MÉMüIRES DES CONTEMPORAINS SE TROUV¡': AUSSI A LA GALERIE DE BOSSANGE PERE, ~...
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MÉMüIRES
DES


CONTEMPORAINS




SE TROUV¡': AUSSI


A LA GALERIE DE BOSSANGE PERE,
~ I~IBRAIRE DE S. A. S. MONSEIGNEUR LE DUC D'ORL'Í:ANS,


rue de Richelien, n" 60.


¡@Q


IMPRIMERIE DE LACHEVARDIERE FIL5.
SUCCESSEUR DE CELLOT,


rue du Colcmbler , b. 30.




~ ~ 11


MÉMOIRES


;
, e_,1 .~


• .: :,...,. ,.""'é.


DES


CON1'EMPORAINS,
POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE FRANCE,


ET I'RINCIPALEMENT A CELLE


DE LA RÉPUBLIQUE ET DE L'EMPIRE.


"


·---_...g.go -


SE CONDE ÉDITION.


P AHIS,
BOSSANG:E FRERES, LIBRAIRES,


IlUE DE SEINE, NO 12. •






MANUSCRIT


MIL HUIT CENT QUATORZE,
l'ROUVÉ DANS LES VOITURES'IMPERIALES PRISES A WA1'ERLOO,


C.ONTENANl'


L'HISTOIRE ,DES SIX DERNIERS 1I'I015 DU REGN.E DE


NAPOLEON;


P.<\R I.E BARON FAIN.
SJ:CIIÉTAJD.E DU CABIN:E;T A CETTE ÉPOQUE.


"KAl.TR E. D~S REQlJETES, ETC.






AVERTISSEMENT


DES ÉDITEURS.


Cet ouvl'age, terminé au commencement
de 1815, avait étéperdu avec beaucoup
d' autrespapiers dans les voitures impé-
riales prises a Waterloo; et e' est sous le
titre anonyme de Manuscrit de mil huit
cent quatorze-, trouve a Waterloo-, qu'iJ.
nous a été présenté.


Occupés d' en donner une édition, nous-
avons mis tous nos soins a chercher quel
en était l'auteur, et voici ce que nous
avons appris d'une maniere certaine,


Napoléon, en quittant Fontainebleau
pour se rendre á I'tle d'Elbe, avait chargé
le baron Fain, son secrétaire du cabinet,
de préparer sur les dernieres années un
relevé de faits et de dates qui püt .lui


- servir de canevas , se Ion son usage, lors-
qu'il voudrait dicter cette partie de son




VIII AVERTISSEMENT.


histoire. C'est en voulant s' aequitter de"
eette tache que M. Fain a rédigé le ma-
nuscrit perdu quelque temps apres aWa-
terIoo. Nous publions cet ouvrage tel
qu'il est sorti des mains de l'auteur a l'é-
poque qu~ nous venons de eiter. Cepen-
dant quelques aper~us qui ne sont qu'in-
diqués dans le texte ont depuis été con-
firmés par des écrivains qu'on ne saurait
taxer d' étre au nombre des partisans de
Napoléon; et nous avons cru devoir citer
en notes certains passages de leurs écrits,
qui, pouvant étre considérés comme l'aveu
de la partie adverse, sont de nature a
dissiper des incertitudes toujours fati-
gantes pour le lecteur.


Nous donnons a la fin de chaque partie
un SUPPLHMENT composé de pieces que nous
avons puísées dans des portefeuilles riehes
en matériaux historiques, et qui com-
pletent cet ouvrage dans les détails les
plus importants.




PREFACE.


Aussitót apres la chute du gouvernement im- -
périal , les vainqueurs se sont empressés de ra-
conter les événements a leur maniere. Toutes
les trompettes ont sonné pour eux : c'est l'usage!


Cependant les armées francaises avaient fait
Ieur devoir, et la patrie reconnaissante élevait
la voix en leur honneur; mais celui qui pouvait
seul faire le juste partage de la louange et du
hláme n'était plus la! A son défaut, bien des
gens ont eru devoir faire les parts eux-mémes.
On s'est mis a l'ouvrage. Chacun a fait de l'his-
toire pour son compte ;chacun a voulu fixer
l'attention du public sur le point oú il s'est
trouvé. L'épisode est devenu le sujet principal;
les papiers d'état-major, les états de situation,
ont été déployés, et tout le fatras de la contro-
verse militaire n'a fourni que trop de volumes l
Sous eette masse de détails, les grands. traits de
l;histoire courent risque de disparaltre , ou de




x PRÉFACE.
n'étre plus éclairés que par un faux jour! Mais
le temps roule dans sa marche sur les petites
combinaisons de l'amour-propre et de l'esprit
de partí ; il écrase avee indifférence les pygmées
eomme les grains de sable', et ne Iaisse a la pos-
térité que des vestiges dignes d'elle l


De toutes les apologies auxquelles la grande
eatastrophe de 1814 pouvait donner naissanee,
une seule eút été digne de passer aux siecles a
venir: elle manque, et ce sera la plus grande la-
cune de l'histoire de nos jours. Ainsi, tout le
monde a parlé, excepté celui qu'on avait besoin
d'entendre 1


Il faut pourtant suppléer, s'il est possible , a
son silence. En attendant qu'une plume fidele et
exereée entreprenne cette tache, les faits par-
lent: ils suffisent déja, On veut seulement essayer,
dans l'écrit qu'on soumet ici au lecteur, de ré-


tablir les événements dans leur ordre et dans
leur véritable proportion,


L'auteur écrit dépourvu de matériaux ; mais
il était auprés de Napoléon: le souvenir de ce




PRÉFACE. XI
qu'il a vu, de ce qu'il a entendu et de ce qu'il a
senti, sera son guide. Il a suivi les marches du
grand quartier général; il a été témoin des évé-
nements principaux; la position oú il était lui
a permis de voir ~ du point le plus élevé, l'en-
semble des affaires et de les juger dans le rap-
port qu'elles avaient entre elles ... Il aura atteint
le but qu'il se propose, s'il parvient amettre un
mornent Le lecteur dans la méme position.


=






T ABLE DES CHAPITRES.


PREMIERE PAR TIE.


SÉJOUR DE NAPOLÉON A PARISo
CUAP. ler. Arrivée de Napoléon a Paris. - Ses


premiéres dispositions.. . . . . . . . . . . .. 1
CHAPo 11. Propositions de Francfort.. o o . . .. 5
CHAPo 111. Les alliés reprennent l'offensive. o .. 12
CHAP.IV. Un parti d'opposition éclate aParis.-


Napoléon renvoie le corps législatif. - Con-
spiration intérieure, . . . . . . . o • • • • •• 17


CHAPo V. Invasion du territoire francais. . . . .. 25
CHAP. VI. Projets de Napoléon pou"r l'ouverture


de la campagne.-Formation des réserves.-
Coup d'oeilsur nos autres armées. . . . . . •. 50


CHAP. VII. Reprise des négociations. - Progres
de l'invasion étrangére. . . . . . . . . . . .. 41


CHAP. VIII. Dernieres dispositions, - Départ de
Napoléon pour I'armée. . . . . . . . . . . .. 46


I Supplément a la premiere partie. . . . . 49
DEUXIEME PAR TIE.


JOURNAL DE LA CAMPAGNE.


CHAP. ler. Arrivée de Napoléon a Chálons-sur-
Marne. o o . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 83


CHAPo II. L'armée reprend I'offensive, - Bataille
de Brieone. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 88


CUAP. III.Retraite de l'armée francaise.-Condi-
..tioos dictées par le congreso . .'. . . . . . . . 102


CUAPo IV. Seconde expédition contre le maréchal
Blücher, - Combat de Champaubert, - Bataille
de Mqotmirail.-Combats de Cháteau-Thierry
et de Vauchamps. . . . . . . . . o . . . . . . 1 13




XIV TABL.E DES CHAPITR.ES.


CIIAP. V. RetoursurlaSeine.-Combats de Nangis
et de Montereau. - Poursuite des Autrichiens
jusqu'au-delá de Troyes.. . . . . . . . . . . . 125


CHAPo VI. L'armée francaise rentre dans Troyes.
- Second séjour de Napoléon dans cette ville.
- Négoeiation de l'armistice aLusigny.... 148


CHAPo VII, Troisiéme expédition contre le maré-
chal Blücher.- Hetour de Napoléon sur la
Marne o o . o . o 160


CHAPo VIII. Excursion au-delá de l'Aisne. -
Bataille de Craonne. - Combats de Laon et
de Reims. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 76


CHAPo IX. Napoléon raméne l'armée sur la Seine,
- Combat d' Arcis.. . . . . . . . . . o o . . 196


CHAPo X, Marches et contre-marches entre Vitry,.
Saint-Dizier et Doulevent., o • • 212


CHAPo XI. Hetour sur París. o . . . 224
Supplément a la deuxiéme partie, . 255


TROISIEME PAR TIE.


SÉJOURDE L'EMPEREUR A FONTAINEBLEAU.


CHAPo ler. L'armée se range autour de Fontaine-
hleau, - Nouvelles de Paris, - Succes du parti
royaliste, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . o 555


CHAPo II. Suite des nouvelles qu'on recoit de Paris. 565
CHAPo III. Influenee des événements de Paris sur


Fontainebleau 569
CHAPo IV. Suites de la défeetion du due de Raguse. 579
CHAPo V. Traité du 11 avril. . . . . . ... . . 590
CHAPo VI. Dispersion de la famille impériale. 598
Supplément a la troisieme partie. . . . o ., 408




MANUSCRll'
DE


MIL HUIT CENT QUATORZE.


PREMIERE PAR TIE.


SÉJOUR DE NAPOLÉON A PARIS.


(Du 9 novembre 1813 au 24 janvier suivant.)
Bellum parare eimul ~t eerario parcere, cogerc atl


militiam C05 qU05nclis offendere , domi forieque oninia
curare , et ea agere inter iuvidos , occursantes el Iac-
t,i,osos, opiniune aspcrius esto






MANUSCRIT
DE


MIL HUIT CENT QUATORZE.
-~_............-------""""-,,-------..._---


PREMIERE PARTIE.


CHAPITRE r-,


ARRIVEE DE NAPOLEON A PARIS. - SES PREMIERES
DISPOSITIONS.


(Novembre 1813.)


On venait de perdre l'Allemagne; il ne restait
plus qu'á sauver la France ,ou a succomber.avec
elle.


Napoléon est de retonr a Paris le 9 novembre
1813. Il met toute son activité a tirer parti des
moyens qui lui restent.


Ses premiers mots au sénat sont ceux-ci :
(l Toute l'Europe marchait avec nous il y a un


1




2 MANUSCRIT
1) an ; toute l'Enrope marche aujourd'hui contre
» nous. »


Une levée de trois cent mille hommes est aus-
sitót décrétée.


Des ingénieurs sont envoyés sur les routes et
dans les places du nord, Ils sont chargés de 're-
lever les vieilles mnrailJes qui servaient de rem-
parts al'ancienne Franee , de tracer des redoutes
sur les hauteurs propres aservir de point de ral-
liement dans nos retraites , de fortifier les défilés
oú le courage national pourra disputer le pas-
sage; en fin de tout préparer pour la coupure des
digues et des ponts qn'il faudra abandonner.


Des commandes sont faites aux dépóts de re-
montes, aux fonderies , aux manufactures d'ar-
mes, aux ateliers d'habillement; partout.


Mais il faut de l'argent: la .trésorerie n'en a
plus. Napoléon en fait prendre dans son trésor
privé. En vain on propose de réserver cette res-
source pour des placements secrets qui assure-
raient le sort de sa famille contre les grands
revers dont elle est menacée: ces conseils sont
rejetés comme trop personnels, et le baron de
La Bouillerie , trésorier de la couronne, est chargé
de porter trente millions en écus dans les caisses
de la trésorerie. Ce secours ranime le crédito Tous
les ser-vices reprennent leur activité.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE.
Des conseils d'administration, des conseils de


guerre, des conseils de finances, se succédent
d'heure en heure aux Tuileries. Les journées sont
trop courtes; mais Napoléon a la ressource des
nuits. Il consacre se~ veilles a lire ce que les mi-
nistres n'ont pas eu le temps de lui dire ,' a si-
gner ce qui n'a pu étre expédié dans la journée,
et a méditer ses plans.


L'armée d'Allemagne vient de rentrer dans nos
limites par les ponts de Mayence. Il faut lui as-
signer une position oú elle puisse prendre le re-
pos dont elle a hesoin. Dans ce moment, elle
forme sa ligne derriere le Rhi:t.I, et cette ligne,
qu'elle prolongechaque jour davantage, va bien-
tót s'étendre depuis Huningue jusqu'aux sables
de la Hollande; mais l'affaiblissement de nos ré-
giments et l'épuisement de nos magasins ne per-
mettent guere de penser a c1éfendre un front de
cette étendue. Déjá ceux qni ne voient que la
question militaire s'alarrnent de ce que nos trou-
pes vont étre disséminées, Nous nc pouvons sé-
rieusement songcr a défendre le Rhin : des lors
ils voudraient qu'on se hátát de l'abandonner.
Napoléon se décide par d'autres considérations :
nous sommes faibles , mais eette faiblesse est un
seeret qu'il fant garder le plus long-temps possi-
ble. Les alliés, étonnés de nous avoir vaincus ,


1.




4 MANUSCRIT
viennent de s'arréter el l'aspect de notre terri-
toire, si Iong-temps sacré pour eux. De son
coté, la Franee semble avoir conservé, de la lon-
gue habitude de vaincre, un reste de confianee
qui la soutient contre l'exces de ses reverso n faut
bien se garder de porter atteinte a ces illusions
protectrices. Quand l'ennemi attaquera, il sera
tempsde reculer, Notre armée recoit donc l'ordre
de conserver ses quartiers le long du Rhin. L'en-
nemi va respecter cette barriere assez Iong-temps
pour justifier la hardiesse qui s'y confie; et le
prestige de nos aigles, encore debout sur la rive
gauche, pretera un dernier appui aux négocia-
tions qui vont étre renouées.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 5


CHAPJTHE JI.


PROPOSITlONS DE FRANCFORT.


(Suite de novem breo )


Des ouvertures ponr la paix venaient d'étre
faites.


Le 5 novembre, le prince régent d'Angleterre
avait déclaré dans le parlement « qu'il n'était ni
II dans l'intention de l'Angleterre, ni dans celle
» des puissances alliées, de demander ala France
s aucun sacrifice incompatible avec son honneur
II et ses justes droits. »


Le 14 novembre, le baron de Saint-Aignan ar-
rive a Paris , chargé par les alliés de faire des
communications qui confirment ces dispositions
pacifiques, M. de Saint-Aignan, écuyer de I'em-
pereur,' était dans ees derniers temps ministre
de France a la eour de Weimar. Une bande de
partisans I'avait enlevé de sa résidenee; mais sa
réputation personnelle, son aIlianee avee le due
de Vicence, et l'intérét que lui portait la eour
de Weimar, avaient conconru a sa délivrancc,




6 MANUSCRIT
M. de Metternich avait pensé a profiter de son
retour en Franee pour faire parvenir des propo-
sitions a Napoléon. Il avait done appelé M. de
Saint-Aignan a Franefort. Le 9 novembre, dans
un entretien eonfidentiel, auquel assistaient M. de
Nesselrode, ministre de Bussie , et lord Alber-
deen, ministre d'Angleterre, M. de Metternich '
avait posé les bases d'une pacification générale;
et M. .de Saint-Aignan les avait recueillies sous
sa dictée. Ce sont ees bases que M. de Saint-Aignan
apporte a Napoléon J.


Les alliés offraient la paix a condition que la
Franee abandonnerait l'Allemagne, l'Espagne, la
Hollande, l'Italie, et se retirerait derriere ses
frontieres naturelles des Alpes, des Pyrénées et
du Rhin.


Apres les conditions proposées aPrague qua-
tre mois auparavant, celles-ci devaient paraitre
bien dures. Abandonner l'Allemagne, ce n'était
que se soumettre a ee que les derniers événe-
ments de la guerre avaient a peu prés déeidé;
abandonner l'Espagne, ce n'était que convertir


I Les pieces de eette négociation ont été imprimées dans
le numero du Moniteur qui devait paraítre le 20 janvier
1814, et qui aété retiré apres l'impression. Ces pieees sont
dans le supplément de la prerniere partie.




DE MIL nUIT CENT QUATORZE. 7
en obligation formelle la disposition volontaire
oú l'on était déjá de céder a la résistance des
Espagnols : mais renoneer a la Hollande, que
nous possédions encore tout entiere, et qui sem-
blait nous offrir tant de ressources ; mais abdi-
quer la souveraineté de l'Italie, qui était encore
intaete, et dont les forces suffisaient pour faire
diversioná toute la puissance autrichienne, c'é-
tfient des saerifices immenses, que Napoléon ne


- pouvait faire qu'a une paix prompte, franche,
et qui préservát la France de toute invasión étran-
gere. Cependant ee n'était pas la cessation "des
hostilités qui était offerte a Napoléon pour prix
de son adhésion aux bases proposées ; c'était seu-
lement l'ouverture d'une négoeiation. Ce point
est important et merite qu'on veuille bien y faire
attention. En effet, un dernier article dieté a
M~ de Saint-Aignan portai t que si ees bases étaient
adrnises , on proposait d'ouvrir la négoeiation
dans une des villcs des bords du Rhin , mais que
la négociation ne suspendrait pas les opérations
militaires. Ainsi Napoléon, en renoneaut al'Alle-
magne et al'Espagne, en détachant de sa cause la
Hollande et toute l'Italie , n'obtenait pas méme la
certitude de préserver la Franee d'une invasioIl; la
paix définitive n'en restait pas moins iucertaine
et flottante dans l'avenir des opérations militaircs,




8 MANUSCRIT
Ces propositions, apportées par M. de Saint-


Aignan, étaient done non seulement dures et hu-
miliantes, mais eneore d'une franchise suspecte.
Cependant on ne les rejette paso


Le 16novembre , M. le due de Bassano écrit a
M. de Metternich qu'uné paix qui aura pour base
l'indépe~dance de toutes les nations, tant sous
le point de vue continental que sous le point de
vue maritime, est l'objet constant des voeux et
de la politique de Napoléon, et qu'il accepte la
réunion d'un congrés a Manheim.


Mais aFranefort on ne trouve pas que cette ré-
ponse soit assez précise. M. de Metternich répond
qu'on ne pourra négocier que lorsqu'on saura
avec plus de eertitude que le eabinet des Tui-
leries admet les bases précédemment comrnuni-
quées.


Voilá done le mois de novembre perdu en pré-
liminaires! Certains salons de Paris veulent en
rejeter tout le hláme sur le due de Bassano : on
l'accuse d'avoir répondu a Francfort d'une ma-
niere trop vague, et ron affeete de désespérer
du succes de toute négoeiation tant que ce mi-
nistre testera aux affaires étrangéres, Ceci tient a
des intrigues qui commencaient aagiter la haute
société, et qui n'ont eu que trop d'influence sur
les événements de 1814.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 9
.Quel que fút le crédit personnel du duc de


Bassano, il n'allait pas jusqu'a résoudre des dif-
ficultés d'une nature aussi grave; et dans de
telles circonstances , l'opinion du ministre devait
toujours céder a la détermination d'un prince
«qui se servait des hommes de mérite sans les as-
»socier a son autorité, qui lenr demandait plus
s d'ohéissance que de conseils ',)1 et dont tout le
monde célebre ou bláme l'immuable volonté. Le
duc de Bassano , «distingué par son mérite non
»moins que par son intégrité, joignait a une fi-
D délité incorruptible l'heureux talent d'óter a la
»vérité ce qu'elIe avait de désagréable, sans ja-
»mais la déguiser '. » De son coté, Napoléon, loin
de craindre la vérité, l'attirait a lui par les voies
les plus contradictoires, et par les correspon-
dances les plus confidentielles. On ne pouvait lui
rien cacher; on ne lui cachait rien.


Napoléon n'ignore pas que c'est contre sa per-
sonne que se dirigent les censures qui semblent
ne s'adresser qu'a son ministre; mais, dédaignant


• d'approfondir les secretes intentions des fron-
deurs, et ne vonlant y voir que les préventions


I Duelos.
• Portrait du ministre de Julicn , par Gibbon, tome IV,


chapo XIX, pago 551.


./




10 MANUSCRIT
d'un parti q U'on peut ménager, il eroit devoir y
eéder, et, par eette concession faite au retour
de la confianee, il prélude aux eoncessions plus
importantes qu'il veut faire a la pacification gé-
nérale. Le 20 novembre, il rappelle le due de
Bassano au ministere de la secrétairerie-d'état ,
et, dans le choix de celui qui le remplace aux
affaires étrangeres , il donne une nouvelle preuve
de ses intentions conciliantes. Le duc de Vicence
a mérité, dans sa brillante ambassade de Péters-
bourg, l'estime de l'empereur Alexandre; c'est
lui que l'empereur Alexandre et l'empereur d'Au-
triche semblent demander pour négociateur;
c'est a lui que Napoléon eroit devoir confier son
portefeuille des relations extérieures.


Le nouveau ministre est chargé de rassurer
entiérement les alliés sur les dispositions paci-
fiques de Napoléon. Le 2 décembre, il écrit a
M. de Metternich qne Napoléon adhere tres po-
sitivement aux bases générales et sommaires com-
muniquées par M. de Saint-Aignan.


Le corps législatif était convoqué pour le 2 dé-
cembre; on l'ajourne au 19, dans l'espérance
qu'a cette époque tous les délais préliminaires
seront épuisés, et méme que le congres de Man-
heim sera ouvert: mais douze jours s'écoulent
sans que la négociation fasse aueun progreso On




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 11
recoit enfin une lettre de M. de Metternich ; elle
est du 10 décembre, et contient la nouvelle
inattendue que les alliés ont jugé a propos de
consulter I'Angleterre, et que leur décision dé-
pend de sa ~éponse.


La gazette de Francfort, du 7 décembre, avait
déja publié une proclamation datée du 1er, qui
aurait dú faire pressentir un changement dans
les intentions des alliés. On y faisait sérieuse-
ment un erime a Napoléon des levées d'hommes
qui avaient lieu dans toute la Frailee: parceque
les souverains du Nord avaient parlé de paix, il
semblait que le gouvernement francais n'eút plus
de dispositions défensives a prendre. A la suite
de ces récriminations peu pacifiques, les alliés
promettaient ironiquement a la France de ne
mettre bas les armes qu'apres avoir abattu sa
prépondérance.


L'espoir d'une négociation franche et loyale
s'affaiblissait done de plus en plus.


Le jour fixé définitivement pour l'ouverture
du corps législatif arrive... , et , dans son dis-
cours d'ouverture, Napoléon n'a rien a dire
sur la négociation qui est le sujet de l'attente gé-
nérale, si ce n'est que «( rien ne s'oppose de sa
»part au rétablissement de la paix. D




12 MANUSCRIT


CHAPITRE III.


LES ALLIÉS REPRENNENT L'OFFENSIVt:.


(Décembre 1813.)


11 devient chaque jour plus évident que des
changements sont survenus, vers la fin de no-
vembre , dans la politique des alliés.


C'était assez pour la Russie et pour I'Autriche
de nous confiner derriere le Rhin; mais cela ne
pouvait suffire aI'Angleterre, qui ne voulait pas
nous laisser maitres d'Anvers et de la cote bel-
gique.


Les Anglais sont bien informes du décourage-
ment contre lequel Napoléon lutte a Paris, de
la défection qu'il va éprouver en HoIlande, et de
la vaste conspiration qui couve en France et tra-
vaille déjá les principaux corps de l'état. lis
ont donc concu l'espoir d'un succes plus complet
que celui dont on parait vouloir se contenter a
Francfort. En attendant que l'inexorable histoire


-.


révéle les causes secretes qui ont suggéré de
nouvelles prétentions aux alliés, contentons-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 13
nous de remarquer que c'est bien certainement
dans le court intervalle de temps écoulé entre les
ouvertures faites a M. de Saint-Aignan et la ré-,
ponse définitive du duc de Vicence que cette
révolution s'est opérée... Tout-a-coup les alliés
se décident areprendre l'offensive et aaller die-
ter au coeur de la France la paix qu'ils avaient
d'abord eu l'intention de négocier sur les bords
duRhin.


Quels que soient cependant les encouragements
et mérne les assurances que donne l'Angleterre, il
reste encore aux alliés une telle idée de nos res-
sources, qu'ils pensent ne pouvoir entreprendre
l'invasion du territoire francais qu'á l'aide d'un
développement de forces immenses. La seule opé-
ration du passage du Rhin les intimide au point
qu'ils ne voient d'autre parti aprendre que d'é-
luder la difficulté, en violant la neutralité des
Suisses.


Des le 18 novembre, la diete helvétique avait
réclamé le respeet dü ason territoire. Elle avait
envoyé des députés extraordinaires porter aPa-


>-
ris et aFrancfort sa protestation eontre toute vio-
lence qui lui serait faite sur ses limites; elle avait
placé des bataillons qui formaient un cordon que
M. de WattevilIe commandait... : mais M. Senft
de Pilsac était a Zurich, préparant au nom des




MANUSCRIT
alliés la révolution qui devait délierer la Suisse,
c'est-á-dire l'enlever a l'influence de la France ,
pour la placer sous ceHe de la coalition. L'agent
de M. de Metternich n'était que trop secondé par
l'impatience qu'avaient les anciennes familles oli-
garchiques de rentrer dans la possession exclu-
sive du pouvoir.


Le 20 décembre au matin , le général Bubna
n'hésite plus a se présenter sur la frontiére des
Suisses; il est ala téte de eent soixante mille hom-
mes. Il déclare que cette armée va passer le Rhin
dans la nuit, entre Rhinfeld et Bale. Aussitót les
bataillons du général Watteville se replient; le
mouvement général des alliés se démasque, et
les opérations militaires de la eampagne com-
meneent.


Trois grandes armées se présentent pour en-
trer en France.


C'est d'abord celle du prince de Schwartzen-
berg, qui vient de pénétrer par la Suissc, sous
la conduite du géneral Bubna : elle est composée
d'Autrichiens, de Bavarois et de Wnrtemhergeois;
les gardes imperiales d'Autriche et de Russie s'y
trouvent. On l'appelle la grande armée. Les géné-
raux Barclay de Tol1y, Witgenstein, de Wrede, .
le prinee de Wurtemberg, le général Bubna, le
prince de Hesse-Hombourg, les généraux Gyu-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 15
lay, Bianchi, Colloredo, et le prince Lichtenstein ,
y ont les principaux commandements, L'empe-
reur Alexandre, le roi de Prusse et l'empereur
d'Autriche, suivent en personne les monvements
de cette armée , qui doit commencer parenvahir
I'Alsace et la Franche-Comté; .


La seconde armée est commandée par le ma-
réchal Blücher: c'est l'armée prussienne de Si-
lésie; des divisions russes et saxonnes y ont été
ajoutées. Cestroupes, rassemblées autour de
Francfort, attendent sur les bords du Rhin que
le prince de Schwartzenberg ait rénssi dans son
entreprise sur la Suisse, Du moment que le ma-
réchal Blücher recevra la nouvelle que les Au-
trichiens ont surpris le passage dn Rhin, il ten-
tera de son coté le passage aManheim et se jet-
tera sur la Lorraine.


Les généraux Saint-Priest , Langeron, York,
Saken et Kleist, sont les lieutenants de Blúcher.


La troisierne armée , composée des troupes du
prince de Suede , des Russes du général Voronzof
et dugénéral Wintzingerode, et des Prussiens du
,général Bulow, vient de traverser le Hanovre et
la Hesse; elle a détrnit le royaume de Westpha-
lie. Renforcée par les Anglais du général Graham,
elle est destinée a prendre la Hollande, et doit
ensuite pénétrer en Belgique.




MANUSCRIT
n '" dest convenu qu on ne s arretera pas evant


les places de guerre, et qu'on passera par-dessus
toutes nos anciennes lignes de défense. C'est un
hourra général qu'il s'agit de faire sur Paris.


Le 21 décembre, a Loerach, les souverains
alliés publient les proclamations qui donnent le
signal des hostilités.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. J 7


CHAPITRE IV.


·UN PARTI D'OPPOSITION ÉCLATK A PARIS.-NAPO-
LÉON RENVOIE LE CORPS LÉGISLATIF. -CONSPl-
RATION INTÉRIEURE.


(Fin de décembre 1813.)


La nouvelle de l'entrée du prince Schwartzen-
berg en Suisse arrive aParis peu de jours apres
l'ouverture du corps législatif. Des ce moment,
tout espoir de paix est perdu. Devant le dévelop-
pementde tant de forces, le prestige des nótres
tombe; et désormais ce n'est plus qu'á force de
soumissions... ou d'énergie qu'on pourrasauver
la Franee. Se soumettre atout, ou tout risquer !
dans eette rigoureuse alternative, le ehoix de
Napoléon ne pouvait étre douteux. Bien des
gens ont regretté qu'on n'eút pas cédé : bien des
gens auraient regretté qu'on ne se füt pas dé-
fendu. Ne »aut-il pas mieu» périr que de se sou-
mettre au joug de i'étranger"? Est-ce d'ailleurs


, Le sénatenr Lambrechts , Principes poluiques , 1815.
2




18 MANUSCRIT
un moyen d'arréter l'ennemi que de montrer a
quel point de faiblesse on est tombé P Enfin les
souverains resteront-ils sur nos frontieres pour
nous écouter , s'ils apprennent de notre bouche
rnéme qu'ils sont les maitres de venir dicter ia loi
dans París?


Un beau désespoir peut encore nous secourir.
Tout est donc mis en oeuvre par le gouvernement
pour porter les esprits ade grandes résolutions.
« Entourée de débris , la France leve une tete
»encore menacante : elle était moins puissante,
)) moins forte, moins riche, moins féconde en
» ressources en 1792, quand ses levées en masse
» délivrerent la Champagne L. en l'an VII, quand
»Ia bataille de Zurich arréta une nouveIle inva-
»sion de toute l'Europe L. en l'an VIII, quand
• la bataille de Marengo acheva de sauver la
»patrie ' 1» Napoléon tient dans ses mains les
mérnes ressorts ; rnais, il faut en convenir, ils ont
perdu leur trempe républicaine. l ..a plupart de
nos chefs sont fatigués; cependant le feu sacré
anime toujours la jeunesse francaise et brille en-
core sur quelques fronts chauves consacrés a la
gloire: c'est le dernier espoir de la patrie!


r Díscours du eomte l\egnault de Saint-Jean-d'Angely
au eorps législatif.




DE MIL HUIT eENT QUATORZE. 19
Napoléon veut, avant tout, se concilier la con-


fiance des députés des départements. IlE'a pu
leur annoncer la paix, il veut du moins les con-
vaincre qu'il a fait ce qui dépendait de lui pour
la négoeier: mais sa parole ne suffit plus; il se
croit obligé de communiquer les piéces a une
eommission tirée du sénat et de la ehambre des
députés. MM. de Lacépede, Talleyrand, Fontanes,
Saint-Marsan, Barhé-Marhois et Beurnonville,
sont les commissaires du sénat; MM. le due de
Massa, Raynouard, Lainé, Gallois, Flaugergues
et Maine de Biran, sont les commissaires du
eorps législatif. Ils se réunissent, le 4 décembre ,
ehez l'arehiehancelier; les conseillers d'état Re-
gnault de Sa,int-Jean-d'Angely et d'Hauterive leur
eommuniquent les pieces.


En prouvant que le gouvernement avait fait
tout ce qu'il pouvait faire pour négocier, Napo-
léon avait espéré qu'un eri d'honneur en appel-
lerait aux armes: mais le sénat , sur le rapport
de ses commissaires , le prie de faire un dernier
effort pour obtenir la paix. u C'est le voeu de
»Ia France et le besoin de l'humanité. Si l'en-
J) nemi persiste dans ses refus, ajoute le sénat ,
11eh bien! nous eombattrons pour la patrie,
11entre les tombeaux de nos peres et les berceaux
11 de nos enfants ! »


2.




20 MANUSCRIT
Dans sa réponse au sénat , Napoléon chcr-


che á éxpliquer de nouveau ses véritahles dispo-
sitions : «11 n'est plus question, dit-il, de recou-
»vrer les conquétes que nous avons perdues. Je
»ferai sans regret les sacrifices qu'exigent les
J) bases préliminaires proposées par l'ennemi , et
»que j'ai acceptées; mais si l'ennemi ne signe pas
J} la paix sur les bases qu'il a lui-méme offertes,
»il faut le combattre! »


Le corps législatif se préte encore moins que
le sénat a donner son assentiment au parti ex-
treme vers lequel Napoléon semble pencher.
Sur la proposition du député Lainé, qui est rap-
porteur des commissaires , l'assemblée exige que
le gouvernement se lie pour l'avenir par des en-
gagements qui sont la censure du passé. On ne
peut refuser ouvertement de combattre pour
I'intégrité du territoire ; mais on profite de l'ur-
ge~ce des besoins pour demander des garanties
de liberté et de su reté individuelle, demande qui
n'était autre chose qu'une accusation indirecte
de tyrannie.


Ainsi donc, au lieu d'un concert de zele et
de dévouement contre l'ennemi commun, Na-
poléon n'entend que des murmures et des re-
proches l... On savait que I'Angleterre pratiquait
des intelligences dans nos provinces, notarn-




DE MiL ntrrr CENT QUATOnZE. 21
ment a Bordeaux, et qu'elle s'efforcait de ré-
veiller partout les espérances des vieux partí-
sans de la maison de Bourbon. Ces renseigne-
ments rendaient l'opposition inopinée du corps
législatif plus grave et plus embarrassante, Le
temps, qui éclaircit tout, et l'ivresse du succés ,
qui esto toujours indiscrete , nous réveleront un
jour 'cette conjuration'; alors la police ne la


1 Voici les détails qui ont été publiés a cet égard :
Depuís le mois de mars 1813, une confédérntinn.roya-


liste s'était organisée au centre de la Franee. Les ducs de
Duras, de La Trémouille et de Eitz-Tames MM. de Poli-
gnac , Ferrand , Adrien de l\lontmorency, Sosthcne de La
Bochefoucauld , de Sesmaisons , et Laroche-Jaquelain, en
étaient l'ame. On se réunissait au chatean d'Ussé, en
Tonraine, ehez M. de Duras. Le préfet de Nan\les lui-
méme était de ces conciliabules (llistoirede 1814, palO
M. Beauchamp , tomo II, pago 45 ). La perte de la hataille
de Leipsick et l'évacuation de l' Allemagne avaient donné
un nouveI essor aux projets des royalistes de l'ouest et du
midi. Le comte Suzannet avait pI'Ís secreternent le corn-
mandement du Bas-Poitou , Charles d'Autichamp s'étaít
chargé du commandement d' Angers, le du e de Duras de
celui d'Orléans et de Tours , le marquis de Hiviere de celui
du Berry ( Voyez méme histoire, tomo II, pago 50). Sur
ces eutrefaites , le duc d' Angoulerne déLal'quait a Saint-
Jean-de-Luz , et se rendait au quartier général de Wel.
Iington. Toute la confédératíon de l'ouest (~evait se déclarer




22 MANUSCRIT
connaissait qu'imparfaitement. Néanmoins Na-
poléon ne peut s'empécher de reconnaitredans
ce qui se passe autour de lui une intrigue liée
par des .factieux. Cédant ases soup«;ons, il prend
le parti de dissoudre le corps légisIatif; et, dans
l'audience de congé qu'il donne aux députés, il
laisse échapper l'expression de son vif méconten-
tement: « Je vous avais appelés pour m'aider ,
»leur dit-il , et vous étes venus dire et faire ce


au premier signal du due de Berry, qu'on attendait impa-
tiemment a Jersey. M. Tassard de Saint-Germain était a
Bordeaux ala téte d'une association composée d'uo grand
nombre de personoes de toutes les classes •.. M. le cheva-
lierde Gombaut était auasi ala téte d'une association pieuse
qui avait le méme but politiqueo Le marquis de Laroche-
Jaquelain était plus particulierement attaché al'assocíatíon
du chevalier de Gombaut. L'ordre fut donné de l'arréter :
averti par le comte de Lynck, maire de Bordeaux, il échappa
aux reeherehes en se réfugiant dans sa famille ... Le comte
de Lynek avait fait en 1813 (novembre) un voyage aParís.
Apres s'étre concerté avec M. Labarthe, autrefois a la
tete d'une association royaliste, et avec l\lM.de Polígnac, il
était reparti pour Bordeaux , plein de la ferme volonté d'y
servir puissamment le roL.. Depuis Iong-temps eette se-
crete intention germait dans le cceur du eomte de Lynck.
( Voyez le méuie ouvrage, pago 50. ) Le député Lainé, lié
avee le eomte de Lynck, avait recu ses confidenees et par-
tugeait ses projets ( [bid. , torno II, pago 86 et 8,r




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 2 3
)1qu'il fallait pour seconder l'étranger: au lieu
D de nous réunir, vous nous divisez. Ignorez-
ij vous que, dans Une monarchie, le treme et la
D personne du monarque ne se séparent point?
»Qu'est-ce que le treme? Un morceau de bois
D couvert d'un morceau de velours; mais, dans la
»Iangue monarchique, le tróne, e'est moi ! Vous
»parlez du peuple; ignorez-vous que c'est moi
»qui le représente par-dessus tout ? On ne peut
»m'llttaquer sans attaquer la nation elle-méme,
1) S'il y a quelques abus , estoce le moment de me
)/ venir faire des remontrances, quand deux cent
»mille Cosaques franchissent nos frontieres ?
.) Est-ce le moment de v~nir disputer sur les li-
1) hertés et les súretés individuelles, quand il s'a-
D git de sauver la liberté politique et l'indépen-
»dance nationale? Vos idéologues demandent des
»garanties contre le pouvoir: dans ce níoment,
9 toute la France ne m'en demande que contre
» l'ennemi... Vous avez été entrainés par des
»gens dévoués al'Angleterre; et M. Lainé , votre
)l rapporteur, est un méchant homme '. II


t Tandis que Napoléon se Iivrait a cette conversation
animée, un auditeur était lá , qui avait la préteution de
la déroher pour I'histoire, Ainsi des phrases échappées d'a-
hondance , des expressions hasardées dan s la vivacité du




MANUSCRIT
Quelque vif que soit cet éclat , le député Lainé


retourne dans ses foyers, aussi libre que ses·
collegues.


dialogue, sont devenues des documents authentiques, au
gré de la mémoíre d'un índívidu anonyme, ou plutót au
gré de la partialité des écrivains. Quoi qu'i\ en soit, les
pensées grandes et fortes qui rendent cette conversation si
remarquable n'ont pu etre entierernent dénaturées: elles
percent daos le libelle a travers les expressions triviales
sous lesquelles l'añectatíon du mot a mot les a travesties.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 25


----_...------------_-..-...-


CHAPITRE V.


INVASION DU TERRITOIRE FRANYAIS.


(Janvier 18 14. )


L'année 1814 commence au milieu de ces
graves dissensions.


Les nouvelles les plus alarmantes arrivent
des divers points de notre frontiére : le prince
Schwartzenberg, maitre des passages de la Suisse,
a d'abord jeté le gros de son armée sur Hunin-
gue et Béfort. Sa droite, qui a voulu s'étendre
trop vite dans la vallée d'Alsace, a éprouvé, le
24 décembre, un échec aColmar; il a dirigé son
aile gauche, a travers la Suisse, jusque .sur Ge-
neve. Cette place était une des portes de l'em-
pire, et de puissants renforts lui arrivaient de
Grenoble; mais au premier moment du danger
legénéral Jordy, commandant la garnison, frappé
d'un coup de sang, tombe mort subitement sur
la place d'armes : le préfet Capelle prend la fuite;
et les Genevois, devenus rnaitres de leur con-
duite, abaissent aussitót leurs ponts-levis devant




MAN,USCRIT
l'avant-garde autriehienne. Le général Bubna a
pris possessíon de Geneve le 28 décembre. Les
derniéres dépéches annoneent que le prinee
Schwartzenberg, apres avoir laissé en arriere
quelques détachements pour masquer Huningue
et Béfort, pousse ses eolonnes du centre sur Épi-
nal, Vesoul et Besancon.


Le due de Bellune est aeeouru de Strasbourg
avec une armée qui n'est pas de dix mille
hommes! Il desespere d'arréter les Autrichiens
dans les défilés des Vosges. Le 4 janvier, l'ennemi
entre aVesoul; le 9 janvier, Besancon est investí.


De son coté, le maréchal Blücher a effectué
le passage du Rhin dans la nuit du 1 er janvier,
et sur trois points différents. 1\..u centre, les c?rps
de Langeron et d'York ont passé le Rhin aCaub ;
arrivé sur la rive franeaise, le eorps de Langeron
s'est détaché pour aller bloquer Mayence, et le
corps d'York a pris la direction de Creutznach.
Le eorps de Saint-Priest, formant la droite de
l'armée de Silésie, a passé le Rhin aNeuwied et
vient d'oceuper Coblentz. Enfin a l'aile gauche,
les eorps de.:Sacken et de Kleist, qui ont passé
le Rhin devant Manheim, s'avaneent sur le due
de Raguse. Celui-ci, qui n'a que les eadres d'une
armée, recule sur les places de la Sarre et de la
Moselle.




DE MIL RUIT CENT QUATORZE. 27
Nos troupes sont en pleine retraite. Napoléon


ne s'était pas flatté de l'espoir d'arréter long-
temps les alliés sur la frontiere : forcé de les
laisser s'avancer dans l'intérienr, il ne pense pln~
qu'a mettre de l'ensemble dans nos mouvements
rétrogrades, qu'il veut concentrer de maniere
a couvrir París.


Il ordonne au duo de. Bellnne de disputer
pied apied les passages des Vosges. Il lui envoie
le duc de Trévise avec une division de la garde,
ponr le soutenir sur la route de Langres. Il re-
eommande au dnc de Ragnse de s'appuyer le
plus long-temps qu'il pourra sur les glacis des
nombreuses forteresses de la Lorraine. Enfin, le
duc de Tarente, qui est du coté de Liége, occu-
pé a pourvoir a la súreté des places du Bas-Rhin
et de la Meuse , a ordre de rentrer dans la vieille
Francepar la porte des Ardennes. Une instruc-
tion commune a tous les maréchaux Ieur pres-
erit, a mesure qu'ils se retirent, de jeter dans
les places les soldats f.'ltigués et ceux de nonvelles
levées qui ne sont pas encare habillés. On laisse
done partout de nombreuses garnisons que Na-
poléon se réserve de réunir en eorps d'armée,
sur les derrieres de l'ennemi.


Toutes les troupes ont ordre d'acculer le~rs.
retraites sur la Champagne. C'est aussi sur la




MANUSCRIT
Champagne qu'on va diriger les renforts qui ar-
rivent du fond de la France, et dont les maré-
chaux Kellermann et Oudinot sont chargés de
former de nouveaux bataillons.


Des commissaires extraordinaires sont envoyés
dans les départements pour présider aux levées
d'hommes et aux mesures de défense. On distin-
gue parmi ces commissaires les sénateurs de Se-
monville, de Beurnonville, Boissy-d'Anglas, etc.
«Francais , » dit Napoléon dans la proclamation
dont ces commissaires étaient portellrs, u Fran-
»~ais, un dernier effort! J'appelle eeux de Pa-
s ris , de la Bretagne et de la Normandie, de la
s Champagne , de la Bourgogne et des autres dé-
» partements, au seeours de leurs freres de la
» Lorraine et de l'Alsace! A l'aspeet de tous ces
»peuples en armes, l'étranger fuira ou signera
»la paix.»


L'empereur neveut négliger aucun moyen
pour intimider l'ennemi dans sa marche. Il con-
nait de longue main l'extréme circonspection
des généraux qui lui sont opposés, et il a deviné
leurs irrésolutions. Il multiplie les revues mili-
taires dans la cour des Tuileries; et le lendemain
les journaux doublent ou triplent le nombre des
troupes qui ont été passées en revue. En moins
d'un mois, plus de deux cent mille hommes sont




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 29
eomptés comme ayant traversé Paris .pour se
reudre a l'armée.


Négligeons ces ruses de gazettes , et revenons
a la vérité '.


1 Quelques écrivains qui trouvent commode pOUl' leur
métier de n'avoir a puiser les matériaux de l'histoire que
dans les lournaux, ne peuvent pardonner ti Napoléon de
s'étre serví des gazettes pour tromper l'ennemi, lis erie-
raient volontiers au sacrilége! Cependant les mñmes écri-
vains: conviennent que les allies , étonnés de 1.0. jactance de
nos [ournalistes , redoutaient une guerre nationale et méme
une bataille.




30 MANUSCRIT


--~--~-------------


CHAPITRE ·VI.
, ,


PROJETS DE NAPOLEON POUR L OUVERTURE DE LA


CAMPAGNE. - FORMATION DF;S RÉSERVES. - COUP
D'OEIL SUR NOS AUTRES ARMÉES.


(Janvier 1814.)


Quelque activité que Napoléon mette dans la
réorganisation de l'armée , il ne peut pas espérer
d'entrer en campagne avant la fin de janvier , et
il ne peut compter sur plus de cent mille com-
battants. Cependant l'ennemi développe autour
de nous un cercle de plus de six cent mille
hommes, On en annonce méme le double; mais
ce dernier caleul est moins celui des forces que
les alliés ont amenées sur nos frontiéres , que I'a-
per<,;u complaisant de toutes celles qu'ils pour-
raient faire arriver peu a peno Certes, quelque
audace qu'on lui suppose, Napoléon n'aurait pas
entrepris de lutter contre de telles forces si elles
avaient dü se présenter a la fois ; mais son. oeil
exercé a toisé le géant qui s'avance , et, dans son
énorme stature, il a reconnu quelques parties




DE MIL RUIT CENT QUATORZE. 3.
disjointes qui peuvent servir de point de mire
anos coups.


Les forces de la coalition sont échelonnées sur
trois lignes principales de communication , qui,
de Berlin , de Varsovie et de Vienne, aboutissent
au Rhin. Ce n'est que suceessivement que les eo-
lonnes en marche peuvent arriver et peser dans
la balance des événements. D'ailleurs , ces forces
ne sont pas toutes mobiles; un grand nombre est
arrété dans la route par des obstacles ou par
des opérations qui ne peuvent cesser tout d'un
coup. Napoléon calcule que l'ennemi, qui dans
trois mois aura cinq cent mille hommes au centre
de la Franee, n'a pu eommeneer les opérations
de cette campagne qu'avec deux cent cinquante
mille hommes au plus; encore ces forces sont-


- elles diminuées par de nombreux blocus, et se
trouvent-elles séparées sur différentes routes. Na-
poléon estdone fondé a eroire qu'en manoeuvrant
avec vivacité au centre de leurs marehes,il pourra
reneontrer les corps d'armée ennemis isolés les
uns des autres. n médite de réunir ses troupes
dans les plaines de Chálons - sur - Mame, avant
que les eolonnes des enhemis puissent se joindre;
de remédier de eette facon a l'extréme dispropor-
tion du nombre, et de se ménager ainsi quelque
oceasion brillante, oú la victoire sera d'autant




32 MANUSCRIT
plus décisive que l'ennemi se trouvera engagé
plus avant au fond de nos provinces. Tels sont
ses projets POUI' le .début de la campagne.


En méme temps que l'on compose a la háte
une armée avec tout ce qu'on pourra réunir
a Chálons d'ici a la fin de janvier, on pense
aussi a se procurer des réserves pour soutenir
les événements ultérieurs de la campagne. Mais
Napoléon peut-il rappeler a Iui toutes les trou-
pes qui sontencore au dehors? Avant de con-
sidérer les immenses sacrifices et les graves dif-
ficultés qu'un pareil parti comporte, jetons d'a-
bord un coup d'oeil sur les armées francaises '
dispersées loin du théátre oú la lutte principale
va s'engager.


Au nord, le maréchal Gouvion Saint-Cyr, chargé
de défendre Dresde avec un corps de vingt mille
hommes, avait fini par capituler le 4novembre,
sous la condition de ramener ses troupes en
France. Les alliés se trouvant les plus forts ont
cru que la bonne foi n'était plus nécessaire, et
ne se sont fait aucun scrupule de violer la capi-
tulation de Dresde. Gouvion Saint-Cyr et ses vingt
mille hommes, retenus prisonniers en Bohéme ,
ne peuvent done plus compter dans nos ressour-
ces; mais, indépendamment de ce corps, plus
de cinquante mille hommes restent encore a




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 33
Napoléon sur les hords de I'Elbe, depuis Dresde
jusqu'á Hambourg.


Le général Dutaillis, successeur du général
Narbonne , défend la forteresse de Torgau assié-
gée .par le général prussien Taventzein.


Le général Lapoype et sa garnison se couvrent
de gloire derriere les pieux et les buttes de sable
que le général prussien Dotschütz assiége aWit-
temberg : le général Lemarrois , avec deux divi-
sions, est inattaquable dans Magdebourg. Le
prince d'Eckmülh tient son quartier général a
Hambourg; il Y commande quatre divisions; les
ordres de se retirer sur la Uollande, qui lui
avaient été expédiés pendant la retraite de Leip-
sick , n'ont pu lui parvenir. Isolé aux bouches
de I'Elbé, il a réussi , a force de travaux et de
fermeté, aconvertir les comptoirs de Hambourg
en citadelles. n résiste ala fois aux attaques com-
binées des Suédois et des Russes iau ressentiment
des habitants, et a la défection de nos alliés les
Danois. Au centre de I'Allemagne, nous avons
encore, sur les hauteurs d'Erfurt , des garnisons
qui menacent achaque instant cl'intercepter la
grande route du nord. Une division des troupes
alliées est restée stationnaire devant Erfurt, pour
en bloquer les deux citadelles. Quant el la Hol-
lande, depuis le mois de novembre nous I'a-


:)




MANUSCIUT
vons perdue, L'approche des eorps d'armée de
Bülow et de Wintzingerode , qui , apres avoir oc-
cupé le Hanovre et la Westphalie, s'étaient avan-
cés sur Munster, Wesel et Dusseldorf, avait fait
éclater subitement une révolution en Hollande.
Les insurrections d'Amsterdam et de La Haye, et
la défection des bataillons étrangers quicompo-
saient la división du général Moli tor, n'avaient
laissé ?-ux autorités francaises aucun moyen de
résistance; mais , tandis que Wintzingerode
s'avancait sur le Wahal , passait le Mordick, el
que des troupes anglaises réunies aux Bataves
s'emparaient des bouches de l'Escaut, quelques
troupes fidéles s'étaient jetées dans les.places de
Devinter et de Naarden. L'amiral Verhuel n'avait
pas voulu oublier qu'il tenait son commande-
ment de la confiancc de Napoléon; il avait re-
fusé de recevoir les ordres des partisans dn prince
d'Orange : son pavillon avait été abattu sur Ies
vaisseaux; ill'avait relevé sur les farts dn Helder.
Le sénateur Rampon s'est renfermé avee une
garnison de gardes nationales francaises dans les
digues de Gorcum. L'apparition des alliés devant
Gertruydenberg et Breda avait produit un mo-
ment de désordre, et l'on avait évacué trop pré-
cipitamment Willemstadt et Breda; les ennemis
en ont habilement profité : le général Graham a




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 35
débarqué les troupes anglaises a Willemstadt; et
dans les premiers jours de janvier, le général
prussien Búlow est venu se réunir, dans les en-
virons de Breda, aux troupes du général Wint-
zingerode. Apres avoir ainsi franchi le Wahal et
la Meuse, les alliés n'ont plus qu'un pas a faire
pour attaquer Anvers.


Au midi , Wellington a pénétré en France par
la Navarre. Sa nombreuse armée , cornposée
d'Anglais, d'Espagnols et de Portugais, avait
d'abord forcé la Bidassoa et occupé Saint - Jean
de Luz; mais pendant un mois notre armée I'avait
tenu arrété devant les lignes de la Nivelle. Le 9
novembre, Wellington avait enfin forcé l'armée
francaise a se replier sur le camp retranché de
Bayonne. Dans cette seconde position , nos trou-
pes avaient tenu encore pendant un mois les al-
liés en échec. Cependant le 9 décembre, l'ennemi
avait eflectué le passage de la Nive; mais, apres
quatre jours de bataille , et nonobstant la déser-
tion des troupes allemandes , qui, le 1 1 décem-
bre au soir, ont passé en masse de notre camp
dans les lignes espagnoles, Wellington avait en-
core été obligé de s'arréter au pied des glacis
de Bayonne. C'est ainsi que les talents du maré-
chal Soult et, la bravoure francaise opposent
aux étrangers, sur les bords de l'Adour, nne bar-


3.




36 MANUSCRIT
riere plus forte que n'a été celle des Pyrénées.


Le duc d'Albufera est le seul de nos maréchaux
que l'adversité n'ait pas encore atteint. n s'est ar-
reté sur le Lobrégat, en Catalogne, étonné de
voir l'Espagne prendre une attitude victorieuse,
et ne pouvant se résoudre a reculer davantage
devant un ennemi qu'il a toujours battu. Son
quartier général est aBareelone.


En Italie, Rome est encore la seconde ville de
l'empire francais. Les Autrichiens n'ontpu forcer
le passage de l'Adige. Le prince Eugene est aVé~
rone avec quatre-vingt mille hommes francais et
italiens, qu'il oppose a l'armée autrichienne du
général Bellegarde. Nos reserves se réunissent a
Alexandrie. En général, les peuples de l'l talie
septentrionale se montrent bien disposés pour
nous, Si le roi de Naples veut se rallier au prince
Eugene , non seulement l'Italie est sauvée , mais
une imposante diversion peut descendre encare
une fois du sommet des Alpes juliennes jusqu'a
Vienne.


Les intrigues et les sédnctions de l'ennemi
semblent nous menacer de ce coté de plus de dan-
gers que ses armées. Des insinuations ont été
faites au prince Eugene , et n'ont pu l'ébranler.
Les mémes attaques assiegent la vanité du roi de
Naples, Les tronpes dont il nous promet le se·




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 37
cours vont arriver a Bologne; Napoléon et le
prince Eugene ne peuvent croire que c'est un
nouvel ennemi qui s'avance l.!


Deux cent mille Francais sont done ainsi dis-
persés : cinquante mille sur I'Elbe, cent mille au
pied des Pyrénées , et cinquante mille au-delá des
Alpes. S'ils ne peuvent concourir a l'action prin-
cipale, du moins font-ils des diversions qu'on ne
peut considérer eomme inutilcs. Sur I'Elbe, nos
troupes retiennent Benigsen et les reserves rus-
ses, ainsi que les Suédois, le eorps prussien de
Taventzein et de Dobschutz, et toutes les milices
insurgées de la Hesse et du Hanovre. En I1ol-
lande, nos garnisons occupent les Anglais, im-
patients d'établir la rnaison d'Orange d'une ma-
niere plus solide. Du coté des Pyrénées, nos deux
armées empéchent deux eent mille Espagnols',
Anglais et Portugais, de déborder sur nos dépar-


I Voir HII supplérnent de la premiere partie, nO 13, la
lettre de lU. La Besnadiere , relativo aux dépeches appor-
tées par 1.\'1. de Carignan.


2 C'est le 11 janvier 181ft que le roi de Naples , Jouohim
l\Iurat, a signé son alliance offensive el dófensive avec.l'Au-
triche; mais cette puissance lui a fait attendre la ratifica-
tion jusqu'apres la prise de Paris. Voir le traité dans le Re-
cueilde l\Iartens, tomo JI (XII de l'ouvrage), pago 660,
et dans le Recueil de Schoels, tom, VI, pago 522.




38 MANUSCRIT
tements du midi pour les mettre au pillage; et
le prince Eugene , sur l'Adige , oblige quatre-
vingt mille Autrichiens de s'y arréter. Les armées
lointaines retiennent dans notre allianee des
auxiliaires qui seront contre nons, du moment
que nous sortirons des places oú nous les tenans
renfermés avec nous, D'ailleurs les négociatians
ne se nourrissent que de restitutions, de con-
cessions et d'échanges: peut-étre ce qui nous reste
de la possession de l'Europe entrera-t-il en déduc-
tion des sacrifices qu'il nous fant faire ala paix?


Maintenant il n'est plus possible d'évacuer les
places de l'Elbe : depuis deu~ mois , toutes com-
munications nous sont interdites avec ces garni-
sonso Peut-étre serait-il temps encore de prendre
le parti rigoureux d'évacuer l'Italie, d'abandon-
ner les places du Rhin, et de tout concentrer sur
Paris : Napoléon craint que les troupes ne soient
compromises dans leur retraite ; qu'elles n'arri-
vent qu'apres l'événement, et qu'á des calculs
militaires incertains an ne sacrifie des campen-
sations qui deviennent de jour en jour plus pré-
cieuses. On se contente de demander des divi-
sions d'infanterie et de cavalerie au maréchal
Soult et au prince Eugene : dans le second mois
de la campagne, nous verrons ces renforts en-
trer successivement en ligne. Pour se ménager




DE MIL IlUlT CENT QUATORZE. 39
ces ressourees, Napoléon a fait franehement le
sacrifice des prétentions qui , depuis quatre ans,
ont nourri ses querelles avee le pape et avec le
prince Ferdinand d'Espagne. En calmant ainsi
les inimitiés du midi de l'Europe, il pense pou-
voir, avec moins d'inconvénients, affaib lir ses ar-
mées d'Italie et des Pyrénées. Le pape n'est done
plus retenu aFontainebleau; rendu a l'Italie, il
est en route pour remonter sur son siége épisco-
pal deRome J. Quant au prince Ferdinand d'Es-
pagne, des les premiers jours de déeembre M. le'
comte de La Forét s'était rendu aupres de luí de
la part de Napoléon; le 1 1 décembre, un traité
avait été signé, dans lequel on n'exigeaitdu prínce,
pour prix de son re tour en Espagne, que trois
ehoses, savoir, 10 qu'il paierait exaetement la pen-
sion du roi son pere ; 2° qu'il nous rendrait nos
prisonniers , échange qui assurait a l'Espagne la
.restitution des siens, víngt fois plus nombreux
que les nótres ; 3° enfin , que, libre du joug de
la Franee, il n'irait pas se rnettre sous le joug de
l'Angleterre 2.


I C'est le 25 janvier que le pape a quitté Fontainebleau
pour retourner en Italie.


2 Voir le traité de Valencay , dans Martens, tom. V du
supplément , XII de I'ouvrage, pago 65.1.




40 MANUSCRIT
Ferdinand avait souscrit avec empressement


aces conditions. Aprés avoir écrit de sa main une
lettre de remerciements aNapoléon, il s'était mis
en route pour la Catalogne. Le maréchal Suchet
avait protégé sa marche jusqu'aux avant-postes
espagnols , et le 6 janvier il était arrivé a Madrid.


Quelque tardive que puisse étre cette satisfac-
tion donnée aux trouhles de l'église et au ressenti-'
ment des Espagnols , deux avantages importants
sont le moins qui puisse en résu1ter: le retour du
papea Rome doit préserver l'Italieméridionale de
devenir la proie desAutrichiens, et la restauration
de Ferdinand doit mettre un terme al'influence
de Wellington aMadrid.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 41


--~-_..._~----------........-_....-.....--.. ....


CHAPITRE VII.


REPRISE DES NÉGOCIATIONS. - PROGRES DE
L'INVASION ÉTRANGERE.
,


(Suite de janvíer, )


Tandis que Napoléon passe les jours et les nuits
ase créer une armée, ase préparer des réserves
et adiminuer le nombre de ses ennemis, il n'en
poursuit pas moins avec empressement les chan-
ces qui lui restent pour un accommodement.
Au milieu de tant d'adversités, le role commode,
c'est de conseiller la paix ; le difficile, c'est de la
faire.


Les négociations, qui avaient été interrompues
pendant tout le mois de décembre, avaientparu,
au commencement de janvier, prétes a se rani-
meroLord Castlereagh, ministre des affaires étran-
geres d'Angleterre, avait quitté Londres PQur
aller se réunir aux ministres des autres cabinets :
débarqué le 6 janvier pres de La Haye, il avait
aussitót continué sa route pour le quartier gé-
néral des alliés. De son coté, Napoléon avait pris




MANUSCRIT
le partí d'envoyer le dnc de Vicence aupres des
souverains '; mais notre ministre, retenu aux
avant-postes ennemis depuis le 6 janvier , atten-'
dait avec inquiétude les passe - ports qu'il avait
demandés a M. de Metternich.


Nous sommes arrivés al'époque oú commen-
cent la demiere négociation et la derniere cam-
pagne.


D{{ jour en jour la situation de la France de-
venait plus critique.


Les alliés, en se décidant a entrer en France ,
avaient bien calculé que l'immense supériorité de
leur nombre devait les mettre sufíisamment en
force contre les débris de nos arrnées ; mais I'ani-
mosité avec laquelle les paysans de l'Alsace et des
Vosges disputent chaque viHage aIeurs dé tache-
ments commence a leur faire craindre de ren-
contrer en Franco les dangers d'une guerÍ'e d'in-
surrection ; ils cherchent done a désarmer I'opi-
nion. L'empereur de Russie Iait une proclama-
tion, le prince de Schwartzenberg en fait une,
Blücher en fait une troisieme , de Wrede veut
faire la sienne : le général Bubna fait faire de son


1 Voir les instructions du duc deVicence, notamment la
lettre de l'empereur du 4 [anvier. ( Supplément de la pre-
miere partie , n· 8. )




DE MIL RUIT CENT QUATORZE. 43
coté des proclamations par le colonel Simbschen
et par le comte de Sonnas. Chaqué commandant
inférieur suit cet exemple. Jamais on n'a fait tant
de proclamations pacifiques au bruit du canon;
jamais on n'a vu l'infidélité des peuplesprovo-
quée par tant de souverains.


Mais tandis que les généraux font des haran-
gues, les soldats pillent, violent et tuent sans
pitié; ces barbaries ont excité au plus haut degré
la résistance du peuple des campagnes, et le
prince Schwartzenberg voit qu'il n'est pas moins
nécessaire d'intirnider que de séduire : il menace
de la potence tout paysan francais qui sera pris
les armes a la main , et du feu tout village qui
résistera.


Ce que l'ennemi craint et défend est précisé-
ment ee qne l'on doit s'obstiner a faire. Napo-
léon ordonne la levée en masse des départements
de l'est. Le général Berckeim est donné pour
commandant ases compatriotes de l'Alsace. Les
Lorrains et les Francs-Comtois rnontrent le méme
dévoucment que les Alsacicns. Des corps de par-
tisans s'organisentdans les Vosges et s'annoncent
par des succes. Sur les bords ,de la Saóne , les
Bonrguignons montrent la méme assurance que
si des armées étaient derriere eux pourles soute-
nir, Les hahitants de Chálons coupent leur pont,.




44 MANUSCRIT
et les Autrichiens disséminés dans la Bresse sont
forcés de s'arréter,


Cependant l'alarme s'est répandue jusqu'au
fond des vallées des Alpes : Bubna a intercepté
la route du Simplon, le Valais est enlevé a la
France, la Savoie est menacée d'étre rendue au
roi de Sardaigne.


De ce coté, c'est le duc de Castiglione qui est
chargé d'organiser la défense; il se rend aLyon,
oú vont arriver les troupes qu'on tire a la háte
de l'armée de Catalogne et des dépóts des Alpes.
Le général Desaix pourvoit pour quelque temps
ala süreté de Chambéry, et l~ général Marchand
organise les levées en masse du Dauphiné.


Bientót l'invasion ennemie fait tant de progres
qu'il devient urgent d'y opposer la présence de
Napoléon. Schwartzenberg a forcé les passages
des Vosges; les combats de Rambervilliers, de
Saint-Dié et de Charmes , ont ensanglanté sa
marche, mais n'ont pu l'arréter : iI étend sa
gauche le long de la Saóne; il avance son centre
sur Langres, et dirige sa droite vers Nancy, qui
estun rendez-vous assignéaux Prussiens. Blücher
n'a pas tardé aparaitre au mi,lieu des places de
la Lorraine. York se présente devant Metz, et .
Saeken arrive a Nancy. Depuis le 13 janvier, les
souverains alliés sont SBr le territoire francais ;




DE MIL HUIT CEN'!' QUATORZE. 45
Ieur quartier généraI suit la marche de l'armée
autrichienne.


Le due de Raguse, qui s'était arrété sous le
canon de Metz, se voyant serré de trop pres , vient
d'abandonner ce boulevard de la Franee a ses
propres forces, Le général Durutte en a pris le
commandement; et le général Rogniat, l'un de
nos plus habiles ingénieurs, s'y est renfermé.


Le 14 janvier, le prince de la Moskowa avait
évacué Nancy; le 16, le duc de Trévise avait éva-
cué Langres; le 19, le due de Ragnse était en
retraite sur Verdun,




46 MANUSCRIT
. ,


...............__---...__...,,-,--------_...---. ......._-"""""' ...- ...,'-,


CHAPIT H.E VIII.


DERNIERES DISPOSITIONS.-DÉPART DE NAPOLÉON
, r


POUR L ARMEE.


(Fin de janvier.)


Avant de quitter Paris, Napoléon jette un der-
nier coup d'ceil sur la Belgique.


n avaitorganisé de ce coté une nouvelle armée
du nord, et en avait donné le commandement
au ,général Maisons, que l'on distinguait déja
parmi les jeunes généraux auxquelsla succession
des vieux maréchaux était réservée. Le premier
exploit du nouveau commandant en chef avait
été de dégager l'Escaut, Cette opération, soute-
nue le 11, le 12 et le 13 janvier, par une suite de
combats honorables, avait procuré quelques dé-
lais nécessaires pour perfectionner la défense de
eette frontiere. Mais le général russe Wintzinge-
rode, qui vient de passer le Rhin aDusseldorf,
amene nn nouveau corps d'armée contre nos pro-
vinces du nord. Ainsi les Prussiens de Bülow, les
Anglais de Graham, et les Russes de Voronsof et




DE MIL llUIT CENT QUATORZE. 47
de Wintzingerode, sont autant de corps d'armée
que le général Maisons doit contenir. Pour re-
médier al'infériorité du nombre, Napoléon con-
fíe Anvers au général Carnot.


Quant aux places de Wesel, de Juliers , de
Maestricht et de Vanloo, le duc de Tarente y a
jeté des garnisons, en abandonnant la Basse-
Meuse, pour se replier sur les Ardennes. Le 18
janvier,ce maréchal était de sa personne a Na-


.mur: Napoléon lui envoie courrier sur courrier
pour qu'il accélere sa marche sur Cha.lons.


A Paris, tous les hommes que les dépóts mili- .
taires environnants ont habillés et armes ,tous
ceux que les garnisons de l'ouest eL des cotes du
nord ont équipés, tous les détachements que les
gardes nationales de Bretagne et de Normandie,
peuvent fournir, sont, amesure qu'ils arrivent,
passés en revue par N~oléon lui-méme et diri-
gés aussitót du Carrousel sur Chálons.


Pour annoncer sa prochaine arrivée aux trou-
pes, Napoléon fait partir le prince de Neufchátel:
ce prince quitte Paris le 20 janvier J.


I Dans le nombreux état-majorqui accompagne le prince
de Neufchll.tel, on distingue le lieutenant-général Bailly de
Monthion, le maréchal de camp Alexandre Girardin, les
colonels Alfredde Montesquiou, Arthur de Labourdonnaye,




48 MANUSCRIT
Enfin, dans une derniere audience aux Tuile-


ries, Napoléon rassemble les chefs qu'il vient de
donner a la garde nationale de la capitale. Il re-
~oit le serment de MM. de Brancas, de Fragaier,
de Brevannes, Acloque, et de tant d'autres. -de
»pars avec confiance, leur dit-il ; je vais combat-
» tre l'ennemi, et je vous laisse ce que j'ai de
s plns cher : l'impératrice et mon fils! II


Le 23 janvier, Napoléon signe les lettres-pa-
tentes qui conferent la régence a l'impératrice;
le 24, illui adjoint le prince Joseph, sous le títre
de Iieutenant-général de l'empire, Dans la nuit il
brúle ises papiers les plus secrets; iI emhrasse
sa femme et son fils J; et le 25, a trois heures du
matin, iI monte en voiture.


Fontenille, Lecouteux, le commissaire ordonnateur Leduc,
secrétaire particulier du prínce , et le capitaine Salomon ,
chargé du détail du mouvement des troupes.


I Pour la derniere fois!...


FIN DE LA PREMI:ERE PARTIE.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 49


SUPPLÉl\tIENT
A LA PREMItRE PARTIR


PIECES HISTORIQUES.


(N° J.). Rapport de M. le baron de Saint-Á ignan»,


Le 26 octobre, étant depuis deux jours traité comme
prisonnier aWeimar, 00. se trouvaient les quartiers gé-
néraux de I'empereur d'Autriche et de 1'empereur de
Russie , je re~us ordre de partir le lendemain avec la
colonne des prisonniers que ron envoyait en Bohéme,
Jusqu'alors je n'avais vu personne, ni fait aucune ré-
clamation, pensant que le titre dont j' étais revétu ré-
clamait de lui-rnéme, et ayant protesté d' avance centre
le traitement que j'éprouvuis, Je crus cependant, dans
cette circonstance, devoir écrire au prince Schwart-
zenberg et au comte de Metternich pour leur re-
présenter 1'inconvenance de ce procédé. Le prince


I Extrait du Monitcur supprimé.


4




:30 MANUSCRIT
Schwartzenberg m'envoya aussitót le eomte de Parr,
son premier aide de camp, pour excuser la méprise
commise amon égard et pOl,lr m'engager apasser soit
chez Iui , soit chez M. de Metternich. Jeme rendis
aussitót chez ce dernier, le prince de Schwartzenberg
venant de s'absenter. Le comte de Metternich me recut,
avee un empressement marqué; il me dit quelques
mots seulement sur ma position, dont il se chargea de
me tirer, étant heureux , me dit-il, de me rendre ce
service , et en méme temps de témoigner l'estime que
I'empereur d'Autriche avait con<¡ue pour le duc de
Vicence; puis il me parla du congrés ,sans que ríen
de ma part eñt provoqué cette conversation. « Nous
voulons sincerement la paix , me dit-il , nous la vou-
lons encore, et nous la ferons; il ne s'agit que d' a-
border franchement et sans détours la question. La
coalition restere unie. Les moyens indirects que l' em-
pereur Napoléon emploierait pour arriver ala paix ne
peuvent plus réussir; que ron s'explique franchement,
et elle se fera, " .


Apres cette conversation, le comte de Metternich.
me dit deme rendre a Toeplitz, oú je recevrais inces-
samment de ses nouvelles, et qu'il espérait me voir
encore a mon retour. Je partis le 27 octobre poul'
'I'oeplitz ; i'r arrivai le 3ó, et le 2 novembre je re~us
une lettre du comte de Metternich, en conséquence
de laquelle je quittai Tceplitz le 5 novembre et me
rendís au quartier général de l' empereur d' Antriehe a
Francfort, OIl j'arrivai le 8. Je fus le rnéme jour chez




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 5.
M. de Metternich. n me parla aussitót des progres des
armées coalisées , de la révolution qui s'opérait en
Allemagne, de la nécessité de faire la paix, Il me dit
que les coalisés , long-temps avant la déclaration .de '.
I'Autriehe, avaient salué l'empereur Franeois du titre
d'ernpereur d'Allemagne; qu'il n'acceptait point ce
titre insignifiant, et que l' Allemagne était plus a lui de
eette maniere qu'auparavant : qu'il désirait que l'empe-
reur Napoléon fút persuade que le plus grand calme
et l'esprit ,de modération présielaient au conseil eles
coalisés; qu'ils ne se désuniraient point , parcequ'ils
voulaient conserver leur activité et leur force, et qu'ils
étaient el'autant plus forts qu'ils étaient modérés; que
pcrsonne n' en voulait a la elynastie ele l'émpereur
Napoléon; que l'Angleterre était bien plus modéí-ée
qu'on ne pensait; que jamais le moment n'avait été
plus favorable pour traiter avec elle; que si l'empereur
Napoléon voulait réellement faire une paix solide, il
éviteráit bien elesmaux aI'humanité et bien eles elangers
ala France, en ve retardant pas les négociations; qu'on
était pret a s'entendre; que ·les idées de paix que ron
concevait elevaient elonner de justes limites a la puis-
sanee de l'Ailgleterre, et a la France toute la liberté
maritime qu'elle a droit de réclamer, ainsi que les
autres puissances de l'Europe; que l'Angleterreétait
préte arendre ala Hollande indépendante ce qu'elle rie
lui rendrait pas comme province francaise ; que ce que
M. de Mervelot avait été chargé de elire ele la part ele
l'empereur Napoléon pouvait donner lieu aux e,aroles





MANUSCRIT
qu' on me prierait de porter; qu'il ne me demandait que
de les rendre exactement, sans y rien changer; que
l'empereur Napoléon ne voulait point concevoir la
possibilité d'un équilibre entre les puissances de l'Eu-
rope; que cet équilibre était, non seulement possible,
mais méme nécessaire; qu'on avait proposé aDresde de
prendre en indemnité des pays que l'empereur ne pos-
sédait plus, tels .que le grand duché de Varsovie;
qu' on pouvait encore faire de semblables compensa-
tions dans l'occurrence actuelle,


Le'"9 , M. de Metternich me fit prier de me rendre
chez lui aneuf heures du soir, Il sortait de chez l'em-
pereur d'Autriche , et me remit la lettre de sa majesté
pour l'impératrice. 11 me dit que le comte Nesselrode
allait venir chez lui, et que ce serait de concert avec
lui qu'il me chargerait des paroles que je devais rendre
a l' empereur. 11 me pria de dire au duc de Vicence
qu'on lui conservait les sentiments d'estime que son
noble caractére a toujours inspirés,


Peu de moments apres, le comte Ne~selrode entra;
il me répéta en peu de mots ce que le camte 1\'letter-
nich m'avait déjá dit sur la mission dont on m'invitait
ame charger, et ajouta qu'on pouvait regarder M. de
Hardemberg comme présent et approuvant tout ce qui
allait etrc dit, Alors lU. de Metternich explique les in-
tentions des coalisés, telles que je devais les rapporter
a l' empereur. Apres l'avoir entendu, je lui répondis
que, ne devant qu'écouter et point parler, je n'avais
autre chose a faire qu'á rendre littéralement ses pa~




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 53
roles " et que pour en ~tre plus certain , je lui de-
mandais de les noter pour moi seul et de les lui re-
mettre sous les yeux. Alors le comte N esselrode
ayant proposé que je fisse cette note sur-Ie-champ.,
M. de Metternich me fit passer seul dans un cabinet ,
oú j'écrivis la note ci-jointe. Lorsquejel'eus écrite, je
rentrai dans l'appartement, lVI. de Metternich me dit :
c< Voici lord Aberdeen, ambassadeur d' Angleterre ; nos
n intentions sont communes, ainsi nous pouvons con-
» tinuer a nous expliquer devant lui, » Il m'invita alors
a lire ce que j'avais écrit; lorsque je fus a l'article
qui concerne l'Angleterre, lo rd Aberdeen parut ne l' a-
voir pas bien compris; je le lus une seconde fois. Alors
il observa que les expressions liberté 'du commerce
et drolis de la navigation étaient bien vagues; je
répondis que j'avais écrit ce que le comte de Metter-
nieh m'avait chargé de dire. M. de Metternich reprit
qu' effeetivement ces expressions pouvaient embrouil-
Ier la question , et qu'il valait mieux en suhstituer
d'autres. Il prit la plume et éerivit que l'Angleterre
ferait les plus grands sacrifiees pour la palo: [ondée
sur ces bases (ceHes énoncées précédemment).


J'observai que ces expressions étaient aussi vagues
que celles qu'elles rernplacaient : lord Aberdeen en
convint, et me dit c< qu'il valait autant rétablir ce
» que j'avais écrit; qu'il réitérait l'assurance que I'An-
1> gleterre était préte a faire les plus grands sacrifices;
l> qu'elle possédait beaucoup, qu'elle rendrait apleines
• mains, » Le reste de la note ayant été conforme ace




54 MANUSCRJT
que j'avais entendu, on parla de choses indifférentes.


Leprince Schwartzenberg entra, et on lui répéta
ce qui avait été dit, Le prince Nesselrode, qui s'était
ahsenté un moment pendant cette conversation, re-
vint, et me chargea, de la part del'empereur Alexandre,
de dire au duc de Vicene e qu'il ne changerait jamais
sur l'opinion qu'il avait de sa loyauté et de son carac-
tere , et que les choses s'arrangeraient bien vite s'il
était chargé d'une négociation.


Je devais partir le lendemain matin, 10 novembrc;
mais le prince de Schwartzenberg me fit prier de dif-
férer jusqu'au soir, n'ayant pas· eu le temps d' écrire
au prince de Neufchátel.


DansIa nuit , il m'envoya le comte Voyna, un de
ses aides de camp, qui me remit sa lettre, et me con-
duisit aux avant-postes francais, J'arrivai a Mayence
le 1 1 au matin.


Signé S.llNT-ÁIGNA.l'l.


(N° 2.) Note écrite a Francfort ~ le 9 novembre,
par le baron Saint-Aignan l.


M. le eomte de Metternich m'a dit que la circon-
stance qui m'a amené au quartier général de l'empe-
reur d'Autriche pouvait rendre convenable de me


• Extrait du Moniteur supprimé.




DE MIL RUIT CENT QUATORZE. 55
charger de porter á S. 1\'1. l'empereur la réponse aux
propositions qu'elle a fait faire par M. le eomte de
Merve1ot. En eonséquenee, M. le comte de Metter- ,
nich et M. le cornte de Nesselrode m'ont demandé
de rapporter aS. M. :


Que les puissanees eoalisées étaient engagées par
des liens indissolubles, qui faisaient leur force, et dont
elles ne dévieraient jamais ;


Que les engagements réeiproques qu'elles avaient
contractés leur avaient fait prendre la j ésolution de
ne faire qu'une paix générale;. que lors du congrés de


.Prague , on avait pu penser a une paix eontinentale,
pareeque les circonstances n'auraient pas donné le
temps de s'entendre pour traitér autrement; mais que,
depuis, les intentions de toutes les puissanees et celles
de I'Angleterre étaient connues; qu'ainsi il était inu-
tile de penser, soit a un armistice, soit a une négo-
ciation qui n'eñt pas puur premier principe une paix
généralc;


Que les souverains coalisés étaient unanimement
d'accord sur la puissance et la prépondérance que la
France doit conserver dans son intégrité, et en se ren-
fermant dans ses limites naturelles, qui sont le Rhin,
les Alpes et les Pyrénées;


Que le principe de l'indépendance de I'Allemagne
était une condition sine qua non; qu'ainsi la France
devait renoncer, non pas a l'influence que tout grand
état exerce nécessairement sur un état de force infé-
rieure , mais a toute souveraineté sur l' Allemagne'; que




56 MANUSCRIT


Signé SUNT-AIGN!N.
A Francfort, le 9 novembre .813.


d'ailleurs c'était un príncipe que S. M. avait posé elle-
méme , en disant qu'il était convenable que les grandes
puissances fussent séparées par des états plus faibles;


Que du coté des Pyrénées, 1'indépendance de 1'Es-
pague et le rétablissement de 1'ancienne dynastie
étaient également une condition sine quá non;


Qu'en Italie, 1'Autriche devait avoir une frontiére
qui serait un objet de négociation; que le Piémont of-
frait plusieurs ligues que ron pourrait discuter, ainsi
que l'état de I'Italie , pourvu toutefois qu'elle fút ,
corome l'Allemagne, gouvernée d'une maniere indé-
pendante de la France , ou de toute autre puissance
prépondérante ;


Que de méme 1'état de Hollande serait un objet de
négociation, en partant toujours du principe qu'elle
devait étre indépendante ;


Que l'Angleterre était préte afaire les plus grands sa-
crifices pour la paix fondée sur ces bases, et a recon-
naitre la liberté du commerce et de la navigation, a
laquelle la France a droit de prétendre;


Que si ces principes d'une pacification générale
étaient agréés par S. M., on pourrait neutraliser, sur
la rive droite du Hhin, tellieu qu'on jugerait conve-
nable, oú les plénipotentiaires de toutes les puissances
belligérantes se rendraient sur-le-ehamp , sans cepen-
dant que les négociations suspendissent le cours des
opérations militaires.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 57


(N° 3.) Lettre de M. le duo de Bassano
A JI. le comte de g1etternich '.


París, le 16 novembre 1813.


MONSIEUR,


M. le haron de Saint-Aignan est arrivé hier lundi ,
et nous a rapporté, d'apres les communications qui lui
ont été faites par votre exeellence, que I'Angleterre a
adhéré a la proposition de l'ouverture d'un congres
pour la paix générale, et que les puissances sont dis-
posées a neutraliser, sur la rive droite du Rhin, une
ville pour la réunion des plénipotentiaires, S. M. dé-
sire que cette ville soit eelle de Manheim. M. le due
de Vieence, qu' elle a désigné pour son plénipoten-
tiaire, s'y rendra aussitót que votre excellence m'aura
fait connaitre le jour que les puissances auront indi-
qué pour l'ouverture du congres, Il nous parait con-
venable, monsicur, et d'ailleurs conforme a l'usage,
qu'il n'y ait aueune troupe aManheim, et que le ser-
vice soit fait par la hourgeoisie, en me me temps que
la police y serait confiée a un bailli nommé par le
grand due de Bade.. Si ron jugeait a propos qu'il :y
eñt des piquets de eavalerie, leur force devrait étre
égale de part et d'autre. Quant aux communications


• Extrait du Moniteur supprimé.
/




58 MANUSCRIT
du plénipotentiaire anglais avec son gouvernement,
elles pourraient avoir lieu par la France et par Calais.


Une paix sur la base de l'indépendance de toutes
les nations , tant sous le point de vue continental
que sous le point de vue maritime, a été l'objet con-
stant des désirs et de la politique de l'empereur.


S. M. coneoit un heureux augure du rapport qu'a
fait M. de Saint-Aignan de ce qui a été dit par le
ministre d' Angleterre.


J'ai l'honneur d'offrir avotre excellence l'assurance
de ma haute considération,


Signé le duc de BASSANO.


(N° 4.) Béponse de M. le prince de Metternich
A M. le duc de Bassano J.


MONSIEUR LE DUC,


Lecourrier que votre excellence a expédié de París
le 16 novembre est arrivé ici mero


Je me suis empressé de soumettre á LL. MM. n.,
et a S. M. le roi de Prusse, la lettre qu'elle m'a fait
l'honneur de m'adresser,


LL. MM. ont vu avec satisfaction que l'entretien


, Extrait du Monileur supprímé.




DE MIL HUlT CENT QUATORZE. 59
confidentiel avec M. de Saint-Aignan a été regardé
par S. M. l' empereur des Francais comme une preuve
des intentions pacifiques des hautes. puissances alliées,
Animées d'un méme esprit, invariables dans leur point
de vue, et mdissolubles dans leur alliance, elles sont
prétes a entrer en négociation, des qu'elles auront la
certitude que S. M. 1'empereur des Francais admet
les bases général~s et sommaires que j'ai indiquées
dans mon entretien avec le baron de Saint-Aignan.


Dans la lettre de votre exccllencc, cependant , il
n'est fait aucune mention de ces bases.. Elle se borne
a exprimer un principe partagé par tous les gouver-
nernents de 1'Europe , et que tous placent dans la pre-
miere ligue de leurs vreux. Ce principe , toutefois , ne
saurait, vu sa généralité, remplacer des bases. LL. MM.
désirent que S. M. l'empereur Napoléon veuille s'ex-
pliquer sur ces dernieres, comme seul moyen d'éviter
que, des l'ouverture des négúciations, d'insurmonta-
bles difficultés n' en entravent la marche.


Le choix de la. ville de Manheim semble ne pas.
présenter d'obstacles aux alliés. Sa neutralisation, et
les mesures de police , entierement conformes aux
usages, que propose votre excellence, ne sauraient
en offrir dans aucun caso


Agréez, monsieur le duo, les assurances de mahaute
considération,


Signé le prince de METTERNICB.
Francfort, le 25 novembre Jlh3.




60 MANUSCRIT


(N° 5.) Déclaration de Francfort..
-Francfort , le Ir. décembre 11113.


Le gouvernement franeais vient d'arréter une nou-
velle levéede trois cent miÍle conscrits, Les motifs
du sénatus-consulte renferment une provocation aux
puissances alliées, Elles se trouvent appelées a pro-
mulguer de nouveau ala face du monde les vues qui
les guident dans la présente guerre, les principes qui
font la base de leur conduite , leurs vceux et leurs
déterminations,


Les puissances alliées ne font point la guerre a la
Franca, mais a cette prépondérance hautement an-
noncée, a cette prépondérance que ~ pour le malheur
de l'Europe et de la France, l'empereur Napoléon a
trop long - temps exercée hors des limites de son
emplre.


La victoire a conduit les armées alliées sude Rhin.
Le premier usage que LL. MM. n. et RR. en ont fait
a été d'offrir la paix a S. M. I'empereur des Francais.
Une attitude renforcée par l'accession de tous les sou-
verains et princes d'Allemagne n'a pas eu d'influence
sur les conditions de la paix, Ces conditions sont
fondees sur l'indépendance de l'empire franeais comme
sur l'indépendance des autres états de l'Europe. Les
vues des puissances sont justes dans leur objet, géné-
reuses et libérales dans leur application, rassurantes
pour tous, honorables pour chacun.




DE MIL IlUIT CENT QUATORZE. 61
Les souverains alliés désirent que la France soit


grande, forte et heureusev iparceque la puissance
francaise , grande et forte, est une des bases fonda-
mentales de l'édifice social. Ils désirent que la France
soit heureuse, que le commerce francais renaisse, que
les arts, ces bienfaits de la paix , reíleurissent , paree-
qu'un grand peuple ne saurait étre tranquille qu'au-
tant qu'il est heureux. Les puissances confirment a
I'empire francais une étendue de territoire que n'a
jamais connue la France sous ses rois, parcequ'une na-
tion valeureuse ne déchoit pas pour avoir , ason tour,
éprouvé des revers dans une lutte opiniátre et sanglante
oú elle a combattu avec son audace accoutumée.


Mais les puissances aussi. veulent ihre libres, heu-
.reuses et tranquilles. Elles veulent un état de paix qui,
par une sage répartition des forces, par un juste équi-
libre, préserve désormais les peuples des calamités sans
nombre qui depuis vingt ans ont pesé sur I'Europe,


Les puissances alliées ne poseront pas les armes
sans avoir atteint ce grand et bienfaisant résultat , ce
noble objet de leurs efforts. Elles ne poseront pas les
armes avant que l'état politique de l'Europe ne soit
de nouveau rafferrni, avant'que des principes immua-
bles n'aient repris leurs droits sur de vaines préten-
tio ns, avant que la sainteté des traités n'ait enfin assuré
une paix véritable a l'Europe l.


, Q Personne De rut entrainé ou séduit par cette proclamation de
• Francfort , qui déclarait I~ guerre a une métapbysique appelée pré-




MANUSCRIT


(N° 6.) Lettre de M. le duc de Vicence
Au prince de Metternich '.


París, 2 décernbre ¡!h3.


PRINCE,


J'ai mis sous les yeux de S. M. la le~tre que votre
excellence adressait le 25 novembre a M. le duc de,
Bassano.


En admettant sans restriction, comme base de la
paix, l'indépendance de toutes les nations, tant sous
le rapport territorial que sous le rapport maritime,
la France a admis en principe ce que les alliés pa-
raissent désirer.S. M. a, par ccla méme , admis toutes
les conséquences de ce principe, dont le résultat final
doit etre une paix fondée sur l'équilibre de I'Europe ,
sur la reconnaissance de l'intégrité de toutes les na-
tions dans leurs limites naturelles, et sur la re con-
naissance de l'indépendance absolue de tous les états,
tellement qu'aucun ne puisse s'arroger, sur un autre
quelconque, ni suzeraineté, ni suprématie, sous quel-
que forme que ce soit , ni sur terre ni sur mero


Toutefois, c'est ávec une vive satisfaction que j'an-


• pondérance: aussi l'elfet de cetle proclamation fut-il manque.• ,
Beauchamp , tom.l, liv, vm , pag. 323.


• Extrait du Moniteur supprimé.




DE -MIL HUIT CENT QUATORZE. 63
nonee avotre excellence que je suis autorisé par I'em-
pereur, mon auguste maitre , a déclarer que S. M.
adhére aux bases generales et sommaires qui ont été
communiquées par M. de Saint-Aignan. Elles entrai-
neront de grands sacrifices de la part de la France;
mais S. M. les fera sans regret, si, par des sacrifices
semblables, I'Angleterre donne les moyens d'arriver a
une paix générale et honorable pour tous, que votre
excellence assure litre le vceu, non seulement des
puissances du continent , mais aussi de l'Angleterre.


Agréez, prince, etc.


Signé CUTLAINCOURT, duo de Vicence.


( N° 7, ) Béponse de M. le prinoe de Metlernich.
A M. le duc de F'icencc»,


MONSIEUB. LE DUC,


L'office que votre excellence m'a fait l'honneurde
m'adresser le 2 décembre m'est parvenu de Cassel ,
par nos avant-postes. Je n'ai pas différé de le sou-
mettre a LL. MM. Elles y ont reconnu avec satis-
faction que S. M. I'empereur des Francais avait adopté
des bases essentielles au rétablissement d'un état d'é-


, Extrait du Moniteur supprimé.




64 MANUSCRIT
quilibre et a. la tranquillité future de l'Europe. Elles
ont voulu que. cette piecefüt portée sans délai a la
connaissance de leurs alliés. I,L. MM. Il. et RR. ne
doutent point qu'immédiatement apres la réception
des réponses, les négociations ne puissent s'ouvrir,


Nous nous empresserons -d'avoir l'honneur d'en in-
former votre excellence, et de concerter alorsavec
elle les arrangements qui nous paraltront les plus pro-
pres aatteindre lebut que nous nous proposons.


Je la prie de recevoir les assurances, etc.


Signéle prince de METTERNICH.


Francfort, le 10 décembre 1813.


(N° 8.) Leure de N apoléon
Au duc de J7ieenee, ministre des relations extérieures.


París, le 4. janvierl814.


Monsieur leduc de Vicence, j'approuve que M. de
La Besnardiere soit chargé du portefeuille. Je pense
qu'il est douteux que les alliés soient de bonne foi, et
que l'Angleterre veuille la paix : moi je la veux, mais
solide, honorable. La France sans ses limites natu-
relles , sans Ostende, sans Anvers, ne serait plus en
rapport avec les autres états de I'Europe. L'Angleterre
et toutes les puissances ont reconnu ces limites a




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 65
}!~ram:fort. Les conquétes de la Franee en-deeá du
Rhin et des Alpes ne peuvent' compenser ce que
l'Autriche, la Russie, la Prusse, ont aequis en Po-
logue, en Finlande, ce que l'Angleterre a envahi en
Asie. La politique de l'A!1gleterre i la haine de l'em-
pereur de Russie, entraineront l'Autriche. J'ai aceepté
les bases de Francfort, mais il est plus que probable
que'lesalliés ont 'd'autres idées. Leurs propositions
n'ont été qu'un masque. Lcs négociations une fois
placees sous l'influence des événements .militaires, oii
ne peut prévoir les eonséquenees d'un tel systerne.
Il faut tout écouter, tout observer, Il n'est pas cer-
tain rqu'oa vous recoive au quartier général : les


. Russes et les Anglais voudront écarter d'avance tous
les moyens de conciliation et d'explication avcc l'em-
pereur d' Autriche. n faut tácher de connaitre les vues
des alliés , et me faire connaitre jour par jour ce que
vous apprendrez , aíin de me mettre dans le cas dé
vous donner desinstructions que je ne saurais sur quoi
baser aujourd'hui, Veut-on réduire la France a ses
anciennes limites? c'est l'avilir...........• : ..


. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . On se trompe si on
eroit que les malheurs de la guerre puissent faire
désirer a la nation une telle paix. Il n' est pas un coeur
írancais qui n'en sentir l'opprobre au bout de six
mois, et qui ne la reprochát au gouvernement assez
rache pour la signer. L'Italie est intacte, le vice-roi a '
une belle armée. Avant huit jours j'aurai réuni de


5




66 MANUSCRIT
quoi livrer plusieurs batailles, méme avant l'arrivée de
mes troupes d'Espagne. Les dévastations des Cosaques
armeront les habitants, et doubleront nos forces, Si
la nation me seconde , l'ennemi marche a sa perte. Si
la fortune me trahit, mon partí est pris; je ne tiens
pas au tróne, Je n'avilirai. ni la nation ni moi, en
souscrivant ades conditions honteuses. Il faut savoir
ce que v.eut Metternich. Il n'est pas de I'intérét de
l'Autriche de pousser les ehoses a .bout; encore un
pas, et le premier róle lui échappera. Dans cet état de
choses, je De puis rien vous prescrire, Bornez-vous
pour le moment a tout entendre, et a me rendre
compte. Je pars pour l'armée, Nous serons si prés ,
que vos -premiers rapports ne seront pas un retard
pour les affaires. Envoyez-moi fréquemment des
courriers. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa
sainte garde.


Paris , le 4janvier 1814.
Signé NAPOtEON.




DE MIl.. HUIT CENT QUATORZE. 67


(N° 9,) Lettre de M. le duc de f/icence
A M. le prince de Meuernicli '.


Lunéville , le 6 janvier 1814.


PRINCE,


La lettre que votre exceIlence m'a fait l'honneur
de m'écrire le 10 du mois dernier m'est parvenue.


L'empereur ne veut rien préjuger sur les motifs qui
ont fait que son .adhésion pleine et entiére aux bases
que votre excellence a proposées d'un commun ae-
cord avec les ministres de Russie et d'Angleterre, et
de l'aveu de la Prusse, ait eu besoin d'étre com-
muniquée aux alliés avant l'ouverture du congreso
Il est difficile de penser que lord Aberdeen ait eu
des pouvoirs pour proposer des bases, sans en avoir
pour négocier. S. M. ne fait point aux alliés l'injure
de croire qu'ils aient été incertains et qu'ils délibérent
encore; ils savent trop bien que toutc offre condi-
tionnel1e devient un cngagement absolu pour celui
qui l'a faite, des que la condition qu'il y a mise est
remplie. Dans tous les cas', nous dcvions nous atten-
dre a avoir , le 6 janvicr, la réponse que votre excel-
lence nous annoncait le 1 o décembre, Sa correspon-
dance et les déclarations réitérées des puissances al-


• Extrait du Monitellr supprimé,
5.




68 MANUSCRIT
liées ne nous laissent point prévoir de difficultés, et"
Ies rapports de M. dé Talleyrand, a son retour d~
Suisse, confirment que leurs intentions sont toujours
les mémes,


D'oú peuvent done provenir les retards? S. M.,
n'ayant rien plus a creur que le prompt rétablisse-
ment de la paix générale, a pensé qu'elle ne pouvait
donner une plus forte preuve de la sincérité de ses
sentiments a cet égard, qu' en envoyant auprés des
souverains alliés son ministre des relations extérieures,
muni de pleins pouvoirs. le m'empresse done, prince,
de vous prévenir que j'attendrai a nos avant - postes
les passe-ports nécessaires pour traverser ceux des
armées alliées, et me rendre aupres de votre excel-
lence,


Agréez, etc.


Signé CAULAINCOURT, duc de Vicence.


t N° ~ o. ) Réponse du prince de Meuernicb
A M. le duc de Ficence !.


Fribourg , en Brisgau , le 8 janvier 1814.


MONSIBUR LB "DUC,


J'ai re(,iu anjourd'hui la lettre que votre exeellenee


, Extrait du Moniteur supprimé.




DE MIL HUlT CENT QUATORZE. 69
m'a fait l'honneur de m'adresser de Lunéville le 6
de ce mois.


Le retard qu' éprouve la communication que le gou-
vernement francais attendait , en suite de mon office
du 10 décembre, résulte de la marche que devaient
tenir entre elles les p~issances alliées. Les explications
confidentielles avec M. le baron de Saint-Aignan ayant
conduit a des ouvertures officielles de la part de la
France, LL. l\IM. II~ et RR. ont jugé que la réponse
de votre excellence, du 2 décembre, était de nature
a devoir étre portée a la connaissance de leurs alliés.
Les suppositions que votre excellencc admet , que ce
soit lord Abel'«een tJ.ui ait proposé des bases, et
qu'il ait été muni de pleins pouvoirs a cet effet , ne
sont nullement fondées.


La cour de Londres vient de faire partir pour le
continent le secrétaire d' état ayant le département
des affaires étrangeres, S. M. 1. de toutes les Russies
se trouvant momentanément éloignée d'ici;,'[et tlord
Castlereagh étant.attendu d'un moment a l'autre, I'em "
pereur, mon auguste rnaitre , et S. M. le roi de Prusse
me chargent de prévenir votre excellenee qu'elle re-
cevra le plus tót possible une réponse a sa proposi-
tion de se remire au quartier général des souverains
alliés.


le prie votre excellence, de.


Si¡!;ru! le prince DE i\1E'r'rERNIC~.


Hicr, 18 janvicr, c'est-á-dire dixljours aprés la ré-




70 MANUSCRIT
ponse de M. le prinee de Metternich) M. le duo de
Vicence était encore aux avant-postes,


(N° ) J.) Leure de M. de la Besnardiere
A M. le duc de J7icence:',


París , le 13 janvier 1814.


MO~SEIGNEUR,


S. M. m'ordonne d'annoncer a votre excellcnce
qu'elle a rel,¡u votre dépéche du ) 2, apportée par le
eourrier Simiame. Elle a daigné me remettre eette
dépéehe et les pieces qui y étaient jointes, le rapport
de M. Cham excepté.


S. M. approuve quevotre correspondance lui soit
directement adressée; mais son intention est d'y
répondre par la voie du .cabinet , auquel elle veut
remettre tout eequi sera de l'essenee de la négoeiation,
et toutes les piéces qui en constateront l'état a toutes
les époques. Elle désire en eonséquenee que toutes
les dépéches de votre excellence soient divisées en
officielles ou ostensibles, et en confidentietles, mot
dont elle autorise votre excellence a se servir pour
les dépeches qui eontiendront des faits ou des parti-
eularités que S. M. devrait seule oonnaitre.


S. M. a reeommandé que toutes les gazettes anglaises




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 71
vous soient envoyées; elle a ordonné au ministre de
la poliee générale de les adresser au ministére .dans
les vingt-quatre heures de leur arrivée a Paris , et de
maniere a ce qu'il ne manque a votre excellence que
celles qui ne seraient pas arrivées ici,


S. M. approuve le parti que votre excellence a pris
de rester a Lunéville en attendant l'arrivée de lord
Castlereagh aFribourg; comme il a mis a la voile le
premier de ce mois, il est probable qu'il est arrivé , ou
sur le point d'arriver , a I'heure qu'il esto


S. M. rn'ordonne encore d'informer votre excellencé
que la lettre dc l' cmpereur d'Autriche a son auguste
fiUe est apeu pres dans le sens de celle de M. de Met-
ternich ; que l' empereur prpteste de nouveauque,
quels que soient les événements , il ne séparera jamais
la cause de sa filie et de son petit-fils de celle de la
France. Comme cela peut avoir trait a des projets
COIH;US par d'autres puissances en faveur des Bour-
bons , ji importe de ne m~mtrer a cet égard aucune
crainte , et de faire entendre que les Bourbons, mis
en avant , ne serviraient qu'á réveiller des sentiments
bien opposés aux espérances de leurs partisans , et
que, si un partí pouvait se former en France 7 ce se-
rait uniquement celui de la révolution , vulgairement
appelé des [acobins.


Daignez, monsieur le duc , agréer I'hommage de
1110n respecto


Signé, LA BIlSNARDIERE.




MANUSCRIT


(N° 12.) Lettre deM. de la Besnardiere
A M. le duc de Ficence.


Paris ,le 16 janvier 1814.


MONSEIGNBlJIl, , ,


S.M., aprés avoirdieté la lettre ci-jointe, et l'avoir
relue et coi'rigée elle-meme , m'a ordonné de vous
l'envoyer pour etre écrite par votre excellenoe au
prince de Mettemich.


Cependant S. M; subordonne cette démarche au
jugement que vous en porterez. «Envoyez , m'a-t-elle
dit, eette lettre a M. le duc de Vicence, pour qu'il
l'éciñve s'ill'approuve. n Ce sont ses propres expres-
sions, Daignez, etc.


.'J'igné LA BESNARDIE:RE.


(N° 12 bis. ) Lettre dictée par S. M. ~ pour étre écrite
par M. le duc de Vicence


Au prince de Metterniéh '.


PRINtE,


Les retards qu'éprouve la négociation ne sont du


'Voir cette lettre telle qu'elle a été refaitepar le duc de Vicencc,
supplément de la scconde partie , nO 2.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. ')3
fait ni de la France m de l'Autriche , et ce sont
néanmoins la France et 1'Autriche qui en peuvent
le plus souffrir. Les armées alliées ont d~ja envahi
plusieurs de nos provinees; si elles avancent , une ha-
taille va devenir inévitable, et sñrement il entre dans
la prévoyance de l' Autriche de calculer et de peser
les résultats qu'aurait cette bataille, soit qu'elle fút
perdue par les alliés , soit qu'elle le ft\t pour la
France.


Écrivant aun ministre aussi éc1airé que vous retes,
je n'ai pas hesoin de développer ces résultats; je dois
me horner a les faire entrevoir, sñr que leur ensemble
ne saurait échapper a votre pénétration.


Les chances de la guerre sont journalieres : a me-
sure que les alliés avancent , ils s'affaiblissent , pen-
dant que les armées francaises se renforeent; et ils


. donnent, en avan~ant, un double eourage a une na-
tion pour qui, désormais , il est évident qu'elle a ses
plus grands et plus chers intéréts a défendre, Or
les conséquences .d'une bataille perdue par les alliés
ne péseraient sur aucun d'eux autant que sur 1'Au-
triche, puisqu'elle est en méme temps lapuissance
principale entre les alliés et 1'une des puissances cen-
trales de l'Europe.


En supposant que la fortune continue d' étre favo-
rable aux alliés , il importe sans doute a l'Autriche de
considér~r avec attention quelle serait la situation de
l'Europe le lendemain d'une bataille perdue par les
Francais au cceur de la France, el si un tel événelllent




MANUSCRIT
n' entrainerait point des conséquences diamétralement
opposées acet équilibre que l'Autriche aspire a éta-
blir, et tout a la fois a sa politique et aux affeetions
personnelles et de famille de l' empereur Franeois,


Enfin I'Autriche proteste qu'elle veut la paix; mais
n'est-ce pas se mettreen situation de ne pouvoir at-
teindre ou de dépasser ce but , que de continuer les.
ho~tilités, quand de part et d'autre on veut arriver a
une fin?


Ces considérations m'ont eonduit a penser que,
dans lá situation aetuelle des armées respectives et
dans cette rigoureuse saison , une suspension d'arrnes
pourrait étre réciproquement avantageuse aux deux
partis.


Elle pourrait étre établie par une eonvention en
forme, ou par un simple éehange de déclarations entre
V. Exe. et moi.


Elle pourrait étre limitée a un temps fixe, ou in-
définie, avec la condition de ne la pouvoir faire ces-
ser qu'en se prévenant tant de jOUFS d'avance.


Cette suspension d'armes me semble dépendre en-
tiérement de l'Autriche, puisqu'elle a la direction prin-
cipale 'des affaires militaires; et j'ai pensé que., dans
I'une et l'autre chance, l'intérét de l'Autriche était
que les choses n'allasserit pas plus lo in et ne fussent
pas poussées a l' extreme.


(;' est surtout cette persuasion qui me porte aécrire
eonfidentiellement aV. Exc.


Si je m'étais trompé, si telles n'étaient point I'in-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. ,5
tention et la politique de votre cahinet , si cette dé-
marche absolument eonfidentielle devait rester sans
effet, je dois prier V. Exc. de la regarder eomme non
avenue.


Vous m'avez montré tant de confiance person-
nelle dans votre demiére lettre, et j'en ai moi-méme
une si grande dans la droiture de vos vues et dans
les sentiments qu'en toute eirconstanee vous avez ex-
primés, que j'ose espérer qu'une lettre que cette con-
fianee a dictée , si elle ne peut atteindre son but, res-
tera ajamais un secret entre V. Exc. et moi.


Agréez, etc.


(N° 13.) Lettre de M. de la Besnardiere
A M. le duc de Ficence.


Paris, le 19 janvier 1814.


MONSEIGNEUR,


Aprés m'avoir .dicté pour votre excellence la lettre
qu' elle reeevra avec celle-ci , S. M., qui avait du loisir,
m'a fait l'honneur de m'entretenir fort long-temps
de la paix future. Je rapporterai a votre excellence ,
aussi fidelement que ma mémoire le permettra et
aussi brievement que je le pourrai , la substance de
cet entretien. La chose sur laquelle S. M. a le plus


1




76 MANUSCRIT
insisté et est revcnue le plus souvent, e'est la néeessité
que la France conserve ses limites naturelles, C'était
la, m'a-t-elle dit , une condition sine quá non. Toutes
les puissanees et l'Angleterre mérne avaient reconnu
ces limites a Franefort. La France , réduite a ses
limites anciennes , n'aurait pas aujourd'hui les deux
tiers de la puissance relative qu' elle avait il y a vingt
ans; ce qu' elle a acquis du coté des Alpes et du Rhin
ne compense point ce que la Russie , la Prusse et
l'Autriche, ont aequis par le seul démembrement de
la Pologne; tous ces états se sont agrandis. Vouloir
ra~ener la France ason état ancien , ce serait la faire
déehoir et I'avilir, La France , sans les départements
du Bhin , sans la Belgique, sans Ostende, sans An-
vers, ne serait rien, Le systéme de ramcner la France
a ses anciennes frontieres est inseparable du rétablis-
sement des Bourbons; pareequ'eux seuls pourraient
offrir une garantie du- maintien de ce systéme : et
l'Angleterre le sentait bien : avee tout autre , la paix
sur une telle base scrait impossible et ne pourrait
durer. Ni I'empereur, ni la république, si des boule-
versements la faisaient renaitre , ne souscriraient ja-
mais a une telle condition, Pour ce qui est de S. M. ,
Sil résolution 'était bien prise, elle était immuahle ,
Elle ne Iaisserait pas la France moins grande qu'elle
ne I'avait rec;ue. Si done les alliésvoulaient changer
les bases acceptées et proposer les limites anciennes ,
elle ne voyait que' trois partís : ou combattrc el
vaincre, ou combattre et mourir glOl'icuscmclIt, OH




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 77
enfin , si la nation ne la soutenait pas, abdiquer,
Elle ne tenait pas aux grandeurs, elle n'en acheterait
jamais la conservation par l'avdissement. Les Anglais
pouvaient désirer de lui óter Anvers; mais ce n' était
pas l'intérét du continent , cal' la paix ainsi faite ne
durerait pas trois ans, Elle sentait que les circon-
stances étaient oritiques, mais elle n'accepterait jamais
une paix honteuse. En acceptant les bases proposées ,
elle avait fait tous les sacrifices absolus qu' elle pou-
vait faire; s'il en fallait d'autres, ils ne pouvaient
porter que sur l'Italie et la Hollande : elle désirait sü-
rement exclure le stathouder; mais la France conser-
vant ses limites naturelles, tout pourrait s'arranger ,
rien ne ferait un obstacle insurmontable. S. M. a aussi
parlé de Kehl et ,de Cassel : sans ces deux tetes de
pont, a-t-elle dit , Strasbourg et M~yence devien-
draient nuls; mais elle croit que les ennemis n'y atta-
cheront pas une extreme importance.


Monsieur le' duc de Carignan est venu tantót m'ap-
porter une lettre du roi , que j'ai portée a l'empereur.
Cette lettre est remplie de protestations de reconnais-
sance et de regrets, mais annonce que le roi est forcé,
par la nécessité, d'accepter les propositions de 'l'Au-
triche et de 1'Angleterre. La date de cette lettre est
du 1); les traités n'étaient pas alors signés: ils ne l'é-
taient pas encore le 6, mais M. de Carignan ne dissi-
mule pas qu'il croit qu'ils le sont maintenant. Le vice':' .
1'01 va se reporter sur les Alpes. Mantoue ct les places .
fortes seront gardées par les Italiens,




'7 8 MANUSCRIT
J'écris ala hite, a traits de plume; il, est minuit, Je


prie votre excellence de vouloir bienagréer, etc.


Signé LA BBSNARDl1lRE.


P. S. Yictor ~ient d'arrirer , et me remet le paquet de
votr~ exeellenee. J'envoie sa dépéohe pour l'empereur, au
cabinet, Une partie de ses incertitudesest maintenant fixée;
j'ose espérer que 11; reste arrivera aussí ~\ bien.


(N° 14·) Lettre de M. de la Besnardiére
A M. le duc de Ficcnce.


Paris, le 19 janvier 1814.


MONSEIGNEUn ,


Une lettre du prince de Metternich, adressée á
votre excellence, datée de BAle le 14, et venue je
ne sais pa~ quelle route, a été portée a S. M., qui
vous en envoie une copie par une estafette extraer-
dinaire expédiée ce matin a dix heures, S. M. m' or-
donne d'en' envoyer une autre copie certifiée a votre
excellence, qui la trouvera ci-jointe.


Votre excellence a maintenant la lettre que S. M.
me dicta le 16 pour elle, et qui s'est croisée avec
cene qu'elle a elle-meme écrite aS. M. le 17,


Ene a vu que l'empereur sentait le besoin d'un ar-
mistice. Quant aux conditions auxquelles il peut etJ:e




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 79
conclu , S. M. m'ordonne de faire connaitre a votrc
excellence que, quelles que soient les circonstanees,
elle ne consentira j~mais a aucune condition désho-
norante ; et qu' elle regarderait eomme déshonorant
au plus haut degré, de remettre auouneplace fran-
,;;aise ou de payer aueune somme d'argent quel-
conque: mais qu.e pour raeheter de l'occupation de
l'ennemi une portion quelconque du territoire fran-
c;;ais , elle consentirait a remettre en Italie Venise et
Palma-Nova, et en Allemagne Magdebourg et Ham-
bourg; bien entendu que les garnisons reviendraient
libres en France, et que les magasins , l'artillerie que
S. M. a mise dans ces places , et les vaisseaux de
guerre qui sont sa propriété, lui seraient réservés,


S. M. m'ordonne d'ajouter qu'elle n'a jamais exigé
d'argent pour prix, soit d'un armistice, soit de la
paix : qu~elle a seulement exigé, en signant la paix ,le
solde des eontributions qu'elle avait frappées sur les
pays qu'elle avait oeeupés par ses armées; ce que
l'ennemi ne saurait demander; puisqu'il n'a point
frappé de contributions en France.


Quant au traité de paix , l'empereur me charge de
dire a votre exeellence que la France devra con-
server ses limites naturelles sans restriction ni dimi-
nution quelconque, et que e'est la une ~ondition
sine qua non dont il ne se départira jamais,


Daignez agréer I etc.
Signe' LA BESNARDIERE.




80 MANUSCRIT


(N° 15.) Lettre da prince de Metternick
A. M. le duc de Ficence.


MONSIEUIl LE DUC,


Lord Castlereagh étant sur le point d'arriver et
LL. MM. 11. et RR. désirant éviter tout retard , elles
me chargent de proposer a votre excellence de se
rapproeher des a présent de l'endroit ou ;: dans les
circonstances actuelles, il sera le plus convenable
d'établir le siége des négociations; c'est en consé-
quence sur Chátillon-sur-Seine que jc prie votre
excellence de se diriger; je ne doute pas que 101's-
qu'elle y sera arrivée, je neo sois a méme de lui indi-
quer le jour et le lieu oú les né~ociateurs pourront
se réunir.


Signé le prince de METTERNICIl.





MANUSCRll'
DE


MIL HUIT CENT QUATORZE.


SECONDE PARTIE.


JOURNAL DE LA CAMPAGNL


(Do 24 jaovicr 1814 au :'h mars suleant.} .


A.eer el indomilut, quo .pes, quóque ira vor-¡w;.et
Fe~ manum, el nunquam temerando p:ucere ferro,
SueeeMulI urgeee IUOI I Instare &vori
Numini8....


6






..


MANUSCRIT
DE


:MIL HUIT CENT QUATORZE.


SECoNDE PAR TrE.


-===


CHA.PITRE le'.


A.RRIVl:E DE NAPOLÉON A CHALONS-SUR-1HARNF;.


(Fín de janvier 1814.)


Le comte Bertrand monte dans la voiture de
Napoléon et prend place acoté de lui; il réunit,
en l'absence du duc de Vicence, les fonctions
de grand écuyer a celles du grand maréchal, et
tous les services de voyage sont sous sesordres'.


I .Les .aídes de, camp qui accompagnent Nupoléon sont
les généraux Drouot, Flahaut, Corbíneau , Dejean.


Le général Drouot fait les fonctions de major général de
6.




84 MANUSCRIT
Napoléon n'a avec lui que cinq voitures de


poste. Il déjeüne aChateau-Thierry, et le soir du


la garde, A~x aide~ de camp il faut ajQuter les officiers
d'ordonnance Gourgaud, Mortemart, Montmorency, Cara-
man, Pretet, Laplace, Lariboissiere , Lamezan , et Desaix.


Les chefs des différents services de la maison impériale
sont , pour cette campagne :


Le comte de Turenne, premier chambellan , et maitre
de la garderobe;
~e baron de Canouville, maréchal des logis;
Le harem Mesgl'igni, écuyer;
Le haron Fain , maitre des requétes , premíer secrétaire


du cabinet;
Le général Bacler-d'Albe, directeur du cahinet topogra-


phique ;
El le baron Yvan, premier chirurgien.
On distingue encere parmi les nutres personnes de la


maison les auditeurs Jouanne et Rumigny , premiers com-
mis du cabinet ; I'auditeur Lelorgne-d'Ideville, secrétaire
interprete; le Iíeutenant-colonel du génie Athalin, etl'in-
g6nieur-géographe Lameau , attachés au cahinet topogra-
p~ique; les chevaliers Fourreau et Vare]iand, médecin et
chirurgien de quartier; enfin les fourríers du palaís Des-
'," I ,
champs et Jongbloédt.


Le servicepersonnel de I'empereur se réduit IlUX valets
de chambre Constant, Pelart et Hubert , au mameJuck
B.oustan, au piqueur Jardin , et au contrüleur de la bouche
Colin, qui sont des hommes de conñance,


Presque tous se sont rendus d'avanceü Chálons.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 85
jour de son départ il arrive aChálons pour diner,


L'approehe de l'ennemi avait jeté sur la route
une espece de stupeur, que le passage de Na-
poléon a suspendue tout-á-coup ; c'est l'eCfet or-
dinaire de sa présence. Dans le danger commun,
son arrivée á l'arméeoffre les seuls moyens de
salut auxquels l'imagination des peuples puisse
se confiero Achaque relai, les femmes et les
enfants se groupaient autour des voitures; les
hommes, formés a la háte en garde nationale,
s'ajustaient de leur mieux sous les armes, et pei-
gnaient plus vivement que tous les diseours a
quelles extrémités on était réduit. Bientót une
confiance naíve et bruyante a sueeédé a l'inquié-
tude; et les vignerons de Dormans, de Cháteau-
Thierryet d'Epernay, ne eraignent plus d'ajou-
ter aux eris mille fois répétés de vive i'empereur!
eet autre cri qui laisse éehapper leurs voeux les
plus secrets : ahas les droits réunis!


Le quartier impérial a Chálons était marqué
chez le préfet: en descendant de la voiture, Na-
poléon fait appeler le prince de Neufchátel, le
duc de Valtny, le duc de Reggio, le maire, etc.


.Le prince de Neufchátel arrive des avant-postes
pour rendre compte de l'état dans lequel il a
trouvé l'armée; vingt ans auparavant le duc de
Valmy a gagné le titre de son duché dans ces




86 MANUSCRIT
mémes plaines oú nos hataillons vont manoeu-
vrer de nouveau contre les Prussiens j le due de
Reggio connait parfaitement le pays, il est de
Bar-sur-Ornain, Napoléon emploie done la plus
grande partie de la.soirée a recueillir, dans la
conversation des personnes qui l'entourent, les
renseignements dont il a besoin,


Voicile résumé de ce qu'il apprend : la grande
armée autrichienne du prince Schwartzenberg,
descendue des Vosges par plusieurs routes, di-
rige sa plus-forre eolonne sur Troyes; elle pousse
devant elle le eorps de vieille garde dont le due
de Trévisea leeommandement. Celui-ci dispute
le terrain pied apiedret, malgré les désavantages
d'une retraite , les eombats de Colornbey-les-
deux-églises et de Bar-sur-Aube ont conservé
l'honneur de la garde dans tout son lustre j mais
la ville de Troyes n'en court pas moins un pres-
sant danger,


Dn cóté des Prussiens , le maréchal Blücher a
dépassé la Lorraine; il vient d'oecuper. Saint-
Dizier, et s'avaneediagonalement sur l'Aube,


Le duc de Vicence,au milieu de ces grands
mouvements de troupes, n'a pu parvenir jusqu'au
quartier général des alliés. Retenu d'abord aLu-
néville par les avant-postes qui lui barraient le
chemin , il a été forcé de rétrograder avee nos




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 87
troupes jusqu'a Saint-Dizier ; mais enfin, dans
ce~te derniere ville, l~s lettres du prince de Met-
ternich lui étaient parvenues: Chátillon-sur-
Seine lui était indiquécomme lieu de réunion du
congres , et aussitót il avait quitté Saint-Dizier
pour se rendre a Chátillon,


Quant a nos troupes, elles sont autour de
Chálons, Le duc de Bellune et le prince de la


"Moskowa, apres avoir évacué Nancy, se sont re-
tirés par Void, Ligny et Bar, sur Vitry-Ie-Fran-
cais ; le duc de Raguse est derriere la Meuse,
entre Saint-Michel et Vitry.


Nos avant-postes sont done aVitry. Déja les
fuyards commencaient a paraitre dans les rues
de Chálons ; mais ils s'y croisent avec les troupes
qui arrivent de Paris, Ces soldats, qui naguére
étaient disséminés le long du Rhin, depuis Hu-.
ningue jusqu'á Cologne, apres vingt jours de re-
traite surtant de routes différentes, se recon-
naissent tous dan s la méme plaine, ne formant
plus qu'une seule armée réunie autour de Na-
poléon. Aussitót le mouvement rétrograde cesse,
et l'ordre rentre dans les rangs.




88 MANUSCRIT


• CHAPITRE 11.


L' ARMÉE REPREND L'OFFustVE....... BATAILLE
DE :BRIENNE.


C'est d'abord sur l'ennemi qui est le plus prés
que Napoléon veut marcher; il ordonne dans la
nuit que toute l'armée prenne la. route de Vitry.


Le.duc de Vahny reste a Chálons pour yréunir
les trainards et recevoir le duo- de Tarente, dont
la marche a été retardée dans les Ardennes. Le
vainqueur de Valmy doit encore une fois défendre
les gorges de l'Argonne et la route de París.


Napoléon ne s'est pas arrété plus de douze
heures aChálons : les équipages de sa maison ont
filé dans la nuit avec la garde impériale, et le
lendemain 26 janvier le quartier général s'établit
de bonne heure el Vitry.


Vitry est done redevenu place frontiere; on a
relevé a la háte les breches de ses vieilles mu-
railles, et quelques canons protegent les barrí-
cades qu'on a plautées devant les portes.


Napoléon, impatient de voir clair dans les




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 89
mouvements qui l'environnent, faisaít courir de
tous cótés aux nouvelles. A peine arrivé aVitry,
il interroge le sous-préfet, le maire, le juge de


. paix, l'ingénieur, les notables de la ville. On lni
amene successivement tous les gens de la eam-
pagne qui rentrent dans Vitry; quand ce n'est
pas Napolénn lui-méme qui les questionne , c'est
le général Bertrand : Bacler - d'Albe et Athalin
tiennent note de chaque rapport ,et couvrent la
feuille de Cassini d'épingles qui indiquent les
différents points de l'horizon oú les coureurs de
I'ennemi se font voir. Le ducde Reggio envoie
par la traverse des émissaires a Bar-sur-Ornain
sous prétexte de savoir ce qui se passe chez lui.
Le maire, le sous-préfet , envoient d'autres émis-
saires dans la plaine qui s'étend entre la Mame
et l'Auhe.


On apprend que le duc de Trévise et la vieille
garde se retirent de Troyes par la route d'Arcis-
sur-I'Auhe: des officiers d'ordonnance sont aussi-
tót envoyés de ce coté pour avisen ce maréchal
de la marche de Napoléon, Un pont est rapide-
ment jeté sur la Marne aVitry, et facilite cesdif-
férentes communications,


Pendant la nuit nos troupes ont marché : Ié
2'), au point du jour, elles rencontrent, entre Vi-
try et Saint-Dizier, la tete des colonnes de l'en-




MANUSCRIT
nemi. I ..e général Duhesme engage le combat
contre le général russe Lanskoí; Napoléon yac-
court, et, des huit heures du matin, il rentre a
Saint-Dizier a la tete des premieres troupes.


Cette ville n'avait été occupée que peude jours
par l'ennemi; mais, dans ce court intervalle, les
habitantsn'avaient eu que trop le temps d'ap-
prendre, par les fanfaronnades des alliés, toute
l'étendue des dangers que courait la patrie. Ils
avaient entrevu le cercle qui se développait au-
tour de la capitale; les maux que l'enncmi leur
avait apportés s'aggravaient encore par le déses-
poir du salut et de la vengeance... Soudain ces
mémes alliés, la veille encore si eonfiants, se re-
tirentavec précipitation; ils fuient en criant que
l'empereur Napoléon .les poursuit, qu'il arrive
derriere eux, qu'il est la! A eette nouveUe, les
malheureux habitants de Saint-Dizier sortent de
leur abattement. Napoléon leur apparait : ils ne
peuvent en eroire leurs yeux; ils se préeipitent
autour de son eheval pour le toueher; la foule
le porte jusqu'a la maisondu maire, 00. son 10-
gement est marqué. Désormais c'est a qui pour-
suivra l'étranger, qu'on ne veut plus craindre;
l'enthousiasme gagne de proehe en proche, et se
répand dans les villages du Barrois et de la fo-
rét du Der. Partout les paysans déterrent leurs




DE MIL lIUIT CEN'!' QUATOnZE. 91
armes, eourent sur l'ennemi, et font al'euvi des
prisonniers, qu'ils amenent eux-mémesá Na.,.
poléon,


Les déclarations des habitants et des prison-
niers sont unanimes : le eorps ennemi auquell'a-
vant-garde francaise vient d'avoir affaire appar-
tient a l'armée prussienne; le maréchal Blücher
et le corps du général Sacken out passé les jours
précédents, et doivent étre en ce moment du cóté
de Brienne , marchant sur Troyes pour y donner
la main aux Autrichiens. Le corps du général
Lanskoí , qui est celui que l'on vient de combat-
tre r sui vait le eorps de Sacken ; en fin les troupes
du général York, restées un moment en arriére
pour con tenir la garnison de Metz , étaient atten-
dues aSaint-Dizier apres celles du général Lans-
koi, Tels sont les renseignements que Napoléon
recueille en mettant pied aterre. Ainsi sa pre-
miére marche a surpris l'armée de Blücher au
moment oú elle passait de Lorraine en Cham-
pagne, et 1'a coupée en deux parties.


Continuerons - nous notre route sur la 1,01'-
raine ponr te~ir tete al'arriere-garde prussienne?
ou bien, traversant les colonnes de Blücher, pous-
serons-nous jusqu'a Chaumont et Langres, pour
couper aussi la marche du prince de Schwartzen-
Lerg? ou bien enfin redescendrons-nous vers




92 MANUSCRIT
Troyes, pour nous mettre sur les traces du ma-
réehal Blücher?


Napoléon s'arréte a ce dernier parti, qui doit
prévenir la jonction des Prussíens avec l'armée
autrichíenne; .qui peut sauver Troyes , et qui,
dans -tous les cás, va faire tornher nos premiers
coups sur I'ennemi le plus acharné.


Le ehemín le plus court, de Saint-Dizier a
Troyes, ,est par la forét de Der; mais c'est une
traverse tres diffieile en tous temps, et dans la-
quelle il n'est pas présumable qu'une armée s'en-
gage au mois de janvier. Puisque cette route ~st
ala fois la plus courte et la moins prévue, Napo-
léon la préfére. D'ailleurs le trajet de Saint-Dizier
aBrienne par la forét n'est que de deux marches,
et a Brienne on retrouvera la chaussée; l'arrnée
est fraiche et animée, l'artillerie est bien attelée ,
et le temps promet de la geléé.


Dans la soirée du 27, les tetes de colonnes qui
s'étaient avancées au-delá de Saint-Dizier se re-
pIient. La nuit , l'armée.passe la Mame, et , con-
tinuant ce mouvement rétrograde, se jette a
droite dans la foret du Der. On ne laisse aSaint-
Dizier qu'une faible arriére-garde pour couvrir
notre marche; et des officiers sont envoyés a
Arcis-sur-Aube au duc de Trévise, pour qu'il
revienne sur Troyes, et concoure ainsi avec sa




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 93
vieille garde au mouvement que l'armée va faire
de ce coté.


Le 28, il ne gele pas; il pleut, et l'armée a
grande peine a continuer sa route; mais la joie
des hahitants, qui se croient sauvés en voyant
nos troupes sur les pas de l'ennemi, fait diversion
aces premieres fatigues et soutient les espérances.
Napoléon s'arréte au petit bourg d'Eclaron, pen-'
dant que les sapeurs en rétablissent le pont; les
habitants l'entourent; ils ont pris des Cosaques
dans la nuit, ils remettent Ieurs prisonniers anos
troupes; ils portent tout ce qui leur reste de pro-
visions sur le passage du soldat, et de tous cótés
ils allument des feux pour le sécher. En s'éloi-
gnant de ces braves gens, Napoléon leur ac-
corde des fonds pour le rétahlissement de leur
église, et donne la croix de la légion au chirur-
gien du pays, qui a fait la campagne d'Egypte.


L'armée s'enfonce de plus en plus dans les
boues de la forét, On arrive tres tard a Mon-
tier-en-Der. Le quartier général s'y établit chez
le lieutenant-général Vincent, retiré dans cette
vilIe depuis plusieurs années.


Napcléon passe la nuit a recevoir les habi..
tants des environs qui viennent lui appocter des
nouvelles de l'ennemi, Illui en arrive detoutes
les directions. Un habitant de Chavange se dis-




94 MANUSCRIT
tingue par tant de zele et d'intelligence, que Na-
poléon veut en faire un notaire, et crée pour
lui un second notariat dans le canton, De leurs
différents rapports íl résulte que Blüchera été
retenu a Brienne par la 'nécessité de rétablir le
pont de Lesmont-sur-I'Aube, et que son arriére-
garde n'est qu'a trois lieues de nous, Au point du
jour,on reprend le chemin de Brienne ; et le 29,
.des huit heures du matin, la cavalerie du gé-
néral Milhaud rencontre l'ennemi dans les bois
de Maizieres. On délogeait les hussards prus-
siens de ce village, lorsque le curé s'en échappe
etvient se jeter a la botte de Napoléon , qui
retrouve en lui un de ses anciens maitres de
quartier du collége de Brienne. Napoléon le
prend aussitót pour guide; Roustan le mameluck
met pied aterre, et cede son cheval au curé.


A mesure qu'on approche de Brienne, le com-
ba! s'engage plus vivement.


Le maréchalBlücher, averti de notremarche,
avait .réuni ses forces; quelque diligence que'
nous eussions faite, il était déjá en communi-
eation avec les Autrichiens par Bar-sur-Aube. n
voulait.tenirdans-la position de Brienne jusqu'á
leurarrivée; et, dans tous les eas, il avait fait
ses. dispositions pour se ménager une retraite
vers eux s'il y était forcé ....,. II oceupait fortement




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 95
·la colline sur laquelle la ville de Brienne est bátie;
ses trolipes d'élite étaient rangées sur les belles •
terrasses du cháteau qui dominent la ville; les
Russes, commandés par le général Alsufief, étaient
chargés de défendre les rues basses de Brienne.


C'est sur les terrasses du parc que notre at-
taque la plus vigoureuse se dirige; le général
Cháteau, chef d'état major, et gendre du duc de
Bellune, conduit les troupes. II enleve la position
si vivement, que le feld-maréchal Blücher et son
état major ont a peine le temps d'en sortir. Sur
ces entrefaites, le contre-amiral Baste forcait l'en-
trée de la ville basse, au píed de la montée du
cháteau ; il Y recoit la mort; ses troupes n'en
soutiennent pas moins vigoureusement le com-
bato En montant la rue du chatean, nos tirail-
leurs se trouvent tete a tete avec un groupe
d'officiers prussiens , qui descendaient en toute
háte dans la ville; on fait main-hasse sur pIu-
sieurs : dans le nombre des prisonniers se trouve
le jeune d'Hardemberg, neveu du chancelier de
Prusse; et l'on apprend par lui qu'il vient d'étre
pris au milieu del'état major général prussien,
a cóté du maréchal Blücher lui-méme, Notre
vieil ennemi l'a échappé belle! Ce n'est pas.Ia


.dernieré faveur de ce genre que la fortunehii
réserve dans cette campagne. . l'




96 MANUSCRIT
Le gros de l'armée ennemie sort enfin de


Brienne pour se porter, sur la route de Bar-sur-
Aube, ala rencontre des Autrichiens; mais l'ar-
riére-garde prussienne, qui reste maitresse d'une
partie de la ville, s'obstine a reprendre le chá-
teau. Nos troupes s'y défendent avec la méme
obstination, et la nuit qui survient ne peut met-
tre fin au combato


Tandis que cette position nous était ainsi dis-
putée, Tarmée francaise établissait ses bivouacs
dans < la plaine qui est entre Brienne et les bois
de ·Maizieres. Nos convois d'artillerie filaíent
dans la grande avenue, pour aller prendre les
positions qui leur étaient assignées; et Napoléon,
aprés avoir donné ses derniers ordres, retournait
.par cette méme avenue ason quartier général de
Maj,zieres; il précédait ses aides de camp de quel-


.ques pas, écoutant le colonel Gourgaud, qui Iui
rendait compte d'une maneeuvre; les généraux
de sa maison suivaient, enveloppés dans leurs
manteaux. Le temps était tres noir, et, dans la
confusion de ce eampement de nuit, on ne 'pon-
vaUiguere se reconnaitre que de loin en loin , a
la Iueur de quelques feua. Dans ce moment, une
band~ de Cosaques, .attirée par l'appát du bu-
ti" et le bmit de' nos caissons, se glisse atravers
les ombres du camp, et parvient jusqu'a la route.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 97
I...e général Dejean se sent pressé brusquement,
il se retourne, et crie ¿Jua: Cosaques! En méme
temps il veut plonger son sabre dans la gorge de
l'ennemi qu'il croit tenir; mais celui-cí échappe ,
et s'élance sur le cavalier en redingote grise qui
marche en tete. Corbineause jette a la traverse;
Gourgaud a fait le méme mouvement, et, d'un
coup de pistolet a bout portant, il abat le Co~
saqueaux pieds de Napoléon, L'escorte accourt,
on se presse, on sahre quelques Cosaques; mais -
le reste de la bande, se voyant reconnu, saute les
fossés et disparait.


Il est dix heures du soir quand Napoléon est
de re tour a Maizieres. Le prince de Neufchátel
arrive apres tout le monde. On le .raméne cou-
vert de boue : il était tombé dans un f06Sé. Le
curé de Maizieres était également méconnaissable
sous la boue qui couvrait sa soutane ; il avaiteu
son cheval tué d'une baIle derriere Napoléon.


Le 30, a la pointe du jour , l'armée francaise
se trouve entierement maitresse de la position
de Brienne, et les Prussiens sont en pleine re-
traite sur Bar-sur-Aube.


Tandis que nos forces se concentrent aBrienne,
le duc de Trévise, qui est revenu aTroyes, a ordre
de couvrir cette ville, en se portant en avant sur
la route de Vandceuvres.


7




98 MANUSCRIT
C'est dans ce moment que le duc de Bassano,


partí de París quelqnes jours aprés Napoléon,
rejoint le quartier imperial', On venait de se
loger au chatean de' Brienne : cette belle habita-
tion était saccagée ~ les halles avaient cassé toutes
les vitres; les souterrains servaient encore de re-
traite aux.prineipaus habitants , que le concierge
y avait cachés.


Napoléon, élevé a Brienne, ne peut échap-
per aux souvenirs que ce lieu lui rappelle; il
reconnait les principaux points de vue de la
campagne, et les retrouve en proie aux désastres
de la guerre: il eherche du moins, aforce de libé-
ralités sur sa cassette ~ a soulager les nombreuses
infortunes qui l'environnent, La dévastation du
cháteau et l'incendie de la ville l'affligent au-delá
de toute expression, Le soir, retiré dans son ap-
partement, il fait le projet de rebatir la ville;
d'acheter le cháteau, d'y fonder, soit une résidence
impériale, soit une école militaire, soit l'une et
l'autre: le sommeil vient le surprendre dans les
calculs et les illusions de ce projet!


Cependant, ala nouvelle du combat de Brienne,
le prince Schwartzenberg était accouru a Bar-


1 Il est accompagné de MM. Monnier et Benoit, chefs de
division de la secrétairerie d'état.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 99
sur-Aube avec toutes ses forces, et la jonetion de .
la grande armée autrichienne avee celle du ma-
réchal Blücher venait de se faire. D'un autre
coté, le général York était venu précipitamme.út
á Saint-Dizier pour rétablir sa communication
avec son général en chef.


·Le 31 janvier , le prince Schwartzenberg et le
maréchal Blücher font avancer leurs armées réu-
nies, et viennent présenter la bataille dans la
plaine qui est entre Bar-sur-Aube et Brienne. JI
ne dépend guere de nous de la refuser : le pont
de Lesmont , qui doit étre notre prineipalmoyen
de retraite, est rompu; il a été coupé pour ar-
réter Blüeher lorsqu'il marchait sur Troyes: eet
obstacle nous arréte a notre tour dans les ma-
noeuvres que nous voudrions faire pour repasser
l'Aube. On demande eneore vingt-quatre heures
pour achever de le rétablir : nos sapeurs redou-
blent d'activité; mais, en attendant, il faut se pré-
parer arecevoir l'ennemi. Le reste de la journée
se passe de part et d'autre en dispositions.


Nous sommés enfin a la veille d'un événement
décisif; rnais combien le début de la campagne
est déjá différent de celui qu'on s'était promis!
Au moment oú nous croyions surprendre Blü-
cher , coupéde son arriere-garde et réduit amoí-
tié de ses forces, il n0115 échappe, trouve le se-


r




100 MANUSCRIT
cours de la grande armée autrichienne, revient
sur nous, et c'est lui qui nous engage dans une
bataille oú nos cinquante mille hommes vont en
avoir au. moins cent mille a combattre.


La bataille se donne le I er février: sur notre
gauche, aMorvilliers , est le duc de Raguse; il a
devant lui les Bavarois, qui arrivent de Joinville.
Entre le duc de Raguse et le centre est le corps
du duc de Bellune, qui occupe Chaumenil et la
Gibérie; il combat contre les Wurtembergeois
et le corps de Sacken, ,


La jeune garde impériale est au centre, a la
Rothiere ; les troupes d'élite du maréchal Blücher
el de l'armée autrichienne, ainsi que la garde
russe, lui sont opposées.


Enfin sur notre droite, vers la riviere , est le
corps du général Gérard, qui défend le village
de Dienville contre les attaques du corps autri-
chien de .Giulay.


Nos troupes ne sont pour la plupart que de
nouvelles levées, conduites par des vétérans; mais
partóut elles soutiennent le combat avec intrépi-
dité. C'est au. centre, vers la Rothiere , qu'on est
le plus acharné; Napoléon y commande, les sou-
verains alliés y sont aussi. La nuit seule met fin
a l'action, et retrouve notre armée a peu pres
dans les mémes positions qu'elle occupait le ma-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 101
tin; mais nous n'avons pu enlever la victoire: "
l'ennemi a une supériorité marquée; plus d'au-
dace le rendrait entiérement maitre du champ de
bataille.


A huit heures du soir Napoléon revientau
cháteau , et de la il ordonne la retraite sur Troyes
par le pont de Lesmont, dont la. réparation est a
peine terminée. Tandis que l'armée effectue ce
mouvement a la faveur de l'obscurité , Napoléon
n'est pas sans crainte que l'ennemi , profitant de
ses avantages, ne fasse une attaque de nuit et ne
vienne mettre de la confusion dans nos marches.
Achaque. instant il demande s'il n'y a rien de
nouveau; il va lui-méme a la fenétre , d'oú l'oeil
domine sur toute la ligne des bivouacs du champ
de bataille. Les COllpS de fusil avaient entierement
cessé; nos feux brúlaient tels que nous Ies avions
allumés ala fin de la bataille; l'ennemi ne faisait
aueun mouvement; les collines dont le rideau
couvrela vaIlée de I'A~be, en arriero de Brienne ,
masquaient parfaitement notre retraite, el ce
n'est que le lendemain a la pointe du jour que
l'ennemi reconnait l'abandon de nos lignes. ~a­
poléon avait quitté le cháteau de Brienne a qua-
tre heures du malino




l02 MANUSCRIT


CHAPITRE lII.


RETRAITE DE L'ARMÉE FRAN9.ilSE.~CONDITIONS
DlCTÉES PAR LE CONGRES.


(Commencement de février 11114.)


Le .2 février, aonze heures du matin, l'armée
francaise avait repassé l'Aube; et le pont de Les-
mont, eoupé encore une fois, nous séparait de
l'ennemi; mais le due de Raguse, resté sur l'autre
rive pour protéger notre mouvement, se trouvait
dans une situation difficile, Le général Wrede , a
la rete des Bavarois, s'était chargé de le tourner
etde lui couper toute retraite : c'est la méme en-
treprise, la méme manoeuvre , le méme ennemi
qu'a Hanau. Ce souvenir de Hanau ranime le
eourage des trempes francaises : elles trouvent
l'ennemi barrant le passage de la Voire au vil-
lage de Rosnay; le due de Raguse met aussitót
l'épée a la main; a sa voix, les braves s'élancent
la baíonnette en avant; et tout le eorps d'armée
passe sur le ventre des vingt-cinq mille Bavarois!
Si, de temps a autre, la muse de I'histoire croit




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 103
devoir arracher quelques feuillets de son livre,
qu'elle conserve du moins pour l'honneurdu duc
de Raguse la page oú le combat de Rosnay se
trouve inscrit 1Cette journée suffira pour justi-
fiel' la confiance que Napoléon mettait dans I'in-
trépidité de Marmont.


Tandis que ce maréchal effectue victorieuse-
ment sa retraite par la rive droite de I'Aube vers
Arcis, le gros de l'armée continue la sienne par
la rive gauche, sur la grande route de Troyes.


On couche au village de Piney. Le 3, de bonne
heure, l'armée arrive a Troyes: la vieille garde,
commandée par le duc de Trévise , est sortie de
.la ville pour venir au-devant de nous; elle prend
position sur la route, devient notre arriere-garde,
et d'une main ferme arréte l'ennemi au moment
oú iI croyait entrer derriere nous dans Troyes.


Napoléon loge au centre de la ville, dans la
maison d'un négociant nommé Duchátel-Berthe-
lin: il y trouve quelques moments de repos dont
il profite pour lire ses courriers.


Depuis le départ de Paris, on n'avait pas en-
core envoyé de bulletin de l'armée; I'espéraace
de déhuter par une victoire avait fait différer le
départ des nouvelles jusqu'aprés l'issuede la
marche entreprise contre le maréchal Blücher.
On De peut plus retarder cet envoi davantage"


/




MANUSCRIT
mais la chance a tourné de telle maniere que
c'est le récit de la hataille perdue a Brienne qui
commence la série des bulletins de cette campa-
'gne. Les premiers eourriers qui partent de Troyes
pour Paris en sont porteurs.


Moins .les événemEmts militaires étaient favo-
rahles , plus on désirait avoir des nouvelles du
due deVicence : on en recoit enfin ; le congres
va se tenir a Chátillon-sur-Seine, il doit s'ouvrir
le 4 février: le comte Stadion y représentera
I'Autriche; le eomte Razumowski, la Russie; le
baron de Humboldt, la Prusse; et lord Castle-
reagh, I'Angleterre. De combien de délais cette
forme de négociation nous menace encore! Na-
poléon voudrait les abréger; il apprend que le
sieur La Besnardiére, premier commis des affaires
étrangéres , arrive de Paris et va rejoindre le mi-
nistre aChátillon; il profite aussitót de cette oc-
casion pour faire connaitre au duc de Vicence
les modifications que le mauvais début de la
campagne doit apporter a ses instructions. M. de
La Besnardiere se remet en route dans l'apres-
midi méme du 3 février; le 5, de nouvelles in-
structions sont encore envoyées a Chátillon : ce
dernier courrier porte définitivement carte blan-
che au duc de Vicence. Napoléon lui donne tont
pouvoir pour conduire la négociation a une heu-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 105
reuse issue, sauver la capitale et éoiter une ba-
taille oa sont les dernieres espéranees de la nation,


Les seules nouvelles de l'intérieur qui soient
un peu rassurantes viennent des bordsde la Saóne.
Les Lyonnais ont .fait honne contenance devant
les troupes que le général autrichien Bubna avait
fait avancer jusqu'aux barrieres de la ville; ils
ont donné le temps a nos troupes du Dauphiné
d'arriver aleur secours, et l'armée autrichienne
s'est repliée sur la Bresse.


Aprés avoir donné au reposde l'armée les jour-
. nées du 3, du 4 et du 5 février, Napoléon se dé-
cide a évacuer Troyes : les vieilles murailles de
cette ancienne capitale de la Champagne, et les
nombreux canaux entre lesquels la Seine y di-
vise son cours, nous offraientala vérité de grands
moyens pour tenir tete al'ennemi; mais les alliés
pouvaient tourner cette pósition, et s'avancer de
toutes parts sur Paris. Le temps devenait trop
précieux pour le perdre en opérations défensives;
et une résistance obstinée sur ce point pouvait
n'avoir d'autres résultats que l'incendie et la ruine
de Troyes, dont toutes les maisons sont en bois.
D'ailleurs , les secours attendus des Pyrénées ap-
prochaient: la premiere division , commandée
par le général Leval, devait étre le 8 aProvins :
en continuant sa retraite pour se rapprocherde




106 MANUSCRIT
Paris , l'armée allait en méme temps au-devant
d'un préeieuxreafort.


Jusqu'au demiee moment , nos troupes ont
fait une telle contenance en avant de Troyes ,que
l'ennemicroit devoir se préparer aune seeonde
bataille. I ..ecorps de Lichtenstein , qui s'était
avancé le 3 jusqu'aupont de Cléry, y avait été
battu par le d~c de Trévise ; le !~ février, les gé-
néraux Colloredo, Nostiz et Bianchi , avaient été
repoussés dans une attaque qu'ils avaient risquée
contre les ponts de la Barce; le général Colloredo
y avait été blessé, Enfin, le 5 février, Napoléon
ayant faitfaire au-delá de la Baree une forte dé-
rnonstration pour donner le change a l'ennemi
sur le mouvement de retraite que nous devions
faire le lendemain, les alliés avaient eru voir toute
I'arméefrancaise débouchant pour reprendre l'of-
.rensive~ Ils avaient aussitót reculéd'une marche,
et leur quartier général, établi le 4aLusigny pres


. Vandreuvres, avaitété reporté, le 5 au soir, aBar-
sur-Aube.


Cette vigueur dans de simples opérations d'a-
vant-poste est remarquable aprés une hataille
perdue. Ceuxqui ont porté a quatre mille pri-
sonniers el a soixante-neuf pieces de canon les
trophées de l'ennemi aBrienne, et jusqu'á vingt
mille Ie nombre des déserteurs de l'armée fran-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 107
-;;ase dans cette retraite, ont-ils réfléchi que plus
ilsexagéraient nos pertes, plus ils augmentaient r
la gloir.e des chefs qui savaient lutter avec cette
ér.ergie centre de telles circonstances?


Le. 6, l'armée quitte Troyes et prend la route
de Paris : apres son départ, les autorités muni-


o cipalesne tiennent leurs portes fermées que le
teJllps nécessaire pour obtenir de l'ennemi la
garantie d'une capitulation.


Napoléon couche au hameau des Gres, qui est
amoitié chemin de Troyesá Nogent.


L'ahandon de Troyes et la prolorigation de
notre retraite dissipaient nos derniéres espé-
rances : le soldat marchait dans une tristesse
morne qu'on ne saurait décrire. Oa nous arréte-
rons-nous ? Cette question était dans toutes les
bonches.


Le?,on lm'i:veaNogent : on fait créneler les
maisons qui donnent sur lacampagne ;on pre-
pare ce qu'il faut pour faire sauter le pont si ron
est forcé dans la ville; en peu d'heures, Nogent
est mis a l'abri d'un coup de main, Pourplus de
célérité , Napoléon a fait, de sa cassette, I'avance
des fondsnécessaires aux travaux. Dans cette P(l)-
sitian, 0-11 s'arréte pour disputer le pas~age.de
la:Seine au prince Schwartzenberg.


Lescoureiers qui viennent nous rejoindee a




108 MANUSCRIT
Nogent continuent d'apporter des nouvelles cé-.
favorables: du coté du nord, les ennemis ont ce-
cupé Aix-la-Chapolle et Liége, aussitót apres le
départ du duc de Tarente; l'armée anglo-prss-
sienne bloque Anvers, mais le général Carnot est
arrivé atemps pour en prendre le commande-
ment: il yest entré le 2 février, au moment 'JÚ
les portes se fermaient devant I'ennemi. Le gé-
néral Bulmy, apres avoir tenté une vaine attaque
sur la place, ya laissé en observation les Anglais
et les Saxons ; avec ses Prussiens et ses Russes, il
s'avance sur la Flandre : le 2, son avant-garde est
entrée aBruxelles; la Belgique est perdue. Le gé-
néral Maison effectue sa retraite sur notre an-
cienne frontiére,


Les lettres de Paris, et les aidesde camp du
duc de Tarente, viennent annoncer un danger
encore plus pressant : c'est la marche du maré-
chal Blücher, qui s'avance sur la capitale par la
grande route de Chálons.


Apres la bataille de Brienne, Blücher s'est aussi-
tót séparé de I'armée autrichienne ; il a rallié a
lui, entre Arcis-sur-áube et Chálons, les diverses
parties de son armée, dont il avait été un moment
coupé par notre excursion de Saint-Dizier; et,
toutes ses forces réunies, il s'est chargé de deseen-
dre la Marne, tandis que les Autrichiens deseen-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 109
dront la Seine. Le général York est entré aChá-
Ions le 5 février. Le corps du duc de Tarentes'y
trouvait , arrivant du pays de Liége; mais ce ma-
réchal, poussé par toute l'armée prussienne,
n'avait pu opposer qu'une faible résistance. Il se
retirait sur Épernay, sans prévoir oú il pourrait
s'arréter, et demandait des ordres et des secours.
Ainsi l'ennemi est maitre de Chálons el peut-étre
d'Épernay.


Ces nouvelles ajoutent a la stupeur qui s'est
emparée des esprits; Napoléon lui-me'me ne pa-
rait pas inaccessihle al'inquiétude générale. C'est
dans ce moment qu'il recoit de Chátillon le proto-
cole du 7, contenant 1 les conditions que les alliés
prétendent lui dicter; elles ne se ressentent que
trap de I'influence des événements de Brienne.
« Les alliés disconviennent des bases proposées a
~ Francfort... Pour obtenir la paix , il faut ren-
»trer dans les anciennes limites de la France. »


Napoléon , aprés avoir lu ses dépéches, se ren-.
ferme dan s sa chambre et garde le plus morne
silence. Le prince de Neufchátel et le duc de Ras-
sano arrivent jusqu'a lui , il leur tend le papier
qu'on lui envoie de Chátillon; ils Iisent : un nou-
vean silence succede acette pénible lecture. Ce-


I Voir au Supplément de la seconde partie, n° 14.




110 MANUSCRIT


pendant ilfaut une réponse pour le due de Vi-
cence, les alliés la demandent catégorique et
promptej le courrier l'attend! Napoléon persis-
tant ane faire aueune réponse , le prince de Neuf-
chátel et le duc de Bassano réunissent leurs in-
stances; l'oeil humide , ils parlent de la nécessité
de céder... Napoléon est enfin forcé de s'expli-
quer.« Quoi! leur dit-il avec vivacité, vous vou-
» lez que je signe un pareil traité, et que je foule
»aux pieds mon serment I ! Des revers inouís ont
»pu m'arracher la promesse de renoncer aux con-
» quétes que j'ai faites; mais que j'ahandonne aussi
D celles qui ont été faites avant moi; que je viole
lile dépót qui m'a été remis avec tant de con-
D fiance; que, pourprix de tant d'efforts, de sang
»et de victoires, je laisse la France plus petite
~) que je ne l'ai trouvée: jamáis! Le pourrais-je
»sans trahison ou sans lácheté?... Vous étes ef-
t frayés de la continuation de la guerre, et moi
;, je le suis de dangers plus certains que vous ne


1 Le serment que Napoléon avait prononeé a son cou-
ronnement était ainsi coneu : <eje jure de maintenir l'inté-
Dgrité dujerritoire de la république... et de gouverner
»dans la seule vue de l'intérét , du bonheur et de la gloire
»du peuple fran~ais.» (Art. 55 du sénatus-consulte du
28 floréal an XII. ) I




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 1 1 1
»voyez paso Si nous renon~ons a la limite -du
»Rhin, ce n'est pas seulement la France qui
»recule , c'est l'Autriehe et la Prusse qui s'a-
»vaneent!... La France a besoin de la paix ; mais
»celle qu'on veut lui imposer entrainera plus de
»rnalheurs que la guerre la plus acharnée! Son-
,) gez-y. Que serai-je pour les Francais quand j'au-
»rai signé leur humiliation? Que pourrai-je ré-
»pondre aux républicains du sénat, quand ils
»viendront me redemander leurs barrieres du
»Rhin L.• Dieu me preserve de tels affronts!...
»Répondez aCaulaincourt, puisque vous le vou-
»Iez; mais dites-lui que je rejette ce traité, Je
»préfere courir les chances les plus rigoureuses
»de la guerre! »


Aprés ce premier mouvement, Napoléon se
jette sur un lit de camp, le due de Bassano reste
aupres de lui , il passe une partie de la nuit de-
bout, a son chevet; et, profitant d'un moment
plus calme, il obtient enfin la permission d'écrire
au duc de Vicence dan s des termes qui lui per:-
mettent de continuer la négociation J.


J Napoléon était aNogent-sur-Seine : le grand maréchal
Bertrand et le duc de Bassano, qui se trouvaient pres deIui,
le presserent d'accéder a la demande du duc de Vic611oe,
en le laissant toutefois libre de s'écarterde ses instructio,::ns:;¡,~~~~




112 MANUSCRIT
Au surplus, Napoléon veut que les conditions


de l'ennemi soient envoyées aParis; que tous les
membres du conseil privé se réunissent pour en
prendre communication; que chacun donne son
avis motivé1)3t qu'un preces verbal recueille avec
soin toutes ).es opinions.


et d'user dela carte blanehe qui lui avait été donnée. Na-
poléon , rentré dans son cabinet , eut, avec son ministre,
une conférence quidura fortavant dans la nuit, Il fut dé-
oidé qu'on ne devait pas hésiter aabandonner la Belgique,
et meme la rive gauche du R.hin, si l'on ne .pouvait avoir


'la paix qu'á ce prix; mais que, s'il étaít possible de traiter
au moyen d'une seule de ces concessions , il falla'it com-
mencer par l'abandon de la Belgique, quelque désir qu'eüt
Napoléon de conserver cette belle province, parceque les
ministres anglais, dont le hut principal aurait été atteint,
pourraient craindre d'exposer un résultat aussi national
pour euxy.en soutenant les autres concessions qui seraient
demandées , et que, d'un autre coté, dan s des temps plus
prosperes, on pourrait reprendre la Belgique, en ne s'ex-
posant qu'á une guerremaritime qui ne compromettraít
pas le sort de l'empire, tandis qu'on ne tenterait pas de
reconquérir la rive gauche du Rhin sans exciter une guerl'e
continentale. Les instruetions du plénipotentíaire furent
rédigées dans ce sens : offrir d'abord l'abandon de la Bel-
gique, ensuite celui de la rive gauche du R.hin, s'il était
reconnu indispensable. L'Italie , le Piémont, Genes, l'état
de possession aétablir en AlIemagne, méme les colonies ,
étaient eles sacrifices faits d'avance.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 113


CHAPITRE IV.


SE CONDE EXPÉDITION CONTRE LE l\IARÉCHAL BLU-
CHER.-COMBAT DE CHAMPAUBERT.-BATAILLE


DE MONTMIRAIL. - COMBAT DE CHATEAU-


THIERRY ET DE VAUCHAMP5.


(Du !l au 15 février.}


La marche de Blucher a travers la Champagne
avait jeté l'alarme dans la capitale. D'heure en
heure, les estafettes les plus inquietantes arri-
vaient de París. Blücher était entré dans la Brie
champenoise; il s'avancait a marches forcées; le
duc de Tarente se retirait sur la Ferté-sous-
Jouarre; les fuyards arrivaient a'Meaux.


Cette audacieuse incursion de l'ennemi ranime-
Napoléon ; il veut du moins faire payer cher aux
Prussiens leur témérité, et il prend la résolution
de tomber sur leurs flanes a l'improviste. Napo-
léon était ·encore étendu sur ses cartes , les par-
courant le compaso ala main, lorsque le duc de
Bassano se présente avec les dépéches qu'il a passé
le reste de la nuit a préparer ponr Chátillon.


8




114 MANUSCRIT
(( Ah ! vous voilá , lui dit Napoléon. Il s'agit main-
»tenant de bien d'autres choses ! Je battais Blü-
s cher de I'oeil; et je le tiens s'il avance par la route
) de Montmirail : je pars; je le hattrai demain,
)) je le battrai apres-demain ; si ce mouvement a
)) le succes qu'il doit avoir, l'état des aífaires va
~ entierement changer, et nous verrons alors! En
»attendant, laissez Caulaineourtavec les pouvoirs
))qu'il a. II


Aucuneroute de poste n'étahlit de communi-
eation entre la grande route de Troyes, ou se
trouve l'armée francaise , et celle de Chálons, que
les tr~>upes du maréchal Blücher parcourent avec
tant d'assurance. Les vastes plaines de la Bric
champenoise séparent ces deux avenues de la ea-
pitale ; et de Nogent aMontmirail, par Sezanne,
on ne compte pas moins de douze grandes lieues
de traverse, que les gens du pays s'aecordent a
regarder eomme tres difficiles en cette saison.
Un tel obstacle n'est pas suffisant pour arréter
:Napoléon. Illaisse aNogent le général Bourmont,
sous les ordres du duc de Bellune; il laisse au
pont de Bray-sur-Seine le due de Reggio; il leur
recommande de retenir les Autrichiens le plus
long-temps qu'ils pourront au passage de la
Seine; et aussitót se dérobant, avec l'élite de
l'armée, derriere le rideau que forme notre ar-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 115
riére-garde , il entreprend sa seconde expédition
contre l'armée prussienne. Des le 8 au soir, la
garde impériale avait fait une marche vers Ville-
noxe; le 9, Napoléon partde Nogent,et va-con-
cher, avec le gros de ses troupes, aSezanne.


Ce soir méme ,nos coureurs rencontrent
quelques cavaliers prussiens sur les bords de la
riviere du Petit-Morin, entre Sezanne et Cham-
pauhert.


Les nouvelles des habitants sont que le duc
de Tarente est en retraitesur Meaux; que les
Prussiens couvrent les routes depuis Chálons
jusqu'á la Ferté et au-delá; qu'ils marchent dans
une sécurité parfaite.


Nons n'avons plus que quatre lieues a faire
pour les surprendre! mais les coups de sabre
qu'on vient de se donner aux avant-postes peu';'
vent avoir averti l'ennemi ; l'escarpement de la
vallée du Petit-Morin , les marais de Saint-Gond,
les bois et les défilés qui s'y trouvent, vont peut,;.
étre offrir de grands obstaclesaune armée embour-
bée, que l'artillerie ne peut rejoindre... La vivacité
et la hardiesse de notre mouvement maitrisent
les hasards qui nous auraient été défavorables.
Nous ne trouvons devant nous qu'un petit eorps
de troupes, qui se garde mal, et qui a pris nos
sahreurs de la veille pour des maraudeurs égátés.


8.




I 16 MANUSCRIT
Cependant le duc de Raguse, qui commande


l'avant-garde, a trouvé les chemins trop mauvais:
il revient sur ses pas .
Napoléon le force aussitót a recommencer son
mouvement; on requiert des chevaux de tous
cótés, on dquble les attelages , et la volonté du
maitre s'exécute...


Le 10 au matin, le duc de Raguse passe les
défilés de Saint-Cond sous les yeux de Napoléon,
et enleve a I'ennemi le village de Baye. Dans l'a-
pres-midi , l'armée parvient au village de Cham-
paubert, débouche sur la grande route de Cha-
lons, et y bat a plate couture les colonnes que le
général Alsufief (le méme qui défendait Brienne)
a ralliées trop tard contre nous. La déroute
est telle que les forces de l'ennemi se séparent :
les uns fuient du coté de Montmirail, et sont
poursuivis par la cavalerie du général Nansouty,
les autres fuient sur Étoges et Chálons, et sont
poursuivis par le duc de Raguse.


Maitre de Champaubert , Napoléon s"y loge
dans une chaumiére qui est sur la route, au coin
de la grande rue du village. C'est la qu'on lui
améne les généraux: énnemis qui viennent d'étre
pris: il les fait diner avec lui.


Depuis l'ouverturede la campagne nous avions
toujours été malheureux; avec quelle joie nous




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 117
voyons enfin briller sur nos armes cette pre-
miére lueur de succes! Napoléon sent renaitre
hien des espérances. L'armée prussienne, coupée
encore une fois dans sa marche, n'oppose plus
que deux troncons dont il compte tirer bon
parti; et déjá il craint que le duc de Vicence,
usant de la latitude que lui donnent les pouvoirs
qui lui ont été expédiés de Troyes, ne mette trop
d'empressement asigner le traité. Illui fait écrire
qu'un changement brillant est survenu dans nos
affaires, que de nouveaux avantages se prépa-
rent, et que le plénipotentiaire de la France peut
prendre au congres une attitude moins humiliée.


Le maréchal Blúcher, de sa personne, n'avait
pas encore dépassé: Champau~ert; il était avec
son arriere-garde aux Vertus , entre nous et Chá-
lons .. Le duc de Raguse reste chargé de le conte-
nir, I tandis que Napoléoll' va se mettre sur les
traces des généraux York et Sacken, qui sont en-
tre nous et la capitale.


C'était a qui seraient les premiers aParis, des
soldats de Blücher, et de ceux de Schwartzen-
berg. Les Prussiens s'efforcaient deprendre les
devants sur tous; déja le général York voyait les
clochersde Meaux. Le général ~usse Sacken, qui
le soutenait , était ala Ferté. Deux marches en":
core, et ils bivouaquaient au pied de Montll1artre t





118 MANUSCRIT
Tout-á-coup les Prussiens s'arrétent; les Russes
les rappellent a grands cris; la nouvelle du com-
bat de Champauhert Ieur est arrivée avec la ra-
pidité de la foudre; et toutes ces colonnes, re-
ployées engrande háte les unes sur les autres,
nepensent plus qu'a se rouvrir un passage vers
leur général en chef. Notre armée, qui s'avancait
au-devant d'elles , les rencontre le 11 au matin;
notre avant-garde ~sorta,it de Montmirail par la
route de París; elle les arréte, el le combat s'en-
gage aussitót : il est sanglant. A trois heures aprés
midi le ducde Trévise, qui était resté e~ arriere
avec la vieille gjlrd~, rejoint l'armée par la,'route
directe de Sezanne a}\Jontmirail. Napoléon or-
donne alors une att:J.que générale et décisive. A
droite de la route, en reg<il;'d¡l.Dt Paris, lemaréchal
Neyet le duc <le Trévi$e se ,~~.me»~ a ,la tft~ .de
la garde, et enlevent IjlJef~pes ,G:ré'l~ J, au- ,
tour de laquelle l'emwmi s'était étahli en force; ~
gauche, le général Bertrand et.le duc de Dantzick
vont mettre fin au combat que le général Bicard
soutient depuis le commencement de la bataille




, Le bulletín dit : « La ferme de l'.Épioe-uux-Bois ; ~ 'c~esl
nae erreur qui a été vérifiée. Laferme des G'rlnaú:V, aa-
tour de Iaquelle 00 s'est tant battu, et OU Napoléon a cou-
ché , app~ril'\nait ú,M, Paré, aneien ministre de I'intérieur




·DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 119
au village de Marchais. Les Russes et les Prus-
siens renoneent alors au projet de foreer le pas-
~age par Montmirail; ils se retirent a travers
champs sur Cháteau-Thierry , dans l'espoir de
rentrer""cif'éommunieation avec le maréchal Blü-
cher par la seconde route de Chálons , qui cótoie
la Marne.


Napoléon couche sur le champ de bataille,
dans cette méme ferme des Grénaux oú le combat
a été si opiniátre. Les valets de pied enlevent les
morts dedeux petites pieces OU le quartier impé-
rial s'établit; et ce qui res-te de paiUe et d'ab~i
dans cette ruine est consacré al'ambulance. .!


Le 12, on poursuit les vaincus; nutre cavalerie
les disperse et les sabre jusqne dans les avenues:
de Cháteau-Thierry ; on leur coupe la retraite
sur laquelle ils comptaient par laroutede cha~
1om:.~ n'Qntalofs d'autre partiá prendre que
de se jeter -dans la ville, Ils veulent couper le
pont, afin de mettre la Marne entre eux et nous;
mais nos troupes pénetrent péle-méle avee eux
dans le faubourg de Cháteau-Thierry. Le duc de
Tnévise les poursuit au-deia dn pont, surla ronte
de Soíssóns. Pendant le combat, Napoléon ~tl'ive.
surles lrauteurs qui dominent la vallée; ily pass.e
la nuit dans Une petite maison de catnpagnt;isó:"
lée , qui dépend du villagede Nesle, . ;,,;1




120 MANUSCRIT
Le 13 au matin, Napoléon descend a Chá-


teau-Thíerry, et prend son logement dans le fau-
bourg de Chálons, a l'auberge de la poste. Sept
Prussiens s'étaíent cachés dans cette maison; on
en trouve six; .leseptieme , blotti dans un gre-
nier a liñge" "11'a été découvert que trois jours
aprés le départ du quartier impérial.


Les alliés s'étaient hórriblement conduits aChá-
teau-Thierry ; aussi, dans leur retraite, l'acharne-
ment des habitante centre eux était-il extreme.
La,joie .d'étre délivrés ~ la présence presque ma-
gj~ue de N,;rpoléon au milieu d'eux, tandis qu'ils
le croyaient du coté de Troyes, le tumulte du
comhatquivenait de se livrer dans les rues de
la ville; la confusion inseparable de tels événe-
ments, toutes ces circonstances avaient jeté dan s
Yesprit deshabitants une exaltation qui tenait
du délire : les hommes ne parlaient que par im-
précations et par menaces; les femmes riaient et
pleuraient a la fois; on en a vu, dit-on, saeri-
fiant aleur vengeanee des blessés prussiens tom-
bés sur le pont, et les jetant a la riviere.


Les récits qu'on fait a Napoléon se ressen-
tent de cette émotion générale; ils sont fort exa-
gérés. L'ignorance de la langue alÍemande, et des
marques distinctives des grades chez l'ennemi,
ajoute encore aux méprises ; chacun , dans la dé- ,




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 121
route qu'il a vué sur le pont ,voit encore la
destruction totale des alliés ; chacun, dans sa
liste particuliere des morts et des hlessés , trans-
forme innocemment les capitaines en eoloneIs,
l~s colonels en géliéraux; et quiconque a logé
un général hlessé n'hésite pas, d'apres la con-
,sommation des domestiques, a croire que e'est
le général en chef.


Débarrassé pour le moment de cette partie
de l'armée prussienne, Napoléon songe aussi-
tót a se retoumer contre l'autre , qu'il a laissée
entre Champaubert et Chálons. J.Je maréchaI BIü-
cher, contenu de ce coté, avait appelé a son se-
cours les corps de Kleist et de Langeron, que
de nouvelles troupes _avaient relevés devant
Mayence et devant les places de la Lorraine; le
duc de Raguse ne pouvait plus barrer le chemin
a des forces aussi disproportionnées.


Dans l'apres -midi du 13, I'armée quitte Ch:\.-
teau-Thierry pour aller rétablir l'équilibre 'de
ce coté. Napoléon reste encore quelques heures
sur la Marne; il donne ses dernieres instruc-
tíons au duc de Trévise, qui est sur la route de
Soissons, poursuivant dans cette directionÍes'
fuyards des corps de Sacken et d'York; 'il rait:
oompléter l'armement des gardes nationales-dé'
la vallée avec les fusils prussiens, dont les ron-




122 MANUSCRIT
tes sont couvertes; des officiers sont détachés
pour réunir ces braves gens en partisans; d'au-
tres ont ordre d'étahlir des postes d'observatien
le long de la riyiete. jusqu'a Épernay; des tra-
vaux défensífs sont traces aCháteau-Thierry,
sur les hauteurs de l'ancien cháteau ,~qui domi-
nent Je pont;. enfin, le brave général Vincent
reste chargé du commandement de cet arrondis-
sement, Apres, avoir ainsi pourvu a la défense
de la Mj;\rqe, NªpQl~on monte a cheval a mi-
nuitvpoursuivre le mouvement desa garde, et
r~jQÜJ.dJ:e J~ due de Baguse. Les demandes de se-
cours d~viwnept d'heure en heure plus pres-
santeade.Ia ,pJlrt de ce rnaréchal; ilvient d'é-,-.
vacuer la position de Champaubert, et recule
encore· .


Le .l.!~ au lMtiJl~ le maréchal Blücher était
au moment d'arriver a Montmirail , Iorsque le
dnc-de Baguse fait faire tout..á-coup volte-face
a. son .mrpf? d'armée, et prend position dans la
plaine .de .Vat!champs. Nos .troupes de Cháteau-
rh;ierry. arrivaient ; bientót l'ennemi iapereoit
derriére l~ duc de Raguse toute l'armée fran-
f(~se~~.dépIoHnl.pour livrer bataille. A huit
henres dn rnatin, les cris dessoldatssignalent.
la présence de l'en;J.pereur lui - méme , et la ha-
taille commence.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 123
Dans le premier moment, le maréchal Blücher


avait voulu éviter le combat; mais il n'était plus
temps. En vain sa retraite est protégée pard'ba-
hiles manoeuvres d'infanterie ;: les charges de
notre cavalerie iculbutent tous les carrésqui
nous sont opposés rchaque pas rétrogradeac-
célere-la rétraite de l'ennemi , et hientót ce n'est
plus qu'une fuíte. Dans la soirée , le maréchal
Blücher, enveloppé plusieurs fois avec son état
major, ne parvient a se dégager qu'a coups de
sabre, et ne nous échappe qu'á la faveur de
l'ohscurité, qui ~'a pas permis de le reconnaitre.
Le duc de Raguse le poursuit toute la nuit,


Du champ de bataille de Vauchamps, Napa-
léon revient coucher au cháteau de Montmirail.


Six jours se sont a peine écoulés depuis qu'il
a quitté Nogent; mais le prince de Schwartzen-
berg, mettant a profit son absence, est parvenu
a passer la Seine ; il est urgent de revenir de ce
coté. .Napoléon abandonne done les Prussiens
aux dues de Trévise et de Raguse; il se fait sui-
vre par son infatigable garde, et par le eorps
d'armée du duc de Tarente. Tandis qu'on va cher-
cher du coté de Meaux une route pavée qui
nous ramene plus facilement dans la vallé e de la
Seine, des officiers d'ordonnanee courent a franc
étrier prévenir les ducs de Bellune et de Reggio




1:<14 MAN:USCRIT
que le lendemain 16 Napoléon débouchera der-
riere eux par Guignes.


Le quartier impéríal arrive en effet le 15au soir
a Meaux, mais tres tard; et ron ne s'établit que
pour quelques heures a l'évéché, '


Depuis le départ de Troyes, la rapidité des opé-
rations militaires n'avait pas permis d'envoyerá
Paris des nouvelles officielles; la proximité oú
l'on se trouve delacapitale permet de rendre aux
communícations toute leur activité. On en pro-
fite pour expédier dans la nuit les trois bulletins
de cette glorieuse semaine; et b1entot on les fait
suivre par une colonne de huit mille prisonniers
russes et prussiens, que tout Paris voit défiler
sur les houlevards.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 125


CHA.PITRE V.


RETOUR SUR LA SEINE.-COM"BATS DE "NANGIS ET


DE MONTEREAU.-POURSUITE DES AUTRIClIIENS


JUSQU'AU DELA DE TROYES.


(Du .6 au 23 février.)


Cesvictoíres , ces convoisde prisonniers, ne
peuvent plus rassurer les Parisiens; de nouveaux
snjets d'alarmes occupent les esprits. C'est main-
tenant la grande armée autrichienne qu'on re-
doute : jamais inquiétudes n'ont été mieux fon-
dées. "
- L'armée de Sehwartzenberg, apres avoir forcé


les ponts de Nogent, de Bray et de Montereau,
s'avancait sur Nangis. Les Bavarois du général
Wrede , et les Russes du général Vitgenstein for-
maient l'avant-garde ennemie qui entrait dans la
Brie; de l'autre coté de la Seine, Sens, malgté
la belle résistance OU général Alix, avait été forcé.
Le eorps autrichien de Bianchi marchait sur Fon-
tainebleau, et les Cosaques de Platow répandaient
la désolation entre l'Yonne et la l ..oire,




MANUSCRIT
Le 16 au matin, Napoléon quitte Meaux et se


dirige sur Guígnes, atravers la Brie, par le che-
min deCrécy etde Fontenay. Cette route est cou-
verte aussitót de charrettes sur lesquelles les ha-
bitants des villages voisins font doubler les éta-
pes anos soldats harassés, Le bruit du canon se
faitentendre du cóté vers lequel on marche, et
redouble les efforts qu'on fait pour arniver. Notre
artillerie court la poste.


Depuis midi 1'0n se bat dans la plaine de Gui-
gnes. Les ducs de Bellune et d~ Reggio , poussés
toujours pllr l'ennemi , lui opposaient toujours
la plus vive résistance , cherchant a conserver
jusqu'au soir le chemin de Chaulnes, par lequel
Napoléon a promis d'arriver ; mais lorsque les
tetes de nos colonnes se présentent a Chaulnes,
elles y trouvént les tirailleurs 'de l'ennemi. Les
l;>agages, ponr parvenir plus sürement jusqu'á
Guignes, sont forcés de faire un détour, et de
des cendre la petite riviére d'Yeres jusqu'au pont
des Seigneurs ; une heure plus tard, la jonction
de nos forces eút été compromise.


L'arrivée de Napoléon rend a l'armée de la
Seine toute son énergie.


Dans cette premiére soirée, on se contente
d'arréter les alliés devant Guignes; le quartier
impérial passe la nuit dans ce village, toutes les




DE MIL HUIT CE;NT QUATORZE. 127
troupes quile suivent défilent jusqu'au jour; el
au mérne moment les dragons du général Treil-
lard, tirés de l'armée d'Espagne, se présentent par
la route de París; ce renfort de cavalerie ne po.u-
vait arriver plus a propos.


Pendant.la nuit, les courriers se multiplient
pour porter a Paris des nouvelles rassurantes ;
ils entrent dans les faubourgs , escortés d'une
foule de curieux que l'inquiétude avait réunis
aCharenton, antour des voituresdu grand parc;
cal' les gros",équipages du duc de Bellune et du
duc de Reggio avaient été poussés jusqu'a cette
derniére position !


Le 17 au matin, toute l'armée quitte Guignes
et se reporte en avant; par la vigueur du choc,
les alliés apprennent que Napoléon est de retour,
et tout cede al'impulsion que donne sa présence.
L'infanterie du génél'al Gérard, l'artillerie du gé-
néral Drouot, la cavalerie de l'armée d'Espagne,
font des merveilles. Les colonnes de l'ennemi
sont culbutées les unes sur les autres, et leur dé-
route couvre les chemins de morts et de débris,
depuis Mormans jusqu'a Provins.


Les Russes se retirent sur Nogent, poursuivis
par le duc de Reggio et le comte deValmy; le
duc de Tarente poursuit l'ennemi dansla direc-
tion de Bray, le général Gérard pousse les Bava-




MANUSCRIT
rois l'épée daos les reins par dela Villeneuve-le-
Comte et Donne-Marie; enfin , le duc de Bellune
s'avance dans 'la direction de Montereau, avec
ordre de s'emparer le soir méme du pont... La
garde impériale bivouaque autour de Nangis.
L'empereur couche au cháteau.


Daos la soirée , le prince de Neufchátel vient lui
annoncer qu'un officier autrichien se présente
de la 'part du prince de Schwartzenberg. C'est le
eomte deParr =sa mission a pour objet d'ohtenir
une suspension des hostilités, et il attend réponse
aux avant-postes. Napoléon, encou~agé par les
avantages miIitaires qu'il vient d'obtenir, concoit
l'espoir d'éehapper enfin aux lenteurs d'un con-
gres; l'envoi d'une lettre de l'impératrice a son
pere, et cette mission du eomte de Parr, lui offrent
l'oecasion d'écrire lui-méme directement aI'em-
pereur d'Autriche : illa saisit. Le conseil privé ,
consulté a Paris sur les propositions de Chátil-
Ion, a été unanimement de l'avis de s'y soumet-
tre 1; mais Napoléon croit que le moment est
venu.de mettre de coté des prétentions que notre
échec de Brienne a pu seul inspirer aux alliés,
Dans cette lettre qu'il écrit lui-méme de Nangis


I A une seule voix pres , cene du comte Lacué e de
Cessac , anclen ministre de l'administratíon de la guerreo




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 1.29
a l'empereur d'Autriche, il parle vivement du
désir qu'il a d'entrer promptement en accom-
modement; mais il fait entendre qu'apres les
changements favorables survenus dan s l'état de
ses affaires , il compte bien étre traité sur des
bases plus conciliantes que celles qui ont été po-
sées a Chátillon. Napoléon fait écrire en méme
temps au duc de Vicence que, quand on lui a
donné carte blanche, c'était pour sauver la ca-
pitale, et que Paris est sauvé; que c'était aussi
pour éviter une bataille, mais que cette bataille
a en lieu; qu'ainsi ses pouvoirs extraordinaires
n'ont plus d'objet, qu'on les révoque, et que
désorrnais la négociation devra suivre la marche
ordinaire,


On voit que toutes les pensées de Napoléon se
sont tournées entierement vers la négociation
directe qu'il venait d'entamer avec son beau-
pére... De nouveaux succes militaires vont en-
core ajouter ases espérances...


Le 18 au matin , Napoléon , apprenant que le
pont de Montereau n'est pas encore occupé par
le duc de Bellune, se porte aussitót de ce coté; les
gardes nationales bretonnes, et la cavalerie du
général Pajol , recoivent en méme temps l'ordre
d'arriver sur Montereau par la route de Melun.


Le duc de Bellune s'était présenté le matin de-
9




130 MANUSCRlT
vant Montereau; mais il était déja trop tard, les
Wurtembergeois s'y étaient établis dans la nuit,
Pendant ce temps, le eorps autriehien de Bian-
chi, av~ncé de l'autre coté de la Seine jusqu'a
Fontainebleau, et craignant de se trouver com-
promis par les progres de l'avant-garde francaise ,
s'était hMé de rétrogracler sur Fossard, Ville-
neuve-la-Guyard et Sens; les Wurtembergeois
couvraient ce mouvement.


Le duc de Bel1une fait de ,vains efforts pour
leur enlever la position. Son gendre , le bráve
général Chatean, est mortellement blessé clans
cette premiere attaqne. Cependant le général
Gérard arrive atemps pour soutenir le combat :
bientót apres Napoléon arrive lui-méme pour
décider la victoire.


On s'empare des hauteurs de Surville, qui do-
minent le confIuent de la Seine et de l'Yonne;
on y place en hatterie l'artilleriede la garde, qui
foúdroie les Wurtembergeois dans Montereau.
Napoléon pointe lui-méme les piéces, eommande
lui-méme les décharges; l'ennemi fait de vains
efforts ponr démonter nos batteries, ses boulets
sifflent sur le platea{l de Surville comme les vents
déchainés : mais le soldat murmure de ce que
Napoléon, cédant a l'attrait de son ancien mé-
tier, reste ainsi exposé aux eoups de I'ennemi :




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 13.
c'est dans cette circonstance qu'il leur dit gaie-
ment ce mot que tous les canonniers de l'ar-
mée ont retenu: « Allez, mes arnis , ne craignez
)) rien; le boulet qui me tuera n'est pas encore
»fondu. l)


Le feu de nos pieces redouhle ,et pas une des
vitres du petit cháteau de Surville ne résiste a la
commotion. Protégées par cette redoutable artil-
lerie , les gardes nationales bretonnes s'emparent
du faubourg de Melun; etle général Pajol enleve
le pont par une charge de cavalerie tellement
vive, que l'ennemi n'a pas méme le temps de
{aire sauter une arche. Les Wurtembergeoisap-
pellent en vain les Autrichiens a leur secours ;
entassés dans Montereau, ils y sont écharpés.
Ce combat est un des plus brillants de la cam-
pagne.


Tandis que nos succes réjouissent la constance
infatigable des soldats , redoublent l'ardeur civi-
que des habitants des campagnes , et portent jus-
qu'á l'exaltation le dévouement de nos jeunes
officiers, on remarque avee inquiétude qu'un re-
tour d'espérance n'a pas encore pénétré dans le
coeur de la plupart des chefs de I'armée..Plus les
événements viennent de nous étre favorables,
plus ils craignent l'avenir. Chez eux, la prudence
a grandi avee la fortune : les plus pauvres sont





MANUSCRIT
au contraire les plus confiants. Cette différence
dans la résolution avec laquelle chacun mesure
ainsi les événements offre des contrastes péni-
bIes pour le bienfaiteur, et il en ressent toute
l'amertume.


Il a se plaindre des plus braves L.. Au combat
de Nangis, unmouvement de cavalerie, qui aurait
été fatale aux Bavarois, a manqué, et on en a fait
reproche aun général connu par son intrépidité,
le général L'Héritier. La nn!t derniere , l'ennemi
nous a surpris quelques piéces d'artillerie au bi-
vouac , et. elles étaient sous la garde du brave
général Guyot , commandant les chasseurs ache-
val de la garde! A Surville, au moment le plus
chaud du combat, les batteries ont manqué de
munitions; et cette négligence, qui est un crime
selon les lois rigoureuses de l'artillerie, semble
retomber sur un de nos officiers d'artillerie les
plus distingués , sur le général Digeon ! La forét
de Fontainebleau vient d'étre abandonnéesans
resistance aux Cosaques; et le général qu'on accuse
den'avoir tiré aucun avantage, ni d'une pareille
position , ni de tels adversaires, c'est Montbrun !
Enfin, peut-étre le combat de Montereau n'au-
rait-íl pas été nécessaire , et tant de sang répandu
aurait-ilété épargné, si la veille on eüt marché
assez vite pour surprendre le pont; mais la fa-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 133
tigue a empéché d'arriver ; et c'est le due de
Bellune, autrefois -I'infatigable Victor, qui a le
malheur d'avoir a donner cette excuse!


Napoléon né peut plus contenir son mécon-
tentement. Rencontrantenroute le général Guyot,


. il lui reproche, a la face des troupes, d'avoir si
mal gardé son artillerie. Non moins violent en-
vers le général d'artillerie Digeon, il ordonne
qu'on le fasse juger par un conseil de guerre;
enfin , il envoie au duc de Bellune la permission
de se retirer ehez lui, et il donne aussitót son
eommandement au général Cérard , dont l'acti-
vité sait snrmonter toutes les diffieultés decette
pénible eampagne. C'est ainsi que Napoléon s'a-
bandonne a une sévérité qui l'étonne lui-méme ,
mais qu'il eroit nécessaire dans des circonstances
aussi impérieuses.


Le' général Sorbier, commandant l'artillerie de
l'armée, laisse passer le premier mouvement de
vivacité, el vient ensuite rappeler les bonset
aneiens services du général Digeon. Napoléon
l'écoute, et déehire lui-méme l'ordre qu'il avait
dicté pour le jugement par un conseil.de guerreo


Le due de Bellune a recu avec la plus vive dou-
leur la permission de quitter l'armée. n monte
aSurville , et, les larmes aux yeux, Il vient récla-
mercontre eette décision. En le voyant, Napo-




134 MANUSCRIT
léon donne un libre eours ason mécontentement;
il en accable le malheureux maréchal. n lui re-
proche de servir de mauvaise graee, de fuir le
quartier impérial, de ne pas méme dissimuler
une secrete opposition, qui. sied mal dans un
eamp: Les plaintes s'adressent a la maréchale
elle-méme : elle est dame du palais, et elle s'é-
loigne de l'impératrice, que la nonvelle cour
semble abandonner.


En vain le due de Bellune veut répliqner; la
vivacité de Napoléon lui en óte les moyens. Ce-
pendant le maréchal parvient a élever la voix
ponr protester de sa fidélité. Il rappelle aNapo-
léonqu'il est un de ses plus anciens compagnons,
et qu'á ce titre iI ne pent quitter l'armée sans
déshonneur. Les souvenirs d'Italie ne sont pas
invoqués en vain; la conversation se radoucit.
Napoléon ne parle plus au due que du hesoin
qn'il semble avoir d'un peu de reposo Ses nom-
brenses blessures, et ses souffrances, suites íné-
vitables de tant de campagnes, ne lui permettent
peut-étre plus l'activité de l'avant-garde, ni les
privations des bivouacs , et foreent trop souven t
ses fourriers a s'arréter de préférence aux lieux
oú l'on trouve un lit.


Mais c'est inutilement que Napoléon entre-
prend de déterminer le maréehal a se retirer .




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. )3;)
Celui-ci insiste pour rester, et parait ressentir
plus vivement les reproches amesure qu'ils sont
plus adoncis. Il veut méme entamer sa justifica-
tion sur les lenteurs de la veille : mais aussitót
ses larmes l'interrompent; s'il a fait une faute
militaire , il la paiebien cherement par le coup
qui a frappé son malhenreux gendre... An nom
du général Chatean, Napoléon l'interrompt avec
la plus vive émotion ; il s'informe si l'on conserve'
encore quelque espoir de le sauver ; il n'écoute
plus que la douleur du maréchal , et la ressént
tout entiere, Le duc de Bellune , reprenant con-
fiance, proteste de nonveau qu'il ne quittera pas
l'armée : « Je vais prendre un fusil, dit-il; je n'ai
) pas oublié mon ancien métier: Victor se pla-
D cera dans les rangs de la garde." Ces derniers
mots achevent de vaincre Napoléon : (( Eh bien,
») Víctor, restez , dit-il en' lui tendant la main. Je
., He puis vous rendre votre corps d'armée puis-
»que je l'ai donné aGérard, mais je vous donne
» cleux divisions de la garde; allez en prendre le
)) commandement, et qu'il ne soit plus question
) de rien entre Hons ... l) .


Le leeteur vient d'assister aune de ces terribles
scenes dont il a été tanl question dans les libelles.
C'est ainsi qne Napoléon se fáchait ; c'est ainsi
qu'on l'apaisait,




136 MANUSCRIT
On retrouve dans le bulletin daté de Monte-


reau la teinte des sentiments :dont Napoléon
vient d'étre affecté. Les fautes des généraux L'Hé-
ritier et Montbrnn y sont consignées. Le pas-
sage relatif a la blessure mortelle dugénéral
Cháteau est surtout remarquable apres ce que
nous venons de raconter : a Le général Cháteau
»mourra! il mourra du moins accompagné des
»regrets de toute l'armée! mort bien préférable
»pour un militaire a une existence dont il n'au-
» rait acheté la prolongation qu'en survivant a sa
lJ réputation, ou en étouffant les sentiments que
»l'honneur francais inspire dans les circonstances
»oú nous sommes! n


Napoléon couche le 18 au soir au petit chá-
teau de Survillc; il Ypassc la joumée du i 9. Tous
les maires des en virons accourent au quartier
impérial ; la plupart sortent des bois oú ils se
sont réfugiés, et parmi eux on distingue M. Souf-
flot de Merey, qui fait nne vive peinture du pil-
lage auquelle prince de Wurtemberg laisse ses
gens s'abandonner. Bientót on voit autour de
Napoléon presque autant d'écharpes tricolores
que d'épaulettes. Une députation de Provins vient
encore augmenter le nombre des fonctionnaires
fideles qui s'empressent d'apporter al'arrnée des
ressources de tous gen res , et a Napoléon des




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 13'7
renseignements importants sur la fuite de l'en-
nemi.


La journée du 19est employée aexpédier des
ordres pour que, sur toutes les routes, les diffé-
rentes colonnes de l'ennemi soient harcelées sans
reláche dans leur retraite, et qu'un mouvement
général des nótres les poursuive sur Troyes. Le
général Gérard se met en marche sur les pas de
la colonne autrichienne _échappée de Fontaine-
bleau, qui se sauve par la route de Sens. La
garde impériale chasse devant elle, entre la Seine
et I'Yonne, ce qui reste des corps ennemis qui
ont défendu Montereau. Les ducs de Tarente et
de Reggio s'avancent sur Eray et Nogent, et net-
toient la rive droite de la Seine.


Napoléon pense que le moment est venu de
faire entrer l'armée de Lyon dans les combinai-
sons militaires. C'est cette armée qui doit ache-
ver la campagne; elle peut couper la retraite a
l'ennemi, et rendre nos derniers succes décisifs.
Désorrnais les esperances de Napoléon vont re-
posersur elle.


Déja les levées en masse du Dauphiné sont
venues au secours de celles de la Savoie; elles
combattent sous les ordres des généraux Mar-
chand, Desaix, Seras, et viennent de rétablir
l'importante communication du Mont-Cenis,




138 MANUSCRLT
Le général Bubna a évacué Montluel et les


cnvirons de Lyon. Les rives de la Saóne sonr
libres;' el les Autrichiens, réduits a garder la dé-
fensive, se concentrent sur Geneve. Apres de
tels commencements, obtenns par des levées en
masse, que ne doit-on pas attendre d'une armée
de tr~mpes de ligne? Napoléon ordonne au duc
de Castiglione de remonter la Saóne, de culhu-
ter tous les détachements qu'il trouvera devant
lui, de pénétrer dans les Vosges , de s'y établir
sur les derrieres de 1'ennemi; de faire une guerre
acharnée a ses convois, ases bagages, ases déta-
chements ¡solés; de soulever tous les habitants
des campagnes, et de porter enfin l'alarme chez


,les alliés, en menacant leur ligne d'opérations
et Ieur route de retraite.


"Maiseette armée de Lyon, qui doit se compo-
ser principalement de troupes tirées de l'Italie el
de la Catalogne, ne sera pas aussi nombreuse que
Napoléon l'avait d'abord calculé. Ce qui se passe
en Italie dérange eette importante combinaison.
Le roide Naples vient de lever le masque. u Quoi-
»que uni a Napoléon par les liens du sang, et
»Iui devant tout , il se déclare contre Iui : et dans
» quel moment? lorsque Napoléon est moins heu-
o reux ! o Ces reproches semhleut échappés a la
plume de I'histoire ; ce sont les derniercs pa-




DE MIL nUIT CENT QUAT()R~E. 139
roles d'une prodamation du prince Eugene ; elles
retentissent dans toute I'Europe. Le jeune vice-
roi, environné d'ennemis , développe un carac-
tére égal au danger; combat les Autrichiens sur
le Mincio, les Napolitains sur le Taro, et fait
face a tout...; mais il ne peut plus envoyer a
Lyon les troupes promises, qui devaient donner
une supériorité décisive a l'armée du maréchal
Augereau. C'est un malheur; cependant la vi-
gueur peut quelqnefois suppléer au nombre:
déjá le maréehal Augereall a sous ses ordres deux
dívisions agnerries, venues de Catalogne, et com-
mandées par lesgénéraux Musnier et Pannetier,
On espere que le duc de Castiglione, électrisé
par l'importance du role qu'il est appelé a jouer,
retrouvera son ancienne audace, et fera quelque
exploitdigne de son age héroíque. Napoléon ne
veut négliger aucun moyen de stimuler l'éner-
gie de son ancien compagnon; il eharge l'impé-
ratrice elle-méme d'aller voir la jeune duchesse
de Castiglione, et de l'engager a concourir au
salut public par toute l'influence qu'elle a sur
le coeur de son mari.


Pendant les vingt-quatre heures qu'on a pas-
sées au chatean de Surville, on n'a eessé de ras-
surer Paris , oú le canon de Montereau avait re-
tenti. D'abord des estafettes ont porté les pre-




MANUSCRIT
miéres nouvelles de nos succes ;' aux estafettes a
succédé le départ d'un bulletin; ce dernier en-
voi est suivi de pres par M. de Mortemart, l'un
des officiers d'ordonnance les plus distingués,
qui va porter a l'impératrice les drapeaux de
Nangis et de Montereau.


Dans la journée du 20, Napoléon avee le gros
de ses troupes remonte la rive gauche de la
Seine 'par la route de Montereau a Nogent; il
déjeune aBray, dans la maison que l'empereur
de Bussie a quittée la veille; et le 2 o au soir
il se retrouve aNogent, avec le corps d'armée du
due de Reggio, qui arrive par la route de Pro-
vins, Nogent avait cruellement souffert. Le géné-
ral Bourmont et les braves troupes qu'il com-
mandait y avaient disputé, pendant les journées
du 10, du 11 et du 12, le passage de la Seine a
toute l'armée du prince de Sehwartzenberg; ils
n'avaient cédé qu'a la derniere extrémité. Aussi
la ville n'offre-t-elle plus que des débris d'incen-
die, des murs percés par des créneaux et des bou-
lets, et <,;a et la quelques habitants qui n'ont plus
que la vie a perdre! Au milieu de ce désastre, les
soeurs de 'la charité de Nogent .étaient restées
dans leur hópital: elles avaient recueilli les hles-
sés!Le dévouement imperturbable de ces bonnes
soeurs leur avait valu l'estime et le respect des




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 141
généraux ennemis, et nos hlessés s'en étaient
ressentis. Napoléon veut voir les soeurs et le curé;
il les fait appeler , les remercie au nom de la
patrie, et leur aecorde, sur sa cassette, un pre-
miel' secours de cent napoléons.


Le 21, on envoie aParis un nouveau bulletin ,
pour satisfaire, autant que possihle, a. l'avidlté
avec laquelle on attend les. résultats des der-
niers combats. Napoléon passe la journée afaire
avancer les troupes qui défilent;et le 22 au ma-
tin, il se remet en marche pour suivre l'ennemi
vers Troyes. La re traite des alliés se changeait
en déroute amesure que leurs colonnesvenaient
aboutir sur le grand chemin: l'accroissement
de leur masse dans ce défilé, au lieu de réunir
plus de forces, donnait lieu aplus d'encombre-
ment et de désordre; l'effroi se propage dans
toutes les directions. La peur a des ailes , et bien-
tót les routes des Vosges se couvrent de voitures ,
de charretiers, de blessés et de fuyards, qui re-
culent jusqu'au Rhin! Cent mille hommes fuient
devant Napoléon, qni n'a pas quarante mille
Francais pour les poursuivre.


Cependant, sur la gauche, entre la Seine et
l'Aube, u~ eorps ennemi se présente, qni -ne
parait pas entrainé dans la retraite générale des
alliés. L'avant-garde de cette troupe .vient se




142 MANUSCRIT
présenter aux portes de la petite ville de Méry,
an moment méme que les fourriers y entraient
pour faire le logement du quartier imperial, Le
général Boyer s'y porte aussitót avec une division
de la garde; mais il trouve au pont une résis-
tance a laquelle il était loin de s'attendre. L'en-
nemi soutient notre attaque pendant le reste du
jour et une partie de la nuit. Il ne se décide a
abandonner la position qu'apres que l'acharne-
mentdu combat a réduit cette malheureuse ville
en cendres.


Quel est cet ennemi si obstiné? D'abord on
s'imaginequec'est Witgenstein; qu'il veut rallier
les Russes dans la presqu'ile du coníluent de
l'Aube, et que, dans ce dessein , il attache une
grande importance a rester maitre. du pont de
Méry; mais pendant le combat on apprend que
c'est aux Prussiens qu'on a affaire, et ce n'est pas
sans quelque surprise qu'on retrouve si promp-
tement les troupes du maréchal Blücher. Les
rapports étaient vagues. Ce mouvement de l'ar-
mée prussienne semble n'étre qu'une forte recon-
naissance que Blúcher inquiet a fait faire pour
savoir ce que devenait Schwartzenberg. Mainte-
nantque les Prussiens n'ont plus a douter du
mauvais état de l'armée autrichienne, on conjec-


. ture qu'ils vont s'abandonner a ce mouvement




DE MIl, HUIT CENT QUATORZE. 143
général de retraite que leurs échecs de Montmi-
raíl et de Vauchamps ont eommeneé, et que les
combats de Nangis et de Montereau viennent de
rendre également néeessaire pour Sehwartzen-
berg. On se garde done bien de se laisser détour-
ner, par cette rencontre, du parti qu'on a pris
de poursuivre les Autrichiens a outrance. On se
contente de faire observer les troupes de Blücher
dans leur retraite : bientót un est certain qu'elles
ont repassé l'Aube a Baudemont et a Anglure.
On croit qu'elles ne font ce détour que pour re";
prendre plus súrement la route de Chálons, et
I'on ne pense plus qu'a arriver promptement a
Troyes.


Le quartier impérial, n'ayant pu s'établir a
Méry, était revenu sur la grande ronte, et s'était
arrété au hameau de Chátres, Napoléon y avait
passé la nuit du 22 au 23 dans la chaumiere d'un
charron.


Le 23 au matin, le prince Wenszel-Liehten-
stein se présente de la part du prince Schwart-
zenberg, dont il est aide de campo Napoléon le
recoit entre les quatre murs du charron. Cet en-
voyé apporte la réponse ala lettre que Napoléon
a écrite le 17, de Nangis, a son beau-pere. Son
langage est pacifique. n ne dissimule pas comhien
les plans des alliés. viennent d'etre dérangés. JI




MANUSCRIT
avoue qu'on a reeonnude nouveau Napoléon aux
eoups qu'il portait, et c'est de la bouche méme
de cet ennemi que sortent les premiers éloges,
peut-étre les señls que eette eampagne mémora-
ble ait valus personnellement a son auteur! Na-
poléon , mettant a profit les formes conciliantes
que montre l'aide de camp autrichien,. engage
avee lui une eonversation assez longue. Il lui
parle des bruits qui se répandent depuis quelque
temps sur un nouveau systeme qu'on préte aux
alliés : il lui demande s'il est vrai que la querelle
que nous fait-l'Europe ait en effet ehangé de na-
ture; si c'est maintenant a sa personne, asa dy-
nastie .qu'on en veut; et si, eonformément au
plan favori de I'Angleterre, c'est maintenant
de la famille des Bourbons 'qu'on s'occupe. Le
prince Lichtenstein rejette vivement ces bruits,
comme n'étant pas fondés: mais Napoléon lui
fait sentir qu'ils n'ont que trop de consistance
par la présence du duc d'Angouléme au quar-
tiergénéral des Anglais dans le midi ; par I'ar-
rivée du duc de Berry a Jersey, dans le voisi-
nage de nos départements de l'ouest; et surtout
par le voyage du comte d'Artois , qui est déja en
Suisse, et qui s'annonce comme devant continuer
sa route ala suite du quartier général des alliés.


Napoléon témoigne combien iI lui répugne de




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 145
croire que son beau-pere puisse entrer dans de
pareils projets: M. de Lichtenstein continue de
répondre par les protestations les plus tranquilli-


. santes. n ne veut considérer le role qu'on fait
jouer aux Bourbons que comme un moyen de
guerre, a. l'aide duquel on espere opérer quel-
ques diversions dans nos provinces; mais il as-
sure qu'il n'y a rien de sérieux a cet égard; que
I'Autriche d'ailleurs ne s'y préterait pas; ..


. . ~ ; et qu'enfin on
n'en veut ni a l'existence de l'empereur ni a sa
dynastie; qu'on désire la paix , et que la preuve
en est dans la mission qu'il vient remplir.


Napoléon prévient M. de Lichtenstein qu'il
compte coucher le soir méme a Troyes, et le
congédie, en promettant d'envoyer des le lende-
main un général francais aux avant-postes pour
négocier l'armistice,


Ces pourparlers sont l'heureux présage de la
, cessation prochaine des hostilités; ils nous pro-
. mettent une négociation plus franche, ~t des


conditions meilleures qu'á Chátillon : ils doivent
réjouir tout le monde, et cependant les flatteuses
espérances, qui déjá se répandent dans l'armée,
ne dissipent pas les inquietudes de ceux qui ap-
prochent Napoléon! C'est peut-étre l'effet d'une


10




MANUSCRIT
circonstance dont nous allons rendre compte.


Le baron de Saint-Aignan, le méme qui, au
mois de novembre précédent, avait été chargé
des propositions de Francfort, venait d'arriver de
París, Napoléon le recoit immédiatement aprés
l'aide de camp autrichien, et des les premiers
mots laisse échapper la confiance que cette dé-
marche des alliés lui inspire. M. de Saint-Aignan
se trouvait chargé par divers personnages de
présenter aNapoléon le tableau vrai des angoisses
que la capitale éprouve encore. Les victoires de
Montmirail et de Vauchamps n'ont pas rassuré;
celles de Nangis et de Montereau ne rassurent
pas davantage. On redoute de nouveaux revers;
on redoute également de nouveaux succes ; on
craint que, dans l'un et l'autre cas, Napoléon ne
se confie trop facilement ason épée; et ce qu'on
voudrait surtout, c'est qu'il employát davantage
la voie des négociations. M. de Saint-Aignan vient
done l'entretenir des vceux que l'on forme a
Paris pour qu'il se décide ades coneessions. Une
pareille conversation allait faire un contraste as-
sez brusque avec la précédente; mais cette con-
sidération , loin d'arréter M. de Saint-Aignan,
l'encourage au eontraire a parler, puisqu'il va
étre entendu dans un moment décisif: il s'ac-
quitte 'de sa mission avee toute la franchise et




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. '47
toute la loyauté .qui le distinguent. Rien n'est
négligé par lui pour faire sentir que, dans l'état
actuel des affaires, il Y a nécessité de tout saeri-
fier a la conclusion de la paix. u Sire, s'écrie en
11 terminant M. de Saint-Aignan, la paix sera assez
11 bonne, si elle est assez prompte1-: Elle arrivera
»assez tót si elle est honteuse! 11 réplique Napo-
léon. Son front se rembrunit, et M. de Saint-Aí-
gnan est brusquement eongédié. Bientót ees der-
niers mots se répetent. On monte a eheval, et
ehaeun suit en silence la route de Troyes '.


1 Lettre, de Napoléon au duc de Feltre , da '22 février 1814.
«Quant au conseil que vous me donnez de faire la paíx,


Jl c'est trop ridicule, C'est en s'abandonnant á de pareilles
o idees qu'on g1l.te l'esprit publico C'est au reste me sup-
oposer bien fou ou bien béte , que de croire que, si je pou-
• vais faire la paix, [e ne la ferais paso


»C'est a cette opinión qu'on a propagée, que je peux
II faire la paix depuis quatre moís , mais que je ne la veux
.pas, que sont dus tous les malheurs de la France. Je pen-
II sais mériter qu'on m'épargnát au moins la démonstration
• de pareils sentiments, 11


10.




MANUSCRIT


~", ...._-_.._---........-.._-..---,,_..._.._..__..__ ....,.-
,


CHAPITRE VI.


L'ARMÉÍ<; FRANc;AISE RENTRE DANS TROYES.-SE-
COND SÉJOUR DE NAPOLÉON DANS CETTE VILLE.


. ,
-NEGOCIATION DE L ARMISTICE A LUSIGNY.


(Du 25 au 27 février.}


L'armée arrive devant Troyes dans l'aprés-
mididu 23 février; mais elle trouve les portes
fermées et barricadées. Les Busses, qui n'ont pas
entierement évaeué la ville, prétendent nous la
disputer pour quelques heures, et le combat
s'engage. Cependant la nuit survient; l'ennemi
en profite pour demander, par un aide de eamp ,
que la remise des portes soit différée jusqu'au
lendemain matin, a la pointe du jour. Napoléon
préfére le salut de Troyes a toute considération
militaire; il fait suspendre l'attaque, consent a
l'arrangement proposé, et se retire, avee ses
principaux officiers, dans une maison du fau-
bourg des Noues.


Malgré cette espece de treve, le canon continue
de se faire entendre de temps en temps; les




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 149
troupes, qui se sont répandues de nuit dans les
faubourgs de la route de Paris, dévastent les ha-
bitations et les jardins; du coté opposé, l'ennemi
met le feu añ faubourg par lequel il effectue sa
retraite; plusieurs villages brülent dans la cam-
pagne, et l'horizon n'est éc1airé de toutes parts
que par la lueur des bivouaes et des incendies.
Dans l'intérieur de la ville, le départ noeturne
de eette foule de soldats de diverses nations
donne un libre cours aux scenes de désordre et
de violence.


Le jour parait enfin; l'avant-garde -de l'armée
francaise prend possession des postes, et Napo-
léon entre avec les premieres troupes dans la
ville. Avant de se rendre a son logement, il
veut faire le tour des murs , reconnaitre en quel
état la ville lui est rendue, faire oeeuper les
postes les plus importants, et présider lui-méme
au bon ordre, pendant que l'armée traverse les
mes; rnais il peut a peine se faire passage dans
la foule qui se précipite autour de lui; on l'ac-
cueille par les acclamations les plus vives; c'est
a qui pressera ses bottes et baisera ses mains :
on dirait que la paix est signée, que tous les
maux de la gnerre sont finis, et que Troyes, dé.
sormais affranchi de toute crainte, improvise un
triomphe ason libératenr !




150 MANUSCRIT
Cependant, au milieu de l'expansion générale,


des plaintes s'élevent : on parle de traitres , on
dénonce des coupables; et ces cris ne sont pas
seulement ceux du peuple, ils sont répétés par
des personnes qui paraissent appartenir aux
classes les plus honorables du commerce et de
la bourgeoisie.


Les habitants de Troyes venaient de passer
dix-huit jours sous le joug des armées ennemies:
quelque adoucissement que la présence des sou-
verains alliés eút apporté parmi eux au poids de
la guerre, une telle situation avait paru affreuse
ade paisihles citoyens, pour lesquels elle était si


. nouvelle ~t si imprévue, Ce peuple, exaspéré par
les violences et les humiliations, avait vu d'un
oeil mécontent que quelques uns de ses compa-
triotes ne partageassent pas son ressentiment
contre les étrangers; il allait jusqu'a comprendre
dans ses soupt;ons ceux que des circonstances
particulieres avaient mis dans le cas de reconnai-
tre, par des respects, les qualités personnelles
des souverains alliés. La haine publique pour-
suivait surtout quelques habitants qui, désa-
vouant les eouleurs sous lesquelles la Franee com-
battait, avaient osé arborer la eocarde hlanche.
L'indignation publique n'avait attendu que le re-
tour de nos troupes pouréclater. Napoléon, forcé




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 151
par la foule de s'arréter achaque pas, apprend
ainsi , au milieu des rues , du haut de son che-
val, et de la bouche des principaux habitants
dont il est entouré, le sujet du mécontentement
qui agite le peuple; il partage ce mécontente-
ment, promet hautement de faire prompte jus-
tice; et a peine est-il descendu a son logement,
que, jetant ses gants sur la table, et le fouet en-
core a la main, il ordonne qu'on réunisse un
conseil de guerreo


La tentative quequelques royalistes venaientde
se permettre aTroyes se rattachait aux menées se-
cretes par lesquelles les pai-tisans de la maison de
Bourbon voulaient rappeler ala fois sur elle l'at-
tention des Francais et celle des souverains alliés :
des Francais , en accréditant dans nos provinces
l'opinion que les couleurs blanches pouvaient
seules désarmer l'inimitié des alliés; des souve-
rains , en leur présentant cette ombre d'un parti
royaliste comme un partí réel, et ces couleurs
sous lesquelles un petit nombre de gens intimi-
dés couraient se réfugier, comme un appel de
l'opinion publique en faveur de l'ancienne fa-
mille. Ce que la peur avait ainsi commencé dans
quelques départements malgré les peuples, une
infiuence ennemie semblait vouloir l'achever
malgré les alliés eux-mémes, Quoi qu'en ait dit




MANUSCRIT
le prince de Lichtenstein , I'Angleterre avait en-
trepris sérieusement la restauration des Bour-
bons, et de tous cótés les intrigues de ses agents "
prenaient un caractere plus grave. Il devenait ur-
gent d'intiinider leur audace, en déployant contre
eux la sévérité des lois. Dans de pareilles cir-
constances, l'autorité, toujours ombrageuse, pu-
nit quelquefois jusqu'aux apparences; dans celle-
ci, un prince faible ou cruel n'aurait eu que
trop de prétextes pour faire couler des flots de
sang L. Mais Napoléon s'était jusqu'alors refusé
asévir, tant le remede des supplices lui inspirait
de dégoüt! La raison d'état parle enfin si haut
qu'il est forcé de l'entendre.On vient d'appren-
dre l'entrée du comte d'Artois en Franche-Comté.
Non seulement ce prince et ses fils, placés sur
les frontieres les plus opposées , semblent se pré-
senter pour agiter .Ia France d'une extrémité a
l'autre; mais le chef de leur maison, Louis XVIII
lui-méme, est parvenu afaire circuler dans Paris
ses paroles, ses insinuations, ses pardons, et ses
promesses. Du fond de sa retraite de Hartwell,
en Angleterre, il a écrit aux principaux fonc-
tionnaires de l'empire, aux sénateurs, aux
membres du conseil et de "la magistrature: ses
lettresviennent d'arriver mystérieusement aleur
adresse; et déja quelques uns de ceux qui les ont




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 153
recues révent aux chances d'une révolution nou-
velle I ! Des rumeurs souterraines commencent a
se faire entendre dans la capitale, tandis que la
conjuration éclate dans les provinces occupées
par l'ennemi, et surtout dans le midi... Telle est
la substance des derniers rapports qu'on recoit
de toutes parts. Cet état de choses n'aggrave que
trop l'affaire des royalistes de Troyes. Il faut se
décider apunir; et peut-étre , pour qu'on prenne
ce parti, n'est-ce pas trop de l'influence du
champ de bataiUe qui nous environne. Chaque
jour, achaque instant , quelques uns des nótres
tombent sous les coups de l'ennemi : au milieu
de eette destruction continuelle, la vie d'un ob-
scur conjuré pese a peine dans les balances
sanglantes de la g~lerre. Parrni les noms des con-
pabIes que la clameur publique vient de dési-
gner, on a retenu ceux de deux anciens émigrés,
que toute la ville accuse, non seulement d'avoir


--------------------~---


I Extrait d'une déclaration datée de Buckinguam, le i "
janvier .814.


« Une destinée glorieuse appclle le sénat a étre le pre-
Il miel' instrument du grand bienfalt qui deviendra la plus
»solide commela plus honorable garantie de son existence
»et de ses prérogatives... » (Voir dans rouvrage du sena-
tcur Lambretchs , pago 69. )




154 MANUSCRIT
porté la cocarde blanche et repris la croix de
Saint-Louis, mais encore d'avoir fait publique-
ment des démarches aupres de l'empereur de
Russie en faveur de la cause des Bourbons. Ce
sont les sieurs Gouaut et Vidranges; ce dernier
s'est réfugié a Chaumont, mais Gouaut est
resté; la foudre qu'il a voulu braver tombe sur
Iui : il est traduit an conseil de guerre, et servirá
d'exemple. I


I Il résulte de la note que M. Vidranges a fait ínsérer
dans l'ouvrage dé M. Beauehamp , tome 1"', page 241 et
suivantes ,que 11la présence des allíés dans l'ancienne ca-
"pitale de la Champagne avait ranimé I'espoir des par-
»tísans des Bourbons; quePun d'eux , M. de Vidranges,
l>gentiJbomme lorrain, résolut d'entralner cette ville; qu 'il
-fut seeondé par M. Gouaut, chevalier de Saint-Louís ;
"que le comte de Rochecho~art, et le colonel Rapatel ,
»Ieur ayant donné la nouvelle de l'arrivée des princes sur le
»oontinent , et leur ayant dit qu'il était ternps de se pro-
»noncer, ils s'étaíent sentis éleotrisés ; qu'i1s avaient rat-
»taché la croix de Saint-Louis á leur boutonníere ; que
.Ie prince de Wurtemberg les ayant encouragés as'adresser
11¡\ l'empereur de Bussie , ils étaient alles trouver ce prince
«au. nom des principaua: royalistes de Troyes , et qu'i1s lui
»avaient presenté une adresse dans laquelIe ils sollicuaient
lile retablissement des Bourbons sur le t,.6ne de France. II
M. de Vidranges flnit par un aveu encere plus remarqua-
ble : c'est que l'empereur de Russie ne put s'empécher de




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 155
L'affaire de l'armistice emploie le reste de la


matinée, Un autre aide de camp du prince de
Schwartzenberg arrive de Bar - sur - Aube, oú le
quartier général des alliés s'est d'abord retiré.
n vient proposer le village de Lusigny, pres
Vandreuvres, pour la réunion des généraux qui
auront a négocier l'armistice. Il annonce que le
général Duca est nommé commissaire pour I'Au-
triche; que les autres commissaires sont, pour la
Russie, le général Schóuvaloff', et, pour la Prusse,
le général Rauch.


.Napoléon de son coté désigne le général Fla-
haut, son aide de .camp; il s'occupe aussitót de
le faire partir, dicte ses instructions, et les lui
remet a la suite d'un long entretien,


Aprés le départ du général Flahaut, Napoléon,
harassé de fatigues, venait de se retirer dans sa
chambre, lorsque la famille éplorée de Gouaut
se présente aux portes pour demander grtlce.
Napoléon ne savait pas résister a ces cris de mi-
séricorde ; des rémissions éclatantes et nom-
breuses attestent assez sa clémence : mais cette
fois , determiné a ne pas se Iaisser Iléchir, il


leur dire (( qu'il trouoait leur démarche un peu prémáturtfe;
»que les chances de la guerre etaient incertaines ¡ et qu'il
)) serait fdclu! de les uoir sacrifiés... »




MANUSCRIT
I


avait pris des précautions contre lui-méme , et
n'avait trouvé d'autres moyens que de ne pas
se laisser approcher. Cependant l'écnyer de ser-
vice est des environs de Troyes, c'est Mesgrigny.
n veut servir ses compatriotes; tout ee qui est
de service avec lui le seconde. A peine Napoléon
est réveillé que le placet de Gouant est présenté;
mais ~st-il encore temps de sauver ee malheu-
reux. On eourt a l'état major ; le prinee de Neu-
chátel répond que la sentenee doit étre exéeutée.
Napoléon vent du moins qu'on s'en assure, Un
officier d'ordonnanee y eourt. Bientót cet offi-
eier revient: il est trop tardo Napoléon garde
un long silence , et. le rompt enfin en disant :
« La loi le condamnait l D


Pendant les journées des 25 et 26, l'attention
est entierement eoneentrée sur les eonférenees
de Lusigny. 011 reste .dans une alternative eon-
tinuelle de eraintes et d'espérances. Des conr-
riers, des ordonnanees, des aides de camp, se
succedent incessamment sur la chaussée de Van-
doeuvres. Tantót on croit voir arriver la nouvelle


.de la cessation des hostilités, tantót on entend
parler de nouveaux combats. Le 27 au matin,
aucune nouvelle décisive n'était encore arrivée
de la part dugénéralFlahaut. Cependant la qnes-
tion militaire était trap simple en elle-méme pour




DE MIl" HUIT GENT QUATORZE. 157
présenter de grandes difficultés; rnais la politique
s'était emparée de la négociation et l'avait singu-
Iierement compliquée.


Dans ces pourparlers, l'ennemi ne se propo-
sait qu'une suspensión d'armes ; mais Napoléon,
portant ses vues plus loin, cherchait a profiter
de l'occasion pour poser les bases de la paix dé-
finitive. Il désirait garder Anvers et les cotes de
la Belgique: c'était le prix qu'il se promettait de
ses derniers succes. Mais Anvers était pour I'An-
gleterre la négociation toute entiere ; et, par
l'influence anglaise, eette concession devait étre
obstinément refnsée au congresde Chátillon. Il
était des lors indispensable de faire traiter ce
point sur un autre terrain. Anvers devait perdre
de s<?n importance aux yeux désintéressés des
géneraux russes, autrichiens et prussiens: Na-
poléon s'était donc proposé de faire préjuger la
question dans la conférence militaire de Lusi-
gnYi mais tant qu'elle serait indécise, il ne vou-
lait pas se priver, par une treve prématurée, des
avantages que la poursuite des Autrichiens sem-
blait lui promettre pour eompléter la défaite
des alliés, Aussi l'armée francaise n'avait-elle pas
cessé un momen.t de pousser les Lutrichiens
l'épée dans les reins. Le quartier général ennemi
rétrogradait jusqu';\ Colombey ; la garde russe




158 MANUSCRIT
était en retraite sur Langres; le corps de Lich-
tenstein, sur Dijon. Les souverains alliés s'étaient
retires a Chaumont en Bassigny; nos troupes
s'emparaient de Lusigny au moment oú les com-
missaires pour l'armistice s'y réunissaient. Cette
occupation militaire de Lusigny avait méme
donné lieu a des difficultés des les premiers
pourparlers; mais de plus graves obstacles s'é-
taient élevés bientót aprés, lorsqu'on en était
venu a disputer la ligne de l'armistice.


Les généraux ennemis avaient proposé le statu
qua des deux armées.


Le général Flahaut, conformément a ses in-
structions, avait demandé que la lígne s'étendit
depuis Anvers, oú nous avions le général Car-
not , jusqu'á Lyon, oú nous avions le duc de
Castiglione. Cette ligne devait placer les forces
de la France sur un seul front, depuis l'Escaut
jusqu'aux Alpes. Les commissaires russe et prus-
sien, affectant de se mettre hors de l'influence
des derniers événements, trouvaient que c'était
payer trop cher quelques délais dont l'armée
autrichienne avait besoin pour reposer ses co-
lonnes. Le général autrichien était plus conci-
liant; mais , par suite de la forme diplomatiqne
que les conférences avaient prise, chaque com-
missaire s'était trouvé dans la nécessité de de-




DE MIL mnr CENT QUATORZE. 159
mander de nouvelles instructions, et le temps
se perdait a les attendre.


Ce sont pourtant des moments bien précieux
que ceux qui s'écoulent ainsi: notre horizon s'est
tout-á-coup chargé de nuages sombres qu'un ar-
mistice seul aurait pu dissiper. Nous sornmes
arrivés a l'époque critique de la campagne.




,60 MANUSCRIT


CHAPITRE VII.


TROISIEME EXPÉDITION CONTRE LE MARÉCHAL BLU-
CHER.-RETOUR DE NAPOLÉON SUR LA MARNE.


(Fin de févrler, )


Lor~que Napoléon dictait ses prétentions au
commissairequ'il envoyait aLusigny, la suspen-
sion d'armes demandée par les alliés était généra-
lement considérée comme ne pouvant étre profi-
table qu'á l'armée autrichienne, dont elle aurait
arrété la déroute. On était loin de penser que
l'armistice pouvait offrir a l'armée francaise un
avantage équivalent, en suspendant les opéra-
tions du maréchal Blücher. On apprend enfin,
mais trop tard, .la diversion que les Prussiens ont
entreprise, et dont il nous reste á-rendre compte.


Pour conserver la liaison des faits, nous re-
viendrons un moment sur nos paso


Apres le combat de Vauchamps, nous avons
laissé le maréchal Blücher séparé de ses lieute-
nants , battu comme eux, faisant en toute háte
retraite vers Chálons-sur-Marne , et ne sachant -




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 16I
trop oú eette déroute pourra le mener, La for-
tune ne lui a pas tenu long-temps rigueur. Des
le lendemain , Napoléon, rappelé vers Nangis et
Monterean, a eessé de peser sur lui. Blücher n'a
plus été poursuivi que par le due de Raguse,
et bientót ce dernier a été obligé lui-méme de
Iácher prise, pour revenir sur Montmirail eom-
battre un eorps de troupes que le prinee Schwart-
zenberg avait fait avancer de ce coté au secours
des Prussiens, Tandis que le due de Raguse, oe-
cupé apoursuivre cette troupe, est alIé prendre
position a Sezanne, Blücher a mis les moments
a profit, en ralliant a lui les corps de Sacken et
d'YOrlL


". Ceux-ci avaient échappé de leur coté ala pour-
suite du duc :de Trévise, par un concours de
circonstances non moins -heureuses que celles
qui avaient déharrassé leur général en chef. Les
corps prussiens de Bülow et les divisions russes
de Wintzingerode et de Woronzoff, apres avoir
pris possession de la Belgique, avaient franchi
notre ancienne frontiere du nord. Leur avant-
garde, pénétrant a travers les Ardennes , s'était
avaneée jusqu'aux portes de Soissons. A défaut
de bonnes murailles et d'une nombreuse gar-
nison , Soissons avait le général Busca pOOl'
eommandant; mais ce brave offieier avait été"


1 1




MANUSCRIT
tué d'une des premiéres décharges, et sa mort
avait promptement livré "la place au général
Wintzingerode. Les Russes y étaient entrés le 13
février, précisément pour recueillir les fuyards
de Sacken et d'York, qui s'échappaient du com-
bat livré la veille a Cháteau-Thierry. Ces troupes
ayant appris , en se ralliant a Soissons, que leur
général en chef, Blücher , ralliait lui-méme ses
{orces du coté de Chálons, s'étaient aussitót
mises en marche pour aller le rejoindrepar la
route' de Reims. Les Russes auraient voulu se
conserver la possession importante de Soissons;
mais des le 19 février le duc de Trévise avait
repris cette ville,
J~ maréchal Blücher, peu de jours apres ses


défaites ,était done parvenu a réunir toutes ses
{orces, et se voyait au moment d'en recevoir de


. nouvelles qui lui arrivaient par les routes du
nord et de la Lorraine. Le 18 février, il s'étai t
trouvé en état de courir a son tour au secours
de Schwartzenberg; des bords de la Mame, iI
était venu camper avec cinquante mille hommes
au confIuent de l'Aube et de la Seine ; il avait
reeu en route, le 19, au bivouac de Somme-
sous, un nouveau renfort de neuf mille hommes
appartenant au corps de Langeron: il espérait
qu'une réunion générale de toutes les forces des




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 163
alliés en avant de Troyes arréterait Napoléon ,
et produirait les mémes résultats qu'á Brienne.
Ce n'était done pas seulement un détachement
de l'armée de Silésie que nous avions rencontré
a Méry, ainsi que nous l'avions eru pendant
quelques jours; c'était l'avant-garde de toute
cette armée. Blüch'er s'était trouvé de sa per-


. sonne au combat du pont de Méry; il yavait
été blessé a la jambe. Il n'avait pris le paFti de
la retraite qu'apres s'étre convaincu de ses pro:-
pres yeux qu'il était impossihle de rallier l'armée
de Schwartzenberg en avant de Troyes, et que
la réunion projetée était désormais inutile. Des
lors il s'était décidé a repasser l'Aube; mais sa
retraite cachait un des plus hardis projets de la
campagne. Encouragé par les renforts qui ne ces-
saient de lui arriver, soit qu'il eút recu des ordres
de son eabinet, soit qu'il n'eüt pris eonseil que
de son audace, Blücher avait résolu de s'avancer
encare une fois sur Paris, pour tenter une grande
diversion en faveur de I'armée autrichienne.
Ainsi, pendant que le gros de l'armée francaise
était autour de Troyes, occupée d'armistice et
de paix, les troupes prussiennes descendaient
rapidement sur les deux rives de la Mame. Le.
duc de Raguse, forcé le 24 d'ahandonner Se..
zanne, se retirait , par la Ferté-Gaucher , sur la


ll.




164 MANUSCRIT
Ferté-sous-Jouarre. De l'autre coté de la Marne,
le duc de Trévise, apres avoir laissé garnisoll
dans Soissons, se retirait également sur la Ferté-
sous-Jouarre.


Napoléon ne recoirces nouvelles que dans
la nuit du 26 au 27; en peu d'heures, elles ont
changé tous ses plans, Le 27 au matin, il quitte
Troyes précipitamment pour se porter, par Arcis-
sur-Aube .et Sezanne, sur les traces de l'armée
prussienne. Il ne laisse en avant de Troyes que
deux corps d'armée, celui du duc de Reggio et
celui du duc de Tarente; c'est le duc de Tarente
qui commandera en chef. Au moment OU ces deux
maréchaux sont ainsi abandonnés aeux-mérnes ,
le premier est engagé dans un combat tres vif
sur les hauteurs de Bar-sur-Aube, le second est
en marche vers Chátillon, Mais il ne s'agit plus
de poursuivre les Autrichiens; désormais les
troupes qui restent opposées acelles de Schwart-
zenberg doivent borner leurs efforts a les con-
tenir , et surtout amasquer le grand mouvement
que notre armée fait sliij' Blücher. Dans cette in-
tention , le duc de Reggio et le général Gérard,
qui sont aux prises avec l'ennemi, font faire sur
toute la ligne les acclamations qui signalent
ordinairement l'arrivée de Napoléon. Ces cris
sont entendus de la ligue opposée; et tandis que




DE MIL RUlT CENT QUATORZE. 165
~ Napoléon s'éloigne de Troyes a marche forcée,


Schwartzenberg croit qu'il est arrivé devant luí.
Le 27 février, Napoléon arrive vers midi aAr- .'


cis-sur-Aube; il s'y arréte quelques heures dans
le cháteau de M. de La Briffe, son chambellan,
pour donner le temps aux troupes de défiler, et
de passer I'Aube. En sortant du pont d'Arcis,
l'armée prend agauche, lit suit la route de tra-
verse qui conduit aSezanne. Le soir, on hivoua-
que sur les confins des départements de I'Aube
et de la Mame, non loin de la Fere champenoise;
Napoléon entre chez le curé du petit village
d'Herbisse', et y passe la nuit.


Arrétons-nous-y un moment avec le quar-
tier impérial. Aprés les peines de la journée, la
gaieté francaise jetait encore de temps en temps
quelques lueurs sur le repos du soir : cette
soirée d'Herhisse est peut-étre la derniere de ce
genre que je puisse mettre sous les yeux du lec-
teur.


Le presbytere se composait d'une seule cham-
bre et d'un fournil: Napoléon se renferme dans
la chambre, et y abrege la nuit par ses travaux
accoutumés. Les maréchaux , les généraux aides
de camp, les officiers d'ordonnance el les autres
officiers de la maison, remplissent aussitót le
fournil: le curé veut faire les honneurs de chez




d:56 MANUSCRIT
lui; au milieu de tant d'embarras, il a le malheur
de s'engager dans une querelle de latin avec le
maréchal Lefévre ; pendant ce temps. les officiers
d'ordonnance se groupent autour de la niece, qui
leur chante des cantiques. Le mulet de la cantine
se faisait attendre; il arrive enfin : on étahlit aussi-:
tót une porte sur un tonneau; qnelques planches
sont ajnstées antonr en forme de bancs; les prin-
cipaux s'y asseyent, les antres mangent debout.
Le curé prend place a la droite du grand maré-
chal, et la conversation s'engage sur le pays oú
l'on se trouve : notre hóte a peine aconeevoir
comment ces militaires eonnaissent si bien les
localités; iI veut ahsolument que tout son monde
soit Champenois. Pour lui expliquer ce qui l'é-
tonne, on Iui présente des feuilles de Cassini ,
que chacun a dans sa poche; il y retrouve" le
nom de tons les villages voisins, et s'étonne en-
core davantage, tant il est loin de penser que
la géographie s'occupe de pareils détails : les
naívetés du bon curé égaient ainsi la fin du re:...
pas. Bientót apres on se disperse dans les granges
voisines: les officiers de service restent seuls au-
prés de la porte de la chambre oú se trouve Na-
poléon; on leur apporte leur botte de paille; et
le curé ne pouvant aller coucher dans son lit,
on lui cede la place d'honneur sur le lit de campo




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 167
Le lendemain matin 28, le quartier impérial part
de tres bonne heure: Napoléon était a cheval
que le curé n'était pas eneore réveil!é; il se ré-
veille enfin; mais, pour le consoler de n'avoir pas
fait ses adieux, il ne faut rien moins qu'une


.bourse que le grand maréchallui fait remettre,
et qui est l'indemnité d'usage dans toutes les
maisons peu aisées oú Napoléon s'arréte, Quit-
tons le hon curé d'Herbisse , et remettons-nous
a la suite du mouvement de l'armée.


Tandis que l'armée continue sa marche vers
Sezanne, Napoléon se porte, avec des troupes
légeres, sur un corps ennemi qui avait couché
pres de nos bivouacs , a la Fere champenoise;
ille chasse devant lui : c'était un détachement de
cavalerie que Blücher avait jeté de ce coté sous
les ordres du général Tettenhorn, pour commu-
niquer avec l'arrriée autrichienne, et étre averti
de notre marche. Les colonnes de l'armée fran-
caise se réunissent, vers le milieu de la journée,
11 Sezanne; on ne s'y arréte que pour prendre
des renseignements: on apprend que les ducs
de Trévise et de Raguse se sont réunis le 26 a la
Ferté-sous-Jouarre;mais que, trop faibles en-
core malgré leur jonction, ils continuent de
reculer devant toutes les forces de Blücher, el
doivent étre 11 Meaux; qu'il n'y a pas un mo-




168 MANUSCRIT
ment a perdre pour sauver ce faubourg de la
capitale,


L'armée se remet aussitót en marche; mais
la journée étant déjá tres avancée, on ne peut
faire que quelques lieues au-delá de Sezanne, el
ron bivouaque a moitié chemin de la Ferté-Cau-
cher. Le quartier impérial passe la nuit au chá-
teau d'Estrenay, que les Prussiens avaient pillé le
matin.


Plusieúrs officiers d'ordonnance, expédiés en
toute bate par les deux maréchaux que ron
vient de laisser au-delá de Troyes, arrivent dans
la soirée, et sont porteurs de mauvaises non-
velles : les Autrichiens ne reculent plus; ils ont
repris vivement l'offensive a l'instant méme que
Napoléon a quitté Troyes : le combat que les
troupes du duc de Reggio et du général Gérard
ont en a soutenir le 2"), sur les hauteursde Bar-
sur-Aube, a été sanglant; les généraux ennemis
ont prodigué le nombre des assaillants; la valeur
personnelle des chefs n'a épargné aucun effort
pour ramener la confiance dans cette arrnée dé-
couragée, et la décider a accabler de sa masse le
petit nombre de Francais qui lui est opposé:
Witgenstein et Schwartzenberg lui-méme se sont
fait blesser. Les renforts qui arrivaient achaque
instant á l'enncmi rendaient cetro lurte de plus cu




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 169
plus disproportionnée; et le soir, les généraux
francais s'étaient déddés ala retraite ; ils revien-
nent sur Troyes. Le duc de Tarente, qui a eu
quelques avantages du coté de Mussy-l'Évéque, ,et
qui a méme relevé un moment les troupes autri-
chiennes dans la ,garde d'honneur du congres de
Chátillon , est entrainé par le mouvement de re-
traite qui rarnene le duc de Reggio sur Troyes.
Les Autrichiens savent maintenantque les troupes
qu'ils ont devant eux ne sont qu'un rideau, et
que le gros de l'armée francaise a suivi Napoléon;


. ils se trouvent eux-mémes si nombreux, que
déjá ils n'hésitent plus a détacher les généraux
Hesse-Hombourg et Bianchi contre le duc de Cas-
tiglione, qui devient trop redoutahle sur leurs
derrieres.


Ainsi peu de jours ont suffi pour dissiper nos
avantages et déjouer nos projets : les Autrichiens,
qu'on croyait poursuivre jusqu'au Rhin, se sont
ralliés entre Langres et Bar, et maintenant re-
viennent sur HOUS; le maréchal Augereau ne
pourra plus opérer la diversion qui lui a été pres-
crite sur la Saóne; et París se voit menacé plus
que jamais par l'armée de Blücher, qui est aux
portes de Meaux.


Napoléon, aforce d'activité, espére encore ra-
mener la fortullc ; il veut d'abord se débarrasser




170 MA.NUSCRIT
de Blücher, et compte revenir sur la Seine assez
tót pour sauver Troyes.


Le 1 er mars, l'armée francaise arrive de bonne
heure a la Ferté-Gaucher; Napoléon s'y arréte
un moment chez le maire, vieillard tres agé , que
son zéle rajeunit, et que Napoléon rajeunit en-
core en lui donnant la décoration de la Légion-
d'Honneur. Les nouvelles de Meaux sont rassu-
rantes : les Prussiens ont été arrétés par la rup-
ture des ponts de Tréport et de Lagny; ils ont
été également arrétés la veille (le 28) sur la ligne
de l'üurcq, au village de Lisy, par les troupes du
duc de Raguse; et sur la Térouenne, au gué du
Treme, par les troupes du due de Trévise.


A.insi les deux' maréchaux tiennent toujours
en avant de Meaux; Napoléon arrive sans doute
a temps; dans quelques heures, ses troupes vont
se trouver en ligne: si Blücher, surpris par leur
brusque arrivée, fait volte-face eontre elles, un
combat décisif va s'ensuivre , et les affaires peu-
vent étre promptement rétablies. Pleine de ces
espérances , l'armée continue, en toute háte , sa
marche par Rebais; ellé est harassée, mais l'ar-
deur de vaincre la soutient : de Rebais, elle se
dirige sur la Ferté. Arrivée enfin sur les hauteurs
deJouarre, elle déeouvre a ses pieds la ville de la
Ferté, les sinuosités de la vallée, et, de l'autre




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 171
coté de la Marne, l'armée prussienne qui nous
échappe!


Le maréchal Blücher avait été informé sans
doute, par les troupes légeres de Tettenborn , de
l'approche de Napoléon; il avait évacué aussitót
la rive gauche de la Marne: réuni a ses troupes
de la rive droite , il avait coupé les ponts, et ve:
nait de mettre la riviere entre nous.


Napoléon ordonne qu'on se mette, sans perdre
de temps, a rétablir un pont a fa Ferté; mais
eette opération exigera au moins vingt-quatre
heures: on passe la nuit aJouarre.


Le lendemain, 2 mars , Napoléon desctmd a la
Ferté, pour étre plus pres des travaux du pont ;
il s'établit dans la premiére maison qu'il trouve
au faubourg de Paris.


La plaine qui s'étend entre la Marne et l'Ourcq
est couverte des détachements de l'armée prus-
sienne. On les voit qui mettent aprofit le temps
que nous perdons a rétablir un pont: leur re-
traite se fait en désordre dans la direction de
Soissons. Le temps est affreux: ils ne peuvent
fuir que par des chemins de traverse, 011 leurs
équipages restent embourbés ; les souvenirs de
Montmirail et de Vauchamps se réveillent parmi
eux, et troublent leurs esprits. Á chaqué instant
des paysans qui échappent de leurs mains vien-




172 MANUSCRIT
nent ala Ferté raconter les embarras et les ter-
reurs de l'ennemi. Ces rapport!> ne font qu'ajou-
ter al'impatience que Napoléon a de franchir la
Marne.


Bacler-d'Albe est envoyé a París pour y por-
ter la nouvelle de la retraitedes Prussiens. Ru-
migny, l'un des commis du cabinet, part en cour-
riel' pour Chatillon, oú iI instruira le duc de
Vicence de la situation des affaires; des aides de
camp sont expédiés aux ducs de Trévise et de
Bellune, pour qu'ils aient areprendre l'offensive,
et leur donner avis qu'iIs forment désormais la
gauche· du cercle dans lequel on va renfermer
Blücher:


Dans la nuit du 2 au 3 mars , nos troupes ef-
fectuent enfin ce passage de la Marne si long-
temps retardé: mais tout-á-coup le temps change;
une forte gelée succede a la pluie, et l'ennemi
voit se convertir en routes solides et faciles ces
mémes boues d'oú quelques heures auparavant
il désespérait de sortir!


Malgré ce contre-temps, toutes les chances
d'un grand succes ne nous sont pas enlevées.
Dans la direction que l'ennemi est forcé de suivre
pour opérer sa retraite , le cours de l'Aisne va
lui barrer le passage. Soissons est la clef de cette
barriere; Soissons ,dont les fortificatious ont éré




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. If;
relevées , est anous; quatorze cents Polonais en
forment la garnison : l'ennemi ne peut penser
a l'enlever par un coup de main. Blücher est a
Beurneville, prés la Ferté-Milon; ses soldats, épars
daus les plaines d~ Gandelu et d'Aulchy-le-Chá-
teau , ayan~ devant eux I'Aisne, derriere eux la
Marne , pressés a gauche par les troupes du duc .
de Trévise et du duc de Raguse, a droite par
l'armée de Napoléon, courent grand risque d'étre
acculés sur Soissons , et d'étre forcés de déposer
armes et hagages aux pieds des vieux remparts
de eette ville.


Plein de ces espérances, Napoléon débouche ,
le 3 mars , par le nouveau pont de la Ferté; il
porte rapidement ses troupes. sur la grande route
Eje r;haJ/;w.~ }NM¡U3 ChM~,~gl-Thierry,: et la,_rr-ori-
vant a gauehe la route de Soissons, il la fait
prendre a son armée , qu'il ramene ainsi sur les
flanes de l'ennemi. Quel que soit ce détour, nos
troupes, en suivant une ehaussée, ont marché
plus vite que les Prussiens , leur ont coupé le
chemin de Reims, et se trouvent en mesure d'ar-
river sur eux avant qu'ils aient passé I'Aisne.
Napoléoll s'srréte la nuit a Bezu -Saint - Ger-
mamo


Tandis que la droite de l'armée francaise s'a~
vanee ainsi par la route de Cháteau-Thierryá




174 MANUSCRIT
Soissons, les troupes des ducs de Trévise et de
Raguse tournent l'ennemi par notre gauche, et
marchent également sur Soissons ; l'un en suivant
la grande route de Villers-Cotterets , l'autre en
passant par .Neuilly-le-Saint-Front,


Resserré ainsi de tous cótés , l'ennemi se croit
perdu; mais dans ce moment critique les ponts-
levis deSoissons s'abaissent devant l'armée prus-
sienne étonnée !


Ce- passage inespéré lui est ouvert par les gé-
néraux Bulow et Vintzingerode , que le hasard
vient d'amener sur l'autre rive de l'Aisne.


Le général Bulow, arrivant de Belgique, a
travers la Picardie, avait d'abord fait une incur-
sion sur notre arsenal de la Fere ; il s'était ensuite
réuni au g~néral Vintzingerode; leur jonction
venait de se faire le 2 mars , dans les environs de
Soissons. Ces généraux avaient entamé des pour-


. parlers avec le commandant francais , et , dans
cette négociation, ils avaient réussi a lui per-
suader qu'il n'avait ríen de mieux a faire que de
eapituler.


Le 4mars au matin , Napoléon, ignorant en-
core cequi vient de se passer a Soissons , con-
tinue son mouvement sur l'Aisne; l'armée impé-
riale passe ID pied des ruines du cháteau de
Fere-en-Tardenois , et arrive a Fismes , oú elle




DE MIL HUIT GENT QUATORZE. 175
coupe la route de Soissons a Reims, C'est la qu'on
apprend la perte de Soissons, et la fortune des
Prussiens l..




MANUSCRlT


CHAPITRE VIII.


EXCURSION AU-DELA DE L'AISNE. - BATAII,LE D.E


CRAONNE. - COMBATS DE LAON ET DE REIMS.


(Du 4 au 15 mars.)


Ces longues marches, devenues vaines par une
suite de contre-temps inouis, ont éloigné l'armée
de sa ligne d'opérations, renfermée jusqu'alors
entre la Seine et la Marne. On se voit avee in-
quiétude transporté aux débouehés des Ardennes;
les eraintes sur ee qui se passe derriere nous
augmentent avee les distanee~ qui nous séparent
de la Seine. On ne recoit aueune nouvelle de
Lnsigny, on n'en recoit auenne de Chfttillon:
sans doute les alliés, revenus de lenrs alarmes,
auront eu honte des avances qui ont failli leur
coüter la suspension des hostilités; sans doute
le ministre anglais, mettant a profit l'assurance
que rend aux plus timides le retour de la for-
tune, n'aura pas manqué de prendre des précau-
tions eontre les vicissitudes avenir! Ces conjectu-
res auxquelles on se livrait avee anxiété n'étaient




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 177
que trop fondées; l'Angleterre venait de faire si~
gner le traité de Chaumont,


Par ce traité, qui porte la date du 1 ee mars,
les souverains , resserrant leur allianee, s'étaient
engagés a ne pas se départir: du projet de ren-
fermer la France dans ses aneiennes limites. Il
est méme probable que l'idée de renverser Na-
poléon du treme venait d'étre agréée; mais, par
condescendance pour l'Autriche, on devait en-
core tenir quelques eonférences aChátillonpour
voir si le duc de Vicence pourrait se résoudre a
signer le traité.


Ces résolutions n'ont été connues que plus tard;
mais déja il est évident que les affaires deviennent
plus difficiles ; de noirs pressentiments commen-
cent a se répandre, et Napoléon lui-méme est
plus sombre !


Toujours sur les pas del'ennemi , il ne voit
de tous cótés que dévastation et incendie. Iln'est
entouré que de malheureux hahitants , qui, dans
leur désespoir, poussent bien plutót des cris de
vengeance que des cris de paix. « Vous aviez bien
II raison , sire, »Iui disent dans les termes les plus
énergiques, et d'une commune voix, tous les
habitants des pays que nos armes délivren:tun
moment de l'ennemi , « vous aviez bien raison
JI quand vous nous recommandiez de nous lever


12




1 '78 MANUSGRIT
» en masse. La mort est mille fois préférable aux
D vexations, aux mauvais traitements, et aux
s oruantés qu'il faut endurer Iorsqu'on se soumet
D au joug de l'étranger.»


Le désespoir général est devenu une arme eon-
tre l'ennemi : Napoléon s'en saisit. Il entreprend
de donner méme aux plus faibles eette espéce
d'énergie qne peut inspirer la peur, Illaisse un
libre cours aux cris de vengeanee : le Moniteur
se remplit de toutes les plaintes, de tous les gé-
missements des malheureux habitants de Mont-
mirail, de Montereau ,de Nangis; des souffran-
ces de Troyes, et des horreurs plus réeentes en-
core dont les plaines de la Ferté-sous-Jouarre et
de Meaux viennent d'étre le théátre. Toutes les
villes que la guerre a frappées de son fléau en-
voient des députés a Paris pour y peindre leur
situation et demander des vengeurs! Partout des
enquétes sont faites: les maux sont si grands ,
qu'on n'a pas besoin de les exagérer. I...es ressen-
timents et l'effroi sont donc mis en j eu dans toute
leur vérité ponl' suppléer a l'ardeur que le pa-
triotisme seul aurait dú rallumer. On invoque
les grands exemples de l'antiquité : on rappelle
ce que la France a fait en 1 '792; on s'anime méme
par l'exemple de ce que l'Espagne, la Russie et
la Prusse viennent de faire contre nous! Dans




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 179
ces circonstances extremes, on ne peut avoir re-
cours qu'aux mesures extremes; mais, il faut le
dire , ces mesures produisent a Paris et dans les
grandes villes un effet tout contraire a celui
qu'on veut obtenir. On y est trop civilisé POUI'
avoir la résolutiondes Russes et des Espagnols.
L'imagination des citadins s'effraie de la violence
du parti qu'on leur propose; ils reculent devant
le tableau trop hideux que. la guerre leur pré-
sente : les récits de tous ces députés , échappés
de l'incendie et des ruines de leur province,
abattent les esprits au lieu de les relever; et ron
demande encore plus hautement la paix, puis-
qu'elle doit mettre un tenue a tant d'horreurs.


Dans les campagnes, au contraire, tous les
hommes sont déja soldats r il ne s'agit plus que
de les rallier.


Avant de quitter le bourg de Fismes , Napo-
léon signe un décret par, lequel non seulement i]
autorise , mais méme requiert tout Francais de
courir aux armes, a l'approche de nos armées ,
pour seconder nos attaques. Dans un second dé-
cret du méme jour, Napoléon prononce le súp-
plice des traitres contre tout maire OH fonction-
naire public qui refroidirait l'élan de ses admi-.
nistrés , au lieu de l'exciter.


Ces déorets reeoivent la plus grande publicité,
12.




180 MANUSCRIT
mais aucune suite n'est donnée a lenr exécution,


On ne tarde pas as'apercevoir que Napoléon,
en les rendant , a moins voulu se procurel' une
ressource militaire qu'un épouvantail politiqueo
Ces appels, ces démonstrations de levée en masse,
dont nos journaux sont devenus les tl'ompettes,
vont frapper l'attention des souverains alliés :
peut-étre intimideront-ils la haine des rois en
leur faisant entrevoir jusqu'oú peut aller cette
guerre, si elle est poussée de part et d'autre
avec trop d'acharnement.


Plus les circonstances deviennent critiques,
moins Nápoléon voudrait prolonger l'excursion
dans laquelle il s'est engagé. Cependant il ne peut
se résoudre a renoncer a la poursuite des Prus-
siens sans les avoir mis, du moins poul' quelque
temps, hors d'état de revenir sur nous. Mainte-
nant qu'ils sont derriere l'Aisne, et qu'ils ont pu
se réunir aux renforts que les armées du nord
leur fournissent , on doit croire qu'ils ne refuse-
ront pas davantage le combat: Napoléon ne
cherche plus qu'á presser l'événement.


Dans la nuit du 4 au 5 mars, le général Cor-
bineau est détaché de Fismes , ave e la cavalerie
du général Laferriére-Lévéque, pour aller s'empa-
rer de Reims, dont la possession est trop utile en
ce moment pour la laisser al'ennemi. Le général




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 181
Curbineau reprend Reims le 5 aquatre heures du
matin. Tandis que eette opération s'effectue, Na-
poléon en médite une non moins importante :. il
s'agit de surprendre le passage de I'Aisne,


Dans la journée du 5, il dirige son avant-garde
sur Béry-au-Bac , oú la route de Reims a Laon
traverse l'Aisne sur un pont récemment construit..
Toute l'armée s'y porte par la traverse. La cava-
lerie du général Nansouty enleve le pont et jette
l'ennemi en désordre sur Corbeny. Dans ce léger
combat , on fait prisonnier le colonel russe Ga-
garinn.


Napoléon reste eette nuit aBéry-au-Bac,
Le passage de l'Aisne étant effeetué,· íl se dé-


cicleaenvoyer des coureurs aMézieres , a Verdun
et aMetz, Ces érnissaires portent l'ordre aux gar- .
nisons des Ardennes et de la Lorraine de se
mettre en mouvernent pour fermer les routes,
et seconder les opérations de l'armée impériale,
dont l'approehe leur est annoneée.


Le 6 mars , l'armée s'avancait sur Laon; mais
on s'arréte aCorbeny. Tous les rapports annon-
cent que l'ennemi vient au-devant de nous : ce
sont les corps russes de Wintzingerode, de W0-
ronzof et de Sacken; ils se présentent seuls, pour
donner le temps a l'armée prussienne fatiguée de
se rallier autour de Laon.




MANUSCRIT
L'armée russe prend position sur les hauteurs


de Craonne; cette montagne est le commence-
ment d'une chaine de collines qui se prolonge a
notre gauche, entre le cours de l'Aisne et la
route de Laon; 1'ennemi, posté sur l'aréte de
cette cote longue et étroite , parait inaccessible
sur ses flanes, et presque inattaquable de front.


Le désir d'en finir diminue a IJOS yeux les oh-
stacles; notre avant-garde parvient a s'établir a
Craonne, qui est ami-cote; le maréchal Ney fait
monterses troupes jusqu'a la ferme d'Urtubie;
les officiers d'ordonnance Gourgaud et Caraman
vont reconnaitre les défilés de la montagne; ils
s'emparent des plus importants: les troupes s'ap-
prochent, et ron se prépare a une bataille pour
le lendemain,


Napoléon passe la nuit au village de Cor-
beny.


Les principaux habitants des villages voisins
étaient accourus au quartier impérial , pour don-
ner des renseignements sur les localités. Partout
un mérne concours de Francais zélés venaient
entourer Napoléon; il était dans l'habitude d'in-
terroger lui-méme tous ceux qui se présentaient :
cette nuit, il reconnait dans le maire de Bau-
rieux, M. de Bussy, son ancien camarade au ré-
giment de la Fere; cet officier avait émigré, et,




DE MIL mnr CENT QUATORZE. 183
depuis son retour, vivait retiré dans son patri...
moine, sur les bords de l'Aisne. Napoléon le
fait remonter au grade de colonel, le met au
nombre de ses aides de camp, el le désigne pour
servir de guide sur le terrain de Craonne.
. Dans la méme nuit, un émissaire partí de


Strasbourg, et que le comte Boederer envoie,
parvient jusqu'á nous; il a traversé les départe-
ments de la Lorraine et de la Champagne, que
l'ennemi occupe; íl nous confirme que le mou-
vement général de retraite de l'armée de Schwart-
zenberg s'est fait ressentir jusqu'au Rhin : on
apprend par lui que les habitants des Vosges,
enhardis par la fuite des bagages autrichiens, se
sontsoulevés, el ont fait éprouver a l'ennemi
des pertes énormes sur toutes les routes; que,
dans le département de la Meuse, pres de .Bar-
sur-Ornain, les paysans ont tué un général russe
et dispersé le régiment qni l'escortait; que la
garnison de Verdun pousse ses sorties jusqu'á
Saint-Mihiel; que ceHe de Metz envoie des pa-
trouilles jusqu'a Nancy; que nos places d'Alsace
sont faiblement observées; que la garnison fran-
caise de Mayence montre journellement des par-
tis du coté de Spire; qu'enfin les garnisons et les
habitants de cette partie de la France sont plus .
que jamais disposés aseconder les projets que




184 MANUSCRIT
Napoléon a sur eux. Cet émissaire se nomme
Wolff; il se fait reconnaitre pour avoir été ser-
gent d'artillerie dans le régiment oú le colonel
Bussy et Napoléon lui-méme ont servi. Il re-
coit la décoration de la Légion-d'Honneur , et
repart pour l'AIsace avec des ordres.


Le 7,ala pointe du jour, la bataille de Craonne
commence.


Nos troupes parviennent successivement sur
leplateau ; mais la grande difficul té est de s'y
établir. Le maréchal Ney et le maréchal Victor
combattent a la tete de l'infanterie; le maréchal
Victor est bIessé : le général Grouchy comnlande
la cavalerie de l'armée, le général Nansouty com-
mande la cavalerie de la garde; tous deux sont
blessés. Le général Belliard prend le eomman-
dement de la cavalerie : le général Drouot dirige
le feu de nos batteries: il parvient enfin a faire
reculer celles de l'ennemi; mais sur cette arete,
on ne peut que marcher devant soi : les Russes
se retirent pied apied, et aucun mouvement de
flane ne peut précipiter leur retraite.


La victoire de Craonne, disputée une grande
partie de la journée, ne nous laisse pour trophées
que ~esmorts de l'ennemi.


00 poursuit les Russes jusqu'á la grande route
de Soissons aLaon; cet embranehement de che-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 185
min s'appelle l'Ange-Gardien ,du nom d'une au- .
berge qui s'y trouve placée: I'ennemi tient encore
quelques heures sur ce point, pour donner le
temps aux Prussiens d'évacuer Soissons et de ve-
nir le rejoindre. -;


A la nuit, le quartier impérial descend duo
champ de bataille dans la vallée de I'Aisne pour
y trouver un village : on passe la nuit dans le petit
village de Bray en Laonnais.


Napoléon, sortant de eette action meurtriere
dont il a partagé tous les dangers, encore ému
des incertitudes du combat, harassé de fatigues,
entouré de blessés et de mourants, était dans un
de ces moments oú les dégoúts de la guerre ras-
sasieraient l'áme la plus belliqueuse : on lui an-
nonee des dépéches de Chátillon; c'est Rumigny,
l'un des eommis de son cabinet, qui les apporte.
Si ee sont des paroles de paix, Napoléon n'a ja-
mais été plus disposé a les écouter.


Le congrés de Chátillon , que les conférences
militaires de Lusigny avaient suspendu pendant
quelques jours, a repris ses séances, et les plé-
nipotentiaires des alliés y déploient la rigueur
de leurs nouvelles instructions. Les prétentions
que la France vient de montrer a Lusigny sont
qualifiées d'infraction aux bases de la négocia-
tion: on veut maintenant que le due de Vicence




l86 MANUSCRIT
ne songe plus a diseuter; il faut qu'il souscrive
a la condition des anciennes limites, ou bien
qu'il remette son contre-projet; et déjá l'on
parle hautement de se séparer, si la Franee re-
présente des articles eontraires aux bases dont
on ne veut plus se départir. Telle est la substance
des dépéches qu'on remet a Napoléon sur le
ehamp de bataille de Craonne; le due de Vicence
demande qu'on lui envoie des instructions dé-
finitives sur le contre-projet qu'il doit remettre.


Napoléonne s'attendait qu'á des conditions
pénibles; ilest résigné aux plus grands sacri-
fices; les concessions auxquelles il se prépare
sont immenses : mais il ne veut pas ajouter a
nos humiliations cene de les provoquer par un
acte émané de Iui-méme. « S'il faut reeevoir les
Ȏtrivieres, dit-il , c'est bien le moins qu'on me
»fasse violence. B Rumigny ne remportera done
pas le contre-projet qu'il est venu ehercher; mais
il a dú reeueillir les paroles qui viennent d'é-
chapper aNapoléon.


Au surplus , Napoléon voudrait que son plé-
nipotentiairefút en mesure de connaitre enfin les
mesures qu'on ne peut éviter. Napoléon craint
surtout les inconvénients d'unepréeipitation qui,
pour en finir plus vite , nous ferait céder plus
qu'on ne veut réellement obtenir. L'ernpresse-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 187
ment qu'on montre a conclure est si vif, que,
jusqu'au dernier moment, il croit devoir le con-
ten ir dans de justes bornes; cette considération
I'emporte sur toutes les autres et dicte sa ré-
ponse. Quant aux dangers qu'il peut courir en
s'abandonnant ade nouveaux hasards, son ame
se refuse aprévoir jusqu'oú peut aller le ressen-
timent de ses ennemis et l'indifférence de son
beau-pére.


Rumigny n'a pris 'que quelques heures de re-
pos; au jour il monte acheval pour retourner a
Chátillon. Apres l'~voir expédié, Napoléon va
rejoindre la tete de ses colonnes.


Notre avant-garde avait dépassé l'Ange-Gardien;
tandis qu'elle s'avance sur Laon, on envoie pren-
dre possession de Soissons , et notre jonetion se
fait de ce coté avec le duo de Trévise , qui n'a-
ni! pas dépassé l'Aisne,


On espérait arriver le soir méme aux portes
de Laon; mais adeux llenes de cette ville, la route
est resserrée entre des marais qui forment un dé-
filé, dont l'ennemi profite pour arreter notre
marche.


Napoléon revient de sa personne jusqu'a Cha-'
vignon, petit village situé a peu pres a égale
distanee de Soissons et de Laon; il Y passe 'la
nuit, et y est rejoint par le général Flahaut, qui




188 MANUSCRIT
arrive de Lusigny. L'Autriche, n'ayant plus be-
soin d'armistice, a cessé de favoriser cette négo-
ciation secondaire, et des lors les commissaires
de Lusigny se sont séparés : depuis notre départ
de Troyes on s'attendait ace résultat.


Il fallait penser aforcer; pour le lendemain,
les pas~ages oú l'armée venait d'étre arrétée,


Dans cette nuit (du 8 au 9) le premier officier
d'ordonnance, Gourgaud, se met el la tete d'une
entreprise qui doit favoriser notre attaque. Un
chemin de traverse tourné agauche le défilé des
marais; Gourgaud se jette de ce coté avec quel-
ques troupes choisies, et, el la faveur de l'obscu-
rité, surprend les grand'gardes des alliés; il jette
l'alarme chez l'ennemi, et parvient el faire une
diversion complete, pendant laquelle les troupes
du maréchal Neyfranchissent le défilé.


L'armée francaise arrive ainsi au pied des
hauteurs de Laon.l..e corps du due de Raguse ,
qui est ven u passer l'Aisne au pont de Béry-au-
Bac , a couché aCorbeny , et débouche sur Laon
par la route de Reims, en méme temps que le
gros de l'armée arrive par la route de _Soissons.
Notre ligne se forme; le 9 au soir, le reste de
nos troripes est arrivé. Le prince de la Moskowa,
le duc de Raguse, le duc de Trévise, et la garde
impériale, occupent les positions qui leur ont




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 189
été assignées. Tout est 'prét pour l'attaque , les
ordres partent, et le lendemain, des la pointe
du jour, l'affaire doit commencer.


Le maréchal Blücher, qui a rallié toutes ses
forces russes et prussiennes , vient en outre de
faire sa jonction avec I'armée du prince royal de
Suede.


e'est pourtant avec répugnance que Bernadotte
s'avance pour combattre ses anciens compa-.
triotes; il n'a franchi qu'á regret la limite du
Rhin, qu'autrefois ses services ont contribué a
donner a la France; l'animosité qu'il a contre
Napoléon semble s'affaiblir a mesure que le
sort de la patrie en est plus compromiso Les mé-
fiances dont la Russie et la Prusse le fatiguent
depuis quelque temps contribuent encore a ré-
veiller en lui des sentiments francais ; mais les
événements vont trop vite, ils entrainent, Le
prince de Suede n'a pu se dispenser de faire
marcher son avant-garde au secours de Blücher.


Ainsi le général prussien, qui fuit devant Na-
poléon depuis dix jours, a rencontré tant de
monde arrivant derriere lui, que, malgré ses
échecs, il est encore plus fort que jamáis. Il
nous oppose au centre le eorps de Bulow, anotre
gauche les corps de Langeron, de Sacken et de
Wintzingerode; et sur notre droite les corpS' de




190 MANUSCRIT
Kleist et. d'York. Toutes ces troupes ont pour
centre la ville de Laon, située sur un pie élevé
qui domine les environs.


Dans les Tangs francais on ne se sent décou-
ragé ni par le nombre ni par la position de l'en-
nemi, Tout présage dónc une action sanglante et
décisive.


Le 10, a quatre heures du matin , Napoléon
m~ttaitses bottes, et demandait ses ehevaux,
lorsque deux dragons arrivant a pied dans le
plus grand désordre lui sont amenés. lIs disent
qu'ils viennent d'échapper par miracle atravers
un hourra que l'ennemi a fait cette nuit sur les
bivouacs duduc de Raguse, et que tout est perdu
de ce coté. I1s croient le maréehal pris ou tué.
Napoléon fait aussitót monter a cheval tous
ses officiers. Tandis que les uns courent aux
nouvelles du coté du duc de Raguse, les autres
vont a l'avant-garde suspendre le mouvement
généraf d'attaque que l'armée commeneait. Bien-
tót les renseignements arrivent, et l'on ne tarde
pas a acquérir la triste eertitude que le corps
d'armée du duc de Raguse a été en effet surpris
et dispersédans une attaque de nuit; que Iedés-
ordre a été extreme, que le pare a perdu une
grande partie de ses canons; mais que le duc de
Raguse n'est. pas tué , et qu'il est de sa personne




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 191
du cóté de Corbeny sur la route de Reims, cher-
ehant a ralli el' les fuyards.


Cet événement met le comble aux contrarié-
tés qui depuis quelque temps déjouent tous nos
efforts.


Nous devions attaquer l'ennemi; c'est lui qui
nous attaque, eneouragé par les avantages qu'il
vient d'obtenir dans la nuit : mais ¡l.ne peut par-
venir a oeeuper le village de Claey, oú la divi-
sion Charpentier fait la plus helle eontenanee. Il
est repoussé, et nos détachements le poursui-
vent jusqu'aux portes de Laon. Cependant on ne
peat plus penser a le foreer dans cette position;
il faut s'occuper de la retraite, et Napoléon s'y
résigne. Dans l'apres -midi , les équipages com- .
meneent a se mettre en route; et, pour masquer
lemouvement, on continue pendant le reste de
la journée de faire diverses démonstrations con-
tre l'ennemi. Ce n'est que le 11 au matin que Na-
poléon quitte Chavignon. L'arrnée le suit , et vient
prendre position dans les défilés qui couvrent
Soissons.


Cette ville, si souvent prise et reprise dans
cette courte campagne, et toujours jouant le róle
le plus important, se présente encore dans ce
moment comme le' seul obstacle qui puisse ar-
réter l'ennemi. A peine Napoléon est-il descendu




192 MANUSCRIT
a l'évéché , qu'il s'occupe de pourvoir a la dé-
fense de la place. Il fait appeler les officiers du
génie, les officiers d'artillerie , le duc de Trévise.
Il passe avec eux l'apres-midi du 1 1, et toute la
journée du 12, tantót au cabinet, couché sur une
carte et le campas a la main; tantót a cheval,
parcourant le terrain et jetant partont son coup
d'oeil,


C'est le duc de Trévise qni reste a SOiSSOIlS:
tandis qu'il y disputera le passage a l'armée de
Blücher, Napoléon tourne ses armes contre un
nouvel ennemi.


Dans la nuit du 12 au 13 mars, au moment
oú l'armée allait. se mettre en marche ponr re-
venir sur la Seine par la route de Soissons a
Cháteau-Thierry, Napoléon a recu la nouvelle
que lecorps d'armée du général russe Saint-
Priest , qui manoeuvrait dn coté de Chálons-sur-
Mame, vient de s'emparer de Reims, Le général
Corbineau, aidé de la cavalerie du général De-
france, avait d'ahord repoussé l'ennemi jusqu'á
Sillery; mais les Busses étaient revenus au nom-
bre de quinze mille hommes, et il avait íallu
eéder. On eroyait Corbineau pris ou tué.


L'occupation de Reims par l'ennemi rétahlis-
sait les communications de Schwartzenberg avec
Blücher; d'ailleurs eette entreprise tournait déjá




DE 1\1IL HUIT CENT QUATORZE. 193
la position qui venait d'étre assignée au duc de ,
Trévise : Napoléon ne peut négliger cet ennemi;
iI prend aussitót ~e chemin de Heims , et le soir
mérne il arrive aux portes de la ville. Les Russes,
quoique surpris, n'en montrent pas moins la ré-
solution de se défendre. On se bat toute la soirée
etune partie de la nuit. Enfin, le général ennemi
est grievement blessé; on l'emporte, ses troupes
le suivent, et Napoléon entre aReims aune heure
du matin.


Les malheureux habitants avaient tout acrain-
dre d'nn tumulte que l'obscurité de la nuit pou-
vait porter au comble. Cependant (et il faut le
dire a la louange des Russes et des Francais )
les uns ont évacué la ville, les autres en ont pris
'possession, sans qu'il y ait eu rl'autres do m.;.
mages que ceux qui sont inévitables dans un
combato Corbineau, qui avait disparu au moment
de l'occupation de Reims par l'ennemi, se re-
trouve le 14, ala pointe du jour, parmi les bour-
geois de Reims, qui viennent faire foule devant
le logis de Napoléon : iI était resté déguisé chez
un habitant.


.Les troupes du duc de Raguse, apres s'étre ral-
liées au pont de Béry-au-Bac, étaient venues
prendre part a l'attaque de Reims. Leur chef est
appelé pour rendre compte de son désastre; il


13




MANUSCRIT
. se' présente: asa vue, Napoléon s'emporte en re-


proches, qui n'entrent que trop avant peut-étre
dans le cceur du maréehal. Cependant apres les
plaintes viennent les explications: bientót les sen-
timents que Napoléon a toujours portés ason aide
de camp prennent le dessus , et ce n'est plus qu'un
maitre en l'art de la guerre qui releve les fautes
d'un de ses éleves de prédi lection : Napoléon finit
par le retenir adiner.


Le méme jour, 14, l'armée recoit un renfort
précieux dans la circonstance: on le doit au zele
et a l'activité du général Janssens , Hollandais ,
ancien gouverneur du cap de Bonne-Espérance ,
qui eommande en ce moment sur la frontiere
des Ardennes. Les émissaires qu'on lui a envoyés
pOllr le prévenir de l'arrivée de l'armée sur les
bords de l'Aisne lui sont parvenns. Il a tiré aussi-
tót tous les détachements qu'il a pu des' gar~isons
qu'il commande; et de ces détaehements, réunis
aMézieres , il a formé en dix jours un eorps de
six mille hommes, qu'il amene lui-méme par la
route de Rethel.


Tandis que le prince de la Moskowa s'avance
vers Chálons , l'armée fait halte dans les environs
de Reims ,et y passe les journées du 14, du 15
et du 16. Ces trois jours de repos sont "indispen-
sables pour se préparer ade nouvelles marches.




pE MIL lIUIT CENT QUATORZE. 195
Napoléon les met aprofit dans son cabinet, et
médite ce qui lui reste afaire.


Cette halte militaire est une des derniéres
dans lesquelles il trouve le temps de signer le
trav.ail de ses ministres, et de mettre toutes les
affaires de l'empire au courant. n passe une;
grande partie da jour avee le due de -Bassano.
Chaque semaine un auditeur du eonseil d'état
lui apportait le travail de Paris : quelles que fus-
sent les fatigues de la guerre et la gravité des
circonstances, il voyait tout, il pourvoyait iá
tout, et jusqu'alors il avait pu suffire aussi bien
aux affaires de l'intérieur qu'á celles de l'armée.


13.




MANUSCRIT


CHAPITRE IX.


NAPOLÉON RAMENE L'ARMÉE SUR LA SEINE.-
. , .


COMBAT D ARClS.


(Du 16 au 21 mars.)


Napoléon trouve danS la lecture de ses dépe-
ches des renseignements qui lui permettent de
jeter un regard autourde lui.


Au nord, le général Maison continue de ma-
noeuvrer entre Tournay, Lille et Courtray, et
contient l'ennemi.


Le général Carnot est resté maitre de la cam-
pagne d'Anvers, et tient les Anglais adistance.
Ceux-ci, apres avoir échoué dans la tentative
d'uu bombardement dont notre fIoUe était le
point de mire, viennent d'éprouver un échec
plus sanglant.


. Leur général, .Graham, avait des intelligences
dans Berg-Op-Zoom; la nuit du 8 au 9 mars, ses


1, 'd'troupes surprennent entree une porte; quatre
mille Anglais pénetrent dans la place; ils s'en
croient maitres : mais la présence d'esprit du gé-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 197
néral Bizannet retourne le péril contre ceux qui
l'ont apporté : il rallie ses troupes, marche aux
Anglais, les surprend dans 1'hésitation de la nuit,
les chasse de rue en rue, les aceule aux portes
qui se sont refermées sur eux¡ et tout ee qui est
entré dans la place y demeure mort ou prison-
.nier. Bayard n'aurait pas mieux fait!


Du cóté de Lyon l'horizon s'est rembruni. Le
duc de Castiglione, au lieu de remonter la Saóne,
et de se porter franchement sur Vesoul, s'est
amusé a guerroyer avec le général Bubna, qu'il .
a renferrné dans Cenéve ; mais tandis qu'il avait
sen quartier général aLons-le-Saulnier , les géné-
raux Hesse-Hombourg et Bianchi, détaehés de la
grande armée autrichienne, arrivaient amarche
forcée sur Dijon , pour oecuper les routes de .la
Saóne , et préserver les alliés de la plus dange-
reuse diversion qu'ils eussent a redouter..


Augereau surpris s'est vu forcé de faire une
contre-marche vers eux. Le 7 mars, il a aban-
donné le pays de Gex et la Franche-Comté. Ses
illusions a l'égard de Bubna, qu'il croyaitson .
seul ennemi, sont dissipées: mais il est trop tardo
Il a manqué 1'oecasion de sauver la France, Ses
efforts vont se borner a couvrir Lyon; et, des ce
moment, il cesse de peser dans la balance des
grands événements de la eampagne. Napoléon se




1~8 MANUSCRIT
décideá remplacer Augereau par un'général plus
actif et plus' entreprenant. 11 jette d'abord les
yeux sur son frere Jéróme ; mais, pour inspirer
confiance aux troupes , il faut un général dont la
réputation soit populaire, et Napoléon arréte dé-
finitivement son choix sur le maréchal Suchet.


Au .pied des Pyrénées, tout annonce de la
part de l'arinée et de son chef un dévouement
qui semble défier méme les reverso Le maréchal
Soult, apres avoir tenu en échec, pendant prés
de deux mois, toutes les forces de Wellington
devant Bayonne, a dú abandonner la ligne de
I'Ádour. u y a été forcé le 27 février par la pe!te
de la bataille d'Orthez. Sa retraite se fait sur
Toulouse dans un ordre admirable; et déja le 2
mars, au combat de Tarbes, il vient de prendre
sa revanehe en taillant en pieces les troupes por-
tugaises du général d'Acos ta. Mais cette brave
armée est afIaiblie par les renforts qu'elle ne
eesse d'envoyer sur Paris; Bayonne est done aban-
donnée a ses propres forces, et le chemin de


. Bordeaux est ouvert.
A Paris , ron tremble encore une fois. Les


ducs de Tarente et de Reggio' n'ont pu eonserver
Troyes ; -ils I'ont évacué le q, marso Ils ont ensuite
essayé d'arréter l'ennemi au passage de la Seine
a Nogent: « Mais l'armée de Schwartzenberg,




DE MIL HUIT CENT QUAl'ORZE. 199.
s écrivent-ils , s'avance avec assurance, et ils pré-
»voient qu'ils vont étre forcés a continuer leur
» retraite. )1


Les progrés de l'ennemi, par tant de routes
différentes, commencent a donner de la consis-
tance aux esperances de la maison de Bourbon.
Le duc d'Angouléme étend 'ses intelligences jus-
qu'a Bordeaux et dans tout le midi; M. le comte
d'Artois se fait voir dans la Franche-Comté et la
Bonrgogne.


On a signalé ses agents dans Paris. . . . . .


et les ami s de la dynastie impériale en ont pris
l'alarme. Le prince Joseph, pour conjurer l'oráge,
a risqué de donner a l'impératrice le conseil '.
d'écrire secretement a son pére ; mais cette prin-
cesse s'est refusée a faire une p~reille démarche
sans l'aveu de Napoléon.


La tentative du prince Joseph suffirait seule
pour faire entrevoir aNapoléon a. quelles inquié-
tudes on s'abandonne. Décidé acombattre a ou-
trance, il n'a plus de temps a perdre; il veut
porter un coup décisif, et ce ne peut étre qu'en
risquant le tout pour le tonto


Il faut d'abordsanver Paris; l'ennemi peut y
étre le 20. C'est done sur Schwartzenherg qu'~l
faut marcher. Mais on a besoin d'un avantage si-




200 MANUSCRIT
gnalé, et ee n'est pas en attaquanf de front qu'on
pourra l'obtenir; l'armée francaise est mainte-
nant trop peu nombreuse: c'est en queue qu'il
faut aller prendre les Autrichiens. Cette manoeu-
vre offre la chanceo de jeter le désordre dans
I'arriere-garde ennemie, de faire des prises im-
portantes, de déranger les eombinaisons de I'at-
taque principale, et de plaeer les souverains alliés
au coeur de la Franee dans une position faite
pour les inquiéter. Au pis aller, notre retraite
pourra toujours se faire sur les places de la Lor-
raine,


On suppose Sehwartzenberg arrivé a Nogent.
Pour déboucher sur le dos de l'ennemi , l'armée


. francaise va done se diriger sur Épernay, Fere-
Champenoise et Méry. Le corpsdu prince de la
Moskowa, qu'i], avait été question de détacher
en partisan sur la Lorraine, suspendra l'exéeu-
tion de ce plan pour venir prendre part aux ef-
forts que toutes nos forces réunies vont encore
risquer. Ce corps d'armée suivra la grande route
de Chálons á Troyes, et gagnera l'Auhe; le ren-
dez-vous est sur les hords de cette riviere.


Mais, pendant le mouvement, Paris va se
trouver découvert. Déja Blücher pousse des par-
tis sur Compiegne. L'impératrice et le roí de
Rome resteront-ils exposés aétre renfermés dans




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. ,201
la capitale, sous l'influence des ennemis du de-
dans et du ' dehors? Napoléon veut avant tout
assurer la liberté de sa femme et de son fils, Il ,
enjoint au princeJoseph de les faire' partir de
Paris , a la moindre apparence de danger, et de
les envoyer avec les ministres sur la Loire,


En méme temps Napoléon écrita son pléni-
potentiaire a Chátillon , et, dans ce dernier mo-
ment de la erise, il n'hésite plus sur les conces-
sions, quelles qu'elles puissent étre , pourvu que
l'évacuation immédiate du territoire soit la pre-
miere conséquenee du traité. Les dépéches sont
expédiées par triplicata. Deux courriers partent
ainsi que M. Frochot, auditeur au conseil d'état,
qui, né a Chátillon , connait les localités et doit
plus facilement qu'un autre franchír les obstacles
qui.peúvent retarder sa marche'. ,


Toutes ces dispositions .faites, l'armée se met
en route le 17 au marino On ne laisse a Reims
que le corps d'armée du duc de Raguse. n doit
s'entendre avec le duc de Trévise pour disputer
pied 'a pied le chemin de la eapitale aux masses
de Prussiens ; de Russes et de Suédois qui vont
les déborder.


I Voir la dépéohe de Reims, du 17 mars, au supplé-
ment de la seconde partie, nO 35.




202 MANUSCRIT
Napoléon arrive de honne heure a Épernay. Il


descend chez M. Moitte, maire de la ville. C'est
la qu'il apprend les événements de Bordeaux.
Les Anglais y sorit entrés; ils y out ét~ appelés
par le maire lui-méme , par le comte de Lynch.
D'abord les propositions de ce maire ont étonné
l'ennemi, qui ahésité a s'y ~onfier. Les gazettes r
retentissaient encore de ses protestations de dé-
vouementá Napoléon, et Wellington lui faisait
l'honneur de craindre un piége dans sa douhle
conduite; mais le duc d'Angouléme avait été en-
tierement rassuré 3. cet égard par les missions de


I En novembre , le comte de Lynch, accouru au pied
du tróne pour y donner de nouveaux gages de sa fidélité,
s'ecriait"; «Napoléon a tout fait pour les Francais ; les
J Franpaís feront tout pour lui.» (Voyez le Moniteur du
28 novembre.181~.) Et le 29 février, en remettant les dra-
peaux de la garde natíonale de Berdeaux , il n'avait parlé
a ses administrés que de leurs devoirs ( envers leur au-
»guste souverain , dont tous les soins avaient pour but de
»couquérir une honorable paix.» JI avait traíté de témé-
raires les alliés, qui cherchaient a envahir notre territoire ;
et si le danger s'approchaít de Bordeaux, ~l il promettait
»de donnerI'exemple du dévouement. J (Voyez le Moni-
teur du 6 mars 1814.) 11 est remarquable que e'est a ce
meme comte de Lyneh qu'on a eru devoir donner le pre-
mier eordon de la Légion-d'Honneur qui ait été distribué
apres la restauration.




...


DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 205
M.de la Roche-Jacquelin, qui, depuisquelques
jours, allait de Bordeaux chez le prince, et de
chez le prince a Bordeaux,


Wellington, cédant aux instanees du due d'án- .
goulCme, avait done consentí a détacher la divi-
sion du généra~Béresford pour donner aux par-
tisans de la maison de Bourbon l'appui qu'ils ré-
clamaient; et ceux-ci , des qu'ils s'étaient vus
protégés par les baíonnettes anglaises, avaient
proclamé Louis XVIII. Cette résolution avait eu
lieu le 12 marsoLe due d'AngouIeme était attendu
aBordeaux pour y faire son entrée.


Cette défection n'étonne pas Napoléon; il sem-
ble s'attendre a de plus doulonreuses épreuves!


Les bons habitants d'Épernay avaient défoneé
leurs cachettes pour faire accueila l'armée: pen-
dant quelques heures, le vin de Champagne fait
oublier aux soldats leurs fatigues, et aux géné-
raux leurs inquiétudes!


J-Je 18, l'armée continue sa marche vers I'Aube.
On suit la Iisiere qui sépare la Champagne de la
Brie, et l'on s'arréte a Fére-Champenoise pour
y passer la nuit.


Dans la soirée, Rumigny arrive de Chátillon,
n annonce a Napoléon que les temporisations
diplomatiques touchent a leur terme. ~s plé-
nipotentiaires des alliés, n'ayant plus d'inquié-




204 MANUSCRIT
tude pour Blücher, ont renfermé aussitót le duc -
de Vicence dans un délai de trois jours pour
souscrire aux conditions proposées : pressé de
cette facon , le plénipctentiaire de France a re-
mis le 15 un contre-projet ; mais dans une pa-
reille démarche , et surtout lorsqu'il ne s'agit que
de cessions et d'humiliations , le duc de Vicence
n'est pas homme a avoir dépassé ses pouvoirs;
il est done probable que son eontre - projet ,
quelque modéré qu'il puisse étre, va devenir
le signal de la rupture. Tandis que nos derniers
eourriers font mille détours au gré des caprices
des commandants de troupes alliées, le délai
fatal doit avoir expiré: ainsi le sort en ést jeté.


La sensation qu'en d'autres temps cette nou-
velle aurait pu faire va se perdre dans la gra-
vité des événements qui surviennent presque
aussitót.


I ..es renseignements que Napoléon recoit sur
l'ennemi sont de nature ale faire persister dans
sa marche s.ur Méry.


Sehwartzenherg avait ces jours derniers son
quartier général a Pont; il ya passé la nuit du
13 au 14. II parait étre en pleine marche sur
Paris ; son avant-garde, commandée par Wit-
genstein, était le 16aProvins. J...e duede Tarente
et le due de Reggio ne cessent d'éerire qu'ils




DE MIL HUIT CENT QUATORZK 205.
sont poussés sur París par toute l'armée autri-
chienne. Tout confirme done Napoléon dans
l'espoir qu'il va tomber sur l'arriere-garde et sur
les bagages de l'ennemi,


Le 19 au matin, on se háte de partir de La
Fere-Champenoise pour aller passel' l'Aube a
Plancy, et dans la soirée notre avant-garde , dé-
bouchant a travers les cendres de Méry, se ie-
trouve au hameau de Chátres , sur la grande
route de Troyes aParis, On intercepte des baga-
ges, on culbute des pontons, on fait quelques
prisonniers, on recueille de nouveaux rensei-
gnements, et la véritable situation des choses
s'éclaircit.


Napoléon a été trompé. par les alarmes de la
capitale. Depuis cinq jours, les ennemis ne mar-
chent plus sur Paris, Ils sontrevenus aTroyes;
leur avant-garde s'est en effet avancée jusqu'á
Provins, mais le gros de l'armée autrichienne est
resté presque stationnaire pendant tout le temps
qu'a duré l'incertitude des alliés sur les événe-
ments de Laon et de Reims. L'échec éprouvé par
Saint-Priest et le séjour de Napoléon aReims ont
encoreajouté a l'indécision des généraux enne-
mis. Ils avaient d'abord fait dire a leur avant-
garde de s'arréter; ils' lui avaient ensuite 01'-
donné de se replier sur Nogent et Villenoxe.




206 MANUSCRIT
La nouvelle qu~ Napoléon revenait sur la Seine,
et qu'il était a Épernay, avait convertí soudain
ce premier mouvement en une retraite géné-
raleo Platoff', qui était a Sezanne avec tous ses
Cosaques, était revenu le 17 sur Arcis; les ponts
de Nogent avaient été levés préeipitamment; le
grand quartier général des alliés s'étaitreplié
sur Troyes; les gros bagages avaient reculé plus
Ioin, Il était mema question chez. l'ennemi de
se-rétirer jusqu'a Bar'. Les troupes que nous
venons de surprendre a Chátres sont I'arriere-
garde de farriere-ga,rde; elles appartiennent au
corps de Giulay, et raménent les derniers ba-
teaux du pont qui avait été jeté a Nogent.


Ainsi, plus de doutes; la grande armée au-
trichienne a rétrogradé; Paris en est délivré,
et le retour de Napoléon a suffi pour ce résul-


1 C'est dans cetteterreur panique que l'empereur Alexan- '
dre flt dire, aquatre heures du matin, au général Sehwart-
renberg qu'il fallait envoyer un courrier a Chatillon pour
qu'on signat le traíté de paix que demanderaít le duc de
Vicence. (Voyez Wilson sur la R.ussie, éditi.on de Paris,
de 181' ,page 90') On assure que l'anxiété que l'empe-
reur Alexandre éprouva acette époque fut si grande, qu'il
disait lui-méme 11que la moitié de sa tete en grisonne-
»rait.» (Voyez l'ouvrage de-M. de Beauchamp , page 112)
tome n. )




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 207
tato Mais ici le succes tourné contre. nous; il
dérange nos plans, fait venir l'armée, au pas de
course, de Reims jusqu'~Méry,pour frapper sur
le vide, et nous rejettedans le cercle .des 'incer-
titudes, en imposant a Napoléon la nécessité
d'entreprendre un nouveau .systeme d'opéra-
tions. Le seul avantage qu'on ait ohtenu, e'est
la jonetionavee les eorps des dues de Tarente
et de Reggio. Ces maréchaux arrivent de Ville-
noxe a Planey, eroyant suivre les traces de Wit-
genstein; malgré eetteréunion, nos forees sont
eneore tellement disproportionnées, qu'il est im-
possible de se commettre aux hasards d'une
bataille rangée. Les considérations qui a Reims
ont décidé a manoeuvrer sur les' derriéres de
Sehwartzenherg se représentent avee les mémes.
probabilités. Napoléon reprend done son pre-
mier plan. Nous avons tourné trop court en
rahattant de Fere -Champenoise sur Plancy;
maintenant, pour nous replacer dans la direc-
tion qui conduit sur .les derrieres de l'ennemi ,
nous allons remonter l'Aube jusqu'á Bar s'il le
Iaut,


Le 2Q mars, toute l'armée était done en mare~e
pour remonter l'Auhe : on arrive de bonne heure
ala hauteur d'Arcis. On ne devait pas s'y arréter;
maison apercoit sur la route de Troyes quelques




208 MANUSCRIT
troupes ennemies : des détachements vont les
reconnaitre ; ils trouvent de la résistance, l'a-
vant-garde s'engage, le canon gronde. Napoléon
accourt, il appelle successivement toutes ses
troupes ~ les forces de I'ennemi s'accroissent aussi,
mais dans une proportion bien plus forte; et
hientót .Napoléon, qui a eu l'espoir de tomber
sur un corps isolé, reconnait que c'est l'armée
de Schwartzenberg tout entiére qu'il a devant
lui.


De nouvelles résolutions chez les alliés avaient
amené de nouveaux hasards.


Áu moment oú le prince Schwartzenberg se
disposait aévacuer Troyes pour continuer sa
retraite, l'empereur Alexandre s'était opposé a
ce mouvement, Un conseil de guerre avait été
convoqué dans la nuit, et l'on avait avisé aux
moyens de ne pas toujours reculer devant nos
petites arrnées. A cet effet, on était convenu de
se procurer une masse de forces telle que le
nombre pút désormais l'emporter sur le courage,
triompher des manoeuvres et maitriser toutes les
chances, Le nouveau plan consiste a réunir en
une seule armée les forces immenses de Blücher
et de Schwartzenberg. Toute opération d'attaque
ou de retraite doit étre-ajournée jusqu'apres
cette grande concentration, Déja l'ordre avait




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 209
été donné a Blücher de se rapprocher des bords
de la Marne; en conséquence, il n'y a plus qu'a
se mettre en marche pour aller au-devant de lui,
Le rendez-vous général est donné dans les plaines
de Chálons: Schwartzenberg s'y rendait par la
route d'Arcis.


Comhien Napoléon , fatigué de conseils timi-
des et de récits décourageants, était loin de
soupt;onner qu'il pút encore intimider ses en-
nemis au point de leur inspirer des marches
d'une si haute prudence! En cherchan:t amanoeu-
vrer sur Ieurs flancs, il est tombé dans la nou-
velle direction qu'ils viennent de prendre, et
retrouve leur avant-garde. Cette rencontre est
extrérnement critique pour l'armée francaise,
Napoléon y court personnellement' de grands
risques. Enveloppé dans le tourbillon des char-
ges de cavalerie, il ne se dégage qu'en mettant .
l'épée a la main. A diverses reprises il combata
la tete de son escorte; et loin d'éviter les dan-
gers, iI semhle au contraire les braver. Un obus
tombe a ses pieds; il attend le coup, et hientót
disparait dans un nuage de poussiere et de fu-
mée : on le croit perdu; il se releve, se jette sur
un autre cheval, et va de nouveau se placer
sous le feu des batteries1... La mort ne veut pas
de lui.




210 MANUSCRIT
Tandis que l'ennemi se développe et forme un


demi-cercle qui nous renferme dans Arcis , I'ar-
mée fran<;;aise se rallie sous les murs crénelés des
maisohs des faubourgs. La nuit vient la protéger
dans cette position , mais on ne peut espérer de
s'y maintenir long-temps; achaque instant l'en-
nemi nous resserre davantage. Les boulets se
croisent dans toutes les directions sur la petite
ville d'Arcis; le cháteau de M. de la Briffe, oú
se trouve le quartier impérial, en est criblé. Les
faubourgs sont en feu, et n011S n'avons qu'un
seul pont derriere nous pour sortir de CP, mau-
vais paso Napoléon met la núit a profit; le 21
au matin, un second pont est jeté sur l'Aube,
et le mouvement d'évacuation commence.


Cependant l'affaire s'est engagée de nouveau
sur toutela ligne, et dure une partie de la journée.
On ne combat plus pour la victoire, mais on
fait tete a l'ennemi; on le retient, on l'arréte,


, quand il pouvait nous écraser, et l'on repasse
l'A.ube avec ordre. Les ducs de. Tarente et de


.Reggio restent les derniers sur la rive gauche'.


1 Avant de quitter Arcis, Napoléon envoie deux mille
francs de sa cassette aux soeurs de la eharíté , pour que ~
dans ce.désastre , elles aient de quoi pourvoir aux premiers




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 2 i r
Cette affaire acheve de convaincre l'armée


qu'elle est trop faible pour lutter corps aeorps
eontre les masses de l'ennemi. N'ayant pn lenr
barrer le passage de l'Aube, pouvons-nons penser
aleur disputer le ehemin de la capitale? Napoléon
ne veut point reculer devant Sehwartzenberg
jusqu'aux barrieres de Charenton. Il abandonne
la route de Paris , et opere sa retraite par les
chemins de traverse qui conduisent du coté de
Vitry-le-Francais et de la Lorraine.


hesoíns des blessés el des malheureux. C'est le comte de
Turenne qui est chargé de ce message.


Si Napoléon étaít mort sur le trñne , combíen de traits
semblables , révélés par la reconnaíssance , auraient déjá
fatigué l'éloquence des panégyristes! (Notede l'éditeur. )




212 MANUSCRIT


CHAPITRE X.
"MAR CItES ET CONTRE-MARCHES ENTllE VITRY,


SAINT-DlZIER ET DOUL'EVENT.


(Du 21 au 28 mars.)


Nous voici désormais séparés de la capitale :
les avenues en sont ouvertes a l'ennemi ; mais
aura-t-il la confiance d'y marcher?


Le parti que prend Napoléon menace les com-
munications principales des alliés, et va peut-
étre allumer un fatal incendie sur leurs derrieres,
S'ils donnent acette manoeuvre hardie l'attention
qu'elIe mérite , Paris n'aura rien a craindre. Déjá
ils semblent suivre nos traces avec inquiétude;
les ducs de Reggio et de Tarente, qui sont al'ar-
.riere-garde, font dire que toute I'armée ennemie
'est a notre poursuite. Napoléon, en s'éloignant,
emporte done 1'espoir d'attirer les alliés dans un
nouveau systeme d'opérations. Mais en méme
temps Napoléon ne perd pas de vue la rive gau-
che de la Seine, que les alliés viennent d'aban-
.donner; il veut manoeuvrer de maniere a res-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 213
ter toujours maitre de revenir sur Paris par
cette route.


On passe la nuit du 21 au 22 au village de Som-
mepuis.


Le 22 on traverse la Marne au gtié de Frigni-
court. Un détachement va sommerVitry-Ie-Fran-
c;ais d'ouvrir ses portes, et la journée finit par
de vaipes démonstrations contre cette place. Na-
poléon s'arréte au cháteau de Plessis-ó-le-Comte ,
commune de Longchamps, entre Vitry et Saint-
Dizier, Il y dicte le bulletin d'Arcis et quelques
dépéches pour Paris; mais les courriers n'ont
plus de route : on a recours a des émissaires qui
promettent de gagner Paris a travers champs '.


Le 23, l'armée continue son mouvement. On
couche a Saint-Dizier ; c'est dans cette ville que
le duc de Vicence rejoint le quartier impérial, Il
a quitté Chátillon le 20 mars; les derniers ordres
de l'empereur , dont M. Frochot était porteur,


, ~ 1;
ne lui sont parvenus qu apres la rupture. Le due
de Vieenee était méme déjá atrois lieues de Chá-
tillon; il arrive aecompagné du secrétaire de lé-
gation Rayneval; et pour arriver jusqu'a nous,
ils ont dú subir les nombreux détours que l'en-
nemi leur a prescrits,


• Le bulletin d'Arcis a été perdu,




.2 14 MANUSCRIT


Ce retour du duc de Vicence sert de prétexte
aux proposd'un sourd mécontentement qui regne
dans la plupart desétats majors généraux. n y a
autour de Napoléon lui-méme trop de personnes
qui s'éloignent de Parisavec regret. On s'inquiete
tout haut; on commence a se plaindre. Dans la
salle qui touche a celle oú Napoléon s'est en-
fermé, on entend des chefs de l'armée tenir des
propos décourageants l. Les jeunes officiers font
groupeautour d'eux. On veut secouer l'habitude
de l~ confiance, On cherche aentrevoir la possi-
bilité d'une révolution; tout le monde parle, et
d'abord on se demande: « Oú va-t-on? Que de-
D venons-nous ?S'il tombe, tomberons-nous avec
»lui? »Jamais Napoléon n'a euplus besoin de sa
forte volonté pour lutter contre l'opposition qui
l'entoure; mais, pour Iapremiere fois, il ignore
ce qui se passe chez lui ... ou feint de l'ignorer.


Apres l'aveu qui vient de nous échapper, há-
tons-nous de rendre justice a l'armée. Officiers
et soldats , tous ont conservé l'énergie et le dé-
vouement qui peuvent seuls faire réussir la cam-
pagne aventureuse a laquelle on est pres de s'a-
bandonner.


'. Il Y a des exemples qui sont pires que des crimes... »
Montesquieu, Grandeur des Homains , chapo 8.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 215
Napoléon, avant de prendre un parti définitif,


a besoin de recueillir des renseignements plus
certains sur celui auquel la grande armée des al-
liés s'est elle-méme décidée, Pour mettre le temps
aprofit, et continuer l'exécution de ses projets ,
il fait attaquer toutes les routes de l'ennemi; il
envoie du coté de la Lorraine le duc de Reggio,
qui s'établit aBar-sur-Ornain , et du coté de Lan-
gres le général Piré, qui va courir jusqu'á Chau-
monto Ces routes sont les lignes d'opération des
alliés; elles sont couvertes de leurs pares, de
leurs bagages, de leurs voyageurs; on y trouvera
des nouvelles, et il est possible d'y faire d'im-
portantes captures! En attendant, l'armée prend
position sur la route qui communique de Saint-
Dizier a Bar-sur-Aube. Le 2[~ au soir, le quar-
tier impérial s'étahlit él Doulevent; nos ailes -s'é-
tendent, l'une vers Bar, l'autre vers Saint-Dizier ,
prétes a déboucher également sur les rontes de
la Lorraine, sur celles de la Bourgogne, ou sur
la route de Paris par la rive gauche, suivant les


. , .
aVIS qu on recevra.


Dans la réception que l'empereur a faileau
duc de Vicence él Saint-Dizier , illui a témoigné
étre toujours dans les dispositions pacifiques qui
ont dicté ses dépéches de Reims. Persistant dans
ces dispositions de la maniere la plus franche.et




216 MANUSCRIT
la plus positive , il autorise le duc de Vicence a
écrire aM. de Metternich pour reprendre les né-
gociations-. C'est de Doulevent que les lettres du
duc de Vicence sont expédiées , et c'est le colo-
nel d'état major Galleboisqui en est porteur '.


Napoléon reste toute la journée du 25a Dou-
levent. Pendant ce repos la cavalerie' du général
Piré entre a Chaumont, intercepte la route de
Langres, enleve des estafettes et des courriers,
souleve les paysans, et répand l'alarme depuis
Troyes jusqu'a VesouI. Mais le 26 au matin , Na-
poléon est tout-á-coup rappelé sur Saint-Dizier ;
l'ennemi y attaque vivement notre arriere-garde ;
ill'a forcée d'évacuer cette ville, et s'avance avec
une confiance dont Napoléon croitpouvoir profi-
ter. L'armée arrive done inopinément au secours
de l'arriere-garde , et rétablitl~combat. La cavale-
rie desgénéraux Milhaud et Sébastiani hat l'en-
nemi au gué de Valcourt sur la Marne. Les alliés
en désordre ahandonnent Saint-Dizier , et s'en-
fuient par les deux routes opposées de Vitry et
de Bar-sur-Ornain,


Napoléon rentre encore une fois aSaint-Dizier;
il y passe la nuit.


r Voir les lettres de Doulevent , au supplément de la sc-
conde partie , nO' 42 et 43.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 217
Il croyait étre poursuivi par l'armée du prince


Sehwartzenberg, et il apprend par les déclara-
tions des blessés que c'est aun corps détaché de
l'armée de Blüeher qu'il vient d'avoir affaire: les
rapports de l'arriere-garde n'avaient cessé de ré-
péter que toutes les forces de l'ennemi couraient
apres nous, et il acquiert la certitude que le
corps d'armée de Wintzingerode est le seul qui
ait été envoyé anotre poursuite. Que devient donc
Schwartzenherg? Cornrnent les troupes de' Blú-
cher, qui naguere menacaient Meaux, se trouvent-
elles maintenant aux portes de la Lorraine? On
se perd en conjectures.


Napoléon prend le partí .de pousser une forte
reconnaissance sur Vitr,y, et le 27 au soir il re-
cueille sous les murs de cette place des détails
qui lui donnent enfin l'explication des mouve-
ments de l'ennemi. Les dépositions des prison-
niers, le rapport de quelques uns de nos soldats
échappés des mains de l'ennemi, les bulletins
des alliés , leurs proclamations imprimées, que
les paysans des environs de Vitry nOU5 apportent,
confirment la vérité sur les événernents qui vien-
nent de se passer.


Tandis que Schwartzenberg forcait le passage'
de l'Aube aArcis, Blücher arrivait par la route
de Reims sur les hords de la Marne, Il avait re-




2 J 8 MANUSCRIT
jeté du coté de Cháteau-Thíerry les corps du duc
de Raguse et du duc de Trévise. Le 23, la jonc-
tion des armées de Blücher et de Schwartzenberg
s'était opérée. Jamais, depuis Attila , l'immense
plaine qui s'étend entre Chálons et Arcis n'avait
contenu plus de soldats!


nrestait ami alliés adécider s'ils marcheraient
contre Napoléon, ou s'ils s'avanceraient ~ur Pa-
ris; ils avaient long-temps hésité '. Les chefs les


, Les alliés n'ignoraient pas que des instructions secretes
et préeises étaient parvenues aux garnisons des place s du
Rhin el de la Moselle, a l'effet de se mettre en eampagne
a un signal convenu , et de se réunir a l'armée qu'on pro-
mettait de faire manreuvrer sur la Lorraíne... lUais ce qui
méritaitla plus séríeuse attention, c'étaient les dispositions
au soulevement que manifestaient un grand nombre de
paysans de la Lorraine , de la Champagne, de l'AIsace, de
la Franehe-Comté, etdela Bourgogne. Dans les Vosges et
les départements voisins, plusieurs insurrections partielles
avaient entravé les opérations des armées alliées , ainsi que
la marche de leurs convois. Au sein de l'AIsace, a l\ilulhau-'
sen, on avait découvert un complot tendant il égorger la
faible garnison, et a se.porter aussitót sur Huningue pour
attaquer les assiégeants , enclouer leurs canons , brüler le
pont de Bale et piller cette ville. Les ramifications de cette
trame s'étendaient a plus de quarante paroísses. Ces dis-
positions hostiles étaient de nature ú inspirer de l'inquíé-
tude aux souverains allies, lis ne se dissimulerent pas qu' i ls




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 219
plus prudents, craignant une Vendée impériale,
avaient parlé de se retirer sur le Rhin; et la
réunion de toutes leurs forces ne leur paraissait
pas moins nécessaire pour effectuer une telle re-
traite que pour marcher en avant : mais sur ces
entrefaites, des émissai~es secrets étaient arrivés
de París J; ils avaient apporté la nouvelle qu'un


ne pouvaient sans danger laísser manoeuvrer sur Ieurs com-
munications une armée aussi mohile et un chef aussi en-
treprenant. Au moindre revers, la popnlation entíere des
provinces envahies pouvait se lever, couper les ponts et
les routes , attaquer les convois, brüler les magasins, har-
celer et affamer ses ennemis; en un mot , transforrner la
guerre en une insurrection nationale, et répondre ainsi aux
provocatlons et aux efforts de Napoléon. Paris, cette viHe
immense , -n'était-elle pas en état de guerre, et disposée
pour une défense serieuse P Presque tous les rapports, les
journaux, les bulletins , les proclamations étaient unani-
mes. (Voyez Beauchamp , campagne de 1814, tome I1,
page .36 et suivantes. )


] Depuís la rupture des conférences de ChiHillon, le czar
. avait recu du sein de Paris rnérne la prerniere communí-


catión un peu authentique de la sítuation réel!e de eette
capitale ,etc. [Beauchamp , tome II, page 139')


Si les révélations historiques de !VI. Beauchamp ne
suffisent pas, nous pouvons y ajouter les aveux précieux
éehappés a M. I'abbé de. Pradt: 11 Les allíés , se sentant •
»sur un terrain tont neuf, an milieu d'éléments absolu-




220 MANUSCRIT
puissant partí attendait les alliés; des lors toute
irrésolution avait cessé. Certain d'avoir la trahi-
'son pour auxiliaire, I'ennemi avait choisi, pour


»rnent inconnus , désiraient s'appuyer des connaissances
11des personnes qu'ils supposaient etre les míeux infor-
1) mées dé l'état intérieur de la France. 1\1 M. de Talley-
11rand et de Dalberg avaient fixé leur attention d'une ma-
l) uiere plus partieuliére..• Quelque peu de titres que je
11puisse avoir a partager cet honneur , il m'avaít été ac-
»cordé. On avait poussé l'attention. jusqu'a 'pourvoir ir,
»notre avenir, s'íleüt été compromis par Ies événements••.
») Nos réunions avec les personnes ci-dessus citées conrí-
:o nuaient toujours , el souvent plusieurs fois par jour. Le
11congres de Chátillon était nótre fléau, Nous n'avons pas
» laissé' passer un jour sans miner, sans ébranler la domi-
»natíon de I'empereur, et sans chercher ee qu'i1 fallait lui
»susciter au jour de sa chute. Les armées franeaíses se
»trouvaient interposées entre París et les alliés , les com-
» munieations avec eux étaientde la plus extreme difficulté.
»Le premier qui ait triomphé des obstacles fut M. de Vi-
l) trolles , et c'est par lui que les ministres des grandes puis-
11sanees commencerent á aequérir des connaissances posí-
11tires sur l'état des affaíres intérieures , qu'ils ignoraient
)) tout-á-fait,» (Extrait du réeit historique publié par M. de
Pradt sur la restauration de la royauté, pages 50 , 3. , 32
et 47. )


Pour ¡ehever d'éc1aireir cette époque déeisive de la
eampagne, nous finirons par la declnration que 1.\'1. Wilson,
témoin oéul~ire, a puhliée, page 91 de son écrit sur cene




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 221
la premiere fois, le parti le plus hardi, et le 23
mars au soir une proclamation qui annoncait ala
France la rupture des négoeiations de Chátillon ,
et la réunion des deux grande~ armées européen-
nes, avait publié la résolution des alliés de s'a-
vaneer en masse sur Paris,


Les ducs de Trévise et de Raguse devaient pré-
senter quelques obstacles a la marche de l'en-
nemi; ils pouvaient du moins rallier a eux les
renforts et les convois qui sortaient chaque jour
de la capitale pour aller rejoindre Napoléon; mul-
tiplier, par une re traite digne de leur talent, les
fatigues de leurs adversaires , et se retirer enfin ,
sans avoir été entamés, jusqu'aux barricades des
faubourgs de Paris : mais tous les malheurs de-


.vaient nous aceabler a la fois. Les deux maré-
chaux, persuades que Napoléon faisait sa retraite


campagne. «Les alliés se trouvaient dans un cercle vicieux,
»d'oú i1leur étaít impossible de se tirer , si la difection ne
,ifút venue a leur secours, IIs étaient hors d'état d'assurer
n leur retraíte , et cependant obligés de s'y déterrniner,
B Cette défection favorable á leur cause, et qui , a ce que
n l'on croit , était préparée de lon~ue main, fut consommée
»au moment méme oú les succes de Bonaparte semblaient
B hors du pouvoir de la fortune; et le mouvement sur
• Saint-Dizier, qui devait lui assurer I'ernpire, lui ñt per-'
»dre la couronne. »




222 MANUSCRIT
sur eux , avaient cru devoir se porter au-devant
de lui. lis n'avaient recu aucun des officiers que
l'état major leur avai t envoyés. ACháteau-Thierry,
s'étant hasardés amarcher sur Fere-Champenoise,
ils étaient venus donner tete baissée sur la masse
des alliés ; aussi avaient-ils été écrasés. Ces événe-
ments avaient eu lieu le 25 mars, et les allíés les
proclamaient sous le titre devictoire de.Fere-
Champenoise.


Le mémejour 25, le convoi du général Pacthod,
qui amenait de Paris de l'artillerie et des muni-
tions , avaitété enlevé du coté de Sompuis; cette
file de canons augmentait eneore la liste des pie-
ces quel'ennemi se vantait d'avoir prises au com-
bat de Fére-Champenoise.


En résumé, le succes des alliés était complet;
la fortune avait pris plaisir a multiplier pour
eux les fruits de la rencontre d' Arcis. 11s s'avan-
caient sur Paris , n'ayant plus devant eux que des
fuyards.


A peine le voile qui couvrait notre situation
est-il tombé, que Napoléon remonte a cheval ,
s'éloigne de Vitry, et fait rentrer tout son monde
dans Saint-Dizier. Il s'enferme dans son cabinet,
et passe la nuit du 27 au 28 sur ses cartes.


SI les alliés profitent de leurs avantages en
marchant sur Paris, il nous reste a profiter des




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 223
nótres : nous sommes maitres de nos mouve-
ments; rien ne nous empéche plus de rallier les
garnisons, de fermer les routes, et de faire payer
cher I'audace avec laqnelle cette fonle d'étran-
gers s'aventure au coeur de nos provinces! Que
la capitale suive ses destinées, mais que l'en-
nemi y trouve son tombeau. Depuis l'ouverture
de la campagne, on n'a cessé de prévoir cette


.extrémité ; Napoléon a fait tous ses efforts pour
se familiariser avec les résolutions qu'eUe com-
porte; ses plans sont faits en conséquence, il n'y
a plus qu'a persister Cependant, au mo-
ment d'agir, tout change; la considération des
dangers de Paris l'emporte! On fatiguait conti-
nuellement Napoléon de ce tableau. Devenu
malheureux,il craint de paraitre dur et absolu ;
il cede, et tout ce qui lui reste de ressourcesest _
sacrifié au salut de la capitale!




MANUSCRIT


CHAPITRE XI.


R~TOUR SUR . P A.RIS.


(Du ~8 au 31 mars.)


Paris peut résister quelques jours; les Pari-
siens ont promis de se défendre : mais Napoléon
arnivera-t-il assez tót aleur secours?


L'ennemi , marchant a travers des plaines ra-
vagées, acheve de les épuiser; et nous ne pou-
vons suivre ses traces sans risquer d'aller nous
perdre dans les déserts. Il faut donc prendre une
route moins fatiguée. On a vu plus haut le soin
que Napoléon a mis a se ménager cellede la
rive gauche de la Seine : notre arriere-garde est
encore échelonnée entre Saint-Dizier et Doule-
vent; qu'elle retourne versBar-sur-Aube. En sui-
vant ce mouvement, l'armée débouchera sur la
route de Troyes; n~>us aurons devant nousles
avenues qui conduisent aParís, et, la Seine nous
séparant désormais de l'ennemi, nos .marches
n'en seront que plus assurées. C'est ace partí que




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 225
Napoléon s'arréte. Quelque avance que l'ennemi
ait sur nous , il espere arriver a temps pour ral-
lier" ses forces sous le canon de Montmartre, et
discuter en personnc les derniéres conditions de
la paix,


Les ordres sont donnés : l'armée se met en
marche pour gagner la route de Troyes par Dou-
levent.


Au moment oú le quartier impérial allait
quitter Saint-Dizier , on arnene sur des charrettes
huit ou dix personnages dont les voitures ont
été enlevées entre Nancy et Langres ice sont les
paysans des environs de Saint-Thihaut qui les
ont prises. Parmi ces voyageurs, on distingue
M. de Weissemberg, ambassadeur d'Autriche en
Angleterre, qui revient de Londres; le général
suédois de Brandt; le conseiller de guerre Pe-
guilhem; et MM. de Tolstoí et Marcoff, officiers
russes. Si l'oneñ croit les bruits que depuis l'on
a fait courir, M. de Vitrolles, qui avait été en-
voyé vers M.le comte d'Artois par M. Talley-
rand, faisait partie de cette capture; rnais il était
parvenu a s'échapper en se glissant parmiJes
domestiques. Les paysans a vaient cru prendre
M. le comte d'Artois lui-mérne , pour qui des
relais avaient été commandés sur cette route.


Ce qui, dans leu!' malheur , avait pu arrlver
15




226 MANUSCRIT
de mieux a ces messieurs , c'était d'avoir été con-
duits devant Napoléon. Il ne veut tirer de leur
accident d'autre avantage que celui d'essayer
une démarche directe aupres de son beau-pere.
M. de Weissemberg est appelé; ille fait déjeuner
avec lui, et bientót apres il ordonne qu'on le
remette en liberté ainsi que ses compagnons
de voyage. llleur fait rendre leurs portefeuilles
et leurs dépéches ; le duc de Vicence leur pro.,
cure des chevaux, et M. de Weissemberg part
chargé d'une commission confidentielle pour
l'empereur d'Autriche. Mais, par une fatalité
qu'on retrouve achaque page de cet écrit, ce
souverain avait été separé de ses alliés ; l'alarme
répandue sur les grandes routes par les cou-
reurs du général Piré avait gagné les équipa-
ges de l'empereur d'Autriche , et dans ce moment
meme , oú il était si désirable que M. de Weis-
semberg püt le rejoindre, il étaitfmtrainé jusqu'a
Dijon '.


, «L'empereur d'Autriche avait été forcé de s'enfuir,
avec un gentilhomme et un domestique, dans un droska
allemand , et d'aller se mettre en süreté ¡\ Dijon, oú il était
resté trente heures réellement prisonnier.» (Voyez i'écrit
t1e sir R.obert Wilson , page 90. )




DE MIL HUIT GENT QUATORZE. 227
Il faut done oublier eette tentative qui n'a pas


eu de suite.
Peu d'heures apres le départ de ees messieurs,


on quitte Saint-Dizier. La eampagne de Napo-
léon avait eommeneé dans eette ville; elle vient
d'y finir. Désormais il ne va plus étre question
que du retour sur Paris.


Le 28, dans l'aprés-midi , on se retrouve a
Doulevent. Un émissaire de M. de La Valette
y attendait Napoléon. Depuis dix jours on n'a-
vait pas re<;u de nouvelles de Paris : avec quel
empressement on attend le déchiffrement du
petit papier dont cet homme est porteur! Voici
cequ'onytrouve: « Les partisans de l'étranger,
» encouragés par ee qui se passe a Bordeaux, .
»Ievent la tete; des menées secretes les seeon-
s dent. La présenee de Napoléon est nécessaire,
» s'i] veut empécher que sa capitale ne soit livrée
»a l'ennemi. n n'y a pas un moment a perdre. »


L'armée s'était déja remise en marche.
Le 29 de granel matin, Napoléon part de Dou-


levent; on gagne par la traverse le pont de Dou-
lencourt, et la une troupe ele courriers, d'esta-
fettes se présente : retenus long-temps a Nogent
et aMontereau, ils ont pu enfin nous rejoindre
par Sens et Troyes. Les troupes ennemies qui
étaient de ce coté ont suivi le mouvement ele


15.




228 MANUSCRlT
Sehwartzenberg sur la Marne, et , comme Napo-
léon l'avait prévu, l~ route de Troyes est mainte-
nant dégagée. .


Napoléon ordonne aussitót au général De-
jean, son aidede camp, de partir a frane étrier
pour aller annoneer son retour aux Parisiens,


Le général Dejean était en outre porteur du
bulletin de~événements de Doulevent et de Saint-
Dizier; mais il n'a pu arriver a temps. Le Moni-
teur n'était plus al'empereur. Les bulletins n'ont
pu y étre insérés; on les retrouve dans la bro-
chure de la régenee aBlois.


Apres eette halte de Douleneourt, on fait un
effort de marche, et I'on arrive aTroyes dans la
nuit. La garde impériale et les équipages ont
fait quinze lieues,


A peine est-on arrivé aTroyes , que le princo
de Neuchátel dépéche son aide de camp, le ge-
neral Girardin, vers Paris , afin d'y multiplier 10s
avis du retour.


Napoléon n'a pris que quelques heures de re-
pos, et le 30 au matin il est en route. II eroit
devoir mareher militairement jusqu'áVilleneuve-
sur-Vannes; n'ayant plus de doutes alors sur la
süretéde la route, iI se jette dans un earriole de
poste. Il apprend successivement , en ehangeant
de chevaux, que l'impératrice el son fils out




DE MIL HU1T CENT QUATORZE. 229
quitté Paris " que l'ennerni est aux portes et
qu'on se bat! Jamais il n'a mesuré plus impa-
tiernrnent les distances ; il presse Iui-rnéme les
postillons ; les roues brúlent le pavé!


Vers dix heures du soir , il n'est plus qu'a cinq
lieues de Paris ; il relayait a Fromenteau, pres
les fontaines de Juvisy, lorsqu'il apprend qu'il
arrive quelques heures trop tardo Paris vient de
se rendre , et I'cnnemi doit yentrer au jour.


Quelques troupes qní évacuent la capitale sont
lléja arrivées dans ce village. Les généraux se
pressent autour des voitures, parrni eux se trouve
l'aide-major général Bel1iard, et hientót les plus
afBigeants détails mettent Napoléon au courant
des événements (Iui out aceéléré eette eatas-
trophe.


1 Au moment de monter en voiture , le jeune Napoléon,
qui était accoutumé de faire de fréquents voyages á Saint-
Cloud, á Ccmpiegne , á Fontainebleau , etc., etc., ne
voulait pas quitter sa chambrc, poussait des cris, se rou-
lait pal" terre, disait qu'i! youlait rester á Paris, qu'il ne
voulait pas aller aR.amhouillet : sa gouvernante avait heau
Ini promettre de nouveaux joujoux i des qu'elle le voulait
prendre par la main pour l'cntruiner, il recommeucait a se
rouler par torre en criant qu'il ne voulait pas quitter París :
il fallut employer la force pom le porter dans une voiture.
[Souvenirs de madame la veuve du général Durand, tomo 1,
pag'o 205.)




230 MANUSCRIT


Les ducs de Trévise et de Raguse, apres le
malheureux combat q~ Fere-Champenoise , n'a-
vaient plus pensé qu'a se retirer en toute háte
sur Paris; maisa peine étaient-ils parvenus a la
Ferté-Gaucher, que les corps prussiens, arrivant
par les routes de Reims et de Soissons, étaient
tombés sur eux. Dans eette situation, toute autre
troupe aurait suecombé: les restes de l'armée
francaise avaient forcé le passage. Le 28 mars au
matin, l'ennemi, suivant leurs pas, était arrivé a
Meaux; a cette nouvelle, la régence avait eru
devoir s'éloigner de París. Enfin, le 29 au soir
les alliés avaient vu les domes de la capitale.


Depuis huit jours Paris était sans nouvelles.
L'éloignement de Napoléon, qu'on croyait du
coté de Saint-Dizier, avait fait perdre tout espoir
d'étre secouru, Le départ de l'impératrice et de
son fils avait mis le comble au découragement;
et par suite de ce brusque départ, qui avait en-
trainé les ministres et les principaux chefs du
gouvernement, tout était resté dans le désaccord
et la confusion. A la vue de l'ennemi, le riche
avait pensé a capituler, et le pauvre acombattre;
les ouvriers avaient demandé des armes, et n'a-
vaient pu en .obtenir '.


, u Les alliés étaient devant Paris, et l'appruche de ce nm-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 231
Cependant les braves soldats des ducs de Tré-


vise et de Raguse, avant de céder la capitule aux
ennemis , avaient voulu tenter un dernier effort :
quelques milliers d'hommes qui faisaient le fond
des dépóts de Paris,. les éleves de l'école poly-
technique formés en compagnie d'artillerie, et
huit a dix mille braves Parisiens fournis par la
garde nationale, étaient sortis des murs pour
prendre part au combato Il~ n'étaient pas en tout
vingt-huit miVe baionnettes , et ils n'avaient pas
désespéré de faire tete a l'ennemi.


Ce matin méme , 30 mars, la bataille s'était
engagée des cinq hcures.


L'attaque avait été commencée sur le bois de
Romainvillc par l'avant-garde du corps d'armée
du prince Schwartzenberg. Pendant toute la ma-
tinée, on avait combattu sur ce point avec une
grande ténacité. Les villages de Pantin et de Ro-
mainville, pris et repris plusieurs fois , étaient
restés au pouvoir des troupes francaises , et les
alliés avaient été forcés de faire avancer leurs


ment supréme ne nous avait pas trouvés endormis... Le
jour de l'attaque , je courus chez M. de Talleyrand; je
trouvai chez lui le duc de Plaisance et le baron Louis, »
( M. de Pradt , pages 5, el 58. )




MANUSCRIT
réserves pour soutenir le combat '. Mais a. midi,
le plan d'attaque des alliés s'était développé.
Blücher , arrivant sur la droite , s'etait avancé a
travers la plaine Saint-Denis, et avait marché sur
Montmartre: a gauche les colonnes du duc de
Wurtemberg s'étaient portées sur Charonnes et
sur Vincennes.


Des ce moment , nos braves , enveloppés de
toutes parts et d'heur~ en heure resserrés davan-
tage, avaient perdu tout espoir , et ne combat-
taient plus que ponr mourir ' !.


Le prince Joseph, commandant en chef I'ar-
mée parisienne, voyant les flots de l'ennemi par·
venus au pied de Montmartre, avait reconnu
qu'on ne pouvait davantage différer de capituler.
11 en avait donné l'autorisation au duc de Ra-
gl1se, et était aussitót parti ponr aller rejoindre
le gouvernement sur la Loire.


'" La résistance des troupes francaises multipllait les ob-
stacles a tel point qu'il devenait douteux qu'on püt s'em-
parel' dans la journée des hauteurs qui dominent Paris ; des
lors tout devenait prohlématique, cal' !'approche subite
de Napoléon, au centre de tunt de ressources , pouvait
changer en un moment I'état de la guerre.}) (Beauchamp,
tome JI, page 209. )


2 On n'oubliera pas ces belles paro les d'un grenadiel'
mourant : Ah ! ils sont tropo




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 233
Dans l'espace de temps qui s'était écoulé en


pourparlers ponr obtenir l'armistice, nous avions
achevé de perdre nos positions les plus impor-
tantes. L'ennemi s'était emparé des hauteurs de
Mont-Louis , et du Pere-Lachaise ...; an centre,
il avait pénétré dans Belleville et .rdénilmontant ;
il s'était établi sur la butte Chaumont, qui do-
mine tout París. Sa droíte s'était groupée en
grandes masses autour de la Villette, le dnc de
Raguse était acculé sur la barriere de ·Belleville;
Montmartre venait d'étre forcé; Blüeher enfin
allait attaquer la barriere Saint-Denis, Iorsqu'on
était convenu de suspendre les hostilités. C'était
vers cinq heures du soir; des officiers d'état
major des deux armées s'étaient aussitót réunis.
Les bases d'une capitulation avaient été posées ;
mais dans la soirée, la rédaction n'était pas en-
core terminée ,..et rien n'était signé.


Voila ce qu'on raeonte aNapoléon : dans cette
extrémité, il envoie le due de Vieenee a Paris
pour voir s'il est encore possible d'intervenir
au traité; il lui donne tout pouvoir. JI expédie
en mérne temps un courrier a l'impératrice , et
passe le reste de cctte nuit a attendre des nou-
velles.


Dansces moments d'anxiété , Napoléon n'est
separé des avants-postes ennemis que par la rr-




234 MANUSCRIT
viere. Les alliés, descendus des hauteurs de Vin-
cennes, ont forcé le pont de Charenton, et se
sont répandus dans laplaine de Villeneuve-Saint-
Georges; leurs bivouacs jettent des lneurs d'in-
cendie sur les collines de la rive droite , tandis
que l'ohscurité la plus profonde protege, sur la
rive opposée, le coin oú Napoléon se trouve ar-
reté avec deux voitures de poste et quelqueé ser-
viteurs,


A quatre heures du matin, arrive un piqueur
dépéché par le duc de Vicence : il annonce que
tout est consommé; la capitulation a été signée
a deux heures de la nuit , et les alliés entreront
ce matin méme dans Paris.


Napoléon fait aussitót rebrousser chemin a sa
voiture, et va descendre aFontainebleau.


«C'est ici qu'il fant se'.donner le spectacle des
» choses humaines : qu'on voie tant de guerres
»entreprises, tant de sang répandu, tant de peu-
II ples détruits, tant de grandes actions, tant de
»triomphes, de politique, de constance, de cou-
»rage; aquoi cela aboutit-il P'J)


1 Montesquieu, Décadence des Rornains, chapo .5,


FIN DR LA SECON})}; PAHTIE.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 235


SUPPLÉMENT
A LA SECONDE PARTIR


prECES HISTORIQUES.


(N° l.) Lettre du duc de V icence
.du prince de Metternich.


Chátillon-sur-Seine , le 21 [anvier 1814, au soír,


PRINCE,


C'est de Chatillon-sur-Seine que j'ai l'honneur
d'annoncer mon arrivée a V. Exc. J'y attends les in-
dications qu'elle a pensé que je pourrais y trouver..


Je saisis avec empressement cette occasion de re-
nouveler, etc.


Signe CAlTLUNCOURT, duc de Vieence.




MANUSCRIT


(N° 2.) Le duc de Ficence
Au prince de Mettcrnich.


ChMillon·sur-Seine , le 25 jamier 1814, t.u soir,


PRINCE,


En mettant de l'empressement a m'engager a me
diriger.sur Chátillon , V. Exc. me faisait espérer que
la prompte réunion des négociateurs allait mettre un
terme aux délais toujours renaissants qui se succedcnt
depuis pres de deux mois, Des le 6 décembre, l' ac-
ceptation formelle par la France des bases de la paix
était arrivée a Francfort, et a été aussitót eommuni-
quée par les alliés a la cour de Londres; et ce n'est
qu'un mois aprés , le 6 janvier, que son ministre est
arrivé sur le continent. Le 14, apres un délai' plus
que suffisant , il était attendu d'un instant a l'autre.
Nous voici au 26; et V. Exc., dont je suis si pres
maintenant, ne m'a encore rien annoncé. Apres une
si longue attente , douze jours viennent d'etre per-
dus , da~s un moment oú , d'une minute a l'autre , le
sang de tous les peuples du continent va couler par
torrent, Tous les maux qu'entraine la guerre sont ce-
pendantsans motifs comme sans résultat , depuis que
le vceu de la paix, exprimé par toutes les nations, el
les explications qui ont déja eu lieu, ont levé toutes les
difficultés cssentielles. Le destin du monde devra-t-il




DE MIL HUIr CENT QUATORZE. 237
continuer adépendre indéfiniment des retards du lord
Castlereagh, quand l'Angleterre a déjá des ministres
accrédités pres de chacun des souverains alliés? Sera-ce
a une simple affaire de convenanee qu'on abandon-
nera les intéréts les plus sacrés de l'humanité P


Les rctards qu'éprouva la négociation ne sont du
fait ni de la Franee ni de l'Autriehe, et e' est néan-
moins la Franca et I'Autriche qui en peuvent le plus
souffrir. Les armées alliées ont déja envahi plusieurs
de nos provinees; si elles avanccnt, une bataille va de-
venir inévitable , et sürernent il entre dans la pré-
vOYaRce de l'Autriche de calculer et de peser les ré-
sultats qu'aurait cettebataille, soit qu'elle füt perdue
par les alliés, soit qu'elle le ti'¡t par la France,


Écrivant aun ministre aussi éc1airé que v01,1s retes,
je n'ai pas besoin de développer ces résultats; je dois
me horner a les faire entrevoir, súr que leur ensemble
ne saurait éehapper a votre péuétration.


Les chances de la guerre sont joumalieres : a me-
sure que les alliés avancent , ils s'affaiblissent , pen-
dant que les armées francaises se renforcent; et ils
donnent , en aval1l;:ant, un double courage a lile na-
tion pour qui, désormais , il est évident qu'elle a ses
plus gTands et ses plus chers intéréts a défendre. Or
les conséquences d'une bataille perdue par les alliés
ne peseraient sur aucun d' eux autant y:ue sur l'Au-
triehe, puisqu'elle est en mérne tcmps la puissance
principale entre les alliés et I'une des puissances cen..
trales de l'Europe.




MANUSCRIT
En supposant que la fortune continue d'etre favo-


rable aux alliés, il importe sans doute a l'Autriche de
considérer avec attention quelle serait la situation de
l'Europe, le lendemain d'une bataille perdue par les
Francais au ceeur de la France , et si un tel événe-
ment n'entrainerait pas des conséquences diarnétrale-
ment opposées a cet équilibre que l'Autriche aspire a
établir, et tout a la fois a sa politique et aux affec-
tions personnelles et de famille de l' empereur Fran-
<;;OIS.


Enfin 1'Autriche proteste qu'elle veut la paix de
mérne que ses alliés; mais n' est-ce pas se mettre en
position de ne pouvoir atteindre ou de dépasser ce
but , que de continuer les hostilités, quand de part
et d'autre on veut arriver a une fin?


'Í'outes ces considérations m'ont conduit a penser
que, dans la situation actuelle des armées respectivos,
et dans cette rigoureuse saison, une suspensión d'ar-
mes pourrait ctre réciproquement avantageuse aux
deux partis.


Elle pourrait étre établie par une eonvention en
forme ou par un simple échange de déclarations ; elle
pourrait étre limitée aun temps fixe, ou indéfinie, avee
la eondition de ne la pouvoir faire cesser qu'en se
prévenant tant de jours d'avance.


Cette suspensión d'armes me semble plus particu-
lierement dépendre de l'Autriche , puisqu'elle a la di-
rection principale des affaires militaires; et j'ai pensé
que, dans 1'une et l'autre chance, I'intérét de l'Au-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 239
triehe était que les ehoses n'allassent pas plus loin et
ne fussent pas poussées al'extreme.


C'est surtout eette persuasion qui me porte a
éerire aujourd'hui a V. Exc.; si je m'étais trompé,
si eette démarche, absolument confidentielle, devait
rester sans effet, je dois prier V. Exc. de la regarder
comme non avenue.


Vous m'avez montré tant de confiance personnelle ,
et j'en ai moi-méme une si grande dans la droiture de
vos vues et dans les nobles sentiments qu'en toute
circonstance vous avez exprimés, que j'ose espé-
rer qu'une lettre que cette confiance a dictée, si elle
ne pcut atteindre son hut , restera entre V. Exc. et
11101.


Veuillez agréer, etc.


Signé C.UiLAINCOURT, duc de Yioonce,


Lettre du prince Schwartzenberg


A u dile de Ficence.


A mon quartier genéral, a Langres, le 26 janvier .814,
" une henre du malino


le m'empresse de vous prevenir que dans ce rno-
ment viennent d'arriver ici S. M. l'empereur d'Autri-




MANUSCRIT
che, le prince de Metternich et lord Castlereagh.
V. Exc. recevra dans les vingt-quatre heures des nou-
velles ultérieures.


Je me flatte que V. Exc. rencontrera toute~ les
prévenances de la part de nos militaires; les ordres
qu'elle a désirés relativernent a l'admission de ses se-
crétaires et de ses commis ont été donnés sur-le-
champ , et V. Exc. en aura senti le plcin effet.


C'est avec bien des regrets que je me suis vu privé
jusqu'á présent du plaisir de la voir et de l'assurer de
vive voix de ma haute considération.


Signé SCU'¡vARTzEr;BERG.


( N" q. ) Lettre du prince de Metterniclt
.du duc de Ficence.


Langres, le 29 janvicr lRd.


MONSIEUR LE DUC,


LL. MM. 11. et RR., leurs cabinets, et le principal
seerétaire d' état de S. M. bi-itannique ayant le dépar-
tement des affaires étrangeres , se trouvant réunis ;1
Langres depuis le .27 janvier, LL. :l'IM. ont choisi
Chátillon-sur-Seine corume le lieu des llégociatiow,
avec la France. Les plénipotentiaires de Bussie , d'An-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 241
gleterre, de Prusse et d'Autriche, serontrendus dans
cette ville le 5 février prochain.


Chargé de porter cette détermination a la connais-
sanee de V. Exc., je ne doute pas qu'elle n'y trouve
la preuve de l'empressement des puissances alliées a
ouvrir la négociation dans le plus court délai possible.


Reoevez , etc.


Signé METTERNICH.


(N° 5.) Lettre du prince de Meuernich
Au duc de Ficence.


Langres, le 29 janvier 1814.


MONSIEUR. LE DUC,


Je n'ai re¡;¡U qu'hier la lettre confidentielle que
V. Exc. m'a adressée le 25 au soir, Je l'ai soumise a
l'empereur, mon maitre ; et S. M. l. s'est déc1arée
étre d'avis de ne pas faire usage de son contenu ,


.convaincue que la démarche proposée ne- ménerait a
rien. Elle restera éternellement ignorée; et je prie
V. Exc. d'étre convaincue que, dans une position des
choses quelconque, une confidence faite a notre ca-
binetest a l'abri de tout abuso


J'aime a vous porter cette assurance dans un mo-
16




MANUSCRIT
ment d'un intérét immense pour I'Autriche, la France
et l'Europe. La conduite de l'empereur est et restera
uniforme 1 comme l'est son caractere, Ses principes
sont a l'ahri de toute influencedu temps et des cir-
constances, Ils furent les mémes dans des époques
de malheurj ils le sont et le resteront apres que des
événements au-dessus de tout calcul humain vont ras-
surer I'Europe dans la seule assiette qui puisse lui
convenir. L'empereur est entré dans la présente guerre
sans haine et il la poursuit sans haine. Le jour oú il
a donné sa fine au prince qui gouvernait alors l'Eu-
rope, il a cessé de voir en lui un ennemi personnel.
Le sort de la guerre a changé I'attitude de ce mérne
prince. Si l'empereur Napoléon n' écoute, dans les cir-
constances du moment , que la voix de la raison , s'il
cherche sa gloire dans le honheur d'un grand peuple,
en renon<,¡ant asa 'marche politique antérieure, l'em-
pereur arrétera de nouveau avec plaisir sa pensée au
moment oú il lui a confié son enfant de prédilection;
si un aveuglement funeste devait rendre l'empereur
Napoléon sourd au voeu unanime de son peuple et de
l'E~ope, il déplorera le sort de sa fille , sans arréter
sa marche.


le vous recommande beaucoup M. de Floret : si
vous voulez m' écrire par lui, j'entretiendrai avec
plaisir des rapports confidentiels que la circonstance
rend possibles et dont le but sera l'accélération de la
grande oeuvre pour laquelle vous allez vous rassem-
bler, le ne vous recornrnande pas moins le comte de




DE MIL RUIT CENT QUATORZE. 243
Stadion , que l'empereur envoie comme négociateur;
il est impossible d' etre plus unis que lui et moT le
sommes de pensées , de vues et de principes,


Il me serait diíficile d'assurer V. Exc. combien je
compte sur elle dans ce mornent , qui est celui du
monde. Si l'Europe doit étre plus long-temps ,que
déja elle ne l'est , la proie d'un terrible fléau, ni elle
ni moi en serons la cause.


le compte de la part de V. Exc. sur la discrétion
qu'elle est súre de trouver en moi , et je la prie
d'agréer les assurances, etc.


Signé METTEBNICH.


(N° 6.) Lettre du prince de M euernieñ
Au duc de F'icenoe.


Laogres, le 29 jaovíer 1814.


Ma lettre officielle prouvera a votre excellence
que les négociateurs vous arrivent , et que le point
oú vous étes dans ce moment a. été choisi par les
souverains alliés, Si elle calcule que lord Castlereagh
n'a vu l'empereur de Russie pour la premiére fois que
le 27 , vous ne trouverez aucun retard dans la fixation
du 5 février pour l'arrivée des négociateurs.


J'expédierai M. de Floret , dans le courant de la
16.




MANUSCRIT
nuit prochaine, a Chátillon, Il est chargé de. choisir
. .


et de préparer des logements pour les plénipoten-
tiaires. le n'ai pas besoin de le recommander plus
partjculierementa votre excellence.


Agréez, monsieur le duc, I'assurance de roa haute
considération et de mes inaltérables sentiments.


Signé le prince de l\hTIERNICH.


(N° ':).) Lettre du duc de Ficence
Au prince de Metternich.


Chátillon , le 30 janvier 1814.


J'ai ~e9u la lettre par laquelle votre excellence me
fait l'honneur de m'informer que Chátillcn-sur-Seine
a été désigné par les souverains alliés pour le lieu des
négociations , et que l~s plénipotentiaires de Russie,
d'Angleterre, de Prusse et d'Autriche , seront rendus
dans cette ville le 1) février prochain.


Mon départ de Paris , depuis prés d'un mois , et
mon séjour méme a Chátillon , sont des preuves trop
évidentes de l'empressement et du dé sir sincere qu'a
l'empereur, roon maítre , de contribuer autant qu'il
est en son pouvoir au rétahlissement de la paix, pour
que j'aie besoin d'en renouveler ici l'assurance. Votre




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 245
exeellenee n'ignore poiot qu'il n'a pas dépendu de nous
d'accélérer un événement si long-temps attendu,


Hecevez , prinee, etc.


Signé C.lUL.lINCOUBT, duc de Vicence.


A M. le prince de 1l1etterniclt.


Chátillon-sur-Seine , le 31 janvler 18.4.


M. de Floret m' a rernis , mon prince, la lettre par-
ticuliere que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire ,
en réponse a celle .que j'ai adressée, le 25 de ee mois ,
a votre exellence; ma confianee en elle.avait devaneé
eelle qu' elle veut bien m'aecorder, et lui est garant de
ma d~scrétion.


Plus quc jamais , les hommes animés d'un bon es-
prit ont le besoin de s'entendre, pour mettre , s'il en
est encore temps, un terme aux malheurs qui me-
nacent le monde. Je regrette que l'idée d'un intérét
général, que j'ai soumise a votre jugement, et dont
je erois l'adoptioo si nécessaire pour arriver ace but,
ne vous ait pas paru pouvoir étre admise; j'airñe a
penser qu'elle n'est qu'ajournée, et que je trouverai
votre plénipotentiaire disposé a m' appuyer pour la
reproduire dans l'occasion.




2[~6 MANUSCRIT
Je ne puis que répéter avotre excellence ce que


ie lui ai-déjá mandé. L'empereur veut sincérement
la paix. Nous n'avons d'autres pensées, d'autre vue,
que de placer, eomme votre excellence le dit si judi-
cieusement, l'Europe sur des bases qui assurent a
tous les états une longue tranquillité. Les difficultés
ne viendront done pas de nous, je vous l'assure;
mais les espérances que vous aviez conc,;ues pourront-
elles se réaliser , si la modération , si la fidélité ades
engagements pris a la face du monde ne se trouvent
que de notre coté? Aprés une si longue attente, aprés
tant d' efforts , et ,je puis le dire, tant de sacrifices
personnels pour la cause sacrée a laquelle je travaille
ainsi que vous, je suis forcé d'avouer a votre excel-
lence que j'avais esperé qu'elle me seconderait per-
sonnellement dans une tache aussi importante que
difficile, et qu'elle méme voudrait achever son ou-
vrage. C'est M. de Stadion qui remplace votre excel-
lence, Comme Autrichien, les véritables intéréts de
nos deux pays doivent nous réunir, Comme ootre
anii, ma confiance en lui sera entiere , et , sous ce
rapport , ce choix ne peut que m'etre agréable. Mais
quelle autre influence que ceHe du ministre qui di-
rige la politique de la puissance prépondérante sur le
continent , pourrait balancer eelle de toutes les pas;-
sions de l'Europe réunies et placées, si on peut s'ex-
primer ainsi, dans la main d'un négociateur anglais,
pour s'en servir, s'il ne désire pas sincérement la
paix, au gré de ses vues particuliéres P Quelques




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 247
uns des choix qui ont été faits, n'avertissaient-jls
pas votre excellence qu'il faudrait tout son crédit
pour faire prévaloir méme les idées les plus raison-
nables?


Vous voyez, mon prince, avec queHe franchise je
réponds a celle ~ue vous m'avez témoignée. Personne
ne met une plus grande, une plus entiere confiance
que moi dan s le caractére de l'empereur , votre mai-
treo La constante invariabilité de ses principes peut
seule nous donner la paix; mais le moment de la faire
ne nous échappera-t-il pas, si vous ne vous pro-
noncez pas fortement pour cette cause, des l'ouver-
ture des négoeiations? e'est de l'énergie que vous
mettrez a réprimer les passions de tous les partís , et
amodérer une arnbition qui détruirait d'avance 1'Jqui-
libre que vous aspirez a établir , qu'en dépend~a'le
succes, La postérité, mon prince, ne nous tiendra
nul compte de nos efforts, s{ nous ne réussissons
paso Votre excellence, qui est si convenablement
placée pour étre le régulateur de ces grands irrtéréts,
n'aura rien fait, si une paix qui assure achaque étatles
limites et le degré de puissanee qui lui appartiennent ,
et qui porte ainsi en elle-mérne la garantie de sa du-
rée, ne met pas aujourd'hui un terme aux troubles
qui agitent, depuis si long - temps, la malheureuse
Europe,


Quant a moi , mes vceux vous sont connus depuis
. long-terups , rien ne peut les faire changer; vous pou-


vez done eompter sur moi, mon prinee, comme je




MANUSCRIT
compte sur vous pour tout ce qui pourra mener a
ce noble but,


Agréez, etc.


Signé CÁULAINCOURT, duc de Yieence.


(N° 9,) Protocole des conférences de Chiltillon-
sur-Seine.


Séance du 4février 1814•
•S. Exc. M.le duc de Vicence, ministre des relations


extérieures et plénipotentiaire de France, d'une part :
Et les plénipotentiaires des cours alliées , savoir:
·S. Exc. M. le comte de Stadion, etc., pour l'Au-


triche;
S. Exc. M. le comte de Razoumowski, etc, pour la


Russie.
LL. Exc. lord Aberdeen, lord Cathcart et sir


Charles Stewart , erc., pour la Grande-Bretagne;
Et S. Exc. M. le baron de Humboldt, etc., pou..


la Prusse , d'autre part;
S'étant acquittés réciproquement des visites d'usage


dans la journée du 4 février, sont convenus en méme
temps de se réunir en séance, le lendemain 5 du
mois de février.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 2{J9


(N° 10.) Lettre de N apoléon
Au duc de P icence,


Troyes, le 4- février 1814-.


Monsieur le duc de Vicence, le rapport du prince
de Schwartzenherg est une folie ;
la vieille garde n'y était pas; la jeune garde n'a pas
donné, Quelques pieces de canon nous ont été prises
par des charges de cavalerie, mais l'armée était en
marche pour pass el' le pont de Lesmont lorsque cet
événement est arrivé , et deux heures plus tard I'en-
nemi ne nous aurait pas trouvés. 11 parait que toute
l'armée ennernie était la .


vous me demandez toujours des pouvoirs et des
instructions Iorsqu'il est encore douteux si l' ennemi
veut négocier. Les conditions sont , a ce qu'il parait ,
arrétées d' avance entre les alliés. C'était hiel' le 5,
vous ne me dites pas que les plénipotentiaires vous
en aient dit un mot. Aussitot qu'ils vous les auront
communiquées, vous etes le maitre de les accepter
ou d'en référer a moi dans les vingt-quatre heures. Je
ne concois pas en vérité cette phrase que vous me
renvoyez de M. de Metternich. Qu'entendent-ils par
des ajournements, quand vous étes depuis un mois
aux avant-postes? M. de la Besnardiere que j'ai vu hiel'
au soir doit vo.us avoir rejoint. Le 2, un corps autri-




250 MANUSCRIT
chien a été battu aRosnay; on lui a fait 600 prison-
niers et tué beaucoup de monde. L'aide de camp du
prinee de Neufchátel a été pris le premier, au momento
oú il faisait le tour de nos avant-postes. Sur ce, je
prie Dieu , etc.


Signé NAPOJ.ÉON.


(N° I l.) Protocole.
Séance du 5février, a une heure aprés midi,


Les plénipotentiaires ci-dessus désignés se sont as-
semblés en maison tiere e ( dans celle de M. de Mont-
mort), choisie pour le lieu des séances; et apres avoir
indistinctement pris place aune table de forme ronde,
ils ont produit leurs pleins-pouvoirs respectifs en ori-
ginal et en copie vidimée; lesquels ont été mutuelle-
ment acceptés.


Les plénipotentiaires des cours alliées ont remis
ensuite la déclaration suivante:


Les plénipotentiaires des cours alliées déclarent
qu'ils De se présentent point aux conférences comme
uniquement envoyés par les quatre cours de la part
desquelles ils sont munis de pleins - pouvoirs, mais
comme se trouvant chargés de traiter de la paix avec
la Franee au nom de, l' Europe ne formant (IU'Un seul
tout ¡ les quatre puissances répondent de l'accession




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 251
de leurs alliés aux arrangements dont on sera con-
venuá l'époque de la paix méme,


S. Exc. M. le due de Vicence a répondu que rien .
n' était plus conforme aux vues de sa cour que ce qui
tendait a simplifier les négociations et a en rappro~
cher le terme.


Apres cette observation, les plénipotentiaires des
cours alliées passent a la détermination des formes
des conférences , 011 ils dédarent a ce sujet :


Qu'ils sont tenus a ne traiter que conjointement et
a ne point admettre d' autres formes de négociations
que celles de séances avec tenue de protocole.


S. Exc. M. le plénipotentiaire francais a déclaré
n'avoir rien a opposer a cette forme.


Les plénipotentiaires des cours alliées déclarent en-
suite:


Que les cours alliées adhérent a la déclaration du
gouvernement britannique portant:


Que toute discussion sur le code maritime serait
cC!ntraire anx nsages observés jusqu'ici dans les né-
gociations de la natnre de la présente; que la Grande-
Bretaf,FJle ne demande anx autres nations ni ne leur
accorde aucnne concession relativement a des droits
qu'elle regarde comme réciproquement obligatoires
et de nature a ne devoir étre réglés que par le drolt
des gens, excepté la oú ces mémes droits ont été
modifiés par des conventions spéciales entre des états
particuliers; ,


Qu'en conséquence les cours alliées regarder:tient




MANUSCRIT
l'insistance de la France a ce sujet comme contraire a
l'objet de la réunion desplénipotentiaires , et cornme
tendant a empécher le rétablissement de la paix,


En recev.ant cette déclaration, S. Exc. M. le duc
de Vicence a 'répondu que l'intention de la France
n'a jamais été de demander rien de dérogatoire aux
regles du droit des gens, et qu'il n'avait pas d'autre
observation a faire.


Les plénipotentiaires des cours alliées observent la-
dessus qu'ils prennent cette déclaration pour accep-
tation,


M. le duc de/Vicence , apres avoir dit que son gou-
vernement l'avait fait partir depuis long-temps pour
accélérer autant qu'il était possible I'oeuvre de la paix,
a demandé que ron entrát a I'instant me me dans le
fond de la négociation, protestant que la France n'a-
vait d'autre désir que d'arriver a connaitre 1'ensemble
des propositions qui pouvaient amenér la cessation
des malheurs de la guerreo


S. Exc. M. le comte de Razoumowski a dit qu'il
n'avait point encore l'expédition signée de ses i'n-
structions,


S. Exc. M. le duc de Vicence a observé qu'apres le
temps qui s'était écoulé, M. de Razoumowski étant
si prés de son souverain , on ne pouvait s'attendre a
cet empéchement , et il a proposé de passer outre.


Mais LI.J. Exc. les plénipotentiaires des cours alliées
ayant dit qu'elles avaient pensé que la premiare con-
férence serait uniquement consacrée aux objets rap-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 253
pelés ci-dessus, et sur l'observation qui a été faite
que les instructions de M. le comte de Razoumowski
arriveraient tres probablement dans le jour , la confé-
rence a été ajournée a demain.


Chátillon-sur-Seine , le 5 février 1814.


Signé CAULUNCOURT, duc de Yícence.


Signé comte A. DE IhzOUMOWSKI, CATHCU\T,
HUMBOLDT, ABERDEEN, J. comte de SUDION,
Charles STEWART, lieutcnant général.


(N° 12.) Lettre de M. le duc de Bassano
A M. le duc de Vicence,


Troyes, le .s février 1814.


MONSIEUR LE DUC,


Je VOUS ai expédié un courrier avec une lettre de
S. M. 1 et le nouveau plein-pouvoir 2 que vous avez
demandé. Au moment oú S. M. va quitter cette ville ,
elle me charge de vous en expédier un second, et de
vous faire connaitre en propres termes que S. M. vous


r Oelle du 4 février, ci-avant , n- 10.
o Ces pIeins - pouvoirs étaicnt I'Instrument de chaucellerie 011


lettres de créanee sur parchemin , nécessaires ponr accréditer le
.plénipotentiaire an congreso




MANUSCRIT
donne earte blanehe pour eonduire les négoeiations
aune heureuse fin, sauver la capitale , et éviter une
bataille oú sont les derniéres esperances de la nation.
Les eonférenees doivent avoir commencé hiero S. M.
n'a pas voulu attendre que vous lui eussiez donné
connaissance des premieres ouvertures , de crainte
d'occasioner le moindre retardo


Je suis done chargé , M. le due, de vous faire con-
naitre que l'intention de l' empereur est que vous vous
regardiez comme investi de tous les pouvoirs né-
eessaire.s dans ces circonstances importantes pour
prendre le parti le plus eonvenable, afin d'arréter les
progres de l'ennemi et de sauver la capitale,


-S. M. désire que vous eorrespondiez le plus fré-
quemment possible avee elle, afin qu' elle sache a
quoi s'en tenir pour la direetion de ses opérations
militaires,


J'ai l'honneur, etc.


Signé le due de BASSANO.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 255


(N° 13.) Lettre du duo de Vicence
A. Napoleon,


Ch:\tillon, le 6 février 1814.


SIRE,


Un courrier parti de Troyes, le 5 février, m'a ap-
porté une dépéche chiffrée de M. le duc de Bassauo ,
laquelle, tout en me commettant au nom de V. M.
les pouvoirs les plus étendus, me jette et me retient
dans la plus embarrassante perplexité.


Je me trouve ici placé vis-a-vis de quatre négo-
ciateurs , en ne comptant les trois plénipotentiaires
anglais que pour un seul, Ces quatre négociateurs
n'ont qu'une seule et mérne instruotion , dressée par
'les ministres d'état des quatre cours, Leur langage
leur a été dicté d'avance, I..es déolarations qu'ils re-
mettent leur ont été données toutes faites, Ils ne font
pas un pas, ils ne disent point un mot sans s'etre con-
certés d'avance. Ils veulent qu'il y ait un protocole;
et si je veux moi-mérne y insérer les observations les
plus simples sur les faits les plus constants , les ex-
pressions les plus modérées deviennent un sujet de
difficulté, et je dois céder pour ne pas consumer
le temps en vaines discussions, Je sens comhien les
moments sont précieux, je seos d'un autre coté qu'en




MANUSCRIT
précipitant tout, on perdrait tout. Je presse, mais
avec la mesure que prescrit le besoin de ne pas corn-
promettre les grands intéréts dont je suis chargé;
je presse autant que je puis le faire sans me jeter
a la tete de ces gens-ci, et sans me mettre a leur
merci.


C'est dans cette situation que je recois une lettre
pleine d'alarmes. J'étais parti les mains presque liées,
et je recois des pouvoirs illimités. On me retenait, et
l'on m'aiguillonne. Cependant on me laisse ignorer
les motifs de ce changement. On me fait entrevoir
des dangers, mais sans me dire que! en est le degré;
s'ils viennent d'un seul coté ou de plusieurs. V. M.
d'abord, et l'armée qu'elle commande; Paris , la Bre-
tagne, l'Espagne, l'Italie , se présentent tour atour, et
tout a la fois amon esprit; mon imagination se porte
de l'une a l'autre, sans pouvoir former d'opinion fixe;
ignorant la vraie situation des choses , je ne peux ju-
ger ce qu'elle exige et ce qu'elle permet; si elle est
telle que je doive consentir a'tout aveuglément, sans
discussion et sans retard, ou si j'ai pour discuter, du
moins les points les plus essentiels , plusieurs jours
devant moi; si je n'en ai qu'un seul, ou si je n'ai pas
un moment. Cet état d'anxiété aurait pu m'étre épar-
gné par des informations que la lettre de M. de Bas-
sano ne contient paso


Dans l'ignorance oú elle me laisse, je marcherai
avec précaution., commc on doit le faire entre deux
écueils ; mais -3. toute extrémité, je ferai tout ce que




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 257
me paraitront exiger la süreté de V. M, et. le salut de
mon pays.


Je suis , etc.
Signé CAUJ.AINCOUIIT, duc de Vicence.


(N° 1!l') Protocole.
Seance du 7 fevricr 18. 4.


Les protocoles de la séance du 5 ayant été expédiés
en' double et collationnés dans la journée d'hier ,
MM. les plénipotentiaires, a l'ouverture de la pré-
sente séance, ont muni ces expéditions de leurs si-
gnatures, en observant l'alternative entre le plénipo-
tentiaire de la France d'un coté, et les plénipoten-
tiaires des cours alliées de l'autre, les derniers y
ayantprocédé entre eux en adoptant la voie de pele.-
mele, tout préjudice sauf.


Cette formalitéremplie, les plénipotentiaires des
eours alliées consignent au protocole ce qui suit :


« Les puissances alliées réunissant le point de vue
» de la sñreté et de l'indépendance future de l'Europe ,
» avec le désir de voir la Franco dans un état de pos-


. » session analogue au rang qu'elle a toujours occupé
)J dans le systéme politique , et considérant la situation
» dans laquelle rEurope se trouve placée a régard
» .de la Franee,. a la suite des sueces obtenus par
.. leurs armes; les plénipotentiaires des cours alliées
y ont ordre de demande!' :
l~)




258 MANUSCRlT
"Que la Franee rentre dans les limites qu'elle


» avait avant la révolution, sauf des arrangements
» d'une convenance réeiproque sur des portions de
» territoire au-delá des limites de part et d'autre ,
» et sauf des restitutions que l'Angleterre est préte a
» faire pour I'intérét général de l'Europe, contre les
» rétrocessions ci-dessus demandées a la France , les-
" quelles restitutions seront prises sur les conquétes
» que l'Angleterre a faites pendant la guerre; qu'en
u eonséquence la. Franco abandonne toutc influence
» directe hors de ses limites futures , et que la renon-
u ciation a tous les titres qui ressortent des rapports
u de souveraineté et de protectorat sur l'Italie , l'Alle-
)J mague et la Suisse , soit une suite immédiate de cet
" arrangement, "


Aprós que M. le duc de Vicence a entendu la lec-
ture de cette proposition , il s'établit de part et d'au-
tre entre les plénipotentiaires une conversation expli-
cative de l'objet , a la suite de laquelle S. Exc. lc
plénipotentiaire francais observe que, la proposition
étant de trop grande importance pour pouvoir y ré-
pondre immédiatement , il désire a cet effet que la
séance soit suspendue.


. Les plénipotentiaires des cours alliées n'hésitent pas
ir déférer a ce désir , et ron convient de continuer la
séance ahuit heures du soir.


Les plénipotentiaires reprenant la séance a I'heure
convenue, M. le duc de Vieenee déclare ce qui suit :


Le plénipotentiaire de Franco renouvelle encore




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 259
l'engagement déja pris par sa cour de faire, pour la
paix, les plus grands saoriflces , quelque éloignée que
la demande faite dan s la séance d'aujourd'hui , au nom
des puissances alliées , soit des bases proposées par elles
a Francfort et fondées sur ce que les alliés eux-
m.émes ont áppelé les limites naturelles de la Frunce;
quelque éloignée qu' elle soit des déclarations que
toutes les cours n'ont cessé de faire a la face de 1'Eu-
rope; quelque éloignée que soitrnéme leur proposition
d'un état de possession analoguc au rang que la France
a toujours occupé dans le syste~e politique, bases que
les plénipotentiaires des puissances alliées rappel1ent
encore dans leur proposition de ce jour. Enfin quoi-
que le résultat de cette proposition soit d'appliquer a
la Franco seule ún principe que les puissances alliées
ne parlent point d'adopter pour elles-mémes , et dont
cependant l'application ne peut étre juste si elle n'est
point réciproque et impartiale, le plénipotentiaire fran-
cais n'hésiterait pas a s'expliquer sans retard de la ma-
niere la plus positivo sur cette demande, si ehaque sa-
erifice qui peut étre fait et le degré danslequel il peut
I'étre ne dépendaient pas néeessairement de l'espece
.et du nombre de ceux qui seront demandés , cornrne
la somme des sacrifices dépend aussi nécessairement
de celle des compensations , toutes les questions d'une
telle négociation sont tellement liées et suhordonnées
les unes aux autres, qu'on ne peut prendre de parti
sur aucune avant de les connaitre toutes, Il ne pe~t
etre indifférent acelui a qui on demande des sacrifiees


17·




MANUSCRIT
de savoir au profit de qui il les fait et quel emploi on
veut en faire, enfin si, en les faisant, on peut mettre
tout de suite un terme aux malheurs de la guerreo Un
projet qui développerait les vues des alliés 'dans tout
leur ensemble remplirait ce but,


Le plénipotentiaire renouvelle done de la maniere
la plus instante la demande que les plénipotentiaires
des eours alliées veuillent bien s'eccpliquer positioe-
mens sur tous les points précités.


Apres avoir pris lecture de ce qui vient d'étre in-
séré au protocole de la part de M. le plénipotentiaire
de France, les plénipotentiaires des cours alliécs dé-
clarent qu'ils prennent sa réponse ad 1'efe1'endum.


Chátillon-sur-Seine , le 7 février 1814.


Signé C.U1LA1NCOURT, due de Vieenee.
Signé le comte DE STADION, ABERDEEN, HUMBOLDT,


le eomte de RAZOUMOWSK1, CATHCART, Charles
STEWART.


(N°_ 15.) Lettre de M. le duc de Vicence
A M. le prince de Metternich.


Chátillon , le 8 février 1814.


PRINCE,


tai re~u le 50 la lettre par laquelle vous m'annon-
ciez que Chátillon serait le lieu des eonférences. J'ai




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 261
écrit tout de suite a Paris pour faire venir rna mai-
son et tout ce qui m'était nécessaire. Tout est arrivé
le 5 a vos avant-postes. Quoique muni d'un pass e-
port visé par le général Herzenberg, on les a ren-
voyés, et je suis ici comme un courrier, avec ce que
j'ai porté pendant mon long voyage. Mes courriers ,
détournés de leur route, font soixante lieues au lieu
de vingt, sont maltraités, retardés trois a quatre
heures a chaque poste de Cosaques; et tout cela de~
puis quatre jours. Cette maniere d'étre est si éloignée
des procédés et du noble respect de votre armée pour
le droit des gens; elle est d'ailleurs si contraire aux
príncipes cormus du prince de Schwartzenberg; que
je m'adresse avec toute confiance a V. Exc. pour que
mes courriers puissent étre expédiés plus directement
et plus sñrement. Qu'on leur bande les yenx, qu'on
les accompagne, je I'ai toujours proposé, Quant a
mes {;ens , eííets et chevaux , iIs viendrom quand on
voudra faire prévenir a nos avant-postes de la route
de No~en'-,o..uih \\eu.'len,- \\a~M>eT.


V. Exc. a-t-elle re~u la petite boite pour I'archidu-
chesse LéOllo\dine?


Agréez, etc.


Signé CAlIUINCOlJBT, duc de Vicence.




MANUSCRlT


(N° 16.) Lettre de M. le' duc de Vicence
A M. le prince de Metternich.


Chát illon-sur-Seíne , le 8 I'évrier 181/¡.


Vous m'avez autorisé, mon prince, a m'ouvrir a
vous sans reserve, le l'ai déjá fait , je continuerai;
e' est une consolation a laquelle il me coúterait trop
de renoncer,


le regrette ehaque jour davantage que ce ne soit
pas avee vous que j'aie a traiter; si j'avais pu le pré-
voir , je n'aurais point aeeepté le ministere , je ne se-
rais point ici; je serais dans les rangs de l'armée , et
j'y pourrais du moins trouver en combattant une
mort qu'il me faudra mettre au rang des biens , si je
ne peux servir iei mon prince et mon pays. M. le
eomte de Stadion est digne sans doute de l'amitié qui
vous lie; il mérite la eonfiance que vous voulez (lue
je prenne en lui ; mais M. de Stadion n' est pas vous;
il ne peut pas avoir sur les négoeiateurs l'asecndant
qu'il vous eüt appartenu d' exercer. Chargé de la né-
gociation, vous auriez empéché , j'aime a le croire,
qu'on ne lui fit prendre, cornme aujourrl'hui , une
marche é"demment calculée pour consumer le temps
en interminables délais. A quoi ces délais peuvent-ils
étre bons, si c'est uniquement la paix qu'on se pro-
pose? Ne suis-je pas ici pom' eonclure, el demandé-jo




DE MIL HUIT CENT QUATORZEo 263
nutre chose (Iue de connaitre les conditions auxquelles
on la veut faire? Les alliés veulcnt-ils se ménager le
temps d'arrrver a Paris P Je ne vous dirai point,
prince, de songoer aux conséquences d'un tel évene-
ment par rapport a l'impératriee; sera-t-clle réduite
a s'éloigner devant les troupes de son pere , quand son
auguste époux est prét a signer la paix ? Mais je vous
dirai que la Franee n'est point tout entiere a París;
que la capitule oeeupée, les Francais pourl'ont penser
({ue l'heure des sacrifices est passée; que des senti-
ments , que divcrses causes ont assoupis , peuvent se
réveiller; et que l' arrivée des alliés a Paris peut eom-
meneer une serie el'événements que l'Autriehe ne se-
rait pas la dernierc a regretter ele ne pas uvoir pré-
venus; cal', dussions-nous finir par étre accahlés ,
est.-ce l'intérét de l' Autriche que nous le sovons i'
Quel profit a-t-elle a s'en prolllettre, et quel1e gloire
méme en pcut-elle attenelre, si nous succombons sous
les efforts de l'Europe entiere JI Vous, mon prince ,
vous avez une gloire immense a recueillir ; mais c'est
a conelition que vous resterez le maitre des évene-
ments, et le seul moyen que vous ayez de les mal-
triser, est den urréter le cours par une prompte paix ,
Nous ne nous refusons a aucun sacrifice ruisonnahle ,
nous désirolls seulernent connaitre tous eeux qu'on
nous demande, au profit (le qui nous devons les faire,
et si en les faisant nous avons la eertitude de mettre
irnrnédiatement fin aux malhcurs de la gnerre. Faites ,
mon princo , qne lout.'s ees (lucstions soient poséef




l\IANUSCRIT
d'une maniere sérieuse et dans leur ensemble. Je ne
ferai pas attendre ma réponse. Vous étes assuré-
ment trop sage pour ne pas sentir que notre demande
est aussi juste que nos dispositions sont modérées
V. Exc. ne pourrait-elle pas venir avec M. de Nessel-
rode passer ici trois heures chez lord Castlereagh
Il serait bien digne du caractere de l'empereur d'Au.
triche, et du cceur du pere de l'impératrice, de per
mettre ce voyage qui pourrait finir en trois heure:
une lutte maintenant sans objet et qui coñte a l'hu-
manité tant de larmes.


Agréez, etc.


Signé CAllLA1NCOUlIT, due de Viccncc.


(N° 1'].) Lettre de M. le duc de Vicellce
A Napoleon.


Chntillon , le 8 février 1814.


SIRE,


Je recois seulement la lettre que V. M. rn'a fai
éerire par M. le due de Bassano. Je vais porte
plainte des retards et des vexations qu'éprouvent le
courriers.


Les détails satisfaisants que me donne 1\1. le duc d.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 265
Bassano sur les troupes que V. 1\1. réunit aupres d'elle
me font penser que je ferai bien d'attendre les ordres
que je lui ai demandes par ma lettre d'hier,


Je suis, etc.


Signé CA.ULA.INCOURT, duc de Yicenoe,


(N° 18.) Lettre da duc de V icence
Alt prince de ¡'Ietternich,


Chátillon , le g'février 1814,


MON PIUNCE,


Je me propose de demander aux plénipotentiaires
des eours alliées si la Franee, en consentant , ainsi
qu'ils I'ont demandé, a rentrer dans ses aneiennes Ii-
mitcs, obtiendra immédiatement un arrnistice. Si par
un tel sacrifice, un armistice peut étre sur-Ie-champ
obtenu, je serai prét a le faire; je serai prét encore,
dans cette supposition, a remettre sur-Ie-champ une
partie des places <Iue ce sacrifice devra nous faire
perdre.


J'ignore si les plénipotentiaires des eours alliées
sont autorisés a répondre affirmátivement a' cette
question , et s'ils ont des ponvoirs ponr conclure cet
arrnistice. S'ils n'en ont pas, personne ne peut autant




MANUSCRIT
que V. Exc. contribuer a leur en faire dormer ; le~
raisons qui me portent aren prier ne me semblenl
pas tellement particuliéres a la France, qu'elles ne
.doivent intéresser qu'elle seule. Je supplie V. Exc.
de mettre ma lettre sous les yeux du pere de I'impé-
ratrice : qu'il voie le sacrifice que nous sommes pret;
a faire, et qu'il décide.


Agréez, etc.


Signé CAllLUNCOURT, duc de Vicenee.


(N° 19. r Note des plénipotentiaires alliés.
Chátillon-sur-Scine , le 9 février 1814.


Les soussignés, plénipotentiaires des cours alliées
viennent de recevoir de S. Exc. M. le plénipotentiairr
de Russie une communication portant :


Que S. M. l'empereur de Russie ayant jugé apro·
pos de se concerter avcc les souverains, ses alliés, sui
l'objet des conférences de Chátillon , S. M. a donm
ordre a son plénipotentiaire de déclarer qu'elle désin
que les conférences soient suspendues jusqu'a ce qu' elh
lui ait fait parvenir des instructions ultérieures.


Les soussignés ont l'honneur d' en donner part ;
M. le plénipotentiaire de Franee, en prévcnant (PlO
les conférences ne pcuvent restcr que pour le monten
suspendues, Ils s'empresseront d'informer M. h~ 1M




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 267
nipotentiaire du moment oú ils seront mis a méme
d' en reprendre le cours.


Les soussignés ont l'honneur de présenter en méme
temps aS. Exc. l'assurance de leur haute considera-
tion.


Signe C. A. RAZOU~lOWSKI, CATHC,I.RT, com te DE
STADlON, HUMBOLDT, ABERDEEN, Charles


STEWART.


(N° .:w.) Lettre de M. le duc de Vicence
A Napoleon.


Chátillon , le 10 février 1814.


5IRB,


le ne veux pas perdre un moment pour envoyer a
V. M. l'étrange déclaration que je viens de recevoir '.
le ru'occupe de la réponse que je dois y faire et que
je transrnettrai a V. M. par un second courrier.


Le peu que je sais , sur tout ce qui s'est passé hiel'
et méme avant-hier soir, prouverait que les plénipo-
tentiaires alliés sont peu d'accord , qu'il y a eu de
grandes difficultés, et que ce n'est que ce matin qu'ils


, Voyel cett.: J"e1a¡ation al! protocole,




MANUSCRIT
ont tous consenti a faire remettre cette note; le ple
nipotentiaire de Russie ayant déclaré qu'il ne pouva
continuer a négoeier, et les autres ne voulant P'
avoir l'air de se séparer de lui. Si l'Autriehe a,un ht
raisonnable, eette eireonstanee l'obligera a se prc
noncer, s'il en est encore temps. Ma lettre d'hier
M. de Metternich ne lui laisse pas de prétexte pOI
ne pas le faire. Le voyage de lord Castlereagh pel
méme lui donner les moyens de s'expliquer franch
ment et sans retard; ear il me parait que ce qui :
passe depuis quarante-huit heures tient a un mol
auquel on n'était point préparé. Au reste, cela 1
peut tarder as'éclaircir : la force des évenements prer
un tel empire que la sagesse et la prévoyance hi
maine ne peuvent plus rien, _


S'il n'y a de salut que dans les armes, je prie V.ll
de me eompter au nombre de ceux qui tiennent
honneur de mourir pour leur prince.


Lord Castlereagh est partí ce matin a neuf heurc
.Te joins iei copie de la lettre que je erois aprop'
d'écrire a M. de Metternich.


Je suis, etc.


Signé CAULAINCOURT, duc de Yicence,




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 269


( W .2 i .') Note aux plénipotentiaires alliés,


Chátillon-sur-Seine , \0 Iévrier 1814.


Le soussigné, plénipotentiaire de France, ayant
re~u seulernent aujourd'hui (dix, a onze heures du
rnatin) une déclaration datée d'hier 9, et signée de
LL. Exc. MM. les plénipotentiaires des cours alliées,
n'a pu qu'étre tres surpris qu'elle lui fi'tt ainsi parve-
nue, apres que LL. Exc. elles-mémes avaient, des
la prerniere conférence, établi cornrne un príncipe
invariable que rien de relatif a la négociation ne
pourrait se traiter, ni conséquernment aucune déli-
bération s'y rapportant étre remise ou re~ue hors des
conférences , et lorsqu'elle pouvait si bien lui etre re-
mise dans la séance qu'il réclame depuis deux jours ,
et qu'il lui sernble encore impossible que MM. les
plénipotentiaires ne lui accordent pas, ne füt-ce que
pour arréter et signer le protocole de la derniere
conférence, lequel appartenant au passé ne peut plus
dépendre des déterminations présentes ou futures des
cours alliées.


Mais l'étonnement du soussigné a été extreme en
apprenant par la note de MM. les plénipotentiaires
que le seul désir d'unc seule des quatre cours alliées
leur parait a tous une cause suffisante pour suspendre
j ndéfinirnent les négociations;


Quoiqu'on n'ait motivé ce désir qu'cn alléguant




MANUSCRIT
l'intention de se concerter avec ses alliés , et quoiqu'i
ait été déclaré, adiverses reprises et de la maniere 1
plus solennelle , que les souverains alliés et leurs ca
binets se son1J des long-temps communiqué toute
leurs vues et les ont arrétées d'un commun accord;


Le soussigné regarde done comme un devoir d
protester contre la détermination annoncée pa
LL. Exc. MM. les plénipotentiaires des cours alliées
d'autant plus que, par une singularité de circonstance
qu'il ne peut s'empécher de remarquer, il se trouv
avoir a défendre, avec sa propre cause, cclle de
puissances dont les ministres sont réunis au congres
et de toutes cenes au nom desquelles ces mérncs mi
nistres sont chargés de traiter.


. Quel que soit le résultat de la réclamation, le
maux occasionés par 1'interruption des négociation
ne pourront du moins étre imputes a la France, qui
comme le soussigné 1'a déclaré dans la réponse qu'
a re mise dans la conférence du 7, et le reitere ici
est préte a faire les plus grands sacrifices pour mettr
immédiatement un terme aux maux de la guerreo


Le soussigné a l'honneur d'offrir a LL. EE. MM
les plénipotentiaires, les assurances de sa haute consi
dération,


SignéCAULAINCOl'RT, duc de Vicence.




DE MIL lIUIT CENT QUATORZE. 271


~ N° 22.) Lettre dú duo de V icence
Au prince de Metternich.


Chátillon-sur-Seine , le 10 février 18Lí, midi ,


J\-loN PRINCF.,


Je recois ce matin seulement , a onze heures, par
un employé de votre légation, la note dont copie est
ci-jointe , sous la date du 9. ~la lettre d'hier, remise
le soir a 1\1. de Floret , vous a dit tout ce que nous
sornmcs préts afaire pour la paix, Cettc note dit trop
clairement tout ce qu'on se propose contre, pour que
j'ajoute aucune réflexion. Notre cause devient celle
de tous les gouvernements qui veulent la paix.


Agréez , etc.


( N° 23.) Leure du prince de Metternich
A il duc de Vicence.


Troye s , le 15 février ¡1l¡4·


1\10NSIEUR LE DUC ,


L'cmpereur m'ayant autorisé a faire usage de la
lettre que vm;s m'avez fait l'honneur de m'adresser




272 MANUSCRIT
le 9 de ce mois, pres des eabinets alliés , les pléni
tentiaires, réunis aChátillon , ont re~u l'ordre d'ent
en pourparler avec vous sur la proposition que r
fermait la lettre de V. Exc.


L'objet de la demande qu'elle m'a fait l'honneur
m'adresser , se trouvant ainsi rempli, il ne me re
qu'á lui offrir l'assurance , cte.


Signé le prince DE METTERNICH


( N° 23bi&. ) Lettre du prince de M etternicli
AIl dile de Ficcnce,


Troyes, le 15 février 181'


Je n al pas répondu aux Iettres eonfidentielles
V. Exc. , parceque je n'avais rien a lui dire. N(
venons de remettre en train vos négociations, el
réponds aV. Exc. que ce n'est pas chose faeile (
d'étre le ministre de la eoalition. Ce que vous m'a:
dit de flatteur sur vos regrets de ne pas me voi
Chátillon ne peut porter que sur des sentiments P
sonnels desquels vous m'avez donné tant de preuv
Croyez que, sous le rapport des affaires, je suis p
utile ici que chez vous. Je vous ai déjil recomman
M. le eomte de Stadion; eroyez-moi sur parole. 1\'1
lord Castiereagh est également un homrne de la me




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 273
leure trempe, droit , loyal, sans passions, et par con-
séquent sans préjugés. Il fallait une composition
d'hommes comnie le sont les ministres auglais du
moruent , pour rendre possible la graude oeuvre a la-
quelle vous travaillez , et qui , je me flatte, sera cou-
ronnée du succes. V. Exc. ne doit pas regretter d'avoir
accepté le ministere ; il n'est beau que dans des temps
difficiles,


Le comte de Stadion vous parlera de la ligue de vos
courriers. Ce u' est pas seulement sous des points de
vue militaires quil est impossible de les faire passer
par les armées; mais nous ne pouvons pas, avec la
meilleure volonté , répondre de nos hordes de troupes
légeres. Si vous en avez de tres pressés , et que la
direction du quartier général de votre empereur y
préte , envoyez-moi des dépéches chiffrées, je les ferai
passer sur la route la plus directe , par les avant-
postes.


Voici une lettre de la famille Mesgriguy aleur frere ,
fils, etc., veuillez la lui faire passer. Ce sont de braves
gens qui out le bonheur de me posséder dans Ieur
hótel ; bonheur véritable, cal' je ne les mange paso
C'est une vilaine chose , mon cher duc , que la guerre,
et surtout quand on la fait avec cinquante mille Cosa-
ques ou Baskirs.


Reeevez l'assurance de mes sentiments inviolables,
etc.


Signé le prince de ~hTTERNICH.


18




2'74 J\IAN lJSCRIT


(N° 24.) LVote des plénipotentiaires alliée.


Chátillcn-sur-Seine , le 17 Iévrier 1814.


Les plénipotentiaires des cours alliées, aux con-
férences de Chátillon , ont eu l'honneur de prévenir .
par une note du 9 de ce mois, S. Exc. lVL le plénipo
tentiaire de France du motif ponr Iequcl les confé
renees ne pouvaient que rester pour le momenl
suspendues ; se trouvant maintenant a mérnc d'er
reprendre le eours, les soussignés ont I'honneur d'en
informer monsieur le plénipotentiaire de France.


lIs présentent en méme temps aS. Exc. les assu-
rances de leur haute considération.


Signé comte DI! RAZOu~IOwsKr, CATHCART
HUMBOLDT, ABERDEEN, STADION.


(N° 25. ) Continuation du protocole des canférences
de Chüullon-sur-Seine.


Seance du '7 f¿vrier 11) 1(l.


Les séanccs ayant été suspendues , d'apres une note
des plénipotentiaires des cours alliées en date du 9
ont été reprises aujourd'hui 17 févrjer.


Les plénipotentiaires des cours alliées COllllllellCC/l1




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 275
la conférence par consigner au protocole ce qui suit :


Le plénipotentiaire de France a fait précéder sa
déclaration renfermée dans le protocole du 7 de ce
mois , d'un préambule dans lequel il fait des rappro-
chements entre les déclarations antérieures et les pro-
positions actuelles des cours alliées. Illeur serait aisé
de répondre aces rapprochements , ainsi qu'aux autres
réflexions contenues dan s ce préambule, et de prou-
ver que la marche politique de leurs cours , dans les
transactions actuelles ,a été constamment a la fois
dirigée par l'intention ferme et inébranlable de réta-
blir un juste équilibre en Enrope, et adaptée aux
événements amenés par des opérations de leurs armées;
mais comme une pareille discussion serait entiere-
ment étrangere au but de la négociation dont les plé-
nipotentiaires des cours aHiées se feraient serupule de
s'écartcr ; comme elle ferait dégénél'er les protocoles
de leurs conférences en véritables notes verbales; et
comme ils sont fermement résolus de ne point se
laisser détourner, pour quoi que ce füt , de la marche
simple qu'ils ont annoncée lles le commencement , ils
se bornent a déclarer, de la maniere la plus positive,
qu'ils disconviennent entierement de ce qui est énoncé
dans le préambule de la dite déclaration du plénipo-
tcntiaire de France, et ils passent ensuite immédiate ~
ment a I'objet principal.


Le plénipotentiaire autrichien prend a cet effct la
parole au nom de ses collegues, et dit:


Qu'á la suite de la séance du 7 du mois, le piéni-
18.




MANUSCRlT
potentIaIre francais avait , dans une lettre adressé-
le 9 au prince de Metternich, annoncé I'intention dI
demander aux plénipotentiaires des cours alliécs , si lo
France consentant , ainsi que ceux-ci l'ont demandé
a rentrer dans ses anciennes li.mites, obtiendra immé
diatement un armistice : que, si par un tel sacrific
un armistiee peut étre sur-Ie-ohamp obtcnu, ii serai
prét a le faire; que de plus, il scrait prét , dan s cett
supposition , a remettre sur-Ie-champ une partie de
plaeesque ce sacrifiee devrait faire perdre i la Franee


Que le ministre des affaires étrangeresde S. ]H. l' em
pereur d'Autriche , ayant porté eette ouverture a 1
eonnaissanee des cours alliées , celles-ci ont autoris
leurs plénipotentiaires aux eonférenees a déclarcr:


Qu'elles estiment qu'un traité préliminaire qui serai
fondé sur le principe énoncé ei-dessus , et qui aurai
pour suite immédiate la cessation des hostilités su
terre et sur mer, en mettant par la un tcrme égalemen
prompt aux maux de la guerre, atteindrait mieux E
plus convenablement qu'un armistice, au but géné
ralement désiré; et que, pOUl' ahréger davantage l
négociation, les cours alliées ont transmis a leur
plénipotentiaires le projet d'un traité préliminair
dont il allait étre donné leeture.


Le plénipotentiaire francais observe qu'en faisan
au prince de Metternich la demande confidentielle ql:
lui a été adressée pour un armistiee, il était loin el
s'attendre que les séanees seraient aussi inopinérnen
suspendues , et la négociaúon interr-ompnr- pendan




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. !J?7
neuf jours , ce qui avait changé l' état de la question
et l'objet C\u'il se \"Jr0\"J0sait ~ C\l.j-e des \lrélimiuaire.fl ~
exig'eant une discussion plus ou moins longue, n'arré-
taient pas au moment méme , comme un armistice ,
l'effusion du sango


Le plénipotentiairc autrichien lit ensuite le projet
de traité préliminaire suivant:


Projet d'un traite préliminaire entre les hautes
puissances alliées et la Erance.


Au nom de la tres sainte et indivisible 'I'rinité,


LL. MM. n. dAutriche et de Russie, S. lVI. le roi
du rovaumc-uni de la Grande-Bretagne et deTlrlande,
et S. M. le roi de Prusse , agissant au nom de tous
lcurs alliés, d'une part, et S. 1\1. l' empereur des Fran-
I;ais de l'autre , désirant cimenter le repos et le bien-
étre futur de I'Europe , par une paix solide etdurable
sur terre et sur mer, et ayant, pour atteindre a ce
hut salutaire , leurs plénipotentiaires actuellement
réunis a Chátillon-sur-Scine , pour discuter les con-
ditions de cettc paix , lcsdits plénipotentiaires sont
convenus des articles suivants :


Art, 1 ero n y aura paix et amnistíe entre LL. MM. II;
d'Autriche et dcRussie, S. M. le roi du royaume-uni
de la Grandc-Bretagne et de l'Irlande, et S. M¡ le mide
Prusse , agissant en mémc tcmps au nom de tous leurs
alliés, et S. lVI. l'empereur des Francais , leurs héri-
tiers et successeurs aperpétuité. .~'.1/,\,0';"'.'




MA NUSCRIT
Les hautes parties contractantes s'engagent aappor·


ter tous leurs soins a maintenir , pour le bonheui
futur de l'Europe, la bonne harmonie si heureusemen:
rétablie entre elles.


Art, 2. S. M. l'emperenr des Francais renonce, POu!
lui et ses successenrs, a la totalité des acquisitions
réunions ou incorporations de territoire faites par L
France depuis le commenccment de la guerre de 1792


S. M. renonee également a toute l'influence consti
tutionnelle directe ou indireete hors des ancienne
limites de la France , telles qu' elles se trouvaient éta
blies avant la guerre de 1792, et aux titres qui el
dérivent , et nommément a ceux de roi d'Italie , ro
de Rome, protecteur de la confédération du Rhin, e
médiateur de la confédération suisse.


Art, 5. Les hautes parties contractantes reconnaissen
formellementet solennellement le príncipe de la souvt
raineté et indépendance de tous les états de l'Europe
tels qu'ils seront constitués a la paix définitive.


Art. 4. S. M.l'empereur des Francais reconnait for
mellement la rcconstruction suivante des pays limi
trophes de la France:


10 L'AUemagne composée d' états indépendants un:
par un lien fédératif;


2° L'Italie divisée en états indépendants, plan
entre les possessions autrichiennes en Italie et ]
France;


5° La Hollande sous la souveraineté de la marso
d'Orange, avec un accroissernent de territoirc.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 279
4° La SUiSSé, état libre, indépendant, replacé dans


ses anciennes limites, sous la garantie de toutes les
grandes puissances, la France y comprise.


5° L'Espagne sous la dornination de Ferdinand VII,
dans ses anciennes limites.


S. M. l'empereur des Francais reconnait de plus le
droit des puissances alliées de déterminer , d'apres les
traités existants entre les puissances , les limites et
rapports tant des pays cédés par la France que de leurs
états entre eux, sans que la France puisse aucunement
y intervenir.


Art. 5. Par contre , S. M. britannique consent ares-
tituer a la Frauce , a l'exception des lles nomrnées les
Saintes , toutes les conquétes qui ont été faites par elle
sur la France, pendant la guerre, et qui se trouvent a
présent au pouvoir de S. ~I. britannique, dans les Indes
orientales, en Afrique et en Amérique.


L'ile de Tabago, conformément al'article ~ du pré-
sent traité , restera a la Grande-Bl'etagne, et les alliés
promettent d'employer leurs bons offiees pour enga-
gel' LL. MM. suédoise et po~tugaise ane point mettre
d'ohstacle a la rcstitution de la Guadcloupe et de
Cayenne a la Franee.


Tous les établissernents et toutes les faetoreries con-
quises sur la France, a l'est du cap de Bonne-Espé-
ranee, a l' exception des iles Maurice (lle de France),
de Bourbon ct de Ieurs dépendances, lui seront res-
tituées. La France ne rentrera dan s ceux des susdits
établissements et factoreries qui sont situés dans le




MANUSCRlT
continent des Indes et dans les limites des posses-
sions britanniques, que sous la condition qu'elle les
possédera uniquement a titre d'établissements corn-
mereiaux; et elle promet en conséquence de n'y point
faire cons.truire de fortifications , et de n'y point en-
tretenir de garnisons ni forces militaires quelconques
au-delá de ce qui est nécessaire pour maintenir la
poliee dans lesdits établissements.


Les restitutions ci-dessus mcntionnécs en Asie, en
Afrique, et en Amérique, ne s'étendront a aucune
possession qui n'était point effectivement au pouvoir
de la France avant le commencement de la guerre
de 1792.


J.Je gouvernement francais s'engage aprohiber I'irn-
portation des esclaves dans toutes les colonies et
possessions restituées par le présent traité, et á dé-
fendre á ses sujets, de la maniere la plus efficace , le
trafie des negres en général.


L'ile de Malte, avec ses dépendances, restera en
pleine souveraineté a S. M. britannique.


Art. 6. S. M. l'empereur des Francais rernettra ,
aussitót apres la ratification du présent traité prélimi-
naire, les forteresses et forts des pays cédés , et eeux
qui sont eneore occupés par ses troupes en Allemagnc,
sans exception, et notamment la place de Mayenee
dans six jours ; celles de Hambourg, Anvers , Berg-
op - Zoom, dans I'espace de six jours; Mantoue,
Palma-Nuova, Venise et Peschiera, les places de
l'Oder et de l'Elbe, dans quinze jours , et les aun-es




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 28.
places et forts dans le plus court délai possible, qui
ne pourra excéder celui de quinze jours, Ces places
et forts seront remis dans I'état oú ils se trouvent pré-
senternent , avec toute leur artillerie , munitions de
guerre et de bouche, archives, etc.; les garnisons
francaises de ces places sortiront avec armes, bagages,
et avec leurs propriétés particnlieres.


S. JH. l' empereur des Francais fera également re-
mettre, dans l'espace de quatrc jours, aux armées al-
liées les places de Besancon , Belfort et Huninguc,
qui resteront en dépót jusqu'á la ratification de la
paix définitivc, et qui seront rcmises dans l' état dans
lequel elles auront été cédées a mesure que les arrnées
alliées évacucront le territoire francais.,


Art, 7. Les généraux commandant en chef nom-
meront sans délai des commissaires chargés de dé-
terminer la ligne de dérnarcation entre les armées ré-
ciproques.


Art. 8. Aussitot que le présent traité préliminaire
aura été accepté et ratifié de part et d' autre , les hos-
tilités cesseront sur terre et sur mero


Art, 9. Le présent traité préliminaire sera suivi,
dans le plus court délai possible, par la signature d'un
traité de paix définitif.


Art. 10. Les ratifications du traité préliminaire
seront échangées dans quatre jours, ou plus tót, si faire
se peut.


En foi de quoi les plénipotentiaires de LL. MM. 11.
¡]'Autriche ct de Hussie , de S. M. le roi du royaume-




MANUSCRIT
uni de la Grande-Bretagne ct de l'Irlande , et de
S. M. le roi de Prusse, d'une part, et le plénipoten-
tiaire de S. M. l'empereur des Francais, de l'autre, l'ont
signé et y ont fait apposcr le cachet de leurs armes.


Fait a Chátillon , etc., etc.
Cette leeture aehcvéc, le plénipotcntiaire de Franee


prie les plénipotentiaires des eours alliées de répondre
a l'observation et aux questions suivantes:


n fait ohserver que le projet confond le titre de roi
dltalie avec ceux de médiateur et de proteetcur, qui
en differcnt essentiellement; que le premier est un
titre de souveraincté, ce que les dcux autres ne sont
pas; qu'il est attache a la possession dun état , que
eet état est indépendant de la France, que les renon-
eiations de eellc-ci n' entraineraient nullement une re-
noneiation a la couronne d'Italic, a laquclle l'empe-
reur des Francais ne pourrait pas renoncer comme
empereur, mais uniquement en sa qnalité de roi.


Les plénipotentiaires des eours alliées répliquent
qu'assurément l'intention des cours alliées est que lf
traité contienne la renonciation de l'emperenr Napo-
léon ala possession du royaume d'Italie, et que puis-
qu'il parait que le projet peut laisser des doutes la·
dessus , eette renonciation devra y etre ajoutée er
termes explicites.


Le plénipotentiaire de France a demandé ensuite s
Le roi de Saxe était compris dans les arrangement.
({ue Les aUiés projetaient pour l'Allemagne, et seraii
l'établi dans La pleine possession de son royaume;




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 283
Si le roi de Westphalie, reconnu par toutcs les


puissances du continent , reoouvrerait son royaume
ou obtiendrait une indemnité ;


Eníin , si les droits du vice-roi, comme héritier du
l'oyaume d'Italie , étaient reconnus pour le cas 011 le
roi d'Italie renoncerait a la couronne de ce royaume.


Les plénipotentiaires des eours alliées ont déclaré
s'en tenir pour le mornent a lcur projet.


Le plénipotentiaire francais dit alors que la piéce
dont il vient de lui étre donné lecture et communi-
cation est el'une trop haute importance pour qu'il
puisse y faire , dans celte séance , une réponse quel-
conque, et qu'il se réserve de proposer aux plénipo-
tentiaires des cours alliées une conférence ultérieure
lorsqu'il sera dans le cas d'entrer en discussion sur
ce qui forme I'objet des ouvertures faites dans la
presente séance.


Chátillon-sur-Seine , le 1 7 février ) 8 I 4.
SignéC.lULUNCOUII.T, duc de Vieenee; ABEII.DEEN,


CATBCAII.T, le comte DE n.AZOUMOWSKl, HU~I­
1l0LDT, le comte de STADION, Charles STEWART.
lieutenant-général.




MA.NUSCRlT


(N° 26.) Leure de Nap()leon


Ait duc de f/ icence,


Nangis , le 1 í février 18.4.


Monsieur le duc eleVicence , je vous ai elonné cart-
blanche pour sauver París et éviter une bataille qu
était la derniere esperance de la nation. La bataille •
eu lieu; la Providenee a béni nos armes. J'ai fait 50 ;
40,000 prisonniers. J'ai pris deux cents piéces de ca
non, un granel nombre de généraux, et détruit pIu
sieurs armées sans presque eoup férir. J'ai entamé hie
l'armée du prinee de Sehwartzenberg, que j' espere dé
truire avant qu'elle ait repassé nos fontieres. Votr.
attituele doit étre la mérne , vous devez tout faire pou
la paix , mais mon intention est que vous ne signie'
rien sans mon ordre, pareeque seul je connais m:
position. En général, je ne désire qu'une paix salid,
et honorable, ét elle ne peut étre telle que sur le
bases proposées a Francfort, Si les alliés eussent ac
eepté vos propositions le 9, il n'y aurait pas eu d,
bataille, je n'aurais pas eouru les chances de la fortun
dans le moment oú le moindre insucces perelait 1:
Franee; eníin , je n'aurais pas eonnu le seeret ele leui
faiblesse, Il est juste qu'en retour j'aie les avantage
des chances qui ont tourné pour moi. Je veux la paix
mais ce n'en serait pas une que eelle qui imposerait i




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 28:)
la Frunce des coriditions plus humiliantes que les
bases de Francfort, Ma position est eertainement plus
avantageuse qu'á l'époque oú les aUiés .étaient a
Francfort. Ils pouvaient me braver; je n'aváis obtenu
aueun avantage sur eux, et ils étaient loin ele mon
territoire. Aujourd'hui c'est tout différcnt; j'ai eu
d'immenscs avantages sur cux, et des avantages tels
qu'une carriere militaire de vingt années, et de quel-
que illustration , n'en présente pas ele parcils. Je suis
prét a cesser les hostilites et a laisser les ennemis
rentrer tranquilles chez eux , s'ils signent les prélimi-
naires basé s sur les propositions de Franefort. La
mauvaise foiele l'ennemi et la violatio~ des engage-
ments les plus sacrés mettent seuls eles clélais entre
nous; et nous sornmes si pres , cIue, si I'ennemi vous
laisse correspondre avee moi directement , en vingt-
quatre heures on peut avoir réponse aux dépéches.
D' ailleurs je vais me rapproeher davantage. Sur ce, je
prie Dieu, etc.


P. S. Comment arrive-t-il qu'aujourd'hui 18, je
n'aie de dépéches de vous que du 14? Nous ne som-
mes eependant éloignés ele vous que de vingt-einq
lieues,


Signé NAl'OLÉON.




MANUSCRIT


(N° 27,) Continuation du protocole des con{erenm
de Chátillon-sur-Seine.


S¿ance du 28 f¿vricl' )8] 4.


Les plénipotentiaires des cours alliées déclarent al
protocole ce qui suit ~


Plusieurs jours s'étant écoulés depuis que le proje
des préliminaires d'une paix générale a été présenu
par les plénipotentiaires des cours alliées aM. le pIé
nipotentiaire francais , et aucune réponse n'ayant ét.
donnée, ni dans la forme d'une acceptation, ni dan
celle d'une modification dudit projet , LL. MM. JI e
RR. ont jugé convenable d' enjoindre á leurs pléni
potentiaires de demander a 1\1. le plénipotentiair
francais une déclaration distincte et explicite de so'
gouvernement sur le projet en question. Les plénipo
tentiaires des cours alliées pensent qu'il y a d'autar
moins de motifs de délais de la part du gouvernemen
francais a l'égard d'une décision sur les préliminaire
proposés, que le projet proposé par eux était basé e
substance sur une offre faite par M. le plénipoten
tiaire de France , dans sa lettre au prinee de Mette:
nieh, datée du 9 de ce mois, que le prince a soumis
aux eours alliées.


De plus, les plénipotentiaires des cours alliées sor
chargés de déclarer, au nom de leurs souverains
qu'adhérant fortemcnt a la substancc des demande




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 287
con tenues dans ces conditions qu'ils regardent cornmc
aussi essentielles á la süreté de l'Europe que néces-
saires á l'arrangement d'unc paix générale de l'Eu-
rope, ils ne pourraient interpréter tout retard ulté-
rieur d'une réponse á leurs propositions que cornme
un refus de la part du gouvernement francais. En
conséquence les plénipotentiaires des cour s alliées,
prets a se conccrtcr avcc M. le plénipotentiaire fran-
cais , a l'égard du temps indispensablcment nécessaire
pour cornmuniquer avcc son gouverncl1lcnt , ont 01'-
dre de déclarer que, si a l'expiratinn du termc re-
connu suffisant et dont on sera convenu conjointe-
ment avec IV1. le plénipotentiaire francais , il n' était
!las arrivé de réponse qui fút en substance d'accord
avec la base établie dans le projet des alliés, la négo-
ciation serait regardéc comme terminée et que les
plénipotentiaires des cours alliées retourneraient au
quartier général.


Apres s'étre acquitté de cette déclaration, dont co-
pie a été remiso aM. le plénipotentiaire de France , le
plénipotentiaire autrichien , au norn de ses collegues,
ajoute verhalemcnt que les plénipotcntiaires des cours
alliées sont próts a discuter dans un esprit de conci-
liation toute modification que M. le plénipotentiaire
Irancais pourrait étre autorisé a proposer ; mais que
les cours alliées ne sauraient écouter aucune proposi-
tion qui différ:\t essentiellcment du sens de l'offre
déja faite par lH. le plénipotentiairc de 'France, et
{lue si pareille prétention était mise en avant par la




MANUSCRIT
France , les alliés seraicnt obligés dans ce cas , quoi-
qu'á regret, de rernettre la décision au sort des armes.


Le plénipotentiaire de Franee répond que LL. Exc.
MM. les plénipotentiaires des cours alliées , apres
avoir en tant de temps pour préparer leur projct , nc
peuvent se plaindre de eelui qu'il met it préparer sa
réponse; qu'il en faut pour examiner un projet qui
emhrasse tant de questions d'une á haute importance,
et a la plupart desquelles aucun antécédent n'avait
préparé;


Que LT.J. Exc. connaissent par ses nombreuses ré-
clamations les retards que ses courriers ont éprouvés,
par les détours qu'on leur a fait faire;


Qu'elles saventque, depuis la remise du projet , les
armées n'ont pas cessé d'étre en mouvement , et que'
le projet par lequel on doit y répondre ne peut pa5
étre fait Iorsqu'on change de lieu presque a toute
heure;


QU'OIl est d'autant moins fondé á se plaindre des
retards, que, des l' ouverture de la négoeiation, les
séances ont été suspendues neuf jours par les allié:
sans qu'ils eussent donné aucun motif;


Enfin que la France a assez prouvé, par tout ce qu
a précédé la remiso du projet , qu'elle veut la paix
que quant a ce qui est dit dans la nouvelle declara-
tion de LL. Exc. d'une offre par lui faite dans UD(
lettre confidentielIe au prince de Metternich, il doi
répéter ce qu'il a précédemment fait observer , qw
cette offre était subordonnée a la demande d'un ar-




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. .289
rnistice immediat, leque! a été refusé, et qu'on ne peut
conséquernrnent s'en prévaloir,


Les plénipotentiaires des cours alliées invitent M. le
plénipotentiaire francais a indiquer le délai qu'il eroit
suffisant a la cornrnunication ci-dessus annoncée.


Il répond que, dans une affaire si grave, on ne peut
imposer ni prendre l'obligation de répondre a jour
fixe,


MM. les plénipotentiaires des cours alliées ayant
insisté , d'apres les ordres formels de leurs cours,
pour que le terme füt fixé, on s'est réuni pour le fixer ,
de part et d'autre , au 10 mars inclusivement.


Sign¿ CAULAIl'\COURT, due de Yicence.


Signé Charles STEWART, comte DE SUDION,
CATIICUT, HU~1BOLDT, A. comte DE RAZOU-
1Il0WSKI; ABERDEEN.


(N° 28.) Lettre du duc de V icence
A Napoldon,


Chátlllon , le .S mars 1814.


8lRE,


J'ai besoin d'exprimer particulierement a V. M.
toute ma peine de voir mon dévouement méconnu.




290 MANUSCIUT
Elle est mécontente de moi ; elle le témoigne et charge
de me le dire. Ma franchise lui déplaisant , elle la taxe
de rudesse et de dureté, Elle me reproche de voir
partout les Bourbons , dont , peut-étre a tort , je ne
parle qu'a peine. V. lH. oublie que c'est elle qui en a
parlé la prerniere dans les Iettres qu'elle a écritcs ou
dictées, Prévoir eomme elle les ehances que peuvent
leur présenter les passions d'une partie des alliés ,
ceHes que peuvent faire naitre des événements mal-
heureux et I'intérét que pourrait inspirer dans ce pays
leur haute infortune, si la présence d'un prince et un
partí réveillaient ces vieux souvenirs dans un moment
de erise, ne serait eependant pas si eléraisonnablc, si
les ehoses sont poussées a bout. Dans la situation ou
sont les esprits, dans l' état de fievre oú est 1'Enrope,
dans eelui d'anxiété et ele lassituele oú se trouvo la
France , la prévoyance doit tout crnbrasser , elle n' est
que de la sagesse. V. 1\1. voudrait , je le comprends ,
vacciner sa force d'árne , l'é1an ele son granel caractere ,
a tout ce qui la sert , et eommuniquer a tous son
énergie; mais votre ministre, siro , n' a pas hcsoin de
cet aiguillon. L'adversité stimule son couragC', au lieu
de 1'abattre; et s'il vous répete sans cesse le mot de
paix , c'est parccqu'il Ia croit indispensable el méme
pressante pour no pas tout perdre. C'est quand il n'y
a pas ele tiers entre V. lH. et lui qu'il lui parle fran-
chement. C'est votre force, sirc , qui l'oblige á vous
paraitre faible ; tout au moins plus disposé a céder
qu'il ne le serait réellement. Personne ne désire, ne




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 29 1
voudrait plus que moi consoler V. 1\1., adoucir tout
ce que les circonstances et les sacrifioes qu'elles exi-
geront auront de pénible pour elle; mais I'intérét de
la France , celui de votre dynastie, me commandent
avant tout d'étre prévoyant et vrai. D'un instant a
l'autre , tout peut étre compromis par ces ménage-
ments qui ajournent les déterminations qu'exigent les
grandes et difficiles circonstanccs oú nous sommes.
Est-ee ma faute si je suis le seul qui tiens ce langage
de dévoucmcnt aV. :l\1.? si ceux qui vous entourent
et qui pensent comme moi , craignant de lui déplaire
et voulant la ménager , quand elle a déjá tant de sujets
de contrariété , n'oscnt lui répéter ce qu'il est de mon
rlevoir de lui dire:' Quelle gloire, quel avantage peut-
il y avoir ponr moi a préclicr , a signer méme cette
paix , si toutefois on parvicnt a la faire? Cctte paix ,
on plutót ces sacrifices , ne seront-ils pas pour V. 1\'1.
un éterncl grief centre son plénipotentiaire i' Bien des
ge~s en France , qui en sentent aujourd'hui la néces-
sité, ne me la rcprocheront-ils pas six mois apres
qu'elle aura sanvé votre tróne P Comme je ne me fais
pas plus il1usion sur rnaposition, que sur celle de
Y. M., elle doit m'en croire. Je vois les choses ce
qu' elles sont ; et les conséquenees, ce qu'elles peuvent
devenir. La peur a uni tous les souverains , le méeon-
tentement a rallié tons les Allemands, La partie est
trap bien liée pour la rOl1lpre. En acceptant le minis-
tefe dans les cireonstanees 011 je l'ai pris, en me char-
geant ensuite de cette négociation , je me snis dévoué


19·




lVIANUSCRlT
pour vous servir, pour sauver mon pays ; je n'a
point eu d'autre but; et celui-lá seul était assez noble
assez élevépour me paraitre au-dessus de tous le
saerifices. Dans ma position je ne pouvais qu'en faire
et c'est cequi m'a décidé. V. M. peut di re de mo
tout le mal qu'il lui plaira: au fond de son coeur elh
ne pourraen penser, et elle sera forcée de me rendr-
toujours la justice de me regarder comme I'un de se
plus fideles sujets, et l'un des meilleurs eitoyens di
eette France, que je ne puis étre soupconné de vou
loir avilir , quand je donnerais ma vie pour lui sauvei
un village.


Je suis , ete.


Signé CAllLAINCOURT, duo de Vieenee.


(N° 29') Lettre de M. le duc de Vicence
A Napoleon.


Cbátillon , le 6 mars 1814.


SIRE,


La question qui va se décider est si importante, elle
peut, dans un instant , avoir tant de fatales consé-
quenees, que je regarde comme un devoir de revenir
encare, au risque de lui déplairc, sur ce que j'ai
mandé si souvent a votre rnajesté. Iln'y a pas de fai-




DE MIL HUIT CENT QU A.TORZE. 293
blesse dans mon opinion, sire, mais je vois tons les
dangers qui menaeent la Franee et le tróne de V. M.,
et je la conjure de les prevenir. Il faut des sacrifices ;
il faut les faire a temps. Comme aPrague, si nous n'y
prenons garde, l'occasion va nous éehapper; la cir-
eonstanee aetuelle a plus de ressemblance avee celle-
la que votre majesté ne le pense peut-étre. A Prague,
la paix n'a pas été faite, et l'Autriehe s'est déclarée
contre nous, parcequ'on n'a pas voulu croire que le
terme fixé fút de rigueur. lei les négoeiations vont se
rompre, pareeque ron ne se persuade point qu'une
question rl'une aussi grande importance puisse tenir a
telle ou telle réponse que nous ferons , et a ce que
cette réponse soit faite avant tel ou tel jour, Cepen-
dant , plus je considere ce qui se passe, plus je suis
convaincu que si nous ne remettons pas le centre-
projet demandé, et qu'il ne contienne pas des rnodi-
fications aux bases de Francfort , tout est fini. fose
le dire comme je le pense , sire ,ni la puissanee de la
France, ni la gloire de V. M., ne tiennent a posséder
Anvers ou tcl nutro point des nouvelles frontieres.


Cette négociation, je nc saurais trop le répéter, ne
ressernble á aucune autre; elle est méme totalement
l'opposé de toutes celles que V. M. a dirigées jusque
ici. Nous sommes loin de pouvoir dominer: ce n'est
qu'en suivant avec patienee et modération la marche
établie que nous pouvons espérer d'atteindre le but ;
nous éearter de cette marche serait tout perdre. Les
Anglais, a cause eleleur responsabiúté , et les nommes




2g!f MANUSCRIT
haineux qui sont ici , pour satisfaire leur passion , ai-
meront certainemcnt mieux rompre que el'entamer la
discussion en partant de ce point,


Les négociations une fois rompues, que V. M. ne
croie pas les renouer, comme on a pu le faire dans
d'aun-es occasions. On ne veut qu'un prétexte; ct
faute de nous décider a prendre le partí qu'cxigent
lcs eireonstances, tout nous échappera sans quc ron
puisse prévoir quand et comment on pourra revenir
a des idées de coneiliation.


le supplie V. M. de réfléchir a l'effet que produira
en France la rupture des négociations, et el'en peser
toutes les conséquences. Elle me rendra encere assez
de justice pour pensel' que, poul' luí écrire comme je
le fais, il faut pol'tel'au plus haut degré la conviction
que ce moment va décider des plus chers intéréts de
V. M. et de ceux de mon pays.


Je suis , etc.


""'ign<! CA.UI,AINCOURT, duc de Yiceuce.


(N° 30.) Lettre du prince de M euernicn
Al' duc de Vicence.


Chaumont, le 8 mars lR14.


La petite boite que vous m'avez envoyée, ruonsieur
le duc, pour madame l'archiduchessc Léopoldine, lui




DE MIL HUlT CENT QUATORZE. 295
a été envoyée sur-Ie-champ ; j'espere étre amérne in.
cessamment de Iaire passcr á V. Exc. une réponse de
S. A. 1. ason auguste sceur.


Vous avez rendu de si grands services , jusqu'a pré-
sent , ala cause de la Franee, qui assurérnent est insé-
parable de eelle de l'Europe , que je me fIatte de vous
voir eouronner bientót la grande eeuvre. Que I'empe-
rcur se convainque bien qu'il n'aura ,rien fait , s'il n'ar-
rive pas á la paix géllérale. Des années de trouhles
succéderaient :'1 des années de calamites. le ne doute
pas que vous ~~tes journellement dans le eas de vous
convaincre , monsieur le due, que l'Angleterre va
rondcment en besognc; le ministere aetuel est assez
fort pour pouooir »ouloir la pala: Si elle ne se fait
ras dans ce moment , nulle autre occasion ne se pré-
sentcra plus dans laquclle il puisse etre permis aun
ministre anglais de proposer mérue une négociation;
le triomphe des partisans de la guerre a extinction
eontre l' empereur des Francais sera assuré; le monde
sera houleversé, et la Franee sera la proie de ces
événernents.


fe vous tieudrui toujours le méme langage : il doit
ctre compris par des hommes sages et voulant le bien.
Nous ne formons qu'un vceu , celui dt~ la paix ; mais
cette paix est impossible sans que vous ne fassiez celle
qui doit vous rendro vos établisscments d'outre-msr.
Pour arriver á ('clte paix, il faut t~galement en vou-
Ioir les moyens, ct ne pas oublier que l'Angleterre
clispos« seule de triutes les compensations possihles ,




MANUSCRIT
e'- <\\1en. f>e délloui\\ant., en \:aveUT de \a "FTance e'
d'autres états indépendants, de la presque totalité dt


ses conquétes , elle ne fait qu'exciper l'admission d'une
juste compensation , en demandant que la Franee se
replace au niveau des plus grandes puissanees sur le
continent,


Si l'empereur Napoléon entre dans ce point de vue
eomme déja il en avait fait le sien, l'Europe est paci-
fiée; vingt années de troubles l'attendent dans la supo
position eontraire.


Ree vez, etc.


Signé METTERNICH.


(N· 31.) Continuation du protocole des conférencei
de Clultilton-sur-Seine.


Séance die lO mars 18q.


Le plénipotentiaire de Franee commcnce la confé-
rence par consigner au protocole ce qui suit :


Le plénipotentiaire de Frunce avait espéré , d'apré
les représentations qu'il avait été dans le eas d'adres
ser a MM. les plénipotentiaires des cours alliées, e
par la maniere dont LL. EE. avaient bien voulu le
aeeueillir, qu'il serait donné des ordres pour que se
courriers pussent lui arriver sans difficulté et san:
retards, Cependantlc dernier qui lui est parvenu




DE MIL nUIT CENT QUATORZE. 297
non seulement a été arre té tres long-temps par plu-
sieurs officiers et généraux russes , mais on l'a ineme
obligé atlonner ses dépéches , qui ne lui ont été rendues
que trente-sias heures apré«, á Chaumont, Le plénipo-
tentiaire de France se voit done a regret forcé d'ap-
peler de nouveau sur cet objet l'attention de MM. les
plénipotentiaires des cours alliées, et de réclamer avec
d'autant plus d'instance contre une conduite contraire
aux usages re<{us et aux prérogatives que le droit des
gens assure aux ministres ehargés d'une négociation,
qu'elle cause réellement les retards qui l'entravent,


Les plénipotentiaires des cours alliées n'étant point
informés du fait , promettent de porter eette réclama-
tion a la eonnaissanee de leurs cours.


Le plénipotentiaire de France donne ensuite lecture
de la piéce suivante, dont il demande l'insertion au
protocole, ainsi que des piéces y annexées n" 1, 2,5,
4 et 5.


Le pUnipotentiaire de France are9u desa coar l'01'-
dre de faire au protocole les obseroations suioantes :


"Les souverains alliés, dans leur déclaratioa de
Franefort , que toute l'Europe connait , et LL. EE.
J\!IM. les plénipotentiaires, dans leur proposition du
7 février , ont égalerncntposé en principe que la
France doit conserver par la paix la méme puissance
relative qu'ellc avait avant les guerres que eette paix
doit finir; cal' ce que dans le préambule de leur pro-
position MM. les plénipotentiaires ont di( du désir
des puissances alliées de voir la France dans un état




MANUSCRIT
de possession analogue au rang qu'elle a toujours
occupé dans le svsterne politique, n'a point et ne
saurait avoir un autre sens, Les souverains alliés
avaient demandé, en conséquence , que la France se
renferrnñt dans les limites formées par les Pyrénées,
les Alpes et le Rhin, et la France y avait acquiescé.
MM. Ieurs plénipotentiaires out au contraire, et par
leur note du 7 et par le projet d'urticles qu'ils ont
remis -le 17, demandé qu'elle rentrát dans ses an-
ciennes limites. Comment , sans cesser d'invoquer le
méme príncipe, a-t-on pu, et en si peu de temps, passer
de l'une de ces demandes á l'autre? Qu'est-il survenu
depuis la prcmicre , qui puisse motiver la seconrle i'


»Dn ne pouvait pas le 7, on ne pouvait pas plus
le 17, et aplus forte raison ne pourrait-on pas aujour-
d'hui la fonder sur 1'offre coufidenticUe faite par le
plénipotentiaire de France, au ministre du cabinet dí'
l'une des cours alliées ; cal' la lettre qui la contenait.
ne fut écrite que le 9, et il était indispensable d'y ré-
pondre immédiatement, puisque l' offre était faite
sous la condition absolue d'un armistlce lmmediat ,
pour arréter l'effusion du sang, et éviter une bataille
que les aUiés ont voulu donuer; au lieu de cela, les
conférences furent , par la seule volonté des alliés , el
sans motifs , suspendues du 10 au 1 7, jour auquel la
eondition proposée fut mémc formellement rejetée.
On ne pouvait , on ne peut done en aucune maniere
se prévaloir d'une offre qui l~i était suburdouneo.
Les souverains alliés ne voulaient-ils point, il y a trois




DE l\'I]L HUIT CENT QUATORZE. 299
mois, étahlir un juste équilihre en Europe PN'annon-
cent-ils pas qu'ils le veulent eneore aujourd'hui il
Conservar la méme puissance relative qu'elle a tou-
jours eue est aussi le seul désir qu'ait réellernent la
Franee. Mais I'Europe ne ressemble plus a ce qu'elle
était il y a vingt ans : a eette époque le royaume de
Pologne, déjá moreelé, disparut entierement , l'im-
mense territoire de la Ilussie s'accrut de vastes et ri-
ches provinces. Six millions d'hommes furent ajoutés a
une population déjil plus grande que celle d'aucun état
européen. Neuf millions devinrent le pal'tage de I'Au-
triche et de la Prusse. Bicntót I'Allemagne changea de
face. Les états ecclésiastiqucs et le plus grand nombre
des villes libres gel'l1laniques furent répartis entre les
princes séculiers, La Prusse et I'Autriehe en re<?urent
la meilleure parto L'antiquc répuhlique de Venise de-
vint une province de la monarehie autrichienne; deux
nouveaux millions de sujets , avec de nouveaux terri-
toires et de nouvelles ressources, ont été donnés de-
puis a la Russie, par le traite de Tilsitt , par le traité
de Vienne, par celui d'Yassi, et par eelui d' Abo. De son
coté, et dans 1e mérne intervall e de temps, l'Angle-
terre a non seulcment acquis , par le traité d'Amiens,
les possessions hollandaises de Ceylan et de I'ile de la
Trinité; mais elle a doublé ses possessions de l'Inde,
et en a fait un empire que deux des plus grandes mo-
narchies de l'EurolHl égal(~raienta p.,ine, Si la popu-
lation de cet empire ne peut etre considérée comme
un accroissernent de la population britannique, en re-




300 MANUSCRIT
van che , 1'Angleterre n' en tire-t-elle pas, et par la
souveraineté et par le cornmerce , un accroissement
imrnense de sa richesse, cet autre élément de la puis-
sance PLa Ilussie , 1'Angleterre, ont conservé tout ce
qu'elles ont acquis. L'Autriche et la Prusse ont, ti. la
vérité , fait des pertes; mais renoncent-elles a les ré-
parer, et se contentent-elles aujounl'hui de I'état de
posscssion danslequella guerre présente les a trouvéesi'
II differe cependant peu de celui qu'elles avaient il y a
vingt ans,


Ce n'est pas pour son intérét seul que la Franee
doit vouloir conservcr la mérne puissance relative
qu'elle avait: qu'on lise la déclaration de Fraucfort
(voyez piece jointe , nO 4), et ron verra que les sou-
verains alliés ont été convaincus eux-mérnes que e' é-
tait aussi l'intel'Ct de l' Europe. 01', quand tout a changé
autour de la France , eomment pourrait-elle con-
server la nWme puissance relatioe en étant replacéc aa
mime état qu'ouparaooms? Replacée dans ce méme
état , elle n'aurait pas mime le degre de puissance ab-


solue qu'elle avait alors : cal' ses possessions d'outre-
mer étaient ineontestablement un des éléments de
cette puissancc ; et la plus importante de ces posses-
sions , celle qui par sa valeur égalait OLL surpassait
toutes les autres ensemble, lui a été ravie; peu
importe par quelle cause, clle l'a pcrdue. n suffit
qu'elle ne l' ait plus, et qu'il ne soit pas au pouvoir
des alliés de la lui rcndre.


Pour évaluer la puissance relativo des etats , ce n'est




DE MIL JlUIT CENT QUATORZE. 301
pas assez (le cOlnparer leurs forces absolues, il faut
faire entrer dans le calcul I'ernploi que leur situation
géographique les contraint ou leur permet d' en faire.


L'Angleterre est une puissance essentiellement rna-
ritime , qui peut mettre toutes ses forces sur les eaux.
L'Autriehe a trop peu de cotes pour le devenir; la
Ilussie et la Prusse n'ont pas besoin de l'étre , puis-
qu'elles n'ont pas de possessions au-dela des mers; ce
sont des puissanees cssentiellement continentales. La
France est , au oontraire , á la fois essentiellement
maritime, a raison de l'étendue de ses cotes, et de
ses colonies , et essentiellement continentale. L'An-
gleterre ne peut étre attaquée que par des flottes.
La Russie, adossée au póle du monde, et bornée
presque de tous cótés par des mers ou de vastes
solitudes, ne peut, depuis qu'elle a aequis la Fin-
lande, etre attaquéc que d'un scul coté. La Franee
peut l' étre sur toas lespolnts de sa circonférenee, et ala
fois du coté de la terre; oa elle confine partout it des na-
tions vaillantes, et du coté de la mer, et dans ses pos-
sesslons lointaines.


Pour rétablir un véritable équilibre, sa puissance
rclative devrait done etre eonsidérée sous deux as-
pects distincts : pour en faire une estimation juste,
il la fant diviser, et ne comparer ses forces absolues
a celles des autres états du continent, que déduction
faite de la part qu'elle en devra employer sur mer; et
a celles des états maritimes , que déduction faite de


• la part qu'elle en devra employer sur le continent.




J\lANUSCRIT
J~e plénipotentiaire de France prie LL. RE. M.1\'L les


plénipotentiaires des cours aUiées de peser attentive-
ment les considérations si frappantes de vérité qui
précedent, et de juger si les acquisitions que la France
a faites en-deeá des Alpes et du Rhin, et que les trai-
tés de Lunéville et d'Amiens lui avaicnt assurées, suf-
firaient méme pour rétablir entre elles et les grandes
puissances de I'Europe I'équilibre que les ehangcmcnts
survenus dans l'état de possession de ces puissances
ont rompu.


Le plus simple calcul dérnontre jusqu'á l' évidence
que ces aequisitions, jointes a tout ce que la France
possédait en 1792, seraient encore loin de lui donner le
mérne degré de puissance relative qu'elle avait alors ,
et qu'elle avait constamrnent eue dans les temps unté-
rieurs; et cependant on lui demande, non pas (1'en
abandonner seulement une partie quelconquc', mais
de les abandonner toutes ; quoique, dans Ieur déclarn-
tion de Francfort , les souverains alliés eussent an-
noneé al'Europe qu'ils reconnaissaient á la Framce un
territoire plus éterulu. qu'cllc ne l'avait eu SOl/S S¡;S rois.


Les forces propres d'un état ne sont pas l'unique
élérnent de sa puissance relativo, dans la cornposition
de laquelle entrent encoré les Iiens qui l'unissent á
d'autres états , liens génél'alernent plus forts et plus
durables entre les états que gouvernent des princes
d'un méme sango L'ernpereur des Francais possede ,
outre son empire, un royaume; son fils adoptif en est
l'héritier désigné. D'autres princ(>s elC' la dYIWStiC Iran-




DE MIL HUI'!' CENT QUATORZE. 303
~aise étaient posscsseurs de couronnes OH de SOHve-
rainetés étrangeres. Des traites avaient consacré leurs
droits, et le contincnt les avait reconnus, Le projet
des cours alliées garue a leur égard un silenee que
les questions si naturelles et si justes du plénipoten-
tiaire de France n'ont pu rompre. En renon<,;ant ce-
penelant aux droits de ces prinees, et a la part de
puissance relative qui en resulte POUl' elle, ainsi qu'á
ce qu'eíle a acquis eu-dcca des Alpes et du Hliin , la
France se trouverait avoir pcrdu de son aneienne puis-
sanee rclative maritime et continentale, préeisément
en méme raison que celle des autres granels états s' est
déjá ou se sera accrue a la paix par leurs acquisi-
tions rcspcctives. La restitution ele ses eolonies, qui
ne ferait alors que la replacer dans son ancien état de
grandeur absolue (ee que méme la situation de Saint-
Domingue ne permettrait pas d'effectuer complete-
ment) , ne serait point , ne pourrait pas etre une com-
pensation de ses pertes : seulement ses pertes en
seraient diminuées, et ce serait sans doute le moins
auquel elle eflt le droit de s'attendrc ; rnais que lui
offre a cet égard le projet des cours alliées P


Des eolonics francaises tombées au pouvoir de
I'ennerui (et les guerrcs du eontincnt les y out fait
tomber toutes), il Y en a trois que leur irnportance ,
sous des rapports divers, ruet hors de comparaison
avec toutes les autres ; ee sont la Guadeloupe, la
Guiane, et l'ile de Franee.


A11 lieu de la restitution des cleux premieres , le




3(¡4 MANUSCRlT
projet des cours alliées n'offrc que des bons offices
pour procurer cette restitution , et il semblcrait d'a-
prés cela que ces deux colonies fussent entre les
mains de puissances étrangeres a la négociation pré-
sente et ne devant point étre comprises dans la fu-
tare paix. Tout au contraire les puissances qui les oc-
cupent sont du nombre de celles au nom de qui et
pour qui les cours alliées ont déclaré qu'elles étaient
autorisées atraiter : n'y sont-elles done autorisées que
pour les clauses a la charge ele la France? cessent-
elles ele l'étre eles qu'il s'agit de clauses a son profit P
s'il en était ainsi , il eleviendrait indispensable que
tous les états cngagés dans la présente guerre prissent
immédiatement part a la négociation et envoyassent
chacun des plénipotentiaires au congreso


Il est en outre a remarquer que la Guadeloupe n'é-
tant sortie des mains de l'Angleterre que par un acte
que le droit des gens n'autorisait pas, c'est 1'Angle-
terre encore qui, relativement a la France, est censée
l'occuper, et que c'est a elle seule que la restitution
en peut étre demandée.


L'Angleterre veut garder pour elle les iles de
France et de la Réunion, sans lesquelles les autres pos-
sessions de la France, a l'est du cap de Bonne-Espé-
rance, perdent tout leur prix; les Saintes, sans les-
quelles la possession de la Guadeloupe serait précaire;
et rile de Tabago; celle-ci sous le prétexte que la
France ne la possédait point en 1792, et les autres
quoique la France les possédát de temps immémorial,




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 305
étahlissant aiusi une regle qui n'a de rigueur que
pour la Franee, qui n'admet d'exception que eontre
elle, et devicnt ainsi un glaive a deux tranchants.


Une ile d'une certaine étendue, rnais qui a perdu
son ancienne fertilité , deux ou trois autres iníiniment
moindres, et quelques comptoirs auxquels la perte de
rile de Franco foreerait de renoncer, voilá a quoi se
réduisent les grandes restitutions que l'Angleterre pro-
mettait de faire. ~ont-ce la celles qu'elle fit aArniens,
oú pourtant elle rendait MaIte, qu'eÍle veut aujour-
d'hui garder et qu'on ne lui conteste plus? qu'aurait-
elle offert de moins si la France n'eñt eu rien a céder
qu'á elle? Les restitutions qu'elle promettait avaient
été annoncées comrne un équivalent des sacrifices qui
seraient faits au continent. C'est sous cette condition
que la France a annoncé qu'elle était préte a consen-
tir á de grands sacrifiees. Elles en doivent étre la me-
sure. Pouvait-on s'attendre a un projet par leque! le
continent demande tout , rAngleterre ne rend pres-
que rien, et dont en substance le résultat est que
toutes les grandes puissances de I'Europe doivent
conserver tout ce qu'elles ont acquis, réparer les pertes
({U'elles ont pu faire, et aequérir encore; que la
France seule ne doit rien conserver de toutes ses
acquisitions et ne doit recouvrcr que la part la plus
petite et la rnoins bonne de ce qu'elle a perdu?


Apres tant de sacrifices demandes a la France , il
ne manquait plus que de lui demamder encore celui de
son bonmeur !


20




306 MANUSCRlT
Le projet tend a lui éter. le droit d' intervenir en fa-


vcw' d'anclens alliés malheureua»: Le plénipotentiaire
de France ayant demandé si le roi de Saxe serait remis en
possession de ses états,n' a pu mérnc obtenir une réponse,


On demande a la France des cessions et des renon-
ciations , et l' on veut qu'en cédant elle ne sache pas
aquí, sous quels titres et dans quelle proportion ar-
partiendra ce qu'elle aura cédé! On »eut qu'clle
ignore quels doioent étre ses plus proehes uoisins , on
veut régler sans elle le sort des pays auxquels elle
aura renoncé, et le mode d'existence de ceux avee
lesquels son souverain était lié par des rapports
particuliers; on veut sans elle [aire des anangements
qui doivent régler le systeme général de possession et
d'équilibre en Enrope; OIl veut qu'elle soit étrangere
al'arrangement d'un tout dont elle est une partie con-
sidérable et uécessaire : on veut enfin qu'en souscri-
vant a de telles conditions , elle s'exclue en quclque
sorte elle-méme de la société européenne.


On lui restitue ses établissements sur le continent
;t


de l'Inde , mais a la eondition de posséder eomme
dépendante et comme sujette ce qu'elle-v possédait
en souveraineté,


Enfin , on lui dicte des regles de conduite pour le
régimc ultérieur de ses colonies et envers des popu-
lations qu'aueun rapport de sujétion ou de dépen-
dance quelconque ne lie aux gouvernements de l'Eu-
rope, et a l' égard desquelles on ne pellt reconnaitre
aaucun d'eux aucun droit de patronage.




DE MIL JIUIT CENT QUATORZE. 307
Ce n'est point a de telIes propositions qu'avait dñ


préparer le langage dcs souverains .alliés , et celui du
prince régent d'Angleterre lorsqu'il disait au parle-
ment britannique qu'aucune disposition de sa part
a demander a la France aucun sacrifice incompatible
avec son intérét comme nation ou avec son honneur,
ne serait un obstacle a la paix,


Attaquée a la fois par toutes les puissances réunies
contre elle, la nation francaise sent plus qu'aueune
autre le besoin de la paix et la veut aussi plus qu'au-
cune autre; mais tout peuple comme tout homme gé-
néreux met l'honneur avant l'eccistenee mime.


n n'est sñrement point entré dans les vues des sou-
verains alliés de l'avilir; et quoique le plénipotentiaire
de Franee ne puisse s'expliquer le peu de eonformité
du projet d'articles qui lui avait été remis avee les
sentiments qu'ils ont tant de fois et si explicitement
manifestés , il n' en présente pas moins avee eonfiance
aujugement des cours alliées elles-mémes et de MM. les
plénipotentiaires des observations dietées par I'intérét
général de l'Europe autant que par I'intérét particulier
de la Franee, et qui ne s'écartent en aucun point des
déclarations des souverains alliés et de eelle du prince
régent au parlement d'Angleterre.


Pieces jointes.


N° l. Note éerite i Francfort, le 9 novemhre
l8 d¡, par M. le baron de Saint-Aignan.


20.




308 MANUSCiuT
N" 2. Lettre du prince de Metternich au ministre


des relations extérieures de France , datée de Franco
fort , le 25 novembrc 1815.


N° 5. Lettre de M. le duc de Vicence au prince de
Metternich, datée de Paris , le 2 décembre 1813.


N° 4. Déclaration de Francfort , ex traite du journal
de Francfort du 7 décembre 1 8 I 5 , et datée du pre-
miel' dudit mois,


N° 5. Extrait du discours du prince régent au par·
lement d'Angleterre.


Les plénipotentiaires des cours alliées répondenl
que les observations dont ils viennent d' entendre la
lecture ne contiennent pas une déclaration distinctc
et explicite du gouvernement francais sur le projet
présenté par eux dans la séance du 17 février, et pal
conséquent ne remplissent pas la demande que leí
plénipotentiaires des cours alliées avaient forméc
dans la conférence du 28 février, d'obtenir une ré-
ponse distincte et explicite dans le terme de dix jours
duquel ils étaient mutuellement convenus avec M. le
plénipotentiaire de France. Ils déclarent au surplus
que, par l'admission de ces observations au proto-
cole, ils ne reconnaissent point un caractere officiel a
toutes les pieces qui y sont annexées.


Le plénipotentiaire francais répond que celles de
ces pieces qui ne sont point proprement officielles
sont au moins authentiques et publiques..


Les plénipotentiaires des cours alliées se disposant
la-dessus a lever la séance , M. le plénipotentiaire de




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 309
France déclare verbalement que l'empereur des Fran-
cais est prót


A renoncer , par le traité a conclure , a tout titre
exprimant des rapports de souveraineté, de supré-
matie, protection, ou influence constitutionnelle, avec
les pays hors des limites de la Franee;


Et a reconnaitrc
L'indépendanee de 1'Espagne dans ses anciennes


limites, sous ia souveraineté de Ferdinand VII;
L'indépendance de I'Italie , 1'indépendance de la


Suisse , sous la garantie de grandes puissances;
L'indépendance de l'Allemagne;
Et I'indépendance de la Hollande, sous la souve...


raineté du prince d'Orange,
Il déclare encore que, si, pour écarter des causes


de mésintelligence, rendre I'amitié plus étroite et la
paix plus durable entre la Franee et 1'Angleterre, des
cessions de la part de la Franee au-dela des merspeu.,.
vent ftre iugées néeessaires, la France sera préte a
les faire moyennant un équivalent raisonnable.


Sur quoi la séance a été levée.


Signé CAULAINCOlTRT, due de Vieence.


Signé le eomte DE STADION, ABERDEEN, HUlIlBOLDT,
le eomte de RAzomlOwsKI, CATHCART, Charles
STEWART.




310 MANUSCRIT


(N° 32.) Continuation da protocole des conférences
de Chátillon-sur-Seine.


Sc!arwe da 13 mar. 18 14.


Les plénipotentiaires des cours alliées déclarent au
protocole ce qui suit :


Les plénipotentiaires des cours alliées ont pris en
considération le mémoire présenté par M. le duc de
Vicence , dans la séance du 10 mars, et la déclaration
verbale dictée par lui au protocole de la méme séance.
Ils ont jugé la premiere de ces picces etre de nature
a ne pouvoir etre mise en diseussion sans entraver la
marebe de la négoeiation. '


La déclaration verbale de M. le plénipotentiaire
ne contient que l'aceeptation de quelques points du
projet de traité remis par les plénipotentiaires des
cours alliées dans la séance du 17 février; elle ne ré-
pond ni al'ensemble ni méme a la rnajeure partie des
articles de ce projet , et elle peut bien moins encore
étre regardée comme un contre-projet renfermant la
substance des propositions faites par les puissances
alliées.


Les plénipotentiaires des cours alliées se voient
done oblig~s a inviter M. le duc de Vicence a se pro-
noncer s'il eompte aceepter ou rejeter le projet de
traité présenté par les cours alliées, ou bien aremet-
tre un contre-projet.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 311
Le plénipotentiaire de France , répondant a cette


déclaration des plénipotentiaires des cours aUiées,
ainsi qu'á leurs observations sur le méme objet , a dit:


Qu'une piece telle que celle qu'il avait remise le 10,
dans laqucllc les articles du projet des cours alliées
qui sont susceptibles de modifieations étaient exa-
minés et discutés en détail, loin d'entraver la mar-
che de la négociation, ne pouvait au contraire que
l'accélérer, puisqu'elle éclaircissait toutes les questions,
sous le double rapport de I'intérét de l'Europe et de
celui de la Franee;


Qu'apres avoir annoneé aussi positivement qu'ill'a
fait par sa note vcrbalc du méme jour , que la France
était préte a renoncer par le futur traité a la souve-
raineté d'un territoire au-dela des Alpes et du Bhin ,
contenant au-delá de sept millions, et a son iníluence
sur ceUe de vingt millions d'habitants, ce qui forme
au moins les six septiérnes des sacrifices que le projet
des alliés lui demande, on ne saurait lui reprocher
de n'avoir pas répondu d'une maniere distincte et
explicite;


Que le contre-projet que lui demandent les pléni-
potentiaires des cours alliées se trouve en substance
dans sa déclaration verbale du ] o, quant aux objets
auxquels la France peut consentir sans discussion ; et
que quant aux autres, qui sont tous susceptibles de
modifications, les observations y répondent, mais
qu'il n'en est pas moins prét a les discuter a l'instant
méme,




312 MANUSCRIT
Les plénipotentiaires des cours alliées répondent ici:
Que les deux pieces remises par M. le plénipoten-


tiaÍre de France, dans la séance du 10 mars , ne se ré-
féraient pas tellement l'une a l'autre qu'on pút dire
que l'une renfermait les points auxquels le gouverne.
ment francais consent sans discussion , et I'autre eeux
sur lesquels il veut établir la négociation; mais que,
tout au contraire, l'une ne conticnt que des observa.
tíons générales ne menant a aueune conc1usion, et
que l'autre énonce tout aussi peu d'une maniere c1aire
et précise ce que M. le plénipotentiaire de France
vient de dire, puisque, pour ne s'arréter qu'aux deux
points suivants, elle n' explique pas méme ce qu'on y
entend par les limites de la Franee, et ne parle qu'en
général de l'indépendanee de l'Italie. Les plénipoten-
tiaires ajoutent ensuite que, ces deux pieces ayant été
mises sous les yeux de leurs cours , ils ont eu l'in-
struetion positive , précise et stricte , de déc1arer, ainsi
qu'ils I'ont fait , que ces deux pieces ont été tenues
insuffisantes , et d'insister sur une autre dédaration de
la part dé M. le plénipotentiaire de France , qui ren-
ferrnát ou une acceptation ou un refus de leur pro-
jet de traité propasé dans la eonférence du 17 fé-
vrier, ou bien un eontre-projet. Ils invitent done de
nouveau M. le plénipotentiaire de Franee aleur don-
ner eette déclaration,


Le plénipotentiaire de France renouvelle ses in-
stances pour que ron entre en discussion , observant
que MM. les plénipotentiaíres des cours alliées, en




DE MIL IHJlT CENT QUATORZE. 313
déelarant eux-rnémes , dans la séance du 28 février,
qu'ils étaient préts adiscuter des modifications qui sc-
raient proposées, avaient prouvé, par cela mérne , que
leur projet n'était pas un ultimatum ; que, pour se
rapprocher et arriver a un résultat, une discussion
était indispensable, et qu'il n'y avait réellernent point
de négociation sans discussion , etc.


Les plénipotentiaires des cours alliées répliquent
qu'ils ont bien prouvé qu'ils ne voulaient point ex-
dure la discussion, puisqu'ils ont demandé un con-
tre-projet , mais que leur intention est de ne point
adrnettre de discussion que sur des propositions qui
puisscnt vraiment conduire au but,


Ayant en conséquence insisté de nouveau sur une
dédaration catégorique, et ayant invité M. le pléni-
potentiaire de France ;1_ donner cette déclaration, il a
désiré que la séance fút suspendue et reprise le soir a
neuf heures,


Apres avoir délibéré entre eux, les plénipotentiaires
des cours alliées ont dit a M. le plénipotentiaire de
France que, pour le mettre mieux en état de préparer
sa réponse pour le soir, ils veulent le prévenir , des a
présent , qu'ensuite de leurs instructions , ils devront
l'inviter (apres qu'il se sera dé daré ce soir s'il veut
rernettre une acceptation ou un refus de leur pro-
jet ou un contre-projet) a remplir cet engagement
dans le termo de vingt-quatre heures , qui a été fixé
péremptoireruent par Ieurs cours.


Sur quoi la séancc cst rernise it neuf heures du soir.




MANUSCRIT


Continuation de la seance,


Les plénipotentiaires des cours alliées ayant renou-
velé, de la maniere la plus expresse'; la déclaration par
laquelle ils avaient terminé la premiere partie de la
séance , le plénipotentiaire de France déclare qu'il
rernettra le contre-projet demandé demain soir a neuf
heures; toutefois, il a observé que, n'étant pas sür
d'avoir achevé jusque la le travail nécessaire, il de-
mandait d'avance de remettre dans ce cas la confé-
rence a la matinée du 15.


Les plénipotentiaires des cours alliées ont insisté
pour que la conférence restát fixée a demain au soir,
et ne füt remise qu'en cas de nécessité absolue a
aprés dernain matin, a quoi :M:. le plénipotentiaire de
France a consenti.


Chatillon-sur-Seine, le 15 mars 1814.


Signé CAULAINCOURT, duc de Vic coceo


Signé ABllRDEEN, cornte dc RAZOlIMOWSKI,
H l!l\IBOLDT, CArHCART,comte de STADION,
Charles STEWART, licutenant-général.




DE MIL nUIT CENT QUATORZE. 315


(N° 33.) Continuation du protocole des conférences
de Chátillon-sur-Seine.


M. le plénipotentiaire franeais ouvre la séance en
faisant lecture du projet de traité qui suit :


Projet de traite dl[finitifentre la Franee ct les alliés.


S. M. 1'empereur des Francais , roi d'Italie , pro-
tecteur de la confédération du Rhin, et médiateur de
la conféelération suisse , d'une part; S. ]VI. 1'empereur
el'Autriche, roi ele Hongrie et ele Bohéme, S. M. I'em-
percur ele toutes les Hussies , S. M. le roi elu royaume
uni ele la Granele-Bretagne et d'Irlande , et S. M. le
roi de Prusse, stipulant chacun d'eux pour soi , el
tous ensemble pour 1'universalité des puissances en-
gagées avec eux dans la présente guerre, d'autre
part:


Ayant a cceur de faire cesser le plus promptement
possible l'effusion du sang humain et les malheurs des
peuples , ont nommé pour leurs plénipotentiaires,
savoir : .


Lesquels sont convenus des articles suivants :
Art. le'. A compter de ce jour, il y aura paix , ami-


tié sincere et bonne intclligcnce, entre S. M. l' empe-
reur des Francais , roi d'Italie, protecteur de la con-
fédération du Rhin, et médiateur de la confédération




MANUSCRIT
suisse, d'une part; et S. M, l'empereur d'Autriehe ~
1'01 de Hongrie et de Bohéme , S. M. l'empereur de
toutes les Russies, S. M. le roi du I'oyaume uni de lo
Grande-Bretagne et d'Irlande, S. M, le roi de Prusse
et leurs alliés d'autre part, leurs héritiers et succes-
seurs a perpétuité.


Les hautes parties eontraetantes s'engagent aappor-
ter tous leurs soins a rnaintenir , pour le bonheur fu-
tur de l'Europe , la bonne harmonie, si heureusemenl
rétablie entre elles.


Ari. 2. S. M. l'empereur des Francais renonee pOUl
lui et ses sueeesseurs a tous titres queleonques, nutres
que eeux tires des possessions qui, en eonséquenee du
présent traité de paix, rester\lnt soumises a sa souve
raineté.


Art. 5. S. M. l'empereur des Francais renonee pom
lui et ses successeurs a tous droits de souveraineté el
de possession sur les pronince« illyriennes et sur Íe:
territoires formant les départements francais aa-del¿
des Alpes. Cíte d'Elbc exceptée , et lesdépartement:
francais au-dela du Rhin.


Art. 4. S. M. l' empereur des Francais , eomme ro
d 'Italie , renonce a la eouronne d'Italie en faveur (h
son héritier désigné, le prinee Eugime-Napoléon, e;
de ses deseendants a perpétuité.


L'Adige formera la limite entre le royaume d'Itali-
ct l'empire d'Autriche.


Art. 5. Les hautes parties contractantcs reconnais-
sr-nt solennollement, et de la maniere la plns formelle




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 317
l'indépendancc ahsolue et la pleine souveraineté de
tous les états de l'Europe , dans les limites qu'ils se
trouveront avoir en conséquence du présent. traité ,
ou par suite des arrangements indiqués dans l'art, 16,
ci-aprés.


Art. 6.S. M. l'empereur des Francais reconnait :
10 L'indépendance de la Hollande , sous la souve-


raineté de la maison d'Orange.
La Hollande recevra un aecroissement de territoire.
Le titre et l' exercice de la souveraincté en Hollande


ne pourront, dans aucun cas , appartenir a un prince
portant ou appelé a porter une couronne étrangere.


2° L'indépendance de l'Allemagne , et chacun de
ses états , lesquels pourront etre unis entre eux par
un lien fédératif.


3° L'indépendance de la Suisse , se gouvernant
elle-mérne , sous la garantie de toutes les grandes
puissances.


40 L'indépendance de 1'Italie, et de chacun des
princes, entre chacun desquels elle est ou se trouvera
divisée.


5° L'indépendance et l'intégrité de 1'Espagne, sous
la dornination de Ferdinand VII.


Art. 7, Le pape sera remis immédiatement en pos-
session de ses états , tcls qu'ils étaient en conséquence
du traité de Tolentino , le duché de Bénévent excepté.


Art. 8. S. A. I. la princesse Elisa conservera pour
elle et ses descendants en toute propriété et souverai-
ncté Lucques et Piombino.




MANlJSCRIT
Art. 9. La principatité de Neufchatel demeure el


toute propriété et souveraincté au prince qui la pos
sede et a ses descendants.


Art, 1 o. S. M. le roi de Saxe sera rétablie dans 1
pleine et entiere possession de son grand-duché.


Art. 1 l. S. A. R. le grand-due de Berg sera pareil
lement remisa en possession de son grand-duché.


Art. 12. Les villes de Bremen, Hambourg, Lubec]
Dantzick et Raguse seront des villcs libres.


Art. 13. Les Hes Ioniennes appartiendront en tout
souveraineté au royaume d'Italie.


Art. 14. L'ile de Malte et ses dépendanccs appar
tiendront en toute souveraineté et propriété a S. M
britannique.


Art. 15. Les colonies, pécheries , établissements
comptoirs et factoreries que la France possédait avan
la guerre actuelle dans les mers ou sur le continen
de l' Amérique, de l' Afrique et de l' Asie, et qui son
tornbés au pouvoir de I'Angleterre ou de ses alliés
lui seront restitués, pour étre possédés par elle au
mémes titres qu'avant la guerre, et avec les droits e
facultés que lui assuraient, relativement au commerc
et ala peche, les traités antérieurs, et notamment ce
lui d'Amiens; mais en mérne temps la France s' engag,
a consentir, moyennant un équivalent raisonnable , :
la cession de celles des susdites colonies que 1'Angle
terre a témoigné le désir de conserver, a I'exoeptioi
des Saintes ,qui dépendent nécessairement de Ja Gua
deloupe.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 319
Art. 16. Les dispositions i faire des territoires aux-


quels S. ~'l. l'empereur des Francais renonce, et dont
il n' est pas disposé par le présent traité, seront faites;
les indemnités a donner aux rois et princes dépos-
sédés par la guerre actuelle seront déterrninées ; et
tous les arrangements qui doivent fixer le systemc gé-
néral de possession et d'équilibre en Europe seront
rég-Iés dans un congres spécial , lequel se réunira L ..
clans les .... jours qui suivront la ratification du présent
traité,


Art, 1 7, Dans tous les territoires , villes et plaees
auxquels la Frunce renonee, les munitions , magasins,
arsenaux , vaisseaux ct navires armes et non armés ,
et généralelllent toutes choses qu'elle y a placées , lui
appartieunent, et lui demeurent réservées,


Art, 18. Les dettes eles pays réunis a la Franee, et
auxquels elle renonce par le présent traité, seront a la
charge desdits pays et de leurs futurs possesseurs.


Art. 19. Dans tous les pays qui eloivent ou devront
changer de maitre , tant en vertu du présent traité,
que des arrangements qui eloivent étre faits en'consé-
quenee de I'art. 16 ci-dessus , il sera aeeordé aux ha-
bitants naturcls et étrangers, ele quelque condition et
nation quils soient , un espaee de six ans, a eompter
de l'échange eles ratifications , pour disposer ele leurs
propriétés acquises, soit avant, soit depuis la guerre
actuelle, et se retirer elans tel pays qu'il leur plaira de
choisir.


Art. 20. Les propriétés, biens et revenus de toute




MANUSCRIT
nature que des sujets de I'un quelconque des états en
gagés dans la présente guerre possedent , a quclqw
titre que ee soit , dans les pays qui sont actuellement
ou seront , en vertu de I'art. 16, soumis a un autr-
quelconque desdits états, continueront d'étre possédé
par eux, sans trouble ni ernpéchernent, sous les seule
clauses et eonditions précédcmment attachées a leu
possession , et avee pleine liberté d'en jouir et dispo
ser, ainsi que d' exporter .lcs revenus, et , en cas d
vente, la valeur.


Art. 2 l. Les hautes parties eontraetantes, voulai
mettre et faire mettre dans un entier oubli les div
sions qui ont agité I'Europe, déclarent et prometteI
que dans les pays de leur obéissance respective, al


.cun individu, de quelque classe OH condition qu'il soi
ne sera inquiété dans sa personne, ses biens , rente
pensions et revenus; dans son rang, grade OH s
dignités; ni recherché, ni poursuivi en aueune fa~(
quelconque pour aucune part qu'il ait prise ou I
prendre, de quelque maniere que ce soit , aux évén
ments qui ont amené la présente gucrrc, ou gui en Ol
été la conséquence.


Art, 22. Aussitót que la nouvelle de la signature e
présent traité sera parvenue aux quartiers générm
respeetifs, il sera sur-le-champ expédié des ordre.
pour faire ces ser les hostilités , tant sur terre que SI
mer, aussi promptement que les distances le perm€
tront; les hautes puissances eontractantes s'engageJ
a mettre de bonne foi toute la céláité possible are




DE MIL HlJIT CENT QUATORZE. 321
pédition rlesrlits ordres , et de part et d'autre il sera
donné des passe-ports, soit pour les offieiers, soit pour
les vaisseaux qui sont chargés de les portero


Art. 23. Pour prévenir tous les sujets de plainte et
(le contestation qui pourraient naitre a l'oecasion des
prises qui seraient faites en mer apres la signature du
présent traité, il est réeiproquement convenu que les
vaisseaux et effetsqui pourraient étre pris dans la
Manche et dans les mers du Nord , apres l' espaee de
douze jours , a compter de l'échange des ratifications
du présent traité , seront de part et d'autre restituésr
que le terme sera d'un mois, depuis la Manche et les
mers du Nord jusqu'aux iles Canaries inclusivement ,
soit dans l'Océan , soit dans la Méditerranée ; de deux
mois , depuis lesdites iles Canaries jusqu'á l'équateur,
et enfin de cinq mois dans toutes les autres parties du
monde, sans aucune exception ni autre distinction
plus particulierc de temps et de lieu,


Art, 24. Les troupes alliées évacueront le territoire
francais ; et les places cédées, ou devant étre restituées
par la France, en vertu de la présente paix , leur se-
ront remises dans les délais ci-aprés : le troisieme jour
apres I'éclwllgc dcs ratilications du présent traité , les
troupes alliées les plus éloignées, et le cinquieme jour
aprcs ledit échange, les troupes alliees les plus rappro-
chées des frontieres , conunenceront á se retirer , se
dirigeant vers la frontiere la plus voisine du lieu oú
elles se trouveront, et faisant trente Iieues par chaque
-Iix jours , de telle sorte que l'évacuation soit non in-


21




MANl;SCRIT
terrompue et successive , et que, dans le terme de
quarante jours au plus tard , elle soit completement
terminéc.


Illeur sera fourni, jusqu'a leur sortie du territoire
francais , les vivres et les moyens de tl'ansport néces-
saires ; mais sans qu'á eompter du jour {le la signature
du présent traité elles puissent Iever aucune eontribu-
tion , ni exiger aueune prestation quelconque , autre
que eelle indiquée ci-dessus. Immédiatemcnt apres l'é-
ehange des ratifications du présent traité , les places
de Custrin , Glogau, Palma - Nova et Venise seront
remisos aux alliés; et celles que les troupcs fruncuises
occupent en Espagne, aux Espagnols. Les places de
Hambourg, de Magdebourg, les citaclelles d'Erfurt et
de Wurtzbourg seront remisos lorsque la moitié du
territoire francais sera évaeuéc.,


Toutes les autres places des pays cédés seront re-
mises lors de I'évacuation totale ele ce territoirc.


Les pays que les garnisons desdites villes traverse-
ront Ieur fourniront les vivres et moyens de transpol't
nécessaires ponr rentrer en France, et y ramener tout
ce qui, en vertu de I' arto 17 ci-dessus , sera propriété
francaise.


Art. 25. Les restitutions qui, en vcrtu de l'art, 15
ci-dessus , doivent étre faites a la France , par l'Anglc-
terre ou ses alliés , auront lieu , pour le continent et
les mers d'Amérique et d'Afrique , dans les trois rnois ,
et pour l' Asie, dans les six mois qui snivront I'échange
des ratifications du présent traite.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 323
Art. 2G. Les ambassadeurs, envoyés extraordinaires,


ministres, résidents et agents de chacune des hautes
puissances contractantcs, jouiront , dans les cours des
autres, des mémes rangs, prérogatives et priviléges
qu'avant la guerre, le me me cérémonial étant rnain-
tenu.


Art. 27. Tous les prisonnicrs rcspectifs seront , d'a-
bord apres l' échange des ratifications du présent traité,
rendus sans ran~on, en payant de part et d'autre les
dettes part.iculieres qu'ils auraient contractées.


Art. 28. Les quatre cours alliées s'engagent a 1'1'-
mettre a la France, dans un délai de ... un aete d'ac-
eession au présent traité de la part de chacun des états
pour lesquels elles stipulent.


Art. 29. Le présent traité sera ratifié, et les ratifi-
eations seront échangécs dans le délai de cinq jours ,
et méme plus tót si faire se peut.


Apres avoir achevé la lccture du projet qui pré-
cede, et avoir pris acte de son insertion au proto-
cole, M. le plénipotentiaire de France declare verba-
lement qu'il est prét á entrer en discussion dans
un esprit de eonciliation sur tous les articles dudit
projet,


Les plénipotentiaircs des cours alliées disent que la
piece dont il vient de leur etre donné lecture et como
munieation est d'une trap haute importance POUl'
qu'ils puissent y faire dans cette séance une réponse


, quelconque, et qu'ils se réservent de propo ser aM. le
z i .




3::l(~ MANOSCRIT
plénipotentiaire francais une conférence ultérieure


Ch:hillon-sur-Seine, le 15 mars 1814.


\ Suivent les signatures, )


(N° 34.) Leure de N opoléon
Au duc de P icence,


Reíms, le 17mars 11)¡4.


Monsienr le duc de Vicence, j'ai rec,;n vos lettre
du 15, Je charge le duc de Bassano d'y répondr
avec détail. Je vous donne directement l'autorisatio:
de faire les concessions qui seraient indispensable
ponr maintenir I'activité des négociations, et arrive
eníin a connaitre l'ultimatum des alliés; bien cntend
que le traité aurait ponr résultat l'évacuation de notr
territoire, et le renvoi de part et d'autre de tous le
prisonniers. Cette lettre n'étant a autre fin, je pti
Dieu qu'il vous ait en sa saintc garde.


Signé NAPoLÍ\Ol\".




DE MIL GUIT CENT QUATORZE. 325


N° 3~). ) Letlre de M. Le duc de Bassano
A ]JI. le tluc de Ficence.


Heims , le 17 mars 1814.


MONSIEUR LE DUC ,


S. M. a lu avec intérét la note que vous avez remise
le 10 aux plénipotentiuires alliés.


L'abandon de tout ce que les Anglais nous ont pris
pendant la guerre est une véritablc eoneession que
S. M. approuvc, surtout si elle doit avoir pour résultat
ele nous laisscr Anvers.


S. M. aurait désiré , comme elle le désirerait encere,
si les circonstances le permettent lorsque eette lettre
vous parviendra, que vous rernissiez une nouvelle note
pom demander aux alliés de s'expliquer d'une ma-
niere precise sur les questions suivantes: 10 le traite
préliminaire, ou définitif, a conclure aura-t-il puur
résultat immédiat l'évacuation de notre territoire P
2° Le projct reniis par les plénipotentiaires alliés est-
il leur ultimatum ?


Vous feriez sentir, sur la preruiere questiou , que
tout traité qui ne serait pas immédiatement SU1 vi de
l'évacuation de notre territoire , mais qui remettrait
entre les mains des alliés les plaees des pays qui ne
sont pas cédés , ne serait pas .-n réalité un traité de
paix) et qu'il uous serait irnpossible de eonclure a de




MANUSCIUT
telles conditions : vous citcricz l'excmple développé
dans ma lettre du 2, de ce qui se passa a la tin de la
seconde guerre punique, dont la conséquence fut la
ruine de Carthage; vous insisteriez sur la seconde
question, en déclarant que, si le projet des alliés est
leur ultimatum, nous ne pouvons pas traiter; ce qui
obligera les alliés a répondre que leur projet n'est
pas leur ultimatum, et vous mettra dans le cas de le
Ieur demander. Il doit étre facile de leur faire en-
tendre que c'est a eux á donner leur ultimatum,
puisqu'ils veulent reprcndrc ce que les traités nous
ont assuré.


Si les alliés répondent que l'évacuation du terri-
toire suivra immédiatement la signature du traite, et
renoncent en eonséquenee a la prétention d'avoir
des places en depót , ce sera déja un grand pas de fait,


Si la négoeiation doit etre rompue, il eonvient
qu'elle se rompe sur la question de l'évaeuation du
territoire , et de la remise des places ; et si la négo-
ciation doit continuer, il est ég'alement utile de la
comrnencer en obtenant des alliés des eoncessions
sur ces points. S. M. pense done, monsieur le duc ,
qu'il est nécessaire , avant de rompre, que vous ayez
fait par une note ces questions.


'I'outefois , monsieur le due, S. M. ayant pris en
eonsidération vos deux lettres du 1 5, dont elle a
l'el,iu le duplicata hiel' soir , et le primara ce matin,
vous laisse toute la latitudc convcnahle , lIOIl seulc-
ment pour le mode de démarr-lu-s qui vous pnrai-




DE MIL HUiT CENT QUATORZE. 327
11'Ont á propos, mais aussi pour faire, par un centre-
projet , les cessions que vous jugerez indispensables
pour empécher la rupture de la négoeiation. L'empe-
reur, qui vous écrit Iui-mérne, ne eroit pas nécessaire
d(~ repétcr que la condition indispensable de tout
traité est l' évacuation de notre territoire. Un acte
qui porterait le contraire, qui stipulerait la rernise de
nos forteresses, ct qui s'opposcrait ;\ ce que les pri-
sonnicrs ele guerr(' fussent réciproquement remis,
n'obticndrait pas en Franco l'assentiment eles hommes
lIIeme les plus timides. S. M. pense que la latitude
qu'clte vous donne vous fournira leos moyens de par-
venir á connaitre Yultimatum. des alliés, et quels sont
les sacrifices que la Franee ne peul éviter de fairc.


La cession de la Bclgique est sans donte un eles
prcmiers objcts qui seront mis en rliscussion ; mais il
n'cst pas le scul , et il ne peut pas étre isolé. On
viendra ensuite aux départements des borels du
Rhin, a l'Italie, etc. Toutes ces questions se tiennent
ot dépendent, jusqu'á un eertain point , les unes des
autres. CeHe de la Bt~lgique est d'elle-rnéme complexe;
cal' il serait tu',s dif1¡;rent, au lieu de la céder au
prince d'Orange, e' est -a -dire a l' I\ngleterre, d'en
faire un état iudépenrl.urt qui appnrtint , a litre d'in-
demnité , á un prinee francais ; ou de la donner a la
répuhlique de Hollande, telle qu'elle était a la paix
d'Amiens. Si ron est dans le cas de s'éloigner des
hases de Frandort et d'abandonner Anvers, I'ernpereur
jug'e convenahle , 1I0n seulernent ({ue ron maintienne




MANUSCRIT
autant que possible les príncipes de Francíort rela-
tivement a l'Italie , mais qu'on s'autorise de ce sacri-
fice pour demander que toutes nos colonies nous
soient rendues , méme rile de France ; a moins que
l'on n'obtienne pour celle-ci des compensations.


Agréez, etc.
Signé le duc de BASSANO.


(N° 36.) Continuation du protocole de" conférences
de Cluitillon-sur-Seine.


Protocole de la séanee du 18 mars i814, el la continua»
(ion de cette seance le I 9 uiars, ,


Les plénipotentiaires des cours alliées, au nom et
par l' ordre de Ieurs souverains , déclarent ce qui suit :


Les plénipotentiaircs des cours alliécs out déclaré
le 28 février dernicr, a la suite de l'attente infruc-
tueuse d'une réponse au projet du traite remis par
cux le 17 du méme mois , qn'a<lhérant feriuement a la
substance des demandes contenues dans les conditions
du projet de traité, eonditions qu'ils considéraient
comme aussi essentielles a la süreté de l'Europe, que
nécessaires a l'arrangement d'une paix générale, ils
ne pourraient interpréter tout retard ultérieur d'une
réponse a leurs propositions que comme un refus de
la part du gouvernement francais.


Le terme du 10 rnars ayant été , rlun comruun




DE MIL HlJlT CENT QUATüRZE. 329
accorcl, lixé par lVIl\I. les plénipotentiaires rcspectifs ,
eomme obligatoire pour la remise de la réponse de
NI. le plénipotcntiairc de France , S. Exe. M. le duc
de Vieenee présenta ce mérne jOUI' un mémoire qui,
sans admettre ni refuser les bases énoncées aChátillon ,
au nom de la grande alliance européenne , n'eüt offert
que des pretextes a d'interrninables longucurs dans la
négociation, s'il avait été re<,;u par les plénipotcntiaires
des cours alliées , cornme propre aétre discuté. Quel-
ques articles de détails, qui nc touchent nullement le
fond des questions principales des arrangements de la
paix, furent ajoutés verbalement par lVL le duc de
Vicence dans la méme séance, Les plénipotcntiaires
des cours alliées annoncerent en conscqucnce, le 13
mars, que si, dans un court délai, 1\1:. le plénipoten-


,. tiairc de France n'annoncait pas, soit I'acceptation ,
soit le refus des propositions des puissances , ou ne
présentait pas un contrc-projet renfermant la sub-
stance des eonditions proposées par elles, ils se ver-
raient forcés a regarder la négociation comme ter-
minée par le gouv'cmcment írancais. S. Exc. IH. le
duc de Vicence prit l'cngagement de rernettre dans la
journée du 15 le eontrc-projet francais ; cette piece
a été portée, par les plénipotentiaires des cours alliées,
a la connaissance de leurs cabinets; ils viennent de
recevoir l'ordre de déposer au protocole la déclaration
suivante:


« L'E1..tro'Q(..l,'1 aU\.é...~ cont~e l~, V;()U'1~-~u~:u:\.en'- t\::;.....noc;a.~\o',.").
" lIe vise qu'au rétablisseull'nt de la paix géllél'a1e, corr-




:;30 MANUSCHIT
tinentale et maritime. Cette paix seule peut assure
au monde un état de repos, dont il se voit privé de
puis une 10ngue suite d'années , mais cette paix n
saurait exister sans une juste répartition de force
entre les puissances,


u Aueune vue d'ambition ou de conquéte n'a dicté]
rédaction du projet de traité remis au nom des puis
sanees alliées, dans la séance du 17 février clernier
et comment admettre de pareilles vues, rlans des ral
ports établis par l'Europe entiere , dans un projet d'a
rangement présenté a la Franee, par la réunion (
toutes les puissances qui la composent? La Franc-
en rentrant dans les dirncnsions qu'cllc avait en 179'
reste, par la eentralité de sa position , sa populatiOI
les richesses de son sol, la natnre de ses frontiere:
le nombre et la distribution de ses places (le guern
sur la ligne des puissances les plus fortes du continen
les autres grands corps politiques , en visant il ler
reconstruction sur une échelle de proportion eonforn
a l' établissement d'un juste équilibre, en assurant al
états intermédiaires une existence inrléperulantr
prouvent par le fait quels sont les principes qui 1,
animent. Il restait cependant une conditiou essentiel
au hien-étre de la Franee a régler. L'étcndue de s'
cotes donne a ce pays le droit de jouir de tous 1,
bienfaits du commercc maritimc. 1)Anglcterre Iui rer
ses colonics , et avcc elles son eomnwree et sa marirn
l'Angleterre fait plus, lo in de pl'étenc1r(' a une rlom
nation exclusive des mr-rs , incompatible avec un sy,




DE MIL HUIT GENT QUATORZE. 331
teme d'equilibre politique , .elle se dépouille de la
presque totalité des couquétes que la politique suivie
depuis tant d'années par le gouverncrncnt Irancais lui
a valu, Animée d'un esprit de justiec el de libéralité
digne d'un granel peuple, l'Angleterre met dans la
balance ele l'Europe des possessions dont la conser-
vation lui assurcrait , pour long-temps encore , cette
domination exclusive, en rendant a la France ses co-
lonies , en portant de granels sacrilices a la reconstruc-
tion de la Hollande , que l'élan national de ses peuples


. rend digne de reprcndre sa place parmi les puissances
de l'Europe; et elle ne met qu'unc eondition a ces
sacrificcs : elle ne se dépouillera de tant de gages qu'en
faveur du rérnhlissemcnt d'un vcritable systcme el'é-
quilihre politique; elle ne s'en dépouillera qu'autant
que l'Europe sera véritablement paeifiée, qu'autant
que l'état politique du contincnt lui offrira la garantie
qu'elle ne fait pas d'aussi importantes cessions apure
perte, et que ses saorifices ne tourneront pas eontre
l'Europe et contre elle-méme.


» Tels sont les principes qui ont présidé aux conscils
des souverains alliés , a l'époquc oú ils ont entrevu
la possibilité d'cntreprendre la grande ceuvre de la
reconstruction politique de l'Europe : ces principes
ont rec¿u tout lcur développement, et ils les ont pro-
noncés le jour oú le succes de leurs armes a permis
aux puissances du continent d'en assurer l'effet , et a
l'Angleterre de préciser les sacrifices qu'elle place
rlans la balance de la paix.




MANUSCRlT
"Le eontre-projet presenté par M. le plénipotcn-


tiaire francais part d'un point de vuo cntiercment
opposé : la France, d' apres ses eonditions, garderait
une force territorialc infiniment plus grande que le
comporte l'équilibre de l'Europe , elle conserverait
(les positions offensives et des points d'attaque au
moyen desquels son gouvcrnement a déjá effectué
tant de bouleversements; les cessions (In'elle ferait ne
seraient qu'apparentes. Les principes annoncés a la
face de I'Europe par le souverain actuel de la Frunce,
et l'expérience de plusieurs années, ont prouvé 'lile des
états interrnédiaires , SOIlS la doruination de membres
de la famille régnante en France , ne sont indépen-
dants que de nom. En déviant de l'esprit qui a dicté
les bases du traité du 17 février, les puis-anccs n'eus-
sent rien fait pour le salut de l'Europe. Les efforts de
tant de nations réunies pour une rnéme cause se-
raient perdus; la faiblesse des cabinets tournertnt con-
tre eux et centre leurs peuples; l'Europe et la France
méme deviendraient hicntót victiiucs de nouveaux dé-
chirements ; l'Europc ne ferait pas la paix, rnais elle
désarmerait,


"Les cours alliées , considérant que le contre-projet
présenté par 1'1. le plénipoteutiaire de France ne s'é-
¡oigne pas seulement des bases de paix proposécs par
elles, mais qu'il cst cssentiellement opposé a leur es-
prit, et 'In'ainsi il ne remplit aucune des conditions
qu'elles ont mises ú la prolollgatioll des négoeiations
de Chátillon , elles 1Il' peuvent rcconnaitrc dans ¡~




DE MIL l1UIT CENT QUATORZE. 333
marche suivie par le gouvernement francais que le dé-
sir de trainer en lonp;Heur des négociations aussi inu-
tilos (IUe comprornettantes; inutiles, parceque les ex-
plications de la France sont opposées aua: conditions
¡queles puissanoes regardeni comnw nécessaires pour la
reconstruction de l'édifice social, a laquelle elles con-
sacrent toutes les forces que la Providenee leur a con-
liécs; eompromettantes, parceque la prolongation
de stériles négociations ne servirait qu'á induire en
erreur et a faire naitre aux peuples de I'Europe le
vain espoir d'une paix qui est devenue le premier de
leurs bcsoins.


"Les plénipotentiaires des cours alliécs sont char-
gés en conséqucnce de déclarcr que, fideles it Ieurs
principes , et en conformité avec leurs déclarations
antérieures, les puissances alliées regardent les négoo
ciations entarnées a Chátillon comme termlnees par le
gouvernement [rancais. Ils out ordrc d'ajouter á cette
déclaration eelle que les puissances alliécs , indissolu-
blement unies pour le grand but qu'avcc l'aide de
Dicu elles esperent atteindre , ne font pas la gllerrc á
la France ; qu'elles rcganlent les justes dimensions de
cet «rnpirc comme une des p]'emien~s conditions d'un
état d'équilibrc politique; mais quclles ne poseront
pas les armes avant (Iue leurs príncipes aient été
reeonnus et adniis par son gouvernemcnt."


Apres lecture de eette déclaration, MJH. les pléni-
potcntiaircs des cours allices en ont remis une copie
i¡NL le plénipotentiaire de France , qui a témoigné




33!~ MANUSCRlT
désirer qne la séanee fllt suspendue jusqu'a neufheute:
du soir.


A la demande de MM. les plénipotentiaires des cour:
alliées, la séance , qui avait été remise a neuf heure.
du soir le 18, a été ajournée au lendemain 19 auru
heme aprés midi,


(N° 3'7') Lettre du prince de itjetternicli
¿lit dile de Ficence.


Troyes, le .8 m ars .814.


Je ne erois pas , monsieur le duc, que la déclara-
tion qui vous aura été bite puisse vous surprendre
quand, apres plus de six semaines de réunion, le pre·
miel' eontre-projet presenté par la France differe tota
lement de I'esprit qui a dicté le projet des puissanccs
elles n'ont pu entrevoir dan s ce fait qu'unc rechcrche
de la part de votre cabinct , de trainer des négoeiation:
en longueur, dont la simple existence lui est utile.


Nous ne poserons pas les armes san s avoir attein
le seul fruit de la guerre que nous eroyons digne dI
notre ambition, la certitude de jouir pcndant des an-
nées d'un état de rcpos qui ne vous est pas moins né
cessaire qu'a nous. Nous ne croyons pas que la picc!
que vous avez été dans le cas de présenter 11' I 5 mar:
soit l'ultimlltum de votre eour. Pourquoi 1 dan s cettr




DE MIL HUIT C.ENT QUATORZE. 335
supposition el daus un momcnt oú chaque jour coüte
II;:S sacrilices enormcs á la France, ne vous a-t-on
pas mis dans le cas de suivre la marche la plus con-
forme á vos intéréts jl Pourquoi ne vous a-t-on pas
donné des explications franeheset précises , les seules
qui pouvaient vous mener au but dans le plus court
délai possihle ? Si les eonditions du contre-projet sont
1'ultimatum de 1'empereur; je dirai plus, si I'esprit
qui regne dans cette picce est celui qui préside encorc
á vos conseils , toute paix est impossible ; les armes
décideront du sort de l'Europe et de la France.


n serait diffieile, ruonsieur le due, que je vous re-
trace les pénibles sensations qu'éprouve l' empereur
mon maitre. Il aime su tille, et il la voit exposée á de
nouvelles iriquiétudes , et elles ne pourront qu'aug-
mentor. Plus les questions politiques se complique-
ront , plus elles devienrlront personnelles. L'cmporeur
Napoléon a bien mal reconnu les bonnes intentions
tlue l'empereur Francois n'a cessé de luí indiquer si
claireruent.


Peut-étre sommes-nous plus prós de la paix , a la
suite de la rupture d'aussi stériles négociations; elle
seule remplira tons \lOS voeux.


Reeevez, etc.


Signé le prínce de MET'fERNICH.




J\lANU SCIUT


1, N° 38. ) Lettrc du prince de Meuernich
Au tluc de Vicence.


Du .8 mars.


Les affaires tournent bien mal, monsieur le duc, -
Le jour oú on sera tout-a-fait déci(lé pour la paix, avee
les sacrifices indispensables, venez ponr la faire , mais
non ponr etre I'interprete de projets iuadmissibl es.
Les questions sont trop fortement placét's ponr qu'il
soit possible de continucr a écrire des romans, sans
de grands dangers pour l'empereur Napoléon. Que
risquent les alliés? En dernier résultat, apres de grands
revers, on peut étro forcé a qnitter le territoire de la
vieille Franee. Qu'aura gag'né I'empcreur Napoléon?
J...es peuples de la Belg'iquc font d'énormes efforts dans
le moment actuel. On va placer toutc la rive gauehe
du Rhin sous les armes. La Savoic, ménagée jusqu'á
eette heurc ponr la laisser atonte disposition , va ¡ltre
soulevée; et il y aura des attacIues tres personnelles
eontre l'empereur Napoléon , qu'on n'est plus maitrc
d'arréter.


Vous voyez que je vous parle avec franchise , commc
a l'homme de la paix. Je serai toujours sur la méme
ligne. Vous devez eonnaitre nos vues, nos prineipes,
nos voeux. Les prernieres sont toutcs curopéermes ,
et par consequent [rancaises ; les scconds portent a




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 337
avoir l'Autriche comrne intéressée au bien-étre de la
Franee; les troisiemes sont en faveur d'une dynastie
,/ , 1" • 1 'SImtimement lee a a sienne.


Je vous ai voué, mon cher duc , la confiance la plus
'entiere : pour mettre un terme aux dangers qui me-
nacent la France , 'il dépend encore de votre maitre de
faire la paix. Le fait ne dépendra peut-étre plus de lui
sous peu. Le tróne de Louis XIV, avec les ajoutés de
Louis XV, offre d'assez belles chances pour ne pas de-
voir étre mis sur une seule carte. Je ferai tout ce que
je pourrai pour retenir lord Gastlereagh quelques jours,
ee ministre par ti , on ne fera plus la paix.


Recevez, etc.


Signé le prince de METTlllUUCB.


(N° 39,) Continuation de la séance J le 19mars ,
a unª heure.


l\J. le plénipotentiaire de France demande l'inser-
rion au protocole de ce qui suit:


Le plénipotentiaire de France, forcé d'improviser
une réponse a une déclaration que 1'1M. les plénipo-
tentiaires des cours alliées ont eu plusieurs jours pour
préparer, re"p0uBBera, autant que la br\evete du temps
le lui permet, les accusations'dirigées contre sa cour ,
et que ron fonde en partie sur des faits et en partie


22




;>38 l\iANUSCRrT
sur des raisonnernents de I'exactitnde desquels il ne
peut en aueune facon convenir.


Il est dit dans cette déclaration que 1'unique but
des cours alliées est le rétablissement (le la paix gé-
nérale continentale et maritime;


Que cette paix ne peut exister sans une juste ré-
partition de forces entre les puissances :


Que. cette juste répartition se trouve établic par
leur projet du 17 février;


Qu'aucune vue d'ambition ne peut avoir dicté ce
projet , puisqu'il est l' ouvrage de l'Europe tout en-
tiere :


Que les observations de la Franee remises dans la
séanee du 10 mars ne sont point une réponse a ce
projet, et ne peuvent étrc un sujet de discussion ;


Que la note verbale du méme jour ne touche nul-
lement au fond des principaux arrangements propo-
sés par les alliés;


Que la France, rentrant dans ses anciennes limites
et recouvrant les colonies que 1'Angleterre lui renrl,
sera sur la ligne des plus fortes puissances de 1'Eu-
rope;


Que, d'apres son contre-projet présenté le 15, la
Francegarderait une étendue de territoire beaueoup
plus eonsidérable que ne le comporte 1'équilibre de
l'Europe ;


Que les membres de sa dynastie eonserveraient des
états qui, entre leurs mains , ne seraient qu'une dé-
pendance de la Franee;




DE MIL HUlT CENT QUATORZE. 339
~uc le contre-projet est done essentiellemeut op-


posé aI'esprit du projet des cours alliées , et qu'attendu
qu'ilnc remplit aueune des conditions qu'ils ont mises
a la prolongation des conférences de Chátillon , par
leurs dédarations du 28 février et du 15 mars, elles
regardent les négociations comme terminées par le
gouvernement francais,


Le plénipotentiaire de France répond:
Que la Franee, sur qni pesent tous les maux de la


double guerre continentale et maritime, doit désirer
et désire plus que qui que ce soit la double paix qui
doit la finir, et que son voeu sur ce point ne peut pas
etre l'objet d'un doute;


Que la volonté de la Franee de eoneourir a I'éta-
hlissement d'un juste équilibre en Europe est prouvée
par la grandeur des sacrifices auxquels elle a déja
consenti; qu'elle ne s'est pas bornée a invoquer on
a recormaitre le principe, mais qu'elle agit en con-
formité;


Que le projet des alliés ne parle que des sacrifiees
demandés a la France , nullement de l'emploi de ces
saerifices; qll'iJ ne donne aucuns moyens de connaitre
quelle sera la répartition des forees entre les puis-
sanees, et qu'il a méme été rédigé dans le dessein
formel que la Franee ignorat eette répartition;


Que, sans taxer d'ambition aueune des cours al-
liées , il ne peut ecpendant s'ernpécher de remarquer
que la plus grande partie des sacrifices que la Franee
aura faits devra toumer a l'aceroissement individuel


22.




;)40 MANUSCRIT
du plus grand nombre d'entre elles, sinon de toutes;


Que si, .pour clonner une preuve de plus de son es-
prit de conciliation , et pour arriver plus prompte-
ment a la paix, la France consentait a ce que les
quatre cours alliées négociassent tant pour elles-memes
que pour l'universalité des états engagés avec elles
dans la présente guerre, elle nc peut néanmoins ad-
mettre ni de fait ni de droit que la volonté de ces
quatre eours soit la volonté de toute l'Europe;


Que les observations remises dans la séance du 10
mars, embrassant l'ensemble et tous les détails rlu
projet des alliés , examinant le príncipe sur lequel ils
reposent et leur application, éraient une véritable
réponse a ce projet; réponse pleine de modération et
d' égards, et qu'il était d' autant plus nécessaire de dis-
cuter, que ce n'est qu'apres étre demeuré d'accord
sur les principes qu'on peut saccorder sur les con sé-
quences;


Que la note verbale du méme jour touchait si bicn
au fond des arrangements des alliés, qu'elle était un
consentement a plus des six septiemcs des sacrificas
qu'ils demandaient;


Que la déclaration dc ce jour dit et. répete que
l'Angleterrc rend a la France ses colonies ; mais que
par le projet du 17 février l'Angleterre garde et ne
rend point les seules qui aient quelque valeur;


Qu'en affirmant que la France veut garder une
étendue de territoire plus gTande que ne le comporte
1'équilibre de l'Europe , on pose en Iait ce qui est en




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 341
\


question, et l' on affirme sans preuve le contraire de ce
que les observations du 10 mars établissent et prou-
vent par des faits et des raisonnements qu'on a refusé
de discuter , ct contruires encare a ce, que les souve-
rains alliés pensaient et déclaraient au mois de no-
vembre dernier;


Que si l' Angleterre prauve sa modération par la
restitution qu'elle promet a la Hollande, la France ne
prouve pas moins son désir sincere de la paix en pro-
mettant aussi pour la Hollande un accroissement de
territo ire :


Qu'on a súrerncnt oublié que le prince vice-roi, en
faveur tIe qui 1'empereur des Francais rcnonce aUN
royaume indépendant de la France , appartient par
des liens de famille a1'Allemagne autant qu'á la France;


Que le grand-duché de Berg appartient tout cntier
au svsteme fédératif de 1'Allemagne proposé par les
alEés; et que, qllant a Lucques et Piombino, on peut
apeine leur donner le nom d' états ;


QIl'ainsi, loin ll'í'~tre esseutiellemeut opposé a l'es-
prit du projet des cours alliées, le contre-projet fran-
cais est plus conforme a cet esprit qu'il u' était peut-
étre mérnc naturel de le peuser lorsqu'il ne s'agissait
encore que d'un premier pas vcrs le hut de la négo-
ciation :


Qu'en effet le projet des cours alliécs et le contre-
projet francais n'ont pn ctl'C consideres autrement
que cornme etablissement , (le part et d'autre , des
points c1e départ pou!' arriver de la au but qu'on se




3/+2 MANUSCRTT
propose réciproquement d'atteindre par une gTadation
de demandes et de eoneessions alternatives et mu-
tuelles , soumises a une discussion amiable , sans la-
queHe il n'existe point de véritable négoeiation;


Qu'une preuve du désir bien sincere qu'a la Frunce
d'arriver a la paix, e' est que, par le contre-projet du
15 mars, elle s' est d' elle-rnéme plaeée du premier
mot bien en-decá de ce que les bases proposées
par les cours alliées, il y a quatre mois , et qu'elles dé-.
clararent alors ~tre celles qui convenaient al'équilibre
de l'Europe , l' autorisaient a demander ;


Qu'il s'attendait a voir dans la séance de ce jour
eommeneer eette discussion qu'il ri'a cessé d'offrir ou
de réclamer , et qu'au lieu de cela on lui annonce une
rupture eomme pour prévenir toute discussion,


Jl déclare en conséquenee que, bien loin que la
rupture puisse étre imputée a son gouvernement, il
ne peut encore eonsidérer sa mission de paix eomme
terminée ; qu'il doit attendre les ordres de sa eour, et
qu'il est , eomme il fa préeédemment déclaré, prét a
discuter dans un esprit de eoneiliation et de paix toute
modifieation des projets respeetifs qui serait proposée
ou demandée par MM. les plénipotentiaires des cours
alliées; qu'il espere qu'ils voudront bien en rendre
compte a leurs cabinets , et que, pour donner un té-
moignage de leurs dispositions personnelles pour ar-
river aune paix qui est le voeu du monde, ils atten-
dront les réponses de Ieurs cours respectives, Il déclare
en outre que son gouvernement est toujours prét it




DE MIL HmT CENT QUATORZE. 343
contil~iler la négociation ou a la reprendre de la ma-
niere et sous la forme qui pourra amener le plus
promptement possible la cessation de la guerreo


.1\'1.1\'1. les plénipotentiaires des cours alliées observent
ensuite que, par une faute du copiste , il Y a dans la
déclaration qu'ils ont dictée hier, au protocole, une
omission des deux paragraphes suivants , dont ils de-
mandent I'insertion au protocole, pour compléter la
piece précitée.


10 Apres ces mots , de la part du gouvernement
[rancais , ils y ont ajouté verhalement « qu'ils étaient
préts a discuter, dans un esprit de conciliation, toute
modification que .1\'1. le plénipotentiaire francais pour-
rait étre autorisé aproposer, et qui ne serait pas op-
posée a I'esprit des propositions faites par les cours
alliées ;» le terrne du 10 mars ayant été , etc., etc.


2 0 ApJ'(~s les rnots qu'elle place dans la balance de
la paix, « ces príncipes paraissent avoir été trouvés
justes par le gouvernement francais , a l'époque oú il
croyait sa capitale menacée par les armées alliées, ala
suite de la hataille de Brienne... u


Le plénipotentiaire francais n'admit pas seulement,
par une {lémarehe eonfidenticlle, les limites de la
Frailee, telles qu'elles avaient été en 1792, comme
bases de pacifieation; il offrit mérne la remise immé-
diate de places, dans les pays cédés, eomme gages de
séeurité pour les alliés, dans le cas que les puissances
voulussent aceéder sur-Ic-champ a un arrnistice.


" Les puissances donnercnt une preuve de leur dé-




344 MANUSCRIT
sir de voir l'Europe pacifiée dans le plus court délai
possible, en se pronon~ant pour une signature immé-
diate des préliminaires de la paix.


"W[ais i1 avait sufü de (tue1quc5 succes appal'ents
pour faire ehanger les dispositions du gouvernement
francais. ~ Le contre-projet présenté par M. le pléni-
potentiaire francais porte:


Le plénipotentiaire de France observe qu'il parait
au moins extraordinaire qu'on ait oublié deux para-
graphes dans une piece préparée depuis plusieurs jours
par les cabinets , et il répond ensuite á la nouvelle
déclaration qui lui est faite.


Quant au premier point :
Qu'il doit regTetter vivement que la conduite de


MM. les plénipotentiaires des cours alliées, en refu-
sant constamment , malgré ses instances réitérées ,
d' entrer en discussion aveo lui, tant sur leur propre
projet que sur le contre-projct qu'il Ieur a remis , ait
été , jusqu'á ce moment mérne , si completement en


opposition avec la déclaration qu'ils relatent.
Quant au second :
Que ce qui y est dit relativement a la démarche


confidentiellc faite par lui, le 9 février, a été suffisam-
ment refuté, quant au fait, dans les précédentes confé-
rences; et quaIlt aux nouvelles réflexions qui sont
mises en avant , que l'Europe jugera qui de son gou-
vernement ou des souverains alliés ron peut, á juste
titre, accuser d'avoir manqué de modération en sus-
pendant, sans canse avouéc, [a négociatioll ;l l'épo(Iue




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 345
méme dont il est question, en rejetant avec la con-
dition qui y était mise, la proposition. Les puissances
alliées n'ont-elles pas prouvé que, dans cette circon-
stance, comme dans tout ce qui a suivi le jour oú les
bases d'une négaciation ont été posées a Francfort
par leurs ministres, elles ont placé constamment leurs
vues sous l'influence illimitée des événements, loin de
tendre, comme elles le disent , avee justice et modé-
ration, au rétablissemcnt d'un véritable équilibre de
l'Europe?


Apres cette réponse, dont copie a ete remise a
1\'11\1. les plénipotentiaires des cours alliées , ceux-ci
ont déclaré que leurs pouvoirs étaient éteints, et qu'ils
avaient ordrc de retourner aux quartiers-généraux de
leurs souverains,


Chátillon-sur-Seine , le 19 mars 1814.


Signé CAULAINCOURT, duc de Vicence; ABERDEEN,
CATHCART, le comte de R.AzouMOWSKI, HUM-
BOLDT, le comte de SUDlON, Charles STEWART.
lieutenant-général.


Les soussignés, plénipotcntiaires des cours alliées ,
en voyant avec un vif et profond regret rester sans
fruit, pour la tranquillité de l'Europe , les négociations
entamées a Chátillon , ne peuvent se dispenser de s'en
oceuper encare avant leur départ, en adressant la pré-
sente note a1\'1. le plénipotentiairc francais, d'un objet
qui est étrangcr aux discussions politiques, et qui aurait
du le rester toujours. En insistant sur l'indépendance




MANUSCRIT
de l'Italie, les cours alliées avaient l'intention de re-
placer le saint-pere dans son aneienne capitale; le
gouvernement franeais a montré les mérnes disposi-
tions dans le contre-projet présenté par M. le pié ni-
potentiaire de France : il serait malheureux qu'un
dessein aussi naturel, sur lequel se réuniraient les
deux partis, restát sans effet par des raisons qui
n'appartienneut nullement aux fonctions que le chef
de l'église catholique s' est religieusement astreint
d'exercer. La religion que professe une grande partie
des nations en guerre actuellement , la justice et l'é-
quité générales, l'hum anité eníin , s'intéressent égale-
ment ace que sa sainteté soit re mise en liberté; et les
soussignés sont persuades qu'ils n'ont qu'a témoigner
ce voeu , et qu'á demander, au nom de leurs cours ,
cet acte de justiee au g'ouvernement francais , pour
l'engager a mettre le saint-pere en état de pourvoir,
en jouissant d'une entiere indépendance, aux hesoins
de l'église catholique.


Les soussignés saisissent eette occasion pour réitércr
a S. Exc. M. le plénipotentiaire de Frunce leur haute
considération.


Chátillon , le 19 mars 18) 4.
Signé Charles STEWAII.T, cornte de STA.DION,


CATHCAII.T, H U~)BOLDT, A. comte de l\Azou-
MOW~KI, AIlEII.DEEN.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 347


(N° !~o.) Lettre du duc de V icence
Al! prince de Meuernich.


Chátlllon , le 20 mars 1814.


MON PRINCE,


Je commence par vous assurer que M. de Floret
fait parfaitement vos commissions. Je ne saurais con-
venir que la déclaration qui m'a été rernise ne m'a pas
surpris. le devais penser qu'on entrerait en discussion,
ou bien qu'on remettrait un contrc-projet , ou mérne
un ultimatum , puisque le projet du 17 février n'en
était pas un, pas plus que ce1ui du 15 marso


Votre excel1ence sait aussi bien que moi que les
lenteurs, les embarras, les difficultés de tout genre ,
étaient inhérents au mode de négociation adopté par
les alliés. Si les intentions pacifiques de votre maitre ,
l' ascendant de votre bon esprit, et toute la prépondé-
ranee de la puissance prineipale de la coalition , n' ont
pu faire aecepter, dans le seul moment et sous la seule
condition oú elle pouvait l' étre , ma proposition confi-
dentieUe du 9 février, jugez s'il y avait ici un moyen
quelconque de faire faire un seul pas ala négoeiation.
Vous voulez que nous cédions tout, et vous ne voulez
pas nous dire ce que vous comptez faire de ce que
vous nous demandez. Pour s'entendre, encore faut-
íl se parler: I'a-t-on voulu? l'a-t-on pu? Peut-étre ,




348 MANUSCRIT
connne "VOU5 le di'te5, 50nlnlel;-llüUl; p\U5 pre5 de \a
paix, apres cette rupture, qu'auparavant. J'aime ale
croire, et il ne dépendra pas de moi que ce dernier
espoir ne se réalise; je n'en aurais méme nul doute si
j'avais la certitude que vous et lord Castlereagh soyez
les instruments de cette ceuvre aussi glorieuse que dé-
sirable, Il ne faut pas se le dissimuler , la paix ne peut
se faire que par les hommes qui ont tout entiere la
pensée de leur cabinet.


Je m'afflige eomme vous, mon prince, de la situa-
tion de I'impératrice ; elle montre un courage qui la
rend aussi digne du tendre intérét de son auguste pere,
que de l'affection du peuple qu'elle a adopté.


Tant qu'il sera question de paix, les difficultés ne
me rebuteront pas; eomptez done sur moi: mais veuil-
lez vous rappeler , prince, que je dois aussi compter


. .


sur vous; cal', comme vous en paralssez convamcu,
trop d'intéréts sont cornmuns a la France et al'Autri-
che pour que vous puissicz vouloir les séparcr daus
la grande question enropéenne.


Agrécz, etc.


Signé C.UiLAINCOURT, duo de Yicence.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 349


(N° 41.) Lettre du duc de Vicence
Au prince de Mettemich.


Jolgny , le 21 mars 1814.


MON PRINCE,


Je ne veirx pas laisser partir M. le eomte de W olf-
fenstein sans prier votre excellenee de mettrc aux
pieds de r empereur rexpression de ma respectueuse
reconnaissancc pour toutes les attentions dont cet
officier m'a comblé,


Je me háte de rejoindre notre quartier-général, afin
de vous revoir plus tót. Vcuillez ajouter aux térnoi-
gnages de confiance que vous avez bien voulu me
donner l'obligeante attention de m'éviter tous retards
a vos avant-postes quand je m'y présenterai.


Je mets sous votre eouvert plusieurs lettres que j'ai
re~ues en chemin par un eourrier qui a augmenté tous
mes regrets; ce qu'il m'a apporté ne me laisse pas de
doute sur la possibilité qu'on aurait eue a s'entendre ,
méme aChátillon, Je vous le répete, mon prince, e' est
sous vos auspices que la paix est faisable; n' en laissez
pas le soin et la gloire a d'autres , et je vous assure
que le monde jouira, avant peu, du repos qui lui est
si nécessaire,


Signe: CAllLAINCOURT, due de Vicence.




350 MANUSCRIT


(N° 42.) Le duc de Ficence
Au prince de Metternich,


Expédiée de Doulevent, le 25 mars , par M. de Oallebou ,
officier du prince de Neufchátel , au quartier général


'imperial.


Arrivé eette nuit seulement pres de l'empereur ,
S. M. m'a sur-le-champ donné ses derniers ordres
pour la eonclusion de la paix, Elle m'a remis en méme
temps tous les pouvoirs nécessaires pour la négoeier
et la signer avec les ministres des cours alliées, eette
voie pouvant réellement mieux que toute autre en
assurer le prompt rétablissement. Je me háte done
de vous prevenir que je suis prét ame rendre a votre
quartier-général, et j'attends aux avant-postes la ré-
ponse de votre excellence. Notre empressement prou-
vera aux souverains alliés combien les intentions de
I'empereur sont pacifiques, et que, de la part de la
France, aucun retard ne s'opposera a la conclusion
de l'osuvre salutaire qui doit assurer le repos du
monde.


Agréez , etc.


Signé C.U1LAINCot1RT, duc de Vicence.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 35J


(N° 43.) Lettre du duc de V icence


Au prince de Metternich.


Expódíée de Doulevent , le 25 mars , par un officier du
prince de Neufchfttel, au quartier général, l/i14·


MON PRINCE 1


Je ne fais que d'arriver , et je ne perds pas un mo-
ment pour exéeuter les ordres de l' empereur, et pour
joindre eonfidentiellement a ma lettre tout ce que je
dois a la coníiance que vous m'avez témoignée.


L'empereur me met a rnéme de renouer les négoeia-
tions, et de la maniere la plus franehe et la plus po-
sitive. Je réclame done les facilités que vous m'avez
fait espérer, afin que je puisse vous arriver , et le plus
tót possible. Ne laissez pas a d'autres , mon prinee, le
soin de rendre la paix au monde. Il n'y a pas de rai-
son pour qu'clle ne soit pas faite dans qnatre jours ,
si votre bon esprit y présidc, si on la veut aussi fran-
chernent que nous. Saisissons l'occasion , et bien des
fautes et des malheurs seront réparés. Votre tache,
mon prinee, est glorieuse: la mienne sera bien péniblc ;
mais, puisque le repos et le bonheur de tant de peuples
en peuvent résulter, je n'y apporterai pas moins de
zele et de rlévouemenr que vous.




352 MANUSCRlT
Les dernieres Iettres de l'impératrice nous donnent


la eertitude que la santé de S. M. est fort bonne.
Agréez, etc.


Signé CAULAINCOUIIT, duc de Vicence.




MANUSCRll'


~IIL IIUIT CENT QUATORZE.


TROI5IEME PARTIE.


Opus a~grl:'dior ~t ip~a etinm paee ssevum .






MANUSCRIT
DE


J\IIL IIUIT CENT QUATORZE.


CHA.PITRE r-,
, ,


1, ARJlIKE S}~ RANG1' AUTOIlR D1' FONTAINEBLEAU.
- NOUVl<:LI,ES 01' PARIS. -SUCC],;S DU PARTI
ROY AUSTE.


\ Du 3. mars au .e, avril.)


Le 31 mars, asix heures du matin, Napoléon
se retrouve aFontainehleau, On ne prend dans
le cháteau qu'un logement militaire; les grands
appartements restent fermés; Napoléon s'établit
dans son petit appartement, situé au premier
étage, le long de la galerie de Francois ler.


.23.




356 :MANUSCRIT
Dans la soirée et dans la matinée du lendemain,


on voit arriver par la route de Sens la tete des
colonnes que Napoléon raméne de la Champa-
gne, et par la ronte d'Essonne l'avant-garde des
troupes qui sortent de Paris. Ces débris se grou-
pent autour de Fontainebleau.


Le due de Conegliano, qui eommandait la
garde nationale de Paris; le duc de Dantzick ,
qui, malgré son grand age, vient de faire la
eampagne; le prince de la Moskowa, le due de
Tarente, le duc de Reggio et le prince de Neuf-
chátel , qui arrivent de Troyes; les ducs de Tré-
vise et de Raguse, qui sortent de Paris, rejoi-
gnent successivement le quartier impérial.


Le duc de Bassano est le seul ministre qui soit
en ce moment aupres de Napoléon ; le duc de
Vicence est en mission aupresdes alliés, les au-
tres ministres sont sur la Loire avec l'impératrice.


A mesure que les troupes défileut, OIl leur fait
prendre position derriere la riviere d'Essonne. Le
duc de Raguse place son quartier général a Es-
sonne, le duc de Trévise établit le sien aMenne-
cy. Ce qui vient de Paris est rallié derriere cette
ligue, ce qui arrive pe la Champagne prend une
position intermédiaire du coté de Fontainebleau;
les bagages et le grand parc d'artillerie sont di-
rigés sur Orléans.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 357
Napoléon a done encore une armée dans sa


main Tandis qu'il médite sur les ressources
de sa position militaire, l'attention autour de lui
est entierement absorbée par tout ce qui se passe
el Paris. On recueille ave e avidité les moindres
détails qui arrivent de ce coté, et c'est d'abord
du succes de la mission dn duc de Vicence que
I'on s'informe avec le plus d'inquiétude. Ce mi-
nistre s'était présenté, dans la nuit méme du 30
au 31, aux avant-postes des alliés ; il était par-
venu jusqu'á l'empereur AIexandre, iI en avait
re<;u un accueil honorable: mais ce souverain
tenait dans ses mains les clefs de Paris qu'on
venait de lui apporter, il était occupé adonner
des ordres pour son entrée, qui devait avoir lieu
adix heures du matin; avant de parler d'affaires,
il voulait étre aParis: tout ce qu'avait pu obte-
nir le duc de Vicence, c'était la promesse qu'on
lui donnerait les premiers moments dont on
pourrait disposer apres l'occupation militaire de
la capitale,


Cependant les chefs de l'armée ennemie avaient
commencé as'expliquer contre le gouvernement
de Napoléon; le général en chef autrichien, qui,
en l'absence de son maitre , devait montrer le
plus de circonspection dans cette grande cir-
constance, avait été des premiers au contraire




358 MANlJSCRIT
aprendre l'initiative avec un empressement ton
a-fait inexplicable. (1 Parlant au nom de l'Europ
j) sous les armes au pied .des murs de Paris
» Schwartzenherg venait de proclamer que le
»souverains alliés cherchaient de bonne foi un
»autorité salutaire en Franee pour traiter aVE
»elle de l'union de toutes les nations et de tal]
» les gouvernements; » et, méeonnaissant déja le
droits et l'autorité de Napoléon, il avait indiqu
aux Parisiens non seulement l'exemple de Lyon
qui venait de se rendre, mais encere celui el
Bordeaux, qui avait reconnu les Bourbons ",


A ce signal, les agents que la maison de BOUl
hon entretenait a Paris n'avaient plus craint d
se montrer; ils avaient compris que tout allai
dépendre de la maniere dont Paris aurait l'air d
se prononeer. L'importanee du moment les avai
fait redoubler d'efforts. Le peuple était dans I


I Les alliés avaient occupé Lyon le 21 marso
, « Le 51 mars , le prince Schwarlzenberg articula ex


pressément a M. le duc Dalberg que lui et 1\'1 le prince d
l\:letternich pensaient que la continuation de l'existenc
souveraine de Napoléon en France était incompatible ave
le repos de l'Europe, et que, Napoléon vivant, il n'y avai
rien de mieux a faire que de se fixer au retour de l'aneienn
dynastie en France.• (Voir les révélatlons de l'abbé d
Pradt , page 63. )




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 359
stllpeur; il n'y avait plus ni administration ni
police; le pavé était au prernier occupant, les
royalistes n'avaient plus qu'a s'en emparer.


Le 31, amidi , l'empereur Alexandre et le roi
de Prusse avaient fait leur entrée: eette marche
militaire , d'abord paisible, avait fini par devenir
bruyante; des cris en faveur des Bourbons s'é-
taient fait entendre, des eoeardes blanches avaient
été arborées; et les Parisiens étonnés, cherchant
des yeux l'empereur d'Autriche, avaient appris
avec iuquiétude qu'il était encore bien loin.


C'était ehez M. de Talleyrand que l'empereur
Alexandre était allé descendre, Cet ancien mi-
nistre aurait dú suivre l'impératrice sur la Loire ,
il en avait recu l'ordre; mais il s'était fait arréter
a la barriere et ramener dans Paris pour en faire
les honneurs aux alliés.


A peine le czar était-il installé dans son loge-
ment, qu'il avait tenu un conseil sur le parti
politique que les aIliés devaient adopter. M. de
TaHeyrand et ses principaux confidents n'avaient
pas manqué d'étre appelés a la délibération ':


1 Suite des révelations de lU. l'abbé de Pradt : Q Une con-
térence entre lU. de Talleyrand et lU. de Nesselrode avait
précédé de quelques heures la tenue de ce oonseil. On y




360 MANUSCRIT
Vainement le duc de Vicence s'était présenté
pour obtenir l'audience qu'on luí avait promise;


avait préparé ce qui devait etre ditdans oeluí-cí.» ([bid.,
page 65.)


ce L'empereur Alexandre, apres l'ouverture du conseil,
dit qu'il y avait troís partis aprendre : 10 faire la paíx avec
Napoléon, en prenant toutes ses sOretés centre lui; 2° étn-
blir la régence; 5° rétablir la maison de Bourbon. ~1. de
Talleyrands'attacha afaire sentir les inconvénients des deux
premieres propositions, et ¡\ les reunir dans I'esprit du con-
seil devant lequel iI parlait ; il passa ensuite a l'établísse-
ment de la troisieme, comme la seule chose qui convint el
qui ftlt désirée. On ne lui contesta pas les convenances,
mais bien l'existence d'un désir dont on n'avait pas trouvé
la manifestation sur toute la route traversée par les alliés,
dans Jaquelle au eontraire la population s'était prononcée
d'une maniere hostile, On appuyait sur la résistance de
l'armée, qui se retrouvait au méme degré dans les troupes
de nouvelle levée et dans les vétérans. 00 résistait done
a l'idée que le rappel de la maison de Bourbon ne füt pas
contrarié par les dispositions d'un tres grand nombre de
personnes. L'empereur demanda a l\'!. de Talleyrand quel
moyen il se proposait d'employer pour arriver au résultat
qu'il annoncaít. .• Quelque solides que fussent les raisons
qu'il allégua, cependant la résistance durait encore , et ce
fut pour la vainere qu'il crut devoir s'étayer du témoignage
de ]H. le baron Louis et du míen... l\'!. de Talleyrand nous
introduisit dans la salle 011 se trouvait le conseil ; on se
trouva rangé de maniere a ce que, du coté droit, le roí




DE MIL RlllT Cr~N1' QUA.TOB.'LE. '36\
la cause de son prince était déja perdue, qu'il n'a-
vait encore pu se faire entendre '.


de Prusse et le prinee Sehwartzenberg se trouvassent les
plus rapprochés du meuble d'ornement quí est au milieu
de l'appartement; 1\1. le due Dalberg était a la droite du
prinee Schwartzenberg; lUM. de Nesselrode, Pozzo di
Borgo, le prince de Lichtenstein , suívaient ; 1\I. de Talley-
rand se trouvait ¡\ la gaucho du roi de Prusse, M. le baron
Louis et moi plaeés aupres de luí. L'empereur Alexandre,
faisant faee á I'assernblée , allait et venait. Ce prinee , du
ton de voix le plus prononeé, débuta par nous dire qu'il ne
faisaít pas la guerre a la France , et que ses alliés el lui ne
connaissaient que deux ennemis, I'empereur Napoléon et
tout ennemi de la liberté des Francais .•• ; que les Francais
étaient parfaitement libres; que nous n'uvions qu'á faire
connaitre ce qui nous paraissait certain daus les dispositions
de la nation, et que son VOOIl serait soutenu par les forces
des ~Iliés ... J'éelatai par la déclaration que nous étions
tous royalistes et que la Franee l'était comme nous ... « Eh
»Iiien, dit alors l'empereur Alexandre, jc déclare que je ue
» truitcrai plus avec I'empereur Napoléon.•. »Onobtint de ce
monarque que cette déclaratíon füt rendue publique: deux
heures apres elle couvraít les murs de la eapitale, par les
soins de MM. lUiehaud, qui se trouvaient dan s les appar-
tements voisins de la salle du eonseil. l) (Voyez page 62
etsuiv.)


1 « A la fin du conseil nous mtmcs tous nos so ius a ernpe-
cher l'effet des représentations que les négociateurs de Na-
polcon pouvaient chercher á produire ; si nous ne pümes




MANUSCRIT
Au surplus le public n'avait pas tardé a étre


mis dans la confidence; déja M. de Nesselrode
avait écrit au préfet de police de rnettre en
liberté tous les individus détenus pour attache-
ment a leur [égitime souoerain , et bientót aprés
les murs de Paris avaient été placardés d'une dé-
claration de l'empereur Alexandre, faite tant en
son nom qu'en celui des alliés, portant qu'on ne
voulait plus traiter des intéréts de la France avec
Napoléon ni avec aucun rnembre de sa fami lle.


Les vainqueurs ont parlé: l'eselavage en silenee
Obéit a leur voix dans cette ville irnme nse,


VOLTAIRfi, Orphelin de la Chine.


les ernpécher d'arriver, on parvíut du rnoins ú ab~éger leur
séjour et a en atténuer l'effet. I} (Vuy. page 62 des révéla-
tions de l'abbé de Pradt. )




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 363


CHAPITHE lI.


SUlTE DES NOUVELLES QU'ON REyOIT DE PARIS.


(Du 1" au 2 avril.)


Cependant les alliés voulaient avant tout as-
surer la vie de Ieurs soldats. Depuis deux mois ,
quinze avingt mille étaient tombés sous les coups
des paysans fraru:;ais; il était urgent de désarmer
eette animosité.


On désirait le rétablissernent des Bourbons;
mais on ne voulait pas que cette révolution pa-
rút étre commandée par la force des armes; il
fallait aller doucement, ménager l'opinion, [aire
parler des voix francaises , et ne paraitre accéder
qu'au vceu national. Tel était le plan des alliés ;
leur langage était de venu celui de la générosité ,
les partisans des Bourbons faisaient le reste. Au
dehors ils provoquaient le retour de Ieurs prin-
ces avec tout l'essor d'un zéle long-temps com-
primé; on ne voyait qu'eux allant , venant a tra-
vers les bagages et les bi vouacs ennemis, qui
eucombraient nos ponts, nos quais et nos bou-
k'\ arrls. lis s'agitaient dans tons les scns , frap-




364 MANUSCRIT
paient atoutes les portes; tout ce qui les écontait
leur était bono lis trouvaient d'utiles auxiliaires
dans cette foule de gens en place qui ne pensent
qu'á conserver leur emploi ; Ils recrutaient sur-
tont des prosélytes actifs parmi tons ces arnbi-
tieux que les honneurs et les g1'aces n'avaient
pu encore atteindre depuis quinze ans qu'ils les
sollicitaient. Déja tout ce qui était mécontent du
sort avait battu des mains ala nouvelIe d'un re-
virement dans les fortunes; déjá toutes les fa-
milles qui avaient perdu a la révolution avaient
calculé tout ce qu'une contre-révolution pouvait
leur rendre. L'oreille des vieillards se prétait vo-
lontiers ad'anciens noms, a d'anciens droits qui
révcillaient les souvenirs de leur jeunesse; l'ima-
gination des femmes se laissait séduire par I'inté-
rét romanesque de quelques grandes infortunes;
la population des boutiques, inquiete au bruit
du sabre étranger qui battait le pavé, s'emp1'es-
sait de renier le souverain qu'elle admirait hiel':
en un mot, les passions jalo uses , le ressentímcnt
des ambitions trornpées , des vanités blessées, des
torts justement punis; les láchetés de l'ingratitude
et méme celles de la peu1', tout concourait a se-
conder les enncmis de Napoléon '.


r « La plupart des conjures avaicnt été comblés de bien-




DE MIL HUIT GENT QUATORZE. 365
En génér!ll, l'idée de la conquéte était in Sllp-


portable aux Parisiens ; on voulait a tout prix
échapper a cctte situation , et I'on courait se ré-
fugier rlans I'idée plus tolérablc d'une restaura-
tion. Les chefs de parti avaient saisi habilement
ce retour de l'amour-propre national sur lui-
méme, La volonté des alliés n'était présentéc que
eomme l'appui de la nótre , et l'oppression que
six eent mille étrangers exercaient sur notre
malheureux pays commencait a s'appeler la de-
liorance de la France '.


Mais il fallait un organe a eette opinion pu-
blique qu'on voulait faire parler, et l'on n'avait


------_.__.._-_._--_._------------_. __._------


faits par l'empereur; ils avaient trou vé de grunds avantages
dans ses victoires; mais plus leur fortune etait devenue
brillante, plus ils s'occupaient d'échapper au malheur
commun... Comblez un homme de bienfaits, la premiérc
idée que vous lui inspirez , c'est de chercher les moyens
de les conserver.)) (lUontesquieu, Grandeur et décadence
des Romains, chapo 11 et 13. )


f « Je dois sans doute au sang francais qui coule dans
mes veines , cette impatiencc que j'éprouve quand on me
parle d'opinions placées hors de ma patrie; et si l'Europe
civilisée voulait m'imposer la Charle, j'irais vivre a Cons-
tantinople. » ( Chiiteaubriand, page 118, De la monarchie
selon la Charte. )




366 MANUSCRIT
pas eu de peine a le trouver '. ( Le sénat était
» en possession du droit de suppléer, dans ton-
» tes les circonstances imprévues , a l'absenee du
\) pouvoir populaire. A ce titre, le gouvernement
» de Napoléon lui avait donné l'initiative dans
» les plus grandes affaires '.» Le sénat avait done
été choisi pour prendre encere l'initiative dans
celle-ci. Des le 3, an soir, l'empereur Alexandre
avait invite ce eorps a pourvoir aux besoins des
circonstances et au salut de l'état; illui avait com-
mandé de s'oecuper d'une nouvclle constitution
et de la eomposition d'un gouvernement provi-
soire.


Le sénat, habitué a obéir, s'était rassemblé le
1 er avril , sous la présidence de 1\1. de Tallcyrand,
et avait aceepté, pour composer le gouvernement
provisoirc, MM. de Talleyrand, de Beurnonville,
de Jaucourt , de Dalberg, et l'abbé de Montes-
quiou a.


, « L'empereur Alexanure ayant demandé ú tu. de Talley-
rand quel moyen il se proposait d'employer, celui-ci ré-
pondit que ce serait les autorités constituées , el qu'il se
faisait fort du senat. » ( Suite des révélations de l'abbé de
Pradt , page 6,. )


> M. Lambrechts.
3 «Dans cette séance le gouvel'llement provisoire fut




DE 1\111. HlTIT CENT QUATORZE. 367
AH rnéme moment le conseil général du dé-


pal'tement de la Seine , convoqué illégalement
par son président Bellard , avait déclaré que
le vceu de París erait pour le rappel des Bour-
bons.


Telles sont en substance les nouvelles de Paris
(]ue l'on recoit a Fontainebleau dans les trois
premiers jours. Elles font. une grande sensation
parrni les chefs de i'armée ', mais elles ne peu-
vent distraire Napoleon de ses dispositions mi-
Iitaires. TI est au moment de se retrouver a la
téte de cinquante mille hommes; c'est snr Paris
qu'il veut marcher. n espere que le bruit de
son canon réveillera les Parisiens et ranimera
l'amour-propre national, comprime un instant
par la présence de l'étranger. L'ennemi est fa-
tigué; il vient de perdre douze mille hommes
dans les fossés de París. Depuis quelques heures
il se repose dans la sécurité du succes ; ses gé-


nornmé , ou plutüt confirmé; car les choix qui avaient été
arrétés entre nous ne souffrírent pas une contradiction. »
(De Pradt, page 72. )


r «Desque nous fumes sortis du conseil (31 mars ), 1\1. le
baron Louis et moi , nous travaillámes a nous assurer d'un
des généraux les plus influents , et nous dépéohñmes vers
lui. » (De Prndt , page 72. )




368 MANUSCRIT
néraux sont dispersés dans nos hótels; ses sol-
dats s'égarent dans le dédalo des carrefours de la
capitale ; un coup de main sur Paris peut: avoir le
plus grand résultat ; le mouvement des troupes
commence l




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 369


CHAPITRE III.


lNFLUENCE DES ÉVÉNEMENTS DE PARIS SUR
FONTAINEBLEAU.


Sur ces entrefaites M. le due de Vieenee ar-
rive, c'est dans la nuit du 2 au 3 avril qu'il se
présente aNapoléon.


Si les alliés se sont décIarés contre la personne
de Napoléon, eependant tout espoir ne semble
pas encore perdu, Le due de Vicence est parvenu
a se faire entendre; il a obtenu un retour favo-
rable aux intéréts de la régente et de son fils. Ce
parti, qui a aussi sa légitimité, réunit de grands
moyens d'opinion; il balance maintenant dans
l'esprit des souverains les résolutions opposées
qu'on leur suggere en faveur des Bourbons: mais
une prompte décision est nécessaire de la part
de Napoléon; etc'est son abdication que le duc
de Vicence vient demander '.


r Voyez l'histoire de lU. Beauchamp, page 565, tome 11.
Le duc de Vicence n'avait rien négligé pour faire prévaloir
la régence ... ; l'empereur Alr.xllndre parili5sait~'ébranlé...
~dt




3'70 MANUSCRlT
Napoléon ne pense pas qu'un pareil parti


puisse se prendre a l'improviste ; il resiste aux
instances du duc de Vicence et refuse de s'ex-
pliquer, Le jour vient, et il monte a cheval pour
visiter la ligne de ses avant-postes. La journée
du 3 se passe ainsi en inspections militaires.


Le soldat était bien disposé, et accueillait par
des cris de joie le projet d'arracher la capitule a
l'ennemi.; les jeunes généraux n'écoutaient qne
leur ardeur guerricre, redoutant pcu de nou-
velles fatigues; il n'en était pas de méme dans
les rangs plus élevés, et HOUS en avons assez dit
pour faire voir I'iníluence de Paris.


On frémissait al'idée des malheurs particuliers
qu'une seule marche pouvait atrirer sur les hó-
tels oú l'on avait Iaissé femmes, cnfants, parents,
amis, etc. La disposition qne montrait la trollpe
a s'élancer dans ce granel désordre achevait de
jeter l'effroi; on tremblait aussi de perdre , par
ce que l'on appelait un coup de tete, la fortune
ét le rang qu'on avait si pénib1ement acquis , el


Schwartzenberg s'était refusé ú faire marcher sur Fontaine-
bleau... 1..'Autriche inclinait pour la régence... "El, ajoute-
t-il, pagc 367, malgré la déchéance , la régence pouvait
encore prévaloír , sept [ours apres I'entrée des alliés :'t
Paris l IJ




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 3'7(
dont on n'avait pas encore pu jouir en reposo
Peut-étre Napoléon a-t-il oéja parlé a trop de
personnes de l'abdication qu'on lui demande;
cette question délicate est livrée au public; on
l'agite dans la galerie du palais, et jusque sur les
degrés de l'escalier du cheval blanco Malheuren-
sement l'abdication convient a bien du monde;
c'est un moyen qui s'offre de quitter Napoléon
sans trop de honte; on se trouve ainsi dégagé
par Iui-méme , on trouve commode d'en finir de
cctte facon ; et si Napoléon se refusait ace grand
parti, qnelques uns parlent déja de briser le
pouvoir dans sa main.


C'est daus ces dispositions que ron apprend
que le sénat a proclamé la déchéance. Napoléon
a recu le sénatus-consulte.dans la nuit du 3 au ~,
par un exprés du duc de Ragusc. La nouvelle
est connue presque en méme temps de tous les
personnages marquants qui sont aFontainebleau,
et c'est le sujet général des conversations.


Cependant le 4 les orares étaient donnés pour
transfércr le quartier impérial entre Ponthiéry
et Essonne. Apres la parade, qui avait lieu tous
les jours amidi dans la conr du eheval blane, les
principaux de l'armée avaient reconduit Napo-
léon dans son appartement. Le prince de Neuf-
chátel, le prince de la Moskowa, le duc de Dant-


24·




372 MANUSCRIT
zick, le duc de Reggio, le duc de Tarente, le duc
de Bassano, le duc de Vicence, le grancl-maré-
chal Bertrand, et quelques autres, se trouvaient
réunis dans le salan; on semblait n'attendre que
la fin de cette audience pour monter a cheval et
quitter Fontainebleau. Mais une conférence s'é-
tait ouverte sur la situation des affaires ; elle se
prolonge dans l'apres-midi, et lorsqu'elle est finie
on apprend que Napoléon a abdiqué.


Une seule chose a frappé Napoléon , c'est le dé-
couragement de ses vieux compagnons d'arrnes, et
il a cédé ace qu'on lui a dit étre le voeu de I'armée.


Mais s'il abdique, ce n'est qu'en faveur de son
fils et de sa femme régente. Il en rédigc l'acte de
sa main et en ces termes:


«( Les puissances alliées ayant proclamé que
»Tempereur Napoléon était le seul obstacle au
» rétablissement de la paix en Europe, l'empereur
» Napoléon , fidele a son serment, déclare qu'il
» est prét adescendre du tróne, aquitter laFrance
)1 et méme la vie pour le bien de la patrie, insépa-
" rabIe des droits de son fils, de ceux de la ré-
"gence de l'impératrice , et du maintien des lois
» de l'empire.


)) Fait en notre palais de Fontainebleau le 4
» avril 1814.


"NAPOLÉON.1l




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 373
Un secrétaire transcrit cet acte, et le duc de


Vicence se dispose aussitót a le porter a París.
Napoléon lui adjoint le prinee de la Moskowa...
Il voudrait aussi lui adjoindre le duc de Raguse;
c'est le plus ancien des compagnons d'armes qui
lui restent, et dans une circonstance aussi grave,
011 les derniers intéréts de sa famille vont étre
décidés, il croit avoir bcsoin de s'appuyer sur le
dévonement de son vieil aide-de-camp. On allait
done dresser les pouvoirs du duc de Raguse,
lorsque qnelqu'un represente a Napoléon que
dans eette négociation, oú I'armée doit intervenir
et étre représentée, il serait utile d'employer un
homme comme le duc de Tarente, qui apporte-
rait d'autant plus d'influence, qu'il est connu
pour avoir vécu moins prés de la personne de
Napoléon, et POUl' étre entré moins avant dans
ses affeetions. Le due de Bassano, interrogé a ee
sujet par Napoléon, lui répond que quelles que
puissent étrc les opinions du maréchal Macdo-
nald , il cst trop homme d'honneur pour ne pas
répondrc rcligieusement aun témoignage de con-
fianee de eette nature; Napoléon nomme aussi-
tót le duc de Tarente pour son troisieme pléni-
potentiaire. Mais il veut encore qu'en traversant
Essonne , les plénipotentiaires communiquent au
duc de lbgllse ce qui vient de se passer; qu'on




. , .:
ti :i


374 MANUSCRIT
le laisse maitre de VOl!' s'il ne sera pas plus utile
en restant a la tete de son corps d'armée, et que
s'il tient a remplir la mission que la confiance
particuliere de Napoléon lui destinait, on lui
enverra a l'instant des pouvoirs.


Les trois plénipotentiaires, apres avoir re~u
ces dernieres instructions, montent dans la voi-
ture qui les attend au pied de l'cscalier ; MM. de
Rayneval et Rumigny les accompagnent comme
secrétaires.


Immédiatement apres leur départ , Napoléon
envoie un courrier a l'irnpératrice ; il a rec,;u de
ses lettres datées de Vendóme ; elle doit étre ar-
rivée le 2 a Blois ; il faut bien l'informer de la
négociation a laquelle on est réduit. Dans une
telle extrémité, l'absence de son pere , l'empe-
reur d'Autriche, est un malheur qui gl'andit
d'heure en heure ! Notre marche sur Fontaine-
hleau ayant coupé les routes, a prolongé le séjour
de ce souverain en Hourgogne. Napoléon auto-
rise l'impératrice a Iui dépécher le duc de Cadore
ponr le presser d'intervenir en faveur d'elle et
de son fils... Mais il est bien tardo


Succombant a I'agitation de cette journée,
Napoléon s'était enfermé dans sa chambre; il
lui rcstait a recevoir le coup le plus sensible
fluí eút encore été porté a son coeur .




DE MIL RUIT CENT QUATORZE. 375
Dans eette nuit du 4 au 5, le colonel Gour-


gaud, qui avait été porter des ordres, revient
d'Essonne en toute háte : il annonec que le due
de Raguse a quitté son poste, qu'il est allé a
Paris, qu'il a traité avee l'ennemi, que ses trou-
pes, mises en mouvement par des ordres incon-
nus, traversent en ce moment les cantonnements
des Russes , et qne Fontaincbleau reste a dé-
eouvert.


Napoléon ne peut croire d'abord a eette in-
eoneevable défeetion : lorsqu'il ne lui est plus
permis d'en douter , son regard devient fixe, il
se tait , s'assied , et parait livré aux idées les plus
sombres. L'ingrat! s'écrie-t-il en rompant un
douloureux silenee, il sera plus malheureux que
moi!


Napoléon avait le cceur oppressé par des sen-
timents trop pénibles pour n'avoir pas besoin
de les épancher ; c'est a l'armée elle-rnéme qu'il
veut confier sespeines : laissons-le parlero


Oll.DRE nu JOUlI..


Fontainebleau , le 5 mars 1814.


« L'empereur remercie l'armée pour l'attaehe-
ji ment qu'elle lui témoigne, et principalement




3'76 MANUSCRIT
JJ parcequ'elle reconnait que la France est en
»Iui , et non pas dans le peuple de la capitale,
» Le soldat suit la fortune et l'infortune de son
» général, son honneur et sa religion. Le duc
)) de Raguse n'a point inspiré ce sentiment a ses
) eompagnons d'armes; il a passé aux alliés.
»L'ernpereur ne peut approuver la condition
») sous laquelle il a fait cette démarche; il ne peut
)) accepter la vie et la liberté de la merci d'un
II sujeto Le sénat s'est permis de disposer du gou-
» vernement francais ; il a oublié qu'il doit el l'em-
» pereur le pouvoir dont il abuse maintenant,
» que c'est l'empereur qui a sauvé une partie de
» ses membres des orages de la révolution, tiré
B de l'obscurité et protégé l'autre contre la haine
l) de la nation. Le sénat se fonde sur les articles
» de la constitution ponr la renverser; il ne
»rougit pas de faire des reproches al'empereur,
»sans remarquer que, comme premier corps de
» l'état, il a pris part a tous les événements. Il
»est allé si 'Ioin , qu'il a osé accuser l'empereur
»d'avoir changé les actes dans leur publication'.


] On a fait aussi ce reproche ¡'¡ César, et I'on nc voit
guere que cela l'ait deshonoré dans l'hístoire. uJ'apprends
quelquefois, dít Cioéron, qu'un sénatua-consulte, passé sur
mon avis, a été porté en Syrie et en Arménie avant que




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 377
»Le monde entier sait qu'il n'avait pas besoin de
» tels artífices. Un signe était un ordre pour le
» sénat, qui toujours faisait plus qu'on ne dési-
»rait de lui. L'empereur a toujours été accessible
D aux remontrances de ses ministres, et il atten-
D dait d'eux , clans cette circonstance , la justifi-
» cation la plus indéfinie des mesures qu'il avait
» prises. Si l'enthousiasme s'est melé dans les
»adresses et les discours publics , alors l'empe-
II real' a été trompé; mais ceux qui ont tenu ce
» langage doivcnt s'attribuer acux-mémes les sui-
» tes de leurs Ilatteries. Le sénat ne rougit pas
» de parler de libelles publiés contre les gouver-
D nements étrangers, il oublie qu'ils furent ré-
»digés dans son sein l Si long-temps que la for-
» tune s'est montrée fidele a leur souverain, ces
»hommes sont restés fideles, et nulle plainte n'a
»été entendue sur les abus de pouvoir. Si l'empe-
;¡ reur avait méprisé les hornmes, eomme on le
» lui a reproché, alors le monde reconnaitrait


)) anjourd'hni qu'il a en des raisons qui motivaient
------- ------_._-------


j'aie su qu'i1 ait été fait ; et plusieurs princes m'ont écrit
des lettres de remercimcnts sur ce que j'avais été d'avis
qu'on leur donnát le titre de roi, que non seulement je ne
savais pas élus rois, mais méme qu'ils fussent au monde. II
(e icéron , Lettres familieres , lettre 9. )




MANUSCRIT
»son mépris, Il tenait sa dignité dé Dieu et de
Il la nation; eux seuls pouvaient l'en priver; il
Il l'a toujours considérée eomme un fardeau, et
,) lorsqu'il l'accepta , ce fut dans la conviction
Il que lui seul était a méme de la porter digne-
»rnent. Le bonheur de la Franee paraissait étre
>J dans la destinée de l'empereur; aujourd'hui que
») la fortune s'est déeidée eontre lui, la volonté de
>J la nation seule pourrait le persuader de res ter
>Jplus long-temps sur le treme. S'j1 se doit consi-
Il dérer eomme lc seul obstacle a la paix, il fait
IJ volontiers le dernier saerifiee a la Frunce. Il a
» en couséquence envoyé lc prinee de la Moskowa
>J et les ducs de Vieenee et de Tarente a Paris ,
Il pour entamer la négociation. L'arrnée peut étre
>J eertaine que l'honneur de l'ernpereur ne sera
>J i amais en contradietion avee le honheur de la
»France. ))




DE MIL HUIT CENT QGATORZE. 379


CHAPITHE IV.


SUITES D}<~ LA DÉFECTION DU DUC DE RAGUSE.


Les trois plénipotentiaires de Napoléon, ar-
rivés a Paris dan s la soirée du 4, se présentent
aussitót chez les souverains alliés. Ils ne tardent
pas as'apercevoir du terrain que leur cause a
pcrdu pendant l'absence du duc de Vicence. Les
hommes du gouvernement provisoire n'ont pas
cessé d'ohséder les souverains pOllr en obtenir
l'exclusion définitive de la régente et de son fils '.


1 Voyez l'histoire de Beauchamp , tome II, pages 565
Ú 56,. «Aux négociateurs de Fontainebleau, les mcmbres
du gouvcrnement provisoirc succédercnt chez l'empereur
Alexandre... Tous Ieurs efforts portercnt sur un seul objet,
celui de détourner la régenee... Il Y allait , pour aínsi
dire, de leur tete... Ils se surpasserent dans cette con-
joncture... [\l. de Talleyrand prononra un discours pIein
de vigueur.. , II fut puissauuuent secondé par le général
Dessoles .. Le general Beurnonville courut chez le roi de
Prusse ; ce prince, aisément conv aincu, decida l'empereur
de Iíussie ~ éloigner toute idée tic régenee."" Voyez aussi




380 MANUSCRIT
La peul' qu'ils ont du pere ne Ieur permet


d'espérer désormais quelque súreté que par la
chute de la familIe entiére. lIs ne quittent done
pas le(salons des princes alliés. Les plénipoten:
tiaires les ont trouvés ace poste; ils ont vu avec
inquiétude l'air de contenternent qui regne sur
lenr visage ... Un personnage survient, et l'inquié-
tude des plénipotentiaires est au combIe... Le
duc de Raguse a qui ils venaient de parler en
changeant de chevaux a Essonne , ils le voient
entrer la tete haute dans le salon des alliés ; bien-
tót tout s'explique ; ils apprennent de la bouche
de l'empereur Alexandre que les troupes du ma-
réchal ont été conduites par le général S**** 1 a
Versailles , et que la désertion du camp d'Es-
sonne laisse la personne de Napoléon a la dis-
crétion des alliés '.


les révélatíons de lVl. l'abbé de Prudt , page 75 ... {( De
grallds efforts furent tentés aupres des souverains alliés
pour les porter á la substitution du fils au pere... lUais
cette entreprise échoua, Le général Dessoles signalq sa
rentrée dans les' affain-s par la plus vigoureusc résistance
a l'adoption des demandes de Napoléon.»


1 On avaít vu la veille, á Fontaineblcau, ce méme
général puisant deux milIe écus dans la bourse de Na-
poléon.


, Convention de Chevilly, villago situé it deux licues




DE MIL nUIT CENT QUATORZE. 381
Jusqu'ici les souverains avaient cru devoir user


de ménagementsen vers Napoléon ': qui 5'aPpuyai t
sur les vceux et les affections de l'armée. Tant
qu'on I'avait vu a la téte de 50,000 hommes d'é-
lite postes a une marche de Paris , les considera-
tions militaires l'avaient emporté sur bien des
intrigues. Maintenant que Fontainebleau a cessé
d'étre une po sition militaire, et que l'armée sem-
ble abandonner la cause de Napoléon , la ques-
tion a changé de face ; le temps des ménágements


sud de París, et il une lieue est de Sceaux, signée le 4avril
entre le mnrechal l'Ilarmont, duc de Raguse, et le prince
de Schwartzenberg, commandant en chef les troupes des
alliés.


Art. 1". Les troupes francaises qui, par suíte du décret du
sénat d<> avril, quitteront '}es drapeaux de Napoléon
Bonaparte , pourront se retirer en Normandie avec armes,
hagages et munitions , et avec les mémus égards] et hon-
neurs militaircs que' les troupes alliees se doivent réci-
proquement,


Art. 2. Si, par suite de ce mouvement, les événements
de la guerre faisaient tombcr entre les maius des puis-
sanees all¡'ées la pcrsonne de Napoléon Bonaparte, :sa vie
et sa liberté lui seront garanties rlans un espace de ter-
rain et dans un pays circonscrit)u choix des pulssances
alliées et du:gouvernement Irancais. (Revue chronologique
de l'Histoire jle France •.pag. 5!Jo, édit, de 1820, - Le
Moniteur, n° !Ji , de 181ft.)




MANUSCRIT
est passé : I'abdication en faveur de la régente et'
de son flls ne suffit plus a un ennemi rassuré ; ,
on dédare aux plénipotentiaires qu'il faut que
Napoléon et sa dynastie renoneent entierement
au treme.


Il faut done aller ehereher de nouveaux pou-
voirs a Fontaineblean, et c'est le due de Vicence
qui remplit encere cette pénible mission.


Le premier mouvement de Napoléon, en le
voyant, est de rompre une négociation qui devient
si humiliante. Poussé about, il veut secouer les
entraves dont on l'embarrasse depuis quelques
jours. La guerre n'offre plus rien de pire que la
paix ; c'est un fait qui doit étre c1air maintenant
pour tout le monde, el il espere que les chefs de
l'armée sont désabusés de leurs chimeres. Il re-
porte toutes ses pensées vers les opérations mili-
taires. Peut-étre peut-on encore tout sauver; les
cinquante mille soldats du maréehal Sonlt qui
sont sous les murs de Toulouse , les quinze mille
hommes que le maréehal Suehet ramene de Ca-
talogne, les trente mille hommes du prince Eu-
gene, les quinze mille hommes de l'armée d'Au-
gereau, que la 'perte de Lyon vient de rejeter sur
les Cévennes, enfin les nombreuses garnisons des
places frontieres et l'armée du général Maisons ,
sont encare des points d'appui redoutables sur




DE MIL nUIT CENT QUATORZE. 383
lesquels Napoléon pellt manoeuvrer avec ce qui
Iui reste autour de Fontainebleau... Il parle de se
retirer sur la Loire '.


A ce cri de rupture , l'alarme se répand de nou-
veau dans les quartiers généraux de Fontaine-
bleau et dans les galeries du palais. On s'unit
pour rejeter toute détermination qui aurait pour
résultat de prolonger la guerreo La lutte a été
trop longue, l'énergie est épuisée ; on le dit 011-
vertement ; on en a assez ! On ne pense plus qu'á


( Napoléon, ú Fonlainebleau, avait encore autour de lui:
2.5,000 hommes de sa garde, etc. Rien ne s'opposait a


ce qu'il ralliát
les 2.5,000 de l'armée de Lyon ,
les 18,000 que le licutenant - général Grenier ramenait


d'Ttalie ,
les d"i,ooo du maréchal Suchet ,
les 40,000 du maréchal Soult , et reparüt sur le chnmp de


bataille ala tete de plus de roo.ooo combnttants.


123,000


Il était maitre de toutes les placee fortes de France el
d'Italie. Il aurait long-temps encore enlretenu la guerre,
et bien des chanccs de succes s'offraient aux calculs ; mais
ses ennemis déclnraient ú I'Europe qu 'il était le seul obstacle
ú la paix : il n'hésita pas sur le sacrifice qui semblait lui
etre demandé dans l'intérét de la France. C"'lémoircs de
Napoléon ; l\'1onthololl , tome I1) page ~75. )




384 MANUSCRIT
mettre a l'abri des hasards ce qui reste de tant
de peines, de tant de prospérités, de tant de
naufrages; les plus braves finissent par attacher
quelque prix a la conservation de la vie qu'ils
ont réchappée de tant de dangers! Peut-étre aussi
se sent-on entrainé par une vieille avel'sion con-
tre la guerre civile. Tout enfin devient contraire
ace qui ne serait pas un aceommodement. Non
seulement la lassitude a dompté les esprits, mais
chacun des chefs qui en valent la peine a déjá
r ecu de Paris des paroles de conciliation et des
promesses pour sa paix particuliere. On se plait
a envisager la révolution nouvelle comme une
grande transaction entre tous les intéréts Eran-
cais , dans laquelIe iI n'y aura de sacrifié qu'un
seul intérét , cclui de Napoléon. C'est a qui trou-
vera done un prétexte pour se rendre a Paris, oú
le nouveau gouvernement accueille tout ce qui
abandonne l'ancien. On ne voudrait pas pourtant
étre des premiers aquitter Napoléon. Mais pour-
quoi tarde-t-il si long-temps a rendre chacun
libre de ses actions? On murmure hautement de
ses délais, de ses indécisions , et des projets déses-
pérés qu'il conserve. Depuis qu'j] est malheu-
reux, on ne le croit plus capable que de faire
des fautes , et déjá plusieurs tacticiens de fraiche
date s'étonnent de l'avoir si long-temps reconnu




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 385
pour lenr maitre. Enfin , petit apetit , chacun a
pris son partí: l'un va a Paris parcequ'il y est
appclé, l'autre parcequ'il y est envoyé, celui-ci
parcequ'il faut se dévouer aux intéréts de son
arme ou de son corps, celui-la ponr aller cher-
cher des fonds, cet autre parceque sa femme est
malade; que sais-je encore? Les bonnes raisons
ne manquent pas, et chaque homme un peu
marquant qui ne pellt aller lui-méme a Paris y
a du moins son plénipotentiaire,


Tandis que les gens de Fontainebleau meUent
tant d'intérét ú connaitre ce qui se passe aParis ,
de leur coté les alliés n'en mettent pas moins a
savoir ce qui se passe autour de Napoléon ; de-
puis qu'ils sont maitres de la capitale, ils ont
toujours eu les yenx fixés sur lui. Ils n'ont cessé
de se tenir en garde contre un de ces coups har-
dis auxquels il a accoutnmé l'Europe. Toutes pré-
cautions ont paru bonnes; aucune des heures
qui se sont écoulées n'a été perdue. On a accu-
mulé des troupes sur toutes les avenues. Une ar-
mée russe est entre Essonne et Paris ; une autre
est portée sur la rive droite de la Seine, depuis
Melun jusqu'a Montereau; d'autres corps ont mar-
ché par les routes de Chartres et d'Orléans; d'au-
tres encore , accourues sur nos pas par les routes
de la Champagne et de la Bourgogne, se sont


25




386 MANUSCRIT
répandues entre I'Yonne et la Loire. Sans cesse
on resserre Fontainehleau dans un hlocus plus
étroit.


Ces mouvements de troupes de la part de
l'ennemi secondent admirahlement les conseil-
lers qui veulent que Napoléon n'ait plus d'autre
par,ti a prendre que de hriser son épée. « aú
»Irons-nous chercher, disent-ils, les déhris d'ar-
»rnée sur lesquels on semhle compter encore?
»Ces différents corps de troupes sont telIement
» dispersés , que les généraux les plus voisins sont
»a plus de cent lieues l'un de l'autre : quel en-
Il semble pourra-t-on jamáis mettre dans Ieurs
»rnouvements ? Et nous qui sommes ici, som-
Il mes-nous bien súrs de pouvoir en sortir pour
»aller les rejoindre? )) Venaient ensuite les nou-
veIles de la nuit, l'apparition des coureurs de
l'ennemi sur la Loire, Pithiviers oceupé par
eux, notre communication avec ürléans inter-
eeptée, etc., cte.


Napoléon écoutait froidement les propos, il
faisait appréeier a leur véritahle valeur les forces
inégales de ce réseau qu'on affeetait de voir tendu
tout autour de lui, et promettait de le rompre


. quand il en serait temps. (l Une route fermée a
»des courriers s'ouvre bientót devant cinquante
Il mille hommes, )) disait-il ; et pourtant, queIle




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 387
que soit la confiance de son langage, on le voit
qui hésite dans J'exécution de son projet , retenu
sans doute par un secret dégout dont il ne peut
se rendre maitre, Il ne sent que trop combien
sa position va devenir diflérente : lui qui n'a ja-
mais commandé que de grandes arméesrégulie-
res, qui n'a jamais manoeuvré que ponr rencon-
trcr l'ennemi, qui, dans chaque bataille, avait
coutume de décider du sort d'une capitule ou
d'un royaume, et qui , dans chaque campagne, a
su jusqu'á présent renfermer et finir une guerre!-
il faut maintenant qu'il se réduise au métier d'un
chef de partisans; il faut se résoudre acourir les
aventures, passant de province en province ,
guerroyant sans cesse, portant le ravage par-
tout, et ne pouvant en fin ir nulle part L.. Les
horreurs de la guerre civile viennent encore rem-
brunir le tableau, et on ne lui en épargne pas
les peintures. Mais abrégeons ces heures d'hési-
tation et d'angoisse. Hárons-nous de dire que
ceux qui ont parlé aNapoléon des chances .pos-
sibles d'une guerre civil e ont porté asa résolution
les coups les plus súrs... II Eh bien, puisqu'il faut
»renoncer adéfendre plus long-temps la France,
»s'écrie Napoléon, I'Italie ne m'offre-t-elle pas
»encore une retraite digne de moi? Veut-on m'y
JI suivre encoré une fois? Marchons vers les AI-




388 MANUSCRIT
" pes [ 1) n dit, et cette proposition n'est suivie
que d'un profoml silence. Ah ! si dans ce moment
Napoléon indigné fút passé brusquement de son
salon dans la salle des officiers secondaires, il Y
aurait trouvé une jeunesse empressée a lui ré-
pondre! Quelques pas encore, et il aurait été sa-
lué au bas de ses escaliers par les acclamations
de tous ses soldats! lcur enthousiasme aurait ra-
nimé son ame L. Mais Napoléon succombe sous
les habitudes de son regne : il croirait déchoír en
marchant désormais sans les grands officiers que
la couronne lui a donnés ; illui semble que le gé-
néral Bonaparte lui-méme ne saurait recommen-
cer sa carriere sans le cortége obligé de ses anciens
lieutenants; et il vient d'entendre leur silence !11
faut done qu'il cede encore une fois aleur lassi-
tude; mais ce n' est pas sans leur adresser ces paro-
les prophétiques : aVous voulez du repos, ayez-en
»done 1Hélas ! vous ne savez pas combien de cha-
l) grins et de dangers vous attendent sur vos lits de
» duvet! Quelques années de cette paix que vous
».allez payer si cher en moissonneront un plus
» grand nombre d'entre vous que n'aurait faít la
» guerre, laguerre la plusdésespérée "!»Acesmots


1 Que sont devenus, en moins de sept années , Berthier,
,Murat, Ney, Masséna, Augel"eaU, Lefebvre, Brune , Ser-




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DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 389
Napoléon se rassied ; il prend la plume, et, se re-
connaissant vaincu , moins par ses ennemis que
par la grande défection qui l'entoure, il rédige Iui-
méme en ces termes la seconde formule de l'ab-
dication qu'on attend:


«Les puissances alliées ayant proclamé que
»I'empereur était le seul obstacle au rétablisse-
') ment de la paix en Europe , l'empereur, fidele a
)1son serment , déclare qu'il renonce pour Iui et
1)ses enfants aux trónes de France et d'Italie, et
» qu'il n'est aucun sacrifice, rnéme celui de la vie,
Jl qu'il ne soit prét a faire aux intéréts de la
»France. »


rurier, Kellermann , Pérignon, Beurnonville , Clarke, el
tant d'autres?




39° MANU5CRIT


CHAPITRE V.
TRAITÉ DU 11 AVRIL.


Les alliés osaient a peine se flatter qu'on püt
amener Napoléon aun sacrifico aussi absalu. Le
duc de Vicence leur présente l'acte que Napoléon
vient de signer, et les hastilités sant aussitót
suspendues, Rien ne doit plus interrampre la né-
gociation entamée.


Les souverains alliés avaient déclaré des les
premiers maments que Napoléon conserverait
le rang, le titre et les honneurs des tetes cou-
rannées. On avait pramis de lui assigner une re-
sidence indépendante; ces dispositions n'éprou-
vent aucune difficulté. Quant au choix de la
résidence, on balance entre Corfou , la Corse ,
ou l'ile d'Elbe; les souverains se décident paol'
l'ile d'Elbe. Sous le rappol't pécuniaire, on veut
traiter Napaléan et sa famille avec la plus grande
générosité; on va mérne au-devant de ce que les
plénipotentiaires de Napoléan croient dcvoir de-
mander. Un établissement en Italie est assigné




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 391
a l'impératrice Marie-Louise et a son fils; on
accorde des revenus a tous les membres de la
famillc impériale; on n'oublie ni l'impératrice
Joséphine, ni le prince Eugene , fils adoptif de
Napoléon : plus les dispositions sont Iibérales ,
plus l'orgueil des princes alliés semble s'y corn-
plaire, L'empereur Alexandre pousse la généro-
sité jnsqu'á s'occuper du petit nombre d'aides
de camp , de généraux, et de serviteurs qui com-
posent la maison militaire et la famille domestique
de Napoléon. 11 veut que Napoléon, comme a
son lit de mort, puisse dicter un testament rému-
nératoire en leur faveur '.


Tandis qu'on prépare a Paris le traité qui doit
contenir ces différents arrangements, Napoléon
envoie courrier sur courrier pour redemander
au duc de Vicence le papier sur lequel il a donné
son abdication.


Depuis qu'il a souscrit a cet acte, il est resté


1 Il faut tenir note ici, á la honte de la diplomatie euro-
péenne, que cette géoérosité est restée saos effet, Les legs
que Napoléon a distribués autour de lui sur la foi du traité
n'ont pas été acquittés ; et les légataires n'ont pu trouver
dans la signature des plus grands princes cette garantié
irrévocable que la simple signature de deux notaires donne
entre particuliers aux moindres dispositions de eette nature.




MANUSCRIT
mécontent de Iui-méme, cette négociation cliplo-
matique lui déplait , elle lui parait humiliante ,
il la croit inutile. Survivant a tant de grandeurs,
il lui suffit de vivre désormais en simple parti-
cuIier, et iI a honte qu'un si grand sacrifice
offert a la paix du monde soit melé a des arran-
gements pécuniaires. « A quoi bon un traité,
» disait-il, puisqu'on ne veut pas régler avec moi
n ce qui concerne les intéréts de la France? Du
»rnornent qu'il ne s'agit plus que de ma personne,
»iln'y a pas de traité a faire ... Je suis vaincu, je
» cede au sort des armes. SeuIement je demande
»a u' étre pas prisonnier de guerre; et paur me
»I'accorder , un simple cartel doit suffire1... »


Napoléon_ayant réduit sa position en des termes
aussi simples, on prévoit les nouvelles difficul-
tés qui attendent la ratification de l'acte qne les
plénipotentiaires out mis tant de soin acondure.
Leur traité a été signé a Paris le 1 1 avril; le duc
de Vicence le porte aussitót a Fontainehleau :
mais les premieres paroles de Napoléon sont
pour redemauder encore l'abdication qu'il a
donnée.


Il n'était plus au pouvoir du duc de Vicence de
rendre ce papier, les affaires étaient trop avancées,
L'abdication , servant de base a la llégociatioll ,
avait été la premiere piece commuuiquée aux




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 393
alliés. Elle était devenue publique, on l'avait in-
sérée dans les journaux.


D'ailleurs les alliés, les plénipotentiaires eux-
mémes , et la plupart.des serviteurs du gouverne·
ment imperial, voyaient dans cette grande trans-
action autre chose encone que les intéréts per-
sonnels de Napoléon. On attachait généralement
une haute importance ace qu'il y eút abdication,
parcequ'un tel acte devait étre la base du nouvel
ordre de choses qui se préparait en France; et les
alliés pensaiens que les Bourbons ne sauraient
payer trop cher la renonciation formeHe de la
dynastie précédente. Cependant il est remar-
quable que l'empereur Napoléon et la familIe des
Bourbons voyaient avec un méme mécontente-
ment cette renonciation, et s'accordaient apré-
tendre n'en avoir pas besoin, celui-Ia pour des-
cendre du treme, ceux-ci pour y monter l.


En vain Napoléon repousse ce traité.
Fontainebleau est maintenant une prison ,


toutes les issues en sont soigneusement gardées
par les étrangers; signer semble étre le seul
moyen qui lui reste pour sauver sa liberté, pent-


1 ~L de La l\Iaisonfort reproche aux alliés d'avoir admis
Napoléon it traiter cornmc sou verain, « Condamné par la
• fortunc, dit-il , pourquoi fut-il absous par la politique P,




394 MANUSCRIT
étre méme sa vie lcar les émissaires du gouver-
nement provisoire sont aussi dans les environs
et l'attendent l. Cependant la journée finit et Na-
poléon a persisté dans son refus ; comment es-
pere-t-il échapper a la nécessité qui le menace?


Depuis quelques jours, il semble préoccupé
d'un secret dessein. Son esprit ne s'anime qu'en
parcourantles galeries funebres de l'histoire. Le
sujet de ses conversations les plus intimes est
toujours la mort volontaire que les hommes de
l'antiquité n'hésitaient pas ase donner dans une
situation pareille ala sienne; on l'entend avec in-
quiétude discuter de sang-froid les exemples et les
opinions les plus opposés. Une circonstance víent
encore ajouter au:x craintes que de tels discours
sont bien faits pour inspirer. L'impératrice avait
quitté Blois; elle voulait se réunir a Napoléon;
elle était déia arrivée a Orléans , on l'attendait a
Fontainebleau : mais on apprend de la bouche
méme de Napoléon que des ordres sont donnés
autour d'elle pour qu'on ne la Iaisse pas suivre son
dessein. Napoléon, qui craígnait cette entrevue,
a voulurester maitre de la résolution qu'il médite.


Dans la nuit du 12 au 13, le silence des longs


1 Voyez les révélations de Maubreuil el son proceso (Quo-
tidíenne, fin d' avril 181'.)




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 395
corridors du palais est tout-á-coup troublé par
des allées et des venues fréquentes. Les gar«;ons
du cháteau montent et descendent; les bougies
de l'appartement intérieur s'allument ; les valets
de chambre sont debont. On vient frapper a la
porte du docteur Yvan, on va réveiller le grand
maréchal Bertrand, on appelle le duc de Vicence,
on courtchercher le duc de Bassano qui demeure
a la chancellerie ; tous arrivent et sont introduits
successivement dans la chambre a coucher. En
vain la curiosité préte une oreille inquiete, elle
ne pent entendre que des gémissements et des
sanglots qui s'échappent de l'antichambre, et se
prolongent sous la galerie voisine. Tout-a-coup
le docteur Yvan sort ; il descend précipitamment
dans la cour, y trouve un cheval attaché aux
grilles, monte dessus et s'éloigne au galopo L'obs-
curité la plus profonde a couvert de ses voiles
le mystere de cette nnit. Voici ce qu'on en ra-
conte :


A l'époque de la retraite de Moskou, Napoléon
s'était procuré, encas d'accident , le moyen de
ne pas tomber vivant dans les mains de l'ennemi.
Il s'était fait remettre par son chirurgien Yvan
un sachet d'opium ", qu'il avait porté a son cou


, Ce n'était pas seulement de l'opium; c'était une pré-




396 MANUSCRIT
pendant tout le temps qu'avait duré le danger '.
Depuis , il avait conservé avec grand soin ce sa-
chet dans un secret de son nécessaire. Cette nuit,
le moment lui avait paru arrivé de recourir a
cette derniere ressource. Le valet de chambre
qui couchait derriere sa porte entr'ouverte l'a-
vait entendu se lever, l'avait vu délayer quelque
chose dans un verre d'eau , boire et se recou-
cher. Bientót les douleurs avaient arraché aNapo-
léon l'aveu de sa fin prochaine. C'était alors qu'il
avait fait appeler ses serviteurs les plus intimes.
Yvan avait été appelé aussi; mais apprenant ce
qui venait de se passer, et entendant Napoléon
se plaindre de ce que l'action du poi son n'étaít
pas assez prompte, il avait perdu la tete et
s'était sauvé précipitamment de Fontainehleau.
On ajoute qu'un long assoupissement était sur-
venu, qu'apres une sueur abondante les dou-
leurs avaient cessé, et que les symptómes ef-
frayants avaient fini par s'efíacer , soit que la
dose se fút trouvée insuffisante, soit que le temps


paration indiquée par Cabanis, la méme dont Condorcet
s'est serví pour se donner la mort.


1 «Frédéric-Ie-Grand, entouré d'ennemis, apprenant la
prise de Berlin, porte long-temps du poison sur lui.s (L'é-
pitrc á d' Argens, Ségur, tome 1, page 205.)




DE MIL lIUIT CENT QUATORZE. 397
en eút amorti le venin. On dit enfin que Napo-
léon, étonné de vivre , avait réfléchi quelques
instants : « Dieu ne le veut pas! » s'était-il écrié;
et, s'abandonnant ala providence qui venait de
conserver sa vie , il s'était résigné a de nouvelles
destinées,


Ce qui vient de se passer est le seeret de l'in-
térieur. Quoi qu'il en soit, dans la matinée du 13,
Napoléon se leve et s'habille eomme al'ordinaire,
Son refus de ratifier le traité a cessé, il le revét
de sa signature '. ))


r Voyez supplément de la troisieme partie, n" 1.




398 MANUSCRIT


CHAPITRE VI.


DlSPERSION DE LA FAMILLE I1I'1PÉRIAI,E.


Ceux qui approchent de Napoléon apprennent
de Iui-rnérne qu'il a cessé de régner. Il les en-·
gage a se soumettre au nouveau gouvernement,
non pas au gouvernement provisoire, dans lequel
il ne voit qu'un comité de traitres et de factieux;
mais aux Bourbons, dans lesquels il consent a
reconnaitre désormais le point de ralliement des
Francais.


Bientót la foule s'écoule de Fontainebleau; il
en est de méme a Orléans et a Blois : l'impéra-
trice voit presque toutce qui l'entoure se mettre
en route pour Paris. Le petit nombre qui reste
encore dans le vaste palais de Fontainebleau ne
s'occupe plus que de l'ile d'Elbe, et des arran-
gements a prendre pour s'y rendre. Napoléon
fait mettre a contribution la hibliothéque, et
s'enferme avec les livres et les cartes, oú il peut
prendre une idée de la nouvelle résidence qui
l'attend.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 399
Le grand - maréchal Bertrand, le général


Drouot, le général Cambrone, le payeur des
voyages Peyrusse, les fourriers Deschamps et
Baillon, obtienncnt la permission de suivre Na-
poléon. On compose pour l'ile d'Elbe une mai-
son domestique peu nombreuse. On ne peut em-
mener que quatre cents hommes de la garde, et
presque tous ces vieux eompagnons de Napoléon
se présentent; on n'a que l'embarras du chóix ',


n avait été convenu que chaque grande puis-
sanee enverrait pres de Napoléon un commis-
saire qui lui servirait de sauvegarde, et l'ac-
compagnerait a sa nouvelle destination. Il faut
attendre ces commissaires, et huit jours s'écou-
lent encore.


Dans cet intervalle, la dispersion de la fa-
mille impériale est consommée. L'impératrice et
son fils sont tombés au pouvoir des Autrichiens.
Cédant aux ordres de son pere , qui lui ont été
portes aOrléans par le prince d'Esterhazi , l'im-
pératrice s'est laissé conduire a RambouilIet, ou
l'empereur d'Autriche doit venir la consoler.


Madame mere et son frere le cardinal Fesch


, « Celui qui persiste a suivre avec fidélité un maítre dé-
»chu est le vainqueur du vainqueur de son maitre.»


(SIlAKESPEAllE, A ntoine et Cléopátre, acte 11I.)




400 MANUSCRlT
ont quitté Orléans pour prendre le chemin de
Rome.


Le prince Louis , ci-devant roi de Hollande,
est parti pour la Suisse.


Le prince Joseph, ci-devant roi d'Espagne, et
le prince Jéróme, ci-devant roi de Westphalie,
sont encore dans les environs d'Orléans, et se
disposent a se retirer du méme coté que leur
frere Louis.


A Fontainebleau, le prince de Neufchátel, qui
avait envoyé son adhésion au gouvernernent pro-
visoire, continua de remplir les fonctions de ma-
jor-général de l'armée; mais bientót il demanda
a Napoléon la permission de se rendre a Paris,
pour des détails relatifs a ses fonctions, disant
qu'il reviendra le lendemain , et part sans s'expli-
quer davantage.· « Il ne reviendra pas,» dit froi-
dernent Napoléon au duc de Bassano. - (1 Quoi!
»sire , seraient-ce la les adieux de Berthier? -
» Oui , vous dis-je; il ne reviendra pas! J)


Napoléon n'est déjá plus qu'un simple parti-
culier. Il vit retiré dans le coin du palais qu'il
habite. S'il quitte quelques instants sa chamhre,
c'est pour se prornener dansle petit jardin qui
est renfermé entre l'ancienne galerie des cerfs et
la chapelle. Toutes les fois qu'il entcnd une voi-
ture rouler dans les cours , il demande qui ce




DE MiL HUIT CENT QUATORZE. 40 I
peut étre. Malgré le pressentiment qui a d'abord
affligé son tune, il demande méme si ce n'est pas
Berthier qui revicnt, ou quelques uns de ses an-
ciens ministres quiarrivent pour lui faire leurs
adieux. 11 s'attend a revoir Molé, Fontanes, et •
tant d'autres qui lui doivent un dernier témoi-
gnage d'attachement: personne ne vient; Napo-
léon reste seul avec le petit nombre de serviteurs
qui ont résolu de res ter aupres de sa personne
jusqu'au dernier momento Le duc de Vicence
s'occupe avec son activité ordinaire des prépa-
ratifs du voyage: on le croirait toujours grand
écuyer. Le duc de Bassano ne quitte pas Napo-
léon un seul instant, Celui-ci , dans ses épan-
chements avec le ministre de son intime con-
Iiance, conserve cette sérénité qui régnait sur
son visage aux plus beaux jours de sa gloire. A
voir les manieres du ministre, on ne croirait pas
que ces jours sont passés, Le respect, les soins,
les égards, ont la mérne sirnplicité. C'est encore
le devoir et l'affection qui les commandent; et
s'ils prennent parfois un caractere touchant et
presque solennel, ils le recoi vent d'une JUle
fortc et d'un cceur attendri.


Dans un de ces moments ou Napoléon atten-
dait encore les consolations de quelques amis ,
le colonel Montholon se presente Il arrive des


26




402 MANUSCRlT
bords de la Haute-Loire , oú il a été ehargé de
faire une reeonnaissanee militaire. Il rend compte
des sentiments dont les populations et les soldats
sont animés; il parle de rallier les troupes du
midi... Napoléon sourit au zele de ce fidele ser-
viteur. « Il est trop tard, répond-il; ce ne serait
»plus aprésent que de la guerre eivile, et rien ne
» pourrait m'y décider. » Ces derniers témoigna-·
ges de fidélité semblent eonsoler Napoléon des
coups que l'ingratitude s'efforee de lui portero 11
lit éxactement les jonrnaux de Paris; des tor-
rents d'injures y déeoulent eontre lui : il ne s'en
affeete que médiocrement; et lorsque la haine
exagere au point de devenir absurde, elle lui
arraehe un sourire. Unarticle signé LacreteIle
lui tombe sous la main : a JI y a deux Lacretelle ,
»dit-il; eelui qui a fait eette méchaneeté, est-ee
»Ie mi en I?»


Ces injures et la eonduite de tant de gens dont
il a aehevé ou eommeneé la fortune lui inspirent
un dégout qni tourne sans doute au profit de sa
résignation.


De toutes les nouveIles qu'il recoit de Paris ,
celle qui lui fait le moins de peine, c'est I'arri-


1 Il est juste de dire que l'article dont il s'agit ici n'est
• pas (lp 1\'1. Lacretelle aine.




DE MIL norr CENT QUATORZE. 403
vée de M. le comte d'Artois , puisque sa présence
va mettre fin a l'autorité du gouvernement pro-
visorre.


Napoléon n'entretenait plus de communica- ,
tion qu'avec Rambouillet. Le général Flahaut,
le colonel Montesquiou et le baron de Beausset
allaient et venaient sans cesse, chargés de com-
missions de Napoléon ponr l'impératrice , et de
I'impératrice pour Napoléon.


Marie-Louise avait re<;u la visite de son pere
a Rambouillet; celui-ci n'avait pu retenir ses
larmes en embrassant cette fiHe chérie; iI avait
vu pour la premiere fois son petit-fils, aimable
enfant, qui déja avait porté le titre de roi, et qu'on
n~ savait plus comment appeler. n avait reconnu,
avec une vive émotion, dans cette physionomie
enfantine tous les traits distinctifs de la famille
autrichienne; mais ponr en arracher un sourire il
avait fallu promettre de revenir avec des joujoux,
et cette promesse du moins iI I'a pu tenir.


Dans cette premiere entrevue avec l'irnpéra-
trice, I'empereur d'Autríche lui avait fait entendre
qu'elle devait se considérer cornrne séparée pour
un temps d'avec son mari ; que plus tard on ver-
rait a les réunir; qu'en attendant elle ferait bien
de se distraire , en faisant avec son fils un voyage
a Vienne, OlI ~lle trouverait quelque repos et


26.




404 MANUSCRIT
quelques consolations dans le sein de sa famille.


L'empereur d'Autriche était revenu le lende-
main, amenant avec lui l'empereur Alexandre,
qui avait désiré faire une visite a l'impératrice.
Cette singuliere politesse ne pouvait qu'aigrir
encore les chagrins de Napoléon. Les demieres
nouvelles qu'il recoit de Rambouillet sont, que
l'impératrice partira pour Vienne au moment oú
il quittera Fontainebleau; qu'elle emménera son
fils avec elle, et qu'elle y sera accompagnée par
madame la duchesse de Montebello , par mes-
dames les comtesses de Montesquiou et de Bri-
gnolet, par le général Caffarelli, par le baron de
Beausset et par le baron Menneval.


n est tcmps de finir le récit de cette grande
catastrophe; déjá ma plume fatiguée s'est plu- '
sieurs fois arrétée malgré moi ; je la reprends
ponr remplir ma tache.


Les commissaires des alliés I étant tous arri-
vés a Fontainebleau, le départ est, fixé au 20
avril. Dans la nuit du 19 au 20, Napoléon éprouve
une derniere défection ; son valet de chambre de


I Les commissaires des alliés étaicnt le général russe
Schouwaluff, le général autrichien Koller, le colonel an-
glais Campbeli ,et le général prussien Valdchourh-Truch-


, seis.




DE MIL J-iUlT CENT QUATORZE. 405
confiance Constant et son Mameluck Roustan
disparaissent.


Le 20 amidi, les voitures de voyage viennent
se ranger dans la cour du cheval blanc au bas
de l'escalier du fer a cheval. La garde impériale
prend les armes et forme la haie; a une heure
Napoléon sort de son appartement, il trouve
rangé sur son passage ce qui reste autour de
lui de la cour la plus nombreuse et la plus bril-
lante de l'Europe : c'est le duc de Bassano, le gé-
néral Belliarrl , le colonel de Bussy, le colonel
Anatole Montesquiou , le comte de Turenne, le
général Fouler, le baron Mesgrigny, le colonel
Gourgaud, le baron Fain, le lieutenant-colonel
.Athalin , le baron de la Place, le baron Lelorgne-
d'Ideville, le chevalier Jouanne, le général Ko-
sakowski et le colonel Vonsowitch; ces deux
derniers, Polonais '.


Napoléon tend la main a chacun, descend vi-
vement l'escalier, et, dépassant le rang des voi..,
tures, s'avance vers la garde. Il fait signe qu'il
veut parler; tout le monde se tait, et dans le
silence le plus religieux on écoute ses dernieres
paroles.


1 Le due de Vicence et le général Flahaut étaient eu
mission.




406 MANUSCRIT
«Soldats de ma vieille garde, dit-il, je vous fais


"mes adieux. Depuis vingt ans, je vous ai trouvés
»eonstamment sur le ehemin de l'honneur et de


1) la gloire. Dans ees derniers temps, eomme dans
» ceux de notre prospérité , vous n'avez eessé
J, d'étre des modeles de bravoure et de fidélité,
»Avee des hornrnes tels que vous, notre cause
D n'était pas perdue; mais la guerre était inter-
u minahle : c'eút été la guerre civile, et la France
» n'en serait devenue que plus malheureuse. J'ai
»donc saerifié tous nos intéréts a ceux de la
» patrie ; je pars : vous, mes amis, continuez de
»servir la France. Son bonheur était mon unique
J) pensée; il sera toujours l'objet de mes voeux!
J) Ne plaignez pas mon sort ; si j'ai consenti ame
» survivre, c'est pour servir encore avotre gloire.
»Je veux écrire les grandes ehoses que nous
1) avons faites ensemble L.. Adieu, mes enfants!
»Je voudrais vous presser tous sur mon coeur ;
»que j'embrasse au moins votre drapean !...J)


A ces mots, le général Petit, saisissant l'aigle,
s'avance. Napoléon recoit le général dans ses
bras, et baise le drapeau. Le silence d'admira-
tion que cette grande scene inspire n'est ínter-
rompu que par les sanglots des soldats. Napoléon,
dont I'émotion est visible, fait un cffort et re-
prend d'une voix plus ferme: «Adieu encoré une>




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 407
n fois , mes vieux compagnons! Que ce dernier
»baiser passe dans vos coeurs !»


Il dít, et, s'arrachant au groupe qui l'entoure,
il s'élance dans sa voiture, au fond de laquelle
est déja le général Bertrand.


Aussitót les voitures partent; des troupes
francaises les escortent , et l'on prend la route
de Lyon. Partout sur son passage, Napoléon
recueille des témoignages touchants d'amonr et
de regrets... « On peut contester les louanges,
» mais jusqu'ici , ce me semble, on n'a pas con-
J) testé les regrets; et quand les peuples pleurent
» un souverain, il faut les en croire T! »


----,--~-------~


1 La Harpe.


FIN DE Lt\ TROISÜ~l\'IE PARTIt:.




408 MANUSCRIT


SUPPLÉ~IENT
A LA TROISIEME PARTIE.


PI:ECES HISTORIQUES.


(N° 1.) Traite du 11 avril 1814, connu sous le
nom de traite de Fontainebleau.


Sa majesté l' empereur Napoléon d'une part; et leurs
majestés l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de
Bohéme , l' empereur de toutes les Russies, et le roi
de Prusse, stipulant tant en leur nom qu'en celui de
tous leurs alliés, de 1'autre; ayant nommé pour leurs
plénipotentiaires , savoir:


Sa majesté 1'empereur Napoléon, les sieurs Armand-
Al!gustin-Louis de Caulaincourt, duc de Vicence, son
grand écuyer, sénateur, ministre des rclations exté-
rieures, grand aigle de la Légion-d'Honneur, cheva-
lier des ordres de Léopold d'Autrichc, de Saint-André,
de Saint-Alexandre-Newski, de Sainte-Anne de Russie,
et de plusieurs autres; l\lichel Ney, duc d'Elchingen,
et maréchal de l'empire , grand aiglc de la Lég'ion-
d'Honneur , chevalier de la Couronnc-de-Fer el dt,




DE MIL HUlT CENT QUATORZE. 409
l'ordre du Christ I ; Jacques-Étienne-Alexandre Mac-
donald, duc de Tarente , maréchal ele l' empire , granel
aigle de la Légion-d'Honneur, et chevalier de la cou-
ronne-de-Fer ;


Et sa majcsté I'empereur d'Autriche , le sieur Clé-
ment-W enceslas-Lothaire, prince de Metternich; Wi.
nebourg-Schsenhausen, chevalier de la Toison-d'Or ,
grand'croix de l'ordre royal de Saint-Élienne, grand
aigle de la Légion-d'Honneur, chevalicr des ordres de
Saint-André, de Saint-Alexandrc Newski, et de Sainte-
Anne de Russie, de 1'Aigle-Noir et de 1'Aigle-Rouge
de Prusse , granel'croix dc l'ordre de Saint-Joseph dc
Wnrtzbourg, chevalier de l'ordre de Saint -Jean de
Jérusalern, et de plusieurs autres , chancelier dc 1'01'-
dre militaire de Mal'ie-Thérese , curatcur de I'acadé-
'mie impériale des heaux-arts , chambellan, conseiller
intime actucl de sa majesté impériale et royale apos-
tolique , et son ministre d'état des conférences et des
affaires étrangeres,


( Dans le traité avec la Iiussie sont les titres du baron
de Nesselrode, et dans le traité avec la Prusse sont
les titres du baron de Hardcmberg.)


Les plénipotentiaires ci-dessus nommés, apres avoir
procédé a l'échange de leurs pleins pouvoirs respec-
tifs, sont convenus des articles suivants:


• II est remarqnable que le maréchal Ncy ne prend pas ici le
litre de prince de la Moskowa, par ménagement ponr I'empereur
Alexandrc. .




MANUSCRIT


ARTIULE PREMIER.


Sa majesté l' ernpereur Napoléon renonee, pour lni
et ses successeurs et descendants , ainsi que pour cha-
cun des membres de sa famille , a tout droit de sou-
veraineté et de domination, tant sur l' empire fran-
cais et le royaume d'ltalie que sur tout autre pays.


ARTICLE rr,


Leurs majestés l'empereur Napoléon et l'impératriee
Marie-Louise conserveront ces titres et qualités pour
en jouir leur vie durant.


La mere, les freres , soeurs , neveux et nieces de
I'empereur conserveront également, partout oú ils se,
trouveront, les titres de princes de sa famille,


ARTICLE UI.


L'ile d'Elbe, adoptée par sa majesté l' empereur Na-
poléon pour le lieu de son séjour , formera, sa vie
durant , une prineipauté séparée , qui sera possédée
par lui en toute souveraineté et propriété.


Il sera donné en outre en toute propriété a l' ern-
pereur Napoléon un revenu annuel de deux millions
de franes en rente sur le grand-livre de Franee, dont
un million reversible a l'impératrice,




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 41l


ARTICLE IV.


Toutes les puissances s'engagent a employer leurs
bons offices pour faire respecter par les Barbaresques
le pavillon et le territoire de rile d'Elbe , ct pour que
dans ses rapports avec les Barbaresques elle soit assi ..
milée a la France.


ARTICLE V.


Les duchés de Parme , de Plaisance , et Guastalla ,
seront donnés en toute propriété et souveraineté a
sa majesté l'impératrice Marie-Louise. Ils passeront
a son fils et a sa dcscendance en ligne direete. Le
prince son fils prendra des ce moment le titre de
prince de Parrne , Plaisance, et Guastalla.


ARTICLE VI.


Il sera. réservé, dans les pays auxquels l'empereur
Napoléon r~nonce,pour lui et sa famille, des domaines,
ou donné des rentes sur le grand-livre de France ,
produisant un revenu annuel, net , et déduction faite
de toutes charges, de deux millions cinq cent mille
franes. Ces domaines ou rentes appartiendront en toute
propriété, et pour en disposer comme bon leur sem-
blera, aux princes et princesscs de sa famille, et se-
ront répartis entre eux, de maniere a ce que le re.
VCI1Il de ohacun soit dans la proportion suivante ,




MANUSCRIT
Savoir :
A madame mere, trois cent mille franes ;
Au roi Joseph et ala reine, cinq cent mille franes;
Au roi Louis, deux cent mille franes ;
A la reine Hortense et a ses enfants, quatre cent


mille francs ;
Au roi Jéróme et ala reine, einq eent mille franes;
A la princesse Élisa, trois cent mille francs ;
A la prineesse Pauline, trois cent mille francs.
Les princes ct princesses de la famille de l'ernpereur


Napoléon conserveront en outre tous les biens meu-
bles et immeubles, de quelque nature que ce soit ,
qu'ils possedent a titre particulier , et notamment les
rentes dont ils jouissent , également comme. particu-
Iiers , sur le grand-livre de France , ou le Monte-
Napoleone de Milan.


ARTICLE VII.


Le traitement annue1 de l'impératrice Joséphine sera
réduit a un million en domaines ou en inscriptions
sur le grand-livre de France. Elle continuera a jouir
en toute propriété de tous ses Liens meubles et im-
meubles particuliers , et pourra en disposer confor-
mément aux lois francaises.,


ARTICLE VIII.


Il sera donné au prince Eugime, vice-roi d'ltalic,
HU établissement convenable hors de France.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 413


ARTICLE IX.


Les propriétés que sa majesté l'empereur Napoléon
pos sede en France, soit comme domaine extraordi-
naire, soit comme domaine privé, resteront a la cou-
ronne.


Sur les fonds placés par l'empereur Napoléon, soit
sur le grand-livre, soit sur la banque de France, soit
sur les actions des foréts • , soit de toute autre ma-
niere, et dont sa majesté fait l'abandon ala couronne,
il sera reservé U'l capital qui n'cxcédera pas deux mil-
lions, pour étre cmployé en gratifications en faveur
des personnes qui seront portées sur l' état que signera
l'empereur Napoléon, et qui sera remis au gouver-
nement francais ' .


• Lisez des eauaux : actions des foréts est évidernment une erreur
matérielle du copiste , puisqu'il u';:: jamais existe d'aelious des
foréts .


a Étal des gratifieatious accordées par l'empereur Napoléon COIl-
formément á l'arüclc IX ci-dessus; savoir:


AIJX GÉ.NÉRAUX DE LA GARDE


Friant ,
Cambronc.
Petit••
Ornano,
Curial.
Michel.
Lef. bvre-Desnouettes.
Guyol.


A reportero


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


~oo,ooo




MANUSCRIT


ARTICLE X.


Tous les diamants de la couronne rcsteront a la
France.


Suite de I'état de l'autre parto


Lyon •
Laíerriere.
Colbert.
Marin.•
Boulard ,


ÁUX Al DES DE CAl\1P


Drouot.
Corhineau,
Dejean.
Call'arelli.•
Montesquiou.
Bernard,
Bussy..


Au general Fouler, écuyer de l'empereur..
Au haron Fain, secrétaire du cabinet.
Au baron l\Ienneval , seerétaire des commandements de


I'Impératrice Marie-Louise.
Au baron Corvisart, premier médecin. •
Au eolonel Gourgaud, premier officier d'ordonuance.
Au chevalier Jouanne, premier commis du cabinet.
Au haron Yvan, chirurgien ordinaire..
A trente officiers de la garde (elat A).
Au service de la chambre (élat B).
Au service des écuries (élal e )..
Au service de l'impératriee el de la bouche (état D ).


t\ reportero


400,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


50,000


40,000


40,000


17°,°00


100,000


130,000


140,000




DE MIL HUIT CENT QU ATORZE. 4I 5
ARTICLE xr.


L'empereur Napoléon fera retourner au trésor et
aux autres caisses publiques toutes les sommes et
effets qui auraient été déplacés par ses ordres , a
l'exception de ce qui provient de la liste civile,


ARTICLE XII.


Les dettes de la maison de sa majesté l'empereur
Napoléon , telles qu'elles se trouvent au jour de la
signature du présent traité , seront immédiatement
aequittées sur les arrérages dus par le trésor public a
la liste civil e , d' apres les états qui seront signés par
un eommissaire nommé a cet effet.


ARTICLE XIII.


Les obligations du Monte-Napoleone de Milan en-
vers tous ses créanciers , soit Francais, soit étrangers ,
seront exactemcnt remplies sans qu'il soit fait aucun
changement a cet égard '.


Suite de I'état el-centre. . •


Au service des f'ourriers et du roi de Rome (étal E J.
Au serviee de santé de l'empereur ( état F J.


Total.


1,87°,000


7°,°00
60,000


2,000,000


I Cet article est la seule condition que Napoléon ait mise á son
ahdicalion du tróne d'Italie , ct n'a pas été respecté.




MANUSCRIT


ARTICLE XIV.


On donnera tous les sauf-conduits nécessaires pour
le libre voyage de sa majesté l'empereur Napoléon,
de l'impératriee, des prinees et princesses , et de
toutes- les personnes de leur suite qui voudront les
aceompagner , ou s'établir hors de Franee, ainsi que
poul' le passage de tous les équipages, chevaux , et
effets qui leur atilpartiennent.


Les puissances alliées donneront en eonséquence
des offieiers et quelques hommes d' escorte.


ARTICLE xv.


La garde impériale franeaise foumira un détache-
ment de douze a quinze cents hommes de toute arme
pour servir d'escorte jusqu'á Saint-Tropez, lieu de-
l'embarquement.


ARTICLE XVI.


Il sera fourni une corvette armée et les bátiments
de transport nécessaires pour conduire au lieu de sa
destination sa majesté I'empereur Napoléon, amst
que sa maison, La eorvette demeurera en toute pro-
priété a sa majesté,




DE MIL HUlT CENT QUATOHZE. [~17


AIlTICI,E XVII.


Sa majesté l'cmpereur Napoléon pourra emrnener
avec Iui , ct conserver pour sa garde, quatre cents
hommes de bonne volonté, tant officiers que sous-
officicrs et soldats,


AR 'rIGLE XVIII.


Tous les Francais qui auront suivi sa majesté l'ern-
pereur Napoléon et sa famille seront tenus, s'ils ne
veulent perche leur qualité de Francais , de rentrer en
France dans le terme de trois ans , a moins qu'ils ne
soient compris dans les exeeptions que le gouverne-
ment francais se réserve d'accorder aprés l'expiration
de ce terrnc.


ARTICLE XIX.


Les troupes polonaises de toute arme qui sont au
service de France auront la liberté de fJ:.tourner chez
elles, en conservant armes et La.gages, comme un
témoignage de leurs services honorables, Les officiers,
sous-officiers et soldats conserveront les décorations
qui leur out été accordées et les pensions affectées a
ces décorations,




MANUSCRIT


ARTICLE XX.


Les hautes puissances alliées garantissent l' exécutiou
de tous les articles du présent traité. Elles s\ngagent
aobtenir qu'ils soient adoptés et garantis par la France,


ARTICLE XXI.


Le présent traité sera ratifié et les ratifications eu
seront échangées aParis dans le terme de deux jours,
ou plus tót si faire se peut.


Fait a Paris, le 1 1 avril mil huit cent quatorze.


Signé CAlTLAINCOURT, duc de Vicence;
te maréchal duo de Tarente, l\lAcDoNALD;


Le maréchal d'Elchingen , NEY.
Signé le prince de lUETTERNICH.


Les mémes artides ont été signés séparément , et
sous la méme date, de la part de la Ilussic par le
eomte de Nesselrode , et de la part de la Prusse par
le baron de Hardemberg.




DE MIL nnrr CENT QUATORZE. 419


(N° 2.) Déclaration du gouvernement prooisoire
de France.


Les puissances alliées ayant condu un traite avec
sa majesté l'cmpcreur Napoléon, et ce traité renfer-
mant des dispositions a l'exéoution desquelles le gou-
verncmcnt francais est dans le cas de prendre part,
et des explications reciproques ayant eu lieu sur ce
point , le gouvernement provisoire de Franee, dans
la vue de concourir efficacement a toutes les mesures
qui sont aeloptées, se fait un devoir de dédarcr qu'il
y arlhere autant que besoin est , et garantít, en tout
ce qui concerne la France, 1'exécution eles stipulations
renfermées dans ce traíté, qui a été signé aujourd'hui
entre 1\'1[\'1. les plénipotentiaires des hautes puissances
alliées, et eeux d,~ sa majesté l'empereur Napoléon.


Paris , le 11 avril 1814.


Signé les membres du gOltvernement provisoire.


(N°3.) Déclaration aunom deS. M. LouisXVIII.


Le soussijrné , nnrustre secrétaire d' état au dé par-
tement des affaires étrangercs , ayant rendu eompte
au roi de 'la demande que leurs excellences messieurs
les plénipotentiaires des cours alliées ont recu ele leurs


27·




MANUSCRlT
souverams l'ordre (le faire relativernent au traité du
I I avril , auquel le gonvernement provisoirc a ae-
cédé, il a plu á sa majesté de l'autoriser de déclarer
en son nom que les clauscs du traite a la chal'g"c de
la Frunce seront fidelement exécutécs, n a en couse-
quenee I'honneur de le déclarer par la presente a leurs
cxcellences,


Paris, le 51 mai 1814.


Sigilé le prince tic BÉNÚHl",],


(N° !~.) Leure de lord Castlereaet.


A lord Bathurst , rclativc tui traite de Fontaineblcau,


Paris , le 1:) avril IRL·¡.


Je me borne, en conséquenee, ponr le mornent , a
vous expliquer ce qui s' est passé par rapport ;\ la
destinée future et a I'établissernent de Napoléon et (/1'
su famille.


V. S. connaít déja , par lord Cathcart , l'actc d'abdi-
cation signé par Bonaparte le 4 de ce mois , et l'as-
surance qui lui a été donnéc par l'cmpcrcur de
Russie et par le gouvernement provisoire d'unc pen-
sion de six rnillions de franes, avee un asile dans l'Ilf~
d'Elbe, Bonaparte avait rléposé cet aete entre les
mains de J\T. de Caulaincourt , et des lila rechuu x N('y ct




DE MIL uurr CENT QUATORZE. 421
i'Vlacdonald, pour 1'éehanger contre un engag'ement
torruel de la part des al1iés, rclatif á l'arrangement
pro posé. L0''; uiéures personnes étaient autorisées á
consentir á un ui-mist.icc et á détermincr une ligne de
demarcation qui puisse en mérne temps étrc satis-
Iaisante pour les alliés , et prevenir l'effusion inutile
<tu sang' humain.


A mon arrivéc , je trouvai ect arrangcment sur le
point d'étrc adopté. 011 avait diseuté une convention
(tui aurait dú étre signée le jour méme , si ron n'avait
annoneé l'approche des ministres alliés. Les motifs
qui portaient á háter la conclusión de cet acte
étaient l'inconvenient , sinon le danger, qn'il y avait a
ce (lue Napoléon dcmcurát á Fontainebleau, entouré
de troupes qui lui rcstaient toujours Iideles ; la crainte
d'intrigues dans l'armée ct la capitalc , et 1'avantagc
qu'avait , aux ycux de beaucoup d'officiers , un ar-
rallgemellt favorable ;1 lcur chef, qui leur permit de
l'ahandonner saus se déshonorer.


Dans la nuit apres mon arrivée, les qnatre ministres
curcnt une confércnce sur la convention préparée
avec le prince elc Bénévcnt. J'y fis connaitre mes ob-
jcctions , en expriman! en móme temps le désir qu'on
ne Cl'út eple j'y insistais , an risque de compromettre la
tranquillité de la Francc, {fue pOllr empécher I'exécu-
tion de la promesse donnée, á cause de l'urgenee des
circonstancos, par la Hussie.


Le prince (le Bénévent reconnut la solidité de plu-
sieurs de mes objections ; mais il declara en méme




MANUSCRlT
temps qu'il crovait que le gouvernement provisoire
ne pouvait avoir d'objet plus important que d'éviter
tout ce qui pouvait , mérne pour un instant , prendre
le caractere d'une guerre civile; et qu'il pensait aussi
qu'une mesure de ce genre était essentielle poul' faire
passer l'armée du cóté du gouvernement, dans une
disposition qui perrnit de l'employer. D'apres cette
déclaration, et celle du comte de N esselrode, portant
qu'on l'absence des alliés, l'cmpereur son maitre avait
senti la nécessité d'agir pour le mieux, en leur nom
aussi bien qu'en son propre norn , je m' ahstins de
toute opposition ultérieure au principe de la mesure,
me hornant a suggérer quelques modifications dans
les détails, Je refusai cependant , au nom de mon
gouyernement, d' étre plus que partie accédante au
traité, et déclarai que l'acte d'accession de la Grande-
Bretagne ne s'étendrait pas au- delá des arrangements
territoriaux proposés dans le traite. On regarda comme
parfaitcment fondéc mon observation , qu'il n'était
pas nécessaire que nous prissions part á la forme du
traité, nommément pour ce qui regardait la re con-
naissance du titre de Napoléon, dan s les circonstances
actuelles. Je joins maintenant le protocole et la note
qui déterminent le point d'extension auquel j'ai pris
sur moi de faire des promesses au nom de ma cour.


Conformément a mes propositions , la reconnais-
sanee des titres impériaux, dans la famille, fut Ii-
rnitée á la durée de la vie des individus, d' apres ce
qui s'est observé Iorsque le roi ele Pologne devin!
électeur de Saxe.




DE MIL HUIT CENT QUATORZE. 423
Qllant a ce qui fut fait en faveur de l'impératrice ,


non seulement je n'y fis aucune objection, mais je le
regardai cornme dú á l'édatant sacrifice des senti-
ments de famiHe que l'empereur d'Autriche fait a la
cause de l'Europe, J'aurais désiré substituer une
nutre position a eeHe de l'ile d'Elbe ponr servir de
retraite aNapoléon; mais il n'y en a pas de disponible
qui présente la séeurité sur laquelle il insiste, et centre
laquelle on ne pourrait faire les mémes objections ; el.
je ne erois pas pouvoir eneourager I'alternative dont,
d'apres l'assurance de M. de Caulaincourt , Bonaparte
avait plusieurs fois parlé d'avoir un asile en Angleterre.


La mérne nuit, les ministres aHiés eurent une eonfé-
rence avee M. de Caulaineourt el. les maréehaux; i'r
assistai. Le traité fut examiné et accepté avec des
ehangements; depuis il a été signé et ratifié, et Bona-
parte commcncc demain, ou upres-dernain, son voyage
au midi.


Signé CASTLEREAGH.




1


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1




TABLE
ALPHABÉTIQUE ET RAISONNÉE


DES MATIERES CONT.ENUES DANS CE VOLUME.


ADDICATION. Le duc de Yicencc vient Jemander ú Fontai-
nebleau que Napoléon abdique en faveur de son flls ,
36g. - Premiere rédaction de l'abdication, 3'2. -
Napoléon nnnonce ú l'armée son abdication par un
ordre du jour, 3,5. - Les alliés ayant demandé que
l'abdication füt complete, cntiere et absolue, le duo de
Vicence rcvient ú Fontaincbleuu , 382. - Seconde ré-
daction de I'abdication , 589' - Napoléon changeant
d'avis fait redemander son abdication au duc de Yicence ,


3gl. - Traite d'abdication du 11 avril , [108.
AISNE. l'assage de l'Aisne par l'armée francaise it Béry-au-


Bac, 181.
A LDUFERA ( le maréchal Suchet , duc d' ) , arréte les Espa-


gnols sur la ligne de Lobrégat, 36. - Est appclé á rem-
placer le marechal Augereau dans le commandement de
l'armée de Lyon, Ig8.


ALEXANDRE (I'empereur ). Voyez RUSSIE.
ANGLETERRE. Déclaration du prince régent sur les intentions


pacíílques de l' Anglelerre, 5. - Lord Castlereagh, son
minis tre des nfluires étrangercs , se rend au quartier




TAELE ALPHABlá'IQUE


génél'al des alliés, 41. - Fnit signer le traité de Chau-
mont , 177.
ANGOcLE~IE (le due d'). Présence de ce prinee dans le midi,


144. - II arrive a Bordeaux , 203.
ANVERS. tes alliés s'approchcnt d' Anvers, 35. - Napoléon


confie la défense de cette place au général Carnot, 47'
- Les Anglais échouent dans Ieurs attaqucs , 19'-


ARCIS-SllR-AuBE_ Rencontre et bataille d'Arcis, les 20 el 21
mars , 20'.


ARMÉES FRANl;AISES. La grande annee , en se retirant d'Alle-
magne, prend ses cantonnements derr-iere le Rhin, 3. -
Situation et force des diverses armées franeaises, 32. -
Revue des armé es francaíses encore employées au
dehors, en Allemagne, en Espagne et en Italie, 32.
- Ressourees que les armées francaises offrent encore iI
Napoléon á l'époque de son abdieation , 382.


ARMÉES ENNEMIES. Force des armées ennemies employées
Ú l'invasion de la France , 31. - Armée anglo-espa-
gnole, voyez Wellington. - Armée autrichienne sur
l'Adige, voyez. Italie,
AR~llSTICE. Le prince Wentzcl-Lichlenstein, aide de camp


du prinee Schwartzenberg, vient au hameau de Chiitres
proposer un armistice , 143. - Le víllage de Lusigny
est fixé pour la négociation de l'arrnistice , 155. - Le
général Flahaut est nommé commissaire de I'empereur
ponr cette négociation, 155. - Napoléon demande que'
la ligne de démarcation de l'armistice soit tirée d'Anvel's
sur Lyon, 158. - Bupture des conférences de Lusigny.
- Le général Flahaut vient rejoindre l'empereur le ¡;
mars ~l Chavignon, 18,-


AnToI' (le corutc d' ). Voyage de ce prince en Suisse.-I1




El' RAISONN.ÉE. 427
doit venir an quartier général des alliés , 144. - Les
paysans des environs de Saint-Thibaut croient le faire
prisonnier , 225. -- Napoléon apprenel avec plaisir 1'ar-
rivée de ce prinee a Parl s , {¡02.


ATHALIN, lieutenant-colonel du g;énie, adjoint au directeur
du cabinet topographique , marque sur la carte, par des
épingles, tous les Iieux que les rupports du jour indi-
quent , 89' - Restc [usqu'á la fin a Fontainebleau, [¡05.


AVCEREAU (le muróchal). P oyez CASTIGLIONE (le duc de).
AUTRlCHE (l'empereur d' ) entre en Franoe , 15. - Est


entrainé par les fuyards du coté de Dijon, tandis que les
autres souverains marehent sur París , 22D. - L'impé-
ratrice est autorisée ú Iui dépecher le due de Cadore
POUI' le presser d'intervenir en faveur el'elle et de son
fils , 374.


BACLER-D' ALBE, directeur du cabinet topographique, mar-
que sur la carte , Ijar des épingles, tous les points que les
rapports du jour indiquent, 89.-Est envoyé el Paris pour
y porter la nouvelle de la retraite des Prussiens , 172.


B,I.lLLON, fourrier du palais, su it Napoléon ú I'ile d' Llbe ,
39g·


BARBÉ-l\'lARBOIS ( le comte ) est commissaire du sénat pour
l'examen des piéees de la négoeiation de Francfort, Ig.


BASSANO (iH. 1\laret, duc de), ministre des affaires etran-
geres, répond !lUX propositions apportées de Francfort
par le haron Saint-Aignan , 8.- Il est rappelé au minis-
tere de la secrétaircric d'état , 10. - 11 rejoint Napo-
lean el Bricnne, g8. - Son travail journalier avec Na-
poléon , 195. - Su bello conduite aupres de Napoléon
Ú Fontaincbleau, (1°1 et 405. (Voir dans le supplément




'l'ABL]'; ALPHAB:ÉTIQTH:


sa correspondance avec le duc de Vicence, rclativement
aux négocjations de Chátillon. )


BASTE ( le contre-amiral ) est lué ti l'attaque de Brienne ,
95.


BE.H'SSET ( le baron), préfet du palais , vinnt de Rambouil-
let ú Fontainebleau , chnrzé 'le (·ur.lmissions de l'impé-
ratrice , 403. - Suit I'impératrice á Vienne , 404.


BELGIQUE. La Belgique est enlevée ú la Franee, 108.
BELLAIIT CM.) convoque illégalernent le conseil général de


Paris, dont il est président, 367,
llELLURD (le géneral comte ) remplace le général Grouchj-


blessé it la bataille dc Craonne, et commande la cava-
lerie , 184. - Se presente á Napoleon ú Fontainebleau,
apres la eapitulationde T'aris, 229. - Reste ú Fontainc-
hleau jusqu'ú la fin, 405.


BELLUIíE (le maréchal Vietor, duc de) se retire de Stms-
bourg par les Vosges, 20. - Et de Nancysur Vitry-Ie-
Eruncais, 8/.-Combat á llrienne, lOo.-!leste ehargé
de la defense de la Seine pendant les affaires de iHont-
mirail, 114.-Recule jusqu'ú Gujgnes, 126. - Combat
ú Nangis, et poursuit l'ennemi dans la directiou de
l\1ontereau, 128. - Combar ú Montereau , 128. - Sa
querelle avee Napoléon, ú Surville , 13!,.-1l cst blessé
<1 Craonne, 184.


BÉ!íÉVENT ( 1\1. de Talleyrand , prince de), est commissaire
du sénat pour I'examen des pieces de la négociatiou de '
Franefort, 19. - Il cnvoie , dit-on, i\l. de Vitrolles iI
lH. le comte d'Artois, '-'125. - Jlcsle il Paris pour en
faire les honneurs aux alliés, 35!). - Assiste an conseil
des alliés , ibid. - Est nonuué présidcnt du gonvel'lle-
mcnt provisoire , 56G,




El' l\ A.ISONNÉJ.:.


BENIGSEN ( le g{~nél'al russe ]. Son arméc est retenue sur
l'Elbe par nos garnisons, 37'


BERG-Ol'-ZOOM. Surprise de cette place par les Anglais. -
~elle action du géneral Ilizannet, 197.


BEI\CKHEIM (le général), écnyer de Napoléon , est mis iI la
téte de la levée el} masse de l'Alsace , 43.


I\EHNADOTTE, prince de Suedc, L'urmée qu'il commande
s'avance sur la Hollande et la Belgique, 15. - Elle passe
le Wahal et la Meuse et s'approche d'Anvers, 55.-
Combat sous les murs d'Ánvcrs, [~5. - Nous enleve la
Belgique, I oS.-Son avunt-garde s'avance jusqu'ú Sois-
sons , 161. - Reprend une secunde fois cette ville et
sauve l'armée de B1iieher, 174. - Protege la retraite de
Blüeher sur Laon, en li vrant la bataille de Craonne, ISI.
- Se retire clle-mémc sur Laori, 184. -- Bernadotte n'a
íranchi qu'á regret la limite du Rhin, 189.


llERRY ( le duo de). Arrivée de ce prince iI Jersey, 144.
IlERTIJIER (le mnróehnl }. Voyez NEUFCHATEL.
IIERll1AND ( le géneral comte ) , grand maréchal du palais ,


monte dans la vniture de Napoleon partant pour l'nr-
mee, 83.-lnterroge les gens du pays qu'on amene á
Napoléon , 89- - Commande , a la bataille de lHontmi-
rail , I'attaque dn village de i\larehais, sur la gauche,
1 18. ~ Accompagne Napoléon ú I'i1e d'Elbe, 399-


RÉRY-AI-D.l.C. Napoléon y etahlit son quartier général, et
y passe I'Aisne le 5mars, 181.


BEURNONVlLLE (le com te de ), sénateur , est cornmíssaire
rlu sénat pom I'examen des pieces de la négociation de
Fraucfort, 19.-Est commissaire extraordinaire de Napo-
léon pom les mesures de défense dans les provinces, 28.-
Est nommé membrc du gouvernement provisoire , 3GG.




TABLE ALPIJAUkflQlJ1'


~E:LU-SAINT-GEIl.MAIN, village entre Chüteau-Thierry et
Soissons. - Napoléou y étahlit son quartier général
le:) mars , 173.


1I1:LANlilET (le général), commandant de Bcrg-op-Zoom.
B elle action de ee bravc , 197'


BLUCBEIl. ( le général prussien ). L'armée qu'íl commande
passe le Rhin a Manheim, 15. - S'avanoe sur la Lor-
raine , 26. - Arrive devant Metz et Naney, 44. - Tra-
verse la Marne <'1 Saint-Dizier, et se dirige sur Brienne, 86.
- Est coupée en deux parties par I'arrivée de Napoléon
il Saint-Dizier, 91. - Blüeher manque (l'i:~tre pris au
eomhat de Brienne , 95. - Il fait sa re traite sur l'armée
autriehienne, vers Bar, 97. - Revient avec elle sur
Brienne et y livre bataille , 99' - De Bricnne , Blüeher
se porte sur Chálons , et de J¡'¡ deseend la Mame vers
Paris , 108. - Son avant-garde est arrivée a La Ferté-
sous-Jouarre, 115. - IJe eombat de Champaubert la
separe de Blücher , resté du cüté de Chálons , 110. -
La hataille de JHontmirailrejette le eorps (],Yorek et de
Saeken sur Chateau-Thierry, 117. - Le combat de Chñ-
teau-Thierry acheve de les sépurer de leur général en
ehef Blücher, et les force de se jeter daos Soíssons, 119.
- De son cóté , Bliicher, ayant rccu des renforts , s'est
reporté en avant; il est prét d'arriver sur Montmirail, 122.
- Battu á Vauchamps, il manque eneore une fois d'étre
Iait prisonnier, 123. - Napoléon retrouve Blücher et
ses troupes sur la Seine a l\léry. - Illücher y est blessé,
142, 160 et 162. - Il se retire de Méry pour marcher
su!' Paris, 165. - Atteint par Napoléon, qui s'est rernis
á sa poursuite , il lui échappe en passant la iUarne et se
retirant sur Soissons , 170. - Les Russes le sauvent en




ET HAISONNÉE.


lui ouvrant les portes de cette viiie , 1?4. - Napoléon
le poursuit au-dela de l'Aisne, 181. - Blücher , apres
avoir fait sa jonction uvec I'armée du prinee de Suede ,


, se retrouve plus fort que jamais, )89. - Apres le eombat
de Laon iI reprend I'offensive, 191. - II pousse des
partis jusqu'á Compíegno, 200. - Rappelé par Schwart-
zenherg sur Epernay et Chálons , iI fait sa ,onetion avee
la grande arrnée autrichienne , 218. -- Il détaehe Winl-
zingerode iJ. la poursuite de Napoléon du coté de Saint-
Dizier, 219.-S'étant, de sa personne, avancé vers Paris,
il prend Saint-Denis et les hauteurs de Jlontmartre, 252.


BO,ISST-D'ANGLAS (le sénateur eomte) est nommé par Na-
poléon commissaire extraordínaire pour les mesures de
défense, 28.


BONHAIITE. Voycz NAPOLÉON.
BORDEAUX. Événements de Bordeaux ; les Anglais y sont


entrés , 202.
BOURBON ( la maison de ). Conversation de Napoléon avee un


aide de camp du prinee Sehwartzenberg, sur les projets
qu'on supposo aux alliés, en faveur de cette maison, 144.
- L'Angleterre a entrepris sérieusernent la restuuration
de la maison de Bourbon , 152.-Démarehes des roya-
Ilstes de Troyes aupres de l'empereur Alexandre, 155.
- Les suecos des alIiés donnent de la consistanee aux
projets des royalistes, 199.- Louis XVIII est proclamé
a Bordeaux , 205. - Les généraux allíés , en entrant
dans Paris , donnent pour exemple ú suivre la conduite
de Bordeaux et de Lyon, qui viennent de reconnaitre les
Bourbons , 558. - i\l. de Nesselrode fait mettre en li-
berté les individus détenus pour leur attachemerü aleurs
souverains légitimes, 362. - Soins que se donnent ú




[~32 TAELE ALPJIAnÉTlQVE
P aris les partisans de la restauration , 563. - lis ñnis-
sent par l'emporter, 379. - Napoléon engage Iuí-méme
ses serviteurs a se rallier au gouvernement du roi
Louis XVIII, 3g8.


BOURMONT ( le géneral comte ) reste chargé de la défense
de Nogent, 114.-Est blessé 3.U combat de Nogent, ) {10'


BRAY, en Laonnais, village du champ de bataiJIe de Craonne.
- Napoléon y passe la nuit qui suit la bataille, 185.


BlIEDA. :Évacuation trop prompte de cctte place ,54.
BRIENNE. Combar de Brieune , le 2D [anvier , g{¡. - Napo-


léon y établit son quartier-génúral le 50,97' - Bataille
de Briennc le le< février, lOO.


BRIGN()I,ET ( la corntcsse ) suit I'Imperutrice lI1arie-Louise a
Vienne, 404.


BUBKA ( le geniTal autrichien ) viole la neutralíté des
Suísses ala tete.de I'avant-garde des alliés, 14. - S'em-
pare de Geneve , 25. - Du Valais et de la raute du
Simplon, 44. -- Se presente devant Lyon , IOS.-Et se
concentre sur Geneve , 138.


BULOW ( le général prussien ). Le eorps d'annee qu'il corn-
mande fait partie de I'armée du prince de Suede, Voyc'Z
BERN A-nOTTE.


Bnss'r ( l\). de ), maire de Baurieux , ancien officier d'ar-
tillerie, se présente ú Corbeny, et est reconnu comme un
anclen camarade du régiment de La Fere, par Napoléon,
qui lui rend le grade de eolonel, et le fait son aide de
eamp, 182. - Reste ¡', Fontuinehleau jusqu'a la fin, It 05.


CA~tBRONE (le général ) suit Napoléou a l'ile d'Elbe, 3g9'
CAPELLE( le baron ), préfet ú Genéve, s'éloigne ;, l'ap-


proehe des Autriehiens, 25.




ET HAISONNÉE. 433
CAhHIAN ( M. de ) , officier d'ordonnancc , va reconuaitre


la position des ennemis a Craonne , 182.
'CASTIGLIONE ( le maréchal Augereau, duc de ), est chargé


du commandement de l'armée qui se réunit a Lyon, 44.
- Becoít , apres le combat de l\Iontereau, I'ordre de re-
monter la Saóne et de tornber sur les derríeres de la
grande armée autrichienne, 138. - Manque cette occa-
sion de sauver la France, 169, - Il est remplacé par le
maréchal Suchet, 198.


CASTLEREAGH ( lord ), ministre des affaires étrangeres d'An-
gleterre, se rend au quartier général des alliés , 41.


CAULAINCOllRT. Voyez. VICE:"CE (le duc de).
CHALONS-suR-I\1ARi'(E. Toutes les troupes font leur retraite


sur Chülons , 27. - La nouvelle armée est dirigée sur
ce point , 52. - Les dernieres ressources des dépóts de
l'intérieur y sont également envoyées, 47. - L'empe-
reur y arrive, 85.


CHALONS-SllR-SAtli'(E (belle conduite des habitants de ), 43.
CHHIBÉay. Le général Desaix pourvoit a la süretó de cetre


ville , 4[,.
CHUIHGNY ( duc de Cadore). L'impératrice Marie-Louise


est autorisée á I'envoyer prier l'ernpereur d' Autriche
d'intervenir en faveur de la régence et des droits de son
fils, 374.
CHA~IPA1l8ERT (combat de ). Napoléon établit son quartier


général dans ce village le 10 février, 116.
CHARPENTIER (le général). La división soutient glorieuse-


ment I'attaque de l'ennemi devant Laon , 191.
CnATEAU (le genéral), gelldre et chef d'état major du duc


de Bellune, Victor, se distingue al'attaquede Brieune, 95.
- Blesse mortellement au combar de Montereau , 150.


28




43!~ TABL}~ ALPHABÉTIQUE
- Regrets de Napoléon , et phrases du hulletin sur s.j
mort , 135 et 136.


CHATEAU-'IHlERRY ( combat de), le 12 février, lIg. -
Le 13, Napoléon établit son quartier général dans cette
villc l 120.


CnATlLLON-SUR-SEINE est indiqué pour la tenue du con-
gres, 8,. - Le duc de Tarente y releve un moment les
troupes autrichiennes dans la garde du congres , 16g.
( Pour ce qui regarde le congres , voyez NÉCOCIATlON.)


CHATlIJlS, hameau pres de Méry-sur-Seine. Napoléon y
établit son quartier général le 22 févríer , 143.


CHAUMONT ( Haute-Marne }. Les alliés y signent le traité
du le< mars qui rcsserre Ieur alliance , 182. - Expédi-
tion du genéral Piré sur cette ville , 216.


CaAVIGNON, village entre Soissons et Laon, Napoléon y
etahlit son quartier généralle 8 mars , 188.


CONEGLIANO ( le maréchal l\Joncey, duc tle ), apres la
príse de París, se rend ú Fontainebleau, 356.


CONSTANT (le sieur}, valet de chambre de confiance de
Napoléon, disparaít la nuit du départ pomo l'ile d'Elb e,


404·
CORllENY. Napoléon y porte son quartier général le 6


mars, 181.


CORBINEAU ( le général) se jeUe entre des Cosaques el
l'empereur,9" S'empare de Reims le 5 mars , 181.
- Apres avoir passé pour 1II0rt, se retrouve déguisé
parmi les hahitants de Roims , 1\)3.


CORP5 LÉClSLATlF. Ouverture de la session de 1814, 10. -
Opposition qui se declare dans I'assernblee , 19. - Dis -
solution du corps législatif, et discours de Napoléon ú
cette occasion , 22.




l:T RA ISONNÉF:.


CIIAONl\E ( bataille de), 182.


D'ALRE. Vorez 'BACLEI\.
D' ALBEI\G ( le comte), nommé membre du gouvernement


provisoire , 566.
DALMATIE ( le maréchal Soult, duc de ) , arrñte WelJington


sur la Iigne de l'Adour, 35. -Envoie des détaohements
au secours de Paris , 38. - Est force de se retirer sur
Toulouse, 198.


DAl.'ITZICI\. ( Ic maréchal Lefevre , duc de ) , commande a
lUontmirail I'attaque du village de lHarchais sur la gau-
che, 118. - Se trouve t\ Fontainebleau, 356.


DAvouST ( le maréchal ). Voyez ECKnIULH (le prince d' ).
DÍlCHÉANCE. La déchéance de Napoléon, prononcée par le


sénat, arrive ti Fontainebleau, 371.
DEJEU (le genéral), aide de camp de Napoléon, sabre


des Cosaques aux cótés de Napoléon, 97. - Est dépe-
ché du pont de Doulencourt, pour annoncer ti la capitule
le retour de Napoléon , 228.


DESAIX ( le général ) pourvoit a la süreté de Chnmbéry ,
44·


DESCHAMPS, fourrier du palais , suit Napoléon ti rile
d'Elbe, 399.


DIJEON, général d'artillerie de la garde. Napoléon veut
le fairc [uger par un conseil de gucrre. Le général Sor-
bier arrange cette affaire, ¡33.


DOULEVENT. Napoléon y étahlit son quarticr général le 24
mars, ~n(j. - Napoléon y revient le 28 mars, 227.


LlI\ESDE. Yiolation de la capitulation de Dresde, :52.
DROUOT (Ic général }, aide de camp de Napoléon, se


distingue a la tete de I'artillerie au combat de Nangis ,
28.




{¡36 TABLE ALPIIABÉTIQlJIO
127' - A la bataille de Craonne , 184. - Suit Napo-
léon á l'ile d' l<Jbe, 399-


DURUTTE (le général) est chargé de la défense de Metz, 45.
J)UTAILLIS (le general) défend Torgau sur l'Elbe, 33.


ECKmlLH ( le maréchal Davoust , prinee d' ) commande á
Hambourg, 33.


ÉCLARON, prés Saint-Dizier. les habitants de ce bourg ont
pris des Cosaques; Napoléon les recompense par divcrses
faveurs ~ ~)3.


ELIJE ( rile d') est désignée pour le séjour de Napoléon, 390.
-Indication des personnes qui l'y accompagnent, 399


ÉPERNAY. Napoléon y établit son quarticr généralle 1;-
mars , 202.


ESPAGNE. Napoléon laissc le roi Fcrdinaud y retourner, 40.
ESTERNAY (le chatean d'). Napoléon y etablit son qunrtier


généralle 28 février, 168.
EUGENE-NAPOLÉON (le prince ). Voyez Irar.m,
FA1N ( le baron ), secrétaire du cabinet, reste á Fontai-


nehleau [usqu'á la fin, 405.
"FERE-CHAMPENOISE. Napolóon y établit son quartier genéral


le 18 mars, 203. - Désasu-e de Fere-Champenoise, 222.
FESCH ( le cardinal) se retire á ltomc , 400.
FISMES. Napoléon y établit son quartier généralle 4 mars ,


180.
FLAHAUT (le général comte), aide de camp de Napo-


léon , est envoyé á Lusigny pOUl' la négociation de 'I'ar-
mistice, 155. - Cette négociation ayant été rompu e-
il revient aupres de Napoléon, 187' - Est envoyé ú
Bambouíllet , chargé de eommission pOU!' l'irnperatrice
Maric-I,ouise, 405.




ET RAlSONNÉE.


FUUGERGUES (1\'1.) est commíssaire du corps législatif pour
I'examen des pieces de la négociation de Francfort, 19.


FONTA.Il'IIEBLBU. L'avant-garde du prince Schwartzenherg
yarri.ve, 130. - Napoléon, venu trap tard pour se-
eourir Paris , s'établit á Fontainebleau, 23[1' - CeUe
ville est entourée par les troupes alliées, 385.


FONUNES (le comte) est commissaire du sénat pou!' l'exa-
men des píeces de Francfort , 19.


FOI\T1F1CATIONS. Napoléon fait réparer les forteresses de
l'ancienne France, et fait faire tous les travaux défen-
sifs qui peuvent arréter I'ennemi, 2.


FRANCFORT ( Proposítion de). Voyez NÉCOCIHION.
- ( Déclaration de). Voyez au Supplément de la pre-
miere partie.


FIIOMENTE,lU, pres les fontaines Juvisy. Napoléon apprend
ace relai la capitulation de Paris , ~34.


FOllLER ( le comte ), écuyer de Napoléon , reste a Fon-
tainebleau [usqu'á la fin, 405.


GALLOIS (i\l.) est cornmissaire du corps législatif pOlll'
l'examen des pieces de la négociation de Francfort, 19.


GENEvE est prisc par le general autrichien Hubna, 25.
GÉIIARD ( le genéral ) se distingue au coinbat de Nangis,


127' - Becoit á ~lontereau le commandement du
corps du duo de Bellune , 133 et 135. - Poursuit
I'cnnemi sur la route de Sens , 13,. - Cornmande avec
le duc de Ueggio au combar de Har-sur-Seine , 164.


GlRARDI:N ( le comte ) , lieutenant-général, aide de camp
du prince de Neufchstel , est dépéché de Troyes })our
annoncer le retour de NapoJéon dans la capitale, 228.


GORCUlI1 est défendu par le général llampon, sénateur , 34· . o,.
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TABLE ALPAABÉTIQUE.
COllAUT, habitant de Troyes , est traduit devant un con-


seil de guerre, 154 et 155.
GOlJRGAUD ( le colonel d'artillerie ), premier officier d'or-


donnance de Napoléon, tue un Cosaque aux cótés de
Napoléon , 97' - Va reconnaitre la position des Busses
a Craonne, 182. - Est chargé de faire une surprise de
nuit sur le camp ennerni devant Laon, 188. - Reste á
Fontainebleau [usqu'á la fin, 405.


GOUVION-SAINT-CYR ( le maréchal ) est rerenu prisonnier
de guerre par suite de la violation de la capitulation de
Dresde , :52.


GRAHAM (le général anglais) descend a Wilhemstadt, et
s'y joint aux Prussiens de Bulow et aux Russes de Vint-
zingerode, 34. -Essaie de surprendre Berg-op-Zoom, et
y perd 4000 hommes, 197.


GRES (le hameau des), pres de Troyes. Napoléon y établít
son quartier-génér~lle6 février, 107'


GROUCHY (le général), biessé a Craonne, oú il comman-
dait la cavalerie , 184.


GUJGNE, en Brie. Napoléon y établít son quartier général
le Jti février, J26.


HARDllN8ERG (le jeune baron de), neveu du chancelier de
Prusse, est fait prisonnier au comhat de Brienne, 95.


HAUTERIVE (le comte d'), conseillerd'état, est chargé de com-
muniquer les pieces de la négociation de Francfort, J9.


HELDER (le), défendu par l'amiral Verhuel, 34.
HERBISSE (le village d'), pres Fere-Champenoise, Napoleou


y établít son quartier généralle 27 février, 165.
HOLLANDE (la) est enlevée a la France par l'arrivéc des


Russes du général Vintzingerodc, 34.




Jn RAISONNEE. 439
hlPÉRATRICE (1'). Voyez MARIE-LOUISE.
hVASION (1') de la Franco S? fait par trois grandes ar-


mées, 14 et 25.
hALlE. L'armée des allies sur l'Adige est commandée par


\\1. de Bellegarde, 56. -Le prince Eugene , více-roí ,
est á Vérone, 36. - On lui écrit d'envoyer des troupes
á I'urmée de France, 58.-La défection du roi de Naples
ne permet pas d'affaiblir l'armée d'Italie, 158. -Belle
conduite du vice-roi au milieu des embarras qui se mul-
tipliaient autour de lui, 159. -Napoléon, abdiquant a
Fontainebleau, veut se retirar en Italie, el demande
qu'on l'y suive, 587.-Le sort du vice-roi est assuré par
le traité d'abdication, 39 J.


JANSSENS (le général), ancien général hollandais , amene
a Beims une division de six mille hommes qu'il a tires
de 1Uézieres et autrcs places des Ardennes, 194.


JAUCOURT (le cornte de), nominé membre du gouverne-
ment provisoíre, 566.


JÉr,oME (le prince), ci-devant roi de Westphalíe , se retire
en Suisse, 400.


JOSEPH (le prince) , cí-devant roi d'Espagne, reste auprés
de l'impératrice, avec le titre de Ileutenant-génóral de
l'empire, 48.-Donne Ú l'impératrice le conseíl d'écríre


seeretement a son pere pour obtenir la paix, Í9\)' -R.e-
coit ordre de faíre partir de Paris l'impératrice et son
fíls, á la moindre apparcnce de danger, 20 l.-Donne au
duc de Raguse l'autorisation de négocier la capitnlation
de Paris , 252. - El va rejoindre le gouvernement de la
régence sur la Loire, ibid. - Se retire en Suisse , 400.




TABLE ALPHAB.ÉTIQUE
.JOUANNE (le chevalier), premier commís du cahinet , reste


a Fontainebleau [usqu'á la fin, {105•
.JOUARRE, pres la Ferté. Napoléon y établit son quartier


généralle 1er mars, l' l.
JOURNAUX. On ne néglige pas le moyen qu'ils offrent d'exa-


gérerhos ressources et nos moyens de défense aux yeux
de I'ennemi , 28


KELLER3fANN (le maréchal). royez VALMY (le duc de).
KOSAliOWSKI {Ie général polonais) reste a Fonlaineb\eau


[usqu'á la fin, 405.


LABESNARDJERll, conseiller d'état, premier cormnís aux af-
faires étrangeres. Napoléon travaille avec lui ;l Troyes ,
104. (Voir au supplément de la premiere partie sa cor-
respondanee avec le duc de Yicence.)


LABOUlLLERIE (le baron ), trésorier de la couronne , est
ehargé de verser 30 millions des caves des Tuileries
dans les caisses vides du trésor publíc, 2.


LAcÉpilDE (le comte de) est commissaire du sénat pour
l'examen des pieoes de la negociation de Fraucfort , 19.


LACRETELLE, journaliste. Napoléon á Fontaineblcau remar-
que un de ses articles, 402.


LAFERTÉ-SOUS-JOllARRE, Napoléon y fait rétablir le pont sur
la Marne, et vient, le 2 mars, avec son quartier général
dans cette villc, l' l.


LAFOREST (le comte) signe á Valeucay le traite qui pe¡'mel
au roi Ferdinand de retourner en Espagne, 39,


LAINÉ (~I.), membre du eorps législatif. Méeontentement
de Napoléon centre lui, :).0.




~ET RAISONNiE.
I.ANNEs ( madame la maréohule ). Voyez IHONTEBEtLO (du-


ohesse de).
LAON. Napoléon se porte sur Laon , 187, - et se retire sur


Soíssons, 191.
LAPLACE (le capitaine), officicr d'ordonnauce , reste á


Fontainebleau [usqu'á la fin, 405.
LAPOHE (le général) défend Wittemberg sur l'Elhe, 33.
tA vALETTE (le comte), directeur général des postes, en-


voie une dépéche qui est recue a Doulevent , 227.
1.EFEvRE (le maréchal}, Voyez DANTZICK (le duc de).
LELORGNE-D'IDEVILLE (le baron), secrétaire interprete de


Napoléon, reste a Fontainebleau jusqu'ú la fin, 405.
tEMARROIS (le général) défend la place de iUagdebonrg sur


l'Elbe, 35.
LES~IONT- sUR-L'AuBE. La rnptnrc dn pont de Lesmont ar-


rete Blücher ú· Brienne, 94. - La mérne cause nous y
arréte deux [ours uprcs, 99. - Apres la réparation du
pont, notre armée fait sa retraite sur Troyes, 101.-te
pont est coupé de nouveau derriero uous, 102.


LEVAL (lc genéral), Sa división arrivant des Pyrénées rc-
joint l'armée de Napoléon, 105.


tlCHTENSTEIN (le prince Wentzel), aide de camp du prince
Schwartzenberg, vienL trouver Napoléon au harneau de
Chátres, 143.


LOIRE (la). Ordre au prince Joseph d'envoyer la régente
et le gouvernement sur la Loíre a la moindre apparence
de danger qui menacerait Paris, :wI.~Cet ordre est
exécuté, 228. - Napoléon parle á Fontainebleau de se
retirer sur la Loire, 383.


LOUIS (le prince), ci-devant roi de Hollande, se retire en
Suisse , 400.




TABLE ALPHABÉTlQUE
LUSIGNY-PRBS-DE-VANDOEUVRES. Ce village est fixé pour la


négociation de l'armistice, 155. Voycz AR\\I15TlCE.
LYNCH (le comte), maire de Bordeaux, recoit les An-


glais, 202.


LYON. Bonne contenance des Lyonnais devant le général
Bubna, 105.-Armée qui se réunit ú Lyon. Voycz CAS-
TICLlONE (re duc de).


MACDONALD (le maréchal}, J70ycz TARENTE (le duc de).
MADAME (mere de Napoléon) se retire ú Rome avec son


frere le cardinal Fcsch, 599'
1\1AINE-DE-BIRAN (1\1.), commissaire du corps législatif'pour


l'examen des papíers de Francfort , 19'
MAlSON ( le général comte), chargé du commandement de


l'armée du Nord et de la defense de la Belgique. Ses
opérations sur I'Escaut, 46.-Évacue la Belgique, IOS.-
Manreuvre entre Lille, Tournay et Cou rtray, 196.


l\1AIZIERES (k village de), pres de Brienne. Napoléon y
établit son quartier général le 29 [anvier , et prend le
curé pour guide au combat de Brienne, 94.


MARCHAND (le géllf;ral) organise la levée en masse du
Dauphiné, MI,
~1ARET (M.). J70yez BASSANO (le duc de),
l\hRlE-LoursE (l'impératrice). Napoléon lui eunfie la ré-


gence et l'embrassc pour la derniere fois, 48. - Quitte
Paris pour se retirer sur la Loirc, 201 et 22S. - La
régente et son fils sont sacrifiés, 369. - Ils sont con-
duits a Bambouillet, 399. - Y recoit la visite de son
pere et de l'empereur Alexandre, 403. - Est emmenée
ú Vienne, Pcrsonnes de sa suite , 404.




ET RAISONNÉE. 443
MAnMONT (le maréehal). Foyez RAGUSE (duc de).
1\'1AssA (le comte Regnier, due de), est commissaire


du eorps léglslatif pour l'examen des pieces de Frane-
fort, 19.


l\lEAUX. Napoléon y étahlit son quartier général le 15 fé-
vrier, dans l'évéché, 124.


I\1ENNEV AL (le baron), secrétaire des commandements de
l'impératriee, la suit a Vienne, 404.


MÉRY (combat de), 142.
MESGRIGNY (le baron de), écuyer de Napoléon, fait


parvenir le plaeet de la famille Gouaut, 155. - Reste
a Fontainebleau jusqu'á la fin, 405.


METTERNICI\ (le prince de). Voir aux suppléments sa cor-
respondanee avee le due de Vieenee.


METZ. Le due de Raguse se retire des envírons de Metz.
Le général Durutte reste ehargé de la défense de cctte
place, 45.


l\IOLlTOR (le général )commande en Hollande; se voit
abandonné par les bataillons étrangers, 34.


lUONCEY (le maréchal). Foye» CONEGLIANO (due de).
!\lONITEUR supprimé du 20 janvier 1813,49'
lHoNTERELLO (madame la maréchale Lannes, duchesse de),


dame d'honneur de l'irnpératrioe, la suit aVienne, 404.
l\lONTEREAll. Combar de Montereall le 18 février, 130.
MONTESQUIOU (le comte Anatole de) va a Itambouillet,


chargé de commíssion de Napoléon pour l'impératriee,
403. - Se retrou ve ¡\ Fontainehleuu au départ de Napo-
léon pour l'ilc d'Elbe, 405.


MONTESQUIOU (madame la comtesse de), gouvernante da
roi de Rome, accompagnc son éleve iI Vienne, 404.




444 TABLE A.LPHABÉTIQUE
MONTESQUlOU (M. l'abbé de), nommé membre du gou-


vernement provisoire, 366.
MONTROLON- SEMONVILLE (le comte) arrive de la Haute-


Loire a Fontainebleau apres l'abdioation ; su conversa-
tion ave e Napoléon, 40 l.


MONTIEI\-EN-DER. Napoléon y établit son quartier genéral
le 28 janvier, 93.


!UONTMIRAlL (bataille de), 11 Ievrier, 118.-Napoléon y
ramene son quartier général apres le combat de Vau-
champs, 123.
1\10RTE~IART (~1. le comte de), officier d'ordounance, porte


Ú l'impératrice les drapeaux de Nangis et de Monte-
reau, I[¡O.


MORTIER (le maréchal). Voyez TUÉVISE (le duc de).
I.\'IosKowA (le maréchal Ney, prince de la), évacue Nancy,


[¡5.-':"Se retire sur Vitry, 87.-Combat iJ. Brienne, 96;
a ~lontmirai[, 118; it Nangis, 127; Ú Craonne , 182;
devant Laon, 188. - De Ileims est dirigé pa¡' Chülons
sur Méry, 194 et 200.-Se trouve ¡\ Fontainebleau ,
356. -Est nommé commissaire de Napoléon pour le
traite de l'abdication, 373.


Ml:lUT (le prince), roí de Naples. 11 marche ver, la haute
Italio : on ne sait encere si c'est un cnnemi de plus qui
s'avance, 37, -ll leve le masque. - Proclnmation du
vice-rol, 138.


NANGIS (combat de), le 17 février, 127.-Napoléon
établit son quartier général au cháteau de Nangie, 128.


NANSOUTY (le général comte), commandant la cavalerie
de la garde, est blessé ¡\ Craonne , 184.




liT RAISONNJh"


NAPLF,S (le roi de). Voyez tu URolT (le prlnce ).
NAPOLÉON. De retou r a l'aris le 9 no vembre J 813; ses pre-


mieres dispositions, l. - Il fait prendre dans son trésor
privé l'argent dont le trésor public a besoín , 2. - II
hrüle ses papiers et part pour l'armée, 48. -Sa pre-
miere expédition est contre le général Blücher , du coté
de Brienne, 88. - Est assaílli le soir par des Cosaques
dans I'avenue de Brienne, g6.-Uetenu par la réparation
du pont de Lesmont , est forcé de recevoir la hataitle de
Brienne, n8.-Se retire surTroyes et sur Nogent, 102.-
Il entreprend une deuxíerne expédition contre Blücher,
qui menace Paris par la vallée de la ~larne, 113.-Apri~s
les victoires de Chnmpaubert, dc 1Uontmirail et de
Vauchamps, ir se retourne du cüté des Autrichiens et
revient sur la Seine. Combat de Nangis et de t\lonte-
reau , 125. - De retour á Nogent, il donne 2000 fr. de
sa hourse aux soours de la charité qui soignent les
blessés , 1/11. - Il poursuit le général Schwartzenberg
au-rlelá de Troyes, 148. - Il quitte encore une fois les
hords de la Seine pour courir sur ceux de la Mame, á la
poursuite de Blücher , qui s'avanee de nouveau sur
Paris , 160.-11 poursuit Blücher au-delá de la Mame,
au-delá de l' Aisne , el gagne la bataille de Craonne, 176.
-Arreté devant Laon, il se retire sur Soissons, 187'-
Reprend l\eims, 193. -Revient sur l'Aube et sur la
Seine, dan s l'intention de prendre en queue Schwarr-
zenberg, qui marche sur París , 199. -l\encontre toute
l'armée autrichiennc á Arcis, par suite d'un changement
survcnu dans la marche des allíés, 207. - Courl person-
nellement de grands dangers au combat d' Arcis, 210.-
Abanrlonne un moment la route Paris pOli!' essayer d'at-




TABU: ALPHABÉTIQU};


tirer l'ennemi asa suite en Lorraine , et prend positíon
aDoulevent entre Saint-Dizier et Bar-sur-Aube, 212.-
Revient sur Paris par la route de Troyes; mais íl est trap
tard : il desecad a Fontalnebleau, 22~.-Veuttenter une
surprise sur Paris , 367. - Se laisse persuader d'abdi-
quer, 572. - Change d'idée et parle de se retirer sur la
Loire, 383.-Veut ensuite se retirer en Italie, et demande
qu'on l'y suive, 387.-Enfin, vaincu par la défection
qui l'entoure, il signe une seeonde rédaetion de son
ahdication, 589. -Apres une nuit pénible, il se résigne
ti signer la ratifieation du traité , 597. - II reste encore
huit jours iJ Fontainehleau , vivant en simple partiou-
lier, 400.- Son départ pour l'Ile-d'Elbe. Allocution a
sa garde, 405. (Voir, al! supplémcnt de la prerniere par-
tie , sa correspondance avee le due de Vieence pendant
la négociatíon de ChatiJIon.)


NÉGOCIAT10N. Propositions de Francfort apportées a Paris
par 1\1. le baron de Saint-Aignan, 5. - Réponse du duc
de Bassano, 8. - Continuation de cette négociation par
le dile de Yicence , 10. - Communieation des pieces
aux commissníres du séuat et du eorps legislatif, 18-
l\loni teur supprimé contenant ces pieces , 49- - Lord
Castlereagh se rend au quartier-genéral des alliés , 41.
-Le due de Vieenee se met en route ég'alement pour s'y
rendre, 41. (Voir au supplément les instructíons que
Napoléon lui donne par sa lettre du 4 janvier.)-
Le duc de Vicenee ne peut parvenir au quarliel'-général
des alliés. Apres avoir été retenu a Lunéville, il se rend
a Chiitillon, lieu qui luí est indiqué pOUI' la tenue un
congres , 86. (Voir dans le supplérnent les lettres du
duo de Vieenee au prinee de l\Ietternich, les réponses




ET RAlSONNÉE.
de ce prince, et les lettres écrites de Paris, par l\'l. de La
Besnardiere, qui appartiennent acette époque de la négo-
eiation. - Le congres se réunit le 4 février, Noms des
plénipotentiaires. Nouvelles instructions et pleins pou-
voirs en I'oyés au due de Vicenee apres la bataille de
Brienne, I o4.-Les alliés demandent que la Franco rentre
dans ses anciennes limites, lOg.-Opposition de Napo-
léon: il veut qu'on envoie cette demande iI Paris POUl'
avoir l'avís motivé et séparé de chaeun des membres du
conseil privé, 115. - Vietorieux a Champaubert, Na-
poléon fait recornmander au duc de Vicence de prendre
une attitude mcins humiliée, 117.~Victorieuxau com-
bat de Nangis, il écrit directernent á I'empereur d' Au-
triche, et suspend les pouvolrs indéfinis du duc de
Vieenee, 129. - Les alliés lui font demander un armis-
tiee, 14'5: - Négociation de l'armistiee a Lusigny.
( Voyez AIiDUS'[ICE. ) - Le 1" mars les alliés resserrent
leur allianee par le traité de Chaurnont, 177.-La eOI1-
dition des aneiennes limites dcvient I'ultimatum des al-
liés. Ilumigny vieut chercher les derníers ordres de Na-
poléon á cet égard, 185. - Les plénipotentialres des
alliés n'ayant plus d'inquiétude pour Blücher , renfer-
ment le dile de Vicence dans un délai de troís jours pour
signer le projet proposé, 204. - Le congres se sépare :
le une de Vieence quitte Chátillon le 20 mars et vient
rejoindre Napoléon a Salnt - Dizier, ~ 15. (Voir au sup-
plément la correspoudanee du due de Vieencc avec
1\1. de Metternieh, avee Nnpoléon et avec le due de
Bassano, relativement a la négociation de Chiltillon.)-
Démarche direetc de Napoléon aupres de I'empereur
d'Autriche, par M. de Weissemberg, 226. -Le due de




448 TABLE ALPHABlálQUE
Vicence est envoyé aupres de l'empereur Alexandre
sous les murs de Paris, 255. - 11 n'avait pas encore été
entendu que la cause de son maitre était déja perdue ,
562. - Pour décider les souverains alijes en faveur de
la régente et de son fíls, le duc de Vicence vient pro-
poser it Napoléon d'abdiquer, 56g. - Napoléon s'étant
laissé persuader d'abdiquer, envoie le duc de Yicence ,
le duc de Tarente et le prinee de la Moscowa pour
négocier a Paris le traité qui doit décider du sort de
la famille impérialo, 373.-L'impératrice Marie-Louise
est autorisée a dépécher le duo de Cadore á I'empereur
d' Autriche pour le prier d'intervenir, 374. -La défec-
tion du duc de Raguse acheve de décider les sou vcrains
pour I'exclusion entiere de la Iamille impérinle , 380.-
Le duc de Vicence revient á Fontainebleau demander
une ahdication pure el simple. Résistanee de Napoléon.
-Le traité est signé il París le 11 avril , mais Napoleou
se refuse Ú le ratifier, 393.- Enfin, apres une nuit pé-
nible, Napoléon ratifie le traité, 397' - Texte du traite
du 11 avril, et pieces accessoires, 408.


NESLll, pres Chiiteau-Thierry, Napoléon y établit son quar-
tier-général le 12 fóvrier, 11g.


NEUFCHATEL (le maréchal Berthier, prince de), quitte Pa-
ris pour se rendre ú l'armce , 47' - Rend compte it
Napoléon de la situation de l'arméc ú Chálons , 85.
- Apres l'abdieation de Fontainebleau , il conserve
le cornmandement de l'arrnóe , el va prendre les 01'-
dres du gouvernement provisoire á París, 400.


NEY (le marechal). Foyez [UOSCQWA (le princc de la).
NOGENT-SUR-SEINE. Napoléon y établit son quartier général


le 7 février, 107, - Le générai Rourmont reste eharg~'




ET HA rsoNNJh:.


de la défense de cette ville pendant I'excursion sur Mont-
mirail, 114.-Napoléon revient f¡ Nogenl le 20 fevrier,
140.


OlILhNS. Les bagages el le grand parc de l'armée sont di-
rigés sur Orléaus , 356. - L'impératrice l\'larie-Louise
arrive aOrléans , 394.


OUDINOT (le maréchal). Voyez REGGIO (le duc de).


PAJOL (le général comte) enleve le pont de Montereau,
13 lo


PAPE (le) relourne á Itorne , 39.
PAR]S. Serment des chefs de la garde nationale parisíenne


au moment OL! Napoléon quitte la capitale pour se
rendre a l'armée, 48.-Paris, meuacé par la premien
marche de Blücher, est sauvé á Montmirail, ] 13. -
Menacé une seconde foís par la marche du prince
Schwartzenberg, qui savance vers Provins, est sauvé a
Nangis el iI Montereau, ] 25. _. lUenacé ensuite par le
retour de Blücher sur Meaux, est sauvé par I'excursion
de Napoléon au-dela de la ~larne et de l' Aísne, 160.--
Menacé une quatrieme fois par le prínce Sehwartzenberg,
qui s'avance encore au-delá de la Seine , est sauvé var
la contre - marche qui rarnene Napoléon de Reíros SU]
Plancy, Ig8.-París est menaeé plus que jamaís apres
la batai!le d' Arcis par les forces réunies de Sohwartzen-
berg et de Blücher , qui s'avancent ne formant plus
qu'une seule armée , 218.-Et cette fois Napoléon ac-
court trcp tard , 222. -Bawille et capitulation de París ~
231. - Le conseil- général de la Seine declare que le
voeu de París est en faveur des Bourbons, 36,. - Na-


29




TABLE ALPHABÉTIQUE


poléon veut tent~r une marche de Foutainebleau sur
Paris , 367 el 370. - La plupart des chefs de I'armée
reviennent a París , 584.


PARR (le cornte ) , aide de eamp du prinee de Sehwartzen-
berg , se presente aux avant-postes francais , 128.


P,AYHNS FRAN~AISo Résistanee et pe tite guerre qu'ils font
aux soldats de l'ennemi , 42, [13, 179 et 363.


PETIT (le général) , de la garde impériale. Napoléon, en
quittant Fontainebleau, embrasse en lui toute la garde,
406.


PEYRUSSE ( le ehevalier ), payeur de la couronne , suit
Napoléon a l'ile d'Elbe, 399. .


PINEY ( le víllage de ), pres Troyes. Napoléon y établit
son quartier généralle 2 février, 105.


PuÉ (le général) fait une excursión sur Chanmont, 216.
-Répand l'alarme depuis Troyes jusqu'á Vesoul, ibid.
- Fait prisonniers plusieurs personnages importants,
226.


PITHlVIERS. Est occupé par les alliés , 386.
PLANCY-SUR-L'AuBE. Napoléon y établit son quartier-géné-


ral le 19 mars , 205.
PLESSIS-O-LE-COMTE (le chüteau du}, eommune de LOIIg-


Champs, entre Vitry et Saint-Dizier. Napoléon y établit
son quartier général le 22 mars , 215.


PI\OeLAMATION des alliés , du 1" décembre 1812, 11; de
Lowaeh, le 21 décembre, 16; de l'empereur Alexandrc,
du généralissime Schwartzenberg, du général Wude ,
du général Bubna , etc. , 42.


PRUSSE (le roi de) entre en France, 15.
-(les armées de). Voyez BWCREI\.


PYRIÍNÉES (armée des). Voyez DALMATIE (le due de).




l\AGUSE (le maréchal Marmont, duc de), se retire sur
lUetz, 2li; sur Verdun, 45; sur Saint-IHihiel et Vi-
try, 8,. - Cornuat a Brienne , 100; et le lendemain a
l\osnay, I02.-l\larche sur Champaubert, 1Ili.-Pour-
suit Blücher sur Chálons, ibid. -Recule sur Montmírail,
122.-Combat iI Vauchamps et poursuit de nouveau
Blücher sur Chillons, I 23.-Recule sur Sezanne ct La
Fetté-Gaucher, ensuite sur l\'leaux, 16,. - Arrete les
Prussiens aLisy-sur-Ourcq, 1,o.-Forme l'aile gauche
du cercle qui pousse Blücher sur Soissons, 1,3. -Arrive
devant Laon par Corheny , 188. - Est mis en déroute
dans la nuit du 9 au 10 mars , 19o.-RaIlie son monde a
Béry-au-Bac et vient prendre part au comba! de Beims,
193.-Reste il Rdms pour contenir Blücher, 20 l.-Re··
cule sur Chüteau-Thierry , 21'. - Vient douner dans la
grande armée des alliés aFere-Champenuise , 22 J.-Se
retire sur París et combat sous les murs de París, :,31.-
11 est autorisé a négocier la capitnlation de Paris, 232.-
Se retire par la route de Fontainebleau et prend posítion
derriere la riviere d'Essone , 356. - Envoie par un ex-
pres iI Napoléon le sénatus - consulte de la déchéance,
37' .-Est dé,igné par Napoléon pour aller stipulcr les
interéts de la famille impérialc au traite de Paris , 3,3.
-Traite avec les alliés, leve le camp d'Essonc et laisse
Fontainebleau ú découvert, 375. - Ordre du jour de
Fontainebleau, par lequel Napoléon annonce al'armée
la défection du duc de Raguse, ibid.


RA.MPON (le gén~ral) défend les digues de Gorcum , 34.
lhYNEVAL (le che ealier}, premier commis des affaires étran-


geres, se rend Ú París comme secrétaire des plénipoten-
tiaires chargés de négocier le traitéde l'abdication , 374.


29·




TAELE ALPHAE:ÉTIQILE


RAYNOUARD (M.), commissaire du corps legislatif pour
l'examen des pieces de Francfort , 19.


REGGI0 (le maréchal Oudinot , due de), organisc les nou-
veuux eorps qui se réuníssent á Chálons-sur-Marne, 28.
-Donne ú Chálons des renseignements sur les locali-
tés, 8:5.-Envoie des émissaires á Bar-sur-Ornain, 89.
-Combat ,\ Brienne , 99.-Reste chargé de la défense
de la Seine du coté de Bray, 11[~. - Recule devant
Schwartzenberg jusqu'a Guignes, 126. - Combat [\
Nangis , et poursuit Wittgenstein dans la direction de
Nogent, 12.7. -Reste chargé de couvrir Troyes. Com-
bat ú Bar-sur-Aube , 164.-Se retire sur Troyes el en-
suite sur Nogent, 198; el entln de Nogent sur Provins,
2.04.-Se reporte en avant et rejoint l'empereur aPlan-
ey, 20'. - Combar devant Arcis et couvre la retraite,
210. -S'avance un moment vers Bar-sur-Ornain, 2.14.
-Se trouve :i Fontainebleau, 356.


REGNAULT-DE-SAINT-JEAN-D'ANGELY (le eomte), oonseiller-
d'état. Son diseours au eorps législatif , lS.-Commu-
nique les pieces de Franefort á la commission du sénat
et du corps législatif, 19.


REGNIER. Voyez l\'lASSA ( le duc de ).
REIMS. Le general Corbineau s'empare de Beiins le :5 mars,


180.-Le general russe Saint-Priest reprend Reims, 192.
-Napoléon s'y porte, ib, -Combat et reprise de Reims;
Napoléon y établit son quartier gen{~rnlle 13 mars, 193.


RESTAUII.ATION. V oyez BOUII.BON (In maison de).
RmN. L'armée francaise arrivanl d' Allemagne prend ses


quartiers d'híver dcrriere ce fleuve , 3.
RICAII.D (le général) défend le village de Mal'chais a la


bataille de Montmirail , i i S.




El' RAlS0NNÉE. 453
ROEDEnEn (le eomte) cnvoie des nouveIles d'Alsaee qui par-


viennent á Corbeny, 183.


lloGNlAT (le général) reste dans l\'1etz, 45.
ROlJSTAN (le mameInck) disparait la nuit du départ de


Fontainebleau, 405.
ROYALISTES. P'oyez BOllRRON (la mnison de).
RUMIGli'Y (le chevalíer), I'un des premiers eommis du ea-


binct, est envoyé en dépüches de La Ferté-sous-Jouarre
Ú Chátillon, 172. - Uevient a Bray en Laonnais , IS5;
et repart aussitüt pour Chütillon, IS7. -11 est défini-
tivemeut de retour aupres de Napoléon a Fere-Cham-
penoise, le IS mars, 205.-11 va de Fontalnehlcau aParís,
comme sccrctaire des plénipotentiaires ehargés de né-
goeier le traitóde I'abdieation, 374.


Busca (le génél'al), commandant de Soissons, est tu;' palo
les premiers eoups de feu de I'ennerni , 161.


UUSSIE (l'emperellr de) entre en Franee, 1fí. - Sa pro-
clamution, 42. -5'oppose i\ la retraite que Schwartzen-
berg propose, 208.-Entre ,\ París, 559. -Montre de
la générosité dans les dlspositions du traité qui regle le
sort de la famille de Napoléon, 391.


Sut'lT-AIGNAN (le baron de), éeuyer de I'ernpereur , mi-
nistre plénípotentiaíre a Weimar, recoit a Franefort les
proposiLions des aIliés et les rapporte a Paris , 5.-
Son rapport a ce sujet , 49.-5a conversation avee Na-
poléon an hameau de Chátres , 146.


SAINT-DIZIER. Premicr eombat de Saint-Dizier. Napoléon
rentre dans cctte ville le 27 [anvier, 94. -1I Y revíeut
le 25 rnars, 2. .5.-Le 26,i1 y re vieut encore , :\16.




TABLE ALPHABETIQUE


SUNT-MAR8AN ( le comte) est commissaire du sénat pour
I'examen des pieces de Francfort, 19.


SAINT-PRIEST ( le géneral russe), blessé mortellement it
Reims, 193.


SAINT-THIIlAUT (les paysans de) font prisonniers plusieurs
personnages, 225.


SeHwARTZENBERG (l!' prince), généralissirne des alliés ,et
commandant de l'arrnée autrichienne. L'armée qu'il
conduit pénetre en France par la Snisse , 14.-lUarche
sur Huningue, Béfort , Vesoul et Besaneon , 26.-
Force le passage des Vosgcs ct s 'avance sur Langres, 44.
- Reuní a Blücher, il marche sur Brienne, 98. - 11
entre lt Troyes, lo,.-Passe la Seirie a Nogent, 123.
-S'avance dans la Brie et pousse une avanl-garde SUI'
Fontaineblenu, 125.-Se retire sur Troyes, ,3,.-Lcs
fuyards de son armee courent [usqu'au Rhin, 141 et
183. - Son quartier général rétrograde sur Bar , sur
Colombey et sur Langres. 11 reprend I'offensíve el se
Iait hlcsser au combat de Bar-sur-Aube, 168. - n re-
vient sur Troyes, 169; et s'avance encare une fois sur
París, ]98. -A l'approche de Napoléon, iI recule sur
Troyes, 2oo.-L'arrivée de Napoléon sur I~Allbe change
ce mouvement en une retraíte générale, 206. - Nou-
veau plan: Schwartzenberg se porte de Troyes sur
Chálons pour se reunir it Blücher, 189. - Apres 1;1 ha-
taille c1'Arcis il fait S3 jooction avec Blücher, 209'-
Il se porte sur Paris , 221. - Sa proclumution sous les
murs de Puris, 258.


SEMONVILLB (le eomte) est commissuire exll'aordioaire
pOllr les mesures de défense, 28.




ET RA.ISONNÉE. 455
SÉNAT (le), chargé de Iaire une nouvelle constitution et


de nommer un gouvernement provisoire, 566. - Pro-
clame le déchéance de Napoléon, 571. - Napoléon ré-
pond au sénat, 575.


SENFT DE PILSAC (M. de) est envoyé par M. de IUetternich
a Zurich , pOllr rompre l'alliance des Suisses avec les
Francais, 15.


SEZANNE. Napoléon y établit son quartier généralle 9 fé-
vrier, 11.5. - 11 Y passe une seconde fois le 28 février,
16 7'


SOISSONS est pris par les généraux Wintzingerode et Wo-
ronzow le 15 fevrier, 161. -Repris par le dile de Tré-
vise le 19 février, 162.-Tombe une seconde fois dans
les mains des Russes et I'armée de IHüeher y trouve
son salut, 174. - Napoléon, apres avoir échoué a Laon,
fait sa relraite sur Soíssons, 191.


SOMEPUlS (le vilIage de). Napoléon y établit son quartier
généralle 21 mars, 215.


SOTILT (le maréchal). Voyez DALMATIE (le dile de).
SUCHET (le marécbal). Voyez ALBUFERA. (le due d'},
SUIsSE. Les alliés violent la neutralité des Suisses , 15;


envoient ]U. de Senft de Pilsac, pour les détaeher de
I'alliance de la France, 15.


SURVlLLE (le cháteau de), pres IUontereau. Napoléon y fait
placer les hatteries de la garde, 150. - II Y établit son
quartier général, 156.


TALLEYRAND (M. de). Voyez BÉNÉVENT (le prince de).
TARENTE (le maréchal Macdonald, due de), se retire de


Licge, par le département des Ardennes, sur Chálons, 2/,.




[,56 TABLE ALPIIABÉTIQUE
-Arrive aNamur, 47' -Arrive aChálons et se retire de-
vant Blücher, 108. - Se retire sur Meaux, 115.-Apres
l'affaire de Yauchamps, suit Napoléon sur la Seine, 123.
--Combat á Nangis; poursuit I'ennemi dans la direc-
tion de Bray, 127.-Elltre ú Chiitillon, 164. -Se re-
tire sur Troyes , 168; sur Nogent, 198; sur Provins,
204. - Se reporte en avant á l'approche de Napoléon,
207. - Couvre la retraite d' Arcis, 212. - Se trouve á
Fontainebleau, 556. - Napoléon le nornme son pléni-
potentiaire pour négocier le traité d'abdication, 57 lo


TREVISE (le maréchal iUortier, duc de), se porte dans les
Vosges au secours du duc de Bellune , 27.-Évacue
Langres, 45. - Se retire sur 'I'roycs , 86. - Évaclle
Troyes et recoit l'ordre d'y rentrer, 80. -Se porte en
avant de Troyes sur Yandceuvres , 97.-Couvre la re-
traite de Brienne, 105.-Combat a Montmirail. 118; ú
Chñteau-Thierry, l1g. --Poursuit I'ennemi sur la route
de Soissons , ibid. - Revient de Soissons sur La Ferié-
sous-Jouarre, 164. -Recule sur Meaux, 167, - Arrcte
les Prussiens au gué de Treme, 170. - Pousse lllü·
cber sur Soissons , 173. - Vicnt rejoindre Napoléon á
Laon, 187.-Reste chargé de contenir Blücher, 192.-
Est rejeté sur Cháteau-Thierry, ~ 18. - Va donner dan!'
la grande armée des alliés á Fere-Champenoise , 2~1.-
Se replie sur Paris , ~3o. - Combat sous les murs de
Paris , ibid. - Apres la capitulation se retire sur Fon-
tainebleau et place son quartier génér.aJÚ ¡Uennecy,356.


TROYES. Napoléon y étahlit son quartier general le 3 fé-
vricr, 87' - 11 evacue Troyes Ic 6 févricr , 103. - Il
rentre daus Troyes le 24 février, 147' - Il repasse une
troisieme fois par Trnves , 221'!-




ET RAISONNÉF.. 457
TURENNE (le comte de), premier chambellan, maitre de la


garde-robe, reste aFontainebleau jusqu'á la fin, 405.


VALMY (le maréchal Kellermann, duc de), chargé d'orga-
niser les lroupes qui arrivent a Chálons-sur-Marne , 28.
-Travaille avec Napoléon a Chulons;,85. - Reste
chargé du commandement de Chülons , 88.


VAUCHAMPS ( combar de), le 14 février , 1'22.
VERRHUEL (l'amiral). BeHe conduite de cet amiral au


Helder , 34.
VICENCE (:.u. de Caulaincourt, duc de ), grand-écllyer, est


nommé ministre des affaires étrangeres , 10. - Se rend
.a Chátillon , 87' (Voir au supplément de la deuxierne


partie sa correspondauce relative au congres de Chu-
tillon.) 11 rejoint Napoléon a Saint-Dizier apres la rup-
ture du congres , 213. - Est envayé de Fromenteau
aupres de l'ernpereur Alexandr'e, 233. - Va et vient de
París ú Fontainebleau, 357.-Reste aupres de Napoléon
apres l'abdication, 40 l.


VleTOR (le maréchal). Voyez BELLUNE ( le duc de).
VIDRANGES (le sieur de) est compromis aTroyes, 154.
VITRY (le Francais]. Nos avant·postes sont a Vitry, 87,-


Napoléon y porte son quariier genéralle 26 janvier, 88.
- 11 se presente devant Vitry, 213. - Il s'y presente
une seconde fois, 217.


W ATTEVILLE (le général) commande le cordon des Suisses
pOllr la neutralité, 13.


WElSSEMBERG (M. de ), ambassadeur d'Autriche a Londres.
Enlevé par les habitants de Saint-Thíbaut , est conduit
aNapoléon, qui lui donne une mission pour l'empereur
d'Aulriche, 225.




458 TABLE ALPHABÉTIQUJ, ET RAlSONNÉE.
WELLINGTON ( le général ) est entré en France et s'esl


avancé sur Bayonne, 55. - Ses troupes entrent it B(Jr-
deaux, 202.


WESTPHALIE (le royaume de ) est détruit par I'avant-garde
de I'armée du prinee de Suede , eommandée par les
généraux Bulow et Wintzingerode , 15 el 54.


WILHEMSTADT. Évacuation trop prompte de cette place, 34.
WINTZINGEBODE (le général russc}. Son eorps d'armée fait


partie du cornmandement du prince de Suede, ( Voye:;
BERNADOTTE. )


WOLFF, émissaire du eomle Rrederer, apporte á Napoléon
des nouvelles de I'Alsaee, 185.


WONZOWITCH, officier polonais, interprete de Napoléon,
reste a Fontainebleau jusqu'á la fin, 405.


WORONZOFF (le général russe ). Son eorps d'armée fait par-
tie du eommandement du prinee de Suede. ( J/oyez
BERNADOTTE. )


YVAN (le baron ), chirurgien ordinaire de Napoléon, quitte
Fontainebleau, 595.


FIN.