquante nns, et ministre de la RestauratioIl. Vous
verrez que la male doctrine que je défends ne lui paraissait
pas si barbare. Il admettait, je le sais, la théorie a laquelle
vous adhérez si étroitement, que la vie privée doit etre
murée; mais voyez, je vous prie, pour quelles raisons el
aree quels regl'ets : « Le systeme de la preuve, dil-il, est
dans le Hni, e'pst 11' seul qui soit eapable de satisfain'




- 250 -


p!rini:mrnt I'honnete homme calomni¡>. Le calomniatpnr
drfié de prouver ses imputa tions n'a plus la ressouw) d8S
subterfuges ordinaires. Forcé qu'il est ualls son dernier re-
tranebernent, la justice éclatanle et non ¿'quivoque de sa
condarnnution. repare entierement l'honneur de l'ofTeusé, au
lieu d'y porter une nouvelle atleinle, eomme il ¡¡rrive trop
souvent dans ces sortes de causes. Malheur, sans doute, a
quiconque a failli, si la preuve est aequise contre lui! .\Iais
est-il juste de sacrifier I'homme irreprochable a eelui qui
ne l'est pas? Que ehacun I'ecueille le pl'ix de ses ceuvres :
ce résultat est aussi utile que rnoral. )} Et ir ajoute ces bel-
les paroles : « Avouons-Ie, rnessiellrs, ce systéme supposo
des mceurs plus [ortes, plus múles, de vóritables mceurs po-
litiques enfin. ))


Il cut le tort d'aeeornmoder la loi a la faiblesse du temps,
au líeu de forcer les rnccurs a se réformer et a s'élever, en
les soumettant a un régime sé\'ére. J\lais fose diré' que si,
au líeu d'étre le ministre d'une ari~toerrttie, il avait vrcu
dans un tmnps dont l'égalit6 esl le premier vesoin et la pre-
mi ere régle, dans un pays chargó pat· le sulTrage universol
du poids de sa propre d¡;stin(:e, j[ u'aura:, pas hésité á ae-
cepter le sysléllle donl il disait tout le premier : « Ce "ys-
teme est dans le vrai. »
~4 la gauchp de l'orateul". Tres-bien! tres-bien!
1\'1_ .Tute,. !!i!im.on. 01', si je parle de cel2, c'est qu'i! y ;1


une analogia complete entre les deux principes : la libert{'
de discussion en toutes ellOses, liberté de discussion sur les
personnes et sur les théories.; nulle autre protection pour
la vórité que la vérilé. Ilulle autre force demandée pour cllp
qu'elle-méme. (Tres-bien ltd:s-bienl ü la !lauche de l'orateuT.)


Ce droit de libre discussion que je revendique, e'est le
droit meme de la science, c'esi le droit de la pensée.


Vos réglemeuts, dont vous vous montrez si jaloux, et qur
je repousse comlIle un attenlat au progres et a la philo-
sophie, ont un malheur que je signale aux csprits prati-
ques: outre qu'ils sont odieux, ils sont impllissants.


Comment! vous croyez que vous aHez empecher l'rxpres·
sion de la pensee? Le eroyez-vous? Quand vous failes dt,
fl31'eilles lois, 88t-('e paree que VOt¡~ l'I"Op'Z il 1i~1lI' ernea-




- 2;)1 -


{'il(, ou Liell paree que VOIL~ Cl'oycz lll~cessnire de l'Hire ¡¡ete
de ddél'ellCC efiVi'l'S la mOl'ale el la religion ~ Oh! s'jl &'agit
de monlrcl' son respeet pour la morale el de demander
'iu'elle deviellllC de plus cn plus la souveraine des ames,
alor", iln'y a ni dit'fieult(~, ni conlestatioll enlre nous. l\Iais
nous disculolls sur lps moyens, el, cl'oyez·vous, je vous le
dt:'mande, qu'a vec vos arlictes de loi, avec votre afticte 8,
YOUS empechel'ez les doctrines Ilouvelles de faire leur che-
min? Iln'y a qu'a regarder l'histoire. '


QlI¡;)S sont donc les momellts Ol! la Illorale et l'humanité
unt fait les plus grands progre,;? Est·ce da liS les ternps oú
la loi était irnpuissantc, l'aulorité désarmée; 011 les nou-
veautés se prodlljsaient sallS dif'ficulté au grand joU!' de la
discussion ?


Rappelez-vous, messieUl's, rage héroique du christia-
llisrne. A. coup SÚI', (flldlld le christianisme est venu ap-
porter au monde la doctrine de l'égalité et de la cha-
rilé, il n'a pas (~tó 3Gcueilli comrne un hOte bienvenn
par la sociétó rafflnée et moribonde qu'i! se proposait de
remplacer. el) 1l1(;!llf' pnllple romain, qui n'avait besoin que
d'un proCollsut et d'ulle ]('gioll pour triotnpher d'un royaume,
emptoya t.oute, ses rorees, ses t'mperl'urs, tout son senat,
lous ses rnag'istrals, toutes ses IL~g'iolls el lous ses bourreaux
puur lriomph6l', de quoi '7 De trois Ol! qUiltre préceptcs
¡¡rechés par des hommes sans lettres, et qui n'avaient pas
(]'autre force de propag'ation que celle que la vérité puise
en eUe-mcmié.


Sur plusiew's blllll:S, Tres-bien! trcs-bien!
:1.1, .lulc," Simon. Ou prit en raule les apotres el les ti-


deles; on les jeta aux !Ji'les, au feu, on déchira leurs mem-
bres avec des ongles de fer. La terre qui buvait chaqué jour
ce sang généreux, produisait clwque jour des noLlvelles lé-
gions de martyrs. Non, la deIlt du tigl'e, le fouet du boul'-
reau, le glaivo, le búcher, la faim, la croix, rien ne prévaut,
en vérité, contra une doctrine r¡uand elle est juste. (Nou-
cette approbution sur plusienrs bancs. )


La scéne change. Les ehrétiellS I'ersócutés deviellneu t en
Llne heure les ¡naitres du monue. Que font-ils de leur pou-
,"oi!' nouveau'l Je !le le leur reproche pas, je le reproche a




leul' temps. Si j'ollVl'e l'Evangile, j'y vois il tOlltes les pagl's,
I'amour; si je lis I'hisloire du chl'istiallislIle, je vais les vi¡;-
limes, 11 peine échappées au bUcher, en ramassanl les chal'-
bons mal éteints pour aUumer le bucher de lellrs ennemis.
Celte persecution de la pensée par I'Eglise dura des siédes ;
elle enranta les guerres religieuses; elle s'in¡;al'na dans I'in-
f]uisHion. Notre France elle-me me eut ses gibets et ses
brulements. Il n'y a pas une place encare subsistan te du
vieux Paris qui ne raconte sa tragédie. Est-ee que cela
a empeché la Franee d'etre le pays de Montaigne, de
Descartes, de Pascal, le pays de VOltaü'e, de 1{ousseau et
des encyclopédistes? Regal'dez encore, regardez plus pres
de nous, au siéde passé.


La société était-elle désarmée au xvme siecle contre les
ennemis de la morale publique et religleuse? Oh! vous
aviez un arsenal formidable, de quoi faire vaiHammen! la
guerre á la pensée hUIllaine, vous aviez la toute-puissance
absolue du roi, vous aviez les leltres de cachet, vous aviez
la Bastille, vous aviez l'exil, vous aviez le lieutenant de
¡¡olice, vous aviez les parlements, vous aviez le Chatelet,
vous aviez le pilorí, vous aviez le pilon et le feu cont¡'e les
livres, el la mort contre les auteurs. Si on n'osait plus,
dans les derniers temps, pendre ou bruler les philosophes
autrement qu'en erngie,on leur appliquait encore ce que
les juges appelaient en leur langage: Olnnia citra morteln,
e'est-il·dire le fouet, la marque, le banniss81I1ent, les ga-
leres.


Eh bien! vous aviez tout cel~, el avec tout cela esl-cc
(¡ue vous arretiez l'encyc\opédie? Est-cc qu'elle n'clait pns
<lans toutes les mains? Voltaire n'était-il pas le roi du siécle'!
Housseau ne fondait-il pas la rcvolutioll ?


Ainsi vous n'y pouvel rien; nOll, rien t Et c'est avec ces
souvenirs sous les yeux que vous osez maintenir l'article 8
de la loi du 17 mai 18:1.9, el prendre Dieu et la morale sous
votre prolectiol1 t Vous eroyel honorer vo:; lois en y lais-
sallt ces presel'iptions riJiwlcs; et moi je <lis que vous lt's
oéshonorez; que vous manquez, comme a plaisil', au pl'in-
eipe de la liberté de eonscien¡;e, qui esl votrc pl'in¡;jpc iJ
\UlIS-lIlCllle, sur leque! toute notl'e sociélé reposo. Ce ¡¡'e~t




- ;1,,3 -


pas a vous de dire, commo 111. de Puymorin en 1819 : « Op-
posons une digue a !'impiété > ; ce n'est pas a vous de dire,
COlllUle M. de Marcellus, dans la meme discussion, - vous
le répéteriez avec une variante: - « Toujours la cause de
Dieu et celle du roi seront inséparables; toujours Dieu pro·
tégera le roi de France, et toujours le roi de France proté-
gera la cause du vrai Dieu .•


Protéger la cause du vrai Dieu! cela ressemble a une
impiété.


1\1. Jule .. ¡"avre. 1'res-bien I
M. Julos ""lmon. Il y a quelques années, dans la libre


Amérique, qui n'esl pas libre encore dan s toutes les parties
de son territoire, qui a (meo re des progrés á faire, comme
toute l'humanilé, un journaliste fut condamné pour avoir
outragé la religion protestante. Que tirent les ministres du
culte? lis adresserent une pétition au congrés pour deman-
del', par respoct pour leur foi, qu'on leur permit de la dé-
ftJndre par des arguments et qu'on cessa! de la pl'Otéger par
des eondamnations. Ils auraient rougi d'imposer silence iJ'
lours adversaires, convaineus qu'ils étaient que la véritó
étaIt avec cux. ~:t (luel fut le premier nom inscrit sur cette
glorieuse liste'1 Ce fut celuí de Channing, l'apótre illustre
de la tolérance.


Voila le vrai, tandis que toutes vos resírictions, en lIH~llle
temps qu'elles sont impuissantes, sont comme un attentat
a la liborté de la pensée. (l'res-bien I a la gauche de l'ora-
teur.)


Messieurs, on ne protége pas la morale, on l'enseigne;
on l'enseigne par des exemples, par des prédicatiolls, par
la pratique e! l'habitude de la liberté 1 La force de la vérité
est en elle-meme. Toutes les fois que vous mettez des obs-
tacles a la discussioll, savez-vous ce que vous prouvez?
Vous prouvez quevous n'avez qu'une Coi chancelante. (Ap-
probation a la gauche de l'orateur). Quel est I'homme P08-
sédant une cOIlviction, ayant une croyance, qui ose, qui
puisse, a l'heure ou nous vivons, demander autre chose
pour sa füi que la liberté el le granel, soleil de la discussion ?
(Tres-bien! a la gauche de ¡'orateur.)


Est-ce qu'i! y a une autro force pOUl' s'emparer des es-
11.1





- 204 -


prits que la Jorce de la preu ve ? Est-ce que la vérité n'e sI
pas évidenle par elle-meme? Est-ce qu'elle ne se leve pas
radieuse dans les ames comm e le soleil se lóve a I'horizon
pour illuminer le monde de son éclat el l'embraser de sa
chaleur? Pouvez-vous sans honte exiger qu'on s'humilie
devant un dogme sans y eroire? Qu'esl-ee done que eeUe
soumission a une vérité qui n'a pas été démontrée et a la-
quelle on n'adhere pas de toutes les lorces de son esprit el
de toute la vie de son cceur ? C'esl I'hypoerisie, ce n'esL pas
la loi 1 (Nou¡;elle approbation ü la ga¡¿che de fomteul'. )


Si done il y a une force da ns la vérilé, ell bien, laissez
la yérité a elle-meme; eL entre la verité el les esprils aux-
quels elle veul s'imposer, ne placez rien; ne désh onorez
pas, n'abaissez pas vos propres lois.


Le temps approche 011 toules los fielions el toutes les bar-
rieres vont entin disparaitl'e, et 011 s~ra absolu le régne de
la critique q ni est la vél'itable souveraine de la démocratie
et des sociótés modernos,


Je vote d'ici le premier pOli!' uno loi que je erois eelle d'un
avenir prochain, pour une loi sur la presse ainsi forffiulée :
« La pensée esl libre sans ¡'estt'ictioll ui ['Iiscrvc, (Tres-bien!
ü la gemclte l'o/'ateur.)




ADROGATlO;O¡ DE I:ARTICLE 11 DE LA LOI DU 17 FÉVRIER 1852


DISCOURS
DE


IVI. ERNEST PICARD
llépllté de la Soine.


Sl~ANCE DU 19 Fl~VRm}{ 18G8.


1\1. le "1·~'",ldeT1t, .JJerorne n,,,·id. Maintenant, mos-
siems, vient un autre 3mendement de MM. Mnri(), Julos
Favre, Hénon, Betbmont ot pIusieurs de leurs collcgucs qui
demaude I'abrogation de l'arlicle 17 du décrot du i7 fé-
vríer i852.


Cel arUcIe i6 cst aínsi con\;u :
« n est ínterdít de relldre mmpto des pl'OCCS pour délits


de prússc. La poursui t() pomrn sculement élre annoncée;
dans tous les cas, le jugmllent. pourra etre publié.


« Dans toutes les alfaíres civiles, corl'ectionnelles ou cri-
minelles, les cours et tríbunaux poul'ront interdire ce compto
rendu du proceso Cette interdiction ne pourra s'appliquer
au jugement 'luí pourra toujours etre publié.»


M. E"ue8~ I"lea,·d. Je demande la parole.
M. le PI·é .. iden~ ..Jél'ome David. M. Picard a la pa-


rolo.




- 2;;(; -
M. Ernest Picardo Messieur~. nous avons entendu SOll-


ven! le gouvernemenl el la commission justi fiel' les disposi-
tions qui nous paraissaien~ excessives dans le projet de loi,
par un principe proclame hautement a cette tribune : le
principe du droit commun.


Est-ce au nom du droit commun qu'on viendra ici nous
expliquer comment, lorsque le prévenu est appelé devant le
tribunal pour répondre d'un délit de presse, l'audience, qui
était ouverte au public, va etre fermée? Comment cette ga-
rantie qui appartient au dernier des prévenns, au dernier
des vagabonds, va etre refusée a celui qui vient devant le
tribunal exposer ses doctrines, sOlltenir sa bonne foi et pré-
tendre que, 10iD d'avoir mérité l'application d'une peine, il
a, HU contraire, rendu, a ses risqlles et pél'ils, un service a
l' ordre social?


J'attends que cette premiére contradiction que je signale
dans la bouche de cellx que j'ai a combattre soit expliquée,
et j'entre dans l'examen de la question.


On nous di! bien souvent qll'¡¡ y a des lois pour les ci-
toyens : /lOUS ne le mrconnaissons pas; mais il est permis
de dit'e qu'il y a aus~i des lois pou!' les gouvel'nements. Ce
sont surtout les lois qu'ils se sont ¡aites ellx-memes; ce sont
lcs constitutions qll'ils onl acceptées el qlli forment le con-
trat qll'ils ont signé avec la nation.


Eh bien, ce contrat, ceHe Constitution, qlli proclame les
pl'incipes de i 789, permettent-il~ a l' AssembIée d'accepter
lIne disposition de loi qui serait la négation absolue de ces
principes? Non, certainement.


J'ai entendu souvent; IOl'sflUe !lOUS invoflllions le préam-
bule de la COIlstitution, nos contradicteurs déclarer que les
principes de l. 780, (juelques-uns du moins, pOllvaient (~lre
contestés et, a la faveur du doute jeté sur la formule memo
de certains de ces principes, le Gouvernement échappait
a l'objection.


Mais iei, qui ne sait, me me parmi ceux qui se sont le
moins occupés de ces questions, que 10l'sque la grande ré·
vollltion de l. 789 s'est manit'estée, un cri formidable s'est
éIevé en France pour obtenir ¡'abolition des pl'océdures se-
crdes? Qui ne sait que) dans la loi du 24 (loClt i 790, iI ya




- 2:;7 -


un arUcle H proclamant ce principe. En toute matiere les
plaidoyers, rapporls el jugements seront publiés .....


1\1. le Garde de .... cenux. Seront publies!
1\1. Ernc .. t '·lcm·(l. Ouí seront puhlics. J'aí dít publics.
M. le Gnrde de .. "ceaux. Vous avíez dit publiés. Ce


n'est pas la m6me cl10se 1
~I. Erne,.t Pic, ... d. C'€st un lapsus. ({ En toute matíére


les plaídoyers, rappClrts et jllgements seront pub líes, et tout
eítoyen allra le droit de défendre luí·meme sa cause, soil
verbalement, soil par écrit. n


Le législaleur de cetle époque, megsieurs, dans une pen-
sée profonde, unissail ces dellx idees de la publicité et du
droít de dérense, idées inséparables, paree (lue quand I'au·
dience n'esl pas publique, quand la publicité des débats
n'est pas permise, quand le comple rendu, qui est la forme
réelle et certaine de la publicité est inlerdit, il n'y a pas de
dNense sórieuse.


Voila ce que pensait le législateur de :1790.
J'arrive immédiatement aceite distinction entre la publi-


cité el la publication qui m'esl opposée el que je suis étonné
de rencontrer de la par! de ceux que j'ai a combattre en ce
momento


Qu'est ce que la publicité ? Est-ce que c'esl la porte ou-
verte pour ceux qui sont admis dan s l'enceinle plus ou
moins étroite d'un prétoire dont l'acces ne leur aura pas
été interdit? Est-ce que e'est un débat public, celui au-
quel il m'est arrivé d'assister el oi! des agents de police
observaicnt une consigne donnée, celle de surveiller les per-
sonnes presentes 11 l'andíence et de les empécher de pren-
ore des notes qui 3uraienL pn leur pcrmettro de publier
ailleurs le proces jugé? EsL-ce que c'est la la publicité?
EsL-ce que mon esprit se trompe? Est-ce que je vienssou-
tenir une théorie nouvelle en prétendant que la publicité
c'est la faculté du compte rendu, c'esL le droit pour celui
qui eSL á I'audience noo-seulement d'assister, mais de
publier ce qu'il a eotendu eL de le faire coonaitre a ceux
qui, moios heureux ou moins ravorisés que lui, n'ont
jln pénétrcr dans la piéce Ol! il a élé admís luí-meme?
(J'n;s-úien! (¿ 1((. gauc/!c de l'(lratmtl'.)




- 2fi8 -


1\1. Garnler.Pag(;iI. Il n'y a que eette garantie!
M. Ernest Picardo Est-ce que c'es! la, messieúrs, une


qucstion nouvelle ? Mais, permettez·moi de vous le dire,
en i822, quand celte loi terrible qui a pr:u VI'CU et qui n'a
pas honoré ceux qui l'ont. pl'ésentée, a été faite, on était
dans un temps de réaction, et une pensre pareille a celle
qui vous préoceupe en ce moment avait fait proposer par
la commission un amendement de meme nature que ccluí
sm lequel vous avez a statuer'; de me me nature, c'cst-a-
dire touchant l'interdiction du compte rendu des débats.
Cet amendement, il n'a pas élé aceepté par la Chambre, il
a été repoussé, el eelte premiere tentative a été vaine.


Mais la question s'est posée, et voici en quels termes elle
a été disculée plus tard, en 1828, par un honorable garde
des séeaux dont l'autorité ne sera pas mise en doute par
les ministres qui siégent au banc du GOUVflrnement, M. Por-
talis. C'est a l'abri de ses paroles que je soutiens eelte pre-
miere these, qu'il n'y a de publicité vérit~ble I¡ue CJuHnd ¡¡
y a faculté de comple rendu.


Voici comment s'exprimait M. Por la lis, le U aout i828 :
« La publicité es! nune du Gouvernernen! e! les journaux


sonl les inslruments nécessaires de cette publicité.
« Inutílement des voix éloquentes feraient relentir l'une


et l'autre tribune, si leur parole n'étaÍt enlendue que du
peti! nombre d'auditeurs qui remplissent les étroites gale-
ries de la salle de vos séances; iI en serait de meme des
audiences des tribunaux; une publicité renfermée dans les
limites d'un préloire aussi resserré n'offrirait qu'un garantie
bien impart'aite .


• La publicité véritable eSI eeUe qui fait parvenir jus-
qu'aux extrémités de la France les discours qui sont pro-
noneés dans eelte eneeinle, eelle qui transporte les habitants
des départements pour y elre témoins des débats kgislatifs
et judiciaires qui sont dignes de leur attenlion. al' ceUr: pu-
blicité les journaux seuls pr:UV(wt la donner. »


Et en effet, messieurs, estoce que si vous acceptiez commc
une publicité suflisanle la publicité résulta nt de la présencc
de quclques personnes dans I'enccinle meme des débats ju-
diciaires, estoce que, dis-je, vous pourriez répOlldre a ecHe




- !:;g ---


hypothese que le nombre des auditeurs peut etl'e excossivo-
ment restreint, et les facilités d'acces refusées, de telle sorte
que la publicité ne sera plus qu'une illusion; car les témoins
ne sont pas le public, que d'ailleurs, il n'y aura peut-etre
pas de témoin" et qu'en conséquence aucune garantie
réelle n'existera on fayeur du prévenu.


Et en vérité cornment est-il possible de soutenir qu'i1 n'y a
pas une distinction fondamcntale 11 faire entre la prétendue
pubJicitó résultant de la présence d'auditeurs dans l'cnceinte,
et la publicité résultant de la publication dans lesjournaux,
alors que la loi elle-meme rait cette distinction, ct qu'elle a
bien soin do dire : « Le jugomont sera public,» lorsqu'elle
veut donner une intimidation salutairo par l'exemple aux
journaux qui no sont pas condamnés, en raisant connaitrn
la sentence rendue contre celui qui est condamné? Le légis-
lateur de 1852 reconnaissait done lui-meme que la véritable,
[pIe la sen le publicilé élait cclle qui résuItait do la publica-
tion par lesjournaux; senlement illa confisquait a son profit,
et intideJe aux principes do J789, qui exig'ent deux choses :
la publicité et I'egalité dalls la publicité, au lieu de pCI'-
mettre la pulJlication des rapports, du plaidoyer, et du
Jugement, iI retenait seulement la publication du jugement,
et déclarait qu'elle seule serait permise, Que résulte-t-il de
lil? Il en résulte que ce droit supreme qui a toutes les
époques, aux époques les plus agitées comme aux époqw)s
de réaction, ne devrait trollver dans les assemblóes que des
protecteurs, ce droit de défense, il est entiérement mé-
connu, entiérornent violé.


1\1. Jule .. )'fi,'re. Tres-bien 1 tres-bien 1
~I. El'ne"t Plcard • .ren donnerai a dellx de mes hono-


rables contradicteurs dos oxomplos dont ils auraient pu eux-
memes etre les témoins.


Qu'avons-nous vu dans ce proces de presse Ol! le compte
rendu n'ost pas permis?


L'écrivain, quaIlu il est appolé par les magistrats a
donner des explications, en fournit spontanément. Eh bien,
eelles qu'i! fournit, elles sont supprimées, et elles le sont
ordinairement dans le jugemcnt, qui ne relient que les mo-
tifs donllés par la prévontion, a l'appui de la condamnatioll.




- 260-


Celles que l'écrivnin donne oralement dans l'audience, elles
peuvent etre mnl interprélées par le juge ([ui rédigera son
jugement, Et elles peuvent aITecter ou la forme d'excuse,ou
la forme de rélractation, de telle sorte que la préoccupation
de ,'écrivain ([ui veut non-seulemenl échapper a la peine
qu'il croit ne pas avoir méritée, mais sauvegarder son ea-
ractere politíque, la préoccupalion de l'écrivain, c'esl de ne
rien dire qui puisse etre mnl interprété, et souvent il se rcn-
ferme dans un si/en ce prudent.


Voilil ce dont j'ai élé témoin, et les raisons qui auraient
déterminé l'opinion publique il absoudre celui aui est con-
damné, flui lui auraient valu ce dernier secours, cette der-
niere ressource qu'¡¡ n'est pas permis en matiére pénale de
supprimer, lui manquaient absolument.


J'ai Vil un écrivain ou un éditeur, ce qui est la meme
chose, condamné il une peine considerable, a une année de
prison, pour avoir edité un livre dont les épreuves nvaienl
éte approuvées par un fonetionnaire u'un ordro elevé, Tres-
cerlainement, si ce rait avnit pu elro porté a la connais-
sanee du public, si, comme le reclamaienl ses défenseurs,
cela avait pu etre divulgué, le jugement aurail pu elre diITe-
rento
~Iais l'audience était secrete, mais les moyens de défense


n'appartenaient qu'au tribunal, mais la publicité, cette véri-
table garantie, elle était retirée au prévenu, et il restalt seule-
ment dans le prétoire h quelques rares témoins entrés dans
l'audience I'impression pénible de voir juger ainsi, en de-
hors de toutes les garanties légales.


En vérité, quand les principes sont aussi certains, aussi
impérieux, aussi incontestables, on se demande ce qui peut
déterminer le Gouvernement et, apres lui, la commission a
maintenir une disposition de cette nature.


J'ai consulté sur ce point I'exposé des motifs et le rapport
de l'honorable M. Nogent Saint-Lauretls.


L'exposé des motifs est d'un laconisme extreme; il sem-
ble meme na pas apercevoir la question, - et, comme s'il y
avait la une hcureuse réminiscetlce de I'éducation judiciairo
el libérale de son honorable rédactclll', - il 88mble que la
plume qui a écrit cet exposó eles molirs <lit he'sM, ne Irou-




- ~r)f -


vant pas de molifs pour justíf1er une disposítion semblable.
1\1 . • Tule .. FnvI'e. Trés-bien!
M. EI'De",t Picardo Quant a l'honorable rapporteur, avec


une franchise que nous savons touJours honoror, mais H
laquello nous sommes disposés a résister lorsr¡u'il accueillo
des théories pareilles, il s'exprime ainsi :


« l'ious le disions sans développornents et sans phrasos,
le compte rendu des proeés pour dMit de presse est une
publication dangereuse et nuisible. L'intérét moralou rna-
tériel du pays n'a rien a gagner a une lecture de ce genre;
elle est propre a enflamrner les esprits ardents, a surexci,
ter les jeunes imaginations, ü égarer bien des gens qui
n'ont pas les rorees morales de l'expérience et de la raison
pour résister 11 cette attraction singuliére que produit le
eompte rendu des procés poli tiques.


« Nous le déclarons done, nous sommes contre le compte
rcndu, paree Qu'il n'est pas une garantie pour les prévenus,
paree qu'il peut étre un danger pour l'intérét général.)


Cest l'ort bien dit; mais l'honorabl() rapporteur, qui craint
d'égarer, de surexciter les jeunes imaginations et d'cnflam-
mer les esprits ardents, voudra-t-il bien nous dírü ce qui
est substitué á ce compte rendu des procés de presse, et
cornrncnt ses craintes sont calmées lorsque, a la place de
ces discussions littéraires, philosophiques, il voit s'étaler
avec uno aisance parfaite les relations dos crimes de cour
d'assises, les variétés de l'escroquerie, les faits qui réve-
lent, hélas 1 les plus honteuses immoralités; quand il voit
tout cela admis néecssairement dans les journaux; cal' la
nature des choses le veut ainsi : quand la pldce n'est pas
réservée pour ce qui doit ctre, elle est prise par ce qui ne
doit pas etre. (Assentiment a la gauche de l' oratel~r.)


Eh bien, comment ne craint-il pas la surexcitation pour
les imaginations trop jeunes, l'inflammatioll pour les es-
pI'its ardents, en voyant cette littérature criminelle ?


Rélas I c'est qu'ici encore il est amcné sur une pente
mauvaiso a préférer les intérots d'une politique mosquine
et étroite au véritable intérot social. (Nouvel assentiment
Sil/' les memes bancs.)
L'intl~rUt soci;i1, au contraire, e'est que les dúbals de ceHe


l."




- 21i2 -


nature soient publiés, c'est que les débats de ceHe nature
révelent a tous les q uestions qui ont été portées devant les
jugcs; et iI est impossible de juslifier l'interdiction des
comples rendus des proeés poli tiques, autremeut que le
faisait M. Lainé, <¡uand, s'élevan!, en 1822, contl'e une me-
sure pareilIe, il disait : « Dans les délits politiques cornmis
par les journaux, oser réelamer le seeret des débats, c'est
montrer peu de confiance dans la justice de sa cause, e'est
dévoiler les prétentions d'un arbitraire qui tremble de ses
ex ces et redoute de frapper a la clarté du jour.))


M. Glnis Dizoin. Tres-bien! la Restauration !
M. Ernesto Piea.-d. Aussi l'honorable garde des sceaux,


au début de celte discussion, examinant cette question uif-
ficHe, nous a dit - qu'il me permette ce mol, parce- qu'il
esl respeclueux el qu'il reproduil tidólemenl l'impressioll
que m'a laissée son discours, - nous a dit avee une bonho·
mie parfaite : e'est un métier ue dupe; ne nous forcez pas
a laisser faire de comple rendu des proces de presse; il Y
a des avoeats, - el, en prononr;ant ces paroles, il se 80U-
venait évidemment de sa jeuuesse, - il Y a des avocats
trés-habiles qui plaident merveilleusement les causes poli-
tiques, et bien que la condamnation soit prononcée par le
trIbunal, le journal, ainsi déltmdu, sera absous devant 1'0-
pinion publique.


Comment! M. le garde des seeaux a-t-i1 donc oublié que,
a coté de cet avocat habile, se trouve la légion redoutable
el non moins habile de ces avocats généraux, qu'¡¡ reCl'ute
dans toute la France, aUf/uel il reconnait le don de l'élo-
f/uence et auquel iI donne la mission de proclamer la vé-
rité poli tique : les vaillants et éloquents soldats de ce batail-
Ion devront non-seulement faire cOlldaIlluer I'écrivain, muis
encore faire triompiler la poli tique du Gouvernement, el la
modeste plaidoirie de !'o vocal paraitra bien pale a cüt(, de
la parole entrainante el autorisée de ces vengeurs des
vrais principes outragés. (Rires appl'OlJati¡:s it la !J(I/u;/w ,1,:
l'araten/'. )


M. le garde des sceaux sait parfaitellteut cela. Mais cc
Ilu'il ne veut pas savoir el ce que jc suis obligé de lui di re,
I':esl qu'il y a cerlaius proeüs qui ne pellvcnL pas voir la




- 2G3-


clarté du jour, Mns danger pour ceux qui les poursuivent;
c'est qu'il y a certaines raisons qui, si elles étaient données
publiqucmcnt, entralneraicnt non pas la condarnnation du
prévenu, mai8 eelle de la prévention. Alors le proees de
presse ne pourrait plus devenir instrumentum regni >' il se-
rait jugé d'abord par le tribunal, ensuite par l'opinion pu-
blique; l'opinion publique condamnerait quelquefois le juge-
ment du tribunal, mais elle avertirait ainsi le Gouverne-
ment et le rendrait plus modéré dans des poursuitcs de cette
nature. ( Tres-bien I á la gauche de l'orateur. )


Nous entrainer, messieurs, dans une audicnee privée oú,
devant quelques témoins attirés par la curiosité, quelques-
uns par la sympathie, munis de billets de faveur, - cal'
lorsque le compte rendu esl impossible, tout le monde veu!
entendre el tout le monde ne peul pas pénétrer, - ouvrir,
comllle dans unc COIlllIlission de rancien régime, des dé-
bats qui ressemblent aux débats d'avant 1789: voila, mes-
sieurs, ce que le Gouverncment veut faire accepter par la
ChamlJre, et cela, toujours au nom de ce perpétucl princirJc
du salut publico


Toutes les I"Oi8 que l'un de MM. les ministres, el ¡'hono-
rable ministre d'Etat en particulier, montent a cette tri-
bune, je m'atte~ a deux choses : a un discours éloquent,
I[ui ne manque jumuis, et a la raison d'Etat, flui est tou-
jours cachée derriére ses paroles autorisées. (Tres·bien! trcs-
bien! ü la gauche de l'amteul'. )


Combien da telllps marcherez-vous ainsi, avec la raison
d'Etat, en dellOrs des regles et des principes de la justice '?
Combien de temps pourrez-vous garder en tete de yolre
Constitulion les immorlels principes de i 789 '? Si nous en
faisions le dl'nombrement, hélas! combien peu apparaí-
traient survivant aux lois spéciales qui dérogent a ces
principes généraux !


Et bien, mcssieUl's, je \'ous le demande en grúce, dans
une question de celte uature, (¡ui est. une ([uestion élémell-
taire au POilll de vue des principps, \'euillcz ne pas déroger
de nouveau aux principes, veuillez ne pas ¡aire entrel' dans
notre codc une disposition injustifiable, qui ole a la justice
l'aplJUrence meme de la justice, qui fait que le magistral,




- 2G~ -


molgré son costume, et a raison des formes expéditives, el
a raison des audiences secretes, est considéré por le public
comme une sorte do fonctionnaire d'un ordro administra-
tif mixto, chargé de prononcer au nom du pouvoir sur le
sort des personnes que ce dernier lui défere.


J'ai la, dans mes papiers, les archives diplomatiques qui
nous ont fait connaitre la loi turquo publiée dernierement;
je l'ai eomparée mélancoliquement a la loi fl'aw;aise, el
fai reeonnu qu'elIe était beaucoup plus libérale. (Excla-
mations et Tumeurs sur plusieurs bancs.) Elle perniet la
preuve contro les fonctionnaires publics, elle n'interdit pas
les compte rendu des proces de presso .....


Un membre. II n'y a pas de presso en Turquie.
s. Exc. M. Rouher. ministre d'Etat. Ni de débats lé-


gislatifs.
1\1. Ernellt Picardo Il n'y a pas de débats législatifs, il


peu! y en avoir partout, il y en a en Égypte ..• (Rires sur
quelques bancs.) Ce qui fait les assembléos législatives, c'esl
le respec! du droiL et des príncipes proclamés, comme ce
qui fait la justice, c'est l'indépendanee dll jugo et la publi-
cité do débats; or, l'audience ouverte iJ. quelquos-uns seule-
ment, c'est une pseudo-publicité, e' estune publíeité hypocrite,
contraire aux príncipes de i79V; e'est la publicité inégalo
qui ne permet de publier qu'une des branches du proces,
le jugement et la condamnation, et non la défense. C'est
done la violation des droits de la défense. (Approbation a
la gauche de l'orateur. )


On me di!: l'intére! public ! ..... !\Iais l'inleret public dans
les proces politiques, c'est que les débats soient publiés.
L'intéret du Gouvernement au contraire a toujours été que
le débat fUt secreto


Ce qui fait l'honneur des gouvernements précédents, c'est
qu'ils ont su résister a leur intéret privé. Est-ce que vous
croyez que tel grand proces politique qui s'agitait devant la
Chambre des pairs, et Ol! I'accusé était un prétel1dant, n'é-
tai! pas de nature a agitor I'opinion? Cependant on a laissé
publior les débats do ce proces. Les procos de presse ont
IIn intéret du memo ordl'c, tout en ünnt bCGllcoup moios
dangcreux.




- 2G:¡ -


Il esl impossilJle que vous veniez jctcr ce voilc sombre sur
la discussion; il esl impossible que, ce voile, on le jelte de
maniere que nous ne puissions plus voir la moindre idée
lib(;rale dans la loi que vous proposez a nos votes. ( Vive
approbation su!' les óancs a la gauche de l'oratcltr. )




ABROGATION DU DÉCRET DU 11 AOUT 181¡8


DISCOURS
DE


M. EUGENE PELLETAN
Député de la Seine.


SÍ~ANCE DU 20 FÉVRIER 1868.


1\1. le Président .Iel't"ime Ba"i<l. Maintenant la Mlj·
bération s'ouvre sur un llmenuement de MM. Marie, Julés
Favre, Hénon, llcthmont, Polletan ot plasieurs de leurs
collégues, quí demandent l'abrogation du décret du
i i aoüt 1.848 concernant les attaques eontre l'autorité des
pouvoirs publics.


La pnrole est a M. Pelletan.
1\1. En"ime Pelletan. Messieurs, je demande it la


Chambre la pormission do défcndre l'amendement que n011S
avons prc'sonté pour abroger le décret du i i aoút UW~; ce
décl'et, messieurs, comme su date l'indi1lue, punit la pro\'o-
eation a la haine et au mépris du gouvernernent de la H,":-
publique, et on l'applique aujourd'hui aux f()publicains ¡¡ni
passcnt pour vouloir attaquer l'Empíre.
~Iais, avant d'aborder ce débat, je dois aller su·doran!


d'une objection qu'Ol1 ne manquera pas de nous oppo5er.




- 267 -


VOUS dcmandez, quoi1' nous dil'a-t-on sans doute, l'abro-
gation d'un décret que vos amis ont eux-memes présenté il.
l' Assemblée constituante.


Persanne plus que moi ne rend justice aux hommes de
février; ils ont bien mérité de leur pays! ... (Assentiment
sur lJuelques bancs ti la gauche de l'orateur. - Rumeurs et
réclamatiolls dans les autres parties de l'Assemblee.)


Il y a en ce moment au banc des ministres deux hommcs
qui certes ne démenliront pas mes paroles, cal' ils ont voté
que le gOlJvernement provisoire avait bien mérité de la pa-
trie. Je renvoie donc a M. Baroche et iJ ~I. Houher les mur-
mures que je viens d'entendre, el, malgré ces protestations,
je persiste a penser que les hommes de février peuvent at-
tendre d'un cmur tranquille le jugement de I'histoire. (2lfou-
vemeíds divprs).


Sous le bónéfke de celte réserve pour des hommes que
j'honore, je reconnais yoiontiers que si ces hornmes, au len·
demain de I'insurrection de juin, n'onl pas douté de la li-
berté de la presse, ils onl cru cependant devoir meltre pro-
visoirement une limite a cette liberté, et ils ont présente le
décret du H aoüt J848 pour punir la provocation a la haine
et au mépris du gouvernelllent de la république. !~lais,
I:omme, a ceUe époque, le Jury avait seul compétence pOUl'
juger les proces, ils ont cru que le jury ferait contre-poids
á tous les abus qui pourraient résulter d'une semblablo
législation; depuis lors lc~ jury a disparu et le délit est
resté!


01', qu'est-ce que ce délit? Un délit purement métaphy-
si que. Il faut bien le saisir corps a eorps el lui demander la
raison non-seulement des condarnnations prononcées en son
nom, mais encore des eondamnations qu'on pourra pronon-
ter i¡ I'nvrmir, sous Ir pretexte de provocation, á la haine el
au m(~pris du gouvernement de la république.


Hiol' encore, M. le ministre de [,intedeu!' !lOUS disait (I1l0
pour qu'il y ait délit, il faut deux eonditions : d'abOl'd l'in-
lcntion lluisiblo el ellsuilo le rait Iluisible. Qu'uno de ces
dcux conditions vienne a disparaitre, il n'y a pas de délit.


Ainsi un journaliste envoic un arLicle plus ou moins in-
crimilwlJlo il l'illlprimel'ic; mais, au derniel' moment, l'im-




2(;:) -
primeur refllse de l'insérer, malgré la prolestation de l'au-
teur. L'nrticlo n'a pas paru. Il n'y a pas de délit.Cepen-
dant íl ya eu, a votrp. poin! de vuo, uno intention nllisible,
je dírai plus, il ya eu un commencement d'exécution. Cal'
la publicité seule au poin! de vue constitue le délit, cal' seule
elle peut, en versant la parole de l'écrivain il la foule, por ter
ce qu'on appelle un préjudice a la société.


Voilil la vérité. (Assentiment a la gauclte de l'omteur.)
Eh bien, messieurs, reprenant ce principe e! l'appliquan!


a la question particuliere, je vous le demandc, qlland un
écrivain quelconque a commis ('e que vous appelez le dflit
de provocation a la haine el au mépris du Gouvernement,
qu'cst-ce qu'il a fait en réalité? 11 u, du droít de sa raison
libre, soumis des idées plus ou moins vraies a d'autres rai-
sons, libres, comme la sienne, de les accepter ou de les
refuser. Si ces raisons libres ne les acceptent pas, il n'a
rien dit, il a parlé au vent; son délit tombe de lui-meme
dans l'indifférence, il n'a convertí personne et par con sé-
quent íl n'a pervertí personne.


Pour qu'il eut commis un délit, il faudl'ait qu'íl eut porté
préjudíce il qui ? il quoí? Au lecteur ou au Gouvernement;
et, a supposer qu'il l'eut commis, comment pouvoir le
consta ter ? Ol! esl votre corps de délít? Ol! le saisissez-vous?
Au fond du cerveau des lecteurs? Ah I je vous en détie. Et
alors qu'arrive-t-il ? e'est que ne pouvant pas saisir le corps
de ce délit, on supposera toujours le préjudice d'avance, el,
en vertu de cet a priori, on le frappera de condamnation.
Eh bien, savez-vous ce que vous raites dans cette circons-
lance? Vous renouvelez sons une autre forme los proces de
sorcelleríe. Pendant toute 13 durée dn moyen flge et jus-
qu'au i7" siecle, certains hommes, bien plus dangereux
que les journalistes, passaient pour exerct'r une influence
il'résistible non·seulement sur les esprils, mais encore sur
les eJements, et quand un desastre, quand une peste, quand
une famine venait fondre tout il coup sur une contréo, on en
accusait naturellement la sorcellerie, on y envoyait aussilót
un tribunal extraordinaire, quí poursuivait lons les mal-
heureux suspectés de magie, el, comme il" nc pouvaient
les convaincre d'un crime imaginaire, il les condamnait




- 260-


sur parole. e'est ainsi qu'un président du parlement de
I3ordeuux, en plein dix-septj¡~me siecle, a l'heure memo ou
Descartes pensait, a livré au Mcher plusieurs centaines dn
sorciers en vertu de ce meme prineipe de provocation a la
haine et au mépris du Gouvernement, c'est-a-dire de pro-
vuca tion au renversement des éléments et des lois de la
nature. (Rumeur.~ sur plusieurs banes.)


M. Glais.DJzoln. Tres·bienl tres-bien!
;U. ElIgene Pelletnn. El il ce sujet, messieurs, permet-


tez moi de vous présenter une réflexion. Reconnaisez-vous,
pouvez-vous reconnaitre a un écriyain quelconque la puis-
sanee de déchainer la haino et le mépris sur un Gouverne-
mant ? Vous lui supposez done une bien grande puissance?
Ou plutót vous supposez un Gouvernement bien I'aeilement
haissable et bien faelJement méprisable, pour qu'il dépende
du premier venu de faire a son gré que ce Gouvernement,
généralement estimé, universellement aimé, puisse tomber
tout a eoup, du fait d'un article du journal, dans le mépris
ou dans la haine d'une nation.


Vous avez done une bien petite idée de ce Gouvernement,
ou bien vous avez une grande délicatesse de nerfs pour ce
Gouvernement, si vous le trouvez offensé d'un article qui
tombe de lui-meme devant le bon sens publico


Ah I vous avez toujours oublié dans ce débat le vrai juge,
le meilleur juge, ce n'est ni le tribunal depolice correction·
nelle, ni le jury, c'est le bon sens public, e'est la raison
générale. Voila le vrai juge. (Tres·bien J a la ganche de l'o-
mteur. )


1\1. Emlle Olllvler. Tres-bien! tres-bien I
M. ElI¡¡;ene Pellet .. n. Si jamais, de J'autre cóté de la


Manche, un écrivain essayait de déverser le mépris sur la
reine d'Angleterre, on n'aurait pas besoin de le poursuivre,
su calomnie retomberait sur sa tete de tout son poids; e'est
luí-meme qui aurait accumulé le rnépris sur sa propre per-
sonne, et devant la I'éprobation de l'opinion publique le sol
anglais ne pourrait plus le por ter.


Qu'cst-ce donc. au fond, que ce délit de provocation
il la haine el nu mépris du gouvernemenl de la république,
- j'ajoule toujours ce second mol que les tribunaux retran-




- 270 -


ch8nt dans leurs arrets, car, pour la premicre fois, on voit
un texte formol do loi mutilé dalls les arr<~ts de la ju'stice, -
qu'est-ee que oe délit? C'est tout simplement le crime de
léso-majeste qu'on veut rótablir dans la loi; c'est tout sim-
plement l'amour-propre dn gouverncment qu'oll eherche
a venger; ce n'est nulloment un déliL Co délit n'existe pas
parco qu'i! ne peut pas y avoir de délit d'une pellsP,o a une
autr~ pensée; paree qll'i! no penl pas y avoir de délit dans
le domaine invisible de l'intelligencc; paree que, loutes les
fois que vous ne pOllvez, par un signe materiel, constater le
préjudice porte sur l'esprit du lecteur, vous n'avoz pas le
droit de condamner.


Un semblable article de loi qui ne permet pas de preuvc
positive, de preuvo tangible, oblige nécessairement u con-
darnner le délit insaisissable par á pou prés et dans l'in-
connu; et quand on envoio devant les tribunaux un écrivain,
cet écrivain portera presque toujours la peine d'ull délit
qu'oll ne saurait prouvor; on le supposera prouvé d';¡\,ancc,
parce qu'au lieu de remonter du ¡hit ~ l'intentioIl, 011 préJu-
gera l'intelltion d'aprés la tendance de l'écrivain. Co n'esl
pas liJ, permettez-moi de vous le dire, une bonne politiquc
ni une bonne j ustice.


Fiez-vous a l'opinion publique, c'est elle qui juge souve-
rainement tous les écrivains; si, par mnlheur, il y a des
journalistes qui ne sachent pas so respector, s'il y a des
écrivains méprisables, des écrivains qui vondent leur plumo
á toutes les causes et changellt de livréo avec les change-
ments de pouvoir, ah! pour sur, ceux-Iá ne sont jamais
dangereux, et plus ils sont violents, plus ils sont agressirs,
plus ils tournen!. l'opinion publil[lle contre leurs paroles ou
plutót contre ieurs invectives (Trés-lJien! (lla gauche de 1'0-
ratear), et vous en avez vous-me mes eu le soup~,on .. Vous
Ilons parlez d'articIes incendiaires, d'articles dangereux
qU'OIl ne doit pas laisser passer sous les regards du public,
et c'est pour cette raison quo vous avez inlerdit la publicité
des débats de l'audience; - eh ,bien, permettez-rnoi de
vous répondre par un argument irréfulable.


Toutes les fois que vous trouvez des écrits inc8IJdiaires,
vous les publiez dalls vos Journaux; toutes les rois,,, (RC-




-~ 27:1. -


c{amations), jo vous en demande pardon, vous les publiez,
el vous avez rai~on : c'esl la meilleure réponse que vous
puissiez faire a ces articles. Toutes les fois que, dans cer-
taíns proccs, vous trouvez certaines doctrines qui peuvont
révolter la conscienee publique, les juges ont bien soin de
les lire a l'audience; et comrne vous n'avez pas interdit la
Jlublicílé des clébats de l'audience dans ces proces, oh I vous
vous empress8r. do mettre le public clans la eonfidence de
ces doctrines, comme pOllr réveiller les inquiétudes au-
jonrcl'hui evanouies de je ne sais plus quel fant6me. Et
toutes les [ois que vous trouvez des arlicles cl'une certaine
nuture, que vous supposer. clevoir effrayor les imaginu tions
tí mides, vous ne mal1(juez jmnais de les livrer a la publi-
cité .


.le dis plus: la "iolence lait toujours tort a la cause qu'elle
prétend servir. Certes, je respecte, au nom de la liberté de
conseience, la religion catholique, bien que j'appartienne
a un autre ordre do croyance. Eh bien, qlland, pour le plus
grand hOl1nCllr do la rcligion calboliquo, des polémistes
inlernpérants croicllt uevoir oulrager les príncipes les plus
s8erés de la socit,té mod¡;rne, que [ait la presse adverse?
Elle reprocluit leurs olltrag'es; et s'íl y a aujourd'hui une
reaction contre le clergé, que llles honorables collegues en
soient bien convaincus, c'est surtou! a cos écrivains qu'on
doit en reporter la responsabilité, el les eonemis uu catholi-
cisme n'ont pas de meilleurs auxiliaires. Ainsi done, éeartez
lous ces fantbmes, écartez done toutes ces inquiétudes,
recollllaissez qu'il n'y a pas de délit de provocation a la
haine et au mépris du Gouvernement .


Et j'ajoute : Qu'est-ce qu'une provocation a la haine el
au mépris du Gouvernement? M:Jis le provocatellr proba-
blement n'est pas l'auteur dll délit; il o'en est que le com-
plice! Il raudrait qu'il y cut duns Ir: Code un délit sous le
litre de • haine et mépris dn pOllvoir; • est·ee que ce délü
existe? est.ce que chacun de vous n'est pas libre, a ses
risques el. périls, sous sa responsabilité, d'aimer ou de hair
un gOllverfieHlent, d'admirer ou de mépriser un gouvernc-
meJll?


Eh bien, done, qu'est-ce que vous raites par le maintiell




~ 2i~ -


du déerel don! nous demandons l'abrogation ? Vous raíles
de ['écrivain un complicc d'un délit qui n'<,xiste pas,c'cst-¡¡
dire que vous lp. faites complice d'une chimére, paree que
tout le monde a parfaitement le droit, je le répete, a ses
risques et périls, de ha"ir ou d'aimer IIn gouvernement; et
vous ne pouvez jamais poursuivre en poliee correclionnelle
quelqu'un pour avoir ha'¡ et détesté un gouvernernent.


Voilil ce que ¡'avais a dire a l'appuÍ de nolre amende-
men t. ( Tres-bien! tres-bien! á la gauche de l' omteur. -
Aux voix ! aux voix /




DU CmII'TE"REXDU HES lllSC¡jSSlO¡,\S DU CORl'S LÉGlSLATlF


DISCOURS
DE


M. ADOLPIIE GUÉROULT
Dl~pulé de la Seilw.


Sl~A:\CE DU 21 VÉVRIE1\ 18G8.


1\1. Adolphe Gué."ouIt. Voilil plllsieurs jours, messieurs,
que la question du cornpte rendu s'agite devant cette As-
semblée; voila sept aos 11 peu pros qu'elle s'agite dalls le
pays et dans la prlltique de tous les jours, et nous avoos
toutes les peines du monde a sortir de l'équivoque. Malgré
loutes les explications de M. le ministre d'Etat, iI ne me
parait pas que nous en soyolls sor lis.


Je vous demande la permission de ne pas revenir sur
le tableau historique que M. le ministre d'Etat a tracé, en
parlant de la manicl'e dont la presse s'cst comportée vis-a-
vis des débats législatif's.


le ne conteste pas que le compte rendu officiel, sténo-
graphique ou analytique, n'ait élé un progrés, un progrés
da ns la sincérité du compte rendu de nos débats.


Je ne conteste pas que la loi a parfaitement le droit et le
devoir de rl;prirncr le comple l'endu injurieux ou inexacto




Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit; il s'agit du droit
de discussion que personne ne conteste, que tout le ínonde
proclame, et que personne, je llis pf!rsonne sans exception,
ne sait comment exercer.


IU. EDlile OIUvier. e'est cela I
1\1. ,'-dolphe Gllérolllt. Ainsi, les jonrnnux sont tres-


mnbarrassés, non pas pOUI' rendre compte, - ,¡'allais lom-
bel' moi-mcme dan s le p(;ril que je veux signnler, - les
jnurnaux sont tres-embal'l'aSSl'S Jlour discuter les séanees
du Senat ou du Corps législatir.


Les ministres no sont pus moins embarrassés pour dire
00. ¡¡nit la discussion el ou commenee le comple rendu. Et
pom éclaircir la difliclllt¡':, on s'adl'esse aux tribunaux qlli
¡¡'en savent pas davantage et r¡ui ne peuvent [las en savúir
davalltage, ainsi que je vais avoir l'honneur de vuus le dé·
,flunlru' lres-facilement el en t['es-lJeu dn muts,


Mf.ssieurs, (IU'est-ce que e'est qU'1I1l eOlllfile reIlull?.Te
~uis vl'aiment un peu hontcux de c()uduirc COl to AssemlJll'o
Juns une dissortation de cnsuislique ]lu(~ri¡o et I/ui, vraimclll,
ll'est pas digt18, a ce lju'il me sernlJlé, d'(\,p¡'ils s¡·'['iellx. JI
('st elair qUtl si je voulais di$cuter ln discours de 1\1. le mi-
Illstre d'Etat que vous venez d'ontondre, la premj¡~l'e elJOso
que j'aurais a faire ce serait de dil'e : M. le ministre est
monté a la tribune. Il a ex posé lelle doctrine; nous ne
sommes pas les adllérents de ceHe doctrino - par tello ou
telle raison, - Eh bien. si je faisais cela, j0 [erais un comple
¡'endu eL j'en aurais pour l,OOO fr_ d'amende au moills el
pour ñ, 000 au plus,


Vn .¡¡w¡nbre. C'tlst vrai I
In ,'-dolphc Glléroll1t. Existe-t·il dan s les r(~ssourcos do


la logiquc un moyen do séparer le cOlllpte rendu de la dis-
eussioll? e'est la oú lout le munde a échoué. Vous 3yez vu
n u Séllal l'honorablc l\I. l'roplollg dans son rnpport, di['c et
expliljuel' comme quoi il n'est rien lle si facile que de faire
dégénéror In lliscussioll on cOl1lpte rondu, il sumt de 11uo1-
que artifice lle rédaction, de qllelque couloUI' habile. L'es-
prit cOl1lprend la différence, mais la formule légale ne pourra
jamais arriver a prevoir, a caractérisel', a el1lbrasscr les
nuancos si divel'ses de la pcnséc qui, ici, puut se LOJ'ller a




une simple controversc, ¡a, cacher sous un déguisement
un compte rendu J'rauduleux ou contenant des attaques in-
directes. Si le Sénnl, malgré toutes ses lumitlres et toute son
expérience politif/ue, est incapab[e de tracer la limite qui
existe entre [e comple rendu el la discussion, comment
youlez-vous que les jou rnalistes, qui sont loin de posséder
les lumieres et l'expérience de M1\I. les sénateurs, arrivent
jour par jou!', au courant de la plumo, a saisir ces nuances
dólicales qui les separent d'un danger toujours imlIli-
nent 1


Aussi, messicurs, depuis sept ans, depuis le décret du 2~ no-
yembre et le s6natus-consulte qui en a rég[é I'application,
r[u'arrive-t·j[ ? C'est que tout le monde fait des disclIssions
dn!ls [es journaux, - discussio!ls ou com[ltes rlmdlls, comme
y,)US youdrez, - et que ces discussiollS sont parfaitement
:. dmises et tolér6es.


Si elles sont inconstilutionnelles, ainsi que j<I. le ministre
d'Etat a voulu l'é-tablir, il y a sept ans que le Gouverllernent
;ai,;se violer la loi tous les jours. (Tres-bien! a la Ijauche de
l'urateur.) Seulement il ne se souvient de la loi que le jour
aú le compte rendu lui deplait (C'est cela I Tres-bien! ü 1 a
:¡anche de l'orateur.)


Lorsqu'lln article conlient une critique désagréable au
pouvoir ou iI un orateur du pouvoir, le Gouvernernent se
sOlivient que le eompte rendu est interdit; et alors une ci-
tation en policc correctionnelle avertit le journal qu'il a
olltrepassé la limite. Mais tout le reste dll temps, le Gou-
vernement tolere parfaitement cettc infraction de la loí. Et
llon-selllement il!'a tol6rée jusqu'a présrnt, mais si je ne
craignais de cornrnettre une indiscrétion, j(" dirais quc, en
ce moment memo, il engage les journaux a recommcncer
cette violation de la loí.."


M. Emile Ollidel". Tres-Lien !
!tI. Guéroult. Cal' M. le garde des sceaux ne m'en vou-


dra pas, j'cn suis persuadé, il n'y a pas de mystere [a-de-
dans, M. le garde des sceaux me disait hiel' : Pourquoi
ne recommencez-vous pas les discussions des débats des
CJ¡nmbrcs?


s. Exc. M.. na.>oclac. Ijal'lle des SCC(wx. Si vous voulez




- 27(; -


por ter [¡ la tribune de~ conversalions particulieres, je le vcux
bien; seulement je vous dirai que je serai desormuis plus
reservé avec vous.


lil. Adolpbe Guéroult_ On me disait: Rrcornmencez
les discussions I Eh bien, messieurs, je vellx bien les recom-
meneer; la presse ne demande pas mieux que de les re-
commencer, e'est son intéret, e'est I'intérét du Corps légis-
lati!'.


Une voix. Et avant tout.
M. Adolphe Guéroult. Oui. avant tout. Mais, pour


les recommencer, il faut qu'on sache si elles son! possibles,
si elles sont permises, et si eette pel'mission qui nous est
dOllllée n'es! pas un piége, un tranlluellard tendu par la
loi elle-meme. (Tres-bien! á la gauclte de l'orateur. - j}ful'-
mures SU!' qllelques bancs.)


Je dis, messieurs, que ees diseussions sont dans l'interét
du Corps législatif; ear je prends I'oceasion de revenir sur
ce qui a été dit de ce compte rendu autre, paralléle ou pa-
rasite, <¡ui empéche le public de lire les discussions des
Ch81nbres. Rien, messieurs, n'est moins exact. Permettez-
moi de vous dire comment les choses se passent en fail. 11
y a dans le monde, mais i1s son! en tres-petit nombre, des
lecteul'S admirables, qui, quand i1s prennent un journal,
dévorent tout depuis le titre jusqu'il la signaturc de l'im-
primeul' (On rit.); mais ces hommes-lil sont rares.


Une voix. Oui I
M. Adu11.he Guéroult. La grande maJorité des lec-


teurs se compose de gens pressés qlli, en faisant leUl's af-
faires, lisent le journal du coin de l'roil. Eh bien, croyez-
vous que le commun des lecteurs, lorsqu'ils rencontrent
dalls un journal dix ou douzo colonnes compactes rendant
compte des débats du Corps législatif, s'ils ne sont guidés
par allcune espéce d'indication, cro~ez-vous qu'ils sachent
commcnt s'y prendre pour aborder cette lecture ? Ils ne sao
vent pas si le débat est intéressant, ils ne savent pas ce
<¡ui a eté voté; c'est un voyage de découvertes qu'il lcur
faut entreprendre, et les trois quarts du temps ils ne I'en-
treprennent [las.


Que faiL le joul'llnliste ? 11 rait un premier tl'avail; illit la




- 271 .-
séance; puis il di! : Qu'a-t-on foit don s calte séance?-
Telle chose. - Qui a parlé? - Telles personnes. - Quels
flrgumenls a-t-oll fui! valoir? - Ceux-ci. Ces argumenls
sont-ils bons, oui ou non? Voilil une premiére indication,
et lorsque le Iccteur a vu le premier travail du journaliste,
la curiosité le prend, il ne s'aventurc pas dans l'inconnu;
ii voit que la question est intéressante, que des orateurs
Ilobiles sont inlervenus, que des raisons tres-fortes ont elé
données de pOI'! et d'autre; il se lance dans la leclure du
compte rendu et tres-souvent il la poursuit jusqu'il la
fin.


Cecí vous prouve que ce compte rendu paralléle, parasite
ou autre, puisque autre il y a, n'est pas si dangereux qu'il
en a ¡'air, el qu'iI ne porte pas une atleillte si profonde aux
dl'oits el a la considération du Corps législatil'. Mais enfin,
que ce soit une llonne ou une mauvaisc ehose, vous n'ad-
llIettr(~z pas, personne de sensé n'adrncttÍ'a qu'i1 puisse y
avoir en France une loi énigmatiqlle, quí soil une charade
;1 deviner tous les matins, el que la personne qui veut
observer la loi, et qui, en cherchant a I'obsel'ver, la viole
sans le vouloir, ne soit averlie de son inrl'action que parce
qu'elle estfl'appée. En rait, depuis sept nns, je vous !'amrme,
toutes les fois que des proces on! élé raits pour cette pré-
tendue confusion du comple rendu avec la discussion, le
journaliste mandé devant le juge d'insll'uction n'a eu con-
naissance du délit qu'il avait commis que par l'assignalion
qu'il recevait.


Ceci est exceptionnel dans nos lois, Le code pénal est
tres-clair, toutes ses dispositioIls sonl parfaitement inlel-
ligibles pOlir tout le monde. LOl'sque le code pénal attache
une peine a chaquc délit Ol! a cllDque crime qu'il mentionne,
il faíl une llomencJature pal'failement lucide, qui est a la
portée de toules les inteligences,


Mais ici on nous dit : le comple l'endu el la discussion
sont séparés par des limites bien délicates. e'est une. opé-
rntion tellement délicate que le Sénat tout enlier recule de-
v[lnl sa définition; le ministere, intel'pelle, recule égale-
Illent devnnt celte impossible déflnitioll. Alors il faut que le
justiciable, raisant lui·meme ce Iravail que le législateur


16




- 278 -


ne peut pas faire, se donne une définition pour s'assurer
s'il va ou ne va pas ollserver la loi.


Cela n'est pas soutellable.
:Mainlenant pourquoi sommes-nous dans l'equivoque?


Je vais essayer de vous le dire.
Nous sommes dans l'equivoque, paree que le Gouverne-


ment n'est pas bien sur de ce qu'il veut. Si le Gouverne-
ment était certain de sa volonté, si, apres DOUS avoir teDu
pendant seize ou dix·sept ans sous l'empil'e. d'un régime
discrétionnaire, le GOllvernemont avait rcsoll1mont pris son
pürti et ctnit décide a nous faire entrer dans un régirne de
liberté, jo sllis persuadé que les hommes si cminents el si
intelligenls qui sont a la tele du Gouvcrnement, auraient
trouvé cent moyens pour un de nous fairc sl)rlir de ce rl~­
gime. Mais.ie crois que cette résolution n'est pas bien an-
crée dans lour esprit et que, tandis que I'Empereur eon-
cevuit cclte pen~ee lilJ{~r8Ie et pl'ogl'essive de donner lQ
lilJet'té de la presse, M~I. les ministres ou au moins Ulle
grande partie d'enlre cux n'envisageaicnt pas, sans une se-
crete appréhellslOD, lous les ineonvéllients du régime \fui
allait naitre, Ci por ulle disposilion tout involonlaire, et que
.le suis loin d'atlribuer ¡¡U (;8Icul, ils Ullt, en vreparnnt ia
loi, introduit dans ehaque ¡¡rtide dos dispositioilS roslric-
tives de la liberté (IU'ils semblaient vouloir donner; de
sorte qu'ils reprenaient d'une main ce qu'iis donnaient de
l'mltre.


e'est pOUl' eela qu'une loi (Iui aurait iJU 0tre faite en
quelques artieles et etre diseutée en six ou llUiL jours dnre
dcpuis plus d'un mois eL n'est pas finie : c'est puree que les
memos contradictions se repr(~Senlent en toules ehoscs,
paree que nous trouvons la liberté en cornmen<.;ant et la
restrietion ou le pouvoir diserétionnaire en finissant (As-
sentirnent it l(( yilUl:he de ['orateu!'), et que beaucoup de
phrases qui comrnene011l dans uu sens finissont dans l'aubre,
oe qui prolonge l'équivoque d'une fac;on désespérante. Il
faut que nous en sortions.


Quant a Illoi, je n'aurai pas la témérité d'entreprendre
contre :M. le ministre d'Etat une discnssion de jurisprudence
constitutionnelle. II no s'agit \las d'ailleurs de savuir si le




- 2iO-


pouvoír législatif peut, par voie d'amendemcnt, modifier la
Constitution, il n'est pas questiuIl de cela; M:. Troplong
~\\\-\1\~\1\" '<\ d\t '. Q\l\\x\.t R\l droit de di.,.,c\lssi.ou, la loi sur la
presse garde le silence comme la Constitution. Ainsi, d'a-
pres ~1. Troplong, la Constitution est muelle sur le droit
de discussion. Par con~équcnt, je crois qu'il est faeile de
soutcnir qu'en modifiant l'exéeution de l'article H du
Meret de février, nous n'empiétons pas sur la Constitlltioll,
puisque no LIS réglons le droit de discussion. (Asselltiment ri
la !laudw de l'orateur.) Mes honorables collégues quí son!
jlll'isconsultes pourront vous développer ceUe th~se avec
infinirncnt plus d'autorité que je ne pourrais le faire moi-
meme.


!tlais je ne veux pas m'amlter a cela. Ce qui importe pou!'
l'exécutioll de la loi, pour nutre dignité, c'est que nous sa-
chions ce que nous voulolls faire, ce que le Gouvernement
veut faire. Eh bien, je ne suís pas difticile, je ne suis pas
pointillcux; si mOl1sieur le ministre d'Etat nous dísait :
oc Nous ne croyons pas pouvoir adlllettre votre amen de-
ment parce qu'i1 serait ínconstitutionnel, mais comme nous
voulons comIl1e vous le droit de discussion, nous allons nous
adresser au Scnat et provoquer de sa part Ulle modification
au séllatus-consulte » (C'est cela 1), j'engagerais mes hono-
rables colleguos ¡¡ retirer leur amendement.


Peu m'importe de quel cóté vient la modification, pourvu
que l'exorcice du droit soit assuré? Ce n'est pas pour moí


• une questioll de procédure, Ulle question de forme; c'est
une question de fondo


Il faut, messieurs, que la presse sache a quoi s'en tenir,
qu'elle sache ce qui lui esl permis ot ce qui lui est défendu.
Et laissez-moi vous dire, en attendant qu'ulle déclaration
de ~I. le ministre d'Etat, sur laquelle je n'ose compter,
rende superfiue la UiScllssion de I'amendernent, permettez-
moi de vous dire que cet amendement ost ce qll'il y a au
monde de plus raisonnable.


Qll'a-t-on voulu éviter ? On a voulu éviter soit un comptc
renuu tronqué, inexact, illtidéle, soit des articles injurieux
pour le Corps législatiL Eh bien, une lois que le comple
renctu ofticiel a été ¡méré dans le journal, tout ce que le




- 2RO-
journal peul dire n'esl plus que de la discussion, Si cetto
discussion est inconvenante, rapportez-vous en au parquet,
il poursuivra. Si cette discussion esl injurie'use, le Gouver-
nement ordonnel'a les poursuites.


Mais enfin, entre la discussion iojurieuse et le compte
rendu slénogl'aphié, oú trouvez-vous el oÍ! nous inrli-
quez-vous la place (lo la discussion? Le Gouvcl'lleull~nt
devrait nous la di re, cal' je ne la vois paso


Permettez-moi, a cel cgard, et pour vous donncr un
exemple topique, de vous lire le passage incriminé d'un
arlicle qui a été poursuil'i. H remonte au 22 décembre 1867.


Plllsiellrs membrP.~. Quel journal ?
1\1. Adolpbe GuérouHc. L' Opinion nationale (Ah! ah !l,


un des journaux cOnU3111nl·'s. e'cst a ce litre que jo le cite.
(Lise:; ! lisez 1) Vous aUez voir comme il est facile de pécher
en maliero de presse:


«Le discours de M. Jérome David a été lres-applauai
par la majorité, el il nf! manqne pas de mérite. II es! u'ail-
leurs deux points sur lesquels nous sommes d'accord, aveo
~I. David. Nous ne sommes pas éloignés de reconnaitl'e
avec lui qu'on u'improvise pas uoe armée, el quo, le me-
tier de soldal étant uu métior comrne un autre, il est assez
difficile de le pratiquer convenablement si 00 ne l'a pas ap-
pris. En second lieu, HOUS voyons avec plaisir que M. Jé-
rome David voit, avee la gauehe dl~mocratique, que le rem-
placement doit etre ioterdit d'une maniere <1bsoluo dans la
garde nationale mobile. Cela est de loute évidence: la gardo
nationale mobile ne devant elre ernployée lju'en cas de
guerre déf'ensive, pour la défenso des places fortes et du
territoire, uul n'a le droit de se soustraire u l'obligation


. d'en faire partie, »
Voila ce qui a valu au journal :l ,000 francs d'amende.


( Ru-meurs diverses. )
M. le Garde de .... cenux. Ce n'est pas ce passageJ


c'est ¡'article lout entier.
:'1. Emile Ollivler, Lisoz tout l'article, ( Non I non I - Si!


si! )
1\1. Adolpbo Guéroult .. Si la Chambre désire que .ir


lise l'article ..... ( Non! nOI!! - Lisez! lisez! )




- 281 -


\\1. Emllc Ollivlcr. Lisez tuut I'nrLiclc puisqu'on dit
que C'estlout l'article qui était incriminé. ( OnU oui! -Non!
non 1)


\\1. Adoll,lw Guéroult. Jc ne voudrais pas imposer á
la Chambre cettc lecture. ( Lisez ! lisez ! - Non l non! )


M. lO, baron de dand. Lisez-Ie en entier dans I'inté-
ret de la diseussion móme. ( Oui ! ou¿ !)


B. Ado]ohc Guéroult. Voiei l':Jrticle:
«La discussion du projet de loi sur le reerutement de


l'armée et l'organisation de la garde nationale mobile a
eommeneé hiero On a d{'ji! remarquti quo le loxte, amendó
par la eommission, d'aecord avee le Gouvornemont el le
eonseil d'Elat, ne se sert plus du mot do réorganisation do
l'armée, mot qui se trouvait dans le projet primitif, el qui
nous 'semblait peu respeetueux, tendant a faire SUppOSCI'
que notro :Jrmée était désorganisée et avait besoin d'une
refonte complete. On sait aussi que, tandis que le projet
primitif sc proposait surtout de faire une ceuvre diITérenle
de celle dc la loi de 1.832, le projet amendé semble au eon-
traire prendre a tache de eonserver de eeUe loi, qui nous a
donné nos armées d'Afrique, de Crimée et d'Italie, toutee qu'il
est possible d'en conserver dans les cireollstallees aetuelles.


« Quant ¡¡ I'ensemble du projet, nous ne pouvons l'aecep·
ter. En eITet, ou cette loi est une loi de paix, ou elle est une
10\ de guerreo Si les auteurs du nouveau projet ont en vue
J'état de paix, ils ont complétement manqué leur bul; cal'
1eur projet fuit peser sur la !lation <les charges liscales, lni
impase des obligations morales heaueoup plus lourdes, beau-
eoup plus graves que toutes eeHes proposées par les lois
precédentes. Si, au conlraire, le proJet a en vue la guerre,
une guerro ng-ressive, une gnerl'e de eonquéte, nous n'a-
VOllS méme plus a le discuter, reponssant a priori la poli-
tique gui l'auraít inspiré. )l


Ton t cela est de la discussion.
I'lusie¡¡¡'s voix, e'cst évident!
\\l. IcGurde des seeaux. Oui! mais continuez.
\\1. Adolphe GUél·OUIt. Soit! je eontinue. 1\1. Jules 8i-


mon a ouvort la diseussion par 1In des meilleurs diseours
(¡túl ait elleow j)l'Olloneés ... )) (Jih! ah ! )


16.




- 282 -
, 1\1. Erne .. t Picardo e'est trés-dangereux cela t
M. Eugene Pelletan. Voitille detit!
M. ,"dolpbe Guéroult, continuant. (l Ceux qui pensent


que la potitique dOlt nécessairement etre séparée de la mo-
rale, chercheront peut-etre querelle a M. Jules Símon pOllr
le tour qu'i! a donné a ses objections contre le projet. Nous
pcnsons, au contraire, qu'au début d'une discussion quí
touche aux intérets de la ramille autant qu'aux intérets de
la patrie, et qui engage de tant de fa¡;ons la liberté du ci-
loyen, iI était bon, il était utile et salutaire d'insister sur
ces considérations, que le Constitutionnel de ee matin ap-
pelle dédaígneusement des considératíons physiologiques,
sans doute parce qu'elles íntóressenL égalcment le développe-
ment physique et le dévelopflement moral de la nation.


oc C'est surtout dans une assemblée fran¡;aíse qu'i! con-
vient, comme I'a rait M. Simon, de rappeler, a propos des
questions spéciales, les príncipes supérieurs; car e'est I'hon-
neur de notre pays de ne jamais oublier les idées géné-
rales .


• On lira done avee intéret les eonsidérations que ~I. Ju-
les Simon a présentées sur les in¡;onyéniellts du retard
apporté au mariage des militaires. Et [a démoeratie tout
entiére applaudira aux eonclusions de l'oraLeur. M. Jules
Simon a fort bien dit que cequi rendait surLout le 80hlat
invincible, c'était la cause qu'il soutenait 01' eette cause,
la cause qui inspire des enthousiasmes irrésistibles et qui
seu le pourra enfanter les Austerlitz de I'avenir, e'est la
cause de [a liberté, la cause de la Hévolution. e'est ainsi
qu'óclate, en del'lliére ana[yse, l'irnpuissance de la force,
puisque la force elle-meme doit tout ce qll'elle est et tout
ce qu'elle vaut a la justice; et que les seules victoires fé-
'Condes, les seules dont l'humanité :'lit gardé le sou ve!Jir,
sont les victoil'es du droit. »


Vient ensuite le passage que je vous ni lu tout iI l'heure:
il est inutile de le rep['odui,'e. Puis ['artide se termine
ainsi:


« M. La Tour du Moulin a plaidé contre 1\1. Jérome Da-
vid la cause des volontaires. CeUe tbese peut en e/fe! Ctre
défenduc, a la condilioll l!U'OH rccoJlllui~se In lIé¡;e:ssiLé tI'un




- 2M-


cadre permanent 011 les jeunes soldats puissent recevoir
immédiatement !'inslruclioll et l'exemplc. 11 a critiqué le
projet de loi comme incomplet, et comme apporlant un
lrouble inulile dans l'organisation de 1832, puisqu'on ne
voulait pas aller jusqu'au systcme démocratique •


• Les considérntions poliliques par lesquelles il a ter-
miné son discours seront approuvées par lous les gens
sensés, et plus d'un gouvernement pourrait faire son profit
de la citation de Tacile relative « aux amis de premier de-
" gré8 11


" Les pires ennemis, ce sonl les approbateurs systémati-
" queso •
~I. Glnl .. ·Blzoln. Voila la pel'fection de I'arbitraire.
1\1. AdolJ)he Gucl"onlt. « Malgré le mérite de ces trois


Jiseours, nous ne sel'Íons pas éloignés, apres la lecture de
colte premiére séance, de partagel' l'avis du Journal des
Deúats, qui di! que la discussion se ressent de l'insuftisance
du délai qui a élé laissé a l'opinion publique et a la Cham-
bre ¡JOur apprécier le projet de loi, el qui ajoute :


« Il sel'ait a souhuiter que le Corps législatif ajourniU,
daIls I'intéret meme de la défense du pays, l'adoption d'un
projet qui, moins qu'aucuIl autre, devrait avoir le caractére
d'une improvisation. »


Vo¡¡a, rnessieurs, un arliele qui a été condamné a 1,000 fr.
d'amende. (Krclamations a la gauche de t'omteU/'. - Bu-
meurs sur d'autrcs úancs.)


Un memóre. Vous vous trompez de numéro 1
~I. le Gal'de de .. secanx. Je ferai remarquer a la


C]¡ambre qu'il n'y avait eu que trois oraleurs d'entcndus
dans eette séance. (Intel'/'uplion sw· les bancs de la gauche.)


Le compte relldu ofticiel, qui est a la fin du journalle
constate, el. d'ailleurs, nous nous le rappelol1s tous, L'ho-
norable ..Ir. J ules Simon, l'honorable Président M. Jóróme
David et l'honorable M. La TOlII' du ~Ioulin out seuls parlé.
Eh bien, vous venez d'enlendre dans la leeturc de l'artiele
de I'Opi¡¡ina nationn{c, l'analyse suceessive des trois dis-
f:¡JurS .•.


1\1. EDllle OU"IC'" La discussion et non pas l'analyse;
OH n'a pas cité une suule phrase des discours.




- 28-1 -
1\1. le GOI'dc dc .. ,"ceaux. VOUS venez d'entendre dans


ce véritable compte renuu I'analysc, plus ou moins longue,
plus ou moins développ6c, un pou plus d6veloppée pour
I'honorable M. Jules Simon que pour l'honorable M. Jérome
David, fen conviens, mais enfin une nnalyse des trois di s-
cours qui ont été entendus.


On a décidé que cet article constituait un compte rendu.
Il en a, en elfet, tous les caracteres, et pOUl' moi la question
n'est pas douteuse.


H. Emile Ollivler·. Il n'y a pas la d'annlyse.
M. Thie .... se leve pour parler.
M. le Pré .. idm.t .. értunc David. J'engnge M. Thiers


a ne pas interrompre l'ornteur, et M. Guéroult a ne pas in-
sister sur l'incident.


M. Emile OlHvie ... Est·ce qu'il fallait faire l'apprécia-
tion inexacte ?


M. le Pré .. ident .. érOlne David. J'invite M. Guéroult
a continuer.


1\1. lUngnin. Monsiellr le Président, M. Guéroult consent
a l'interruption.


M. Adolphe Guéroult l"nit un signe d'assentiment.
H. le I-ré .. ldent .. éróme Do"id. Alors, parlez, mon-


sieur Thiers.
M. Thie .... , de sa place. Eh bien, je demande a M. le


garde des sceaux de se supposer un moment, - ce que du
reste il sera quand il voudra, - de se supposer écrivain, et
de vouloir bien nous dire pour notre inslruclion a tous, el
pour les journalistes qui ont besoin de savoir a quoi ils
s'exposent en écrivant des articlcs, de vouloir bien nous
dire comment il discuterait lui-meme une séunce du Corps
législa tir ?


Autour de l'orateur. e'est cela t
M. Thie ....... Je lui demande si on ne pcut pas dirc par


exemple que trois orateurs out été successivemcnt entendus,
si on no peut pas donnp,r la substance de leurs discours; ,i
on ne pellt pas faire conllaitre l'impression qu'ils ont pl'O-
duite, je dcmande comment alors on peut discuter.


1\1. le garde des sceaux se souvient de ce que disait tout a
l'hcllre M. le ministre d'État, que fai, <¡uallt 11 moi, écoute




- 28:; -


al'ee beaucoup d'attention. M. le ministre d'État nous di-
sait : « Analysez un discours, tirez-en ce qu'il contient de
mcilleur, mettez en lumiére ses prineipaux arguments, et
puis n'ajoutez rien d'injurieux, » - et il n'y a rien d'inju-
rieux dans l'article qu'on vient de lire, qui est méme par-
faitement inoffensif.


Or, si je puis faire cela pour un discours, je dois pouvoir
le faire pour trois. (lnterruption.)


Dui, si je puis le faire pour un discours, je dois pouvoir le
faire pour trois.


Et eomment done me sauver alors du piége qu'on me
tend?


Ah! il Y a peut-etre un moyen : se serait d'll1tcrvertir
l'ordre des discours, de falre figurer l'un avant l'autre, et
dans un ordre différent de celui Ol! i1s ont été entendus ici.
Si c'est la la ressource que vous m'nlfrez, nous verrons si
les tribunaux voudront s'en contenter. ~Iais je vous demande
de nous dire comment nous ferons, comment il faut que les
journaux s'y prennent pour discuter Ulle de nos séances en
son entier ...


M. le Illinlstrc d'État se leve.
M. Thlers. M. le ministre d'Etat veut me repondre?


(Non! nonl-Oui! oui!)
s. Exc. M. Rouhm". ministre rl'Etat. Avez·yous fini,


monsieur Guéroult ?
J\I. Adolplte Gueroult. tOUjOUI'S a la triúune. Non,


monsieur le ministre.
:\(. Je P.·", .. ldent .)'er.hne David. Je prie IVI. le minis·


tre d'Etat de ne pas insister pour répondre en ce momento
M. Thim· ... Pourquoi empecber le ministre de répondre


immédiatement?
~I. Je President .)'erollle David. Une discussion


transitoire ne peut s'engager et se développer, 3U détri-
ment des droits de la tribune, sur des incidents survenant
tantot d'un coté, tanto! de l'autre coté de l'assemblée.


Veuillez continuer, monsieur Guéroult.
M. Ernc .. t Picardo l\fais non, laissez répondre M. le


ministre d'Etat. (Non! non!)
1\1. le Pre .. ldent .Jerollle David. Ce n'es! pas vous




- 286 -


qui présidez, monsieur Picardo Je priel\f. Guéroult de con·
tinuer.


1\1. Thlers. l\fais l'oratcur consent a la suspension do
son diseoUI's.


1\1. le Pré .. ldent JérOIlle Dadd. Veuillez continuer,
monsieur Guéroult.


1\1. Adolphe Guéroult. Messieurs, puisque vous avoz
eu la patience de supporler la leoture de cet arlicle, per-
mettez-moi de vous faire remarquer une chose, c'est que
cet article est d'un bout il l'autre un arliete de pure diseus·
sion, a l'exception de trois phrases.


Premie re phrase : « M. Jules Simon a ouvert la discus·
sion. )) - Ceci, yen conviens, c'est du compte rendu.


Deuxieme phrase : « Le discours de M. Jérome David
a été apptaudi par la majorilé .• - Je conviens que c'esl
du compte rendu.


Enlin, Iroisieme phase : « 1\1. Latour du 1\foulin a plaidó
coulre 1\1. Jérome David la cause des volonlaires. J - Cccí
esl encore du comple rendu; mais tout le reste est de la
discussion.


Et Je vous',demaude s'il esl matériellement el morale-
menL possible, lorsqu'on veut discuter une seauce, de ne
pas commencer par di re quelle est la ehose qu'on veut dis-
cuter?


Sous ce rapporl, il élait difficile de choisir plus malheu-
reusement un speeimeu pour inaugurer le régime des
proces, car l'article es! tout entier de pure discussion, a
l'exception des six lignes qui melltionnent quels orateurs
on! pris la parole. Si on ne peut pas, dans un article qui a
plus d'une colollne complete du journal, consacrer six
Iignes a la mention de ce fait que tel orateur a pris la pa-
role et qu'il a soutenu telle discussion, en vérité, je ne sais
plus ce que c'est que la discussion; et si 1\1. le ministre
d'Etat le sait, il voudra bien nous le di re, il nous lirera
d'Ull grand embarras. Cet embarras, je le répete, il s'est
produi! dermis sep! ans, toutes les [ois que le Gom-erne-
ment a voulu éteindre la diseussion, et autrement ilne s'cst
pas produit.


Lorsque le décret du 24, novembre a été rendu, M. de




- 287 -


Moroy, qui alors presidait cette Chambre, fit venir chez
lui tous les rédacteurs de journaux; il leur expliqua l'esprit
et I'économie du décret en ce qui touche la discussion des
séances du Corps législatir. JI eut bien soin do nous dire,-
et je puis I'atteste!', cal' je faisais partie de la réunion, -
que le dl'oit de disCllssioll était entier, qll'il éLait absolu,
intact; et il nous recolIlIllnnda, bien entendu, la conve-
nance, la mesure, la mod{~ration. él'eviter les formes sati-
fiques ou agressives qui n'ont fien a voir avee le décrct du
21 novembre. el (lui sonl prévues par la législation répres-
sive; mais il admit, en un mot, la complete liberté du
comple rendu. Cesl liJ-dessus, messieurs, qu'on a loujours
yécu.


Pourquoi cette heufClIse inuuguration d'Ull régime plus
IilJéral a-t-elle été troublóe par des sévérités judiciaires?
Cost ce que j'ignofe; c'cst ce que le Gouvernement, a mon
:-ons, ignore; e'est ce que le tribunal de poli ce eorrection-
nolle ignore; et c'est, messieurs, ce que vous ignorez. Je
mets au eléll tuules ces autorités si considérables et si com-
pdenles, de !lOUS dOlluer Ul]() déflnition et de tracer la lí-
miie <¡ui Sl'pal'e le cOlllpte reudu de la discussioll.


e'est hl un pur sophisllle : on ne trate pas des frontiéres
dans la région des idées. Toul cela se lient; tout cela est
indéfini. llé'primez les délits; mais si vous youlez laisser
subsister la discussion, ll'empecllez pas un écrivain ele dire
qu'un orateur a pris la parole et qu'il a exprimé telle opi-
nion.


Je le répcte, ce ne serait la qu'on sophisme puéril qlli
nous rcndrait la riséc du monde eivilisó, oú toutes les as-
semblées sont libres, oú tous les journaux out le droit de
ll1entionner ce qui s'y esl passé; souvcnt ils le font avec
doges, - ici ce ne peu! 6tre qll'avoc éloges, - mais amsí
ils doivent pOllYOir le faire avec critiques. Cette liberté doit
exister parlo:lt.


Le contraire ne sorait pas sérieux et ne voudrait dirc
qu'unc ciJoso : c'est qu'on veut ll1uintenir l'équivoque, afin
d'avoir le droit ele retirer, le jour Ol! on le troUVCl'a com-
mode, le peu de libertó Cjll'OIl nous laisse. (C'est cela! c'est
cela! ti la (Jrwe/te de t'urateur.)




- 28is-


Sic'est Ul ce que veullo Gouvernement, qu'¡¡ nous dise si
cen'ost pas la ce qu'j[ veut, si c'est un scrupule constitutiollnel
f)ui I'arrete, jo lo repeto, que le Gouvernement vienne llOUS
dire qu'i[ ne croit pas que cet amondemcnt sur le droit de
discussion soit ici a sa place; q u'il pronno I'ongagement
d'en saisit' le Sénat, el alors, (¡uant a moi, jo suis d'avis
de retiror l'ameudement.




SUSPEKSION DES DROITS :ÉLECTURAlJX


lHSCOLRS
DE


~f. CAI{NOT
Député de la Seine.


~Éi\.NC'E DU H '.IARE; 1868.


H. le Pré .. iden'- Alr.'ed I.e Rom •• .le donne lecture
de l'article 12, sur Jequel s'ou\'re actuellement la délibéra-
lion :


< Art. -12. En cas de récidive, tout individu condamné
pour délit de pressc commis par la voie d'un journal ou
écrit périodiquc soumis au timbre, peul etre, par le juge.
mcnL de condamnation, suspcndu, pendanL un temps qui
n'excédera pas cinq ans, de ¡'exercice de ses droits électo-
raux. »


IU. Mllurlce nichord. Je demande la parole.
1\1. le Pré"lden'- Alr.'ed Le noux. La parole est a


.M. Carnot, qui l'a demandee avallt vous.
:\1. Carno'-. Messieurs, parrni les dispositions dll nou-
\'í~all projeL de loi, il en est une qui m'a particuliérement,
el je dois le dire, péniblement irnpressionné, paree qu'elle
me semble porter atteinte aux droits du Corps législatif et


17




- 290 -


au pt'illcipe uu SUlrrage univcrsel; c'est celle dont il vienl
de vous étre donné lecture. Elle aLlriLuc iJ la poliee cor-
rectionnelle le singuliér privil{'ge de crl~er a son gré de,;
cas d'indignité poli tique et de suspcndre de I'exercice de
18ul's droits certains citoyens, non pas pOUl' des actes qui
les en rendraient véritablemellt indignes, mais pOUt' des
délits d'opinion que l'honneul' le plus scrupuleux ne saursit
blámer.


Aux termes de cel ar'liele f2, un t.ribunal, aprcs aroil'
condamné l'auleur d'une brochul'e ou d'un .8rticle de jour-
nal, pourrail, par surcroit, prononcer" eOlltre lui I'inlcr-
dielion (;lc~torale, une déchéance devant ses cOIlr;iloyells.
(~omme si, dans de pareilles eireonstances, pour des hU[J)-
mes de eceur, l'accesEoire n'étail pa~ cent ['ois f,lus grave'
c{ue le principal! ene déehémlee, une sorte de dPgradatioll
venant servir de eomplrmenl Ü I'amcnde : e'est le ren\'t'r-
sellleut d(~ tout ce qui nous a l:tó enseignl: de nohle., peIl-
sées. (Tres·bien! á gauche de l'oruteur.)


Et eeL al'licle nI.' fais:lnt aUCIllle exeeption, il en resulle
que l'du du sulJ'rage universel, celui que la eonliance du
peuple sig'nale au rcspcct, est ex posé aux mrmes avanie~.
llien plus, le tribunal de poliee correctiormcllc, en pronon-
gant contre un député I'interdietion dI) votel', prononce
de rait sa destitution.


Ceei n'est pas une supposilion gratuile, e'est une eonsé-
l\uenee rigoureuse de votre réglement. Je sais que vous
n'étes pas les maUres de votre reg'lernent : iI vous esl
imposé. Mais vous étes les maLtres de rejeter un arlicle d('
loi dont la combinaison avee ce réglement metl.rait le son
tlc tous vos collégues entre les Illains des tribunaux cor-
reclionncls. (Assl'Iltiment ti la gr[Uche de l'vmteur. -lJnút
divers.)


;\1. Garniel·.Puge ... C'est un eas trés·grave.
1 ... Engene Pelle1-an. Ecoutez, messieurs! il s'agit des


droits de la Chambre I
!\I. Carno1-. Cest sur ce point spécial, capital a mes


yellx, et aux "ótres sanS doute s'j[ cst "érifit\ que je YOUS
prie d'éeouter quclques explie¡¡ Lions : courles, vous sal'el.
que je u'abuse pas de ta tri bUlle (Ptlrf,':: ')




- 29l -


Si mes paroles ne réussissont pas ¡¡ vous convaincre que
la dignitñ du corps nuqucl nous appartcnons et lo respect
du principe qui régit nos institutions s'opposent á co qu'unc
pareille énormité soit inscrite dans lB loi, ces paroles res-
teront du moins comme une proteslation de la part de ceux
qui ne veulent [las en prendre la responsabilité. (Viveappro-
bation á Irl grturhe de l'ornteur.)


}!. le Président a donné leclure de I'arlicle 12 dans
sa nouvrlle rédaction. L'opinion remporte déjá une vir-
toire : I'interdiclion électorale ne pourra étre prononcée
que dans le eas de récidive. Je viens vous demander da-
vantage,,je viens vous demander la suppression de l'article
tout enticr.


Quelles son! les pOI'sonnes que cet artide veut frapper?
S·agit·il de ces insulteurs dont le cynisme scandalise tout
le monde? s'agit-il des tauteurs de ces livres immondes
(/lIe les peres et les m8res écartent des yeux de Icurs en-
laIlts? Non, messieurs; vous a vez pris soin de nous le [aire
s3\'oir; il s'agit des publicistes politiques: « Un éerivain
a-t-il abusé de la presse, dit votre commission, nous l'at-
leindrons dans son ambition méme, dans ses visées d'homme
poli tique. D Et M. le ministre d'Etat, de son CÓlé, déclal'e
la peine logique, parce qu'elle est appliquée á des délits
de l'ordre poli tique.


Ainsi, voilá qui est convenu : les écrivains qui font un
usage honteux de leur plume n'ont rien a démeler avcc
l'article 12; nous pouvons les mépriser, mais nous les cou-
düierolls dans les colh;gcs électoraux : ils n'ont péché que
eOIl tre la morale et l'honncteté. Les rigueurs de la police
correctionnelle sont reservées pour eeux qui s'écartent d~
l'orthodoxie en maliere poli tique, et qui s'oublient jusqu'il
discuter un article de la COllstilulion. Votre commission,
il est vrai, adoucit les eoups qui les mellacent en exigeant
'1u'ils se soient oublies deux lois. Mais rn~lheur ¡¡ celui qui
commettrait le délit de persévérallce dans ses opinions, la
mort politiqlle seule peut expier son forfait; on le tui {era
Die l }, voir.


J"tli lu jadis que Caton a í~té accusé cinquante fois; Caton
d",it un récidiviste endurci, que le tribunal corr~tion-




- 20::1 -


nel n'eut pas épargné, (Rires approbati(s a la gnuche de
l'orateu/', - Mouvements divers.)


1\1. Glais·Uizoin. Caton! il scrait a Caycnne.
M. Carnot. Jusqu'a présent, mcssieurs, je ne vous ai


parló que des électeurs qu'on prive du droit de yoter, el
des candidats dont on empéche le succcs; parlons mainte-
naot des députés. Leur posilion n'est pas rneilleurc. Si ['un
(j'eux se perme! d'écrire, soit dans un Journal, soit dans
une brochure soumise au timbre, quelques phrases malson·
nanles aux oreilles du parquet, son titre de h;gi~latour le
oouvrira sans doule pendant la durée des sessions; mais
comrne votre loi laisse In porte ouverte flUX poursuites peno
dant lrois allS, il pent arriver qn'un jour, le lendemain
meme de la cloture de la session, - pareille chose s'est
vue, - ce député soit appelé devant un tribunal correclion-
nel pour rendre compte de sa brochure ou de son article.


S'jl est condamné a l'amellde, le lribunal pourra, a litre
accessoire, suspendre son droit électol'al. Eh bien, voyons
un peu quelle est la porté e de cet :Jcc:essoire.


üuvI'ons ce pelit livre bleu, qui eontient le reglement du
Corps législGtil~ a la page 82 d'abol'{l, puis ¡¡ la page 66;
chercllOns-y la listr, des malfuiteUt's declares indignes de
f:Jire par!io du Corps IrgislatiL


Ce sont les banqueroutiol's, les u~uriers, les condamnés
pour vol, pour escroquerie, pour atlclltat :Jux mceurs; el,
cóte a cóte avec ceux-la, les citoyens qui ont été simple-
llIen! privés dn droit de voter par un jugement correction-
ne!. l\fais, notez-le bien, en perdant le droit de voter ils
ont aussi perdu le uroit d'étro élus.


EL quand !lOUS nous reporlOlls a la page 82, nous y li-
sons ces gros l110ts : « Sera déchu de la qualité de membre
du Corps législatif tout d{:put() ([ui, pendant la duréc de
son mandat, aura {>té COndmYlllé a une peine emportant
privation du droit d'elro clu. »


Tout s'e!lchaine admirablement : Vous avoz perdu le
droit de concourir a l'élection du Corps législatif; done
vous ne pouvez pas y étre élu; vous ne pouvez pas y etre
du, done, si vous y eles déj¡¡, vous en devez sortir.


H. E.'ne .. t Picardo Cest une destitlltion !




- 293 -


~I. COI·not. Tel est I'enchainomont; ot, graco i! cette in-
w;nieuse combinaison, un tribunal corroctionnol, en &US-
pondan! un depute du droit de voter, le dOitituo. n est
destitué pour un délit d'opinion poli tique !


Messíeurs, ce n'est pas la ce que vous voulez; je ne vous
fais pas l'injul'o de le supposer: vous avez le respeet du
litre que vous por tez et du mandat que vous remplissez ; mais
~i vous vouloz que cola no soit pas, il faut supprimer I'art 12.


Non. messicurs, vous no voulez pas faire revenir ce temps
oú un député était expulsé do la Charnbre pour cause d'in-
dignité politique, VllUS no le voulez pas ; et cependant vous
vous y oxposez en adrnettant cct articlo.


Quo rcprochait-on á Manuel? Vn délit d'opinion poli-
tique. Il lui était échappé de dit'e que la nation frangaise
avait accueilli avec répugnance le re tour des Bourbons.


La génération presente ne eonnait guere que par les
lines eet é)Jisode violent de notre histoire parlementaire.
~ous fluí avons le triste privílége de pouvoír faire appel
au sou\'cnir d'émotions éprouvécs dans un ago oú les émo-
tions sont tres·vivos. nous n'avons oublié ni le nom du ser-
gent de 18 gardo na lionale qui refusa de porter la main sur
uu dépulé, ni celui de l'officier de gendarmerie qui dit a
Sl~S sold~ts : Empoignez cet hommo-li! !


l\Iais ce que tout le monde sait ici, c'est que l'opiníon
publique, notl'e souvel'ain juge, a vengé la mémoire de Ma-
nuel. (T/'!;s-bieJl, ! trps-bien ! a la gauche de l'orateur.)


[n exemple analo~'ue s'est produit sous la monarchie d'Or-
!Cans. Quelques députés avaient fail aupres d'un prince, qui
pel'sonnifiait pour eux la légitimité du pouvoír, une démarche
Cju'ils considél'aient comrne un acte de foi. On voulut les en
punir par une déclaration flétrissante, et la minorité les dé·
fi'ndit, uno minorité composée précisement des homrnes
les plus {loignés de 1eur opinion. On ne nous attribuera
[las une vive sympathie pour la cause des Bourbons; mais
!lons I'l'spections lo liberté de eonscienee chez nos collegue~.
L'hollorable M. Bcrryel' el ses aruis tirent appel aux élec-
I eUl's, qui les rétablil'cnl sur leurs siéges.


Un autre exemple eneore plus rapproché de nons esl pré-
sent a loutes les mémoircs ;


Ji.




- 29i -


En i8i8, un Fl'ancais, qui n'était pas sculement déchu de
ses droits poli tiques, puisqu'une loi de l'Etat le bannissait
du territoire, profita de la révolution qui venait Ge s'ae.
complir pour demander au sufTrage universel la révocation
de 1'0stracisrne qui pesait sur lui; et le su/Trage universel
le réintégra dans ses droits de citoyen en le nommant re-
préscntant; I'Assemblée constituante estima que cet acte de
la souveraineté populaire avait abrogé pour lui la loi de
proscriptiotl.


Eh bien, voulez-vous rendre le tribunal correctionnel plus
puissant que l' AssembJée constituante, voulez-vous le rendre
supérieur 11 la nation elle-meme? (Tres·bien! a la (lanche de
roratenr.). Si un collége électoral renvoyait ici un dépmé
que le tribunal correctionnel aurait exclu, qu'est-ce 'luÍ
aurait le dernier mot, ie tribunal correctionnel ou la na-
lion ? (Vive approbation sur les ?nemes bancs.)


Bien des personnes, mettant la raison d'Etat au-dessus
du sufIrage universel, ont reproché iI l'Assemblée consti-
tuante de 1848 d'avoÍr admis dans son sein le représentant
Louis Bonaparte. Vous ne partagez pas cette opinion, san s
doute; el, comme vous ne pouvez avoir deux poids el deux
mesures, la meme question venant a se reproduire sons
d'autres noms, vous la décideriez commc l' Assemblée con-
stituante. D'ailleurs, le candidat de 18(¡8 a des avocats dans
cette enceinte, qui plaideraient chaleureusement sans doute
la cause qu'i1 gagna aceite époque.


Cependant, messieurs, j'ose vous en donner le conseil,
n'attendez pas un proces de ce genre; prévenez-Ie plutot
en supprimant ['article 12 : c'cst ce que nous vous propo-
sonso (Tres-bien! trés-bien! á la fJauche de l'orateu/'.)




LOT DE LA PRESSE


TELLE QC'ELLE A ÉTÉ VOrÉE


LE 9 l\IARS 1.868, PAR LE CORPS LÉGISLATIF


Aflicle 1 er. Tout FranQais majeur et )ouissant de ses droils
civils et politiques peut, sans autorisation préalable, publier
un journal ou écrit périodique paraissant soit régulierement
et á Jour fixe, soit par livraisons el irréfl'uJiérement.


Art. 2. Aucun journal ou écrit périodi.:¡ue ne peut élre
publié s'il n'a été fait, á Paris, á la préfecture de police, el
dans les départements á la préfecture, et quinze jours au •
moins avant la publication, une déclaration contenant :


t o Le titre du journal ou écrit périodique et les époques
auxquelles il doit paraitre;


2° Le nom, la demeure et les droits des propriétaires
autres que les commanditaires;


30 Le !10m et la demeure du gérant;
4' L'indication de l'imprimerie ou il doil etre imprimé.
Toute mutation dans les conditions ci-dessus énumérées


est déclarée dan s les quinze jours qui la suivent.




- 296 -


route contravenlion aux dispositions du présent arlicte
es! punie des peines portées dans ['arto 1) du décrel du
17 f6vrior 18:';2.


Arlo 3. Le droit de timbre fixé par I'art. 6 du déeret du
17 février i802 est réduit il 5 eent. dans les départements
de la Seine el de Seine-et-Oiso, et a 2 cent. partont
¡¡ilIeurs.


Le paragraphe 3 de rart. ü du d6eret tlu 17 février 18,,2
esL abrogé.


Sont affranchios du timbre los afliehes éloelorales d'un
eandidat contonant sa profession de foi, une cireulaire
signée de lui, ou seulement son nom.


Le nombre de dix rcuilles d'impression des éerits non pó-
riodiljues prévll par rart. \) du décret du 17 fóvrier i852 esl
réduit a six, et le droiL de timbre abaissó 11 4 ccnt. par
fellil1e.


Art. 4. Sont considérées comme suppléments et assujetlies
8U timbre ainsi que le journal lui-meme, s'il n'esl dt~ja timo
bré, les [euillcs contcnant des annoncos, lorsqu'elles servenl
de couverture au journal ou qu'clles y sont annexées, ou
lorsquo, publiées séparément, elles sont néanmoins distri-
buées ou vcndues en meme temps.


Art. D. Sont exempts de timbre et des droits de poste les
suppléments des journallx ou écrits périodiques assujettis au
cautionnemellt, lorsque ces supplémcnts ne comprennent
aucune anllonce de quelque nature qu'dle soit et quelqui:
place qu'elle y occupe, et que IR moitié au moins de leur su·
pedicie esl consacrée iJ la reproduction des docum.ents énu-
m¿'l'és en I'ai·t. 1''' de la loi du 2 mai ISO!.


Arlo 6. Sonl app!icables, en cas de contravention aux ar-
tieles précédents, Irs dispositions des art. 10 et H. § ler du
décl'el du 17 fé\Ti¡~l' 1802.


Dans aueun cas, l'amende ne peut dópasscr le tiers du
caulionnernent versé par le journal 011 de cclui auquel il
aurait élé assujetti s'il eut imité de maLÍcre polilique Ol!
d'économic sociale.


Art. 7. Au momenl de la publication de chaqlle feuille 011
livraistm du JOUl'llal ou écriL périodique, il sera remis il la
pref'ecture pour les chels·licux de département, a la sous-




-·297 -


préfecturc pou\' ceux d'arrondissement, et pour les autres
villcs a la mairie, deux exemplaires signés du gérant res-
ponsable, ou de ['un d'eux s'i! y a plusieurs gérants respon-
sables.


Pareil dépot sera fait au parquet du procureur impérial
ou a la mairie dans les villes ou il n'y a pas de tribunal de
premié re instnnce.


Ces exemplaires sont dispensés du droit de timbre.
Art. 8. Aucun journal ou écrit périodique ne pourra etre


signé pHI' un membre du sénat ou du corps legislatif en qua-
Ji té de gérant responsable.


En cas de contravention, le journal sera consideré comme
non signé, et la peine de 500 a 3,000 fr. d'amende sera pro-
noncée contre les imprimeurs et propriétaires.


Art. 9. La publication par un journal ou écrit périodique
d'un article signé par une personne privée de ses droits ci-
vils et poli tiques, ou a laquelle le territoire de France est
interdit, est punie d'une amende de 1.,000 a 5,000 fr., qui
sera prononcéc contre les éditeurs ou gérants dudit journal
ou écrit périodique.


Arl. 1.O. En matiére de poursuites pour délits et contra-
ventions commis par la voic de la presse, la citation di recte
devant le tribunal de poli ce correctionnelle ou la cour impé-
riale sera donnee conformément aux dispositions de l'art. 1.84
du code d'instruction criminelle. Le prévenu qui a comparu
devant le tribunal ou devant la cour n'] peut plus faire
défaut.


Art. H. Toute publication dans un écrit périodique relative
a un fait de la vie privée constitue une contravention punie
d'une amende de 500 fr.


La poursuite ne pourra etre exercée que sur la plainte de
la partie intéressée.


l\rt. 1.2. Une condamllation pour crime commis par la voie
de la presse clltraine de pleill droit la suppression du jour-
nal dont le gerant a éte condamné.


Pour le cas de la récidive dalls les deux dernieres années.
a partir de la premiét'e condamnatioll pour délits de presse
autres que ceux commis contre les particuliers, les tribu-
:Jaux p~uvent, en réprimant un nouveau déllt de me me na-




- :l\l8-


ture, 'prononcer la suspension du joul'nal ou éCl'it périodique
pOUl' un temps (jui ne sera pas moindre de quinze jours el
supérieur a deux mois.


Une suspension de deux a six mois peut (~tre prononcée
pour une troisiéme condamnalion dans le mr!me délai. Elle
peut retre également par un premier jugement ou arret do
eondamnation, si la condamnation ost oncouruo pour pro-
YOcatLOn a l'un des crimes prévlls par les artieles 86, 87 et
\JI du code pénal, ou pour délit prévu par t'/ll'tidc 9 de la
Ivi du 17 1l1ai 1819.


Penda n t toute la dur¿e de la suspension, lo c8utionne-
mcnt dcmeurera déposé au Trésor et ne pourra recovoir
une autre destination.


«( Art. 13. L'exécution provisoire du jugement ou de I'ar-
ret qui prononce la suspension Ol! la suppressiou d'un
journal ou écrit périodiquo pourra, par uno disposition
spéciale, etro ordonnéo nonobstant opposition, appel Ol!
pOl!rvoi en cassation, en co qni touche la suspension ou la
suppression.


JI en sera de meme pour la consignation de l'amende,
sans préjudiee des dispositions des anicles 29, ao et 31 du
décret du i 7 février 1852.


Toutefois, l'opposition oul'appel suspendront l'exécution,
s'ils sont formes dans les vingt-quatre houros de la signiti-
ealion des jugements ou arret par défaut ou da la pronon-
ciation du jugement eontradictoire.


L'opposition ou l'appe! entraineront de plein droit citalion
11 In plus prochaine audienee.


JI sera statué dans les trois jours.
Le pourvoi en eassation n'arretera en aueun cas les elfels


des jugements et arrets ordolluant l'exécution provi-
soire.


Art. 14. Les gérants des journaux sont autoris(\s a établir
uno imprimerie exclusivement destinee a l'impression du
journal.


Art. 15. 1'art. 463 est applicable aux crimes, délits et
eontraventions commis par la voie de la presse, saus que
I'amende puisse étre inférieure a 50 fr.


Arl. 16. Sont abrogés les arto 1 et 32 du déeret du f 7 Ij;·




vri<,r 1852, el ,,¡;twt'ulc;lJlelll les tlispositions des loís ante-
fieures contraircs 11 la prí!scnte loi.


La suspension prevue par J'a rt. 1(J du décret du i 7 fé-
vrier 1842 ne pourl'a etre pt'Ononcee que par l'autorité judi-
ciaire.


f
t' ~
... ; .


\. <l-
,


\
-'-


L\G~Y. - 1·;\'nl~¡L:I;a: 1.,1 .\. \,\Hlt.ULl.


,,',O
~~.,: