VOYAGE AGRICOLE . 1 ,,~ EN ANGLETERRE. SEPTEMBRE 1877. GAND, IMPRIMERIE...
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VOYAGE


AGRICOLE
. 1 ,,~


EN


ANGLETERRE.


SEPTEMBRE 1877.


GAND,
IMPRIMERIE DE EVO. VAND.ERHAEOHEN,


Rue des Cltamps, (j(i,


MDCCCLXXVIII .


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VOYAGE


AGRICOLE


ANGLETERRE .


. SEPTEMBRE 1877.


GAND,
IMPRIMERIE DE EVO. VANDERHAEOHEN,


Rue des Clu\mps1 . (iri.


MDCCCLXXVIII.






VOYAGE AGRICOLE EN ANGLETERRE.


Le Conseil Provincial de la Flandre Orientale
venait de décider, dans sa séance du 17 juillet
1877, que l'introduction de la race bovine de
Durham dans ]a province n'ofl:'rait aucune utilité
et que l'administration provinciale ne consacre-
rait plus désormais aucune sorume a l'achat de
taureaux de cette race. L'honorab]e rapporteur
de la deuxieme commission du Conseil Provincial
s'était particulierement appuyé sur une brochure
publiée par M. le Présideut de la commission
provínciale d'agriculture de la Flandre Orientale,
dans laquelle celuí-ci condamnait d'une maniere
catégorique le croisement de la race bovine de
Durham avec nos vaches indigenes.


M. ]e Président de la commission provinciale
d'agriculture affirmait dans cette brochure, qu'en
Angleterre, la race de Dw'ham ne se· soutient
que pm' une now'riture abondante de tourteaux
de fm'ine, d' orge et d' avoine; que les plus beaux
produits, máles et femelles, de 18 mois IX 2 ans,
placés dans de riches herbages rCl)oivent encore


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leur rafion d' avoíne; que la ¡'aee de Durham est
eonsídérée eomme une maehine produetive de
graísse et de viande, quelle n'a aueune aptitude
d donner du lait, d tel point, qu'on y reneontre
des mb'es qui ne peuvent nourrir leurs veaux.
Enfin, que les bétes de Durham étaient des TONNES
vides, des bétes soulflées, ehargées de graisse d
l'extérieul', dont la viande était bien in(érieure,
eomme qualíté, d eelle des bétes de notre raee
indígene.


Nous avions adressé un exemplaire de cette
brochure a lV1. J enkins, secrétaire de la Société
royal e d'agriculture de l'Angleterre, le priant de
vouloir bien nous faire cOllnaitre son avis.


M. Jenkins nous répondit que les shorthorns
n'avaient jamais été plus appréciés en Angleterre
que dans ces derniers temps. Sans doute, disait-il,
leur grand mérite consiste dans une maturité pré-
coce; un shorthorn peut etre livré a la boueherie a
l'age de deux ans, tandis qu'une bete de race hol-
landaise n'est pas en état d'etre abattue avaut qua-
tre ans. La qualit4 de la viande des Durhams ne
pellt etre sllrpassée par celle d'aucime autre race.
n est vrai qu'on tient plus en Angleterre a la
production de la viande qu'a la production du
lait; mais il y a d'excellcntes vaches laitieres
parmi les vaches do Durham. M. Jenkins nous
engagea vivemen't a venir en Angleterre avec quel-
ques-uns de nos ami s , nous présellta l'itinérairc
d'un voyage agricole chez les principaux éleveurs
et termina sa lettre en nous disant: « guand vous




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viendrez en Angleterre pour faire le voyage
agrieole dont l'itinéraire ci-joint, vous serez con-
vaincus que les vaches de cctte race n'ont rien a
envier aux vaches des meilleures races laitieres
du continent. »


La proposition de M. J enkins était séduisante;
nous communiquames sa lcttre a quelqlles uns de
nos amis, le voyage fut arrété; il fut décidé que
1'on suivrait ponctuellement l'itinéraire tracé par
M. Jenkins.


Une douzaine de voyageurs parmi lesquels
nous citerons outre le président et le secrétaire
de la Société agricoJe de la Flandre Orientale,
MM. le Bat'on Favereau, vice-président de la
Société agricole de l'Est; O. De Kerchove de
Denterghem, président de la section agricole de
Saffelaere; Eugene Lippens, membre de la com-
mission d'expertise des étalons; docteur Hulin;
Jules Van Loo, membre du Conseil Provincial;
Aug. Lippens; An. Claus traverserent le dét~oit
le 1" septembre pour faire une des excursions les
plus intéressantes qu'll soit possible d'imaginer
all point de vue agricoJe.


Apres avoir passé la j6urnée du dimanche a.
Londres, nous étions tous réunis, le lundi, 3 sep-
tembre, a six heures du matin, a la station de
Waterloo-sf1'eet pour prendre le train qui devait
nos conduire a Downham; a neuf heures nous
montions dans les voitures de monsieur Aylmer
pour nous rendre a sa ferme, située dans le West
Dereham. Nous étions en plein Norfolk, apres




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avoir traversé les villes de Cambridge et de Ely.


La ferme de M. Aylmer est d'une contenance
d'environ sept cents hectares. Son bétail se com-
pose d'une quarantaine de chevaux, cent soixante-
dix Mtes a cornes, et neuf cent a mille moutons.
Malgré une pluie torrentielle qui s'est prolongée
pendant toute la journée, nousavons pu parcourir
les prairies de ce vaste domaine pour admirer le
bétail qui s'y trouvait et que ron ne rentre pas
meme dans les temps les plus rigoureux de l'hi-
ver. En Pabsence de M. Aylmer nous avons été
reQu par son chef de culture, M. C. Wallis,qui
s'est mis a notre disposition avec le plus vif em-
pressement et qui s'est fait un plaisir de répon-
dre a toutes les demandes que nous lui avons
adressées. M. Aylmer s'occupe spécialement de la
production des animaux destinés a la boucherie.
Ses betes a cornes out un pédigró tout aussi
important que le bétail des premiers éleveurs de
shorthorns de l'Angleterre; elles obtiennent de
fort belles distinctions dans les grands concours
de la société royale d'agriculture de l'Angleterre.
M. Wallis nous a fait observer de prime abord
que dans les shorthorns il y avait deux variétés
bien distinctes que les Anglais ne confondaient
jamais, la variété pour la production de la viande
et la variété pour la production du lait, que Pune
et l'autre avaient des généalogies différentes et
qu'on n'admettait jamais pour les saillies d'une
bonno vache laitiere les taureaux qui sont desti-
nés a la variété productive de viande.




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M. Aylmer a une grande partie de sa ferme,


plus de 300 hectares, en prairies. Ces prairies
sont traitées sans parcimonie par le nitrate de
soude et le superphosphate de chaux. Aussi la
végétation était-elle des plus vigoureuses et bien
souvent nous avions, en les parcourant, de l'herbe
jusqu'aux genoux. Les vaches ne regoivent pas
d'autre nourriture, et en hiver ou apres le velage
on y ajoute environ trois kilogrammes de tour-
teaux de coton. Toutes ces vaches étant destinées
a reproduire des animaux de grande valeur,onno
les laisse jamais traire; le veau, qu'on laisse tou-
jours en liberté, reste aupres de sa mere j il ne
téte que deux fois par jour matin et so ir jusqu'a
l'áge de quatre mois. 011 le nourrit au surplus
avee de I'he1'be, un peu de foin et des tourteaux
de coton. Quoique la variété de shorthorns, tenue
par M. Aylmer, appartienne exclusivement a celle
destinée a la production de la viande, il arrive
fo1't souvent qu'une vache donne une quantité de
lait bien supérieure a celle que le veau peut con-
sommer, tandis qu'il ne lui est jamais arrivé de
reneontre1' une vache dont le lait ne suffise ample-
ment a la nour1'iture de son produit.


M. Aylmer, sans s'appliquer spécialement a
l'éleve du cheval, avait cependant dans ses écu-
ries des chevaux de labour et de gros trait de
grande valeur. En nous rendant a la ferme, nous
avons rencontré sur la route un de ses jeunes
étalons de clix huit mois que les connaisseurs quí
se trouvaient parmi nOus appréciaient hautement.




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Cot animal était insorit pour le grand coneours
du eomté et M. Wallis nous dit qu'il était presque
certain qu'il y remporterait le premier prix.
D'apres lui, M. Aylmer ne eonsentirait pas a
vendre cet animal lui en offrit-on quinze mille
franes. Du reste, ees prix n'ont plus rien d'éton-
nant, quand on saura que M. Aylmer vend de
jeunes taureaux de douze mois, provenant de ses
meilleures vaehes, a cinq mille franes par téte.
Nous avons vu entr'autres sa vache Countess, née
en septembre 1870, pour laquelle on lui avait offert
600 guinées, soit plus de quinze mille franes, au
grand eoneours d'Angleterre de 1876. Deux jeunes
taureaux provenant de Mistress Mary avaient été
vendus 300 guinées, environ sept mille cinq eents
francs par téte.


M. Aylmer ne s'oceupe pas seulement de l'éleve
des ehevaux et des betes a comes, il est aussi un
éleveur habile de moutons et de pores. Il y a
toujours dans ses prairies de neuf eent a mille
moutons appartenant a une mee a longue laine,
du Lineolnshire. 11 tient ordinairement deux ven-
tes de béliers par ano Dans chacune de ces ventes
gui sont tres suivies et auxquelles se relldent des
étrangers de tous les pays, iI aliene de eent a eent
vingt béliers. Le prix moyen des ventes des deux
dernieres années a été de vingt livres ou cinq eents
franes par téte. Dans uúe autre séanee publique il
loue pour les mois de septembre, oetobre et no-
vembre un grand nombre de béliers pour faire le
service de la monte. Nous avons trouvé dan s une




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prairie eent quatre vingt héliers qui portaient
tous un numéro sur l'oreille; ils avaient été ad-
jugés la semaine préeédente pour la saison pro-
ehaine de la monte et on allait les diriger lvers
des contrées plus ou moins éloignées. 11 yen avait
pour la Franee, pour le Wurtemberg, voire meme
pour l'Amérique. Le prix moyen de location est
de trois livres, quelques-uns avaient óté loués a
150 franes. Les moutons sont nourris en hiver de
raeines et de tourteaux. Les turneps apres fro··
ment et demie fumure produisent jusqu'a 40,000
kilogrammes par aere ou 45 ares.


M. Aylmer possede une raee de pores tres esti-
mée en Angleterre et que Pon pl'éfere. aujourd'hui
a toutes les raees que nous avons eu l'oeeasion
d'appréeier jusqu'iei. Il la désigne sous le UOffi
de raee du prinee eonjoint. La taille est moyeune,
mais la tete et les pattes sont réduites a leur plus
simple expression. Le muffie est tout-a-fait com-
primé et ne fait presque plus saillie. La préeoeité
de ees allimaux est merveilleuse. Nous avons vu
un animal de eette raee a peine agé de sept mois
qui devait peser au moins deux eents kilogrammes
et ne formait plus qu'une immense pelotte de
graisse et de ehair, sur laquellé on déeouvrait a
peine la tete et les pattes. M. Aylmer avait dans
ce moment plus de quarante gorets de la meme
raee, nous en avons acheté quclques couples qui
arriveront sous peu en Belgique. Nous nous som-
mes demandé comment il se faisait que cette
1'aee ne fUt pas connue en Belgique, et nous




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ne nous expliquons pas pourquoi, quand de tous
cótés on cherche des animaux de choix dans 1'es-
pece porcine, les étabIissements pubIics, créés
en vue des intérets agricoles, n'aientpas songé
a en essayer l'importation chez nous.


Apres quatre heures de marche, par une pluie
battante dont nous nous apercevions a peine, tant
nous nous intéressions a tout ce qui nous pas-
sait sous les yeux, lV1. Wallis nous a présenté a
Madame Aylmer et a sa fine quí nous ont gra-
cieusement accueillis.


Il était pres de cinq heures quand iI nous fallut
nous séparer de nos hótes pour reprendre le train
a Downham, qui, en passant par la jolie ville de
Peterbourgh, nous conduisit a Leicester OU nous
arrivames a neuf heures 50 minutes du soir.


Leicester, ville principale du comté de Leices-
tershire, n'ofl're rien de bien particulier. On y
trouve les ruines d'un ehateau constl'uit autrefois
par Guillaume 1 pour son fils Robert et qui fut en
partie détruit par Guillaume H.


IJe lendemain, mardi 4 septembre, nous repri-
mes le chemin de fer a 9-30 et arrivámes a Utto-
xeter a 12-08, ou M. W. Carrington nous attendait
a notre arrivée.


M. Carrington habite une ancienne abbaye,
Croxden abbey, a deux milles de la station. lci
nous fUmes en plein dans la production des
vaches laitieres de Durham. La ferme de M. Car-
rington a une étendue de 300 hectares, dont 200
hectares en prairies, qui nourrissent, indépendam-




- 9
ment des chevaux et des \lores \ 119 vaches lai-
tieres, presqu'autant de veaux et de genisses,
et un troupeau de cinq cents moutons constam-
ment a l'engrais.


M. Carrington s'applique spécialement a la
fabrication du fromage, c'est di re assez qu'il
cherche a tenir les meilleures vaches laitieres.
Ces animaux ont une conformation toute diffé-
rente de eelle des shorthorns de M. Aylmer; chez
eelui-ci tout est sacrifié a la produetion de la
graisse et de la chair sur les épaules, le dos et
les hanches; chez le premier, au contraire, on se
préoccupe partieulierement du développement des
veines laetiferes, du pis et de l'écusson. A voir
ces beBes vaches on les prendrait pour des vaches
hollandaises si elles n'avaient pas un développe-
ment plus étendu aux hanehes et ne se trou-
vaient pas toujours dan s un état d'embonpoint
gui passe en peu de temps a l'obésité complete du
moment que la production de lait vient a cesser.


D'apres M. Carrington, les bonnes vaches, apres
velage, dOl1nent j usqu'a sept gallons de lait par
jour (31 t/2 litres); mais il faut eonsidérer eette
production comme exeeptiol1nelle. La production
ordinaire est de 5 a 6 galons (22 a 27 litres),
eelle-ei se prolonge a peu pres pendant trois mois
pour descendre ensuite a 20 litres jusqu'a neuf
mois. Ces animaux sont d'une précocité extraor-
dinaire. Un jeuue becuf d'un an a seize mois, bi.en
nourri, acquiert généralement le poids de cinq a
six cents kilogr. ; les genisses rec;oivent le taureau




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a l'ige de 14 ou 15 mois. M. Carrington calcule"
qu'il a besoin de douze litres de lait pour un demi ,~
kil. de beurre. D'apres cet intelligent cultiva-.··
teur le fourrage exerce sans aueun doute une,
influence sur la eoneentration du lait, mais il nia
formellement que cetta influence soit si sensible
qu'on le eroit. Ce sont les caracteres partieuliers
de la raee qui out une influenee capitale sur la
eomposition du lait. Veut-on obtenir un lait riche
e'est bien plus l'individualité et la raee qu'il faut
considérer que s'il s'agit de la quantité de laít; le
fourrage joue, quant a la qualité, un role tout-a-
fait secondaire. Si, ce que tendent a établir quel-
ques observateurs, le régime auquel on soumet
un animal, peut tantót provoquer, tantót entraver
l'activité de la glande mammaire, il est néanmoins
certaín, toujours d'apres 1\1. Carrington, que les
changements de composition du lait sont pour
ainsi dire imperceptibles, si on les compare a la
part d'influence due a l'aptitude naturelle de l'ani-
mal et a la race a laquelle il appartient. M. Car-
rington pense que la race laitiere de Durham est


. la meilleure gu'on connaisse. Il visitait, il y a
quelgues années, toutes les fermes, reconnues pour
avoir de bonnes vaches laitieres et y achetait des
veaux a de tres grands prix. Aujourd'Lui il éleve
tous les veaux de ses propres vaches, retient les
meilleurs pour ses étables et vend les autres apres
les avoir poussés a l'engraissement jusqu'a dix
mois. I1s pescnt alors environ cinq cents kilogr.
leí comme dans toutes les fermes que nous avons




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visitées, le bétail reste sur les prames pendant
toute l'année. Dans les temps les plus rígoureux
on le fait rentrer sous des hangars et on lui donne
du foin et quelque paille. A l'age de huit ans les
vaches sont rébutées et alors en trois moís elles
arrivent a un état d'engrais8ement tres prononcé
et sont vendues au marché de Londres. Pour
renouveler le sang de son bétail M. Carrington
achete chaque année quatre taureaux qu'il cher-
che a trouver chez les éJeveurs les plus célebres
pour la production des. shorthorns bonne8 laitie-
res. Il doit payer aujourd'hui de 50 a 60 guinées
pour un jeune taureau d'une année.


En été, comme nous l'avons déja dit, M. Car-
rington se livre particulierement a la fabrication
du fromage et produit chaque année de vingt cinq
a trente mille kilogrammes de ce célebre fromage
de Chester quí est si hautement appréeié en An-
gleterre et a l'étranger. En hiver, M. Carringtoll
expédie le lait de ses vaches a Londres, pendant
la nuit, pour y 8tre vendu le lendemain en nature.
Le produit net est de neuf a dix pences par gal-
Ion, soit environ 20 centimes par litre.


Nous avions passé trois henres a la ferme lors-
que M. Carrillgton nous présenta a sa dame en-
tourée de ses jeunes enfants. La conversation se
prolongea tout en vÍf;¡itant sa laiterie et sa fro-
magerie et ne fut pas moills intéressante que dan s
la ferme. A cinq henres il fallut partir pour
suivre rigoureusement le programme qui nous
avaít été tracé par l'intelligent secrétaire de la




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Société royale d'agriculture, M. Jenkins, quYI.-
nutre grand regret nous n'avions pas rencontré
a Londres; iI avait été obligé de se rendre a
Liverpool pour une exposition agricole.


En quittant Uttoxeter par le Midland railway
on traverse un pays qui vous rappelle la Suisse
par la beltuté du paysagc. MatIock-bath située
dans la vallée de MatIock, Bakervell, Stoney,
Middleton sont de charmants petits villages dont
les eaux minérales ont une grande réputation
dans le Nord de l'Angleterre. Nous touchons a
Derby pour arriver bientót a Buxton ou nous
avions vingt minutes a attendre. Quelques pcr-
sonnes qui avaient fait route avec naus depuis
Derby voulaient nous faire voir les magnifiques
batiments connus sous le nom de Crescent, élevés
par un ancetre du duc de Devonshire et qui
avaient couté trois millions de francs; mais nos
heures étaient comptées, nous n'avions pas de
temps a perdre, il fallut reprendre le train qui
devait nous mener a huit heures du soir a Man-
chester. A cette heure la grande cité industrielle
de l'Angleterre était aussi animé e que Londres,
et nous eumes toute la peine du monde a tra-
verser avec nos cabs eette suite innombrable de
voitures et arriver sur la grande place, a l'hótel
de Queen'shead, ou nos chambres avaient été
retenues. Nous y trouv;l,mes une lettre aux armes
de Lord Ellesmere. C'était son intendant général,
le capitaine Heaton, qui nous informait, que le
comte Ellesmere avait été obligé, a son grand




- 13 -
regret, de s'absenter, mais qu'il avait reliu ordre
de nous recevoir en son nom et qu'il se mettait
a notre disposition pendant toute la journée du
lendemain.


Le mercredi, 5 septembre, a neuf heures du
matin, nOLlS traversions Manchester pour nous
rendre a ,y orsley, dans le domaine du Comto
Ellesmere, a une distance de six milles de la
ville.


Le Comte Ellesmere n'a que vingt sept ans;
il possede la plus belle collection de chevaux, de
b&tes a eornes ot de pores qu'il soit possible de
trouver en Angleterre. Depuis dix heures du
matin jusqu'a cinq heures du soir nous avons vu
sur ce domaine de plus de sept eents heetares
des chevaux de course sans nombre, les plus
beaux étalons de labour et de gros trait qu'on
puisse imaginer, plus de eent tetes de gros bétail
pou!" la produetion du lait et des pores de la raee
dont nous ayons déja parlé, en quantité si eon-
sidérable, que chaque année le noble lord en fait
une vente dont le catalogue, publié dans plusieurs
langues, attire a W orsley des milliers d'étrangers.
I,es pores du domaine de W orsley ont une répu-
tation extraordinaire. N ous n'avons, en effet,
jamais rien vu de plus beau et de plus parfait
pour la production de la graisse et de la vianda.
Le capitaine Heaton nous a ramis le catalogue
de la vente qui davait avoir lieu a W orsley Hall
le 20 septembre 1877. Nous y trouvons indiqués
avec leur généalogia depuis plus de dix ans cent




- 14 -


trente deux gorets de deux a trois mois qui se ,
vendent d'ordinaire de cinq ,it. six livres (125 a ~
150 francs piece). Nous avons acheté plusieurs
exemplaires de ces précieux animaux laissant alL
Capitaine Reaton le soin de fail'e un bon choix.
Les chevaux de laboul' et de gros tl'ait fol'ment
la spécialité du Comte Ellesmere et donnent une
grande réputation a sa ferme.


L'élevage du cheval de gros trait (heavy horse)
constitue le but principal de l'établissement.


La population chevaline de la ferme se com-
pose de :


70 Chevaux de trait, dont:
50 pour le charriage (Dl'ay horses) ,
20 pour la ferme (agricultural horses).


20 de demi sango
20 de pUl' sango


Tous les chevaux, a l'exception des étalons de
sel'vice, sont en prairie dul'ant la saison d'été ou
employés au service agricole. A la ferme, tous
SOllt logés dans des boxes sé paré s , de 4 metres
de long sur autant de largeur. Ces écuries, re-
parties par séries dans les diverses parties de la
ferme, sont pour la plupart en bois ou en briques
et couvertes d'ardoises. Pour les poulinieres sui-
tées, il se tl'ouve contigu au boxe un espace a
ciel ouvert (paddock), garní de paille, ou elles
entl'ent et sol'tent a volonté.


Les étalons tenus en boxes sont exel'cés tous les
jours au pas pendant deux heures, a la maín.


Comme on n'y éleve que des chevaux d'élite




15
destinés a la reproduction, on écarte tous ceux
qu'une défectuosíté rendraít impropre a ce service.
Aussitót qu'une tare ou un défaut est remarqué,
le cheval est reformé et vendu pour le commerce.


Le but est done la productioll du cheval gros
trait counu SOllS le nom de cheval du Norfolk.
Ce grand et fort cheval aux formes athlétiques,
joignant le poids a une grande puissance.muscu-
laire, mesure de lm65c a lm75 et plus de hauteur.
Il a le garot bien sortí, le dos court et droit. Le
rein fortement attaché est légerement bombé;
la Cl'oupe est 101lgue et arrondie; la q ueue forte
et placée haut; les muscles fessiers tres-développés
et puissants. La pointe du jarret (os calcaneum)
tres proéminente au point de faire croire a un mil
peu attentif, a l'existence d'un capelet naissant j
cet os, par la saillie qu'il offre, présente une grande
étendue a l'inscrtion du tendon et en augmente
considérablement la puissance. L'épaule (omo-
plate} chez le cheval d'attelage (drought horse),
dont nous ferons connaitre la distinetion d'avec le
cheval de ferme, est oblique et longue, couverte
de muscles puissants faisant saillie surtout a sa
partie inférieure et an térieure, ce qui donne une
largeur considérable au poitrail, largeur que nous
trouverions peut-etre un peu exagérée, mais qui
est tres estimée chez les éleveurs anglais ; nous en
avons mesuré d'environ 66 centimetres (26 inches)
d'une pointe de l'épaule a l'autre. L'avant-bras
est long et tres large, présentant des saillies mus-
culaires en ronde b08se. Les genoux plats et larges




offmnt chez quelquos ::dividUS d'élit. ju,qu,¡,.~
42 centimetres (16'/2 inches) de circonférence. Les':;
canons sont courts et ronds laissant une dépression,
marquée entr'eux et le tendon qui est tres déve~\l
loppé et fortement attaché. Le pied est générale-l
ment bien fait et en rapport avec le volume du :.1


1
:


corps. Núus avons cependant été a meme de re- ,
marquer chez quelques réproducteurs un léger
manque de corneo L'encolure est droite, ferme et
assez longue, sans exagération de largeur et garnie
d'une criniere épaisse, ni soyeuse ni trop grosse
de crins. La téte est longue lit légerement busquée,
ce qui nuit un peu a la beauté de l'ensemble, mais
comme elle est bien attachée, elle n'enleve rien au
cachet de distinction que présente le gros cheval
de Norfolk.


La robe de ces chevaux est généralement baie
claire et baie marron; la robe noire plus rare est
préférée par quelques grands établissements
comme marque de distinction; la robe gri$e est
plus rare encore, mais peu recherchée. Nous n'a-
vous eu l'occasion, dans l'écurie du comte Elles-
mere, que d'en voir un seul exemplaire, une po u-
hche grise de 2 ans. On rencontre des balsanes
chez la p1upart des chevaux, indifl:'éremment aux
jambes de devant ou de derriere. Les jambes et les
pieds chez tous sOlltgarnis de poils longs et soyeux,
qui pour les membres autérieurs remontellt jus-
gu 'aux plis du genou et pourles jam bes postérieures
jusque vers le milieu du tendon, recouvrant la cou-
ronne et la partie supérieure du picd. eette dis-




17 -


position, qui est loin d'etre considérée chez nous
comme une marque de distinction est tres appré-
ciée en Angleterre. Ces chevaux présentent géné-
ralement une large lisse au chanfrein qui prend
naissance vers le milicu du front et se prolonge
jusqu'au has de la levre antérieure, particularité
qu'on désigne vulgairement par l'expression de
boú'e dans son blanco Quant aux allures, ajoutons
que tous les chevaux qui nous ont été présentés
se distinguaient par la régularité de lems mou-
vements; la cadence et la légereté du trot étaient
remarquablcs.


Les chevaux de forte race de eette partie de
l'Angleterre se subdivisent, comme nous l'avons
dit plus haut, en deux sous ordres qui sont dis-
tincts entr'eux. par quelques modifications dans
l'ossature. Le premier de ces sous-ordres constitue
le cheval de charriage (Dray hor8e), ce cheval
d'attelage qui frappe le regard de tous ceux qui
ont visité Londres. Ces immences chevaux attelés
aux lourdes voitures de charges, et camions, sont
employés par les grandes brasseries au charriage
de la hiere, etc. e'est le cheval dont nous venons
de donner la description. L'autre sous-ordre con-
stitue le cheval de lahour proprement dit, le
cheval de ferme (agricultural horse). Il se dis-
tingue du premier en ce qu'il a l'épaule plus
droite, ce qui donne a l'encolure un aspect plus
court, et plus épais; d'autre part l'avant bras est
plus court, par conséquent le canon plus long et
le genou pIacé plus haut, ce qui apporte égale-




- 18 .,~
ment une modification a la marche et au troto 'él
Pour le reste la conformation difl'ere peu du pre- i
mier. Les éleveurs anglais qui, généralement sont 1
tres scrupuleux sur la pureté de leurs races " .;
attachent un grand prix a cette distinction et '.
veillent avcc le plus grand soin a ce qu'aucun
croisemont ne s'opere entre ces deux catégories.
~ous allons maintenant passer sommairement


en revue quelque sujets, que grace a l'extreme
obligeance de lV1. le capitaine Reaton nous avons
été a meme d'apprécier.


Nous commencerons par la forte race des che-
vaux du Norfolk, nous dirons ensuite quelques
mots sur les chevaux de pur sango Quant aux
chevaux de demi sang nous avons le grand regret
de devoir dire que le manque de temps et la grande
distance a laquelle ils se trouvaient nous a em-
pechés de les yoir.


Pouliches de gros trait (heavy horse).
Une pouliche de 2 ans, robe grise, taille Im65,


eonformatioIl irréprochable, pieds sans reproches,
modele séduisant, joint a cela un pas et un trot
des plus réguliers, cadencé et léger comme celui
d'un cheval de luxe. Ce magnifique animal appar-
tient a la catégorie des chevaux d'attelage.


l' prix du Cambridgeshire.
Une pouliche de deux ans, bai clair, 2 bal-


sanes, lisse en teto, 1 m60~ belle et forte pouliche.
F prix du Norfolkshire:
Une pouliche de 2 ans, bai, Im62, magnifique


et forte pouliche, fiIle de Young Samson. .




- 19 -
1r prix a la grande exposition da Northumber-


land.
Une pouliche de 2 ans, bai marron, 2 balsanes,


lisse en tete, belle pouliche malgré le léger em-
patement au jarreto


Une pouliche de 3 ans, bai marron, 2 balsanes,
tete un peu busquée, forte lisse au chanfrein,
épaule demi-oblique (cheval d'agriculture), superbe
bete.


1 r prix de Liverpool, 1 m65 de taille.
Une pouliche de 3 ans, bai clair, 2 balsanes,


lisse en tete, l m70, belle bete.
Ir prix de Liverpool.
PoulinilJ1'es.
Lne pouliniere de 6 ans, baie, 4 balsanes, 1isse


large en tete, ImG5. Memhres d'un force extraor-
dinaire, croupe longue arrondie, garrot bien sorti,
épaule demi-oblique (cheval de ferme), ligne su-
périeure irréprochable, fessiers des plus puis-
sants, jarrets secs et larges, poitrail tres déve-
loppé, membres antérieurs larges, muscles, genoux
p]ats et larges, aplombs superbes. Elle est suitée
d'Jln poulain de 2 mois marqué comme la mere.
C'est la pouliniere la plus rcmarquable connue
dans le pays.


F Prix d'Angleterre.
Le Comte d'Ellesmere l'acheta a 6 mois pour


le prix de 200 guinées. Elle n'est pas a vendre.
Clydesdale-rnare; pouliniere de (3 ans, cheval


d'attelage (dray horse) ¡ rn 68, bai, 2 ba]sanes,
épaule longue et oblique, garrot bien sorti 1




aplombs et mouvemen: irréPrOehab;~:, 'uit;'.'
d'un poulain de 4 mois. '1


5 fois le Ir prix aux Royal Shires. . ...
Pouliniere de 5 ans, Im75, cheval d'agriculture, J


bai clair, 2 balsanes et lisse en tete, beaux pieds,
charpente puissante, grande largeur dans toutes ~
ses proportions, croupe longue et arrondie. Elle j
trotte admirablement. .~


1 r prix de Badford ;
F » de Tauton ;
1 r » de Birmingham;
1 r » de Li verpool ,
toutes expositions royales d'agriculture.
Étalons, poulains.
Poulain de 1 an, cheval d'agriculture, 1 m52 bai


clair, 3 balsanes, lis se au chanfrcin qui est un
peu busqué, cheval de grand avenir.


Poulain de 1 an, cheval d'attelage, hai c1air,
3 halsanes, boit dans son blanc, chaufrein busqué,
tete bien attachée, tail1e lm55, poulain fort dére-
loppé, ossature puissante, membres larges, la
circonférence de son genou mesure 42 centímetres
(16 1/2 inches) son trot léger et haut est nettement
cadencé. Poulain superbe.


1 r Prix de Cambridshire ;
1 r Prix de Liverpool.
Poulain de 1 an bai elair- beau produit.
Poulain de 2 ans, cheval d'agl'icultul'e, 1"'70,


noir avec 3 petites balsanes, lisse au chanfrein.
Fort poulain aux larges et belles proportions,
beaux mouvements au pas et au troto




- 21 -
1" Prix a la grande exposition nationale.
Poulain de 2 ans, bai clair, 3 balsanes et lisse


en tete qui est tres bien attachée, beau poulain,
tres déveIoppé.


3e Prix de Liverpool.
Poulaill de 2 ans (chev. d'agriculture), bai clair,


2 balsanes, tres beau poulain, laisse quelqlle
chose a désirer allx talons des pieds de uevant.


Ir Prix de Lincoln.
Samson the second (chev. d'agriculture), 2 ans,


alesan, 4 balsanes, superbe modele digne de son
pere.


Médaille de 1 se classe.
Young Wagonner (cheval d'attelage), 3 ans, bai,


fort, splendidement développé.
1" Prix a l'expositioll royale de Birmingham.
Étalons.
Pride of the shif'es (chev. d'attelage), 5 ans,


hai clair, 2 balsanes derriere, gros et fort cheval
croupe longue et arrondie, garrot bien sorti, tete
tres bien attachée, mouvements et allures sans
reproches. Ensemble magnifique.


n fut payé 600 guinées a 2 ans.
Aujourd'hui il est estimé 1000 guinées (26,000


fr.) mais pas a vendre.
Étalon de 4 ans (chev. d'atteIage), l m70, bai


marron. Tres beau cheval comme lignes et comme
adion.


Étalon de 6 ans (chev. d'agriculture), l'n70,
bai,2 balsanes et'peIotte en tete, tres beau cheval
dans ses proportions et dans ses mouvements,




- 22 -


a la corne deS~
-~


laissant quelque chose a désirer
pieds de devant.


Young Samson, 6 ans. (cheval d'attelage), bai
clair truité, 2 balsanes du meme cóté, 1 ffi75,
présentant sous les formes les plus régulieres et
les plus élégantes toutes les marques d'une force!
et d'une vigueur extraordinaires. Membres courts, ¡
larges et forts, garnis a leur partie inférieure
d'un long poil soyeux (1), c'est un splendide
trotteur. I1 s'est fait toujours remarquer au point
de vue de la perfection de ses produits. I1 est fils
du célebre cheval Samson qui remporta le 1" prix
a Royston en 1870 et qui présente un pédigré des
plus remarquables.


1" prix: (champion prize) a Liverpool;
1" » ( » » ) a Bath;
1" » ( » » ) International;
Ir » (» ») a Cambridge.
I1 dessert un nombre limité de juments au prix


de Jl 5, 5 sh.
On a offert a la derniere exposition pour Young


Samson 1500 guinées (fr. 39,000) qui ont été
refusées.


Nous terminons par la mention de ce remar-
quable cheval de la forte raee l'énumération des
chevaux de gros trait.


L'établissement possede un étalon de pur sang
pour le service des poulinieres de demi-sang.


(') Traduction du texte anglais d'une no tic e sur Young
Samson.




- 23 -
Il Y a en outre 6 poulains et pouliches de 6 mois


qui se distinguent autant par leur forme que par
leur origine, dont:


1 par Lord Clifton,
1 » Baron of Child,
1 » Speculum,
1 » Macaroni,
1 » Lecturer ;


puis 3 produits de 2 ans et
5 Poulinieres, dont:
1 par Macaroni,
1 » Macaroni et la mere par Wilddearell,
1 » Ruricane et Lifeboat,
1 » Salute et Musketeer,


la plupart sont suitées.
Apres avoir terminé la visite de la ferme, le


capitaine Reaton nous offrit de parcourir les
jardins et les serres du chateau; nous acceptames
avec reconnaissance. Le chateau de Lord Elles-
mere est l'une des merveilles de l'Angleterre. Pla-
cées sur une haute colline au miliéu de jardins
tenus avec un soin et une propreté que 1'0n ne
trouve que dans ce pays, les constructions en style
ogival occupent une étendue considérable et, sur
la terrasse, on jouit d'une des plus belles vues qu'il
soit possible d'imaginer. Le chateau de Worsley
recevait autrefois tres fréquemment la visite du
prince Albert qui était intimement lié avec le pere
du Lord actuel. Dans notre promenade a travers
le parc nous avons rencontré les jeunes enfants du
comte. Les deux ainés, a peine agés de cinq et six




~n" é~;e~t á cheval ,sur ::, pone!, ¡ les d;"", PI:.~.':'
Jeunes etalent couches dans des bats, portes par unf~
poney conduit a la main.'1


A cinq heures et demie nous prenions congé dU::;i
capitaine Reaton en le remerciant ayee effusion .. ~
de l'obligeance qu'il ayait eue pour nous pendant'l
toute eette journée et en le priant de vouloir bien 'j
transmettre a Lord Ellesmere l'expression de notre . "
plus vive reconnaissance. ' .


Nous rentrions a Manehester a sept heures, et a
sept heures quarante-einq minutes nous étions en I
route pour Laneaster ou nous arrivames a dix
heures du soir.


Nous avions traversé l'Angleterre dans toute
sa largeur de l'est a l'ouest en passant par Leeds,
une des yilles les plus importantes au point de
vue industriel. Nous étions aux bords de la mero
Le jeudi, 6 septembre, a neuf heures du matin,
nous quittames Lancaster pour Cark. Ce trajet
qui n'est que de quelques lieues a été le plus
pittoresque et le plus agréable de tout notre
voyage. D'un cóté du chemin de fer notre vue
s'étendait sur la mer, de l'autre nous avions
devant nous des montagnes couvertes d'une luxu-
riante verdure au milieu de laquelle se dessinaient
des villas nombreuses habitées par les grands
industriels ot les négociants des villes voisines.
W innington, Arkholm, Carnforth, Arnside et
Grange sont de petites villes que nous traversons
et qui sont célebres par la beauté de leurs sites
et la salubrité de leur climat. On y trouve des




- 25 -


plantes en plein air que l'on ne peut pas conserver
chez nous. Les myrtes, les lauriers roses y attei-
gnent des hauteurs prodigieuses et les fuchsias y
sant cultivé s comme des arbres de haute futaie.
Grange surtout est appelée par les Anglais « Tor-
quay of the North.» A notre arrivée a Cark,
les équipages du duc de Devonshire nous atten-
daient :'t. la station pour nous conduire a la ferme
du noble Lord. En l'absence de son intendant
généraI nous fU~es re~us par son secrétaire, qui .
se mit a notre disposition de la meilleure grace
du monde.


L'exploitation agricole da duc de Devonshire
occupe une étendue de mille acres oa enviro n
500 hectares dont les deux tiers sont en paturages.
Le noble Lord s'applique surtout a l'améliora-
tion de la race de shorthorns au point de vue de
la production du lait. Parmi ces trois cents tetes
de bétail qui se trouvent dans la ferme, il n'en
est pas une qui n'ait un tres beau pédigré et
une grande valeur. Il y a la une fortune immense
consacrée au progre s de l'agriculture. Les ventes
de bétail du duc de Devonshire ont une réputation
européenne. Le vieux Lord, agá de plus de
soixante dix ans, trouve une grande satisfaction a
s'oceuper de tout ce qui se rapporte a l'industrie
agricole et pendant toute la période qu'iI pass e
annuellement a Holker Hall, il n'y a pas de jour
qu'il ne vil5ite ses fermes et ses jardins, s'entre-
tenant tantót avec un ouvrier, tantót avec un fer-
mier de ses vas tes domaines, encourageant les


3




, - 26 -


nns, donnant des conseils aux antres et tl'n,l1U"oW"
pour tout le monde un mot aimable. Une
partie des ouvriers qui sont au service du
habitent sur le domaine clans de jolis
entourés d'un jardin tres coquettement
Ces habitations, dont l'intéricur est tres
ment disposé, coútent environ quatre mille tl'~,n,,¡~'_
chacune, et l'ouvrier qui gagne une livre ou 25
par semaine, paie un loyer de quatre shellings
cinq franes par mois. Ces grands seigneurs
devraient étre pris pour modeles par nos
propriétaires du continent, qui trop -_ ..... _._&
croiraient s'amoindrir en s'occupant d'une in-
dustrie bonne tout au plus, d'apres eux, a faire
vivre dans la misere lems paysans et leurs fer-
miers. On nous a dit que le Duc de Devonshire
payait chaque année plus de six milIe livres
(150,000 francs) pour soutenir et faire progresser.
l'enseignement supérieur de l'agrieulture en An-,
gleterre. Et en Belgique on a décidé, il y a a
peine quelques mois, que l'enseignement supérieur
de l'agrieulture ne méritait pas Ulle place dans
le programme des eours des universités de l'Etat!
Du reste, tout dénote en Angleterre que l'agri-
culture y est en grand honneur. Dans les stations
des ehemins de fer on vend des quantités de
broehures traitant ele sujets agricoles. Nous avons .
trouvé aux bibliotheques de plusieurs d'entr'elles
eles traités sur les engrais ehimiques, sur l'éleve
du cheval, du mouton et du pore. Nous y avons
acheté un petit livre, intitulé « The amateur's




-,27 -


and cottage,"s cow, ») qui contient des renseigne-
ments tres utiles et que nous traduirons peut étre
un jour.


Apres avoir passé en revue le bétail de Holker
Hall, dont la produetion en lait des bonnes vaehes
était égale, si pas supérieul'e, a ceHe indiquée
par M. W. Carrington, ilnous resta a peinc assez
de temps pour traverser le pare, ou nous vimes
des troupeaux de daims bondir a notre approehe
ct se lancer sous la feuillée. Nous avions encore
a jeter un reganl sur les jardins et les serres.
Un de nos compagnons appela notre attentiori
sur des A ,'aucw'ia imbricata, d'une hauteur do
vingt metros ot qui mesuraient, a 50 centimetres
du sol, une circonférence de un metre 71 centi-
metres. C'étaient des arbres gigantesques aux-
quels il ne manquait aucune branehe, ct il est
douteux qu'il en existe de plus forts et de
plus beaux en Europe. Un Criptomeria Japonica,
placé a peu de distance des bátiments, avait une
hauteur considérable. Dans les ser res a vignes
nous ayons trouvé en abondance ces grosses et
longues grappes de raisins dont nous avons ad-
miré quelques spécimens a la derniere grande
eXJlosition de fruits qui a eu lieu a Gand en 1875.


De la terrasse du ehateau la vue s'étend au
loin sur la pleine mero On dit que les collections
de tableaux qui sont réunies a Holker Hall ont
une grande valeur. Nous n'avions pas le temps
de les visiter. Il était pres d'une henre. Les
voitures du duc nous attendaient. Nous devions




- 28 -
rentrer a Cark pour prendre a deux heures le··
train qui devait nous eonduire a Northallerlon,
ou nous arrivames a neuf heures du soir.


Il nous restait a voir le lendemain la ferme de
M. Th. Booth que M. Jenkins avait réservée avec
intention pour notre derniere visite.


Le vendredi, 7 septembre, a huit heures du
matin, M. Booth nous fit prendre a notre hótel
a Northallerton pour nous mener a Warlaby qui
n'en était guere éloigné de plus de deux milles.


M. Th. Booth passe pour le plus eélehre éleveur
de shorthorns de l'Angleterre. Située au milieu
d'un pays des plus fertiles, sa ferme a une éten-
due de plus de 400 heetares. Son grand pere,
contemporain des freres Collings, aeheta en 1802
son premier veau pour 25 franes. En 1834, son
pere vendit un jeune taureau de six mois pour
2500 franes et M. Eooth, lui-meme, dans la der-
niere vente publique qui eut lieu sur sa ferme
en 1875, obtint un prix moyen de mille livres ou
25,000 fr. par tete de bétail exposé en vente.


M. Th. Booth nous rec;ut avec la plus grande
cordialité.


Il nous présenta son ami, M. Wilson, un des
directeurs de la S"ociété royale d'agriculture de
l'Angleterre, et son frere, aussi tres grand éleveur
de bétail. Notre entrevue avec MM. Booth et leur
ami a été la plus intéressante de notre voyage.


M. Th. Booth nous fit ohserver tout d'abord,
eommo l'avait fait M. Wallis, qu'il y av:út deux
variétés bien distinctes dans la raee de Durham,




- 29 -
l'une créée spécialement pour la production de la
viande, l'autre plus particulierement destinée a
la production du lait. J e m'occupe de l'une et de
l'autre variété, ajouta-t-il; je vous montrerai des
vaches qui donnent jusqu'a trente litres de lait
pendant plusieurs mois; mais c'est surtout de la
formation de plus en plus parfaite des animaux
producteurs de viande qu'on s'est occupé dans
ma famille et, dans mon troupeau de betes a
comes, qui compte plus de quatre cents tetes,
vous n'en trouverez pas une, dans les cleux va-
riétés, qui n'ait un pédigré qui remonte a cin-
quante ans au moins.


Nous arrivames a une prairie ou. se trouvaient
réunies les plus belles vaches. M. Th. Booth en
fit avancer une. Celle-ci, nous dit-il, est une des
plus précieuses de ma eollection pour la produe-
tion de la viande; tous ceux qui s'occupent d'agri-
culture en Angleterre connaissent Lady Fanny.
C'est une vache parfaite, agée de cinq ans; qui,
en vente publique, rapporterait de deux a trois
mille livres (50 a 75 mille francs). Remarquez la
tete busquée, c'est un signe de force. La come
blanche d'ivoire, légerement teintée de jaun8 se
termine par des bouts noirs, tout le monde vous
dira ici que e'est un signe pal'ticulier aux animaux
de ma ferme. Autrefois tous les efforts des
éleveurs tendaient a augmenter le poids de l'ani-
mal du cóté des hanehes. Les Américains, qui
sont nos prineipaux acheteurs, nous ont fait ob-
server que nos bétes avaient une marehe difficile


3'"




- 30 -


et ne résistaient pas dans leur pays ou elles
avaient a parcourir de grandes distan ces. Depuis
lors nous cherchons a développer l'épaule et a
lui donner unelargeur aussi grande que possible.
L'épaule de Lady Fanny a un développemcnt de
60 centimetres. La tete est large dans la région
du frontal et s'amincit vers le InUme; le cou est
raccourci, léger; l'épaule droite, épaisse, s'unit .
avec le cou presque sans aucune saillie des os;
la poitrine haute, profonde et large, descend
jusqu'aux genoux, se projette en avant, perpen-
diculairement au point d'attache du cou et de la
tete. Le garrot, doublé, forme avec le dos et les
reins une surface droite, horizontale, qui, déve-
loppée sur les cótés par la forte courbure des
cótes et la dimension extraordinaire des han ches
et du bassin, offre l'aspect d'une table en carré
long. Un animal parfait d'apres M. Th. Booth,
doit avoir la méme distance entre les hanches,
depuis la hanche jusqu'au has des flanes et depuis
la hanche jusqu'a la naissance de la queue. Cette
distance pour la splendide vaehe que nous avions
devant nous était de 75 centímetres. Lady Fanny
est maigre maintenant. Elle a donné, il Y a trois
moís, un veau que vous verrez tantOt; la masse
du corps est profonde, pres de terre, la chuir
descend jusqu'aux genoux et aux jarrets. Elle
ne regoit que 1'herbe qu'elle broute. Si je le
voulais, en troís mois au plus, je la porterais
a un état d'embonpoint tel que toutes les saillies
des os seraient rec:ouvertes, et que le corps pré-




- 31 -


senterait de nombreuses couches de chair sur le
sternum, les épaules, le dos, les cutés, les han-
ches eL la queue.


Par le développement des principaux organes
de la vie, on a stimulé l'énergie. des forces
vitales; l'animal y a puisé la santé, la faculté
de s'assimiler promptement et completement la
nourriture; de la sa précocité; les génisses de
1\1. '1'h. Booth re¡;oivent le taureau a 14 mois et
sont plus fortes et mieux formées que nos génisses
de trois ans; par le développement des parties du
corps qui constituent la meilleure viande, on en
a augmenté la quantité et la qualité, et consé-
quemment la valeur des animaux; par le meme
développement et par la diminution des os, des
déchets, on a, pour ainsi dire supprimé, autant
que faire se pouvait, toutes les parties inutiles,
qui s'alimentaient au détrimcnt des bonnes, sans
etre nécessaires a l'organisme.


Pour arriver a ces résultats, 1\1. '1'h. Booth et
ses ancetres ont surtout employé le systeme d'ac-
couplement in and in, et, en eff('t, les généalo-
gies de ses animaux les plus renommés le dé-
montrent. Sur l'observation de quelqu'un de nons
qu'on avait prétendu en Belgique que la viande
des Mtes bovines de Durham était moins bonne que
la viande du bétail d'autres races, M. '1'h. Booth
répondit que les shorthorns avaient aussi eu antre·
fois leurs détracteurs en Angleterre, qu'a cotte
époque on avait fait a plusieurs reprises l'expé-
rience comparée de la viando des breufs de Dnr-




32 .,;'~ . - - .~
ham avec celle des bmufs des autres races et que,:'
dans les memes conditions, les premiers n'ont ja-~
mais été déclarés inférieurs aux seconds ni pour'~
la quantité proportionnelle du suif ni pour la qua- ~l
lité de la viande. Du reste, ajouta M. Th. Booth;.~
vous aurez l'occasion d'en juger vous-memes, si 'j
:ous voulez bien. accepter tan.tót le luncheon que,]
Je me permettral de vous offnr. 1 M. Th. Booth fit avancer alors une autre vache. 'j
Celle-ci, dit-il, est une de mes bonnes vaches lai ... ~
tieres. Elle donne, apres le vélage, jusqu'a huitJ
gallons de lait (36 litres) et cette production extra- .~
ordinaire se prolonge quelquefois pendant troi8;)
mois. Il faut a peine 22 litres de son lait pour.¡
un kilo de beurre. Cette vache rappelait davan-:~
tage, comme nous l'avons dit dans un autre écrit, .
le type primitif, elle avait une conformation moins <-
flatteuse que les vaches de la eatégorie précé-
dente; ses veaux, tout en croissant autant et aussi ..
vite que les autres, plaisent moins aux achete!lrs.
Il arrive tres-souvent, ajouta M. Th. Booth, que
des étrangers qui SOllt envoyés en Angleterre par
leur gouvernement, se laissent séduire par la con-
formation des taureaux shorthorns pour la pro-
duction de la viande, et il en résulte qu'on con-
uait peu la variété des vaches durhams bonnes
laitieres. Apres nous avoir fait observer le déve-
loppement des glandes mammaires, et la largeur
de l'écusson, M. Th. Booth appela notre atten-
tion sur un point que nous ne connáissions guere
et auquel il attachait une certaine importance. /.




- 33 -
Remarquez, dit-il, la distance qu'il existe entre
les yeux et le muffie, vous pouvez etre certain
que plus cette distance est grande plus la produc-
tion laitiere sera eonsidérable. e'est une présomp-
tion qui pour moi est une eertitude.


A Warlaby, chez M. Th. Booth, les herbages
nous ont paru divisés en trois classes : herbages
de vallée de qualité médiocre; herbages en cóte
reposant sur l'argile, meilleurs; patures rappro-
chées des étables, en sol compacte et argileux,
garnies d'une herbe epaisse et longue de bonne
qualité. Les vaches a lait étaient dans les patures
les plus proches; elles étaient relativement mai-
gres; mais M. Booth les préfere dans cet état
pendant qu'elles donnent ·du lait. Les génisses
paissaient les herbages en cóte; elles étaient en
condition parfaite. On réservait les herbes de la
vallée aux breufs, aux vaehes a engraisser, etc.;
ehaque troupeau changeait de paturage tous les
jours. En hiver les vaches et les génisses rentraient
dans les straw-yards, cours spacieuses entourées de
hangars, sous lesquelles elles pouvaient s'abriter
et ou on leur donnait du foin et des turneps. Les
veaux étaient nourris au sceau, les femelles atta-
eMes dans des étables et ayant chacune leur stalle,
les males en liberté dans des boxes. Tous les veaux
buvaient du lait pendant quatre mois ; les femelles
allaient a l'herbe ou consommaient du foin et des
turneps; les taureaux avaient de l'herbe ou du
foin avec du tourteau de coton , dont on augmen-
tait la guantité suivant l'appétit ou la croissance.




34 -


Inutile d'ajouter que, bien avant le sevrage, cesl
animaux recevaient une partie de ces alimellts H
aussitat qu'ils étaient en état de les consommer/':
M. Th. Booth éleve tous ses veaux, il conserv~
ceux qui ont toutes les qualités requises dan¡;¡'
l'une ou dans l'autre variété. Les animaux défec.;.:
tucux sont engraissés pour ctre livrés a la bou~"
cherie. Les taureaux qu'il veut conserver sont
nourris aux tourteaux et généra1ement élevés en
liberté dans 1eurs boxes jusgu'a douzo ou quatorze
mois. A cet age ils commencent la monte, et on
les promene tous les jours pour qu'ils ne devien-
nent pas trop lourds ou improlifiques. Il y avait
a Warlaby une quarantaine de taureaux de divers
áges, depuis douze mois jusqu'a dix et douze ans.
Tous avaient le nez muni d'anneaux et portaient
la trace de sétons que l'on a l'habitude de lour
faire appliquer des l'age d'un ou d,e deux mois et
de 1eur laissor j usqu'a dix 011 donze mois, pour
prévenir les maladies violentes, endémigues dan s
la localité et surtout celles connues sous le nom'
de blackquarter. Ces animaux sont loués ehaque
année, en séance publique et au plus offrant, pour
quatre mois de saillie, de septembre jusqu'a la fin
de déeembre. Le prix ordinaire de ces locations
est de cing millo franes, outre l'entretien d'un
vaeher et la nourriture de l'animaL Le principal
taureau de M. Th. Booth avait été plaeé, pendant
les deux dernieres années, a la vacherie de la
reine a Windsor, au prix de 350 livres ou 8,750 fr.
par an.




35 -


Depuis l'origine, c'est-a-dire depuis 1822, les
animaux de M. Th. Booth sont inscrits au General
short horned herd book, ou livre général des vache-
ries courtes comes, contenant les généalogies des
taureaux et des vaches courtes comes de la race
améliorée de Durham. U'est dans ce livre qu'on
peut aujourd'hui vérifier la desccndance des ani-
maux, et trouver les documents propres a éclairer
sur leur mérite pour la reproduction. II n'y a pas
un éleveur qui n'ait eompris que la garantie du
sang contribuait a accroítre la valeur de ses ani-
maux et a inspirer de la confiance aux acheteurs.
Ce fait est tellement vrai que la seule inscription
d'un animal de Durham au Hert book, si cet ani-
mal est bien conformé et a une bonne généalogie ,
lui donne une valeur qui justifie ces prix de con-
vention que nous avons rapportés plus haut.


Nous voyons souventici, continue M. Th. Booth,.
des délégués étrangers de l'agriculture, se pré-
occupant fort peu de la généalogie des repro-
dueteurs, s'adresser a des commissionnaires qui
parcourent les marehés publics et ramassent un
bétail sans distinction aueune. Ces animaux,
quelque soit leur prix ne valent pas ce qu'on les
paie. Ce n'est pas ainsi qu'on parviendra jamais
a améliorer le bétail. Pour arriver a un résultat
sérieux, iI faut aequérir des taureaux ayant un
bon pédigré, paree que seuls ils transmettent
toujours a leurs dcscendants les qualités gui les
distingl1ent. On ne les trouve pas, a un moment
donné, mais il faut procéder avec patience et




- 36 -
s'adresser aux personnes qui ont donné des preuves
d'habileté dans l'art si difficile d'élever le bétail.


D'apres M. Th. Booth les jeunes reproducteurs
ayant une gén~alogie bien tracée se paient en
Angleterre de 80 a 100 livres (2000 a 2500 fr.),
quand ils sont arrivés a l'ige de huit et dix mois.


Ces explications nous étaient fournies tantót
par M. Booth, tantót par son frere, tantót par
M. Wilson, pendant que nous traversions une
partie de la propriété de Warlaby. Arrivés a la
maison de M. Th. Booth, nous fUmes recus dans
un des salons dont les fenetres donnaient sur un
splendide jardin du cóté opposé de la ferme, et
la gracieuse hospitalité de M. Booth, nous permit
une fois de plus de juger de l'erreur de ceux qui
prétendent que la viande des Mtes de Durham
n'est pas meilleure que celIe de tout autre bétail.


Nous remerciames avec effusion MM. Booth et
. leur ami pour tous les renseignements qu'ils
avaient bien voulu nous fournir, et chacun de
nous exprima l'espoir de les revoir un jour en
Belgique. Avant de quitter Warlaby M. Th. Booth
nous pria d'accepter un souvenir de notre visite,
et remit a chacun de nous une belle gravure re-
présentent· Lady FrafJrant, la vache la plus distin-
guée de ses étables.


N0US venions de passer la journée la plus in-
téressante et la plus instructive de notre excursion
agricole, celIe qui devait clóturer la série de nos
visites. Apres avoir renouvelé encore l'expression
de notre gratitude pour l'accueil sympathique et




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cordial que nous avions rec,¡u, nous primcs congé
de notre Mte qui nous fit reconduire a la station
de Northallerton. Nous quittames cette ville a
deux heures de l'apres midi poui arriver a Lon-
dres a neuf heures du soir. Nous avions fait en
sept heures environ quatre vingt dix lieues de
chemin.


Ainsi se termina un voyage dont nous avons
tous eu lieu d'€Jtre particulierement satisfaits.


Si notre excursion n'avait eu un but déterminé,
nous nous étendrions davantage ici sur différents
points de l'exploitation agricole anglaise qui ont
particulierement attiré notre attention. Nous
devons nous borner a dire que dans toutes les
fermes que nous avons visitées, la culture est la
plus intensive possible; l'assolement alterne que
les Anglais désignent par ces mots : green crop
and white crop y est généralement suivi. Les
batiments de ferme sont d'une simplicité que
nous ne connaissons pas ici. Les étables sont bien
aérées, propres et coustruites de la maniere la
plus économique. Les fermes n'ont pas de grange.
Les blés sont mis en meules et battus le plus yite
possible pour etre conservé s plus ou moins long-
temps dans les greniers situés la plupart du
temps au-dessus de l'habitation. Les prairies sont
soignées en Angleterre d'une maniere toute par-
ticuliere. Une production abondante de l'herbe
est une des conditions essentielles de la prospé-
rité de la ferme. Le superphosphate de chaux et
le nitrate de soude sont les principaux suppléments


4,




anx eng,>ais pailleux q:: 1'0n pcodu;t en abol
dance. .1j


Les faits que nous avons rapportés ont un terl
earaetere d'authentieité que personne ne ser~~~
probablement tenté de les revoquer en doute. Cel
voyage nous permet aujourd'hui d'établir avenl
maturité et eonfiance les assertions suivantes :l


10 Que la race de Durham se compose de deux~
variétés bien distinetes et qu'il ne faut pas confon~ ~
dre: l'une pour la production du lait, l'autre ponr .
la production de la viande;


20 Que dan s l'une comme dans l'autre variété, les .
. animaux de la race pure, majes et femelles, sont
en général supérieurs a toutes les autres mees;


3° QIl'ils sont tres-précoees, aptes, quoiqu'a un
degré difIérellt, a l'engraissement a tout age et
remarquablement eonformés pour ee but;


40 Que la raee de Durham avee un bon pédigré,
pas autrement, est une mee essentiellement propre
a transmettre ses qualités aux autres raees;


5° Qu'enfin eette mee mérite d'étre élevée avee
soin et propagée activement non pas seulement
porir sa propre multiplieation, mais dans le but
d'opérer, a l'aide de eroisements , a difIérevts de-
grés, le développement de faeultés qui ne sont pas
suffisamment développées dans notre raee indigi:me.


Le SecrétaÍ1'e,
L. TYDGADT.


Le Président de la Société ag>'icole
de la Fland,'e O,'ientale,


AUG, LIPPENS.