Voici une nouvelle bWühul'ü sur les jésuites faite a l'aide de documents d'une authenticité...
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Voici une nouvelle bWühul'ü sur les jésuites faite
a l'aide de documents d'une authenticité indiscu-
table et absolument inédits.


Ces documcnts sont les cahiers d'histoire litho-
gra.phiés que les révérends peres mettent entre les
mains de leurs éleves, mais qu'ils se gardcnt bien,
ct pour cause, de communiquer aux profanes.


Les cahiers que nous avons sous les ycux ren-
fermentle cours du P. Gazeau, qui est encore
en usagc a l'école Sainte-Genevieve (rue des Postes),
a Paris, et le cours du P. Terret, mort depuis
peu et qui fut longtemps professeur d'histoire
a l'établissement de Mongré, pres Villefranche
(Rhóne).




2 AU LECTEUR
Nous donnons ioi textuellement le titre d'un de


oes cahiers :


PRÉCIS


D'HISTOIRE DE FRANOE ET D'EUROPE
DANS LES TEMPS MODERNES


1,


de 1643 él 1815


DEUXJimE ÉDITJO~


A.. M. D. G.


27, l'UC de la Vieille-ERtrapade, lith, Ch, Chauviu, 8, rue d'Ulrn, Paris,


Nous eussions désiré compléter nos informations
ct réunir un plus grand nombre de documents.
Mais ce n'estpoint chosc facile que de savoircequi
se passe chez les jésuites.


On raoonte que, a l'approche de la dernieretournée
des inspecteurs généraux, élElVes et maitres des
colleges cléricaux ont proeédé a un autodafé gé-
néral de tous les papiers eompromettants. Pendant
plusieurs jours, les eheminées des saintes maisons


, ont exhalé- une fumée noire et épaisse a rendre
jaloux le cratere de l'Etna.


Pour notro part, nous nous sommes livré a une
sor te d'enquote; nous avons écrit de divers cótés :




AU LECTEUR 3


a Amiens, a Toulon, a Poiticrs, a Riom, a Saint-
Éticnne, a Lyon, partout cnfin OU prospere et
flourit l'enseignement clérical; nous nous sommes
adressé aux personnes les mioux placées pour
nous renseigner avec exactitude sur les faits et
gestes des professeurs en soutane.


De toua catés nous avons reQu memo réponse :
les jésuites setiennent sur leurs gardes; lmpossible
d'avoir le moindre renseignement sur ce qui se dit
et ce qui s'enseigne danl'l leurs classes; ils forment
une véritable société secrete.


Commo les nihilistes russes, les jésuites agissent
dans l'ombre; comme eux, ils ne veulent rien
laisser subsÍster de ce qui existe acluellement en
France; comme Herzen et Bakounine, ils pour-
raient inserire en tete de leur programme ces mots :
Nous ne bátissons ]Jas, nous démolissons.


La France est en république ; ils sont les alliés,
les soutiens de tous les partis monarchiques.


La France a eonquis péniblement des institu-
tions libérales i ils veulent nous ramener a l'abso-
lutisme.


Notre société civile est fondée sur l'égalité de
tous les citoyens : ils veulent rétablir les castes,
rendre a la noblesse et au clergé leurs privileges
d'avant fiS9.


Qu'on ne nous taxe pas d'exagération; qu'on les
regardo a l'alUvre; qu'on lise ce qui s'enseignc




4 AU I.ECTEUR


dans ces ¿coles, qui se sont multipliées au mépris
de la loi, grace a la négligence ou a la complicité de
nos gouvernements.


Pour maintcnir les peuples vaincus dans l'obéis-
sanee, Rome antigue avait ses colonies devétérans;
la Romc moderne, la Rome uu Syllabus, a aussi
ses colonies, les congrégations ; ses fortercsses,
les couvents; ses soldats, les jésuites.


Nous serions heureux si nous réussissions a ins-
pirer a tous les bons citoyens une haine vigoureuse
de l'enseignement jésuitique, une ardeur nouvellc
a mener a bien le grand combat, la lutte pour
l'existence,. que la République soutient oontre ces
légions d'hoinmes noirs qui deux fois, en 1815 et
en 1870; ont envahi notre sol apres nos grands dé-
sastres, contre ces soldats d'un nouveau genre qui
ont juré une obéissance passive a un chef étranger
résidant a l'~trangcr.




LES GÉNÉRAUX DES JÉSUITES
A qui les jésuites obéisscnt-ils? A leur général,


qui réside aRome.
Ils lui doivent une obéissance passivc et absoluc;


chaque membre de la compagnie doit etre entre
les mains du général sicut baculus, comme un
baton, ou perinde ac cadáver, scm~lable a un
cadavre.


Ignace de Loyola, le fondateur de l'ordre, recom-
mandait a ses disciples l'obéissanee aveugle et sans
limites. « Renoneer a ses volontés propres, disait-
« il, est plus méritoire que de révoiller les morts.
« Quand meme Dieu t'aurait proposé pour maitrc
(, un animal privé de raison, tu n'hésiteras pas a
{( lui preter obéissance, ainsi qu'a un maitre, par
« cette sculo raison que Dieu l'a ordonné ainsi. »


Quel est ce général qui possede une arméo plus
disciplinéc, plus nombreuse et plus fidete que celles
des plus grands potentats de la t"wre? e'est actucl-
lement un BeIge, le pere Becks.


Parmi ses prédécesseurs qui ont" dirigé l'ortlre
des jésuitcs depuis sa fondation, nous trouvons
onze Italicns, quatre Espagnols, deux Belges, un




6 LES GÉNERAUX DES JÉSUlTES
Autrichie~, un Pólonais, un Allemand, un Hollan-
dais, pas un seul Fran¡;ais.


Voici la liste des généraux des jésuites, ave e l'in-
dication de leur nationalité et la date de leur avene-
ment:


IG~ACE DE LOYOLA, Espagnol, 1541;
LAYNEZ, Espagnol, 1558;
FRANgOIS DE BORGIA, Espagnol, 1565;
MERCURIAN, Beige, 1573;
ACQUAVIVA, Napolitain, 1581;
VITELLESCHI, Romain, J615;
CARAFFA, N apolitain, 1646;
PICCOLOMINI, Florentin, 164g;
GOTIFREDO, Romain, 1652;
GOSWIN NICKEL, Allemand, 165~;
OLIVA, Génois, 1664;
CH. DE NOYELLE, J3elge, 1682;
THYRSE GONZALES, Espagnol, 1687;
TAJl'iBURINI, de l'VIod¡me, 1706;
RETz, de Bohimw, 1730;
VISCONTI, 1Vlilanais, 1751;
CENTURIONI, Génois, 1755;
RICCI, Florentin, 1758;
BROZOZOWSKI, Polonais, 1805;
FORTIS, de Vérone, 1820;
ROOTHAN, Hollandais, 1839;
BECKS, Beige, 1853.




LES CAHIERS D'HISTOIRE DES JÉSUITES
(Ce chapítre et ceux <(ui suí vent sons le méme titre out deja:


paru dans la Petite République fraufaise.)


1


Nous recommandons aux peres de famille dont
on sollicite la signature en faveur des associations
non autorisées quelques extraits des' cahiers que
les jésuites mettent entre les mains de leurs éleves.
Les eitations qu'on va lire sont tirées des cahiers
lithographiés qui servent a l'cnseignement de
l'histoire dans deux établissements dirigés par les
jésuites, a l'école Sainte-Genevieve, a Paris, et a
Mongré, pr:es Villefranche (Rhóne).


Ces cahiers si curieux ne sont pas dans le com,.
merce; vous les demanderiez en vain aux pieuses
maisons qui se ehargent de les éditer. Nos Lori-
quets contemporains n'operent point pour le grand
public; c'est devant 18urs disciples seulcment, en
petit comité, qu'ils sophistiquent l'histoire ad ma-
jorem Dei gloriam. Le grand j()ur les offusque; ils
donnent l'enseignement a huis clos, comme s'il
s'agissait de quelque affaire scandaleuse. Les pro-




8 LES CAHIERS D'HISTOIRE ):lES .JÉSUlTES


tégés de nos éveques craindraient-ils d'etre trop
bien connus?


Ah ! par exemple, dans leurs classes, la porte
close, a l'abri de tout regard profane, devant un
auditoire docile et conflant, ils ne se donnent plus
la peine de dissimulcr. Pourquoi se gener? Tout
n'est-il pas permis dans les maisons non autori-
sé es ?


e'est la qu'il faut contempler a l'reuvre ceux que
d'Alembert appelait les grands grenadiers du fana·
tisme et de l'intolérance.


Entre Rome et la France ils u'hésitent point : ils
se déclarent l~s champions (( des droits imprescrip-
( tibIes de l'Eglise ».


Malheur a quiconque est en lutte- avec « le Roi·
(( Pontifc!» Malheur a Louis XIV, « cet orgueilleux
« potentat!·) Sa conduite envers le pape, d'abord
simplement « hautaine», dcvint ( manifestement
( injuste et sacrilege )l, lorsque, dan s l'affaire ele
la Régale, il tenta de retenir dans la France épui-
sée quelqucs millions qui allaient grossir le trésor
du saint pere.


Cette question de gros sous conduisit la France
(( a deux pas d'un schisme; heureusement que Dieu
« se souvint de saint Louis. » n suscita 'une coali-
tion contre la France, nos frontieres furent ensan-
glantées .. pendant plusieurs années, et, en 1693,
« des circonstances favorables amenerent un ac-
1( cord entre Innocent XII et Louis XIV. »


Voulez-vom: un autre échantillon du patriotisme




LES CAHIERS n'HISTOIRE DES JÉSUITES 9


des bons peres? Lisez cette appréciation du tl'aité
de Westphalie :


« L'Espagne voulut continuer la lutte.
« On ne peut en faire un crime a cette catho-


« lique nation.
« En effet, le traité de Westphalie assurait le


« triomphe politique duprotestantisme: Or, meme
« pour nous Frangais, ce succes cléplorable, que
« nos ministres et nos généraux avaient indirecte-'
« ment procuré, no saurait etre compensé par les
{( agrandissements de territoire que notre patrie y
« obtint.))


C'est ce traité qui nous donnait ~Ietz et l'AIsaco;
mais ils se moquent bien de Metz ot de l'Alsace
Une moitié de l'Allemagne échappait cléfinitivc-
meilt a l'influence romaine; qu'importe des lúrs
que la France, dictant la paix, dovint la premiere
des puissances européennes '?


Plus loin, je vois bien qu'on s'indigne encore
contre Mazarin, « qui s'allie, au mépl'is de l'hon-


. « neur, avec lo régicide Cl'omwell. )) ~lais je
cherchc en vain un mot de blame pOUI' Condé,
traitre a sa patrie ef comba!tant oans les rangs
espagnols.


Au moins Condé n'est - il point cité commo
, exemple; mais tournons quolquos pages, arrivons
~, une autre époque 011 l'on vit aussi des Frangais .
prendre les armes contre lcur pays. lci le ton
change, le bon pero ne peut contenir son enthou-
siasme, il s'exalte jusqu'au lyrisme pour célébret'
dignement les révoltés vendéens, « qui transfor-


l.




10 LES CAHIERS n'I1ISTOIRE DES JÉSUITES
« ment leurs oh arrues en armes offensives, » et
qui, armés de la sorte, « finissent par mettre en
« déroute les 300,000 hIeus do la Convention. »
A vec quelle joic on énumere les triomphes rem-
portés « sur les hIeus », sur ces soldats « d'un gou-
vernement sans religion! » Commo on se félicito
lorsque, a la hataille de Laval, « quinze mille en-
nemis restent sur le champ de bataille!» (Cahior
de Mongré, pago 157.)


Pour soutcnir la honne cause, la cause du cIéri-
calisme et de la réaction, tous les moyens sont bons.
Coups d'Etat, ins:lrrections populaires, nos jésuites
approuvent tout du moment qu'il s'agit de com-
battre la Révolution, tout, meme l'intervention
étrangere, mema les coalitions dirigées par le
czar Alexandre, « cet Agamemnon moderno! »


Lisez ce qu'ils disent des émigrés de 1793, de ces
émigrés que M. Thiers a appelés « de grands cou-
pables pris les armes a la main dans une guerro
contro lour patrie )l. Ah! que les voila bien vengés!


« Les grands coupables étaient a París, et la
« Convention, contro laquelle ces hérolquos gen-
« tilshommes combaftaient, n'était pas la Franco. ))
(Cahier de Mongré, p. 160.)


Écoutez bien cela,-jeunes gens: la patrie, a cotte
époque mémorable, n'était point pm'mi les repré- •
sentants choisis par la nation; elle était a Coblentz
avec les misérables qui ameutaient PEurope oontre
nous! La France, ce n'étaÍt point Carnot organü:,ant
la victoire, c'étaient les émigrés organisant l'inva-
sion! Ceux qu'il faut admirer et suivre, s'il est pos-




U~S CABIERS D'HISTOIRE DES JESUlTES 11
sible, ce ne sont p'oint les hérolques soldats de
Hoche, de Kléber, de Jourdan, ce sont les Vendéens,
attaquant par derriere la République, qui faisait
faee a l'Europe, ce sont les royalistes livrant Toulon
aux Anglais.


Mais pourquoi s'étonner qu'ils blasphement la
patrie, ces hommes en soutane qu'on ne retrouve
point dans nos rangs a l'heure du danger?


Pour eux, laFrancea cessé d'exister le 5 mai 1789.
Anatheme sur la France moderno!
AnatMme sur le dix-huitieme siecle, qui a pour-


suivi un « but infernal )l, cal' il s'est efforcé « d'éta-
blir, a la place dela révélation divine, la raison'
humaine! ))


" Anatheme sur l'Assemblée constitu~nte, qui,
·dans la Déclaration des Droits de l'Homme, « n'a
point tenu compte de Dieu, source premiere do
toute loi, » et qui a voté « la spoliation)) du clergé!


Anathcme sur la Convention, qui, nous assure-
t-on, {( faisait abattre les clochers, attendu qu'ils
contrariaient par leur élévation le principe del'éga.
lité républicaine ! )


r( Un esprit nouveau, connu sous le nom d'esprit
« de réforme, cherche depuis le dix-huitieme siecle
« a résoudre toutes les questions sociales avec les


. « seules lumiere de la raison. Jl ,
Le progres, voila l'ennemi de Rome, l'ennemi


des jésuites, qu'ils combaUront sans ces se et de
toutes leurs forces, dut la France périr dans la
lutte!




12 LES CAHIERS n'HISTOIRE DES .J1í:SUIT.ES


II


11 est un personnage que négligent les historiens
qui n'ont pas l'esprit chrétien: e'est le bon Dieu.
Nos jésuites n'ont garde de commettre un tel
oubli; a leur appel Dieu intervient constamment
dans les affaires humaines pour rassurer les bons et
faire trembler les méchant.s.


Ne trouvez-vous pas qu'il est singulierement irr(~'
vé.rencieux de mettre ainsi sans cosse la divinité
au service du premier cuistre ven u qui l'invoque
a l'appui de ses passions et de ses misérables ran-
cunes?


EncoJ>e' s'ils ne lui faisaient pas jouer un role
ridicule et indécent! Les dieux de l'Olympe, qui se
melaient souvent aux tluerelles des hommes,
savaient au moins ce qu'ils vonlaient: Junon per-
sécutait les Troyens, V énus les défendait; des les
premiers mots, le lecteur était averti el savait a
quoi s'en tenir.


Mais le dieu des jésuites est bien différent. e'est
un brouillon, un touche-a-tout, qui se jette tete
baissée au milieu des événements et qui ne sait
mClfle pas calculer les eonséquences les plus immé-
diates de sa conduite. Ainsi, en 1798, « il permet
« les sueces des Autrichiens et des Russes en Italie
« pour donner au saeré eolh'lge la liberté de choi-
« sir un suecesseur a Pie VI; » mais il s'aperQoit,
Pie VII a peine élu, que « l'Autriche genait Sil




LES CAHIBRS D'HISTOIRE DES .J!i:SUl'fES 13
« liberté, » Vite, il change de camp, aussi facilc-
ment que maitre Jacques changeait de costume, et
il est obligé de '(e se sel'vir du vainqueur de Marengo
« pour délivrer son vicairc. » Jupiter et Neptune
n'eussent point agi avec une telle légereté.


On ne savait pas jusqu'a ce jour le véritable
motif <fui porta les coloniesespagnoles elu nouveau
monde a secOuer le joug de la métropole. (Juelques
crétins alléguaient l'antagonisme des races, la
tyrannie des Espagnols insupportable aux hommes
de couleur. Chansons que tuut cela! \


« Au siecle précédent, le gouvernement espagnol
« avait expulsé, en un meme jour et sans motifs,
ce tous les jésuites de ses colonies, Dieu aurait-il
« vengé ses ministres?»


Le hon pere, qui connait si bien les secrets
desseins du 'ciel, devrait bien nous dire pourquoi
la maison de Bragance, qui ne fut point tendre non
plus pour' les jésuites, continue a régner paisible-
ment au Brl~sil. Pourqlloi Dieu, si sévére pour les
Bombons d'Espagne, l'est·il moins pour ceux de
France, pour les descendants de Louis XV, qui, lui
allssi, donna son coup de balai dans le gt'and
nettoyage de la fin du dix-huitieme siecle? D'ou
vient qu'en 1825, au sacre ele Charles X, « Dieu lui-
« meme renouvela le mit'acle de la guéri¡lOn des
« écrouelles ~ »


Il est vrai que, quelques années plus tard, ce
meme Charles X futprécipité du trone, au grand
elétriment des scrofuleux et des jésuites, mais ce
n'était point la, sans <loute, une punition du cie1.




14 LBS CAli:IERS D'HISTOIRE DES .1Il:SUlTES
En efIet, a ce móment, Charles X, en appelant an


ministere M. de Polignac, avait pr:is la résolution
~ de marcher droit vers le bien », ce qui consiste
« a bien choisir ses ministres, it réfréner la presse,
« a bien surveiller les élections, a dominer l'oppo-
« sition parlementaire; ces mesures peuvent con-
« duire a une politique tortueuse; cependant
« l'honnetcté est encore possible. ))


Charles X marcha done vers le bien ct publia les
Ordonnances, « légitimes pour le fond, d'unc léga-
!c lité contestable pour la forme, }) mais il pécha
« par défaut de prévoyancc ct d 'énergic. » Il n'y eut
pas assez de sang versé, et « les-bandits)} purent
triompher.


Apres l'élévation au trone du « fils de l'Ega-
« lité)} (sic), voici quel est le devoir de l'historien
impa.rtíal : « Il examinera si la mort du due de
« Bourbon est un suicide ou bien plutót un horrible
« assassinat. En parlant de l'invasion du choléra a
u Paris, il fera reluire la bonté divine a tra.vers sa
« justice irritéej il recherchera si la mort du duc
« d'Orléans sur le chemin de la Révolte n'est pas
« un coup de Celui qui donne des le<;¡ons aux rois
« et leur montre que leur puissance n'est qu'em-
« pruntée. »


Ce n' est pas sans dégoüt que nous transérivons
ces sottises, d'autant plus infames qu'elles se trou-
ventdans un livred'éducation etqu'elles s'adressent
a des enfants. Ce.ne sont pas la de simples écarts
de parole, exagérations d'un néophyte zélé et trop
belliqueux; toutes ces citations sont tirées de




-


LES CAHIERS n'HISTOIRE DES JÉSUITES 15
résumés lithographiés, composés á loisir, approuvés
par les clirecteurs des maisons déricalcs. On nous
avertit meme dans le préambule que, dans ces
précis, « les appréciations ne sont pas développées
et que l'enseignement oral y suppléera )), Nous
n'avons done entre les maíns que de simples abré-
gés, expression . bien faíble et bien atténuée de
l'abominable enseignement des jésuites.


III


n y a dans ces précis d 'histoire quelques cha-
pitres consacrés a la littérature, et ce sont pas les
moins intéressants ..


Pascal n'est point ménagé, cela va sans dire; on
convient bien qu'il a quelque talent, mais quel dé-
p}brable usage iI en fait! ( Les Provinciales ne
« sont au fonu qu'un tissu de faits dénaturés et
« d'assertions exagérées ou calomnieuses. ))


Ainsi, voilit qui ost entendu : Pascal a calomnié
Escobar. Vous vous imaginiez peut-etr(), lecteur
naYf, que Pascal n'avaugaÍt rien sans preuves; vous
aviez erllliro dans les Provinciales d'innombrables
citations de Sanchez, d'Escobar, de Filiutiu~ et
autres (~asuistes fameux. Eh bien, tout cela n'est
qu'un amas de mensonges! C'est ce misérable Pas-
cal, ce faussaire, qui a tout inventé!


C'est encore lui san s doute (admirez sa malice),
qui a composé lui-meme quelques centaines de
gros volumes, faussement attrihués aux jésuites,




16 LES bARIERS D'HISTOIRE DES .nl:SUITES
et ou l'on peut, sans trop de peine, retrouver les
passages qu'il cite. ¡


Les jésuites ne sont donc pas ce qu'un vain
peuple pensc. La purcté de leur morale et la rigueur
de leurs doctrines lcur ont valu de tout temps une
admiration wéritée. Hatez-vous de rayer le mot
escobarderie de votre vocabula.ire, ou plut6t qu'il
soit désormais le synonyme de franchise.


Continuons la lecture édifiante de ces cahiers jé-
suitiques. « Le dix-huitieme siecle ne produisit que
« quelqucs ceuvres remarquables. Les écrivains les
[( plus accrédités s'affranchirent des regles de ·la
ee logique comme de la moralB. Aussi, ne ren-
« contre-t-on dans leurs ouvrages ni conviction,
ce ni gl'alllleUl', ni solidité, ni sentiments profonds
« et naturels! II Tantót ces écrivains « déclament ",
tantót « ils sont fades ". Et deux grandes pages
sont éCl'ites dans ce gout-l:'t! Mais le jésuite de
Saintc-Gcnevieve a qui nous empruntons ces
inepties est bien distancé par son collegue de Mon·
gré. Ce uernier, il est vrai, est un peu brouillé avec
la grammaire, mais qu'importe~ Pour endoctriner
les fils de hobereaux point n'est besoin de tant de
science: la mauvaise foi suffit.


Regardons le bon pere composer sa bibliotheque
ct refaire :'t sa fagon le Temple du g011t.. Le voici
au dix-huitieme siecle, a cette « lamentable époque
~ qui prépara les saturnales de la grande Révo-
« lution. )) Voltaire est a la tete des conjurés .' « Le
« f1ls du janséniste convulsionnaire Al'ouet cacha
« d'abord ses projets et ne les communiqua qu'a,




¡,ES CAHIERS 1) 'HISTOIRE DES JÉ~UlTES 17
« des adeptes dignes de lui, a d'Alembert, fils d'une
« religieuse apostate, a l'écervelé Diderot. ))


La « ligue voltairienne ) montra d'abord « une
fallacieuse réserve », puis « le venin se glissa sans
« tant de timidité ». Des lors tout fut perdu; notre
jésuite, qui sans doute a étudié l'histoire dans
Joseph Balsamo, nous apprend encore que ce fut
« la franc-ma~onherie, ce vaste complot antisocial
« et antíreligieux, qui causa la Révolution fran-
« Qaise. ))


Il se console en pensant que « le clergé resta
fldele a l'Église. )) Ficlele a l'f~glise, le clergé dudix-
huitieme siecle, qui eomptait parmi ses membres
les plus célebres Loménie de Brienne et le cardinal
de Rohan!


A vouez que le bon perc n'est pas trop difficile j
n'aurai t-il pas lu le Collier de la Reine?


Puis, il faut bien se consoler comme on peut,
ear notre époque ne vaut guere mieux que le sieele
précédent. « La littérature est en décadence au
« point de vue de l'art et surtout au point de vue
r( mOl'al; les talents ne manquent pas, mais font
« fausse \-oute; l'histoire est cultivée avec talent,
« mais l'esprit chrétien fait généralement dHaut. »


Un bon point néanmoins aux romantiques, qui
ont « délivré les lettros des dieux de 1'0lympe ».
Mais combien, par mi les romantiques, n'ont point
tenu ce qu'ils pl'omettaient! Lamartine, tout le pre-
mier·, et Victor Hugo, qui, apres avoir u; débutó
« cncore mieux que Lamartine pal' ses Odes et
« Ballades, est devenu le portc-dmpeau du roman-


I




18 L~ CABlEaS ntHlSTOlRE DES JÉ~U1'l'ES
« . tisme exagéré, l'apótre du laid t et plus tal'dde
« rirréligion et de la Révolution. »


Cependant le ciel n'a point voulu priver de toute
consolation poétique les ames chrétiennes : 'ce Au
« milieu de ces aecents impies, Jean Reboul et
(( Edouard Turquety font entondre quelquos chants
« suaves. »


Hélas! que sert aujourd'hui d'cll'e suave? Notre
sage pédagogue a bien raison de prémunir ses
éléves contre le (e penchant de la nature humaine
« vers le mal. » Ne voyons-nous pas la foule se
presser aux représentations du Ruy-Blas pour
applaudir l'a.pótre du laid? Et cela, quand il sorait
si facile de rester tranquillement chez soi, a lire
quelque poésie suave sur les chrétiens livrés aux
betes ou sur les libres penseurs livrés aux Tur-
quety.


IV


Nous voudrions dans un dernier artielaexaminel',
a l'aide de nos cahiers, l'ensemble des doctrines po-
litiques des jésuites ct ce qu'ils feraient de la Franco
si quelque hon coup d'Etat la leur livrait pieds et


. poings liés.
Un despote assez fort pOllr dompter la France et


la gouvernor le sabre en main, voilit ce qu'ils veu-
lento Pourvu que le sabre y soit, peu leur importe
la main quí le dírigera. Aussi bion que de l'héritierde
nos anciens rois, ils s'accommoderaient do quelque




LIllS CAHIBRS D'HISTOIRB DES JÉSUITES 19
prince des nouvelles couches, ou meme du premier
soldat venu. L'essentiel est de comprimer violem-
ment les idées libérales et de faire rétrograder la
France jusqu'a l'ancicn régime.


Ce qu'ils pardonnent le moins volontiers aux
rois qui ont lutté contre 1eurs sujets, a Charles lel'
d'Angleterre, a Louis XVI, it Charles X, c'est la
faiblessc. Un peuple qui tente de se gouverner lui-
mome n'est plus qu'un peuple de rév'oltés, indignes
de tout pardon, qu'on doit exterminer.


Nos jésuites reproehent a Louis XVI de n'avoir
pas dispersé, des les premiers jours, l'Assernblée
eonstituante, apres le serment du Jeu de Paume,
ou les députés du tiers état jurcrent de donner une
eonstitution a la Franee.


« Le roi, disent-ils, toujours faible, ne sut pas
{( réprimer l'usurpation du tiers état et répondre
« a la revolte par l'emploi de la force armée. ))


Les députés du clergé de 1789 n'en jugerent pas
ainsi, parait-il, puisque, au lendemain de ectte
séance fameuse, ils vinrent en grand nombre se


. joindre a leurs eollegucs du tiers état ct l'aide!'
dans l'aecomplissement de sa tache. Il est vrai qu'a
eette époque les jésuites étaient bannis de France
et que le elcrgé n'était pas dirigé par des hornmes
systématiquement hostiles a toute idée de progrés
et de réforme.


L'idéal pour les jésuitcs, e'est la royauté de droit
divin, le gouvel'nement de Louis XIV: pas de
constitution, u'assemblées ni u'élections ; le prince
responsable de ses actOR devant Dieu seulement,




20 I,EI'l CARIIIRS D'HIS'l'OIRE DES .TESUlTES
car c'est de Dieu seul qu'il ti.ent f'on pouvoir.


lIs nous disent nettement ce qu'il.; dé'sirent :
« La monarchie absolue, qui n'est pas arbitraire,
« mais plutat' paternelle, puisque le monarque
« chrétien doit suivre les inspiratiolls de sa con-
({ scicncc. »


La religion catholique doit otre déclarée religion
d'Etat, tous les autres cultes sont prohibés :
« L'égalité des cultes est un principe révolution-
« naire; l'unité religieuse est une garantíe néces-
« saire de l'unité poli tique. »


. Qu'on rallume les buchers de l'Inqui:;;ition ! Au
feu les protestants. les israélites et les libres pen-
seurs.


Qu'on supprime tout ce qui s'est fait en France
dépuis un siecle, qu'on rétablisse l'ancien régime
avec toutes ses in¿galités et ses iniquités mons-
trueuses!


Voyez ce qu'ils disent de la nuit uu 4 aout 1789,
de la séance ou l'Assemblée constituantc, en abo-
lissant les pri viléges, décréta l'égalité de tous les
citoyens.


« On décréta d'cnthousiasme l'abolition du ser-
« vage, des privileges nobiliaires, des justices
« seigneuriales, du droit exclusif de chasse, des
« immunités pécuniairos ot de l'inégalité des im-
« pats, le rachat des dimes, l'admissibilité de tous
« les FranQais a tous ICs emplois civils et mili-
« taires.


« Louis XVI éprouva un légitime sentiment de
« répugnance quand on lui présenta ces décrets


.. ~




LES CAHIERS D'HISTOIRB DES JESUITES 21
« qui avaient été votés dans un moment d'enthIJu-
« siasme irréfléchi. Plusieurs membres de la no-
» bIes se et du clergé regretterent des concess'ions
« imprudentes faites trop brusquement pour etre
« utiles au pays. »)


(Cahier de Sainte-Gcncvieve, page :211.)
Ainsi, e'était faire une impruclen te concession


que de donner la liberté a ces malheurcux serfs,
qui, en 1789, labouraient encore la terre au profit
de quelques communautés de religieux fainéants.


C'était une imprudence d'ótcr aux nobles des p¡'i-
vilegei> aussi absUl'des que révoltallts, l'exemption
des impóts, qui ruinaient le peuple, le monppole
des grandes charges civiles et militaires, dont leur
incapacité les rendait indignes.


Le clergé, qui ne payait pas d'impóts et qui pos-
sédait plus d'un quart du sol de la FranQe, n'était
point assez riche; iI fallait lui donner la dime, lui
donner le droit de venir prendre au paysan une
gerbe sur trois.


Nous bornons la nos citations, elles suffisent a
caractériser l'enseignement illibéral et antipatrio-
tique des jésuites, a démontrér la nécessité absoIue
des projets de M. Jules Ferry.


Le temps est passé des indulgences coupables et
des compromis dangereux. D'ailleurs, ce n'est pas
une ]oi nouvelle qu'il s'agit d'appliquer aux jé-
suites. Nos VffiUX sont les memes que ceux que
formait, sous la Restauration, un ancien émigré,
royaliste ardent, le comte de Montlosier, qui, dans




22 LBS OAHtE&S D'mSTOIRE DES JÉSUITRS
un livre célébre, dénonQa les menées et les en:va~
hissemcnts des jésuites.


Nous soutenons une opinion qui fut alors vail-'
lamment défendue, a la tribune de la Chambre des
pairs, par MM. Lainé, Pasquier, de Barante, qu'on
n'accusera pas sans doutc d'ctre des révolution-
naires.


Nous nous souvenons qu'a la suite d'une délibé~
ration solennelle les magistrat.~ de lacour royale
de Paris déclarerent, le 18 aout 1826, que les prin-
cipes professés par la compagnic de Jésus étaient
inoompatibles avec l'indépendance de tout gouver-
nement, ct surtout de tout gouvernement constitu~
ti{)nI1el.


Nous félicitons nos ministresrépublicains de 1879
de n'avoir pas oublié qu'en 1828, il Y a cinquante et
un ans, une ordonnance du roi Charles X expulsa
les jésuites de l'enseignement et cha¡;sa le P. Lo-
riquet de sa chaire de Saint·AchcuI.


HÉPONSE AU FRANQAI8
Le }ournal de lVI. de Broglie, le Frant;ais, ne


consaore pas moins de cinq colonnes a examinar
nos artieles sur les cahicrs d'histoire des jésuites.
Nous remercions le Franqais) il nous'prouve que
nous avons visé juste et rouché le but. I~es jésuites
n'aiment pas, et pour cause, qu'on sache exacta-
ment ce qu'ilsenseignent.Ils nous accuscnt de per-
fidie puur avoir découpfi quelques extraits parfai-
tement authentiqueFl dans leurs cahiers d'histoire"




tES CABlERS D'HISTOIR ~ DES JÉSUITES 23
Car ce qui ressort tres-clairement de l'article du


Fram;ais, c'est l'exactitude absolue de nos citations.
On n'y trouve pas un seul mot quine soit pas dans
les fameux cahiers.


La feuille jésuitique explique d'une faldon vrai··
ment fort amusante pourquoi ces cahiers ne sont
pas publiés. Leur auteurle P. Gazeau, aimait a
travailler avec une sage lenteur, il n'arrivait pasdu
premier coup a la rédaction définitive. En vingt
années de professorat, il n'est pas parvenu a don-
ner une forme convenable a ce livre, qui n'est
qu'un . simple précis d'histoire, une compilation
sans originalité. Voilit qui donne une haute idée
des hommes a qui les jésuites confient l'enseigne-
ment dans la premiere de leurs écoles.


Le FranQais nous reproche de n'avoir fait que
huit citations. Nous en aurions fait bien volontierS
davantage; malheureusement la place nous est
mesurée; nos colonncs ne suffisent point a énumé·
rer les entorses que donnent a l'histoire et a la
vérité les jésuites et lours pareils. .


Nous aurions voulu, n'eút été sa longueur, citer
tout le passage relatif a la révocation de l'édit de
Nantes. On eút vu comment le P. Gazeau, oet
hommc tres consciencieux, accumule avec un soin
louable les calomnies les plus absurdes contre les
protestants.


Nous aurions montré que nos modernes défen-
seurs des droits du pere de famille n'ont pas un mot
de bl8.me pour la cruelle ordonnance de Louis XIV
quiprescrivait d'enlever it leurs familles, des l'age




24 LES CAHIERS n'HISTOIRE DES JIÚ;UlTES


de sept ans, les enfants des protestants pour les ins-
truil'e dans la foi catholique.


Le Fram;ais ne eesse ele s'abriterderriere l'auto-
rité de M. Taino. Nous admirons, autant au moins
que le Fram;ais, le talenttres-distingué de M. Taine,
mais nous ne croyons pas que ses jugements sur
la Révolution fassent loi.


« Monsieut' le marquis, je vous voiscouleur lilas»,
dit un peintre luministe dans une des plu~ char-
mantes pieees de ~Ieilhac et Hillévy. Nous ne
pou vons lire JI. Taine sans songer a ce personnage
de vaudeviHe. M. Taine est un impressionniste;
il a une fa<,¡on a lui de voir et de juger; il est trop
systématiqlle pour otre hon historien.
. Nous ne saurions mieux faire pour bien définir
notre pensée que d'emprunter une phrase a une
autro citation; eeHe-ei de M. Renan, que nous
oppose le Fran~:ais : .


« Il faut, dit M. Renan en parlant des hommes
de la Révolution, rendre hommage aux sentiments


, quianimerent les auteurs de ce mouvement extra-
ordinaire. »


C'est cet hommage que nous ne trouvons pas
chez M. Taine et encore moins chez le P. Gazeau.
L'histoire ne doit pas otre un pamphlet. Ce n'est
pas faire de l'histoire que de s'appliquer a dénigrer
de parti pris les hommes de la Révolution.


Il est d'un malhonnote homme, quand on parle
du haut d'une chaire de professeur a des enfants,
de lcur apprendre a mépriscr, a hall' tout ce qui
sefait depuis cent ans dans lcur patrie. C'est ú




LES


NIHILISTES DE ROBE NOIRE




SAINT-OUEN (SEINE). - IMPRIMERIE JULES BOYER
(So.ciété générale d'imprimerje).




-.


LES NIHILISTES


DE ROBE NOIRE
- LES Jt.SUITES, LEGR ENSEIGNEMEKT


PU


UN PROFESSEUR DE L'UNJVERSITÉ


PARIS


Serons-nous capucins? ne le
Se1'On8-110U5 pas '? VoiJa aujour-
d'hni 1, question.


(PAlIL-LollIS CUURIER.',


,T, BRARE, ÉDITEER
(;, PLACR SAIXT-)llCHKL ET RVE DE L'H1RONDELLE, 20


1 S í9






LES CAHlERS n'HISTOlRE DES JESUlTES 25
üette vilaine besogne que le P. Gazeau a consacré
sos vingt années de professorat.


Un point surlout nous somble eurieux a noter
dans cette longue diseussion. Le Fl'anr;ais, toujours
d'accord avec M. Taino, reproche a l'Asscmbléc
constituantc de 1789 sa légereté et sa préeipitation.
A vouoz qlJe le reproche est au moins singulier dans
un journal plein d'admiration pour les hommes
qui ont été flétris pour avoir bousculé la France
comme vous savez.


Le Franr;ais se garde bien de parle!' du P. Terret,
le professeur de Mongré, dont nous avions aus~i
donné quelqucs eitations. Il est mort; ses cahiers
ne lui ont pas survécu et on les a jetés dans la
corbeille aux vieux papiers.


Nous demandons pourtant la permission de como
pléter une des citations quo nous avons déja don-
nées. 11 s'agit.de eette révolte des Vendéens en 1793,
de eetto guerre ou l'on vit des paysans fran<;¡ais,
excités par leurs prétres, s'allier aux Anglais, aux
Autrichiens, aux Prussiens, qui mena<;¡aient nos
frontiéres de toutes parts.


Quoique trois fois moios nombreux, les Vendéens finissent
par mettre en déroute les 300,000 Bleus de la Convention.


ltlalheUl'eusement, au !ieu de res ter unis, ils se séparent.
Charette s'isole dans la ba3se Vendée.


Les Vendéens, vaincus, franchissent de nouveau la Loire.
Les Bleus les poursuivent et les atteignent devant Lava!. l\Iais
les fugitifs savent encore vaincre: quinze mille enfiemis res-
tent sur le champ de bataille.


A 00\, bataille de vingt-qeqx heures et nouveau t1'iomphe.
2




W LES CAHmRS D;HISTOmE DES' JÉSUITES
Ce scandaleux enseignement, OU l'on glorifie léS


triomphes d'une insurrection qui faillit perdre la
France, a duré des années au colh~ge de Mongré.


Durant toute sa vie, le P. Terret a pu impuné-
ment traiter d'ennemis les soldats franQais de la
Convention.


Ni le directeur du college de Mongré, ni les autres
autorités de la compagnie de Jésus n'ont cru devoir
s'opposer a un tel enseignement.


N'en déplaise au Franyais, rrous voyons la un
motif suffisant pour demandé la fermeture des
maisons qui propagent de pareiHcs do'ctrÍnes.




UNE INVENTION DIABúLIQUE


« C'est l'imprimerie qui met le monde a mato
« e'est la lettre moulée qui fait qu'on assassinc de-
« puis la création; et Caln lisait les journaux dans
« le paradis terrestre. »


Cette citation n'cst point du P. Gazeau, est-il
besoin de le dire? Elle est de Paul·LouisCourier,
le vigoureux pamphlétaire de la Restauration qui
se moqua si bien des cagots de son époque.


Ce Paul·Louis eut une fin tragique; il avait cou-
turne de dire dan s les derniers temps de sa vie:
Lescagotsme tueront. Unjour on le trouva assassiné
dans un bois voisin de sa maison et la justice ne
sut ou nc voulut point découvrir les coupables.


Est·ce la un nouveau crime a ajouter a tant d'au·
tres crimes commis par les jésuites?


On sait que les nihilistes de robe noire ne sont pas
plus scrupuleux que les nihilistes russes sur les
moyens d'arriver a leur but: Ravaillac a précédé
Solowieff.


Quoi qu'il en soit, et sans se soucier du dicton
qui prétend qu'en France le ridicule tue, nos jésuites
contemporains continuent a professer a l'égard de
l'imprimerie cette haine stupide que Paul-Louis




28 UNE INVENTION DIABOLIQUE
Courier raillait si joliment il y a cinquante années.


Lisez le premier cahier du p, Gazeau, a la page
115: « L'imprimerie fut une arme puissante mise
« au service de l'esprit humain, mais indifférente
« par elle-méme A propager /'erreur ou la 'oérité;
« De lA des abus déplorables qui ont toujours eu
« pour auxiliaires; les passions humaines et que
« l'Église et les gouvernements ont vainement
« essayé d'arréter. "


Il faut convenir que le bon Dieu est bien injusto
pour ceux qui font vceu d'otre siens.


Au moyen age, illeur permettait de brúler leurs
adversaires.


Plus tard, ils durent se borner a bl'11ler les livreR
et a embastiller les auteurH.


Aujourd'hui, hélas! il n'y a pluH de Bastille, plus
de buchers, plus d'Inquisition.


Pourquoi Oiou abandonne-t-il los Hiens au miliou
de la lutto? Dans un temps si fertile en mirades,
que n'en fait-il un vraiment magnifique et con-
vaincant?


Que la Sainte Vierge quitte pour un jour leR
montagnes et les grottes miraculeuses Ol! elle tra-
vaille de préférence ; qu'elle vienno opérer un mi-
radc Hur le théatre mome du combatí qu'elle faRse
sa prochaine apparition cLans les bureaux d'un
journal I'épublicain; qu'elle chango les caractet'es
d'imprimerie en autant de ferH rougos qui brúle-
ront jusqu'a la moeUe les rédacteurs impies!


Ce jour-la je promets de me conyertir et do pren-
dre pour confesseur un pere jésuite.




LE BON DIEU, SATAN


ET LES CllEMINSDE FER


Batan ost malin, tres-malin; il joue un jeu tres-
serré; il est presque aussi fort que le hon Dieu
ot l'on ~e sait vraiment qui des deux finira par
gagner la partie.


Chaque fois que ce pauvre hon Dieu permet a
l'homme une découverte quelconque, Satan est la,
dans le coin, qui guette, qui épie l'instant favorable.
Le moment venu, il s'élance: d'un coup de pattc,
il détraque tout; d'un souffle de son haleine em-
pestée, il souille, il pollue l'ceuvre de son adver-
saire; celui-ci, qui en est pour ses frais d'invention,
gémit du haul des cieux, en attendant une occasion
meilleure.


Ainsi arriva-t-il pour l'imprimerie: Dieu, en ins-
pirant a !'homme l'art de fondre et d'assemhler les
caracteres, s'imaginait, sans doute, que ceux-h\
seuls en profiteraient qui se disaient ses amis, ses
adorateurs, ceux qui se servaient de son nom pour


2.




30 LE BON DIEU, SA T AN ET LES CHEMINS DE FER
se faire donner de riches abbayes et de gros reve-
nus.


Le bon Dieu comptait sans le diable; Satan sur-
vint et suscita Martin Luther, Erasme, Rabelais et
quantité d'a:utres démons qui se servirent de l'in-
vention de Gutenberg pour'donner pas mal de fil
a retordre aux. papegaux et papimanes de leur
époque.


Le bon Dieu, fortement marri, réfléchit pendant
plus de trois cénls ans. Dame! vous savez, quand
on est éternel, on ne se hate point, on prend son
temps.


A la fin, Dieu crut trouver le moyen de triompher
définitivement du démon: il apprit aux hotrtmes á
faire aller sur l'eau des bateaux quin'ont pas de
jambes et qui vont bien plus vite que s'ils en avaient;
il montra comment on pouvait disposer sur la terre
des rails paralleles et y lancer un train a toute vi-
tesse.


Vous croyez peut-ctre que Satan se tint pour
battu et s'enfuit en laissant derriere lui une odeur
de soufre? Vous eonnaissez mal le diable; il a fait
d,es progres depuis le temps ou il se laissait exor-
ciser par le premier saint venu.


Satan examina la nouvelle invention et ne tarda
point a trouver le moyen d'en abuser; quels sont,
au juste, les abas que le démon introduísit dans
l'exploitation des ehemins de fer? Je ne me eharge
pas de vous le dire; toujours est-il qu'il y eut des
abus : le P. Terret nous l'affirme; éeoutez-le :


« L'application de la vapeur aux transports par




LE :8:ON llIEU, SATAN ET LES CHEMINS DE FER :n
« eau et par terr'e a produit dans les relations in-
« ternationales une modification non moins extra-
(/. ordinail'e que l'invention de Gutenberg- au quin-
« zieme siecle. Dieu qui a donné a l'homme cette
« nbhlo faculté d'inventer, imago de sa Toute-
« Puissance créatrice, a fixé dans son éternité
« l'époque des inventions successi ves, et malgré les
« abus qu'en peut faire la malice humaine, Sa Sa-
«. gesse infinie les diTige vers sa plus grande gloire.>J
(Cahier de Mongró, p. 43.)


-Il Y a des moments ou j'enrage d'une fagon ex-
traordinaire contre la destínée. Dire que j'aurais
pu naitre, si le ciel l'eut voulu, dans quelque cas-
tel de province, ou simplement prés du comptoir de
quelque hourgeois enriehi, qui m'eUt envoyé, paree
que c'est hon genr~, étudier chez les jésuites.


Que de choses je saurais maintenant que j'ignore
et que j'ignorerai toujours!


Nous n'avions pas, je vous le jure, au lycée, de
professeurs commo ce P. Terret. Ceux qui nous en-
seignaientl'histoire, gens stupides, n'avaient point,
comme lui, pénétré dans les conseils de Dieu ..


Comme j'eusse pris plaisir a écouter ce saint
homme nous démontrer comment Dieu, voulant
donner la vapeur a l'homme, s'adressa tout d'ahord
a un hérétique, le protestant frangais Denis Papin,
de Blois, une de nos gloires scientifiques, qui fut
forcé de quitter sa patrie devant les persécutions
dirigées par les jésuites de son époque!


Comme j'eusse souhaité de savoir pourquoi la
Providence, dont les décrets sont d'une profondeur




32 LB BON DIEU, SATAN ET LES CHEMINS DE FEa
insonuable, eonGa a ucux autres hérétiques, James
Watt et Fulton, le soin ue perfectionner l'inven-
tion de Denis Papin.


Et ces abus, ces fameux abus caUSt'S par la ma-
lice humaine, quels sonL-ils? Dire qu'e je mourrai
peut-etrc sans savoir ce que le P. Terret a voulu
dire! '


Je uois pourtant livrer au public une explication
qui me satisfait a demi : il y a.quelques années, un
curieux proees égaya beaueoup la malice humaine:
un jésuite qui voyageait sur une ligne de Bretagne,
s'installa dans le meme eompartiment qu'une tres
gt'ande et illustrissime dame. Dans le trajet, un
méeréant, nommé Kergroen, abusa de son titre
u'employé du chemin de fer pour ouvrir brusqqe-
ment la portiere sans crier gare.


En vain le jésuite affirma-t-il que l'illustrissime
uame était sa samr; ee Kergt'Oen au nom diabo-
lique ne voulut rien entcnJre; il abusa du Ul'oit
qu'a l'homme de ne pas croire aux pat'oles de son
semblable quand ees pal'Oles sont uénuées df>
preuves.


En vertu d'un autre abus plus criant encore que
tous les autres, des suppots de Satan, portant tri-
corne et jaune bauurier, saisirent les deux voya-
geurs et, sans respect pour leurs robes, les
conduisirent uevant le tribunal correctionnel de
Brest, qui rendit son jugement le mardi 10 sep-
tembre 1872.


« Attendu, dit le jugement. que la préven-
« tion doit s'appuyer uniquement, pour reposer




LE RON DIEU, SATAN ET LES CHEMINS DE FER 33
« sur un élément sérieux de conviction, sur les
« aveux par lesqucls les prévonus ont corroboré
« eertains faits appris par Kergroen; que la dame
« d.e X ... a avoué qu'oIle avait, obéissant a un
« sontiment de reeonnaissanee, ponché sa tete sur
« la poitrine du P. Dufour; que le prévenu a
« reconnu qu'il avait reQu un embrassoment, et que
« Mm" de X ... s'était plaeée un instant sur ses
« genoux; que c'est en vain que Dufour, rétractant
« ses aveux, a dit pour se justifier qu'ils lui ont
« été dicté!> par le désir bien légitime de désarmer
« le mauvais vouloir de Kergroen, de l'empecher
« de verbalisel', et par suite, de ne point eompro-
« mettre la réputation de Mme de X ... , et de ne
« point ternir par le seandaIe la réputation de la eon-
I( grégation dont iI est membre; que de telles expli-
« eations sont impuissantes pour détruire la force
« probante résultant des aveux faits par un pré-
( venu.


« Attendu que les seuls faits dont la preuve peut
« etre eonsidél'ée comme étant aequise, doivent
« ctre, au point de vue légal, appréciés, abstraetion
c( faite de la position sociale et de la qualité des
( parties; qu'ils eonstituent des actes de familiarité
( tres répréhensibles et blessent les lois de la bien-
(( séance, mais que, n'ayant été préeédés ni suivis
« d'aetes de luhricité ou d'obseénité de nature a
( offenser· réellement la pudeur, ils sont insuffi-
« sants pour eonstituer le clélit prévu ct repris par
({ l'artide 330 du Code de procédure eivile; que Du-
« four a d'ailleurs allégué dans le principe, pour sa




34 LE ROiN DIEf1, SATAN ET LES CHEfI(INS DE FIm
(1. justification, que Mme de X ... était sa 8reur, et
« qu'une telle allégation n'eút certes pu venir a sa
« pensée s'il se fút agi d'actes d'impudicitéj que ces
« actes n'en doivent pas moins otre séverement
« réprouvés, encore bien que la loi ne puisse les
« atteindre, par cela seul qu'ils ont été accomplis
« par un ministre du culte, tenu a plus de réserve
u et de circonspection que tout autre, et qui ne
« doit jamais perdre de vue que, de sa part, Pappa-
« rence miíme d'une infraction aux lois de la
« décence suffit pour porter une déplorable atteinte
« aux croyances religieuses, base fondamentale de
« toute société ... etc., etc. »


Le pere jésuite Dufour fut acquitté. Mais reve-
nons au professeur de lfongré, le pere Terret.


N'est-il pas curieux de voir un de ces calotin8,
qui voyagent en quart de place, parler ainsi des
chemins de fer? Que leur faut·il done? Pour eux
les passe.droit, les faveurs, les bon8 coins, les bouil-
lotes bien chaudes et les banquettes bien rembour-
rées! Pour eux les trains de plaisir organisés pour
Loureles et Paray·le-Monial, aussi bien que pour
Trouville et Monaco ! Et cela ne suffit point?


Faut-iI done que M. de Freycinet abdique entre
leurs mains? Faut-il, entre l'exploitation par l'f;tat
et l'exploitation par les compagnies, choisir l'ex-
ploitation par les jésuites ?


e'est pour le coup qu'on en verraitdebelles! Bien·
t6t il faudrait montrer un billet de confession pour
monter dans le train de Paris a Pontoise; les libres
penseurs prendraient le coche ou iraient a pied.




QUELQUES NIAISERIES


Id nous n'avons que l'embarr6ts du choix et ce
chapitre pourrait otre le plus long de la brDchure.
Citons d'abord le P. Gazeau. Voici un passage
sur le marquís de Pombal, ministre portugais du
dernicr siecle, qui fit beaucoup de bien a son pays
et beaucoup de mal áux jésuites :


« Pombal organisa trne armée de 32,000 hommes,
« arma une escadre pour ~protéger les navires
« marcnands contre les Barbaresqucs, régla la per-
« ception des impáts, créa des compagnies com-
« merciales, creusa des canaux, fonda des écoles
« d'agriculture ct de commerce, le college des
« nobles, l'imprimerie royale et l'econstitua l'uni-
« versi'té de Cormbre.


« Il avait relevé de ses ruines la ville de Lis-
K bonne, détruite en 1755 par un tremblement de
« ter re.


« Ces réformes funestes et inopportunes, faites
<L comme on ra dit il coups de hache, ne tarderent
« pas a disparaitre. » (Cahier de Sainte - Gene-
vieve, p. 188.)


,le ne serais pas faché de savoir quer est l'auteur




36 QUELQUES NIAlSERIES
qui a dit quc c'est a coups de hache qu'onfondait
des écoles et qu'on ouvrait des universités.Oeluí
qui a dit cela est au moins aussi fort que le P. Ga-
z.cau qui affirme qu'il était inopportun de rebatir·
Lisbonne arres le tremblement de terre de 1755.


Autre dróleric, celle-ci sur Turgot, le ministre
de Louis XVI, f.!:rand patriote que les réaction-
naires do son temps firent chasser du ministere
paree qu'il voulait prévenir la Révolution en ac-
complissant les réformes les plus urgentes ot los
plus indisponsables.


Voici ce qu'on dit le P. Gazeau:
« Il avait des idées chimériques: il obtint la


« libre circulation des grains, remboursa plus de
« cent millions, créa les monts-de-piété et la caisse
« d'escompte, origine de la Banque de France, ot
« supprima la solidarité des taillables en matiere
« d'impót. » (Cahier do Sainte-Genevieve, p. 162.)


Ah! vous croyez ({u'il y a réellement un mont-
do-piété ! Détrompm~-vous, c'est une chimere, une
invention d'Henri MÜl'ger et autres romanciers.


Vous vous imaginez qu'il existe une Banque de
France et que eette banque émet des billets que les
jésuites et autres congrégations ou ron fait vreu
de pauvreté collectionnent a qui mieux mieux.
Chimeres que tout cela!


Mais pourtant ... - Pas un mot de plus; puis({ue
Turgot a eu toutos ces idées-lil ct que Turgot, au
dire du P. Gazeau, n'avait que des idées chimé·
riques, ses idées n'ont pas pu se réaliser, san s quoi
elles n'eussent pas ét¿ chimériques.




QUELQUES NIAISERIES 37


Oe plus fort en plus fort. Apres le P. Gazeau,
voyez l'aigle de Mongré, le P. 'rerret. Apres avoir
narré a sa faQon, qui ne rappelle que de loin les
récits d'Augustin Thierry, l'histoire du regne de
Louis XVIII et des premiercs asscmblées élues
sous la Rcstauration, de tR1S a 1824, le P. Tcrrct


. ajoute ceci : « L'histoirc de ces Chambres cst utile
« a connaitre pour porter un jugement sain et
«( éclairé sur la doctrine du suftrage universel. »
(Cahier de Mongré, p. 16.)


Tout le monde apprend a l'école primaire (dans
les écoles laiques, bien entendu, Cal' pour les autres
nous n'affirmonsrien), que les Chambres de la Res·
tauration n'étaient pas élues au suffrage universel,
qui ne fut établi qu'en 1848.


Tout le monde sait qu'il fallait alor8 payer
300 francs d'impóts pour 6tre admis a voter et que
le nombre des électeurs n'était pas de dix millions,
comme aujourd'hui, mais el'a peine deux cent
mille.


Sans cette sage précaution qui tenait écartés du
scrutin les quatre-vingt-dix-huit centiemes des
citoyens franQais, le gouvernement des Bourbons,
établi en 1815 par les Prussiens et soutenu par les
jésuites, n'eut pas duré dix jours.


Comment le P. Terret ignore-t-il ce que tout le
monde sait et pourquoi a-t-ill'air de croire que les
Chambres de ce temps-Ia étaient élues au suffrage
universel?


Le P. Terret était-il bachelicr '?
S'il ne l'était pas, pourquoi lui confiait-on la


3




QUELQUEI> NIAISERIEI>


mission d'enseigner aux éleves ce qu'il ne savait
pas lui,.mcme?


S'il l'dait, par quel proeédé miraculeux s'était-il
fait recevair a un examen dont il ne eonnaissait
pas mieux les matieres '?




LES DEVOIRS J)'UN ROl


Un roi doit régner selon lesinspinltions de s<¿
conwience; il n'est responsable que devant Dieu.


En 1713, apres une guerre longue et pénible qui
avait épuisé la }i'ranoo, quelques libel'tins émirent
l'idée que Louis XIV pourrait bien, avant de traiter,
consulter ses sujets qui, depuis douze années, lui
donnaient sans marehander leur sang et leur ar-
gent.


Louis XIV rajeta bien loin cette idée et le
P. Gazeau le cambie d'éloges : « Louis XIV rejeta
« avec fierté la proposition de faire ratifier par une
« assemblée nationale les conditions du traité
« d'Utrecht. »


Louis XVI fut moins fier que son aieul ; il fallait
de nouveaux impóts pour payer les prodigal.ités des
diverses catins auxquelles nos roís avaient généreu-
sement donné sans eompter l'argent de la Franee.
La Pompadour qui n'aímait pas les jésuites, la Du-
barry qui les aimait, la Marie-Antoinette qui pré~
rerait les gardes du corps, avaient si completement
vidé les cofIres de I'État qu'il ne restait pas un sou




40 LES DEVOIRS D'UN ROL
pour les dépenses utiles. Oe trio dedrolesses avait
épuisé la France.


Louis XVI convoqua les états généraux paree
qu'il ne pouvait faire autrement. Il y eut done des
élections, et quelles élections! Nos jésuites sourient
de pitié en en parlant : des élections qui ne furent
pas sUTveillées!


« Les funestcs conseils de Necker, dit le
« P. Gazeau, empccherent le gouvernement d'exer-
« eer une légitime influence SUl' les élcctions. »
(p. 170). Et un peu plus loin : « b'incurie du gou-
« vernement laissa a ses cnnemis toutes les in-
« fluences dans les éleetions. »


Louis XVI, qui était aussi bon serrurier que
mauvais roi, n'aurait-il done pu fabriquer quelques
fausses clefs pour les urnes électorales?


Les élections de 1789 s'accomplirent done sans
fraude ni dol : iI cst juste de faire observer qu'it
ce moment-lit le comtat Venaissin (départe-
ment de Vaucluse) n'appartenait pas encore a la
France. et que ni A vignon, ni Carpentras n'eurent
a élire de députés.


Les députés une fois convoqués et réunis, vous
croyez peut-ctre que le devoir du roi était d'écouter
leurs doléances, d'y faire droit, de travailler avec
eux aux réformes nécessaires. Allons done I O'est
la que eommence, pour le P. Gazeau, le crime de
Louis XVI. Il ne sut pas résister a l'usuTpation du
tiers état.


La eour eut bien voulu lever les impóts san s ae-
cepter les réformes; la majorité de la noblesse et




I,ES DEVOIRS D'UN ROl 41
du clergé, qui ne participaient pas aux chargcs pu-
bliques, eussent volontiers permis au roi de saigner
a blanc la bourse des roturiers du tiers état.


Mais ceux-ci protesterent; comme le roi leur 01'-
donnait de se séparer, ils répondirent, par la bouche
de Mirabeau, qu'ils ne céderaient qu'a la force.


Louis XVI hésita : le P. Gazeau ne peut le lui
pardonner : il eút faUu mitrailler Paris, traiter la
France comme un pays eonquis, embastiller, dé-
porter, fusiller des milliers de citoyens : les jésuites
ne reculent point pour si peu ; éeoutez le professeur
de Sainte-Genevieve : « Au líeu de répondre a la
« révolte par l'emploi de la force armée, Louis XVI,
« toujours faible, se borne a dire : « Eh bien, puis-
« que les députés veulent rester, qu'on les laisse!. ..
« L'usurpation du tiers état était consommée. »


Charles Icr d'Angleterre lutta aussi contre une
assemblée élue par la nation. On lui fait le meme
reproche de n'avoir pas fait appel a la force :
« Charles Ier, dit toujours notre jésuite, fit une
« démarche hardie pour ressaisir le pouvoir; il se
« rendit en personne au Parlcment pour arreter
« cinq des chefs de l'opposition. Mais il commit In
« la faute de ne pas recourir a la force armée de-
« vant l'attitude menac¿ante de la Chambre et du
« peuple. »


11 n'y a pas deux années, on a pu croire un
moment qu'un gouvernement sans popularité en-
gagerait avee la France une lutte semblable a ceUe
qui conduisit Charles 1'" et Louis XVI a l'écha-
faud.




42 LES DEVOlRS D'UN ROl


Pendant dcux longs mois, la vio de la France
a été comme suspendue; on se demandait si
les fous crimincls qui prétendaient se substituer
a la volonté nationale ne donneraient pas a notre
malheureuse patrie uno édition nouvelle des crimcs
de Brumaire et de Décembro.


Nous le demandons a tous ceux qui ont ressenti
ces patriotiques angoisses de la fin de 1877, un
g011vernement républicaín doit-il permettre qU'Qn
enseigne it la jeunesse la théorie des coups d'Etat?


Le respect des assemblúes, l'obéissance a la loi
des majorités sont inscrits dans le Code aussi bien
que le respect de la propriét&.


On no tolérerait point une école oú 1'on ensci-
gnerait que le vol est permiso Doit-on laisscr le
droit d'enseigncr a des hommos qui font l'apologio
des pronunciRmentos?




UN MENSONGE


Voici un curieux exemple du sans-gene avec
lequel les bons peros alterent l'histoire.


Nous faisons allusion, dans le ohapitre préoédent,
aux paroles que Miraheau, dans la séance du
2::l juin 1789, adressa au maitre des cérémonies, le
marquis de Dreux-Brézé, qui venait enjoindre aux
députés du tiers état de ces ser leur délibération.


Voici eette scene fameuse telle que l\1iohelet la
racontc:


De sa voix forte, imposante et dans une majesté terrible,
Mirabeau lui lanca ces paroles : « Nous avons entendu les inten-
« tions qu'on a suggél'ées au roi; et vous, monsieur, qui ne
« sauriez elre son organe ¡¡UpreS de l'.\"semblée nationale,
« vous qUl n'avez ici ni place, ni voix, ni droit de parler,
« vous n'etes pas fait pour nous rappeler son discours .....
« AlI"z dire a ceux qui vous envoient, que nous sommes ¡ci
« par la volonté du peuple, et qu'on ne nous en arrachera
« que par la puissance des baYonnettes. ))


Brézé fut déconcerté, atterré; il sentit la fayaute I1ouvelle.
et renrlant a colle-ci ce que l'étiquette ordonnait pour l'autre,


sortit a reculons comme on faisait devanL le rojo




44 UN lI1ENSONGE
Voioi l'histoire et voilit maintenant le pamphlet :
« Le tiers reste dans la salle gén()rale ou Mira-


« beau, soutenant son opposition par des paroles a
« effet, proposo une adres se au pays.


« Devant ces résistances, la cour prit le moyen
« que Mirabeau avait suggéré, elle fit appel aux
« baionnettes, non pour attaquer, mais pour maín-
" tenir la tranquillité a Versailles et a Paris.»
(Cahier de Mongré, p. 126-127.)


Ainsi c'est Mirabeau qui, en déclarant que leR
députés du tierR ne céderaient (IU'a la force, sug-
géra a la cour, a cette bonne ct innocente cour,
incapable de trouver cela toute seule, l'idée d'em-
ployer la force. .


Ils sont terriblement naifs, ó P. Terret, vos éliwes
de Mongré, s'ils ne roulent pas vos cahiers en bou-
lottes de papier pour vous les jeter au nez.




UN MAUVAIS MINISTRE


Un mauvais ministre, s'il faut en croire les
jésuites, c'est celui qui s'inspire uniquement des
intéreLs de ses concitoyens, qui n'a d'autre préoc-
cupation que la gloire de sa patrie, qui ne sacrifie
pas les droits de l' Etat aux prétentions de l'Eglise.


Le cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII,
n'hésita point, lorsque le patriotismc le lui com-
manda, a s'allier aux puissances protestantes cúntre
l'Autriche et l'Espagnc catholiques.


Les jésuitcs qui, dcpuis la fondation de leur ordre,
étaient les bons ami s de nos ennemis les Espagnols,
les jésuites qui avaient travaillé de leur mieux a
amener le démembrement et l'asservissement de
la France, ne pardonnent pas a Richelieu de s'ütre
souvenu qu'avant d'etre cardinal il était Frangais.


Voici comment le P. Gazeau parle de ce grand
ministre et de ce grand patriote :


« Il nous apprend lui-meme dans ses écrits qu'il
«( avait eu d'abord quclques scrupules a s'allier
« avec l'hérésie.


« Il en aurait eu beaucoup s'il avait pu prévoir
« qu'un jour iI mériterait des historiens véridiques


3.




46 {J'\ :\UUVAIS MINISTRE
« le tJ'isle élofJe d'avoii' été non pas un cardinal
(( de la sainte EfJlise, mais tout simplement un
« cardinal d'Etal. » (Cahicr de Ste-Gcneviévc
p.311.)


Tout simplemcnt cst un chef-d'ccuvrej la politi-
que de Riehelieu, continuée par Mazarin, nous
valut fout simplcmcnt Met¡¡;, l' Alsace, le Houssillon,
et l'Artois.


Le P. Gazeau, cet exeellent patriote, a vraiment
bien le temps de s'arrCtcr a quclques misérablcs
provinctls de plus ou de inoins ! 11 voit les choses de
hallt. Que le tel'1'itoire fraw;¡ais s'ag!'andisse ou
díminue, qu'importe aúx jésuites?


Ah! si Riehelieu eut été ún cardinal de la sainte
Eglise, si, au lieu de laisscr aux protestants le
libre ·exercice de lcur culte, il les eut persécutés,
s'il cut, comme Louis XIV, forcé qtit'lques cen-
taines de milliers de citoycns franc;:ais a s'exilcr
pour COnserve!' lcur religion, s'il cut chel'ché, non
,'t ág!'andil' la France, mais a plaire aux jésuites,
ceux-CÍ ne lui murchandcraient pas leurs elages !




UN BON MINISTRE


Un bon ministre, un ministre selon le ereur des
jésuitcs, c'est l'abbé Dubois, qui fut nommé suc-
eessivement ministro sous la Hégence, archevcque
de Cambrai et cardinal.


A une époque qui ne passe pas pour avoir été
d'une sévérité de mreurs excessive, la fortune
inoule de ce eynique personnage fut considérée
par tous comme un scandale.


Le due de Baint-Simon a tracé dans ses Mémoires
un portrait de Dubois qu'on n'oublie guare apre¡.;
l'avoir lu.


( Tous les vices, ditSaint·Simon,eombattaient en
« lui a qui en denwure,ait le maitre. Ils y faisaient
« un bruit et un combat continuel entre eux. L'a-
« varice, la débauche, l'ambition étaient ses dieux;
« la perfidie, la flatterie, les servages, ses moyens;
« l'impiété parfaite, son repos; l'opinion que la
« probité et l'honncteté sont des chimeres dont on
(( se pare, son principe.


(( Il exeellait en bases intrigues, iI en vivait, il
(( ne pouvait s'en passer. Le mensonge le plus
« hardi lui était tourné en nature avec un air sim-




48 UN BON MINISTRE
« pIe, uroit, sincere, souvent honteux ... n s'était
« accoutumé a un bégayement factice pour se don-
« ner le temps de pénétrer les autres ... Une fumée
« de fausseté lui sortait par tous les pores. »


Ajoutons que l'Angleterreuonnait a Dubois une
pension de 50,000 écus par an pour trahir la France.


Voila l'hommo que les jésuites essayent do
réhabiliter !


Le P. Gazeau, qui connait bien mieux l'abbé
Dubois que Baint-Simon son oontemporain, essaye
de prouvel' que ce pauvre cardinal de la saintc
Eglise a eté indignement calomnié.


Ouvrez le cahier de Bainte-Genevievc, page 128:
« Le régent nomma Dubois archevcque 'de Cam-
« brai ot on lui conféra tous les ordres sacrés dans
« la meme semaine et non pas le meme jour,
« comme l'a dit Saint-Simon, jaloux de son crédito


« Son prétendu mariage en provinc8, la pension
« qu'ilaurait reQue du gouvernement anglais,
«l'immonse fortune qu'il aurait amassee aux
« dépens du Trésor, voila autant de calomnies qui
« restent a la charge.de ses ennemis.


« Les jansénistes ne lui pardonnércnt pas le
« second Cl~registl'ement de la bulle Unigenitus.
« Le souverain pontife lui en témoigna Sii satisfac- .
« lío n en lui donnant le chapeau de caí'dinal. )


Dubois fut persécuteur, voila le sccret de l'admi-
ration que le P. Gazeau lui témoigne; cet archevc-
que qui reQut tous les ordres en un jour d'apres
Saint-Simon, en huit selon le P. Gazeau, ce cardinal
qui ne croyait pas en Dieu, inaugura par l'enre-




UN BON MINISTRE 49
gistrement de la bulle Unigenitus la série des mesu-
res ridicules ou odieuses qui signalerent la perséeu.
tion dirigéo par les jésuites contre les jansénistes.


II semble pourtant que l'apologie de cet ignoble
personnage ne laisse pas que d'exciter quelque
dégout memo ehez les jésuites. Voici comment
le P. Terret parle du ministre que défend son eol-
legue le P. Gazeau :


( Au lieú d'envisager le bien du pays, Dubois
« travaillait plutót pour celui du due d'Orléans ou
( pour le sien propre. e'est lui qui avait fait signer


. {( la triple alliance, utile au régent, nuisible a la
({ gloire et aux intéréts de ['Etat.


C( n fit enregistrer la bulle Unigenitus et for<;a
({ les jansénistes a l'obéissance, mais il usa de ce
" serviee rendu a l'Eglise pour arriver, indigne
« qu'il en était, a l'archeveché de Cambrai et au
« eardinalat.


( hn 1723, comblé de dignités, .mais non point
{( d'honneur, il alla rendre eomptei:t Dicu de l'état
« d'impiété et de licence OU le régent, son éleve,
« avait mis la France. Quatre mois apres, le régent
«( mourait d'apoplexie foudroyante. » (Cahier de
~longré, I. p. 55, 56.)


11 faudrait pourtant s'entendre : Qui donc a rai-
son dans ce débat ? Est-ce l'apologiste ou le détrac·
teur du cardinal Dubois? Est·ce le pape qui témoi-
gna sa satisfaction a Dubois ·en le nommant
cardinal, ou le bon Dieu qui fit mourir le régent
d'apoplexie foudroyante pour le punir d'avoir
livré la Franee a un pareil ministre?




ü'Esrr LA FAUTE A VOVrAIR~j!


Je suis tombé par terre,
C'est la raule ¡'¡'Yoltaire!
Le flez dan s le ruisseau,
C'est la faute ¡¡ Rou~seau !


Ainsi chante Gnvroche dan s les Mis/!rable,,; ce
refrain du gamill de Paris peut ütre considél'ó
comme la Jlarseillaisc des jésuites.


n n'est sorte d'injures, d'inepties, do sottises que
les bons peres n'entassent au pied de la statue ele
cet affreux Voltaire.


L'abbé Maynard, écrivain filandreux qui fait au-
torité, parait-il, dan s le camp clérical, eonsacre á
Voltaire plusieurs volumes. L'abbé i'p,ussit surtout
dan s le gcnre ennuyeux, ce n'est pas un adyersaire
bien redoutable.


Le ThéiÍtre chrétien d'éducation du H. P. G. Lon-
ghaye, de la compagnie de Jésus, contient uno pieeo
intitulée A Ferney.


Gavroche, dont nous parlions tout a l'heure,




51


n'eut sans doutc pas voulu signer les vors sui-
vants :


Tous les doos de I'esprit sont échus á Voltaire,
:\Iais Dieu lui refusa tous ceux du caractiJre.


~ous ne savons si Dieu a donné au P. Longhayo
les dons du earactere, mais noUs plaignons sériou-
sement les malheureux jeunes gens qui sont con-
uamnés a Uro et a apprendro seS pieces.


Encore ne connaissons-nous du poete jésúitc
qu'uno petite comédie en un acte; un frérbit en
songeant qu'il a composé plusieurs tragédies en
cinq aetes et en verso


Un autre jésuite, le P. Mestrc, quí n'a pas, comme
le P. Longhaye, rer;u du Ciel l'influetl<:e secl'¡\[e,
se contente d'injurier Voltai¡'e én prose.


« Dieu, nous dit le P. ::\Iestre, permit, pour le
c( malheu1' de la Franee, que la voix du inonsonge
c( prévalut; le blaspheme, grace ú Vol~airo, devint
« a la mode. nieu, consptié dan s son Eglise, dans
c( son culte et dans ses sacrements, semblait se ro-
ce tirer de cette socióté gangrenée et les sages,
ce épouvantés, presseI1taieht uh immerise clüUi-
(e mento


« Voltaire mouI'ut daris la rage et le déses-
« poir; la sépulturo catholiquc lui fut refusée ú
« Paris. Son digne neveli, l'abbé 1\1ignot, fit eníoe-
« veli1' son hideux cadavre.


« On peut admirer resprit ue Voltairc, il éÍl avait
« prodigieusement; mais malheür Ú cBlui qui ai-
( mera cet homme-lú! »




52 C'EST LA FAUTE A VOLTAIRE 1
'" Voltaire, qui fit ses classes chez les jésuites, écri-


vait, en parlant d'un de ses anciens maitres, le
P. Porée: « Jamais homme ne rendit l'étude et la
vertu plus aimables. Les heures de ses leQons
étaient pour nous des heures délicieuses. »


Nousdoutons que de pareils éloges soient jamais
adressés, au P. Mestre par ses anciens P.Ieves.


Néanmoins le P. Gazeau a trouvé mieux encore
que le P. Mestre : S'il y a de par le monde des
gens sans bonne foi, des voleurs, des prévarica-
teurs, c'est la faute a Voltaire!


Voici ce qu'il dit des spéculations honteuscs qui
eurent Heu sous le Directoire : « On vit des usu-
« riers, qui n'avaient prcté que 300,000 francs a
(( I'État, se faire inscrirc sur le grand-livre pour
« une créance de 12 millions. La philosophie du
« dix-huitiE3me siecleet la Révolution avaient ruiné
({ tout principe religieux et moral, éteint tout sen-
«( timent d'honneur. » (Page 249,)


Les agioteurs de l'époque directoriale, dont quel.
ques-uns, comme le fameux banquier Ouvrard,
furent plus tard d'excellents royalistes, n'étaient
point démoralisés par la lecture des écrivains du
dix-huitieme siécle. La plupart d'entre eux étaient
gens pratiques, peu sensibles aux spéculations phi-
losophiques.


QueIques-uns se souvenaient peut-ctre d'avoir
assisté dans leur jeunesse au proces d'un voleur
fameux, le pere jésuite Lavalette, condamné en
1762 par le parlement de Paris pour banqueroutc
fráuduleuse.




C'EST LA FAUTE A YOLTAIRE! 53
Est-ce encore Voltaire qui est responsable des


opérations scabreuses de ce digne jésuite?
Ce P. Lavalette dirigeait aux Antilles une maison


de banque et de commerce. Ses créanciers trompés
s'adresserent a la compagnie de .Tésus pour otre
remboursés.


Les jésuites déclarerent qu'il" n'étaient unis
entre eux que dans l'ordre spirituel, mais qu'ils
n'étaient pas solidaires pour les intércts maté-
riels; c'est-a-dire, en bon franQais, qu'ils étaient
unis pour empocher les bénéfices, mais qu'ils se
refusaient absolument a supporter les pertes.


Et voila les gens qui parlent de morale et qui
attaquent celle des philosophes du dix-huitiéme
siécle!


C'est a la suite de ce procés du P. Lavalette que
le parlement de Paris rendit un arrot, non abrogé
depuis, qui bannit les jésuites de Franca.




LA PUDEUR D'UN JÉSUITE


C'est encore ati P. Gazeau que nous empruntons
l'étonnant extrait qu'on va lire ..


n s'agit de deux des plus graÍlds peintres de la
renaissance: de Raphacl et de Michel-Ange, ami s
tous deux des papes J ules II et Léon X, qui les
firent venir aRome pour décorer le Vatican ot
l'église Saint-Pierre.


Laissons la parole au P. Gazeau:
Malheureusement, leurs amvres, méme religieuses, bien


qu'elles surpassent en beauté extérieure celles des autres
artistes, n'onL souvent rien qui vienne de Dieu, rien qui con-
duise a Uieu, paree que ces deux génies, estimant l'art plus
que la foi, n'ont pas soumis leur travail aHJ' 1'IJglcs de 111
pudeur chrétienne.


Tartuffe disait á Dorine:
Cachez ce sein que je ne saurais voir.


Le 1'. Gazeau fait mieux encore, iI .reproche a
Raphaol d'avoir trop décolleté la sainte Vierge.


Devant ces tableaux, dont quelqucs-uns font le




LA PUDEUR D'UN ,rESUlTE 55
plus bel ornement de la résidenec de Léon XIII, il
se voile la faee. Son esprit, hanté par je ne sais
quelles visions lubriques, lui fait déeouvrir d'abo-
minables seélératesses dans les eonecptions les plus
idéales et les plus ehastes.




CHARITÉ CHRÉTIENNE


Le P. Terret ne peut se con soler des adoucis-
sements apportés aúx lois pénales pendant le regne
de Louis-Philippe.


( Il Y eut, dit-il, tendance vers l'abolition absurde
« de la peine de mort, meme en matiere criminelle.
« On admit le bénéfice des circonstances atténuan-
« tes, on supprima la marque, le carean, la muti-
« lation du poing pour les parricides; les chaines
» des forgats furent remplacées par les voitures
« cellulaires. Cette bénignité envers les criminels
« contribua, comme on devait s'y attendre, a en
« aHgmenter le nombre. »


Quel dommage que la torture soit abolie! Le
P. Terret pourrait, --comme Dandin a Isabelle,
proposer a ses éIeves d'aller voir donner la ([ues·
tion ; cela fait toujours passe!' une heure ou deux.




LA RÉVOCATION DE L'ÉDIT DE NANTES


Parmi les prérogatives de l'Eglise catholique, les
jésuites n'ont garde d'oublier le droit de proscrire
les autres cultes.


Aussi approuvent-ils pleinement la conduite de
Louis XIV lorsqu'il révoque l'édit de Nantes, viole
la parole donnée par son aieul Henri IV, et force
a s'expatrier les protestants qui voulaient conser-
ver leur religion.


Cet acte d'intolérance et de fanatisme, inspiré par
le pere jésuite Lachaise, confesseur du roi, porta
un coup fune~te a la puissance et a la fortune de
la France.


Mais qu'importe a nos dévots historíens? Le
P. Terret nous déclare que « l'égalité des cultes est
un príncipe révolutionnaire », et le P: Gazeau que
« l'unité religieuse est la garantie nécessaire de
« l'unité poli tique ».


Pourtant le P. Gazeau s'efforce plutót de plai-
der les circonstances atténuantes en faveur de
Louis XIV: (( Si Louis XIV fut coupable, la France
presque tout entiere le fut avec lui. »


Le P. Terret, lui, justifie compIetement la révo-




58 LA REVOCATlON DE L'ÉDlT DE NAN'l'ES
cation: « Le roi, apres mur examen, crut pouvoir
« et devoir supprimer légalement l'édit de son
({ aleul, qui de fait était aboli ou qui n'avait plus
( sa raison d'6tre.


«( Cette révocation, tt laquelle les protestants les
r( plus éclairés s'attendaient depuis longtemps et
« que les catholiques fran9ais accucillirent avec en-
( thousiasme, est devenue pour les libéraux mo-
( dernes, crédules lecteurs des mémoires roma-
c( nesques de Saint-Simon, un theme inépuisablc
r( de déclamation contre Louis XIVet l'intolérance
« de I'Eglise.


« Malgré tout ce qu'on a pu écrire, nous croyons
« que cet acte célebre, considéré dans son ensem-
« ble, fui Iégitime et prudent. Yl (Cahier de Mongré,
1, p. 32.)


On nc voit pas que les mesures de violence ou
de corruption employée1'! pour ramener les ames
a la vraie foi excitent aucunement l'indignation
de nos jésuites. Il les enregistrent sans mot dire,
sans bhlme et comme chose toute naturelle.


Les bons apótres de la liberté du pero de famille,
qui poussent les hauts cris parce qu'on veut Oterle
droit d'enseigner a des congrégations qui n'ont
pas meme le droit d'exister en France, trouvent
tout simple que Louis XIV ait permis, par une or-
donnance-de 1682, d'enlever auxprotestants leurs
enfants agés de sept ans pOUY les convertir au
catholicisme.


Ils n'ont pas Hn mot de bláme contre le maqui-
gnonnage desconsci'ences pieusement organisé par




LA rui.:VOCATION DE L':EJH'l' l)!J: NANTES 59
Mmo de Maintenon, contre la Caisse des converswns
destinée a payer ceux qui abjuraient.


On a retrouvé ]e tarif édifiant de ces conversions ..
Dans l'armpe, l'áme d'un simple fantassin ne se
payait que deux pistoles, mais eelle d'un cavalier
en yalait trois. Les {tIlleS portant galons étaient
plus cheres: on donnait aux sergents quatre pistoles
et la conscience pure d'un maréehal des logis
:,;'aehetait jusqu'a six pistoles.


Il se trouva pourtant des récalcitrants, d~ mi-
:,;érables qui ne vendaient pas lem foi pour une
pieee d'or. e'est alon: qu'on eut reeours aux dra-
g'ons, aux missionnaires bottés.


« Le roi, éerivait Louvois, le 23 novembre 1685,
« a été informé de l'opiniatreté des gens de la reli-
« gion prétendue réformée de la ville de Dieppe,
« pour la soumission desquels il n'y a; pas de plus
« sur moyen que d'y faáe '/;enir beaucoup de ca-
« valerie et de la {aáe viere chez eux fort licen-
« cieusenwnt. »


Aillcurs, Lou vois. prescrit « de pennettre aux ca-
« valiers le désordre nécessaire pour tirer ces gen~­
« la (les réformés) de l'état oú ils sont. »


Que l'éloquenee est done une belle ehose! Ces
dragons, qui vivaient dans les maisÜ'l:ís protestantes
avec tout le désordre néeessaire et fort licencien-
sement, se transforment, sous la plume du P. Ga-
zeau, en proteeteurs des missions catholiques. Ce
sont ces coquins de réformés qui ont commencé 1
« On fut obligó, dit l'historien de la rue des Postos,
« d'envoyer dans leurs maisons des soldats char-




60 LA RÉVOCA'l'ION DE L'ÉDI'l' DE NANTES
<1. gés de protéger les missionnaires catholiques.»


Du reste, si un fait gene les jésuites, le procédé
est simple: ils le suppriment. C'est ainsi qu'on
nous affirme « que les violences des dragons ne
« couterent la vie a aucun calviniste ». Et ceci
quand ilreste une lettre de Louvois a Boufflers ()u il
dit:


« Il eut été a désirer qu'on cut fait tirer par les
« dragons sur les femmes de la religion prétendue
« réf9rmée de Clérae, qui se sont jetées dans le
« temple lorsqu'on en a commencé la démoli-
« tion.»


Plus loin, on nous dit encore : « Le dernier article
(; de l'édit leur promettait qu'ils ne seraient pas
« inquiétés pour cause de religion. » Mais le
P. Gazeau n'ajoute point que cet arUcle resta lettro
morte et ne fut point exéeuté.


Qu'on lise l'ouvrage d'un historien qui n'est
certes pas démoerate, l'Histoire de Louvois par
M. Camille Rousset, ex-eandidat réaetionnaire dans
le VIo arrondissement de Paris. On y verra (vol. III,
p. 496) l'énumération des violenees auxquclles
furent en hutte, apres la révoeation, les protestants
qui persistaient dans leur croyance: pour les
hommes, la mort; pour les femmes, la marque. A
Metz, on déterra les cad av res des relaps, qui
avaient abjuré sur le lit de mort le catholicisme
qu'qn leur avait imposé, on les jugea. solennelle-
ment, on les fit trainer sur la claie dans les rues
de la ville .


. Dans les Cévennes, dans le Dauphiné, plusieurs




LA RÉVOCATION DE L'ÉDIT DE NANTES 61


ministres protestants furent condamnés au sup-
plice infame de la roue. Quelques-uns voulaient
haranguer le peuple; on étouffa leur voix sous le
roulement des tambours; étrange analogie avec les
dernier moments de Louis XVI!


Eh bien, il ne suffit pas au P. Teeret d'approu-
ver toutes ces oruautés, il faut qu'il rie aux dépens
des persécutés, qu'il se moque des victimes des
dragonnades.


« Les d1'agons de Louvois, dit-il, exercfwent une
« pression pAU évangélique,. mais ces inconvénients
« accidentels, indépendants de la mesure prise, ne
« peuvent la rendrA mauvaise elle-méme.


« Les avantages résultant direotement de la
« révocation furent de beaucoup supérieurs aux
« désavantages; la religion catholique reprit ses
" droits imprescriptibles, 1e roi se montra s6n
« digne fils et protecteur, les révoltes religieuses
« devinrent plus difficiles a. l'avenir,. enfin un
« grand nombre de FranQais rentrerent sinccre-
« ment dans le sein de la véritable Eglise, soutien
« des Etats et salut des particuliers.


« Parmi les nouveaux convertis, n'oublions pas
« de placer lés anoctres de ces vaillants Vendéens,
« appuis, aux jours mauvais, du tróne et de l'au-
« tel.» (Cahier de Mongré, I, p. 32, 33.)


Apres l'éloge du roi qui force a quitter la France
quelques cenlaines de milliers de sujets fideles, il
fallait bien faire l'apologie des insurgés vendé en s
de 1793, alliés deR Prussiens,· deR Autrichiens et
des Anglais.


4




,o.¡?, LA a.F;VO.(:ATWN DE ,1;.'ÉDI'l' DE NANTES
Comme Louis XIV, les Vend¿cns mettaient au:


dessus de la patrie les intércts de l'Eglisc; commc
lui, ils é~aicnt guidés par le fanatismo et les pas-
sions religjeuscs.




COMMENT ON ÉGRIT L'HISTOIRE
A MONGRÉ


Les :iésuites n'ont qu'une aclmiration modérée
pour Louis XVI. {( Il prouva sou.vcnt par sa con-
" duite, dit le P. Gazeau, qu'il ne suffit pas pOUl'
{(un roi de s'cn tenir a la défiance ele soi-meme et ({ a la résignation chrétienne. ))


Louis XVI eut le tort de se résigner, en appa-
rence du moins, aux réformes votées par la Cons-
tituantc. I1 eút été plus rhréticn san s doute de fail'c
pendre ou rouer les vingt millioris de manants qui
l'éclamaient la liherté ot la suppression dos privi-
leges.


Il est vrai que Louis XVI eut, depuis, dans sa
eonduite quelqucs actes qui font qu'illui sera heau·
coup pardonné .... par les jésnites.


Tandis qu'il pl'oclamait bien haut ot a toute occa-
sion qu'il aéceptait loyalement la constitutión, iI
excitait secl'éLemcnt les étrangers a envahir la
Franee pour rétablir l'ancien régime. Il corriptaÍt
impatiemment les jours de marche quÍ sépáraient




64 COMMENT ON ~:CRIT L'HIS'l'OIRE A MONGRE
encore l'armée prussienne de Paris. Il désorgani-
sait la résistance en nommant des ministres déei-
dés a laisser vainere la France.


'l'outes ces hypocrisies, cette longue trahison de
l'année 1792 finirent par exciter contre le roi une
haine unanime. La Convention ne fit que suivre
l'opinion publique en votant la mort du parjure,
allié de l'Autriche et de la Prusse. On peut trouver
la mesureimpolitique, a coup sur le cha,timent
était juste et mérité.


Le P. Terret entreprend de nous démontrer que
eeux qui eondamnerent Louis XVI auraient bien
voulu l'absoudre et que ce coupable personnage,
dont l~ proces dura deux mois, fut accusé, jugé
et mis a mort par surprise.


« Le premier acte de la Convention fut de déela-
« rer la royauté aboJie en France, le second, de
« proclamer la république, le troisieme, de vote!'
« la mort du roi.


« Malgré l'esprit révolutionnaire de l'Assemblée,
« ee dernier vote fut plus extorqué qu'obtenu.


« Non seulement la plupart des députés répu-
« gnaient a tremper leurs maíns dans le sang d'un
« roí ínnocent, mais encore ils se regardaient
« comme incompétents pour le ,jugcr. » (Cahier de
Mongré 1, page 147.)


Autant de mensonges que de mots! On sait ce
qu'il faut penser de l'innocence de Louis XVI. Pas
un seul des sept cent quarante-neuf juges de la
C'JÜnvention n'osa dire: Louis XVI est innocent.


Les papiers trouvés dans l'armoire de fer établis-




COMMENT ON ÉCRIT L'HISTOIRE A MONGRÉ 65
aient d'une maniere irréfutable la culpabilité du
oi. Depuis on a publié une série de documents,
rlémoires, correspondances plus convaincants
ncore.
C'est le 15 janvier 1793 qu'on prouéda a l'appel


lominal sur cette question :
Louis Capet est-il couFible de conspiration con-


re la liberté de la nation, et d'attfmtats contre la
(Ireté générale de PEtat?


11 Y avait vingt-neuf mernbl'es absents, ce qui
éduisait le nombre des votants a sept cent vingt.


Trente-sept reconnurent Louis XVI coupable,
n se déclamnt incnmpétents poue pl'ononcer le
ugement.


Six cent qualre-vingt-trois déclarerent sans
xplication Louis XVI eoupable.
Le roi fut done rcconnu criminel a l'unanimité


,t trente-sept membres seulement jugerent la Con-
'enLion incompétente.


Nous voila loin des allégations fantaisistes du
). Terret. QU'on juge comme on voudra les actes
e la Convention, mais qu'on ne falRifie pas l'his-
:lire!


4.




CE BON MONSlEI1R TRESTAILLONS


On connait les erimes horribles commis par les
bandes royalistes du Midi en 18/5, apres le retour
de Louis XVIII. CcUc triste époque a été justement
nommée la Terreur blanche; pendant plusieurs
mois, les departements du Gard, de Vaucluse, des
Bouches-du-Rhone furent ensanglantés par des
meurtres qui presque tous resterent impunis.


Des généraux, des soldats, coupables d'avoir dé-
fendu leur pays contrc l'étrangcr qui nous rame-
nait les Bourbons et les jésuites, furent impitoyable-
ment massaeI'és. Dans le Gard, les assassinats furent
si nombreux que le préfet royaliste, le préfet nommé
par LouisXVllI, M. d'Arbaud-Jouques, crut devoir
rappeler les Autriehiens. La présenee des troupes
alliécs dans le reste de la Franee était une ehal'ge
intolérable, un malheurj dans le (l-ard elle devint
uno proteetion; les bandits nimois se trouverent
momentanément eontenus.


Citons maintenant l'appréeiation du P. Terret sur
ces tristes événeinents :


« Les malheUl's oeeasionnés par le retour de l'ile
« d'Elbe avaient vivement irrité certaines popula-




CE BON lIfONSIEUR TRESTAILLO:<:S 67


« tions méridionales. Elles profiterent du change-
« ment de gouvernement pour se {aire jnstice
« elles-mémes.


« A Marseille, mas sacre de la colonie de mame-
« lucksamenée d'Égypte par Napoléon, a Avignon,
« assassinat du ma¡'échal Brune, aNimes, exces
« commis par Trestnillons, a Toulouse, assassinat
« du général Ramel. » (Cahier de Mongré I1, p, 13
et 14.)


Ainsi ce hon:NI. Trcstaillons qui commit quelques
légers exces, Tcestaillons l'assassin, le pillard, l'in-
cendiaire, est presquc justifié par le P. Terret.


Les populations du Micli, nous dit.on, se firent
justice et on ne les blame point, Savez-volls que
ce jésuite raisonne absolument comme Marat?


Ils prétendaient ausfli se faire justice cux-memes
les misérables qui, en septembre 1792, envahirent
les prisons, parodiE~rent les formes de la justiee et
égorgérent un grand nombre de pretres et ele roya-
listes.


Et pcndant la Communc, les assassins d'otages,
ceux qui fusillérent des dominicains, des jésuites,
ne llisaient-ils pas, eux aussi, qu'ils se faisaient
justice?


Si vous eondamnez ceux-ci, pourquoi absoudre
ceux-lit ? Ne voyez-vous pas qu'en ne flétrissant pas
Trestaillons vous excusez du meme coup les crimes
les plus abominables de la Commune ?




LES PERES MARISTES


Les maristes dirigent aetuellement vingt.deux
maisons d'édueation, fréquentées par einq mille
éleves environ. Apres les jésuites ils forment la
plus nombreuse de ces associations enseignantes
non autorisées que vise l'artiele 7 du projet de loi
de M. Ferry et qui travaillent de leur mieux a di-
viser la jeunesse en deux camps hostiles, en deux
Franee étrangeres et ennemies.
~~uelques détails donneront une idée de la fai-


bIesse de leur enseignement.
Uomme les jésuites, les maristes ont l'habitude


singulierement irrespectueuse de mettre Dieu en
sctme a tout propos et hors de propos.


Dans un département du Midi, OU les maristes ne
dirigent pas moins de trois maisons, un de leurs
professeurs a donné récemment le sujet de dis-
c 11l'S latin suivant: Dieu exhorte Rwh a al/el"
trouver Booz.


Admirable matiere a mettre en discours latin!
Jehovah démontrallt a la sainte femme Noémi
qu'cllc doit livrer sa belle-fille a un vieillard libi-




LES PERES MAldSTES 69
dineux, quel beau sujet de méditation pour des ga-
mins de seize ans !


C'est un fait digne de remarque que le liberti-
nage intellectuel de ces hommes qui ont fait vreu
de chasteté. Le malin les poursuit et les assiegc
nuit ?t jour.


Sur de sales obj ets il traine leur pensée.
On doit plaindre pl'utot que blamer ces malheu-


reux qui sont vietimes d'une regle absurde et im-
morale; ce n'est pas eux qu'il faut aceuscr, e'est la
situation ou les plaeent des vreux imprudents et
prématurés. Mais eomprend-on qu'il se trouve des
pores de fareille assez oublicux de leurs devoirs
pour eonfier a de tels hommes l'éducation de 'leurs
enfants?


Encore si les bons peres justifiaient eette préfé-
rence par les qualités de leur enseignemcnt, mais
non; leur enseignement ost au-dossous du mé-
dioere; s'il est une seienee qui demande plus d'ap-
plieation que les autres et un degré d'attention plus
soutenu. e'est l'étude de l'histoire. Chez les ma-
ristes, l'histoire ne s'étudie pas en étude, elle est
reléguée au réfectoire. Un maitre lit aux éleves
pendant qu'ils déjennent le précis d'histoire de
Gabourd.


Cette leeture, indigeste en tout temps, doit ctre
spéeialement nuisible et contraire a l'hygiene quand
elle est faite au moment des repaso


Que doit-il rester dans l'esprit des élEwes apres un
pareil enseignement? Rien, sans doutc. Tout au




70 LES PERES :'IURISTES
plus se souviennent-ils vaguement qu'on leur a
parlé de Richelieu pendant qu'ils déV'oraient des
lentilles et que Louis XIV est arrivé en memo temps
que les haricots.


On á blámé quelquefois un genre de punition en
usage dans les établissements universitaires et qui
consiste a faire copier des lignes aux éleves privés
de récréation. Les maristes ont trouvé mieux:
l'éleve puni doit transcrire une page grecque, latine
ou fran<Jaise a rebours; de sorte que, par exemple:
Sauvez Rome et la France s'écrira: Ecnarf al tr'
Emor zevuas.


Apres quelques années de cet exercice on estmúr
pour la méditation des perfections de saint Joseph,
mais non pour la confection d'un discours de bac-
calauréat. Il faut bien alors avoir recours a cette
Université que ron détcste et qu'on voudrait dé-
truire. Les révérends peres, avouant ainsi leur
nullité, engagent eux-mcmes leurs éleves a aller
chflrcher au lycée voisin l'instruction qu'ils sont
incapables de leur donner.


Dans le département da Var, les maristes ont
trois ínaisons. a la Crau, a la Seyne et a Toulon
m.eme; cinquante-hnit reiigieux s'y consacrcnt a
l'enseignement, et cependant les classes de rhéto-
rique et de philosophie du lycée de Toulon sont
encombrées d'anciens éleves de ces établissements,
qui viennent, apres de nombreux échecs, s'y pré-
parer au baccalauréat.


A Saint-.Tulien-en-Jarret, pres de Saint-Chamond
(Loire), les maristes n'ant paR pu trouver parmi




I,ES PERES MARISTES 71


eux un seul professeur eapablc de faire un eours de
philosophie pour le bacealauréat. Ils se sont Pr0-
euré le cours fait par le professeur d'un des lyeées
ele la eontrée, et íls s'en servent, sans avoir du reste
demandé l'autorisation de l'auteu!'.


Qu'on ne vienne pasnous soutenir, aprós tous
ces exemples, que la concurren ce relevo le niveau
eles études.




LES DROrrS DU PERE DE ~'AMILLE


La liberté n'a pas d'amis plus sinceres que les
jésuites; seulement ils l'aiment d'une affection si
jalouse qu'ils la réclament pour eux sculs et ne
veulent la partager avec personne.


O'est au nom de la liberté et pour défendre les
droits paternels contre des périls imaginaires qu'ils
combattent les projets du ministre de l'instruction
publique.


Sous le regnc de Louis X V UI, alors qu'ils étaient
tout-puissants et qu'ils dirigcaicnt a leur gré le roi,
les Ohambres et le ministere, comment protégeaient
ils eette liberté du pere de famille qu'ils invoquent
aujourd'hui? Si vous voulez le savoir, lisez la
seanee de la Chambre des députés du 11 avri11822.


Oette séance eut un grand retentissement.
On y discuta les pétitions de plusieurs protestants


qui réclamaient leurs enfants enlevés et convertis
par les pretres. De pareils faits n'étaient point rares
sous ce gouvernement qui prétendait protéger la
famille ct qui avait inscrit dans la Oharte la liberté
des cultes.


Un Anglais établi en France, M. Loveday, obligé




\
LES DROITS DU PERE DE FAMILLE 73


de s'absenter pe'Q.dant quelqucs mois, avait eu l'im-
prudencc de confier sa fille et sa niece, ,protestantes
commo lui, a une maison d'éducation catholique.
Les convertisseurs ne perdirent point de temps ; le
malheureux pere, a son retour, apprit que sa filIe
et sa niece étaient devenues catholiques.


J ustement irrité, il les retira immédiatemcnt
de cette maison; sa niéce renonga a sa nouvelle
croyance, mais sa fille s'enfuit dans un couvent.


M. Loveday chercha vainement a découvrir la
retraite de la fugitive; il invoqua l'appui des tri-
bunaux, qui refuserent de l'aider. C'est alors qu'il
s'adressa a la Chambre.


Lo député clérical qui rapporta la pétition,
M. Rumber! de Sesmaisons, accabla de sarcasmes
ct de railleries cruelles ce pere qui redemandait son
en.fant. Il lui reprocha de faire un effroyable ab.us
du nom paternel.


Un autre député de la droite, M. de Bonald, sou-,
tint qU'on óterait plutót a l'air sa fluidité et au feu
sa chaleur qu'aux prctres catholiquos la rage de
convertir les petits hérétiques malgré leurs parents.
Il ajouta que si leR personnes accusées méritaient
quelquc reproche, ce serait d'avoir montré trop de
tiédeur.


« Trop de tiédeur! s'écria un des orateurs de la
gauche, Manuel; trop de tiédeur! alors que la nieco
de M. Lovedaya été baptisée, confessée et admise
a lacommunion dans l'espace de quatre jours ! »


Manuel signala a la Chambre plusieurR faits ana-
logues. D'un bout de la France a l'autre, on volait,


5




".4 "ES DROl'l'S D1J PE RE DE FAMILI,E
pour les convertir, les enfants des protestants et des
israélites. A Bordeaux, a Agen, a Annonay, a Car-
pentras, a Niines, les protres, súrs de l'impunité,
portaicnt le trouble dans les famillcs.


La magistrature, dévouée au clergé, n'osait ni ne
voulait intervenir.


Ces révélations n'étaient point du goút de la ma-
jorité réactionnaire de la Chambre, et la droite in-
terroinpit ave e violence.


leí il faut citer textuellement le compte rendu
officiel :


M. MAÑGEL. - Ces plaiotes sont consignées daos ulle pé-
tition.


YOIX A DROI'IT. - .ITI! oh! l,oilá done sU)' quoi vous vous
/,ondez.'


M. ~IAi'iUEL. - Je répete que ces faits s0nt consignés daus
une pétition. Les pétitionnaires invoquent le témoignage' de
deux procureurs du roi.


La Chambre passa a l'ordre clu jour et ne fit pas
droit aux réclamations des pétilionnaires.


N'est-iI pas plaisant de "oir les clérieaux de lR22
traiter ainsi les pétitions adressées a la Chambre?


Il est vrai qu'il y a pétitions et pétitions : celles
que soutenait Manuel en 1822 étaient appuyées par
les eertificafs de deux procureurs du roi, qui avaient
eu le courage de braver la colero des clérieaux.


Quant a la liberté du pere de familIe, on voit ce
qu'elle clevient quand les jésuites dominent, et
quelle foi on doit ajouter a lems hypoerites décla-
mations.




LES DROITS DU PERE DE ~'AMILLE 75
Voici quelques détails complémentaires sur ces


vols d'enfaI!-ts; nous les prenons -dans le compte
rendu officiel de la séancc du 11 avril 1822.


« Sans rcmonter, disait Manuel, a cette époque
« de 1815 ou l'on a eu la douleur de voir, dans
« certain départcment, vingt conversions exécutées
({ au milieu des massacres, ne recueillons que des
«( faits postérieurs a cette époque malheureuse que
{( je ne veux pas rappeler.


{( Nous trouvons en 1819 un juif de Carpentras
« se plaignant a la Chambre de ce que ses deux
(( filies mineures lui ont été successivement enle-
({ vées par des moyens de séduction pratiqués par
« les congrégations religieuses.


c( Nous trouvonsen 1820 un sieur BrianQon, d'An-
« nonay, se plaignant au ministre de l'intérieur
« de ce que son enfant, ligé de treize ans, a dis-
a paru de sa maison. Allant a l'école chez un insti-
c( tuteur qui avait un neven prctre, celui-ci, assidu
( chez son oncle, fit tout ce qui dépendait de lui
« pour convertir cet enfant; et, profitant de sa fai-
«( blesseet de son inexpéricnce, il parvint a l'éloi-
f( gner de la maison paternelle. Cet eufant rentra
c( ensuite par les soins d'un prCtre charitable dans
« la maison paternelle ; il en sortit encore et dis-
« parut pendant un mois. Le pere e\1fin, par l'in-
f( tercession du commissaire de police, le fit enle-
,( ver d'une congrégation religieuse a Lyon, ou iI
« était parvenu apres avoir passé dans différentes
( eongrégations religieuses.


« Ce n'est pas tout : une pétition vous a été pn~-




76 LES DROITS DU PERE DE FAMILLE
« sentée depuis un mois environ j elle est d'un
(, sieur SaUeH et de sa femme, ouvriers aNimes j
« ils vous exposent que, forcés par lamodicité de
C( leur fortune de confier leur fille dangereusement
« malade, figée de dix-sept ans, a un hospice, ils ont
« appris bientot que cette fille y recevait des ins-
« tructions spirituelles qui tendaient a lui faire
« changer de religion.


( Des réclamations sont faite s aussitot; cette
« filIe, loin d'otre rendue a son pere, disparait de
« l'hospice. Elle est enlevée nuitamment et trans-
« portée a Aix, ou elle est placée dans un couvent.
« La elle est cachée a tous les yeux. Ses parents
« adressent une plainte au procureur du roi de
« Nimes; celui-ci fait des rccherches: on décou-
« vre le lieu de la retraite, on s'adresse au procu-
« reur du roi d'Aix qui fait faire des recherches a
« son tour ct qui parvicnt a la découvrir. Le pere
« arrive, il demande son enfant. On prétend qu'clIe
« est malade et on la soustrait a son affection.


« Enfin pour ne pas fatiguer la Chambre de
« détails, qui pourtant 80nt de nature a exciter
( tout son intérot, jo vous dirai que cette enfant
« ne sort de cette maison que par l'autorité de la
« justice, et elle ne rentre dans la maison pater-
« neUe que pour otre de nouveau obsédée par les
« convcrtisseurs. Ils provoquent des scenes ef·
« froyables dans la maison paterncllc; et ce mal-
« hcureux pere de famille est obligé, pour faire
( cesser un désordre si cruel a ses propres yeux,
«( de consentir a ce que su fille se retire dans une




LES DROITS DU PERE DE FAMILLE 77
« autre maison, afin d'y res ter désormais a la dis·
(, position de ceux qui la dirigent. »


Ces révélations n'étaient point faites pour plaire
a la majorité cléricalo ot réactionnaire do la Cham·
bre j aussi les députés do la droite so haterent-ils
de demander la clóture j il était plus Jacile de fer-
mer la bouche aux orateurs de la gauchc que de
leur répondre.


En vain Benjamin Constant monta a la tribune
ot s'écria : (J. Il faut savoir avant de prononcer, s'il
« n'y a pas d'autres faits de la nature de ceux qui
« vous ont été clénoncés, s'il est vrai qu'on abuse
« de rage des mineurs pour les convertir, malgré
« lcurs parents, a la religion catholique.


« Je viens de remettre a mon collegue M. Devaux,
( qui se disposait a prendre la parole, des pieces
( authentiques signées, qui prouvent que, clans le
« département de Lot-et-Garonne, une institution,
« placée sous la surveillanoe du gouvernement et
« autorisée par lui, a,converti au catholicisme un
« enfant de quatorze ans. »


La 016ture fut cependant votée malgré les efforts
de Benjamin Constant et de plusieurs autres dépu-
tés de la gauche.




COMMENT REMPLACER LES JÉSUITES


Les journaux qui soutiennent Iv, cause des
jésuites ne eessent ele poser a M .. lules Ferry la
question suivante: ( Etes-vous pret? Avez-vous
Sollgé a pourvoir a l'instruetion des vingt-mille
jeunes gens qui suivont aetuellement les cours des
congréganistos non autorisés? Comment l'omplace-
rez-vous oes eloux millo profcsseurs que vous allez
enlever a leurs élt'wes? »


Examinons la valeur ele ce raisonnemcnt, ({ui a
la prétention el'otre pratique ot basé sur la statis-
tique.


Le chiff1'e ele 20,000 éleves (HJ,0Gl) est celui eles
. éleves ele toutes les eong1'égations cnseignantes,
autorisées ou non. Pourquoi compto1' parmi los
éleves qui vont se trou ver sans maltres ccux eles
eongrégations autot'Ísées. dos lazat'istes, par
exemple, qui no sont nulloment menacés de voir
fermer leurs maisons?


Quant au chiffre de deux mille professeurs,
l'exagération cst encore plus manifcste. Dans l'état
eles assoeiations religieuses non autorisées, drossé
par les soins clu ministre elo l'intériour, le hut de




COl\IME~T REMPI,ACER LES JÉSUlTES 79
Cl'R associations n'cst pas toujours claircmcnt eléfini
et no pouvait pas l'otro. Bcauooup elo maisons reli-
giouses no s'occupont pas uniquoment de donncr
l'instruction a la jounosse, ot on a dú los rangor
sous les rubriques les plus diversos: enseignement
et prédication, missions etenseignemení, ministere
ccclésiastic¡ue ot enseignement. Comment distin-
guer parmi ces religieux, qui sont en effet deux
mille environ, eeux qui sont véritablemont profes-
seurs de eeux qui excrcent d'autros fonctions '?
N'ost-ce pas singulierement jouer sur les mols quo
do les rcpréscnter tous comme dos maitros quo
nous no pourrons remplacer, alors quo beaucoup
cI'cntrc eux se livrent, non a l'enscignement, mais
:'t la prédication ou au ministere ccelésiastique ~


:.l"e eonviendrait-il pas, d'ailleurs, de faire une
di~tinction entre l'a~ministration des maisons clé-
l'icales et le personnel enseignant proprement elit?
Pcut-on compter comme professours le pero diroe-
tour, qui a des fonetions analogues a celles d'un
provisour do lycée, et le pere proeureur (éeonome),
(lui s'occupc uniquement de la gestion financiere't


Dans beaucoup de maisons cléricalcs l'cnseigne-
ment ost confié a des professeurs lalques. A Areueil,
les clominicains n'ont pas un seul profcsseur con-
gl'éganiste. Les jésuitcs oux-momes admettent des
pl'ofcsscurs JaIques ú leur eollege de Vaugirarel; a
l'écolo Sainte-Gcnevievo, si les professcms qui font
les cuUt'S portent la soutane, en revanche les
colleurs, ceux qui font subir aux eandidats des exa-
mcns préparatoires, sont pris parmi les lalques.




80 COMMENT RllMPLACER LESJÉSUITES
C'est meme a cet élément étranger, qu'ils attirent


fort habilement chez cux par toutes sortes d'avan-
tages temporcls, que les jéwites doivent les succes
dont ils sont si fiers. Pour préparer au haecalauréat
ou a Saint-Uyr, le fanatisme ne suffit point, et
l'illustre P. Gazeau ou ses sueeesseurs ne pour-
raient rien s'ils étaient livrés a leurs seules forees.


Qu'on se rassure done; l'enseignement nc péri-
clitera point paree qu'on chassera ele leurs clm;ses
quelques jésuites ou quelques maristes 3ussi fana-
tiques' qu'ignorants. Les peres de familles n'auront
pas de peine, s'ils le veulent, á trouver pour leurs
fils des p1'ofesseurs d'un autremérite.


Parmi les professeurs des lycécs de l'État, il y a
862 agrégés. Que les jésuites veuillent bien nous
dirc combien parmi eux possédent ce titre d'ag1'égé,
qui est la véritable ga1'antic, \lon seulement de la
science du professeur, mais de son aptituele á
enseigner.


Qu'ils comparcnt les titres de leurs pl'ofcsseurs et
des professeurs de l'Université, et 1'0n verra s'ils
peuvcnt lutter, non pas avee nos lycées, dont le
personnel défie toute comparaison, mais simple-
ment avec nos eolleges eommunaux.


Ne sait-on pas que, dans mainte vme de pro-
vinee, les établissements religieux recrutent leur
pe1'sonnel parmi ceux qui ont été chassés du
college vqisin?


Si tous les éleves des jésuites venaient frapper a
la porte de nos lycées et de nos eolleges ils y t1'OU-
veraient un enseignement bien supérieur a tous les




COMMBNT REMPLACBR LES .JÉSUITES 81
points de vue a celui qu'ils rCQoivent actuellemcnt.
Mais il est probable que beaucoup d'entre eux pré-
fereront les établisscments libres.


Ce n'est pas, en effet, au détrimcnt des lycées ot
colleges de l'Université que l'enseignement des
eongrégations religieuses a pris une si grande
extension depuis quelques ann¿cs. Si l'on compare
la situation des lycées etcolleges en 1865 et en 1876,
on voit que, dan s cette :période de onze années,
malgré la pcrte des trois lycées et quinze colleges
de l'Alsace-Lorraine, l'Université .a gagné pres de
14,000 éleves (79,231 en 1876, au lieu de 65,668
en 1865.)


Au contraire, si nous considérons l'enseignement
secondaire libre, nous voyons que, deplÜs 1865, les
maisons lalquesont perdu 11,760 éleves, tandis que
les établissements elérieaux en gagnaient 11,919.


Encore ces chiffres, que nous prenons dans une
statistique officielIe, ne donnent pas la mesure
exacte des progres accomplis par les cléricaux.
Beaucoup d'institutions lalques vaincues par la
concurrence des congrégations, ont dü abandonner
presque entit~rement l'enseignement secondaire,
qui mene au baccalauréat et aux écoles du gouver-
nement, pour la préparation du volontariat d'un
ano Leurs éleves., qui passent quelques semaines
seulement a préparer un examen tres facile, ne
peuvent pas otre comptés comme éleves séricux.


D'autre part, un certain nombre de chefs de pen-
sions lalql,les se sont faits les humbles vassaux
des jésuites. Des suecursales rc~oivcnt les éleves


ó.




82 COMMENT REMPLACER LES JESUlTES"(
parcsseux ou indiseiplinés que les épuratitiiis:,
annuelles font sortir de la maison principale.· De ",
telles pensiolls ne sont Jaiques que de nomo ' '.)


Destinées aux [ils de fa.millc, ces maisons ·font. Ij
i


assaut de luxe et d'apparat; nous en pourrions ,~
citer une qui, sur ce J)oint, a battu toutes les autres: 1
elle possede un eoncicrge déeoré de la Légion J
d'honneur. j
.~ Aussi ne le nomme-t-on point concierge, mais .1


bien surveillant de la porte; ee beau titre ne change í
rien, hélas! a ses attributions subalternes, et le
pauvre chevalier doit tirer le corrlon comme un
simple mortel.


C'est du reste un bel homme, a la tournure mar-
tialc, le plus splendidc des eoncicrgcs, et qui a
incontestablemcnt plus de pl'estance que son
patron, le chef de l'institution.


Il est cel'tain que lC8 révércnds peres s'cfforccront
de ne pas abandonner leurs éleves á la dent du
monstre universitaire, et que, la Joi votée, il faudra .
lutter contre une multitude de subtcrfugcs, de
faux fuyants eL de subtilités.


Lcs cléricaux, qui rcprochent a M. Ferry de n'étre
pas prct a recevoir leurs éleves, savent mieux que j
personne que ce n'est lá qu'un argument de pal'ade
destiné a amuser les badauds. Eux sont préts, si le .
ministre ne l'était pas; ils ont leurs hommcs de· ~
paille, leurs prcte-noms tout disposés a appeler
chez eux les enfants qui ll'iront plus chez les
jésuites.


C'est peut-ctre la le reproche le plus sérieux qu'on




COMMENT REMPLACER LES .JÉSUITES R3


puisse faire au projet de loi; ii constitue une amé-
lioration partielle insuffisante. Parfai~e pour la
forme, eette revendication des droits de I'Etat en
matiere d'enseignement, ne produira peut-otre
point dans la pratiquc tous les résultats qu'on
attend.


Il faudra en venir au granel moyen, au seul effi-
cace: l'exécution stricLe et absollle des lois sur les
uongrégations.


L'essentiel pour le moment est de poser en
principe que la liberté d'enseigner ne peut otre
ahsolue et illimitée, que l'Etat, représentant la col-
lectivité des citoyens, a le droit de veiller sur tous
les établissement d'instruction.




LES TITRES DES RÉVÉRENDS PERES


Les jésuites ont des amis bien maladroits; les
journaux qui défendent leur cause, la Liberté, et
apres la Liberté le Figaro, nous ont révélé les
titres des révérends peres qui font concurren ce a
nos professeurs de lycéc.


Sur quatre eents jésuites qui se consaerent a l'é·
ducation de la jeunesse, savez-vous combien pos-
sedent ces grades que l'Université exige de ses
maitres avant de les nommer professeurs?


Ils ne sont. pas cent; ils ne sont pas vingt, pas
meme dix ! lIs sont trois ; trois, sans plus, sur qua-
tre cents : deux docteurs es scienees et un agrégé
d'histoire ; trois pour vingt-sept colleges et plus de
dix mille éleves.


Et e'est de la qu'on part pour nous démontrer
que les intércts de l'enseignement sont liés au
maintien des jésuites, que leur renvoi serait une
cause d'abaissement irrémédiable.


Si les jésuites, en fondant des colleges, en atti-
rant a eux les jeunes gens, n'avaient en vue,
comme on le dit, que les progres de l'enseignement,
leur premiet' süin ne devrait-il pas otre de rassem-




LES TITRES DES REVERENDS PERES 85
blel' un corps de professeurs capablcs, insh~uits,
garantis par des titres obtenus au concours?


Quelle loi leur a jamais défendu de se présenter
a nos agrégations des lettres, des seienees, de phi-
losophie, d'histoire ~ Les portes de la Sorbonne
sont ouvcrtes a tous au momcnt de ces eóncours.
Pourquoi les jésuites ne viennent-ils pas disputer
aux la"iques ces grades si enviés et si difficiles a
obtenir?


N'áyant pas été a la peine, pourqi.loi voudraient-
ils otre a l'honncur ?


On nous dit, il est vrai, qu'a cóté de ces tl'ois
professeurs ayant des titres universitaircs, il y en
a d'antres recrutés dans diffél'entes professiolls :
des officicrs d'artillerie, du génie, des capitaines
de vaisseau, des ingénieurs, un lieutcnant de chas-
seurs a cheval. Cc sont la sans donte des hommos
remarquables a différents titres et qui ont düfail'e
leurs preuves dan s les diverses carrieros qu'ils ont
abandonnécs pour entrer dans l'ordre des jésuites ;
sont-ils professeurs eapables?


On ne confierait pas une frégate a un docteur
es lettres ; pourquoi con fiel' une elasse a un aneien
éleve de l'éeole navalc ?


Quelle meilleure preuve de la difficulté qu'éprou-
vent les jésuitcs a trouver parmi eux un personnel
enseignant convenable que eette néeessité ou ils
sont de s'adresser a ceux-la momes que leurs études
premÍ(~res n'ont pas préparés spécialement au pro-
fessorat?


D'ailleurs, ces professeufs qui ont pas~é parle~




86 LES TITRES DES RBVBRENDS PERES
écoles du gouvernement sont eux-memes en petit
nombre. On nous en cite en tout quatorze, qui
forment l'état-major de l'enseignement jésui-
tique, mais on se garde bien de parler du gros de
l'armée.


Et que serait-ce si, laissant de coté les jésuites,
on daignait nous apprendre ce que valent les pro-
fesseurs maristes, eudistes, basiliens, barnabites,
les protres du Sacré-Camr,les peres de saint Irénée,
en un mot tous les ígnoran:tins de l'enseignement
secondaire ?


Dans l'enseignement primairc, les bons freres
ont substitué au brevet laborieusemcnt conquis la
lettre d'obédience accordée par l'évoque. Dans leurs
'colleges d'enseignement secondaire, les cléricaux
n'ont, a de rares exceptions pres, qúe des profes-
seurs dont on ne voudrait pas dans le dcrnier de
noslycées.


Qu'on ne nous objecte pas les succes obtenus par
les éleves des jésuites á certains examens. Dans
presque toutes les maisons qui préparent au bacca-
lauréat et aux écoles, les bons peres, avouant ainsi
leur incapacité, font appel a des professeurs lalques.
C'est a ces professeurs qu'ils SOllt redevables des
succes qu'ils revendiquent ensuite impudemment
comme leur oouvre propre.


Rendons d'ailleurs a chacun ce qui lui est dli :
nos professeurs de lycée ne cherchent point uni-
quement a faire de leurs éleves des candidats heu-
reux au baccalauréat et aux divers examens. Leur
but est plus élevé : ils s'efforcent d'éveiller les jeu-




LES TITRES PES RÉVÉRENDS PERES 87
nes intelligences, de elévelopper les aptitudes per-
sonne11e8, d'apprendre a juger, a penser.


Tous eeux qui ont la pratique de l'enseignement,
uepuis l'instituteul' de village jusqu'aux professeurs
de nos graneles villes, savent combien il est c1iffieile
el'habituer les enfants a réfléehir par eux-mcmes,
combien iI est pl~s simple de eharger et de sUl'char-
gel' leur mémoire de paroles mal compl'ises c¡u'ils
répetent machinalement.


Entre ces denx méthodes d'enseignement si dií-
férentes par leurs résultats, dont Pune forme des
hommes et dont l'antre n'est bonno que ponr les
porroquets, les jésuites n'ont pas hésité : ils ont
choisi la plus faeile et, nous l'avouons sans restric-
tion, ils sont passés maitres dans l'art d'élever les
perroquets. Nous ne leur envions pas cette gloire.


Ils ne sauraient avoir d'antre méthode d'ensei-
gnement. lIs sont les ennemis naturels de la pensée,
de la réflexion, de l'esprit d'examen. C'esten pen-
sant que les hommes se sont affranehis, qu'ils se
sont délivrés du joug des prctres et des rois. Tout
enfant qui réfléchit est suspeet pour le jésuite:
on doit le maintenir dan s une ignorance calculée,
clévclopper sa mémoire, laquelle reQoit docilement
les opinions toutes faites, aux dépens des autres fa-
cultés qui l'aideraient a s'émaneiper.


On voit done que l'~nseignement, 10ind'6tre eom-
pl'omis par le départ de maitres d'une seience
mécliocre, sera au eontraire ramené a son véritable
but, qui est de former des eitoyens eapables de se
eoncluire eux-memes.




LA PATTE DE HOMARD & LE R. P. DE BENGY


Un des traits caraetéristiques de l'édueation jé-
suitique, e'est le eommeree des amulettes, seapu-
laires, médailles de la Vierge, photographies au-
thentiques des miracles eontemporains et autros
pieux souvcnirs que les hommes de Diou distribuent
a leurs éieves.


Une feuille dévouée aux jésuites, le Franí;ais,
raeontait réeemment la mort d'un aneien éleve de
l'éeole Sainte·Genevieve, tué pendant le siege de
Paris. Le dévot rédacteur nous apprenait, avec
une gravité qui eut été eomique en tout autre sujet,
qu'on avait trouvé sur la poitrine du mort un petit
sachet renfermant les diverses reliques et gris-gris,
dont l'avaient -jadis gratifié les bons peres, et no-
tamment un petil bonhomme fait avec une palle de
homard par le R. P. de Bengy.


Voila un point sur leque!, nous le eonfessons
humblement, les jésuitcs l'emportent sans conteste
sur l'Université.


Malheureux qui faites vos études au lycée, jamais
vos professeurs nc vous donncront des bons-




LAPATTE DE HOMARD ET LE R. P. DE BENGY 89


hommes sculptés dans des pattes de homard, ni
meme d'écrevisse!


La raison est peut-ctre qu'ils ne mangent pas
tous les jours du homard et qu'ils n'ont pu se pel'-
fectionner a loisil' dans l'art de seulpter les pattes
de cet intéressant comestible.


Savez·vous qu'ils ne se traitent pas malles bons
peres? Car nous ne supposons pas que le R. P. do
Bengy ait ramassé cette patte de homard dan¡=; les
épluchurcs du voisin.


C'est done lui qui a mangé lo homard, ot qui,
le ventre plein, dans le doux contentement qui suit
un repas succulent, R'eRt amusé a til'er quelque
chose des débris de son festín et a fabriquer un
bonhomme avee une patte de homard, comme jadis
le bon Dicu fit Eve avee une cote d'Adam .


. Te sais bien des mécréants qui consentiraíent a
faire maigre tous les vendredis s'ils avaient une
tabla aussi bien servíe que ce jésuite-la.


Maís, hélas 1 c'est toujours comme au temps du
bon Lafontaine :


Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font VffiU d'étre SitlDS.


Pour les jésuites, Dieu fit le homard; pour le
commun des fidClcs, la morue ot le hareng saur.




L'HÉROISME EN SOUTANE


Certes, nous no l'ignorons pas, ils l'ont assez dit
et redit dans leurs journaux, crié sur les toits, pro-
clamé a tous les échos; quelques peres jésuites
(on en cite prcs d'une vingtaine sur plus de quinze
cents) ont servi pendant la guerre dans les ambu-
lances ou commc aumonicrs.


Quelques-uns meme ont été blessés; mous ad-
mirons, comme il convien·t, ces beaux traits
d'hérolsmc ét n'entendons nullement déprécier le
courage qu'ont pu montrer nos adversaircs poli-
tiques.


Nous ne demandons meme pas pourquoi, parmi
ceux dont les journaux cléricaux publient et re-
publient a satiété les exploits, il se trouve d'an-
ciens officiers, des capitaines et lieutenants de
vaisseau qui, au lieu d'offrir a leur patrie leur
épée, ont préféré poser des cataplasmes ou mar-
motter des prieres que le Dieu des armées n'écoutait
pas. Chacun sert son pays comme il peut et selon
ses moyens.


Quelque chose néanmoins nous gate ces helles




L'HÉROlSME EN SOUTANE 91
actions, c'est tout le tapage qU'elles ont suscité. Ne
dirait-on pas vrainient que les seuls jésuites ont
fait leur devoir dans la derniere guerrc? Ont-ils
fait plus, ont·ils fait mieux que les professeurs de
l' U ni versi té?


Bien qu'exemptés de tout service militaire, beau-
coup d'éleves et de professeurs sortis de l'école
normale supérieure se sont engagés. Deux ont été
tués : l'un a la bataille de Dijon, M. Cave, profos-
seur au lyeée de cette ville ; l'autre, a la bataille ele
Champigny, M. Lemoine, éleve ele l'école. Quatrc
anciens éleves ont été décorés ele la Légion el'hon-
neur ou de la médaille militaire pour faits elo
guerreo


Ceux-la ne servaient point dans les ambulances,
pourtant on n'a point composé de gros livres sur
leur hérolsme.


On ne les a point loués sans réserve et sans
mesure d'8.voir afÍronté les memos fatigues, bravé
les memes dangers que plusieurs centaines de
milliers de lcurs cQmpatriotcs.


Dans le camp dérical les choses ne se passent
roint ainsi. La peau d'un jésuite a, parait-il, une
valeur toute particuliere et bien supérieure aux
autres.


Derriere ceux qui se sont bravement coriduits,
viennent des comperes aussi intéressés que peu in-
tércssants qui battent la grosse caisse et font de la
réclame.


Les tapageurs noirs, les plus habiles, les plus
hardis, les plus bruyants ele tous les tapageurs




92 L'Hli;ROlSME EN SOUTANE
n'ont garde d'omettre une si belle occasion de dé':'
biter leur boniment. Il faut bien que ces saintes
blessures rapportent quelque chose, que le Bang des
martyrs se cote en especes sonnantes et trébu-
chantes, et qu'apres les coups de fusil viennent les
coups de tam-tam.




LE PATRIOTISME DES JÉSUITES
~


Nous avons déja montré, par de nombreux
exemples, que l'esprit de l'enseignement jésuitique
est, comme l'ordre dE'S jésuites lui-meme, cosmo-
poli te et non fran<;ais.


Nous avons cité les passagcs ou le P. Terret
prend fait et cause pour ces émigrés qui, en 1792,
guidaient les Prussiens dans leur marche sur Paris,
pour ces insurgés vendéens, qui refuscrent de se
battre pour la France, et qui opposerent a la levée
en mass6 la désertion en masse.


Veut-on d'autres exempies de patriotisme?
Le 15 juin 1815, trois jours avant la bataille de
\Vaterloo, le général de Bourmont, qui comman-
dait un des corps de l'al'mée fran<;aise, abandonna
ses troupes et passa a l'ennemi. Le succes, dans
cette campagne de quatre jours, dépendait de la ra-
pidité des marches et du secret gardé sur les opé-
rations militaires. Le général prussien Blüchcr, a
qui on révéla nos mouvements, prit ses dispo-


. sitions en conséquence et put se trouver a temps
sur le champ de bataille de Waterloo. Le P. Gazeau




94 LE PA'l'RlOTISME DES JliSUITES
nous affirme que ce ne fut point de Bourmont qui
communiqua le plan de Napoléon aux géRéraux
alliés. « Il avait trop d'honneur, no-&s dit-on, pour
"- révéler a l'ennemi le plan de campagno. » Nous
savons que de Bourmont a. toujours nié ce crime
dont on l'accusait; mais illui reste sa défection en
présence de l'ennemi, sa trahison a la veille cl'un
jour ou le sort de la France allait se décidor. Com-
prend-on qu'un professeur exalte devant ses éleves
l'honneur d'un pareil homme? N'est-ce point la
destruction du patriotisme que d'enseigner, commc
le font les jésuites, qu'un soldat doit son épée non
a sa patrie, mais a la défense de ses passions poli-
tiques et roligieusos?


Voici d'autres citations du P • .Qazeau, ou il ex-
plique les causes qui rendirent si promptement
impopulaire le gouvernement de Louis XVIII,
en 1814 :


« Le rétablissement des anciens régiments de la
» maison militaire du roi; la réintégrati'on des of-
« ficiers de marine, soit avec le graJe immédia-
« tement supérieur a celui qu'ils avaient le jour de
« leur émigration, soit avec le grade qn'ils avaien~
« acquis en servant ii l'étranger; la promesse faite
« par le gouvernement de compter ponr les pen-
{( sions de retraite les campagnes contre la France;
« les services célébrés pour Louis XVI, le due
« d'Enghien, Morean, Pichegrn et Georges Ca-
« doudal; l'observation des dimanches et jours de
« fctes rendue obligatoire par une ordonnance;
« tels étaient les griefs légitimes on non que les




tE PATRlOTISJIlE DES .¡ÉSUITES


« mécontents exploitaient avec habileté contre le
« gouvernement.»


(Cahier de Sainte-Genevieve, page 378. )
Ainsi, le P. Gazeau ne sait point s'il était légi-


time ou non de s'indigner en voyant le gouver-
nemcnt récompenser ceux qui avaiünt fait cam-
pagne contre la France avec les armées étmngeres.


Il ne sait s'il est légitime de faire un grief a
Louis XVIII d'avoir solennellement réhabilité
Moreau, ce général fraw;;ais qui fut tué dans les
rangs ennemis, a la bataille de Dresdc i Pichegru
qui, en 1795, proposa aux royalistes de leur venclre
sa patrie pour un million i Georges Cadoudal, enfin,
ce préelécesseur eles Nobiling et des Passanante,
qui tenta d'assassiner Bonaparte, premier consul.


Nous laissons au public le soin el'apprécier
comme il convient ele telles opinions et ele juger
si, dans notre Francc encare blessée et saignante,
un gouvernement républicain peut laisser ainsi
éncrvcr le patriotisme, propager les haines, élever
une partic de la jeunesse commo si nous devions
retourner au moyen age et non regarder devant
nons.




LE MAITRE D'ÉCOLE DE ~'ALÉRIE


En 394 avant notre ere, Camille, général romain,
vint assiéger la ville de Falérie.


Un maitre d'éeole de eeLte cité (l'histoire ne dit
point s'il était prctre de Mars; de Saturne ou de
Jupiter) s'avisa qu'il obtiendrait san s doute du
Romain une fort belle réeompense s'U lui livrait
tous les enfants de Falérie eonfiés a ses soins.


11 sortit done do la ville avoe sos éleves, et, sous
prétexto de les eonduire en promenade, il les
mena, avee autant de perfidio que d'habiloté, jus-
qu'au milieu de Parmée romaino.


Camille ne voulut point profitor de la trahison
de ce miserable et iI résolut de lo eha,tier d'une
faCion memorable, propre a inspirer d'utiles 1'é-
flexions aux pédagogues de l'avenir qui seraient
tentés de trahir leur pays.


11 mit une bonne trique entre les mains de
chaque éleve; puis illeur commanda de rclever la
sou~ ..... , pardo n ! la toge de lour professeur, de lo
depouiller de ses vctements et de le roconduire a
coups tIc baton jusqu'a la ville.


Vous pensez si les gamins se firent prior et ré-




LE MAITRE D'ECOLE DE FALERIE 97
pétcr dcux fois cet ordre! En un clin d'ceil, le
dróle fut mis nu comme un ver, et les coups de
plcuvoi r drus ct fermes ! .


Cepcndant les Faléricns vcnaicnt de s'apercevoir
de la trahison du maitre d'école, et toute la ville,
comme de juste, était dans la désolation d'un si
grand malheur.·


Des hommes et des femmes de distinction se
portaient, tout égarés, vers les murs et vers les
portes, quand arrivent les enfants, ramenant leur .
maitre nu et lié, et le frappant de verges, en meme
temps qu'ils appellent Camille lem dieu, lem sau-
veu!' et leur pere.


Les peres de famille de Falérie n'accuserent point
Camillc d'attcntcr a leur liberté paree qu'il traitait
ainsi le maitre auquel ils avaient .confié 1ems en-
fanls, mais ils furent si touchés de la grandeur
d'ame du général romain qu'ils firent immédiate-
ment leur soumission.


Camille, s'il revenait au monde, trouverait pcut
ótrc M. Julcs Fcrt'y bien indulgent.


6




UNE RECTmICATION


Notro impartialité nous fait un devoir de repro-
duire un document qui nour; arrive au dernier
momento O'est une lettre du P. Monfat, directeur
général des études dans les colleges maristes, lettre
adressée au Républicain de l'Allier et reproduite
par quelques feuilles cléricales.


Le P. Monfat nous reproche d'avoir affirmé que
les maristes ont vingt-deux colleges quand ils en
ont seulement six. Le chiffre de vingt-deux, que
nous avons pris dans un rapport officiel, confond
en effet, croyons-nous, les colleges dirigés par les
peres et ceux dirigés par les (reres maristes.


De plus habiles que nous, on le voit, s'y sont
trompés. Nous sommes d'autant plus excusables
que le moniteur officicl des congrégations non auto-
risées, le Figaro lui-meme, avoue que, de tous les'
ordres religieux, celui des maristes est le moins
connu. Le rédacteur du journal fondé par le révé-
rend pere Villemessant raconte qu'avant d'avoir
fait un pelerinage a la maison des maristes située
rue de Vaugirard, il ne savait rien de précis sur
l'organisation de ces religieux. On peut done nous




UNE RECTIFICATION 99
pardonner notro ignoranee, it nous qui n'avons pas
reQu mission de narrer fidélement aux coeottes du
boulevard les faits et gestes des révérends peres.


Il n'est pas faeilc de se rceonnaitre au milicu de
ces congrégations ele tout genre allX eostumes bi-
garrés et aux noms bizarres qui se sont multipliées
a l'infini dans notre malheureux pays. Basiliens,
Cistcreicns, Piepueicns, ft'raneiscains, Dominieains,
Bénédietins, Bernardins, Augustins, Capllcins, Tri-
nitaires, Doetrinaires, 'rrappistes, Rédemptoristes,
Endistas, :\laristes, Peres du Saint Rédempteur,
du Sacré-Cmur, Enfants de Marie, Freres de Marie,
Freres de Saint-.J ean-de-Dieu, Oblatf! de Marie-
Immaculée, de Silint-Hilaire, do Saint·FraüQois de
Sales, Freres de l'Union du Tre;,;-Saint-Saerement, '
Pretres do la Sainte-Faee, voilit quelques nOll1S, et
" ! J en passo.


Ceux-ei sont gris, eeux-lá sont noirs, el'aulres
hlancs eomme les elominicains ou hruns eommo les
Gapuuins. Les uns ont des souliers, les autl'es des
sandalcs. Il y en a qui n'ont point de I'abat, d'au-
tees qui ont un rabat blane, tantót plissé et tantót
non pIissé; d'autres enfin, les maristes, se parent
d'une bavette bIeue. \


Done le P. Monfat est furieux. iI éeume de rage,
au risque de salir sa bavetto bIeue. Il serait plus
aclroit, mais peut-etre plus diffieile, de se eontenir
un pou et ele donner de bonnes raisons.


S'il est faux qu'un perc mariste ait jamais elonné
a ses ('Ieves le sujet de diseoues immoraI que nous
avons cité, comment se fait-il que le P _ Monfat




100 UNE RECTIFICATION
nous di se que nous visions spéeialement le collége
de la Seyne, et non tel autre collége marista? Nous
n'avions pas indiqué la maison ou le discours avait
été donné. Pourquoi défcndre eontre nos impu-
tations le seul eollége de la Seyne? Nous nous
garderons néanmoins de dire que la rectifieation
du P. Monfat est fausse. Nous laissons les gros
mots et les injures a ces maitres qui se vantent


. de donner a leurs éUlVes une éducation bien plus
distinguée que celle qu'on reQoit au lyeée.


L'homme de Dieu affirme qu'il est faux que les
éléves des maristes aillent préparel' leur baccalau-
réat a u lycée de TQulon, et, deux lignes plus bas,
il avoue que, dans le collége mariste de Toulon, les
classes s'arretent a la troisiéme, et que les éléves
vont ensuite aehever leurs études au lycée ; e'est
justement ce que nous avons dit.


Enfin le P. Monfat constate que les maristes ont
bien réellement puni des éléves en les forQant a
eopier a. rebours une page gTccl.lue, latine ou fran-
<;aise. Cette abmtissante pratique, dont 1'idée n'a
pu germer que dans des cerveaux eonformés "eux
aussi a rebours, se trouve ainsi officicllement con-
firmée.


Le P. mariste Monfat, ou plutót le tafnoM etsiram
erep, trouve meme que cette ingénieuse punition
n'est pas sans utilité.


« Quant aux pensums a mots rétrogrades, dit-iJ,
« il s'est présenté des cas de légereté exception-
« nelle ou ron a dü avoir reeours a cette punition
« pour fixer l'attention de l'éIeve. »




UNE RECTIFICATION 101
Voici la lettre du P. :\Ionfat; nous la reprodui-


sons a rebours pour fixer l'attention du lecteur :
.TAFNOM .A


,seduté sed larénég ruetcerid eL
,noitarédisnoc am ed ern~russa'l ,rueisnom ,zeérgA
.sesueruogir sulp serusem sed a riruocer ed ésnepsid isnia


ares cj ; noitaeifiteer etnesérp am ,orémun niaheorp sert nu
snad ,tnarésni n3 ,layol seté suov euq zerevuorp suoz te; esirp-
rus été a iof ennob ertov euq rinevnoc a ,rueisnom ,eniep
ed sap zerua'n suoV


.mon ee ed elleppa no'uq ee reutilsnoe tnevuep en • segel-
loe xis snad te ,sna tgniv ne sae siort: ed~tibah enu suon
zehc tios ee euq luaf ne's Ji siam ; evelé'l ed 'noitnetta'l rexif
ruop noitinup ettec a sruoeer riova ud a no'l uo ,ellennoit-
peexe éterégél ed sae nu, sulp ua soif soirt uo xued étllesérd
tse's li ,sedargortér stom 11 smusnep xua tnauQ


.selocé sec 11 noissimda ruop .eriotarapérp noiteurtsni ruel
nosiam ettec snad tnemevisulexe ucer tno ,erret ed eémra'l
snad snad eémara'l ed rem te sreiciffo'd elbarédisnoc ajéd
erbmon nu'uq ; elbaronoh noitnem" ceva srueisul p tnod,
sreilehcab ed semolpid xued.etnauqnic étpmoc a nosiam
ettec ,eénna elues enu ne ,euq ewoja'j ,enyeS al ed egelloc
el resiv tuotrus elbmes tnadnopserroc ertov euqsiuP .rye·
tniaS ed ellec a te elavan elocé'l a noissimda'd snemaxe
sed seguj sel .MM ed in ,tatE'] ed sétlucaf sed sruesseforp sel
.M~f ed noinipo'l sap tse'n elleT .taérualaccab ed sruocsid
nu'd noitcefnoc al ruop sevelé sel rirum ed elbapacni ,ercoidém
ud suossed·ua tse tnemengiesne erton euq ecnava tnadnop.
serroc erto V


.eérlnoc al ed ruesseforp BU rap tiaf sruoc el érucorp tneios
es sli ,neiluJ·tniaS a'uq xuar tse li ; eihposolihp ed sruoc nu
eriaf ed elbapac ruesseforp nu xue imrap évuort sap tneia'n
setsil'am serep sel euq xuar tse 11


.enyeS al ed tanretni'l ed séyovner été tno iuq xuec neib uo
,l'mlüsiort al a tneterra's sessalc sel uo noluoT ed tanrelxe'l ed




102 UNE RECTIFICATIOroí
xuec ed snu-seuqleuq neib uo ,spmet ud trapulp al ,tnos ee,
sevelé son ed soifeuqleuq evuort y no'l iS. taérualaeeab ua
rerapérp y's tnenueiv iuq ,stneme~silbaté son ed seve!é sueic-
na'd seérbmocne tneios noluoT ed eéeyl ud eihposolihp ed te
euqirotéhr ed sessalc sel euq xuaf Ji ; rennod ed selbapaeni
tnos sli'uq noiteurtsni'l nísiov eéeyl ua reherehc rella 11
sevelé sruel tnegagne sli'uq et ¡tnetsetéd sli lanruoj ertov
silrpa'd ,ouq ,étisrevinU'1 a sruocer tneía setsiram sel euq
xuaf tse H


.tios ee euq eriotsih euqleuq uo ,druobaG (id sieérp 01
,tnenuejéd sli'uq tnadnep ,sevelé xua esil erliam nu'uq
xuaf tse li ; eríoteef0r ua eéugéler tíos elle'uq ; essale ne in
eduté ne sap eiduté's en eriotsih'l ,suon zohe, euq xuaf tse 11


.zooB l'evuort rella ti htuR etrohxe ueilJ : tnavuis sruocsicl
ed tojus el ,tncmenneicna tíos ,tnemrnecér tios énnod tia
sruesseforp son cd nu ,segeJIoc son ed nucua snand euq neib
issua ,idíM ud tnemetrapéd nu snad ,euq xuaf lse 1I
. .raV ud tnemetrapéd el snad uare al a enu snoya ne suon.
euq reilucitrap ne xuaf tse li ;xis euq snOva n'en Buon ;noit-
aeudé'd snosiam xued.tgniv 'tnemelleutea tnegirid setsiram
serep sel euq xuaf tse II


.snoitagélla sessuaf ed ussÍt nu tse'e : remalcér ed r¡oved
nom ed lse Ji Jeuqel ertnoc elcilra nu ,setsíram screP sel ,crtit
ee. SuOS, roínred iam 13 ud orémun el snad ,éilbup a lanruoj
'¡ ['[o V


'rueisnoM


FIN




TABLE


Au lecteur ...•..•......
Les généraux des jésuites".. . . . .
Les cahiers d'histoire des jésuites 1.


Réponse au Fran~ais.
Une invention diabolique. "


1I.
m.
IV.


Le bon Dieu, Satan et les chemins de fer •.
Quelques niaiseries .•
Les devoirs d'nn roi.. •
Un mensonge .••.•.
Un manvais ministre ...
Un bon ministre ..•.
C'est la faute a Voltaire ..
La pudeur d'un jésuite.
Charité chr~tienne. . .


Pages.
1
5
7


12
15
18
22
27
29
35
39
43
45
47
:;0
54
56




104 TABLE
La révocation de l'édit de :'Iantes ..
Comment on écrit l'histoire a Mongré ..
Ce bon monsieur TrestaIllons.
Les peres maristes. . . . . . . .
Les droits du pere de famille ...
C'omment remplacer les jésuites .•
Les ti tres des révérends peres. .
La patte de homard et le R. P. tle Bellgy.
L'hérolsme en soutane .... .
Le patriotisme des jésuites .. .
},e maitre d'école tle Faléri.e~ ..
Lne rectification ....... .


1609.79. - Saint·Ouen (Soine). - Imp. JULES BOYER. (Soc. gén. d'Imp.).


57
63
6G
68
7'1
78
8',
88
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