SESSION DE 1819,
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SESSION DE 1819,
ou


RECUEIL DES DISCUSSIONS


LÉGISLATIVES
AUX DEUX CHAMBRES


PENDANT cgrn SESSION.





'SESSION DE 1819,
rzyr,s-


OU


RECUEIL DES DISCUSSIONS


LÉG ISLATIVES


AUX DEUX CHAMBRES


PENDANT CETTE SESSION,


ORNA DU PLAN DE CHAQUE CHAMBRE.


PAR COLLIN.
DE L'IMPRIMERIE DE CORDIER,


TOME TROISIÈME.


PARIS,
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i82o.




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(17 avril 1820.) CHAMBRE Des PéPCTéS. •••••••• Présentation du projet.
de loi sur les élections. Débats sur cette proposition. . . . Pag.


(18 avril.) Pétition du chasseur Thillet, appuyée par le général
Foy. Continuation de la discussion. sur la loi des comptes
arriérés. La chambre l'adopte


(22 avril.) Développement de la proposition de M. l'Aisne de
Villéveque en faveur de l'admission des journalistes dans les
couloirs de la chambre. La chambre prend la ,proposition en
considération. Onverture de la discussion g énérale sur les
douanes 19


(2 Cl/100111E Des PAIRS. ••-- Présentation des deux projets
de loi adoptés par la chambre des députés, polir le réglement
définitif du budget de 18,8 22


(a4 avril. ClIAMBRE nus Diirtniis.—Présentation du projet de loi
qui affecte na million sept cent mille francs au traitement de
la' légion-d'honneur. Continuation de la discussion sur les
douanes. La chambre ferme la discussion générale 24


( 25 avril.) Pétition de M. Madier de Montjau , conseiller h la.
cour de Diismes, par laquelle ce magistrat dénonce l'existence
d'un comité directeur secret à Paris. Débats sur cette péti-
tion. La chambre en ordonne le dépat, et l'impression du
rapport de la commission des pétitions e.9


(26 et 27 Continuation de la discussion sur les douanes
avril.) Pétition des nommés Pinot, Gallay, Lejoyand. Débats
auxquels celle de Lejoyand damai: lieu sur l'existence d'un
gouvernement occulte. Continuation de la discussion sur les
douanes • -


( 1 niai.) Continuation de la discussion sur les douanes. La
chambré se forme en comité secret. M. Manuel y lit un
projet d'adresse au Roi


( 2 mai.) Continuation de la discussion sur les douanes 68( 2
mai.) Cf' A MIME nés PA.Ins. —Rapport de la commission char-
gée de l'examen des deux projets de loi relatifs au réglement
définitif du budget de 1818.1




( 3 mai.)CF/AMBRE nes Diairrks. —La chambre discute en =-
mité secret le projet d'adresse au Roi proposé par M. Manuel,
et décide qu'il n'y a pas liais à le prendre en considération. idem( 4. mai.) Continuation de la discussion sur les douanes




idem -
( 5 niai.) Continuation de la discussion sur les douanes. Le pré-


sident ,prévient la chambre que le rapporteur de la commission
. chargée de l'examen de la loi des élections, demande à faire


le lendemain son rapport. Débats à ce sujet


in( mai.) Rapport de la commission chargée de l'examen du ide
nouveau projet de loi des élections. Débats sur l'impression
demandée du tableau des électeurs. La chambre ordonne
.seulemen t


l'impression des pièces remises à la commission,
ecut sas"; o rsicurlaleds isdcouislasino , au 15 mai. Continuation de la dis-


48


69


7->j




355


idem


365
( 29 'mai. ) Suite de la discussion des articles du projet de loi des


élections 382
(3o niai.) Suite de la discussion (les articles du projet de loi de


élections
398


(3r niai.) Suite de la discussion des articles du projet rie loi des
élections. 403


(St niai.) CHAMBRE rms • PAIRS. — Discussion du projet de loi sur
les douanes. La chambre l'adopte




41 t
( i juin.) CHAMBRE DES Démrrits.— Suite de la discussion sur le


projet de loi des élections


idem
Q 2 juin.) Pétition sur la manière dont la censure est exercée


Présentation du projet de loi relatif à la répartition de la ré-


(II )
6 mai.) Crtemsnr nrs PAIRS.—Présentation da projet de loi


relatif à la répartition de la réserve appartenant aux action-
naires de la Banque de France. Discussion du projet de loi
relatif à divers supplémens de crédit sur le budget de 1818.
La chambre l'adopte


8 et 9 mai.) CRAMBRE DES DÉPUTES. — Admission de MM. La-
meth , Tarrayre et Teissiere , nouveaux députés: ils prêtent
serment. Continuation de la discussion sur les douanes. La
chambre l'adopte.


(12 mai.) Réclamations du côté gauche sur la manière dont la
censure est exercée


( :5 mai.) Commencement de la discussion générale sur le projet
de loi des élections


(16 mai ) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections,
(1 7 niai.) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections.
(18 mai. ) Suite de la discussion sur le projet de loi des électicns.
(r9 mai.) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections.
(20 mai.) Pétition des Français créanciers de l'Espagne. La


chambre la renvoie au ministre dee affaires étrangères. Péti-
tions des professeurs et. des élèves de l'école de Montpellier,
pour le rétablissement du concours pour les chaires vacantes.
La chambre renvoie la pétition des professeurs au ministre
de l'intérieur, et passe à l'ordre du jour sur celle des élèves.
Suite de la discussion sur le projet de loi des élections. .. .


(22 mai. ) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections.
(23 mai.) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections.
(24 mai. )Suite de la discussion sur le projet de loi des élections.
(25 mai.) Suite de la discussion générale sur le projet de loi des


élections.
(25 mai.) CnAmesu DRS Pa es.—La chambre adopte la loi de


la r.>artition de la réserve apparterzaut aux actionnaires de
la Éaque de France, et la loi concernant le •églernent
définitif du budget de 18,8




( 26 mai.) CHAMBRE DES D,: mrris.—Discussiou des articles du
projet de loi des élections


(27 niai.) Suite de la discussion des articles du projet de loi des
élections.


(ttt )
serve des treize millions appartenant aux actionnaires de la
Banque de France. Suite de la discussion sur le projet de loi




de la discussion sur le projet de loi des élections
des élections e


Suite
ds (3 jtin


( 5 juin.) Dénonciation des insultes faites it la personne de plu-
sieurs dépotés , et des événemens passés dans Paris depuis les
premiers jours du mois. Débats à ce sujet


( 6 juin.) Réclamations sur le procès-verbal de la veille, et nou-
veaux renseiguemens sur les événemens de Paris. Débats à ce
sujet. Suite de la discussion sur la loi des élections


( 7 juin.) Nouvelles plaintes, et détails sur les nouveaux événe-
mens passés la veille dans Paris. Débats à ce sujet. Suite de
la discussion sur la loi des élections






( 8 juin.) Suite de la discussion sur k projet de loi des élections




( 9 juin.) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections
(10 juin.) Dénonciation des événemens nouveaux passés la veille


dans Paris. L'ifs débats à ce sujet. Suite de la discussion sur
le projet de loi des élections




(12 juin.) Suite de la discussion sur le projet de loi des élections
La chambre l'adopte. iNioms ries quatre-vingtluinze députés
qui votent contre


(13,14, 15 et 16 juin.) Rapport de la commission chargée de
l'examen de la proposition de M. Laissé de Villevénue, rela-
tive aux journalistes. Discussion sur le projet de loi des dé-
penses de 1820.


(17 »tilt.) Présentation du projet de loi sur une nouvelle division
du département de la Ccrse. Suite de la discussion sur le projet
de loi des dépenses de 18 . o


(19 juin.) Rapport sur le projet de loi relatif au dividende it ré-
partir entre les actionnaires de la Banque. Suite de la discus-
sion sur le projet de loi des dépenses de 18no




(20,21 , 22, 23 et z4 juin.) Présentation du projet de loi relatif à




l'exécution d'un arrangement conclu entre la France et Alger
Suite la discussion sur les dépenses de 1820




(24,26,27 et 28 Juin.) CHAMBRE DES PM lis. —La chambre adopte
la loi de.,- élections. Tetxe de celte loi




(26,27 ,28 29 et bo juin.) CHAMBRE DES — Rapport. sur le
projet de loi sur la division territoriale de la Corse Suite de
la discussion de la loi sur les dépenses de 1820. Présentation
d'un projet de loi sur une imposition pour l'achèvement
de la Bourse de Paris. Rapport de la commission des voies
et moyens. Rapport sur le projet de loi relatif à la légion-
d'honneur..Suite de la discussion sur la loi ,les dépenses de
1820. La commission des voies et moyens présente les conclu-
sions de son rapport. La chambre adopte la loi sur la légion-
d'honneur. Pétition du chevalier pour son frere:
la chambre passe à l'ordre du jour. Discussion sur la loi des
voies et moyens


( 1, t
3 , 4, 5, 6 et 7 juillet.) Suite de la discussion (le la loi des


voies et moyens. La chambre passe à l'ordre du. jour sur la
proposition de 111 .Laisse de Filleve'que relative aux jou•


-nalistes. La chambre adopte la relative à la Banque.
Discussion duprojet de loi sur la Corse. La chambre adopte


277
298
297
325


338


95


idem


96


700


149
197
228
256


42'3
427


436


457


460
467
471


477


481


499


497


499


Soo


5a8


511




(Iv)
la loi sur la Corse. Suite de la discussion (le la loi (les voies
et moyens. La chambre adopte cette loi


( , i,4 et 5 juillet.) CH,15(HE e DES Pm ns. —Présentation du projet
de loi sur la légion-d'honneur. La. chambre l'adopte. Présen-
tation du budget des dépenses de 1820; des projets de loi sur
la Corse , et sur l'achèvement de la Bourse de Paris


"(11 et 12 juillet. CHAMBRE DES DEPUTES. —Pétition des habitans
de Gozelin; elle doline lieu à de nouveaux débats sur la dé-




nonciation de M. Clausel de Coussergues contre M. Decases
La chambre adopte le projet de loi relatif à l'arrangement
avec Alger


(13 juillet.) ,Nouvelle pétition des parens des victimes des assassi-
nats de Nismes en 1815. La chambre en ordonne le renvoi
garde-des-sceaux. Dénonciation d'une circulaire du nouvel
évêque de Meaux. La chambre ',tisse à l'ordre du jour ;elledécide qu'elle ne tiendra plus de séances avant sa cléture.


( 11,13, 14, 15, 17, 20 et as juillet.) CRAMBEE DES PAIES.—Rap-
dport sur la loi. (ln


budget des dépenses de 1820. Présentation
e la loi du budget des recettes pour /82o. Discussion sur la


proposition relative à l'exercice de la contrainte par corps
contre les pairs. Présentation de la loi relative à l'arrangement
avec la régence d'Alger. Rapport sur le projet de loi sur la
Corse. La chamb •eadopte la loi des dépensesde I820; elle re-
jette la loi sur la corse f elle adopte la loi relative à u n ar-rangement avec Alger, et la loidu budget des recettes de 1820 551.


(2 juillet.) Clôture de la session de 1819


FIN DE 14.


SESSION DE 1819.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.


PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI SUR LES ÉLECTIONS.


Séance du 1 7 avril.


M. le ministre de l'intérieur, au nom du gouvernement.
Messieurs, le Roi vous a fait présenter, il y a plus de deux
mois , un projet de loi contenant un nouveau mode d'élec-
tion. Le but principal était d'appeler un nombre plus considé-
rable de députés , mieux proportionné à la population du
royaume; (le donner à la chambre une stabilité que son renou-
vellement annuel par cinquième aflaiblit ; d'accorde• plus de
garantie à la liberté, à l'indépendance des choix et à l'égalité
(le représentation, en n'abandonnant pas l'élection â la masse
totale des électeurs, composée en majorité de petits contribua-
bles portés à exclure les grands propriétaires. Une partie de
ceux-ci aurait fait, par délégation, des colléges d'arrondisse-
ment, une élection à part, qui leur aurait donné l'espérance
de faire représenter leurs intérêts sans nuire à ceux de la classe
moyenne des contribuables.


Les motifs qui appuyaient ces dispositions peuvent encore:
être présens à votre mémoire. Quoiqu'ils aient éprouvé, même
avant leur discussion, une opposition forte peut-être en triom-
pheraient-ils, s'il était permis


.
de les développer et de les appré-


cier; mais le temps est court, il est avancé ; les questions
importantes que présentait le projet, les articles nombreux
dont il se composait, ne pourraient plus être approfondis
comme ils auraient besoin de l'être : peut-être aussi fitut-il
ser mûrir des idées que repousse, au premier abord, la crainte
de voir toucher même à des articles de la charte qui ne sont que
réglementaires, qui ne tiennent pas à son essence , qui auraient
pu ne pas y être, ou s'y trouver de toute autre manière, sans
q u e pour cela le gouvernement et la constitution cessassent
d'être représentatifs ; sans que la division des pouvoirs , les li-
bertés, les droits nationaux et. individuels fussent attaqués;




e a aq , sans
que les garanties promises aux propriétés de tout genre, et sans
exception, fussent diminuées. Ce qui était utile lorsqu'on l'a


Ils.


526


54°


541


545




(2)
,proposé, et que l'on pouvait le discuter avec calme et lenteur,
a cessé de l'être depuis que nous avons atteint le cinquième
mois de la• session, et que nous avons à nous occuper encore
des lois de finances, dont l'urgente nécessité s'accroît chaquej our.Le Roi a donc jugé que les circonstances exigent de simpli-
fier beaucoup le projet, de le réduire à ce qui est le plus néces-
saire, de le remanier de manière à ôter le prétexte d'atteinte à la
charte; prétendue atteinte dont les uns s'effraient de bonne foi,
dont les autres profilent pour servir leur opposition et leurs
vues, s'exposant, par un amour aveugle de la charte, au re-
proche qu'ils font à certaines personnes de professer à outrance
l'amour du trône et de l'autorité royale.


En ménageant des craintes que le temps ne permet pas de
dissiper suffisamment; en retardant des améliorations dont Fu-
tilité est reconnue par beaucoup d'opposans de bonne foi,
qui seulement les trouvent promptes et trop précoces , et de-
sirent que l'expérience en ait mieux justifié les avantages et
les fasse réclamer, le Roi donne une nouvelle preuve de sa cons-
tante volonté de maintenir la charte. On sentira tôt ou tard tout
ce que la chambre gagnerait de lumières et de forces, si elle
était plus nombreuse ,. si son renouvellement annuel par cin-
quième n'en changeait pas l'esprit et la face, n'était pas un
obstacle à l'établissement de cette jurisprudence parlementaire
qui doit être le commentaire de la charte , et former le Code de
notre droit public. Mais c'est un axiome bien ancien, bien vul-
gaire, et non moins certain, que les meilleures lois ne sont pas
les plus parfaites, mais celles que peuvent supporter ceux à qui.
eles sont données. On a dit aussi qu'elles sont filles du temps et
de l'expérience. Elles ont besoin, comme la plupart des vérités,
d'être jetées en avant, de germer à travers les préjugés , et de
s'élever sur leurs ruines.Que cette époque soit plus ou moins éloignée, il sera dès à
présent démontré que le Roi sait s'arrêter dans les projets d'a-
mélioration qu'il ne peut et ne veut faire qu'avec le concours et
le consentement des deux chambres ; qu'il sait compatir à des
répugnances qui, bien que mal fondées, préoccupent un cer-
tain nombre d'esprits. ll ne restera plus à la mauvaise foi le
prétexte de s'écrier que les intérêts garantis par la charte sont'
ébranlés , que la propriété des biens vendus au nom de la nation
est en péril, que la dîme et les droits féodaux vont être rétablis,
parce qu'on avait proposé de changer quelques dispositions ré-
glementaires de la charte, qui n'ont aucun rapport avec ses bases


)
fondamentales, avec ce qui constitue véritablement notre gou-,
reniement. La chambre restera telle qu'elle est ; ses mem-
bres ne seront pas augmentés ; elle continuera d'éprouver son
renouvellement partiel et périodique. La charte ne demeure pas
seulement inviolable; elle n'a pas cessé de l'être aux yeux de
tous, et de ceux-là même qui ne pensent pas que l'amender en
quelques points et la perfectionner, ce soit la violer. Mais
enfin, elle ne sera pas même touchée dans une seule (le ses
syllabes.


La charte a déclaré que l'organisation des collèges électoraux
sera déterminée par des lois : ceux qui contestent aux trois
pouvoirs de faire à la charte aucun changement quelconque,
n'iront pas sans doute jusqu'à leur refuser de régke• le mode
des élections,


Il n'est point: étonnant que, dans les premiers pas d'un sys-
tème de gouvernement tout nouveau, il y ait, dans la manière
de l'organiser et de le faire marcher, des essais et des variations.
Il faut trouver le moyen de concilier les divers intérêts, de
donner à chacun d'eux les droits et la force qui doivent lui ap-
partenir, sans qu'aucun prédomine. On ne saurait atteindre ce
but du premier coup. De là les différens systèmes d'élection
qui ont cté pratiqués pendant les diverses phases de la révolu-
tion, et tant d'autres qui n'ont pas cessé d'occuper l'attention
publique, et d'être le s.


njet de nombreuses dissertations avant
comme après la loi du 5 février 1817.


Le mode que cette loi a mis en vigueur a paru défectueux
sous quelques rapports, et réclame des changemens qui, sans
rien ôter à la liberté de, élections, la garantiront, au contraire,
par des combinaisons plus variées, et propres à laisser moins
de prise à t'influence dés partis.


On s'est aperçu que des électeurs, en grand nombre, négligent
d'user de leurs droits ; généralement plus d'un tiers est demeuréi ndifférent aux dern.ères élections. On a lieu de croire que la
convocation dans un seul lieu du département, souvent éloignéde leur domicile, les a détournés de s'y rendre. Les hommes
de parti bravent et surmontent cette difficulté; mais beaucoup
de ceux qui sont sans passions, cèdent à une sorte d'indolence
trop com mune aux personnes modérées, et prement leur repos
à un devoir dont ils ne sentent pas assez l'importance. Ils Pa-percevront da vantage lorsque les élections se feront en quelque
sorte à leurs portes; lorsque , au lieu d'un voyage, ils n'auront
que quelques pas à , et lorsqu'à cet avantage se joindra l'a-
vantage plus grand de n'avoir point à craindre l'influence du




( 4 )
chef-lieu, où ils trouvent une masse d'éleeteyrs avec laquelle
ils ont peine à lutter; considération qui, plus encore peut-être
que l'éloignement, les dissuade d'aller porter un suffrage qu'ils
croient devoir être inutile. Si donc il y a un collège par arron-
dissement , il est probable qu'un plus grand nombre d'électeurs
s'y rendra, et que par conséquent les élections exprimeront
mieux le vœu public. Ce voeu sera plus libre et plus éclairé à
mesure qu'il sera donné dans un cercle moins étendu, où chaque
électeur, au milieu de ses voisins, conservera mieux son indé-
pendance et sera à l'abri des influences étrangères.


De cette manière, on éviterait ce qui est arrivé , que les trois
cinquièmes des arrondissemens n'ont réellement pas nommé
des députés. Par le nouveau projet, chaque collége d'arrondis-
sement désignera un nombre de députés égal à celui que le dé-
partement doit fournir. Cette désignation ne sera point, il est
vrai , définitive; elle n'est qu'une présentation au collège de
département, qui choisira parmi les candidats désignés. L'élec-
tion l'parcourant deux degrés, n'en sera que plus mûrie; les élus
auront subi deux épreuves, celle de la candidature et celle du.
choix définitif. Le collège de chaque département se composera
des électeurs les plus imposés; leur nombre égalera le cin-
quième de la totalité des électeurs, sans qu'il puisse cependant
Litre mi-dessous de cent, ni excéder six cents, sauf dans le dé-
partement de la Seine, où il se composera de huit cents; tous
les autres électeurs voteront dans les colléges d'arrondissement.


La charte ne fait aucun obstacle à cette division en collèges
d'arrondissement et de département; elle n'a dit à cet égard
qu'une chose : c'est que les électeurs, qui concourent à la no-
mination des députés , ne .penvent avoir droit de suffrages, à
xuoins qu'ils ne 'paient une contribution directe dé. trois cents
francs; elle ne s explique pas sur la manière de concourir; elle
ne dit point si Lion sera directe ou indirecte.


Le projet de loi conserve ce concours à tous ceux qui en ontj oui. S'il les prive d'un suffra direct que la loi du 5 févrierleur accorde, elle leur rend en dédommagement un droit plus
réel. La plupart du temps leurs-voix étaient perdues ; elles auront
un véritable effet dans la/nomination de leurs candidats. Cet
effet sera d'autant plus irisportant , que les collèges électoraux
m'auront plus, comme ils l'avaient avant la loi du 5 février 1817,
le droit de nommer, de leur propre chef, la moitié des députés
qu'ils leur eussent été ou non présentés; ils ne pourront que
choisir parmi les candidats. Les droits des colléges se balance-


..


ront ainsi d'une manière qui parait juste et heureuse. Les col-


( 5 )
léges d'arrondissement ne conté reron t point 11 n droit direct, mais.
aussi ils renfermeront les collèges de département dans la néces-
sité d'élire parmi leurs candidats. Les collèges de département
exerceront un droit définitif; mais leurs suffrages ne pourront
divaguer hors du cercle que les colléges d'arrondissement leur
auront tracé. Les députés auront lé double suffrage des arron-
dissement qui les auront présentés, et des colléges de départe-
ment qni les auront choisis. Dans un département qui a trois
députés et quatre arrondissemens, les colléges d'arrendissemens
fixeront leurs choix sur douze éligibles, et les collèges de dépar-
tement, forcés d'élire parmi ces douze candidats, ne pourront
envoyer à la chambre que des députés qui, avant obtenu et reçu
la candidature du plus grand nombre des électeurs de leur ar-
rondissement, y joindront l'assentiment des électeurs les plus
imposés. Ainsi les quatre cinquièmes au moins de la totalité des
électeurs réunis dans les collèges d'arrondissement, auront, par
la présentation des candidats, une influence qui ne pourra être
détruite par l'autre cinquième; et ce cinquième qui formera le
collége du département, ne pourra appeler, à son gré, des
hommes qui ne seraient pas déjà honorés de la confiance des
arrondissemens.


Ainsi le concours des petits propriétaires , qui sont les plus
nombreux, ne rendra pas inutile celui des grands propriétaires.
Le concours de ceux-ci ne nuira pas au concours des autres;
leurs pouvoirs se balanceront, et l'on peut espérer que, par ce
juste équilibre, on obtiendra des élections où l'influence et les
droits de toutes les propriétés. pourront être exercés avec plus
de sûreté et de garantie contre les intrigues des partis; intrigues
qu'on ne peut tout-à-fait déjouer, niais auxquelles il est sage
d'opposer quelques obstacles. C'est là, messieurs, toute la loi
elle rétablit les colléges d'arrondissement et la candidature.


Le département de Corse et les quatre départemens qui n'ont
qu'un député, ne se diviseront point en collèges d'arrondisse-
ment. Tous les électeurs y concourront directement à l'élection.
C'est une exception forcée par-la population de ces départemens,
qui n'offre point assez d'électeurs.
les


projet
àusa f quelques dispositions. de détail dont


d'ail-rapportesereectulsimplelleurssio
n


plus
à


ce fac il e.
eu


a s,


5 févr ier 181 7 . Ainsi réduit, offre une discus-
été déjà pratiquéO;n n'innove point ; rien n'est proposé qui n'aitonapporte , en y revenant, , une amélioration
importante ; celle qui ne permet point aux collèges de dépar-
temens de nommer des députés sans qu'ils aient reçu l'attache




( 6 )
dés collées d'arrondissement. Les dispositions de la charte
restent intactes ; une disposition principale de la dernière loi
sera, il est vrai, changée, mais personne ne peut contester que
les lois ne puissent être modifiées suivant les divers besoins que
le temps amène, ou d'après les inconvéniens qu'il fait apercevoir.
Rien ne défend, tout commande, au contraire, les améliorations
dans la législation. Les lois ne sont pas irrévocables connue les
arrêts du destin; immuables pour le passé, impérieuses pour le
présent, elles peuvent pourvoir à. l'avenir et en augmenter la
sécurité.


Projet de loi.
LOTIS, PAR. LA GRACE. DE: MeV, ROI I3k.' FRANCE ET DE.


NAvA unr.


A tous présens et à venir. salut :
fous avons ordonné et ordonnons que le projet de Ioi relatif


à un nouveau mode d'élection que nous avions fait présenter à
la chambre des députés le 15 du mois de février dernier, sera
retiré et remplacé par le projet dont la teneur suit , lequel sera
présenté en notre nom à ladite chambre, par notre ministre
secrétaire d'état au département de l'intérieur, et par les barons
Cuvier et Capelle, conseillers d'état, que nous chargeons d'en
exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.


ART. 1. er II y a dans chaque département un collège élec-
toral de département et. des colléges-élecionux d'arrondissement.


;Néanmoins, dans les départemens qui n'ont qu'un député à
nommer et dans celui de Corse, tous les électeurs sont réunis
en un seul collége.


2. Le collège électoral de chaque département est composé
des électeurs les pics imposés. Le nombre des membres de ce
collège est égal au cinquième de la totalité des électeurs, sans
qu'il puisse être an-dessous de cent, ni excéder six cents, à
l'exception du département de la Seine, où le collège de dépar-
tement. est composé de huit cents électeurs.


3. Le collège électoral de chaque arrondissement est composé
de tous les électeurs qui ont dans l'arrondissement leur domicile
poli tique, et qui ne font pOint partie du collège du département.


Toutefois, lorsque dans un arrondissement il n'y a pas au
moins cinquante électeurs, ils se réunissent à ceux de l'arron-
dissement limitrophe, dont le collège est le moins nombreux,
et ne forment avec les électeurs de cet arrondissement qu'un,
seul et même collége.


4. Chaque collége d'arrondissement nomme à la majorité al-


( 7 )
autant de candidats à la députation, que le départementsolue,


a de députés à élire.
Si le même candidat est nommé par plusieurs collèges d'ar-


rondissemens, son élection est comptée à celui de ces collèges
oit il a obtenu le plus de suffrages, et il est remplacé pour chacun
des autres par l'éligible qui , après lui, -y avait obtenu le plus
de voix.


5. Le collége électoral de chaque département nomme les
députés à la chambre. Il les choisit parmi les candidats nommés
par les collèges d'arrondissement du département.


6. Dans les départemens désignés au § 2 de l'article 1.er,
tous les électeurs, réunis en un seul collège, procèdent en
Commun à l'élection des députés.


7. Pour procéder à l'élection des candidats et des. députés,
chaque électeur écrit son vote sur le bureau, ou le fait écrire
par un membre du bureau sur un bulletin qui est fourni à cet
effet. Il le remet au président, qui le déposa dans l'urne destinée
à cet usage.


8. Les contributions directes ne sont comptées, poux être,
électeur ou éligible, que lorsque la propriété foncière aura été
possédée, la location faite, la patente prise, et l'industrie su-
jette à patente , exercée une année avant l'époque de la convo-
cation du collége électoral. Le possesseur à titre successif est.
seul excepté de cette condition.


9. Les dispositions de la loi du 5 février i81. 7, auxquelles ii
n'est pas dérogé par la présente, continueront à être exécutées,
et seront communes aux collèges électoraux de département et
d'arrondissement.


Donné à Paris, le 3. 7 du mois d'avril de l'an de•erâce i820,
et de notre règne le 25.e


l'


Le président donne acte aux ministres.-- M. Girardin ré-
dame la parole.... (Vif mouvement à droite...) Il n'y a pas de
parole à prendre
M. Girardin insiste et monte à la tribune...


-(L'opposition de la droite et du centre se renouvelle . avec une
force extrême)... IVIM. Maccarthy et Castelbajàc :Non r non r
vous ne parlerez, bas! vous n'en avez pas le droit!..... Le prési-
dent répète la formule ordinaire: M..Demai;:ay :.-Puisque vous.
dites que la chambre donne acte ., elle doit être consultée
Voix d droite :- Jamais! jamais!. c'est de droit!.... (Ln gauche
est dans une agitation violents.)


Mitnuei , Demarcay r.




( 8
Dupont, d' Argenson , Chauvelin, à M. Girardin : Parlez !
parlez A droite : Non! non ! il ne peut parler I


M. le président. La chambre vient de recevoir la communica-
tion d'un projet de loi; elle ne peut pas ne pas en donner acte.
Vo'x à gauche : Mais il existait un projet dont la chambre est
saisie' elle ne peut l'abandonner!..... cela ne s'est jamais
vu' M. B. njamin-Constant : On ne peut pas présenter un
nouveau projet, puisqu'il en existe un Voix à gauche :M . le
président , exécutez le réglement ! nous demandons l'exécution
de l'article 36 !


M. le président. Il n'y a lieu ici à aucune espèce de discussion...
Je connais le règlement aussi bien que ceux qui me le rap-
pellent ( Voix à gauche : Lisez l'article 36 ! lisez !... de
Villèle : Ecoutez donc k président ! )


M. Benjamin•Constant parait à la tribune auprès de M. Gi-
rardin. ( Le tumulte lé plus violent régne dans la chambre.) —
La. droite et le centre •'écrient : Non! non ! vous n'avez pas la
parole M. le président proclame que la chambre a donné
acte.... Voix ri gauche : Parlez ! parlez !... ( Divers membres
adressent des interpellations à M. le président. ) M. Girardin
insiste pour être entendu La même opposition se manifeste
avec une nouvelle force—. Voix à gauche : Aux termes du rè-
glement, consultez la chambre !...


M. le président. Votre règlement est intérieur; il ne peut
déterminer les droits du Roi. M. Manuel : M. le président, ne
discutez pas!! Voix à droite : M. le président, exécutez le rè-
glement ! personne n'a le droit de prendre la parole dans cette
circonstance! M. de Villèle : M. le président, donnez acte, et
passons à l'ordre du jour.


M. Girardin élève la voix : elle est à l'instant couverte par
les cris du centre et de la droite :... Vous n'avez pas la parole l...
vous ne pouvez être entendu




M. le président : Je ne puis
vous accorder la parole ; jusqu'à présent , il ne s'est jamais
élevé une telle difficulté




MM. Manuel, Benjamin- Cons -
tant , Chauvelin, Dupont (de l'Eure) , Demareay, , Foy, et
urr. grandnombre d'autres : C'est qu'il n'y a jamais eu d'exemple
de ce qui se passe' on n'a jamais retiré un projet livré à
l'examen d'une commission'


M. le président. C'est une question qu'il est impossible
d'agiter en ce moment Voix à droite : -Vous la discuterez
avec la loi' A gauche : ll ne sera plus temps'




c'est un
cas tout nouveau !... Voix dg-futaie : Consultez la chambre !...
M. de Corcelles : Respectez la charte !.... M. le président


( 9 )
C'est qui est faite qui la violerait -Je n'ae


lapopinsiptiaornole.... je ne puis l'accorder. Si, par un in-
tervestassement de votre usage constant, on croit que la-chambre


Un cri général s'élève'au centre et àdoit être consultée
Donnez acte !... donnez acte!... . Voixdroite : Non! non


à gauche : Consultez la chambre! m. le prés,dent : La chambre
donne-t-elle acte de la présentation du projet de loi ? Voix
générale au centre et à droite : Oui ! oui ! sans doute'


M Girardin insiste de nouveau pour être entendu ; la même
opposition l'empêche d'être entendu. M. le président : Je
mets aux voix le question : la chambre veut-elle donner acte


M. Girardin et une foule de membresde la présentation 2
de gauche : C'est là-dessus que la discussion doits'ouvrir '
M. Demareay : Il faut discuter avant de délibérer! M. le pré-
sident : Je mets la question aux voix : Que ceux qui veulent
que l'acte de présentation soit donné se lèvent
et les deux centres se lèvent


La droite
La gauche éclate en réclama-


tions
M. le président : Que ceux qui sont d'un avis con-


traire se lèvent. — La gauche reste en place


Les cris
s'élèvent de cette partie :Non! non !... nous ne pouvons pas !...
on ne délibère pas sans discussion


M. le président. La chambre donne acte aux ministres du
Roi de la présentation de projet de loi, ensemble de l'exposé
des motifs; elle en ordonne l'impression et la distribution , et
le renvoi à l'examen des bureaux.... (Pendant cette procla-
mation, la gauche continue de réclamer avec la plus grande
force ; vingt membres sont de bout, et interpellent M. le pré-
sident.) Voix à droite : L'acte est donné ! M. le président,
maintenez la délibération!... L'ordre du jour'


.P.v.T. le président. L'ordre du jour appelle la discussion sur
le projet de loi relatif aux comptes. Je vais lire l'article 9.




M. Girardin insiste


parole.


M. Demarçay réclame également la


M. le président se dispose à donner lecture de l'article
e 9.


M. Girardin et un grand nombre de voix de la gauche :
Non ! non ! ce n'est pas là l'ordre du jour '
M. Girardin ! la parole à M. Girardin'




La parole à


général s'élève au centre et gauche : Consultez la
chaUmnbreeri; La chambre consultée, déclare que M. Girardin
ne sera pas entendu. Les plus vives réclamations se renouvellent.


M. le président donne lecture de l'article
sur les comptes.


9 du projet de loi
M. le général Foy. Messieurs, donner acte de la réception




('o)
(le la lei proposée, est une chose obligatoire pour la chambre,
je ne puis le contester; il en est. de même du renvoi dans les
bureaux. Mais, relativement à l'impression, le régleraient est
fkultatif; et c'est là-dessus que M. Girardin a demandé la pa-
role.....( Une foule de voix à droite : 11 ne s'agit plus de cela-;
la chose est décidée ! M. de Villèle : La question ne peut plus
se reproduire; l'impression a été ordonnée. Le calme se rétablit.)
T.I. le président donne une seconde lecture de l'article 9 . (Une
vive agitation se renouvelle. ) M. le président se dispose à
mettre l'article aux voix. Un grand nombre de membres d
gauche : On n'a pas entendu! Quel est l'objet de la délibéra-
tion 2 Il ne s'agit point de comptes! D'autres voix :Re-
lisez au moins l'article!


M. le président. J'ai déjà eu l'honneur de lire deux fois
l'article à la chambre.


M. le président relit de nouveau l'article et le met aux vOix.—
La droite et les deux centres se lèvent. — A la contre-épreuve ,
la gauche ne prend point de part à la délibération. Un grand
nombre de voix de cc côté : Nous réclamons contre la violation
du règlement!..... Il y a eu infraction du réglemem ! M. De-
marcay : Nous demandons l'exécution d'une expression positive
du règlement! Une foule de voix à droite : C'est fini ! c'est
fini ! la chambre a délibéré!


M. le président. Ce que vous demandez est impossible. Ja-
mais la chambre ne peut refuser de donner acte de la présenta-
tion d'un projet de Elle n'a pas à discuter sur un projet.
présenté : elle ne peut le faire qu'après avoir renvoyé à ses
bureaux, et avoir entendu un rapport. Quant à l'impression ,
j 'ai mis aux voix la proposition , douteuse dans votre opinion,
et la chambre a délibéré : je dois maintenir sa délibération.


Une foule de voix d gauche : On ne peut pas délibérer sans
discuter ! de Corcelles : La majorité ne peut NS forcer la
minorité à n'être pas entendue ! ( La plus vive agitation règne
dans toutela gauclie.--Un grand nombre de membres s'agitent,
réclament, et interpellent le président). M. Bajamin-Con,s-
tant : M. le président, vous discutez; la majorité vote; cela va
très-bien ! ( Des cris : A l'ordre à l'ordre ! se font entendre
du centre et de la droite. )


M. le président lit l'article roda projet de loi sur les comptes.
!i4' le président •: M. Breton e la parole pour un amendement.
(Une longue et vive agitation interrompt à gauche. ) Ce n'est
pas là la question !..... Il ne s'agit pas de finances'. il s'agit du
réglement sur le projet de loi!


(ii)
il/. Breton à la tribune. Je propose qu'on substitue à ces


mots : Exercice de 182o , ceux-ci : L'exercice courant, au
moment où le recouvrementen sera fait. M. le président lit l'ar-
ticle ainsi amendé. On demande à aller aux voix. Id. de Cor-
celles : Mettez aux voix l'exécution de la charte, cela vaudra
mieux! M. Louis réclame la parole. Il paraît à la tribune. Une
jbule de -voix à gauche : Est-ce sur l'amendement que vous
vo ulez parler?


M. Louis. J'ai demandé la parole pour combattre l'amen-
Les indines voix : Il ne s agit pas de cela! il nedement


s'agit pas de cela !.... (L'agitation de la gauche continue à être
extrême—. M. Louis descend de la tribune. ) M. le président
Je mets aux voix l'amendement...—. Le tumulte et les cris re-
commencent.— Voix à droite : M. le président, imposez donc
silence; la minorité ne peut faire la loi! Voix à gauche
La minorité a droit d'être entendue!


M. Manuel. La question présente est de savoir si vous écar-
terez un amendement à un projet de loi. Mais quel est ce projet
de loi? C'est un projet de finances. Que parle-t-on ici d'amen-
dement et de question de finances, lorsqu'il en est une autre bien
plus grande t Voix à droite : Laquelle? laquelle?... La mi-
norité ne peut. faire la loi ! M. Manuel : La minorité e le droit
d'être entendue; et lorsqu'on lui refuse l'exercice de ce droit,
elle peut protester, et je viens protester




(Des murmures
violeus interrompent au centre et à droite.) M. de Labour-
danna-ye : Vous devez reconnaître l'existence et l'autorité de la
chatubi•! M. le président : M. Manuel, vous n'avez la parole
que sur l'amendement. M. Manuel : Je demande la question
préalable sur l'amendement, et je la motive sur ce qu'il y e
une autre question eifectivement préalable.


Une, foule de voix : Elle a été jugée! M. Manuel : Elle n'apas été jugée , et j'en donne pour preuve qu'elle n'a pas été
seulement posée. M. de Labourdonuaye monte très-vivement à4 tribune.




Les membres de la droite l'invitent à ne pasparler. M. le président : La question préalable est demandée
par M. Manuel ; mais la discussion s'engage sur un autre objet:
ou veut évidemment parler d'autre chose.... Voix à gauche :Sur quoi? sur quoi 2


;j


lbl. de Chauvelin Je repre. .sente. à la.
chambre que si la nie-leornitsé(,.e..poeurtseér-:èerted ed,:


te
is p


le partit qat pal ait être pris de ne pas
Ions soumettre à la' cht laisserposer la question que nous von.-
ineme parti que boas avons pris relle ne se tirera pas d'embarras; lel'un des articles du projet




( )
qu'on voulait mettre actuellement en délibération, nous pour-
rons le prendre sur tous les autres articles, et. expliquer quelle
est not re situation, lorsque la majorité de la chambre nous em-
pêche de mettre en discussion une question que nous considérons
comme très-grave.


Ici le mot protestation a été contesté; ce sera quelque chose
d'aussi prononcé qu'une protestation que des voix viendront
vous répéter, qu'elles sont soumises au despotisme le plus absolu
et le mieux concerté qui ait jamais pesé sur une minorité:


Vous ne voulez pas laisser éclaircir une question (ce n'est pas
une question); vous décidez à vous-mêmes deux choses, que ce
n'est pas une question, et que vous ne vouiez pas nous accorder
d'exposer ce que nous regardons comme une difficulté. Si vous
nous aviez entendu, vous pourriez contester ce que nous aurions
avancé. M. le président, sans doute pour économiser le temps
de la chambre, a essayé deux ou trois fois de deviner ce que
nous voulions dire, mais il ne l'a pas deviné : il a parlé à lui
seul; et, secondé.


par l'opposition, • 'ose dire très-injuste , de la
majorité, il nous a tenus dans l'oppression. (Parlez sur l'amen-
dement de M. Breton !) Ce n'est pas là-dessus que je veux par-
ler, je ne parle que sur la question préalable. Qnand des doutes
restent sur la manière dont la question , qui était la première
à l'ordre du jour, devait être fliscutée, quand il est incontestable
qu'elle n'a été ni exposée, ni discutée, ni délibérée, nous ne
pouvons rentrer dans la discussion du projet de id des comptes;
nous sommes trop préoccupés d'objets qui sont à mis yeux bien
plus importans.


On nous a apporté un projet de loi .qui a été discuté dans les
bureaux suivant les formes constitutionnelles; c'est une inno-
vation inouie et insoutenableque de le retirer de cette manière!
(M. de Villèle : En 1815 on en a retiré un.) On nous a cité
qu'en 1815 on avait retiré un projet de loi. (Interruption.)


Vous m'accorderez bien de répondre aux interpellations qui
nie sont frites. On me dit. qu'en 18)5 on a retiré un projet de
loi; mais, messieurs, en 1815, il a été fait des choses qui ne
se l'ont pas aujourd'hui. (M. Castelbajac : Ce n'est pas là la
question !) En 1815 il a été commis des massacres atroces dans
le midi, et j'ose espérer qu'il n'en sera pas aujourd'hui sup-
porté de semblables. En 1815, un titre d'un projet a été subs-
titué à un autre sur la proposition d'un membre, au nom d'une
commission, et par amendement.


Si cette question était si simple, si facile, vous n'éviteriez pas
de la discuter. (M. Castelbajac : Vous la discuterez avec la loi.)


( 13 )
On vient de vous lire l'article du règlement qui vous donne


le droit de vous décider à recevoir un projet de loi ; vous ne


perei
pas abandonner ce droit. que vous avez de donner acte.j


c 1 article du règlement ne dit que le président doit. donner
zi


'IctIe..orsqu'un tribunal donne acte par l'organe de son président,
c'est toujours après avoir consulté les membres du tribunal ;
mais le président ne peut pas à. lui seul engager le tribunal. E1
bien, messieurs, vous n'avez pas prononcé, c'est M. le prési-
dent qui a prononcé. Le tumulte date du • moment où l'on n'a
pas voulu laisser juger par la chambre, s'il convenait , dans la
situation toute nouvelle où nous place la proposition , d'en
donner acte comme d'un projet ordinaire. Ainsi nous ne pou-
vons pas délibérer sur un ordre du jour, qui n'est pas celui sur
lequel on a fait cesser violemment la délibération de la chambre.


On demande à grands cris à aller aux voix sur l'amendement
de M. Breton. M. le général Foy. Messieurs, la majorité est
assez évidente : vous arrêtez cette majorité , dans le sens que
vous voulez donner à l'interprétation du réglemente Mais c'est
le mérite d'une majorité, d'une majorité française, d'écouter...
Une voix à gauche : Elle n'est pas française. (Les plus violens
murmures éclatent. au centre et à droite Les cris à l'ordre,
à l'ordre, se font entendre. ) M. de Villèle, en riant : Il n'y e
que ces messieurs de Frameais


M. le général Foy. Les lois ont besoin d'être discutées,
débattues : ce n'est qu'A cette condition qu'elles obtiennent le
respect qui leur est dé. Un projet de loi est présenté. L'art. 36
du règlement. vous donne-t- il la faculté d'en voter l'impression
et la distribution, ou ne la donne-t-il pas? Lisez cet article 36, •
la faculté y est. La chambre est a ppelée pour délibérer : voilà le.
champ de la discussion ouvert; il n'appartient ni aux passions,
ai au tumulte, aux interruptions de la fermer. Quelque opinion
qu'on ait sur l'application de la prérogative royale à la question
présente; qu'on croie que le Roi peut retirer un projet présenté,
ou qu'on ne le croie pas, il est de fait que c'est la première fois
que la question se présente. Il est de convenance , d'utilité pu-
blique et de la dignité de la chambre, de discuter l'impression,
puisque le règlement en laisse, la faculté.


Demarfay. L'ordre serait promptement rétabli si vous
consentiez à écouter. M le Mais Foy a posé la question con-
formément au règlement. Mais il est encore une autre question
plus importante, c'est la formule dont M.. le président se sert
Pour donner acte de la présentation des projets de loi. Il dit :




( )
La chambre donne acte. Si c'est la chambre qui donne acte, ce
n'est donc pas le président. ( M. de Limayrac : La chambre a
été consultée.) Je m'en rapporte à vous-mêmes ; si la chemin e


droit de donner acte, elle a donc droit de le refuser et de
délibérer sur la question. ( Très-vive interruption à droite et au
centre.) Une foule de voix Elle n'a pas le droit de délibérer.


Castelbajac : Vous mettez en question ce qui n'en est pas
une. M. Demarca'y : Vous dites que ce n'est pas une question !
M. Castefbajac : «La chambre donne acte; elle n'a pas le droit
de délibérer si elle le donnera. Le plus violent tumulte règne
long-temps dans les diverses parties de l'assemblée.


M. Demamay. Vous craignez donc bien que nous puissions
justifier nos propositions, puisque vous refusez avec tant d'obs-
tination de nous entendre? (Les mêmes interruptions se pro-
longent. )


M. le président. Je ne connais qu'un moyen de mettre un
terme à ce débat. Il est convenu qu'on ne peut refuser l'acte et
le renvoi dans les bureaux. Resterait seulement à voter sur l'im-
pression. Demarçay insiste. Ce sont les interruptions qui
prolongent le débat; laissez-moi parler !


AI. le président. Vous parlez d'autre chose que de la ques-
tion qui peut être soumise à la chambre, et c'est pour cela que
la chambre refuse de vous entendre. C'est moi qui propose un
moyen de vous laisser parler.


M. Demarçay insiste au milieu du tumulte et de l'agitation
la plus vive. it/". de : Tous voulez qu'on vous laisse par-
ler, et vous ne voulez pas laisser parler le président ! Ben-
jamin-Constant : Je demande la parole sur la position de la
question. M. le président : Laissez-la donc poser : un seul point
paraît diviser la chambre; celui de savoir si elle votera, comme
son règlement lui en réserve la ficulté l'impression et la dis-
tribution du projet. Je demande si la chambre veut qu'on la
consulte de nouveau sur la question de l'impression.


M. Benjamin•Constant, monte à la tribune, où est demeuré
M. Demarçay. (On rit).... M. Manuel réclame de nouveau la
parole. 119. le Fésident : La chambre veut-elle remettre en
question l'impression , ou persiste-t-elle dans sa délibération?
Foix générale d droite et au .7entre: Oui ! oui !... Diverses ré-
clamations à gauche.


M. Benjamin-Constant. nin- Constant. Messieurs, j'ai demandé la parole
sur la question (très-vive opposition à droite) ; M. le président
me l'a accordée, vous ne pouvez me la refuser.


M. le président. La chambre a délibéré; il s'élève des récla-


( )
mations; le président ne peut que la consulter sur la question
de savoir si elle veut remettre la question en délibération. (Un
mouvement d'opposition générale s'élève au centre et à droite.


Ce serait la loi faite par la minorité!... FaitesN'on .'non
exécuter la délibération de la chambre ! ...) M. le président : La
chambre paraissant dans l'intention de maintenir sa


, je ne
délibéra-


tion
ement


puis accorder la parole à M. Demarçay que sur
d (Violens murmures et très-vive agitation àl'am n


gauche.... M. Manuel réclame la parole—. Grand nombre de
voix : La parole à M. Manuel sur la position de la question.)


M. Manuel. M. le président suppose que la seule question
est celle de l'impression; et moi je lais observer que la véritable
question, celle que se proposait de traiter ]e premier orateur
qu'on s'est obstinément refusé à entendre, est de savoir s'il y a
lieu à -donner acte.... ( Nouvelle et très-vive interruption à
droite et au centre—. Cela ne peut pas être discuté.... L'acte
est donné; il ne peut être refusé.)


.1W; de Corbières. La seule question est l'amendement de
M. Breton. La chambre a délibéré.


Bourdeau. L'ordre du jour.
Une "Ode de voix. Les comptes ! les comptes !
L'agitation se renouvelle, et devient extrême.... Quelques


membres droite : Couvrez-vous, M. le président ! couvrez-
vous!... Une longue interruption succède.... M. Manuel attend
le silence.—M. Demarçay entre eu explication avec M. le pré-
sident, le régleraient à la main.— M. Manuel prend part à cette


Courvoisier monte au bureau, et les trois
bonorahles membres confèrent long-temps avec M. le président.
La séance reste en conséquence comme suspendue pendant un
assez, long intervalle.)


M. le président se lève au milieu de la plus vive agitation. Le
silence se rétablit.


M. le président. Messieurs, la séance est suspendue pendant
Mune heure;r ; . les députés sont invités à se retirer dans leurs


bureaux
La séance est suspendue. Les députés quittent: leurs places,


et se forment en groupes différens, où s'établissent des confé-
rences très-amurées.


.


La séance est reprise à cinq heures. Le président rappelle que
la seule question qui pût être discutée et mise aux voix était
celle de l'impression.—Le ministre des affaires étrangères ne
s'oppose pas à ce que cette forme, quoique inusitée, soit adoptée,
et que la question soit ainsi posée.




( 1.6 )
M. Girardin obtient la parole, et à ces mots de son début :


cc Le droit de retirer un projet présenté fait-il partie de la pré-
rogative royale? » il est à diverses reprises interrompis par le
centre et par la droite, qui constamment le rappellent à la ques-
tion de l'impression. Au milieu d'une extrême agitation, et
dans un débat qui ne porte que sur la difficulté de savoir si l'ora-
teur est ou non clans la question, MM. de Chauvelin, Benja-
min-Constant, Sébastiani, Manuel, Corbière, Villèle, Labour-
dormaye , M. le ministre de l'intérieur, M. de Saint-Aulaire,
M. Lainé , M. R oyer Collatd , sont successivement entendus.


M. do Girardin élevant la voix, se plaint que les interrup-
tions l'ont jusque alors empêché d'expliquer sa pensée, et il
s'écrie : Le droit de retirer un projet de loi présenté fait-il
partie de la prérogative royale?... Oui, toute mon opinion
tend. à le prouver. .. — L'impression et la distribution du
projet de loi , dans la forme ordinaire , sont votés à la presque
unanimité.


La séance est levée à six heures et un quart.


Séance du s8 avril.


La discussion est reprise sur le projet de ,loi des comptes et
les articles additionnels sur lesquels il restait à prononcer. Ces
articles successivement présentés par MM. Chauvelin, Bignon
et Benjamin-Constant sont rejetés.


La chambre ajourne au lendemain la discussion de l'amen-
dement de M. Brun de Villaret, relativement à la dette de la
vi lie de Paris, dans les opérations de 181 7 pour les subsistances.


M. le comte de Girardin, au nom de la commission des
pétitions. Le sieur Thillet, sergent dela légion du Rhône , an..
cien chasseur au. sixième léger, renouvelle auprès de la chambre
la demande qu'il a formée l'an dernier, et qui n'a pas été suivie,
auprès du ministère des finances, des succès qu'il espérait.


Il expose qu'au mois de mai 181 i , il fut chargé par le maré-
chal Masséna, commandant les armées françaises en Espagne,
d'une mission très-périlleuse, sous la promesse d'une récom-
pense de six mille francs de rentes domaines nationaux ;
que cette mission avait pour objet de porter au lieutenant-gé-
néral Buennier, gouverneur d.'Alineyda, l'ordre d'abandonner
cette place, après en avoir fait sauter les fortifications; que pour
remplir cette mission, il fallait traverser l'armée anglaise, et
qu'il fut assez heureux pour la remplir. Le maréchal Masséna
tint la promesse qu'il avait faite. Le directeur-général des do-


( /7 )
mines reçut l'ordre de délivrer au chasseur Thillet des do-
maines nationaux en Espagne , d'un revenu de six mille francs;
mais le chasseur Thillet en a été dépouillé par suite des événe-
mens.


Messieurs, tout ce qui est exposé en faits par le pétitionnaire,
a paru à votre commission de la plus grande exactitude. L'acte
de dévouement et d'intrépidité militaire qui sert de motif à sa
réclamation est constant et constaté; il en -est de même de la
récompense qui lui avait été destinée; mais cette récompense est
devenue illusoire sans que le service, qui en était la cause
puisse être oublié. Votre commission mc charge, en consé-
quence, de vous proposer le renvoi de cette pétition et des
pièces qui y sont jointes , à M. le président du conseil des mi-
nistres.


M. I e enéralFoy. Ce fait est des plus éclatans qui puissent
se passer à la guerre. Dans l'année 181 l'armée française,
commandée par le maréchal Masséna, occupait le Portugal. Le
chef du gouvernement avait prescrit de mettre la place d'Al-
ineyda en état de sauter au premier ordre qui en serait donné ;
mais la retraite fut plus prompte qu'on ne s'y était attendu, et
quand l'ordre arriva, Ahneyda était bloqué p r les Anglais.


Afin d'exécuter l'ordre de Napoléon, le maréchal "Masséna
livra bataille. Nous ne nones pas assez heureu.;.: pour débloquer
Almeyda.


Cependant l'ordre de faire sauter cette place était impératif;
l'armée française n'était qu'à trois lieues d'Almeyda. Le pays
entre deux est couvert de rochers : sur cet espace et dans ces
rochers était établie une armée de cent mille Anglais, Portu-
gais et espagnols, et de plus une population nombreuse qui y
avait cherché un refuge. La place d'Almeyda, qui a peu de dé-
veloppement , était étroitement bloquée ; le général Brennier,


,


qui y commandait, avait tout préparé pour faire sauter les for-
tifications; les mines étaient chargées, niais il attendait l'ordre
d'y mettre le feu. Le maréchal Masséna fit demander des
hommes de bonne volonté pour aller à Ahnevda. Quatre soldats
se présentent ; sur les quatre, trois ont. péri ; un seul reste, c'est
André Thillet , le pétitionnaire dont nous nous Occupons. An-
dré Thillet mit trois jours et trois nuit à faire le trajet. Il ne
voulut point se travestir, de peur d'être pendu comme un vil
espion. Tl se cachait pendant le jour, il se traînait plutôt qu'il
ne cheminait pendant la nuit. Tantôt il tombait au milieu d'un
bivouac des ennemis, et pour éviter d'être reconnu il se mettait
à ronfler avec eux; tantôt il rencontrait des familles espagnoles


2




( 18 )
réfugiées dans des cavernes, et c'était alors qu'il fallait de la
présence d'esprit pour échapper au plus grand des dangers. Le
troisième jour, Thillet arriva au dernier cordon, devant Al-
meida : il s'élança sur le dernier factionnaire anglais, le culbuta,
et courut à la barrière de la place sous une grêle de balles tirées
par les troupes du cordon et par la garnison : heureusement
aucune de ces balles n'atteignit ce brave. Il remit l'ordre au
général Brennier. A minuit la place d'Alineyda sauta en l'air.
Le général Brennier, avec son excellente garnison, enfonc,a. la
ligne anglaise du blocus, rejoignit l'armée française , et nous
ramena André Thillet.


Cet événement, dont il n'y a pas d'exemple dans l'histoire
des temps modernes, fit une profonde impression sur les An-
glais. Le colonel Bevan, qui commandait la portion de la ligne
qui fut enfoncée, ne put plus résister à la douleur qu'il éprouva
d'un événement si inattendu , et se brûla la cervelle.


On accorda à André Thillet une dotation de six mille francs
de rente sur les domaines que le gouvernement français s'était
réservés dans la Castille. Cette dotation était un château en
Espagne. Thillet n'en a jamais rien reçu , et il n'a pas même eu
la gratification accordée aux donataires dépossédés. Cependant
Thillet a continué sa carrière avec honneur. Il a fait bravement
la guerre en Espagne et en Allemagne dans le sixième régiment
d'infanterie légère ; il est aujourd'hui sergent dans la légion du
Pih6ne.


Messieurs, à cette séance même on termine la loi des comptes ;
la loi du 15 mai 1818 ordonne que le compte du domaine ex-
traordinaire sera rendu en même temps que le compte des finan-
ces ; ainsi, nous ne tarderons pas à recevoir un projet de loi
sur le domaine extraordinaire; ce sera l'occasion de récompen-
ser, fût-ce même par une mesure d'exception, l'action éclatante
d'André Thillet.


Je demande qu'en raison de ce que Thillet est un excellent
sergent, susceptible d'être recommandé aux bontés du Roi pour
le grade d'officier, on renvoie sa pétition au ministre de la
guerre.


Je demande qu'on la renvoie aussi au ministre des finances ,
pour que Thillet ait une récimipense prise sur le domaine ex-
traordinaire. Et comme ce qui abonde ne saurait nuire, j'appuie
l'avis de la commission pour le renvoi au président du conseil
des ministres. ( Le triple renvoi est prononcé. )


La chambre reprend la discussion sur la loi des comptes, et re-


( '9 )
jette l'amendement de M. Brun de Villeret , relatif à la dette
de la ville de Paris dans les opérations des subsistances de 18,7.
Le projet de loi des comptes est adopté à la majorité de 182 voix
contre 25.


Séance du us avril.


L'ordre du jour appelle le développement de la proposition
de M. Laissé de Villevêque.


M. Laissé de Villevéque. Messieurs, l'article 92 de votre
ré.lement défend à tout étranger de s'introduire dans l'enceinte
ofsiégent les membres <le la chambre. Cette disposition sage a
eu pou. • but d'écarter les individus qui auraient pu se confondre
dans nos rangs pour influencer nos délibérations ; mais jus-
qu'ici , messieurs, personne d'entre nous n'avait pensé que les
couloirs de la salle appartinssent à l'enceinte occupée par nous.
S'il en était ainsi, il faudrait en conclure que les tribunes cir-
culaires qui nous enveloppent de toutes parts en font également
partie. L'opinion contraire avait donc établi l'usage de laisser
les sténographes des journalistes , chargés de transmettre le ré-
cit de nos séances, en possession de la partie inutile des pas-
sages , afin d'être à portée de tout entendre, et de rendre un
compte fidèle de nos débats.


Lorsque dans les précédentes sessions , quelques-uns d'entre
nous ont invoqué la sévérité du règlement pour faire évacuer les
couloirs, alors encombrés d'auditeurs, cette bourasque passa-
gère, en repoussant ceux-ci, e toujours respecté les sténogra-
phes. Ce n'a donc pas été sans étonnement que nous avons vu
naguères réclamer et ordonner leur expulsion du lieu qu'ils
occupaient, pour les reléguer dans les voûtes <le cette salle, où
la voix des orateurs ne peut se faire entendre, et où ils ne peu-
vent recueillir que quelques mots fugitifs de nos discussions, et
en composer ensuite des notes imparfaites et fautives. Et cepen-
dant., messieurs, vous n'ignorez pas que la du 26 mai 1819
renfèrme des dispositions pénales contre les journalistes coupa-
bles d'avoir rédigé des récits infidèles de nos séances.


Mais je ne craindrai pas d'avancer que l'interprétation forcée,
enfla inusitée jusqu'ici, donnée à l'art. 92 de votre règlement )est impolitique et éminemment contraire ft l'esprit du gouver-
nement représentatif. Votre sar,-essé n'ignore
cité en est l'âme ; il ne tir


force


point que la pulls_e,.
e sa ée que de l'opinion, l'opinion


ne se forme que par le choc des sentimens. la vivacité des dé-
bats, la divulgation et t'influence de vos brillantes- discussions.




( 20 )
Appeler parmi nous le secret, les ténèbres et le silence, c'est
ravir au gouvernement constitutionnel le plus puissant de ses
ressorts ; c'est vouloir dérober à l'avide et légitime curiosité des
citoyens la connaissance des motifs de nos délibérations.


N'avons-nous pas besoin , messieurs, de l'estime, de la con-
sidération et de la confiance publique? Comment pourrions-
nous l'obtenir, si nos opinions, si notre conduite politique sont
enveloppées des ombres du mystère? La nation n'a-t-elle pas
aussi intérêt à connaître si nous sommes dignes de sa confiance
et de son estime? ne doit:elle pas savoir si nous avons été fidè-
les à nos sermens, si avec une égale loyauté , avec un égal cou-
rage, nous avons défendu les prérogatives tutélaires de la cou-
ronne et les droits constitutionnels de la nation ?La. récompense,
l'honneur d'un second choix , et par- là même la composition
de cette chambre, dépendent de cette connaissance. Il importe
donc que ]a voix de l'orateur, transmise par les journaux, re-
tentisse par toute la France; il importe que le vole de tous les
députés y soit connu 5 c'est dans notre conduite politique que.
les électeurs doivent lire les nobles sentimens dont nos cœurs sont
animés. Sans cette connaissance , messieurs, lin aveugle hasard,
ou plutôt l'intrigue des factions, l'hypocrisie du langage des can-
didats, les instances et l'adresse des prôneurs, capteraient les
suffrages et détermineraient les Choix. Alors au lieu de députés
probes, fidèles, désintéressés, courageux, dévoués au Roi
comme à la patrie et prêts à mourir pour les défendre, vous
n'obtiendriez peut-être que des boulines serviles, des hommes
cupides et rampans aux pieds du pouvoir, ou des novateurs
seditienx


En réclamant les ténèbres et le silence, nous donnerions des
armes à la calomnie. Oui, messieurs, des malveillans en profi -
teraient pour faire suspecter votre délicatesse, votre candeur,
la pureté de vos intentions, votre indépendance, votre désinté-
ressement, -votre abnégation des places ; je ne parle pas de véna-
lité, ce mot n'existe pas sans doute dans notre vocabulaire légis-
latif'. et ne peut être compris par des députés français..


-


L'éloignement et le silence des journalistes déroberaient
donc au public la connaissance de votre honorable conduite et
de vos nobles intentions. Cet éloignement est encore contraire à
l'intérêt des ministres : Comment les sténographes, relégués dans
les voâtes, pourront-ils recueillir dans toute leur pureté les im-
provisations des principaux agens du pouvoir?


Mais permettez-moi de m'élever à de plus hautes considéra-
tions. Les plus grands intérêts politiques vont être agités dans


( 21 )
cette enceinte ; les destinées de la France, son existence peut-


fl
rQe uy,uvinl en


loi
être


pesé. compromît les intérêts nationaux et les
libertés publiques, les graves discussions qui auraient lieu dans-
cette enceinte devraient-elles alors être imparfaitement trans-
mises aux citoyens? L'éloignement des sténographes n'an•anti-
rait-il pas en partie la publicité de ces débats? Déjà, avec un
ministère qui trahirait notre confiance , la liberté individuelle
n'existerait. plus. A l'aide des lois d'exception dont il est armé ,
il étoufferait les plaintes et les réclamations. Le prison pourrait
punir même le crime d'une pétition respectueuse, ou du moins
l'ingénieuse prévoyance d'une proposition déjà accueillie lui
ménagerait sans bruit une pacifique inhumation dans votre bu-
reau des renseignemens.


Si donc , au milieu d'un silence imposé par la crainte et les
lois d'exception, la vérité ne pouvait retentir qu'à cette tribune,
serait-il convenable que les sténographes, exilés dans les com-
bles, fussent dans l'impuissance de recueillir et. de transmettre
nos débats avec exactitude? Ce système serait indigne de vous,
messieurs ; il ferait planer sur vos tètes l'accusation d'une hon-
teuse collusion avec le pouvoir, pour lui sacrifier les libertés
publiques. Oui, je le répète avec confiance, au milieu d'hommes
intègres et estimables comme vous, quand on veut le bien on
ne redoute ni la publicité ni la lumière.


Ceux qui font ou méditent le ;nal ; ceux qui sacrifient leur.
conscience et leur patrie à leur ambition , à leur cupidité, ceux-
là seuls, dis-je, cherchent les ténèbres, le mystère et le silence.


J'ai donc l'honneur de proposer à la chambre d'ajouter à
l'article 92 du féglement, ainsi conçu :


« Aucun étranger ne peut, sous aucun prétexte, s'introduire
» dans l'enceinte oà siègent les membres de la chambre ,


Celte phrase :
Néanmoins, les journalistes seront admis dans les couloirs


» de la salle, afin d'y recueillir les notes relatives aux débats
» des séances publiques. »


Le président consulte la chambre. sur la question de savoir si
la proposition sera prise en considération. La gauche se lève


IP" l 'affi rmati ve avec une partie du centre de gauche; la droite
eie le centr


neid'e
' droite


selèvesn n
et lèvent


i cii contre assez grand nombredM. le président. La chambre prend la proposition en consi-
dération ; les d éveloppemens seront imprimés et distribués; la
proposition est renvoyée à l'examen des bureaux.





( 22 )
L'ordre du jour appelle l'ouverture de la discussion générale


sur les douanes.
MM. Clamps Puymaurin , Basterrècbe, Demarçay, , de


Brigode et Barthe-la-Bastide sont entendus. La chambre conti-
nue la discussion au lendemain.


CHAMBRE DES PAIRS.
Séance du 22 avril.


Le ministre desfinancee , en présentant le projet de loi sur
l'arriéré : Messieurs , nous avons l'Honneur de vous présenter,
conformément aux ordres du Roi, les deux projets de loi qui
viennent d'être adoptés à la chambre des députés , pour le rè-
glement définitif du budjet de 818.


Le premier des deux projets que nous vous soumettons,
pour objet l'allocation des fonds consommés en sus des dépenses
législativement évaluées.


Le second rectifie et fixe le budjet de 1818 , d'après les faits
prouvés par les comptes , et une Connaissance plus certaine des
charges de cet exercice.


Ainsi , ces deux lois règlent nos affaires de finances jusqu'au
3." janvier 1819.


Les supplémens de crédits accordés par le premier projet
s'élèvent à dix millions quarante-huit mille huit cent quatre-
vingts francs, sur quoi six cent quatre-vingt-quatorze mille quatre
cent quatre-vingt-quinze appartiennent au ministère de la jus-
tice , pour frais de procédure criminelle. Le reste regarde les
administrations de finances , pour remises , frais de régie et
restitutions de droits indèment perçus.


Cette admission préalable était nécessaire pour procéder à la
rectification du budjet de )818 dont elle fait partie.


Le second projet de loi qui a cette rectification pour but., se
divise en trois sections : la première concerne les annulations
des portions de crédits qui ne paraissent plus susceptibles d'être
employées ; la seconde statue sur la dernière fixation du budget
de 1818 ; la troisième est relative aux reliquats libres des an-
ciens crédits qui demeurent ouverts pour les restans à payer sur
les exercices auxquels ces reliquats appartiennent.


La masse des annulations s'élève à neuf millions deux cent
douze mille vingt-trois francs, savoir :


3,412,462 fr. sur les exercices antérieurs à 1818
5,799,56i sur l'exercice 1818.


( 23 )
Cette somme d'annulations comprend , pour les ministères


de l'intérieur et de la marine, celle de un million deux cent.
cinquante-cinq mille vingt-six francs, à laquelle le gouvernement
ne s'était pas cru en mesure de renoncer si tôt.


La chambre des députés a pensé que cette annulation pouvait,
dès-à-présent , être prononcée. Nous n'y avons pas vu d'incon-
vénient ; car en la supposant prématurée , elle n'ôte pas aux
ministres qu'elle concerne la faculté de demander plus tard
un supplément équivalent de crédit, si le besoin leur en fait une
loi ; dans ce cas, la mesure actuelle produira l'avantage de pro-
voquer plus de lumières et de convictions sur la nécessité d'y
substituer d'autres dispositions.


Vous . VOUS rappellerez, messieurs, qu'une somme de rentes
provenant des crédits ouverts par les lois des 6 et lé mai 1818,
figurait dans le crédit de cet. exercice pour un capital de trente-
deux millions neuf cent vingt-un mille trois cent dia-huit francs.
Comme elles n'ont point encore été négociées, le projet de lei
transporte ce capital à l'exercice 1819 , qui le rend , sur ses
produits, à l'exercice précédent.


Cette opération ne présente qu'un virement de fonds , dont
Pobjet est de mettre en équation, d'une manière plus certaine,
les moyens et les charges de l'exercice 1838.


La chambre des députés, après avoir ajouté au budget de cet
exercice le supplément de dix millions quarante-huit mille huit
cent quatre-vingts francs, annulé sur le même budjet. 5,799,56


Et repris sur les exercices antérieurs...
3412462


Total
9,2)2,023


A. fixé ce budjet à un milliard quatre cent quatorze millions
quatre cent trente-trois mille sept cent vingt-six francs.


Quelle idée, messieurs, ce budjet colossal ne doit-il pas don-
ner de la nation qui l'a réalisé après ce qu'elle avait précédem-
ment souffert l Ce ne sont pas seulement ses ressources maté-
rielles qui ont produit ce phénomène , c'est aussi la confiance
que son attitude et sa constitution ont inspirée au crédit ; c'est
la résolution d'acheter à tout prix son indépendance et son repos.
L'indépendance est acquise : le repos ne nous échappera point :
le besoin en est trop universellement senti pour que nous nous
exposions à de nouvelles fatigues.


La troisième et dernière disposition du second projet de loi
prescrit de distinguer ,
chambres , l'emploi successif <le cinquante-sept


' Ir
dans le compte annuel présenté aux


p pt LU. IODS




( 24 )
cent vingt-deux mille sept cent trente-trois francs qui restent
à consommer sur les services de 1815 , 1816 , 1817 et i8i&.


Celle disposition , conforme à la règle déjà suivie, sera exac-
tement exécutée ; car les chambres, en fermant les budjets • ne
se dépouillent point du choit de connaître ce que deviennent les
restes non employés à l'époque où elles prononcent cette dû-
ture : elles seront satisfaites.


La discussion qui a précédé ces deux lois a jeté des lumières
dont le gouvernement profitera pour la confection de la loi qui
nous manque sur la comptabilité publique, loi qui devra régler
-uniformément les rapports des ordonnateurs avec le trésor, dé-
terminer les caractères constitutifs de la légalité des dépenses,
obvier aux confusions de 'compétence entre les agens qui reçoi-


' vent et les agens qui paient, et procurer à la cour des comptes
un guide plus sûr que celui qu'elle trouve dans des traditions
souvent contradictoires, et dans une jurisprudence qui, faute
d'un Code spécial , manque de bases fixes et positives.


Cette loi devra aussi jeter les fbndemens de la liaison qui doit
exister entre les comptes présentés aux chambres et ceux rendus
à la cour des comptes , de manière que les résultats des uns et
des autres s'éclairent et se . contrôlent réciproquement, et que
les chambres aient pour garans de la vérité des états soumis à
leur examen , les jugemens de l'autorité judiciaire.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séance du 24 avril.


PI. le ministre des finances an nom du gouvernement.
Messieurs, les événemens qui, depuis 184, ont atteint la for-
tune publique, n'ont pas épargné celle de la légion-d'honneur ;
plus d'un tiers de ses revenus a disparu, tandis qu'elle est res-
•ée avec toutes ses charges, qui dépassaient douze millions.


Ce n'est pas dans les années précédentes qu'il a été possible
de songer à d'autres besoins qu'it- ceux qui absorbaient alors nos
ressources ordnaires et extraordinaires.


On eût voulu, dans la dernière session des chambres, mettre
un terme aux privations des membres dela légion-d'honneur,
en leur rendant l'intégrité du traitement dont on était réduit à
ne leur payer que moitié ; mais le gouvernement n'était pas
préparé à cette augmentation de dépenses; il se réserva d'exa-
miner plus tard ce pie la situation des finances permettrait de
faire.


( 25 )


pasLe
eb(udget qui vous a été présenté pour 182o ne contient


A disposition pour augmenter les revenus de la légion-
d'honneur. A l'époque oit ce budget fut•arrete dans le conseil
du Roi, la supputation la plus scrupuleuse de toutes les res-
sources probables et de tontes les dépenses nécessaires, ne nous
a fait reconnaître que la - possibilité d'obtenir un équilibre entre
les unes et les autres. •


Mais quelques changemens survenus depuis peuvent appor-
ter quelques atténuations de dépenses. Le ministère des finances
a obtenu, dans les conditions de son service, des modérations
qui pourront ajouter quelque chose aux économies qu'il a pré-
sentées. Je crois pouvoir encore diminuer d'une somme de
huit cent cinquante-cinq mille francs celle proposée par le pro-
jet de loi de finances, pour l'intérêt: des valeurs que le trésor
doit remettre aux étrangers, en remplacement des rentes rétro-
cédées. Le ministre de l'intérieur et celui • de la guerre parvien-
dront aussi à retrancher une somme de cinq cent mille francs
chacun de leurs propositions de dépenses. Il résultera de ces
arrangemens un disponible d'un million huit cent cinquante-
cinq mille francs. Cent cinquante-cinq mille francs seront. appli-
qués à un service dont la dépense a été créée depuis la présen-
tation du budget.


La somme restante d'un million sept cent mille francs sera,
conformément aux intentions du Roi, affectée -à l'amélioration
du revenu de ]a légion-d'honneur , qui n'est que de six millions
huit. cent cinquante mille francs, et qui devrait être de dix
millions trois cent quarante-six mille francs. pour porter seule-
ment au complet le traitement des simples légionnaires mili-
taires, et celui des légionnaires civils admis antérieurement au
6-avril 3814., date à laquelle ont cessé les nôminations de ce
genre auxquelles un traitement est attaché.
ment, nomme de tous les simples légionnaires avant un traite-m


y compris ceux qui,. nommés.à
puis 1814 , n'ont conservé


' le traitem
,traite ent de légionnaires


est de vingt


i


-sept mille huit


ar:,.;eî supérieur de-
r‘e


classe qui, dans la destination du
cen


t.fonds d'un million sept cent
mille francs, a d'abord fixé


les


quarante-deux. C'est cette


, xe es re gards du Roi. Sa Majesté a
stegnitoinqn%'iérteasntd,eyezntiegnetn,(1,a.1 ,prioritéle plus près du besoin , les simples
pète do nos final , ,uso,u-.


la priorité dans la distribution que
La base la


te.s renoua-, pour la première fois , possible.
eme intégral
plus convenable de cette distribution est le réta-


bli. nt integi al du traitement. Il s'agirait donc de payer an-
nuellement à chaque légionnaire un supplément de cent vingt-




( 26 )
cinq francs, pour compléter la somme de deux cent cinquante
francs affectée à ce grade, somme sur laquelle s'exerce un
prélèvement de cieux et demi pour cent au profit des invalides.
Il en résulterait, pour vingt-sept mille huit cent quarante-cieux
personnes, une dépense de trois millions huit cent. quatre-vingt
mille deux cent cinquante francs ; niais cette évaluation doit se
réduire à trois millions quatre cent. mille francs par les extinc-
tions non encore connues, et par celles qui surviendront dans
l'année. Ne pouvant disposer en 182o que d'un million sept
cent mille francs, le Roi a pris le parti de ne faire courir le ré-
tablissement de l'intégralité du traitement des légionnaires, que
du second semestre de l'année courante.


Sa Majesté nous a chargés, messieurs, de vous présenter un
projet de loi qui contient à cet égard l'expression de son voeu.
Ce projet consacre en principe que le trésor viendra au secours
de la légion-d'honneur par une subvention de trois millions
quatre cent mille francs. Les légionnaires civils nommés avant
la restauration sont restés en possession d'un traitement leurs
droits sont conservés par la loi nouvelle. Il n'en a pas été accordé
à ceux qui ont été admis depuis.


Les légionnaires militaires sous-officiers et soldats, nominés
sous le gouvernement du Roi, sont assimilés à ceux qui avaient
deux cent. cinquante francs, et qui ne reçoivent que cent vingt-
cinq francs. Le projet de loi leur assure deux cent cinquante
francs.


Les anciens membres de la légion-d'honneur, soit civils,
soit militaires, élevés depuis 1834 à un grade supérieur, ont
été avertis que leur ancien traitement de deux cent cinquante
francs n'augmenterait pas avec leur grade; ainsi on ne leur doit
pas plus que ce traitement : la loi maintient cette disposition.


Sa Majesté, messieurs, e renoncé à regret à généraliser,
parmi les membres de la légion-d'honneur , une amélioration
qu'ils mériteraient tous. Le Roi attrait voulu que les effets de
ses intentions bienfaisantes pussent n'être pas plus bornés que
la protection dont il couvre l'universalité des membres d'un
ordre dont l'existence est consacrée par la charte même, et. dont
il s'est déclaré le chef suprême.


La loi que nous proposons appelle secours la fraction destinée
à compléter ce qui manque au traitement des légionnaires. En
effet , messieurs , cette dépense n'est pas une dotation perma-
nente ajoutée à celle qui existe , mais un supplément , une sub-
vention temporaire et mobile, susceptible de diminuer annuel-
lement à mesure des extinctions et jusqu'à ce que la légion-


( 27 )
d'honneur arrive à une composition à laquelle sa dotation cons-
tituée suffise.


Le gouvernement avait eu d'abord la pensée d'augmenter les
finances de la légion du produit des retours qui surviendraient




décès, soit dans les dotations encore existantes du domainepai . ,
extraordinaire , soit dans les fonds destinés à indemniser les
donataires dépossédés ; mais ce n'était qu'une expectative éloi-
ailée dont les effets lents et partiels ne pouNaient satisfaire la
sollicitude du Roi. S. M. a préféré une disposition qui fût sus-
ceptible d'un résultat immédiat. Ainsi la proposition qu'elle
nous a chargés de vous faire, mettra dés-à-présent la légion-.
d'honneur en possession d'un revenu annuel de trois millions
quatre cent mille francs, au lieu d'un million cinq cent mille
francs qu'elle eût long-temps attendus.


Le complément du traitement des légionnaires ne commen-
çant à courir que du 3." juillet , le crédit d'un million sept
cent mille francs nous suffira pour 182o; et si la loi est adop-
tée , nous insérerons dans le budget de l'exercice prochain la
somme nécessaire pour la totalité de ce service pendant l'année
entière. Du reste , messieurs, vous serez, à la présentation de
chaque loi de finances , informés spécialement de l'emploi du
fonds subsidiaire affecté à la légion - d'honneur , et vous ne
réglerez la quotité du fonds à faire que d'après la connaissance
qui vous sera donnée du nombre existant de ceux qui devront
y participer.


Le proj et de loi que nous vous présentons prescrit ces dispo-
sitions. Tel est , messieurs, le premier soulagement qu'il a paru
possible de procurer à la légion-d'honneur. Cet ordre s'étant
accru dans une progression qui a prodigieusement dépassé ses
ressources originaires, dont l'insuffisance s'est encore aggravée
par ses pertes politiques , on ne pourrait les élever au niveau de
sa composition actuelle , qu'en prenant sur les contribuables ce
qu'on avait retiré des conquêtes et ce qu'on s'attendait à en
retirer encore.


Vous savez , messieurs , si les contribuables peuvent fournir


ment


er ien,nrosetnemsdpgeoluauticordernelasuve
trouver
li eensnt C'est dans Pextinction ou la réduction des dé-cin) ert eigsniol


dee la
manque


légion-d'h onneur.


neg:seketailu-mdco, ins rnpiizi ore! .1.
complément de lu' dtaib.aliet es


Tous se connaissent trop bien en dévouement et en patrio-
tisme pour se plaindre d'une attente dont le terme précipité im-
poserait de nouvelles charges mi


epd'allégement après les Sacrifices qu'ilaupfitlel
nqui a tant besoin


ait;.•




( 8
)


Projet de loi.
, LOUIS, rAu LA onAct n'a DIEU, Roi na FRANCE ET na


N'Aval:RE,
A tous ceux qui ces présentes verront, salut.
Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi, dont'


la teneur suit, sera présenté à la chambre des députés des dé-
partemens par notre ministre secrétaire-d'état des finances , et
par M. le .


chevalier Alice, conseiller-d'état, que nous char-
geons d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.


Art. . er Tous les membres de l'ordre royal de la légion-
d'honneur qui, antérieurement au 6 avril 1814, recevaient un
traitement de deux cent cinquante francs sur les fonds de cet
ordre, et les sous-officiers et soldats , soit retirés , soit en acti-
vité de service, qui depuis ont été nommés chevaliers, rece-
vront, à partir du second semestre de 1820 , sur les fonds du
trésor, un secours de cent vingt-cinq francs par an , pour com-
pléter leur traitement, et le porter à la somme fixée par la loi du
2 9


floréal an 10 ( 19 mai 1802. )
2. Un fonds d'un million sept cent mille francs est spéciale-


ment affecté à la dépense de ce supplément , et sera compris, à
cet effet, dans le budget du ministère des finances, pour l'exer-
cice de 182.o.


3. Il sera rendu, à la session de 1821 , un compte particulier
de l'emploi dudit fonds, ainsi que des extinctions qui seront
survenues par décès ou autrement, dans le nombre des légion-
naires qui doivent participer à sa distribution.


Donné à Paris , au château des Tuileries , le 23 avril de l'an
de grâce 1820, et de notre règne le vingt-cinquième.


Signé, Louis.
L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur


le projet de loi relatif aux douanes.
M. le comte de Saint-Cricq , directeur-général des douanes,


répond aux observations de quelques orateurs , et défend le
projet de loi.


MM. Laisné de Villevêque et Leseigneur sont entendus. La
discussion générale est fermée, et le rapporteur présente les
réponses de la commission aux diverses opinions émises. Le
président rappelle tous les amendemens présentés. La chambre
ajourne au lendemain la discussion sur les articles.


( 29 )
Séance du 25 avril.


Saulnier, organe de la commission des pétitions, rend
compte de la pétition du sieur Madier de Montjau, conseiller
a la cour royale de Nismes (1), par laquelle ce magistrat dé-
nonce à la chandire l'existence d'un comité directeur secret à
Paris, deux circulaires de ce comité adressées à Nismes à la
suite de l'événement du 13 février, et des conciliabules tenus à
Nismes. et qui lui font craindre pour la tranquillité du dépar-
tement du Gard.


Votre commission,. dit M. Saulnier, pense que l'extrême
importance des révélations du pétitionnaire , la nécessité de les
vérifier, celle non moins urgente d'assurer le maintien de l'ordre
public dans le département du Gard, lui coin mandent de vous
proposer le renvoi de la pétition à M. le président du•cOnseil
des ministres.


Le ministre de l'intérieur, sans s'opposer au renvoi de la pé-
tition au président du conseil des ministres, répond que les faits
ne sont. pas aussi graves que la pétition les présente, que le gou-
vernement a pris les précautions sollicitées par le pétitionnaire,
et qu'eu lieu de s'adresser à la chambre, il aurait dit éviter
l'éclat, dénoncer les faits au ministère, et lui donner tous les
renseignemens qu'il doit avoir.


M. de Saint-/hilaire. Les crimes de 1815 n'appartiennent:
qu'aux misérables qui les ont commis; mais à Nismes, autant
que partout ailleurs en France, les masses sont honnêtes et gé-
néreuses. Je dois ajouter cependant que le parti auquel on im-
pute les excès de 1815, a commis une faute immense. Lorsque
les crimes de cette époque ont été commis, les hommes honnêtes,
quelles que fussent leurs opinions politiques, devaient élever à
l'envi un cri de détestation. Mais les choses ne se sont pas pas-
sées ainsi ; par un misérable. esprit de parti, aussi mal-habile
dans. sa combinaison que coupable dans son principe moral, on
a voulu étouffer la vérité et en imposer à l'indignation
monde. J'ai vu à Nismes des hommes honorables l Ui , j'ose le
croire, auraient exposé leur vie pour sauver des victimes, con-
server des ménagemens pour les plus féroces meurtriers ; je les
ai entendus, poussant à l'absurde le système de dénégation ,
nier des crimes commis à la. clarté soleil, en présence d'unepopulation immense , des crimes dont les llurailles de la ville


(t) Cette pétition , qui n'a
d, libraire,
Palais-Royal.


été lue as
la chambre , se trouve chezC rr




( 3o )
rendent encore de san,glans témoignages. Sans doute une telle
conduite semblait calculée pour porter à l'extrême et l'irritation
et la méfiance. Figurez-vous, messieurs, quel doit être l'état de
gens qui, pendant six grands mois, ont été pillés, volés, égor-
gés; de gens qui, pendant six grands mois, ont souffert tous
les genres de persécution, et auxquels on vient dire aujourd'hui
que sans doute ils ont rêvé toutes ces choses, que l'ordre établi
n'a pas été troublé un moment. Je dirai, puisqu'on persiste
dans d'injustes récriminations, que non-seulement les crimes
commis après la seconde restauration ont été atroces, mais en-
core qu'ils ont été gratuits. J'en appelle à mes collègues de dé-
putation, à tous ceux qui connaissent le département du Gard ;
je


,déclare en leur nom, comme au mien, que pas une goutte
de sang n'a coulé à Nismes pendant les cent j ours. A Arpaillar-
gues , trois volontaires royaux ont été frappés les armes à la
main; niais c'était un combat contre d'autres hommes armés.


Ce système de dénégations ou de récriminations injustes est
une des causes qui ont entretenu l'irritation des esprits dans le
département du Gard; niais cette cause n'a pas été la seule. Les
protestans étaient modestes dans leurs demandes ; ils ne vou-
laient que sûreté pour aujourd'hui et sécurité pour demain ; eh.
bien, messieurs ! ils n'ont jamais obtenu que la moitié de ce
qu'ils demandaient. Jamais la sécurité pour l'avenir n'a pu
s'établir; et• comment la sécurité pour l'aveni• • pourrait-elle
naître dans un pays où une partie (le la société, celle qui se
rapproche le plus du trône, calomniant sans doute cet avenir,
se montre sans cesse comme devant satisfaire d'odieuses espé-
rances; lorsqu'elle semble reconnaître une autre loi que la loi,
un autre gouvernement que le gouvernement je dirai plus, un
autre Roi que le Roi lui-même? (A droite : Quelle est cette partie
de la société? il faut. la nommer!...) C'est dans l'intérêt de la
société tout entière que je signale l'ordre de choses le plus alar-
mant. pour la stabilité du trône, comme pour la durée de no,,,
institutions. Il n'est que trop vrai qu'à Nismes les influences
légales et protectrices du gouvernement ont eu sans cesse à lut-
ter contre les influences secrètes et provoquantes d'un parti.
M. Madier de Montjau vous annonce que ce parti obéit à des
directions étrangères à ce département,


Je ne nie charge pas d'apporter la preuve légale de ces allé-
gations ; niais je dois à la justice de déclarer que le pétitionnaire
est un homme de sens, d'honneur et de courage ; il possède
dans un degré éminent toutes les qualités qui font l'honnête
homme et le bon citoyen ; on doit donc ajouter une grande con-


.-


( 31 )
fiance aux faits qu'il affirme ; et quant à moi, je les crois. J'ose
penser que plus on aura examiné ces faits, plus on sera confirmé-
dans les sentimens de leur vérité, et plus on aura examiné ce
qui se passe dans le département du Gard, plus on sera disposé
à l'expliquer par quelque cause analogue à celle qu'annonce:
M. Ïvladier de Mantjau.


Messieurs, je le répète, il y a ici un grand, un imminent
danger. Songez y bien, il faut que l'autorité royale existe pour
tout le monde , ou bientôt elle n'existerait pour personne.


Dans le département du Gard, les protestans ont beaucoup.
souffert en 1815; ils ont souffert avec résignation. Lorsque
l'ordonnance du 5 septembre est venue leur annoncer la fin des
mauvais jours , ils l'ont saluée avec enthousiasme. Je ne doute
pas qu'alors ils n'eussentrenoncé à toute vengeance, et signé de
bonne foi une réconciliation sincère sous les auspices de l'auto..
rite royale ; mais pour qu'unetelle réunion pût s'opérer, il
fallait que l'autorité royale fût acceptée par tous, comme une
garantie unique et suffisante; il fallait que le parti de r8i5
consentît à détruire son organisation, et cependant tous les
jours des symptômes venaient confirmer l'existence de cette or-
ganisation; tous les jours des symptômes avertissaient les pro-
testans qu'ils jouissaient, non d'une paix durable, mais d'une
trève temporaire; et quand on sait qu'on vit dans un état de
trève , la prudence conseille de préparer ses forces.


Je ne prétends pas dire qu'il y ait eu une conspiration dans
le département du Gard; j'appellerais peut- être du nom de ligue
l'espèce de coalition que j'y ai remarquée; niais sans examiner
si les moyens qui ont pu être employés pour former et maintenir
cette ligue , sont plus ou moins criminels, je dirai seulement
un tel ordre de choses est nécessairement destructif et de la tran-
quillité publique et .de l'autorité royale. En effet, messieurs,
lorsque des hommes qui se présentaient comme les gardiens les
plus fidèles des principes monarchiques, donnaient eux-mêmes
l'exemple de chercher à organiser une influence autre que celle
de l'autorité royale, ne devait-on pas s'attendre que leurs ad-
versaires chercheraient aussi
l'autorité ro I


un autre point d'appui, et que
araîtrant plus à personne une garantie suf-


vflasiaennttee
,I être




p
n'était plus comptée par ceux même qui de-


e les premiers défenseurs?
sent.. Lune, p association


dirait-onoen
se qui,


nacui,aux protestans, s'il arrivait qu'ils formas-
‘il


sans doute, serait bien plus redou-table,
aurait le droit de. s.


c lei ai à des intérêts plus nombreux?
de s'en plaindre? Ce ne serait pas , sans




( 32 )
doute, ceux qui auraient donné le premier exemple. Serait—ce
le gouvernement? On lui répondrait : Voyez ce qui se pass
sous vos yeux; pouvez-vous exiger que nous nous reposions sui,
vous du soin de nous défendre, lorsque nous ne sommes pa.e'
assurés que vous serez assez fort pour vous défendre vous-
même? Ainsi l'on arriverait à cet. état, le plus déplorable de
tous, où chacun ne compte. plus pour sa sûreté que sur ses -
forces personnelles et le secours de ses amis.


Telle est peut-être, messieurs, l'état d'une grande partie de
la France : tel est l'état du département du Gard ; les remèdes
ne peuvent se trouver que dans la sagesse du Roi, dans la rer-;
meté de ses ministres j'invoque cette sagesse, j'espère la fer-
meté des ministres, et je répète qu'ils n'obtiendront de la force 7
pour le gouvernement, que lorsqu'ils auront détruit et l'orga-
nisation et la force du parti de 1815.


M. Corbière. Que voyons-nous ici? un magistrat, recom-
mandable sans doute, puisqu'il siège dans une cour royale ,
appelle votre sollicitude sur un complot dont il vous annonce
l'existence, et qu'il ne borne pas au pays qu'il habite , mais:
qu'il déclare embrasser la France entière. S'il faut l'en croire
des correspondances secrètes attestent l'existence de ce complot,
et ces correspondances seraient bien coupables , puisque leurs
auteurs promettent à ceux auxquels ils s'adressent, des con-
seils, des ordres et de l'argent. Il croit que la direction qu'il
signale a déjà eu son effet. ll annonce que des menaces ont •
été proférées ; qu'à Nismes un parti a parlé de sabrer le
parti qui lui est opposé. L'objet de la pétition, messieurs, est
donc extrêmement grave : si le magistrat pétitionnaire .11 la
preuve de ce qu'il avance, il y a un complot véritable, et dès- •
lors tout doit être mis en usage pour reconnaître si en effet ce
complot e quelque fondement.


Quoi qu'il en soit, je crois que le magistrat pétitionnaire n'a
pu choisir cette voie d'une pétition sans un intérêt bien extraor -
dinaire ; car s'il avait connaissance d'un complot, il devait
bien savoir que ce n'était pas à vous qu'il devait s'adresser ;
il devait savoir que c'était a l'autorité dépositaire de l'exécu-
tion des lois, et non à celle qui délibère sur la loi elle-lem°,
qu'il était convenable de porter les renseignemens qu'il dit pos-
séder. Telle était la marche que la nature des choses et sa po-"
sition même traçaient au magistrat pétitionnaire-1 puisqu'il siège
dans une cour royale, clans un pays où il déclare lui-même qu'une-
étincelle peut produire un vaste incendie, il faut qu'il ait eu -
des raisons bien graves de ne pas s'adresser aux autorités locales.


( 33 )
Quelle raison a donc eu le pétitionnaire pour préférer la


marche qu'il a suivie ? Il vous l'a dit lui-même ; le gouverne-
ment e des intentions auxquelles il est le premier à rendre hom-
mage; mais il est paralysé par une force secrète, à laquelle il
ne peut résister ; et le pétitionnaire ne croit pouvoir s'adresser
utilement au gouvernement ; il réclame votre intervention.
crois qu'il n'a pas assez réfléchi aux conséquences de cette p •o-
position. Quoi le gouvernement est paralysé par une force se-
crète; elle est plus forte que lui, et il ne la connaît pas ! Certes,
à moins de supposer une étrange ironie , on ne peut concevoir
les éloges que le pétitionnaire donne au gouvernement , la con-
fiance qu'il lui témoigne , et la position dans laquelle il semble
le placer. Certes, un magistrat qui déclare avoir confiance dans
le gouvernement, qui croit cependant qu'il existe une force su-
périeure à la sienne, est lui-même peu digne de confiance dais
ses assertions. Telle est pourtant la situation peu favorable dans
laquelle s'est volontairement présenté le pétitionnaire. Je vous
le demande messieurs, était-ce par l'éclat d'une pétition in-
sérée de l'aveu ou à l'insu du pétitionnaire dans de nouveaux.
pamphlets , que M. Madier devait avertir le ministère des in-
quiétudes qu'il dit avoir conçues?




Mais examinant la pétition en elle-même , contient-elle des
faits exacts , justifiés? sait-on à quoi s'en tenir ? y a-t- il des
pièces , des documens, des preuves ? on n'en donne point : ce-
pendant on a affecté de préciser des faits ; on a cité les nt,


34
et 35 d'une correspondance secrète. C'est là le fait fondamental;
si ce fait existe, il y a complot, il y e crime ; mais cette cor-
respondance existait-elle en effet ? Le pétitionnaire n'a-t-il pas
été dupe d'intrigues ténébreuses , et ne s'est-il pas rendu l'or-
gane de calomnies qu'il n'a pas su apprécier? il connaît l'auteur.


le pu ) ic est obligé de chercher
l' t r..,


niais il ne le nomme pas, et l
V


le deviner ; mais n'est-ce rien, messieurs, qu'un nom livré ainsi
reendvuairaeu faduit d'une , à l'investigation des partis ? Tout ici se
auteur ,
vous tune


lecorrespondance. Cette correspondance a un


dant , dites-vous ; alors quel est cet étrange ménagement ?
Vous voulez évit l'é"inmez pas ! vous le connaissez cepen-


voyez que le soupçonc at, ais votre pétition l'appelle vous;
donc doublé par


n plane;
l'éclat que vous voulez éviter était


vot
est là : comment dorne réticence


.


Mais, messieurs, lce pétitionnaireétit
nomme-t-on pas celui qu'on accuse ?


ou il n'y a rien, ou tout


ionnaire e pris son parti ; vous de-
vez le connaître, dit-il aux ministres, et il ajoute avec assurance:Je le nommerai.


il sera en accusation. Quelle assurance
3




( 34 )
.à-11-rois , messieurs , et quelle faiblesse ! Quoi ! messieurs , il
s'agit d'une conspiration , il s'agit de la tranquillité publique
il est urgent de parler , le pétitionnaire dénonce l'agent principal.
de la conspiration , et il vient vous dire Quand il sera accuséj e le nommerai. Mais quand il sera accusé il sera connu ; ce
n'est pas vous qui l'aurez nommé. Imprudent vous avez ét'.
trompé ; vous ne le connaissez pas ; il est impossible de croire
que si vous le connaissiez , vous ne l'eussiez pas aussitôt signalé
à la vindicte des lois !


J'ai raisonné jusqu'ici messieurs dans la supposition qu'il
pourrait être donné créance aux faits articulés dans la pétition;
mais cependant si les faits n'existaient pas , s'il y avait ici une'
de ces maneeuvres dont nous avons eu tant d'exemples ; si, à force
de répéter une calomnie, on avait eu le dessein de l'accréditer ;
si le pétitionnaire était lui-même l'innocent organe de la calom-
nie et son involontaire interprète, le mal serait plus grand en-
core. Ne savons-nous pas quelles calamités sont attachées à cet
état de choses où l'on vit dans la crainte de conspirations ima-
ginaires , sans cesse proclamées pour en couvrir une véritable ,
et où sous ce prétexte on attaque tout ce que la société a de,
plus respectable ? Ici, je le demande , qu'a-t-on voulu dire eu
parlant de cette partie de la société qui entretient des espérances
coupables , qui veut un autre gouvernement que le gouverne-
ment , un autre roi que le Roi ; ces terribles paroles ont-elles
été bien pesées ?


Deveaux. Est-il vrai qu'il existe en France une contrée-
où les lois ont perdu leur empire , où des assassins insultent
la justice par leur audacieuse impunité , s'apprêtent à de noue
veaux crimes et désignent de l'oeil de nouvelles victimes? Ainsi,
pendant que la vigilance du magistrat recherche ici l'esprit de
sédition jusque dans les souscriptions de bienfaisance , ailleurs
le m inistère public ne trouve rien à approfondir dans une sous-
cription en faveur d'un Truphémy, , dont l'orgueilleuse atrocité
se vantait publiquement de onze assassinats !


Naguère , messieurs , on vous dénonçait à cette tribune un.
comité directeur des élections , dont tout le secret pourtan
semblait être de publier les noms de ceux que l'opinion élevait
à la candidature. On ne vous parlait pas de ces bulletins d'élec,
tions écrits , en 18:5 , à la pointe d'un poignard trempé dan
le sang de seize victimes égorgées à l'ouverture du collège élec
toral du Gard ; on se taisait sur ce comité directeur qui, le
février 182o , en était à sa trente-cinquième circulaire , pou
apprendre à ses affiliés quelles espérances faisait- concevoir 1


( 35 )
nouveau ministère , et comment le calme était néeèssaire à ceux
qui se proposaient la veille de répandre encore du sang humain ,
'en seebrant des misérables échappés aux massacras de 181 5.


Pendant qu'on vous demandait l'arbitraire contre les doctrines
politiques des journaux , la doctrine du meurtre, du pillage et
de l'incendie- reprenait ailleurs une nouvelle énergie , et ses
partisans, exhortés d s'organiser, avec promesse qae les avis,
les ordres et l'argent ne lear manqueraient pas, revêtaient leur
sanglant uniforme de i 815 , et s excitaient , par une sacrilège
profanation du nom du Roi, à commettre de nouveaux forfaits.


Lorsqu'en 18:6 la voix solitaire mais courageuse de notre ho-
norable collègue Mi d'Argenson du, haut de cette tribune.
l'on ne prononce jamais en vain les noms de la justice et de la
liberté, dénonçait à la France les crimes du midi , une immense
majorité s'indignait de ces révélations prématurées. Tel est
prit de parti , qu'il craiht de s'affaiblir en cessant de protéger ,
au moins par le mystère et le silence, des coupables qui lui pa-
raissent dignes de grâce par leur dévouement sanguinaire à ses
principes politiques.


Le chef de la justice offrit, il y a peu de temps, un spectacle
digne de la méditation des hommes d'état , et propre à jeter
l'effroi -dans l'éme des gens de bien , vint avouer à cette
tribune son désespoir d'atteindre , avec la puissance des lois,
des hommes qui ont su faire du crime une puissance qui leur


.0-arantit
Aussi , lorsque lé ministère sollicite de votre confiance la créa-


tion inconstitutionnelle d'une dictature sur la pensée et sur la
liberté de l'homme , il h'osa. pas voies dire que ce pouvoir ex-
traordinaire était destiné à faire ses preuves d'énergie et d'effi-
cacité contre les assassins du midi. Le ministère sentait-il donc
,,Iqu tee,sl irsse vertus personnelles répugnent à l'impunité de tant dê
forfaits, une puissance plus forte que la sienne en


et


protégeait les
Il ic


ifaresuit,noiltatuev'heulin
ilieallniaoagintis ' de d'u


n


e cour souveraine, effrayé de leur
e vous révéler leurs espérances


et de vous su


e vous dépeindre leur attitude hostile,
supplier de


leur répression.
Je sais bien , messieurs, que pour certains esprits, c'est clansles rangs des quatre-vingt mille pétitionnaires pour le maintien


de la charte et de la loi des élections qu'il convient de chercher
dés conspirateurs et des ennemis du trône : Les conspirateurs.
et les ennemis du trône ne sont pas non plus aux yeux d'une
faction bien signalée par le pétitionnaire ceux qui promenaient




(
hanquillement , en plein jour , dans les rues de Nismes le fatal
tombereau destiné à recevoir et à. porter à la voirie les cadavres
de ceux que les assassins allaient froidement et paisiblement
égorger dans leurs maisons : les conspirateurs et les ennemis du
trône ne peuvent être parmi les membres de cette commission
extraordinaire qui , le 20 juillet 1815, ordonnait aux proscrits,
sous peine du séquestre de leurs biens, de revenir se placer sous
la main de leurs bourreaux : les conspirateurs et les ennemis du.
trône ne sont pas à rechercher parmi ces agens du pouvoir qui
permettaient de fusiller, sans jugement , six prisonniers français,
sous les fenêtres du sous-préfet d'Uzès : les conspirateurs et les
ennemis du trône n'ont rien de commun avec ces autorités qui
toléraient le supplice de ces femmes fouettées publiquement avec
des battoirs armés de pointes aiguës, et qui , dans leur ironique
et cruelle indifférence , disaient que les magistrats de Paris ne
se mêlaient point des querelles de la place Maubert : le château
de Vacquairolles n'a point été pillé et incendié par des conspi-
rateurs et des ennemis du trône ; ce ne sont pas eux non plus
qui ont exhumé le corps d'une jeune fille de quinze ans, pour
le livrer aux plus infâmes profanations : les conspirateurs et les
ennemis du trône ne sont pas ceux qui jetèrent tout vivans dans
les flammes d'un bûcher le malheureux Ladet ; qui dansèrent ,
comme des Cannibales, aux cris déchirans de leur victime, et
qui, nouveaux Ammonites, faisaient de la royauté un nouveau
dieu Moloch , auquel ils sacrifiaient des hommes , en chantant
vive le Roi ! les conspirateurs et les ennemis du trône ne peu-
vent être parmi les auteurs et instigateurs du massacre du trei-
zième régiment. Ramel et le général Lagarde , envoyés par le
Roi ; n'ont pas péri sans doute de la main des conspirateurs et
.des ennemis du trône.


Non, messieurs, non ; tous ces gens-lé sont faciles à justifier
aux yeux d'une faction ; en commettant tous ces crimes , ils
criaient vive le Roi ! La pureté de leurs intentions actuelles est
.encore parfaitement. démontrée par cette courte exhortation de
leurs chefs , en fèvrier dernier : Sabrons ces misérables, leur
sang produira des royalistes. Leur repentir se manifeste égale-
ment par ce discours. Pourquoi n'avons-nous pas , en 1815 ,fait une fin de cette race? Et comme tous les pouvoirs se taisent
.devant eux , la censure , loin de favoriser par la publicité la
compression de ce nouvel élan du crime , ne permet pas aux
journaux d'en révéler les nouveaux projets. C'est dans des écrits
isolés que la plainte courageuse d'un magistrat se réfugie, pour
appeler à son secours la puissance de l'opinion, en attendant


( 37 )
que la forme lente de vos rapports lui donne un interprète à cette


illblusnee.rait bien malheureux , bien indigne de la majesté du
l


gou-
Glue d'aussi grands criminels demeurassentvernement roya ,


impunis. Mais s'ils sont. parvenus à se rendre redoutables au.
point de commander aux lois de se taire sur le passé , ne
nous inspiraient plus d'appréhension pour l'avenir, j 'aimerais.
mieux oublier la distinction de Montesquieu entre la démence.
qui honore, et l'impuissance de punir qui avilit l'autorité ; et.
que le gouvernement avouant sa faiblesse et les dangers de ses
recherches , vint nous proposer une amnistie. Car l'amnistie


-'marque au moins le crime en l'effaçant, tan dis qu'une aida
cieuse impunité n'est qu'une révolte vivante contre la justice.


Mais, messieurs, le passé ne fait-il pas trembler pour l'avenir?.
Quelle est donc cette puissance invisible qui, se plaçant en quel-
que sorte au-dessus du trône, se flatte de faire servir le nouveau.
ministère à ses desseins ? A l'aide de ce qui nous est révélé, tâ-
chons de mettre en évidence ce pouvoir mystérieux et de pré-
voir ce qu'il médite.


Le pétitionnaire signale et transcrit littéralement deux circn-
laires , n. os 34 et 35 ,. envoyées dans tous les départemens , après
l'attentat du s 3février. Cescirculaires supposent nécessairement.
deux choses ; 1.. a Des instructions transmises par un pouvoir re-
connu ; 2. 0


des. correspondans nombreux et subordonnés pour
les recevoir et s'y conformer. J'en conclus l'existence d'un pou-
voir organisé , correspondant avec des agens établis pour'
coopérer à l'exécution d'un plan commun sous la direction des
chefs.


Voulez-vous savoir si cette puissance est soumise à l'autorité
royale? écoutez-la parler dans la première circulaire, n.0-34 ;


Ne soyez ni surpris, ni effrayés ; quoique l'attentat du 13
.» n'ait pas amené sur-le-clamp la chute du favori, agissez
)) comme s'il était déjà renversé ; nous l'arracherons de ce Aste,
» si l'on ne consent pas à l'en bannir. » Vous l'entendez, mes-
nsiie enesitiirs;eNuilionnemetieonn,


il
vai e nt la


du monarque maintient un mi-
existe un pouvoir supérieur à celui du.p


ne
rince


coli P072. ,
qui a la certitude d'arracher le ministre de son- poste,s nsent pas à l'en bannir, Ce n'est pas par des sup-


sPolnielantiinoinsstr.ae vafaprince, , ce ,
n'est pas en l'éclairant sur les fautes de


dura le ministrer,I, c'est


• •


e,e n esit pas en un ni ot parle, prince qu'on ex--


rait pas à bannir estle ministre
le cas oit l'autorité royale ne con-


senti
. eu arracher ; et le mépris


de son poste qu'on saura bien
pus pour les pouvoirs délégués par la




( 38 )
prince à son ministre, le dédain pour- le monarque lui-même-
sont tels, que l'auteur de la circulaire prescrit à.ses affiliés d'agi
(ontme si le ministre était renversé, c'est-à-dire de méconnaître
l'autorité du ministre qui parle encore au nom du Roi.


Ce pouvoir invisible n'hésite pas à promettre des ordres.et de.
l'argent ; Parent ne vous manquera pas, dit - il dans sa cir-:
culaire n. 0


34. Où. le prend-il? quels trésors sont inépuisables.
pour lui? Je l'ignore ; on peut le deviner peut-être, mais arrê-
tons-nous au fait. Voilà un pouvoir qui dirige des agens, qui:
promet des ordres, qui dispose d'argent sans crainte des épuiser,.
et ce pouvoir n'émane pas de l'autorité royale! il la menace ane
contraire de lui arracher ses ministres , il exhorte ses agens
méconnaître celui qui parle au nom du Roi !Four avoir une idée,
de l'activité de cette correspondance sur tous les points de la
Fiance, il suffit de remarquer qu'en moins de trois jours les:
deux circulaires 34 et 35, datées de Paris, furent reçues à.
Himes; de sorte que la dernière parcourut cent soixante quinze.
lieues en moins de quarante-huit heures ; célérité supérieure à
celle des malles de la poste, et qui révèle un service etket if de:
couriers extraordinaires plus stars d'ailleurs que la poste pour.
une telle correspondance.


Avant l'attentat du 13 février, ce pouvoir invisible avait ma-.
nifesté son existence par trente-trois circulaires , car la trente-
quatrième se réfère à ce déplorable événement qui, par causé-.
/lient, n'a pas rait naître les projets dont cette correspondance.
est l'objet , niais qui paraît avoir donné une nouvelle vigueur à:
cette faction; car en vérité je ne puis continuer à lui donner un.
autre nom sans imiter la tranquille impassibilité de Suétone, et
ie n'en ai pas la force. Aussi l'assassinat de notre infortuné,
prince n'est-il plus aux veux de cette faction qu'un moyen, une.
circonstance, heu reuse même, pour reprendre avec plus d'énergie.
le cours de ses projets, également destructeurs de la royauté ete
de la liberté.


M. le niinistie l'intérieure en pariant pour le suspension
de la liberté individuelle , nous dit que l'on avait aperçu des
joies atroces. Le pétitionnaire nous apprend, dans les mêmes.
termes, qu'à Himes des joies atroces furent. apepres ,
Parmi ceux qui déià calculaient: ce qu'un-parricide exécrahl.
devait produire d leur égoïsme et 4. leur Idche ambition„ Vo lè
qui est plus clair que le discours du ministre;. cela, ne laisse mi,
moins aucun doute sur les couleurs du parti qui fondait à Mmes•
ses spéculations politiques sur l'une des plue erande, ralnnit;e:
que la Vrance ait lamais. éprouvée.


39 )
La circulaire n. 0 35 nous révèle l'accord .parfait de ces


joies atroces que la faction ne pouvait dissimuler à Nîmes,
'avec cette habileté tant recommandée par le comité directeur de
Paris, de placer dans d'hypocrites adresses, à côté des sentimens
de douleurs, la nécessité d'anéantir les doctrines libérales.


'Les douleurs sincères ne connaissent pas Part de combiner des
expressions ; la véritable affliction du coeur ne pense pas subite-
ment à profiter du malheur qui l'a fait naître; ceux qui su-
bissent l'influence de ces circulaires, et qui nous prouvent ainsi
qu'ellesétaient parvenues à leur adresse, se dénoncent eux-mêmes
par la menace qui est dans leur bouche; par l'indice de nouvelles
proscriptions qui est dans leurs gestes; par des signes d e ralliement
qui sont dans leur uniforme, le même que celuide1815 , les pan-
talons à bandelettes; par leurs joies atroces;-' par leurs exclama-
tions: Sabrons ces misérables, leur sangproduira des royalistes;
par leur regret de n'avoir pas lait uni: lin de cette race en).815.


Quand je lis dans la circulaire n. 0 35 : De grands services
peuvent nous être rendus par le nouveau ministère ; il faut


» bien se garder de lui montrer des sentimens hostiles, » je
crois tenir tous les secrets de la faction sur le cours actuel des
choses.


Qui parle ainsi, nous? Ce n'est pas le gouvernement extérieur
et ostensible: celui-là n'agit que par le ministère évident. N'est-
ce pas plutôt ce pouvoir invisible qui expédie des courriers,
qui a des trésors à sa disposition, qui se sent assez fort pour ar-
racher le ministrefavori de son poste si la volontc du Roi ne.
l'en bannissait pas ?


Tout nous ramène donc sans cesse à cette idée,d'un gouverne-
ment secret, qui s'intitule collectivement : ou s 3 qui , tout en
espérant de grands services du nouveau ministère, se montre-
supérieur à son influence et indépendant de son . action. C'est.
lui qui commande à ces passions si menaçantes , si avides do ré-
pandre (lu sang, de se taire momentanément; du calme, le plus
grandbie Ldeantinozc lme est mot d'ordre pour l'instant : gardez-vous


voilà ce
qa,7i ill,ecr; nouveau ministère des sentimens hostiles


à
quand


dtrou
on réfléchi


de faire


b ,mande 5 etPon sent combien avait raison,
ien e ait prudent ce général qui défendait


fiance qui ne s' e avant l'ordre, puisqu'il préparait une al-
bliques ne lui a est. jamais consommée sans que les libertés pu-


Un
ministre letit été sacrifiées, comme nous venons de le voir.


sais quel manichto'l '15 eut
(1) Discours du mn retenait, le 23. mars dernier, de je ne


et.sme politique (i) qu'il attribuait spéciale-
ministre des affaires étrangères




( 40
).


ment aux défenseurs de l'inviOlebilité de la charte: Le•véritaMe
manichéisme n'est-il pas plutôt dans ce double gouvernement
N'est-ce pas là sans doute aussi la véritable conspiration que
devinait la sagacité d'un procureur-général qui no ir disait in-
génieusement, il y a très-peu de temps, qu'elle était partouti.
et ne se voyait nulle part? On la voit bien maintenant; M. le
conseiller de Nîmes
miseà découvert.


Il offre encore de tout dire, jusqu'au nom du premier-mi-
nistre de cegouvernement secret; çar le pétitionnaire ne recule
pas devant la nécessité des éciaircissemens. Il désigne-déjà suf-;
nsarument l'auteur des circulaires par le discours qu'il tint.
en 1815. C'est celui qui,. mécontent de la timide arrestation du,
maréchal. Soult, disait à M. , par forme de reproche : Oie
n'arrête pas an maréclial' de France , on le tue. Le maréchal'
Brune-était destiné à subir l'affreuse vérité de cette maxime
assurément bien anti-royaliste.


M. de Montjau frit plus encore; il offre de nommer devant
les tribunaux le factieux auteur de ces circulaires ; mais personne
du gouvernement ostensible neparaît avoir accepté son offre. Re-
marquez, je vous prie, messieurs , pour quelles doctrines cet
apôtre du meurtre réserve son animadversion. Ce sont les doc-
trines libérales qu'il fast anéantir. Tel est l'ordre donné dans'


circulaire n. 0
35; tel est l'avis qu'ont reçu les sicaires, les


verdets, les pantalons à bandelettes. Cette haine vigoureuse'
dans ces gens-té pour les doctrines libérales ne nie déplait pas.
J'aime à voir cet hommage rendu par le crime aux principes de,
toutes les vertus civiques. La liberté, c'est l'ordre; la liberté,:
c'est le règne. des lois; la liberté, c'est encore la justice; la
belle, par conséquent, doit être détestée par les assassins de- '
Nîmes, par les fiictieux de toutes les couleurs et de toutes lei




époques. Voilà pourquoi les instructions d'un chef de la faction:
sont de vouer une haine homicide aux amis de la liberté.


Ces quatre-vingt-cinq victimes égorgées à Uzès et à Nîmes,
en plein joue-, au milieu d'une nombreuse population frappée
de terreur, cet infortuné Ladet entouré sur- son bûcher d'une
danse infernale, le pétitionnaire a raison de ne pas dire un mot
de leurs opinions politiques. Ces assassins armés pour anéantir




les doctrines libérales, en disaient assez lorsqu'insultant à la
majesté royale, ils criaient vive le Roi, en plongeant le poi-
gnard dans le sein de tant de victimes. C'est de cette manière
qu'ils entendent procéder à l'anéantissement des doctrines li-
bérales. Ils sentent bien qu'il faut autre chose que des sophismes
pour faire reculer la raison humaine., qui s'avance. à. grands pas


( 41.
Europe vers l'affranchissement du genre humain, par l'heu–


en
relise alliance du pouvoir et de la liberté.


La faction aspire à isoler le trône pour le dominer ; à sé-
parer e le roi du peuple pour le faire descendre au rang de princede l'oligarchie; à rompre cette antique et héréditaire alliance du.
peuple avec son Roi, si fortement renommée par l'immense po-
pularité d'Henri IV, et qu'une fidèle exécution de. la charte
rendrait indissoluble.


C'est pour cela que dans un projet d'adresse rédigé par nit
fonctionnaire très-relevé, la faction voulait suggérer au mo-
narque le plus humain de l'Europe, d'abjurer la clémence, de
ne régner que par l'épée; insensés! qui tout-à-fait ignorans
de leur position,, ne sentent pas que le règne de l'épée serait
aussi mortel pour eux qu'il est indigne de la douce paternité des
Bourbons ! •


Importunée à Nîmes, théâtre de prédilection de ses, exploits
passés et futurs, par la présence d'une garnison trop fidèle à
l'honneur de ses armes, pour ne pas repousser toute proposi-
tion de fraterniser avec les meurtriers de la garnison de 1815 ,
la faction a sollicité et obtenu l'éloignement d'une légion qui
glaçait de terreurses bandes homicides; c'est peut-être là un de
ces services qu'elle attendait du nouveau ministère.


C'est à cette faction qu'appartient cet ami de Trestaillon ,
condamné pour des cris séditieux, dont il donnait l'exemple
provocateur pour avoir un prétexte d'immoler de nouvelles vic-
times. Ne serait-ce pas aux espérances de cette faction qui, pour
triompher un instant, a besoin de la double servitude do l'homme
et de la pensée, qu'ont été sacrifiées nos libertés constitution-
nelles, et qu'on prépare jusqu'à l'anéantissement du droit de pé-
tition encore trop dangereux, . puisqu'il autorise la révélation
solennelle de ses sinistres projets?


Nous sommes évidemment sous l'influence de ce pouvoir in-
visible qui me semble entraîner le ministère. et nous-mêmes vers
des abîmes où, selon l'énergique expression de notre honorable


Inutilement des
ddee Chauvelin, tout peut périr, excepté la nation.


faveur de 1, éloquentes qui s'élevèrent tant de fois en.
en


la voyauat st,osyealuerted, vous parient aujourd'hui de ses dangers,
pouvoir


invisible
de la nation. Tout cède à cette fatalité d'un


la raison puigque
ui, ne prend plus même la peine de s'adresserà


p-Ernéepoarreé qpnoetil gr t'uns' triom phe,


et marche silencieusement vers son but.
etdc,ette . faction dominatrice aura tout


féconde de c. , un
par sans doute, mais source


el'
...Lites Imur la patrie, et d'éternels regrets pour




( 42
)


ceux qui, par imprévoyance ou par faiblesse , lui auront servi
d'auxiliaires.


C'est en considérant les biens qu'on a perdus par sa faute qu'on
en sent mieux le prix. Voici le compte que nous pourrons rendre
à nos commettons.


Vous nous aviez confié le soin de défendre la liberté indi-
viduelle, nous avons renoncé pour vous à ce droit naturel et
constitutionnel.


Nous étions chargés de conserver la liberté de la presse, nous
en avons fait la concession au ministère.


Vous étiez en possession d'un droit de pétition qui souvent
consolait au moins les malheureux opprimés, quand des voix
généreuses prenaient ici leur défense, gnitoujourséclairaitle gou,
a:.neinent sur la conduite de ses agens et quelquefois sur les:


dangers de sa propre situation, nous avons réduit ce droit cons-
titutionnel en un vain simulacre.


Cent cinquante députés d'entre nous tenaient l'honneur de
leur mission d'un droit électoral dont cependant nous avons cru
devoir vous déposséder pour remplacer ici les députés des grandes
majorités par les députés des minorités aristocratiques les plus
exiguës.


Les règles à fonder pour établir une bonne comptabilité na-,
tionale, les principes législatifs à émettre pour l'économie de la,
fortune publique, étaient dans le voeu de nos commettans , noue
les avons ajournés à la voix d'un ministère qui a promis de réa-
liser d'autres espérances.


Le principe de l'inviolabilité de la charte était encore en hon-
neur avant l'ouverture de la session, nous l'avons abandonné,
pour le principe apparemment plus sûr, plus national d 1171 ar-
bitraire de confiance; mais les atteintes que la charte a reçues.
sont. encore peu de chose en comparaison de cette doctrine da:
pouvoir parlementaire absolu érigé par le ministère lui-même
en dogme politique. L'instrument propre à démolir l'édifice,
constitutionnel est maintenant trouvé le nouveau code électoral
amènera les ouvriers destinés à compléter cet anéantissement
des doctrines libérales tant recommandé par la circulaire n.035,.
et dont le principe est dans la charte.


Voilà, messieurs , l'esquisse rapide de nos travaux; si j'en:
juge par mes sentimens personnels, nous nous flattions d'obtenir.'
d'autres titres à la reconnaissance publique. Mais la pétition de
M. de Montjau donne le secret de cette grande déviation de la
ligne constitutionnelle. Le gouvernement invisible dont elle at-:
teste l'existence est la clef qui nous introduit dans le dédale


( 4.3
d'erreurs politiques , de contradictions personnelles, d'atteintes
à nos libertés, de violation de la charte , de rejet de toute idée
d'améliorer nos institutions et d'en fonder de nouvelles, de
projets destructeurs des deux lois les plus fortes du régime. cons-
titutionnel, parce qu'elles étaient les plus conformes aux moeurs
et à l'esprit de lanation, celles sur le recrutement elles élections;
de cette guerre déclarée aux doctrines libérales ou constitu-
tionnelles (c'est la même chose ) dans des adresses où l'on re-
trouve l'esprit artificieux de la circulaire 11. 0 35.


Lorsque le ministère brise cette honorable et libre majorité
qui le soutenait en 1819 dans les voies constitutionnelles, et
qu'il repousse les nouveaux alliés que la modération du carac-
tère appelait à grossir cette majorité qui pouvait conquérir
tonte l'opposition actuelle, l'on sent bien par quelle fatalité
sont dirigés ses efforts pour constituer péniblement une nou-
velle majorité purement numérique , composée d'élémens au-
paravant opposés , et qui seront toujours dissemblables , en
attendant qu'après la victoire ils deviennent ennemis. Lorsque,
dans une assemblée essentiellement délibérante, on arrive à ce
Point de faire voter une majorité silencieuse sur les plus grands
intérêts de la patrie, rois reconnait encore la présence d'un.
ruvoir invisible, ennemi des discussions, où la pensée peutetre trahie par la parole.


Telles sont, messieurs, les idées que m'a fait naître la péti-
tion de M. de Montjau. Son rang dans la magistrature, son ca-
ractère personnel, que l'on dit être fortement prononcé pour la
dynastie de nos Fois, la fermeté de son récit, le calme de ses
expressions, la conviction dont il parait pénétré, l'offre de
prouver légalement toutes ses assertions , la nature des. faits
qu'il avance , l'énormité des crimes qu'il dénonce, le danger
des projets qu'il révèle, l'appel qu'il fait à la notoriété publique
comme garantie de sa véracité, la concordance de ce qu'il dit
apvrecsscioenqsulier nlesu sesvionyiotsns , tout cela doit faire une profonde im-


-Vous ne pouvez , messieurs, rester spectateurs indifférens
d'une impunité scandaleuse de tant de crimes dénoncés; vous
anuesspioue\l-lenzeiêntile.e dteniTiinosraimpassibles des progrès d'une faction
publiques.


L'existence
royauté constitutionnelle que des libertés


des circulaires


des seule


e de cefort pour arracher


pouvoir secret , qui agit par
et


ne


veut pas l' n


bannir,


esco(mu-s. xtraordinaires, qui se sent assez
c ier de son poste un ministre du Roi, si S. M.


.nt ne manque jameis la a,. ric
he pour quese déc are, • sse ric


à ses projets. qui se vante de faireargent




( 44 )
servir le ministère d'instrument à ses desseins; l'existence
d'un tel pouvoir annonce que nous ne vivons plus sous un
gouvernement constitutionnel , mais sous l'influence revisoire
d'une conspiration contre l'autorité royale


la constitution.
En provoquant pour le passé la punition des attentats de


Nîmes et d'Uzès , vous rassurez le présent, vous fbrt ifiez l'avenir.
Espérons que les lois seront vengées , et que bientôt l'un de nos
ministres, heureux imitateur clu consul romain , viendra nous
dire à cette tribune, que les nouveaux Catilina ont vécu.
Vous appellerez l'attention du gouvernement sur l'existence
de cette faction qui tend à le subjuguer lui-même, et sur les
dangers auxquels elle expose la monarchie constitutionnelle.


Si le ministère hésitait encore dans sa marelle pour assurer
aux lois leur empire et pour comprimer la faction, vous auriez.
un moyen de salut dans un recours direct à la sagesse du prince,
qui toujours s'est montrée supérieure aux difficultés dans les




grandes crises de la patrie.
Dans ces circonstances, je propose, 1. 0. Le dépôt de la pé-


tition au bureau des renseiinemens , afin de la faire servir de•
base à de nouvelles mesures, si celles que vous adopterez pour le:
moment étaient insuffisantes ; 2-0 l'envoi de la copie de la pétition'
au président du conseil des ministres, afin qu'il puisse accomplir
son devoir, de provoquer la répression des crimes dénoncés,
d'approfondir tout ce qu'il y a de réel dans cette conspiration
contre la royauté et la liberté ; de rendre compte à S. M. des•
dangers de notre situation actuelle; I o la lecture de, la péti-
tion à cette tribune , pour éclairer l'opinion publique , et'
pour que les faits que la pétition révèle ne puissent être dé-




naturés.
M. Chabaud--Latour appuie l'avis de la commission.
M. le général Sébastiani. Quand l'existence d'Un gouverne-


ment secret a. été dénoncée à la Franco entière, la question est
de savoir si cette existence est réelle, ou si elle est imaginaire.
Ici la vérité est difficile à connaître ; cependant, par une in-
vestigation faite avec soin, nous pourrons retrouver toutes les
traces de ce double gouvernement. Je remonte donc à une
époque peu éloignée ; nous y trouverons des notes secrètes
avouées par un parti , que ce parti avait faites , qu'il


• avait ;
adressées aux puissances alliées, et que les puissances alliées
ont repoussées avec dédain. Ce parti travaille ouvertement pour
parvenir au rétablissement des priviléges et de la monarchie
absolue. (Des murmures interrompent à droite.)


Des lois d'exception ont été votées, et une loi, que j'app.ele.


( 45. )
serai conspiratrice, vous a été présentée à la suite de deux lois
qui nous ont déjà privé des libertés les plus précieuses. (De
nouveaux murmures interrompent. ) On discute maintenant
cette loi dans l'une de vos commissions, avec une sorte de pré-
cipitation qui nous effraie; elle sera bientôt apportée à cette tri-
bune, et alors- vous aurez consommé ce changement qui ,
quoique légal, n'en sera pas moins funeste à la France, parce
qu'il opérera le renversement de l'ordre constitutionnel.


Un ministre est tombé, ainsi que l'avait annoncé la circulaire,
adressée à .Nîmes. Ce ministre fut dénoncé ici : la dénonciation
fut retirée par son auteur , sur le motif que ce ministre était
tombé. S'il n'existe pas quelque coïncidence dans cette marque,
si ce rapprochement ne frappe pas cette chambre , j'en appel-
lerai à la notoriété publique, au ministère lui-même ; je lui
.demanderai si, depuis quatre années, ce gouvernement invisible
.ne lui a pas été dénoncé, s'il n'a pas pris des mesures contre
cette organisation secrète, s'il n'a pas reconnu que ces mesures
étaient insuffisantes. Cependant, comme l'organisation de ce
parti était inconstitutionnelle, elle pouvait être comprimée.
Aujourd'hui il prend une attitude menaçante, et marche le
front levé vers le but qu'il se propose d'atteindre ( Voix ci
gauche : Oui! oui! Bien ! bien ! ) Si le ministère n'a pas la pré-
voyance qui lui est nécessaire, s'il lui manque toute la fermeté
dont il a besoin pour déjouer de si coupables projets, qu'il
abandonne les rènes qu'il tient d'une main incertaine, à des
hommes capables de résister aux partis, d'assurer l'ordre cons-
titutionnel en France, de faire prospérer la monarchie et triom-
pher le Roi, en asseyant son trône, d'une manière inébranlable,
sur des bases constitutionnelles.


En me résumant, je demande que la pétition soit renvoyée
aux ministres de l'intérieur et, de la guerre. Je demande surtout
le renvoi au ministre de la guerre, parce que ce ministère tient


jtoutes
parti.


les
.


promesses qu'unjournal nous a dit avoir été faites à
un


vous regarde (
pMa su! rrJue rle s dàedroite


Plusieurs voix : Cela ne


dont j'aperçois ici quelques-uns, ont été obliges d'abandon-
des fonctions
"11 " ,


e, pa


ées


rce


p qar


ue


un


pl


e


u


longu


sieurs


e cargénérière


raux,




q


d'abandonner.


tandis que ceux
étaient honor




envahir


a
x qui


p ur ainsi dire étrangers à l'armée
viennent


voulez? ) Non




places qu'il ne fallait donner qu'aux


Isieen‘liocuelsov uns


e


qu e


s .. .. ......(.... ...oz........ gx d droite : Sont-ce des places que vous


d


, messieurs, nous ne voulons pas de places ; nous


charges , de tous les
justice, que le partage égal de toutes les


c ar
s angers , de toute la gloire qu'il y a à dé-




( 46 )
Yèndre un gouvernement constitutionnel. (Très-vif mouvement
d'adhésion à gauche. )


M. Lainé combat longuement le général Sébastiani, sans
traiter la question des faits allégués dans la pétition.


On demande à aller aux voix.
M. Benjamin-Constant réclame la parole.
Plusieurs voix On est d'accord sur le renvoi..: Aux Voit !


.:aux -voix '
D'autres Laissez parler !... laissez parler'




M. Benjamin-Constant. Un pouvoir invisible existe, il pro--
tége les manoeuvres qui émanent de son sein. Ai-je besoin,
m essieurs, de vous rappeler que long-temps il a existé un
journal qui provoquait à tous les désordres, un iournal clandestin,
le Moniteur royal, qui jamais n'a été arrêté ni puni ?


On fait un crime au pétitionnaire de ne point s'être adressé
à l'autorité locale ; mais on oublie que les autorités on t é té im-
puissantes pour prévenir ou pour réprimer les crimes qu'on
vous dénonce. Un homme dont je suis forcé de prononcer le
nom à cette tribune, Trestaillon , a été mis en jugement à
-Riom , parce qu'on savait qu'à Nîmes il serait acquitté.


Un membre de la chambre des pairs (M. Lanjuinais) a dé-
noncé des associations secrètes; et bien que, parégard ponde pou-
voir invisible, un ministre l'ait désavoué, le fait n'en est pas moins
resté constant et prouvé. On sait généralement qu'elles existent ;
leur organisation e même été rendue publique: D'on vient donc
cette chaleur à nier maintenant jusqu'à leur existence ? A une
époque antérieure, le ministère avouait qu'il y avait beaucoup
de maux à réparer ; que le bien ne pouvait s'opérer que lente-
ment, parce que le pouvoir invisible s'y opposait ; et il faisait
cet aveu quand tout tendait à une amélioration graduelle; à
présent il soutient, au contraire, que la France est tranquille et
heureuse, et qu'il n'y a plus de maux à réparer. Il le soutient parce
que la marche est rétrograde, et que tout tend à nous replonger
sous le gouvernement occulte que le pétitionnaire dénonce.


Messieurs, l'action de cette puissance invisible se fait sentir
dans toutes les occasions. Depuis l'esclavage des journaux, les
feuilles censurées sont restées quelques jours dans un état de
neutralité ; lorsque tout-à-coup, comme entraînés par une puis-.
sauce, nous avons vu des feuilles dont le ministère a pris sur
lui la responsabilité , décla rer qu'on voulait la contre- révolution
entière, la contre-révolution morale , et la contre-révolution
matérielle aussi complète que le permettraient la volonté ou les
promesses du Roi. (Des murmures s'élèvent à droite. On s'écrie :


n 47 )
.Non ! non, —(r./ ,fil and nombre de voix d gauche : C'est
vrai ! c'est vrai !...) Messieurs, j'ai ce journal sur moi au moment
où jeLa vous


pétition der M. Madier vous dénonce, à vous, au Roi, à
la France entière, les menées les plus coupables et les plus
dangereuses. Oui, sans doute, il faut la renvoyer à tous les


;istresn mais nous ne devons point nous borner à cette for-mi
analité. La charte nous donne le droit de faire une humble
adresse au Roi, quand nous croyons que les ministres ne peu--
vent plus faire le bien ni empêcher le mal. Dans cette adresse
nous dirons au Roi : Sire, les députés des départernens , les
citoyens de toutes les parties de la France , n'aspirent qu'à se
réunir autour du trône : ils veulent votre règne, Sire ; ils veu-
lent vivre sous l'empire de la charte et de vos lois. Inconsidérés
et irnprévoyans, vos ministres cèdent à une influence désas-
treuse; un pouvoir mystérieux les égare et accable VOS sujets
que 'Votre Majesté daigne nous délivrer de cette force invisible,
qui n'est ni légale ni constitutionnelle, qui ébranle le trône et
menace la liberté. Voilà ce que nous oserons représenter res-
pectueusement à notre monarque constitutionnel. Mais poli
motiver cette adresse en connaissance de cause, je demande
que la pétition de M. Madier soit lue à cette tribune, et
qu'ensuite elle soit imprimée et distribuée.


Un grand nombre de voix de la gauche appuient cette
proposition.


Le ministre des affaires étrangères cherche à affaiblir les
faits avancés par le pétitionnaire , et se plaint qu'il ne se soit
pas adressé directement à la justice.


M. de Chauvelin. Je demande la parole contre la clôture...
Messieurs, une nouvelle demande vous est faite, c'est celle de
la lecture de la pétition; elle avait été d'abord réclamée par
M. Devaux 5 depuis , personne n'a rien dit qui eût trait à cette
propos i tion,
c Ial nb e r


e o entn
elle


a-t
est denature à être débattue. Peut-être la


les yeux.... elle la nécessité d'avoir cette pièce sous
voix : Elle est imprimée '


ll 1 ' ' d' '
(Des murmures s'élèvent à droite


Plusieurs
développe la nécessité de cette impression;


des; il y a de plus d
observations à
'


) Il est possible qu'un orateur


droite : Parlezl
a
ez d


aire a l'égard de ce qu'a dit M. Lainé... ( Voixd
contre I


présente cntr donc sur la clôture '.) C'est un motif que jeptration de M. clôture. Dans cette discussion, messieurs


préoccupé


a indiquédesi obstacles actes très-remarquables de Padminis:on
aine. Ces actes ont prouvé combien il était


os ac .es qu'il éprouvait , obstacles dans lesquels




( 48 )
ii reconnaissait des dangers qu'il ne parait plus trouver existans
aujourd'hui. Vous vous rappelez que dans la discussion des fonds
secrets du ministère de la police générale, il a dit , en cou-
vrant le ministre de sa défense, que les fonds secrets étaient
d'autant plus nécessaires, qu'ils étaient souvent employés à
dissoudre des associations secrètes elles-mêmes. Il s'agit encore .>
aujourd'hui d'associations secrètes , _nous pouvons desirer en-
core d'utiles explications. Je demande que la discussion continue,
et j'appuie la demande de l'impression de la pétition. ( Voix à
gauche : Appuyé ! appuyé ! )


On demande de nouveau la clôture de la discussion.
Le président consulte la chambre. La droite, le centre de


droite et la majorité du centre de gauche se lèvent. — La
gauche et l'autre partie du centre de gauche se lèvent à la
contre-épreuve. La chambre ferme la discussion. Des récla-
mations s'élèvent à gauche. (Plusieurs voix : Une nouvelle
épreuve !... il y a du doute !) ( Voix à droite : Non ! non !...
la chambre a délibéré ! .... ) Le général Foy et M. Casimir
Ferrier : Eh bien! l'impression du rapport de M. Saulnier


La chambre ordonne le dépôt , à la majorité formée .de la
gauche, du centre de gauche, et de quelques membres de la
droite.


La chambre ordonne, à une grande majorité , l'impression
du rapport de M. Saulnier.


Séances des 26 et 27 avril.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur
les douanes.


La chambre adopte la partie du tari frelative aux aciers.
La discussion s'établit ensuite sur l'article du tarif concernant


les droits des sucres à l'importation. M. Basterrèche demande
une diminution des droits en faveur des sucres importés des co-
lonies françaises. MM. Benoit, Lainé, de Villèle, Laisné de
Villevéque, traitent successivement la même question. La
chambre rejette l'amendement de M. Basterrèche.


Le projetai° loi proposait d'admettre les cachemires et tissus
étrangers à raison d'un droit de vingt pour cent ; la commission
proposait le maintien de la prohibition existante. Cet avis est
appuyé par MM. Turkeim , Delessert et Morgan de Belloy. Le
directeur-général des douanes conteste cet avis en s'en rappot-
tant à la sagesse de la chambre, qui maintient à Pu nanimité les
principes de la prohibition absolue.


i 49 )
Séance du aS avril.


M. Bedoch, au nom de la commission des pétitions, rend.
compte de trois pétitions adressées à la chambre par les sieurs
Pinot, Gallay et Le Joyand, contenant dénonciation contre le
duc Decazes, alors ministre de l'intérieur. Après avoir observé
que deux de ces pétitions sont semblables et paraissent être
faites par le même individu, le rapporteur ajoute :


Aucun fait positif n'est articulé : ce sont des accusations gé-
pérales, vagues et insignifiantes, dictées moins par l'amour du
bien public que par l'esprit de parti, et qui ne peuvent produire
d'autre effet que celui d'aigri




les esprits, d'exalter les passions
et de perpétuer les haines et les dissentions. J'ai en conséquence
l'honneur de proposer à la chambre, au nom de sa commission ,
de passer à l'ordre du jour sur les pétitions des sieurs Pinot,
Gallay et Le Joyand.


M. Benjamin-Constant. Messieurs, je viens m'opposer à
l'ordre du j our, et vous demander une autre décision sur la pé-
tition du sieur Le Joyand.


Si la pétition dont nous sommes saisis est émanée d'un pou-
voir occulte, il n'est pas impossible qu'en prenant des rensei-
gnemens sur le pétitionnaire, nous ne parvenions à remonterjusqu'à ceux qui l'ont mis en mouvement. Nous trouverons peut-
être quelqu'affinité entre ce pétitionnaire, qui demandait l'ex-
pulsion de M. Decazes, et ceux qui écrivaient, dans la circu-
e
laire no


34, nous arracherons d'auprès du trdne le ministre
vori; peut-être en trouverons-nous aussi entre sa demande etl'accusation portée à cette tribune. Enfin, sans vous fatiguer de


l'énumération incertaine des découvertes que nous pourronsfaire, nous tenons peut-être dans cette pétition uu fil qui tout
exigu qu'il semble, conduirait, par beaucoup de détours, jus-qu'au centre du labyrinthe.


-Vous avez tous senti de quelle importance serait une révéla-tion de ce genre. Vous avez renvoyé, dans cet espoir , la pétitionde Nîmes au président du conseil; vous en avez ordonné. Pi ni-pression , vous
en avez ordonné le dépôt au bureau des rensei-gnemens. Ordonnez le même dépôt pour la pétition actuelle :elle cadre d'esprit


;lires cell
elle


e de
eut


d'intention avec les circulaires mentionnéesdans
e


servir
Ma


dià
er; elle est une appendice de ces circu-


se les expliquer. Les orateurs de toutesles opinions ont reconnu que ce serai t un grand bonheur pourla France, que la découverte du vaste complot qui menace etIfT.
4




( 5e )
l'indépendance du trône et les libertés de la nation. Tous ont
avoué que ce complot, s'il existe, est un véritable crime, un
crime de lèse-ma jesté, une machination contre la sàreté de
l'état ; ne négligeons donc pas le plus petit indice.


Quelle satisfaction pour nous, mes collègues, si , parvenant
enfin à mettre en évidence la source de tant de maux , nous
pouvons proclamer cette vérité consolante dont j'ai toujours été
convaincu , que cette source est tout-à-fait étrangère à notre
gouvernement constitutionnel; qu'à elle seule remontent et les
inquiétudes qui agitent la France, et les projets désastreux qui
la menacent; que ce n'est point un pouvoir légal, niais un pou-
voir occulte qui veut, par d'incrovables astuces, détruire le sys-
tème représentatif, en assurant le . triomphe d'une imperceptible
minorité sur les choix de la majorité nationale; que c'est ce
pouvoir occulte seul qui, dans ses combinaisons naïvement ty-
ranniques, veut, par des projets subversifs de nos institutions les
plus sages, faire prévaloir une loi sur cent, dix voix sur mille!


Par ces motifs, et. dans l'espoir que l'examen <le cette péti-
tion, dévoilant le secret des calomnies qu'elle renferme et de
toutes les calomnies de ce genre, nous procurera des lumières
précieuses sur la faction qui met en péril la monarchie et la
charte, je demande le renvoi au président du conseil des minis-
tres et le. dépôt au bureau des renseignemens.


Le ministre des affaires étrangères appuie l'ordre du jour pro-
posé par la commission.


On demande à aller aux voix sur les coclusions de la com-'
mission.


M. Manuel. On se plaint de ce qu'on rappelle ici l'existence
d'un double gouvernement, d'un gouvernement occulte ; mais
pourquoi cette plainte? Est-ce que, par hasard, le ministère ne
sentirait pas toute l'importance de cette question? est-ce qu'if
ne desirerait pas que les circonstances missent sous ses yeux
des faits nouveaux, capables d'éclairer davantage dans la re-
cherche de la vérité? J'en suis tellement convaincu , que, puis-
que l'occasion s'en présente, je vais offrir à la chambre quelques
documens qui peuvent encore achever de fixer son opinion se,
la probabilité des faits énoncés dans la pétition de M. Madiet
de Montjau.


En effet, dans la discussion qui a eu lieu, on n'est pas sort,
du cercle que M. Madier de Montjau avait tracé dans sa péti •
tion. C'est par ce qui s'est passé à Nîmes et dans le département
du Card qu'on a essayé d'établir l'existence du gouverneme'
occulte. Et cependant, si j'eu crois des renseignentens qui so01


( .51 )
survenus depuis, ce n'est pas à Nîmes seulement que ce gou-
vernement s'est présenté. Les départemens de l'ouest ont été,dans des circonstances remarquables, le théâtre d'opérations,


plus ou moins formels qui semblent n'attester que trop
l'existence de ce pouvoir inconstitutionnel. J'ai sous les yeux
des lettres écrites par un chef vendéen le a4 septembre i815,
lorsque le Roi constitutionnel était dans sa capitale, et qu'il
avait pris l'exercice de tout son pouvoir. ( Des murmures s'élè-
vent à droite. Plusieurs voix : Que venez -vous.parler de 1815?)
Je vous engage, disait-il dans une circonstance, à observer les
coquins de , les jacobins qui tiennent des concilia-
bules; si vous vous apercevez de quelque chose, amenez-les-moi ,
et j'en ferai mon affaire Cet homme n'avait aucune existence
légale ; il n'était qu'un ancien chef vendéen. Voici ce qu'il écri-
vait :_ M. le commandant de la garde national,' royale de l'ar-
rondissement- des Sables, d M. le chef de légion du canton de
Moutiers-les-Maudits et de Talmoine. cc A u quartier-général
de Saint-Jean-det-Mons, le 24 septembre 1815.


D, Monsieur, il est vrai que j'ai fait un rassemblement. dans ladivision des Marais, et que j'ai réuni douze cents hommes pour
forcer les autorités supérieures à élaguer des places toutes les
personnes qui pouvaient être contraires aux intérêts de notre
bon Roi ; je n'y ai pas donné de suite, par la promesse qui m'a
été faite qu'on s'occuperait vivement de les remplacer par de
vrais royalistes. Je ne vous cacherai même pas, monsieur, que
si sous quinze jours il reste encore dans les places de ces mons-tres d'iniquité qui ne cherchent à se maintenir que pour trahirencore, je rassemblerai les braves gens que je commande, etqui ont la plus grande confiance en moi, et je marcherai à leur
tête pour que justice soit faite. J'ai l'honneur d'être, monsieur,
votre très-humble serviteur, etc.


M. de Maccartlzy. Son nom? On ne peut citer des faits de
cette nature sans nom nier la personne.je Si c'est là le voeu de ceux qui m'interpellent,
lcietéqupecndlri.ussaeeiten,eiecsiet l:c.11. le baron de Maynard. Voilà ce qu'écrivait,


faisait un homme qui n'avait aucune qua-
, .et


administration. Plus tard, au mois denovembre 18 1 6 ,
le même chef vendéen avait Fait une procla-


mation qu'il adressai en ces termes au commandant de la
,•nrdeIn‘alotizle9 :2140 b. le général Caillier. commandant le dép art -ment de la yeedelneirre,:e


8di 6B.bourbon Vendée. cc Saint,lezta-de-
u Monsieur,


vous 4-ouverez. ci-jointe une prockuun;ion que




( J L )
vous lirez à la tète de la garde nationale royale, dans les dile-
rens endroits où elle se réunira. Je suis parfaitement votre dé-
voué, le chevalier baron na MAvaAnn. »


PROCLAMAI'ION.
« Personne n'ignore que vous êtes comptés au nombre des


plus dévoués et des plus braves soldats de la Vendée. Cette no-
ble réputation, que vous avez si justement méritée, me donne
l'assurance que vous resterez toujours aussi fidèles aux prin-
cipes que vous n'avez cessé de l'être, même dans les temps les
plus désespérés de la révolution ; on ne sait encore ce qui peut
arriver, malgré qu'il soit facile de le prévoir, d'après l'attitude
de nos implacables ennemis, qui s'agitent en tons sens pour
faire prévaloir leur infâme parti ; et pour cela, ils font jouer tous
les ressorts de la plus noire perfidie, afin d'énerver notre cou-
rage et ébranler notre fidélité ; mais ils se trompent : les bi-aves-
qui out toujours été tout à Dieu et au Roi , ne cesseront de
l'être jusqu'au dernier soupir, et, loin de les séduire par leurs
discours fallacieux, ils ne font qu'aigrir et augmenter, s'il est
possible , le souverain mépris qu'ils leur portent. Déjà beaucoup
de royalistes timides et trop intéressés , craignant de perdre
leurs places ou de ne pas en obtenir, se sont laissé gagner par
de finisses apparences, et servent, en le prêchant partout, le
système de la faction .Je vous demande, nies braves compagnons
d'armes, quels sont ceux qui doivent vous inspirer plus de con-
fiance, de meilleurs royalistes que nous, ou de ceux qui s'ou-
blient entièrement, depuis la révolution, pour la cause sacrée
de l'autel et du trône?


» Jetez les veux sur la vie privée de ces royalistes de circons-
tances, vous verrez des gens ambitieux, échafaudant leur for-
toue sur celle des malheureux; d'autres de la plus scandaleuse
impiété ; et d'autres enfin qui, parvenus au dernier degré du
crime, qui ne laisse aucun remords, ne craignant même pas lajustice qui tôt ou tard éclatera sur eux, par la raison que lecrime ne reste jamais impuni, de même que la vertu trouve
toujours sa récompense , si ce n'est dans ce monde, dans la
bienheureuse éternité!
• n Non! jamais leurs insinuations n'auront prise sur les vérita-


bles serviteurs du Roi , et s'ils nous obligent à marcher une
dernière fois contre eux , je jure sur mon Dieu , seul maître que
je craigne, et sur mon épée , que je saurai , s'il le faut , mourirà votre tête , mes chers amis, plutôt que de mettre bas les
armes avant que tout soit rentré dans l'ordre le plus parfait !


( 53 )
Ft vous, mes braves compagnons d'armes, promenez-vous de
ne jamais m'abandonner, et de mourir avec moi, ile,uflitsudt;
pour la cause sacrée de la légitimité ? Vive le Roi .
toute la plénitude de notre coeur. Le 8 novembre 1816.


» P. S. Vous voudrez bien copier la publication ci-jointe, et
l'adresser à chacun de vos chefs de bataillon, pour qu'ils sui-
vent les dispositions ci-dessus. »


Voilà ce qu'on disait au mois de novembre 1816 , ce que di-
sait un homme qui n'avait aucun pouvoir, si ce n'est celui qu'il
tenait encore de son ancien commandement des troupes royales
dans les temps de guerre civile; voilà ce qu'il importe de fixer.
J'ai entendu dire : Qu'est-ce que cela signifie à cette époque?
Je dis que cela signifie beaucoup, parce que depuis le 8 juillet
le Roi était rentré à Paris, et avait repris l'exercice de son pou-
voir constitutionnel. Ce n'est pas seulement au mois de septem-
bre ,815, mais encore au mois de novembre I 816 , que de tels
actes ont eu lieu.


Il est vrai que je dois ajouter que le gouvernement, effrayé
de pareils attentats, essaya de prendre des mesures pour les
calmer. M. de Maynard fut mandé à Paris; mais je ne sais pas par
quel résultat, par quelle combinaison il arriva que le même in-
dividu qui avait été forcé de venir dans celte capitale pour v
rendre compte (le sa conduite, retourna paisiblement dans là
Vendée, avec un dédommagement des frais de son voyage.


Ce n'est pas le seul fait qui puisse avec quelque Succès être
mis sous vos yeux. Un autre individu, ancien chef vendéen ,
ancien percepteur des contributions, avait été poursuivi et des-tbi iteun,épour des causes extrêmement graves, et qu'il est
de dire, parce qu'elles ne se rattachent pas à la politique.


cet homme, à l'époque de sa destitution, reçut un trai-
tement de la maison du Roi; la preuve en est dans une lettrequi lui a été écrite en ces termes : cc Le directeur-général avantle port


efeuille du ministère de la maison du Roi. a l'honneur
de prévenir M. de..... que. Sa Majesté vient de lui accorder sur
sa liste civile le traitement dont l'a-vis officiel sera expédié aussi-
tôt qu'il aura bien voulu adresser audit ministre un extrait au-


oa
t mutique et bien régulier, quant à l'orthographe des noms, deson acte de ni


du R
e osais


i?
B


doT


bienJ


naissance L,ance annexé au présent avis. »( m


ne (levons faire


L'accusation porte-t-elle contre la maison


porter atteinte an R
o


i ne




qu'oie






manquera pas de prétendre que nous
connaître aucun fait, plus on moins grave, sans


lui-même. Ainsi, à une dernière séance.




( 54 )
on vous a dit que par cela seul qu'on attaquait le ministère, on
attaquait le gouvernement du Roi ; mais depuis long-temps on
a fait justice de pareils subterfuges. Tout le monde sait bien
que le nom sacré du Roi doit rester étranger à nos discussions,
non-seulement quand on se plaint du ministère, mais encore
quand on le loue; qu'il faut voir le gouvernement hors du nom
du Roi, et que ceux-là même - qui cherchent chaque jour à
prouver qu'ils sont les défenseurs de la prérogative royale, de-
vraient être les premiers à sentir qu'on ne peut la défendre
qu'en isolant son nom de son gouvernement. Dans votre sys-
tème , on accuserait donc le Roi toutes les fois qu'on accuse un
acte de son gouvernement; et lorsqu'il s'agit aujourd'hui de vous
proposer la subversion de toutes vos libertés, voit-on que le
nom du Roi soit prononcé? tous les reproches ne s'adressent-
ils pas à ses ministres? Il en est de même ici : il s'agit d'une
pension qui aurait été donnée par le directeur de la maison du
Roi , pension accordée sur la liste civile. Qui parle ici d'élever
un reproche contre le Roi? Le directeur de sa maison aura peut-
être été, trompé lui-même.... (Des murmures éclatent à droite.
M. de Maccarthy : Il n'y a pas de faits allégués contre lui!
M. Manuel. Il paraît qu'on me répond de sa place. M. Be-
nnist : On n'est pas sûr d'avoir l'occasion de parler après vous ,
voilà pourquoi on répond de sa place. )


M. Manuel. Ces interruptions sont d'autant plus dépour-
vues de fondement, que nous n'avons jamais empêché aucun
orateur de ce côté d'obtenir la parole. Vous aurez la faculté de
répondre ; je ne sache pas qu'on puisse nous faire le reproche
d'avoir interdit la parole. (Mouvement d'approbation à gauche.)
J'ai dit de manière à être compris qu'il ne s'agissait pas ici d'ac-
cuser le gouvernement lui-même mais le gouvernement oc-
culte. Les faits achèvent de justifier le principe établi, quand
on voit d'une part destituer un individu et presque de la même
main lui donner des récompenses..... (Un vif mouvement in-
terrompt à droite.... Une foule de voix : Vous n'avez rien à
voir sur l'emploi de la liste civile !... )


M. de la Boui donnaye . Je demande la parole pour le rappel à
l'ordre de l'orateur. Je ne conteste nullemcnt qu'un membre n'ait
le d roit d'émettre son opinion sur les actes d'un ministre respon-
sable;nsaisnul ne peut exercer le même droit de surveillance sur
l'emploi des fonds de la liste. civile. Le Roi n'a aucun compte à
rendre de cet emploi , il en dispose suivant sa sagesse, sa mu-
nificence el. sa justice. L'orateur est donc sorti à-la-fois et
des bornes de la question dans laquelle il devait se renfermer,


( 55 )
et du cercle de nos attributions constitutionnelles. Je demande
son rappel à l'ordre. ( Cet avis est fortement appuyé à droite.)


M. Manuel. Toujours même tactique , toujours même sys-
tème ; comme s'il était possible de pervertir des paroles aussi
claires et prononcées devant un auditoire aussi nombreux ;
comme si tous ceux qui m'entendent n'avaient pas bien compris


r. •que je n'avais fait qu'ex poser un fait , comme pouvant servir ,
ainsi que tant d'autres, à éclairer la question qui s'agite ! Je n'ai
pas cherché à envenimer le frit; ajouté que la chose pou-
vait être l'effet d'une surprise, sans entendre accuser personne.
La chambre, la France entière en portera le jugement qu'elle
trouvera convenable. Ce fait m'est fourni par ceux que j'ai l'hon-
neur de représenter plus particulièrement ; je l'expose; s'il est
insignifiant, on n'y aura aucun égard; s'il pouvait: aider à éclai-
rer l'opinion sur ce qu'on appelle l'existence d'un double gou-
vernement, il ne sera pas perdu. Voilà dans quel esprit je voua
ai exposé ces faits. Si j e n'en cite pas un plus grand nombre, ce
n'est pas qu'ils me manquent.


Ainsi voilà des faits qui se sont passés en 1815 et en iS16...
(L'orateur est interrompu par les cris de la droite. On a demandé
le rappel à l'ordre.)


M. de Villèle. Je tiens bien moins, messieurs, au rappel à l'or-
dre qu'à saisir cette occasion de vous faire remarquer combien
on abuse ici de la liberté de la tribune, lorsqu'on vient vous dé-
noncer l'existence de ce qu'on appelle le gouvernement occulte,
et lorsque , pour preuve de l'existence de ce gouvernement, on
vient vous citer un acte personnel du monarque. II est essentiel de
fixer votre attention sur ce point, pour qu'on sache bien l'in-
tention de ceux qui se permettent. de telles attaques , et pour
qu'on voie bien jusqu'oà l'on peut aller. A quoi se rapporte ici
cette accusation de pouvoir occulte? à une pension donnée par
le Roi à un percepteur de contributions. Je n'ai rien à ajouter
à ce rapprochement. Il est évident qu'il y a des actes du g/sli-


p/meule:1'i qui ne conviennent pas à l'orateur; mais il ne peuts spél;sernefrra à es: nsrpé rcot gt oeorin neme ,e,no. tu spca(t,eniii.ti ei:ot upralses daittteascilltee
au gouvernement qu'il nomme occulte. Il serait à desirer qu'onlvt


lesonels noPuresne'7' pas occasion pour accuser
des actes du Roi, sur


.M
jkdocA J


irse•odemande
nsau cune surveillance à exercer.


contributions
raib


ppuetion
l _


a été d t'


l'ordre jour sur la propositiond à I ordre. De quoi s Un employé dans les
destitué pour des faits graves, et ensuite


a reçu une pension sur la liste civile; comment M. Manuel a-t-il




( 56 )
présenté ce fait? Est-ce comme un reproche? nullement ; c'est
comme un fait- Il l'a présenté comme une surprise faite au Roi
et à M. le directeur-général de la maison du Roi. Ce directeur
peut-il examiner toutes les pièces , tous les certificats? peut-il
voir tout par lui-même? ne peut-il être trompé par des subor-
donnés?... (M. de Villèle : Eh bien ! alors où est donc k
gouvernement occulte ? )


M. Berio& M. Manuel ne s'est permis aucuneimputat ion :-
il n'a pas dit que le Roi ait voulu accorder cette pension. Il est
clair qu'il n'a voulu désigner que ceux qui sont parvenus à la
faire obtenir; il n'y a hi rien de condamnable : on n'attaque ici
que les solliciteurs, les intrigans, dont aucun homme intègre
ne peut répondre de se défier constamment. Voilà ce que j'avais
à dire à l'égard de M. Manuel , et ce qu'il a dit n'est pas suscep-
tible d'une autre interprétation.


M. de la Bourdonnaye. Messieurs, de deux choses l'une,
ou l'orateur a dit une absurdité, ou il a dit une chose qui néces-
site le rappel à l'ordre. II a cité une destitution qu'il a bien
annoncée n'avoir pas de cause politique. Il dit qu'il a la preuve
de l'existence d'un gouvernement secret, et cette preuve,
elle consiste, selon lui, dans un acte de la libre volonté du mo-
narque, qui a accordé sur sa liste civile un traitement ou une
pension à lm individu, dont sans doute il avait à reconnaître
les anciens services. Ainsi, ou ce qu'il avance ne prouve rien,
ou il faudrait en conclure que le Roi serait lui-même subor-
donné au gouvernement occulte qu'on suppose. Dans le premier
cas, il y a absurdité ; dans le second, le rappel à l'ordre doit
être prononcé. ( Cet avis est fortement appuyé à droite. On de-
mande au centre la clôture de la discussion.... De violons mur-
mures s'élèvent à gauche


Plusieurs membres réclament la.
parole.... )


M. le général .Foy. On demande le rappel à l'ordre , et on
le motive sur la nature de l'acte que l'orateur e cité. Non-seu-
lement , messieurs, il a pu citer un acte, mais il l'a dû; cela
était dans l'économie de son discours; cela venait à l'appui du
système qu'il a pour obiet d'établir, celui de l'existence d'un
gouvernement occulte qui agit auprès et contre le gouvernement
du Roi. Or, si le gouvernement qui agit contre le Roi, contre
la charte , contre toutes nos institutions existe en effet, il est
bien clair qu'il ne peut exister qu'en ayant un appui dans la do-
mesticité du Roi et dans les agens de la liste eivile.I1 ne s'agit
point ici de faire intervenir le nom sacré du Roi; ce n'est pas
la première fois qu'on cherche ainsi à couvrir du manteau royal


( 57 )
des actes dont la connaissance vous est nécessaire polir établir
votre opinion sur ceux qui sont: explicitement de votre compé-
tence. Je demande que l'orateur continue, persuadé quejc suis
que nous ne pouvons que gagner à l'entendre.


M. Benoist. Un ancien chef des armées royales ayant un
emploi dépendant du ministère des finances a été destitué;
plus tard , une pension lui a été accordée par la liste civile ; et
(le ces deux actes, il y en a un que nous trouvons très-bon,
très-juste, très-digne d'éloge ; l'autre vous parait mériter la
censure et le blâme. Cependant il faut vous accorder vous-
mêmes : l'acte que vous approuvez est un acte du gouvernement.
du Roi, et celui que vous blâmez est aussi un acte du gouver-
nement du Roi; mais il vous plaît de l'appeler un gouverne-
ment occulte. Ainsi tous les actes qui vous déplairont seront
désormais des actes du gouvernement occulte, et bientôt il fau-
dra convenir que jusqu'aux présentations de loi sont susceptibles
d'être attribuées à ce gouvernement occulte. A cet égard, je
suis prêt à convenir que le gouvernement occulte est très-ma-
nifeste. Mais il n'est pas permis de distinguer entre les actes.
d'un même gouvernement pour blâmer les uns sous un prétexte,
et les autres sous un autre prétexte : c'est manquer à toutes
les convenances; c'est présenter le Roi comme libre à la tête d'un
gouvernement, et comme asservi par l'autre. Assurément dans
deux actes du même gouvernement on peut reprocher un défaut
d'analogie, une contradiction ; mais il ne faut pas les détourner
de leur source commune, attribuer l'une à l'exercice du pou-
voir légal, et attribuer l'autre à l'empire d'une faction. Voilà ce
qui est coupable; voilà ce qui mérite le rappel à l'ordre, et j'en
appuie


dangereux


la proposition.
M. Froc de la Boulaye.11 est important de ne pas donner


lieu à des antécédens de la nature de celui-ci; et c'en serait un
i ux que de laisser attaquer un acte du Roi dispo-


sant de sa liste civile. C'est la première ibis que dans cette
tolérée; personne


utile!
encore
e attaque a eu lieu, et elle ne doit pas être


tris-probablem nt i ne s'en était permis une semblable,
et c'est ce qu'a fait l'orateur. Un individu




été destitué , et


: 1e,
acte


gouvernement a fait justice. Mais après cet


à un assassin,


ssealses
contes


igno,


continent


pu faire, qu'il a eut-être dû faire,
comment


cause


a u qui a le droit de faire grâce même


se royale, et peut-être


lui contester, dis-je, le droit de recon-
naître dans le même individu d'anciens services rendus à la
battantpour


ea -etre même des blessures reçues en com-
cette cause? Com


m


ent contester à la bienfaisance.


il




( 58 )
du Roi le droit d'accorder un secours, 'une pension ? Certes
messieurs, on n'a pu se le permettre sans recevoir de cette
chambre un témoignage d'improbation ; ce témoignage, je l e
répète, n'a rien d'injurieux; il signifie seulement qu'un ora
teur est sorti des bornes qu'il ne lui est pas permis de franchir.
Il est évident que l'orateur s'en est ici écarté. J'appuie le rappel


'à l'ordre.
M. Manuel.' Vous vous attendez bien que je n'examinerai


pas la question de savoir si le rappel à l'ordre serait ou non in
jurieux. Ce qu'il y a de certain , c'est que les décisions de la
chambre m'inspireront toujours le plus profond respect ; cepen-
dant le rappel à l'ordre me paraîtra toujours plus ou moins in
jurieux suivant que je croirai l'avoir mérité. M. de la Bourdon
naye prétend que ce.


que j'ai avancé est une injure faite à la pui.
sauce royale ou une absurdité. Il me semble que j'ai assez proue
que je ne faisais pas une injure à l'autorité royale, en disant que
j'avais seulement exposé un et que je laissais à ceux qui
m'entendent le soin d'en tirer des conséquences. Mais, dit-on,
si vous n'accusez pas le Roi, c'est une absurdité.


Ce fait n'est pas le seul dont je me sois prévalu. J'avais déj
dit qu'un chef vendéen qui n'avait aucune existence légal
s'était permis de faire des actes de puissance et d'autorité
malgré l'existence du pouvoir constitutionnel. Eh bien! ce
chef vendéen, poursuivi par le gouvernement d'alors, loin
d'être puni, a cependant obtenu encore des indemnités pour son
voyage; il a été renvoyé comme s'il avait rendu un service. Je
cite un second fait ; je laisse à chacun le soin de tirer la même
conséquence que pour le premier, et d'examiner comment il
se fait que taudis que le gouvernement patent poursuit un in-
dividu et le punit pour malversation, cet individu finit par oh
tenir _une sorte d'encouragement.. Que ce fait arrive plus o
moins directement pour servir de preuve à l'existence d'un gm
vernement occulte, c'est ce que vous aurez à décider. Mais je
vous présente ces faits sans entendre porter atteinte à r
et à la probité de personne. Il est possible que ces chefs ven-
déens aient cru faire leur devoir. Il s'agit seulement d'expliquer
comment on rencontre toujours deux puissances qui se contra-
rient et qui se combattent continuellement.


Lorsqu'une note secrète a paru (murmures à droite), n'a-t-o n
pas su que le gouvernement patent aurait voulu poursuivre l es
auteurs de cette note secrète? et cependant, VOUS le savez, ils
n'ont pas été poursuivis, et sont restés tranquilles. Lorsque des
assassinats ont été commis dans un département méridional, le


r


e; •


u


( 59 )
gouvernement n'a-t-il pas essayé de les poursuivre; et cepen-
dant ces poursuites ne sont-elles pas restées impuissantes? Cette
impuissance ne s'est-elle pas renouvelée à d'autres époques?
Après les désordres de Lyon, lorsqu'on provoqua du gouverne-
ment patent des destitutions qui semblaient désavouer la con-
duite de ceux qui étaient à la tête de l'autorité, n'a-t-on pas re-
marqué en même temps que des faveurs venaient les signaler à
la reconnaissance publique? Croyez-vous que chacun n'ait pas
remarqué ces contradictions? et n'est-ce pas dans ces contradic-
tions qu'on peut chercher à s'éclairer sur l'existence d'un gou-
vernement occulte?


Voilà l'esprit de mon observation. Je pourrais continuer ce
tableau, mais je ne veux pas aller plus loin, afin de laisser à la
chambre le soin d'en tirer des conséquences, et de décider si
j'ai pu manquer à nies devoirs, à mes collègues et au Roi.


On demande de nouveau le rappel à l'ordre.
M. Castelbajac. J'insiste sur le rappel à l'ordre.... ( Voix à


gauche : Parlez ! parlez ! parlez donc!!... )
M. Castelbajac. Les actes ministériels sont du domaine de


la chambre; les ministres qui les ont signés en sont responsa-
bles; mais que vous cite-t-on ici? un fait particulier qui ne
prouve autre chose que la reconnaissance du Roi pour d'anciens
services. Que vous cite-t-on? une pension sur la liste civile,
c'est-à-dire un acte dont vous n'avez pas à vous occuper; on
s'écarte ici non-seulement de la question, mais du respect dû à
l'autorité royale. Je demande le rappel à l'ordre.


M. Benjamin-Constant. Messieurs , cet incident, ce rappel
à l'ordre ne sont suscités que pour embarrasser la discussion et
pour la détourner de son véritable point. J'avais cité des faits
graves, j'avais parlé de provocations à des actes de violence au
à propos d'un com
sein de cette capitale; on cherche à distraire votre attention, et


tient à l 'intention où l'on est de ne
. l . • "


ptable , on l'occupe pendant une heure. Cela


précieux.... pas .ous


a lbse. appro-
fondir la question véritable, et de vous faire perdre un temps


droite. )
On demandl)


e dese éclats de rire interrompent au centre et à


générale s'élève
l'ordre ! )


M. le prés az t i


gauche


l


‘ nouveau levrappel à l'ordre.... ( Une voix
: ordre du jour sur le rappel à


voix.
L 'ordre du jour a la priorité : je le mets


aux


La gauche et la majorité du centre de gauche se lèvent pour




( Go )
l'ordre du jour. — La droite, le centre de droite et une partie
du centre de gauche se lèvent à la contre-épreuve. — L'ordre d
jour sur le rappel à l'ordre est adopté.


M. Manuel reprend la parole.... On réclame l'ordre du jour
sur les pétitions. ( Voix d gauche : Laissez, laissez parler ! )


M. Manuel continue. Il paraîtrait que le gouvernement oc-
culte, à l'existence duquel quelques-uns croient, a sinon caché
tout- à-fait son existence, du moins l'a rendue sensible pendant
un certain espace de temps. Mais ce qui parait incontestable,
c'est que de nouveau il a fait éclater tout son pouvoir à une épo-
que bien déplorable, celle de l'assassinat du duc de Berri. On
vous a dit dans la séance d'avant-hier, quels étaient les signes
funestes par lesquels ce pouvoir s'est manifesté dans le départe'
ment du Gard ; mais il s'est encore manifesté dans tous les dé,
partemens de l'ouest, et si partout on n'a pas trouvé de•
hommes aussi courageux que M. Madier de Montjau pour le
dénoncer à cette tribune, au moins on en a été averti par cent
lettres arrivées dans ces départemens. Ces lettres sont parvenues
comme toutes les nouvelles plus ou moins remarquables, avec
une rapidité extrême. Ici je ne dis pas même assez : souvent des
événemens qui favorisaient le parti ont été connus dans ces
partemens avant même qu'ils se fussent réalisés dans la capi7,II
tale. Tant il est vrai qu'ils avaient été préparés et combinés!„
d'avance par des puissances occultes !


Ce qu'il y a de certain , c'est qu'il n'y a aucun département
du midi qui n'ait éprouvé l'influence de ces puissances. Je tiens
entre les mains une proclamation affichée à Marseille peu de
;jours après • la mort du duc de Berri. Cette proclamation est
Conçue en ces termes :


u Marseillais !


›, L'ennemi des Bourbons, le dénonciateur de vos autorités,
votre persécuteur, l'agent des jacobins , un des chefs du comité
directeur, Dubois-Aimé, directeur des douanes, est
encore parmi nous. ( M. le directeur-général des douanes pré-
sent à la séance peut attester quel est le caractère de M. Dubois-
Aimé. )




n Ce chef des contrebandiers, cet agent de rébellion, celui
qui a chassé presque tous les royalistes des douanes, médite
notre perte, organise ses brigades des hommes qui ont figuré
dans la conspiration de Grenoble; il se dispose à agir contre
nous. Insensé! toi et tes satellites ne présenteront pas plus
d'obstacle qu'un faible roseau à un ouragan. Des hommes cou-


( G I )


rageux suivent ses
traces, épient ses démarches, connaissent sa


correspondance, celles même avant l'assassinat de notre auguste
prince. Les brigands qu'il avait fait entrer dans la garde natio-
nale, à la nouvelle de ce funeste événement, délibérèrent s'ils
devaient fuir ; mais notre calme les rassura, et ils parurent dans
nos rangs, feignant une ardeur héroïque pour venger le sang de
nos rois. Vils i nstrumens de Dubois-Aimé ! vos démarches,


vos


propos et votre joie mal concentrée nous ont encore mieux
convaincus de vos desseins. Votre haine pour les Bourbons ne
s'éteindra que lorsque nos épées perceront vos perfides coeurs.
Canonniers, Tondu , votre adjudant, est un traître; :\ mcent
que l'on -veut placer parmi vous, est plus perfide que Judas : il
a trahi son Dieu et son Roi. L'antre que le misérable Dubois-
Aimé a choisi comme le plus propice à ses forfaits, a deux
issues; il est au chemin de la Magdeleine, n o 47 . Nous l'obser-
vons intérieurement et extérieurement ; surveillons-le donc ;
c'est le lieu où s'aiguisent les poignards des régicides. Courage ,
Marseillais.! la crise approche; préparez vos armes , qui furent
si funestes aux ennemis des Bourbons ; nous combattrons pour
l'autel et le trône. ss


J'ai l'honneur de faire observer à la chambre que ce placard
a été enlevé des murs de Marseille... ( Voix à droite : Que si-.
gnifie un placard?... 11 y en a de tous les partis !... )


Eh ! messieurs, cette tribune vous est-elle donc refusée?
Vous empêche-t-on d'y venir expliquer ce que vous jugez con-
venable d'expliquer ? Je donne ce fait pour ce qu'il est ( on rit à
droite ) ,• la chambre pourra s'en assurer; les plus légères re-
cherches suffiront à cet égard; ou , pour mieux dire , je parle
devant les ministres, et j e suis sur d'avance qu'ils ne désavoue-
r\ointslepeials le fait. Je soutiens que ce placard a été proclamé à
Marseille.... ( Voix à droite : Proclamé ! proclamé' ) Je dis
qu'il a été affiché; et il est permis de considérer une affiche
comme une sorte de proclamation....


M. Dubruel. Est-il signé ?...


e n Mlcloa
e


ncore
o
es


nMa
; ina


nuel. S'il étaitsigné, je n'aurais pas attendu l'inter-
pe mais
ne l'est pas; a été affiché, et il en porte


laire n.° trac
ies. I II précisément à 'l'épo' que où la circu-


lorsque je34croesist
e


parvenue dans le département du Gard. Or,


vertu de cettecirculaireee
ircu


Voilalàire comment


, il m'est


placard est l'exécution précise de cette
c permis de soupçonner qu'il a été combiné en


l
dont il met à exécution les dispositions.


je présente ce fait. Je n'entends pas ici rien




( 62 )
affirmer; je ne dis pas que le fait doive être attribué à celui-ci
plutôt qu'à tel autre ; c'est encore un fait que je livre à l'inves-
tigation de la chambre. Au surplus, lorsqu'on m'interpelle de
nommer, on oublie que je n'ai aucun moyen de faire une enquête
pour constater les faits que je cite. Dans une circonstance grave,
lorsqu'un de mes collègues se présenta à cette tribune pour dé
poncer des abus qui s'étaient glissés clans l'administration de
l'instruction publique, je sais bien qu'on lui a demandé la preuve.
Eh, messieurs! ne savez-vous pas que nous sommes obligés d e
recueillir, avec prudence sans doute, les faits qui nous son
dénoncés; mais que nous ne sommes pas tenus de fournir des
preuves légales? Il y a un moyen de vérifier ces faits; il est au
pouvoir du gouvernement ; c'est toujours en sa présence que
nous parlons. Si ces faits ne sont pas exacts, les ministres peu
vent les démentir s'ils en ont connaissance, ou bien faire pro-
céder à des enquêtes. Venons-nous demander que, sur une simple
allégation, la chambre prenne une détermination qui pourrait
compromettre l'état ou l'honneur d'un seul individu? Nous ne
demandons que les moyens de faire connaître la vérité à. la
France ; c'est là ce qu'on a demandé relativement à la pétition
de M. Madier de Monjau ; c'est ce que je demande encore au-
jourd'hui. Si les faits sont constans, chacun pourra en déduire
les conséquences comme il le jugera à propos ; mais vous n'ai(
pas le droit de m'interpeller sur la présentation des preuves le
gales, puisqu'au lieu d'une dénonciation, d'une accusation,,
nous ne faisons qu'énoncer des faits.


Au surplus, ces interpellations ne fout rien. Le gouverne-
ment, sans doute, ne verra pas sans sollicitude cette masse de
circonstances qui, d'un bout de la France à l'autre, semblent
tendre au même résultat. Serait-il possible que toutes les trames
qui ont signalé cette puissance occulte, qui ont fait le désespoir
du ministère qui a précédé celui-ci, eussent disparu avec lui,
et qu'il n'en existât plus de vestige ? S'il en reste, ils serviront
à guider le gouvernement dans ses recherches; s'il n'en restait
pas, il faudrait se demander comment il peut arriver que des
preuves aussi graves, qui avaient éclaté aux yeux de tout le
monde, aient pu disparaître aussi rapidement.


En attendant, il me paraît démontré que les pétitions ac-
tuelles doivent être un des élémens de cette instruction ; le gon-.
vernenaent en tirera cet avantage de pouvoir se conduire d'une
Manière plus sûre dans la découverte de la vérité ; et parce que
cette circonstance pourra hâter le moment où vous saurez à quoi'.:
vous en tenir sur un fait qui tient de si près à l'existence del


( 63 )
l'état lui-même, je crois donc pouvoir appuyer les conclusions
prises par mon honorable ami, et qui tendent à demander le
renvoi aux ministres et le dépôt au bureau des renseignemens.


M. le ministre des alaires étrangères. J'appuie l'avis de la
commission, qui est l'ordre du jour, parce que cette pétition rens
fermant, comme je l'ai déjà. dit, une allégation extrêmement
odieuse, sans vraisemblance, sans aucune preuve à laquelle on
puisse donner créance , il m'est impossible de la considérer
comme une pièce propre à servir de commencement à aucune
information. Ainsi il n'y a pas de raison pour la renvoyer au
conseil des ministres. Le besoin de la publicité a été satisfait par
la discussion qui vient de s'élever, et qui doit suffire pour faire
justice d'un acte aussi insensé. •La proposition de la commission est à-la-fois sage , juste et
politique. J'appuie donc l'ordre du jour.


Ou demande vivement la clôture de la discussion.
M. Casimir Perrierréclame la parole contre la clôture....
On demande de nouveau la clôture.




M. Demarçay réclame la parole On insiste pour la clô-
ture.... M. Demarçay monte vivement à la tribune.


Demarea y. Je demande que la discussion continue. Il
s'agit d'un fait de la plus haute importance, du. salut du Roi,
de l'intérêt public ; il s'agit de prouver qu'il existe un gouver-
nement secret. Je dis que ce gouvernement existe ; je dis que
cela ne peut être autrement, que tout le monde est convaincu
de son existence; qu'il suffit, pour avoir cette conviction , de
connaître le cœur humain, de connaître les passions qui ré-
sultent indispensablement des intérêts opposés; et je dis que des
auteurs de ce gouvernement secret peuvent et doivent se trouver
parmi les personnes qui entourent le Roi. Je demande donc,
Yu l'importance de la question, que la discussion continue, et
joecd,e,liituerod mande à parler pour prouver l'existence du gouvernement


ddiseclasnidone . très-vivement au centre et à droite la clôture


de e


Le président consulte la chambre, qui, à une forte majorité,
fteitrimoleisla discussion, et passe à l'ordre du jour sur les trois pé-


L'ordre du jour est la continuation de la discussion sur les
douanes : la chambre s'en occupe. Une longue discussion s'éta-
blit sur la proposition de MM. Laisné de Villeeêque et De-
marçay, tendant à établir la libre sortie des laines françaises, et
une augmentation de droit sur les laines étrangères. MM. Puy-




( 64 )
maurin, Leseigneur, Ternaux, Bruyères•Chalabre, De Lamelle:
Demarçay, Becquey, Turkeim, Villèle et le directeur-générai
des douanes traitent cette question. La chambre prononce le
renvoi de la.proposition et de toutes celles qui y sont attachées,
à la commission des douanes.


Séance du
niai.


La chambre continue la discussion sur le projet de loi sur
les douanes.


Elle s'assemble ensuite en comité secret. M. Manuel, con-
formément à sa proposition déposée sur le bureau dans le co-
mité secret du 2 9


avril , lit le projet d'adresse suivant :
Projet d'adresse au Roi. SIRE,
Vos fidèles sujets, les membres de la chambre des députés,


se sont empressés de porter aux pieds de Votre Majesté l'expres-
sion de leur profonde et sincère ,douleur au moment. où, par
un horrible attentat, le trône et la France ont été plongés dans
le deuil.


Ils ont aujourd'hui un autre devoir à remplir; c'est d'avertir
le trône du péril dont il est menacé par une réunion de cir-
constances dont la gravité devient chaque jour plus sensible et
plus alarmante.


La chambre a cru devoir adopter les lois rigoureuses que le
gouvernement lui a proposées; niais elle n'aurait montré, en
les votant, qu'un zèle aveugle, qu'une soumission servile, si
elle gardait aujourd'hui un coupable silence sur les graves erreurs
du ministère et sur les funestes conséquences du système qu'il
poursuit.


Les intérêts de la royauté et ceux du peuple sont. inséparables.
Cette vérité que Votre Majesté a proclamée elle-même, fut une
règle dont les rois vos aïeux ne s'écartèrent jamais sans danger ;
pourquoi n'est-elle pas devenue une loi d'état pour les agens
de la couronne?


C'est en s'associant aux communes, en animant les intérêts
populaires , que l'autorité royale est parvenue autrefois à
dompter les ambitions olygarchiques. Aujourd'hui ces ambitions
la menacent de nouveau , et cependant elles obtiennent l'al-
liance et l'appui sans lesquels elles seraient impuissantes.


Cette monstrueuse association n'est plus un mystère.
Le parti qui combattait avec la ligue, qui conspirait avec


Biron, qui se vendait à Cellamare, qui trois fois a renversé la
monarchie , en envahissant son pouvoir ou en s'en faisant une


( 65 )
égide; ce parti si souvent vaincu, et que la révolution et la
charte semblaient avoir anéanti, renaît aujourd'hui de ses cendres;
il se forme , se développe, et se montre tel qu'il fut toujours :


ou rebelle envers le pouvoir dont il cherche à s'em-
parer, oppresseur quand il domine, factieux quand il ne do-
mine pas; s'efforçant surtout de donner à ses anciens priviléges
et à la puissance royale une commune origine, afin qu'ils repa-
raissent et se maintiennent avec elle, et qu'elle se croie attaquée
chaque fois qu'on s'oppose à leur retour.


Les temps, les hommes, les faMilles, tout a chargé sans
doute; mais les traditions et les souvenirs subsistent. Les L.émes
vues, les mêmes projets, les mêmes moyens se reproduisent; et
le gouvernement qui, par devoir cousine, pour son propre salut,
devrait employer tous ses soins à les réprimer, a l'imprudence
de les favoriser ouvertement.


Les discours et les adresses publiques mettent au grand jour
les intentions hostiles qui s'enveloppaient de l'obscurité des notes
secrètes.


Le gouvernement clandestin, ce génie du mal qui naguère
était réduit à agiter sourdement la France, a passé dans le gou-
vernement constitutionnel, qu'il corrompt et dénature.


Les maximes subversives de l'état qui, sous le voile de la re-
ligion, ne se révélaient d'abord qu'aux consciences, et n'im-
posaient qu'aux mourons la restitution des biens légalement
acquis , ces maximes sont maintenant proclamées du haut des
chaires et consacrées par des arrêts.


Une barrière imposante que vos sermens et les nôtres sem-
blaient avoir rendue inviolable, s'élevait encore; elle est déjà
renversée à demi par les mains de ceux-là mêmes à qui la garde
en était confiée.


En dictant une charte oh les rois et les peuples de l'Europe
ont pu chercher la mesure de leurs droits et de leurs devoirs ,
V. M. n'a pas seulement rempli les besoins et les voeux de la


Fdersetnins.ceée
'elle a fait l'inauguration du siècle , elle en e fixé les


Mais , loin de seconder vos généreux desseins, loin
de faire fructifier Pce.uvre de votre sagesse et d'en répandre les
bienfaits, vos ministres, entraînés les uns après les autres par
fuanueteds oépulodifir,abrltcefiettsalité, n'ont jusqu'à ce jour rivalisé que de


pour défigurer, pour anéantir votre ouvrage.
Toutes les ressources de leur esprit s'épuisent à éluder les d is-poIsiltisoangsiscslaeitlad:hcaon prt


comp léter


sous des prétextes et par des subterfuges
tout à-la-fois injurieux à la nation et à V. M.


les . garanties que la charte a pris scia
5




( 66 )
d'établir, et ils sont venus nous demander la suspension des
principales de ces garanties. On attendait d'eux les projets de
ces lois importantes, solennellement promises par V. M., re-
connues indispensables pour achever l'édifice constitutionnel,
et ils nous ont proposé de détruire la seule loi qui lui serve de
fondement.


Cent mille voix se sont élevées pour la défense et le maintien
de la charte et de la loi d'élections : ils bravent dédaigneuse-
ment cette niasse de suffrages, et veulent que la nation, ras-
surée par les lumières et le patriotisme de la majorité de cette
chambre, attende avec confiance et sécurité que quelques voix
décident du sort même de l'état en prononçant sur des questions
témérairement remises en problème.


Mais, Sire, il faut le dire à V. M., ils ont détruit jusqu'à
l'efficacité de notre dévouement. L'assentiment de la chambre
elle-même n'est plus un appui pour eux, depuis qu'ils ont fait
manifestement alliance avec un parti ennemi des intérêts na-
tionaux; il n'est plus un appui pour eux, depuis qu'ils ont sub-
verti les principes d'une véritable représentation , outragé même..
la morale publique, en commandant aux fonctionnaires qui
siègent dans cette enceinte de soumettre leurs consciences à la
conservation de leurs places.


Cette alliance , ces menaces indiscrètes, ont altéré la puis-
sance morale de la majorité ; chacun en calcule, en apprécie,
en suspecte les élémens; et il n'existe plus, nous ne craignons
pas de le dire, il n'existe plus en France de force capable de
maîtriser l'opinion publique et de valider des changemens qu'elle
n'approuvera pas.


Et comment le consentement des chambres pourrait-il d'ail-
leurs conserver l'autorité si nécessaire à l'éclat et à la solidité
de la couronne, lorsque, par le nouveau projet de loi, le pou-
voir législatif est énervé et dénaturé ; lorsque , par le dépla-
cement des droits électoraux, on fait perdre à la chambre des
députés, destinée à représenter la niasse de la population, son
caractère essentiel, déjà si restreint par la loi actuelle ; lors-
qu'enfin cette chambre est réservée à devenir une superfétation
aristocratique, sans utilité pour l'état, sans force, sans influence,
ou plutôt le foyer d'une coalition turbulente qui veut à tout
prix se placer an-dessus du peuple, et dominer jusqu'à la puis-
sance du prince?


Croit-on que les sophismes et l'intrigue suffisent pour em-
pêcher le pressentiment de ces résultats de pénétrer dans Parue
du plus grand uombre?..croit-on qu'on puisse tromper long-


( 67 )
temps une nation éclairée et qui a malheureusement si bien


Les droiparlent
d'être défiante?


plus haut que les proclamations minis-
acquis


térieullaesdQ and, au mépris d'utie . loi formelle, depuis trois ans on
s'obstine à ne point organiser ce corps de vétérans qui devait
être pour la nation un gage de sécurité, et pour la vieille armée
un hommage de la confiance nationale ; quand on applique à
nos guerriers le régime des suspects, et que leur héroïque ré-
signation ne peut' les mettre à l'abri d'une surveillance humi-
liante; quand les officiers généraux qui se signalèrent à leur
tête sont éloignés chaque jour des commandemens qui leur
avaient été confiés, qui peut dire qu'on respecte leur gloire et
qu'on estime leurs services?


Quand le gouvernement souffre que des prédicateurs, mi-
nistres d'une religion qu'ils offensent et qui les désavoue , con-
sacrent chaque jour à l'intolérance et à l'esprit de parti une voix
qui ne devrait s'élever que pour prêcher la charité et la paix ;
quand les dépariemens du midi fument encore du sang que le
fanatisme y a fait couler; lorsque ce sang y reste sans ven-
geance, et que de nouvelles menaces y éclatent impunément,
qui peut dire que tous les cultes sont également protégés?


Qui peut dire qu'il y a égalité de justice pour tous, quand
des cités entières ne peuvent l'obtenir pour les attentats qu'elles
dénoncent?


Qui peut dire qu'il y a égalité dans l'admission aux emplois;
à moins qu'on n'entende par égalité civile cette uniformité
d'opinions anticonstitutionnelles qu'on cherche à introduire
dans le système des fonctions publiques ?


Qui peut dire que les titres de propriété des acquéreurs de
domaines nationaux sont respectés , lorsque des prêtres
prêchent impunément l'illégitimité et l'immoralité de pareilles
acquisitions; lorsqu'on voit des tribunaux décider que ces ac-
quéreurs restent liés par une obligation naturelle envers les
anciens propriétaires, sans que le ministère public remplisse le
devoir qui lui est imposé de dénoncer cette violation des ga-
ranties stipulées par la charte ?


Qui
individuellee


peut enfin que les droits garantis par la charte àlteoudsrloeist elFrançais sont à l'abri de toute atteinte, quand la liberté


Nous craindrions,


cta erte de la presse sont suspendues, quand
d'élection est formellement attaqué ?


Sire de porter trop d'affliction dans le




( 68 )
coeur de V. , si nous dévoilions ici tous les justes motifs da
mécontentement qui fermente de toutes parts.


Le mal est tel, que le moins éclairé des citoyens ne peut con-
sidérer que comme une amère ironie des déclarations illusoires
hautement démenties par tout ce qu'il voit, par tout ce qui
l'entoure, par tout ce qu'il souffre.


La charte est audacieusement violée! Voilà ce qui est ma:-
nifeste pour tout le monde; et les sincères amis du trône n'en,
visagent qu'avec effroi les conséquences de cette violation.


Pour les prévoir , il n'est pas besoin de rechercher des
exemples étrangers à la France, ni de remonter à des temps re-
culés. Ils ont-péri les deux gouvernemens qui se sont succédés
depuis 1 7 92 jusqu'en 181.4.; ils ont péri par les infractions de
leurs lois constitutionnelles.


Ces infractions ne manquèrent pas d'être sanctionnées par la
puissance législative dont le devoir était de les repousser. Mais
cette vaine légalisation ne servit qu'à attirer sur ces auteurs la
haine et le mépris ; et ces abus de pouvoir, décorés du nom de
loi, n'en ouvrirent pas moins l'abîme où se sont engloutis les
flouvernemens qui s'étaient follement flattés d'accroître ainsi:
leur puissance et leur solidité.


Et dans quelles circonstances les ministres renouvellent-ils
un essai si constamment fatal à ceux qui l'ont tenté ? Lorsque
les peuples qui nous entourent demandent, obtiennent des
constitutions et s'élèvent à la liberté ; la France, après trente
années de sacrifices et de persévérance, la France consentirait-
elle à perdre ses institutions , et à descendre à l'asservissement !


Sire, vos fidèles sujets les membres de la chambre des dé-
putés, en appellent à votre sagesse. Ils l'implorent /contre ce
qui s'opère et ce qui se prépare. C'est à V. M. à faire cesser une
alliance qui sépare évidemment les intérêts du trône de ceux de
la nation ; c'est à elle à contraindre enfin les ministres à respecter
et à exécuter fidèlement la charte, expression immuable de ses
volontés ; c'est à elle de les forcer à abjurer un système dans
lequel ils ne pourraient persévérer sans trahison et sans com-
promettre à-la-fois la couronne et la liberté.


Séance du 2 niai.


La chambre continue la discussion sur le projet de loi sur les
douanes.


( 6 )


CHAMBRE DES PAIR&


Séance du z mai.


La commission spéciale chargée de l'examen des deux projeta
de loi présentés dans la séance du 22 avril, et relatifs, l'un à
divers supplémens de crédit surie budjet de ISIS , et l'autre au
règlement définitif du même budjet, fait. son rapport à la chambre,
et conclut à l'adoption de celui relatif an crédit supplémentaire.
La chambre ordonne l'ouverture de la discussion au 6 mai.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.


Séance du 3 mai.


La chambre :s'assemble en comité secret. M. Manuel y dé-
veloppe sa proposition de projet d'adresse au Roi. Soixante
membres, parmi lesquels .MM. Lafayette , Dupont (de l'Eure),
chevalier d'Arpason , Bign.on, Sébastiani , Casimir Ferrier,
Detnarçay, Foy, Corcelles, Sappey, Benjamin-Constant, Gre-
nier, Savoie-Rollin , Beauséjour, Pompières , Daunou , de Gram-
mont , Devaux , Girardin, Perreau - Esgonnières , Kérati-y
Bernoux, Caumartin, Jobez, Lecariier, Martin de Gray,
Saulnier, Cabanon, Leseigneur-, Tronc/ion, appuient la pro-
position, qui est combattue par les ministres de l'intérieur et
des. affaires étrangères, et par MM. de Labourdonnaye et
Castelbajac.


La majorité <le la chambre décide qu'il n'y a pas lieu à
prendre en considération la proposition d'adresse au Roi faite
par M. Manuel.


Séance du 4 mai.


La chambre continue la discussion du projet de Ici sur les
douanes.


Séance du 5 mai.


La chambre continue la discussion sur les douanes.
Le président prévient l'assemblée que le rapporteur de•


commission chargée de l'examen du projet de loi sur les élec-
tions, fait prévenir qu'il est prêt à faire son rapport, et qu'il
demande à le présenter le lendemain. (Une vive agitation se-
manifeste à gauche.)




( 7° )
M. le général Foy. Je demande la permission à la chambre


de lui présenter quelques observations sur la convenance et
l'utilité qu'il peut y avoir à ouvrir la discussion sur le projet de
loi relatif aux élections avant la discussion du budget, c'est-à-
dire de la loi des dépenses et des recettes. Nous avons voté, à
l'ouverture de la session, six mois de recettes provisoires et
deux cent millions de dépenses ; il est probable que ces deux
cent millions sont dépensés, et que le gouvernement dépense
maintenant illégalement et inconstitutionnellement. La recette
légale a encore un mois et demi de durée. ( Voix d droite :
Deux mois ) Un mois et demi et quelques jours. Il est évident
que si vous vous occupez d'abord du projet de loi relatif aux
élections, vous serez conduits jusqu'à la fin du mois de mai;
que la discussion des dépenses venant ensuite, vous conduira
à la fin de juin, et. celle des recettes, très-avant dans le mois dejuillet, et peut-être au-delà. Il peut donc arriver que la marche
du gouvernement fût interrompue par l'impossibilité légale de
lever des impôts, et n'y eût-il pas impossibilité de recettes,
y aurait nécessairement illégalité de dépenses.


Dans cette situation des choses, ne pensez-vous pas qn'il
conviendrait d'établir d'abord la discussion sur les dépenses?
Le rapporteur de la commission des dépenses est prêt depuis
long-temps, il l'a annoncé souvent dans des entretiens particu-
liers; un seul embarras l'a arrêté un moment, c'est le projet de
loi que le gouvernement a présenté relativement au supplément
à accorder au traitement actuel de la légion-d'honneur. La
commission relative à la légion-d'honneur 's'assemble demain,
et demain même elle pourra produire ses résultats à la com-
mission dés dépenses, et par conséquent le travail du rappor-:,
teur ne sera pas arrêté un moment. Outre ces motifs tirés de la
nécessité où nous sommes de remplir nos devoirs envers la
France et les contribuables, de ne pas laisser notre pays dans
un état d'anarchie financière, et de satisfaire à notre devoir de
bons et loyaux députés, il est encore un argument que je tire
de la matière même. Sans doute le projet de changement à la,
loi des élections annoncé duhaut du trône aété soumis à une die
mission très-approfondie, si l'on en juge par le délai qui s'est
écoulé entre la production du. premier projet et celle du second
qui lui a succédé.


Cette succession de projets, les réflexions qui l'ont amenée,
prouvent évidemment que la matière exige une investigation
approfondie, et qu'il faut encore ajouter quelque temps à celui
que vous avez déjà employé à examiner des projets auxquels


(7')
tiennent les destinées de la France. A cet égard, vous ne serez
pas amenés à des réflexions rassurantes pour les amis de l'ordre
e- t de la liberté. Ne sait-on pas que dans la commission elle-
même, ni la majorité ni la minorité ne sont contentes du projet
de loi? La majorité l'accepte comme un pis-aller, et ses membres
ont souvent répété qu'il était possible de mieux faire. Dans cet
état de choses, sous le rapport financier, sous celui de l'intérêt
des projets de loi, il y a tout à gagner à donner la priorité à la
discussion relative au budget. Je propose en conséquence que
l'ordre du jour soit, non pas le rapport de la commission des
élections, mais celui de la commission des dépenses.


Cet avis est fbrtement appuyé à gauche.
Un grand nombre de membres au centre etd droite s'écrient :


Aux voix ! aux voix !... M. Méchin réclame la parole.... Une
vive opposition se manifeste... Quelques voix à gauche : Lais-
sez parler.... Ecoutez ! écoutez !...


M. Méchin. Je n'ai qu'une seule considération à présenter,
mais je crois qu'elle n'est pas sans importance. Les colléges élec-
toraux viennent de nous envoyer trois nouveaux collègues
Voix à droite : Dites donc quatre.... (On rit. ) Vous ajoutez à
ma satisfaction, messieurs, en me rappelant qu'en effet nous
allons recevoir quatre nouveaux collègues. Or, il est assurément
convenable, puisque la chose est possible, que ces nouveaux
membres puissent assister aux débats qui précéderont la déli-
bération sur la loi des élections. A cet égard, je demanderai
où nous en sommes, et je témoignerai le desir de savoir si les
procès-verbaux d'élection sont arrivés à la chambre.


On demande de nouveau à aller aux voix. M. Benjamin-
Constant réclame la parole.... On insiste pour aller aux voix.
— M. Benjamin-Constant. Vous ne pouvez refuser la parole
sur l'ordre de la délibération !


.M. Benjamin- Constantie projet de loi surles élections est tel-
lement important, que, pour l'avantage mêMe du gouvernement,
quel que soit le résultat de ce projet, il lui importe de n'avoir'
pas l'air de vouloir lui faire traverser la chambre avec la même
précipitation qu'il a, j'ose le dire, traversé la commission. (Des
murmures interrompent à droite et au centre)




Car il est
certain, et j'en appelle aux membres mêmes de cette commis-
sion . que le projet n'a pas pu être approfondi, que beaucoup
d'amendemens proposés et d'observations faites sont restés sans
réponse. Les plaintes ont été unanimes, et elles sont parties de
collègues, qui, certes, ne peuvent pas être




çsonponnés de par-
tialité - ( Voix à gauche: C'estvrai ! ) Je crois que nous devons,




( '12 )




autrint qu'il est en nous, réparer la précipitation qui a eu lieu, en
donnant à cette discussion laide la solennité possible Si -vous
voulez écouter demain le rapport, et revenir ensuite à la dis-
cussion des dépenses, ou aura oublié le rapport ; c'est donc une-
marche inconvenante. Si, an contraire, vous voulez faire dis-
cuter d'abord la loi des élections , je déclare que vous aurez l'air
de vouloir presser une discussion de laquelle dépendent les des-
tinées de la France, vous.aurez l'air de vouloir l'étrangler. (De
nouveaux murmures interrompent A cauche : Oui ! oui 7.


• •


cela est vrai' ) Vous paraîtrez ne _pas vouloir que le peuple
français soit défendu dans ses droits les plus chers et les plus
sacrés.


Je crois que par égard pour les lumières que vos membres
doivent recueillir, que par égard pour vous-mêmes, vous ne
devez pas entendre demain le rapport, ni trahir par-là une im-
patience qu'il serait fâcheux de chercher à expliquer; je crois
que nous devons suivre la marche que M. le général Foy a
tracée : c'est la seule régulière, c'est la seule convenable, c'est
la seule qui ne donne pas lieu à des soupçons fondés.


Cet avis est fortement appuyé à gauche.
M. le général Sébastiani, de sa place. Il y a un fait sur


lequel vous ne pouvez passer sans vous y arrêter; on vient de
vous dire qu'en ce moment les dépenses que fait le gouverne-
ment sont illégales, il est instant de s'occuper du budget




Les cris aux voix se renouvellent avec plus de force.
Le président met aux voix la question de savoir si M. Lainé


rapporteur de la commission, sera entendu le lendemain.
Toute la droite, le centre de droite et une partie du centr


gauche se lèvent. Toute la gauche, une partie du centre d
gauche et quelques membres isolés du centre de droite se hven
à la contre épreuve.


M. le président. La chambre décide que M. le rapporteue
sera entendu demain... De vives réclamationss'élèvent à gauche....
Foix à droite : La chambre à prononcé; à demain ! à demain !


Séance du G mai.


L'ordre du jour appelle le rapport de la commission spéciales
chargée de l'examen du projet de loi relatif aux élections.


M. Lainé, rapporteur. Messieurs, entre les opinions qui se
sont prononcées pour conserver intacte la loi du 5 février 1817
et les opinions qui, depuis deux ans en sollicitent le changement,
le gouvernement du Roi s'est déclaré en faveur des dernières.


(9a)
pour étudier les besoins publics et apercevoir


la


pins


propose des changemens, c'est que, dans l'intérêt
Lde4l


:rité,
élteauti,enislt'ielpnlpaloé reconnu nécessité. Sa conviction est d'autant


/ rassurante, que plusieurs des ministres, après avoir incliné
pour le maintien de la loi, se sont rendus à l'expérience, et ont
fait entendre le cri d'une conscience mieux éclairée.


La couronne a été si frappée de cette nécessité, que l'auguste
auteur de la charte, pour améliorer le système électoral, avait
déclaré aux chambres réunies, qu'il lui appartenait de proposer
des perfectionnemens à la loi fondamentale. C'est en vertu de
cette déclaration que les ministres ont présenté, au nom du Roi,
un premier projet, dont le but était d'améliorer et d'agrandir à
la fois la loi du 5 février A la vérité, pour atteindre ce noble
but, il fallait modifier quelques articles de la charte constitu-
tionnelle. Aussitôt ceux-là même qui avaient exprimé le desir
d'améliorer , et ceux qui en sentaient les avantages sans avoir
manifesté de venu, se sont réunis pour que la charte net altérée
en rien.


De toutes parts les voix s'étant fait entendre pour écarter les
modifications qu'il n'était possible d'obtenir qu'aux dépens de
la charte, S. M. a fait retirer le premier projet.


Mais s'il n'était pas possible, même pour le mieux , de tou-
cher à la charte , si la couronne a jugé à-propos d'attendre une
manifestation plus sûre des vœux et des besoins de la France,
elle n'en restait pas moins persuadée qu'il était indispensable
d'apporter des changemens à notre régime électoral. C'est pour
cela qu'elle vous a fait présenter le projet plus simple sur lequel.
NOUS avez à délibérer.


Le premier soin du ministre de l'intérieur a été de vous dire;
avec franchise, que, par le nouveau projet, la charte n'était nul-
lement contrariée, et pourtant on se prépare à renouveler les
reproches déjà faits, que ce projet viole la charte dans son es-
sence même.


Votre commission a dei s'attacher d'abord à le justifier de
cette accusation, et afin de mieux déduire les raisons de la ma-
jorité , j'ai besoin de vous rappeler les principales dispositions
de la loi proposée.


Elle divise les électeurs en collèges d'arrondissemens chargés
de présenter des candidats , et en collée s de départemens aux-
quels est confié le soin de choisir les députés parmi les candidats
présentés, Ces derniers collèges de département se composent
des électeurs les plus imposés jusqu'à concurrence du cinquième.


Cette combinaison, a-t-on dit, est contraire à la lettre de la
à •




74 )
charte ; elle en viole l'esprit , elle blesse le système représenta-
tif dans son essence ; elle annule des droits acquis : en établis-
sant la suprématie des collèges de département, elle fonde une
aristocratie odieuse.


Vous n'attendez pas , messieurs , que, soit pour résoudre ces
objections, soit pour soutenir la loi proposée, le rapporteur de
la commission se livre à des digressions sur notre système élec-
toral en lui-même. La commission n'a pas été chargée de re-
chercher si nos institutions et nos lois devaient plus fortement
se lier entre elles, pour se coordonner avec un régime reprée.
sentatif plus étendu. Elle n'a eu qu'à s'occuper d'une loi qui ,
pour faire à la loi du 5 février un changement très-important
n'en dénature ni les bases ni les conditions.


C'est en se renfermant dans ce cercle que le rapporteur a dfi
vous présenter l'avis de la majorité de la commission sur le pro-
jet de loi.


Afin de juger s'il est conforme ou contraire à la lettre ou à
l'esprit de la charte , il convient d'en rappeler les dispositions
qui s'y réfèrent.


L'article 35 a confié aux lois l'organisation des collèges élec-
toraux, et l'article 4o s'exprime ainsi :


« Les électeurs qui concourent à la nomination des députés
ne peuvent avoir droit de suffrage, s'ils ne paient une contri-
bution directe de trois cents francs, et s'ils ont moins (le


e, trente ans.
Bien que des lois aient déjà déterminé une organisation des


collèges électoraux, ce n'est pas violer la charte cille de les mo-
difier. Tl est dans la nature de la législation de varier pour se
perfectionner ; tout consiste à savoir si l'organisation proposée
vaut mieux que celle qui existe. C'est un point à examiner ulté-
rieurement : je veux seulement établir ici, qu'en proposer un
autre n'est pas violer l'article 35 de la charte.


. Qu'a fait l'article 44o? Il n'a établi que deux conditions pour
être admis à concourir à la nomination des députés ; savoir,
l'âge de trente ans, et une contribution de trois cents francs.


La loi du 5 février avait établi un mode d'après lequel les
électeurs concourent à la nomination ; le nouveau projet propose
un autre moyen ; mais ce moyen laisse à tous les Français âgés
de trente ans, et qui paient trois cents francs, la faculté de con-
courir à la nomination des députés. On ne peut contester que
les électeurs chargés de présenter des candidats, que les élec-
teurs obligés de choisir entre ces candidats, ne concourent, les


75 )
uns et les autres, à la nomination des députés. Dès-lors ces deux
articles de la charte ne sont pas violés.


Les électeurs , à la vérité, au lieu de concourir ensemble dans
un seul collège de département, concourent en des collèges sé-
parés et divers; niais comme la charte, en confiant aux lois
l'organisation des collèges, n'a pas prescrit qu'il n'y aurait qu'un
seul collége ou qu'une seule espèce de collége par département; -
varier la combinaison, c'est exercer le droit qu'elle a délégué.


En quoi l'esprit de la charte est-il attaqué ? Serait-ce parce
que le projet, n'accordant pas à tous les électeurs un droit uni-
forme, établit ce qu'on a bien voulu appeler deux degrés d'é-
lection? Mais dans le temps où la loi du 5 février fut discutée,
il fut reconnu que les deux degrés d'élection n'étaient contraires
à la lettre ni à l'esprit de la charte. On préféra l'élection uni-
forme et directe, parce qu'on en attendait plus d'avantages. Si
l'expérience a prouvé qu'on avait manqué le but espéré, il est
bien permis, sans outrager la charte, de revenir à un mode
qu'on avait reconnu licite et constitutionnel; lui en avoir pré-
féré un autre, il y a trois ans, n'est pas une raison pour que
l'esprit de la charte repousse aujourd'hui ce qu'il ne désapprou-
vait pas alors.


Aussi la plupart de ceux qui pensent que les deux degrés
contrarient la charte, disent-ils que c'est moins à cause de
cette double épreuve, que par la désignation arbitraire des élec-
teurs de département. Selon eux, prendre les plus imposés
c'est augmenter le cens fixé par la charte pour être électeur,
c'est aggraver la condition prescrite de payer trois cents francs. Il
n'est pas plus permis d'exiger un cens plus fort qu'un âge plus
avancé.


Les mêmes raisons qui répondent à la première difficulté,
servent à délier celle-ci. Tout l'argument repose sur la suppo-
sition que les électeurs gui paient trois cents francs sont privés
du droit de concourir à la nomination. Or cette supposition est
une méprise. Les électeurs d'arrondissement se réunissent; ils
concourent à la nomination des députés en présentant des can-
didats. Les plus imposés exercent le droit de concourir, en
procédant au choix des députés restreint parmi les candidats
présentés. Le projet de loi n'exige de personne, pour concourir,
un cens plus ou moins fort; il appelle tous les électeurs qui
paient trois cents francs et au-delà
nisation des collèges, le, de f


expédient a la loi chargée de déterminer Porgae
, en réglant le mode d'après


lequel il paraît e
'‘ I' '
tr,es, e faire participer les électeurs. La charte


n'ayant pas interdit de varier les combinaisons du concours, il
, •


\'...eee
U




sorte de circonspection empêche de se produire. C'est même à
cause de ces moeurs difficiles à s'expliquer que des associations
-usurpent le droit de présenter des candidats aux collèges élec-
toraux. Le droit irrégulier qu'elles se sont arrogé, fait voir
(1 "1 est utile que la loi s'en empare et le délègue à une por--
tion des électeurs. Les candidats ainsi nommés se trouveront
à l'aise pour se montrer ouvertement; l'honneur d'être dési-
gnés leur permet de modifier nos moeurs timides pour la candi-
dature; il encourage des sollicitations devenues légitimes parce
qu'elles sont autorisées.


Il n'est donc pas juste de dire que le projet viole la charte ni
dans sa lettre, ni dans son esprit, ni dans ses rapports avec le
système représentatif. Est-il plus vrai de prétendre que la loi
proposée annule injustement des droits acquis? Sans doute
elle combine, différemment les droits dont une autre loi avait
différemment réglé l'exercice, mais ces combinaisons sont
dans le domaine de la législation , qui doit varier selon les
besoins reconnus de l'état ; c'est même l'objet et l'effet de toute
loi nouvelle sur quelque matière que ce soit. Du moment oui
ce droit de la législation est incontestable , il ne s'agit pas de
savoir si en fait elle change les droits précédens , mais si elle a
de bonnes raisons pour les modifier.


Que sont, après tout , ces droits que l'on appelle acquis? Les
deux cinquièmes des électeurs n'ont pas encore été appelés à les
exercer, et dans les départemens on les collèges ont été convo-
qués, plus d'un tiers des électeurs les a tellement négligés, que
c'est une raison pour le législateur de leur en faciliter l'exer-
cice. La loi, d'ailleurs, n'enlève à personne les droits qui dé-
rivent de la charte. Tous les électeurs reconnus par la loi du 5
février sont appelés par celle-ci à participer à l'éleeion des
députés. Les uns y prennent part en présentant des candidats,
les autres en choisissant des députés dans le cercle des candidats.


Est-il juste de s'élever contre la prétendue suprématie des
collèges de departemens, et d'y trouver l'établissement d'une
aristocratie odieuse?


A considérer les choses sans prévention, on ne sait guères
qui exerce le plus grand droit ou du collège qui présente les
candidats, ou du collége obligé de choisir parmi eux. Cela est
si vrai, que beaucoup cte bons esprits préfèrent que la présenta-
teijol
choixdes


scda4duidteatssausoxiteodlélvéogletsied,aaililc,00nlidéigsesedmeendsepartement et. e


Quand il serait vrai que le collège de département , formé
des .plus imposés, aurait quelque suprématie, cet avantage


( 77 )( 76 )
appartient à la loi de les proposer. La seule limite qui soit posée
à sen pouvoir, est de n'exclure du droit de concourir aucun des
Français qui sont âgés de trente ans, et dont la contribution.
directe s'élève à trois cents francs. La comparaison faite de l'âge.
avec le cens ne fournit aucune raison solide. Sans doute, si la
loi trouvait utile de faire proposer les candidats par les plus
jeunes, et de déléguer le choix aux électeurs plus âgés, elle en
aurait la faculté.


Dire que l'esprit de la charte est violé, parce qu'on assure
que le projet de loi Messe l'essence du gouvernement représen-
tatif, c'est supposer, ou que la charte en établissant ce régime,
a voulu un mode uniforme et direct d'élection , ou qu'il ne peut
exister de régime représentatif sans cette directe uniformité.
Or , la charte a délégué aux lois l'organisation des collèges ;
elle l'a déléguée à une éplue où se trouvaient établis des col-
lèges d'arrondissement et de département chargés de présenter
des candidats. 11 était si peu dans ses intentions de proscrire ces
espèces de collèges et cette combinaison, qu'elle a fort bien
commencé le régime représentatif par une chambre de députés
élus de cette manière; que, depuis s814, jusqu'à la promulga-
tion de la loi du 5 février, ce mode d'élection a été, usité pour
deux assemblées représentatives, et que les deux cinquièmes des
députés concourent aujourd'hui, avec les élus de la loi du 5 fé.
vrier, à la part de représentation nationale qui appartient à cette
chambre. En effet, le système représentatif ne repose pas sur
tel ou tel mode d'élire, mais sur l'élection des membres de la
chambre élective.


Dans les pays qui jouissent du gouvernement représentatif
ou d'un régime libre analogue, le mode d'élection n'est pas le
même. Nous sommes entre deux états dont l'un avec l'élection
directe, fait voir des droits et des formes qui sont loin d'être.
les mêmes dans chaque comté, et dont l'autre compte trois de-
grés d'élection. Dans tous les états qui ont fait reposer une
part de la liberté publique sur les élection, celles-ci ont varié
pour les conditions, pour les formes, pour les combinaisons de
toute sorte. Ici des candidats volontaires se présentent ; là pour
revêtir la robe blanche, il faut avoir reçu mission ou d'un corps
électoral, ou d'un corps constitué ; et l'on pourrait indiquer des
républiques où les élections populaires se font entre des candi-
dats présentés par des corps aristocratiques.


Il est même difficile de concevoir un bon système d'élection


ltiIe.; sans candidats légalement présentés ou franchement produits.N-p„Nos moeurs résistent encore à la candidature volontaire; une
vele?




( 78
)


est-il fait pour donner de l'ombrage et pour faire dire qu'on
crée une aristocratie odieuse? Je reconnais que la propriété,
grande ou petite , n'est pas la seule base de la représentation ;
suais dans les temps où. les intérêts matériels sont prépondérans,
n'est-il pas naturel de considérer la propriété comme un des
principaux élémens , non-seulement du régime représentatif,
mais du régime social? Remarquez bien, d'ailleurs, qu'il ne
s'agit pas de donner de privilège à la propriété territoriale, qui
est pourtant le fondement naturel de l'édifice social. Tous les
autres genres de propriété, si favorisés sous d'autres rapports ,
marchent de pair avec elle; la propriété mobiliaire, la propriété
industrielle, sont également comptées pour entrer dans l'un ou
l'autre collège.


Si, malgré cette égalité, on persévère à se plaindre de l'aris-
tocratie des colléges de départemens, je prie qu'on en examine
la composition.


Seront-ils remplis de l'ancienne aristocratie? je me sers de ce
mot pour en éviter un qui choque davantage des esprits trop
ombrageux. Mais chacun de nous voit bien vite que, d'après le
nombre des électeurs admis dans le collège de son département,
cette ancienne aristocratie y sera en grande minorité. Il n'y en
aura pas plus que dans les colléges d'arrondissemens; et par
l'effet des malheurs publics ou des adversités privées , cette an-
cienne aristocratie est bien plus nombreuse hors des colléges
que dans leur sein.


La plupart de ceux qui composeront les collèges de départe-.
ment, sont des propriétaires ennemis des privilèges, et surtout
des troubles ; des amis réels ou justement présumés de l'ordre,
et surtout du repos. Ce ne sont pas même, pour la plupart, des
possesseurs de grandes propriétés, leur fortune n'est pas exces-
sive, elle est relative à leur contrée, et c'est un trait de sagesse
de la loi de n'avoir pas déterminé un cens uniforme pour entrer
dans le collège, mais d'appeler les fortunes relatives en désignant
le cinquième des plus imposés.


Sans doute ces plus imposés sont placés, pour les élections,
dans une position différente de la position des membres des
collèges d'arrondissement; mais ne sont-ils pas déjà dans des
positions diverses au milieu même de notre état social? Quand
il serait vrai que cette différence approchât d'une classification,
faudrait-il se plaindre d'une loi qui aurait l'avantage d'imiter
de bien loin les lois que la nature a faites pour la plupart des
choses que l'homme ne peut déranger, ou ne sait pas si bien
ordonner que la Providence?




( 79 )
Qu'auront d'ailleurs à faire les collèges de département? A


connaître et comparer les candidats pour faire entre eux seule-
ment le choix des hommes qu'il est plus convenable, pour la
contrée, (le députer à la chambre. C'est une opération de quel-
ques heures, après lesquelles j e ne dirai pas toute distinction,
mais toute différence disparaît entre les membres des collèges
de toute sorte. Est-ce bien là de l'aristocratie odieuse? est-ce
bien là un privilège insultant? La bonne foi, messieurs, n'y
verra, dans l'intérêt général, que de bien légères garanties
dont je ne me permettrai d'indiquer qu'une seule. Par cette
combinaison la France sera préservée de la douleur de quelques
choix incompatibles avec la restauration.


Les esprits qui paraissent blessés de la prétendue suprématie
des collèges de département devraient bien être affectés aussi
de la suprématie, bien autrement choquante, qu'exercent, d'après
le mode actuel, les chefs-lieux de département. Les électeurs
d'arrondissement emploient souvent à leur égard un mot qu'en
France on est disposé à donner à tout ce qui fait ombrage : ils
murmurent aussi contre l'aristocratie du chef-lieu; ils se plai-
gnent de ce qu'il nombre presque toujours les députés de son
propre arrondissement, et qu'au lieu d'en choisir dans les ar-
rondissemens plus ruraux, le chef-lieu leur donne pour repré-
sentans des députés souvent pris hors du département.


Le projet de loi rétablit plus d'égalité entre les divers arron-
dissemens; son impartialité leur donne un droit égal à la can-
didature. Par ce moyen les électeurs d'arrondissement concourent
plus efficacement à la nomination des députés, les chances se
multiplient en leur faveur; et les candidats qui ne seront pas
élus pour la chambre, resteront flattés d'avoir obtenu un té-
moignage de confiance de ceux de leurs concitoyens qui sont le
plus-à portée de les apprécier.


Ainsi se trouvent justifiées, aux yeux de la majorité de votre
commission, les dispositions principales du projet de loi. L'exa-
men des articles y ajoutera plusieurs réflexions, et fournira
l'occasion de répondre à quelques autres objections.


Le premier article du projet de loi, après avoir établi les col-
lèges électoraux d'arrondissement ou de département, recon-
naît qu'il est un petit nombre de départemens où ne peut se
faire la double épreuve de la candidature et du choix. Quand il
n'y a dans le département qu'un seul député à élire ; quand le
nombre des électeurs est tellement restreint, qu'il est impos-
sible d'en trouver assez pour former deux espèces de collèges, la




( 8o )
force des choses oblige de réunir tous les électeurs dans un seul,
et de les laisser de concert procéder directement.


Le projet de loi ne faisait d'exception à la règle générale que
pour les départemens qui n'ont qu'un député à nommer, et
pour celui de la Corse. Mais en considérant te tableau des élec-
teurs dans les départemens des Vosges et des Hautes-Pyrénées,
la commission s'est aperçue que, dans le premier, il ne se trou-
vait cinquante électeurs dans aucun arrondissement; que dans
les Hautes-Pyrénées, un seul arrondissement en contenait cin-
quante.


Elle a cru que les motifs qui avaient:déterminé l'excep-
tion devaient y fiiire placer les deux départemens des Vosges et
des Hautes-Pyrénées. Ils s'y trouveront compris comme celui
de la Corse, au moyen d'une disposition qui vous est proposée
à titre d'amendement.


Il y aura par ce moyen sept départemens qui continueront à
élire d'après le mode déterminé par la loi du 5 février.


En formant par l'article 2 le collège de département du cin-
quième des électeurs les plus imposés , le projet de loi ne sta-
tuait rien sur la publicité de la liste de ces plus imposés. Sans
doute les ordonnances , en réglant les formalités à suivre pour
la composition et l'affiche des noms des électeurs , auraient
fourni A ceux qui auraient été omis les moyens de s'y faire pla-
cer et de réclamer contre les insertions inexactes; mais votre
commission jugeant que la loi qui attribue un droit, devait
aussi statuer sur les principaux moyens d'en user, m'a chargé
de vous proposer sur l'article 9, un amendement propre à réparer
l'omission de la loi. Elle propose d'ordonner l'impression et
l'affiche de la liste un mois avant la tenue du collège, de pres-
crire que la quotité et l'espèce des contributions payées dans les
divers départemens soient indiquées à la suite du nom de chaque
électeur.


La formation de la liste et sa publicité peuvent amener de *
contestations, mais il est inutile de faire de nouvelles régies
pour les juger : la loi du 5 février y a pourvu, et le projet pré-“
sente s'y réfère expressément.


Une des principales pensées de la loi proposée, est de donner.
à chacun des arrondissemens de la France le droit de présenter'
des candidats à la députation : cette règle devait aussi exiger
quelques exceptions. Le projet de loi en a prescrit une : c'est`
que lorsqu'un arrondissement n'aura pas cinquante électeurs,
ils se réuniront à ceux de l'arrondissement limitrophe le moins
nombreux, et ne formeront avec les électeurs de ces arrondis.
semens qu'un seul collège.


( 81 )
Cette exception , fondée sur un accident fort rare, a porté


votre commission à rechercher si l'immense nombre des élec-
teurs réunis dans la capitale, n'exigeait pas pour Paris une
exception d'une autre e$pèce.


Il lui a paru que les deux arrondissemens de Sceaux et de
Saint-Denis, quo forment avec celui de Pris les trois arrondis-
seinens administratifs du d.épartement de la Seine, auraient,
dans la présentation pour chacun du même nombre de candidats,
une prépondérance trop considérable.


Sur les neuf' mile électeurs de la Seine, plus de Luit mille
résident à Paris , ou dans sa banlieue. Quoiqu'en règle générale
le nombre des candidats à présenter ne soit pas et ne doive pas
être calculé sur la population lectorale seulement, tous les
autres élémens (le population générale , de territoire , de pro-
priétés, de richesses, d'importance, sont à Paris tellement su-
périeurs à ces mêmes données dans les autres arrondissemens,
que la justice et la nécessité se réunissent pour augmenter à
«Paris le nombre des arrondis,ewens électoraux.


Un exemple puisé dans le passé donne les moyens d'en dé-
terminer convenablement le nombre.


Lorsque tous les collèges étaient réduits à former une candi-
dature, Paris (I) avait quat”e arrondissemens, qui, comprenant
chacun trois mairies, ont pré.enté des candidats en nombre
égal , jusqu'à l'exécution de la loi du 5 février.


La commis-ion vous propose, par un amendement, de faire
revivre ces démarcations, qui donneront ainsi au département
de la Seine six arrondissentens électoraux.


Les questions dérivées de l'article suivant du projet de loi
ont long-temps occupé votre commission ; elles ont donné lieu
à une 1-ngue discussion , qui exige qu'on rappelle à votre atten-
tion le texte de l'article 4.


Chaque collège d'arrondissement nomme, à la majorité
» abs•lue , autant de candidats à la députation que le déparie-
') ment:


t a de députés ft élire.
» Si le même candidat est nommé par plusieurs collèges


» d'a rrondisemeus son élection est comptée à celui de ces col-
» lèges oit il a obtenu le plus de suffrages, et il est remplacé,
» pour chacun des autres, par l'éligible qui, après lui, y avait
ps obtenu le plus de voix. »


Vous vous doutez bien., messieurs, que sur cet article on a
reproduit, dans la commission, comme on renouvellera dans la


VOY e 7, le séuatus con§ulte du i6 thermidor aa z.
HI. 6


1




( 82 )
-chambre, toutes les objections faites sur l'ensemble de la loi.
t'est à vous à juger si les réponses que j'ai analysées ci-dessus ,
et qui seront sans doute mieux développées par d'autres, doivent
ou non l'emporter dans vos esprits. Je vais me borner à pré-
senter à votre attention les opinions diverses des membres de
la commission sur cette partie du projet de loi.


Par une telle disposition, ont dit les uns, la loi crée, entre
les arrondissemens, une choquante inégalité de droits. Tel ar-
rondissement qui n'a pas plus de cinquante à soixante électeurs,
présente autant de candidats que tel arrondissement dont le
collège on réunira trois cents, six cents, et même mille. On
pourrait tolérer cette inégalité , si les arrondissemens étaient un
territoire politique; mais on ne peut les considérer que comme
une démarcation administrative. Nos lois politiques ne recon-
naissent que des départemens, et ;a charte ne parle que des
députés des départemens.


S'il est vrai que la loi proposée ait pour but de faciliter aux
électeurs l'exercice du droit de concourir attribué par la charte,
Lites-les voter, si vous veniez, clans les arrondissemens, mais
récusez leurs votes au chet:lieu. Qu'on y compose, de ceux qui
ont obtenu le plus de voix, une liste de candidats double du
nombre des députés , et que le collège de département choisisse
sur cette liste double. Si vous l'aimez mieux, divisez le nombre
des électeurs par le nombre des candidats attribués , sur une
liste double ou triple, à chaque département, le quotient ré-
glera le nombre des candidats à présenter par chaque collége
d'arrondissement.


Par-là vous faites disparaître l'inégalité des droits, et rots
obviez à un inconvénient non moins grave, celui de faire choisir
les députés parmi ceux que le voeu d'aucun arrondissement n'a
placé sur la liste des candidats. Donner l'avantage à la minorité,
c'est autoriser le collège du département à faire aussi des can-
didats , malgré le voeu contraire des collèges d'arrondissement.


Comme rien ne doit être négligé pour éviter un résultat aussi
-étrange, fuites plutôt, dans chaque arrondissement, une liste
de candidats double du nombre des députés entre lesquels le
collége du département choisira, sans aller compulser les pro-
cès-verbaux , pour y chercher des candidats non élus. Le cer-
cle de la double liste est assez grand pour supporter les doubles
emplois de quelques collèges d'arrondissement, qui présente-
raient les mêmes candidats.


Si vous craignez, malgré ces précantions , la brigue ou le
concert entre les collèges d'arrondissement , convoquez de


nouveau lés cu.nss. s qui auront nom.
,es


dats pour en offrir de diftérens. Tous ces moyens valent mieux
que ce droit inattendu des collèges de département, d'aller
1, «ises les dépistés dans la minorité des votes de tel ou tel arron--


dissell'is enl.Sas cloute, ont répondu les autres , il y a des inégalités;
mais elles sont inévitables; elles naissent de mille causes au-
dessus du pouvoir (les lois. Dans un grand état où les inégalités
de territoire, de population, de fortune, sont fréquentes, où
l'on remarque des différences dans le langage, dans tes moeurs,
dans le climat même , l'unifOrmité est impossible. -Votre .puis-
sance n'est pas assez grande pour faire de la France un échiquier
politique, ou pour astreindre l'exercice des droits eu niveau do
l'égalité. La loi du 5 février elle-même présente des diffé-
rences aussi 'choquantes. Sans parler des anomalies de la Corse,
qui, avec moins de quarante électeurs , nomme cieux députés ;
de Paris où neuf mille électeurs n'en nomment que huit, la po-
pulation électorale, qui exerce des droits.égaux , varie de moins
de deux cents à plus de mille. C'est ainsi quo le département
des Basses-Pyrénées, qui n'a pas quatre cents électeurs, nomme
trois députés, tandis que le département du Tarn, qui a . plus
de douze cents électeurs, ne donne que deux députés à la
chambre.


11 n'est pas juste de dire que les territoires des départemens
soient exclusivement des territoires politiques. L'administration
et ses conseils , la justice et sa juridiction , ont dans les arron-
dissemens une organisation semblable, sauf la hiérarchie; les
lois y règlent de la même manière les fonctions et les droits. Les
anciens collèges d'arrondissement avaient la même source que
les collèges de département, les conditions seules différaient.
Si la loi dis 5 février a donné aux départemens, ou plutôt aux
chefs-lieux, un caractère plus politique en centralisant l'exer-
cice du droit d'élection, rien I, empêche qu'une autre loi n'en
varie la combinaison. Les députés nominés par les colléges de
département, sur la présentation des arrondissemens , n'en
seront pas moins de nom et de fuit, comme le dit la charte,
les députés des départetrens.


A la manière dont on parle de la possibilité de choisir quel-
quefois les députés parmi les candidats de la minorité des vo-
tans, on dirait que cet accident sera fréquent ; cependant les
collèges d'arrondissemens sont toujours les maître?, de l'empê-
cher, car le remède indiqué par l'article 4 ( § 2 ), n'a lieu que
lorsque les coliéges d'arrondissement ont choisi les mêmes can,




($4)
didats. pliait: titan pourvoir au cas où, par une intelligence
devenue facile, les arrondissemens, ne présentant que les mêmes
individus, priveraient de la faculté d'élire les électeurs de dépar-
tement, déjà privés du droit de présenter des candidats; on no
peut vouloir que les plus imposés soient , par un concert possi-
sible dans les arrondissemens, dépouillés de la faculté de con-
courir à la nomination des députés.


C'est parce que l'injustice de ce résultat est sentie, qu'on a
offert plusieurs expécliens. Celui par lequel on voudrait faire
recenser au chef - lieu tous les votes recueillis dans les arron-
dissemens, reproduit, sans parler des difficultés d'exécution,
tous les inconvéniens de la loi du 5 février. Il les aggrave même,
puisque les plus imposés étant exclus du collége'd'arrondisse-
nient, les autres électeurs n'auraient pas même à lutter pour
dominer. Faire une liste de candidats double des députés à
nommer, c'est , d'une part , si on procède franchement, atté-
nuer de beaucoup la faculté de concourir que la loi règle pour
les colléges d'arrondissement; c'est, d'autre part, laisser tous
ses moyens à l'intrigue qui saura bien établir un concert pour
que les mêmes candidats, fussent- ils plus nombreux, soient
présentés en plusieurs arrondissemens.


Convoquer de nouveau les colléges qui auront présenté les.
mêmes candidats, c'est compliquer et retarder les opérations
électorales : le collège de département resterait paralysé pen-
d tut qu'on attendrait les électeurs appelés une seconde fois dans
l'arrondissement. Malgré la facilité des voyages qui résulte de
la proximité, les distances sont encore fort grandes, et souvent
difficiles à parcourir. Les électeurs y viendraient en moindre
nombre que la première fois, et malgré cette nouvelle convoca-
tion qui désordonne tout, vous auriez aussi les candidats de la
minorité des candidats qui réuniraient probablement moins de
voix pie ceux que l'article 4 désigne.


D'après la loi du 5 février elle-même qui réunit tout le
inonde au chef-lieu, les députés sont souvent nominés au bal-
lottage par la minorité, et nous avons vu une fois à Lille que
le choix a été fait tout au plus par le quart des électeurs.


Ces raisons ont eu l'assentiment de la majorite de votre com-
mission : elle e pensé que, pour obvier à l'inconvénient qui peut
forcer le vote des électeurs du collége de département, il fallait,
puisque la loi ne leur laissait pas la faculté de choisir hors de la
liste des candidats, il fallait trouver un moven de ne pas rendre
vain l'exercice de leur droit; ce moyen se trouve dans la dispo-
sition de l'article 4.


( 8S )
Par cela seul qu'elle est. écrite, elle empêchera le concert entreles arrondissemens, et n'aura guères d'application que par la


volonté des premiers colléges eux-mêmes. Votre commission a
cru d'ailleurs, en ce point comme sur plusieurs autres, que la
loi, en s'occupant de régler au mieux possible l'exercice du
droit des électeurs, devait avoir pour but de ses combinaisons
un bon choix de députés.


C'est par les mêmes motifs qu'elle a écarté plusieurs autres
amendetnens moins importuns dont il est, quant à présent, inu-
tile de vous entretenir. Mais toutes les voix se sont réunies pour
faire à l'article 4 deux légères corrections dont la lecture seule
fera sentir la justesse.


Les articles 5 et 6 du projet de loi sont une conséquence si.
nécessaire du système général de la loi, qu'ils n'ont éprouvé
de la part de la minorité de voire commission d'autre reproche
que celui d'en dériver.


-
La disposition de l'article suivant qui s'applique tout aussi.


bien à la loi actuelle qu'à la loi proposée, n'a donné lieu qu'à de
courtes réflexions, suivies d'un léger amendement. 'Vous savez
qu'il a pour objet de corriger les abus notoires auxquels a donné
lieu la faculté de porterdans le collège des bulletins préparés. Plu-
sieurs électeurs apportaient moins leurs, votes que celui de tel
ou tel parti. Le premier devoir d'une loi sur les élections est
de s'assurer que celui qui vote ne donne que son propre suffrage,
que ce suffrage est volontaire, à l'abri des suggestions du pouvoir
ou des factions. C'est pour cela que le projet de loi propose d'é-
crire ou de faire écrire sur le bureau le bulletin qui contient le
vote de l'électeur.


Cette disposition n'a pas trouvé de contradicteurs; mais telle
est encore la circonspection de nos mœurs au sujet des élections,
que la commission desire que tout en écrivant ou en faisant
écrire son vote sur le bureau, l'électeur ait la faculté de le faire
secrètement, c'est . à-dire sans que personne ait le droit de le
voir s'il vent l'écrire lui-même, où s'il se confire à un membre
du bureau, sans que
onnaître son suirraged.


'antres que son confident aient le droit de
c


I :article 8 qui se réfère également aux deux lois, a donné lieu
à quelques remarques et à une correction plus importante.


..)11 n'a pas contesté la justice de lae r q le lap nst xi,e
propriété foncière. fût possédée, et la patente prise un temps
moral avant les élections. Chacun s'est montré desireux de pré-
venir les fraudeslu'on pent . pratiquer, afin d'usurper les droits




( 86
d'électeur ou les droits d'éligible. Mais les opinions ont été di--
visées sur le durée du temps de la possession antérieure;


Les uns trouvant juste d'assimiler les divers titres de propriété
foncière, mobiliaire ou industrielle, sources des contributions
qui servent à remplir les. conditions constitutionnelles, ont de-
siré que l'époque de la possession exigée ne remontât qu'au.
l er janvier de l'année où s'opèrent les élections.


Les autres, en consentant aussi à confondre dans la même
disposition légale les divers titres de propriété , trouvent
dans cette assimilation même une raison nouvelle d'exiger une.
durée plus longue. Ils la portent, comme le projet de loi , à une
année révolue avant la convocation des collèges; leur avis est
celui de la majorité de la commission. Elle croit que vous ne
trouverez pas rigoureux que la location, la patente, l'industrie
qui donnent des droits égaux à la propriété foncière , soient
faite, prise ou exercée, comme la propriété foncière possédée,
pendant un an avant d'exercer le droit d'électeur.


Le projet de loi ne faisait qu'une exception en faveur du pos-
sesseur à titre successif, et la commission en demande une autre
qui prouve son respect pour les droits particuliers acquis avant
la publication da la loi.


On a dit qu'il était: non-seulement licite, mais louable de s'être
préparé à exercer les droits d'électeurs ou d'éligible. Sur la foi
d'une loi promulguée, plusieurs Français ont pu, en faisant
telle ou telle affectation de leurs capitaux, acquérir une pro-
priété, se livrer à une industrie sans avoir été avertis que
l'exercice du droit sera différé d'une année ; d'antres ont même:
pu, dans les dernières élections qui viennent d'avoir lieu , exer-
cer le droit qu'ils tenaient et de la loi et de la propriété qu'ils
ont acquise. Priver les uns d'un droit exercé, les autres d'un
droit légalement espéré et pour l'exercice duquel ils ont fait des
sacrifices, c'est , trouve-t-on donner à la loi un effet rétroactif,
qu'il est juste de corriger à l'aide d'un amendement sur Pe p


-tide 8.
Telles sont, messieurs, les raisons qui ont déterminé votre


commission à adopter le projet de loi, avec les amendemens
proposés par votre commission. »


Un grand nombre de membres de la gauche , placés, long-
temps avant l'ouverture de la séance, à droite de la tribune
pour prendre leur ordre d'inscription, montent au bureau des
secrétaires.... Les membres de la droite et du centre se portent
è. la gauche du bureau pour prendre également leur tour d'ins,


( 87 )
criptiere (Quatre-vingt-quatre se font inscrire contre le projet
et trente-quattre pour son adoption. )


Le général Foy réclame la parole.... Ihze foule de voix.
Laissez inscrire !... laissez inscrire !... Le général Foy insiste....
Le mouvement pour l'inscription continue.


.21.1. le exénéral _Foy. .Je demande qu'on imprime, avec le rap-
port de la commission, le tableau des électeurs de France ,.
divisés par collèges d'arrondissement. La commission a eu ce-
travail sous les ;yeux ; elle s'en est servie d'une manière utile.
Je demande qu'on imprime aussi un tableau que la commission
n'a pas pu se procurer, quoiqu'il ait été demandé dans sa der-
nière séance : c'est le tableau des plus imposés dans chaque dé-
partement, avec les notes de contribution, pour savoir à quel
tarif descend la contribution pour être membre de collège de
département.


La charte avait établi le système de l'égalité entre les élec-
teurs. Vous sortez de la charte : vous constituez le privilége ; il
faut savoir jusqu'où il s'étendra. ( Des murmures s'élèvent à


A gauche. Oui ! oui ) Le privilége est dans lesdroite
personnes; il faut donc savoir le nombre des plus imposés de-
chaque département. Le privilège est dans le territoire; il faut
savoir à quel département il s'applique. Le privilège est dans
les localités, puisque l'arrondissement qui a soixante- électeurs
et celui qui en a mille envoient le même nombre de candidats;
il faut donc savoir quels sont les arrondissemens Q ui jouissent
de ce privilége. D'après ces principes, je demande qu'on nous
fournisse ces pièces, et que l'ouverture de la discussion soit
portée très-avant dans la session qui suivra celle dans laquelle
nous allons entrer. ( Voix à gauche: Appuyé I.) Vous avez à
vous occuper bientôt du rapport de la commission des dépenses ,
et de celui relatif' à la légion -d'honneur. La loi des douanes
n'est pas encore terminée. Vous avez , en outre, à vous occuper
de la proposition de M. Manuel_ sur le jury; de celle de
M. Laisné de Villevêque concernant les journalistes ; des fos-
sés de M. Rolland de la Moselle ( on rit), et de la proposition
de M. Maine de Biran sur le droit de pétition. L'examen de
tous ces objets vous donnera le temps d'attendre le jour de la
discussion sur le projet de loi des élections, sans vo us laisser
dans.Poisiveté. Je necrois pas que personne s'oppose. kun délai
nécessaire pour se préparer à une discussion aussi importante.
M. le ministre des affaires étrangères nous a demandé de la.
confiance au sujet de la loi sur la censure des journaux, et nous.,
a promis de la partialité dans l'exécution de la loi. Je ne,sup-.




( 88 )
pose pas qu'on nit le même projet relativement aux élections:
Je demande que tous les états des électeurs . distribués par ar-
rondissemens et par départemens, et que la liste des plus impo-
sis dans chaque département, avec la cote de leur contribution ,
Soient connu uniqués à la chambre.


Le ministre de l'intérieur répond qu'il n'y a pas (le difficulté
à imprimer le tableau des électeurs; quant à celui des plus im-
posés, que c'est une soustraction à frire sur le tableau des.
électeurs.


M. le général roy. M. le ministre de l'intérieur ne m'a pas
bien entendu. Ce que je demande , c'est la quotité des coni ri-
butions qui donnent le droit électoral dans chaque départe-
ment, afin qu'il soit patent à tout le monde que, dans certains
départemens, on sera électeur (le département , quoiqu'on ne
pare pie trois cents francs de contributions, et que dans d'au-
tres on ne le sera pas même en payant mille francs. Nous sortons
de la charte, de la base large de l'égalité, du système de la loi
du 5 février. Nous rentrons dans le domaine des privilèges.


• ( Mouvement à droite.) Il sera facile, messieurs, de vous le
démontrer dans la discussion. Il importe de savoir où le privi-
lège commencera, et où il finira. D'ailleurs, le travail que je
réclame existe dans les bureaux du ministre, par suite des tra-
Vaux !Mis sous le régime impérial.


( M. Renoist: Cela n'existe plus actuellement! Les résultats
ne sont plus les mêmes! )


Cette observation peut être juste; mais on assure que le der-
nier ministre de l'intérieur l'a fiait refaire de nouveau. Il l'a fait
établir avec une attention particulière, et porter sur toutes les
nuances possibles, ahn de déterminer d'une manière plus pré-
cise les résultats des élections qu'il se proposait. Ainsi je per-
siste à demander la communication de toutes ces pièces, et que
la discussion soit remise à la semaine qui suivra celle dans
laquelle nous allons entrer.


M. le ministre de l'intérieur, de sa place et au milieu d'une
Dive agitation de ta gauche. La commission a reçu les docu-
mens eue le roua ernement a pu donner ; on fera tout ce qu'il sera
possible de frire pour compléter les renseignemens desirés.


M. Girardin ll est nécessaire d'avoir la liste nominative
des électeurs des ch' p trtemens ; vous ne pouvez pas desirer trop
de documens pour vous éclairer sur une loi qui menace de
renverser la charte. (Des murmures violens s'élèvent au centre
et à droite. Un grand nombre de membres à gauche: Oui ! oui
cela est vrai !) Il faut voter dans cette question avec sûreté de


( 8 9 )
conscience, et pour cela avoir toutes les lumières nécessaires.
J'appuie la proposition de M. le général Foy.


On demande à droite à aller aux voix.... (Des murmures
s'élèven t à gauche. )


M. de Chauvelin. Cc qui vient d'être déclaré par les préo-
pinans , serait répété par une minorité aussi considérable qu'il
s'en soit jamais présenté. ( Voix à gauche: Oui ! oui' Mur-
'mures à droite.) Oui, messieurs , ce que viennent de dire
NM. Foy et Girardin serait avoué par un nombre aussi con-
sidérable qui ait jamais paru dans aucune minorité reconnue par
le recensement des votes dans cette session. Ainsi , jugez de
l'effet que produirait votre détermination , lorsque silencieuse-
ment vous auriez reieté cette demande de renseignemens. Je
suis d'autant plus inquiet à cet égard , que je vois que le plus
morne silence régnait dans l'assemblée pendant que l'orateur
développait sa proposition, et qu'on demande ensuite à aller
aux voix. M. le ministre de l'intérieur étant le seul qui ait con-
senti à parler sur cette question , et qui ait répondis sans pré-
senter des assertions contraires, j'inviterai M. le ministre de
l'intérieur à vouloir Lien dire s'il sait que le travail qui a été
ordonné par lui aux préfets existe dans ses bureaux, et s'il a
quelque objection à faire à la demande de la communication des
autres pièces. J'ajouterai qu'il ne suffit pas de venir déclarer à
la chambre que si on a ces pièces , on les communiquera; il faut
que ce soit une délibération de la chambre qui en fasse la de-
m an de expresse.... (Des murmures s'élèvent à droite.)


Plusieurs voix. Vous ne le pouvez pas Le ministre de
l'intérieur répond que tout. ce que les ministres peuvent don-
ner,.cest la liste des électeurs qui leur a été fournie par les
préfets.


M. le généra/ Foy. Je ferai remarquer à l'assemblée que
M. le ministre de l'intérieur n'a pas répondu à ma proposition.,
Il est évident que la loi a déterminé le nombre des électeurs de
chaque département puisqu'il est le cinquième du nombre de
Ceux qui iraient électeurs d'après la loi du 5 février. Mais ce
n'est pas la comparaison des uns avec les autres , niais la com-
paraison des dro;ts , confèrent. l'électorat dans un départe-
ment avec un antre département, que nous demandons et pour
obtenir ce résultat est indispensable q /1E1 nous avons les Cotes
de contribution. 'Maintenant M. le ministre de l'intérieur dit
(lue


ces cotes n'existent pas dans les bureaux de son ministère. Je
crois qu'elles y existent, d'après ce que vient de dire M. Girar-


qui était préfet. Je le crois, parce que dans la commission


s




( 90
on l'a avancé, et que cela n'a été contredit par personne•.-
.D'ailleurs, tout le monde sait qu'antérieurement, sous ie régime
impérial, il a été fait au ministère des finances un travail qui,
sans doute, ne serait plus exclu aujourd'hui , niais qui a été lé
point de départ du travail que le ministre de l'intérieur a pu
litire. Ainsi les élémens de ce que nous demandons existent ; ils
sont nécessaires pour former notre opinion et éclairer notre
conscience; il est indispensable qu'ils nous soient communiqués..
Je crois que cela est également dans l'intérêt de ceux qui -veu-
lent parler pour le projet de loi , comme dans 'Intérêt de ceux
qui veulent parler contre. J'insiste sur ces propositions. ( Cet
avis est fortement appuyé à gauche. )


M. de Villèle. Précisez votre proposition!
M. le général Foy. Je demande le tableau des électeurs du


département avec la «cote de leurs contributions.
M. de Villèle. La chambre ne peut. vouloir demander que ce


qu'il est possible de lui donner. Qu'on demande au ministère
des documens qui donnent un moyen d'apprécier approxima-
tivement les démens du 5. e


; je le conçois.... ( M. de Chauve-lin: C'est cela! il ne s'agit pas ici de précision mathématique! )
*Nous sommes tous d'accord, car personne ici ne vent voter une.
loi importante, sans bien savoir ce qu'il fera , et il faut procéder
avec une entière bonne foi ; mais si on entoure la proposition
de difficultés, la chose sera inexécutable. Comment vous fera-
t-on connaître les variations résultant de la différence des im-pôts votés et de ceux que vous allez voter? Les états que vous


Q
demandez ne seraient pas exacts, ils ne pourraient pas l'être


uant à la fixation de l'ouverture de la discussion, je crois qu'il
faut accorder tout le temps nécessaire , mais qu'on n'en abuse
pas pour éluder une discussion à laquelle est attachée la tran-
quillité de la France;... ( vive sensation dans toutes les parties
de la ) mais qu'on en finisse sur ce point si important, et
que la France sache à quoi s'en tenir.... ( 'Vif et général mou-
vement d'adhésion. ) Je demande que la discussion soit ouverte
de lundi prochain en huit.


114. de Girardin. Je vais communiquer à la chambre des faits
à ma connaissance positive. Une liste des électeurs a, été de-
mandée aux préfets au mois d'octobre dernier; elle a été formée
en deux mois; elle est dans les bureaux du ministre de Pinté-.
sieur. On y a réuni tous les élémens qui pourraient servir à vous
éclairer; il y a le nom de l'électeur, son domicile, la cote de sa
contribution, la nature de ses contributions : on y énonce ceux
qui sont électeurs comme patentables, et je suis bien aise de


( )
saisir cette occasion de faire remarquer que, dans le départe-
ruent de la Côte-d'Or, il n'y avait que deux électeurs en vertu


( Voix d droite : Et la réunion des patentes
«al:XleialurstiP.e'sdecnosttets .c ntributions l) Ces listes sont dans les bureaux du
ministre ; rien n'empêche de vous les donner : vous pourrez en
distraire le 5. n appelé eu collège de département; chacun pourra
le faire chez soi. Quant à la discussion , vous la fixerez au jour
que vous voudrez ; les adversaires de la loi ne craignent pas ce
jour phis que ceux qui la soutiennent ; nous sommes sur le ter-
rain de la charte.... Voix à droite et au centre : Et nous aussi!'
M. de Villèle: Voilà la question !...


Benoist. Je ferai observer qu'il serait très-long de faire
imprimer quatre-vingt mille noms ( Voix à gauche : Non!
non ! il ne s'agit que du cinquième !) Quant à l'impression des
noms , elle est tout-à-fait contraire aux principes de l'admi-
nistration, surtout en l'accompagnant de la note des contribu-
tions. Dans d'autres temps, jamais les noms des six cents plus
imposés n'ont été rendus publics ; on ne l'a jamais cru conve-
nable.... ( Une foule de voix à gauche : Oui , sous l'empire !
mais ils sont publics aujourd'hui I ) de Chauvelin : ils sont
imprimés et affichés partout' M. Casimir Ferrier: N'avez-
vous pas vu la liste des électeurs et des éligibles de la Seine
imprimée partout 2 Il n'en est pas de ces listes cousine de
celles de l'emprunt....


M. le président. Messieurs , nous ne pouvons délibérer ici
que sur la question de savoir quel jour sera ouverte la discussion
sur le projet de loi.


.11/1: Bilzjanzin-Constant. L'observation de M. Benoist est
naïve, mais elle est importante ; il faudra la reproduire dans
la discussion : elle tend à prouver quejamais vous ne saurez les
noms des plus imposés, parce que les


e
mi-ens du gouvernement


feront seuls les listes comme ils voudront, et que , sous pré-
texte qu'il serait désagréable à tel ou tel contribuable qu'on
sût quelle est sa cote de contribution, nous aurions un cils. n'Umm
dont nous ne connaîtrions pas du tout la légitimité.... de
Chauvelin. : On imprimait bien autrefois le nobiliaire de
France. ) M. Benoist a donc fait un aveu très-essentiel; c'est
qu'en ne connaissant pas la cote des contributions, ceux qui
voudront être du nomb re desla chambre le sache. J'- • plus imposés, le seront sans que
de M. le général F.oy.1)12use de toutes mes forces les propositions


Le ministre des affaires é
s'agir d'enedéli bé


trangères répond qu'il ne saurait
rat:on formelle, parce que chambre né peut




( 9 2 )
donner d'ordre aux ministres du Roi ; mais que les ministres
ne se refuseront pas d'acquiescer aux desirs de la chambre,
autant qu'il sera en leur pouvoir.


Quant au jour proposé pour l'ouverture de la discussion,
ajoute-t-il il me semble que la proposition de M. de Villèle
est juste; elle laisse une semaine entière pour se préparer à la
discussion du projet de loi. Je crois par conséquent devoir
l'appuyer.


M. Mdclzin. Non, messieurs, nous ne cherchons point à
compliquer le travail, nous ne demandons point l'impossible;
nous ne demandons pas l'impression des électeurs d'arrondis-
sement, mais ce qui nous est indispensable, c'est-à-dire la liste
des électeurs de départemens , avec la liste de leurs contribu-
tions. Les listes des plus imposés ont été faites avec le plus
grand soin ; elles manqueraient aujourd'hui d'une grande exac-


.


titude , toutefois elles pourraient être utilement consultées. Si
M. le ministre de l'intérieur avait. pu prévoir cette discussion et
demander des renseignemens dans ses bureaux, il aurait vu que
ses bureaux renferment tous les documens qui pourraient satis-
faire l'assemblée : il a certainement la liste des éligibles, avec
la cote des contributions ; et sur cette seule liste , on pourrait
trouver, au moins approximativement, le cinquième qu'il im-
porte de connaître. Je ne vois à cette communication ni in-
convénient, ni impossibilité. M. de Villèle a dit avec raison
qu'on ne pourrait nous donner des renseignemens d'une exac-
titude rigoureuse ; mais nous n'en demandons pas de tels. Nous
ne demandons que des documens généraux approximatifs, qui
puissent nous éclairer sur la nature et la composition de ce
cinquième qui doit former le collège de département.


M. le président. Ici se présente une proposition d'ordre et
une obligation imposée au ministre du Roi, qui ne peut être
l'objet d'une délibération.— (M. Froc de la Bouilaye demande
la parole au milieu d'une très-vive agitation de l'assemblée. )


M. le général Sébastiani. La chambre paraît d'accord sur la
nécessité de se procurer les documens propres à foreur sa
conviction. M. le ministre de l'intérieur vous a dit qu'il existe
dans ses bureaux des listes d'éligibles et d'électeurs, avec des
quotités pour chacune. ( Voix à droite : Il n'a pas dit cela ! )
Nous vous demandons l'impression de ces listes. M. le ministre
des affaires étrangères a répondu que le temps manquait; M. de
Villèle vous e dit que la tranquillité de la France exigeait
qu'on accélérât le moment de la discussion ; hier , pour
vous faire sentir la nécessité d'accélérer cette discussion , ou n


( 9 3 )
demandé quelerapport soit mis à l'ordre du jour. Cependant elle
est subordonnée à une question importante, que M. le ministre
des finances peut résoudre d'un mot dans cette séance. On
vous a dit hier qu'un objet tout aussi pressant saisissait la
chambre ; qu'au commencement de cette session on avait voté
des recettes provisoires pour six mois, et un crédit de deux
cents millions pour les dépenses. (A droite : Ce n'est pas là la
question! ) Ceci se rattache à la question sous le rapport du
temps. Certainement, si le ministre des finances a encore sur
son crédit de deux cent millions assez de fonds pour continuer
les dépenses, vous pouvez accélérer le moment de la discussion
de la loi des élections. Si au contraire le temps presse ; si l'on
se trouve encore en ce moment dans une position légale et cons-
titutionnelle, niais qui exige que la loi des dépenses soit votée
bientôt, vous ne pouvez pas l'ajourner. Ainsi le moment de
cette discussion dépend d'un mot de M. le ministre des finances.
Quant aux documens, M. le ministre de l'intérieur étant tombé
d'accord qu'il pouvait fournir les listes des électeurs , je
démentie qu'elles soient imprimées.


W. Cornet-d'Incourt. On a exprimé le voeu d'obtenir des
renseignemens que l'on a désignés ; le ministère déclare qu'il
communiquera tout ce qui lui sera possible; là semble devoir se
terminer la discussion ; là sont les limites que vous ne pouvez
franchir. Actuellement, par une sorte de motion d'ordre inter-
dite par notre règlement, on vous propose de demander au
ministre des finances s'il a épuisé son crédit; assurément vous
n'avez pas à délibérer sur une telle proposition.


Le président met aux voix l'impression et la distribution des
pièces qui ont été remises à la commission.


La chambre ordonne unanimement cette impression et distri-
but ion.


Méchin. Je demande maintenant l'impression des listes.
(Le président rappelle que c'est une proposition d'ordre qui
n'est pas de nature à être l'objet d'une délibération de la
chambre. ) Il me semble qu'on cherche à établir un système qui
aurait pour conséquence que la chambre ne pourrait jamais ob-
tenir tous les renseignemens qu'elle jugerait le plus indispen-
sables. Mais, si on admettait de telles doctrines, quels moyens
aurait-elle de voter en connaissance de cause? Ainsi, lorsque


torisé à demander tous
finances présente le budget, on ne serait pas au-


o s
documens nécessaires à


' (Voix à droite : C'est bien différent'.) ) Ici , messieurs , il s' t
d'une obserVat ion bien plus importante que la loi des finances;-




( 94 )
il s'agit d'une loi qui se rattache aux droits les plus essentiels
des Français : quel inconvénient y a-t-il que la chambre de-
mande aux ministres les renseignemens qu'elle juge nécessaires?
les Ministres du Roi sont les ministres de la (Des mur-
mures interrompent à droite




Plusieurs voix : Ils sont les
ministres du Roi ! ) Ce sont les ministres de la loi, messieurs,
car il finit qu'ils l'exécutent, et s'ils ne l'exécutaient pas, ils
seraient responsables. La loi est l'expression de la volonté des
trois pouvoirs. Lorsque le et les deux chambres ont con-
couru à l'existence de la loi, les ministres du Roi sont les mi-
nistres de la ioi. Je ne désavo uepoi nt cette expression, etj'insiste
pour l'impression des listes qui ont été demandées.


M. le général Foy. Il est très-facile de s'entendre. La
chambre n'a certainement pas le droit d'exiger que les ministres
du Roi lui apportent telles on telles pièces. Mals de ce. que les
ministres du Roi ne fourniront pas telles pièces que la chambre
aura exprimé le desir de recevoir, il résultera peut-être une
défaveur contre les projets qu'ils auront présentés. ( Foix à
gauche: C'est cela! ) Il faut doue que nous constations par une
délibération le voeu exprimé par la chambre d'avoir telles ou
telles pièces. Par ce moyen, vous saurez jusqu'à quel point on
veut éclairer vos opinions et votre conscience. Je persiste à de-
mander que la chambre exprime par une délibération le voeu
d'obtenir telles et telles pièces, qui sont nécessaires pour l'exa-
men approfondi de la loi. ( Un grand nombre de voix à droite:
Cela n'est pas possible: )


M. de la Boulaye. On et demandé des renseignemens qui
fissent connaître, par la voie de l'impression , non-seulement
tous les tableaux qui ont été communiqués à la commission,
mais encore d'autres renseignemens. M. le ministre de l'intérieur
e déclaré qu'il y avait certains de ces renseignemens qu'il lui
était possible de fournir. Le vœu <le la chambre paraît donc
rempli ; si l'on veut aller plus loin , on se jette dans un desir
qu'il est impossible de satisfaire, et qu'on ne satisfi:rait même
que d'une manière tout-à-fait illusoire. Dans la réalité, il ne
s'agit que de vous jeter dans clos difficultés interminables. je
desire que nous nous tenions dans les limites de la bonne foi.


(Une vive agitation se manifeste.)
1Vi. Casimir Peirier. Nous devons sans doute desirer tous


les renseignemens qui peuvent éclairer notre jugement, mais
nous ne devons desirer que ce qui est possible. je -vote, pour
que la chambre se borne à désigner le jour Où commencera
!a discussion. Il vient d'être convenu que si nous ne pouvons


( 95
)


obliger les ministres du Roi à donner les renseignemens deman-
dés, nous pouvons au moins exprimer le Ce- Il que ces ren-
seigneinens nous soient donnés. Or, nous ne savons pas quel
temps sera nécessaire pour l'impressiornet la distribution de ces
renseignemens. Dès-lors, comment pourriez-vous fixer l'ouver-
ture de la discussion ! Je demande que l'ouverture de la dis-
cussion soit aj rnéej usqu'au montent où aura eulieu l'impression
et la distribution des pièces que les ministres pourront coin-,
muniquer.


M. le président. On a proposé d'ouvrir la discussion au 15
de ce mois.


Quelques voix à gauche : Après l'impression et la distri-
bution des pièces à fournir par le ministre :...


M. le président. Je ne puis mettre la proposition aux voir
dans ces termes, elle imposerait une obligation aux ministres...


Un grand nombre de voix à ,,_rauche : C'est vrai ! c'est
juste !..... Aux voix l'ajournement au 15!


M. le. président. Je mets aux voix l'ajournement au 15 de
ce mois.


La chambre prononce cet ajournement à l'unanimité.
La discussion est reprise sur le projet de loi sur les douanes:


CHAMBRE DES PAIRS.


Séance du 6 mai.


ministre des finances présente à la chambre un projet de
im relatif à la répartition de la , réserve appartenant aux ac-
tionnaires de la banque de France : il en développe les motifs.


L'ordre du jour appelle la discussion sur le projet de loi
relatif à divers supplémens de crédit sur le budget de 1818. La
chambre l'adopte.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séances des 8 et 9 mai.


La chambre entend le rapport de la commission des pétitions,
dont elle adopte les conclusions.


Après avoir entendu les rapporteurs des bureaux désignés




( 96 )
pour la vérification des quatre nouveaux députés des dépar-
temens de Vaucluse, de l'Isère, de la Seine-Inférieure et de
la Charente - Inférieure, la chambre prononce l'admission de
MM. Alexandre Lameth, le général Tarayre et Camille Tels-
seire qui prêtent serment. Elle ajourne celle de M. le marquis
de Causans , jusqu'à ce qu'il ait fourni le certificat constatant
qu'il paie l'imposition exigée par la loi.


La chambre s'occupe ensuite de la discussion du projet de loi
sur les douanes, qu'elle adopte à l'unanimité, moins une voix.


Séance da 12 mai.


M. Albert, rapporteur de la commission des pétitions. Le
sieur Dumont, domicilié à Bouchain, présente des observations
critiques contre le régime des lois d'exception. La date de cette
adresse se trouve antérieure aux deux lois adoptées par les
chambres et promulguées par S. M.; les réflexions du pétition-
naire deviennent alors sans objet, et sur ce motif, la commis-
sion propose à la chambre de passer à l'ordre du jour.


M. Benjamin-Constant. Il est de fait que, depuis l'établis-
sement de la censure, certains journaux ont redoublé d'outrages,
d'insultes, d'attaques personnelles qui rappellent parfaitement
le style de 1793. Entre ces journaux, que cependant la censure
autorise, et ceux qui paraissaient dans le temps de la plus scan-
daleuse licence, il n'y a que cette différence, que les individus
ou même les pouvoirs constitutionnels que l'on outrage ne peu-
vent pas être défendus. La censure s'oppose à toute réponse et
à toute explication. ( L'orateur cite plusieurs passages des jour-
naux qu'il signale.) Certes, nous pouvons être divisés d'opi-
nion ; mais aucun de vous ne peut voir, sans en être révolté-,
la majorité ou la minorité de la chambre, ou même un de ses
membres accusés par des misérables de la manière la plus scan-
daleuse.


Messieurs, autoriser des infamies pareilles n'a pas pu être
votre but, quand vous avez donné au ministère la censure des
journaux. 'Vous n'avez pu vouloir qu'on insultât, qu'on accusât-';
vos collègues, sans qu'on pût les défendre, oui, sans qu'on pût
les défendre. Je ne sais ois les ministres ont pris leurs censeurs; ;
on dirait qu'ils les ont cherché dans ce qui reste de la fange.
révolutionnaire. ( De violens murmures interrompent au centre
et à droite.) Mais quoi qu'il en soit, je suis convaincu que
puisqu'ils ont craint la calomnie entre les mains de tous, ils ne.;„
voudront pas qu'elle soit le monopole impuni de quelques-uns.


( 97 )
C'est un moyen d'ajouter à nos d issentimens , d'aigrir les haines ,
et de produire une irritation dont les tristes résultats -seraient
le crime de l'autorité qui les provoquerait 'par sa perfidie ou sa
connivence. Comme moven d'attirer l'a ttention'du ministère sur
ces désordres,-je demande le renvoi de la pétition au ministre
de l'intérieur.


Cet avis est fortement appuyé à gauche.
M. Méehin. Messieurs, j'appuie de toutes mes forces la


proposition de notre collègue M. Benjamin-Constant. Ce renvoi
sera un avertissement utile au ministère de veiller à la manière
vraiment scandaleuse et criminelle dont MM. les censeurs rein-
plissent leurs mandats. Lorsque la presse était libre, la défense
contre l'attaque était de droit et ne souffrait point d'obstacles.
Ainsi, comme aujourd'hui, des feuilles publiques se permet-
taient les provocations au meurtre et à la guerre civile, avec une
impunité qui souvent a révolté le public. Des- frénétiques, dans
leurs feuilles, ont été jusqu'à s'écrier tuez; et le ministère public
est demeuré impassible, et ses rigueurs ont été désarmées contre
de tels coupables ! Le ministère public encourait seul dans cet
état de choses des reproches mérités ; mais c'est aujourd'hui plus
haut que ces reproches s'élèvent. Comment se peut-il que le
ministère souffle que, sous ses yeux, sous son sut orité.et malgré
les engagemens pris publiquement à la face de la nation, des
censeurs donnent cours à un tel débordement d'outrages, (le
calomnies, de provocations séditieuses ? Le ministère l'ignore-
t-il ? le tolère-t-il ? Dans le premier cas, il manque de vigilance;
et dans l'autre, il pousse trop loin la partialité qu'il a annoncée
pour les doctrines monarchiques. Etrange et coupable abus dé
mots ! comme si les horribles pages qui souillent les feuilles
dont il s'agit appartenaient à'la doctrine monarchique ! comme
s'il était une autre doctrine monarchique que la doctrine consti-
tutionnelle ! comme si malheureusement nous n'avions pas au
milieu de nous assez de fermeras de discordes ! comme si un fatal
génie n'eut pas éloigné les jours de la réconciliation qui s'avan-
çaient à grands pas ! Faut-il encore que des hommes étrangers à
nos délibérations travaillent à rendre plus indestructibles les bar-
rières qui nous séparent ! côté de cette chambre est l'éternel
objet de leurs invectives et de leurs fureurs; comme si les élus
d'une grande nation n'apportaient pas du moins avec eux , par le
seul fait de leur élection, un préjugé firvorable et qui commande
le respect ! et puisqu'on nous parle sans cesse de la grande pro-
priété , qu'ils comptent de ce côté les propriétaires que les collèges
électoraux y ont fait siéger; puisqu'on exalte outre mesure l'a-


7




C 98 )
'ventage des richesses, qu'ils pèsent les fortunes , et qu'ils disent
si ce côté ne peut, avec succès, supporter toute comparaison. Que
s'ils cherchent les illustrations qui résultent des services rendus
à la patrie, qu'ils examinent et qu'ils osent dire si de ce côté il
y a un seul homme dont le nom se rattache aux souvenirs de nos
longs Malheurs autrement que d'une manière honorable; qu'ils
disent où, dans un si petit nombre d'hommes, il est possible de
compter plus de faits dignes de mémoire et d'estime. Mais ce
n'est point ce que veut voir l'esprit de parti auquel sacrifient si
ouvertement les censeurs; ils font, et je les en remercie, le
procès définitif à la mesure détestable de la censure qui fait re-
tomber toutes ses erreurs et toutes ses fautes sur les dépositaires
de l'autorité royale.


Permettez-moi d'ajouter qu'un de vos collègues, indignement
calomnié dans un journal de département, justifié par un autre
journal de la même ville, a su que la censure, après avoir permis
la calomnie, s'opposa à ce qu'un journal de la capitale consa-
crât seulement quatre lignes au député qui n'avait répondu à
ces horreurs que par un juste mépris. Mais ce que je viens de
dire est peu de chose, puisqu'il n'intéresse qu'une personne
qui a l'honneur de vous appartenir, et que chaque jour, comme
vous l'avez vu, messieurs, la moitié de vos collègues est outra-
geusement traitée sous les yeux de la censure ministérielle. Un
tel désordre doit cesser, rien ne peut le justifier. Censeurs, faites
votre devoir, ou qu'on rende la presse à sa liberté légale ! Mais
si justice tardait à nous être rendue, si le mal continuait, si le
scandale se prolongeait, le ministère, et il ne pourrait la dé-
cliner, aurait encouru la plus grave responsabilité, Je réclame
de nouveau le renvoi au ministère de l'intérieur.


M. L'omet-cf Incourt. C'est une dénonciation contre la com-
mission de censure.; or, une pareille demande ne peut être sou-
mise à la chambre que dans les formes réglementaires, pour ob-
tenir que la chambre vote une adresse au Roi ; c'est là la marche
&institutionnelle, et la seule qu'on doive adopter. Je demande
l'ordre du jour sur la pétition, puisque la pétition n'a pour but
que de dein-ider k rapport des lois qui sont rendues, et qui,
de leur nature, sont temporaires.


M. Benjamin-Constant. Il est impossible que vous veuilliez
autoriser, en passant à l'ordre du jour, un système qui est véri-
tablement le scandale et la honte de la France. Je vous ai cité
un nom glorieux, celui d'un maréchal de France, le maréchal
Gouvion-Saint-Cyr, recommandable par son patriotisme et ses
éminens services vous ne voulez pas qu'on outrage de pareile


( 99 )
noms ; vous ne pouvez pas vouloir que toutes les autorités soient
avilies; qu'on présente vos collègues comme des assassins, ou
comme des complices d'assassinat, et cela sans qu'on puisse ré-
pondre. J'ai sur moi la réponse la plus modérée, faite à cet in-
fâme article; elle est couverte des ratures des censeurs, qui ont
défendu de l'insérer. Je ne crois pas qu'aucun côté de la chambre
veuille vouer l'autre à la calomnie; je ne crois pas que le ministre
le veuille non plus ; je crois donc que nous ne pouvons rien faire
qui soit phis agréable au ministre lui-même, que de l'avertir,
par un renvoi, des abus qui frappent tous les yeux dans l'exé-
cution de la loi de la censure. J'insiste sur ce renvoi au nom de
la justice et de votre propre dignité, et parce qu'il avertira le
ministère d'un abus fait des lois d'exceptions.


M. Albert. L'objet de la pétition n'a rien de commun avec
ce que vient de dire M. Benjamin-Constant. Cela n'empêche
pas que les observations de M. Benjamin-Constant ne soient
dans toute leur fbrce; leur publicité suffit , car il ne s'agit pas
de l'existence des lois d'exceptions, mais de leur exécution, et
des abus auxquels elles peuvent donner lieu. Puisqu'il ne s'agit
que de la répression de l'abus, la publicité qui vient d'être don-
née aux observations que vous avez entendues suffit. Le ministre
y trouvera toute l'instruction nécessaire à l'égard de l'objet sur
lequel on vent appeler son attention. Je crois que vous devez
adopter l'ordre du jour présenté par votre commission.


On demande très-vivement le renvoi au ministre de Pinté-
rieur.—Personne ne demande la parole contre La gauche
crie Aux voix ! aux voix !—M. Demarçayréclamela parole...
Plusieurs voix (; gauche : Non !... non ‘!... laissez donc aller
aux voix !—M. Demarçay insiste et monta à la tribune.


Dernarcay. Quoi qu'en dise M. le rapporteur, ce qui a
été dit à la tribune est dans un rapport très-précis avec l'objet de
la pétition ; M. te ministre de l'intérieur, eu nous présentant le
projet de loi sur la censure, a fait le plus pompeux éloge de la
manière dont cette loi serait exécutée. Il a repoussé toutes les
craintes, toutes les terreurs qu'on pouvait concevoir des abus
de son exécution ; et, à l'entendre, tout le monde devait en être
enchanté : vous voyez comme la loi a été exécutée, vous voyez
quel usage on en fait. Je demande donc le renvoi à M. le pré-
sident du conseil des ministres, afin que M. Pasquier, qui vous
a promis que la loi serait exécutée avec partialité, mais que cette
partialité serait exercée dans le sens des principes monarchiques,
sache combien ses voeux ont été satisfaits... ( Quelques murmures
s'élèvent au centre et à droite... On demande à aller aux voix. )




(100 )
Le prsident met l'ordre du jour aux voir.
La droite et la partie du centre de droite se lèvent pour


l'ordre du jour. —La gauche et une partie du centre de gauche
se lèvent à la Contre-épreuve.


M. le président. La chambre ne passe pas à l'ordre du jour.
—Je mets aux voix le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.


Le renvoi est prononcé à la même majorité.
Plusieurs membres : On a demandé le renvoi au président


du conseil des ministres !... D'autres :.Non! non ! le renvoi au
mi nist re de l'intérieur suffit !


M. le président. La proposition de M. Demarçay est-elle
appuyée ?... Voix à gauche : Oui ! oui !


Le président met aux voix le renvoi à M. le président du
conseil des ministres.


Un grand nombre de membres ne prennent pas part à la
délibération.—M. le président en fait l'observation et reno u-
velle l'épreuve. —Le renvoi est rejeté.


La chambre se forme en comité secret.


Séance du i5 mai.


La séance est ouverte à une heure, — Un concours extraor-
dinaire de spectateurs occupe les tribunes publiques et réservées.


41. lé ministre de l'intérieur. Je n'ai rien à dire contre la
rédaction du procès-verbal ; je veux seulement faire une obser-
vation que j'aurais présentée à la chambre si je m'étais trouvé à
la dernière séance. Le gouvernement a prescrit à la censure une
:grande impartialité. Elle doit laisser aux divers journaux la
libre expression de leurs opinions et de leurs couleurs, et ne
retranChe• que les personnalités et les Mil:ires ; elle s'est géné-
ralement conformée à ses instructions. On juge la commission
sur les choses qu'elle a permis d'imprimer ; on en a le droit,
et je ne demande pas qu'on s'en désiste pour elle : c'est une
épreuve qu'elle peut supporter; mais le ministère qui sait de
combien de scandales elle a préservé la société , combien d'in-
jures elle a épargnées à plusieurs de ceux qui ne les lui épargnent
pas à elle-même, ne peut s'empêcher de lui en tenir compte.
Je n'ajouterai plus qu'un mot : le ministère n'a point pris les
censeurs dans ce qui reste de la fane révolutionnaire, comme
l'honorable membre a dit qu'on pourrait le croire; plusieurs
d'entre eux ônt été victimes de la révolution, aucun d'eux n'y
a participé ; il n'en est pas un seul dont la vie morale et politique
ne puisse défier Pe)amen le plus rigoureux. Voilà ce que je


( 101 )
dois dire des intentions du gouvernement, et sur des hommes
honorables qu'il a choisis pour le seconder dans l'exécution
d'une loi que vous avez jugée nécessaire, et que, l'on voudrait
en détourner par des reproches et des imputations qu'ils ne
méritent pas.


M. Benjamin-Constant. Je n'examine point si l'article
contre lequel je nie suis élevé, et que j'ai cité pour exemple,
a effectivement échappé à la censure ; mais j'ajouterai que des
articles entiers, lus et approuvés par la censure, contiennent
au moins des choses aussi fortes, Par exemple, dans un journal
que j'ai cité à la dernière séance , on dit que toute l'agitation
Nient de cette chambre, que les assassins répondent à l'appel de
leurs chefs, et on rattache cet appel à un projet d'adresse au
Roi, proposé par un de nos honorable collègues. 11 est bien
évident qu'il n'y a pas ici erreur de la part de la censure, mais
volonté bien manifeste de permettre des artic:es pareils. Je
pourrais en citer qui sont encore plus •iolens. Un journal rap-
portant ce qui se passe dans les états despotiques, à Tunis, à
Alger, après avoir 'dit que cent cinquante têtes avaient été
abattues, ajoute, en lettres italiques : Avis aux libéraux.


Certes, de telles provocations ne nous effraient pas ; nous ne
redoutons pas leurs effets; mais nous pouvons, dans de tels
articles, trouver au moins la preuve que la censure n'est pas
impartiale. Ii faut ici , messieurs , dire la vérité : si je voulais
réfuter M. le ministre de l'intérieur, je lui lirais un article dans
lequel le journaliste remercie la censure ainsi que les tribunaux
de leur partialité; la seule chose qu'il leur reproche c'est de
n'être pas encore assez partiaux. Cet article a été publié hier,
et ne peut sans doute l'avoir été qu'avec l'approbation de la
censure. Ainsi, je crois que les ministres se trompent com-
plètement lorsqu'ils soutiennent que la censure s'exerce avec
impartialité. La multiplicité de leurs affaires ne leur permet pas
de lire tous les articles ' l es iournan y ; et s'ils voyaient la quan-
tité (le provocations directes, d'insultes à la représentation
nati onale, ils pourraient alors reconnaître que la censure laisse


e
opposer, certains articles entièrement reprè-


istssi Isa, n tandis si ')' qu'elle refuse toute réponse.
Quant eux censeurs je n'ai jamais examiné ce qu'ils étaient :


jene les connai s pas; je ne sais pas leurs noms; je n'ai aucun
rapport avec eul:; je n'ai rien écrit qui soit de maure à être
soumis à la censure, et je n'écrirai rien qui doive lui être en-
voyé ; j'ai dit que je les jugeais par leurs actes ; en cuaminant
ces actes, j'ai dit que je ne savais pas où les ministres avaient





( 103 )
immense dans notre ordre politique. Foyer absorbant et réflé-
chissant de l'opinion, elle s'approprierait bientôt la souveraineté
tout entière, s'il n'existait pas d'obstacle à ses envahissemens.
possibles. La charte a créé cet obstacle ; elle attribue à la cou-
ronne le droit de dissoudre la chambre des députés, sous
l'obligation d'en convoquer une nouvelle dans le délai de trois
mois. Ainsi, le Roi peut, dans tous les temps, en appeler-à la
majorité, quelquefois factieuse, de la chambre élective, A la
majorité,nécessairement consciencieuse, des colléges électoraux
de France.


( 1.02 )
été choisir les censeurs


( Voix ci droite,: Vous avez dit,:
dans la fange révolutionnaire .... .).


Je ne voulais pas, répéter ce mot. Oui
., j'ai dit qu'ils parais-,


saient avoir été pris dans la fange révolutionnairer , je ne désa-
voue pas cette expression.. Le caractère des révolutionnaires
de 93 était la partialité ;. ils vouaient leurs victimes à des tri-
bunaux assassins , et empêchaient qu'ils. pussent se défendre..
Le caractère des journauk révolutionnaires était de créer dés
conspirations absurdes, et d'empêcher qu'on ne pût-, par la
presse, en démontrer l'absurdité. Tous.ces caractères je les
retrouve dans les journaux dont j'ai parlé ,. et par conséquent
.dans les censeurs qui les permettent. Les individus ne me sont
rien ; la plupart des noms des. censeurs sont tellement obs-
curs, qu'on peut les. ignorer; mais leur conduite a été jugée par
leurs oeuvres, et je soutiens que les hommes qui ,


permettent
l'attaque et s'opposent à la défense, s3nt des hommes qui nous
rappellent les époques les plus désastreuses de notre révolution,


M. le président. Il n'y a pas d'autres. observations sur la
rédaction du procès-verbal


La rédaction est adoptée.
L'ordre du joifrappelle la discussion sur le projet de loi des


élections..
M. le général Foy. Messieurs, la monarchie représentative,


c'est le gouvernement du Roi et de la majorité; non pas de• la
majorité numérique d'un grand peuple répandu sur , un vaste
territoire, mais de la ma j orité des assemblées dans lesquelles
réside le droit de faire des choix ou de prendre des délibérations
qui concourent à exprimer le voeu national.,


Des lois écrites ou
non écrites déterminent partout les Bondi ions d'aptitude et
l'étendue d'attributions suivant lesquelles chacun entre dans. I
les pouvoirs de la société. Dans .


notre pays, on a adopté l'âge
et le cens comme signes dela capacité à élire et à être élu. Opé-
rant sur une nation dent les citoyens naissent égaux en droits,
et procédant par voie d'exclusion, la charte a dit (art. 38) :
Aucun, député ne peut iltre admis dans la ch-ambre , s'il n'estfigé de quarante. ans, et-s'il- ne paie une contribution directe
de mille francs. (Art. 4o. ) Les électeurs qui concourent ii la
nomination des députés, ne peuvent avoir droit de suffrage
s'ils ne paient une.contribution directe de trois cents francs
et s'ils ont moins de trente ans.


La chambre. des députés, par son droit d'accuser et de
mettre en jugement les ministres, par sa prédomination sur la
discussion des dépenses et sur le vote de l'impôt, et surtout par
le retentissement de le tribune, la chambre des députés est


La loi qui-détermine l'organisation de ces puissantes et nom-
breuses cours d'appel destinées à prononcer en dernier ressort
sur les plus graves intérêts qui puissent être débattus , cette loi
Marche presque l'égale de la loi fondamentale.. Elle approchera
de la perfection, lorsque tous ceux dont la charte a admis la
?capacité exerceront leurs droits électoraux; lorsqu'ils les exer-
ceront libres de toute contrainte; lorsque les suffrages s'appli-
queront immédiatement aux personnes et aux fonctions..qui en
sont l'objet définitif. On verra alors l'esprit de faction, qui
n'est autre chose que la lutte de quelques-uns contre tous ,
reculer d'effroi devant l'expression de la volonté générale. Il y.
aura des élections réelles et vraies, dans l'intention comme
dans le résultat , et ce n'est pas la loi électorale psi les aura
Lites. La loi électorale n'aura été qu'un instrument également
maniable pour toutes les opinions dominantes.


Dans les temps paisibles, une pareille loi attirera rarement à
la chambre les agens do-l'autorité exécutive, parce que les élec-
teurs chercheront, avant tout, des députés indépendans , des
députés qui aient intérêt à serrer et non .à délier la bourse des
contribuables ; mais. elle y amènera ceux que des notabilités
locales, et particulièrement l'emploi honorable d'une grandi
fortune, signalent à l'estime de leurs concitoyens.


Dans les temps d'agitation, les élections, seront•. empreintes.
de l'esprit qui animera la société, au moment-oà . elles se feront.
Si on a récemment essayé une de ces tempêtes qui bouleversent
les conditions et les fortunes, et qui n'améliorent l'existence , du..
plus grand nombre-qu'aux dépens des infortunes privées, vous
verrez les. suffrages aller d'eux-mêmes consoler- les classes mu-
tilées , avec cette délicatesse qui caractérise la plus- sensible et.
la plus généreuse des nations. Si les erreurs ou les passions du
despotisme avaient entraîné l'état à sa•roine; les choix se tour-
neraient naturellement vers les zélateurs d'une liberté illimitée,
et les doctrines démocratiques . seraient accueillies et caressées




)
danSiès Colléges. Si le pays avait été envahi touts-à-Pheure paie
les étrangers, ce ne serait pas merveille de voir la haine qu 'ils
auraient inspirée, retomber sur les hommes auxquels on suppose
des rapports avec eux , et porter à la chambre des députés.
d'autres hommes sillonnés par le fer et le feu de ces mêmes
étrangers. Enfin, si le prince ayant donné des lois de garantie.
pour les intérêts fondés et pour les droits acquis, elles eussent
trouvé des adversaires implacables dans un ordre de citoyens ,
et que cet ordre de citoyens, placé dans les villes et dans les
campagnes à la tête de toutes les hiérarchies, menaçât les ins-
titutions nouvelles , il ne faudrait pas s'étonner que l'esprit de
localité se têt momentanément devant le danger que courraient
les 'institutions, et que les électeurs effrayés allassent au loin
enlever aux travaux du cabinet tel promoteur ardent des prin
cipes chers à la nation, et arracher à sa charrue le patriarche,
persévérant de la liberté et de l'honneur.


Voilà, messieurs, la loi du 5 février 181 7 ; c'est la loi de vé-
rite ; c'est le miroir de l'opinion, et cette opinion n'est pas à
craindre ; elle veut le repos et la liberté, le Roi et la charte.
La loi a été mise en pratique peu de temps après de funestes
catastrophes , et les élections ont repoussé ceux que la rumeur
publique désignait comme les auteurs de nos derniers malheurs.
Si d'autres fictions profitaient de l'impulsion donnée aux esprits
pour amener d'antres malheurs par d'autres voies , le remède
est dans l'instinct conservateur du corps électoral; des doctrines
rassurantes balanceraient bientôt et surmonteraient infaillible-
ment les doctrines pernicieuses. Les cent mille propriétaires les
plus imposés de la France sont là : il n'est pas permis de prêter
gratuitement à l'élite d'une nation le projet d'un suicide.


L'inspiration royale qui dicta la charte en 1814 a produit
en 181 7 la loi des élections. Aussitôt éclatèrent en invectives
et en augures sinistres les vieux ennemis de la France nouvelle
et tous ceux qui ne sauraient pardonner au Roi de nous avoir
donné la charte, et à la charte d'avoir consacré l'oeuvre de la ré-
volution. En 182o, comme dons les années pr6cédentes , les
cris de rage de la faction du petit nombre eussent expiré devant:
la majestueuse résistance de la puissance publique, si l'esprit de
vertige n'avait pas tout-à-coup envahi les conseils de la coi


-i-
f-mine, et: si l'ébranlement donné à dessein aux croyances cons-
titutionnelles ne nous avait précipités dans le vague des systèmes.
Un ministre puissant. alors j ugea que, si la loi du 5 février con-
tinuait. ft régir les élections , la majorité dans cette chambre lui
échapperait et il n'hésita pas à sacrifier la loi et peut-être le


( 105 )
pays.au besein qu'il avait de conserver la puissance. D'un autre
côté, des hommes amis de la liberté, mais trop enclins à se nour-
rir d'idées spéculatives, rêvèrent que dans la mêlée des passions,
ou irait: les prendre pour médiateurs, et que cet ascendant de po-
sition leur servirait à agrandir notre gouvernement représen-
tatif et à le jeter en bronze. La nation s'effraya de voir mettre
en doute, par d'indiscrètes argumentations, tout ce qu'il y a de
convenu et de révéré parmi nous. Les vrais amis du trône fré-
mirent quand on osa toucher à la charte, et quand on essaya de
la déroyaliser pour la réduire à. la condition d'une loi ordinaire.
De ces combinaisons diverses naquit , après un long enfante-
ment , un projet de loi en quarante-sept articles. On vous le
présenta à une époque de douleur.


Je fus l'un des commissaires pour l'examen du projet: Quel-
ques membres de la commission, et j'étais du nombre, pensaient
que la loi du 5 février suffisant aux besoins de la société et au
voeu de la charte , il n'y avait pas de lacune dans le Code élec-
toral ; d'où ils concluaient que la puissance législative n'était
pas dans la nécessité d'innover sur ce point. La majorité , toute
d'accord sur l'excellence de notre régime actuel , crut cepen-
dant que pour satisfaire aux craintes exprimées, soit par le gou-


..vernement du Roi , soit par un certain nombre de nos collègues,
elle pouvait admettre , comme perfectionnement de la loi exis-
tante, certaines modifications secondaires qui n'altérassent pas
les deux principes fondamentaux dans la matière, savoir, ?élec-
tion directe et la parfaite égalité de droits entre ceux qui réu-
nissent les conditions exigées par l'article 4o de la charte.


C'est dans cet esprit que votre commission a entrepris un
travail long et difficile. Elle a su distinguer dans le projet de loi
les candeurs de la théorie , des combinaisons imaginées pour
perpétuer le pouvoir dans les mêmes mains, et des concessions
faites au parti dont on voulait capter les suffrages : elle a adopté
du projet les seules dispositions qui ne fusseà p.is en contra-
diction manifeste avec la charte et avec la loi du 5 février. Mais
les ami res dispositions auxquelles elle refusait son assentiment,
elle ne les rejetait pas avec un dédain absolu et sans un sévère
examen. Cet examen, auquel tous les membres avaient pris part,
ne pouvait manquer de jeter de . vives lumières dans cette as-
semblée. Nnus avions nommé à l'unanimité pour notre rappor-
teu• l'homme le plus propre à éclairer vos opinions par la hau-
teur de sa doctrine , et à commander votre confiance par l'indé-•
pendance de ses principes.


Cependant la scène politique avait changé d'aspect ; contraint




( f6)
de céder à la violence patente des agens d'un gouvernement.
long-temps occulte, le ministre dirigeant avait disparu et avec lui:
l'espoir du bien que l'on pouvait en attendre , soit par le sou-
venir de quelques services passés , soit en réparation du mal
qu'il venait de nous fàire. Les traditions du 5 septembre étaient
effikcées dans les conseils, après que votre commission avait con-
sacré près de cieux mois à comprendre et à approfondir le projet
du ,5 février; et lorsque vos esprits étaient tendus vers la dis-
cussion qui allait s'ouvrir, un autre projet est arrivé , qui , de
prime-abord , a fait demander si le droit de retirer les lois, après.
qu'elles ont été présentées aux chambres, est compris dans la
prérogative royale. De quelque manière que soit résolue cette
question préjudicielle, encore est-il certain que de tant d'hésita-
tions et de variations résulte un préjugé défavorable envers. les
conseillers de la couronne , et par suite envers la proposition,
qui est leur ouvrage ; mais ce préjugé n'a eu accès chez aucun.
des membres de la commission pie vous avez nominée. Elle de-
vait considérer, et elle a considéré en effet le nouveau projet en.
lui-même , et d'après son mérite réel.


Je regrette, messieurs, de ne pouvoir vous dire que la dis-.
cussion ait, été dans cette seconde commission aussi pénétrante ,.
aussi lumineuse, aussi productive que dans la première. Notre
président , que nous avons aussi nommé rapporteu r, luttait avec•
peine contre sou ardeur trop hâtive à mettre au néant cette loi.
du 5 février, dont il fut dans d'autres temps le champion si éner-
gique , le panégyriste si éloquent.. Bientôt tout accord est de-
venu impossible entre ceux qui devaient remplir les obligations.
que votre confiance leur avait imposées.


Cependant le projet de loi était hérissé de difficultés. Ces dif-
ficultés , le rapport de votre commission vous a prouvé que nous
sommes loin de les avoir résolues. Je vais , messieurs., les offrir
à votre méditation. Je suivrai l'ordre des articles , et puisque
l'exposé des motifs nous a promis que la charte ne serait pas.
touchée dans une seule de ses syllabes, je ne manquerai pas.
d'examiner concurremment avec l'utilité et l'opportunité de
chaque disposition, jusqu'à quel point elle s'accorde avec la
constitutionnalité provisoire de M. le ministre de l'intérieur.


L'art. i . er établit un collège de département et des colléges.
d'arrondissement.


Le fractionnement de La masse électorale en sections, qui ne
concourent pas immédiatement et suivant la même direction à
la nomination de tous les députés que le département doit élire,
est contraire à la charte. Cependant il se présente aux. esprits. ire


( 107 )
réfléchis avec une espèce de faveur, comme allant au-devant do
deux reproches capitaux qu'on a faits à la loi du 5 février; l'un
d'empêcher beaucoup d'électeurs d'exercer leurs droits à cause
de l'éloignement du lieu où se fait l'élection ; l'autre, de placer
les hommes rassemblés en grand nombre sous le joug d'influences
extérieures, qui n'auraient exercé qu'un faible empire sur les
hommes isolés ou formés en assemblées peu nombreuses. Je vais
examiner la gravité du mal et le mérite du remède.


C'est un grave inconvénient qu'un électeur, et à plus forte
raison plusieurs , soient privés de la faculté d'exercer le droit
qu'ils tiennent de la charte. Le gouvernement annonce la pré-
tention d'y remédier en formant des colléges d'arrondissement,
et on appelle cela mettre les élections à la porte des électeurs,
Nous verrons tout-à-l'heure si ce sont des élections qu'on fera
dans les arroudissemens , et si l'importance attribuée par lu
nouveau système électoral aux votes des collèges inférieurs
méritera qu'on prenne la peine de faire quelques pas pour les
déposer dans l'urne ; mais, en attendant, abstenez-vous d'an•
cusations pie le système actuel ne mérite pas ; gardez-vous de
nous dire que la considération de la lutte à soutenir contre la
masse d'électeurs réunis au chef-lieu du département, contri-
bue plus encore que l'éloignement à dissuader les électeurs de
la campagne d'aller y porter un suffrage qu'ils croient devoir
être inutile. L'art. 8 de la loi du 5 février ne laisse-t-il pas à la
couronne le soin de désigner les villes eù siégeront les collèges
électoraux ? N'a-t-on pas vu , il y a peu de jours encore , les
élections de l'Isère reléguées dans une ville située à l'extrême
frontière du département., hors des rapports habituels de la po-
pulation, et séparée du reste du pays par une chaîne de mon-
tagnes? Je vous le demande, messieurs, quand on possède un
pareil droit, et quand on en use si largement, est-on fondé à venir
déclamer contre l'influence des chefs-lieux?


La forte impression qu'a produit sur certains esprits l'allé-
gation de l'autre reproche fait à la loi du 5 février, prouve com-
bien nous sommes encore novices dans le gouvernement repré-
sentatif. Faudra-t-il donc éternellement répéter qu'un certain
degré d'agitation tient à l'essence de ce gouvernement, et que
vous étouffer« la volonté électorale, quand, sous le prétexte
d'écarter la brigue, vous embarrasserez les communications entre
les électeurs, et quand vous gênerez les déductions réciproques
propres à suggérer de bons choix? On a parlé d'un comité direc-
teur des dernières élections, et assurément, messieurs, on en
a parlé beaucoup plus à cette tribune que dans les départemens




( 108 )
où on l'a supposé si efficacement actif. Mais les ministres eux-
mêmes n'avaient-ils pas donné l'exemple de vouloir commander
les élections, non au moyen du prestige qu'exerce un gouver-
nement juste et glorieux sur un peuple reconnaissant, mais par
l'action immédiate , séductrice, avilissante de ceux qui Ont des
places et. de ceux qui veulent en avoir ? Ce comité directeur
était-il donc le seul ? chaque opinion , chaque collection d'in-
térêts n'a-t-elle pas le sien ? Et le comité directeur du parti qui
s'entend le mieux parce qu'il est le moins nombreux, le comité
qui écrit des circulaires numérotées, qui dicte des adresses, qui
rédige des notes secrètes , que lui manque-t-il donc autre chose ,
pour faire les élections, que d'entrer clans la pensée des élec-
teurs? C'est là tout le secret, messieurs ; ceux qui ont influencé
les dernières élections, si tant est qu'elles aient été influencées,
ont réussi parce qu'ils marchaient avec la nation : on est toujours
assuré de faire foire aux hommes ce qu'on veut, lorsqu'on com-
mence par vouloir soi-même ce que veulent les autres.


L'art. 2 prend les électeurs les plus imposés dans la propor-
tion du cinquième de la totalité, et les constitue en collège de
département : par l'art. 5 , le collège de département nomme
les députés à la chambre.


Ainsi, le droit. de nommer les députés , attribué par la charte
à des contribuables de trois cents francs, le voilà assujetti à une
autre condition , et cette condition variera d'une localité à l'autre,
de manière qu'on sera peut-être électeur clans le département
de l'Eure , en payant quatre cents francs , et qu'on ne le sera
pas dans la Seine-Inférieure , en en payan t deux mille. Où
sont donc vos pouvoirs, à vous , dépositaires de tous les inté-
rêts sociaux, pour classer arbitrairement la propriété en grande
et petite, comme si, dans tous les pays où l'impôt est assis pro-
portionnellement, la grande et la petite propriété ne suppor-
taient pas également les charges publiques ? Où sont donc vos
pouvoirs, à vous , les assermentés de la charte , pour élever et
soumettre à des variations le cens que la charte a fixé uniforme ,
pour assigner une' autre capacité politique que la capacité ad-
mise par la charte , pour rétrécir et déformer le cercle que la
charte a tracé? N'est-il pas évident que vous dépassez vos attri-
butions législatives ? En vain vous arguez de la disposition fon-
damentale qui confie à la loi l'organisation des colléges électo-
raux; les droits des électeurs ont la même origine que les vôtres ;
ce serait commettre un crime que d'y porter atteinte : il vous
appartient seulement d'en régler l'exercice.


Dans notre pays, comme dans d'autres pays libres, les grands


( 109 )
propriétaires sont les seuls éligibles. On veut aujourd'hui qu'ils
soient aussi les seuls électeurs; cette attribution inconstitution-
neile qu'on prétend leur donner , au profit de quel parti tour-
nera-t-elle? En vain accumulera-t-on des raisonnemens hypo-
thétiques sur la composition probable des collèges de départe-
ment. Je m'en rapporte en ce point aux calculs que n'ont pas
manqué de faire et que réservent pour leur usage ceux qui pro-
tègent-et dirigentle ministère actuel; ceux-là ne se perdent pas
dans les abstractions. Ils courent après le positif ; et s'ils sou-
tiennent le projet de loi, on peut être assuré que le projet de
loi les mène à la domination.


Mais comment insinuera-t-on à la nation des innovations qui
vont tant à rebours du mouvement national? Nos Français n'ont
pas l'esprit tourné à l'aristocratie. Après la liberté et la gloire,
ce qui va le mieux à leur inclination , c'est un seul entre tous,
auguste, placé dans une sphère élevée, resplendissant de l'éclat
de la nation à laquelle il commande. Vous aurez beau leur dire
que les classes supérieures sont la décoration d'une monarchie,
Glue la perpétuité des familles assure là durée des empires, et
que leur prépondérance est nécessaire ail maintien de la liberté,
ils ne vous croiront pas , et leur incrédulité ne date pas d'hier.
Notre histoire n'est •ue le récit de la longue guerre du tiers-état
et de la royauté contre la noblesse; notre révolution est, il faut
l'espérer, la dernière bataille de cette guerre couronnée par le
complet et glorieux a f •anchissement du tiers-état.


La vieille aristocratie de France a fait de grandes fautes, mais
ses fautes ont été si cruellement punies , qu'un homme hono-
rable ne consentirait pas à les rappeler, si des événemens récens
n'avaient changé les situai ions respectives. Depuis que la noblesse
a perdu une partie de ses propriétés, pour avoir voulu sauver
ses privilèges, elle a vécu quelquefois ennemie et presque tou.
jours détachée de la masse des citoyens: elle pleurait, quand
les autres se réjouissaient , et ses joies ont commencé avec nos
douleurs. Faut-il s'étonner si un peuple susceptible d'être for-
tement impressionné par les dernières secousses a conçu contre
une classe importante de la société , des préventions haineuses
qu'elle devrait,
qu'il n'est au pouvoir


concert
ir de


avec nous, chercher à éteindre, mais
personne de déraciner en un jour. Et


ce serait le moment
1! et l'on attribuerait
l'on choisirait pour ressusciter le privi-


lège
àinstitués par la charte le monopole


du principal des pouvoirs
a ceux qui se sont constamment signalés


par leur haine de la charte et des institutions nouvelles •!' et on
les rendrait plus absolus , plus despotes qu'ils ne l'étaient au




(rio)
temps où la considération du clergé, les prétentions des parle-
mens et les franchises des villes balançaient leur puissance ! et
la couronne perdrait à leur profit l'utilité de son droit de dis-
soudre la chambre élective, condamnée qu'elle serait à les re-
trouver toujours dominateurs exclusifs des colléges qui nomme-
raient les députés ! et la pairie que nous avons tant de peine à
acclimater dans le pays de l'égalité, la pairie consentirait à pâlir
devant cette aristocratie inconstitutionnelle, qui dès à-présent
pense à consolider son avenir?


témoin l'étrange proposition
prise en considération ces jours derniers par l'autre chambre,
d'autoriser l'érection d'élec' torats héréditaires !


Quand le projet de loi restreint à moins de vingt mille éleC-
teurs le droit que la charte conférait à cent mille, que deviennent
les quatre-vingt mille dépossédés?


L'article 3•es répartit dans les colléges d'arrondissetnent,'qui
ne peuvent pas avoir moins de cinquante membres. L'article 4
charge ces colléges de présenter des candidats en nombre égal au
collige de leur département.


Il me sera facile de prouver que ces deux dispositions ren-
ferment l'institution d'un privilège en faveur des petits arron-
dissemens , et l'anéantissement au détriment de quatre-vingt
mille citoyens d'un droit acquis par la charte, et exercé en
vertu de la loi du 5 février.


La France est divisée en départemens pour l'exercice des
droits politiques des citoyens. Les arrondissemen sont de créa-
tion impériale : le nom ne s'en trouve même pas dans la charte.
Cette oeuvre de sagesse, nous replaçant dans le système de l'as-
semblée constituante , n'a indiqué, n'a voulu que des élections
départementales. De graves considérations, qui tenaient à la
difficulté des circonstances, ont porté son auguste auteur à
laisser subsister l'inégalité existante entre les .départemens , re-
lativement au nombre de députés qu'ils envoient à la chambre.
Mais une anomalie obligée peut-elle servir d'excuse à une ano-
malie volontaire? Voudrez-vous, comme on vous le propose,
que des arrondissemens monstrueusement inégaux en popula—
tion électorale, et plus encore sous le rapport de l'importance
et de la richesse, interviennent dans les élections avec des droits
égaux? Voudrez-vous, par exemple, que dans le département
d'Ille- et- Vilaine , les cinquante


.deux électeurs de Redon
puissent et. fassent autant que les trois cent vingt-neuf électeurs
de Rennes ? que, dans l'Hérault, les quatre-vingt-cinq élec-
teurs de Saint-Ponce puissent et fassent autant que les cinq
cent cinquante-trois électeurs de Montpellier ? que, dans la


( iii )
Gironde, les quatre-vingt-onze électeurs de Bazas puissent et
ïassent autant que les sept cent cinquante-cinq électeurs de
Bordeaux? Non, messieurs, vous ne sauriez vouloir que ce que
veut l


La raison aussi que le texte de la charte ne soit pas
torturé, et qu'on l'interprète en conscience. Or, l'élection dans
le système du projet, est une opération complexe qui se com-
pose dela présentation et de la nomination. Peutêtre, dira-t-on
absolument parlant, que ceux qui présentent , comme ceux qui
nomment, concourent à l'élection ; mais les premiers, c'est-à-
dire les votans aux collèges d'arrondissement, concourent ex-
clusivement à la nomination. La vérité de cet exposé a tellement
frappé tous les esprits, que, d'une part, suivant le rapporteur
de votre commission , la loi nouvelle ne fait que déléguer aux
colléges d'en-bas un droit que se sont irrégulièrement arrogé les
associations connues sous le nom de comités directeurs, et que,
d'antre part, d'après l'aveu textuel renfermé dans l'article 5, le
collège d'en-haut fait les nominations.


Cependant, messieurs, ce sont bien les hommes de trois
cents francs, et non pas d'autres, que la charte appelle à con-
courir à la nomination des députés. Ces hommes-là, vous les
dépouillez, vous les déshéritez, vous les sacrifiez ; et bien que
vous les sommiez de venir à une assemblée qu'il vous plaît de
qualifier de collège électoral, vous ne les tromperez pas : ils
verront bien qu'ils ne sont plus électeurs.


Ici, messieurs, ce n'est pas seulement mon opinion quej 'émets. Sept membres de votre première commission des élec-
tions et quatre de la seconde ont déclaré que la candidature, telle
que la combine le projet de loi, est inconstitutionnelle. En vain
essaierait-on de vous faire croire que ce mode d'élection était
en vigueur en 1834, et. voudrait-on en conclure que la charte
n'a pas entendu le proscrire ; l'assertion est inexacte , et la
conséquence qu'on en tire tombe d'elle-même.


La candidature impériale n'a de commun que le nom avec
celle qu'on vous propose. Il existait avant 3 8 4 des collèges de
département et d'arrondissement; ruais c'étaient des collèges
élus, égaux en droits, qui n'avaient pas action les uns sur les
autres, et dont chacun, après avoir opéré isolément, soumet-
tait ses choix au sénat, ou plutôt au personnage dont le sénat
répétait les oracles.


La candidature du projet constitue le despotisme, non d'un
homme, mais d'une classe; ce qui est infiniment moins tolérable.
Cette candidature date de nos jours de malheur, du temps oit




( 112 )
les soldats d'Angleterre bivouaquaient dans les Cham ps-Elysées
et où une batterie prussienne , placée au débouché du Pont-
Royal, insultait à la dignité de noire Roi. Cette candidature
nous a été donnée par l'ordonnance du 15 juillet 1815, ordon-
nance rendue en-dehors de la charte, et avec la volonté expli-
cite de la violer. Cette candidature est contemporaine des
adjonctions e rbitraires et des proscriptions préparatoires. Je n'ai
plus à ce sujet qu'un souvenir à exhumer; mais cc souvenir est
fécond en rapprochemens. L'ordonnance du 15 juillet est con-
tresignée par M. le ministre actuel des affaires étrangères, alors
garde-des-sceaux, et tenant par intérim le portefeuille de l'in-
térieur. Trois mois n'étaient pas encore écoulés depuis qu'il
y avait apposé • sa. signature , et déjà lui et ses collègues
fuyaient devant un parti triomphateur. La chambre de 1815
était inaugurée.


Au reste, quel que soit le mérite ou le vice dételle ou telle
combinaison électorale, on avait cru jusqu'à ce .jour-que le voeu
d'une assemblée ne pouvait s'entendre que du voeu de la majo-
rité. Aujourd'hui, messieurs, le contraire est proclamé dans le
projet de loi , comme pour montrer qu'aucune absurdité n'est
Inaccessible au délire des partis.


M. le ministre de l'intérieur vous a dit à la page 12 de l'ex-
posé, que les électeurs les plue imposés ne pourraient envoyer
à la chambre que des députés qui auraient obtenu ou reçu
candidature du plus grand nombre des électeurs de leur arron-
dissement. Malgré cette déclaration très-formelle, le second
paragraphe de l'article 4 renferme une disposition aussi mal ré-
digée qu'elle est mal pensée, de laquelle ii résulte qu'au décrut
d'un nombre suffisant de candidats réunissant la majorité abso-
lue des suffrages, le collège de département pourra fixer son


,


choix, et même tous ses choix, sur les candidats de la minorité,
ces candidats n'eussent-ils été portés que par un très-petit nom-
bre d'individus dans le coin le plus ignoré du département.


Un exemple, messieurs, vous rendra sensible l'exactitude du
fait que j'énonce, et vous prouvera en même temps que le cas
prévu par le paragraphe, est de stature A se présenter dans tout es
les élections et dans tous les colliges.


Mon département, l'Aisne, est composé de cinq arrondis-
semens; il envoie quatre dépistés à la chambre ; il aura par con-
séquent. vingt candidats à présenter. L'opinion y est franche et
prononcée pour le Roi et. la charte, avec la liberté, avec les in-
térêts fondés par la révolution. Les collèges d'arrondissement ,
.surtout après la séparation des électeurs les plus imposés, se-


( 113 )
ront à-peu-près unanimes dans le principe qui dictera leurs
désignations. Mais il est probable que, plusieurs arrondisseiners
choisissant en même temps les sujets qui ont le plus de droits à
la confiance publique, le nombre des candidats présenté., n'ira
pas jusqu'à douze. Alors, et pour compléter le nombre de, vingt,
on accolera aux candidats véritables, à ceux qui auront re-
cueilli mille ou onze cents suffrages, des candidats postiches
qu'auront rencontrés dans la foule dix où douas sunrages


Même il y a des chances pour que, dans certains cas, un
seul suffrage fisse écrire un nom sur la liste. .Eh bien ! messieurs,
avec ce nom isolé on pourra faire un député ; il sera loisible au
coll « d'en haut de fixer indifféremment son choix sur les


`.re
candidats véritables ou sur les candidats postiches, sur les can-
didats à onze cents voix ou sur les candidats à dix voix. J'au-
gure trop favorableinent de l'esprit qui anime les propriétaires
les plus imposés de mon département, pour croire à une pa-
reille discordance entre eux et les au trespropriétaires leurs con-
citoyens; niais la loi qu'on vous propose consacre l'absurdité
que je dénonce, et chaque année, sur vingt points divers, la
France est condamnée à en subir le scandale.


Croyez-vous, messieurs, que de pareilles déceptions puissent
être offertes à un peuple éclairé? croyez-vous qu'on puisse ras-
sembler les électeurs de là charte et leur dire : Vous nommerez
tics candidats, et d'autres électeurs viendront qui rejetteront
les candidats que votre majorité aura nommés, et qui enverront
à la chambre ceux que votre majorité aura repoussés? Croyez-
volis que les votans des arrondissemens seront assez stupides
pour retourner aux assemblées quand ils auront vu le cas qu'On
fait de leurs suffrages? Le paragraphe a évidemment pour objet
de fournir à l'opinion prépondérante dans le collège d'en haut
des consonnances , et par conséquent des choix à faire dans les
colliges d'en bas. Ces collures d'en bas ne sont que des collèges
fictifs, au moyen desquels on voudrait faire croire aux quatre-
vingt mille électeurs dépossédés, qu'ils sont encore quelque
chose en ?rance. Mais c'est peine superflue; la ruse est trou
grossière pour que personne s'y laisse prendre.


La projet inutile et entaché de tant d'inconstitutionnalité et
dè mauvaise foi , n'est pas susceptible d'être corrigé ; car, même
après les corrections, il donnerait encore tne loi calamiteuse.
Aussi est-ce à regret que je vais indiquer certains amendemens
présentés dans la discussion préparatoire par des membres de la
minorité de votre commission, non dans le dessein de vous les faire
adopter, mais pour vous offrir la preuve qu'ayant à choisir entre


III, 8




( 114 )
des absurdités de différens degrés, la majorité de votre com-
mission, a constamment été entraînée vers les absurdités les
plus choquantes.


Ils auraient voulu que l'exception portée dans l'article a er , en
faveur des départemens qui n'ont qu'un député , fût étendue à
ceux qui, n'ayant pas plus de six cents électeurs , sont par l'ar-
ticle 9 de la loi du 5 février, réunis en une seule assemblée. La
majorité n'y a consenti que pour les départemens dont le nombre
d'électeurs ne dépassera pas trois cents. Cette disposition n'ac-
corde l'exception qu'à cieux départemens de plus, les Vosges
et les !Taules-Pyrénées. Toutefois, on na pas regardé comme
une chose indifférente, d'agrandir la zône de l'élection directe.


Le voeu a été exprimé , pour le cas où on serait forcé d'ad-
mettre la superfétation d'un collège de département, que les
membres fussent nominés, soit par les électeurs de la charte,
soit par les autres citoyens, et dans des formes déterminées,
de manière que le choix pût tomber indistinctement sur tous
les individus réunissant les conditions voulues par l'art. 4o.
Mais ce n'était pas le compte des conseillers du projet : l'aris-
tocratie, en France, ne voulut jamais relever ni du trône, ni
du peuple.


Dès que la quotité des contributions constituait un droit va-
riable suivant les localités et dans les rapports des citoyens entre
eux, il était indispensable de soumettre la formation de la liste
des plus imposés à des conditions particulières de rédaction et
de publicité. On avait desiré que cette liste fût ouverte trois
mois, et close cinq jours avant l'ouverture du collège de dépar-
tement, que les propriétés y fussent détaillées par communes,
et que les réclamations en matière d'inscription fussent sou-
mises à une autre autorité que celle indiquée dans l'article 5
de la loi du 5 février.


La réduction au dixième du nombre des électeurs à Paris, et
au cinquième dans le reste de la France, pour former le collée
de département, a paru exorbitante. Il a été demandé que le.
nombre des membres de ce collège fût égal à la moitié, ou du


•ra ,
moins au quart de la totalité des électeurs, et que les éligibles
en fissent toujours partie.


L'article 4 a donné lieu à. cinq amendemens qui ont été pro-
duits l'un après l'autre.


D'après le premier , les présentations auraient été Lites dans,
les collèges d'arrondissement à la majorité relative, et, après
avoir recensé les votes au chef-lieu du département on en aurait


( /15 )
formé une liste de -candidats en nombre double du nombre de
députés à élire ;


Le second divisait chaque département en autant d'arron-
dissemens électoraux qu'il y aurait de députés à nommer, et
composait les arrondissemens d'un nombre égal d'électeurs;


Le troisième voulait que le nombre des candidats attribué à
chaque département fût basé, non pas sur le nombre des arrondis-,
semens, mais seulement sur le nombre des députés à élire, et
que chaque collège d'en bas présentât au collége d'en haut
un nombre de candidats proportionné à sa population électorale ;


•Le quatrième amendement établissait une liste supplémen-
taire de candidats formée, comme l'autre, à la majorité absolue
des suffrages, à laquelle on aurait eu recours en cas d'insuffi-
sance de la première ;


Le cinquième amendement demandait que le collège dépar-
temental ne pût pas choisir tous les députés dans le même arron-
dissement.


A l'article 7 ,
c'est la minorité de votre commission qui a


provoquéladisposition propre à assurer le secret des votes. Elle
aurait desiré que les bulletins fussent brûlés après chaque dé-
pouillement.


L'article 8 est en opposition manifeste avec l'article 38 de
la charte. Vous n'avez pas plus le droit d'exiger que l'élu ait
payé depuis un an le cens de mille francs, que de lui demander
d'avoir eu quarante ans l'année précédente. Mais le peu de
succès des premiers awendemens avertissait assez de ne pas en
proposer de nouveaux. Vous dirai-je , messieurs, que loin
d'être accueillis clans la commission, ils en faisaient naître d'une
toute autre nature; qu'un membre de la majorité voulait que le
collège de département nommât seul et sans présentation la
moitié des députés, et qu'un autre a demandé sérieusement que
les électeurs les plus imposés votassent deux fois, la première,
dans les colléges d'arrondissement, pour se présenter des can-
didats à eux-mêmes ; la seconde, dans le collège de départe-
ment, pour les choisir.


Au reste, cette verve aristocratique et l'obstination de votre
commission à conserver au projet son caractère na tir, ne seront
pas inutiles au triomphe de la vérité. La loi qui proclame les
quatre cinquièmes des électeurs de France inhabiles à exercerl eurs droits cons titutionnels, et qui renouvelle chaque année
Poutrage de la minorité contre la majorité , n'était pas suscep-
tible d'être amendée. Il faut la rejeter tout entière cette loi dr
mensonge ; la proposition eu a été surprise au Roi , car le




( 116 )
qui nous a donné le gouvernement représentatif, ne peut pas
vouloir le fausser et le détruire. J'en appelle aux esprits
élevés ; quelle que soit l'opinion qu'ils professent, leur éloquence
puisera-t-elle dans ce foyer de déception, une seule émotion
inspiratrice?


Mais des voix patriotiques se sont fait entendre, et leurs p.-
roles méritent d'être recueillies. Il est des hommes modérés aux
yeux desquels la liberté serait un fléau, si elle ne se présen-
tait pas comme l'élément le plus direct et le plus immédiat
de l'ordre public. On est parvenu à leur faire croire que le
trône est en péril et que la sécurité de tous est compromise.
Ils ont dit:: Bien que la loi nouvelle soit tissue d'absurdités et
de fraude, prenons-la comme un remède aux maux présens;
nous retournerons à la loi du 5 février dans des jours meilleurs.


Et moi je leur dis que ces jours meilleurs ne viendront jamais ;
ils ne viendront pas quand la charte sera violée et la nation re-
placée sous le joug du privilège. Et savez-vous, messieurs, ce
qui sera tenté, ce qui arrivera à l'époque très-prochaine oit
une faction ayant obtenu la majorité dans cette chambre,
disposera, sans encombre et sans partage, des ministères, du
trésor, de la force armée? Croyez-vous qu'aucun droit acquis
sera sacré pour ceux qui ont des biens ou au moins de copieuses
indemnités à recouvrer et une existence politique à rebâtir?
croyez-vous que ce seront les sages d'entre eux qui gouverneront
les autres? Voulussent-ils aujourdhui seulement la domination,
ils seront conduits à vouloir la contre-révolution demain. tu
moment arrive où il n'y a plus de halte possible sur le chemin
des abîmes.


Mais il faut le dire aux hommes Timides, afin qu'ils n'ap-.
prennent pas trop tard à leurs dépens que la peur est une mau-
vaise conseillère ; si les complots de l'aristocratie sont flagrans,
la résistance aussi sera terrible, et le projet de loi lui-mn-1.1'11e
ganise cette résistance. Ne voyez-vous pas qu'on ne retranche
pas impunément de l'ordre politique les supériorités de fait cons
tatées par les votes des citoyens? ne voyez-vouspas que l'opinion
dès long-temps aigrie va, chaque jour, s'aigrissant davantage?
ne voyez-vous pas qu'on tent à opposer les collèges d'arrondis-
sement aux colléges de département, les candidats de la majorité
aux élus de la minorité, les hommes nationaux eux hommes du
privilège? Deux nations, deux camps, deux bannières, voilà ce
que vous donne le projet de


Arrêtons-nous, messieurs, quand il en est temps- encore.
Nous qui ne voulons d'antre . charte que la charte, ni d'antre


( 117 )
B ol que le Roi, arretoris-nous pour sauver le Roi et la charte;
gardons notre loi électorale que le peuple a adoptée avec passion,
mettons nos autres institutions en harmonie . avec elle. C'est
dans l'organisation des communes, dans l'assimilation des ad-
ministrations départementales aux formes représentatives, que
les notabilités personnelles ou héritées , les bonnes renommées
et toutes les influences légitimes trouveront leurs places. C'est
là que les suffrages populaires iront les prendre pour les porter
à la direction du corps social. Mais, malheur -à vous, malheur
au pays, si, rébelles aux arrêts du destin , vous entreprenez de
placer la puissance politique ailleurs qu'où se trouve la puis-
sance morale et la force matérielle ! Adosser le trône à raristo-
cratie, c'est commencer une révolution, c'est irriter le peuple,
c'est trahir à la fois et le peuple et le trône. Je vote le rejet du
projet de loi.


( Les mouvemens d'adhésion de la gauche, qui avaient fré-
quemment interrompu l'orateur pendant le discours, éclattent
avec force lorsqu'il descend de la tribune. )


M. de Labow-a7onnaye. Loin de nous ces pharisiens poli-.
tiques qui , séparant la légitimité et la charte, professent pour
la charte un culte exclusif, et méconnaissent son auteur. Leur
cri de ralliement est la charte, toute la charte et rien que la
charte. Ennemis de la dynastie légitime, ils cachent une arrière-
pensée factieuse sous une formule en apparence si constitution-
nelle. Et parce que les rédacteurs de la charte n'ont pas cem-
piété leur ouvrage, parce qu'ils n'ont pas développé par des
lois organiques les principes degonvernement et de liberté qu'elle
renferme; parce qu'ils ne les ont. pas développés par des lois
rédigées dans son esprit, et soustraites comme elle à la dise-
mission des deux chambres, c'est sur la rédaction de cette loi
que les ennemis de la légitimité fondent l'espoir de la renverser.
Savans dans l'art de torturer des principes abstraits, de les.
plier à leur gré à la licence ou au despotisme, ils n'ignorent
point comment, à l'aide de lois organiques plus ou moins déma..


fgogiques, plus ou moins favorables à l'arbitraire, on change.acilement la nature du gouvernement; et ils. n'attendent qu'une
chambre dévouée pour élever ainsi. sur les ruines de la mo-
narchie constitutionnelle ou le fauteuil modeste d'un nouveau
'Washington,iislington, ou le trône sanglant de l'usurpation militaire.


, quels efforts n'ont-ils pas faits pour obtenir une loi
d'élection qui favorisât ce système? que de gens de bien n'ont-
ils pas trompés? Aujourd'hui,, que de passions ne soulève-.


s




( 118 )
t-on pas ? à quels moyens n'a-t-on pas recours pour la main-
tenir ?


Vain espoir! trop d'imprudence e trahi leurs projets; trop
d'audace a révélé leurs complots. Aussi, c'est vainement que
d'innombrables émissaires parcourant nos villes et nos cam-
pagnes, mendièrent des signatures à ces pétitions de commande
qui nous prescrivent si instamment de la respecter. Quatre-
vingt mille noms, apposés pour la plupart sur des feuilles dé-
tachées, et contre lesquels oa réclame chaque jonr, voilà ce
que l'on oppose au silence par lequel l'immense majorité de la
France les a repoussées; voilà ce que l'on oppose à l'adhésion
de la France tout entière. Oui, messieurs , à l'adhésion de la
France ; car, par cela seul que d'innombrables pétitions ont
été colportées sur tous les points du royaume ; par cela seul
qu'elles n'ont pu obtenir que quatre-vin.gl, mille signatures,
elles prouvent à-la-fois et les impuissans efforts d'une faction
et l'adhésion de la France aux mesures du gouvernement., parce
que son silence au milieu des provocations multipliées d'un parti
démontrent une volonté prononcée de s'en séparer, et par con-
séquent la plénitude dela confiance dans la sagesse du monarque,
et le patriotisme éclairé des deux chambres.


C'est parce que les factions s'agitent pour défendre une loi
d'élection, qui doit renouveler une chambre appelée à com-
pléter nos lois organiques, ces lois constituantes qui peuvent ,
au gré des partis, changer notre monarchie constitutionnelle en
république fédérative ou en despotisme militaire, qu'il faut. la
modifier. C'est parce que les factions s'agitent pour défendre
uneloi <l'élection qui put amener unrégicide aux portes de cette
chambre, une loi qui lui donna des défenseurs dans cette en-
ceinte, une loi qui nous envoya cet orateur qui ne craignit pas
d'accuse• le monarque lui-même, le monarque inviolable; qui
osa lui faire un crime d'avoir répudié les couleurs de la révo-
lution, ces coureurs qu'il appelait nationales au moment où ,
proscrites par nos lois , elles sont encore le signe dela révolte et
l'emblême de l'usurpation, qu'il est nécessaire •de la modifier.
C'est surtout par ce que les factions s'agitent pour défendre
une loi qui donne la plus grande influence aux derniers degrés
de l'échelle électorale, à la portion des collèges la moins in-
téressée à l'ordre et à la Stabilité du gouvernement, parce
qu'elle est le moins attachée au sol , est nécessaire de la
modifier.


En effet, comment serait-elle attachée an sol, cette portion
de la classe électorale qui, ne trouvant pas dans le revenu de ses


( 119 )
propriétés de quoi suffire à tous ses besoins et ne demandant
pas ses moyens d'existence à la culture des champs qu'elle pos-
sède, abandonne forcément le toit paternel pour chercher dans
les , à l'aide d'une industrie plus ou moins cosmopolite,
ce qui lui manque pour satisfaire un luxe ou une ambition que
son éducation et ses relations sociales lui ont appris à connaître?
Accorder la plus grande influence à cette portion des collèges
électoraux, n'est-ce pas transporter à la richesse industrielle
la prépondérance que doit obtenir la propriété territoriale clans
un pays essentiellement agricole? n'est-ce pas transporter à la
richesse industrielle que l'impôt peut si difficilement atteindre,
le droit de le voter, tandis que la propriété foncière, qui en
supporte presque tout le fardeau, y devient pour ainsi dire
étrangère? n'est-ce pas confier l'élection des députés garans de
l'ordre et de la stabilité du gouvernement à ceux qui, par la
facilité de déplacer leur fortune et de la mettre à couvert. risquent
le moins dans les révolutions, et peuvent ne voir clans les chan-
gemens politiques qu'une carrière immense, ouverte aux ta-
lens et à l'ambition? Et n'est-ce pas ainsi que nos assemblées
factieuses dont, avec tant"de soin, on avait éloigné les grands pro-
priétaires , grevèrent si long-temps uniquement la propriété ter-
ritoriale, et marchèrent: sans cesse de révolutions en révolutions?


Enfin, lorsque l'expérience de tous les peuples, d'accord avec les
écrits de tous les publicistes, démontre que la richesse industrielle
est essentiellement indépendante par sa position, que l'esprit
du commerce est. républicain de sa nature, est-il convenable de
lui accorder la prépondérance des suffrages, dans une monarchie
constitutionnelle où les intérêts de la démocratie doivent être
représentés, mais où son esprit ne pourrait prévaloir sans la
renverser ?


Cependant quel pays est plus essentiellement monarchique
que la France? quel pays a plus besoin d'un grand pouvoir ré-
gulateur, d'un pouvoir exécutif puissant et. perpétuel, dont l'ac-
tion rapide sentie sur tous les points à-la-fois ne soit oppressive
nulle part? Quel peuple a plus besoin d'un protecteur impartial
de tous les intérêts, d'un arbitre de tous les droits, que celui
qui, disseminé pour les trois quarts dans les bourgs et dans les
campagnes, livré sans rchiche aux travaux de l'agriculture
et des arts mécaniques, dépourvu du temps, des connaissances
et de l'union nécessaires pour se défendre de la prépondérance
des villes, tomberait dans nanisme politique le plus dur, dans
l'esclavage perpétuel de l'aristocratie industrielle, s'il ne trou-
vait pas dans le trône une barrière contre l'envahissement de ses


s




( 120 )


droits politiques, et un défenseur (le ses intérêts agricoles et
commerciaux? Et s'il était besoin d'un exemple pour démontrer
cette vérité , il suffirait de jeter les yeux sur la surface de la
France, pour reconnaître quelle énorme influence la révolution
a donnée aux villes sur les campagnes , dans quel esclavage des
chefs-lieux elle a placé les communes rurales et les petites,
chiés; de comparer le nombre des fortunes et des grandeurs,
nouvelles élevées clans l'une et l'autre de ces populations, pour
vair d'un coup-d'oeil combien les unes ont perdu, combien les.
autres Ont gagné dans un temps si court ; pour reconnaître
combien peu il restait aux villes à usurper, aux campagnes
à sacrifier, pour que les unes arrivassent à la plénitude du pou-
voir, et les autres au dernier degré de l'esclavage politique.


Ce n'est pas le hasard, messieurs , ce n'est pas la volante de
l'homme qui donne des formes immuables aux gouvernemens
c'est la nature des choses. Vainement les efforts des filetions fe-
raient prévaloir un système, une nécessité de fer détruirait le-
gouvernement ou les peuples. La France agricole et livrée presque
tout entière à la petite culture, occupera toujours la majorité de
sa population aux travaux de la terre et des arts mécaniques
qu'ils emploient ; elle sera constamment monarchique par sys-
tème, parce que la propriété attachée au sol a besoin de l'appui
d utrône r la grande, parce qu'isolée dans les villes elle ne pourrait
y lutter contre la prépondérance de la richesse industrielle qui
envahirait le pouvoir ; la petite, parce que livrée sans défense à
l'oppression d'un gouvernement qui lui serait étranger,
proie aux vexations de la bureaucratie et de l'administration, à
la rapine des gens d'affaires, découragée par les impôts, trompée
dans toutes ses transactions, pressurée dans toutes les circons-
tances, elle succomberait dans la misère et s'éteindrait dans
l'avilissement.


C'est parce que la grande et la petite propriété ont cet in-
térêt commun, que leur alliance est indissoluble; c'est parce que
la grande propriété est le représentant naturel de la petite,
que voua ne pouvez pas l'exclure de la représentation nationale,
sans que la représentation devienne illusoire et tyrannique pour
elle. Ainsi, les intérêts politiques et commerciaux de la France
agricole, les intérêts de tous les contribuables, les intérêts de
tous les amis de l'ordre et de la stabilité, les intérêts de la mo-
narchie constitutionnelle et de la légitimité, c'est à dire tous
les intérêts réels de la France repoussent la loi actuelle des
élections, et en reelament une plus appropriée à la nature


( 121 )
d'un pays agricole, au système du gouvernement monarchique.,
enfin, à l'esprit du pacte social qu'elle est appelée à défendre.


Celle qui vous est soumiseremplit-elle toutes ces indications?
non, sans doute; surtout si on la considère comme une loi stable
et permanente. Envisagée comme un mode provisoire, comme
un pas vers le retour aux principes sur la matière , elle peut
être adoptée avec des modifications, parce que , rendant à la
grande propriété une portion de l'influence. que la loi actuelle
'lui ravit , elle fait concourir aux choix des députés appelés à
voter l'impôt, ceux qui sont le plus spécialement intéressés à le
modérer; parce qu'en faisant concourir au choix des députés
garans de l'ordre et de la stabilité de nos institutions ceux qui
risquent le plus dans les bouleverseuiens politiques , elle donne
à la France de meilleures garanties.


Mais elle est vicieuse en ce point, même comme loi provi-
soire, qu'en donnant aux collèges d'arrondissement la nomi-
nation de tous les candidats, elle circonscrit trop l'action de la
grande propriété, et ne lui laisse qu'an droit d'exclusion au
lieu de la faculté : de manière que si tous les collages
d'arrondissement s'entendaient pour ne nom mer que des hommes
dangereux ou des hommes incapables, le droit du collége de
département se réduirait à sanctionner une élection flictieuse
ou une élection peu utile et peu honorable au département;
tandis que si la lui investissait ce Collège de la faculté de choi-
sir la moitié des députés en dehors de la candidature, les col-
lèges électoraux contenus par ce frein, s'empresseraient. à l'envi
de présenter les opinions modérées qui pourraient le plus Lei-
>ment réunir les suffrages des grands propriétaires; et l'intérêt
des localités, combattant l'intérêt des partis, en neutraliserait
la violence.


Comme loi perpétuelle elle est plus vicieuse encore, parce
que n'asseyanl pas la grande propriété sur une hase assez large,
sur la base naturelle, la population agricole qui cultive de ses
mains le champ paternel, vous l'isolez trop, vous lui ôtez
toute sa consistance ; tandis qu'en l'unissant a elle par un lien
politique vous constitueriez un pouvoir électoral imposant,
fondé sur la masse de la propriété et de le richesse nationale.
Alors vous auriez une chambre qui, se rattachant.


. au sol par
de Profondes racines, trop intéressée à l'ordre pour détruire,
mais assez forte pour résister à toutes les attaques, serait. ton:jours


le pouvoir contre
lapuissant(: pour défendre la liberté contre le pouvoir ,


Le moyen 4e fonder ce système électoral, vous le connaissez




( 122 )
tous , messieurs ; c'est celui que choisit un homme qui ne s'était
élevé au rang snprèmc que parce qu'il avait dans la tete une
force de conception et des idées d'ordre et de puissance peu
communes, que parce qu'ayant long-temps travaillé à ruiner
le pouvoir, il connaissait:mieux que Personne ce qui constitue sa
force.


Ce moyen, c'est de faire concourir tous les propriétaires au
choix des électeurs pris dans un certain nombre des p lus impo-
sés de chaque département , parce qu'en unissant ainsi les deux
extrémités de la chaîne vous les fortifiez mutuellement par une
alliance indissoluble; et si de puissantes considérations politiques
ne permettent pas d'adopter en entier ce système aujourd'hui,
il est nécessaire du moins que les principes en soient. rappelés
dans cette discussion, afin que la France sache bien que ce n'est
pas pour les avoir méconnus; mais à raison des circonstances,
que nous n'en demandons point l'application. I\ous reconnais-
sons que la loi ne sera complète et durable que quand la puis-
sance électorale, qui émane de la propriété tout entière, ne sera
confiée que par elle à un nombre déterminé d'électeurs choisis
parmi les plus imposés, dont la liste mobile et accessible à tous
ine constitue point. un privilège, mais un rang d'ordre, puisque
ceux qui s'y trouvent inscrits aujourd'hui peuvent ne pas l'être
demain , et qu'ils ne sont appelés à jouir d'aucun droit qui ne
leur ait été nominativement accordé par la volonté du pouvoir
dont il émane.


Telles sont, messieurs, les considérations générales que j'ai
cris de mon devoir de présenter à la chambre, non pour en faire
un objet spécial d'amendement, mais parce qu'elles m'ont paru
sortir trop naturellement de la loi pour les passer sous silence.
Puissent quelques bons esprits s'en emparer pour améliorer un
système électoral qui, mis en action dans des temps paisibles
atteigne le but qu'on doit s'en proposer; mais qui, fût-il encore
plus parfait, serait insuffisant aujourd'hui sans le concours des
mesures que réclame l'état actuel de la société !


Ce serait en effet commettre une grande erreur, ce serait se
tromper lourdement sur la nature du mal, ce serait prendre
l'effet pour la cause, de penser que ce soit uniquement dans la
loi que réside le vice des élections ; le mal est plus profond. Ce
n'est pas dans une nouvelle combinaison des collèges électoraux
que vous trouverez un remède contre la fermentation des esprits,
contre l'audace des factions, contre l'influence d'un comité di"--
recteur qui dispose des suffrages. Hommes superficiels ! qui n'a-
percevez jamais le mal que "dans ses conséquences, avez-vous.


( 123 )
trublié que les mêmes collèges électoraux qui vous donnèrent la
chambre de 1815, Vous envoyèrent celle de 3816? Tant il est
vrai que c'est moins la loi que l'action du gouvernement, que
l'impuissance qu'il donne de longue main aux esprits , qui dé-
terminent:1es résultats.


Les lois sont l'instrument du pouvoir et non pas le pouvoir.
Sans une main babilc.et ferme, qui sache s'en servis', elles ne
sont: qu'un instrument de dommages pour les peuples, et de ruine
pour le gouvernement. Changez l'impulsion donnée , et des lois
médiocres vous donneront de bonnes élections. Ce n'est point
la loi que nous voulons rapporter qui changea le système poli-
tique, ce fut le système politique de 3816 qui changea la loi
des élections, qui lui imprima son mouvement; le reste en fut
la conséquence. En vain vous la modifierez, si vous persistez
clans le même système ; et peut-être déjà serait-il bien tard pour
y renoncer. L'impulsion n'est-elle pas donnée depuis trop long-
temps? pense-t-on que ce soit en un jour que l'on change la di-
rection des esprits? C'est l'ouvrage du temps ou des grands
malheurs. Si vous en doutez, voyez combien il fallut d'années à
la loi actuelle pon• produire son effet ; voyez ce qu'elle fut en
181 7 ; voyez ce qu'elle est en 1820.


Et vous qui craignez lé retour des hommes de 1815, rassu-
rez-vous , ou plutôt tremblez de ne pas même voir reparaître
ceux qui les combattirent. Ce ne fut pas la loi, ce fut le souve-
nir des cent jours qui donna la chambre introuvable. Les males
collèges électoraux ne vous renverraient pas aujourd'hui sa mi-
norité : cette nuance serait encore trop prononcée; ce n'est pas
une nuance , c'est une couleur, et une couleur opposée qui ob-
tiendrait les suffrages. Et lorsqu'un péril commun devrait nom:
réunir, moins effrayés <lu 'danger qui menace le trône, que de
l'alliance qui pourrait le sauver ., vous hésitez cependant la
révolution s'avance à grands pas, et bientôt le drapeau trico-
bire aura remplacé l'oriflamme. Ainsi périrent. les Grecs du
Bas-Empire. Livrés à de futiles discussions, divisés par des
sectes , ils disputaient encore sur la place publique que déjà
l'infidèle, maître de leurs remparts ; faisait flotter l'étendue. du
prophète su-dessus du Signe révéré des chrétiens, détruisant
:i-la-fois et les vertus et la religion qui les avait produites ;
et depuis plus de sept siècles, rampant dans le nius vil escla-
vage, les enfans n'ont pas encore expié les fautes de leurs pères.


Ministres du Roi, un plan d'attaque se suit avec constance
contre la dynastie légitime ;


us. Course, de


de grandes ambitions arrêtées dans
le • - • grandes espérances dermes mi iimatisme tno-érances


4




24. )


jours subsistant, se sent coalisés, une vaste conjuration s'est
fermée. D'abord sourde et timide, c'est par des attaques sou-
terraines qu'elle ébranle les iondemens du kens!. Bientôt,
grossie des regrets qu'elle évoque, des droits acquis qu'elle
inquiète, des haines qu'elle rallume, des vengeances qu'elle
excite, elle marche à découvert; elle se montre armée et sédi-
tieuse. Dejoeee à Ly on, vaincue à Grenoble, terrassée, mais-
non pas détruite, elle se relève per l'intrigue, s'attache à ses.
vainqueurs, les renverse dans leur triomphe, les foule aux pieds
dans leurs revers, et traînant à son char le courage désarmé , la
fidélité niéconneu insulte à la vertu, se rit de la religion du
serment, et se croit toute- puissante pour avoir en un jour
proscrit leur culte, renverse leurs autels. Mais l'honneur survi-
vait, il remplace tout en France; et l'armée fidèle, trompant
tous les efforts, oppose une barrière invincible à tous les atten-
tats.


. Vainement on soulève le jeunesse, vainement on excite à
la sédition; le peuple reste calme et paisible.


Partout vaincue, la conjuration ne voit plus de succès que
dans l'invasion de la puissance législative, elle ose la tenter.
C'est à l'aide d'un système électoral surpris à l'imprévoyance
qu'elle espère réussir. C'est par le pouvoir des lois qu'elle veut


. renverser le pouvoir qui ne régne que par les lois; et déjà trois
succès préparant sa victoire, annonçaient son triomphe. Sur-
prise dans sa marche, attaquée dans son camp, furieuse , mais
impuissante, c'est dans la terreur qu'elle cherche la défense;
c'est l'épouvante qu'elle appelle à son aise, c'est aux ar-
mes de la perfidie et de la trahison qu'elle recourt; le fer
et le poison se cachent dans ses mains. Un sang auguste
coule; des victimes plus on moins honorées, suais toutes hono-
rables, parce que toutes sont fidèles, tombent chaque jour sous
ses coups. Des tentatives homicides trompent ses espérances,
des tentatives plus homicides encore, se renouvellent sans cesse.
Retranchée dans la loi des élections comme dans sa dernière
forteresse , résolue à vaincre chu à périr, plus la conjuration
multiplie sec efforts et redouble d'audace, plus il nous importe
de l'en arracher. Ce n'est plus du triomphe de telle ou telle
nuance d'opinion qu'il s'agit, ce n'est plus d'obtenir ou de con-
server le pouvoir qu'il est question aujourd'hui ; c'est d'être on
de n'être pas. Car en sauvant une faction de sa propre fureur,
en préservant la France des discordes civiles, en consolidant le


M
système social , c'est moins défendre la dynastie légitime et la


onarchie constitutionnelle que nous défendre nous-mêmes des
horreurs d'une nouvelle révolution que défendre la propriété,


( 125 )
quelle qu'elle soit des atteintes de la violence et de la cupidité,
que défendre l'honneur de nos mandes des prétentions de la
licence et dé Pouvrege del'imboralile. Je vote pour le projetde loi.


M. New, olls (<le la Côte-d'Or). Me•sieurs, ia fixation du
nombre et de l'action des legislaieurs constitue la forme du
gouvernement, et. leurchoix détermine l'esprit des lois aux-
rquelles les peuples sont soumis : ces opérations tiennent dès
lors aux intérêts les plus chers des nations, et chaque citoyen
voit mettre en question l'exercice de tous ces droits quand on
touche à ces bases sur lesquelles repose l'ordre. social, Le gouver-
nement en nous proposant d'apporter des chaegemenS à notre
Mixte d'élection, nous a donc soumis une immense question
dont la solution embrasse tous les intérêts de le société et peut
ébranler l'état jusque dans ses fondemens. Pour déterminer
clairement si les changemens qui nous sont proposés peuvent
émaner du pouvoir législatif, je crois nécessaire d'exposer ici
la distinction fondamentale qui me parait exister entre la nature
des lois constitutives et celle des lois ordinaires.


Tous les droits dont les hommes peuvent jouir se divisent en
droits naturels et droits de convention ; les premiers, qui sont la
liberté et l'égalité primitive, résultent de faits, et: sont les mêmes
pour tous les hommes dans tous les lieux et dans tous les temps:
les seconds varient suivant les usages ou lesstipulations expresses
qui les ont établis.


La liberté est le droit de l'homme isole, c'est la feculté que
cette position lui laisse de disposer de sa personne et <le toute
chose, sans que sa volonté puisse rencontrer d'autre borne que
l'impossibilité. L'égalité est le itrbit de l'homme social, la con-
dition élémentaire de l'association; c'est la garantie naturelle
de protection et de sécurité, qu'avant toute convention, la so-
ciété doit à chaque associé, en échange des restrictions que le
seul fait de l'association apporte nécessairement à l'exercice de
la liberté illimitée qu'il a reçue de la nature. Les droits de con-
vention sont, ou des exceptions à l'égalité, ou des exceptions à
la liberté. Les exceptions à l'égalité embrassant la création
des pouvoirs de la société et la fixation des limites dans les-
quelles ils doivent agir, reçoivent, sous le noua dé lois
constitutives, une autorité qui domine ces pouvoirs et une
stabilité qui est l'intérêt le plus puissant. des gouvei'hani
et des gouvernés. Les exceptions à la liberté, sont tes lois
ordinaires ; elles émanent. du pouvoir que la convention ou les
usages constitutifs ont désigné pour servir d'oreene ii la vo-
lonté nationale; leur action, soumise à l'empire des lois consti-




( 126 )
tutives, se borne à préciser les actes que la société ordonne ou
défend, et à régler les rapports des individus avec le pouvoir.


Quelqu'incontestable que me paraisse cette distinction théo-
rique des lois constitutives et des lois ordinaires, je me hâte,
messieurs, de l'appuyer près de vous de toute l'autorité de la
charte dans laquelle je l'ai puisée.


L'article I . er reconnaît l'égalité comme base de l'association
française, et stipule expressément qu'il ne pourra être porté
aucune atteinte à ce droit par la loi devant laquelle tous les
Français doivent toujours rester égaux, quels que soient leurs
titres et. leurs rangs. Les articles 2, 3 et 9 sont les développe-
mens de ce principe, dont les exceptions contenues aux articles 6
.et 7 , et depuis l'article 13 jusque et y compris l'article 74,
embrassent la création de tous les pouvoirs, droits et privilèges
dont ils déterminent la composition, les attributions et les
limites. L'article 4 soumet à la loi la liberté individuelle de
tout Français ( c'est-à-dire la libre disposition de sa personne
et de ce qui lui appartient, sauf les exceptions individuelles
résultant des privilèges constitutionnels , et celles qui sont
énoncées aux articles 5, 8, q, 31, 62, 66 et 70.)


Ainsi la charte, d'accord avec les principes, reconnaît et
consacre : t . 0 Que l'égalité n'est soumise qu'à l'empire des lois
constitutives qui, par des exceptions à ce principe, créent les
pouvoirs de la société , et déterminent leurs attributions ;
2.0 que le pouvoir législatif, soit qu'on le considère comme
exception au principe de , ou comme mandat limité,
ne peut, dans aucun cas , étendre son action au-delà des
bornes qui lui sont prescrites par l'acte constitutif, qui lui con-
fère seulement le droit de disposer dans de certaines limites de
la liberté des citoyens.


La nature et la destination des lois constitutives et celle des.
lois ordinaires, une fois bien déterminées, il ne nie reste qu'à
examiner é quelle classe appartiennent les mesures qui nous sont
proposées, pour connaître si les ministres ont pu nous les pré-
senter, et s'il est dans nos attributions de les adopter.


Le projet de loi divise les électeurs institués égaux en droits
par l'article 4o de la charte, en deux portiens inégales par leur
nombre et leurs attributions. 11 conserve l'élection directe des
députés au cinquième le plus imposé, dont il restreint néanmoins
le choix dans de nouvelles limites. Il crée, pour les quatre
autres cinquièmes des électeurs , le pouvoir des collèges d'ar-
rondissement, à chacun desquels il donne le droit de réduire la
candidature constitutionnelle à un nombre de candidats égal -à


( 127 )
celui des députés du département. Il conserve dans cinq dé-
parteruen s , à tous les électeurs, le droit de concourir directe-
ment à la nomination des députés ; il déroge à la règle générale,
qui veut que les colléges de département se composent du
cinquième des électeurs, en statuant que ces collèges ne pour-
ront être composés de moins de cent électeurs et de plus de six
cents, à l'exception de celui de la Seine, qui en aura huit
cents. Il prive les arrondissemens dont les colléges se compo-
seraient de moins de cinquante électeurs,du droit de présenter
des candidats, et ordonne leur réunion au collège électoral
limitrophe le moins nombreux. Enfin, il refuse à tout Français
qui ne possède pas, à titre successif, les conditions de fortune
exigées par la charte pour être éligible ou électeur, la faculté
d'user de ses droits, à moins qu'il ne prouve qu'il remplit ces
conditions depuis un an.


Ces dispositions détruisent des droits existans , créent des
privilèges, et instituent des pouvoirs dont elles déterminent les
attributions; elles sont. donc évidemment constitutives et hors
des limites imposées à l'action du pouvoir législatif. Cette vérité,
si palpable .selon moi, puisera un nouveau degré d'évidence
dans l'examen des violations faites par le projet de loi à plu-
sieurs articles de la charte. J'espère prouver facilement que
son texte n'a 'pas été plus respecté que les principes qui lui
servent de bases:


La création de collèges d'arrondissement et celle de la can-
didature légale violent ouvertement les articles 1. er , 3 35 , 38,
39 et 4o de la charte.


Elle viOle l'article 1.er , en soumettant à "action de la loi
l'égalité constitutionnelle dans ce qu'elle a de plus important
et de plus sacré, le choix des organes de la volonté nationale,
la création du pouvoir législatif. Cette violation, messieurs,
change la nature du gouvernement, et constitue la société en
état de révolution ; elle a pour but d'assurer la possession ex-
clusive du pouvoir à une oligarchie presque imperceptible au
milieu de l'immense population qui réclame hautement ses
droits menacés avec tant d'audace , et qui invoque à grands cris
la foi si solennellement jurée. Vous ne pouvez vous le dissi-
muler, messieurs, la volonté qui pourrait régler la formation
de la chambre des députés, pourrait aussi portér atteinte à tous
les pouvoirs , à toutes les garanties de la société. M. le ministre
de i intérieur lui-mêMe,
obtenu la franchise d'un de ses colle,


séduit sans doute par le succès qu'a


que l'instrument docile


gues , ne vous e pas caché
qu'!I espère obtenir de vous, est destiné




( 1.211 )
à opérer à la charte (le nouvelles réformes, que les répugnances
trop constitutionnelles de la nation et de ses représentais le
forcent d'ajourner encore.


Elle viole l'article 3, en détruisant l'égale admissibilité des
électeurs et des éligibles à l'exercice des droits et privilèges
que la constitution leur accorde ; et en effet, les quatre cin-
quièmes des électeurs ne pourraient jamais élire des députés , et
les éligibles ne pourraient plus être élus s'ils n'étaient pas pré-
sen tés-comme candidats.


Elle viole l'article 3à en transformant. le droit d'organiser
les collèges électoraux , en relui de déterminer la classification
des électeurs, et de varier leurs attributions. c'est-à-dire,
cdiii de détruire la charte par la loi. Il résulterait de cette in-
terprétation absurde , que repoussent également: la langue et le
bon sens, l'esprit et le texte de la charte, que la loi organique
.pourrait restreindre ou augmenter indéfiniment le nombre et
les attributions des collèges électora ux , depuis l'élection directe
Confiée à tous les électeurs , jusqu'à ce point où un seul électeur,
désigné par le choix du goiwernenuuitim par une quai ification quel-
conque. déciderait dcla nomination des députés sur une présenta.-
Lion plus ou moins étendue, qui serait l'ouvrage du surplus des
électeurs, combinée selon le but qu'on se proposait d'atteindre.


Sans recourir à des suppositions gratuites, un seul exemple
me suffira pour mettre dans toute son évidence le danger de ce
principe . erronné , à l'aide duquel on veut arriver au résultat
Monstrueux d'anéantir le voeu dela majorité la plus imposante
devant celui de la minorité la plus exiguë. Dans le département
de la Seine , un candidat qui attrait réuni l'unanimité dans les
collèges d'arrondissement ne serait point nommé député s'il
n'obtenait que trois cent quatre-vingt-dix-neuf voix au collège
de département, tandis que celui qui l'aurait remplacé dans un
arrondissement avec dix-neuf voix seulement, serait élu député
s'il en obtenait quatre cent-une au collégede département; ainsi,
messieurs , quatre cent vingt suffrages l'emporteraient sur le ,
vœu de huit mille cinq cent quatre-vingt-quinze électeurs, à '
qui la charte a conféré les mêmes droits.


Elle viole les articles 38 et 39 , en substituant à la candida.; ,
turc constitutionnelle, qui présente la totalité des éligibles an
choix de chacun des électeurs, une candidature légale, dont
le maxiiirinn ne s'élèYerait nulle part au minimum constitutionnel
de l'éligibilité pour un seul département. Le droit des éligibles !
ne serait plus alors d'être candidat à la députation, mais seu-
lement d'être candidat à la candidature. Le droit des électeurs


( 29 )
ne serait plus de choisir parmi les éligibles , mais seulement de
choisir parmi les éligibles élus candidats. En un mot, il ne suf-
firait plus d'être éligible d'après la charte, pour être éligible
d'après la loi.


ici , messieurs, la tâche des apologistes du projet de loi de-
vient plus difficile; la voix large et commode qu'ils veulent
s'ouvrir à l'aide de l'interprétation astucieuse de l'article 35 ,
se referme absolument devant eux. ils ne peuvent pas dire que
la charte confie l'organisation des éligibles à la loi; le texte des
articles 38 et 39 est. clair, précis, absolu; il n'attend et ne
souffre aucune interprétation. La restriction constitutionnelle
qui renferme le droit des électeurs dans le cercle de l'éligibilité,
n'est susceptible d'aucune novation légale. Elle ne peut pas de-
venir moins sévère, parce que ce serait changer complètement
les conditions d'admission à la chambre des députés, fixées par
l'article 38 ; elle ne peut pas davantage être étendue, parce que
toute exception est strictement circonscrite dans les limites qui
lui sont assignées par les termes de l'acte qui la consacre ; parce
que ce qui est restriction de choix pour les électeurs, devient,
pour tous les éligibles , un droit constitutionnellement acquis,
dont aucune loi ne peut le priver ; parce qu'enfin la charte,
loin d'autoriser les mesures qui restreindraient l'éligibilité, en
lui imposant de nouvelles conditions , les a formellement pros-
crites, en pourvoyant elle-même, par une exception spéciale,
à ce que, dans aucun département, l'éligibilité pût offrir moins
de cinquante candidats au choix des électeurs.


Elle viole l'article 4o , en admettant une distinction finan-
cière qui restreindrait les droits des quatre cinquièmes des
électeurs , à celui de concourir d la nomination des candidats,
et en bornant le choix du cinquième chargé de concourir à lx
nomination des députés à une candidature légale, dont la can-


déjà
didature constitutionnelle ne serait plus qu'une condition. C'est


dans l'interprétation forcée de l'article 4o pris isolément,
qu'en 18, 7


la faction dont l'existence anti-sociale ne peut plus
être maintenue que par la force des privilèges, chercherait un
appui que lui refisse l'ensemble des dispositions de la charte ;
c'est encore à cette même source que les ministres prétendent
puiser aujourd'hui cette latitude effrayante qu'ils exploitent
contre la nation au profit des intérêts aristocratiques.


leur
Mais, mieux avisés , ils ont renoncé à un système qui, sans


offrir les garanties d'asservissement qu'ils veulent obtenir ,
ne pouvait s'établir que sur la supposition trop absurde que la
charte , tout en créant une candidature électorale, avait omis


in,
9




( 13o)
de pourvoir é la nomination des électeurs, et laissé à la loi
l'étrange attribution de constituer le pouvoir fondamental des
assemblées primaires.


Je ne crois pas inutile à la juste appréciation de l'interpréta-
tion toute nouvelle qu'adoptent MM. les ministres, de rappeler
brièvement kilos principales dissidences que le besoin de- fausser
ou de maintenir le gouvernement représentatif en France , a
successivement fait naître dans cette chambre, sur la minière
<l'entendre cet article 4o , dont la double destination est de dé-
terminer la composition et les attributions des collèges électo-
raux. La minorité de 1817, tout en reconnaissant que le droit
de choisir directement les députés parmi la totalité des éligibles,
était formellement accordé à chacun des électeurs en particulier,
prétendait inférer de la rédaction de l'article 4o, que la réunion
<les qualités d'âge et de fortune n'attribuait à l'individu qui en
était pourvu, que l'aptitude à recevoir le titre d'électeur d'un
premier degré d'élection. La majorité <le cette chambre adopta
les vues de la minorité sur les attributions des électeurs , et re-
connut que la charte a conféré un droit positif, et non un droit
conditionnel , à tous les Français âgés de trente ans, qui paient
trois cents francs de contributions directes.


Le premier projet de loi. de 182o, d'accord sur ces deux
points capitaux avec la loi de 1817, chercha ses combinaisons
dans la division des électeurs en deux collèges chargés l'un et
l'autre de nommer directement un certain nombre de députés.
Les auteurs du dernier projet de loi sont les premiers qui aient
imaginé de contester à une partie des électeurs le droit de con-
courir directement au choix des députés, et qui aient prétendu
que la loi pouvait restreindre l'éligibilité constitutionnelle , et
.ouvrir à son gré la com position et le nombre des colléges , ainsi
que les attributions de chacun d'eux. Je pourrais sans doute
invoquer avec avantage la nouveauté tardive de cette singulière
prétention contre sa légitimité, mais le texte même de l'ar-
ticle 40 m'offrira assez d'armes pour queje néglige de m'emparer
de celle-là. •


Je crois avoir prouvé jusqu'à l'évidence que l'établissement
d'une candidature légale est impossible, sans porter à la charte
les atteintes les plus graves dans sa base et clans ses dispositions
les plus importantes ; soit parce que cette création est hors des
attributions du pouvoir législatif, soit parce qu'il existe une
candidature constitutionnelle qui sert en même temps de limite
au pouvoir électoral et de base aux droits des éligibles. Je ne
reviendrai donc pas sur cette considération majeure, dont l'effet


( 131 )
Est de détruire complètement le système de la loi qui repose
tout entier sur la création de cette candidature inutile et déri-
soire , imaginée uniquement pour donner une destination quel-
conque aux quatre cinquièmes des électeurs, dont on veut, à
tout prix, annihiles• l'influence constitutionnelle sur le choix des
députés.


La charte qui a mis tant de soin à fixer d'une manière invim»
bile les droits des éligibles et. les restrictions imposées aux
choix des électeurs, n'en a pas moins apporté à déterminer la
composition et les attributions des collèges électqraux. Elle
consacre et le projet de loi reconnaît, que tout Français âgé de
trente ans, qui paie trois cents francs de contributions directes, a
droit de concourir, comme électeur, à la nomina timides députés.


Mais s'il est vrai que la charte ne voit dans tout électeur
qu'un Français âgé de trente ans, qui paie trois cents francs
de contri butions directes , commuent ose-t-on soutenir que, sans


" la violer, la loi pourrait s'emparer à son gré de tontes les iné-
galités que l'âge et la fortune établissent entre chacun d'eux,
pour en faire la base de classifications, de catégories sans
bornes, dans leur nombre comme dans leurs conditions? S'il
est vrai que la charte entière a donné à tous les électeurs, par le
même article, dans les mânes termes, le même droit de con-
courir à la nomination des députés, comment ose-t-on soutenir .
<pie, sans la violer, la loi pourrait à Son gré varier les attribu-
tions de chaque électeur , de tellemaniére que, dans le système
actuel des ministres, quand les uns nommeraient constamment
des dépu tés, les -autres ne nommeraient jamais que des eand ida ts ;
que tandis que le choix des uns parcourrait librement l'éligi-
bilité constitutionnelle . , le choix des autres serait circonscrit
dans le cercle étroit d'une candidature légale?


Non, messieurs , nous n'admettrons pas que là °à la charte
établit l'égalité de droit, elle puisse disparaître devant la loi ;
que là où la charte veut le concoure de tous, la loi puisse attri-
buer le choix à la minorité; nous ne dénaturerons pas le sens
positif de l'article 4o, consacré par la loi , reconnu par toutes
lés opinions, sanctionné par l'exécution, pour y substituer l'in-
terprétation inadmissible qu'après tantd'années et de discussions,
une inspiration subite est venue révéler tout-à-coup à MM. les
ministres, qui, comme les rédacteurs de la charte et les législa-
teurs, l'avaient ignorée jusqu'à présent.


Les exceptions et privilèges accordés à certaines localités,
sont contraires à l'article 1." de la charte, qui consacre l'éga-
lité de tous les Français devant la loi. Je me contenterai d'ap




1.32, )
puyer cette assertion par la citation de quelques-unes des inéga...
lités capitales que ces dispositions introduiraient dans l'exercice
du droit important d'élection.


A Paris le collège de département se composerait de moins
du onzième des électeurs, et il faudrait paver un cens d'environ
trois mille francs pour y être admis. Dans cinq départemens il
suffirait d'être électeur , selon la charte, pour concourir direc-
tement à la nomination des députés. Les quatre cent cinquante-
quatre électeurs des Pyrénées-Orientales jouiraient tous de
l'élection directe; et l'élection à deux degrés s'appliquerait aux
cent quatre-vingt•deux électeurs des Hautes-Pyrénées. A. Paris
la loi réduirait, par une exception speciale, le collège de dé-
partement à huit cents électeurs, tandis que la règle générale
du cinquième le porterait à dix-sept cent quatre-vingtifix-neuf.
Dans les Hautes. Pyrénées , tau contraire, la loi, par une autre
exception, porterait le collège de département à cent électeurs,
tandis quele cinquième desélecteurs ne s'éleverait qu'a trente-six.


Daus cinq départemens les électeurs pourraient fixer leur
choix sur la totalité des éligibles du royaume; dans le départe-
nient dit Nord sa candidature serait seulement six fois plus con-
sidérable que le nombre des députés à élire ; et enfin dans le
département des Hautes-Pyrénées, le collège d'arrondissement
présenterait deux candidats, parmi lesquels le collège de dépar-
tement aurait à choisir deux députés. Dans le département des
Vosges, il n'y aurait que la minorité des arrondissemens qui
présenterait des candidats, tandis que dans beaucoup d'autres
départemens tous les arrondissemens jouiraient de ce droit,
dont néanmoins l'existence incertaine resterait toujours soumise
aux variations de la population électorale.


Telles sont, messieurs, les violations que plusieurs articles
de la charte éprouveraient par les dispositions particulières de
ce projet de loi qui , à en croire M. Siméon , ne la touche pas
même dans une seule de ses syllabes ; mais il en existe une
dernière qui résulte de toutes les autres, et qui fait peser d'une
manière toute spéciale, sur la tête des ministres, la grave res-
ponsabilité qu'ils ont encourue en soumettant de semblables me-
sures à vos délibérations.


L'article 74 impose au Roi l'obligation de jurer l'observation
fidèle de la charte constitutionnelle : ce serment a été solennel-
lement prêté par le Roi, qui ne promet jamais en vain ; et
quand il s'est soumis à l'obligation personnelle qui lui était im-
posée, les dépositaires <le sa puissance, abusant de son nom
Sacré, pour violer
fois les sermens qu'il a prêtés.et les bornes


1.33
dans lui-même, renfermé son pouvoir, osent
venir lveosigisupelrioepsoisl e,er de soumettre à la loi cette charte à laquelle
vous avez juré d'obéir comme législateurs , et dont la défense
YOUS est confiée comme Français! Non pas cependant que je re-
carde la loi constitutive comme tellement immuable, que l'état
'dût périr par l'impossibilité d'y apporter un changement néces- .
saire; mais gardons-nous d'en faire une loi or2linaire , et de
mettre légèrement l'ordre social en question ! renfermons-nous
dans nos attributions, et bornons-nous à déterminer des formes
pour constater la nécessité du changement, et pour y pourvoir,
s'ils sont reconnus nécessaires.


Mais quels sont donc les dangers imminens, les motifs irré-
sistibles qui commandent assez la raison des ministres pour que
tout disparaisse à leurs yeux devant cet endroit qu'il faut mettre
à couvert aux. dépens de la tranquillité publique, de la stabi-
lité de nos institutions fondamentales, de nos devoirs, de nos
droits, de nos sermens et <le tous les principes d'ordre social?
(West, nous dit-en, messieurs, la crainte de voir la grande pro-
priété réduite à la nullité politique, par son exclusion de la
chambre des députés; c'est le besoin d'assurer à ces grands pro-
priétiiires une influence électorale qui balance celle que le nombre
donne aux électeurs - les moins imposés. Je pense , comme les
ministres, que dans un bon gouvernement tous les intérêts doivent
être représentés, et je vais examiner si ceux de la grande pro-
priété ont été tellement négligés qu'il faille rouvrir l'abîme des
revoit/1 ions pour lui porter un secours nécessaire- .


La charte a établi entre les Français trois grandes divisions
financières dont. les droits sont en raison inverse du nombre
d'individus qui les composent, de telle manière que la plus éle-
vée, outre ses attributions particulières, partage encore celles
des classes inférieures.


La première classe est la grande propriété, qui se compose
d'environ vingt mile Français 'âgés de trente ans, qui paient
mille francs de contributions; la seconde classe est la moyenne
propriété, représentée par à-peu-près quatre-vingt mille Fran-
çais âges de trente ans , qui paient trois cents francs de contri-
butions directes ; enfin la troisième classe comprend le surplus
de la population sans distinction d'âge ni de sexe et de fonc-
tions.Les grands propriétaires exercent par le fait le pouvoir
royal dans toute son étendue, non- seulement comme mi-
nistres, mais encore comme chefs de toutes les branches de
l 'administration de


rement dans la l'état;




•iita


'état; leurs intérêts sont représentés héré-
ch mbre


<les pairs , et enfin ce n'est que




( 134 )
parmi eux que les membres d


.e la chambre des députés peuvent
être choisis.


La moyenne propriété exerce concurremment avec la grande
propriété le droit de choisir ceux des grands propriétaires aux-
quels il lui semble bon de confier la représentation de sesintérêts.
dans la chambre des députés.


Enfin la dernière classe on la petite propriété n'exercedans.
le gouvernement (Vautre influence que celle qui résulte du, droit
de pétition qui se divise en deux facultés distinctes : celle d'a-
dresser aux chambres, comme partie du pouvoir législatif, ses.
observations sur les avantages, les vices et les lacunes de la


, celle de leur faire parvenir , comme pouvoir judi-
ciaire , ses plaintes contre


- les ministres..
Et c'est dans nn pareil état de choses que ces ministres, qui


vous ont promis la tranquillité publique et la sécurité particu-
lière en échange de la liberté individuelle et de celle de la presse,
ne craignent pas de venir vous demander d'ajouter aux immenses
prérogatives de cette classe privilégiée dontils ne trouvent pas les
intérêts suffisamment garantis! A les.en croire, l'exercice_ exclusif
de tous les pouvoirs ne suffit plus à la sécurité des grands
propriétaires si le peuple conserve le droit d'intervenir dans le.
choix des organes de ses besoins, des défenseurs de ses droits;
les pétitions même leur semblent importunes; il finit qu'une
inquiète censure veille sans relâche aux accès de la tribune.


Il ne nous est pas permis. de nous faire illusion plus long-
temps , messieurs ; ce n'est pas pour établir entre les intérêts.
sociaux cette égalité de garantie qui fait la base d'un bon gou-
vernement, qu'on nous propose de dépouiller la nation de tous.
ses droits par des mesures hors des attributions du pouvoir légis-
latif, destructives du sens et du texte de la charte, dangereuses.
dans leurs conséquences, et iniques dans leur but et leur exécu-.
tion. Un autre plan se déroule à nos yeux : il semblerait que
les min i stres du Roi marchent eux-mêmes à la tête de cette vaste
conspiration qui menace à-la-fois toutes nos libertés et tous nos
droits. La- censure aiguise les poignards qui nous menacent;
l'arbitraire est prêt à étouffer le cri de l'indignation et à punir
tout sentiment généreux. La tribune, désormais inaccessible
aux voeux du peuple, ne retentirait plus que des accens oppres-
seurs d'un oligarchie toute-puissante qui dominerait insolemment
et la nation et. le Roi.


Consentirons-nous, messieurs, à devenir complices de ces.
perfides machinations? est-ce bien aux mandataires du peuple,
eux délégués des électeurs, à nous. enfin, qu'on ose demander


( 135 )
de consacrer par une loi, que cette nation que nous représentons
est indigne de prendre aucune part au gouvernement, que ces
électeurs de qui nous tenons nos pouvoirs, sont devenus crimi-
nels en nous nommant, et que le salut de l'état a exigé guenons
fussions à jamais exclus de cette chambre? Qui de nous, en
rentrant dans ses foyers couvert de honte et d'infamie, voudrait
avoir à dire à ses commettans : Vous m'aviez confié, sous la foi
du serment, la garde des libertés dont vous jouissiez, de droits
que vous exerciez; eh bien ! vous n'avez plus ni libertés ni
droits : j'ai trahi votre confiance et mes serinens; j'ai abusé des
pouvoirs dont vous m'aviez investi pour votre défense, j'ai livré
vos libertés à l'arbitraire, et abandonné vos droits à l'oligarchie?
Loin de nous l'affreuse pensée d'accumuler sur nos têtes tant
d'opprobre et de déshonneur! Nous remplirons fidèlement tous
nos engagemens; nous nous renfermerons dans la ligne de nos
devoirs, et nous rappellerons à ces. ministres imprudens qui se
croient assez puissans pour comprimer les voeux d'une nation
tout entière, que ce n'est que par l'expectative des révolutions
que le despotisme peut acheter le silence des peuples. Je vote
contre le projet de loi.


M. Castelbajac combat la loi 5 février 181 7 , et vote pour lo•
projet de loi.


M. le comte Frane.•zis. Messieurs , Ie ministère soumet au-jourd'hui à notre jugement un grand procès. Il nous donne un
coupable à juger ; il traduit devant nous la loi électorale qui
nous régit , comme atteinte et convaincue d'avoir produit les
trois cinquièmes de cette assemblée,. et comme suspecte • d'en
produire bientôt deux autres qui, ayant même origine , seront
nécessairement de même nature. Cette loi ayant été exécutée par
les quatre-vingt mille plus grands propriétaires de . France , et
l'accusation les atteignant comme complice du fait principal ,
n'y eut jamais sur la terre un plus grand procès, ni un plus,
grand nombre d'accusés. ( Vive sensation. )


Et ce qui augmente la bizarrerie de l'accusation , c'est que les
ministres nous cèdent , dans cette discussion , la place d'hon-
neur , qui est celle de la défense des lois ,. du respect pour les
droits établis, de la conservation de ce qui existe, tandis qu'ils
se placent eux-mêmes sur la ligne toujours peu honorable des
novateurs, j'ai pensé dire des révolutionnaires ; c'est qu'ils veu-
lent de bonne foi nous forcer de convenir que nous devons notre
existence à une loi défectueuse, et que. nous demeurons em-
preints des vices d'une telle origine..


Et comme s'il n'y avait pas en 'France assez de deuil et de fu-




( 136 )
nérailles , ils ont déposé les libertés et les droits de ce grand
peuple dans un cercueil , et les ont luit porter dans la tombe
des rois. ( Nouveau mouvement. )


Le moment que l'on e choisi pour offrir un tel holocauste,
est précisément l'époque la plus favorable pour consolider l'al-
liance du pouvoir et de la liberté. Nous vivons en paix avec le
monde ; depuis un demi-siècle la France n'a pu été plus tran-
quille. L'influence politique et le mouvement moral qui en est.
hi suite, sont dans la classe des grands propriétaires et des prin-
cipaux manufacturiers. La multitude est hors de cause.


On n'entend plus hurler autour de cette enceinte ces souve-
rains populaires qui firent il y a trente ans, payer si cher leur
turbulente intervention,


Il existe à la vérité deux grandes fictions, l'une qui réfléchit
et qui écrit , l'autre qui lit et qui pense. Une partie de la gé-
nération a vu 793 ; tout entière elle a vu 1816. On sait en
France de quoi est capable une démagogie impatiente de tout
frein , indocile à tout joug, qui en un instant brise et ensanglante
tout:, et qui ensuite oublie et abandonne tout, et une oligarchie
qui a une idée fixe , une marche méthodique et suivie , qui est
patiente à attendre l'occasion , vive pour la saisir, extrême dans
ses moyens , et qui ne fut pas toujours douce dans ses vengeances.


Toute notre histoire dépose qu'elle est encore plus redoutable
pour les trônes qu'ennemie des peuples , et ce qui lés désafrec-
tionnerait le plus, ce serait le soupçon d'une alliance quelconque
entre l'administration et ce parti. Non , jamais la nation ne
pourrait oublier une offense aussi mortelle.


Les principes qui animent cette nation sont la crainte du re-
tour de quelques parties de l'ancien régime, l'horreur de l'ar-
bitraire et l'amour de l'égalité.


Si le pouvoir arbitraire s'est soutenu pendant Ies quatorze
premières années de ce siècle, c'est qu'il vint se placer au centre
des intérêts , des opinions et des hommes nouveaux,


La nation, voyant une digue immense opposée a ce qu'elle
abhorre le plus , sacrifia momentanément sa liberté à sa sûreté.
La gloire militaire vint la consoler de cette privation, et l'espé-
rance d'un avenir meilleur soutint long-temps son courage.
Tout e


administration qui ne comprendra pas qu'au centre des
intérêts et des principes nouveaux, le gouvernement peut tout,
qu'à côté il inquiète tout, qu'eh opposition il risque tout, éprou-
vera toujours tous les embarras qu'on rencontre dans une fausse
route. ( Vif mouvement d'adhésion à gaucho. )


Il n'entre pas dans mon dessein d'examiner en détail le plan


( 137 )
électoral proposé par le ministère ; telle est la vivacité et l'exu-
bérance d'esprit de cette nation , qu'avant que la discussion soit
ouverte ici , elle est déjà épuisée dans le public. Mais je ne puis
ouvrir un avis sur le second projet, qu'après avoir jeté un coup-
d'cril rapide sur le premier. Les idées sont filles les unes des
autres ; les systèmes ont aussi leur filiation , qu'il faut embrasser
tout entière, pour bien juger le dernier. Il importe d'ailleurs ,
quand l'administration jette dans la société le germe d'idées fu-
nestes , dè les extirper jusques dans leurs racines , et de net-
to•er ainsi le terrain qu'elles pourraient envahir et empoisonner.




Fit pour ne parler d'abord que du premier projet présenté ,
et ensuite retiré , je ne puis m'empêcher d'admirer comment
des esprits distingués, animés (les i ntentions les plus loyales,
unissant leurs idées, confondant leurs travaux , les ont neutra-
lisés par leur mélange, ont paralysé les forces de leur intelli-
gence par leur opposition , et comment à force de génie , ils
n'ont pu parvenir qu'à enfanter une composition déplorable, la-
byrinthe inextricable, chaos inintelligible, et qui eût exigé la
création de plusieurs académies nouvelles pour expliquer l'oeuvre
de ces Dante nouveaux. ( On rit. )


La France a bien compris la charte ; elle e senti qu'elle lui
allait, mais elle n'a pas compris le triste et obscur commentaire
qu'on en e fait, et rendant justice aux bleus de ses autcurs ,
elle doit d(' plorer les divergences de système qui ont produit un
ensemble si discordant.


Au travers des ténèbres visibles qui enveloppaient. le rapport
explicatif du premier plan , on voyait percer l'idée d'une sou-
veraineté parlementaire ; de cette autorité indéfinie dont on ne
sait que faire , et qu'on ne sait où placer ; car sur le trône elle
constitue le despotisme , dans le peuple l'anarchie, sur l'autel
la théocratie; idée néanmoins qu'on caresse, qu'on tourmente,
qu'on tourne dans tous les sens , qu'on place dans tout • • I
sitions , pour


(s c.. ? po-
en foire sortir quelque portion de cet arbitraire


. que l'on aime, ou quelque germe de ces innovations avec les-
quelles on empêche l'état de se constituer , et les peuples de
s'asseoir


On s'appuie de l'exemple de nos voisins ; mais on ne voit
pas , on ne veut pas voir que chez eux les institutions sant an-
ciennes , qu'elles sont. couvertes de la rouille vénérable d u


'


temps -


'


sanctifiées par
et


le sang des mart y rs, qui coula sous la restauration
v


bissent des éc
rits


des deux derniers Stuart ; que la li-
b périodiques , et l'épreuve par jurés , n'y su-


pas d'exception ; que ces deux institutions sont un cor-




n


( /38 )
rectif à tout mal, un redressement à tout grief, une répressiort
à toute violence , mn appel continuel à toute justice ; et que
l'exercice de la souveraineté, ainsi resserré clans un lit très-étroit
et par des digues aussi fortes , ne peut pas occasioner d'aussi


é
graves dommages que dans un pays nouveau, où ces digues ont
té emportées par l'ouragan que vient de susciter mi poignant


parricide.
Il y e d'ailleurs en Angleterre du respect pour ce qui est an-


rien, (le l'antipathie ponr ce qui est nouveau ; et quand une
aution , jouissant de ses droits, est dans une situation tolérable,
le bon sens veut qu'elle suive la routine. A Londres, les nova-
teurs ne sont pas à la mode ; on y respecte peu les Lycurgue de
salon , ces petits Atlas qui portent. sur leurs épaules des-mondes
de papier. Mais je l'avoue , je tremble pour le sort d'une nation
vive, électrique , pour qui, durant tant. d'années , on a fait
toutes les lois par urgence, décrété toutes les mesures à coup.
d'enthousiasme , lorsque je songe que les principes fondamen-
taux de son existence , les élémens de son organisation , seront
abandonnés aux chances des discussions parlementaires , à la
véhémence des orateurs; à la 'ladite des événemens par lesquels.
on colore, on sanctifie l'injustice.


Le plus puissant auxiliaire (le la tyrannie, c'est une assemblée'
asservie par la crainte, avilie par sa bassesse, ou entraînée par
ses passions ; et lorsque l'on montre l'envie de créer d'avance un,
tel instrument, il est permis sans doute de s'alarmer; car l'arme,
qu'on prépare , inoffensive dans les mains d'une sage adminis- -
tration , peut lui être ravie et passer subitement dans des mains
moins innocentes.


Pour arriver au but qu'on se propose, on formait , dans le.
premier projet , de nouveaux collèges électoraux , qui devaient
avoir un corps populaire , une tête ministérielle, des bras et
des mains judkiaires , et. après avoir assemblé, plutôt que réuni,
des élémens aussi hétérogènes, ou disait à l'être bizarre ainsi im-
provisé: cc Tu es libre, marche , choisis , nomme ; niais pour
» t'éviter des embarras et des peines, voilà des yeux qui ver-
» rosit pour toi, des mains qui écriront et compteront à la place


des tiennes ; remercie la prévoyance paternelle qui économise
ton temps , et laisse en repos tes organes ; choisis si tu veux.
dans le secret de ta conscience ; l'autorité seule saura ta pen-


n sée ; et quoiqu'elle soit armée de mille bras et de mille moyens
pour te fiitiguer, te saisir et; t'embarrasser dans ton existence,


» quelque désagréable et insultant pour elle que soit ton choix,
elle te fait d'avance remise entière de l'offense que tu lui .aurasi


( /39 )
» faite , et quand le jour des tribulations sera levé pour toi


con:pte sur sa miséricorde. n
Le scrutin signé ressemble tellement au suffrage à haute voix,


qu'on peut lui opposer les mêmes objections , et le juger par les
mêmes principes. Il n'est pas à la vérité reproduit dans le se-
cond projet ; mais comme il pourrait être repris comme amen-
dement , ou proposé par la suite . , je demande la permission
d'en dire deux mots.


Cette manière de voter semble appartenir plus particulière.
ment aux temps d'une simplicité républicaine , aux époques
d'une demi-civilisation. Mais lorsque les relations de la société:
sont nombreuses et fréquentes, lorsque ses frottemens sont ra-
pides et continus, lorsque la politesse, cette petite monnaie du
mensonge, est en grande circulation, il convient d'éviter les oc-
casions de blesser tant de vanités qui sont sous les armes, tant
d'amours-propres qui sont sur le qui-vive ; et l'habileté sociale
est. de passer, sans les blesser, au milieu de toutes les prétentions
qui se croisent, s'irritent , s'alarment. Dans une telle situation,
le scrutin secret exprime seul le•Yéritable voeu.


On voit dans le projet ministériel tout le zèle qu'on apporte
à chercher un élément aristocratique. On le demande à toutes
les classes de la société ; on le cherche partout ; enfla , dans le
premier projet , on a cru l'avoir trouvé dans la classe des éligi-
bles, qui devaient former entr'eux un collège départemental.
On n'était point arrêté par la considération de voir siéger dans.
cette assemblée des députés appartenant à des catégories diffé-
rentes, de constituer une sorte de rivalité et de .gladiature entre
les représentans de la petite et ceux de la granite propriété. On
comptait surtout sur les développemens que pourrait acquérir
cette dernière. On voulait absolument que chaque arrondisse-
ment prît dans son sein, et parmi ses propriétaires , un député;
qu'il en eût ou qu'il n'en eût pas de propres à cette fonction ,
n'importe , il fallait que la fourniture commandée se fit sur les
lieux. On laissait dans le vague du bon plaisir le principe du
renouvellement ; on viciait, dès sa naissance, le principe vital
de la représentation pour la modifier, la manégar durant tout le
cours de son existence.


Et ne serait-il pas plus franc de dire : cc Le gouvernement
» représentatif ne va
» concessions par la charte, on s'en repent -a


pas à.cet te nation ; on a liait de trop grandes
ess e


)? cour plénière et le pouvoir arbitnralierpe.eiD))
s'élèvent au centre et à droite.)




Qot/Ilel.Ielui et sa Inn uuriei


maladresse dans un tel


) Mais comme il y aurait de la
e. aveu, en veut bien conserver quelques




( 1 4° )
formes, adoucir ce qu'il y aurait, dans ces paroles, de trop
franc et même de sauvage ; on veut que la chute soit douce,
graduelle, et qu'on se trouve mollement au fond de l'abîme,
sans s'être même aperçu qu'on soit descendu.


Par une étrange in considération, on soumet à des discussions
intempestives tous les élémens à-la-fois de notre ordre social ;
on soulève au fond des coeurs les orages que la sagesse royale
avait calmés ; on découvre, on met à nu les fondemens de l'édi-
fice de la société, que la prudence commande de laisser toujours
au centre de la terre ; et quand l'alarme est devenue générale,
alors on prononce les noms de révolution et de contre-révolu-
tion. A ces mots, les imaginations vives et ardentes se peignent
tout de suite leurs toits embrasés, leurs enfans égorgés, leurs
têtes proscrites ou mises à prix, et le bruit des ve'rronx et des
sinistres tombereaux.


La trompette sinistre qui proclamerait la fin du monde ,
n'occasionerait pas plus d'épouvante.


Et à qui doit-6n reprocher une telle exaspération , si ce n'est
à l'imprévoyance qui n'a rien su calculer, à la frivolité qui a
tout dédaigné, à la mobilité qui a tout changé, à l'ambition
qui a tout sacrifié, à la dissimulation qui a tout trompé ?


C'est il y e six mois, c'est il y a deux ans pie vous devie-a
prévoir l'état d'agitation et d'effervescence où vous avez mis


• tous les esprits.
Mais enfin il faut une bonne fois aborder ces présages si ter-


ribles de révolutions et de contre-révolutions, et regarder avec
froideur le fond du cratère, pour voir si la lave bout encore
et si une nouvelle éruption menace de nous brûler de ses lux
ou de nous ensevelir sous ses cendres.


Déjà la crainte que ces noms seuls inspirent est, suivant mornt
opinion, une garantie contre leur retour. Quels sont:les syntp-
tômes, et où sent les démens d'une révolution ? Le Roi a-t-iP
refusé à ses peuples la constitution qu'ils demandaient?
pas, à son retour, satisfait à tous les voeux et rassuré tous les
intérêts? Son auguste fàmille , appelée par la. naissance, éprou-
vée par l'adversité , consacrée par le malheur, si elle n'était pas
la première par le rang, ne le serait-elle pas encore par ses
-vertus? Où sont les radicaux _qui demandent à main année des
réformes, quand iln'y a point encore en France de bourgs pour-
ris? où sont les dissidens qui demanderaient leur émancipation,
quand tous les temples sont ouverts à tous les cultes, quand
tous les autels fument pour toutes les sectes, quand le Dieu des
chrétiens reçoit en France l'hommage varié , et entend les can-


( 1 41 )
tiques divers de tous ses enfuis? Où sont ces privilèges irritans
qui vont au fond des amours-propres pour les révolter, et ces
vexations qui aigrissent, tourmentent et portent les peuples à la
révolte? On entend, à la vérité, des plaintes contre les projets ;
mais il n'y a d'effbrvescence que celle que le système du minis-
tère a créée, d'agitation que celle qu'il alimente, de périls que
ceux qu'il prépare, d'abîme que celui qu'il creuse. L'esprit ré-
volutionnaire a changé de place ; il a passé , avec ses circons-
tances et ses caprices, du peuple dans l'administration. ( Très-
vive sensation à gauche. ) Que veut le peuple? Il veut le Roi et
sa dynastie , la charte avec ses conséquences , les lois avec leur
stabilité. Que veut le ministère? des exceptions à la charte, des
innovations aux lois existantes , la suppression des droits exer-
cés et reconnus. Il veut que la charte soit non-seulement une
ordonnance de réformation, mais encore une ordonnance réfor-
mée. ( Même mouvement. )


Il y a six mois toutes les voix s'élevaient pour bénir le trône;
aujourd'hui on élève vers lui des mains suppliantes et respec-
tueuses, pour le conjurer d'éloigner les maux qui menacent la
patrie.— Et quant aux factions, cette maladie de l'âme dont
l'influence invisible et contagieuse saisit, frappe, entraîne sou-
vent à leur insu des populations entières , qui est-ce qui les fait
naître, qui les échauffe , qui les entretient , si ce n'est ce chan-
gement perpétuel de système et d'organisation , qui fait que
chacun cherche à conserver sa couleur, pour éviter de prendre
chaque jour la couleur nouvelle que le ministère lui offre ; si ce
n'est ce déplorable système qui, opposant les partis les uns aux
autres, leur donnant et leur retirant tour-à-tour des espérances
ou des craintes, les jette tous dans les chances et le vertige
d'une ambition confuse et désordonnée ; si ce n'est enfin cette
alarme dont on frappe un peuple entier, lorsqu'oit cherche avec
une ardeur si vive, et qu'ou vient de trouver avec une habileté-
si funeste la solution de ce problème : cc Trouver les moyens de
» gouverner l'immense majorité des intérêts et des opinions
» d'une nation avec la minorité des intérêts et des opinions
» d'un parti ? »


Et ici j e m'adresse aux hommes raisonnables dans toutes les
dopaliinsi uonstreotusbilier


ptlboi ulsic,les bancs; je m'adresse à tous ceux qui ,
ont quelque chose à perdre, et je leur


demande s'il est sage, s'il est prudent de retirer pièce à pièce dejour
fuites


ee. s n jour,
,g
garanties


par n unet ie saec cprogressionodées
p ar effrayantelas es s e ,r


royale;
lconcessionse ;(le p r


pro-
"Ï: ()quer, par des aggressions répétées, ce grand peuple qui se re-




( I 4 )
pose après tant de fatigues et de malheurs, d'agacer ainsi cet
énorme géant qui, dans ses emportemens, a trois fois , en un
quart de siècle, épouvanté et brisé le monde, aujourd'hui dor-
mant sur la foi des traités qui ont reconnu son indépendance et
ses droits, et dans le repos de cette confiance si justement due
au monarque qui , ayant promis de fermer l'ancien abîme des
révolutions, ne souffrira pas que, par de si étranges témérités,
on creuse des abîmes nouveaux.


Le but véritable du second projet est le même que celui du
premier ; on peut le considérer, on doit l'expliquer comme le
codicile d'un premier acte testamentaire. L'idée fixe et com-
mune, c'est la concentration. 11 élève la condition d'électeur du
chef-lieu de département à un degré de fortune tel qu'on espère
ne trouver dans cette classe que les anciens et les nouveaux pri-
vilégiés. On ne se contente pas d'avoir placé dans la chambre
des pairs l'élément aristocratique , on veut le retrouver encore
dans la chambre des députés, ne puisse y entrer qu'en
fraude et à contre-sens. Ce n'était pas assez d'avoir resserré le
privilége électoral d'une nation de vingt-huit millions d'hommes
dans les quatre-vingt-treize mille plus


grands propriétaires , on
trouve qu'il y en a quatre fois de trop. On déshéritesoixantelninze
mille électeurs que la charte et la loi avaient investis dn droit
direct, pour les restreindre à seize mille qu'on .espère trouver,
à cause de leur fortune, de leur naissance, de leurs préjugés,
de leurs fonctions, plus favorables au pouvoir arbitraire. Les
propriétaires moyens ainsi dégradés, et réduits à la simple con-
dition d'indicateurs ou promoteurs d'une candidature insigni-
fiante , on les soustrait aux lumières importunes, aux investiga-
tions indiscrètes qu'on redoute dans le chef-lieu du département,
pour les placer dans le chef-lieu d'arrondissement, où l'influence
d'autorités moins contredites acquiert de leur concentration plus
d'activité et de puissance.


Or, l'enchevêtrement de toutes nos législations administra-
tives est tel, qu'il n'est pas un propriétaire, un fabricant , un
commerçant qui ne sache, et qui n'ait appris à ses dépens qu'il
doit plusieurs fois par année recourir à une des autorités ou des
administrations , et qui ne doive d'avance se préparer les moyens
de se la rendre favorable.


Dans une telle situation, le ministère, fort du langage qu'il
commande à quelques journaux, du silence qu'il impose à tous
les autres, fort des lois d'exception, et tenant dans ses mains les
deux leviers avec lesquels on remue, on dirige l'espèce humaine;
un tel ministère serait bien maladroit s'il ne réussissait pas à


.( 1 43 )
bure proposer trois ou quatre candidats sur quinze ou seize


)vr dans les arrondissemens. Or, il n'est pas diffi-cq'oiuledn désignera iréoig
eue ces trois ou quatre candidats , nommés par


quarante ou cinquante propriétaires, auront toujours la préfé-
rence sur ceux qui auront obtenu au-delà de mille suffrages
dans les divers arrondissemens.


Avec un tel système, doit-on considérer le retour de 1816
comme une chose impossible à réaliser, ou même à prévoir ?
Serions-nous destinés à revoir ces jours dont on ne peut trouver
l'exemple et le modèle que dans ceux de 1793?


Avec une telle chambre , on introduira le dogme de la sou-
veraineié parlementaire, dont il est question dans le premier
projet, ou simplement celui de la jurisprudence parlementaire,
qui est indiqué dans le second.


Ou (lira que, jusqu'à présent on a mal compris la charte, que
tout ce qu'on peut desirer s'y trouve, et qu'il ne s'agit que de
l'y chercher et. de la bien comprendre. Suivre la charte littérale-
ment sera traité de superstition , d'idolàtrie ; se livrer à toutes
les combinaisons d'un système sans limites et d'une autorité
sans frein , sera le véritable , le seul culte dont on vantera
l'orthodoxie.


Faire la contre-révolution avec les principes et les élémens
de 1 788, est une niaiserie ; mais faire la contre-révolution avec
la charte même, qui a consacré les droits acquis par la révo-
lution, cela est plus piquant , cela paraîtra d'une extrême
habileté. '


On s'étayera d'un article de la charte pour suspendre les pou-
voirs qu'elle institue pour la sûreté de tous; d'un autre article
pour le rétablissement des cours prévôtales 5 d'un autre pour
expliquer avec plus de naïveté ce qu'on entend par la religion
de l'état; et on tirera toutes les conséquences d'une franche
explication ; on trouvera ailleurs un germe qui , échauffé et fé-
condé par la souveraineté parlementaire, pourra produire des
exils et des proscriptions : moyens par lesquels le pouvoir accré-
dite ses adversaires eu se ruinant


Je demande pardon de pousser aussi loin les suppositions ;
mais je voudrais faire comprendre combien est funeste cette
doctrine nouvelle qui , ennemie de tout pouvoir illimité dans un
chef ou dans un corps , le trouve cependant fort utile lorsqu'il
repose sur trois.


Je sais bien qu'aucun des ministres actuels ne voudrait par-
ticiper à d'odieuses extensions; mais ce ministère sera malheu-
reusement et nécessairement emporté par la majorité d'une




( 1 41 )
chambre élue suivant le anode qu'il propose, et il commet 1a•
même faute que Ce ministère de 1 788 , qui, bravant l'opinion
générale, fut renversé par les notables qu'il avait cependant'
choisis et convoqués lui-même. Je sais bien aussi que le Roi.
dissoudra une chambre passionnée, et. qui sortira de toutes les
limites. Mais comment saura-t-il les maux (loi affligent nos
provinces, quand les plumes sont enchainées, quand on ne leur
commande qu'un langage factice et mensonger, quand les
hommes courageux qui veulent déchirer le voile sont menacés ,
quand on est enfin armé de ces lois exceptionnelles, ramassées
dans le sang d'une victime auguste ?


Le ministère desire changer la loi électorale , parce qu'il
craint de trouver dans un nouveau cinquième des censeurs sé-
♦éres du système qu'il persiste à suivre; mais qu'il change de
système, et tous les suffrages le soutiendront.


On se plaint de la véhémence de l'opposition. Mais si, dès,
l'ouverture des chambres, vous ne vouliez pas exécuter la cons-
titution , pourquoi nous la faire jurer? ou si vous le vouliez,
pourquoi en détruire ou en suspendre les principales disposi-
tions? que dis-je? pourquoi l'anéantir tout entière; car si le pre-
mier projet dérogeait à plusieurs articles de la charte, celui-ci.'
en dissout la substance, en éteint toute la vie. Vous avez ainsi
blessé le sentiment national de notre antique loyauté, et ébranlée'
celle de nos fibres qui est la plus sensible, et qui se soulève avec
Je plus d'irritation contre le manque de foi.


Otez la liberté civile , la liberté d'écrire, la liberté politique,.
qui consiste dans le droit (l'élire le plus étendu que l'état le
comporte, que reste-t-il dans la charte? Le trôné si nécessaire
au repos des peuples, une chambre des pairs indispensable au'
maintien de l'équilibre des pouvoirs; il reste un simulacre de
chambre populaire ; et pour peu qu'on continue à éteindre le
droitede pétition et de supplication, et à placer à la porte de
cette chambre une loi d'indignité, avec laquelle la majorité do- 1


repousse la minorité vaincue, il reste des ministres et
des milliers d'agens sans responsabilité, des citoyens sans gai
rantie , et une nation à la merci d'une administration qui s'est,
placée à côté d'elle.


Deux lois sont chères à la France , parce qu'elles erantissent
la liberté au-dedans et le repos au-dehors ; le sort qu'on réserve I
à la première n'est pas rassurant pour la seconde. Une réclama-
tion universelle demande des garanties, et au lieu de les accor-
der, on enlève toutes celles qui restaient.. Voulez-vous avoiede5
élections favorables au pouvoir? renoncez à votre système ;


( 145 )
accordez les lois qu'on vous demande , et qui sont les eonsé-
<1s immédiates


les moyens organisateurs des
dllie rldferiliame.hLhle'Le trôn l s a ait px•omises , mi-


, n e,c:


re les refbse. Essayez une bonne fois de la franchise, si ce
n es c mue émanation de l'Aisne, du moins comme un moyen
3principes i tsèt 01qu'el


nouveau de gouvernement. La nation satisfaite vous enverra
alors des auxiliaires, au lieu de contradicteurs. Ce n'est pas
l'opposition qu'on aurait alors à craindre; je craindrais bien
plutôt qu'entraîné parlant. de bientàits, on ne devînt esclave
par reconnaissance et aveugle par sentiment.


(Voix d gauche : C'est vrai!)
Voulez-vous gouverner dans le sens de la nation ? attachez-


vous à sa partie forte; voyez ce qu'elle vent, où elle va ; car
vous ne pouvez marcher sans elle. La partie forte de la nation,
c'est la masse entière de la grande et de la moyenne propriété : ce
sont les grands manufacturiers, les capitalistes les négocions,
les hommes à talens qui donnent le mouvement. à l'opinion, les
grands artistes qui décorent h • patrie, les grands capitaines qui
la défendent ; c'est là on sont les éléniens de la puissance et de
la prospérité. Sachez quels sont les besoins, les intérêts, les af-
fections, les opinions de cette partie, et asseyez-vous au milieu
d'elle comme dans une citadelle inempugneble. La partie faible
de la nation, c'est celle qui consomme et ne produit pas; qui
obscurcit au lieu d'éclairer ; qui recule au lieu d'avancer; qui,
ne faisant rien pour personne, croit que tout est fait pour elle;
qui vit de souvenirs et d'orgueil, et mâche à vide dans leilvla.gulee
des folles espérances et des visions insensées. (Des applaudis-
semens éclatent dans une des tribunes publiques




président: J'ordonne aux huissiers de faire sortir à l'instant les
personnes qui se sont permis une infraction au règlement de la
chambre qui ne permet aucun signe d'approbation ni d'impro-
bation... Le silence se rétablit. ) .


Sans doute il est dans le devoir du gouvernement de protéger
tous les intérêts sociaux, toutes les sectes et toutes les opinions;
niais il est aussi dans le besoin éclairé de sa conservation ,
connaître, de sentir quel est le besoin le plus général, de s'y
attacher avec force, parce que dans les jours de'crise et de dé-
tresse tous ces intérêts accourent à votre aide , et vous apportent
l'assistance réelle et substantielle d'une nation entière avec tous


• ses bras, tous ses moyens matériels, toutes ses intelligences,
tandis que l'opinion factice en opposition à la réelle, s'évapore
en vaines formules et en hommages dont l'impuissance ajoure
encore à vos embarras. fie vaiseeau de l'état se brise, •


10




( 146 )
qu'il n'était pas solidement attaché, et que, pour le fixer, on
avait follement préféré le tissu brillant de quelques fils dorés, à
la force du câble populaire.


Le pouvoir légitime qui marche dans le sens de l'opinion et
qui va droit à l'utilité publique, ne rencontre jamais d'obsta-
cles; il n'éprouve de contradictions que celles qui naissent de
la nature même du gouvernement représentatif, parce
d'avance donné toutes les garanties, et qu'il y est demeuré fidèle.


Et puisque la loi suspensive de la liberté des écrits périodi-
ques n'est qu'une mesure provisoire, et que le ministère a pro-
mis de substituer une législation constitutionnelle à celle-là,
ne pourrait-on pas, sans manquer de respect à la chose jugée,
témoigner l'humble desir qu'on licencie ces douanes établies
entre la plume des écrivains et l'atelier des imprimeurs; ces
jurés peseurs des idées, qui, traitant les productions de l'esprit
comme les produits des fabriques, n'accordent le transit à la
pensée que lorsqu'ils l'ont timbrée de leur marque, et surchargée
de leur plomb ? .J'ose affirmer que rien ne répugne davantage à
l'esprit du gouvernement représentatif et au génie du siècle.


On ne demande pas l'impunité pour les écrits séditieux; on
veut, au contraire, des lois fortement répressives. Mais le délit
ne se présume pas; on le punit quand il est commis; et il ne fut
donné à personne de pénétrer d'avance dans le cerveau humain
pour y chercher une fibre suspecte, et la condamner à une im-
mobilité anticipée avant qu'elle ait donné sa vibration. On doit
desirer que la pensée née dans le jour soit émise dans le jour
même, depuis qu'ou n vu le ministère changer de plan et de
système d'un jour à l'autre; depuis qu'on a vu que le bronze de
cette médaille qu'il avait chargé d'annoncer au monde l'immua-
bilité de nos lois, n'a pas été à l'abri de son impatiente versati-
lité, et qu'il a fallu le fondre pour le frapper chaque année d'une
empreinte nouvelle.


Eteignez toutes les lumières en France, vous ne fermerez
jamais si hermétiquement toutes les ouvertures, qu'elles n'y
pénètrent du dehors. Ii y a en Angleterre, en Hollande, dans
les deux Amériques, dans plusieurs états d'Allemagne, des
tribunes sonores dont les -voix ont des échos dans tous les
coeurs européens.


Je ne parlerai pas ici de la péninsule ni de ce prodige qui
semble appartenir à la féerie, et qui a subitement fait sortir de
dessous les haillons d'une monarchie décrépite une jeune et
nouvelle monarchie, si plusieurs orateurs n'avaient déjà donné
l'exemple d'une digression sur cette matière ; ea sorte que je


( 1 47 )
crois autorisé, par leur exemple, à dire aussi ma pensée sur ce
su jet.


Lorsqu'un peuple secoue ses chitines et s'élève à l'indépen-
dance, le premier mouvement du coeur est la dilatation. Mais
l'expérience, la connaissance de l'histoire, le souvenir de nos
propres malheurs produisent bientôt un resserrement. Souvent
les ambitions particulières, les divisions intestines aggravent,
multiplient la tyrannie au lieu de la détruire, et on n'a souvent
réussi qu'à la faire changer de place. On reconnaîtra toujours la
véritable, la grande, l'héroïque Espagne dans sun respect pour
le roi, pour la famille régnante, dans la répression légale des
élémens anarchiques. Si le parti vainqueur manquait de- modé-
ration et de cette antique sagesse qui commande le respect pour
les trônes et les dynasties, l'Espagne serait perdue. Voyez ce
cue nous sommes devenus en 7 92, lorsque des auxiliaires ef-
frénés mêlant le poison de leurs doctrines aux conceptions d'une
douce philosophie, le trône cessa de nous protéger contre nous-
mêmes ; il a fallu pour nous sauver vingt prodiges, et le retour
d'un prince, qui, supérieur aux vues étroites et intéressées des
cours, s'est tout de suite placé à la hauteur du grand siècle. Le
règne d'un mauvais prince est sans doute un malheur, mais il
est de sa nature passager. Il s'affaiblit et se neutralise par les
formes d'un gouvernement représentatif qui introduit la res-
ponsabilité des serviteurs de la couronne et la participation du
peuple à la confection des lois. Mais le changement des dynas-
ties, en déplaçant tous les intérêts, en armant tous les partis,
ébranle l'état jusque dans ses fondemens , et dévore toujours
plusieurs générations. C'est ainsi que, pour échapper à une dou-
leur momentanée, on se fait à soi-même une large plaie qui
devient quelquefois mortelle.


Conquérir la liberté, c'est le courage d'un moment; savoir
-


en jouir et la conserver, c'est l'oeuvre de la prudence de tous les
jours, de la sagesse de toute la vie,


La conservation de ce bien nécessite dans ceux qui délibè-
rent, dans ceux qui ordonnent et dans ceux qui obéissent, cette
modération, le plus beau et le plus noble attribut de'notre es-
pèce, qui, ne contestant jamais les droits légitimes, n'exerce
jamais tous les siens , qui vit de ses privations , jouit de ses sa-
ze ic sc31e,n ne se prévaut que . des victoires qu'elle remporte sur


Elle nécessite cette -vieille expérience des choses humaines ,
lui nous enseigne que nulle institution ne peut être parfaite,
puisqu'elle est noire ouvrage ; g l ue tout est mêlé d'avantages et




0( 148
d'inconvéniens, et qu'un état de choses qui n'est pas intolé-
raide, doit être accepté par nous comme assez parfàit.


Enfin elle exige cette intelligence qui, voyant tout de haut
et de loin, gouverne les peuples dans les sens de ses intérêts,
de ses mœurs, de ses préjugés même, et qui le met en harmonie
avec l'esprit du temps, le progrès des lumières et l'état du monde.


Il sied à un jeune Palatin de s'écrier qu'il préféré la liberté
avec tous ses orages, à la monotonie d'une paisible servitude ;
suais, nous, nation vieillie dans les fatigues, instruite dans les
dangers , mûrie par les malheurs , lassée plutôt qu'abattue dans
la lutte opiniâtre soutenue pour le maintien de nos droits, pas-
sionnée pour la liberté, et pourtant avide de repos, nous qui
marchons sur le tombeau d'une génération entière, sacrifiée dans
les discordes civiles et les querelles étrangères, nous ne voulons
plus, nous ne pouvons pl us vouloir courir des hasards nouveaux ;
nous voulons enfin jouir du prix acquis par tant de sang et de
larnu .s : en paix avec le monde, et surtout avec noms-mêmes,
nous jetons 1 ancre dans le port de la royauté, telle que la charte
nous l'a faite, dans l'espoir d'y trouver toujours un abri assuré
cnntre les euvahissemens de l'administration,. les fureurs de la
démagogie, et les intrigues d'une oligarchie ambitieuse et re-
saluante. (Mouvement d'adhésion à gauche.)


Les lois qui doivent provenir ces maux, les lois suivant les-
quelles les grands pouvoirs de l'état doivent se mouvoir, et qu
en établissent l'équilibre, sont désormais découvertes et fixées
L'organisation des monarchies héréditaires et représentatives
est actuellement soumise à des règles, à des calculs dont. la né-
cessité. l'utilité et la précision ont presque les caractères d'une
Certitude ma 11 'émit ici u e.


notre auguste monarque a reçu ces lois de son siècle, et tandis
que sa main royale les gravait avec fermeté sur un marbre que
le temps ni les orages n'altéreront pas, d'autres mains plu,
débiles, ;nais pleines de subieeteuges; d'arbitraire et d'excep-
tions, en traçaient la parodie sur un sable mobile que le vent de
l'opinion balaie, et que la puissance du siècle emporte.


Messieurs, je ne terminerai pas sans TOUS conjurer, au nom
de mes commet tans alarmés, de rejeter un projet dont l'artifi-
cieuse combinaison semble ne conserver par le droit que pour
détruire par le , l'élément démocratique qui, dans toute or-
ganisation raisonnable, doit servir de contre-poids à la puissance
aristocratique et à l'autorité ministérielle;


Un syz,tème qui, prenant à contre-sens l'état de la propriété
en France, suppose, pour leur attribuer tonte l'influencé, de


( 149 )
grandes agglomérations qui n'existent presque pas, et jette dans
une sorte d'interdit les moyennes et petites propriétés -qui exis-
tent et qui sont la force et la fortune de l'état;


Un système contraire à cette sagesse des siècles, ennemi des
extrêmes et ami d'un juste milieu, et qui place à l'extrême bout
du levier de la fortune rurale toute l'influence politique, laissant
ainsi la volonté générale sans autre organe, et l'établissement
public sans autre garant;


Système si honteux qu'on n'a pu concevoir l'espérance de son
succès qu'à la faveur du silence imposé à toutes les renommées,
et de la terreur des chaînes que l'arbitraire agite;


Système que je voudrais bien ne pas reconnaître pour l'ou-
vrage du ministère, et que j'aime mieux considérer ( pour nie
servir de l'expression d'un Roi-justement appelé sage) comme
l'effet de l'infestation des gens de son hdtel;


Système qui soumet les destinées de vingt—huit millions
d'hommes à la majorité de dix-huit mille, nu, pour parler avec
plus de précision , à neuf mille trois cent quatre-vingt-dix pri-
vilégiés, qui, ayant une fois compté leurs voix et senti leurs
forces dans les élections, resteront maîtres de tout le terrain,
congédieront les ministres, frapperont sur les bancs de cette
chambre tout ce qui aura suivi leurs bannières, asserviront le
trône et le peuple j usqu'à ce que la puissance royale, se relevant
et s'appuyant sur le peuple, comme elle l'a fait en France depuis
Louis-le-Gros, réduise la turbulence de ces nouveaux grands.
vassaux, et délivre la patrie de leur oppression.


Je vote contre le projet de loi.
(Un mouvement général et très-vif d'adhésion éclate à gauche


lorsque l'orateur descend de la. tribune.)


Séance du /6 mai.


La discussion générale est reprise sur le projet de loi concer-
nant les élections.


M. de Bonald. L'expérience a démontré les vices de la .loi
du 5 février ; et la raison qui prend les motifs de plus haut,
n'avait pas même besoin de l'expérience, et elle dit à qui veut
l'entendre, que cette lei ne nous eût-elle jamais donné l'homme
du département de l'Isère, n'eût-elle appelé parlai nous que des
Lhôpital et des D'Aguesseau , eût-elle été votée dans les deux
chambres à l'unanimité, n'en serait pas moins menaçante pour
la tranquillité publique et


sûreté de l'état, n'en serait pas




(i )
ninins trop impolitiqùement conçue pour un peuplé Missi a•ancit
fine liens le sommes: C'est ce que j'essaierai de prouver avec
autant de précision qu'il me sera possible et aussi peu d'Orne-s
mens étrangers au suj et; et, pour commencer par circonscrire
dans des limites précises cette partie de la discussion, je né
crains pas d'avancer comme un axiome politique, qu'il no peut
exister de bonne loi d'élection sans candidature ou présenta
t ion ; et cela tient à-la-fois à la nature de notre esprit , qui s ur
fait pas de choix salis examen, et à la nature des choses, qui ne
fait rien sans préparation,


Pour les plus hautes fonctions de la société, comme pour les
professions les plus communes de la vie, on ne parvient pas aux
premiers rangs sans avoir parcouru les derniers : on n'est pas
général d'armée sans avoir été soldat, juge sans avoir été avocat,
négociant sans avoir été commis, maître, en un mot, sans avoir
été compagnon. Mais pour la pins importante et la plus haute
de toutes les fonctions, pour la fonction qui règle et dirige toutes
les autres, lo (Onction législative, véritable participation au pou-
voir suprême dans ce qu'il e de plus éminent et de plus ditli-
dle , il n'y a ni degré inférieur, ni noviciat; il n'y a pas même
d'éducation spéciale autre que celle qu'on peut se donner à soi=
même, et tous peuvent passer de plein vol de la tente, de la
charrue, dit comptoir, du barreau, au trône du législateur. Sans
doute, nous naissons tous souverains, quand nous naissons avec
une propriété de mille francs de contribution ; mais Pincerti-
tude de la succession, et l'âge auquel nous pouvons la recueillir,
ne nous dispensent pas d'employer la moitié la plus active de
notre vie à des études ou à des occupations tout-à-fait étron-


. gères à notre future grandeur.
Dans ce singulier état de choses, on, au nom de la liberté et


de l'égalité, le Roi se donne tant d'égaux et le peuple tant de
maîtres, la pairie, autre participation à la royauté même héré-
ditaire, n'admet pas non plus, il est vrai, de candidature lé.‘
gale. Mais qu'on prenne garde que le Roi nomme seul, et n'eu
délibère qu'avec lui-même; qu'il n'est pas dominé par le temps,
soit pour commencer son opération, soit pour la terminer; qu'on
prenne garde qu'il appelle plutôt qu'il ne choisit, et qu'il ap-
pelle ou doit appeler en quelque sorte, un à un, et de loin en
loin, les candidats qui lui sont présentés par d'éminens services,
par de hauts emplois qui font de la pairie une récompense natio-
nale, plutôt qu'un bienfait personnel, tandis, au contraire, que,
pour les députés, il n'est pas décidé si les emplois publics qui
ajoutent à la capacité de l'homme, mais qui affaiblissent l'indéa


( 151 )
pendance du citoyen, ne sont pas un titre d'exclusion plutôt
qu'un motif de prétk-ence.


En vain, ceux qui se croient de l'esprit ne Traient, comme
on l'a dit quelquefois, dans leurs collègues, que du bon sens,
pour les dominer plus à leur aise. Dans un état de société aussi
compliqué que le nôtre, lorsqu'il y a tant d'intérêts à ménager,
tant d'opinions à concilier, tant de passions à contenir, tant de
lumières à éclairer, tant d'hommes, en un mot, et de choses à
régler, il faut autre chose , il faut plus que le simple bon sens,
il faudrait une autre épreuve que la conduite de ses affaires
privées, ou l'exercice d'une profession étrangère à la haute lé-
gislation; et cependant, sans cette garantie, il serait aussi rai-
sonnable, et peut-être plus sûr de mettre dans l'urne tous les
noms des éligibles, et de laisser le sort arbitre du choix; et du
moins, en cas d'erreur, on n'aurait de reproches A faire ni aux
hommes, ni aux lois. Cette épreuve si désirable, si nécessaire,
se trouve dans la présentation ou le premier degré d'élection, et
elle est impossible de toute autre manière.


La candidature, en effet, prévient ou répare les premiers
inouvemens de l'amitié, les surprises de l'intrigue, la préoc-
cupation de l'irréflexion, les influences de la faveur ou de la
crainte; elle donne le temps de discuter plus à loisir les avan-
tages ou les inconvéniens des choix. Elle fixe, par une pre-.
raière désignation , la pensée des électeurs; elle leur fait con-
naître l'opinion des différentes parties d'un département, cette
opinion locale dont ils doivent former une opinion commune;
elle est une première épreuve , pas aussi rigoureuse , sans
doute, qu'il le fitudrait pour faire un législateur; mais enfin
elle est une garantie à défaut d'une meilleure, ou même de
-toute autre; et, puisque sinus faisons ici des lois, et non pas
des choix, j'oserai dire que si, sans présentation, il est pos-
sible de l'aire de bons choix, sans présentation, il est impos-
sible de faire une bonne loi. Et combien cette précaution est-
elle plus nécessaire dans des assemblées, ou plutôt dans des at-
troupemens , que le grand nombre de ceux qui les composent,
l'habileté des uns, la simplicité des autres, la chaleur des partis,
Popposition des intérêts, la vivacité des prétentions agitent dans
tous les sens , ouvrent à toutes les séductions, à toutes les in-
trigues, à toutes les surprises, tandis que le peu de temps qui
leur est donné pour terminer leur opération, les expose à tons
les dangers d'une
réparation.


précipitation sans remède, et d'erreurs sans


On dira peut être qu'en Angleterre il n'y a pas de présenta-




( 15z )
taon. Mais l'Angleterre n'a jamnis fait une Toi d'élection, elfe
ne Pa jamais délibérée à priori; elle 1'a reçue du temps et des
événemens, telle qu'ils la lui ont donnée, et qui, après l'avoir .
Lite, si on peut le dire ainsi, de pièces et de morceaux, l'ont
plutêt détériorée qu'améliorée. L'Angleterre était. devenue,
même avant sa dernière révolution, gouvernement représenta-
tif, on peut dire sans s'en douter; et si elle conserve l'ouvrage
du temps, qu'elle


ses évidentes imperfections, c'est qu'e re-
doute bien plus', auiourd'hui surtout, l'ouvrage des hommes.


Mais nuis, c'est ii'aujourd'itui que no's datons; nos lois sont
uniquement notre ouvrage; le temps n'en revendique pas la
moindre partie, et n'a ;larde d'en prendre sur lui la responsa-
bilité. Nous n'avons en Un mot à corriger que nous—mêmes ; et,
en vérité, il y n tant: d'erreur, de faiblesse, de préoccupation
dans l'esprit de l'homme, que corriger ce qu'il a fait est presque
toujours ce qu'il a de ntieux à faire.


La loi proposée e donc, sur la loi actuelle, l'avantage incon-
testable d'établir deux degrés d'élection. On peut, si l'on veut,
soutenir que la loi le défend, mais on ne niera pas que la raison
ne l'approuve. La discussion devrait finir ici ; dès que deux
degrés d'élection sont une meilleure garantie de la bonté des
choix qu'un seul degré, il n'y aurait plus rien à dire : car, au
point de maturité où nous sommes parvenus, nous pouvons
point les meilleures lois, et nous ne pouvons pas même en
supporter d'autres; et c'est là notre malheur.


Mais tout est décidé à cet égard , nous dit-on, et la loi pro-
posée viole l'esprit et la lettre de la charte, qui veut que tous
les Français payant trois cents francs de contribution directe et
âgés de trente ans soient électeurs, et le soient tous individuel-
lement et de la même manière. La charte dit bien phis, car elle
dit. que tous les Français sont égaux en droits et devant la loi;
et cependant la loi , pour un franc, confère quelques-uns•des
droits qu'elle refuse à tous les autres, et le droit de participer
à la souveraineté.. Ici, messieurs, pour mente quelque ordre
dans cette discussion, je dois examiner ce qu'est en elle-même
une loi d'élection, ce q.


n'elle a de fondamental, et ce qu'elle a
d'accidentel, de fixe et de variable, de constitutionnel et de
réglementaire. Je dois, pour rassurer les consciences timorées,
-vous apprendre ou vous rappeler ce qu'ont pensé les plus ha-
biles de nes adversaires du droit qu'a le pouvoir législatif de
faire à la loi les changemens reconnus nécessaires, enfin, ré-
pondre aux objections Lites contre la légalité et l'utilité de ceux
qui nous sont pr:Tosés.


( 153 )
L'élection est un système connue le jury ou le recrutement


de l'armée ; la charte en détermine les bases et laisse au Roi à
en faire l'application par des ordonnances; et dans ce inoment
même ne nous propose-t-on pas des changemens à l'organisation
du jury, bien plus anciennement, bien plus généralement pra-
tiquée que la loi d'élection ?


L'élection, comme le jury, comme le recrutement de Par-
mée, comme l'état lui-même, a donc sa constitution qui doit
être fixe, et son administration qui doit être flexible et se prêter
aux circonstances des temps et aux dispositions des hommes.
Ainsi, élection dans chaque département , trente ans d'âge et
trois cents francs de contribution directe pour ceux qui doivent:
concourir à l'élection, quarante ans, et mille francs pour ceux
qui peuvent être élus; nomination par le Bol des présidens des
coiléges; défense aux colléges électoraux de s'occuper de tout
autre objet que des élections elles-mêmes ; telle est la consti-
tution du système, telles sont ses bases, et on ne pourrait en
changer une seule sans renverser toute l'économie de la loi. La
manière de combiner entre eux ces divers élémens, et de les
faire agir pour arriver au résultat, en est la partie administra-
tive et réglementaire; et celle-là peut et doit quelquefois subir
des changemens, et même pour mieux assumer la fixité de l'autre.


Écoutez sur ce droit de faire des changemens les plus graves
autorités en politique constitutionnelle; je ne vous citerai même
pas 3.-J. Rousseau qui dit : «Un people a toujours le droit de
changer les lois , même les meilleures, car s'il veut se faire mal
à lui-même, qui est-ce qui a le droit de l'en empêcher?» Je
peux citer des autorités plus voisines de nous, et plus afférentes
a la mai ière que nous traitons. ( L'orateur cite ici l'abbé de rradt
et M. Benjamin-Constant. )


L'e7.:périence e parlé, ct assez haut; car chez un peuple avancé,
tout est avancé , et même l'expérience. Dans trois ans, la loi
du 5 février 181 7 nous a donné un régicide; dans moins de
temps, elle nous donnerait peut-être une convention, et cette
ex périence serait: vraisemblablement' la dernière. La loi propo-
sée, vous dira-t-on, re vous met pas à l'abri d'un pareil choix;
soit, niais s'il n'est pas impossible, il est improbable, et c'est
tout ce qu'il finit à la raison du législateur, et il ne dépendrait
que de lui de le rendre impossible.


De graves autoritas nous ont prouvé qu'on pouvait changer
dans le système électoral ce qu'il y avait de réglementaire, d'ac-
cidentel, de temporaire, et qu'on le devait même quand Pex-
périence en démontrait la nécessité; et, à défaut d'autorités,




( )
raison générale, hi première de toutes, nous dirait que c'est
sur les lois plus que sur les arts que doivent s'exercer le progrès
des lumières chez une nation civilisée, et la perfectiLinté des
esprits. La nécessité de modifications à la loi des élections n'est
contestée par personne ; il est des choses qui répondent à tout,
et j'ose affirmer que nos adversaires eux-mêmes consentiraient à
quelques changeniens à la loi nouvelle, et porteraient la main
à l'arche plutôt que de la laisser tomber. ( L'orateur examine les
changemens proposés à la loi du 5 lévrier par le nouveau projet,
les discute d'après la charte, établit qu'ils n'y sont pas contraires ;
puis il ajoute) : Je suis peu frappé, je l'avoue, des inégalités
entre arrondissemens et départeniens dont on fait tant de bruit ;
puisqu'on ne peut les 1iiire disparaître toutes, qu'importe qu'il
y en ait un peu plus ou un peu moins ? et je suis toujours dis-
posé à voir sans regret les départemens pauvres plus favorisés
que les riches, et nommer en moindre nombre.


Vous craignez le triomphe possible de la minorité d'un col-
lège d'arrondissement, et vous ne craignez pas le triomphe plus
réel et plus ordinaire d'une minorité




électeurs de tout un
département, dont un grand nombre peut s'absenter eu même
s'absenter du collège, eu point que vous avez été vous-mêmes
obligés de vous contenter en dernière analyse du quart de tous
les membres du collège; que la distance du chef-lieu, la lon-
gueur et les frais du séjour et surtout l'impossibilité de lutter
contre le gouvernement invisible des comités directeurs re-
tiennent chez eux, tandis lie la loi proposée en les rapprochant
tous et les moins aisés du


•lieu de l'assemblée , leur donne de
plus grandes facilités pour user de leurs droits, et même d'un
droit plus réel et moins illusoire, puisqu'il n'y a pas d'électeur
dans le collège d'arrondissement qui ne soit plus assuré de faire
passer le candidat qu'il préere , ne l'est aujourd'hui de
faire nommer dans le collège unique de département le député
qu'il présente.


Mais, dit-on encore, vous créez un privilège. Est-ce bien sé-
rieusement qu'on emploie cette expression? Ce privilége est-il
lucratif ou honorifique? Un privilège ! n'y a peut-être
aucun des défenseurs de la loi proposée quine préférât attribuer
la présentation au collége de département, et la nomination à
ceux d'arrondissement, s'il était aussi facile de faire nommer en
commun trois ou quatre députés dans quatre ou cinq assemblées
séparées! Je vois dans les collèges d'arrondissement le priyilége.
de circonscrire le collège de département, et clans celui-ci , le
privilège d'être circonscrit par les autres et en vérité, entre


( 155 ')
L


tês deux priviléges le choix est embarrassant, car on peut même
dire que dans ce système, celui qui présente sur tous les éligibles
du royaume, nomme plus réellement que celui qui choisit sue
qu inze ou vingt seulement, puisque celui-ci ne fait au fond
que réduire un nombre plus grand à un nombre plus petit,
et qu'il exclut plutôt qu'il ne nomme; et nous-mêmes ne récla-
merions-nous pas comme un privilège la faculté de présenter au
Roi les trois candidats entre lesquels il nous nomme un prési-
dent?


Vous augmentez, dit-on, le cens, s'il faut, pour nommer,
être des plus imposés. D'abord la loi proposée ne fixe pas un
autre cens que celui que détermine la charte ; dans quelques"dé•
partemens, le cinquième peut descendre jusqu'à • trois cents
francs; et si dans un département il n'y avait pas de plus forts
imposés, ils composeraient à eux seuls le cinquième exigé.
D'ailleurs, si le projet de loi borne au cinquième des électeurs
le nombre de ceux qui doivent nommer, elle borne aussi à la
liste des candidats le choix qu'ils peuvent faire aujourd'hui
dans toute la France; et si elle étend leur compétence, elle res•
treint leur juridiction.


On parle de droits acquis : acquis! et depuis quand, et de qui
acquis pour tous, lorsque les trois cinquièmes seulement en ontjoui ? Si quelques électeurs avaient des droits acquis, c'étaient
certainement les sik cents plus imposés de la loi de Buonaparte,
à qui on les a ôtés. Et dans quelle doctrine politique a-t-on vu
que les particuliers pouvaient acquérir du pouvoir public quel-
que chose contre le pouvoir, ou en prescrire la possession contre
le gouvernement ? Ce que le public ne peut pas vendre, le par-
ticulier ne peut l'acquérir.


Un de nos honorables collègues, M. le général Sébastiani ,
remarqué avec sa sagacité ordinaire, comme un effet incontes-
table de la loi proposée , qu'elle écarterait de part et d'autre les
sommités, je nie sers de son expression. Il n'y a pas de mal à
cela. Le côté droit a eu sa loi en 1816; le côté gauche a eu sa
loi en 581 7 ; le centre, à son tour, aura la sienne en 182o ( on
rit beaucoup), et nous prêcherons par notre exemple cette éga-
lité dont nous donnons de si doctes leçons. Les coryphées des
deux côtés de la chambre ne seront peut-être pas réélus; mais,


. comme dans une bataille, on enlèvera les morts, et les rangs se
serreront. D'éloquens athlètes se seront immortalisés sans doute,
niais ne se seront pas éternisés. (Même mouvement.


Mais est-ce à l'ancienne noblesse qu'on en veut en it la nen-




( 156 )
velle? La charte ne les distingue pas; et comment la charte qui
est une arme si offensive entre les mains des uns, n'est-elle pas
même une Mlle défensive pour les autres? Ce qui m'étonne le
plus, est de voir des hommes décores s'élever aussi contre ce
qu'ils appellent l'aristocratie. Ils n'ont donc point d'enfoui; „
ils ne veulent pas leur transmettre leurs biens, leur état, la
considération dont ils jouissent à juste titre; ils ne -veulent donc
pas qu'aucune partie de la gloire qu'ils ont acquise rejaillisse
sur leur postérité. C'est en vérité déshériter ses propres enfans;
et si jamais ces m'Ems, nobles, on peut dire, malgré leurs pères,
lisent les discours de ceux-ci, que penseront-ils de leur ten-
dresse pour eux ou de leur jugement? Est-ce qu'il n'y a pas en
France assez de place pour tous? est-ce qu'on he voit pas que
l'Europe périt, parce que la force physique de la multitude est
trop disproportionnée en nombre avec la force morale qui est
dans les classes élevées, et que la force morale est celle qui gou-
verne un peuple civilisé, c'-"lire les vieillards, véritable noblesse
de la nature , gouvernent les peuples sauvages? (Vive sensation. y


Tons qui portez envie à ceux que la révolution a épargnés ou
à ce qu'elle leur a laissé , est-ce que leurs enfàns ne servent pas
même aujourd'hui sous les vôtres? VOulez - vous devancer le
temps, le temps qui va si vite pour nous comme pour vous, et
qui tend à nous mêler tous et à nous confondre ? Dans l'Evangile,
ce sont: ceux qui ont supporté le poids du jour et (le la chaleur,
qui murmurent contre le père de famille qui a donné le même
denier aux derniers vénus : ici, c'est tout le contraire. Imprn-
deus ! -vous allu mez


toutes les passions populaires, et vous vous
croyez seuls assez forts pour les contenir! et vous croyez qu'une
possession de trente ans serait plus respectée qu'une possession
de plusieurs siècles'


On a Ululé à-la-fois et l'influence ministérielle sur les élec-
tions, et l'influence des conzitte directeurs; mais que font-ils
autre chose que ce qu'on fait ici publiquement , en voulant ex-
clure des élections des hommes que la charte e déclarés éligibles
au même titre que les autres? Que font-ils autre chose que de
faire en secret ce qu'on fait ici en public, c'est-à-dire , de •-
signer ceux qu'on veut pour députés, et d'exclure ceux qu'on
ne -veut pas ?


Que tout soit perdu , que la France et l'Europe soient en feu ,
qu'on voie la révolution approcher , parce que quelques élec-
teurs présenteront des candidats à quelques autres qui prendront
parmi eux des députés , que la nation soit avilie, opprimée,
décimée, parce que tous les électeurs ne nommeront pas in).-


( X57)
médiatemen t tous les députés , et cela lorsque l'homme qui rie.
pa ie que deux cent quatre-vingt-dix-neuf francs ne peut pas se


-enter seulement comme curieux dans ce hue collège dee_prés in
où son voisin qui paie trois cents francs siège comme


ii°1eriailil;re du souverain ; lorsque celui qui , avec des lumières et
des vertus , ne paie que neuf cent quatre-vingt-dix-neuf francs
de contributions, se voit pour vingt sols préférer un sot , si
même il n'est pas pire ; lorsque quatre-vingt-mille sur vingt-
huit millions disposent de toute la législation du royaume ; ce
sont en ,vérité des exagérations théâtrales qui ne devraient pas
retentir à. la tribune législative. On parle de l'opinion publique :
placez où vous voudrez l'opinion qui veut l'ordre , la paix ,
raison , la religion , la royauti'! , et soyez assurés que celle-là
est en France ., et sera toujours l'opinion publique , et la plus
publique , et la plus nombreuse , et la plus dominante (les opi-
nions. ( Très-vif mouvement d'adhésion. )


Vous redoutez ce que vous appelez l'aristocratie dans la
.chambre des députés , et vous parlez de la constitution d'An-
gleterre ! et vous ignorez que la constitution d'Angleterre se
soutient peut-être plus par l'aristocratie de la chambre des com-
munes, que par l'aristocratie de la chambre haute ! -vous ignorez
que la chambre des communes est composée en partie par les
fils, les neveux , les pareils des pairs ; que c'est précisément
cette aristocratie qu'attaquent les radicaux et que défendent le
gouvernement et la chambre elle-même , et que l'Angleterre
serait bientôt renversée si les radicaux pouvaient triompher.
L'Angleterre a senti, ou plutôt la nature a senti pour elle , que
plus on ôte de droits politiques aux classes inferieures , plus il
faut en donner aux« classes supérieures qui en les protégeant
peuvent seules les contenir, et que c'est un énorme contre-sens
politique et mi imminent danger de mettre toute l'aristocratie
d'un côté dans la chambre des pairs , toute la démocratie de
l'autre dans la chambre des députés ; car ces deux principes
tranchons c:t absolus ne se toucheront que par des angles , et ne
peuvent que se 'heurter s'ils n'ont pas des points communs de
contact et des liens réciproques. Le Roi ne peut être ce lien ,
parce qu'il n'est pas placé entre les deux , mais au-dessus de
tous les deux , et que par sa nature le pouvoir suprême est vo-
lonté et non conciliation ; la charte même lui refuse cette qualité
de médiateur, puisqu'elle ne lui permet de prononcer que d'une
manière absolue sa volonté définitive sur les lois. Vous ne voulez
B l ue de la démocratie dans la chambre des députés, et. plus con-
4.hueus que vous ne pensez, vous voulez la composer de députés




( 158 )
envoyés par les hommes à cent écus , parce que effectivement
c'est là que dans toute société, et par la nature même des choses,
se trouve toute la démocratie , qu'elle y est à l'insu même de
ceux de cette classe, et indépendamment de leurs opiniens per-
sonnelles; parce que sortis comme tout le monde de la classe
inerieure , et pas encore parvenus au premier rang , ils sont
dans un état de progrès et d'avancement dans les temps de tran•
quillité , qui devient assez naturellement un état d'inquiétude,
d'agitation et d'envahissement dans les temps de trouble , et
c'est là ce qui constitue la démocratie.


On a parlé , je crois , de grands vassaux à propos de l'aristo-
cratie moderne; cc rapprochement m'a paru plaisant, à moi,
député d'un département où il n'y a pas un ancien propriétaire
foncier qui ait mille francs de rente , et oà le plus grand pro-
priétaire foncier est un marchand de bœufs, et le plus grand.
capitaliste un marchand de toile. Quand i! fut question d'élec-
tions dans la convention, un membre fameux à cette époque ,
rejeta, comme entaché d'aristocratie, le cens d'électeur ou d'éli-
gible de la valeur de trois journées de travail. Il avait raison si
toute inégalité de fortune est de l'aristocratie.


Mais alors il faut être conséquent et dès que l'on regarde les
emplois publics comme des bdneices , c'est =nom de l'égalité
que les plus pauvres doivent réclamer la préférence. Alors la
société devra niveler avec des appointemens les inégalités , don-
ner plus à qui a moins , et se charger de réparer tous les mal-
heurs de fortune , et même toutes les fautes de conduite. Et
qu'on n'allègue pas le plus d'indépendance et d'éducation que
donne la fort une. Il y a peut-être plus d'indépendance dans la
pauvreté que dans l'opulence, et la nation et les emplois eux- •
mêmes font plutôt les hommes que l'éducation.


Mais si l'on estime les emplois publics ce qu'ils sont réelle-
ment en eux-mêmes et aux yeux de la raison, de . la morale, de
la pompe, des charges, des offices, efficium , des devoirs ,
pressions sublimes et que notre langue a consacrées, on conçoit
la raison pour laquelle en , dans toutes les sociétés , uni l'au-
torité à la fortune, On a regardé le service public comme une
charge de la propriété , toutregardé que la charité publique dont
elle supporte aussi le poids. Partout la société a demandé le sa-
crifice de !Ear temps à ceux qui , débarrassés du soin d'acquérir
de la fortune et de faire subsister leurs familles , peuvent en
disposer pour la chose publique, et en même temps ( " n'elle y a
t couvé une grande économie pour le trésor public et par consé-


uert nu soulagement. pour les contribuables : Elle n vu encore


( 159)
dans cette disposition un avantage pour les familles moins avan-
cées, qui trouvent moins de concurrens et des concurrens moins


e'


danaereux dans les carrières lucratives; véritable raison pour
laquelle les moeurs les interdisaient autrefois , en France, aux
hommes élevés aux emplois publics , et même quelquefois les
interdisaient malgré les lois.


La société ne doit donc pas redouter cc qu'on appelle l'aris-
tocratie (les propriétés , et doit bien plus craindre de ne plus
en trouver pour s'en servir. Certes , c'est un étrange aveugle-
ment que de se plaindre aujourd'hui en France de l'aristocratie
des propriétaires , lorsque, par l'effet toujours agissant de nos
lois sur les successions, et de la révolution et de ses suites inévi-
tables , le sol de la France s'en va On poussière, et la terre pour
ainsi dire finit sous nos pas. Le morcellement toujours croissant
de la propriété foncière résout le problème de physique de la
divisibilité d la matière à Bientôt il n'y aura plus de
propriété indivisible en France qu'une mécanique à filer le coton ,
et la charte, dans quelques générations , sera obligée de baissee
le cens pour trouver encore des électeurs et des éligibles. Di:ja ,
dans plusieurs lieux, il n'y a plus d'espace au parcours des grands
troupeaux , plus d'occupation pour les animaux de labour et,
par une disposition d'hommes et de choses tout-à-fait alarmante,
en même temps que les machines de l'industrie remplacent le
travail de l'homme et font abandonner la quenouille et le rouet ,
les machines de Pagricultnre deviennent inutiles , le travail de
l'homme remplace celui des animaux, et la charrue est aban-
donnée pour la bêche , et la charrette pour la hotte. Ainsi,
mesure que la grande propriété industrielle tend à se concentrer
dans un moindre nombre de mains par l'établissement dispen-
dieux des mécaniques , la grande propriété foncière tend à se
diviser. L'industrie à grands capitaux • ' 1 "S Ce , poussée au-delà a mente
de nos besoins , multiplie le nombre d'homm es qui •oo m a i vivent de
petits salaires. Une agriculture sans capitaux multiplie les
hommes qui vivent d'une infiniment petite culture : il y a plus
de produits industriels qu'on ne peut en vendre ; il y a moins
d'excédant de productions territoriales dont on puisse disposer.
Tous les rapports entre ces cieux grandes divisions de la société
tendent à s'intervertir ; et aux premiers dérangemens de saisons
e et nous en voyons la preuve) la population industrielle, le
peuple des villes ,


drapspain au milieu de s
s'alarme et se voit menacé de manquer dep


turc, devient do


industrie de ses perkalcs : et une nation(lui a trop de grand usd:e et pas assez de grande agricul-es
nd


doublement tributaire de l'étranger, et pour les




( 1.6o )
objets de luxe qu'elle lui envoie, s'il ne veut pas les laisser entrer,
et pour les objets de première nécessité qu'elle lui demande, s'il
ne vent pas les laisser sortir ; danger immense en temps de
guerre, qui peut affamer une nation par la disette , ou la ruiner
par des achats.


Pour vous , qui déclamez avec tant d'amertume contre l'oli-
garchie des propriétaires , cette oligarchie que le même orateur
a appelée à-la-fois imperceptible et toute-puissante, persuadez.
vous que le mal est ailleurs ; ne soyez pas plus pressés que la
révolution et le temps. Encore quelques générations , et nos
enfans , élevés dans l'horreur de toute aristocratie, ne voudront
pas plus souffrir les supériorités domestiques , que nous n'avons
souffert les supériorités politiques ; et devenus tous égaux par
la misère plus encore que par la loi , s'ils ne sont pas pairs de.
France , ils ne seront pas même électeurs là où nous sommes
éligibles.


Sans doute la loi proposée n'offre pas à beaucoup près toutes
les garanties que la société pourrait desirer : mais la loi actuelle
est déshonorée, souillée par un outrage à la royauté et à la na-
ture; elle est devenue funeste comme le lieu où notre infortuné
prince a été frappé , la loi et le lieu ne peuvent plu.s être à •
l'usage d'une nation éclairée et généreuse. Je vote pour le projeta
de loi.


IV I. .Dunzeilet. Messieurs, à l'ouverture de la session, le dis-
cours du trône vous fit connaître que des changemens à. notre
système électoral étaient nécessaires , et il vous donna l'espoir
que les projets destinés à assurer la liberté ,
partialité des jugeai:et-1s , et l'administration régulière et fidèle.
des départemens et des communes, seraient incessamment. pré-
sentés. Vous savez , messieurs , quelles sont celles de ces pro-
messes que le ministère a pris soin de réaliser , et vous n'avez
point oublié que ce fut au milieu de la consternation causée par
un crime détestable, qu'il vint apporter à cette chambre un
projet de loi sur les élections , en vous demandant. préalable-. ,k
ment la suspension de la liberté individuelle , et celle de hé'w
liberté de la presse.


Aujourd'hui c'est par un acte d'accusation contre la majorité:
des citoyens que la charte a appelés à l'exercice du pouvoir élec-
toral, et. contre celle des membres de cette chambre qu'ils out
honorés de leurs suffrages, qu'on prétend motiver un projet de
loi inconstitutionnel et anti-national. Proposer, en effet, aux
cent soixante députés qui siègent dans cette enceinte par suite
de l'exécution de la loi du 5 février, de consentir à l'abrogation


( 161 )
de cette loi , c'est leur dbmander de proclamer leur propre in-
dienité, de reconnaître que leurs commettons ne sont que des
factieux , et que des manoeuvres coupables les ont f•auduleu-
sement présentés comme investis de la confiance nationale.


D'un autre côté, est-il bien politique de dépouiller du droit
d'élection directe les quatre cinquièmes de ceux qui en ont fait
usage , sous prétexte qu'ils sont dans des dispositions peu tievo-
rables à l'ordre actuel ?,et lors même que cette accusation serait
missi fondée qu'elle est calomnieuse, serait-ce un moyen bien
puissant de les rallier au trône , et d'en faire de sincères parti-
sans de la dynastie ? lion, messieurs; vous voulez tous la fusion
des partis; eh bien! elle ne s'opérera que par un concours égal
à un vote commun, sans distinction de cens, qui amènerait
bientôt d'autres distinctions, sans privilèges de colléges , qui
éterniseraient les haines , ou légitimeraient des prétentions nou-
velles.


C'est cependant ces prétentions qu'on veut appuyer, lorsque,
xiléconnaissant les droits de la majorité, on cherche à constituer
le pouvoir de la minorité , et à dénaturer à son profit l'élément
démocratique de notre gouvernement.


Ne veut-on, au contraire, que défendre la cause de la pro-
priété? mais ici la charte devrait nous avoir mis tous d'accord ,
en créant en sa faveur le plus beau des privilèges. N'a-t-elle pas
en effet réservé aux seuls détenteurs d'une certaine quantité de
propriétés la faculté <le choisir les hommes qu'ils croiront propres
à représenter leurs intérêts, à défendre leurs droits, avec cette
seule réserve, que les choix Ise porteraient que sur les plus forts
contribuables.


Toutefois , dans celle grande concession faite à la propriété ,
le principe de l'égalité politique, consacré par l'article ) er de
la charte ne fut pas méconnu, et c'est ce respect: qui a rendu
populaire la loi très-aristocrati quelin du 5 février. C'est lui encore
qui a consolé de leur exhérédation cette foule de citoyens qui


i que la carrière n'était fermée à personne, et:oda:y econt sent
de l'ordre, de l'économie, et un bon usage de leur industrie, ils
pouvaient acquérir la faculté de la parcourir.


Le projet, au .contraire , porte atteinte à l'égalité politique,
en donnant à la haute propriété une influence qui ne résulte
pas des dispositions de la charte.


C'est ici le lieu d'examiner
grande propriété


ce qu'on désigne sous le nom de
parce qu'il faut s'entendre sur les mots avant


de statuer sur les choses. Depuis qu'il est d'usage de ne parler
que de la grande propriété, je l'ai cherchée partout, et je n'ai


Ir




( 162 )
pu encore la découvrir dans le sens qu'on prétend y attacher.
An fait, et absolument parlant il n'y a ni grande ni petite pro-
priété, et cette distinction ne peut s'établir pie par comparaison.•
Ainsi un grand propriétaire dans tel de nos départemens, ne
sera plus dans un autre qu'un individu aisé ; et, suivant le lieu
oh il voudra exercer ses droits politiques , ici il sera un électeur
dé première classe, plus loin il sera confondu dans cette foule it
laquelle on abandonne la stérile fonction de désigner les can-
didats.


Assurément, messieurs , ce n'est pas là ce qu'a déterminé la
charte, et toute distinction entre les droits attachés à un cens
fixe, et ceux qu'on voudrait affecter à un cens relatif, ne serait
eut missible qu'autant qu'elle serait une conséquence d'une con-
dition constitutionnellement imposée. Or, je défie nos adversai-
res d'en citer une autre que celle qui est énoncée dans l'article 4o,
et qui se borne à exiger que l'électeur soit àgé de trente ans , et


paie trois cents francs de contribution directe.
Pour légitimer la nécessité de donner à la haute propriété une


influence exclusive dans les élections, on a cité l'Angleterre.
Loin de le récuser, j'en étendrai l'application ; et je vous prierai
d'observer que chez nos voisins l'élection est toujours directe,
et que les électeurs anglais trouveraient au moins fort bizarre
que les grands propriétaires vinssent s'interposer entre eux et
les éligibles qu'ils jugent dignes de leur confiance. Vous savez
d'ailleurs, messieurs, que les plus considérables parmi ces
grands propriétaires sont privés du droit de suffrage , et que les
pairs de la Grande-Bretagne ne peuvent voter comme électeurs;
vous savez également que le cens exigé est beaucoup moins élevé
que celui qui est fixé par la charte. La condition la plus Corte est de
posséder un fonds libre de quarante schellings de revenu ; dans
certaines localités, il suffit du seul titre d'habitant imposé, dans
d'autres, il ne faut qu'être bourgeois et membre de la corporation
paroissiale depuis plus d'une année.


Mais, messieurs, il y aurait un tout autre parti à tirer de
l'exemple de l'Angleterre. La division de la propriété contre
laquelle ou s'élève chez nous avec tant de chaleur, multiplie le
nombre de ceux qui peuvent plu.s séparer leu r intérêt particulier
de l'intérêt général. Plus il y aura de propriétaires, et plus vous
compterez de défenseurs obligés de l'ordre et de la stabilité du


lgouvernement, tandis que chez nos voisins, la concentration dea propriété dans un certain nombre de houilles est une source
d'inquiétude ou plutôt de désespoir. La masse dela nation étant
é:rangé-ro à la propriété se Trouve livrée aux factieux et aux


( 163 )




egitateurs qui provoquent ces terribles réunions de Spaifirccdicklueert
et la population, dans les toi nins du


adieull‘alcienuexhe,sttenit.:jours prête à se porter ou le désordre se mani-feste, recrutant indifféremment les luddist•s et les radicaux,
compromet chaque jour l'existence du gouvernement. Organisez




en France la grande propriété à la manière
taxee desfaudra bientôt ajouter à vos charges • Ili


pauvres qui , en Angleterre, s'élève annuellement à deux Cents-
/millions , et pour laquelle je ne vois pas de place possible dans le
Ludget déjà si étendu de vos dépenses.Sans doute, messieurs, on concevrait la nécessité d'un cens
plus élevé, si la chambre des pairs était élective, et s'il s'agis-
sait du mode de sa nomination; mais telle n'est pas la constitu-
tion du premier corps de l'état, et c'est précintent ce que les
auteurs du projet semblent avoir oublié, en demandant une ga-
rantie particulière pour des intérêts légalement défendus par
une pairie héréditaire. C'est dans cette chambre, organe des in-
térêts aristocratiques , que les grands propriétaires doivent avoir
une représentation spéciale. Si ces intérêts étaient exclusive-
ment protégés dans la chambre des députés, il n'y aurait plus de
gouvernement représentatif, ou, ce qui sentit encore plus fu-
neste, il n'existerait qu'an profit de quelques-uns contre le voeu
de la France, au mépris des dispositions de la charte; et son or-
ganisation favorable au régime des privilèges, compromettrait
l'existence politique des deux premières branches du pouvoir
législatif.


Toute distinction dans la manière dont les électeurs concour-
ront à la nomination des députés est odieuse et blessante ; elle
viole tous les principes de notre droit public, et il est facile de
démontrer qu'elle n'est pas moins opposée au texte qu'à l'esprit
de la charte. L'article 35, en elle' t , parie des députés élus par
les collèges électoraux dont l'organisation sera déterminée par
des lois. Quelle que soit cette organisation, les électeurs devront
élire des députés ni plus ni moins. Or, d'après.le projet, enté
.attribution sera exclusivement exercée par le cinquième seule-
ment de ceux que la charte avait investis d'un pouvoir égal,
dont les quatre autres cinquièmes qui ne procéderaient qu'à
une désignation .de candidats fort différente de l'élection, au-
raient beaucoup moins que ce que leur accordait l'article 35.


< „ cDonc aussi y aura dans cette modification de l'us
électoral, une interprétation et une mutilation de la constitu-
tion, dans laquelle on ne trouve aucune disposition analogue.


Veuillez bien remarquer d'ailleurs ;'n'est question dans




( 164 )
k charte que d'électeurs, et que le projet, en conservant cette
dénomination aux membres des collèges d'arrondissement, leur
laisse un titre sans fonctions; car celui qui désigne n'élit per-


,


sonne. Bien plus, dans beaucoup de circonstances, ils n'auront
concouru en rien à l'élection qui sera faite par le collège supé-
rieur, parce qu'il faudrait, pour que ce concours eût été réel ,
qu'un député eût été choisi sur chacune des listes de candidats,
et ici il y a impossibilité physique, le nombre des arrondisse-
mens étant, dans presque tous les départemens, supérieur à
celui des députés. D'un autre côté, tous les élus pourront être
pris sur la présentation du même arrondissement, et alors les
membres seuls de ce collège auront exercé le pouvoir électoral
dans toute son étendue, tandis que les autres seront restés sim-
ples spectateurs du concours.


On objecte que l'organisation des collèges électoraux
. doit être


déterminée par la loi : c'est un fait que
ll


ne conteste;
mais organiser des collèges n'est pas constituer ou varier les
droits des membres qui les composent ; la charte n'a rien laissé
à faire à cet égard ; c'est déterminer le mécanisme de leurs opé-
rations, indiquer les formalités nécessaires pour que leur régu-
larité soit constatée ; c'est enfin régler le mode du scrutin, fixer la
durée des sessions, et. tout ce qui tient aux formes extérieures
des élections. D'ailleurs, messieurs , si on ne voulait reconnaître
dans l'article 4e de la charte qu'une capacité et non un droit à
l'élection directe, on pourrait également altérer le sens de l'ar-
ticle 38, et dire : il est bien vrai que pour être député, il huit
être âgé de quarante ans et payer une contribution directe de
mille francs, mais cette condition n'est aussi qu'une capacité que
la loi peut borner en statuant que les suffrages ne pourront se
porter que sur les plus âgés et les plus imposés du département,
dans une proportion quelconque. On objectera qu'une telle dis-
position serait absurde : j'en conviendrai; mais elle ne le serait
pas davantage qu'une distinction entre les électeurs.


Les électeurs n'ont point été arrêtés, comme on affecte de le
craindre , ni par la difficulté des communications, ni par l'em-
barras des logemens, et quoi qu'on en ait dit sur l'insouciance
qu'ils ont mise à user de leurs droits, je vais prouver que leur
empressement fut au moins égal à celui des électeurs de 1815. 11
résulte du dépouillement des opérations de quatre-vingts collé-
ges de département, frit. d'après le Moniteur du 2 2 septembre
1815, que dans treize départemens un cinquième des élec-
teurs ne s'est pas présenté, que dans quarante-cinq il en a man-
qué les trois dixièmes 5 que dans seize autres le déficit a été des


( 165 )
quatre dixièmes, et que dans les sept derniers, moitié seulement
a usé de ses droits. Les électeurs de la charte ont donc montré
autant de zèle et de dévouement que leurs devanciers , et la sol-
licitude des auteurs du projet paraît assez mal justifiée, lorsqu'ils
viennent vous représenter que c'est pour ménager un temps
précieux qu'ils proposent de rapprocher les électeurs du lieu de
l'élection.


D'abord , d'après le projet, beaucoup d'électeurs se trouvent
plus éloignés qu'ils ne l'étaient du chef-lieu; et lors même que
cet éloignement serait une objection sérieuse, les ministres se
sont chargés du soin dela réfuter. En convoquant les collèges
de la Charente-Inférieure et de l'Isère à La :Rochelle et à Vienne,
c'est-à-dire dans les villes situées à l'extrémité des départemens,
ils ont reconnu par le fait que les distances étaient indifférentes;
autrement ils s'avoueraient coupables d'une arrière-pensée que
personne ne voudrait supposer.


Quant à l'économie , chose si bonne en elle-même, nous ver-
rions avec plaisir les ministres exploiter ce champ si vaste et
encore si inculte; mais ce n'est pas celle de leur temps que les
contribuables réclament avec le plus d'instance. lis ne deman-
dent point de soins si empressés , ils se méfient plutôt de tant
de prévenance ; et comme ils connaissent l'importance des no-
minations qu'il sont. appelés à faire, ils consentent à se charger
des embarras qui en sont inséparables; ils prétendent , en un
mot, ne s'en rapporter qu'à eux du choix de leurs députés.


Sans doute, messieurs, ce n'est point ce qu'en entend en
restreignant les collèges électoraux, en donnant à la minorité le
monopole de l'élection directe, et en mettant le ministère à
même d'exercer une influence qui devient illégitime, si elle
n'est pas la suite de la confiance qu'inspire une aune adminis-
tration. Dans un cercle resserré, les petites manoeuvres réus-
sissent facilement, tandis que si le corps électoral s'étend et
s'agrandit, il ne reste d'autre action que celle de l'opinion
publique.


Dans le système des collèges réduits , quel avantage ne don-
nerait-on pas à un ministère capable d'oublier ses devoirs, en
le mettant à même de corrompre une majorité composée d'un
petit nombre d'hommes , à l'aide des faveurs et des places dont
il peut disposer ?


D'un autre côté, exclure la classe intermédiaire, ou ne lui
accorder que des droits inférieurs à ceux dont jouirait une classe
plus élevée, c'est créer l'aristocratie des richesses, lorsque la
charte n'a voulu qu'une aristocratie . politique, placée dans la




( 166 )
chambre des pairs ; c'est faire violence à la nature des chosee,
puisqu'il est certain qu'une chambre élective remplit utant
mieux sa destination, qu'elle sera nommée par un plus grand
nombre d'électeurs, et que la confiance qu'elle inspirera sera
d'autant. plus étendue , qu'une plus grande quantité de suffrages
aura directement concouru à sa formation.


Dans le temps oir la loi de 181 7 fut discutée, quelques-uns
prétendent. qu'il fut reconnu que ces deux degrés d'élection
n'étaient contraires ni à la lettre ni à l'esprit de la charte , et
qu'à l'époque de la promulgation de cette dernière ,


ils étaient
la condition et la base de notre mode électoral. D'abord ,
messieurs , d'après le système créé par le sénatus-consulte du
i6 thermidor an Io, il enistait trois degrés d'électeurs.
assemblées primaires nommaient les électeurs, ceux-ci dési-
gnaient les candidats parmi lesquels le sénat choisissait les dé-
putés. La charte n'indique rien de pareil ; elle ne parle ni
d'assemblées primaires, ni d'un sénat électoral . ; il n'y a donc
aucune induction à tirer de l'ancien ordre de c;mse. ll filut
aussi se rappeler nue les collèges d'arrondissentent et de dépar-
tement exerçaient des droits épans: en désignant un nombre
égal de candidats au corps législatif', et qu'il n'y avait dé diffé-
rence que dans la . présentation des candidats pour le sénat,
présentation dérisoire, puisque aucune nomination n'en était la
suite nécessaire.


Assurément je suis ;soin de donner mon assentiment aux deux
degrés d'élection que ie regarde comme une dérogation au•
principe de l'égalité politique, sur lequel repose la charte tout
entière; mais le projet n'a rien de commun avec ce système,
qui ne trouverait ici d'application qu'autant qu'on frait con-
courir directement et légalement tous les électeurs à la nomi-
nation d'un certain nombre d'entre eux, sans distinction de
cens, et qu'on confierait allx élus le soin de nommer les
députés. D'après le projet , au contraire , le collège supérieur
sera aristocratiquement constitué , ou con posé uniquement dans
l'intérêt du pouvoir; et cette dernière hypothèse n'est pas sans
vraisemblance, d'après le silence du projet sur le Mode de for-
mation des listes électorales, sur l'époque et la


. durée des af-
fiches. Vous n'avez • pas oublié cependant quelles réclamations
se sont élevées sur l'exécution de cette partie de la loi du 5 fé-
vrier, et les abus qui, sous le dernier gouvernement, se sont
:introduits dans la rédaction des tables'


ux des six cents plus
imposés. Or, le ministère n'indinuant aucun moven d'en pré-
venir le retour, n'est-on pas autorisé à croire pie plus tard


( 167 )
conviendra de remplacer les lois par des ordonnances,


par des instructions, indépendamment desles ordonnances préfets, qui ne peuventcommentaires et des interprétations des p
c pendant pas être exclusivement investis de la faculté d'accorder
ou de refuser l'exercice du pouvoir électoral ?


passer à l'examen rapide <le quelques-unes desJe me hâte de
dispositions du projet. <le loi. Les quatre cinquièmes des élec-
teurs dont le cens est le moins élevé, composent les collèges
d'arrondissement, et ils auront à désigner un nombre de can-
didats égal à celui de la députation de leur département. Il
arrivera (et le projet e prévu cette circonstance ), que les éh-
gibles inspireront une confiance générale, réuniront les
Suffrages de la plus grande partie et même de la totalité des
collèges inférieurs, c'est-à-dire ceux de la majorité des élec-
teurs, et cependant ils pourront être éloignés par le dixième
de ces mêmes électeurs fermant la majorité du collège départe-
mental. Bien pins, et comme si ce n'était pas assez de cette
circonstance, le projet ajoute encore aux chances favorables à
la minorité, en déterminent que dans le cas où un candidat
serait nommé par plusieurs collèges, il serait remplacé par
celui qui durait obtenu après lui un . plus grand nombre de
voix. Ainsi un éligible présenté dans un collège inférieur par
quelques voix imperceptibles, nommé dans le collège supérieur
par un nombre de suffrages très-borné, serait appelé aux. lion
Heurs de la députation , tandis que son concurrent, que la
grande majorité des électeurs aurait investi de sa confiance,
Serait aminé.


Un exemple, messieurs, rendra nia pensée plus frappante:
beaucoup d'autres pourraient vous être présentés ; je prendrai
le mien dans le département le plus rapproché , celui de
Seine-et-Oise. Le collège électoral de l'arrondissement de
Rambouillet se compose de soixante-quatre citoyens, et trente-
trois voix suffiront pour la désignation d'un candidat. Celui-ci,
avec une majorité de quatre-vingt-seize voix, pourra être 11013! nié
député par le collège départemental qui ne renferme que cent
quatre -vingt- onze électeurs. Cependant il n'aura réuni que
cent vingt-neufvotes, et un autre éligible qui, dans les colléges
d'arrondissement et dans celui de département, aurait obtenu
sept cents suffrages et au-delà, sera rejeté , bien que les trois-
quarts des votons lui aient été favorables, et lorsque son com-
pétiteur n'en aurait réuni que la septième partie. Il n'y a point
de réflexion à faire sur un résultat aussi absurde; et si un avait
voulu conserver les apparences de la bonne foi, il eut fallu




( 168 )
ajouter à la loi une disposition d'après laquelle un éligible qui
réunirai!: la majorité des votes exprimés dans les collèges d'ar-
rondissement, serait nommé député par le fait seul de cette
désignation.


Je ne vous entretiendrai point des autres vices du projet , eu
vous fi)isant • rcmarquer quelle inégalité la différence de la po-
pulation amènera dans l'exercice du pouvoir électoral. Dans le
3-lierne département , cinquante citoyens auront à la présen ta Lion
d'un nombre égal de candidats , le même droit que celui qui
sera exercé par des collèges de six cents électeurs. D'après le
nombre plus ou moins considérable des arrondissemens , les
collèges départementaux seront resserrés dans un cercle plus
ou moins étroit : ici , ils pourront éliminer les sept huitièmes
des candidats; plus loin , les cinq sixièmes ; ailleurs, les deux
tiers, le quart et jusqu'à la moitié. Dans le département des
%lutes-Pyrénées , la combinaison électorale Mit été tellement
bizarre, qu'on n'a pu sortir d'embarras qu'en vous présentant
une exception nouvelle, et il en est résulté que toutes les
difficultés que présente l'exécution du projet de loi, amènent
naturellement à en revenir à cette terrible loi du 5 février : c'est
un hommage involontaire qu'il n'est pas inutile de remarquer.


Mais , messieurs, toutes ces exceptions ne sont-elles donc pas
encore une autre infraction à l'article de la charte, qui
veut que tous les Français soient égaux devant la loi? et conçoi t-
on rien de plus inconstitutionnel 'qu'un privilège en faveur des
électeurs de sept départemens? En définitive, vous partagez en
deux classes les citoyens que la charte avait investis d'un pouvoir
égal. Les moins imposés et les plus nombreux seront réunis
pour faire des nominations indirectes et dérisoires ; les autres,
non pas précisément pour choisir les éligibles c i els croiraient
dignes de leur confiance, mais presque toujours ceux pour les-
quels ils se sentiront le moins de répugnance. Quels que soient
au surplus les véritables électeurs d'après cette absurde combi-
naison, comment: pourront-ils exercer la faculté accordée par
l'article 4a , de choisir moitié des députés parmi les éligibles
dont le domicile politique est hors du département ; et si le
cercle tracé est limitatif en ce sens, n'est-il pas évident que la
création d'une candidature est une violation patente d'une
disposition constitutionnelle?


Pour faire adopter- de telles dispositions, et pour en obtenir
les conséquences qu'on e droit d'en attendre , aurait-on espéré
qu'il se trouverait, soit au-dehors, soit au-dedans de cette
chambre des hommes qui professeraient pour le pouvoir use


( 1.69 )
confiance aveugle ou une soumission sens bornes? La doctrine
avouée clans l'exposé des motifs du projet du 15 février dernier,
sur ce qu'il faut bien appeler la servilité des fonctionnaires pu-
blics, pourrait donner quelque créance è cette opinion ; et puis-
qu'elle n'a point été contredite par les auteurs de la nouvelle
loi , elle appartient à notre investigation.


J'aurais voulu croire que ce n'était qu'une erreur ajoutée à
tant d'autres erreurs ; mais ana conviction a été entière, lorsquej 'ai entendu des hommes , confidens et organes du pouvoir, -parvenus à ce qu'on e appelé l'état-major de la magistrature, ap-
prouver ces maximes, et les appuyer de développemens qui, à
défaut d'autre mérite , avaient celei d'une bien grande naïveté.
Ainsi , il sera recon nu que les fonctionnaires publics ne pourront
voter que par ordre ; qu'il devront soumettre leur conscience
aux instructions de chaque jour , et qu'au risque de se trouver
en contradiction avec leur opinion d'hier, ils seront chaque
jour exposés à la honte de rétracter cc qu'ils avaient proclamé
comme le résultat de leur intime conviction.


Jamais, sans doute, la cham bre n'avouera de pareilles maximes,
et il est de son devoir d'empêcher le gouvernement de mécon-
naître ses intérêts au point de flétrir ses agens , et de les réduire
à la condition d'hilotes politiques. Si de tels principes pouvaient
être admis, comment oserait-on accorder aux fonctionnaires
publics l'honneur de l'éligibilité, lorsque d'anciens et d'hono-
rables services ne préservent pas de la destitution ceux d'entre
eux qui ont cru obéir à leur conscience et à leur devoir. Les
décisions qui ont frappé plusieurs de nos honorables collègues ,
annoncent d'ailleurs CSSez quel degré de liberté le ministère
entend accorder aux votes des fonctionnaires publics.


C'est sans doute aussi pour faire entre eux une distribution-
équitable des peines et des récompenses, qu'on e invoqué le
vote public, sur les avantages duquel on s'est étendu avec tant
de complaisance. Déjà le vote public avait été apprécié par un
de nos collègues, lorsqu'en parlant des élections anglaises , il
disait : On y vote à haute voix ; je le crois sans peine, puisqu'il
» faut que l'acheteur soit assuré de n'avoir pas été pris pour dupe.»
En France aussi , on a essayé le vote public :en septembre 1792,
les élections se firent à haute voix, elles produisirent la conven-
tion; au mois de janvier suivant, un autre vote public fut
prononcé, et le plus effroyable des crimes en fut le résultat.


Sachant où je suis, et ne voulant point aller ailleurs, con-
vaincu qu'on n'est ni un révolutionnaire ni un insensé , alors
qu'on ne demande que cee et.comble de.qui est je pense que l d




( / 7° )
l'aveuglement serait d'altérer les garanties d'un peuple satisrait
de ses institutions ; je repousserai un projet qui jetterait parmi
les Français les germes d'une division inévitable; je le repous-
serai encore, parce que l'autorité royale doit avoir assez de
puissance pour protéger toutes nos libertés , et qu'elle serait
compromise si le pouvoir de l'aristocratie et. la force populaire
étaient concentrés dans les mêmes mains. C'est pour obéir à la
charte, et assurer son intégrité que nous avons juré de inain
tenir, que je refuserai mon adhésion à un projet qui serait la
ruine du gouvernement représentatif. A toutes les époques de la
révolution, on a porté atteinte aux lois fondamentales; et ces
atteintes ont été constamment le signal de nouveaux déchiremens.
Les mêmes causes produiraient les mêmes effets , et c'est pour
en prévenir la funeste conséquence, que je vote le rejet du
projet de loi.


M. Josse•Beauvoir reproduit les argumens déjà avancés:
contre la loi du 5 février 181 7 , et ceux en faveur du projet
soumis à la discussion, pour lequel il vote.


M. Le Graverend. Messieurs, j'ai l'intime conviction que
rejeter ce projet, c'est prévenir d'effrayantes catastrophes. La
circonstance est des plus graves : il s'agit ici de la conservation
ou de la ruine du véritable gouvernement représentatif. Oui
messieurs, le véritable gouvernement représentatif est incom-
patible avec le système d'élection qu'on nous propose.


Et d'abord ce n'est pas sans surprise qu'on lit dans l'exposé
des motifs du projet de loi, que par ce projet la charte n'est
pas touchée dans une seule de ses syllabes. Mais la charte ne
consacre-t-elle donc pas expressément. le principe de l'1.0ité
entre des hommes ayant le• même droit? J'en appelle à M. le
ministre de l'intérieur lui-même qui a présenté l'exposé des
motifs dont il s'agit. On vous a cité, messieurs , ce qu'il disait
à la séance du 8 janvier 81 7


: cette citation est trop impor-
tante pour que je ne doive la rappeler ici. M. Siméon combat-
tait le système des deux degrés d'élection; il parlait de Par-.
ticle x er du projet qui fut converti en loi le 5 février suivant
« cet article, disait-il, est une conséquence de la charte ;
donne un droit propre aux électeurs ayant les qualités requises;
il fait des électeurs <le droit. Cela posé, commentadmett re (leu*
classes d'électeurs, les uns élisant directement, les antres
rectement ; les uns émettant leur voeu, les autres chargeant des
intermédiaires de l'émettre pour eux ? L'égalité entre des
hommes ayant le mdme droit serait violée. Les difficultés ,
qu 'on a exa gérées 7 ne peuvent ôter, ne peuvent altérer un droit


( 171 )
si positif. Le système de l'élection directe, ajoutait M. Si-
méon, appelle le grand nombre, et c'est le grand nombre qui
offre le plus de garantie, quand le grand nombre se trouve entre
les deux extrêmes, et dans la classe où l'on ne peut. redouter ni
les prétentions de l'oligarchie, ni les excès de la démocratie. »


Veut-on d e no uveaux varans de l'inconstitutionnalité du projet
<le loi que nous discutons aujourd'hui? Voyons ce que disaient.
MM. les commisaires du Roi chargés de soutenir la discussion
<lu projet converti en loi le 5 février 181 7 , et qui remplirent
cette mission d'une manière si honorable. L'un de ces commis-
saires du 1-loi (M. Becquet'), après avoir déclaré, à la séance du 28
décembre 1816 , « que demeuré invariable dans ses principes
comme clans sa conduite pendant le cours de notre longue révo-
lution, il avait peut-être le droit <le se montrer sensible même
au soupçon de mobilité dans ses opinions politiques, qu'un ho-
norable membre, M. de Cardonnel , paraissait avoir élevé contre
lui, M. Becquey réfuta les diverses opinions contraires ail
projet de loi qu'il avait à soutenir. » Les uns, disait-il, veulent
un collège électoral choisi parmi les plus imposés, et proposent
de constituer en faveur de ceux-ci un droit politique spécial,
un droit de préférence, que la, charte n'a ni créé ni reconnu.
(C'est bien là le système du nouveau projet de loi. ). » Cette nou-
velle classe politique, continuait M. le commissaire du Roi,
existait dans la constitution de l'an 8. La charte ne la point con-
fi rmée , elle n'a voulu que trois classes politiques : les pairs
héréditaires, les éligibles payant mille francs, les électeurs
payant trois cents francs. L'introduction de toute autre classe
serait donc une addition ti la charte, et par conséquent une
modification, une révision:»


L'autre commissaire du Roi, M. Cuvier, qui, par son élo-
quence, la force de ses raisonnemens et la conviction dont il
était pénétré, eut une si grande influence sur l'adoption de la
loi, discutait, à la séance du 3 janvier 181 7 , la véritable in-
terprétation de l'article 4o de la charte; il combattait celle que
voulait donner au mot concourir les partisans de l'élection à
deux degrés. « J'ai
siégeai dans


cette enceinte et qui n' t
consulté, , plusieurs personnes qui


rédaction de la charte; toutes m'onto.n
faitpas été étrangères à la


entendu l'article 4o dans le sens de la l.
A la séance .


du le d






n einam
Irenvaleor : nouvelle. »


connaître qu'on avait


loi, M. Bourdeau ,
Après avoir établi


le rapporteur de cette
s'exprimait d'une manière aussi positive.


que l'élection directe réunit évidemment tous
les avantages, et ne présente aucun inconvénient réel, il ajou-




( 1 72 )
tait : (c Que l'élection directe soit ou ne soit pas explicitement


"dans la charte, on a dà en chercher et en trouver le principe
dans son esprit : mais LirdRALEmErr irr TExTur.m.r.mENT le
projet de loi est conforme à 4o, rapproché de l'art. 35
de la charte, dans le cercle de laquelle il est renfermé. » C'est
ainsi que s'exprimait M. le rapporteur, à la séance du 4 jan-
vier. Déjà il avait (lit, eir t?mimant son rapport à la séance du
19 décembre précédent. : e Inclinant d'abord pour le s ystème à
deux degrés d'élection, votre commission n'y a renoncé qu'après
conviction pleine et entière qu'il était inconciliable avec le
principe posé par l'art. 4o de la charte. »


A la séance du a janvier, Blanquart-Bailleul déclarait
que cc le sens de l'article 4o de la charte lui a paru si positif,
qu'il s'est rallié fortement à ses intentions évidentes, et que dès-
lors il n'a pu partager le sentiment de M. de Villèle, qui, le
premier, a cru voir dans ce même article la fitc tt lté d'établir deux
degrés d'élection.»


A la séance du 6 janvier, M. le garde-des-sceaux actuel di-
sait : « Vous ne pouvez donner et refuser, appeler tous les Fran-
çais ayant les conditions requises à exercer les fonctions électo-
rales, et ne les réunir qu'à certain nombre, et ne les réunir que
pour élire ceux qui devront élire à leur tour, ou pour se borner


présenter des candidats. m M. de Serre établit ensuite que les
droits des électeurs .


sont égaux, que leur concours doit être
entier, qu'on aurait pu seulement les diviser.


Vous voyez, messieurs, avec quelle force les orateurs que je
viens de citer se prononçaient contre l'inconstitutionnalité que
présentait le système des deux degrés d'élection.


Mais c'est surtout M. le mi nistre de l'intérieur de cette épo-
que qu'il faut entendre : le système des deux degrés d'élection
n'eut point alors de plus puissant adversaire. Permettez-moi,
messieurs, de vous rappeler très-succinctement quelques pas-
sages de ses mémorables discours, parce qu'ils contiennent tout
ce qui peut être dit de plus fort contre le système d'élection
que l'on veut faire admettre. (c L'élection directe, disait
M. Lainé dans l'exposé des motifs du projet de loi, repose sur
un principe fondamental dont on ne doit pas s'écarter. Ce prin-
cipe est que la nomination de chaque député doit être le ré-
sultat du concours de tous les électeurs du département, et non
l'ouvrage de telle ou telle portion déterminée de ces mêmes
électeurs. Et qu'on ne dise pas , ajoutait-il, qu'en faisant choi-
sir par la totalité des électeurs, et dans leur sein, un certain
nombre d'électeurs d'élite, qui nommeraient ensuite les clépu7


173 )
tés, on aurait également l'expression de l'opinion et. du voeu de
tous les électeurs. La confiance et l'approbation ne s'accordent
point d'une manière si absolue. Le député, élu de la sorte,
n'aurait obtenu au fait que les suffrages des électeurs qui auraient
concouru directement à sa nomination; il ne serait pas le délé-
gué spécial des électeurs qui n'auraient pas été appelés à lui
donner leur suffrage; et ceux-ci ne pourraient ni attacher la
même importance, ni reconnaître la même autorité aux opi-
nions et à)a conduite d'un homme avec lequel ils n'auraient
que des rapports éloignés, su


A la séance du 2 janvier 81 7 , le même orateur s'exprimait
ainsi : «Je ne dois pas fatiguer votre attention en lui rappelant
tout ce qui a été dit sur les salutaires effets de l'élection directe,
soit dans l'exposé des motifs , soit dans le discours du chef de
l'instruction publique, soit par l'un des commissaires du Roi.
Tous ceux qui ont médité sur la nature et les effets du système
représentatif, en ce qui touche surtout la chambre élective, re-
gretteraient qu'il ne fût pas possible d'admettre l'élection di-
recte par tous les électeurs à qui la charte confie l'exercice de
ce grand droit politique. Le vice des deux degrés d'élection ,
sensible par lui-même lorsque le nombre de ceux qui y parti-
cipent est si fort réduit par la loi fondamentale , ressort ira bien
mieux lorsque nous aurons répondu aux objections dirigées contre
le mode indiqué dans la loi proposée. D, Suivent ses réponses,
qu'il serait trop long de rapporter ici ; mais répétons ce passage
sr remarquable : «Il est des orateurs, continuait M. Lainé, qui,
se degegeant <le toute entrave , ont simplement proposé de com-
poser les collèges électoraux d'une assez faible partie des plus
31ZIm posés de chaque département ; mais autant: vaudrait détruire


ute représentation libre, et proposer une loi qui, pour être
laconique , ne serait ni lacédémonienne ni française, car elle
consisterait à dire : les éligibles seront seuls électeurs. »


Maintenant, messieurs , je vous le demande, comment est-il
possible que <les vérités, aussi frappantes en 181 7 , aient pu
cesser de l'être en 182o? comment est-il possible que les mêmes
esprits qui voyaient alors clans le système des deux degrés d''é-
lectionl ge s i ncouvéniens les plus graves, le vice le moins équi-
voque d 'inconstitutionnalité, vantent aujourd'hui l'excellence
<le ce système, et trouvent qu'il ne porte pas à la charte la plus
légère atteinte ? Etrange bizarrerie ! effet bien déplorable de
lfi'e irn


re
isrepdrienscciiprecso .rt istances, auxquelles on ne craint pas de sacri-


Je ne veux pas occuper trop longtemps les momens de la




( 174 )
chambre. Déjà des orateurs ont donné de grands et lumineux
développemens à la réfutation du projet de loi que nous discu-
tons; je laisse à ceux qui me succéderont à cette tribune , le
soin d'en ajouter de nouveaux. La matière offre un champ bien
vaste à parcourir.


Je n'insisterai que sur un point. J'ai dit, en commençant ,
‘rue rejeter le projet de loi sur lequel nous avons à délibérer,
c'était prévenir d'effrayantes catastrophes; je ne puis mieux lej ustifier qu'en invoquant ici des témoignages qui doivent être
d'un grand poids clans cette chambre. cc La loi des élections
( disait l'annce dernière M. le comte Beugnot dans son rapport
sur la résolution de la chambre des pairs tendant à faire éprou-
ver des modifications à l'organisation des collèges électoraux) ,
la loi des élections est chère à la nation : elle lui tient au coeur;
et ors n'y touchera plus sans danger. L'opinion publique -a •
place sur la même ligne que la charte, parce qu'il n'est personne
qui ne sente que l'une est l'accomplissement et la plus forte gai•
rantie, de l'autre. Comme garantie de la charte, la loi des éleco
tions ferme la porte sur le passé. Lors donc qu'on la voit
attaquée, on croit menacées avec elle toutes les institutions-
mui reposent sur les mêmes principes ; on croit enfin que c'est
le passé qui est remis en question; et de là cette inquiétude qu
s'empare de tous les esprits. »


M. le garde-des-sceaux, en combattant aussi la même réso:
tion , s'exprimait sur cet objet avec la plus grande énergie.
c Les ministres du Roi ( disait M. de Serre dans la séance d
ft3 mars 1819 ) ont vu le danger de céder à l'attaque d'un parti;
le danger de saisir une occasion imprudemment offerte , lé
danger de porter 1171C main téméraire sur une loi fi)ndamen-.
tale, à laquelle la nation s'est fortement attachée comme
rempart le plus sûr de ses droits et de ses libertés, comme d


garantie que l'elfrt des promesses royales ne lai
sera jamais ravi. Les ministres ont vu le danger d'altérer, de
détruire peut-être cette confiance entre le monarque et ses peu-
ples, première force de tous les gouvernemens, besoin le plus
impérieux d'une monarchie nouvellement restaurée. Le Roi,
nous osons le nommer, le Roi et ses ministres ont pensé que la
confiance appelle la confiance, et la bonne foi, la bonne fiai; ils
ont pensé que c'était au milieu de la nation même qu'il fallait
planter l'étendard royal; que là , il triompherait des efforts des
partis; que là, s'il en était besoin, des millions de bras se leve-
raient pour sa défense.» Qu'elles sont profondes, messieurs,
ces paroles du chef de la magistrature: comme elles .doivent


( 175 )
retentir fortement dans le coeur de tous ceux qui sont les vrais


girutsdi
du


Pour , je me trouve heureux de suivre ce chef
dans la carrière qu'il a si noblement tracée; député , je saisis
avec empressement cette occasion de me rallier à l'opinion des
ministres qui siégeut dans le conseil du Roi, en votant le rejet
d'un système d'élection dont ils ont si bien démontré les vices
et les dangers, qu'ils ont si fortement signalés à la défiance gé-
nérale, à l'animadversion publique. Je vote le rejet du projet •
de loi.


m. le marquis de Montcalm. Messieurs, le vice essentiel de
la loi du 5 février est de donner réellement le pouvoir électoral
à une multitude Mt le grand nombre ignore habituellement quels
sont les moyens nécessaires pour préserver la société des com-
motions politiques, et assurer le bonheur public; ces moyens,
pour des sociétés aussi civilisées et aussi étendues que la nôtre,
sont compliqués et difficiles à saisir ; ils sont donc hors de la
portée d'hommes généralement assez peu instruits ; ils ne peu-
vent pas non plus être facilement aperçus par ceux que leur po-
sition force de vivre clans un cercle étroit où l'on juge fort bien
les résultats , niais où l'on ne saurait distinguer quels sont les
ressorts qu'il faut faire mouvoir pour parvenir au but que l'on
desire.


Ajoutez à ce vice fondamental tous les vices qui résultent
d'une réunion instantanée d'hommes étrangers les uns aux au-
tres, habitant des points éloignés , ne se connaissant point
entr'eux , parce qu'ils ne se trouvent réunis qu'à de longs inter-
valles , vous aurez alors saisi les vrais défauts de votre système
électoral, et vous concevrez bien facilement qu'il ne pourrait,
tant qu'il subsistera, se créer des existences locales salutaires.


Cependant cette multitude, sentant le besoin d'avoir des
chefs, parce que


- toute grande réunion sent la nécessité de con-
centrer ses volontés, n'en pouvant point trouver parmi elle, a
bien dû forcément en choisir au-dehors. De là est née l'influence
nécessaire, inévitable, et toujours croissante des directions étran-
gères, par conséquent celle des journaux, qui sont leurs agens
naturels. Ainsi l'on pourrait dire qu'aujourd'hui vous allez dé-
eider si ce sont eux ( l ui doivent réellement élire la chambre des
députés , ou bien si l'élection de cette chambre doit être le ré-
sultat du vote libre, et conséquemment- du vote raisonné des
Français. Les mêmes dangers ne furent point à craindre dans
les premiers temps des républiques anciennes ; tous les citoyenshabitaient dans la même cité e vivaient dans le forum, et leurs




( 176 )
intérêts étaient si rapprochés d'eux, que ce n'éLait. guère que de
vrais intérêts locaux : aussi pouvaient-ils prendre des résolu-
tions sensées, jusqu'au moMent on ils étendaient leurs relations.
Mais lorsque leurs intérêts se compliquaient en s'étendant:,
nous sommes dans cette dernière position, il ne leur était plus
possible alors de démêler les inconvéniens des résolutions qui
leur étaient inspirées par des orateurs turbulens. Ceux-ci les
influençaient. toujours facilement en agitant leurs passions; les
désordres naissaient de toutes parts , et la liberté périssait
bientôt par la conquête ou la tyrannie. Nos journaux sont les
vraies tribunes publiques des temps modernes; on ne doit point.
être étonné de leur ascendant. Vous devez donc, lorsqu'il en
est temps encore, préserver la liberté française et nos institu-
tions du sort qui les anéantirait inévitablement une seconde
fois, si vous leur laissiez pour unique soutien la volonté toujours
incertaine de ces hommes que les factieux séduiront éternelle-
ment avec facilité.


Dans ces sortes de gouvernemens, les citoyens concouraient ,.
il est vrai, directement aux affaires publiques, et dans notre
gouvernement, les électeurs n'y concourent seulement que par
délégations; mais pourrait-ou avancer sérieusement qu'il soit
possible de nommer un représentant de son opinion , c'est-à-
dire de sa volonté , si l'on n'en a pas une soi-même ; et. comment
supposer que l'on en a réellement une qui soit bien à soi, si
l'on n'a pas les connaissances nécessaires pour la produire, pour'
la former? Dans l'hypothèse contraire, 1 élection ne serait plus ;
qu'une espèce de loterie, que les électeurs seraient sen lementH
chargés de tirer ; l'on ne pourrait plus soutenir que cette
chambre doit être l'écho de l'opinion publique , et l'on aurait
dès ce moment anéanti réellement l'essence du gouvernement
représentatif.


Personne ne disconvient que la fortune, au moins l'aisance,
ne soit nécessaire pour se procurer une bonne éducation, et que
celle-ci est habituellement suivie de connaissances plus éten-
dues. On sera donc forcé aussi d'avouer qu'il a été peu raison-
nable de confier réellement en entier les destinées du pays à des
hommes qui, à cause de leur peu d'aisance , n'ont. pas eu la
possibilité de se procurer ces avantages. C'est toujours des
masses dont nous devons nous occuper, que nous devons envi-
sager dans une loi d'élection; des individus isolés ne sont. que
des exceptions qui, assez généralement, exercent quelques-unes
de ces professions -savantes, que je ne craindrais pas de voir
siéger dans les colléges électoraux, étant Lien persuadé que


( 177 )
ceux qui les exercent sauraient facilement se prémunir contre
les u


perfides des hommes oui cherchent à égarer la mut-
sdeié, isil'nouse-ent par les mensonges 'les plus grossiers. En effet,


oserait•on dire à des 'tontines instruits que le retour de la dîme
t de la féodalité , ou , ce qui est la même chose, la barbarie du


moven âge, est possible? cependant il est prouvé que c'est avec
de pareilles absurdités qu'on a dirigé l'opinion des électeurs de
plusieurs d•partemens. La presse donne au mensonge la r.:pi-
dité de l'éclair ; elle a par conséquent centuplé la forcede cet
éternel agent des jactions. Il finit donc aujourd'hui environner
les élections de bien plus de précautions que dans les - temps les
plus reculés ; il faut surtout laisser à la vérité quelques instans
eu moins pour fiiire entendre sa défense , et ce n'est pas là le
moindre bien que procurent les deux degrés d'élection.


Le nouveau projet de loi présente l'avantage d'utiliser toutes
les capacités, et de les nuire toutes concourir, dans leur sphère,
à la nomination des députés. Ceux qui vivent ordinairement
dans un horizon plus étroit, qui ont des connaissances moins
étendues , sont uniquement chargés de désigner quels sont les
hommes qui , autour d'eux, ont% plus grande réputation de
probité et de savoir, de manifester ainsi jusqu'aux réputations
peu connues; ils sont, je.ne crains pas de le dire , presque for-
cés par la loi de faire tomber leurs choix sur ceux qu'ils con-
naissent réellement. Les élections ne se feront donc plus de
confiance; elles seront le résultat de la connaissance directe que
l'électeur aura par lui-même, de la capacité et de la moralité
du candidat qu'il présente. J'ose donc soutenir que l'élection
sera de finit bien plus directe, puisqu'elle sera forcément' l'ex-
pression de la propre volonté de l'homme ; qu'elle sera bien
plus directe qu'elle ne l'est sous l'empire d'une loi où la volonté
des électeurs est facilement commandée par une influence étran-
gère. Quel avantage si grand auront donc ceux que leur position
sociale rend plus a ptes à discerner.les intérêts généraux de l'état,
puisqu'ils ne pourront que choisir parmi les hommes dont les
vertus et le savoir leur seront garantis par ceux qui les con-
naissent le plus intimement , par leurs voisins , par leurs vrais
concitoyens? il ne leur restera que le pouvoir de discerner les
-plus capables parmi ceux qui leur sont présentés.


Tous les droits sont donc égaux entre les colléges; ces droits
is:inbe desontt seulementdiversifiés stii..-ant la nature de la capacité pro-


ceux qui doivent les exercer, et. s'il y a de la faveur
dans ce partage, n'est-elle pas du côtéé-de ceux qui tracent le
cercle dont les autres ne peuvent pas s'écarter? Cette loi ne




(178)
peut donc humilier personne, puisqu'elle assure à tous des,
droits égaux ; elle aura l'avantage d'étendre la base des élec-
tions, en donnant à un plus grand nombre d'électeurs la possi-:
bilité de concourir à la nomination des députés. Les moins.
riches sont ceux qui doivent le plus craindre les frais d'un dé-
placement; aussi le• projet place l'exercice de leurs fonctions
aussi à portée de ceux.ci qu'il est possible; les plus riches peuvent
supporter sans peine les dépenses d'un voyage et celles d'un sé-
jour dans une grande ville, c'est aussi ces derniers qui devront
se réunir au chef-lieu. Ces combinaisons doivent foire espérer,
que nous ne verrons plus à l'avenir nos collèges électoraux aussi
peu nombreux que nous les avons vus sous l'empire de la loi du
5 février, puisque les électeurs se sont montrés peu jaloux d'exer-:
cer leurs droits dans des circonstances aussi importantes que
celles où se trouve la nation française depuis quelques années:
N'était-il pas vraisemblable qu'à l'avenir ils eussent laissé pros=
qu'en entier au chef-lieu du département le soin d'envoyer des:
députés à cette chambre ?De toutes parts i l s'élevait des réclama
fions contre l'influence de ces petites métropoles. On ne pourra•.
plus maintenant redouter cette suprématie qui rendait presque,
stériles les votes des habitans des campagnes, et donnait à l'in-
trigue bien plus de facilité, en la resserrant dans lui plus petit
espace. Par la nouvelle loi, cette chambre. sera, en majorité,
composée des notabilités départementales, et la députation sera,
souvent le prix des services que l'on aura rendus à ses conci-
toyens dans des fonctions municipales.


C'est une loi fuite tout entière dans l'intérêt des provinces;
elle n'est ennemie que des intrigans de Paris : elle présentera
l'immense avantage d'honorer l'homme paisible que des desirs
ambitieux n'ont point tourmente, et qui, environné de l'estime
publique, sait vivre heureux loin du prestige des cours. Ces
hommes, je le sais, n'obéiront point facilement à des chefs de
partis, ils n'appartiendront qu'a la patrie; voulant aussi le bien
sans ostentation, ils sauront le faire avec prudence.


Voyons maintenant si la loi fausse l'essence du système repre-
sentaiif. Sous le nom de gouvernement représentatif, on entent*'
généralement le gouvernement d'un pays où les sujets concourent
au vote des lois ; mais chaque pays , pour établir ce concours, a
imaginé divers moyens, presque toujours appropriés aux cir-
constances oà il s'est trouvé placé ; de là une diversité infinie
dans les modes d'élections; de là encore une pl us grande diver-
sité dans les qualités que l'on a exigées pour être électeur ou
pour être éligible; souvent encore le même pays a offert des


( 1 79 )
»Iodes très-difarens entr'eux , et la même représentation est
formée par des mandataires qui doivent leurs pouvoirs aux été_


plus opposés. On ne s'est accordé que sur un
suelietilisposoilcitia;ux les on a cru qu'un pays était bien représenté
lorsqu'il était sagement gouverné par les hommes choisis d'après
les lois de l'état.


En apparence, quoi de plus monstrueux que la représentation
anglaise, où tel individu aurait de fait plus de députés au par-
lement que la cité de Londres? Croiriez-vous que les Français
seraient bien directement représentés, si quelques centaines de
fam il les pouvaient désigner la moitié des représentans de la nation?
Franchement, est-ce là une élection bien directe? Cependant les
diverses institutions des peuples étant toujours intimement liées
entre elles, il faudrait, pour s'appuyer de l'exemple de l'An-
gleterre, consentir à prendre à-la-fois toutes les institutions qui
font marcher ce gouvernement; je n'en connais pas dans le
inonde (lui révoltassent plus la nation française, car je n'en
conçois pas qui choquent plus l'égalité, premier besoin des
Français, qui la préfèrent même à la liberté.


Ce serait porter atteinte à cette volonté générale si prononcée
pour l'égalité des droits, que de prétendre, ainsi que le font
les orateurs adverses, que la loi péut communiquer des droits
politiques dont la loi ne pourrait plus, pour l'utilité de tous, se
ressaisir à son gré. Nous, simples mandataires du peuple, nous
aurions donc pu élever au sein de la nation quelque chose au-
dessus d'elle ; ce qui peut nous rassurer seulementsur ce nouveau
genre de despotisme, c'est qu'il n'appartient à personne , que
par conséquent on n'y attache pas un grand prix ; l'électeur
d'hier ne l'est plus aujourd'hui, et celui qui croirait l'être main-
tenant ne le sera peut-être plus lorsque son département aura
à élire des députés. A cela je pourrais ajouter que l'immense
majorité desirerait bien évidemment n'avoir plus cet avantage,
et qu'elle le prouve sans cesse, puisqu'elle soupire sans cesse
après la diminution de l'impôt..


Avez-vous encore entendu les plaintes des hommes que vous
avez déshérités de la qualité électorale, en diminuant de quel-
ques millions le poids (les charges qui nous accablent? ce dé‘,rè-
veinent a-t-il attiré sur nous la haine ehe aine publique? La conséquencede ivi,o, spôitds.ées libérales serait évidemment d'accroître toujoursI


• Mais le reproche sn• lequel on parait insister le plus, est
celui que l'on fait à la loi de vouloir fonder une odieuse aris-
tocratie. Mes adversaires savent, de même que moi, que l'éga.




( 18.0 )
lité des droits est le Voeu le plus prononcé de la nation; aussi
ils se sont empressés d'alarmer ce sentiment, et ils ont de suite
accusé cette loi d'être aristocratique-, et ses défenseurs d'être des
aristocrates. Avant de pénétrer davantage dans la discussion ,
il semble q eût été convenable de définir le mot d'aristocratie ;
niais peut-être n'était-ce pas sans raison que l'on ne hasardait
pas sitôt une explication.


Antérieurement à 89, on entendait dans l'Europe moderne
par gouvernement aristocratique, le gouvernement d'un pays
où plusieurs individus exerçaient héréditairement les plus grands
pouvoirs politiques. A l'époque de notre révolution, le sens de
ce mot changea tout-à-coup; plusieurs membres de cette chambre
s'en rappellent, et ils n'ont pas oublié que l'on nomma aristo-
crates les hommes que l'on désignait à la fureur de la populace,
fussent-ils même nés dans les derniers rangs de la soCiét é. En 93,
ce fut le banal arrêt de mort pour le duc et pair aussi bien
que pour le laboureur; tous étaient envoyés au même échafbud
avec une cruelle égalité. Sous le gouvernement impérial, plu-


'


sieurs membres de cette chambre s'en rappellent aussi , on
qualifia les gens considérables des noms de duc, de comte, de
baron, et alors il ne fut plus question d'aristocrates.


En 182o, on fait cependant relent ir ces mots, qui signalèrent
-


le commencement de nos discordes civiles : leur donne-t-on
maintenant le sens qu'ils avaient autrefois ., ou bien celui qui
lui donnait pour synonyme la mort ? 11 finit d'autres armes que
la raison pour combattre cette définition-là; aussi nue conten-
terai-je de prouver que la loi n'est pas aristocratique, d'après
les idées attachées à ce mot chez les nations civilisées. Parmi
elles l'hérédité des droits politiques est partout une condition
nécessaire, indispensable, pour former un pouvoir aristocratique;
peu importe le nombre de ceux qui exercent ce pouvoir. Dans
quelques gouvernemens, à Gênes, par exem pies, le nombre des
aristocrates était plus grand que le serait le nombre des élec-
teurs par la loi du 5 février. Si ce pays avait continué d'être
réuni à la France, ce gouvernement eût cessé alors cependant
d'être aristocratique, parce que chaque citoyen aurait pn par
son industrie, c'est-:l-dire par son propre fait, s'élever à la
qualité électorale ou élective; tandis que, sous son ancien gou-
vernement, il lui était impossible d'acquérir des pouvoirs po-
li Ligues par lui-même , sans le concours d'une volonté étrangère;
c'est là précisément la di Cl'éresnce . cl ui existe eut re !a liberté et la
servitude. L'homme en effet est aussi libre qu'il peut l'être sur
la terre, lorsqu'il peut s'élever à tout, en usant des facultés


( 18/ )
qu'il tient de l'auteur de son êt re; il est esclave s'il a besoin de
la volonté d'un autre, car dès-lors il a un maître Que lui importe
que ses tyrans soient nombreux ou non? s'ils sont nombreux, il
est. plus souvent froissé; la pins insupportable des tyrannies est
celle qui est la plus rapprochée de sol.


Aussi la charte nous a-t-elle garanti la vraie liberté, en ren-
dant mobile la qualité électorale. Tant que cette mobilité
existera, tant, que le droit électoral ne sera pas héréditaire , il
n'y aura aucune aristocratiedans nos collées électoraux, puisque
tous les citoyens pourront y parvenir. Peu importe le système
d'après lequel ils auront été organisés; aucun citoyen n'en étant
repoussé, il ne saurait mériter l'odieuse dénomination que vous
leur donnez ; si un cens plus ou moins élevé pouvait la leur
mériter, nous xi eserions nous-mêmes, messieurs, qu'une assemblée
(l'aristocrates.


Ou bien, avec ces mots habilement répétés, voudrait-on
seulement exciter la haine du peuple contre les débris de quel-
ques familles dont le sang coula si souvent pour leur pays?
Dites donc franchement que les.enfans de ceux qui auront mé-
rité quelques titres à la reconnaissance publique, ne doivent
plus être citoyens; car cette loi ne leur accorde pas d'autres
titres pour entrer dans les colléges électoraux; et , après tant
d'adversités, ces familles sont si peu nombreuses, qu'elles ne
sauraient y avoir une grande influence lorsqu'elles n'en seront
pas exclues par leur peu de fortune. Il est, je le sais, quelques
Imaginations malades que rien ne peut calmer; heureusement
elles sont rares dans un pays où la grandeur d'aine est commune;
chacun y sent, commue un brave soldat que le valeur avait porté
au commandement de nos armées, et il est peu de Français qui
ne disent: avec lui, lorsque la fortune lui est propice Moi, je
suis ancêtre. Quand on pense aussi noblement, on n'a point à
redouter, il est. vrai, ceux des antres; niais je répondrai à ceux
qui ne pensent pas ainsi ; Arrachez les pages de l'histoire !
( Mouvement (l'adhésion à droite et au centre de droite.)


Je vote pour le projet de loi:-
Admyrault. Non, messieurs, la nation française ne pé-


rira pas, elle ne peut pas périr ; mais, il n'est que trop vrai, la
nation française, divisée, peut encore être entraînée dans de
funestes et douloureuses épreuves.


Mais quelle est donc, messieurs, cette division dont on pré-
tend que la loi de février 181 7 est l'occasion ou le principe?
cette division existe-t-elle dans la nation? Consultez-la, nies-
sieurs; vingt-neuf millions de Français, contre quelques mille,
vous répondront en provoquant le maintien de la loi actuelle;





( 182 )
et leurs motifs, que ce n'est que par elle qu'ils peuvent espérer
de conserver les institut ions que le Roi leur a données.


Cette division existerait-elle dans la chambre des députés ?
Examinons ce qui s'y passe depuis 1816. Quelles entraves,
quels embarras , quelle opposition et quel genre d'opposition,
le gouvernement du Roi a-t-il éprouvés dans cette chambre
dans les sessions de 181 7 et 1818? Tous les sacrifices n'y ont-ils
pas été consentis, et souvent malgré cette autre opposition qui,
de sa nature, devrait donner l'exemple des sacrifices?


En 818, le système national sortit victorieux de quelques
attaques contre lesquelles le gouvernement avait pris loyalement
et franchement. une part active; cette noble conduite avait par-
tout répandu le bonheur; la nation, pénétrée de la plus profonde
reconnaissance, se livrait avec enthousiasme à la confiance
qu'elle aime tant à pouvoir prendre dans ses chefs. Quelles cir-
constances, quels événemens ont pu rompre ces rapports mu-
tuels d'intelligence et d'union, dans lesquels la France puisait
de si douces espérances pour son avenir? Il faut bien les recher-
cher où ils sont, pour les apprécier ce qu'ils sont.


A peine les collèges électoraux de 381 9
furent-ils convoqués,


que le ministère, effrayé de la licence, sans doute très-cou-
pable , de quelques journaux , prévoyant déjà les difficultés
qu'il rencontrerait po ur faire prévaloir ses candidats aux élec-
tions, se laissa altérer de circonstances qu'il aurait dé prévoir,
puisqu'elles étaient: dans la nature des choses. Dès-lors la conju-
ration se forma ; à l'instant où le ministère soupçonna qu'il ne
pourrait pas dominer les collèges électoraux, la loi des élections
fut déclarée mauvaise et dangereuse ; et du m'ornent où les jour-
naux s'oublièrent, par des écarts repréhensibles, la censure
fut reconnue le seul moyen de réprimer les écarts en les préve-
nant. La réforme de la loi des élections et la censure furent
.donc arrêtées dans le conseil des ministres; et la composition
du troisième cinquième élu à la chambre des députés, ayant
été jugée, par anticipation, factieuse et mal disposée, on né
trouva d'autre moyen de conjurer le danger dont on supposait
qu'elle menaçait l'état, qu'en amenant l'opposition, systéma-
tique ou non, de 1816 , 181 7


et 18/8 , à. une union systéma-
tique avec le ministère.


C'est sous ces auspices que se préparait l'ouverture de la
session actuelle. Cependant les députés des trois séries, élus en
vertu de la loi dej181 7 , arrivaient à Paris, pénétrés de ce senti-
ment pénible qui leur disait qu'une grande inconvenance avait
obscurci les élections de le troisième série, et pic de grandes


( 183 )
imprudences des journalistes avaient affligé les amis de la
liberté.La grande majorité de ces députés croyait que quelques ar-
ticles purement réglementaires à. la loi des élections pouvaient,
sans altérer l'esprit et le principe, en rendre l'exécution plus
morale; ils invoquaient une loi fortement répressive de la li-
cence des journaux, et ils s'attendaient que la session s'ouvri-
rait par la présentation de ces deux lois. Plusieurs de ces députés
se promettaient de s'expliquer honorablement et franchement
dans les discussions qui s'ouvriraient à cette occasion, sur une
des affligeantes circonstances des dernières élections. En plai-
gnant les malheurs d'un département horriblement opprimé,
en le félicitant sur trois élections honorables , ils auraient osé
lui dire que l'oppression, que le déni de justice ne parlentj amais du trône; qu'ils sont les torts des agens responsablesqu'à quelque degré que l'injustice soit portée, elle n'autorise
pas les récriminations envers le trône; que quelle que soit l'op-
pression , elle ne dispense pas des convenances respectueuses
dues à la majesté royale, qui, hélas! souffre autant que les sujets
des aberrations du pouvoir. Mais c'était en vain que des députés
fidèles attendaient l'occasion de prouver 'ainsi leur dévouement
à l'ordre établi; ils avaient été condamnés sans être entendus ,
j ugés coupables de mauvaises - intentions sans âtre mis à ré-,preuve. On différait de proposer une loi sur la- répression des
journaux; on laissait les j ournalistes s'attaquer et s'exciter mu-
tuellement ; on prenait part à cette guerre pour l'envenimer en-
core; on éludait de faire usage, contre les écrits en général,
des moyens de répression que dounela loi; on se disait désarmé, et
cependant on prouve assez aujourd'hui le secret de sa force. Mais
alors on voulait arriver à ce point de pouvoir affirmer qu'il n'y
avait d'autre garantie contre les écarts des journaux que la cen-
sure. On différait une loi qui remédiait à quelques abus dans
les élections, parce qu'on voulait changer le système en entier;
et surtout on retardait toute proposition de loi de quelque in-
térêt, jusqu'à ce qu'on se . fét bien assuré d'une majorité dont
les conditions étaient assez difficiles à établir; on ne perdait
cependant aucune•occasion de donner des gages it cette majorité
future, et ce fut dans cet esprit et dans ce but que s'établirent
ces premières discussions dont il m'a été trop pénible de parler
dans un écrit précédent, pour que je revienne encore sur de si
tristes détails.


Eh bien messieurs, malgré tant de clameurs contre les dé-
putés, malgré les efforts que l'on n'a cessé de faire pour . les




( 184
)


aigrir et les humilier, en faisant attaquer de toutes parts leurs
intentions, en les laissant poursuivre et. insulter par les jour-
naux sous le règne même de la censure; ces hommes, accusés
d'être en opposition constante et systématique avec le gouver-
nement,. se sont réunis à lui avec empressement, je pourrais
dire avec bonheur, toutes les (ois qu'ils l'ont pu en respectant
les principes de la charte. Les faits existent, et les ennemis, les
détracteurs de ces députés sont forcés de reconnaître à quelle


• majorité ont été votées toutes les délibérations, toutes les lois
<lui n'attaquaient pas les droits établis.


Je demande maintenant, messieurs, aux hommes de bonne
foi, si c'est bien dans la chambre des députés qu'existe cette
division par laquelle toute nation, doit périr? Si elle y existait
en effet, j'oserais demander par qui elle y aurait été introduite,
<nt par la loi de 181 7 , ou par le changement de système des mi-
nistres ? Ils savaient bien messieurs les ministres, qu'en sui-
-rant la ligne constitutionnelle, ils trouveraient dans !a majorité,
<pli jusque.


-là leur avait été fidèle, tonte la force dont ils avaient
besoin ; mais ils savaient aussi que cette majorité était royale et
nationale avant d'être ministérielle, qu'elle ne pouvait consentir
à fortifier le pouvoir que dans les intérêts du trône et de la li-
berté. Les ministres ont confondu l'arbitraire, qui leur est
propre, avec les droits du trône, et les intérêts de l'oligarchie
avec ceux de la liberté; dès-lors ils ont dû chercher à se faire
une nouvelle majorité, et le prix de leur alliance devait être le
sacrifice d'une loi également en opposition avec leur nouveau
système et leurs amis nouveaux.


Tels sont les faits, messieurs; telles sont les causes pour les-
quelles nous avons passé successivement, depuis six mois, de
l'attente d'une grande loi parlementaire qui, du moins se pré-
sentait à •'ombre de quelques idées grandes et nobles , à l'appa-
rition-d'une loi sur les élections qui, en attaquant et la lettre et
l'esprit de la charte, respectait cependant encore l'élection di-
recte, puis enfin à une loi plus concise, qui, en ayant l'air de res-
pecter strictement la lettre ,'n'en détruit pas moins les principes
sur lesquels repose le pacte social-, -et nous ramène celte con-
ception de la candidature, ennemie de la liberté, digne des
gouvernemensqui l'avaient créée et exploitée.


Nons7ri'avons à vous entretenir que de cette dernière loi ,
messieurs; mais nous devons, avant de la discuter, nous oc-
cuper un instant de l'exposition des motifs dont M. le ministre
de l'intérieur et M. le rapporteur de la commission en ont ac-
compagné la présentation et appuyé l'acceptation.


( 185 )
Il frira remarquer que M. le ministre ne


dissimule pas le


u
projet é ezjà vous avire.'ret qu'il éprouve d'abandonner le p que d


dis' enté dans vos bureaux , et: qu'il faut conclure de cc qu'il.
'vous a dit à cet égard , que la loi qu'il vous présente n'est que
transitoire, une pierre d'attente pour arriver au complément du
système nouveau. Et, en effet, messieurs , vous comprendrez
facilement qu'avec la chambre que donnerait à la France la loi
qui vous est proposée, les éléniens de grandes et radicales ré-
formes s'introduiraien t promptement dans cette enceinte, et
cette observation ne sera pas perdue pour vous. Déjà, mes-
sieurs , M. le rapporteur VOUS a dit qu'il est dans la nature de
la législation de varier pour se perj;?ctionner. M. le ministre
de l'intérieur avait été plus loin : Il plaint les scrupules de ceux
qui s'attachent à la lettre de la charte, et surtout. à ces articles
réglementaires qui s'y trouvent en hors-d'œuvre . Avant lui,
un autre ministre avait traité la charte plus lestement encore.
Selon celui-ci , elle n'est qu'une loi com1111111C soumise, conunc
toutes les lois, aux investigations de la législature, et les trois
pouvoirs unistitués sont là, en permanence, pour réformer quand
il leur plaît la loi lendamentale de l'état. M. le ministre s'épou-
vante avec grande raison de l'appel d'une convention; et, pour
prévenir ce malheur, il admet. qu'à chaque session la législature
peut se constituer convention.


La chambre des Kits serait., réplique-t-on , une puissante
garantie contre un semblable danger. Oui, sans doute, mes-
sieurs, les pairs de France, accomplissant leur noble destinée,
se constitueront les gardiens et les défenseurs des d rOi ts du trône
et des libertés publiques , contre les ambitions démocratiques,
aristocratiques et ministérielles; mais le temps seul peut les
placer à cc haut degré d'élévation. Jusque-là, messieurs, la
chambre des pairs, représentation naturelle des grands proprié-
taires, nous semblerait devoir calmer les inquiétudes du minis-
tère sur cet intérêt, si c,'est en effet l'intérêt de la grande pro-
priété qui l'occupe. Qu'il permette donc ana fiirtunes modestes
de desirer aussi une représentation protectrice des intérêts com-
muns; qu'il permette à la chambre des communes, telle que la
charte l'a créée, de s'établir à côté de la chambre des pairs, et
qu'il renonce à la prétention d'arriver par ses grands collèges à
ses candidatures, à l'établissement d'une seconde chambre haute;
ce serait trop faire aussi en faveur de l'oligarchie. Je reviens au
système de réformation intempestive de la- charte.


Le temps marche, dit-on, et. les lois vieillissent avec le temps;
ce qui est bon dans celui-ci no le sera pas dans un autre ; faut-il




( 86 )
condamner la postérité à rester dans les liens d'une constitution
caduque? Eh! non , messieurs ; mais comment a-t-on pu, dans
la situation actuelle des esprits soulever cette idée de la modi-
fication du pacte sur lequel reposent toutes les espérances , de-
vant lequel il serait si sage et si politique de forcer toutes les
passions, toutes les ambitions à venir se briser et s'humilier?


Après tant d'orages et de constitutions sorties de leur sein
si celle qui nous régit aujourd'hui éprouvait encore des atteintes,
sur quelle base serait-il désormais possible d'établir la sécurité
et la confiance qu'il importe tant d'inspirer au peuple? Par quel
moyen le rassurer sur cette charte et sur ces articles que les
uns considèrent. comme une transaction commandée par la né:
cessai: , que les autres expliquent comme la reconnaissance de
faits existans passés en force de chose jugée? Et si vous aviez
l'imprudence d'ouvrir cette carrière sans fin des discussions, sur
des articles réglementaires pensez:vous que le peuple entrât
dans vos distinctions subtiles, impossibles à fixer ? s'il y com-
prenait quelque chose, ne serait-ce pas un malheur de plus? et
s'il n'y comprenait rien pas toujours le droit de s'ef-
frayer, et de vous dire : Quia n d donc voulez-vous que pour moi


• commence l'avenir? à quoi voulez-vous donc que, je m'attache?
qui aimerai-je? qui


jrespecterai-e mt rai-je, si vous ne e donnez pas
des lois que je puisse aimer et respecter, dans cette idée conso-
lante , dans cette confiance qu'elles sont stables et à toujours?


Observez, messieurs, les fimest es effets de cette mobilité des-
idées du gouvernement et de cette inquiétude active qui le
porte à changer et modifier le lendemain les institutions qu'il
e créées la veille. Ce mouvement imprimé aux choses se porte
naturellement sur les hommes, et il le faut bien ; en changeant
le système d'action il devient nécessaire de changer les agens
chargés de diriger l'action. Ainsi nul ne peut être sûr de soli




état, ni au militaire, ni au civil; les fonctionnaires publics sont,
comme les citoyens , dans une agitation continuelle sur leur ave-
nir. Le citoyen n'apprend pas à aimer des lois qu'il est menacé
de perdre chaque jour ; il ue s'identifie pas avec un état cl&
choses qu'une i mptu dente légèreté l'autorise à supposer précaire
et variable. Le fonctionnaire n'attache de son côté aucun intérêt
à se faire aimer et respecter dans un pays ois il ne se regarde
placé que passagèrement ; il fait ses affaires, et le pays et l'ad-
ministration soutirent également d'une indifférence on d'un
égoïsme que la marche du gouvernement explique et excuse
peut-être.


Abjurons donc cette mobilité continuelle , si humiliante


( 187 )
quand elle se renferme dans nos idées et dans nos paroles, mais
si funeste quand elle se communique à nos actions. Respectons ,
messieurs , ce besoin de repos et de stabilité ; que le point de
départ pour le bonheur du pays reste enfin fixé an jour où la
charte, octroyée, fut accueillie avec tant de bonheur! Assez (le
malheurs et de désastres ont interrompu ces jours heureux;
n'ouvrons pas la porte , par de folles imprudences , à de nou-
veaux regrets.


Tout ce que j'ai dit , messieurs , de la charte et de la néces-




sité de la conserver, je le dis sans hésiter de la loi des élections
Tous ne sauriez vous le dissimuler , cette loi, dès l'instant qu'elle
parut , fut accueillie par l'immense majorité des Français avec
enthousiasme : chaque citoyen crut 7 trouver la garantie de la
constitution, et par conséquent la limite de son avenir ; chaque
citoyen l'adopta et l'épousa, si je puis m'exprimer ainsi
(voix à gauche : Très-bien ) comme le palladium de ses droits
et de sa liberté. Détruire cette loi et attaquer ses principes , ce
sera donc aux yeux des Français menacer tout ce qu'ils ont de
plus cher, puisque, dans leur pensée, la charte tout entière re-
pose sur la stabilité de cette loi. Ces assertions , messieurs, sont
des faits incontestables ; ces faits sont inscrits dans vos archives,
ils sont gravés dans vos consciences, et chacun de vous sait assez
à quoi s'en tenir à cet égard ; et s'il se fait illusion sur la situa-
tion réelle des esprits dans cette grande question , c'est qu'il le
veut bien. Je n'insisterai donc pas pour démontrer ce qui l'est
à tout homme de bonne foi.


C'est à vous, messieurs , de peser ces circonstances; c'est à
vous de juger jusqu'à quel point il est prudent et sage de trahir
tant d'espérances , et: de détruire la sécurité et la confiance qui
reposent sur une loi chère à tous. C'est à vous de balancer les
avantages que dans son intérêt particulier le ministère peut. re-
tirer de sa loi nouvelle , avec les graves inconvé.niens d'abroger
de retirer une concession dont vingt-neuf millions d'hounlys
sont en jouissance depuis quatre. années , et à laquelle ils at-
tachent tous leur existence sociale ; car, quoi qu'en dise M. le


•rapporteur de la commission , ceux-là possèdent qui ont des
droits établis et reconnus ; et les deux cinquièmes des Français
qui n'ont pas encore exercé ces droits , n'en sont que plus ar-
dens à en demander le maintien.


Je passe à l'examen rapide de la loi qui vous est soumise.
Cette loi détruit par le fait l'égalité devant la loi , pour laquelle
les Français ont combattu avec tant de constance et de gloire'
et qu'ils croyaient s'être assurée à si juste titre. Elle jette les




)
fondemens.d'une distinction , d'uneprééminence légale dans la
société ; elle pose les bases d'un privilége , qui bientôt s'éta-
blirait sur les ruines des anciens privilèges ; elle sépare les élec-
teurs en deux classes ; les uns concourront ou auront l'air de
concourir, les autres nommeront, et. cette distinction . ce prin-
cipe , qui déjà constitue une prééminence parmi les électeurs ,
reposent Sur les Laveurs de la tOrtune ! Autrefois du moins ce fut
la gloire on les services rendus qui décernèrent les rangs dans
la société ; aujourd'hui ce sera le plus ou le moins d'argent qui
marquera le point de départ à l'illustration... ( Voix d droite :
C'est la charte qui le veut ! ) Si on m'accuse de me livrer à des
suppositions ridicules , je répondrai en rapprochant le projet
de loi d'une proposition faite tout-à-l'heure à la chambre des
pairs , tendante à autoriser <les major :tS sans titres , c'est-à,
dire une noblesse bourgeoise , qui s'emparera , avec ce qui,
reste de grandes fortunes nobiliaires, du privilége des bouta
collèges.


électoraux, auxquels nous devrons sans doute bientôt
les boure-pow-ris d'Angleterre ( Sensation à gauche. ) Ce
ne sont pas là, messieurs, des suppositions absurdes , ainsi que
le prétend le journal officiel. Qu'est-ce, dit ce journal , que la
grande propriété en France? est-cc nue province, transmissible,
comme en Angleterre, par majorat ?Non messieurs ; ce n'est
pas cela, et il finit espérer tac cela ne sera jamais ; car, quelque
spécieux que soient les raisonneniens du noble pair pour appuyer
sa proposition , nous avouons que , <langer pour danger , nous
préférons celui de voir augmenter une populo tion.de petits pro-
priétaires , laborieux et indust rieux , attachés aux lois et au sol ,
et multiplier les produits par l'intelligence de leur travail , et se•
suffire ainsi à eux-mêmes, au danger effrayant de voir s'agglo-;
mérer autour de ces grands propriétaires de provinces , une po-
pulation misérable toujours menaçante, et à l'humiliante
dure nécessité (l'une taxe dite des p'


auvres , toujours croissante.
Mais-il est vrai, messieurs, c'est bien moins les grandes pro-


priétés qu'une classe de la société regrette en Fronce , que les.
droits , les honneurs et les privilèges qui y sont attachés (voix


droite : Nous y voilà! ), et qui souvent luisaient l'apanage des
plus minces propriétés ; mais prenez-y garde, ce sont aussi bien
moins les grands propriétaires que redoute cette autre classe en
opposition avec la première, que le retour des privilèges dont
ils se croient menacés , et qui humilie des hommes accoutumés
à se croire égaux en droits, qui ne veulent plus reconnaître de
supériorités sociales que dans les pouvoirs constitués et dans la
Neal ; qui , il faut le dire , s'épouvantent à la seule appréhen-


( 3.89 )
sion dela perte d'une conquête à laquelle ils tiennent plus peut-
être qu'a la liberté elle-même. C'est donc bien mal prendre Sb n.
temps pour nous rassurer sur le retour des priviléges , que de
choisir celui ou une: proposition de loi à la chambre des pairs
coïncide si bien dans ce sens avec celle qui nous est soumise ,
qu'il nous est bien permis sans doute d'y voir quelqu'arrière-
pensée et de supposer que tout n'est pas dit encore sur cette


( 'Vive sensation à gauche. )mactieèir)ee
Cependant M. le ministre (le l'intérieur assure que le projet


de loi qu'il vous présente.satisfait à tous les droits, remplit
toutes les conditions imposées par la charte. Selon lui, la dis-
tinction des colliges , la division des pouvoirs conservent les
droits de chacun; tous concourent, dit M. le ministre, il n'im-
porte de quelle manière ; la charte ne l'a pas déterminé; il nous
appartient donc d'en décider suivant notre bon
minerai pas la question grammaticale ; j'avoue dp'1;:iillert.u.j.seqnu'eexles-
commentaires sur les lois ne m'épouvantent guère moins que
les commentaires sur les livres saints, et le souvenir du sang
versé pour l'interprétation des doctrines célestes , prêchant la
paix , l'union , te support mutuel, nie jettent dans la terreur,
même pour l'interprétation des doctrines politiques. (Vive sen-
sation. ) Je chercherai donc les résultats possibles et vraisem-
blables <le l'élection de mon département suivant la loi nouvelle.


Il se compose de six arrondissemens, qui ensemble auront
vingt-quatre candidats présenter : sur ce nombre, le liant cul-


' lége nomme quatre députés. En supposant à ce liant
prit de justice distributive


collége cet
-es que je lui souhaite ( on rit) , il
vendra un député dans chaque arrondissement; mais alors deux
arrondissemens auront été sacrifiés et leur vœu méconnu. Sera-t-il
bien vrai de dire que les deux arrondissemens auront concouru
à la nomination de la représentation nationale ? M. le rappor-
teur assure que oui , parce qu'à ses yeux le concours de droit
est le concours de fait ; mais les arrondissemens qui n'auront
point été entendus, mais ceux qui, par des inégalités dé position
et de fortune, n'auront qu'une faible représentation au haut col-
lège, ou n'en auront pas du tout, seront-ils (le cet avis? C'est
une question à résoudre. Si dans une autre hypothèse , ces six
arrondissemens présentent tous un même candidat, et que
cependant le haut collège écarte le candidat pour nommer au


. contraire un éligible présenté par la plus petite minorité de l'undes six collège:) , sera-ce bien la voix du peuple, du dé-
partement le choix de la majorité? Et oserait-ou soutenir que




( 190 )
les électeurs des cinq autres arrondissemens auraient effective-
ment concouru ?


Ecartons donc les mots , messieurs, et reconnaissons la vé-
rit ; l'intention ici est évidemment de faire prévaloir la mino-
rité sur la majorité ; pour arriver à ce résultat , il tallait sup-
primer l'élection en commun , il fallait recréer deux degrés d'é-
lection , il fallait surtout reproduire la candidature, le moyen
de direct ion clandestine que le ministère croit devoir exploiter
en sa faveur, mais dont les partis s'empareront malgré lui et
contre lui. ( Sensation à gauche. ) Dans cet ordre nouveau, la
majorité de chaque arrondissement qui ne sera que la minorité
relative du département, énoncera un voeu ; la majorité du haut
collège, qui ne constituera que la très-faible minorité des élec-
teurs du département, y aura tel égard qu'il lui plaira, ou qu'il
lui conviendra. Est-ce là ce que la charte a voulu? est-ce à cela
que se réduit le droit de concourir ? est-ce là l'égalité de sut.-
frag,es ? Y a-t-il là expression et fusion de la volonté générale ?
C'est à vous de prononcer, messieurs.


A considérer les choses sans prévention , a dit M. le rappor-
teur de la commission , on ne sait guères qui exerce le plus
grand droit, ou du collège qui présente, ou de celui qui choisit,
et M. le rapporteur a fait , par cette seule observation , la cri-
tique la plus amère de la loi et du mode d'élection par candi-
dature. En effet, quelle bizarre conception que celle d'une loi
qu'on prétend dans les règles de la charte , prescrivant des élec-
tions libres par les contribuables payant trois cents francs et au-
dessus , lorsque , suivant cette loi , les petits électeurs ne nom-
meront pas, mais désigneront ; et les grands électeurs ne choi-
siront pas , mais nommeront clans les candidats parmi lesquels
leur vote aura été circonscrit Qui donc oserait dire ici qu'il
exerce librement un droit? et cc droit n'est-il pas illusoire pour
tous, puisque nul ne concourt dans la véritable acception du mot?


Maintenant, messieurs, si j'examine la loi sous un autre point
de vue, j'ouvre la charte, et je lis , article 38 : cc Aucun député
ne peut être admis dans la chambre s'il n'est âgé de quarante ans,
et s'il ne paie une contribution directe de mille francs. D) Mes-
sieurs , j'ai quarante ans, et je paie mille francs de contribution;
ainsi je conserve, suivant la charte, le droit d'éligibilité qu'elle
m'a concédé, et je dois en courir toutes les chances favorables
aussi long-temps que se prolonge l'élection. Cependant les col-
lèges d'arrondissement en ordonnent autrement , et il leur plaît,
de me dépouiller de mon droit avant même que l'élection ne


( 1 9 1 )
eommence. Qui donc leur a donné ce pouvoir? Qui, messieurs?
t:/est "„s_mêmes , vous qui vous constituez ainsi en révolte contre
la charte , dont on prétend cependant respecter la plus petite
syllabe


comment expliquer le respect dû à l'égalité des droits
de tous et de chacun , avec l'exception proposée en faveur d'un
très-petit nombre de départemens dans lesquels les citoyens joui-
raient da droit de concourir directement à l'élection de leurs
députés , lorsqu'on prétend enlever cette faculté aux départe-
mens qui composent l'immense majorité des Français? C'est ainsi
qu'on voudrait établir deux législations , concéder un privilège
à quelques localités heureuses , rompre l'unité des droits con-
sacrés par la charte , dont néanmoins on prétend respecter la
plus petite syllabe.


Mais pour motiver ou excuser les distinctions entre quelques
départemens , M. le rapporteur nous cite l'exemple d'un pays
-voisin. Et nous aussi nous nous ferons une autorité de ce qui se
passe dans ce pays pour repousser cet exemple. L'Angleterre
gémit depuis long-temps des inégalités et des vices qui existent
dans son mode électoral, et cette circonstance fait dans ce mo-


. ment la cause la plus grave et la plus inquiétante des agitations
quis'y manifestent, et déjàse sont reproduites à diverses époques:
Cependant, messieurs, malgré cet intérêt si généralement re-
connu d'une amélioration dans son système électoral, l'Angle-
terre résiste à ce besoin d'innovation par respect pour l'ordre
établi , et parce que là surtout on connaît le danger de porter
une main téméraire sur les institutions , alors même que le temps
en-rend la modification nécessaire. Que faut-il donc conclure de
l'autorité dont veut se prévaloir M. le rapporteur, si ce n'est
qu'il faut repousser ces disparates , ces inégalités dans les élec-
tions dont gémit l'Angleterre , et nous attacher plus fortement
encore au principe d'égalité qui régit les nôtres ?


Mais cette égalité des droits , cette uniformité que je réclame
dans la législation électorale , serait-elle plus respectée par la
fixation des candidats qui devraient être présentés à chaque haut
collége ? En voici des exemples : un département a six arron-
dissemens qui présentent.aux grands électeurs vingt-quatre can-
didats pour quatre députés à nom
d misseens qui présentent huit candidats


nlerun autre a trois arron-
pour deux députés; un


autre a trois arrondissemens qui présentent six candidats pour
deux députés. Dans le premier, le haut collège cloisit un sujet
s u r tslixzdans le second , un sur quatre ; dans le troisième ,,




( 1. 9z ) -
Jetez les yeux , messieurs sur les tableaux qui vous ont été


présentés du nombre d'électeurs que fourniront aux hauts col-•
L ges les arrondissemens : partout les inégalités se reproduisent
d'une manière scandaleuse; vous trouverez des arrondissemens
qui n'enverront que deux ou trois électeurs au collège de dépar-
tement ; vous en trouverez même qui n'en enverront pas du tout:
on nous permettra de dire du moins que ceux-là ne concourent
en aucune manière à la nomination définitive de la représenta-
tion nationale.


• Or, je demande dans quelle vue ces combinai-
sons singulières ont pu être si long-temps méditées , et si subti-
lement enfantées ? Nous l'avons dit , messieurs dans la seule
Nue d'étouffer la majorité du voeu national sous le voeu de la
minorité , d'écarter la propriété commune de l'administration
des affaires ; de la faire représenter par la grande propriété ,
expulser des fonctions publiques les hommes modestes et sans
ambition , animés du seul desir de conserver, pour y appeler
exclusivement les grandes ambitions , les hommes dont la for-
tune ne satisfait plus l'orgueil et les prétentions, et auxquels il
faut des honneurs, des charges, des privilèges; et pour déguiser
ces vues, on bouleverse toutes les idées reçues. Ce sont les for-
tunes médiocres qu'on accuse de grandes ambitions ; ce sont des
hommes simples et modestes, occupés de leurs affaires, qu'on
suppose en proie aux desirs et aux passions dont l'expérience
de tous les âges avait. justement accusé les oisifs possesseurs des
grandes richesses.


Je m'arrête , messieurs, à ce court exposé des vices d'une
loi dont mes honorables collègues ont analysé et analyseront
encore plus sévéreihent que moi les nombreuses inconséquences;je leur laisse le soin de vous démontrer, par des calculs mathé-
matiques, l'absurdité d'un mode d'élection basé Sur le système
des candidatures, ce contre-sens, cette flétrissure de toute élec-
tion libre, dont le principal objet est de soumettre la volonté
générale à la volonté de quelques individus ; il me suffit d'avoir
établi que cette loi outrage la simple raison.


Si du moins, messieurs , on se fût borné à des modifications
possibles à cette loi qu'on attaque avec tant de violence ; si en
restant dans les principes de l'élection directe, on eût proposé
de nouveaux arrondissemens électoraux, disposés sur un théâtre
assez vaste pour ne pas livrer les élections à l'esprit de coterie
et de localité, et cependant assez resserré pour prévenir le dan-
ger des grands rassembleuiens trop favorables à l'intrigue et à
l'agitation ; si on se fût contenté de régler les conditions de Pélii -eihlité (le manière à ce que cette enceinte ne fût ouverte qu'à


( 1 9 3 )
des droits véritablement acquis ; on si , dans un autre système ;
et tenant irrésistiblement à deux degrés d'élection , on se fût


élire le collége électoral du secondproposé également
Itir.e sti'ldissement si on eût déléguéà cedegré par les col léges d'arron ent;


haut collége, élu librement parmi tous les contribuables de trois
cents francs et au-dessus , le choix libre aussi des députés à
immoler ; sans doute alors nous eussions pu, dans l'un ou dans
l'autre système , discuter et entrer dans les considérations du
gouvernement ; car, encore une t'Ois, que voulons-nous ? que
demandons-nous? L'ordre qui existe et la sécurité pour tout ce
qui existe. ( Vive adhésion à gauche. )


Nous allons examiner, messieurs, si Wons trouverons dans
la loi fallacieuse soumise à votre discussion , les espérances de
cette sécurité que nous invoquons. Il faut bien reconnaître que
le nouveau mode d'élection mettra tous les partis en présence,
et que chacun sera solennellement averti, à l'approche des élec-
tions, qu'il doit se préparer ou pour l'attaque ou pour le défense.
Tel département disposé à la modération ne se croira plus suf-
fisamment protégé par des hommes sages et. tranquilles, opposés
à l'exagération des députés d'un département voisin ; dès-lors
tous les électeurs doivent se diriger dans les opinions les plus
extrêmes des partis. Les ministres se flattent en vain qu'ils diri-
geront les hauts collèges ; les intérêts froissés, les amours-propres
d'une part, les prétentions encouragées et excitées d'autre part,
ne se gouvernent pas ainsi , et les extrêmes les plus violens vien-
dront dans cette enceinte se livrer une lutte dont les élections
n'auront été que le prélude. ( Sensation à gauche. )


Tel est l'effet infaillible d'une organisation des élections qui
établit des distinctions entre les citoyens , qui crée des intérêts
opposés, qui devient un sujet de guerre et de méfiance entre les
grands et les petits propriétaires, qui soulève les souvenirs du.
passé contre les besoins du présent ; lorsqu'il avait été si sage
et si politique de les amener tous à comprendre que leurs droits,
comme leurs intérêts, étaient et (levaient être les mêmes, en les
plaçant dans la nécessité de les confondre dans une élection com-
mune , et les forçant de rendre hommage dans cette fusion des
intérêts et des droits de tous, à cette vérité éternelle , que les
hommes appelés à vivre en société sont sans cesse dans la dé-
pendance les uns des autres ;• que désormais c'est folie à eux de
prétendre se soustraire par des distinctions privilégiées â cette
solidarité commune. Qu'ils sachent donc , ceux qui prétendraientlt
eleilcloerseciol nceisiteioxnces piiroiexce tions, que plus tôt ils se soumettront aux no u-


aux sociétés , et plus tôt ils s'assure-




( 194 )
tort les avantages attachés à la réunion des richesses et du nié.,
rite personnel ; qu'ils puissent lier leurs droits à cette considé-
ration, à cette honorable confiance, que la majorité ne refuse
jamais , qu'elle accordera toujours à qui saura la mériter. La
carrière est ouverte pour eux, ils y peuvent entrer avec assez
'd'avantages pour être assurés d'y trouver l'honorable compen
sation de ce qu'ils regrettent si amèrement. Et ici , messieurs
les faits parlent encore plus haut que moi. Jetez les veux sur ces
bancs vous y trouverez de riches propriétaires, des noms res-,
pectés , des titres anciens. Je suis donc obligé de reconnaître
que dans ses judicieuses distinctions, ce peuple électeur que l'on
calomnie ne refuse sa confiance ni aux titres ni aux richesses:
mais si , homme riche ou titré, Nous prétendez sortir des rangs
revêtu de l'honorable fonction de député, commencez donc par
Vous faire connaître dans les rangs par les sentimens et. les ver-
tus d'un citoyen ; comptez alors sur les suffrages




( Très-vif
mouvement d'adhésion à gauche. )


J'ai dit, messieurs, que dans l'état actuel des esprits, la
loi des élections que nous discutons n'amènera à la chambre
des députés que des hommes choisis dans les opinions extrêmes
des partis ; mais dans quelles proportions ces opinions y seront-
elles représentées? J'admettrai que le but des ministres soit
rempli , el, que ses opinions oligarchiques y soient en majorité;
vous devez vous attendre que la minorité , composée de tout ce
qu'il aura été possible de trouver de plus prononcé dans son
sens, excitera dans cette enceinte les discussions les plus véhé-
mentes. Mais si la majorité, se livrant à la pente naturelle
aux grandes ambitions et aux souvenirs qui l'occupent tou-
jours, se faisait un prétexte ou une excuse de la violence des
débats pour revenir à des projets plutôt assoupis qu'oubliés; si
elle reprenait cette attitude qui lui fit, à une autre époque,
dicter les conditions d'une amnistie , et fixer celles auxquelles.
des juges pourraient recevoir l'institution royale, que feraient
alors MM. les ministres?


Invoqueraient-ils un 5 septembre? Eh bien' en supposant
que cette majorité, pressée par la. conscience de sa minorité en
France, et d'autant plus avide de jouir et de s'assurer le pouvoir
qu'elle connaîtrait sa faiblesse numérique, leur en laissât le
temps ; en supposant aussi qu'ils en eussent le courage, nous
oserons leur dire qu'il est ,


plus sage d'en prévenir la nécessité;
car c'est toujours une crise dangereuse qu'une pareille mesure ;
ses effets sont de blesser, d'exciter, de forti sfier les haines,
d'inspirerledesir des vengeances, qui à peine s'éteignent lorsque


( .195 )
le provocateur de l'ordonnance est arraché de son poste. (Vive


selQ'sauleirin'ingi'uministre, )e,ayant de tels exemples sous les veux, oserait
contresigner un nouveau 5 septembre? Et d'ailleurs, quel fruit
se promettre d'un 5 septembre avec une loi des élections qui
les place sous l'influence d'une minorité tout-à-l'heure inamo-
vible, grâce au projet des majorats et des substitutions? Que
devient, messieurs, avec une telle loi, le droit de dissoudre
une chambre factieuse, lorsqu'une minorité fictif:aise la peut
réélire impunément ? Serait-ce pour appeler d'une chambre
élue par un parti à ce parti lui-même , que la chambre aurait ré-
servé au trône le droit de dissolution? Que devient ce droit avec
des hauts collèges composés d'une minorité qui marche comme
un seul homme? Fent-il être pour le trône un appel utile contre
une chambre en révolte, si cet appel ne s'adresse directement
à tous? La charte, les droits du trône et les leçons de la sagesse,
tout ici a été méconnu , oublié, sacrifié ; vous réparerez, mes-
sieurs, cette étrange erreur du ministère; vous serez plus sages
et plus prévoyons que lui.


Mais j'entends MM. les ministres nous dire : Vos objections
contre la loi que nous présentons, votre obstination pour le
maintien de la loi subsistante, ne détruisent pas nos motifs et
nos justes terreurs : vous le voyez, cette chambre se remplit d'o-
pinions démocratiques; encore un cinquième, et la terreurnous
entraîne, et la liberté disparaît sous l'influence de l'anarchie.
Comment serait-il possible de gouverner .avec cette loi des-


_élections que vous préconisez tous? Messieurs, j'ai prouvé , je
crois, aussi par des faits, quelle était en ce moment., dans cette
chambre, l'influence de la démocratie, et je n'hésite pas à dire
à MM. les ministres que si des opinions démocratiques venaient
à dominer ici, ce serait à eux, à leurs fausses mesures, aux
alarmes que, sans le vouloir sans doute, il laissent se répandre
en France , ou par leurs propres hésitations , ou par la faiblesse,
ou par la conduite équivoque de leurssubordonnés, qu'if faudrait
s'en prendre.


M. le ministre de l'intérieur, M. le ministre des relations
extérieures ont souvent parlé à cet te tribune sur l'absurdité des
alarmes répandues sur les propriétés nationales, les dîmes et
les droits féodaux. Je déclare qu'il était du devoir des journa-
listes, en citant. ces prétextes d'inquiétude , de les combattreet
d'en démontrer le ridicule ; mais j'ai promis la vérité à MM. les
ministres, je vais la leur dire. (Un profond silence s'établit.)


Ce ne sont pas les journaux seulement qui répandent et en-
tretiennen t ces fausses alarmes; les journaux n'ont été en cela


L




1 96 )
eineles échos des imprudences et des indiscrétions qui échappent
trop souvent à des regrets bien naturels, bien permis sans
doute, mais qu'il faudrait pourtant apprendre enfin à concentrer
-dans son amour pour son Roi, et dans le bonheur d'avoir re-
trouvé une patrie.... (Très-vive sensation. ) Si les hommes qui
se livrent ainsi à des regrets trop prononcés ne sont. pas exempts
de quelque blâme lorsqu'ils sont libres envers le gouvernement,
combien sont coupables ceux qui , revêtus de quelques fonctions,
donnent à la tolérance de ces plaintes, ou à leur expression
personnelle, quelque vague qu'elle soit, un caractère plus
grave encore!


Et si à ces imprudences se joignent des faits tels que ceux-ci :
La publicité d'un Catéchisme de Soissons, pages 84 et 8 9 ; la
publicité, dont il faut bien parler encore, d'un arrêt de la cour
d'Aix , quand ce ne serait que pour répéter qu'il vient tout-à-
l'heure d'être heureusement annulé par la cour de cassation ; la
publicité de quelques ouvrages dont j e ne citerai pas les auteurs,
mais qui, anciens ou nouveaux, se trouvent malheureusement
partout. Si on lie ces fias à des événemens malheureux ,
des dénis de justice, aux hésitations trop fréquentes du minis-
tère, aux oppositions, aux influences équivoques qui arrêtent
et déconsidèrent l'administration là où elle est constitution-
nelle; à ses déviations continuelles, là oui elle l'est moins ou pas
du tout; enfin à nos circonstances générales depuis six mois,
peut-on s'étonner que les médians s'en emparent pour jeter l'é-
pouvante parmi des hommes d'autant plus crédules qu'ils sont:
plus simples et plus intéressés à s'effrayer?


Que font, et que peuvent faire pour la tranquillité publique
des déclarations à cette tribune, qui arrivent difficilement dans
les campagnes, contre des faits qui se passent sur les lieux •
mêmes, que quelques factieux exploitent et enveniment pour
entretenir et fomenter les inquiétudes et cette agitation vague,
qui sont peut-être la seule plaie de l'état, et qui déterminent
plus que toute autre circonstance, les exagérations dont on fia
tant de bruit dansles collèges électoraux?


Mais si ces alarmes sont absurdes , sont-elles donc moins
absurdes toutes ces déclamations contre ce peuple d'électeurs,
contre cette réunion d'hommes respectables, dans le cercle des-
quels on devrait se trouver si heureux d'avoir pu concentrer les
élections sans exciter les murmures; que dis-je ? en obtenant
même un assentiment d'enthousiasme de la part de toute une
nation qui o. consenti avec une sorte de bonheur à déposer ses
droits entre les mains d'un si petit nombre? Sont-elles moins
absurdes ces déclamations contre les électeurs qui en jouissant


( 197 )
qu'ils peuvent desirer, , sont- accusés de vouloir ren-


„r qui assure leur bonheur? sont- cites41e tout „ cn e ordre de choses
moins :lbsurdes ces accusations de félonie contre les mandataires
du peuple, qui, en trahissant le trône, trahiraient aussi sans doute
leurs mandais?


Ministres, hommes puissans qui exercez immédiatement ou
niédiatement une influence, quelle qu'elle soit, sur lesaftrires du
temps ; connaissez donc enfin les Français ; ils s'indignent de vos
soupçons, parce qu'ils ont la conscience de leurs devoirs autant
que celle de leurs intérêts. Leur esprit., leurs sentimens, leurs
voeux, tout en eux est royal autant que national; niais vous les
avez frappés d'inquiétude, et leurs sentimens sont comprimés.
Songez-y bien, la prospérité et l'honneur de la France sont atta-
chés à ne pas rétrograder dans la noble carrière que son Roi lui
a tracée; l'Europe vous observe ; la postérité et l'histoire sévère
Nous attendent pour attacher à vos noms la gloire d'avoir réalisé,
ou l'humiliation d'avoir détruit tant d'espérances.


Messieurs, frappé de l'immense responsabilité qui pèse dans
ce moment sur chacun de nous, convaincu que les principes de
la loi des élections de février 1817 sont les seuls en harmonie
avec la charte; qu'il ne peut y avoir d'élection libre et de vraie
expression de la majorité, d'imité et de SéCIGli que par la
fusion des électeurs dans un même collège, que par le vote libre
et direct de tous ; que la loi de .181 7 remplit toutes ces . condi-
tions ; que celle qu'on prétendrait lui substituer les transgresse
toutes; qu'elle serait le germe du mal, le principe de destruction
du gouvernement représentatif,. sur lequel reposent les espérais-
ceses et les destinées de la France, je vote le rejet..


(Un très-vif mouvement d'adhésion se manifeste dans toute
la gauche, et les cris bravo, brava, s'y font entendre quand
l'orateur descend de. la tribune.


La discussion est continuée au lendemain.


Séance da 1 7 niai.


La discussion est reprise sur le projet de loi des élections.
Le ministre de l'intérieur se plaint des attaques contre les


deux projets de loi sur les élections proposés par le ministère ;
il défend le projet en discussion, et reproduit les raisonnemens
de ses défenseurs.


M. Royer-Collard. Messieurs, si les questions qui se pres-
sent dans cette vaste discussion devaient être décidées, comme
des problèmes philosophiques, par les seules lumières de notre
raison, je me plaindrais de ce qu'on m'impose une tâche an-t




( 198 )
dessus de mes forces et une responsabilité au-dessus des destiL
nées humaines ; car ces questions sont imnienses; d'une part,
elles embrassent tout le gouvernement ei toute la société; d'une
autre part , elles portent des révolutions dans leur sein. Ce qui
me rassure, c'est qu'il n'y a rien dans ce que non; semblons agi-
ter qui ne soit depuis long-temps résolu, accompli, érigé en
fait irrévocable, et par conséquent placé hors de l'arbitraire de
la délibération. Ma faiblesse, jé l'avoue, en est soulagée ; el!,
aime à. s'appuyer sur la nécessité, ministre de la Providence, et
maîtresse des peuples et des rois.


La nécessité a sen empire dans le monde moral aussi bien
que dans le inonde physique. A une époque donnée, dans un
certain état de la société, une seule espèce de gouvernement est
possible pour un peuple. Il y a donc pour les institutions de
chaque peuple des principes ou des conditions nécessaires. Ainsi
la monarchie légitime et la liberté sont les conditions absolues
de notre gouvernement, parce que ce sont les besoins absolus do
la France. Séparez la liberté de la légitimité, vous allez à la ,
barbarie; séparez la légitimité de la liberté, vous ramenez ces
'horribles combats où elles ont succombé l'une et l'autre.


La charte n'est autre chose que cette puissance indissoluble du.
pouvoir légitime dont elle émane avec la liberté nationale qu'elle
reconnaît et consacre c'est là son caractère; c'est par-là qu'elle
est forte colonie la nécessité. Quoique la charte soit écrite, et
même que nous l'ayons vu écrire, elle n'est point arbitraire
comme les conceptions systématiques de l'esprit; il lui était
imposé d'être vraie, d'exprimer fidèlement les intérêts, les
moeurs, l'état de la société qu'elle devait régir. On peut dire
encore que l'antiquité ne lui manque pas; les premiers alinéa
même dela charte furent tracés par Louis-le-Gros, quand il
affranchit les communes; ils furent


.
ineffaçables, dès que Phi-


lippe-le-Bel eut. appelé nos pères aux assemblées nationales. De-
vant les communes libres, les classes qui avaient formé jusques
là toute la nation ne furent plus que des ordres; mais pour leur
malheur et pour le nôtre, elles restèrent des ordres privilégiés.
Alors commença sourdement, pour éclater an jour marqué dans,'
le cours des siècles, la guerre légitime, mais terrible du droit
contre le privilège.


La 1.; yolution a consommé l'affranchissement des communes.
Les crimes n'étaient pas nécessaires. La charte a consommé en
ce sens la révolution , en lui imposant la transaction de la pairie
héritaire. La pairie seule exceptée, une société nouvelle est ins-
tituée sur la hase de l'égalité


., La liberté française, tontes le»


( 199 )
libertés, même la liberté de conscience, c'est l'égalité. L'égalité
a pour garantie le gouvernement représentatif; la chambre des
députés est la sanction de la charte.


Cette vérité n'a pas besoin de preuves. Effacez de la charte la
chambre élective ; resserrez la souveraineté dans le pouvoir
royal et la chambre des pairs, nous rétrogradons an-delà de
Philippe-le-B el ; la nation est possédée comme un domaine ;
elle n'a plus de part à ses affaires; elle n'a plus d'affaires. Sans
détruire la chambre, et même sans changer ses attributions,
changez son caractère, dérivez-la d'une autre source; tiirmez-la.
d'autres élémens; non-seulement vous altérez plus ou moins.
profondément les garanties de la charte, mais vous pourrez aller
jusqu'à. les tourner contre la charte elle-même.Si donc on dit que les élémens de la chambre ne sont ni
certains ni invariables, mais que la composition de la cham-
bre est restée suspendue à tous les caprices de l'esprit et à la
versatilité de toutes les circonstances, de telle sorte que , sana
toucher une syllabe de la charte, on peut chaque année recom-
mencer la chambre sur un plan nouveau et pour un nouveau but,
et que toujours différente, elle sera toujours la même, toujours
la chambre de la charte ; on dit en d'autres terninlu'il n'y a
point de charte, ou ce qui est pire encore, que la charte a été
donnée en dérision des peuples qui l'ont reçue et des droits
qu'elle a semblé consacrer. (Mouvement (l'adhésion à gauche. )


Il n'en est point ainsi; la chambre des députés a contracté
dans la charte une véritable légitimité, c'est-à-dire une nature
propre et inaltérable qui se fait reconnaître à des signes non
équivoques. Une inspection rapide des principes de notre gou-
vernement suffit pour en convaincre.


La différence de la souveraineté du peuple à la souveraineté
constituée des gouvernemens libres, c'est que dans la première
il n'y a que des personnes et des volontés, dans l'autre il n'y a
que des droits et des intérêts ; les individualités disparaissent ;
tout s'élève du particulier au général ; la société a passé tout
entière dans son gouvernement. Là et là seulement la souverai-
neté réside, parce que là et là seulement les intérêts ont leurs
organes et les droits leur sauve-gai-de. Tel est notre gouverne-
ment. L'unité morale de la société y respire (Lins le monarque
héréditaire. Le Roi n'est pas une personne; il n'est pas une
institution ; il est. l'institution universelle clans laquelle sont pla-
cées toutes les autres. Avec le Roi, deux pouvoirs distincts
entré eux concourent à l'exercice de la souveraineté. Ce grand
fait, jamais assez remarqué, quoiqu'il le soit sans cesse, ce fait




( 200 )
éminent domine la délibération ; il atteste qu'en entrant dans le
gouvernement, la société n'a pas été considérée comme homo-
gène, ni les droits et les intérêts comme semblables. Il y a dans
la théorie de la charte pluralité d'intérêts, c'est-à-dire qu'avec
les intérêts communs à tous, il y a des intérêts qui ne sont pas
communs à tous : en d'autres termes , il y a différence cm iné-


elité dans les situations sociales. L'inégalité résulte des Stipe-
•iontés de tout genre : la gloire, la naissance qui n'est que la.


perpétuité de la gloire, la propriété ou la richesse à ce degré mi
elle est, comme la gloire, une dignité, une force, un empire
exercé sur les hommes. Maintenant, qu'est-ce que la chambre
Fies pairs, si ce n'est l'inégalité recomme, consolidée, érigée en
pouvoir social, et par la rendue inviolable et immortelle? Arti-
fice admirable, par lequel le privilège vaincu a été transféré de
la société qu'il opprimait an sein du gouvernement qu'il affer-
mit! Magnifique prérogative que l'inégalité n'a pas reçu pour
elle-même , ni pour sa seule défense, niais pour la protection de-
la société entière, parce que les supériorités n'ayant rien à sou-
imiter que de se maintenir, le pouvoir oit elles se concentrent
devient le Principe de la stabilité et le langage de la durée
commune Tek-vive sensation. )


Mais , wssienrs, après que la société a été ainsi décomposée
par la charte, après que l'inégalité, retranchée au sommet du.
gouvernement, a rallié, attiré à elle tous les intérêts qui ne sont
pas ceux de tous, ai-je besoin d'ajouter que ce qui reste, c'est
l'égalité pure, c'est- à-dire les intérêts communs à tous, et
qu'ainsi la chambre élective représente plus, qu'elle n'a plus el
ne représenter que ces intérêts ? La chambre des députés n'est
donc pas instituée pour amener dans le gouvernement Puniver
ealité des intérêts que la société renferme, et on s'exprime mal
nu moins., on suit les traditions de la révolution , quand on lui
attribue de représenter la nation. Non, la représentation natio-
nale n'existe, elle n'est absolue que dans les trois pouvoirs. Par
les mots de gouvernement représentatif, quand nous les em-
ployons à notre usage, nous ne devons rien entendre de plus.
<qu'un pouvoir électif concourant avec des pouvoirs héréditaires


la formation de la loi., et à la direction des affaires publiques.
Avant l'élection des députés, le Roi et les pairs sont là; si donc
la chambre des députés représente encore la nation , c'est la
nation en présence du trône et de l'aristocratie, la nation dans
cet état of, elle a reçu la dénomination historique de communes-
qui.exprime d'un seul mot, avec une vérité parfaite, que les
Intérêts aristocratiques ne sont plus là. Ce qui reste de la, nation?


( 201 )
eprés l'exclusion de ces intérêts, est essentiellement homogène.;
et si Fons Y cherchez encore la diversité, la pl uralit


é , l'inégalité,
vous cherchez dés différences entre les rayons d'un cercle. Il y a
contradiction, et par conséquent absurdité ; je ne dis rien de
-trop. ( Nouveau mouvement.. )


De là découlent les lois de la composition de la chambre à
laquelle est assignée la représentation des intérêts généraux.


La chambre des pairs se forme par le recensement des per-
sonnages en qui se rencontre la prééminence; ce recensement
est fait par le Roi; niais c'est le propre des intérêts-généraux de
se rencontrer tous dans chacun. De même donc que la chambre
des pairs est donnée à quelques-uns , de meine , et par la même
nécessité des choses, la chambre des députés est donnée à tous;
la représentation des intérêts communs à tous appartient à tous;
là on il n'y pas de distinctions hiérarchiques. Dans la rigueur
du droit, tous sont éligibles, tous sont électeurs, à moins qu'ils
ne soient jugés actuellement incapables de l'être. Ainsi , la loi_
fondamentale n'a pas à reconnaître la capacité, niais à déclarer
l'incapacité ; quiconque n'est pas exclus est appelé. Aussi, ro-
Marquez-le bien, messieurs, c'est moi qui m'empare ici des
textes formels de la charte : la charte ne confère pas


, elle déclare seulement l'inéligibilité de quiconque n'est pas
âgé de quarante ans et ne paie pas mille francs de contribution.
Elle ne confère pas la capacité d'élire ; elle déclare seulement
que ceux-là n'éliront pas qui ne sont pas âgés de trente ans et
ne paient pas trois cents francs de contribution.


Les incapacités, déclarées par la charte, ne sont ni person-
nelles ni définitives; elles ne sont que suspensives et temporai-
res ; elles ne s'adressent qu'à ceux qu'elles frappent ; elles n'ont.
sien à dire aux autres. Ecartez un moment par la pensée les
articles 38 et 4o de la charte; n'est-il pas vrai que l'article ier,
celui qui proclame l'égalité des droits, réglera seul la condition:
politique, comme la condition civile des Français? N'est-il pas
vrai que, s'il y a dans le gouvernement une cambre élective
assignée à la représentation des intérêts communs à tous, tous
les Français jouissant des droits civils auront un droit égal de
concourir à la formation de cette chambre? Maintenant réta-
blissez les articles 38 et 4o; que s'est-il passé? Le droit des uns
eosttezi illtae vérité suspendu; mais celui des autres n'a reçu aucune


, puisqu'il était égal avant qu'il y eût des incapacités;
il est encore égal après qu'elles sont établies. L'égalité entre-
ceux qui restent capables n'a pas été touchée. On ne peut tirer
aucune induction de ce qu'il v a une contribution exigée potin




0
4


( 202 )
être électeur ou éligible; car cette contribution n'agit que contre
ceux qui ne la paient pas; elle ne donne ni n'enlève r i en à ceux
qui la paient ; elle ne monte pas jusqu'à eux. Elle n'a pas de-
mandé d'être surpassée; elle n'offre point. de prime à ceux qui
iront au-delà. Il ne s'agit pas de paverrill., il ne s'agit que de
payer assez. Pies imposés, moins imposés, au-delà de la capa-
cité constitutionnelle, sont des mots vides de sens. Il en est de
même de la gronde et, de la petite propriété. En supposant que
dans la répartition actuelle de la propriété, il y ait lieu d'ap-
peler l'une grande, l'autre petite, ce n'est ni celle-ci ni celle-
là, ni la propriété moyenne, qui sont représentées dans la cham-
bre; c'est toute la propriété dans son intérêt général, et avec
la propriété, la liberté, la sûreté, l'égalité, et tous les droits qui
sont le patrimoine commun des Français. La propriété n'inter-
vient spécialement dans l'électeur et dans l'éligible que comme
garantie morale de l'indépendance et des lumières. (Nou veau ettrès-vif mouvement . )


Certes, nous ne contestons pas que , dans le fait, la propriété
ne soit inégalement divisée; nous n'ignorons pas plus que nos
adversaires , que trois cents francs, six cents francs, douze cents
francs, sont des sommes différentes, et que si ces sommes ex-
priment des contributions, elles correspondent à des situations
également différentes. Mais ce n'est pas sur l'hypothèse de l'é-
galité de fait que nous appuyons l'égalité des droits ; nous ne
sommes pas absurdes à ce point. Ce que nous disons, c'est que
toute inégalité n'est pas aristocratique, il s'en faut bien ; l'aris-
tocratie n'a pas été prodiguée à ce point sur la terre, et peut-
être qu'aucun temps n'en fut aussi avare que le nôtre ; or, il n'y
a que l'inégalité aristocratique qui soit un titre à la distinction,
aux priviléges. Cro yez-vous qu'il y ait de l'aristocratie dans
notre division de la propriété ? En ce cas, elle siège à la chambre
des pairs. Vous faites un pléonasme politique, si vous la re-
placez dans les élémens de la chambre élective. L'inévitable
inégalité de fait qui s'y rencontre, sans avoir ce haut caractère,
a été retenue captive sous la loi commune; elle n'est point éludée
pour cela; elle n'est point étouffée, elle ne peut pas l'être; mais
elle est réduite aux influences morales qui l'accompagnent
toujours.


J'ai démontré que l'égalité des électeurs, inséparable de celle
des éligibles, et celle des pairs et des députés eux-mêmes, est
la conséquence invincible de la qualité des chambres et de la
nature de la représentation distincte attribuée à la chambre
élective. J'ai démontré qu'antérieure à la charte, image de la


(no3)
société nouvelle , elle sort victorieuse des conditions de capacité
que la charte introduit dans notre ordre politique. La charte
donc reinpli la mission qu'elle avait reçue ; elle a restitué dans
son intégrité le dépôt qui lui avait été confié.


L'égalité des électeurs , l'égalité des suffrages, l'élection di-
recte, c'est une même chose ; d'où il suit qu'il n'y a de député
légitime que le député choisi par la majorité.


L'élection par la minorité est un mensonge. La légitimité des
députés fait seule celle de la chambre.


Les électeurs étant donnés, il reste à la loi de les organiser
en collèges, de les réunir ou de les séparer, d'assigner les temps
et les lieux , de déterminer la durée , de régler les formes de
l'élection. Ce qu'elle aura statué à cet égard , elle pourra le
corriger et le perfectionner sans cesse. Sous ce rapport, la loi
du 5 février i Si 7 peut être remise en question ; les modifi-
cations dont l'expérience aura démontré , peuvent être
provoquées ;mais il n'a pas été accordé à la loi d'aller plusloin ;
bien moins lui est-il accordé de tenter ce que la charte elle-
même n'auraitpaspu faire. Que si, sous prétexte d'organiser les
colléges, on va jusqu'à la vouloir charger de transférer auda-
cieusement les élections de la majorité à la minorité, ce qu'on
lui demande, ce n'est pas seulement la violation de la charte,
ce n'est pas seulement un coup d'état contre le gouvernement
-représentatif; c'est un coup d'état contre la société ; c'est une
révolution contre l'égalité, c'est.- la vraie contre-révolution.


Les projets de loi qui voies ont été présentés ont manifeste-
ment ce caractère ; le second cependant. beaucoup plus que le
premier. Celui-ci du moins laissait la majorité de la chambre à la
majorité des électeurs ; la livre tout entière à la mino-
rité. Qui pourrait nier que , clans le système de ce projet, les
députés ne soient envoyés par la minorité, lorsque, dans la
vérité du fait, la majorité des-électeurs du département n'aura
voté ni pour eux, ni conte eux, qu'elle ne les connaîtra même
pas? L'élection se concentre dans une fraction dé nombre com-
biné avec une fraction de territoire, avec cette circonstance
singulière, que si vous , formez le total des fractions, il est
encore réservé à la minorité de cette minorité de prévaloir.


Je ne me livrerai en ce moment à aucune discussion; je me
dans la délibération des articles, d'examiner, , s'il y aréserve,


lieu, le système de la candidature, emprunté de l'empire, mais
avec des fautes que l'empire n'eût
loi 'donne la chambre à la minorité des électeurs; •


pas commises. Le pro jet de
rs, je n ai pas


besoin de savoir quelle est cette minorité , ni si elle s'appelle




( 2°4
le quart ou cinquième; pourquoi elle est celle-ci plutôt que celle-
là; d'où elle vient; quel esprit l'anime; quelle chambre elle
promet. Toutes ces questions sont oiseuses. Là où la. minorité
peut prévaloir, c'est que l'élection n'est pas un droit; là on
l'élection n'est pas un droit, il n'y a pas de question ; elle n'est
peut être qu'un abus, un désordre : les préfets conviendraient
peut-être autant que toutes ces combinaisons laborieuses de
collèges. Ce ne sont plus des députés qui siègent à la chambre,
ce sont des notables. Mais si la chambre est un pouvoir et
l'élection un droit, un droit constitutionnellement semblable
dans chacun de ceux qui l'exercent, il y a dans la seule concep-
tion de l'élection par la minorité, un dédain si profond de l'hu-
manité, qu'on n'en trouverait peut-être pas un exeMple. (Très-
vive sensation à gauche; quelques murmures à droite et au
centre.) L'empire ne s'est pas chargé de ce scandale ; l'Angle-
terre ne peut pas être citée. A la vérité, les conditions du droit
d'élire n'y sont pas en chaque lieu .les mêmes; mais dans cla-
que élection ces conditions sont égales pour tous ceux qu'elles
appellent. L'Angleterre, je l'affirme, ne connaît pas de fractions
d'électeu r.


L'égalité des électeurs est le fait même du gouvernement re-
présentatif. Le gouvernement représentatif, à son tour, est le


même de la charte , et la charte est le fait (le ]a société.
Tour chasser l'égalité du gouvernement représentatif, il fiant
donc, avant tout, l'abolir dans la société : c'est là qu'il nul;
ramener d'abord le privilège.


Or, le projet de loi fùt-il adopté, n'est pas un moyen suf-
fisant pour opérer une révolution de celte nature. On a vu le
privilége s'établir avec la conquête, comme un tribut levé par
les vainqueurs sur les vaincus : le monde ne l'a pas vu entrer
dans un état par la seule force des lois ; il n'a jamais été imposé
à un grand peuple par la délibération. L'urne des scrutins n'est
pas un creuset où les sociétés se dissolvent et se décomposent.
La question de la hiérarchie des conditions n'est pas du ressort
de la théorie; ce ne sont pas les publicistes et les orateurs qui
la tranchent. Si le privilége est dans la


.
société , laissez-le ,il saura bien se faire jour dans les lois ; mais là où il n'existe


pas, les lois n'ont pas la vertu de l'engendrer. (Vive sensation
à gauche. )


Que chacun le reconnaisse, messieurs ; notre sol politique,
si long temps le domaine du privilége, a été conquis par l'éga-
lité non moins i rrévocablement que le sol gaulois le fut autre-
fois par le peuple franc. Le privilège est descendu au tombeau


( n.o5
tutun effort humain ne l'en fera sortir : il serait le miracle im-
possible d'un effet sans cause ; il ne pourrait pas rendre raison
de lui-même. ( Même mouvement.)


La loi qu'on vous propose serait en vain votée, en vain elle se-
rait quelque temps exécutée ; les moeurs publiques la fatigue-
raient, la consommeraient, l'éteindraient bientôt par leur résis-
tance; elle ne régnera pas, elle ne gouvernera pas la France : le
.gouvernement représentatif ne nous sera pas enlevé ; il est plus
fort que les volontés et les desseins de ses adversaires. Avec un
18 fructidor, on déporte les hommes: les lois fondamentales
d'un pays , quand ellesont un principe de vie, ne se laissent pas
déporter. ( Voix d gauche : Bien ! très-bien ) Les parle-
mens n'étaient pas aussi robustes que le gouvernement repré-
sentatif; ils n'appartenaient pas à la France, ils ne parlaient pas
en son nom ; mais ils défendaient quelquefois les libertés pu-
bliques, et les plaintes éloquentes et courageuses qu'ils élevaient
eux pieds (lu trône, retentissaient dans la nation. Le ministère
de. Louis XV, nous ne l'avons pas oublié, voulut les renverser,
il fit vaincu ; les pa.rlernens un moment abattus, se relevèrent
aux acclamations publiques; les fantômes dont on avait garni
leurs bancs révérés disparurent : ainsi s'évanouira la chambre
éphémère du privilège. (Très-vive sensation. )


Vous vous débattez en vain ; vous êtes sous la main de la né-
cessité, Tant que l'égalité sera la loi de la société, le gouverne-
ment représentatif vous est imposé dans son énergie et sa pureté;
ne lui demandez pas de concessions; ce n'est pas à lui d'en flaire.
Le gouvernement représentatif est une garantie , et c'est le de-,
voir (les garanties de se faire respecter et de dominer toutes les
résistances. Qu'on ne s'étonne donc pas, qu'on ne s'indigne
pas de ce qu'il se montre partial envers la société nouvelle , car
il existe pour frire triompher la charte.


Voulez-vous qu'il vous appelle? Embrassez sa causse; défendez
le droit contre le privilége. L'amour est le véritable lien des
sociétés; étudiez ce qui attire cette nation, ce qui la repousse;
ce qui la rassure, ce qui l'inquiète ; en un mot , relevez d'elle,
soyez populaires. C'est depuis huit siècles le secret de l'aristo-
cratie anglaise.


Le gouvernement représentatif est , dit-on, plein de périls ;
/es factions sont là prêtes à s'en emparer pour troubler l'état.


-
Voilà peut-être les entrailles les plus intimes de la délibération.


Je vais m'y placer hardiment, sans dissimulation comme sans
effense.


line faction, dans l'acception la plus sévère du mot, c'est un




( 2O6 )
parti politique qui agit contre l'ordre établi et qui veut le chan-
ger clans son intérêt. -


Eh bien ! oui sans doute, messieurs, une faction peut entrer
par les élections dans le gouvernement représentatif; le jour
peut arriveroà une majorité factieuse siégera dans cette chambre :
cela est écrit dans, la charte.


Il est encore écrit dans la ch nrteque , soit la même fiction,
soit une autre (car lé où il y en a une, il y en e plus d'une), pourra
surprendre le ministère, et attirer Je pouvoir exécutif dans ses
mains. Les factions ne sont pas moins habiles ni moins ardentes
à tromper les rois qu'à égarer les peuples. La chambre des pairs
elle-même ne leur est pas fèrmée : elles pénètrent plus lente-
ment dans les conseils aristocratiques, mats elles s'y enracinentplus profondément.


Le péril des fictions n'est donc pas seulement dans le pou-
voir électif, il est au sein de chaque pouvoir, il est partout. Si
une faction démocratique, dans la chambre des députés, peut
battre de ses flots les marches du trône , une faction aristocra-
tique, dans le ministère, peut asservir le prince et le peuple ;
dans la chambre des pairs, elle peut frapper le gouvernement
d'inertie.


Voilà l'entière vérité des choses. Faut-il, dans une sinistre
prévoyance, dégrader la pairie, énerverie pouvoir royal, ré-
duire la représentation à en simulacre, ruiner en un mot tous
les pouvoirs, de peur qu'ils ne soient pervertis par les factions?
Ce sont, messieurs, les conseils ou de l'inexpérience , ou de la
pusillanimité, ou des fictions elles-mêmes ; si on les suit, ce
qu'on aura détruit ce n'est pas le mal, c'est le remède. Le mal,
on ne le détruira pas, il est dans la société; mais le remède,
toujours présent, ne se trouve que dans la multiplicité et l'op-
position des pouvoirs, dans leur force défensive aussi bien qu'of-
fensive, dans la combinaison judicieusede leurénergieréciproque.
Contre une faction maîtresse de la chambre des députés , le Roi
est là, avec l'immensité de ses fin-ces et ses prérogatives insurmon-
tables. Contre une fiction armée d u pouvoirexécutir, la chambrc,
des députés a moins d'avantages, et il importe que cela soit ainsi ;
cependant, si la confiance de la nation la soutient, elle est in-;
vincible. Témoin de ces chocs redoutables, la chambre des
pairs vient au secours de la constitution ébranlée; elle interpose,
avec sa dignité, sa haute sagesse.


Tout se tient, tout marche ensemble, tout est nécessaire dans
notre gouvernement ; il n'y a rien à déduire, rien à déplacer,
Son équilibre repose sur la distribution exacte des forces dans


il


( 237 )
la balance de la souveraineté. Suis doute il est laborieux ,
et la vertu des hommes y ft. été comptée pour quelque chose.


Mais espère-t-on inventer quelque machine législative qui en
dispense? Les constitutions ne sont pas des tentes dressées pour
le sommeil. Les gouvernemens , quels qu'ils soient, sont sous
la loi universelle de la création; ils ont été condamnés au travail;
comme le laboureur, ils vivent à la sueur de leur front. Voyez
votre histoire, les longs orages de la république féodale, vos rois
sans cesse en campagne dans leurs propres états, sans cesse aux
prises avec des oppositions bien plus redoutables , et surtout
bien plus opiniâtres que celles qui peuvent s'élever aujourd'hui;
voyez de quelle habileté, de quelle constance, de quel courage
ils ont eu besoin pour prévaloir. Cependant ils ont prévalu; et
après qu'ils ont prévalu, dépourvus d'ennemis, délivrés de la
contradiction, dispensés de la prévoyance, un siècle s'était à
peine écoulé qu'ils sont venus à grands pas s'abîmer dans le
gouffre de la révolution.


Les craintes qui ont conseillé et qui excusent dans quelques
esprits la destruction du gouvernement représentatif ne m'é-
tonnent point, mais je ne saurais les partager. Qu'elle vienne,
cette faction à laquelle nos libertés doivent être immolées; que
les portes de la chambre s'ouvrent devant elle; qu'elle remplisse
cette enceinte; et tandis qu'elle agitera sa turbulence et qu'elle
exhalera ses desseins dans les limites de nos attributions si peu
offensives, exposée au grand jour de la publicité, trahie par les
fautes qu'il est impossible à une faction de ne pas commettre;
qu'ici, à cette tribune, un ministère digne du Roi et de la
France l'accuse en face , et son imposture sera confondue;
que, en en est besoin, ce ministère donne au monarque le
noble conseil de se fier à ses peuples et de les prendre à témoin
entre lui et les ennemis déclarés de sa couronne; la France,
n'en doutez pas la généreuss France entendra cet appel , et elle
saura y répondre. Non, la France ne veut pas que le Roi rende
son épée, ni qu'il soit prisonnier des factions, quelles qu'elles
soient. (Mouvement général d'adhésion.)


Ainsi, messieurs, dans les hypothèses les plus exagérées,
tout ce qui résulte véritablement du gouvernement représentatif
maintenu dans son intégrité, c'est le besoin constant d'un mi-
nistère que la France avoue, et que la confiance publique, Éon
moins que des biens supérieurs, élève au-dessus des dangers.
Voilà la seule, mais inexorable condition de notre équilibre
constitutionnel et de notre situation présente. Cette condition,
je l'avoue et je l'adulets ; s'il était en mon pouvoir de l'éluder,




( 208 )
je ne le voudrais pas. Il est temps que la. France soit gouvernée;
elle ne l'est pas depuis six ans. Toute la discussion se réduit à
ce seul mot.


Messieurs, en repoussant, selon mes fiirces, les mesures quijvous sont proposées , je suis fidèle à la pensée de toute ma vie ;e défends encore, je revendique la légitimité qui nous est si né-
cessaire , et que nous perdrions en quelque manière, si nous ne
la conservions pure et sans tache. La légitimité est l'idée la plus
profonde à-la-fois et la plus féconde qui soit. entrée dans les so-
ciétés modernes ; elle rend sensible à tous, dans une image ré-
vérée, le droit, ce noble apanage de l'espèce humaine , le droit,
sans lequel il n'y e rien sur la terre, qu'une vie sans dignité, et
une mort sans espérance. La légitimité nous appartient phis
qu'à aucune autre nation, parce qu'aucune race ro yale ne la pos-
sède aussi pure et aussi pleine que la nôtre, et qu'aucune aussi
n'a produit un si grand nombre de bons et de grands princes.


Les fleuves ne remontent pas vers leur source ; les événe-
mens accomplis ne rentrent: pas clans le néant. Une sanglante
révolution avait changé la face de notre terre ; sur les-débris
de la vieille société, renversée avec violence, une société nou-
-velte s'était élevée, gouvernée par des hommes nouveaux et des
maximes nouvelles. Comme tous les peuples conquérans, cette
société était barbare; elle n'avait pas trouvé dans son ori-
gine, elle n'avait pas acquis dans l'exercice immodéré de la
9ürce, le vrai principe de la civilisation, le droit. La légitimité,
qui seule en avait conservé le dépôt, pouvait seule le lui rendre;
elle le lui a rendu ; avec la race royale, le droit: a commencé à
lei apparaître; chaque jour a marqué son progrès dans les es-
prits, clans les moeurs , dans les lois. lin peu d'années nous
avons recouvré les doctrines sociales que nous avions perdues;
le droit a pris possession du fiait; la légitimité du prince est de-
venue la légitimité universelle. Comme elle est la vérité dans la
société, la bonne foi est son auguste caractère. On la profane si
on l'abaisse à la déception, si on la ravale à l'astuce. La loi pro-
posée fait descendre le gouvernement légitime au rang des gon-
s..ernemens de la révolution, en l'appuyant sur le mensonge. Je
la rejette. (Un mouvement général d'adhésion éclate à gauche,
lorsque l'orateur descend de la tribune.)


M. Chabro,,. de Solilhac défend le projet, sous le rapport que
la loi de 181 7


admettant les patentés à voter avec les proprié-
taires fonciers, elle rend vénal et variable le droit d'élire, et
que les premiers ne peuvent avoir le même intérêt à la stabilité
du gouvernement que les seconds ; il le défend aussi comme


( 209 )
n'étant pas contraire à l'article 35 de la charte, et an reproche
de tendre à ramener l'aristocratie et les priviléges de la roi bosse.


M. Martin de Gray. Messieurs , tout ce que notre consti-
tution a de vraiment représentatif réside dans la loi d'élections.


Qu'est-ce, en effet, que le gouvernement représentatif, sinon
l'intervention du peuple par ses délégués dans l'exercice des


,


pouvoirs publics, afin que les pouvoirs s'exercent dans son in-
térêt ? Il intervient par ses députés luis la législation et l'impôt;
dans les tribunaux, par le jury ; dans les administrations locales,
par des magistrats ou des conseils de son choix; dans l'ordre et
la défense du pays, par la garde nationale. Mais les communes
de France sont en interdit, et nous n'avons de jury que le nom,
de garde nationale que le nom; reste la chambre des députés.


Cette }ranche démocratique, si faiblement organisée, de la
monarchie mixte établie par la charte, est la seule partie vrai-
ment représentative, puisqu'elle est pour la nation le seul moyen
d'interven:r dans les affaires publiques, et que la couronne,
ainsi que la pairie, conférées par la naissance, se représentent
elles-mêmes. Or, la formation et l'esprit de la chambre des dé-
putés, et. par conséquent tout. le système représentatif garanti
par la charte, dépendent des principes constitutionnels de la loi
d'élections qu'on prétend subvertir.


Le droit du peuple de nommer ses représentans n'est point
conféré, niais reconnu par la charte; il remonte•au berceau de
la monarchie, ou plutôt à la source de toute société humaine.


Ce droit est. le principe fondamental du gouvernement repré-
sentatif, car il est dans l'essence des choses qu' iule représenta-
tion soit élue par tous ceux qui sont représentés. La chambre
des députés, clans la sphère du pouvoir législatif qui lui est dé-
légué, représente toute la nation , et non pas telle ou telle classe
de la nation. Les députés, d'après le texte de la charte, sont. les
députés des départernens, et par conséquent les députés de tous
les habitans des départemens, et non pas de telle ou telle classe
d'hebitans. Le droit du peuple de nommer ses représentans est
inhérent au gouvernement représentatif, et tous les Français
ont non-seulement le droit, mais un droit égal de nommer leurs
députés; car une représentation inégale ne serait ni vraie, ni
complète; elle serait, au contraire, fausse et incomplète, en
proportion de cette inégalité même.


La charte a d'aillenii proclamé, ou plutôt reconnu comme
le premier de nos droits publics, que les Français sont égaux
devant la loi, quels que soient leurs titres et leurs rangs, et
qu'ils sont tous également admissibles à tous les emplois. Mais,


34
Vii' I




za o )
d'un autre côté, il est évident pie l'exercice du droit d'élection,
qui appartient à tous, doit être coordonné à l'intérêt de tous.
Il en est des droits politiques connue des droits civils. L'intérêt
de la société entière fait suspendre le droit d'élection pour tous
ceux qui n'off•ent pas de garantie suffisante, et en fixe les con-
ditions. Cc principe s'applique de même aux droits d'admissi-
bilité à tous les emplois. L'intérêt général exige pour tous les
emplois , et à plus forte raison pour le plus auguste de tous,
celui de représenter la nation, des garanties de capacité ; c'est
ce qu'a fait la charte par l'article 38 et l'article 4o. 'Fous les
Français sont virtuellement éligibles, puisqu'ils sont tous égaux.
devant la loi, et que la charte consacre l'admissibilité de tous
à tous les emplois; mais, par l'article 38, elle exige pour
missibilité clans la chambre, des conditions d'âge et de fortune::


Le droit d'élire appartient à tons, parce que tous doivent
être représentés, et que tous sont égaux devant la loi. Tous,
sont électeurs de droit; mais les électeurs de fait , ceux qui.
concourent à la nomination des députés, ne peuvent avoir droit
de suffrage, s'ils ne paient trois cents francs de contributions et,'
s'ils ont moins de trente ans. C'est ainsi que la charte a défini,
et fixé les conditions de la capacité politique ; elle les a fixées.
d'une manière qui est déjà évidemment aristocratique; mais,
plus l'action du pouvoir démocratique a été restreinte, plus on
doit respecter ses droits.


La charte n'a considéré que l'aptitude personnelle, puisqu'elle
a fait abstraction de la richesse relative des individus, et même
des proportions si diverses de la population et de la richesse
des diflérens départemens, pour investir de l'électorat et de
l'éligibilité tous qui prouvent cette aptitude, en remplissant
certaines conditions sociales. Tous ceux qui les remplissent 01>
tiennent la confiance de la loi constitutionnelle, et au même.
degré ils ont un droit de même nature, un droit aussi étendu'
les uns que les autres de voter aux élections sans distinction de
rang ou de fortune. C'est ainsi que le Roi a lui-même expliqué,
par la loi d'élection, ,es paroles sacrées qu'il e gravées dans la
charte, et fixé lui-même le résultat des principes qu'il e fondés.
C'est pour maintenir cet irrévocable résultat , qu'à la session
dernière, le Roi, par un acte extraordinaire de sa prérogative,
a changé la majorité de la chambre des pairs , et qu'en rejetant
la proposition de modifier la loi d'élection, vous l'avez de
nouveau consacrée par la sanction nationale.


Le Roi, dans l'exposé (les motifs du dernier projet d'élec-
tions, reconnaît encore que cette interprétation est irrévocable,


e pie les droits sont acquis. Or, messieurs, en faisant deux
degrés d'élections, il est évident qu'on restreindrait pour une
palrtie (les électeurs l'exercice d'un droit identique. On violeraitdonc la charte; on révoquerait donc un droit constitutionnel,
un droit reconnu irrévocable.


Le gouvernement, en nous présentant le dernier projet, nous
disait , Qu'une participation spéciale de la grande propriété
ne pouvait s'établir, dans l'état actuel du nombre des députés,
qu'aux dépens des droits acquis que le Roi lui-même a fondés,
et qu'il veut respecter ; qu'il fallait donc chercher dans l'augmen-
tation numérique de la chambre, la solution de ce problême.»


Je n'examinerai point si la prétendue délégation des élec-
teurs de département par les électeurs d'arrondissement, n'était
point, ainsi qu'il serait liicile de le démontrer, à-la-fois illu-
soire et destructive de l'égalité constitutionnelle ; mais il résulte
évidemment de cet aveu, que la participation spéciale donnée par
le proiet actuel à la grande propriété, est, suivant le gouVerne-
men t lui-même, une violation des droits acquis, puisque cette par-
ticipation serait établie dans l'état actuel du nombre des députés.


Ainsi, messieurs, ce sont les ministres du Roi qui viennent vous
dire : Nous vous proposons, au nom du Roi, de violer les droits
acquis que le Roi lui- même a fondés, et qu'il ne vent plus res-
pecter. «En établissant deux classes d'électeurs, nous dit le
ministère, leurs pouvoirs se balanceront, et l'on peut espérer
que, par ce juste équilibre , on obtiendra des élections où l'in-
fluence et les droits de toutes les propriétés pourront être exer-
cés avec plus de sûreté et de garantie » Le gouvernement,
parl'exposé des motifs du premier projet, s'appuyait aussi sur
cette mamie idée; et, pour en faire mieux ressortir toute l'ab-
surdité , je citerai ses propres expressions : y a dans la loi


un vice fondamental , savoir, le position active de la grande
et de la petite propriété ; les électeurs de trois à cinq cents
fraises sont, relativement aux autres électeurs, dans la pro-


» portion des trois cinquièmes; de sorte qu'ils ont partout la
» majorité et finit ou peuvent faire les choix.... C'est un privi-
» lége exclusif, une injustice sociale qui détruit la. véritable


égalité Il n'y a dans ce résultat ni équité pour les indi-
vidus , ni garantie pour la société. »
Quoi donc ! la charte, sur trente millions d'hommes, n'ac-


corde le droit d'élections qu'aux quatre-vingt mille plus forts
contribuables qui ne peuvent élire leurs députés que parmi quel-
ques milliers des principinrx .propriét aires dela France; la charte
consacre l'égalité devant la loi , le gouvernement reconnaît lui-




( 212 )
même que ces quatre-vingt mille électeurs ont le droit amuie,
irrévocablement acquis, d'élire sans nulle distinction leurs dé-
putés, et. vous venez nous dire que les citoyens les moins riches
de cette classe la plus riche de la société , exercent un privilège
exclusif, parce qu'ils sont les plus nombreux et qu'ils sont e' n
majorité ! Et c'est pour rétablir la justice sociale et la véritable
égalité, que la minorité veut l'emporter sur la majorité ! et vous
prétendez vous séparer de vos concitoyens, parce qu'ils sont
vos égaux vous arroger une partie de leurs droits et les sou-.
mettre i. une insolente oligarchie O étrange bouleversement
de toutes les idées et du sens même des mots qui les expriment,
et de tout sentiment national !


D'après des calculs approximatifs, il est probable que les con-
tribuables au-dessous de trois cents francs paient è-peu-près les
deux tiers de la contribution foncière et mobilière ; ainsi ce
sont les propriétaires des deux tiers de la France que ceux du
troisième représentent dans les collèges électoraux : cette masse
de la nation ne se plaint pas, parce qu'elle se repose sur la classe
intermédiaire qui est avec elle eu communauté d'intérêts. Par
un admirable bon sens, la nation ne se plaint pas , et les pro-
priétaires les plus considérables, qui ne paient environ que le
neuvième des contributions payées par la classe de trois cents:,
francs à mille francs, oseraient se plaindre ! Ils sont déjà repré-.
sentés à la chambré hante, siége naturel de la grande propriété
ils sont exclusivement éligibles à la chambre populaire, et ils
oseraient se plaindre ! Et c'est une partie de cette petite classe
de propriétaires, c'est une imperceptible poignée d'hommes qui
prétend s'arroger sur une grande nation nue exclusive prépondé-
rance; qui voudraient bannir des élections la classe industrieuse
et commerciale qui possède la moitié des richesses de l'état, et
qui, par son travail , viviGe tout l'état ! Ils rêvent le vasselage
des siècles passés, le patronage des anciens jours ! ils ne voient
pas que tout est changé autour d'eux, jusqu'au sol même, divisé
à l'infini, cultivé par des millions de nouveaux propriétaires, et
que l'amour de l'égalité est le sentiment dominant des Français !
lia voudraient étouffer par leur suprématie la classe la plus nom-
breuse des électeurs, parce qu'ils redouteut dans cette classe
moyenne l'inexpugnable boulevard de tous les intérêts nouveaux
et ;ln éternel obstacle à la contre-révolution ! Ils se disent ex-
clus, et ce qu'ils appellent une exclusion, c'est d'être soumis
au choix de leurs concitoyens , au choix de leurs égaux ! Ils se
disent exclus, et ils ne sont exclus que parce qu'ils ne veulent
pas être citoyens ! Ils se plaignent de la


.
prépondérance que la


( 213 )
loi donne à la classe moyenne; mais cette prépondérance est l'ir-
résistible résultat de la révolution, ou plutôt elle est l'oeuvre des
siècles, et la charte n'a fait que la reconnaître. La prépondé-
rance de la classe moyenne , c'est la vivante organisation de la
France nouvelle : elle est nécessaire, parce que les forces phy-
siques et morales lui appartiennent, parce que la balance des
ichesses et des idées o passé de son côté : elle est raisonnable


et juste, parce que ses intérêts sont identifiés 'avec ceux de tout
le corps du peuple, et qu'elle est particulièrement intéressée au
maintien de l'ordre établi. Nos adversaires sont-ils donc armés
d'une baguette magique pour transformer d'un seul coup le ter-
ritoire, le distribution des richesses, l'esprit national, pour re-
fouler jusqu'eu quatorzième siècle les progrès immenses de la
civilisation ? Ils se disent. les Plus torts, les plus habiles et les
plus nombreux, et l'histoire de la révolution leur crie qu'ils ont
toujours été vaincus ! (Mot:ventent à.gauche.)


Le projet ministériel est subversif de tons les principes du
gouvernement représenta t i et de l'égalité constitutionnelle, car


. le projet tend à neutraliser, on plutôt à annuler l'existence poli-
tique de la classe industrielle; en mesurant les droits politiques
à l'étendue de la propriété, on ne considère dans l'homme que
l'intérêt matériel, et la représentation nationale ne représente
plus la nation, mais la terre. Au lieu de ne voir dans le sol que
l'immense instrument de l'industrie humaine et du travail na-
tional , on met le sol à la place de la nation qui l'habite; on
suppose que l'homme, selon qu'il possède plus ou moins de ce
sol, plus ou moins de houe, est plus grand ou plus petit ; on
suppose que nomme n'a d'autres droits, d'autre intérêt que
ceux de la propriété. On tiit abstraction de sa pensée, de sa
liberté, inaliénable propriété, immortel apanage de l'homme ;
on le dépouille de son existence intellect uelle et morale. Avec
cette vile doctrine, les peuples ne seraient. plus que des hilotcs
employés à faire germer l'or par leurs sueurs dans les guérets
des propriétaires; il faudrait. ravaler les Français au niveaux des
serfs de la Russie, ou plutôt les mettre au-dessous de la brute
qui travaille la terre, puisqu'on ne verrait en eux que des êtres
aua teriels. quine devraient leur existence poli tique qu'à la matière.


Mais, pour comble d'absurdité, une telle h y pothèse est dia-
métralement opposée à son but; car si le droit d'élections est
l'apanage essentiel des propriétaires de terres, et si, selon que
leurs propriétés sont plus ou moins considérables , ils ont des
droits et dès intérêts dierens , il s'ensuit qu'ils doivent avoir
aux élections une part proportionnée à leurs droits et à leurs




( 2 '4 )
intérêts, c'est-à-dire à leurs propriétés mêmes; il s'ensuit. que
notre cadre électoral doit être infiniment élargi, et que la naisse
d


e la nation, privée du droit d'élire par la loi actuelle, doit être
investie des deux tiers de l'élection, puisqu'elle paie les cieux
tiers au moins des contributions; il s'ensuit que les éligibles ne
doivent, relativement aux électeurs actuels, participer aux élec-
tions que dans la proportion d'un neuvième au plus, puisqu'ils
ne paient, relativement aux électeurs actuels, que le neuvième
de la contribution foncière.


Une discussion profinule a démontré que tout est combiné
dans la nouvelle organisation des collèges électoraux, pour étire
prévaloir une petite minorité aristocratique sur la majorité na-
tionale; que votre loi d'élection anéantirait pour les quatre cin-
quièmes d'électeurs le droit d'élection lui-même, en le réduisant
à une indication illusoire; que les quatre cinquièmes d'élec-
teurs, disséminés par pelotons dans les arrondisse/liens, ne se-
raient plus que de véritables bourgs pourris; que l'absence des
électeurs et l'éloignement du elief-lien ne sont qu'un misérable


-prétexte pour déguiser celte révoltante mutilation des collèges'
électoraux ; qu'une fraction, et souvent même une petite frac-.
tion de la totalité des électeurs d'arrondissement, coopérerait 't
seule aux élections; qu'enfin, plus le concours des sufi


•ages des
arrondissemens rayonnerait sur les mêmes têtes, et approche-
rait de l'unanimité, et plus la minorité des arrondissemens, ne


•fût-elle que de quelques voix opposées à des centaines ou à des
milliers de suffrages, serait sûre de l'emporter, puisqu'elle serait
dans le sens du collége aristocratique , tant le projet de loi qu'on
ose vous proposer est grossièrement h ypocrite On vous a den on-
tré par l'examen de la composition des hauts collèges, qu'ils se-
raient formés d'élémens aristocratiques, et que leur esprit serait
nécessairement en opposition avec les droits et les intérêts nou-
veaux garantis par la charte.


La vente des biens du clergé et de la noblesse, et notre légis-
lation actuelle sur les successions, ont singulièrement divisé les
propriétés; mais , malgré les pertes que les malheurs de la ré-
volution ont fait subir à la noblesse, les plus grandes fortunes'
foncières lui appartiennent encore, et les propriétés, générale-
nient morcelées dans toutes les classes des citoyens, restent en-
core agglomérées ou moins divisées dans l'ancienne caste privi-
légiée. il serait trop long d'en énumérer les causes; mais c'est
un fait de statistique aussi essentiel qu'incontestable .


On sait que Napoléon avait reconnu que, sur vingt: mille con-
tribuables de première classe, quatorze mille, ce qui ferait au'


( 215 )
plus le nombre des électeurs de département, appartenaient
directement ou indirectement aux anciens ordres privilégiés,
ce


qui le détermina à ne point leur laisser en dernier ressort le
choix des députés, mais à le confier au sénat.


tes deux classes les plus intéressées au maintien de l'ordre
constitutionnel, les acquéreurs de biens nationaux et le com-
merce, sont à-peu-prés exclues- (les collèges d'en haut, et relé-
guées dans les collèges d'arrondissement , on leurs votes seront.
illusoires. En effet, les biens nationaux ont été vendus en détail;
et, depuis vingt-cinq ans, ils r: ont fait que se subdiviser encore.
Les grands possesseurs de biens nationaux sont rares, el ne se-
raient qu'en fort petit nombre dans les collèges aristocratiques,
tandis que les possesseurs médiocres de ce genre de propriété, qui
concouraient en si grand nombre à la majorité des colléges actuels,
ci dont l'intérêt représente celui de dix millions d'acquéreurs,
verraient leur existence politique réduite à une pure fiction.


Il en serait de même pour la classe industrielle ; car le nom-
bre des négocians , éligibles en vertu de leur seule patente, est si
restreint , qu'on ne peut pas le mettre en ligne de compte ; dans
les villes de commerce les plus considérables le taux. de l'éligi-
bilité ne suffirait même pas pour ouvrir les portes du collée
oligarchique ; tandis que les patentés médiocres, qui sont. fort
nombreux, seraient rejetés dans les bas colléges. Mais que se-
rait la classe industrielle et les acquéreurs de biens nationaux
dans les collèges d'arrondissement? rien. Que seraient-ils dans
les collèges aristocratiques? Moins que rien.


Une telle annulation . politique du commerce est d'autant plus
révoltante, qu'il s'en faut infiniment que la loi actuelle lui donne
une part proportionnée à son importance sociale.


On sait quels furent les efforts de nos adversaites lors de la
discussion de la loi d'élection , pour purger les colléges de:ces
malheureux patentés; on sait qu'il fut proposé par amendement
à la chambre des pairs, de substituer le mot de contributions


fbncières A celui de contributions directes, et que l'auteur de laproposition faite à la session dernière contre la loi d'élection
déclara nettement que c'est aux seuls propriétaires fonciers que
l'on doit confier les droits politiques. Et pourquoi cet acharne-
ment du parti aristocratique contre la classe industrielle et tra-
vaillante de la société? Pourquoi? C'est qu'il cannait le patrio-
tisme du commerce et de l'industrie; il sait que dans tous les
siècles et sur tous les points du globe, l'industrie et le commerce
ont toujours fui le despotisme, et toujours suivi la liberté;
qu'ils ont dissout la féodalité et affranchi les communes; il sait




1


( 2 t 6 )
qua la classe .industrielle , si importante par ses richesses, ses
lumières, Son activité, ses relations immenses, est un puissant
apnai de nos libertés et de l'égalité des droits, et que C'est elle(1


•d serait k plus humiliée, le plus écrasée par l'opprobre de la
contre-révolution.


Ainsi, messieurs des collèges aristocratiques dont l'esprit etles intérêts seraient opposés aux intérêts et aux sentimens de laFrance con stitutionnelle, des collées a ristocratiques dont le
oin ine•ee et les acquéreurs de biens nationaux sera ient presque


entièrement exclus, disposeraient des élections! quelques Ili il-liers d'homMes exclusivemen t
éligibles auraient exclusivement


l'élection de ia chambre populaire' ! l'aristocratie siégeant béré-
ditairet»ent à la chambre des pairs, occuperait connue pairie
élective celle des communes !


Et quelles seraient les conséquences de cette invasion aristo-
cratique? :Notre système de monarchie mixte, formée de cet
heureux et prudent mélange des trois formes dé gouvernement
comwts, qu'ont toujours admiré: les sages, serait bouleversé de
fond en comble 5 l'aristocratie , maîtresse des deux chambres,
serait maîtresse du ministère et de tous les emplois, du budget
et de tous les trésors de Péta t.


On la verrait , comme en Angleterre, multiplier les sinécures
à l'infini, concentrer les propriétés et les emplois dans un petit
nombre de tinni/les, décharger successivement les ((nids de terre
de leurs contributions pour les rejeter sur les consommations,
et l'excès de ces impôts accroîtrait de plus en plus t'inégalité
des propriétés et de la représentation. On la verrait , comme en
Angleterre, forcer la royauté d'abandonner insensiblement aux
chambres ses prérogatives; en un mot, elle dicterait des lois
souveraines à la couronne et it la nation. Quelle serait la dé-
fense du pouvoir royal? La dissolution de la chambre élective;
ruais cette dissolution est un appel à la nation; il serait. efficace(Lus le système actuel , parce qu'il s'adresserait à une niasse de
quatre-vingt ou cent mille propriétaires, dont. les intérêts et les
sentiniens sont identifiés à ceux de tout le corps du peuple;
niais si cet appel s'adresse à un corps ol igarchique, composé d'é-
lémens homogènes et dont les intérêts et les sentimens sont dis-
tincts de ceux du peuple, ou plutôt lui sont opposés, cette oli-
garchie, élisant ioi‘jours dans le inénie esprit , réélirait toujours
!es mêmes députés, se jouerait ainsi de la prérogative royale et
triompherait de la coerorine.


La constitution de l'état changée, tontes les institutions
changeraient aussi, et seraient nécessairement coordonnées aux


( 21 7 )
intérêts deraristoeratie; car il sema absurde de supposer qu'un


euvernement aristocratique n'agirait pas d'une manière con-forme à ses principes et à ses intérêts, et que les choses n'aine-
»m'aient pas leurs conséquences.


Le gouvernement représentatif est le gouvernement de l'opi-
nion publique , prisque cette opinion est représent,: e , et que
les lois ne flint qu'exprimer la vanité générale et l'a rmer de la
force sociale; mais sous le gouvernement du petit nombre, l'opi-
nion et l'intérêt. du petit nombre sous , exclusivement représen-
tés s quoi de plus incompatible que la liberté de la presse et la
libre expression de l'opinion publique, avec une tyrannique et
soupçonneuse aristocratie? Ah ! ce ne serait point assez de faire
passer par des mesures provisoires la pensée humaine sous les
fourches Caudines, mais il faudrait entraîner le génie de l'homme
par une éternelle servitude, ou plutôt le repousser jusques dans
les siècles les plus ténébreux! I l faudrait, par un système analo-
gue d'éducation publique, et l'emseignement de l'obeissance
passive, façonner les générations à la servitude, comme nous
dressons, pour noire usage et nos les animaux domesti-
ques : les ignorantins, les jésuites, les petits séminaires déjà
presqu'entièrement chargés de l'instruction de la jeunesse, le
concordat de Léon X et toute la milice papale qui a fait subir à
la France à peine délivrée de l'étranger , une nouvelle et si hu-
miliante invasion, accompliraient ce gond oeuvre.


L'aristocratie nobiliaire et l'aristocratie saeerdotale , tombées
ensemble, se relèveraient ensemble. Il faudrait, pour s'assurer


• tn


un si puissant auxiliaire, une si nécessaire alliance, recomposer
le patrimoine, relever les antiques prérogatives du clergé.


La loi du recrutement est, com tue la loi d'élections, une loi
d'égalité constitutionnelle, et n'est, ras moins en butte aux atta-
ques et aux anathèmes de la faction aristocratique. Si la nouvelle
loi d'élection livre la nation à l'aristocratie, il faut Lieu que
l'armée soit à l'aristocratie; il lui faut, au lieu d'une armée na-
tionale, une armée de prolétaires, ramassés à prix d'argent
dans la fange, des troupes de Suisses et d'étrangers, meilleurs
Français que nous, et dont elle aurait exclusivement et le com-
mandement et tous les grades ; il faudrait que les gardes natio-
nales ne fussent composées que de dociles sicaires, comme les
bandes de 1815 sur les rives désolées du Gard.


On verrait l'aristocratie organiser ces administrations provin-
ciales que dès long-temps elle préconise et sollicite; après avoir
envahi toute la représentaion nationale, elle occuperait exclu-
sivement les conseils des provinces et des villes et l'on n.errait.




( 218 )
les mêmes hommes électeurs, deputés, pairs, magistrats pro-
vinciaux et municipaux, apparaître en même temps, et à-la-
fois, sous toutes les formes de l'autorité publique, et peser sur
les moindres Communes comme sur tout. l'empire. A quoi ser-
viraient des lois qu'on appelle monar.hiques sans des hommes
monarchiques? C'est à eux que tous les emplois seraient exclu-
sivement confiés, et déjà l'on a préludé à de grandes épurations.


Les deux espèces de propriété qui existent parmi nous, sont
la grande plaie de la France; il fitudrait la guérir; et l'on com-
mencerait cette guérison par (le larges indemnités. Que signifie
une noblesse qui n'a que de vains titres? Il faudrait lui donner
des droits spéciaux et des devoirs politiques. En un mot, il fau-
drait détruire les intérêts moraux et les intérêts matériels du la
révolution. Remarquez, messieurs, que je ne fris que répéter
en p>rtie ce que des journaux censurés, et dont par conséquent
le gouvernement a pris sur lui la responsabilité, ce que des
feuilles mini térielles , ce que des écrivains, organes de nos ad-
versaires , ont exprimé et ouvertement professé.


Nos adversaires eux-mêmes ne disent-ils pas à cette tribune
que la contre-révolution est dans la charte, et que celte charte


été octroyée, et non consentie? que les lois ne sont pas un pou-
voir , mais l'instrument du pouvoir, et qu'ils croiraient notre
pays heureux, s'il était soumis à une oligarchie quelconque?


Ne disent-ils pas que les lois de la chambre de 18,5 furent.
salutaires ; que les nombreuses épurations de i 815 étaient néces-
saires ; que la religion fit consolée? Grand Dieu! la religion
était-elle donc consolée, lorsque le sang des protestans ruisse-
lait dans le midi? Enfin on ne nous déguise pas que la loi nou-
velle n'est qu'une transition à une loi plus forte et plus complète.


Mais le résultat le plus essentiel et le plus immédiat d'une
loi qui confie à la grande propriété la législation et le pouvoir
souverain, c'est la recomposition de cette grande propriété; le
vaste déplacement et la division des fonds territoriaux ont par-
ticulièrement fait la révolution et maintenu ses résultats, et
cette division des fortunes a exercé une incalculable influence
sur les progrès de la population , de l'industrie, des lumières,
des moeurs et de l'esprit public; niais aux yeux (le l'aristocra-
tie, c'est une sorte de loi agraire qui nous tiendrait en démo-
cratie forcée. Le peuple français est comme le géant de la Fable
qu'on ne put étouffer qu'en l'arrachant à la terre dans laquelle
il puisait toute sa vigueur. Ce n'est pas assez d'exhausser le
pompeux édifice de l'aristocratie, mais il faut que le sol sur le,-
quel on le construit puisse le soutenir. Ce sont les familles


( 219 )
aristocratiques et leurs propriétés qu'il faut reconstruire pour
lui donner une base solide. La chambre des pairs a devancé cet
inévitable résultat de l'oligarchie électorale , en prenant en con-
sidération la proposition d'autoriser la formation en jmaorats
sans titres des biens-fonds dont chaque propriétaire peut dis-
poser après lui ; alors , dit l'auteur de cette proposition, chaque
chef de famille, jouissant des droits politiques, pour conserver
aux siens cette honorable prérogative, fera tous ses efforts pour
former un électorat héréditaire—. Et les pairs eux-mêmes au-
raient la louable 'ambition de l'assurer à un second Ms ou à un
neveu.... Ainsi serait établie cette hiérarchie de propriétés in-
divisibles , stationnaires dans les familles connue la royauté , ce
grand majorat national.


conséquence, le complément: nécessaire du
système féodal qu'au dix-neuvième siècle les ministres de l'au-
teur de la charte osent proposer aux députés du peuple français
Ainsi, le sol de la France, terre de liberté et de gloire, serait
insensiblement frappé de main-morte et son peuple de servage
ainsi, messieurs, cette nation magnanime qui a conquis l'éga-
lité des droits au prix du sang de trois millions d'hommes,
cette grande nation qui, pour maintenir son indépendance, a
tant de fois vaincu l'Europe et planté ses drapeaux dans trois
-parties du globe, serait subjuguée, asservie par cinq ou six mil-
liers de seigneurs de terres, par l'oligarchie la plus concentrée
qui ait jamais forte les peuples les plus avilis!


On calcule froidement, dans la proposition faite à la chambre
des pairs, que, d'après la législation civile qui nous régit, la
population s'élèverait, dans vingt. ans , de trente à quarante
millions d'Ornes, mais qu'en substituant les propriétés, en in-
féodant le sol français, cet accroissement de population serait
dans le même laps de temps diminué (le cinq millions d'hommes.
Ce n'est pas seulement la génération actuelle et noire postérité
que l'aristocratie veut asservir; mais elle étouffe et frappe de
mort, jusque dans leurs germes, les g•érations futures.


Heureusement., messieurs, un tel projet, n'est pas seulement
exécrable, niais il est, extravagant : le pouvoir aristocratique
n'est réel• que lorsqu'il est le résultat et l'expression de supério-
rités réelles et généralement reconnues. Que signifient des pré-
sentions si évidemment antipathiques à tons les sentimens,
tous les intérêts de toutes les classes (le tren te min ions d'hommes ,
des prétentions si monstrueusement disproportionnées à l'im-
mense supériorité des forces physiques et morales de la nation?


Je ne rois, pour le parti aristocratique qui s'enveloppe du


w




( 223 )
tom de grande propri(!té „ pour les nobles descendans de ces
Francs, de ces hommes du Nord qui conquirent l'antique Gao le
et y établirent la féodalité, parce que la conquête les rendit
souverains maîtres et seigneurs de tout le territoire; je ne vois
qu'am moyeu pour le parti aristocratique d'être d'accord. avec
lei-même, et de s'assurer l'exercice exclusif du droit de cité et
dit pouvoir souverain; c'est de conquérir une seconde fois les
g aules, de s'emparer de tout le territoire, des fabriques, des
manufactures et de toutes les richesses industrielles et. commer-
ciales de la France nouvelle. C'est alors qu'ils pourront réaliser
kas beau système et qu'ils seront d'accord avec leur propre •
doctrine ; mais jusqu'alors un grand peuple n'aura pour eux
que de la pitié, et se contentera de rire d'un tel exccs de dé-.
luei,ce et de ridicule.


Vous vous bercez de l'exemple de l'aristocratie anglaise;
mais l'aristocratie anglaise est à-la-fois et proiimdément enra-
cinée dans la terre et dans les mœurs. Elle possède presqu'en-
tièrement le territoire et les richesses inobiliaires des trois
royaumes ; en France, au contraire, le peuple est •maitre du sol
et de tons les capitaux mobiliers ; et la richesse relative •de l'a-
ristocratie n'est rien , ou presque rien. Est-ce lien d'ailleurs en
ce moment, lorsque l'aristocratie anglaise, en détériorant insen-
siblement: tous les principes d'une admirable constitution, a pré-
paré une crise imnunen te, et presque réalisé la terrible prophétie
(ie 'Montesquieu , que l'on ose se prévaloir d'un tel exemple ? Ce
n'est qu'en se mettant à la tête des intérêts populaires que l'aris-
tocratie avait acquis cet immense développement qui a fini par
déshériter et appauvrir les deux tiers de la population; jusqu'à
l'époque actuelle, l'aristocratie anglaise e toujours fait cause
commune avec le peuple, et c'est par cette étroite alliance que
l'Angleterre a conquis ses libertés sur le despotisme royal ;
c'est à elle que, dans des siècles barbares , le peuple anglais
dut sa grande charte ; et c'est encore elle , ce sont les pairs et
même des prélats dont l'existence religieuse et constitutionnelle
venait d'être menacée, qui, réunis aux communes, ont recon-
quis les libertés britanniques par la glorie.ae révolution der 6b8.
:En France, au contraire, el toute l'histoire Pat teste, l'aristo-
cratie fut toujours en état de guerre avec le peuple, toujours elle
fat .


l'impitoyable ennemie du peuple; et c'est en s'alliant avec.
les communes, c'est en les affranchissant, que nos rois, après.
une lutte de dix siècles, se sont affranchis eux-mêmes ; et ques
sur les ruines de l'anarchie féodale, ils ont élevé et consolidé
pavois royal. •


( Z2.1 )
Ce n'est point contre le trône, tuais contre l'aristocratie,


contre les vices et l'iniquité d'un régi Me où tout était conthin
pour le profit exclusif d'une classe privilégiée, que la révolu-
tion a éclaté. En 8q, tous les Français aftictien /laient le monarq :le,
et voulaient la monarchie. Le trône n'a péri que par son impru-
(lente et déplorable alliance avec l'aristocratie. Oui , messieurs,
c'est la séance royale du a3 juin qui a déplacé le Roi et préparé
sa chute , en le met tant à la tête du parti aristocratique. L'appel
a la force a provoqué la force ; il e fait sortir de terre un million
d'hommes armés, et ce sont les aveugles conseils dont le trône
s'est laissé circonvenir par la cour et l'aristocratie, qui, plus
tard, pour l'éternelle douleur de la nation , l'ont renversé; et ,
comme en l'a dit à cette tribune , de tout ce qui a été abattu, le
trône seul a pu se relever, parce qu'il n'a péri qu'accidentelle-
ment. ( M. Castelbajec fait entendre un bru yant éclet de rire.) Des
éclats de rire ne sont pas des argumens ; je doute, il est vrai,
que vous ayez des a.rguieens meilleurs à m'opposer. La révolu.
tion fut une guerre à mort entre la France qui voulait être libre,
et l'aristocratie qui voulait toujours maîtriser la France. L'aris-
tocratie a été vaincue; un quart de siècle a confirmé cet arrêt de


victoire, ou plutôt de ce triomphe de l'éternelle raison, de
l'éternelle justice; la sagesse royale l'a sanctionné par la charte.
Le Roi et ses puissans alliés ont donné un grand spectacle à
terre. soutenu par un million d'hommes armés , a so-
lennellement adopté et consacré les principes de la raison hu-
maine et les immuables volontés de la nation; et ses allié; ont
reconnu que la paix de la France et de l'Europe dépendait de
son attachement aux principes constitutionnels.


Ce n'est: plus sur l'aristocratie que la royauté plus éclairée, la
royauté renversée pour elle, et rétablie sans elle , s'est appuyée;
c'est sur les principes immortels qui out fait la force et le triom-
phe de la révolution, sur ses intérêts invincibles , que l'auguste
auteur de la charte a posé les fondemens du trône ; et lorsqu'il


1m-même inauguré Je siècle de la liberté, lorsque tous les
peuples qui entourent la France réclament: leurs droits, les
obtiennent on luttent pour les obtenir; lorsque l'héroïque Es-
pagne a donné aux peuples et aux rois une si soudaine et si
surprenante leçon; voilà que l'aristocratie, seule intéressée à
recommencer le combat , puisqu'elle seule a été vaincue,
entraîne de nouveau la royauté dans sa fatale alliance..


Eh quoi ! les déplorables catastrophes de la révolution , ni
le terrible exemple du 20 mars , ni l'expérience toute saignante
encore de 1815 n'ont rien appris au gouvernement ! Toutes les




( 222 )
causes de la révolution du 20


mars peuvent se réduire une
seule, l'inexécution de la charte. Le systè.sie inconstitutionnel
d'un ministère fallacieux avait alarmé la France sur ses nou-
veaux intérêts, et aliéné l'opinion publique. Le drapeau de la
révolution a paru, et la révolution a été làite; mais certes , ni
les atteintes portées à la charte, ni le mécontentement qui en
résulta ne peuvent se comparer à la contre-révolution qui nous
frappe et à l'inexprimable anxiété qui nous dévore. Les Butes
graves et noblement avouées du régime de 181 4 n'étaient point
irréparables ; il. suffisait de ne point ravir à une nation géné-
reuse l'effet des royales promesses. Mais la charte fut mise en
lambeau par la chambre de 3815; le parti aristocratique, pour
me servir de l'énergique expression de M. le garde-des-sceaux,
paralysa les parties vitales de *l'état; il versa sur la France un
déluge d'arbitraire; des tables de proscription, des conspirations
factices et d'exécrables massacres signalèrent son ambition et
ses vengeances, et tant d'horreurs lurent couvertes d'une im-
punité plus atroce encore.


Des causes d'exaspération infiniment plus graves qu'en 3814.
auraient amené les mêmes résultats. L'ordonnance_ du 5 sep-
tembre sauva la monarchie. Voilà ce qu'un ministère investi
durant quatre années de la confiance du Roi , n'a cessé de pro-
clamer. 18, 4


et 1815, voilà deux grands faits, deux redouta-
bles épreuves-qui ont démontré que l'aristocratie ne peut s'allier
avec la dynastie sans la compromettre et la perdre ; ils ont dé-
montré qu'un système aristocratique et contre-révolutionnaire,
soit qu'il agisse avec violence et tyrannie, comme en 1815,
soit qu'il marche par des voies détournées et avec une allure
cauteleuse, comme le ministère de ,814, ne peut qu'amasser
des tempêtes sur la d ynastie, et l'amener, par des routes dif-
férentes, sur les bords de l'abîme.


Qu'il me soit permis d'évoquer aussi l'exemple d'un royaume
voisin , dont les révolutions ont: avec les nôtres d'étonnantes ci
tristes similitudes. J'ose espérer qu'on ne verra dans nia fran-
chise que le zèle d'un homme sincèrement dévoué à la. monarchie
constitutionnelle, et convaincu qu'il ne saurait mieux la servir
qu'en éclairant les ministres du 'loi sur le précipice où ils se
laissent entraîner. Après la restauration de la monarchie an-
glaise, Charles 11 et le duc d'Yorck, héritier présomptif de la
couronne, s'efforcèrent de rétablir l'ancien despotisme. Le duc
d'Yorck, qui voulait aller encore plus site et: plus loin que son
frère , s'emparait de la direction des idlitires , pour marcher plus
sûrement à son but. Ils comprirent, après avoir long-temps lutté


( 223 «)
contre l'esprit de la nation, que, pour remplir un tel dessein, il
fiillait détruire le régime des élections , qui donnait. alors au
peuple anglais une latitude suffisante pour faire des choix con-
formes à l'opinion publique. Le roi venait de casser le parlement
d'Oxford, qui, ainsi que les précédens , avait milité pour le
maintien des libertés publiques. La liberté de la presse , la
liberté individuelle étaient anéanties; les gouverneurs, les
limite/1;ms , tous les fonctionnaires nommés par la cour ,
n'étaient que ses serviles instrumens; des adresses commandées
par la cour et ses a.gens , arrivaient de tontes parts pour con-
damner les derniers parlemens, et proscrire les doctrines libé-
rales. Ce fut alors que la cour conçut et exécuta le projet de
dépouiller les villes et les comtés de leurs chartes d'élection ,
et leur en donna de nouvelles qui mettaient dans ses mains la
nomination des députés. Jacques II, devenu roi , suivit le même
système; non-seulement il maintint les nouvelles chartes, mais
il y fit des changemens plus conformes à ses vues. Le royaume
était inondé de mis ionnaires , de moines et de jésuites riche-
ment dotés; les chaires ecclésiastiques n'étaient que des tribunes
où l'on prêchait l'obéissance passive. Les réclamations des An-
glais furent toujours ou rejetées ou éludées. Enfin la nation ,
fiitiguée de sa tyrannie, éclata : vous savez le reste. L'abolition
des chartes d'élection fut incontestablement une des principales
causes de cette grande catastrophe.


Revenons à notre propre histoire. Il est impossible que les
amis sincères et éclairés .de la monarchie constitutionnelle
n'aient pas le pressentiment d'un avenir sinistre, lorsqu'ils con-
sidèrent qu'en 1815 le goureanement ralentissait lui-même la
marche effrénée de l'aristocratie, et qu'à cette heure il est visi-
blement ligué avec elle ou subjugué par elle. Le plus beau titre
de gloire des collèges de Bonaparte, suivant nos adversaires
eux-mêmes , c'est de nous avoir donné la chambre de 18,5 ; et
votre loi ne ressuscite les colléges de Bonaparte que pour les
rendre encore plus aristocratiques! C'est donc une chambre de
38 5 que vous annoncez, que vous promettei.à la France ; et vos
nouveaux alliés , ceux qui forgeaient des lois de fer, des lois
inexorables pour cette nation frappée d'interdit, muette par la
délation et la terreur, foulée par l'étranger, divise en ca-
tégories, nous déclarent eux-mêmes à cette tribune que son
zèle ne fut point trop ardent.


Votre nouvelle chambre de 1815, si toutefois elle peut se
former, et que la nation consente à subir l'ignominieuse tor-
ture d'une machine électorale préparée tout exprès pour sup-




( 224 )
plicier toutes ses libertés, si toutefois, en mettant deux camps
en présence , et en remuant. par d'irritantes élections tant de
mat ières inflammables, vous n'accélérez pas une explosion,
peut-être tardive , mais inévitable, votre nouvelle chambre
de 1815 déploiera infailliblement urf zèle plus ardent et plus
terrible. Et pourquoi? C'est qu'un parti qui e reconquis le pou-
voir, joint la colère à l'ambition; que plus ce parti est faibics et
s'est rendu odieux, plus il éprouve de résistance; et plus on
lui résiste , plus la violence et la tyrannie lui deviennent
nécessaires.


Et comment votre gouvernement aristocratique, tel qu'il se-
rtit créé par votre loi d'élection , n'éprouverait-il pas tôt ou
tard une résistance universelle? Quelle est la classe - de citoyens
dont il ne froisserait pas tons les intérêts et qu'il ne révolterait
pas par une humiliante dégradation? La classe commerçante
verrait-elle sans aversion un gouveeneinent monarchique qui
paralyse toutes ses spéculations, et qui tue Pi..dustrie en lui
ravissant, sa sécurité? se verrait-elle sans indignation exclue de
toute participation réelle aux élections, et spoliée de son exis-
tence politique par d'oisifs seigneurs de terres, menacée d'un
régime pire que celui cir le commerce était flétri comme déro-
eearet à l a noblesse? Pensez-vous que les peuples des campagnes
. .2


soient assez stupides pour ne pas sentir qu'en livrant le pou-
voir à ses anciens dominateurs, vous les exposez au retour des
mêmes servitudes? Pensez-vous que trois millions de protestans
ne soient pas alarmés? ont-ils oublié que lorsqu'ils étaient dé-
cimés dans le midi par le poignard des assassins, la voix coure-,geuse qui s'éleva en faveur des vi,times dans la chainbrede 1815,
fut étouffe , et qu'on s'est. obstiné, et qu'on s'obstine encore à
couvrir tant de forfaits du voile de l'impunité, et que le cri du
sang injustement répandu est encore traité d 'imporYnne clameur?
Pensez-vous que la vieille armée ne s'attende pas aux mêmes
injustices, aux mêmes persécutions, aux mêmes outrages? que
l'armée active, sortie de la nation, n'est pas liée à la nation
par une chine sympathique de sentimens et d'intérêts? qu'elle
ne sache point que la. loi de recrutement ne survivrait pas à la
loi d'élection? que des guerriers pléheïens soient assez aveugles
pour ne pas voir que , sous un gouvernement aristocratique,
tons les droits de la valeur et du mérite seraient sacrifiés aux
insolentes prétentions des nobles , et aux vues intrigues des
gens de cour? Ne craignez-vous pas enfin qu'au moment d'une
crise périlleuse, l'armée, placée entre la nation et l'aristocratie,
aie se rappelle les jours de 8 9 et. l'exemple des guerriers espa-


( 225 )
mals, et ces paroles - de l'auguste fondateur de la charte : a Lei
), dépôt de la charte constitutionnelle est confié à la fidélité et
» eu courage de l'armée, des gardes nationales et de tous les
» citoyens. » Pensez-vous que des millions d'acquéreurs de
biens mitionnux ne conçoivent pas de justes alarmes sur ;'invio-
labilité de leurs propriétés? qu'ils se bouchent les oreilles pour
ne point entendre les miel/eines des missionnaires? qu'ils aient
perdu la mémoire au point d'oublier les traits incendiaires que
des journaux censurés, et par conséquent autorisés du gouver-
nement, en 1814 et 1815 , lançaient contre eusa au point
d'oublier que des tribunaux ont posé en principes , qu'il y a,
de leur part, obligation naturelle de rendre les biens aux an-
ciens propriétaires, et que de tels juges n'ont point été pour-
suivis en forfaiture?... N'est-il pas notoire , enfin, que la valeur
vénale des biens nationaux décroît de jour en jour, et que les
mutations deviennent si rares, que les registres de l'adminis-
tration des domaines présentent, depuis la retraite des ministres
qui ont emporté les regrets de la France, une différence notable
entre le produit présumé des droits d'enregistrement, et le pro-
duit réel qu'on e obtenu ? Certes, l'inviolabilité des biens na-
tionaux n'a pas été plus fortement promise et garantie que la
loi d'élection, émanée de la charte, fondée sur tous les intérêts,
si fortement protégée par le sentiment national, si solennellement
accordée , si solennellement confirmée.


,Quand le pouvoir détruit la liberté des personnes, sans la-
quelle il n'y a plus de garantie sociale, la liberté de la presse et la
liberté des élections, qui expriment et représentent l'opinion
publique; qu'il outrage et lacère le droit de pétition, dernière
ressource des opprimés, il est clair que le pouvoir veut admi-
nistrer contre les opinions et les intérêts du grand nombre ;
quand le gouvernement se ligue avec l'aristocratie , dont l'al-
liance , depuis 815 , l'avait toujours fait reculer d'effroi, et
qu'avec son appui , il organise un système électoral tout exprès
pour faire prévaloir la minorité sur la majorité , pour faire pré-
valoir sur la majorité nationale cette vieille aristocratie, natu-
rellement et essentiellement opposée aux intérêts de la Franco
nouvelle, il est clair qu'il veut faire sortir de la charte, dont on
ne change pas une syllabe , la contre-révolution; quand, de
l'aurore d'un régime constitutionnel, auquel nous devions
une sensible et progressive amélioration, il nous rejette, par
un effi•oyable soubresaut, daims un régime d'arbitraire et de
terreur, et qu'il accueille des adresses incendiaires , des prédi-
cations calomnieuses, des proclamations de meurtre et de yen-


3 5




'226 )
nance, est clair que l pour faire la contre-révolution, Veut
.épouvanter et faire taire la nation, en appelant à son aide le
:spectre sanglant de 1815. Mais il est clair aussi que la natién ,
blessée dans tous les points de l'existence de l'homme , est pro-
fondément émue et ébranlée; il est clair aussi qu'un système de
gouvernement si insensé ne peut résister long-temps à l'irré-
sistible opposition de tous les intérêts, à la toute-puissance de
l'opinion et du sentiment universel.


Vous evez osé déclarer à cette tribune, que cent mille citoyens
qui , dans l'état actuel de la société , représentent plus (l'un
million d'hommes et plusieurs milliards de propriétés, et qui,
malgré les coupables menaces de vos agens , ont eu le courage de
réclamer la charte; que les collèges électoraux, l'élite de la na-
tion , les quatre-vingt mille plus riches propriétaires, les quatre-
vingt mille principaux citoyens de la France , sont l'instru-
ment des factieux, et qu'après de telles manoeuvres un homme
d'honneur serait honteux de se trouver dans cette chambre. La
France vous entend, et vous répond par la bouche de ses députés
fidèles : Si quelque complot existe, si une faction s'est emparée
des collèges électoraux , sévissez contre les factieux, poursuivez-
les, livrez-les à la vengeance des lois, ou vous resterez sous le.
poids d'une épouvantable calomnie. Nous demandons (me les
faits soient mis au grand jour, nous demandons une enquête....
(M. Marcellus : Nous la demandons nous-mêmes ! on la fera! )
Vous nela figez point, pas pl us que vous n'en avez fia sur les
horribles évéxiemens qui ont ensanglanté Lyon et Grenoble ;
vous ne la ferez point, parce que vous y trouveriez votre con-
damnation. Oui , messieurs , il existe un complot, il est flagrant
dans la marche contre-révolutionnaire du gouvernement , dans
cette loi vraiment conspiratrice, ainsi que l'a si bien dit un de
nos honorables collègues.


Les ministres ont osé vous dire que conspirer par les lois,
c'est conspirer sans crime, et. que tout ce que délibèrent les
chambres, sur la proposition du gouvernement, est constitu-
tionnel. Ainsi , messieurs , c'est très-constitutionnellement que,
depuis la révolution, les divers gouvernemens qui se sont rapi-
dement succédés-, ont. forgé tant de lois odieuses et. désorganisa-
trices, car elles ont été rendues suivant les formes existantes ;
et c'est très-consti utionnel !e l ven t qu'en 815, tant d e calamités,
revêtues des formes légales, ont désolé la France. Ainsi, mes-
sieurs , pour abolir la charte très-constitutionnellement , vous
n'avez besoin que d'une chose bien {;mile dans une chambre en-
core composée, pour les deux cinquièmes, de membres nommés


( 227 )
par les collèges de 18,5, avec les adjonctions des préfets, et
où siègent tant de fonctionnaires que le ministère , ail mépris
de la more le publique, e sommés de voter avec lui, sous peine
de destitution. Pour abolir la charte très-constitutio,nnellement,
vous n'avez besoin que d'une chose bien facile, puisqu'elle ne
dépend que de quelques voix de ministres ou de sous-ministres;
c'est d'abolir la loi d'élection.


Ah, messieurs ! qu'un pareil triomphe serait déplorable ! Le
ministère peut jouer, avec quelques boules, la charte et la loi
d'élection , le sort de la France; il peut T'emporter ici avec
quelques voix; mais, hors de cette enceinte, des millions
d'hommes voteraient contre lui. En abolissant la loi d'élection,
c'est la charte que vous abolissez, puisque toutes les garanties
constitutionnelles et tous les principes de la monarchie mixte et
du gouvernement rep résentatif qu'elle a fondé et consacré,
résident dans la loi dilection. En abolissant la charte, en la
réduisant à n'être plus qu'un leurre insultant, c'est le trône que
Tells menacez ; c'est le lien indissoluble et sacré qui unit la
nation et la dynastie, que vous. allez rompre; c'est le traité d'al-
liance et de réconciliation de l'auguste race de nos rois avec la
France nouvelle, telle que la révolution l'a faite, et qu'elle ne
peut cesser d'être, que vous anéantissez ; c'est la majesté royale
et la dignité de la nation que vous profanez, en ibulant aux
pieds les sermens les plus solennels.


La légitimité des rois repose sur la légitimité des peuples.


Au 19.e siècle, il ne peut y avoir d'autre monarchie que celle
qui est fondée sur les droits et sur les intérêts de la nation. Ce
ne sont point les peuples , mais les gouvernemens, quand , par
un esprit de vertige et d'erreur, ils se séparent de l'intérêt des
peuples, qui suscitent les révolutions; et les révolutions sont
faites long-temps avant (l'éclater. Les faits, messieurs, les Mits,
hélas! trop mémorables de la révolution du 20 mars et de 1815,
parlent assez haut, et vous dénoncent l'avenir. Songez , mes-
sieurs, que vous allez affermir le trône constitutionnel et la dy-
nastie, ou les livrer à de nouveaux périls; que vous allez graver
vos noms pour la gloire ou pour la honte, sauver ou perdre la
France


mouvemens d'adhésion de la gauche , qui avaient sou-
vent interrompu l'orateur, éclatent avec force à la fin de


. te
discours. )


La discussion est ajournée au lendemain.
La séance est


levée à six heures.




( 228 )


Séaucc du 18 mai.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion dit
projet de loi sur les élections.


M. Barthe-Labastide attaque les événemens de la révolution,
et la loi de 181 7 comme démocratique, et conséquemment pas
en harmonie avec la charte, qui est monarchique. Les élec-
teurs, obligés de ne plus nommer que des candidats,
savent que les grands propriétaires sont les défenseurs'-nés des
petits, et que tous ont également besoin de calme et d'économie.


M. Rodet. Messieurs , le projet de loi qui vous est soumis ,
évidemment contraire à l'esprit 'de la charte , l'attaque encore
dans des dispositions textuelles, et substitue à leur place des
dispositions différentes, et qui ne peuvent produire que des ré-
sultats entièrement opposés à ceux voulus par le sage auteur de
la charte, et dont, toujours, il a promis la. garantie au peuplc
jraucais, tant pour lui que pour ses successeurs.


Ce serait ici la place de faire reporter tontes les incohérences
du projet ministériel , incohérences dont le moindre vice serait
de renouveler et faire revivre, dans notre système électoral ,
cette étrange bigarrure qui se rencontrait jadis dans toutes nos
institutions ; puisqu'on verrait des départemens tels que la Corse,
les Hautes et Basses-Alpes, les Pyrénées et la Lozère dans les-
quels il n'existerait aucun collège d'arrondissement , et où tous
les électeurs, sans distinction, élevés au collége de département,
continueraient à demeurer placés sous l'influence exclusive de la
loi du 5 février 181 7 , et nommeraient eux-mômes directement
leurs députés sur la totalité des citoyens déclarés éligibles par
cette même loi ; tandis que dans les autres départemens les élec-
teurs seraient divisés en deux collèges , dont l'un serait borné à
l'humble rôle de présenter des candidats, tandis que l'autre joui-
rait du droit exclusif de choisir. Puisque dans un grand nombre
de départemens on verrait les collèges d'arrondissement sles plus
nombreux ne pas exercer, dans le droit de présentation , une
influence plus grande que les collèges des plus petits arrondis-
semens ; ainsi , dans la Côte-d'Or , le collège de l'arrondisse-
ment de Dijon, composé de cinq cent soixante-neuf électeurs
qui paient deux cent cinquante-six mille huit cent onze francs
de contributions , ne présenterait pas plus de candidats que celui
de Châtillon-sur-Seine, qui ne compte que cent électeurs payant
quarante-quatre mille cinq cent vingt-un francs seulement ;
dans l'Hérault, Montpellier, avec cinq cent cinquante- trois


( 229 )
électeurs qui paient deux cent soixante - onze mille trois cent
quatre francs , et Saint-Pons, avec quatre-vingt-cinq électeurs
qui ne paient que soixante- huit mille quatre cent. vingt-neuf
francs ; dans l'Indre et Loire , Tours , avec quatre cent cin-
quante•deux électeurs qui paient deux cent huit mille trois cent
soixante-dix francs , et Loches, avec cent cinquante-neuf élec-
teurs qui ne paient que soixante-douze mille huit cent quatre-
vingt-dix francs; dans le Loiret, Orléans, avec sept cent treize
électeurs qui paient trois cent treize mille cinq cent soixante-
neuf francs , et Gien , avec cent douze électeurs qui ne paient
que cinquante - cinq mille huit cent vingt-un francs ; enfin ,
Lyon , avec mille soixante-treize électeurs qui paient quatre
cent cinquante-six mille deux cent quatre-vingt-un francs, et'
Villefranche, avec deux cent quatre-vingt-sept électeurs qui


-


ne paient que cent dix-neuf mille huit cent quarante francs,
exerceraient le môme droit, obtiendraient la même influence
et présenteraient un nombre de candidats absolument semblable!


Ces anomalies ne sont pas les seules , et lé nombre des can-
didats à présenter relativement au nombre des députés à élire
présente une variation également inconcevable, puisque dans
sept départemens les colleges d'arrondissement ne présentent
que deux candidats par chaque député à élire , tandis que dans
trente départemens trois candidats sont présentés par chaque
député ; dans vingt départemens quatre candidats ; dans treize
départemens cinq candidats, et dans quatre départemens six
candidats par chaque député à élire , et qu'enfin on ne sait pas
encore si dans le département de la Seine il y aura , par chaque
député , trois , huit ou quatorze candidats.


Ainsi le droit le plus important n'a point de mesure fixe , et
il éprouve , dans son exercice et son application , des variations.
et des incohérences que rien ne peut justifier. Ainsi la nominar-
fion d irecte, dont le principe est clairement consacré par l'art. 35.
de la charte , est transtis•mée . , pour les électeurs d'arrondiSse-
nient , en un simple droit de présentation de candidats ; ainsi
les électeurs de département qui , d'après Part. 38, ont le droit
de choisir les députés parmi tous les citoyens qui ont quarante
ans et paient mille francs , sont forcés de resserrer leur choix et
leur confiance sur les candidats qui leur sont présentés par les
collèges d'arrondissement ; ainsi l'éligibilité étendue par les ar-
ticles 38 et 39 de la charte à tous ceux qui paient mille francs,
et dans tous les cas aux cinquante plus imposés par département:,
est restreinte aux seuls éligibles qui ont obtenu la candidature
des collèges d'arrondissement. La loi nouvelle présente done




f,3o
dans ses combinaisons principales, une foule de violations de la
charte plus manifestes les unes que les autres. Cependant les mi- •
nistres du Pol , en vous présentant le projet de loi , ont affirmé
qu'il laisse la charte intacte, et qu'il ne la touchait pas mime
dans une seule syllabe ; ils ont affirma qu'il accordait à la
niasse des électeurs des droits plus réels que ne l'avait fiait la
loi du 5 février 181 7


; qu'il renfermait des garanties plus cer-
taines , et qu'à l'avenir il ne resterait plus a la mauvaise fhl
le prétextc de s'écrier que les intérêts garantis par la charte
étaient ébranlés.


Voyons en quoi sont plus réels ces droits qu'on prétend ac-
cordés par le projet à la masse des électeurs. D'après la loi du
5 février 181 7 , les quatre-vingt-treize mille citoyens qui com-
posent le collège électoral du royaume, nomment eux-mêmes ,
à la majorité des voix , les deux cent cinquante -huit députés
qui doivent. composer la chambre ; d'après le projet qui nous




est soumis , soixante-quinze mille électeurs, au lieu (relire di-
rectement les deux cent. cinquante-huit députés, ne feront que
présenter environ mille trois cents individus parmi lesquels les
députés devront être choisis. Et c'est là ce que M. le ministre
appelle un droit plus réel , comme si la réalité du droit d'élec-
tion ne consistait pas dans le droit. d'élire soi-même directement
et librement ses députés ! comme si l'avantage de l'élection di-
recte pouvait se compenser par le grand nombre des candidats
que les électeurs seront autorisés à présenter ! comme s'il n'était
pas au contraire démontré que , bien loin d'accroître la réalité
du droit, le grand nombre des candidats ne fait que l'énerver,
au préjudice de ceux qui présentent , et au profit de ceux qui
choisissent ! comme si le collège de département, formé du cm-
quièMe seulement des plus forts contribuables , ne resserrait pas
le droit d'élire dans cette classe de grands propriétaires coulpe-
sée , pour la plus grande partie , de l'aristocratie féodale , et
dont tous les voeux et les projets tendent à reconstituer une oli-
garchie qui sera d'autant plus forte qu'elle recevra son existence
cle la loi nouvelle, et d'autant plus oppressive, que , dans son
ambition , elle confond les regrets du passé avec l'espérance de
l'avenir!


( L'orateur examine si le Roi ayant octroyé la charte, a droit
de la modifier ou de la reprendre ; il dit que non , la charte
étant devenue la propriété du peuple français, et qu'il faudrait
le concours des trois pouvoirs. )


Sans doute la loi du 5 février 181 7
est loin d'être parfaite


usais si l'on voulait y faire les changemens qu'indiquent la justice.


231 }
et la raison putlicpm , nu lieu de l'isoler en la plaçant sous l'in-
fluence et la direction du petit nombre . , n'aurait-il pas fallu pro.
poser , au contraire , des moyens de la nationaliser encore da-
vantage , en la soumettant A la direction de la majorité de la
population, ou du moins de tous les citoyens qui out des droits
à défencire , des intérêts à protéger, des attaques à repousser?
Vous voulez établirun gouvernement représentatif, et, la chambre
des députés ne recevra 'ion mandat que, de dix-huit mil le citoyens
au plus , taudis que trois millions au moins de propriétaires qui
possèdent plus de la moitié du sol français , tandis que des ar-
tisans industrimix , <les négocians aisés , des médecins , des no-
taires , des jurisconsultes ,‘ des magistrats recommandables sont
dépouillés de tous les droits de cité , à l'exception de celui de
payer l'impôt, de défendre l'état et d'en supporter toutes les
charges ; et c'est une semblable législation qu'on ose vous dé-
peindre comme trop démocratique et menaçant de livrer les des-
tinées de la France aux caprices de la multitude , à toutes les
chances d'une majorité anarchique!


Ide peuvent être députés que les cito yens qui paient mille
francs et plus d'impôts; ne peuvent être électeurs que ceux qui
eu paient au moins trois Cents francs ; et vous trouvez que la
grande propriété n'a pas une représentation suffisante ! Sans
doute un état acquiert de l'importance à raison <le la richesse de
son territoire; mais n'est-il pas encore plus important qu'il soit
riche en citoyens ? n'est-ce pas le grand nombre des habitans ,
et leur attachement à la patrie , qui font. respecter cette patrie
des étrangers , qui lui assignent un rang parmi les puissances,
qui lui garantissent le repos au-dedans et la paix au-dehors ?
Cette richesse n'est donc pas tant à dédaigner ; et certes , elle
valait bien la peine de fixer l'attention du législateur et d'exciter
l'intérêt des hommes d'état: Si donc on avait pensé que la loi
des élections renfermait quelques vices essentiels , si on avait
recherché ces vices avec un sentiment de bonne foi et d'impar-
tialité, on n'aurait pas pu se dissimuler que le plus grand de
tous les vices était d'avoir dépouillé du droit de cité la grande
masse des citoyens, et d'avoir réduit envéritables pilotes, d'avoir
assind•é à de misérables prolétaires , les vingt-neuf trentièmes
des propriétaires fonciers ou des habitans exerçant une industrie
également utile pour l'état et pour eux.


Continent se fait-il donc au j ourd'hui , qu'au lieu de réparer
cette injustice, on veuille l'aggraver encore eu énervant ou plu-
tôt en anéantissant les droits de la majorité des électeurs actuels,
pour en investir ce petit nombre de privilégiés pour qui déjà




( 232 )•
l'on propose à la chambre des pairs d'ériger des majorats qn
paissent fixer et perpétuer le droit d'élire dans les mêmes tà-
milles? A quel titre voudriez- 'vous donc consacrer irrévocable-
ni eut l'exhérédation politique de tous les citoyens qui paient
moins de trois cents francs de contributions, et Même des quatre
cinquièmes des électeurs actuels ? Quand il s'agit de vivifier votre
agriculture, d'animer voire commerce , ce sont les forces et
l'industrie de cette classe intéressante que vous provoquez ! s'il
s'agit de défendre l'état, c'est à ses bras et à son courage que
mous avez recours , et la patrie ,. dans les jours de dangers, n'a
jamais dé son salut qu'au dévouement de cette classe de citoyens.
Voilà des titres et des avantages qu'il fallait balancer , et. l'on
se serait convaincu que ceux qui les procurent, sont incontes.-
tablement des citoyens , et qu'ils ne peuvent être étrangers à
l'administration de leur pays.


Mais dira-t-on que (les citoyens qui ne paient que lien d'im-
pôts et qui ne possèdent qu'une f;),:t une médiocre, seront surTjjisamment protégés et défendus par les grands propriétaires, qui,ouissant de plus , ont un intérêt plus'.grand l'établissement




d'une.
bonne administration et d'une sage économie ? je ne v,is


jouitpas jusqu'à quel point le citoyen qui ne ou:t que d'une médiocre
aisance peut être tenu de confier à l'homme opulent la défense
de ses intéréts. Sans doute le riche paie plus d'impôts, puisqu'il
a plus de fortune ; niais .


cette masse d'impôts ne frappe jamais.
que ses économies , son luxe et son superflu , tandis que la
moindre surcharge attaque la Médiocrité dans son existence
même, en lui enlevant.nne pari ie de son nécessaire; et d'ailleurs,
l'expérience de tous les temps ne nous a-t-elle pas appris que si
les abus sont payés par tous les citoyens , ils ne profitent cepen-
dant jamais qu'à la classe opulente et aux hommes puissans? La
basse.propriété e donc un bien plus grand intérêt à une bonne
administration ; la législation qui la prive du droit d'élire est
donc une législation impolitique, et celle qu'on vous propose
en ce moment ne faisant qu'aggraver le vice de la loi existante,
est le comble de l'injustice et de l'oppression.


Si donc ou avait pu se décider à faire à la loi des élections
quelques cbangemens indiqués par la justice et provoqués par
l'opinion , ces changemens ne pourraient avoir d'entre but que
d'apporter un terme à l'état d'exhérédation dans lequel la loi du
5 février 181 7


a relégué les trois millions de propriétaires qui
paient. moins de trois cents francs d'impôts, et qui néanmoins
possèdent une immense étendue de territoire français. Cepen-
dant tes citoyens, parmi lesquels on ne peut pas se dissimuler


( 233 )
qu'il se rencontre en très-grand nombre des Français recom-
mandables par leurs vertus politiques et privées , ces citoyens
se sont soumis sans murmure , à la loi du 5 février 181 7 ; ils
s'y soumettent encore dans ce moulent, et ils consentent à Pexhé-
rédat ion dont ils sont frappés , plutôt que de voir remettre en
discussion des principes dont l'incertitude ne tend qu'à ébran-
le• le repos de l'état., détruire toute espèce de confiance, et je-
ter dans les différentes classes de la société, un germe de divi-,
sion dont il est impossible de calculer k développement et les
conséquences. Voilà, messieurs , le noble exemple que donnent
trois millions de citoyens ; et vous, messieurs , pour satisfaire
là vanité ou plutôt l'imprudente ambition (le dix-huit mille élec-
teurs , dont se composeraient les collèges de département, vous
leur attribueriez le droit exclusif de choisir les députés ! Cette
spoliation d'une part, et d'un autre côté cette concentration de
privilèges, ne peuvent obtenir la sanction des lois sans heurter
boutes les convenances, blesserions les droits et renverser toutes
les bases du. gouvernement représentatif.


Mais on vous e dit que la division des propriétés était telle,
pie les électeurs de trots à cinq cents francs se trouvaient beau-
coup trop nombreux , de sorte qu'ils avaient partout la majo-
rité , et faisaient ou pouvaient frire exclusivement les choix.
Taine et dangereuse distinction que la charte n'autorise pas,


. que la vérité ne peut avouer, et que la raison repousse ! Le sys-
tème ministériel consacre-, en effet, deux droits absolument
distincts , celui de la présentation et: celui d'élection ; il établit
cieux catégories d'électeurs tandis que la charte n'en admet
qu'une seule, dans laquelle elle confond et place au même rang
tous les citoyens qui, payant trois cents francs et plus d'impo-
sitions directes, ont atteint l'âge de trente ans accomplis. Il se-
rait. donc aussi évidemment inconstitutionnel d'augmenter les
droits du cinquième payant les cotes d'impositions les plus fortes,
qu'il serait absurde de doubler l'influencé du cinquième que l'on
composerait des électeurs les plus âgés.


Quant à la ligue prétendue de la petite propriété contre la
grande, cette accusation n'est qu'une calomnie pour accréditer
un système que l'on ne peut autrement colorer. Je le demande,
en effet, à MM. les ministres eux-mêmes, je le demande à ceux
qui ont adopté leurs projets , quel serait le but de cette ligue
d'exclusion ? Serait-ce de renverser les grandes fortunes pour se
les approprier? Mais une pareille prétention , en éveillant les
passions de tous les prolétaires, serait plus funeste qu'avanta-
eusé à leurs auteurs. Serait-ce de s'attribuer le monopole des




( 234 )
pouvoirs et des honneurs ? Mais les partisans du projet n'igno-
rent pas que cette partie intermédiaire de la nation, étrangère
à une pareille ambition , ne demande autre chose au gouverne-
ment , que de jouir en paix de ses champs ou de l'exercice de
son industrie.


Savez-vous, Messieurs, la ligue qui existe véritablement? lit
ligue qui effraie les ministres, ceux qui les entourent , la fière
otigarchie, et cette foule d'individus qui jouissent du pouvoir,
ou qui, en le regrettant, n'ont pas désespéré de le ressaisir;:
cette ligue existe, niais c'est la ligue de l'égalité contre les pri-
vilèges, de l'esprit de liberté contre l'esprit de domination , de
l'amour du travail coutre l'amour des places. Cette ligue secom-
pose non-seulement des petits propriétaires , niais encore de-
tous ceux, quelles que soient leur fort nue ou leur naissance ,
n'ont pas intérêt de grossir les impôts pour se les partager, de
créer des emplois et des sinécures pour en jouir comme d'un
patrimoine, d'étendre le pouvoir pour autoriser l'arbitraire
d'enchaîner la presse pour étouffer les plaintes et. les réclama-
tions de l'opprimé, de recréer des privilèges pour se dispenser
d'avoir des vertus, enfin d'éteindre les lumières pour exploiter
le mensonge, et gouverner autrement que par la charte, les
lois et la raison. Voilà la véritable ligue qui existe; niais elle n'a
rien qui m'épouvante, et je suis bien éloigné d'y trouver des mo-
tifs de dénaturer la charte et de détruire notre système électoral.


Quand une plus longue expérience aura démontré la nécessité
de changer la loi des élections et. de modifier la charte constitu-
tionnelle, quand une loi d'organisation aura déterminé le mode
d'en reviser les articles , croyons , messieurs , que ces change-
niens n'auront pas pour but de diviser les citoyens en catégories
de grands et de petits propriétaires, de les soumettre è un sys-
tème de rivalité, et de les placer Buis un état d'effervescence
d'autant plus dangereux <lue l'amour de la chose publique ne
ferait que l'aggraver davantage. Dépouillés de tout esprit de
parti, dégagés des préventions qui en sont la conséquence , on
cessera de se créer des dangers imaginaires, et l'on verra ceux
qui existent réellement. Croyons qu'on cessera de se c. ;simuler
l'inconvénient et le danger d'autoriser la cumulation des fonc-
tions de députés avec celles des emplois nommés par le gouver-
nement; croyons surtout qu'on fera disparaître cet article 54 de
la charte, qui dispose que les ministres peuvent être membres de
la chambre des députés, et qu'on cessera de croire que ceux qui
se trouvent engagés dans la dépendance de l'autorité, et liés
par <les emplois, puissent discuter, avec franchise et impartia:-


( 235
cité, <les questions dont bien souvent. la solution intéresse leur
fortune et leur existence personnelle. Cro yons enfin qu'on ces-
sera de voir un ministre demander, au nom du Roi, des sub-
sides ou des lois d'exceptions, et se lever un instant après en
sa qualité de député, pour voter en faveur des propositions
qu'il est venu faire, et livrer lui-même au gouvernement les.
t résors eu le sacrifice des libertés qu'il est venu demander mi
SOU non).


Voilà, messieurs, les vices qui auraient dû réveiller la solli-
citude et alarmer la conscience des ministres; voilà les points
sur lesquels en les aurait excusés, peut-être, de proposer des
chang,emens, quoique prématurés; mais le projet qui vous est
soumis, inconstitutionnel dans plusieurs de ses articles, inco-
hérent dans ses d isposit ions, et funeste pour la liberté publique,
doit être repoussé par les vrais amis du trône et de la liberté.
J'en vote le rejet.


Le ministre des affaires étrangères défend le projet, sous le
rapport qu'il ne viole pas la charte, et s'attache principalement
à réfuter les discours du général Foy et de M. Royer-Collard.
Après avoir cherché à combattre les craintes du retour d'une
aristocratie nobiliaire en France, et dit qu'il redoute plutôt
celle des richesses, le ministre ajoute en finissant : _Nous man-
quons d'influences vraiment sociales en France ; et plût au ciel
qu'il dépendît de nous d'en instituer quelques-unes, utilement
réparties sur la surface du territoire, et assez fortes pour nous
garantir de ces influences d'intrigues et de corruption, qui, clans
l'état d'inertie où se trouve placée notre société, n'ont besoin
que d'un centre commun pour s'étendre et se propager de la
manière la plus funeste C'est là ce qu'il nous fiant, c'est là notre
premier besoin ; car, grâce au ciel , nous avons la liberté, nous


• avons, malgré ces passagères lois d'exception dont on parle
tant et qu'on redoute si peu, la sûreté de nos personnes et de
nos propriétés; nous avons la liberté de nos opinions. Ce qu'il
nous finit acquérir, c'est la sécurité clans tous ces biens, c'est
la certitude de ne pas les perdre. On a malheureusement rendu
populaire cette maxime funeste et absurde, cc que les gouver-
siemens sont les ennemis des peuples. " Que ceux qui propagent
cette maxime y réfléchissent ; ils peuvent recommencer la ré-
volution; niais la révolution ne recommencera pas la société,
elle en consommera la ruine. Si la révolution recommence, la
société européenne ne refleurira plus sur le sol de la vieille Eu-
rope, qu'après avoir subi les terribles épreuves de la dissolution
de l'empire romain. Je le dis avec une courageuse confiance




( 2.36 )
aux amis de la liberté ; dans l'état de notre civilisation, il est
temps de renoncer à l'usage de ces grands mots :


_Despotisme,
arbitraire, pouvoir absolu ! Sans doute le despotisme est à
craindre; mais il ne l'est aujourd'hui que si le pouvoir légitime
reste désarmé devant les passions qui désunissent tous les élé-
mens de la société ! Si ce pouvoir reste sans force, un autre
pouvoir s'élevera tout armé sur ses ruines, et ce sera le despo-
tisme.La génération actuelle, la jeunesse qui s'élève autour
de nous, est, à l'égard de la révolution, comme les peuples qui
n'ont pas vu, qui ne connaissent pas celle qui nous enveloppe
encore Les jeunes gens semblent dire à leurs pères : Une révo-
lution ! nous la ferons bien mieux que vous ! Voilà le danger,
et le plus grand danger de la société. Assurez à la France, dans
sa chambre des députés, une représentation prise parmi les
hommes qui veulent, avant tout, le maintien de ce qui existe ,


d
ui sachent attendre du temps même les améliorations les plus
esirables, qui s'appliquent à faire sentir à la Fiance est


heureuse, la plus heureuse peut-être des nations qui couvrent
la surface du globe; qu'elle doit craindre, avant tout, de com-
promettre ce bonheur, et de perdre la réalité en courant après
de chimériques illusions.


Quant à notre système électoral, on peut tout dire, tout
souteniroout combattre avec une égale chaleur ; on peut in-
venter, multiplier les combinaisons les plus ingénieuses, depuis
l'élection par un sent, con nue à Rome (I); l'élection par le
sort, comme à Athènes; Pflection mixte du sort et des scru-
tins, comme à Venise ; l'élection directe, comme en Angle-
terre ; et l'élection &quatre degrés, comme en Espagne. Mais
ni les combinaisons, ni l'éloquence des paroles n'empêcheront
pie la société ne subisse les conséquences de ce qui ne sera pas
conforme à la nature des choses. Ainsi donc, parmi nous, tout
système qui fera prévaloir la mobilité perpétuelle des opinions
et des passions, sur la constance et la perpétuité des intérêts
collectifs et permanens de la société, détruira la société en fai-
sant irruption contre le pouvoir destiné à la conserver. Or,
qu'arriverait-il si la loi du 5 février était maintenue ? Je tremble-
rais de vous le dire , si la vérité qui s'appuie sur notre révolution
tout entière devait hésiter à se faire entendre, alors ente que
sa voix devrait être repoussée. Oui , il se pourrait alors que le
privilége dont on vous a fait hier, à cette tribune, une si re-


(1) Pour l'élection du roi. Le sénat nommait un magistrat, inter rex ,
qui élisait 1c roi.


( 237 )
doutable peinture, vint à régner en effet ; et alors, j'en con-
viens, il étendrait sur vous sou sceptre de lèr, qui ne tarderait
pas à devenir sanglant. Mais ce privilége ne serait pas celui dont
On vous a menacés; ce serait celui des hommes nourris dans les
principes d'une liberté que je ne craindrai pas d'appeler despo-
tique, de ces esprits exaltés par une espèce de fièvre que je
nomme à regret révolutionnaire, mais qu'il faut bien cependant
appeler par son nom ! Avec eux , l'histoire (le nos malheurs
serait bientôt recommencée, et la voie pour y arriver pourrait
être courte ; car, messieurs, supposez un moment le pouvoir
hors de la légitimité, que verrie'frvous et quel héritage laisserions-
nous à la postérité? Nous lui laisserions la révolution, moins les
forces vitales qui ont fait surgir notre patrie des ruines où elle
était ensevelie ! Le bonheur d'être bien gouverné est plus grand,
messieurs , soyez-en sûrs, que celui d'avoir soi-même une part
plus ou moins grande dans l'action du gouvernement. Eh
puisse-t-il m'être donné de voir la puissance paternelle de nos
rois confiée par noire auguste souverain à des mains assez fer-
mes, assez habiles pour la faire respecter et chérir autant qu'elle
mérite de l'être ! Sans doute la condition des choses est telle,
que nous ne pouvons prétendre à la certitude entière des résul-
tats. Mais si la connaissance de l'avenir nous est interdite sur les
effets de cette loi, du moins nous connaissons la loi qui nous
régit encore, et nous devons ne pas fermer les yeux sur l'état
actuel de la société tel qu'il est, et tel qu'il est impossible de le
méconnaître. Je vote pour l'adoption du projet.


(Un mouvement général d'adhésion dans toute la partie du
centre et de la droite éclate avec force lorsque M. le ministre


•descend de la tribune.)
M. de Corcelles. Depuis que nous discutons la loi sur les


élections, vous avez sans doute remarqué avec quel empresse-
ment M. le ministre cherche à nous persuader de son respect
pour la charte; nous l'avons entendu vanter ici, sans cesse, sa,
bonne foi, son amour pour la constitution , ses dispositions ac-
tuelles à ne violer ni l'esprit ni la lettre de la charte? Est-ce
donc pour montrer sa bonne foi et pour asseoir la charte sur
des fondemens inébranlables, qu'il renverse la plus constitution-
nelle de nos lois ?


Comment se fait-il qu'à Lyon, par exemple, les nombreux
amis de la charte ont été insultés impunément ces jours passés ?
Des hommes qui se montrent


jtouours à la veille (les mes événeens
sinistres, des forcenés ont parcouru la ville, dans l'ombre de la
'nuit, en criant : A bas la charte ! d bas les libéraux ! à bas




( 238 )
les députés du ccit," gauche ! et quantité d'autres infamies dignes
<le certains journaux non censurés qui provoquent chaque:Jour
le renversement de nos institutions, excitent les disseutions


ci-
viles, et contre lesquels pourtant les cours d'assises ne pro-
noncent pas dix mille francs d'amende et deux années d'empri-
sonnement.


Pourquoi le ministère ou les agens du pouvoir n'ont-ils in-
tenté aucune poursuite contre les auteurs et fauteurs d'un pareil
délit? pourquoi la censure a-t-elle étouffé la voix des fidèles
amans de la charte, lorsqu'ils ont cherché à réveiller l'attention
des députés contre cette audacieuse entreprise des ennemis de
la charte ? Aucun journal n'a eu la permission de dénoncer le
délit que je viens • de signaler. lin des ministres qui siège ici nous
avait bien promis de l'impartialité, mais il s'était gardé de nous
divulguer toute sa pensée.


Ce n'est pas tout : la conduite des agens du pouvoir a été
bien pins coupable à Grenoble. (Profond silence.) Les habitans
de cette ville, connaissant le vif attachement d'un auguste voya-
geur pour la charte, se sont empressés de le saluer, à son arri-
vée, par les acclamations les plus sincères de vive le Roi ! vive
la charte ! Ces acclamations ont importuné les oreilles de quel-
ques personnes de la suite du prince et celles de M. le preet.
Plusieurs habitans notables ont été arrêtés pour avoir crié vive
le Roi ! vive la charte ! La gendarmeries reçu l'ordre de pour-
suivre, le sabre à la main , les citoyens qui poussaient ces cris,
et enfin M. le préfet a porté la violence jusqu'à arracher l'é-
charpe d'un commissaire de police, et à le suspendre de ses
fonctions, parce qu'il n'avait: pas partae son indignation contre
les cris qui se (bisaient entendre.


C'est ainsi, messieurs, qu'on emprisonne les citoyens qui pro-
clament la charte, et qu'on laisse impunis ceux qui l'attaquent ;
voilà comment les ministres nous montrent leur respect pour
la lettre de cette charte. Que pourront-ils alléguer en laveur
de leurs subordonnés ? Mais ils ne répondront peut-être pas
aux faits que je dénonce, et que je déclare hautement être au-
thentiques et attestés par nos honorables collègues de l'Isère.
Il serait temps cependant qu'on nous expliquât le véritable but
de ces manoeuvres alarmantes pour toute la France. Mais il faut
que je vous parle de l'objet de nos délibérations.


Messieurs, la France touche au terme de son existence cons-
titutionnelle.


Le pouvoir, étrangement abusé sur ses droits, sur ceux de
cette chambre, droits que le pouvoir et nous tenons également


239 )
tonte-puissance nationale, s'abusant sur le sens réel d'uns>


charte qui nous régissait , qui devait le régir aussi; dédaignant
en fhi le mandat impératif sans lequel ni lui ni nous ne serions
rien ici; le pouvoir, dis-je, a tout osé ! Déjà,. pour assurer son
entreprise, il s'est armé de l'arbitraire. Un seul espoir restait
aux citoyens, un seul gage de la parole royale , la loi des élec-
tions; et voilà qu'un ministre assez téméraire pour tout ren-
verser, trop fitible cependant pour braver seul le cri de l'indi-
s,snation, s'est réfugie au sein d'une majorité qu'il grossit de son
propre vote ! C'est là qu'au milieu des siens il propose, ii déli-
bère, et qu'il essaie de remplacer, par le joug humilient d'une
faction, la garantie, sacrée de nos lois, comme s'il s'agissait, pour
enéantir les institutions d'an grand peuple, de lut opposer le
rang et le nombre de quelques complices !


Sans doute, messieurs, guidés par nos Seuls sermons , nous
eussions mieux obéi au devoir qu'ils nous imposent, eu nous re-
fusant à des débats évidemment attentatoires à l'esprit de notre
acte fondamental : toutefois nous nous sommes renfermés dans
une timide circonspection; et chacun répète que nous prépa-
rons sur nos bancs les funérailles de l'indépendance française.


Puisque, séduits par un dernier rayon (l'espérance, nous
avons à tel point encouru un reproche public ; puisque notre
apparente résignation a pu communiquer autour de nous un
sentiment de faiblesse, détruisons, par la plus inflexible résis-
tance, une aussi pernicieuse impression; alors, niais alors seu-
lement, la dignité nationale, l'indépendance de notre pays sor-
tiront victorieuses de ce dernier combat !


La France, pour soutenir notre résolution , prend à témoin
des lois dont elle attendait, avec le concours du temps et de la
bonne foi, sou bonheur et sa sécurité; des lois mille fois jurées,
et qu'aujourd'hui l'on vient lui ravir ! C'est nous qu'elle accu-
sera si nous souffrons pie le parjure la dégrade! Mandataires
-dévoués, rions répondrons à son appel en mettant à nu les hi-
deuses prétentions d'une faction exclusive et celles de l'arbi-
traire; d'un arbitraire qu'en plus d'une rencontre nous avons
terrassé lorsqu'il préludait à l'anéantissement de la charte : li-
vrons-le, il en est temps, à l'animadversion d'un peuple surpris,
outrage I


On s'étonnait en effet , et l'on s'affligeait d'avoir vu s'ouvrir,
SOUS les plus lugubres auspices, une session qu'il efit été si fa-
cile de présenter à la France colonie le ternie de ses anxiétés!


,:(pile disait au pouvoir, cette France que le pouvoir a méconnue :




( 24° )
Laissez-vous aller au paisible cours de l'opinion ; qu'auriez-vous
à redouter d'un peuple sage et généreux ?


Les plaies de l'état se fermaient ; on oubliait la folle tentative
de quelques ambitieux naguère fourvoyés à la poursuite d'une
institution chère à. tout Français ; de toutes parts les lois, reli-
gieusement observées , montraient une immense population
mitre pour leur perfectionnement; des charges publiques énor-
mes, mais supportées par un peuple patient et résigné, étaient
partout acquittées sans contrainte. Cependant, les grands, com-
blés de dignités, rassasiés de largesses, entouraient avec faste un
trône enrichi du tribut des provinces, et brillant d'un éclat sans
exemple après tant de calamités; l'agriculture, le commerce , le
crédit public, tout enfin autour de nous portait l'empreinte d'une
prospérité renaissante.


Eh bien ! messieurs, lorsque la France, pour confondre ses
calomniateurs, reconnaissait, proclamait cette consolante vérité,
lorsqu'elle excitait l'envie de ses rivaux, lorsque l'aven en était
arraché au pouvoir lui-même; quelle fut notre surprise, notre
douleur en le voyant paraître au milieu de nous, le front obs-
curci par le repoussant soupçon !


On était, disait-il, préoccupé d'une inquiétude vague, mais
réelle. En effet, messieurs, il courut un bruit que le pouvoir
roulait dans sa pensée mille projets sinistres; et vous vîtes à l'ins-
tant la France passer comme par magie du calme à l'agitation
un sombre avenir s'ouvrit devant nous, et chacun crut entre-
voir le spectre des révolutions.


Le pouvoir royal est trompé ! Tel fut le cri de la nation . ; ce
cri se fit entendre autour de nous et du fond des départeinens.
Des mains coupables ont aggloméré des nuages entre le peuple
et le trône : c'est à nous, messieurs, de porter au pied de ce
trône abusé les voeux du peuple; il entendra sa voix confiante ,
et les nuages de la calomnie seront dissipés.


La terrible révolution est encore présente à votre souvenir
tous ici nous l'avons traversée; échappés par prodige du fond
de cet abîme, nous connaissons ses redoutables détours; nous
avons blanchi dans les camps, gémi dans les cachots, dans les
proscriptions, dans l'exil. Nous avons tout vu, tout souffert;
rien désormais ne saurait nous étonner ; et, puisque les machi-
nateurs ont encore une fois levé le masque, puisque l'intrigue,
la séduction, la violence s'apprêtent à bouleverser les élérnens
de la représentation nationale, laissons du moins à la généra-
tion nouvelle un avis salutaire.


Disons-lui quelle main ouvrit l'antre des révolutions , quelle


( 24 1 )
/nain l'agrandit ! disons-lui sans cesse, de crainte qu'elle ne
l'oublie, que la duplicité, que le mépris des serinons préludè-
rent seuls à tous nos désastres ! disons-lui encore que la même
cause, et, sous d'autres couleurs, les mêmes hommes sont là qui


!
iamenacent


sce n'est


plus de la terrible révolution qu'il s'agit aujour-
nous


d'Irai : cheminant insensiblement avec les lu mières et les siècles,
elle apparut en 1 789; en vain on voulut la combattre : les peu-
ples Padoptèrent; elle est consommée.


C'est la contre-révolution que la France signale aux amis de
l'ordre et des lois. Nourrie au sein de la vengeance et des com-
plots, faible d'abord, menaçante bientôt, elle vient enfin de
quitter son ténébreux réduit : c'est elle seule que la France re-
doute. Oui, messieurs, la haineuse contre-révo-
lution , tantôt. par mille souplesses, tantôt par ses emportemens ,
pousse à leur ruine et la monarchie et la France.


'Voyez-là hier vous présentant avec un perfide sourire un ra-
meau d'olivier ; aujourd'hui bouleversant d'une main altière les
armées, l'administration, le culte, les lois, les hommes et 105
choses ; minant sans relâche le terrain si chèrement nivelé , si
douloureusement arrosé de larmes et de sang français; le terrain
sur lequel , après tant de triomphes et tant de revers, reposait
enfin l'édifice constitutionnel !


Voyez-là méditant dans son éternel égoïsme la ruine de mille
générations, plutôt que de se départir d'une seule de ses exclu-
sives vieilleries ! Naguère elle insultait à des vétérans couverts
de lauriers , elle les traînait dans la poussière, elle les immolait
froidement aux pieds de la France éplorée ; aujourd'hui qu'elle
va porter le dernier coup à nos libertés, à nos lois, elle brigue
leur alliance, elle leur tend la main, elle les embrasse.... Qu'ils
tremblent les imprudens ! leur gloire fut un crime qui l'accuse,
qu'elle ne peut pardonner : la terre, encore rougie du sang de
leurs valeureux frères d'armes, atteste son implacable haine ;
elle proclamait l'oubli ; elle les immola !


La France , lasse de tant d'épreuves douloureuses , aspirait
à la fixité de ses lois ; elle demandait le complément de ses ins-
titutions, on lui a répondu en le, anéantissant toutes ! On donc
est la foi jurée? Ce n'est plus dans l'ombre que l'on en médite
la dissolution, c'est à la tribune même qu'on nous propose, que
dis-je ! qu'on nous signifie leur ruine ! 'Vous l'avez entendu ,
on destine les bancs qu'occupent encore ici les fidèles défenseurs
des lois de la France à une aristocratie nouvelle


Et quelle aristocratie aujourd'hui se prétendrait au-dessus de
rira G




( 242 ).
nos droits? On e soin peur nous rassurer (le nous prévenir qu'elle
ne sera pas féodale. Sera-t-elle impériale ? Mais l'aristocratie
impériale , fière à-plus d'un Litre lorsqu'elle se tient à l'écart,
proscrite , exilée il y a si peu de jours, abreuvée de dédain
lorsque le vent de la fortune enfle les voiles de la contre-révo-
lution, ne se produit en sa présence qu'en fléchissant le genou.
On tenterait donc en vain d'improviser une nouvelle aristocratie
(pli ne fart ni méprisée ni dévorée par la seule qui nous menace
aujourd'hui , par celle qui n'a pas honte , l'invasion l'atteste ,
guida pas honte de se dire appuyée par les armes de l'étranger.
E t qu'on nous dise où l'on ne la retrouve pas ! Elle est partout;
seule elle obsède le trône, elle le séduit. A là tête de toutes les
administrations , de tous les tribunaux , si elle tremblait en-
core , le conseil-d'étal , vrai conseil de l'aristocratie , est là
pour l'encourager. ( DI! combien de nos malheureux dépar-
temens ont gémi de cette protection !) Ne l'avons-nous pas vue
dépouiller indignement du commandement de nos légions, mille
officiers dont les titres irrécusables étaient gravés sur leur front,
sur leur poitrine, par le fer ennemi ? ne l'avons-nous pas vue
condamner à l'affreuse mendicité les veuves , les orphelins des
défenseurs de la patrie, que chaque jour la pitié , la reconnais-
sance publique s'efforcent. (le secourir? Pouvait-elle se montrer
plus nkenac,:ante qu'en appelant auprès d'un trône que tous am-
bitionnaient de garder, et jusque dans nos cités, peuplées de
vétérans renommés en Europe, une aristocratie étrangère équi-
pée , urinée , et permanente en dépit do nos justes réclamations,
l'aristocratie tout-à-la-fois ruineuse et humiliante do Berne et
(les treize cantons? Il ne lui manquait , comme dans les jours
d'abus , que de rendre méconnaissable le sanctuaire d'une re-
ligion de pauvreté et d'humilité ; et déjà nous voyons , la foi en
gémit, les prélats de- l'aristocratie remplir avec faste les di-
gnités chaque jour plus enrichies, tandis que les respectables
desservsns , les humbles vicaires, à peine pourvus du nécessaire,
sont réduits la triste condition de malheureux prolétaires!
3. ;̀l«os lois enfin ne l'avaient - elles pas assez largement dotée en
créant pour elle seule la chambre des pairs ? Tant de précautions
n'ont pas suffi à la plus insatiable avidité ; ils voulaient, ils
veulent encore et de l'argent et des places , et pour en obtenir
ils reproduiront lié ut le temps des maires du palais.—Don-
nons à l'aristocratie, disent-ils , une double représentation, et,
di'it-elle tout bouleverser , siège en majorité dans la
chambre des députés ; que Ce dernier asile des libertés et des
lois de la France devienne Parsèmel de l'oligarchie restaurée !


( 243 )
Certes , voilà une heureuse combinaison ! Tenez-vous polir


avertis , roturiers, , car c'est le nom que vous allez re-
prendre , vous tous , nobles enfans de Jemmapes , de Ma-
rengo , d'Austerlitz , dlena et , je le dis le coma r navré de
douleur , vous , illustres victimes de Waterloo , quittez vos
lauriers , enduis de la France et de la victoire ! tendez hum-
blement vos mains à des chaînes qu'elles n'auraient jamais dit
secouer ! vous n'aurez plus de représentons; vos lois seront
renversées. Retournez à la glèbe, retournez à la corvée, vieux
guerriers que le boulet ennemi avait tant de fois respectés ! la-
bourez , semez pour l'aristocratie; c'est elle qui Vous l'ordonne,
c'est elle, affranchie de toute représentation nationale, libre de
toute loi importune , que bientôt vous allez voir assise sur les
débris du trône constitutionnel !


Ce trône paternel avait voulu garantir vos inaliénables droits ;
il avait , pour cimenter à jamais son alliance avec vous, judi-
cieusement tiré de votre sein une aristocratie de vertu , d'ému-
lation , d'indus! rie ; une aristocratie ne dédaignant personne,
incessamment ouverte au travail, à l'étude , inséparable des
bonnes moeurs , exempte d'injustes préventions, exempte de
souvenirs haineux et de vengeance : une aristocratie toujours
fière de la vraie noblesse , je dis la noblesse de l'àtne; adoptant,
Comme ses entims, et entourant de la même auréole les Bayard ,
les Turenne, les D'Aguesseau , les Kléber, les Desaix, les
Malesherbes ; une aristocratie enfin qui , n'excluant de son
choix que l'antipathie et le mépris avéré pour nos lois , répan-
dait le mouvement, la vie, toutes les vertus sociales au milieu
d'une population active, spirituelle et sensible au véritable hon-
neur! Ce trône, alors ami du peuple , avait donné naissance
aux sages et fidèles colléges électoraux.


Leur vivifiante action , depuis trois années en harmonie avec
l'autorité ro yale, ne cessait de régénérer' la France ; ils essuyaient
ses larmes après tant de jours de deuil ; éclairés dans leurs choix,
ils avaient successivement envoyé sur ces bancs des citoyens re-
commsndables par leers lumières , par leur inaltérable et longue
intégrité dans la magistrature ; des citoyens renommés dans les
lettres et dans les sciences , illustrés par la plus héroïque con-
duite à la tête de nos avinées ;. des citoyens ennoblis par la plus
stricte délicatesse, par leur sagacité dans la haute finance ; des
chefs de l'industrie nationale justement célèbres dans toute l'Eu-
rope, tous signalés par des gages certains du plus pur patrio-
tisme , d'une Mens


'a.-toute épreuve , et au milieu des-
quels des hommes dénués de toute sympathie nationale pour-




( 244 )
raient seuls ne pas s'énorgueillir d'être admis. Tous les cieurs,
en France s'abandonnaient à l'espoir et à la confiance ; mais une
ambition long-temps comprimée, cruellement. déçue au riant as-
pect de la prospérité publique , en avait frémi dans l'ombre.


Aujourd'hui elle ne craint plus de déclarer hautement ses fu-
nestes projets ; elle jette entre un peuple et un trône qu'une
mutuelle confiance avait unis , le fantôme suranné, de l'aristo-
cratie exclusive.


Le voilà qui s'avance , distribuant d'un air dédaigneux les
ridicules hochets de la vanité ; ses éclaireurs ont déjà de tous
côtés renversé les obstacles. Ils avaient mutilé la loi céleste de
l'oubli , le droit tutélaire de pétition;




ils ont détruit la li-
berté individuelle , la liberté de la presse' Ils ont tout dé-
truit , et ils disent avec une audacieuse ironie qu'ils maintien-
nent ! Vous les avez entendus crier lorsqu'ils préparaient les
voies : Il est une loi sortie du tabernacle des consciences, une
loi supérieure d la loi écrite, une loi de raison




Vous allez
dans peu les entendre proclamer la loi de l'intérêt public , cette
loi commode, à l'aide de laquelle toutes les factions nous ont
tour-à-tour déchirés ! Et voilà par quelles assertions mystiques,
par quel hypocrite étalage de perfections abstraites, toutes nos,
institutions, notre existence même , sont devenues de sophisme
en sophisme le butin des ambitieux !


ll existait en 89
ce tabernacle des consciences et de l'intérêt


public , et des ministres courtisans préludaient à notre révolu-
tion par le bilan de la France on Pin roquait , il vous souvient,
en qri , et les têtes tombaient sur l'échafaud on le substitua
en l'an 8 à la loi écrite , et nous fûmes décimés par le système
des conquêtes ! Nul doute qu'on lui dut les fautes qui amenèrent
les cent jours ; niais Dieu sait jusqu'oà ce tabernacle ambula-
t oire nous aurait conduits après les cent jours, si l'on ne se fût
hâté de revenir à la loi écrite ! C'est là, et là seulement., mes-
sieurs, que sera toujours notre salut. Cette prévoyante loi d'ail-
leurs plaça en première ligne des mandataires fidèles pour la dé-
fendre : la France, qui les envoie ici , compte sur eux.... Il n'y
aura point de traître dans cette assemblée ; c>poste d'honneur,
ce poste (le confiance sera pour chacun de nous, s'il le faut, les
Thermopyles..


Mais admirez , messieurs, par quelle étrange insinuation on
s'est flatté de nous porter au parjure ! On débute auprès de nous
par l'insulte la plus déclarée; on travestit en odieux soupçons la
considération et la confiance nationale qui nous entourent ; et,
,pour combler la Ille:én:Ci de l'outrage, on cherche à humilier la,


( 245 )
France, en versant à pleines mains le mépris sur le caractère
loyal de ses électeurs, des électeurs qui vous ont tous choisis


Des ministres tirés du sein de cette chambre , niais largement
défrayés par l'état, sans égard pour le désintéressement, la mo-
dération , la dignité de leurs collègues à toutes les époques de
leurs pénibles fonctions , viennent ici leur proposer de consentir
au lâche aveu que l'urne fût pour leurs noms une source impure.


' Nul doute , si j'en crois une noble pudeur dont. tout homme
de bien aime à se parer, nul doute que tons ici nous nous res-
pecterons trop pour nous flétrir ainsi nous-mêmes aux yeux de
la France, qui nous déclara ses élus.


Toutefois les fidèles mandataires de la nation sont placés dans
une région inaccessible au dédain , au dédain d'un ministre, et
l'affront retombe sur qui l'a jeté. La France a signalé le vrai
motifdu bouleversement qu'on nous propose... On vent, à l'aide
d'un simulacre de représentation nationale, faire disparaître un
passé qui accable ; on veut garder pour soi le monopole de l'ou-
bli , quitte au reste des Français de s'entre-déchirer pour des.
souvenirs.


La chambre des députés devient d'année en année plus na-
tionale et plus incorruptible ; elle n'offre do chance certaine
pour une majorité que dans le soulagement du peuple et dans
le respect des lois... — C'en est assez ! disent-ils ; hâtons-nous I.
Une telle chambre arrête nos projets ; une telle chambre doit
être dissoute. — Mais lorsque depuis trente années nous mar-
chons de révolution en révolution pour avoir fait, défait, refait
à chaque caprice du pouvoir nos institutions et nos lois ; lors-
que incessamment entraînés par sa marche envahissante, nous
avons vu mille fois le pouvoir mépriser , lacérer , feuler aux -
pieds ses promesses et nos lois, pour nous écraser ensuite dans.
son épouvantable chute ; lorsqu'enfin la fixité de ces lois, après
tant. d'essais téméraires , pouvait seule arrêter le débordement
de toutes les passions , de toutes les. ambitions qui nous me-
nacent , quels hommes viennent ici nous conseiller de rompre
les digues? à quels titres l'osent-ils ? Des sophistes qui se sont
épuisés en arguniens pour nous démontrer, il y a peu de mois,
précisément le contraire de ce qu'ils prétendent nous persuader
aujourd'hui ! des ambitieux , qui n'ont pas craint d'ébranler
par une entreprise subite et violente l'un des pouvoirs constitués
de l'état pour consolider Patinée dernière ce qu'ils démolissent ,
ce qu'ils se préparent à faire sauter par la mine cette année !


La nation sage, attachée à ses lois , soumise dans ses pensées
et dans son action , demande à mains jointes cette fixité dans


4




( 246 )
laquelle elle voit son bonheur; et des novateurs turbulens n'ont
pas honte en la révolutionnant de l'accuser d'être révolution-
naire ! lis reconnaissent , ils proclament que les bonnes lois
sont filles du temps, et tant est grande leur duplicité, qu'a
l'instant même leur dévorante ambition arrache le bénéfice du
t endis à (les lois que tout un peuple les conjurait de maintenir


Le ministére se joue , vous le voyez , de l'inviolabilité des
deux chambres; et bientôt, quand par le parjure il les aurait
avilies , le trône , sans base, sans confiance, sans considération,
serait la proie du premier audacieux. Voyez déjà par quelle ef-
frayante combinaison le.; seamens ne sembleraient descendus de
ce trône que pour abuser les peuples !


• Mnis le peuple les a ré-
pétés ; la France en a pris P.Europe à témoin ; c'est sur la relu
;;ion des sermens et la fixité des lois que désormais let rime doit
reposer : songez , messieurs, que c'est lui qu'ici nous étions
appelés à défendre bien plus que nous-mêmes


tud
Un ministère , long-temps circonscrit dans les étroites habi-
es d'une police vénale , ne pouvant s'élever à la hauteur de


la grande nation , ose l'appeler un parti. /1 s'est rapetissé dans
les lainons incohérens de 18 a 5 , qu'il affectait de mépriser , et
qui sont prêts à l'engloutir. Il a capté quelques voix dans cette
assemblée lorsqu'il aurait dû les compter dans la nation.... La
nation aussi les a comptées , car elle sait à quelle série elle est
parvenue !... La marche usurpatrice du ministère l'épouvante ,
et elle a dit : Plus de confiance ! l'arbitraire dst aux portes.
— Déjà la terreur a pénétré sous le toit domestique ; on frémit
et l'on s'arme au souvenir des catégories, des cachots, de l'exil,
des cours prévôtales , du fatal tombereau , des télégraphes san-
glons !


Qu'un seul cri , parti de cette enceinte , rallie tous les Fran-
çais' Réputés, magistrats, citoyens , soldats , tous vous
aviez juré de maintenir la charte, de la défendre.... On ose la
toucher ; malheur aux traîtres ! .... La loi proposée est. incons-
titutionnelle ; elle viole tous les principes ; partant elle est in-
admissible et indigne de discussion. Je vote le rejet absolu.


PI. Cornet-d'Incourt. Messieurs , l'effrayante solennité de
cette discussion, la véhémence des débats, la foule qui se presse
pour entendre vos paroles, l'attention inquiète qu'elles excitent
dans la Capitale , clans les provinces et jusques dans les pays
étrangers, tout annonce que jamais sujet plus grave n'agita les
esprits tout semble nous dire que, de cette urne muette qui
doit à son i our,


, lorsque Pl:eure du silence sera venue , remplacer
à la tribune tant de discours et tant d'orateurs, sortiront bientôt


( 247 )
les destinées de la France et peut-être celles de l'Europe. Ainsi
tout nous révèle l'importance et la gravité de cette discussion ;
chacun de nous en est pénétré, et quelle que soit d'ailleurs la
discordance de nos opinions , en cela du moins nous sommes
tous d'acord.


(Sans discuter le projet de loi , dont il vote l'adoption , sauf
les aniendemens qui seront proposés , l'orateur cherche à prou-
ver que la chambre est tout entière d'accord sur les faits et sur
les principes , et qu'il lui est facile de se mettre d'accord sur
les coiséquences , qu'il déduit de ces £bits et de ces principes.)


Lainé de Villéve'que. La voix de la patrie en deuil nous
ordonne donc encore de tenter ici un dernier effort pour y dé-
fendre ses libertés mourantes.


Dans ces tristes circonstances, votre indulgence, messieurs ,
excusera sans doute jusqu'à l'amertume involontaire des expres-
sions que nous inspireront, malgré nous, les apprêts des funé-
railles du gouvernement représentatif, entraînant peut-être dans
sa tombe la monarchie et la France elle-même.


Le dogme le plus cher au peuple fiançais, celui qu'il prérerd
peut-être à la liberté même, pour laquelle, depuis trente années•
il a fait tant de sacrifices et répandu tant de sang, c'est celui de
l'égalité.


Créer des privilèges réprouvés par la charte, en faveur de la
classe la plus imposée des électeurs, leur attribuer exclusive-
ment le droit de nommer les députés, c'est déshériter, c'est
outrager la masse générale des électeurs.


Mais si l'on aspire ouvertement encore à rendre héréditaire
ce droit d'élire et d'être éligible, n'est-ce pas élever à côté de la
pairie constitutionnelle une nouvelle aristocratie?


Une dénégation hautaine ne détruirait pas cette assertion,
j'y répondrais sans peine d'une manière bien puissante par l'é-
loquence des faits.


Organe trop imprévu, peut-être, de prétentions et d'espéran-
ces peu conformes à notre organisation politique actuelle , un
pair vient d'élever la voix , pour réclamer en faveur de tous les
citoyens, le droit de créer des majorats. Il a développé ce plan
avec un rare talent, sans doute, mais avec une naïveté, peut-


peu imprévoyante pour le moment présent.être un
La chambre des pairs a honoré cette proposition de sa prise


en considération.
Mais, que dis-je ! Le gouvernement reconnaît déjà dans tous


les citoyens, sanctionne, consacre tous les jours le droit d'insti-
tuer des majorats.




( 248 )
Alors, messieurs, je le demande à tons les hommes de bonne


foi, ie droit d'élire et d'être éligible ne sera-t-il pas ainsi rendu
héréditaire? line nouvelle aristocratie ne sera-t-elle pas ainsi lé-
galement constituée?


Certes, la loi que nous discutons n'est que le corollaire de la
conduite du gouvernement , et de la proposition du noble pair.


Osera•t-on soutenir que de pareilles institutions sont auto-
risées par la charte? par la charte, qui promène sur la tête de
tous les Français le niveau de l'égalité?


Pourrait-on prétendre encore qu'il est constitutionnel de dé-
pouiller les quatre cinquièmes des électeurs de la faculté d'élire
leurs re.présentans ? car présenter des candidats n'est pas élire.


De phis, la loi qui est soumise à vos discussions est perfide et
machiavélique dans ses combinaisons, puisque son but évident
est de haire triompher le voeu et les intérêts de la minorité,
contre le voeu et les intérêts de l'immense majorité. Pour y
parvenir, l'élévation du cens confère exclusivement aux phis im-
posés des départemens, le privilège d'élire les députés sur (les
listes de candidats.


Si l'histoire atteste à chaque page, que le pouvoir dans les
monarchies tempérées, aspre sans cesse A se rendre absolu ,
elle nous apprend aussi par l'exemple de tous les peuples, que
les principes oligarchiques y animent partout les citoyens les
plus distingués par leurs richesses ; ils s agitent sans cesse pour
que les places, les honneurs, l'influence, la domination, de-
viennent héréditaires dans leurs fimilles. Ils voudraient assurer
ainsi à leur postérité une prééminence éternelle dans l'état. Par
un miracle de la Providence, nos collèges suprêmes seraient-ils
donc exempts de ces principes, de ces espérances?
• Presque tous les départemens ont des arrondissemens où la


population électorale est très-bornée.'
Les diminutions successives et probables de l'imposition fon-


cière, les réduisent encore chaque année. Croira-t-on que l'es-
prit oligarchique des collèges électora ex 'des départemens n'exer-
cera pas une influence prépondérante sur une poignée d'électeurs,
et qu'il n'y dictera pas le choix des candidats lorsqu'il aura pour
auxiliaires le concours des associations mystérieuses, la facilité
d'y prendre un domicile légal sans V résider, le crédit, les ser-
vices, la puissance de quelques grands propriétaires? y sera-t-
il difficile à la richesse d'appeler à son aide la vénalité, la cor-
ruption , et de disposer ainsi de quelques suffrages pour déter-
miner l'élection? 11 suffit que l'oligarchie domine dans le plus
petit des arrondissmnens , pour que les NŒIIx dé l'immense


( 249 )
'majorité des citoyens soient foulés aux pieds par les collègessuprêmes. Dans l'arène législative, de pareils députés paraîtront-
ils aux yeux de la nation comme ses représentans, ou comme
les r 'un parti?Ql


concours inoui de circonstances, l'oligarchiei
eieni;sa ern t uai n s


d
n'obtînt pas une seule victoire sur la présentation des candidats
dans aucun arrondissement, livrée à un dépit jaloux, elle sa-
crifiera alors à la médiocrité : quiconofue aura montré des talens
sera impitoyablement écarté ; dans un gouvernement représen-
tatif, des adversaires sans talent sont à demi - vaincus; une pa-
reille loi enfin ne peut être que le triomphe de l'oligarchie ou
de la médiocrité.


D'autres orateurs ont déjà célébré l'ingénieuse prévoyance de
l'article 4, qui veut qu'un candidat, nommé par plusieurs col-
lèges d'arrondissement, soit remplacé dans ceux où il a eu le
moins de suffrages, par l'éligible qui, après lui, a obtenu le plus
de voix.


Ainsi, messieurs, un candidat, tout fier d'en avoir réuni
cinq ou six, viendra s'asseoir avec orgueil sur les gradins de la
candidature, et bientôt après sera imposé à la nation pour re-
présentant! Mais de plus cette loi est éminemment injurieuse
aux collèges électoraux et aux trois cinquièmes des députés.


Et, en effet, la loi du 5 février 181 7 a concentré le droit
d'élection dans les quatre - vingt mille citoyens les plus recom-
mandables par leurs richesses, leur éducation et leurs lumières,
ils sont devenus ainsi ses organes exclusifs pour l'élection des
députés. Où pouvait-on en effet rencontrer des hommes plus
intéressés que ceux-là, au maintien de l'ordre et de la tranquil-
lité, comme à la stabilité du trône constitutionnel? Etrangers
presque tous aux rêves de l'ambition, !as vertus civiques, les
vertus domestiques résident parmi eux.


A quel être raisonnable persuadera-t-on que les quatre - vingt
mille électeurs, l'élite des Français, sont des factieux , des
ennemis du trône, qu'ils aspirent à allumer les torches de la
guerre civile, à provoquer des bouleverseinens et des tempêtes?
Ne seraient-ils pas dévorés les premiers par l'incendie qu'ils au-
raient allumé?


La foudre des révolutions écrase indistinctement toutes les
têtes; victimes ou témoins de nos malheurs depuis trente ans,
certes, ils ne l'ont point oubliée.


Ah !.si de pareils hommes, nécessairement paisibles, deve-
naient rebelles ou séditieux, si leur niasse indignée tentait de
renverser le gouvernement, c'est lui que j'accuserais de ce for-




( 25o )
fait ; ses dilapidations, ses excès, ses violences seules, les au-
raient poussés au désespoir.


j Seules, elles auraient armé leurs mains innocentes et puresusqne-là, des brandons de la révolte, et du glaive de l'insur-
rection.


Non, non , la France n'est point la dupe des hypocrites
alarmes, des terreurs astucieuses qu'on affecte ; elle repousse
les soupçons et les outrages que l'on fait planer sur les électeurs
et les députés de la France. Et quels sont donc ceux-ci ?


Riches propriétaires, militaires couverts de gloire et de bles-
sures, magistrats ou hommes de loi distingués "par leurs talens
et leur intégrité, négocians habiles , étendant sur les deux
mondes leurs utiles spéculations, leur honorable activité , ma-
nufacturiers instruits, arrachant à force d'efforts et de travaux
le sceptre des arts et de l'industrie, à l'Angleterre, soustrayant
le consommateur français à son antique monopole, nourrissant
ales milliers d'ouvriers, dévoués sans eux aux vices et à la mi-
sère, oserait-on dire que la paix intérieure et extérieure n'est
pas le premier de leurs besoins , et le plus ardent de leurs
vœux ?


Parmi les trois cinquièmes (les membres de cette chambre,
irae proposition réprouvée par la charte, attentatoire aux droits
de la couronne, s'est-elle élevée au milieu de nous?


Ah ! plût à Dieu qu'on eût respecté les droits constitutionnels
et la misère de la nation , avec la mentie fidélité que nous
avons respecté et que nous respecterons toujours les prérogatives
de la couronne!


Ne savons-nous pas qu'elles sont tutélaires de la liberté, et
que c'est à l'ombre du trône légitime que la liberté s'élève et
prospère .? Défenseurs des libertés publiques, nous sommes par-
lé même les défenseurs du trône, car la charte qui les con-
sacre, est son véritable et son meilleur appui.


J'avouerai avec douleur, que depuis cette session, les cir-
constances ont: jeté une teinte lugubre dans cette enceinte : les
lois présentées, la crainte d'un avenir funeste ont réveillé la.
défiance , répandu les alarmes , et imprimé plus d'une fois à nos
débats un fâcheux caractère d'aigreur et d'animosité. Etrangers
à tous les partis, amis de la concorde, de la justice et de la.
paix, nous en avons gémi, nous qui voudrions essuyer toutes
les larmes, consoler toutes les infortunes, immoler toutes les
douleurs, toutes les haines sur l'autel de la patrie et de la royauté
légitime, nous qui dans tous les Français n'aspirons à ne voir à
jamais que des amis et des concitoyens!,


Mais, messieurs ce.de.a


( 25 i.)
sir si manifest e de l'autorité , de mutiler les collèges électorauxpour les asservir à ses volontés, à ses choix ; ces lois si impo-
litiques et si nécessaires, dont il a voulu entourer sa puissance,
cette soif d'arbitraire qu'il a manifestée dans tonte son ardeur,
n'excusaient- elles pas, j'en appelle à votre loyauté, la vivacité
des débats et la violence des oppositions?


DanS le svstérne actuel , les factieux, quelle que fût leur li-
vrée, seraient écartés, à coup sûr, par des électeurs nécessai-
rement amis de l'ordre et de la tranquillité, et qui ont tout à
redouter, des troubles et des fureurs des révolu; ions. Ainsi
appuyé sur le vœu de l'immense majorité de la nation, le gou-
vernement triompherait sans peine, des novateurs séditieux.
L'impuissance de dominer le monarque, ou d'agiter les peuples,
deviendrait leur supplice.


Mais d'après la loi présentée, avec des collèges oligarchiques,
la faible minorité de la nation lui offrira seule son vœu et son
secours ; et si ces collèges partagent les espérances, protègent
les prétentions de leurs 'délégués-à la chambre, ils y renverront
les mêmes hommes que la réélection aura rendus plus audacieux
et. plus entreprcuans. Alors, messieurs , le peuple fiançais et
le monarque lui-même seront courbés sous un joug aussi dur
qu'humiliant.


Choisie par la majorité, une chambre a nécessairement l'o-
pinion générale pour appui , et donne ainsi au gouvernement,
pour faire le bien et enchaîner les iàctions , une influence sans
bornes et un pouvoir sans limites ; niais, ouvrage de la minorité,
elle sera odieuse à la nation, elle sera à. ses veux souillée du vice
d'intrusion. •


La crainte seule commandera alors l'obéissance ; le peuple
regardera toujours, comme ses vrais, comme ses uniques repré-
sentons, ceux qui auront réuni l'immense majorité des voix
dans ses arrondissemens , et qui cependant auront été écartés
par les collèges départementaux. Mais que des calamités , des
revers, ou des famines, vinssent étendre sur notre malheureuse
patrie le voile de la consternation et de la douleur ; hélas! le
temps et l'infortune n'épargnent pas plus les empires que les
faibles et périssables humains !


Que l'arbitraire ministériel, enhardi par sa collusion avec une
chambre aveuglément dévouée, eût opprimé les peuples, indi-
gnés de leurs souffrances, de la violation de leurs priviléges , du
mépris qui aurait repoussé leurs plaintes , dédaigné ou incriminé
leurs pétitions ; les voilà qui s'agitent. N'avez-vous pas à crain-
dre alors, que ces vœux, ne provoquent la réunion de citoyens




( 252 )
qu'il aura vus honorés du choix d'une immense majorité , et qui
seront aigris encore par les choix injurieux des collèges supre.,
mes? Ardent à repousser une chambre qui aura négligé ou trahi
ses intérêts , le peuple ne verra que dans ses hommes , grandis à
ses yeux par l'injustice de l'exclusion, ses véritables représea_
tans, ses vengeurs et ses libérateurs. Fasse le ciel qu'on n'y
trouve pas alors les élémens d'une convention séditieuse! Hais,
détournons les yeux de dessus le torrent de calamités, qui fon-
drait. alors sur le trône ébranlé!


Quels peuvent être donc les motifs de sécurité qui enhardis-
sent à la téméraire tentative, d'alarmer, d'agiter ainsi la France,
pour mutiler les collèges électoraux et asservir la chambre?


Serait-ce des appuis occultes, dont on s'exagère la puissance
et le nombre? Un zèle honorable sans doute, dans des temps
malheureux, a pu enfanter des associations secrètes , dont la
défense du trône était l'objet. Mais de pareilles institutions de-
viennent bien facilement redoutables, et làtales même à l'au-
torité. Ouvrons le grand livre de l'histoire, et sachons, quand
il en est temps encore, profiter de ses redoutables leçons.


Ce fut en 15 7 6 qu'éclata cette ligue puissante, conçue par le
génie chi cardinal de Lorraine, et dont l'exécution avait été
suspendue par la mort prématurée de François de Guise, son
frère. Son but était, de défendre la religion catholique contre les
progrès de la religion protestante. Trop faible pour la dissoudre,
Iienri III crut signaler sa haute politique en s'en déclarant le
chef, et en lui donnant comme sous-chef le duc (l'Alençon,
son fière. Malgré sa résistance et son adresse, n'en fut-il pas
l'esclave?


Ah ! pour apprendre au gouvernement le danger de ces insti-
tutions , est-il donc ici besoin d'évoquer l'ombre de ce monar-
que infortuné, qui n'échappa à la honte du détrônement que par
le crime d'un assassinat ? Ignore-t-il que cette ligue lutta encore
huit anisées contre le courage, les victoires, la générosité et lajclémence de l'immortel Béarnais? Ah! que l'autorité n'oublieamais que les associations occultes peuvent menacer le trône
comme la liberté. Du reste, il est bien loin de ma pensée de
chercher par des examens imprudens, par des réflexions té-
méraires sur les événemens dont nous sommes témoins, à attiser
les passions déjà trop animées, et à secouer sur la France, les
brandons de la discorde.


Mais ce qui se fait et ce qui s'organise, l'esprit des lois rendues
et présentées, les calomnies et les insultes journalières, proté-
gées par la censure, et prodiguées à une minorité qui compte


( 253 )
,pourtant dans son sein des hommes honorés par des actes de s
dévouement, d'amour et de courage, envers d'augustes infortu-
nés, dans les temps les plus désastreux; tout révèle à l'inquié-
tude de la nation, le but auquel on veut atteindre. Ne voit-elle
pas clairement qu'à l'aide d'une chambre oligarchique , ou ser-
vile, on aspire à régner despotiquement sur la France , à arra-
cher impunément la dernière obole à sa misère, à éterniser les
désordres de l'administration , et les ténèbres de la comptabilité,
à faire enfin du gouvernement représentatif, un vain et funeste
simulacre , à l'aide duquel ou puisse étendre à jamais sur elle
les filets de l'arbitraire et en recueillir ainsi les profits sans en
courir les dangers? Le gouvernement représentatif ainsi corrom-
pu est le pire de tous les gouvernemens.


Et c'est pour cela qu'on fat 4,ue le monarque d'infidèles rap-
ports; c'est pour cela qu'on l'entoure de terreurs imaginaires ;
c'est pour cela qu'on lui montre sans cesse l'hydre de la démo-
cratie, ou plutôt le spectre sanglant de l'anarchie s'élançant de
la tombe de la révolution, pour dévorer son trône; c'est pour
cela que sans cesse en sa présence, on déverse le fiel de la calom-
nie, sur son peuple, sur ce peuple si patient., si résigné, si sen-
sible, sur ce peuple qui oublie tout si facilement, excepté la
gloire , l'honneur et les bienfaits ; sur ce peuple qui abaisse un
front si respectueux sous le joug sacré des lois, qui honore sa
détresse par sen patriotique empressement à acquitter sa dette
envers le trésor! Et voilà ce peuple magnanime, que des follicu-.
Lires, apôtres du pouvoir absolu, ont osé naguère, dans leurs
insolentes et présomptueuses prophéties, représenter honteuse-
ment asservi et foulé aux pieds par le despotisme et l'oligarchie,
sous l'allégorie d'un vil animal , d'un dogue qu'un maître impi-
toyable frappe et dompte avec le bâton, et enchaîne dans son
repaire !


Luprudens provocateurs! Les blessures d'un tel mépris sont
plus cruelles que celles de l'injustice et de la haine , elles neÎguérissent jamais ; on pardonne à la haine et: jamais au mépris.)epuis que la presse est soumise à la férule censoriale du minis-
tère, c'est avec ce respect, c'est avec cette décence, que sont
traités sans cesse et le peuple français, et ses reprèsentans, et
les principes libéraux consacrés par la charte. Qu'on aille donc
après cela étaler fastueusement dans la chambre des pairs, les
palmes de la partialité, qu'on aille s'y couronner du scandale de
la protection accordée à de pareils outrages!


Mais revenons aux conséquences de la loi présentée : d'élo-
quens orateurs ont démontré qu'elle devait nécessairement aine-




I
( 254 )


ner ici une chambre oligarchique eu servile , ennemies l'une et
l'antre des intérêts généraux et des libertés publiques. Alors re
peuple, qui par trente années de malheurs, par des torrens de
sang, par tant d'exploits et tant de gloire enfin, a payé le bien-
fait de la charte, serait plus esclave qu'avant la révolution. Alors
la sagesse de nos pères avait entouré l'autorité, toujours avide
d'usurper et de s'étendre, de puissantes barrières; le clergé, la
noblesse, les pays d'état retranchés derrière leurs antiques pri,
viléges, les provinces conquises invoquant la religion des traités;
les villes, les villes mêmes défendant leurs franchises municipa-
les ; ces grandes et puissantes corporations de cours souveraines;
investies de la haute-police, usant sans cesse du droit de pré-
senter au monarque, non d'insignifiantes, non d'obséquieuses
adresses, mais d'énergiques et nobles remontrances; toutes ces
institutions enfin, étaient des digues tutélaires, où venaient
souvent se briser les efforts du pouvoir absolu. Aujourd'hui,
messieurs , tout e disparu au milieu des tempêtes de la rév: du-
tion : une seule garantie reste au peuple français pour défendre
ses libertés, depuis que la presse est enchaînée, l'indépendance
de la chambre, et on veut la lui ravir !


Avec des lois filles de hi terreur, de la vénalité ou de la sé-
duction, avec des lois arrachées à l'imprévoyance de la docilité,
ou au délire de la confiance, on conspire aussi contre les libertés
publiques , et c'est la plus terrible manière de conspirer.


Du reste, pour intimider notre résistance à. des mesures des-
tructives des libertés publiques, on a fitit tonner; cette tribune
même, la menace d'un coup d'état. ou de moyens extrêmes.


Des coups d'état, des moyens extrêmes ! grand Dieu! mais
oser lancer la foud•e, est périlleux même pour ceux qui sont
appuyés sur la victoire, et assis sur des trophées.


Lorsque la France luttait si glorieusement contre l'Europe
conjurée, du sein de ses intrépides phalanges, un jeune guerrier,
un homme étonnant, s'élança tout-à-coup sur la scène da
monde. Audacieux, actif, intistigable, enfant gâté de la fortune,
enfànt chéri de la victoire, doué de grands miens, un coup d'état
remit dans ses mains un pouvoir que l'anarchie disputait alors à
la faiblesse et à l'incapacité. Mais brûlant d'ambition, idolâtre
du despotisme, immobint tout à ses vastes projets et à son
égoïsme, jaloux et dédaigneux , des coups d'état successifs,
couverts du manteau d'une honteuse Pectiné. rendirent son
pouvoir absolu. Quels en ont été les résultats? Aussitôt que la
victoire eut trahi ses drapeaux, odieux au peuple qu'il avilit si
long-temps ébloui , usais dont il avait rivé les fers, ce colosse


( 255 )
effrayant, qui quinze années sons ses pieds triomphais, avait,
foulé l'Europe asservie, qui quinze années sur la malheureuse


avait appesanti un sceptre de fer, caché sous des lau-France,
rirears c,est tombé, renversé, abandonné par ceux-là même qu'il
avait comblés d'honneurs et de richesses. Si les coups d'état.
de la force et de la gloire retombent ainsi sur leurs auteurs,
qu'arriverait-il donc des coups d'état de la faiblesse et de l'in-
trique?


Des extrêmes, des coups d'état! niais n'est-ce pas
apprendre au peuple que la force et la violence peuvent décider
de tout? Eh! s'il venait à son tour à profiter de vos déplorables
leçons, s'il venait à son tour é essayer des coups d'état ! ald
contemplez les débris des trônes et des empires , et sachez quels
sont les coups d'état des peuples irrités !


Et ce qui vient de se passer dans un royaume voisin, atteste
assez que les baïonnettes sont un frêle et dangereux appui pour
les trônes. Il n'est plus, pour les rendre inattaquables et indes-
tructibles, que l'amour et la. reconnaissance des citoyens, que
le respect le plus profond pour les lois de l'état et les libertés
publiques ; un prince qui dédaigne ces nobles moyens, trompé
par tons ceux qui l'entourent, vit au milieu des orages et s'en-
dort sur un volcan. C'est ainsi qu'en Espagne une conspiration
étouffée en faisait une nouvelle conspiration ; les supplices et les
tombeaux appelaient partout des vengeurs; et tant (l'exils et de
déportations, tous ces vastes cachots encombrés d'innombra-
bles victimes, tous ces échalhuds inondés de sang, ont-ils rendu.
le sceptre du monarque plus assuré?


Invoquer la force des armes pour gouverner coutre l'opinion
et l'intérêt général, c'est la plus insensée et la plus désastreuse
des entreprises. Non, la fidélité n'habite pas plus que la liberté
dans les tentes des prétoriens. Après avoir opprimé leur natrie
(que dis-je! les esclaves armés, les satellites mercenaires n'en
eurent jamais), leur avarice séditieuse met le trône à l'encan;
elle élève ou brise sans Cesse le monarque , qui n'est plus que
l'esclave titré d'une milice turbulente et fitctieuse. Malheur,
malheur à ceux qui réclament de tels appuis, pour s'asseoir sur
les débris des institutions nationales, et marcher insolemment
sur le cadavre des lois.


Et vous, ministres d'un Roi ami de la vérité, craindriez-
vous de la faire retentir à son oreille! Ah! dites-lui que vous
avez vu la loi présentée refusée dans son intérêt, dans l'intérêt
de ses sujets; rapportez lui qu'effrayés de tout ce uni se passe et
se prépare, t •erablans des dangers et des résultats de la nouvelle




( 256 )
loi, partageant les publiques alarmes, les regards douloureuse-
ment fixés sur la charte, vous nous avez vus pleurant sur les
ruines des libertés publiques, et peut-être sur celles de la mo-
narchie, de la légitimité et de la France. Je vote le rejet de la
loi.


La discussion est continuée au lendemain. La séance est levée
à six heures.


Séance du 1 9 mai.


La discussion se rétablit sur le projet de loi relatif aux élec-
tions.


M. de
Messieurs, vous avez à opérer sur un pays


nivelé et désorganisé par une longue révolution ; ce pays est dé-
pourvu d'agrégations , d'institutions secondaires ; les habitans
y sont réduits à la plus déplorable individualité; enfin , la loi
que vous allez voter doit être nécessairement uniforme, pro-
duire des résultats semblables d'un bout du royaume à l'autre,
et laisser ainsi aux erreurs, aux obstacles, à l'impuissance de
mieux faire , une conséquence dont les dangers se retrouveront
dans l'élection du plus petit comme du pins grand des départe-
mens de ce vaste empire. Aucune précaution n'est à négliger
dans cette situation, et c'est sous ce rapport que la mulliplica-e
tion des collèges et la division des droits introduits dans notreliïy
système électoral par la loi nouvelle , nie parait bien supérieure
à l'uniforme et dangereuse élection directe, établie par la loi
du 5 février.


Je demanderai aux enthousiastes de cette idée simple, aux
administrateurs de l'élection directe, si elle ne livre pas évi-
demment la totalité de la chambre des députés à une influence
unique ; si, pour connaître ce que sera cette influence, il ne
suffit pas de considérer la situation sociale de ceux que la loi
appellera en majorité à concourir à l'élection ; enfin si , une
fois la puissance de cette influence fondée et reconnue, la so-
ciété tout entière ne tombe pas à sa disposition ? je leur deman-
derai si c'est après une restauration miraculeuse, après un
épisode révolutionnaire comme celui des cent jours. après les
malheurs., les divisions et l'exaltation des esprits qui l'ont suivi,
qu'il est permis de confier ainsi tous nos intérêts, tous les pou-
voirs à un système électoral assez inflexible clans sa direction
pour briser dans les mains du monarque le droit de dissoudre la
chambre, avec quelque espoir d'en modifier les démens ; assez
exclusif clans ses résultats pour élaguer de la représentation


( 257 )
toutes les opinions , tous les intérêts qui ne seraient pas en rap-


p les intérêts et les passions de cette majo-i nation pour y être consacré dans quatre-iotér a vecassez feasi is la a
vingt mille individus seulement, &nit nu tiers est absent., un
tiers en opposition, ce qui réduit à près de trente mille les
individus auxquels cc système livre notre pays, sans aucune
chance légale d'échapper à sa domination?


A vant de contester l'inflexibilité et les dangers de cette di-
rection, que les défenseurs de du 5 février nous disent si,
depuis qu'elle existe, le Roi aurait pu sans danger dissoudre la
chambre des députés ; avant de contester la tendance exclusive
de cette discussion, que les défenseurs de la loi du 5 févrierjustifient les exclusions qu'elle a prononcées; qu'ils parcourentla liste de ces exclus, ils y trouveront plus d'une révélation.


On doit juger les résultats de l'élection directe parla direc-
tion probable de l'influence à laquelle cédera la majorité alpe-.
lée. Or, dans le système actuel, cc sont les citoyens qui offrent.
le moins les garanties voulues par la charte auxquels on g livré
la majorité dans les collèges électoraux ; c'est aux habitans des
villes, à l'exclusion des habitans des campagnes, c'est aux for-
tuite mobiliaires et - industrielles, au préjudice des fortunes
immobiliaires et territoriales.; et , comme pour donner plus de
latitude à ces dangereuses dispositions , on a choisi le mode do
réunir les collèges et de recueillir les votes, le plus propre à fa-.
voriser l'action de l'intrigue , la domination des partis ,
s'étonner si nous apercevons tous les présages, si nous enten-
dons toutes les menaces qui précèdent les révolutions ?


L'élection directe, ainsi organisée, vous mène tout droit au
renversement inévitable de l'ordre établi. Vainement nous
offrez-vous pour ressource le déplorable système des conces-
sions; il a été vanté et n'a pas réussi. Voyez l'usage qu'on en a
fait, et calculez où vous arriveriez bientôt en suivant cette voie
de faiblesse et de déception. Les gouvernemens ne se sauvent
pas, ils se perdent en cédant aux. principes et aux doctrines
qui sont incompatibles avec leur conservation.Vainement a-t-on
différé, dans l'espoir de quelque effet salutaire du système de
concession, d'employer le remède indiqué par la cause du mal,
on n'a fait qu'atténuer son efficacité , qu'accroître les obstacles.
à son application. Et quand on vient aujourd'hui nous proposer
d'attendre et de faire encore une nouvelle expérience, nous
sommes autorisés à demander ce que nous deviendrons si elle ne
réussit pas; et lorsqu'on nous répond qu'il sera temps alors d'en
tenir aux modifications qu'on repousse aujourd'hui , nous


1 7




( 258 }
sommes autorisés à craindre qu'il n'en fût plus temps alors
puisqu'a peine en est-il temps aujourd'hui.


Le remède au mal qui menace nos institutions, qui agite les
esprits , qui met le gouvernement dans l'impossibilité do nous
protéger et de nous garantir de convulsions nouvelles , c'est la
modification de notre système électoral. La faiblesse de nos ins-
titutions, ou nouvellement restaurées ou nouvellement établies,
ne nous permet pas de supporter la force et la rudesse de l'élec-
tion directe telle qu'elle vous a été donnée ; nous devons lui
substituer un mode combiné dont les frottemens adoucissent
l'impulsion, dont la base garantisse la direction dans le sens de
la conservation et de la stabilité du gouvernement représentatif
que nous voulons fonder.


«Dans un état, pour que la représentation soit juste et ade.e
» quate ( dit Burke dans ses Belexions sur la Révolution Fran-
» çaise), il faut qu'elle représente et ses talens et sa propriété ;
D) niais comme les talens ont une espèce de chaleur vitale qui
» tient à un principe entreprenant et actif, et comme la pro-
» priété au contraire est par sa nature paresseuse, inerte et ti-
» mide , elle ne pourrait jamais être à l'abri des invasions de ce
» principe actif, si on ne lei accordait pas dans la représentation
» un avantage au-delà de toute proportion. Elle doit être repré-
» sentée aussi par une grande masse d'accumulation, autrement
» elle ne serait pas assez bien partagée. L'essence caractéris-
Di tique de la propriété, essence qui dérive des principes coin-
» binés de son acquisition et de sa conservation, est d'être iné-
» gale ; c'est pourquoi les grandes niasses qui excitent l'envie et
» qui tentent la cupidité, doivent être mises hors de la crainte
» d'aucun danger ; alors les grandes masses forment un rempart
» naturel qui met à l'abri toutes les propriétés moins grandes,
» dans quelque proportion qu'elles décroissent. Une même
» masse de propriétés, lorsqu'elle est subdivisée par le cours
» ordinaire des choses entre un plus grand nombre d'individus,
» ne procure plus les mêmes avantages ; sa puissance défensive
3) s'affaiblit à mesure qu'elle se subdivise par de tels partages; la
D) portion de chaque individu devenant moins grande que celle
D) que, dans l'ardeur de ses desirs , il peut se flatter d'obtenir en
» dissipant les grandes accumulations des autres. » Q/aand. Burke
aurait prévu le mode d'élection dont nous venons de faire !'es-
sai, il n'aurait pu en faire une critique plus applicable.




Dans un pais tourmenté pendant trente ans par la plus ter-
rible révolution ; dans un pays où les confiscations avaient
ébranlé la confiance dans la stabilité de la . propriété ; dans un.


(a5 )
pays où les lois civiles , d'accord avec l'impulsion donnée a„,


, provoquent et réalisent avec une effrayante rapidité le
oPitre:1 em en t des gra des niasses de propriété, la loi d'élection
donné la majorité dans toits les collèges à la plus petite por-


tion de propriété qui pouvait y être appelée, et à compléter par
ce système l'anéantissement de l'influence salutaire que les légis-
lateurs de tous les temps avaient cherché à donner à la propriété
foncière sur les élections.


Et qu'on ne croie pas pouvoir avec succès nous détourner ici
de la grande question politique que nous devons approfondir,
on la dénaturer en lui substituant des considérations passion-
nées, en rappelant des institutions abolies. Peu de mots suffi-
ront pour écarter ce vain obstacle, et ramener la discussion dans
les termes de la vérité. C'est une institution que nous devons
chercher à fonder, et non un privilège ou une arme que nous
avons l'intention d'accorder à une classe ou à un parti Qu'on
repousse du projet de loi les dispositions qui seraient entachées
de ce vice; qu'on ne conteste pas les autres. :Nous ne voulons
pas plus que vous ressusciter une aristocratie morte depuis plus
long-temps que vous ne croyez peut-être; muais vous ne devez
pas plus que nous vous refuser à l'application, dans notre
mode d'élection , des principes sur lesquels la distribution des
droits politiques a été opérée dans tous les temps et dans tous
les lieux.


A Athènes, les citoyens étaient divisés en quatre tribus, se-
lon leur revenu, et non d'après leur nombre. A Rome, la pre-
mière classe, composée de ceux qui possédaient cinq mille cinq
cents francs de revenu, avait quatre-vingts voix dans les comices,
par centurie. Les cinq antres tribus n'en avaient entr'elles que
quatre-vingt-quinze. Eu Angleterre, le mode varié des élec-
tions , l'influence dominante de la grande propriété sur les deux
tiers, vous découvre la base sur L'entelle repose cette robuste
constitution, un des plus beaux produits que le génie social ait
présenté an monde, et vous donne l'explication de cette force
occulte qui, garantissant toujours la majorité dans la chambre
des comm.


unes aux opinions. conservatrices de l'ordre établi ,
permet de livrer quelques élections, dont on fait grand bruit , à
la plus complète démocratie, et donne à
jouir dans ses institutions d'une telle liberté, que nul autre ne


ce peuple le moyen e


pourrait les adopter sans tomber bientôt dans la plus déplorable
anarchie, s'il ne suppléait, alitant qu'il serait en lui, à la digue
imposante qui le contient. en Angleterre.


Vainement veut-ou nous opp.)ser la taxe des pauvres et la




( 26o )
révolte des ouvriers, pour nous faire redouter l'influence de la
propriété; nous répondrons que ces deux iléaux de l'Angleterre
nous paraissent appartenir bien plus à l'Angleterre commer-
çante et. manufacturière, qu'a l'Angleterre agricole , et que,
dans tons les cas, nous sommes si loin de toute comparaison
avec elle, sous les rapports de la concentration de la propriété,
que, d'ici à plusieurs siècles, vous n'avez rien à redouter de
semblable. Enfin, c'est de la représentation parlementaire que
j'entretiens la chambre en ce moment , et non de l'organisation
de la propriété.


Vainement encore m'opposerait-on la différence de situation
entre l'aristocratie anglaise et celle qui existait en France. L'a-
ristocratie, je le répète, est tout-à-fait étrangère à la question
que je traite, puisque personne ne fait la demande absurde de
la rATablir ; c'est un épouvantail avec lequel on peut exciter
quelques passions; mais nous ne p011Y011S nous supposer, ni les
uns ni les autres, assez simples pour y croire. ll ne s'agit ici que
du la propriété sans privilege, telle que nous la possédons tous,
telle que tout le monde peut l'acquérir et la posséder; il ne
peut exister ni prévention ni hostilité contre elle ; s'il en exis-
tait, ce serait à la loi à y suppléer, en lui accordant des droits
plus grands : ce serait à nous à chercher les moyens de détruire
cette pri.vtru;.ion , cul elle serait. l'ennemie la plus redoutable de
nos•instit litions et de l'ordre social lui-même. C'est encore dans
cet int..-rêt de conservation que vous devez éviter d'introduire
dans votre • système éleennnti plus de démocratie que ne crurent
pouvoir en supporter les républiques de l'antiquité, que n'en
renferme la constitution qui parait. avoir servi de modèle à celle
dont nous sommes appelés à réformer le système électoral.
( Mouvement d'adhésion à droite.)


Mais aussitôt qu'il s'agit de l'influence de la propriété sur nos
élections , on demande s'il ne suffit pas -de la chambre des pairs
pour défendre les intérêts defs grande propriété ; je réponds en
demandant moi-même : Qui défendra la chambre des pairs, et
ses priviléges héréditaires, et ses majorats, si vous ne l'appuyez
sur une chambre des députés fondée sur la propriété non privilé-
giée, sur une chambre des députés dont l'élection soit confiée à
un in 'y rassurant , et la base appuyée sur des intérêts consistans
et s: Si, au contraire, vous établissez auprès de la cham-
bre •. es pairs une chambre dont l'existence soit en oppositicnit;
dHecte avec la sienne, au lieu de se soutenir mutuellement, ce s
deux institutions ne seront occupées qu'a se combattre, et


( 261 )
libertés périront par les , moyens mêmes qui avaient été pris
pour les garantir. (Même mouvement. )


On demande encore si les droits électoraux ne sont pas assez
restreints dans un pays connue la France, lorsqu'ils sont con-
centrés dans les cent mille les plus imposés du royaume. Je
réponds à ceux-ci que ce n'est pas du nombre d'électeurs appe-
lés . à concourir que vient le mal, .mais du mode adopté pour ce
concours, qui ôte toute influence à la propriété. Ce résultat,
quand il est la conséquence de l'appel de cent mille électeurs
seulement, n'accuse que plus évidemment le déplorable état de
votre propriété, tellement morcelée, tellement dépourvue de
force, d'influence et de stabilité, qu'encore quelques g:méra-
tions, et il n'en existera plus de parcelle qui soit de quelque
importance.


Ce malheur, qui est un des plus fertiles en conséquences
effrayantes pour notre avenir, menace déjà si directement la
stabilité du gouvernement et la défense de nos libertés, qu'au
lieu de prouver que la propriété n'exige pas de nouvelles garen-
ties , il prouve au contraire que, dans l'état de débilité auquel
elle est réduite, vous ne sauriez trop lui en donner, si vous vou-
lez préserver le gouvernement des atteintes des factions, et si
d'autre part vous voulez contenir la tendance du pouvoir à tout
envahir, sans recourir aux voies ana i .chiques et révolutionnaires,
dernières et terribles ressources des pays sans intermédiaires
suffisaus entre les rois et les peuples.


.D'ailleurs,.cst-elle donsl'intéret de la propriété foncière cette
exclusion qu'on nous oppose des .cito ‘-e n, ne pavant pas trois
cents francs, vivant du travail que leur la.propriété , et
qui eussent usé en sa faveur des droits du pet:tic:per à 1 élection ,
puisqu'ils ne pouvaient les utiliser pour eux-mêmes?Leur part i-
cipation ne pouvant consister que dans le choix de quelques élec-
teurs parmi ceux que la loi autorise à le devenir, quelle conkbi-
raison vouliez-cons que ces choix menassent „plus centraires
aux intérêts de la propriété que celle de la loi actuelle? Prenez
le dei, je vous le livre ; ils ne peuvent produire aucune chance
tous
plus flieltsalieleàcliaeuprrsopriét é que celle que nous avons. En appelant


semble dans ibn seul
du
la


minorité dans tons nos


département
a


t à votre en-


moindre, sur


u


le elle




snuortaiitn e e.,:eri.egrr:,tuncdueniemionpfiruiéetné enc ,


pas lente celle de fla t , l'eges


présence d'une propriété


plus naturelle est la
propriété. Que pouvait
de 1


eestyeszvoilei s a; ucea ipnlstpisirsectvgereatndle


amener e p us contraire a son influence




( 262. )
l'intervention d'un plus grand nombre de citoyens pour choisir
les électeurs? (Même mouvement. )


On n beaucoup dit., dans cette discussion, que les élections
exprimaient l'opinion publique, mais on a négligé d'ajouter,
conormétnent au ton sur lequel avait été monté rustru ment
électoral. C'est là toute la morale de cette discussion, tout le
secret de nos débats ; si les élections exprimaient l'opinion
publique, que nous importerait la difUn-enee des combinaisons
électorales? n'auraient-elles pas toutes le même résultat? Que
ceux qui, comme le (lisait b ier M. le ministre des effiiires étran-
gères, ne croient pas le pouvoir des révolutions du côté que
favorise la loi du 5 février, votent pour son maintien. Pour
moi, je vote en fitveur des modifications que renferme le projet
présenté.


(Un mouvement général d'adhésion éclate au centre et à
droite. —Une longue et-vive agitation succède à ce discours. ) '


Terearer. , qu'es avoir établi que l'aristocratie est re-
présentée dans la chambre des pairs, et. qu'elle ne doit se trouver
naturellement que là; que la France ne jouit que depuis la loi
de 181 7 d'une véritable et libre représentation, l'orateur ajoute:
Si après avoir recueilli l'avis du conseil d'état, composé de tant
d'hommes généreux et instruits , qui, par des raisons qu'on ne
peut définir, n'ont pas été, à ce qu'on prétend, entendus pour
une chose aussi importante ( mouvement à gauche); si, après
y avoir bien réfléchi, MM. les ministres se hissent contentés de
nous proposer des modifications à la loi actuelle, dans l'inten-
tion de rendre les choix plus faciles et meilleurs, personne
parmi nous, aucun de ceux qui ont marché avec le ministère
aussi long-temps qu'ils l'ont vu se diriger, quoique faiblement,
dans la ligne du bien public, ne se serait refusé .à. l'adopter. (Ad-
hésion au centre de gauche et à gauche.) Mais après avoir vu op-
poser à la loi vraiment nationale et constitutionnelle qui existe,
un projet si contraire il l'esprit de la charte; quand nous voyons
aujourd'hui retirer le premier projet, moins peut-être, comme
je l'ai dit d'abord, par déférence pour l'opinion publique , que
parce qu'il n'était pas assez conforme aux. vues du parti qui
gouverne le ministère à son insu, et lui fait porter la peine de
ses funestes tergiversations; quand nous voyons paraître une
nouvelle conception qui met à la discrétion de l'oligarchie et
la représentation nationale et les destins de la nation, qu'il
déshérite (le ses droits les plus chers , notre conscience se refuse
à un tel scandale; nous reculons épouvantés des maux qui se-
ront le résultat du piège dans lequel est tombé le ministère,


( 263 )
et que nous avions signalé dans un temps où il pouvait encore
l'éviter.


Oui, messieurs, si le ministère, au lieu de suivre la route
tortueuse et embarrassée dans laquelle il s'est engagé; au lieu
d'entraîner le char (le l'état vers le précipice qui est à droite,.
dans la crainte de le voir tomber dans celui qui se trouve à
gauche , avait marché d'une manière plus franche et plus cons-
titutionnelle, il n'eût pas été réduit à chercher hors de la
charte, par des lois qui prêtent tant à l'arbitraire, un appui
momentané sur lequel il ne peut fonder aucune sécurité, et qui,
en provoquant sa chute, compromet si évidemment la tranquillité
publique.


Dominé par le parti auquel il s'est soumis, il ne peut plus rien
lui refuser ; il n'est plus qu'un instrument que l'oligarchie bri-
sera quand elle croira ne plus en avoir besoin. (Des. murmures


voix - : Qu'estet quelques rires s'élèvent à droite Phisieur.s
ce donc que l'oligarchie?)


Mais depuis la seconde restauration , quelle a été la con-
duite du ministère? Complaisant pour le parti vainqueur, par
l'appui des étrangers, jusqu'au 5 septembre; constitutionnel à
cette époque ; depuis lors, faible et incertain ; ménageant les
partis au lieu de les comprimer, les fortifiant au lieu de les
fondre et de les paralyser ; par-là il s'est suscité à lui-même des
embarras desquels il n'a pu sortir que par des scissions déplo-
rables et des retraites Lécheuses dans des moniens désastreux.


Si de l'examen (lu système ministériel , en général , nous
passons à celui de chaque ministère en particulier, on verra
s'il est de l'interêt de la nation d'accueillir un projet dont le
but et l'effet nécessaires sont de soustraire l'administration au
contrôle de l'opinion publique. Vingt-huit ministres se sont
succédés ( sensation générale) avec une rapidité qui leur a per-
mis à peine de voir comment leurs bureaux ou leurs subor-
donnés s'étaient emparés véritablement de tout le pouvoir.
(Foix gauche : Bien! très-bien )


Car enfin, messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, les mi-
nistres ne sont plus aujourd'hui que les avocats et les défenseurs,
responsables ou non, de cet ordre de choses si dispendieux et si
malheureux à-la-ibis.


Quels avantages la France doit-elle au ministère des affaires
étrangères, par exemple? Quels sont les traités de commerce


. qui ont favorisé notre agriculture et notre industrie? L'a-t-on
vu , par des alliances avantageuses et par l'habileté de ses négo-
ciations , replacer la France au rang qu'elle doit tenir parmi les




( 264 )
nations *de l'Europe? l'a-t -on vu, en échange de la puissance
continentale, que vingt ans de victoires nous avaient acquise s


de-
mander la liberté et l'égalité . du commerce des mers? (Des
murmures s'élèvent au centre et à droite. )


Que devons-nous dire au ministère de la marine ,
vient nous apporter un budget de quarante-quatre à cinquante
millions? comment juger du plus ou moins de nécessité d'une
telle dépense, quand nous ignorons dans quelles vues elle est
faite, et quels résultats elle doit produire?


En cas ch,
rupture avec l'Angleterre, notre marine protégera-


t-elle assez puissamment nos colonies et notre commerce? sera-
t- elle assez forte pour nous placer à la tête de la coalition de
l'ancien et du nouveau monde, que produira nécessairement
contre l'Angleterre le premier coup de canon qui sera tiré sur
la mer, si cette puissance prétend soutenir son odieux droie.de
visite? ( Vive impression en sens divers. )






Ne pouvons-nous pas demander également aur ministère de
la justice si, depuis


• a restauration , il a su améliorer notre lé-
gislation ? pourquoi il ne nous a pas proposé une loi réformatrice
`du Code de commerce, particulièrement pour ce qui est relatif
aux faillites? ( Voix au centre : Tout cela est hors de la question !)


Ne pouvons-nous pas demander au -ministère de l'intérieur,
pourquoi, à la place des jurandes ; des maîtrises et des corpo-
rations, dont la révolntion a fait justice, il n'a pas 'cherché à
substituer de fortes mesures de police relatives aux manufactures
et au commerce en gros et en détail , des mesures qui, én écar-
tant la licence et les abus, lui assurent la liberté? (Mêmes in-
terru ptions


Un mouvement d'adhésion éclate à gauche


Bien ! bien !
Pourquoi il ne nous a encore rien proposé contre les abus du


colportage, qui excite tant et de si vies réclamations ?
Quel les sont les mesures qu'il a prises pour prévenir la disette


des subsistances, et épargner les sommes immenses qui ont été
dépensées en 816 et 3817 ? A-t-il pris des mesures tendant à
éviter de pareils malheurs si pareille circonstance se présentait ?


Pourquoi laisse-t-il ensevelir dans les cartons le résultat des
travaux desconseils-généraux du commerce et dés man ufitctures,
des .chambres consultatives? Serait-ce parce que leurs réclama-
tions déplaisent à ce parti qui voudrait nous rendre les corpo-
rations et les maîtrises, et qui, ponr cela , exagère les abus
d'une licence qu'il serait facile de réprimer ?(Vive sensation à
gauche. ) Ne poiivons-nous pas lui demander quel parti il a su
tirer des observations des réclamations, des projets présentés


( 265 )


par ses conseils ? si les manufactures sont devenues plus floris-commerce plus actif? si l'industrie et l'agriculture
sortteésté l)protégées rotégées comme elles devaient l'être? si des communi-
cations plus faciles dpar terre ,et surtout par eau , ont rouvert
les grandesr pms


. it
s sources de la prospérité nationale? si tout a été fait


pour pourquoi il ne nous a pas encore
présenté sa loi st les administrations départementales et muni-
cipales, attendue et promise depuis si long-temps, et dont
l'absence se fait sentir tous les j ours davantage, à mesure que
nous voulons marcher dans l'ordre constitutionnel ? pourquoi,


missionsles portaient avec elles le germe delorsqu'il a vu que
la discorde civile , il ne les a pas arrêtées? (La droite éclate en
murmures en même temps que la gauche en signes d'adhésion.)


Pourquoi, depuis cinq ans, il ne nous a pas encore présenté
un projet de loi qui organise la garde nationale? ( Interruption
à droite. Plusieurs -voix : Ah ! nous y voilà! ) Qu'est devenu
le travail, achevé depuis dix-huit mois, d'une commission qui
l'a rédigé dans l'intention de confier la farce armée de l'intérieur
à ceux qui ont le plus d'intérêt à la conservation de l'ordre so-
cial? Ne pouvons-nous ,pas lui demander s'il a songé au mal
qu'eût épargné, en 1.81.) , un amalgame bien combiné de Par-
mée de ligne avec la garde nationale, le soin de rendre la
première plus citoyenne et la seconde plus militaire?


Hélas ! la seconde invasion n'eût pas eu lieu! et nous prévien-
drions peut-être encore bien des malheurs par une telle disposi-
tion , qui serait en même temps la source de grandes économies,
par la réduction possible de l'armée de ligne ;car les nations qui
ont le bonheur de vivre sous un gouvernement monarchique
constitutionnel, ne faisant pas la guerre pour satisfaire l'ambi-
tion ou la vengeance des princes, mais uniquement pour leur
légiti nie défense , tout citoyen presque doit être un soldat; cette
leismt stseermriendéee,vient paisible, productive aussitôt que la guerre


et les crises sont. d'autant plus rares, que la nation
peut développer une force immense.


Je ne dois
-


le ministre de
pas




la guerre
cependant mécounaitre les services rendus par


cette loi de recrutement,
ffnei


l (On rit à droite) , qui nous a proposé
que chacun s'accorde à reconnaître


comme étant parfaitement dans l'esprit constitutionnel. ( Très-
vif mouvement d'adhésion à gauche.)


Je demanderai encore aux 'Ministres des finances pli se sont
succédés depuis 1814 , s'ils ont fait les efforts convenables pour
nons procurerr c rer des économies dans le recouvrement général del




( 266 )
Pourquoi ces fraisale perception s'élèvent-ils à cent vingt-


rois miilions, ou près de vingt pour cent d'une recette de se
' pe


cent millions, tandis que M. Necleee ne les .faisait monter qu'a
quatre, huit et douze pour cent, dans un temps on la variété
des contributions, la distinction et la difflrence privilégiée des.
provinces rendait Je système de perception bien plus compliqué?
et dans un pays voisin , ces mêmes frais ne montaient qu'l
quatre pour cent de recette?


Enfin, je le demande à MM. les ministres du Roi tous en-
semble, si, dans la distribution des places, ils n'ont consulté
que l'économie , que le dévouement des candidats pour la mo-
narchie constitutionnelle, que le bien-être et la tranquillité
publique, ou si, au contraire, ceux qui ont manifesté leur
Daine pour les principes du pacte social, ceux qui les ont qua-
lifiés de doctrines dangereuses, n'ont pas souvent obtenu la
préférence? si ou ne l'a pas également accordée souvent à des
hommes qui se sont rendus remarplafles bien plus par leur
promptitude et leur dévouement pour l'exécution des mesures
arbitraires du chef du dernier gouvernement, que parles ser-
vices rendus à la patrie? Enfin , je demande si les ministres
n'ont jamais cédé aux sollicitations scandaleuses et importunes,
à la brigue, à la faveur et aux craintes de plus d'un genre,
surtout à celle de perdre leur place? (Mouvement en sens
divers. )


Je ne dissimule pas an reste , messieurs, quels sont les cm.
barras dans lesquels les ministres du Roi ont pu se trouver à la
suite des bouleversemens qui ont ébranlé l'ordre social jusque
dans ses fondemens , et je sais qu'une grande part d'indulgence
doit leur être accordée; aussi n'entreprendrai-je pas de verser
sur tous un blâme que quelques-uns d'entre eux sont loin de
mériter.


Je ne veux tirer seulement de ce que je viens d'exposer
qu'une conclusion qui doit nous faire tenir encore plus à la loi
des élections que nous possédons , et nous luire rejeter celle
qu'en nous propose.


C'est que, parmi les différens ministres qui se sont succédés
avec tant de rapidité , les uns ont perdu leur place faute d'avoir
su se conserver l'opinion publique, et les autres , bien que sou-
tenus par cette opinion , ont dû céder à des intrigues que géné-
ralement on qualifie d'intrigues de cour.


J'ai voulu essentiellement faire observer qu'une influencejmaligne, qu'elle vienne du dehors ou de l'intérieur, plane tou-ours sur notre malheureuse France, et que nous devons nous


( 267 )
préserver pl us


que jamais de tout chanpment. qui pourrait. nous
Y asservir : .


je ne _chercherai point même les sources de cette
influence; j e conj ure seulement ceux qui l'exercent de songer
aux suites désastreuses qu'eue peut avoir pour la patrie et pour
eus-mêmes. (Sensation à gauche. )


Il est en France, et malheureusement on ne saurait. en dou-
ter, un petit nombre d'hoimnes ambitieux et. frénétiques, enne-
mis jurés de l'ordre et de la tranquillité publique.


Ils cherchent à troubler notre patrie par des moyens eu appa-
rence contraires , mais qui tous tendent au même but. Les uns
affectent et propagent la crainte exagérée du renversement de
la charte par ceux-là même à qui nous la devons ; de la révo-
cation des ventes des biens nationaux, révocation impraticable;
du retour des abus et d'un ancien ordre de choses devenu aussi
impossible à rétablir. Les autres attribuent, avec non moins
d'exagération, à une partie de leurs concitoyens des disposi-
tions à renverser l'auguste maison de Bourbon, à laquelle nous
devons et nous devrons toujours notre repos et une sage liberté;
ils voient partout l'intention de nous replonger dans l'ana rchie ,
dont le retour hideux fait trop frémir la nation pour qu'il soit
à craindre. Je vous le demande, messieurs, des craintes de
cette nature devraient-elles produire l'inquiétude qu'ont jetée
dans la nation les écrits des journalistes et ceux de quelques fol-
liculaires aussi dignes de pitié que de mépris? devraient-ils
mettre aux prises, avec tant d'animosité, tant d'hommes hono-
rables, également. amis de la patrie et du trône. et faits pour se
soutenir mutuellement? ( Mouvement général d'adhésion. )


Cessons, messieurs, de croire qu'il y ait en France beaucoup
d'hommes assez insensés pour vouloir le retour de l'ancien ré-
gime ; cessons de croire pie beaucoup d'autres veuillent renver-
ser la dynastie, et rappeler les horreurs de la révolution. Ne
prolongeons pas plus long-temps les inquiétudes et lesmalbeu•s
de nos concitoyens, et rallions-nous plais fortement que jamas
à notre ar.guste monarque, comme il se ralliera à la France. Je
vote le rejet de la proposition.,


( iiirassentiment général se manifeste au moment où M. Ter-
naux descend de la ti-ibune.)


M. Bourdeau reproduit les reproches déjà faits par les défen-
seurs du


la
proposée,


projet à la roi du 5 février a 81 7 , et tons les argumens
en faveur de la loi •
pour laquelle il vote.


M. Guitard. N'attendez de moi ni circonlocutions ni réti-
cences. Le moment est venu où dire tout ce pie nous pensons




( 268 )
est un devoir impérieux, et peut-être le dernier qu'il nous sera
permis de remplir. ( Un profond. silence s'établit. )


Lorsqu'au mois de,septembre les collée:es de la troisième série
ont été convoqués, la France était paisible; elle espérait que la
session actuelle s'occuperait des lois constitutionnelles qu'elle
attend, et dont la promesse a été renouvelée dans le dernier
discours du trône ; elle était contente, quoique ses relations
commerciales se ressentissent de l'état de ,malaise qui travaille
tous les peuples de l'Europe, et les pousse vers les intérêts
politiques.


La marche du ministère était indiquée par le devoir et par
la prudence : par le devoir, car rien ne pouvait le dispenser de
suivre franchement la charte que le Roi a donnée ,• et que la
nation exécute de bonne foi; et par sa prudence, car, arrivés
au port après tant de tempêtes, qu'avions-nous <le mieux à faire
que de rester tranquilles spectateurs des scènes qui se prépa-
raient autour de nous?


Ce n'est pas ainsi qu'ont agi les ministres. Aussitôt qu'ils ont
connu le résultat des élections, ils ont annoncé le dessein .de


ré-
for•mer la charte dans des articles prétendus réglementaires, et
de changer la loi du 5 février avant que la quatrième série ne
dût être convoquée. Alors s'est propagée , dans les journaux
ministériels, la doctrine que tous les articles de la charte ue
sont pas fondamentaux, et que le parlement peut la modifier;
alors les fortes têtes se sont occupées à projeter des codes élec-
toraux , et l'on a désigné tout-bas les hommes d'état qui prépa-
raient celui du ministère; alors aussi s'est manifestée dans
toute la France une inquiétude réelle, et d'autant moins vague
que la cause en était bien connue; elle s'est accrue depuis le
29 novembre ; de nombreuses pétitionssont survenues, qui ont
demandé la conservation de la charte et de la loi du 5 février ;
quatre-vingt- mille citoyens ont été traités de factieux , leurs
-vœux rejetés par des ordres du jour, et un projet e été présenté
pour qu'à l'aveni• de pareilles pétitions ne puissent arriver à la.
tribune.


Trois mois s'étaient inutilement écoulés depuis la convoca-
tion des chambres , et le i3 evrier le ministère hésitait encore
devant les résistances. Seul il puise du courage dans l'attentat
effroyable fini place à jamais ce jour parmi les jours malheureux
de la France. Il interrompt la douleur nationale, et la détourne
de son auguste objet. Dans les vingt-quatre heures , il arrête
son nouveau code électoral, et rédige deux projets contre nos
libertés. Le /5, il les présente aux chambres, et comme si


( 269)


toutes les convenances devaient être violées à la fois, il se
eu larmoyant , à mettre sur le bureau un exposé dont


l'incohérence et l'absurdité n'auraient pas permis à la chambre
d'en supporter 1a lecture. (Mouvem en s d'approbation à gauche.)


Les deux projets destinés à convoquer celui des élections
éprouvent une opposition longue et vive ; le ministère s'en
doute; à l'entendre, le trône ei la liberté vont périr, si ces pro-
jets ne sont adoptés sur-le-champ. Les chambres les accordent,
et il en est embarrassé ; il voulait la terreur ; ce n'est pas la
terreur qu'il inspire, et tout ce fracas se réduit à quelques pour-
suites contre des écrivains, des imprimeurs et des citoyens qui
ont souscrit pour un acte d'humanité.


Le projet. , enfant mort-né de tant de coteries et de combi-
naisons, est discuté dans les bureaux et rejeté par la commis-
sion , comme inconstitutionnel et. inexécutable. Il est retiré et
remplacé par une mauvaise parodie d'un système exhumé des
archives impériales, celui-là même qui naguère donnait des
muets, et duquel désormais le ministère attend des échos. ( On
rit; à gauche. )


N'est-ce pas là l'esquisse fidèle de ce que nous avons vu pen-
dant les huit derniers mois? A quoi donc faut-il l'attribuer ?
D'abord à l'habitude : la conduite présente des ministres est la
suite du système de déception et. d'hypocrisie que tous les mi-
nistres ont pratiqué depuis la loi qui, en 18/4, nous ordonna
de croire que prévenir et réprimer étaient synonymes , jusqu'au
projet actuel, qu'on nous présente comme un bienfait transi-
toire, parce qu'il ne viole que l'esprit et trois articles de la
charte. (On rit beaucoup à gauche. )


Constans dans leur marelle équivoque, aucun d'eux n'a fran-
chement et. loyalement essayé le régime constitutionnel. Tous
se sont appuyés sur les partis, tantôt l'un, tantôt l'autre, jamais
sur la nation , dont l'immense majorité veut ce qui existe, le
Roi et la charte; celui du juur suit 'ces traditions , sans s'in-
quiéter de l'avenir.


A l'influence étrangère : l'époque dont je parle était aussi
celle du congrès de Carlsbad et des notes secrètes. Alors on
présentait comme un modèle sublime le gouvernement de
Ferdinand L'exil, la confiscation, les supplices, les tor-
tures nouvelles, l'esclavage de la presse, l'interdiction de la


• librairie, l'inquisition et le régime militaire, étaient les élémens
du bonheur suprême qu'au dix-neuvième siècle on offrait aux
mations de l'Europe. Alors c'était à qui trouverait les moyens
les plus efficaces de comprimer les idées pernicieuses , c'est-à-




( 270 )
dire l'opinion: Tous les diplomates y étaient occupés, et néces-
sairement leur attention a dû se fixer sur la tribune de Paris, où
il ne se dit pas un mot qui ne retentisse partout, et: ces diplo-
mates ne se doutaient pas que l'opinion fût dans toutes les têtes,
dans tous les cœurs, et jusque dans les armées destinées à la
combattre. ll a fallu que l'île de Léon leur apprît de nouveau
que gouverner par la force et la terreur ce n'est pas régner.
( Voix d gauche : Très-bien! )


Une autre tribune s'élève à Madrid. Les journaux censurés
ont daigné nous en dire assez pour nous autoriser à croire que
la Russie a rompu la suinte-alliance; et cependant les ministres
s'obstinent à faire, pour nous ravir nos libertés, ce qu'on fit
en 1 7 89 pour nous empêcher de les obtenir. (Vive sensation. )


Ils oublient qu'il n'eût pas fallu alors toute la charte de 1814
pour contenter la nation, et que ce furent les résistances des
classes privilégiées qui mirent toute la population en mouve-
ment, et amenèrent les désastres de la révolution. Ils ne voient
pas qu'elle est revenue dans les mains de ceux qui la commen-
cèrent , dans les mains des propriétaires, des négocians, des
manufacturiers , des hommes instruits , en un mot, de la par-
tie de la nation qui n'est jamais hostile, parce qu'étant éclairée
et riche, elle est essentiellement conservatrice ; et ils renou-
vellent avec l'aristocratie l'alliance funeste qui fit renverser
Meistocratie et le trône. (Mouvement à gattehe.)






L'attitude noble et silencieuse de la nation, alors que ses
droits sont compromis, ils ne l'attribuent pas à sa confiance
dans les lumières du monarque et dans le patriotisme des dépu-
tés, mais à l'insouciance et. à l'apathie ; et l'opinion qu'ils re-
doutent, et qu'ils invoquent tour à tour, n'est pour eux que
dans les adresses officielles et officieuses de leurs subordonnés.
L'abîme est fermé, il peut se rouvrir; on le leur dit, on le leur
m ontre, ils ne voient ni n'entendent , et l'on peut leur appli-
quer ces paroles du psalmiste : /dures habent et 71071 arielient ,
occulos habent et non videbunt. ( On rit beaucoup à gauche. )
Fasse le ciel que le trône ne soit jamais en danger! mais si cela
:t n'ive, le trône connaîtra ceux qui l'auront prédit et ceux qui
l'auront voulu ; il saura quels étaient ses vrais amis.


Au défaut de responsabilité, quoique je tienne moins à la
responsabilité des ministres qu'à celle des cent mille inviolables
qu'ils ont à leurs ordres, je ne sais ce qu'on doit admirer le
plus, ou l'adresse avec laquelle depuis 1814 tous les ministères
ont éludé l'article (le la charte qui prescrit une loi sur la repon-
esabilité ministérielle, ou de l'aimable abandon avec lequel ) "


271 )
nt


,


tout moment, d en toute occasion, les ministres nous donnent en
-Achange leur responsabilité morale. Elle est déjà bien engagée
de la part de ceux d'entr'eux qui, s'étant fait violence pour
quitter leur retraite et servir le despotisme impérial, afin d'en
tempérer les rigueurs, sont venus volontairement substituer
l'arbitraire aux douceurs du régime constitutionnel. Maisla
responsabilité morale se réduit à perdre la confiance (les cham-
bres , et à remettre le portefeuille ; et quand un ministre, ainsi
forcé de sortir par une porte, rentre quelques mois après par
nue autre, et de chute en chute parcourt plusieurs ministères ,
toujours avec la niênte responsabilité morale, qui ne s'use ja-
mais, ne serait-on pas tenté de croire que ce n'est là que du
charlatanisme politique, et que les ministres rient entr'eux de
la responsabilité /noble, comme les augures romains riaient de
la divination ? ( Même mouvement.)


Pour moi, • 'avoue que je préférereis une responsabilité réelle,
et si jamais une loi la détermine, j'espère y voir un article por-
tant que les ministre; qui , par des attaques réitérées contre les
lois constitutionnelles , par des alliances offensives contre les
intérêts nationaux, et par une mauvaise administration , met-
traient en péril toutes les garanties sociales, et, portant l'inquié-
tude et- l'alarme dans toutes les classes des citoyens, ébran-
leraient leur fidélité envers le Roi , seront coupables de
haute-trahison. Croyez, messieurs, que si nous avions cette
loi, on nous parlerait moins de l'empire des circonstances; on
ne les créerait pas pour s'en prévaloir, et on en aurait un peu
plus. de respect pour la charte. ( Mouvement d'approbation
à gauche. )


La nation paie un milliard en impôts de tont genre. Usant de
son droit constitutionnel, la chambre a successivement arrêté
les budgets, vérifié, les comptes de l'arriéré, et: posé quelques
règles de perception et de comptabilité. De graveset importantes
questions ont été ajournées : l'une , la spécialité, s'agite
en ce moment; celles de la centralisation et des économies sont
encore dans l'avenir. Mais cet avenir s'approche peu à peu, et
le moment n'était pas éloigné où toutes les histaulions étant


l'attention se serait portée plus particulièrement surfondées ,
les finances.


Ce n'est pas là ce que veut le ministère. Il 'est dans l'instinct
deeitiot:isislie)os sgeoruitvel :nuerar; d'obtenir le plus d'argent possible, et


et cela explique en partie pourquoi,
depuis six ans, les lois les plus essentielles sont toujours pro -
-Mises et toujours diflk


.ées; pourquoi celles que nous avons




( 272 )
conquérir sont attaquées ou suspendues ; pourquoi le pacte so-
cial est sans cesse remis en question : c'est que durant cet état
(l'incertitude et d'anxiété, celui des finances est toujours pré-
caire et inconstitutionnel. Les abus se perpétuent, les impôts
restent les mêmes, et le temps des sessions est perdu , ou em-
ployé de manière que le budget, arrivant à la fin , est consenti
de lassitude, et, par le fait, la chambre des pairs est privée de
son vote.


Il aurait fallu changer de marche , lorsque la minorité actuelle
de la chambre aurait été renforcée par la quatrième série. Aussi,
depuis les élections, les ministres n'ont cessé de s'écrier qu'il
n'est plus possible de gouverner ; on a entendu répéter ce cri
d'alarme par les intéressés au milliard , par les réputations qui,.
mal à propos sans doute, craignent l'épreuve électorale, et par
les hommes qui , pensant toujours comme le pouvoir , changent
de principes constitutionnels suivant les circonstances. Pour
vider la gauche, le ministère s'est appuyé sur la droite, et de là
cette alliance dont les puissances ont le même but avec des
espérances différentes. Toutes deux s'accordent pour renverser,
la loi du 5 février, et chacune d'elles espère en secret de tourner
la nouvelle à son profit. Dans tout cela, il n'y a d'oublié que la
nation. (Vive sensation à. gauche.) Telles sont les principales
causes du projet de loi que je vais examiner.


Il nous semble qu'avant de condamner celle du 5 février , on
aurait dû instruire son procès. L'honorable ra pporteur de la com-
mission s'en est dispensé ; il a dit seulement que , depuis deux
années, des opinions en sollicitent le changement ; niais, depuis
deux ans aussi , la déclaration des ministres à la chambre des.
pairs, le rejet de la proposition du marquis Barthélemy par celle
des députés ; des milliers de pétitions, et l'inquiétude générale
de la France, annoncent une opinion contraire bien caractérisée.


Il est probable que c'est par politesse pour les colléges que
cette loi lui a donnés , que M. le rapporteur a évité cette dis-
cussion délicate ; il n'a pas voulu être aussi franc que l'hono-
rable M. de la Bourdonnaye, et leur dire en face que la loi est.
coupable, parce qu'elle les a conduits dans la chambre. 11 faut
cependant qu'il y ait des exceptions, sans quoi les élus des trois
séries seraient à eux seuls la majorité ; et dès-lors le mal n'est
pas dans la loi, mais dans la matière électorale ; aussi le projet
est-il fait pour prononcer l'indignité des quatre cinquièmes des
électeurs de France, et pour assurer la prépondérance de la
m inorité.( Même mouvement. )


Toutelbis M. le rapporteur n'a pas toujours été- si réservé.


( 273 )
Naguère il nous disait que les députés anarchiques i'•appaientaux


et que peut-être un Archiméde cherchait


lce'onrnoi'7:sriendnil
pointt d'appu


omp nd re epti.o'pailluilindp:eroe::ril pourrait y avoir (les députés :mirai-
renverser le trône. Il n'est pas aisé de


(l ues, lorsqu'ils sont choisis entre des éligiblea dont le moins
riche paie mille francs de contributions directes, par des élec-
teurs dont le plus pauvre paie trois Cents francs. plais si nous
sommes dégradés au point que l'anarchie ait gagné toutes les
classes de la société, on n'en a pas assez dit , car il n'y au-
rait plus de sûreté pour aucune porte. (On rit à gauche.) Quant
à l'Archimède, il serait pénible de penser qu'il existe un homme
qui veuille renverser le trône ; mais si je comprends bien cette
métaphore , il me semble que cet homme aurait besoin de la na-
tion pour point d'appui et pour levier. Cela suffit pour nous
rassurer, car nous savons ce qu'elle desire.


Elle veut la légitimité, non pas celle dont on fait une espèce
de dogme dans lequel on comprend beaucoup de choses qui fu-
rent autrefois, qui ne sont plus aujourd'hui, et qui ont cessé
d'être pour toujours ; niais la véritable légitimité , c'est-à-dire
l'hérédité au trône dans la famille régnante, selon l'ordre de
succession observé jusqu'à ce jour ; et la nation la veut non-
seulement par vénération et attachement pour la dynastie émi-
nemment française qui a si long-temps et si glorieusement
sur elle, ruais encore dans l'intérêt du pays et de la stabilité
institutions. (Mouvement général d'adhésion .— Voix au centre:
Très-bien! ) Elle veut la monarchie, non pas la monarchie dite,
par dérision, selon la charte (avec huit hommes par départe-
ment et le télégraphe ), mais la monarchie constitutionnelle
sous le gouvernement du Roi 1(gititne par des ministres avoués
et responsables. Elle veut la charte, non pas la charte sans cesse
éludée , torturée, et récemment divisée en articles fondamen-
taux ou réglementaires, au gré des ministres, niais la charte
telle qu'elle existe, telle qu'elle est entendue dans son esprit et
dans sa lettre, par tous les hommes justes et droits; la charte
exécutée avec la franchise et la loyauté qui conviennent cuvera
une nation instruite et raisonnable, une nation amie des lois et
du repos nécessaires au développement de son industrie et des
richesses de son territoire; grande dans la prospérité, grande
dans les revers ;jamais plus grande qu'en cc moment d'angoisse,01'4


menacée dans ce qu'elle £1 de plus cher, elle nu désespère
ni de la bonté de son loi, ni de la fidélité de ses représentaus.(Mouvement d'adhésion. )


D'autres ont dit que tout arbre porte son fruit et ils ont
8




( 274 )
criminé la , en ce qu'elle donnait des députés populaires..
Mais elle est bonne , précisément parce que l'arbre porte le
fruit: de son espèce. La chambre des députés doit représenter
les intérêts communs à. tons, comme la chambre des pairs repré-
sente les intérêts aristocratiques, comme le Roi est la monar-
chie. Le jour où l'aristocratie envahirait la chambre des députés,
l'équilibre entre les trois branches de la puissance législative se-
rait rompu : il y aurait révolution.


On a aussi reproché à la loi du 5 février que tous les intérêts,
toutes les influences ne sont pas représentées. Dans l'idiôme pu-
rement monarchique , cela veut dire que les anciens privilégiés
n'obtiennent pas assez de nominations. Mais la charte consacre
l'égalité des droits; elle ne reconnaît ni privilèges ni distinction
entre les Français; elle établit une seule classe d'électeurs, une
seule classe d'éligibles; elle ne divise pas les choix par corpo-
rations et ordres , car elle ne crée ni ordre ni corporation ; niais
elle n'exclut personne ; elle appelle tous les talens , toutes les
notabilités, tous les mérites : il ne s'agit que d'en avoir. ( Voix
à gauche : C'est cela ! )


N'a-t-on pas aussi fait un crime à la loi du 5 février, de
l'absence du quart ou du tiers des électeurs? comme si aupara-
vant les collèges étaient toujours au complet ! et aussi de l'in-
fluence des chefs-lieux, comme s'il n'était pas dans l'ordre
inévitable des choses, que partout où il ya des réunions d'hommes,
les plus forts intérêts , les plus grandes influences absorbent les
autres! comme s'il était naturel et possible de faire prédominer
les minorités ! comme si, d'après cc qu'on voit journellement
jusque dans nos bureaux, où les députés-ministres sont très-
assidus quand il s'agit de nomination ( on rit), on pouvait
exiger que les électeurs fassent autrement que nous! connue s'ils
n'étaient pas obligés de s'entendre pour repousser l'influence
illégale que le ministère s'arroge sur les collèges oar ses préfets,
ses présidens et ses nonibreax auxiliaires, influence dont la
perte est encore une cause des projets qu'il présente pour la
ressaisir


Si je parlais ici des abus qu'on e remarqués, soit dans les
formes préparatoires des élections , soit dans les moyens de
justifier les qualités requises pour élire et pour être élu, vous
me diriez, messieurs, que cela ne tient. pas à l'essence de la loi,
mais à son exécution qu'on peut y remédier sans la détruire,
et que vous auriez adopté une loi sur cet objet si le ministère
l'avait proposée.


Le véritable, le seul crime dela loi du 5 février est de fonder


( 275 )
le gouvernement représentatif tel qu'il est voulu par la charte;
elle ne reconnaît qu'une classe de Français égaux en droits. Par


principe fondamental de notre droit public, elle
vsentiittel'déle cee principdirecte, saris laquelle la représentation ne seraitpas nationale, et n'émanerait pas de tous les Français; elle
confie cette élection à ceux qui , âgés de trente ans, paient trois
cents francs de contributions directes ; elle restreint les choix
entre ceux qui, figés de quarante ans , paient mille francs. .


Ainsi, élection directe par le concours de tous les électeurs,
tel est l'ordre simple et positif établi par la charte, et c'est
dans cet unique but que la loi du 5 février organise les collèges
électeurs.


Cet ordre est violé par le nouveau projet de loi. Il établit
des collèges d'arrondissement qui présentent des candidats, et
il donne l'élection à un collège de département forme des plus
imposés, jusqu'à concurrence du cinquième des électeurs, en
sorte qu'il confère exclusivement A ce cinquième le mandat que
la charte donne concurremment à ceux qui paient trois cents
francs. Par conséquent, il renverse le principe de l'égalité des
droits, l'élection directe et le concours des électeurs. M. le
ministre de l'intérieur , dans son exposé, et M. le rapporteur
de la commission dans son rapport, nous assurent, au contraire,
que le projet est très-constitutionnel.


Assez d'autres orateurs ont fait sentir les vices et: les dangers
du projet. de loi : je craindrais de les affaiblir et .de fatiguer la
chambre en les retraçant ici.


Je la prie seulement de considérer quel serait le résultat de
la loi crois que l'élection


, ltgilelserait celui de la nouvelb. loi.je
prochaine donnera la majorité au côté


gauche. Elle ne sera pas factieuse , parce que,. composée
d'hommes qui ont subi la révolution, elle saura que la nation
n'en veut plus ; elle connaîtra ses besoins, ses intérêts
devoirs, qui sont tous dans la charte. Seulement. le ministère


, ses


sera obligé de quitter ses voies tortueuses, et d'être consti-tutgiounenl
eesl.


rait le résultat de la loi nouvelle ? Dans l'état
dés esprits, il est évident que les candidats et les


d'


actuel
députés seront


collège. [par le dont l'opinion prédominera dans chaque
o
-bi:;:asidu e


Au


xiliaire.


premier


le
sera partout en minorité , et forcé de de-


aiiee:iid.e .


Ai


auncea s,
majorité de


archer


gauche ou une majorité dedroite. le ministère n'aura rien gagné; il sera
avec la nation et dans la charte; au second





7 6 )
cas, le Ministère, la nation et le trône auront tout perdu;
Maîtresse des deux chambres . , l'aristocratie s'emparera de la
législation et du pouvoir ; elle abolira l'égalité, qu'elle hait ;
elle rétablira les priviléges , qu'elle aime ; elle rétablira son règne
par l'hérédité des majorats, comme elle perpétue son esprit par
ses alliances (murmures à droite) et par l'éducation particulière
qu'elle donne à ses en fans; et, après trente ans de tribulations
et. de peines pour assurer ses droits, la nation , exhérédée, de-
venue le - patrimoine de quelques familles, qui se partageront
les honneurs, les emplois et le trésor, sera plus asservie qu'elle
n'était sous les rois les plus absolus. La sollicitude paternelle
du monarque serait même impuissante. Le mal étant dans la
loi, la dissolution de la chambre donnerait le môme résultat,
parce que les minorités sont compactes et plus susceptibles
d'obstination dans leurs intérêts; la prérogative royale serait
anéantie, et le Roi ne serait pas plus libre que son peuple.


C'est à vous, messieurs, de juger s'il est dans votre mandat
et dans vos consciences de les exposer à cet avenir dont vous
pouvez entrevoir la possibilité. Ce n'est pas qu'il fiillût craindre
pour la liberté publique. La nation française n'est pas de celles
qui émigrent comme la peuplade de Pasga ; elle ne consentirait
j amais à retourner sous le joug de cette minorité, et sans doute
elle sortirait triomphante 'de la nouvelle lutte que cet ordre de
choses poilerait occasioner. Mais ce seraient encore des mailler rs
effroyables ; ils sont enfermés dans nos mains, gardons-nous de
les ouvrir !


Enfin, messieurs, vous dirai-je ce qui me révolte le plus
dans ce projet? Ce n'est pas l'inconstitutionnalité ni les argu-
ties de mots employées pour la voiler. On peut s'en défendre
avec la charte et un dictionnaire. (On rit.) Ce n'est pas l'astuce
du projet, ni les dangers de ses conséquences, il est. possible
que le ministère ne les ait pas toutes aperçues, et qu'il n'ait pas
cru payer si cher un appui momentané ; c'est sa mobilité per-
pétuelle dont ce projet est une nouvelle preuve; c'est la légè-
roté avec laquelle il se joue des lois et de la charte. Attaquer.
aujourd'hui ce qu'il défendait il y a quelques mois, reprendre
les libertés dont nous jouissions à peine, refuser les lois de nous




veau promises le 2 9 novembre, proposer sans cesse des viola-
tions de la charte, professer hautement que la corriger ce n'est
pas la violer, ce qui amènera bientôt à dire que la refaire c'est
la conserver, tout cela n'est qu'un badinage pour les ministres;
mais ce badinage est cruel ; il est subversiede tout esprit public,
de toute probité sociale , de tonte stabilité pour nos institutions.


-2'77 )
trône,leroup et j'ose le dire , de l'honneur, qui est le carac-et


tère distinctif de la nation.
Et cependant ils ont jure . , comme nous, comme tous les


Français, fidélité au Roi, obéissance à la charte. Ils veulent
que les suj ets soient religieux , qu'ils aient des moeurs, qu'ils
soient soumis et fidèles, et ils les accoutument au mépris des
sermens ! Ah ! si les païens sacrifiaient aux fausses divinités, du
moins ils gardaient la foi promise ; et chez eux, les parjures
étaient dévoués aux dieux infernaux !


Messieurs, la vérité pesait sur mon coeur; je l'ai dite, il est
soulagé. Député loyal et fidèle de la troisième série, je la devais
à des collègues non moins loyaux, non moins fidèles que moi;
je la devais aux ministres qui sont les conseillers d'un Roi qui
l'aime; je la devais à mon pays pour qui je suis dans cette cham-
bre. Si j e n'ai pas fait passer dans vos âmes la conviction qui
est dans la mienne, j'aurai du moins laissé dans vos esprits
quelque sujet de méditation, et j'ai la confiance que ce germe
ne sera pas perdu. Tel doit être 'l'effet du système représentatif
chez une nation comme la nôtre. Non , messieurs, tant que
l'accès de cette tribune sera libre, tant qu'il existera en Français
pour y parler, des Français dans cette enceinte pour l'entendre,
un Bourbon sur le trône pour le juger, jamais je ne désespérerai
du salut de nia patrie. (Un mouvement général et très-vif d'ad-
hésion succède à ces dernières paroles. )


Je vote contre le projet et les amendemens.
(L'orateur descend de la tribune au milieu des témoignages


de satisfaction de la gauche. Une longue et vive agitationsuiCede.)
La discussion est continuée au lendemain.
La séance est levée à six heures.


Séance da 20 mai.


Delon, au nom de la commission des pétitions : Les
sieurs Pollini, Delacroix et Viollelt, nég,ocians à Paris , récla-
ment, tant en leurs noms qu'en celui de plus de deux cents
créanciers, ce que l'Espagne leur doit pour des propriétés dont
ils ont été dépouillés dans la péninsule.


Le rapporteur propose à la chambre de prononcer le renvoi
au ministre des affaires étrangères.


-Lai s'ne" de Villenique. Lorsque les attentats de 1793
eurent allumé la guerre entre la France et l'Espagne, t o u s lesF


rançais établis dans ce pays furent dépouillés de leurs pro-
priétés mobilières et immobilières, et devinrent les innocentes




( 278 )
victimes d'un forfait qui leur était étranger, et qu'ils détestaient
même. Le traité de Mile, en restituant il'Espagne ses provinces
conqui,es , lui imposa l'obligation d'indemniser ceux qui avaient
été spoliés. Cette puissance, au lieu d'exécuter ces dispositions
de bonne foi, recula sans cesse les liquidations, allégua, pour
les différer, les prétextes de gêne que lui occasionait son inter-
vention dans la guerre qui embrasait l'Europe. Enfin éclata l'in-
fâme invasion de 18o8, et les vengeances de l'Espagne, infus-
terrent envahie, frappèrent les Français qui résidaient dans ses
provinces d'une nouvelle confiscation. Les traités qui réta-
blirent la paix en Europe en /814 et 1815, auxquels adhéra
le gouvernement espagnol, obligèrent celui-ci à indemniser le sFrançais de toutes ces pertes.


Depuis quatre ans, il a touché tous les quinze jours, avec une
religieuse exactitude, la part qui lui revenait dans la curée de
la France , et il ne s'est point lifté de remplir ses engagemens
Il e fatigué ses créanciers de délais h ypocrites ; il s'est contenté
seulement de leur offrir vingt pour cent de leurs créances. Quel


-(lues-uns de ces créanciers, sachant que les dettes contractées
en France par Philippe V n'étaient pas encore payées ; que
depuis 1 7 13, époque de la signature du traité d'Utrecht, elles
n'étaient pas même liquidées; connaissant d'ailleurs la fière irn




mobilité de l'ancien gouvernement espagnol dans ses principe
s


et sa conduite, consentirent en gémissant à une perte de quatre


jo
vingts pour cent ; mais le plus grand nombre, espérant que le


ur de la justice luirait enfin pour eux, s'y refusa.
Nous avons dit que nos ministres avaient signalé, malgré


cela, leur urbanité
• et leur complaisance en payant à l'Espagne


des sommes qui auraient dei servir d'hypothèque à ces réclama-
fions. Je pense, messieurs, qu'il conviendrait de mettre un
ternie à ces politesses, et qu'il est même très-prudent de réser-
ver dans nos mains les sommes que nous avons encore à payer à
cette puissance, jusqu'à ce qu'elle ait fait droit aux justes récla-
mations des créanciers français. Permettez-moi d'étendre cette
question, de la généraliser même, et de vous soumettre à ce
sujet quelques rapides observations.


C'est par respect pour ce sublime adage : Ce qui est bon à
prendre est bon à garder, que le gouvernement autrichien ne
veut pas se dessaisir des intérêts et des avantages échus sur le
mont de Milan, capturés par ses commissaires, avec l'édifiant
empressement qui les caractérise; c'est par les mêmes motifs
nue le gouvernement de Sardaigne ne tient aucun compte à la
Érance de la dette du Piémont et de celle de la république-de


( 279 )
,(gênes, incorporée à notre dette nationale, bien que cet état ait


été prémturément envahi, sans doute par respect pour la sainte-
alliance ;a c'est ainsi que l'emprunt de ‘Saxe de huit millions ne
peut être recouvré.


Il est temps enfin que la voix de la justice se fasse entendre
dans le conseil des Bois ; et, pour Miter ce moment heureux,


je pense qu'il est convenable, et même urgent, de réserver dansBos mains, sur le prix qui reste encore à payer sur notre rançon,
le montant des créances légitimes du trésor, et de celles reven-
diquées par des Français. J'appuie le renvoi de la pétition à
M. le ministre des affidres étrangères. ( La chambre prononce le
renvoi.)


Le mémC rapporteur. Les docteurs en médecine de la Faculté
de Montpellier demandent le rétablissement du concours pour
les chaires qui viendront à vaquer dans les Facultés de médecine.


Les élèves de la même Faculté, dans une pétition particu-
lière et s'unissant au voeu de leurs professeurs, font la même
demande.


La commission a pensé qu'il était convenable de renvoyer la
première au ministre de l'intérieur. Quant à la pétition des
élèves, la commission n'a pas pensé que les élèves eussent qua-
lité pour former leur demande. La commission vous propose de
passer à l'ordre du jour.


Cette seconde proposition est appuyée par M. Dubruel et com-
battue par M. Benjamin-Constant. M. Marcellus appuie l'ordre
du jour. ( Quelques voix à gauche : Amen !) M. Manuel com-
bat l'ordre du jour. La chambre renvoie la pétition des profes-
seurs au ministre de l'intérieur et. au bureau des renseignernens,
et passe à l'ordre du jour sur celle des élèves.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion du
projet sur les élections.


M. le baron Capelle, commissaire du Roi, reproduit, en
défendant le ministère., legs argumens déjà avancés en fiveur du
p2teet . )de loi, qu'il vote. (Mouvement d'adhésion au centre et à


M. Daunou réfute l'opinion que la charte renferme des dis-
positions fondamentales et des dispositions réglementaires ; il
attaque le projet comme contraire à la charte, et comme subs-
tituant au régime représentatif des privilèges politiques et une
constitution oligarchique, et il le combat dans ses principes et
dans ses conséquences,


de leur droit d'élection'
commu.e dépouillant la.majorité des élec-


teurs




( 28o


M. Cotton reproduit les argumens déjà avancés par les défera.
senrs du pro j et, et vole pour.


14. Basterrèche. Messieurs, c'est pour la dernière fois, peut-
être , que la voix des députés du peuple retentit librement de-
vant la nation qui nous écoute. Le voile est déchiré ; des passions
aveugles , des ambitions subalternes ont ramené la guerre; il ne
nous reste plus qu'à la soutenir avec vigueur et dignité, et à dé-
fendre les droits de cette généreuse nation française de qui nous
tenons nos mandats.


Des ministres se sont succédés , et parmi eux le peuple n'a
pas trouvé de véritables amis. Diviser tous les intérêts , exciter
les passions rivales, ai grir les inimitiés , irriter toutes les âmes,t,
tels sont les fruits de leurs erreurs ou les effets de leurs funestes
calmis.


Un pas restait à faire pour pousser les esprits au dernier degré
d'exaspération , pour approcher du bouleversement ; l'espace
est.franchi les prisons attendent les victimes , la plainte est
étouffée, le silence règne, et la liberté des choix va nous être
enlevée. Quels calculs criminels ont pu présider à ces combinai-
sons? Qu'ils sont téméraires ceux qui osent provoquer tant de
ressentituens ! eu l'affreux courage d'envisager à quel
point ils *sent coupables eu compromettant. à-la-fois le repos de
leur patrie, la sûreté du Irène et le salut de lit France ?


En présence d'un tel spectacle, il est bien difficile de discuter
froidement cette loi qu'on appelle d'élections ; un cri publicd 'indignation l'a r epoussée dès sa naissance ; pourquoi en citer
les articles? l'ensemble tout entier n'est-il pas frappé d'anathâme
par l'opinion générale ?


C'est assez général
dire que toutes ses dispositions trompeuses


n'appartiennent à aucune pensée désintéressée, qu'il faut cher-
cher leur .origine dans le cercle honteux des calculs personnels
de quelques ambitieux sans bonne foi , et dans le délire de quel-
ques vanités blessées. Les insensés ! ils se flattent de se jouer de
la crédulité d'un peuple généreux ; ils ne craignent pas de lasser
sapatience !


Le peuple aime à respecter tout ce qa'il a consenti ; mais
quand le pouvoir envahit sans cesse , quand l'autorité ne fuit
plus les lois -que pour snn seul intérêt , le peuple peut recon-
naître enfin qu'il ne mérite plus que des fèrs , s'il n'a pas le
courage de défendre ses droits.


La charte a posé des règles fixes pour les élections; ces règles
sont des droits tant que la charte reste loi de l'état. Vous dite.?
(pie vous n'avez pas enfreint ces rè gles : mais si la charte m'aD


( 281 )
investi de la faculté d'élire moi-mêm e et directement les députés,


de quel droit p
candi


dats,étendez-vous me réduire à ne choisir que des
didats , et à transmettre à d'autres la nomination réelle des


défenseurs de mes intérêts? Et , dans ce qui se rapporte aux éli-
ne


blneblessez-volts pas encore plus , s'il est possible , l'in-


tégi.eitsé' de leurs droits ? Dans mon département, par exemple,il doit y avoir pour minimum cinquante éligibles , vous voulez
qu'il n'y en ait plus que douze au moment de la nomination ,et
trente-huit sont dépouillés par votre proposition d'un droit qui


leur était irrévocablement acquis par cette charte , dont vous
invoquez vous-mêmes l'inviolabilité ! S'il n'y a plus rien de sacrédevant les caprices de quelques ministres, du moins ils devraient
penser en même temps à ce que peut en conclure la nation ; ce-
lui qui abjure les sermens en dégage aussi ceux qui s'y croyaient
liés.


Et qui a pu vous promettre que tous ces électeurs que vous
voulez dégrader seront résignés à faire l'abandon de l'intégrité
de leurs droits fondés par la charte, qu'ils consentiront à en voir
restreindre l'étendue , et qu'ils iront paisiblement remplacer la
réalité par un simulacre? Qui peut vous assurer qu'ils ne dédai-
gneront pas d'assister à vos assemblées d'arrondissement, et
qu'ils voudront reconnaître pour leurs représentans ceux qui
n'auront été élus que par une si petite portion d'entre eux ?


Le droit d'élire directement est assuré par la charte à tout
Français qui paie cent écus d'impositions; le droit d'être élu par
tous ceux qui nomment les députés , est assuré par la charte à
tout Français qui paie mille francs d'impositions; le jour oit une
nouvelle loi aura privé les premiers d'élire réellement les dé*
putés, et les autres, d'être en possession, jusqu'au dernier sens-
tin , du droit d'être élus, et le gouvernement , et les chambres,
dans leur concours on leur adhésion à
4nent violé la charte.


cette loi , auront évidera,.


Mais eu faisant renoncer le Roi au bénéfice d'un consente
-ment donné par la nation à un acte de pure volonté royale et
sans préalable mutualité, il devenait naturel de rentrer dans
l'ordre fondamental ,
Semblées primai


; il fallait al
dans l'ordre primitif , dans celui des as-


ires;
a


tel cas , la nation serait f


ors vous souvenir que , dans un


assemblées prima
ee à i iresclamer la désignation des


électeurs
ectears parses


n sentiment de prudence, né du souvenir de nos trop ré-
centes infortunes, inspira flapie' res l'heureuse pensée d'une com-
ent se


sos belli
nn,euni , une omdépouillant le plus grand. nombre, mettait de-l


pensa ion cette de devancer ses propres




282 )
choix en leur assignant des interprètes , en revêtissent d'un ca-
ractere légal les hommes que l'intérêt même de la multitude eût
recommandés à sa préférence; tels furent l'esprit et le but de la
loi d'élections que vous voulez détruire.


En innovant pour améliorer on peut quelquefois se flatter
d'être pardonné même par ceux qu'oe dépouille ; suais innover


P
pour rendre plus désavantageuse la condition de ceux qu'on dé.


ossède, c'est mépriser le mécontentement., c'est provoquer la
résistance ; et quand une telle résolution appartient aux com-
binaisons personnelles de quelques ministres , de quelques
hommes inconsidérés qui. voudraient soustraire à. la surveil-
lance, ou des actions blâmables, ou l'ardeur d'accroître leur
pouvoir, la pensée d'une, telle entreprise peul. devenir un crime;
et si des ministres n'ont pas été effrayés par la perspective de
la réprobation et du blâme qui viendront désormais s'attacher
à leur nom, qu'il me soit permis ici de m'écrier devant eux :
Aveugles provocateurs d'innombrables calamités , que vous a
fiait ce peuple , des rangs duquel vous êtes à peine sortis ? Que
vous a fait cette famille depuis si long-temps privée de tronqua-
.lité et d'une suite d'heureux jours? Que vous a fait ce Roi , qui
vous combla de ses dons , qui v0115 admet à exercer une partie
de son pouvoir, pour payer d'ingratitude tous vos bienfiiiteurs
à-ht-fois? Comment êtes-vous parvenus à cet excès d'égoïsme ,
d'insensibilité, qui vous fait envisager de sang-froid l'abîme où
vous poussez en même temps , et vos concitoyens , et voire
patrie, et votre Roi ?


Cette loi des élections, déjà devenue nationale, vous voulez
la remplacer par une autre qui ne le sera jamais ;• cette trom-
peuse législation combinée dans vos calculs ministériels sur l'es-
poir de votre plus sûre domination , ne deviendra jamais popu-
laire. Oh ! pour connaître les sentiniens de la grande suasse du
peuple , il ne Eint pas chercher à éloigner ceux qui sont les plus
rapprochés (le lui et le plus en possession de la confiance; au
lieu de changer une loi sanctionnée par l'assentiment presque
général , il eût mieux valu , dès son origine, la laisser exécuter
tout entière. Si lorsqu'on en faisait le premier essai, on eût livré,
pour cette première fois et partout , au peuple le choix de ses
représentons , si quelque ministre , loin d'arrêter un sentiment
de confiance bien entendu de la part du monarque cât dit, au
contraire : Sire le moment est arrivé de vous livrer à l'expé-
rience la plus utile pour votre repos et pour votre bonheur; ap-
pelez en même . temps les Français à envoyer devant votre trône,
(tans le conseil de la nation , les hommes de la plus grande con-


( 283 )
fiance; on eût saisi, par cette détermination, le véritable moyen
de juger promptement, sans hésitatios.i , et des sentimens chu
peuple, et des véritables effets de la loi.


Le résultat de la majorité de cette élection simultanée eût pu
autoriser le ministère à déclarer au Roi, que le voeu de cette
majorité devait être considéré comme un véritable vont national ;


.le gouvernement se fût ainsi préservé de ces incertitudes dans.
lesquelles il erre et se perd depuis si long-temps ; et l'on n'eût
plus osé remuer sans cesse jusqu'aux fondemens de notre orga-
nisation sociale , ou changer (les lois sur la durée desquelles re-
posaient notre tranquillité et nos pies chères espérances. Sully
eût tenu cette conduite; jamais l'imprudente pensée de compro-
mettre le repos de son Boi et de son pa ys ne nu entrée dans son
coeur. Mais de loyaux et vertueux ministres sont bien plus rares
encore que les Rois amis de leurs peuples ; aussi, quand des
princes n'ont pu trouver ces ministres autour de leur trône , "-
c'est eu milieu des députés du peuple qu'ils doivent chercher
leurs plus sûres consolations et les meilleurs conseils.


Lorsque rien ne paraît. stable et que tout. est mis journelle-
ment en question , il n'y a plus de sécurité pour le présent , il
n'y a plus de confiance dans l'avenir, ni pour les subordonnés,
ni pour les chefs; mais quand sine sotte de pacte avait été, si ce
n'est réciproquement convenu , du moins unanimement. adopté,
chacun pouvait se confier a ce qu'il possédait et croire à des droits
établis. Il n'en est plus de même en France ; chaque loi d'ex-
ception, chaque violation de la charte a tout ébranlé et nous a
conduits à la possibilité de voir tout détruire.


Pour cimenter la paix publique , il nous fut ofrert naguères
une déclaration de principes , un résumé de législation écrite ,
on l'avait appelé charte ; les ministres l'annoncèrent comme un
gage de concorde, comme un code invariable de droits et de de-
voirs réciproques; la nation tout entière brûlante d'ardeur pour
la paix , de (lesir du repos , d'amour pour ceux-là même qu'on
Pavait excitée, pendant si long-temps, à haïr , accepta avec joie
ce témoignage d'affection et de justice , sans même examiner
ni le mode ni l'étendue de cette sorte de traité ; elle voulait
croire, sans autre réflexion, à sa durée et à son inviolabilité : au-
jourd'hui il n'y a plus à se méprendre , la nation a été dans l'er-
reur; pourquoi chercher encore à le lui dissimuler ?


Ce qu'on appelait une charte, on ne voulut le lui donner que
comme une concession temporaire ; on n'a entendu lui accorder
pendant un moment: u


l 'suite : telle est la vérite
que ce que l'on po rrait lui retirer par la
interprététion (les choses présentes;




-$


( 284
)


tel .est l'état réel de la situation o& nous nous trouvons, et le
point de vue immédiat de la question que nous avons à traiter
aujourd'hui.


Si la charte est méconnue, si le prestige qui l'entourait. est
détruit avec toutes les illusions qui s'y rattachaient pour chacun,
que reste-t-il alors entre la nation et les pouvoirs en exercice?
Ce ne sont pas des droits fondés; et lorsqu'il n'y a plus de traité,
il ne reste, messieurs , pour chacun , que le possessoire.


Le possessoire est de tous les droits celui qui semble entoure
de plus de force jusqu'à l'instant même on il cesse d'exister ; mais
quand il ne se soutient que par la force, il finit avec elle, et la
force n'est jamais de longue durée.


Quand il sera devenu évident pour chacun qu'il n'y a plus
de constitution , qu'il n'y a plus de charte , chacun raisonnera
sur les droits antérieurs ; et nulle part plus que dans ce grand
royaume de France , il ne peut s'élever à-la-fois autant de pré-
tentions diverses fondées sur ces droits antérieurs : lorsque les
ministres auront brisé le calumet. de paix en touchant à cette
charte que nous consentions , par prudence, à regarder comme
une constitution réelle et respectivement obligatoire ; mainte-
nant que , dans notre monarchie, il n'y a plus ni privilèges , ni
cours souveraines politico-judiciaires , ni droits de corporations,
ni droits de province, chacun pourra se croire fondé à réclamer
à son tour ce qui lui plaisait le plus dans ces anciennes institu-
tions, et bientôt il dérivera de cet état de choses des dissen-
timens , des combats, des révolutions, et un dénouement très-
incertain.


Comment la royauté pourra-t-elle se défendre contre tous ces
dangers ? Que lui restera - t - il , le jour où vous aurez déchiré
vous-mêmes le pacte sur lequel étaient fondés et sa puissance ,
et son droit le plus réel ? Et quelle est cette royauté que vous
voulez compromettre ? Une royauté constitutionnelle, un gou-
vernement représentatif, c'est-à- dire l'organisation la plus per-
fectionnée des pouvoirs publics et le résultat des combinaisons
politiques aujourd'hui les plus approtsvées par tous les hommes
qui ont des lumières et des intentions pures ; parce que dans ce
gouvernement bien compris et fidèlement exécuté , les peuples
doivent trouver la plus grande somme de bonheur possible dans




ce monde, et un Roi sincèrement constitutionnel , les effets
d'une véritable apothéose sur la terre. Ce bonheur réciproque
des peuples et des rois , sous une monarchie représentative et
constitutionnelle *


ne peut jamais être troublé que par des mi-


( 285 ),
n'Istres inhabiles ét mal-intentionnés. Mais dans notre position,
mais •‘•s tons les événemens de l'époque actuelle, après toutes
Inesalisneall'llireuses similitudes de ces événemens de notre temps
avec ceux d'un pays voisin , ne serait-il pas plus qu'imprudent
de nous exposer, en continuant à. faire les mêmes fautes, à voir
missi reparaître tous les mêmes dénouemens? C'est la p•étention
du droit divin, c'est la prétention du devoir de l'obéissance pas-
sive , ce sont les conseils du fanatisme, qui produisirent en An-
gleterre le dernier et le décisif résultat de la possession de la
royauté. !sic courons pas des risques semblables : aucun de nous
ne veut des révolutions nouvelles; nous aimons tous dans notre
Roi actuel et dans les princes de sa famille, des fils de France,
des héritiers d'un sceptre transmis à travers les siècles par une
longue suite d'aïeux ; et si quelque ministre était assez impru-
dent pour exposer, sans motif, à des dangers sans mesure le pou-
voir sage et non contesté déposé dans les mains actuelles, none
seulement il ne pourrait être absous d'une telle imprudence,
niais encore on aurait le droit d'y chercher le but de quelque
combinaison personnelle ou de quelque compensation plus ou
moins éloignée ; calcul trop familier à plusieurs de ces hommes
successivement dévoués , et avec la ratine ardeur , à tous les
pouvoirs qui daignèrent accepter leurs services.


Et comment oseront-ils présenter de telles innovations à cette
chambre des pairs de création si nouvelle , et à tous ces pairs si
nouveaux encore ? Les pairs doivent-ils envisager sans inquié-
tude cette instabilité de nos lois , qui peut remettre à chaqueaq
instant en question tout ce qui existe , sans en excepter les bril-


à l


lentes destinées dont ils viennent à peine d'être dotés ? Le bon
sens et la perspicacité de la plupart de ces dignitaires ne peut
manquer de leur inspirer enfin plus de prudence : parmi eux se
'trouvent des savans, des politiques sortis de plus d'une épreuve,
et de se


p
acteurs expérimentés de nos révolutions; tous ces m s-


garderont d'agir avec légèreté dans une affaire qui ne'i.
sente aussi pour eux ses côtés périlleux. Les pairs ont à rà


écré-


plus que d'autres , sur le danger des changemens ; ils ne se dis-
simuleront pas, qu'alors que même dans leur propre existence
il n'y a rien d'antique que la forme de leurs manteaux et la bril-
lante pose de leurs plumes, il devient d'un plus grand prix pour
eux pour qui que ce soit , de diminuer ces chances de mu-
taut7ions , d'éloigner même le moment de certaines améliorations,
parce que , dans le mouvement de ces améliorations , on arri-
verait bientôt à la pensée, peut-être plus raisonnable, de per-
Teçjionner aussi quelque choseécl atantepos-jusque dans l ur




(- 286 )
session , et d'améliorer sur leur terrain mais pour l'avantage
de tous.


Sans supprimer un second degré de délibération reconnu es-
sentiellement utile par tous les bons esprits, on pourrait cher-
cher à fonder sur des bases plus analogues à notre situation so-
ciale , une institution exotique, transplantée parmi nous avec
les vices de sa vétusté , et sous les conditions désormais impos-
sibles à obtenir dans notre France.


Conseillons donc à MM. les pairs d'écarter l'examen de
cette fausse imitation, peu capable, dans cette France nouvelle,
de jeter de profondes racines sur un sol qui la repousse. Plu-
sieurs d'entr'cux seront frappés , sans doute, du danger de
compromettre les dépouilles pécuniaires d'une magistrature dé-jtruite, dont le patrimoine, destiné au trésor public, est chaqueour partagé sans droit entre de nouveaux-venus. Parmi des
homiaes entourés d'honneurs, des alarmes pécuniaires sont
peut-être aperçues de trop haut pour venir s'associer aux autres
impressions de leur âme, mais une voix plus forte peut faire
frémir leur coeur paternel. Ils ne penseront pas (le sang-froid
à la possibilité de voir remettre en question ce droit d'hérédité,
si généreusement circonscrit dans le petit urne bre de leurs fa-
milles. Des savans , des politiques , des meditateurs profonds
sont trop éclairés, sont trop initiés par leur expérience dans les
pensées de l'âge présent, pour ignorer que, devant les exemples
';e quelques autres innovations qui prospèrent non loin de nos
yeux, devant la raison et le jugement de tous les mois de la ci-jvilisation européenne, il ne reste plus qu'une seule héréditéustement et solidement. consacrée dans les opinions ; cette
hérédité est celle du trône ; celle-là appartient à tous ; elle est
instituée pour le bien de tons, et non pas dans l'utilité unique
et personnelle de l'heureux mortel que la naissance a désigné
pour en jouir ; cette hérédité , fondée sur le plus grand bien de
la masse, devient un gage de concorde et une des bases de la
tranquillité publique; elle mérite non-seulement- Passen lutent
politique de chacun , mais elle réclame encore une sorte de
culte religieux de la part de tout homme ennemi des révolu-
tions, de la part de tout ami de la paix. Il n'en est point de méme
de toutes ces autres hérédités de titres et de places : celles-ci , il
ne faut plus se le dissimuler, sont. déjà condamnées par l'opi-
nion générale ; et ce n'est, point là un effet des théories poli-
tiques, ni d'abstractions en l'ait de liberté, ni deystème de
gouvernement ; c'est tout simplement un produit plus éclairé de
ln raison humaine , de cette raison-humaine qu'on peut bien


( 287 )
c


omprimer qua-Igues instans, mais qu'il n'est pas au pouvoir des
honunes d'étouffer tout-à-frit; sa voix échappe toujours par
quelque issue; elle perce tôt ou tard pour triompher.


Les hérédités de places et de titres sont déjà frappées au
cœur; la blessure est profonde, et si les pai


ars veulent prolonger
en paix, au milieu de leurs pompes, leur possession présente,
s'ils savent n'écouter que la sagesse, s'ils veulent, par leur habi-
leté, conserver quelque durée à l'héritage de leurs précieux reje-
tons, ils frémiront plus que nous, messieurs, n'en doutez pas,
devant le spectacle de trop fréquentes innovations, et ils sau-
ront comprendre qu'en contribuant trop légèrement à gâter la
part des autres, on rapproche inévitablement le montent de
compromettre la sienne. Les pairs j ugeront assez vite que le
plus sûr maintien de toutes leurs ma gnificences réside dans la
stabilité du présent, et dans ce consentement tacite qui nous
fait supporter par habitude ce qui pèse sur nous, pour conserver
ce qui nous console.


Les restaurations ne se font pas seulement pour les Psois , elles
se font et doivent se l'Are aussi pour les peuples; et si elles
n'eussent servi qu'à rétablir des abus, qu'a fiuire revivre des
privilèges que l'opinion et le siècle condamnent, elles pour-
raient alors nous faire craindre la nécessité de nouvelles restau-
rations encore.


L'égalité { non cette égalité chimérique , mais l'égalité des
droits , la seule que cette judicieuse nation française ait jamais
réclamée), est la pensée dominante de l'époque ,
cette pensée est en elle-même essentiellement favorable à la mo-
narchie, parce qu'en ne divisant pas les masses, elle appuie la
royauté sur une base plus large et plus vigoureuse.


De tous les temps les Rois ont été plus souvent troublés et
dépossédés par les privilégiés que par les peuples; c'est toujours
les corps intermédiaires qui ont cherché à envahir une partie
des droits de la royauté ; les peuples et les Rois se sont rare-
ment brouillés ensemble, quand ils se sont vus de près; rare-
ment ils se séparent sans se sentir les uns pour les autres plus
d'attachement et de confiance. Les malheurs des rois et des
peuples ne sont venus q


urpateursde fonctions
ue


et
des intermédiaires. Les oligarques, les


droits héréditaires, ont, dans tous
tleoserteitillipxs r, oiins sepoi iriet'çdeelepsre;étendues méfiances et des haines tour-à-.


et aux peuples contre les rois.
présente encore, dans ce moment même, t'exemple de


ces machinations : ce sont des oligarques et quelques familles
naaes , qui, cherchant à déguiser les véritables motifs




( 288 )
de l'animosité de tous les peuples du monde contre les privi-
léges héréditaires et contre des usurpations aussi funestes aux
rois qu'a leurs peuples, s'efforcent de persuader que les peuples
ne veulent pas des rois , et qu'eux seuls-veulent et peuvent les
maintenir, tandis que toutes les nations à-la-fois ne haïssent
que les privilégiés, reconnaissent l'utilité des royautés constitu-
tionnelles , et sont prêles à les défendre et à les perpétuer fortes
et glorieuses.


Les peuples n'en veulent qu'aux privilégiés; et si les rois en-
tendent bien leurs intérêts, s'ils veulent en même temps assurer
le bonheur public et la durée de leur puissance , ils doivent
-régner pour le bien des peuples, et non pas pour celui des
privilégiés.


Admettre ces privilégiés, ces prétendans à tout par • le seul
droit de naissance, c'est établir dans l'état la haute mendicité.,
qui en absorbe bientôt la substance i et si devant nos yeux , chez
nos voisins , la mendicité e poussé l'état sur le penchant de sa.
ruine, la haute • mendicité, qui prétend s'emparerenFrance et
des places, et des droits, et de tontes les attributions de l'auto-
rité, qui veut séparer le Roi de son peuple, pour placer les
fondemens et l'appui du trône hors de la nation , pourrait ame-
ner un dénouement bien plus rapide, et jeter clans le même
abîme et le trône et la nation; ruais quand les masses comblent
les abîmes, elles reprennent vie à la surface, et laissent enseveli
dans les profondeurs ce qui a provoqué le bouleversement.


Messieurs, je ne finirai pas ce discours sans déclarer que j'ad-
mire la candeur de ceux qui s'obstinent à ne vouloir être à côté
de nous que les représentans des temps passés. Ce qui porte le
caractère d'une certaine franchise m'impose toujours des égards,
et eu lieu de combattre des aveux qui ont le mérite de leur sin-
cérité, je nie contenterai de leur opposer d'autres aveux qui
auront: aussi le même caractère. Déclarons „par exemple, à cet
orateur qui nous a dit un jour, avec une sorte de naïveté, qu'il
ne craint pas les contre-révolutions , mais bien les révolutions.
qu'a notre tour nous ne craignons pas une révolution dont les
-effets sont aujourd'hui réalisés et classés, mais que nous sommes
fort alarmés des perspectives d'une contre-révolutiim qui de-
viendrait bientôt une nouvelle et la pire de tontes les révolu-
tions; disons aussi à ceux qui auraient le barbare espoir de l'ob-
tenir au milieu de toutes ces innovations législatives,qu'ils ont
grand tort de se faire illusion par l'apparence d'un premier suc-
cès, par l'appui de quelques prétoriens et par l'audace de
quelques hommes sans patrie. La nation française se leverait


( 289 )
tout entière pour anéantir la contre-révolution ; et , soit que
Celle-ci ait le courage de se présenter le front découvert , à force
ouverte , soit qu'elle s'introduise furtivement au milieu de nous
sous le manteau d'une religion sainte qu'elle outrage, tous les
bons citoyens sauront bien la combattre et la vaincre, pour faire
triompher, par leur victoire, la liberté publique, la sûreté du.
trône, et les vrais intérêts de la famille qui en a la possession.


La discussion est continuée au lundi 22.


Séance du as mai.


M. le marquis de Causans est admis comme député du dépar-
tement de Vaucluse : il prête serment.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion gé-
nérale sur le pi ojet de loi relatif aux élections.


M. le comte cie Salaberey parle en faveur du projet de loi,
et vote pour.


M. Courvoisier établit et résout contre l'admission du projet,
que la loi proposée par le gouvernement: constitue une autre aris-
tocratie que celle dont la chambre des pairs est le représentant
naturel ; qu'elle viole la charte ; que les circonstances actuelles
ne sont pas de nature à exiger impérieusement l'admission de
ce projet ; que, dans l'état actuel des choses , il n'est pas besoin
de fortifier l'élément aristocratique; enfin, qu'il n'est pas vrai
que, d'après les ternies de la loi existante, la grande propriété
soit sacrifiée à la propriété moyenne.


Une vérité que l'histoire atteste , ajoute-t-il, c'est que le
pouvoir fomente les troubles si, lorsque les partis agitent l'état,
il essaie de les balancer l'un par l'autre. C'est surtout sous un
gouvernement représentatif que cette anomalie politique est vi-
cieuse : l'Angleterre l'a prouvé jusqu'à l'évidence. Qui e tari la
source des troubles et des révolutions dans ce royaume, de
Georges L er , ou de la reine Anne? Donner à des intérêts op-
posés des droits et une force dont chacun d'eux puisse s'emparer
pour attaquer l'autre , ce n'est pas les concilier, c'est les animer
à se combattre; or, l'issue de tout embat, c'est une Victoire et
une défaite; moins fort que le vainqueur, le gouvernement suc-
combe s'il reste indécis. Sous la monarchie constitutionnelle
le gouvernement n'a qu'un appui, c'est la nation ; qu'un intérêt,
celui du plus grand nombre. Si quelques intérêts s'en isolent,
au lieu de leur donner des droits et des forces, il faut les affaisser
pour qu'ils se rallient; de la sorte, l'intérêt commun sera bientôt
celui de tous.


'9




( 290 )
L'un de MM. les commissaires du Roi nous a dit que le projet


M'était pas favorable A l'ancienne noblesse; qu'elle n'entrerait que
pour un cinquième dans la formation des collèges de départe_


mit. Les renseignemens transmis au ministère sont-ils exacts?
jeerois que tel est le résultat, puisque M. le baron Capelle. nous
l'annonce; cependant l'ancienne noblesse de France se compo-
sait de quatre-vingt-trois mille individus , ou environ dix-sept
mille familles, à-peu-près autant de familles qu'il y aura d'indi.
vidus clans les collèges de département. Lès plus grandes pro-
priétés étaient dans ses mains ; elle était riche, puisqu'elle
achetait son lustre, et qu'à l'exception des emplois de la magis-
trature et. de l'armée, on vivait sans état productif du moment
qu'on était anobli. ( AI. de Chabriant , de sa place : La révo-
lution l'a ruinée.) Oui la révolution l'a frappée, elle a ruiné
beaucoup de monde; niais la noblesse entière n'a pas émigré ;
les successions, les restitutions ont réparé ses pertes. On ré-
pugne à croire que sur dix-sept mille familles, il n'y ait que
le cinquième d'anciens nobles dans les collèges de departement.
Il est de fait, au contraire, que la grande propriété est encore
entre les mains des anciennes tirailles; ce serait donc à leur
profit que l'aristocratie serait établie ? An su rplus, n'importe le
nombre des anciens et nouveaux nobles que la fortune doit
y introduire , il une suffit de reconnaître si le projet de loi établit
l'aristocratie. Je soutiens qu'il convertirait en aristocratie notre
constitution, dégagée déjà de la démocratie par lea sages dis-
positions de la charte.


Quelle aristocratie! s'écrie-t-nn , ,que celle dent le privilège
ne consisterait qu'à nommer, une fois tous les cinq ans , quel-
pies députés parmi les candidats qu'on lui désigne ! Je réponds
que ce serait une aristocratie réelle. une aristocratie puissante,
une aristocratie plus puissante que l'aristocratie féodale ne le fut
jamais. Ce serait une aristocratie réelle, car l'aristocratie poli-
tique n'est que l'inégalité de droit: an profit d'un petit nombre;
ce serait une aristocratie puissante , puisque, sur vingt-ne c f
millions d'habitans , elle conférerait à dix-huit mille électeurs
une influence spéciale sur les destinées de la nation. On objecte
qu'il ne peut y avoir aristocratie sans hérédité et sans pouvoir
l'hérédité est plus spécialement l'attribut de l'oligarchie; quant
au pouvoir, la nouvelle aristocratie n'en serait pas dépourvu e :
n'est-ce pas un pouvoir que celui de disposer , du sort de l'état?


La nouvelle aristocratie serait puissante, et plus puissante que
l'aristocratie eodale ne le fut jamais. En effet, aux prises avec.
le peuple et les rois, l'aristocratie féodale ne possédait que des


( 29 1. )
serfs et des donjons ; la bourgeoisie occupait les bourgs et les


elle avait ses magistratures et ses milices ; à Paris même,
les clés de la ville étaient, chaque soir, déposées chez les
i„arteniers ,•sle prévôt- des marchands était l'un des hommes les
p.uss considérables du royaume; Henri III ne dédaignait point
clé maneer à l'Hôtel-de-Ville avec les princesses de son sang;
Henri I' le titre de bourgeois de Paris, cota ale Guil-
laume lli prit dès-lors celui de syndic de la communauté des
épiciers de Londres : telle était la condition de la bourgeoisie
sous le régime de la


Que -veut-on .conférer en ce jour à l'aristocratie, qui ne se
montre encore que sous le voile de la grande propriété ? Est-ce
le droi t


d'opprimer quelques vassaux , de détrousser quelques
passais, de menacer du haut de ses tours le manoir voisin ou le
bourgeois armé contre ses pillages? Non , c'est au nom de la
loi qu'on veut lui soumettre les destinées de la natice:; c'est au
nom de la liberté qu'on la rend l'arbitre des droits de tous ;
c'est au nom de la charte qu'on lui confère le pouvoir de miner
nos institutions avec adresse, ou de les ruiner avec violence;
c'est au nom de la justice sociale qu'on veut imposer à l'opi-
nion lejoug de cette influence politique dont la grande propriété
peut s'investir par tant de moyens qui lui sont propres , mais
qu'elle doit briguer do l'estime, obtenir de la confiance , et non
exercer impérieusement en vertu des lois.


Il est une époque dont nos historiens n'ont pas assez médité
les suites, c'est la chute de la féodalité on veut commettre en
ce jour la faute qu'on commit alors ; aujourd'hui elle entraîne
pourtant la décaclencede la monarchie. La féodalité fut un mal;
mais nit plus grand anal en suivit la chute. Réduite à délaisser
ses châteaux forts, la noblesse obtint, en indemnité de ses
Pertes , tout ce dont la classe moyenne avait jnui : elle envahit
la cour et la ville ; on la vendit, on la multiplia sans mesure;
honneurs, emplois, profits, tout fut pour elle ; quiconque
an'reretatait Qu'opéra cette,


métamorphose? Elle
les progrès de la nation; e .e relâcha les liens entre le


cpleatst spelerneotyleenzna . Ouvrez nos annales, et vérifiez si cette
' c


i
depuis Louis


qu'on
vaut dépouiller en ce jour, comme elle


fut dépouille
de l'ordre et l Xlii, n'avait pas toujours été l'appui


soulevée par elux


rcissource du trône, entre l'ambition des grandsfparissop


a,


r
opriétaires et l'effervescence de la populace trop souvent


Louis XI V.
éblouit l'Europe; aussitôt après la monarchie s'af-


elle nourrissait des octanes de troubles; la majorité de




( 2,92 )
la nation se détachait d'un nouvel ordre qui la rabaissait dans
l'ordre social quand elle s'y élevait par le mérite. Louis XV en
fut frappé ; les ambassadeurs étrangers le pressaient de changer
la constitution de son royaume ; niais les courtisans, toujours
égoïstes, toujours avides, toujours incorrigibles, les courtisans
remportèrent sur la prudence du monarque et sur les besoins de
la nation.


Louis XVI fut également comprimé par eux : la révolution
survint ; quelle en fut la première cause? Qui aspira d'abord à
s'élever sur les prérogatives des rois? quelle égide ensuite trouva
le trône? Ah! c'est dans l'amour et l'intérêt de tout le peuple
que repose véritablement le gage de la force et de la sécurité du
prince , et non dans le zèle intéressé d'une fàible partie de ses
sujets. (d'if mouvement d'approbation.) C'est là que la charte
avait placé le gage , et que la loi clu 5 février l'avait fixe.


La société civile e pour but l'avantage de tous les individus
qui la composent; le gouvernement représentatif n'est que l'in-
térêt général mis en action, selon le vœu, légalement connu, du
plus grand nombre. Le droit d'élire appartient fila population
et non au sol ; la charte en a restreint l'exercice, mais c'est dans
l'intérêt de tous que la restriction est établie, et non dans l'intérêt
de quelques hommes ou de quelques classes de citoyens.


Puisque le droit d'élire appartient. à la population, les con-
ditions de propriété .que la constitution peut prescrire-ne sont
que des garanties de capacité; puisque ces conditionsne forment
qu'une garantie de capacité, tout cito y en que la constitution a
reconnu capable, exerce un droit individuel, un droit égal ;
ne l'obtient pas, il le conserve; puisque la restriction est établie
dans l'intérêt de tous, si la grande propriété peut seule être
'élue, et que la petite propriété soit privée de la 'acuité d'élire,
l'influence sur les opérations du collège électoral appartient à
/a propriété moyenne; puisque le gouvernement représentatif
n'est que l'intérêt général mis en action, selon le voeu , légale-
ment connu , du plus grand nombre, toute la loi sur la forma-
tion des collèges électoraux est défectueuse , si elle n'offre une
voie facile et sûre au voeu de la majorité : l'élection directe est
le meilleur mode.


La charte porte, article : Tous les Français sont (leu:z-
en droit devant la loi; si l'électeur est Français, si la loi qui
organise les collèges électoraux est une loi, tons les électeurs
sont égaux en droit, du moment où ils ont rempli la condition
imposée pour l'exercice du droit de suffrage.


Je pourrais me borner à ce dilemme : le droit appartient à


( 293 )
la personne ou à la propriété. S'il appartient à le personne, il
appartient à l'individu, et pour l'exercice d'un droit individuel
tout citoyen est de même poids; s'il appartient à la propriété,
il est proportionnel; il ne suffit plus d'attribuer la présentation
des candidats aux petits propriétaires pour donner aux grands
propriétaires la nomination des députés, ii faut afficter à chaque
propriétaire un nombre de suffrages restreint ou multiplié, selon
l'étendue de ses possessions. Or, le droit n'appartient point à la
propriété, car il n'appartient point an sol; la féodalité n'est pas,
en France comme en Angleterre, la source et la règle de la
représentation . Puisqu'il n'appartient point à la propriété, il
appartient à la personne; et, puisqu il appartient à la personne,
tout citoyen, reconnu capable, le conserve et doit l'exercer
dans une proportion égale, puisque tout Français est égal en
droit devant la loi.


Pour démontrer la nécessité d'établir la candidature et le
grand collége, M. de -Villèle a rassemblé plusieurs citations
Rome et Athènes.


A Athènes, le peuple fut divisé en quatre classes ; les plus
pauvres, quoique plus nombreux, formaient la dernière : riches
ou pauvres , tous étaient également admis à voter dans les as-
semblées du peuple. Périclès, pour y attirer les pauvres, leur
fit assigner un salaire. Mais oublions Athènes et ses exemples :
ce fut une démocratie pure; notre monarchie constitutionnelle
n'est point soumise aux lois de Solon. Quant :lui centuries ro-
maines, il est vrai que Servius Tullius les créa lorsqu'il institua
le cens; il ne montra que l'intention d'en affranchir les pauvres
citoyens. La ruse réussit au roi de Rome ; quel en fut l'effet? Il
éleva les riches et les grands, et bientôt après le trône succomba
sous leurs coups; il trompa le peuple pour l'abaisser, et Rome
devint une arène sans cesse ouverte aux dissensions. Les patri-
ciens et les chevaliers jouirent-ils long-temps du droit de maî-
triser les suffrages? Le peuple fit tant par ses tribuns , qu'on
substitua les comices par trions aux comices par centuries ; et
ce fut pour l'exil de Coriolan, que. peur la première fois, on fit
usage de ce nouveau mode, l'an 265 de la fondation de Rome ;
puis l'an 3o6 , on arrêta que les décisions des comices par tribus
auraient la force et l'effet des lois, et que praticiens et plébéiens,
tous seraient pliés sous leur empire.


Si vous ne vouiez compromettre le pouvoir royal et les libertés
p u b liques , gardez-vous de réchauffer le germe de cette aristo -
crate qui ne saurait jamais grandir. qu'au détriment du peuple
et des rois. Voyez la Pologne, elle eut long-temps une constis





( 294 )
tution sa (se • ses rois tenaient vraiment le sceptre les droits elnpeuple b


alançaient le pouvoir des grands. Délaissé par les rois,
le peuple s'abandonna lui-rnime; au seizième siècle, il fut ess
clave, et le pouvoir des rois n'était plus. Comme la Pologne,la Suède- et le Danemack avaient conservé l'ancienne constitu-tion des peuples du Nord 3 ennemie, par sa nature, de la liberté
comme dis pouvoir, l'aristocratie aspira sans rehlehe et réussit
souvent à s'élever sur les droits du monarque et de la nation.
Ce fût eh haine de ses succès et de ses efforts que les Dan oisprocla


mèrent, au onzième siècle, que /eus monarque désormais
serait absolu sur la terre, et que la Suède rendit la couronnehéréditaire au seizième


.


siècle : trois fois opprimée dès-lors par
ceux-là même dont elle avait voulu briser le joug, trois Ibis
elle releva le sceptre, et se soumit, pour les y soumettre an
pouvoir absolu des rois


La Bollande , depuis Guillaume
a fourni deux ibis la


•prenve. Elle crut être plus libre en remplaçant le S t a -
th onde ra t par la domination de ses principaux citoyens; fatiguéebientôt du


.poids d-e son oligarchie bourgeoise, dupe et victime
de ses essais-, elle recourut au pouvoir d'un seul, et rendit enfin
ce pouvoir héréditaire dans la maison de Guillaume de Nassau.


En Espagne , comment les rois étaient-ils parvenus à établir
cette d


omination absolue sous laquelle le peuple espagnol fut
si long-tetnps fier et jaloux de se


.
plier ? Mais au moment ofs


cette nation s'engage dans une carrière périlleuse. faisant des
vseux polir son bonheur, je me tais sur les souvenirs qu'elle
m'offrait dans le passé.


Voulez-vous, messieurs, affermir en France l'ouvre de h
sagesse du nionarque , laissez à la propriété moyenne l'influence
que peut lui donner sur les élections, l'égalité <le droits dont
elle jouit ? Er. réclamant ses prérogatives, en se méfiant de l'in-
fiuence que les grands propriétaires peuvent usurper, elle ne
menace point. le trOns:, le peuple l'ut toujours avide du pouvoir
des rois; elle ne flatte point la démogagie comme le-riche; elle
en redoute les excès : si elle-se lie- à nos i nstitutions, c'est que
des souvenirs récens, mieux encore que d'anciens souvenirs lui
rappellent qu'entre elle et le trône, on peut susciter d'autresdangers. ( L


'orateur combat ensuite le projet, en faisant le ta-bleau des résultats qu'il doit produire dans son a pplication. )Faut-il donc relever l'aristocratie sous le nom de la grande
propriété? II est deus espèces d


'aristocratie, l'une naturelle et ifisPanure politique : la première appartient à la nature même des
hommes et dès choses; elle est inhérente à la société partout or_


( 295 )
les hommes seront réunis, dans les cités ou dans les bois; dans
l'état de civilisation ou de barbarie, il se formera divers degrés
de considération et d'influence, selon la valeur des individus
et l'opinion qu'nn aura conçue de leur mérite. Cette espèce d'a-
ristocratie appartient à toutes les sortes de gouvernement.; la
naissance et la fortune , aussi bien que les vertus et les talons,
en sont les titres; elle est. héréditaire, car la considération dont


jouit
le père dispose les esprits à reconnaltre la supériorité du fils.


La seconde dérive de la loi; elle affècte des rangs, des bon-
des privilèges à quelques classes de citoyens. Sagement


sieurs,
restreinte, elle aide au maintien de l'ordre, elle facilite l'action
de la puissance exécutive , en graduant le respect et la déférence
entre la foule qui doit obéir et le pouvoir qui doit gouverner.
Inconsidérément étendue, elle crée le germe du désordre, elle
forme dans l'état une puissance inévitablement ennemie des
libertés du peuple et de l'autorité des rois.


L'aristocrat ie naturelle est volontaire, et dès-lors elle est sans
danger : l'opinion l'accorde ou la refuse; elle ne peut humilier
celui qui la concède ; elle ne peut égarer celui qui l'obtient.


L'aristocratie politique est imposée; il faut dès-lors que la
raison l'adopte , ou que le préjugé la soutienne : que devient-
elle en effet si, purement onéreuse ou vaine, elle ha ni la raison
ni le préjugé pour appui


Aux temps où l'on n'estimait que la -valeur brutale, les nobles,
toujours en armes dans les tournois ou dans les combats, étaient


- les plus adroits, les plus forts et les plus braves; la raison et le
préju gé les protégeaient. Le merl I e ensuite rapprocha leshommes;concurrence s'établit entre les classes, t'ignorance fit place
aux lumières, et la caste privilégiée s'affaissa. Le gouvernement
voulut l'étayer; vains efforts l'Elle l'ébranle, s'il s'y attache
lorsqu'elle chancelle; et bien plus encore, s'il entreprend. de la
relever après sa chute, quand , dénuée même d'un éclat factice,
elle reste abandonnée de tout suppôt.


L'une et l'autre aristocratie sont dans la charte : l'une est sa-
gement concentrée dans la pairie, l'autre se mêle dans tous les
rangs. Les pairs ont des privilèges et ils les transmettent, non
dans leur intérêt particulier, niais dans l'intérêt de la nation.
Du reste, le peuple se nuance à l'infini, dans les individus qui
le composent; l'un vaut plus et l'autre moins; chacun jouit et
se prévaut des dons de la nature et de la fortune; le concours
est libre; tous y sont admis et tout s'y pèse : l'influenc e et la
considération en sont le prix ; mais c'est l'opinion qui le décerne.


'Noblesse et privilèges pour la pairie ; égaliti de droits, unité




( 296 )
de vos ux , identité d'intérêts pour tous les autres citoyens;
nuances du reste par tons les degrés du mérite, de la fortune et
de la naissance; tel est l'ordre constitutionnel.


Le progrès que le temps et la raison ont opéré chez les An-
glais, la charte le suppose, la loi du 5 février le nécessite; le
repousserons-nous sous de faux prétextes? Etahlirons-nous aine
double aristocratie politique au sein de notre constitution ? Per-
pétuerons-nous le schisme qui nous menace de troubles ou de
ruine, en conférant la haute influence sur les destinées de la
nation à l'aristocratie inconstitutionnelle, que vainement on es-
saie de nous déguiser sous le masque de la grande propriété ?


C'est pourtant sous le spécieux prétexte de tirer de la nullité
politique l'élément aristocratique de notre constitution, qu'on
:nous propose une innovation nécessairement funeste ; funeste
au Roi, funeste aux pairs, funeste à la nation.


En effet, la nouvelle aristocratie politique s'unira d'intérêts
et d'efforts avec la pairie, ou bien elle luttera contre elle. Dans
le premier cas, l'innovation sera funeste au Roi, vu que si jamais
l'influence aristocratique et l'influence démocratique de la cons-
titution viennent à se concentrer dans la main des riches et des
grands, la royauté ne sera plus qu'use vaine ombre ; dans le
second cas, l'innovation sera funeste à la pairie; car le nouvel
élément, loin de se plier à son influence, ne cessera de l'envier
et de la combattre pour la dominer ou la détruire. Dans l'un et
l'autre cas, l'innovation sera funeste au peuple , que l'aristo-
cratie régénérée doit inévitablement dépouiller de l'égalité de
droits que la charte pourtant lui assure.


Pensez-vous, en effet, messieurs, que si jamais l'aristocratie
vient à dominer au sein de la représentation nationale, elle né-
glige d'user pour elle de l'influence qu'elle aura conquise ? Je ne
le crois pas; l'histoire du monde me crie le contraire , et des
souvenirs récens m'avertissent que, sous ce rapport, la face du
monde n'a point changé. Je crois que les hommes qui sourirent
aux essais de 1815, eussent formé la fronde, s'ils eussent vécu
durant la minorité de Louis XIV, et la ligue, s'ils eussent vécu
sous Henri III. Je crois qu'ils rétabliraient en ce jour l'hérédité
des priviléges, si ce triomphe leur était possible, comme au fia=
meux traité d'Andelv, leurs devanciers emportèrent l'hérédité
des bénéficès , puis arrachèrent à la faiblesse de Charles-le-Chauve
l'hérédité de ces mêmes fiefs, que Charles Martel n'avait créés
que pour affermir le pouvoir des rois. Je vote pour le rejet du
projet de loi. (Très-vif mouvement d'adhésion à gauche et au
centre de gauche. —tue longue agitation. succède. )


( 297 )
M. MousnierSuisson reproduit les raisons précédemment


émises en faveur du projet et contre la loi existante.
M. de Saint-Aulaire , après avoir cherché à disculper l'ancien


ministre, et établi la différence entre le premier projet et celui
en discussion, combat ce dernier comme destructif de la liberté
publique, comme avilissant pour la chambre des députés,
comme parodiant le système représentatif, et parce qu'il trans-
fere le pouvoir aux mains d'un parti.


La séance est ajournée au lendemain.
Séance du z3 mai.


On reprend la discussion générale sur le projet de loi des
èleetions.


M. Corbière parle en faveur du projet pour lequel il vote.
( 1A pplaudissemens du côté droit.).


M. J3ignon. Messieurs, la discussion qui vous occupe en ce
moment est peut-être la dernière où des voix libres puissent se
faire entendre tncare. Si la loi qu'on vous propose est adoptée,
c'en est fait de la liberté publique, c'en est fait <le toute liberté
-dans cette enceinte. Cette tribune même n'appartiendra plus
qu'à la tyrannie et à la servitude. Si le mot de tyrannie blesse
ici des oreilles délicates, Montesquieu en donnera l'explication.
cc II y a, dit ce profond publiciste, cieux sortes de tyrannie,
n une réelle qui consiste dans la violence du gouvernement , et
ss une <l'opinion qui se fait sentir, lorsque ceux qui gouvernent
.a) établissent des choses qui choquent la manière de penser d'une
ludion:» J'ignore si la première espèce de tyrannie est immé-
diatement à craindre, quoique de fortes raisons s'élèvent pour
l'affirmative; mais ce que je sais bien , c'est que la France n'é-
.chappera, pas à la seconde. Celle-ci , en effet, n'est-elle pas déjà
déployée dans toute sa force? Jamais la manière de penser d'une
nation fut-elle choquée, froissée, violentée, comme l'est au-
jourd 'hui celle de la nation française par le régime si contraire
à ses moeurs actuelles, auquel on prétend l'as servir? L'âme du
citoyen se soulève contre la dédaigneuse audace dont semblent
faoiru,es para.-.!e les auteurs de cette téméraire entreprise. Pour
no s, tandis qu'il nous est permis de siéger encore sur des bancs
où réside le noyau sacré d'une véritable représentation natio-
nale, gardons-nous de dangereuses .et criminelles réticences.
Osons dire toutes les vérités utiles à la nation et au trône, et, si
le parti qui assiége le trône lui en ferme l'accès, in nation du
moins nous aura entendus et elle nous jugera.




( 298 .)
Trois intérêts, messieurs , sont ici en présence; l'intérêt du


ministère, celui du parti aristocratique, celui de la nation. Les
Cieux premiers soutiennent la nouvelle loi. Le troisième la re-
pousse avec horreur.


/ o . Le but de la nouvelle hii est d'établir le règne des privi-
lèges sur les ruines de l'égalité.


"Le législateur ne doit ' pas, capricieux despote, changer les
lois sans en donner de motifs, comme un sultan change ses visses..
Dans l'impossibilité où est le ministère d'avouer hautement les
raisons effectives qui le portent à vous proposer l'abrogation de
la loi du 5 février 181 7


, il faut reconnaître que sa tâche n'est
pas aisée. On accuse les résultats de cette loi, mais cette accu-
sation a aussi sa difficulté. Si l'un des ministres du Roi, celui
de tous qui s'est placé le plus haut par l'ingénuité de ses aNCIDC
a pu, dès le commencement de cette session, laisser éclater des
soupçons injurieux et un superbe mépris pour les cent mille plus
forts imposés qui composent les collèges électoraux i comme pourles choix faits par ces honorables citoyens, c'est un degré de
courage qui u'à pas été donné à tout le monde. Il paraît que ce
genre de courage a manqué à M. le ministre de l'intérieur et à
M. le rapporteur de la commission. Aussi, faute de cette har-
diesse qui ne se refuse pas l'injure, ont-ils été tous deux, en ce
qui concerne les prétendus inconvéniens de la loi du 5 avrier,
réduits au mode d'argumentation le plus insignifiant et le plus
dérisoire. Ils se sont présentés à vous comme illuminés d'une
clarté soudaine, comme cédant au cri d'une'con,ccience mieuxjéclairée, et ils ont fondé surtout la force de. leur opinion daour, sur la contradiction qu'elle offre avec leur opinion de la
veille. Le procédé est neuf et l'invention curieuse. ( On rit.) A
la vérité ces métamorphoses politiques, ces brusques conversions.
ont toujours un côté suspect , mais on n'en doit que plus d'ad-
miration à la conduite méritoire d'hommes qui, au risque d'in-
terprétations {nicheuses, obéissent ainsi à la puissance d'une
conviction désintéressée. lin pareil effort de vertu ne peut
échapper au tact délicat et prompt de la nation française :
rendra justice à


.
un si héroïque dévouement. (Môme mouve-


ment.) Cependant, nous devons des actions de grâce à M. le -
rapporteur de la commission et à M. le ministre de l'intérieur,
pour s'être abstenus de faire usage d'armes que leur rôle ne com-
porte pas; nous en devons à nos adversaires du côté droit, pour
la franchise de leur hostilité, pour la naïve énergie de leurs in-
sultes. Par eux, la question est devenue une question de per-.
sonnes, en même temps qu'elle est une question de principes


( 299 )
Depuis la loi du 5 février 1837 , la chambre de 1815 s'est


écla ircie à -vue d'œil : encore une récolte, et il n'en restera que
peu de débris. Ce n'est que par un coup d'état légal qu'elle peut
se recomposer et redevenir maîtresse du champ de bataille. Ce
coup d'état légal, c'est le projet proposé. C'est à chasser de cette
chambre les vrais représentans de l'intérêt national que tendent
les efforts de ceux qui siègent de ce côté , et dont le ministère
actuel est devenu l'instrument. Les inconvéniens de la loi du
5 février 38,7, ses mauvais effets, ses funestes résultats, c'est
nous, mes honorables collègues , c'est votre élection et la
mienne. cc L'arbre e porté ses fruits, nolisa dit un orateur du
côté droit, un second a vu en vous les éléniens d'une nouvelle
convention; un troisième a porté l'outrage jusqu'à des désigna-
tions individuelles ». Cet outrage vous est commun à tous : vous
en réclamerez tous la solidarité.


Oui, vous avez tous mérité d'être chassés (2,,, cette enceinte,
anarchistes, qui voulez l'ordre et la paix; révolutionnaires , qui
demandez le maintien de la charte et la stabilité des lois; il faut
vous chasser de cette enceinte , vous tous grands propriétaires,
riches banquiers, négocions et 111à1lutcturiers recommandables ,
illustres agriculteurs, tous essentiellement amis du trouble et
des bouleversemens; 'VOUS, oracles du barreau et publicistes
distingués, à qui vos études n'ont pas :appris que le sublime de
la législatWn est dans la variabilité quotidienne des lois et même
de la loi fondamentale ; 'VOUS , braves et loyaux militaires, qui
croyez que les devoirs du citoyen aufbrum ne sont pas ceux du.
soldat dorant l'ennemi; vous, magistrats intègres, fonctionnai-
res publics consciencieux, qui, soumis par vos emplois à la dé-
pendance légale, gardez, comme députés, l'ind.épendance de
votre opinion et de votre suffrage ; vous tous enfin, ennemis de
l'arbitraire, criminellement unis par le lien d'un sincère atta-
chement à la charte et. au trône constitutionnel. Il faut vous
chasser d'ici et on y réussira peut-être; mais la France vous
ouvre les bras et ses bénédictions vous attendent. ( bravos pro-
longés. ) La loi par laquelle vous avez été amenés dans cette
chambre , ne pourrait y introduire que des hommes qui ppense-
raient.comme,


qu'il


presse; c'est une loi démocratique,
démagogique




il est urgent de faire disparaître.
OUs Voli s plaignez, nous ont dit plusieurs orateurs, qu'on


veuille queétablir
l'état




en France, et n'est-ce pas déjà une oli-
g constitué par cette même loi de février 18,7
dont vous demandez la conservation? Oui, messieurs, nous n'en
disconvenons pas. Cent mille Français 'appelés seuls, sur une




( :zoo )
population de vingt-huit millions d'âmes, à exercer le droit d'é-
lection , forment une sorte d'oligarchie: mais, en ce sens, il y a
oligarchie partout où il y a représentation. D'ailleurs de ce
qu'une oligarchie d'une certaine étendue a pu être admise, s'en
suit-il qu'on doive accueillir une oligarchie étroite qui placerait
dans les mains de quinze à dix-huit mille électeurs, tous lee
droits politiques de la nation, la surveillance de tous les intérêts
de la cité, la pleine disposition des ressources de l'état, la -pos-
session exclusive de tous les avantages sociaux ? C'était un pro-
dige de raison de la part de la nation française d'avoir su se
contenter de la concentration oligarchique du droit électoral,
établie par la loi du 5 février 3 81 7


: c'est exiger d'elle un pro-
(tige de stupidité que de vouloir qu'elle adopte de même un
projet qui quadruple cette concentration.


Pour nous tranquilliser sur les inconvéniens <l'un droit d'é-
lection aussi restreint, le rapporteur de la commission pré-
tend que l'ancienne aristocratie sera en grande minorité dans les
collèges électoraux. Cette assertion est notoirement inexacte;
mais, même en la regardant comme vraie , conviendrait-il d'or-
ganiser une aristocratie parce que cette aristocratie se compo-
serait de roturiers aussi bien que <le gentilshommes? C'est le
privilège en lui-même que nous repoussons sans acception <les
personnes qui peuvent être destinées à en jouir : c'est le privi-
lége seul qui nous blesse et nous révolte : hors la chambre des
pe-irs, nous n'en voulons nulle part, nous n'en voulons pas plus
en faveur de la haute richesse, que nous n'en vouions en faveur


. de ce qu'on appelait autrefois la haute naissance. Quoique <le
toutes les aristocraties la plus odieuse soit la noblesse féodale,
parce qu'attachée an sol, elle remonte à une usurpation de la
force ; quoique la.'noblesse fondée sur le commerce et la magis-
trature, soit plus pure à sa source et moins dangereuse dans ses
suites, parce qu'elle est le prix du travail et qu'elle se renouvelle
plus souvent, nous ne voulons pas plus de l'une que de l'autre
dès qu'il s'agit d'y attacher un privilège, dès qu'elle est elle-
même un privilège. Plus conséquens dans notre conduite que ne
le furent d'autres états , nous ne voulons pas plus, nous, peuple
laborieux et productif, envahir la domination sous le nom de
noblesse de soie, de noblesse de laine, de noblesse de banque
comme le fit l'oligarchie roturière de Florence, que nous ne.
voulons la laisser envahir par d'antres sous le nom de noblesse
territoriale, de noblesse des châteaux. Nous avons bien. assez-
de la dose d'aristocratie guenons e donnée la charte, en exigeant
trois cents francs pour être électeur et mille irancs pour être
é ligible. (Mouvement d'approbation. )


.( 3o t )
. Ce qui, dans la loi existante , ôte tout inconvénient à une


aristocratie de quatre-vingt mille citoyens, c'est la mobilité
perpétuelle qui fait apparaître tous les ans des électeurs nou-
veaux, par la facilité d'atteindre une contribution de trois centsfrancs. Ce genre d'aristocratie est sans danger, parce qu'elle n'a
rien de fixe et de stationnaire; mais en sera-t-il de même lors-
ou'au mépris des droits <les quatre cinquièmes des électeurs , le
droit électoral sera restreint au cinquième des plus fort impo-
sés? Dans cet ordre de choses , ce dernier cinquième ne forme-
t-il pas un corps compact, peu susceptible de variations, ou ne
se recrutant que d'auxiliaires intéressés à le maintenir dans la
possession des droits exclusif qu'ils sont admis à partager?
Une loi pour le rétablissement des majorats, ainsi que déjà la
proposition en est faite à la chambre des pairs , est la suite
nécessaire et le complément naturel de celle qui vous est
soumise.


Dès que vous resserrez le droit d'élire entre un petit nombre
de fort contribuables, il est tout simple que ceux-ci tendent
à maintenir ce droit dans leur famille. A l'instant même où un
privilège est établi, l'intérêt privé doit tendre à le rendre héré-
ditaire ; cette marche est conforme à la nature de l'esprit hu-


- 3nain. Ce qui m'étonne seulement aujourd'hui , c'est sa rapidité :
le nouveau mode électoral n'est pas encore voté dans cette
chambre, et déjà dans l'autre chambre on s'occupe à garantir
l'hérédité du titre d'électeur. Ce qui, en d'autres pa ys , ne s'est
opéré que comme abus, par usurpation et par la succession des
tiges , on veut à Paris l'établir systématiquement comme une
institution utile. Après qu'un grand conseil électif eut remplacé
à 'Venise les assemblées générales du peuple, plusieurs siècles
s'écoulèrent sans que les membres de ce conseil électif pussent
le transformer en un corps permanent , et restreindre l'éligibi-
lité aux seules familles qui en avaient déjà fait partie. Cette ten-
tative, plusieurs fois hasardée sans succès, en 331 9 réussit
enfin. Alors fut organisée la plus forte des aristocraties, et
périt le gouvernement représentatif, qui s'était maintenu j us-
qu'à cette époque. Parmi nous, les événemens se pressent da-
vantage; le temps chemine plus vite : le gouvernement repré-
sentatif existe à peine depuis quelques années en France, et déjà
le bras de fer de l'aristocratie se hâte de l'étouffer. Les diffé-
rences dans la forme ne changent rien à la nature des choses.


A Venise, ce firent toutes les familles enrichies par le com-
merce qui formèrent le patricial en France, par suite de l'état
actuel de la société, on appelle indistinctement dans le nouveau




( 302 )


patriciat qu'il s'agit d'introduire, et la propriété, foncière et la
propriété commerciale, et !a propriété industrielle ; mais de
quelque principe que aorte l'aristocratie, ses titras sont toujours
les mêmes. Celle que l'en veut former en France serait d'autant
plus funeste, que sa domination serait sans contre-poids. Bien
que les élémens dont elle se composera paraissent: d'abord se
combattre entr'eex , ils finiront , après une lutte plus ou moins
longue, par s'amalgamer, par se confondre dans un intérêt
unique, qui sera nécessairement opposé à l'intérêt général de la
nation. Vo;:s êtes, messieurs , presque tous appelés par votre
fertune à entrer dans la composition de cette aristocratie nou-
velle. On vous invite à TOUS approprier un droit exclusif aux
dépens des quatre cinquièmes des autres électeurs. Sachez ré-
sister à cet appât perfide : rejetez ce funeste présent. Si vous
obéissez â l'impulsion qu'on vous donne, vous allez séparer les
électeurs en classes de privilégiés et d'hilottcs politiques ; la
France aura aussi son liera ci'or, qui, proportion gardée, ne
sera guère plus étendu que celui de Venise; et, quoi qu'en dise
M. le rapporteur, qui paraît avoir une prédilection marquée
pour les classifications , ce n'est ivont ld ordonner d la nias ire
de la .Providence. Le privilège aura même parmi nous un carac-
tére plus spécial qu'à Venise; car le litre d'électeur, ou plutôt
l'électorat , ainsi qu'on le nomme dans la chambre des pairs,
sera-attaché à telle majorité, à tel château , à tel domaine. 11
est vrai que, pour le moment , les majorats que l'on propose
d'établir doivent être sans titres lionoriflques ; mais, le premier
pas fait, le second sera-t-il bien difficile? et d'ailleurs, le pri-
vilége ne consiste pas dans une qualification. Nul tif
s re e pré-


cdait le nom des nobles vénitiens; ce patricial., pour être sans
titre, était-il moins oppressif et moins vexatoire


Poursuivez, messieurs, la tâche à laquelle on vous invite.
'ne année dans laquelle ont été suspendues la liberté indivi-
duelle et la liberté de la presse, dans laquelle vous discutez la
destruction de la liberté électorale , * sera, ainsi que vous l'a dit
l'un des commissaires du Roi ( M. le baron Capelle ), une année
passablement. remplie. ( On rit.) Qu'elle ne soit pas inscrite
clans nos annales seulement comme une année (le démolition ;
qu'elle y figure aussi, par l'adoption du nouveau projet, comme
une année de reconstruction aristocratique. Par cette double
stature de vos travaux doublez les droits de la session actuelle
à une désastreuse immole alit é• C'est vous qui aurez eu l'honneur
de rétablir, en 1820, à la fuie de la civilisation étonnée, con-
tre le voeu formel de la France indignée , ce régime de privi-


( 303 )
léges , et de privilèges héréditaires , dont la nation s'irritait de-
puis tant de siècles , que le patriotisme de 1 789, les sacrifices
héroïques de la révolution , et une prescription de trente année,,
devaient faire regarder comme anéantis pour jamais. ( Forte
sensation à gauche. )


2.0 Le moyen à employer pour arriver au but que se propose.
la loi , est de détruire le principe de toute véritable représenta-
tion nationale, de manière à fonder un despotisme oligarchique
ou ministériel, sous le nom et les formes du gouvernement re-
présentatif.


Je commence par déclarer qu'adoptant, sur le mot de repré-
sentation nationale, la définition donnée par M. Royer-Collard,j 'entends par ce mot la représentation des intérêts communs àtous, en-dehors do trône et de la chambre des pairs.


M. le rapporteur de la commission e bien voulu reconnaître
que la propriété grande ou petite, n'est pas la seule hase de
la représentation. L'homme ainsi est compté pour quelque
chose, indépendamment du domaine qu'il possède. C'est du
moins rester dans la saine doctrine qui attribue à la population ;
et non au sol , le droit d'élire les renrésentans. Quoiqu'il y ait
sur ce point dissidence entre nos adversaires, ce principe est
de ceux qui ne supportent plus de contestation. cc Le peuple (1),
» suivant les grands maîtres en politique, est admirable pour


choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de son auto-
» rite; car s'il y a peu de gens , dit Montesquieu, qui cou-
» naissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est
n pourtant capable de savoir en général si celui , qu'il choisit est
» plus éclairé que la plupart des Cul mes, » Mais, pour que le
peuple fasse de bons choix , comme il est capable d'en faire, il
faut qu'il choisisse en réalité ses representans , et 11011 des can-
didats à la représentation. Si vous établissez un ordre de choses
où il soit obligé de choisir cinq candidats pour une fonction,
c'est exiger de lui qu'il fasse ensemble cinq bons choix pour un,
et pour peu que l'un des cinq candidats soit inférieur aux quatre
autres , sous le rapport des sentimens ou des qualités qui cons-
tituent le vrai représentant de l'intérêt national , c'est celui-là
même qui aura le plus de droits à la préférence du corps électo-
ral privilégié , dont l'intérêt particulier est nécessairement dis-
tinct de l'intérêt général du peuple. Le principe de la représen-
tation nationale est donc vicié par cela seul que le peuple ,
eest-à-diré, dans notre constitution, la réunion des citoyens


(1) Montespiien et Machiavel.




( 3°4 )
exerçant le droit d'élire, n'opère pas sans intermédiaire la no-
mination effective et libre de ses représentails. La représentation
est corrompue à sa source ; l'arbre est infecté à sa racine.


Pour justifier le système de candidature organisé par la loi
1‘1. le rapporteur de la commission nous dit pie foré pourrait
indiquer des républiques où les élections populaires se font
entre des candidats présentés par des corps aristocratiques.
J'avoue que, pour mon compte „je ne connais aucun exemple
de ce genre qui puisse trouver une application raisonnable en
ce qui nous concerne ; niais bien sûrement dans les républiques
où il a pu exister un tel mode d'élection (i), le but de Pi asti-
tution était de donner au principe aristocratique une grande-
intensité , d'anéantir toute représentation d'intérêt populaire.
Cette allégation vague de M. le rapporteur ne sert donc qu'à
Lire mieux ressortir le but de la loi, et l'effet que l'on attenci de
son exécution.


Le jury et la représentation nationale, disait. Fox, sont
toute la constitution d'Angleterre. Pas France, avons-nous le
jury? avons-nous une représentation nationale? Le jury n'existe
point encore dans la plénitude de son développement : la re-
présentation nationale a été décimée par le ministère le jour oit
il a destitué des fonctionnaires députés qui ne subordonnent
point leur vote à la conservation de leurs places. C'est clans des
frits, et non dans des mots, que les constitutions consistent.
Un peuple eût-il la charte la plus parfidie que puisse enfanter
l'esprit humain, que seront toutes les chartes qu'une représen-
tion vraiment nationale ne soutiendra pas ? Loin d'être utiles,
elles seraient funestes : leur existence sur le papier serait une
calamité de plus : ce serait un piége , une perfidie.


Qu'est-ce qu'une constitution qui ne protégerait aucun de
nos droits? Une ombre, un fantôme, et mi fantôme d'autant
plus dangereux, qu'on peut s'y attacher quelque temps comme
à une réalité. Aussi est-ce à empêcher la France d'avoir une
bonne représentation, que travaillent tous les ennemis de la
liberté publique, et, sous ce rapport , nous ne pouvons nous
dispenser de rendre justice à l'habileté des rédacteurs de la
loi proposée. Parmi tous les projets qu'eût pu imaginer la
finesse la plus jésuitique pour rendre inefficace la volonté d'un


(1) Le mode d'élection le plus compliqué que je connaisse, est celui
qui avait lieu pour l'élection du doge deVenise. -Il Pillait cinq tirages an
sort et cinq scrutins pour arriver à mie liste de quarante électeurs qui
nommaient le doge; mais enfin ces électeurs choisissaient librement, et
non sur une liste de candidats.


( 305 )
isrun grand peuple, pour ôter toute nationalité à sa représen-
tation, celui qui vous est soumis est un chef- d'oeuvre d'as-
tucieuse perspicacité.


Plusieurs orateurs, pour VOUS encourager à l'adoption d'une
loi absurde, vous ont allégué les défectuosités du mode d'élec-
tion pratiqué en Angleterre. Outre que, dans une organisation
étrangère, ce ne sont pas les abus qu'il faut imiter, nous leur
répondrons que le système électoral anglais , malgré tous les
vices de son origine et ceux que le temps y a introduits , est
moins pernicieux pour la liberté, que celui qu'on vous propose.
Par l'élection directe, en Angleterre, il entre toujours forcé-
ment clans la chambre des communes quelques représentais
nationaux qui sont les interprètes des voeux et des besoins du
peuple. Quoique le ministère domine les choix dans la plupart
des comtés et des bourgs , il est des bourgs-et des comtés où
l'influence du gouvernement est sans pouvoir, où la liberté
trouve, malgré lui, de courageux défenseurs. Ces nobles cham-
pions de la liberté sont en trop petit nombre, sans doute, mais
du moins il n'est pas dans la puissance du ministère anglais de
les exclure. Cette puissance d'exclusion est précisément celle
dont le ministère français serait armé par la nouvelle loi. Le
principal et le plus odieux caractère de cette loi, est son carac-
tère répulsif : en vain le voeu unanime de la presque totalité des
électeurs de la France, en vain le voeu de la station entière dé-
signerait pour siéger dans cette chambre un cito yen cher à son
pays, par ses vertus , ses talons ou son caractère, le collège aris-
tocratique du département auquel il appartient pourra braver
tette volonté universelle, et fermer éternellement à Fox et à
Mirabeau les portes du sanctuaire politique, où les appelait la
nature, leurs talons, et surtout l'intérêt de l'état. C'est là, mes-
sieurs, un des traits qui distinguent le projet actuel de celui
qu'il remplace.


Je ne puis, à cette occasion, me dispenser de payer encore
un tribut de reconnaissance à la naïveté toujours nouvelle,
toujours la même, de M. le ministre des affaires étran gères.
« Si nous n'avons pas fait mieux , nous dit-il , c'est vous qui
ss ne l'avez pas voulu. Ys Nous autres grands ministres, hommes
d'état supérieurs , pour 'qui la charte n'est qu'un mot , et les
sermens qu'un jeu, nous voulions, sans égard pour cette charte
importune, vous créer un prodige de législation, qui eût été
empreint du sceau de notre génie; niais c'est vous qui nous
liez les mains, vous, factieux pleins de sots scrupules, petits
esprits, qui voulez absolument que la charte soit respectée,


rie, 20




( c6)
'vous qui vous piquez pour elle d'une niaise idolâtrie Cepen-
dant comme notre but, ou plutôt le but du parti que nous
servons, est de vous .


fermer, à tout prix, cette chambre, à vous
et aux hommes qui partagent votre fière indépendance, pour
cela, tous les moyens sont bons. Mauvaise ou non, la loi aura
son effet : c'est tout ce qu'il nous faut. M. le ministre de l'inté-
rieur ne se montre pas lui-même plus enthousiasmé de la loi
qu'il nous propose. En nous la frisant envisager comme un
provisoire par lequel on nous prépare à l'adoption de celle qu'a-
vait présentée son prédécesseur, il s'afflige que la faiblesse de
nos lumières, que la pesanteur de nos esprits ne nous aient pas
permis d'apprécier tout ce que le premier projet avait de beau,
de grand , de sublime. En vérité, il m'est impossible de croire
bien sincère cette espèce d'indifférence de MM. les ministres
pour la nouvelle loi, et leur préférence pour le premier projet.
A moins qu'ils ne regrettent uniquement tout ce qui, dans. le
premier projet, était une violation plus franche ae la charte,
j'avoue que le projet actuel me semble devoir convenir beau-
coup mieux à leurs vues , c'est-à-Aire aux- vues de la faction
qui les subjugue ; car il porte une plus profonde atteinte à la
réalité du droit. d'élection.


Par le premier projet, c'était seulement une puissance intro-
ductive que voulait se 'Mner le ministère, genre de puissance
toujours précaire et incertain. Outre cette pui,sance d'intro-
duction, le merveilleux du projet actuel est dans sa puissance
éliminative; et cette dernière est sans contredit. la plus funeste
des facultés dans les mains d'un gouvernement. On vous a dé-
montré hier, messieurs, avec beaucoup de justesse et de vérité,
comment le projet, par suite de l'état de guerre qu'il doit faire
naître entre les collèges d'arrondissement et le collège électoral,
aura pour résultat inévitable d'écarter toutes les notabilités de
caractère et d'instruction, d'expérience et de talent.. Cependant
à quelle cause tient le rôle plus ou moins honorable, plus ou
moins utile que jouent dans le monde politique les assemblées
délibérantes ? A la composition de ces assemblées , an génie de
leurs principaux membres. Placez dans nos parlemens des La-
vacquerie, des Pothier, des Harlay, des Mathieu Molé, l'âme
de ces grands magistrats se répand dans tout le corps qu'ils diri-
gent; vous voyez alors éclater de beaux mouvemens de dévoue-
ment et d'héroïsme. Otez leur ces nobles exemples, il ne reste
plus que bassesse, lâcheté, servilité. Les mœurs modernes s'in-
dignent de voir dans les républiques anciennes l'ostracisme frap-
per d'illustres citoyens coupables de trop de services rendus à


( 307 )
pays : c'est l'ostracisme perfectionné que le nouveau projet


t
four
raiisporte en France : c'est un ostracisme préventif qu'il s'agit


de mettre en action. ( Voix gauche .Lest très-vrai !) Tout
bouline à qui l'on suppose une âme ferme et vigoureuse est par
cela suspect à l'incapacité défiante et jalouse : c'est un révolu-
tionnaire qu'il finit éconduire, et toutes les passions viles sont,
dans ce cas, aux ordres des volontés ministérielles. Entre autres
étonnons effets de la loi proposée , ce sera là surtout un de ses
triomphes.


Lorsque tout le monde prévoit quelle doit être l'inévitable
composition de cette chambre d'après le nouveau système, le
ministère a une bien haute idée de lui-même ou une bien finisse
idée de la nation française, s'il croit pouvoir la tromper long-
temps par des mots , l'amuser par de vaines images ; s'il prétend
surtout lui persuader qu'elle aura encore un gouvernement re-
présentatif, parce qu'elle continuera d'avoir deux assemblées
délibérantes, deux machines à budget et à loi, qui s'appelle-
ront toujours chambre des pairs et chambre des députés. Ce
n'est point un nom que veut la France, et, sans une véritable
représentation nationale , il n'existe du gouvernement représen-
tatif que le simulacre et le nom : sans cette condition indispen-
sable, uu gouvernement a beau s'intituler gouvernement repré-
sentatif, c'est toujours un gouvernement exceptionnel , un
gouvernement spécial ou (l'intérêt privé. Des hommes défions
ont cru que c'était à dégoûter la France du gouvernement re-
présentatif qu'avaient tendu constamment les divers ministères
qui se sont succédés jusqu'à ce jour. Si ces divers ministères ont
été capables de suivre une idée , il faut convenir que ce doit être
celle là, et on ne saurait nier que le but ne soit près d'être atteint.
Quel est , en effet, l'homme ami de son pays qui puisse vouloir
long-temps un gouvernement représentatif, si ce gouvernement
n'a 'd'autre usage. que de faciliter au despotisme le succès (le ses
prétentions et r i u e (le lui en épargner les périls? On nous a (lit que
l'Angleterre était devenue gouvernement représentatif sans s'en
douter. Nous préserve le ciel d'avoirjamais un gouvernement re-
présentatif comme celui qu'a eu. sans s'en douter, l'Angleterre
jusqu'à sa révolution de 1.688! nous préserve le ciel de voir en
France des parlemens occupés, comme les parlemens anglais,
sous les Plantagenet , les Tudor et les Stuart, -à servir lâchement
les caprices des rois, ou à déposer ces rois , et à les envoyer à l'é-
chafaud; des parlemens toujours prêts, quand ils n'étaient pas
rebelles, à écraser le peuple pour alimenter le luxe de la cour ,
à prononcer la sentence des hommes qu'il plaisait aux princes




3o8
ou à leurs ministres de proscrire, à prendre sur eux enfin l'odieux
de toutes les vexations, de toutes les cruautés, de tous les cri-
nies du pouvoir ! Si les suceurs plus douées du siècle où nous
vivons ne permettent pas de craindre le retour des atrocités ré-
servées aux siècles de barbarie, ne serait-ce pas pour la France


• un assez grand malheur de voir (les parlemens lâches merce-
naires, empressés de consentir à toutes les demandes des minis-
tres, indulgens pour des désordres auxquels ils seraient intéres-
sés et prodigues des biens du peuple dont ils recevraient leur
,part eu sineciires ou en pensions secrètes, pour prix de la flexi-
bilité de leur conscience et de la docilité de leur vote? Vaine-
ment le nom et les formes du gouvernement représentati f seraient
maintenus ; vainement le principe de la division des pouvoirs
serait respecté! Ce qui constitue le despotisme, ce n'est pas uni-
quement la réunion de tous les pouvoirs dans la main d'un
homme : il y a de même despotisme quand ces pouvoirs sont
réunis dans les mains d'un être collectif, d'un corps permanent.
Le despotisme existait aussi bien à Venise qu'à Constantinople,
et pourtant à Venise les pouvoirs étaient divisés ; la puissance
législative était confiée à un grand conseil : les prégardi exer-
çaient la puissance exécutive; les quaranties, la puissance judi-
ciaire. Pourquoi le gouvernement vénitien est-il regardé comme
le plus despotique qui jamais ait pesé sur une nation civilisée?
C'est que, malgré la division nominale des pouvoirs, la pais-
sance en effet y était une, attendu que tous les magistrats dont
se composaient. les divers pouvoirs, étaient pris dans un corps
unique, dans l'ordre de la noblesse, et qu'ainsi il y avait unité
d'intérêt d'une fraction contre toute la population vénitienne
qui n'appartenait:point à cet ordre. C'est là, messieurs, ce qui,
d'après le nouveau projet, s'établirait inévitablement en France.
Le corps des plus imposés serait, en France, ce qu'était la no-
blesse à Venise : il voterait la loi dans la chambre des députés,
il l'exécuterait comme instrument du pouvoir royal, il l'appli-
querait dans les tribunaux. Bientôt le gouvernement tout entier
serait renfermé dans un petit nombre de fiimilles. Le résultat
final de notre révolution aurait été de transporter le gouverne-
ment vénitien à Paris, et véritablement il n'y manque plus que .
peu de chose , puisque déjà nous avons trois inquisiteurs d'état "
qui peuvent, selon leur bon plaisir et sans en rendre compte,
disposer de notre liberté, nous jeter clans des cachots et nous
tenir au secret, genre de supplice qui ne le. cède point aux tii-
ineux plombs de Venise. (Vive impressi-on. )


Le nom de gouvernement représentatif conservé à un pareil


( 3 0 9 )
..;.ouvernement serait une vivante imposture. Le temps de pareil-
l 'es jongleries est passé. Nous dirons donc au ministère : Renoncez
à un système (le déception qui ne peut plus réussir; c'est le des-
potisme que vous velus voulez , ayez le courage de le prendre.
Pour moi, j'aime mieux un despotisme loyal et franc qu'un des-
potisme déguisé, qu'une larve d'indépendance, qu'un mensonge
de liberté. Prenez le despotisme, niais prenez-le comme vous
avez pris l'arbitraire, avec ses inconvéniens et ses charges :
prenez-le tel qu'il existe à Alger , tel qu'il existait dernièrement
à Madrid ; mais cessez (le vouloir vous associer la nation pour
complice. Quand, par votre nouvelle loi, vous l'aurez dépouillée
du droit d'élection, cessez de lui dire qu'elle sera encore repré-
sentée ; elle ne TOUS croira pas. ( 'Vif mouvement (l'adhésion à
gauche. )


3°. Le moyen employé pour parvenir au but de la loi, non-
seulement viole la charte dans plusieurs de ses articles, mais il
la sape dans ses bases.


Cette partie (le la question a été traitée avec trop de succès
pour que je m'y arrête long-temps.


Il n'est personne qui ne comprenne qu'en fait d'élection tout
dépend du mode adopté; qu'un mode différent d'élire'donne
l'élection un différent résultat. Quoiqu'une vérité aussi évidente
n'ait pas besoin de l'autorité d'un grand nom , j'opposerai ici à
l'opin i on de M. Lainé et de M. de'Villèle l'opinion de Montes-
quieu. comme la division de ceux gui ont droit de suffrage ,
dit cet écrivain, est une loi fondamentale, la manière de le
donner est une antre loi fonda. mentale. C'est là, messieurs, une
de ces maximes dont l'exactitude se démontre par leur seule
expression. En effet, dès que l'on change la manière de donner
le suffrage , l'action électorale se déplace. Il y a toujours élec-
tion, mais la puissance qui la détermine n'est plus la même.
Faites passer cette influence des mains (lu peuple ou d'une
grande masse du peuple dans les mains d'une classe, ou des
mains d'une classe dans les mains du peuple, il y a lésion à l'é-
lément démocratique ou à l'élément aristocratique. Par l'un ou
l'autre de cesiléplacemens, la forme du gouvernement est eget-.
lement altérée. Dira-t-on que, malgré cette altération, le gou-
vernement représentatif subsiste toujours? Soit., niais ce n'est
plus celui qui avait été fondé par la constitution : c'en est un


nuiret représentatif',
plutôt il


d
y a une fausse application du mot. gouverne-


men là où il n y a de représenté que l'intérêt d'un
parti, là où a cessé d'être représenté l'intérêt du corps (le la
nation. En changeantle principe dela loi du 5 février, qui n'est




( so )
que la charte mise en mouvement , c'est donc, messieurs , une
loi fondamentale que vous renversez, c'est de la charte que vous
sapes les bases.


L'esprit de la charte n'est pas moins ouvertement violé (laps
le premier de ses articles, dans celui qui proclame l'égalité de-
vant la loi. Toucher à l'égalité, lui assigner des exceptions
nouvelles, ou modifier celles qu'y a mises la loi constitutiv,,
créer un patriciat. des classes, des privilèges lé où il n'en exi:s1
pas , bien abolir les privilèges , les classes, le patriciat là
il en existe , c'est constituer à neuf le corps social. Ainsi,
principe de l'égalité des droits, objet et conquête de la révolu-


: taon ayant été transporté dans la charte, et la charte ayant elle-
même, en •ce qui concerne le droit d'élection , déterminé les
restrictions que l'égalité devait subir, vouloir aujourd'hui éten-
dre ces restrictions , c'est. anéantir la loi constitutive par une loi:
ordinaire, c'est anéantir tous les grands résultats de la révolu,
tion que la charte était destinée é maintenir, c'est renverser les
bases de ia charte et., sur ces bases démolies, fonder une nou-
velle /Orme de gouvernement.


Les conséquences de l'adoption du projet de loi, funeste
pour la nation , ne peuvent que l'être également pour la mo-
narchie constitutionnelle, et pour la dynastie elle-même. Qui
propose la loi? Un ministère dominé par l'oligarchie. Qui d&-:
pouilie clu droit de suffrage la. plus grande partie de la populat ion
électorale? L'oligarchie. Qn; présidera aux comices? Dés mem-
bres de l'oligarche. Qui nommera les •prités?
Quels députés nommera- t-elle? Les principaux soutiens de l'o-
ligarchie Quels intérêts ces députés seront-ils appelés à dam-
die? Les intérêts de l'oligarchie. C'est pour ce parti et par Ce;',‘
parti que la loi a été conçue : c'est pour lui et par lui qu'elle
sera exécutés. Bientôt disparaîtront sans exception, par l'effeq


une se ule loi, les meilleures lois qui eussent été rendues jusk
qu'à ce jour; et cousinent, messieurs, pourrait-il en être autre-h
ment ? Si une .chambre, dans laquelle il existe déjà trois cin-
quièmes nommés selon mode établi par la loi du 5 février i 83
a pu suspendre et la liberté de la presse et la liberté individuelle
si elle peut détruire aujourd'hui cette loi des élections, à la-
quelle trois cinquièmes


ses membres doivent leur entrée dans
cette enceinte, est-il encore q nelque chose qu'on ne puisse crain-
dre d'une chambre formée tout entière d'après un système -
dans lequel l'esprit oligarchique exercera un empire illimité.
. J'admets ici , messieurs , trois hypothèses et il est inévitable


que l'une des trois se réalise. La domination passera soit dans


les m ains du pouvoir purement ministériel, soit entre les mains
du parti aristocratique de l'ancien régime , soit dans les mains
de l'oligarchie nouvelle , organisée d'après le projet de loi.


Dans le premier cas , dans la supposition qu'il ne résulte de
la nouvelle loi qu'une augmentation de pouvoir ministériel , la
route des ministres est tracée. Fiers de quelques . succès de cor-
ruption et d'intrigue, ils se croient des s,nouveaux déja
ils s'imaginent que le nec plus ultrd du savoir faire est d'intro-
duire la vénalité dans les chàmbres, et de nous précipiter prom
tenient é l'état de dégénération où , après de beaux jours de
gloire, diverses causes réunies ont L'a tomber le parlement bri-
tannique. Ce qu'ils admirent dans le gouvernement anglais , ce
sont ses abus : ce qu'il leur tarde n'imiter, ce sont ses vices ;
niais, sans m'arrêter pour le moment é d'autres considérations,
comment n'ont-ils pas senti tout ce qu'il y a de danger à trans-
porter parmi nous certaines doctrines anglaises , celle , par
exemple , de la toute.. puissance parlementaire ?


Supposons que la domination passe entre les mains le l'an-
cienne aristocratie , le danger sera-t-il moins grand? Cette hy-
pothèse est la plus probable de toutes , puisque le ministère
semble la favoriser. L'intention en a été proclamée dans cette
chambre par plusieurs de nos collègues ; elle est proclamée
chaque jour par le gouvernement lui-même dans des journaux
qui, étant imprimés sous son inspection , doivent être regardés
comme ses organes officiels. 11 est donc è prévoir que la contre-
révolution prendra bientôt un essor plus accéléré; et qu'elle ne
s'arrêtera qu'au point où il lui sera impossible de faire un pas de
plus. Mais ce point. oit elle s'arrêtera., quel est-il? c'est là toute
le question. Ce qu'il est permis de conjecturer, c'est que ses
entreprises rencontreront une forte résistance , et que , si elle
doit l'emporter , ce ne sera pas sans de grands malheurs pour
les deux partis. La querelle , messieurs, entre les libéraux et
les contre-révolutionnaires en France, n'est pas ce qu'elle a été
et ce qu'elle est encore en Angleterre entre les wigs et les tous.
Les tores anglais sont des hommes qui , par principes , sont
les champions du pouvoir, comme les wigs , ceux de la liberté.
Cependant , malgré le dévouement des orys à la couronne ,
les rois d'Angleterre n'ont point remis entre leurs mains les in-
térêts de la nation. Depuis Guillaume jusqu'à Georges III. , les
wigs étaient restés seuls en possession du ministère; et si cette
règle a depuis souffert quelqu'exception cette exception n'a
pas tourné à l'avantage de la liberté anglaise. Mais il en serait
encore bien autrement en France. Il y a en France, bien autre-




( 312 )
ment qu'en Angleterre , incompatibilité entre les doctrines an-
ciennes . et les doctrines nouvelles, surtout entre les intérêts an-
ciens et les intérêts nouveaux : il y a combat à mort entre l'es.
prit de l'émigration et l'esprit national, entre l'esprit de privi-
léges et l'esprit d'égalité. Et c'est dans un pareil état de choses
qu'un ministère est assez imprudent pour proposer une loi qui
ferait prévaloir l'intérêt d'un parti sur l'intérêt d'une nation ! -


La troisième hypothèse que j'ai indiquée est celle de l'alTer-
missement du nouveau régime aristocratique , sans distinction
d'anciens et (le nouveaux privilégiés , affermissement, à mes
yeux, impossible, mais que je veux admettre un moment. Même
dans ce cas , l'avenir doit-il donc nous paraître bien rassurant ?
est-ce jamais un gouvernement doux et humain que celui on do-
mine une aristocratie dont le prince lui-même est le premier es-
clave ? Dans cet ordre de choses, les hommes, les emplois, le
produit de l'état tout entier appartiennent, de fit, au petit
nombre : obéir et payer est le partage du reste de la population :
mais cette population subit-elle le joug sans se plaindre? Non ,
messieurs ; et je citerai encore ici l'exemple de *Venise. Lorsque
le gouvernement représentatif y fut détruit, et que l'élection du
grand conseil fut devenue un droit héréditaire, il y eut pendant
longues années une série effrayante de troubles et de conspira-
tions. Pour arrêter l'effet des conspirations, il fallut recourir
des voies extraordinaires ; on créa une commission revêtue de
pouvoirs immenses : cette commission se perpétua, et c'est de
là que sortit le conseil des dix. Plus tard , il fallut avoirrecours
à des inquisiteurs d'élut. Voilà , messieurs, comment s'affermit
une forte aristocratie ; voilà quelle est la route qu'il vous faudra
suivre : c'est le conseil des dix , c'est l'inquisition d'état ,
tout simplement , si vous voulez , c'est 1815 qui s'offre à vous
en perspective. (Mouvement d'approbation à gauche. )11 n'y a ,
comme vous le voyez, même en supposant que ce soit le régime
proposé par la loi qui s'affermisse , il n'y a devant vous que pé-
rils de tout genre, que chance d'agitation ou chance de tyrannie.
C'est le résultat commun des trois hypothèses que j'ai présentées :
dans ces trois hy pothèses où se débattent: trois intérêts divers ,
il n'y a d'oublié (l ue l'intérêt de la nation et l'intérêt dit trône.


S'il est incontestable , messieurs , que pour les meilleures
lois, il est nécessaire que les esprits soient préparés (1). n'est-ilpas insensé de vouloir donner à une nation , une loi dont elle se
lait une idée odieuse , et qu'elle repousse avec horreur? L'


‘̀ e me


(1) Esprit des


( 31.3 )
indépendante des nations rejette le .bienfait qui part d'une main
ennemie ou seulement suspecte. La liberté même peut déplaire,
si elle est imposée par la force ; niais ce n'est pas la liberté quo
la loi nouvelle vient imposer à la France : ce n'est pas l'égalité,
qu'elle lui apporte, c'est l'égalité qu'elle vient détruire; c'est à
l'égalité , celui de nos droits politiques dont nous sommes le
plus j aloux, qu'elle vient donner le coup mortel. C'est en 182o,
c'est après une révolution dont l'esprit d'égalité a été le renfort
le plus actif et le plus redoutable , après que l'égalité a déployé
toutes ses richesses , après qu'elle a développé en trente années
plus de grands talens que n'en offrent plusieurs siècles de nos
annales, que l'on prétend rétablir entre les Français, des lignes,
des barrières , des différences; enfin tout ce qu'il y a dans le
s ystème de l'inégalité de plus contraire à l'esprit dominant de
la nation , de plus révoltant pour son sens moral. On compte
pour rien l'insulte faite aux quatre cinquièmes des électeurs , à
ia presque totalité de la population associée à leur cause ; on
croit que l'esprit d'un grand peuple va être changé , assoupi ,
dompté en un instant , par la puissance d'une disposition légis-
lative; on ne veut pas voir que c'est compromettre la loi , que
de demander à la loi plus qu'elle ne peut exécuter ! La loi,
» a dit un orateur, n'est pas le pouvoir : elle n'est que l'instru-
» ment du pouvoir. » Sans approfondir cette maxime, je de-
mande ce qu'ose espérer le pouvoir, lorsqu'il nese prépare qu'un
instrument décrié , 7 déshonoré , abhorré ; ne
pourra employer cet instrument sans réveiller la plus violente


jj


alousie entre la grande et la petite propriété , sans rappeler à
celle-ci et sa propre force, et la faiblesse de la rivale qui la sub-
ugue et l'humilie. Au lieu d'amortir cet esprit d'égalité., d'abord
si exigeant, mais qui, par un miracle de vindescendance , a
bien voulu se démettre du plus important de ses droits entre les
mains (le quatre-vingt mille Français, ne craizuez-vous pas d'en
accroître la force, d'en irriter la violence, et ire loi donner un
déveioppenient qui le conduise à briser, un peu plus tôt ou un
peu plus tard , des liens qu'il avait consenti à recevoir, des bar-
rières qu'il se plaisait à respecter? Dix ou quinze voix ministé-
rielles peuvent changer la majorité dans cette chambre. La ma-
jorité dans la nation nechangera pas ainsi; vouloir aujourd'hui
reporter la France au régime. sdes- privilèges, c'est vouloir forcer
un torrent à rebrousser son cours. Quelle que doive être l'issue
taluernaotsoitleubs:rléittié les , la présentation actuelle d'un pareil projet
urde (les anachronispull icis. grossier des contre-sens, le plus ab-s




( 314
Avec la loi actuelle, tout pénible qu'est le présent, l'ave<ehe.:


reste ouvert à l'espérance. La colonne de cette loi nationale une •
fois renversée , je ne vois plus de garantie nulle part , ni contre
le mécontentemeet intérieur ni contre les secousses imprévues
qui peuvent se communiquer du dehors (1). Si , au moment oit
une grande révolution vient de s'opérer en Espagne, tout est
resté calme en :France; si en France, la contre-révolution peut
sans danger marcher à fi-ont découvert, le ministère ne s'est-il
pas demandé pourquoi, jusqu'à présent, nulle étincelle n'a jailli
du territoire espagnol sur le sol français? Veut-il savoir pour quoi
une tranquillité profonde continue à régner en France malgré
les vives alarmes de la nation pour ses libertés ? C'est parce (Ille
la nation voit dans cette chambre d'intrépides et fidèles inter-
prètes de ses sentimens , qui, bien qu'inli f ieurs par le nombre,
protestent du moins hautement contre la violation de ses droits ;
c'est parce qu'elle espère encore qu'un nouveau cinquième, chan-
geant en majorité la minorité qui combat pour elle, assurera
dans la prochaine session , le triomphe de sa cause. Mais sup-
posez le droit d'élection détruit ; voyez l'oligarchie opérant seule
le choix des députés; voyez cette chambre telle qu'elle doit être
après ce renouvellement, c'est-à-dire, dépeuplée de tout ce qui
est courage , énergie, nationalité , par conséquent dépourvue
de la confiance de la nation , et jugez oit sera la force du ;gou-
vernement , jugez sur quel point d'appui il pourra se reposer..
Une chambre sans consistance ne saura lui offrir ce qu'elle ne
possédera pas elle-même. En cas de péril , où le gouvernement
demandera-t-il du secours? entend-il ne rien devoir qu'à l'ar-
mée? Sont-ce donc les armées qui maintenant empôchent les
révolutions ? Le gouvernement se trouvera, sans l'avoir prévu,
à la merci du p: nier événement, parce qu'il aura lui-même
détruit le principe de sa force qui doit être entière dans son
identité avec la nation. Voilà ce qu'on eût dû considérer avant
de proposer de pareilles lois ; mais il semble que les ministères
qui se succèdent ne songent qu'à dévorer le règne d'un moment
et qu'ils se jouent du lendemain.


Cependant, nous disent. les ministres , de quel droit diriger
contre nous vos accusations et vos plaintes? ne pouvez-vous pas
rejeter nos lois, si elles vous paraissent dangereuses? 11 est trop


(i) « Mais si elles naissaient (les terreurs populaires) à l'occasion da
renversement des lois fondamentales, elles seraient sourdes, funestes,
atroces, et produiraient des catastrophes. Bientô t ou verrai! mi cutine
affreux pendant lequel tout se réunirait coutre la puissance violatrice deslois. 23. (MOYISSQUIEU.)


( 315
vrai, messieurs, le ministère n'est que trop fondé à vous tenir
ce langage . Il ne marche au despotisme que par des actes légis-
kt ie;; cette marche est en effet la plus facile et la plus sûre.C'est par des lois qu'un ambitieux monte du consulat à l'empire;
c'est par des lois que tels et tels rois d'Angleterre reculent de
la grande charte au pouvoir absolu. : c'est par des lois que des
parientens serviles-déclarent la volonté du prince supérieure à
la loi : c'est par des lois que , dans la présente session , nous
avons renversé les principales bases de la charte. Les révolutions
et les contre-révolutions s'appuyant égab•ment sur des lois, ce
sont des lois révolationnaes, ou , si l'on vcet , des lois contre-
révolutionnaires que celles qui enlèvent à la société sen appui
fondamental ; que celles qui viennent rompre l'égalité établie
par la charte entre tous les citoyens ; qui créent dans la propriété
des classes , des différences nouvelles que la charte n'y avait
point introduites ; qui dépouillent de droits acquis soiante-
quieze mille Français, pour transférer à douze ou quinze mille
privilégiés , l'exercice exclusif de ces droits. Ce sont des lois
révolutionnaires oc contre-révolui ionnaires que celles qui ai-
grissent les esprits au lieu de les calmer ; que celles qui , par la
subversion de toutes les garanties données, ont pour ob jet, en
del ruisant le principe d'une véritable représentation nationale,
de ne laisser à la France qu'une perfide et trompeuse chimère de
gouvernement représentatif.


De tous les despotismes le plus affreux est celui que le nom
profané de la loi décore et sanctifie ; celui qui, sous le manteau
de la loi, commande ana peuples un respect humiliant pour le
joug auquel on les soumet, et qui les dégrade jusqu'à leur fairebaiser en tremblant les cheines dont on les accable. Vous le
savez trop , messieurs, les lois qui heurtent l'esprit des nations,
ne peuvent avoir d'appui que la force; mais si hi force vient à
changer de Main 0 mon pays ! pelisse le ciel te garantir
des catastrophes qui suivent presque toujours les entreprises
du pouvoir contre la liberté des peuples! Puisses-tu, ô gé-
néreu se France, ne combattre le despotisme que par une lm--
probation calme, mais éclatante, immobile niais foudroyante
et irrésistible! Puisses-tu n'opposer à ses outrages que le bouclier
d'une éloquente résignation, de ce fier silence qui, bien plus
que les soulevemens• et les révoltes, fait tremble- toutes les
tyrannies Assurée de ta force indestructible qui doit finir par
te rendre la plénitude de tes droits, puisses-tu , trop impatiente
et trop hâtive , ne pas les redemander à ces révolutions désas-
treuses pour les vainqueurs comme pour les vaincus à ces fa-




( )
tales révolutions qui confondent le juste et l'injuste, qui por,-
suivent l'innocence sur le trône comme dans les cabanes ,
font expier aux rois les fautes de leurs iuiuistres


,éninistres . aux. député,Ies crimes des factions dont elles servent, sans 'le vouloir, lespassions et les fiireurs 1. Nation française, si terrible dans la
guerre , si admirable dans la paix, si grande par tes sent Miens
patriotiques, prends confiance clans ta propre vertu : nulle puis-


' sance humaine ne saurait désormais filire rétrograder ta raison.
Il n'est plus dans ta destinée d'être esclave, on du moins ta ser-
vitude ne pourrait durer qu'un jour; la liberté te réclamerait le
lendemain. ( Vive sensation. )


Votez, si vous avez ce courage, cette loi destructive de l'éga-
lité , destructive de toute véritable représentation nationale, des-
tructive de la charte et de la monarchie constitutionnelle, mena-
çante pour la dynastie elle-même. Pour moi, messieurs, si j'étais
capable de déposer dans l'urne, qui reçoit nos scrutins, la boule
d'adoption, je nie croirais le plus mortel ennemi de mon pays, du
gouvernement, de la famille royale. Je rejette la loi.


Le ministre des anidres étrangères répond à plusieurs des
orateurs qui ont combattu le projet de loi. ( Mouvement d'adhé-
sion à droite et au centre. )


M. Benjamin- Cwe tant. Messieurs, Pour juger en connais-
sance de cause le projet qui lions est soumis, nous devons,
avant tout, examiner quel but en s'est proposé d'atteindre par
les dispositions qu'il renferme. Ces dispositions sont dans le ter,
le 2e ,


le 3e et le 4e articles. Le premier établit deux genres de
collèges difrérens.


Ce n'est pas le seul exemple que nous ayons , clans notre his-
toire représentative, d'une division de cette espèce. Sous la
république , les droits politiques , conférés à un nombre immense
de citoyens, rendaient celle division indispensable. Car on peut
considérer les assemblées primaires comme des collèges
rieurs procédant à un premier degré d'élection. Sons Bonaparte,
objet , à cet égard, de l'admiration de notre honorable collègue
M. de Labourdonnave, qui nous a vanté sa force de conception
et ses idées d'ordre peu communes , l'instinct du despotisme
avait conservé cette division, én substituant aux assemblées pri-
maires des collèges à vie, et en y joignant la candidature. Mais,
sous la république, le collège qui nommait des députés émanait
lui-même d'une source populaire. Sous Bonaparte, la corpo-
ration qui choisissait entre les candidats, obéissait à la volonté
d'un maître. Il y avait donc dans le premier cas garantie pour la
liberté, dans le second force donnée au pouvoir ; l'un et l'autre


( 317 )
atteignent leur but, et bien que dans le premier, le but fût
noble et dans le second perfide, il n'y avait au moins même
dans ce dernier ni absurdité ni inconséquence.


Quand j'ai vu, après trois années d'élection directe exercée .
paisiblement., reparaître au milieu de nous deux espèces de col-
liges comm e sous la république, et la candidature, comme
sous l'empire , je me suis demandé quel était le but de ces ré-
surrections simultanées. Est-ce la nécessité qui les suggère? ou
bien , veut-on rendre notre constitution plus populaire? ou bien,
encore, veut-on la rendre plus monarchique?


Quant à la nécessité , d â me répondre qu'elle n'existait
pas Sous l'empire de la charte, les droits- politiques sont con-
centrés entre les mains des cpiatre-vingt mille propriétaires les
plus riches de France , et les divisions établies par la loi du 5 fé-
vrier 1 81 7 répartissent ce nombre d'électeurs en assez de collèges
séparés pour que l'élection directe puisse avoir lieu , dans chacun
de ces collèges, sans confusion et sans trouble. L'expérience l'a
prouvé. Ce n'est donc point une nécessité résultant du nombre
des électeurs qui porte aujourd'hui le ministère à nous proposer
la division des deux colléges, au préjudice de l'élection directe,
que le même ministère avait si chaudement défendue à deux
reprises ; circonstance que je ne rapporte point pour l'opposer à
lui-même, comme l'ont fait d'autres orateurs.


Puisque ce n'est pas la nécessité qui a dicté cette altération
dans nos institutions , est-ce le desir de rendre notre constitu-
tion plus populaire? non, sans doute. Le nombre des électeurs
n'est pas augmenté ; le collège n'est pas élu. Les droits politiques
de vingt-huit millions de Français continuent d'être concentrés
dans les mains de quatre-vingt mille électeurs ; seulement , les
quatre cinquièmes de ces électeurs sont privés d'une portion des
droits qu'ils avaient., et la portion la plus importante. Ce projet
n'est donc nullement populaire.


Est-ce le pouvoir du gouvernement que l'on veut accroître?
Non assurément , puisque les choix entre les candidats ne sont
point confiés à un corps dépendant du gouvernement, mais à des
collèges séparés également et du gouvernement et de la masse du
peuple, et qu'en même temps ces collèges, beaucoup moins nom-
breux et plus invariables dans leurs élémens que ne l'était la masse
électorale, réduisent par-là même presque à rien cette haut e pré-
rogative royale qui consiste à dissoudre une assemblée factieuse,
et à appeler à la nation des égaremens de ses mandataires.


Ce projet n'est donc nullement monarchique. Mais qu'est-il




( 318 )
en Cm , ce projet, source de tant d'agitations et do tant d'alarmes?
:En v pensant bien., j'en ai soupçonné l'intention cachée,


Le premier article divise, ainsi que je l'ai prouvé, les élec-
tions en deux parts, d'une manière qui ne favorise n i les droits du
peuple, ni l'autorite du gouvernement. Il faut donc qu'il soit
rédigé dans un intérêt qui ne soit pas précisément. celui du gou-
vernement ou celui du peuple. Quel peut être cet intérêt? Je
consulte , pour le savoir, l'article 2, qui décide de la compo-
sition du coliége de département; je vois qu'il se formera des
plus imposés: Je consulte, pour savoir comment ce collige opé-
rera, l'article 4; je vois.qu'il pourra repousser les candidats de
la majorité la plus imposante , et choisir ceux de la minorité la
plus exiguë. J'en conclus que ce projet est dans l'intérêt d'un
parti qui trouverait on croirait trouver dans les plus imposés,
de dévoués auxiliaires, et qui gagnerait à ce que ce fût la mi-
norité qui nt. l es choix.


Existe-t-il dans la France un tel parti? Oui, je crois qu'il
existe.


On vous a beaucoup parlé d'une faction révolutionnaire qui,
dès 1 789, a médité la chute de la monarchie; qui , en 1 79 2 , a
renversé le trône ; qui a conspiré Ou 20 mars 1815; qui lève
aujourd'inti une tête audacieuse, et que les dernières élections,
on vous l'a dit positivement, ont favorisée. Ce n'est pas le mo-
ntent d'examiner toutes ces assert ions; de prouver que les auteurs
du mouvement national de 1 789


on t défendu le trône en 3792, et
ont été victimes de la terreur de 1 793, qu'ils ont averti le gou-
vernement en i 8,4, et l'auraient sauvé en 1815 si d'autres ne
se fussent acharnés à le perdre, par leurs violens , absurdes
et ensuite pusillanimes conseils , et qu'aujourd'hui ce sont
les mêmes tumultes que l'on inculpe , ou ce qui en reste,
car beaucoup ont péri, tandis que le parti contraire s'était
mis en sûreté hors de France , qui, de nouveau , tâchent de
préserver le gouvernement des fautes déplorables qu'on lui fait
commettre.


Laissons de côté ces réfutations qui nous détourneraient. de
notre recherche, et permettez-moi de vous entretenir d'une autre
faction qui, dès 1 789 , a conspiré contre la liberté de la France,
qui, en 1791 , a soulevé l'indignation d'un peuple passionné ,
en le menaçant de la force étrangère , et en faisant flotter
sur ses frontières les étendards d'une coalition qui outrageait
son indépendance; d'une faction qui , rentrée sons l'empire,
s'est dévouée à l'établissement du-despotisme impérial , qui a
pardonné à l'usurpation d'avoir empêché la monarchie, a con-


•319 )
>ydlort qu'elle tuerait la liberté ; d'une faction qui , en :83 4, a
égaré le gouvernement royal à peine rétabli, qui l'a isolé de la
nation en 1815, qui a vexé 'incarcéré, destitué jusqu'au 5 sep-
tembre; qui, à la même époque, a témoigné peu d'indignation
pour ceux qui assassinaient , et à laquelle, depuis le 5 sep-
tembre, si l'on en juge par ses fureurs contre le système élec-
toral actuel, les élections ont. été contraires. ( Vive sensation.)


On n dit ici, messieurs, que trois victoires successives dans
les élections avaient ouvert les portes de cette chambre à la
l'action libérale, dont les armes sont le fer et le poison. L'on ne
doit pas s'irriter si je dis à mon tour que trois défaites succes-
sives ont fi'l'mé ces portes à la faction anti-libérale, et j'aurai
même la discrétion de ne pas qualifier les armes qu'elle a em-
ployées à Mmes, à Avignon, à Toulouse. ( Impression ge-


nér:,Leti.n)tenant , messieurs , il est évident que pour rentrer dans
le pouvoir, cette faction n'a qu'un moyen. Elle est en horreur
à la France; partout oit les élections se feront à la majorité des
votes , elle n'obtiendra jamais cette majorité. Pour qu'elle par-
vienne même à être élue par une minorité , il faut que cette mi-
norité soit la plus petite possible, qu'elle se compose, s'il se. peut,
d'un seul suffrage. Or, que doit Lire cette faction pour atteindre
ce but? Séparer d'abord la masse nationale du collège qu'elle


• rendra vraiment électeur unique ; c'est ce que fait l'article .er
du projet de loi : composer ensuite le collège électeur de ceux
qu'elle.croit lui être le plus dévoués; c'est ce que fera. l'article 2:
enlever de plus aux collèges inférieurs tout droit d'élection réel ;
c'est ce que fera l'article 4 dans son premier paragraphe : créer
enfin, pour la plus imperceptible minorité, une chance cer-
taine; c'est ce que fera le second paragraphe du même article.


Vous voyez que la correspondance de ces divers articles entre
eux•est d'une évidence non méconnaissable.


Je veptails ai annoncé que la faction repoussée, réprouvée , de-
tes la majorité de la France , devait. s'efforcer de com-
poser le collège électeur de ceux qu'elle croirait lui être le plus
dévoués. Que fait l'article ? Il compose ce collége des plus
imposés.


L'on vous a répété beaucoup que les plus imposés ne seraient
point les auxiliaires de la faction dont je parle, que les calamités
de la révolution, une suite de spoliations fort injustes, les ra-
tidteps ,inutations de la propriété, les progrès de l'industrie, ontpasser en des mains nouvelles les richesses jadis concentrées
dans une seule classe peu nombreuse, Je ne nie point que ces




( 3 )
assertions ne soient vraies jusqu'à un certain degré, c'est-à-dire,
que la classe intermédiaire ne soit dans une plus grande aisance,
et la classe laborieuse beaucoup moins misérable qu'avant la ré-
volution. Mais de ce que les gens qui n'avaient rien ont acquis
quelque chose , de ce que ceux qui avaient quelque chose ont à
acquis un peu plus , il ne s'ensuit nullement que les richesses .11
se soient complètement déplacées. Les grandes fortunes sont
indestructibles. Enveloppées par l'orage, elles sortent de leurs
ruines au premier moment du calme , parce que leur base est
large, et que les fondeniens restent toujours pour réédifier. Cela
est si vrai qu'une statistique faite sous l'empire constate que les
trois quarts des plus imposés d'alors , et certes la classe privi-
légiée n'a rien perdu depuis , se trouvaient dans cette classe.
Cette classe s'est enrichie sous l'empire même ; elle e mérité de
s'enrichir, car elle a servi Bonaparte avec un zèle , une ardeur,
un dévouement dont la classe plébéienne en masse n'a jamais
approché. Elle l'a servi dans des places lucratives, près de sa
personne, dans sa domesticité ( murmures prolongés à droite),
tandis que la nation plébéienne servait la France dans les camps.
Elle e obtenu et accepté non-seulement autant de faveurs que
cette nation plébéienne , mais encore ce qu'elle a nominé des
restitutions. Il s'est donc ouvert devant elle une double source
d'opulence , et les gens ruinés d'autrefois sont encore , à quel-
ques exceptions près, les gens les plus riches d'aujourd'hui. Pour
3ous en convaincre, messieurs , regardez autour de vous, et si
vous voulez juger cette question d'après un seul lait incontes-
table, comparez la misère de ceux que les malheurs de la France
ont dépouillés de leur état, et la misère de ceux qu'avait dépouillés
la révolution. Vous verrez les premiers réduits au dénuement le
plus absolu, condamnés aux métiers les plus pénibles , cachant,
par une noble pudeur , le signe honorable de leur gloire sous
les haillons qui les couvrent à peine. Les autres ont perdu sens
doute une portion de ce qu'ils possédaient , et je respecte leur
infortune ; mais ce qui leur reste ferait la richesse de cette autre
classe , -et je défie que l'on me cite un seul des anciens privilé-jgiés réduit à l'excès de pauvreté qui accable vingt mille officiers.e notre ancienne armée. ( Voix diverses : Oui ! oui ! Non ! non !)
Il est donc certain, messieurs, que ces colléges des plus imposés
seront formés en grande majorité des classes ci-devant privilé-
giées , auxquelles il faut joindre une sorte de clientelle que ces
classes ont reconquise sous Napoléon même.


Parmi les erreurs graves de cet homme si extraordinaire et si
funeste , sa faiblesse pour la caste qu'il croyait son ennemie a


( 321 )
été l'une des plus remarquables. Il pensait à tort qu'il rencon-
trerait beaucoup d'obstacles à la conquérir, et, malgré les facilités
merveilleuses qu'il a trouvées à chaque pas, cette conquête paraît


pce:r lui le mérite d'une difficulté surmontée.
tetitoe 'cu:staev,o recrutée


e


t tée de quelques nouveaux noms devenus illus-
tres dont elle s'appuyait alors, et qu'elle a voulu écarter depuis,
a donc été, même sous l'empire , remise en possession de la
prééminence sociale.


Aussitôt s'est réunie à elle une portion de la classe intermé-
diaire , désavouant la révolution qui l'avait enrichie et affran-
chie. Des vanités bourgeoises ont été charmées d'être admises,
et toutes surprises d'être caressées. Ainsi s'est formée une tourbe
d'auxiliaires des privilégiés , et l'on conçoit que depuis la res-
tauration , ces auxiliaires n'ont été que plus dévoués et plus
fidèles. Ils supportent docilement les dédains qui renaissent,
les mépris qui échappent, et, de son côté , ?aristocratie, qui a
encore besoin d'appui , suspend le travail qu'elle fera bientôt
pour se débarrasser avec élégance d'alliés inutiles qui lui sem-
bleront des intrus. ( Rires et bravos. )


Ces hommes entreront avec elle dans les colléges des plus im-
posés; plusieurs y entreront de droit , d'autres par faveur. Car
vous savez qu'il cette tribune on vous a déclaré que les droits
des membres de ces colliges ne seront vérifiés que par l'autorité,
et que pour leur sûreté ou leur convenance on les dispensera
d'une publicité importune.


Ainsi les colléges les plus imposés seront incontestablement
dans le sens du privilége. En adoptant le projet, c'est au privi-
lège que vous confierez le droit d'élection ; car l'article 4 , que
NOUS devez combiner avec l'article 1 . er dont il est la suite ,
donne, comme vous le savez , au collège électeur le droit de
choisir les candidats de la plus petite minorité.


C'est là que l'on voulait en venir ; c'est là le but qu'il fallait
atteindre, parce que c'est là le seul moyen de rouvrir les portes
de cette enceinte à la faction dont la France ne veut pas.


Non, je le dis sans feinte, jamais on n'insulta de la sorte à
toute une nation ; jamais on ne la méprisa au point de croire
qu'elle assisterait , spectatrice résignée , à l'audacieux escamo-
tage de ses droits les plus précieux, qu'elle se prêterait à la cé-
rémonie illusoire d'élections où son vote sera toujours dédaigné ,
où ceux contre lesquels elle se sera formellement déclarée, oh-
tiendront constamment la préférence , et qu'elle reconnaîtra
pour ses représentans légitimes les hommes d'une caste imposés


• par cette caste, d'après une loi faite an profit de cette caste par
a 1




( 322 ) 4
un ministère qu'elle a subjugué. Ce système, messieurs, n'est
autre chose que la mise à exécution des protestations incendiaire:
de tous les dissidens fugitifs ou conspirateurs de l'assemblée cons-
tituante. C'est la révolte du privilège contre le droit qui l'a rem-
placé.


Cependant, je l'avoue , j'éprouve une sorte de pitié pour le:
gloires ternies et pour les illustrations déchues, et au milieu de
l'étonnement que me cause cette révolte, aussi criminelle qu'ira.
prudente , une considération me frappe qui m'inspire un sen.
tintent douloureux. Elle est donc bien tombée cette oligarchie
altière, qui déclare è la face (le l'Europe que si elle ne parvient


fausser le suffrage national , il sera toujours contre elle , qu e


q
jamais elle ne pourra compter sur une seule nomination libre,


ue la majorité la repoussera sans cesse, et que pour arriver au
pouvoir il faut qu'elle l'usurpe, ou plutôt qu'elle le dérobe! Car
ce n'est pas même d'une usurpation qu'il s'agit; il ne s'agit pas
de conquête, il s'agit d'un larcin honteux , que déguisent mi-
sérablement d'indignes subterfuges , au prix desquels pas. un
citoyen qui se respecte ne s'abaisserait à accepter la puissance
ou À exercer l'autorité. ( Bravo! bravo ! )


Je le sais, si ces subterfuges réussissent, cette faction fera
payer cher à la nation les humiliations qu'elle se condamne à
subir en sa présence. Le temps du mensonge sera remplacé par
celui des fureurs, et ces fureurs sont assez. connues. Elle punira,
durant son éphémère victoire , cette majorité nationale qui la
force à se dénoncer elle-même comme un objet d'exécration.
Tous les abus seront rétablis, tous les abus, messieurs, je n'extt
gère pas, et je vais le prouver par les paroles mêmes de nos ad.
versaires. cc Si votre magistrature , a dit l'un d'entr'eux , était
» autre chose qu'un établissement de juges, si votre clergé n'étai t
» pas une simple réunion d'apôtres , si votre noblesse formait
» un corps quelconque , je vous en féliciterais. » Messieurs
que doit être une magistrature qui est autre chose qu'un établis-
sement de juges? que doit être un clergé qui n'est pas une simple
réunion d'apôtres ? que doit, être une noblesse qui, notez-le
bien , n'est pas la pairie, etqui fornie pourtant un corps? Certes,
pour ne pas voir dans ces trois choses les parleme»s , le clergé
et la noblesse de l'ancien régime,, il finit fermer les yeux à toute




évidence, et vouloir être trompé. ( Vive agitation. )
Mais , de bonne foi , messieurs , quel sera, croyez-vous , le.


résultat de cette réapparition soudaine de tant d'institutions op-
pressives dont le peuple se félicitait d'être délivré ?


A dieu ne plaise que je vous annonce des résistances viole n


( 323 )
Mais-cepen dant , messieurs , pour des hommes raisonnables, il
faut que tout entre en ligne de comnpte;.il ne faut pas que les le-.
cons de l'histoire soient perdues ; quand vous en déchirerez les
pages, vous n'en anéantirez pas les faits, et quand vous rame-
ocrez les causes , les effets suivront.


A la vérité , l'un de MM. les commissaires du gouvernement
nous a dit qu'il augurait trop bien de ses concitoyens et des
nôtres , de leur patriotisme, de leur amour de l'ordre, de leur
besoin de repos, pour craindre que la privation de leurs droits ,
légalement prononcée par une loi, devint une cause de destruc-
tion pour le trône, de destruction pour la France. Et moi aussije rends justice à l'autour de l'ordre, au besoin de repos (le l'im-
mense majorité des Français. Mais ne vous semble-t-il l ias bi-
zarre que les agens de l'autorité , en leur payant ce tribut d'é-
loges , en prennent avantage pour les dépouiller? Si en effet ces
électeurs auxquels vous arrachez ce dont ils jouissent, sont tel-
lement amis de l'ordre , que la spoliation qu'ils éprouvent ne
puisse les porter à des• résistances hasardeuses comment ces
hommes amis de l'ordre sont-ils indignes d'être électeurs ? Je
ne conçois pas , je l'avoue , que M. le commissaire du Roi té-
moigne d'un côté tant de confiance, et de l'autre tant de dé,
fiance dans les mêmes hommes. Si les Français sont tels que M.
le commissaire du Roi nous l'assure , pour nous engager à les
priver de leurs droits , nous ne devons pas les en priver ; car il
n'est pas à craindre qu'ils en abusent. Si le malheur voulait qu'ils
ne fussent pas complètement tels que M. le commissaire du Roi
l'espère, ce serait une raison non moins forte pour que leurs
droits fussent respectés.


On me répondra qu'il ne s'agit pas seulement des institutions,
qu'avec les institutions viendront les hommes , et qu'alors tout
ira merveilleusement. Ces boni nies nous ont gouverné, messieurs;
ni vous, ni nous, ni la France nous ne l'oublierons de si tôt.
Comment ils nous ont gouvernés, vous le savez ; comment. nous
avons échappé par miracle à leur entreprise , vous le savez en-
core. Et certes, quand, pour calmer les craintes que leurs log.,
me causent, ils offrent leurs personnes , au lieu <le se calmer ,
nies craintes redoublent. Si la loi passe, on vous le (lit assez ou-
vertement, nous aurons les hommes. Si nous avons les hommes,
la faction triomphe; déplorables instrumens de cette faction
car on ne peut les élever au rang de ses auxiliaires, les ministres
sont expulsés. Les lois d'exception sont en embuscade, elles
n'attenden t


que le signal ; et il n'y a pas un de nous , il n'y a
pas un citoyen en France qui ait une garantie. Voulez- vous





inessieurs , connaître d'un mot notre avenir dans cette hypo-
thèse ? L'on a hier appliqué au ministère le mot d'une femme
qu'on a nommée forte, à un prince faible , à propos d'un coup
d'état contre les factieux : C'est bien.coupé, mais ils tut coudre.
Savez-vous quel était ce prince faible? Henri III ; cette femme
forte ? Catherine de Médicis ; ce coup d'état rappelé comme
exemple à suivre , et par lequel on avait si bien coupé ? l'as-
sassinat du duc de Guise. Je ne me permettrai aucun commen-
taire. ( Vive sensation. )


La dissolution, cet appel de la couronne au peuple pour sa-
voir s'il avoue ses mandataires, s'adressant toujours à un nombre
d'électeurs invariables dans leurs intérêts, qui ne seront pas
ceux de la masse, n'obtiendra jamais que la même réponse,
une réponse qui l'obligera de plier sous la volonté de ces élec-
teurs , devenus une aristocratie incommutable et inamovible.
L'on a répondu par une ironie, qui sous quelques rapports peut'
être fondée, à la comparaison des plus imposés avec les grands
vassaux qui dominaient jadis la couronne. J'en conviens , ce ne
seront pas de grands vassaux qui tiendront nos rois dans une
telle dépendance. L'aristocratie ne sera plus brillante et guer-
rière , mais flétrie et rusée. Son joug n'en sera pas moins pe-
sant ; il sera plus honteux. Les hauts fiiits sont remplacés par
l'astuce, la vaillance par la chicane , les paladins par des so-
phistes , et les lions par des renards. (Vif ln ouvement à gauche.)
Le remède de la dissolution aura été faussé; y recourir ne serait
qu'une imprudence : il ne ferait qu'empirer le mal. L'on a cru
répondre à cette objection en rappelant que les mêmes collèges
qui avaient nommé la chambre de 1815, ont nommé ensuite
celle de 1816, composée d'élémens bien dissemblables , et em-
preinte d'un Luit autre esprit. Mais qui ne voit, messieurs, en
examinant cette réponse, que cette différence s'explique par
des circonstances qui, il faut l'espérer, ne se reproduiront plus?
En 1815, la France était envahie par des troupes étrangères.
Auxiliaires.


de ces étrangers, des compagnies secrètes, des co-
mités occultes pesaient sur tous les départemens. On égorgeait
dans le midi ; on menaçait dans l'ouest ; les Anglais et les Prus-
siens occupaient l'est et le nord. Sous ces auspices , une chante
bre fut formée par des collèges à peine composés d'un quart des
électeurs ; le reste avait fui.... ( Plusieurs voix d droite : Cela
est faux !... Longue et vive interruption.)


Messieurs, le fait est certain pour le plus grand nombre. A
Nîmes, par exemple, dira--t-on que les électeurs aient été
nombreux, lorsqu'on Sait que, la veille des élections seize


( 325 ).
électeurs ont été assassinés et traînés à la voierie' (Vif mou-
renient à gauche. ) En 1816 , après le 5 septembre, la France
respira; les fugitifs reparurent , les élections furent diffrentes.
Mais ce fait. ne prouve autre chose , sinon qu'il est une classe
d'hommes qui ne sauraient être élus que trace à la présence des
baïonnettes et à l'absence des électeurs. Il n'en sera point ainsi
pour le haut collège. Ses élémens ;je l'ai dit, seront invariables;
son esprit sera fixe , ses nominations opiniâtres ; et le pouvoir
royal viendra, par des dissolutions impuissantes, se briser
contre sa résistance obstinée.


Ainsi le monarque sera gêné, la nation asservie par un pou-
voir qui n'émanera ni du monarque, ni de la nation. Nous au-
rons en grand, comme on vous l'a (lit , le gouvernement de
Venise, un doge captif, un sénat despotique, et un peupla
esclave. A la vérité , c'est ainsi que l'un de nos honorables ad-
versaires , M. de Bonald, conçoit. le gouvernement 'représenta -
tif. Il nous a dit, en propres termes , que c'était un état de
choses où le Roi se donnait beaucoup d'égaux-, et le peuple
beaucoup de maîtres.


Messieurs , vu dans ce pays une république tumultueuse ,
anarchique, mal organisée ; mais les vices constitutionnels
n'ont pas été la cause de sa chute : la cause de sa chute s'est
trouvée dans les hommes qui se prétendaient plus républicains
que la république, et qui, par leurs fureurs., leurs excès, leur
démence, décréditaient cette république qu'ils disaient défend re.
Craignez pour la monarchie les hommes qui se prétendent plus
royalistes que la charte et que le Roi. La république a péri par
les jacobins de la république. Les jacobins de la royauté seraient
la perte de la royauté. Je voie contre le projet.


L'orateur descend de la tribune au milieu d'un vif mouve-
ment d'adhésion de la gauche..


La délibération est continuée au lendemain. L'assemblée se
sépare au milieu d'une agitation très-vive.


Séance du- a4 lirai.


La discussion générale est reprise sur le projet de loi concer-
nant les élections.


M. le marquis Doria est entendu en faveur du projet, et il
attaque la loi de 1817 comme démocratique.


Demarcay. Messieurs , on veut, ou vous l'a dit, avoir
une loi telle, '(pse les députés qui en résulteront eient une façon
de penser monarchique. Ne serait-il pas plus constitutionnel




( 3z6 )
que les députés eussent la même façon de penser que les élec-
teurs, quelle qu'elle fût? et pour v parvenir, ne vaudrait-il pas
mieux qu'ils fussent nommés parla majorité des électeurs , que
par •une petite fraction d'entre eux, sa/den


-suite aux ministresà avoir tel égard que de raison à la manière de voir des députés?
Je ne sais si cette manière de voir est une hérésie politique,
mais il me serait difficile d'en adopter une autre, à moins qu'on
ne me prouvilt que les nations sont Lises pour les gouvernemens.


Si la loi du 5 février n'existait pas , je ne la voudrais pas telle
qu'elle est, parce qU'elle• ne tend à faire représenter qu'une
partie des droits et des intérêts. Mais elle existe , la très-
grande partie de la population veut la conserver ; il faut donc
la respecter. Ce n'est que graduellement qu'il faut passer à
l'exercice des droits qui résultent d'un gouvernement représen-
tatif. Les lois, pour être bonnes, doivent arriver à temps. La
législation doit marcher à la hauteur de l'opinion publique ; elle
ne doit ni la devancer, ni rester eu arrière. J'en conclus que la
loi actuelle, qui, dans un assez petit nombre d'années, pourra
devenir insuffisante, est la meilleure possible pour le moment.


Je dis que si cette loi n'existait pas, je n'en voudrais point.
En effet, ceste- nombreuse population sans propriétés, qui se
trouve dans les villes, qui remplit nos ateliers et nos manufac-
tures, et qui heureusement n'existe plus qu'en faible minorité
dans les campagnes, n'a-t-elle pas des droits à être représentée?
Elle paie des contributions directes ou indirectes beaucoup plus
fortes qu'on ne pense Mais quand elle n'en paierait pas du tout,
qui est-ce qui remplit les cadres de nos armées , quand le pays
est en danger ? qui a plus efficacement, et pendant aussi long- •
temps , préservé le sol de la patrie d'une invasion étrangère, et
illustré le nom français? quelle classe de la société a plus souvent
versé son sang et prodigué sa vie pour le salut public? quelle
autre classesers l'état dans des situations plus pénibles, plus dan-
gereuses et bien moins récompensées? et c'est cette partie du
peuple qu'on nous dit n'avoir aucun droit à être représentée!...


Je dis que, même sous le rapport de la propriété, les élec-
teurs actuels n'en représentent que la plus faible partie: il est
facile de le prouver. Comme l'a dit l'honorable M. Ternaux,
dix mille éligibles, au taux moyen de vingt mille francs d'im-
positions, donnent vingt millions de contributions ; quatre-
vingt mille électeurs , au taux moyen de cinq cents francs de
contributions, donnent quarante millions, total soixante mil-
lions. Supposez, ce qui est vrai , que tous les électeurs ne se
sont pas Lit inscrire , •et qu'ils n'ont pas déclaré la totalité de


( 32.7 )
leurs contributions ; pour corriger cette erreur, doublez , si
-sous Voulez, les soixante millions, vous n'aurez encore que
cent vingt millions , ou moins des deux cinquièmes de la con-
tribution foncière. Mais si vous considérez à présent les contri-
butions indirectes, qui, en grande partie, se paient bien plus
en raison du nombre qu'en raison de la fortune, vous serez forcés
d'en conclure que la partie du peuple qui n'est pas représentée ,
compose presque entièrement nos armées, ce qui est la plus
grande et la plus dangereuse de toutes les charges, et que, de
plus, elle paie entre les deux tiers et les trois quarts de toutes
les contributions. Jugez, d'après cula, si l'on serait fondé à re-
pousser la loi du 5 février, si on venait la présenter aujour-
d'hui, et combien il peut. être raisonnable et juste de la Consi-
dérer comme trop démocratique, et de vouloir l'abroger, pour
confier le droit d'élection à dix-huit mille individus!


N'allez pas croire, messieurs, que ces vérités sont dangereuses
à publier. Elles sont populaires ;. chacun connaît aujourd'hui la
plénitude de ses droits. 11 n'y a du danger que quand on paraît
les méconnaître , et quand on foule aux pieds les intérêts les
plus légitimes et les plus sacrés.


Au lieu d'accorder aux électeurs d'arrondissement un droit
ridicule et vain, fuites, si vous voulez, nommer par tous les
propriétaires et contribuables , la totalité des électeurs qui de-
vront remplir les conditions voulues par la charte; et par ces
électeurs, tous les députés; j'y consentirai très-volontiers, parce
que cela sera meilleur et surtout plus juste ; mais ne nous pariez
pas de changer la loi actuelle, qui ne pèche que par le défaut
contraire à celui que vous lui reprochez. Vous remarquerez eu
outre, messieurs, que cette manière de procéder ne serait pas
contraire à la charte ; car, comme on vous l'a très-bien prouvé,
nommer des électeurs , ce n'est pas nommer des députés.


On a beaucoup argumenté pour prouver que les gros électeurs
ont plus de droits


ar e t
les électeurs à trois cents francs à la


nomination des députés. Il me semble , d'après ce que je viens
d'établir , qu'on pourrait, avec plus d'exactitude, en tirer la
conséquence contraire. En effet, dans l'état actuel des choses ,
tous ceux qui paient moins de trois cents francs sont exclus des
élections, quoiqu'ils aient la plus grande masse d'intérêts. Ne
pouvant émettre leur voeu dans ce grand acte national, quels
sont les électeurs qu'on doit considée • comme pouvant le mieux
représenter leurs intérêts? Ceux qui les connaissent le mieux,
qui en sont le plus près; leurs pareras, leurs proches, leurs
avis j c'est-à-dire les petits électeurs.




( 328 )
- Tous les orateurs du dee droit , et ceux du gouvernement,
qui ont le même esprit , se sont récrié sur l'ignorance des petits
électeurs, sur ce qu'ils ne connaissent pas leurs véritables in-
térêts, ceux de l'état, qui sont les mêmes. Bh messieurs ,
soyez plus francs; c'est parce qu'ils sont trop instruits, trop
chtirvoyans ,
connaissent trop bien leurs véritables inté-


le
rêts, pour nommer certains députés, et les charger du soin de


s défendre, que vous n'en voulez plus comme électeurs; s'ils
croyaient ce que vous leur dites, vous les trouveriez parfàits.


On leur reproche, à ces électeurs, d'avoir nominé des députés
turbulens, des hommes aigris par les persécutions qu'on loura fait
éprouver en 18i 5, et qu'on commence à nommer injustes. Les
Français de cette catégorie n'ont jamais cessé (l'aimer leur pays;
ils n'ont jamais provoqué l'entrée de l'étranger sur la terre na-
tale; les électeurs, en les nommant, ont choisi leurs pairs,
leurs vieux amis, ceux que l'oeil perçant <le la haine <les hommes
de 1815 leur avait désignés par d'injustes persécutions; ils n'en
nommeront jamais d'autres tant que les élections seront libres.


M. le ministre des affaires étrangères a dit, si je ne me
trompe, que l'esprit public n'était pas assez tranquille pour
qu'on pût recevoir des députés qui le partagent. Cela veut dire,
à ce qu'il me semble, que MM. les ministres ne veulent pas
des députés qui pensent comme on pense en France. Bientôt
ils seront satisliiits , les députés penseront en étrangers. (Mou-
vement à droite.)


M. le ministre e regretté, du premier projet, le renouvelle-
ment quinquennal; C'est à dire, d'une manière assez claire, le
temps suffisant pour séduire et corrompre ; car si on veut
parler du renouvellement intégral, la charte l'accorde explici-
tement par le droit <le dissoudre la chambre.


M. le commissaire du gouvernement nous a dit que quel-
ques-uns des projets de loi réclamés par la nation, qui sont
une conséquence de la charte, et qu'on avait solennellement
promis de donner dans cette session, étaient prêts ; alors MM. les
ministres ont donné la priorité aux projets qui flattent les
intérêts et la vanité <le quelques personnes qu'ils regardent
comme leurs nouveaux amis et qui sont les vieux ennemis des
Français. C'est par eux qu'ils feront organiser plus tard la
garde nationale, et régler les droits des communes par ceux qui
les combattirent dans tous les temps.
• Quand deux contractans, soumis à des juges , sont en discus-
sion sur la manière d'entendre ou d'exécuter le contrat qu'ils ont
consenti, il convient sans doute d'en examiner le sens et les


( 329 )
mais quand les deux parties ne reconnaissent-aucun


tie7s;quand l'une d'elles accuse l'autre de mauvaise fbi,
ce' n'est plus le texte du traité qu'il s'agit d'examiner, mais
l'accusation principale; car , la mauvaise foi prouvée, le con-
trat deviendrait inexécutable et nul par le fait. Les divers mi-
nistères qui se sont succédés depuis 1814., sont-ils coupables de
m


auvaise foi dans l'exécution de la charte ? Telle est la question
que je me propose d'examiner.


Il doit nous être permis d'envisager sous toutes les faces la
grande question qui nous occupe. La situation dans laquelle
était la maison de Bourbon, depuis sa sortie de -France ;jusqu'à
sa première rentrée, en 181 4 ; les événeinens survenus pendant
cette période ; ceux auxquels la nation avait pris part sous des
gouvernem ens plus ou moins populaires , tant au-dedans qu'au-
dehors; l'énergie et la force qu'elle y avait déployées, pouvaient-
ils faire un devoir à la famille régnante , pour y établir son gou-
vernement, de reconnaître des droits, <les institutions, des
intérêts que toutes les puissances du monde n'auraient pu rai-
sonnablement espérer de détruire? L'ancienne dynastie trou-
vait-elle dans le trône constitutionnel un juste équivalent de
ces concessions et de ces devoirs? aurait-elle pu, avec sûreté ,
reprendre , sans aucune formalité , ses droits anciens accrus de
tous ceux qu'un pouvoir tyrannique venait récemment d'enlever
eu peuple par la violence? Qui oserait répondre affirmativement
à ces questions? S'il en est ainsi, peut-on douter que la charte
ne fût un contrat légitime, et qu'il lie fût aussi avantageux et
aussi utile à la famille régnante qu'a la nation française ., et que
de plus, il ne fût une conséquence nécessaire de la constitution
du sénat et de la déclaration de Saint-Ouen ?


Le mot octroyer était impropre, et l'on profita <les circons-
tances où l'on était alors, pour négliger des formes bien. plus
essentielles; on feignit de prendre le silence de l'étonnement
pour un consentement formel ; et du mépris, de la violation
des formes, on passa au mépris de la chose elle-même.


On se récrie quand une nation 'poussée à l'extrême, réclame
ses droits et les reprend quelquefois avec violence. Que voulez-
vous donc qu'elle fasse quand les gouvernails sont sourds à la
voix


i de l
justice? Croyez-vousqu'ils soient sensibles aux charmes


de la vertu, quand ils n'écoutent même pas les conseils de la
Prudence? Qui oserait aujourd'hui condamner Quiroga . et Riégo
d'avoir pris, en Espagne, l'initiative d'une réclamation aussi
efficace que nécessaire ? 'Sens prétendre excuser la violence, que
Je suis toujours porté à condamner , comparez les injustices




( 33o )
commises au détriment des peuples, aux excès dont ils se sont
rendus coupables envers les gonvernemens , et vous verrez de
quel côté sont les plus grands et les premiers torts.


Reportez-vous, messieurs, à l'époque où la Ihmille de nos
anciens rois rentra parmi nous, à cette époque où l'on voulutim prudemmentnous enlever nos souvenirs, alors notre seul hien,
et où s'opéra la métamorphose du grand empire en l'ancien
royaume de France. Dans ces graves circonstances, les hommes
réfléchis et expérimensés purent seuls calculer les conséquences
de ces grands événemens. Si le souvenir des longs malheurs qu'a-
vait éprouvés cette illustre famille inspira de l'intérêt; si l'expé.-
rience que le temps et l'infortune lui avaient donnée, comman-
dait - la confiance; si -sa rentrée dans un aussi bel héritage,
en .dissipant tonte espèce de regrets , ne nous promettait de
sa part que des témoignages d'intérêt et de bonté, il n'en est
pas moins vrai que de funestes pressentimens, que le plus.
sinistre avenir remplirent la pensée de tout homme clairvoyant
et réfléchi.


Si ces nobles exilés fussent rentrés seuls, s'ils /l'avaient re-
trouvé en France que les Français qui avaient fait et défendu
la révolution , la satisfaction eût été complète et sans mélange;
mais ils revenaient avec des hommes qui avaient des intérêts
opposés, et qui avaient combattu la révolution à sa naissance,
dont la vocation était de lui chercher des ennemis , et qui , les
armes à la main, les avaient poussés sur le sol de la patrie ;
qui, depuis vingt-cinq ans, maudissaient sa gloire et ses triom-•
phes 3-qui voyaient dans chaque citoyen un ennemi de sa maison,
un usurpateur de sa fortune; et, ce qui leur était bien plus in-
supportable encore, un rival trop heureux, qui leur avait en-
levé ces palmes de la victoire, qu'ils se croyaient exclusivement
appelés à moissonner. La famille royale retrouvait en outre ceux
qui, l'ayant abandonnée et oubliée depuis long-temps, avaient
adoré l'astre nouveau, et fait fumer l'encens sur l'autel de Baal;
qui devaient racheter ces communes faiblesses par les excès
d'un zèle , non pas aveugle, mais immodéré. Quels princes, en
de semblables circonstances, eussent pu connaître leurs véri-
tables intérêts? quels yeux assez perçans pourraient connaître la
verité, quand on ne leur montre que l'erreur?


De grands malheurs sans doute ont résulté du concours de ces
fatales circonstances ; mais ils n'ont rien d'étonnant, on pou-
vait en prévoir et on en prévoyait de plus grands : des causes
semblables ont toujours amené et amèneront toujours de sem-
blables résultats. Il n'appartient qu'à peu d'hommes d'être ce


( 331 )


‘i u'ils veulent ou ce qu'ils devraient être ; le très-grand nombre
des autres sont ce que les font les circonstances.Quand on a vu le souverain entouré presque exclusivement
de serviteurs, de conseillers, de courtisans à qui la révolution
avait enlevé leur fortune, leurs priviléges; qu'elle avait blessés
dans leur amour-propre, et surtout dans leurs préjugés, on
devait regarder la contre-révolution comme certaine, ou du
moins comice certain qu'on tenterait de grands efforts pour
l'opérer, et qu'il s'ensuivrait de grands troubles. Ce sont les
mêmes hommes qui firent perdre à Louis XVI la confiance du
peuple, parce qu'ils le lui représentèrent comme ennemi,
comme animé des plus funestes intentions contre sa personne
et contre son pouvoir. C'est ce qui ne manquerait pas d'arriver
à Ferdinand VII, s'il prenait pour conseillers, pour confidens
les ennemis du nouvel ordre de choses qui vient d'être établi dans
la péninsule.


Quand la charte fut donnée en 1814, elle fut le résultat des
craintes d'un pouvoir mal affermi. Le projet de la détruire fut
conçu en même temps, et en précéda la naissance. Tous les
actes de l'administration , à cette première époque , sont des
preuves irréfragables de cette assertion ; et si quelques faveurs
furent accordées à des hommes nouveaux, ce ne fut que pour
augmenter la force d'un parti qui sentait son excessive faiblesse.
Les fautes de l'administration furent si multipliées, si grossières;
d'une autre part, la crainte et la haine de l'ancien régime étaient
tellement invétérées, qu'au mois de mars 1815, elles produi-
sirent presque exclusivement le succès de l'homme que la nation
avait. froidement laissé tomber un an auparavant. Les fautes de
cette époque sont avouées; nous nous les rappelons, nous les
voyons encore. Qui a pu oublier le moyen allégué alors pour
priver la nation de la liberté de la presse, que la charte lui avait
assurée quelques jours auparavant ; le pillage du trésor public
et d'un domaine extraordinairement immense ; les pensions mi-
litaires et civiles accordées à des hommes à qui on ne rend peut-
être pas encore justice, en disant qu'ils n'y avaient aucun droit;
ce nombre immense de promotions dans tous les grades, pen-
pdlaunstd s


ffi
hcieuitrs_premiers mois de /84, dans lesquels il fut créé


généraux que le dernier gouvernement n'en avait
nommé pendant les huit premières années de son existence ; ces
croix. de la légion-d'honneur données par milliers, et cela bien
moins dans le but d'honore • ceux à qui on donnait ces grades
et ces distinctions, que d'avilir ceux qui provenaient d'une
autre source? Le gouvernement, non mieux intentionné




( 332 )
nel'est aujourd'hui, mais plus vain et phis imprudent. marchait
ouvertement à la contre-révolution, à laquelle une dissolution
complète l'eût empêché d'arriver, quand bien même le 20 mars
ne fût pas survenu.


Enfin, arriva la seconde restauration, où se montra sans voile
et sans déguisement ce double gouvernement , ce gouvernement
occulte dont l'existence n'est plus un doute, même pour les
classes les moins éclai rées de la société. On regardait comme si
facile, lors de la première restauration, l'anéantissement. de la
charte, et le rétablissement de l'ancien ordre de choses, qu'on
ne paraissait pas douter qu'il y eût de fonctionnaire ou d'em-
ployé de l'administration qui n'y concourût avec empressement.
Mais l'expérience des cent jours avait rendu, sinon plus sage,
au moins plus circonspect, et l'on commença à croire que l'exé-
cution de ce grand projet demandait un peu plus de discerne-
ment dans le choix des avens; qu'on trouverait plus de résistance
qu'on ne s'y était attendu d'abord, et que, pour parvenir au
but desiré, il fallait employer des moyens plus vigoureux. Alors
on excita les haines, on fomenta les divisions ; et, pour rendre
les moyens plus sûrs et l'exécution plus rapide, on se servit dela
tourbe et de ce qu'il y avait de plus honteux dans un parti qu'on
regardait comme plus dévoué, pour exercer toute espèce de
violences et de cruautés sur un autre parti qu'on croyait, non
pas ennemi du gouvernement, mais plus attaché aux principes.
de la révolution et aux nouveaux droits qu'elle avait établis.
On encouragea les auteurs de ces excès par des proclamations;
et dans le sanctuaire même des lois, dans cette enceinte, on
repoussa avec indignation la dénonciation qu'on y fit de ces
coupables excès. Ces choses allèrent à un tel point de violence
et d'anarchie, que le ministre d'alors, qu'on ne peut taxer d'un
rigorisme outré, ni d'avoir manqué de complaisance au besoin,
regarda comme un devoir indispensable de se démettre de toute
participation à une administration aussi cruelle qu'extravagante.
Les motifs et les causes de cette démission ont été publiés,
donnés par les ministres eux-mêmes à différentes époques, et
on n'a jamais osé les démentir.


Le second ministère signa le traité de Paris (novembre 1815),
proposa la loi du 29 octobre, qui lui fut imposée, à l'excessive
rigueur de laquelle on ajouta des mesures plus rigoureuses en-
core, et dont les ministres eux-mêmes n'étaient souvent que des
témoins impuissans, qui ne pouvaient les réprimer ni en modérer
l'excessive sévérité.


Ce fut le gouvernement. secret qui força le ministère ( nous


( 333 )
/timons à le croire pour son honneur) à présenter cette loi d'am-
nistie dont la dénomination seule est une cruelle dérision, dont
l'objet était de foire une loi pénale avec un effet rétroactif, et
de fitire commettre par le pouvoir législatif, envers d'anciens
membres de la convention , précisément la même violation deformes et les mêmes torts dont on les accusait, et qui enlevait
au Roi son droit le plus précieux, celui de faire gram Qui
pourrait nier la toute-puissance de ce gouvernement occulte,
quand à cette même époque, et précisément pour ce même
projet de loi, on vit le premier ministre venir déclarer à cette
chambre, au nom du souverain, quece projet n'ohtiendraitjamais
sa sanction , qui lui fut cependant immédiatement accordée ?


Ce futà cette époque que le gouvernement royal, qui n'avait
plus de force qu'autant qu'il montrait un dévouement aveugle
aux intentions et aux projets du gouvernement occulte, effrayé
des terribles conséquences qui allaient l'entraîner lui-même à
une perte aussi sûre que prochaine, mit fin it la session de 3815,
et quelque temps après prononça la dissolution de la chambre.


De nouvelles élections eurent lieu . ; mais toutes les places
étaient occupées par les partisans de cette violente faction ; les
lois, les tribunaux d'exception existaient; les citoyens exilés,
bannis , emprisonnés, étaient à peine rentrés dans leurs foyers,
et toutes les familles étaient encore effrayées des persécutions
qu'elles avaient éprouvées, ou des dangers qu'elles avaient
courus. Le gouvernement secret triompha dans la plupart des
collèges électoraux, et ce ne fut qu'avec beaucoup de soins et de
peines , et en se fortifiant de l'opinion publique , en rappelant
les dangers passés, que les ministres parvinrent à se procurer
une faible majorité dans la session suivante. Le pouvoir royal ,
pour sa propre conservation , invoqua lui-même les idées libé-
rales, et fit rendre cette loi du 5 février )81 7 , dont il était loin
de prévoir les heureux effets, parce qu'il n'avait jamais eu une
idée exacte de l'opinion publique, ni connu les intérêts maté-
riels et positifs de la presque totalité des Français, dont elle sera
toujours une conséquence immédiate et forcée.


Le ministère venait de calmer une partie des craintes de la
nation; il venait de lui donner quelques espérances ; il n'avait,
pour achever son ouvrage, qu'a mettre franchement et loyale-
ment à exécution cette charte que tous regardaient alors comme
mie ancre de salut. 1%,:lais le gouvernement occulte , dont l'ace
lion n'avait jamais cessé, dont les avens occupaient encore
presque tous les emplois, et dont ils multipliaient les rapports
sur tous les points, ne tarda pas à reprendre, même publique-




( 334 )
nient, toute sa première influence. Il en résulta une scisssion
ouverte dans le ministère, qui amena le changement de décem.
bre 1818. La nation , toujours oublieuse des maux passés, et
avide d'espérances pour l'avenir, accueillit avec des témoignages
de satisfaction les nouveaux ministres, et ce ne fut: pas sans un
grand étonnement et soifs de vifs regrets, qu'on les vit pendant
quelque temps le pied levé, et reprendre peu après une marche
rétrograde. Ainsi finirent toutes les espérances et se renouvelé-
rent toutes les craintes, par le dessein avoué de violer la charte,
et de faire disparaître la base du gouvernement constitutionnel,
la loi des élections.


Ces phases contradictoires et multipliées qu'a éprouvées le
gouvernement depuis 1815, prouvent clairement qu'il est soumis
à l'action de deux finces qui agissent constamment sur lui. La
première est le résultat d'une inclination naturelle , de longues
habitudes, d'un entourage et d'une obsession. Constante et
toujours la même, c'est celle sur laquelle repose le gouverne-
nient occulte. La deuxième est le besoin de sa conservation ;
niais, par une suite inévitable de l'état des choses, il ne peut
faire un pas vers ce but sans se rapprocher également du gou-
vernement constitutionnel ; or, ce gouvernement constiutionnel,
qui lui est indispensable pour avoir de gros impôts, pour les
lever avec sûreté et facilité , lui inspire une horreur presque in-
vincible. Quand on donne des hommes et de l'argent , et tous-
les autres moyens de puissance, on en demande les motifs , ou
en contrôle l'emploi, on exige des comptes ; tous actes flirt
désagréables au pouvoir, surtout à un pouvoir qui se rappelle
des temps plus conformes à ses véritables inclinations.


Vous avez vu, messieurs, la constante rés'stance qu'a toujours
opposée le gouvernement occulte au gouvernement du Roi , de-
puis le mois de juin s8,6, jusqu'au départ du dernier ministre:
cette résistance n'avait jamais cessé d'être en action. Mais depuis
la formation du ministère actuel, il ne présente plus les mêmes
apparences ; il a opéré une fusion complète avec le gouvernement
royal, ou, pour mieux dire, il s'en est emparé. La constante
unanimité avec laquelle il défend tousles projets préséntés dans
cette enceinte, lève tous les doutes à cet égard, et ce fait a été
confirmé d'une manière qu'on peut dire officielle, par l'hono-
rable collègue qui a soutenu la pétition de M. Machel


. de Mont-jeu. La connaissance des 34. e et 35. e
circulaires eût. été plus


que suffisante pour en prouver l'existence et l'action non inter-
rompue, si plusieurs des ministres qui se sont succédés depuis


8i 5 n'en avaient fait l'aveu public.


33 )
je ne puis cependant me dispenser de citer, à l'appui de cette


assertion , un des fifits les plus récens : c'est l'opinion prononcée
à la chambre des pairs pour le développement d'une proposition


a été prise en considération par cette chambre, et qui aqu
conséquemment obtenu l'assentiment de la majorité des mem-
bres qui la composent. Je me garderais bien de vous citer un
écrit particulier, qui pourrait être le fruit d'un esprit bizarre ou
d'une imagination en délire. Mais , indépendamment du haut
degré d'intérêt que mérite cette opinion, par rapport au lieu oà
elle a été prononcée et -à la manière dont elle y e été accueillie,
c'est le travail d'un littérateur distingué , d'un esprit élevé et
d'une instruction étendue , à (pli son rang et ses talens donnent
souvent une participation directe aux actes du gouvernement,
et en tout temps un libre accès auprès de l'autorité ; enfin, c'est
le travail d'un ministre d',état.


Cet écrit, messieurs, qui vous a été distribué récemment,
est un des plus remarquables et des plus extraordinaires que
l'on ait osé publier depuis long-temps. Ce que la révolution a
fait de mieux, a conservé de plus utile, y est on ne peut pas
plus clairement condamné , et le retour à la main-morte et à
toutes les plaies de l'ancien régime, recommandé de la manière
la plus précise. Je ne vous en ferai point l'analyse ; je ne vous
dirai pas qu'il est rempli de maximes subversives de tout ce que
nous regardons comme essentiellement bon et utile, et que la
conséquence en est le renversement d'un gouvernement libre et
constitutionnel. Je nie contenterai d'en citer fidèlement quelques
phrases qui vous donneront une idée de i'ouvrage.


L'auteur ne veut pas qu'on vende les terres d'un héritage pour
payer les dettes du défunt ; il se plaint du trop grand nombre de
mariages qui ont eu lieu pendant la révolution ; tellement que,
malgré la grande consommation d'hommes, la population a.
augmenté; il se plaint qu'il y a trop de propriétaires; il dit ,
que la population et le nombre des propriétaires sont en oppo-
sition avec les progrès de l'agriculture ; il se plaint du prix trop
élevé des terres ; il blâme le desir qu'on a de devenir proprié-
taire; il veut qu'on rende héréditaire la qualité d'électeur et
d'éligible ; il veut qu'on diminue le nombre des propriétaires ,
pour arrêter l'accroissement intempestif de la population, ex-
cité par la division des terras; les préjugés qui fai-
saient consister la force des peuples dans le nombre des individus,
l'accroissement rapide de la population, qui passait pour le signe
infaillible d'une prospérité croissante; n il veut moins de ma-
riages, pour améliorer les ince.urs ( on rit); il prêche le célibat,.




( 336 )
ou au moins de ne se marier que dans un âge avancé; il prétend
que le grand nombre des enfant est le signe certain d'une ir-
remédiable misère; il veut qu'on permette les majorais, pour
contenir la population dans les bornes convenables ; il veut de
grands propriétaires pour donner du pain aux pauvres ( qu'il se
propose de Lire); et enfin , il veut exproprier le pauvre, pour
l'empêcher d'être poursuivi par le percepteur. (On rit. ) Ce
que je viens de vous rapporter, messieurs , peut vous paraître
étonnant, mais vous êtes à même de le vérifier.


Ce qui est positif, ce qui est important , c'est que le gouver-
nement occulte , le gouvernement contre-révolutionnaire , sait
très-bien que la propriété fait le citoyen , l'homme éclairé, qui
connaît ses droits, qui vent liberté et sûreté, et qui prétend
qu'un gouvernement , pour être bon, doit être paternel, juste
envers tous, et surtout économe. Or, messieurs , c'est cette
-classe d'hommes , dont le grand nombre et la force sont un
obstacle invincible pour le retour à l'ancien ordre de choses',
qui sans eux serait rétabli depuis long-temps , que par cette rai-
son on veut Lire disparaître. On veut les Lire disparaître par
l'établissement de la main-morte; institution qui avait rendu
désertes les plus belles provinces de l'Espagne et de l'Italie,
qui menace l'Angleterre d'un bouleversement total, auquel elle
n'échappera probablement pas ; institution qui est le plus grand
des fléaux qui puisse peser sur une nation, et qui seule mé-
riterait qu'elle fît une révolution , si elle n'avait pas d'autre
moyen de s'en dégager. Je vous laisse le soin de tirer la consé-
quence de l'opinion du noble pair.


Je vous le demande, messieurs, est-ce quand on nous e en-
levé la liberté de la presse, la liberté individuelle , et qu'on
veut nous enlever une libre et égale représentation , qu'on peut
parler de gouvernement constitutionnel, et invoquer la charte?


L'article i 2 de la charte et: le gouvernement constitutionnel
permettaient-ils de lever et de solder un corps de troupes étran-
gères sans le concours du pouvoir législatif? La liberté des ci-
toyens, la sûreté de l'ordre établi pouvaient-elles être compro-
mises par un acte de cette nature ?


La charte permettait-elle de conclure un concordat qui établît
en France le pouvoir d'un prince étranger?


Permettais-elle de multiplier, d'une manière dérisoire , les
grades dans l'armée et les nominations dans la légion-d'honneur,pdans lesquelles on introduisait des hommes qui n'y avaient au-
cune espèce de droits, dent la promotion était aussi contraire-à
la morale publique qu'au trésor de l'état, et qui sont venus en-




( 337 )
nover


aux légitimes propriétaires des récompenses données sous
la garanti e publique, et consacrées par cette même charte?


Li charte permettait -elle, sans l'intervention du pouvoir
législatif, la création des ordres monastiques et le rétablisse-
ment des couvons?


Croyez-vous, malgré les promesses du gouvernement et ce
qu'on paraît vouloir faire pour la légion d'honneur, que les
hommes de l'ancienne armée, que les propriétaires de biens
nationaux penseront que leurs droits sont bien assurés et leurs
intérêts bien défendus, quand l'autorité sera exclusivement dans
les mains des hommes de l'ancien régime , et cette chambre oc-
cupée par ceux qu'a dépossédés la révolution?


Je conçois très-bien que, dans un tel état de choses , il con-
vienne au gouvernement de prêcher obéissance aux lois incons-
titutionnelles qu'il a fait adopter, et aux lois contre-révolu-
tionnaires qu'il se propose de présenter. Je conçois également
qu'il vienne vous prêcher le respect à la charte violée et mu-
tilée ; mais pensez-vous que cela soit dans l'intérêt de vos
commettans , le seul et unique but que vous vous êtes toujours
proposé? La charte, dans cet état , n'est plus qu'un acte de ser-
vitude, de charges de toute espèce, sans aucun avantage. La
conservation n'en est plus utile qu'à ceux qui l'ont ainsi façon-
née. Ce n'est point la charte à laquelle nous avons prêté ser-'
ment; elle ne présente plus qu'un squelette difforme et décharné ,
et qui sera absolument sans vie le jour où vous aurez adopté le
projet qui vous est soumis.


Vous êtes les sentinelles avancées destinées à veiller aux in-
térêts du peuple et à la conservation de l'ordre social. Tant
que vous restez au poste qu'il vous a confié , sans jeter le cri
d'alarme, le peuple peut rester dans la sécurité ; ma. is à quelle
terrible responsabilité ne vous exposeriez-vous pas si, après
vous être laissé surprendre, il ne sortait de l'erreur dans la-.
quelle vous l'auriez laissé tomber, qu'en reconnaissant l'escla-
vage. oit vous auriez, même par une résistance pusillanime,
concouru à le précipiter


_Nous finirons par dire aux ministres et à ces prétendus amis
exclusifs de la royauté : Vous qui nous vantiez le gouverne-
ment légitime; vous qui paraissiez repousser, avec une feinte
horreur, le gouvernement de fait, le droit de la force ,
l'aviez ce gouvernement légitime et constitutionnel, si simple
et si facile avec de la bonne-foi et de la loyauté; il reposait sur
une charte , sur un contrat qui avait obtenu l'assentiment de
tous les hommes de bien, de tous les bons citoyens; vous Pavez


22




( 338 )
détruit; vous gouvernez au nom de cette force contre laquelle
Vous VOUS êtes si souvent élevés; vous sentez-vous par vous-
mentes en état de soutenir un état de choses qui a écrasé Buo-


sparte C.0111111aDdant à la lamifié de l'Europe en armes ?
Messieurs , si ce que je viens d'avoir l'honneur de vous expo-


ser prouve y a eu mauvaise foi de la part des avens du
pouvoir, et que l'intention de détruire la charte existe depuis
le moment où elle nous a été donnée; si, d'un autre côte;, il est
constant que l'adoption du projet qui vous est présenté , est
contraire eu teste, et bien plus encore à l'esprit de cette charte,
et qu'il renverse la base et les conditions essentielles du gouver•
netuent constitutionnel, il en résulte que le contrat, c'est-à-
dire la charte elle-même, sera amuie dal moment de cette
adoption. C'est ce que je voulais démontrer. Je vote contre le
projet de loi.


( Tif mouvement d'adhésion à gauche. n grand nombre de
voix : Bien ! très-bien ! )


M. le baron Cuvier, commissaire du Roi, cherche à justifier
le projet de loi dans sa nécessité , dans son esprit , dans son but
et dans les résultats de son application.


M. Daiphonse s'attache particulièrement à reproduire les
ralsonnemcns eu faveur de la loi du 5 février, lors de la présen-
tation de cette loi, et ceux qui furent de nouveau employés pour
combattre, dans la dernière session, les modifications propo-
sées à cette loi.


Tl est six heures un quart. Parmi les membres du centre de
droite et de la droite restés en place, quelques voix demandent
la clôture de la discussion—. -Une vive agitation succède,..Les
membres de la gauche restés en séance se lèvent precipitam7-
ment, et se retirent en disant : Vous n'êtes pas en nombre pou;
délibérer !... Voix à droite : Oui, si vous volts en allez! La de
libération est continuée au lendemain.


Séance du 25 mai.


On reprend la discussion générale sur le projet de loi des
élections.


Lizot parle en faveur du projet, qui est combattu par
M. Kératry.


La loi proposée, dit cet orateur, cette élection à deux degrés'
n'a donc d'autre but que de se saisir partout du pouvoir au
profit du privilège : c'est l'inauguration de la contre-révolu-
tion; c'est la charte déchirée, mise en lambeaux. Alors celle-ci


( 339 )
n'aura eu d'autre existence parmi nous que celle d'un pont des-
tiné au passage d'un corps d'armée en pays ennemi, et que l'on
fut sauter dès que l'on s'y croit. en force. Ministres égarés, si
vous réussissez dans vos projets, dites-le•moi, je vous en sup-
plie, je vous en conjure pour la seconde fois, que restera-t-il
de cette charte, le premier de nos titres? J'y cherché l'égalité


- de droit , elle a disparu; je lui demande la sûreté de nia per-
sonne , elle ne peut plus me l'offrir; j'invoque la liberté de la
presse , on me répond par la censure, c'est-à-dire en m'ordon-
nant (l'approuver ou de nie taire; avec mes concitoyens oppri-
més, je compte sur des députés de mon choix , grossissant leur
Tee du mien , je me vois en majorité avec eux : erreur de
calcul! la minorité nommera tout, emportera tout : la minorité
régnera. En vain viendrez-vous, l'un après l'autre, à cette tri-
bune, invoquer ma confiance, et accoler pompeusement à. mes
oreilles les mots de liberté et de monarchie, de monarchie et de
liberté, je ne saurais me payer de paroles quand vous m'enlevez
la chose. En vain me direz-vous que vous me rendrez tout ; je
sais ce que je perds, et j'ignore même si, dans quelques jours,
ce que vous m'ôtez n'aura pas passé en d'autres mains. Vous
croyez en vous, je vous en félicite ; votre rêve en sera plus doux ;
mais j'ai jeté les yeux sur vos auxiliaires, et je reste éveillé. (On
rit a. droite. )


Toujours est-il constant que c'est au nom de l'honneur que
vous venez me dépouiller ; que c'est au nom de la charte que
vous la travestissez : je nela reconnais plus cette charte, je n'en
ai que faire, et je vo us la rends dès que ce • n'est plus celle de
mon Roi ; vous m'avez dégagé, et la plénitude de mon serinent
me retourne. (Bravos prolongés à gauche.) Quant à mes droits .
d'électeur et, d'éligible aux prochaines élections ( très-prochaines,
comme -votre marche me donne lieu de le croire ), le vous les
rends encore ; je les abdique ici en présence de la France qui
m'écoute. V


C.,„oudriez-vois, en erre, que j'allasse dans un collège
d'arrondissement préparer la Matière d'une insulte au choix de
mes concitoyens? voudriez-vous encore que, dans un collége
dè département j'eusse la bassesse de la sanctionner de ma
présence? Non; vous nommerez vos députés comme vous l'en-


lionte à53 parce que


tendrez; • vous aurez méconnu la dignité de votre
pays, ce ne sera pas sine raison pour que j'oublie la mienne.


moi si, après avoir été élu de la majorité, je consens à
devenir .celui de la minorité! si après avoir été le représentant
de l'égalité, je deviens celui au privilège ! Si vous avez juré
l 'asservissement de votre pays, si vous avez créé des périls à la




34° )
royauté, en dénaturant la représentation nationale ce n'est pas
sur moi qu'en tombera le reproche. Mieux eût valu , pour le
bonheur public, vous passer de celle-ci ; mais vous avez jugé ce
simulacre encore utile à l'obtention des gros subsides avec les-
quels vous serez condamnés à satisfaire la cupidité de ceux qui
vous poussent ; car si c'est avec eux que vous faites la loi à la na.
tion , il n'est pas moins certain qu'ils vous la feront à leur tour.
( Vive agitation. ) Heureux le peuple , si on ne demande que de
l'or! Ainsi l'on voudra une chambre pour donner au budget une
apparence de délibération; une tribune pour imposer ailleurs un
silence légal à toute vérité ; et un président pour mettre une
des branches du pouvoir souverain aux ordres d'un maître des
cérémonies, qui daigne lui accorder une simple consicidration,
quand , excepté le Roi , devant lequel tout doit s'incliner,
excepté la chambre des pairs, qui marche de concert avec vous,
il n'est personne en France qui ne vous doive du respect.
( Mouvement général d'adhésion.)


Vous rejeterez la loi présentée, messieurs, parce qu'elle est
anti-monarchique , et notamment contraire au règne des Bour-
bons; vous la rejeterez, parce qu'elle est immorale, et qu'elle
jtend à armer la société française contre elle-même ; vous la re-eterez, parce qu'elle est dégradante pour l'espèce humaine,
qu'elle obligerait à fléchir sous le joug de quelques familles en-
nemies de l'ordre de choses actuel ; vous la rejeterez enfin,
parce qu'elle est la plus insolente




( Violens murmures à
droite. —A gauche. Oui' oui ! c'est très-vrai ! ), parce qu'elle
est la pus insolente que l'on ait osé proposer à une nation dont
la déchéance n'a pas encore été proclamée. Je vote conformé-
ment à ces conclusions.


( Des signes très-vifs d'une adhésion générale éclatent dans
toute la gauche, lorsque M. Kératry descend de la tribune. )


On demande vivement à droite la clôture de la discussion.
MM. Méchin , le général Foy et Tarayre s'y opposent. La dis-
cussion est continuée. M. le chevalier Lemarchant de Go micourt
parle en faveur de la loi proposée.


212. Mdchin. Ce que j'ai vu depuis quelques jours, ce que j'ai
entendu dans cette enceinte confirme l'opinion où, j'étais que,
dans cette attaque si vive, l'intérêt personnel est tout , l'intérêt
public n'est rien.


( Après avoir développé la différence d'opinion de M. Cuvier,
en 181 7


et 1820, relativement à l'élection directe, l'orateur
ajoute : )


Je reviens aux matières que j'ai résolu de traiter; il me


( 341 )
tarde de venger ces classes moyennes, si témérairement incul-
pées, afin que la spoliation de leurs droits devienne plus facile ;
il me tarde de combattre la trop commode théorie des désaveux,
de repouss er de trop durs outrages, et de m'efforcer de prouver
que les sophismes basés sur la prééminence de la grande pro-
priété foncière ne doivent point être accueillis comme des ar-
gumens de quelque valeur. Mon opinion s'appuie sur quelques
considérations générales, sur quelques faits dont ils sont les
corollaires naturels et inévitables.


Lorsque notre antique monarchie s'écroula sur ses étais brisés,
cette aristocratie qu'on nous représente comme le plus ferme
appui du trône, pouvait seule approcher (le ses degrés ; à la
cour, al l'armée, dans l'état, dans l'église, elle occupait seule
toutes les hautes dignités, seule elle remplissait tous les hauts
emplois. La grande propriété n'avait reçu aucune atteinte, les
combinaisons d'une législation spéciale et la concentration des
faveurs, tout avait pour but de la conserver et de l'accroître.


Cependant, au jour du péril elle fut impuissante, parce que
la force lui'faillit, ce qui doit toujours arriver à des intérêts sé-
parés des intérêts de tous; la force qui se trouve dans le nombre
ne vient• point au secours de ceux qui veulent être et rester une
exception dans la société. La chute fut terrible et profonde. La
révolution qui affranchissait tout un peuple, et lui rendait ses
droits usurpés, était légitime; mais les malheurs, les crimes qui
accompagnèrent son cours, sujet éternel de nos douleurs, furent
autant le produit de résistances insensées, que d'une exaspé-
ration dont elles ont été la cause funeste et l'aliment déplorable.


11 arriva ce qui devait arriver . : la révolution qui., dans une
seule nuit, dans l'immortelle nuit du 4 août 1 789, avait atteint
son but , le dépassa, parce que l'on vint témérairement l'in-
quiéter au milieu de ses conquêtes. .


La conservation de ces conquêtes voulait des garanties ; et
alors, comme aujourd'hui, la nation les chercha dans des insti-
tutions protectrices de ses intérêts nouveaux. La crainte de les
confier à ceux qui leur paraissaient contraires lui fit exagérer
sa méfiance, et le pouvoir ne tarda pas à tomber en des mains
yigourede uses'sans doute, puisqu'elles savaient combattre et vain-
cre; mais qui, repoussant tous auxiliaires qui lui seraient venus
d'ailleurs que d


.
es dernières classes de la société, ne tardèrent


point à étendre sur nos foyers un voile funèbre et sanglant,
tandis qu'une auréole éclatante semblait dérober à l'étranger
l'affreux spectacle de nos maux domestiques.




( 342 )
1Mais lorsqu'à des jours de deuil succédèrent des jours plus


sereins, lorsque l'ordre parut vensloir remplacer le chaos, lors-
qu'enfin cette classe mOyenne , cette petite propriété, pour me
servir de vos expressions, cette petite propriété que vous aces..
bics de vos dédains, suais qui,, à son tour, vous accable de sa
gloire, fut parvenue à dompter les fureurs populaires, et se
trouva, par la force des closes, jetée au-dedans comme au-
dehors, dans toutes les fonctions de l'état; répondez,
pas su, comme par enchantement et en peu d'années, porter la
France au plus haut degré de gloire militaire et de considération
extérieure oit aucun peuple du monde soit encore parvenu ?
l'ç'a-t-el.e point su faire connaître à la France, au milieu du
fracas des armes, une prospérité intérieure qu'elle n'eût jamais
soupçonné possible? Ces manufactures opulentes, ces innom-
brables &briques, ces travaux consacrés à la gloire ou à l'utilité
de tous ; ce luxe de nos cités, cette aisance de nos campagnes,
ces découvertes sans nombre de la science, cette pompe des arts,
ces autels relevés, et cet oad re long-temps admirable dans toutes
les parties de l 'ad ministration, ne sont-ce pas là des monu-
nions qu'elle peut opposer aux châteaux crénelés, qui épouvan-
taient plus qu'ils ne protégeaient des. vassaux indigens ou des
serfs dégradés ? 'est-ce point dans ces derniers temps qu'on
vit l'agriculture se signaler par ses progrès, et multiplier lesproduits d'un sol que le paradoxe représente comme si


volati-lisant
. (1).


mais que la vérité proclame d'autant plus inébran-
lable qu'il est chargé du poids d'un plus grand nombre de pro-
priétaires qui, long-temps sans vous, et aussi pour vous qu'ils
ont aimé à rappeler de l'exil, ont recueilli ses riches moissons
sous un immense berceau de palmes et de lauriers ? Voilà ces


.plébéiens, cette classe moyenne, cette petite propriété dont je
viens de célébrer les jours héroïques, et qui, dans tous les temps,
fut l'asile de. la modération et la pépinière féconde des hommes
qui ont sauvé leur pays ; et c'est elle que vous voulez éloigner
comme profime du sanctuaire de nos lois, c'est elle dont voustentez l'exhérédation politique !


Je n'ai pu, messieurs, rappeler sans émotion, sans chaleur,
ces grands souvenirs, ces souvenirs d'hier, ces vérités d'aujour-
d'hui que l'on voudrait vainement essayer de reléguer parmi les
illusions et le mensonge. En entrant dans cette grande et redou-
table discussion, je me suis senti pressé de prouves' pie ceux-là
ne devaient point subir la honte d'une tutelle illégitime , qui


(1)
de Bonald.


( 343 )
avaient su réunir tant de merveilles en un cadre si étroit , qui
avaient fait plus encore en surpassant l'éclat de tant de victoires,
par celles qu'ils avaient remportées sur eux-mêmes. Certes, les
agressions n'ont pas manqué, les provocations ont été infhti-
gUbles, les ressentimens exaltés ! Eh bien ! quel int le premier.
-usage du pouvoir remis entre nos mains ? ne fut-ce point de
rompre les terribles barrières qui semblaient élevées à jamais
entre les enfans de la même famille ? de rappeler ces aînés qui
n'avaien t pas cependant toujours été sans ricueur envers leurs
frères? Depuis lors et pendant douze ans, nous vécâmes en paix
entre nous, sur la même terre, souvent sous le même toit; avec
eux, nous aimions à partager les avantages d'un nouvel ordre
social; à la cour, dans les armées, dans les emplois civils, dans
les fêtes domestiques, ils vivaient, marchaient, combattaient
et triomphaient avec nous. Le mot de parti s'effaçait de notre
vocabulaire ; cette égalité de droits, qui paraît aujourd'hui si
pesante, paraissait douce alors; fallait-il donc que le retour de
nos anciens rois nous signalât des haines concentrées, qu'au
moment où l'auguste monarque mettait le sceau à la réconci-
liation, les ressentimens s'échappassent de leurs coeurs?
que la paix domestique cessât avec la guerre étrangère?


Pourquoi ces accusations aussi injustes que grossières ? pour-
quoi ces réactions sans actions qui les motis-ent ? pourquoi ces
fureurs sans cause? pourquoi tout ce sang que vous avez versé
dans nos provinces et qui reste sens vengeance? pourquoi cette
imputation des maux de la révolution à des hommes qui, mu-
tilés eux-mêmes par la révolution , avaient su y mettre un terme?
pourquoi ramener sans cesse sous les yeux de cette assemblée
une épouvantable catastrophe qu'au prix de notre sang rions
eussions mille fois voulu prévenir? Qu'avons-nons de commun
avec la convention ei ses excès, avec cet épisode terrible de
notre histoire, si ce n'est de longs jours passés dans le deuil et
les larmes ! si ce n'est des perteiirréparables et des souffrances
inouies ! si ce n'est aussi la part .des lauriers que nous avons
cueillis en défendant le sol sacré de la patrie ! si ce n'est encore
quelques feuilles de la couronne civique que yen devez â ceux
qui ont brisé les échafauds de la terreur !


Quant à cette autre époque bien plus près de nous, et aussi
injustement reprochée; des fautes, des fautes énormes, et dans
lesquelles notre mauvais destin commun vous entraîne encore,
ne l'ont-elles pas préparée, appelée, rendue inévitable? Ce que
je répète ici, le Roi l'a proclamé à la face du monde.


Dans cette effrayante conjoncture, la France restaiti il a fallu.




( 344 )
la servir, il a fallu la défendre; ce double devoir a été rempli
par des hommes sans reproches et sans peur.


Telle était aussi alors la foi des personnes éminentes qui
m'entendent, et qui n'ont pris un parti contraire , et n'ont été
chercher fortune ailleurs, qu'en désespoir de situ:ès auprès de
celui dont ils avaient été les conseillers, les agens, et qui, cette
fois, refusa leurs services empressés.


Je me demande avec anxiété et une sorte de terreur, queljest le génie malfaisant qui s'efforce de diviser le faisceau, et sije pouvais douter de la fidélité <les conseillers de la couronne,e serais porté àfcroire qu'ils conspirent contre elle ?
;Se me demande, d'une autre part, comment. il se fait que


cette classe moyenne, que ces petits propriétaires, si grands,
dans les combats, dans lés conseils, dans l'administration, dans
l'immense carrière des sciences, des lettres et des arts, soientjtout-à--coup convaincus d'indignité ou d'incapacité politique?e me demande comment des Français, qui se sont montrés ca-
pables de tant de choses, sont devenus incapables d'élire avec
discernement, depuis que la loi confond lems suffrages dans
l'urne commune, où s'entassent aussi ceux des hommes qui veu-
lent les obtenir sans s'occuper de les mériter ?


Faudra-t-il donc, messieurs, pour rassurer les alarmes mi-
nistérielles, ajouter aux conditions d'éligibilité celle de rece-
voir un traitement de la trésorerie ? Tout était bien encore avant
l'élection de la troisième série. La loi que nous défendons avait
donné les fruits que le ministère en attendait. Elle était ,. il y a
encore un an, il y a huit mois, le palladium du trône et de la
liberté; la troisième série a fait jeter le cri d'alarme ; alarmes
hypocrites, feintes terreurs , outrage gratuit aux élus, aux élec-
teurs <le la France. Ici les faits encore vont parler plus haut que
lys calomnies. Sur cinquante-six collègues que la troisième série
NOUS a donnés, messieurs, quatorze avaient mérité le choix du
Roi, et dix-neuf fonctionnaires publics sont, par elle, entrés
dans cette chambre. Eh ! que faut-il donc encore à la sécurité
ministérielle? Il lui fuit une meilleure conscience et de meil-
leures actions, et non point dans les fonctionnaires nos col-
lègues des instrumens plus dociles ; car, dans le coeur français,
l'honneur parle plus haut que tout autre sentiment ; et l'ignoble
doctrine que l'on a osé professer à cette tribune, expirera sur
le seuil des prétoires; elle ne souillera pas les tentes de nos
guerriers, et sera repoussée par nos administrateurs, qui n'en
accepteront pas la flétrissure. L'exemple a été donné, et ils sau-
raient, comme ,Lepot de Lavacquerm, dire an Roi : cc Sire I


( 345 )
nous vous remettons nos charges, et nous souffrirons ce qu'il


„ vous plaît plutôt que d'offenser nos consciences. ))
Oui, messieurs, c'est par d'autres voies, par d'antres doc-


trines qu'un gouvernement accroît et maintient son influence ;
ce n'est pas en blessent les affections et les opinions que l'on
commande aux unes, et qu'on dirige les autres; ce n'est point
en offensant les masses, et en se jetant sous la protection des
exceptions sociales, qu'on peut parvenir à faire mouvoir les
niasses au gré de sa volonté. cc La nation ne nomme que <les mi-
» nistériels, quand les ministres sont animés de l'esprit patio-
„ nain, , comme l'a d itun des membres les plus illustres de notre
première assemblée, qui, dans un ouvrage aussi bien pensé que
bien écrit, nous a retracé des faits et des leçons dont nos minis-
tres eussent dû profiter. Lorsqu'en 1483 les états - généraux
furent convoqués, ce fut par des concessions favorables à la
nation que le gouvernement chercha à se concilier les suffrages,
Les impôts furent diminués , les dépenses réduites , et six
mille Suisses à la solde de la France furent renvoyés dans leur
patrie. •


Dans ce temps, on ne se permettait pas d'outrager un man-
dataire de la nation, et si, un seul instant, les conseillers de
la couronne payèrent tribut à la mauvaise humeur, nos pères
surent. les rappeler sévèrement au respect qu'ils devaient à l'as-


, semblée devant laquelle ils avaient l'honneur de parler. Nos
pères n'eussent pas souffert alors que, pendant huit mois con-
sécutifs , res conseillers de la couronne traitassent de révolu-
tionnaires , defactieux , d'anarchistes, une partie considérable
de leurs représentans. cc Ne déguisez rien , disait aux députés
» des communes le chancelier Guy de Rochefort, ne craignez
D, point que vos plaintes soient importunes ; et vous, princes


qui m'écoutez , je vous en adjure au nom de la patrie, laissez


m aux députés une pleine liberté.
Mais poursuivons , et voyons si ces électeurs soumis au


despotisme de la petite propriété , ont manqué de discernement
dans, leurs choix, et s'ils ont fait un indigne abus du droit qui
leu r appartient. Ici ma tâche devient délicate ; je ne veux offen-
ser qui que ce soit, mais j'ai l'appréhension d'embarrasser
quelques modesties.


Mes regards se portent d'abord sur cinq députés ministres du
Roi, élus des trois premières séries, et qui pourtant in-Ms pro-
posent de flétrir notre origine commune, et de dépouiller du
droit, de suffrages ceux dont ils ont recherché et obtenu les suf-
frages. Cette ibis , nos électeurs peuvent s'accuser d'avoir, en




3 46 )
les nommant, manqué de prescience; et je trouve aussi trot,
d'humilité dans le naïf empressement de nos co-élus , quand ils
motivent leur aversion pour la loi qui les a créés , sur l'indi-
gnité des choix qu'elle a produits.


L'indignité des choix! ! un seul a• été l'intarissable prétexte
d'invectives et de calomnies' et toute la France est mise en
cause pour le département de l'Isère! Que chacun garde ses oeu-
vres , et laissons faire au temps. Quand je parcours la liste des
élus immédiats des collèges dont on presse la condamnation je
suis frappé des noms honorables que j'y trouve. Vous exaltez la
grande propriété ; eh bien ! comptez , examinez , comparez ; et:
dites-moi où sont dans cette ville, en plus grand nombre , les
grands propriétaires ? Dites-nous ensuite si cette petite pro-
priété , majorité inexorable , selon vous , contre les supériori-
tés sociales, n'est point empressée de se grouper autour des
grands propriétaires, quand ils entrent dans sa pensée et ses
intérêts? Voyez, comptez , et dites moi où sont parmi nous, en
plus grand nombre, les grandes fortunes, les grands capitaux,
le haut crédit, le haut commerce, la haute industrie? ne sont-
ce pas là des supériorités sociales?


Certes, sans vous offenser je puis les faire passer sous vos
yeux, parce que ces avantages sont ou un bénéfice de la nais-
sance, que vous estimez avant toutes choses, ou la récompense
d'un travail honorable que vous n'oseriez et ne pourriez dégra-
der. Voulez-vous encore d'autres supériorités sociales? Voyez
ici, et devant moi, des illustres guerriers couverts de cicatrices
et de lauriers, dont le bras ne fut jamais teint que du sang étran-
ger; éloquens à la tribune, intrépides dans les batailles, et cou-
rageux défenseurs des droits nationaux, ils sont à la nation, et:
la nation s'en glorifie, et les honore; elle attend de vous la même
gloire, elle vous réserve les mêmes palmes; osez vous confier à
elle. Voyez ces ministres d'état, ces membres du conseil du
prince ; ces présideras des cours royales de justice, ces magistrats
des parquets, ces administrateurs des provinces; n'apportent-
ils pas avec eux aussi une supériorité sociale que le choix du
monarque leur confire, indépendamment de celle que leur con-
dition dans le monde leur assure? Heureux si, comme de géné-
reux exemples en ont été donnés dernièrement, ils conservent,
dans leur mission législative , l'indépendance de loyaux man-
dataires! Et ceux qui, pour prix d'une vie entièrement consacrée
à l'élut, sans autre crédit que leurs acl ions personnelles, et sans
autres recommandations que leurs revers , ont fixé les choix de
leurs concitoyens, n'ont-ils pas aussi une supériorité sociale qui


( 3 47 )
les place bien plus haut que des souvenirs qui, pour etre


• chose ont besoin de remonter au-delà de plusieursque.glic •


grilnTéerestoirt-see pas des supériorités sociales , que ces talens que
chaque jour révèle ici, et qui signalent si glorieusement la dé-
fense des droits de tout un peuple si imprudemment offensé?
Ces supériorités fondées sur la confiance du prince , sur la ri-
chesse territoriale, sur la richesse industrielle, sur de grands
services et de Grandes capacités ne sont-elles point la précieuse
dotation dont la loi du 5 février-1817 a enrichi cette chambre,
es dont vous voulez la dépouiller? Mais par la grande propriété
on entend la prédominance de la noblesse dans les collèges
électoraux, et. le triomphe des ministres dans les choix. La no-
blesse est aussi une supériorité sociale; je l'honore , mais abs-
traction faite du privilège, mais quand ceux qui jouissent de
cette distinction lu; rendent l'éclat qu'ils en reçoivent; nos rangs
vous fourniront encore la preuve qu'elle n'a pas et,, méconnue
dans les collèges électoraux. Il est bon, messieurs, que je vous
dise, et que le public sache qu'un travail fait avec exactitude
démontre que sur les quatre-vingt-trais départemens de la
France , il en est soixante-quatre dans lesquels les classes an-
ciennement privilégiées ont la supériorité numérique. Il est:
donc probable que cette classe moyenne , qu'on n'ose plus ap-
peler le tiers-état, ne participerait à la formation de cette
chambre que dans la proportion d'un quart , et qu'en réalité la
chambredes communes ne serait qu'une seconde chambre de la
noblesse. Ainsi la loi qu'on vous pro pose au dix neuvième siècle,
après trente ans d'une existence politique achetée si cher, vous
fèrait descendre bien an-dessous de l'état dont jouirent nos
pères pendant six siècles, et en des telnps barbares : et ce se-
raient. les mandataires de la nation qui Fui imposeraient une dé-
gradation si honteuse ! La grande propriété foncière, considérée
comme raison déterminante des avantse,es à accorder exclusive-
veinent à ceux qui en sont insestis, n'est qu'un sophisme , je
ne crains pas de le dire, un sophisme dont feraient souvent jus-
tice, à l'égard de ceux qui mettent en lui tant de confiance, les.
registres des conservateurs des hypothèques.


Lino troisième question me reste à résoudre : je me suis de-
inan'lé comment ces petits propriétaires , qui avaient filit tant
de choses mémorables , étaient devenus incapables de nommer
immédiatement avec tous les autres degrés supérieurs de la pro-
priété, les mandataires de le nation.


Le reproche bien plus sincère qu'on leur fait tout bas, ce n'est




( 3e )
pas d'avoir peu de discernement, c'est d'en avoir trop , c'est de
savoir trop bien distinguer les amis des seuls intérêts vivans, les
intérêts nouveaux, des l'auteurs des intérêts anciens qu'on veut
tenter de faire revivre; c'est de ne pas se persuader que les amis


privilége sont les amis de l'égalité des droits. On est beau-
coup moins alarmé de la présence de ceux qu'ils ont élus, que
de l'absence de ceux qu'ils n'éliront pas. C'est le procès des trois
premières séries fait par les deux autres; c'est, et M, Bonald
l'a dit, le retour de l'ambition trompée qui se rîproche le rejet
de la proposition d'un noble pair. C'est la lutte de ceux à qui la
loi prescrit de rester, contre ceux à qui la loi va ordonner de


j
sortir. Ce que je dis est fondé sur les intérêts personnels, et se
ustifie pleinement par le calcul ingénieux qu'on a rendu public,


et duquel il résulte que l'aversion pour la loi du 5 evrier 1817
croît en raison de la proximité d'une nouvelle épreuve. Voilà,
messieurs, le secret de tant d'intrigues, de tant de combinaisons
coupables. L'honneur <le siéger dans cette chambre est sans
doute au-dessus de tous les honneurs : mais il est encore par-
delà un avenir que l'on prépare laborieusement, que l'on veut
l 'as ter, et prêt à la saisir ;


on craint d'être forcé de lâcher sa proie.
Il faut donc que la loi périsse ; il faut qu'elle périsse par ceux-là
mêmes qui l'ont faite , parce qu'elle a menti à leur ambition ; il
faut qu'elle périsse par ceux-là mêmes qui l'ont défendue, parce
que telle est la volonté de la faction du jour ; il faut qu'elle pé-
risse par ceux-là mêmes qu'elle a créés , parce qu'ainsi le pré-
tendent des alliés bien étonnés de se trouver ensemble , et qui ,
s'ils parviennent à vous arracher cette grande dépouille, sauront
bientôt exclure <lu partage les gens de' la petite propriété qui
auront été leurs aveugles et complaisans auxiliaires; ils espèrent
entendre prononcer par ceux mêmes à qui la majorité numé-
rique appartient dans cette assemblée, puisqu'ils y composent
les trois cinquièmes, cet étrange arrêt qui déclarera les soixante-
quinze mille plus grands propriétaires de France coupables du
crime de leur élection, et partant désormais incapables d'élire.
C'est à nous que depuis huit mois on ose dire que la loi du 5 fé-
vrier est infilme, et que la preuve en est sur les bancs où elle nous
a placés ! c'est à nous qu'on ose dire qu'elle assure la majorité d
l'intrigue, à l'audace, à la scélératesse, et nous sommets les
élus de cette loi ! et on espère qu'au lieu de repousser ces ou-
trages avec indignation , nous viendrons, à la suite de ceux à
qui on a prescrit de pénibles désaveux, nous déclarer indignes,
avec cette candeur qu'ils mettent à confesser leur faillibilité!
Ces outrages n'ont pu vous atteindre; ils ne méritaient pas votre


( 349 )
indignation; votre mépris a été leur salaire ; mais je laisse à
penser quel serait celui que nous mériterions, si nous conseil-p


En vérité ,
r
messieurs , je ne sais ce que je dois admirer letions notre p opre honte.


plus, ou de la hardiesse de ceux qui nous font de telles insultes,
ou de notre patience à les endurer. Vous vous êtes sans doute
plus d'une fois demandé quel intérêt si pressant amenait à cette
tribune ces hommes d'état si célèbres , ces publicistes si pro-
fbnds , ces magistrats si éclairés, ces jurisconsultes si habiles ,
ces orateurs si éloquens, ces savans si célèbres, pour démentir
leurs propres doctrines, et donner ainsi au monde entier une
preu ve nouvelle que les oracles des nations sont, comme le
vulgaire des humains, sujets à l'instabilité et à l'erreur.


Tant de vertu me confond, mais elle m'avertit-de ne plus
jurer dans les paroles du maitre. Ces actes de contrition m édi-
fient ; mais ils ne m'assurent pas contre la crainte qu'ils ne se
trompent encore cette année , comme ils se sont trompés l'an-
née dernière, comme ils s'étaient trompés les anisées précé-
dentes, comme ils se sont trompés à tant d'autres époques , et
surtout à cette époque déjà éloignée.... Mais soyons généreux ,
et arrêtons-nous ; bien que l'indigne traitement qu'on nous fait
subir puisse nous en dispenser, opposons la modération à l'ou-
trage. L'expérience vous a enfin éclairés, dites-vous !... Hélas!
ni les années, ni les événemens , ni les leçons du malheur ne
vous ont manqué! S'ils avaient pu , il y a à peine encore un an,
faire de vous des hommes expérimentés, j'ai peine à me persua-
der que douze mois de plus aient perfectionné votre sagacité po-
litique. Les élections de la troisième série ont dessillé vos yeux;
l'injure est directe, et, juges dans ce procès, nous pourrions
rappeler les parties à la circonspection.... Mais -félicitons-nous
plutôt d'avoir été l'heureuse occasion qui a rendu à la certitude
du jugement les -modérateurs de l'état. Qu'ils nous permettent
aussi de dire qu'il n'est pas de drame plus affligeant, et plus


iparcoi firt ées s idnoiuebr
burlesque à-la-fois , que celui où les premiers acteurs sont leurs


d'une faction


,ueii•lelseu, seet. passent d'un emploi à. l'autre avec une


Que vois-je derrière cette scène si scandaleuse ? La puissance
ton sans pitié, et qui sait vendre chèrement ses fa-


veurs. On a voulu revenir à elle, il a fallu s'humilier. La pre-
mière condition de sa réconciliation, ou , pour être plus exact,
<le sa •piotection , a été notre asservissement. Ce ne fut point
assez ; il a fallu qu'elle y joignît le plaisir cruel de-voir les ardii-
tectes de l'édifice le renverser eux-mêmes; il a fallu que les au-0




( 35o )
teurs de la loi la déchirassent de leurs propres mains, ainsi
qu'autrefois à Lyon , Caligula voulut que les rhéteurs vaincus
dans la lutte de l'éloquence, sous peine d'être jetés dans le
Rhône, effaçassent avec leur langue les lignes qu'ils avaient
tracées sur leurs propres tablettes. Ce n'est pas le sort qui a
présidé à la distribution des postes dans cette bataille, c'est la
-volonté inflexible d'un maître qui n'admet des esclaves coupa-
bles à combattre pour lui , que lorsqu'ils ont subi leur peine et
se sont purifiés.


On s'est flatté que vous marcheriez encore sous l'étendard de
ces transfuges, et on a compté sur votre suicide. C'est au nom
du prince et du peuple qu'on ose vous dire en péril par le seul
fait de votre présence dans cette enceinte. C'est à vous, mes
honorables collègues des trois premières séries, à vous-mêmes
qu'on vient commander votre condamnation. Vous êtes entachés
du vice de votre origine, et quels que soient votre rang, vos
services, vos richesses, élus de la propriété: mélangée de la pe-
tite, cédez la place à la grande propriété pure , seule base, vous
dit-on, de la monarchie, de la liberté et de la paix!


Ainsi l'on reproduit ces élémens du système féodal où le sol
était tout , où les populations n'étaient rien. Dans les temps
féodaux, plus on possédait de terres, plus on possédait de.serfs
attachés à la glèbe


Sous un tel système, le sol devait en effet
être la mesure de l'influence de ses possessions, dans leur par-
ticipation aux affaires communes de l'association féodale




Si
dans ces temps d'ignominie et de misère, l'industrie parvenait
à se créer des ressources, la meilleure partie en appartenait au
maître. Ces grands propriétaires , ces fiers suzerains étaient sans
doute éminemment intéressés au maintien dela liberté publique,
car les troubles , la guerre , les invasions, en ruinant les vassaux, . -
ruinaient leur fortune, et pourtant on a va comment leur in-:
térêt personnel commandait à leurs passions et comment la paix'
publique a été maintenue alors que nulle terre n'était sans sei-
',rieur. Mais dans une nation libre, où la propriété ne confère
aucun privilège, où chacun ne vit que par lui et pour lui-même ,
sans d'autre maître que la loi ; la meilleure part de la représen-
tation appartient , non au sol, mais à la population , ainsi que
le dit la raison , et l'a démontré un de nos honorables collègues.
L'agglomération dans une seule main des richesses qui nour-
riraient cent familles, ne font pas que leur heureux possesseur: '-
pèse plus que ces cent flunilles dans la balance politique. Ces.
cent fiunilies sont bien plus importantes que lui, elles donnent
bien plus que lui à l'état : si atteignant le cens constitutionnel,


( 35-1 )
ces cent familles donnent cent suffrages dans nos élections
tandis que ce grand propriétaire n'en donne .qu'un seul , justice
exacte est faite à tous. Car , outre sa propriété , chacun a be-
soin de garanties pour sa vie, sa liberté, ses droits, son in-
dustrie, et les autres avantages qui dérivent pour tous de l'ordre


ecpi'.l.él tendre que la grande propriété donne les gages les plus
assurés de la paix et du repos, c'est encore un sophisme. Et
cette prose poétique, si fort à la mode de nos jours, qui com-
pare les grands propriétaires à ces chênes séculaires qui résistent
.aux tempêtes, et meurent là où leurs racines ont pénétré dans
les entrailles de la terre, ne consacre qu'un brillant mensonge.
La propriété foncière , quant. à celui qui la possède, est mobile
comme tous les capitaux dont la valeur se représente par des
signes, depuis que les immobilisations contraires au droit com-
mun et au voeu de la nature ont cessé d'être consacrées par nos
lois. Cette terre qui nourrit celui qui la possède, serait-elle
productive si des capitaux mobiliers ne venaient la fructifier, et
l'homme industrieux qui fertilise noschamps pas encore
plus que le propriétaire intérêt au maintien de la paix publique?
car enfin, s'il perd ,.il perd ses capitaux; si vous perdez, vous
propriétaires, vous ne perdez que les fruits, et le capital survit
à votre désastre. Ce négociant dont les vaisseaux exploitent le
commerce des cieux hémisphères, peut-il aimer les troubles civils
qui porteraient le pillage et l'incendie dans ses riches magasins;
peut-il aimer la guerre .étrangère qùi, clans un instant, peut lui
enlever ses navires et ruiner ses comptoirs ? Ce capitaliste qui
vivifie l'industrie, et que l'état aime à trouver et qu'il trouve
seul aux jours de sa détresse, peut-il se complaire à porter le
désordre dans l'état dont il a reçu le gage et la garantie de sa
fortune ?Ce mitnufacturier, père de nombreuse famille d'ouvriers
qu'il fait vivre, qui couvre un sol étroit de richesses mobilières
immenses, peut-il rechercher les agitations politiques, qui lui
donneraient des luddistes pour briser ses métiers, pour consoin-
lienantleouLse,i des débiteurs insolvables? Ce banquier, dont l'hono-
rable signature respectée jusqu'aux extrémités du pôle, donne


nen aux richesses que les nations échangent entre elles,
iruprime de la solidité aux engagemens commerciaux indi-


rainé de séditions,
répand autour de lui l'aisance et la vie, peut-il être


allante




eu.l ions, et complaire dans des chances qui lui ra-
v son opulence et son crédit? L'avocat, dont la science
protège vos propriétés, dont le talent défend votre inhabileté, que
aérait-il loin de sa clicutelle? Que deviendrait ce médecin hors




( 352 )
du cercle où il e su inspirer une noble confiance? Enfin, ce
petit marchand , et ce modeste ouvrier, propriétaires pourtant
tout comme vous, et électeurs de trois cents francs, objets de
vos dédains superbes , n'ont-ils pas dans une proportion relative
plus à perdre que vous, puisque la moindre brèche fuite à leur
fortune, la moindre suspension de leur travail leur enlève jus-
qu'au nécessaire ?


Ne faut-il pas conclure de ce que je viens de dire, que de •
toutes les propriétés, la propriété foncière, et surtout la grande
propriété foncière, est celle qui fixe le moins solidement l'ho tunie
où elle est, parce que les fruits peuvent obéir à ses ordres par-
tout où il se transporte ; parce qu'à sa volonté ses champs, ses
parcs , ses forêts, peuvent, cômine toute autre propriété, se•
transformer en capitaux mobiles; parce qu'il peut rompre à
volonté ses liens matériels , tandis que la rupture des liens
sociaux n'est possible qu'à des conditions plus difficiles à
remplir?


Soyons donc une fois dans lavérité, et cessons d'abuser des mots,
pour faire croire que tout est di"'


de préférence à qui consomme et
ne produit pas. •


La propriété moyenne est turbulente, parce
qu'elle tend à s'élever? et comment peut-elle s'élever?par le tra-
vail, et le travail veut l'ordre et la paix; par des emplois? elle n'ira
point attaquer le gouvernement qui les confère. Les grandesintri-
gues appartiennent aux grandes ambitions. C'est du sein de la
grande propriété que suait sortis tous ces personnages qui ont
troublé l'état, et non du sein des classes utiles et laborieuses. Avez-
vous oublié les querelles des Armagnacs et des Bourguignons , la
guerre du bien public, la couronne de France donnée à un roi
d'Angleterre au milieu de la capitale, les usurpations des Guises,
les fureurs de la ligue, les traités coupables avec l'étranger, les
tracasseries de la Fronde , les intrigues de la régence, etc. ? tous
ces faits, tous ces crimes que l'histoire a consacrés, par qui
ont-ils • été conçus, par quelles mains ont-ils été exécutés ? Je
néglige l'histoire de nos jours, et l'on doit apprécier mes motifs;
je me bornerai à demander si c'est la turbulence de la classe
moyenne ou des importunités de la grande propriété que sont le
plus fatigués les dépositaires du pouvoir.


J'ai essayé de réduire à leur valeur une partie des moyens de
nos adversaires; je me dispenserai de parler du secours invoqué
de la grammaire, qui, la férule en-r•ain, régente les peupiest.4
et les rois ; la synonymie joue un grand di/0 dans nos a flin res ,
et la restauration aura besoin d'un dictionnaire spécial. Mais
je ne redirai pas ce qui a été dit avant moi. Nos Vaugelas poli- 41


)
lignes pourront être entendus de leurs adeptes; notre voix plus
franche, notre grammaire moins subtile, seront comprises de
la


c'est notre droit : il ne nous est pas attribué
lezieicedes nLiepruet.ésB


de proposer des députés au choix de nos pairs. Quelle que soit
la contribution que paie un citoyen, il n'est électeur que comme
moi, au même titre que moi , aux mêmes conditions que moi,
e t je ne puis ni plus ni moins que lui. Telle est la vérité, et,
comm e on l'a dit, le reste est mensonge. lei il y aura élection
directe , là élection médiate. Le droit électoral scindé n'existe
plus; car celui qui élit ne nomme pas, celui qui nomme n'élit
pas. «Une voix , une seule voix fixée sur un éligible peut le
faire remonter à la liste de candidature, et trente-huit voix for-
mant la majorité du collège de département, peuvent nous en foire
un député; mille suffrages auront honoré son concurrent , ce
concurent: sera exclus par cette règle de nouvelle arithmétique,
que trente-huit, plus un, valent mieux que mille moins trente-
neuf. Et quoi qu'en dise M. le baron Cuvier, l'arithmétique est
une puissance partout, mais surtout là où les voix se comptent
et ne se pèsent pas. Elle est en ce moment bien redoutable ,
cette arithmétique qui apprendra bientôt à la France à combien
de voix elle aura perdu ou gagné sa noble et juste cause! L'esprit
se fatigue, et la raison se trouve humiliée dans la poursuite de
l'analyse de tant d'inconséquences.


Le loi actuelle nous e rendu l'élection directe dont la France
a joui depuis les états-généraux de 1302 jusqu'à ceux de 1789.
Cette loi nous est chère parce qu'elle nous e remis en pos-
session de la plus précieuse portion de l'héritage paternel , et
nous ne donnerons pas au monde l'affligeant spectacle d'une
assemblée de mandataires de la nation la dépouillant de ses
nobles et antiques prérogatives. Laissez-nous du moins cette
conquête; n'est-elle pas assez payée par le sang de deux millions
de nos enfa ns? Que serait donc la France si de tant de sacrifices
il ne lui restait plus rien que la honte de languir sous une donii-
enationusiitee , et les stériles souvenirs de ses jours de puissancet de gl i


Quels sont de ladonc les droits qu'on oserait opposer à ceux que
nature et des lois? Sur quoi s'appuie cette


étran ge prétention de rabaisser la condition de tout un peuple
qui sait comment un peuple s'affranchit? Et quand on ne craint
pas de nous dire que la présence dm. L'Hôpital et des D'Agues-
seau dans cette chambre, ne rendrait pas meilleure la loi que
l'on proscrit, ne nous dit-on pas assez clairement qu'on nous


23




( 354 )
considère encore comme des révoltés assez audacieux pour siéger
à côté de leurs maîtres? Ne croyons-nous pas entendre ces


elches, ces Sicambres, et ces barbares des forêts de la Ger-
manie, parlant aux fils des Gaulois et des Romains, dont la
fortu ite avait 'l'Ali la vaillance? Mais ici les rôles sont étran-
gement intervertis : ce sont les vaincus qui veulent asservir les
vainqueurs.




O vous qui, si imprudemment , -renouvelez des querelles as
soupies , vous qui dissimulez si mal les vues ultérieures de votre.
ambition ,•vous à qui ne suffit plus la part si noble que le mo-
narque législateur volis a assurée dans la France nouvelle, vous
qui aurez à dénoncer au monde votre patrie comme une terre
de désolation qui dans nos cités opulentes, et nos riches cam-
pagnes , ne voyez que. des ruines et des sauvages errans sur des
débris , et pour qui vos concito yens ne sont qu'une race impie
et Corrompue, Croyez-vous les ramener à vous par des tels ou-
trages, et par vos paroles non moins téméraires que vos en-
treprises, vous concilier une faveur que votre orgueil s'indigne
d'attendre, et qui vous est à bon droit refusée?


Quant à nous, fidèles à ce grand peuple du sein duquel nous
lieus glorifions d'être sortis, nous nous présentons à sa censure
libre et •1n choix direct ; nous ne redoutons pas même ses in-
justiet•, ,sa<-;ères, parce que nous savons que la vérité toute-
puissant e ne tarde pas à triompher. Nous nous indignerions de
nous ilever jusau'ici sur un échafaudage de minorités scanda-
leuses ; c'est du plus grand nombre pie nous voulons être les
élus, et c'est sur la nation, dans sa masse imposante et inébran-
lable, et non sur des exceptions dans leur consistance débile et
ruineuse , que nous nous efforcerons d'asseoir le trône et la h-
bert-t.


. Et, lorsque mous toucherons au terme de, notre mis-
sion, nous ne chercherons pas les moyens d'en perpétuer
l'honneur sur nos têtes, par des combinaisons que proscrivent
également la délicatesse, la raison d'état et la fidélité à nos ser-
mens. Persuadé que mes collégues des trois premières séries.'


desquelles je suis forcé de déduire les cinq ministres du Roi
que la loi du 5 février a désignés à son auguste choix ) , ne sous-
criront pas à leur propre arrêt , je vote le rejet de celle qui nous
est proposée.


Après ce discours la discussion générale est fermée.


( 355 )


CHAMBRE DES PAIRS.


Séance du 25 mai.


L'ordre du jour appelle le rapport de la commission spéciale
chargée de l'examen du projet de loi relatif à la répartition de
la réserve appartenant aux actionnaires de la Banque de France.
Ce rapport est fait par M. le comte Mollien,. qui, de ravis
unanime de la commission, conclut à l'adoption du projet, sauf
un léger changement de rédaction. La chambre_ ordonne,
pression du rapport, et, nonobstant cette impression ordonnée,
elle décide que la discussion s'ouvrira de suite.


MM. le marquis de Marbois, le comte Germain, le ministre
des finances, le comte Mollien, rapporteur, et le duc de Lévis,
sont entendus dans cette discussion. Le ministre ayant consenti
l'amendement de rédaction proposé, les articles du projet sont
adoptés par quatre-vingt-seize voix contre trois.


Un second objet est à l'ordre du jour; ladiscussion en assemblée
générale du projet de loi concernant Je règlement définitif du
budjet de 1818. L'adoption de ce projet avait été proposée dans
la séance du 13, au nom d'une commission spéciale par M. le
marquis de Marbois , rapporteur de cette commission. Aucune
réclamation ne s'élevant contre l'adoption proposée, il est voté
au scrutin sur l'ensemble du projet. Le résultat du dépouille-
ment donne, sur un nombre total de quatre-vingt-dix-huit vo–
tans, quatre-vingt-dix-sept voix pour cette adoption.


Le reste de la séance est consacré au renouvellement des
bureaux et• à celui du comité des pétitions. La chambre se sépare
sans ajournement fixe.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séance du a6 ruai.


L'ordre du jour appelle la discussion des articles du projet de
loi concernant les élections.


M. Lainé, rapporteur de la commission chargée de l'examen
du projet (le loi des élections. est appelé pour faire le résumé de
la discussion générale ; mais il s'attache plutôt à reproduire les
raisonnemens dont il avait appuyé le projet dans son rapport,
et ceux de ses défenseurs, qu'à faire ce résumé.




( 356 )


a
.fie président analyse les dispositions du projet et les amen-


emens de la commission ; il rappelle les propositions soumises
a la chambre et déposées sur le bureau par MM. Delaunay ( de
l'Orne ) et Mestadier. Il rappelle également les amendemens
proposés par MM. Dartigatx et Delon;; sur l'article premier.
11 annonce que c'est dans ces termes que la délibération de-
vra s'ou% rie; savoir, les sous - amendctnens proposés , ceux
de la commission, puis les articles mêmes du proj et. Il donne
lecture de l'article . er amendé par la commission , et ten-
dant à déterminer la formation d'un collége de département
et de divers colléges d'arrondissemens.


M. Benjamin Delessert combat l'article 1. er , dont il démontre
le vice, et comme contraire à l'élection directe voulue par la
charte. Il termine sou opinion en disant : Ce qui doit cependant
mous rassurer sur les suites de cet te malheureuse entreprise contre
nos libertés constitutionnelles et les prérogatives de la couronne,
c'est que malgré tout le talent deces orateurs qui veulent en vain
détruire leur propre ouvrage, ce nouveau projet, lbudroyé de
toutes parts , criblé de tous les tultés par la plus brillante de
toutes les discussions, ne peut plus se soutenir. Cette oeuvre
informe et bizarre sera toujours repoussée par l'immense ma-
jorité des Français. Cette loi, aussi funeste à la nation qu'au
trône, est morte avant que d'dtrc née, et quel que soit le ré-
sultat du scrutin, il est impossible que la France puisse être
régie long-temps par une conception aussi étrange. Je vote
contre l'article 1." ( Vif mouvement d'adhésion à gauche et au
centre de gauche. )


Le ministre de l'intérieur défend l'article . er , et se fonde
sur ce que la candidature n'est point défendue par la charte;
que la candidature présente un choix réfléchi, préférable à une
nomination du premier mouvement ; qu'elle existait dans les
gouvernemens précédens , et que ce n'est que depuis la loi da
5 février 181 7


qu'elle n'existe plus; que la formation d'un col-
lège de département nommant directement n'établit pas un pri-
vilège, une aristocratie de naissa me,mais celle de la propriété:
cc On a beau dire qu'il y a dans l'homme quelque chose de bien
plus grand, de bien plus élevé, de bien plus riche que des pos-
sessions terrestres et matérielles : ces trésors, véritablement pré-
férables, ne peuvent être appréciés que par l'opinion .uebliqup
L'élection peut appeler les plus dignes ; mais la loi ne peut
prendre pour base une appréciation ' incertaine , arbitraire, et
qui ne se fait et se consolide que par le temps et au bout de
plusieurs années. Il faut à la loi des signes plus certains , plus,


( 357 1)
elle ne pouvait les trouver, elle les a


rrissitelfisi; plus visibles;propriété. Dans une république où le peuple a
sa part du gouvernement, il peut choisir parmi les candidats que
lui présente le petit nombre ; l'élection est populaire. Elle ne
peut pas l'être clans une monarchie tempérée : ce sont les pro-
priétaires qui stipulent pour le peuple, dont ils sont présumés
la partie la plus éclairée, ayant avec lui des intérêts communs ,
„lais supérieurs, et propres à les porter à la défense commune.
C'est cette théorie qui a dicté la disposition de la charte sur les
électeurs et les éligibles. Elle n'a considéré que le territoire et
la propriété; elle a donné des députés aux départemens ; elle a
voulu que ces députés ne pussent être que des contribuables de
initie francs au moins ; elle a voulu qu'ils ne pussent être élus
que par d'autres contribuables de trois cents francs au moins. Il
est donc incontestable que c'est sur la propriété, uniquement
sur la propriété, que sont fondés chez nous les droits d'élire et
d'être élu. L'aristocratie de la propriété contre laquelle on s'é-
lève est donc un principe de la charte , l'aristocratie constitu-
tionnelle de la richesse et des contributions. L'aristocratie des
pairs n'est chez nous qu'une aristocratie de dignité héréditaire.
La division en colléges de départemens et d'arrondissemens a
existé avant et depuis la charte, niais on ne veut tenir compte
de ce qui a précédé la charte, parce que, dit.-on, c'était une
invention de Bonaparte; mais tout ce qu'il inventa était-il mau-
vais? Combien de choses il a établies, qui sont conservées comme
bonnes et utiles ! » Puis il ajoute que le principe fondamental"
de la charte est une monarchie tempérée clans laquelle la puis-
sance législative est exercée collectivement par le Roi , une
chambre des pairs et une chambre des députés, et nullement
l'égalité que l'on y suppose, et qui conviendrait mieux à une
république qu'à une monarchies ( Très-vif mouvement d'adhé--
sion au centre et à droite. )


M. Busson combat l'article 1. er ; il embrasse toutes les parties
deladeistc. ussion, et reproduit tous les argumens dirigés contrele p i


raArt.lic.lede
de la Moselle, s'attache moins à défendre


r qu'à justifier le ministère et à attaquer le côté gauche
Idie l laccelulasienbera%iet ce qu'il nomme les doctrines de l'opposition.


d'avoir demandé une loi sur la liberté de la presse
pour encourager la licence, d'avoir excité les jeunes gens à in-
sulter leurs maîtres; d'avoir demandé au Roi le rappel des ré-
gicides. cc Voyez, messieurs , ce que vous dit le parti depuis nos
longues discussions. Nous consentons à la royauté, même à celle




( 358j
des 'Bourbons ( on rit à droite), niais à une royauté sens dignité,


. sans force et sans pouvoir : ces pouvoirs , nous les voulons.
transnrer à cette majorité de la chambre que nous livre la loi
du 5 février; cette loi est notre charte ; la législature ne peut
la modifier sàns rompre les liens qui unissent le Roi et la nation :
si on y touche, malheur au traltre . Ecoutez-les è cette tribune;
l'opposition appelle pour alliés les dissidens de tous les pays;
elle admire la révolte des armées ; elle applaudit à toutes les
insurrections; elle les propose pour modèles : il y a deux jours,
Phonerable M. Bignon vous disait que si aucune étincelle du
feu de l'Espagne ne jaillissait encore, c'est que la nation fran-
çaise comptait sur le rejet de la loi que nous discutons. Les
orateurs du parti osent regretter devant vous, messieurs, la
perte du drapeau tricolore, indiqué par vos lois comme le signe
de la rébellion. ( Très-vif mouvement d'adhésion à droite. )


Hier, M. Kératry vous exprimait des craintes sur la pré-
sence des volontaires royaux dans les collèges; ainsi ceux qui
ont pris la défense du Roi au moment de la révolte, sont des'
Français qu'on doit craindre. Ah , messieurs ! vos coeurs ne vous
disent-ils pas qu'on devrait les admirer? M. BenjaminsConstant
e voulu nous effrayer des événemens de • 8 5 : je suis loin
(l'excuser les fautes de cette époque (M. de Corcelles : Dites
les crimes !) mais qu'on ne trame plus de cent jours, et je ré-
ponds que les excès contraires ne reparaîtront pas. Si Par-
tiale ." de la , loi était rejeté, la loi le serait tout' entière; la
société serait ébranlée ; la charte serait remise en question,
puisque le pouvoir royal, attaqué, vaincu , ne pourrait plus,_
protéger la France; une triste expérience vous dit assez, mes-
sieurs, ce qu'elle deviendrait sans lui.


Je vote pour l'adoption de l'article 2 ."
La parole est à M. Sappey. (17e grand nombre de membres


A demain ! à demain! la chambre est incomplète !) M. Sappee
monte à la tribune; les membres qui quittaient leurs places les
reprennent.


M. Sappey. Je croirais manquer à la dignité de la chambre,
si je reponditis aux injures que le préopinant s'est permises :
l'accueil qu'elles ont reçues si généralement dans cette enceinte,


jne nie permet pas, en les réfutant, de m'abaisser à les éfevery.usqu'à vous. (Mouvement d'adhésion à gauche. Plusieurs voixt.'
Très bien I )


D'après la charte, tout ce qui paie trois cents francs de con-,.
tribution directe, a le droit de concourir directement à l'électioee.
des députés; ainsi tout ce qui tend à restreindre ce droit danse.


( 359 )
«e partie quelconque de ceux que le pacte fondamental recone
naît pour électeurs, est en opposition avec lui. L'élection à
deux degrés, dont l'une proposerait des candidats et l'autre
se:mimerait les députés, est donc inconstitutionnelle.


Pourquoi l'élection à un seul degré est.-elle dans l'esprit de la
charte ? C'est parce que la charte a -voulu constituer en France
le gouvernement représentatif; dès-lors, sans élection directe,
ce Mode de gouvernement n'existe plus. Eireffei.,.le gouverne-
ment représentatif est celui ou mous les intérêts sont représentés,.
et le seraient-ils tous, messieurs, si la loi n'appelait pas à l'être
ceux de la majorité des cito y ens ? La France ne croira pas les.
siens représentés, j'ose vous l'assurer, lorsque vous aurez con-
centré le droit d'élire dans les mains d'un petit nombre de grands
propriétaires. Déjà n'est-ce point assez d'avoir restreint à ceux.
qui paient trois cents francs de contribution, un droit qui ap-
partient à tous les citoyens qui jouissent, aux yeux de la loi,
de tous leurs droits .politiques? que si cette restriction a eu lieu
parce que les premiers intérêts du corps social sont sa conser-
vation, et que, pour sa conservation, la charte a voulu des


• garanties dans ceux qu'elle appelait à exercer le droit d'élection ,
quelle raison peut-on donner pour opérer dans une restriction
nouvelle, en un mot , pour priver du droit d'élire les dépu-


. tés, les quatre cinquièmes de ceux-là même en qui la loi fon-
damentale l'a formellement reconnu ?


Songez, messieurs, que s'ils n'ont point réclamé, les citoyens.
qui ont vu suspendre, par la loi du 5 février 1817, les plus•
précieux de leurs droits politiques, c'est qu'ils ont parfaitement
Compris que l'intérêt de le. conservation du corps social etait
aussi pour eux le premier des. intérêts; c'est. encore. parce que
la garantie exigée par la loi n'était pas une exclusion irrévo-
cable , puisque chaque, citoyen qui devient possesseur d'une
propriété suffisante pour .acquitter trois cents francs d'impôt,.
rentre à l'instant clans l'exercice du droit d'élection.


C est enfin parce qu'ils ont senti qua depuis trois cents francs
de contribution jesqu'aux mille francs prescrits par la chartepour que l'on soit éligible, il n'y avait que des intérêts en har-
monie avec les leurs. Dès-lors la-niasse des Français a été sans.
inquiétude ; elle s'est reposée de la garantie des siens sur les
électeurs de trois cents francs à mille francs, bien persuadée
qu'ils Ue


et
pardonneraient à la nation que des dépistés qui , par leur


position
droits comme ses


seraient portés à. défendre ses


Que si NOUS privezaujourd'h ui les quatre cinquièmes des




( 36o )
électeurs, c'est-à-dire ceux qui paient de trois cents francs à


francs d'impôts, du droit d'élire directement les députés,
n'est-il pas à appréhender, non•seulement que ceux-ci protestent
avec énergie contre la spoliation d'un droit que leur a garanti la
charte, mais encore que toutes les classes de citoyens payant
moins de trois cents francs de contributions joignent leurs ré-
clamations à celles des électeurs à qui vous aurez ravi le plusjbeau de leurs droits politiques ? Vous avez passé A l'ordre duour sur les réclamations de quatre-vingt mille pétitionnaires
qui demandaient le maintien de la loi des élections; mais je
doute que l'ordre du jour soit une réponse suffisante si plus de
cinq millions de citoyens viennent joindre leur voix à celle de
soixante-quinze mille électeurs pour demander que l'exercice
du droit assuré à ces derniers par le pacte constitutionnel leur
soit rendue.


Depuis six mois l'on n'entend plus parler que des intérêts de
la grande propriété ; il semble que les grands propriétaires ne
soient pas suffisamment représentés par la chambre haute ; il
semble enfin qu'eux seuls veulent l'ordre public, comme si on
oppren.iit chaque jour des souhvemens parmi ces vingt-huit
millions de Français que chaque jour on calomnie d'une manière
si odieuse, mais qui se vengent si bien de tant d'outrages par le
calme de leur attitude. Voit-on d'ailleurs que les grands pro-
priétaires soient exclus de cette chambre? (lira-t-on qu'on n'y
aperçoit personne des anciennes classes privilégiées ? Mais à
la droite, comme à la gauche, comme au centre, je remarque
des hommes des plus hautes classes de la société. Serait-ce que
chaque année les élections éclaircissent les rangs de ceux qui,
nés dans ces hautes classes, n'ont su ni oublier le passé, ni recon-
naître les progrès des lumières du siècle, et qui veulent à toute
force que la révolution soit comme si elle n'avait jamais été?
Alors je conviendrai avec franchise que cet effet est produit
chaque année par la loi actuelle des élections.


Mais si c'est là son tort impardonnable aux veux des hommes
i ne rêvent que la ruine des intérêts nés de la révolution, en


est-ce un aux yeux de la nation ? Le contraire semblerait évident
par la manière dont les colliges électoraux opèrent depuis trois
ans; je croirais même qu'ils n'opèrent: ainsi que parce qu'ils
entendent et soutiennent à merveille les intérêts véritables de-
la nation. Qu'a donc de raisonnable à objecter une classe de
citoyens qui se trouve placée en-dehors des intérêts nationaux,
par cela seul que les collèges électoraux ne choisissent pas dans
Tes rangs?


(36x)
`Voudrait-elle par hasard que les intérêts de la niasse des ci-


toyens ne fussent pas représentés ? Alors autant vaudrait dire
qu'on ne veut. plus de la charte, puisqu'elle n'a été faite que pour
les garantir. -Voudrait-elle seulement que les intérêts nationaux
ne fussent pas représentés en majorité dans cette chambre?
Alors autant vaudrait dire qu'on ne veut pas que ces intérêts
existent en majorité dans la nation ; car, s'ils y existent en
majorité, il faut bien qu'ils aient aussi la majorité dans cette


enceli quoiE oi ! le trône a mis dans la charte tout ce qui pouvait
eartnin. ses droits et assurer sa conservation ; la chambre des


'pairs est encore un rempart en faveur du trône contre les entre-
prises de la démocratie et celle-ci serait expulsée de la chambre.
où elle doit entrer ! Mais alors à quoi bon le rempart élevé
contre elle? Il ne faut pas deux chambres des pairs, il ne faut
plus ni chambre haute ni chambre des communes; que le trône
subsiste seul, si aujourd'hui cela est possible; mais qu'on ne
nous dise plus, Nous avons une charte et un gouvernement re-
présentatif.


J'en demande pardon aux auteurs du nouveau projet; de nos
jours , on entasse en vain sophismes sur sophismes, subtilités
sur subtilités ; personne n'est plus dupe d'une éloquence men-
songère; l'opinion publique avait marqué de son sceau répro-
bateur le projet que l'on a été forcé de retirer : elle a également
frappé de mort, ainsi que l'a si bien dit notre honorable col-
lègue M. Royer-Collard, celui que nous discutons; il n'est au
pou\oir de qui que ce soit de lui rendre la vie.


Je reviens à l'article en discussion ; et d'abord, qu'est-ce que
cette distinction entre la grande et la petite propriété ? où est
la démarcation entre elles'? Qui constitue la grande propriété?
le droit d'élection est.-il une conséquence de la propriété, et
doit-il appartenir plutôt à la grande qu'à la petite? Toutes ques-
tions qui se présentent à-la-fois, et qu'il est aisé de résoudre.


Relativement à la première, on î ourrait demander ce qu'est
en politique cette distinction de grande et de petite propriété,
dont On tait tant de bruit depuis quelques mois : certes, aux
yeux et lede la charte, ce. .tte distinction ne saurait exister. Tous les
cp:olyr'een:lequi offrent les garanties qu'elle exige sont égaux devant


propriétaire qui paie dix mille écus d'impôts, n'est
qu'un électeur comme celui qui en paie cent.


O ù est ensuite la démarcation entre la petite et la grande
propriété? est-elle dans les mille francs d'impôt qui constituent


,:: bible? Si elle doit être quelque part, ce n'est que là que je




( 362 )
puis l'apercevoir ; mais, dans ce cas, les électeurs ne vous en.
voient pour députés.


que des représentans de la grande propriété,
Si ce ne sont pas les mille francs d'impôt , qui forment cette dé-.
marcation , je ne la découvre plus nulle part ; car,.très,certai-
nement l'homme .


qui paie dix mille écus de contributions est
un petit propriétaire aux yeux de celui qui en paie trente mille:
lé où ni l'opinion ni la loi ne tracent des limites fixes , je ne
saurais moi-même.en trouver de précises.


Par ce raisonnement, la troisième question , celle de savoir
ce qui constitue la grande propriété, se trouve résolue comme
la seconde, et je passe é la quatrième.


Le droit d'élection est-il une conséquence de la propriété?
Non, car il n'est pas même . un droit créé par la loi; la loi n'a
fait que le reconnaître : il appartient à tous les citoyens jouissant
de leurs droits politiques ; et, comme nous l'avons déjà dit, si
la loi l'a suspendu pour tous les citoyens qui ne paient pas trois
cents francs d'impôt, elle ne fait qu'en vue du premier des
intérêts du corps social, celui de sa conservation; elle en rend
la jouissance dès qu'on lui offre la garantie qu'elle exige; ainsi
le droit d'élection est celui des citoyens et non celui du sol
qu'ils possèdent. De lit certainement ne découle point qu'il
doive appartenir davantage à la grande propriété qu'a la petite,
et le possesseur de fonds qui acquitte trente mille francs de con-
tribution foncière, n'est pas un électeur plus grand que le pro-
priétaire qui paie trois cents francs d'impôt.


Ainsi se trouvent résolues les cinq questions que nous avions
posées, et toutes,,,scoutrairement aux vues qui ont servi de base
au projet de loi ; tranchons donc le mot, la dénomination de
grande propriété n'est qu'un voile pour cacher celle d'aristo,
cratie : on veut que l'aristocratie domine dans la chambre élec-
tive, parce que, du moment où elle y dominera, la contre-
révolution sera inévitable..


Pour y parvenir plus sûrement, il ne suffisait pas de remettre
le droit d'élection aux mains de quelques grands propriétaires,
il fallait encore n'amener dans cette chambre que des hommes
ennemis des intérêts nouveaux, ou au moins se donner la cer-
titude de les y amener en majorité. Afin d'atteindre ce but, on
a imaginé un système électoral au moyen d tiquel on espérait
persuader aux quatre cinquièmes des électeurs qu'en n'élisant-
rien, ils exerceraient pourtant leur droit. d'élection , et avec.
lequel en même temps on serait sûr que le cinquième, qui seul
l'exercerait, ferait des choix opposés aux voeux de la majorité
des quatre autres, sans que cette majorité pût s'en plaindre..


( 363 )
Je ferai remarquer qu'il y a en France moins de quatre-


vingt-dix mille électeurs; et le cinquième seulement devant:
composer les collèges de département, ce sera désormais à moins
de quatorze à quinze mille électeurs que• sera exclusivement
confiée la nomination des députés d'une nation qui compte
vingt-hui t millions d'habitans. Je dois aussi rappeler le fait qui
a engage a cette mutilation; ce fait, essentiel à connaître,
été révélé depuis peu; le voici : sur les quatorze mille plus im-
posés de la France, dix mille tiennent .de près ou de loin aux
anciens ordres privilégiés; d'où suit naturellement qu'en con-
fiant uniquement aux quatorze mille plus imposés, ou au cin-
quième des électeurs le droit de choisir les députés, on remet
leur nomination à une classe d'hommes dont la grande majorité
est ennemie de l'ordre actuel des choses.


Le chef de l'ancien gouvernement, comme on l'a déjà dit,
avait. eu l'intention de donner aussi aux quatorze mille plus im-
posés la nomination des députés; mais avant il voulut connaître
l'esprit de ceux auxquels il confiait cet important privilège. il
résulta de ses recherches le fait ci-dessus, et l'homme qui s'en-
tendait le mieux en despotisme renonça bien vite à sa première
idée, parce qu'il sentit que la prudence ne lui permettait pas,
mene d lui, de créer une chambre ennemie tics intérêts nés de
la révolution. Aujourd'hui on reprend cette combinaison : pour-
tant elle eût été incomplète ,, et n'aurait pas rendu la contre-
révolution inévitable si on n'en pas 1-enchéri sur cette combi-
naison. C'est ce qui a été fait par la disposition qui porte que
les candidats nommés dans plusieurs arrondissemens seront rem-
placés pour ceux auxquels ils ne seront pas comptés, par les
hommes qui auront eu le plus de voix après ceux qui auront
réuni la majorité des suffrages.


La France est irise de cette éternelle versatilité dans la marche
d'un gouvernement qui tour-à-tour donne è la nation de l'es-


seluous; le


atl
commerce,d


el els' aauticie.e.s os dreasdbmoiunliesst,rear--


tion même, tout. en souffre : si les fonds publics se soutiennent,
c'est un iquement. par l'inaction des capitaux, par la lassitude de
les voir sans emploi, et aussi parce qu'on est bien persuadé que
si les erreurs du gouvernement-amènent des troubles politiques,
iatf,iii- ,ai rltie.ce leur survivrait, et ferait toujours honneur à la dettep


On nous a menacés souvent del'étranger; mais l'Europe n'est
plus dans les circonstances qui ont favorisé l'envahissement de
la France. Seraient-ce, en effet, les peuples déjà entrés dans le




( 64 )
Wsystème constitutionnel, comme la Hollande, la Bavière, Teurtemberg, etc. , qui ma rchereient contre nous pour l'y dé-
truire? Serait-ce l'Espa gne, qui vient de se soulever tout entièrete
pour recouvrer la constitution qu'un Roi, niai entouré , avait
cru pouvoir regarder comme n'ayant.,


été jurée? Serait-ce
la Prusse? mais la Prusse est occupée à étouffer les cris d'un
peuple et d'une armée réclamant la constitution qui, aux jours
des dangers, leur fut si solennellement promise. Serait-ce l'Au-
triche ?l'on , l'Autriche doit à la douceur de son gouvernement
de voir ses peuples ne manifester encore aucun désir d'en chan-
ger; la prudence lui commande le repos si elle veut retarder le
plus possible le moment où, comme le reste de l'Europe, elle
sera obligée d'adopter aussi le système représentatif. Ce ne serait
point la Russie; il est permis de penser en effet, d'après les la-
inières de son souverain, que la Russie jouirait, comme la Po-
logne, d'un gouvernement constitutionnel , si ses peuples étaient
assez mûrs pour le recevoir. Qu'ils soient donc sans alarmes,
ceux qui redoutent l'étranger ; les peuples qui possèdent une
constitution ne se leveraient pas volontiers contre nous ; ceux
qui en desirent une, occupent trop leurs princes pour que ceux-
ci puissent s'occuper de nous d'une manière Men redoutable.
Enfin, la Russie est trop intéressée à notre existence pour n'être
pas notre alliée la plus fidèle. Nous n'avons donc rien à craindre
de l'étranger; mais je veux admettre la possibilité d'une troi-4i,
sième invasion : eh bien ! je le demande à tous ceux qui out du
sang français dans les veines, quel est le sentiment qui s'empa-
rerait de nous à la nouvelle de la présence des baïonnettes étran-
gères sur le sol de patrie? Au battement de VOS cœurs, je de-
vine ce que ferait la France; un jour elle se leverait tout entière,
et bientôt les étrangers et la faction qui serait allée les chercher
auraient disparu..


Aujourd'hui le premier besoin de la France c'est le repos,
c'est la stabilité ; non le repos dans la privation de ses droit
non la stabilité dans un ordre de choses qu'on veut rétablir et
qu'elle repousse, mais le repos dans l'exercice de tous ses droits
mais la stabilité dans le système constitutionnel dont elle ne se
départit à jamais.


Je l'avoue, lorsque tous les Lits sont menaçans, n'en déplaise
aux ministres, je redoute la contre-révolution; je la redoute
pour la faction qui la veut et qui y périrait; je la redoute sur-
tout pour la France qui y perdrait beaucoup de ses enfin, beau-
coup de ses plus illustres défenseurs ; je la redoute enfin pour le
trtMe lui-même, parce que quand la terre tremble, un palais.


( 365 )
s'engloutit comme une chaumière. Si nous en sommes à ce point
que chacun prévoit des troubles dans l'état, il est temps que
notre situation change; il en est temps pour nous, il en est temps
pour nos adversaires et surtout pour la dynastie. Députés cons-
tpi t utiennels , qu'il est plus aisé d'insulter, comme on l'a faittout-à-l'heure, que de décourager ; députés fidèles, dont le cœur
palpite aux doux noms du Roi, de la patrie et de la liberté,
pesez bien ce que vous avez à fi:ire Aujourd'hui , demain, jus-
qu'à ce que la nouvelle loi soit rendue, tout peut se réparer ;
une fois rendue, il ne sera plus temps. Regardez ce trône;
voyez l'agitation de la France, et songez quelle responsabilité,
pèse sur "VOS têtes. je vote le rejet. ( Vif mouvement d'adhésion
à gauche.) La délibération est continuée au lendemain.


Séance du 27 niai.


La discussion est reprise immédiatement sur l'article i.e..du
projet de loi relatif aux élections.


M. le comte d'Haulefeuille défend le projet présenté, princi-
palement sous le rapport qu'en abandonnant la nomination aux
grands propriétaires, les choix seront meilleurs, étant dans les
mains des plus instruits et des plus intéressés au maintien de
l'ordre. (Mouvement d'adhésion au centre et à droite. )


M. de Chauvelin, retenu depuis quelque temps chez lui par
une violente affection rhumatismale, entre dans la salle soutenu
par deux personnes attachées à la chambre, et prend place suer
un fauteuil dans le couloir de gauche.


M. dé Lafayette. Messieurs, l'article sur lequel j'ai de-
mandé la parole, en établissant une distinction entre les col-
lages, présente déjà le système d'aristocratie et d'élimination
qui est la loi tout entière : cette idée générale doit, de part et
d'autre, dominer chaque point de la discussion. Je me sens trop
préoccupé pour ne pas réclamer l'indulgence de la chambre :
elle sait que je ne suis pas prodigue de son temps ; mais en pa-
raissant à la tribune, je ne résisterai pas, si elle le permet, au
besoin que j'éprouve de lui dire toute ma pensée.


Lorsque, d'après l'honorable mandat des électeurs de la
Sarthe, je suis venu dans cette enceinte prêter serment à une
constitution présentée, comme plusieurs de nos adversaires se
sont complus à le rappeler, sous la forme d'octroi, je me flat-
tais, je l'avoue, que les divers partis, cédant enfin au besoin
général de liberté et de repos, allaient, par un échange de sa-
crifice et sans arrière-pensée, chercher l'un et l'autre de ces




( 366 )
biens dans l'exercice des droits que la charte a reconnus, et
dans les institutions,


qui devaient nous conduire paisiblement à
:la possession de toutes les garanties sociales ; mon espoir a été
trompé; la contre-révolution est dans le gouvernement; on
veut la fixer dans les chambres. (Murmures à droite.) Nous
avons de, mes amis et moi, le déclarer à la nation.


Pensant aussi que les engagemens de la charte sont fondés
sur la réciprocité, j'en ai loyalement averti les violateurs de la
liai jurée ( vive sensation ), et j'ai attendu pour reprendre la
parole au point on je l'avais laissée, que l'attaque dirigée contre
la loi des élections vint faire un dernier appel au patriotisme
français. Mais après tant d'eloquens discours, que me reste-t-il
à dire? Et d'ailleurs,. en prouvant à chaque article une fois de
plus que toute représentation, toute indépendance, toute na-
tionalité, toute chance.de liberté et d'égalité seraient détruites
par le nouveau projet, ne risquerait-on pas de le rendre plus
recommandable encore aux hommes qui cherchent l'arbitraire
dans la charte, comme à ceux qui disent y avoir trouvé la
contre-révolution?


Si le gouvernement avait persisté dans la prétention de nous
donner quelques articles contraires à la charte, connue il per-


•siste dans le regret cuisant de n'avoir pu y introduire la septen-
nalité anglaise, j'aurais eu une occasion de plus pour repousser
le reproche d'inconséquence dont on a long-temps fatigué les an-
ciens amis de la liberté; non , sans doute, et à Dieu ne plaise que
nous puissions jamais renier le droit inaliénable qu'a toute nation
de reviser son pacte social; je l'ai le premier proclamé à l'as-
semblée constituante; le dernier à cette tribune mine, le 6
juillet 1815, je lui ai rendu un volontaire hommage.


II est à la vérité des droits naturels et d'éternelle justice qu'il
n'est permis à. aucune puissance , pas même à une nation tout;
entière, de violer, flat-ce envers un seul homme; mais les pou-
voirs constitutionnels qui, confondus dans quelques mains que
ce fût, monarque ou assemblée, exercés par tout un peuple, ou
renfermés dans une caste d'exception, ne seraient que du des-
potisme, et qui, distincts et définis, délégués ou expressément
reconnus , et c'est ainsi que nous -entendons la. souveraineté na-
tionale, constituent la liberté politique; ces pouvoirs, dis-je,
•peuvent être modifiés; et cependant nous n'avons jamais cru,
l'acte constitutionnel de 91 en fait foi, qu'ils dussent être mo-
difiés dans (les formes de lois ordinaires, et moins encore au
mépris des circonstances et d'une opinion publique manifestée
de toutes parts. Au reste, la prétention actuelle des auteurs du


( 367 ).


proje
t est que ni le premienni aucun article ne touche en rien


la lettre de la charte. On vous a prouvé que cette assertion
n'était pas fondée. Quant à moi, laissant de côté les concor-
dances, les synonymies et les cons'itutionnalités de cet acte ,
j'en rechercherai seulement l'esprit dans l'intérêt actuel de la


trône
En n effet, messieurs , à quoi- tient l'existence de la charte?a toe


fftetd,u t mr


qu'est-ce qui l'a élevée au ran, de propriété nationale? Serait-
ce


la religion du droit divin ?Mais plusieurs actes antérieurs
étaient: partis de la même source, avaient, pendant dix-neuf
ans, invoqué le même talisman. Et cependant, sous la répu-
blique , ils n'avaient pas empêché qu'on ne jurât haine à la
royauté; sous l'empire, sans même parler d'un autre droit divin
consacré par les puissances religieuses et politiques d'alors , je
ne sache pas que les appels à la légitimité, parmi tant de ses
zélateurs actuels, aient j amais déterminé personne à renvoyer
au aouve •nement de fizit un portefeuille d'homme d'état, un
brevet militaire, une place de magistrature, une croix épisco-
pale, un diplôme de comte, une clef de chambellan.


Serait-ce la promulgation du 4. juin ? Mais quel Français ayant
le sentiment de ses droits, n'a pas ressenti la formule par la-
quelle on traitait en affranchie la nation au moment on elle
replaçait l'étendard royal à la tête de ses drapeaux chargés de
lauriers? Seraitce parce que cette charte est arrivée à la suite
des armées étrangères et a été depuis ramenée par elles? Mais
il n'y a là, au contraire, que du désavantage. Convenons donc,
messieurs, que si la charte, malgré ses antécédens , ses imper-
fections, ses commentaires tant avoués que confidentiels, s'est réel-
lement popularisée parmi nous , c'est parce qu'elle avait rétracté
beaucoup de doctrines , d'espérances , de déclarations contre-
révolutionnaires; parce qu'elle avait été présentée par son au-
guste auteur comme une garantie pour la liberté individuelle,
la liberté de la. presse, la liberté des cultes, l'égalité des droits,
1?indé.peudance du jury , l'inviolabilité de toutes les propriétés,


e ic a
et comme le gage d'un système représentatif avec lequel on pou-


aistifruits
• ndr e


de
e a r


év


olution. récente de nos droits et


Eh bien! messieurs, qu'est-il arrivé? La liberté de la presse,
la liberté individuelle viennent encore une fois d'être sacrifiées ;
les lois organiques du système municipal, du régime iticelsinaigneins-s
tratif, de l'indépendanc.e du juvy, , de la responsabilité
du pouvoir, toutes prêtes, comme on nous disait l'année der-
nière, et commue MM. les commissaires du Roi en conviennent




( 368 )
encore, sont obstinément refusées ; on ne veut ni former ni
armer la garde nationale , à qui il ne resterait de ressource dans
un moment de péril que de se lever spontanément. Et comme il
est évident qu'un nouveau cinquième de députés assurerait au
peuple français ces institutions préservatrices de tout ce que la
révolution a reconquis pour lui, on ne songe depuis six mois
qu'à pervertir la loi électorale de manière à laisser une porte


• ouverte au despotisme et à toutes les aristocraties.
Aux Etats-Unis, presque tous les citoyens;pratiquent sans in-


convénient l'élection directe; c'est sur ce point le complément
de la civilisation politique. La charte n'admet à l'usage de ce
droit qu'environ quatre-vingt mille Français; ce n'était pas
trop sans doute! la loi du 5 février ainsi restreinte les a du moins
appelés tous au chef-lieu départemental pour s'éclairer et pour
nommer ensemble : un parti prévit, dès-lors, qu'il n'y aurait pas là
de monopole au profit des anciens privilégiés, parce que depuis
que l'émigration de 90 et 9 1 avait, comme on disait dans les
salons, privé la France de ses consommateurs, il s'en était, clans
l'intervalle, formé beaucoup d'autres. Cependant des politiques
plus modérés se flattèrent que les quatre-vingt mille principaux
propriétaires de France n'auraient pas le mauvais goût d'être
insensibles à l'élégance d'un système de places, de luxe et de
distinctions.


L'expérience n'a pas réussi; il faut donc diminuer encore les
quatre cinquièmes des électeurs voulus par la charte, et pour
mieux aristocratiser le cinquième restant, voilà , comme on
vous l'a déjà observé, qu'une proposition paraît à la chambre
des pairs , qui, enchérissant sur l'institution anti-libérale et
anti-française des majorats impériaux, rétablirait tout simple-
ment le code antique des substitutions. Nous avons déjà une
chambre de législateurs , et , dans quelques cas, de juges
héréditaires; alors l'article que je combats nous préparerait
une autre chambre nobilière élue par seize mille aînés de &-
mille; c'est-à-dire tout à-la-fois une pairie à l'anglaise et une
pairie à l'écossaise, formant ensemble la représentation nationale,
dont les décrets, proposés et sanctionnés parie Roi, pourraient,
en admettant la doctrine de la toute-puissance des corps cons-
titués, bouleverser tous les intérêts et disposer de 1. 0113 les
droits. En vérité, après tant d'années d'efforts et de mécompes,
de gloire et de malheurs, il faut étrangement mépriser le
peuple français pour se flatter qu'il puisse se résigner aujour-
d'hui à de pareilles combinaisons. ( Vive sensation à gauche. )


Mais, nous objecte-t-on naïvement, avec cette loi du 5 fé-


( 34 )
vrier, nous avons à craindre de nouveaux députés aussi mau-
va is que vous; messieurs, je n'aime pas les personnalités, et la
chambre a pu voir qu'accusé plusieurs fois par deux ministre;


• et quelques autres collègues, de n'être pas un véritable ami defa liberté, parce que j'avais toujours professé et quelquefois mis
en action des doctrines contraires aux leurs, je suis resté sans
sac plaindre sous le poids de ces accablantes mercuriales. Mais
c'est outrepasser toutes les bornes que de calomnier à la fois la
majorité des électeurs français et un côté de cette chambre qui ,
soit qu'il se regarde , soit qu'il se compare, n'a pas lieu de croire
que la confiance nationale ait été mal placée.


Il n'appartient pas à l'ordre de notre discussion de s'occuper
ici des provocations extérieures, même decelles qui , approuvées
par la censure , paraissaient ainsi sous la protection de l'autorité
ministérielle, provocations auxquelles une longue expérience
m'a appris qu'on pourrait survivre, et dont les imprudens exci-
tateurs donnent ensuite plus de peine à les défendre eux-mêmes
qu'il n'en a fallu pour se défendre contre eux; mais il n'y a pas,
je pense, de divagation à repousser ici les inculpations dont on
s'est lait à la tribune un argument en faveur de la loi.Quoi! Messieurs, c'est tandis que des associations contre-




révolutionnaires nous environnent, que les ordres du jour les
plus sanguinaires, les imputations les plus infimes, les prédi-
cations les plus furieuses, les projets les plus menaçans , les
assertions les plus anti-nationales , les principes les plus arbi-
traires sont encouragés de toutes parts ! qu'on e l'impudeur de
traiter de séditieuses les démarches les plus légales, les actes de
bienfaisance les plus louables, et. nommément celui dont j'aime
à réclamer ici l'honorable complicité, comme on l'appelle, en
me glorifiant d'y avoir pris une des principales parts ( murmure
à droite )1 on ose travestir en crimes les doctrines les plus cons-
titutionnelles ! Il ne sera plus permis de penser qu'une •nation
s'appartient. à elle-même et n'est la propriété de personne; que,
d ans un pays libre, tout militaire est avant tout soldat de la
patrie; qu'on ne doit obéissance qu'à l'ordre légal et non à
l'oppression, parce que le despotisme , sous quelque forme qu'il
paraisse, est le plus scandaleux et le plus durable des désordres
publics. Il ne s'ait ici ni de Cicéron ni des Prétoriens, ni de
l'épée de Brennus ; mais le ministre qui a voulu m'accsàler de
son érudition romaine, eût pu, à plus juste titre, me reprocher
ces vers de Lucain , gravés sur les ruines de la Bastille :
rant ne elatos ne quisquam serviat esses !


Qu'on ne croie pas néanmoins, sur la foi de tant de déclama-
4r, 2




( '3,7o )
lions, que les promoteurs de la liberté française ne furent que
des artisans de troubles, parce qu'au moment: où la sédition
aristocratique, suscitée par la noblesse, le clergé et les parle-
mens , parcourait en 1 788 la capitale et les provinces, ils subs-


'Situèrent à tant de passions intéressées la passion du bien
public , et aux émeutes des pr:vilégiés la réclamation des droits
de. la nation. Messieurs, il iipartient toujours à chaque membre
de cette chambre de s'expliquer sur un fait personnel , sur une'
imputation injurieuse; et ne dois-je pas à la mémoire de tant
de mes amis, victimes de leur dévouement à l'ordre consti-
tionnel, ,de rappeler ici qu'aussitôt que le noble élan national
de 1 789


eut remis le peuple français à sa place , il n'y a pas
eu un mouvement irrégulier qui n'ait été fait non-seulement
••algré nous, mais contre nous? ( Mouvement d'impatience à


droite. )
1\'os adversaires, dans quelque haut rang que vous les preniez,


ont souvent eux-mêmes reconnu que leur sûreté, leurs pro-
priétés, leur vie, avaient été préservées par cette même garde
nationale nommant ses officiers, qu'on vous peint aujourd'hui
comme un instrument de désordres et de fictions, tandis qu'elle
ne fut pas moins étrangère aux fictions qu'à cette émigration
armée sans laquelle il n'y aurait eu ni i o août, ni déchéance du
Roi, ni 21 . janvier, ni terreur. (Bravo!! bravo! c'est très-vrai ! )


Messieurs, nous avons de tout temps, et sans exception ,
servi la liberté, flétri le crime au lieu de le protéger, repousse
l'intrigue, combattu le despotisme, l'anarchie et les privilèges ;
et puisque des attaques répétées m'y forcent, .puisqu'on parle
tant de comités factieux , qu'il me soit permis de rappeler ici
ce que nous n'avons cessé de signaler dans les premiers temps, ce
que d'indiscrètes révélations ont depuis confirmé, je veux parler
de Ces associations contre-révolutionnaires de l'intérieur,


du jacobinisme, qui, tandis qu'au dehors on implorait:
l'invasion et le ravage de la France, s'étaient chargées de con"-
courir avec les autres catégories de désorganisateurs pervers ou.
égarés, à rendre la révolution odieuse en la faisant. dévier de sa.
primitive et généreuse impulsion; témoins les troubles de Nîmes
en 1 790 , qu'on attribua généralement aux représailles d'un jour
pour un siècle de persécutions religieuses, jusqu'à ce que, depuis
•la reeteurat ion , un des principaux instigateurs de ces excès en
rit révélé le secret, en demandant publiquement son salaire.
On les tracerait, ces .associations perturbatrices, sous diffé-
rentes dénominations, tantôt s'immisçant , au grand regret des
constitutionnels, dans leurs résistances à l'opposition terroriste,


(371 )
,st les !luisant tourner au profit des gouvernemens ennemis ;
tantôt se bornant à des exploits, que je ne veux pas qualifier,
récompensés aujourd'hui aux dépens des défenseurs de la patrie,
disparaissant enfin sans cesser d'être unies, sous le régime im-
périal, et dont nous reconnaîtrons le véritable état actuel, s'il
plaisait au gouvernement de déchirer d'un bout de la France à
l'autre ce voile m ystérieux et sanglant dont la courageuse pé-
tition de M. Madier n'a soulevé qu'une partie. ( Videns mur-
mures à droite. — Castelbajac: Elle est finisse ! c'est une
fausse pétition ! Benoist: Faites une enquête ! nous la
deman dons


! )w-reprend. M. le ministre des affaires étrangères
rappelait dernièrement les avis constitutionnels donnés à
Louis XVI, et demandait : Où vous ont-ils conduits? hélas !
ont-ils été si bien suivis ces conseils salutaires, depuis la faute
immense de la séance du 23 juin 8 9 ? Complotée en arrière du
ministère par les mêmes influences dont nous nous plaignons
aujourd'hui , jusqu'au refus des offres patriotiques autant que
dévouées qui, peu de temps avant le ro août q2, auraient pu
sauver encore la constitution et le Roi, refus arraché au mal-
heureux monarque, et par les instances des courtisans qui l'en-
touraient, et, comme on nous l'a appris depuis , par des lettres
venues d'outre Rhin. Oui, disait-on alors, qu'il me soit permis
de le rappeler dans la douleur et l'ndignation de mon â pre, il
sauvera le Roi, mais non la royauté. La royauté pour eux, c'était
l'ancien régime.


Quant à la catastrophe de 18 .5, un de nos collègues a de-
mandé s'il fallait l'attribuer aussi aux anciens privilégiés? je
répondrai à l'impartialité d'un homme qui, reste pendant qua-
torze ans étranger au gouvernement bonapartiste, ne lift pas
ninins étranger au gouvernement de la première restauration :
Oui, messieurs, car ce ne furent, à mon avis, ni les intrigue,: et
les ambitions du parti impérial , ni les chefs militaires ou civils
de cette époque de conquêtes et de despotisme, qui amenèrent
le 20 sitars; il fut dû au mécontentement et surtout aux-inquiése
tudes du peuple des campagnes, des villes et de l'armée, et ce nié-
contentement, ces inquiétudes furent le produit des mêmes
erreurs et encore des mêmes influences dont nous voulons an-
„sjoauirie,'Isui préserver la nation et le trône.


,Jrat, ieid
:sa


graces à rendre à plusieurs de nos honorables adver-1'
nommément à MM. de la Bourdonnaye,• Cornet-d'In-


co de cequ'ils m'ont impose un devoir d'honneur
toujours admis par des Français; le devoir de détendre contre




( 372
des expressions insultantes les signes d'émancipation et de
gloire que Louis XVI accepta des ma.ns de la nation, que son
auguste successeur s'est honoré de porter, et dont le moindre
titre fut d'avoir flotté sur toutes les capitales, reçu les hommages
de tous les potentats, et abattu devant lui , pendant plus de
vingt ans , tous les drapeaux les plus puissans comme les plus
imperceptibles ( mouvemens divers ); car, en m'abstenant, par
respect pour votre temps, de tracer ici un tableau, quel que
rapide qu'il ait, de cet ancien régime si vanté, si regretté, il
suffira de rappeler qu'une foule d'abus antiques, les oppressions
héréditaires, la tyrannie sacerdotale , la servitude des voeux
monastiques, l'aristocratie des corporations, les gênes inté-
rieures du commerce, les taxes arbitraires de l'industrie , les
privilèges, le monopole des emplois, la main-morte des pro-
priétés, les droits féodaux, les banalités, les dîmes, les vexa-
tions du droit de chasse, l'inégalité dans les contributions
publiques et dans la distribution de la just ice, la vénalité du droit
de juger les citoyens, la procédure ténébreuse contre les accusés
et l'interdiction des conseils de défense, l'aggravation des sup-
plices, la torture, et tant. d'autres iniquités consacrées par les
autorités religieuses et civiles, avaient disparu, soit en France ,
soit dans d'autres parties de l'Europe , devant cet étendard
national qui fut dans son origine, j'aime à le répéter ici ,
drapeau de la liberté, dé hkalit,:' et de l'ordre public. ( Mou-
vement à droite. — M. Castelbajac : Nous ne reconnaissons
pas le drapeau de l'usurpation ! )


Revenons à l'article r du projet de loi. Messieurs, au nom
de la France entière, de sa prospérité, de son repos, comme
dans l'intérêt mieux entendu du trône , repoussez cet article ,
tous les articles d'un projet liberticide si la nation s'y résigne,
perturbateur si elle le repousse. On vous étourdit à dessein des
mots de république et de monarchie, dénominations inexactes,
car il y e eu des républiques très-oppressives, et une monarchie
peut être très-libre, pourvu qu'elle soit , suivant la définition
d'un respectable pair , un gouvernement national , et non spé-
cial ou d'exception. Lorsqu'en feignant ainsi des craintes des-
tinées à une autre partie de la chambre , on se tourne avec affec-
tation de notre côté , serait-ce une lanière obligeante de re-
connaltre que c'est, en effet, sur nos bancs que se trouvent
plusieurs des hommes qui , lorsqu'il s'est agi en 92 de remplir
lcur serment envers le trône constitutionnel , ont été les plus
marquans par leur fidélité , par leurs efforts et par leurs sacri-
fices? Un honorable préopinant s'est plaint que depuis six ans


( 173 )
la France n'a pas-été gouvernée. Ce n'est point, je pense, comme
un ministre a paru le croire, des talens qu'il appelait, mais de
la bonne foi, attendu que , pour gouverner , il. suffit presque
toujours de laisser faire , niais il ne faut jamais tromper. Mes-
sieurs , il en est temps encore ,. hâtons-nous , je le répète , de
rentrer dans les voies nationales , constitutionnelles , paisibles
et bienveillantes. Nous avons tant d'intérêts publies et person-
nels à conserver , tant de douleurs communes déplorer", tant
de qualités privées A nous recommitre lorsqu'elles ne sont pas.
dénaturées par l'esprit de parti I. Nos contemporains sont las de.
révolutions, rassasiés de gloire; mais.ils ne se laisseront pas ra-
vir des droits et des intérêts chèrement acquis. Notre jeune;se
l'espoir de la patrie, mieux instruite que nous ne l'étions, éclai-
rée de ses propres. lumières et de notre -expérience ignore les
factions, n'entend rien aux préjugés , n'est accessible qu'aux
intentions pores et aux moyens généreux'; suais elle veut la li-
berté avec une ardeur raisonnée, et par-là plus irrésistible. Que
toutes ces générations. soient laissées sous la sauve-garde de la
liberté constitutionnelle à leurs souvenirs , à leur industrie ,
leurs études ! Il est alors absurde de les craindre , impossible de
les agiter ; mais ne les obligez pas, en les menaçant


i
perdre


tous les résultats utiles de la révolution , à ressaisir elles-mêmes
le faisceau sacré des principes d'éternelle vérité et de souveraine
justice , principes applicables à tons les gouvernemens libres ,.
et auprès desquels toutes les autres combinaisons , personnelles
ou politiques, ne peuvent être, pour un peuple de bon sens, que
des considérations secondaires..(Vivesensation. ) . Je vote contre-
le premier article du projet de loi.


M. le garde-des-sceaux. Le préopinant nous a entretenus.
de deux époques : les premiers temps de la révolution, et te mo-
ment actuel. La première époque n ppartieni à l'histoire; et l'his-
toire qui la jugera , jugera aussi l'honorable membre. ( Vive
sensation. ) Mais il devrait être assez juste pour ne pas imputer
aux victimes de ces temps tous les maux d'une révolution. qui a
pesé si cruellement sur eux. Ces temps n'auraient-ils pas aussi
laissé à l'honorable membre de douloureuses expériences et d'u-
tiles souvenirs? Il a dû éprouver plus d'une fois; il a dû sentir,
la mort dans l'âme et la rougeur sur le front, qu'après avoir
ébranlé les masses populaires , non-seulement on ne peut pas
toujours


les arrêter quand elles courent au crime, niais que l'on
est souvent forcé de les suivre et presque de les conduire.


-e-‘t aiveesceen:Itarteirll des cris d'adhésion se font entendre à la.




( 374 )
Mais laissons nos anciens débats, et songeons à nos débets


actuels ; songeons au présent et à l'avenir de notre patrie Or,
Voilà ce que compromettent à mes yeux les déclarations faites
par le préopinant. Il déclare qu'il est venu dans cette enceinte
prêter serment. à la constitution ( il aurait d à dire, au Roi et à
la charte ) , et que ce serment était réciproque ; il déclare que
les actes de la législature , que vos actes ont violé cette consti-
tution, et qu'il se croit délié de ses sermens; il le déclare en
son nom et en celui de ses collègues ; il le déclare à toute la na-
tion ! Il ajoute à ces déclarations un éloge aussi affecté qu'inutile
de Ces couleurs qui ne peuvent plus être aujourd'hui que les
couleurs de la rébellion. Et le scandale que je viens de signaler,
est renouvelé pour la seconde fois à cette tribune ! Je le de-
mande , messieurs, quel peut en âtre le but ? Et si des insensés
au dehors, séduits , excités par ces paroles criminellement im-
prudentes, se portent à la sédition . je le demande encore, sur
la tête de qui devrait retomber le sana- versé par le glaive de la
révolte ou par le glaive de la loi ? Estlorsqu'un homme qui,
lui-même, après avoir précipité les peuples dans les révolutions
extrêmes, a vu se tourner contre lm les fureurs qu'il avait sou-
levées; lorsque cet homme, honorable à certains égards (In-
terruption du côté gauche.) Voix d gauche : A tous les égards!...
M. d Afgeneorz : C'est une personnalité indécente !... ( le pré-
sident rappelle à l'ordre et au silence. ) Point d'équivoque, mes-
sieurs, je 'n'explique. Je ne parle nullement de la personne de
l'honorable membre ; je parle de ses actes publics; j'ai seule-
ment prétendu dire que parmi les actes publics de M. le marquis
de Lafayette , il en est qui sont honorables à sen caractère. Et
au moment ° à j'accuse son discours , je fais observer que plus
ses antécédens publics lui peuvent donner d'influence , plus les
par„ les que je blâme sont coupables et dangereuses.


Il me reste à tirer les conséquences des observations que mon
devoir m'a obligé de faire. C'est que cet honorable membre,
qui devait avoir si bien appris à connaître le parti révolution-
naire , vous dissimule complètement en ce moment l'existence
de ce parti ; que, d'une part , il seconde ce parti par les éloges
donnés aux couleurs de la rébellion ; que, d'une autre part, il
déclare à la nation , en son nom et en celui de plusieurs de ses
collègues, qu'il se croit délié du serment prêté à la charte! que
d'ailleurs ces honorables membres professent la souveraineté du
peuple , laquelle , telle qu'ils l'expliquent , n'est autre chose
que l'insurrection. Je vous le demande encore, n'est-ce pas là
un appel à la révolte et un manifeste pour la justifier ? Et cela


( 375 )
ne vous


indique-t-il pas vos devoirs à l'égard d'une opposition


qui vous fait entendre de telles paroles et prend untel caractère?( Très-vif mouvement au centre et à droite. )
Ii. Benjamin-Constant répond au garde-des-sceaux , relati-


renient à Ce que dit M. de Lafayette s- ur le drapeau tricolore,
sur le droit des nations de changer ou de modifier leurs cons-
titutions, et sur le maintien réciproque du serment qu'il avait


Pre.cctEé.h, messieurs! l'honorable membre suivait-il, conduisait-il
les masses populaires, quand dévouant sa tête à la proscription,
il se présentait à la barre de l'assemblée législative poumy de-
mander vengeance des outrages faits à la majesté royale, pour
défendre, pour sauver le trône et le Roi 2 Vo.f.x d droite :
Il n'était plus temps! ) Les conduisait-il , quand il était nuit. et
jour occupé à prévenu•, à comprimer , à arrêter ces émeutes
populaires sans cesse renaissantes dont nous avons appris à re-
connaître la véritable source dans cette solidarité cotre les riches
ennemis du nouvel ordre de choses , et la clamse le plus mis'é-
rable , en proie à toutes les intrigues et à toutes les suggestions
d'un parti qui poussait à tous les excès, parce que , disait-il,
le bien finira par renaître de l'excès même du ma l2
( Violens murmures à droite. ) Et cette solidarité, mes-
sieurs , on n'y a pas encore renoncé. En 1 789 on provoquait
aux actes anarchiques pour empêcher ce que la réve2uilon devait
prodnire de bon et d'utile , et c'est dans cette position que les
amis de la. liberté ont eu Lent à souffrir, tant i? coaibattre; au-
jourd'hui on laisse aussi percer le même r ee ; on a voulu
l'appliquer aux élections ; vous avez vu lei •rts qu'on a faits
pour obtenir l'alliance des suffrages de la classe la Moins forte-


'


née en faveur des classes élevées, et cela aux epens de la classe
intermédiaire ; de cette classe calomniée a,ui a toujours voulu
l'ordre et la liberté , qui a servi le despotisme quand le terri-
toire était menacé, tandis que ceux qui l'accusent S911S cesse ont
encensé, élevé, afrerini ce même despotisme-pendant
quatorze


m


( Vive sensation à gauche. )
Ig.easrcaiterculesasti olennsce,portées à la tribune ne me permettaient pas


de d'autant plus que la brièveté du discours
ou ministre a rendu ses imputations plus incisives et plus Iran-
chantas. (Mouvement à droite. ) Il était question des personnes ;
les personnes ne sont point étrangères au projet : on ne peut
traiter l'un sans attaquer et sans iustifier les autres; car, pour
savoir de quel côté est et doit être' l'attachement et la fidélité à
notre ordre de choses, c'est-à-dire à la charte et aux Bourbons.




( 376 )
il faut bien reconnaître de quel côté sont les droits acquis'et
reconnus, et les espérances remplies, et de quel côté sont les in-
téréts sacrifiés et les pertes irréparables : il faut bien reconnaître
que, d'un côté, la charte a été reçue comme un bienfait qui
nous a donné toutes les institutions p0111' lesquelles la révolution
a été faite, et de quel côté on déclare que la charte a été une
concession de la nécessité; de quel côté enfin tous les intèrêts4,
sont satisfaits, et de quel côté sont les intérêts qu'on voudrait
l'établir, c'est-à-dire les priviléges




(Violens murmures à
droite.) Oui, messieurs, car vous n'axez pas oublié combien de
Lis on a dit qu'avec la légitimité, il y avait d'autres légitimités
qui en étaient inséparables. i ous voyez donc, messieurs, à quels
intérêts divers se présente le projet que nous discutons, et de
quel côté doivent être ses partisans et ses défenseurs. Je vote
contre l'article 1 . er du projet de loi. (Vif mouvement à gauche.)


Le ministre des affaires étrangères appuie contre ce que dit ,
M. Benja:nin-Constant la réponse du garde-des-sceaux au dis-
cours de M. de Lafayette.


Devaux. Messieurs, quand Montesquieu écrivait que Te
système du gouvernement représentatif avait été trouvé dans les
bois, il pensait à Tacite, qui dit sur les moeurs des Germains


minoribus reins principes consultant de majorions omnes.
Au milieu du neuvième siècle, Charles-le-Chauve consignait
dans ses Capitulaires, comme règle de notre droit public : Le•
cons•nsu populi


.1/.t et constitutione relis. Le préambule de la
charte dit que la chambre dis députés remplace les anciens
champs-de-mars et de mai, et les assemblées du tiers- état.
Cette intervention du peuple , prouvée par l'autorité de l'his-jtoire, admise par nos rois du moyen âge, consacrée de nosours par la charte , ne peut plus être éludée.


Si la nation n'intervient pas elle-même directement , c'est
qu'elle est trop nombreuse pour que le prince la consulte 'im-
médiatement : mais ses organes doivent dire ce qu'elle dirait
elle-même, et par conséquent ils doivent penser comme elle ;
car la représentation est .d'autant plus parfaite, qu'elle est une


'17
image plus fidèle de la chose représentée. Pour penser et parler
comme la nation, ses députés doivent avoir les moeurs, les opi-
nions, les intérêts de la grande majorité de la nation.


Le peuple qu'il faut représenter, c'est le peuple qui est , non
pas le peuple tel que ses détracteurs voudraient le faire ; car en
attendant que, comme une cire molle, il reçoive l'empreini.e
de tous ces faiseurs d'utopie, de tous ces laudatores temporîa
acti, que le satirique romain n'a pas corrigés , il faut bien qu'il


377 )
soit


représenté tel qu'il est, et non tel qu'il sera peut-être , et
encore plus vraisemblablem ent tel qu'il ne sera jamais.


qu'elle est que la charte a été donnée.
clltitarTetiao-nt- teelille- consacré, 1. 0 l'égalité (les droits qui


Adele;:t'siei sItatr''t
ente ans étaient dans nos moeurs, et qui n'a plus be-


soin d'aucune interprétation, parce que le fait est là pour expli-
quer le droit; a.° la liberté individuelle , toujours dans le vreu
de la nation depuis 1 789, toujours opprimée par les factions,
constamment éludée sous le gouvernement impérial, et trop
souvent suspendue sous notre régime constitutionnel ; 3. 0 la
liberté de la presse, réclamée par les cahiers des bailliages,
„us cesse vexée par le pouvoir, mais continuellemen t desirée ;


4." l'inviolabilité des domaines nationaux transmis par la révo-
lution à cinq millions de propriétaires; 5. 0 l'oubli de toutes les
opinions et de tous les votes émis jusqu'à la restauration, parce
q ue la paix publique dans l'intérieur ne s'était fondée que sur
cette tolérance mutuelle de toutes les fautes et de toutes les
erreurs; 6.° l'instititution du jury, qui s'était maintenue dans
nos mœurs depuis vingt-cinq ans, nonobstant les graves altéra-
tions qu'elle a reçues du pouvoir ; 7 .° la légion d'honneur, qui
décorait tout ce qui s'était illustré par des services rendus à la
patrie. Si tons nos monumens historiques disparaissaient un
jour comme ceux de l'antique Egypte, la charte seule suffirait
pour rétablir les principaux traits du tableau de nos moeurs
actuelles.


Si la charte a été créée pour la nation telle qu'elle est , telle
que la révolution l'a faite, la loi d'élection a besoin d'imiter la
charte, et doit concorder parfaitement avec elle, en adoptant
le même principe de faire représenter, par le moyen de l'élec-
lion , la société dans son état actuel, avec la masse des intérêts
qui prédominent, avec le cours des opinions qui règnent, avec
l'esprit national qui influence tout. •


La nation n'entrerait pas dans la monarchie qui combattrait
ses moeurs, ses intérêts, ses opinions , au lieu de les protéger ;
la ation ne serait pas représentée par des députés animés d'un
esprit hostile ou môme différent ; sans cette liaison intime de la
monarchie avec la nation, et sans ces rapports de similitude des
) ,eopridiseen


ie


tans


succession


avec les représentés, la monarchie serait toujours
sans esdotute, dans


-au
i. , la


trône
dee ; nos


mais
rois, un


serait privée de
légal,


, puis


1-


sance morale. sans laquelle l'histoire atteste que le pouvoir de
(


.


est suj et a de terribles vicissitudes. La représentation, de




( 378 )
son c6té , n'en aurait que le nom; il y aurait seulement des in.
dividus appelés députés.


La monarchie est plus intéressée que le peuple à la plénitude
de la représentation, parce qu'elle en reçoit une force immense
qui l'aide à vaincre tous les obstacles avec une merveilleuse fa.
cilité. Une véritable représentation offre au prince tous les tris.
sors des fortunes individuelles, tous les bras d'une population
innombrable pour la défense et la prospérité de la patrie, dont
il s'est montré le père. Si le peuple est privé d'une représenta-
tion réelle, on livre son argent et ses soldats au pouvoir; il le
souffre , nous l'avons vu sous l'empire; mais l'empire nous ap-
prend tout à-la-fois combien il y a de puissance ennemie dans
cette force d'inertie que l'exemple sait se créer par la méfiance
et Je mécontentement, et de quelle inutilité devient une repré-
sentation iii usoire, pour sauver le pouvoir dans les grandes crises
qui le menacent.


Si le projet de loi ne tend qu'à établir une fausse représenta-
tion , il est donc aussi ami-monarchique


natiônal.
aura ce double vice s'il livre les élections à une minorité quel-
conque; car ce ne sera plus la nation, mais une partie de la na-
tion qui interviendra par ses


.
députés. Alors on ne pourra plus


comme Tacite : De mal oribus • omnes consultant, ni commeCharles-le-Chauve : Lex:ft consensupopzzli , ni avec la charte:
cc La chambre des députés remplace les champs-de-mars et de
niai, et les assemblées du tiers-état. «S'il n'y a plus d'interven-
tion nationale, le gouvernement représentatif disparaît entière-
ment ; la monarchie prend dès ce moment une autre forme; la •
révolution est opérée par cette transition du droit électoral de
la majorité à la minorité. Il importe peu quelle soit cette mino-
rité; car ce qui n'est pas en son pouvoir, c'est de créer des re-
présentans de tous ceux qu'elle élira, et par cela seul qu'elle les
élira, ils n'auront jamais le caractère de représentans.


( L'orateur s'attache surtout à développer cette considéra-
tion , et il appuie ses raisonnemens de fréquens exemples pris
dans l'application du mode d'élection établi par le projet de
loi à tous les départemens. ) Il• y a , dit-il, 35 départemens où
l'on peut être élu député avec 14 à 28 suffrages pour la candi-
dature.


Et dans tous les départemens, des candidats supp!érins
pris à la pluralité relative de 3,415 voix, peuvent être élus
députés.


( 3 79 )
Il y a ,4 départemens où 27 voix dans le collège supérieur


suffisent


roù n eêtfr:aeuét. It'qUe 28 à 36 voix 5
,3 où 38 à 4o l'emportent ;
31 où 53 à 6o dominent ;
9 °`'. 63, àu 73 peuvent élire.


T(Jp2\-Orièts voir7au9a9j Outé de nouveaux argumens au développe-
ment de sa récusation du projet de loi, l'orateur termine par
les considérations suivantes :


Si la totalité des électeurs élisait le collège de département ,
ces électeurs se lieraient à la masse électorale dont ils sortiraient
par la douce voie de la confiance , au lieu de s'en séparer brusque-
ment par la différence offensive pour l'amour-propre de grairds
et de petits propriétaires , de plus et de moins imposés : je crois
que ce ne serait pas manquer d'habileté que de ménager un peu
la susceptibilité d'un peuple que des habitudes trentennaires
d'égalité n'ont pas disposé à subir le joug de l'humiliation. Je
croyais qu'après une aussi terrible révolution , l'on ne saurait
employer trop d'habileté à fondre tous les dissentimens, à réu-
nir tous les esprits , à élever un temple à la Concorde. ( Mouve-
ment d'adhésion à gauche. ) Me serais•e trompé, messieurs?
voilà qu'on oppose la grande à la petite propriété ; les anciens
privilégiés, déjà trop impopulaires, à la classe intermédiaire ,
c'est-à-dire à ce tiers-état triomphant, depuis 1 789 , des deux
ordres qu'on eut l'imprudence de faire rivaliser avec lui.


Redouter pour le trône l'influence électorale de cette classe
intermédiaire qui possède !es arts , les sciences , le commerce ,
l'industrie , et règne par l'opinion, c'est calomnier la nation,
qui sait aimer ses rois; c'est conseiller à nos princes de s'ap-
puyer sur la minorité par défiance de la majorité. Quelle force
le gouvernement peut-il emprunter de celte minorité? C'est le
gouvernement qui la soutient, au contraire ; sans lui , la con-
science de sa propre faiblesse lui ravirait jusqu'à le pensée de
combattre. Ses députés ne seront. jamais que des individus.
Qu'ils regardent derrière eux ; sont-ils escortés de cette im-
mense population, de militaires, d'acquéreurs de biens natio-
naux, de propriétaires libérés des devoirs seigneuriaux, de cette


épreuves


ares et aux fabriques ; de
cette génération de cinquante ans et au-dessous , qui ne connaît


par tradition, le régime de 1815 que par
lles qu'elle abhorre? Pourquoi cette minorité n'est-elle
pas écoutée dans lea élections? parce qu'elle ne parle pas la




( -38o )
même langue que la nation ; comment oscriez-vous prendre chez
elle les interprètes du peuple? ( Même mouvement. )


Commanderez-vous à ces militaires qui , depuis 1792 , ont
combattu, pour l'indépendance de la nation , de choisir leurs
représen tans parmi ceux qui ont qualifié de révolte nos guerres
nationales? à ces anciens débiteurs de prestations féodales, à ces
propriétaires jadis grevés de dîmes, de prendre leurs députés
parmi leurs anciens seigneurs ou parmi les disciples de l'évêque
de Soissons? à ces acquéreurs de biens nationaux, de se faire
représenter par les anciens propriétaires de leurs domaines ?â
ces hommes voués au commerce, à l'industrie, à l'agriculture,


tous les arts de la paix et de la guerre, d'élire des députés dans
la classe qui se plaisait à n'être pas de la leur? Non pas que je
favorise aucun préjugé contre les distinctions de naissance.


La loi du 5 février ne nous a-t-elle pas donné pour collégues
de beaux noms historiques qui ont défendu la liberté? La loi du
5 février ne ferait-elle pas indubitablement asseoir sur nos bancs
un due de la Rochefoucauit, un comte de Ségur ou un comte
r te la RochecAimont, si la pairie ne s'était pas emparée (le ces
brandes illustrations?


Pouvez-vous espérer d'opérer avec succès des choix ainsi
contre nature, (le rendre la minorité opposante interprète de la
majorité avec laquelle elle lutte de moeurs , d'opinions et d'in-
térêts? Non, cela ne se peut pas. Vos députés (le la minorité
n'auront jamais le caractère de représentées; ils n'en auront
que le nom. Vos députés élus sans liberté par les colléges-de
département, parmi des candidats qui leur répugnent, ou parmi
des candidats qui n'auraient jamais été élus par ceux qui les ont
présentés, n'auront moralement pas le caractère de députés. Le
vice dominant (le cette loi est de tuer le gouvernement représen-jtatif. Je rejette l'article . er , comme un mauvais principe donte ne-veux pas subir les funestes conséquences. ( Vif mouvement
d'adhésion à gauche. )


Le ministre des finances défend le projet , sous le rapport
qu'il y a péril pour la monarchie avec la loi du 5 février 18,7,
que•la charte a institué un gouvernement représentatif, et non
une démocratie ; que l'aristocratie n'est pas à. redouter avec le
projet. Il vote pour l'art. a . er (Mouvement général d'adhésion
eu centre et à droite. )


M. Royer-Collard attaque l'article . er sous le rapport que
la capacité d'élire n'est pas divisible. L'orateur examine ensuite
ce qu'il nomme capacités; il en reconnaît de ciViles, de politiques,
de littéraires, de militaires ; et appliquant ses principes à la


( 381 )
< • ,


e-tion -il en déduit la conséquence que toutes les capacités,
doiven t être représentées, mais que par rapport à la représen-tation , il n'y a que deux capacités, celle d'élire et d'être élu.


L'orateur ajoute : Qu'il y ait au milieu de nous de véritables
factions, on n'en saurait douter ; elles marchent assez à. décou-
vert; elles avertissent assez de leur présence. Il y a une faction.
née de la révolution, d.e ses mauvaises doctrines et de ses mau-
vaises actions, cherche vaguement peut être , mais qui
cherche toujours l'usurpation , parce qu'elle en a le goût, en-
core phis que le besoin. Il y a une fialtion née (lu privilége, que
l'égalité indigne, et qui a besoin de la détruire. Je ne sais pas
ce que fout ces fictions ; niais je sais ce qu'elles veulent , et
surtout j'entends ce qu'elles disent. Je reconnais l'une à la haine
(le toute autorité légitime, politique, morale, religieuse; l'autre,
au mépris instinctif de tous les droits publics ou privés, et à une
cupidité arrogante qui convoite tout dans le gouvernement et
dans le société. Les factions dont je parle, réduites à elles-mêmes,
sont faibles en nombre ; elles sont odieuses à la nation, et n'y
auront jamais de racines : mais elles sont ardentes, et pendant
que nous nous divisons , elles marchent à leur but. Si , le gou-
vernement persistant à nous abandonner et à s'abandonner lui-
même, elles doivent s'entrechoquer encore, et si notre malheu-
reuse patrie doit être encore déchirée , ensanglantée par elles,je prends mes sûretés ; je déclare d'avance à la faction victo-
rieuse , quelle qu'elle soit, que je détesterai sa victoire ; je lui
demande dès aujourd'hui de m'inscrire sur les tables de ses pros-
criptions. ( Mouvement général d'adhésion. )


Mais , messieurs, avec ces factions criminelles , subversives,
à qui il n'est dû que de les faire mourir de désespoir , gardons-
nous de confondre les partis , qui ne sont que des associations
d'intérêts circonscrits dans l'ordre établi ! ils ne méditent pas
de le renverser, cet ordre ; ils cherchent à s'y placer le plus
avantageusement possible : ils ne veulent pas ruiner le pouvoir,
mais l'Obtenir. Les partis sont l'un et l'autre honorables, parce
qu'ils ont l'un et l'autre une grande origine et une illustration
i'"itçable ; d'un côté, la gloire fabuleuse de vingt-cinq animées
de prodiges; de l'autre, toute la gloire historique de la France ,
nde6bli,oe rhédriei t;a ,héritage que les révolutions ne sauraient ravir à. ceux qui
le possèdent. Peut-être aussi que la vérité est partagée entre eux
et qu'ils en ont chacun la munie.; ici , les doctrines nécessaires


les maximes généreuses de la liberté. Il ne faut
pas les croire l'un sur l'autre ; ils se calomnient , et nous les ca-
lemnions nous - mêmes beaucoup trop. Une grande partie de




• ( 382 )
notre mal est fans la peur qu'ils se font, et qu'ils nous font à
tous. Nous sommes trop découragés par le souvenir de nos es.
Limités ; nous n'osons plus rien regarder en face. Quand ou oh,
serve les partis d'un point de vue élevé, on découvre que ,


s'ilsconfinent d'un côté aux factions, ils confinent de l'autre à la na_
tion. C'est au gouvernement à les y attirer , et à les séparer
entièrement des factions. Lui seul le peut ; mais il le peut. Il
suffit au gouvernement légitime d'être , et de pouvoir se pro-
duire chaque jour par des paroles et par des actes, pour (pie les
esprits et les coeurs lui appartiennent. Ce n'est pas Je génie que
nous lui imposons ; non, nous n'avons pas ce droit; personne
ne ; c'est l


'impartialité , la simplicité , la franchise. Au mi-
lieu d'une nation telle que la nôtre, la franchise tient lieu de
Presque tout ; elle sera toujours avec des Français l'habileté la
plus consommée , et le plus profond des artifices.


Je rejette le premier article du projet de loi; mais en le reje.
tant , j'invite le ministère à présenter un autre projet qui mo-difie la loi de 8 i 7 , en respectant ses principes, qui sont ceux
de la charte. ( Une longue et vive agitation succède. )


M. Becquey vote polir l'article 3.. er en défendant le projet deloi. ( Mouven;ent d'adhésion au centre et à droite. )
La délibération est continMe au lundi 29.


Séance du 29 tuai.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur
. er du projet de loi relatif aux élections.


M. le ministre de la marine. Messieurs, comme le principe


toujo
je
de la loi est dans l'article i. er


, comme là est toute la quesion ,
ne veux que la ramener aux ternies les plus simples.
La charte a voulu régulariser les démens de la démocratie,


urs destructifs quand ils sont livrés à la force aveugle et
matérielle. Elle a voulu les fixer à l'élément conservateur de lapropriété , signe visible des forces morales que la loi présume
dans tout citoyen appelé à l'exercice d'un droit politique. Or,
dans cette grande nation long-temps agitée par l'esprit démo-
cratique, si la charte a combiné l'intérêt démocratique avec les
autres intérêts de la société, était-ce pour les anéantir? En un
mot , la charte a - t- elle voulu faire prévaloir la démocratie?
Dans ce cas, la loi du 5 février remplirait les volontés de la
chaee.


Messieurs, toute la question est de savoir si la charte royale
a voulu que la démocratie dominilt sur tous les intérê ts d'une


( 383 )
„ande nation , et si la loi du 5 février a réellement préparé le
'triomphe de la démocratie. Et lorsque nous venons signaler les
périls du trône et de la société , on nous répond : Oui . le péril
est immense ! Lorsque nous demandons secours contre le péril
on nous répond: Gouvernez! Lorsque nous parlons des frictions,
on


recannalt l'existence des factions , et l'on dit aux l'actions :
Inscrivez-moi sur vos listes fatales ! ( Vive sensation. ) On nous
dit : Gouvernez ! Eh ! ne sommes-nous pas ici pour vous dire :
Avec la loi du 5 février il est impossible de gouverner? et , à
cet. égard , nous sommes d'accord avec plusieurs de nos adver-
saires qui proposent de notables changemens à cette loi.


Une loi nouvelle vous est présentée. Elle est la seule possible
dans le moment présent; c'est l'esquif du naufrage. ( Mouve-
ment en sens divers. ) Avec une telle situation que l'on avoue ,
devons-nous donc entrer dans ces questions, si le droit électoral
modifié de telle ou telle manière est un droit ou un privilège ,
si lis capacités sont divisibles ou ne le sont pas?


Messieurs, on vous a cité quelques maximes de Bonaparte,
et sur leur autorité , l'on a entendu prouver que MM. de Villèle
et de Corbière avaient soutenu la souveraineté du peuple. Je
leur laisse le soin de s'en défendre. Mais puisque l'on a cité les
hommages fallacieux de Bonaparte à la souveraineté du peuple,
ne pourrait-il pas m'être permis de m'emparer aussi de quelques
autres de ses paroles , de vous dire avec lui , et plus justement
qu'il ne le disait alors : a N'imitons pas l'exemple du BaS-Eui-
» pire , qui, pressé de tous côtés par les Barbares , se rendit la
» risée de la postérité en s'occupant de questions abstraites, au
» moment où le bélier frappait les portes de la ville? »Cette leçon
vaut bien celle à laquelle je l'oppose ; sachons donc en profiter.
( Nouvelle sensation. )


Assurez, messieurs, à votre pays, par une loi sage et appro-
priée aux circonstances , de lionnes élections également amies
du trône et de la liberté ; cherchez les faits , et laissez de côté
les paroles et les raisonnemens. Je vote l'article i..er sans autre
saionnenadtelncieentaueetceAludirod ietela )commission. ( Mouvement d'adhé-


..11i. Dupont (de l'Eure). Messieurs, si les électeurs les moins
imposés, l s , que l'on appelle dédaigneusement aujourd'hui les
électeurs •e la petite propriété , se fussent montrés depuis trois
ans plus dociles aux volontés ministérielles et aux instructions


gens du. pouvoir, si n'admettant qu'avec ménagement et
en petit nombre les défenseurs de la charte et de la liberté , leurs
sufl.ratles fiassent portés de préférence sur les partisans du ré-




( 384 )
Rime de 1815, et surtout sur les candidats du ministère, tu%
entendrions célébrer leur bon esprit, leur sagesse, peut-être
même leur patriotisme ; on ne s'effraierait ni de leur réunion
dans un collége unique par département, ni de la supériori té de
leur nombre sur celui des électeurs grands propriétaires.


Si les députés élus depuis la loi du 5 février 181 7 , et qui for_
ment aujourd'hui les trois cinquièmes de la chambre, s'étaient
aussi montrés plus disposés à donner un complaisant assentiment
aux projets des ministres ; à voir dans les actes de leur adminis.
tration autant de sujets d'éloge; à n'attacher qu'une médiocre
importance à leur responsabilité et à celle de leurs agens; à
chercher dans la charte plutôt les moyens d'agrandir le pouvoir
que des garanties pour la liberté ; à concilier la censure avec la li-
berté de la presse, la profusion des pensions, des énormes trai-
temens et des sinécures avec l'économie, tous les abus de la
police et les excès de l'arbitraire avec un gouvernement consti-
tutionnel et régulier , on n'eût pas Manque de rendre un hommage
éclatant à ces exceliens députés, à la perfection de la loi du 5
evrier et au génie de ses auteurs. Sans doute alors le ministère
n'eût pas souffert qu'elle fût diffamée auprès des gouvernemens
étrangers, à Aix-la-Chapelle et à Carlsbad , soit par le fait de
ses propres agens, soit par les intrigues et les notes secrètes de
quelques Français indignes de ce nom.


Mais malheureusement des électeurs, victimes ou témoins des
chus du régime de 1815, encore tout froissés des excès de ce
temps-là , ne trouvant de garantie que dans l'entier accomplis-
sement de la charte, ils ont repoussé les amis de l'arbitraire et
des privilèges, et appelé de préférence à l'honneur de représen-
ter lit nation , les amis de ses franchises et de ses libertés.


ll était difficile que des électeurs aussi indépendans restassent
long-temps l'objet de la prédilection qu'on avait cru devoir leur
témoigner; il ne l'était pas moins que les députés (le leur choix
lie fussent pas également désagréables ,au ministère et au parti
avec lequel il vient de fàire une alliance offensive contre les ami'
de la liberté.


En effet , messieurs , ces députés de la loi du 5 février, non'
moins nationaux par leurs sentimens que par leur origine, ont
fait entendre une voix sévère contre tontes les lois d'exception,
contre le systeme de violence et d'injustice qui a précédé l'or-
donnance du 5 septembre, contre le système de tromperie et de
bascule qui as uivi cette époque, et que l'un de nos plus honora-
Ides collègues a si énergiquement qualifié de constitutionalisine
billard. ils ont réclamé avec force contre la dilapidation du


( 385 )
domaine extraordinaire, contre la création d'énormes pensions
prodiguées beaucoup plus à des opinions en làveur qu'à la réa-1*(lité des services , contre la clandestinité des opérations relatives


contres le refus de faire connaître la liste nomi-anrti emprunts,
préteurs, dont la publication, sans le moindre danger


pouf les véritables préteurs, eût dû expliquer bien des mystères,
et jeter un grand jour sur le secret de liaisons polit ipies qui•ont
maintenant une grande influence sur nos aflàires. .-


Enfin ils ont demandé, ces députés si étrangement révolu-
t ionnaires, l'entière et franche exécution (le la charte, la pré-
sentation des institutions constitutionnelles et f:ndainentales
qui manquent encore à la France, qu'on nous a toujours pro-
mises sans nous les donner jamais, mais dont . nous pouvons du
moins léguer l'espérance à nos successeurs , puisque l'un de
MM. les commissaires du Roi a bien voulu nous révéler que
ces institutions, préparées depuis long -temps, n'étaient pourtant
destinées qu'à la prochaine session ; c'est nous dire assez naïve-
ment, ce me semble, que l'on ne peut plus, ou pour parler plus
exactement, qu'on ne veut plus gouverner avec une loi qui
donne de pareils représentans à la nation, et surtout des sur-
veillons aussi incommodes au ministère.


Aussi, messieurs, n'est-ce réellement que par ses résultats,
et à cause d'eux, qu'elle est attaquée avec tant de violence ; que
l'on ose déclarer aux députés qu'elle a fait élire que leur élec-
tion est un danger pour le pays, et, chose inouic ! leur propo-
ser de prononcer eux-mêmes leur indignité et celle des élec-
teurs qui les ont nommés ! Je ne sais si , dans les actes de
violence du gouvernement impérial, dans les épurations du
tribunat et du corps législatif, dans les coups d'état de noir ré-
volution, il se pourrait trouver rien d'aussi insultant, d'aussi
attentatoire


représentans.


, la majesté de la nation, au respect dû
Au surplus, nous sommes loin de nous plaindre, mes honora-


bles amis et moi , de la franchise avec laquelle nos adversaires
nous ont témoigné toute leur aversion pour la loi du 5 février.
evtoldpoounis


• i lo. usTiêmes ; ils seront, sans doute, assez, justes pour
ne pas
voulons


rnai (dproendr - .ava ntage de la franchise avec laquelle nous


t rienicehns
aux électeurs


vous


o
Loptutéretureur d'accuser, leur dirai-je , vous ne cessez de


repr cher de l'Isère la nomination de leur qua-
one, sans plus de mesure que .de justice, vous


z le cruel plaisir de déchirer chaque jouir mais vousavez donne
le apparemment avec quelle barbarie, en 1815 et 816,


25




•( 386 )
vos préfets, vos commandans militaires, vos agens provocateurs
et la justice expéditive de vos tribunaux d'exception, ont traité
le malheureux département de Plsère A qui persuaderez-vous
d'ailleurs, qu'il faille changer tout notre système électoral pour
un choix qui excite votre colère? et à qui voulez-vous que cette
colère de commande en impose, quand tout le monde sait que
cent Slecteurs des plus monarchiques de l'Isère, ont déterminé,
par leurs suffrages, l'élection du candidat qu'ils ont ensuite accai
blé d'injures et de calomnies? (Murmures à droite. ) Cette ruse
peu honorable pour ses auteurs, n'a pas même le mérite de la
nouveauté. La révolution ne nous a que trop appris que certains
hommes, calculant froidement le malheur du pays, y ont, à toutes
les époques, provoqué secrètement des troubles et des excès
qu'ils ont la mauvaise foi d'imputer à la liberté. Messieurs, nies
amis et moi, si nous étions capables d'une aussi barbare combi-
naison, lions voterions l'odieuse loi que l'on nous propose, car
il est évident qu'elle prépare de nouvelles révolutions à la France,
et la ruine du gouvernement que l'on nous accuse de vouloir
renverser.


Vous prétendez d'ailleurs que la loi est trop démocratique,
et que, si elle n'est promptement rapportée, il faudra bientôt
renoncer à voir la grande propriété et toutes les opinions repré-
sentées dans la chambre des députés. La loi est trop démocrati-
que! Ecoutez , messieurs, cc que disait, à cette occasion, M. de
Lally-Tolendal dans le beau rapport qu'il fit à la chambre des
pairs, le 23 janvier 181 7 : cc L'imputation faite à la loi d'enfer-
mer en elle les excès de la démocratie nous a paru vraiment in-
conn ,,,-able. Lorsque les cent mille plus imposés, entre vingt-
net," millions d'hommes , sont seuls électeurs, et qu'entre les
cent taille, les dix-huit mille plus imposés sont seuls éligibles,
nous ne savons pas où l'on trouvera une institution plus impré-
gnée d'aristocratie, à moins de se précipiter dans une ol4pir-
chie absolue. »


C'était dans les mêmes termes que parlaient, en 181 7 , plu-
sieurs orateurs de la chambre des députés, parmi lesquels figu-
raient MM. Lainé et Bourdeau ; niais ils déclarent qu'ils se sont
trompés, et ils le confessent avec une humilité qui n'a pu man-
quer d'édifier au moins leurs nouveaux amis. Tout en recon-
naissant qu'il faut un grand courage pour se déterminer à d'aussi
étranges rétractations, je représente à M. le rapporteur qu'il se
trompe peut-être encore une fois, et que son sentiment actuel
ne peut pas changer le véritable caractère de la loi, qui assur4-
ment u'est pas celui d'une excessive démocratie.


( 387 )
Pourtant, s'il faut l'en croire aujourd'hui , elle tend à écarter


de la chambre lus grands propriétaires et à y faire dominer


M. Lainé (l'autrefois , que la charte nel'opin ion i e éi)o
dnédiur aoic ,r a


avec
t c tl e


reconnait ni petite ni grande propriété, depuis mille francs de
contributions directes jusqu'au sommet de la fortune; qu'elle
n'a fait qu'une seule classe d'éligibles parfaitement égaux entre
eux, et que la loi, sous prétexte d'organiser les collèges élec-
toraux, n'a pas le droit de les distinguer en grands et petits
propriétaires, ce qui voudrait dire en grands et petits
:l 'ajoute que si la loi du 5 février n'a pas fait entrer dans la
Chambre toutes les opinions que certaines personnes voudraient y
voir dominer, il faut au moins convenir qu'elle y a fait entrer do
grands propriétaires et même de grands noms, dont la notabi-
lité ne le cède, ce me semble, à aucune autre, à moins de suppo-
ser que toutes les grandes fortuneset les grands noms n'ont plus
aucune valeur dès qu'ils appartiennent à des députés siégeant
au côté gauche de la chambre.


Comme les collèges électoraux ont de fortes raisons pour se
souvenir des lois d'exception de 1815 et de 1816, et qu'ils ne pa-
raissent pas fort empressés de réélire les députés qui les votaient
et pourraient bien les voter encore, ou accuse la loi de ne pas
suffisamment faire représenter toutes les opinions ; mais , Mes-
sieurs, ce n'est pas la loi que l'on accuse, c'est l'état de la so-
ciété, de la nation tout entière. Voulez-vous être députés et ne
représenter que votre opinion particulière, ou seulement celles
de quelques individus, comme (le l'émigration ou de la no-
blesse, la France, qui veut que l'on ne représente que ses inté-
rê ts généraux , ne vous élira pas, et elle , fera bien. Elle respec-
tera la liberté de vos opinions particulières, mais elle ne voudra
pas que vous alliez les soutenir, en son nous, dans la chambre
des député ; et si .„ 0 „, lu iétiez imposés par la violence ou par
une loi oppressive, elle vous désavouerait pour ses véritables re-


Voilà, messieurs, tout le secret de la haine, je devrais dire
de la fureur avec laquelle on parle d'une loi non moins chère à
la nation que la charte elle-même , et que par cette raison on
appelle un instrument de faction et de démagogie. Voilà tout le
Secret aussi des calomnies que l'on déverse chaque jour sur lal 'a.l otité des électeurs de toute la France , et sur plus de centdéputés
. à qui l'on ne pardonne pas d'avoir prononcé chaque
S our à cette tribune les mots de patrie et de liberté, de n'avoir
reconnu d'autre aristocratie que celle de la chambre des pairs ;




( 388 )
(l'avoir si je puis parler ainsi , recomposé dans celle des conaa
mures l'élément démocratique de notre gouvernement repréa
sentatif. Nous ne sommes, au surplus , nullement troublés de
ces accusations furibondes; nous nous bornons à les déférer a
la conscience publique, qui pranoncera entre nous et nos accu-
sateurs.


Et quels sont donc nos accusateurs ? Ce sont des ministres
qui , dans l'impossibilité de gouverner par l'opinion publique
qui les repousse, par la puissance de la justice et de la bonne
loi, par la force des lois constitutionnelles , veulent y suppléer
par la terreur des lois arbitraires ; qui, ne pouvant plus préten-
dre ni à la confiance du pays, ni à l'appui des députés fidèles à
leurs devoirs, s'efforcent de ravir à la nation la loi qu'elle ché-
rit le plus, et de lui imposer de nouveaux représentans qui con-
sentent à sanctionner aveuglément leurs volontés. Mais à la tête
de nos accusateurs et des ennemis de la loi du. 5 février, se pré-
sentent surtout les hommes que l'on a si justement appelé les
'tommes da privilége. Se disant mons rebiques plus que personne;
vantant à tout propos leur fidélité; criant sans cesse coutre
l'usurpation, et glissant fort légèrement sur les -faveurs qu'ils se
laissaient imposer par l'usurpateur; ennemis irréconciliables de
l'égalité, et ne pardonnant pas à la charte de l'avoir consacrée;
dédaignant pour la plupart le travail et l'industrie ; empruntant
tout à la société, et lut rendant fort peu ; avides de pouvoirs,
de places et d'honneurs; considérant les hauts emplois publics
comme leur propriété , on sait avec quel sentiment d'horreur ils
repoussent une loi qui, sans les exclure de la chambre des dé-
putés, les confond avec les éligibles de tous les rangs , et leur
impose l'obligation de mériter, par des talons et des vertus, lajconfiance des électeurs. Aussi les a-t-on -ans, n'abandonnantamais l'espérance de la détruire, la combattre à outrance dans
toutes les occasions et sous toutes les formes; tantôt feignant <le
la trouver trop aristocratique, et proposant de faire descendre
le premier degré de l'élection jusqu'aux assemblées primaires;
tantôt l'accusant au contraire d'une excessive démocratie, et
s'efforçant, comme aujourd'hui, de neutraliser dans les collèges
la puissançe de l'industrie et des électeurs les moins imposés;
marchant enfin vers leur but avec une impertur•-ble constance,
et ne variant que dans les moyens.


En 18 f 5, ils votaient avec te ministère pour la suspension de
tonies nus libertés constitutionnelles ; en 1


. 8 1 7 , lui reprochant
avec fureur l'ordonnance du 5 septembre, ils lui refusaient toute
espèce d'appui mente celui des lois de censure et de suspicion/


(,i89 )
<lai-leur avaient si peu coûte precédemm ent ; en $ f 6 , ils affec-


taient de
se constituer les défenseurs presqu'exclusifs de la charte;


en )820, ils finissent par sacrifier au ministère la liberté indi-
viduelle et la liberté de la presse, pour eu obtenir en retour le
sacrific e de la loi des electians.C'est, messieurs, de ce honteux partage de nos libertés , que -
l'on ne craint pas de vous dentander la ratification! Accordez-
la, et l'on vous


offre en échange une nouvelle loi d'élection qui
ne sera, à en croire M. le ministre de l'intérieur, qu'une amé-
lioration de la première.


Non , messieurs, le projet de loi ne perfectionne rien de bon
et d'utile; ce qu'il perfectionne, ce qu'il cimente, c'est là. coutre-


ré1C°1eu(tiiic:r veulent les ministres et leurs nouveaux amis, c'est
une loi qui puisse dès à présent, et pour toujours, changer la.
combinaison des trois pouvoirs qui constituent notre gouverne-
ment représentatif, détruire l'une de ses formes essentielles,
en làire disparaître l'élément démocratique, et le transformer
en une aristocratie élective, plus puissante que celle de la
chambre des pairs.


Si cette loi que, dans ma conscience, je regarde comme une
véritable déclaration de guerre contre tous les intérêts de la
révolution, est adoptée, il n'y aura plus ni charte, ni liberté
pour la nation ; plus de défenseurs, plus Je garantie pour ses
droits et ses franchises; plus de sécurité peur personne ; alors
il ne manquera plus rien à l'accomplissement du système contre-
révolutionnaire qui nous menace; et bientôt les députés fidèles
à leurs mandats, seront. réduits à s'éloigner de cette scène de
destruction, et à déplorersol itai re filent les malheurs de la patrie.


L' un de MM. les commissaires clu Roi nous disait, d'un ton
solennel à la séance du 26, que nous avions à choisir entrele
parti de Cicéron et le parti de Marius et Catilina. Sans s'arrêter
à relever tonte l'inconvenance de ce mot , applitatu:f à CCUS. qui


(-(7loatlilisl itItotseiaitirlaeirpesroi.et .d,e loi .71:s.\r,recche,r,(l:e.r da van ta gbe,que
parti


dou t eux a


pi tpuirieifp::::1:10ii-nc;:na:...yl stl"ati, I pl opairo eaei oiln,uetoon


qui me parait mieux appropriée à notre situation actuelle, et la
elé,


se', J e vois d'un côté,
nation qui la repousse, et de l'autre


smatnrecilean;oip.creia:isléngaiiésp(a-iurcqui lasoutiennent. Mon choix n'est pasje me range au parti national , non parce que , 'y ren-que j'y trouve la justice et la vérité.
l‘lessieurs y la loi proposée attirera, au moins je le crains les




( 390 )
plus grands malheurs sur mon pays, sur son gouvernement, et
sur les hommes imprudens qui en sollicitent l'adoption. Je n'en
prendrai pas sur moi la terrible responsabilité. Profondément
convaincu que j'exprime ici le voeu de nies commettans , obéis-
sant d'ailleurs au sentiment le plus intime de l'honneur,


1-111 crile plus impérieux de ma conscience, je repousse de toutes mes
forces un projet aussi désastreux dans tous ses articles.


M. Corbière parle en fiiveur du projet de loi et de l'art.
3.er,pour lequel il vote.


M. R oyer-Collard prend la parole pour déclarer, comme
membre de la première commission, que le ministère n'a retiré-
le premier projet de loi, que parce qu'il était informé que la
majorité de cette commission rejetait ce projet ; que c'est donc
à tort que le ministère vient dire que si le premier projet a été
retiré, c'est parce qu'on n'a pas voulu qu'on mit la minorité
an-dessus de la majorité, et qu'on lui attribuât une partie des
élections, et qu'ainsi on l'a forcé à présenter un autre projet.


Le ministre des affaires étrangères nie que le ministère ait re-
tiré le premier projet pour en présenter un qui convint mieux
à la commission; que s'il en a été présenté un second, c'est parce
que le ministère savait que le premier serait rejeté; mais que le
premier était préférable.


M. Manuel. Le législateur d'un ancien peuple, voulant
faire sentir avec quelle circonspection il fallait procéder en ma-
tière de changement de lois, et quel immense assentiment était
nécessaire pour les autoriser , ordonna que quiconque voudrait
abolir une des vieilles lois , ou en établir une nouvelle, serait
tenu de se présenter au peuple la corde au cou afin que , (lit
Montaigne, en rapportant cc Lit, cc si la nouvelleté n'était ap-
ss prouvée d'un chacun , il serait incontinent étranglé. ,s Une
mesure aussi violente conviendrait peu à nos mœurs et à nos
besoins; mais remarquez , je vous prie, que si, conformément
à l'usage d'un peuple voisin, la ante du ministère était la suited'un proj


et de loi proposé et condamné, cette conséquence',
qui sans doute n'aurait rien de trop sévère, lorsque surtout le
changement: projeté tend à bouleverser une loi fondamentale,
dit suffi pour épargner à la France la discussion actuelle. Nous
ne verrions pas les mêmes ministres, qui se sont vus obligés de
:retirer honteusement une première proposition „nous appeler à
voter sur un second projet dont Ifs vues et les dangers sont plusgraves encore.


Mais le ministère ne tient aucun compte dela désapprobation
publique; il se moque des vives alarmes que ses projets ont ré-


( 391. )
pendues dans le royaume , alarmes long-tmps déniées , et qu'il
avoue enfin n'être que trop générales; et


e
l'on croirait entendre


ce patricien insolent, qui s'écriait, eu milieu du Forum : (c Tai-
sez-vous, Romains , j e sais mieux pie vous ce qui vous con-
vient !


» La majorité de la chambre voudrait-elle faire cette
réponse aux vaux que la 'France entière lui adresse? Les mi-
nistres y comptent , parce qu'ils ont. eu l'art de traire de leur


proje
t une question personnelle à cette majorité, de le lui


résenter comme l'unique garantie de la réélection de ceux qui
la composent.


L'assemblée constituante crut devoir s'exclure elle-même des-
prochaines élections; et. ce fut une faute, niais une faute géné-
reuse. Que dirait l'histoire d'une majorité qui changerait: les
lois de l'état, pour essayer de conquérir des suffrages qui lui
seraient refusés par l'opinion publique? Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'en portant une pareille question dans cette enceinte ,
le ministère a dé. s'attendre à la violence des débats qu'il a.
provoqués, et dont M. le ministre do l'intérieur témoigne sa
surprise et ses regrets. Après :Ivoi r jeté un brandon parmi nous,
doit-il donc s'étonner d'y voir éclater l'incendie? doit-il donc
s'étonner si, lancé lui-même au milieu de cette arène si téméraire-
ment ouverte, il n'y est pas M'abri des atteintes? Il est temps qu'il
apprenne que le machiavel isule est un poison corrosifqui ne blesse
pas moins la main qui le prépare que celui à qui on le destine. •


J'ai parlé du machiavélism e : comment ne pas être frappé
de celui. qui, depuis plusieurs mois, préside au conseil des mi-
nisires , quand on les voit spéculer d'abord sur la douleur pu-
blique, pour le succès d'un premier projet dirigé contre lis
charte et la loi d'élection, et bientôt spéculer sur reirroi général
que ce projet excite, pour en hasarder un second qui serait
encore plus funeste à toute véritable représentation? comment
ne pas eu être frappé lorsqu'on les entend exposer les prétendus
motifs de ce changement ? jAujourd'huiencore , le premier leur
parait mille fois préférable au second ; celui-là. seul portait le9
-véritables remèdes; celui-là seul fondait la représentation na-
tionale comme elle doit l'être pour consolider le trône et la li-
berté. Pourquoi donc a-t-il été retiré avant que la chambre eêt
été appelée à exprimer son voeu ? C'est, nous dit-on , parce quo


les adversaires du projet ont fait éclater d'avance leur désap-
probation, parce qu'ils l'ont frappé d'anathilme avec une vio-lence qui en a rendu impossible la discussion solennelle. Mais
le second projet a-t-il été moins anathématisé; moins violem-
men.t repoussé? Pourquoi donc nous est-il soumis'? C'est parce




( 3 92 )
qu'il finit savoir dédaigner les opinions toujours moIntes ,s'élever


au x
véritables principes de la représentation. Ainsi


;en retirant le premier projet, les ministres ont sacrifié , disen
t.ils, les p. rincipes à l'opinion, et c'est pour défendre les prin..


capes contre des opinions toujours mobiles, qu'il soutiennen
tle second. Et en résultat, la seule concession qu'ils aient faiteà la d ésapprobation générale qui a accueilli le premier, (j 'a étéde conserver et d'augmenter tout ce qu'il avait de dangereux,


et d'en supprimer ton ce qui pouvaitofiiirquelque compensation
à tant de dangers.


Tl vous souvient, messieurs, que le projet de loi qui vous
avait d'abord été soumis, proposait, tout cantine le projet actuel,
un double collége'; mais il vous souvient aussi qu'il avait ac-
cordé exclusivement aux colléges d 'a rrondissement la nomina-tion directe de deux cent ci nquante-huit députés composantla chambre actuelle. Il n


'attribuait aux colléges de départementque le choix du supplémen t
de députés qu'il proposait de créer;


en second lieu, ces colléges de département ne se formaientpas de plein droit ; d'après la fo
' ruine des électeurs , on lestaisait élire par les colléges d'arrondissement eux-mêmes.


C'est de cette double circonstance que le ministère arguinen,-
tait pour repousser de son projet les objections qui se présentent
aujourd'hu i;


et Vous allez juger jusqu'à quel point, d'avance,
ils'est accablé lui-même. (c La loi des élections applique dans le


sens le plus étendu les termes de la charte. Elle a reconnu
)) pour électeurs immédiats tous ceux qui se trouvaient désignés


• » cousine
i pouvant le devenir. Cette extension législative est de-» venue irrévocable. Les droits sont acquis; mais ces droitsn doivent-ils être coordonnés de manière à faire sortir de l'ex-


» trême égalité le triomphe d'une opinion et l'exclusion detoutes les autres? L 'augmentation numérique de la chambre-
» des députés promet de m énager de nouvelles chances à la» haute propriété,


sans porter atteinte aux droits généraux
» dès électeurs actuels, et


en cherchant seulement à soustraire» l'exercice de ces droits à l'influence des fictions.
L'exposé continue en ces farines: cc Aux yeux de tout ami


» éclairé de la liberté, aucune partie de la société ne doit être» sacrifiée au triomphe d'une autre. L
'annulation politique, des


» grands contribuables serait un contre-sens social , et non pas
» une garantie constitutionnelle ; mais la juste part d.'influence
n qu'ils out


besoin d'obtenir,
ne doit dtre ni un privilége


.fonde:» sur la,
fortune, ni une dérogatiOn aux droits acquis des élec-» leurs. Da7iS cette doriblc intention , messieurs, le projet


:*1


( 3 93 )
» continue d'attribuer la nomination du nombre actuel des dé-
» putes à la totalité des électeurs payant cent écus, et divisas
» par arrondissement, qui , chacun , élisent un député. Les
» autres choix nécessaires pour compléter ce nombre de quatre
» cent trente, auquel sera portée la chambre, seront faits par
» les collèges de département , d'après le tableau ci-joint. Ces
» collèges se composeront d'électeurs pavant mille francs, et
» délégués par les collèges d'arrondissement , d'après un
» scrutin de liste qui se fera concurremment à l'élection des
» députés d'arrondissement ; ainsi la haute propriété ne tiendra
,, le droit qui lui est confiré que de l'assentiment des électeurs
D, moins imposés ; ainsi le collée de département émanera


.)) des colléges d'arrondissement; ainsi une déférence mutuelle,
» un besoin réciproque rapprocheront tous les électeurs. La
D) grande propriété ne sera point une prérogative, car elle aura
» besoin d'une élection, pour ét•e un droit.


.
Vous l'avez entendu , messieurs, tous les électeurs payant


cent écus ont des droits acquis pour procéder directement à la
nomination des deux cent cinquante-huit députés. Ces droits
sont irrévocables. En second lieu , il faut prêter appui à la
grande propriété ; niais cet appui serait un véritable privilége
eu préjudice des droits acquis à la masse des électeurs, si le
collège de département n'était pas leur propre ouvrage , si ce
bcoultliéogieis.était formé de plein droit d'après le taux des contri-


Rapprochez maintenant de cette double •proposition , si clai-
rement, si formellement énoncée, les bases du projet actiuel, et
demandez-vous si enlever à. la masse des électeurs le droit d'élire
directement un seul des deux cent cinquante-huit députés dont
la chambre se compose, et attribuer cette élection à un collège
spécial formé de plein droit par les plus riches parmi ces élec-
teurs, cc n'est pas, d'après le ministère lui-même, porter at-
teinte à des droits acquis par la charte, et établir un véritable
privilége? Je l'avouerai, messieurs , ce témoignage du *minis-
tère n'était pas nécessaire pour me convaincre que le nouveau
proj et tend à titre consacrer la violation la plus grave et la plus
formelle du pacte fondamental sur lequel reposent et les droits
de la couronne , et les droits des citoyens, et les attributions
da pouvoir jusqu'à ; mais il nie semble que ce témoignage est
fait uirésoudre tous les doutes chez un hmo e de bonne foi.
La lumière doit frapper tous les esprits lorsqu'elle vient de ceux-


le qui


présent out cherché à les égarer. (Bravos à




( 394 )
Puisque, d'après l'aveu même du ministère actuel, le projet


porte atteinte aux droits acquis par la charte, et qu'il établit,
fàveur de certains électeurs, un privilège que la charte ne


rceconnalt pas, et que par conséquent elle repousse , il y a donc
violation de la charte. Or, les ministres vous sollicitent de la
respecter jusque dans ses moindres syllabes; ils avouent que
vous devez rejeter tout projet qui blesserait la moindre de ses
dispositions. Qu'attendent-ils donc pour le retirer, s'ils sont de
bonne foi ? Je vole pour le rejet. (Une longue et vive agitation
succède à l'improvisation de M. Manuel.)


M. de Puymaurin a la parole. ( Vif mouvement dans les tri-
bunes.) L'orateur s'attache à prouver qu'il fàut surtout redouter
l'influence industrielle, et que l'aristocratie est passée dans les
comptoirs. Il vote pour l'article r . er ( Son discours excite plu-
sieurs fois le rire de la chambre.)


Voix d droite et au centre: La clôture! la clôture!.. ( Vive
opposition à gauche. ) M. Bédoch s'y oppose, et demande la
continuation de la discussion jusqu'à la fin de cette 'séance.
M. Foy, de sa place : Et au-delà, et au-delà. On demande de
nouveau la clôture. M. Benjamin-Constant demande que la-discussion soit continuée.


.M. Cornet-el'incourt demande la
clôture do la discussion Sur l'article


(Un grand nombrede voix : Oui ! oui! la. clôture'
Vive opposition à gauche. )


M. le général Foy. Il est de fuit que vous ne pouvez fermer
la discussion sur l'article 1.", car elle n'est pas commencée.
Depuis quo vous discutez l'article 1. er , qu'avez-vous entendu?


fi
la queue de la discussion générale




( On rit beaucoup. Une
nale de voix : C'est vrai! ) Vous avez entendu de longs et im-


portuns discours qui tenaient à la discussion .!,énérale, et nul-lement à l'article er .....
( M. Demarcay : M. de Puvmaurin


par exemple ! ) Qu'avez-vous à faire? Îl s'agit maintenant Au-
vrir _réellement sur l'article 1 . er une discussion vive, active,
serrée, où la réponse s'attaque avec rapidité à l'objection qui
aura précédé. Vous avez à discuter les amendemens, les sous-
amendemens, et ensuite reviendra solennellement et forcément
la discussion de l'article . er lui-même. Il n'y a donc pas lieu à
fermer la discussion, mais à l'ouvrir et à la régulariser. Mais,
chose étonnante! il v a quinze minutes, personne ne paraissait
songer à demander la clôture; serait-ce donc le discours dé
M. de Puymaurin qui aurait tout-à-coup répandu une assez vive
lumière?..... ( Ou rit de toutes parts. ) Dans ce cas, je le félici-.
terai bien vivement de son succès.


M. le président. Si la chambre ferme cette discussion, je


( 395 )
remettrai sous les yeux les amendemens et. sons-amendemens.,


1)
.


pu le texte de l'article lui-môme ( Mouvement général
,


ci ) Un grand nombre de voix:
Oui: oui ! oui! c'est


cela !M. Demarçay demande la parole; on crie aux voix; il in-
siste. S'il est convenu, dit-il, quo l'on reviendra sur l'article
je n'hésite pas; mais je ne consens à la clôture, que s'il est bien
entendu qu'après les amendemens l'article lui-même sera de
nouveau discuté..... ( Voix à droite : Sans doute, au moment
de le mettre aux voix ; cela ne peut pas être autrement!) Le pré-
sident se dispose à mettre aux voix la clôture. M. le général
Foy: Un moment!.... La clôture de quoi ? le président. La
clôture de ce que vous avez appelé vous-même la queue de la
discussion générale. On demande de toutes parts à aller aux.
voix, La chambre ferme la discussion générale sur l'article 1."
à la presque unanimité.


Le président rappelle les amendemens imprimés et distribués
de MM. Delaunay de l'Orne et Mestadier. 11 annonce que dans
cette séance même, M. Camille-Jordan a déposé sur le bureau
un amendement ainsi conçu : a (laque département se divise
en autant de collèges d'arrondissemens qu'il y a de députés à
nommer. Chacun de ces collèges électoraux darrondissemens
sera composé de tous les électeurs ayant trente ans et payant
trois cents francs de contributions. Chaque arrondissement nom-
mera directement un député. D> Le président fait observer à la
chambre qu'elle avait à examiner si les articles de MM. Delaunay
de l'Orne et Mestudier pouvaient être considérés par elle comme
des amendemens au projet, ou s'ils devaient être considérés
comme des projets nouveaux; et que si elle n'y voyait que
des propositions tout-à-fait nouvelles, elle aurait à décider
si elle accorderait la priorité de discussion au projet de loi
P résenté: par le gouvernement. ( l'ive agitation à gauche. )
C'est à la chambre à -voir de quelle manière elle doit considérer
les propositions qui lui sont faites Casimir-Verrier
et un gr,:nd nombre de voix de la gauche : Comme des amen-
demens!


M. Delaunay, de l'Orne, monte à la tribune. M. de Saint-
Aulaire demande la priorité de discussion pour l'amendement
de M. Camiile-Jordan. M. le président •'ait observer que
M. Delaunay , de l'Orne, demande à établir que sa proposition
est un v éritable amendement , et il demande à le développer..,


oix d gauche : Cela n'est pas contesté !... ( Une explication
b'


engage à la tribune entre M. de Saint-Aulaire et M. De-




( 396 )
launay.... Une très-vive agitation règne dans l'assemblée. )


gauche : Pourquoi cette difficulté sur les amendemens?
personne ne conteste


le président. J'ai dû présenter
cette difficulté à la chambre, parce qu'il est de mon devoir de
la consulter sur l'ordre de la délibération , et parce que je n'ai
pas reconnu queCe que l'on dit n'être point contesté, dit en effet
un assentiment universel.... ( Violente agitation à gauche. )Courvoisier. Le mode de délibération que M. le président
tente d'introduire est contraire à tous nos précédens; il viole
tous nos usages ; il renverse toutes nos règles. M. le président
NOUS expose que divers amendemens ont été


remis sur le bureau ;
il pense que ces propositions, et surtout celles de M. Camille-
Jordan, forment des projets de lois et des amendemens au projet
de loi ; il donne la parole à M. Delaunay, non pour discuter sa
proposition , mais pour prouver, contre l'assertion de M. le pré-
sident, que c'est un amendement au projet de loi et non un
projet de loi qu'il soumet à la chambre. Voilà l'assertion dont
on vous frappe, le-principe dont on vous lie : or, voici la con-
séquence qu'on vous prépare. La chambre peut amender un
projet de loi ; mais il faut d'autres formes pour une proposition
de Ce n'est pas un amendement, c'est un projet de loi qu'on
vous propose. Vous ne pouvez l'examiner au fond, sans en avoir
pesé la forme ; vous déciderez d'abord s'il y a lieu de le rejeter
par !a forme, sans même en examiner le fond ; de la sorte, M. le
président élève devant vous une question préjudicielle. Ce
n'est pas ainsi que nous avons agi jusqu'à ce jour et que nous •
devons aujourd'hui procéder.


Benoist. M. Courvoisier ne vient pas de vous présenter
un autre avis que celui de M. le président. ( Vif mouvement
à gauche. ) Des articles ont été distribués; un article a été déposé
sur le bureau. Sont-ce des amendemens? sont-ce des proposi-
tions tout-à-fait nouvelles ? Telle est la seule question; si ce
sont des amendemens, on les discutera; si ce sont des proposi-
tions nouvelles, on ne peut s'en occuper.... M. Casimir-Per-lier : Mais il 't a une question de priorité s


Benoist : La
priorité est aux articles distribués; M. le président a (bit ce
qui s'est fait toujours. M. de Saint- Aulai re : J'insiste pour de-
mander la priorité en faveur de l'amendement de M. Camille-
Jordan.... M. Benoist : Il n'est pas présenté, il n'est que dé-
posé sur le bureau!... M. rie Saint-Aulaire : Je demande à mo-
tiver cet avis.... M. Benoist : Quels sont ces amendemens?.:..
nous ne les avons pas sous les yeux.


de Saint-Aulaire : Ce
- n'est pas à M. Benoist que j'ai l'honneur de parler ; je m'adresse


( 397 )
a la chambre.... M. Benoist : La chambre a ses us. ages... Voix
d droite : La parole est A M. Delaunay... (Une longue et très-
vive agitation règne dans l'assemblée. )


M. le président. J'ai accordé la parole à M. Delaunay de
t'Orne,. qui demande à développer sa proposition , et à établir
qu'elle doit être considérée comme un amendement. ( Nou-
veau mouvement à gauche. — MM. Perreari et Martin de
Gray : Mais personne. ne le combat; il ne peut y avoir de
difficulté:) Il s'agit de déterminer l'ordre de la parole; mais la
chambre ne .connalt l'amendement de M. Camille-Jordan que
par la lecture que je lui en ai faite. Il semble naturel d'entendre
d'abord M. Delaunay ; on entendra ensuite M. Camille-Jordan,
et la chambre pourra se décider sur la question de priorité. ( Un
mouvement général d'adhésion se manifeste dans toutes les
parties de la salle. — Un grand silence se rétablit. )


M. Delaunay ( de l'Orne ) développe son amendement, qui
a pour but de diviser le corps électoral en deux collèges formés
d'un nombre égal d'électeurs, en leur attribuant des droits par-
faitement égaux. Chacun de ces colléges nommerait la moitié
des députés que le département aurait à élire, sur des listes
doubles de candidats que les collèges se présenteraient respec-
tivement; puis il ajoute :


Si, dans l'état actuel des choses, les contribuables payant
de trois cents à cinq cents francs peuvent priver les grands con-
tribuables de toute influence dans les élections, on remédierait
efficacement à cet inconvénient, en formant l'un des deux col-
lèges de la moitié des électeurs les moins imposés; la seconde
moitié des électeurs composerait l'autre collège. Par cette com-
position des deux collèges jouissant de droits absolument
égaux, on n'accorderait aucun avantage comme supériorité à
aucune classe d'électeurs sur les autres; le taux de l'impôt payé
par chacun d'eux ne servirait qu'à lui désigner le collège auquel
il appartiendrait.


Par les amendemens que je proposé on conserve à tous les
électeurs des droits égaux ; l'esprit ni la lettre de la charte ne
seraient blessés. Il n'y aurait rien absolument dans la division
des deux collèges opérée d'après la quotité du cens payé
par chaque électeur, qui prit offenser la susceptibilité la plus
scrupuleuse.


Par l'effet des amendemens que je propose, la grande pro-
priété aurait dans les élections la portion d'influence qu'elle
doit avoir ; la moyenne propriété conserverait aussi la sienne




( 398 )
dans une juste proportion. Tous les intérêts seraient donc éga.:Imitent protégés et représentés.


L'obligation imposée à chacun des deux collèges de se pré-
senter respectivement des candidats , et de ne pouvoir choisir les
députés que parmi ces candidats, empêcherait les choix d'en-
thousiasme qui pourraient n'étire que le fruit de l'intrigue. On
ne verrait plus comme on l'a vu à diverses époques de la révolu-
tion, des députés élus qui, le lendemain ou quelques heures
après leur nomination, n'auraient pas été choisis; la double
épreuve à laquelle l'élection serait assujettie garantirait davan-
tage la maturité et la bonté des choix, sans avoir à craindre,
comme par le projet, l'influence dominante d'un parti.


Si mes amendemens étaient au contraire écartés et qu'il n'en
fa pas adopté d'autres propres à atteindre le même but, je


'vo-
tera is le rejet de l'article z . er du projet.


M. Camille•3ordan exprime le desir d'être entendu le len-
demain. La séance est levée.


Séance du 3o niai.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur
le projet de loi relatif aux élections. Le président. donne lecture
de l'amendement de M. Camille-Jordan , qui tend à faire nom-
mer directement les députés par les colléges d'arrondissemens
formés en nombre égal aux députés à /m'aimer. ( Un grand si-
lence succède à une vive sensation. )


M. Camille-Jordan. Messieurs, j'ai die examiner, juger par
moi-même le projet de loi avec l'indépendance la plus entière;
et plus je l'ai examiné, plus j'ai été frappé des vices dont il
abonde. J'y ai e a tout notre système électoral bouleversé de la
manière la plus bizarre. Les quatre cinquièmes des électeurs
dépouillés de leurs droits acquis, réduits à une vaine et dérisoire
présentation de candidats ; l'élection véritable transportée à un
petit nombre des plus imposés, sans aucun motif qui justifie un
si choquant privilège ; la charte violée dans ses dispositions fon-
damentales, qui règlent et l'uniformité du cens, et: l'égalité du
suffrage ; l'essence du gouvernement représentatif profondé-
ment atteinte par Ces dispositions artificieuses , qui consacrent
l'habituelle prédominance du voeu de la minorité sur celui de la
majorité ; le triomphe électoral préparé surtout pour la mino- .
rité de 1815, mise à portée de fausser davantage encore l'ins-
trument législatif, d'envahir successivement tous les droits des •
citoyens, de paralyser la prérogative royale elle-même; les


( 399 )
éjections annuelles ainsi transformées en un grand et pério-
dique outrage à la nation entière ï tout ce qui peut aigrir, alié-
ner l'opinion d'un peuple généreux; un proj et, en un mot, le
plus imprudent , le plus funeste peut-être qui ait jamais pu
pénét rer dans les conseils des rois , depuis ces conseils de dé-plorable mémoire qui entourèrent et perdirent la race infor-
tunée des Stuart.


Mais en adoptant une opinion si sévère, je n'ai point cessé de
penser d'ailleurs, avec plusieurs de mes honorables amis, que
le rejet des principales dispositions du projet n'entraînait point
nécessairement celui de toute autre réforme dans notre système
électoral, qui en respecterait les principes fondamentaux déri-
vant de la charte elle-même , je veux dire l'élection directe et
l'égalité des suffrages. J'ai acquis , au contraire, la conviction
gué, dans les circonstances critiques où nous sommas placés, ildevenait urgent d'adopter quelques-unes de ces modifications,
pour remédier à des abus réels, pour calmer des craintes exa-
gérées, niais respectables, pour donner au gouvernement un
gage de nos dispositions conciliatrices, pour aider à rallier, au
sein de cette chambre, des opinions malheureusement diver-
gentes.( L'orateur examine si son amendement est. une proposition
ou un simple amendement ; puis il passe aux motifs de son
amendement. )


Quels sont en effet, , les griefs le plus fréquemment al-
légués contre la loi du 5 février, ceux-là surtout qui nous ont
été dénoncés par les orateurs du gouvernement , dans le cours
de cette discussion, qui paraissent avoir servi de fondement à
leur projet de loi? On n'accuse point précisément les disposi-
tions personnelles de quatre-vingt mille électeurs , l'élite de la
France; mais on accuse les fausses combinaisons des rassemble-
mens électoraux, qui paralysent ou dénaturent l'expression de
leurs plus honorables scntimens. Ainsi on se plaint surtout de
l'absence d'un grand nombre d'électeurs, déterminée par leur
éloignement du chef-lieu , par la perspective de l'inutilité de
leur vote. Et voilà pourquoi il faut, dit-on, les mettre plus à
portée de voter, rendre leur vote plus efficace. Voilà l'un des
motifs allégués du système nouveau de la candidature. Eh bien,
ce système de l'amendement qui fractionne le collège en autant
de collèges d'arrondissemens qu'il y a de députés à nommer, ne
''a-t-il pas pourvoir à ce genre d'abus? ne va-t-il pas y pour-
voir d'une manière bien plus efficace encore, car, cri rappro-
chant également de l'électeur le lieu du vote, il l'excite bien




(4oa)
plus vivement à s'y rendre? Quelle différence entre venir
courir à une élection directe et réelle, ou à une présentation de,
candidature si habituellement stérile et dérisoire !


Ainsi encore on a beaucoup insisté sur l'inconvénient de.
niasses électorales comme offrant une prise trop facile à l'esprit
d'opposition et d'intrigue, comme laissant trop peu d'empire à
l'honorable influence des individus , aux légitimes influences du
gouvernement : c'est le texte de la plupart des discours dirigés
contre la loi : qu'on se rappelle eu particulier cedx de M. de
-Villèle. Eh bien , dans le système de l'amendement cet incon-'..q
vénient va disparaître aussi ; les suasses seront disséminées ,
intrigues centrales déjouées, les influences légitimes rétablies.


On avait aussi amèrement dénoncé le despotisme du delieu
comme attirant lui seul presque toute l'élection, comme privant
les arrondissemens de leur participation à la représentation na-
tionale. Eh bien, aussi dans le système de l'amendement, vo:là
ce despotisme détruit , les arrondissemens remis en possession
de leurs droits , tous les intérêts locaux assurés d'être fidèle-
ment représentés et défendus.


On avait justement observé que dans l'élection unique , sous
l'empire d'une majorité constante , c'était toujours une seule
opinion qui prévalait ,-et qu'il était utile cependant que des opi-
nions diverses pussent obtenir leur représentation. Eh bien,
dans le système de l'amendement, des chances nouvelles de succès
seront ouvertes à ces opinions diverses. Nul doute en particulier
Glue les opinions de la droite ne pussent se ménager au sein des
arrondissemens un plus facile accès ; mais elles n'y triompheront
cependant que dans des proportions mesurées par des voeux ré-
guliers de majorité, sans aucun préjudice pour la chose publique;
et quand en effet des députés de la droite nous reviendront par
cette porte, loin de nous en affliger, nous nous en réjouirons ,
nous aimerons à nous retrouver en présence de ces nobles adver-
saires, à profiter de leurs contradictions lumineuses. E t


qui plus
que nous souhaite les voir occuper au milieu de nos institutions
cette place honorable qui leur est assignée, qu'il dépend d'eux
d'agrandir encore aussitôt qu'ils voudront se rallier aux intérêts
nouveaux avec une entière franchise?


Enfin, l'une des plus fortes, des plus légitimes critiques diri-
gées contre l'élection unique, c'est pour la nomination de plu-
sieurs députés à la fois ; le scrutin de liste devenant inévitable,
les premiers candidats étaient trop souvent les seuls dont la no-
mination flet soignée, voulue par la majorité dominante, tandis
que les autres candidats n'arrivaient à être placés sur la liste


( 4" )
.,,,obtenaient la députation que par des transactions de parti ,
var des intrigues de minorité , par la lassitude et l'indifférence•
àes . v o tans. Or, l'amendement encore ne faisant partout nom-
nier qu'un député dans chaque assemblée, fait partout dispa-,
raître le scrutin de liste et les abus; donnera partout des députés.
„éri tablement choisis par la majorité , placés dans un rapport:
plus direct et plus intime avec ceux qui les auront élus.


J'ajoute : tan t d'a vantages précieux seront obtenus sans qu'aii7,
cun principe soit sacrifié ; car , vous le voyez , toutes les bases
fondamentales de la loi du 5 février, l'élection directe , l'égalité
de suffrage sont maintenues ; toutes les objections au projet de
loi sont écoutées. Plus de violation de la charte; plus d'atteinte
à l'essence du gouvernement représentatif; plus de honteux
artifices pour faire prédominer le voeu de la minorité; plus
d'odieuses spoliations exercées sur les quatre cinquièmes des
électeurs au profit d'un petit nombre de privilégiés. Les droits
anciens de chaque électeur seraient même plutôt étendus que
restreints; par une participation plus directe à l'élection ;


du suffrage deviendra plus rigoureuse à sou tour dans une
répartition plus égale des arrondissemens électoraux. Je dis en-
fin : un tel changement ne sera pas seulement utile , mais il sera
agréable , il sera accepté avec reconnaissance par la majorité
des Français ; les intérêts locaux seront partout flattés de se
voir appelés à être spécialement représentés et défendus. Or ,
quel avantage inestimable qu'une réformation touchant à une
loi si populaire , soit elle-même populaire ! qu'en corrigeant
ses principaux abus , au lieu d'aigrir l'opinion , on parvienne à
la contenter, à la calmer !


( L'orateur examine ensuite son amendement clans son rapport
avec la divergence des opinions dans la chambre et qu'il croit
propre à concilier ; et après avoir parlé des .conséquences de la
loi proposée , il termine ainsi :


Telles seraient , messieurs , les conséquences de la loi ; c'est
.iinsi qu'en l'adoptant il ne resterait plus qu'à graver sur les
Fortes de ce temple des lois , la terrible inscription du Dante :
Vous qui entrez ici, déposez l'espérance. Mais il en est temps
encore : engagés dans celte route funeste, vous pouvez cher-
cher une


proposé vous
honorable issue ; vous devez l'invoquer : l'amende-


ment


les
l'attache


s la présente 3 venez vous y rallier à la voix
on suspecte de vos anciens amis , ceux qui ont fait avec vous


glorieuses campagnes de 1815 et 1 816 , dont vous connaissez
ment à tous les principes de la monarchie, qui n'ont


26




( 402 )
pas plus que vous l'envie de devenir le jouet et la proie des
factions révolutionnaires.


Si les ministres veulent entendre avec vous cet honorable
appel , avec quel empressement ils seront accueillis dans nos
rangs ! mais s'ils y demeurent insensibles, si, après avoir si
souvent changé de projets et de vues dans ces derniers temps,
ils ne retrduvent de la persévérance que pour s'obstiner dans la
plus déplorable des erreurs, qu'ils soient alors abandonnés par
vous et par nous, qu'ils courent seuls à. leur perte nous sac.
vons une patrie si chère, en écartant le projet qui la menace,
par l'amendement proposé. Je vote pour son adoption , et si je
n'ai point la fOrce de revenir le défendre à cette tribune, je le
confie à la garde spéciale de mes éloquens et honorables amis.


(Une longue et vive agitation succède à l'improvisation de
M. Camille-Jordan. ) Le président met aux voix la question de
priorité demandée pour l'amendement de M. Camille-Jordan
sur celui de M. Delaunay. Toute la gauche et une grande partie
du centre de gauche, quelques membres isolés du centre droit se
lèvent. — A la contre-épreuve , la droite se lève avec le centre
droit et une partie du centre de gauche. Une voix générale
s'élève d ,franche : L'appel nominal! l'appel nominal' Voix
de toutes parts : Oui ! oui ! l'appel nominal. —On procèdeâ
l'appel nominal.


Au moment Même du réappel , la porte latérale de gauche
s'ouvre, et M. de Chauvelin, soutenu par deux députés, s'a-
vance vers un fauteuil placé dans un couloir, et s'y assied. Il est
informé par ses collègues de l'état de la question, et demande à
voter : il se dispose à se faire soutenir pour monter à la tribune...
Une voix ,9,-énérale s'élève : Non! non !... donnez d es bo u les
présentez les urnes à M. de Chauvelin !... Un secrétaire descend
de la tribune avec les huissiers porteurs des urnes. Le secrétaire
remet les boules à M. de Chauvelin , qui dépose son vote......
Une vive agitation règne clans la chambre pendant ce mouvement.


La priorité est accordée à la proposition de M. Ca mille-Jordan,
à la majorité d'une voix... Le mouvement le plus vif éclate à
Igauche et dans quelques tribunes. Un grand nombre de mem-res de la gauche quittent leurs places e


.
t se pressent autour de


M. de Chauvelin.... Après quelques momens d'interruption, le
garde-des-sceaux demande à être entendu. Tous les membres
reprennent leur place : le plus profond silence s'établit


Le garde-des-sceaux , dans un discours improvisé, analyse le
projet de loi , qu'il défend contre les attaques qui ont été diri-
gées contre lui, et il établit l'insuffisance de l'amendement de


'( 403 )
Camille-Jorcian, contre l'influence d'un seul parti . sûr les


élections faites dans le système de la loi du 5 février é 17. Il
lermine en rappelant les dispositions du premier projet présenté;
il rappelle comment il a été repoussé, et il établit que, dans
ces deux projets, le gouvernement, loin de céder à l'influence
-d'aucun parti , n'avait eu en vue que la nécessité de soustraire
les élections à une domination exclusive, et d'obtenir la repré-
sentation la plus également répartie , pour la conservation et la
garantie de tous les intérets anciens et nouveaux.


M. le général Foy monte vivement à la tribune... M. Lacroi x-
Frainville étant le premier inscrit , y monte en même temps...
M. le général Foy insiste... Un grand nombre de voix à droite:
Le règlement ! le règlement !... Voix d gauche : La parole au
général Foy! Voix à droite Le réglement ! le règlement !


de Chauvelin, de son fauteuil : Consultez l'assemblée'. je
demande aussi le réglement! M. le général Foy descend de la
tribune... Le silence se rétablit.


M. Lacroix-Frainville parle contre le projet de loi , comme
tendant à favoriser l'aristocratie, et il appuie l'amendement de
M. Camille-Jordan , pour lequel il vote. ( Vif mouvement
d'adhésion à gauche. )


La délibération est continuée au lendemain, et la séance
levée à six heures.


Séance du 31 mai.


La discussion se rétablit immédiatement sur l'amendement
de M. Camille-Jordan à l'art. . er du projet de loi.


M. Lainé combat Cet amendement, qu'il appelle la loi de
M. Camille-Jordan, comme contraire è la loi proposée, et
portant atteinte à l'initiative royale , le Roi ayant seul le droit
de proposer des lois. L'amendement proposé , dit-il, rendrait
inutile toute délibération non-seulement sur l'art. I . er , mais
sur les cinq qui suivent.


M. Courvoisier défend l'amendement, et reproduit contre le
pdreonjeotu(,,lealuoi olefs alerp;.taimens dont on s'est déjà servi. Il l'attaque


rapport de favoriser l'aristocratie.
On nous disait. récemment , ajoute-t-il , que les classes privi-


légiées s'étaient associées aux progrès du temps , et qu'elles
avaient provoqué, de concert avec le peuple, les institutions
libérales , qu'aussitêt après on dirigea contre elles : il est vrai
Welles ont provoqué la révolution ; mais cc ne fut pas pour




1


I


( 404 )
obéir aux progrès du siècle ; ce fut pour abaisser l'autorité
royale à leur profit.


Amenée sur un champ de bataille où l'on resta posté contre
elle, la classe moyenne mesura ses forces; mais ces bras, dont
les premiers effets furent si funestes, les solda-t-on de ses tré-
sors , les rassembla-t-on par ses complots? Accuser la garde na-
tionale de Paris d'avoir aidé , par ses voeux ou par son concours,
aux horreurs dont la révolution nous a souillés !... ( Des cris
éclatent de droite et du centre de droite : Quia dit cela.? nom-
mez ! nommez !... ) M. de la Bourdonnaye monte à la tribune,
puis en descend après une observation de M. le président.
L'orateur veut parler. (Nouveaux murmures ; très-vive agita-
t oin. ) M. de la Bourdonnaye demande le rappel à l'ordre.


M. le président. Vous avez la parole. ( Le calme se rétablit;
niais le tumulte recommence quand M. de la Bourdonnaye
qu'il somme M. Courvoisier de nommer ceux qui ont proféré
cette accusation, ou demande qu'il soit rappelé à l'ordre. L'o-
rateur reprend... (Le tumulte couvre sa voix. ) A gauche : Si-
lence! continuez! MM. Cornet-d'Incourt et Kératry deman dent
la parole. MM. de Puymaurin, Auran de Pierrefeu , Maccar-
thy et autres, se lèvent et parlent avec force. III. le général
Foy: Je demande la parole. M. le président observe qu'il est
impossible de délibérer de la sorte; que l'on doit entendre l'ex.
pl ication de M. Courvoisier. ( Nouveau tumulte. ) Au centre de
droite : Oui ! oui ! A droite: Il faut une rétractation !


Cornet-d'I,zcourt. Messieurs, il faut que la rétractation
soit clairement établie. On avait accusé plusieurs membres de
la chambre d'avoir calomnié la garde nationale dé Paris. Il ré-
sulte de l'explication donnée par M. le président, et approuvée
par M. Courvoisier, qu'il n'a point entendu dire qu'aucun
membre eût calomnié la garde nationale de Paris ; en consé-
quence, nous déclarons que nous sommes satisfaits. A ga.ucke :
Non! non: ce n'est pas cela ! Plusieurs -voix: Il n'y a pas de ré-
tractation à faire ! le général Foy : Je demandé la parole.
M. le général Foy et M. Kératry montent à la tribune.
M. Courvoisier les engage à descendre. Plusieurs voix: Consul-
tez la chambre !


L'orateur continue son discours, et s'attache à prouver qu'il
n'y a pas de révolution à.craindre de la part des colléges actuels,
et réfute les opinions du garde-des-sceaux.


M. de Villèle combat * l'amendement, sous le rapport qu'il
est un nouveau projet de loi , et qu'il aurait tous les vices re-
prochés au projet de loi. Toute modification à la loi du 5


( 4o5 )
vrier, dit-il, qui n'augmenterait pas l'influence de la propriété
sur nos élections, ne sera qu'un palliatif insuffisant au mal qui
nous travaille. Cette vérité a pour elle tant d'autorité et dans le
passé et dans le présent, et clans la théorie et dans l'expérience ;
• elle est si peu contestable, que, pour la repousser, on n'a d'autre


moyen que de s'adresser aux passions. Je vote contre l'amen-
deMent. (Vivement appuyé à droite. )


M. de Saint-Aielaire. L'amendement de M. Camille-Jordan
n'est point une proposition nouvelle , puisqu'il n'introduit rien
de nouveau dans l'article 3. er ; il ne lui est point étranger, puis-
qu'il adopte une des deux dispositions de cet article ; il ne blesse
point la prérogative de l'initiative royale. Et quand la blesse-
r
rait-il? Serait-ce quand il accepte le fractionnement des col-
lées, proposé par le Roi? Non sans doute. Serait-ce quand il
repousse la hiérarchie entre les collèges? Mais le droit, que
dis-je ! le devoir pour nous de repousser une proposition fil,
3-leste n'est pas encore contesté. Nous pourrions donc, et sans
faire injure à la prérogative royale, repousser l'art. i.er tout
entier ; nous pouvons également rej eter une des deux disposi-
tions de cet article, si celle-là Seulement nous paraît funeste.


Le fractionnement des colléges est une mesure bienfaisante ;
il nous assure le concours d'un plus grand nombre d'électeurs,
l'influence plus grande de l'esprit (le localité; qui peut être
opposé si utilement à l'influence de l'esprit de faction. La réa-
lité de ces avantages n'a été contestée par personne; mais on a
contesté leur efficacité, pour détruire tous les vices reprochés à
la loi de 181 7 . On pense que cet amendement ne pénètre pas-
assez profondément pour extirper les racines du mal ; j'ose en
porter un autre jugement._


En appuyant l'amendement, l'orateur s'attache à réfuter le
garde-des-sceaux sur ce qu'il a dit que la loi de 181 7 était une
loi d'exclusion pour certaines opinions, et le rapporteur sur ce
qu'il a dit que cette loi n'était pas assez aristocratique.


Le ministre des affaires étrangères, ajoute-t-il , me faisant


plus
naissais les


eul7etn


encore l'honneur de s'adresser à moi, ajoutait que si je con-
auteurs projet de loiactuel , je croirais leur devoir


Pasquier, de sa place :Vous répondez à ce que je n'ai


jPeasn:


rs j'ai dit que si vous aviez sous les yeux les noms des au-
teudu projet de loi qui fut conçu en l'an ro, vous ne diriez
pas que ce sont des hommes sans -lumières, sans capacité; mais


pas parlé du projet actuel.
L'orateur reprend : Le projet conçu en l'an io n'a aucun




(
rapport au projet actuel , comme je crois l'avoir démontré ; et
depuis que M. Royer-Collard nous a appris, dans une des
dernières séances, que M. Clauzel de Coussergues était le pre-
mier auteur du projet actuel, j'avoue que je ne me suis pas senti
plus qu'auparavant disposé à l'adopter sur parole.Quoi qu it en soit, messieurs, il est constant que la nation
s'effraie, et doit s'effrayer, quand on propose de confier le droit
de faire des lois, c'est-à-dire de modifier les intérêts, aux
hommes qui ont des intérêts opposés à ceux nés de la ré-
volution; je ne veux pas dire cependant qu'une chambre com-
posée en majorité d'hom unes dépouille., par des confiscations
cruelles, portât atteinte aux ventes nationales. J'ai, au con-
traire , la confiance que les hommes , avertis sur leur intérêt
personnel, -sauraient se défendre de ses séductions grossières;
niais il me paraît impossible qu'une telle chambre résistât à
d'autres séductions qui prendraient leur source dans des senti-
mens plus élevés; une telle chambre, messieurs , bouleverserait
la France, qu'elle serait appelée à régénérer.


Je conviens, avec M. le garde-des-sceaux , que la France
présente et prépare à l'histoire un spectacle nouveau jusqu'à
nos jours ; jamais, à aucune époque, aucune société nombreuse
n'a été organisée sur un plan pareil au nôtre en France; -toutes
les professions, toutes les zônes , tontes les choses enfin de la
société se déroulent en surf:ace , planent ou bien se groupent en
pyramide. tin état pareil est sans précédent dans l'antiquité,
sans analogue dans les temps modernes. On a vu, dans les répu-
bliques anciennes, les citoyens jouir entr'eux d'une égalité
complète ; mais. ils en jouissaient en présence de l'esclavage.
L'esclavage du plus grand nombre était considéré comme une
condition de l'égalité de quelquesnms.... Le christianisme a dé=
iraitl'esclavage.... Il n été remplacé par la distinction des
castes, par la hiérarchie des rangs, sorte d'esclavage politique,
à. la .vénté fort mitigé.


Cependant les progrès de la , ou, ce qui dans nia
pensée est la même che


,e, l'action continue du christianisme
tendait incessamment à efil!cer ces distinctions trop marquées
entre les castes. Le temps chassait devant lui; il bala yait dans sa
marche les débris de l'eaJavuge, et toutes les familles de la
ciété europ'•enne s'avançaient majestueusement vers un état
complet d'égalité politique, dernier terme du perfectionnement.
social.


La France a été, non pas arrêtée, mais précipitée dans sa
marche par les. convulsions. révolutionnaires. Tout ce qui de-


( 40 7 )
vait s'affaisser lentement sous la main du temps, a été déchiré-,
démoli par la main des hommes; ce qui devait être préparé e
été improvisé; et la France a été lancée vers un ternie que peut-
être elle eût atteint sans effort dans un siècle plus tard.


Cette situation déjoue toutes les anciennes combinaisons de
la politique , elle est faite pour effrayer les hommes conscien-
c ieux qui tiennent dans leurs mains le dépôt sacré du. pouvoir
royal. Je conçois leurs inquiétudes. Le pilote côtier s'épouvante
lorsqu'il est lancé par la tempête sur une nier sans rivages. Le
conseil de se confier aux flots , de chercher son salut à .travers
leur immensité lui parait une imprudence ; il regrette , il in-
voque les écueils de la côte coutre lesquels il se nt brisé cepen-
dant; et c'est ainsi, messieurs , que tous les jours nous enten-
dons invoquer le privilège. Le privilège est l'ancre qui doit
assurer le vaisseau de l'état contre les vagues impétueuses de
l'égalité ; ce système est celui de l'aristocratie. ( Murmures à.


Je n'ai , messieurs, l'intention de blesser per-
sonne; )je cherche la solution d'un problême de la plus haute
politique, je discute un système que je n'injurie point, un sys-
tème que je crois dangereux plutôt qu'absurde. ce système est
très-complet dans toutes ses parties, il a ses sages et ses exa-
gérés ; niais , comme tous les systèmes qui tendent à innover'
il ne sera jamais gouverné par ses sages.


M. le garde-des-sceaux parait disposé à faire quelques con-
cessions à ce système. Il veut modifier la loi des élections ;
annonce qu'il défendrait la loi du recrutement, niais il croit
qu'elle ne serait point attaquée, et qu'elle a fini par triompher
de tonus les opinions. J'ose soutenir le contraire. La loi du re-
crutement est beaucoup plus odieuse encore à quelques-uns que•
la loi des élections ; elle est•plus en opposition avec les doc-
trines aristocratiques. 'Voulez-vous connaître ces doctrines dans.
toute leur pureté ? lisez MM. de 'Bonald , Châteaubriant, Le-
maystre de la Mennais et plusieurs autres encore, auxquels l'es-
prit de parti pourrait seul refuser de grands talens. Et qu'on ne
dise pas que toutes leurs théories sont des utopies inexécutables,
desquelles nous n'avons conséquemment rien à redouter. Mes-
sieurs, je vais rappeler un des actes de la chambre de 1815;
un de ces actes que je ne veux ni approuver ni condamner ;
de ces actes qui ne peut être imputé à l'emportement des pas-
sions du moment, mais qui doit nous prouver ce qu'une chambre
pareille peut avoir le courage d'entreprendre et la force d'exé-
cuter. La chambre . de 1 815 a détruit le divorce qui, depuis
Nine ans t était dans nos lois a et plus ou moins dans nos mœurs..




( 4.o8 )
Certes , une telle entreprise nous prouve qu'elle n'a pas drainde porter la main dans les entrailles de la société , de modifie


.la fauIihe , qui est le premier élément de la société. Elle vous a
montré ainsi qu'elle saurait employer les moyens les pins hé_
roïques pour la régénération de la France, et j'oserai demanderà notre honor
Lable collègue, le respectable auteur de la tegisla..ion primiti.ve , s'il n'est pas vrai que s'il se trouvait en majorité


dans la chambre nouvelle, convoquée en exécution de la loi
proposée , il viendrait à cette tribune, sans embarras , sans hé.
citation , vous proposer de rétablir l'inégalité des partages.


de Bonald de sa place: Non, monsieur! (Vive sensation-)
L'orateur reprend : J'accepte avec plaisir cette assurance ;


elle nous garantit que dans la chambre nouvelle la proposition
.fatale que je prévois ne sera pas faite par l'honorable membre;


sans doute alors elle sera moins redoutable, parce qu'aucun des
Omis de l'honorable membre ne sera aussi pénétré que lui des
principes qu'il a profe7sés toute sa vie.


• Quoi qu'il en soit, le système aristocratique ne tend à rien
moins qu'a une régénération complète. Pour l'opérer, il faut
déplacer les bases de la société, remanier tous les démens dont
elle se


compose, changer tous les rapports des citoyens les uns
par rapport aux autres. Une régénération pareille, je ne Pap=
relierai pas une révolution, pour ne blesser personne ; mais
qu'est-ce donc alors qu'une révolution 2 En / 789 , l'égalité


vaincu le privilége. Les fautes de ce déplacement opéré dans
la société , nous ont frit subir dix années de convulsions hor-
ribles , et nous menacent de cent ans des souvenirs les plus pé-
nibles. Croit-on que les conséquences soient moins fatales si l'on
replace le privilége là où l'égalité règne depuis trente ans ? Telle
est cependant la conséquence fatale et nécessaire du projet de
loi qui vous est proposé. Si TOUS confiez la meilleure part des
pouvoirs électoraux à des collèges supérieurs composés en ma-jorité d'hommes imbus des principes a ristocratiques, ces col-léges ne manqueront pas d'envoyer à la chambre les défenseurs


. les plus intrépides de ces mêmes principes ; et une chambre ainsi
composée ne pourra manquer de travailler avec ardeur à les
mettre en pratique. Et c'est nous qui nous opposons à cette loi,
qu'on accuse de méconnaître les dangers des révolutions


! sans doute la régénération ainsi commencée ne s'ache-
Quant
verait pas; mais elle provoquerait un bouleversement général.


à nous , après avoir lutté contre les imprudences des
faibles , nous nous réunirions à eux pour les défendre contre les


( 4°9 )
.vencances des forts , et nous péririons peut-être les premiers


ment. de mon honorable ami M. Camille-da nj:se sleotdeépsoasl.itrrepagCal
de


Jo1\711a.nl'e ministre des affaires étrangères combat l'amendement
comme renversant la loi proposée par le gouvernement , dont il
développe l'esprit, le but et les avantages , et comme empiétant
sur la prérogative royale, en laissant aux chambres la faculté


clôture de la discussion. M. Benjamin-Cons-deiroorles lalois.opi demande


membres à droite insistent pour latant s'}


seopPoMll. 1. de Villèle et Corbière: Non ! non I M. Be-
noist : Je demande la parole contre' M. Desrousseaux de-
mande à présenter le développement d'un sous-amendement à
la proposition de M. Camille •Jordan.


M. le général Foy. Le sous-amendement de M. Desrousseaux
est intimemen t lié à la proposition dont nous nous occupons;
il est indispensable que la discussion s'étende et sur l'amende-
ment et sur le sous-amendement. Dans le cas où la chambre
adopterait le fractionnement du collège de département en col-
lées d'arrondissement, M. Desrousseaux propose un mode de
vote et de recensement , qui , en raison du point d'où il part,
satisferait un grand nombre de membres. Je crois donc utile nie
l'on continue à s'occuper de l'amendement , et qu'ensuite M.
Desrousseaux soit entendu clans les développemens de sa pro-
position. Quant à ce qu'on vient d'énoncer sur leS amendemens
eu général , que la chambre veuille bien se rappeler qu'hier
M. le garde-des-sceaux lui a dit qu'elle pourrait s'occuper du
système d'une loi nouvelle , en le greffant sur la loi proposée.
Je m'étonne donc qu'il se rencontre des députés assez peu jaloux
des intérêts et des privilèges de la chambre pour reculer devant
des amendemens , lorsque M. le garde-des-sceaux lui-même a
déclaré que nous avions la latitude la plus étendue. Je demande
que la discussion continue.


d'a
eMcceild. du


'


'rand. Messieurs, ce que nous eussions été heureux


rable


.t gouvernement, ce que de sa part il eût été hono-
poile lpao litique de nous offrir, notre honorable collègue M.


osi;cannri véiednet t vous le proposer comme amendement ;
t5„,naenit'ne.lteiele:lepnases, lnuleesrsti:st.Irs , cette voie de conciliation ; elle


Si


en


enlevant ]'éjection
, la paix publique, autant qu'à la


aux grandes masses , pour les diviser
et les concentrer dans des réunions moins nombreuses , nous




( 4-'1 ° )
les rendons plus faciles à diriger, plus intéressées à se respecter
par des choix sages et honorables, parce qu'elles en répondent
plus individuellement, nous n'ignorons pas cependant que nous
donnons beaucoup à l'influence ministérielle, que nous mettons
des entraves à l'introduction dans cette chambre des grands ta-
lens et des hautes réputations , et ce sacrifice est réel ; mais il
est balancé par quelques avantages de sécurité et de sagesse ;;
niais nous le devons aux inquiétudes manifestées par le trône,
et nous le devons alors que nous le pouvons par une sorte de
transaction sur la loi de i 8) 7


, qui n'attaque ni l'élection di-
recte ni l'égalité des suffrages consacrés par cette loi et par la
charte. Mais si nous offrons toutes les garanties dont nous pou-
vons raisonnablement disposer, qu'on ne nous demande dune
pas celles qu'il n'est pas en notre pouvoir de consentir ; qu'on
ne prétende pas que nous détruisions l'influence que nous tenons
de la sagesse du Roi et de la charte, et qu'il nous appartient
d'exercer sur les destinées de notre pays ; ceci, messieurs, l'hon-
neur et le devoir nous le défendent.


Je me bornerai, messieurs, à vous rappeler en finissant, que
la charte et les principes de la loi des élections qui en dérivent,
sont l'alliance du trône avec le peuple; que cette alliance fut
dans tous les temps le contre-poids de cette aristocratie impé-
rieuse qui toujours voulut dominer le trône en asservissant le
peuple ; que si on détruit ce contre-poids, en introduisant à
côté de l'aristocratie de la chambre des pairs une nouvelle aris-
tocratie dans la chambre des députés, on isole le trône , on
isole le peuple, on place l'un et l'autre dans la nécessité et dans
la perspective d'un nouvel effort pour se rapprocher et se réu-
nir , et on oublie ainsi imprudemment dans quel abîme ces ef-
forts réciproques peuvent nous entraîner. Préservons - nous ,
messieurs , de cet. horrible malheur ; conservons l'élection di-
recte et l'égalité des suffrages, afin que tous les intérêts , sans




arrières-pensées , ni sur l'avenir, ni sur le présent, ni sur le
passé, -viennent enfin se fondre et se concilier dans cette en-.
ceinte. C'est dans ce but que je vote Pamemdenient de M. Ca-
mille-Jordan.


M. Benoist développe avec étendue les motifs déjà présentés
à l'appui du projet de loi , et les argumens présentés contres
l'amendement de M. Camille-Jordan.


La discussion est continuée au lendemain.


(


CHAMBRE DES PAIRS.


Séance du 31 mai.


L'ordre du 'j our appelle la discussion, en assemblée générale,
du projet de loi sur les douanes.


Aucun membre ne demande la parole pour combattre, son
adoption. M. le comte Chaptal présente seulement., 1. 0 des
vues générales sur le régime des douanes , et sur les malheu-
reuses conséquences du système prohibitif adopté à cet égard
par les puissances européennes ; des observations particu-
lières sur les pricipaux articles du projet de loi.


M. le vicomte Dubonchage demande que l'île de Bourbon
ne fût pas exceptée des dispositions réclamées en faveur de nos
colonies par le rapport de la commission. M. le marquis de
111arbois réclame , à son tour, en faveur de nos établissemens
dans l'Inde. Ces réclamations sont appuyées par M. le comte
de,;oé. D'antres observations sont présentées par M. le mar-
quis de Marbois, relativement au système prohibitif, dont il ne
pense pas que la France dût se départir, au moins immédiate-
ment, quand l'exemple lui en serait donné par la puissance qui ,
la première , a introduit en Europe ce système, dont elle paraît
enfin reconnaître les inconyéniens. M. le duc de Richelieu,
président du conseil des ministres, donne à la chambre, dans
l'intérêt du projet de loi, des explications sur plusieurs points,
aqiillbstutj,detes d. esquels la commission avait témoigné quelques in-


L'adoption provisoire des articles du projet n'ayant éprouvé
aucune difficulté), il est voté au scrutin sur l'adoption défini-
tive. Le projet réunit l'unanimité des suffrages. La chambre se
sépare sans ajournement fixe.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séance du er juin.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur
le projet de loi d'élection , et sur l'amendement de M. Canaille,.
Jordan.


M. ',aime! de Villevcique. Je viens défendre l'amendement
de mon honorable ami M. Cueille-Jordan, 1. 0 parce qu'il
fait disparaître les vices énormes dont le projet de loi est souillé;





( 4 12 )
2.0 parce qu'il fait disparaître les inconvéniens que l'on me..
proche à la loi du 5 février.


Et d'abord, le plus grave de ses vices est d'établir une
garchie électorale réprouvée par la charte, et à cette accusation


•on e répondu par des dénégations ironiques. Quelle oligarchie
,dit-on, qu'une oligarchie qui prend sa source dans le peuple, et


qui est renOuvelée sans cesse selon les caprices de la fortune!
me semble, messieurs, que l'oligarchie à sa naissance, ne peut
avoir d'autre Origine pi'une origine populaire,


on ne nous a
pas encore appris qu'elle ait descendue du ciel ni qu'elle fût de
droit divin. On a peut-être autrefois, à Venise, Luit cette belled écouverte, et enseigné ce dogme politique.


Mais je vous prie de ne pas perdre de vue , messieurs, la
concordance du projet de loi avec la proposition d'un pair,
pour la création des majorats, qu'elle e reçu à la
chambre des pairs, et la conduite .;e gouvernement qui protége
et consacre sans cesse leurs érections. On citerait cent exemples;
mais comme s'il eût voulu déchirer le bandeau et dessiller tous
les yeux , le Bulletin des lois d'avant-Lier contenait l'approba-
tion de la création de deux majorats. L'orgueil est le premier
mobile de l'homme; ainsi d'innombrables majorats seront créés;
ils envahiront, ils dévoreront toutes les petites propriétés;


jamai
ainsi des cadavres que la vanité aura animés , tyranniseront à


s, du fond de leurs tombeaux , la France et les générations
futures ; ainsi le droit d'élire et d'être élu sera rendu 1;éréditaire ;
ainsi, sur les ruines de l'égalité constitutionnelle, s'elevera une
oligarchie redoutable pour le peuple et la pairie elle-même.


La démocratie est comme un torrent orageux qui renverse
tout sur son passage, mais qui tarit aussitôt ; nulle suite, nulle
sagesse, nulle fixité dans ses plans. Il n'en est pas de même
dans l'oligarchie; la persévérance dans sa conduite, la persis-
tance clans ses projets arment son caractère; une chambre oli-
garchique nommera des députés imbus des mêmes maximes ;
dominateurs dans la chambre, ils conquéreront le ministère et
asserviront le monarque.


Pour excuser la spoliation des soixante-quinze mille électeurs
à qui on enlève leurs droits électoraux, on a cité l'exemple de
Servius Tullius. Toutes les fois qu'on évoque ici le génie de
l'ancienne Rome et l'ombre du peuple - roi, on est sûr de
frapper nos esprits d'admiration et de tyranniser même nos pen-
sées. •


Ma'réponse, messieurs, sera très-simple ; c'est qu'il n'y a
aucune similitude entre la situation et les droits politiques du
peuple romain sous Servius Tullius, et la situation et les droits


( 4' 3 )
de peuple français en ce moment. Le peuple romain, selon
Tite-Live et Denis-d'Halicarnasse, s'élevait alors à quatre-
vingt mille ou quatre-vingt-cinq mille âmes; il usait de la
souveraine puissance; il votait les impôts; il distribuait les
maeistratures ; il faisait la paix et la guerre; il exerçait même
la nuissance judiciaire; et vous n'avez point oublié, messieurs,
(vie le vainqueur des Curiaces fut absous par lui du meurtre
de sa semr, , immolée à son ressentiment pour avoir insulté à
son triomphe. Les portefaix, les hommes les plus ignorans et les
plus grossiers, à raison de leur nombre , étaient donc maîtres(les plus graves délibérations ; ils dominaient au Forum, et ce
fut donc un acte de sagesse de Servius Tullius, de le dépouillerde cette redoutable influence. En votant par centuries , les ci-.
toyens riches avaient quatre-vingt.-dix-haitsuffrages, le peuple
quatre-vingt-treize . Les pauvres citoyens étaient compris dans
cette centurie , et la loi les affranchit de tout impôt et de service
iniiitaire. Chez nous, quelle différence ! les crocheteurs, les
portefaix et les mendians n'exercent pas la puissance souveraine ;
ils ne votent point l'impôt; ils ne distribuent ni les places, ni les
emplois, ni les magistratures; ils ne décident ni la paix, ni la
guerre; ils n'exercent pas la puissance judiciaire ; et vous savez
si, pour récompense, ils sont exempts d'acquitter les impôts 'et
deservice militaire ; ils n'élisent pas même les députés. La loi
du 5 kvrier, qui a concentré ce droit dans quatre-vingt-dix
mille électeurs, est cent fois plus aristocratique que celle de
Servius Tullius.


Prenez pitié de ce peuple si bon, si généreux, si sensible, en
butte , depuis trente années, à toutes les calamités, qui suc-
combe sous le faix de neuf cent vingt millions d'impôt, depuis
que les bordes dévastatrices de l'étranger ont profané le sol de
la patrie. Je vote pour l'adoption de l'amendement.


M. Mestadier combat l'amendement de M. Camille-Jordan,
et demande qu'on vote toujours sur l'article i . er du projet de loi,
et qu


l'exécution.


ionet l"onsoccuctupet:a ensuite des amendemens qui pourront enfa c


mE.(nlaoait:titileaindant


les ordres de l'assemblée pour donner les motifs
de n amendement, dit-il, ce qui me paraît devoir se faire
après l'adoption de l'article l er , je vote c,mitre l'amendement de


dit hier ' e


l- or d:l


imnnes.,


et pour le premier paragraphe do l'article t ..<:r


ns les tri u es.
est au général Foy. (Une vive sensation se mani,


M. le général Foy. M. le ministre des affaires étrangères a
a cette tribune , et plusieurs orateurs avaient dit avant




( 4 1 4 )
lui, que le régime de 1815 avait été une conséquence néeesa4
des cent jours. Non, messieurs , il n'en est pas ainsi. Pendant
les cent jours la maison royale seule a été outragée. Qu'a faitjl'aristocratie? L'aristocratie avait été épargnée pendant. les centours; elle avait même été respectée, et pendant que le sang des
défenseurs du sol national coulait sur le champ de bataille,
elle n'avait pas perdu un cheveu de la tête; cependant elle est
venue se placer entre le trône et le peuple , elle est venue éten.
dre entre le trône et le peuple son bras armé du fer Oranger; elle
a ensanglanté le sceptre de nos rois; la fureur clos uns ne litisait
que masquer une combinaison politique.... ( Mouvement très.
vif à droite. )


M. de la Bourdonnaye. Je demande la parole pour le rappel
à l'ordre de l'orateur. ( 'Voix ri gauche : Encore l...) Encore et
toujours dans de telles occasions , messieurs; l'orateur vient de
dire qu'en 815 l'aristocratie s'est mise entre le peuple et le,
Roi. Que vent-il dire? Ou il accuse la chambre de 18 i 5 ,
ne veut rien dire : s'il accuse la chambre de 1815.... (M. De.
nra rcay : La majorité !... Bcnoiat: Il n'y a point de majo-
rité: il y a la chambre de 1815 et ses actes! ) Il est fiiux que
cette chambre ait été composée en majorité de celte aristocratie
qu'on prend à tâche d'accuser. Quant à vous, messieurs, vous
n'avez pas le droit de juger une chambre qui vous a précédé.
Je demande que l'orateur soit rappelé à l'ordre (Mouvement
d'approbation à droite.... Une très-vive agitation s'élève dans
l'assemblée.... ) M. le g-rInéral Foy : J'ai dit que l'aris pcetie
était venue se placer entre le Pibi et ses sujets. Voyez où le pou-
voir est allé quand il est tombé entre les mains de l'aristocratie.
La fureur de l'aristocratie, je le répète , n'était dans cette cir-
constance que le masque d'une combinaison politique; car l'a-


e
j
ristocratie calcule toujours ; elle ne se dément et elle ne s'arrête
amais. ( Nouveau et très-vif mouvement à droite... A gauche :
C'est vrai! c'est vrai !... )


1W. Castelbajac; Je réclame de nouveau le rappel à l'ordre :
n venant sans cesse accuser la majorité de 1815 , et la désigner


tous les jours aux poignards du peuple.... ( Le plus violent
mouvement éclate dans toute la gauche.... Les cris d l'ordre!d l'ordre'


se font entendre.)
de Chauvelin. Le peuple n'est pas assassin....


MM. Benjamin- Constant et Demarçar réclament vivement
la parole.— Un grand nombre de membres sont debout, en
criant d l'ordre! le président invite à l'ordre et au silence.


M. Castelbajac. *Est-il possible d'entendre de sang-froid dé'


( 4 s )
signer sans cesse la majorité de 1815 comme une faction ennemie
de la nation? Mais c'est peu que de la désigner ainsi à la haine
publiq ue , et d'accumuler contre elle de vagues calomnies. lifendrait rappeler, il faudrait voir ce qu'elle a ( Voix
gauche Ce qu'elle a fait!... ) Les actes parlent pour elle !...
poix d gauche : Oui! oui !.... ) Qu'a-t-elle fait? Elle a appuyé
le gouvernement du Roi dans les mesures de sâreté qui ont été
demandées... ( Mouvement très-vif à gauche.... Une foule de
voix : Et les catégories: et les listes de proscription !...)


Le plus violent tumulte régne dans la chambre.
Castelbajac. Messieurs, vous ne pouvez permettre que


devant vous on signale comme ennemie de la nation une chambre
qui peut prouver n'avoir voté que les mesures proposées par le
gouvernem en t du eoi.


M. Benjamin -Constant défend ce qu'a dit le général Foy.
M. Castelbajac demande de nouveau la parole sur ce que vient
de dire M. Benjamin -Constant. Un grand nombre de -voix :
Laissez parler l'orateur !...


M. le général Foy. Messieurs, c'est une bonne fortune pour
moi, ami de la liberté et du trône constitutionnel, qu'on ait
voulu me rappeler à l'ordre, précisément au moment où je fai-
sais preuve de dévouement à ce trône en le séparant de tous . les
malheurs qui ont pesé sur la France. J'ai parlé de l'aristocratie
en général , de l'esprit aristocratique qui a bouleversé la France,
qui a mis le deuil dans toutes les familles. Or cet esprit aristo-
cratique a plus particulièrement dominé en 1 815; il a existé
depuis, il existe encore, il aspire à la domination, et je vais vous
en donner la preuve. ( Vive sensation à gauche. ) Je vais vous
dire ce qui arriverait en France si l'aristocratie reprenait toute
son influence, à quels maux, quels bouleversemens contre-révo-
lutionnaires vous devriez vous attendre. Ici je citerai les paroles
d'un des maîtres du parti... Voix à droite : Que dites-vous en-


cf
orkiennlitàle2z 701,Illlimi'yez :!1 . p.a; de parti!... Il n'y a pas de maître !...


M. le généralFay. C'est, messieurs, le vicomte de Chitteau-
, , qui , clans un écrit publié au mois de novembre 1 819 ,


établit ce qui arrivera en France, lorsque ceux qu'il appelle
royalistes seront parvenus au pouvoir, et cela d'après les prin-
cipes qu'il a posés dans son ouvrage : De la Monarchie selon
la Charte. Ainsi , dit-il : «Leur premier devoir comme leur pre-
mier soin serait de changer la loi des élections. ,) ( Vive sensa-
tion à gauche. ) Vous voyez, messieurs, qu'on est en bon chemin..
( On rit. ) GC Ils feraient en même temps retrancher de la loi du




( 4 16 )
» recrutement le titre VI de l'avancement. ( Nouveaux mur-
mures.) Or, avant-hier, à cette tribune, M. le garde-des-sceaux
nous disait dans la sincérité de son coeur, dans l'émotion de
son éloquence, que le maintien de la loi du recrutement était
son voeu. Mais vous voyez assez, par ce que je viens de vous
citer, ce qu'elle deviendrait , ce que deviendrait la France si
elle était livrée à de tels hommes.... MM. Castelbajac , Mac-
carthy,


, Chabrillan, D'Hautefeuille : Mais, messieurs, c'est
l'opinion d'un individu que vous citez là!.. Lisez la Minerve!...lisez la Minerve !


M. le général Foy. Quand la Minerve prétendra à la puis-
sance exclusive, on lira la Minerve pour donner à juger ce que
sera cette puissance et cette domination. L'orateur continue


« Après la modification de ces lois capitales les royalistes
• proposeraient les lois les plus monarchiques sur l'organisation
DD des communes et de la garde nationale; créant partout des


ne,ae réeetions d'intérêts , iis les substitueraient aux individua--z-,•
» lités ; en un mot, ils recomposeraient l'aristocratie, troisième
» pouvoir qui manque à nos institutions.


( Vif murmure àgauche. ) M. de : C'est la chambre des pairs...) Je vous
demande pardon , on parle d'un troisième pouvoir.


L'aristocratie constituée comme elle l'est là, est une autre
aristocratie que celle de la chambre des pairs. Aussi, messieurs,
vous avez entendu le secret, et le secret du maître—. (Voxdroite: Qu'est-ce que c'est que le maître?) Le maître de l'école,
entre gens de bonne compagnie; cela ne s'entend pas autrement.( Voix à gauche : Très-bien )


Les pouvoirs de la société sont complets par la charte; le Roi ,
pouvoir qui domine tous les autres; la chambre des pairs, por-
tion héréditaire de la législature; la chambre des députés, por-
tion élective de la législature. Eh bien! voilà un autre pouvoir
qu'on veut créer, une aristocratie nouvelle; et vous dites que
nous avons tort de nous élever contre la résurrection des privi-
lèges, que nous avons tort de prévoir tous les maux que le minis-
tère attire sur la France, pardon obstination à protéger un projet
de loi mensonger et fallacieux ! ( Vif mouvement à gauche. )


Messieurs, vous allez entendre le reste. ( Mouvement à gau-
che. ) C'est dans cette vue que les royalistes solliciteraient ces
• substitutions en faveur de la pairie ; et ils chercheraient à ar-
• rêter, par tous les moyens légaux, la division des propriétés.


»


Je vous demande, messieurs, s'a y a un autre moyen légal.
pour arrêter la trop grande division des propriétés, que de faire
une loi qui l'empêche. ( M. de Villèle : La proposit;on en est


( 4 1 7 )
faite à la chambre des pairs.... ) Ainsi , ce n'est pas seulement
votre organisation politique qui est menacée, c'est la famille,
lies individus On ne peut établir les substitutions qu'après
avoir reconnu le droit d'aînesse; alors il fitudra bien placer les
cadets de familles nobles , et leur donner le monopole des pré-
fectures , îles sous-préfectures, des grades dans l'armée, des
places dans la magistrature , des emplois de haute et de basse
finence• (Mouvement à droite... A gauche : Oui! oui ! cela est
vrai ! ) Et vous arrivez nécessairement à la destruction de tout
ce qui s'est fait de bon depuis trente ans. (Vive adhésion à


Voilà le système de gouvernement qui serait suivi. ( Voix àgauche. )
gauche : Dites qui est suivi!) Je continue, et je cite encore un
passage : «Une autre mesure importante serait encore luise par
n l'administration royaliste ; cette administration demanderait
n aux chambres ( tant dans l'intérêt des acquéreurs que dans
» celui des ancienspropriétaires) , une juste indemnité pour les
» funilles qui ont perdu leurs biens dans le cours dela révolu-
» tion. n ( Très-vive sensation à gauche. )


Assurément, s'il était au pouvoir des Français d'accorder
cette indemnité à ceux qui ont éprouvé des pertes sans froisser
personne, tout le monde y consentirait sur-le-champ, et je se-
rais le premier à la voter. Mais de deux choses l'une , ou l'in-
demnité qui sera énorme , monstrueuse, ( Murmures à droite.
Une voix : Le contraire est prouvé !) ou, dis-je, l'indemnité
sera prise sur les acquéreurs de biens nationaux.


(Voix à droite : C'est le maréchal Macdonald qui en a fait
la proposition Il ne parle point de faire supporter l'indemnité
aux acquéreurs !... Personne n'a cette idée:— )


M. le général Fo v. Cequi , dans le système de l'écrit, paraît
être un principe de'le. justice distributive, ou bien
sera acquittée par les fonds généraux de 'd'état , et levée sur la
nation tout ( Quelques voix au centre : Mais ceci
est hors de la question :... à l'article ! à l'amendement Une
voix à gauche : Laissez parier! )


(M. le président parle à M. le général Foy. )
M. le général Foy. M. le président me témoigne son étonne-


conduit




que jai été amené si loin de la question. J'y ai été
.par l'enchaînement des raisonnemens et par les citations


flue j'ai
mentt de


1:"Itaies sceer


c


ul b


devoi




vous faire dans l'intérêt du système que je
s • • • ( Les interruptions se renouvellent.... On crie de


nouveau : Parlez de l'amendement!..-. Une vive agitation règne


27




( 4 8 )
M. de Floirac. M. le président, mes collègues et moi, nous


oyons entendu .que depuis un moment on a sifflé deux ou trois
fois dans une tribune.... ( Le président ordonne aux huissiers de
faire sortir à l'instant toute personne se permettant tout signe
d'approbation ou d'improbation... Que!ques ;voix à droite :11
n'y a qu'à nous former en comité secret!..,


général Foy. Ceci est un hors-d'oeuvre et n'appartient
en rien à l'économie de ce que j'avais à vous dire. J'ai été inter-
rompu ; on m'a fait un reproche d'avoir attaqué la chambre de
1815, quoique je n'eusse parlé que de l'aristocratie en général,
et j'ai voulu expliquer pourquoi j'attaquais l'esprit aristocratique:
je l'attaque pour le mal qu'il a fait et pour le mal qu'il menace
de faire. Maintenant je rentre dans mon sujet....


M. de Corbière demande la parole pour appuyer le rappel à
l'ordre. Il défend son ami M. de Châteaubriant, son écrit,
ses principeset son caractère. ( Vif mouvement d'adhésion à
droite. )
••


M. Demarcay réclame la parole, et monte à la tribune oit
est demeuré M. le général Foy. 11 insistepour être entendu. (Un
grand nombre de membres : Laissez la parole à l'orateur !..
M. le genéral Foy d M. Demarcay : Je me défendrai bien
moi-même!) M. Demarçay descend de la tribune.


M. le général Foy. M. de Châteaubriant a publié un écrit
dans lequel des principes et des doctrines de gouvernement sont
proclamés. M. de Châteaubriant est une des lumières de parti.
(Un nouveau mouvement interrompt à droite.) Un de nos col-
lègues les plus distingués se rallie à lui et le cite commue une
autorité. M. de Châteaubriant veut la charte , je le crois; niais
si un homme qui veut la charte entend l'exécuter ainsi , que vous
arrivera-t-il lorsqu'elle sera livrée aux gens qui, ne la veulent
pas? ( Mouvement général d'adhésion à gauche. )


Relativement à l'attaque contre la loi du recrutement., j'ai
fait une observation spéciale ; elle est fondée sur le contraste qui
exisie entre les vues de la droite, puisque M. de Corbière ap-
prouve ce qu'a dit M. de Châteaubriant, et les intentions du
ministère, déclarées solennellement à cette tribune par M. le
garde-des-sceaux. M. le garde-des-sceaux vous a dit : La loi du
recrutement sera inviolable. La <boite vous a dit.: La loi du re-
crutement sera violée • (Nouveau et très-vif mouvement à.
droite.... MM. Macca/thy, Castelbajac , Montcalm, d'liaa-
trfeuille : Qui a dit cela ?'qui a dit cela? Personne 1 per-
sonnel,- ) Le président. rappelle à la chambre que c'est avec.
calme et dans le silence qu'elle doit délibérer..., voix d droite:,


( 4 1 9 )
line faut pas que l'orateur puisse dire ce qui n'est pas' .M. le
'général Foy : Relativement à l'indemnité it accorder à ceux
qui ont perdu leurs biens , je n'ai pas sur ce point d'opinion.
personnell e ; on ne me verra jamais parler contre les intérêts de
ceux qui furent malheureux ; mais il suffit que les faits soient
connus et constatés ; rassemblée qui m'entend et la nation
qui nous observe en jugeront comme il leur conviendra. M. le
président : Persiste-t-on à demander le rappel à l'ordre?....
(Voix générale à droite : Non! non! continuez !)


M. le général Foy reprend : Je voulais parler des chances
presque indubitables de succès one présente à l'aristocratie le
nouveau projet de loi. M. le ministre des affaires étrangères di-
sait hier à ce sujet : u Qu'est-ce que l'aristocratie? c'est la cumu-
lation de tous les pouvoirs dans la même main. Eh bien! nous
ne demandons pour elle que le pouvoir d'élire. s ' Oui , messieurs,
il s'agit simplement en effet d'écrire cieux ou trois noms . tous les
ans, peut-être tous les cinq ou les sept ans , sur un morceau
de papier; il ne s'agit que de cela ; ces trois noms, on les dé-
posera dans l'urne de bronze, et cette urne de bronze renfer-
mera les calamités de la France ; elle sera une source de malheurs,
de révolutions et de guerres civiles. ( Mouveruens à droite.)
Quand les électeurs auront donné leurs votes, ils rentrerontdans leurs foyers, mais ceux qu'ils auront nomes siégeront
dans cette enceinte; cette tribune sera leur propriété ; et les
intérêts lésés, par qui seront-ils défendus? Au moins en 1815
une minorité nationale, riche des plus grands, des plus formi-
dables taleras, a défendu les droits du peuple. Eh bien! la loi
proposée condamnerait, exclurait avec nous cette minorité. A.
ce sujet, je dois rappeler ce que disait M. le garde-des-sceaux :
il disait que roppositku au projet de loi se composait de deux
sections immuables ; l'une, qui se prêtait à des concessions ;
l'autre, qui se tenait inflexiblement à la lettre de la loi du 5 fé-
vrier. Non, messieurs, les deux oppositions à la loi du privilége
sont unies et compactes ; le centre et la gauche de cette chambre
il s'agit t. avoir quelques dissentimens dans des questions de lé-
gislation momentanées, dans des intérêts passagers ; mais quand
l


de la société, quand il s'agit de la gloie'des trente der-
nières années , quand il s'agit de savoir si 'nous serons une na-
tion libre sous le gouvernement du Roi et sous l'empire de la
Charte , ou si nous serons une poignée d'hilotes rangés sous le
.long de fer des privilégiés, alors elles marchent réunies , et ne
connaissent pour ennemis que ceux qui veulent ressusciter le
Prmlég.e. (Mouvement très-vif à gauche. )




( 42° )
Et


qu'il me soit. permis d'ajouter, messieurs : Ces ennemis
eux-mêmes , la nation n'est pas inexorable envers eux : elle les
appelle ; qu'ils dépouillent leurs prétentions 3 qu'ils ne se présen-


. tent pas en masse ; qu'ils viennent un à un, elle les recevra, les
recueillera ; il y a place pour totale mondeau banquet. du la vie.
Et croyez-vous que c'est dans un pays aussi civilisé, chez un
peuple doué d'un tact. si délicat , qu'on exclura jamais les
prééminences sociales? N'avons-nous pas intérêt à les soutenir?
Mais nous entendons des prééminences naturelles qui s'éta-
blissent sans joug , des prééminences qui soient acceptées et non
imposées. Si vous vouiez violenter le peuple, le peuple se reti-
rem de vous ; laissez-le faire, il saura rendre justice aux gloires
héréditaires comme aux gloires acquises , et à toutes les consi-
dérations locales. Le peuple se passionne pour tout ce qui est
beau et généreux; il est plein de reconnaissance pour tout ce
qu'on fait pour lui; nous en avons une preuve bien marquante
dans l'accueil qu'il a toujours Lit aux vieux défenseurs de l'état,
et dans les sentimens d'amour dont il fut toujours prodigue
pour eux, sentimens qui s'accroissaient en raison (les maux que
leur faisait souffrir la présence de l'étranger. Cet amour a in-
troduit chez nous une espèce de patronage , qu'un ministre du
Roi appelait hier nue aristocratie militaire. Ce mot d'aristocratie
militaire choque nos oreilles ; nous ne voulons ni du nom,
ni de la chose; nous n'en avons jamais voulu ; nous repoussons
les Grecs et leurs funestes présens. ( Vif mouvement à gauche.)
Enfans de l'égalité, nous ne répudierons jamais l'égalité; le
seul privilège que nous réclamons sur nos concitoyens, ce sera
de donner l'exemple, pendant la guerre , d'un dévouement plus
actif à l'honneur et à l'indépendance nationale, et pendant la
paix, d'une obéissance plus dévouée aux lois constitutionnelles
du pays. (Voix générales d'adhésion




On crie de toutes
parts : Très-bien ! très-bien !


Vous le voyez, messieurs, c'est un grand service qui a été
rendu à la discussion , que de l'établir sur son véritable terrain.
Certains orateurs (et


ceux-là avaient bien calculé) s'étaient
proposé de nous placer dans l'alternative forcée entre une loi
positive et une autre loi; ils nous (lisaient : Prenez un niai pour
éviter un mal plus grand. Mais la question a été replacée, par
la sagesse de la chambre, sur son véritable terrain. Nous avons•
à décider la majorité et la minorité entre le droit et. le privilège,
entre le régime constitutionnel et le contre-révolution. La ques-,
tion étant ainsi posée, tout est à espérer du patriotisme de la
chambre; et quand j'y


aperçois mes camarades de guerre épars


( 421


ç.à et là sur les bancs je ne peux pas douter de leur vo
te; car


si jamais ils votaient contre les hommes qui ont partagé leurs
travaux pendant ces trente années, ceux qui sont morts sur
le champ d'honneur dans les sables brûla:1s do l'Égypte, ceux
qui ont péri sur le Mincio , à 'Ulm et à Wittemberg; ceux qui
ont été ensevelis dans les mers de Trafalga: et d'Alexandrie,
se releveraien t pour leur crier «Vous avez trahi notre mémoire...
Et c'est cette assemblée tout entière, liée à tout le système de
ces trente dernières années, liée par obéissance et par sentiment
au Roi constitutionnel , qui a pris la France telle qu'elle est et
telle qu'elle doit être; c'est à cette assemblée que j • en appelle ;
qu'elle nous apporte , à nous antagonistes du projet , estime et
confiance, et nous lui rendrons estime et confiance.


L'amendement de M. Camille•Jordan lui a été dicté par des
vues de conciliation et par son amour du bien public. Assuré-
ment si le noble talent et le caractère Mien connu d'un honnête
homme , tout dévoué à son Roi et à son pays , si ce caractère
peut établir une prévention favorable pour une opinion , é coup
sur elle doit. bien être établie en faveur de l'amendement de
notre honorable collègue M. Camille-Jordan.


La loi du 5 evrier renferme trois choses, l'élection directe,
l'égalité des suffrages, le concours des électeurs dans un même
collège. Quelques membres d e cette assemblée ne veulent aucune
de ces choses, d'autres les veulent toutes : d'autres membres ne
veulent que l'élection directe, d'autres l'égalité des suffrages,
d'autres enfin, le concours dans le même collège.


Pour avoir la véritable opinion de la majorité de l'assemblée,
il eût été à desirer que les questions de principes eussent, avant
tout, été posées l'une après l'autre; ainsi on aurait. d'abord posé
la question de l'élection directe, ensuite celle de l'égalité des
suffrages, celledu concours dans un même collège, celle enfin de
la candidature. Le vœu de la majorité seserait prononcé sur les
questions principales, autour desquelles viennent se ranger en-
suite les questions accessoires. Cela fait, rien n'était plus facile


:ente


lilie


ppier


aiee rédigerla loi d'après les bases adoptées par la majorité.
Cette loi aurait donc été l'expressionl'expressionvraie de la volonté de ras-
tr oi: n'a pas suivi cette marche, par suite, nous BOUS
trouvons


cl,a
placés dans une alternative à laquelle il est impossible
é


Par l'article r . er da projet, on vous propose de fractionner les
Courges et.les droits électoraux ; l'amendement de M. Camille-
Jordan vous propose seulement. de fractionner les collages. La
question étant ainsi posée, je préfère le fractionnement des col-




( 422 )
lèges seulement, au fra ctionnement: des collèges et des droit;ton;,à-la-fois, ou plutôt A l


'anéantissement du droit électoral.
L'élection directe ne peut manquer de m'avoir pour partisan,


parce que je regarde la prétendue candidature qu'on nous pro-
pose comme tin mensonge, et parce que je suis ennemi du men_
songe. L'égalité des suffrages ne peut manquer non plus de
in'avoir pour partisan, parce que le contraire est le privilège
constitué, et que je suis ennemi des priviléges. Et de quel front
pourrais-je, moi élu parle peuple électoral , rentrer dans mon
département après avoir laissé mettre au néant les droits des
électeurs qui m'ont honoré de leurs suffrages? Mes compatriotes
me me diraient-ils pas : Nous ne vous avons pas donné, On vousnommant , le droit dé détruire le pouvoir même par lequel
vous existez. Il est, messieurs , des devoirs de conscience et
d'honneur èi remplir; le scrutin significatif' et glorieux d'avant-
QuoiLier , dit assez que la majorité de celte chambre les remplira.qu'il arrive, j'aurai été fidèle à cette maxime de ma vie:Dis ce que pense ;Ais ce que dois; advienne que pourra—. •


(M. le général Foy descend de la tribune au milieu d'Un
mouvement général d'adhésion de la gauche.)


Plusieurs voix : La clôture de la discussion ! Ce cri se répète
successivement dans toutes les pallies de la salle. Le président
met aux voix la clôture.— Elle est prononcée à l'unanimité. I!
se dispose à consulter la chambre, par assis et levé sur l'amen-dement de M. Ca mille-Jordan. rni.-c d gauche : Nous deman-dons gnon procède de suite à l'appel nominal' Foix amcentre et ei droite : Oui! oui ! passons A l'appel nominal'Pendant cet appel, les d ,; pntés des divers côtés vérifient le
nombre des membres présens ; quelques députés sont remarqués
comme absens On les fait avertir par des exprès. Plusieurs mem-
bres des divers côtés montrent ostensiblement la boule qu'ils
déposent dans l'urne.


L'appel et le réappel terminés, une vive agitation es une
grande anxiété règnent pendant le dépouillement. Tous les yeux•
des membres de la chambre et des spectateurs sont fixés sur la
corbeille : au moment où les secrétaires se retournent vers leprésident pour lui communiquer le résultat du scrutin, l'attention
redouble, et le plus profond silence s'établit.


L'amendement de M. Camille-Jordan est rejeté à la majoritéde dix voix. La droite et le centre gardent le silence. —Une
longue et très-vive agitation succède à gauche... Un grand nombrede membres quittent leursplaces... On demande la continuation


( 423 )
rie la discussion au lendemain; d'autres: Non ! non! il reese
pas encore cinq heures


M. Delaunay ( de l'Orne) donne de nouveaux développemens
à son amendement sur l'article i . e r , consistant, au lieu de di-
viser le corps électoral de chaque département: en collèges de
département et collèges d'arrondissement, comme le propose le
projet de loi, d'y substituer la division en deux collèges élec-
toraux de département. On demande la continuation air lende-
main. La séance est levée à cinq heures un quart.


Séance du 2 juin.. •
M. le comte de Salaberry, rapporteur d.c la commission dos


pétitions, propose l'ordre du jour sur la réclamation de Fedi-
tour responsable du journal la Renomnide, sur la manière dont
les censeurs ont exécuté la loi à son égard.


M. Girardin. Vous avez tous entendu, messieurs, l'enga-
gement pris à- cette tribune d'exercer la censure d'une manière
toute paternelle, propre à nous la fidre•chérir s vous avez vu
comment cette promessea été remplie; non-seulement la chambre
des députés a été insultée et injuriée en masse , mais une section
très-nombreuse de cette chambre, et enfin ses membres individuel-
lement. Or il ne peut pas être dans ?intention du gouvernement,
quand il exerce la censure, que les feuilles publiques tiennent
un semblable langage : ce sont sans doute les nombreuses occu-
pations de MM. les ministres qui, dans les circonstances où
nous sommes, les empêchent de s'apercevoir combien peu leurs
intentions sont remplies; car je suis loin de croire qu'ils puisseht
encourager les insultes et les outrages faits aux vieux amis de la
liberté et au caractères les plus honorables de chacun des mem-
bres de cette chambre. La chambre des pairs nous a donné un
exemple qui ne peut manquer d'être suivi. Cette chambre sen-
tant sa dignité n'a pu tolérer l'insulte qui lui avait été- faite dans
un certain journal. Je suis convaincu que, lorsque les ministres
fixeront leur attention sur la manière infime dont la censure est
exercée, ils mettront enfin un terme à l'abus déplorable qu'on
en fait sous ses yeux..... (M. Bourdeau : Citez des faits ! Plu-
sieurs membres de la gauche : Lisez les journaux'.) Je demande
le renvoi de la pétition à M. le président du conseil des ministres.


La chambre renvoie la pétition au président du conseil des
ministres. (Une assez vive agitation succède. )


Le ministre des finances soumet à la chambre le projet de la
relatif à


. la répartition de la réserve de treize millions, appar ue.




I; -14 )
tenant aux actionnaires d:, la Banque de France, adopté par
la chambre des pairs clans sa séance du 25


, et expose les
nicti Cs à l'appui de cette résolution.


L'ordre du jour appelle la continuation de la délibération
sur le projet de leti des élections.


M. .l3avet combat l'amendement de M. Delaunay sous le
rapport
viole l'article 42 de la charte.


M. Delaunay défend son amendement., et insiste pour son
adoption.


./W..4îéchin. Messieurs, tout ce que nous entendons depuis
l'ouverture de la discussion, nous prouve combien nous sommes
déplorablement occupés à détruire une loi parfaitement bonne
et .chère à toute la nation. Bien qu'on nous ait accusés d'être
préoccupés d'une idée fixe, nous avons montré notre desir sin-
cère de réconciliation en nous ralliant


. à des moyens termes qui
nous paraissaient propres à atteindre ce but , mais qui n'etaient
pas en contradiction avec les principes consacrés par la charte.


L'élection directe et l'égalité des suffrages sont expressément
voulues par .la charte. En effet, lorsqu'en 181 7


il fut question
de remplir le voeu de son article 35, et de déterminer, par une
loi d'organisation, des colléges électoraux , une première ques-
tion se présenta : L'élection sera.t-elle directe? et la loi vous
donna l'interprétation souveraine des articles 35 et 4o ? Quant
à l'égalité des suffrages, il n'y avait lieu à aucune interprétation,
parce que l'article i. or de la charte constitutionnelle avait trop
clairement disposé.




Qu'on vous propose des modifications aux articles réglemen-
taires de la loi du 5 février, cela se conçoit, cela n'est pas in-
terdit; mais sous la condition de respecter son principe consti-
tutionnel, son principe vital, auquel vous ne pouvez pas laisser
substituer un projet que votre fidélité à vos sermens vous ont
déjà.d à faire repousser avec indignation, et: où l'injustice le dis-
pute à l'absurdité (murmure à ''droite ) 3 oui, l'absurdité; ,sur
tous les bancs de cette salle on en est convenu; et si quelques-
uns d'entre nous paraissent disposés à l'adopter, c'est qu'enne-
mis de la loi du 5 février 1817, ils acceptent le projet nouveau-
comme un moyen quelconque de tuer une ennem ie incommode,
sauf, une fois maîtres du terrain, à mettre à profit ce que ce
projet a de favorable à leurs vues et à le rectifier d'une manière
convenable> Mais nous, nous ne pouvons nous prêter à d'aussi
coupables Combinaisons, surtOut quand le monarque qui a fait
l'interprétation de son propre ouvrage, l'a mis trois fois à exé-
cution; et, pour le défendre, lorsqu'il fut attaqué il y a un an,


( 425 )
a changé son ministère, et commis la défense de la loi du 5
février 1817 à soixante-trois pairs jetés soudainement dans la
chambre haute. Et c'est aujourd'hui, en 182o, qu'on veut luire
dire au Roi qu'il n'a point pensé, qu'il n'a point voulu effecti-
vement ce qu'il a déclaré avoir pensé, avoir voulu en 3 81 7 !


En vérité messieurs, cela n'est pas soutenable, et je n'ac-
cepte point les sinistres pressentimens qu'a pu donner la trop
mémorable journée d'hier. Malgré les argurriens victorieux et
sans nombre dont on a accablé nos adversaires, cette chambre
descendra-t-elle de sa haute dignité, en procédant par des partis
pris, en confessant que la parole a perdu sa puissance, et que
la conviction ne peut descendre dans son sein, ni détruire des
errangemens !bits avant la discussion ? Bien plus, la loi proposée
per le gouvernement, ainsi que l'amendement du préopinant ,
sont en opposition absolue avec l'article 3 9 , qui veut que le
choix des électeurs puisse s'exercer sur une liste de cinquante
éligibles au moins; puisque ce projet de loi et cet amendement
renferment le choix des électeurs dans un cercle infiniment plus
resserré.


Je vous ai dit, messieurs, les motifs de mon opposition à
M. Delaunay, de l'Orne; son amendement me semble inconsti-
t utionnel, et conséquemment ne pouvoir être accueilli, bien qu'il
vaille infiniment mieux que le projet ministériel, qui n'est, je le
répète, qu'un tissu d'injustices et d'absurdités. (Des murmures
s'élèvent au centre et à droite. )


Le président demande si l'amendement est appuyé..... Si-
lence' ( Une voix au centre : Oui, il est appuyé ! ....
est mis aux voix; sept membres du centre se lèvent; l'assemblée
entière se lève à la contre-épreuve.


Le président commence la lecture de l'article 1. er du projet
de loi. ( Voix à gauche: L'amendement de M. Desrousseaux?...
—Vive agitation à gauche.) M. Benjamin-Constant demande à
reprendre cet amendement et à le soutenir. ( Voix d droite
Vous ne le connaissez pas !...) M. de Girardin réclame la parole
au milieu d'une vive agitation de la gauche... M. Desrousseaux
réclame la parole de la droite... On presse à gauche M. Girardin
de laisser parler M. Desrousseaux.


.Desrousseaux. Messieurs, la faiblesse de l'ouïe dont je
suis affecté, ne me permettrait pas de prendre part aux débats
nui pourraient résulter de ma proposition ; je pourrais mal les,
saisir et mal répondre aux objections. Mon intention n'est pas
de m'exposer à des méprises semblables; tout ce que je puis
faire, c'est de m'en référer à la sagesse de la chambre. ( Voix




( 426 )
gauche : Sur quoi ? sur quoi ? Vous présentez clans votre
amendement


lisez-le'
déposez-le !
Voix d droite


est retiré !... ) M. Benjamin-Constant : Je n'ai pas parfai.
ternent compris quelle est l'intention de l'honorable membre;
mais j'entends qu'il s'en réfère à la chambre; j'en conclus qu'il
ne retire pas son amendement ; car, s'il le retirait, il ne pour-
rait pas dire : je m'en réfère à la chambre. S'il le présente, je
l'appuie ; s'il le retire, je m'en empare. ( droite L'avez-
vous In ?... ) M. Castelbajac: Que porte-1.-il ? (On rit.) Dites-
nous pourquoi vous l'appuyez? M. de Villèle : Prenez l'amen-
dement sur vous, et motivez-le.


.Desrousseaux. Puisque M. Benjamin - Constant veut'
s'emparer de mon amendement ; comme il pourrait le soutenir
par des motifs qui ne seraient pas les miens, je demande à prés.
senter moi-même le développement de nia proposition.......(Voix d gauche : A la bonne heure ' Bien ! très-bien I)
Sans autre préambule, je donne lecture de mon amendement.


AUT. s . er II n'y a pour chaque département qu'un seul col-
lège électoral.


2. Ce collège est divisé en autant de sections qu'il y aura
d'arrendissemens.


3. Chaque section concourra directement à l'élection du
nombre de députés que le département doit élire.


4. Le recensement des votes se fera au chef-lieu du dépar-
tement, où les membres des bureaux de toutes les sections
seront tenus de se rendre.


5. Le scrutin restera ouvert pendant trois jours ou plus pour
chaque opération que les votes sans résultat pourront exiger.


6. Le mode et les détails d'exécution seront réglés par une
ordonnance du Roi.


Nous voyez, messieurs, qu'usant de la faculté que vous avez
accordée à M. Camille Jordan, que c'est aussi un projet de loi
tout entier que j'ai l'honneur de vous soumettre : je l'appellerai
amendement, sous-amendement, tout comme on le voudra:
niais je ne puis cependant ne pas convenir que c'est une véri-
table proposition de loi.


(Mouvement général d'adhésion à gauche et au• centre degauche. )
,e 1'Le président demande si la proposition est appuyée. MM. deVillèle, Benoît, Castelbajac et


an grand nombre de membresde la, droite : Non ! non !... c'est un nouveau projet de loi !(Une vive opposition s'élève à gauche


Ces cris se font.
entendre : L'amendement est appuyé !)


( 4 21 )
M. Cornet-d'Incourt s'oppose à la discussion , parce que l'a-•


mend.emen t est un projet de loi. Il demande que la priorité
soit donnée an projet présenté par le gouvernement.—Cet avis
est très-fortement appuyé à droite. On demande à aller aux voix o


Une longue et vive discussion s'établit sur la proposition de
donner la priorité au projet sur la proposition de M. Desrous-
seaux.. Le garde-des-sceau x soutient que cette proposition, re-
connue par son auteur pour être un projet de loi, ne saurait
être considérée connue un amendement. Cet avis est soutenu
par M. Benoît et par le ministre des affaires étrangères, et
combattu par MM. Royer-Collard, Courvoisier, Manuel , Ca-
mille Teyssere, de Laroche, benjamin-Constan t et Deutarçay,
(loi soutiennent qu'avant de se décider sur la priorité-, la cham-
bre doit s'occuper de l'amendement et le livrer à la discussion.


Boyard-Collard demande en ce sens la question préalable
sur la question de priorité ; nominal est fait, et la ques-
tion préalable , proposée par M. boyer-Collard , sur la priorité
demandée en faveur du projet de loi, est rejetée à ha majorité
de sis voix.


La continuation de la discussion est ajournée au lendemain.
Séance du 3 juin.


La discussion s'établit sur le projet de loi des élections.
_H. le géneera.1 Fo ) . Un amendement a été proposé , amen-


dement qui ressemblait beaucoup à d'autres amendemens qui
avaient été discutés , amendement qui diferait même moins de
la loi proposée que ceux dont. il avait été précédé. Aux ternies
du règlement, cet amendement devait être discuté , et en sup-
posant que la majorité de l'assemblée se fût trouvée suffisam-
ment instruite , elle n'aurait pas manqué de clore la discussion;
la discussion étant close , la délibération aurait commence par
cet amendement, parce que notre règlement veut que les amen-
demens soient m i s en délibération avant tes articles. Mais, contre
les principes du règlement et de la raison, M. le président, ou-
bliant qu'il n'est que l'officier de la chambre et le ministre de
la loi réglementaire, ( des murmures très-vifs s'élèvent)
M. le président a reçu de la nature une si haute et si éclatante
aptitude à remplir les fonctions que la confiance du Roi et de la
chambre lui a conférées, que lorsqu'il lui arrive d'être dans l'er-
reur, on peut , dans l'intérêt même de la chambre et dans l'in-
térêt de la belle marche qu'il fait suivre ordinairement à nos
discussions , le rappeler aux ternies du règlement. Or, le re:2;le-




( 428 )


ment dit textuellement, que les amendemens doivent être rois en,
délibération avant les articles. M. le président n'a pas mis en
délibération l'amendement de M. Desrousseaux. Ainsi, tout ce
que nous avons fait hier est complètement perdu; nous reve-nons à la question première, qui est l'amendement ; mais la
discussion de cet amendement est obligatoire ; vous manqueriez
à la loi rég lementaire si vous ne discutiez pas paisiblement et
régulièrement l'amendement de M. Desrousseaux. Messieurs,
dans tous les pays soumis au gouvernement représentatif, ou au
moins dans ceux où le gouvernement représentatif est plus per-
fectionne , tous les membres de la chambre législative prope_
sent la loi , et on y trouve cet avantage de ne pas attirer sans
motif et d'une manière inconvenante le nom sacré du Roi dans
l'arène des passions. Ici le Roi seul propose la loi ; mais il


ne
s'ensuit pas que sa proposition doive, d'une manière absolue et
indivisible, recevoir les suffi-ages de la chambre ; comme, d'aprs
la charte, l'amendement ne peut faire partie de la loi s'il n
accepté par le Roi, il n'y a pas de limites au droit d'amender;
il est absolu, indéfini, et l'amendement l tout-à-fait étr.i a-
ger à. la matière, on ne pourrait pas se dispenser de le mettre
aux voix. Une fois adopté par la majorité, le gouvernement ne
peut le rejeter qu'avec la loi, ou accepter la loi avec la condi-
tion imposée. En un mot, nous nous sommes écartés du régie-
ment, parce qu'on a mis en parallèle nn amendement avec une
proposition royale; il faut maintenant rentrer sur le terrain du
règlement et de la charte , et discuter l'amendement de M.
Desrousseaux.


Le président cherche à se disculper du reproche qui lui est
fait par le général Foy, et lit trois extraits de procès-verbaux
dont il s'a ppuie , comme formant la jurisprudence de la chambre
en pareille matière.


M. le général Eey et M. Reniant in-Constant: Eh bien I ce
sont trois violations du règlement qui ont eu lieu !


M. le ministre des affaires étrangères. Il y a un moyen simple
de nous accorder tous; il est fondé sur la bonne foi. Ne jugeons
pas encore la question de priorité , ouvrons la discussion sur
l'article . er ; que dans cette discussion toutes les personnes qui
auront à émettre leur avis sur l'amendement de M. Desrousseaux,
qui voudront ou le combattre ou le soutenir, puissent le faire ;
ensuite la discussion sera fermée, et alors on videra la question
de priorité. ( Un mouvement général d'adhésion se manifeste.


M. le président. La discussion va s'établir sur l'article s •er


( 429 )
et sur l'amendement de M. Desrousseaux, en réservant après la
discussion à statuer sur la priorité.


111 de Chauvelin : Il est bien convenu qu'on peut discuter
l'amendemen t? (Le président : Il est bien entendu qu'on pourra
discuter l'article et l'amendement !


Kératry. Il y a persistance de la part de MM. les mi-
nistres dans la présentation de leur projet de loi destructif, en
quatre articles, de toutes nos libertés ; il doit y avoir , de notre
part , persistance à le repousser. (L'orateur attaque de nouveau
la candidature établie par le projet de loi , puis il ajoute :


M. le garde-des-sceaux, en répondant au général Lafayette ,
a donné à entendre que cette chambre offrait , pour la seconde
fois, le scandale d'orateurs qui se déclaraient déliés de leurs
sermens ; il m'a semblé que ceci avait trait à la séance précé-
dente. Je pourrais me borner à dire, en invoquant mes propres
expressioes , que, dès que l'on m'enlève la charte de mon Roi,
dès qu'on lui substitue une oeuvre fantastique , mon serment me
retourne ; car il est hors de ma possibilité physique et morale
que je reste obligé envers ce qui n'existe plus. C'est ma douleur,
c'est mon regret , et en cela je suis le plus à plaindre ; il ne
faut pas s'en autoriser pour me réduire à l'absurde, pour me
demander le respect de ce que l'on a détruit. Je pourrais m'en-
foncer dans la doctrine du serment ; et sans citer celui des
Aragonais, prouver que, comme les contrats eux-mêmes, lors-
qu'il s'agit de gouvernement représentatif, il est obligatoire pour
tous. Je serais trop fort sur ce terrain , et je le quitte. Je prie
seulement qu'on prête à mes paroles quelque attention.


Je me suppose simple citoyen français au moment où le choix
de mon pays m'a appelé dans cette chambre, c'est-à-dire queje me mets dans la position où sont présentement vingt-cinqinitiions de mes compatriotes , qui vivent sur le sol de la patrie,
qui respirent l'air natal, et pli existent dans le droit commun,
C'est-à-dire , sans avoir prêté serment à qui que ce soit Sou-
mis aux lois et au prince , presque passifs dans l'état , ils lui
paient


chambre, ma


contributions. Là unit leur rôle : on n'a sien à leur
demander de plus. Au moment où j'ai été. admis dans. cette


position a changé.; des obligations plus étroites
m'ont


t lié qu'une


au Roi et au gouvernement de mon pays. me semble,
messieurs, et votre coeur vous le dit comme le mien me l'ap-


chaîne de rapports nouveaux m'unit tellement
au monarque dépositaire de mes serinens , et qui , par cela
11'4inefouten'est pas étranger à cet engagement, que je suis tenu


autre chose que d'une simple obéissance passive. Si la




( .4 30 )
matii.e.0 de mon serment ne subsistait plus, si elle était déni.
torée , il est hors de doute que je rentre dans ce droit commis?:
dont je vous parlais tout-à-l'heure. Content ou non , je me tais;
niais je ne conspire pas : j'obéis, mais c'est tout ce que l'on peut
attendre de moi. Si ina conduite était autre, le gouvernement
a (les procureurs-généraux, des assises, des gendarmes, et na
tète est là pour. répondre de tout. Je sais qu'il est malheureux
Glue des citoyens s'isolent ainsi du gouvernement de leur pays ;
j'ajouterais qu'il m'en coûterait personnellement de me voir tel-•
lement place entre le bonheur de ma patrie et le service d'une
autorité sous laquelle elle a long-temps fleuri, qu'il ne nie restât
qu'à me réfugier dans une triste inertie ; mais à qui en revien-
drait la faute '? Qui nous prépare au moins cet te calamiteuse si.,
tuation , si ce n'est le ministère, qui, en venant vons propose
au•ourd'hui de proclamer le règne de la minorité, sépare, dan
tous les coeurs , le prince et le sujet , brise les tables sacrées du
pacte français, et tranche avec témérité tous les liens de l'ordre
social ? Il est temps que cet état d'angoisse prenne une fie. Lee:,
liberté ne demande qu'à prêter son, appui au trône ; elle sait'
qu'elle doit beaucoup à la légitimité ; elle le reconnaît ; elle s'en.
faicite; mais la reconnaissance ira-t-clic jusqu'à se laisser égorger
au nom de la légitimité.


Que si le voeu des âmes honnêtes , celui de tous les bons.
Français qui appellent , de toute la force de leurs desirs , l'éta-
blissement du système constitutionnel , ne pouvait se réaliser
parmi nous ; je le déclare , dans la rigueur d'une telle destinée,:
j 'aimerais mieux me jeter purement et simplement entre les bras.
de l'autorité ro yale, que de. subir l'autorité plus dure, dont or
veut 'n'imposer le joug. Ainsi que le firent les Danois pour échapLe
per à une oppression multiple , plutôt que d'avoir une repiz-
sentation faussée , je demande en suppliant, à cette tribune,
à reconnaître l'autorité absolue du Roi; je le demande en mon
privé nom , car je n'ai pas le droit de stipuler pour près . d'un
demi-million de Finistériens qui at tendent avec perplexité l'issue
de débats mi cinq ministres ont le courage de voter, et peuvent
faire seuls pencher la balance eu faveur de leurs projets liber-
ticides.


Jugez , messieurs, combien est dure la position dans laquelle
on nous jette, puisqu'elle nous réduit à invoquer , comme une




grace., le pouvoir absolu! Et en effet, par qui seraient nommés
les députés desquels VOUS ne pourriez attendre qu'une vive contre-
épreuve de 1815? par ceux-là même qui, au fond de leur âme,
regrettent ces jours de sinistre mémoire ; car la grande famille


( 4 11 )
g eu aussi son 13 février. us par cent ou cent cinquante hommes
au plus, de tels mandataires seraient-ils bien ceux des départe-
mens ? qui auraient-ils derrière eux , ces cent ou cent cinquante
boueuses? quels intérêts représenteraient-ils, ceux de ces cent ou
Cent cinquante hommes avec leurs auxiliaires pris dans un clergé
ambitieux, et rien autre chose? à la place de qui viendraient-ils
s'asseoir dans cette enceinte? à la place de citoyens qui y seraient
vainement appelés par sept on huit cents électeurs , derrière
lesquels se groupe naturellement toute la population du pays.
Quant à moi j'ai opté. Si je ne puis obtenir la représentation
nationale promise par la charte , garantie par des sermens au-
gustes , je demande que l'on proclame au plus tôt le pouvoir
absolu des Bourbons : au moins je ne serai pas abusé par des
subtilités ministérielles. Je saurai à qui je dois ma crainte , à
qui ie dois mon respect ; je vote contre l'article I . er comme por-
tant le germe de la candidature et de l'élection indirecte. ( De
vifs mouvemens d'adhésion à gauche ont souvent interrompu ce
discours. )


M. Benjamin-Constant.. Cette discussion a prouvé , d'une
part , que le côté de cette chambre qui défend avec ardeur la
loi du 5 février, veut, pardessus tout, conserver l'élection directe
et. l'égalité des suffrages , usais ne se refuse d'ailleurs à aucun
moyen de conciliation. Nous voulons conserver l'élection directe,
parce que l'élection directe est le seul mode qui donne à un
peuple une représentation réelle et de véritables interprètes.
Tout mode qui porte atteinte à l'élection directe , et fait tra-
verser aux suffrages des électeurs des formes compliquées qui les
morcèlent et les


es


, sépare l'élection de la volonté dont
elle devrait émaner, et peut: la rendre étrangère et même op-
posée à celte volonté. L'élection directe peut ,5eule faire naître
entre les électeurs et les députés cette sorte de responsabilité
morale qui garantit la bonté des choix , et dont, l'influence va
croissant à mesure que ces deux classes d'hommes se nconaissent
ierots(ieu leient davantage. C'est cette responsabilité morale etréci-


que nous devons chercher à fortifier et à étendre. Nous
voulons conserver l'égalité des suffrages, parce que l'égalité des
suffrages est dans la charte, que vous ne pouvez établir des dis-
tinctions que la charte n'indique point,, des inégalités qu'elle
n 'établit- pas, des privilèges qu'elle repousse. Nous avions adopté
l
'amendement de M. Camille•Jordan ; nous soutenons celui de


Desrousseaux. Ainsi toutes les preuves d'un esprit concilia-
teur et de l'amour de la paix sont de notre côté. Cette concilia
itou est dans l'OS veaux et dans notre caractère.




( 432
De l'autre côté de cette chambre, aucune idée de conciliatio


n'est admise. L'amendement de M. Camille-Jordan a été rejet'
cependant tous les dangers prétendus ou réels de la loi du 5 fé
vricr étaient prévenus par cet amendement. On avait objecté I
déplacement des électeurs , il n'y aurait plus de déplacement;,
on craignaitles réunions nombreuses ; elles n'auraient. plus lieu;
on déclamait contre les comités directeurs , s'ils existent, les
influences locales paralyseront la leur. La priorité est opposée
à l'amendement de M. Desrousseaux. On veut donc la lutte,
l'exclusion , le privilége. On veut tout, ou rien : on ne veut pas.
seulement que la minorité ait une part , on veut qu'elle les ait
tolites; on n'est pas satisfait de la voir dotée d'une influence
disproportionnée à son petit nombre, ou exige qu'elle ait une
influence exclusive ; oit ne réclame pas pour elle la liberté, mais.
l'empire. L'amendement de M. Desrousseaux tend à empêcher
cette influence sans bornes d'une minorité audacieuse. Il re-
pousse la création du collège de département , qui n'est autre
chose que le règne de la minorité consacré.


Qu'importe la majorité ou la minorité, a dit M. Cuvier, si
les choix sont bons ? Avec ce raisonnement on pourrait con-
fier les choix à un seul bornoie. Or , messieurs , le règne des
minorités a toujours été funeste, même ( et ce n'est pas le cas
en France ) lorsque les circonstances semblaient lui être le plus
làvorables.


On vous a souvent cité Rome durant cette discussion. A Rome,
la minorité patricienne gouvernait. Qu'a-t-elle fait? Elle a chassé
les rois loin des murs de la cité qu'ils avaient fondée ; elle a
chassé les plébéiens sur le Mont-Sacré. On vous a cité l'Angle-
terre. En Angleterrela minorité, c'est-à-dire les barons, ont con-
quis la grande charte; ils ont long-temps combattu pour la liberté
avec les communes ; ils ont donc des droits acquis à la:recon-
naissance du peuple ; ils règnent de fait , car ils disposent des
élections. Qu'en résulte-t-il ? des luddistes et des radicaux.
tels sont les inconvéniens généraux de l'empire des minorités,
si elles ont été funestes même à Rome et en Angleterre, ces
peuples avaient eu du moins le bon sens de confier le gouverne-
ment à des minorités qui avaient voulu la liberté politique et
l'indépendance nationale. Mais la minorité qui nous assiégé est
ennemie de nos institutions qui l'ont privée d'une portion de ses
propriétés et de tous ses priviléges.


En repoussant la création d'un collège de département, l'a-
mendement nous délivre de cette ugrrpation méditée par le
constitution des plus imposés en accapareurs de tous les droits:


( 43 3 )
en envahisseurs de toutes les capacités , en maîtres de toutes les
dlectio ns , et par-là même du trône et du peuple.


On a voulu vous faire illusion, messieurs , sur cette vérité.
M. le garde-des-sceaux, en la contestant, vous a rappelé l'in-
fluence innocente des plus imposés sous Buonaparte. Buonaparte
était lui-même un intérêt nouveau, un intérêt funeste , car il
sacrifiait de la révolution tout ce qu'elle avait de noble et de
juste ; mais il était forcément le protecteur de ses intérêts maté-
riels; sans eux , son gouvernement despotique aurait péri. Cette
vérité , sentie de la nation , faisait toute la force de son gouver-
nement; n el n'eût supporté ce pouvoir oppressif, en opposition
à tous les intérêts moraux, à tous les principes , s'il n'eût donné
aux intérêts matériels une garantie. En sommes-nous lé ? je
Nous le demande , et j'en appelle à votre conviction silencieuse.
:Ne sentes-vous pas que sous Buonaparte la puissance suprême
était naturellement, par son origine et ses habitudes , l'alliée
de ce que la révolution avait établi , tandis que sous la restau-
ration ce serait par un effort de raison et de sagesse que la
puissance suprême se séparerait <les intérêts anciens pour ac-
corder aux intérêts nouveaux une protection que les entours du
trône tàcberont toujours d'affaiblir?


Ici ,je répondrai, en passant, à une subtilité fort ingénieuse
de M. de illile, subtilité qui prouve de l'adresse, mais pas
autre chose. J'ai dit , dans mon opinion sur l'ensemble du pro-
jet, qu'une statistique faite sous l'empire prouvait que les an-
ciens privilégiés fOrmaient les deux tiers au moins des plus im-
posés; et comme j'avais tâché d'établir que ces privilégiés n'é-
taient pas fin-ombles à la cause populaire , M. de 'Villèle a
supposé que je prétendais qu'ils étaient ennemis de Buonaparte ,
et est parti de là pour luire l'éloge de leur fidélité aux Bourbons.
Mais je n'avais rien dit de pareil. L'Almanach impérial, la liste
des chambellans, des préfets et des maires m'auraient démenti.
Etre ennemi des intérêts du peuple , ou ennemi de la cause im-


. Pé •iale , est fort dierent. Les anciens privilégiés n'étaient point
ennemis de Buonaparte. J'en fournis deux preuves. La première,
c'est qu'ils le servaient ; ( M. de Macearthy : Qui est-ce qui a
servi Buonaparte dans le côté droit? ditesle ?... Plusieurs voix :
Iste:orti‘nseisp:1!zét...rpi,e,a,?srl ieulsen! ) or , des chevaliers français ne


homme pour le trahir. Lent. fais-je tort? me
peuvent le dire. S'ils déclarent qu'ils le trahis-.


laient , je serai bien forcé de les croire ; mais tant qu'ils ne le
déclareront pas, je devrai croire à leur loyauté. Ma seconde
Preuve, c'est qu'employés par Buonaparte , ils ont appuyé son


28




( 434 )
gouvernement par leurs actes , leurs votes , leurs discours. Erà
effet, Buonaparie, sous plus d'un rapport., était le restauraient,
de ce qu'ils desirent : ils prenaient moins en attendant plus. 11
ne s'agit pas de leurs affectiOns il est question de leurs systèmes:
ils étaient sous Bisons parte (ie parle de la masse, et je rends
hommage aux exceptions individuelles ) , ils étaient , dis-je ,
sous Bdonaparte , ce qu'ils seront toujours , amoureux de leur
suprématie sociale sous un nom quelconque , et ennemis de
l'égalité.


Pour vous réconcilier avec l'influence des plus imposés , on
a passé de Buonaparte à Servius Tanins, qui, vous a-t-on dit,
avait trompé Rome comme on trompe aujourd'hui le peuple fran-
d
çais , -et cette tromperie, a-t-on ajouté , lui a valu sept siècles


e gloire. Oui , mais sous la république. En al tendant, la mo-
narchie avait été renversée, graces à cette tromperie ; car vous
n'ignorez pas que la monarchie fut renversée par les patriciens,
les grands propriétaires fonciers de l'époque. Ils établirent une
oligarchie insupportable. Est-ce là où l'on voudrait nous mener?
Le gouvernement de Rome monarchique était précisément celui
d'une caste avec un roi à sa tête. Or , sur sept rois , trois pé-
rirent, et un quatrième fut chassé.


L'amendement de M. Desrousseanx nous préserve donc d'un
système déplorable, d'un système par lequel , je le dis franche-
ment., la France sera bouleversée. Ceci n'est pas une menace,
mais un fuit ; les droits acquis enlevés , soixante-dix mille élec-
teurs exclus ou réduits à une coopération dérisoire, les intérêts
exclus se rejetant dans la nation et. l'agitant, la petite et la
grande propriété devenant ennemies, la haine des privilèges
justement mais dangereusement réveillée, nul ne peut calculer
les résultats de ces germes de discorde et de désordres.


Si j'aimais les révolutions , certes, je voterais contre l'amen-
dement et pour le projet de loi. Mais j'ai horreur des révolu-,
tions ; elles immolent les individus, elles dénaturent les'carac-
tères , elles corrompent la morale , elles mettent des devoirs
factices à la place des devoirs réels, elles substituent une force
aveugle à la force de la raison et à celle de la loi , elles perver-
tissent la justice , elles attentent aux droits de chacun; et quand
la justice est violée, les droits foulés aux pieds , les vertus pros-
crites ou abjurées , il m'est fort. égal que cet exécrable système
ait pour étendard la liberté qu'il déshonore, ou le despotiSine:•
j'aime mieux même que la liberté n'y soit pour rien , parce que
je gémis de la voir souillée.


Mais cependant messieurs, verrez-vous de . sang-froid les


( 435 )
chances que prépare ce projet , le plus insensé , le plus détes,
t able , le plus subversif de toute égalité , de toute justice , de.
toute liberté qui ait jamais insulté la raison d'une assemblée ?
E L, le votant, vous votez la contre-révolution et la guerre civile.
Je sais que les ministres promettent de nous en préserver; mais
que pourront bientôt les ministres? Séparés désormais de la na-
tien par. son invincible horreur pour ce projet qu'à leur tour ils
lui imposent , séparés de ces soutiens respectables qui les ont
défendus tour-à-tour contre tous les partis , ils n'ont d'arpui
que dans le parti qui veut que la minorité règne , et ce parti, qil n'appuie pas , il domine. (Agitation. ) M. le garde , des-sceaux
nous a parlé de ce qu'étaient en révolution les hommes du jour,
du lendemain, du surlendemain. Je le sais comme lui; j'ai vu
plus que lui , peut-être, ces lendemains terribles , et c'est pour
cela que je déteste les révolutions. Mais la contre-révolution
aussi a ses hommes du jour et ses hommes du lendemain:


Si vous rejetez l'amendement. , si vous adoptez le projet de
loi , tout est compromis pour de longues années. Je m 'attends,
pour ma part, à tous les malheurs, toutes les oppressions ,
à toutes les proscriptions des époques les plus désastreuses.-
( Murmures à droite. ) Je les prévois pour moi , pour mes amis ,
pour tout ce qu'il y a de courageux et de constitutionnel en.
France. Telle est ma conviction sur ce point , que j'éprouve
moins d'irritation que de pitié pour les ministres. Ils ont dé-
chaîné 18,5; ils seront après nous, mais comme nous , et je le
leur dirai avec franchise , moins glorieusement que nous, dévo-
rés par )8:5. ( Mouvement à gauche:) Je réclame l'adoption
hed l'amendement mendement et le rejet de , pour le salut de la li-


de la charte, de la monarchie, de la dynastie. Sans elle,
rejetés au sein des orages , nous ne pouvons ni prévoir ni cal-
culer les convulsions de l'avenir. ... ( Vive sensation.)


J'ai voulu vous entretenir une dernière fois sur un avenir
aussi menaçant. Je ne suis probablement pas plus qu'un certain.
nombre de vos collègues, destiné à jouir long-temps de la liberté
de cette tribune , la seule de nos libertés qui survive encore.
Bientôt, renvoyés dans nos foyers parla dissolution de lachambre,
soumis dans ces foyers à vos lois sur la liberté individuelle, pri-
n-sâ.éocont


redire


st leconnue tous les citoyens français de la faculté de manifester
pensée,
sa. ns., sécurité pour nos personnes, pouvant,


sur la .stanature de trois des minist res que nous avons été appelés
être jetés dans les fers , menacés même dès au-jourd 'liui captivité; plus ou moins longue, pour avoir plaint


au malheur quelques secours , en butte de




( 43 6
)


la sorte à un genre de persécution dont la France n'offrait plut
d'exemples depuis vingt-sept ans ; car, si je ne me trompe , la
pitié n'a été considérée comme un crime qu'à deux époques,
en 1 79 3 et en 182o, par les procureurs-généraux et par les jurés
de ces deux années; j'ai pensé que nous avions quelques titres
à être admis à remplir des devoirs dont le terme approche , et
que vous toléreriez des paroles importunes à quelques oreilles,
et qui retentissent pour la dernière fuis peut-être dans cette en-
ceinte. Je vote pour l'amendement et contre l'article 1. er du
projet de loi. ( Vif mouvement d'adhésion à gauche. )


La chambre, après avoir entendu M. Guitard pour l'amen.
dement, et M. Salis contre, ferme la discussion sur l'article 1


.er


et l'amendement.
La priorité élève une discussion nouvelle dans laquelle M.


Manuel établit qu'elle appartenait de droit à l'amendement de,
M. Desrousseaux. M. Courvoisier répond que la question de
priorité n'engageait aucun suffrage, et que, fidèle à ses précédens,
la chambre devait donner cette priorité au projet de loi. La
chambre a donné la priorité au projet de loi sans une forte
opposition.


On procède à l'appel nominal sur l'article 1. er , portant que
les collèges électoraux seront divisés en collèges de département
et d'arrondissement. Il est adopté à une majorité de cinq voix.


— La discussion est continuée au lundi 5 juin.
Séance du 5 juin.


M. Camille-Jordan. Je réclame contre l'adoption du procès-
verbal ; je demande qu'elle soit provisoirement suspendue. Il
importe de savoir si le premier fondement de toute délibération
subsiste parmi vous, je veux dire la liberté de l'assemblée, la
croyance au moins à cette liberté ; par conséquent, si les mesu-
res convenables ont été prises pour prévenir le retour des scènes
scandaleuses, sanglantes qui, dans les journées d'avant-hier et
de vendredi , ont porté à cette liberté des atteintes si graves. Au
parlement d'Angleterre tout outrage que reçoit l'un de ses
membres est aussitôt ressenti par tous, toutes les opinions s'u-
nissent pour le venger. Une assemblée française ne montrera
pas sans doute une susceptibilité moins noble.


Après vingt-cinq ans j'ai vu se renouveler avant-hier des at-
teintes à la représentation nationale presque semblables à celles
qui préparèrent, qui amenèrent ce 18 fructidor dont j'ai été
la victime Mais je dois cependant à ces anciens jacobins
qu'on avait déchaînés contre nous, la justice de dire qu'ils cou-


( 437 )
servaient plus d'ordre au sein du désordre lui-même, que ces
provocate urs de bonne compagnie dont nous venons d'être en-
tourés. Ils nous injuriaient sur notre passage, mais ils n'osaient
porter la main sur nous ; ils laissèrent le directoire, leur maître;
se charger seul des dernières violences, au lieu que nous avons
vu, dans les scènes d'avant-hier, toutes les voies de fait se
joindre à toutes les provocations verbales, et la représentation
nationale plus profondément insultée dans la personne de plu-
sieurs de ses membres.


C'est en vain , messieurs, que , pour dénaturer un tel atten-
tat, pour donner le change à l'opinion, des journaux-, que je
m'étonne d'avoir vu admis par la censure, se sont permis de
dire qu'une foule immense de peuple s'était portée avant-hier
devant le lieu de VOS séances, et avait applaudi à l'adoption du
premier article de la loi sur les élections ; qu'au milieu de cette
multitude s'étaient trouvés des hommes de partis divers, qui
s'étaient presque également provoqués, qui avaient été égale-
ment réprimés par la force publique. Un tel récit de ces deux
journées n'est qu'une odieuse imposture qu'il ne faut point lais-
ser pénétrer clans nos provinces sans le contredire ouvertement
à cette tribune. Non, messieurs, d'après tout ce que j'ai vu de
mes yeux , d'après tout ce que j'ai recueilli de témoins fidèles,
il n'est point vrai qu'une foule de peuple se soit portée devant
le lieu de vos séances, ait applaudi, comme on le suppose, à vos
dernières résolutions ; il n'est point vrai que deux partis se soient
trouvés en présence dans les journées de vendredi et de samedi,
aient lutté avec des forces égales, aient éprouvé une égale ré-
pression. Un seul parti a organisé le mouvement qui s'est passé,
l'a seul dominé, en est seul responsable.


Ce parti , je le sais , a voulu se former un prétexte de la con-
duite de quelques jeunes gens qui, les jours précédens, avaient
accompagné un de nos collègues à la sortie de la chambre, par
des applaudissemens, par des cris de -vive la charte! par des té-
moignages que la convenance peut-être pouvait interdire, mais
qu'aucune loi ne réprouvait; il eût pu sans doute imiter une
telle conduite, il eût cule droit de décerner un semblable triom-
phe à des députés d'une opinion contraire, nul ne penserait à
le lui reprocher.. Mais s'est-il borné à de telles représailles?


d
s'est-il


les


dans. de telles limites? Non ; au lieu d'applau-
'une députés de son opinion, il a voulu outrager les députés


ne opinion contraire , il est venu tout organisé envahir non-
seulement les alentours de cette enceinte, mais cette enceinte


même a commencé vendredi à diriger l'insulte contre le




( 438 )
député que j'ai désigné, M. de Chauvelin , et vous entendrez le
récit qu'ii eu e fait lui-même; il a ensuite étendu samedi les
provocations, les voies de fait à d'autres députés, et vous enten-
drez aussi le récit qu'ils se proposent d'en iitire.•


Chacun de vous a pu voir qu'un tel parti ne se composait
point d'hommes du peuple, de citoyens ordinaires, mais de
gens bien vêtus, portant la plupart des redingotes bleues, armés
de bâtons ou de cannes, paraissant, appartenir à une même pro-
fession, obéir à des impulsions uniformes.


Chacun de vous e pu les voir poussant avec une sorte de fit-
reur des cris de vive le Roi ! voulant forcer les passans à répé-
ter ces cris, frappant de leurs cannes ceux qui paraissaient s'y
refuser.


Chacun de nous e pu remarquer aussi quelle a été l'inertie,
presque la partialité de la force armée devant tous ces désordres
qui se passaient sous ses yeux , qui se sont impunément prolon-
gés : non que je l'accuse d'une connivence criminelle, mais
parce qu'elle était en quelque sorte frappée de la crainte de
T rouver clans les coupables des hommes trop puissans, trop
accrédités.


Et si en effet un tel m•suvement s'est ensuite étendit des en-
virons de ce palais sur d'autres points de la cité, s'il est vrai
qu'en quelques lieux .éloignés, les provocations aient fini par
exciter l'indignation de citoyens paisibles , qu'on ait répondu à
des cris affectés de vive le Roi, par des cris affectés de vive la
eharte, que des cris aient vengé des coups, qu'un meurtre même
ait eu lieu , à qui attribuera-t-on ces déplorables résultats, sinon
au parti qui en fut le premier provocateur ?


Vous apprendrez au reste, clans cette même séance , combien
toutes les circonstances de.ce meurtre lui-même paraissent avoir
été indignement travesties clans plusieurs journaux soumis à la
censure. Voilà les faits principaux , messieurs ; voilà ce qui vous
sera confirmé par les témoignages les moins suspects ; vous
comprenez maintenant toute la gravité de telles circonstances.
• Après les outrages à la majesté royale., quoi de plus odieux
dans un pays libre que des outrages à la représentation natio-
nale? Comment maintenir le respect des lois, si la liberté, la
dignité de l'assemblée qui les forme sont ainsi indignement vio-
lées? Dans quel état de déconsidération tomberait un gouverne-
ment qui serait impuissant pour réprimer de telles violences d'un




parti, et surtout après tant -d'autres .excès de sa•part qui se rat-
tachent évidemment au même système, à la même impulsion
les provocations qui se mêlèrent en deuil du .dernier


( 439 )
les excès du café Lemblin , les circulaires du midi, les tentatives,
cour arracher violemment un ministre de sou poste! Continent
surtout maintenir long-temps la paix, l'ordre ?


Le moyen que cette immense majorité de la nation qu'on a
récemmen t tant calomniée, qui n'a répondu à ces calomnies que
par un calme majestueux , ne fût à la fin ébranlée dans sou repos
par ces provocations irritantes d'un parti si odieux et si peu
nombreux? Qui pouvait voir avant-hie • sans une sorte de pitié
jointe à l'indignation, l'imprudence de quelques jeunes insensésagaçant, excitant ,.si l'on peut dire ainsi, le géant national dans
son redôutable sommeil, risquant d'attirer sur eux les plus fu-
pestes représailles , et de compromettre, dans de tels motive-
mens, jusqu'à ce trône sacré qu'ils veulent honorer et défendre?


Bien n'est donc plus pressant que de s'occuper de la répres-
sion de tous ces désordres. Si cette assemblée ne peut l'opérer
directement par elle-même, elle peut au moins la solliciter des
ministres de S. M., elle peut leur demander compte desmesures
qu'ils ont prises pour atteindre à ce , but. Sans doute des agens
de police répandus au milieu de ces attroupemens :dont pu
manquer d'y connaître un grand nombre de coupables. On assure
que la plupart d'entreux ont été signalés aussi par des rapports
adressés à l'état-major, au ministre de la guerre. Que les minis-
tres veuillent donc nous dire, en effet, si ces coupables sont
arrêtés, si leur procès va s'instruire ; daignent nous com-
muniquer ces rapports adressés à l'état-major; qu'ils nous ins-
truisent des progrès du rétablissement de l'ordre ; qu'ils nous
disent si leur censure permettra enfin aux journaux de présenter
t ans ces faits importans sous leur véritable jour? Il peut nous
être permis de douter de leur énergie, s'il leur faut., en poursui-
vant la punition, la répression de l'excès, blesser des hommes
pvissans, accrédités, dont l'appui leur est devenu si malheureu-
sement nécessaire, pour le succès de leurs lois anti-nationales •
Voilà pourquoi ils ont besoin de recevoir une excitation puis-
sante do la part de cette assemblée ; voilà pourquoi il importe
tant de suspendre nos délibérations jusqu'à ce qu'ils nous aient
pleinement satisfaits par la franchise de leurs communicas ions.


Combien nous sommes heureux, en résultat, c itue l'impru-
dence de ce parti , égalant sa violence, ait servi si tôt à le dé-
masquer, et nous ait ménagé des avertissentens si importans
'pour le reste de nos grandes délibérations sur la loi des élections!
'Et peut-être en effet devrons-nous plutôt notre salut, dans cette


conjo ncture critique, à de telles fautes qu'à nos propres
. lu-


m
ières, à -notre •propre énergie. En attendant, persistons, mes-




(44o)
sieurs, avec fermeté dans l'avis que j'ai ouvert; suspendons
l'adoption du procès-verbal, et toute autre délibération, jusqu'à
ce -que les ministres nous aient donné, par leurs communica-
tions, des garanties suffisantes de la liberté de cette assemblée,
et du rétablissement de l'ordre peblic.


11f. Leffitte. Voici la lettré qui m'a été adressée par le père
du jeune homme qui a été assassiné hier : elle prouvera à quel
point jjournaux ont rendu un compte infidèle du malheureux
événome.tit qu'il retrace, et quelle opinion abusive ils peuvent:
transmettre aux departemens : u Hier mon fils a été frappé à
mort ; aujourd'hui il est diffamé par le Drapeau Blanc , laQuotidienne et le Journal des 'Débats. Je dois repousser le
fait qui lui est imputé. Il n'a point tenté de désarmer un soldat ;
il marchait sans armes; il a été frappé par derrière : l'instruc-
tion le prou vers. Signé LÀLLEIVIAND , marchand de grains, ruedu Petit-Carreau,
4. »


Messieurs, cette lettre a été présentée à la censure ; elle a été
refusée. ( Violens murmures. ) Des citoyens de Paris fort recom-
mandables m'ont adressé une pétition que je vais déposer sur le
bureau : elle certifie les Lits énoncés dans la lettre de M. Lai-
mand ; je vais en donner lecture à la chambre.... ( Voix ddroite et au centre : Non! non ! cela est contraire au régie-
3nent !) M. le président me fiait observer qu'il est contraire au
règlement de lire une pétition : je sais que le régiment nous
lie pour des choses ordinaires ; peut-etre , pour telle circons-
tance devrions-nous ne pas nous y assujettir absolument; mais je
31)C soumets au règlement , et vais vous énoncer les faits conte-
nus clans la pétition.... ( M. de : C'est cela ! sans lire
la pétition, dites les faits qu'elle contient!) Voici ces faits : On
vocs dira, et on osera vous dire que Lallemand avait tenté une
lutte imprudente contre la force armée ; c'est une insigne faus-
seté. La victime s'éloignait ; le meurtrier l'a frappée par der-
rière. Vingt témoins ont attesté le fait, et le procès-verbal
existe. Ce jeune homme avait crié vive la charte! Ainsi ce cria été le signal du meurtre sous les murs du palais du Roi. Je
me réunis à l'opinion de l'honorable membre qui soutient que la
chambre ne peut délibérer, morne sur la rédaction du procès-
verbal (ce qui serait prendre une délibération), jusqu'à ce que
les ministres de S. M. nous aient donné les cOmniunications
nécessaires sur de tels événemens.


Leseigneur. Approuver ou rejeter la rédaction du pro-
cès-verbal, ce serait délibérer, et c'est une chose que l'assem-
blée ne peut faire clans l'état d'oppression où elle se trouve.


( 441 '
Pour délibérer, il faut jouir d'une pleine et entière sécurité, et
il n'en existe pas ici pour les députés des départemens. Après la
séance de samedi dernier, je sortis de la salle des conférences à
cinq heures et demie avec mon collègue de députation , M. de
Girardin, chez lequel je me rendais. Nous traversâmes la salle
appelée les Pas perdus ; nous y vîmes une assez grande quantité
de personnes, parmi lesquelles nous distinguâmes quelques dé-
putés : plusieurs s'exprimaient avec chaleur et indignation sur
cc qui se passait au-dehors. Arrivés dans le vestibule dit la
Rotonde, nous aperçûmes plusieurs de nos collègues qui cher-
chaient à rétablir l'ordre , et demandaient qu'on fit sortir tous
ceux qui n'étaient pas députés; il y avait alors un assez grand
nombre d'étrangers au milieu de nous.


Au momentd'étrangers nous allions franchir la porte d'entrée (pli
donne sur le jardin, nous entendîmes deux hommes criant
d'une voix de Stentor, l'un, vive le Roi ! l'autre, vive la charte !
Q uoique poussant des cris différens, ces deux hommes parais-
saient de la meilleure intelligence , et jouant le rôle d'agens pro-
vocateurs. M. de Girardin se saisit de l'un d'eux pour le con-
duire au corps- de-garde; les vétérans qui étaient près de lui
furent 'invités à s'en emparer : ils hésitèrent , en déclarant que
ce pouvait être un officier di.imisé. Il n'en aurait que plus de
tort si cela était, leur dit M. de Girardin ; alors il le conduisit
lui-même au corps-de-garde, où il le consigna en le remettant
entre les mains de la garde nationale.


L'un des questeurs du corps législatif, en habit de député,
vint à passer au moment même où l'inconnu avait été remis
entre les mains de la garde nationale ; M. de Girardin instruisit
M. de Saint- Lary de ce qui venait de se passer, et l'engagea à
interroger cet inconnu. L'entrée du corps-de-garde fut interdite
à M. de Saint-Lary par des soldats qui lui déclarèrent qu'ils
avaient la consigne de n'y laisser pénétrer personne. Qui est .ce
qui donne, et qui est-ce qui peut donner des consignes ignorées
de nos questeurs , et qui sont de nature à les empêcher de
remplir leur devoir, et d'assurer la tranquillité intérieure du
palais? J'ignore le motif qui a décidé M. de Saint-Lary à ne
point insister; mais du moment où il se fut retiré, nous sor-
tîmes par la grille du jardin. Nous aperçûmes alors de la gen-
darmerie qui barrait le pont Louis XVI et le quai d'Orsai


Le pont était encombré. Au milieu de la gendarmerie, il v
avait différens groupes. L'on entendait des cris de vive le Roi !
et des cris de vive la charte! Des hommes sans caractère appa-
rent, et sans marques distinctives, maltraitaient ceux qui




( 442,
)


criaient vive la charte, se précipitaient sur eux, les arrêtaient
et les remet laient entre lesmainS de la gendarmerie. Non s crûm es
que nous aurions beaucoup plus de peine à nous rendre aux
Tuileries en traversant le pont Louis XVI, qu'en descendant le
quai d'Orsai; nous cherchâmes à gagner le Pont-Royal, et nous
avions fait à peine deux cents pas, que nous rencontrâmes un
homme qui nous dit : Fous l'avez voulu, vous verrez ce que
c'est qu'une révolution, et vous la danserez... Nous leur .répon.
dîmes, ce guenons voulons, ce que nous avons toujours voulu,


j
fa
c'est la tranquillité publique , et si elle est troublée, c'est le


ute de la police. Cet te réponse était à peine achevée, qn'è
quelques pas de nous nous vîmes assommer à coups de canne un
eune homme très-bien mis; il avait crié vive la charte! c'était


là la cause des mauvais traitemens dont il était la victime:
La gendarmerie s'approcha , et l'on frappait encore le jeune
homme blessé ou mort, quoiqu'il fût au milieu d'elle. Un offi-
cier de gendarmerie, décoré, se contenta d'observer aux assom-
meurs qu'il était mal de frapper ainsi sur un de leurs prison-- *
niers, et il ne fit: arrêter aucun de ceux qui avaient mis ce
malheureux jeune homme clans l'état affreux où il se trouvait.


Cet te scène d'horreur terminée., nous Mmes assaillis, à notre
tour, par ceux qui en avaient été les auteurs, et enveloppés par
une grande quantité d'hommes armés de bâtons ferrés, presque
tons en bottes, et pantalons verts, assez bien mis pour nous
faire croire que c'était des gens de bonne compagnie. Leur con-
duite cependant ne répondit pas à cette apparence ; l'un d'eux
nie saisit au. collet; tons menacèrent mon collègue et moi de
nous assommer, et me dirent, dans un langage fort grossier: Crie
vive le Roi! C'était aussi aux cris de vive le Roi qu'on a mas-
sacré à Nîmes.,


Je leur observai qu'ifs n'avaient pas d'obligations à nous im-
poser, et. que le cri qu'ils réclamaient était dans nos cœurs. J'a-joutai que j e ne le séparais jamais de celui de vive la charte, parce
que je les considérais comme étant indivisibles. Je criai donc
-vive le Roi! vive la charte! A ce mot, un chevalier de Saint-
Louis dit : Vive la charte est un_cri séditieux. M. de Girardin
lui demanda depuis quand? Ils me contraignirent à crier seule-
ment vive le Roi! j'obéis , comme ceux qui donnent leur bourse
lorsqu'on la leur demande sur le grand-chemin. Ils continuaient
néanmoins à nous menacer. .Alors M. de Girardin tira sa mé-
daille. la leur fit voir, et ajouta qu'il était député, ainsi que
moi. Ils nous laissèrent. l'aire cinquante pas environ. L'homme
décoré qui était à leur tête nous suivait toujours ; il prévint


ceux qui paraissaient être à ses ordres , que c'était M. Mechin
( 443 )


qui était avec moi. M. de Girardin lui assura qu'il était dans
l'erreur, et déclina son nom. Nous voulions nous remettre en
marche, et nous en fûmes de nouveau empêchés. Un très-grand
homme leva sa canne sur la tête de M. de Girardin, qui lui pré-
senta sa médaille , se nomma de nouveau, et lui déclara qu'il
serait responsable de ce qu'il allait faire, .et qu'il se repentirait
un jour d'avoir maltraité un député. Ces paroles produisirent
leur efia. L'on cessa de nous poursuivre , et en traversant le
Pont-Royal, nous rencontrâmes M. Casimir-Perrier, qui était
en voiture avec M. Benjamin-Constant; tous deux venaient
aussi d'être poursuivis. M. Casimir-Perrier nous fit monter clans
sa voiture , et nous ramena chez nous.


Je dois prévenir l'assemblée qu'un compte semblable à celui
que je viens de lui rendre, a été adressé à mes commettans. La
vérité me force d'ajouter à celui-ci, qu'au moment. où j'ai été
pris au collet , l'on m'a passé entre les jambes une canne ter-
minée par un crochet en fer, dans l'intention sans doute de me
faire tomber ; cette canne a été retirée avec violence : mon habit
a été déchiré. De ma déclaration, messieurs, il résulte que nous
sommes sous la plus grande des oppressions ; et, comme il n'y
e de délibération possible qu'après que nous aurons été délivrés
de cet état, je vote pour qu'il n'en soit pris aucune jiisqu'an
moment où la liberté de nos votes nous ait été rendue. Par con-
séquent je m'oppose à ce que la chambre prononce, en ce 'Mo-
ment , sur l'adoption du procès-verbal.


Fornier de Sa int-Larv, questeur de la chambre. Je n'ai
qu'un mot à répondre, c'est qu'il m'était impossible de forcer
la consigne militaire.


M. de Girardin. M. le président, chargé de la police-de la
chambre et de la sûreté de ses membres, a des-reproches à se
faire; il Mira ,à rendre compte de sa conduite, pour n'avoir pas
pris toutes les précautions nécessaires pour que les députés aient
une entière sûreté dans l'intérieur et à la -sortie de cétte cham-
bre. (Des murmures s'élèvent au centre et à droite. ) Le prési-
dent répond que toutes les mesures de sûreté avaient été prises
dans l'intérieur du palais samedi et les jours précédens ; que la
cardecarde avait été doublée; qu'il y avait un ordre positif de nelaisser entrer aucun étraneer, de ne laisser qui que ce soit
s'attrouper dans les salies ut dans les cours.


!te. Sivard dlu Beaulieu. Samedi soir, à l'issue de la séance
sortant par la porte du jardin , j'ai-trouvé une foule très-grande
et un tumulte si considérable, que, ne pouvant traverser e




( 444 )
place qui conduit au pont, je me dirigeai sur les degrés du


pa-
lais, où je reconnaissais plusieurs députés , des pairs de France ,
el: diverses personnes qui avaient assisté à la séance ; en montant
les degrés , je fus arrêté par un vétéran ; je lui montrai nia mé-
daille, il nie répondit : Cela est égal, vous ne monterez pas. Un
officier fut appelé, et affecta de prendre la médaille pour une
pièce de cinq francs ; il insista pour m'empêcher de parvenir aux
degrés : je rappelai inutilement ce qui était dé à mon caractère
de député. J'aperçus alors un autre officier de vétérans qui est
plus habituellement: de garde à la chambre,


, et qui nous connaît.
JI me dit que son camarade avait pu ne pas me reconnaître pour
député, et j'ai pu pénétrer. De cette élévation , j'ai vu les scènes
les plus violentes : la gendarmerie repoussait la foule sur les
quais et sur le pont. Il y avait beaucoup de monde sur la place ,
niais cette foule était loin d'être paisible : les commissaires de
police ne disaient rien. La voiture de M. CasiminPerrier,


, dans
laquelle se trouvait aussi M.


•Benjamin-Censtant , se dirigea vers
le quai d'Orsai ; alors cette foule dont je parle se jeta à sa suite.
J'ai vu aussi les hommes dont elle se composait se reprocher de
l'avoir manquée , s'accusant de maladresse , disant qu'il ne
fallait que vingt bons lurons, et qu'il faudrait les attendre là,
en désignant la porte qui fait face à la rue de Bourbon. ( Très-
vive sensation. ) Le vide qu'avait opéré ce mouvement me donna
le moyen de me retirer, et de rentrer chez moi. Voilà les faits
dont j'avais à rendre compte à la chambre.


Casimir-Perrier. Je n'ai qu'un fait à ajouter à ceux qui
viennent de vous être rapportés. J'étais dans nia voiture avec
M. Benjamin-Constant, j e n'ai pu voir les personnes qui nous
suivaient; ils criaient en nous montrant le poing. Mais je dois
ajouter, que quand une centaine d'individus nous poursuivaient
ainsi jusqu'à la rue de Belle-Chasse , mon domestique a été
frappé, et que les hommes stationnés sur le quai , des officiers
de paix et. des officiers de police , n'ont arrêté aucun de ceux
qui nous poursuivaient.


M. Benjamin-Constant. Avant-hier, une personne fort
connue, et que je nommerai dans l'enquête qui devra avoir lieu,
est venue me dire : Ceux qui ont attaqué M. de Chauvelin hier,
sont dans la tribune, et sont prêts à recommencer. Je trouvai
trois personnes dans la rotonde, deux hommes et une femme;
la femme me dit : Avertissez M. de Lafayette; on l'attend à la
porte; je répondis : Je vous remercie, nous sortirons ensemble.
Le mari de cette femme, que je ferai connaître, est. venu nie
dire ensuite, que nous avions été écoutés par un jeune homme,


( 445 )
qui dit : Tant mieux ! nous leur ferons crier vive le Roi! Ceci
n'est encore rien. Un officier, d':n âge déjà avancé , et portant
plusieurs décorations, dit aux groupes dont ce jeune homme
faisait partie : Non, non, ne bougez pas : ce n'est pas <le leur
l'aire crier vive le Roi qu'il s'agit : laissez-nous les envelopper,


Je ne sais ce qu'ils voulaient faire deM. deet ne bougez pas
Lafayette après l'avoir enveloppé.


Je demand e qu'on nous communique les rapports faits à l'état-
major <le la place et à. la police. Les faits s'éclaireront, et nous
pourrons savoir ce que l'on se proposait de faire. Par exemple,
l'homme qui a parlé à M. Leseigneur, , je le connais , je l'indi-
querai. Il est facile de remonter à la source de ce qu'il a dit. Je
ne veux point en ce moment proférer son nom, pour ne point
exciter les passions; mais j'en conclus que le devoir le plus
pressant des ministres est de pénétrer au fond de cette affaire ,
de voir quel parti , contre leurs intentions , contre la volonté du
Roi , a vu un cri séditieux dans ce cri vive la charte ! Si les mi-
nistres ont le zèle qui doit les animer, ils peuvent remédier
à tout. La dernière classe du peuple est restée étrangère à ce
mouvement. Ainsi , il leur est très- facile de réprimer tout dé-
tordre ultérieur dont ils seraient responsables. J'insiste pour <pie
les ministres prennent connaissance de l'enquête qui devra avoir
lieu. Je nommerai les personnes à nia connaissance, et j'indi-
querai les témoins qui peuvent être entendus.


K dratry . Je quittais la chambre, après avoir consigné un
homme qui criait vive le Roi ! en montrant le poing à ceux
qu'il provoquait ( j'ai son adresse et la ferai connaître); j'allais
dîner rue Saint-Honoré : j'avais à traverser le pont; j'entendis
autour de moi des cris : Vive le Roi ! le Roi tout seul ! point
de charte ! J'étais avec mes collègues Popule et Admyraud;
nous causions tristement de ces événemens. Je les quittai an
Pont-Tournant, et là je fus acosté par un ancien chefde di vision.
au ministère de l'intérieur , homme très-estimable , et qu'il est
inutile de nommer ; nous montâmes sur la terrasse pour voir ce
qui se passait. Là nous fûmes abordés par des gardes du jardin,
qui, ‘. ccompagnés d'un commandant porteur de plusieurs dé-
corations, nous ordonna d'évacuer le j ardin. -Nous nous con-
formions à cet ordre et nous nous retirions : il faut croire qu'il
ne trouva pas notre retraite assez précipitée, car il employa
des ternies très-durs pour nous presser. Je lui <lis que nous
obéissions ; il se comporta alors plus durement et la canne à la
main. Le particulier avec lequel j'étais lui dit que j'étais député ;
quelques jeunes gens nie reconnurent et me nommèrent. Les




( 446
)


gardes du jardin dirent alors : Si c'était Manuel ce serait en-
core pis. Je tirai alors ma n-.édaille ,


• el j'espérais trouver la
marque de respect qui lui est due. Mais c'est alors que les ex-
pressions devinrent plus indécentes. On nie dit qu'on s'en
moquait ; on me dit que j'étais un clubiste. Je fus étrangement
formalisé d'une telle interpellation. Je demandai si c'était ainsi
qu'on devait traiter un député. Les menaces recommencèrent ;
on nie dit : Allez au club. Le ton était devenu tellement dur
depuis que je m'étais fait connaître comme député, qu'il était
impossible de se compromettre davantage ; je nie retirai.M. ille'chin. Si le malheureux état de la santé de M. de Chau-
velin ne le retenait chez lui, il vous eût fait part des fats qui
lui sont. personnels. Samedi dernier, un officier, chevalier de
Saint-Louis et la légion d'honneur , m'avait informé qu'il y
avait des projets contre M. de Chauvelin ; que six personnes
l'attendaient dans le jardin avec des bâtons; pour voir la fa-
meuse chaise à porteurs. Voici la déclaration de M. de Chau-
velin sur l'événement de vendredi : Elle porte en substance,
que samedi dernier, M. de Chauvelin était porté dans une chaise
à sa voiture qui l'attendait à la porte du jardin; au salon de la-
Paix, il fut entouré de personnes qui lui témoignèrent beaucoup
d'intérêt, et , jusqu'à la porte, de personnes dont l'attitude, à
la suite de la séance, était attristée et silencieuse ; au moment
de s'approcher de la voiture, le chemin fut fermé par des mi-
litaires vêtus en bourgeois, qui criaient


-vive le Roi! et agitaient
des bâtons. La foule se pressait, pour préserver le député an
cri de vive la charte ! Le signataire exprime qu'il éprouvait
des inquiétudes sur les citoyens dont les efforts tendaient à le.
préserver. Le poste de la garde nationale, qui sortait à l'issue.
de la séance, s'approcha, et lui fit gagner sa voiture ; sur le pont,
des groupes armés de bâtons le rejoignirent aux cris de vive leRoi! et le menacèrent. Deux substituts du procureur du Roi se
sont rendus chez M. de Chauvelin, qui lui ont demandé s'il avait
une plainte à former. M. de Chauvelin e réclamé le procès-ver•.
bal qu'un commissaire de police avait dé dresser ; mais MM. les
substituts n'avaient point ce procès-verbal. Ils n'ont pu coi,; mu-
niquer que des notes que M. de Chauvelin annonce avoir
trouvé rédigées avec une partialité extrême; et il a déclaré qu'il


j'
n'avait . aucun renseignement à donner. Voilà la déclaration que


avais à présenter au nom de mon collègue ; je la dépose sur le
bureau, et j'appuie la proposition de M. Camille-Jordan.


Le garde-des-sceaux dit que l'effervescence dont. on se plaint
vient de plusieurs discours tenus A la tribune ; cependant il,.


( 447 )
annonce que l'autorité recherchera les auteurs des troubles,
mais qu'il ne faut pas s'arrêter à la proposition de M. Camille-
Jordan, de suspendre les délibérations de la chambre. ( Mou-
vement d'adhésion au centre et à droite. )


Une longue et vive discussion s'élève sur la proposition de
M. Camille-Jordan. M. Manuel réfute les assertions du garde-
des- sceaux , résume les faits qui viennent d'être dénoncés, de-
mande qu'on assure l'indépendance de la chambre, et termine
en disant que la chambre ne peut délibérer sans connaître sa po-
sition d'une manière- irrécusable ; il insiste sur les conclusions
de M. Camille-Jordan.


M. Laisné dit qu'il déplore les excès commis envers plusieurs
députés; mais qu'il suffit que le ministère en soit instruit pour
que la poursuite soit certaine , et que le garde-des-sceaux vient
de le déclarer formellement; il a joute que la chambre ne peut
suspendre la délibération du projet de loi, jusqu'à ce que la
j ustice ait instruit, comme on le demande ; que cela serait troplong. Il cherche, en finissant , à atténuer le caractère séditieux
des faits dénoncés. Il vote pour que le procès-verbal soit adopté.


Demareiy. Messieurs , vous le voyez, l'agitation est ex-
trême ; qu'on ne vienne pas me dire que la classe inférieure
n'est pas agitée; cela peut être.vrai pour Paris, mais dans les
départemens , dans les campagnes, où tous les propriétaires
pères de familles , cultivateurs, intéressés au maintien de l'ordre,
voient leurs droits et leurs intérêts menacés , croyez-vous que
les esprits soient tranquilles? Non, messieurs, il n'en est rien.


Relativement à ce qui vient de se passer, en ma qualité
d'ancien militaire, il y a ici un inconvénient grave que j e dois
signaler. Depuis quand les militairesen activité ont-ils le droit
de paraître en habit bourgeois? qu'arriverait-il dans une place
de guerre à un officier qui paraîtrait sous cet habit? comment
se qu'il y ait des corps qui aient ce privilège ? Toute la
gendarmerie en a ; cela est contraire au règlement; d'autres
corps en ont aussi : vous voyez , d'après ce qui s'est passé,
q uelles graves conséquences cela peut avoir pour Perdre public,
et pour les militaires eux-mêmes, qu'on ne peut reconnaître à
aucun signe distinctif? Pourquoi cette violation du règlement, et
à quelle intention ? Est-ce pour contribuer à comprimer égale-
ment tous les partis que la force , armée est luise sur pied? Oui
sans doute:Eh bien I vous voyez, elle n'en a comprimé qu'un.
Des commissaires en écharpe vexaient des députes arrêtés,
provoqués, insultés, forcés de proférer un cri qui est dans leur
cœur, mais qui ne doit pas être arraché par la violence ; ces




( 448 )
événemens sont connus, et c'est quarante-huit heures après'
que ces troubles , ces scandaleuses provocations ont eu lieu,
qu'une instruction criminelle doit se poursuivre, qu'on viendra
à cette tribune se montrer si peu instruit de la vérité, et mettre
sur la même ligne les provocateurs et les victimes !


M. de Chauveliu s'était si bien attendu que l'on saisirait
cette occasion pour exciter du trouble, que lui-nnsme jeudi a
conjuré les citoyens qui l'entouraient à se retirer, et que lui-
même s'est dérobé à la foule en se retirant par la cour du palais.
11 n'a pas porté de plaintes , dit-on, il n'a pas signé de décla-
ration; niais il dit lui-même qu'on ne lui a présenté que des
notes du procès-verbal, et non le procès-verbal lui-même ; il
vous dit que ces notes étaient d'une partialité marquée, et dès-
lors à qui devait-il s'adresser, si ce n'est à la chambre?


Sans doute si nous avions la liberté de la pres e, elle suffi-
rait pour établir la vérité sur tous les faits ; au milieu des récits
des partis oppOsés, cette vérité se ferait jour ; mais cette liberté
nous a été enlevée après des promesses fallacieuses et contra-
dictoires. On a établi la censure ; quel usage en a-t-on fait?
comment a-t-on manié cet instrument qui devait avoir pour but
de mettre un frein aux passions et d'enchaîner les partis ?Tous
le savez : vous voyez de quelle manière les journaux ont rap-
porté les événemens; on ne leur a pas permis de dire un mot
de ce qui s'était passé véritablement; on a refusé de publier les
justes réclamations, et vous voulez que la France voie tout cela
sans agitation et sans inquiétude! Assurément c'est impossible;
et cependant M. le garde-des-sceaux vient vous dire : Gardez


-


3ous de répandre l'inquiétude dans la France en l'agitant par
3os propres discussions! Non , messieurs, il faut que la France
nous entende, qu'elle connaisse son sort, et l'avenir qui lui
est réservé.


Quels reproches a-t-on à élever contre l'esprit qui règne?*
Voyez dans les spectacles, dans les lieux publics, est-il question
d'autre chose que des intérêts de la patrie? ne sont-ils pas agités,
discutés avec l'amour de l'ordre, de la tranquillité et des lois?
L'intére public seul ne préoccupe-t-il pas tous les esprits ? Bien
différent de notre situation en r 7 89 , alors on s'agitait pour dé-
truire ce privilège; aujourd'hui si l'on s'inquiète, si l'on s'agite,
c'est pour que les droits acquis soient conservés, et pour que le
privilège ne renaisse pas. Tout le monde veut l'ordre établi,
tout le monde veut jouir en paix d'une fortune légitimement ac-
quise, personne ne veut ni ne peut vouloir de révolution. Contre
qui diri;e-t-on donc d'imprudentes accusations? contre Pexagé-


( 449 )
,ation d'une jeunesse qu'on (lit égarée. Messieurs, nous avons
,.té jeunes aussi, nous nous rappelons notre temps. Eh bien ,
dites-le-m oi avec franchise, autrefois la jeunesse était-elle, comme
aujourd'hui, laborieuse, instruite, respectueuse pour ses pa-
rons? Cette jeunesse qui par ses études, ses occupations, son
émulation, semble appartenir à l'âge mûr, remplit nos écoles, et
s'y livre à l'ardeur du travail et de la science. Elle a du feu ,
dites-vous; elle aime la liberté, et à quel âge voulez-vous donc
qu'on aime la liberté avec chaleur, et qu'on la défende avec
courage? N'est-ce pas aussi du feu et du courage que vous lui de-
mandez , quand vous l'appelez à la défense de la patrie ? Cessez
donc de lui imputer des désordres dont elle a été victime, et
qu'elle n'avait point provoqués. Je conclus à. ce que MM. les
ministres ne se contentent pas de nous présenter des déclara-
tions vagues , des renseignemens inexacts et de vains subterfuges,
mais des renseignemens positifs, appuyés sur des faits constatés;
jusques-là je demande que la délibération demeure suspendue.
( Vivement appuyé à gauche. )


M. Courvoisier abjure ses collègues de se mettre au-dessus
de toute crainte personnelle, et vote pour que la délibération
soit reprise sur le projet de loi. ( Vif' mouvement d'adhésion
aux deux centres et dans une partie de la gauche. )


On demande vivement la clôture de la discussion.
M. le général Foy. Je m'oppose à ls clôture !... Plusieurs


voix d droite r Parlez au fond'. ) M. le garde-des-sceaux a
expliqué ce qu'il savait de l'affaire; or il est bien évident qu'il
en a des idées fort inexactes ; qu'il a été trompé complètement
sur les faits : qui peut donc l'instruire avec plus de certitude?
l'instruction judiciaire; cela exige un certain temps; mais vous
ne pouvez continuer votre délibération. ( Murmures à droite. )
Messieurs, si avant-hier, à. quatre heures, on vous eût dit qu'il y
avait du danger pour un membre aux issues de cette salle, vous
auriez murmuré : Eh bien! le même danger existe aujourd'hui,
et existera demain et sera peut-être plus grand encore. Samedi
un appel nominal a eu lieu, l'opinion contraire à la loin échoué,
et vous voyez comme on a traité la minorité! qu'eût-ce donc
été si cette minorité avait triomphé? Pouvez-vous dire , après
cela , qu'il-y ait ici cette liberté morale qui est toujours dans la
mesure du caractère et de la conscience de chacun? Non sans
doute, et je persiste à dire qu'il est de la délicatesse de chaque
membre et du devoir de la chambre de prononcer l'ajournentent.


M. de Villèle, M. Benoît, et plusieurs autres membres de la
droite réclament la parole.


a9




( 45o )
Le ministre des affaires étrangères objecte que l'instruction.


-judiciaire ne peut être que longue, et il invite la chambre à
reprendre le cours de ses délibérations. ( Mouvement général
d'adhésion au centre et à droite. )


M. Benjamin-Constant. Le ministre vous demande si vous
croyez convenable de suspendre les plus importantes délibéra-
tions pour vous occuper d'injnres personnelles? Non, certes.
Mais il s'agit des intérêts les plus chers de la France, et nous
ne devons pas l'oublier. Les désordres étaient annoncés : de
toutes parts des bruits nous parvenaient, on nous faisait des
rapports, des lettres anonymes nous étaient adressées... ( Voix
à droite : Et nous aussi! et nous aussi !... Castelbajac


reçu vingt lettres anonymes où l'on me menace de m'assas-
siner.... Qu'est-ce que cela?) Ce qu'on nous annonçait s'est
accompli, et c'est parce qu'il ne s'agit plus de danger personnel,
mais de la tranquillité publique gravement compromise, que
nous ne pouvons , dans de telles circonstances, continuer notre
délibération avant d'avoir reçu les communications qui nous
sont nécessaires.


Nous connaissons tous les moteurs de ces scènes déplorables....
( Très-vif mouvement à droite. MM. Maccarthy, Castelbajac,
Limayrac, Chabrillant, se lèvent.... Nommez ! nommez fran-
chement ceux que vous accusez!..) .Je ne cacherai point, et je.
désignerai tout-à-l'heurele partiauquel j'attribue ces désordres...
( Nommez ! nommez:— M. de Maccarthy: Il y a assez long=
temps que nous sommes injustement calomniés ; il est temps
que cela finisse. — Le président réclame le silence et le règle-
ment.) Je ne sais pas pourquoi, lorsque je parle d'un parti, ces
messieurs se croient insultés.... ( Voix à droite : Pourquoi re
gardez-vous de ce côté en en parlant ? ) Les excès qui ont eu
lieu, nous le savons tous, et les ministres doivent le savoir
s'ils ont vu les rapports faits à l'état-major et à la police.....
( Voix à droite : Comment les connaissez-vous? ) Ils doivent'
savoir qu'il n'y a pas dù avoir deux partis en présence, niais un
seul parti agresseur. Des citoyens étaient rassemblés autour de
cette enceinte : ils criaient vive le Roi! vive la charte ! (A
droite : Non pas vive le Roi ! ) Je dis la vérité, et même ils
n'ont crié vive la. charte! en la séparant du cri de vive le Roi!
que quand des individus furieux et armés de bâtons se sont
précipités sur eux pour leur faire crier


-vive le Roi ! Et l'on
vous dit que des excès ont entraîné à d'autres excès! et l'on
Nous a parlé d'une jeunesse égarée, tandis que cette jeunesse
est restée calme; qu'elle a été victime du désordre ; que ceux


'451- )
qui l'assassinaient étaient épargnés, et qu'il n'y a eu de per-
sonnes arrêtées que parmi celles qui étaient insultées , pro-
voquées, frappées et foulées aux pieds des chevaux. Pour être
vrai, il fallait dire : 11 y avait en présence cieux classes de jeunes
gens : ici une jeunesse animée de sentimens généreux, fière de
nos institutions , et animée d'un zèle •ardent pour la défendre ,
une jeunesse amie de la liberté , et prête à braver noblement
tous les périls pour une si belle cause ; et de l'autre, une jeunesse
qui ne cesse de provoquer, et qui veut proscrire les défenseurs
de cette liberté ; une jeunesse qui se montre constamment
ennemie de nos institutions , et qui a commencé ses exploits
par violenter la volonté royale, et par arracher d'auprès du
trône un ministre que tout le inonde savait être cher au mo-
narque. Si, dis-je, on avait tenu ce langage, il y aurait de
l'impartialité; mais on ne vous a parlé que d'une partie.de cette
jeunesse qu'on a dit égarée, tandis qu'elle tombait sous les coups
des provocateurs , et qu'un infortuné fuyant sans défense a été
atteint d'un coup mortel. Je demande si cette manière de pré-
senter les choses n'est pas de nature à redoubler le danger ?


La journée du samedi, messieurs, n'est pas un événement
isolé ; il est préparé de longue main. Remarquez bien quelle a
été la marche de la faction : elle a d'abord répandu le bruit
d'accusations factices; , en voyant que cela ne réussissait pas,
elle a eu recours à des conspirations imaginaires : vous savez ce
qu'elles sont devenues, ce qu'elles ont produit; on n'en a plus
entendu parler. Enfin, quand on a eu reconnu que toute pro-
vocation à la guerre civile était inutile, et que les conspirations
prétendues n'amenaient à rien , on a marché le front levé ; on a
marché contre la charte à force ouverte, et vous avez eu samedi...
(Voix à gauche : lis demandaient une journée !) Je le sais bien.
Je n'examine pas quelle part l'autorité a eue clans la direction
de la force armée, et dans quel esprit on l'a fait agir; niais ce
que nous avons vu, et que tout Paris a vu, c'est que cette force
sévissait contre les gens insultés et frappés, et qu'elle laissait
aller les provocateurs qui les accablaient d'outrages et de coups.
J'ai vu des lettres signées dont je ferai connaitre les auteurs
quand l'enquête aura lieu. On sait que clans un lieu public sou-
mis à la surveillance de la police, on a crié : Vive le Roi, le
Roi tout seul ! à bas la charte ! à bas les libéraux ! vengeons
dans le sang des libéraux la mort du duc de Berri (Mou-
vement à droite.... A gauche : C'est vrai! au café Valois !.. . )


Dans un tel état de choses, messieurs, vous ne pouvez déli-
bérer; non qu'il y ait du danger, car prenez-garde qu'à l'égard




( 452 )
des factieux qui vous menacent, que vous délibériez ou non, le
danger serait le même; mais les motifs de la suspension ont et
développés devant vous ; je ne demande pas un ajournement
indéfini , mais seulement au moment où les ministres auront
eu connaissance des rapports de l'état-major et de la police. Le
ministère mettra le parti hors de nuire; s'il ne le fait pas, en
un jour, en une heure , ce parti qui n'est pas redoutable en
luimênie, mais qui a de la témérité, peut dévorer et nous, et
la Fiance, et le ministère lui-même. (Violente agitation. Voix
à. gauche: C'est vrai'. c'est vrai ! ) Et, lorsque je parle du mi-
nistère, je dirai qu'il est de sa prudence de ne pas insister pour
que la loi dont nous nous occupons soit rendue sous de tels aus-
pices. Déjà elle a été précédée par deux lois qui ont profondé-
ment affligé les amis de la liberté, celle sur la liberté indivi-
duelle, celle sur la liberté de la presse; aujourd'hui faudra-t-il
que la délibération sur la loi des élections, après avoir été pré-
cédée de baillons et de lettres de cachet, soit accompagnée de
violences, entachée du sang qui a été versé?... (Les murmures
du centre et de la droite interrompent.) Il importe donc, mes-
sieurs, que les ministres fixent l'opinion de la France et la vôtre,
sur les événemens qui ont eu lieu. Il importe qu'ils éclaircissent
tous les faits, qu'ils entendent tous les témoignages, alors je ne
doute pas qu'ils viennent vous déclarer qu'il n'y a eu qu'un parti
agresseur et qu'un parti coupable. Jusque-là nous ne pouvons
délibérer. Je demande l'ajournement à trois jours. (Vivement
appuyé é gauche. )


Rourdeau. Mardi dernier, jour de l'apothéose de l'un de
nos honorables collègues.... (Les plus violens murmures inter-
rompent à gauche.— Un grand nombre de membres demandent
le rappel à l'ordre.... Girardin iEst-ce parce qu'il n'est pas
encore assassiné .?.. M. Hernoux: Je demande le rappel à l'ordre
de l'orateur qui s'est servi d'une expression aussi inconvenante...
Une vive explication s'engage à la tribune entre M. Hernoux et
M. Bourdes u. — a t ion la plus vive règne dans la chambre.


M. de Girardin. J'ai aussi des faits imporlans à fifre con-
naître... ( droite- : Parlez du rappel à l'ordre ! ) Je viens
le demander pour l'outrage que vous venez d'entendre à l'égard'
d'un rcollègue retenu su un lit de douleurs, qui s'en est arraché'
pour venir remplir un devoir sacré, et dont le vote, vous le-
savez, a donné un léger triomphe à ce (-ailé; triomphe qui, vous
le savez aussi, n'a duré que quarante-huit heures. Il était assez
simple que des témoignages fussent donnés à son dévoue
meut


(M. de Villèle : C'est là le moment où la liberty


( 453 I
de !a chambre a été méconnue ' ) Il n'y avait pas plus de
quarante personnes. Le lendemain, 31. de Chauvelin
( Voix à droite : Parlez donc sur le rappel à l'ordre':) Jeudi,
:M. de Chauvelin a conjuré le petit nombre de citoyens qui l'en-
touraient de se retirer; et ils l'ont fait, et voilà ce dont on
vent tirer parti pour atténuer les scènes affreuses de vendredi :
l'assassinat prémédité qui a eu lieu, et le fait de vendredi, n'(,7-
ru i nait pas seulement une mention dans le procès-verbii.1 qui a •
été dressé. M. de Chauvelin a dû s'en étonner; il a dû se plaindre
de la partialité des noies qui lui ont été présentées; il a dû
refuser à faire une déclaration, et c'est ce moment qu'un de ses
collègues choisit pour 510115 parler de son apothéose! Le moment
n'est pas encore venu ; il faudrait que nous périssions sous le
poignard de la faction pour le mériter... ( De violons murmures
s'élèvent. ) Messieurs , il y a peut-être quelque courage à s'ex-
primer ainsi quand peut-être les poignards vous attendent à la
porte de cette chambre. Je demande que l'orateur convienne
qu'il s'est servi d'une expression inconvenante, ou qu'il sort
rappelé à l'ordre.


M. Rourdeau. J'ai nommé apothdose , triomphe, ovation,
comme on le voudra, ce oui s'est passé à l'égard d'un député;je ne puis rétracter cette. expression : si elle est condamnée-parla chambre, je me résigne à ce qu'elle décidera...... ( Voix d
gauche : Parlez! parlez '• ) Mardi , un accueil triomphal at-
tendait encore le député, il a été reconduit jusque chez :ai; des
hommes que je ne connais pas criaient : le dflputi! ! vive
la charte ! vive la. libera' M. Méchin : Criez donc aussi
vive le . Roi ! Voix à droite : Non ! non ! c'est faux' Voix
à gauche : Oui! oui ! on criait vive le Roi ! L'escorte criait :
A bas les nobles ! à bas les ultra Le 3, mai , la sortie a été
morne et silencieuse ; le lendemain , on vous a dit ce qui s'était
passé , et je gémis plus que personne sur <le tels excès; mais le.
samedi , entendu des grimpes proférer des cris véritablement
séditieux; j'ai entendu crier : vive /a charte , et rien que la
charte ! (M. de Liceirac : Je l'ai entendu! je l'atteste ! )
C'est ce que l'enquête reoxrvera ( Voix d gauche : C'est cc


M /3" ••pie nous verrons ) entendu crier : Point de Bourbons
sans la charte ! à bas les rapières ! à bas les pigeons blancs !
et quand quelqu'un disait vive le Roi ! on répondait dédai-
gneusement : Le Roi se porte bien , il n'est pas nécessaire de
crier vive le Roi ! On a dit que les rapports avaient annoncé ce
qui arriverait le samedi : je l'avais prévu par les autécédens; il
était bien naturel de le présumer par les que je rappelle,
çris prononcés avec un accent qui n.'était pas celui de l'âme et




( 454 )
du sentiment, et qui étaient séparés avec affectation du cri na-
tional de vive le Roi! (Vive sensation.) Messieurs, la justice
est saisie des faits ; c'est à elle à les constater, à les vérifier,
et à punir les coupables : on a obtenu ce qu'on voulait ; on est
parvenu à nous faire perdre une séance... (Les plusviolens mur-
anures interrompent à gauche.... M. Benjamin-Constant monte
rapidement à la tribune. )


ill. Belli 0.711/71- Constant. Quand tous avez entendu des mem-
l'obj
Ires vous retracer les outrages, les p rovocations dont ils ont été


et , on ose dire que votre tut est atteint, que votre
intention est satisfitite, que nous avons fait perdre une séance
à la chambre ! Une telle expression est un outrage à. la chambre,
et un outrage à chacun des membres qui ont été entendus. Je
demande le rappel à l'ordre.


M. Bourdeau. D'après les explications données par M. legarde-des-sceaux
, il me semble qu'il était inutile de continuer


j'aila discussion, qui devenait sans objet ; c'est dans ce sens quedit qu'on nous a fait perdre les trois-quarts de la séance...
<M. Casimir Ferrier: Ce n'est pointlà ce que vous avez dit !


)Le président demande si le rappel ft l'ordre est appuyé.... Voixd gaude : Non ! non ! passons ! On demande au centre et à
droite la clôture de la discussion. (Une très-vive opposition se
manifeste à ga uche.) Une foule de membres se lèvent. M. le pré-
sident met la clôture a ux voix; la droite et. le centre se lèvent...
Les cris de la gauche empêchent la contre-épreuve. M. Casimir-
.f errier demande la parole contre la clôture.... Voix à droite :La clôture la clôture! vous n'avez pas la parole! M. Casimir-Ferrier : Je l'ai demandée ! ce n'est pas ma faute si M le pré-
sident ne peut pas voir les membres du côté gauche lui demanderla parole', Voi.z


. ti droite : La chambre a délibéré !M. Casimir-Perrier. Je
motive mon opposition à la clôturepar ce qu'a dit M. le garde-des-sceaux, qui , sur les rapports


qui lui ont été faits inexactement , n'a accusé qu'un parti
M. le garde des-sceaux : J'ai parlé des deux partis. ) Vous


n'avez parlé de celui qui a été opprimé que pour l 'accuser
(M. &général Foy : Ceci est une affaire d'honneur, et pour


toute le chambre!) A-t-on éclairci le fait si grave qui vous a
été dénoncé, que M. Girardin ayant voulu faire arrêter un pro-
vocateur , les vétérans ont répondu qu'ils ne le pouvaient, et


•que ce pouvait être un officier déguisé ? Il y a donc des officiers
déguisés? tout Paris le sait et le voit ; qui les dirige ? c'est ceque l'enquête pourra nous faire connaître. Jusques-là nous ne
pouvons délibérer; il nous finit un rapport moral sur ce qui s'est


À.passé, sur la position de Paris, sur la position particulière ide


( 455 )
cette chambre, sur le degré de liberté dont elle peut être assurée
dans les délibérations. Je m'oppose à la clôture.


M'. Camille-Jordan. Je remonte avec répugnance à cette
tribune ; mais j'y suis en quelque sorte forcé par un appel de
jd. le garde-des-sceaux. Il a supposé qu'après avoir entendu
ses explications , je devais être disposé à. me désister de toute
demande d'ajournement ultérieur de nos délibérations . Si je
gardais le silence, on pourrait croire en effetà mon désistement,
et je laisserais mes honorables amis dans l'illusion sur mon opi-
nion véritable. Sans doute il est loin de ma pensée de vouloir
prolonger cet ajournement d'une manière indéfinie , d'attendre
que les instructions judiciaires soient terminées ; ce serait man-
quer à tous les justes égards envers le gouvernement, ce serait
risquer de donner à l'opinion un signal d'alarme exagéré ; mais
il n'en est pas moins vrai que je vois toute convenance
ajourner, au moins jusqu'à demain, la délibération actuelle. Surquel motif plausible nous refuser un si court délai? est-ce qu'il
serait possible de délibérer encore à cette heure avancée? est-
ce que nos passions ne sont pas actuellement trop émues pour
une décision qui exige du calme? est-ce qu'il n'est pas sage
de vérifier, au moins pendant ce délai d'un jour , l'effet salu-
taire des mesures que le gouvernement dit avoir prise& pour la
liberté de cette assemblée, pour le maintien de l'ordre public?
est-ce que nous ne pouvons pas tous, d'ici à demain, re-
cueillir des renseignemens nouveaux et précieux, qui achèvent
d'éclairer notre délibération et d'y porter l'unanimité la plus de-
sirable? Lors même que les explications données par M. le
garde-des-sceaux m'auraient pleinement satisfait, je voterais tou-


:;e


jours pour un délai si raisonnable et si court; mais. puis-je dired'ailleurs que ces explications m'aient satisfait? Non, messieurs,.
ne puis le dire ; j'y ai remarqué au contraire une ignorance


affligeante des faits les plus inaportans, une supposition presque
habituelle que dans les journées de samedi et de vendredi , c'é-
tait deux partis qui avaient été en présence , qui avaient eu des
torts presque égaux ; tandis qu'un seul de ces partis y a été si
évidemment le seul agresseur, le seul provocateur, le seul cou-
pable! je n'ai pu u 'expliquer autrement comment un homme
doué d'autant de sensibilité que M. le garde-des-sceau x , e paru
réserver en quelque sorte toute son indignation pour quelques
exagérations anciennes et oubliées de quelques discours énoncés
du côté gauche, et n'a pu trouver un seul accent d'émotion
profonde'pour la représentation nationale violée , pour ses col-
lègues insultés, pour des excès présens et flagrans; comment à-




456 ) ,
nous en a parlé, au contraire, avec un calme inaltérable, avec
l'impassibilité la plus stoïque, avec la disposition la plus mar-
quee à excuser le parti-agresseur? Non, encore une fois, je ne
puis en accuser l'àme de ce grand cito yen , qui m'est trop bien
connue, mais j'en accuse son ignorance des faits, j'en accuse
les convenances ministérielles dans lesquelles il se trouve en-
travé: j'y reconnais ces m éna gentens déplorables auxquels le


. ministire est, comme maigre lui, inévitablement entraîné en-
vers un parti dont l'appui lui est devenu indispensable pour le
succès des lois anti-nationales qu'il a le malheur de noua pro-
poser. Ai-je pu d'ailleurs, -messieurs, être satisfait . dans ce
même-discours, qu'on nous présente sans cesse ce grand trouble, A
dont nous venons d'être les témoins et les victimes , et qui doit




être jugé surtout par les vues de la plus haute politique, comme
un é V em en t. ordinaire qui ne peut être apprécié qu'au boutjd'un long temps, et d'après les formes lentes d'une instructionudiciaire?


? ai je pu être satisfait, qu'en nous promettant de
l'exactitude dans cette instruction judiciaire, on n'ait pas eu à
nous ennoncer déjà que la plupart des coupables, qui devaient
etre si connus, étaient en état d'arrestation ? ai-je pu enfin,
ainsi quela plupart de mes collègues, être satisfitit des explica-
tions si sommaires données sur l'inertie, et presque la partialité
de la force armée, au milieu du trouble; sur la manière si
étrange dont la censure s'est exercée relativement au récit d'é-
vénemens qu'il importait tant de faire connaître sous leur •
véritable jour ?


Par toutes ces considérations , je ne puis que persister dans
mon vote pour la continuation de la• délibération à demain.M. le garde-des-sceaux cherche à se disculper ; il invite la
chambre à attendre l'instruction judiciaire, et termine en disant -
que In chambre étant parfaitement instruitedes faits qui viennent
d'être dénoncés, l'ajournement était sans objet. (On demande
à grands cris à droite et au centre la clôture de la discussion.
Uhe vive opposition s'élève à gauche : Non ! non ! nous ne dé-libérerons pas. M. Manuel demande l'ajournement. Cet avis est
appuyé par un petit nombre de membres de la gauche restés en
place. D'autres membres de la gauche, réunis dans le couloir,
s'écrient : Nous ne voterons •pas nous ne voterons pas ! Toute
b droite , tout le centre de droite et tout le centre de gauche
sont en place et en silence. On demande de nouveau la- clôturee -
de la discussion. Le président la met aux voix.)
. La droite et les deux centres se lèvent. Sur le petit nombre
de membres restés à gauche, les uns •e lèvent à la contre-


( 457 )
épreuve, d'autres ne prennent point part à la délibération., et
éclatent en réclamations.


La rédactbn du procès-verbal est adoptée. La séance est
levée à six heures et demie.


Séance du 6 juin.


111. de Reauséjour. Je m'oppose à ce que la délibération de la •
chambre, prise à la fin de la séance, soit constatée ainsi que le
dit le procès-verbal. Une grande partie de la chambre a dé-
claré ne pas vouloir voter ; ft.i demande qu'il en soit fait mention ion
au procès-verbal


M. Benjamin-Constant. Quand vous vous êtes déterminés à
suspendre l'adoption de votre procès-verbal, c'était en considé-
ration des événemens de samedi , parce qu'ils avaient compromis
la sûreté de quelques-uns des membres de la chambre.... ( Voix
à droite : Parlez pour vous Violens murmures à gauche.)


M. de la Boardonnaye , de sa place. On n'a pu encore cons-
tater les faits'..... M. le président invite à ne pas interrompre...
M. de la Bourdonnaye : Nous y sommes sans cesse obligés !
ces messieurs font sans cesse des assertions 'fausses!... /onveaux
murmures à gauche... M. Alexandre Lameth parle vivement de
sa place... M. le président le rappelle au silence.


.11/1. Alexandre LametÀ. Vous avez laissé parler a de la
Bourdonnaye de sa place; j'ai le eac lere droit que lui... c'est de
la partialité. Vous n'êtes pas le président de la chambre, NOUS
êtes un membre du coté droit.


M. le président. Le réglement ne permet à personne de
prendre la parole sans l'avoir demandée et sans l'avoir obtenue.
M. de la Bourdonnaye avait parlé de sa place ; il n'avait pas
ce droit, etje le lui ai rappelé; M. de Lameth ne l'a pas davan-
tage. Le président exécute le réglement, quelle que soit l'injus-
tice qu'on lui suppose. M. Benjamin-Constant a la parole.


M. Benjdmin-Constant. Vous avez suspendu votre délibé-
ration sur le procès-verbal pendant toute la séance. D'après la
manière dont l'autorité s'explique, d'après l'article du Moni teur
de ce jour, nous ne rhu mes pas en mesure de délibérer. Tout
ce que les journaux censurés, et tout ce que le Moniteur a rap-
porté est de la fausseté la pl us . complète. L'article du Moniteur
appartient au système qui vous a été développé par M. le garde-
des-sceaux. Il est bien question de jeunes gens égarés, tandis•
que les jeunes gens qui criaient vive le Roi ! vive la charte
étaient assommés par ceux qui criaient vive le Roi ! et que lés




(4f )
premiers étaient seuls poursuivis et arrétés. Un des ministres
du Roi a paru dire que k cri de vive le Roi ! n'avait été pro-
fixé qu'en réponse à celui de vive la charte ! et que les partis
on présence avaient lutté l'un contre l'autre : il n'en est rien;
sui des partis était paisible, et des forcenés l'ont attaqué. Le
ministre a gratuitement fait injure à cet te admirable jeunesse,
qui aime l'ordre. et la liberté, le Roi et la charte, qui prépare à
la France une génération qui vaudra mieux que nous. Et en
effet, où jamais a-t-on vu une jeunesse plus studieuse, phis
aligne d'éloges, etsur laquelle on puisse foncier plus d'espérances?


L'inexactitude des faits est démontrée : nous ne pouvons dé-
libérer même sur l'adoption du procès-verbal, nous ne sommes
pas libres; des précautions sont prises par les agens subalternes
du gouvernement pour intercepter toute comm unication avec les
départemens ; un de nos collègues vous citera des faits qui
prouvent le plus coupable abus de confiance de la part de Pad-
ministration des postes. C'est- par de telles communications
subreptices, par des envois fallacieux que l'on veut égarer
l'opinion publique.


Hier, les attroupemens n'ont pas eu un caractère plus répré-
hensible que samedi ; le cri qui retentissait était celui de vive
le Roi ! -vive la charte !Allais ils étaient très-nombreux ; les
sassemblemens étaient de dix , vingt, trente et quarante mille
personnes dans les divers points où ils se sont réunis


(Des
murmures s'élèvent. ) Et cependant les ministres avaient an-
noncé que toutes les mesures avaientété prises pour les prévenir.


ous devons revenir à leur demander un compte de la situation
de Paris , une garantie de la sûreté des députés; non un compte
de l'instruction judiciaire, mais un compte moral de ce qui a
été, fait par l'administration et par la police; nous devons de-
mander compte des rapports faits à l'état-major et à la place ;.
nous devons savoir si en effet il y a eu des officiers déguisés à
la tête des provocateurs ; ce compte nous est indispensable pour
connaître si 11011S avons la liberté nécessaire pour délibérer. Sans
cette mesure préalable, que je réclame dans l'intérêt des mi-
nistres, la loi dont nous nous occupons sera discréditée. Je renou-
velle la demande de la suspension de toute délibération, même
sur le procès-verbal, avant que nous ayons reçu, non des ren-
seignemens partiaux et inexacts, mais bien des détails de nature
à nous satisfaire. (Appuyé à gauche. )


Le :arde-des-sceaux revient sur ce qu'il a dit dans la séance
de la veille, et parle, dans son système, des événemens qui se
sont encore passés le jour précédent.


( 459 )
M. Manuel répond à:M.1e garde-des-sceaux, et ajoute de non-


veaux développemens au discours de M. Benjamin-Constant.
La chambre, malgré les réclamations de la gauche, ferme la
discussion, à u ne très-grande majorité, et adopte le procès-verbal.


La discussion se rétablit sur le projet de loi des élections. Le
paragraphe second du projet de loi est adopté avec un amen-
dement de M. Busson , qui étend la disposition de l'élection
directe aux collèges d'arrondissement oà. le nombre des élec-
teurs, divisés en cinq arrondissemens, n'excède pas quatre cents.
Cet amendement est consenti par le ministre de l'intérieur.


M. Courvoisier propose un amendement tendant à conserver
l'élection directe, en formant un collige de département qui
nommerait cent soixante-onze députés, el des colléges d'arron-
dissement qui nommeraient quatre cent soixante députés. Cet
amendement lui paraît devoir concilier tous les intérêts et ra-
mener une union si nécessaire; mais cet amendement exigeant
l'assentiment du gouvernement pour être proposé , en con-
séquence il le retire jusqu'au moment où il serait consenti.


M. Benjamin-Constant établit la nécessité de délibérer sur
cet amendement. Le garde-des-sceaux et le ministre des affaires
étrangères sont successivement entendus ; ils rappellent que ces
dispositions appartenaient au premier projet ; qu'elles avaient
éprouvé la plus vive opposition , et qu'il avait fallu les retirer ;
cependant ils ne s'opposent pas à ce que la chambre en fasse
l'objet de sa discussion.


M. Courvoisier lit son amendement, et en présente le dé-
veloppement, qu'il appuie par des motifs de paix et de récon-
ciliation , et au sein de la chambre et au-dehors.


La discussion est continuée au lendemain.




( 460 )
Séance du 7 juin.


M. J3eati.elour. Le procès-verbal ne fait pas mention de le
déclaration positive que j'ai faite de refuser de voter, attendu
l'oppression dans laquelle se trouve la. chambre. ( Mouvement
très-vif à droite. Plusieurs -voix : Vous avez parlé !) Un des
côtés de la chambre n'a pas délibéré 5 - or, une chambre dont
une partie ne vote pas, ne peut être censée exprimer un vote.
Je demande que la déclaration soit inscrite au procès-verbal.


M. Benjamin-Constant. La sûreté des membres de la cham-
bre n'existe pas, et depuis hier les événomens rendent cette sû-
reté moins complète. 11 est du devoir des ministres , il est de
leur responsabilité de réprimer les excès. qui ont eu lieu. Hier,
un citoyen très-estimable , M. Dubief, bijoutier, homme im-
portant dans son commerce, connu par son attachement au Roi
et à la charte, était sur la place de la Concorde. ( Murmures àdroite.... M. de Puyinaurin: C'est une expression de la révo-
lution ! ) Je dis sur la place Louis XV. j'avais improprement
employé le mot de place de la Concorde , et je vois que ce mot
ne convient pas à ceux qui m'interrompent.... M. Dubief mar-
chait avec un ami, non au milieu de la place, mais de côté. 11
ne proférait: pas un seul cri. Le commandant d'un détachement
de dragons de la garde s'est approché, et a traité ces deux indi-
vidus, qui étaient fort tranquilles, d'une manière très-inju-
rieuse. L'un d'eux avant fait quelques observations, a reçu un
coup de sabre. M. Dubief a le bras droit coupé jusqu'au tension.
Voilà comme la police s'exerce! Il sera facile de savoir le nom
de l'officier qui a si indignement rempli sa mission. Je dépose
la lettre de M. pubief, et la déclaration du chirurgien. J'espère
que nous n'entendrons plus parler de charges de cavalerie contre
des hommes qui ne font rien , qui n'ont aucunes mauvaises in-
tentions. Je mets de tels actes tout entiers sous la responsabi-
lité des ministres , et je demande si , dans cet état de choses,
sûreté de la chambre et de la capitale est assurée.


M. Lette. Je me proposais, en qualité de député de Paris,
de donner connaissance à la


.chambre de la situation de la capi
tale. ( Une voix ei'droite : Etes-voue ministre de l'intérieur?)
Le sang a coulé hier, et je suis étonné d'avoir été interrompu
quand je donnais des renseinernens nécessaires à la chambre.
Le fait est arrivé hier. M. iinbief, négociant très-notable , re-
commandable par son caractère, incapa hie d'un acte de sédition ,.
a été frappé par un soldat uriné. On a dit que les rassemble-


21-61
mens étaient formés par des jeunes gens, et les soldats ont
frappé des hommes à cheveux blancs! Je prends telle qu'elle
est l'ordonnance de police qui vient d'être rendue : elle porte
que les rassemblemens de plus de trois personnes seront dissi-
pés; qu'on sera arrêté si l'on fait résistance : mais je n'y ai pas
eu que les troupes eussent le droit de répandre l'effroi dans la
capitale, et de sabrer les citoyens qui ne se livrent à aucun acte
répréhensible. On s'étonne que le gouvernement n'ait fait con-
naître ses . dispositions que par une ordonnance de police ; ou.
s'étonne que la garde nationale ne soit vue nulle part, et qu'elle
soit désorganisée, demandant des ordres, n'en recevant pas, de
manière que les pères sont à la fenêtre pour voir massacrer leurs
enfans. C'est dans cette situation que plusieurs de nos collègues
m'ont déclaré ne pas prendre part à la délibération de la cham-
bre. Je ne renouvelle pas cette déclaration 5 je demande que les
ministres nous disent pourquoi on sabre des citoyens paisibles
dans les rues, pourquoi le sang coule au milieu de nous, tandis
que la garde nationale n'est pas mise en mouvement pour com-
primer tous les perturbateurs? C'est lorsqu'on aura répondu à
cette question que je pourrai voir si ma conscience me permet
de prendre partais la délibération.


IV/. de Girardin. C'est la première fois, depuis trente ans,
que des attrempemens ont été dispersés par la force armée, et à
coups de fusil. Ce devoir a toujours été confié à la garde natio-
nale ; et pourquoi? C'est que son autorité est paternelle ; c'est
qu'elle parle aux citoyens, et qu'elle en est écoutée. Ici nous
voyons la ville de Paris dont on sabre et dont on fusille les ci-
toyens. Et pourquoi sommes-nous en guerre ? pourquoi les
troupes ont-elles les armes chargées ? Cela ne s'est jamais vu eu
temps de paix. Sans cette disposition, l'assassinat de la rue
Basse-du-Rempart n'aurait pas eu lieu. Veut-on la guerre? On
serait tenté de le croire. Conçoit-on en .effet, quand la garde
nationale a rendu tant de services , qu'on lui témoigne assez de
défiance pour ne pas l'employer? qu'au milieu des troubles qui
nous agitent on ne se serve pas de ce moyen puissant et salu-
taire? Vous savez qu'elle est toujours prête à marcher. Les ci-
toyens blessés en font partie. Si on ne l'appelle pas à la défense
publique, n'est-ce pas une déclaration de-guerre contre elle? IL
est temps de sortir d'une telle situation. Je demande que nous
n'avons d'autre garde que la garde nationale ; car si un pareil
ordre de choses subsiste, il nous est impossible de siéger dans
une ville où de tels actes sont commis.


M. Martin de Gray; Hier, j'étais chez moi, rue de Riche-




462 )
panse : je vois une troupe de dragons courant au galop, et bran-
dissant leurs sabres; je vois les Citoyens éperdus courir de cété
et d'autre. Le tumulte cesse. Je vais en demander la cause ; je
vois un blessé transporté dans un café ; c'était un homme âgé qui
avait été frappé par les dragons , tandis que d'autres étaient
poursuivis jusque dans une allée en face de nia porte. Le pro-
priétaire de ma maison, homme très-estimable, m'a rapporté,
à cette occasion , qu'il avait été sur la place Louis XY, qu'il
s'était approché d'un groupe, dans une attitude paisible ; il
avait vu un homme en veste grise, portant un ruban blanc et
rouge, crier d has le Roi .1 Le groupe avait répondu au cri vivec̀


learte ! Cet homme s'était aussitôt élancé sur un jeune
homme qui criait vive la chante! et a voulu le conduire au
corps-de-garde ; mais plusieurs citoyens indignés l'y Ont con-
duit lui - même, en disant : C'est lui qui a crié d bas le Roi .rPendant qu'on le conduisait, on lui a vu donner la main à un
gendarme, et il est sorti du corps de-garde un moment après.(Vive sensation. )


A huit heures , je revenais par la rue de ; je donnais le
bras à ma femme. Près du corps-de-garde en face du pavillon
Marsan , des citoyens étaient attroupés, et ne me semblaient
être que des curieux. Tout-à-coup nous entendons des cris; ma
femme me dit: : Voici les dragons ; nous nous réfugions dans la
galerie Delorme. Au moment oà nous y mettions le pied, cinq
ou six dragons entrent au galop dans cette galerie, et nous
avons failli être écrasés par leurs chevaux. J'ai vu un officier,qui paraissait être de la garde royale, mais qui était à pied; je
lui ai exprimé mon indignation de ce que les dragons s'étaient
ainsi lancés dans le passage et combien une telle conduite était
répréhensible : je dois dire qu'il m'a répondu avec politesse; il
m'a dit qu'il était très-affligé de ce qui se passait , qu'il y avait
du désordre, et qu'il allait rappeler ses dragons; toutefois je ne
me suis pas fait connaître pour député. Pendant ce temps, nous
voyons passer des gens le bras en écharpe, et qui éclataient en
plaintes. Ils disaient que beaucoup de personnes, pour se sauver
des dragons, avaient été obligées de se jeter dans les fossés des
Tuileries. Voilà le compte que j'avais à rendre des faits dontj'ai été témoin.


DemarçaIr. J'ai aussi quelques faits à faire connaître.( M. Durand : 11 faut les faire connaître à la police !) Mon col-lègue ne fait pas attention que ce que j'ai à dire est relatif àl'ordonnance de police. Elle porte que plus de trois personnes
ne pourront être rassemblées; or, hier j'étais avec M. de Cor-


( 463 )
(elles; nous nous donnions le bras en sortant de la séance. Dean,
personnes nous acosient, et nous demandent des nouvelles de
la séance. Nous leur (limes quelques mots, sans avoir l'intention
de nous arrêter; clans le moment un peloton de cavalerie est
arrivé sur nous. Or, je le demande à M. Durand, ne pouvait-on
pas nous arrêter comme en flagrant délit, et n'était-ce pas la
conséquence de l'ordonnance? Le soir, j'ai vu revenir de la.
place Louis XV, rue de Rivoli, des dragons , non au grand ga-
lop , non en colonne, niais sur deux rangs, dont l'un touchait
la grille et sur le parapet, l'autre les maisons. ( Mouvement
dans l'assemblée.) Je l'ai vu, et vous ne m'accuserez pas de
mensonge. Il y avait là des hommes, des femmes, des enfans
on ne savait où s'enfuir; j'ai été obligé de m'éloigner au plus vite
du côté du passage Delorme. Là nous avons été chassés avec
violence des arcades. Un ancien colonel , homme très-paisible
et très-sage , était avec moi. Deux dragons à cheval ont pénétré
dans le passage nous n'avon s eu que le temps de nous réfugier„ ,dans un magasin. Ces dragons avaient forcé mi vétéran et sa
consigne. Pendant une heure, à une fenêtre de la rue de Ri-
voli, j'ai été témoin des mêmes scènes. Des pelotons de dragons
la parcouraient successivement:, et venaient se remettre en.ba-
taille. Beaucoup de citoyens ont été culbutés. Il doit y avoir en.
beaucoup de personnes blessées , notamment un citoyen blessé
de coups de sabre à la tête. Le nombre des citoyens blessés,
froissés et foulés, doit être considérable : je n'exagère pas en
disant qu'il doit être de plusieurs centaines. J'ai observé l'im-
pression de toutes les physionomies; elles étaient tristes et affec-
tées. J'ai entendu des citoyens dire : Lorsque les Prussiens et
» les Russes étaient à Paris, nous n'étions pas témoins de scènes
» semblables ; la garde nationale maintenait l'ordre, et garan-
» tissait la sûreté 'publique. »


M. d'Ambrugeac accuse le côté gauche d'apporter ses plaintes
à la chambre, et de faire retentir la tribune de paroles indis-
crètes, au profit d'un parti. Quant à la garde nationale, il ob-
serve qu'elle n'a pu empêcher le 20 juin et le Io août, parce
qu'elle n'avait pas on réserve des troupes capables de la faire
respecter. ( Un très-vif mouvement d'adhésion éclate au centre
et à droite. )


M. Méchin. Messieurs, je pourrais ajouter plusieurs faits
douloureux à ceux que l'on vous a déjà soumis. Je pourrais vous
dire que deux jeunes gens fort honnêtes, que je nommerai au
besoin , marchant sans armes , et qui ne poussaient aucun cri ,
poursuivis sur le trottoir de la rue de. Rivoli, le furent encore




(
usque dans la cour de l'hôtel n.0


464
, rue Saint-Florentin ; quel


)
j qu
continuant leur route, ils furent poursuivis de nouveau, et ne


-


trouvèrent leur salut que dans l'hôtel de
.Pah's, n. 0 11 , boule-


vard de la Magdelaine. Mais si déplorables que soient ces filets,
il importe davantage de vous faire voie jusqu'à quel point on
a méconnu les lois et les réglemens les plus vulgaires de la
police.


L'assemblée constituante avait décrété une loi martiale', elle
n'a pas été révoquée ; elle est, à la vérité, tombée en désuétude;
mais ne l'aurait-on pas pu exhumer, comme on l'a fait de tant
d'autres lois presque entièrement oubliées ? Du moins les ci-
toyens, régulièrement avertis, n'eussent eu à imputer leur
malheur qu'a eux-mêmes, et au mépris qu'ils auraient fait des
formes légales.


Depuis lors on a fait plusieurs lois sur les a ttroupemens : l'une
des plus récentes, et celle qui paraît la plus complète sur la ma-
tière , est celle du s. er germinal an 3. Cette loi détermine ce
que c'est qu'un cri, qu'un attroupement eéditieux. Lisez la loi,
méditez-la, et vous verrez que jamais la force ne doit être em-
ployée que lorsque l'attroupement tente de forcer la garde ; et
toujours les divisions de la force armée doivent être précédées
d'un magistrat, et les armes ne peuvent être employées qu'après
trois sommations par lui préalablement fartés. (L'orateur se
dispose à lire les articles de la loi ; il est interrompu.)


Casimir-Perier. Vous avez lu les journaux ; n'avons-•
nous pas à nous plaindre de ce que le gouvernement, en faisant'
rendre compte dans les journaux des événemens de samedi,
n'ait pas cru devoir consacrer une ligne à exprimer son indigna-
tion contre le traitement qu'avaient souffert plusieurs députés?
Or, le gouvernement s'est-il expliqué à cet égard? Comment
a-t-il pu lasser ignorer à Paris et aux départemens l'oppression
dans laquelle on a voulu nou.s mettre au moment oà nous nous
occupions d'une loi où sont réglés les plus grands intérêts de la
France? Je rends justice à la garde nationale, et j'en rends une
égale à l'armée ; mais il s'agit de savoir comment les ordres qui
lui ont été donnés ont été exécutés. Les dragons qui ont chargé
dans la rue de Rivoli des hommes, des femmes , des eniàns ,
étaient dans un état complet d'ivresse ; ils ont exercé les plus
grandes violences contre des cito y ens qui fuyaient devanteux.
M. Cornisset-Després, riche marchand de charbon, a été as-
sailli par eux : un d'eux lui a mis un pistolet sur la •poitrine
en lui disant : Retire - toi, coquin , ou je te bride'


( Vit
mouvement dans l'assemblée. ) Voilà des faits que je puis at-


( 465 Y
tester. Il serait important sans doute que les journaux don-
nassent des récits exacts de ces événemens; mais la censure les
en empêche. Si la censure était exercée avec impartialité, elle
eût permis d'insérer ce qui avait pour avantage d'éclairer les
citoynns sur la manière dont se comportait la force armée; mais
dans la Quotidienne... ( Voix d droite : Nous l'avons lue ! )
.le suis bien aise de vous rappeler ce qu'elle a dit. ( m. Dupont
Ccle l'Eure :] Nous savons bien que vous l'avez lue ! mais lais-
sez-nous le plaisir d'acquérir une preuve de plus de l'impartia-
lité des ministres! )—M. Casimir-Ferrier lit un article de la
Quotidienne sur la soirée de la veille : Il n'y a eu aucun dé-
sordre à réprimer.. Vous voyez ; messieurs , quels moyens le
gouvernement emploie pour que la vérité ne soit pas connue!
Ce moyen du gouvernement est bien mauvais ; mais il y en e un
bien plus mauvais encore, c'est de penser qu'on peut jouer avec
<les sabres , et surtout qu'on peut impunément. les plonger dans
le coeur des citoyens. ( Une vive agitation succède à gauche. )


Au centre et à droite on demande la clôture de la discussion.
Lofitte. M. Manuel a interpellé les ministres sur un.


fait positif auquel on n'a pas répondu ; savoir, si dans la jour-
née de samedi il ne se trouvait pas , dans les attroupemens ,
des officiers déguisés appartenant à un corps quelconque.
( L'orateur est interrompu à droite. ) •


Il me semble que je m'énonce dans des termes qui ne méritent
pas d'être qualifiés de paroles imprudentes qui puissent occa-
sioner des troubles nia-dehors. J'ai dit seulement que j'étais
étonné, avec tous les bons citoyens de Paris (et comme l'un de
leurs députés, je devais le dire à celte tribune ), de ce que la
garde nationale n'était nulle part, et qu'elle se plaignait de ne
pas recevoir d'ordres, et d'êt're dans une désorganisation com-
plète. Je respecte les intentions de M. d'Ambrugeac ; niais si des
hommes, trompés sur la véritable situation de Pa•is, disent aux
soldats : Vous êtes à la veille des journées du eo juin et da
3o août . , du renversement de la dynastie, je conçois que les sol-
dats, la tête égarée, regardant les citoyens colonie des ennemis,
soient facilement provoqués à commettre des désordres. (Très-
vit Mouvement à gauctie. ) Messieurs, dans ces observations j'ai
surtout voulu vous exprimer mon étonnement de pas voir la
garde nationale employée. J'émets le voeu pour qu'on la fasse
d'abord agir, et que l'on fasse soutenir, si l'on veut, par des
troupes de ligne. de demande que les ministres du Roi veuillent
bien monter à. la tribune, pour nous dire pourquoi, dans cette


3o


;S‘




. 46.6 )
circonstance, ils agissent d'une manière tont-à-fait contradic-
toire avec ce oui s'est passé jusqu'à présent.


M. Le garde-des-sceaux se plaint des attroupemens qui ont eu
lieu , et, pour justifier les mesures prises pour les dissiper, il
rapproche les Puits de ceux qui se passèrent en 1 79a. ( Le plus
vif mouvement d'adhésion éclate au centre et à droite; des ac-
clamations se font entendre. )


On demande à grands cris la clôture de la discussion. M. Ben:.
jamin-Constant réclame la parole contre la clôture. ( Les cris la
cl:lure! recommencent. ) Blanqyart-Bailleul: Vous dites
que vous n'ôtes pas libres, et vous voulez faire la loi à l'as-
semblée !


M. Benjamin-Constant. Messieurs , j'en appelle à votre
dignité , M. le ministre de la justice n' a point ordonné. qu'on
fermât la discussion


( Les plus violons murmures in-
terrompent..,. Les cris d l'ordre ! à l'ordre I se tort entendre.)


Castelbaja c: Je demande le rappel à l'ordre de l'orateur !
personne. n'est ici à l'ordre des ministres. L'orateur s'est-adressé
à ce côté; je demande que la chambre réprime cette insulte!...
M. de Maccarthy : C'est une insolence inconcevable!


Benjamin• Constant. L'assemblée me jugera ; elle peut
me rappeler à l'ordre, si elle croit que je m'en sois écarté :
j'attends sa décision. M. le président : Insiste-t-on sur le rap-
pel à l'ordre ? Usquin. :Non, cela n'importe pas ! mais la
cloture !... (Les cris-ta cld Dire ! se renouvellent. )


m. Benjamin- Constant. L'assemblée ne peut fermer la dis-
cussion avant de permettre de répondre à ce qui n été dit ; vous
avez vu la manière dont le ministre a nié des faits produits, at-
testés. 11 Irons a parlé des motifs et de l'origine du mouvement,
et lui a asséné une cause bien différente de celle qui , en effet,
a répandu l'agitation dans cette capitale, et dans toute la
France. Ce n'est point par des dénégations qu'il faut répondre
à de tels faits : on nie que cette chambre soit dans un état d'op-
pression ; vous le constatez en exigeant la clôture sans qu?il
soit permis de répondre.


On demande généralement la clôture de la discussion. —
Le président la met aux voix. —La droite, le centre et la très-
grande majorité du centre de gauche se lèvent. — À la contre-
épreuve , la gauche reste assise . —La chambre ferme la discus,-
sion. — La rédaction du procès-verbal est adoptée. (Une très-
vive agitation succède. )


La discussion se rétablit sur le projet de loi .des élections.
M. de Corcelles combat l'amendement de M. Courvoisier.


( 467 )
M.- Courvoisier donne une explication sur cet amendement : il
déclare que, par une rédaction précipitée, il avait donné lieu à
quelques doutes qu'il l'allait éclaircir, et que l'objet de son
amendement, en établissant un collège de département et des
collèges d'arrondissement , n'était point d'accorder un double
vote, c'est-à-dire un vote dans les arrondissemens, aux élec-
teurs appelés à voter dansie collége de département. Le garde-
des-sceaux déclare cc que ne point admettre le double vote, était
ne point rentrer dans l'intention du premier projet ; que, sans
le double vote, les collèges d'arrondissement seraient d'autant
plus livrés à l'influence de la tendance démocratique , et que
«l'amendement, avec cette exception , ne pouvait pas el re con-
senti par les ministres du Roi. » Courvoisier relire son
amendement.


M. Bain présente un nouvel amendement coraornie à Celui
de Courvoisier, mais dans lequel se trouve compris le prin-
cipe du double vote.


La séance est levée à six heures.


Séance du 8 juin.
L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur


l'article n du projet de loi , et sur l'amendement de M. Bain.
.M. de Labourdonnaye. L'amendement tellement prin-


cipal , qu'on peut dire . que c'est une loi nouvelle; il est telle-
ment important, i teii change la nature de la question, qu'il di-
vise l'opinion (le la majorité. et change la situation de la chambre.
Dans un tel état de choses, je crois qu'il est impossible de nous
écarter des règles fixées par la charte. Je demande que les mi-
nistres veuillent bien s'expliquer sur l'amendement avant de le
discuter, déclarent s'ils entendent le soutenir an nom du
Roi ; et alors je demanderai que , conformément à l'article 46
de la charte, il soit préalablement renvoyé dans les bureaux ,
afin que nous sachions tous à quoi.nous en tenir sur un point
aussi important.


M. Le garde-des-sceaux déclare que les ministres, sont auto-
risés à ne point s'opposer à l'amendement de M. Bain (très-rive
sensation dans toutes les parties dell; salle), et il persiste à dire
qu'ils ne se sépareront pas de la majorité qui les a soutenus
depuis le commencement de la session.


III. Casimir-Perrie?. Nous sommes , messieurs , dans une
forteresse morale hors de tonte atteinte , puisqu'elle est cons-
truite sur le terrain de toutes les libertés nationales; Mais enfin.,




.( 468 )
pouvions-nous, devions-nous faire quelque concession , aban,
donner quelques positions pour récupérer la force matérielle que
quelques VOIX de majorité nous ont fait perdre? Oui , cela était
possible ; et déjà nous avons prouvé notre amour pour la paix,
en votant en faveur des amendemens de MM. Camille-Jordan
et Desrousseaux. Mais aujourd'hui que nous sommes dans nos
derniers retranchemens , devons-nous achever de tout perdre,
abandonner notre poste pour la chimérique espérance d'une
transaction qui ne nous offre aucune garantie pour son accepta-
tion et son exécution? Nos adversaires nous ont déjà prouvé que
la manifestation du desir de la conciliation et de la paix n'était
pas auprès d'eux le plus sûr moyen de• parvenir à ce but ; et
puisque le ministère ne veut. pas , ou plutôt n'ose pas être lui-
même l'organe de propositions conciliatrices, n'est-ce pas nous
dire que sous ce point de vue tout espoir est perdu? et j e le de-
mande, dans Une telle situation , l'alternative est-elle douteuse?
Ne vaut-il pas mieux tomber avec honneur dans cette lutte, que
de livrer toutes nos institutions à la discrétion de leurs plus cruels
ennemis, avec la certitude qu'ils les sacrifieraient toutes, et avec,
cette différence que nous ne pourrions les accuser, puisque nous
aurions été leurs complices ?


Les faits viennent ici, messieurs, à l'appui de ce que j'avance,
puisque nos honorables amis ont proposé des amendemens , que
nous les avons soutenus ; c'est donc nous qui , les premiers ,
nous sommes présentés l'olivier à la main ; et cependant c'est
nous qu'on accuse d'être sourds à toute voix conciliatrice, lors-
que nous avons saisi avec tant d'empressement les paroles de M.
le garde-des-sceaux , paroles qu'aujourd'hui l'on désavoue ! et
c'est bien ici que nous pouvons dire que ces paroles fugitives de
conciliation , lancées comme par hasard à la tribune , n'étaient
qu'un appât trompeur pour nous forcer à dévier de la ligne que
nous avions suivie, et pou r.renforcer le courage de nos adver-
saires en leur faisant Voir que nous pouvions rompre sur notre
propre terrain. Le sort des deux amendemens n'a que trop bien
établi que les craintes de ceux qui votaient avec méfiance pour
leur adoption, n'étaient que trop fondées. Mais enfin , ils ne
doivent avoir aucun regret, et nous devons tous nous applaudir
d'avoir été unanimes en volant en faveur de ces amendemens.
C'est la plus éclatante réponse que nous puissions faire à nos dé-
tracteurs ; c'est le gage le plus assuré que nous puissions donner
à nos collègues du centre dont on cherche à égarer l'opinion sur
notre compte, en leur persuadant que parce que nous mettons
plus de véhémence qu'eux à défendre les principes de la charte;


( 4 6 9 )L
nous repoussons tout moyen de paix et d'union, et qu'il ne faut
Noir en nous que des ennemis du gouvernement du Roi.


C'est clans cet intervalle, messieurs, qu'ont éclaté les scènes,
scandaleuses de vendredi et samedi derniers. Le parti , ou plu-
tôt la faction qui avait employé avec tant de succès les vocifé-
rations et la violence, pour culbuter un ministre qui avait osé
lui résister au lien de lui obéir , en présentant des transactions,
cette faction , dis-je, a cru à propos de renouveler l'usage de
ces moyens pour compromettre davantage le ministère qui pa-
raissait: hésiter , et intimider les députés fidèles qui n'hésitaient
pas ; ces moyens ont réussi , messieurs , du moins pour les mi-
nistres ; aujourd'hui ils ne tâtonnent plus. Samedi on annon-
çait qu'un honorable membre <levait présenter un amendement
par forme de transaction et consenti par eux. Hier M. Courvoi-
sier semblait en proposer un avec leur assentiment : aujourd'hui
toute proposition les effraie ; ils ont l'air de s'indigner qu'on
ait pu leur supposer une pareille idée ; ils ne sont plus maîtres
de rien !


La journée de samedi leur a enfin révélé le secret de leur im-
puissance, et celui de la force de leurs dominateurs ;. aussi les.
progrès du mal vont-ils toujours croissant. Dans la journée du:
lundi , si , en répondant. au récit des outrages faits à la repré-
sentation nationale, M. le garde•des-sceaux ne trouvait pas une
seule émotion pour plaindre ses collègues, comme l'a dit si élo-
quemment notre honorable ami, M. Camille-Jordan , du moins
le chef suprême de la justice conservait encore quelque réserve ;
s'il n'avait pas le courage de défendre ses collègues , il avait la
pudeur de ne pas les accuser ; mais de,vingt-quatre heures en
vingt-quatre heures l'influence du parti qui domine se fait de
plus en plus sentir , et toutes ses violences se trouvent aujour-
d'hui dans la bouche des ministres. Par respect pour la chambre,
pour l'honneur du gouvernement , pour l'amour de la paix pu-
blique, je ne rappellerai pas leurs expressions; mais je leur de-
manderai cependant s'ils croient calmer l'effervescence de l'opi-
nion , rassurer les Français sur leurs droits et leurs libertés ; si
lorsque les députés qui sont chargés de- les discuter, croyant
pouvoir exiger qu'on réprime ceux qui les outragent, on leur
'répond avec sang-froid : cc Soyez tranquilles, vous n'avez rien à
s) craindre ; d'ailleurs vous êtes des factieux» : car telle est ht
substance de l'étrange discours que vous avez entendu hier.


j'en appelle à tout t homme de bonne foi , est-ce clans une
semblable situation que nous pouvons nous associer à un projet


e transaction qu'on peut désavouer demain , comme on a dé-




( 470
)


savoué hier
•celui de la veille ? Serons-nous accusés par la ma-


jorité de cette assemblée, par la France qui nous écoute , d'•h,
trop exigeons en demandant, avant d'appuyer aucune proposi-
tion, que les ministres nous déclarent y adhérer? Car, au milieu
de leurs hésitations, n'ont-ils pas l'air de (lire dans leurs obs-
cures interpellations à la minorité, sans songer aux malheurs
qui menacent leur pays: Messieurs, sauvez le ministère, ou nous
perdons la France?


Ministres, un pareil langage pouvait-il sortir de votre bouche?
et M. le garde-des-seeaux , dont les premières paroles, comme
ministre, lui préparaient un si noble avenir , peut-il associer
son caractère et sa responsabilité morale à une telle conduite?
et ne devrait-il pas plutôt s'écrier avec nous: Que le ministère
soit compromis , mais que la France soit sauvée? (Des mur-


. mu res s'élèvent au centre.) )IL garde-des-sceaux de sa place :
Il est contraire aux usages de la chambre


.de se permettre de telles
interpellations directes ! on s'adresse toujours à la troisième per-
sonne ! cela n'a jamais lieu autrement I


Déclarez-nous donc franchement, messieurs les ministres ,
quelles sont les concessions que le gouvernement veut consentir ;
c'est alors seu:ement , c'est. dans la perspective d'échapper au
funeste résultat' du projet de loi , de diminuer l'influence ex-
clusive qu'il assurerait au parti ennemi de nos institutions, et
de conserver dans cette chambre un puissant appui aux intérêts
nationaux par les élections d'arrondissement , que nous pour-
rions trouver un moi Wou une excuse pour nous écarterdes prin-
cipes et oublier en quelque sorte nos mandats , comme l'a dit
mon honorable ami ,-M. Manuel.


Lorsque l'ennemi est dans nos murs , on comprendra que
nous fassions un traité du 15 novembre ; ' nais si nous n'avions
pas la certitude de voir le ministère appuyer l'amendement et
en assurer le triomidie ; si, comme les journaux d'un parti le
publient , c'est le projet de loi , rien que le projet


. de loi qui
doit être soutenu et adopté par eux , alors, Messieurs, n'allons
pas réclamer nous-mêmes une capitulation qui serait déshono-
rante, si elle ne doit pas être acceptée par


.
le trône ; ne renon-


cons pas à la pudeur politique , lorsqu'en nous refusant cette
alliance qui seule pourrait couvrir et justifier notre fàiblesse ,
On nous laisserait eu butte al!x reproches de nos amis , coinme
aux divisions de nos ennemis.


On a comparé cette discussion à un combat. Eh Lien ! nous
ferons notre devoir clans cette bataille des élections ; et comme
ces braves morts au champ d'honneur, rions dirons à nos co in-


( 471 )
mettans • : Français, ceux que vous aviez chargés de l'insigne
honneur de défendre vos droits ont fait tous leurs efforts , ils .
ont combattu jusqu'au dernier instant. -Nous pourrons bien suc-
comber dans cette enceinte sous le nombre des votes, au dehors,
SOUS les attentats des factions, mais nous ne 11OUS rendrons pas,
tant que les intérêts nationaux snis sous notre sauve-garde ne
seront pas à l'abri de tout danger. Je mue réserve de m'expliquer
sur les amendemens lorsque MA. les ministres nous auront fait
connaître leurs intentions.


M. Favard vote pour l'amendement , parce qu'il lui paraît
concilier tous les intérêts satisfaire toutes les opinions , donner
à chacun ce qu'il peut rai sonnahlement demander , et qu'il doit
amener une heureuse réconciliation.


M. Daunou combat l'amendement , et vote contre les articles
du projet du 15 février, reproduits dans la séance de la veille,
et. pour l'amendement de M. Busson.


Une longue discussion se continue sur l'amendement de
M. Boin. M. Devait% lecombat. M. Beugnot le défend sous les
rapports constitutionnels , et comme satisfaisant à tous les in-
térêts. M. Castelbajac le repousse particulièrement Comme un
moyen avoué de diviser la majorité existante et comme no
donnant pas à la grande propriété la garantie que lui assurait le
projet de loi. M. Admyrauld déclare voter pour l'amendement
de M. CourVOiSier, , rejeter le double vote ; suais , dans le cas
où la majorité s'arrêterait à l'idée du double vote, se référer à
l'amendement de M. Bit ' . Yerneilli-Puyraseau se range
l'avis de M. Boin. jobez envisage la question dans ses rap-
ports généraux , et en votant le rejet du projet et des amende-
mens, insiste pour le maintien des principes de la Ici du 5 fé-
vrier. -Un grand nombre dé membre, veulent fermer la discus-
sion; muais, sur les observations de MM. Mignon, Brun de -Vi;.-
leret et Girardin , après deux épreuves douteuses oà la droite.
et la gauche votent contre les deux centres réunis, la discussion
est continuée au lendemain.


Séance du 9 juin.


La délibération est reprise sur le projet de loi des élections.
M. Delaunay, de l'Orne, vote en faveur de l'amende; :eut


de M. Boira. En conservant l'élection directe dont les grands
avantages. ne sont, pas contestés, dit-il , il conserve à-la-fois à
tous l'es électeurs les droits qui leur étaient acquis par la loi du
5 février 181 7 . Il me semble d'ailleurs propre à amener, parmi




( 49z )
nous une conciliation que nous devons tous desirer; il noms
offre un autre avantage non moins précieux, celui d'assurer la
consolidation des intérêts généraux de notre pays, de manière
à dissiper promptement les inquiétudes qui sont nées sur tous
les points, et à concourir efficacement au rétablissement d'une
parfaite sécurité, en facilitant en même temps l'action du gou-
vernement dans la ligue constitutionnelle.


de Girardin. L'amendement de M. Boin respecte l'élec-
tion directe, mais il attaque et détruit l'àgalité des suffrages; il
blesse tellement l'égalité des droits, qu'il est totalement inad-
missible. L'augmentation des membres de la chambre est facile
à justifier, et réunira certainement une grande majorité. Ce
n'est. pas que cette augmentation du nombre doive assurer,
comme quelques personnes s'en flattent, à MM. les ministres
une majorité plus nombreuse que celle qu'ils traînent aujourd'hui
péniblement à leur suite; ils trouveront toujours une immense
opposition quand ils voudront détruire les principes de la charte
de vive force. L'amendement de M. 'Boin détruit cette égalité
proclamée par la charte, et que tant de membres de cette cham-
bre, qui adoptent: l'amendement, avaient défendue si victorien-.
cernent. On peut donc être versatile sans être ministre. (On rit. )


L'amendement crée de grands et petits collèges, et par con-
séquent de grands et petits députés. Comment l'égalité régne-
rait-elle entre des députés qui n'auraient pas le même origine,
et qui finiraient peut-être par siéger sur des bancs de couleurs.
différentes ? Les conditions d'élection et d'éligibilité établies par
la charte ne sont pas des priviléges, ce sont des garanties , des
cautionnemens. Tout ce qui e été dit pour justifier le double
vote, pourrait être dit en faveur des anciens priviléges. Le
double vote est un pas im.nense fait dans la carrière des privi-
léges. Ce n'est pas vous, mandataires, qui savez combien l'éga-
lité est chère à tous les Français, qui violerez à ce point vos
devoirs et vos scrmens : votre faiblesse serait une lâcheté.. Ce
n'est point en vous unissant à l'audacieuse et téméraire entre-
prise du ministère, que vous calmerez l'effervescence civique
des esprits ; elle ne cessera pas par l'adoption d'un amendement
qui rendra votre loi plus mauvaise et plus odieuse encore.


M. Boin propose de faire consulter les conseils-généraux.
pour le règlement provisoire des arrondissemens électoraux.
A-t-on oublié que les membres des conseils-généraux actuels
ne sont que les commis du gouvernement ? L'amendement de-
M. Boin n'est autre que la loi du i5 février, gâtée par le double
vote.


( 473 )
La conduite actuelle des ministres décèle l'état de gêne du


ministère. Le projet. soumis à votre examen n'a jamais été celui
du ministère; il a été la condition imposée pour avoir une ma-
jorité : il a été facile de s'en convaincre dans la discussion,
puisque le ministère a dit naïvement que le projet retiré valait
mieux que le projet présenté. Alarmé du mauvais succès de ce
second projet dans cette chambre, et, hors de cette enceinte,
de la faiblesse de sa majorité (majorité bien ministérielle, car
elle se compose seulement des cinq ministres), le ministère,
sans vouloir abandonner sa majorité mourante, a essayé d'en
faire une plus imposante. Pour cela, ils ont fait présenter l'a-
mendement actuellement en discussion, par un membre de cette
chambre, avec lequel ils étaient d'accord pour fonder la nou-
velle majorité; et ils assistent maintenant à une représentation
de leur majorité ( on rit), majorité qui leur sera fournie par
leurs anciens amis, avec lesquels ils n'ont jamais été entière-
ment brouillés : ils garderont par ce moyen leurs places, et
bientôt ils abandonneront leurs nouveaux alliés.


Et vous pourriez sacrifier la charte et les principes pour un
ministère que la France repousse , qu'elle abhorre, qui l'a mise
à deux doigts de sa perte, et qui pourtant n'aura pas l'audace
de lui imposer une loi qui a déjà reçu un baptême de sang'
(Violons murmures au centre, cris d l'ordre ! à l'ordre ' )
-


Non , la loi proposée est morte, et elle ne gouvernera pas la
Franc , comme vous l'a dit prophétiquement au commence-
nient de la discussion M. Rover-Collerd. Messieurs, le minis-
tère a besoin d'une majorité large, et vous pourrez lui imposer
les cond il ions que vous voudrez.


Soyez .donc fermes ; reconnaissez enfin, peut-être trop tard,
que , dans la carrière politique, il ne file jamais s'écarter de la
ligne invariable des principes. E-.:igez le rapport de la loi qui
suspend la liberté individuelle, loi qui n'a plus d'objet depuis
qu'il est prouvé, par <les débats judiciaires solennels, que Louvel
n'eut pas de complice. Contraignez ce ministère à révoquer la
censure qui s'exerce avec tant de partialité; remplacez-la, avant
la. fin de la session , par une loi répressive; car nous n'aimons
pas la licence, pas plus que vous.


Voilà les conditions auxquelles la minorité de la chambre doit
se fixer, pour se soutenir à la hauteur où elle s'est placée dans
cette dé,libération. Je pense d'ailleurs que, pour délibérer en
connaissance de cause sur l'amendement de M. Boin, il finit le
diviser en une série de quatre questions , sur lesquelles la chambre
doit prononcer séparément. Dans le cas où vous adopteriez cette




( 474 )
décision, il faudrait après cela que l'amendement fia renvoyé à
la commission; et coordonné avec l'ensemble de la loi; car rien
n'est plus dangereux que d'improviser une loi au sein d'une as-
semblée.


On demande la clôture de la discussion.
'14I: de Labonrdonnaye s'oppose vivement à la clôture de la


discussion, parce qu'il regard l'amendement comme une loi
nouvelle. (Des murmures s'élèvent dans diverses parties de la


Laisné de Villevêque. Le premier de. nos devoirs, le
plus sacré de nos sermens , c'est de sauver notre et ère patrie
(les dangers qui la menacent, et d'éteindre les brandons de la
discorde; c'est ce qui m'engage, messieurs, à adilérer à l'amen-
dement de mon honorable ami M. loin. La loi du 5 février
est anéantie par l'adoption du premier article du projet de loi;
ainsi, condamné par les circonstances à opter entre le projetdé loi el l'amendement, guidé par l'amour de la patrie, je ne
puis hésiter dans mon choix. Oui, messieurs, si le projet de loi
est adopté sans modification, je le dis avec le sentiment. de la
plus profonde affliction, vous rouvrez la carrière sanglante des
révolutions; le vaisseau de l'état est lancé de nouveau sur une
mer semée d'écueils il est en butte à toutes les tempêtes. Les
torches de la guerre civile sont alumées : l'incendie peut s'é-
tendre et dévorer.la France. Eh ! notre•d,mleur ne serait-elle
pas éternelle, si, par une inflexibilité inexorable, nous avions
repoussé d'une main imprévoyante et cruelle, la seule planche
de salut qui nous est offerte dans ce grand naufrage ? Je pense
que cet amendement doit être adopté, parce qu'il fait. disparaître
une partie des imperfections reprochées au projet de loi.


Lorsque le gouvernement impérial succomba sous l'effort de
l'Europe conjurée , le corps législatif était de trois cent trente-
six membres; la constitution de l'an vi ii


l'avait fixé à trois cents
et à cent tribuns qui en étaient les orateurs. Celle de ] 79 5 avait
porté le corps législatif à sept cent cinquante députés, partagés
en deux conseils : l'un (le cinq cents , et l'autre de deux cent.
cinquante; enfin, la constitution de 1 79 1 l'avait. composé de
sept cent quarante-cinq membres réunis en une seule chambre..
Ainsi le nombre n'est pas réellement déterminé; celui de quatre
cent trente parait ici plus en harmonie avec la population de la
France et avec l'augmentation de la chambre des pairs; il fonde
la représentation nationale sur une base plus large et plus im-
posante, et propre à fortifier le gouvernement du Roi. Et déjà


( 475 )
plusieurs de nos collègues, zélés défenseurs de la charte, ont


, depuis trois ans, le desir de voir doubler la chambre.
Enfin, messieurs, la plus impérieuse de toutes les lois, le


salut de la France, le desir de préserver votre patrie des dangers
qui la menacent, vous commandent à tous l'adoption de l'a-
mendement; je ne rappellerai point les scènes déplorables qui
viennent d'avoir lieu. Le sang français a coulé, versé par des
mains françaises, le sang prémice du carnage; et si votre sa-
gesse n'y remédie, il peut couler par torrens. La guerre civile
peut embraser la France; l'effervescence des esprits, l'exaltation
des partis font craindre les plus grands malheurs. Amis du trône
et de la liberté, immolons à la paix publique l'orgueil des pré-
tentions, l'audace des espérances et tous nos dissentimens; nous
pesons dans nos mains les destinées de la France ; l'opiniâtreté
d'un refus de conciliation, peut attirer sur elle un déluge de
maux. Le peuple est calme, nous dit-on; oui, il est calme,
parce qu'il est fort, et il espère dans le monarque et dans vous;
mais c'est Hercule appuyé sur sa redoutable massue (lui con-
temple avec une dédaigneuse pitié les téméraires qui s'agitent
entour de lui, et qui le provoquent avec leurs armes débiles.


Prenez donc pitié de cette chère et malheureuse France qui
ne desire que la paix, la tranquillité et le maintien d'une sage
liberté sous l'égide de la monarchie légitime. Ne semble-t-elle
pas apparaître dans cette enceinte en longs habits de deuil, cou-
verte du voile de la douleur, et découvrant à vos yeux les bles-
sures profondes que lui ont causées, depuis trente années, vos
fatales dissensions? Ecoutez sa voix plaintive, écoutez les con-
seils de la sagesse et de la raison, et n'oubliez jamais que la
concorde et la modération consolident la liberté, et en sont les
véritables appuis.


Quant à nous, vaincus par les circonstances et par la néces-
sité d'étouffer la guerre civile, et de sauver la France et l'au-
guste dynastie de nos Rois, nous adopterons l'amendement.
Non, non, nous ne les sacrifierons jamais à l'égoïsme ambitieux
de notre popularité, ou plutôt à une opposition irréfléchie; que
si des cris accusateurs s'élèvent contre nous, nous prendrons le
ciel A témoin de la pureté de nos vues ; et certes, les hommes
j ustes et sages nous vengeront de ces calomnies, et diront que,par cette conduite , nous avons sauvé la France , le trône et la
liberté..J e vote pour l'amendement, eu vous soumettant le sous-
amendement de composer le collège de département du tiers des
plus imposés.


On demande généralement la clôture de la discussion.
La discussion est ferffiée à une très-forte majorité.




( 47 6 )
Le président rappelle l'amendement de M. Villeveque, et


annonce que M. le général Foy a déposé sur le bureau un nou-
veau sous-amendement qu'il demande à déve.lopper.


M. le. général Foy. Les coups de fusil et les charges de ca-
valerie. sont, en matière de législation, de funestes a'rgumens,
Le projet de loi qui vient de donner lieu aux désordres où le
sang français e été répandu par des mains françaises ; ce projet
de loi a par cela même accompli sa destinée; ce n'est pas lui qui
régira, ou plutôt qui faussera les élections d'un pays constitu-
tionnel. Mais les théories des uns et les passions des autres nous
ont déjà menés bien loin de cette loi du 5 février, qui était la loi
de vérité, la conséquence immédiate et nécessaire de la charte,
l'expression exacte de notre état social. Cette assemblée a dé-
cidé qu'il y aura des colléges d'arrondissement et de départe-
ment. Ainsi est perdue l'unité des élections; ainsi est emportée
implicitement la restauration du privilége. Daus ce naufrage de
nos institutions, qu'avons-nous à faire, nous , les hommes du
pays et de la charte ? Nous accrocher aux débris du vaisseau,
recueillir soigneusement tout ce que la tempête a épargné, et
ne pas désespérer de la cause de la liberté.


Le même instinct qui me portait à défendre la loi du 5-février
tout entière, nie détermine à vouloir sauver ce qui peut nous
en rester. Il n'est pas sans exemple à la guerre que de vigoureux
champions, toujours repoussés et jamais vaincus, aient repris
haleine dans le dernier retranchement pour s'élancer de nou-
veau dans la carrière, et reconquérir avec gloire ce qu'ils avaient
perdu sans déshonneur. Tirons une ligne entre le droit: et le
privilège, afin que personne ne puisse les confondre. Qu'il soit
'connu de tous que nous subissons le collège des plus imposés
comme un commandement de la dictature parlementaire, et
comme une excressence à nos institutions. Cette excressence
disparaîtra dans des jours meilleurs, et lorsqu'on reviendra à la
charte ; on bien elle se fondra dans un système plus vaste et plus
élaboré, qui, faisant perdre, d'une part, certains avantages à la
liberté , la compensera de l'autre.


Je demande que la question du double vote soit l'objet d'une
délibération particulière.


M. le garde-des-sceaux combat la proposition de M. le général
Foy, comme renfermant implicitement une atteinte à la préro-
gative de la dissolution. La discussion se prolonge. MM. Teis-
seire et Bedoch combattent le principe du double vote ; MM. Gi-
rardin, Caumartin, Alexandre Lameth , Perreau, Méchin ,
Demarçay sont entendus sur la même question. Après de nou7
l'elles observations du garde - des - sceaax , la discussion est


( 4tÿ7 )
germée sur l'amendement de M. Bohr, et les sous•amendemens
rejetés. M. Murmel fait .une proposition nouvelle, tendante
extraire du premier projet. de loi la disposition qui consistait à
faire nommer les colléges de départemens par les colléges d'ar-
rondissentens ; la priorité est demandée par M. Demarçay pour
cette proposition présentée comme sous-amendement. Le garde-
des-sceaux fait observer qu'il ne pouvait être question d'une
priorité, puisque l'amendement de M. Boin étaiten discussion ;
et que la chambre était engagée à voter sur les amendernens
puisqu'elle avait rejeté les sous-amendemens.


La chambre ne délibère pas sur la question de priorité ,
elle procède à l'appel nominal sur l'amendement de M. Boin.
Il est adopté à une majorité de cent dix- neuf voix, de la
manière suivante :


Les colléges de département sont composés des électeurs
les plus imposes, en nombre égal au quart de la totalité des
électeurs du département.


›s Ces collèges nomment cent soixante-douze députés. Cette
nomination se fera en 182o, conformément au tableau annexé
à la présente loi.


n Les collèges d'arrondissc.nent électoraux à former dans
chaque département en vertu de l'articler.. er , nomment chacun
un député.


s, Ces collèges sont composés de tous les électeurs ayant leur
domicile politique dans l'une des communes comprises dans la
circonscription de chaque arrondissement électoral.


» Cette circonscription sera provisoirement déterminée pour
chaque département saur l'avis du conseil-général , par des or-


-dormances du Roi qui seront soumises a l'approbation législa-
tive clans la prochaine session.


» Le cinquième des députés actuels qui doit être renouvelé,
sera nommé par les collèges d'arrondissement.


» Pour les sessions suivantes, les départemens qui auront à
renouveler leur députation, la nommeront en entier d'après les
bases établies par le présent article. »


La discussion des derniers articles du projet de loi est con-
tinuée au lendemain.


Séance du te juin.


Lette. Messieurs, je viens réclamer contre la rédaction
du procès-verbal.


Depuis trois jours le sang n'a pas cessé de couler dans la ca.-.




478
)


pitale. Hier, il a été répandu d'une manière beaucoup plus ef-
frayante. Il est temps, messieurs, de prévenir les dangers qui
nous menacent : je suis muni d'une quantité considérable de
pièces, signées par les citoyens les plus notables de Paris, qui
certainement ne sont pas des factieux, mais des hommes qui
possèdent de la fortune, et qui sont les premiers intéressés au-
repos et à la tranquillité. Ils se sont adressés à leurs députés
pour demander que cette tranquillité fût assurée. Les ministres
du Roi n'ont jamais rendu, à cette tribune, d'une manière fidèle
et franche le compte des événemens.


-Voici comme ils se sont
„passés sous les yeux mêmes des citoyens; ces pièces l'attestent.
Ma maison n'a pas désempli ce matin de citoyens indignés qui
sont venus . me faire des rapports.... ( Voix d dm/te ; Vous ne
faites pas la police ! ) Il faut que dans des l'ioniens périlleux
tous les bons citoyens fassent la police pour prévenir les malheurs
qui les menacent.


Je ne donnerai pas connaissance à la chambre de toutes les
pièces dont je suis muni. Je n'en citerai qu'une seule, parce
qu'elle retrace les événemens dans toute leur simplicité, dans
toute leur vérité. cc Les habitans du quartier de la Porte Saint-
Denis , consternés des événemens déplorables qui se sont passés
sur le seuil de leurs portes, vous en adressent le récit &ide,
et vous prient d'en soumettre le tableau à la chambre. Voici les
faits : A huit heures du soir, les boulevards Bonne-Nouvelle et'
de la Porte Saint-Denis étaient couverts par plus de cent mille
habitans, hommes, femmes et enfans. Aucun cri, aucune action
n'avait troublé l'ordre public, lorsque tout-à-coup arrivèrent
plusieurs détachemens de troupes , parmi lesquels se faisaient-
distinguer les cuirassiers de la garde, brandissant leurs sabres.
A leur présence, des cris de vive la charte ! se font entendre.
Les chefs leur donnent l'ordre de charger, et ils s'élancent sur
cette immense population, qu'ils font refluer sur les rues adja-
centes, sabrant tout ce qui se présente devant eux. Un marchand
et sa femme sont entraînés et frappés chacun d'un coup de sabre.
Ils furent recueillis tout sanglans par le portier de la .maison
31013, rue de Tracy, où on leur appliqua les premiers secours.
Un homme de soixante ans reçut, sous le portail de Saint-Chau-
mont, un coup de sabre sur l'occiput. Un honnie fut frappé
mort ; et comme il n'avait pas de papiers sur lui, il fut porté à
la Morgue à onze heures du soir, par quatre soldats de la troupe
de ligne. Des cuirassiers donnèrent des coups de sabre à travers
les barreaux d'un marchand de vin, et une moitié de sabre est
restée sur le comptoir. ( M. de Corcelles : La voilà.... Mou-


( 479 )
liement à droite.) Nous ne doutons pas que ce soit contre les
inteutiens du gouvernement que de pareils excès aient é-té com-
mis; niais nous demandons instamment que la police du quar-
tier soit confiée à la garde des babitans, intéressés plus que tous
autres au maintien de l'ordre et de la tranquillité. » Cette lettre
est signée par un très-grand nombre de citoyens.


Dans ces événemens, il y a une infinité de personnes qui ont
été grièvement blessées ; de vieillards, de femmes et d'enfons,
-


Un enfant surtout, qui , passant par accident, a été frappé d'un
coup de sabre par un cavalier ; le premier coup de sabre ne
l'ayant pas fait tomber, il lui en appliqua un second qui lui a
fait une blessure grave. Alors un gendarme (je me plais ici à
rendre justice à ses sentimens.véritablement français ), un gen-
darme est descendu de cheval, et l'a pris dans ses bras pour le
faire panser. 11 est évident que beaucoup de soldats sont. égarés .
par l'opinion qu'on leur donne de la situation de la capitale,
pour se porter à des désordres. Ces désordres deviennent into-
lérables ; il est impossible que nous ne fassions pas partir de
cette tribune des cris qui avertissent le Roi de ces dangers. Le
Roi est trompé, trahi peut-être. Je crois le damer plus grand
qu'on ne l'imagine, et il est du devoir de la chambre d'y porter
la plus grande attention. C'est avec une douleur profonde que je
suis anonté à cette tribune , parce que je n'ignore pas qu'en
étendant ainsi la connaissance des faits, on augmente l'indigna-
tion, on la rend encore plus générale. Hier elle était à son com-
ble. Jamais, dans un pays policé, on n'a fait fondre la troupe
armée sans aucun avertissement sur les citoyens. Il est constant
que des officiers civils se trouvaient là près pour parler à cette
multitude assemblée. On les a fait écarter ; et avant qu'on ait
adressé aux citoyens la moindre injonction de rentrer dans l'or-
dre, on a fondu sur eux. Ce fait, je l'atteste, parce qu'il m'est
attesté par ce qu'il y a de meilleurs citoyens dans Paris. Il faut
j uger avec franchise si les citoyens sont aussi coupables qu'onvoudrait le faire croire à cette tribune; il faut savoir par qui ils
sont provoqués. Je ne crains pas de le dire , c'est par les minis-
t1,-e -mêmes; c'est par les mesures fatales


ont ésurtout
téprisesia,


c'est l'effroi qu'ils répandent sur la France ; c'est
crainte de perdre toutes nos institutions qui alarme les citoyens.
Ce n'est pas par des moyens de révolte qu'ils ont desiré prévenir
les dangers qui nous menacent ; c'est en s'adressant à cette
chambre.


La chambre n'est pas libre. Le premier ressort du gouverne:
nient représentatif, la première de nos libertés, la liberté indi-




48°
viduelle, nous l'avons perdue cette année ; et sous quel prétexta
Sous le prétexte d'une complicité odieuse qu'on e osé faire pe-
ser sur une grande partie de la France, sur une partie neone de
cette chambre. Le procès est jugé ; il a fait voir qu'il n'existait
point de complice. ( Mouvement d'adhésion à gauche. ) La se-
conde de nos libertés, celle de la presse, le seul moyen de for-
mer l'op i nion publique, cet autre ressort: du gouvernement re-
présentatif, est encore brisé. Les ministres vous ont demandé
une loi de confiance; voyez quel abus ils en ont fait. La censure
ne permet plus à l'opinion publique de se manifester : elle ferme
tout accès aux opinions d'un côté, et elle laisse insérer clans cer-
tains journaux et propager par toute la France ce qu'il convient
eux ministres de faire dire. La nation a le sentiment vif de ses
droits ; elle sent qu'elle est blessée dans ses mandataires. Le
droit si sacré de pétition a été attaqué à. cette tribune. L'année
dernière cent initie pétitionnaires étaient regardés comme de
bons citoyens, comme nous retraçant nos devoirs et aujourd'hui
cc sont des factieux. Pensez-vous qu'une nation comme la na-
tion française, qui si combattu pendant trente ans pour ses liber-
tés, sen voie dépouillée impunément? Elle a cberche à exprimer
son opinion de la manière la plus légale au peuple ; elle l'a ex-
primée au-dehors.... ( Des mouyemens prononcés interrompent
eu centre.)


Je dis que les citoyens cherchent à exprimer le plus légale-
ment qu'il est possible leur opinion; et sous un gouvernement
représentatif, ou ne peut pas , lorsqu'une foule ne commet au-
cun désordre, qu'elle est sans armes, qu'elle ne prononce aucun
cri qui soit contraire aux lois.... (M. Boardeau : Cela n'est
pas vrai ! ) Je sais bien, avec M. Bourdeau, qu'il y a dans la
foule des hommes qui peuvent proférer des cris qui ne sont pas
légaux, qui ne sont pas des cris de bons citoyens ; il est de fait
même qu'il y e des provocateurs qui seront connus. Dans un
café peu éloigné de cette chambre, une bande de mauvais sujets,
de garnemens, de véritables provocateurs sont entrés, et l'un
d'eux a laissé les instructions de la police. J'ai la pièce.... ( Voix
d droite : Lisez ! lisez! .. Des murmures s'élèvent. Noya! non !.. )
C'est la police occulte, si ce n'est pas le police légale !.. ( M. Be-
noist : C'est comme la pétition de M. Madier de Montjau !... )
J'espère que la chambre où nous délibérons n'est pas. le collège
électoral de Limes, et que nous ne serons pas assassinés à nos
portes, comme l'ont été les électeurs dé ce département...
(Très-vive agitation. )


Je disais que les citoyens de la capitale expriment leur


(tfi )
-,fion de la manière la plus légale qui leur est possible; leur vé.,
ritable sentiment, c'est: le maintien des institutions. Ils croient
les exprimer en même temps qu'ils expriment leurs devoirs; ils
croient que tout ce qui est sacré et respectable est renfermé
dans le mot de la charte; et qu'a moin ,


que vous décidiez que
le cri de vive la charte est un cri séditieux, vous ne pouviez
pas !es blâmer.


J'affirme d'ailleurs que les formes voulues par la loi n'ont
pas été remplies. Ces formes sont que . des officiers civils doi-
vent se présenter peur engager les attroupewens à se dissiper, et
les sommer jusqu'à trois fois. Tous les coups que l'on porte sur
la multitude sans avoir rempli ces formalités sont de véritables
assassinats. 'Vous voyez; déjà ce ne sont plus des jeunes gens
que vous disiez égarés, et qui exprimaient un vœu éclairé pour
le maintien de nos institutions; l'aoitation gagne toutes les
classes du peuple. ( Puyinaurin ÎIls sont payés ! ) Je crois
avec M. Puymaurin qu'il . peut y avoir des gens qui paient ; mais
je ne suis pas de ceux qui paient, et surtout je ne suis pas de
ceux qui sont payés. ( Vive adhésion à gauche. )


Je dis qu'un pareil état de choses n'est pas tolérable. Vous
voyez que depuis huit jesurs les troubles augmentent successive-
ment. La journée d'hier a été la plus désastreuse; la journée de
demain pourra l'être davantage. ( Violens murmures à droi;e.
Ba! ha !... M Castelbajac : Je suis bien aise de l'aveu!)
Les interprétations finisses et mensongères qu'on donne à mes,
idées ne m'intimident pas.


Demain est un jour férié, les ouvriers ne seront pas à leur
travail, et les désordres peuvent être pins considérables. Je dis
que l'agitation parait faire des progrès; d'après les mesures
qu'on a prises, et qui ne paraissent pas convenables, je cbl.clare
que les renseignemens donnés à cette tribune par le ministère
ne m'ont pas satisfait; il n'a pis satisfait' à l'assertion positive
à laquelle il était difficile de répondre ; c'est qu'on a parfaite-
ment établi pourquoi les désordres avaient commencé, c'est que
pendant ce temps-là la garde nationale n'était pas en mouve-
ment. La garde nationale n'a été mise en mouvement que quand
la demande en est partie de cette tribune; et encore son action a
été dirigée de manière à la rendre presque nulle. Cc n'est pa s à.
coups de sabre que vous prouverez aux cent mille pétition-
naires et aux électeurs qu'ils doivent sacrifier tous leurs droits
sans faire aucune réclamation.


Je demande que les ministres du Bol nous donnent les ren-
seignemens qui nous sont nécessaires, ne disent pas que


fia. 31




( 482 )
les tribunaux sont saisis : l'action des tribunaux est lente. Il
s'agit ici d'assurer l'avenir par de sages et promptes mesures.
Il doit être pénible, pour deux ministres particulièrement,
que , sous leur domination, le sang des citoyens ne cesse de
couler. Si ces nouveaux renseignemens ne sont pas donnés, je
m'oppose à l'adoption du procès-verbal, et je demande que vous
ne délibériez pas sur la loi qui vous est soumise, qui est déjà
-.flétrie dans l'opinion par toutes les mesures qui sont prises.


M. Casimir-Perrier. Plusieurs causes peuvent être assignées
à l'origine et à la prolongation des mouvemens désordonnés qui
ont eu lieu depuis quelques jours ; 1.. l'événement de samedi,
qui n'a été suivi d'aucune punition, et dont les coupables
d'après les récits impartiaux de témoins oculaires, étaient
protégés par une police occulte qui semblait paralyser la police
du gouvernement et la force militaire 2. 0


la partialité du gou--
vernement dans les explications qui vous ont été données à cette
tribune par MM. les ministres; car, dans le récit des faits ou
des causes auxquelles ils ont attribué les événemens de samedi et
des jours suivans , tout a été altéré ou dénaturé, et, pour ne
citer qu'un exemple, tout Paris n'a-t-il pas été indigné de
l'espèce de légèreté avec laquelle les ministres se sont occupés
de l'attentat fait à la représentation nationale tout entière, dans
la personne d'une partie de ses membres? et cette indignation
ne doit elle pas redoubler, lorsqu'a tout instant l'on voit sabrer
les habitans les plus innocens? Car il est nécessaire de vous dire,
messieurs, qu'hier M. le duc de Reggio, commandant de la
garde nationale de Paris, se promenant en habit bourgeois , a
été renversé et sabré par la force milita ire. (Très-vive sensation.)
Un pareil événement ne doit-il pas dessiller les yeux à tout le
monde, et prouver qu'il n'y a ni ordre ni sûreté pour la capitale,
et par conséquent pour la représentation nationale? MM. lés mi-
nistres n'ont pas daigné faire insérer un seul mot dans les journaux
à leurs ordres , ou dans le journal à leurs ordres , pour rassurer
les citoyens des départemens sur l'indépendance et la sûreté de
ceux qui discutent dans cette enceinte une loi à laquelle ils at-
tachent un si grand intérêt. Il est temps , messieurs, pour la
sécurité de la capitale , du trône et de la France, de mettre fin
à des désordres qu'une faction anti-nationale a intérêt de pro-


déjà
longer, mais qu'il serait si facile de réprimer , et qui le seraient


si les mesures nécessaires à la paix publique étaient or-
données par une police prudente ou plus capable. Ministres
le résultat des événemens est sous votre responsabilité! Pour
l'amour de la patrie et du Roi, montrez-vous inaccessibles aux


( 483 )
passions des partis; parlez seulement au nom de le loi ; em-
}devez de peéférence , pour la faire respecter, cette garde na-
tionale a qui nous rendons tous une éclatante justice. C'est à
elle appartient surtout de faire cesser l'état de trouble oit
nous vivons , de prévenir de nouveaux malheurs , et d'éviter
enfin le danger qu'il peut y avoir à développer tous les jours
l'appareil de la force militaire au milieu d'une population im-
mense , où chacun peut se rappeler qu'il a été soldat. ( Une vive
agitation se manifeste.... I)es murmures succèdent).


Le garde-des-sceaux cherche à prouver que les troubles sont
organisés par un parti , et cite plusieurs faits dans ce sens. Il
cherche aussi à répondre aux faits dénoncés par des membres
du côté gauche.


On demande vivement la clôture de cette discussion. M. Ben-
jam in-Constant paraît à la tribune... Les cris les plus violeras
se font entendre. M. Ber:jar/tit-Constant : J'ai demandé la
parole contre la clôture! ... (iNon ! non !).Pai à entrer dans quelques
développemens sur le degré d'influence d'un parti sur les évé-
nemens, pour montrer que les désordres lui appartiennent.
( Voix d droite : Le dehors ne nous regarde pas ! ) Je viens
vous entretenir des causes de l'agitation extraordinaire qui se
manifeste de plus en plus; vous ne pouvez dire que cela ne
vous regarde pas.... Je demandeà faire des observations sur ce
qui vient d'être dit, et sur les frits qui ont eu lieu.... On de-
mande à grands cris la clôture.... léchée : J'ai des faits à
faire entendre ! M. le général Foy : Les ministres du Roi doi-
vent desirer eux-mêmes qu'on leur fasse connaître les faits.—
(Le plus violent tumulte règne dans l'assemblée.— Les cris la
eldiure ! la clôture: se font entendre..... La gauche éclate en
réclamations ; un grand nombre de membres réclament la


) M. Méchin 11 est impossible de fermer la discussion
et de ne pas permettre de répondre à M. le garde-des-sceaux !
M. de Corcelles: Le sang coule depuis quatre jours ! M. d'Hau-
tefeuilie demande que la chambre se forme en comité secret.
Un grand nombre de membres du centre et de la droite se lè-
vent en même temps et étendent la main , en demandant le
comité secret. M. Casimir-Berrier et un grand nombre de
ntembres dela gauche :Nous le demandons aussi! (Une agitation
extrême règne dans l'assemblée. ) M. le prince de Broglie monte
à la tribune, et élevant la voix au milieu du plus grand tumulte,
il s'écrie : Je m'oppose au comité secret, précisément pour ne
pas augmenter l'exaspération des esprits. Le président ordonne
aux huissers de faire évacuer les tribunes. Quelques membres :




( 484 )
Non! non! pas de comité'


Le garde-des-sceaux parait à le
tribune. Un grand nombre de voix de la gauche : Le comité
secret ! le comité secret


Voix d droite et au centre : Non!
non! A gauche : Le comité secret' M. de Hantefeuille dit
qu'il retire sa proposition. Le garde-des-sceaux demande pie
la discussion continue publiquement, puisqu'elle a commencé
publiquement. ( Voix à droite et au centre -


Gui ! oui! pas
de comité secret )


On demande de nouveau à gauche, et très-vivement, le co-
mité secret. Un grand nombre de membres se lèvent à droite :
La clôture de la discussion ! la clôture' Les cris la clôture
se répètent avec la plus grande chaleur. M. Casimir-Perrier de-
mande le comité secret. M. Courvoisier s'y oppose. (Mouve-
ment général d'adhésion aux deux centres et à droite. )


M. Benjamin-Constant. On a déplacé la question , et cela
est le malheur de toute cette discussion; c'est la cause des
événemens que nous déplorons. Si , après la journée de samedi,
on était venu nous dire la vérité; si l'on était venu nous entre-
tenir du complot réel qui a existé contre la .représentation na-
tionale , et contre plusieurs députés notoirement menacés ; si
on fût venu vous dire : Les coupables sont connus et ils seront
punis, tout serait apaisé. Mais on vous a présenté les faits de
la manière la plus inexacte; mais on a nommé rebelles ceux
qui avaient été victimes ; ce n'était pas là le langage qu'on de-
vait tenir; la vérité a une puissance universelle; il fallait la
faire entendre; on ne l'a pas voulu, et voilà la seule cause de
cette longue agitation et de cette fermentation que des mesures
imprudentes n'ont fait qu'augmenter. C'est par des récits infi-
dèles qu'on a excité la fèrmentation ; le dé ploiement de forces
qu'on a ordonné eet a été une autre cause. 'A qui attribuer ces
actes de violence, cet état d'ivresse des troupes ;


ces charges de
cavalerie qui forment les attroupemens au lieu de les dissoudre,
puisque les citoyens pressés, foulés en fuyant, se réfugiaient et.
se pressaient les uns contre les autres? On a aigri les esprits, onja excité le mécontentement. Je ne justifie pas les attroupemens,e désapprouve les résistances , mais il ne faut pas confondre
avec des résistances illégales, des rassensblemens qui n'ont point
un caractère hostile.


Mais au milieu de ces rassemblemens on a entendu des cris
séditieux ! je veux le croire ; mais connaissons-nous quels ont
été les provocateurs? A Lyon aussi, il y a eu des provocateurs;
ils ont été reconnus, signalés; on connaît les noms de ces in-
fâmes agens; ne peut-il en être de même à Paris ? ll y en a eu.


( 485 )
d'arrêtés; pourquoi ont-ils été relàchés? Les ministres doivent
k savoir ; ils ont ici les rapports sous les veux.... ( M. le garde-
des-sceaux : Cela n'est pas! nous avons sous les yeux la preuve
du contraire ) Je vois ici la même source que celle des mal-
heurs du midi. Oui, il faut bien le dire, je vois ici l'effet des
combinaisons de ce qu'il faut bien appeler le gouvernement oc-
culte.... (Les plus violens murmures éclatent à droite et au.
centre. ) Oui, messieurs, il est certain que le complot de samedi
appartient à l'agent du gouvernement occulte.... (Le même
mouvement éclate ) Castabajac : Qui? qui? Nommez !
nommez dore!... On vme u cent fois démenti, et sans cesse
vous proférereles mêmes inculpations!... cela est insoutenable!...
Le président rappelle au silence — Castelbajac : lm-
posez donc silence à l'orateur qui se permet de telles imputa-i


Oui . cet agent est le même homme qui a écrit les
fameuses (.:î/I. Catelbajac : Nommez donc'
nommez donc Toujours les mêmes calomnies' )


M. Benjamin-Constant. Une procédure existe : les interro-
gatoires auront lieu; les dépositions seront faites en présence de
la justice : c'est alors que je déclarerai les noms ; la chambre
n'est pas juge, et je ne dois nommer per sonne... ( Voix à droite
En ce cas, n'accusez pas! )


Voici une lettre que m'adresse un médecin des hospices ; elle
prouvera que ces malheurs sont dus, non aux attroupemens ,
mais aux'mesures imprudentes prises pour les dissiper. Hier au
mir, y est-t-il dit, vers onze heures, j'étais chez moi, rue
Saint-Denis, no . 36; des cris de vive la charte se faisaient
entendre ; ils étaient proférés par des enfans de douze à qua-
terze ans, avec lesquels étaient deux ou trois hommes. Les
cuirassiers de la garde royale sont arrivés; ils ont sibré des
hommes, des femmes, des enfans. Les chefs animaiezt leurs
cavaliers ; ils criaient, tue! tue ' Un monvemen'c d'indi-
enation éclate à droite • L'est faux ! c'est faux ! ....
MM. d'Hautefeuiile, Montcalm, d'iembrugeac ,))oria , se lè-
vent et demandent la parole M. de Purnauritz : Quelles
paroles de conciliation ! .... ( Le tumulte est à son comble... Les
cris à l'ordre! à l'ordre ! se font entendre.) M. d Hautefeuille
Quand on calomnie nu corps £dèle à ses devoirs, qui obéit à
ses chefs, pour la répression du désordre, et qu'on transforme les
chefs en assassins, il est impossible que cette chambre ne rappelle
pas l'orateur à l'ordre ; je le demande (Les cris à l'ordre !
l'ordre! s'élèvent. M. Doria monte à la tribune. M. le président
ne lui accorde pas la parole.) M. Courvoisier réclame vivement




( 4 86 )
la parole. Tl s'oppose à ce que la chambre entende de semblables
lectures. (Voir générale : Appuyé ! appuyé !)


214. Benjamin-Constant. On m'a demandé des faits, et j'en
donne. La lettre renferme la liste, les nems , la demeure des
personnes blessées. ( Voix d gauche : Lisez ! lisez '
générale : Non ! non!


) On demande à grands cris la clôture
de la discussion. M. Manuel demande la parole contre lu clôture
de la discussion. (La plus vive agitation se répand dans la
chambre—. lice voix générale s'élève : Mais fermez donc la
discussion I )
Courvaisier : Vous ne pouvez, messieurs, en-


tendre de telles lectures !'Si un député a des assertions à faire,
vous ne devez les recevoir que de sa bouche.... (Mouvement
général d'adhésion.)


Benjamin-Constant. Messieurs, de graves désordres ont
eu lieu ; ils se perpétuent ; j'affirme, sur ma responsabilité per-
sonnelle , ne sont pas dus à la cause qui vous a été signalée.
Je conclus à la proposition de suspendre la délibération : il ne
tient qu'aux ministres de luire cesser les désordres ; et s'ils le
veulent, nous y contribuerons de tout notre pouvoir.


M. le garde-des-sceaux se plaint, comme d'une injustice, de
vouloir, dans de pareilles circonstances, accuser le ministère,
qui sit tous les efforts possibles


.
pour comprimer les


• factieux On
demande de nouveau la clôture. M. Méchin demande la parole
contre la clôture...Des SU un nuresgénérauss'élèveni. M. Castel-
bajac demande l'ordre du jour. (


• voie géerale s'élève :
L'ordre du jour ! l'ordre du jour'


) M. Mechin demande la
parole contre l'ordre du jour.... (Mt:inventent d'impatience gé-
nérale à droite et aux deux centres. ) J'ai à répondre à M. le
garde-des-sceaux.... (Les cris se renouvellent.— ) On demande
à grands cris la clôture. Le président la met aux voix. La droite
et les deux centres se lèvent.... De vives réclamations s'élèvent
à gauche
MM. Casimir-Percier, Beauséjour , Hernoux,


Demarçay réclament la parole On demande l'adoption du
procès-verbal. L'adoption est mise aux voix et prononcée à la


j
même majorité et au milieu des mânes réclamations. M. Ben-
amin-Constant etM. Beauseour s'écrient : Le comité secret!le comité secret '


La plus vive agitation se renouvelle


Peu à peu le calme se rétablit, et la demande du comité secret
n'a pas de suite.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion de la
loi des élections.


La chambre adopte les derniers articles du projet de loi. Elle
maintient le principe de la réunion dans un seul collége des


( P7 Y
électeurs des départemens qui n'avaient qu'un député à élire, et;
de ceux qui, divisés en cinq chefs-lieux de préfecture , n'ont pas
plus de quatre cents électeurs. L'article qui exige, pour être
éligible , un ,titre de possession constatée une année avant les
élections, est attaqué par M. Girardin, mais adopté à une très-
grande majorité. On veut statuer dans les mêmes formes sur
les articles additionnels ; mais l'heure avancée ne le permet pas,
et la discussion est continuée au lundi se.


Séance du 12 juin.


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sue-
le projet de loi des élections.


Le président rappelle que divers. articles additionnels ont été
déposés sur le bureau.


La discussion se prolonge sur les diverses propositions addi-
tionnelles présentées. La chambre décide que les collèges élec-
toraux d'arrondissement -voteraient à la majorité absolue da
tiers de la totalité des membres du collége ; elle rejette la pro-
position de laisser ouvert pendant cinq jours le scrutin de ballo-
tage qui aurait lieu, à la majorité des membres présens..


M. Le Graverend reproduit une proposition faite en 1817,
tendant à obliger à une réélection tout député appelé ultérieu-
rement à sa nomination à une place salariée et amovible par le
gouvernement. Le garde-des-sceaux, le ministre des affaires
étrangères et M. Lainé combattent cette proposition, qui est
écartée par la question préalable.


La chambre décide qu'en cas de mort ou démission des dépu-
tés, leurs collèges électoraux seraient convoqués dans le délai
de deux moispour leur remplacement.


Le dernier article est adopté à six heures.
M. Dupont ( de l'Eure) demande la parole. ( Un grand silence


s'établit. )
M. Dupont (de l'Eure). Je m'oppose à l'adoption de l'article


que vous discutez., parce que je le considère comme• une décep-
tion. Tout ce qui était important dans la loi du 5 février /817
est détruit. Les droits qu'elle consacrait sont dénaturés ; l'esprit.
d'égalité qui en faisait la base a disparu. N'essayez donc pas de
persuader à la France que vous conservez une partie de ce- pas
vous avez détruit en totalité.


Je vote contre cet article , et je voterai contre toute la




( 488 )
Je voterai contre la loi, parce que, présentée à cette cloue.


bic sous Pinfiuence d'une catastrophe déplorable et de la cons-
ternation publique, (4.1iVration a été troublée par les funestes
événemens qui ont: répandu l'efiroi dans la capitale ;


Parce qu'après une longue discussion sur un projet dont on
avait signalé tous les vices, nous avons vu lui substituer subite-
nient un autre projet, qui a été délibéré sans qu'une discussion
approfondie eût pu suffisamment éclairer tous les esprits;


Parce que ce dernier projet. détruit une loi devenue chère à
l'immense majorité des Français, renverse en entier le système
électoral par 1;•quel la charte nous garantissait une véritable re-
présentation nationale; garantie sans laquelle toutes nos liber-
tés ne sont rien , puisque seule elle peut servir à les conserver
ou à les reconquérir ;


Parce que, tandis que la charte établit des droits égaux entre
tous les citoyens auxquels elle confère le titre d'électeurs, le
projet crée un double privilége au profit de quelques-uns et au
préjudice de tous les autres , et que ce double privilège il l'ins-
titue dans l'intérêt de la grande propriété territoriale ; comme
si, dans 1'; t actuel de la société, les grandes propriétés garan-
tissaient, ae la part. de ceux qui les possèdent, plus de lumières et
d'indépendance que n'en ont les autres électeurs I comme si de
telles distinctions ne tendaient pas évidemment à compromettre,
par de nouveaux germes de dissension, le repos de la France au
lieu de le consolider !


Parce que ce projet, en établissant des colléges divers et iné-
gaux, au mépris de la charte, rend impraticable l'exécution de
la faculté si importante qu'elle réserve aux électeurs par l'arti-
cle 42, et sac»itie à l'esprit étroit et funeste de localité
l'influence fZconde et généreuse des assemblées centrales;


Parce que ce projet bouleverserait. les proportions établies,
augmenterait le nombre des députés sans pouvoir en oléine temps
agrandir le cercle dans lequel ils doivent être choisis, c'est-à-
dire sans pouvoir rien changer aux conditions de capacité ;


en


rait
sorte qu'il n'est pas jusqu'à la disposition du projet qu'on pour-


au premier aperçut considérer comme une concession faite
au vœu d'une véritable représentation , qui ne tende à l'altérer
encore en augmentant la difficulté de trouver dans des limites
aussi resserrées un nombre suffisant de citoyens capables de
remplir tontes les conditions nécessaires pour satisfaire au voeu
de la loi et mériter la confiance publique :


Parce que non-seulement ce projet ne modifie pas ces condi-


( 4 89 )
tiens de manière à conserver leur harmonie avec le nombre des
députés, niais qu'il les aggrave, en exigeant (mie cens soit
payé depuis un temps plus ou moins long, et enlève ainsi la
qualité d'éligibles, comme celle d'électeurs, à des citoyens à
qui la charte l'avait garantie.


Je le rejette, parce qu'il importe peu (le savoir s'il eût été
possible d'en adapter un plus funeste encore à nos libertés, dès
qu'il est constant que celui-ci les met toutes en péril ;


Parce que le rôle d'un ministère ennemi de ces libertés serait
désormais trop facile, s'il lui suffisait, pour faire adopter une loi
qui blesse les intérêts nationaux, d'en présenter une seconde
qui les menacerait plus gravement encore;


Parce qu'il est constant, d'ailleurs, et avoué par ses propres
défenseurs, que ce projet viole la charte plus ouvertement que
Celui auquel il est substitué, et ne permet à qui que ce soit de
croire au respect du ministère pour ce pacte fondamental.


Je le rejette, parce qu'il tend manifestement à consolider
toutes les autres atteintes déjà portées à la charte , soit par
l'inexécution, soit par la violation ouverte des garanties promises;


Parce qu'il sape ainsi toutes les hases du système représen-
tatif, anéantit toute confiance dans l'avenir, affaiblit les liens
qui devraient unir le trône et le peuple, encourage et protège
les ministres dans la route funeste de l'arbitraire, et no laisse à
la nation que le désespoir de se voir arracher le fruit de trente
ans d'efforts, de sacrifices, (le gloire et de malheurs.


Je le rejette , parce que le pouvoir envahi par le ministère,
et dont ce projet tend à consolider l'envahissement, est déjà et
sera bientôt plus complètement la proie d'une faction toujours
ennemie de la liberté publique, dont la haine pour nos institu-
tions s'est de nouveau et si clairement manifestée, et qui, par
sa violence , nous eût fait pressentir tous les maux attachés à sa
domination, si une époque récente et tristement mémorable ne
nous en eût offert assez de terribles témoignages.


Je le rejette enfin, parce que, fortement repoussé par l'opi-
nion publique, il ne se représente à la France que comme un
sujet d'épouvante et de désolation, et que je veux en éloigner de
moi la terrible responsabilité.


Lorsque je résume ainsi les graves motifs qui déterminent
mou vote dans cette circonstance, j'ose croire que j'exprime
les sent imens d'une grande partie de mes collègues, de tous
ceux du moins qui, dans le cours de ce débat mémorable, ont
si bien manifesté leur désapprobation.


Ce discours est entendu dans un profond silence dans toutes




( 49° )
les parties de la salle... Au moment où M. Dupont descend de
la tribune, la gauche éclate en témoignages d'adhésion.... Les
deux centres et la droite restent calmes.


Un cri général s'élève dans les trois parties Aux voix !
eux voix


La chambre procède à l'appel nominal sur l'ensemble de la
loi , qui est adoptée à la majorité de cent cinquante-quatre Voix
contre quatre-vingt-quinze.


Noms des quatre-vingt-quinze députés qui ont volé contre la
loi : MM. Pignon ; Benjamin-Constant ; Beausejour ; Pastery 5
Basterréche ; Rogne de Faye; Burelle 3 Bondy; Brigode ; Bédoch;
Cabanon ; Corcelles ; Charlemagne ; Caumartin ; Chauvelin ;
Carré; Cassaignoles ; Clément; Camille-Jordan; Chabsud-La-
our ; Dupont ( de l'Eure); Demarçay ; Daunou ; Deshord es;


Dumeilet Dalphonse ; Delaitre De-veaux; Delaroche ; De-
lessert ; Egonniere; Foy; Faure; Fra din ; Français ; Falla.tien ;
Frémicourt ; Fabre ; Guilhem ; Girardin ; Gr'énier; Girod ( de
l'Ain); Grammont ; ittard ; Ganilli ; Herm:tala 5 Hardouin ;
•Jobez; Kératry; Labbe




-Pompières; Lafayette ; Laffitte ; Lam-
ltrechts; Lecarlier ; Leseigneur ; Le Graverend Lameth ; Le-
vaschenx ; Louis; Lafrogne ; Manuel ; Martin de Gray ;


; Moyzen ; Néel ; Perrault ; Perrier Casimir ) ; Perlier
Alexandre); Picault Désormanx ) ; Panard ; Paillard ( da


Cieret ) Populle Ramolino ; Rodet ; Rolland ( Moselle ) ;
ttpéron Sau n ier ; Sébastiani; Sappey ; Sagi io ; S.-Aignan


Savoye•Rollin; Si yard ; Tesseyre; Taravre; 'freine Monthiérv;
Ternes na ; Toupot (Béveaux); ; Voyer d'Argenson ;
.tif elch ; Vallée ; Trévoire ; Tronchon; Villevêque.


La séance est levée à sept heures et demie.
Noms des huit députés absens lors du vote : MM. Royer-


Collard; Jard Ps
tiers BrunYi I foret.; Delaunay (Mayenne);


Labourdonnaye Castelbajac ; Coislin
( de Loynes ).


Séances des 13, 14., 15 et 16 juin.


Le général Sébastiani, rapporteur de la commission chargée
d'examiner la proposition de M. Laisné de Villovéque, relative
aux journalistes, conclut, au nom de cette commission, à ce que
le président et les questeurs avisent aux moyens de placer le
plus promptement possible les journalistes dans un des points
de la salle les plus rapprochés de la tribune, pour leur assurer


( 49 1 )
?avanta ge de mieux entendre les orateurs, et de recueillir plus
exactement les discussions de la chambre.


La discussion s'établit sur le projet de loi des dépenses.
MM. Labbey de Pompières, Laisné de Villeveque et Rodet
sont entendus, et énoncent les diverses réductions dont ils croient
les dépenses publiques susceptibles. M. Morisset traite spécia-
lement la question du cadastre.


La chambre adopte les articles suivaias :
«ART. Les pensions militaires accordées ou restant à


accorder par suite de la conversion des traitemens de non acti-
vité et soldes de retraite, autorisées par l'article 21 de la loi du
a 5 mai 18i8, seront inscrites au trésor, à compter du i • er jan-
vier 182o, jusqu'à la concurrence d'une somme de 2,6o0,00o fr.


aa 2 . L'inscription aura lieu d'après les ordonnances de con-
cessions qui auront été et seront adressées au ministre des finan-
ces par le ministre de la guerre, et suivant les formalités pres-
crites par les articles u4 et 25 de la loi du 2 5 mai 1837.


n 3. Du moment où cette somme de 2,600,000 francs aura
été atteinte par les inscriptions effectives, les pensions militaires
qui seront ultérieurement accordées par la conyersion des irai.
temens d'activité en soldes de retraite, seront imputées sur le
crédit annuel d'inscription fixé par l'article 5 de la loi du ,4
juillet 1819.


n 4. Les dépenses de la dette consolidée et de l'amortis-
sement sont fixées pour l'exercice de 1820, à la somme de
228,341,200 francs.
Devra. Inscrits au 1." janvier 382o 372,74,838 fr,


Intérêts des 5 pour cent à inscrire ultérieu- 566,962
4o,000,000


25,000,000
9,000,000


792,000
900,000
35,000


1 7,900,000


700,000


renient
Dotation de la caisse d'amortissement.. .


DERENSES ET SERVICES. Liste civile
Famille royale


Minsrib,,.e. ne LA. JUSTICE. Administration
générale du ministère •


Ministres d'état et conseils du Roi. .
Dépenses imprévues
Total du budget du ministère de la justice,


y compris la cour de cassation, les tribu-
naux et; frais de justice criminelle. • • -


1\


inaSTERE DES AFFAIRES iTRANGillES. Service
intérieur




49 2
)


.M. le général Foy. Messieurs , dans tous les pays soumis
au régime représentatif, les relations du gouVernement avec les
autres gouvernemens fournissent un des principaux alimens aux
discussions des chambres, si bien que le ministère chargé de
ces relations , est reputé un ministère principal. Aurions-nous
en France moins de motifs qu'ailleurs pour aborder ce genre
de discussion ? sommes-nous moins intéressés que les outresà
savoir ce qui se passe autour de nous ? Vous ne le croyez pas,
messieurs, et cependant on vous laisse dan., une complète igno-
rance de vos rapports actuels avec les autres puissances. Sommes-
nous donc encore au temps où un comité diplomatique assemblé
à Paris, et appuyé de deux cent mille baïonnettes étrangères
qui hérissaient nos places fortes, faisait. la loi à notre gouver-
nement ? Ces temps sont ajà loin de nous, messieurs, ils ne
reviendront pas. Nous ne souffrirons pas plus que l'Europe
armée inonde la France, que nous ne voulons que la France
armée déborde sur l'Europe; nous entendons vivre en paix
avec tout le monde, mais considérés, honorés, respecq4s ,
Comme il convient à un grand Roi, dont la race est la première
parmi les races des rois, et à un grand peuple qu'aucun autre
peuple n'égale en gloire acquise et ne surpasse en moyens de
force, d'action et de puissance.


Cette considération, ces honneurs, ce respect, si nécessaires
pour garantir nos intérêts comme état, et les intérêts particuliers
de nos concitoyens, comment les obtiendrons-nous?


Ce sera en choisissant nos ambassadeurs et nos premiers
agens à l'étranger parmi des hommes qui aient la conscience
de la puissance réelle de la France, qui aient participé à ses
gloires récentes, et dont la seule présence près des cours et
cabinets, soit un souvenir de ce que nous avons été, et un
avertissement de ce que nous pouvons être encore.


J'ouvre l'Almanach royal, et je cherche en vain de pareils
hommes dans notre diplomatie. J'y vois des citoyens très-re-
commandables sans doute, puisque


.
les ministres ont indiqué


leurs noms à la confiance de S. M., mais presque tous étrangers
aux glorieux événemens des trente dernières années, à ces évé-
nemens qui ont donné un nouvel essor à la prépondérance mo-
rale des Français en Europe. Je vois presque partout, parmi
les ministres du Roi an-dehors, des Français qui, pendant un
quart de siècle, n'ont pas foulé la terre française ( murmures à
droite); j'en vois qui occupaient les emplois les plus secondaires
an service des puissances ennemies de la France. Assurément,
messieurs, ces représentans de notre nation ont bien moins le


( 493 )
.sentiment de notre prééminence politique que les cabinets
étrangers avec lesquels ils traitent, et surtout que les person-
nages augustes près desquels ils sont accrédités.


Aussi, messieurs, et j'ai bien le droit de le demander à i,11. le
ministre des affaires étrangères, vingt fois cette chambre lui a
renvoyé des réclamations relatives à l'usurpation par les étran-
gers de nos dotations, et à d'autres violations de droits acquis;je suppose qu'il a fait porter ces réclamations à Vienne, à Naples,
à Stoclikolui et dans d'autres royaumes d'un ordre inférieur qui
n'existent que par nous, et que nous avons créés avec notre
sang: savons-nous, pouvons-nous obtenir de savoir quelles ré-
ponses ont été faites ? Les actes des congrès d'Aix-la-Chapelle
seront-ils ensevelis dans un éternel mystère ? La dette sacrée:
du Mont-de-Milan est-elle, en ce qui nous concerne, éteinte àjamais? La non-intervention du gouvernement dans l'affairedes dotations, réduira-t-elle, comme on l'a déjà. vu, les sujets
(tançais à l'impolitique et inconvenante nécessité d'aller obtenir
de l'empereur d'Autriche et du roi de Suède, un à un, et
comme une „race, ce qui leur est dît à tous et par justice?


Que si des circonstances privées et passagères nous passons
aux intérêts généraux et permanens du pays, n'ai-je pas aussi
le droit de demander aux ministres, au nom de la France, ac-
coutumée depuis Henri IV à protéger les petites puissances de
l'Allemagne, si cette France a conservé son influence dans les
derniers arrangemens relatifs à la confédération germanique?


Une révolution a eu lieu dans le gouvernement intérieur de
l'Espagne : cette révolution, de quelque manière qu'on l'envi-
sage, a pour nous l'avantage de soustraire la péninsule à. l'in-
fluence anglaise. Nous avons. donné un généreux asile aux Es-
pagnols de toutes les opinions que la persécution avait chassés
de leur pays. Notre légation à Madrid sera-t-elle habile à pro-
fiter de ce moyen de rapprochement et de mille autres pour
éteindre tout souvenir de haine entre deux nations qui ont appris
à s'estimer réciproquement? et pourrons-nous dire au dix-neu-
vième siècle avec plus de vérité qu'au commencement du dix-
huitième, il n'y a plus de Pyrénées ! Nous étions les premiers
à Constantinople. Cet ascendant, nous le devions beaucoup
moins aux événemens postérieurs à la révolution qu'à l'antique
alliance conclue dans lé seizième siècle entreFrançois i. er et. le
grand Soliman, alliance entretenue avec soin par les rois de la
maison de Bourbon. Nous avions tiré de notables avantages dans
l'intérêt des sujets de la Porte, qui professent la religion catho-
lique, et surtout dans l'intérêt de notre commerce. Que nous




( 494 )
reste-t-il de notre puissance dans le levant ? Après la restaura.,
fion du Roi très-chrétien , les saints lieux où se sont accomplis
les mystères de notre religion ont été arrachés à la protection
de la France , et livrés à des moines grecs que l'église, romaine
appelle schismatiques. Nos corumerçans, autrefois privilégiés
entre toutes les nations, et par-dessus même les naturels du
pays, ont été soumis à des tarifs de douanes exorbitans, et
par-là on les a obligés de faire place aux commerçans des puis-
sances rivales.


Cependant, messieurs, le ministre des affhires étrangères de-
mande quatre-vingt-dix mille francs pour établir de nouveaux
consulats ; d'un, autre côté, M. le ministre de la marine, dans
son rapport au Roi, parle de relations qui s'établissent et doi-
vent ultérieurement s'agrandir entre la France et les ports situés
entre Bio de la. Plata jusqu'd l'embouchure du fleuve des Anza-
zones. J'ai donc lieu de croire que les consulats nouveaux seront
établis dans l'Amérique méridionale, dans ce pays si riche d'a-
venir. C'est là, messieurs, qu'il importe de ne pas nous laisser
primer par l'Angleterre. Mais, puisque j'ai prononcé le nom
d'Angleterre , permettez-moi, messieurs, d'appe4er votre at-
tention sur deux faits qui ne sont étrangers ni à notre dignité
ni à notre politique.,


D'une part, il a été publié récemment, par les ordres de la
reine d'Angleterre, que l'influence du gouvernement anglais
sur le nôtre avait empêché cette princesse de traverser la France
pour retourner dans son pays ( murmures à droite); d'autre part,
M. le ministre de la marine rend compte au Roi, cc qu'un vais-
» seau et une frégate sont partis de Toulon le 1 9 juillet 1819;
D> pour aller, de conserve avec une division anglaise, notifier


aux régences barbaresques les intentions des puissances dé
» l'Europe sur les pirateries commises par les armemens de ces
» régences. » J'en appelle, messieurs, à la délicatesse natio-
nale, est-il bon qu'un témoignage officiel, parti d'une source
aussi élevée, acquière une certaine consistance par cela même
qu'il n'est pas contredit ? est-il utile que les frêles débris de
notre marine marchent et opèrent, pour un résultat incertain,
de conserve avec les vaisseaux de ceux qui ont brûlé notre flotte
à Toulon, après lui avoir fait arborer le pavillon blanc ? (Mou-
vement d'impatience à droite.)


J'adopte la réduction d'un vingtième proposée par la commis-
sion sur les frais de bureaux, et je pense qu'elle etit pu être plus
considérable dans un ministère où les frais de l'administration
centrale montent aux dix pour cent de la dépense réelle de Péta--


(495 1
olissement, dans un ministère que l'on dit être stir d'abuser de
sinécures; dans un ministère aux employés duquel on reproche
de s'être laissés empreindre d'un vernis étranger, et de prendre
peu à coeur les intérêts nationaux.


Traitement des agens diplomatiques et con-
sulaires en activité ou non-activité. . . . 4,1 70,000 fr.


Service supplémentaire 1,35o,000
Total du budget du ministre des affitires


étrangères 7,570,000
MINISTi:RÉ DE L'IN-drar.on. Administration


générale et archives. 1,853,000 fr.
Etablissemens de bienfaisance et chaînes des


condamnés aux fers 525,000
Agriculture, ha rras , commerce et manufac-


tures 3,900,000
(Y sont compris écoles vétérinaires d'Alfort


et de Lyon, 242,000 encouragemens à
l'agriculture , 3oo,000 ; pépinières du
Luxembourg et du Roule, 3o,0oo. )


Conservatoire des arts et métiers 65,000
Collèges royaux , établissemens généraux


d'instruction publique.
Sciences et beaux-arts 4,705,000
M. Benjamin- COnstant. Je conçois et j'approuve les encou-


ragemens donnés aux sciences; l'achat et le perfectionnement
des instrumens, le temps et les frais des recherches et des expé-
riences, exigent des dépenses au-dessus des ressources indivi-
duelles; je consens aussi aux encouragemens donnés aux beaux-
arts qui concourent à ce qu'on appelle la splendeur des empires;
et les fortunes particulières sont si bornées enfin, qu'il faut
bien que l'autorité intervienne, bien qu'elle y intervienne le
plus souvent avec peu de justice et. beaucoup de partialité.


Enfin, je regarde comme assez inutiles, mais pourtant comme
excusables les encouragemens pour l'art dramatique. Ils ne nous
vaudront pas souvent de bonnes tragédies, ils nous vaudront
quelquefois des comédies destinées à encourager les citoyens à
l'indifférence pour leurs intérêts, niais tout cela n'est qu'un
petit mal, et l'opinion publique s'en relève assez. Mais que
sont les encouragemens aux lettres séparées des sciences, des
beaux-arts et des théâtres ? Les lettres, ainsi restreintes, sont
l'expression de l'opinion publique : cette expression n'a pas
besoin d'eucouragemens ; et quand ou lui refuse, comme on le


2,799,200




( 49 6
)


fait aujourd'hui, la liberté, l'encouragement est dérisoire et
funeste. Le public récompense assez les bons ouvrages, il ne
faut pas donner à l'autorité la faculté de récompenser les mau-
vais. Rien ne vous dit , messieurs, comment cette somme ajoutée
aux dépenses publiques sera employée ; rien ne vous assure qu'elle
ne sera pas distribuée à ces libellistes qui calomnient tous les
bons citoyens, et à ces censeurs qui accueillent: toutes les ca-
lomnies. Nous sommes livrés muets et garottés aux hommes
payés pour nous déchirer. Les journaux sont le cirque où les
puissances du jour livrent leurs ennemis aux bêtes féroces.


Nous allons peut-être revenir au temps où les agens du pou-
voir faisaient accuser leurs adversaires dans les journaux, pro-
menaient sur leurs collègues, du haut de cette tribune, des
regards sinistres, et se répandaient en accusations vagues.


Mais laissons les destinées s'accomplir, et remplissons jus-.
qu'au bout nos obligations les plus minutieuses. Je ne voterai
donc pas des fonds qui peuvent servir à salarier des libelles, ou
des censeurs dont la complaisance approuve ces libelles; et tout
en prévoyant à quel ternie tant d'impostures nous conduiront,
tout en sachant qu'elles préludent à des oppressions de tous les
genres, je veux, dussé-je rendre ces oppressions plus inévitables
et plus prochaines, refuser, autant qu'il est en moi, ces pré-
tendus encouragemens aux lettres; encouragemens qui tourne-
raient au profit de ceux qui dénoncent l'innocence, aigrissent
les haines et préparent les iniquités. Je demande un retranche-
ment de quarante mille francs. (Il est adopté. )


.M.Méchin. Il est louable d'encourager les lettres, les sciences
et les arts; mais il y a pour cela trois moyens : les distinctions
honorables, les souscriptions aux ouvrages importans et les lo-
gemens gratuits. Or, ces trois moyens existent, sont employés,
et ne font point partie de l'article dont il s'agit. Je ne conçois pas
comment on demande sous ce titre une somme de a24,000 fr.,
quand une autre somme pour le même objet , montant à
6 94,000 fr., se trouve, dans un autre chapitre, affectée sur le
produit de la ferme des jeux.


.1VI. le général Foy. Je voudrais faire une seule observation
sur les envois des objets de beaux-arts qui se font d,.ns les dé-
partemens C'est sans doute une chose fort utile; mais il se,-ait
bon de donner au département ce qui lui convient, ce qu'il
desire en ce genre. Dans le département de l'Aisne. dont j'ai
l'honneur d'être député, on a envoyé une statue de Ga brieile
d'Estrée; et cependant la ville de Laon, chef-lieu du départe-
ment, avait demandé, à plusieurs reprises, une copie du por-


( 497 )
trait en pied du maréchal Serrurier, qui est né dans cette ville,
et dont le portrait se trouve dans la salle des maréchaux ; elle
n'a pu l'obtenir. Je desircrais donc, tout en votant la somme
qui est demandée pour les beaux-arts, que l'emploi en fût fait
dans l'intérêt: et selon: les vœux des départemens.


Le baron Capelle répond que c'est faute de fonds que le por-
trait du maréchal Serrurier n'a pas été envoyé à Laon, parce
qu'on n'a pas pu s'entendre encore sur la part que la ville de
Laon devait prendre à cette dépense. ( M. Foy : Ma remarque
subsiste !)


Souscription à divers ouvrages 270,000 fr.
Inspecteurs de la librairie, censeurs drama-


tiques, fêtes publiques ou dépenses di-
verses et accidentelles


Clergé ( non compris quatre millions quatre
cent mille francs payés par le trésor à


600,000titre de pensions ). • -,2,
Cultes non catholiques 650,000
Ponts et chaussées 3o,000,000


Séance du 1 7 juin.
M. le nzinistr.: de l'intérieur. Messieurs, le conseil-général


de la . Corse, et les préfets qui se sont succédés dans ce départe-
ment , ont demandé , depuis plusieurs années, la création de
deux nouvelles sous-préfectures, dont le siége serait à Vico et


Cervione. Une commission établie près du ministre de l'in-
térieur, pour s'occuper des intérêts de ce département, et com-
posée d'hommes éclairés nés dans file, ou qui l'avaient long-
temps habitée, a examiné ce projet et l'a adopté à l'unanimité.
Cette création nouvelle de deux arrondissemens en portera le
nombre à sept : c'est plus que n'en ont les départemens les plus
considérables et les plus peuplés (lu royaume ; mais aucune loi
générale n'en a borné le nombre, et la circonscription adminis-
trative dans chaque département, a été réglée moins d'après
la population, que d'après l'étendue du territo're et les besoins
des localités. Or, la Corse, par sa position , SOI) étendue, ia na-
ture de son sol, entrecoupé partout de torrens et de montagnes
qui rendent les communications difficiles, et qui opposent
beaucoup d'obstacles à l'administration, ne peut ente assimilée,
sous aucun rapport , aux départeme.ns de l'intérieur. Un grand
nombre de communes , séparées du chef-lien de leur arrondisse-


est. 32


214,400




( 498 )
ment par de grandes distances ou par des obstacles naturels,
sont comme abandonnées à elles-mêmes et pri-tées des bienfai t
de l'administra lion. On se plaint d'ail leurs, depuis lon„0-tempS1•
de l'insuffisance des tribunaux en Corse., et c'est sans doute une
des causes qui favorisent dans ces contrées les crimes et les actes
de vengeance. La création des . deux sous - prelicetures dont
il s'agit entraînera l'établissement de deux nouveaux tribunaux
de première instance. La jnstice et l'administration, exerçant
de plus près leur surveillance sur tolites les parties de l'île, auront
plus de moyens pour les améliorations que réclame l'état présent
de la Corse, et qu'il est dans l'intention du gouvernement du
Roi de lui procurer.


Vico a cl j à été le cbef-lien d'une sous-préfecture, lorsque la
Corse était divisée en deux départemens. Le sénatus-consulte
du 1 9 avril 1811 ; qui réunit les deux départemens en un seul,,
supprima cette sous-préfecture, et la fonuit'en localité dans l'ar-
rondissement d'Ajaccio. Le projet du gouvernement tend à
rétablir l'arrondissement de' Viciaavec les cinq cantons dont il
était composé, auxquels on ajouterait la partie du


• canton d'Or-
cino qui est située sur le versant septentrional de la grande arête
du Mont-Doro , et qui appartenait anciennement à la province
de Vico, dont elle estaune dépendance bien plus naturelle quo
de l'arrondissement d'Ajaccio. Le reste du canton d'Orsino ne
suffisant pas pour former un canton, sera réuni à celui de Mez-
sana ; arrondissement d'Ajaccio. L'arrondissement de`Vicoasera
donc formé des.cantons éte Cruzzini, Sevideatro,
Soroinsu, Vico, et de la presque totalité du canton d'Orcino..
Sa population sera de d muzemille sept cent quatre-vingts âmes..


Cervione a été. le chef-lieu d'un district. lors de la première
division de la France en départemens et en districts, faite par
l'assemblée constituante,. en 1 79o; il est aujourd'hui le chef-
lieu du canton 'de Campoloro. Cette ville- a des abords fimiles,
et. offre tous les bftimens nécessaires à une sous-préfecture;
elle était, avant la révolution, le siège d'un évêché et. d'une
juridiction. Elle est située au centre de la partie orientale de
l'île, au sommet des contrées où fleurissaient jadis les cités


_d'Aleria , de Mariana ; et une foule de bourgs et villages les
plus populeux et les plus riches de la Corse ces belles plaines
sont aujourd'hui converties en marais ou couvertes de forêts ;
elles ne peuvent être rendues à leur ancienne prospérité et à
leur primitive culture, que sous l'influence d'une administration
active établie à leur portée. Le canton de Fiumorbo, que le
efflctkre difficile de ses habitue et ses retraites inaccessibles


‘f;99 )
rendent l'objet d'une attention continuelle, et souvent même
d'un déploiement de forces extraordinaires , rentrerait. dans la
dépendance de Cervione; en devenant soumit à une surveillance
immédiate, il cesserait d'être l'asile des criminels et des contu-
maces; enfin, Cervione, placé à une distance presque égale de
Bastia et Ajaccio, est le lieu le plus propre à devenir le chef-
lieu d'un nouvel arrondissement ; il serait formé des cantons do
Campoloro, Tavagna , Moriani, Alesa ni , Serra, -Verde et FM-
mollo : La population serait de dix-huit mille habitons.


Suit le projet de loi.
La discussion est reprise sur les dépenses.
Travaux publics. Intérêt général, à Paris. . . i,68o,000 fr.
M. le général Sébastieni. Je regrette de voir dans un aban-


don absolu l'un des monumens le plus digne des grands souvenirs
des glorieuses époques qu'il doit retracer ; je veux parler de Pare
du triomphe. Tout est national dans ce monument ; il repré-
sente la gloire de toutes les époques , de toutes les armées qui
ont combattu pour la patrie. Je n'ai pu me défendre d'un sen-
timent douloureux en vo yant disperser les matériaux de ce mo-
nument, et créer une ruine qui atteste celle de notre puissance....
(?douvemens divers. ) Je demande que les deux cent mille francs
qu'on propose de réduire, soient employés à l'achèvement de ce
grand ;no:minent. Cet avis est fortement appuyé.


Travaux d'intérêt général dans les départe-
mens 2,330,000 fr.


Dépenses fixes et communes à plusieurs dé-
partemens 12;210,000


Dépenses variables à chaque département. 21,976,000
Secours dans le cas de grêle, d'incendies,


d'inondations et autres cas fortuits 1;95 4,000
Budget de la commission d'instruction pu-


blique ( pour mémoire ) z ,994.000
Total du budget du ministère de l'intérieur. 90,495,000
Muiis-ri-.ne na LA our.nn a. (MM. Sébastiani et Alexandre


Lamcth font, dans cette séance, des observations générales suc
l'ensemble du budget de la guerre. )


Séance du 1 9 juin.
M. Tete, rapporteur de la commission chargée de l'examen


du projet de lui relatif au dividende à répartir entre les actiolk.




( 5oo )
noires de la Banque de France, en propose l'adoption au nom
de cette commission.


Le chambre en renvoie la discussion après celle du budget des
dépenses


La délibération est reprise sur les dépenses de la guerre.
Dépenses intérieures.




1,407,000 fr.
Traitement des maréchaux de France , of-


ficiers gén:". raux , sup rieurs , et autres officiers
d'état- major


9,000,000


SéanceS des an, 21, 22, 23 et 24 juin.
M. le ministre des affaires étrangères. Le Roi , messieurs ,


nous a ordonné de vous -présente 4
un projet de loi qui a pour.


but de ponrvoir à l'exécution d'un engagement conclu entre la
Frr nceet la régence d'Alger. Pour npprecier un acte de ce genre,
il faut con iu'itre les faits qui l'ont précédé et rendu nécessaire ;
nous allons vous les exposer :


Des négociais algériens ont fourni, pendant les années 1793
et suivantes, jusqu'en 1 798, d'immenses quantités de grains
pour l'approvisionnement des départemens du midi et. de Par-
niée d'Italie. Le paiement de ces livraisons se ressentit dit dé-
sordre des finances, et la plus grade partie n'en avait point
encore été payée, lorsque, par suite de l'invasion d'Egypte , la
régence d'Mger déclara la guerre à la France. Un des premiers
soins du gouvernement consulaire fut de rétablir , avec cette
régence, des relations dont l'utilité pour notre commerce dans
la Méditerranée se faisait vivement sentir. Un traité de paix
fil: signé le 1 7


octobre 1801. Par ce traité , la France obtint
res t itution des comptoirs et privilèges commerciaux connus


sous le nom de concessions d'4,erique , que l'état de guerre
lui ivait fait p "rdre Elle s'engagea de son côté, par un traité
formel, à payer les créances des sujets algériens. Les créances
furent en conséquence soumises au conseil de liquidation , et
plusieurs sommes furent, à diverses époques, remises aux créan-


.cier:n Mais la r-gence, qui leur portait le plus vif intérêt, ne se
contenta pas de cette j ustice lente et partielle, elle demanda
l'ex,"cution franche et immédiate du traité. Des plaintes elle
pas'.'i aux menaces , 'et n'étant point écoutée , elle enleva , en
180 7


. les concessions à la France , et les transporta à l'Angle-
terre, et , phis tard , elle expulsa le consul français. Le gouver-
nement négocia de nouveau pour rétablir la bonne intelligence


( 5o1 )
et pour réparer une perte si sensible : plusieurs paiemens eurent
encore lieu en 180 9 , niais la régence insistait tou;ours pour que
l'on acqnittât définitivement le montant total des créances de ses
sujets : des promesses à cet égard furent plusieurs fiais tbrnlelle-
nient répétées, et, en 1813, on s'occupait enfin à les réaliser ;
niais d'autres soins absorbèrent l'attention d'un gouvernement
alors si voisin de sa chute.


A son retour en France, le Roi trouva donc la nation dé-
pouillée des priviléges de pêche et de commerce dont elle avait
j oui àAlger depuis plus de deux siècles. S.M. se fit aussitôt rendre.
compte des circonstances qui avaient amené ce fâcheux résultat.
Elle reconnut que la principale causede l'interruption de nos rela-
tions avec Alger, était l'inexécution de l'article da traité (le 18o
qui.avait garanti le paiement. des créances des sujets algériens.
Le Roi promit ce que la justice exigeait inipérieu-eurent. ll fit
déclarer à la régence d'Alger qu'il serait sitisfait aux réclama-
tions de ses sujets. La régence, convaincue de la sinn.rite des
dispositions du gouvernement français, rétablit aussitôt les rela-
tions de bonne intelligence entre les deux pays, et la restitution
à la France des concessions, suivit de près cet heureux change-
ment. Il restait à la France à remplir ses engagemens. On s'est. en
conséquence occupé de l'examen des créances algériennes. On re-
connut qu'elles faisaient toutes, partie de l'arriéré, niais que la li-
quidation n'en avait point été terminée. On chargea la commission
des créances étrangères d'achever ce travail ; , en attendit ni le
s7,uvernement crut convenable de porter dans les con lites de Var-
iiéré qui vous ont été présentés à la session de 1818, un crédit
provisoire de six millions , en annonçant toutefois que , dans au-
cun cas, le résultat de la liquidation ne pourrait être au-dessous


. de cette somme. Mais à la suite d'un examen approfondi , on a
reconnu qu'il serait plus avantageux aux intérêts du trésor d'é-
teindre, par une transaction à forfait , toutes ceses 'réclamai ions,
qui s'élevaient encore à vingt-quatre taillions; et, par un arran-
gement signé le 28 octobre dernier, la somme que la France doit
payer pour compléter l'exC'cut ion du traité de I8o 1 , a été fixée à
sept millions en numéraire. Mais en même temps, il a été for-
mellement stipulé, dans l'intérêt dessujets du Roi, que le trésor
royal retiendrait le montant des oppositions et transports de
créances qui lui auraient été signifiés à la charge des créanciers
envers lesquels la France s'acquittait , et que les contestations
qui pourraient s'élever, seraient portées devant les tribunaux.


Nous avons reçu du Roi l'ordre de vous communiquer cet
arrangement ; il a été approuvé' par S. M., sur le rapport de.




)
311011 prédécesseur, lei o novembret31 9


, et le dey d'Alger c
également adhéré, en déclame que, par cet acte, le gouyeem•-
ment franpis avait pleinement setislitit é tousles engagemens (IL


• traité de paix dut ?.
décembre iSol.


L'ordre du jour appelle la discussion sur les dépenses de
guerre.


Intendance militaire


2,5co,coo fr. à
Traitement des états-majors des places. . . - 1,363,oco
Traitement de l'état-major particulier de l'ar-


tillerie
Traitement de l'état-major particulier du


génie


Traitement des ingénieurs géographes. . .
Gendarmerie


Solde des différentes armes
Maison militaire du Roi
Subsistances militaires




Chauffitge
• et éclairage


Ha bd lem ent , harnachement
Hôpitaux


Casernement et campement


B.eerntement


Justice militaire


2,140,000


1,906,000
344,0C°


/ 5,937,000
20,000,000


18,640,000
2,812;000


10,214,000
6,14.7,000
3,481,000


839,50o
226,000


Benjamin-Con.stant. Messieurs, je ne viens point pro-
poser de réduction positive; je n'ai pour but, en prenant la
parole, que de demander à M. le ministre de la guerre quel-
ques éciaircissemens qui peuvent être utiles pour l'avenir.


-


Il est de notoriété publique qu'à une époque où l'on semblait
vouloir nous donner des garanties, au lieu de nous les enlever
toutes, c'est-à-dire, il y a dix mois, sous l'administration de
M. le maréchal Saint-Cyr,


, administration chaque jour plus re-
grettable, un nouveau code militaire avait été préparé. Ce code,
d'après tout ce qui en avait transpiré dans le public , et je puis
ajouter, d'après les détails qu'en donnaient publiquement les
personnes consultées par le ministre, et qui avaient concourt,
à. la rédaction de cet ouvrage, était de nature à satisfaire plei-
nement les amis de la liberté constitutionnelle et la discipline
militaire, partie essentielle de cette liberté. Ce code devait
nous être présenté avec l'organisation des administrations muni-
cipales , avec celle du jury, avec celle de la garde nationale.
Tout parait avoir été entraîné dans aine ruine commune. Insti-
utions promises institutions consacrées, tout a disparu. Tntt-


( 503 )
, comme la liberté de la France s'est trouvée plusieurs fors,.


depuis trente ans , dans des situatians qui semblaient déses-
pérées, et qu'elle s'en est toujours relevée , je crois . utile , en.
votant les frais demandés pour la justice militaire actuelle , frais.
que nous ne pouvons refuser, puisqu'il faut conserver les formes
qui existent., jusqu'à ce que de meilleures les remplacent, de de-
mander à M. le ministre de la guerre si nous pouvons espérer
qu'à la session prochaine , du moins, le code militaire, préparé
par son illustre prMécesseur, sera soumis aux chambres, ou si
cet utile travail aura le sort de tant de mesures nationales et
d'ordonnances salutaires quo le renvoi de M. le maréchal Saint-
Cyr a replongées dans le néant.


Je respecte trop vos momens , messieurs, pour vous les faire
perdre en vous prouvant des vérités démontrées.. Vous savez
aussi bien que moi que l'organisation de la justice militaire est
une des choses les plus importantes pour la liberté. C'est en
confondant les juridictions, en enlevant les citoyens f leurs juges
naturels, en les traînant, sous les prétextes les plus frivoles.,
devant des conseils ou des commissions qui n'ont sur eux aucune
compétence légale,. que la tyrannie s'organise. Durant toute la.
révolution, pour peu que le délit, faux ou vrai, sur lequel on
avait à prononcer, int piiquât un militaire de la manière la
moins en rapport avec ses fonctions , nous avons vu siéger, pourj uger les citoyens, des hommes dont le vêtement seul annonçaitqu'ils étaient voués à l'obéissance , et ne pouvaient en consé-
quence êtredesjuges indépendars. Sous ce prétexte, nous avons
vu des hommes. nourris sous la tenter mais ignorai; de la vie
civile, interroger des prévenus qu'ils étaient incapables de com-
prendre, condamner sans appel des citoyens qu'ils n'avaient pas •
le droit de juger.


L'abus des j uridictions militaires est d'autant plus dangereux,
qu'il ne s'établit pas avec fracas' et scandale , comme s'opèrent
les coups d'état; il s'introduit dans la théorie , et se met ensuite
à exécution en temps opportun. Le nom seul des juridictions
militaires appliquées à des citoyens peur des délits qui ne sont
pas militaires , inquiète tous les hommes éclairés, tous les
peuples libres. Circonscrire ces juridictions dans les bornes les
plus fixes et les plus étroites est le devoir d'un gouvernement
constitutionel. Les despotes même ont rendu hommage à l'exi-
goance de l'opinion ombrageuse à cet égard. Buonaparte, lors de-
sa seconde apparition sur le territoire, crut devoir lui complaire.
Les articles . 54 et 55 de la constitution éphémère de 1815 por-
taient que les délits militaires seuls étotieut du ressort dos tri-




( 5o4 )
banaux militaires, et. que tous les autres délits, même commis
par les militaires , étaient de la compétence des tribunaux civils.
Ce que Buonaparte s'est cru forcé de faire, un gouvernement
fondé sur la charte le fera librement , j'ose le croire.


Je ne vote donc les deux cent vingt-six mille francs demandés.
pour la justice , que dans l'espoir que M. le ministre
dela guerre n'ajoutera pas à nos regrets, en répudiant l'une des
plus nobles portions de l'héritage de son prédécesseur, et j'ai
l'honneur de lui demander si le nouveau code militaire, qui est
tout prêt, sera bientôt roumis aux chambres?


M. le général Foy. J'ai •demandé la parole pour une obser-
vation qui vous prouvera l'extrême nécessité du code militaire:
c'est que dans le moment actuel et depuis cinq ans, les tribu-
naux qui s'intitulent conseils de guerre , sont, dans le droit, en
continuelle forfaiture. Voici ce sur quoi je nie fonde :Les con-
seils de guerre n'existent que par la loi du ,3 brumaire an 5;


.er de cette loi est ainsi conçu :.Il,
sera établi pour


toutes le n troupes , et jusqu'à la pai:n , ais conseil de guerre
permanent dans chaque division de l'armée , et dans chaque
division de l'intérieur. Voilà cinq ans que la paix est faite;
aucune loi, aucune ordonnance du Roi n'ont prolongé les pou-
voirs dés conseils de guerre; il est donc vrai de dire que, dans
le droit, ils sont en perpétuelle forfaiture. Jai voulu faire cette
observation pour donner un motif de plus à la nécessité du
code militaire; ce code devra non-seulement distinguer les
délits militaires des délits civils, et soumettre aux tribunaux
civils tout ce qui n'appartient pas à la destination spéciale de
l'armée , mais il devra encore régler la manière dont la force
publique pourra être employée dans la cité, pour ne pas voir
renouveler les scènes dont nous avons été témoins.


Service de marche et transports, convois
militaires , équipages militaires




... 3,023 ,000 fr..Artillerie, matériel.


8,000,000Génie, matériel
9,000,000


ÉDépôt dela guerre et carte de France. . . . 200,000coles militaires. . .




3,726,000
impressions générales
200,000


Solde de non activité , réformes, secours. . 2,o6o,coo
Liquidation de l'arriéré


623,00o
Poudres et salpêtres (pour ordre)




3,154,141


Total du budjet de la guerre. .
156,180,14z


( 5o5 )
M iNISTÉFLE LIE LA MARINE.--Administrai ion


centrale
Solde à terre, à la mer, et dépenses assi -


milées.
Salaire d'ouvriers
Approvisionnemens
Artillerie
Ouvrages hydrauliques
Chiourmes
Hôpitaux.
Vivres
Dépenses diverses


M. Casimir-Perrier. Je demanderai une explication sur
cette expédition du Sén gal qui déjà, l'année dernière, a ex-
cité beaucoup de réclamations. Nous avons voté pour cet
objet deux millions huit cent quarante-quatre mille francs. Nous
aurions dû croire que cette année on nous présenterait quelques
rapports à cet égard ; niais les renseignemens qu'on nous donne
n'ont rien de positif : on reste dans le vague ; et il n'y a qu'une.
chose de certaine, c'est la dépense. 11 y a plus, cette dépense
se trouve augmentée , car le service ordinaire du Sénégal est
porté cette année à un million deux cent mille francs ; il ne
l'était l'année passée qu'a quatre cent mille francs. Si ces dé-
penses s'élèvent ainsi, nous avons droit de demander des ex-
plications sur les résultats de l'entreprise, et sur les effets de
ces espérances qu'on a fondées sur nos rapports diplomatiques
avec les princes maures. (Quelques membres rient.)


Laisné de Villevelque. Et moi aussi j'ai défendu la co-
lonisation du Sénégal. Passionné pour la prospérité de.ma patrie,
et me livrant à de douces illusions , j'espérais voir le drapeau
français flotter triomphant sur les rives du grand fleuve qui
arrose cette contrée, j'espérais voir le flambeau des arts et de
l'industrie éclairer enfin les plages inhospitalières de l'Afrique,
si long-temps barbares ; j'espérais voir le génie du commerce
ouvrir les plus vastes débouchés aux produits de nos fabriques,
et , franchissant bientôt la cime des hautes montagnes de la
Sénégambie, porter les marveilles et les bienfaits delindustrie
française sur les rives du delta, et dans les empires de Houssa
et de Boarnon. Qui donc a rendu stériles ces dépenses ordonnées?
qui a donc fait évanouir ces brillantes espérances? 1-4 le dis avec


••


967,000 le.


1214721208
4,83,,599




15,312,185
575,500


et hutimens civils. 2,660,202
54419°8


3,150,790
4)9921808


422,000




5°7 )5o6 )
haine, mais je ne puis le taire à la chambre, les aberrations
Jas désordres de l'autorité locale.


La colonie française deSaint-Louis erarétient des relatiom:
commerciales avec cinq peuples qui possèdent




- ses arro-
isées par le Sénégal. Les Maures habitent la rive c


, et sont
divisés en trois tribus connues sous les noms


.
de


• •de Trarzas et de Bracknéts. Les Trarzus sont les
queux, et les Bracknas ,.les pl us


• nombreux. Ces deux tribus
possèdent les forts de Coma: iers , de Sahel et d'i-‘..1fatmk , 'et en
transportent les produits . qui s'élèvent


.
à quinze à seize cent


m illiers, à l'Escale du Désert et an Terrier-Rouge. Le royaumejrie Cayor, qui s'étend depuis Rulisco , au-delà du. Cap-Ve.d ,usque sur les bords du Sénégal, obéit à un-prince nommé
Damel. Ces états, de soixante-lieues-de longueur sur quarante
de largeur, dévastés par ses propres brigandages, renferment à
peine trois cent mille individus, Le royaume d'uns prince plus
fiible et moins barlixre . connu sous le nom de Brack, parait
ensuite;Dagana, à l'est, en est la limite; et un lac, mal à propos
désigné dans tout es les cartes fi•inçaisessons le nom de Panier.Foule, et dont le véritable nom, le soin africain est Ghier, en
est le centre. A.u-dessus de Dagana, commencent les possessions
d'un peuple puissant et nombreux, nominé Foules. Il occupe
Ille de iNecrfil , où est situé l'ancien fort de 'ioder, et Pile de


ilbas. Sa population est-d'environ trois millions d'individus.
Il a pour chef apparent, un prince électif, désigné sous le nom


Almarni, et qui prenait autrefois le titre de siritik lorsque
le sceptre était héréditaire et absolu. Ce peuple est mahométan.
(In trouve au-delà le pays de Calant, où l'on a établi un fort
connu sous le nom do Bakel , où les peuples de Ban:boule, et
les paisibles Serracolets, :ido ines à la culture,. vierinent's'ap-
provisionner de nos marchandises. Le fort Saint-Joseph, qui
était placé un peu au-dessus, a été abandonné.


Pour engager tous les peuples à se livrer à la culture du coton
et: de l'indigo, il fallait maintenir la paix parmi eux, les traiter
avec bonté, avec justice, étouffer leurs querelles, en y interve-
nant comme médiateurs ; il fallait renoncer loyalement au com-
merce de la traite. C'est ce que n'a pas fait l'administration de
Saint-Louis : elle l'a favorisé , encouragé peut-Ure. Et c'est
ainsi que le Daniel, entouré de déserts qui le séparent de ses
voisins, a fait la guerre à ses sujets pour avoir 'des esclaves; il
a dévasté ses propres -Villages; il a saisi ainsi trois mille infor-
tunés qu'il a vendus à des négriers français et étrangers, après
avoir massacré à coups de fusil les Africains cpii. par la fuite,




se: dérobaient à ses fureurs avares; c'est ainsi que l'administra-
tion de Saint-Louis e laissé allumer entre les maures Trarzas
et les Bra.knas une guerre funeste qu'elle au -rait pu éteindre. Ce
prince , le plus faible des princes africains , s'était mis sous la
protection de la-France. Anciennement, pour se soustraire aux
pillages des Trarzas qui traversaient le fleuve , ils s'étaient. •
soarais envers eux à un modique tribut en miel et en bestiaux,
lequel ne dépassait pas la valeur de cent pièces de guinée, on
trois mille francs. 'Fier de la puissance de ses nouveaux patrons,
il a osé refuser le tribut accoutumé, et. la guerre s'est alluMée
entre lui et. les Trarzas. Ceux-ci ont franchi le fleuve avec l'as-
sistance de quelques partisans de la traite. Ce prince , dans une
rencontre,.a eu la cuisse cassée ; plusieurs de ses villages ont
été brûlés et les' habit:lus massacrés ou faits esclaves. Si ,
lieu de prendre part à ces guerres , le gouverneur français eût
augmenté do trois daine francs les coutumes que l'on paie aux
Trarzas, la paix eût été rétablie à l'instant'; elle eût écono-
misé bien des dépenses dont ces hostilités seront le prétexte,
et qui, peut-itre, serviront de voile à bien des dilapidations;
le commerce de la .gomme n'eût pas été interrompu cette année,
car les Trarzas .et . les Bracknas l'ont transportée à Pertendic,
pour l'y vendre 'anx Anglais.


De funestes querelles nous ont également aliéné la puissante
nation des Foules, si bien que l'expédition ordinaire de Calcin,
qui a lieu en août on septembre, lors de la crue du fleuve,
erretée par les hostilités des Foules, et repoussée par eux à
coups de fusil, a été obligée de rétrograder à Saint-Louis. La
paix seule peut, dans ces contrées, faire fleurir l'agriculture;
et si une administration paisible et sage n'y dirige pas mieux nos
a (Lires , si elle n entretient pas la concorde pariai ces peuples,
si elle n'y réprime pas la traite, je le,dis avec douleur, les dé-
penses de cet établissement seront infructueuses, et déjà même
elles sont trop fortes ; car, sur les un million deux cent mille
francs demandés pour le Sénégal et. Gorée, on pourrait écono-
miser une somme importante. Sur les huit cent neuf employés,
militaires et civils , ce climat .brûlant doit en emporter un
sixième, ce qui diminuera d'autant la dépense. La sagesse do
M. le ministre de la marine portera sans doute un regard at.-:
tentif sur le budget du Sénégal , et ce qu'il économisera sera-
sans doute déversé sur la colonie de la Guyanne, mi' y aug-
menter la population blanche. N'oublions point que ce pays,
trop peu connu et si mal apprécié , est appelé à la plus haute
prospérité. Je vote pour l'allocation demandée.




( 5o8 )
Etablissemens de l'Inde (inmoire ), Bour-


bon, 8o,000
fr. ; Madagascar, 5oo,00 0


fr. ;
Sénégal et Gorée, 1,200 COO fr. ; Marti-
nique, 1,3oo,000 fr. ; Guadeloupe et dépen-
dances, 1,3oo,000 Cr. ; Cayenne et Guvanne
française, o,000 fr. ; Saint-Pierre de Mi-
quelon , 90,000 Cr. ; essai d'établissemens aux
colonies, de cultivateurs et d'ouvriers blancs,
5oo,000


fr. ; dépenses communes à toutes les
colonies qui sont à faire en France, /00,000.— "070,000


Total du budget de la marine. . . 5o,000,000
MINISTER]: DES FINANCES. Dette viagère.


. 11,400,000


CHAMBRE DES PAIRS. .


Séances des 24, 26, 27
et 28 juin.


L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi des
élections, adopté le 12 par la chambre des députés, présenté
le 14 à la chambre des pairs par le ministre de l'intérieur, et
sur lequel la commission chargée de son examen avait fait son
rapport le 22 , et couda à son adoption.


Après avoir entendu contre le comte de Ségur, le maréchal
Jourdan, les comtes Boissy-d'Anglas, Daru et Cormtdet ; Sitl
le comte Germain, le baron de Ba yante, le duc de Broglie, le
comte Laniuinais ; et pour, les ducs Doudeauville et de Brissac,
les comtes Jules de Polignac et de Castillanne (orateurs qui re-
produisent les divers argumens dés orateurs de la chambre des
députés), la chambre adopte le projet de loi, à la majorité de
quatre-vingt-cinq voix.


Loi des élections adoptée par les deux chambres.
ART. i. er


Il y e dans chaque département un collège élec-
toral de départem en t, et des colléges élect oraux d'arrondissement.


Néanmoins, tous les électeurs se réuniront en un seul collége,
dans les départemens qui n'avaient, à l'époque du 5 février
8 , qu'un député à nommer ; dans ceux oit


le nombre des
électeurs n'excède pas trois cents, et dans ceux qui , divisés en
cinq arroudissemens de sous-préfectures, n'auront pas au 'delà
de quatre cents électeurs.


2. Les collèges de département sont composés des électeurs les


( 509 )
plu's imposés, en nombre égal au quart de la totalité des élec-
teurs du département.


Les collèges de département nomment cent soixante-douze
nouveaux députés, conformément au tableau annexé à la pré-
sente loi. ils procéderont à cette nomination pour la session
de


'82oonLa n mination des deux cent cinquante-huit députés actuels
est attribuée aux collèges d'a rrondissemens électoraux à former
dans chaque département en vertu de l'article , sauf les
exceptions portées au paragraphe 2 du même article.


Ces colléges nomment chacun un député. Ils sont composés
de tous les électeurs ayant leur domicile politique dans l'une
des communes comprises dans la circonscription de chaque ar-
rondissementélectoral. Cette circonscription sera provisoirement
déterminée, pour chaque département, sur l'avis du conseil-
général, par des ordonnances du Roi, qui seront soumises à
l'approbation législative dans la prochaine session. •


Le cinquième des députés. actuels, qui doit être renouvelé,
sera nommé par les colléges d'arrondissement.


Pour les sessions suivantes, les départemens qui auront à re-
nouveler leur députation, la nommeront en entier d'après les
bases établies par le présent article.


3. La liste des électeurs de chaque collège sera imprimée et
affichée un mois avant l'ouverture des collèges électoraux. Cette
liste contiendra la quotité et l'espèce de contribution de chaque
électeur, avec l'indication des départemens où elles sont payées.


4. Les contributions directes ne seront comptées, pour être
électeur ou éligible , que lorsque la propriété foncière aura été
possédée, la location faite, la patente prise, et l'industrie
sujette à patente, exercée une année avant l'époque de la
convocation du collége électoral. Ceux qui ont des droits acquis
avant la publication de la présente loi , et le possesseur à titre
successif, sont seuls exceptés de cette condition.


5. Les contributions foncières payées par une veuve, sont
comptées à celui de ses fils, à défaut de fils , à celui de ses petits-
fils, et à défaut de fils et petit-fils, à celui de ses gendres qu'elle
désigne.


6. Pour procéder à l'élection des députés , chaque électeur
écrit secrètement son vote sur le bureau, ou l'y fait. écrire par
un autre électeur de son choix , sur un bulletin qu'il reçoit à


• cet effet du président. Il remet son bulletin, écrit et fermé, au
président , qui le dépose dans l'urne destinée à cet usage.


7. Nul ne peut être élu député aux deux premiers tours de


fi..




Scrutin, s'il ne réunit au moins le tiers plus une des voix de lift
totalité des membres qui composent le collège, et la moitié
plus un des suffrages exprimés.


8. Les sous- préfets ne peuvent être élus députés far les col-
léges d'arrondissemens électoraux qui comprennent la totalité ou
une partie -des électeurs de l'arrondissement de leur sous-pré-
fecture.


g.. Les députés décédés ou démissionnaires seront remplacés
chacun par le collège qui l'aura nommé.


En cas de décès ou démission d'aucuns des membres actuels
de la chambre, avant que le département auquel il appartient
soit en retour de renouveler sa députation, il sera remplacé par
un des co]léges (l'arrondissement de ce département.


La chambre déterminera, par la voie du sort, l'ordre dans, .
lequel les collèges électoraux d'arrondissement procéderont'
aux remplacemens éventuels jusqu'au premier renouvellement
intégral de chaque députation.


10. En cas de vacance, par option, décès, démission ou au-
trement ,les collèges électoraux seront convoqués, dans le délai
de deux mois, pour procéder à une nouvelle élection.


il. Les dispositions des lois des 5 février 18, 7 et 25 mars
1818, auxquelles il n'est pas dérogé par la présente, contin ueront


• d'ètre exécutées, et seront communes aux collèges électoraux
de département et d'arrondissement..


La présente loi , discutée, délibérée et adoptée par la chambre
des pairs et par celle des députés, et sanctionnée par nous ce-
jourd'hui , sera exécutée comme loi de l'état : voulons, en con-
séquence, qu'elle soit gardée et observée dans tout notre
royaume , terres et pays de notre obéissance. Donné à Paris,
le 29. e


jour du mois de juin de Pan de grace 182o, et de notre
règne le vingt-sixième.


LOUIS.


BZEAu da nombre des nouveau.r députés d élire par chaque
collége de. département.


Ain, 25 Aisne, 2 ; Allier, 2; Alpes ( Basses) , ; Alpes
(Hautes ), Ardèche, i ; Ardennes, s ; Arriège, s ; Anbe, s ;
Aude, 2; Aveyron, 2.


Bouches-du-Rhône, 2.
Calvados, 3 ; Cantal, s ; Charente, 2; Charente-Inférieure, 3 ;


Cher, 2; Corrèze, 1; Corse, o; Côte-d'Or, 2; Côtes-du.
Nord, u; Creuse,


Dordogne, 3; Doubs, n ; Drôme 1


( Sui


Eure, Eure-el-Loire, 2.
Finibière, 2.
Gard, 2; Garonne (Haute), 3; Gers, 2; Gironde, 3.
Hérault ., '2.
Ille-et- Vilaine, 3; ladre, s ; Indre-et-Loire, n; Isère., 2.•
Jura
Landes, 1; Loire-et-Cher, i ; Loire , 2; Loire (Haute), 1;


Loire-Inférieure, 2; Loiret, 2; Lot, 23 Lot-et-Garonne, 2;
Lollère ,


Maine-et-Loire, 3; 'Manche, 3 ;Marne, 2; Marne (Haute), u;
Mayenne, ; Meurthe, 2 Meuse, ; , j
selle, 3. -


, ; Nord. 4.
Oise, 2: Orne, 3.
Pas-de-'2alais , 3; Puy-de-Dôme, 3; Pyrénées ( Basses ), 2 ;


Pyrénées .( Hautes), ; Pyrénées-Orientales,
' Rhin (Bas), ; Rhin (Haut), 2; Rhône, 2.
Saône (Hante), s Saône-et-Loire, 3; Sarthe, 3; Seine,


Seine-Inférieure , 4; Seine-et-Marne, 2 ; Seine-et-Oise, 33
Sèvres (Deux), ; Somme , 3.


Tarn, 2; Tarn-et-Garonne, 2.
Var, 2; Vaucluse, ; Vendée, 23 Vienne, 2 ; Vienne


( Haute ), 2 ; Vosges , 2.
, 2. •


TOTAL. 172.


CHAMBRE DES DÉPUTÉS.


Séances des 26;2.7, 28, 29 et So juin.


.M. Chabron de Solilkac. Messieurs, votre commission m'a
chargé de vous proposer l'adoption du projet de loi sur la nou-
velle division territoriale de la Corse. Avant d'entrer dans l'ex-
posé des motifs qui ont décidé votre commission, je dois mettre
sous vos yeux un aperçu de la situation de la Corse, de- ses
produits, de l'état de sa civilisation et de son agriculture , des
sacrifices que la possession de cette île colite annuellement à la
France, et des moyens qui pourraient être employés pour rendre
cette possession moins onéreuse à l'état.


La Corse a, dans sa plus grande longueur, environ quarante-
deux lieues, et dix-huit dans sa plus grande largeur ; sa surface
est d'environ trois cent cinquante lieues. Elle fut dans l'origine
le refuge des nations qui avaient quitté leur pays par nécessita


(5i0)




( 512 )
ou par inconstance. Les Phéniciens, les Egyptiens , les Grecs,
les Troyens, les Gaulois, les Liguriens, les Espagnols l'ont
peuplée tour-à-tour. Aucun pays au monde n'a éprouvé plus
de révolutions, et n'a été plus souvent opprimé et dévasté, sans
avoir jamais été entièrement subjugué : c'est le seul peuple que
les Romains n'ont pu façonner à l'esclavage, et c'est pourquoi
ils se récriaient si fort contre les esclaves corses.


La population de la Corse, d'après le dernier recensement,
est auj ourd'hui cent soixante-onze mille cent quatre-vingt-sept
Aines; elle est disséminée dans l'intérieur, et jusque sur la cime
des plus hautes montagnes. A l'exception des principales com-
munes maritimes, le reste du littoral, qui est la partie la plus
importante de l'île, est presque inhabité. Il y a quatre cent
vingt-sept villages et sept villes; ce qui est bien peu en com-
paraison de trente-trois cités dont Pline fait mention , et des
quatre cent mille habitans qu'elle contenait autrefois. Le dé-
croissement de population qu'elle a éprouvé, doit âtre attribué
aux incursions des Sarrazins et des Barbaresques, qui, depuis
le neuvième siècle, ont désolé le pays à diverses reprises, et ont
refoulé les habitans vers l'intérieur de l'île; il doit l'être encore
à l'état de guerre continuel où se sont trouvés les Corses pour
repousser le despotisme des Génois et des peuples qui ont voulu
leur donner des fers; aux querelles intestines qui ont remplacé
les guerres avec l'étranger, qui ont toujours été opiniâtres et
sanglantes.


Le sol de la Corse est généralement inculte, mais il est fer-
tile et propre à toutes sortes de cultures, en n'ensemençant
que les bonnes terres; et ce pays peut se peupler de six cent
mille habitans et les nourrir. Les terres y rapportent, sans en-
grais, le dixième grain, et au-delà du cinquantième quand elles
sont nouvellement défrichées. Elles produisent du vin , des
oliviers, de la garance, dont il serait si utile d'encourager la
culture; ses forêts sont surtout d'un grand intérêt pour la
France; elles occupent le tiers de l'île. Elles sont inépuisables
en bois de construction; on y trouve les plus beaux arbres qui
soient au monde, et dont le transport dans nos ports de la Mé-
diterranée n'est ni long ni dispendieux. Le ministère de la
marine pourrait encore tirer parti des immenses forêts doma-
niales, qui, par leur situation dans des pays inaccessibles ou
par leur éloignement de la mer, ne sont pas susceptibles d'être
exploitées, ainsi que des arbres qui nè sont ni• assez beaux, ni
d'une dimension convenable pour être employés aux construc-
tions et aux mâtures. Il pourrait, dis-je, les.mettre à profit en


( 5 t3 )
ètablissant , à proximité, des fourneaux pour la fabrication du
goudron, il mettrait ainsi . en évidence les ressources immenses
que présentent les forêts de ce département.


Les p. orts de la Corse offrent, en temps de guerre, un refuge
à nos batimens ; sa population est courageuse et spirit celle, mais
elle a besoin d'être policée. Il est indispensable de l'arracher à
la vie nomade et errante, et de l'attacher à l'agriculture, du
commerce et aux arts.


On compte en Corse quatre cents contumax armés ; ils y sont
en rébellion, répandent la terreur dans la contrée, et cherchent
leur subsistance dans le produit de leurs brigandages : ils échap-


,


pent aux recherches de la gendarmerie, à qui les habitans ns n'osent
les faire connaître ; il est impossible, avec des troupes du con-
tinent, d'atteindre et de détruire les brigands, parce l ue ces
troupes n'ont aucun moyen de connaître ni de découvrir leurs
repaires. M. de Marbeuf, dont l'administration avait si fort
avancé la civilisation de la Corse, avait triomphé de ces bandits
en leur opposant des corps levés dans le pays; il avait formé un
régiment d'indigènes qui guidait et soutenait la maréchaussée,
donnait la chasse aux brigands et aux vagabonds, les forçait
dans leurs asiles. Il était ainsi parvenu à opérer le désarmement
de l'île, et à la purger de tous les malfaiteurs, qui ne reparurent
qu'avec la révolution. Il est d'autant plus facile de former en
Corse des corps militaires recrutés dans le pays, que les Corses
sont portés par inclination métier des armes; autant ils se
montrent indociles et. opiniâtres dans la vie privée, autant ils
sont faciles à plier à la discipline militaire. Nous en avions un
réaiment avant la révolution, qui fut, dans le commencement
•de nos troubles politiques, très-remarquable par sa tenue, sa fidé•
lité, et par sa bonne conduite.


La Corse coûte annuellement trois taillions, y compris les
garnisons, et elle rapporte onze cent mille francs. Pour la rendre
paisible, soumise et productive, pour que l'état puisse un jour
se couvrir de ses avances, il faut que le gouvernement y facilite
les communications, qu'il ouvre des chemins pour l'exploitation
des forêts, pour les relations du commerce et pour la circulation
de la force publique; il fini, qu'il rapproche la justice des justi-
ciables, afin que can x-ci n'aient plus de prétexte pour se la rendre
eux-mêmes; il faut enfin qu'il donne à l'action des lois la plus
grande vigueur, et qu'il fasse exécuter celles surie port d'armes.


Alors il sera aisé de tourner les insulaires vers l'agriculture.
et le commerce, et l'on aura l'espoir d'élever la Corse au degré
de prospérité qui semble lui être promis par tut beau ciel, ms


33


t




( 514 )
sol fertile, et sa position an centre de la Méditerranée au mi-
lieu de la plupart des nations commerçantes de l'Europe et de
l'Afrique.


L'expérience de ces dernières années prouve évidemment la
vérité de mon assertion. Depuis que le calme a succédé à nos
agitations, depuis que la restauration a rendu de nouveaux bras
el'agriculture, la culture, le goût du travail se sont ranimés
dans in Corse; de nouveaux déf•ichemens ont eu lien à la suite
de la disette de 181 7 . La culture des pommes de terre nouvel-
lement introduite dans cette île, y a reçu une grande extension.
Les plantations se sont multipliées, et les coteaux se sont cou-
verts de vignes, cie vergers, d'oliviers et de chàtaigniers.
s'agit anjourd'hui d'encourager ce mouvement favorable, et la
régénération de la Corse sera un des premiers bienfaits, un des
premiers miracles du gouvernement constitutionnel.


On nous objectera'. que la Corse ne rend au gouvernement
que le tiers de ce qu'elle lui coûte; que l'expérience de tous les
temps et de tous les siècles ayant appris que ce peuple, par la te-
nacité de son caractère, était indomptable, il serait sage d'aban-
donner tout espoir de le civiliser, et qu'il faudrait considérer
la Corse comme un poste avantageux que nous occupons par
notre argent, et dans lequel il faut nous maintenir aux moindres
frais possibles. Je répondrai à nos adversaires que j'ai déjà prouvé
que la -Corse était susceptible de culture et de civilisation;
j'ajouterai qu'à la différence de nos colonies, où un régime par-
ticulier subsiste, la charte ayant réuni ce pays à la grande fa-
mille du peuple français, nous lui devons la même protection,
la même sollicitude qu'aux autres parties du royaume; que
nous ne salirions être arrêtés par un léger sacrifice , s'il peut
contribuer à rendre à ce département la population et la pros-
périté auxquelles la nature l'a destiné; et qu'enfin il est autant
de notre honneur que de notre intérêt, d'extirper la barbarie
de tous les points du royaume.


On nous dira : Si sept. arrondissemens sont nécessaires à la
.Corse, pourquoi ne les a-t-elle pas obtenus de Bonaparte?
pourquoi a-t-il supprimé le département du Golo, et l'a-t-il
réuni à Ajaccio ? Cette objection est d'autant plus spécieuse,
que Bonaparte devait connaître mieux que personne les besoins
de son pays, et que certainement il devait avoir une grande


. propension à bien traiter ses concitoyens. Non, messieurs, Bo-
naparte ne voulait pas avoir de concitoyens; il ne voulait pas
reconnaître sa terre natale; il regardait avec dédain un puys
,pauvre, agreste. , et qui offrait à son aveugle orgueil une origine


( 515 )
trop commune. Cette origine lui paraissait inférieure à une exis-
tence qui devenait tous les jours plus colossale , et que la for-.
tune, dans ses jeux ordinaires, a rendue depuis plus étonnante
encore quil ne le desirait sans doute. Bonaparte aurait efficé
la Corse de la carte géographique, si la chose eût été possible;
et c'est pourquoi il l'avait réduite à un seul département. On
se convaincra de la volonté où il a été de laisser ce pays dans
l'oubli, lorsqu'on se rappellera qu'il n'y a créé aucun établisse-
ment, et qu'il n'y a tracé aucune route.


Le conseil-général a exprimé son voeu pour le rétablissement
de l'arrondissement de Vico, dans les sessions de 1814 de 1817
et de 1838. Vico est le point central d'un pays susceptible de
prospérer dès que l'action de la justice y aura rétabli l'ordre et
la paix. Il est traversé par la route (le la foret d'Altone, la plus
belle que notre marine ait à exploiter. Toutes ces considéra-
tions font regarder l'établissement d'un arrondissement à Vico
comme d'une nécessité indispensable. L'arrondissement de Vico,
formé des cantons de Cruzini, Sévidentro , Sevinfnori , Sor-
roinza , Vico , et de la presque totalité du canton d' Orcino ,
aura une population de douze mille sept cent quatre-vingts aines.
Cette population paraîtra bien faible pour former un arrondis-
sement ; cependant, si vous considérez que la Corse a deux fois
plus d'étendue que nos plus grands départemens, que la préfec-
ture est à une des extrémités de l'île; que la moitié du dépar-
tement se trouve séparée de l'administration par une chaîne de
montagnes qui la traverse du sud n11.1 nord ; que plusieurs mon-
tagnes de premier et de deuxième ordre s'appuient à cette
chaîne, et que la partie d'au-delà des monts demeure entière-
ment étrangère au gouvernement, vous sentirez fa nécessité de
la mettre en rapport avec le chef-lieu, en adoptant le rétablis-
s'ément des arrŒndissemens de Vico et de Cervione.


Le rétablissement de Cervicne a été également réclamé par
le conseil-général. On s'est f,indé à-peu-près sur les mêmes rai-
sons. Cet arrondissement se compose des cantons de Campo-
loro, TaVa,g7ta, Moriani, A lesani, Serra, Verde et Firtmorbo :
sa population serait de dix-huit mille habitons. La ville de Cer-
vione possédait jadis un évêché, un chapitre, un séminaire, une
garnison, un bureau d'enregistrement , mi des douanes et un
de poste aux lettrés. Il y a aussi un couvent de récolets en très-
bon état, qui. pourrait servir à l'établiesenient d'un hospice ou
d'écoles primaires. Le bâtiment du séminaire, servant de ca-
serne, pourrait contenir quatre cents hommes. Un bâtiment




( 5 t6 )
communal , dit Confrérie de Sainte- Croix ,- servirait au tri-
bunal de première instance et à l'établissement des prisons.


Les plaines réputées les meilleures de la Corse sont situées,
dans cet arrondissement. Elles sont susceptibles de toute sorte
-de culture, et peuvent produire du coton, du tabac, du café,
de la garance ; la canne à sucre y viendrait aussi très-bien.


Il y aurait, par ?établissement de l'arrondissement deCer-
vione, une plus grande concentration des diverses parties de
l'administration , et le gouvernement aurait plus d'action sur
les habitans. L'éloignement de la justice est une calamité dans
cette contrée; les personnes obligées de recourir aux tribu-
naux, abandonnent leurs procès plutôt que de s'exposer à des
frais de déplacement qui en absorberaient la valeur. Il s'ensuit
que le débiteur ne paie pas son créancier, que le malheureux ne
trouve pas de crédit, et que les hommes honnêtes et paisibles
sont exposés à toutes les vexations de la mauvaise foi et de la
violence. Une procédure correctionnelle coûte , dans ce pays,
la ruine d'une famille.


C'est donc en vain que l'on objecterait la population peu •
nombreuse de des deux cantons, pour combattre le projet de
loi; la Corse ne se repeuplera que lorsqu'on y aura établi une
bonne police, lorsqu'on y aura rendu l'autorité forte et respec-
table , en la mettant en rapport avec tous les points de ce vaste
département, et lorsqu'on aura multiplié et répandu tous les
moyens d'encouragement qui doivent attacher le peuple à ses
devoirs, à son Roi et. à la commune patrie.


La commission pense que, d'après toutes ces considérations,'.
qui sont fondées sur l'intérêt de l'état, sur l'honneur national
et sur les principes d'une administration paternelle , sage et
éclairée, vous n'hésiterez pas à adopter le projet de loi.


La chambre reprend la discussion sur le bulget du ministre
des finances.


Pensions
66,352,65o fr.-


Intérêts des cautionnemels
3,800,000


Intérêts de la dette flot-
tante 6,5oo,00e


Intérêts des 78 millions
Dette flottante. échéant eu 1820 sur


les derniers ico mil-
JiV dus aux •étran-


gers. 3,004,000
eagne de Faye. Il se présente ici ; messieurs ;


iule


( 517 )
question d'un grand intérêt. On vous demande une somme de
3,859,000 fr. pour payer les arrérages des intérêts des derniers.
leo millions dus aux étrangers; mais n'est-ce pas le moment de
rappeler et de faire valoir nos réclamations à leur égard? La
légion-d'honneur a des réclamations de cette nature. Beaucoup.
de Français dotés sur les mines de Pile d'Elbe , sur le Mont-de-
Milan, sur Naples, sur la Toscane, ont fait d'inutiles repré.sen-
iaticns, et ont en vain exposé leurs titres. On les a renvoyés à
la commission de liquidation, qui a reçu l'état des sommes qui
leur sont dues pour l'arriéré antérieur à 1814, et ils n'ont rien
touché. Je crois que ce serait ici le moment deréclamer et d'ob-
tenir une compensation.
• M. Mediu. Les observations que vous venez d'entendre
sont d'une extrême sagesse. Voilà que vous vous occupez d'ac-
quitter les derniers loc.) millions dus à l'étranger; fidèles à vos
migagemens, vous les avez tous remplis et au-delà. Voici donc
le moment de prouver que vous n'oubliez pas les droits des
malheureux Français qui avaient reçu un prix glorieux du sang
versé pour la pat rie, et auxquels des traités solennels assuraient
des titres et des droits aujourd'hui méconnus. Il a été stipulé à
Aix-la-Chapelle, par les souverains réunis, que les arrérages
des dotations seraient payés jusqu'en niai 18)4. Pour obtenir
ces arrérages, les difficultés sont jusqu'à présent insurmontables;
niais combien ne le deviendront-elles pas davantage quand vous
n'aurez plus aucune dette contractée envers l'étranger l S'il
,.ous est presque impossible d'obtc air ce qui est dû quand vous
devez voussmêmes, comment pouvez-vous espérer d'obtenir
quelque chose quand vous-mêmes Nous ne devrez plus rien ? et
ce que votre commission de liquidation n'obtient pas, comment
Nouiez-vous que des hommes isolés, des veuves, des orphelins
puissent se le faire donner ? Certes il serait possib-e de négocier,
de s'arranger ; les titulaires consentiraient à des sacrifices pour
sauver les débris de ce qu'ils possèdent à si juste titre, et à des
droits qui se confondent avec ceux de la légion-d'honneur. Je
le répète, vous devez ici un témoignage d'intérêt et de protec-
tion à des Français recommandables et malheureux. Voici votre
dernier paiement : c'est l'excès de la fidélité; vous en avez dé-
passé toutes les obligations; au moins stipulez les intérêts de
vos concitoyens, et ne perdez pas la seule occasion qui vous
reste pour consommer là perte qu'ils ont éprouvée dans de si
graves conjonctures. •


Chambre des pairs


2>000,000 fr:
Chambre <les députés. . . . ... 710,000




( 518 )
Le ministre de l'intérieur présente un projet de loi sur


une imposition pour l'achèvement du bâtiment de la Bourse, à
Paris.


Projet de loi. Art. 1." Il sera perçu pendant huit années une
imposition additionnelle de quinze centimes par franc an droit
fixe des patentes de la ville de Paris depuis les patentes de cinq
cents francs jusqu'à celles de quarante francs inclusivement, et
dont seront toutefois exceptés les a gens de change et los courtiers
de commerce, à raison de cotisai ions volontaires qu'ils ont offert
de réaliser.


2. Le produit de cette imposition sera appliqué au paiement
des dépenses qui restent à frire pour l'achèvement des travaux
de la Bourse de cette ville.


L'ordre de jour appelle à la tribune M. le rapporteur de la
commission des voies et moyens.


Ganiiii , organe de cette commission, présente le travail
dont elle était chargée pour l'exercice de 82o. Le rapporteur
embrasse toutes les


é
du revenu public, les compare avec


leurs précédons produits, avec les frais de perception, et présente
leur état de situation. La commission déclare ne pouvoir pro-
poser et fixer des évaluations que lorsque le projet de loi sur
les dépenses aura été terminé.


Reugnot , au nom de la commission centrale nommée
pour. l'examen du projet de loi relatif à la légion-d'honneur,
:présente le rapport de cette commission , avec la rédaction
amendée du projet de loi. L'amendement principal tend à sta-
tuer que les fonds qui deviendront libres par les extinctions,
seront employés à compléter successivement les traiternens des
officiers commandeurs, grands officiers et grands-croix de cet
ordre nominés antérieurement au 6 avril 18


L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sule •budjet du ministre des finances.
Légion-d'honneu•. Rente payable par la


régie de l'enregistrement et des do-
maines


Cour des comptes


(5t9 )
position, dans laquelle nul d'entre vous ne voudrait restér
privé qu'il serait d'un droit légitime, et saris moyens d'accent.-
plat un devoir impérieux, les quatre députés du département.
.que je représente s'y trouvent placés tout d'un coup, par des
ordres illégaux, arbitraires, et, j'ose le dire, éminemment cou_
Fables dans ceux qui se sont permis de les intimer. A l'heure.
où je vous parle, messieurs, des agens sans mission légale
porteurs d'ordres qui ne sont fondés sur aucune loi, pas même•
sur les lois d'exception existent, parcourent les départe-
mens pour saisir, le croirez-vous?les lettres que les députés ont
a écrire à leurs commettans. A l'heure où je vous parle, les
lettres des quatre députés de la Sarthe ont été enlevées chez des
personnes qu'on n'a point arrêtées, et que par conséquent l'on a
reconnu n'être pas suspectes, par un agent se disant officier de
paix, mais sur un ordre signé Mounier. Elles ont été séparées
d'autres papiers; on n'en Noulaitqu'à ces lettres seules; on n'en
e pris quelques autres qu'accidentellement. parce qu'elles se trou-
vaient dans le même carton , et lorsqu'on a été sûr de les avoir,
Pen n'a fait aucune perquisition ultérieure. Les possesseurs de
ces lettres, individus que les lois d'exception autorisaient à dé-
tenir pour peu qu'ils eussent été soupçonnés, sont restés en par-
faite liberté, preuve manifeste de leur innocence. C'est donc, je
le répète, aux lettres des députés â leurs commettans qu'on
voulait en venir. Ces lettres ont été parcourues par l'agent de la•
commission, signé Mounier, qui a montré l'ordre de les trans-
porter à Paris , oé elles seraient déjà, si la chambre civile , du
Maris n'avait avec un courage et une équité qu'on ne saurait
trop louer, arraché sa proie à l'agent porteur de l'ordre illégal
signé Monnier. Mais ces lettres n'en ont pas moins été enlevées
sans que les lois le permissent : elles n'en sont pas moins dans
ce moment ravies à leurs, propriétaires, qu'on a pourtant re-
connus pour irréprochables, je le dis encore, puisque la faculté.
de détention discrétionnaire ne leur a pas été appliquée.


Il y a plus , messieurs ; quinze jours auparavant, un agent do
l'autorité locale avant examiné tous les papiers de ces indi-
vidus, les avait trouvés d'une innocence et d'une légalité par-
faites. L'observation en e été faite à l'agent porteur de la cota-
mission signé Mounier. Il a répondu que l'agent sarthois n'avait
eu l'ordre de saisir- que les correspondances séditieuses, et.
qu'aucune n'étant séditieuse, il avait dé les respecter, taudis
que l'agent parisien avait l'ordre de saisir toutes les corres-
pondances politiques, c'est-à-dire toutes les lettres où il est
question de politique indistinctement.


24,000 fr.
1,24e,600


M. Benjamin-Constant. Qui d'entre nous, messieurs, vou-
drait voter près de huit cent millions de charges publiques, ou
sanctionner des lois quelquefois rigoureuses , s'il lui était in-
terdit de faire connaître à ceux qui l'ont élu, qu'il n'a cédé
qu'à unenécessité démontrée, et qu'il n'a pas trahi les intérets
qu'il avait été chargé de défendre? Eh bien: messieurs, cette




( 520 )
Ce n'est pas d'un seul député, messieurs , que les lettres ont


été saisies et enlevées de la sorte. Si cette mesure n'eût eu pont


j'but (pie de chercher des incriminations contre un seul individu,aurais- compris des soupçons, quelque Lux qu'ils pussent
être, et j'aurais sinon excusé, au moins conçu, comme tra-
dition impériale recueillie _par un long service dans le 'cabinet
particulier de l'Empire, la vexation et l'illégalité suivant de
près le soupçon le plus absurde. Mais c'est de quatre députés
fit'on a ravi les lettres écrites depuis trois années. C'est une ex-
pédition dirigée contre la correspondance de la députation tout
entière d'un département.


Ainsi, messieurs, les relations naturelles , légitimes, obligées
des mandataires de la France avec leurs commettais, sont illé-
;Aement , criminellement interrompues. Ainsi ce qu'aucune
loi d'exception n'autorise, ce - qu'aucune des dispositions les
plus discrétionnaires ne permet, se commet par l'agent d'un
agent non responsable, et dont la signature n'est appuyée de
celle d'aucun des ministres qu'aurait contenus leur respon-
sabilité.


j Vainement a-t-on cherché à revêtir de quelques formalitésudiciaires cette coupable illégalité. L'autorité judiciaire n'a été
que spectatrice. C'est l'agent porteur d'un ordre illégal, je le
répète, d'un ordre qu'aucune loi, même d'exception, ne légi-
time, c'est cet agent qui a parcouru toutes les lettres de quatre
députés; et. je dois observer encore que ni la loi sur la liberté
individuelle ne peut etre invoquée, puisque les possesseurs
de ces lettres n'ont pas été arrêtés, ni la loi exceptionnelle •
sur la presse, puisque ces lettres n'avaient acquis aucune
publicité.


Je ne vous rappellerai point, •messieurs, les principes pro-
fessés de tout tempspar tous les peuples civilisés, sur la vio-
lation du secret des lettres, et par-là de tous les secrets, de
tous les intérêts , de toutes les sécurités des familles, principes
devant l'infraction desquels, dans les momens les plus révolu-
tionnaires, les pouvoirs les quoins scrupuleux ont reculé, prin-
cipes consacrés itérativement depuis 1 789. Comme dépité, je
déclare que privé, ainsi que mes trois collègues, du droit légi,
time de correspondre avec mes commettans sur leurs intérêts,.
et par censequent sur des objets politiques, ne pouvant expli-


, quer à ceux que j'ai mission de défendre les motifs des :votes par'
lesquels je leur impose des charges, sans les exposer à des vio-
lations de domicile et à des perquisitions arbitraires, je crois
devoir, avant de voter aucun article de loi, demander à vous/


( 521 )
messieurs, si vous sanctionnez ces attentats contre vous-mêmel,
et à MM. les ministres quelle réparation ils croient pouvoir
Mire à la représentation nationale outragée par M. Mounier dans
la personne de quatre députés.


Une vive agitation succède à ce discours. Un grand nombre
de voix : L'ordre du jour l'ordre du jour (Des murmures
,s'élèvent à gauche—. P lusicres voix : Motivez-lei )


M. Benjamin- Constant. Je demande que MM. les ministres
du B ni nous donnent des explications sur les actes que, je viensd'énoncer, et comme l'heure est avancée, que la chambre sus-
pende sa délibération jusqu'à ce qu'elle ad entendu les expli-
cations, car la chambre voudra sans doute qu'il soit rendu
compte des mesures qui ont été prises.... M de Puymatzrin :
Tout ceci est une source de discordesi...( Le plus violent mou-
vement éclate à gauche; MM. Casimir-Ferrier, Manuel, Mé-
chin , Benjamin' Constant réclament la parole. ) La plus vive
agita t i on règne dans la chambre... Un grand nombre de membres
de la gauche se lèvent en réclamant la parole : les cris l'ordre
du jour s'élèvent au centre et à droite.—M. Méchin monte
à la tribune. L'ordre du jour ! l'ordre du jour ! retentissent de
nouveau. La chambre reprend la discussion du budjet du mi-
nistre des finances.


Administration des monnaies
Commission de liquidation ,• comité de ré-


vision de liquidai ion de l'arriéré.
Commission de liquidation de l'ancienne


caisse d'amortissement
Cadastre
Service administratif du ministère des fi-


nances. .
Frais de service et de négociations de la tré-


sorerie, etc
M. Courvoisier fait un rapport sur la pétition du sieur Mo-


relus, ex-membre de la commission d'exploitation attachée au
Sénégal, qui dénonce à la chambre diverses contraventions aux
lois :prob ibitives de la traite des noirs.


M. Canilh obtient la parole pour •présenter, au nom de la
commission des voies et moyens, les conclusions du rapport gé-
néral qui n'avaient pu être prises avant la délibération des
chambres sur les diverses dépenses. Les besoins de l'État or-
dinaires et prévus pour 1820, dit-il, ont été fixés, par vos déli-




bérations sur la loi des dépenses, 737,412,000 fr.


520,000 fr.


66,000


25,000
2,000,000


4,890,000


6,42o,000




( .5z2 )
Ceux qui restent à régler pour les non-


valeurs, les frais de régie, d'exploitation,
d'assiète et de perception de toutes les
contributions, s'élèvent, suivant la pro-
poÀtion que la commission m'a chargé de
vous soumettre , à


335,038,430
Par conséquent la totalité des dépenses


pour 182o paraît devoir se monter à. . . 872,450,430
La commission vous propose (le subvenir à ces dépenses par


/es moyens dont: j'ai eu l'honneur de vous entretenir. Le gou-
vernement les a évalués à




875,942,463 fr.
Mais le rapprochement des produits divers qui doivent les


acquitter, donne lieu à quelques réflexions qu'il me paraît utile
de vous soumettre.


Quoiqu'il soit bien difficile de classer avec précision les dif-
férentes sources de revenu qui doivent produire la somme
énorme de


875,942,463fre
Il n'est cependant pas impossible de les sou-




mettre à une classification qui, quoique
défectueuse, peut offrir de sérieuses mé-
ditations et d'utiles résultats.


Si l'on sépare des produits de l'impôt les
revenus propres de l'Etat, tels que ceux
des domaines, des forêts, des postes, des lo-
teries et des produits divers, montant à




75,229,663
Si l'on n'envisage comme on le doit que les


impôts assis sur les contribuables, on
voit qu'ils se réduisent à




800,712,600fr.
Dans cette somme, le revenu territorial est


compris pour


Les capitaux fixes pour


Les capitaux circulons
l'industrie


commerce pour


Et les consommations pour


Somme pareille. .
D'où il résulte que les propriétés


paient


L'industrie et le.commmerce


Et les consommations


Tot I


( 523 )
Avant la révolution , le produit


de 585,000,00o fr.
Les propriétés et les capitaux


payaient
Les capitaux circulons, l'in-


dustrie et le commerce. .
Et les consommations. . . .


584-millions, ou 20/20"'e'


En Angleterre, les produits des contributions se montent,
en francs, à 3,077,843,720 fr.


Les propriétés et les capi-
taux produisent 276,000,000 ou le 3/4


Et les consommations. . 800, 709 ,228 ou les 3f4
De la comparaison de ces trois systèmes il résulte que nous


faisons peser sur les propriétés et les capitaux la plus grande
partie de nos contributions, tandis qu'ayant la révolution on
en faisait supporter la partie la plus considérable aux consom-
mations; tandis que l'Angleterre en perçoit les trois quarts sur
les consommations. Ces résultats doivent vous faire sentir la
différence de ces systèmes. Je n'examinerai pas quel est celui
qui mérite la préférence ; mais j'ai dû appeler votre attention
sur un fait aussi remarquable.


La chambre ouvre la discussion sur le projet de loi relatif
la légion-d'honneur, et adopte le projet amendé par sa commis-
sion , à la majorité de cent trente-trois voix contre vingt-neuf.
• AI. de Cotton ; au nom de la commission des pétitions. Le
chevalier de Bacheville, à Paris, demande que l'on fasse ré-
clamer par la diplomatie de France, son frère, qui a été con-
damné, comme lui, par un jugement reconnu injuste, mais qui,
proscrit et fugitif, reste sous le poids de cette sentence inique,
dont il n'a pu savoir la l'évocation. Les sieurs Bacheville frères
out quitté la France pour se soustraire à une poursuite judi-
ciaire dirigée contre eux ; il en résulte un jugement qui les
condamne par contumace. L'un de ces officiers est rentré, s'est
présenté pour faire juger sa contumace et a été acquitté ; l'autre
continue d'errer dans les pays étrangers. Son frère demande que
le gouvernement le réclame et lui fournisse les moyens de re-
venir aux frais de l'état. Le pétitionnaire semble croire que le
Jugement qui l'a acquitté a dû également acquitter son frère ;
mais il est dans l'erreur ; la contumace ne peut être purgée que
Par la présence du condamné; il est contre l'ordre que le gon-


288,000,000
354,000,000


et le
56,000,000


362,1/0,30o


• •


et les
802,166,30o
capitaux fixes ,


9/16" '
;f16
6/16


6/36rnee


des contributions était


25o millions , ou 8 1 (2/zo'n"


3o millions, ou 1 f2o'n"
3o4 millions, ou 10 1/2/20„„.,




( 524
)


vernement fit aucune démarche à cet égard; et nul, mieux r
le pétitionnaire, ne peut savoir on son frère s'est retiré présen t
tement, pour lui en donner l'avis. En conséquence votre cote.
mission vous propose l'ordre du jour.


Machin. Vous connaissez tous l'affaire malheureuse des
deux frères .Bacheville, et les odieuses calomnies dont ils ont
été victimes. (Voix d droite : Nous ne sommes pas juges!
Cette affaire est connue du monde entier. Si j'en exposais les
détails, il n'est pas de coeur français qui y fut insensible. Ces
deux officiers ont été en butte aux chances les plus extraordi-
naires; proscrits, fugitifs , malle part ils n'ont .


trouvé de pitié.
L'un d'eux, après avoir traille long-temps se malheureuse exis-
tence , est revenu offrir sa tête à la justice. Il a été reconnu
innocent : c'était le même jugement de condamnation qui avait
frappé les deux frères. Or, la chambre a connaissance de tout
ce qui s'est fait ; elle ne peut douter de l'innocence de celui qui
est encore errant et fugitif; elle peut donc renvoyer la pétition
au ministre des afliiires étrangères, afin. que si M. Bacheville se
présentait à un agent français, d'après les instructions qui se-
raient transmises, des passeports ne lui soient pas refusés pour
revenir en France. ( Voix d droite : Jn ne peut pas refuser un
passeport !) Pardonnez moi, on en a déjà refusé. Le sieur Ba-
cheville, solennellement acquitto n'a pu être reconnu innocent
sans que sou frère le soit aussi. Je réclame le renvoi au ministre
des affaires étrangères.


La chambre passe à l'ordre du jour.
La chambre passe à la discussion sur la loi des voies et moyens.•
M. Lette. La spécialité des fonds affectés aux divers cha-


pitres des ministères est tellement une conséquence du gouver-
nement représentatif, que la demande en est reproduite chaque
fois que le budget nous est présenté. Votre comniission des
comptes avait exprimé ce voeu : votre commission des dépenses,.
en l'exprimant également, a indiqué de grandes divisions de
chapitres , afin que les ministres pussent reporter à un article
qui éprouverait de l'insuffisance, l'excédent de crédit qui se
rencontrerait sur un autre. Mais on a dit que vous ne pouviez
imposer des lois à des ministres qui ne sont pas sous vos ordres.
Toutefois on e déjà répondu victorieusement à cette objection,
qui tombe d'elle-même : N'est-il pas vrai que, par l'article 48
de la charte, aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a


--été consenti par les deux chambres et sanctionné par le Roi?.
Le droit d-e voter l'impôt suppose celui de juger la nécessité de
la dépense , et de l'apprécier dans sa quotité et dans son emploi:


( 525 )
C'est donc àtous à juger la nature des dépenses et leur quotité.


Les ministres doivent se renfermer dans les limites qui auront
déterminé votre vote, et ne pouvoir transporter l'excédent d'un,
chapitre dans un autre : tel est l'ordre naturel des choses.


Les dépenses sont. prévues ou impré vues. Celles qui sont pré-.
vues sont calculées i et ne peuvent être dépassées que dans des
os extraordinaires ; l'ordonnance royale les justifie dans ce cas;
celles qui sont imprévues sont variables et incertaines ; l'évalua-
tion peut être dépassée ou ne pas être atteinte. L'ordonnsnce
royale est toujours là pour justifier l'excès; et cet. excès, même
dans les dépenses prévues , peut avoir lieu surtout pour les mi-
,; ;sises de la guerre et de la marine, puisqn'il suffirait pour cela
d'une guerre inopinée. Mais toutes ces dépenses sont, reproduites
Jans la reddition annuelle des comptes, et il vous appartient


de lesSiliueîetteiget de cette année ne présente pas le même intérêt
que dans les années précédentes, ce n'est. point , comme on
TOUS l'a dit, parce qu'alors on cherchait à fonder un sYstème,.
et que maintenant le système est fondé. De ce qu'on a marché
sur la bonne route, cri ne doit pas s'empresser de conclure
que le but soit aussi proniptement atteint. Il ne le sera , mes-
sieurs, que lorsque l'établissement d'un budget de fonds conso-
lides, précédé d'un meilleur régime administratif, aura défi-
nativement. assigné à des dépenSes fixes et permanentes, des
revenus également fixes et perntanens; lorsque les discussions
n'auront plus à s'établir que sur des différences, au lieu da
prier sur la masse et sur les détails d'An budget do huit cents
millions, qu'il faut refaire en entier chaque année , comme si
rien n'avait été fait dans les années qui ont précédé ; lorsqu'enfin
on pourra voter réellement des services et non des sentines, an
lieu <le voter confusément des sommes et des services, et de
rechercher péniblement ainsi l'accomplissement des devoirs dans
l'explication de lit pensée, eu lieu de le trouver clairement
exprimé dans la lettre de la loi


M. le général Sébastia ni ouvre l'avis d'ajourner cette question
à la session prochaine. M'M. Foy, Man uel, :N .1"échin combat Imit cet


• avis. MM. de
-
Villèle et Conryoisier, les ministres des finances et


des affaires étrangères établissent que la proposition relative à la
spécialité faite par la commission , ne pourrait s'allier au budget
sans forcer le vote de la chambre des pairs et le consentement ..
du Roi. La clambre ajourne cette question. Elle rejette toutes
les propositions additionnelles relatives aux fonds de retenue,
et maintient l'orde de choses existant.




5z6 )


Séances des 1, 2, 3 , 4, 5, 6 et 7 juillet.
L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion de


la loi des voies et moyens.
La chambre adopte la disposition relative au produit de la


ferme des . jeux ; présentée par M. Cornet-d'Incourt, au nom de
la commission des dépenses. La chambre ensuite discute la
proposition de M. Laisné de "Vilievéque , relative aux journa-
listes , et passe à l'ordre du jour sur la proposition tendant à
les admettre dans le couloir de la salle, enlaissa nt aux questeurs
le soin de déterminer 'les moyens de leur assigner une place
plus commode.
.


La chambre vote ensuite sur le projet de loi relatif à la banque;
il est adopté.


Puis elle s'occupe du projet de loi relatif à la Corse.
M. le général S'ébastiani. Permettez-moi, messieurs, de


saisir cette occasion de mettre sous vos yeux avec rapidité , et
sans abuser de votre indulgence, la situation d'une île qui,
depuis plus de cinquante ans , fiait partie intégrante de la mo-
narchie française, et qui, par les sentimens de dévouement et
d'amour qu'elle professe pour la commune patrie, est digne
d'être associée aux destinées glorieuses de cette grande et ma-
gnanime nation. Des voyageurs ignorans ou prévenus, des ob-
servateurs peu judicieux, ont jeté en France et en Eu rope, sur
la Corse et surie caractère de ses habitans, desidées qui doivent
être réfutées, puisque j'ai entendu l'un de Mes honorables col-




lègues citer à cette tribune, au début de la session, quelques-
uns de ces ouvrages éphémères. Un peuple qui , le premier
dans le siècle précédent, avait su conquérir son indépendance
et sa liberté , méritait des égards et quelque estime. Les vain-
queurs des Génois , ceux qui ont résisté plusieurs années à la
puissance et aux armées de la France, doivent occuper une
place honorable dans l'histoire; et si la civilisation ne les pas
élevés encore à la hauteur ou elle place leurs frères du con-
tinent:, ils n'en sont pas moins dignes de faire partie de cette
grande monarchie. •


N'attendez pas de moi, messieurs, que je ramène votre at-
tention vers les époques de la naissance de ce peuple, et que
je retrace ici le tableau varié, mais toujours honorable pour
lui , des révolutions qu'il a subies. Ce qu'il vous importe de
connaître, c'est l'utilité pour la France de cette acquisition,
c'est la situation fidèle de ce département.


( 527 )
8i les calculs d'une grande puissance telle que la France


étaient circonscrits, à l'égard de chacun de ses départemens,
dans les bornes d'un intérêt actuel, cette possession devrait pa-
raître onéreuse; mais une île placée au centre de la Méditer-
ranée, riche de forêts immenses, précieuses pour la construction
de nos vaisseaux, entourée des ports les plus vastes et les plus
sûrs, situés sur toutes les parties de ses côtes , possédant uu sol
fertile, et qui peut nous donner une partie des productions des
Antilles; habitée par une population belliqueuse et fière, qui
conserve encore le germe de toutes les vertus primitives, mérite
de fixer l'attention et les soins éclairés d'un gouvernement qui,
dans sa prévoyance, sait embrasser l'avenir.


Depuis que l'Autriche domine tout le nord de l'Italie, et
que la maison de Savoie a réuni à ses anciennes possessions
la célèbre et malheureuse république de Gênes, la Corse est
devenue pour la France une position politique et militaire de la
plus haute importance. Permettez que je ne développe pas da-
vantage, dans les circonstances actuelles, une vérité qui n'échap-
pera point à la pénétration de cette chambre, et que je rentre
clans les autres considérations qui peuvent éclairer sa. délibé-
ration. J'ajouterai seulement que ce n'est point pour les produits
de leurs tributs que l'Angleterre a acquis et conserve à grands
frais Gibraltar , Malte, les îles Ioniennes et le Cap de Bonne-
Espérance. Sortons enfin de cette politique mesquine et inté-
ressée vers laquelle une tendance funeste semble nous entraîner.


L'agriculture, le commerce, l'industrie sont encore peu
avancés clans les départemens de la Corse, et les progrès qu'ils
ont faits depuis sa réunion à la France, et notamment depuis
trente ans, sont loin d'avoir atteint ce degré de perfection que
semblent lui assigner la richesse du sol et la position géogra-
phique de l'île. Les soins et les embarras d'une guerre longue
et coûteuse, un mouvement trop excentrique et presque gigan-
•tesque de nos ressources et de nos forces, avaient détourné les
regards du gouvernement de cette portion de notre territoire.
M. le rapporteur vous a dit avec vérité que l'administration de
-M. le comte de Marboeuf, l'ondée sur des principes de justice et
d'une . sage politique , avait posé les bases de la prospérité de
Pile. Le dernier gouvernement , malgré les difficultés de sa po-
sition , a continué les travaux qui avaient été comniencés ,
nous lui devons la route d'exploitation de la forêt d'Altone , et
la continuation de celle d'Ajaccio à Bastia. Il aurait pu , il au--
Tait dît faire 'davantage ; il en a eu l'intention et le desir, mais
il n'a pas été secondé. Ce qui a été négligé surtout jusqu'à




( 52Ü )
présent , c'est l'instruction publique. L'établissement d'un ins..
pecteur chargé de surveiller l'instruction primaire, les secours
enfin donnés pour cette partie, nous font envisager un meilleur
avenir. La civilisation qui arrive par le chemin des lumières,
nous promet moins de corruption dans la population qu'elles
éclairent.


On n souvent parlé de l'esprit de vengeance qui anime lés
Corses . , et des nombreux contumax qui afhigent leur malheu-.
reux pays, Ce mal est réel, mais il a été beaucoup trop exagéré.
Ces quatre cents contumax sont le produit des jugemens . de dix
années ; et la cause de ces vengeances que je crois devoir maître
sous vos yeux, n'est ni difficile à vaincre, ni mortifiante pour
le caractère des habitans de ce département. C'est à-la-fois
l'exagération et une fausse direction du point d'honneur. Ce
mal affligeait, il y e deux siècles , la France et toute l'Europe.
Lorsque les lois sont impuissantes , lorsqu'un gouvernement est
tyrannique et barbare ( et quel gouvernement le fut plus que
celui des Génois en Corse?) la vindictetpersonnelle supplée
la vindicte publique.


Les lois exceptionnelles, les pouvoirs extraordinaires ont été,,
dans ces derniers temps, les fléaux de la Corse; rentrée sous
le régime constitutionnel, les inconvéniens qui vous ont me
signalés vont cesser. Donnons à la justice „donnons à Padini-,
nistration une action ferme, prompte et légale, et nous verrons
reparaître pour cette île ces jours de sécurité, de bonheur et de
calme dont elle a joui pendant les quinze années qui précédèrent.
la révolution.


Les pays éloignés de la métropole sont souvent victimes du
système qui les soumet à des pouvoirs particuliers', et les livre
de la sorte à une tyrannie subalterne à-peu-près inévitable. Si
c'est un malheur partout, ce malheur est encore plus vivement
senti dans une île qui , pendant des siècles , a combattu pour
sa liberté. Le courage, l'intelligence, l'amour du pays , la sim-
plicité des moeurs , la persévérance, la sobriété , l'hospitalité
sont des vertus que les détracteurs même des Corses sont forcés
de leur accorder. L'état de langueur et d'épuisement on était
tombée la Corse sous le gouvernement des Génois,loin d'accuser
le caractère de ses habitans, atteste au contraire leurs généreux
efforts pour s'affranchir de la tyrannie. Non , les 'Français de
cette île ne sont pas des barbares indociles et farouches; non,
ils ne sont inférieurs aux autres peuples de l'Europe,
par leurs facultés intellectuelles, ni par l'élévation de lent!


( 529 )
.sentimens. Fiers d"être Français, la patrie n'a point de citoyens
pins dévoués. (Mouvement général d'adhésion.)




La chambre. adopte la loi sur la Corse à. la majorité de
vingt-huit voix.


La chambre reprend la discussion sur la loi des voies et
moyens.


La chambre se forme en comité secret pour entendre la lec-
ture d'un message de la chambre des pairs auquel est joint le
texte de la proposition adoptée par cette chambre, relativement
au sursis accordé aux colons de Saint-Domingue. La chambre
reprend la discussion de la loi des voies et moyens. .


M. le général Tarayre. :Messieurs, c'est une maxime gêné-.
l'aiment reconnue, et qu'on n'ose plus /lier aujourd'hui, quoi-
qu'on s'obstine à ne pas la suivre, que les gouvernemens sont
faits pour les peuples, et non les peuples pour les gouverne-
mens, et que, quelle que soit d'ailleurs leur nature, leur lâche
devrait être de garantir les personnes et les propriétés, d'as-
surer à chacun le libre usage de ses facultés, et d'empêcher que
les uns , sortant: des limites de leurs droits naturels , n'empiè-
tent sur les droits des antres.


Les gouvernemens qui, loin de remplir le but de leur insti-
tution, fiant eux-mêmes le mal qu'ils sont chargés d'empêcher,
sont monstrueux et barbares , et courent vers leur perte.


Le gouvernement représentatifd oit craindre plus que les autres
de s'eloigner de son but, parce que ses aberrations détruiraient
son ressort principal qui est dans l'opinion publique, et il res-
terait alors sans force et sans moyens. Il aurait beau organiser,
par la corruption et par une mauvaise loi d'élection, une ma-
jorité factice dans les chambres, il aurait contre lui l'opinion
publique, et, par conséquent, les forces physiques et morales
de la nation; il rentrerait dans le cercle des gouvernemens ab-
solus, ne pourrait se soutenir que par une force spéciale com-
posée de troupes étrangères ou mercenaires, et d'une clientelle
nombreuse qu'il faudrait solder bu admettre au partage du bé-
néfice que s'adjugent largement ceux qui gouvernent.


Les impôts ne semblent établis que pour solder des adminis-
trateurs, et il paraît qu'on n'a des administrateurs que pour lever
les impôts qu'ils absorbent. Dans un tel ordre de choses, le gou-
vernement semble être le but et non le moyen , le peuple
parait destiné à être la proie de ceux qui mettent tant d'em-
pressement à le gouverner, et qui s'environnent de tant de pré-
cautions pour s'assurer le pouvoir-.


Gouverner est une industrie tellement profitable; ceux qui
34 .




( 53e )
&i ont le monopole rivent si bien et ont si peu de peine ; il V a
tant d'avantages et si peu de risques , que tout le monde veut
gouverner, et que l'on se bat depuis le directoire pour grimper
chacun son tour sur ce nalt de Cocagne. La classe des gouver-
neurs augmente tous les jours ; on voit les ambitieux accourir
des provinces dans la capitale; chacun veut s'introduire dans
un métier où il y a si peu de fatigues et tant de jouissances; les
antichambres des ministres et leurs salons sont pleins de solli-
citeurs ; pour arriver, ou étale sa doctrine ministérielle , et le
comble du mal serait de venir s'essayer sur ces bans, et acheter
la candidature des places en trahissant les intérêts de ceux dont
on aurait surpris le mandat par des promesses qu'on ne tien-
drait pas.


Cependant je me tromperais fort si un pareil système durait
encore long-temps. Il y a trop de gens d'esprit aujourd'hui pour
qu'ils puissens vivre aux dépens des sots; tous ceux qui, ayant
les taleras, les goûts et l'inclination pour gouverner, ne pouvant
pas cependant être admis au pariage, sont mécontens et se
j oignent aux producteurs, aux industrieux, à ceux qui paient
et qui naturellement sont portés à payer le moins possible, et
forment contre le gouvernement une opposition menaçante. Ne
pouvant pas partager, ils ont la juste prétention de se soustraire
aux exactions, et menacent sans cesse le gouvernement d'une:
révolution. Pour sortir de cette position fâcheuse, il n' y a que-
deux moyens : le premier, c'est un changement violent, re-
mède presque aussi dangereux que le mal, et qui rarement peut
donner quelque garantie pour un meilleur avenir.


Le second serait efficace et infaillible, il est !égal et régulier :
c'est une bonne loi d'élection qui nous donnerait une chambre.
propre à défendre les intérêts communs, et capable de redresser
mn gouvernement qui se fourvoie; mais ce moyen vient de nous
être enlevé par l'abolition de la loi du 5 février, qui donnait à
la nation le moyen d'établir un véritable gouvernement repré-
sentatif. Cependant, jusqu'à ce que nous parvenions par un des
moyens indiqués à changer le s y stème existant , il faut s'attendre
à voir s'accroî tre le désordre etla prodigalité. Ln gouvernement
uni i-populaire, menacé dans son existence, ne trouvant aucun
appui dans la nation pour le soutenir, est sans cesse obligé
d'augmenter l'accroissement de ses dépenses; personne ne le
sert gratuitement, il faut qu'il solde toutes les affections.


Ainsi nous ne devons pas être étonnés si , depuis cinq ans,
les places et les pensions se sont si considérablement multipliées;
Je gouvernement a été obligé de solder, non-seulement ses an-
ciens amis, suais encore ses ennemis dangereux. Il a fallu payer


( 531 )
la révolution et la contre-révolution, et faire des gouvernans da
toutes les époques une association bizarre , qui n'est unie que
parce qu'elle nous dévore de concert. Le mal doit aller toujours
croissant, parce que le mécontentement national augmente , et
que, de son côté, le gouvernement, par instinct pour sa con-
servation, doit augmenter ses moyens de défense, c'est-à-dire
sa clientelle et sa force spéciale , et il ne peut l'augmenter quo
par un accroissement de dépenses, qui entraîne nécessairement
l'accroissement des impôts. Le mal est dîjà. si grand que l'excès.
nous annonce sa fin prochaine.


Dans aucun temps, dans aucun pays, il n'a existé d'admi-
nistration aussi dispendieuse, de gouvernement aussi chèrement
payé, aussi spoliateur; mille part une aussi grande masse de
population n'a vécu, sans rien produire , aux dépens des pro-
ducteurs. Cet état de choses ne peut pas exister long-temps,
parce que la nation est trop irritée ; que l'opposition se grossit
eseaduellement ; qu'elle est trop forte et trop intelligente pour
supporter encore un régime aussi excessivement accablant, et
destructeur de sa prospérité et de son bonheur. Je ne provoque
pas les changewens que je prédis, pas plus qu'un astronome ne
provoque les éclipses qu'il annonce. Que le gouvernement change
d'orbite; qu'il ne s'opiniestre pas à dénaturer le gouvernement
représentatif, il évitera alors l'éclipse qui le menace, et le re-
dressement se fera d'une manière légale et régulière, lorsque la
majorité de cette chambre représentera réellement la force . et la
majorité de la nation, lorsqu'elle voudra ce que veut la France,
et c'est ainsi que cela doit être pour qu'il y ait stabilité; car la
nation n'est pas faite pour le gouvernement, mais le gouverne-
ment est institué pour la nation, et ce n'est pas la France qui
doit ployer devant la volonté de son gouvernement, niais bien
le gouvernement qui doit s'accorder avec le voeu de la France.


La science sociale n'est pas encore faite ; l'ignorance des
peuples, les préjugés anciens , les intérêts particuliers en ont
retardé j usqu'à ce j our la connaissance et la formation en corps
de doctrine : nous en sommes encore à l'astrologie, à l'alchimie
de cette science, pour l'homme la plus importante de toutes ;
cependant je nie tromperais fort, si nous étions éloignés des
temps oà elle deviendra positive, et reposera sur la nature et le
but des associations humaines.


On pourrait combattre avec avantage le système du budget
<les voies et moyens, si Pou pouvait se flatter de convaincre des
personnes qui ont des vues arrêtées et un intérêt direct à suivre
avec obstination la carrière clans laquelle elles se sont engagées




( 53z)
si avant. Et d'ailleurs, par quels moyens remplacer ces impôts,
absolument ip:cessaires, si l'on en croit les ministres, pour faire
face aux dépenses de leur gouvernement si bienfaisant et si éco-
nome?


Pleins de confiance ou d'aveuglement, vous leur avez déjà
accordé à-peu près tout Ce qu'ils vous ont demandé. Continuez
à et re géniTeux : le peuple , dont vous êtes chargés de défendre
les intérêts, sera accablé, mais il paiera , ou bien on saisira son
mobilier pour le vendre à l'encan ; qu'importe, pourvu que le
palais et les hôtels du gouvernement soient somptueusement
meublés, aient un service domestique élégant et nombreux?


Messieurs, il est probable que la session arrive à sa fin;
bientôt nous rentrerons dans nos dé.partemens , au milieu de
nos commet-ans. Préparons-nous à recevoir leurs complimens.
'Vous nous avez enlevé la sûreté individuelle, nous diront-ils;
3OLIS nous avez ôté la liberté de la presse; vous avez substitué
à la loi du 5 février, qui était noire unique espoir, une loi de
privi ége et dé partialité, etivous nous promettiez, l'année der-
nière , d'améliorer l'institution du jury, de donner des adminis-
trations municipales ,et départementales, ;'organiser les gardes
nationales!


Vous ne nous avez rien donné, vous nous avez tout enlevé;
3ous connaissez notre mis-ère; et vous n'avez rien diminué
nos impôts; nos gouverneurs vivent dans le luxe le plus scan-
daleux, tandis que nous sommes accablés de besoins et maigris
par les privations. S'ils nous disaient : Vous avez trahi votre
mission, vous êtes des mandataires infidèles et frauduleux,
qu'aurions-nous àleur répondre ? quels moyens aurons-nous de
calmer leur irritation ? quel espoir pouvons-nous leur transmettre
peur l'avenir ? La boite de Pandore est fermée, le gouvernement
représentatif n'existe plus que sous des formes trompeuses ; la
liberté est détruite; et si elle se relève, je crains qu'elle ne re-
paraisse armée de sa lance et de son égide, comme Minerve,
sortant du cerveau de Jupiter.


Si un gouvernement: anti-populaire est malfaisant par sou'
administration intérieure, par les frais énormes qui lui coûtent
ses forces et la ciientelle qui le soutiennent ; d'un autre côté, il
n'ofti•e aucune garantie contre des événemens imprévus et qui
viendraient du dehors. On se rappelle sans doute le zo mars; le
gouvernement d'alors étant sans aucun appui , et ne trouvant
pas dans le vaste territoire du royaume un seul point où il pût
se mettre en sûreté, se réfugia dans lè camp ennemi.


Que lui arriverait-il aujourd'hui, si un événement pareil pou-
'




( 533 )
vaut le menacer? que lui arriverait-il, s'il y avait une guerre en
Europe qui l'obligeât à se ranger du côté de l'une des parties
belligérantes ? Il serait dédaigné comme ami et comme ennemi;
avant besoin de toutes ses forces pour sa sûreté intérieure, il ne
pourrait offrir aucun secours à ses alliés, aucune résistance à ses
adversaires. Je ne veux pas approfondir ce point délicat, je le
livre à vos méditations; et je•conclus en votant contre le budget
des voies et moyens.


Je fonde mon refus sur ce que le gouvernement, ne rem-
plissant pas le but pour lequel il est établi, il n'est pas juste qu'il
reçoive son salaire; et j'établis qu'il ne remplit pas son but,
parce qu'au lieu de nous garantir la sûreté individuelle, il l'at-
taque lui-même ; parce qu'il nous a enlevé la liberté de la presse,
qui est un de nos droits naturels; parce qu'il. a faussé le gouver-
nement représentatif, en vertu duquel il est institué; parce qu'il
établit des privilèges pour les personnes et. les propriétés; parce
que, par des monopoles, on soustrait aux hommes des travaux
auxquels, d'après le droit naturel, ils doivent se livrer, suivant
leur aptitude et leur application ; parce qu'il gêne la liberté des
échanges par son système financier et ses impôts indirects; parce
qu'enfin il est incapable de nous mettre en sûreté coutre les
événemens et les attaques qui viendraient de l'extérieur, à cause.
de la désaffection de la majorité des Français, dont il ne peut
réunir la confiance par le Motif qu'il les vexe, en restreignant
leurs droits naturels, et en les accablant d'impôts, qui, au lieu
d'être employés à les protéger, sont employés à les opprimer....
(Les plus violens murmures interrompent.... 17n grand rzombre
cle voix : Cela est trop fort !..... Peut-on entendre des choses
pareilles 2 A l'ordre! à l'ordre !...) Avant de descendre de
cette tribune, je dois faire une déclaration d'une haute impor-
tance. Il est évident pour moi que la charte (Les cris d.
l'ordre ! rz l'ordre ! se renouvellent.) C'est sans doute parce
que j'ai dit : desaffiction de la majorité des Français dont
il ne peut réunit la COlene. Comment peut-on supposer qu'un
gouvernement à qui le système électoral, qui ne comprenaitque quatre-vingt-dix mille électeurs dans toute la France , n'a.
pas paru assez restreint pour oser lui confier la nomination des
députés, et qui a voulu le réduire à quinze mille, ait cru avoir
la majorité de la France pour lui? Car, s'il l'avait cru, il n'au-
.rait pas été épouvanté de quatre-vingt-dix mille électeurs , pris
clans la classe moyenne et la plus instruite; et il n'aurait pas
voulu donner les élections à quinze mille seulement—.


On demande de nouveau le rappel à l'ordre. M. Cornet-




)
d 'incourt. Je demande le rappel à l'ordre, et ce n'est pas scié
lement sur cette phrase, c'est sur tont l'ensemble du discours,
qui, d'un bout àl'autre, n'est, qu'une déclamation révolution-
naire... ( Un très-grand nombre de voix :.Appuyé appuyé ! )
Le président met le rappel à l'ordre aux voix. Une très-grande
majorité se lève ; un petit nombre de membres de la gauche se
lèvent à la contre-épreuve : la plupart ne prennent point part
à cette délibération.


M. le général Tarayre continue. Avant de descendre de
cette tribune, je dois faire une déclaration d'une haute impor-
tance. Il est évident pour moi que la charte, qui contient la
déclaration de nos droits, a été violée en plusieurs points


. 0 parce que la sûreté individuelle nous e été enlevée; 2. 0 parca
que la liberté de- la presse a été restreinte ; 3. 0


parce que le
gouvernement représentatif, la seule garantie de nos droits na-
turels, a été faussée, et qu'il ne nous reste plus aucun moyen
de défenseet régulier contre un gouvernement mal inten-s,
tionne. (21rouvea.n.v cris : A l'ordre ! à l'ordre 1) Et qu'on ne
nous dise pas que toutes ces mesures ont élé sanctionnées par la
majorité.


11 est des choses qui ne se décident pas à la majorité; tels que
les droits naturels des hommes. Tous les physiciens se réuni-
raient pour nier la gravitation, qu'elle n'en existe pas moins.
Quelle que soit, une majorité, elle ne peut pas annuler un droit; .
si elle impose une injustice par la force, elle provoque la résis-
tance. (M. Maccartliye Tout, monsieur, tout dans un gouver-


. liement représentatif se décide à la majorité. )
Je me crois consciencieusement obligé de déclarer à mes com-


mettans que leurs droits naturels ont été attaqués , que le gou-
vernement représentatifest faussé, qu'il ne nous reste plus aucun
moyen de défense paisible et régulier. je dois leur faire connaître
leur position, pour qu'ils ne puissent pas m'accuser un jour de
les avoir bercés d'un vain espoir; je dois leur dire : Il m'est dé-
sormais impossible de vous défendre; implorez la Providence
qui a donné la liberté aux peuples heureux dont vous enviez le
sort ! ( Les plus violens murmures éclatent de nouveau. Voix d
droite:Laissez-le-dire !... Uneivoix :C'est un brevet de folie !... )


M. le général Tarayre descend de la tribune.
M. Beni/séjour. Messieurs, au degré de civilisation où est


parvenue la société dans toute l'Europe, il n'existe phis aujour-
d'hui que deux classes d'hommes : ceux qui vivent de leur tra-
.vail ou du produit de leurs capitaux, et ceux qui sont nourris
par les capitaux et l'industrie des autres. Plus il y a des premiers


( 515 )
dans une nation, plus elle est riche; plus il y a des derniers-,
phis elle est. pauvre. Le gouvernement est d'autant plus défec-
tueux qu'il entretient un plus grand nombre de ces derniers aux
dépens des autres. Il est d'autant plus mauvais, d'entant plus
contraire au but de son institution, le bien commun de tous,
que ce nombre excède davantage l'indispensable nécessaire.


Toutes ces vérités sont incontestables. L'intérêt de chaque
peuple est donc de se faire bien gouverner au meilleur marché
possible, c'est-à-dire, d'obteni • le même résultat en dépensant
moins, et de pouvoir appliquer à l'industrie une plus grande
part de ses capitaux. C'est là le problème à résoudre ; je ne
pense pas qu'il soit résolu chez nous ; je suis même loin de croire
que jusqu'ici l'on se soit encore occupé sérieusement à en cher-
cher la solution , au contraire. En effet, il n'existe certainenient
aucune nation au monde ou une partie aussi considérable de la.
population qui ne produit rien., vive aux dépens de celte qui
produit. On ne peut penser sans effroi qu'outre la somme énorme
de 876 millions portés au budget de l'état, il s'en perçoive en-
core une presque aussi considérable sous toutes sortes de formes
sur des budgets particuliers : les octrois des villes, les chambres
de commerce, les bourses, les réparations des salles de spec-
tacles, d'églises, de presbytères, les constructions de digues,
de ponts, de routes; les prestations en nature pour les chemins;
les dépenses particulières à certains departemens, à certains
arrondissemens, etc. , etc.


d'ai dit que l'on devait en être effrayé. Si, en effet, l'on ré-
fléchit que leur somme est au moins égale à la totalité du revenu
territorial évalué seuement d quinze cent millions ; que cette
niasse énorme de capitaux distraite chaque année de sa véritable
destination, celle de produire, est seulement employée p •r se
faire gouverner, on ne peut qu'être effrayé de la perte énorme
que cause le défaut de production qui résulte de sa privation.


La nation avait espéré, en renonçant à la gloire militaire,
qui lui avait coûté si cher, en adoptant le gouvernement: de la
charte, que la niasse de ses charges publiques diminuerait avec
la quantité de ses dépenses nécessaires. Il semble, au contraire,
que cette niasse se soit accrue en proportion des réformes qui
devaient. les Lire diminuer.


Fin effet, notre armée e été réduite à peu de chose ; mais
quatre cents officiei:s-généraux ont été portés sur les états d'ac-
tivité. Les régissionsn'existent plus, mais de nombreux états-
majors les mit remplacés. Notre marine, déjà restreinte à qua-
rante-huit vaisseaux se tdueuvera réduite seulement à trente,




( 536 )
huit dans dix ans, en y consacrant encore d'ici là cinq cent
millions.


Mais en échange, nous avons 'une police inquisitoriale des
mieux organisées,' qui scrute jusqu'à la pensée la plus intime de
chaque citoyen; une instruction publique faite pour éteindre les
lumières plutôt que pour les propager; un clergé bien doté
dans les grades supérieurs, manquant du nécessaire dans se
partie utile; des missionnaires bien fanatir i nes, parcourent le
royaume à grands frais pour y prêcher toute autre chose que
l'Evangile ; une censure bien rigoureuse sur tontes les pro-
ductions de l'esprit, qui ne permet d'imprimer que ce qui lui
convient.


Nous avons encore des couvens, des jésuites, des trapistes,
des lazaristes., des séminaires, propageant l'esprit d'intolérance
d'un bout de la France à l'autre. (Des murmures s'élèvent à
droite.... Plusieurs voix : Citez, citez des faits ) Enfin , nous
avons des pénitens de soutes couleurs, or


ganisés et bien dirigésdans plusieurs de nos provinces. On connaît les résultats de
leurs prédications et de leurs processions; Nîmes, Marseille,
Toulouse, Avignon pourraient nous les fournir. Toutes ces
nombreuses classes vivent aux dépens des producteurs, aux
dépens de la seule partie industrieuse, active et utile de la
nation—. (Nouveaux murmures. ).... Messieurs, j'en paie ma
part.... Ils ne vivent ras seulement aux dépens de son superflu,
niais presque toujours aux dépens de son strict nécessaire.


Vous savez tous, messieurs, combien il faut priver de familles
de ce strict nécessaire, combien il en faut réduire à ne manger
que du pain d'orge, à ne. boire que de l'eau pendant l'année
entière pour fournir à tel ou tel fonctionnaire, dont on recher-
cherait en vain l'utilité, une tablé splendide, une maison ma-
gnifique, une voiture brillante, un train de grand seigneur :
Lien souvent sa nomination n'est pas même une récompense
méritée par des services antérieurs.


L'assemblée constituante, la seule de nos assemblées natio-
nales qui se soit occupée sérieusement de remonter à la


, source
des abus, et des moyens d'y remédier, po


•tasurtout ses vues sur
les finances. La base de la répartition qui existait alors faisait
peser exclusivement le fardeau de l'impôt sur la classe produc-
tive : la classe oisive en était exempte.


L'assemblée constituante établit l'égalité des contributions en
raison des facultés, toutes les classes y participèrent. Cet ordre
de choses existe encore, à la vérité, par le droit; tuais, par le
fait, la classe oisive sait s'en indemniser en accaparant toutes les


( 537 )
places productives, tous les emplois lucratifs, toutes les dignités
de l'état, de sorte qu'en effet elle vit toujours aux dépens de la
première, aux dépens des producteurs.


L'assemblée constituante rétablit dans sa déclaration des
droits, le principe fondamental de toute société, que le gouver-
nement n'étant établi que pour le plus grand avantage de tous,
tous ont droit d'examiner si les dépenses qu'il fait pour arriver
à ce but sont bien on mal employées, si elles sont nécessaires ou
inutiles, si l'on peut ou non se passer d'une partie de ces dé-
penses. C'est ce que nous sommes chargés de faire pour la
nation que nous représentons.


Pour que je pusse voter en conscience toutes les sommes de-
mandées, il faudrait que je frisse convaincu que toutes celles
portées au budget sont strictement nécessaires au service, que
l'on ne peut pas simplifier l'administration , que l'on ne peut
pas la faire faire à meilleur marché, que plusieurs parties de
celles qui existent ne sont pas ent;èrement inutiles, peut-être
même nuisibles à la régularité et à la célérité du service; qu'enfin
des réformes immenses ne pourraient pas être faites clans l'ad-
ministration publique, sans que cette administration en souffrît.
Jusqu'à ce que t-out cela m'ait été démontré, je regarderai le
vote de l'impôt actuellement proposé comme exorbitant, comme
dépassant les besoins réels du service, comme excédant les fa-
cultés des contribua bles, contrite nuisant à la prospérité publique,
entravant les progrès des arts, ruinant l'agriculture, éteignant
les lumières, son excès privant les pères de famille de la faculté
de faire donner la moindre instruction à leurs en làns.


Mais au lieu de cela , il m'est démontré au contraire •que
toutes les branches de l'administration sont plus compliquées
que le besoin ne l'exige; qu'une grande quantité de hauts fonc-
tionnaires sont inutiles; que l'on en a réformé ou admis à la re-
traite un grand nombre, tant civils que militaires, qui n'avaient
pas le temps de service prescrit par les réglemens antérieurs,
afin de donner leurs places à d'autres qui n' y avaient pas droit ;
qu'on a changé de réglemens pour colorer ce prétendu droit.


On a créé partout de nouveaux emplois , véritables ai/récuras
qui ne sont que des moyens adroits d'augmenter le nombre des
cliens du gouvernement, et non de vraies fonctions publiques.


Comme on vous l'a déjà dit à cette tribune, nous sommes
en effet obligés de solder trois armées : celle en activité celle
en demi-solde, et celle en retraite. On ne disconviendra pas que
sur cette seule branche d'administration, on aurait pu faire des
éConornies considérables, si l'on n'eût pas appelé en activité des




( 538 )
hommes qui n'y avaient aucun droit pour. remplacer ceux qui
seuls y devaient être.


La marine a offert lés mêmes dilapidations; on est allé cher-
cher des hommes sans expérience, des hommes qui depuis
vingt-cinq ans , n'avaient pas vil de vaisseau , pour en faire des
officiers supérieurs. Après quelques funestes e:sois , celui de laMéduse, par exemple , on a été forcé de les mettre à la retraite,
rour les récompenser des services qu'on leur supposait.


On a créé des régimens étrangers, dont la solde, l'entretien
et le recrutement, beaucoup plus dispendieux qme les régimens
nationaux, absorbent chaque atun'•e des fonds considérables,
sans donner t'augmentation réelle de force publique que cette
dépense pourrait produire: pendant . ce temps, ou laisse languir
le travail des fonderies nécessaires pour remplacer l'artillerie
dont l'invasion étrangère nous a spoliés.


Les administrations particuliiees des départemens , des ar- -
rondissemens, les traitemens des recevenrs-générally , l'orga-
nisation des douanes, des droits réunis , des octrois , etc., etc.;
tout, aurait besoin d'être établi d'après un système plu


. ; simple,
plus économique et plus contenue à son obiet.


S'il appartient au Roi, comme dépositaire du pouvoir exé-
cutif, d'organiser le service administratif comme il le jugera
convenable', il appartient aussi à la chambre des députés,
comme représentant ceux qui paient, sans se mêler directe-
ment de cette administration , de juger si les fonds que l'on y
-affecte ne sont pas trop considérables 'et si l'on ne pourrait
pas fia ire faire le service pour un moindre prix. Malgré les ee-
lorts que l'on e filas pour nous persuader du contraire, ce n'est
certainement pas là administrer, ni anticiper sur la prérogative
royale , c'est proprement surveiller l'emploi de son argent ; et
certes, celui qui le fournit a bien ce droit.


La spécialité que MM. les ministres mettent tant de soin à
éviter, it laquelle ils ont trouvé moyen de se soustraire jus-
qu'ici, qu'ils éludent encore , est cependant le seul, moyen de
mettre de l'ordre dans les services; c'est le seul de s'assurer si
les fonds qui ont, été affectés à chacun, sont suffisans ou insnf-
fisans ; s'il faudra les augmenter ou les diminuer pour les années
suivantes. Mais-cette spécialité n'est ainsi repoussée avec tant de
persévérance, que parce qu'elle offrirait un moyen toujours sarde
contrôler les opérations de l'administration, un moyen arc Voir
clair dans les emplois des sommes allouées. Il semble cepen-
dant que la société, qui fournit seule les fonds affectés aux clé-
penses que son service usine, devrait aussi avoir le droit de sa-


( 539 )
voir de quelle matière et à quel usage ces fonds sont employés.
Le pré'exte dont on veut tacher de couvrir ce refus , et nous
persuader que l'initiative royale s'y oppose, est entièrement
illusoire ; on veut se cacher derrière le nom sacré du Roi, pour
se soustraire à la surveillance de la chambre.


Le mode constant de convocation de la chambre à une
époque trop avancée de l'année ; le soin <le ne nous somnettee le
budjet qu'à la fin de la session , outre le funeste inconvénient
de ne nous appeler à voter que sur des dépenses déjà faites, que
l'on est dans la nécessité d'approuver pour le temps écoulé , sert
encore constamment de prétexte pour continuer les abus. On
nous dit sans cesse que les dépenses étant faites, il est impos-
sible d'y faire les économies que la chambre desirc , et que les
intérêts des contribuables commandent.


Il résulte par le fait , de ces diverses mesures , que la chambre
n'étant appelée qu'à voter un impôt déjà. consommé, aucune
économie ne peut etre imposée à l'administration; que le
vote de l'impôt, qui doit être entièrement libre , ne l'est qu'en
apparence; qu'il est absolument forcé ; que la nation, qui croit
être représentée dans cette chambre par ses députés, qui doivent
voter un impôt volontaire d'après la connaissance des besoins,
ne l'est qu'en apparence; que le gouvernement leur impose la
nécessité de l'étendre au-delà des besoins réels ; que les abus
se perpétuent sans qu'on puisse leur assigner un terme ; que la
composition future <le la chambre, d'après le nouveau mode
d'élection , ne permet pas de regarder ce terme comme
prochain.


J'aurais des; ré une meilleure administration, plus d'économie
dans les dépenses , moins de partialité de la part des agens
l'autorité , plus de liberté pour les citoyens dans l'exercice des
droits que le charte leur garantit, plus de franchise dans la
marche du gouvernement envers la chambre ; au lieu d'avoir
voulu nous mettre dans la nécessité de voter l'impôt actuel ou de
Luire manquer le service. .


Je regrette qu'après nous avoir fait perdre plus de deux mois
dans une oisiveté absolue ; qu'après nous en avoir fait perdre
plusieurs autres dans la discussion de lois contraires à la charte,
destructives des libertés publiques , subversives de nos droits
qu'elle garantit , l'on nous ait obligés de voter le budjet à la
"etc, dans une saison aussi avancée où il ne peut être discuté.


Je pense que si l'on eût voulu, si l'on en avait eu l'intention,
on aurait pu dans cet. intervalle nous offrir une meilleure orga-
nisation pour l'administration municipale et départementale.,,




54° )
une meilleure loi sur le jury, sur la garde nationale, sur une
meilleure distribution de l'impôt, sur l'instruction publique.


Je pense que si l'on n'a pas présenté ces
.
diverses lois, que


l'on promet depuis six ans, et qu'on assure être prêtes, c'est parce
eue l'on ne ne veut pas faire jouir la nation de ces diverses
institutions constitutionnelles. En conséquence , je m'abstiens
de prendre part au vote d'une loi des voies et moyens, des-
tinée à couvrir beaucoup de dépenses qtle je ne regarde pas
comme nécessaires.


Dans la séance du
la chambre adopte le projet de loi surles voies et moyens.


CHAMBRE DES PAIRS.


séances des 1, 4 et 6 juillet.
Le ministre des finances présente à l'assemblée le projet de


loi adopté par la chambre des députés, et relatif au traitement
des membres de l'ordre royal de la légion-d'honneur.


Lin amendement, dit le ministre, impose explicitement au
gouvernement l'obligation de présenter un compte annuel de
la subventionde trois millions quatrecentmille francs. Legouver-
liement avait déjà reconnu et avoué cette obligation dans l'ex-
posé de ses motifs ; elle est de droit, et il n'a pu qu'adhérer à
ce qu'elle fût exprimée par la loi.


• Il résulte, messieurs, des diverses dispositions admises par la
chambre des députés, et que nous vencns, par l'ordre du Roi,


• soumettre à vos délibérations,
1.0 Que tous les chevaliers de la légion-d'honneur nommés


avant le 6 avril 1814, et lesofficiers amputés , les sous-officiers
et soldats admis postérieurement dans cet ordre, recevront, à
compter du 1. e1 juillet 182o, le traitement complet de deux
cent cinquante francs, a fliccté au premier grade par la loi du 29
floréal an lo
9 mai 1802 ) ;


2.0 Que chacun des grades supérieurs, à commencerpar celui
- d'officier, sera alternai 'veinent appelé à jouir de l'intégralité
de son traitement, sur les fonds que les extinctions dans les d -
verses classes de l'ordre rendront successivement disponibles;


3.e Que la subvention de trois millions quatre cent mille francs
fournie par le trésor à partir du 1. er juillet 1820, ne sera ré-


.duite que dans la proportion des extinctions qui surviendront,
après que tous les dierens grades. auront été remis en jouis-
sance de la plénitude de leurs droits primitifs5


(54i)
4.0 Enfin , que cette dépense nouvelle du trésor public fera


la matière d'un chapitre particulier dans les comptes annuels
présentés aux chambres.


La commission de la chambre des députés a exprimé , à Poe- -
casion de cette dernière disposition , le desir que toutes les
dépenses de la légion-d'honneur ftissent soumises aux règles de
la responsabilité ministérielle. La force des choses ne peut
manquer d'amener ce résultat. L'effet du gouvernement repré-
sentatif qui tend essentiellement à l'unité et à la publicité , est
d'effacer successivement dans sa marche toutes les anomalies
contraires à son essence.


La loi que nous vous présentons, messieurs , va faire cesser
pour une classe de serviteurs d'élite une incertitude qui ne pe-
sait pas moins au Roi qu'à eux-mêmes. Elle réalise immédiate-
ment , pour les moins avancés , l'espoir d'un soulagement dont
le B oi eût voulu abréger l'attente.


Elle promet aux autres un bienfait semblable, qui, pour n'être
pas aussi prochain, n'en est pas moins assuré ; car les économies,
dans plusieurs dépenses importantes de la légion-d'honneur,
pourront devenir les auxiliaires des extinctions, et accéléreront
l'époque où tous les membres de cet ordre n'auront plus de pri-
vations à souffrir.


Dans la séance du 4, la chambre adopte le projet de loi sur
la légion-d'honneur. Dans cette même séance le ministre des
finances présente le projet de loi sur les dépenses de 182o,
adopté par la chambre des députés.


Dans la séance du 6 , le ministre de l'intérieur présente le
projet de loi sur une nouvelle division de la Corse, et celui re-
latif à l'achèvement de la Bourse de Paris , adoptés par la
chambre des députés.


cuAmBRE. DES DÉPUTÉS.
Séances des 11 et uL'i. juillet.


Les habitans de Gozalin , département du Var , prient la
chambre d'être bien persuadée que dans l'adresse qu'ils ont
signée , relativement à la mort du duc de Berri , ils n'ont point
eu besoin de recevoir l'impulsion d'un comité directeur. Cette
pétition , dont MM. Casimir-Perrier et Benjamin-Constant de-
mandent le renvoi au conseil des ministres, et qui leur donne
lieu de dénoncer de nouveau l'existence d'un comité directeur,
rappelle incidentellement la dénonciation de M. Decazes, par
M. Clauzel de Coussergues.




542 )
M. Clausel de Coussergues. Je viens vous rappeler quelle


est l'obligation que j'ai prise à cette tribune. Permettez-moi de
la lire dans le Moniteur du 2 mars, séance du m. er


Je me suis
exprimé en ces termes : Messieurs , j'avais déposé une pro-
position dans les seilles vues du bien public ; les mêmes vues
du bien public m'avaient décidé à la retirer; mais dès que la
chambre fait insérer au procès-verbal un mot insultant pour
moi , je déclare que je reprends toute ma liberté sur ma pro-
-position , et je prends l'engagement de la justifier aux yeux de
la France entière.... » C'est un engagement que j'ai pris, et je
le remplirai. Je vous mettrai à même d'examiner le développe-
ment de ma proposition dans l'intervalle de cette session à la
la session de 382o. J'ai pris l'engagement de justifier ma pro-
position aux yeux de la France entière: Ce n'est pas au milieu
d'une session aussi agitée qu'on pouvait aborder une question
aussi grave que l'accusation d'un ministre, sujet de la délibéra-
tion la plus importante qui puisse être soumise à une grande
assemblée, surtout lorsque depuis six ans que nous jouissons du
gouvernement représentatif, on ne lui a jamais soumis une
pareille question.
. Vous remarquerez , messieurs, qu'il n'y a pas encore de loi


pour la responsabilité des ministres. J'ai été obligé d'en recher-
cher les principes, de les établir d'après les anciennes lois ; et
lorsque vous verrez les développemens que j'aurai l'honneur de
vous offrir, vous ne serez pas du tout surpris qu'il m'ait fallu
cinq mois de recherches et de travaux. Il existe plusieurs chefs .
d'accusation entre lesquels vous serez obligés d'opter : j'ai des
preuves devers moi. Mais vous remarquerez que pour examiner
une accusation semblable dans un gouvernement représentatif,
il a toujours été nommé une commission d'enquête. J'ai des té-
moins, des preuves à administrer sur un grand nombre de chefs
d'accusation. Dans une session qui a été accompagnée de grands
troubles au-dedans et au-dehors, on ne peut venir jeter ainsi
.tin nouveau ferment de division. Après la loi des élections, le


j'
tiers des membres de cette chambre était à-peu-près parti ;


ai cru que cette question devait être examinée par une chambre
complète. Vous êtes convaincus comme moi que s'il y a un acte
qui établissele gouvernement représentatif en France, c'est l'ac-
cusation des ministres; ce qui distingue le gouvernement repré-
sentatifd'une monarchie absolue, c'est l'accusation des ministres ;
sans elle, on pourrait substituer une ordonnance à une loi. J'ai
dti apporter beaucoup de soin dans mon travail , et je crois
qu'il ne sera pas indigne de la chambre. Je prends l'engagement


( 543 )
de justifier mon accusation aux yeux de la France; vous reeea
vrez les pièces qui y sont relatives, pour l'examiner à la pro-
chaine session ; j'en remettrai à la questure un exemplaire pour
chacun de vous; et, après quatre mois de méditation, vous
serez en état de traiter ici une pareille question. J'avais d'abord.
déposé dans les formes constituti. moelles ma proposition ; je
l'ai retirée, parce que le ministre s'était retiré lui-même ; maisj e fus attaqué ; alors je unis de l'honneur de la chambre (le re-produire mon accusation; j'ai pris de nouveau un engagement
que je remplirai. Je n'a; pas pris d'engegement aux yeux de la.
chambre, mais aux yenx de la France (Des murmures s'élèvent
de toutes parts. ) Vous n'avez aucun droit à mon égard. J'avais•
accusé un ministre de haute trahison; aux termes de l'article 56
de la charte, j'avais retiré mon accusation. C'est une affaire
finie; et le droit que la chambre peut avoir à mon égard, c'est
celui que. je lui ai donné moi-même, et qui est consigné dans.
le Moniteur.


Le ministre des affaires étrangères répond que l'orateur ayant
retiré sa dénonciation, hl justice ordinaire rentre dans ses
droits. M. Clausel Cousue, tes : Je n'ai point abandonné
mon droit, et je le maintiendrai toujours (Une longue et vive
agitation succède. On demande à grands cris l'ordre du jour.)


M. le général. Foy. Le droit de mettre en accusation les mi-
nistres est trop inhérent au système du gouvernement constitu-
tionnel, pour que cette chambre et pour qu'aucun de nous est
particulier veuille y renoncer ; niais ce droit doit être exercé
selon les formes déterminées par les lois. Or, votre loi régle-
mentaire a dit quelles étaient ces formes; elle a laissé l'accusa-
teur maître de retirer formellement sa proposition, ou de ne la
pas retirer. S'il la retire dans la forme voulue par l'article 48 du
réglement , il n'y a plus lieu à la suivre ; si au contraire il ne
la retire pas, c'est à la chambre à laquelle il appartient de juger,
d'après l'article 49 , s'il y a lieu ou non à l'ajournement; mais
ce qu'il y a (le certain, c'est que vous ne pouvez pas vous tenir
dans une position intermédiaire, dans un position autre que
celle qui est déterminée par la loi. Quatre mois et demi se sont
passés depuis que M. Clausel de Coussergues a fait à cette tri-
bune sa proposition (l'accusation; le procès de l'assassin de.
M. le duc de Berri a eu lieu ; l'assassin a péri; c'est sans
doute bien tardivement que l'on voudrait reproduire l'accu-
sation ; mais enfin , dès qu'on ne la retire pas, il faut qu'elle
soit. reproduite, et il faut qu'elle le soit dans cette session; car
'Jus avez ici une claambre qui se renouvelle par cinquièmes4.




( 544 )
elle se renouvelle par portion chaque année, n'est jamais le
même deux années do suite ; par conséquent toute opération,
toute proposition d'accusation doit être faite et consommée
dans la même session.


Il existe d'ailleurs deux motifs d'un intérêt de haute poli-
tique qui ne nous permettent pas de négliger une affaire aussi
essentielle : le premier, c'est que le ministre accusé si légère-
ment (l'un infâme assassinat, va représenter le Roi dans une
cour étrangère : il est contre l'honneur de la nation qu'il y ait
été précédé, escorté d'imputations calomnieuses. Un autre motif
non moins puissant : ce ministre n'est pas le seul qui eût part
au gouvernement ; il avait cinq collègues, siègent aujour-
d'hui au conseil du Roi. Ces cinq collègues , qui nous dit que,
dans l'hypothèse de l'accusation développée, ils resteront étran-.
gers à cette accusation? Assurément, messieurs, il est dans ma
conviction que le crime dont le dernier président du conseil a
été accusé, est une infâme calomnie, et, par conséquent, qu'il
ne peut y avoir de complicité ; mais enfin il importe à l'honneur
des ministres qui ont siégé dans le conseil du Roi avec M. De-
cazes , que cette aftàire soit menée à fin, selon les formes légales
et constitutionnelles.


M. le président. Il m'est impossible de ne pas faire remar-
quer que l'on s'est écarté de l'objet de la discussion ; ce seul
objet est la pétition présentée, et sur laquelle il a été fait un
rapport tendant à passer à l'ordre du jour.


e.
M. de Girardin. M. le président, vous discutez t montez


à la tribune'
M. Cornet d'Incoert. C'est M. Madier de Montjau qui,


dans sa pétition, avait parlé d'un comité directeur, et de son
influence sur les adresses relatives à M. le duc de Berri : c'est
de cela que les pétitionnaires se plaignent. Ils disent que leur
zèle et leurs sentimens n'avaient pas besoin d'être stimulés, et,
vous n'aviez à cet égard que l'ordre du jour à adoptes-; mais on
a pris occasion de cette pétition pour faire du scandale.... (Les
plus violens murmures s'élèvent à gauche... Les cris :A l'ordre!
d l'ordre! se font entendre


M. Casimir-Perrier se lève vi-
vement et réclame la parole.) On demande le rappel à l'ordre
du préopinant.


On demande vivement l'ordre du jour.
Après une vive agitation, an demande de nouveau la clôture


de la discussion. La chambre consultée ferme la discussion à
une très-forte majorité. L'ordre du jour est adopté à une
immense majorité.


( 545 )
La discussion est ouverte sur le projet de loi relatif ait traité


avec le dey d'Alger. MM. Alexandre de Lameth , Méchin, Ben-
j amin-Constant réclament, par réciprocité, la garantie desdroits des créanciers français. Le ministre des affaires étran-
gères défend le projet, et la prérogative royale de faire les traités.


Après avoir rejeté les divers amendemens proposés, la
chambre adopte le projet de loi.


Séance du )3 juillet.


A deux heures, un petit nombre de membres sont réunis dans
la, salle des conférences et dans celle des séances. L'incertitude
régne jusqu'à trois heures sur la question de savoir s'il y aura
une séance publique : plusieurs membres venus pour y assister
se retirent. A trois heures, M. le président annonce que la
séance est ouverte. Trois membres seulement, MM. Dubruel,
de Causans et Castelbaiac siègent à droite ; deux, M. le prince
de Broglie et M. Fos-nier de Saint-Lary, , au centre de droite ;
vingt-quatre au centre de gauche, et quarante à la gauche.


.M. Sappey, , au nom de la commission des pétitions : La
commission nie charge , messieurs, de vous entretenir d'une
nouvelle pétition qui 3-appelle des souvenirs déplorables , mais
qui prouve qu'à la justice seule il est réservé de les apaiser
et de les éteindre Les mères, les épousés, les enfuis de plu-
sieurs Individus cruellement égorgés dans les murs de Nîmes
les 38, , 27 juillet, i: er, 9' août, et dans la nuit du 3 6
eu 3 7 octobre 1815, demandent avec instance que le minis-
tère public reçoive de M. le garde-des-sceaux l'injonction for-
melle de continuer les poursuites dirigées contre tous ces
assassins, qui insultent encore en plein jour à la douleur des
enfans et des veuves de leurs victimes, et dont la scandaleuse
impunité ne serait qu'un outrage prolongé à l'impassibilité de
nos lois et à la dignité du gouvernement. Chez un peuple géné-
reux comme le nôtre, les lois ont cela d'admirable qu'elles ne
paraissent jamais davantage l'expression de la volonté générale,
que lorsqu'elles s'appesantissent sur des assassins. C'est contre
cette espèce de criminels que s'élève la pétition dont nous vous
rendons compte.


Des Français, disentles pétitionnaires, la plupart sisnplesou-
vriers ou cultivateurs, quelques-uns anciens militaires et couverts
de glorieuses cicatrices, furent a rachés subitement du sein deleurs
familles et immolés au milieu d'une grande ville, dans les bras,
les uns de leurs femmes, les autres de leurs filles, ceux-ci de


III
35




( 546 )
leurs soeurs éplorées, mais dont les gémissemens et les prières
ne purent arrêter ces épouvantables exécutions. Là, un père est
3uutilé , haché près de son fils , âgé de neuf ans; phis loin, l'un
des chefs des assassins veille sur les débris de sa victime, afin
qu'une veuve au desespoir soit même privée de la cruelle con-
solation de couvrir d'un peu de terre la dépouille mortelle de
son époux. Enfin , ajoutent les pétitionnaires, l'audace d'un de
ces barbares fut. telle , qu'il a chassé de chez elle la veuve d'un
vieux capitaine qu'il venait de massacrer, pour loger sa propre
soeur dans cette maison , que ses forfaits ont rendue solitaire.


On a essayé à rattacher tant d'horreurs à une cause révérée
qui doit repousser avec indignation de pareils auxiliaires : si ,
dans leurs saturnales sanguinaires, ces assassins proférèrent
des noms augustes, c'est une profanation de plus et le minis-
tère auquel l'inviolabilité de ces noms est confiée comme un
dépôt précieux, doit trouver dans cet outrage un nouveau
motif de rendre aux tribunaux toute leur énergie, aux lois tout
leur empire, et au gouvernement toute sa dignité.


L'Europe dut s'étonner, et la France ne put assez gémir,
lorsqu'à cette tribune M. le garde-des-sceaux eut la franchise
de signaler avec courage, sans pouvoir l'expliquer, l'impunité
scandaleuse qui, comme un nuage épais, environnait de si
odieux criminels.


Vainement, messieurs, on voudrait parler de la fatalité des
temps; les calamités publiques n'ont jamais exigé qui,


l'assas-
sinat restât organisé dans une ville pendant plus de deux mois ,
et que les autorités locales ne pussent offrir aucune garantie aux
citoyens désarmk7. Il n'y a point de gouvernement qui pût être
assuré de son existence, si l'on reconnaissait une pareille néces-
sité, et si le châtiment ne venait enfin prouver que le crime ne
peut se soustraire constamment à sa juste punition. Aucune
opinion politique ne peut adopter la solidarité des assassinats,
et il importe que les poursuites ordonnées par M. le garde-des-
sceaux, et qui n'ont atteint jusqu'ici qu'un très-petit nombre
de coupables, soient reprises par le ministère public, afin que
les meurtriers de toutes couleurs ne puissent jamais spéculer
sur un interrègne des lois qui protègent la vie et les propriétés
de tous les Français.


La commission, messieurs, vous propose de renvoyer à M.le


garde-des-sceaux la pétition dont nous venons de vous rendre
compte, (Le renvoi est prononcé. )


M. Sappey continue : Le sieur Tremet, propriétaire à At-
département de Seine-et-Marne, vous dénonce une cin-


( 547 j
culaire que M. le nouvel évêque de Meaux vient d'adresser aux
curés de son diocèse , et dans laquelle ce prélat semblerait vou-
loir renouveler les alarmes déjà perfidement répandues sur les
biens ecclésiastiques aliénés par l'état. Voici les passages de
cette circulaire , autrement dit procès-verbal de visite , parti-
culièrement signalés par le signataire de la pétition : ci Riens
de usurpés. »Comme immédiatement après ces expres-
sions on lit : a Riens de l'Eglise, non vendus., qu'on pourra't
» recouvrez., » le pétitionnaire en conclut que ce sont les biens
dont la vente est. garantie par la charte, que M. l'évêque de
Meaux a essayé de flétrir par la dénomination de biens usurpée.


Le pétitionnaire fiait observer en outre à la chambre, que,
dans cette même circulaire, M. l'évêque de Meaux demande
aux curés de son diocèse des renseignemens sur les autorités
supérieures, sur les juges de paix , sur les maires, sur les ad-
joints, sur les notaires, etc., etc. Ce serait une étrange orga-
nisation que celle d'un pays où les choix du gouvernement se
trouveraient soumis à l'investigation, à la critique des ministres
des autels , qui ont des devoirs si essentiels à remplir. D'après
nos lois, c'est aux magistrats à surveiller l'exercice des fonctions
ecclésiastiques. Votre commission , persuadée que le pétition-
naire a donné une fausse interprétation aux paroles de M. l'é-
vêque de Meaux, m'a chargé de vous proposer de passer à
l'ordre du jour sur la pétition dont nous venons de vous rendre
coin pte.


111. Rogne de Faye. La pétition dont vous venez d'entendre
le rapport me.paraît porter sur des faits graves, et les craintes
que vous exprime le pétitionnaire doivent fixer votre attention.
Plus ces craintes peuvent être générales , quoique injustement
répandues, dira-t-on, plus sans doute vous vous croirez dans
la nécessité d'en atténuer l'effet, et de le détruire même, en
manifestant à la France que vous ne négligez aucune occasion
de provoquer contre les actes qui .peuvent y donner lieu, la
sévérité rigoureuse du gouvernement.


Si la circulaire del']. l'évêque de Meaux ne paraissait pas se
lier à un vaste système, qui, caque• • jour, se révèle plus clai-
rement à tous les yeux, peut-être ne mériterait-elle pas de
votre part un si séreux examen; vous y auriez néanmoins re-
marqué une indiscrétion condamnable, soit dans l'espèce de.
recherche inquisitoriale qu'elle tend à exercer sur des fonction-
naires publiés et des individus étrangers aux. fonctions sacer-
dotales, soit dans le compte demandé des biens de l'Eglise




( 548 )
usurpés, et des biens de l'Eglise, non vendus, qu'on pourrait
recouvrer.


Vainement, messieurs, chercherait-on à atténuer l'effet dé
cette importante révélation. Qu'on nous définisse ce que l'on
entend par ces biens de l'Eglise usurpés ? qu'on nous dise en-
suite quel intérêt peut porter l'auteur de la circulaire à s'informer
des biens de 1 'Eglise , non. vendus, qu'on pourrait recouvrer ?
D'après nos lois, le clergé a cessé depuis long-temps de faire
corps dans l'état, et il ne peut y rien posséder ; les fonctions de
ses membres sont rétribuées comme toutes les fonctions pu-
bliques. S'il existe des biens de l'Eglise non vendus, ils appar-
tiennent de droit au domaine de l'état. Le clergé a-t-il été chargé
par l'administration de ce domaine d'en faire la recherche? Cela
n'est pas vraisemblable. C'est donc dans un autre intérêt que
la circulaire recommande cette recherche ; et c'est dans le même
intérêt et dans les mêmes vues qu'elle s'informe également desbiens de l'Eglise usurpés. Ce que l'on doit entendre par ce mot
usurpés s'explique aisément.


Vainement dirait-on que, par ces diverses désignations de
biens de l'église usurpés, de biens de l'Eglise 71073 vendus, on
n'a pas entendu les biens dont la loi du 4 novembre 17 90 a
rendu l'état. propriétaire. Il vous paraîtra de toute évidence que
ce sont bien les anciennes propriétés possédées par le clergé,
dont la circulaire ordonne la recherche, et non celles quipou-
vaient et peuvent encore appartenir aux églises, considérées
comme localités, lorsque vous remarquerez


.
dans la même cir-


fculaire, que l'on fàit ailleurs la distinction des revenus de la,abrique, de ses titres et papiers; ce qui fait suffisamment
connaître deux intérêts très-distincts.


Certes, vous éprouverez quelque étonnement en réfléchissant
que c'est dans un diocèse voisin de la capitale et le plus rap-
proché des autorités supérieures, civiles et ecclésiastiques, que
de telles recherches, que de telles perquisitions, en tous points
Si illégales, peuvent avoir été ordonnées; et vous penserez
sans peine que, dans des localités plus éloignées, et soumises
par conséquent à une surveillance moins journalière et moins
facile à exercer , de semblables abus peuvent aussi se com-
mettre, et faire naître des inquiétudes de la même nature que
celles qui vous sont manifestées.


J'ai l'honneur de vous le répéter, si le fait de la circulaire
dont il s'agit était isolé, je ne croirais pas ( quelque répréhen-
sible qu'il soit en lui-même) qu'il méritât d'arrêter plus long-
temps votre attention; mais sa liaison avec d'autres faits qui


( 549 •
vous ,ont déjà frappés, ne peut que paraître évidente à toue
les yeux. Jé ne ferai que vous rappeler brièvement l'existence,
un moins tolérée, de ces catéchismes publiquement enseignés,
dans lesquels on recommande de payer la cÎime avecfdélitr et
reconnaissance , en ajoutant que c'est retenir le bien. du pro-
chain que de ne pas payer cette dime d qui on la doit, et oà
l'on remarque encore cette étrange obligation imposée aux
citoyens, de respecter le seigneur de la paroisse , et de ne pas


soutpir qu'on en parle mal,
etc. Vous n'aurez point. oublié


non plus ce pian de gouvernement publié par un noble pair,
et dont il a été récemment fait mention dans cette enceinte,
al'occasion de Pune de vos plus solennelles discussions. Si vous
avez été frappés entr'autres de ce qui s'y trouvait relativement
aux biensdes émigrés, vous ne le fûtes pas moins en entendant
un honorable membre de cette chambre, compatriote et ami
du noble pair, qui, pour expliquer ces paroles , ne balança pas
à les rendre encore plus expressives par ce qu'il crut devoir y


aj outer.Les mêmes idées, les Ait:nies vues se trouvent encore plus
fortement exprimées , si je puis dire, dans des notes placées à
la suite d'une proposition faite , il y a peu de jours, par un
autre noble pair. On y voit les ventes de biens nationaux qua-
lifiées de honteuses spoliations. Depuis quand ce que la loi a
ordonné, et ce que la charte a consacré , peut-il être qualifié
ainsi ? On remarque encore dans le même écrit que l'auteur,
après avoir parlé d'un établissement religieux, et d'une in-
demnité aux dépouillés, projetés par un ancien ministre, M.le
comte Corvetto, ajoute ces mots : cc Personne n'eût gardé ni
remords, ni inquiétudes , ni prétentions. ,) Il y a donc préten-
tions d'une part , et on suppose donc qu'il doit y avoir de
l'autre inquiétudes et remords. Quoi (le plus clair? Vous aimez
de même encore présent à la mémoire ce que vous avez entendu
dire à cette tribune par un autre honorable député qui siégé,
comme le précédent, à la droite de cette chambre : qu'il ne
craignait pas la. contre-révolution ; mais que c'était la révo-
lution qu'il redoutait ; et vous aurez retrouvé avec étonnement,
il y a peu de jours , dans un journal semi-officiel, et sous le
régime de la plus sévère censure, cette phrase plus expressive
encore que celle de l'honorable deputé dont j'ai rapporté les
expressions : Qu'avant tout, par-dessus tout à tout prix, il
faut que la révolution s'en aille ! Or, messieurs , cette révo-lution, source de beaucoup de maux sans doute , mais aussi qui
a produit des résultats dont l'importance et l'utilité ne sont point


35*IIT,




,71


( 55o )
contestés, cette révolution est un fait consacré par nos lois, et
corroboré par l'adoption du monarque. Ce fait auquel vient se
rattacher la presque généralité des intérêts , ne pouerait être dé-
truit que par un autre fait, qui serait une nouvelle révolution
qui ne frémit à ce seul mot, et à la pensée des malheursdont il offre l'image?


Nous ne pouvons nous dissimuler que depuis quelque temps
nous sommes entraînés par une pente rapide et par une forée
inconnue, à laquelle par conséquent il devient bien plus dif-
ficile de résister. Les ennemis d'une sage liberté et des insti-
tutions conservatrices que nous possédons, ont obtenu de
funestes succès. La liberté de la presse et la liberté indivi-
duelle


- suspendues, et dont nous serons peut-être à jamais
privés , de droits établie par la charte et violée par
la nouvelle loi d'élection, sont les sacrifices immenses qui leur
ont été faits.


L'omnipotence parlementaire préconisée dans la chambre des-
pairs par un des ministres.


du Roi, comme la seule base possible
du gouvernement représentatif, et le rejet prononcé par le
même ministre de toutes les formes solennelles qui pourraient
être employées pour arriver aux améliorations dont la consti-
tution de l'état serait un jour susceptible, me paraissent devoir
conduire à des résultats qu'il ne peut être donné à la prévoyance
humaine de calculer. Ainsi, messieurs, il n'est plus besoin d'une
sage lenteur, autrefois si recommandée dans la décision des plus
grands intérêts. L'entraînement de quelques circonstances, celui
de quelques infleences malheureuses, pourraient nous conduire
vers des abîmes qu'il ne serait plus en notre pouvoir d'éviter..
Peut-être en sommes-nous déjà trop rapprochés ! peut-être au-
rons-nous besoin d'une force surnaturelle pour empêcher qu'ils
ne nous engloutissent ! Ici, messieurs , les vainqueurs et les
vaincus courraient les mêmes dangers ; et vous le prévoyez, vous
qui ne cessez de faire entendre ce cri, qui devrait être celui de
ralliement de tous les vrais Français : Conservons ce qui existe;
malheur d ceux qui veulent innover dans la vue de détruire !


Je terminerai ces réflexions par une citation empruntée d'un
discours prononcé, le 5 juin 181 7, à cette tribune, par M. le
garde-clés-sceaux, en défense de la loi de recrutement, et prin-
cipalement du titre 6 de cette loi, vivemént attaquée alors par
les adversaires du ministère, qui depuis sont devenus ses amis;
attaque que nous verrons peut-être se reproduire avec plus de
succès à la session prochaine. Cette citation m'a paru s'appli-
quer parfaitement à la pétition qui nous occupe. Ce ministre


55]. )
disait à cette époque : c.ç. Toute attaque contre les libertés con-
» sacrées, contre les intéréts garantis , est à nos yeux une ten-
» tative révolutionnaire; et l'auteur de .cette attaque, quel qu'il
» soit, nous le regardons comme un instrument de révolution. »


Je ne sais, messieurs, si ce même ministre, ainsi que ses col-
lègues , avaient bien présent à la mémoire cette sorte d'anathême,
lorsqu'ils vous ont proposé à deux reprises, et de deux manières
différentes, d'attaquer les intérêts garantis, après avoir sus-
pendu ou détruit peut-être les libertés consacrées. Dans ce cas,
ils n'ont pas craint de se livrer à une tentative révolutionnaire,
et de devenir eux-mêmes des instrurnens de révolution. Ce sont,
et vous voudrez bien le remarquer, les expressions de leur col-
lègue que j'emploie, en admirant d'autant plus leur courage.


Mais quant à la pétition actuelle, comme le fait qu'elle porte
à votre connaissance semble tendre à inquiéter aussi des inté-
rêts garantis, j'en demande le renvoi à M. le ministre de l'in-
térieur, dans les attributions duquel se trouve l'administration
des cultes.


Après quelques débats, on demande à aller aux voix.


La chambre adopte l'ordre du jour proposé par la commis-
sion.— Personne ne se lève à la contre-épreuve.


.111. leprésident. La chambre ne se trouve pas en nombre suf,
fusant pour délibérer sur les projets de loi qui étaient à l'ordre
du jour, celui sur le canal des Ertangs et celui sur la halle du
Mans. Il n'est pas présumable que demain nous puissions être
en plus grand nombre; en conséquence, je ne crois pas pouvoir
annoncer qu'il y ait demain de séance publique.... ( Voix géné-
rale : Non, non !... point de séance avant celle de clôture' )


La séance est levée à quatre heures et demie.


CHAMBRE DES PAIRS.


Séance des 1/, 13, i4, 15, 17, zo, 21 juillet.


L'ordre du jour appelle le rapport de la commission spéciale
chargée de l'examen de la loi relative à la fixatiou du budget des
dépenses de 182o. Ce rapport est fait par M. le marquis Garnier,
l'un des membres de la commission. La chambre ajourne eu
vendredi 14 l'ouverture de la discussion sur le projet de loi.




( 552 )
Le ministre des finances présente à' l'assemblée le prOjet


loi adopté par la chambre des députés, relatif à la fixation du
budget des recettes pour 182o.


projeLa chambre reprend ensuite la discussion commencée dut de résolution relatif à l'exercice de la contrainte par
corps contre les membres de la pairie.


Le rapporteur de ]a commission spéciale, M. le marquis de
Lally, présente à la chambre le résumé des débats. Il insiste sur
l'adoption de la résolution proposée, en changeant toutefois le
nom de résolutions, en celui de déclaration. La chambre, aprèsl'avoir entendu , ferme la discussion générale.
- Le ministre des affaires étrangères présente à l'assemblée le
projet de loi adopté par l'autre chambre, et relatif à l'exécution
d'un arrangement conclu entre la Franco et la régence d'Alger.


L'ordre du jour appelle en second lieu l'examen dans les
bureaux, et la discussion en assemblée générale du projet deloi relatif à la fixation du budget des recettes.'La chambre dé-
cide que ce projet est renvoyé à une commission spéciale. Il
est procédé au scrutin pour la nomination (le cette commis-
sion. Elle est composée de MM. le comte Mollien, le duc de
Lévis, le comte de Villemanzy, le comte Chaptal et le


marquisde Marbois.


projeLa chambre s'ajourne au lendemain pour la discussion dut de loi relatif au budget des dépenses.
Le comte d'Orvillies, au nom de la commission spéciale


chargée de l'examen du projet de loi relatif à une nouvelle di-
vision territoriale de la Corse, fait le rapport sur ce projet, et:
conclut au rejet de la loi proposée.


L'ordre du jour appelle la discussion, en assemblée générale ,du projet de loi relatif à la fixation du budget des dépenses.Après avoir entendu MM. le vice-amiral comte Truguet, lecomte Cornet, le duc de la Vauguyon, le vice-amiral comteVerhuel et le marquis de Marbois, la chambre ferme la discus-sion générale.
L'ordre du jour appelle la discussion, en assemblée générale,du projet de loi relatif à la fixation des dépenses du budget de


18zo. Aucun membre ne demande la parole les articles sont
mis en délibération et provisoirement adoptés. La chambre pro-
cède au scrutin sur l'adoption définitive. La loi est adoptée par
cent quinze voix contre deux.


La chambre nomme ensuite une commission de cinq membres


553 )
pour l'examen du projet de loi relatif à l'exécution d'un arran-.
gement conclu entre la France et la régence d'Alger.


L'ordre dn jour appelle la discussion générale du projet de loi
relatif à une nouvelle division territoriale de la Corse. La loi est
défendue par le ministre de l'intérieur, MM. le maréchal duc
d'Albufera., le maréchal prince d'Ecmill, le comte Belliard et
le duc de Choiseul ; elle est combattue par le marquis de Mar-
bois, le vicomte Dubouchage et le comte d'Orvilliers , rappor-
teur. La chambre la rejette à la majorité de quatre voix.


La chambre s'ajourne au jeudi 20, pour entendre le rapport
des deux projets de loi qui restent à l'ordre du jour, celui des
recettes, et celui concernant l'arrangement conclu entre la France
et la régence d'Alger.


L'ordre du jour appelle, 1. 0 le rapport de la commission
spéciale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'exécu-
tion d'un arrangement conclu entre la France et le royaume
d'Alger ; 2. 0 le rapport de la commission des voies et moyens.


Le premier de ces rapports est fait à la chambre par M. le
marquis de la -Tour-du-Pin, l'un des membres de la commis-
sion; le second, par M. le duc de Lévis, l'un des membres de
la commission des voies et moyens.


La chambre ajourne au lendemain la discussion du premier
projet, et subsidiairement celle du second.


Un troisième rapport est fait à la chambre par M. le mar-
quis de ;Marbois, au nom de la commission des voies et moyens.
Ce rapport e pour objet de mettre la chambre à portée de sta-
tuer sur les pétitions renvoyées, à différentes époques, à la
commission dont il s'agit.


La chambre adopte l'ordre du jour sur les pétitions, à l'ex-
ception de deux qui sont renvoyées au bureau des renseigne-
mens.


L'ordre du jour appelle la discussion, en assemblée générale,
du projet de loi relatif à un arratitiinent conclu entre la France
et la régence d'Alger. Le projet estué par MM. le comte
de Ségur et le duc de Praslin. La clams, adopte la loi à la ma-
jorité de soixante-dix-huit voix contrèqiàrante-une.


La discussion s'ouvre sur le projet de Îtii relatif à la fixation
du budget des recettes. La chambre l'adoPte à la majorité de
cent seize Noix sur cent dix-neuf votans.




( 554 )


CLOTURE DE LA SESSION.'
CHAMBRE DES DÉPUTÉS.—CHAMBRE DES PAIRS,


• Séances du 22 juillet.


Le ministre de l'intérieu• remet au président de la chambre
des députés , et M. le duc de Richelieu au chancelier, président
de la chambre des pairs, la proclamation suivante du Roi


LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU Roi DE FRANCE ET DE
NAVARRE


A tous ceux qui ces présentes verrous, salut :
La session de 181 9 de la chambre des pairs et de la chambre


des députés des départemens est et demeure close.
Donné au cheiteau des Tuileries, le 22 juillet de l'an de


grave 182o, et de notre règne le vingt-sixième,.
Signe, LOUIS.


Les deux chambres se séparent de suite aux cris de -vive le
Roi!


FXN DU TKOLSI
• ME ET DEBNIEfl. VOLUME.